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Full text of "Chroniques de J. Froissart"

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DiqteMwGoOl^lC 


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CHRONIQUES 

DE 

J.  FROISSART 


DiqteMwGoOl^lC 


IHPRIltRHIE  GÉNÊIULE  DE  CB.  LAEORS 


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CHRONIQUES 

DE 

J.  FROISSART 


DiqteMwGoOl^lC 


IMPEIXERIE  (^NÉRALE  DE  CH.  LAHDRK 
Sua  da  tltant,  »,  à  Puti 


D,qit,zeabvG00»^lc 


CHRONIQUES 

DE 

J.  FROISSART 

PVBUËBS  POUR  LA  SOCIËTË  DE  L'hISTORB  DB  FKANCE 
PAR    SIHÉON    LUCE 


TOME  PREMIER 

1307-1340. 
fDsrms  L'AvinxHBirr  d'édouabd  ti  JtrsQo'AO  Biice  di  touisà.1) 


A  PARIS 

CHEZ  H"  V  ICLES  RENOVABD 

UBIUŒE   DE    U    SOdËTË    OB  L'OSTOIRE  DB    FBANCB 
IDE  M  TOBUm,  R*  8 


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IMPRIMEIIIE  GÉNËR&LE  DE  CH.  UHORB 
loB  d»  nemrvi,  »,  k  p*rU 


D,qit,zeabvG00»^lc 


CHRONIQUES 

DE 

J.  FROISSART 

PUBLIÉES  PWR  LA  SOCIÉTÉ  DE  l'eISTOIRB  DE  FRANCK 
PAR   SIHÈON   LUGE 


TOHE   PREMIER 

1307-1340. 
(pmrma  i.\vimMEwt  a'istofimt  ii  jusqu'au  aios  iw  touikat) 


A  PARIS 

CHEZ  M"  V  JULES  RENOUARD 

UBBAIBE   SE    LA    SOOËTÊ    DE   L'HtSTOIRB   DE    FRANCE 
KDE  Dl  TaiTUM,  n*  6 

UDCCCLXIZ 


DiqitizeabyG00»^lc 


DiqteMwGoOl^lC 


CHRONIQUES  ^'^  „ 

J.  FROISSART" 

PUBLIÉES  POUR  LA  SOCIËTË  DE  L'bISTOIRE  DB  FRANCE 

PAR  SIHÉON  LUCE 


TOME  PREMIER 

1307-1340. 

(dETIIIS    L'ATÉlBlOnT  D'iDOUABD  II  IDBQU'aD  tlÉGK  DB  tousuay] 


CHEZ  M"  T'  IULES  RENOUARD 

LIBRAIRE    DB    LA    SOCIÉTB   DB   l'hiETOIRE  DE    FRANCE 
iDi  Dt  TocKMir,  n*  6 


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INTRODUCTION 

AU  PREMŒR  IJVRE 

DES  CHRONIQUES 

J.  PROISSART. 


DE    L.  IMPOBTANCE    DES    CHBONIQDES    DE    PROISSART , 

XT  DD  VLAR  QUI  *  pïïtsiai  KM  aMMÀi,  *  dm  inirio». 

Froissart  eat  un  monde.  Au  triple  point  de  vue 
historique,  littéraire,  philologique,  on  pourrait  même 
ajouter  romanesque  et  poétique ,  le  chroniqueur  de 
Valenciennes  représente  à  peu  près  seul  pour  le 
commun  des  lecteurs  un  siècle  presque  entier,  et  ce 
siècle  est  le  quatorzième,  époque  de  transition  et  de 
crise,  de  décomposition  et  d'enfantement  où  finit  le 
moyen  âge,  où  commencent  véritablement  les  temps 
modernes.  Froissart  n'a  pas  borné  ses  récits  au  pays 
qui  Va.  TU  naître  et  dont  la  langue  est  la  sienne  :  il 


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n  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

a  raconté  l'Angleterre  aussi  bien  que  la  France,  la 
France  de  la  Seine,  de  la  Loire  et  de  la  Garonne 
aussi  bien  que  celle  de  TEscaut  et  de  la  Meuse,  l'Es- 
pagne et  le  Portugal  aussi  bien  que  l'Italie;  son 
œuvre  intéresse  à  la  fois,  quoiqu'à  des  degrés  divers, 
toutes  les  nations  qui  jouaient  au  temps  où  il  a  vécu 
un  rôle  plus  ou  moins  marqué  dans  la  civilisation 
occidentale. 

Au  quatorzième  siècle,  les  anciennes  institutions 
tombaient  en  ruines,  et  les  institutions  nouvelles  n'a- 
vaient pas  encore  eu  le  temps  de  s'asseoir  :  il  ne 
restait  debout  que  des  individus  isolés  par  la  féoda- 
lité, exaltés  par  l'idéal  chevaleresque.  Froissart  a 
cédé  à  rinfluence  de  son  temps,  sans  doute  aussi  à 
celle  de  son  propre  génie,  et  il  a  fait  aux  individus 
une  part  énorme  dans  ses  récits.  De  là  vient  l'Impor- 
tance exceptionnelle,  incomparable  de  son  œuvre  au 
point  de  vue  de  la  géographie  et  de  la  biographie  : 
dans  l'histoire  de  l'Europe,  telle  qu'il  l'a  comprise 
et  tracée,  des  milliers  de  &milles  anciennes  retrou- 
vent leur  propre  histoire.  Un  pareil  trésor  est  d'au- 
tant plus  précieux  que  la  plupart  de  ces  familles  ap- 
partiennent à  la  France  et  à  l'Angleterre,  c'est-à-dire 
aux  deux  plus  grandes  nations  dont  s'honore  l'hu- 
manité depuis  la  race  grecque,  aux  deux  nations  qui 
ont  fondé  la  liberté  et  l'égalité  sur  le  travail.  Très- 
indifférent,  il  faut  bien  l'avouer,  aux  recherches  no- 
biliaires proprement  dites,  nous  pensons  que  l'a- 
mour des  ancêtres,  l'esprit  de  famille,  le  sentiment 
d'étroite  solidarité  des  générations  qui  se  succèdent 
est  la  source  vive  de  toute  vertu,  la  condition  indis- 
pensable de  tout  progrès  durable.  Aussi  les  Chroni- 
ques de  Froissart,  considérées  à  ce    point  de  vue. 


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INTRODUCTK»!.  m 

nous  semblent-elles  avoir  un  caractère  particulière- 
ment vénérable;  nous  y  voyons  ce  que  les  Romains 
auraient  appelé  un  temple  international,  un  panthéon 
des  dieux  tares  :  il  sied  d'autant  plus  à  la  France 
nouvelle  d'honorer  ces  dieux  qu'elle  leur  rend  désor- 
mais on  Culte  exempt  de  toute  exclusion  de  caste 
non  moins  que  d'idolâtrie. 

Autant  l'œuvre  de  Froissart  est  importante,  autant 
il  est  difficile  d'en  donner  une  bonne  édition.  Les 
Chroniques  se  divisent,  comme  on  sait,  en  quatre 
livres,  qui  forment  autant  d'ouvrages  distincts,  dont 
chacun  dépasse  en  étendue  le  plus  grand  nombre 
des  compositions  historiques  de  l'antiquité  et  du 
moyen  âge.  Ces  livres  sont  tellement  distincts  que , 
dans  le  cas  où  le  même  manuscrit  en  contient  plu- 
sieurs,  un  éditeur  des  Chroniques  a  parfois  besoin^ 
à  notre  avis  du  moins,  d'étudier  chacun  d'eux  à 
part,  en  faisant  abstraction  de  ceux  qui  le  précèdent 
ou  le  suivent.  Personne  n'ignore  que  le  classement 
préalable  des  manuscrits  par  familles  est  le  fonde- 
ment indispetisable  de  toute  édition  qui  veut  revêtir 
im  caractère  scientifique,  qui  aspire  k  être  quelque 
peu  solide  et  durable.  Or,  il  peut  arriver,  il  arrive 
que  danâ  le  même  manuscrit  tel  livre  appartient  à 
une  famille,  tel  autre  livre  à  une  antre  fiunille.  H 
convient  alors  de  suivre  la  méthode  de  Jussieu;  et, 
sans  tenir  compte  d'une  juxtaposition  purement  ma- 
térielle, il  faut  tâcher  de  démêler  dans  chaque  livre, 
Sous  des  apparences  souvent  trompeuses,  les  carac- 
tères génériques,  essentiels,  afin  de  le  classer  dans 
la  famille  à  laquelle  ces  caractères  le  rattachent.  Tel 
est  le  travail  que  nous  avons  entrepris  pour  les  ma- 
nuscrits du  premier  livre  des  Chroniques  et  dont 


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tv  CHRONIQUES  DE  J.  FR01SSA.HT. 

on  trouvera  le  résultat  consigné  dans  cette  intro- 
duction. 

Il  ne  faut  donc  pas  chercher  ici  des  vues  sur  Veti- 
semble  de  l'œuvre  de  Froissart;  ce  n'est  pas  le  lieu 
d'exposer  ces  vues,  et  d'ailleurs  un  volume  y  suffi- 
rait à  peine.  Il  ïi'y  faut  pas  chercher  davantage, 
pour  les  motifs  qu'on  vient  d'indiquer,  un  classe- 
ment des  manuscrits  des  quatre  livres.  A  chaque 
jour  suffit  sa  peine.  La  prudence  autant  que  la  lo- 
gique conseillait  de  suivre  le  précepte  de  notre  Des- 
cartes et  de  diviser  les  difficultés  pour  les  mieux  ré- 
soudre. 

Ce  qui  pourra  sembler  étrange,  c'est  qu'aucun  des 
éditeurs  précédents,  fort  nombreux  pourtant,  n'avait 
fiayé  la  voie  où  nous  avons  dû  le  premier  nous  en- 
gager; et  le  classement  que  nous  allons  soumettre  au 
public  se  recommandera,  à  défaut  d'autre  mérite, 
par  son  entière  originalité  et  par  sa  nouveauté.  C'est 
à  l'illustre  Dacier  que  les  érudits  sont  redevables  du 
travail  le  plus  important  qui  ait  été  &dt  jusqu'à  ce 
jour  sur  Froissart,  au  point  de  vue  des  sources;  mais 
ce  travail  est  une  simple  description,  non  un  classe- 
ment de  la  plupart  des  manuscrits,  de  notre  Biblio- 
thèque impériale  et  d'un  certain  nombre  de  manu- 
scrits étrangers'.  Nous  espérons  compléter  un  jour 
le  tableau  de  Dacier  et  donner  la  description  dé- 
taillée, minutieuse  et  pour  ainsi  dire  technique  de 
tous  les  manuscrits  de  Froissart,  sans  exception,  ainsi 
que  la  biblif^raphie  des  éditions  des  Chroniques  qui 
ont  paru  soit  en  France,  soit  dans  les  autres  pays; 


1.  Bach<Hi  l'a  publia  d'aprit  l««  not«*  d«  Dicier,  Chronijaet,  éd.  dn 
Puitl>6>D,  t.  m,  p.  376  i  394. 


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INTRODUCTION.  t 

comme  nous  avons  à  cœur  de  rendre  ce  travail  aussi 
complet  que  possible,  il  a  semblé  sage  de  le  réser- 
ver avec  le  glossaire  et  les  tables  pour  la  fin  de  notre 
édition. 

La  tâche  que  nous  nous  proposons  est  autre  et 
plus  restreinte  :  si  l'on  excepte  quelques  observa- 
tions sur  l'accentuation  et  la  ponctuation  qui  ont  un 
caractère  plus  général,  nous  n'entretiendrons  pour  le 
moment  le  lecteur  que  du  premier  livre.  Distinguer 
et  caractériser  les  diverses  rédactions  de  ce  premier 
livre,  fixer,  s'il  est  possible,  sinon  leur  date  précise, 
du  moins  l'ordre  chronologique  dans  lequel  elles  se 
sont  succédé ,  distribuer  et  grouper  par  familles  na- 
turelles les  manuscrits  qui  appartiennent  à  chacune 
de  ces  rédactions  :  tel  est  le  but  principal  de  l'intro- 
duction qui  va  suivre. 

Cette  introduction  se  compose  de  trois  parties 
dont  la  première  est  consacrée  au  classement  des 
différentes  rédactions  et  des  divers  manuscrits  du 
premier  livre,  la  seconde  à  l'exposé  du  plan  de  l'édi- 
tion, la  troisième  enfin  à  quelques  aperçus  sur  la  va- 
leur tant  historique  que  Uttéraire  du  premier  livre  et 
sur  le  génie  de  Froissart. 


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PREMIÈRE  PARTIE 

DU   CLASSEKKRT  I«8   VltriaSSTKi  ntDACTIOVS   ET   DRS 
DIVERS   MAITIISGItlTS  DD    PBUIIBB   UVHB. 


On  compte  trois  rédactions  du  premier  livre  des 
Chroniques  profondément  distinctes  les  unes  des  au- 
tres. 

L'une  de  ces  rédactions  est  celle  que  donnent  tous 
les  manuscrits  autres  que  ceux  d'Amitus,  de  Valen- 
ciennes  et  de  Rome;  elle  est  représentée  par  environ 
cinquante  exemplaires  :  c'est  pourquoi,  en  attendant 
que  nous  ayons  essayé  de  prouver  qu'elle  est  la 
première  eu  date,  nous  l'appellerons  provisoirement 
la  rédaction  ordinaire. 

Une  autre  rédaction  que  nous  considérons  comme 
la  seconde,  s'est  conservée  seulement  dans  les  deux 
manuscrits  d'Amiens  et  de  Valenciennes  ;  nous  la 
désignerons  jusqu'à  nouvel  ordre  par  le  principal 
manuscrit  qui  la  représente  et  nous  la  nommerons 
rédaction  d'Amiens. 

Enfin,  une  dernière  rédaction,  que  tout  le  monde 
s'accorde  à  regarder  comme  la  troisième,  ne  subsiste 
que  dans  le  célèbre  manuscrit  de  Rome. 

Nous  allons  examiner  successivement  dans  les 
trois  chapitres  suivants  chacune  de  ces  rédactions. 


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INTRODUCTION.  m 

GHiPITRE  I. 

DS   Là    PKBMliRS   H<DlCTIOIT. 

^  1 .  Quelle  est  la  première  rédaction? 

Froissait  n'a  pas  pris  soin  de  nous  dire  à  quelle 
époc[ue  il  a  composé  soit  la  rédaction  ordinaire,  stHt 
celle  d'Amiens  :  cela  étant,  la  comparaison  attentive 
du  contenu  de  ces  deux  rédactions  peut  seule  nous 
éclairer  sur  leur  date  respective.  Si  l'on  examine  à 
ce  point  de  vue  toute  la  partie  de  la  rédaction  ordi- 
naire antérieure  à  l'année  1373,  on  voit  qu'il  n'y 
est  fait  mention  d'aucun  &it  postérieur  à  cette  date. 
\jk  mention  la  plus  récente  que  l'on  y  puisse  décou- 
vrir se  rapporte  à  la  mort  de  Philippe  de  Hainaut', 
la  célèbre  reine  d'Angleterre,  qui  eut  lieu  le  1 5  août 
1369.  Il  est  vrai  que  l'on  rencontre  cette  mention 
dès  les  premiers  chapitres  ;  d'oil  il  faut  conclure  que 
la  rédaction  ordinaire,  pour  toute  cette  partie  du 
premier  livre  qui  s'étend  de  1325  à  1373,  a  été 
composée  après  1 369.  Les  règles  de  la  critique  ne 
permettent  pas,  d'ailleurs,  d'attribuer  ce  passage  à 
une  interpolation,  car  on  le  retrouve  dans  tous  les 
manuscrits  de  la  rédaction  ordinaire  proprement 
dite  qui  ofirent  un  texte  complet  *.  Si  ce  passage  fait 

1.  Vojn  p.  933  de  ce  volume.  Quand  on  ne  tnniTer*  daiu  le*  notM 
que  l'indication  de  la  page,  celte  indication  te  rapporte  toajODn  an 
tome  I  de  la  présente  édition. 

3.  Ce  piMage  manque  dan*  le  c^Mire  mannurit  de  :b«ilau  et  dans 
1m  manufcriti  de  la  mime  Tamille  daignés  A  33  à  29  dani  dm  Ta- 
rianie*,  paru  qoe  le  teite  du  premier  livre  a  ^té  abr^  dani  ce«  ma- 


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Tiii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

délaut  dans  les  manuscrits  de  la  rédacLion  ordinaire 
révisa,  c'est  que,  comme  nous  le  verrons  plus  loin, 
ces  derniers  manuscrits  présentent  pour  le  commen- 
cement du  premier  livre  une  narration  qui  leur  est 
propre'. 

La  rédaction  d'Amiens,  au  contraii'e,  ne  peut  avoir 
été  composée  qu'après  1 376,  puisqu'il  est  question, 
presque  dès  les  premiers  folios*  des  deux  manuscrits 
qui  nous  l'ont  conservée,  de  la  mort  du  prince  de 
Galles*,  le  fameux  Prince  Noir,  qui  arriva  le  8  juiUet 
de  celte  année.  La  supposition  d'interpolation,  outre 
qu'elle  est  gratuite,  ne  serait  pas  plus  admissible  ici 
que  dans  le  cas  précédent  par  la  raison  que  le  ma- 
nuscrit d'Amiens,  comme  nous  le  montrerons  dans 
le  chapitre  II  consacré  à  la  seconde  rédaction, 
semble  à  certains  indices  avoir  été  copié  servilement 
sur  on  exemplaire  d'écriture  cursive  assez  illisible 
et,  sinon  autographe,  au  moins  original. 

Il  faut  aussi  prendre  garde  que  Froissart,  men- 
tionné pour  la  première  fois  comme  curé  des  Estin- 
nes-au-Mont*  dans  un  compte  du  receveur  de  Bînche 
du  19  septembre  1373',  ne  prend  la  qualité  de  prêtre 
dans  le  prologue  d aucun  des  manuscrits  de  la  rédac- 
tion ordinaire*,  tandis  qu'il  a  grand  soin  de  faire 

1.  Lei  nunuicriu  de  U  l^visiou  ne  deriennent  lemblibtea  aux  aatrei 
maniucriu  de  la  rMaction  ordinaire  qu'à  partir  du  ^  11,  depoii  cet 
mot*  ;  Si  t'utglirent  par  mtr.  Voyez  p.  26. 

3.  Cette  mention  ae  trouve  au  ^  30  du  mi.  d'Amieni  qui  •«  coin- 
po*e  de  208  foliot  et  an  f>  4S  du  mi.  de  Valenciennei  qui  compte 
193  folio*. 

3.  P.  3U. 

4.  Belgique,  prar.  Raîiuint,  arr.  Thain,  cant.  Binche,  k  13  kil.  de 

&.  La  eeur  tU  Jaamu  tl  de  ffenettlat,  par  H.  Pinclitirt,  p.  flS. 
6.  P.  7  et  209  i  311. 


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INTRODUCTION.  nt 

suivre  son  nom  de  ce  titre  dans  les  deux  manuscrits 
d*Ainiens*  et  de  Valenoiennes  :  cette  circonstance 
donne  lieu  de  <»ttire  que  la  rédaction  ordinaire  a  été 
composée  avant  1373  et  par  conséquent  entre  1369 
et  1373. 

Ces  déductions,  déjà  légitimes  par  elles-mêmes, 
n'aoquaraient-elles  pas  un  degré  d'évidence  irrésis- 
tible si  l'état  matériel  des  manuso-its  de  la  rédaction 
ordinaire  venait  les  confirmer,  en  d'autres  termes  si 
le  texte  des  exemplaires  les  plus  anciens,  les  plus  au- 
thentiques, les  meilleurs  de  cette  rédaction  s'arrêtait 
précisément  entre  1369  et  1373?  Or,  cette  supposi- 
tion est  la  réalité  même.  Le  premier  livre  se  termine 
entre  ces  deux  dates,  comme  le  §  suivant  l'exposera 
plus  en  détail,  dans  les  manuscrits  de  notre  Bibliothè- 
que impériale  cotés  20356,  2655,  2641,  2642,  ainsi 
que  dans  le  manuscrit  n*  i  31  de  sir  Thomas  Philltpps, 
qui  représentent  incontestablement  les  cinq  plus  an- 
ciens exemplaires  de  la  rédaction  ordinaire  que  l'on 
connaisse. 

On  est  fondé  à  conclure  de  cet  ensemble  de  foits 
que  la  rédaction  ordinaire  a  précédé  celle  d'Amiens  : 
aussi,  désonnais,  appellerons-nous  l'une  première 
rédaction  et  l'autre  seconde  rédaction. 

§  2.  De  la  formation  successisie  des  diverses  parties 
de  la  première  rédaction. 

Un  des  caractères  distinetifs  de  la  première  rédac- 
tion, c'est  qu'elle  n'a  pas  été  pour  ainsi  dire  coulée 
d'un  seul  jet  ;  on  y  distingue  aisément  des  soudures 


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i 


z  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

qui  marquent  comme  des  temps  d'arrêt  duis  le  tra- 
vail de  l'auteur.  La  composition  de  cette  rédacCioa 
paraît  avoir  traversé  trois  phases  distinctes  que  nous 
allons  indiquer   successivement. 

Première  phase.  Le  point  de  départ  de  toute  re- 
chrache  sérieuse  sur  la  formation  successive  des  di- 
verses parties  de  la  première  rédaction  devra  toujours 
être  le  passage  niivant  de  Froissart  : 

«  Si  ay  tousjours  à  mon  povoir  justement  enqnis 
et  demandé  du  Ëiit  des  guerres  et  des  aventures  qui 
en  sont  avenues,  et  par  especial  depuis  la  grosse  ba- 
taille de  Poitiers  où  le  noble  roy  Jehan  de  FWnoe 
fiit  prins,  car  devant  j'estoie  encores  jeune  de  sens 
et  d'aage.  Et  ce  non  obstant  si  emprins  je  assez  har- 
diement,  moy  yssu  de  TescoUe,  à  dittier  et  à  rimer 
les  guerres  dessus  dites  et  porter  en  Angleterre  le  li- 
vre tout  compilé,  si  comme  je  le  Bs.  Et  le  presentaj 
adonc  à  très  haulte  et  très  noble  dame ,  dame  Pbe- 
lippe  de  Haynault,  royne  d'Angleterre,  qui  doulce- 
ment  et  lieement  le  récent  de  moy  et  me  iîst  grant 
proffit'.  9 

Froissart  dit  quelque  part  qu'il  était  déjà  en  An- 
gleterre en  1 361  *.  Le  livre  que  le  jeune  chroniqueur 
présenta  à  la  reine  d'Angleterre  devait  donc  contenir 
le  récit  des  événements  arrivés  depuis  la  bataille  de 
Poitiers,  c'est-à-dire  depuis  1356  jusqu'en  1359  ou 
•1360.  Ce  livre  n'a  pas  été  retrouvé  jusqu'à  présent, 
mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  révoquer  en  doute 
le  témoignage  si  formel  de  Froissart.  On  remarque 

1.  Voj'ei  p.  310  et  cf.  la  note  qui  ae  rapporte  à  ce  pusage  daa* 
le  sonuiiaire  du  prologue  de  la  première  inaction. 

3.  Chroniqutt  dt  FroUiari  pubUëea  par  BuchoD,  éA.  du  PanthÀin, 
t.  m,  p.  333,  col.  3. 


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INTRODUCTION.  xi 

d'ailleurs^  à  partir  de  1350,  une  solution  de  conti^ 
nuit^  tout  à  iàit  frappante,  une  Téritable  lacune  dans 
la  trame  du  pr^ooier  livre  :  n'est-il  pas  remarquable 
que  cette  solution  de  continuité  finit  juste  en  1356  ? 
Une  telle  lacune^  comblée  dans  les  manuscrits  de  la 
première  rédaction  proprement  dite  à  Faide  d'un  in- 
sipide fiagment;  n'indique-t-elle  pas  que  la  partie  du 
premier  livre  qui  s'arrête  à  1350  et  celle  qui  com- 
mence à  1356  étaient,  malgré  le  raccord  d'emprunt 
qui  les  relie  aujourd'hui^  primitivement  distinctes? 

Le  livre  que  Froissart  présenta  à  la  reine  d'Angle- 
terre était-il  écrit  en  vers  ou  en  prose?  M.  Kervyn 
de  Lettenhove  *  a  soutenu  la  première  opinion , 
M.  Paulin  Paris'  a  adopté  la  seconde.  La  réponse  à 
cette  question  dépend  surtout  de  la  place  respective 
des  deux  mots  rimer  et  dicter  dans  une  phrase  de 
FroissfU't  citée  plus  haut  :  s  ....  Si  empris  je  assés 
hardîement,  moy  issu  de  l'escole,  à  rimer  et  dit^r* 
lez  guerres  dessus  dictes....  »  Comme  la  leçon  :  rimer 
et  dicter  est  fournie  par  1 9  manuscrits  qui  appar- 
tiennent à  7  Ëimilles  différentes,  tandis  que  la  leçon  : 
dittier  et  rimer  ne  se  trouve  que  dans  1 3  exemplaires 
répartis  entre  3  Ëunilles  seulement,  il  semble,  eu 
bonne  critique,  que  l'opinion  de  M.  Paulin  Paris  est 
plus  probable  que  celle  de  M.  Rervyn  de  Lettenhove. 

Le  livre  offert  à  Philippe  de  Hainaut  en  1361 ,  tel 
est  le  point  de  départ,  le  grane  qui  nous  rejHrésente- 


I.  Froînart,  ÉtuJt  lilUralrt  taf  U  quatorxième  liielt,  par  H.  Kervj'n 
de LettoiboTe,  Iom«  I*',  p.  &2  et  S3.  BrnzeUet,  1857,  2  vol.  in-13. 

3.  NouftlUê  reeherchti  lur  la  pic  dt  Froitiart  tt  sur  lui  data  dt  la  tom- 
potition  dt  tet  Ckrimi^ua,  par  M.  P.  Pam,  p.  Ik.  ParU,  1860. 

3.   Le  texie  de  cène  denuère  lefon  est  emprunta  aa  nu.  de  notre 
ffibUothiqiM  impAûle  cot^  t655,  f*  1  t*. 


;vGoo»^lc 


XII  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

rait,  si  nous  le  possédions,  la  phase  initiale  de  la 
composition  du  premier  livre,  et,  par  conséquent,  de 
l'œuvre  entière  de  Froissart;  c'est  l'bumble  source 
qui,  se  grossissant  sans  cesse  d'une  foule  d'affluents, 
est  devenue  cet  immense  fleuve  des  chroniques. 

Seconde  phase.  On  a  dit  plus  haut  que  le  texte  du 
premier  livre  s'arrête  entre  1 369  et  \  373  dans  un 
certain  nombre  d'exemplaires  de  la  première  rédac- 
tion :  c'est  ce  qui  constitue  la  seconde  phase  de  la 
composition  de  cette  rédaction.  Les  manuscrits  doDt 
il  s'agit  sont  au  nombre  de  cinq  :  quatre  sont  conser- 
vés à  notre  Bibliothèque  impériale  sous  les  n"  20356, 
2655 ,  2641  et  2642  ;  le  cinquième  appartient  à  sir 
Thomas  Phillipps,  et  il  figure  sous  le  n"  \  31  dans  le 
catalogue  de  la  riche  collection  de  cet  amateur.  Ces 
manuscrits  offrent  un  ensemble  de  caractères  qui  doit 
les  faire  considérer  comme  les  exemplaires  les  plus 
anciens,  les  plus  authentiques,  les  meilleurs  delà 
première  rédaction  :  les  règles  de  l'ancienne  langue 
y  sont  relativement  mieux  observées,  les  noms  de 
personne  et  de  lieu  moins  défigurés  que  dans  les 
copies  plus  modernes.  Le  texte  s'arrête  à  la  prise 
de  la  Roche-sur- Yon,  en  1369,  dans  le  ms.  20356 
et  à  la  reddition  de  la  Rochelle,  en  1 372,  dans  les 
mss.  2655,  2641 ,  2642,  ainsi  que  dans  le  ms.  131 
de  sir  Thomas  Phillipps ,  à  Cheltenham. 

On  pourrait  ajouter  à  la  liste  qui  précède  le  tome  I 
d'un  manuscrit  de  notre  Bibliothèque  impériale,  dont 
il  ne  reste  aujourd'hui  que  le  tome  H,  coté  5006. 
G)mme  ce  tome  Q  est  reproduit  textuellement  dans 
le  tome  II  d'un  autre  exemplaire^  coté  20357,  il  y  a 
lieu  de  croire  que  le  tome  I,  qui  nous  manque,  se 
retrouve  également  dans  le  tome  I  de  cet  autre  exem- 


;vGoo»^lc 


INTBODUCTION.  xiu 

plaire,  coté  20356.  L'empreinte  du  dialecte  wallon  et 
la  distinction  du  cas  sujet  et  du  cas  régime,  qui  sont 
très-marquées  dans  le  teste  du  ms.  5006,  attestent 
l'antiquité  et  l'authenticité  exceptionnelles  de  cette 
copie  ;  et  le  tome  I,  si  par  mallieur  il  n'était  perdu, 
nous  o0rirait  certainement  le  plus  ancien  exemplaire 
de  la  première  rédaction. 

Enfin,  le  premier  livre,  dans  le  manuscrit  de  notre 
Bibliothèque  impériale  coté  86,  ainsi  que  dans  le 
célèbre  exemplaire  de  la  ville  de  Breslau,  semble 
aussi  appartenir  à  la  seconde  phase  de  la  deuxième 
rédaction;  car  il  est  encore  plus  court  que  dans  le 
ms.  20356,  et  ne  va  pas  au  delà  du  siège  de  fiour- 
deilles  en  1369.  11  est  vrai  que  les  manuscrits  86  et 
de  Breslau  sont  relativement  modernes  et  n'ont  été 
exécutés  que  pendant  la  seconde  moitié  du  quin- 
zième siècle;  mais  conmie  ils  appartiennent  à  des 
bmilles  différentes  et  ne  dérivent  l'un  de  l'autre  en 
aucune  ùiqon,  ils  reproduisent  sans  doute  un  exem- 
plaire beaucoup  plus  ancien  qu'on  devrait  alors  con- 
sidérer comme  le  spécimen  le  moins  étendu  de  la 
jH^mière  rédaction. 

Tous  les  manuscrits  qu'on  vient  de  mentionner 
sont  d'ailleurs  complets  dans  leur  état  actuel  ;  et  s'ils 
coupent  le  premier  Uvre  plus  tôt  que  les  autres  exem- 
plaires de  la  première  rédaction  ,  ils  n'ont  pourtant 
subi  aucune  mutilation. 

Quoique  la  coupure  du  premier  livre  soit  toujours 
placée  entre  les  années  1369  et  1373,  on  aura  re- 
marcpié  qu'elle  ne  s'arrête  pas  au  même  endroit  dans 
les  divers  manusorits  indiqués  plus  haut  ;  elle  est  Hxée, 
dans  les  mss.  86  et  de  Breslau,  au  siège  de  Bout-' 
deilles;  dans  les  mss.  5006  et  20356,  à  la  prise  de  la 


;vGoo»^lc 


XIV  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Rochc-sur-Yon;  enfin  dans  les  mss.  2655, 2641,  2642 
et  131  de  sir  Thomas  Phillipps,  à  la  reddition  de  la 
Rochelle.  Pendant  le  laps  de  temps  qui  s'est  écoulé  de 
1 369  à  1 373,  il  est  probable  que  Froissart  a  fait  exécuter 
plusieurs  copies  de  son  œuvre.  Chacune  de  ces  co- 
pies a  dû  naturellement  s'enrichir  de  ce  que  l'auteur 
avait  trouvé  le  moyen  d'ajouter  à  Son  récit  dans  l'in- 
tervalle d'une  copie  à  l'autre.  Ne  pourrait-on  pas  ex- 
pliquer ainsi  les  diversités  de  coupure  que  nous 
venons  de  signaler,  diversités  qui ,  d'après  cette  hy- 
pothèse, correspondraient  à  autant  de  copies  succes- 
sives, et,  par  suite,  à  une  rédaction  de  plus  en  plus 
complète,  de  plus  en  plus  avancée?  Les  scribes  qui 
ont  exécuté  ces  copies  avaient  sans  doute  l'ordre  de 
transcrire  tout  ce  que  Froissart  pourrait  rédiger  tandis 
qu'ils  accomplissaient  leur  besogne,  et  l'un  d'eux  a 
accompli  sa  tâche  avec  une  ponctualité  si  machinale, 
que  les  mss.  2655,  264t,  2642  et  131  de  sir  Thomas 
Phillipps  se  terminent  par  une  phrase  inachevée'.  Il 
est  très -remarquable,  comme  Dacier  en  a  fait  l'ob- 
servation*, que  les  mss.  2641 ,  2642,  2655  et  sans 
doute*  aussi  le  ms.  131  de  sir  Thomas  Phillipps, 
malgré  leur  ressemblance  profonde,  n'ont  point  été 
copiés  cependant  les  uns  sur  les  autres  :  cela  n'indi- 
querait-il pas  que,  sinon  ces  manuscrits,  dn  moins 

1.  Lm  dernier»  mou  sont  dani  lenu.  36S5et1«&u.  131di  sirThomu 
Phillipp»  ;  eijieroni  encore  à  nuit,  dans  les  ms»,  2641  el  2642  :  eiptnm 
aicoTi,  Cf.  Chroiùifues  dans  Buclioa,  ^d.  du  Panth^n,  t.  I,  [i.  G'l5. 

3.  Voyei  let  note»  de  Dacier  sur  Ips  mu.  de  Prois«art  coDKrT&  à  la 
Biblioth^ue  du  Roi,  dam  Buclion,  t.  III,  p.  3S4. 

3-  Je  di»  »BRS  doute,  car  j'ai  fait  rxprè»  en  1868  le  voyage  de  Chri- 
tenham  pour  étudier  le  m».  131,  et  le  nallieur  a  touIq  que  »ir  Thona» 
Phillippi  n'ait  pu  le  retrouTer.  C'est  par  H.  Kervjn  qae  j'ai  appri» 
qoel»  loiit  lei  dernier»  mot»  du  ms.  131,  et  je  reoonTelIe  ioï  publique- 
ment AU  célèbre  émdit  belge  met  remercïment». 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  xr 

leurs  prototypes,  ont  été  exécutés  par  différents  scri- 
bes sur  le  texte  original  lui-même? 

D'ailleurs,  si  la  fin  du  premier  livre  a  je  ne  sais  quoi 
d'écourté  et  d'un  peu  hàtif  dans  les  exemplaires 
dont  il  s'agit,  il  faut  peut-être  attribuer  ce  caractère 
moins  encore  à  l'impatience  des  grands  seigneurs 
pour  lesquels  les  copies  ont  été  faites  qu'au  besoin 
pressant  que  devait  éprouver  l'auteur  de  recevoir  une 
rémunération  légitime  de  son  travail.  N'oublions  pas, 
en  effet,  que  la  seconde  phase  de  la  composition  de 
la  première  rédaction  correspond  à  une  période  de 
la  vie  de  Froissart  où  ce  chroniqueur  semble  n'avoir 
en,  à  défaut  de  patrimoine,  d'autres  moyens  d'exis- 
tence que  le  produit  de  sa  plume.  Le  jeune  protégé 
de  Philippe  de  Hainaut  venait  de  perdre  par  suite  de 
la  mort  de  la  bonne  reine  d'Angleterre  arrivée  le 
15  août  1369  la  position  de  clerc  qu'il  occupait  au- 
près de  cette  princesse;  il  avait  du  revenir  dans  son 
pays  j  sans  doute  pour  y  chercher  les  ressources  as- 
surées qu'il  ne  trouvait  plus  désormais  au  delà  du  dé- 
troit. D'un  autre  côté,  nous  voyons  par  les  comptes 
du  duché  de  Brabant  '  qu'il  n'était  pas  encore  curé 
des  Estinnes-au-Mont  en  1370;  et  peut-être  ne  fiit-il 
pourvu  de  cet  important  bénéfice  que  l'année  même 
où  il  apparaît  pour  k  première  fois  avec  le  titre  de 
curëj  c'est-à-dire  ea.  1373.  Qui  sait  si  des  nécessités 
plus  ou  moins  impérieuses  et  le  désir  de  se  créer  de 
nouveaux  titres  à  une  position  qui  lui  tint  lieu  de 
celle  dont  il  venait  d'être  privé  par  la  mort  de  sa 

1 .  H.  Pindiart,  qni  ■  publia  de*  extraits  de  c»  compte»,  est  le  m- 
Tut  qui  aura  le  plus  bit  en  ce  siècle  pour  la  biograplûe  positive  de 
FroisMUt.  Vojez  m  brochure  intitula  :  Va  eour  lU  Jtaniu  et  Je  Wencet- 
Uu,  p.  68. 


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ZTi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

protectrice^  qui  sait,  dis-je,  si  ces  circonstances  plus 
ou  moins  difficUes  ne  sont  pas  venues  se  joindre 
dans  une  certaine  mesure  à  une  vocation  naturelle 
pour  stimuler  te  génie  de  Froissart? 

Dans  cette  seconde  phase,  l'auteur  des  Chroniques 
a  dû  plus  ou  moins  remanier  l'essai  présenté  jadis  à 
Philippe  de  Uainaut,  et  il  a  ajouté  à  son  œuvre  pri- 
mitive, d'une  part,  le  récit  des  événements  depuis 
1 325  jusqu'en  1 356,  de  l'autre,  la  narration  des  faits 
survenus  de  1359  ou  1360  à  1372.  Il  a  puisé  les 
matériaux  de  la  partie  antérieure  à  1 356  soit  dans  la 
chronique  de  Jean  le  Bel  soit  dans  ses  propres  ren- 
seignements ,  tandis  qu'il  semble  avoir  composé  la 
partie  postérieure  à  1359  à  peu  près  exclusivement 
d'après  ses  informations  personnelles. 

Quand  nous  plaçons  entre  1 369  et  1 373  la  seconde 
phase  de  la  composition  de  la  première  rédaction, 
est-ce  à  dire  que  l'auteur  des  Chroniques  n'ait  rien 
écrit  au  point  de  vue  historique  de  1359  ou  1360  à 
1369?  Telle  n'est  pas  notre  pensée.  Froissart,  qui  a 
vécu  pendant  cet  intervalle  à  la  cour  d'Angleterre 
en  qualité  de  clerc  de  la  reine  Philippe,  avait  à  un 
trop  haut  degré  la  passion  de  l'histoire  pour  ne 
pas  tirer  parti  d'une  situation  aussi  favorable  :  il  a 
dû  recueillir  sans  cesse  des  matériaux,  prendre  des 
notes,  eru^gistrer  des  feits  et  des  dates.  Ce  rôle 
d'historiographe  était  même  inhérent  aux  fonctions 
du  jeune  clerc,  comme  le  prouvent  les  paroles  sui- 
vantes du  maréchal  d'Aquitaine  venant  annoncer  à 
Froissart  en  1367  la  naissance  de  l'en&nt  qui  fut 
plus  tard  Richard  II  :  «  Froissart,  escripsez  et  met- 
tez en  mémoire  que  madame  la  princesse  est  accou- 
chée d'un  beau  fil  qui  est  venu  au  monde  au  jour 


;vGoo"»^lc 


iPfraODUCTION.  xnu 

des  Rois*.  »  Lors  donc  qu'on  fixe  de  1369  à  1373  la 
seconde  phase  de  la  première  rédaction,  il  faut  en- 
tendre seulement  que  la  mise  en  œuvre  définitive,  la 
composition  proprement  dite  en  un  mot  n'eut  lieu 
qu'à  cette  date. 

On  vient  de  dire  que  Froissart  a  puisé  les  maté- 
riaux de  la  première  rédaction ,  pour  la  partie  anté- 
rieure à  1356,  dans  la  chronique  de  Jean  le  Bel.  Le 
prologue  de  cette  rédaction  contient  les  lignes  sui- 
vantes qu'on  ne  saurait  trop  méditer  :  «  Je  me 

vueU  fonder  et  ordonner  sur  les  vraies  croniques  ja- 
dis &ites  et  rassemblées  par  vénérable  bomme  et 
discret  monseigneur  Jehan  le  fiel ,  chanoine  de  Saint 
Lambert  du  Liège,  qui  grant  cure  et  toute  bonne 
diligence  mist  en  ceste  matière  et  la  continua  tout 
son  vivant  au  plus  justement  qu'il  pot,  et  moult 
lui  coosta  à  acquerre  et  à  l'avoir.  »  Et  plus  loin  : 

«  J'ay  emprinse  ceste  histoire  à  poursuir  sur 

l'ordonnance  et  fondation  devant  dite.  »  Un  autre 
passage  de  ce  même  prologue  nous  apfn«nd  que 
Froissart  avait  raconté  dans  un  premier  essai  histo- 
rique les  événements  survenus  depuis  la  bataille  de 
Poitiers;  cet  essai  devait  s'arrêter  à  1361,  puisque 
nous  savons  que  c'est  l'année  où  il  tîit  présenté  à  la 
reine  Pbilippe;  d'où  il  suit  que  le  mot  poursuir  dans 
la  dernière  phrase  citée  s'applique  évidemment  à  la 
continuation  de  cet  essai  jusqu'en  1369  ou  1372. 
Quant  à  la  partie  antérieui^  à  1356,  il  est  impossible 
d'exprimer  plus  clairement  que  par  ces  mots  :  Je  me 
vueil  fonder  et  ordonner j  toutes  les  obligations  que 

1.  Ckramijmt  di  froittart  du*  BnchoUv^dit.  du  Puithdon,  t.  III, 
p.  369. 


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xvm  -     CHRONIQUES  DE  J.  F&OISSART. 

notre  chtt>mqaeur  recoanait  devoir  à  Jean  le  Bel 

pour  cetl«  première  partie. 

Des  trois  rédactions  du  premier  livre  la  premi^ 
est  certainement  celle  oà  l'on  trouve  en  général,  de 
1325  à  1356,  le  moins  de  développements  originaux 
et  où  l'on  constate  les  emprunts  les  plus  nombreux, 
les  plus  serviles  à  la  chronique  du  chanoine  de  Li^e. 
Ces  emprunts  à  Jean  le  Bel  abondent  tellement  dans 
la  première  rédaction  qu'on  a  plus  vite  fiiit  d'y  rde- 
ver  ce  qui  est  original  que  ce  qui  provient  d'une 
source  étrangère. 

Dans  le  présent  volume,  notamment,  cette  ré- 
daction ,  si  l'on  ne  tient  pas  compte  d'une  foule  de 
modifications  de  détail,  n'offî^  guère  d'autres  addi- 
tions un  peu  importantes  et  entièrement  propres  à 
Froissart  que  les  suivantes  :  entrevue  du  roi  de  France 
Charles  le  Bel  avec  sa  sœur  Isabelle  d'An§^eterre*; — 
voyage  d'Edouard  IH  en  France  et  prestation  d'hom- 
mage de  ce  prince  à  Philippe  de  Valois*;  —  prépa- 
ratifs  d'une  croisade  projetée  par  le  roi  de  France*; 

—  combat  de  Cadsand  *;  —  divers  incidents  de  la 
chevauchée  de  Buironfosse  :  prise  de  Thun-1'Évéque 
par  Gautier  de  Mauny';  sac  de  Relenghes'  et  dUas- 
pres' par  les  Français,  d'Aubenton'parles  Hainuyers. 
Si  Ton  excepte  ces  additions,  tout  ce  qui  reste  de  la 
[H-emière  rédaction  est  puisé  plus  ou  moins  intégra- 
lement dans  la  chronique  de  Jean  le  Bel. 

Parfois  même  FVoissart  a  transcrit  mot  à  mot  le 
texte  du  chanoine  de  Liège.  On  peut  citer  comme 

1.  P.  15etl7,  SMrtaai.  — 2.  P.  SOilOO.  —  3.  P.  lU  à  118. 

—  4.  P.  133  k  13S.  —  5.  P.  154  i  IW.  —  S.  P.  190  et  191.  — 
7.  P.  194  i  1»6.  —  8.  P.  199  i  304. 


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mmoDUcnoN.  uz 

exemple  Tadmirable  réoit  des  ilemiers  moments  de 
Robart  Bruce,  la  plus  belle  page  peut-être  de  ce 
volume'  :  la  foi  qui  a  £iit  les  croisades  n'a  rien  in- 
spiré de  plus  simple,  de  plus  ému,  de  plus  naïve- 
ment grand.  Ni  Villehardouin,  ni  Joinvllle  n'ont 
atteint  cette  hauteur  d'éloquence  où  l'on  sent  passer 
comme  un  souffle  de  la  chanson  de  Roland.  Mal- 
heureusement pour  Froissart,  tout  l'honneur  de 
cette  page  incomparable  revient  à  Jean  le  Bel  dont 
le  chroniqueur  de  Valenciennes  s'est  contenté  de 
reproduire  le  récit  sans  y  rien  changer.  On  en  peut 
dire  autant  du  célèbre  passage  où  l'élévation  de 
Jacques  d'Arteveld*  est  racontée  avec  tant  de  malveil- 
lance et  de  parti  pris.  Quel  récit  passionné,  curieux 
même  dans  ses  erreurs  et  ses  injustices  I  Comme  il 
respire  bien  l'étonnement,  le  dédain  que  dut  éprou- 
ver la  fière  aristocratie  des  bords  de  la  Meuse  pour 
l'insolente  tentative  du  chef  des  vilains  de  Flandre  I 
C'est  qu'en  effet  le  véritable  auteur  du  récit  dont 
nous  parlons  n'est  pas  Froissart,  mais  le  noble  cha- 
noine de  Liège  qui,  n'allant  à  la  messe  qu'avec  une 
escorte  d'honneur  de  seize  ou   vingt   personnes*. 


1.  P.  77  à  79.  Cf.  Je*Q  le  Bel,  Chroaiqua,  éd.  Polain,  t.  I,p.  79  i  81. 
a.  P.  126  à  129.  Cf.  Jean  le  Bel,  t.  I,  p.  127  k  129. 
8.  Il  liknt  lira  dans  I.  de  Hetnricourt  la  description  du  trtdn  de  lie 
iutueox  que  menait  le  chanoine  grand  leigneur:  ■  ....  Qli  n'aLlait  on- 
kei  les  commoai  jonrg  délie  «emaine  aile  eglize  qu'ilh  n'anist  taoïe 
ou  Tingt  p«r«onne«  qnj'  le  condny «oient,  tant  de  ses  projme»  corne  de 
te*  majuje*  «t  d«  cheaz  qaj  eitojent  à  ses  drai.  Et  qoant  o'ettoît 
•t  jours  solempaei,  chilz  qujr  estoyent  à  ses  drai  le  Tenojent  qaère 
en  son  hoiteit  et  le  mjnojent  aile  eglize.  Sj  avoit  aoventfoi*  aity 
grutt  rotte  après  iy  com  après  l'evesque  de  Liège,  car  ilh  aToît  bln 
chinquante  ou  de  moins  quarante  pareinans  qui  tus  demoroient  al 
dioeir  deleis  Ij---.  >  Uiroir  dti  noiUé  de  la  Siubaj*,  par  Jacques  de 
HemriGourt,  ^.  de  Salbraf,  p.  158. 


DiqitizeabyG00»^lc 


XX  CHAONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

trouve  bien  impertinent  cet  Arteveld  qui  se  fait  ac- 
compagner de  soixante  ou  quatre-vingts  valets  I  Deux 
des  récits  les  plus  vantés  de  la  première  rédaction, 
l'épisode  des  amours  d'Edouard  111  et  de  la  comtesse 
de  Salisbury,  la  narration  du  siège  de  Calais,  sont 
aussi  à  peu  près  littéralement  empruntés  au  galant 
et  chevaleresque  chanoine.  On  s'étonne  moins  de 
ces  emprunts  quand  on  admet  comme  nous  que  la 
rédaction  où  ils  sont  le  plus  fréquents  et  surtout  le 
plus  serviles  a  précédé  les  autres. 

Sous  quelle  influence  a  été  composée  la  première 
rédaction?  Les  dernières  lignes  du  prologue  four- 
nissent la  réponse  à  cette  question  :  «  ....  à  la  prière 
et  requeste  d'un  mien  chîer  seigneur  et  maistre  mon- 
seigneur Robert  de  Namur,  seigneur  de  Beaufort,  à 
qui  je  Tueil  devoir  amour  et  obéissance,  et  Dieu  me 
laist  faire  chose  qui  lui  puisse  plaire  1  *  »  Robert  de 
Namur  figure  dans  deux  autres  passages  de  la  pre- 
mière rédaction.  Froissart  nous  apprend  que  «c  ce 
gentil  et  vaillant  chevalier,  »  neveu  de  Robert  d'Ar- 
tois dont  il  portait  le  nom,  au  retour  d'une  croisade 
en  Prusse  et  en  Palestine,  vint  ofirir  ses  sarvices  à 
Edouard  m  pendant  le  siège  de  Calais  en  1346'. 
Nous  retrouvons  Robert  de  Namur  dans  les  rangs 
des  Anglais  en  1369  à  cette  chevauchée  de  Tour- 
nebem  où  il  joue  un  rôle  si  brillant  et  dont  il  a  dû 
fournir  à  notre  chroniqueur  les  détails  très-circon- 
stanciés*. Robert,  qui  toucha  jusqu'à  la  mort 
d'Edouard  III  en  1377  une  pension  de  trois  cents 

1.  P.  211. 

3.  H«.  3655,  f^  Mk.  Cf.  Froiiuit  de  Buclioii,  éA.  du  Pantlifeii,  1. 1, 
p.  U9. 
8.  H(.  3655,  r«3t3  et313.  CS.  FVouMit  da  Buchon,  1. 1,  p.  593  i  595. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCnON.  xxi 

livres  sterling  sur  la  cassette  de  ce  prince,  avait  en- 
core resserré  les  liens  qui  l'unissaient  au  parti  an- 
dais  en  se  mariant  par  contrat  du  3  février  1354  à 
Elisabeth  de  Hainaut,  sœur  de  la  reine  d'Angleterre. 
Q  n'est  donc  pas  étonnant  que  le  jeune  clerc  de 
Philippe,  revenu  dans  son  pays  après  la  mort  de  sa 
bienËiitrice  en  1369,  ait  trouvé  des  encouragements 
auprès  d'un  personnage  aussi  chevaleresque  et  aussi 
dévoué  à  la  cause  anglaise  que  Robert  de  Namur. 

On  a  prétendu  que  Froissart  n'est  entré  en  rela- 
tions avec  Robert  de  Namur  qu'après  1373,  à  l'oc- 
casion du  mariage  de  Marie  de  Namur,  nièce  de 
Robert,  avec  Gui  de  Blois.  La  seule  raison  qu'on 
donne,  c'est  que  l'auteur  du  Joli  buisson  de  Jonèce, 
poëme  composé  le  30  novembre  1373',  n'a  pas 
nommé  Robert  parmi  ses  protecteurs'.  Quoiqu'il  ne 
£iille  pas  demander  à  une  œuvre  de  poésie  légère  une 
précision  en  quelque  sorte  statistique  et  que  l'on 
puisse  signaler  d'autres  lacunes  dans  la  liste  du  JoU 
buisson,  l'omission  du  nom  de  Robert  de  Namur  a 
néanmoins,  on  doit  en  convenir,  quelque  chose  de 
frappant  et  de  caractéristique.  Faut-il  y  voir  un  sim- 
ple oubli  analogue  à  celui  qu'allait  commettre  Frois- 
sart lorsqu'il  dit  : 

Harot  que  fai?  Je  me  bescoce; 
J'ai  oubliiet  le  roj  d'Escoce 
Et  le  bon  conte  de  Du^lu  *. 

L'auteur  de  la  rédaction  dédiée  à  Robert  de  Na- 


1.  Bibl.  imp.,  ms.  fr.  ooté  831,  f  161  t*. 

3.  Étud$  tar  frmtiaTi,  p«r  M.  KenTD  de  Lettenhore,  I.  I,  p.  J 
et  3^3,  en  note. 

3.  BiM.  imp.,  nu.  fr.  n*  831,  P>  157  v*. 


;vGoo»^lc 


xzn  CHRONIQUES  DE  I.  FROISSART. 

mur  aurait-il  été  peu  satisfît  de  la  récompense  qu'il 
reçut  de  son  travail^  ou  y  avait -il  alors  quelque 
brouille  entre  Robert  et  Gui,  îe  bon  seigneur  de 
Beaumont,  pour  lequel  le  poëte  du  Joli  buisson,  dès 
lors  curé  des  Ëstînnes,  témoigne  cette  déférence  par- 
ticulière que  l'on  rend  à  son  maître  et  seigneur  ?  Il 
serait  téméraire  de  répondre  à  ces  questions.  Ce  qui 
est  certain,  c'est  que,  quoique  la  première  rédaction 
ait  été  composée  à  la  requête  de  Robert  de  Namur, 
le  nom  de  ce  seigneur  a  été  omis  ou  plutôt  supprimé 
dans  le  prologue  de  tous  les  manuscrits  revisés  de 
cette  rédaction,  suppression  bien  plus  surprenante 
que  l'omission  relevée  dans  le  Buisson  de  Jonèce.  Et 
pourtant  on  ne  peut  contester  que  les  manuscrits  où 
l'on  trouve  la  révision  ne  soient  postérieurs  à  ceux 
qui  ne  la  contiennent  pas  et  où  l'on  voit  figurer  le 
nom  de  Robert  de  Namur.  A  plus  forte  raison  serait- 
on  mal  fondé  à  tirer  de  l'omission  de  ce  nom  dans 
tm  poëme  une  conclusion  contre  la  date  que  nous 
avons  assignée  à  ta  première  rédaction. 

D'après  l'opinion  que  nous  cond)attons,  Froissart 
se  serait  attaché  à  Robert  de  Namur  de  1 390  à  1 392, 
et  il  faudrait  reporter  entre  ces  deux  dates  la  rédac- 
tion du  premier  livre,  entreprise  sous  les  auspices  de 
ce  seigneur.  Mais  cette  hypothèse  est  entièrement 
gratuite,  en  opposition  avec  les  faits  les  mieux  éta- 
blis et  contraire  à  toute  vraisemblance.  Froissart  dit 
en  termes  formels  dans  le  prologue  du  troisième  livre, 
composé  précisément  vers  1390,  qu'il  a  pour  maître 
et  seigneur  Gui,  comte  de  Blois  :  «  Et  pour  ce  je 
sires  Jehans  Froissars,  qui  me  sui  ensoingnez  et  occu- 
pez de  dicter  et  escripre  cesle  hystoire  à  la  reques^ 
et  contemplacion  de  hault  prince  et  renommé  messtre 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  xxnt 

Guy  conte  de  Bloys,  mon  bon  maistre  et  seigneur^..,,'» 
Depuis  le  jour  où  notre  cboniqueur^  devenji  dès  1 373 
curé  des  Ëstinnes,  où  Gui  de  Châtillon  possédait  un 
fief  dépeadant  de  la  seigneurie  de  Chiinay,  s'atta- 
cha par  un  lien  étroit  à  la  fortune  et  même  au  ser- 
vice de  la  maison  de  Blois,  rien,  absolument  rien  ne 
fiiit  supposai  que  la  protection  dont  cette  illustre 
maison  ne  cessa  de  l'entourer  se  soit  démentie  un 
seul  instant.  Au  contraire,  dans  le  prologue  du  qua- 
trième livre,  Froissart  apparaît  pour  la  première  fois 
investi  d'un  canonicat  dont  il  était  certainement  re- 
devable à  la  &veur  du  comte  de  Bloîs,  seigneur  de 
Chimay.  L'auteur  des  Chroniques  s'intitule  dans  ce 
prologue  K  presbiterien  et  chapelain  à  mon  très  cher 
seigneur  dessus  nonuné  (Gui  de  Blois)  et  pour  le 
temps  de  lors  trésorier  et  chanoine  de  Chimaj^  et  de 
làlle  en  Flandres.  »  Un  des  plus  récents  biographes 
de  Froissart  n'en  a  pas  moins  intitulé  l'un  des  chapi- 
tres de  son  livre  :  Froissart  chez  Robert  de  Namur*. 
□  est  vrai  que  l'on  se  borne  dans  ce  chapitre  à  ra- 
conter divers  incidents  des  dernières  années  de  la 
vie  de  Robert  mort  le  18  août  1392,  incidents  qui 
n'ont  rien  à  démêler  ni  avec  la  personne  ni  avec  ta 
vie  du  chroniqueur  :  on  n'y  trouve  pas  un  mot  d'où 
l'on  puisse  inférer  que  le  chapelain  de  Gui  de  Blois 
ait  vécu,  comme  on  le  prétend,  de  1 390  à  1 392,  au- 
près du  pensionnaire,  du  partisan  dévoué  des  Anglais. 
Le  caractère  essentiel,  le  trait  distinctif  de  cette 
partie  de  la  première  rédaction  qui  s'arrête  entre 
1369  et  1373  et  qui  a  été  composée  à  la  requête  et 

1.  H«.  de  BeunçoD,  t.  U,  f  SOI- 

2.  Éttti/e  litlSrain  luy  FroUiari,  par  M.  Kerryn,  t.  I,  ch.  xn,  p.  S4S 
1346. 


;vGoo»^lc 


XXIV  CHRONIQCFES  DE  J.  FROISSART. 

SOUS  les  auspices  de  Robfflt  de  Namur,  c'est  que  l'in- 
fluence anglaise  y  est  beaucoup  plus  marquée  que 
dans  les  autres  rédactions  du  premier  livre  et  méiae 
que  dans  le  reste  des  Chroniques.  Sans  doute,  Frois- 
sart  est  trop  animé  de  l'esprit  chevaleresque  pour  ne 
pas  rendre  hommage  à  la  générosité,  à  la  bravoure, 
à  la  grandeur,  partout  oit  il  les  voit  briller;  il  n'en 
est  pas  moins  vrai  qu'à  la  complaisance  avec  la- 
quelle il  s'étend  sur  les  événements  où  l'Angletore 
a  joué  le  beau  rôle,  à  l'insistance  qu'il  met  à  Saire 
ressortir  les  prouesses  des  chevaliers  du  parti  anglais, 
ou  reconnaît  aisément  la  prédilection  de  l'auteur 
pour  la  patrie  adoptive  de  Philippe  de  Hainaut.  Au 
sujet  des  différends,  des  guerres,  des  batailles  qui, 
de  1325  à  1372,  mirent  aux  prises  la  France  et  l'An- 
gleterre, la  rédaction  dédiée  à  Robert  de  Namur  donne 
presque  toujours  la  version  anglaise.  On  peut  citer 
comme  exemple  le  récit  des  journées  de  Crécy  et  de 
Poitiers  qui  dans  cette  rédaction  est  fondé  principa- 
lement, suivant  le  témoignage  de  Froissart  lui-même, 
sur  le  témoignage  des  compagnons  d'armes  d'E- 
douard ni  et  du  Pnnoe  Noir.  Prise  dans  son  en- 
semble, la  rédaction  Ëiite  pour  Robert  de  Namur 
doit  être  considérée  avant  tout  comme  un  monu- 
ment élevé  par  une  âme  enthousiaste,  par  une  main 
amie  et  pieuse  à  la  gloire  anglaise.  Et  l'on  voudrait 
attribuer  une  pareille  œuvre  au  serviteur  d'une  mai- 
son aussi  française  que  celle  des  comtes  de  Btois,  au 
chapelain  de  ce  Gui  de  Chàtillon  dont  le  père  avait 
été  tué  à  Oécy  et  qui,  donné  lui-même  en  otage  aux 
Anglais,  n'avait  obtenu  sa  mise  en  liberté  que  moyen- 
nant une  rançon  ruineuse  I  Et  l'on  voudrait  placer  la 
composition  de  cette  œuvre  vers  1390,  c'est-à-dire  à 


;vGoo»^lc 


nTraoDtrcnoN.  «▼ 

une  époque  où  la  gloire  des  premières  années  du  rè- 
gne d'Edouard  m  était  depuis  longtemps  évanouie, 
où  les  superbes  vainqueurs  de  Oécy  et  de  Poitiers, 
après  les  revers  réitâ^  de  leurs  armes  en  France, 
en  Espagne,  en  Ecosse,  étaient  réduits  à  trembler 
sous  la  menace  d'une  invasion  française  I 

Combien  il  est  plus  naturel  d'admettre  la  conclu- 
sion- à  laquelle  nous  ont  conduit  des  preuves  non 
pas  plus  fortes ,  mais  plus  topiques  et  plus  précises, 
en  &isant  remonter  la  rédaction  du  premier  livre  in- 
spirée par  Robert  de  Namur  à  cette  période  comprise 
entre  1369  et  1373  où  quelques  échecs  partiels 
avaient  à  peine  entamé  le  prestige  de  la  puissance 
anglaise,  où  l'on  était  encore  sous  l'éblouîssement 
produit  par  des  victoires  merveilleuses,  où  surtout 
l'ancien  clerc  de  la  reine  Philippe,  qui  venait  de 
passer  les  huit  plus  belles  années  de  sa  vie  à  la  cour 
d'Edouard  m,  avait  des  raisons  personnelles  de  res- 
sentir avec  une  vivacité  particulière  l'admiration  gé- 
nérale! 

Outre  la  partialité  pour  l'Angleterre  que  nous  ve- 
nons de  signaler,  on  remarque  dans  la  première  ré- 
daction un  caractère  de  jeunesse,  d'entrain  belliqueux 
que  n'oQrent  pas  à  un  égal  degré  les  rédactions  pos- 
térieures. On  dirait  que  le  souffle  guerrier  qui  anime 
nos  grands  po^jnes  du  douzième  siècle  a  passé  tout 
entier  dans  cette  rédaction.  Notre  chroniqueur,  il  est 
vrai,  a  toujours  aimé  les  descriptions  de  combats, 
mais  il  y  porte  ici  une  verve,  un  éclat,  une  furie 
de  pinceau  supérieure.  Les  récits  des  batailles  de 
Oécy  et  de  Poitiers,  pour  ne  rappeler  que  ceux-là, 
sont  des  chefe-d'œuvre  qu'on  n'a  pas  surpassés.  Frois- 
sart  lui-même,  lorsque  plus  tard  il  a  voulu  raconter  de 


;vGoo»^lc 


xxn  CHRONIQUES  DE  I.  RtOISSAlLT. 

nouveau  ces  mémorables  journées,  n'a  plus  retrouvé 
la  laideur  de  dessin,  la  vivacité  de  coloris,  l'heu- 
reuse fougue  qui  distinguent  l'inspiration  de  la  fleur 
de  l'âge.  Combien  la  seconde  rédacUon  écrite  par 
un  chapelain  parvenu  à  la  maturité  reste  sous  ce  rap- 
port, malgré  des  beautés  d'un  autre  ordre,  infé- 
rieure à  la  première  1  Dans  celle-ci,  qui  remonte  à 
une  période  où  l'auteur  n'avait  guère  plus  de  trente 
ans,  on  sent  qu'une  jeunesse  ardente  ajoute  en- 
core sa  flamme  aux  instincts  d'une  nature  chevale- 
resque. 

Qui  sait  si  Froissart  n'a  pas  eu  le  premier  con- 
science de  cette  supériorité  de  la  première  rédaction 
au  point  de  vue  qui  devait  le  plus  toucher  les  lec- 
teurs de  son  temps  et  si  la  préférence  littéraire  de 
l'auteur  n'est  pas  pour  quelque  chose  dans  la  multi- 
plicité des  copies  de  cette  rédaction,  dont  quelques- 
unes  ont  été  exécutées  de  son  vivant,  tandis  que  la 
seconde  rédaction,  représentée  par  l'unique  exem- 
plaire d'Amiens,  dont  le  manuscrit  de  Yalenciennes 
n'est  qu'un  impar&it  abrégé,  demeurait  isolée  et  in- 
connue dans  les  archives  de  ce  château  de  Chimay 
dont  les  maîtres  l'avaient  inspirée? 

En  résumé,  la  partie  de  la  première  rédaction  an- 
térieure à  1373,  composée  par  Froissart  immédiate- 
ment après  son  retour  d'Angleterre  à  la  demande  de 
Robert  de  Namur,  l'un  des  partisans  les  plus  dévoués 
de  la  cause  anglaise,  celte  rédaction  affecte  un  triple 
caractère  :  1'  Pour  la  partie  qui  s'arrête  à  1356,  elle 
contient  généralement  moins  de  développements  ori- 
ginaux, elle  tait  des  emprunts  plus  nombreux  et  sur- 
tout plus  serviles  au  texte  de  Jean  le  Bel  que  les  deux 
rédactions  postérieures;  2*  l'auteur  y  montre  partout 


;vGoo»^lc 


nrTRODUCnON.  xxvn 

plus  de  sympathie^  d'admiration  et  même  de  partia- 
Ëté  pour  les  Anglais  que  dans  les  autres  parties  de 
ses  Chroniques;  3°  on  y  trouve^  notamment  dans  les 
récits  de  batailles,  l'expression  la  plus  brillante  peut- 
être  du  génie  littéraire  de  Froissart. 

Troisième  phase.  C'est  après  1 378  que  se  place  la 
troisième  phase  de  la  composition  de  la  première  ré- 
daction. Froissart  a  continué  dans  cette  période  le 
récit  des  événements  de  1372  à  1378;  il  a  feit  cette 
continuation  à  deux  reprises  et  sous  deux  formes 
fort  difiërentes.  L'une  de  ces  continuations  est  plus 
sommaire,  elle  a  un  caractère  en  quelque  sorte  pro- 
visoire, et  l'on  dirait  parfois  qu'elle  a  été  esquissée 
un  peu  au  fur  et  à  mesure  des  événements  ;  c'est 
celle  qui  caractérise  la  première  rédaction  propre- 
ment ditë.  L'autre  continuation  qui  semble  avoir  été 
écrite  d'un  seul  jet,  est  une  révision  de  la  première 
dont  elle  corrige  les  erreurs  ou  dont  elle  enrichit  le 
texte  par  des  développements  et  même  par  des  récits 
tout  nouveaux  :  c'est  celle  qui  distingue  la  première 
rédaction  revisée;  et  elle  forme,  conmie  on  le  verra, 
une  sorte  de  trait  d'union  entre  ta  première  rédac- 
tion et  la  seconde  où  elle  se  retrouve  aussi. 

L'exemplaire  le  plus  ancien  de  la  continuation, 
qui  appartient  en  propre  à  la  première  rédaction  pro- 
prement dite,  pourrait  bien  être  offert  par  le  beau 
manuscrit  de  Besançon  où  le  premier  livre  s'étend  jus- 
qu'à ces  mots  :  «  Adonc  s'esmeut  la  guerre  entre  le 
roy  de  Portingal  et  le  roy  Jehan  de  Caslille  qui  dura 
moult  longuement,  si  comme  vous  orrés  recorder 
avant  en  l'istore.  »  Le  premier  livre  du  manuscrit  de 
Besançon  empiète  ainsi  sur  les  quarante-deux  pre- 
miers chapitres  du  second  livre  des  autres  manu- 


;vGoo»^lc 


XYvni  CHRONIQUES  DE  3.  FROISSAKT. 

scrits*.  Plus  tard  sans  doute^  ces  quarante-deux  cha- 
pitres furent  reportés  en  tête  du  second  livre,  et 
Froissart  les  remplaça  en  ajoutant  à  la  fin  du  pre 
mier  livre  certains  développements  qui  manquent 
dans  ie  manuscrit  de  Besançon.  Ces  développements 

commencent  après  ces  mots  :  u Laquelle  fille  estoit 

convenancée  au  damoisel  de  Haynault,  filz  aisné 

du  due  Aubert*;  a  ils  se  terminent  ainsi  ;  « et 

par  toutes  les  marches  sur  le  clos  de  CostenUn.  > 
lies  quatre  ou  cinq  chapitres  additionnels  où  sont 
contenus  ces  développements  marquent  la  fin  du  pre- 
mier livre  dans  les  manuscrits  de  la  première  rédac- 
tion proprement  dite. 

Quant  à  la  continuation  qui  distingue  la  première 
rédaction  revisée,  si  l'on  excepte  les  manuscrits  5006 
et  20357  où,  comme  on  l'a  fait  remarquer  plus  haut, 
cette  continuation  à  partir  de  1369  est  comprise 
dans  le  second  livre,  elle  s'arrête  dans  le  manuscrit 
6477-6479  à  ces  mots  qui  finissent  le  premier  livre  : 

« je  parlerai  plus  à  plain  quant  j'en  serai  mieux 

informé';  s  la  coupure  est  rejetée  quatre  ou  cinq 
chapitres  plus  loin  dans  le  manuscrit  de  Mouchy- 
Moailles  qui  se  termine  au  siège  de  Bergerac  et  dont 

voici  la  dernière  ligne  :  s près  receu  un  grant 

damage*.  » 

1.  Cf.  duu  Bachot),  t.  II,  p.  49. 

3.  H*,  de  BeMUtçon,  f'  371  *<■.  Le  maniucrit  de  notre  Bibliotbiqiie 
impArùle  calé  SB49,  repiod action  g^ëralement  fidtle  <I«  celui  de 
BcMufOD,  contient  quelque*  ligne*  teolement  de  plni  qae  1«  partie  de 
ce  dernier  manuicrit  qui  corretpond  au  premier  liTre  de»  autre*  exem- 
plaire* de  !■  preD)!b«  rédaction  proprement  dite.  Le  manoacrit  S6U 
*e  termine  i  ce*  moti  :  ■  ....  aini  paiiireat  oultre  et  prindreot.  o  Cf. 
Froiatart  dani  Sauvage,  ëdît.  de  lâSS,  t.  I,  p.  457,  ligne  11. 

3.  Cf.  dantBuchon,  t.  I,  p.  717,  col.  3,  fin  du  chap.  394. 

t.  Cf.  dan*  Buchon,  t.  Il,  p.  4,  fin  de  la  ool.  I. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  xxii 

§  3.  Des  deux  branches  de  la  première  rédaction  : 
i"  Première  rédaction  proprement  dite  ;  2"  première 
rédaction  reuiséej  —  caractères  distinctifs  de  ces 
deux  branches. 

La  division  de  la  première  rédaction  en  deux  bran- 
ches tire  surtout;  ainsi  qu'on  vient  de  le  voir^  sa  rai- 
son d'être  de  la  partie  du  premier  livre  postérieure  à 
4372.  En  effet,  dans  un  certain  nombre  de  manu- 
scrits de  la  premtèi>e  rédaction ,  le  récit  des  événe- 
ments, depuis  1372  jusqu'en  1377,  comme  aussi  de- 
puis 1350  jusqu'en  1356',  est  tout  autre  et  plus  am- 
ple, plus  développé  que  celui  qu'on  trouve  dans  la 
partie  correspondante  des  autres  exemplaires  de  la 
même  rédaction. 

Laquelle  des  deux  branches  dont  il  s'agit  a  précédé 
l'autre?  Évidemment,  les  manuscrits  où  la  narration 
a  le  moins  d'originalité  et  d'ampleur  doivent  être 
considérés  conune  les  plus  anciens;  les  exemplaires 
de  cette  branche,  qui  sont  de  beaucoup   tes  plus 

i.  Selon  H.  Ker*jn,  cette  Teraion  plut  originale,  particulière  anx 
manoscriu  de  la  premiire  rédaction  reris^  pour  I««  aiméei  13S0  i 
1356,  Kiait  poitjrieare  i  1388)  ëpoque  du  roytige  de  Froitsart  en 
Bëam  :  ■  Elle  en  ponfeienre  à  1388,  dit-il,  puUque  Froiuari  y  raconta 
let  JémiUi  du  tire  iTMbret  mes  Ut  habitaati  i»  Captstang,  fvprU  et  ya» 
teux-ci  lui  £ruu.  Je  la  crois  écrite  «en  1391.  ■  Froiuart,  t.  I,  p.  243 
en  note.  Voîd  le  paMage  tnr  lequel  l'appuie  l'arpuneutation  de 
M.  KerTjn  ;  ■  Depuit  au  fu  dît  qu'ila  (il  «'agit  de»  habitants  de  Ctpet- 
tang)  laisairent  prendre  lenn  oitages....  >  Voyez  Buchon,  éd.  dn  Pan- 
théon, t.  I,  p.  317.  Froiuart  ne  dit  nullement  dan*  ce  passage  qu'il 
tient  les  détails  qa'il  Ta  raconter  de  la  booohe  même  des  habitants  de 
Capestang;  par  conséquent  il  n'j  a  pas  lieu  d'en  conclnre  avec  H.  Ker- 
lyn  que  la  Tenion  des  manusorita  reriséi  pour  les  années  13S0  i  1356 
est  poatérienre  an  Tojage  dn  cfaroniquenr  en  Béarn  en  1388  et  a  été 
écrite  Ten  1391. 


;vGoo»^lc 


XXX  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

nombreux ,  constituent  ce  que  nous  avons  ^pelé 
déjà  dans  le  paragraphe  précédent  la  première  rédac- 
tion proprement  dite,  par  opposition  aux  manusoits 
où  le  récit  a  reçu  plus  de  développement  entre  les 
dates  indiquées  ci  -  dessus ,  qui  forment  la  première 
rédaction  revisée. 

11  importe  aussi  de  faire  remarquer  que  le  com- 
mencement du  premier  livre  difiere  dans  les  deux 
branches  de  la  première  rédaction  jusque  vers  le  mi- 
lieu du  paragraphe  11  de  ce  volume'.  Au  contraire, 
le  texte  de  ces  dix  premiers  paragraphes  est  le  même 
dans  la  seconde  rédaction  que  dans  la  première  ré- 
daction proprement  dite. 

La  première  rédaction  revisée  et  la  seconde  of- 
frent deux  traits  communs  d'une  importance  capi- 
tale :  elles  remplacent  l'une  et  l'autre,  entre  1350  et 
1356,  le  fragment  d'emprunt  de  la  première  1%- 
daction  proprement  dite,  par  une  version  originale 
et  plus  développée  qui ,  sans  être  identique  dans  les 
deux  rédactions,  présente  du  moins  beaucoup  d'ana- 
logie. En  outre,  le  texte  plus  complet  et  meilleur  que 
donne  la  première  rédaction  révisée  pour  la  partie 
comprise  entre  1372  et  1377,  se  retrouve  intégrale- 
ment dans  la  seconde  rédaction.  Des  ressemblances 
aussi  caractéristiques,  aussi  considérables  entre  celle 
des  branches  de  la  première  rédaction  qui  a  été 
écrite  la  dernière,  et  la  seconde  rédaction  confirment 
d'une  manière  frappante  la  date  plus  récente  que 
nous  avons  assignée  à  la  composition  de  celle-ci.  En 
effet,  supposer,  conmie  on  l'a  Êùt,  que  la  premi^:^ 


1.  Voyez  p.  36,  I.  91.  Le  tente  devient  temblable  dans  les  aumu- 
fcrît»  de»  deux  branohe*  aprèt  cet  mou  :  Si  nn^èrtni  par  mtr. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


INTRODUCTION.  xzn 

rédaction  proprement  dite  est  post^eure  à  la  seconde 
rédaction^  c'est  supposer  que  Froissart  a  substitué 
de  gaieté  de  cœur^  1*de  1350  à  1356,  un  frag- 
ment emprunté  et  insipide  à  une  vo^ion  plus  originale 
dont  il  était  l'auteur;  2»  de  1372  à  1377,  un  texte 
imparfait  à  un  teste  plus  complet  et  meilleur,  en  un 
mot ,  à  un  texte  revisé.  Une  telle  hypothèse  n'est- 
elle  pas  contraire  à  la  vraiseraJ)lance? 

§  4.  De  la  première  rédaction  proprement  dite;  — 
classement  des  manuscrits  de  cette  rédaction. 

Les  manuscrits  de  la  première  rédaction  sont  ex- 
trêmement nombreux;  on  en  compte  environ  cin- 
quante, tandis  que  la  seconde  n'est  représentée  que 
par  les  deux  exemplaires  d'Amiens  et  de  Valencien- 
nes,  et  la  troisième  par  le  texte  unique  de  Rome. 
Une  disproportion  aussi  énorme  peut  être  consi- 
dérée comme  un  argument  de  plus  en  faveur  de  la 
priorité  de  la  rédaction  qui  compte  un  si  grand 
nombre  de  copies,  car  il  tombe  sous  le  sens  que  des 
trois  rédactions ,  c'est  la  première  en  date  qui  a  dû 
être  le  plus  tôt  et  le  plus  souvent  reproduite.  L'ex- 
périence enseigne  que,  dans  ce  cas,  l'avantage  reste 
quelquefois  au  premier  occupant;  mais  cela  est  sur- 
tout vrai  lorsqu'il  s'agit  d'une  transcription  aussi 
longue  et  aussi  coûteuse  que  celle  du  premier  livre 
des  Ouvniques.  Serait-il  téméraire  d'attribuor,  en 
partie  du  moins,  à  l'apparition  plus  tardive  des 
seconde  et  troisième  rédactions  la  rareté  vraiment 
singulière  des  exemplaires  cpii  les  représentent? 

Des  cinquante  manuscrits  de  la  première  rédac- 
tion, plus  de  quarante  appartiennent  à  la  première 


;vGoo»^lc 


xun  CHRONIQUES  DE  J.  FHOISSAAT. 

rédaction  proprement  dite;  il  reste  six  mss.  seule- 
ment de  la  première  rédaction  revisée.  Encore  faut-U 
comprendre  parmi  ces  six  un  ms.  où  le  premier 
livre  presque  tout  entier  est  perdu,  un  simple  irag- 
ment  et  un  abrégé. 

On  a  prévenu  le  lecteur  qu'il  ne  devait  pas  cher- 
cher ici  une  description  des  manuscrits;  diverses  rai- 
sons ont  feit  renvoyer  cette  description  à  la  fin  de 
l'édition.  Le  tableau  soomiaire  qu'on  trouvera  ci-des- 
sous n'en  a  pas  moins  coûté  à  l'éditeur  plus  de  six 
mois  de  travail;  il  a  nécessité  de  lointains  voyages 
et  des  recherches  sans  nombre.  Il  a  présenté  d'autant 
plus  de  difficultés  qu'il  est  impossible  de  grouper  les 
manuscrits  par  familles,  en  se  fondant  sur  les  carac- 
tères saillants,  extérieurs  et  pour  ainsi  dire  matériels 
de  ces  mss.  L'éditeur  avait,  au  début  de  son  tra- 
vail, nourri  cette  illusion;  mais  il  a  dû  y  renoncer 
après  bien  des  tâtonnements  et  de  vains  efforts. 
Ainsi,  il  semble  au  premier  abord  que  les  manu- 
scrits où  le  premier  livre  est  coupé  au  ménle  endroit 
et  se  termine  beaucoup  plus  tôt  que  dans  les  autres, 
doivent  être  rattachés  à  la  même  famille;  et  pourtant 
il  est  tel  cas  où  l'on  s'égarerait  infailliblement  en  sui- 
vant cette  méthode.  Le  ms.  de  Besançon,  par  exem- 
ple, ne  contient  pas  trois  ou  quatre  chapitres  qui 
terminent  le  premier  livre  dans  les  mss.  3649,  2663, 
2674,  etc.,  et  néanmoins  il  appartient  à  la  même  fa- 
mille que  ces  derniers  exemplaires.  Au  contraire,  le 
ms.  de  notre  Bibliothèque  impériale  coté  86  et  le 
ms.  de  Breslau  finissent  l'un  et  l'autre  le  premier  U- 
vre  au  siège  de  Bourdeilles,  en  1369;  ce  qui  n'em- 
pêche pas  ces  copies  de  se  rattacher  à  deux  familles 
différentes. 


;vGoo»^lc 


I 


lOTRODUCTIOM.  xixiii 

Écartaat  donc  ces  apparences  trompeuses  et  ces 
analogies  purement  superficielles,  il  a  fallu  pénétrer 
plus  avant  pour  essayer  de  saisir  les  caractères  vrai- 
ment génériques  qui  sont  les  variantes  du  texte.  On 
comprend  tout  ce  qu'une  pareille  tâche  exige  de 
comparaisons  minutieuses  et  combien  ces  comparai* 
sons  sont  difficiles  lorsqu'elles  doivent  porter  sur 
d'énormes  manuscrits  souvent  fort  éloignés  les  uns 
des  autres  !  Heureusement,  un  fîl  conducteur  nous  a 
guidé  dans  ce  dédale  :  ce  fil^  nous  l'avons  trouvé 
dans  les  titres  des  chapitres  qui,  provenant  unique- 
ment du  fait  des  copistes,  constituent  un  indice  à 
peu  près  sûr  de  l'identité  des  variantes  et  par  suite 
de  la  communauté  d'origine  des  manuscrits  où  ces 
intitulés  ajoutés  au  texte  sont  semblables.  Conformé- 
ment à  cette  méthode,  on  n'a  rangé  dans  la  même  &- 
mille  que  les  manuscrits  dont  le  texte  présente  des 
modifications  identiques  qui  leur  sont  exclusivement 
propres  et  que  l'on  ne  retrouve  point  dans  les  autres. 
Toutefois,  une  exception  a  été  admise  en  faveur  de 
certains  exemplaires  qui,  tout  en  offrant  généralement 
les  mêmes  variantes  que  ceux  auxquels  on  les  a  réu- 
nis, se  distinguent  cependant  de  ceux-ci  par  des  dif- 
férences plus  ou  moins  notables,  sans  qu'on  puisse 
d'ailleurs  les  rattacher  à  une  autre  famille.  Ces  ma- 
nuscrits excentriques  ont  été  joints  à  ceux  dont  ils 
se  rapprochent  le  plus;  seulement,  on  les  a  laissés 
en  dehors  de  l'accolade  pour  bien  marquer  leur  sin- 
gularité. 


;vGoo»^lc 


zxxiT  CHRONIQUES  DE  J.  FftOISSAAT. 

MSS.  DE  LA  PREMIÈRE  RÉDACHON 
FREUIÂRE  CLASSE. 

HSI.    DOKT   LE   TXZTK   IST    COMPLET. 

Mss.  A  l-=ms.  de  la  bibl.  de  la  ville  de  Besaa^D. 

!A  2=1113.  26^9*. 

A  3=ins.  2663. 

A  4=ms.  2674. 

A  S=:dis.  6471. 

A  6^ms.  de  la  bibl.  royale  de  la  Haye. 

!A  7=ms.  268S. 
A  8=ms.  264f . 
A  9=ins.  2642. 
A  10=1113.  131  de  sir  Thomas  Phillipps,  à  Cbel- 


A  ia=in3. 
S*  fanùUe.  {  A  19=1113. 


A  12=i]u.  267S. 
A  13=m3.  2697. 
A  14^in3.  de  la  bibl.  de  la  ville  d'Arras. 

A  lS=[ns.  6474. 

A  16 — II13.  de  l<vd  Aâhbumhaiii,  à  Ashborahâin* 
Place, 
de  la  bibl.  de  l'Universitë  de  Leyde. 


2662. 

n"   67    du    fonds   Anindel  a 
Muséum. 


1.  Les  muilucrits  diàgaét  umplemetit  par  ou  chif&e  i^ipartieiuiait 
à  notre  Bibliothèque  impàiale.  Il  faut  ajouter  à  U  lÎMe  ci-jointe,  le 
bel  exemplaire  du  premier  lÏTre  caniervé  dam  la  bibliothèque  du  châ- 
teau de  Branitz  (PnuteJ.  M&fbeureoaement,  il  ne  noni  a  pas  Ai 
donné  de  voir,  d'ëtudier  nous-même  ce  manutcrit  ;  et  les  rent^gne- 
ments  transmis  par  Son  A.  le  prince  de  PnckJei^Miukau  ne  nmu  ont 
pas  permis  de  le  oonqirendre  dans  notre  cksscmeat. 


;vGoo»^lc 


irrmoDucnoN.  xxxv 

PROPREMENT  DITE=MSS.  A. 
SECONDE  CLASSE. 

■ISS.    DONT    LK  TEX.TE  BBT   PLUS  OO    HCHnS   ABRici. 

iA  30=105.86. 
A  21  =ms.  de  la  bibl.  de  la  ville  de  Berne. 
A  22=ins.  du  fonds  de  la  bibl.  royale  su  firitûh 
Muséum. 

SA  23=ms.  3643. 
A  24=:nis.  166S  à  2667. 
A  25=n,s.  1S486. 
A  26=ins.  144  de  la  biM.  de  l'ArseDal,  à  Paris. 
A  S7=ms.  de  la  bibl.  de  la  ville  de  SainbOmer. 
A  28^ins.  de  la  bibl.  de  la  ville  de  Carpentras. 
A  29=m5.  de  la  bM.  de  la  ville  de  Bre^u. 

IA  30=Dis.  2SM. 
A  31  =ms.  de  la  bibl.  de  la  ville  de  Tours. 
A  32=iDS.  de  la  bibl.  de  la  ville  de  Toulouse. 
A  33=iiis.  du  musée  Huuter,  à  Glasgow. 

TROISIÈME  CLASSE. 

FRAGMENTS. 

!A  34s=m3.  2677. 
A  3S=ms.  2647. 
A  36=:ins.  Laud  mise.  745  de  la  bibl.  Bodlâemie, 
k  Oxford. 
A  37=ms.  de  la  bibl.  de  la'ville  de  Roueo. 

QUATRIÈME  CLASSE. 

ASBÉQÛ   PROPSBHSnT    DITS, 

A  38=m3.  SOOS. 

A  39=ms.  HF14SdeIabibl.  de  l'Arsenal. 

A  40^m8i  de  la  tnbl.  royale  de  Bnœlles. 


;vGoo»^lc 


zxxTi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT. 

Dans  ce  tableau  comme  dans  tout  le  cours  de 
notre  <klîtion,  la  première  rédaction  proprement 
dite  est  désignée  par  la  lettre  A  suivie  d'un  chiffi« 
qui  varie  pour  chacun  des  manuscrits  de  cette  ré- 
daction. 

La  première  classe  comprend  les  manuscrits  où 
le  texte  du  premier  livre  est  reproduit  intégrale- 
ment; non  qu'U  n'y  manque  çà  et  là  des  mots  ou 
même  des  membres  de  phrase^  mais  ces  lacunes  ré- 
sultent de  l'inadvertance  des  copistes  et  n'ont  pas  le 
caractère  de  suppressions  systématiques. 

Dans  la  première  famille  de  cette  classe^  le  ms. 
de  Besançon  a*  été  mis  à  part,  non-seulement  à  cause 
de  son  antiquité  exceptionnelle,  mais  encore  parce 
que  le  premier  livre,  s'il  s'étend  beaucoup  plus  loin 
dans  cet  exemplaire  que  dans  les  cinq  congénères, 
manque  en  revanche  des  trois  ou  quatre  chapitres 
qui  le  terminent  dans  ces  derniers  mss. 

La  seconde  Ëimille  (mss.  A  7  à  10*)  comprend  les 
copies  à  la  fois  les  moins  étendues  et  les  plus  an- 
ciennes du  premier  livre;  ces  manuscrits  ont  cela  de 
très-particulier  qu'ils  ne  semblent  pas  dériver  les  uns 
des  autres  et  ne  présentent  pas  toujours  les  mêmes 
variantes. 

Les  troisième,  quatrième  et  cinquième  familles  de 
la  première  classe  (mss.  Ali  à  19)  sont  plus  mo- 


1.  Hou  ■mî,  H.  A.  Cutui,  *  pofaUtf  une  exoelleDte  Ande  inr  le  ou. 
de  Siinl-Vinceiit  de  Betangon.  Biil.  Jt  CÉcoU  dtt  Chartu,  t.  XXVI, 
p.  l\kk  lU.  Bachon  crofwl M  numotœit  égtri  it  oon  perda;  H.Ca»- 
un  ne  l*i  pai  tealentent  retroar^ ,  il  a  éclaircî  toatet  lei  qoettioti*  qui 
l'j  ntuehent, 

3.  Sur  la  naniire  dont  *e  tenniiiBat  ow  maniucriti,  tojbs  ce  qui  a 
iii  dit  plu*  haut,  p.  mi  et  si*,  xxm  et  xxnn. 


;vGoo»^lc 


INTOODUCTION.  xxxvn 

deraes  que  les  deux  familles  précédentes;  et  un  cer- 
tain nombre  d'additions  des  mss.  Ail  à  1 9^  mais 
surtout  des  mss.  Alla  14^  ne  doivent  provenir 
que  du  tait  des  copistes. 

La  seconde  classe  embrasse  les  manuscrits  où  le 
texte  est  tantôt  complet,  tantôt  plus  ou  moins  abrégé. 
Dans  les  exemplaires  de  cette  classe,  les  lacunes,  les 
abréviations,  au  lieu  d'être  comme  dans  ceux  de  la 
première  une  exception  due  à  la  distraction  d'un 
scribe,  deviennent  la  règle;  et  ce  système  desujipres- 
siens  s'étend  à  toutes  les  parties,  on  pourrait  pres- 
que dire  à  tous  les  chapitres  du  texte, 

La  première  famille  de  la  seconde  classe  (mss.  A 
20  à  22]  dmve  de  la  première  famille  de  la  pre- 
mière classe  (mss.  AI  à  6) . 

Le  texte  est  encore  plus  abrégé  dans  les  mss.  A 
23  à  28  que  dans  les  mss.  A  20  à  22. 

$i  dans  la  deuxième  famille  de  la  seconde  classe  le 
ms.  de  Breslau  a  été  mis  en  dehors  de  l'accolade, 
c'est  qu'à  partir  de  1340  le  texte  y  est  plus  déve- 
loppé et  offre  certains  détails  qu'on  ne  trouve  pas 
dans  les  autres  mss.  de  la  même  famille. 

Les  simples  fragments  du  premier  livre  sont  ran- 
gés dans  la  b>obième  classe.  Les  mss.  34  à  36,  qui 
sont  la  reproduction  les  uns  des  autres,  ne  con- 
tiennent que  le  commencement  du  premier  livre; 
le  texte,  d'ailleurs  complet,  de  ces  mss.  s'arrête  à  la 
mort  de  Philippe  de  Valois  en  1350.  Quant  au  ms. 
de  Rouen,  découvert  et  signalé  pour  la  première  fois 
par  M.  Delisle,  on  n'y  trouve  que  des  chapitres  dé-  - 
tachés. 

Les  mss.  A  3S  à  40,  qui  composent  la  quatrième 
classe,  renferment  le  même  résumé  des  quatre  livres 


;vGoo»^lc 


uxrm  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

des  Chroniques  abr^ës  chapitre  par  chapitre;  le  pre- 
mier livre  est  divisé  dans  ce  résumé  en  1 67  cha- 
pitres. 

§  5.  De  la  première  rédaction  revisée  ;  —  ciaS' 
t  des  manuscrits  de  cette  rédaction. 


La  première  rédaction  revisée,  comparée  à  la 
première  rédaction  proprement  dite,  présente  trois 
différences  caractéristiques  H  '  le  texte  des  onze  pre- 
miers paragraphes  du  premier  livre  est  différent  dans 
les  deux  rédactions;  2'  de  1350  à  1356,  la  première 
rédaction  revisée  substitue  un  récit  plus  ample  au 
fragment  fort  sec  que  la  première  rédaction  propre- 
ment dite  offre  pour  la  même  p«iode;  3*  de  1372 
à  *378,  le  texte  de  la  première  rédaction  propre- 
ment dite  est  revisé  et  développé  dans  la  première 
rédaction  appelée  pour  cette  raison  revisée. 

Ces  deux  dernières  différences  sont  tout  k  l'avan- 
tage de  la  première  rédaction  revisée  et  prouvent 
surabondamment^  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
qu'elle  a  été  composée  après  la  première  rédaction 
proprement  dite  sur  laquelle  elle  constitue  un  pro- 
grès notable.  Il  n'en  est  pas  ainsi  de  la  première 
différence  :  on  trouve  dans  les  manuscrits  de  la 
branche  plus  ancienne  un  meilleur  texte  que  dans 
ceux  de  la  branche  plus  moderne.  Serait-ce  pour 
cette  raison  qu'il  a  été  reproduit  dans  la  seconde 
rédacdon  de  préférence  à  celui  de  la  première  ré- 
daction re  visée  ? 

Suivant  une  remarque  déjà  faite,  les  manuscrits  de 
Froissart  sont  d'autant  plus  nombreux  que  la  ré- 
daction qu'ils  représentent  est  plus  ancienne.    I^ 


;vGoo»^lc 


IWraODUCnON.  xmx 

nombre  des  exemplaires  de  la  première  rédaction 
revisée  confirme  cette  observation.  Cette  rédaction 
ne  compte  aujourd'hui  que  trois  manuscrits  com- 
plets; mais  notre  Bibliothèque  impériale  en  possède 
un  quatrième  exemplaire  dont  malheureusement  le 
tome  I,  qui  contenait  la  plus  grande  partie  du  pre- 
mier livre^  ne  se  retrouve  plus.  L'Anglais  Johnes,  qui 
vivait  au  commencement  de  ce  siècle  et  dont  il  pa- 
raît que  la  riche  collection  a  péri  dans  un  incendie, 
devait  aussi  avoir  en  sa  possession  au  moins  un 
manuscrit  de  la  rédaction  dont  il  s'agit,  puisqu'il  a 
signalé  et  publié  le  premier  certaines  variantes  pro- 
pres à  cette  rédaction  '  ;  et  la  bonne  leçon  de  1 350 
à  1356,  renvoyée  en  appendice  à  la  fin  du  ms. 
du  fonds  Arundel  67  au  British  Muséum,  avait  peut- 
être  été  extraite  au  cpiinzième  siècle  des  manus- 
crits qui  plus  tard  ont  appartenu  au  châtelain  de 
Hafod.  On  arrive  ainsi  pour  la  première  rédactioD 
révisée  à  un  total  de  cinq  manuscrits  au  moins  con- 
tre quarante  de  la  première  rédaction  proprement 
dite,  deux  de  la  seconde,  un  seulement  de  la  troi- 
sième. 

1.  Voyta  l'^tîoii  imprima  par  Johite*  en  Kn  cluttean  d'Hafod 
en  1803,  fonnau  in-ï"  et  iii-8*.  Johne*  Mt  également  l'inteur  d'ime 
tnductîon  ancloÎM  des  iUtnoirti  dt  ia  Cumt  de  Saialt-PiUafe  tur  Frou- 
lari,  qui  parut  i  Londret  en  1801.  Notre  chroniqneur  a  an  tonjonra 
inipirer  de  belles  pawioiu  A  no*  toUîiu;  «tpiront  que  Jolines  buib  de* 


;vGoo»^lc 


u.  CHKONIQUBS  DB  J.  FfLOISSART. 

Mss.  DE  LA.  PHKMIÉXtB  RÉDACnON  REVISâK=Hu.  B. 

B  l^nu.  6477  à  6479*. 
(B  t=(t.  I  nuDcpie)  ;  t-  n  cot^  S006  (du  P-  1  au  f  104). 
{b  3=[DS.  S03S6  «t  S03S7>  (du  f^  f  au  f  81  t<). 

B  4=:iiu.  de  Houcb;-NoaiUes,  à  Hondiy-le-Châtel. 


B  S^ms.  da  foods  Anmdd  S7  au  Bridsb  Htuenm  (du  ^  8S8 
Ml  P-  373).         

B  6£=ms.  10144  [dn  f*  422  au  f^  532  et  du  f  80»  au  f»886). 

Dans  le  tableau  qui  précède  et  dans  le  cours  de 
œtte  édition,  de  même  que  la  lettre  A  désigne  la 
première  rédaction  proprement  dite,  la  lettre  B  cor- 
respond à  la  premî^  rédaction  revisée  dont  les  di- 
vers manuscrits  sont  indiqués  par  les  chiflRres  qui 
suivent  B. 

A  défaut  du  tome  I  aujourd'hui  perdu  du  manus- 
crit B2,  le  manuscrit  Bl,  le  plus  ancien  de  beau- 
coup et  le  meilleur  de  la  branche  dont  il  fait  partie, 
a  été  adopté  comme  texte  du  premier  livre;  et  l'on 
exposera  plus  loin  les  raisons  qui  ont  dicté  ce 
choix*. 

Les  mss.  B2  et  h3  ofirent  le  même  texte,  plus  an- 
cien dans  le  ms.  B2,  plus  moderne  dans  le  ms.  B3 

1 .  Dan*  De  ubtean ,  comme  d*i»  le  pHoMent ,  In  muiu(crîu  déâ- 
gaét  par  mi  ùmple  chif&e  apputiennent  i  notra  Bibliothèque  inipé- 
riale. 

S  •  Ce  muiuscrit ,  qui  provient  du  fondi  de  Gaipiière* ,  «t  toujonri 
appelé  dam  les  variante*  da  texte  de  ce  volume  :  Ht.  J»  GaigmUrtt. 
Duu  le*  volume*  raivanti,  il  len  déiigné  loo»  la  rubrique  B3,  le 
mi.  6477  i  6479  *otu  la  mbrîqne  Bl,  le  ma.  de  Mouohf'Noaille*  loui 
la  rubrique  B4. 

3.  Vojes  le  chapitre  i  de  la  tecoade  partie  de  cette  întroduoiioii. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  zu 

qui  n'est  qu'une  copie  du  premier;  voilà  pourquoi 
ces  deux  mss.  ont  été  réunis  par  une  accolade.  Une 
main  postérieure  a  pris  à  tâche  de  faire  disparaître 
du  ms.  B2,  en  grattant  ou  en  ajoutant  des  lettres  à 
certains  mots^  une  empreinte  wallonne  très-caracté- 
risée  ainsi  que  les  signes  usités  dans  notre  ancienne 
langue  pour  marquer  la  distinction  du  cas  sujet  et 
du  cas  r^ime  qui  est  encore  généralement  observée 
dans  ce  précieux  ms.  Il  est  âcheui  que  nous  ne 
connaissions  pas  la  date  précise  de  l'exécution  du 
ms.  B3  :  nous  saurions  ainsi  à  quelle  époque  la  &- 
meuse  r^le  de  l's  est  devenue,  non-seulement  une 
lettre  close,  mais  encore  un  objet  de  scandale  pour 
ceux  qui  faisaient  copier  ou  copiaient  les  manuscrits. 
Ce  qui  prouve,  malgré  la  différence  de  l'ortho- 
graphe, que  le  ms.  B3  a  été  copié  sur  le  ms.  B3, 
c'est  que  la  plupart  des  notes  marginales  du  t.  Il 
coté  5006  se  trouvent  reproduites  sur  les  maires  du 
t.  n  de  l'exemplaire  provenant  du  fonds  de  Gai- 
gnières  coté  20357. 

ï..es  mss.  El,  B2-3  et  B4  ont  cela  de  particulier 
qu'aucun  des  trois  n'a  été  copié  sur  l'un  des  deux 
autres';  en  d'autres  termes,  chacun  d'eux  a  sa  valeur 
propre  et  indépendante.  ï^a  rareté  relative  des  exem- 
plaires de  la  première  rédaction  revisée  rend  cette 
circonstance  doublement  précieuse. 

Comme  le  ms.  du  British  Muséum  fonds  Arundcl 
n"  67  appartient  à  la  première  rédaction  proprement 
dite,  il  ne  donne  pour  la  partie  du  premier  livre 
comprise  entre  1350  et  1356  que  le  sec  fragment 

1.  Sta  h  maiùèR  dont  m  tennine  le  premier  li-rre  dam  let  dÎTen 
muiiucriti  de  la  première  rédaction  reritée ,  vojrei  plot  haut  ta  fin  do 
$  a,  p.  xm  et  XIV,  ixTO  et  ima. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


zm  CBRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT. 

qui  caractërise  les  exemplaires  de  cette  branche.  Mais 
une  note  placée  en  mai^  du  ms.,  au  feuillet  173, 
renvoie  à  la  leçon  plus  ample  propre  à  la  première 
rédaction  revisée  que  le  copiste  du  ms.  Arundel  avait 
sans  doute  connue  trop  tard  pour  l'insérer  dans  le 
corps  du  texte.  Cette  note  est  conçue  en  ces  termes  : 
a  Après  ceste  présente  rubriche  de  rouge  coumen- 
sant  :  Coument  le  roy  Phelippe  de  France  trespassa, 
fàult  seize  feiles  lesquels  vous  trouverez  au  dernier 
du  livre.  Et  coumence  la  rubriche  de  rouge  :  Du 
chapelet  de  perles  que  le  rojr  Edouart  ^An^terre 
donna....  »  Le  fragment  du  ms.  Arundel  figure  sous 
la  rubrique  B5  dans  le  tableau  des  mss.  de  la  pre- 
mière rédaction  revisée  et  sera  désigné  ainsi  dans 
notre  édition. 

On  conserve  à  notre  Bibliothèque  impériale  sous 
le  numéro  10144  un  abrégé  du  premier  livre  tel- 
lement original  qu'on  pourrait  le  considérer  presque 
comme  une  quatrième  rédaction.  Cet  abrégé  se  ter- 
mine par  Vexplicit  suivant  :  «  Che  sont  les  croni- 
ques  de  Froissart.  Cest  croniques  escript  Bertoulet 
Lebrun^  archiés  de  corps  de  Phelippe  duc  de  Bour- 
goigne,  que  Dieu  absol  I  et  le  commencha  au  Noël 
mil  CCCLXXVU'i  et  furent  feit  quinze  jours  de- 
vant le  Saint  Jehan  Baptiste  en  sievant.  Et  priés  à 
Dieu  pour  luy,  et  il  pri[er]a  à  Dieu  pour  vout  (sic) 
et  pour  tous  vos  amis.  Et  avoit  le  dit  Bertoulet 
soissante  trois  ans  quant  il  furent  parfait,  v  Le  ca- 
ractère paléographique  du  ms.  10 144  s'accorde 
bien  avec  la  date  de  1477  que  le  copiste  a  voulu 

1 .  Le  copÏMe  doit  htoït  oablU  un  C.  Cet  mots  :  que  Dlta  atiol  ne 
penrent  «e  rapporter  qn'i  Philippe  le  Bon,  duc  de  Bourgogne,  mort  A 
Bmge*  le  H  jniu  1467, 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  xim 

écrire^  et  l'orthographe  de  ce  ms.  sent^  comme  on 
vient  de  le  voir,  son  archer  d'une  Ueue.  D'ailleurs, 
rien  dans  te  contenu  de  cet  abrégé  n'autorise  à  mettre 
en  doute  l'authenticité  de  l'exemplaire  unique  qui 
nous  l'a  conservé.  Il  porte  comme  tous  les  bons 
manuscrits  des  Chroniques  une  forte  empreinte  de 
dialecte  wallon  ;  et  il  rectifie  ou  complète  parfois 
heureusement  les  autres  rédactions  du  premier  livi^'. 
Le  ms.  10 1M  contient,  du  feuillet  423  au  feuillet 
532,  pour  les  années  1350  à  1356,  le  même  texte, 
mais  plus  abr^é,  que  les  mss.  de  la  première  rédac- 
tion revisée.  Il  renferme  aussi,  à  partir  du  feuillet 
809,  pour  les  années  1 372  à  1 375,  un  sommaire  de 
la  version  particulière  à  ces  mêmes  manuscrits.  Ces 
deux  circonstances  nous  ont  déterminé  à  le  classa 
sous  la  rubrique  B6  parmi  les  exemplaires  de  la  pre- 
mière rédaction  revisée. 


CHAPITRE  n. 

DS   LA  SBCOIfVB    R^DICTIOS  ;  —  HÀNUBCUTB   d'âHIBIIB   ET  BB 

TALKHCIENItES  ;  CABACTiHSS    DISTIHCTIFg    DE    CSITE  tii- 

La  seconde  rédaction  ne  nous  est  parvenue  que 
dans  les  deux  manuscrits  d'Amiens  et  de  Valen- 
eiennes. 

Le  manuscrit  d'Amiens'  est  le  seul  qui  représente 
la  seconde  rédaction  d'une   manière    complète  ;   il 

1.  Notre  ^itioD  eit  la  Mule  où  I'od  ait  utilisa  ce  précieux  abr^g^. 

3.  Grn^  în-fol.  riïia  de  208  feuîlleti.  Le  texte  est  diiposé  tar  deux 
colonne*  Sont  chacoiie  a  loixaDte  lignei.  Écritare  de  la  première  moitié 
du  quinûème  nicle. 


;vGoo»^lc 


xLti  CHRONIQUES  DE  ].  FaOISSAAT. 

voyelles  un  double  «'parasite^  ce  trait  apparaît  seule- 
mentdans  le  manuscrit  d'Amiens.  EJirevancfae^tous  les 
exemples  de  leur  employé  adverbialement  pour  là  où, 
relevés  jusqu'à  ce  jour  par  l'éditeur,  appartiennent  à 
l'abrégé  de  Valenciennes*. 

Malgré  de  nombreuses  exceptions  dues  à  l'influence, 
à  la  prépondérance  croissantes  du  dialecte  français, 
l'emploi  du  cA  à  la  place  du  ç  doux  français  et  du  c 
dur  au  lieu  du  ch  fiançais,  commun  à  l'origine  aux 
dialectes  picard ,  wallon  et  même  normand ,  est  en- 
core assez  général  dans  les  manuscrits  d'Amiens  et  de 
Valenciennes  avec  cette  difTérence  que  le  changement 
du  ç  doux  en  cA  est  beaucoup  plus  fréquent  dans  le 
premier  de  ces  manuscrits,  et  l'usage  du  c  dur  plus 
marqué  et  plus  étendu  dans  le  second.  Ainsi,  on  lit 
d'ordinaire:  cAité*,  pourveancAe*  dans  le  ms.  d'A- 
miens cf.  nté*,  pourveance'  dans  le  ms.  de  Valen- 
ciennes; en  retour,  le  ms.  de  Valenciennes  écrit: 
wi^uet*  et  do^e'  là  où  l'on  trouve  dans  le  ms.  d'A- 
miens; guichet*,  cloce*  ou  cloche".  Le  ms.  d'Amiens 
substitue  même  parfois  un  ch  au  c  dur  picard  comme 
dans:  pourc^chier"  ou  au  c  dur  français,  par  exem- 
ple, dans:  cAouchièrent*^  mais  ce  sont  là  des  excep- 


nuiiuwirit  6^77-6479,  anc[Qe1  noDi  «todi  empnmtë  le  texte  du  prenùtr 
Urre  et  où  l'empreinte  wallonne  eit  «oui  trè»  marquée,  ofifre  ptrfoû  ta 
m&ue  particalaritj.  Voyez  p.  19,  1.  17. 

1.  ■  ....  û  qn'ilz  ne  seureot  dedens  denx  jonn   Uur  il  eltoîent.  ■ 
i^9T'.  ^  ■  ....  tiiei  sur  one  ««qnidle /eur  tont  lepeopte  te  Teoient.  ■• 

3.  P.    253.  —  3.  p.   277.  —  4.   M»,   de   Valencicnne*,  P>   12   V. 

-  5.  rtW.,  MB  T».  —  6.  P.  Vti.  —  7.  p.  485  et  490.  -  8.  p.  445. 

—  9.  p.  490.—  10.  p.  485. 

U.  P.  231  :  ■  ....  Bcqnerre  et  pourchachier  amii  et  confortaïu....  » 
Pourehachier  est  une  fomte  walloune  du  françau  actuel  pourchiuter. 
13.  P.  333:«....îlcliouchiirentgrsiit  foîiond'ari]reietdeboû....K 


;vGoo»^lc 


INTRODUCnON.  Jawi 

tions^  ainsi  que  le  prouvent  d'autres  passages  où  les 
mots  cités  figurent  sous  la  forme  ordinaire  y  et  ces 
exceptions  doivent  sans  doute  être  mises  sur  le  compte 
de  l'allitération*. 

La  seconde  rédaction  présente  deux  particularités 
par  où  elle  se  rapproche  tour  à  tour  des  deux  bran- 
ches de  celle  qui  l*a  précédée  :  ainsi  les  onze  para- 
graphes du  commencement  du  premier  livre  jusqu'au 
départ  d'Isabelle  pour  l'AngleteFre  ea  i  326  sont  sem- 
blables dans  les  manuscrits  d'Amiens  et  de  Valen- 
ciennes  et  dans  ceux  de  la  première  rédaction  pro- 
prement dite^  Undis  que  de  1372  à  1377  le  texte 
plus  ample  qui  caractérise  les  exemplaires  de  la  pre- 
mière rédaction  revisée  est  reproduit  dans  le  ms. 
d'Amiens.  Cette  dernière  ressemblance  est  impor- 
tante au  plus  haut  point  et  mérite  une  attention  spé- 
ciale :  elle  tend  à  prouver  tout  à  la  fois^  pour  le  dire 
en  passant,  que  la  première  rédaction  revisée  et  la 
seconde  rédaction  sont  l'une  et  l'autre  postérieures 
à  la  première  rédaction  proprement  dite. 

Pour  toute  la  partie  du  premier  livre,  comprise 
entre  le  retour  d'Isabelle  en  Angleterre  en  1 326  et  la 
reddition  de  la  Rochelle  en  1372,  les  première  et 
sec  onde  rédactions  ofErent  encore  çà  et  là  des  parties 
communes;  on  peut  dire  néanmoins  qu'entre  ces 
deux  dates  la  seconde  rédaction  est  profondément 

Choschier  eU  one  forme  miment  étrange  <pii  poiarait  bien  Ctre  1'^ 
qni'ntlent  de  coucAier. 

l .  En  attendant  le  glossaire  qnï  doit  ^tre  joint  à  cette  édition ,  c'est 
ici  l'ocouiou  de  signaler  aux  philologues  le  mot  itcie  dans  le  pasuge 

■nÏTant  du  mt.  d'Amiens  :  k chianx  de  te  kecie  euunglontés —  s 

Vojcz  page  364'  M.  Kervjn  a  lu  :  lieule.  OËorres  de  Froissait,  Cltro- 
niqutt,  t.  Û,  p.  133-  C'est  bien  le  sens,  mais  lUule  n'est  pu  dans  le 


DiqitizeabyG00»^lc 


XLTui  CHRONIQUES  DE  J.  FfiOISSA&T. 

distincte  de  la  première  dans  le  fond  aussi  bien  que 

dans  la  forme. 

On  a  vu  dans  le  chapitre  précédent  que  la  pre- 
mière rédaction  s'est  formée  successivement  et  par 
parties.  Il  ne  semble  pas  qu'il  en  ait  été  ainsi  de  la 
seconde;  du  moins  on  ne  distingue  dans  le  ms. 
d'Amiens  aucune  trace  de  ces  lacunes,  de  ces  sutures 
si  visibles  dans  les  exemplaires  de  la  première. 

A  quelle  date  a  été  composée  la  seconde  rédaction? 
la  réponse  à  cette  question  a  été  faite  plus  haut', 
mais  il  importe  de  reproduire  ici  textuellement  les 
deux  passages  des  manuscrits  d'Amiens  et  de  Valen- 
cieones  qui  ont  dicté  cette  réponse.  On  lit  dans  le  ms. 
d'Amiens  :  a  Et  puis  fu  chils  enfez  prinche  de  Gallez 
et  très  bons,  hardis  et  enlreprendans  chevaliers  et 
qui  durement  et  fièrement  guaria  tant  qu'il  vesqui; 
mes  il  mourut  dès  le  vivant  le  roy  son  père,  ensi 
comme  vous  orez  en  ceste  histoire*.  »  P  20.  Ce 
passage  se  retrouve  en  abrégé  dans  le  ms.  de  Valen- 
ciennes  :  «  ....  et  iist  en  France  et  ailleurs  moult  de 
beaux  fais  d'armes,  et  mourut  josne  du  vwant  son 
père  *.  »  F*  42.  Ainsi  dès  les  premiers  feuillets  des 
manuscrits  d'Amiens  et  de  Yalenciennes  il  est  fait 
mention  de  la  mort  du  prince  de  Galles  qui  eut  lieu 
en  1 37G  :  on  est  forcé  d'en  conclure  que  la  seconde 
rédaction  n'a  pu  être  composée  qu'âpre  celte  date. 

Rien  n'autorise  à  supposer  que  le  passage  dont  il 
s'agit  est  le  résultat  d'une  interpolation;  outre  que 
cette  supposition  serait  gratuite,  un  détail  matériel 
du  manuscrit  d'Amiens  la  rend  tout  à  fait  înadmis- 


1.  Vojcsch^.  I,  S  1,  p.  TU  i  n.  • 
3-   P.  349,  «n  nota. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  xuit 

sîble.  Les  premiers  feuillets  de  ce  ms,  présentent  un 
caractère  particulier  qui  frappe  le  lecteur  :  la  plu- 
part des  noms  propres  y  sont  laissés  en  blanc*  ou 
bien  ils  sont  aflreusement  estropiés.  On  y  lit,  par 
exemple  :  o  Pbelippes  de  Faleur*  »  pour  «  Phelippes 
de  Valois.  »  Ces  lacunes  ou  ces  erreurs  grossières 
sont  d'autant  plus  étranges  qu'on  les  rencontre  seu- 
lement dans  les  premiers  feuillets  et  que  le  manuscrit 
est  du  reste  exécuté  avec  beaucoup  de  soin.  On  par- 
vient à  les  expliquer  en  supposantque  le  copiste  avait 
sous  les  yeux  un  brouillon  en  écriture  cursive  plus 
ou  moins  illisible  dont  il  n'avait  pas  encore  l'babi- 
tude  quand  il  a  écrit  ces  premiers  feuillets  :  il  a  deviné 
d'abord  plutôt  qu'il  n'a  lu  les  mots  ordinaires;  les 
noms  propres  sont  les  seuls  que  le  contexte  n'aide 
pas  à  déchifirer,  c'est  pourquoi  il  les  a  estropiés  ou 
laissés  en  blanc;  puis,  il  s'est  vite  accoutumé  à  ce 
giimoire,  il  en  a  trouvé  la  clef,  et  alors  les  lacunes 
et  les  bévues  monstrueuses  ont  disparu  presque  en- 
tièrement de  sa  copie.  En  même  temps  que  ces  la- 
cunes attestent  cbez  le  copiste  le  désir  de  reproduire 
servilement  et  scrupuleusement  le  modèle,  elles  font 
supposer  que  ce  modèle  était  un  autographe  ou  du 
moins  un  original  en  caractères  tracés  à  la  hâte  sous 
la  dictée  de  Froissart,  car  l'écriture  des  manuscrits 
de  cette  époque  exécutés  à  loisir  par  des  scribes  pro- 
prement dits  est  généralement  plus  ou  moins  posée 
et  dans  tous  les  cas  très-Usible. 

Cette  explication  est  trop  naturelle  pour  ne  s'être 

1.  Vojes  nOB  variante*,  p,  311,  313)  317,  etc.  Le»  lacnnei  du 
"'mien»  ont  éU   comblées  il  l'aide  du  texte   de   Valen- 


D,qit,zeabvG00»^lc 


L  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSAAT. 

pas  déjà  présentée  à  l'esprit  des  énidits  qui  ont  exa- 
miné le  manuscrit  d'Amiens.  «  Le  manuscrit  d'A- 
miens, dit  M.  Rigollot^  a  été  copié  avec  beaucoup  de 
scrupule,  peut-être  sur  un  manuscrit  autographe; 
on  remarque  sur  le  premier  feuillet  que  plusieurs 
mots  sont  restés  en  blanc,  probablement  parce  que 
le  copiste  n'avait  pu  les  lire  sur  les  premières  pages 
de  l'original  qui  auront  été  plus  usées  que  les  au- 
tres'. »  On  ne  saurait  donc  attribuer  à  une  int^^- 
lalion  le  passage  qui  mentionne  dès  les  premiers 
feuillets  des  manuscrits  d'Amiens  et  de  Valenciennes 
la  mort  du  Prince  Noir  ;  d'oii  il  suit,  pour  le  répéter 
encore  une  fois,  que  la  seconde  rédaction  est  dans 
toutes  ses  parties  postérieure  à  1376. 

Cette  date  de  1376  nous  amène  à  l'époque  où  les 
liens  les  plus  étroits  qui  unissaient  Froissart  au  pays 
adoptif  de  Philippe  de  Hainaut,  à  la  patrie  du  Prince 
Noir^  sont  désormais  rompus;  c'est  aussi  le  temps 
oiJ  la  France  se  relève  grâce  à  la  sagesse  de  Charles  V, 
à  l'épée  de  Duguesclîn  et  fait  reculer  de  jour  en  jour 
ses  envahisseurs.  Lorsque  l'auteur  des  Chroniques 
composa  de  1369  à  1373  la  partie  de  sa  première 
rédaction  antérieure  à  ces  deux  dates,  il  venait  de 
passer  huit  années  à  la  cour  d'Angleterre;  il  avait 
entendu  raconter  par  des  chevaliers  de  cette  na- 
tion les  victoires  qui  avaient  porté  si  haut  la  gloire 
d'Edouard  III,  notamment  celles  de  Crécy  et  de  Poi- 
tiers :  enfin  le  récit  même  qu'il  entreprenait  lui  était 
commandé,  il  a  soin  de  nous  le  dire  dans  le  prolo- 
gue, par  ce  Robert  de  Namur  qui,  entré  au  service 

I .  Mémoire  mr  le  numnKTÎt  de  ProiiMTt  de  la  ville  d'Amietu  et  en 
particulier  sur  le  récit  de  la  bataille  de  Ctéey,  par  H.  Rîgollot,  dans  le 
t. m  det  Mémoire*  dt  la  tociéti  dtt  aatiquairei  d»  Piean^,  p.  133,  ai  note. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  u 

du  roi  son  beau-frère  depuis  le  siège  de  Calais  en 
13A6j  combattait  encore  dans  les  rangs  des  Anglais 
à  la  chevauchée  de  Tournehem  en  1369.  Qui  s'éton- 
nerait après  cela  que  Froissart  ayant  vécu  si  long- 
temps dans  un  pareil  milieu  et  resté  soumis  à  la 
même  influence  nous  ait  donné  presque  toujours 
dans  sa  première  rédaction  la  version  anglaise  des 
grands  événements  de  cette  période  et  entre  autres 
du  si^  de  Calais,  des  batailles  de  Crécy  et  de  Poi- 
tiers 1  Qui  ne  comprend  que  le  peintre  a  pu  sans 
parti  pris  faire  prédominer  la  couleur  anglaise  dans 
ses  tableaux  !  Comme  cette  couleur  se  présentait  seule 
sous  sa  palette,  elle  est  venue  pour  ainsi  dire  d'elle- 
même  s'empreindre  sur  la  toile. 

Mais  après  1376  nous  trouvons  le  curé  des 
Estinnes,  le  poëte  de  Weoceslas,  le  chapelain  du 
comte  de  Blois  placé  dans  un  tout  autre  milieu , 
soumis  à  des  influences  bien  différentes.  Wenceslas 
de  Luxemboui^,  duc  de  Brabant,  était  fib  de  cet 
héroïque  roi  de  Bohême  qui  avait  voulu,  quoique 
aveugle ,  se  faire  tuer  à  Crécy  en  combattant  pour 
la  France,  a  Wenceslas,  dit  excellemment  M.  Pin- 
chart,  quoique  d'origine  allemande,  avait  reçu, 
comme  ses  prédécesseurs,  une  éducation  toute  fran- 
çaise. Il  introdubit  au  palais  de  Bruxelles  bien  des 
changements  calqués  sur  la  cour  des  rois  de  France 
qu'il  avait  souvent  visitée  :  entre  autres  voyages 
qu'il  y  fit,  Jeanne  et  lui  furent  présents  au  sacre 
de  Charles  V  à  Reims  en  1364;  ils  avaient  même 
pour  ce  prince  une  affection  telle  qu'ils  portèrent  le 
deuil  à  sa  mort*.  » 

] .  étuJt  inr  [hinmre  ik*  aru  on  mafin  igt,  par  Pinehart,  p.  17  et  16. 


;vGoo»^lc 


ut  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

T^  cour  de  Gui  n  de  ChâtUlon  était  encore  plus 
propre  que  celle  de  Wencesias  à  dépayser  les  affec- 
tiens,  les  préventions  de  l'ancien  clerc  de  la  reine 
Philippe  et  à  diminuer  l'ascendant  de  ses  souvenirs 
anglais.  Champenoise  d'origine  et  chevaleresque  en- 
tre toutes,  riÛustre  maison  de  Chàtillon  à  laquelle 
appartenait  Gui  était  vraiment  deux  fois  française. 
Le  père  de  Gui,  Louis  de  Chàtillon  avait  succombé 
à  <>écy  sous  les  coups  des  Anglais;  et  sa  m^, 
Jeanne  de  Hainaut  était  la  fille  unique  de  Jean  de 
Hainaut  qui,  rallié  à  la  France,  s'était  tenu  constam- 
ment aux  côtés  de  Phitippe  de  Valois  dans  la  désas- 
treuse journée  du  26  août  1346.  Gui  lui-même  avait 
été  donné  en  otage  au  roi  d'Angleterre  à  l'occasion  de 
la  mise  en  liherté  du  roi  Jean;  et  pour  se  racheter 
il  avait  dû  céder  par  un  contrat  passé  à  I.ondres 
le  15  juillet  1367  son  comté  de  Soissons  à  Ënguer- 
rand,  sire  de  Coucy.  Fait  plus  tard  chevalier  pendant 
une  croisade  contre  les  païens  de  la  Prusse,  Gui 
s'était  joint  en  1370  aux  ducs  de  Berry  et  d'Anjou 
et  avait  pris  part  en  Guyenne  à  la  guerre  contre  les 
Anglais;  en  1383  enfin  il  commandait  l'arrière-garde 
de  l'armée  française  à  Roosebecke.  Écrite  certaine- 
ment après  1 376  et  probablement  de  1 376  à  la  fin  de 
1383,  époque  où  mourut  Wenceslas  et  où  Froissart 
fiit  attaché  définitivement  au  service  de  Gui  de  filois , 
la  seconde  rédaction  a  été  composée  dans  le  milieu, 
sous  la  double  influence  que  nous  venons  d'indiquer; 
et  si  l'auteur  ne  l'a  pas  fait  précéder  d'une  dédicace 
comme  il  en  avait  mis  une  dans  le  prologue  de  ta 
première,  ne  serait-ce  point  parce  qu'il  lui  répugnait 
de  manifester  une  préférence  entre  deux  puissants 
protecteurs  dont  il  avait  également  à  se  louer  et  qui 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  lui 

avaient  prodigué  l'un  et  l'autre  à  son  œuvre  leurs 
encouragemeaU  *  ? 

Toutefois,  c'est  la  veine  poétique  du  rimeur  du 
Méliador  que  le  romanesque  Wenceslas  semble  avoir 
surtout  favorisée  et  récompensée,  tandis  que  Gui  de 
Bloîs  mieux  inspiré  encouragea  avec  une  prédilec- 
tion singulière  le  génie  narratif  et  historique  du  chro- 
niqueur. Une  foule  de  passages  de  la  seconde  rédac- 
tion que  l'on  chercherait  vainement  dans  la  première 
trahissent  la  sympathie  de  Froissart  pour  la  maison 
de  Blois.  Ainsi,  dès  les  premières  lignes  du  prologue 
des  manuscrits  d'Amiens  et  de  Valenciennes,  notre 
chroniqueur  cite  parmi  les  plus  vaillants  chevaliers 
de  France  tr  messires  Caries  de  Blois  *  »  dont  il  n'a- 
vait Élit  nulle  mention  dans  la  rédaction  dédiée  à 
Robert  de  Namur.  II  dira  plus  loin  en  parlant  de  ce 
même  Charles  de  Blois  qu'il  était  «  le  mieux  et  le 
plus  grandement  enlinagiés  en  Franche  et  qui  le 
plus  y  avoit  de  prochains  de  tous  costés  et  de  bons 
amis,  j>  et  l'on  voit  en  comparant  les  deux  rédac- 
tions que  cette  phrase  a  été  ajoutée  dans  le  récit 
composé  après  1376. 

Est-ce  à  dire  que  l'auteur  des  Chroniques  soit 
allé  jusqu'à  altérer  la  vérité  par  dévouement  pour 
une  lâmille  qu'il  aimait?  Ce  serait  ne  pas  rendre 


1.  Va  extrait  de*  compte*  dureceTcnr  de  Bïnche,  publia  par  H.  Pin- 
chart,  conilate  qae,  le  35  juillet  13SS,  te  âac  de  BrabanC  fit  don  d'nQ« 
•anune  de  dit  francs  râlant  douze  litrei  dix  aons  ■  i  meuire  Jehan 
FVoisHrd,  cnret  de  Leitinnez  ou  Mont,  peur  ua  Uerc  qi^U  fitl  pour  ffla>~ 
iaigiieur.  >  Qui  aait  li  ce  Uttc  n'était  pat  un  exempliûre  de  la  *econde 
Faction  da  premier  lÏTre? 

S.  Le*  mots  :  Caria  dt  Blois  que  le  eopùte  n'arait  aani  doute  pai  pu 
lire  ont  M  Wuaia  en  blanc  dan*  le  nuniuerit  d'Anùena,  mai*  noua 
le*  avoiM  restitué*  i  l'aide  du  mauiuerii  de  Valenciennei. 


;vGoo»^lc 


uv  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSàRT. 

justice  à  l'inspiration  vraiment  lai^  et  chevaleres- 
que qui  a  dicté  les  récits  de  Froissart  :  il  a  protesté 
d'avance  contre  une  telle  supposition.  «  [Qu'on  ne 
dise  pas  que  je  aye  eu  la  noble  histoire]  corrompue 
par  la  faveur  que  je  aye  eu  au  conte  Gui  de  Blois  qui 
le  me  Bst  feire  et  qui  bien  m'en  a  payé  tant  que  je 
m'en  eontempte,  pour  ce  qu'il  fut  nepveu  et  si  prou- 
chains  que  filz  au  conte  Loys  de  Blois,  frère  germain 
à  saint  Charles  de  Blois  qui ,  tant  qu'il  vesqui,  fut 
duc  de  Bretaigne.  Nennil  vrayement  I  Car  je  n'en 
vueil  parler  fors  que  de  la  vérité  et  aler  parmy  le 
trenchant,  sans  coulourer  l'un  ne  l'autre.  Et  aussi  le 
gentil  sire  et  conte,  qui  Tistoire  me  Bst  mettre  sus 
et  ediffîer,  ne  le  voulsist  point  que  je  la  feisse  autre- 
ment que  vraye'.  d  II  y  a,  si  nous  ne  nous  trompons, 
dans  ces  paroles  plus  et  mieux  qu'une  simple  afiSr- 
mation,  il  y  a  l'accent  profond  de  la  sincérité. 

Froissart  ne  prend  le  litre  de  prêtre  que  dans  la 
seconde  rédaction,  et  l'on  sait^ar  un  compte  du 
receveur  de  Binche  qu'il  était  curé  des  Estinnes  dès 
13T3;  mais  ce  que  personne  n'a  fait  encore  remar- 
quer jusqu'à  ce  jour,  c'est  qu'un  fîef  important  Mtué 
aux  Estinnes  ou  à  Lestinnes',  suivant  l'orthographe 
du  quatorzième  siècle,  localité  dont  le  nom  s'est 
conservé  dans  les  deux  villages  des  Estinnes-au- 
Mont  et  des  Estinnes-au-Val,  appartenait,  lorsque 
Froissart  en  fut  curé,  à  Gui  de  Blois.  En  effet,  nous 
voyons  par  un  acte  daté  du  6  novembre  i  336  *  que 

1.  Ht.  de  Bewiii^n,  t.  Il,  f>333.  Les  premiers  moM  omU  dans  le 
KM.  de  BeuDçon  ont  été  restitués  à  l'aide  des  mu.  de  notre  Bîblto- 
ihèqae  impëriale,  qui  appartienneiiC  à  la  même  Famille. 

3.  La  fonne  Lestinnes,  qui  paraît  être  une  abréviation  de  lei  Enin- 
net,  e«t  seule  usitée  dans  les  document!  du  quatorzième  siècle. 

3-  Nout  dcTMU  l'indication  détaillée  de  cet  acte,  cumcrré  ans  Ar- 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  lv 

Jean  de  Haînaut  se  dessaisit  en  &Teur  de  Jeanne  sa  fille 
unique,  à  l'occasion  du  mariage  de  celle-ci  avec  Louis 
de  Châtillon^  seigneor  d'Avesnes,  fils  aîné  du  comte 
de  Blois,  de  plusieurs  parties  de  la  terre  de  Chimay, 
et  notamment  «  de  tout  chou  entirement  qu'il  a  à 
Lestinnes,  ou  tierroit  et  es  appartenances.  »  Or,  Lcs- 
tinnes  dont  il  s'agit  ici  ne  peut  être  que  les  Estinnes 
et  non  IjCssines*,  car  la  terre  et  seigneurie  de  Les- 
sines  avait  été  cédée  depuis  quelques  mois  seulement 
à  Guillaume,  comte  de  Hainaut,  en  faveur  duquel 
Willaume  de  Mortagne,  sire  de  Dossemer,  ber  ou 
baron  de  Flandre,  s'était  déshérité  de  la  dite  sei- 
gneurie au  mois  d'avril  1336*.  On  sait,  d'un  autre 
.  côté,  qu'après  la  mort  de  Louis  de  Châtillon,  frère  aîné 
de  Gui,  en  1 372,  la  seigneurie  de  Chimay  et  ses  dépen- 
dances échurent  à  ce  dernier,  déjà  pourvu  de  la  terre 
de  Beaumont  en  vertu  d'un  acte  de  partage  du  27  avril 
4361  entre  lui  et  ses  deux  frères,  Louis  et  Jean*.  Il 
&ut  donc  prendre  à  la  lettre  les  vers  suivants  du 
Buisson  de  Jonèce  écrit  en  1373  où  Froissart  énumé- 
rant  ses  protecteurs  dit  au  sujet  de  Gui  de  Blois  : 

Et  osa  mi  signenr  d«  Blois 

Loys,  Jehan  et  Gui;  des  trois 

Hoalt  acotntés  jà  un  Unips  foi 

Bt  especiaumeitt  de  Gui 

diÎTe*  da  Nord,  dans  le  fonda  de  la Chambredei Compte*,  carton  B7U, 
i  l'obligeance  de  MM.  Deiplaiiqae, Haonier  et  Loifeïd.  Voyez  l'/nveu- 
tmn  tomnuûrt  dti  arthirei  du  Kard,  t.I,p.  130  et  131. 

1.  LeMÎnes,  Belgique,  proT.  Hainaut,  arr.Thmn,  chef-lieu  de  canton. 

3.  Ed  -vertu  d'une  trauiactiou  datée  du  13  mai  1303,  uns  rente  d« 
deux  mille  livres  fut  donnée  par  le  comte  de  Hainaut  à  titre  d'apports 
d'Eliubeth  de  Hainaut,  mariée  à  Robert  de  Namur  en  1354  ;  et  cette 
rente  fal  constituée  s  sur  lei  terrei  d'Eitrew  (EstreuxJ,  de  Chièvre  et 
de  Lessine.  ■  Hist.  génial.,  par  le  P.  Anselme,  t.  U,  p.  7118. 

3.  HiiUHnde  la  nmnnds  ChoêliUon-mr'lSame,  par  Audr^duChesne, 
p.  166  et  167.  Paris,  1621,  in-fol. 


;vGoo»^lc 


L>i  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

El  eneor  le  sui  tons  Us  Jows; 
Car  daièt  II  gist  mes  séjours  : 
Cest  li  bons  sires  de  Biaumotu 
Qui  niasnoaneste  et  me  semont  *. 

Od  a  dit  que  Froissarl  obtint  le  bénéfice  des 
Estinnes  grâce  à  l'appui  dévoué  d'un  de  ses  amis, 
Gérard  d'Obies,  prévôt  de  Binche,  qui  était  en 
même  temps  le  confident  le  plus  intime  du  duc 
Wenceslas*.  Mais  si  la  collation  de  ce  bénéfice  était 
réservée  au  chapitre  de  Cambrai,  Gui,  en  sa  qualité 
de  seigneur  de  Chimay  et  probablement  de  Lestinnes 
ou  des  Estinnes,  devait  avoir  le  droit  de  présentation  : 
il  est  donc  naturel  de  voir  dans  la  nomination  de 
Froissait  à  une  cure  alors  importante  le  premier 
gage  de  cette  &veur  dont  le  comte  Gui  ne  cessa  de 
de  l'entourer,  et  il  ne  faut  pas  s'étonner  si  la  seconde 
rédaction  où  se  révèle  l'influence  toute  française 
de  la  maison  de  Blois,  a  été  composée  pendant  le 
séjour  du  chroniqueur  aux  Estinnes. 

Cette  influence  est  manifeste  dans  le  rétùt  des' 
grandes  affaires  entre  Français  et  Anglais  telles  que 
les  journées  de  Crécy  et  de  Poitiers.  Dans  sa  pre- 
mière rédaction  écrite  immédiatement  après  son  re- 
tour d'Angleterre  avec  des  matériaux  recueillis  en 
grande  partie  dans  ce  pays,  dédiée  en  outre  à  Robert 
de  Namur  alors  engagé  dans  le  parti  d'Edouard  m, 
Froissart  avait  raconté  les  mémorables  journées  des 
26  août  1346  et  19  septembre  1356  surtout  d'après 
le  témoignage  des  chevaliers  anglais  ;  il  a  pris  soin 
d'en  prévenir  loyalement  le   lecteur.  Mais  lorsque 


1.  Bibl.  imp.,  nu.  fr.  631,  P>  157  t». 

S.  ttatU  Rltérairt  lur  Frotisarl,  par  M.  Kerryn,  t.  I,  p.  lOt. 


;vGoo»^lc 


INTBODUCnON.  ltii 

l'auteur  des  Chroniques  entreprit  et  acheva  la  seconde 
Tédaction,  il  vivait  depuis  longtemps,  par  ses  re- 
lations avec  Wenceslas  et  surtout  avec  Gui  de  Châtil- 
lon,  dans  un  milieu  essentiellement  firançais.  Comme 
nous  le  disions  tout  à  l'heure^  Jean  de  Bohême, 
père  de  Wenceslas,  et  Louis  de  Chàtillon,  père 
du  comte  de  Blois,  étaient  morts  tous  les  deux  à 
Crécy  pour  les  fleurs  de  li»;  le  grand-père  maternel 
de  Gui,  Jean  de  Hainaut  avait  marché  dans  cette 
journée  aux  côtés  du  roi  de  France,  et  Froissart  dans 
sa  seconde  rédaction  rappelle  à  plusieurs  reprises 
cette  circonstance  :  te  Et  cils  qui  se  tenoit  ehe  jour 
le  plus  prochains  dou  roy,  c'estoit  messires  Jehans 
de  Haynnau,  car  li  dis  roys  Tavoit  retenu  dallez  lui 
pour  deviser  et  ordonner  par  son  conseil  en  partie 
de  ses  ennemis*.  »  Et  plus  loin  :  <c  Adonc  estoit  dal- 
lez le  roy  messires  Jehans  de  Haynnau*....  »  Une 
fois  curé  des  Estinnes,  Froissart,  invité  à  la  table  du 
duc  de  Brabant  et  du  comte  de  Blois  son  seigneur, 
dut  se  trouver  presque  tous  les  jours  en  compagnie 
de  chevaliers  qui  avaient  combattu  à  Crécy  sous  la 
bannière  de  Jean  de  Bohême,  de  Louis  de  Châtillon 
ou  de  Jean  de  Hainaut,  mais  tous  dans  les  rangs 
français  ;  il  leur  entendit  raconter  avec  cette  con- 
viction chaleureuse  propre  aux  témoins  oculaires 
une  version  de  la  bataille  à  laquelle  ils  avaient  assisté 
qui  différait  pour  certains  détails  de  sa  première 
narration  :  sans  prendre  garde  à  ces  différences,  il 
rapporta  dans  la  seconde  rédaction  le  récit  des 
chevaliers  du  parti  français  avec  la  même  fidélité 
qu'il  avait  reproduit  dans  la  première  le  témoignage 

1.  vu.  d'Amieu,  f*  93  t*.  —  3.  Ibid. 


DiqitizeabyG00»^lc 


Lvm  CHRONIQUES  DK  J.  FROISSART. 

des  gens  d'armes  du  parti  anglais.  On  en  peut  dire 
autant  de  la  bataille  de  Poitiers.  Froissart,  après  avoir 
adopté  dans  le  travail  dédié  à  Robert  de  Namur  la 
version  anglaise  de  cette  journée  fameuse,  y  a  sub- 
stitué dans  le  remaniement  postérieur  à  f  376  la  ver- 
sion française. 

Or  il  y  avait  un  chroniqueur  qui,  longtemps  avant 
Froissart,  avait  aussi  donné  la  version  française  des 
journées  de  Crécy  et  de  Poitiers,  et  en  général  de 
tous  les  événements  postérieurs  à  l'année  1345, 
époque  où  Jean  de  Hainaut,  d'abord  attaché  à  la 
cause  anglaise,  s'était  rallié  au  parti  de  la  France  : 
ce  chroniqueur,  c'était  Jean  le  Bel.  On  sait  par 
J.  de  Hemricourt  que  le  belliqueux  chanoine  de 
Liège  a  fut  délie  hosteit  monsseigneur  Jehan  de 
Haynnau,  saingnorde  Beamont  et  de  Cymay*.  nJean 
le  Bel,  d'ailleurs,  a  pris  soin  de  nous  dire,  aotam- 
ment  en  ce  qui  concerne  la  bataille  de  Crécy,  qu'il 
raconte  cette  bataille  d'après  le  témoignage  de  Jean 
de  Hainaut  et  des  chevaliers  qui  combattirent  aux 
côtés  du  seigneur  de  Beaumont  :  n  Je  l'ay  escript  au 
plus  prez  de  la  vérité,  ainsy  que  je  l'ay  ouy  recorder 
à  mon  seigneur  et  amy  i?>essîre  Jehan  de  Haynaut, 
que  Dieu  absouUe,  de  sa  'propre  bouche,  et  à  dix 
ou  à  douze  chevaliers  et  compaignons  de  son  hostel 
qui  furent  en  la  presse  avecques  le  proeu  et  gentil 
roy  de  Bohesme,  auxquelz  les  chevauk  lurent  tuez 
dessoubs  eulx;  et  si  l'ay  aussy  ouy  recorder  en  telle 
manière  à  plusieurs  chevaliers  angles  et  d'AIemaigne 
qui  lurent  là  de  l'aultre  partie'.  »  Il  n'est  donc  pas 

1,  Kirairdtt  MoèUi  dé  la  Batbaye,  éi.  de  Salbraj,  p,  158- 
lain,  t.  n,  p.  89. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCnON.  ux 

surprenant  que  le  récit  de  Jean  le  Bel  et  celui  de 

Frbissart  dans  la  seconde  rédaction  se  ressemblent  : 
ils  dérivent  d'une  source  commune  Peut-être,  du 
reste,  le  curé  des  Estinnes-au-Mont,  qui  de  i  325  à 
1 360  s'est  souvent  inspiré  de  son  devancier  dans  ses 
deux  premières  rédactions,  a-t-il  mis  à  profit  la 
chronique  du  chanoine  de  Liège  pour  la  narration 
de  la  journée  de  Grécy,  quoiqu'il  ait  disposé  les  faits 
dans  un  ordre  tout  différent. 

Nous  arrivons  ici  à  l'origine  même  de  l'erreur  re- 
grettable qui  a  fait  considérer  jusqu'à  présent  le  texte 
d'Amiens  comme  la  première  en  date  des  rédactions 
du  premier  livre.  Dans  une  dissertation  sur  la  ba- 
taille de  Crécy  publiée  en  1840  S  feu  M.  Rigollot  a 
eu  l'honneur  de  signaler  le  premier  à  Tattention 
des  érudits  le  précieux  manuscrit  d'Amiâus  et  de 
montrer  son  caractère  profondément  oi-iginal.  Malheu- 
reusement, il  borna  son  examen  au  récit  de  la  cata- 
strophe qui  intéressait  particulièrement  son  patrio- 
tisme picard;  il  supposa  avec  sagacité  que  ce  récit  est 
beaucoup  plus  rapproché  de  Jean  le  Bel  dans  la  ré- 
daction nouvelle  que  dans  celle  des  imprimés  :  il 
en  conclut  avec  une  certaine  apparence  de  raison  que 
le  manuscrit  qu'il  avait  sous  les  yeux  nous  a  conservé 
le  plus  ancien  texte  du  premier  livre.  Adoptée  par 
des  savants  aussi  considérables  que  MM.  de  Cayrol, 
L.  Polain  et  Rervyn  de  Lettenhove,  l'opinion  de 
M.  Rigollot  est  devenue  la  base  de  la  beÛe  édition 
du  premier  livre  des  Chroniques  qui  a  paru  sous  les 
auspices  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 

1.  SténuAra  Je  la  loàiti  dei  anliquaira  de  Picardie,  t.  III,  p.  133  à 
164.  A  la  diuerUtion  de  M.  Rigollot  est  joint  un  trMioa  travail  da 
M.  de  Cayrol. 


;vGoo»^lc 


Lx  CHRONIQITBS  DE  J.  FROISSAAT. 

Cette  opinion  a  un  défaut  capital  :  elle  repose  sur 
une  étude  incomplète,  restreinte  presque  à  un  seul 
point;  et  par  conséquent  la  conclusion  que  l'on  en 
Ure  n'est  pas  légitime.  La  publication  int^rale  de  la 
chronique  du  chanoine  de  Liège,  très-postérieure  à 
la  dissertation  de  M.  Rigollot,  a  prouvé  que  si  l'épi- 
sode de  la  bataille  de  Crécy  est  plus  voisin  du  texte 
de  Jean  le  Bel  dans  la  seconde  rédaction  que  dans 
les  autres,  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  l'on  en  puisse 
dire  autant  de  l'ensemble  du  premier  livre.  C'est  une 
particularité  que  présente  seule,  pour  les  raisons  in- 
diquées plus  haut,  la  partie  comprise  entre  1 345  et 
1356,  et  même  dans  cette  partie  Ton  rencontre  plus 
d'une  exception.  Que  Ton  prenne  par  exemple  dans 
le  récit  du  siège  de  Calais  qui  succède  immédiate- 
ment à  la  narration  de  la  journée  de  Crécy  le  célè- 
bre épisode  du  dévouement  des  six  boui^eois  où 
l'humiliation  des  Français  sert  à  faire  ressortir  la  pi- 
tié généreuse  de  la  reine  d'Angleterre  ainsi  que  la 
clémence  finale  d'Edouard  m  :  on  verra  que  Frois- 
sart,  qui  dans  sa  première  rédaction  avait  emprunté 
à  peu  près  mot  pour  mot  cet  épisode  à  Jean  le  Bel, 
ne  Ta  pas  reproduit  dans  la  seconde. 

Si  l'explication  de  nos  contradicteurs  était  fondée, 
la  ressemblance  plus  grande,  la  parenté  plus  étroite 
qu'ils  signalent  entre  la  chronique  de  Jean  le  Bel  et 
la  rédaction  d'Amiens,  au  lieu  de  se  borner  à  un  assez 
petit  nombre  d'événements  postérieurs  à  1345,  de- 
vrait s'étendre  aussi  à  la  période  qui  précède  oette 
date,  mais  il  n'en  est  rien.  Au  contraire,  avant  1346 
la  seconde  rédaction  est  beaucoup  plus  originale,  elle 
fait  des  emprunts  moins  fréquents  et  surtout  moins 
serviles  à  Jean  le  Bel  que  la  première.  A  la  différence 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  m» 

de  celle-ci  qui  n'est  soaveDt  que  la  copie  littérale  du 
texte  du  chanoine  de  Li^e,  l'auteur  de  la  seconde 
ne  reproduit  presque  jamais  un  passage  du  modèle 
sans  l'écourter  ou  bien  sans  le  critiquer  et  surtout 
sans  noyer  l'emprunt  au  milieu  d'additions  originales 
plus  ou  moins  importantes  qui  parfois  ne  s'accordent 
pas  avec  ce  qui  est  de  provenance  ëtraugère. 

Toutefois,  le  caractère  distinctif,  essentiel  de  cette  < 
dernière  rédaction,  c'est  la  quantité,  Tétendue,  l'im- 
portance des  développements  absolument  origioaux 
qu'on  y  rencontre  et  dont  il  n'y  a  pas  la  moindre 
trace  dans  la  rédaction  antérieure.  C'est  là  le  &it  ca- 
pital qu'il  importe  de  mettre  dans  tout  son  jour  et 
de  bien  établir,  parce  qu'il  est  de  nature  à  répandre 
la  plus  vive  lumière  sur  la  date  respective  des  deux 
rédactions. 

On  pourra  mesurer  en  quelque  sorte  l'importance 
des  additions  originales  qui  appartiennent  en  propre 
à  la  seconde  rédaction  par  un  rapprochement  ma- 
tériel, par  un  simple  coup  d'œil  jeté  sur  ee  premier 
volume.  On  a  adopté  pour  le  texle,  comme  il  a  été 
dit  plus  haut,  la  première  rédaction,  et  l'on  a  ren- 
voyé en  appendice  à  la  fin  de  chaque  volume  les 
parties  ajoutées  dans  les  seconde  et  troisième  ré- 
dactions en  y  joignant,  pour  simplifier  le  travail  du 
lecteur,  les  variantes  extraites  des  divers  manuscrits 
de  la  première  rédaction.  D'où  il  suit  que,  si  l'on 
excepte  ces  dernières  variantes  qui  sont  très-courtes 
et  ne  portent  que  sur  des  mots  ou  des  membres  de 
phrase,  l'énorme  appendice  du  présent  volume,  par 
exemple,  se  compose  tout  entier  d'additions  origi- 
nales tirées  soit  de  la  seconde,  soit  de  la  troisième 
rédaction.  Or,  k  tiers  environ  de  cet  apjfenditx  est 


;vGoo»^lc 


LUI  CHRONIQVES  DE  S.  FROISSAJRT. 

fourni  par  les  manuscrits  d Amiens  et  de  FaJencien- 
nes,  c  est-à-dire  par  la  seconde  rédaction. 

La  narration  des  campagnes  d'Ecosse  de  1333  à 
1336,  qui  ne  forme  dans  la  première  rédaction  que 
quatre  paragraphes  très-courts  *,  ne  remplit  pas  moins 
de  trente  pages  dans  la  seconde*.  Le  long  épisode 
de  la  guerre  de  Gascogne  en  1338  cl  1339,  qui  sem- 
ble être  l'œuvre  tout  à  fait  personnelle  de  Froissart 
et  occupe  onze  pages  de  nos  variantes  %  ne  se  trouve 
que  dans  la  seconde  rédaction. 

Le  récit  relatif  à  l'élévation  de  Jacques  d'Arteveld 
et  à  la  révolte  des  Flamands,  ofire  en  petit  une  image 
exacte  de  la  manière  difiërente  dont  Froissart  a  pro- 
cédé dans  ses  trois  rédactions.  Dans  la  première  il 
se  contente  de  reproduire  littéralement  le  texte  de 
Jean  le  Bel,  sans  y  rien  ajouter,  sans  en  rien  retran- 
cher*. Dans  la  seconde,  il  conserve  encore  la  ver- 
sion hostile  et  partiale  du  chanoine  de  Liège*,  mais 
il  y  ajoute  d'importants  développements*  où  les  cau- 
ses économiques  des  troubles  de  Flandre  sont  expo- 
sées avec  plus  d'impartiaUté^  une  profonde  intelli- 
gence poHtique,  une  ampleur  vraiment  magistrale. 
Enfin  dans  la  troisième  rédaction,  le  chanoine  de 
Chimay  supprime  définitivement  le  passage  emprunté 
à  Jean  le  Bel  pour  y  substituer  des  détails  entière- 
ment originaux  et  une  appréciation  vraiment  per- 
sonnelle; il  y  appelle  Jacques  d'Arteveld  «  hauster 
homme,  sage  et  soutil  durement\  » 

Froissart  mentioitne  à  plusieurs  reprises  Jean  le 

1.  P.  103  à  lU. 

s.  P.  313  i  315,  316  ■  319,  3S1,  323,  329  &  336, 341  i  352. 
3.  P.  377  à  388.  —  4.  P.  126  à  129.  —  5.  P.  395  et  396. 
6.  P.  38S  à  393.  —  7.  F.  394  et  395. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  uni 

Bel  dans  la  seconde  rédaction,  et  l'on  a  voulu  voir 
dans  ces  mentions  répétées,  qui  font  déiaut  dans  la 
première,  un  indice  des  obligations  plus  étroites  que 
l'auteur  de  la  seconde  aurait  eues  envers  le  cha- 
noine de  Li^e.  Comment  n'a-t-on  pas  vu  que  dans 
les  passages  dont  il  s'agit,  le  chroniqueur  de  Valen- 
ciennes  n'a  d'autre  but  que  de  constater  les  additions, 
les  développements,  les  corrections  qu'il  a  apportées 
au  texte  de  son  devancier?  Au  sujet  du  siège  de 
Tournai,  par  exemple,  où  la  seconde  rédaction  s'est 
enrichie  d'une  foule  de  détails  qu'on  chercherait  en 
Tain  dans  Jean  le  Bel  et  dans  la  première  rédaction, 
Froissart  n'oublie  pas  de  prendre  acte  de  cette  addi- 
tion :  a  Si  comme  je  vous  recorde,  che  si^e  durant 
devant  Toumay,  avinrent  pluisseurs  avenues  et  grans 
fès  d'armes  tant  en  France  comme  en  Gascoingne  et 
en  Ëscoche ,  qui  ne  sont  mie  à  oubliier,  car  ainssi 
l'ai  je  proummis  à  messires  et  mestres  ou  coummea- 
chement  de  mon  livre  que  tous  les  biaux  fès  d'armes 
dont  j'ai  le  memore  et  le  juste  infourmation  je  les 
remeteray  avant,  jà  soit  ce  que  messires  Jehans  li 
Biaux,  en  ses  eronikes^  tCen  fait  mies  de  tous  mention. 
Mes  ungs  homs  ne  puet  mies  tout  scavoir,  car  ces 
gerres  estoient  si  grandes  et  si  dures  et  si  enrachi- 
nées  de  tous  costés  que  on  y  a  tantost  oubliiet  quel- 
que cose,  qui  n'y  prent  songneusement  garde*,  s 

X^  récit  de  la  guerre  de  Bretagne ,  où  Charles  de 
Blois  et  Louis  de  Châtillon ,  le  premier  oncle ,  et  le 
second  père  du  comte  de  Blois,  jouèrent  un  rôle  si 
considérable,  est  infiniment  plus  complet  dans  la 
seconde   rédaction  que   dans  la  première,  à   plus 

1 .  M*,  d' Amiou,  P>  46  v>. 


;vGoo»^lc 


unr  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAftT. 

forte  raison  que  dans  la  chronique  de  Jean  le  Bel. 
Aussi  Froissait  n'éprouve-l  îl  aucun  embarras  à  rap- 
peler que  le  point  de  départ  de  son  propre  travail  a 
été  l'essai  du  chanoine  de  Liège  ;  on  dirait  qu'il  cher- 
che à  provoquer  une  comparaison  qui  ne  peut  que 
lui  être  favorable.  «  Fluiseur  gongleour  et  enchan- 
teour  en  place  ont  chanté  et  rimet  lez  guerres  de 
Bretagne  et  corromput  par  leurs  chançons  et  rimes 
controuvées  le  juste  et  vraie  histoire,  dont  trop  en 
desplaist  à  monsseîgneur  Jehan  le  Biel,  qui  le  com- 
mencha  à  mettre  en  prose  et  en  cronique  et  à  moy 
sire  Jehan  Froissait  qui  loyaument  et  justement  l'ay 
poursuiwi  à  mon  pooir,  car  leurs  rimmes  et  leurs  can- 
chons  controuvées  n'ataindenl  en  riens  la  vraie  ma- 
tère,  mes  velle  ci  comme  nous  l'avons  laite  et  ra- 
chievée  par  le  grande  dilligensce  que  nous  y  avons 
rendut,  car  on  n'a  riens  sans  fret  et  sans  penne.  Jou 
sire  Jehans  Froissars,  dairains  venus  depuis  monsseî- 
gneur Jehan  le  Bel  en  cei  ouvraige,  ai  ge  allé  et  cher- 
chiet  le  plus  grant  partie  de  Bretaingne,  et  enquis 
et  demandé  as  seigneurs  et  as  hiraux  les  gerrez,  les 
prises ,  les  assaux ,  les  envaies,  les  batailles,  les  res- 
cousses  et  tous  les  biaux  fès  d'armes  qui  y  sont  ave- 
nut,  mouvant  sur  l'an  de  grasse  mil  CCCXL,  poui^ 
sieuwans  jusquez  à  le  dairainne  datte  de  ce  livre,  tant 
à  la  requeste  de  mes  dis  seigneurs  et  à  ses  fraix  que 
pour  me  plaisance  acomplir  et  moy  fonder  sus  title  de 
vérité,  et  dont  j'ay  estet  grandement  recompenssé'.  » 
Tout  le  monde  connaît  le  fameux  épisode  des 
amours  d'Edouard  Π et  de  la  comtesse  de  Salisbury, 
et  l'on  sait  maintenant  qu'il  est  emprunté  textuelle- 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  lxv 

ment  à  Jean  le  Bel.  Froissart  a  supprimé  seulement 
ce  qui  est  relatif  au  viol  de  la  comtesse  par  le  roi 
d'Angleterre.  Il  est  vrai  que  notre  chroniqueur  n'en 
nomme  pas  moins  le  dianoine  de  Liège  dans  la 
seconde  rédaction,  mais  il  ne  le  nomme  que  pour 
le  critiquer  et  le  redresser.  D'ailleurs,  par  les  détails 
tout  nouveaux  qui  embellissent  ici  le  récit  primitif, 
notamment  par  la  délicieuse  partie  d'échecs,  Frois- 
sart a  trouvé  le  moyen  de  surpasser  un  modèle  qu'on 
eût  pu  croire  inimitable  :  il  peut  donc  cette  fois  évo- 
quer le  souvenir  de  son  devancier  sans  que  son  ori- 
ginalité ait  rien  à  souffrir,  sa  gloire  rien  à  redouter 
du  parallèle.  «  ....  voirs  est  que  messire  Jehans  li 
Biaux  maintient  par  ses  cronickes  que  li  roys  englès 
assés  villainement  usa  de  ceste  damme  et  eull,  ce  dist, 
ses  vollentez  si  comme  par  forche  :  dont  je  vous  di, 
se  Dieux  m'ait,  que  j'ai  moult  repaïriet  et  converssé  en 
Ëngleterre ,  en  l'ostel  dou  roy  principaument  et  des 
grans  seigneurs  de  celui  pays,  mes  oncques  je  n'en 
oy  parler  en  nul  villain  cas',  d 

La  conclusioa  à  tirer  de  ces  citations,  c'est  que  si 
l'auteur  des  Chroniques  mentionne  plus  souvent  Jean 
le  Bel  dans  la  seconde  rédaction,  ce  n'est  point  parce 
qu'il  a  plus  d'obligations  au  chanoine  de  Li^e  dans 
cette  rédaction  que  dans  les  autres,  c'est,  au  con- 
traire, parce  qu'à  y  est  plus  original  que  dans  la 
première,  et  se  croit,  par  conséquent,  plus  en  état  de 
soutenir  avantageusement  la  comparaison  avec  son 
devancier  ;  on  ne  cite  jamais  si  volontiers  ses  prédé- 
cesseurs et  ses  émules  que  lorsqu'on  est  sûr  de  les 
avoir  surpassés. 

1.  M*.  d'Amiea*,  P>  83  v°. 


;vGoo»^lc 


un  CBHONIQUBS  DE  ).  FROISSAAT. 

Du  reste,  Froissart  avait  marqué  avec  tant  4e  forpe 
dans  le  prologue  de  la  première  rédactioD,  toutç  l'ér- 
tendue  de  ses  obligations  envers  Jean  le  i^el,  qu'il  a 
au  sans  doute  pouvoir  se  dispenser  d'y  revenir  daqs 
le  cours  de  cette  rédaction  ;  «  ....  je  me  vueUfonderet 
ordonner  sur  les  vraies  chroniques  jadis  iaites  et  rassem-r 
blées  par  vénérable  honune  et  discret  monseigneur  Je- 
han le  Belj  chanoine  de  Saint  Lambert  du  Liège,  qui 
graat  cure  et  toute  bonne  diligence  mister^  ceste  ma- 
tière et  la  continua  tout  son  vivaqt  ^u  plus  justement 
qil'il  pot,  e(  moulL  lui  cousta  à  acquerre  et  à  l'iivair, 
Mais  quelque  fraiz  qu'il  y  eust  ne  fist,  riens  pe  pl^- 
gny,  car  U  estoit  riches  et  puissaps,  si  les  povoitbieq 
porter,  et  de  soy  mesme  larges,  honnourahles  et  cour- 
tois, et  qui  le  sien  voulentiers  despendoit'.  » 

Combien  est  différent  le  langage  que  tient  l'auteur 
des  Chroniques  dans  la  seconde  rédaction)  Au  lieu 
du  bel  éloge  qu'on  vient  de  lire,  c'est  à  peine  s'U 
accorde  ici  à  son  prédécesseur  une  mentioq  de  deux 
lignes  dont  la  sécheresse  a  quelque  chose  d'un  peu 
dédaigneux  :  «  Voirs  est  que  messiresJehansUBiaux, 
jadis  canonnes  de  Saint  Lambert  de  Liège,  en  cronàa 
à  fon  temps  nuqune  car«^  u  Froissart  fait  ensuite  resr 
sortir  avec  une  insistance  marquée  tout  oe  qu'il  lui 
en  a  coûté  pour  doQQer  à  son  oeuvre  un  caractère 
original  :  «<  Or  ay  je  obe  livre  et  ceslâ  histoire 
at^/n«R/^  par  juste  enqueste  que  j'enayfaiten  travail- 
lant par  le  monde  et  en  demandant  $&  vaillans  hom-< 
mes,  chevalierq  et  esouyers,  qui  les  ont  aidiés  4  acrois- 
tre,  le  vérité  des  avenues^  et  osù  à  aucuns  rois 
d'armes  et  leurs  marescbaus,  tant  en  Fraiiobe  ÇQmvoA 

1.  P.  310.  —  2.  P.  309. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  lxvii 

en  Engleterre  où  j'ay  travillié  apriès  yaux  pour  avoir 
la  Tenté  de  la  matère....  moût  de  paine  et  de  travail 
en  euch  en  plmseurs  mannierres  mnchoit  que  je  leuisse 
compillé  ne  aeompli^  tant  que  de  le  labeur  de  ma  teste 
et  t^  r exil  de  mon  cor/'.r/mais  touttescoses  seaoom- 
plissent  par  plaisance  et  le  bonne  dilligence  que  on 
y  0>  ensi  comme  il  apparr»  avant  en  cest  livre.  » 


CHAPITRE  ni, 

Dl    Là   TROIStiHE    BiDACTIOIT  ;    —   HAiniSCIIlT   UKIQUB    DE    U 

■ISUOTBÈQtlB   DU   VATICAR',  CARACTèuS  filBTinCTIFS  DB 

LÀ  TSQlSliHS   Xio ACTION. 

Id  Ipoisième.  rédaction  n'est  représentée  que  par 
UB  manuscrit  unique  conservé  aujourd'hui  à  la  biblio- 
thèque du  Vatican  et  qui  dans  nos  variantes  est  top- 
jours  désigné  sous  la  rubrique  ;  Ms.  de  Rome. 

Cette  troisième  rédaction  ne  comprend  que  le  tien 
environ  du  premier  livre  ;  et  le  réoit  s'arrête  à  la 
mort  de  Philippe  de  Valois  en  1350.  Il  est  vrai  que 
la  phrase  tronquée  i  les  trkuves  est,  qui  termine  le 
manuscrit  de  Rome,  indique  qu'il  ne  nous  est  pa^ 
parvenu  dans  son  entier;  mais  trois  fieuillets  seule'^ 
ment  en  ont  été  retranchés^  comme  le  prouve  la 
souche  encore  très-apparente  de  ces  feuillets  \  il  îoxA 
en  conclure  que  le  manuscrit  de  Rome  n'a  jamais 
dé|>assé  l'étendue  qu'il  avait  avant  la  mutilation  des 
trois  derniers  feuillets, 

On  A  prétendu  que  le  manuscrit  de  Rome^  dont 
l'écriture  est  de  la  première  moitié  du  quinzième 
siècle,  avait  «ppiu-tenu  à  Jean  de  Moreuil  ;  malheu- 
reusement c'est  une  pure  hypothèse  qui  ne  s'appuie 


;vGoo»^lc 


Lxviu  CHRONIQUES   DE  J.  FROISSAAT. 

sur  aucune  preuve  solide.  U  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  ce  manuscrit  offre  tous  les  caractères  intrinsè- 
ques et  extrinsèques  d'authenticité.  Un  certain  nom- 
bre de  notes  marginales,  dont  l'écriture  semble 
presque  aussi  ancienne  que  celle  du  texte,  présen- 
tent les  caractères  du  dialecte  wallon  le  plus  pro- 
noncé' :  on  est  ainsi  fondé  à  croire  que  le  manus* 
crit  de  Rome  a  d'abord  appartenu  à  cpielque  habitant 
du  pays  où  est  mort  Froissart. 

De  plus,  le  texte  lui-même  a  gardé  dans  maint 
passage  l'empreinte  de  ce  dialecte  wallon  cpii  carac- 
térise ,  comme  nous  l'avons  dit,  les  manuscrits  les 
meilleurs,  les  plus  anciens,  tes  plus  authentiques  des 
deux  premiers  livres  des  chroniques.  Comme  cette 
empreinte  a  généralement  disparu  dans  les  deux 
éditions  successives  données  par  le  savant  M.  Ker- 
vyn,  à  qui  revient  du  reste  l'honneur  insigne  d^avoir 
appelé  le  premier  l'attention  sur  le  manuscrit  de 
Rome,  on  me  permettra  d'appuyer  par  plusieurs  ci- 
tations une  assalion  aussi  importante  que  nouveUe  : 
ie  carge',  —  /e  est',  —  le  porte*,  —  il  vinrent  de- 
vant la  ville  de  Bristo,  qui  est  forte  assés  ;  si  le  asse- 
gièrent',  —  la  barge  par  ceuls  meismes  qui  le  me- 
noient....  fti  ramenée*,  —  le  propre  anée'.  Un  autre 
trait  caractéristique  qui  dénote  aussi  l'origine  wal- 
lonne du  texte  de  Rome,  c'est  la  fidélité  remar- 
quable avec  laquelle  la  distinction  du  cas  sujet  et 


I.  On  lit  :  mU  roine  i,  1^  5  i«;  ■  &  fille  ■,  ^  31  v;  •<  /s  batulle  de 
Cutid»,  fb2&T«i  •>  fe  mort  don  conte-,  f<>  Sei";  «  b  chenllerie  don 
conte  Guillaume  >,  (>>  40  to;  ■/■  bataille  de  Gagant»,  ^41  t";  tUhtr 
taille  de  Citehj  »,  P>  117  r>. 

S.  P.  334  de  ce  Tolume.  —  3.  P.  336.  —  4.  F.  339.  —  5.  P.  343- 
—  6.  P.  345.  —  7.  P.  247. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  lxul 

du  cas  rëgime  est  souvent  observée  dans  un  ma- 
nuscrit qui  ne  date  pourtant,  comme  nous  le  verrons 
tout  à  l'heure,  que  des  premières  années  du  quin- 
zième siècle.  On  peut  citer  tel  passage  où  ii  abbes  du 
nominatif  latin  àbbas  est  employé  au  sujet,  et  Vabbet 
ou  y  abbé,  formé  sur  l'accusatif  aWdfcffï,  au  régime  ;  il 
n'y  a  dans  la  page  et  pour  le  mot  dont  il  s'agit  qu'une 
infraction  à  la  règle,  et  encore  elle  est  douteuse  '. 

L'examen  du  texte  lui-même  se  joint  aux  carac- 
tères extrinsèques  du  manuscrit  de  Rome  pour  éta- 
blir la  par&ile  authenticité  de  la  troisième  rédaction. 
Froissart  s'y  met  plus  d'une  fois  en  scène.  Lorsqu'il 
raconte  que  Jean  Chandos  fiit  fait  chevalier  de  la 
main  d'Edouard  III  à  Buironfosse,  le  chroniqueur 
n'oublie  pas  d'ajouter  qu'il  tient  ce  détail  de  Chan- 
dos lui  même*.  Ailleurs,  il  évoque  le  souvenir  de  son 
voyage  d'Ecosse  en  1365  qui  dura  trois  mois*;  il 
parle  du  séjour  qu'il  fit  au  mois  de  septembre  1366 
au  château  de  Berkeley*  et  de  ses  excursions  à  tra- 
vers l'Angleterre  en  compagnie  d'Edouard  Spenser  : 
«  Et  pluisseurs  fois  avint  que,  quant  je  cevaucboie 
sus  le  pais  avoecques  lui,  car  les  terres  et  revenues 
des  barons  d'Engleterre  sont  par  places  et  moult  es- 
parses,  il  m'appelloit  et  me  dissoit  :  «  Froissart,  veés 
TOUS  celle  grande  ville  à  ce  haut  clochier?»  —  Je 
respondoie  :  «  Monsigneur,  oil  :  pourquoi  le  dittes 
vous?»  —  a  Je  le  di  pour  ce  :  elle  deuisl  estre  mienne, 
mais  il  i  ot  une  maie  roine  en  ce  pais,  'qui  tout  nous 
tolli*.  u  De  même  qu'Edouard  Spenser  reconnaissait 
de  loin  les  domaines  conâsqués  sur  sa  famille  à  la 

I.  P.  339  «  240.  -  2.  P.  471 .  —  3.  P.  269.  —  4.  P.  247. 


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ux  CHRONIQUES  DE  J.  FHOISSART. 

hauteur  de  bertains  clochers^  qui  ne  reconhaitrait  k 
ce  dialogue  vif  et  pittoresque  le  prince  des  chroni- 
queurs, sire'  Jean  Froissart? 

A  quelle  date  a  été  composée  la  troisième  rédac- 
tion? Il  suflll,  pour  trouver  la  réponse  à  cette  ques- 
tion, de  lire,  entre  beaucoup  d'autres,  le  passage  sui- 
vant relatif  à  la  belle  Jeanne  de  Kent,  femme  du 
Prince  Noir  et  mère  de  Tinfortuné  Richard  H  :  a  Celle 
jone  damoiselle  de  Qent  estoit  cousine  germainne 
dou  roi  Edouwart  d'Engleterre  ;  et  fîi  en  son  temps 
la  plus  belle  dame  de  tout  le  roiaulme  d'Engleterre 
et  la  plus  amoureuse  ;  mais  toute  sa  génération  vint 
à  povre  conclusion  par  les  fortunes  de  ce  monde 
qui  sont  tooult  diversez,  ensi  que  vous  orés  recorder 
avant  en  l'istore  *.  »  Ces  lignes  renferment  une  allu- 
sion évidente  à  la  fin  malheureuse  de  Richard  n  et 
sont  par  conséquent  postérieures  à  l'année  1400, 
date  de  la  mort  de  ce  prince. 

C'est  ici  l'occasion  de  signaler  le  trait  caractéris- 
tique qui  distingue,  au  point  de  vue  historique,  la 
troisième  rédaction  de  celtes  qui  l'ont  précédée.  Il 
est  impossible  de  Ure  cette  rédaction  sans  être  frappé 
de  la  gravité,  de  la  sévérité  inaccoutumées,  quoique 
souvent  justes  et  parfois  profondes,  des  réflexions  de 
Froissart  sur  le  caractère  et  les  institutions  du  peuple 

1 .  Froiturt  w  donne  à  la  fin  du  prologue  Ae  la  première  r^aMion 
rcïi»^  (Toyei  p.  7)  le  titre  de  aire;  il  «cmble  loutefoia  recanniitre  im- 
plicitement qu'il  n'y  ayait  pas  droit,  car  il  ajoute  aussitôt  ce  correctif  : 
0111  laiU  mt  foit  honaerer.  On  sait  en  effet  que  la  qualification  de  tire  ou 
mestire,  appliquée  parfois  eux  clerc*  à  titre  gracieux,  ^tait  plus  particu- 
lièrement rf servie  aux  gentil ahommes  ;  mais  il  7  a  une  noblesse  innje, 
personnelle,  qui  s'impose  en  dépit  de  toutes  les  conventions  sociales  •, 
qui  poss^a  jamais  cette  noblesse  à  un  plus  haut  degré  que  le  chroni- 
queur de  Valenciennes  ? 

2.  P.  30ii. 


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INTRODUCTION.  Wxi 

anglais  ;  èl  coitùiàe  les  événetnents  relatifs  à  l'Ângle- 
tëïte  tiennent  une  très-grande  place  dans  1ë  premier 
litre,  le  r^cit  des  faits  déjà  i^cont^s  dans  les 
prenûèfe  et  seconde  rédactions  revêt  dans  la  ti^l 
sième ,  sous  l'intluentie  que  nous  Indiquons ,  une 
physisntittite  toute  nouvelle.  <(  Ënglès,  dit  quelque 
partie  chrctbiqueur,  sueQréht  bien  un  temps,  inaii 
en  la  IIh  il  paient  si  crlieusement  que  on  s*i  puet 
bien  ëxenlpliier,  ne  on  ne  puet  jeuer  à  eulz.  Et  se 
lîeuve  et  couce  uns  sires  en  trop  grant  péril  qui  tes 
gouverné,  car  jà  ne  l'aùieront  ne  honneront,  se  il 
n'est  victorieus ,  et  se  il  n'ainme  les  armes  et  là 
guerre  à  ses  voisins,  et  par  especial  à  plus  fors  et  k 
plus  ricbes  que  il  ne  soient'.  »  Ailleurs,  Froissart  lait 
observer  qUe  les  habitants  de  I.ondres  ont  été,  sont 
et  sm>nt  toujours  les  plus  puissants  de.  toute  l'Angle- 
terre'. Il  ajoute  dans  un  autre  endroit  que,  lorsque 
les  Londriens  s'entendent,  nul  ne  leur  peut  résister. 
<^de  aux  richesses  dont  Us  disposent  et  au  nombre 
de  gens  d'armes  qu'ils  peuvent  mettre  sur  pied,  ils 
sont  plus  forts  que  tout  le  reste  de  l'Angleterre*.  Quel- 
ques pages  plus  loin,  le  chroniqueur  prête  à  ces  mê- 
mes habitants  de  Londres  les  paroles  suivantes  : 
«...  Kous  n'avons  que  faire  d'un  roi  endormit  ne 
pesant,  qui  trop  demande  ses  aises  et  sez  déduis. 
Nous  en  ocirions  avant  un  demi  cent,  tout  l'un 
apriès  l'autre,  que  nous  n'euissions  un  roi  à  nostre 
séance  et  volenté*.  «  Les  Anglais  sont  ombrageux  et 
croient  plus  volontiers  le  mal  que  le  bien'.  Us  sont 
déliants  et  ils  rompent  le  lendemain  une  convention 
à  laquelle  ils  ont  souscrit  la  veille*.  I^e  roi  d'Angle- 
1.  P.  2U.  —  2.  P.  224.  —  3.  p.  243,  —  (t.  P.  349.  —  5.  P.  294. 


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I.XZII  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

terre  doit  coasulter  ses  sujets  et  obtenir  leur  consen- 
tement avant  de  conclure  aucun  traité  de  paix,  ou  de 
guerre  avec  une  puissance  étrangère  '.  Les  Anglais  ne 
savent  ne  veulent  ni  ne  peuvent  rester  longtemps  en 
paix  ;  il  leur  faut  la  guerre,  n'importe  sous  quel  pré- 
texte, et  ils  y  portent  une  passion,  une  aptitude  ex- 
trêmes*. Il  nV  a  pas  sous  le  soleil  de  peuple  plus 
orgueilleux  et  plus  présomptueux  que  le  peuple  an- 
glais'. Il  faut  que  le  roi  d'Angleterre  obéisse  à  ses  su- 
jets et  fesse  tout  ce  qu'ils  veulent*.  Enfin,  Froissart, 
après  avoir  rapporté  un  jugement  très-sévère  des 
Ecossais  sur  les  Anglais,  s'associe  à  ce  jugement  dans 
les  termes  suivants  :  «  Ënsi  disoient  les  Escoçois,  et 
non  pas  euls  tant  seullement,  mais  toutes  aultres  na- 
tions, qui  congnoLSsent  la  nature  et  condition  des 
EngloLs;  car,  desous  le  solel,  ne  sont  gens  plus  pe- 
rilleus  ne  mervilleus  à  tenir,  ne  plus  divers  que  sont 
Englois.  Ils  sont  de  belles  aquintises  et  de  biau  sem- 
blant ;  mais  nulz  qui  sages  est ,  n'i  doit  avoir  trop 
granl  fiance*.  » 

Que  nous  sommes  loin  de  l'admiration  presque 
sans  réserve  pour  l'Angleterre  et  les  Anglais  qui 
éclate  dans  tant  de  pages  de  la  seconde  et  surtout 
de  la  première  rédaction  I  Si  un  changement  analo- 
gue s'était  produit  dans  les  sentiments  de  Froissart  à 
l'égard  des  autres  nations,  on  pourrait  attribuer  une 
sévérité  aussi  insolite  à  ce  désenchantement,  fruit 
amer  de  l'expérience  de  la  vie,  que  les  années  ap- 
portent d'ordinaire  avec  elles;  mais  il  n'en  est  rien. 
Notre  chroniqueur  continue  d'apprécier  comme  par 


t.  P.  307,  319  «  327.  —  2.  P.  313. 
5.  P.  338. 


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INT{10DUCTI0N.  lixiii 

le  passé  les  Flamands^  les  Allemands,  les  Français; 
on  dirait  même  que  sa  sympathie  pour  la  France, 
plus  marquée  dans  la  seconde  rédaction  que  dans 
la  première,  s'est  encore  accrue  dans  le  texte  de 
Rome.  D'où  vient  donc  cette  sévérité  exceptionnelle 
à  l'endroit  des  Anglais  qui  distingue  la  troisième  ré- 
daction? Ah  I  c'est  qu'entre  cette  dernière  et  celles 
qui  l'ont  précédée  il  y  a  l'abime  profond,  sanglant 
qu'ont  creasé  les  troubles  de  la  lin  du  régne  de  Ri- 
chard n.  Ce  prince,  qui  avait  si  bien  accueilli  notre 
chroniqueur  lors  de  son  dernier  voyage  en  Angleterre, 
n'était-it  pas  le  Bis  du  Prince  I^oir,  n'était-il  pas  sur- 
tout le  petit-fils  de  la  bonne  reine  Philippe  de  Hai- 
naut,  cette  auguste  bienfaitrice  dont  son  ancien  clerc 
adora  le  souvenir  jusqu'à  son  dernier  jour*.  Lors- 
({u'on  fut  informé  sur  le  continent  de  la  déposition, 
puis  de  la  mort  de  Richard,  ainsii  que  des  scènes 
cruelles  qui  précédèrent  et  suivirent  ces  deux  tragi- 
ques événements,  Froissart  dut  se  sentir  frappé  dans 
les  plus  chers  souvenirs  de  sa  jeunesse,  dans  ses  plus 
vives  affections;  il  dut  éprouver  une  indignation 
^ale  à  sa  surprise.  Nul  doute  que  la  troisième  rédac- 
tion ne  nous  apporte  dans  les  passages  indiqués  plus 
haut  comme  un  écho  de  ces  sentiments  *. 


1.  Vojez  p.  S86  de  ce  volame  en  qnela  terme*  tonchants  ProÛMrt 
parle  de  Philippe  de  Hainaut  :  ■  F.i  tant  comme  elle  Tetqni,  li  roiaulme* 
d'Engleterre  eut  graace,  prospérité,  honnour  et  toute!  bonne)  aveo- 
tnrei;  ne  onque»  famine  ne  cliier  tempi  de  «on  resgne  n'i  demorèrenl.  • 
Ce  pauage  appartient  à  la  troisième  réHaction ,  et  Froistart  était  cha- 
noine de  Clùmaj  lorsqu'il  écririt  ce  bel  i^o^e  de  sa  bienfaitrice. 

2.  Froiuart  avait  tonjour*  eu  dei  lendancei  aristocratique*;  mai* 
mille  part  il  ne  les  accuie  aiec  plu*  de  force  que  dani  la  troisième  ré- 
daction, où  le  dëdain  pour  le*  TÎlaiDi  est  parfois  poms^  jutqa'à  l'in- 
jmtice  et  mime  jusqu'à  l'insulte.  1!  dit  de*  Plaoïands  qui  combattirent   ' 
i,  CaMel  {toyez  p.  300}  :  •  Toutes  foii  Dieoi  ne  Tolt  pas  conientir  que 


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Ltzit  CHRONIQtJES  1>t  S.  FRDISSAAT. 

Au  poiùt  de  vue  Itttëraire,  la  troisième  rédaéÂioil 
ne  présente  pas  un  caractère  moins  frappant  que 
sous  le  rapport  historique;  et  si^  pour  le  fonds  des 
idées,  la  sévéï'ité  des  jugements  sur  le  peuple  anglais 
est  le  trait  distinctlf  de  cette  rédaction,  le  but  ptin- 
clpat,  on  pointaitdlre,  exclusif  de  Ftvissaft,  en  ceqiil 
concerne  la  forme,  semble  avoir  été  d'efiacer  toute 
trace  des  emprunts  parfois  sfirviles,  teituels,  qdMI 
avait  faits  à  Jean  le  Bel  danâ  les  rédactions  antérieu-t 
res.  Voilà  pourquoi  l'on  ne  l^trouVe  daùs  le  texte 
de  RorQe  ni  le  làmeux  passage  relatif  à  Jacques  d'Ar- 
teveld  ni  le  célèbre  épisode  des  amoilrs  d'Edouard  nî 
et  de  la  comtesse  de  Salîsbury,  ni  tant  d'dutfes  mor- 
ceaux, où  le  chroniqueur  de  Valenclennes  se  conten- 
tait de  reproduire  plus  ou  moins  littéraletiient  danâ 
ses  deux  pt-emières  rédactions  le  récit  du  chanoinfl 
dé  Liège.  Voilà  pourquoi,  alors  même  qu'il  emprunte 
dans  sa  troisième  rédaction  le  fond  et  la  matière  à 
Jean  le  Bel,  il  a  bien  soin  de  modifier  asseî  profon- 
détnent  la  forme  poiu*  lui  donner  un  caractère  vrai- 
ment original,  au  risque  de  lui  faire  perdre  quelque- 
fois, comme  il  est  arrivé,  par  exemple,  dans  le  récit 
des  derniers  moments  de  Robert  BrUce,  quelque 
chose  de  sa  valeur  littéraire'.  Voilà  pourquoi  enfltl, 

li  lignear  fuissent  là  dewonfi  de  tel  aitrdaiUt.  *  H  tant  pldiidre  Proli- 
tarl  d'avoir  qualifié  avec  une  telle  grosùèretf  cet  biaTM  communieri 
flamand!  qui  ie  firent  tuer  sTeo  tant  de  courage.  Lorsqu'il  «écrivit  cet 
lignes,  les  excès  de  la  populace  anglaise  étaient  sant  doute  prëienu  1 
ia  penB^e  et  ne  lui  inspiraient  que  du  dégoât  pour  ce  peuple  dont  îl 
était  pourtant  sorti,  comme  Jeanne  d'Arc  allait  bientôt  eh  sortir.  Cest 
l'tHeriielle  histoire  :  on  fait  expier  au  peuple  les  fiiutès  et  les  ctîmes  de 
la  populace. 

1.  P.  389  de  ce  Toliime.  Froissart,  qui  ne  teUait  pas  de  preniîêre 
nlaînlel^it  dri  Cette  admirable  scène,  n'a  pas  atteint  la  grandeur  sîm[4é 
du  chanoine  de  Liège,  comblé  on  le  verra  en  comparant  la  première 


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INTRODTTCnOfii  i,ixt 

à  partif  de  la  bataille  de  CrîCy^  la  troisième  tëdactioh 
se  rapproche  plus  de  la  première  qile  de  la  seconde^ 
parce  qu'à  partir  de  la  même  date,  la  seconde, 
comme  on  l'a  dit  plus  haut,  est  souvettt  moins  ori- 
ginale et  fait  plus  d'eitiprunta  que  la  première  à  ta 
chronique  du  chanoine  de  Liège. 

On  sait  que  le  texte  de  Jean  le  Bel,  qui  s'arrête  au 
mois  d'avril  1361,  prend,  notamment  dàhs  la  partie 
comprise  entre  1350  eti  856,  le  caractère  d'uii  abrégé 
chronologique  que  Froissart  avait  en  partie  repro- 
duit dans  &a  première  rédaction  proprement  dite. 
Mais  Comme,  d'un  côté,  notre  chroniqueur  avait 
remplacé  cet  abrégé  datis  la  première  rédaction  re- 
visée ainsi  que  dans  la  seconde  par  un  récit  origi- 
nal et  plus  ample,  comme,  d'un  autre  côté,  il  nous 
apprend  lui-même  qu'il  avait  commencé  à  voler  de 
ses  propres  ailes  à  partir  de  la  bataille  de  Poitiers  en 
135B,  il  suit  de  là  que,  pour  réaliser  pleinement  la 
pensée  qui  semble  avoir  présidé  à  sa  troisième  ré-^ 
daetion,  c'est-à-dire  pour  se  débarrasser  de  tous  les 
emprunts  faits  à  Jean  le  Bel,  le  chanoine  de  Chimay 
n'avait  à  remanier  son  premier  livre  que  jusqu'en 
1350.  Aussi,  nous  pensons  que,  sans  Id  regrettable 
mutilation  qui  nous  a  privés  des  trois  derniers  feuil- 
lets du  manuscrit  de  Rome,  nous  aurions  ce  manuscrit 
dans  son  entier  et  tel  que  Froissart  A  voulu  le  trans- 
mettre à  la  postérité,  en  le  faisant  suivre  pour  le  reste 
du  premier  livre  de  l'une  de  ses  deux  rédactions  an- 
térieures ou  plus  probablement  d'un  choix  fait  entre 
les  diverses  parties  de  ces  deux  rédactions.  En  d'ati- 

r^aetion  (p.  79  à  81),  reproduction  pur«  et  simple  dn  texte  de  Jean 
le  Bel,  i  la  narration  originale  qui  lai  a  iti  tubttitnëe  dan*  la  tràl- 
«ième  (p.  289). 


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LXivi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

très  termes,  le  texte  du  Vatican  n'est  nullement^ 
comme  on  l'a  cru  jusqu'à  ce  jour,  une  ébauche  im- 
parfaite, une  œuvre  inachevée;  c'est  un  tout  complet 
auquel  son  auteur  a  mis  la  dernière  main  et  auquel 
il  ne  manque  que  ce  qu'un  caprice  destructeur  y  a 
enlevé. 

M.  Kervyn  de  Lettenhove  pense  comme  nous  que 
le  manuscrit  de  Rome  ne  devait  guère  aller  plus 
loin  que  1350;  mais  il  suppose  que  c'est  la  mort 
qui  a  empêché  Froissart  de  poursuivre  son  travail. 
H  Malheureusement,  dit-il,  le  manuscrit  du  Vatican 
est  incomplet.  Les  derniers  feuillets  ont  été  détruits, 
et  ce  qui  nous  en  a  été  conservé  ne  donne  que  le 
règne  de  Philippe  de  Valois.  Le  texte  allait-il  beau- 
coup plus  loin?  J'en  doute,  car,  vers  la  fin,  je  crois 
découvrir  dans  la  rédaction  certains  symptômes  dé- 
puisement  et  de  lassitude.  Les  chapitres  deviennent 
très-courts.  Le  récit,  loin  d'être  développé  comme 
dans  d'autres  parties  de  ce  texte,  n'offre  plus  que  le 
résumé  de  ce  que  nous  connaissons,  et  nous  avons 
bien  le  droit  de  nous  demander  si  le  jour  où  fiit 
suspendu  le  travail  du  chroniqueur,  ne  fut  pas  aussi 
celui  où  l'on  creusa  à  Chimay  cette  tombe  que  l'on 
ne  retrouve  plus'.  » 

Ces  symptômes  d'épuisement  et  de  lassitude  sont 
incontestables,  si  on  ne  lit  le  texte  de  Rome  que 
dans  les  deux  éditions  qu'en  a  données  M.  Kervyn  ; 
mais  l'honneur  de  Froissart  nous  oblige  à  dire  que  ces 
éditions  ne  reproduisent  pas  fidèlement  le  manuscrit; 
et  depuis  le  feuillet  1 00  surtout  jusqu'au  feuillet  1 52 


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INTRODUCTION.  uxvii 

et  dernier^  il  n'y  a  presque  pas  de  page  où  des 
mots,  des  lignes,  souvent  des  phrases  entières  n'aient 
été  omises  par  le  savant  éditeur  belge  ou  plutôt  par 
ses  copistes.  Il  serait  trop  long  d'énumérer  toutes 
ces  lacunes  ;  il  suffira,  pour  prouver  notre  assertion, 
de  mettre  en  regard,  dans  un  certain  nombre  de 
passages,  le  texte  publié  par  M.  K.ervyn  et  le  texte 
réel  que  nous  avons  copié  nous-même,  comme  c'é- 
tait noire  devoir  rigoureux,  sur  le  manuscrit. 

TBXTB   SI    M.    KXRVTM. 

«  &  avoit  en  ceste  aove  vîUe  don  roi  (il  s'agit  d'une  ville  fon- 
dée par  Edouard  Ilf  pour  y  loger  son  armée  pendant  le  siège 
de  Calais],  toutes  coses  nécessaires,  apertenans  à  un  host. 

Quant  mesures  Jehans  de  ^^ane  fu  venus  en  Calais,  et  il  ot 
veu  le  siège  et  comment  les  £nglois  estoient  amasë,  ensi  que 
pour  demorer  vint  ou  trente  ans  là  devant  au  siège,  et  il  ot  fait 
visiter  la  poissance  des  vivres  qui  estoient  en  la  ville,  il  en  Est 
un  jour  widier  et  partir  plus  de  XXVII° ,  hommes,  femmes  et 
enfans,  pour  alegerir  la  ville. 

Quant  chil  peuples  issi  hors  premièrement  de  Calais,  auquns 
Eoglois  quidièrent,  quant  il  les  veirent  issir,  que  il  les  veuissent 
courir  sus.  Si  se  assamblèrent  à  l' encontre  de  euls  les  archiers, 
et  les  fissent  requler  jusques  ens  es  fossés  de  la  ville.  Là  i  ot, 
entre  ces  Engbis,  auquns  prendommes  fûteus,  qui  congneureni 
tantos  que  ce  n'estaient  pas  gens  pour  faire  nul  ccHitraire.  Si  fis- 
sent cesser  les  aultres  de  euls  courir  sus,  et  lor  demandèrent  où 
il  aloient.  Il  respondirent  que  on  les  avoit  bouté  hors  de  Calais 
poor  tant  que  il  cargièrent  trop  la  ville,  et  aloient  ailleurs  à 
l'aventure  quérir  lor  mieuls.  Ces  nouvelles  vinrent  au  roi  d'En- 
gleterre  qui,  meus  en  pîté,  les  fist  entrer  en  l'oost,  et  commanda 
que  tout  et  tontes  fuissent  bien  disné  ' .  » 

1.  OEufrt  dt  FrvutarltjxMUu  jbhi  Ut  auipictt  da  tÂemiiaù»  njfoU 
Jt  Bttgi^u*.  Chrwù^au,  t.  V,  p.  S7  et  88.  Bruxelles,  1668  ia«>. 


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u^viii  CHROmQUSS  DB  h  FIIOISSART. 

TBXTI  DU    KANCBCUT. 

■  Et  «voit  en  ceste  nove  ville  dou  ra  toutes  oowi  neceasairM 
apertenans  i|  ua  hoost  et  *  plus  encores,  et  place  a^tb^mée  pour 
tenir  marchiet  le  merquedi  et  le  samedi.  Et  là  estoient  halles  de 
drapi  et  de  merekiers  et  aussi  estas  de  bouciers  et  de  bouleit- 
giers.  Et  de  toutes  cotes  on  i  pooit  recouiirer  aussi  largement 
comme  à  Bruges  ou  à  Londres,  et  tavernes  de  tous  vins  de  Gre-: 
Bote,  de  Grec,  de  Malevisie,  de  Rivière,  de  vins  de  Gascongmt, 
de  Poito,  de  France  et  de  Riu,  boat  caUarès  et  bien  pourveu*  dp 
chars,  de  voliUes,  de  poissons.  Et  lor  venaient  de  Flandres  les 
marceandises  toutes  /K-estes  de  Bollandes,  de  ZeUandes  et  d Âle- 
magne,  et  tout  par  mer.  Et  en  i  avait  là  pluisseurs  ouvriers  ju- 
ponniers,  parmenliers,  corduaniers,  peietiers,  cabareteur^  fotir- 
niers  et  tavreniers  qui  i  gissoient  assis  mieuls  à  lor  plaisance 
et  pourfit  que  donc  que  II  fuissent  ckiis  leur.  Et  parent  biem  oou~ 
rouciel  qant  li  sièges  se  desfist  et  que  Calais  fut  amquite,  car 
il  perdirent  le  flour  de  lor  wagnage. 

Qant  mesires  Jehans  de  Viane  fii  venus  en  Calais  et  il  ot  veu  et 
considéré  le  siège  el  comment  les  Englois  estoieat  amasé  ensi  que 
pour  demorw  vint  ou  trente  ans  là  devant  au  siège,  et  il  ot  fait 
viseter  la  poisaoee  des  vivres  qui  estoieat  en  la  ville,  il  en  Bat 
un  jour  widier  et  partir  plus  de  vint  sept  cens  honmes,  fenotes 
et  enfaDi,  pour  alegerir  la  ville.  Qant  chit  peuples  issi  hors  prv 
DÛerement  de  Calais  tous  en  blancs  qamises  et  portùient  confit» 
notu  de  maustiers  en  signe  de  humelité,  auquns  Bnglois  quidi^ 
rent,  qant  il  les  veîrent  issir,  que  il  les  venissent  courir  sus.  Si 
SB  assamblèrent  à  l'eaccwitre  de  euls  les  archiers,  et  les  6ss«it 
reqnler  jusques  ens  es  fossés  de  la  ville.  Là  i  ot  entre  ces  B^igloîs 
auquns  preudonmes  piteus,  qui  oongneurent  tautoi  que  oe  n'es* 
toieot  pas  gens  poor  foire  nul  contraire,  fii  fissent  cesser  les 
aultres  de  euls  courir  sus,  et  lor  demandèrent  oà  il  aloient.  11 
respondirent  que  on  les  avoit  bout^  hors  de  Calais,  pour  tant 
que  il  cargoient  trop  la  ville  et  le  fouiloiaa  de  vivres,  et  «f 
aloient  ailleurs  à  l'aventure  quérir  lor  mieuls  ensi  que  povres 
gens  qui  a/voient  tout  perdtt  sans  nid  recouvriez.  Ces  nouvelles 

1 .  Les  passages  sonligiià  sont  ceux  qni  manquent  dans  l'ëdîtioD  de 
M.  Kerv^. 


jvGooi^lc 


UfT^OpUCriQN.  Lxsff 

vinrent  au  roi  d'Engle  terre  et  as  signeurs  qae  cHils  povres  peu- 
ples de  Calais  estait  là  oui  à  mercAi.  Li  rois,  meus  en  pite.  Us 
fist  entrer  en  l'oost,  et  coomanda  que  tout  et  toutes  fuissent 
bien  disné.  »  F*  124  y». 

TBXTB   DB    H.     KBBVTN. 

a  Quant  la  congnissance  en  fu  venue  au  ducti  de  ïfprmeqdie 
conunent  messires  Gautiers  de  Mauni  estoit  pris  et  i^s  en  pri- 
son, si  en  fu  durement  courouchiës  '.  o 

TSXTB   DO   lUlfUBGRITt 

<t  Qant  la  congnisance  en  fq  venue  au  duch  de  Normendie 
conment  messires  Gautiers  de  Mauni,  sus  se  asegurance  et  sauf- 
conduit,  avait  ceile  paiiate  et  desplaitattce  que  estoit  pris  et  mis 
en  prison  en  Cbatteliel  ià  où  on  mat  et  botUe  Ut  larrons,  à  en  fil 
durement  coorouchiés.  »  F°  li6  ▼*■ 

TEXTÏ   DK   M.    K8RTTR. 

o  Hiu  n'en  i  ot  i  celle  table,  et  là  sus  la  fia  dou  disoer  on 
présenta  à  m^ssire  Gautier  de  Hauni  de  par  le  roi  mault  lices 
j«uiauls  4' or  ^t  d'argeiit  et  furent  mis  devant  liù  sus  la  tabla,  et 
qui  les  ayoit  aportës,  ce  furent  li  sires  de  Siaujeu  et  messires 
Caries  fie  Hootmorensi.  Apriès  la  table,  encoras  estaient  li  jeuieL 
sps  U  table  *■  » 

TEXTE    DU    HAIVOSCRIT. 

a  Plus  n'en  i  ot  à  celle  table,  et  là  si|S  la  fin  dou  disner,  on 
présenta  à  messire  Gautier  de  Mauni,  de  par  le  roi,  moult  rices 
jeoiauli  d'or  et  d'argent,  et  furent  mis  et  assis  devant  lui  sus  la 
table.  là  chevaliers,  qui  fU  moult  sages  et  moail  /umnerables,  re- 
mercia grandement  eeuls  qui  jeuituds  avoient  aportës  :  ce  fu  li 
sire  de  Biaujeu  et  mesire  Carie  de  Montmorensi.  Qaitt  li  heure 
fim  de  lever  la  table ,  encores  estoient  li  jeuiel  sus  la  table,  s 
F"  (27  V", 

1.  OMwre*  dt  froùiart,  t.  V,  p.  104.  —  3.  Ibid.,  p.  106. 


;vGoo»^lc 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 


s  Quant  il  Turent  venus  jusques  à  là,  il  asallireut  la  ville  et  le 
|>risent  d'asaut,  mais  au  chastiel  ne  porent  il  riens  Taire,  et  vin- 
rent devant  Harant,  à  quatre  lieues  de  la  Rocelle,  mais  il  le 
tronvèrent  si  Tort  que  point  n'i  tournèrent  pour  le  asaltir,  et  pas- 
sèrent oultre,  et  puis  vinrent  à  Luslgnan  et  ardirent  la  ville, 
mais  au  chastiel  U  ne  fourGsscut  riens,  et  laissièrent  derrière 
enls  Pons  en  Poito  et  Saintes,  mais  pourtant  que  elles  estoient 
fortes  et  bien  pourveues,  il  n'i  livrèrent  nuls  assaus  et  vinrent  à 
Taillebourc  sus  la  Oiareute.  >  s 

TBXTI   DO   HARUtCaiT. 

«  Qant  il  Turent  venu  jusques  à  là,  il  asallîrent  la  ville  et  le 
prisent  d'asaut,  mab  au  chastel  ne  porent  il  riens  Taire,  car  il 
est  trop  fars  et  s'est  bien  gardés  tous  Jours  par  usage,  pour  tant 
que  il  fait  frontière  sas  la  Giane,  et  puis  cfievauc/tièrenl  deviers 
Aunai  et  conquisserU  ville  et  chastiel  et  puis  Surgières  et  Benan, 
Et  vinrent  devant  Marant  à  quatre  lieues  de  la  Rocelle,  mais  il 
le  trouvèrent  si  Tort  que  point  n'i  tournèrent  pour  le  asallir  et 
passèrent  oultre  et  puis  vinrent  à  Luzegnen  et  ardirent  la  ville, 
mais  au  chastiel  il  ne  fourfissent  riens  et  laissièrent  derière  euls 
Pons  eu  Poito  et  Saintes;  mais  pour  tant  que  elles  estoient  Tmtes 
et  bien  pourveues,  il  n'i  livrèrent  nuls  assaus,  et  laissièrent 
Niorth  et  Chiset  et  point  n'i  asalirent ,  et  vinrent  à  Taillebourc 
sus  la  Carente.  »  F*  138. 


•c  Ensî  orent  en  ce  temps  les  Englois  et  les  Gascons  b  chité  de 
Poitiers  et  i  Turent  quatre  jours,  et  quant  il  se  départirent,  tout 
carnet  d'or  et  d'argent,  de  draps  *,...  » 


a  Ensi  orent  en  ce  temps  les  Englois  et  tes  Gascons  la  cbité 
de  Poitiers,  et  i  fissau  che  que  il  vorrent.  Elle  fu  toute  courue, 

\.  OXurra  Je  FroUtart,  t.  V,  p.  111.  —  3.  Ibid.,  p.  116. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  ixxu 

et  grandemera  l  pourfUèrem  la  Englois  et  i  séjournèrent  quatre 
jours.  Et  qaut  il  se  departireat  tout  cargiet  d'or  et  d'argeot,  de 
draps....  »  F*  128  v". 

TEXTE   DB  K.    XEBVTlf. 

<s  Qna&t  lï  rois  de  France  et  ses  consauls  vmrent  qae  11  rois 
d'Engletore  et  les  Englois  estoient  aresté  devant  Calais,  si  en 
furent  moult  courouchié.  Si  jetèrent  lor  visëe  li  Franchois  ' . . . .  u 

TEXTE   DU    )U.nUSGUT. 

Qant  II  rois  de  France  et  ses  consauls  veirent  que  lî  rois  d'Ein- 
gleterre  et  les  Englois  estoient  arestë  devant  Calais  et  teUement 
fortefUet  et  ordonné  que  im  ne  lor  pooit  porter  contraire  ne  da- 
mage  ne  lever  te  siège,  car  de  perdre  telle  ville  que  Calais  est 
ee  pooit  estre  trop  grandement  au  blâme  et  ou  préjudice  doa 
roiaulme  de  France  et  par  especial  des  marces  et  frontières  de 
Piqardie,  ai  en  furent  moult  courouchîé.  SI  jetèrent  lor  visée 
liFi^nçras....  »  F»  lî». 


«  Le  lettres  vinrent,  et  messires  Godefras,  qui  estoit  dalès  le 
roi  d'Engleterre ,  fu  moult  rcsjols  et  dist  :  «  Sîk,  madame  la 
roine  d'Engleterre  est  une  vaillans  femme  :  c'est  une  noble  paire 
de  vous  dens.  Keus  est  en  voatres  oevres  et  mains.  Persévères 
toasjoura  avant  :  vous  venrés  à  chief  ou  en  partie  de  vostre  en- 
tente et  calenge;  et  se  vous  avés,  ensi  que  vous  auerës,  celle  ville 
de  Calais,  vous  auerés  un  grant  avantage  et  porterés  les  clefs 
dou  roiaulme  de  France  à  vostre  ceinture,  et  à  bonne  heure 
passai  la  mer  pour  vous;  car  considères  le  biau  voiage  que  vous 
avés  bit  et  desconfi  vostre  ennemis.  »  —  «  Godofroi,  dist  li  rois, 
TOUS  dittes  vérité,  et  je  sui  grandement  tenus,  et  aussi  est  tous 
mes  roJanlmes  de  ren<b?e  grâces  à  Dieu  que  ce  nous  a  envoyet'.  •> 

TEXTE    DU    lUnlWCRIT. 

n  Le[s]  lettres  escriptes  et  seelées,  honme  bien  esploiiant  furent 
cargiet  de  faire  ce  message  et  se  missent  à  voie  et  chevaucièrent 

1.  OBarret  Jt  ProUiitrt,  t.  V,  p.  123-  —  3.  Ibid.,  p.  141. 

f 


jvGooi^lc 


UHxn  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT. 

taat  tjuoitovsement  de  nuit  et  de  jour  que  il  vinrent  à  Douertt. 
Et  tantôt  entrèrent  en  un  vassiel  et  furent  oultre  de  une  marée, 
et  vinrent  deviers  le  roi  premièrement,  et  baîUière/a  lori  lettres 
de  par  la  roine.  Li  rois  les  ouvri  et  listi  tout  au  Umc.  Et  qaitt  il 
ot  entendu  toute  la  substance  de  la  lettre  et  la  prise  dou  roi 
itEscoce,  son  serouge  et  son  adeersaire,  et  tardenance  de  la 
bataille  et  les  noms  des  mors  et  des  pris,  des  hanmes  d'onnmir 
qui  à  la  bataille  avaient  esté,  et  conment  Jehans  de  Copetanl, 
esquiers  de  Narlhombrelande,  taeoit  pris  et  le  tenait  en  un  chas- 
tiel,  et  ne  le  voloit  rendre  à  nul  honme  ne  fenme  ne  à  la  roine  sa 
fenme  meismement,  et  toutes  ces  coses  et  nouvelles  la  roine'li  spc 
cipoit  clerement,  vous  devis  savoir  que  il  ot  grant  Joie;  et  ajqielUi 
tantôt  mesire  Godefroi  de  Harcourt  qui  estait  dalèt  lui,  et  U 
lissi  les  lettres  tout  au  lonch.  De  ces  nouvelles  fu  mesiret  Gode- 
froit  moult  retj'oit  et  dist  .*  ■  Sire,  madame  la  roine  d'Engleterre 
est  une  vaillans  fenme  :  c'est  une  noble  paire  de  vous  deus. 
Dieus  est  en  vostres  oevres  et  mains.  Persévère  tousjours  avant  : 
vous  venr^s  à  chief  ou  en  partie  de  vostrcs  ^itentes  et  calenge. 
Et  se  vous  avéi,  enai  que  vous  auerés,  celle  ville  de  Calais,  vous 
auerës  nn  grant  avantage  et  porterés  les  cleb  dou  roiaulme  de 
France  à  vostre  çainture.  Et  à  bonne  heure  passai  la  mer  pour 
TOUS,  car  je  vous  ai  resvilliet }  à  très  grant  painne  vous  amenai 
je  par  de  deçà.  Considérés  le  biau  voiage  que  vous  aves  fait  et 
desconfi  vostres  eonenùs.  Et  damre  part  et  tout  une  saison 
vostre  fenme  a  eu  une  telle  journée  pour  lui  que  pris  le  roi 
dEtcoee  et  toute  la  fleur  de  celi  roiaulme.  /amait  de  vostre  eage 
ne  se  relèverait  les  Escoçois,  Rostres  coses  ••ous  viennent  à  plain 
et  pur  souhet.  »  —  «  Godefroi,  dist  li  rois,  vous  dîttes  verilë. 
Et  je  sui  grandement  tenus,  et  aussi  est  tous  mes  roiaulmes,  de 
rendre  grâces  à  Dieu  qui  ce  oous  a  envoiiet.  »  F*  132  v°. 

M.  Kervyn  de  Lettenhove^  personne  ne  le  niera 
après  avoir  lu  ce  qui  précède,  n'a  pas  tout  à  &it 
tort  de  voir  dans  la  dernière  partie  des  deux  éditions 
dont  l'érudition  lui  est  redevable  de  nombreux  symp- 
tômes d'épuisement  et  de  lassitude;  setilement,  ce 
sont  des  symptômes  de  l'é^juisement  et  de  la  lassi- 
tude de  ses  copistes,  dont  l'honorable  savant,  qui  est 


;vGoo»^lc 


JNTRODUCnON.  uxxin 

l'un  des  plus  viÊ  admirateurs  de  l'auteur  des  Chro- 
niques, regrettera  certainement  d'avoir  rendu  Frois- 
sart  responsable. 

Une  phrase  résumera  tout  ce  chapitre.  La  troi- 
sième rédaction  où,  d'une  part,  la  pitié  pour  Ri- 
chard n  perce  à  chaque  page  sous  forme  de  jugements 
sévères  portes  sur  le  peuple  anglais,  où,  d'autre  part, 
une  narration  vraiment  originale  au  moins  dans  la 
forme  a  été  substituée  à  toute  la  partie  du  premier 
livre  empruntée  plus  ou  moins  servilement  à  Jean  le 
Bel  dans  les  rédactions  antérieures,  la  troisième  ré- 
daction, dis-je,  est  un  monument  de  la  reconnais- 
sance afièctueuse  en  même  temps  que  de  l'honnêteté 
littéraire  de  Froissart. 


C^ 


DiqitizeabyG00»^lc 


SECONDE    PARTIE. 

DE   L'iDITION    DD    PREMIEB   LIVBI. 


CHAPITRE  I. 


CHOIX     DD    TEITI. 


Froissart  ne  se  recommande  pas  seulement  par 
rîmportance  historique  du  monument  dont  nous  lui 
sommes  redevables,  il  est  encore  un  de  nos  écrivains 
les  plus  aimables  et  tes  plus  naïvement  originaux. 
Les  moyens  d'information  et  de  vérification  dont  uu 
chroniqueur,  si  consciencieux  qu'il  fût,  pouvait  dis- 
poser avant  l'invention  de  l'imprimerie  étaient  fort 
impar&its,  tandis  que  la  critique  a  maintenant  sous 
la  main  des  instruments  de  contrôle  de  toute  sorte. 
Aussi,  les  pn^rès  de  l'érudition  tendent,  il  faut  bien 
en  convenir,  à  diminuer  la  valeur  purement  histo- 
rique de  l'œuvre  de  Froissart  :  on  peut,  on  doit 
même  y  relever,  soit  dans  les  noms  de  lieu  ou  de 
personne,  soit  dans  les  dates,  soit  dans  le  récit 
des  faits,  d'innombrables  erreurs,  en  prenant  garde 
toutefois  de  ne  pas  feire  sonner  trop  haut  ces 
faciles  triomphes,  sous  peine  de  tomber  dans  un  pé- 
dantisme  qui  ne  serait  pas  exempt  de  niaiserie.  Frois- 
sai! historien  est  condamné  à  vieillir,  et  il  ne  reste 
debout  que  par  parties.  Seul,  Froissart  écrivain,  Frois- 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  uuv 

sart  peintre  du  détail  des  mœurs,  est  toujours  jeune; 
et  l'on  peut  dire  qu'il  défie  les  atteintes  du  temps  et 
de  la  critique. 

Tenir  compte  de  ce  double  aspect,  littéraire  et 
faîstoiique^  de  l'œuvre  de  Froissart,  et  ne  sacrifier, 
s'il  est  possible,  aucun  des  deux  à  l'autre,  telle  est  la 
première,  l'indispensable  condition  que  doit  remplir 
une  bonne  édition  des  Chroniques, 

n  y  a  une  méthode  qui  consiste  à  découper  plus 
ou  moins  arbitrairement  le  premier  livre  par  chapi- 
tres et  à  publier  les  uns  à  la  suite  des  autres  les  pe- 
tits fitigments  des  diverses  rédactions  qui  correspon- 
dent à  chacun  de  ces  chapitres.  Dans  ce  système,  le 
lecteur  voit  se  succéder  sans  cesse  par  morceaux  des 
tex.te8  différents  et  souvent  contradictoires  qui  vien- 
nent rompre  presque  à  chaque  page  le  fil  du  récit 
dont  ils  troublent  en  même  temps  l'unité  morale. 
Une  édition  ainsi  comprise  est  d'une  exécution  rela- 
tivement Ëicile,  mais  elle  a  un  inconvénient  capital  : 
elle  rend  Froissart  à  peu  près  illisible,  elle  enlève  à 
ce  chroniqueur  le  bénéfice  d'une  narration  homo- 
gène, limpide,  courante,  et  le  dépouille  dans  ime  cer^ 
taine  mesure  de  ce  charme  littéraire  qui  constitue  la 
part  la  plus  brillante,  la  plus  durable  de  sa  gloire. 
D'ailleurs,  un  si  bizarre  mélange,  on  dirait  presque, 
une  telle  macédoine,  qui  peut  plaire  à  des  esprits 
préoccupés  avant  tout  du  solide  et  du  copieux,  n'au- 
rait que  peu  de  chances  de  recevoir  un  accueil  &vo- 
rable,  en  France  du  moins,  où  l'on  porte  jusque 
dans  l'érudition  un  goût  moins  robuste  peut-être  que 
dans  d'autres  pays.  Enfin,  ne  serait-il  pas  r^etta- 
ble,  pour  ne  pas  dire  imprudent,  de  présenter  au 
public  un  travail  qui  ferait  double  emploi  avec  l'édi- 


;vGoo»^lc 


LxxsTi  GHHpNIQITES  DE  J.  FROISSART. 

tion  si  pleine  d'ampleur,  publiée  sous  les  auspices 
de  rAcadémie  de  Belgique?  U  a  tàllu,  du  reste,  des 
considérations  aussi  puissantes  pour  qu'on  se  décidât 
à  rejeter  une  méthode  que  recommande  l'imposante 
autorité  de  M.  le  baron  Kervyn  de  Lettenhove. 

A  dé&ut  d'une  combinaison  satisfaisante  de  tout 
point  que  l'on  a  vainement  cherchée,  on  a  dû  se 
contenter  du  système  suivant  qui  a  semblé  le  moins 
mauvais  :  on  a  adopté  comme  texte  l'une  des  trois 
rédactions  du  premier  livre,  et  l'on  a  renvoyé  en 
appendice  à  la  fin  de  chaque  vohmie  les  variantes 
des  autres  rédactions  qui  ajoutent  quelque  chose  à 
ce  texte  au  point  de  vue  des  faits  historiques. 

Des  trois  rédactions,  quelle  est  celle  qui  avait  le 
plus  de  titres  à  devenir  le  texte  de  cette  édition? 

On  doit  supposer  que  la  dernière  en  date,  c'eat-à- 
dire  la  troisième  était  dans  la  pensée  de  Froissart 
une  édition  définitive  de  son  premin*  livre;  car  on 
ne  s'expliquaait  pas  autrement  pourquoi  ce  chroni- 
queur aurait  fns  la  peine  de  remanier  encore  une 
fois  son  œuvre.  Aussi,  cette  rédaction  mériterait  sans 
nul  doute  la  préférence,  si  elle  était  complète;  mais 
elle  ne  comprend  qu'un  tiers  environ  du  premin 
livre  et  s'arrête  à  la  fin  du  r^pie  de  Philippe  de  Va- 
lois. On  ne  pouvait  donc  la  choisir  comme  texte 
sans  emprunter  à  une  autre  rédaction  la  partie  pos- 
térieure à  1350  :  on  a  repoussé  cette  combinaison 
pour  ne  pas  retomber  dans  l'inconvénient  d'un  texte 
composite  que  l'on  voulait  éviter  à  tout  prix. 

La  seconde  rédaction  a  sur  la  troisième  l'avan- 
tage d'embrasser  le  premier  livre  dans  son  entier. 
Toutefois,  nous  avons  la  preuve  que  l'auteur  de  cette 
seconde  rétractation  ne  la  considérait  pas  comme 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  lzxxvd 

la  forme  définitive  de  son  premier  livre,  qu'eUe  n'é- 
tait pas  ce  qu'il  eût  désiré  qu'elle  fût  :  cette  preuve, 
c'est  le  &it  même  d'une  rédaction  postérieure  à  la 
seconde  qui  la  fournit.  On  ne  voit  pas,  en  effet, 
pourquoi  Froissart,  parvenu  sur  le  seuil  de  la  vieil- 
lesse^ s'il  avait  été  pleinement  satisfait  de  la  seconde, 
aurait  repris  la  plimie  pour  écrire  la  troisième. 

Il  a  semblé  qu'à  tout  prendre  ce  qu'il  y  avait  de 
mieux  à  Ëiire,  c'était  de  choisir  comme  texte  la  pre- 
mière rédaction.  Les  seconde  et  troisième  rédac- 
tions, longtemps  ensevelies  dans  les  archives  de  quel- 
ques grandes  familles,  avaient  dormi  dans  un  oubli 
complet  jusqu'à  nos  jours  :  on  ne  connaît  que  deux 
manuscrits  de  la  seconde  et  qu'un  seul  de  la  troi- 
sième. La  première  rédaction,  au  contraire,  a  joui 
aux  quatorzième  et  quinzième  siècles  d'une  vogue 
immense,  attestée  encore  aujourd'hui  par  les  cin- 
quante manuscrits  qui  nous  en  restent,  ainsi  que  par 
les  nombreuses  éditions  qui  datent  des  premiers 
temps  de  l'imprimerie.  Or,  la  vogue  d'un  livre  s'a- 
joute à  sa  valeur  intrinsèque  pour  le  recommander  à 
l'attention  de  la  postérité,  parce  que  cette  vogue  qui 
ne  peut  s'expliquer  que  par  une  oalaine  affinité  en- 
tre la  nature  de  l'ouvrage,  les  opinions,  les  passions, 
les  tendances  de  l'auteur  et  celles  de  ses  contempo- 
rains, est  un  indice  précieux  des  mœurs  et  du  génie 
d'une  époque.  De  plus,  il  na  faut  pas  perdre  de  vue 
qu'on  Ut  toujours  le  texte  d'un  livre  avant  les  va- 
riantes :  ne  convient-il  pas  dès  lors  de  demander  ce 
texte  k  celle  des  trois  rédactions  qui  a  précédé  les 
deux  autres? 

Rien  n'est  plus  curieux  que  d'étudier  dans  les  trois 
rédactions  du  premier  Uvre  les  modifications  de  toute 


;vGoo»^lc 


LWXTiii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

sorte  que  Froissart  a  successivement  apportées  au 
récit  des  mêmes  événements;  rien  n'est  plus  piquant 
que  de  rechercher^  soit  dans  k  vie  du  chroniqueur^ 
soit  dans  l'histoire  de  son  temps,  la  cause  de  cesmo- 
dîtications.  Mais  ces  recherches  ne  peuvent  être  sû- 
res et  ces  comparaisons  fécondes  que  si  les  diverses 
rédactions  apparaissent  au  lecteur  dans  l'ordre  où 
elles  se  sont  succédé  chronolt^iquement  :  une  conù- 
dération  aussi  grave,  aussi  puissante,  aurait  suffi  pour 
faire  adopter  comme  texte  la  première  rédaction  ;  et 
si  l'ordre  chronologique  que  nous  avons  adopté  est 
exact,  la  conformité  à  cet  ordre  assure  à  noire  édi- 
tion un  avantage  inappréciable  qu'on  ne  trouve  dans 
aucune  autre. 

J^a  première  rédaction  revisée,  qui  a  été  choisie  de 
préférence  à  la  première  rédaction  proprement  dite, 
offre  d'ailleurs,  de  <372  à  1377,  le  même  texte  que 
la  seconde  ;  elle  a,  suivant  une  remarque  déjà  faite, 
moins  d'originalité  et  de  développement  que  cette 
dernière  de  <325  à  1345;  en  revanche,  elle  est  sou- 
vent plus  complète  et  parfois  supérieure  au  point  de 
vue  littéraire  pour  toute  la  partie  du  premier  livre 
comprise  entre  1 345  et  1 372. 

Le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale  coté 
6i77  à  6479  =  Bt  renferme  sans  contredit  le  plus 
ancien  et  le  meilleur  des  trois  exemplaires  complets 
qui  nous  restent  de  la  première  rédaction  revisée;  le 
choix  de  ce  manus<3'il  comme  texte  du  premier  livre 
de  notre  édition  était  donc  naturellement  indiqué. 
L'empreinte  du  dialecte  wallon,  qui  est  très-marquée 
dans  Bt,  pourra  dérouter  un  peu  le  lecteur;  mais 
c'est  un  signe  non  douteux  d'antiquité  et  d'authenti- 
cité, un  trait  caractéristique  qui  distingue  les  meil- 


;vGoo»^lc 


INTRODDCTKMÏ.  lxwix 

leurs  manuscrits  des  deux  premiers  livres  des  Chro- 
niques*. 

On  rencontre  çà  et  là  dans  le  manuscrit  B1  des 
lacunes  et  de  mauvaises  leçons  ;  on  a  comblé  ces  la- 
cunes et  corrigé  ces  leçons  défectueuses  à  l'aide  des 
autres  manuscrits  de  la  première  rédaction  revisée, 
en  ayant  soin  d'indiquer  au  bas  de  la  page  les  ma- 
nuscrits qui  ont  fourni  ces  resiitutions^  et  de  mettre 
entre  parenthèses  tes  mots  ou  les  passages  em- 
pruntés. 

Le  manus(nît  B1  ,  comme  tous  les  exeniplaires 
vraiment  anciens ,  n'a  pas  de  titres  de  chapitres.  Le 
texte  y  est  divisé  en  alinéas  dont  te  commencement 
est  marqué  par  des  lettres  capitales  alternativement 
rouges  et  bleues.  Cette  division  a  étéj  sauf  de  très-rares 
exceptions,  scrupuleusement  maintenue;  seulement» 
les  alinéas  du  manuscrit  B1  forment  autant  de  para- 
graphes dans  notre  édition. 

La  loi  que  s'est  imposée  Téditeur  de  faire  lui-même 
toutes  ses  copies  et  collations,  a  permis  d'apporter 
au  texte,  déjà  publié  tant  de  fois,  de  la  première  ré- 
daction, des  améliorations  vraiment  imprévues.  Com- 
me on  s'est  abstenu  d'avertir  le  lecteur  par  des  notes 
placées  au  bas  des  pages,  c'est  ici  le  lieu  de  citer  au 

1 .  Ce  mannicrit,  cheM'mnTre  de  la  eaUîgnphïe  de  U  fin  du  (jna- 
toTuème  lièeie,  lemble  aToir  appartenu  à  quelque  membre  de  la  fk- 
mille  Bamaade  dei  Bertliuul,  leigneun  de  GrammeDe,  dont  ou  voit  lei 
arméi  :  d'juomit  i  troii  paii  de  gutidu,  sur  te  feuillet  de  garde  pUc^ 
en  ttte  du  premier  volume.  Sur  Im  armea  dei  Berthout,  leigneun  de 
Grammene,  Tojez  Butkeni,  Trephéa  de  Brabant,  ëdit.  de  lHk,  t.  I, 
p.  319.  Lei  Berthout  de  Grammene  étaient  une  branche  cadette  de 
l'illuMTe  et  puiiMnte  fiuniUe  dei  Berthout,  aTouf*  de  Ualinei,  qui  por- 
taient :  d'ob  i  troii  pali  de  gueulti.  On  pent  lire  lur  cei  deniien  le 
beau  mànoire  de  H.  F^lii  van  den  Braaden  de  Reeth,  couronné  par 
l'Acailânie  de  Belgique,  184<i,  in-4o  de  195  pages. 


;vGoo»^lc 


xc  CHRONIQDBS  DE  t.  FROISSART. 

moins  un  exemple  de  ces  corrections.  Dans  le  récit 
de  La  bataille  de  Cassel ,  tous  les  éditeurs  qui  nous 
ont  précédé  ont  lu  ainsi  le  passage  suivant  :  m  ....  on- 
ques  de  tous  ces  XVP'  FUimens  n'en  esvapavvL,  et  fil 
leur  cbapitainne  mors.  Et  si  ne  seut  onques  nuls  de 
ces  signeurs  nouvelle  11  uns  de  l'autre,  jusques  adont 
qu'il  eurent  tout  iait;  et  onques  des  Xf^  Flamens 
qui  mors  jr  demorèrent,  n'en  recula  uns  seuls'....  * 
Ces  lignes  renflement  une  contradiction  flagrante 
qui  aurait  dû  rendre  la  leçon  suspecte  et  éveiller  la 
déSance  des  éditeurs.  Il  est  clair,  en  effet,  (jue  û 
quinze  mille  Flamands  seulement  sur  seize  mille 
'  sont  morts,  Froissart  n'a  pas  pu  dire  dans  la  phrase 
précédente  qu'il  n'en  est  pas  échappé  un  seul.  Da- 
ttier semble  avoir  apύu  cette  contradiction,  et  c'est 
sans  doute  pour  tourner  la  difficulté  que  le  savant 
éditeur  avait  substitué  le  chtSre  de  seize  mille  morts* 
aux  quinze  mille  du  texte;  mais  aucun  manuscrit 
n'autorise  cette  substitution.  On  trouvera  pour  la 
première  fois  dans  notre  édition  ce  passage  restitué 
tel  que  Froissart  a  dA  l'écrire  :  «  ....  onques  de  tous 
ces  seize  mille  Flamens  n'en  escapa  un.*....  >  Du 
reste,  nous  avons  cmrigé  sur  ce  point  les  éditions 
antérieures  sans  y  viser  le  moins  du  monde  ;  et  grande 

1.  ÛBorro  it  Fraôttr*,  publia  tom  le«  an^icM  de  l'Acad^nûii  de 
Belgique,  par  M.  le  bâroo  Kerryn  de  Lettenhove,  CkroMfitet,  t.  H, 

p.  as3. 

3.  Chrt»i^mtt  iU  Froiuarl,  Mît.  de  Dwiier,  p.  50.  Baohcu  a 
faivi  Dacîer  ici  comme  partant.  Vojn  Viàxtioa  du  Panthéon,  t.  I, 
p.  40. 

3.  F^oittart  et  lei  aatrct  ohnmïqDean  du  qiutonième  uicle  oot 
■înguliirtmeDt  exagM  Je*  perte*  de*  Flamand*  1  Caud.  Notre  ami, 
H.  Hannier  a  publié  lei  nomi  de*  rictime*  dont  le  nombre  ne  dépava 
guère  3000.  Voyes  £«1  Ftamattd*  à  la  taitUi*  d*  Ctitl.  Paria,  Â.  An- 
bi7,  1863. 


;vGoo»^lc 


INmODDCTION.  xa 

a  ëté  notre  surprise  lorsque  nous  avons  vu  que  tons 
nos  prédécesseurs  avaient  mal  lu  le  passage  dont  il 
s'agit.  Ce  curieux  exemple  prouve  une  fois  de  plus 
que  dans  les  travaux  d'érudition  il  faut  tout  faire  soi- 
même.  M.  Jourdain  faisait  de  la  prose  sans  le  savoir  : 
en  ne  confiant  à  personne  le  soin  de  transcrire  et  de 
collationner  les  manusciits,  le  plus  humble  corrige 
parfois  les  erreurs  des  autres  sans  s'en  douto'. 


CHAPITRE  II. 

DBS  vAKUaru, 

Les  variantes  comprennent  tout  ce  qui ,  dans  les 
différentes  rédactions  et  les  divers  manuscrits,  ajoute 
quelque  chose  au  texte  au  point  de  vue  historique. 
La  nature,  le  nombre  de  ces  variantes  qui,  pour  le 
premier  livre  du  Okoins ,  dépassent  presque  toujours 
en  étendue ,  et  souvent  en  importance,  le  texte  lui- 
même  ,  les  a  fait  renvoyer  en  appendice  à  la  fin  de 
chaque  volume ,  où  elles  sont  distribuées  par  para- 
graphes correspondant  à  ceux  du  texte  et  selon  l'or- 
dre chronologique  des  rédactions. 

A  désigne  la  première  rédaction  proprement  dite  ; 
B  la  furemière  rédaction  revisée;  les  chifires  placés 
après  A  et  B  indiquent  les  divers  manuscrits  qui  ap- 
partieonent  à  ces  deux  rédactions. 

La  mention  :  lUs.  d'Amiens  équivaut  à  la  seconde 
rédaction,  ainsi  nommée  du  principal  manuscrit  qui 
la  représente;  cette  mention  s'applique,  non-seule- 
ment au  manuscrit  d'Amiens,  mais  encore  à  celui  de 
Valenciennes,  qui  n'est  le  plus  souvent  qu'un  abrégé 


;vGoo»^lc 


scii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

du  premier,  et  dont  le  texte  s'airéte  au  siège  de 
Tournai  f  en  1340.  Ce  manuficrit  oflfre  néanmoins 
quelques  additions  que  l'on  trouvera  dans  notre  ap- 
pendice; et  toutes  les  fois  que  les  leçons  par  où  il 
diffère  de  l'original  ont  semblé  plus  ou  moins  inté- 
ressantes au  point  de  vue  histonqne,  on  les  a  recueil- 
lies avec  soin  et  placées  au  bas  de  la  page  comme 
variantes  du  texte  d'Amiens. 

La  rubrique  :  Ms.  de  Rome  correspond  à  la  troi- 
sième rédaction  que  le  manuscrit  unique  de  la  Bi- 
bliothèque du  Vatican  nous  a  conservée. 

En  tête  de  chaque  variante  figure  l'indication  du 
manuscrit  qui  l'a  fournie,  et  dont  le  feuillet  est  mar- 
qué après  cette  variante.  Ce  soin  constant  de  ren- 
voyer au  feuiUet,  plus  indispensable  pour  les  ma- 
nuscrits, quoique  moins  usité,  que  l'indication  de  la 
page  pour  les  imprimés,  est  une  petite  innovalîtm 
de  l'éditeur. 

Si  plusieurs  manuscrits  donnent  la  même  variante, 
on  s'impose  la  tâche  de  les  indiquer  tous;  et  dans  ce 
cas  le  feuillet  de  la  variante  se  rapporte  toujours  au 
manuscrit  indiqué  le  premier  et  d'après  lequel  a  été 
établi  le  texte  de  cette  variante.  Vous  lisez,  par 
exemple  :  «  Mss.  ^  7,  18,  19,  23  à  35  :  ce  roi  Phi- 
lippe nommé  Beau  de  France.  P  2  v".  u  Le  P  2  v* 
est  celui  du  manuscrit  A  7  d'où  la  variante  est  tirée; 
et  si  vous  vous  reportez  au  paragraphe  '  consa<a«  au 
classement  des  manuscrits  A,  vous  y  voyez  que  A  7 
désigne  le  ms.  de  la  Bibliothèque  impérialecolé 3655. 
Avec  ce  système,  on  ne  publie  pas  une  seule  variante 

J.  P.  217. 

S.  Vojer,  la  première  partie  de  cette  Introduction,  cliap.  i,  J  4, 


;vGoo»^lc 


IHTRODUCTION.  xciii 

sans  en  Êiire  connaître  la  provenance;  or  il  est  très- 
intéressant  pour  l'historien  comme  pour  le  philo- 
l(^e  de  se  rendre  un  compte  exact  de  cette  pro- 
venance. 

Ce  serait^  qu'on  ne  l'ignore  pas,  se  méprendre 
étiangemeDt  que  de  voir  dans  cette  éniunération  de 
tous  les  manuscrits  qui  reproduisent  la  même  va- 
riante un  vain  étalage  d'érudition.  Une  leçon  a  plus 
ou  moins  de  valeur  selon  le  nombre,  l'ancienneté, 
Tauthentieité  des  manuscrits  qui  la  fournissent.  Re- 
lever cette  leçon  sans  indiquer  tous  les  exemplaires 
où  on  la  trouve,  c'e^  ne  Ëiire  que  la  moitié  de  la 
tAche;  c'est  produire  un  témoignage  sans  offrir  au 
public  les  moyens  de  l'apprécier  et  de  le  contrôler. 

Notre  é^tion  ne  donne  que  les  variantes  histori- 
ques, mais  on  a  compris  le  mot  historique  dans  son 
sens  le  plus  large,  comme  on  pourra  s'en  oonvaincre 
si  l'on  jette  un  regard  sur  l'énorme  appendice  de  ce 
volume.  Les  variantes  relatives  aux  dates,  aux  noms 
de  lieu  et  de  personne,  qui  sont  historiques  au  pre- 
mier chef,  ont  été  l'objet  d'une  attention  toute  spé- 
ciale. On  a  pris  soin  de  recueillir  les  leçons  même 
défectueuses,  toutes  les  fois  qu'elles  modifient  essen- 
tiellement la  forme  d'un  nom.  Bref,  on  a  rejeté  seu- 
lement les  variantes  de  pure  forme,  celles  qui  n'au- 
raient ajouté  au  texte  ni  un  fait  ni  un  détail  nouveau. 
Du  reste,  les  philologues  n'y  perdront  rien,  car  les 
mots  et  les  tournures  plus  ou  moins  remarquables 
sont  réservés  pour  le  glossaire  qui  doit  embrasser  tous 
les  manuscrits  et  toutes  les  variantes  sans  exception. 

Le  but  qu'on  s'est  proposé,  en  ne  publiant  que 
les  variantes  historiques,  a  été  moins  d'économiser 
du  temps  et  de  l'espace  que  d'éviter  tes  répétitions  et 


;vGoo»^lc 


ZGiT  GHRONIQDES  DE  J.  PROISSÀRT. 

surtout  de  dégager  nettement,  de  bieo  mettre  en 
lumière  ce  qui  appartient  en  propre  à  chaque  rédac- 
tion. Tel  est  en  effet  le  principal  avantage  du  système 
adopté  dans  cette  édition  :  il  pnraet  de  comparer 
et  de  mesurer  matériellement,  de  toucher  pour  ainsi 
dire  du  doigt  les  différences  que  les  diverses  rédac- 
tions du  premier  livre  présentent  entre  elles.  L'œu- 
vre de  Froissart  ressemble  à  ces  forêts  où  les  arbres 
sont  si  rapprochés  et  si  toufhis  qu'ils  portent  un 
ombrage  trop  épais  :  pour  ^ire  pénétrer  davantage 
le  jour  et  circuler  la  lumière  dans  les  profondeurs  de 
cette  forêt,  nous  y  avons  percé  des  avenues,  noua  en 
ftvons  élagué  les  broussailles  et  les  branchages  pa- 
rasites. 

On  sera  peut-^tre  surpris  de  ne  pas  trouver  ici  un 
certain  nombre  de  variantes  d'un  intérêt  historique 
qui  figurent  dans  l'édition  de  Dacier  d'où  elles  ont 
sans  doute  passé  dans  celle  de  M.  Kervyn  de  Let- 
tenhove;  mais  il  y  avait  une  bonne  raison  de  ne  les 
pas  reproduire  :  eUes  sont  Ëiusses.  Il  convient  de  citac 
quelques  exemples  à  l'appui  d'une  assertion  qui  ne 
manque  pas  de  gravité.  La  leçon  :  «  huit'  »  dans 
l'édition  de  Dacier,  p.  40,  et  dans  celle  de  M.  Kervyn, 
t.  n,  p.  168  au  bas  de  la  page;  la  leçon  :  «  quatre 
cens  »  Dacier,  p.  42  et  M.  Itavyn,  t.  H,  p.  177;  la 


1.  Une  note  de  Dacier  relative  à  ce  patiage  prërient  le  lecteur  que 
h  leçon  «  hait  ■  eM,  non  une  reititntioD  pure  et  limple,  mai*  nne 
correotion  de  l'tfditeiir.  L'édition  de  Dacia"  dont  il  a'agït  ici,  oanunen- 
0^  avant  17S9,  Aait  en  oonn  de  publication  lonque  la  Rérolntion 
Tint  l'inteirampre,  et  eUe  ne  (iit  jamais  repriie  par  son  aateoi';  il  n'en 
rote  qne  de*  bonnei  feniilci  dont  le  bean  oaraetire  fidt  le  pin*  gtuad 
bonneor  ani  picuai  de  l'Imprimerie  ro/ale.  Notre  exemplaire  compte 
633  page*,  <t  il  «  Aé  acheté  i  la  vente  in  eabinn  de  tèa  CbampoUioif 
Figeù. 


;vGoo»^lc 


HtTRODUCTlOIf.  xov 

leçon  :  «  mars  »  Dacier,  p.  57  et  M.  K«rvyn^  t.  n, 
p.  234-  en  note  ;  la  leçon  :  «  neuf  n  Ducier,  p.  64  et 
Rervyn,  t.  n,  p.  273  en  note  :  ces  leçons  et  une 
foule  d'autres  dont  il  serait  Êtstidieux  de  donner  le 
détail,  doivent  être  le  résultat  de  mauvaises*  lectures, 
car  on  n'a  pu  les  retrouver  dans  aucun  des  nom- 
breux  manuscrits  du  premier  livre;  et  pourtant  tous 
ceux  que  Dacier  et  M.  Kervyn  ont  compulsés  ont 
été  mis  à  oontributlon.  L'illustre  académicien  fran- 
çais semble  avoir  commis  la  faute  grave  de  laisser  à 
des  oc^istes  le  soin  de  recueillir  les  variantes  de  son 
édition  :  il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  s'étonner  si  les 
oreurs  abondent  dans  cette  partie  de  son  travail. 
La  reproduction  de  ces  erreurs  dans  la  belle  publi- 
cation de  M.  Kervyn  est  un  peu  plus  difficile  à 
comprendre  :  peut-être  &ut-il  l'expliquer  en  suppo- 
sant que  l'érudit  belge  a  cru  pouvoir  emprunter  des 
variantes  garanties  par  le  nom  de  Dacira^  sans  les 
soumettre  à  un  contrôle  préalable. 

CHAPITRE  ni. 


Le  texte  et  les  variantes  forment  deux  parties  qui, 
bien  que  distinctes  par  leur  place  respective,  n'en 
sont  pas  moins  inséparables;  et  si  on  les  compare, 

1.  Le  lecteur  Tondra  bien  remarquer  qa'oa  t'ett  «bttenu  duu  le 
conr*  de  l'édition  de  ligncler  le«  faatea  commiiei  par  le*  précédent! 
Mileura.  Ici,  fonie  notu  iu,it  de  critiquer  le*  aatre»,  ti  noiu  ne  *oa- 
lioiu  bùiaer  croire  qu'un  certain  aomfare  de  Tariantei  T^tablement 
hialorique*  ont  ^t^  omiiei  dani  notre  Tcleré.  Il  n'en  est  pu  moint  rrai 
que  non*  n'aTon*  ancan  goât,  Dieu  merci,  pour  ce  genre  de  beiogne. 
Qoi  MÙt  d'ailleon  û  notie  parewe  n'7  tronre  pa*  ton  compte? 


;vGoo»^lc 


xcn  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT. 

les  rappcHls  qu'elles  soutiennent  se  présentent  sous 
un  double  aspect  :  tantôt,  et  c'est  le  cas  le  plus  or- 
dinaire, les  variantes  n'ajoutent  au  texte  que  des 
faits  de  détail  et  des  développements  plus  complets; 
tantôt  au  contraire,  la  seconde  et  U  troisième  ré- 
daction, qui  ont  fourni  la  majeure  partie  des  varian- 
tes du  premier  livre,  présentent  de  foncières  diffé- 
rences, non-seulement  entre  elles,  mab  encore  avec 
le  texte,  c'est-à-dire  avec  la  première  rédaction.  Dans 
ce  dernier  cas,  il  n'y  a  évidemment  rien  autre  chose 
à  faire,  même  dans  un  sommaire,  qu'à  résumer  les 
rédactions  différentes  en  les  publiant  les  unes  à  la 
suite  des  autres  et  selon  l'ordre  chronologique.  Mais 
dans  le  premier  cas,  dans  le  cas  où  les  variantes 
enrichissent  le  texte  plutôt  qu'elles  ne  le  démentent, 
où  les  diverses  rédactions,  loin  de  se  contredire,  se 
complètent,  il  y  a  lieu  d'assi^er  au  sommaire  un 
rôle  vraiment  important  et  jusqu'à  un  certain  point 


il  suffit  de  parcourir  superficiellement  l'ensemble 
de  ce  volume  pour  être  frappé  de  la  multitude  in- 
nombrable de  détails  précieux  disséminés  çà  et  là, 
mais  qui  risquent  d'échapper  par  leur  éparpillement 
à  l'attention  des  érudits  eux-mêmes.  Combien  il  se- 
rait désirable  qu'il  fût  fait  un  choi\,  un  triage  intel- 
ligent de  tout  ce  que  l'on  rencontre  d'intéressant, 
soit  dans  le  texte,  soit  dans  les  variantes  I  Combien 
il  serait  commode  de  trouver  résumée,  condensée 
dans  une  narration  unique  la  matière  historique 
éparse  dans  les  diverses  rédactions  1 

Le  but  principal  de  notre  sommaire  est  précisé- 
ment de  répondre  a  ce  besoin.  C'est  une  tâche  déli- 
cate, ardue,  nécessairement  imparfaite  comme  toute 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  xcvii 

l>esogae  composite,  pleine  de  difficultés  de  plus  d'un 
genre  qu'on  ne  se  flatte  nullement  d'avoir  surmon- 
tées; mais  l'utilité  et  la  commodité  qui  doivent  ré- 
sulter d'un  pareil  travail  rendront  le  lecteur,  on  l'es- 
père du  moins,  indulgent  pour  les  fautes  inévitables 
de  l'exécution. 

Notre  sonmiaire  ne  pouvait  atteindre  le  but  pro- 
posé sans  prendre  des  développements  relativement 
considérables.  Aussi  a-t-il  le  caractère  d'une  traduc- 
tion à  peu  près  littérale  dans  tous  les  passages  que 
leur  importance  rend  dignes  d'une  attention  plus 
spéciale.  Un  cadre  aussi  large  apermis  en  outre  d'i- 
dentifier presque  tous  les  noms  de  lieu  et  de  resti 
tuer  les  noms  de  personne  sous  leur  forme  moderne. 
Lorsqu'il  s'agit  de  noms  peu  connus  ou  d'identiB- 
cations  et  de  restitutions  plus  ou  moins  sujettes  à 
controverse,  on  a  placé  des  notes  au  bas  des  pages 
pour  expliquer  et,  s'il  y  a  lieu,  justifier  la  solution 
que  l'on  a  adoptée.  On  a  souligné  les  noms  que  l'on 
n'a  pu  parvenir  à  identifier  afin  d'appeler  sur  ces 
petits  problèmes  l'attention  d'érudits  plus  spéciaux 
et  plus  compétents.  Il  n'a  été  apporté  du  reste  au 
texte  de  Froissart  que  de  très-légères  et  très-rares 
corrections  de  détail  qui  modifient  çà  et  là  un  pré- 
nom, un  nom  ou  une  date,  et  ces  corrections  sont 
toujours  mises  entre  parenthèses.  Ainsi  conçu,  notre 
sommaire  ne  tient  sans  doute  pas  lieu  d'un  glossaire 
ou  de  tables  géographique  et  onomastique  ;  mais  il 
aidera  peut-être  à  attendre  avec  moins  d'impatience 
c-e  complément  indispensable  de  notre  édition.  Ce 
n'est  pas  encore  la  critique,  mais  c'est  déjà  l'éluci- 
dation  aussi  complète  que  possible  du  premier  livre 
des  Chroniques. 


;vGoo»^lc 


xcvm  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Ce  sommaire  est  divisé  en  un  certain  nombre  de 
chapitres  dont  chacun  comprend  une  série  de  Mts 
qui  se  relient  entre  eux  et  présentent  un  caractère 
d'unité  véritable.  Ces  chapitres  pourraient  donner  lieu 
à  autant  de  dissertations  critiques  qui  seraient  desti- 
nées, dans  une  publication  en  quelque  sorte  parallèle, 
à  compléter  ëtàconlrôler  l'œuvre  de  Froissart  à  l'aide 
de  tous  les  documents  contemporains,  imprimés  ou 
manuscrits.  Dans  ces  dissertations,  on  poserait  à  pro- 
pos de  chacun  des  chapitres  du  sommaire,  et  l'on 
essayerait,  s'il  était  possible,  de  résoudre  les  trois 
questions  suivantes  :  1*  Froissart  a-t-il  puisé  son  rérât 
dans  un  autre  chroniqueur,  ou  l'a-t-il  tiré  de  son 
propre  fonds? 2° Quelles  modifications  ont  été  appor- 
tées au  récit  primitif  dans  les  rédactions  successives 
du  premier  livre?  3*  Enfin,  quelle  est  la  part  de  la 
vérité  et  celle  de  l'erreur  dans  le  texte  des  ChroDi- 
ques?  Ces  dissertations  critiques  permettraient  de 
rassembler  et  de  grouper  en  quelque  sorte  toute  la 
matière  historique  du  quatorzième  siècle  autour  de 
l'œuvre  de  Froissart  :  les  témoins  sî  nombreux  et  si 
divCTS  de  cette  curieuse  époque  seraient  entendus 
tour  à  tour,  mais  c'est  le  chroniqueur  de  Valen- 
ciennes  qui  conduirait  le  chœur. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCnON. 


CHAPITRE  IT. 

OK    l'oKTHM&APHX  ,     DE    U    PONCTUATION 
KT   DE   L* ACCENTUATION. 

L'orthographe  du  texte  comme  des  variantes  est  la 
re[Voduction  fidèle  des  manuscrits.  On  attache  tant 
de  prix  à  cette  fidélité  qu'on  n'a  reculé  devant  au- 
cun voyage,  aucune  dépense,  aucun  sacrifice  pour 
l'obtenir.  Il  n'y  a  pas  dans  ce  volume  et  il  n'y  aura 
pas,  s'il  plaîtjà  Dieu,  dans  les  volumes  suivants  une 
seule  ligne  qui  n'ait  été  copiée  ou  collationnée  par 
l'éditeur  [lui-même;  et  c'est  là  certainement  le  prin- 
fàpal  titre  qui  reconunandera  notre  édition  à  l'indul- 
gence des  juges  impartiaux. 

Cette  fidélité  littérale  devait  être  ici  d'autant  plus 
recherchée  qu'il  y  a  plusieurs  bonnes  raisons  de  ne 
rien  entreprendre  pour  le  texte  de  Froissart  qui  rap- 
pelle, par  exemple,  le  beau  travail  de  correction  et 
de^restitution  fait  récemment  sur  Joinville  par  notre 
vénéré  maître  M.  Natalis  de  Wailly.  D'abord,  les 
manuscrits  du  premier  livre,  d'après  lesquels  on  a 
établi  le  texte  proprement  dit  ainsi  que  la  plus  grande 
partie  des  variantes,  sont  à  peu  près  contemporains 
de  l'époque^ où  vivait  l'auteur;  ensuite,  il  ne  nous 
reste  de  Froissart  aucun  manuscrit,  sinon  autogra-  . 
phe,  au  moins  incontestablement  original,  qui  puisse 
fournir  à  la  critique  le  solide  point  d'appui  que  le 
savant  auteur  des  Éléments  de  Paléo^aphie  a  trouvé 
dans  les  chartes  émanées  de  la  chancellerie  de  Join* 
viUe.  On  peut  ajouter  que,  quand  même  ce  manu- 
sra'it  qui  nous  manque  existerait,  il  ne  devrait  être 


;vGoo»^lc 


c  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

considéré  comme  un  critérium  sûr  que  pour  une  cer- 
taine période,  car  qui  sait  si  les  différentes  phases  de 
la  vie  errante  et  vagabonde  du  chroniqueur  n'ont 
pas  amené  des  modifications  successives  et  corres- 
jK>ndantes  dans  sa  langue  ou  du  moins  dans  son  or- 
thographe? Ces  observations  s'appliquent  aussi  bien 
aux  poésies  de  Froissart  qu'à  sa  prose.  Il  est  vrai  que 
la  rime  garantit  contre  les  altérations  des  scribes  la 
phonétique  des  syllabes  finales  de  chaque  vers  ou  du 
moins  permet  de  la  restituer  sûrement;  mais  qui 
nous  dit  que  le  versificateur  n'a  pas  en  certains  cas 
modifié  plus  ou  moins  son  orthographe  ordinaire 
pour  les  besoins  de  la  rime?  Il  faut  aussi  faire  la 
part  de  ce  qu'il  doit  y  avoir  de  factice  dans  la  langue 
de  ces  poëmes  de  cour.  Il  est  certain,  toutefois,  que 
l'on  retrouve  dans  le  célèbre  manuscrit  des  poésies 
de  Froissart  conservé  à  la  Bibliothèque  impériale  te 
bizarre  mélange  de  formes  wallonnes  et  françaises, 
tantôt  conformes,  tantôt  contraires  aux  règles  an- 
ciennes, qui  distingue  la  prose  du  chroniqueur. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  y  a  une  raison  plus  haute  et 
pour  ainsi  dire  plus  philosophique  de  ne  point  tenter 
la  correction  des  fautes,  des  irrégubrités  qu'on  re- 
trouve, non-seulement  dans  les  divers  manuscrits 
des  Chroniques,  mais  encore  dans  tous  tes  textes 
qui  datent  de  la  même  époque  :  supprimer  ces  feu- 
les, en  effet,  ce  serait  enlever  à  la  langue  du  chro- 
niqueur de  Valenciennes  son  caractère  réel,  histori- 
que, le  trait  distinctil'  qui  la  recommande  surtout  à 
l'attention  des  savants  et  qui  fait  des  Chroniques  un 
monument  d'une  incomparable  importance  pour  les 
philologues  aussi  bien  que  pour  les  lettrés  et  les  éru- 
dits  appliqués  à  l'observation  des  événements. 


;vGoo»^lc 


imnODTICTION.  Cl 

Tout  se  tient  dans  ce  vaste  organisme  qui  compose 
la  vie  des  sociétés ,  et  la  décadence  de  la  langue  ac- 
compagne toujours  celle  des  institutions  et  des  mœurs. 
C'est  là  l'un  des  faits  les  mieux  établis  et  en  même 
temps  l'un  des  enseignements  tes  plus  graves  que 
puisse  ofirir  l'étude  du  passé;  mais  jamais  cette  vé- 
rité n'a  été  plus  éclatante  qu'en  France  au  quatorziè- 
me siècle.  A  cette  époque  ^  l'organisation  féodale, 
après  avoir  atteint  son  apogée  dans  les  siècles  précé- 
dents, est  déjà  en  pleine  dissolution,  et  la  centralisa- 
IJon  monarchique,  qui  doit  aboutir  au  despotisme  de 
£x)uis  XI,  de  Richelieu  et  de  Louis  XIV,  vient' à 
peine  d'essayer  ses  forces  sous  Philippe  le  Bel  et  n'a 
pas  encore  réussi  à  se  constituer  :  la  société ,  ainsi 
qu'il  arrive  toujours  dans  ces  temps  de  crise ,  est  en 
proie  à  la  confusion ,  au  désordre ,  à  tous  les  maux 
de  Fanarchie.  Il  se  produit  alors  un  phénomène  bien 
digne  d'être  médité  et  approfondi.  Sous  l'influence 
de  causes  diverses,  la  langue  du  quatorzième  siècle 
en  général,  celle  de  Froissart  en  particulier,  revêt  le 
même  caractère  mixte,  bâtard,  de  transition  que  l'é- 
poque dont  elle  est  l'expression ,  que  la  société  qui 
la  parle  :  comme  cette  société,  elle  est  pleine  de  dés- 
OTdre,  d'irrégularités,  d'incohérences,  parce  que  tan- 
tôt elle  suit  les  règles  de  l'ancien  français,  et  tantôt 
elle  s'en  aflranchit  pour  prendre  le  caractère  qu'a 
conservé  le  français  moderne.  D'ailleurs,  si  la  royauté, 
qui  tend  depuis  longtemps  à  absorber  les  pouvoirs 
locaux,  est  loin  encore  d'avoir  atteint  ce  but  à  l'épo- 
que de  Froissart;  l'idiome  de  l'Ile-de-France,  de  son 
côté,  quoiqu'il  j>énètre  et  altère  de  plus  en  plus,  à  la 
même  époque,  les  dialectes  des  autres  provinces,  ne 
les  a  pas  néanmoins  supplantés;  il  en  résulte  un  péle- 


;vGoo»^lc 


oi  CHRONIQUES   DE  J.  FKOISSART. 

mêle  provisoire  qui ,  se  régularisant  peu  à  peu ,  doit 
devenir  un  jour  la  langue  définitive.  Un  éditeur  des 
Chroniques  commettrait  donc  une  étrange  méprise 
s'il  ne  reproduisait  pas  avec  un  soin  scrupuleux  ces 
irrégularités,  ces  incohérences,  ce  pêle-mêle.  U  ne 
pourrait  les  corriger  sans  fausser  la  réalité,  sans  rom- 
pre, par  conséquent,  avec  la  méthode  scientifique, 
pour  tomber  dans  la  pure  fantaisie;  autant  vaudrait 
supprimer  l'histoire. 

Il  ne  s'agit  ici,  bien  entendu,  que  des  &utes  qui 
proviennent  de  l'état  général,  et  pour  ainsi  dire 
organique  de  la  langue;  quant  à  celles  qui  ne  peu- 
vent être  attribuées  qu'à  la  négligence  ou  à  la 
distraction  des  copistes,  et  qui  ont,  comme  on  dirait 
en  pathologie,  le  caractère  de  lésions  purement  su- 
perficielles et  accidentelles,  un  éditeur  intelligent, 
consciencieux,  n'a  pas  seulement  le  droit,  il  a  le  de- 
voir strict  de  les  effitcer  et  de  les  corriger*. 

Le  caractère  mixte,  composite  de  la  langue  de 
Froissart  est  d'autant  plus  sensible  dans  le  premier 
livre,  que  les  meilleurs ,  les  plus  importants  manu- 
scrits de  ce  livre  sont  écrits  en  dialecte Jwallon.  Or, 
on  sait  que  l'une  des  particularités  de  ce  dialecte, 
c'est  qu'il  a  maintenu  plus  longtemps  que  les  autres 
ta  distinction  du  cas  sujet  et  du  cas  régime,  fonda- 


1.  La  dùtinctian  capitale  que  aaiu  euayons  de  marquw  ici  s'appli- 
que, du  moins  dam  une  cerUine  meaure,  aux  ouTraget  de  la  déca- 
dence greoque  et  latine  ausii  hien  qu'à  ceux  qui  repràenteat  la  dé- 
composition de  l'anciea  Erançait.  On  n'a  pas  tenu  peut-être  un  compte 
■uRÛant  de  cette  distinction  lorsqu'on  a  publia,  au  seizième  sttele  et 
mime  de  nos  jours,  certaini  auteur*  de  la  basse  latinité  ou  de  la  basse 
fp^cité.  C'est  surtout  en  matière  de  tangage,  ce  perpAuel  ttavanù;  que 
la  ffiétbode  naturaliste  et  scientifique,  propre'i  notre  siMe,  doit  rem 
placer  l'abus  du  dogmatisme  classique. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  eut 

mentale  dans  l'ancien  français.  Ua  passage  de  oe  vo- 
lume office  un  curieux  exemple  de  cet  archaïsme. 
Daus  ce  passage,  abbes  du  nominatif  d:Ma.r,  est  tou- 
jours employé  au  cas  sujet,  et  abbet,  fonué  sur  l'ac- 
cusatif aïio/tf/n,  au  régime*. 

La  ponctuation  a  été  l'objet  d'une  attention  toute 
spéciale,  et  l'on  peut  dire  que  ce  détail,  en  apparence 
infime,  donne  à  notre  édition  un  aspect  entièrement 
nouveau.  Qui  ne  se  rappelle  avoir  vu  dans  les  édi- 
tions antérieures,  ces  phrases  vraiment  interminables 
dont  les  divers  membres,  enchaînés  ensemble  par  la 
conjonction  et  indéfiniment  répétée,  s'embairassent 
et  s'entravent  en  quelque  sorte  les  uns  les  autres  ? 
Toutes  les  fois  que  le  sujet  est  sous -entendu  en  tête 
d'une  phrase,  comme  il  arrive  d'ordinaire  si  ce  sujet 
est  un  pronom,  les  précédents  éditeurs  n'ont  presque 
jamais  placé  devant  cette  phrase  un  point  ;  dans  ce 
cas,  ou  bien  ils  se  sont  sdïstenus  de  tout  signe  de 
ponctuation,  ou  bien  ils  n'ont  mis  qu'un  point  et 
viigule  ,  ou  même  qu'une  simple  virgule.  L'éditeur 
de  ce  volume  a  suivi  d'autres  errements  :  il  a  rem- 
placé très-souvent  par  des  points  les  virgules  dont  on 
avait  un  peu  abusé  jusqu'à  ce  jour,  de  telle  sorte  que 
là  où  le  texte  ne  formait  nagu^  qu'une  seule  phrase, 
le  lecteur  en  trouvera  maintenant  quatre  ou  cinq. 
Outre  que  cette  innovation  s'appuie  sur  l'autorité  de 
quelques  manuscrits  anciens',  elle  a  l'avantage  d'im- 
primer  au  récit  une  allure  plus  dégagée ,  plus  Êicile, 
plus  rapide,  plus  conforme,  en  un  mot,  au  véritable 

I-  Vojez  p.  168,  lîgnet  16  et  38. 

!.  On  peut  citer  noUDunent  le  manuMirit  de  UBibl.  Imp.,  cot^  64T7 
à  6ï76:=Bt  d'tprè»  lequel  a  ^t^  établi  le  texte  du  premier  livre  et  où 
Il  fin  de  chaque  phrite  eit  marqua  par  Ae»  pointf . 


jvGooi^lc 


cTi  CBBONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

tout  OÙ  il  la  trouve  observée  dans  les  manuscrits,  l'é- 
diteur n'a  fait  que  se  conformer  au  système  actuel 
qui  admet  les  mêmes  anomalies  :  tandis  que  nous 
mettons  aujourd'hui  l'accent  sur  la  pénultième  suivie 
d'une  muette  dans  première ,  Gdèle,  espace,  n'écri- 
vons-nous pas  sans  accent ,  mais  avec  le  redouble- 
ment de  la  consonne  verre^  ctuelie,  paresse,  selon  les 
errements  de  l'orthographe  ancienne  ? 


;vGoo»^lc 


TROISIÈME  PARTIE. 

DR    U.    VALRUR    HISTOHIQDB    BT    CITT^ILAIHE 
DD    PREMIER    LIVRE. 


CHAPITRE  I. 

DB    LA    PARTIALITÉ   BT   DB    LA    SIMCJRITB    DE    l'aDTEUB 
DBS    CHKONIQCES. 

Froissart  a  donné  à  ses  récits  le  titre  qui  leur  con-  •  • 
vient  réellement  en   tes  appelant  des  Chroniques  : 
c'est  ce  qu'il  ne  faut  pas  perdre  un  seul  instant  de 
vue  lorsqu'on  veut  l'apprécier  équitablement,  car  on 
ne  saurait  sans  injustice  demander  à  un  écrivain  au- 
tre chose  que  ce  qu'il  a  voulu  faire.  S'entourer  de 
tous  les  renseignements,  peser  tous  les  témoignages,  ^ 
les  contrôler  les  uns  par  les  autres,  essayer  d'y  dé- 
mêler la  part  de  la  vérité  et  celle  de  l'erreur  :  c'est 
le  devoir,  c'est  l'honneur  de  l'historien  vraiment  di- 
gne de  ce  beau  nom.  Froissart  n'eut  jamais  une  am-  • 
bition  aussi  élevée,  et  l'on  peut  ajouter  qu'il  eut  rai- 
son de  ne  pas  l'avoir.  Le  clerc  de  la  reine  Philippe,  * 
lecurédes  Estinnes-au-Mont,  le  chapelain  de  Gui  de 
Blois  vécut  toujours  dans  une  position  plus  ou  moins 
subalterne  qui  ne  lui  assurait  pas  l'indépendance  ab- 
solue ni  peut-être  les  ressources  matérielles  indispen- 
sables de  son  temps  pour  se  placer  dans  les  condi- 
tions où  l'histoire  proprement  dite  peut  éclore  et 


;vGoo»^lc 


cvin  CHRONIQUES  DB  J.  raOISSAHT. 

fleurir.  En  outre,  la  plus  grande  partie  de  ses  Chro- 
niques est  consacrée  à  la  narration  des  événements 
eoDtemporains  ;  or  il  est  impossible,  quand  il  s'agît 
de  faits  trop  rapprochés,  d'atteindre  l'harmonie  de  la 
composition,  la  justesse  des  proportions  par  où  se 
manifeste,  dans  la  forme  en  même  temps  que  dans  le 
fond,  cet  esprit  de  justice  distributive  qui  est  l'âme 
de  l'histoire.  Pour  atteindre  ou  plutôt  pour  pour- 
suivre sûrement  un  but  si  difficile,  la  prudence  com- 
mande d'attendre  que  les  événements  se  soient  mas- 
sés dans  la  perspective  des  siècles.  Soit  donc  que 
Froissart  ait  obéi  à  la  nécessité,  soit  qu'il  ait  suivi 
son  Instinct,  soit  même,  si  l'on  veut,  qu'ayant  sur- 
tout égard  à  sa  commodité,  il  ait  cédé  à  des  calculs 
plus  ou  moins  égoïstes,  on  ne  serait  nullement  fondé 
à  lui  reprocher,  dès  l'instant  où  il  s'appliquait  au  ré- 
cit des  faits  contemporains,  de  n'avoir  écrit  que  des 
Chroniques. 

Les  obligations  qui  incombent  à  l'annaliste  sont 
beaucoup  moins  sévères  et  moins  étroites  que  celles 
auxquelles  est  astreint  l'historien  véritable.  Enregis- 
trer pour  ainsi  dire  au  jour  te  jour  les  événements 
les  plus  marquants  tels  qu'il  les  entend  raconter  au- 
tour de  lui  :  là  se  borne  la  tâche  modeste  du  chro- 
niqueur. Aussi,  tandis  que  la  sincérité  de  l'historien 
ne  va  pas  sans  l'impartialité  et  sans  la  critique  judi- 
cieuse des  divers  témoignages ,  il  suffit  au  chroni- 
queur, pour  être  sincère,  de  ne  pas  transmettre  un 
écho  trompeur,  mensonger,  des  bruits  d'alentour  :  la 
fîdélité  de  la  reproduction  est  tout  ce  que  l'on  attend 
de  sa  bonne  foi. 

A  ce  point  de  vue,  qui  est  te  seul  équitable,  on  doit 
rendre  hommage  à  la  sincéiité  de  Froissart.  Dans  les 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  cix 

récits  qu'il  fait  de  première  main,  on  admire  généra- 
lement, avec  la  fidélité  en  quelque  sorte  minutieuse 
de  certains  détails,  cette  fidélité  plus  haute  et  vrai- 
ment supérieure  qui  reproduit  jusqu'à  la  couleur  des 
temps  et  des  lieux,  jusqu'au  geste  et  à  l'accent  des 
personnages  et  qui  est  le  privilège  des  grands  ar- 
tistes. 

Non-seulement  le  chroniqueur  n'a  pas  besoin, 
comme  l'historien,  de  concilier,  de  fondre  dans  une 
harmonie  générale  les  diverses  parties  de  son  œuvre, 
mais  encore  il  n'est  pas  tenu  à  la  rigueur  de  mettre 
d'accord  les  récits  différents  qu'il  donne  du  même 
fait,  pourvu  qu'il  rapporte  fidèlement  dans  chacun 
d'eux  ce  qu'il  a  entendu  raconter.  En  d'autres  ter- 
mes, plus  heureux  que  l'historien  qui  doit  s'efforcer 
de  dégager  la  vérité,  l'annaliste  n'a  qu'à  transmettre 
exactement  l'information  telle  qu'il  l'a  reçue ,  si  in- 
complète, si  partiale  qu'elle  puisse  être,  pour  s'ac- 
quitter envers  son  lecteur. 

Froissart  a  laidement  usé  et  parfois,  il  faut  bienen  ' 
convenir,  un  peu  abusé  de  ces  immunités  du  genre 
inférieur  qu'il  avait  adopté.   Avec  un  courage,  une  • 
persévérance  infatigables,  il  a  composé  à  d'assez  longs 
intervalles  trois  rédactions  de  son  premier  livre  pro- 
fondément distinctes  les  unes  des  autres,  mais  il  pa- 
rait n'avoir  jamais  songé  à  faire  ce  qu'on  appellerait 
aujourd'hui  la  critique  comparée    de  ces  différentes 
rédactions.  Il  ne  tente  nulle  part  de  les  confronter, 
de  les  rapprocher  ou  de  les  opposer  entre  elles. 
Qu'elles  se  confirment  ou  qu'elles  se  contredisent, 
on  dirait  que  peu  lui  importe.   Il  raconte  le  même  * 
événement  une  seconde,    une  troisième  fois,    avec 
une  allure  aussi  dégagée  et  sans  plus  de  souci  de  ses 


;vGoo»^lc 


GK  CHRONIQUES  DE  J.  FftOISSART. 

récits  antérieurs  que  quelqu'un  qui  y  serait  complè- 
tement étranger.  Cette  habitude  est  constante ,  et 
l'on  ne  peut  guère  citer  comme  exception  qu'un  cu- 
rieux passage  du  manuscrit  de  Rome,  c'est-à-dire  de 
la  troisième  rédaction  où  Froissart,  non  content  d'a- 
dopter une  version  tout  à  fait  contraire  à  celle  qu'on 
trouve  dans  tes  deux  rédactions  précédentes ,  prend 
la  peine  de  reproduire  sa  première  version  pour  la 
contredire  et  y  opposer  le  démenti  le  plus  formel*- 
On  n'aurait  le  droit  d'adresser  des  reproches  à 
l'auteur  des  Chroniques  que  s'il  avait  voulu  donner 
le  change  sur  le  caractère  borné,  exclusif,  intéressé  et 
par  suite  plus  ou  moins  partial  des  témoignages  qui 
ont  servi  de  base  à  ses  récits.  Ne  semble-t-il  pas 
avoir  prévu  cette  objection  lorsque,  dans  la  premi^ 
rédaction,  avant  de  raconter  la  bataille  de  Crécy ,  il 
prévient  loyalement  le  lecteur  qu'il  est  surtout  rede- 
vable de  sa  narration  à  des  chevaliers  du  parti  an- 
glais? «Il  n'est  nulz  homs,  tant  fust  presens  à  celle 
journée,  ne  euist  bon  loisir  d'aviser  et  ymaginer  toute 
la  besongne  ensi  que  elle  ala,  qui  en  seuist  ne  peuisl 
imaginer  ne  recorder  le  vérité ,  especialement  de  le 
partie  des  François ,  tant  y  eut  povre  arroy  et  orde- 
nince  en  leurs  conrois.  £tce  guefensçaiyjeleseuch 
LB  PLDS  par  les  Englès  qui  imaginèrent  bien  leur  cou- 
venant*.  »  Au  contraire,  l'auteur  de  la  seconde  rédac- 
tion Eut  douter  de  sa  parËiite  bonne  foi  quand,  après 
avoir  décrit  la  journée  de  Crécy  dans  un  tableau 
dont  les  traits  principaux  trahissent  une  origine 
purement  française,  il  ajoute  néanmoins  les  lignes 


1.  Cf.  h  page  231  de*  nrUntei,  lignef  1  à  U  avec  la  p.^18,  \igati 
a«  à  30  du  texte.  —  2.  H*.  6477,  PlSJ^. 


;vGoo»^lc 


hYTRODUCnON.  «i 

suivantes  :  «...  Si  comme  cil  le  tesmoingnent  qui 
y  furent  tant  ttung  lés  comme  de  Vautre,  et  par  les- 
quels le  pure  vérité  en  est  escripte*.  »  Mais  ces  cas 
sont  rares,  et  d'ordinaire  nul  défaut  de  sincérité  ne 
vient  altérer  la  fidélité  pure  et  simple  de  reproduc- 
tion qui  recommande  les  Chroniques,  alors  même 
que  l'auteur  a  composé  sa  narration  sous  la  dictée 
de  témoins  intéressés,  par  conséquent  avec  un  carac- 
tère de  partialité  plus  ou  moins  notoire. 

U  ne  fendrait  pas  se  méprendre  sur  le  caractère  ha- 
bituel des  variantes  plus  ou  moins  importantes  qu'on 
remarque  entre  les  diverses  rédactions.  Ce  n'est  pas 
précisément  que  Frolssart  dise  blanc  dans  l'une  après 
avoir  dit  noir  dans  l'autre  :  ce  qui  ressort  surtout  de 
ces  divei^nces,  c'est  que  les  témoins  dont  le  chro- 
niqueur a  successivement  reproduit  la  version,  placés 
dans  des  camps  opposés,  ont  envisagé  le  même  fait 
d'un  point  de  vue  différent.  L'Infatigable  auteur  des  • 
trois  rédactions  du  premier  livre  visait  sans  doute 
beaucoup  moins  à  re{H^eQter  toutes  les  feces  de  la 
réalité  historique  qu'à  plaire  aux  maîtres  et  seigneurs 
dont  il  a  recueilli  les  bienfeits  tour  à  tour;  mais 
qu'importe,  puisque,  sî^  comme  nous  le  croyons,  il  a 
été  chaque  fois  un  narrateur  aussi  fidèle  que  partial, 
le  résultat  est  le  même  pour  la  postérité  I  Qui  n'en- 
tend qu'une  cloche  n'entend  qu'un  son,  dit  le  pro- 
verbe. Froissart  a  fiappé  à  toutes  les  cloches  et  nous 
fait  entendre  ainsi  tous  les  sons.  Son  premier  livre  * 
si  riche,  si  touffu,  avec  ses  rédactions  différentes  et 
parfois  contradictoires,  avec  ses  variantes  infinies, 
rappelle  tout  à  fait  ces  carillons  fameux  des  Flandres 


;vGoo»^lc 


exil  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

C[ui  ébranlent  les  airs  par  une  cadence  à  la  fois  si 
variée  et  si  profonde.  Seulement,  à  la  différence  des 
carillonneurs  de  Bruges  ou  d'Anvers,  l'auteur  des 
Chroniques  n'essaye  pas  de  fondre  sous  son  clavier 

■  tant  de  timbres,  tant  de  bruits  divers  :  il  se  contente 
de  les  noter  fidèlement  pour  les  transmettre  à  la 
postérité,  laissant  à  celle-ci  le  soin  d'en  dégager  cette 
harmonie  de  l'histoire  qui  s'appelle  la  vérité. 

Cette  fidélité  de  reproduction  a  été  d'autant  plus 
facile  à  Froissart  qu'il  ne  parait  animé  d'aucun  sen- 
timent de  haine  contre  quelqu'un  ou  contre  quelque 
chose  :  il  ignore  toute  espèce  de  &natisme;  il  n'est 
obsédé  d'aucune  de  ces  passions  de  caste  ou  de  na- 
.tionalité  qui  ofinsquent  la  vue  et  troublent  le  juge- 
ment. S'il  n'a^-ait  eu  soin  de  nous  dire  qu'il  fiit  prê- 
tre^  on  l'aurait  deviné  difficilement  en  lisant  ses 

*  Chroniques'  ;  né  dans  les  rangs  du  peuple,  il  se  préoc- 
cupe de  la  noblesse  outre  mesure  et  montre  pour 
elle  une  complaisance,  une  indulgence  parfois  ex- 
cessive; s'il  aime  avec  une  tendresse  particuhère 
et  vraiment  filiale  le  Hainaut  sa  patrie,  une  prédi- 
lection si  naturelle  ne  le  rend  point  injuste  pour  les 
autres  pays.  A  le  bien  prendre,  notre  chroniqueur 


1.  n  eu  curieux  de  comparer  tout  ce  rapport  Froîuart  aux  cbroni.- 
queur»  des  lièclea  pr^Meot*  :  le  onrë  de*  Ettûuie*,  le  chiDoioe  deChi- 
may,  e«t  beaucoup  plut  d<<gBgé  des  préoccupatioas  ecclésiastiqnet  qu'un 
Villeliardouin  ou  UD  JoinTÏlIe,  par  exemple;  il  a  dsTantage  ce  qu'on 
peut  appeler  Caprit  laïque  ^  cet  etprit  qui  a  diipenté  la  France  an 
leiziime  «iècle  de  «e  faire  protestante,  et  auquel  la  Révolution  (r>a{aî*e 
doit  ce  qu'elle  a  de  Mtn,  la  partie  malsaine  ayant  éii  recueillie  dana 
l'héritage  de  la  ceatraliration  monarchique.  Il  faut  juf;er  l'arbre  par  «et 
fruit*  :  ta  France,  anin^  de  cet  esprit  large,  qui  est  l'une  dei  face* 
de  son  génie,  a  joui  de  la  libtrti  religituit  dans  les  mœurs  aussi  bien 
que  dan*  le*  loi*  ayant  les  paj*  de  l'Europe  qui  ont  embrassé  la  Ré- 


jvGooi^lc 


INTRODUCTION.  cxiti 

porte  en  son  àme  un  idéal  qui  est  l'uniqus  objet  de 
son  culte,  qui  lui  dicte  ses  jugements  sur  les  faits 
ainsi  que  sur  les  individus  :  cet  idéal,  moins  étroit 
que  le  patriotisme,  presque  aussi  ardent  que  la  toi 
religieuse,  c'est  l'esprit  chevaleresque. 

Cet  esprit  chevaleresque,  quia  constitué  tout  à  la  fois  ' 
l'une  des  grandeurs  et  l'une  des  faiblesses  du  moyen 
âge  en  général  et  du  quatorzième  siècle  en  particu- 
lier, est  aussi  la  source  des  meilleures  qualités  et  des 
défauts  les  plus  saillants  qu'on  remarque  dans  les 
Chroniques.  Si,  comme  on  l'a  dit  plus  haut,  Frois-  • 
sart  néglige  de  mettre  de  l'unité  dans  ses  diverses 
rédactions,  c'est  qu'évidemment,  malgré  la  curiosité 
naturelle  de  son  esprit,  il  n'attache  qu'un  prii  assez 
médiocre  aux  circonslances  accessoires,  aux  détails 
de  la  narration  :  ce  qui  l'intéresse,  ce  qui  l'émeut, 
ce  qui  le  passionne  par-dessus  tout,  c'est  l'idéal  même 
qui  a  été  le  principe  vivifiant  des  hauts  faits  qu'il 
raconte,  c'est-à-dire  la  chevalerie.  Aussi,  l'on  re- 
marquera que  notre  chroniqueur  s'écarte  volontiers 
de  sa  réserve  habituelle  pour  juger  les  faits  ou  les 
hommes  et  manifester  ses  propres  sentiments  si 
l'honneur  chevaleresque  est  sérieusement  en  jeu,  et 
dans  ce  cas  on  peut  avoir  toute  confiance  en  son 
impartialité. 

C'est  en  efiet  la  gloire  du  quatorzième  siècle,  de 
ce  siècle  d'ailleurs  si  misérable,  que  l'esprit  magna- 
nime, héroïque  de  la  chevalerie,  y  exerça  dans  l'opi- 
nion sinon  dans  les  actes  un  empire  incontesté  et 
reconnu  de  tous.  En  s'inspirant  de  cet  esprit,  un 
chroniqueur  placé  comme  Froissart  dans  une  posi- 
tion dépendante  pouvait  prononcer  un  jugement 
sévère  sur  tel  ou  tel  grand  personnage  sans  encourir 


;vGoo»^lc 


cxiT  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT. 

la  disgrâce  des  protecteurs  puissants  qui  se  trouvaient 
plus  ou  moins  directement  atteints  par  ce  jugement. 
Pour  s'en  convaincre,  il  sufiBt  de  lire  plus  loin  ce 
que  Froissart  dit  à  plusieurs  reprises  de  la  déloyauté 
de  Jean  111  duc  de  Brahant  envers  Philippe  de  Valois, 
déloyauté  dont  un  brave  chevalier  nommé  Léon  de 
Crainhem  fut  si  honteux  d'avoir  été  l'instrumeat 
qu'il  en  mourut.  Rien  assurémeat  ne  forçait  notre 
chroniqueur  à  emprunter  à  Jean  le  Bel  le  récit  de 
cette  vilaine  action;  et  pourtant  dans  ses  deux  pre- 
mières rédactions,  composées  à  une  époque  où  il 
avait  tout  intérêt  à  ménager  la  fille  de  Jean  m, 
Jeanne,  femme  de  Wencesks,  dont  il  recevait  an- 
nuellement les  bienfaits,  il  a  &it  ressortir,  il  a  flétri 
avec  une  certaine  insistance  la  mauvaise  foi  du  père 
delà  duchesse  de  Brabant*.  Appliquées  aux  jugements 
rendus  à  ce  point  de  vue  élevé,  les  protestations 
d'indépendance*  que  l'auteur  des  Chroniques  a  pris 
soin  de  renouveler  dans  les  diverses  parties  de  son 
ouvrage,  méritent  une  entière  créance.  Robert  de 
Namur,  Wenceslas,  Gui  de  Blois  étaient,  comme 
Froissart  lui-même,  trop  animés  de  l'esprit  de  leur 
temps  pour  avoir  seulement  l'idée  d'exercer  une 
influence,  une  pression  quelconque  sur  leur  protégé 
en  ce  qui  touche  à  la  chevalerie  et  à  l'honneur 
chevaleresque. 

Lors  donc  que  Froissart  a  varié  dans  ses  senti- 
ments, dans  ses  jugements  soit  sur  les  individus,  soit 
sur  les  peuples,  on  peut  être  sûr  qu'il  a  modifié  sa 
manière  de  voir  en  toute  liberté,  en  toute  sincérité. 

1.  P.  151,  161,  437,  438.  Cf.  Jean  le  Bel,  éé.  de  H.  Polaio,  t.  I, 
p.  U9  et  150. 

3.  Vojez  plus  liaut,  p.  ur. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  ex» 

Rien  n'est  plus  curieux  à  cet  égard  que  le  change- 
ment qui  s'est  opéré  dans  les  dispositions  de  notre 
chroniqueur  à  l'endroit  des  Anglais  :  après  les  avoir 
admirés  d'abord  presque  sans  réserve^  notamment 
dans  la  première  rédaction  de  son  premier  Uvre,  il 
finit  par  les  juger  dans  la  troisième  i*édaction  de  ce 
même  livre  avec  la  sévérité  la  plus  perspicace.  On  se 
rendra  aisément  compte  de  ce  changement  si  l'on 
se  rappelle  ce  que  nous  disions  tout  à  rheure^  à 
savoir  que  l'auteur  des  Chronitpies  se  place  toujours^ 
pour  juger  les  peuples  aussi  bien  que  les  individus, 
au  point  de  vue  de  ta  chevalerie. 

I^  première  rédaction  où  Froissart' exalte  surtout 
les  Anglais,  a  été  composée,  comme  on  l'a  vu  plus 
haut,  de  1369  à  1373.  A  cette  époque,  Froissart  ve- 
nait de  passer  huit  années  à  la  cour  d'Edouard  lU 
conmie  clerc  de  Philippe  de  Hainaut,  sa  compatriote 
et  sa  protectrice,  qui  l'avait  comblé  de  faveurs.  Tou- 
tefois,,on  se  tromperait  sans  nul  doute  en  attribuant 
seulement  à  la  reconnaissance  personnelle  l'enthou- 
siasme pour  l'Angleterre  qui  éclate  à  toutes  les  pages 
de  la  première  rédaction  :  cet  enthousiasme  a  une 
autre  cause  plus  noble  encore  et  surtout  plus  désin- 
téressée. La  première  rédaction  ne  comprenait,  du 
moins  sous  sa  seconde  forme,  que  la  partie  du  règne 
d'Edouard  III  antérieure  à  1373,  et  l'on  sait  que 
cette  brillante  période,  signalée  par  les  victoires  de 
Crécy  et  de  Poitiers,  marque  l'apogée  de  la  gloire  et 
de  la  puissance  anglaise.  Durant  le  même  temps,  la 
noblesse  normande,  transplantée  de  l'autre  côté  du 
détroit,  lutta  d'esprit  chevaleresque  non  moins  que 
de  courage  avec  la  noblesse  française;  et  quand  on 
vit  le  jeune  vainqueur  de  Poitiers  servir  à  table  son 


;vGoo»^lc 


<;vTi  amO.MQUES  DE  J.  FftOISSART. 

royal  pi-isonnier,  un  tel  acte  de  courtoisie  souleva 
»  ratlmiration  de  l'Europe  entière.  Comment  Froissart, 
riiislorien,  j'allais  dire,  le  chantre  de  la  chevalerie, 
n'aurait-il  pas  ressenti,  lui  aussi,  pour  l'An^eterre 
d'Edouard  IH  et  du  Prince  Noir,  un  enthousiasme 
qui  ne  fut  jamais  ni  plus  légitime  ni  plus  universel? 
Tout  était  bien  changé  lorsque,  trente  ans  plus  tard, 
notre  chroniqueur,  devenu  chanoine  de  Chimay,  en- 
treprit d'écrire  la  troisième  rédaction  de  son  premier 
hvre.  L'infortuné  Richard  II,  dépouillé  de  sa  couronne 
par  un  usurpateur,  venait  de  périr  misérablement  après 
avoir  subi  les  plus  indignes  traitements;  et  Froissarl 
avait  dû  éprouver  une  profonde  douleur  en  voyant 
disparaître  dans  la  personne  de  ce  prince,  qui  l'avait 
si  bien  accueilli  lors  de  son  derniar  voyage  en  Angle- 
terre, le  petit-fils  de  Philippe  de  Hainaut,  le  fils  du 
Prince  Noir,  le  rejeton  d'une  dynastie  qu'il  aimait'. 
D'ailleurs,  comme  ces  tempêtes  qui  soulèvent  jusqu'à 
lu  surface  les  monstres  endormis  au  sein  des  mers,  les 
troubles  précurseurs  de  la  déposition,  de  la  mort  de 
Richard  avaient  mis  à  nu  et  pour  ainsi  dire  déchainé 
ce  fond  d'égoïsme  e0réné,  indomptable,  barbare  au 
besoin,  que  recouvre  d'ordinaire  le  flegme  de  la 
race  anglo-saxonne.  A  partir  de  ce  moment,  il  est  visi- 
ble que  l'Angleterre  cesse  d'apparaître  à  notre  chro- 

1.  Justice  a  été  rendue  à  lUcbard  II  par  an  digne  compatriote  de 
Froiatan,  M.  H.  Wallon  dans  «on  beau  livre  intitula  :  RUhord 11,  Épi' 
todt  de  la  r.-'vlile' de  la  France  et  de  f  Angleterre.  Parii,  Hachette,  186Ï| 
2  vol.  iii-S".  L'n  art  discret  est  mis  dons  cet  ouvrage  au  lervice  d'une 
science  approroudie,  d'une  conviction  pleine  de  chaleur  contenue;  le 
paia^  y  est  étudié  pour  lui-même ,  et  l'on  n'y  trouve  aucune  de  ce* 
allusions  par  ou  les  partUam  dc^guitéi  en  historiens  mettent  ce  qu'il* 
apiiellcnt  l'amorce  aux  passions  de  leurs  contemporains.  Aussi  le  livre 
du  H,  WiiUou  «.(.il  échappû  à  U  mode,  mai*  en  i-evanche  il  ne  m  là- 


D,qit,zeabvG00»^lc 


lyrRODUCTION.  «VII 

niqueur  comme  k  terre  chevaleresque  par  excel- 
lence. Froissart  se  dégofite  du  pays  des  I^ncastre  et 
de  leurs  sicaires  sous  l'empire  du  même  sentiment 
qui  le  remplissait  naguère  d'admiration  pour  la  pa- 
trie des  Cbandos;  et  s'il  continue  de  rendre  justice 
dans  sa  troisième  rédaction  aux  fortes  qualités  de  la 
nation  anglaise,  on  s'aperçoit  aisément  qu'il  ne  lui 
accorde  plus  comme  autrefois  sa  sympathie. 

Il  est  une  nation  au  sujet  de  laquelle  les  sentiments 
de  Froissart  n'ont  jamais  varié  :  c'est  la  nation  aile-  ' 
mande  pour  laquelle  il  laisse  percer  partout  l'aver- 
sion la  plus  profonde.  Il  importe  d'autant  plus  de 
constater  ici  ce  fait  qu'on  y  trouve  l'occasion  de  si- 
gnaler un  trait  saillant  du  caractère  de  notre  chro- 
niqueur qui  n'est  pas  une  des  moindres  garanties  de 
sa  sincérité,  Je  veux  dire  le  désintéressement.  Il  n'y 
eut  jamais  d'Âme  plus  française  que  celle  de  Frois- 
sart, parce  qu'il  n'y  eut  jamais  d'âme  plus  chevale-  » 
resque  et  plus  désintéressée.  Admirer  le  courage,  •  . 
l'honneur,  la  générosité,  la  magnificence,  la  beauté 
et  faire  partager,  en  les  racontant  dignement,  cette 
admiration  à  la  postérité  :  tel  semble  avoir  été  le  but 
dominant  du  chroniqueur  d'un  bout  à  l'autre  de  sa 
carrière;  le  souci  de  sa  personne,  de  ses  intérêts  ne 
paraît  avoir  joué  dans  sa  vie  qu'un  rôle  tout  à  fait 
secondaire.  Froissart  sait  joindre,  comme  les  génies 
vraiment  français,  à  l'activité  féconde,  à  l'inspiration 
créatrice,  au  labeur  tenace,  l'esprit  de  désintéresse- 
ment et  l'absence  de  préoccupation  personnelle,  tau- 
dis que  dans  d'autres  pays,  f'égoïsme  plus  ou  moins 
âpre  des  artistes  hors  ligne  est  presque  toujours  le 
principal  ressort  de  leur  force.  Il  ne  faut  donc  pan 
s'étonner  si  l'auteur  des  Chroniques  juge  sévèrement 


;vGoo»^lc 

i 


cxviii  CHRONIQUES   DE  J.  FROISSART. 

les  Allemands  et  s'il  saUil  toutes  les  occasions  d'ex- 
primer cette  sévérité.  Ce  qu'il  leur  reproche  avec 
insistance,  c'est  d'être  dévorés  d'une  convoitise  insa- 
tiable, c'est  de  présenter  dans  leur  caractère  un  mé- 
lange inouï  d'insolence  et  de  platitude,  c'est  de  &ire 
prendre  en  dégoût  les  qualités  mêmes  qui  les  distin- 
guent, en  les  mettant  toujours  au  plus  offrant  et 
dernier  enchérisseur'.  Du  reste,  le  mépris  pour  la 
bassesse  et  la  vénalité  tudesques  n'est  pas  moins 
marqué  dans  la  chronique  de  Jean  le  Bel'.  Cet  es- 
prit désintéressé,  chevaleresque,  constituait  évidem- 
ment, dès  le  quatorzième  siècle,  une  sorte  de  cou- 
rant moral  qui  creusera  toujours,  qu'on  ne  l'oublie 
pas,  un  fleuve  cent  fois  plus  large  et  plus  profond 
que  le  Rhin  entre  l'Allemagne  et  la  France  de  l'Es- 
caut ou  de  la  Meuse.  Toutefois,  Jean  le  Bel  et  Frois- 
sart  ont  peut-être  conclu  un  peu  vite  du  particuliar 
au  général  ;  ils  se  seraient  montrés  plus  justes  en  ad- 
mettant des  circonstances  atténuantes  :  l'àpreté  au 
gain  est  le  défaut  des  races  laborieuses  et  intelli- 
gentes, mais  pauvres.  Quant  à  la  servilité  obsé- 
quieuse, elle  est  la  dépravation  du  penchant  le  plus 
profond,  le  plus  caractéristique  des  natures  germani- 
ques qui  les  porte  à  l'enthousiasme  en  présence  de 
toutes  les  manifestations  de  la  force.  L'Allemagne  est 
essentiellement  naturaliste  :  elle  n'a  pas  seulement 
le  génie,  elle  a  le  culte  de  la  force.  La  France,  au 
contraire,  est  humaine  par  excellence  ;  sans  doute  elle 
est  loin  de  manquer  de  ce  génie  de  la  force  sans  le- 
quel il  n'y  a  point  de  grande  race,  mais  elle  y  joint 

1.  P.  395,  437,  kk9.  Od  retrouvera  dea  passage*  «naloguei  et  pin* 
lignificatifs  encore  d*n«  tous  les  rolumet  de  cette  édition. 

2.  Voyez  Jean  le  Bel,  ^dit.  Polalu,  t.  I,  p.  133,  lîS,  133. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  atw 

une  adoration  de  ta  faiblesse,  du  malheur  qui  va  par- 
fois jusqu'à  je  oe  sais  quelle  folie  sid>lime.  Aussi,  je 
le  dis  avec  une  conviction  moins  ardente  que  raison- 
née/  le  jour  où  notre  génëreuse  nation  disparaîtrait 
de  la  scène  du  monde,  c'est  le  cœur  même  de  l'hu- 
manité qui  aurait  cessé  de  battre. 

Soit  que  l'on  compare  les  diverses  rédactions  du 
premier  livre  au  point  de  vue  de  leurs  ressemblan- 
ces, soit  qu'on  les  confronte  sous  te  rapport  de  leurs 
divergences,  on  voit  que  l'esprit  désintéressé,  clie- 
valeresque  de  Froîssart  e1  la  fidélité,  sinon  l'impar- 
tialité de  ses  récits,  ressortent  victorieusement  de  cette 
comparaison.  Les  limites  imposées  à  cette  Introduc- 
tion ne  permettent  pas  d'entreprendre  ici  un  pareil 
travail  qui  trouverait  mieuit  sa  place  dans  les  dis- 
sertations critiques  dont  le  plan  a  été  esquissé 
plus  haut'.  Cette  publication^  on  peut  le  dire  dès 
maintenant,  confirmera  pleinement,  au  point  de  vue 
de  la  sincérité  des  sentiments  et  des  jugements,  le 
témoignage  que  Froîssart  se  rend  à  lui-même,  lors- 
qu'il dit  dans  le  prologue  de  la  première  rédaction 
revisée  :  «  ....  J'ai  ce  livre  hystoriiet  et  augmenté...', 
à  le  relation  et  conseil  des  dessus  dis,  sans  faire  fait, 
ne  porter  partie,  ne  coulourer  plus  tun  que  rautre, 
fors  tant  que  H  biens  fais  des  bons,  de  quel  pays 
qu'il  soient,  qui  par  proèce  l'ont  acquis,  y  est  ptain- 
nemenl  veus  et  cogneus,  car  de  touhlier  ou  esœnser, 
ce  serait  psceiâs*....  » 

1.  Voyez  laKCondepirtiedecettelDtroduetion.chap.iii,  p.  ncfnt. 

2.  P.  1  «  iJ. 


;vGoo»^lc 


cxx  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

CHAPITRE  II. 

DE   l'exactitude    RELÂTIV.;    DS   FROIBSIRT. 

La  conscience  de  Froissart  n'est  pas  moins  incon- 
testable que  sa  bonne  foi  ;  mais,  de  même  que  celle- 
ci  n'empêche  pas  toujours  la  partialité,  la  conscience 
de  l'auteur  des  Chroniques  n'exclut  point,  hélas!  un 
fréquent  délkut  de  critique.  Il  serait  souverainement 
injuste  de  demander  à  un  chroniqueur  qui  a  dïi 
composer  la  plupart  de  ses  récits  d'après  des  témoi- 
gnages purement  oraux  l'exactitude  matérielle  qu'il 
est  si  facile  d'atteindre  aujourd'hui  grâce  aux  res- 
sources de  tout  genre  mises  à  la  disposition  des  his- 
toriens depuis  la  découverte  de  l'imprimerie. 

Si  l'on  veut  apprécier  équitablement  le  d^;ré  de 
conscience  apporté  par  Froissart  dans  la  recherche 
de  la  vérité,  il  le  faut  comparer  sous  ce  rapport  aux 
autres  annalistes  ses  contemporains  :  on  verra  que 
la  comparaison  n'est  nullement  défavorable  au  chro- 
niqueur de  Valenciennes. 

Assurément,  ce  qu'il  y  a  de  plus  défectueux  dans 
l'œuvre  de  Froissart,  c'est  sa  chronologie  et  sa  géo- 
graphie ou  plutôt  sa  stratégie;  et  pourtant  il  est  loin 
de  fausser  les  dates,  de  confondre  et  d'estropier  les 
noms  au  même  de^é  que  tel  autre  chroniqueur  de 
la  même  époque,  Jean  le  Bel,  par  exemple.  Quel- 
ques-unes des  plus  grossières  erreurs  de  ce  volume, 
Cardueil  ou  Carlisie  placé  en  Galles^,  Guillaume*  de 

1.  Voyet  Jean  le  Bel,  CArontfuoi,  Alit.  Palain,  t.  I,  p.  W.  Cf. 
FroUaart,  t.  t  de  noire  cdilion,  p,  50- 

2,  Jcnti  le  Bel,  t,  I.  p.  80.  Cf.  FroUsart,  t.  I,  p.  1%. 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  cxxi 

Douglas  et  louis*  de  Crainhem  substitués  à  Jacques 
de  Douglas  et  à  Léon  de  Crainhem,  le  titre  de  comte 
tif.  Richemont*  conféré  à  Robert  d'Artois,  le  noble  et  ' 
riche  Jacques  d'Arteveld  transformé  en  simple  bras- 
seur de  miel*  :  ces  erreurs  et  une  foule  d'autres  sont 
autant  d'emprunts  malheureux  faits  à  la  chroniqae 
du  chanoine  de  Liège. 

Combien  Froissart  est  moins  inexact  que  son  mo- 
dèle dans  les  parties  qui  lui  appartiennent  en  propre, 
telles  que  le  récit  des  campagnes  d'Ecosse*  de  1 333 
à  t336  ou  de  la  guerre  de  Gascogne'  !  Là  encore 
sans  doute  notre  chroniqueur  intervertit  souvent 
l'ordre  des  événements,  il  brouille  les  dates,  surtout 
il  ne  se  rend  pas  toujours  un  compte  bien  exact  des 
mouvements  stratégiques,  il  altère  parfois  au  point 
de  la  rendre  méconnaissable  la  forme  de  certains 
noms  de  personne  ou  de  lieu  :  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  l'éditeur  a  pu  identifier  à  peu  près  sûrement 
la  plupart  des  localités  d'Ecosse  ou  de  Gascogne 
mentionnées  dans  les  deux  longues  narrations  dont 
il  s'agit. 

La  géographie  de  Froissart  est  même  en  certains  * 
cas  d'une  exactitude  minutieuse  jusque  dans  les  dé- 
tails les  plus  infimes.  Ainsi  dans  le  récit  de  la  guerre 
de  Gascogne,  l'auteur  des  Chroniques  dit  quelque 
part  que  les  Français  mirent  le  siège  «  devant  Mire- 
mont,  qui  siet  sur  le  rivière  de  Dourdonne*.  »  Ce 
mot  de  Dourdonne  fait  supposer  au  premier  abord 
qu'il  s'agit  de  la  Dordogne  :  on  consulte  la  carte  de 

1.  Jean  le  Bel,  p.  135.  Cf.  FrowMrt,  t.  I,  p.  151. 
3.  Ibid.,  t.  I,  p.  95.  Cf.  Proiuart,  t.  I,  p.  105. 

3.  Ibid.,  p.  137.  Cf.  Froiuart,  t.  I,  p.  137. 

4.  P.  316  i  353  de  ce  volume.  —  5.  P.  377  à  388.  —  6.  P.  385, 


:,Goo»^lc 


Gxm  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Cassini,  et  l'on  Toit  que  Miramont  se  trouve  à  une 
assez  grande  distance  de  cette  rivière.  Il  ne  faudrait 
pas  se  presser  d'en  conclure  que  Froissart  s'est  trompé, 
car  on  ne  tarde  pas  à  découvrir,  si  l'on  poursuit  cette 
recherche,  que  Miramont  est  en  efièt  situé  sur  un 
tout  petit  ruisseau  qui  s'appelle  encore  aujourd'hui, 
comme  au  temps  du  chroniqueur,  la  Dourdoine. 

Après  Jean  le  Bel,  prenez  le  continuateur  de  Guil* 
laume  de  Nangis,  le  moine  Jean  de  Yenette  ou  en- 
core le  continuatetu*  des  Grandes  Chroniques  de 
France  pour  les  r^^es  de  Philippe  de  Valois,  de  Jean 
et  de  Charles  V.  Personne  ne  niera  que  ce  da*nier 
principalement  se  trouvait  dans  les  conditions  les 
plus  favorables  pour  donner  à  son  œuvre  un  carac- 
tère particulier  d'exactitude  :  il  était  à  la  scHirœ  des 
documents  authentiques.  De  plus,  il  semble  que  la 
maigreur  un  peu  sèche  de  ses  récits,  la  discrétion 
officielle,  compassée,  de  son  allure,  aurait  dû  le  pré- 
server des  écarts,  des  faux  pas  où  s'expose  et  se 
laisse  inévitablement  entraîner  le  génie  primesautier, 
abondant,  aventureux  du  chroniqueur  de  Yalencien- 
nés.  Et  pourtant  on  n'ignore  pas  que  les  erreurs  de 
tout  genre  ne  sont  guères  moins  nombreuses  dans 
les  Grandes  Chroniques  de  France  que  dans  celles  de 
Jean  de  Venette  et  de  Froissart. 

Entre  les  diverses  compositions  du  même  genre 
que  nous  a  léguées  le  quatorzième  siècle ,  celle  qoi 
soutient  avec  le  plus  d'avantage  le  contrée  des  char- 
tes est  la  Chronique  des  quatre  premiers  falois.  Telle 
est  du  moins  l'opinion  d'un  juge  dont  personne  ne 
récusera  la  compétence,  M.  Léopwld  Delisle.  Dans 
cette  Histoire  du  château  de  Saint-Sauveur-le-Fîcomte 
où  il  a  renouvelé  de  fond  en  comble  l'histoire  de  la  pre- 


;vGoo»^lc 


IWTRODUCnON.  cxxni 

mière  partie  de  la  guerre  dite  de  Cent  ans,  le  savant 
membre  de  FInstitut  a  eu  l'occasion  de  confronter 
les  principaux  chroniqueurs  contemporains  de  Frois- 
sart  avec  les  pièces  authentiques,  originales  ;  et  c'est 
la  Chronique  des  quatre  premiers  Falois  qui  a  le 
mieux  résisté  à  une  aussi  redoutable  épreuve;  mais 
cette  chronique  ne  mesure,  soit  dans  le  temps  soit 
dans  l'espace,  qu'un  champ  fort  restreint,  elle  est 
presque  exclusivement  provinciale;  il  ne  faut  pas  ou- 
blier d'ailleurs  qu'elle  a  dû  être  écrite  par  un  Nor- 
mand. 

Des  considérations  qui  précèdent  il  ressort  avec 
évidence  que  Froissart,  quoiqu'il  ait  embrassé  dans 
sa  narration  l'histoire  de  plusieurs  pays  et  qu'il  ait 
donné  à  son  œuvre  une  étendue  tout  à  fait  excep- 
tionnelle, égale  néanmoins,  s'il  ne  surpasse,  au  point 
de  vue  de  l'exactitude,  la  plupart  des  chroniqueurs 
contemporains.  D'où  vient  donc  que  l'opinion  con- 
traire est  passée  pour  ainsi  dire  à  l'état  de  légende, 
alors  que  tant  d'annalistes  du  haut  moyen  âge  ou  de 
l'Antiquité,  qui  sont  peut-être  moins  exacts  que  le 
chroniqueur  de  Valenciennes,  jouissent  sous  ce  rap- 
port d'une  meilleure  renommée?  La  raison  en  est 
que  les  érudits  ont  abondamment  ce  qu'il  faut  pour 
contrôler  et  rectifier  Froissart,  pour  le  percer  à  jour, 
tandis  que  nombre  d'auteurs  anciens  échappent  plus 
ou  moins  à  la  critique  par  leur  isolement  relatif  et 
l'obscurité  même  dont  ils  sont  enveloppés.  Sans  par-  * 
1er  d'Hérodote  et  de  Tite-IJve  aussi  mal  famés  que 
l'auteur  des  Chroniques,  est-il  bien  sûr  que  les  Com- 
mentaires de  César,  par  exemple ,  si  nous  en  pou- 
vions vérifier  pour  ainsi  dire  jour  par  jour  les  moin- 
dres détails  à  l'aide  d'une  masse  énorme  de  documents 


;vGoo»^lc' 


cxxiv  CHRONIQUES   DE  J.  FROISSART. 

de  tout  genre  analogue  à  celle  qui  projette  sur  Tbis- 
toire  du  quatorzième  siède  ce  &isceau  de  lumière 
dont  les  chroniqueurs  de  la  même  époque  ont  tant 
de  peine  à  soutenir  l'éclat ,  est-il  bien  sûr,  dis-je, 
que,  placés  dans  ces  conditions ,  les  Commentaires 
de  César  eux-mêmes  garderaient  parfaitement  intacte 
leur  r^utation  classique  d'exactitude?  Certes,  on  ad- 
mirera toujours  les  belles  lignes  architecturales  d'un 
Thucydide  ou  d'un  Salluste  qui  se  dessinent  avec 
l'harmonie  d'un  fronton  de  Phidias  dans  le  <âel  lu- 
mineux et  pur  :  qui  sait  cependant  si,  le  jour  où  il 
nous  serait  donné  d'appliquer  à  ces  incomparables 
historiens  les  moyens  de  contrôle  nombreux,  variés, 
précis  dont  la  critique  dispose  poiu*  l'époque  mo- 
derne, nous  n'aurions  pas  à  faire  des  réserves  sur 
l'exactitude  d'une  foule  de  détails  qu'ils  ont  racon- 
tés ? 

Voilà  pourquoi,  soit  dit  en  passant,  les  esprits  vrai- 
ment soncieux  d'atteindre  aussi  sûrement  que  possi- 
ble, sinon  la  vérité,  du  moins  la  réalité  historique, 
n'abordent  pas  volontiers  l'étude  de  l'Antiquité  et 
notamment  des  périodes  où  la  pénurie  des  docu- 
ments rend  le  contrôle  multiple,  détaillé  des  faits 
presque  impossible.  Le  peu  qui  nous  reste  sur  ces 
époques  obscures  ressemble  à  ces  nuages  flottant  à 
l'horizon  que  notre  imagination  façonne  à  sa  guise, 
où  elle  met  elle-même  ce  qu'elle  veut  y  voir.  Qui 
pourrait  empêcher  un  historien  des  premiers  temps 
de  Rome,  pourvu  que  son  érudition  procède  avec 
logique,  de  donner  pleine  carrière  à  sa  fantaisie  et 
d'élever  gravement  les  constructions  les  plus  chimé- 
riques? Où  il  y  a  si  peu  de  chose,  pour  ne  pas  dire 
rien,  le  roi  ne  perd-il  pas  ses  droits? 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  cxxr 

I^  situation  change  et  devient  tout  autre  li'il  s'a- 
git de  riiistoire  de  l'Europe  occidentale,  surtout  à 
partir  du  douzième  siècle.  Depuis  cette  époque  jus- 
qu'à l'invention  de  l'imprimerie,  il  faut  convenir 
qu'au  point  de  vue  de  l'exactitude  les  chroniqueurs 
qui  ont  vécu  dans  l'intervalle  se  présentent  à  la  pos- 
térité dans  des  conditions  exceptionnellement  deËi- 
vorables.  D'une  part,  en  effet,  ils  n'ont  pas  eu  à  leur 
dbposition  les  ressources  inépuisables  que  la  presse 
a  fournies  à  leurs  successeurs  :  la  rareté  des  manu* 
scrits,  des  pièces  authentiques,  originales,  en  les  for- 
çant à  s'appuyer  presque  exclusivement  sur  des  té- 
moignages oraux,  ne  leur  a  pas  permis  de  soumettre 
les  feitsà  une  vérification  complète,  minutieuse,  ap- 
profondie. D'autre  part ,  les  documents  deviennent 
assez  nombreux,  assez  variés,  assez  précis  à  partir  du 
douzième  siècle  pour  que  la  critique  y  trouve  au- 
jourd'hui les  instruments  dont  elle  a  besoin  et  con- 
trôle avec  leur  aide  les  compositions  historiques  con- 
temporaines de  ces  documents.  Il  arrive  ainsi  que 
les  chroniques,  rédigées  du  douzième  siècle  à  la  fin 
du  quinzième,  nous  paraissent  moins  exactes  et  les 
chroniqueurs  moins  consciencieux  qu'avant  et  après 
cette  date ,  quoique  cette  apparence  puisse  être  dé- 
pourvue de  fondement.  De  telles  conditions  sont  en- 
core plus  dé&vorables  pour  les  chroniqueurs  dont 
nous  parlons,  s'ils  ont  entrepris,  comme  Froissart  et 
Villani,  pour  ne  citer  que  ces  deux  noms,  d'embras- 
ser à  la  fois  l'histoire  de  plusieurs  pays,  et  si,  comme 
le  chroniqueur  de  Yalenciennes,  ils  n'ont  pas  craint 
de  donner  à  leur  œuvre  une  étendue  supérieure  à 
celle  des  monuments  du  même  genre  les  plus  consi- 
dérables que  l'Antiquité  nous  ait  laissés.  A  qui  ne  ré- 


;vGoo»^lc 


cxxvi  CHRONIQUES  DE  t.  FROISSàRT. 

fléchit  pas  à  cet  ensemble  de  circonstances,  Froissart 
peut  sembler  un  prodige  d'inexactitude,  mais  eo 
réalité  il  n'y  a  là  qu'un  simple  malentendu.  Ce  n'est 
pas  notre  chroniqueur  qui  est  plus  inexact  que  Ui 
annaliste  qui  l'a  précédé,  que  Richer,  par  exem^de, 
c'est  nous  qui  sommes  infiniment  mieux  instruits  sur 
le  quatorzième  siècle  que  sur  le  dixième  :  ce  n'est 
pas  l'eau  de  la  source  qui  est  plus  firoîde,  c'est  notre 
main  qui  est  plus  chaude. 


CHAPITRE  m. 

DO  oiEnib  LirriiAiu  di  FaoïssiRT, 

Si  l'exactitude  de  Froissart  peut  être  mise  en  doute, 
ce  que  personne  ne  conteste,  c'est  le  charme  du  nar- 
rateur, le  talent  de  l'écrivain ,  pour  ne  pas  dire  du 
peintre.  Ce  charme  est  vraiment  irrésistible,  il  a  par- 
fois été  inspirateur;  et  ce  n'est  pas  une  médiocre 
gloire  pour  l'auteur  des  Chroniques  d'avoir  contri- 
bué puissamment  à  éveiller  le  génie  de  l'un  des 
plus  grands  enchanteurs  de  ce  siècle,  de  Walter 
Scott. 

Ce  qui  &it  goûter  un  si  vif  agrément  à  la  lecture 
de  Froissart  prosateur,  c'est  que  la  pensée  ou  le  sen- 
timent y  porte  toujours  l'expression  :  le  procédé,  le 
métier,  l'école  ne  se  trahit  nulle  part  ;  on  sent  que 
Ton  a  aflàire  à  un  homme,  non  à  un  riiéteur  ou, 
•  comme  on  dirait  aujourd'hui,  à  un  virtuose.  Aussi, 
les  beautés  du  chroniqueur  n'ont-elles  rien  d'artifi- 
ciel, d'apprêté,  rien  qui  sente  la  serre  chaude  :  elles 
fleurissent  souvent  au  milieu  même  des  aspérités  ou 


;vGoo»^lc 


DÎTRODtJCnON.  cxxvu 

de  la  ruslicitë  inculte  de  la  langue,  et  elles  ont  moins 
d'éclat  que  de  parfum. 

Tout^ois,  au  point  de  vue  littéraire,  comme  au 
point  de  vue  historique,  on  n'a  peut-être  pas  rendu 
jusqu'à  ce  jour  pleine  justice  à  Froissart,  parce  qu'on 
ne  le  connaissait  pas  tout  entier.  La  troisième  rédac- 
tion du  premier  livre,  dont  la  publication  est  très- 
récente,  nous  montre  une  face  inattendue  et  nouvelle 
du  génie  du  grand  chroniqueur.  Dans  cette  rédac- 
tion qui  date  des  dernières  années  de  sa  vie,  Frois- 
sart, mûri  sans  doute  par  l'âge  et  l'expérience,  fait 
[M%uve  d'une  profondeur  d'observation  qu'aucun  écri- 
vain n'a  surpassée.  11  sufSt,  poiu-  s'en  convaincre,  de 
lire  cet  admirable  portrait  de  la  nation  anglaise. 

«  Englès  sont  de  mervilleuses  conditions,  chaut  et 
boullant,  tos  esmeu  en  ire,  tart  apaisié  ne  amodé  en 
douçour  ;  et  se  delittent  et  confortent  en  batailles  et 
en  ocisions.  Convoiteus  et  envieus  sont  trop  grande- 
ment sus  le  bien  d'autrui,  et  ne  se  pueent  conjoindre 
par&itement  ne  naturelment  en  l'amour  ne  aliance 
de  nation  estragne,  et  sont  couvert  et  orguilleus.  Et 
par  especial  desous  le  sole!  n'a  nul  plus  perilleus  peu- 
ple, tant  que  de  hommes  mestis,  comme  il  sont  en 
Ëo^et^re.  £t  trop  fort  se  difiêrent  en  Ëngleterre  les 
natures  et  conditions  des  nobles  aux  honuues  mestis 
et  vilains,  car  li  gentithonmie  sont  de  noble  et  loiale 
condition,  et  lî  communs  peuples  est  de  fêle,  péril- 
leuse, orguilleuse  et  desloiale  condition.  Et  là  où  11 
peuples  vodroit  moustrer  sa  felonnie  et  poissance,  li 
noble  n'aueroient  point  de  durée  à  euls.  Or  sont  il 
et  ont  esté  un  lonch  temps  moult  bien  d'acort  en- 
semble, car  li  noble  ne  demande  au  peuple  que  toute 
raison.  Aussi  on  ne  li  soufièrroit  point  que  il  presist. 


;vGoo»^lc 


Gixviii  CUBOMQUeS  DE  J.  FROISSART. 

sans  paiter,  un  oef  ne  une  poulie.  Li  homme  de  mes- 
lier  et  lî  laboureur  parmi  Engleterre  vivent  de  ce  que 
il  sèvent  faire,  et  11  gentilhomme,  de  lors  renies  et 
revenues;  et  se  li  rois  les  ensonnie,  il  sont  paiiet, 
non  que  li  rois  puist  laillier  son  peuple,  non,  ne  li 
peuples  ne  le  vodroit  ne  poroit  souflrir.  Il  i  a  cer- 
Utînnes  ordenances  et  pactions  assisses  sus  le  staple 
des  lainnes,  et  de  ce  est  li  rois  aidiés  au  desus  de 
ses  rentes  et  revenues;  et  quant  ils  fait  gerre,  celle 
paclion  on  li  double.  Engleterre  est  la  terre  dou 
monde  la  mieulz  gardée'.  » 

Quelle  vigueur  de  coloris ,  quelle  justesse  de  Ion , 
et  comme  le  peintre  a  fait  puissamment  saillir  tous 
les  traits  caractéristiques  de  son  modèle!  Aussi  le 
portrait  n'est  pas  moins  vivant,  moins  ressemblant 
aujourd'hui  qu'il  y  a  quatre  siècles. 

Les  termes  empruntés  à  la  peinture  viennent  natu- 
rellement sous  la  plume  quand  on  parle  de  l'auteur 
des  Chroniques  :  c'est  que  Froissart  est  avant  tout 
un  peintre  dont  tes  tableaux  présentent  les  mêmes 
caractères  que  ceux  des  maîtres  de  l'école  flamande, 
Il  a  le  plus  souvent  la  grâce  naïve*,  la  candeur  ex- 
pressive de  Jean  van  Eyck  son  contemporain,  ou 

1.  P.  31%. 

2.  FroÏMtrt  n'a  parfoù  betoîn  que  d'un  ooap  de  crajon  pour  donner 
la  Tie  i  let  iigiirei.  Il  dit,  par  exemple,  p.  519  de  ce  Tolume,  en  par- 
l*llt  de  la  reine  lubelle,  mèi«  d'Edouard  ICI  :  «Si  elloit  elle  tr^  bell« 
dame  et  femiaine  et  doucement  enUngagie.  »  Voilà  bien  cette  heu- 
rente  limplicité ,  ce  naturel  aimable  juxjue  dans  sa  négligence  que 
goâtait  tant  Fénelon.  Et  deux  pages  plus  loin,  ù  propo»  du  •Jjaur 
d'Isabelle  et  de  «on  jeune  fils  Edouard  à  la  cour  de  Cbarlei  de  Valoi*  : 
•  Et  Ici  veoit  li  rois  Tolentien  et  prendoit  à  la  foia  grant  plaisance  ou 
jone  Edouvratt,  car  il  estait  biaus  lils  et  Tuaa;  et  s'esbatoit  li  rois,  qui 
estoit  son  oncle,  en  ses  jonèces.  •>  P.  S21.  rt"7-a-t4l  pas  ici  comme  un 
rajoB  de  cette  grâce  suave  et  légère  qui  est  l'attieisme  de  la  France  ? 


;vGoo»^lc 


UiTTRODUCTION.  cxziz 

d'Hemling;  mais  le  beau  portrait  du  peuple  anglais 
prouve  qu'à  l'occasion  il  possède  aussi  la  touche  lar- 
ge, le  dessin  correct  d'Antoine  van  Dyck.  Quand  on 
lit  dans  la  première  rédaction  la  narration  si  chaude, 
si  colorée,  si  pleine  de  mouvement,  des  journées  de 
Crécy  ou  de  Poitiers,  on  croit  êtrp  devant  des  batail- 
les de  Rubens.  Relisez ,  car  vous  devez  l'avoir  lu ,  le 
ravissant  épisode  de  la  partie  d'échecs  entre  Edouard  HI 
et  la  belle  comtesse  de  Salisbury  dans  la  seconde 
rédaction,  et  vous  conviendrez  que  les  Hollandais  eux- 
mêmes,  Miéris,  Metzu,  n'ont  jamais  peint  scène  d'in- 
térieur avec  une  finesse  plus  exquise.  Et  toutes  les 
scènes  de  la  chevauchée  à  travers  le  pays  de  Fois,  le 
Béarn,  en  compagnie  d'Ëspaing  de  Lyon,  ne  dirait- 
on  pas  autant  de  toiles  de  Téniers  qui  ae  déroulent 
successivement  devant  nos  yeux  1 

Certains  critiques  prétendent  que  l'on  trouve  en 
raccourci  dans  V Iliade  d'Homère  tous  les  dévelop- 
pements ultérieurs  de  la  civilisation  grecque.  De 
même,  Froissart  résume  avec  éclat  les  divers  aspects 
de  ce  génie  du  pittoresque  intime,  familier,  à  la  fois 
individualiste  et  pathétique,  par  où  les  maîtres  de 
l'école  flamande  ont  introduit  dans  l'art  comme  un 
nouveau  monde. 

Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  de  la  prédilection 
que  la  France  de  l'Escaut  a  toujours  témoignée  pour 
l'auteur  des  Chroniques;  elle  retrouve  en  lui ,  non- 
seulement  un  de  ses  plus  glorieux  enfants,  mais  en- 
core le  représentant  peut-être  le  plus  complet  des  ra- 
res qualités  qui  la  distinguent;  elle  se  reconnaît  dans 
cet  écrivain  qui  sait  joindre  à  tant  de  dons  heureux, 
une  patience  à  toute  épreuve,  une  persévérance  infa- 
tigable. 


;vGoo»^lc 


cxsx  CHRONIQUES  DE  I.  FROISSABT. 

Qui  ne  serait  saisi  d'admiration  en  voyant  que 
Froissart  a  remis  sur  le  métiar  et  refondu  complète- 
ment, à  deux  reprises  difiFérentes ,  un  ouvrage  d'une 
étendue  aussi  considérable  que  son  premier  livre!  De 
quelle  vocation  impérieuse  il  Êdlait  être  animé  pour 
recueillir  des  matériaux  historiques  au  prix  de  voya- 
ges lointains,  de  chevauchées  par  monts  et  par  vaux, 
d'enquêtes  poursuivies  pendant  près  de  cinquante 
ans  !  La  vieillesse  elle-même  ne  ralentit  pas  le  zèle  du 

•  chroniqueur;  il  était  plus  que  sexagénaire  lorsqu'il 
entreprit  de  remanier  une  dernière  fois  son  premier 
livre^et  tout  porte  à  croire  qu'il  ne  déposa  la  plume 
qu'avec  la  vie.  L'amour,  a  dit  Pascal,  est  un  éternel 

-  recommenceur.  Froissart  aimait  tant  les  heaux  laits 
d'armes,  les  hautes  emprises,  les  nobles  aventures, 
qu'il  en  recommeDça  le  récit  jusqu'à  sa  mort. 


Je  manquerais  à  mon  devoir  si  je  ne  remaniais, 
avant  de  terminer  cette  Introduction,  la  Société  de 
l'histoire  de  France  de  l'honneur  insigne  qu'elle  m'a 
fait  en  me  choisissant  comme  éditeur  de  Frois- 
sart. M.  Jules  Desnoyers,  secrétaire  de  la  Société, 
M.  Léopold  Deiisle,  président  du  comité  de  publica- 
tion, IVDVf .  Jules  Quicherat,  Jules  Marioa,  Henri  Bor- 
dier,  membres  du  même  comité,  qui  m'ont  présenté 
au  choix  du  conseil,  ont  particulièrement  droit  h  mes 
remercîments. 

M.  I^pold  Delisle  mérite  un  hommage  spécial.  Ijë 
premier,  il  a  eu  l'idée  de  me  proposer  pour  une 
édition  dont  la  Société  l'a  nonmié  commissaire  res- 
ponsable; il  a  revu  les  épreuves  avec  cette  conscien- 


;vGoo»^lc 


INTRODUCTION.  '  cxxxi 

ce  qu'il  apporte  dans  tous  ses  bavaux.  Que  d'utiles 
conseils  il  m'a  donnés  I  Que  d'erreurs  son  esprit  vrai* 
ment  critique  a  fait  disparaître  de  mon  travail  I  Du 
reste,  j'ai  de  vieille  date  tant  d'obligations  à  l'émi- 
nent  diplomatiste ,  que  depuis  longtemps  je  ne  les 
compte  plus.  J'éprouve  même  quelque  plaisir  à  voir 
ma  dette  s'accroître  de  jour  en  jour,  car  je  sens  que, 
si  grande  que  doive  être  ma  reconnaissance,  elle  n'é- 
galffl^  jamais  mon  estime. 

Après  M.  Delisle,  c'est  à  M.  Natalis  de  Wailly  que 
je  suis  le  plus  redevable.  Le  savant  conservateur  de 
la  Bibliothèque  impériale  ne  m'a  pas  seulement  Ëicl- 
lit^  le  prêt  des  manuscrits  dont  j'avais  besoin;  il  m'a 
gracieusement  autorisé  à  lui  soumettre  les  difficultés 
qui  pouvaient  m'arrèter,  et  je  n'ai  jamais  eu  recours 
en  vain  à  son  esprit  si  précis,  si  logique,  à  sa  science 
approfondie  de  l'ancien  français.  Parmi  les  philolo- 
gues qui  ont  bien  voulu  m'aider  à  résoudre  certains 
problèmes  relatifs  à  l'établissement  du  texte,  il  m'est 
doux  de  compter  aussi  l'habile  éditeur  des  Anciens 
poètes  de  la  France,  mon  ancien  et  cher  maître, 
M.  Guessard. 

Je  me  reprocherais  de  ne  pas  rendre  hommage  ici 
à  la  mémoire  de  M.  Victor  Le  Clerc,  car  c'est  surtout 
à  l'instigation  de  ce  savant  illustre  que  j'ai  dirigé 
mes  études  vers  le  quatorzième  siècle.  Un  des  meil- 
leurs amis  de  M.  Le  Oerc,  M.  Guigniaut  n'a  pas  peu 
contribué  aussi,  par  la  bienveillance  qu'il  m'a  té- 
moignée en  toute  circonstance,  à  me  mettre  en 
mesure  d'entreprendre  le  travail  dont  je  publie  au- 
jourd'hui le  premier  volume. 

Son  Ëxc.  M.  le  ministre  de  l'instruction  publique 
doit  figurer  au  premier  rang  des  bienfaiteurs  de  cette 


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cxxxn  CHRONIQUES  DE  J.  PROISSART. 

édition.  Sur  la  proposition  de  M.  Bellaguet,  I'ud  des 
membres  fondateurs  de  la  Société  de  l'histoire  de 
France,  M.  Duniy  a  daigné  me  confier  en  1 867  et 
1 868  deux  missions  qui  m'ont  permis  d'étudier  tous 
les  manuscrits  de  Froissart  conservés  dans  les  biblio- 
thèques publiques  ou  particulières  de  l'Europe.  Je 
m'estime  heureux  d'avoir  reçu  ce  témoignage  de 
haute  bienveillance  d'un  minisire  profondément  pa- 
triote et  qui  s'est  dévoué  avec  autant  d'ardeur  que 
de  succès  au  progrès  de  l'instnictioD  populaire. 

Je  n'ai  pas  trouvé  moins  de  bienveiUance  au  Minis- 
tère de  la  Maison  de  l'Empereur  et  des  Beaux-Arts 
dont  je  dépends  en  qualité  d'archiviste  aux  Archives 
de  l'Empire.  Sur  la  proposition  d'un  chef  excellent 
et  trop  érudit  pour  ne  pas  encourager  l'érudition, 
M.  Huillard-Bréholles,  gràce  à  l'appui  de  MM.  L.  de 
Laborde  et  A.  Maury  qui  se  sont  succédé  dans  la  Direc- 
tion générale  des  Archives  de  l'Empire,  de  M.  le  ba- 
ron Dard,  chef  du  personnel  au  Ministère  de  la  Mai- 
son de  l'Empereur,  Son  Exe.  M.  le  maréchal  Vaillant 
m'a  généreusement  accordé  les  congés  qui  m'étaient 
nécessaires  pour  recueillir  par  toute  l'Eiu^pe  les  ma- 
tériaux d'une  édition  des  Chroniques  de  Froissart. 

A  la  reconmiandation  de  M.  Guizot,  président  de 
la  Société  de  l'histoire  de  France  et  de  M.  Thiers, 
membre  du  Conseil  de  cette  Société,  Son  Ém.  le 
cardinal  Antonelli  a  bien  voulu  m'ouvrir,  par  une 
faveur  spéciale,  l'accès  de  la  bibliothèque  du  Vatican 
en  dehors  des  heures  de  travail  ordinaires.  Je  prie 
ces  trois  illustres  honunes  d'État  d'agréer  l'expression 
de  ma  plus  vive  gratitude. 

Je  dois  également  des  remerciments  à  une  foule 
de  savants  ou  d'hommes  du  monde,  tant  Français 


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INTRODUCTION.  csxim 

qu'étrangers,  qui  sont  venus  à  mon  aide  avec  une  si 
parfaite  obligeance.  Le  dé&ut  d'espace  me  condamne 
à  nommer  seulement  :  à  Paris,  M.  le  duc  de  Mou- 
chy*,  IVbne  la  duchesse  de  la  Rochefoucauld,  M.  le 
baron  de  Witte;  MM.  Douet  d'Arcq,  Lot,  Demay, 
Meyer,  Gautier,  Claude,  Emile  Mabïlle,  Michelant, 
Servois,  Anatole  de  Barthélémy,  Alphonse  de  Ruble, 
de  Beaucourt,  Manni^,  P.  Lacroix,  Borel  d'Haute- 
rive,  Godefroy,  Jjongnon  ;  —  en  province,  MM.  Cas- 
taa  de  Besançon,  Gamier  d'Amiens,  Desplanque  de 
Ulle,  Caffiaux  de  Valenciennes,  Gouget  de  Bordeaux, 
Caron  et  A.  d'Héricourt  d'Arras,  Dorange  de  Tours, 
Pont  de  Toulouse;  — en  Suisse,  M.  Steiger  de  Berne; 
— en  Belgique,  MM.  Gachard  et  Pinchart  de  Bruxel- 
les, Rervyn  de  Lettenhove  de  Saint-STichel-lez-Bru- 
ges  ;  —  en  Hollande,  MM.  Campbell  de  la  Haye  et  du 
Rieu  de  Leyde; — à  Rome,  Son  Ém.  le  cardinal  Pitra, 
le  R.  P.  Theiner,  archiviste  du  Vatican  ;  à  Vienne, 
M.  Ferdinand  Wolf  fils;  —  en  Prusse,  MM.  Pertz  de 
Berlin,  Pfeifièr  de  Breslau,  prince  de  Puckler-Muskau 
à  Branilz;  — enfin  en  Angleterre,  MM.  Stevenson  du 
Record-Office,  Holmes  et  Granville  du  British  Mu- 
séum, lord  Ashburnham  à  Ashburnham-Place,  sir 
Thomas  Phillipps  à  Cbeltenham. 

J*ai  trouvé  dans  ce  dernier  pays  surtout  un  accueil 
que  je  n'oublierai  pas.  L'Angleterre,  dont  tant  de 
côtés  sont  admirables,  ne  m'a  pas  été  moins  douce 
qu'elle  ne  le  fut  il  y  a  fjuatre  siècles  pour  Froissart 
lui-même  :  le  savant  M.  Stevenson  m'a  reçu  avec 


1.  H.  1«  dm  d«  Honehf ,  en  emuenUnt  aTec  tant  de  bonne  grâce  i 
me  prêter  «on  pr^rax  maniucrît,  a  rendn  k  U  Soci^tâ  de  l'hîitoire  de 
Ftanee  et  k  ton  tiitenr  nn  •erriee  de  premier  ordre. 


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cxxxiv  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT. 

cette  bonté  affectueuse  qui  rappelle  les  mœurs  pa- 
triarcales de  l'Ecosse,  son  pays  d'origine;  et  la  ma- 
gnifique hospitalité  d'Ashburnham-Place  m'a  remis 
en  mémoire  ce  que  l'auteur  des  Chroniques  raconte 
de  son  séjour  chez  les  grands  seigneurs  contempo- 
rains d'Edouard  IH. 

Plus  heureux  que  Johnes,  dont  la  traduction  parut 
au  plus  fort  des  guerres  terribles  qui  ont  ensan- 
glanté le  commencement  de  ce  siècle,  l'éditeur  de  la 
Société  de  l'histoire  de  France  publie  son  travail  à 
une  époque  ou  la  France  et  l'Angleterre,  associées 
l'une  à  Tautre  par  une  alliance  déjà  éprouvée,  ten- 
dent de  plus  en  plus  à  établir  entre  elles  un  échange 
fécond  d'idées,  de  sentiments  et  d'intérêts.  Loin  de 
chercher  à  raviva  le  souvenir  des  luttes  anciennes, 
celui  qui  écrit  ces  lignes  n*a  rien  tant  à  cœur  que 
l'union  intime  de  deux  grands  pays  trop  longtemps 
rivaux,  et  il  dédie  cette  édition  à  l'alliance  libérale, 
pacifique,  civilisatrice  de  la  France  et  de  l'Angletore. 


<4> 


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SOMMAIRE 


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SOMMAIRE. 


PROLOGUE. 


Première  rédaction^.  —  Froissart  déclare  qu'il  veut  composer 
soD  livre  en  s' appuyant  sur  les  vraies  Qironiques  jadis  faites  et 
rassmiblées  par  Jean  le  Bel,  chanoine  de  Saint-Lambert  de  Liège, 
qui  travailla  i  cette  oeuvre,  tant  qu'il  vëcut,  avec  un  grand  soinet 
toat  le  zèle  imaginable,  et  à  qui  il  en  coflta  beaucoup  pour  l'exécn- 
ter.  Hais  quelques  frais  qu'il  dût  s'imposer,  ce  seigneur  ne  lesépar- 
gna  point,  car  il  ëtaît  riche  et  puissant  ;  il  les  pouvait  bien  sn|>- 
porter  ;  et  de  lui-mSme  il  était  généreux,  magnifique  et  courtfùs, 
.  il  ne  regardait  pas  à  la  dépense.  Aussi  fiit-il  en  son  virant  l'ami 
intime  de  monseigneur  Jean  de  Hainaut,  dont  il  est  souvait  ques- 
titm  dans  ce  livre,  et  à  juste  titre,  car  le  sire  de  Beaumoat  fiit 
le  cher  de  plodeors  belles  expéditions  et  le  proche  parent  des 
rois  ;  grSce  à  cette  intimité,  Jean  te  Bel  fut  initié  à  de  nobles 
besognes  qui  st»it  racontées  ci-dessous. 

■  Quant  i  mm,  qui  ai  entrepris  de  composer  ce  livre,  j'ai  toujours 
fréquenté  avec  prédilection  les  nobles  et  grands  seigneurs,  taot 
m  France  qu'en  Angleterre,  en  Ecosse,  en  Bretagne  et  antres 
pays,  et  j'ai  pu  ainsi  les  connaître  et  m'instruire  ea  leur  compa- 
gnie. Toujours  aussi,  je  me  suis  ^dalement  enquis,  autant  qu'il 
était  en  mon  pouvoir,  des  guerres  et  des  aventures,  surtont  de- 
puis la  fameuse  bataille  de  Poitiers  où  le  noble  roi  Jean  de  France 
fut  fait  prisonnier,  car  auparavant  j'étais  encore  jeune  d'ige  et 
d'întdligence.  Et  pourtant  j'entrepris  par  une  insigne  hardiesse, 

I .  Lm  maniucriti  de  la  première  rédaction  tout  AitigaéM  dan*  lei 
Tariantei  loiit  la  mbriqoe  Mu,  A.  Comme  let  prologaei  loà-iient  une 

BUenlion  toute  ipéciale  ■  divers  point*  de  Tae,  notre  aiul^ie  *r '  - 

devient  presque  une  t     ' — "'"~     '"  '  '"  "' 

texte  semble  t'exiger. 


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CHRONIQUBS  DB  1.  FROISSART. 

à  peine  sorti  de  l'école,  de  rimer'  et  d'écrire  l'histoire  des 
guerres  dessus  dites  et  de  porter  en  Angleterre  le  livre  tout  com- 
pile, ce  que  je  fis.  Et  je  presentu  alors  ce  livre  à  très-haute  et 
très-noble  dame,  Philippe  de  Hainaut,  reine  d'Angleteire,  qui 
te  reçut  avec  joie  et  me  donna  bonne  récranpeiue. 

Or,  il  se  peut  que  ce  livre  ne  soit  pas  élaboré  et  composé  avec 
ie  soin  que  teUe  chose  requiert,  car  les  faits  d'armes  sont  û 
chèrement  achetés  qu'ils  doivent  Être  attribués  et  loyalement  dé- 
partis à  qui  de  droit.  Donc,  pour  m' acquitter  envers  tous  comme 
de  raison,  j'ai  entrepris  de  parfaire  cette  histoire,  en  m'^pujant 
pour  la  composer  sur  l'autorité  devant  dite,  à  la  prière  et  re- 
quête de  mon  cher  seigneur  et  maître,  Robert  de  Namur,  sei- 
gneur de  Beaufort  sur  Meuse,  à  qui  je  veux  devoir  amour  et 
obéissance.  Qne  Dieu  m'accorde  la  grftce  de  &ire  chose  qui  loi 
puisse  [Oaire  I  »  P.  210  et  212. 

Froissart  ntHnme  parmi  les  preux  les  plus  illustres  de  son  temps 
—  en  Ângleteire  :  le  roi  Edouard  m,  le  prince  de  Galles  son 
fils,  ie  duc  de  Lancastre,  Renaud  de  Gobbam,  Gautier  de  Mann; 
en  Hainaut,  Jean  Chandos,  Frank  de  Halle  ;  —  en  France  :  Pbt- 
%pe  de  Val(tts,  le  roi  Jean  son  fils,  Jean  roi  de  Boh&me,  le 
comte  d'Alençon,  le  comte  de  Foix,  Jean  de  Saintré,  Amoal 
d'Aodrehem,  Boucicaut,  Gnichart  d'Angle,  les  seigneurs  de 
Beaujeu,  père  et  fils.  P.  211  et  212. 

Première  rédaction  revisée  '.  —  F^issart  se  vent  appliquer  à 
écrire  et  mettre  en  prose  les  merveilles  et  les  beaux  fidts  d'ai^ 
mes  qiù  ont  signalé  les  guerres  de  France,  d'Angleterre  et  des 
rojraumes  voisins,  d'après  le  récit  véridique  des  vaillants  honmiei 
qui  ont  été  les  héros  de  ces  hauts  faits  et  anssi  de  plusieurs 
rois  d'armes  et  maréchaux  qui,  par  position,  doivent  être  des 
rapporteurs  impartiaux  et  désintéressés  de  telles  besognes.  P.  i. 

a  II  est  vrai  que  feu  messire  Jean  ie  Bel,  chanoine  de  Saint- 
Lambert  de  liége,  a  pris  plaisir,  en  son  temps,  k  raconter  quel- 

1.  Mu.^1  i  19,  93,  30  4  36  :  i  rimer  et  k  ditter.  F*  1  f—Mit.  A 
1  A  6,  30  à  33,  34  i  39  :  i  dittier  et  à  rimer.  19  mu.,  qui  appaitieD- 
nent  i  aept  fiunillei  diH'^rentes,  donnent  la  première  leçon,  tandii 
qu'on  ne  trouve  U  leoonde  que  dant  13  m»,  réparti*  entre  troil  &- 
millei  Mulement,  dont  le*  deux  demière*  (ont  un  «impie  abrégé  de  li 
première.  On  doit  donc,  du  moini  au  point  de  vue  de  la  critique  di- 
plomatique, donner  la  jH^féreiice  ■  la  première  teçon  inr  la  leconde. 

3.  Le*  manuscrits  de  U  première  radaction  révisée  sont  déaignét 
dan*  le*  variante*  «obi  la  rolmque  Mu.  B. 


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PROLOGUE.  cxxux 

qoe  chose  de  ces  faits  d'armes  dans  ses  Cbrradcpies.  Et  nu»  aussi, 
j'ai  juris  plaiûr  à  bistorier  et  enrichir  ce  livre,  d'après  le  rétit 
des  témoins  dont  je  viens  de  parler,  sans  prendre  fait  et  cause 
poor  personne,  sans  mettre  l'un  plus  en  lumière  que  l'autre.  Au 
ccHitraire,  les  hauts  faits  des  braves,  de  quelque  pays  qu'ils 
srâmt,  sont  uns  ici  dans  tout  leur  jour,  car  ce  serait  un  pëcbë 
et  nue  indignité  de  les  laisser  dans  l'oubli  ou  de  les  passer  sous 
nleoce.  P.  1  et  2. 

J'ai  dit  tout  d'abord  que  j'ai  à  parler  de  merveilles.  Assuré- 
ment, tons  ceux  qui  liront  ce  livre  se  pourront  et  devront  tnen 
émerveiller  des  grandes  aventures  qu'ils  y  trouveront.  Car  je 
croîs  que,  depuis  la  création  du  monde  et  que  l'on  a  coonnencé  à 
porter  les  armes,  on  ne  trouverait  en  nulle  histoire  tant  de  mer- 
veilles et  de  hauts  faits,  comme  U  en  est  advmu  pendant  les  guer- 
res dessus  dites,  par  terre  et  par  mer,  dmit  je  ferai  meitioa 
d-dessoos.  âoge  de  Prouesse,.,,  P.  2. 

Or  donc  tous  les  jeunes  gentils  hommes,  qui  se  veulent  avancer, 
dcùvent  avoir  ardent  désir  d'acquérir  le  fait  et  la  renranmée  de 
[Hronesse,  afin  d'être  mis  au  rang  des  prenz,  et  conùdérer  com- 
ment leurs  prédécesseurs,  dont  ils  sont  les  héritiers  et  dont  ils 
portent  les  armes,  sont  honorés  et  recommandés  pour  leurs  hauts 
faits.  Je  suis  sûr  que,  s'ils  lisait  ce  livre,  ils  y  trouveront  au- 
tant de  grands  faits  et  de  belles  apertises  d'armes,  de  dures 
rmcontres,  dé  forts  assauts,  de  fières  bauilles  et  de  toutes  au- 
tres acti<»is  qtu  relèvent  de  Prouesse,  que  dans  n'importe  quelle 
histoire,  s<»t  ancienne,  smt  nouvelle.  11  y  aura  là  pour  eux  une 
invitation  et  tm  encouragement  à  bîoi  faire,  car  la  mémoire  des 
braves  et  le  souvenir  des  preux  attisent  et  enflamment  à  bon 
drtHt  les  cceurs  des  jeunes  bacheliers  qui  tendent  k  tonte  per- 
fection d'honneur,  dont  Prouesse  est  le  fondement  {windpal  et 
le  certain  ressort.  P.  2  et  3. 

Et  ausd  je  n'adm^  pas  qu'un  bachelier  s'excuse  sur  sa  pau- 
vreté pour  ne  pas  suivre  la  carrière  des  armes,  pourvu  qu'il  soit 
doné  de  l'aptitade  corporelle  indispensable  k  la  guerre ,  mais  je 
veux  qu'il  enlève  U  fortune  de  haute  hitte  et  la  prenne  d'assaut 
à  force  d'énergie.  Il  trouvera  bientdt  de  hauts  et  nobles  sei- 
gneurs qui  s'occuperont  de  lui,  s'il  le  mérite,  l'aideront  et  l'avan- 
ceront, s'il  en  est  digne,  et  le  traiteront  selon  sa  valeur.  En 
outre,  il  sui^t  dans  la  carrière  des  armes  tant  d'événements 
extraordinaires  et  de  belles  aventures  qu'on  ne  saurait  imaginer 


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cxL  CHRONIQUES  DE  L  FROISSART. 

les  fortuites  qui  s'y  poussent;  et  tods  verrez  «t  ce  livre,  si  vous 
le  lisez,  comnwnt  placeurs  dievaliers  et  ëcuyers  te  H»it  faits  et 
avance  plus  par  leur  prouesse  que  par  leur  naissance....  P.  3 
et  4. 

On  voit  encore  tel  preux  bachelier  s'asseoir  par  le  plus  insigne 
bonneur  à  table  de  roi,  de  prince,  de  duc  et  de  comte,  là  où 
plus  noble  de  sang  et  plus  riche  d'avoir  ne  s'est  point  assis.  Car, 
de  mbne  que  les  quatre  ëvang^listes  et  les  douze  apfltres  smt 
plus  prodies  de  Notre-Seigneur,  ainsi  les  preux  sont  plus  pro- 
ches d'Honneur  et  plus  honores  que  les  autres  j  et  c'est  bien 
raison,  car  ils  conquièrent  le  nom  de  preux  i  force  de  souf- 
frances, lie  labeurs,  de  soucis,  de  veilles,  de  marches  forc^ 
jour  et  nuit,  sans  trftve.  Et  quand  leurs  hauts  faits  sont  vus  et 
connus,  ils  sont  racontés  et  proclamés,  comme  il  est  dit  d-dessus, 
écrits  et  enregistrés  dans  les  livres  et  les  ChnHÛques..,.  Ainsi 
va  le  monde.  Les  vaillants  hommes  afOraïUent  le  péril  dans  les 
combats  pour  s'avancer  et  accroître  leur  hcmneur  ;  le  peuple  s'en- 
tretient d'eux  et  de  leurs  aventures;  les  clercs  écrivent  et  enre- 
gistrent leurs  faits  et  gestes.  P.  4  et  9. 

Il  est  remarquable  que  Prouesse  a  régné,  tantSt  dans  un  pays, 
tantôt  dans  un  autre.  Après  avoir  Beuri  d'abord  en  Chaldée  avec 
Ninus  et  Sémir&mis,  elle  a  régné  successivement  —  en  Judée, 
avec  Josué,  David  et  les  Macbabées,  —  en  Perse  et  en  Médie 
avec  CyroB,  Assuérus  et  Xercès,  —  ea  Grèce  avec  Hercule, 
Thésée,  Jason  et  Achille,  —  à  Troie  avec  Priam,  HectOT  et  ses 
firères,  —  i  Borne,  pendant  cinq  cents  ans  envirtm,  avec  les  sé- 
nateurs, consuls,  tribuns  et  centurions  jusqu'à  l'^mqne  de  Jules 
César,  le  premier  empereur  romain,  dont  tous  les  autres  sont 


De  Rome,  Prouesse  est  venue  demeurer  en  France  avec  Pé- 
[ûn,  Qiarlemagne  son  fils,  rm  de  France  et  d'Allemagne  et  aa- 
pereur  de  Renne,  et  avec  les  autres  nobles  rois  leurs  successeurs. 
Ensuite,  Prouesse  a  régné  longtemps  en  Angleterre  par  le  fait  du 
roi  Edouard  IH  et  du  prince  de  Galles  son  fils,  car  de  leur  temps 
les  chevaliers  anglais  ou  alliés  au  parti  anglais  ont  fait  autant  de 
belles  apertises  d'armes,  de  grandes  bacbelerîes  et  de  hardies 
emprises  que  chevaliers  en  peuvent  faire ,  comme  on  le  verra 
ci-a{ffès  en  ce  livre.  P.  6. 

J'ignore  si  Prouesse  se  veut  encore  avancer  au  deli  de  l'An- 
gleterre ou  û  elle  vent  revenir  sur  ses  pas,  car  elle  a  Eait  le  tour 


D,qit,zeabvG00»^lc 


PROLOGUE.  cxu 

des  royaumes  et  des  pays  ci -dessus  nommés,  elle  a  régné  et 
séjourna  plus  ou  maias  parmi  les  divers  peuples,  kIoq  son  ca- 
price; mais  j'en  ai  assez  dit  sur  ces  bizarres  révolutioDS  du 
monde.  Je  reviens  à  la  matière  dont  j'ai  parlé  en  commençant, 
et  je  vais  raconter  coounent  la  guerre  éclata  d'abord  entre  les 
Anglais  et  les  Français.  Et  pour  qu'au  temps  à  veoir  on  puisse 
sayoir  qui  a  composé  cette  histoire  et  qui  en  a  été  l'auteur,  je 
me  yeux  nommer.  On  m'appelle,  qui  me  veut  faire  tant  d'houe 
neuf,  are  Jean  Froissart,  né  dans  le  comté  de  Hainaut,  en  k 
bonne,  belle  et  Ërisque  ville  de  Valendenœs.  >  F.  6  et  7. 

Setxttde  rédaction^. — «Afin*  que  les  grands  faits  d'armes  qm  ont 
signalé  les  guerres  de  France  et  d'Angleterre,  soient  enregistrés 
dignement,  et  que  les  braves  j  poissent  prendre  exemple,  je  me 
veux  appliquer  à  les  mettre  ea  prose.  Il  est  vrai  que  feu  mes- 
sire  Jean  le  Bel,  chanoine  de  Saint-Lambert  de  Liège,  raconta, 
en  son  temps,  quelque  chose  de  ces  faits  d'armes  dans  ses  Chro- 
niques. Or,  j'ai  ajouté  des  développements  à  ce  livre  et  à  cette 
histoire  an  moyen  d'une  enquête  impartiale  que  j'ai  faite,  en 
voyageant  à  travers  le  monde  et  en  interrugeant  les  vaillants 
hommes,  chevaliers  et  écuyers',  sur  les  actions  où  ils  ont  pris 
part.  J'ai  surtout  recherché,  en  Prauce  comme  en  Angleterre, 
les  rois  d'armes  et  maréchaux,  pour  mieux  savoir  la  vérité,  car 
ils  s<mt  par  leur  fonctim  même  des  narrateurs  aussi  équitables 
que  lûen  informés,  et  je  crois  qu'ils  n'oseraient  par  point  d'hon- 
neur mentir  en  telle  matière.  Dieu  aidant,  j'ai  fait,  écrit  et  com- 
posé ce  livre  avec  les  matériaux  ain^  recueillis,  sans  mettre 
l'un  plus  en  lumière  que  l'autre;  au  contraire,  la  belle  action 
d'un  preux,  dans  quelque  camp  qu'il  soit,  est  id  pleinement  ra- 
contée et  exposée,  comme  le  lecteur  pourra  s'en  apercevoir.  Et 
pour  que  la  postérité  sache  sûrement  quel  est  l'auteur  de  ce  livre, 
on  m'appelle  sire  Jean  Froissart,  prêtre*,  né  en  la  ville  de  Va- 


2.  Ceci  CM  une  ti ,._     

d  Amïau  dont  le  proTosue  du  mi.  oc  Valeiicieiuie>  a 
Aet  variantes  îniigniGanlei. 

3-  Proistan  te  désigne  linsi  dam  le  prologae  des  mss.  A  :  ••  Pour 
tous  nobles  cuers  encouragier  et  eiûx  monstrer  exemple  et  matière 
d'onneur, /'e  Jthaa  Proiuart  commence  à  parler  après  la  relation  faicte 
par  monseigneur  Jehan  le  Bel.  ■  Ms.  A  1,  f*>  2.  On  voit  que  Froissart 
parle  ici  de  lui-même  sur  un  ton  beaucoup  plus  modeste  ;  mai*  ce  qui 


;vGoo»^lc 


cxui  CHnONlQITES  DE  J.  FROISSART. 

lendemies.  Ce  livre  m'a  coâtë  beaucoup  de  peine,  beaucoup  d'ef- 
forts de  tonte  sorte  ;  et  je  n'ai  pu  venir  à  bout  de  le  compiler 
qu'en  m'imposant  de  durs  labeurs  et  même  en  m'expatiiant  ; 
maïs  avec  du  zèle  et  de  la  bmine  vokmté,  on  triomphe  de  tous 
les  obstacles,  et  ce  tivre  en  est  la  preuve.  »  P.  S09. 

Froissart  nomme  parmi  les  preux  les  plus  illustres  de  son 
temps  —  en  Angleterre  :  Edouard  III,  le  prince  de  Galles  scm 
fils,  les  deux  ducs  de  Lancastre  Henri  et  Jean  son  gendre,  le 
comte  de  Warwiclc,  R^iaud  de  Cobbam,  Jean  Chandos,  Gautier 
de  Mauny,  Jacques  d'Andiey,  Pierre  d'Audley,  Robert  KsoUes, 
Hugues  de  Calverly;  —  en  France,  PhiLj^  de  Valob,  le  roi 
Jean  son  fils,  le  duc  de  Bourgogne,  Charles  de  Blois,  le  duc  de 
Bourbon,  le  comte  d'Alenqon,  Louis  d'Espagne,  Bertrand  Du- 
gnesclin,  Arnoul  d'Andrehem.  P.  211. 

Troiiiim^  rédaction^,  —  Le  prologue  de  la  troisi«ne  rédac- 
tion est  la  reproduction  à  peu  près  textuelle  du  prologue  de  la 
première  rédaction  revisée. 

On  n'y  trouve  qu'une  addition  qui  mérite  d'être  relevée,  mais 
elle  a  une  importance  capitale.  Dès  les  premières  lignes  du  nu" 
nuscrit  de  Rome,  FrtHssart  s'intitule  :  Je,  Jean  Fmittart,  Tsiso- 
im  R  cunoun  m  Chuuy.  P,  SIS. 


1307-132S,  aiirtKALRte  sua  us  six-rdit 

no  aàoRB  n'iDODAKS  u  (§§  1  à  5). 

Faiblesse  du  règne  d'Edouard  H  crauparé  au  règne  d'Édouardl*', 
«sa  père.  ^  1308,  Edouard  II  se  marie  à  Isabelle  de  France, 
fille  de  nii%pe  le  Bel.  P.  9  et  21 3.  —  Portrait  du  caractère  des 
Anglais.  P.  214.  —  131Ï.  Robert  Bruce,  roi  d'Ecosse,  reprend 

est  aiiTtont  remarquable,  c'ett  qn'il  ne  feit  pas  inivre  encore  loii  nom 
de  la  meotioD  de  la  qualité  de  prltre.  On  lit  dant  Ici  mu.  A  18,  19, 
S3  à  36  :  >  Je,  lirt  Jehan  FroiaHTt.  •  P>  1  t~. 

I.  La  troiiième  rédaction  n'en  reprétentée  que  par  le  mannscril  de 
Snne. 


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SOMMAIRE  DU  PREHISa  LIVRE,  gg  6-11.     cxliu 

Benrick,  Edimbourg,  Dnmbarhm,  Dimdee,  Dunbar,  Dalkeith, 
Saint-JohnstoD  (Ferth),  Dunfarmlme  et  en  gënëral  toutes  les 
fmieresses  justpi'à  la  Tweed.  Défaite  des  Anglais  à  Sdrling.  P.  9, 
10,  21S  et  216.  —  Noms  des  entants  d'Edouard  II  et  des  niarù 
de  ses  deux  filles.  P.  10,  817.  —  13S8.  Avènement  de  Miilippt 
de  Valois.  P.  11,  417,  218.  —  Faveur  des  Spenser,  père  et  fils, 
auprès  d'Edouard  II.  —  1322.  A  l'instigatioo  de  ces  deux  sei- 
gneurs, le  roi  d'Angleterre  fait  mettre  à  mort  vingt-deux  des 
plus  grands  barous  de  son  royaume  et  entre  autres  le  comte 
Thomas  de  Lancastre,  son  oncle.  P.  12,  13,  318,  219.  —  Spenser 
parvient  à  jeter  le  trouble  entre  Edouard  II,  d'une  part,  Isabelle, 
sa  femme,  et  Edmond,  comte  de  Kent,  son  frère,  de  l'autre.  — 
132S.  Fuite  de  la  reine  d'Angleterre  qui  se  rend  eu  France, 
accompagnée  de  son  fils,  du  comte  de  Kent,  son  beau-lrère,  et 
de  Roger  4le  Hortimer.  P.  14,  219  et  220. 


1325  et  1326.  sAioua  d'iubbu.k  an  nuao  kt  br  sumàdi. 
(SS  6  à  il). 

1325.  La  reine  d'Angleterre,  débarquée  à  Boulogne,  passe  à 
Amiens  et  arrive  à  Paris  où  le  nû  Charles  le  Bel,  son  frère,  lui 
Eût  le  plus  favorable  accueil  ainsi  qu'au  jeune  Edouard,  fils  d'Isa- 
belle. La  reine  expose  à  son  frère  les  raisons  qui  l'ont  déterminée 
à  quitter  l'Angleterre.  P.  IS  k  17,  220.  —  Le  pape  Jean  XXII, 
gagné  par  Spenser,  s'oppose  au  mariage  projeté  du  jeune  Edouard 
d'Angleterre  avec  une  des  nièces  de  Charles  le  Bel.  P.  222  et  223. 

1326.  La  reine  Isabelle  est  invitée  à  repasser  en  Angletertre 
avec  stm  fils  par  un  certain  nombre  de  barons  et  par  les  habi- 
tants de  Londres,  ligués  contre  Spenser.  P.  18,  223  et  224.  — 
Charles  le  Bel ,  gagné  par  les  présents  de  Spenser  et  menacé 
d'excommunication  par  le  pape,  retire  son  appui  à  sa  sœur  et  dé- 
fend à  ancun  de  ses  sujets  de  s'enrfller  dans  l'expédition  projetée 
par  la  reine  d'Angletnre.  P.  19,  Î2S  et  226.  —  Isabelle  et  son 
fils  quittent  la  Ftance  et  se  rendent  en  Hainaut  où  Jean  de  Hai- 
naut  s'empresse  de  venir  au-devant  d'eux  jusqu'à  Buignicourt, 
en  Oslrevant,  pour  leur  faire  escorte.  Narralion  détaillée,  d'abord 
de  l'entrevue  de  la  reine  et  du  sire  de  Beaumont,  puis  du  voyaga 


;vGoo»^lc 


am  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

de  Buignicourt  à  Valenciennes,  ain»  que  de  la  réceptioD  magni- 
fique faite  à  Iiabelle  d'Angleterre  et  à  son  fils  dans  cette  der- 
nière ville.  P.  20  à  23,  226  à  233.  —  Jean  de  Haioaut  m  met 
à  la  tète  d'une  expédition  destinée  à  ramener  de  force  Isabelle  et 
son  fils  en  Angleterre.  Récit  circonstancié  du  départ  de  Valen- 
ciennes, de  l'embarquement  à  Dordredit,  des  incidents  de  la 
traversée,  mfio  du  débarquement  en  Angleterre.  P.  94  i  27, 
23fa  à  240. 

CHAPITRE  m. 

132ft  et  1327.  aintmon  a'iDoviMa  n  m  x-vÉxErnsm 
a'toouàMD  lu  (SS  12  à  21]. 

132ft.  La  reine  d'Angleterre  et  ses  partisans,  dont  les  plus 
nombreux  et  les  plus  puissants  étaient  les  habitants  de  Londres, 
viennent  assiéger  dans  Bristol  Edouard  II  et  les  deux  Spenser,  ses 
favoris.  P.  38,  241  à  343.  —  Reddition  de  la  ville  de  Bristol  et 
exécution  de  Hugues  Spenser  le  Vieux  et  du  comte  d'Arundel. 
P.  29  à  31,  243  et  244.  —  Édooard  II  et  Hugues  Spenser  le 
Jeune,  assiégés  dans  le  château  de  Bristol  où  ils  s'étaieot  réfu- 
giés, essayent  en  vain  de  s'échapper  par  mer  dans  une  barque; 
ils  tombent  entre  les  mains  d'un  chevalier  nommé  Henri  de  Beau- 
mont  qui  les  livre  à  la  reine  d'Angleterre.  Emprisonnement 
d'Edouard  II  au  château  de  Berkeley  sous  la  garde  du  seigneur 
du  Ueu,  et  supplice  horrible  infbgé  en  la  ville  de  Uereford  à 
Hugues  Spenser  le  Jeune.  F.  31  à  35,  244  à  24S.  —  Retour 
triomphal  de  la  reine  et  de  son  fils  à  Londres;  desGrqitk>n  du 
spleudide  festin  offert  aux  chevaliers  et  aux  gens  d'armes  du 
Hainaut  avant  leur  départ  d'Angleterre.  P.  3S,  36,  248  à  iSi. 

1327.  Un  parlement  réimi  à  Londres  proclame  la  déchéance 
d'Edouard  II  et  l'avènement  de  son  fils  sous  le  nom  d'Édooard  III 
P.  37,  38,  2S3  et  2S4.  —  Après  les  fêtes  du  couronnement,  Jean 
de  Hainaut,  comblé  de  présents  et  d'honneurs  par  la  rdne  et  par 
son  fils,  quitte  la  cour  d'Angleterre  et  retourne  dans  son  pays 
pour  asùster,  en  compagnie  d'un  certain  nombre  de  jeunes  che- 
valiers anglais,  à  un  tournoi  qui  devait  se  tenir  à  Condé  sur 
Escaut.  P.  39,  40,  23S  et  2B6.  —  Bon  gouvernement  du  jeune 
Edouard  III  et  d'Isabelle  sa  mère  ;  influence  du  comte  de  K.ent, 
de  Roger  de  Mortimer  et  de  Thomas  Wager.  P.  40,  256.  — 


;vGoo»^lc 


SOUMintE  DU  PREMIER  LITRE,  ^  22-S7.  cu.v 
RestitatHMi  partielle  des  biens  confisquas  de  Spenser  à  sa  veuve 
et  k  ses  enfants.  Relations  personnelles  de  Froiwart,  dans  sa 
jeunesse,  avec  Edouard  Spenser,  l'alné  des  fils  du  favori 
d'tidouard  II.  P.  iS6  et  S87. 


1327.  Fa&JHnAOBs  db  la  nsiuiBt  cAMFiom  n'iEnnuAKo  m 
conru  us  icosaus  (§§  22  à  27). 

Robert  Brace,  roi  d'Ecosse,  défie  le  jeune  roi  d'Angleterre. 
P.  4),  257,  258.  —  Jean  de  Hainaut,  appelé  par  Edouard  III, 
retourne  en  Angleterre.  Noms  des  chevaliers  du  Hainaut,  de  la 
Flandre,  du  Brabant,  du  Hesbaing  *  qui  prennent  part  à  l'expë- 
ditîon.  Chevaliers  du  Hainaut  :  Gautier  d'Enghien,  Henri  d'An- 
toing,  le  seigneur'  de  Fagnolles,  Fastres  du  Roeulz,  Robert  et 
Guillaume  de  Bailleul  son  frère,  le  seigneur  de  Havre*,  châtelain 
de  Mons,  Alard  et  Fastres  de  Briffœuil,  Michel  de  Ligne,  Jean  de 
Montignj  le  Jeune  et  son  frère,  Sausses*  de  Boussoit,  le  seigneur 
de  Gommegnies*,  Perceval  de  Sepmeries,  le  seigneur  de  Floyoa, 
Sanse  de  Beaurieu,  les  seigneurs  de  Potelles*,  de  Wargnies',  de 
Vertaia*,  de  Blargnies,  de  Mastaing,  Nicolas  d'Aubercbicourt,  le 
seigneur  de  Floursies  et  le  Borgne  de  Robersart. —  Chevaliers  de 
FUndre  :  Hector  THain,  Jean  de  Rhode,  Vidfard  de  Ghistelles, 
Guillaume  van  Straten,  Gossuin  van  der  Moere,  Jean  dit  le 
duckere  (seigneur)  d'Halluin'  et  le  seigneur  de  Brigdamme.  — 
Chevaliers  du  Brabant  :  le  seigneur  de  Dufiel",  Thierry  de  Val- 
court,    Raes  van  Gavere",  Jean  de  Gaesbeek'*,  Jean  Pyliser, 

I.  Pafi  de  Li^.  — ~  3.  Hugues  de  Faguollei. 
3.  Gérard  d'Eoghien,  >ire  de  Havre. 

(t.  Jean,  dit  Sauues,  sire  deBousaoit. 

5.  Guillaume  de  Jauche,  lire  de  Gommeniiei. 

6.  Guillaume,  liie  de  Potelles.  —  7.  GuUlaunie,  sire  de  Wai^ea. 

8.  Eiutache,  sire  de  Vertain. 

9.  Jean  de  HallaÏD,  fils  d'Olivier,  sire  de  Heitierot,  petit-fils  de  Ro- 
land. Ce  Jean  moarnt  >u  combat  de  Cadsand  en  1337. 

JO.  Henri  Berthout  IV,  sire  de  DufTel. 

II.  GaTere  est  en  Flandre  (Â  IS  kil.  de  Gand);  mais  Raei  (éqoiira- 
lent  flamand  d'Krasme)  van  GaTere  Telerait  plnneun  fieb  du  duch^ 
de  Brabant,  notamment  ceux  de  Liedekerke  (a  3S  kil.  de  Bruxelles)  et 
de  Hértnae*  (HëriniKs-lez-Enghien,  à  30  kil.  de  Bruxdies). 

13.  La  «eignenrie  de  Gaesbeek  appartenait  en  1337  a  damoiielle  B^n- 


;vGoo»^lc 


envi  CHRONIQUES  DE  J.  pROISSART. 

Gilles  de  Qaaronble*,  les  trois  frères  de  Harlebefce*,  Gautier  de 
Huldenbergh  ' .  —  Chevaliers  he&begnons  *  :  Jean  le  Bel  '  et  Henri 
le  Bel  son  frère,  Godefroi  de  la  dapelle.  Hue  d'Ohay,  Jean  de 
libyne,  Lambert  d'Oupeye*  et  Gilbert  de  Herck.  Jean  de  Hai- 
naut  a  aussi  sous  ses  ordres  quelques  cheTaliers  du  Cambrési$, 
de  l'Artois  et  du  Veniumd«s  qui  portent  l'effectif  de  sa  compa- 
gnie à  cinq  cents  armures  de  fer;  et  il  est  rejoint  vers  les  fttes 


trix  de  Lonraio,  mii  avait  t\>eeédi  ea  13Sb  i  son  IVère  Jean,  mort  tans 
enfuit*,  et  qui  fit  hommage  en  1335  pour  la  teigneurie  de  Gaesbeek  i 
Jean  III,  duc  de  Brabant  (Tojrez  la  belle  publication  de  H.  L.  Gale*- 
'  loot.  Livre  dt4  feudataim  dt  Jean  III,  p.  26).  Guillaume  de  Homei, 
dit  de  Gacabeek,  luccëda  Tera  1339  à  B^trii,  sa  cousine  ge 
dani  la  leignenrie  de  Gaesbeek.  Jean  de  GaMbeek  m'eat  i. 
Serait-ce  Jean  de  EeaterbeLe  appelé  Catierith  dan»  le  Lirre  dtt  f<u- 
éataira,  p.  US? 

1  .  La  forme  du  texte  :  Quadtnbb»  a  été  auimilée  à  Quaroable , 
Nord,  arrondiuement  et  canton  de  Valenciennea. 

3.  Harlebeke  ett  dam  la  Flandre  occidentale  (i  15  kil.  de  Codt- 
trai),  et  cette  seigneurie  appartenait  à  la  branche  thtét  de  la  b- 
mille  de  Halluin  :  Gautier  de  Halluin  II  du  nom,  sire  de  Roo«d>eke, 
vicomte  de  Harlebeke,  mourut  i  Harlebeke  eu  1338;  mais  set  petita- 
fils,  Gautier,  Roger  et  Thieirr,  fils  de  Daniel,  dont  on  ignore  trop  la 
date  de  naissance  pour  le*  atsmiiler  sdrement  aux  trou  frirat  dt  Harli- 
Itie  de  Proiuart,  pouvaient  relever,  comme  Baei  tbu  Gavere,  certaini 
fiefi  du  duché  de  BrabanI,  à  moins  que  Jean  le  Bel  et  notre  chrani- 
queur  n'aient  confondu  Amoul,  Semer,  Jean  ou  Adam  de  Hoisbeek  en 
Brabant  (à  33  kil.  de  BruMlles)  avec  les  seigneurs  de  Hadebeke. 
Voyez  Galesloot,  Livn  du  ftudatairei ,  p.  38,  2^5,  327,  333,  39B. 

3-  Nous  avons  assimilé  la  forme  Hotcherge  du  texte  à  Huidenbergh, 
village  et  seigneurie  du  Brabant  (a  20  kil.  de  Bruxelles). 

k.  Du  pays  de  Liège. 

5.  Ce  Jean  le  Bel  n'est  autre  que  le  chanoir  ■  de  Liège,  le  célibre 
Ghroniquetu  qui  a  servi  de  modèle  à  Froissart  pour  toute  la  partie  du 
premier  livre  comprise  entre  1335  et  1356- 

6.  Le  nom  de  ce  cherilier  est  défiguré  dans  toutes  les  rédacltims  et 
tous  les  mss.  du  premier  livre  des  Ckroniqatt.  Comme  Froiasart  repro- 
duit ici  littéralement  Jean  le  Bel,  nous  avons  restitué  mSme  dans  le 
texte  le  nom  véritable  d'après  la  chronique  du  chanoine  de  Li^- 
I^mbert  Hl  de  Dammartin  de  Warfuséc,  dit  d'Oupeye,  maréchal  de 
l'évoque  de  Liège,  mourut  le  1»  janvier  I3U.  Voyez  J.  de  Hemri- 
ODurt,  Miroir  de*  noilet  dalaHetiaj'e,  édit.  de  Jalhean,  p.  55.  La  hmijte 
de  Dammartin,  à  laquelle  appartenait  ce  chevalier,  fut  transplantée,  au 
douzième  siècle,  de  France  d'où  elle  est  originaire,  dans  le  pays  de 
Liège.  Cette  incomparable  famille,  qui,  dès  le  temps  de  Hemrioonrt, 
ne  comptait  pas  moins  de  cent  seize  branches,  a  couvert  de  ses  innom- 
brables rameaux  toute  la  France  de  la  Meuse;  et  encore  aujourd'hoi  il 
n'y  a  guère  en  ce  pays  de  famille  ancienne  qui  ne  se  rallacne  an  tronc 
paissant  et  fraunais  des  Dammartin. 


;vGoo»^lc 


SOMMAIRE  DU  PREHIBR  LIVRE,  §§  28-37.  cuni 
de  U  Pentecôte  par  Guillaume  de  Jnlliers  et  Ttûerr)'  d'Hûnaberg 
qui  liire&t  depuis,  le  premier  comte  de  Jnliers  après  la  mort  de 
soD  père  Gérard  VI  (en  1339),  le  second  comte  de  Looz  (en 
1336).  P.  43  et  44,  261  et  262. 

Edouard  III,  à  U  tète  de  plus  de  60000  hommes,  établit  son 
quartier  gënà-al  à  York.  Une  rixe  ëcUte  dans  cette  ville,  à  l'oc- 
caskHi  du  jeu  de  dés,  entre  les  gens  d'armes  de  Jean  de  Hainaut 
et  des  archers  anglais  du  comté  de  Lincoln.  Après  une  lutte  san- 
glante, où  Tean  le  Bel,  chanoine  de  Liège,  auquel  Froissait  dit 
qu'il  emprunte  le  récit  de  cet  incident,  court  les  plus  grands 
dangers,  les  gens  d'armes  du  Hainaut  restent  maîtres  du  (Jiamp 
de  bataille,  et  le  roi  d'Angleterre  les  prend  sous  sa  spéciale  sau- 
vegarde. Abondance,  bon  marché  de  tous  vivres  ausà  bien  que 
des  vins  de  Gascogne ,  de  l'Alsace  et  du  Rhin ,  à  York  et  dans 
le  pays  environnant.  P.  45  i  49,  263  à  268.  —  Après  avoir 
terminé  ses  préparatifs,  Edouard  III  va  camper  s  six  Ueues  au 
nord  de  York,  puis  trois  jours  après,  à  Durham ,  à  l'entrée  du 
Nwihumberland.  Un  corps  d'armée,  sous  U  conduite  du  maré- 
chal d'Angleterre,  occupe  Newcastte,  sur  la  "ryne,  pour  garder 
le  passage  de  cette  rivière  contre  les  Écossais.  A  l'ouest,  en 
unont  de  cette  même  rivière,  la  ville  et  forteresse  de  Cardact* 
tn  GaUet  est  défendue  par  une  troupe  de  Gallms,  sous  les  ordres 
du  comte  de  Hereford  et  du  sire  de  Howbray.  Le  roi  d'An- 
gleterre trouve  toute  la  frontière  de  ce  pays  ravagée  et  incra- 
dîée  par  les  Écossais  qtd,  à  son  approche,  ont  repassé  la  Tyne. 

P.  80,  SI,  ses. 

CHAPITRE  V. 

1327.  niHiiii  cuiMoint  D'iDOOAan  III  ooktu  lu  tcotaus. 

(SSî8à37). 

1327.  Gomment  les  Écossais  font  la  guerre  :  ik  servent  tous 
à  dieval ,  excqité  la  valetaille  qui  les  suit  à  pied  :  les  chevahers 

1.  San*  doute  Carliile,  irai  e«t,  non  *iir  la  l^e,  comme  le  dit 
ProiMart,  d'apris  Jean  le  Bel,  nuia  inr  l'ÉdcD,  non  en  Galle*,  aind 


r  l'affirment  aniù  le*  deux  chnimqueart ,  maii  à  quelque  dutauce 
Gallovraf .  Ijigundbim,  l'ancien  nom  de  Carlide  ui  temps  des  Ro- 
main* et  an  moyen  fige,  a  pu  le  contracter  en  tuet,  qoi,  par  l'addition 
de  c««r,  boni^,  TiUe,  aurait  donné  Carinel  ou  Cardnel. 


DiqitizeabyG00»^lc 


cxLTni  CHRONIQUES  DE  J.  FR0IS8ART. 

et  ^yers  sont  moatés  sur  bons  gros  roncûu ,  et  les  gens  du 
commun  sur  pedtes  haquenëes.  Leur  sobriété  est  telle  qu'ils  n'ont 
besoin  d'autres  provisions  que  celles  qu'ils  emportent  avec  eux 
sur  leurs  chevaux.  P.  SI  et  S2.  —  Robert  Bruce,  vieux  et  ma- 
lade, met  à  la  t£te  de  ses  troupes  les  deux  jJus  puissants  barras 
d'Ecosse  [Jacques]  de  Douglas  et  le  comte  de  Hurray.  P.  S3. 
(f  roissart  parle  à  ce  propos  da  voyage  qu'il  a  Tait  en  Ecosse  eu 
1365  :  recommandé  par  Philippe  de  Halnaut,  reine  d'Angleterre, 
dont  il  était  un  dits  clercs  et  familiers,  à  David  Bruce,  fils  de  Ro- 
bert Bruce,  notre  chroniqueur  passe  tr<»s  mois  à  la  cour  de  ce 
prince  et  visite  avec  lui  toute  l'Ecosse.  P.  36B).  —  L'année  an- 
glaise ,  ordonnée  en  trois  batailles ,  s'engage  i  la  poursuite  des 
Ecossais  qui  mettent  tout  à  feu  et  k  sang  sur  leur  passage,  maïs 
elle  ne  parvient  pas  à  les  atteindre  à  cause  de  la  difficulté  du 
pays.  Après  une  journée  de  poursuite  suivie  d'un  campement,  les 
Anglais  laissent  là  leurs  bagages  et  leurs  provisions,  et  ils  «itre- 
prennent,  à  la  faveur  d'une  marche  forcée,  de  passer  la  Tyne, 
pour  couper  laretraiteàleurs  ennemis.  Description [ùttoresque des 
difficultés  et  des  incidents  de  cette  marc^  à  travers  les  montagnes, 
les  vallées,  les  bruyères,  les  marais,  les  fondrières  et  les  forêts, 
peuplées  de  fauves,  du  Northumberland,  dont  les  habitants,  com- 
parés aux  Anglais,  sont  comme  mmm«  des  demi-sauvages.  P.  S4 
à  97,  S69  et  270.  —  Passage  à  gué  de  la  Tyne,  et  campement 
d'Edouard  111  et  de  son  armée  sur  le  bord  de  ceBe  rivière,  à 
quatorze  lieues  anglaises  de  Newcastle  et  à  onze  lieues  de  Car- 
duel  ou  Carlisle.  Détresse  des  Anglais  qiû  seraient  morts  de  faim 
ainsi  que  leurs  chevaux,  s'il  ne  leur  était  venu  de  Neircastle 
quelques  proviùons.  Cherté  excessive  des  vivres  ;  complet  dé- 
nâment  ;  situadon  fausse  et  doublement  mauvaise  des  gens  d'ar- 
mes du  Hainaut.  P.  S8  à  60,  S71  à  273.  —  Les  Anglais  démo- 
ralisés repassent  la  'Tyne ,  et  Edouard  III  promet  le  titre  de 
chevalier  avec  cent  livres  sterling  de  revenu  héréditaire  à  qui 
saura  découvrir  les  ennemis  que  l'on  poursuit  en  vain  et  dont 
on  n'a  nulles  nouvelles.  Un  écuyer  anglais,  nommé  Thomas  Hou- 
sagre',  parti  à  la  découverte,  vient  dire  que  les  Écossais,  entre 
les  mains  desquels  il  était  tombé  et  qui  l'ont  relâché,  s<sit  cam- 

1 .  Cet  écuyer  ctt  appelé  Thomsi  de  Rokesby  dans  mw  charte  d'£- 
duuard  lll,  dulée  de  Lincoln  le  28  iept«Dbre  1327.  Voyet  Jiymtr, 
vol.  II,  pari,  n,  p.  717.  Du  mie  il  n'est  ]>aa  absolument  impossible 
que  ce«  deux  noms  HouMgn  ou  ffhiitmktr  et  Xekabr,   déu^ent  le 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  38,  39.    cxlu 

pél  k  quelques  lîeues  de  là  sur  une  montagne  où  ils  attendent  de 
pied  ferme  qn'an  vienne  livrer  bataille.  P.  61,  63,  273  à  Î7S. 
—  L'armée  anglaise  s'avance  en  bon  ordre  contre  les  Écossais 
qui  s'ordcHinent  en  trois  batailles  sur  la  pente  de  la  montagne  où 
ils  sont  campa  et  au  pied  de  laquelle  coule  une  rivière  grosse, 
r^de  et  escarpée.  Les  Écossais  refusent  la  bataille  qui  leur  est 
oflerte  par  les  Anglais.  Les  deux  amtées  restent  ainsi  campées 
en  face  l'une  de  l'autre  pendant  trcHS  jours  qui  ne  sont  signalés 
que  par  quelques  escarmouches.  Le  quatrième  jour,  à  minuit,  les 
Ecossais,  menacés  de  famine,  délogent  et  vont  se  postw  sur  une 
autre  montagne  plus  forte  encore  que  la  précédente  et  assise  sur 
la  même  rivière,  au  milieu  d'un  bois.  Les  Anglab  les  y  poursui- 
vent ,  et,  après  avoir  pris  position  en  face  de  leurs  ennemis,  ils 
oSrent  en  vain  la  bataille  à  plusieurs  reprises  :  les  Écossais  la 
refilait  comme  la  première  fois.  P.  63  à  6S,  278  à  277.  —Ex- 
piât de  [Jacques]  de  Douglas  :  à  la  tête  d'une  poignée  d'hom- 
mes d'armes,  il  va  réveiller  les  Anglais  dont  il  tue  un  très-grand 
nombre  et  pénètre  jusqu'à  la  tente  d'Edouard  llf.  Pendant  vingU 
deux  jours,  les  escarmouches  continuelles  des  Écossais  ne  laissent 
ni  paix  ni  trêve  aux  Anglais.  P.  68,  69,  278.  —  Le  dernier  jour 
des  vingt-deux,  les  ÉcoMais  prennent  la  fuite  pendant  la  nuit,  à 
l'iniu  des  Anglais,  laissant  derrière  eux  dans  le  camp  qu'ils  aban- 
donnent leur  butin,  leurs  provisitHis  et  de  nombreux  ustensiles 
de  Imir  cuisine  portative.  A  cette  nouvelle ,  le  roi  d'Angleterre 
ramène  son  armée  à  Durham,  puis  à  York  où  l'attendait  la  reine 
sa  mère  ;  et  là  il  donne  congé  à  ses  gens  :  il  (ait  escorter  jus- 
qu'à Douvres  Jean  de  Hainaut  et  les  autres  compagnons  d'outre 
mer,  après  les  avoir  comblés  de  présents.  P.  69  à  Ik,  279  à  282. 


CHAPITRE  TL 

13S7.  KUUas  o'tDOVtMs  ÏU  atbc  rmum  dx  sunÀur. 
(SS  38  XT  39). 

1327.  Une  ambassade  est  envoyée  en  Hainaut  avec  mission  de 
demander  pour  le  jeune  Edouard  III  la  main  de  Philippe',  l'une 

illaktr  peut  i 
I,  et  Roiethjr  le  nom  de  fiel 
.  Dès  le  37  aoAt  1336,  Iiabdie,  reine  d'Angleterre,  t'éuit  engagée 


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CL  CHRONIQUES  DE  I.  FROISSART. 

des  filles  du  comte  Guillanme  de  Hainaut,  Les  ambassadeurs  T<mt 
d'abord  i  Beaiunont  prier  Jean  de  Hainaut  de  vouloir  bien  ap- 
puyer leor  demande  et  solliciter  son  frère  en  leur  faveur  ;  de 
U  ils  se  rendent  au  Quesnoy  auprès  du  comte  de  Hainaut  qui 
s'empresse  de  consentir  au  mariage  de  sa  fiUe  avec  le  roi  d'An- 
g:leterre.  La  parente  des  futurs  ëpoux  rend  nécessaire  une  dis- 
pense que  le  pape  Jean  Itxn  accorde  volontiers,  sur  la  de- 
mande des  dits  ambassadeurs.  P.  74,  7S,  282  à  28S.  —  Vbi- 
lippe  est  épousée  k  Valendennes  par  deux  ^êques  mmtyé&  par 
le  roi  d'Angleterre  et  en  vertu  d'une  procuration  spéciale.  A{vis 
la  cérémonie,  elle  prend  congé  de  ses  parents  et  part  pour  l'An- 
gleterre en  compagnie  de  Jean  de  Beaumont,  son  oncle,  et  d'an 
certain  nmnbre  de  chevaliers  du  Hainaut,  notamment  d'un  jeune 
écuyer  qui  devint  plus  tard  fameux  sous  le  nom  de  Gautier  de 
Hauny.  La  jeune  reine  s'embarque  à  Wissant  et  arrive  à  Douvres. 
Cette  princesse,  qm  fiit  mère  de  onze  enfants,  porta  bmheur 
â  l'Angleterre  :  ce  pays  fut  couvert  de  gloire  et  ne  connut  ni  fa- 
mine ni  disette,  tant  qu'elle  vécut.  Philippe  de  Hainaut,  i  pane 
débarquée,  se  rend  en  pèlerinage  à  Canterbury,  elle  passe  1  H(k 
chetter,  puis  à  Dartlt«d  ;  et,  après  s'(tre  arrêtée  à  la  résidâtes 
royale  d'EItham  où  elle  prend  congé  de  son  onde,  elle  va  re- 
joindre son  mari  Edouard  HI  et  Isabelle,  la  reine  mère,  à  York 
où  elle  était  attendue.  A|m^  one  réceptim  magnifique  ,  le  ma- 
riage est  célébré  solennellement  dans  la  cathédrale  de  cette  ville. 
A  Piques,  les  nouveaux  époux  vont  au  chSteau  de  Windsor,  ils 
font  ensuite  leur  entrée  à  Londres  où  des  fStes  de  toute  xxte, 
qm  durent  plus  de  trois  semaines ,  et  de  grandes  joutes  sont  cé- 
létx^  en  leur  honneur.  P.  76,  77,  28S  è  tSè. 


muiaga  projeté  entre  Edouard  duc  de  Guyeime  et  Philippe  de  Hai- 
naut. (Orig.  parch.,  aux  Archives  du  Nord.) 


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S(MfHAI&E  DU  PRÏUIER  LIVRE, 


GHAFTFRE  m. 

13S8  à  1330.  HOKT  DB  xom*  uiica,  soi  b'écoub,  rr  bz^édition 

DB  lACQUia  DB  DOUCUS  KÊ  BIH£RI.  AvioaMtKT  DB  DAVID  BBUCB, 

BT  MÂBiACB  DB  CB  FKnicB  AVBc  jumm,  SCBUB  DU  aot  v'arslb- 

TBBU.   (SS  40  «t  41.) 

13X8.  Les  Ëcossaù  repassent  la  Tyne  vers  la  partie  supérieure 
de  son  cours,  dans  la  direction  de  Carduel  ou  Carlîsle,  et  ren- 
trât dans  lear  pays.  Une  trêve  est  conclue  pour  trois  ans  et 
signée  à  Tork  le  30  janvier  entre  le  roi  d'Angleterre  et  le  roi 
d'Ecosse.  P.  77,  188. 

13X0.  Robot  Bruce,  à  son  lit  de  mort,  charge  [Jacques] 
de  Douglas,  conune  le  plus  brave  de  ses  chevaliers,  de  porter 
son  cœur  au  Saint-Sëpulcre,  pour  acconqilir  en  quelque  manière 
le  vœu  fait  jadis  par  le  roi  d'Ecosse  de  guerroyer  les  ennemis 
dn  Quist  et  de  la  foi  cbrëtienne,  rceu  que  des  guerres  conti' 
nuelles  avec  l'Angleterre  ne  lui  ont  pas  permis  de  réaliser.  Ro- 
bot Bruce  meurt  [vers  la  fin  de  juin  1320].  Son  corps  est  em- 
bauiné  et  enterré,  après  qu'on  en  a  retiré  le  cœur,  à  Donfermline 
où  se  bit  la  cérémonie  des  obsèques  avec  beaucoup  de  solennité. 
Quant  an  cœtir  du  roi  défunt,  il  est  enfenné  dans  un  reUquaîre 
d'or  massif  auquel  est  attachée  une  chaîne  du  m&me  métal  qu 
[Jacques]  de  Douglas  suspend  k  son  coo,  &t  jurant  qu'il  ne  se 
séparera  ni  jour  ni  nuit  de  ce  précieux  dépdt,  avant  de  l'avoir 
porté  an  Saint-Sépulcre,  à  la  face  des  mécréants.  David  Bruce 
est  cooronné  roi  à  la  place  de  soa  père  et  investi  dn  gouver- 
nement, malgré  son  jeune  Age,  avec  l'assistance  du  comte  de 
Hurray,  de  Robert  de  YtKj  et  d'Arcbibald  de  Douglas.  P.  78  à 
80.  289  et  300. 

1330.  Au  printemps  qui  suit  la  mort  de  Robert  Bmce,  [Jacques] 
de  Douglas  s'embarque  à  Montrose,  en  Ecosse,  avec  une  nom- 
breuse suite  de  chevaliers,  et  va  d'abord  jeter  l'ancre  à  l'Écluse 
en  Flandre,  espérant  recruter  sur  le  continent  des  compagnons 
pour  la  croisade  qu'il  veut  entreprendre  ;  il  reste  là  une  quin- 
zaine de  jours,  sans  mettre  pied  ù  terre,  men.int  le  train  le  plus 
somptueux,  traitant  à  table  dans  une  vaisselle  d'argent  et  d'or, 
avec  deux  ou  trois  espèces  de  vins,  tous  les  gens  d'armes  qui  le 


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cui  CHRONignSS  DE  J.  FROISSART. 

viennent  visiter.  [lacques]  de  Douglas  apprend  que  la  guerre 
vient  d'éclater  entre  Alphonse  XI,  roi  de  Castitle,  et  les  Maures 
de  Grenade;  il  se  dirige  aussitôt  vers  l'Espagne,  tant  il  est  impa- 
tient d'exercer  son  courage  contre  les  Sarrauns,  avant  même 
d'aller  les  combattre  en  Terre-Sainte.  Bataille  entre  les  Espagnols 
et  les  Maures.  [Jacques]  de  Douglas  qui,  dès  le  premier  signal, 
s'était  élancé  avec  ses  Ecossais  en  avant  du  reste  de  l'armée 
d'Alphonse,  est  abandonné  Uchement  à  ses  seules  forces  par  les 
Espagnols,  jaloux  d'avoir  été  devancés  ;  il  est  entoura  par  tes 
mécréants  qui  lui  coupent  la  retraite;  et,  après  des  prodiges  de 
valeur,  il  trouve  une  mort  glorieuse  et  sainte,  ainsi  que  la  plus 
grande  partie  de  ses  gens.  P.  81,  82,  201  à  S93. 

1328.  Mariage  entre  le  jeune  David  Bruce,  roi  d'Ecosse,  et 
[Jeanne],  sœur  du  rcà  d'Angleterre.  Ce  mariage,  conclu  uns 
l'avis  du  parlement  et  négocia  secrètement  à  l'insu  des  prélats, 
des  barcKia  et  des  bonnes  villes,  est  fort  mal  accueilli  ai  Angle- 
terre où  il  rend  impopulaires  le  comte  de  Kent  et  Roger  de 
Mortimer  qui  en  ont  été  les  principaux  fauteurs.  La  jeune  reine 
est  remise  à  Newcastle  anx  ambassadeurs  du  roi  d'Ecosse,  puis 
elle  est  amenée  à  Berwick  où  David  Bruce  l'épouse  en  grande 
pompe.  Des  fËtes  et  des  joutes  sont  célébrées  à  Édimbooi^  en 
ï'hiMineur  de  ce  mariage,  mais  le  mécontentement  général  eiiq>ïche 
la  plupart  des  chevaliers  d'Angleterre  d'y  prendre  part,  P.  82 
et  294. 

CHAPITRE  Vm. 

1328.   AvAHBNBin   n  noLim  na  vuon  in  tkAnx  na  paAxci, 
VT   vinoiai  na  cAsati.   uwroBTftK  ru  <m  punci  coHraa  m 

rUNAMDB.    (S  42.) 

Charles  IV,  dit  le  Bel,  roi  de  France,  se  marie  trois  fms.  Sa 
première  femme,  nommée  Blanche,  fille  d'Otton  lY,  crante  de 
Bourgogne,  est  enfermée  pour  crime  d'adultère  au  (Siltean- 
Gaillard  près  des  Andelys  vers  131S,  et  ime  sentence  de  divorce 
est  prononcée  contre  elle  par  le  pape  le  19  mai  1322.  Après  son 
avènement  au  trône,  Charles  IV  se  r«narie,  sur  les  instances  de 
ses  conseillers,  le  21  mai  132i,  à  Marie,  fille  de  l'empereur 
d'Allemagne,  Henri  VU,  dit  de  Luxembourg,  et  scour  du  roi 
de  Bohtme.  Marie  de  Luxembom^,  la  pins  oKxlegtB  et  la  phis 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  S  *i-  &■»! 
honnfite  de»  femoies,  meurt  à  Issoudun  en  Berry  à  la  suite  d'une 
fausse-couche,  et  certains  personnages  sont  soupçonnés  de  l'avoir 
fait  périr  de  mort  violente.  La  tfoisième  fenune  de  Charles  IV, 
Jeanne,  fille  de  Louis,  comte  d'Évreux,  était  enceinte  lorsque  son 
nuuri  est  atteint  de  la  maladie  dont  il  devait  mourir.  A  son  lit  de 
mort.  Chartes  IV,  après  avoir  mandé  auprès  de  lui  les  douze 
pairs  et  les  plus  hauts  barons  de  France,  déclare  en  leur  pré- 
sence que,  si  la  reine  sa  femme  met  au  monde  un  fils,  Philippe 
de  Valois  exercera  en  qualité  de  tuteur  ta  régence  du  royaume; 
«  au  contraire  elle  donne  le  jour  à  une  fille,  les  douze  pain 
et  les  hauts  barons  aviseront  à  dcxmer  la  courrame  à  qui  de 
droit.  Sur  ces  «itrefai tes,  Charles  le  Bel  meurt  le  1"  février  1328. 
P.  83,  84,  29S  et  196. 

1328.  La  reine  Jeanne  étant  accouchée  le  l*'  avril  d'une  fille 
nommée  Blanche,  les  douze  pairs  et  les  hauts  barcns  de  France 
appellent  an  trâne,  d'un  commun  accord,  Philippe  de  Valois,  fils  du 
comte  de  Valois,  neveu  de  Philippe  le  Bel  et  cousin  germain  du 
dernier  roi ,  Otaries  le  Bel ,  excluant  ainsi  le  jeune  roi  d'Angle- 
terre, quoique  celui-ci  soit  plus  rapproché  d'un  degré  en  sa 
quaUté  de  neveu  de  ce  même  Charles  le  Bel.  Les  pairs  disent,  pour 
justifier  cette  excluûon,  que  la  reine  Isabelle,  mère  d'Edouard  III, 
□'ayant  aucun  droit  an  trône  de  France  de  par  la  loi  salique,  ne 
peut  transmettre  à  son  fils  un  droit  qu'elle  n'a  pas.  Philippe  VI 
est  sacré  à  Reims  le  29  mai  en  présence  des  rms  de  BoMme  et 
de  Navarre,  du  comte  d'Artws  et  d'un  certain  nombre  de  sei- 
gneurs de  France  et  même  de  l'Empire  qui  sont  dénommés, 
Guillaume,  comte  de  Hainaut,  Gui',  comte  de  Blois,  et  surtout 
Robert,  crante  d'Artois, qui  ont  épousé  les  trois  soeurs  de  Phi- 
Uppe  de  Valois,  sont  les  principaux  fauteurs  de  cet  avènement 
de  leur  beau-frère  à  la  couronne.  P.  84,  SUS.  —  A  la  suite  d'un 
curieux  et  dramatique  dialogue  échangé  à  la  cérémonie  du  sacre 
entre  PhiUppe*  de  Valois  et  son  cousin  Louis  de  Nevers  chassé 
de  Flandre  par  la  révolte  de  ses  sujets,  le  roi  de  France  fait 
soment  de  ne  rentrer  à  Paris  qu'après  avoir  remis  son  couûn 
en  possession  du  comté  de  Flandre.  P.  297. 

Les  villes  de  Bruges,  du  Franc  de  Bruges,  de  Poperinghe, 

1.  Ga  I*  ae  Chàtdion,  p^  de  Loni»  I"  de  ChitiUon  et  grand- 
pire  de  Gui  11,  leprotectenr  de  Froiiurt. 

3.  Philin>e  de  Valoi* ,  la  veille  de  ud  mck  ,  avait  fait  chevalier  le 
comte  de  Mandre.  De  Camps,  portef.  83,  f*  Ul  r>. 


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cuT  CHRONIQtrES  DE  J.  FROISSA&T. 

d'Ypres,  de  Berguea  et  de  Casse],  trempent  plus  on  moim  ouver- 
tement dans  la  révolte.  Gand  seule  Bemble  Stre  rest^  fidèle,  et 
encore  cette  Gdélitë  n'est  qu'apparente.  Environ  seize  mille  PU- 
niands,  aux  gages  des  villes  révoltées,  viennent,  sous  les  ordres 
de  Zannequia,  homme  hardi  et  audacieux,  occuper  le  Moat- 
Cassel.  P.  85,  298,  299. 

Aussitôt  après  son  couronnement ,  Philippe  de  Valois  marche 
contre  ces  Flamands,  il  va  de  Reims  à  Péroone  et  puis  à  Ârras 
où  il  fixe  le  rendez-vous  général  de  son  année.  De  là  il  se  rend 
k  Lens,  il  passe  k  Béthune  et  à  Aire  et  il  étaUît  son  can^  entre 
ceUe  dernière  ville  et  le  Uont-Cassel.  Le  roi  de  Bohême,  le 
crante  Guillaume  de  Hainaut  et  Jean  de  Hainant  sm  frère ,  le 
comte  Gui  de  Blois,  Ferri  duc  de  Lorraine'.  Edouard  comte  de 
Bar  et  Robert  d'Artois  c«Hnte  de  Beaumont  le  Roger  combattent 
avec  le  roi  de  France.  P.  84,  297  et  298. 

La  défaite  de  Cassel  est  amenée  par  la  témérité  des  FUnands. 
Le  jour  de  la  Saint-Barthélémy*  en  aoAt,  dans  l'après-midi,  Zan- 
nequin  et  ses  gens  parlent  sans  bruit  de  Cassel  pour  surprendre 
le  rot  de  France  et  son  armée.  Us  arrivent  au  camp  firançais 
sans  être  aperçus,  tuent  on  geotilhomroe  nommé  Renaud  de  Lor', 
le  premier  qui  se  trouve  sur  leur  passage,  et  tombent  à  rtmiH^>- 
viate  au  milieu  de  leurs  eimemis.  Les  Fhunands  srait  divisés  en 
trois  colonnes  dont  la  première  commandée  par  Zanneqoin  va 
droit  i  la  tente  de  Philippe  de  Valois,  tandis  qne  la  seconde 
s'attaque  aux  gens  du  roi  de  Bohème  et  la  troisième  à  ceux  du 
Comte  de  Hainaut.  Toutefob,  Dieu  ne  permet  pas  que  des  gentils- 
hommes soient  mis  en  déconfiture  par  une  telle  mtrdaftte.  Jja 
comte  de  Hainaut,  assailli  le  premier,  a  deox  chevaux  tués  sons 
lui,  mab  ses  gens  ne  tardent  pas  à  envelof^r  leurs  agresseurs  j 
et,  après  les  avoir  mis  en  pleine  déroute,  ils  se  portent  au  se- 
cours du  roi  de  France.  Alors  commence  une  lutte  horrible.  Le 
capitaiiM  des  Flamands,  Zannequin,  est  tué  après  avoir  fait  des 
prodiges  de  valeur.  Un  bon  écujer  de  Hainaut,  nommé  le 
Borgne*  de  Robersart,  a  le  même  sort  :  il  est  transpercé  par  les 
longues  piques  de  six  Flamands  à  la  poursuite  desquels  il  s'était 

1 .  Fenî  IV,  dit  U  iMlteur,  fut  Xv,i  à  la  bataille  de  Cattel. 

2.  La  Saint- Barthélémy  tombe  le  24  aoât. 

3.  Lor,  Aime.  ar.  LaoD,  e.  Nenfchltel. 

4.  RoberMTt,  Nord,  ar.  Avetne*,  e,  Laudreeies.  Alard  de  RobetMtt, 
fili  de  GA«rd,  dit  U  Borgne,  eu  mentionné  en  1935. 


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I 


SOMMAIRE  DU   PREMIER  LIVRE,  S  «2.  clt 

&axicé,  laissant  bien  loin  derrière  lui  ses  compagnons.  Les  Fla- 
mands annés,  les  uns  de  hacbes  ou  d'espaffus,  les  autres  de 
gros  bâtons  ferres  en  manière  de  piques,  se  défendent  conune 
des  lions,  et  il  en  est  fait  un  grand  carnage  :  quinze  mîUe' 
des  leurs  restent  sur  le  champ  de  bataille,  et  mille  seulement 
cherchent  leur  salut  dans  la  fuite.  Les  gens  d'armes  du  Haioaut 
sont  les  premiers  qui  portent  les  bannières  de  leur  comte  et  de 
Jean  son  frère  sur  le  Mon^Cassel  ;  ils  les  font  flotter  sur  les  rem- 
parts de  la  ville  et  au  haut  de  la  tour  du  moustier.  Le  roi  de 
France  prend  possession  de  Cassel  et  y  met  garnison.  P.  85,  86, 
299  à  301 . 

A  la  nouvelle  de  la  défaite  de  Cassel,  les  villes  *  de  Flandres, 
qui  s'étaient  insurgées  contre  leur  comte,  telles  que  Bruges,  Ypres 
et  Poperinghe ,  s'empressent  de  désavouer  toute  complicité  avec 
Zannequin  et  de  faire  leur  soumission  au  roi  de  France.  Philippe 
de  Valois  entre  en  vainqueur  à  Bergues  et  à  Ypres  qu'il  force  à 
rentrer,  ainsi  que  Bruges,  sous  l'obéissance  du  comte  de  Flandre. 
P.  86,  301  et  302. 

Après  avoir  ainsi  réintégré  son  cousin,  le  roi  de  France  re- 
tourne à  Aire  où  il  donne  congé  aux  seigneurs  qui  l'étaient  venus 
stTvir,  Puis  il  prend  le  chemin  de  France;  et  après  s'être  arrêté 
à  Compiègne,  il  fait  son  entrée  triomphale  à  Paris.  Escorté  des 
rois  de  BobSme  et  de  Navarre,  il  est  reçu  solennellement  à  Notre- 
Dame,  et  de  là  il  se  rend  au  Palais  où  se  tiennent  les  réceptions 
les  plus  somptueuses.  P.  303. 

La  magoîGcence  de  la  cour  de  France  s'accrut  beaucoup  sous 
le  règne  de  ce  prince  qui  avait  la  passion  des  joutes,  des  tour- 
nob  et  autres  divertissements  chevaleresques  dont  il  avait  con- 
tracté le   gotlt  alors  qu'il  cherchait   fortune  dans  sa  jeunesse. 

1 .  Ce  cbirTre  «t  trii-exag^r^.  Da  cdié  des  Flamanda,  le  nombre  des 
vietime*,  d'aprèt  an  releté  officiel  et  nomioal,  dretsè  dam  lei  diverse* 
porouseï  complices  de  la  réTolte,  ne  fut  que  de  3192,  anxqueti  il  faut 
ajouter  In  morU  de  Cauel  non  comprù  dans  le  relevé  exécuté  pour  la 
ebambre  dei  comptes.  Vojez  Manmer,  Lti  Flamandi  à  la  balailU  Je 
Caatt,  p.  15. 

3.  'Toos  lei  bieni  des  rebelles  ayant  été  ccmfiiqaéi,  Caswl  compou 
pour  4S00  livret  pariiii,  Bergue*  pour  lOOOO  liTre»  boa*  pariii*  fort*, 
Bailleul  pour  500  livres.  (Arch.  de  l'empire,  JJ  66,  p.  1479,  1432,  1477. 
Par  un  don  verbal  &it  i  Lille  «  en  retournant  de  la  bataille  devant 
Cu*el  1,  Philippe  de  Valoi*  accorda  au  comte  de  Flandre  le  tiers  dei 
bien*  meuble*  coofisqnéi  lur  le*  rebelles ,  lequel  don  fut  confirmé  en 
nat*  1330  (v.  tt.}.  (Arch.  de  l'empire,  JJ  66,  p.  709,  P*  387.) 


;vGoo»^lc 


CLTI  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Malheureusement,  Philippe  de  Valois,  d'un  naturel  à  la  fois  cré- 
dule et  emporté,  subit  l'influence  de  Jeanne,  sa  femme,  fille  du 
duc  de  Boulogne,  reine  méchante  et  cruelle,  qui,  sacrifiant  tout 
à  ses  caprices  et  à  ses  haines,  flt  mettre  à  mort  injustement  (du- 
ûeors  dievaliers,  P.  86,  87,  302  et  303. 


CHAPITRE  IX. 

1330.    nticoTioN  nu  caini  db  kmst  surns  nu  sdfpucx  de  Kocn 

DB     NOKTUIKI   ,      KT      iiaXtlOS     SK     L*      KBINB     UABILU  ,      ntll 
D'iDOUAID  m.   [$  43.) 

Edouard  III,  pendant  les  premières  années  de  son  règne,  est 
livré  à  l'infloence  de  la  reine  Isabelle  sa  mère,  de  Roger  de  Hor- 
timer,  de  Henri,  comte  de  Lancastre,  et  d'Edmond,  comte  de 
Kent,  ses  oncles.  Rivalité  du  comte  de  Kent  et  de  Roger  de 
Mortimer,  favori  de  la  reine  mère.  Celui-ci  profite  de  la  mort  de 
Jean  d'EItham,  frère  d'Edouard  III,  pour  attribuer  ce  tr^s  pré- 
maturé à  un  empoisonnement  dont  le  comte  de  Kent  se  serait 
rendu  coupable  et  pour  persuader  au  roi  que  son  oncle ,  dési- 
reuz  de  lui  succéder,  lui  réserve  le  même  sort  qu'à  soa  frère. 
Edouard  III,  crédule  et  ombrageux,  demande  i  sa  mèreceqn'elle 
pense  de  ces  accusations,  et  Isabelle,  gagnée  par  Hortimer,  ré- 
pond de  manière  à  confirmer  les  soup^ns  de  son  fils.  P.  87, 
303  et  304. 

1330.  Arrêté  par  ordre  du  roi  son  neveu  et  enfermé  d'abord 
à  la  Tour  de  Londres,  ensuite  au  palais  de  Westminster,  le  comte 
de  Kent,  honnête,  sage  et  vaillant  homme,  subit  la  décollatîmi 
dans  les  jardins  de  ce  palais.  Il  est  universellement  regretté  des 
grands  et  des  petits,  des  nobles  et  des  non-nobles,  mais  surtout 
des  habitants  de  Londres  qui  l'auraient  regretté  bien  davantage 
encore  s'ils  ne  lui  avaient  gardé  rancune  de  sa  participation  au 
mariage  de  la  sœur  d'Edouard  III  avec  Darid  d'Ecosse.  Le  comte 
de  Kent  laissait  une  fille ,  Agée  de  sept  ans ,  que  la  jeune  reine 
PhiUppe,  femme  d'Edouard,  qui  n'avait  pu  empêcher  le  supplice 
du  père,  recueillit  et  prit  avec  elle.  Cette  demoiselle  de  Kent*  fiit 

I.  Jeanne  de  Kent,  somonunée  U  MU  r'urp  J«  Ktni,  mariée  en 


;vGoo»^lc 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $  43.  cltu 

en  son  temps  la  plus  belle  dame  de  tonte  l'ÀngleteiTe  et  U  plus 
amouraue ,  mais  tous  les  rejetoos  de  sa  race  eurent  une  fin  mi- 
sérable. P.  87,  88  et  304. 

L' exécution  du  cmnte  de  Kent  soulève  contre  Roger  de  Horti- 
mer,  qui  en  avait  été  l'instigateur,  l'indignation  générale.  Bientdt 
le  iH-uit  se  répand  dans  le  royaume  que  la  reine  mère  est  enceinte, 
et  que  sa  grossesse  est  l'œuvre  de  Mortimer.  D'un  autre  câté,de5 
doutes  se  font  jour  dans  l'esprit  du  roi  sur  la  culpalnlité  de  son 
oncle  qu'il  vient  de  sacrifier  à  la  haine  du  favori  de  sa  mère. 
Sous  l'influence  de  ces  soupi^ns  et  de  ces  remords,  Edouard  HI 
fait  arrêter  Mortimer  qui  est  amené  k  Londres  et  mis  en  accusa- 
tion devant  un  parlement  tenu  au  palais  de  Westminster,  hors  de 
Londres.  Il  est  déclaré  coupable  du  crime  de  haute  trahison  et 
condamné  au  dernier  supplice.  Après  l'avoir  traîné  sur  un  bahut 
à  travers  la  cité,  on  l'amène  en  la  grande  rue  de  Cep  (Cheap- 
ùde).  Là,  on  lui  tranche  la  tête  qui  est  exposée  au  bout  d'une 
pique  sur  le  pont  de  Londres,  puis  on  lui  coupe  le  membre  viril, 
on  lui  arrache  dn  ventre  le  cœur  et  les  entrailles,  et  l'on  jette  le 
tout  dans  les  flammes.  Après  quoi  ,  on  l'écarteUe,  et  l'on  envoie 
les  quartiers  aux  quatre  maîtresses  cités  d'Angleterre  après  Lon- 
dres. P.  88,  89,  304  et  30S. 

Quant  à  la  reine  mère  Isabelle,  complice  de  Mortimer, 
Edouard  III  la  relègue  dans  un  beau  château*  situé  sur  les  mar- 
ches de  Galles ,  avec  des  dames  de  compagnie  et  des  chambriè- 
res, des  chevaliers  et  des  écuyers  d'hoimem-  et  tout  l'appareil 
qui  convient  k  sm  rang.  II  lui  assigne  en  outre  de  grandes  terres 
dans  le  voisinage  et  de  forts  revenus,  payés  de  terme  en  terme, 
qui  permettent  à  la  reine  exilée  de  mener  comme  auparavant  un 
train  de  vie  vraiment  royal.  Seulement,  il  est  défendu  à  Isabelle 
de  se  montrer  nulle  part,  de  franchir  l'enceinte  du  chtteau  et  de 
prendre  ses  ébats  ailleurs  que  dans  le  verger  et  les  magnifiques 
jardins  d"  sa  résidence.  La  reine  mère  vécut  ainsi  environ  trente- 
quatre  <ins,  recevant,  deux  ou  trois  fois  par  an,  la  visite  de  son 
fils.  P.  89,  90. 


1361  A  Edouard,  prince  de  Galles,  te  fameux  Prince  Noir,  mire  d« 
l'infortané  Richard  il. 

1 .  Cuile  Rising  dan*  le  eomté  de  Norfolk. 


;vGoo»^lc 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 


GHAPITfiE  X. 

1329.    AHUaSADB  BITTOYÉK  EH  ÂMGI.BTSmU  m  PEIIJprB    DB    T&UlU; 
VOTÂOB  d'ÉDOUÀHD  III  ES  FUXCK  IT  KNTKBTnB  d'àiusxb.    (gg  U 

et  45.) 

1329.  Philippe  de  Valois  se  décide  à  sommer  le  rcà  d'Angle- 
terre de  venir  en  France  faire  hommage  pour  la  Guyenne  et  le 
Ponthieu.  Deux  chevaliers,  le  sire  d'Âubigny  et  le  sire  de  Beaus- 
sault,  et  deux  conseillers  au  Parlement  de  Paris,  Simon  d'Oriéans 
et  Pierre  de  Maizières  ' ,  sont  envoyés  en  ambassade  auprès  d'E- 
douard III.  Ils  s'emban[uent  à  Wissant,  débarquent  à  Douvres, 
ou  ils  s'arrêtent  un  jour  pour  attendre  leurs  d^evaux,  et  VMit 
trouver  le  roi  et  la  reine  d'Angleterre  au  château  de  Windsor. 
Us  exposent  l'objet  de  leur  message  à  Edouard  III  qui  les  reçoit 
honorablement  et  les  invite  à  dtner  à  sa  table;  mais  il  leur  dé- 
clare qu'il  ne  pourra  leur  faire  réponse  qu'après  avoir  pris  l'avis 
de  son  conseil.  Ils  retournent,  le  soir  même  de  leur  arrivée  a 
Windsor,  coucher  à  Gilebroolc',  et  le  lendemain  ils  se  rendent 
à  Londres.  P.  90  et  91. 

Le  roi  d'Angleterre  réunit  un  parlement  eu  son  paliis  de  West- 
minster. Les  envoyés  de  Philippe  de  Valois  y  sont  appelés  pour 
lire  la  requête  du  roi  leur  seigneur  ;  et  après  qu'ils  se  sont  reti- 
rés, le  parlement  entre  eu  délibération.  Le  résultat  de  cette  déli- 
bération, annoncé  solennellement  aux  ambassadeurs  par  l'évêque 
de  Londres  qtd  porte  la  parole  au  nom  d'Edouard  III,  est  qu'il 
sera  fait  droit  à  la  juste  réclamadon  du  roi  de  France,  et  que  le 
roi  d'Angleterre  s'engage  à  passer  le  détrott  sans  délai  pour  s'ac- 
quitter des  obLgations  où  il  se  reconnaît  tenu.  Cette  rép(»ise 
comble  de  jrae  les  envoyés  français.  Edouard  III  leur  doDiK  an 
palais  de  Westminster  pendant  une  quinzaine  de  jours  l'hospitalité 


1.  HoD  ami  et  colligne  M.  Heari  Lot  ■  bien  todIu  faire  det  leclier- 
chet  d'où  il  réwilte  <{ue  Simon  d'Orléuis  et  Pierre  de  Mûùèrei  ne  fi- 
gurent DM  aur  la  liite  dei  conieillen  au  Parlement  pour  l'annëe  1339 
(Tojez  U  497,  C  1 13),  ni  *ur  celle  de*  avocat*;  mab  leurs  nom*  ont 
pu  être  omis,  car  il  l'en  faut  que  cei  listes  loieDi  complètes. 

3.  Peul-étre  le  sourenir  de  cette  localité  s'est-il  conservé  à  Londres 
dans  ColebrooL^'Ow,  l'one  des  rues  du  quartier  d'blington. 


jvGooi^lc 


SOMMAULE  DU  PREHIBR  UVRE,  SS  ^^<  ^^-  eux 
la  plus  somptueuse ,  et  il  ne  les  laisse  partir  qu'après  leur  avoir 
di^ribué  de  grands  doos  et  de  beaux  joyaux.  P-  91,  93  et  306. 
Philippe  de  Valois  est  eachanté  du  résulat  de  cette  ambassade. 
Il  est  convenu  que  l'entrevue  avec  son  cousin  d'Angleterre  aura 
lien  à  Amiens.  On  fait  dans  cette  grande  ville  toute  sorte  d'ap- 
provisitHutements ;  et  des  hôtels,  maisons,  salles  et  chambres, 
sont  préparés  pour  recevoir  les  deux  rois  et  leur  suite.  Le  roi  de 
France  ctmvie  i  cette  entrevue  les  rois  de  BohSme  et  de  Navarre, 
les  ducs  de  Lorraine,  de  Bretagne,  de  Bourgogne  et  de  Bourbon 
ainsi  que  Robert  d'Artois.  Dans  la  suite  de  Philippe  de  Valois, 
on  compte  plus  de  trois  mille  chevaux.  P.  93  et  306. 

Edouard  III  se  met  en  route  pour  Amiens  avec  une  suite  de 
quarante  ou  cinquante  chevaliers  et  une  escorte  de  plus  de  mille 
chevaux  ;  il  faut  deux  jours  à  cette  escorte  pour  passer  de  Dou' 
vres  à  Wrâsant.  Le  roi  d'Angleterre  s'arrête  un  Jour  à  Boulogne, 
il  va  de  là  à  Montreuil-sur-Mer  où  il  rencontre  une  escorte 
de  chevaliers  envoyée  au  devant  de  lui  sous  les  ordres  du  comi^ 
table  de  France.  Il  est  reçu  à  Amiens  par  Philippe  de  Valois, 
par  les  rois  de  Boh^e ,  de  Navarre  et  de  Majorque,  par  les 
douze  pairs  et  par  une  Toule  innombrable  de  ducs,  de  comtes  et 
de  barons  qui  font  cortège  au  roi  de  France.  P.  94  et  OS. 

Au  nxxnent  où  Edouard  III  se  prépare  à  prêter  serment  de 
foi  et  d'hommage,  la  dé&ance  naturelle  aux  Anglais,  jointe  à  leur 
connaissance  imparfaite  de  la  langue  française  dont  ils  ne  com- 
prennent pas  bien  tous  tes  termes,  si  ce  n'est  à  leur  profit,  in- 
spire aux  conseillers  du  jeune  roi  d'Angleterre  des  scrupules  sur 
certaines  exig^ices  des  pairs  et  conseillers  du  roi  de  France. 
Jean  de  Haimaut,  qui  sert  d'interprète  aux  Anglais,  s'efforce  en 
vain  de  concilier  les  deux  parties.  Les  Anglais  engagent  leur  roi 
à  ne  pas  procéder  plus  avant  sans  avoir  consulté  le  parlement 
qui  doit  se  réunir  à  la  Saint-Michel  au  palais  de  Westminster.  Sur 
leurs  instances,  Edouard  III  fait  hommage  de  bouche  et  de  pa- 
role seulement,  sans  mettre  ses  mains  entre  les  mains  du  roi  de 
France  ;  et  il  exprime  le  désir  d'attendre ,  pour  parfaire  le  ser- 
ment, son  retour  en  Angleterre  où  il  examinera  à  loisir  et  pièces 
en  main  la  question  pendante,  en  s' aidant  des  conseils  et  des  lu- 
mières de  son  parlement.  Philippe  de  Valois  consent  d'autant  plus 
volontiers  à  accorder  ce  délai  qu'il  nourrit  dès  lors  un  projet  de 
croisade  auquel  il  espère  associer  le  roi  d'Angleterre.  L'entrevue 
se  passe  en  f£tes  et  divertissements  de  tout  genre.  Edouard  III 


D,qit,zeabvG00»^lc 


ax  CHRONIQUES  DB  S.  FROISSAAT. 

retourne  au  chftteau  de  Windsor  où  il  raconte  k  U  reine  Philippe 
sa  femnie  la  merveilleuse  réception  qu'il  a  trouTée  en  France  où 
l'on  s'entend  à  faire  les  honneurs  mieux  qu'en  nul  autre  pays  du 
mcoide.  P.  95,  96,  306  et  307. 


CHAPITRE  XI. 

1$30  et  1331.    Nouviu.!   uuàmadk   mmortE.  a   Lomius  ta 
noMJtrt  DR  TALOiB,  ET  PBUTATioH  HE  roi  ET  Bfmmtam  au  mk 

DB  VKÂHCB  rAK  u  BOI  D'AROLETEBaS.    (§§  46  fit  47.) 

1330.  Philippe  de  Valois  envoie  en  Angleterre  l'ëvëque  de 
Chartres  *,  l'évëque  de  Beauvais',  Louis  de  Qermont  dnc  de  Bour- 
bon, Jean  IV  comte  de  Harcourt  et  Jean  II  sire  de  Tancarville*, 
pour  recevoir  l'hommage  lige  qui  n'a  pas  ^té  prête  à  Amiens.  Les 
envnyds  français  assistent  à  Londres  anx  parlements  réunb  par 
Couard  III  pour  délibérer  sur  la  question  de  l'hommage  auqnel 
il  est  tenu  comme  duc  de  Guyenne.  L'c^ÛDÎon  circule  d^à  paimi 
le  peuple  que  le  roi  d'Angleterre  a  plus  de  droits  à  la  courame 
de  France  que  Philippe  de  Valois ,  mais  Edouard  III  et  ses  con- 
seillers ne  font  pas  encore  attention  à  ces  rumeurs.  P.  96  et  97. 

1331 .  J^rès  avoir  passe  tout  l'hiver  à  Lradres  sans  pottvmr 
obtenir  une  réponse  définitive,  les  ambassadeurs  de  Phili}^  de 
Valais  reçoivent  enfin,  le  30  mars  1331 ,  des  lettres  patentes  d'È- 
douard  lil,  scellées  de  son  grand  sceau,  on  le  roi  d'Angleterre 
se  rec<HinaIt  l'homme  Uge  du  roi  de  France  et  lui  fait  prestalicn 
de  foi  et  hommage  lige.  Voici  en  substance  la  teneur  de  ces 
lettres.  P.  97. 

Le  roi  d'Angleterre  ra[^Ile  que  naguère,  à  Amiens,  il  s'est 
refusé  Â  la  prestation  de  foi  et  hommage  lige ,  et  qu'il  n'a  (ait 
hommage  au  roi  de  France  que  par  paroles  générales,  en  disant 
qu'il  entendait  iaire  seulement  ce  que  ses  prédécesseurs  avaksit 

1.  Pierre  de  Chappea,  fait  cardinal  en  1337,  fut  érêmu  de  Clurtrc* 
de  1326  ■  1336. 

2.  Jean  I",  frère  du  cëlèbre  Enguemnd  de  Han^f ,  fiit  érfane  de 
Beauvais  de  1313  à  1347,  ann^e  où  il  fut  promu  à  l'archeiêcU  de 

3.  Froisiart  d^sigoe  ce  aeigneur  par  le  titre  de  comte  de  Tancar- 
fillp,  iD.-iis  ce  titre  ne  fut  conféré  k  Jean  de  Melon  qu'en  1352. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


SOHMAmS  DU  PREMIER  UVKE,  gg  48,  4S.  ctxr 
Tait;  mais  aujourd'hui  il  n'hésite  pas,  après  plus  ample  inrorma- 
ticm,  i  se  reconnattre  l'homme  lige  du  roi  de  France,  et  à  décla- 
rer U^  l'hommage  prêté  jadis  à  Amiens .  tant  pour  le  duché 
de  Guyenne  que  pour  les  comtés  de  Ponthieu  et  de  Montreuil. 
Edouard  Ul  promet  en  outre,  en  son  nom  et  au  nom  de  ses  suc- 
cesseurs, dues  de  Guyenne,  de  faire  hommage  désormais,  soit 
pour  le  duché  deGuyenne,  soit  pour  les  comtés  de  Ponthieu  et  de 
Hontreuil ,  selon  les  formules  de  l'hommage  lige  qui  sont  tex- 
tuellement énoncées.  Enfin,  le  roi  d'Angleterre  termine  en  disant 
que  ses  successeurs,  ducs  de  Guyenne  et  comtes  de  Ponthieu  et 
et  de  Hontreuil,  seront  tenus  de  renouveler  ces  présentes  lettres, 
toutes  les  fois  qu'ils  entreront  en  l'hommage  du  roi  de  France. 
P.  97  à  99. 


CHAPITRE  Xn. 

1331  à  1334.  BUHissiiuarT  db  bobibt  d'abtois  qui,  ànta  avoir 
mbouxxi  ik  bbabast  et  nma  lb  MAnQuisAx  db  hamub,  as  bëfugib 
u  AHOLEmu.  (gg  48  et  49.) 

1331.  Robert  d'Artois,  marié  à  la  sœur  de  Philippe  de  Valois 
qu'il  a  contribué  plus  que  tout  autre  à  faire  arriver  au  trône  de 
France,  jouit  d'un  très-grand  crédit  pendant  les  trois  premières 
années  du  règne  de  son  beau-frère.  Robert  fabrique,  di^<>n ,  une 
foosse  charte,  espérant  gagner  par  ce  moyen  un  procès  pendant 
entre  liû  et  Jeanne  II,  femme  d'Eudes  IV,  duc  de  Bourgogne, 
an  sujet  du  comté  d'Artois.  Philippe  de  Valois ,  sollicité  par  la 
méchante  reine  Jeanne  de  Bourgogne  sa  femme,  soeur  de  l'ad- 
versaire du  comte  d'Artois ,  prend  parti  contre  ce  dernier. 
La  charte  est  reconnue  fousse  et  cancellée  en  séance  du  Parle- 
ment, une  demoiselle  Divion,  compUce  de  Robert,  est  brdlée,  et 
)e  comte  d'Artois  n'échappe  à  la  mort  qu'en  vidant  le  royaume'. 
P.  100,  307  et  308. 


1.  En  mai  ]332,  Pliilipp«  àe  Valois  donne  à  son  fils  Jean,  duc  de 

Nonnaiidie,  comte  d'Anjon  et  du  lUaine,  t la  maison  qji  fii  Robert 

d'ArtOTS  et  tontes  le«  appertenances  d'icelie  Buiie  à  Paris  en  la  nie  de 
Saint-Germain  des  Prés  devnnt  l'ostel  de  Navarre  >  coofiiquée  ainsi 
que  toiu  le*  biens  du  dit  Robert  par  arrêt  du  Parlement.  (Arch.  de 
rEmpire.  JJ  66,  p.  659,  !<•  S75.} 


;vGoo»^lc 


cuii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

Première  rédaction.  1331  à  1334.  —  Robert  se  rend  d'abord 
à  NamuT  auprès  de  Jean  II,  son  neveu,  fils  de  sa  sœur.  A  cette 
nouvelle ,  Philippe  de  Valois  fait  mettre  eu  prison  la  femme  et  les 
deux  enfants  du  fugitif.  Bientftt  même  le  jeune  [marquis]  de  Na- 
mur,  menacé  d'une  guerre  par  Adolphe  de  la  Harck,  évèque  de 
Li^ge,  tout  dévoué  au  roi  de  France,  est  obligé  de  congédier  son 
oncle.  P.  101. 

Robert  se  réfugie  alors  auprès  du  puissant  duc  de  Brabaut,  son 
cousin,  qui  l'accueille  avec  empressement  et  le  réconforte  dans 
son  malheur.  La  haine  de  Philippe  de  Valois  poursuit  son  ennemi 
dans  ce  nouvel  asile,  et  le  duc  Jean  III,  craignant  de  s'attirer 
une  mauvaise  affaire  avec  le  roi  de  France,  tient  son  cousin  ca- 
ché au  chdteau  d'Argenteul  (Argenteau-sur-Meuse,  selon  Lance- 
lot'}.  La  cachette  est  découverte  par  les  émissaires  de  Phihppe  de 
Valois  dont  l'irritation  ne  connaît  plus  de  bornes  et  qui  soudoie  à 
grands  frais  le  roi  de  Bohême  ainsi  que  plusieurs  seigneurs  des 
marches  d'Allemagne  pour  qu'ils  aillent  défier  le  duc  de  Brabant. 
Ces  seigneurs  auxquels  refuse  de  s'associer  le  jeune  marquis  de 
Namur,  malgré  l'invitation  du  roi  de  France,  après  avoir  reçu  un 
grand  renfort  de  gens  d'armes  commandes  par  le  comte  d'Eu, 
pénètrent  en  Brabant  en  passant  à  travers  le  Hesbaing  (pays 
de  Liège)  et  s'avancent  jusqu'à  Hannt;  ils  ravagent  à  deux  re- 
prises le  pays  environnant  et  brûlent  tout  sur  leur  passage.  P.  101, 
102,  310  et  311. 

Le  comte  Guillaume  de  Hainaut  envoie  en  France  Jean  de  Beau- 
mont,  son  frère,  ainsi  que  sa  femme,  sceor  de  Philippe  de  Valras, 
négocier  une  trêve  entre  les  belligérants.  Le  roi  de  France  n'ac- 
corde cette  trËve  qu'à  grand  peine ,  et  le  duc  de  Brabant  doit 
prendre  l'engagement  de  subir  toutes  les  conditions  qui  lui  seront 
faites,  tant  par  son  adversaire  que  par  les  alliés  de  celui-ci,  et 
de  mettre  dans  un  délai  fixé  Robert  d'Arlois  hors  de  ses  Etats. 
P.  102  et  103. 

1334.  D'après  le  conseil  du  duc  de  Brabant,  Robert  d'Artois, 
traqué  en  France  et  dans  l'Empire,  passe  en  Angleterre,  aous  un 
déguisement  de  marchand.  Edouard  III  l'accueille  avec  bienveil- 
lance, le  retient  à  sa  cour  et  de  son  Conseil  et  lui  asùgne  en  fief 
le  comté  de  Rîchmond.  P.  103. 

Seconde  rédaction.  1331  ù  1334.  —  Robert  d'Artois,    chassé 

1 .  Mémoirei  Jt  CAtaJimU  dtt  inicripiient,  t.  X,  p.  632, 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  48,  49.     clxiu 

de  France,  se  rend  à  Valencîennes  auprès  du  comte  GuiUauine 
de  Haioaut.  Le  comte  fait  le  meilleur  accueil  au  fugitif,  et  il 
chai^  Jean  sou  frère  et  )  evêque  de  Cambrai  d'aller  en  France 
imfdcovr  la  clémence  du  roi  en  faveur  du  prince  eùlé.  Cette  dé- 
marche reste  infructueuse,  et  Philij^  menace  Guillaume  de  toute 
sa  colère  s'il  continue  de  prêter  main  forte  à  Robert  d'Artois. 
P.  308. 

Les  barons  de  Hainaut  engagent  leur  comte  k  ne  pas  se  mettre 
pour  ce  sujet  en  guerre  avec  fe  roi  de  France.  Robert,  avant  de 
quitter  Valendennes,  est  comblé  de  présents  en  vêtements,  che- 
vaux et  joyaux,  et  six  mille  vieux  ëcus  lui  sont  remis  pour  payer 
ses  dépenses  par  le  comte  Guillaume.  Robert  d'Artois  va  voir  à 
Namur  sa  sœur,  le  jeune  Jean  II  son  neveu  et  les  frères  de  celui- 
ci,  Giûllaiime,  Robert  et  Louis ,  encore  fort  jeunes. 

Les  menaces  du  roi  de  France  forcent  Jean  II  à  congédier  son 
(«cle  qui  va  chercher  un  asile  à  Leeuw  *  auprès  de  Jean  III,  duc 
de  Brabant,  son  cousin.  Ce  dernier  répond  à  Philippe  de  Valois, 
qui  réclame  l'expulsion  du  fugitif,  que  les  obligations  d'une  pa- 
noXé  très-ra(^)FOcbée  lui  font  un  devoir  de  venir  en  aide  à  Ro- 
bert d'Artois,  et  que  d'ailleurs  il  n'est  pas  convaincu  du  tout  de 
la  culpalùlité  de  son  cou«n.  P.  309,  811. 

1334.  Philippe  déclare  alors  la  guerre  au  duc  Jean  qui  n'ob- 
tient la  paix  qu'à  la  cmidititHi  de  mettre  hors  de  son  pays  l'en- 
nemi da  roi  de  France.  Ccaigédié  ainsi  par  le  duc  de  Brabant 
après  avoir  reçu  six  mille  vieux  écus  pour  payer  ses  frais,  Robert 
d'Artois  s'embarque  pour  l'Angleterre  à  Anvers  et  arrive  à  Sand- 
wich. Il  se  met  en  marche  pour  rejoindre  Edouard  III  qui  fait 
alors  ta  guerre  en  Ecosse.  Il  passe  par  Stamford,  Lincoln,  Don- 
caster  et  parvient  à  York,  qu'on  dit  Ebruich,  où  il  trouve  la  reine 
Hûlippe,  sa  nièce,  enceinte  d'un  fik  [qui  fut  nommé  plus  tard 
Guillaume  de  Hatfield.]  La  reine  fait  fête  k  son  oncle  et  le  retient 
près  d'elle  envirmi  une  semaine  ;  la  joie  de  Philippe  est  encore 
accrue  par  la  nouvelle,  qu'elle  reçoit  en  ce  moment-là  même,  de 
la  reddition  du  château  d'Edimbourg.  Entouré  d'une  escorte  de 
trob  cents  archers  dont  Henri  de  Beaumont  est  le  chef,  Robert 
d'Artois  se  rend  à  Berwick  en  Ecosse  où  il  passe  trois  jours.  Là, 
il  apprend  qu'Edouard  III,  après  avoir  étabU  garnison  au  château 


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„„„  CHRONIQUES  DB  J.  TROISSART. 

dÉdinbourg.  e.t  Mi  ™ttr.  le  àëg.  <U™a  Sdrling,  .1  U  .4  di- 
rist  vers  cette  ville.  P.  313  et  SU.  „     -  ..    . 

Prévenu  de  1  Triviie  de  Boben  d'Artou  par  Heon  de  Be»- 
mont  mi  a  pris  les  dev.nU,  Edouard  III  envoie  T.elqu«-unJ  de 
se.  bmns  à  la  rencontre  de  son  oncle  cpi'il  reço.t  avec  magnifi- 
cence Robert  d'Artois  raconte  ses  malheurs,  l'emprisonnement  d 
ses  deux  61s  Jean  et  Charles,  la  confiscation  de  ses  biens,  enfin 
son  bamiissement  :  il  n'est  plu.  nulle  part  en  s«reo!  sur  le  cent 
nenl  •  et  il  n'est  ni  comte  de  Hainaut  ni  duc  de  Brabant  m  [mar- 
quis] de  Namm-  qui  consente  à  lui  domier  asile,  par  cramte  du 
roi  de  France.  P.  314.  ^       ^. .      .     .  i  . 

U  roi  d'Angleterre  relève  le  courage  de  Robert  d  Artois  et  Im 
dit  ■•  Bel  oncle,  nous  avons  asse^  pour  nous  et  pour  vous.  Soyei 
«ns  inouiétude  et  sans  cronte,  car  si  le  royaume  de  Fr««»  est 
ireo  petit  pour  vous,  celui  d'Angleterre  vous  sera  tout  grand  ou- 
„„  V— •  Monseigneur,  reprend  Robert  d'Artob,  louK  n»n 
«ipërance  glt  en  Dieu  «  en  vons,  et  je  confesse  ici  que  j'ai  en 
tort  et  que  j'ai  p&h*  en  prêtant  les  mains  naguère  A  votre  eiberi- 
dadon  l'ai  contribué  pour  ma  part  à  faire  celui-là  roi  de  Fr«K« 
™i  ne  m'en  sait  aucun  gré  et  qui  n'y  a  pas  autant  de  drmt  que 
vous  car  vous  êtes  plus  rapproché  d'un  degré  de  feu  Charles, 
le  dernier  roi  :  Philippe  n'est  que  son  cousin  germain  et  vous 
êtes  son  neveu.  «  Edouard  III  devient  tout  pensif  en  entendant  ces 
paroles  qui  ne  laissent  pas  toutefois  de  lui  être  agréables,  mais 
nom-  lor.  il  n'y  donne  point  d'antre  suite,  se  réservant  d'y  reve- 
nir quand  il  croira  le  moment  venu.  P.  314  et  31 3. 

Trolslfme  ,éiaalci:  1331  à  1334.  -  Robert  dArtois,  après 
avoir  séjourné  successivement  à  Namur  et  en  Brabant,  vient  en 
Hainaut  trouver  le  comte  Guillaume  son  beau-frère.  La  comtesse 
de  Hainaut  et  Jean  de  Hainaut  entreprennent  mnlilement  un 
voyage  en  France  afin  de  fléchir  Philippe  de  Valois  et  de  le  ré- 
conciber  avec  Robert.  Ce  que  voyant,  le  comte  d'Artois,  déses- 
péré jure  qu'il  honnira  tout  et  plongera  la  France  en  de  telles 
luttes  et  divisions  que  le.  suites  s'en  feront  encore  senUr  dans 
deuï  cents  ans.  U  reçoit  du  comte  de  Hainaut  tout  I  argent  ne- 
cosaire  pom-  payer  ses  dépenses,  et  il  prend  la  résolution  de 
.nsser  en  Angletem;  i  mais  auparavant  il  retourne  auprès  du  duc 
de  Brabant  qui,  après  l'avoir  retenu  à  sa  cour  en  Im  pronuiuant 
de  le  défendre  envers  et  contre  tous,  est  bientôt  contraint  de  cé- 
der aux  menaces  du  roi  de  France.  P.  309  et  310. 


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S0MMA1H£  DU  PRBUIE&  LIVRE,  $$  k9,  SO.      clxt 

198ft.  Robert  d'Artob  s'embarque  à  Anvers  pour  l'Angleterre 
et  il  se  reiwl  Boprès  d'Edouard  III  au  moment  où  ce  prince,  qui 
l'accueille  courtoisement,  se  dispose  à  entrer  en  campagne  contre 
les  Écossais.  Au  retour  de  cette  campagne,  le  roi  d'Angleterre 
fait  proposer  en  séance  du  parlement  d'assigner  une  dotation  à 
Robert  d'Artois,  l'un  des  pins  hauts  et  plus  nobles  seigneurs  qu'il 
y  ait  au  monde.  Philippe  de  Valois  a  mb  en  prison  la  femme, 
les  enfants,  il  a  confisqua  les  biens  de  son  ennemi,  après  l'avoir 
banni  de  md  royaume.  C'est  justice,  maintenant  que  Robert  d'Ar- 
tois fait  partie  du  conseil  d'Angleterre,  de  le  dédommager  dans 
son  pays  d'adopdon  de  ce  qu'il  a  perdu  en  France.  La  proposi- 
tion d'Edouard  ni  est  agréée,  et  l'on  assigne  à  Robert  le  comté 
de  Bedfiffd  dont  le  revenu  est  évalué  trois  mille  marcs.  Robert 
d'Artois  remercie  sou  neven  et  les  seigneurs ,  et  devient  &insi 
l'homme  tige  du  roi  d'Angleterre  pour  le  comté  de  Bedford. 
P.  315  et  316. 

CHAPITRE  Xm. 

1332  et  1333.  niuMiHiiBBs  dr  la  kubisr  du  nosTiLiTis 

EitTSI    LIS   UfOLAM    BT   LES    icOBSAIB     [§§    49    Ct    SO) . 

Première  et  seconde  rédaction.  1332.  —  Un  an  environ  «près 
l'espiradon  de  la  trêve  conclue  pour  trois  ans  entre  Edouard  III 
et  Robert  Rruce,  le  roi  d'Angleterre  envoie  des  ambassadeurs 
auprès  de  David  Bruce,  fils  et  successeur  de  Robert,  sommer  ce 
prince  de  lui  livrer  Berwick  et  de  reconnaître  sa  suzeraineté  sur 
le  royaume  d'Ecosse.  David  Bruce,  après  avoir  consulté  son 
ccmaeil,  répond  aux  envoyés  d'Edouard  III  que  les  rois  ses  pré- 
dëc«aaeurs  n'ont  jamais  fait  hommage  aux  rois  d'Angleterre,  et, 
quant  à  Berwick,  que  Robert  fouce  son  père,  après  l'avoir  loya- 
lement conquise,  la  lui  a  léga^  comme  légitime  héritage,  et  qu'il 
est  bien  résolu  à  ne  s'en  point  dessaisir.  Le  roi  d'Ecosse  ajoute 
qu'il  a  lieu  d'être  surpris  de  voir  aaa  beau-frère  d'Angleterre, 
en  qui  il  devrait  trouver  un  défeiksenr,  vouloir  ainù  s'approprier 
itijustemoit  le  bien  d'autrui.  Une  telle  réponse  est  loin  de  satis- 
faire Edouard  III  qui  ctmvoque  à  un  parlement  à  Londres,  pour 
déhbérer  sur  cette  question,  tous  les  barons,  chevaliers  et  coir- 
seillers  des  bonnes  villes  de  son  royaume.  P.  103  à  109,  313. 

Première  rédaeticn.  1333.  —  Edouard  III  fait  ei^ioser  de- 


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CLXvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

vant  les  représentants  des  trois  Ordres  la  réponse  nég^atÎTe  rap- 
portée par  les  ambassadeurs  qu'il  vient  d'envoyer  vers  David 
Bruce.  L'avis  unanime  du  parlement  est  qu'il  faut  contraindre  par 
la  force  des  armes  le  roi  d'Ecosse  à  faire  hommage  et  à  dcmner 
satisfaction  an  roi  d'Angleterre,  son  légitiine  suzerain.  P.  109 
et  106. 

Edouard  III,  ravi  de  trouver  ses  gens  aussi  bien  disposés,  les 
invite  à  faire  leurs  préparatifs  pour  entrer  en  campagne  et  leur 
donne  rendez-vous,  au  jour  fixé,  à  Newcastle.  En  mSme  temps, 
il  députe  encore  une  fois  des  ambassadeurs  au[H^  de  son  bean- 
frère  pour  le  s(»nmer  de  nouveau  et  ensuite  pour  le  défier,  à 
David  Bruce  persiste  dans  ses  premières  dispoûticus.  P.  106 
et  107. 

Sectmde  rédaaitai.  — 1333.  Edouard  III,  quoique  mécontent  de 
la  réponse  faite  à  ses  ambassadeurs  par  son  beau-frà«,  est 
assez  disposé  à  en  rester  là,  mais  ses  conseiliers  ne  loi  épargnent 
aucune  remontrance  pour  le  pousser  à  la  guerre.  Ils  lui  repré- 
sentent surtout  que  les  Écossais  ne  cessent  de  menacer  Newcastle, 
Brancepeth,  Percy,  Arcot  et  les  autres  chiteaox  voîùns.  P.  316 
et  317. 

Grandes  fîtes  et  joutes  magnifiques  à  Londres  ;  Jean  de 
Hainaut  y  vient  assister  en  compagnie  de  douze  chevaliers  du 
continent.  Le  prix  des  chevaliers  étrangers  est  décerné  au  sire 
de  Fagoolles,  et  le  prix  des  écuyers  à  Frank  de  Balle  qm  fut 
fait  chevalier  cette  même  année  en  Ecosse  aux  cAtés  du  roi 
d'Angleterre.  Ces  f&tes  et  ces  j(Aites,  qui  durent  huit  jours, 
attirent  un  grand  concours  de  dames  et  de  damoiaelles.  Jaurès 
ces  f&tes,  Edouard  III  convoque  un  parlement.  L'évëque  de 
Lincoln  y  expose  au  nom  du  roi  le  refus  fait  par  David  Bruce 
de  livrer  la  cité  de  Bervick,  la  forteresse  de  Boxburgh  et  de 
faire  hommage  pour  son  royaume  d'Ecosse.  P.  317. 

Le  parlement  consulté  est  unanime  à  déclarer  que  tous  les 
torts  sont  du  câté  de  David  Bruce.  11  est  évident,  disent  tes  caa- 
seillers  anglais,  que  les  rois  d'Ecosse  faisaient  autrefois  hunmage 
à  nos  rois,  car  leur  pays  n'a  jamais  formé  une  province  distincte  '. 
ce  n'est  qu'une  enclave  de  la  province  d'York  qui  est  un  arche- 
vêché d'Angleterre.  De  plos,  ils  fabriquent  leurs  monnaies  d'après 
nos  usages  et  ordonnances,  ils  ont  les  mêmes  lois  et  les  mêmes 
coutumes  que  les  Anglais,  et  ik  parlent  la  même  langue.  D'où 
il  appert  que  le  royaume  d'Ecosse  est  une  dépendance  de  celui 


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SOMMAIRE  DD  PREMIER  LIVRE,  §$  49,  SO.     clxvii 

d'Angleterre.  11  convient  d'envoyer  une  nouveUe  ambassade  k 
David  Bnice,  et,  s'il  s'obstine,  de  le  défier  et  de  lui  déclarer  la 
pierre.  P.  318. 

L'évSque  de  Durham,  les  seigneurs  de  Percy,  de  Mowbray, 
de  Felton  aoat  chargés  de  cette  ambassade.  Edouard  III  ne  s'«i 
prépare  pas  moins  à  entrer  en  campagne  et  il  fixe  le  rendez-vous 
général  de  son  armée  à  Newcastle.  Retomr  de  Jean  de  Beaumont 
enHainant.  P.  318  et  319. 

Troisième  rédaction.  — Les  Anglais  n'aiment  pas,  n'ont  jamais 
aimé  et  n'aimeront  jamais  les  Ecossais  :  ils  ont  vu  avec  un  pro- 
fond déplaisir  le  mariage  de  la  sceur  de  leur  roi  avec  le  jeune 
David  Bruce;  et  quand  la  trêve  conclue  pour  trms  ans  avec 
l'Ecosse  est  expirée,  ils  ne  souffrent  pas  qu'on  la  renouvelle,  car 
ils  veulent  avoir  la  guerre.  Telle  est  la  nature  des  Anglais  :  ils 
ne  savent  pas,  ils  ne  peuvent  pas,  ils  ne  veulent  pas  rester  long- 
temps sans  guerroyer  i  ils  demandent  à  se  battre,  peu  leur  im- 
prnte  sous  qud  prétexte,  et  ils  n'ont  que  trop  ta  passion  et  le 
génie  des  combats.  Ils  ne  pardonnent  pas  aux  Écossais  de  leur 
avoir  pris  et  d'avoir  gardé  Berwict,  et  c'est  pour  cela  surtont 
que  le  comte  de  Kent  s'est  rendu  naguère  si  impopulaire  en  con- 
sentant an  mariage  de  la  princesse  [Jeanne]  d'Angleterre  avec 
le  roi  d'Ecosse.  P.  311  et  312. 

A  rez[Hration  de  la  tr&ve,  les  Ecossais  députent  à  Londres, 
pour  renouveler  cette  trêve,  mte  ambassade  composée  des  évê< 
ques  de  Saint-Andrews  et  d'Aberdeen,  de  Robert  de  Vescy,  d'Ar- 
chibald*  de  Douglas,  de  Simon  Fraser  et  d'Alexandre  de  Ramsay. 
Edouard  III  et  la  reine  Philippe  tenaient  à  cette  époque  leur  cour, 
tantôt  à  Windsor,  tantfit  à  Eltham.  Les  ambassadeurs  d'Ecosse 
se  rendent  à  Eltham  oà  la  cour  se  trouvait  alors,  désireux  de 
conclure  une  longue  trêve  ou  même  un  traité  de  paix,  car  c'en 
est  fait  de  la  puissance  de  l'Ecosse,  depuis  que  Robert  Bruce, 
[Jacques]  de  Douglas  et  le  comte  de  Murraj  sont  morts.  P.  312. 
Edouard  III  fait  aux  seigneurs  écossais  l'accueil  courtois  qui  est 
dû  à  des  ambassadeurs  de  son  beau-trère.  Il  leur  promet  de 
soumettre  leur  demande  aux  délibérations  de  son  parlement,  et 
d'user  de  toute  son  influence  en  faveur  de  la  paii.  Sur  ce,  les 
envoyés   du  roi  d'Ecosse  retournent  à  Iiondres.  P.  312  et  313. 

1.  Ce  prénom  est  encore  porté  aujourd'hui  et  s'est  coniervé  dans  l'o- 
Bomatliqae  française  sous  la  Forme  Arthambaud  ou  Jrchamhmild, 


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cLivm  CHKOiMQUES  DE  J.  PROISSART. 

Le  parlement  est  coDvoqué  à  Westminster,  car  rien  ne  peut 
ni  ne  doit  se  fidre  sans  son  concours.  L'évëque  de  Saint-Andrews 
y  porte  la  parole  au  nom  du  roi  d'Ecosse.  L'archevêque  de  Can- 
terbury  répond  au  nom  du  roi  d'Angleterre  en  demandant  du 
temps  pour  délibérer  sur  les  propositions  de  David  Bruce.  Sur 
ces  entrefaites,  Edouard  III  s'en  vient  demeurer  en  son  hfitel  de 
Sheen  sur  la  Tamise,  à  peu  de  distance  de  Westminster,  et  les 
Écossais  passent  plus  d'un  mois  à  Londres  avant  de  pouvoir 
obtenir  une  réponse.  P.  319  et  320. 

La  crainte  de  voir  le  jeune  Edouard  lU  s'amollir  dans  l'oisi- 
veté comme  son  père  Edouard  II  joiate  au  dësir  de  rei^endre 
Berwick,  Dttobar,  Dalkeith,  Edimbourg,  Stiriing  et  tout  le  pays 
jusqu'au  détroit  de  Queensferry,  détermine  le  pariement  à  re- 
fuser de  renouveler  les  trêves  et  de  ci»icluFe  la  paix  avec  l'Éoosse 
tant  qu'elle  n'aura  pas  restitué  les  dites  vîUes  à  l'Angleterre.  Les 
envoyés  de  David  Bruce  quittent  le  palais  de  Westniînst^  aussitAt 
qu'ils  ont  reçu  cette  réponse  qui  est  une  déclaration  de  guerre 
déguisée  ;  ils  cheminent  an  long  de  Londres  et  viennent  à  Saint- 
John' s-laue  en  Gracecburdi  où  ils  sont  descendus,  et  de  là  ils 
retournent  en  Ecosse,  P.  3Î0. 

Les  plus  sages  entre  les  Écossais  disent  en  apprenant  les  noo- 
Telles  apportées  à  Edimbourg  par  l'évèque  de  Saint-Andrews  : 
«  Nous  aurons  la  guerre,  et  nous  ne  sommes  pas  prêts.  Cette 
fcHS-ci,  les  Anglais  nous  abattront,  ou  nous  les  abattnms  eus- 
mèmes.  Notre  roi  est  jeune,  et  aussi  le  leur.  U  faut  qu'ils  s'es- 
sayent. Il  n'y  a  pas  sous  le  soleil  de  peuple  plus  orgueilleux  et 
plus  présomptueux  que  le  peuple  anglais.  »  Les  jeunes  chevaliers 
et  écuyers  d'Ecosse,  an  contraire,  qui  aiment  les  armes  et  ont  à 
cour  de  s'avancer,  aoat  au  comUe  de  ia  joie.  P.  321. 


CHAPITRE  XIT. 

oniKiB  n'Écostx;  CAMPiaira  db  1333  *.  sntos  tr  ranx  m  bdwkx 
(SS  SI  «  »«)■ 

Première  rédaction,  —  Edouard  III  vient  avec  le  gros  de  son 
armée  à  Newcastle  jù  il  reste  quatre  jours,  attendant  ceux  de 
ses  gens  qui  ne  l'ont  pas  encore  rejoint.  Le  quatrième  jour,  il  se 
dirige  .dn  cAté  de  Berwick,  en  traversant  les  terres  des  seigneurs 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $§  SI,  S2.     clxo. 

de  Perc;  et  de  Nevill,  deux  ^ands  barons  de  Northumberlaud, 
qui,  comme  les  seigoem^  de  Ross,  de  Lucy  et  de  Mowbray,  font 
in»tière  aux  Écossais.  P.  107. 

Edouard  III  passe  la  Tweed  qui  sépare  l'Angleterre  de  l'Ecosse 
et,  sans  s'arrêter  devant  Berwick,  il  ravage  et  inc^Hlie  quantité 
de  villes  du  plat  pays  entourées  seulement  de  fossés  et  de  palis- 
sades, il  s'empare  du  fra-t  cUteau  d'Edimbourg  et  y  met  gar^ 
nison.  Puis,  il  passe  la  seconde  rivière  d'Ecosse  sous  Stirling 
[le  Forth].  Les  Anglais  courent  tout  le  plat  pays  des  environs 
et  s'avancent  jusqu'à  Saint- John ston  (Perth)  et  Aberdeen.  Ils 
brûlent  et  [ùllefit  Dunfermline;  l'abbaye  seule  est  épargnée  sur 
l'ordre  exprès  du  roi.  Ils  poussent  leurs  incurâons  jusqu'à  Dundee 
et  DumbartoD  où  le  roi  et  la  reine  d'Ecosse  se  sont  réfugiés. 
Les  écossais  fuient  devant  les  envahisseurs  sens  leur  ojiposer 
de  réastance  et  mettent  leurs  personnes  et  leurs  biens  en  sdreté 
dans  les  forêts  de  Jedburgh  impraticables  pour  quiconque  ne 
oxmaft  pas  le  pays.  P.  107  et  108. 

Le  roi  David  Bruce  et  Guillaume  de  Douglas,  neveu  de 
[Jacques]  de  Douglas  mort  en  Espagne,  ont  quinze  on  seize  ans; 
ie  comte  de  Murray  est  encore  plus  jeone  :  l'Ecosse,  privée  de 
ses  plus  Ix-aves  et  de  ses  plus  habiles  capitaines,  est  livrée  sans 
défense  aux  attaques  victcneoses  des  Anglais.  P.  108. 

Après  avoir  pris  le  château  de  Dalkeith,  i  cinq  lieues  d'Edim- 
bourg, qui  aj^MTtient  ao  comte  de  Douglas,  le  roi  d'Angleterre 
vient  mettre  le  siège  devant  Berwick,  cite  biea  fortifiée,  située 
aux  confins  de  fÉcosse  et  du  retourne  de  IVorthumberland,  en- 
vironnée d'un  bras  de  mer  et  pourvue  d'une  bonne  garnison.  Ce 
n'est  tous  les  jours,  pendant  la  durée  du  siège,  qu'assauts,  butins, 
escarmouches  et  apertises  d' aimes.  Les  Écossais  font  plusieurs 
fois  des  sorties,  soit  de  jour,  soit  de  nuit,  pour  réveiller  et  sur- 
(orendre  les  assiégeants  ;  mais  chaque  fois  ils  trouvent  les  Anglais 
prêts  à  les  recevoir  et  ils  sont  repoussés  après  aviùr  essuyé  des 
pertes  plus  ou  moins  graves,  lies  assiégés,  menacés  de  famine, 
demandent  et  obtiennent  une  trêve  d'un  mois,  promettant  de  se 
rendre  si  le  roi  d'Ecosse  ne  leur  envoie  aucun  secours  dans  cet 
intervalle,  Robert  d'Artois,  qui  voudrait  voir  Edouard  III  tour- 
ner tout  l'effort  de  ses  armes  contre  la  France,  contribue  beau- 
coup à  décider  le  roi  d'Angleterre  à  accorder  cette  trêve. 
P.  109  à  111. 

Reddititm  de  la  ville  et  du  chAteau  de  Berwick.  Les  bourgeois 


;vGoo»^lc 


CLXX  CHEONIQUES  DE  J.  FROISSAHT. 

se  soumettent  à  Edouard  III  auquel  ils  prêtent  serment  de  foi 
et  hommage.  Le  roi  d'Angleterre  (ait  son  eotrëe  solennelle  à 
Berwick  au  son  des  trompes  et  des  nacaires  ;  il  quitte  cette  ville 
après  y  avoir  séjourné  quinze  jours,  y  laissant  une  ganùaon  de 
jeunes  chevaliers  et  écuyers  sous  les  ordres  d'Edouard  Baillai. 
A|très  quoi,  il  donne  congé  à  ses  gens  et  retourne  à  Windsor. 
Robert  d'Artois,  qui  l'accompagne  partout,  ne  cesse  de  l'exhorter 
À  faire  valoir  ses  droits  à  la  cooronDe  de  France.  P.  111  et  112. 

Seconde  rédaction.  —  Edouard  III,  arrivé  avec  ie  gros  de  son 
armée  à  Nevcastle,  y  reçoit  la  nouvelle  que  ses  prétenti(»is  sont 
repoussées  par  les  Écossais  ;  il  se  met  aussitôt  en  marche  pour 
asùéger  Berwick.  Précédé  de  ses  maréchaux,  le  comte  de  Snf- 
folk  et  Thomas  Wager,  il  va  coucher  à  Arcot',  chiteau  et  ville 
qui  appartient  au  seigneur  de  Percy  :  les  Écossais  avaient  pillé 
la  ville  sans  pouvoir  prendre  le  chlteau.  Le  lendemain,  le  ni 
d'Angleterre  vient  dîner  à  Percy  (Afaiwick).  P.  3tl  et  322. 

L'année  ai^^ise  ne  compte  pas  moins  de  dix  mille  hommes  i 
cheval  et  de  vingt  mille  hommes  à  fned,  archers  et  gallois,  sans 
compter  la  ribaadaille.  Sége  de  Bervid.  Les  machines  et  pier- 
riers  des  assiégeants  abattent  les  officines  et  m6me  les  combles 
des  salles  et  des  chambres,  et  bientôt  i)  ne  reste  plus  aux  asné- 
gés  que  denx  grosses  tours  oà  ils  se  réfugient.  Les  écossais  de- 
mandent et  obtiennent  une  trêve  de  quinze  jours,  promettant  de 
se  rendre  et  de  vider  le  chftteaa,  sauf  leur  vie  et  leurs  biens,  s'ils 
ne  reçoivent  pas  de  secoua  dans  l'intervalle.  En  même  temps, 
ils  dépêchent  un  écuyer,  chargé  de  réclamer  ce  secours,  à  Saint- 
Johnston  (Penh),  une  bonne  ville  située  sur  un  bras  de  mer,  où 
se  tiennent  alors  auprès  de  leur  roi  et  de  leur  reine  le  jeune 
comte  de  Hurray,  le  jeune  Guillaume  de  Douglas,  neveu  de 
[Jacques]  de  Douglas,  Robert  de  Vescy,  Simon  Fraser  et  une 
foiile  d'écuyers  et  de  bacheliers  d'Ecosse.  David  Bruce  marche 
au  secours  de  Berwick  en  passant  par  son  château  d'Édimbom^. 
Le  lendemain  de  son  départ  de  cette  dernière  ville,  à  une  heure 


1.  FroiiMrt  appelle  cette  localité  Vreot.  Arcot,  avec  lequel  nous 
identifion*  Urcol,  «tt  un  village  ■itué  dona  le  aad  du  Nortbamberlind, 
au  nord  de  Newcutle,  à  peu  de  diiUnce  de  rancieDoe  route  de  Lon- 
drei  Â  Edimbourg,  qui  panait  par  Nencastle  et  pir  Percj'  ou  Alawick. 
Cette  idcDtificatioD  lerait  à  peu  pris  idre,  l'il  était  établi  qu'il  y  BTÙt 
à  Arcot  un  château  au  quatonième  liècle.  Il  appartient  aux  samiU 
anglais  île  dou*  renieigner  sur  ce  point. 


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SOMSLUHS  DU  PREMIER  LIVRE,  ^  81,  SS.  glxxi 
d'après-midi,  le  roi  d'Ecosse  vient  camper  avec  mhi  armée  prèa 
d'une  grande  abbaye  de  moines  noirs  (bàiédictins},  nommée  au 
traops  du  roi  Arthur  la  Noire  Combe,  à  cause  de  sa  situation  dana 
une  vallée  et  sur  le  bord  d'une  Noire  *  Bivièire  qui  sépare  l'Ecosse  de 
l'Angleterre.  Celte  abbajre  jouit  du  privilège  d'immunité  dans  les 
^errea  entre  les  deux  pays  en  vertu  de  chartes  et  de  bulles  qui 
lui  ont  été  conférées,  ^e  est  située  à  neuf  lieues  anglaises  de 
Rozburgh  et  à  dis-huit  de  Benrick.  P.  339  et  330. 

La  nuit  mËme  qui  suit  leur  arrivée  près  de  cette  abbaye,  au 
coacher  du  soleil,  le  jeune  Guitlanme  de  Douglas,  te  jeune  comte 
de  Hurray,  Robert  de  Vescy  et  Simon  Fraser  partent  avec  quatre 
cents  armures  de  fer  pour  réveiller  les  Anglais.  Us  chevauchent 
à  travers  des  landes  désertes  et  arrivent  vers  minuit  assez  près 
de  Berwick,  à  une  petite  lieue  de  l'année  anglaise.  Us  tombent  à 
l'improviste  sur  leurs  ennemis  qui  ont  à  peine  le  temps  de  se 
reconnattre,  en  tuent  ou  blessent  plus  de  deux  cents,  en  font 
prisonniers  plus  de  quarante,  puis  ils  regagnent  sams  et  saufe  le 
can^  écossais  en  b^versant  les  txus  par  où  ik  sont  venus. 
P.  331  et  332. 

Deux  jours  après  cette  escarmouche  dont  le  succès  t'enhardit, 
le  roi  d'Ecosse  prend  la  résolution  de  joindre  les  Anglais.  Son 
année  se  compose  d'environ  seize  mille  hommes  tous  à  cheval 
selon  l'usage,  les  chevaliers  et  écuyers  montés  sur  bons  coursiers 
et  gros  KMicins,  les  autres  sur  haquenées  bien  disposes  et  endur- 
cies à  la  fatigue.  Parvenus  à  deux  lieues  anglaises  de  Berwick, 
les  Ecossais  se  divisent  en  deux  batailles  :  la  plus  petite  bataille 
doit  prendre  les  devants  pour  réveiller  et  escarmoucher  les  An- 
^ais,  tandis  que  la  bataille  la  plus  nombreuse  formera  la  réserve 
en  s' étendant  sur  les  ailes,  pour  se  porter  où  bcMÛn  sera.  Les 
Anglais,  avertis  par  leurs  sentinelles,  s'arment  en  toute  hâte  et 
conviennent  de  laisser  l'ennemi  s'avancer  jusque  dans  leur  camp, 
sans  avoir  l'air  de  se  douter  de  rien  et  sans  opposer  tout  d'abord 
aucune  résistance.  Les  Écossais,  témoins  de  cette  îmœobiUté, 
soupçonnent  quelque  ruse,  ils  ne  tardent  pas  à  s'apercevoir  que 
les  Anglais  se  sont  mis  à  l'abri  d'une  surprise.  Us  se  postent 
alors  sur  une  petite  montagne  à  cAté  d'un  bois  qui  sert  de  pâtn- 

1.  Cm  mots  de  Ifoir*  Xritrt  dài^eul  lans  doute  la  BlatkaJdtr,  nn 
de*  affluents  de  U  Tneed.  L'abbaye  de  bén^ictini  dont  parle  Froit- 
nit  ^it  peut-être  I'ud  des  deux  monastirei  dont  on  voit  encore  ao- 
jonrd'hui  les  minei  (ur  le  flerrit'i  Djrkke  prés  de  Greenlaw. 


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cuxu  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

rage  k  leurs  chevaux.  L'escaipement  de  cette  montagne  en  dé- 
fend l'abord  d'un  cAtë,  et  les  Ecossais,  après  avoir  fortifie  le  seul 
cAté  par  où  elle  reste  accessible  à  l'aide  de  troncs  d'arbres  abat- 
tus, en  EoQt  garder  l'entrée  par  leurs  maréchaux.  P    3^3  et  334. 

Le  roi  d'Angleterre  envoie  un  de  ses  hérauts  ofirir  la  bataille 
au  roi  d'Ecosse  ou,  à  défant  de  bataille,  un  combat  partiel  entre 
un  nombre  limita  de  dievaliers  |xis  dans  les  deux  armées.  David 
Bruce,  après  avoir  consulté  son  conseil,  refuse  d'accepter  cette 
proposîlicHi.  P.  334. 

Un  d^tadiement,  composé  de  cinq  cents  hommes  d'armes  au 
centre  avec  cinq  cents  archers  sur  chaque  aile,  va  par  t'wdre 
d'Edouard  111  escarmoucher  les  Ecossais,  qui  sont  chauds  et 
bouillants,  pour  les  exciter  et  les  décider  à  accepter  la  bataille. 
Les  seigneurs  de  Witloughby,  de  Bradeston,  de  la  Ware,  Edouard 
Speoser,  fils  du  fovori  d'Edouard  II,  le  seigneur  de  Greystock, 
Gantier  de  Mauny  et  Guillaume  de  Hontagu,  les  deux  frères 
d'armes,  sont  faits  chevaliers  à  cette  occasion  de  la  main  du  roi 
d'Angleterre  ;  mais  l'escarmouche  reste  sans  résultat,  et  l'on  ne 
réussit  pas  à  entratner  l'ennemi  hors  de  ses  positions.  P.  33S. 

Les  Ecossais  veulent  prendre  leur  revanche  en  réveillant  vers 
minuit  les  Anglais,  ils  sont  repousses  à  leur  tour.  Ils  voient  l»en 
qu'ils  ne  sont  pas  de  force  à  engager  la  lutte  contre  un  emwni 
très-supérieur  en  nombre,  ils  aiment  mieux  perdre  Berwick  que 
de  tenter  l'aventure,  et  ils  effectuent  leur  retraite  pendant  la 
nuit.  Le  lendemain  nudn,  les  Anglais  s'aper^Nvent  que  les 
Écossais  ont  décampé.  D^>aîs  la  veille,  la  trêve  accordée  aux 
hatùtants  de  Berwick  est  expirée.  Edouard  III  envoie  quatre  cbe- 
valiers  sommer  les  assiégés  de  tenir  leur  parole.  Les  ciels  de 
Berwick  sont  apportées  au  roi  d'Angleterre ,  qui  fait  son  entrée 
dans  la  ville  et  le  chAteaule  7  juillet  1333.  P.  336. 

Troisième  rédaction.  Vers  la  Saint  Jean>B^tiste  [i333J,  le  rtn 
et  la  reine  d'Angleterre  viennent  à  York  chasser  aux  cerfs,  daims 
et  chevreuils.  Le  rendes-vous  général  de  l'armée  qui  doit  mar- 
cher contre  l'Ecosse  est  fixé  pour  le  l"août.  D'York  Edouard  III 
se  rend  à  Durfaam,  puis  à  Newcastle  où  il  attend  les  hommes  d'ar- 
mes des  lointaines  marches  qui  ne  l'ont  pas  encore  rejoint.  P.  392. 

A  cette  nouvelle,  tes  Écossais  s'empressent  de  mettre  leurs  villes 
et  châteaux  en  état  de  défense,  surtout  la  cité  de  Berwick  dont 
la  garnison  a  pour  capitaine  Alexandre  de  Ramsay.  David  Bruce 
et  la  reine  sa  femme  se  tiennent  en  la  marche  d'Edimbourg.  Les 


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S(»flHAlBE  DU  PREMIER  LIVRE,  S$  SI.  St.  clkiiii 
Eco66)U3 ,  <|ui  ne  se  sentent  pas  en  f(»t»  pour  soutenir  une  lutte 
ouverte  contre  les  Anglais,  se  décident  à  faire  une  guerre  de  par- 
tisans. P.  32S. 

Sur  ces  entrefaites,  Robert  d'Artois,  traqué  de  tous  cAtà  par 
le  rcH  de  France,  vient  implorer  l'appui  du  roi  d'Angleterre  qui 
l'accueille  avec  bienTNllance  comme  son  proche  parent.  P.  323. 
Edouard  III,  après  avoir  passe  douz«  jours  i  Newcaaile  où  il 
ràmit  sons  ses  ordres  six  mille  hommes  d'anses,  chevaliers  et 
Àniyers,  et  cinquante  mille  archers,  passe  la  Tyne  sur  le  pont  de 
cette  ville,  et,  prenant  la  directitxi,  non  de  Berwick,  mais  de 
Rozbni^,  il  arrive  à  Alnwich  dans  la  terre  du  seigneur  de  Per- 
cj-.  P.  3ï3. 

A  Alnwich,  un  héraut  d'Ecosse  aoaaaé  Dundee  sollicite  et  <^ 
tient  da  nû  d'Angleterre  des  lettres  de  sauf-conduit  pour  sept  an^- 
bassadenrs  envoyés  par  David  Bruce,  denx  prélats  et  cinq  cheva- 
Ëns.  Ces  ambassadeurs  partent  de  Horeham  et  viennent  troaver 
le  beau-frère  de  leur  roi  à  Alnwich.  Edouard  III  leur  souhaite 
la  bienvenue  dans  sa  propre  langue  qui  difiêre  très-peu  de  la 
langue  écossaise.  P.  3Î3  et  324. 

Ces  sept  ambassadeurs  sont  les  évëques  de  Saint-Andrews  et 
d'Aberdeen,  le  frère  de  [Jacques]  de  Douglas  qui  porta  le  cteur 
de  Robert  Bruce  en  Grenade  où  il  mounit,  Ârdiibald  de  Douglas 
son  fils,  le  comte  de  Carrick,  Robert  de  Vescy  et  Simon  Fraser. 
L'év6qiie  de  Saint-Andrews  prie  le  roi  d'At^gteterre,  aa  nom  des 
liens  d'étroite  parente  qui  l'unissent  au  roi  d'Ecosse,  son  beau- 
frère,  de  voal<nr  Ihni  nommer  quatre  prélats  et  autant  de  barons 
de  «ta  rojaome  chargés  de  s'entendre  avec  un  égal  nombre  de 
prélats  et  de  barons  écossais  pour  renouveler  les  trêves  et  con- 
dnre  une  paix  dnraUe.  P.  3Zï  et  3SS. 

Edouard  III  cnosulle  son  conseil.  Renaud  de  Cobham,  père  du 
chevalier  du  même  nom  qm  se  rendit  depuis  si  fameux  par  ses 
prouesses,  cmisaile  de  n'accorder  la  paix  aux  Écossais  qu'a  deux 
coaditions:  La  f^^mière  est  la  prestaticHi  de  l'iHHnmage  dtt  par 
David  Bruce  au  roi  d'Angleterre  pour  tout  le  royaume  d'Ecosse, 
excepté  certaines  Iles  situées  du  côté  de  l'Irlande  et  de  la  Nor- 
vège, dites  les  Sauvages  Escot,  dont  le  seigneur  a  nom  Jean  des 
Aduldlles*  et  n'est  tributaire  que  du  roi  d'Ecosse.    La  seconde 

1 .  Penl-^tre  Jean  àet  Athol-jlei  ou  Jean  d'Athol,  laiTant  une  eonjec- 
tan  DU  pen  hardie,  maû  ii^4nieuie,  de  Bucboo. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


OLXxiT  CfiROmOCBS  DE  3.  FROISSAAT. 

condition  est  la  reddition  de  Berwick  et  de  tout  le  pays  jusqu'à 
la  DKr  d'Ecosse.  P.  325. 

Les  ambassadeurs  écossais,  à  U  demande  desquels  Reoaud  de 
CoUuun  est  chaîné  de  répondre,  déclarent  qu'ils  ne  peuvent 
prendre  sur  eux  d'accepter  de  pareilles  conditions.  P.  326. 

Us  quittmt  Alnwich  et  retournent  vers  le  roi  d'Ecosse  auquel 
ils  transmettent  la  réponse  hautaine  et  oi^ueilleuse  des  Anglais. 
Ils  font  remarquer  que  le  roi  d'Angleterre  n'a  nulle  puissance  en 
toutes  ces  choses  et  que  c'est  le  peuple  anglais  lui-même  qui 
prend  fait  et  cause  pour  la  revendicatioD  d'hommage  et  le  re- 
cours à  la  force  ;  ils  ont  bien  vu  que ,  quand  même  l&donard  III 
voudrait  renoncer  à  cette  revendication ,  ses  gens  n'y  consenti- 
raient pas.  La  guerre  est  inévitable  :  it  ne  reste  plus  qu'à  s'y 
préparer.  P.  327. 

Le  roi  d'Angleterre  quitte  Alnwich  à  la  tète  de  cent  mille  che- 
vaux, y  compris  les  sommiers  qui  portent  les  provisions  et  les 
bagages.  Les  Anglais  prennent  le  cheinin  de  Roxborgh  et  de  Mel- 
rose.  Uelrose  est  une  abbaye  de  Saint-Benott,  située  sur  tuie  pe- 
tite rivière  qui  sépare  l'Ecosse  de  l'Angleterre.  Ils  laissent  pour 
le  moment  Berwick  à  leur  drmte  sans  s'y  arrêter  et  passent  outre, 
car  ils  ne  chercbmt  que  U  bataille  et  ils  veulent  voir  s'ils  trou- 
veront à  qui  parier.  Ils  portent  le  ravage  et  l'incendie  par  tout 
le  pUt  pays  d'Ecosse.  P.  327. 

Il  y  a  très-peu  de  villes  fortifiées  en  Ecosse  ;  en  revanche,  les 
châteaux  y  abondent,  quoiqu'ils  soient  die  fois  moins  nombreux 
qu'en  Angleterre.  Les  Écossais  ont  pour  {nincipe  ,  dans  leurs 
guerres  cmitre  les  Anglais,  de  se  tenir  en  rase  campagne.  Les 
seigneurs  eux-mêmes  ne  s'enferment  point  dans  leurs  châteaux  ; 
ils  disent  qu'un  chevalier,  dès  lors  qu'il  est  ainsi  enfermé,  cesse 
de  valoir  plus  que  le  premier  venu.  Les  envahisseurs,  contre  leur 
attente,  ne  trouvent  pas  à  Edimbourg ,  qui  est  le  Paris  de  l'É- 
cosse,  le  roi  David  Bruce  ;  celui-ci  s'est  retiré  avec  la  reine  sa 
femme  dans  la  partie  la  plus  sauvage  de  son  royaume.  Ainsi  ont 
fait  les  chevaliers  et  écuyers  du  pays  dont  les  meubles,  les  objets 
précieux  et  l'immense  bétail  ont  été  mis  en  sûreté  dans  les  inao- 
cesàMes  forêts  de  Jedburgh'.  P.  328. 

t.  L'ancien  nom  de  Jedbnrgli  ett  Jedweorth  on  Jedwarth.  On  voit 
encore  sur  le*  bord)  de  U  Jed.  rivière  qui  a  donne  ton  nom  i  Jed- 
burgh, des  grattes  ■  troia  compartiment*  qu'on  *uppoie  BToir  serri  de 
refuge  Hox  habitant*  du  paj*  durant  le*  iaTuions  de*  AngUii. 


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SOMHAJRB  DU  PREUIER  LIVRE,  ^  Si ,  S2.     clxxt 

Edouard  III  fait  soo  entrée  dans  Edimboarg,  ville  grande,  plan- 
toreuse  et  d^pourvoe  de  fortifications.  Il  va  se  loger  ji  l'abbaye 
de  Sainte-Omx.  Prise  du  château  d'Edimbourg  après  quinze  jours 
de  siège.  Prise  de  Dalkeitb,  château  des  Douglas,  situé  à  cinq  pe- 
tites lieues  d'Edimbourg.  Les  Anglais  ravagent  et  brûlent  toute 
l'Ecosse  jusqu'à  Saint-Johnston  (Perth.)  P.  328. 

Le  roi  d'Angleterre  occupe  une  belle  petite  ville  qu'on  appelle 
Dnnfennline.  Il  y  a  dans  cette  viUe  une  aU>aye  de  moines 
noirs  (bénédictins]  qui  est  très-grande  et  belle;  cette  abbaye  con- 
tient les  sépultures  de  la  plupart  des  rois  d'Ecosse.  Les  Anglais 
mettent  le  feu  à  la  ville,  mais  Edouard  III  leur  défend  de  ton- 
cber  à  l'abbaye  où  il  est  logé.  Le  roi,  voyant  que  la  mauvaise 
saison  s'ap[Hw:he,  se  dispose  à  retourner  en  Angleterre;  il  suit 
un  autre  chemin  que  celui  par  lequel  il  est  venu  en  Ecosse, 
Il  côtoie  le  rivage  de  la  mer,  car  il  veut  aller  mettre  le  siège 
devant  Berwick.  Cest  en  vain  que  sur  la  ronte  il  essaye  de 
[H^ndre  Dunbar  ;  cette  ville  maritime  résiste  pendant  cinq  jours 
à  tous  les  assauts  des  Anglais.  P.  329. 

Edouard  III  assiège  Berwick  dont  ta  garnison  a  pour  capitaine 
Alexandre  de  Ramsay.  Les  Anglais  posent  leur  camp  le  long  de 
la  Tweed,  rivière  qui  se  jette  dans  la  mer  sous  Berwick;  il  s'y 
trouve  un  port  par  où  ils  reçoivent  des  approvisionnements.  Le 
pays  des  environs  est  fertile  et  bien  pourvu  de  toute  sorte  de 
grains  et  de  fourrages  ;  et  l'on  y  trouve  du  gibier  et  des  volailles 
en  abondance.  Le  rot  d'Angleterre  s'y  livre  au  plaisir  de  la 
diasse  avec  ses  chiens  et  ses  oiseaux;  et  pendant  qu'il  prend 
ainsi  ses  ébats,  le  comte  de  Northampton,  connétable  d'Angleterre, 
■urvùlle  l'ennemi  à  la  tète  de  cinq  cents  lances  et  de  mille  ar- 
chers. P.  337. 

Certes,  ce  n'est  pas  du  temps  de  Robert  Bruce  ni  de  [Jacques] 
de  Douglas  mort  eu  Grenade,  ni  de  Jean  de  Murray,  que  le  roi 
d'Angleterre  eût  ainsi  osé  prendre  ses  ébats  en  Ecosse  avec  ses 
chiens  et  ses  oiseaux.  Mais  les  Écossais  OHnmencent  à  redouter 
Edouard  III  et  disent  qu'il  a  la  mine  et  les  allures  d'un  brave. 
Les  Anglais  excitent  et  entretiennent  la  bravoure  de  leur  rot ,  et 
ils  font  bien,  car  qui  veut  tenir  terre  et  régir  peuple  doit  être  de 
hardies  et  grandes  emprises.  Les  Ecossais  conviennent  entr'eux 
que  le  roi  d'Angleterre,  beau-frère  de  David  Bruce,  est  tenu  de 
Ëûre  en  toutes  choses  les  volontés  du  peuple  anglais ,  sous  peine 
d'avoir  le  sort  de  son  père  Couard  II,  P.  337  et  338. 


q,t,.-edbvG00»^lc 


GLxxvi  CEffiOmQDES  DE  J.  FR0I8SART. 

Cette  opinioo  des  Ecossais  est  partage  par  tons  ceux  qui  con- 
naissent le  caractère  des  Anglais,  car  il  n'y  a  pas  sous  le  soleil 
de  peuple  plus  difficile  à  gouverner  et  plus  rëvolntionDaire  :  ils 
sont  de  bonne  compagnie  et  ils  ont  de  beaux  dehors  ;  mais  il  ne 
faut  pas  trop  s'y  fier,  si  l'on  est  sage.   P.  338. 

Alexandre  de  Ramsay,  capitaine  de  Benrick,  craignant  de  se 
voir  bienlAt  contraint  de  livrer  cette  ville  aux  Anglais,  sollicite  et 
obtient  des  assiégeants  une  trfire  de  quinze  jours  j  il  promet  de  se 
rendre  s'il  ne  reçoit  pas  de  secours  dans  cet  intervalle.  &i  m6me 
temps,  il  fait  demander  des  renforts  à  David  Bruce  par  deux 
chevaliers  qu'il  expMie  à  Aberdeen  où  se  dent  alcars  le  roi  d'E- 
cosse. David  Brucc  répond  qu'il  est  dans  l'impossibiUté  de  secou- 
rir Bervick.  Ce  que  voyant,  Alexandre  de  Ramsay  prend  le  parti 
de  se  rendre.  Edouard  III  fait  son  entrée  en  grande  pompe  dans 
la  ville  et  le  chiteaa  de  Berwick  et  il  y  tient  sa  cour  en  compagnie 
de  la  reine  PhiUppe  alors  encrante.  Il  ëtabUt  garnison  dans  le 
château  dont  il  confie  la  garde  au  seigneur  de  Percy.  Puis  il  re- 
vient à  Newcastle  dont  il  fait  le  seigneur  de  Nevill  capitaine,  et 
il  va  passer  deux  jours  au  chiteau  de  Brancepedi  qui  appartient 
BU  sdgnenr  de  Percy*.  Robert  d'Artcus  accompagne  partout  le 
roi  et  la  reine  d'Angleterre  qui,  après  s'être  arrêtés  trois  jours  à 
Duriiam,  arrivent  à  York  ou  ils  restent  jusqu'à  la  Pique  de  l'an- 
née suivante  [1334].  P.  338  à  341. 


CHAPITRE  XV. 

6UBIUIE  d'êcobbb;   ciwAGNES  DS  1334  a  1336  :  sibcb  xt  nisi  db 
xoxsDBOH,  OB  nALKxrrH  vr  db  stiblino.  (§  S3.) 

Première  rêdactiat.  —  Guillaume  de  Montagn  ei  Gautier  de 
Mauny,  chargés  de  garder  la  frontière  d'Angleterre  du  cite  de 
l'Ecosse,  se  couvrent  de  gloire.  Guillaume  de  Montagu  fait  de 
Hoxbui^h,  qui  n'était  auparavant  qu'une  bastille,  une  forteresse 
de  premier  ordre.  Edouard  III  le  crée  comte  de  Salisbury  en  ré- 
compense de  ses  services  et  lui  procure  le  mariage  le  plus  bril- 

1,  D  y  ■  lien  de  croire  que  ProiMart  «joute  ici  nue  confiuion  de 
nom  aux  ■ntres  erreur)  dont  ce  Hcit  abonde  :  Brancepeth,  près  de 
Durham,  semble  avoir  toujours  appartenu  aux  Nevill,  non  aux  FeKf . 


;vGoo»^lc 


SOHHAIBE  DU  PREHIE&  UVRE,  g  S3.  ci^tm 
lant.  Gantier  de  Maiinj,  de  son  <Alé,  est  fait  chevalier  et  devient 
nn  des  conseillers  intimes  du  roi  d'Angleterre.  Ces  deux  cheva- 
Uers  soat  en  butte  aux  incursions  continuelles  des  ennemis  réfu- 
gia dans  les  ibréts  mai^cageuses  de  la  sauvage  Ecosse,  et  Guil- 
laume lie  Montagu  |>erd  un  oeil  dans  une  de  ces  escarmouches. 
P.  112  et  113. 

1306.  Cest  aussi  dans  ces  marais  et  ces  forSts  que  Robert 
Ibruce,  père  de  David,  avait  jadis  cherché  un  refuge  lorsqu'il  avait 
étÀ  contraint  de  fiiir  devant  les  armes  victorieuses  d'Edouard  1  ; 
et  c'est  de  là  qu'il  s'était  élancé  pour  reconquérir  par  cinq  fois 
SOD  royaume.  P.  113  et  ilk. 

1307.  Edouard  I,  à  la  nouvelle  de  l'un  de  ces  retours  oSeoùfs, 
s'était  mis  en  marche  pour  combattre  le  roi  d'Ecosse  ;  mais  il 
avait  été  surpris  par  la  mort  à  Berwick.  Avant  de  mourir,  il  fit 
appeler  oi  présence  de  toute  sa  cour  son  fils  alnë  qui  lui  succéda 
sous  le  nom  d'Edouard  H  et  lui  fit  jurer  sur  des  reliques  que,  sitôt 
qu'il  serait  mort,  on  mettrait  son  corps  à  bouillir  dans  une  cbau- 
di^  jusqu'à  ce  qu'il  ne  restât  que  les  os  i  et,  toutes  les  fois  que 
son  fils  irait  en  guerre  contre  tes  Écossais,  il  devrait  emporter  ces 
os  :  tant  qu'il  les  aurait  avec  lui,  il  battrait  toujours  ses  enne- 
mis. Edouard  II  ne  tint  pas  la  promesse  qu'il  avait  faite  à  son 
père  :  ausù  fut-il  défait  à  Stirling  et  dans  une  foule  d'autres  ren- 
contres. P.  114. 

Seconde  rédaction.  —  Après  la  prise  de  Berwick,  Edouard  III 
va  mettre  le  siège  devant  le  château  de  Roxburgh,  situé  à  douze 
lieues  de  là  aux  confins  de  l'Angleterre  et  de  l'Ecosse  ;  la  garni- 
son de  ce  château  a  pour  capitaine  un  écuyer  écossais  nommé 
Alexandre  ^|<^|^Uunsay.  P.  341. 

Pendant  ce  temps,  l'armée  écossaise ,  qui  s'est  redrée  devant 
l'armée  anglaise ,  prend  position  sur  une  petite  rivière  appelée 
dans  le  pays^  Boée'.IA,  on  décide  que  le  jeune  roi  d'Ecosse  se 
mettra  en  sQreté  dans  Dumbartou,  un  très-fort  château  de  la  sau- 
vage Ecosse,  tandis  que  Guillaume  de  Douglas ,  les  comtes  de 
Hurray  et  de  Sutherland,  Robert  de  Vescy  et  Simon  Fraser  met- 

1.  Peut-être,  puisque  Froiiiart  avertit  qu'il  donne  le  oom  local,  la 
f^uti  on  la  Bbâche,  aujonrdliaî  ff/ûltadatr ,  petite  mière  ùtuée  au 
N.  0.  de  Bervriok,  qui,  après  sToir  fait  m  jonction  avec  la  Blaekaddtr, 
vient  %e  jeter  dan*  la  Tweed .  Froiwart  a  du  écrire  le  nom  de  cette  ri- 
*>^i  tel  qu'il  l'a  entendu  prononcer  par  le*  habitant*  du  pa^  :  Foét 
on  Boée,  V^cihe  on  Bethe. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


ctnvitt  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

tront  à  profit  les  retraites  impénétrables  des  forêts  de  Jedbui^h 
pour  faire  aus  Anglais  une  guerre  de  partisans.  Les  Écossais  se 
contentent  de  mettre  des  garnisons  à  Édimboiu^,  à  Saint-Jobnston 
(Perth),  à  Âberdeen,  àDundee,  à  Dalkeith,  à  Saint-Audrews ;  et, 
après  avoir  ravagé  eux-mSmes  le  plat  pays  pour  n'y  rien  hisser 
à  prendre  aux  envahisseurs,  ils  se  retirent  dans  les  profondeurs 
inaccessibles  de  leurs  forêts.  P.  342. 

Le  siège  du  cbâteau  de  Roxburgh  est  signalé  par  un  combat 
ùngulier  entre  Alexandre  de  Ramsay,  capitaine  du  dit  château  et 
Guillaume  de  Montagu,  gentilhomme  anglais  fait  nouvellement 
chevalier.  Cet  exploit  d'armes  n'est  point  consigné  dans  les  Chro- 
niques de  Jean  le  Bel,  mais  il  fut  raconté  à  Froissart  par  les  sei- 
gneurs du  pays  pendant  son  voyage  en  Ecosse.  Guillaume  de 
Montagu  propose  ce  combat  singulier,  et,  pour  être  plus  sllr  de 
le  faire  agréer,  il  promet  de  se  racheter  au  prix  de  mille  nobles 
si  Alexandre  de  Ramsay  est  vainqueur.  Le  capitaine  de  Roxburgh 
accepte  la  proposition.  P.  343. 

Le  roi  d'Angleterre  accorde  à  cette  occasion  une  trêve  à  la 
garnison  de  Roxburgh  pendant  tout  le  jour  que  le  combat  doit 
avoir  Ueu  et  le  lendemain  jusqu'à  soleil  levant.  Ce  combat  singu- 
lier se  livre  en  plaine,  à  peu  de  distance  du  château,  en  présence 
d'Edouard  III  et  des  gens  d'armes  tant  anglais  qu'écossais.  Les 
deux  champions,  montés  sur  leurs  chevaux,  après  avoir  rompu 
d'abord  leurs  glaives,  puis  leurs  épées,  en  échangeant  des  coups, 
Unissent  par  se  prendre  à  bras  le  corps,  sans  parvenir  à  se  désar- 
çonner l'un  l'autre.  Ce  que  voyant,  le  roi  d'Angleterre  fait  cesser 
le  combat.  F.  344. 

La  garnison  de  Roxburgh  se  rend ,  après  avoir  soutenu  un 
siège  qm  dure  depuis  l'entrée  d'août  jusqu'à  la  Toussaint.  Les 
gens  d'armes  qui  composent  cette  garnison,  libres  d'aller  où  bon 
leur  semble,  se  retirent ,  les  uns  à  Dumbarton ,  les  autres  dans 
les  forêts  de  Jedburgh  avec  Guillaume  de  Douglas,  le  comte  de 
Murray  et  autres  chevaliers  d'Ecosse  qui  réveillent  et  harcèlent 
tes  Anglais.  P.  34K. 

Après  avoir  passé  huit  jours  à  Roxburgh  et  y  avoir  fêté  la 
Toussaint,  Edouard  III  chevauche  vers  Edimbourg,  très-beau 
château  et  fort  situé  près  de  la  mer  au  sommet  d'un  rocher  d'où 
l'on  découvre  tout  le  pays  environnant.  Les  maréchaux  de  l'ar- 
mée anglaise  font  des  incurvons  par  tout  le  comté  de  Mardi  et 
le  long  du  rivage  de  la  mer,  au  sud.  jusqu'à  Dunbar  et  Ramsay, 


;vGoo»^lc 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §  S3.  clzxix 
au  nord,  jusqu'à  Saint-Andrews  ;  ils  pillent  et  brûlent  la  ville  de 
Queensrerry  sur  le  détrmt  de  ce  nom  et  ils  viennent  attaquer  Dun- 
fennline.  Le  comte  de  Sufiblk,  Edouard  Spenser,  Thomas  Biset  et 
Eudes  de  Pontchardon  sont  blessés  au  siège  de  cette  ville  qui,  grâce 
an  seigneur  de  Lindsay,  résiste  à  tous  les  assauts  des  Anglais.  Les 
maréchaux,  ainsi  rejKtusséa  de  DimfermliDe ,  vont  rejoindre 
Edouard  III  qui  a  mb  le  siège  devant  Dalkeith,  un  château  des 
Douglas,  situé  à  cinq  lienes  d'Edimbourg.  P.  34S  et  346. 

Ce  château  de  Dalkeith  n'est  pas  très-grand,  mais  il  est  Inen 
aménagé  et  il  a  une  grosse  tour  carrée  et  vndtée  à  l'épreuve  des 
machines  ;  il  est  bâti  sur  un  petit  rocher  à  pic  entouré  d'une  ri- 
vière [Esk]  qui  ne  devient  un  peu  forte  que  quand  il  tombe  des 
pluies  en  abondance.  La  garnison  de  Dalkeith  se  compose  de 
trente-ùx  compagnons  dont  le  capitaine,  nommé  Patrick  d'Ork- 
tKj,  s'arme  d'ai^ent  à  trois  clefs  de  sable.  P.   346. 

Le  siège  de  Dalkeith  dure  tout  l'hiver.  Au  printemps,  une  rusa 
de  guerre  livre  ce  château  aux  Anglais.  Les  comtes  de  Lancastre, 
de  Pembroke,  de  Hereford,  de  Warwick,  les  seigneurs  de  Percj, 
de  Grejstock ,  de  Nevill  et  de  Felton  s'avisent  de  faire  endosser 
leurs  armures  à  huit  de  leurs  valets  et  de  les  envoyer  à  l'assaut  ; 
et  pendant  tpie  les  assiégés,  qui  ont  fait  une  sortie,  sont  occupés 
k  repousser  ces  valets,  les  chevaliers  anglais,  auteurs  du  strata- 
gème, pénètrent  dans  le  château  par  le  pont-levis  qui  reste 
abaissé  et  se  rendent  ainù   maîtres  de  Dalkeith.  P.  346  et  347. 

Après  la  prise  de  Dalkeith,  Edouard  III  attaque  le  château 
d'Edimbourg.  D  se  loge  dans  une  aU)aye  de  moines  noirs  (béné- 
diciins)  vfnsine  de  la  ^e  et  à  laquelle  les  Écossais  ont  mis  le 
feu,  afin  que  l'ennemi  ne  puisse  s'en  servir.  Edimbourg  résiste 
aux  efforts  et  aux  machines  des  assiégeants,  mais  le  pays  des 
environs  a  été  tellement  dévasté,  soit  par  les  habitants,  soit  par 
les  envahisseurs,  que  les  Anglais  sont  réduits  à  faire  venir  leurs 
vivres  d'Angleterre,  par  mer.  P.  348. 

Le  roi  d'Angleterre  va  mettre  alors  le  ûége  devant  Stirlmg, 
Stirlîng  est  un  beau  et  fort  château  assis  au  sommet  d'un  ro- 
cher escarpé  de  tous  côtés  sauf  un  seul,  à  vingt  lieues  d'Ëdim- 
bom^,  à  douze  de  Dunfermiine,  à  trente  de  Saint-Johnston 
(Perth).  Cette  forteresse  était  appelée  Smandon  au  temps  du  rm 
Arthnr;  et  c'est  là  que  se  réunissaient  les  chevaliers  de  la  Table- 
Ronde,  ainsi  qu'il  fut  dit  à  Froissart  sur  les  lieux  mêmes,  lorsqu'il 
alla  passer  trois  jours  au  château  de  Stirlîng  en  compagnie  du 


;vGoo»^lc 


cxxxx  CHRONIQUES  DB  S.  PaoISSART. 

roi  David  d'Écoase.  A  l'époque  de  ce  voyage,  le  château  de  Stir- 
ling  apparteDait  à  Robert  de  Vesc;  qui  avait  aidé  à  le  reprendre 
aux  Anglais.  P.  34>8  et  340. 

Le  siège  de  Stirling  est  poussé  avec  vigueur  malgré  Les  con- 
seils de  Robert  d'Artois  qui  ne  cesse  de  dire  à  Edouard  III  : 
K  Laissez  ce  pauvre  payS)  que  le  feu  d'enfer  le  brAle,  et  ne 
songez  qu'à  revendiquer  le  trône  de  France,  votre  légitime  héri- 
tage I  »  Pendant  ce  temps,  la  reine  Philqipe,  qui  réside  à  York, 
met  au  monde  un  fils  qui  reçoit  le  nom  d'Edouard  comme  se» 
père  et  son  parrain  Edouard  Baillol.  Cest  ce  fils  qui  devint  de- 
puis si  fameux  sous  le  titre  de  prince  de  Galles',  mais  il  mourut 
du  vivant  de  son  père,  comme  on  le  verra  ci-après.  P.  349. 

La  garnison  de  Stirling  demande  et  obtient  une  trêve  de 
quinze  jours  pendant  lesquels  elle  attend  en  vaîn  des  ren- 
forts ;  elle  rend  le  château  à  l'expiration  de  cette  trêve.  P.  349 
et  3S0. 

Après  la  reddition  de  Stirling,  Robert  d'Artois  exhorte  plus 
<{ue  jamais  le  roi  d'Angleterre  à  revendiquer  le  trône  de  France. 
Les  comtes  de  Lancastre,  de  Mardi,  de  Suffolk,  de  Hereford, 
de  Warwif^  et  le  seigneur  de  Percy  conseillent  à  Edouard  III  de 
se  rendre  i  Londres  et  de  soumettre  la  question,  soulevée  par 
Robert  d'Artois,  aux  délibëratioDS  du  parlement.  Avant  de  quitter 
l'Ecosse,  le  roi  d'Angleterre  met  de  bonnes  garnisons  k  Bervick, 
à  Dalkeitli,  à  Roiburgh,  à  Dundee,  à  Astrebourch^  à  la  bastide  de 
March,  au  fort  Saint-Pierre,  à  Edimbourg  et  à  Stirling;  en  même 
temps,  il  place  tout  le  pays  conquis  sous  le  commandement  et 
sous  la  garde  de  Guillaume  de  Hontagu  et  de  Gautier  de  Mauny. 
Après  quoi,  il  congédie  ses  barons  à  Roiburgh,  en  leur  assignant 
rendez-vous  à  un  parlement  qui  doit  se  réunir  prochainement  à 
Londres.  Puis  il  va  rejoindre  la  reine  sa  femme  è  York,  en  pas- 
sant par  Arcot,  Percy  (Alnwich),  Newcastle-on-Tyne  etDurfaam. 
De  retour  à  Londres,  il  fait  célébrer  aux  Augustins  de  cette  ville 
un  office  solennel  pour  l'Ame  de  Jean  d'Ëltham  son  frère,   ré- 


1 .  Quoique  la  rectificatioa  de»  erreun  hiatoriquei  de  Froisurt  doive 
faire  l'objet  d'une  publication  ipéciale,  li  mëpriie  coœmÎK  ici  eat  telle- 
ment grouîère  qu'il  eit  impouible  de  ae  U  pas  relever.  Notre  chroni-- 
Sueur  parait  avoir  conrondu  du»  ce  patsage  la  naisunce  d'Edouard, 
«puis  prince  de  Gallei,  qui  eut  lieu  le  16  juin  1330,  avec  celle  de 
Guillaume,  que  la  reine  Philippe  mit  au  monde  i  Hatfield  en  1336, 
pendant  la  guerre  d'Écoue. 


;vGoo»^lc 


S(»iHAniE  DU  PREMIER  LITRE,  §$  S4,  SS.  ct»u 
eemment  mort,  et  il  tient  sa  cour  tantât  À  Westminster,  tantftt  à 
Sbeen,  tantât  à  Eltham.  P.  3S0  et  3Si . 

Lei  Ëcosuis  [nxifitent  du  départ  d'Édooard  III  pour  faire  aux 
gêna  d'armes  anglais  qu'il  a  laissa  dans  le  pays  conquis  une 
guerre  de  partisans.  Les  chevaliers  des  deux  royaumes  se  livrent 
des  escarmouches  dont  l'honneur  revient  principalement,  du  cAté 
des  Écossais,  i  Guillaume  de  Douglas,  à  Robert  de  Vescy,  au 
comte  de  Huiray,  à  Simon  Fraser,  et,  du  c6té  des  Anglais,  à 
Gantier  de  Hauny  et  i  Guillaume  de  Montagu.  Ce  dernier  de- 
vint dans  la  suite  comte  de  Salisbury  par  son  mariage  avec  Alix, 
héritière  de  ce  comtd,  qui  dans  sa  jeunesse  avait  Eait  partie  de 
la  maisoD  de  Hiilif^,  reine  d'Angleterre.  P.  3S1  et  3S2. 


CHAPITRE  XTI. 

1336.  ymàorn  we  raïuppi   m  valuu  a  ivisitoh  wt  ral»ainn 
s'dr  CMMSini  nojxrix  pak  cb  fuuck  (SS  Sk  et  SS). 

1336.  Éclat  de  la  cour  de  Mûlippe  de  Valois.  Cest  un  roi  ma- 
gtnfiqne  en  tonte  chose,  et  qui  sait  bien  ce  que  c'est  que  bacbe- 
lerîe,  car  il  a  été  bachelier  et  homme  d'armes  à  gages  dans  sa 
jeunesse,  en  Lombardie,  du  vivant  du  comte  de  Valois  son  père. 
D  tient  sa  cour  tantât  à  Paris,  tantât  au  boù  de  Tinceunes.  Noms 
des  princqtaux  grands  seigneurs  qui  fréquentent  cette  cour, 
P.  3S3. 

Philippe  de  Valois,  voyant  ses  chevaliers  impatients  de  l'inac- 
tion où  la  paix  les  condamne,  entreprend  d'occuper  leur  activité 
en  les  menant  à  la  croisade  délivrer  la  Terre  Sainte;  il  part 
pour  Avignon  en  compagnie  des  rois  de  Rohëme  et  de  Navarre, 
afin  de  prier  le  pape  Renott  XII  de  prtitët  son  appui  à  cette  cn»- 
sade  et  de  la  publier  par  toute  la  chrétienté.  Arrivé  à  Lyon  ajais 
avoir  traversé  la  Bourgogne,  il  s'embarque  sur  le  RhAne  pour 
voyager  plus  commodément,  tandis  que  ses  gens  continuent  leur 
route  par  terre,  et  il  vient  se  loger  avec  sa  suite  i  Villeneuv»- 
lès-Avignon.  Il  est  reçu  avec  joie  par  le  pape  et  par  le  roi  Pierre 
d'Aragon  *.  Renott  XII  donne  plusieurs  fois  à  dtner  a  Philippe  de 

1.  An  lien  du  roi  d'Aragon,  le  manuscrit  de  Rome  nomme  le  roi 
Robert  de  Haples,  comte  de  Provence,  tpâ  serait  venu  txpri*  de  Sale 


;vGoo»^lc 


cLxxzu  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSàRT. 

Valois  et  aux  autres  rois  dans  son  palais  qiû  n*était  pas  alors  si 
beau  ni  si  considérable  qu'il  est  maintenant.  P.  114,  IIS,  3S3, 
394. 

Le  pape  prËche  la  croisade  et  accorde  une  indulgence  plënière 
i  tous  ceux  qui  en  feront  partie.  Les  rois  présents,  pluùeurs 
cardinaux  et  plus  de  deux  cents  grands  seigneurs  prennent  U 
croix.  P.  114,  lis,  354. 

Philippe  de  Valois  retourne  à  Paris  en  passant  par  Montpellier, 
par  l'Auvergne,  le  Berry,  la  Beauce  et  le  GAtinais.  Le  royauDoe 
de  France  était  alors  florissant,  populeux  et  plantureux,  ses  habi- 
tants étaient  riches  et  pourvus  de  grands  biens,  et  l'on  n'enten- 
dait parler  de  nulle  guerre.  P.  116  et  117, 

Philippe  de  Valois  fait  pour  la  croisade  les  plus  grands  et  les 
plus  beaux  préparatifs  que  l'on  eût  vus  depuis  le  temps  de  Go- 
defroi  de  Bouillon.  On  rassemble  i  Uarseille,  à  Aigues-Hortes,  à 
Lattes  et  dans  les  ports  qui  avoisinent  Montpellier  et  Narbraine, 
des  approvisionnements  de  toute  smte  en  biscuit,  en  vins,  en  eau 
douce,  en  salaisons,  avec  un  nombre  suffisant  de  vaisseaux, 
d'huissiers,  de  caraques,  de  galées,  de  barques,  pour  transporter 
trente  mille  ou  même  soixante  mille  homtnes.  Le  comte  de  Nar- 
bonne  et  Charles  Grimaldi'  de  Gènes  sont  préposés  à  cette  flotte 
de  transport.  P.  117,  354  et  3S8. 

Le  roi  de  Hongrie,  le  vaillant  Hugues  IV  de  Lusignan,  roi  de 
Chypre,  Robert  roi  de  Naples  informent  Philqipe  de  Valob  qu'ils 
sont  disposés  à  livrer  passage  aux  pèlerins  de  Dieu  à  travers  leurs 
États.  Le  grand  prieur  de  France,  k  qui  les  Templiers  obéissent, 
est  chargé  de  préparer  des  vivres  et  des  approvisioimements 
dans  t'Sle  de  Rhodes.  Les  Génois  et  les  habitants  de  la  rivière  de 
Gènes  fournissent  quantité  de  galées  et  de  barques  toutes  prêtes 
à  prendre  la  mer.  Les  Vénitiens  garnissent  l'Ile  de  Oète,  une  de 
leurs  possessions,  de  concert  avec  les  chevaliers  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem.  Bref,  plus  de  trois  cent  mille  personnes  prennent 
la  croix  ;  mais  les  Sarrasins  ne  s'en  porteront  pas  plus  mal,  car 
le  roi  de  France  ne  donne  pas  suite  à  son  projet.  P.  118  et  3S7. 

et  de  Pouitle  pour  se  rencontrer  avec  le  roi  de  Fïanoe  ;  et  nu  autre 
manuscrit  ajoute  le  rot  de  Majorque. 

1.  En  novembre  1339,  Philippe  de  Valois  fît  dan  à  son  amë  et  f^l 
conseiller  Charlea  Grimaldi,  chevalier,  de  1000  livrei  tournois  de 
rente  annuelle  el  perpëtuelle  sur  la  claverie  (douane)  d'Aigues-Hortes. 
(Arch.  de  l'Empire,  JJ  74,  p.  70,f>'41.) 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  i^^-SS.     cutxxiii 

A  la  demande  de  Phili[^  de  Valois,  Louis  Y  de  Bavière,  mari 
de  Marguerite  de  Hainaut  et  empereur  de  Rome  malgré  les  Ro- 
mains, accorde  aux  croisés  le  voyage  siu*  son  territoire  jusqu'en 
II<»tgne,  en  promettant  de  les  fournir  de  vivres  pendant  c* 
voyage. 

13S8>  Froissart  raconte  à  ce  propos  l'eTpédition  de  Louis  de 
Ravière  en  Italie  et  soa  couronnement  à  Rome,  mais  il  place  i 
tort  ces  événements  sous  le  pontificat  de  Renolt  XII,  tandis  qu'ils 
eurent  lieu  sous  celui  de  Jean  XXII.  Louis  de  Bavière,  que  ce  der- 
uio'pape  refuse  de  reconnattre,  traverse  la  Lombardie  à  la  tête  d'une 
puissante  armée  et  vient  à  Milan  dont  il  donne  te  gouvernement  à 
ï'arcbevSque  moyennant  un  tribut  annuel;  puis  il  se  rend  à  Rome 
où  il  fait  avec  la  couniveuce  des  RoD.ains  douze  cardinaux  et 
un  pape  qui  le  courcMine  empereur.  Au  moment  où  il  vient  de 
quitter  R(»ne,  les  Allemands  qui  servent  sous  ses  ordres,  et  aux- 
quels il  n'a  point  donné  de  solde,  restent  un  peu  en  arrière  et 
■e  payent  eux-mêmes  en  livrant  au  pillage  la  ville  étemelle.  Quand 
Us  se  sont  gorgés  de  dépouilles,  d'or,  d'argent  et  de  joyaux, 
ils  vont  rejoindre  Louis  de  Bavière  qui  les  attend  à  Viterbe. 
Après  un  tel  guet-apens,  l'amour  des  Romains  pour  l'Empereur 
fait  place  à  la  haine  ;  et  le  pape  et  les  cardinaux  créés  par  Loois 
se  soumettent  au  pape  d'Avignon.  P.  3S5  et  3ft6. 


CHAPITRE  XTn. 

1337.    tDOVAMB   in  nrvoiB   dks  ambassàdidbs  sux  lb  cosTDfBirr 

CHAKGËS      I>B     VÉCOCIEt     UICB     1I.LI1HCB     COHTXB     lA    rUKCB     AVSO 
LB     COMTE    DB     BAINAUT,    LB    DUC     DB     BBABAHT    BT   LIS    IBICIIBUU 

DBS  MAscHBS  u'allemaonb  (§§  S6  à  98). 

Première  rédaction.  —  Robert  d'Artob  redouble  d'efforts  pour 
décider  Edouard  111  à  revendiquer  le  trdne  de  France.  Le  roi 
d'Angleterre  prendrait  volontiers  ce  parti ,  mais  il  est  retenu  par 
la  crainte  d'encourir  le  blSme  en  faisant  valoir  ses  prétentions, 
sans  être  prêt  à  les  appuyer  par  la  force  cies  armes  ;  or  il  ne 
s'estime  pas  assez  fort  pour  engager  seul  la  lutte  contre  le  grand 
royaume  de  France  :  il  éprouve  le  besoin  de  s'assurer  aupara- 
vant, à  prix  d'or,  l'alliance  de  seigneurs  puiss.tnts  en  l'Empire 


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CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

et  ailleurs.  Il  consulte  son  cons^  sans  le  concours  duquel  il  ne 
veut  rien  entreprendre.  P.  119. 

L'opinion  du  conseil  est  qu'on  envoie  des  ambassadeurs  sur  le 
continent  demander  l'avis  du  comte  de  Hainaut  et  de  Jean  de 
Hainaut  son  frère,  qui  doivent  inspirer  pleine  confiance  et  sont 
plus  en  mesure  que  tous  autres  d'indiquer  les  seigneurs  dont 
il  convient  de  rechercher  l'alliance.  P.  120. 

Edouard  III  charge  de  cette  mission  l'évdque  de  Lincoln  et  lui 
adjoint  deux  chevaliers  bamierets  et  deux  clercs  en  droit.  Les 
envoyés  anglais  débarquent  à  Dunkerque,  traversent  la  Flandre 
et  arrivent  à  Talencieones  où  ils  sont  comblés  de  fiâtes  et  d'hon- 
neurs par  Guillaume,  comte  de  Hainaut,  et  par  Jean  son  birt. 
Le  comte  de  Hainaut  souffre  tellement  de  la  goutte  et  de  la  gn- 
yelle  qu'il  garde  le  lit  sans  pouvoir  faire  aucun  mouvement.  Les 
ambassadeurs  anglais  exposent  l'objet  de  leur  mission.  P.  ISO 
et  121. 

Après  avoir  donné  des  éloges  à  la  prudence  du  roi  d'Angle- 
terre, le  comte  de  Hainaut  déclare  qu'il  a  plus  à  cceur  le  succès 
d'Edouard  III,  sou  gendre,  que  celui  de  Philippe  de  Valois,  son 
beau-firère.  Ce  dernier  a  mis  obstacle  au  mariage  de  l'une  des  filles 
du  comte,  nommée  Isabelle,  avec  le  jeune  duc  de  Brabant  à  qui 
il  a  fait  épouser  sa  propre  fille*.  Guillaume  de  Hainaut  ajoute  que 
son  gendre  peut  compter  entièrement  sur  son  aide  ainsi  que 
sur  celle  de  Jean  son  frère,  mais  Hainaut  est  un  bien  petit  pays 
en  comparaison  du  royaume  de  France ,  et  l'Angleterre  eri  bien 
loin  pour  défendre  un  albé.  L'évëque  de  Lincoln  prie  alors  GoD- 
laume  de  Hainaut  d'indiquer  tes  seigneurs  dont  il  convient  de 
rechercher  l'alliance.  Le  comte  nomme  le  duc  de  Brabant,  l'évfe- 
que  de  Liège,  le  duc  de  Gueldre,  l'archevique  de  Co1<^ne,  le 
marquis  de  Juliers,  Amoul  de  Blankenheim  et  le  seigneur  de 
Fauquemont.  Ce  sont  seigneurs  très-belliqueux,  qui  peaventbieD 
mettre  sur  pied  huit  ou  dii  mille  armures  de  fer,  pourvu  qa'oa 
les  paye  à  proportion,  car  ils  vendent  volontiers  leurs  services. 
Si  jamais  le  roi  d'Angleterre  parvient  à  acheter  l'alliaDce  de 
ces  seigneurs,  il  pourra  bien  aller  au  delà  de  l'Oise  offîir  la  ba- 
Uille  k  Philippe  de  Valois.  P.  121  à  123. 

Igi  ambassadeurs  anglais   retournent  dans  leur  pays    et  re- 


1.  Marie,  fille  de  Philippe  de  Valois  et  de  Jeanne  de  Bourgogne, 
mariée  i  Jean  de  Bnbant.  duc  de  Limbou^. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  ^^'^8-  cuzxr 
riament  à  lx>ndres  où  ik  rapportent  à  leur  souverain  les  conseils 
da  comte  de  Hainaut  et  àe  Jean  de  Hainant.  Edouard  HI  reçoit 
ces  conseils  avec  déférence  et  se  promet  bien  d'en  Taire  son 
proGt.  P.  1S3. 

Pendant  ce  temps,  on  apprend  en  France  que  le  roi  anglais 
se  dispose  à  réclamer  ses  droits  à  la  couronne.  A  cette  nouvelle, 
Hiilîppe  de  Valois  sa^»end  les  préparatifs  de  la  croisade  qu'il  a 
entreprise  ;  il  contremande  les  oGGciers  et  les  approvisionnements 
jusqu'à  ce  qu'il  sache  sur  quel  pied  le  roi  d'Angleterre  vent 
danser*.  P.  123. 

Edouard  m,  de  son  cfité,  renvoie  à  Valenciennes  l'évSqne 
de  Lincoln  en  compagnie  de  dix  chevaliers  bannerets  et  de  qua- 
rante chevaliers  jeunes  bacheliers  pour  traiter  avec  les  seigneurs 
de  l'Empire  indiqués  par  le  comte  de  Hainant  et  pour  faire  tùOt 
ce  que  Goillanme  et  Jean  de  Hainaut  conseilleront.  Plusieurs  des 
bacheliers,  qui  font  partie  de  cette  ambassade,  ont  un  oeil  recou- 
vert d'un  morceau  d'étoffe,  ce  qui  les  empêche  de  voir  de  cet  tà\. 
On  dit  qu'ils  ont  juré  aux  dames  de  leor  pays  qu'ils  ne  verront 
jamais  que  d'un  œil,  tant  qu'ils  n'auront  pas  accompli  en  France 
certaines  prouesses  d<Hit  ils  refusent  de  s'ouvrir  à  ceux  qui  les 
intem^ent.  P.  124. 

Ces  ambassadeurs  vont  d'abord,  d'après  le  conseil  du  comte 
de  Hainaut,  trouver  le  duc  de  Brabant.  Celui-ci  promet  de  sou- 
tenir dans  son  pays  le  roi  ainsi  que  les  gens  d'armes  d'Angle- 
terre et  de  leur  livrer  passage  ;  il  promet  même,  moyennant  une 
certaine  somme  de  florins,  que  si  Edouard  III,  son  cousin  ger- 

l .  Lei  hcMtilit^i  iourde*  eommeDcirent  entre  le  roi  de  Fnnee  et  le 
roi  d'Angleterre  dis  le  mou  de  juin  1337.  (V.  de  Campa,  portef.  83| 
f  190.)  P»r  nn  nundemeot  en  date  da  24  août  1337,  Philippe  de 
Valoii  enjoint  à  Gà'ard  de  Picquigny,  à  Bernard  de  Horeuil  et  i  Re- 
naud d'Anbigny  de  conroquer  fei  gens  d'armei  de  l'Amiàiois  dan*  la 
![■' '""■""  de  la  Nativité  pour  repouuer  les  ennemis  qui  înqaiitent  les 
nintière*  sons  avoir  déclaré  la  gaerre  (de  Camps,  porte)*.  83,  P  156).  Par 
acte  donn^  à  Giiors  le  7  mai  1337,  Philippe  de  Viloit  décide  que  ions 
les  boni^eois,  marchands  on  non  nurcfaands  domicilia  en  la  TÎIIe  et 
le*  lâubourgi  de  Parii,  t  nom  feront  en  ceste  présente  ann^,  en  noKre 
hott  qne  nons  entendons  à  avoir  à  l'ajde  de  Dieu,  ajde  de  quatre  cens 
hommes  de  cheval  par  l'espace  de  six  mois,  se  nous  alons  ou  dit  Iiost  en 
nonre  propre  personne,  ou  par  t'espace  de  quatre  mois,  se  nons  n'y 
aloDS  et  la  guerre  ettoit,  ■  laqaelle  aide  cesserait  <  se  il  avenoit  par 
■ventnre  que  il  convenist  que  le  commun  des  gens  de  la  dicte  ville  bUm 
ou  dit  host  par  manière  de  arrère  ban  ou  autrement.  >  Arch.  de  l'Em- 
pire, JJ  70,  p.  371,  f>>  179. 


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cunxn  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT. 

main,  a  soin  de  dëSer  en  bonne  forme  le  roi  de  France  et  par- 
vient à  acquérir  l'alliance  des  seigneurs  d'Allemagne  ci-dessus 
nommes,  il  défiera  lui  aussi  Philippe  de  Valois  et  marchera  sous 
la  bannière  d'Angleterre  à  la  tfite  de  mille  armures  de  fer.  Cette 
promesse  fiit  bien  mal  tenue,  comme  on  le  verra  ci-après.  P.  125. 

Les  envoyés  anglais  reviennent  à  Vatenciennes  où  l'or  et  l'ar- 
gent du  roi  d'Angleterre  attirent  le  duc  de  Gneldre,  beau-frère 
d'Edouard  m,  le  marquis  de  Juliers,  qui  vient  tant  en  son  nom 
qu'au  nom  de  son  frère  Valerand,  archevêque  de  Cologne,  enCa 
le  seigneur  de  Fanquemont.  Ces  seigneurs,  gagnés  par  l'appât  de 
grosses  sommes  de  florins  promises  à  eus  et  k  leurs  gens,  s'en- 
gagent à  se  joindre  au  roi  d'Angleterre  pour  défier  le  roi  de 
France  et  à  servir  leur  allié  à  la  tite  d'un  certain  nombre  de 
gens  d'armes  à  heaumes  couronnés.  On  parlait  alors  de  heaumes 
couronnés;  et  les  seigneurs  ne  tenaient  nul  compte  des  gens 
d'armes,  s'ils  n'étaient  à  heaumes  et  à  timbres  couronoés.  Au- 
jourd'hui, on  a  changé  tout  cela;  et  l'on  ne  parle  que  de  lances, 
de  glaives  et  de  Jacques.  P.  12S  et  126. 

Les  envoyés  anglais  essayent  de  gagner  Adolphe  [de  la  Harck] , 
évfique  de  liége,  mais  toutes  leurs  démarches  restent  in£ruc- 
tueuses.  Cet  ëvëque  ne  veut  rien  entendre  ni  rien  entreprendre 
coqQ%  le  roi  de  France  dont  il  est  devenu  l'homme  lige  et  k 
qui  if  a  prèl^  serment  de  foi  et  hommage.  Aucune  tentative  n'est 
faite  auprès  du  rù  de  BohSme  que  le  mariage  de  Bonne,  sa  fille, 
avec  Jean,  duc  de  Normandie,  attache  par  un  lien  si  étroit  au 
parti  dn  roi  de  France.  P.  126. 

Seconde  rédactioa.  —  Edouard  III  réunit  à  Londres  on  grand 
parlement;  Robert  d'Artras  y  expose  les  droits  du  rcn  d'Angle- 
terre à  la  Couronne  de  France.  P.  3^9. 

L'opinion  du  parlement  est  qu'avant  de  prendre  une  résolu- 
tion définitive  il  importe  de  sonder  les  dispositions  et  de  savtMr 
l'avis  dn  comte  de  Hainaut,  de  Jean  de  Hainaut,  du  duc  de  Bra- 
bant  et  du  comte  de  Gneldre.  En  conséquence,  Edouard  III  députe 
vers  ces  princes  les  seigneurs  de  Beauchamp,  de  Percy,  de  Staf- 
ford  et  de  Cobham.  P.  360  et  361. 

Arrivés  à  l'Écluse  en  Flandre,  les  envoyés  du  roi  d'Angleterre 
se  dirigent  d'abord  vers  le  Hainaut  et  viennent  à  Valenciennes 
où  ils  se  logent  sur  le  marché,  chacun  dans  im  tiAtel  différent. 
Us  se  rendent  ensuite  à  ia  Salle,  résidence  du  comte  de  Hainaut 
auquel  ils  soumettent  l'objet  de  leur  mission.  P.  361  et  362. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  ^^^-     «^xxsm 

Le  comte  de  Hainaut  promet  sod  alliance  aux  ambassadeur» 
d'Angleterre  et  leur  conseille  d'acquérir  à  tout  prix  celle  du  duc 
de  Brabast,  du  ctMUte  de  Gueldre ,  du  pays  de  Flaiidre  et  de 
Louis  de  Bavière,  empereur  d'Allemagne.  P.  367. 

Cest  que  les  messagers  d'Edouard  III  arrivent  dans  un  mo- 
ment où  le  comte  de  Hainaut  a  plusieurs  raisons  d'être  fort  mal 
di^Msë  envers  le  roi  de  France.  D'abord,  celui-^i  a  empêché  le 
mariage  d'Isabelle,  fille  du  comte,  avec  le  fils  atuë  du  duc  de 
Rrabant  auquel  il  a  fait  épouser  sa  propre  GUe.  Puis,  ayant  ap- 
|xis  que  Guillaume  de  Hainaut  vient  d'acheter  le  château  de 
Crèvecceur  sur  la  firtmtière  du  Gunbrésis  et  du  Hainaut  ainsi  que 
le  château  d'Arleui  en  PaUuet  aux  confins  du  pays  de  Douai  et 
de  l'Ostrevaut,  Philippe  de  Valob  a  fait  rompre  le  marché  et  au 
moyen  d'une  surenchère  a  acheté  pour  son  propre  compte  ces 
deux  châteaux  qu'il  a  donnés  au  duc  de  Normandie,  son  fils'. 
Depuis  lors,  le  comte  de  Hainaut  ne  cherche  qu'une  occasion  de 
se  venger  de  ces  mauvais  procédés.  P.  36S  et  366. 

Après  avoir  passé  six  jours  à  Valencîennes,  les  envoyés  an- 
glais vont  i  Leeuw  trouver  le  duc  de  Brabant,  cousin  germain 
d'Edouard  ni,  qui  se  reconnaît  tenu  par  les  obligations  de  la 
parenté  de  faire  tout  ce  que  voudra  le  roi  d'Angleterre.  A  la 
suite  d'un  v(^age  dans  le  comté  de  Gueldre,  les  ambassadeurs 
d'Angleterre  tJÂiemient  le  même  engagement  du  souveiain  de 
ce  comté.  Us  retournent  alors  auprès  d'Edouard  III  auquel  ils 
rendent  compte  du  résultat  de  leur  mission.  P.  368. 

Sur  ces  entretaites,  Philippe  de  Talob  est  inf<»^  des  préten- 
tions et  des  menées  du  roi  d'Angleterre.  Il  s'en  préoccupe  assez 
peu ,  car  il  n'estimait  guère  alors  les  Anglais  et  leur  puissance. 
Toutefois,  il  renonce  à  ses  projets  de  croisade;  et  après  dispense 
et  même  sur  l'ordre  exprès  du  saint-père,  les  préparatifs  faits  à 
Marseille,  à  Aigues-Mortes,  à  NariKHine,  et  à  Lattes  reçoivent  une 
autre  destination.  P.  368. 

Le  roi  d'Angleterre,  d'après  l'avis  de  se»  conseillers,  dép6cbe 

1.  Un  échange  fut  fait  i  Parii,  en  aoât  1337  «  j>oar  U^ro&t  Jt  Jehan 
dt  Franc»,  Jut  Je  NomumAe,  du  chutei  et  de  la  ohaMeUeme  Je  Channy- 
lUT-Oite  appartenant  an  roj  de  France  contre  la  ehatiiaut  dt  Criera- 
cutr  et  d»  AÎUvt  cl  ht  chatteUenit  dm  Cambrai  arecqua  Iturt  apparltaanett 
appanenant  à  noitre  chère  et  feaie  cousine  Beatrix  de  Saint-Pol,  dame 


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CLZxzTm        CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

▼ers  Louis  de  Barière,  empereur  d'Allemagne,  l'évSque  de  lin- 
coln,  Hichard  de  Staffi»^,  les  seigneurs  de  In  Ware  et  de  Hulton. 
Ces  envoyés  s'embarquent  au  havre  de  la  Tamise  à  Londres,  dé- 
barquent à  Dordrecht  en  Hollande,  où  ils  se  reposent  deux  jours, 
et  se  rendent  k  Coblenz  au[His  de  l'empereur  et  de  Marguerite 
de  Hainant,  impératrice  d'Allemagne.   P.  369  et  370. 

Louis  de  Bavière,  qui  n'aime  pas  le  roi  de  France,  promet 
son  alliance  aux  messagers  d'Edouard  III  et  les  charge  d'in- 
viter leur  niattre  à  le  venir  voir  en  Allemagne.  Le  marquis  des 
Meissen  et  d'Osterland,  le  marquis  de  Brandebourg,  les  ardie- 
vèques  de  Majence  et  de  Cologne,  font  les  mSmes  promesses 
qui  sont  rapportées  au  roi  d'Angleterre  par  ses  ambassadeurs. 
P.  369. 

Le  comte  Louis  de  Flandre  se  tient  alors  à  Gand.  Le  roi  de 
France  lui  recommande  instamment  de  se  Taire  aimer  des  Fla- 
mands, ce  à  quoi  le  comte  fait  ce  qu'il  peut,  et  de  bien  garder 
les  côtes  de  Flandre  à  l' encontre  des  Anglais.  Ce  Louis  de  Flan- 
dre est  bon  et  loyal  Françab'.  H  aime  beaucoup,  et  pour  de 
bonnes  raïscms,  le  roi  Philippe  de  Valois  qui  l'a  réintégré  les 
armes  à  la  main  dans  le  comté  de  Flandre,  après  avoir  battu  les 
Flamands  à  Cassel.  P.  309. 

Le  roi  d'Angleterre  aj^rend  que  le  comte  de  Flandre  arme  des 
pirates  et  ëcumeurs  de  mer  qui  înTestent  les  cAtes  de  son  royaume 
et  s'emparent  des  navires  isolés  qu'ils  rencontrent  ;  il  fait  donner 
la  chasse  à  ces  écumeurs.  De  plus,  Edouard  III  défend  d'exporter 
des  laines  anglaises  en  Flandre,  afin  que  les  Flamands  ne  pois- 
sent fabriquer  de  drap  faute  de  matière  première.  Cette  défense 
ruine  les  Flamands  qui  vivent  de  l'industrie  du  tissage  :  ils  émi- 
grent  en  Hainant,  en  Artois  et  en  Cambrésb  et  sont  réduits  à  la 
mendicité.  Le  roi  d'Angleterre  leur  fait  savoir  qu'il  ne  leur  ren- 
dra leur  gagne-pain  que  s'ils  consentent  à  entrer  dans  son  al- 
liance. II  y  a  des  Flamands  qui  sont  favorables  à  cette  alliance, 
car  leur  pays  a  plus  d'avantages  à  en  retirer  que  de  celle  de  la 

1 .  Un  traita  d'alliance  oFTeoiive  et  défensÏTe  fat  conclu  m  l'ibbaye 
du  Honcel  Icx  Pont  Saint e-Maxence,  le  16  août  1337  entre  Philippe  de 
Valois  et  Louis,  comte  de  Flandre,  de  Neien  et  de  Rétliel,  «  coniide- 
rani  la  bonne  tonleoté  ou'il  (le  comte  de  Flandre)  a  nou*  «erriT  en 
noitre  preumie  guerre  qui  eit  en  apparent  encontre  le  roy  d'Enf^eterre, 
le  Bavaire  (l'empereur  Louis  de  BaTière),  leurs  complices  et  leurs  adfae- 
reni.  >  Arch.  de  l'Empire,  JJ  70,  p.  337  et  p.  307. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  B6-S8.  clizxix 
France.  Mais  le  comte  de  Flandre  s'oppose  à  toutes  les  proposa 
tioDS  qui  sont  &ites  dans  l'inlérËt  général,  en  tant  qu'elles  sont 
contraires  à  la  Conronne  de  France.  P.  370. 

Les  deus  rois  ne  se  sont  encore  adressé  aucun  défi  ;  il  n'y  a 
que  des  bruits  et  des  soupçons  de  guerre.  Le  roi  d'Angleterre, 
comte  de  Ponthieu  de  par  sa  mère  et  grand  feudataire  en  Gas- 
cogne et  en  Normandie,  hésite,  malgré  les  excitations  de 
Robert  d'Artois,  à  renvoyer  son  hommage  et  k  défier  le  roi  de 
Rance.  P.  370  et  371. 

A  l'instigation  du  roi  de  Bohême,  du  doc  de  Lorraine,  des 
comtes  de  Bar  et  de  Namnr,  de  Jeanne  de  Valois,  comtesse  de 
Hainant,  de  la  comtesse  de  Soissons,  femme  de  Jean  de  Hainaut, 
de  la  dame  de  Varenne'  sœur  du  comte  de  Bar,  mariée  en  An- 
gleterre au  comte  de  Pembroke,  qui  craignent  de  voir  éclater  la 
guerre  entre  leurs  parents  des  deux  pays,  le  pape  d'Avignon 
Benoît  XII  envoie  deux  cardinaux  à  Paris  en  leur  donnant  mis- 
non  de  s'entremettre  pour  le  maintien  de  la  paix  entre  les  rois 
de  France  et  d'Angleterre.  Grice  aux  démarches  et  sur  les  pres- 
santes instances  de  ces  légats,  il  est  convenu  qu'im  certain  nom- 
t^e  d'ambassadeurs,  tant  d'un  pays  que  de  l'autre,  se  réuniront 
à  Valencieunes  avec  pleins  pouvoirs  de  régler,  après  avoir  pris 
l'avis  du  comte  de  Haînaut ,  les  différends  des  deux  rois 
P.  371. 

Les  évèques  de  lincolo  et  de  purham  se  rendent  à  Valen- 
cieunes, de  la  part  du  roi  d'Angleterre,  en  compagnie  de  dix 
chevaliers  bannerets  et  de  dix  simples  chevaliers.  Le  comte  de 
Hainaut  fait  Guillaume  son  fils  chevalier,  à  la  Salle,  en  présence 
de  ces  seigneurs;  grandes  fêtes  et  joutes  à  cette  occasion.  Le 
fils  du  comte  se  marie  bientôt  après  à  Jeanne,  Aile  aînée  du  duc 
Jean  de  Brabant.  P.  371  et  372. 

Cependant,  on  attend  en  vun  les  délégués  que  Philippe  de 
Valois  a  promis  d'envoyer  à  Valencieunes.  Le  comte  de  Hainaut, 
à  la  prière  des  ambassadeurs  anglais,  charge  la  comtesse  sa 
femme  et  Jean  de  Hainaut  son  frère  de  se  rendre  auprès  du  roi 
de  France  pour  lui  rappeler  sa  promesse  et  le  prier  de  la  mettre 
à  exécution.  Philippe  de  Valois  déclare  à  la  comtesse  de  Hainaut 

1 .  Jeanne ,  mariée  à  Jean  de  Varenne ,  comte  de  Siumx,  kbut  d'E- 
âowd  1*,  comte  de  Bar,  mon  duu  l'Ue  de  Chypre  i  Famagoaite 
en  1337. 


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exe  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

sa  sœur  et  au  seigneur  de  Beaumont  qu'après  avoir  consulte  à 
plusieurs  reprises  les  conseillers  en  qni  il  a  le  plus  de  confiance, 
il  est  décide,  toute  réflexion  faite,  à  n'envoyer  personne  à  Valen- 
ciennes  et  à  ne  point  entrer  en  pourparlers  avec  les  Anglais.  En 
consentant  à  se  faire  représenter  dans  une  d^iférence  où  devrait 
être  débattue  la  question  en  litige,  il  donnerait  lieu  de  supposer 
qu'il  ne  considère  pas  les  prétentions  de  son  adversaire  comme 
dépourvues  de  fondement.  Cette  réponse  est  transmise  aux  en- 
voyés du  roi  d'Angleterre  qui  prient  alors  le  comte  de  Hainaut 
de  mander  à  Valenciennes,  tant  en  son  nom  qu'au  leur,  les  sei- 
gneurs de  l'Empire  dont  il  importe  de  se  ménager  î'al&ance. 
P.  373  et  374. 

Les  comtes  de  Gueldre  et  de  Mons,  les  marquis  de  Juliers  et 
de  Brandebourg ,  l'archevêque  de  Cologne,  les  seigneurs  de 
Fauquentont,  de  Duvenvoorde  et  de  Blankenheim,  le  seigneur 
de  Cuyk  de  la  part  du  duc  de  Brabant  se  rendent  à  l'invitation 
qui  leur  est  adressée  et  viennent  i  Valenciennes  où  ils  restent 
trois  semaines.  Les  princes  et  seigneurs  d'Allemagne  exprioaent 
le  vœu  qu'Edouard  III  passe  la  mer  et  débarque  à  Anvers,  afin 
qu'ils  puissent  le  voir  et  s'entendre  avec  lui.  P.  377. 

Troisième  rédaction.  —  Robert  d'Artois  ne  cesse  d'exhorter 
Edouard  III  à  revendiquer  le  trAne  de  France.  Le  roi  d'Angle- 
terre a  trois  avantages  qui  doivent  assurer  le  succès  de  cette  re- 
vendication. D'abord,  il  a  de  bonnes  finances  ;  puis,  son  peuple 
est  remuant  et  belliqueux.  Enfin,  il  trouvera  sur  le  continent  des 
alliés  prêts  à  te  seconder,  car  les  Allemands  ne  désirent  rien 
tant  que  d'avoir  un  prétexte  de  guerroyer  contre  la  France, 
pour  abattre  le  grand  orgueil  de  ce  pays  et  se  partager  ses  ri- 
chesses.  Bientât  même  Robert  d'Artois  parvient  à  déterminer 
dans  ce  sens  un  mouvement  de  l' opinion  populaire.  P.  357 
à  3S9. 

Edonard  III  convoque  un  parlement  solennel  au  palais  de 
Westminster.  La  plus  grande  salle  de  ce  palais  est  remplie  de 
prélats,  de  nobles  et  de  conseillers  des  bonnes  villes.  On  fait  as- 
seoir les  assistants  sur  des  escabeaux,  afin  qu'ils  puissent  voir 
plus  à  l'aise  le  roi  qui  siège  sur  son  trône  avec  les  vêtements 
royaux,  la  couronne  sur  la  tête  et  le  sceptre  en  main.  Deux  de- 
grés plus  bas  se  tiennent  les  prélats,  comtes  et  barons,  et  encore 
un  degré  au-dessous  plus  de  six  cents  chevaliers.  Sur  ce  dernier 
rang  siègent  aussi  les  représentants  des  cinq  ports,  des  cités  et 


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SOHUAIRE  DU  PREMIER  LIVUE,  SS  ^^^-  <^^'^ 
bonnes  villes  d'Angleterre.  Un  clerc,  licencié  en  droit  canon  et 
civil,  qui  sait  le  tatio,  le  lançais  et  l'anglais,  prononce  en  an- 
glais, pour  être  mieui  compris  de  tout  le  monde,  un  discours 
dont  la  teneur  a  été  concertée  À  l'avance  entre  loi,  le  roi  d'An- 
gleterre et  Robert  d'Artois.  Henri  de  Lancastre,  charge  de  ré- 
pondre an  nom  du  parlement,  conseille  d'envoyer  des  ambassa- 
deurs sur  le  continent  pour  demander  l'avis  du  comte  de  Haioaut 
et  de  Jean  de  Hainaut.  Le  parlement  se  réunira  de  nouveau  au 
retour  de  ces  ambassadeurs  et  prendra  une  décision  d'après  la 
réponse  qu'Us  transmettront.    P.    359  et  360. 

L'évëque  de  Lincoln,  l'évèque  élu  d'Oxford,  docteur  en  droit 
canon  et  civil,  maître  Robert  Weston,  Renaud  de  Cobfaam  et 
Richard  de  Stafford  sont  chargés  de  cette  amba&sade.  P.  361. 

Ces  ambassadeurs  s'embarquent  à  Douvres  et  abordait  k  Wis- 
sant;  ils  se  rendent  de  là  à  Valenciennes,  en  passant  par  Al- 
quiues,  Tbérouanne,  Aire,  Béthune,  Lens  et  Douai.  Arrivés  à 
Valendennes,  ils  se  logent  dans  trois  hfttek  situés  sur  te  Marché, 
au  Cygne,  à  la  Bourse  et  à  la  Qef.  Ils  vont  à  l'bStel  de  Hollande 
rendre  visite  au  comte  de  Haioaut,  alors  abté  et  très-souffi'ant 
de  la  goutte.  L'évëque  de  Lincoln  expose  au  comte  an  nom  de 
ses  collègues  l'objet  de  leur  mission.  Le  comte  de  Haioaut,  après 
avoir  entendu  l'évëque  de  Lincoln,  frappe  de  la  main  sur  la  poignée 
de  son  fauteuil,  réfléchit  uo  moment  et  finit  par  demander  aux 
envoyés  du  roi  d'Angleterre  trois  ou  quatre  jours  pour  leur 
répondre.  Ces  quatre  jours  se  passent  en  fêtes,  dîners  et  ré- 
ceptions. Le  cinquième  jour,  Guillaume  de  Hainaut  déclare  aux 
messagers  d'Edouard  UI  que  le  bon  droit  est  du  cAté  de  leur 
maître  pour  le  succès  duquel  il  fait  des  vœux,  qu'il  est  prêt  à 
aider  son  gendre  et  à  lui  prêter  main  forte  en  toutes  choses,  mais 
qn' avant  de  rien  entreprendre  il  convient  de  s'assurer  l'alliance 
du  duc  de  Brabant,  du  comte  de  Gueidre,  du  marquis  de  Juliers 
et  en  général  des  princes  d'Allemagne.  Les  ambassadeurs  angbis, 
dont  on  croit  que  le  voyage  à  Valenciennes  n'a  pas  d'autre  cause 
que  la  maladie  du  comte,  retournent  en  Angleterre  et  rapportent 
à  Edouard  IH  la  réponse  de  Guillaume  de  Hainaut,  son  beau- 
père.  P.  364  et  36S. 

L'année  même  que  cette  ambassade  vint  à  Valeocienoes ,  les 
terres  de  Crèvecœur  en  Cambrésis  et  d'Arleux  en  Palluel,  sur  la 
rivière  de  la  Sensée,  avaient  été  mises  en  vente.  Le  comte  de 
Haioaut  était  en  marché  pour  les  acheter  et  les  deniers  pour  les 


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cxcit  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

payer  étaieot  toot  pr&ts,  lorsque  Jeaa,  duc  de  Noniundie  et  dau- 
phin de  Viennob,  intervint  par  ordre  du  roi  son  père  pour  faire 
casser  ce  marché  et  acheta  les  dites  terres.  Le  comte  de  Haiaaut 
gardait  de  cette  afTaire  uue  sourde  rancune  contre  Philippe  de 
Valois,  lorsqu'il  reçut  la  visite  des  envoyés  ang;lais.  AAssi,  loin  de 
chercher  à  les  calmer,  il  les  avait  plutôt  excités,  et  quelques-uns 
voient  dans  cette  attitude  de  Guillaume  de  Hainaut  la  cause  prin- 
cipale de  la  guerre  qui  éclata  entre  la  France  et  l'Angleterre  ; 
mais  il  y  a  des  événements  qui  doivent  arriver  fatalement  et  qu'iHi 
ne  saurait  empêcher.  P.  366  et  367. 

Edouard  III  envoie  sur  le  continent  une  seconde  ambassade 
composée  des  évSques  de  Lincoln  et  de  Durham ,  des  comtes  de 
Salisbury,  d'Arundel,  de  Northampton  et  de  Warvick ,  de  Re- 
naud de  Cobham ,  de  Richard  de  Stafibrd  et  des  seigneurs  de 
Felton  et  de  Sulli.  Cette  ambassade,  qui  a  pour  mission  de  traiter 
avec  le  duc  de  Brabant  et  les  princes  d'Allemagne,  emporte  avec 
elle  cent  mille  Dorins,  car  on  connaît  la  cupidité  excessive  des 
Allemands  qui  ne  font  rien  que  pour  de  l'argent.  Les  envoyés 
anglais,  après  avoir  relâché  à  Gravesend,  débarquent  à  Dordrecht 
et  se  reodent  à  Valenciennes.  Ils  tiennent  dans  cette  ville  si  grand 
état  qu'on  dirait  que  l'argent  leur  tombe  des  nues,  et  ils  achètent 
toutes  choses  le  prix  qu'on  leur  fait.  Afin  de  prévenir  les  abus, 
les  échevins  de  Valenciennes  établissent  une  taie  et  un  tarif  rai- 
sonnable pour  la  vente  de  tous  les  objets,  ce  dont  les  Anglais  sont 
très-reconnaissants.  L'évgque  de  Lincoln  est  logé  aux  Jacobins, 
et  l'évèque  de  Durham  aux  frères  Mineurs.  D'après  le  conseil  du 
comte  de  Hainaut ,  les  messagers  d'Edouard  III  se  rendent  à 
Louvain  auprès  du  duc  Jean  de  Brabant  qui  leur  fait  bon  ac- 
cueil, parce  qu'ils  viennent  de  la  part  du  roi  d'Angleterre  son 
cousin  germain,  et  aussi  parce  qu'il  est  alors  en  démêlés  avec  le 
roi  de  France.  Le  duc  s'engage  à  recevoir  l'armée  anglaise  dans 
son  pays,  et  si  Edouard  III  passe  la  mer  en  personne,  à  le  servir 
à  la  tète  de  mille  heaumes  couronnés,  moyetmant  une  certame 
somme  de  florins  pour  lui  et  pour  ses  gens.  P.  374  à  376. 

Gagnés  aussi  par  l'argent  d'Angleterre  ,  les  seigneurs  alle- 
mands dessus  nonunés'et  plusieurs  chevaliers  des  bords  du  Rhin 
fort  grosders  viennent  à  Valenciennes;  et  là,  en  présence  du 
comte  et  de  Jean  de  Hainaut,  ils  s'engagent  &  défier  le  roi  de 

1.  Voyez  plu*  baut,  p.  oxc. 


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SOMMAIRE  DU  PfiEUIER  UVBE,  §  88.       otciit 

FVance  de  concert  avec  Edouard  III  et  à  servir  le  roi  anglais 
avec  un  certain  nombre  de  heaumes  couronnés,  car  alors  il  n'é- 
tait pas  encore  question  de  lances  ni  de  bassinets ,  on  ne  parlait 
que  de  heaumes.  Aucunes  démarches  ne  sont  tentées  auprès  du 
roi  de  Bohème  ;  et  celles  qui  sont  faites  auprès  de  l'évSque  de 
Liège  échouent.  Le  roi  de  France  est  informé  de  ces  menées 
d'Edouard  III ,  maïs  il  n'en  tiendrait  nul  compte  si  elles  ne  le 
forçaient  à  différer  sa  croisade.  Philippe  de  Valois  montre  sur- 
tout de  l'irritatian  contre  le  comte  de  Uainaut  et  il  dit  :  «  Mon 
frère  de  Hainaut  est  en  marché  pour  taire  mettre  s<hi  pays  à  feu 
et  à  sang  !  i  P.  377. 

CHAPITRE  XVra. 

1337  à  1339.  ouss»  bx  Gascogne  bnthr  lcs  rsANçAis  et  les  àn- 

BLUg,    BliGB  BT  raiSB  I>B  UINT-HAGIIBB,    DB    CITBAG    BT    DB   BLAVC 

p»  LBs  «KGLAis.  (Fin  du  s  58.) 

Seconde  rédaction.  —  A  une  cour  plénière  tenue  par  le  roi  d'An- 
gleterre h  Westminster  le  13  avril  1338,  le  [lundlj  de  Pâques,  on 
voit  arriver  un  héraut  anglais  nommé  Carlisle;  ce  nom  a  été 
donné  à  celui  qui  le  porte  par  Edouard  111  pendant  les  guerres 
d'Ecosse..  Carlisle  est  absent  d'Angleterre  depuis  cinq  ans  qu'il 
a  passés  à  parcourir  le  monde;  il  est  allé  en  Prusse,  en  Iffland, 
au  Saint-Sépulcre,  et  il  est  revenu  par  tes  États  Barbaresques  et 
par  l'Espagne  ;  le  roi  de  ce  dernier  pays  lui  a  remis  une  lettre 
pour  Edouard  III.  De  là,  il  s'est  rendu  en  Navarre  et  en  Gasco- 
gne, et  il  vient  de  trouver  les  seigneurs  de  ces  provinces  en 
grande  guerre  les  uns  contre  les  autres.  P.  377  et  378. 

Au  nombredes  seigneurs  du  parti  français  figurent  Jean  I,  comte 
d'Armagnac,  Gaston  II  comte  de  Fotx,  Jean  comte  de  Com- 
minges ,  Jean  comte  de  Clermont  dauphin  d'Auvergne ,  Ai- 
meri  VU  [vicomte]  de  Narbonne,  [Pierre  de  la  Palu]  sénéchal  de 
Toulouse,  [Pierre  Flotte]  dit  Flotton  de  Revel,  les  seigneurs  de 
Toumon  ',  de  Baiz  et  de  Chalançon*.  Les  Français  assiègent  à  la 

1.  Loni*  et  Hngue*  de  Toomon  lerrirent  eu  Gaicogne  de  1338  à 
1340;  mail  il  s'>git  ■"»  doute  ici  de  Gillei,  tire  de  Toumon.  De 
Cwnps,  porteF,  83,  P>  32(i  t". 

S.  U  est  San*  doute  question  ici  d'A;r>iiar  de  Poitiers,  cinquième  fil* 
d'AjDUtr  IV  du  nom,  comte  de  Valentinoîi,  et  de  Sibille  de  Baux.  kj. 


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cxctT  CHRONIQUES  DE  ).  FROISSART. 

fois  Penne  *  et  Blaye.  Ils  menacent  Bardeaux  et  se  sont  raidus 
maîtres  du  cours  de  la  Gironde.  En  présence  de  forces  supâneu* 
Tes,  les  seigneurs  du  parti  anglais  renoncent  à  tenir  la  campagne 
et  sont  réduits  à  s'enfermer  dans  les  forteresses.  Ces  sei- 
gneurs, notamment  ceux  de  Bordeaux,  ont  remis  des  lettresà  Car- 
liste etl'ont  chargé  de  demander  du  secours  au  roi  d'Angleterre. 
Le  bérant  s'est  embarqué  à  Bajonne,  ville  anglaise  ;  et ,  après 
une  traversée  de  cinq  jours  et  quatre  rniits,  il  est  arrivé  à  Sou- 
thampton  d'où  il  est  venu  en  un  jour  et  demi  à  Londres.  P.  378 
et  379. 

Edouard  III  prend  connaissance  des  lettres  apportées  par  Cai^ 
lisle  ;  il  apprend  par  ces  lettres  que  ses  affaires  vont  mal  en  Gas- 
cogne et  il  invite  le  héraut  à  fournir  de  vive  voix  de  plus 
amples  détails.  Carlisle  répond  que  le  seigneur  de  Nûyelles,  Poite- 
vin, ayant  été  reconnu  par  jugement  du  Parlement  de  Paris  créan- 
der  du  roi  d'Angleterre  pour  une  sooune  de  trente  mille  écus 
hypothéqués  sur  la  ville  et  chStellenie  de  Condom ,  commisdon 
générale  a  été  donnée  de  percevoir  les  revenus  des  terres  anglai- 
ses en  Gascogne  jusqu'à  concurrence  de  cette  somme,  et  un  pro- 
cureur du  roi  nommé  maître  Raymond  Foucàut*  a  été  chargé  de 
mettre  à   exécuticoi  la  sentence  du  Parlement.    Mais  Raymond 

mar,  nommé  auiti  parfoi*  Amé  ou  Aymiret,  poru  d'abord  le  titre  de 
■eignenr  de  Cfaalaii(aii ,  puii  celui  de  seigneur  de  Vejne.  D'un  aalte 
oAtt!,  Jean  Eynard,  seigneur  de  Chalançon,  est  mentionne  comme  ser 
vaut  en  Guyenne  dans  le  parti  anglais ,  le  1"  juillet  1337.  Voyez  Ry- 
mer,  Fadtra^  t.  II,  pan  II,  p.  981. 

I .  Penne,  Lot-et-Garonne,  arrondiuemenc  de  Villeoeuve-tni^Lot,  sur 
la  rive  gauche  du  Lot,  Par  acte  date  de  la  Penne  en  Agenais  le  l"  avril 
1339  confirmé  en  mai  de  la  m^me  année,  le  Galoîs  de  la  Banme,  maî- 
tre dea  arbalétriers,  capitaine  et  gouverneur  es  parties  de  Gascogne, 
donne  au  comte  de  Foix,  pour  le  récompenser  et  le  dédommager  des 
frais  et  dépenses  de  la  présente  guerre,  notamment  ta  la  pr'ut  Je  la  vitte 
et  château  d»  la  Penne,]»  ville  et  château  de  Sorde  (Landes,  atr,  Dax, 
canton  Peyrehorade)  sur  la  frontière  de  ta  terre  de  Béam.  (Arch.  de 
l'Empire,  JJ  71,  p.  238.) 

3.  Par  acte  donné  à  la  Penne  d'Agenaii(anj,  Penne)  le  3  janvier  1339 

SI.  st.),  Gaston,  comte  de  Foix,  vicomte  de  Bâu-n,  délivre  des  lettres 
e  quittance  générale  à  Raymond  Foocaul,  jadis  procureur  du  roi  en  la 
sénéchaussée  de  Carcassonne  et  de  Béliers,  qui  est  an  service  royal  de- 
puis environ  quarante  an>,  et  qui,  après  avoir  exercé  le  dit  office  de 
frocnreur  pendant  vingt-deux  ans,  est  trop  brisé  par  la  fatigue  et  par 
fige  pour  continiiuer  de  le  remplir.  Ces  lettres  de  quittance  furent  con- 
finnée*  à  Melun-sur-Seine  le  27  avril  1339  et  an  bois  de  Vincennes,  en 
décembre  de  la  mSme  année.  (Arch.  de  l'Empire,  JJ  73,  p.  73,  f"  iï-) 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $  S8.        cxcv 

Foucaut  s'^tant  présenta  en  compagnie  du  seigneur  de  NoyelUs 
à  Condoni ,  le  châtelain  de  cette  ville  a  assena  au  procureur  un 
tel  coup  de  bâton  qu'il  lui  a  fracassé  la  tète,  et  il  a  mis  en  pri- 
son le  seigneur  de  NajreUes.  A  la  suite  de  cet  incident,  le  roi  de 
France  a  frappé  de  confiscation  toutes  les  possessions  anglaises 
du  continent.  Les  Français  ont  déjà  pris  Priu^re,  Sainte-Bazeille*, 
Saint-Hacaire*;  et  au  moment  du  départ  de  Carlide,  ils  assié- 
geaient Penne  et  Blaye.  P.  379  et  380. 

1336.  Robert  d'Artois  est  mis  à  k  tête  de  l'expédition  qui  doit 
se  rendre  en  France  pour  porter  secours  aux  Gascons  du  parti 
anglais.  Les  principaux  seigneurs  qni  font  partie  de  cette  expé- 
dition, sont  avec  Robert  d'Artois  les  comtes  de  Huntingdon,  de 
Suffolk  et  de  Cornouailles ,  Thomas  d'Agworth,  Thomas  de  Hol- 
land,  Richard  de  Pembridge,  lÉdouard  Spenser,  le  seigneur  de 
Ferrers,  beau-frère  de  Spenser,  les  seigneurs  de  Hilton,  de  Bra- 
deston  et  de  ^lUonglib;,  Les  Anglais,  au  nombre  de  cinq  cents 
armures  de  fer  et  de  trois  mille  ardiers,  s'embarquent  à  Sou- 
thampton  et  arrivent  à  Bordeaox  où  ils  sont  accudllis  avec  joie 
par  les  habitants  de  la  ville  et  par  les  deux  frères  Jean  et  Baie 
de  Pommiers.  P.  380  et  381. 

Après  avoir  passé  trois  jours  à  Bardeaux,  Robert  d'Artois  en- 
treprend de  forcer  les  Français  à  lever  le  siège  de  Penne,  et  il  se 
dirige  vers  ce  chÂteau  à  la  tète  de  huit  cents  hommes  d'armes, 
de  trois  mille  archers  à  cheval  et  de  quatre  mille  fantassns; 
le  comte  de  Sufiblk  est  maréchal  de  son  armée.  P.  381. 

A  la  nouvelle  de  l'arrivée  prochaine  des  Anglais  et  des  Gas- 
tx/oi,  Gaston  11,  comte  de  Foix,  Arnaud  d'Euze,  [vicomte]  de 
Caraman,  Roger  Bernard,  comte  de  Périgord,  Jean  de  Lévis,  ma- 

1.  Suute-Bueille,  Lot^t-OaroDDe,  arrondiuenieDt  et  ctDton  de  Uar- 
miude,  (ur  la  rive  droite  de  la  GaroDne.  SaiDle-Baieille  »t  suitout  cé- 
lèbre par  le  *iége  qne  la  garnison  anglo^gascoone  qui  occupait  ce  chS- 
ttaa  «ontint  contre  Jean  de  Marigny ,  ^Têqiie  de  BeauTaù,  lieutenant  du 
roi  de  FVance  es  parties  de  langue  d'oc  et  de  Saintonge.  Ce  siése  in^ 
morable  dura  an  moins  depoii  le  30  aoât  1343  (Arch.  de  rEAipire, 
JJ  11*,  p.  U3)  jutqo'au  14  décembre  de  la  m^me  année  (JJ  74,  p.  135). 

3.  Sâint'Macaire,  Gironde,  arrondissement  de  la  Rtole,  sur  la  rive 
droite  de  la  Garonne.  Par  une  lettre  datée  du  30  mars  1337,  Edouard 
remercie  les  babitanu  de  Saint-Macoire  de  leur  fidélité  et  lea  félicite  du 
cotnmRe  qu'ils  déploient  dans  la  défense  de  leur  ville  contre  les  Fran- 
{■î*.  ftjmer,  fadtm,  t.  II,  pars  2,  p.  963.  Autre  lettre  d'Edouard  III 
au  cbttelain  et  aux  jurés  de  Saint-lHacair« ,  datée  du  35  juin  1337- 
RTmer,  p.  976. 


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CMTi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÂRT, 

réchal  de  Mirepoix,  le  comte  de  Quercy,  [Kerre  Flotte]  dit  Flot- 
ton  de  Revel  et  les  autres  seigneurs  français ,  qui  assiègent  le 
diAteau  de  Penne ,  réfléchissent  qu'ils  se  soDt  trop  éloignes  de 
Blaye  où  se  tient  le  gros  de  leur  armée  dont  ils  sont  séparés  par 
la  Dordogne;  et  dans  la  crainte  qu'on  ne  leur  coupe  la  retraite, 
ils  se  décident  à  lever  le  siège.  Les  Anglo- Gascons  arrivent  à 
Penne  un  jour  après  le  départ  des  Français.  Après  avoir  fait  re< 
poser  ses  gens  dans  ce  château  pendant  deux  jours,  Robert  d' Ar- 
tois va  mettre  le  siège  devant  Saint-Macaire,  un  autre  château 
occupé  par  les  Français.  P.  381  et  382. 

Prise  de  Saint-Macaire  après  une  résistance  énergique  des  as- 
siégés qui  sont  tous  passés  au  fil  de  l'épée,  excepté  les  femmes, 
les  enfants  et  les  vieillards.  Deux  chevaliers ,  tes  seigneurs  de 
Ponpeesta'm  et  de  ZedaUich}  et  six  écuyers  sont  faits  prisonniers. 
P.  388. 

Après  la  prise  de  Saint-Macaire,  les  Anglais  assiègent  .SeiiTacA*, 
un  château  très-fort  et  défendu  contre  le  gré  des  habitants  par 
une  garnison  de  bidaux  et  de  Génois  sous  les  ordres  d'un  écujer 
nommé  Regot  de  Villars.  Les  asâégeants  se  font  ravitailler  de 
Bordeaux,  par  terre  et  par  eau.  P.  383. 


1.  Une  charte  datée  du  15  avril  1339  mentioDQe  un  iisajet  nomm^ 
Je*n  de  Poni,  leigncur  de  Saint-Aubin  de  Cadelech,  de  Lubertac  et 
to^eigtaur  dt  SadUloc  (Dordogne,  air.  Bergerac,  canton  Ejmet}.  Fait 
prisonnier  par  lel  Anglais  en  combattant  poar  le  roi  de  France,  ce 
nalheareux  éciiyer  Tui  réduit  pour  k  raclieter  à  Tendre  à  Helie  de  la 
Roche,  aoui  forme  d'échange,  les  belle*  •eignenrie*  de  Sadillac  et  de 
Saint-Aubin  dans  le  diocèse  de  Sarlat,  limitée*  par  le  Drot,  la  seigneurie 
d'Eymet,  la  Gordonète,  ia  leigneurie  de  Pujguilhem,  celle  de  Outil- 
loonès  et  enfin  celle  de  Roiniepine.  (Arch.  de  l'Empire,  JJ  73,  p.  301). 
Ce  Jean  de  Pons,  leignear  de  Sadillac,  pourrait  bien  être  le  leigneiir  de 
Zedulach  AeVroittan. 

2.  Probablement  CiTrac-de-Dordoçne ,  Gironde,  arrondissement  de 
Liboume,  canton  de  Pujols,  aur  la  rive  gauche  de  la  Dordogne.  Le  St^ 
iilack  de  Froiuart  devait  être  situ^  sur  mi  des  affluents  de  la  Garonne, 
puisque  les  assiégeant!  purent  se  iàire  raTitailler  de  Bordeaux  par  eau; 
en  outre,  cette  forteresse,  après  avair  été  prise  par  les  Français  sur  les 
Anglais,  fut  reprise  par  le»  Anglais  sur  Ip»  Françuis.  Or,  ces  deux  cir- 
constances conviennent  à  la  localité  appelée  tantôt  Sieirac  (Arch.  de 
l'Kmpire,  JJ  73,  p.  212),  tantflt  Sy^ome  tur  Dcardonat  (JJ  72,  p.  566), 
i  cause  de  sa  situation  sur  la  rive  gauche  de  la  Dordogne.  Cette  place 
forte,  après  avoir  él^  emportée  d'assaut  vers  la  fin  de  1337  par  le* 
Français  que  commandait  Aaoul,  cumtr  d'Eu,  connétable  de  France, 
retomba  au  pouvoir  des  Anglais  à  une  date  que  l'on  ne  saurait  préci- 
ser, mai*  certainement  entre  1337  et  IMO. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $  S8.       cxcvii 

Sur  ces  entrefaites,  les  habitants  de  Blaye,  pressés  par  la  fa- 
mme,  implorent  le  secours  de  leurs  amis  de  Bordeaux  ;  et  ceux- 
ci  à  leur  tour  mandent  à  Robert  d'Artois  la  dure  extrémité  où  la 
garnison  de  Blaye  est  réduite.  Robert  d'Artois  répond  en  en^- 
geant  les  Bordelais  à  venir  eux-mSmes  en  aide  à  la  ville  assiégée  : 
pour  lui,  il  travaille  à  reconquérir  les  forteresses  enlevées  aux 
Anglais  qu'il  trouve  sur  son  chemin  ;  aussitôt  après  la  prise  de 
Sebllach,  il  ira  délivrer  les  habitants  de  Blaye.  Cest  alors  que  les 
Français,  campéa  devant  cette  place,  s'avisent  d'un  stratagèmequî 
leur  en  ouvre  les  portes.  Une  centaine  de  sonuniers,  chargés  de 
provisions,  sont  amenés  sur  un  tertre  situé  près  de  Blaye  k  por- 
lée  de  la  vue  des  assiégés ,  après  que  trois  individus ,  qui  se 
donnent  pour  des  marchands,  sont  venus  annoncer  à  l'une  des 
portes  l'arrivée  d'un  fort  convoi  de  vivres  expédié  par  les  habi- 
tants de  Miramont,  de  Bordeaux,  de  Cognac  et  des  autres  forte- 
resses du  parti  anglais.  P.  383  et  384. 

Les  assiégés ,  qui  sont  accourus  en  très-grand  nombre  à  la 
rencontre  du  convoi  annoncé,  se  disposent  à  rentrer  dans  la  ville 
en  conduisant  devant  eux  les  sommiers,  lorsqu'ils  voient  tout  à 
coup  fondre  sur  eux  deux  mille  ennemis  placés  non  loin  de  là  en 
embuscade  soos  les  ordres  du  comte  dauphin  d'Auvergne  et  du 
maréchal  de  Mirepoix.  En  même  temps,  le  conducteur  des  som- 
miers renverse  trois  mulets  tout  chargés  sous  la  porte,  afin  qu'on 
ne  puisse  la  fermer.  P.  384. 

Les  habitants  de  Blaye'  se  défendent  bravement,  mais  ils  ne 
peuvent  résister  aux  forces  supérieures  des  Français.  Ils  sont 
presque  tous  tués  ou  faits  prisonniers.  Les  plus  heureux  se  jet- 
lent  dans  des  barques  avec  leurs  femmes  et  leurs  enfants  et  ils 
se  rendent  avec  la  marée  par  la  Gironde  à  Bordeaux. 

La  ville  est  livrée  au  pillage  ;  au  moment  où  l'on  va  y  mettre 
le  feu,  les  seigneurs  français  se  décident  à  y  tenir  garnison  ;  ils 
confient  le  commandement  de  cette  garnison  à  Jean  Fouquére  et 
à  GuiUaume  lyris*.  Puis,  ils  partent  de  Blaye  pour  aller  assié- 

1.  Par  acte  dat^  dn  SO  man  1337,  Edouard  III  recommuide  i  Oli- 
vier de  Ingham,  ion  »ÉnéchÀl  de  Gaicogne,  d'employer  Ber«rd  de 
Uibret  à  la  défeiue  du  chfiteau  de  Blaye,  aanf  à  prendre  toute*  le* 
meturet  nëccttaire*  pour  mettre  en  sdreté  les  bicni  du  dit  cheralicr. 
Rymer,  t.  II,  pan  3,  p.  963. 

3.  Par  acte  d>t^  de  Compiègne  en  septembre  1339,  Philippe  de 
Valois  donne  à  Jean  de  Melun,  sire  de  Tancarritle,  diambellao  de 


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cxcnii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

ger  SGramont,  cfafttexu  ùtué  sur  les  bords  de  la  Dourdoine*. 

P.  383. 

Les  Anglais  sont  toujours  devant  Sebilach.  Begot  de  Villars, 
capitaine  de  ce  château,  est  un  brave  êcuyer,  bien  né,  avisé, 
hardi  et  très-bon  compagnon  ;  maia  il  aime  trop  le  jeu  de  dés  ; 
et,  quand  il  perd,  il  est  mauvais  joueur.  A  la  suite  d'une  que- 
relle de  jeu,  Begot  tue  un  jour  un  des  plus  riches  jeunes  gens 
de  la  ville  nommé  Simon  Justin  ;  et  Qément  Justin,  frère  de  la 
victime,  livre  par  vengeance  le  château  de  Sebilach  aux  Anglais. 
Begot  de  Villars  et  tous  les  gens  d'armes  de  la  garnison  sont  pas- 
sis  au  fil  de  Vëpée.  Ce  n'est  pas  le  premier  malhenr  qui  a  été 
amené  par  le  jeu  de  dés,  et  ce  ne  sera  pas  le  dernier.  Maudit 
soit  ce  jeu  de  dés  :  c'est  chose  pernicieuse  de  tout  point.  P.  386. 

Après  la  prise  de  Sebilach ,  Robert  d'Artois ,  qui  veut  à  tout 
prix  reprendre  Blaye  aux  Français,  retourne  à  Bordeaux.  Là  il 
fait  appareiller  ses  navires  qui  dorment  à  l'ancre  et  les  fait  pour- 
voir de  toute  artillerie;  puis  un  soir  il  met  à  la  voile  et  arrive 
avec  la  marée,  un  peu  après  minuit,  devant  Blaye  dont  le  flot  de 
la  mer  bat  les  murs  haut  et  fort.  La  ville  est  bientôt  prise  malgré 
la  coorageuse  défense  de  la  garnison  que  les  Français  y  ont  lais- 
sée. Les  deux  capitaines  de  cette  garnison  se  retranchent  dans 
une  église  très-forte,  située  à  l'une  des  extrémités  de  la  ville 
dont  ils  barricadent  les  portes  et  les  fenêtres  ;  et  là  ils  prolon- 
gent encore  leur  résistance  un  jour  et  une  uuit,  et  ils  ne  se  ren- 
dent qu'aiH^s  avoir  obtenu  la  vie  sauve.  P.  386  et  387. 

Les  Français,  qui  assiègent  Miramont,  se  repentent  de  n'avoir 
pas  mis  le  feu  à  Blaye,  lorsqu'ils  apprennent  que  les  Anglais  ont 
réussi  à  y  rentrer.  Robert  d'Artois  fait  réparer  les  murs  et  re- 
faire les  fossés  de  Blaye  ;  il  repeuple  cette  ville  en  y  r^>pelant 
les  hommes,  femmes  et  enfants  qui  en  étaient  partis  et  la  r^net 
en  bon  état.  P.  387. 

Normandie  et  &  te*  Grèrei^  (  depnû  que  noz  gens  prindrent  par  force 
d'armes  le  clustel  et  la  Tille  de  Blaire,  a  le  dit  château  et  la  dite  ville 
aTcc  toute  la  châtellenie  qui  appartient  an  dit  Jean  et  à  let  frères  de 
droit  hériuge,  comme  il  a  été  dÂilaré  t  contre  le  roy  d'Engleteire  par 
arreit  de  noBtre  parlement.  »  (Arcb.  de  l'Empire,  JJ 73,  1^  15.)  Les  frè- 
re* de  Helun  Tendirent  Blaye  à  Renaud  de  Pons,  seigneur  de  Ribérac. 
1.  Miramont  ou  Hiremont,  selon  l'orthographe  Bncienne,  canton  de 
Lauiun,  arrondissement  de  Marmande,  Lot  etOaronne ,  sur  la  E>oiir- 
doine,  petit  ruisseau  qui  se  jette  dans  le  Drot  lequel  est  lui-même  un 
dei  affluents  de  la  Garonne,  i  droite  de  ce  fleuve. 


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SOnHAIRE  DU  PREMIER  UVftE,  $  S9.  cxcix 
Fendant  le  séjour  de  Robert  d'Artois  à  Blaye  et  le  »ége  de  Mi- 
ramont  par  les  Français,  les  évêques  de  Saintes  et  d'Angoulèfne 
s'entremettent  avec  tant  de  succès  auprès  des  deux  partis  qu'ils 
parviennent  à  décider  les  rois  de  France  et  d'Angleterre  à  con- 
clure one  trêve  qui  doit  durer  un  peu  plus  d'une  année.  C'est 
pourquoi  les  Français  lèvent  le  siège  de  Hiramont,  et  Robert 
d'Artois  retourne  en  Angleterre.  P.  387  et  3S8. 


CHAPITRE  nX. 

1337  et  1338.  bévolti  nn  fluiaitob  coktbb  letib  cohr; 
œrLnKsa  de  iacqubs  d'irtbvbld  (g  S9). 

Première  rédaction^.  —  Les  Flamands  se  révoltent  contre 
leur  comte  qui  ose  à  peine  rester  en  Flandre  où  il  n'est  plus  en 
sûreté.  Il  surgît  alors  à  Gand  un  homme  qui  a  été  brasseur  de 
miel.  11  est  entré  si  avant  dans  les  bonnes  grâces  et  la  faveur 
populaires  qu'on  fait  toutes  ses  volontés  d'un  bout  de  la  Flandre 
à  l'autre.  Les  plus  puissants  n'osent  enfreindre  ses  ordres  ni  le 
contredire.  Il  se  fait  suivre  k  travers  les  rues  de  Gand  par  une 
notobreuse  escorte  de  valets  armés  parmi  lesquels  se  trouvent 
quelques  sicaires  prêts  à  tuer  les  plus  hauts  seigneurs  sur  un 
signe  de  leur  mattre.  F.  126,  127,  39S  et  396. 

Plusieurs  grands  personnages  sont  mis  à  mort  de  cette  ma- 
nière. Aussi,  l'auteur  de  ces  meurtres  est  tellement  redoute  que 
personne  n'ose  le  contredire  ni  même  en  concevoir  la  pensée.  Il 
se  fait  reconduire  à  son  hâtel  pa^  sa  bande  de  valets  qui  ne  le 
quittent  qu'aux  heures  des  repas;  après  te  dtner,  ces  valets  re- 
viennent et  ils  flânent  dans  ta  rue  jusqu'à  ce  qu'il  plaise  à  leur 
mattre  d'aller  se  promener  et  s'amuser  par  la  ville.  [La  nuit,  ils 
font  le  guet  devant  l'hAtel  de  leur  chef  qui  a  de  bonnes  raisons 
de  penser  qu'il  n'est  pas  aimé  de  tout  le  monde  et  surtout  du 
comte  de  Flandre].  Chacun  de  ces  mercenaires  reçoit  une  solde 

1,  Le  récit  qui  va  «ûvre  est  la  reproduction  littérale  dn  texte  de 
Jmd  le  Bel,  du  moini  dana  la  première  rédaction.  FroiMan  ■  nuinteou 
ce  récit  dans  ht  seconde  rédaction  des  Chroniques,  en  j  ajoutant  (eu- 
Icment  par-ci  par-U  gnelqnes  traits  nonvetnx  que  nom  mettons  entre 
pventhiseï  pour  le*  dittingoer  da  reste. 


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ce  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

de  quatre  compagnons  ou  gros  de  Flandre  par  jour,  et  ils  sont 
régulièrement  pa)'és  de  semaine  en  semaine.  Cet  homme  a  ainsi 
par  toutes  les  villes  et  chlîtellemes  du  comte  gens  à  ses  gages 
chargés  d'exécuter  ses  ordres  et  de  dénoncer  les  personnes  qui 
pourraient  dire  ou  tramer  quelque  chose  contre  lui.  S'il  se  trouve 
dans  une  ville  un  récalcitrant,  il  ne  saurait  échapper  longtemps 
à  la  mort  ou  au  bannissement.  Le  même  sort  attend  tous  les  per- 
sonnages marquants,  chevaliers,  écuyers,  bourgeois  des  bonnes 
villes,  qui  se  montrent  favorables  au  comte  en  quelque  manière  : 
ils  sont  bannis  de  Flandre,  et  la  moitié  de  leurs  biens  est  con- 
fisquée ;  l'autre  moitié  est  réservée  pour  l'entretien  de  leurs  fem- 
mes et  de  leurs  enfants.  La  plupart  de  ces  bannis,  qui  sont  en 
très-grand  nombre,  se  réfugient  à  Saint-Omer  où  on  les  appelle 
avalés  et  outre-m>olés .  P.  127,  128  et  396. 

Bref,  on  ne  vit  jamais  en  Flandre  ni  ailleurs  comte,  duc,  prince 
ni  autre,  tenir  à  ce  point  un  pays  à  sa  discrétion.  L'homme  qui 
exerce  cette  toute-puissance  [et  qui  devait  l'exercer  environ  neuf 
ans]  s'appeUe  Jacques  d'Arteveld.  Il  fait  lever  par  toute  la  Flan- 
dre les  rentes,  tonlieus,  vinages,  droitures  et  autres  revenus  ainsi 
que  les  maltôtes  qui  appartiennent  au  comte  :  0  les  dépense  à 
son  caprice  et  les  distribue  sans  en  rendre  nul  compte;  [il  en' 
dépense  la  moitié  selon  sou  bon  plaisir  et  met  l'autre  moitié  en 
trésor.]  Et  quand  il  lui  plaft  de  dire  que  l'argent  lui  manque,  on 
l'en  croit  sur  parole,  et  il  faut  bien  l'en  croire,  car  on  n'ose  le 
contredire.  Et  quand  il  veut  emprunter  une  somme  à  quelque 
bourgeois,  il  n'est  personne  qui  ose  refuser  de  lui  prêter  cette 
somme.  P.  128,  129  et  396. 

Abrégé  de  1477  ou  ms.  J6.  —  Les  Gantois  prennent  telle- 
ment en  haine  leur  seigneur  que  celui-ci  n'ose  plus  tester  i 
Gand  et  s'en  vient  demeurer  à  Termonde.  P.  388. 

Edouard  III  n'a  rien  plus  à  cœur  que  de  se  faire  aimer  des 
Flamands  et  de  les  attirer  dans  son  alliance  ;  il  sait  que  des  exé- 
cutions terribles  ont  rendu  le  comte  de  Flandre  odieux  à  ses 
sujets,  surtout  à  ceux  de  Gand  :  c'est  pourquoi,  il  mande  aux 
habitants  de  cette  ville  que,  s'ils  veulent  contracter  alUance  avec 
l'Angleterre ,  il  rétablira  à  leur  proGt  l'exportation  et  la  vente 


I.  Cette  Tmriaote  est  fournie  par  im  abrégé  du  premier  Une  des 
Chronique*,  rédige  en  1477  et  détigné  sous  la  rulnique  B6  d«ns  le« 
variantei  de  cette  édition. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^9-  «« 

des  laines  sans  laquelle  Us  ne  peuvent  vivre  et  dont  la  suppres- 
sion expose  leur  commune,  qui  perd  ainsi  son  gagne-pain,  aux 
plus  grands  dangers.  P.  3S3. 

Cest  alors  que  se  révèle  et  surgit  un  bourgeois  de  Gand 
nommé  Jacques  d'Arteveld,  homme  habile  et  d'une  haute  intel- 
ligence ;  il  ne  tarde  pas  à  gagner  la  confiance  de  se&  concitoyens 
qui  lui  donnent  plein  pouvoir  de  faire,  défaire,  ordonner  et  en- 
treprendre tout  ce  qu'il  veut.  Ce  Jacques  d'Arteveld  est  doué 
d'une  éloquence  merveilleuse.  Il  fait  beaucoup  de  discours  et  û 
pleins  de  persuasion  qu'il  décide  les  flamands  à  chasser  leur 
comte  hors  de  leur  pays.  II  ne  cesse  de  répéter  dans  le  com- 
mencement à  ses  compatriotes  que  l'alliance  anglaise  leur  est  plus 
avantageuse  que  l'alliance  française,  car  c'est  d'Angleterre  ou  à 
la  merci  de  l'Angleterre  que  leur  viennent  les  denrées  et  matières 
preniières  excellentes  dont  ils  tirent  profit  et  qui  leuE  sont  indis- 
pensables, comme  la  laine,  par  exemple,  pour  la  fabrication  dn 
drap;  or  cette  fabrication  sustente  la  Flandre  qui  sans  cette  in- 
dustrie et  sans  le  commerce  ne  pourrait  le  plus  souvent  pas 
vivre.  P.  394. 

Ce  Jacques  d'Arteveld,  en  peu  de  temps,  s'élève  à  im  û  haut 
degré  de  faveur  et  de  popularité  que,  quoi  qu'il  lui  plaise  de 
décider  et  d'ordonner,  on  fait  aussitôt  sa  volonté  par  toute  la 
Flandre,  Il  parle  si  bien,  avec  une  éloquence  si  judicieuse  et  si 
vive,  que  les  Gantois,  gagnés  par  le  charme  de  sa  parole  non 
moins  que  par  l'ascendant  de  la  vérité,  se  rangent  â  son  opmion. 
Ib  le  font  les  premiers  mattre  et  souverain  seigneur  de  leur  ville 
d'où  son  autorité  s'étend  ensuite  par  tout  le  comté,  car  Bruges, 
Ypres  et  Courtrai  refusent  d'abord  de  tremper  dans  l'insurrection. 
Mais  les  habitants  de  Gand,  investis  de  tout  temps  de  la  supré- 
matie sur  le  reste  de  la  Flandre,  forcent  les  autres  villes  à  se 
joindre  à  eux  et  à  Jacques  d'Arteveld  qui  prend  en  main  le  gou- 
vernement du  pays  tout  entier.  Le  comte  Louis,  chassé  de  Flan- 
dre, se  réfugie  auprès  du  roi  Philippe  de  Valois  son  cousin  qui 
assure  au  prince  exilé  et  à  sa  femme  les  moyens  de  vivre  et  de 
tenir  leur  rang,  car  leur  comté,  tant  que  vécut  Arteveld,  leur 
fut  de  fort  peu  de  ressource.  P.  394. 

Seconde  rédaction.  —  Le  roi  d'Angleterre  fait  garder  tous  les 
ports  et  les  côtes  de  son  royaume  et  défend  de  rien  exporter  en 
Flandre,  surtout  les  laines  et  agnelins.  Cette  prohibition  ûi-appe 
les  Flamands  de  stupeur,  car  la  draperie  est  l'industrie  {xinci- 


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ccn  CHRONIQUES  DB  S.  FROISSART. 

pale  dont  ils  vivent,  et  udo  foule  de  bœs  bourgeois  et  de  riches 
■narchaads  en  sont  bientôt  réduits  à  la  pauvreté.  Il  leur  faut 
vider  le  pays,  bonunes  et  femmes,  eux  que  le  travail  de  la  dra- 
perie faisait  vivre  at^aravant  dans  l'aisance  ;  ils  viennent  en 
Hainaut  et  ailleurs,  là  où  ils  espèrent  trouver  des  moyens  d'exis- 
tence. Cette  situation  soulève  un  ^and  mécontentement  par  tout 
le  pays  de  Flandre,  et  spécialement  parmi  tes  habitants  des 
bonnes  villes.  Ils  disent  qu'ils  expient  au  prix  d'amers  et  pénibles 
sacrifices  l'attachement  de  leur  seigneur  pour  les  Français,  car 
c'est  leur  comte  qui  attire  sur  eux  ce  désastre  et  la  haine 
d'Edouard  111  ;  ils  ajoutent  que  l'intérËt  général  de  tout  le  pays 
de  Flandre  est  de  faire  alliance  avec  le  roi  d'Angleterre  plutôt 
qu'avec  le  roi  de  France.  P.  388  et  389. 

II  est  vrai  qu'il  leur  vient  de  France  blés  de  toute  sorte; 
mais  s'ils  n'ont  pas  de  quoi  les  acheter  et  tes  payer,  parce  qu'ils 
ne  gagnent  pas  d'argent,  ils  n'en  sont  pas  moins  à  plaindre,  car 
avec  de  l'argent  on  est  sdr  d'avoir  du  blé,  malheur  à  qui  n'a 
pas  d'argent.  Mais  c'est  d'Angleterre  que  leur  viennent  ces  laines, 
qui  sont  pour  eux  la  source  de  tant  de  profits,  et  qui  les  font 
vivre  dans  l'aisance  et  dans  la  joie.  Quant  au  blé,  leur  alliance 
avec  te  Hainaut  suffit  pour  assurer  leur  consommation.  P.  389. 

Ces  considérations  et  beaucoup  d'autres,  tirées  de  l'intérêt  pu- 
blic, excitent  souvent  des  murmures  en  Flandre  et  surtout  à 
Gand,  car  c'est  de  toutes  les  villes  flamandes  celle  où  l'on  fabrique 
le  pins  de  drap,  et  qui  peut  le  moins  se  passer  de  cette  indus- 
trie, celle  aussi  par  conséquent  qui  souffi^  le  plus  du  chômage. 
Les  Gantois  font  des  rassemblements  sur  les  places,  et  là  ils 
tiennent  les  propos  les  plus  outrageants,  ainsi  qu'il  est  d'usage 
entre  gens  du  peuple,  sur  le  compte  de  Louis  leur  seigneur.  Us 
disent  entre  eux  que  cette  situation  est  intolérable  et  que,  si  cette 
misère  dure  longtemps,  les  plus  grands,  les  plus  riches  eux- 
mêmes  en  seront  atteints,  et  le  pays  de  Flandre  sera  menacé 
d'une  ruine  complète.  P.  389. 

Le  comte  de  Flandre  n'ignore  pas  ces  plaintes  que  ses  sujets 
élèvent  cmitre  lui.  11  fait  ce  qu'il  peut  pour  les  apaiser  et  leur 
dit  :  «  Mes  bonnes  gens,  cela  n'aura  qu'un  temps,  je  le  sais  d'une 
roanik%  sûre  par  des  amis  que  j'ai  en  Angleterre.  Apprenez  que 
les  Anglais  sont  encore  plus  furieux  contre  leur  roi,  qui  les  em- 
pêche de  faire  argent  de  leurs  laines,  que  vous  n'êtes  impatients 
d'acheter  ces  laines.  Us  ne  penvmt  les  vendre  et  en  trafiquer 


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SOUItAIRE  DU  PBEHIER  UVRB,  $  S9.         ccm 

ailleurs  qu'en  Flandre,  ou  alors  ce  n'est  pas  sans  grande  perte. 
Prenex  patience,  car  j'aperçois  plusieurs  moyena  de  remédier  an 
mal,  qui  vous  donneront  satisfaction  pleine  et  entière,  et  gardez- 
TOdS  de  rien  penser  et  dire  contre  ce  noble  pays  de  France  d'où 
tant  de  biens  tous  abondât.  »  P.  389  et  390. 

Le  cMDte  de  Flandre  tient  ce  langage  à  ses  sigets  ponr  les  coi^ 
soler  et  leur  faire  prendre  patience.  Mais  les  Flamands,  qui  sont 
presque  tous  sous  le  coup  d'une  pauvreté  sans  cesse  croissante, 
ne  veulent  rien  entendre;  car,  quoi  qu'on  leur  dise,  ils  ne  voient 
rien  qui  leur  donne  lieu  d'espérer  le  retour  de  leiu:  ancienne 
prospérité.  C'est  pourqixù,  le  trouble  et  l'agitation  augmentent 
de  jour  en  jour  et  de  plus  en  plus.  Mais  personne  n'est  assez 
hardi  pour  prendre  l'initiative,  par  crainte  du  comte.  P.  390. 

Il  se  passe  un  certain  temps  pendant  lequel  <hi  se  borne  à  se 
réunir  par  petits  groupes  sur  les  places  et  aux  carrefours,  A 
Gand  ou  les  habitants  accourent  ainsi  de  divers  endrmts  et  de 
plusieurs  rues  de  la  ville  pour  conférer  ensemble,  quelques  corn- 
pagnons  sont  frappés  de  la  sagesse  d'un  bourgeois  qui  prend  la 
parole  dans  ces  réunions  :  ce  bourgeois  s'appelle  Jacques  d'Arte- 
veld,  et  il  est  brasseur  de  miel.  Ces  compagnons  remarquent  les 
discours  d'Arteveld  entre  tous  les  autres  et  ils  le  proclament  un 
très-habile  homme.  Ils  lui  entendent  dire  que,  si  on  le  vent  écou- 
ter et  croire,  U  se  lait  fort  de  remettre  promptement  la  Flan- 
dre en  situation  de  recouvrer  son  ancienne  prospérité  ;  il  promet 
en  outre  d'assurer  à  la  fois  à  son  pays  l'alliance  du  roi  de  France 
et  celle  du  roi  d'Angleterre.  Ces  paroles  sont  répétées  avec  em- 
pressement, et  elles  circulent  si  bien  de  l'un  à  l'autre  que  presque 
tous  les  habitants  de  Gand  en  ont  connaissance,  notamment  les 
petites  gens  et  le  peuple  que  le  manque  de  travail  fait  le  plus 
souQrir.  On  voit  alors  les  atO^iupements  recommencer  de  plus 
belle  par  les  rues  et  les  carrefours.  P.  390. 

Il  arrive  qu'un  jour  [de  *  fête]  après  dtner,  il  se  fcome  un  ras- 
semblement de  plus  de  cinq  cents  compagnons  ;  ils  marchent  k  la 
file,  s'appellent  de  maison  en  maison  et  disent  :  i  Allons,  allons 
entendre  le  conseil  du  sage  homme  1  »  Ils  parviennent  ainsi  jus- 
qu'à la  maison  de  Jacques  d'Arteveld  qu'ils  trouvent  au  seuil  de 

1.  Le  r^it  du  manuscrit  de  Vilenciennei  contient  qnelqnM  variante* 
et  mSffle  cenahiei  addition*  intérewante*  que  dou*  intercaloiii  dans  ce 
•onuDaire,  en  le*  mettant  entre  parenthiiei. 


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cav  CHRONIQUES  DE  J.  FAOISSART. 

sa  demeure.  Du  plus  loin  qu'ils  l' aperçoivent,  ils  âtent  lenri  cha- 
perons, le  saluent  et  lui  disent  :  «  Ha!  cher  sire,  ponr  Dieu  merci, 
veuillez  nous  entendre.  Nous  venons  vous  demander  conseil,  car 
on  nous  dit  que  le  grand  bien  de  vous  remettra  le  pays  de  Flan- 
dre en  bon  point.  Veuillez  nous  dire  comment  :  vous  ferez  au- 
tttàne,  car  nous  avons  bien  besoin  que  vous  ayez  ^gard  à  notre 
pauvreté.  >  Jacques  d'Arteveld  s'avance  alors  et  dit  :  ■  Sdgneurs 
compagnons,  il  est  très-vrai  que  j'ai  dit  que,  ù  l'on  veut  m' écou- 
ter et  me  croire,  je  mettrai  Flandre  en  bon  point,  sans  que  notre 
seigneur  le  comte  en  soit  lésé  en  rien.  >  Tons  alors  de  l'embras- 
ser à  qui  mieux  mieux  et  de  le  porter  eu  triomphe  en  s'ëcriant  : 
c  Oui,  vous  serez  cru,  écouté,  craint  et  servi.  »  —  [  «  Seigneurs 
compagnons,  ajoute  Arteveld,  je  suis  nadf  et  bourgeois  de  cette 
ville  et  j'y  ai  le  mien.  Sachez  que  de  tout  mon  pouvoir  je  vou 
drais  vous  venir  en  aide  et  à  mon  pays.  Et  s'il  y  a  un  homme  qui 
soit  décidé  à  assumer  le  fardeau,  je  suis  prêt  à  exposer  ma  vie 
et  ma  fortune  pour  marcher  à  ses  câtés;  ou  si  vous  aubes  me 
voulez  être  frères,  amis  et  compagnons  en  toutes  choses  et  &ire 
cause  commune  avec  moi,  je  me  chargerai  volontiers,  malgré  mcMi 
indignité,  de  la  besogne.]  Il  convient  que  j'expose  d'abord  mes 
projets  devant  la  plus  saine  parde  de  la  population  de  Gond,  et 
il  faut  que  vous,  qui  êtes  ici,  et  les  vôtres  et  ceux  qui  se  réuni- 
ront k  vous,  me  juriez  de  m'appuyer  et  de  me  prêter  main-forte 
en  toute  circonstance  jusqu'à  la  mort,  j  [Les  assistants  répondait 
tout  d'une  voix  :  <  Nous  tous  promettons  loyalement  d'fitre  avec 
vous  en  toutes  choses  et  d'y  aventurer  corps  et  biens,  car  nous 
savons  que  dans  tout  le  comté  de  Flandre  il  n'y  a  personne  autre 
que  vous  qui  soit  à  la  hauteur  de  la  tâche.  »]  Jacques  d'Arte- 
veld donne  alors  rendez-vous  à  ses  affidés  pour  le  lendemain 
matin  sur  la  place  de  la  Biloke  ou  il  veut  exposer  devant  tous  les 
projets  qu'il  a  formés  dans  l'intérêt  commun.  P.  390  et  391 . 

Ces  nouvelles  se  répandent  k  Gand  et  se  propagent  dans  les 
trois  parties  de  la  ville.  Le  lendemain  matin  toute  la  place  de  la 
Biloke  se  remplit  de  gens,  ainsi  que  la  rue  où  demeure  Jacques 
d'Arteveld.  Porté  sur  les  bras  de  ses  partisans,  Jacques  fend  la 
foule  qui  se  compose  de  gens  de  toutes  les  classes  et  arrive  à  la 
Biloke  :  il  prend  place  sur  une  belle  estrade  préparée  pour  le  re- 
cevoir. Et  là  il  se  met  à  parler  avec  tant  d'éloquence  et  de  sa- 
gesse qu'il  gagne  tous  les  cœurs  à  son  opinicn.  It  conseille  à  ses 
compatriotes  de  tenir  leur  pays  ouvert  et  prêt  à  recevoir  le  roi 


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SOMMAIRE  DU  PREMIEB  LIVRE,  g  59.  ccv 

d'Angleterre  et  les  siens,  s'ils  veulent  y  venir,  car  on  n'a  rien  à 
gagner  et  l'on  a  tout  à  perdre  dans  une  guerre  contre  les  An- 
glais. [Quant  an  roi  de  France,  il  a  tant  d'affairas  sur  les  bras 
qu'il  n'a  pouvoir  m  loisir  de  nuire  à  la  Flandre.  Edouard  sera 
ravi  d'avoir  l'amitië  des  Flamands,  et  le  roi  de  France  finira  lui 
aussi  par  rechercher  cette  amitié.  Arteveld  ajoute  que  l'alliance 
de  l'Angleterre  assurera  à  la  Flandre  celle  du  Hainaut,  du  Bra- 
bant,  de  la  Hollande  et  de  la  Z^lande.]  Les  Gantois  approuvent 
les  projets  de  Jacques  d' Arteveld,  ils  jurent  de  le  tenir  désormais 
pour  leur  seigneur  et  de  ne  rien  faire  que  par  son  conseil,  puis 
ils  le  reconduisent  à  son  hfttel.  Ces  événements  se  passent  vers 
la  Saint-Michel  13^7.  P.  391  et  392. 

Le  roi  de  France  est  vivement  contrarié  en  apprenant  ces  nou- 
velles. Il  comprend  que,  si  les  Flamands  deviennent  ses  ennemis, 
ils  peuvent  lui  être  très-nuisibles  en  permettant  au  roi  d'Angle- 
terre de  passer  à  travers  leur  pays  pour  envahir  la  France.  Il 
engage  le  comte  de  Flandre  à  aviser  aux  moyens  de  se  débarra»- 
ser  de  Jacques  d' Arteveld  qui  menace  d'enlever  le  comté  à  son 
seigneur  légitime.  P.  392. 

[Le  comte  mande  auprès  de  lui  Jacques  d' Arteveld  qui  va  au 
rendez-vous  avec  ime  escorte  si  nombreuse  qu'on  n'ose  rien  tenter 
contre  lui,  Louis  de  Nevers  invite  Arteveld  à  user  de  son  in» 
fluence  poiur  maintenir  le  peuple  en  l'amour  du  roi  de  France; 
il  fait  en  outre  à  son  ennemi  les  plus  belles  offres,  et  il  entremêle 
le  tout  de  paroles  de  soupçon  et  de  menace.  Jacques  ne  se  laisse 
point  intimider  par  ces  menaces ,  et  au  sui^lus  il  aime  du  fond 
du  cœur  les  Anglais.  Il  répond  qu'il  tiendra  ce  qu'il  a  promis  an 
peuple  en  homme  qui  n'a  point  de  peur,  et,  s'il  plaît  k  Dieu,  il 
espère  venir  à  bout  de  son  entreprise.  Puis  il  prend  congé  du 
comte  de  Flandre.]  P.  303; 

Louis  de  Nevers  met  alors  dans  ses  intérêts  quelques  personnes 
qui  appartiennent  aux  plus  grandes  Tamilles  de  Gand;  il  a  d'ail- 
leurs dans  son  parti  les  jurés  qui  lui  ont  prêté  serment  ie  fidé- 
lité. Les  amis  du  comte  dressent  à  plusieurs  reprises  des  pièges 
et  des  embflches  à  Jacques  d' Arteveld;  mais  tonte  la  communauté 
de  Gand  est  si  dévouée  à  scm  chef  qu'avant  de  faire  mal  à  celui- 
ci,  il  faudrait  av<»r  raison  de  trente  ou  quarante  mille  hommes. 
Arteveld  est  entouré  de  gens  de  toute  sorte,  qui  n'ont  d'autre 
occupation  que  d'exécuter  ses  ordres  et  de  le  défendre  en  cas  de 
besoin.  P.  392  et  393. 


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Gcvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT. 

Troisième  rédaction.  —  A  l'époqne  dont  je  parle,  il  s'ëlève  un 
grand  d^bat  entre  le  comte  de  Flandre  et  les  Flamands.  Ce  comte 
Louis,  marié  à  Marguerite  d'Artois,  ne  sait  se  maîtriser  ni  se 
contenir  ni  vivre  en  paix  avec  ses  sujets  dans  son  comté  ;  aussi 
les  Flamands  ne  purent  jamais  l'aimer.  Il  est  forcé  de  vider  le 
pavs  définitivement ,  de  pardr  de  Flandre  et  de  venir  en  France 
avec  sa  femme  ;  il  se  tient  à  Paris  à  la  cour  de  Miilippe  de  Va- 
lois ,  qui  pourvoit  de  ses  deniers  à  l'entretien  du  comte  et  de  la 
comtesse.  Ce  comte  était  très-cbevaleresque ,  mais  ses  sujets  di- 
saient qu'il  était  trop  français  et  qu'ils  n'avaient  nul  bien  à  en 
attendre.  P.  388. 

Les  habitants  de  Gand  donnent  les  premiers  le  signal  de  la  ré- 
volte, et  ils  entreprennent  de  soulever  tout  le  reste  du  pays  de 
Flandre  ;  ils  s'assurent  l'alliance  de  Termonde ,  d'Alost  et  de 
Grammont.  Sur  ces  entrefaites,  et  pendant  que  les  ambassadeurs 
d'Angleterre  entament  des  aégodations  à  Valenciennes ,  il  appa- 
raît à  Gand  un  bourgeois  qui  se  nomme  Jacques  d'Arteveld, 
honune  d'une  audace,  d'une  capacité  et  d'une  astuce  e<tra<vdi- 
naires  ;  ce  bourgeois  acquiert  une  teUe  influence  que  toute  la  ville 
de  Gand  le  prend  pour  chef  et  se  soumet  à  ses  volontés.  Les  am- 
bassadeurs anglais,  qui  sont  venus  à  Valenciennes ,  se  décident, 
par  le  conseil  du  comte  de  Hainaut  et  de  son  frère ,  à  envoyer 
des  délégués  auprès  de  Jacques  d'Arteveld  pour  inviter  les  Gan- 
tois à  faire  alliance  avec  le  roi  d'Angleterre  et  les  prier  d'accor- 
der à  Edouard  III  et  à  son  armée  le  libre  passage  à  travers  la 
Flandre-.  L'évSque  de  Durham,  le  comte  de  Northampton  et  Re- 
naud de  Cobham  SŒit  chargés  de  cette  mission.  P.  39b  et  39S. 

Les  délégués  anglais  reçoivent  à  Gand  un  accueil  magniGque 
et  sont  coinblés  d'attentions,  d'honneurs  et  de  festins.  Un  traité 
est  conclu  grice  aux  acdves  démarches  de  Jacques  d'Arteveld 
qui  déteste  le  comte  de  Flandre  ;  et  ce  traité,  ratiSé  par  la  com- 
mune de  Gand,  sdpule  que,  si  le  roi  d'Angleterre  passe  la  mer 
et  veut  traverser  la  Flandre,  avec  on  sans  gens  d'armes,  en 
payant  comptant  tout  ce  dont  il  se  fera  besoin  sur  la  route,  il 
trouvera  le  pays  ouvert.  Il  est  vrai  que  Bruges,  Ypres  et  Couiv 
trai  restent  hostiles  aux  confédérés ,  mais  tes  Gantois  comptent 
bien  s'y  prendre  de  telle  sorte  que,  sous  bref  délai,  le  pays  tout 
ender  ne  fera  qu'un  avec  eux.  P.  393. 

Les  délégués  anglais  sont  ravis  de  joie  d'avoir  obtenu  ce  traité 
qui  est  scellé  du  sceau  aux  causes  de  la  ville  de  Gaod  ;  ils  re- 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  tIVRE,  $  60.  ccTti 
tournent  à  Valeuciennes  annoncer  l'heureux  résultat  de  leur  mis- 
ùon  au  cximtii  de  Hainaut  et  aux  autres  ambassadeurs  d'Angle- 
terre. Guillaume  de  Hainaut  dit  alors  aux  envoyés  d'Edouard  III  : 
«  Vos  affaires  sont  en  très-bonne  voie,  si  vous  avez  l' alliance  de 
la  Flandre  et  du  Brabant.  Dites  à  mon  fils  d'Angleterre  que  ce  lui 
sera  d'un  grand  secours  et  que  sa  guerre  en  sera  plus  belle;  mais 
il  faut  qu'il  passe  la  mer  au  [uiotemps  |H-ochain  pour  aiqirendre 
à  connaître  les  seigneurs  et  les  pays  qui  voudront  faire  alliance 
avec  lui.  Quand  vous  serez  de  retour  en  Angleterre,  décidez-le 
à  se  rendre  sur  le  continent  avec  force  gens  d'armes  et  archers 
et  nvec  grandes  sommes  d'argent,  car  les  Allemands  sont  d'une 
cupidité  sans  égale,  et  ils  ne  font  rien  si  on  ne  les  paye  d'avance 
à  beaux  deniers  comptants.  >  P.  399. 


CHAPITRE  XX. 

1337.   AKBBSTATION  ET  BZJOanOM   DB  BOHIBK    DB    CODKTBU;    HOBT 
DB    ODILUUVB  1  ,    COMTE  DB  HÀINAIIT    (g    60) . 

Le  comte  de  Hainaut  conseille  aux  ambassadeurs  d'Angleterre, 
qui  sont  venus  à  Valeodennes,  de  profiter  de  la  mésintelligeuce 
survenue  entre  le  roi  de  France  et  le  comte  de  Flandre,  d'une 
part,  et  les  Flamands,  de  l'autre,  pour  rechercher  l'amitié  de  ces 
derniers,  et  surtout  de  Jacques  d'Arteveld  dont  l'inâuence  peut 
seule  assurer  le  succès  de  leuri  démarches.  Les  envoyés  anglais 
suivent  ce  conseil  et  ils  se  partagent  la  tâche  ;  ils  vont  les  uns  à 
Bruges,  d'autres  à  Ypres,  le  plus  grand  nombre  à-  Gand  ;  ils  mè- 
nent si  grand  train  qu'on  dirait  que  l'argent  leur  tombe  desnues. 
Us  donnent  de  beaux  dîners  dans  les  bonnes  villes  où  ils  passent, 
et  ils  répandent  le  bruit  dans  le  pays  que ,  si  les  Flamands  font 
alliance  avec  le  roi  d'Angleterre ,  ils  seront  très-riches,  vivront 
en  paix  et  auront  lainages  et  draperie  à  profusion.  L'évëque  de 
Lincoln' et  ceux  de  ses  collègues,  qui  sont  allésà  Gand,  réussissent, 
par  belles  paroles  et  autrement ,  à  se  faire  bien  venir  des  Gan- 
tois ;  ils  gagnent  l'amitié  de  Jacques  d'Arteveld  et  aussi  celle 
d'un  vieux,  brave  et  riche  chevalier  de  Gand,  très-aimé  des  ha- 

1.  TroUi^M  ridaetUn  :  l'ërtqne  de  Dnrliam. 


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ccviii  CHRONIQUES  DE  J.  IROISSART. 

bitants  de  cette  viUe  où  il  prend  plaisir  à  traiter  magnifiquemeot 
tous  les  étrangers,  spécialement  les  barons  et  chevaliers  d'honneur 
et  de  nom.  Ce  chevalier  banneret,  nommé  [Sohier]  de  Cburtrai, 
est  tenu  pour  le  plus  preux  de  Flandre,  et  il  a  toujours  servi  ses 
seigneurs  avec  un  courage  sans  égal.  P.  129,  130,  396. 

Ce  Sohier  de  Courtrai  tient  compagnie  et  prodigue  les  honneurs 
aux  ambassadeurs  d'Angleterre,  ainsi  qu'un  galant  homme  doit 
toujours  tefaire, selon  ses  moyens, àdes  chevaliers  étrangers.  Ces 
nouvelles  parviennent  à  la  connaissance  du  comte  de  Flandre  qui 
se  tient  à  Compiègne  avec  la  comtesse  sa  femme.  Le  comte  est 
irrité  de  ne  plus  toucher  les  revenus  de  son  comté  et  de  voir  les 
Flamands  incliner  de  jour  en  jour  davantage  à  l'alliance  des  An- 
glais ;  il  mande  secrètement  en  France  auprès  de  lui  Sohier  de 
Courtrai.  L'infortuné  chevalier  se  rend  sans  défiance  à  l'appel  de 
son  seigneur  qui  lui  fait  trancher  la  t^te*.  Sohier  de  Courtrai,  en- 
touré de  l'estime  et  de  l'afiection  générales,  est  profondément  re- 
gretté de  tous  les  Flamands  qui  sentent  redoubler  leur  haine  con- 
tre le  comte,  auteur  de  cet  attenUt.  P.  130,  397. 

Jacques  d'Arteveld  réunit  à  plusieurs  reprises  tes  représentants 
des  bonnes  villes  de  Flandre  pour  leur  soumettre  les  propositions 
d'alliance  apportées  par  les  ambassadeurs  d'Angleterre.  Les  Fla- 
mands consentent  à  accorder  au  roi  anglais  et  à  son  armée  le  li- 
bre passage  à  travers  leur  pays  ;  mais  ils  ont  de  telles  obligations 
au  roi  de  France  qu'ils  ne  le  pourraient  attaquer  ni  entrer  en 
son  royaume,  sans  avoir  à  payer  une  somme  de  florins  si  forte 
qu'ili  sont  hors  d'état  de  la  fournir.  En  conséquence,  ils  désirent 
que  la  conclusion  d'une  alliance  oR'ensive  soit  remise  à  une  autre 
fois.  Les  ambassadeurs  d'Angleterre,  qui  ne  se  sentent  plus  en 
sûreté  en  Flandre  depuis  le  meurtre  de  Sohier  de  Courtrai ,  se 
tiennent  pour  satisfaiu  d'avoir  obtenu  cette  réponse  et  retournent 
à  Valenciennes.  Us  envoient  souvent  des  messages  à  Edouard  III 
ponr  le  tenir  au  courant  de  toutes  les  phases  des  négociations,  et 
le  roi  d'AngteteiTC  leur  expédie  en  retour  or  et  argent  en  abon- 
dance pour  payer  leurs  frais  et  faire  des  largesses  à  ces  seigneurs 
d'Allemagne  qui  n'ont  souci  d'autre  chose.  P.  130,  1 31 ,  307. 

Sur  ces  entreiaites,  le  comte  Guillaume  de  Hainaut  meurt  le  7 
juin  1337.  Sa  mort  excite  beaucoup  de  regrets,  car  il  était  large, 

,  anétÉ  à  la  mite  du  voyage 
eut  lieu  que  le  21  man  1338. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §  6S.  cctz 
noble,  [Hvux,  hardi,  courtois,  avenant,  humain  et  boD  pour  tout 
le  moude.  Il  est  pleuré  amèrement  par  ses  enfants.  Le  roi  et  la 
reine  d'Angleterre  premient  le  deuil  aussitât  qu'ils  ont  reçu  la  fa- 
taie  nouvelle ,  et  font  célébrer  un  service  à  leur  résidence  de 
Windsor.  Le  comte  de  Hainaut  est  enterré  aux  Cordeliers  à  Va- 
lenciennes,  et  c'est  là  qu'ont  lieu  ses  obsèques.  La  messe  est  chan- 
tée par  Guillaume  III  d'Auxonne,  évoque  de  Cambrai.  Une  foule 
de  ducs,  de  comtes  et  de  barons  assistent  à  la  cérémonie.  Le 
<»mte  laisse  un  fils  qui  succède  à  son  père  sous  le  nom  de  Guil- 
laume Il  dans  les  comtés  de  HainauL,  de  Hollande  et  de  Zélande. 
Ce  fils  avait  épousé  Jeanne,  fille  de  Jean  III,  duc  de  Brabaot,  qui 
apporta  en  dot  à  son  mari  la  belle  et  riche  terre  de  Binche. 
Jeanne  de  Valois,  veuve  de  Guillaume  I  et  mère  de  Guillaume  II, 
va  finir  ses  jours  à  Fontenelles,  abbaye  de  dames  située  sur  l'Es- 
caut près  de  Valenciennes.  Guillaume  I  laisse  en  outre  quatre  fil- 
les dont  trois  sont  mariées.  L'aînée  Marguerite,  femme  de  Louis 
de  Bavière,  est  reine  d'Allemagne  et  impératrice  de  Rome.  La 
seconde  Jeanne,  mariée  à  Guillaume  V,  est  [marquise]  de  Juliers*. 
La  trobième  Philippe,  la  bonne  et  noble  compagne  d'Edouard  III, 
est  reine  d'Angleterre,  La  plus  jeune  Elisabeth  reste  à  marier,  et 
ce  n'est  que  longtemps  après  la  mort  de  son  père  qu'elle  épouse 
RcJ>ert  de  Namur  et  devient  ainsi  dame  de  Renais  en  Flandre  et 
de  Beaafort  sur  Meuse.  P.  131  et  13S,  397  et  3S8. 


CHAPITRE  XXI. 

1337.  arraCB  dzs  nvoYts  anglais  dans  ledb  pays;  pRÉPUUTnre 
tnt  GUBUK  ET  tcHÂMGs  DB  niriB  niTKK  LU  BOIS  db  ibangb  bt 
d'aholbtb&bb  (§  62). 

Première  rédaction.  —  Le  duc  de  Brabaut,  qui  vient  de  s'en- 
gager à  ^ter  son  appui  effectif  au  nn  d'Angleterre,  craint  de 
s'attirer  l'inimitié  du  roi  de  France.  Il  craint  qu'en  cas  d'échec 
des  Anglais,  Philippe  de  Valois  ne  le  fasse  payer  pour  les  autres. 
Cest  pourquoi,  il  prend  soin  de  se  justifier  à  l'avance  vis-à-vis 
du  roi  de  France  auprès  duquel  il  envoie  l'un  de  ses  conseillers 


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ccx  CHRONIQTTES  DE  J.  FHOISSART. 

nomm^  [I^°l  ^^  Crainhem,  chevalier  d'un  très-grand  sens  :  il 
se  défend  d'être  entré  jjans  aucune  coalition  contre  son  puissant 
voisin;  seulement,  il  n'a  pu  se  dispenser  d'accorder  au  roi 
d'Angleterre,  son  cousin  germain,  le  libre  passage  à  travers 
son  duché  ;  mais  du  reste  il  ae  fera  rien  qui  soit  de  nature  à 
déplaire  au  roi  de  France.  PhiUppe  de  Valois  se  tient  pour  satis- 
fait de  ces  excuses.  Ce  qui  n'empêche  pas  le  duc  de  Brabant  de 
recruter  à  ce  moment-là  même,  dans  s<hi  pays  et  ailleurs,  le 
nombre  de  gens  d'armes  qu'il  a  [«Mmis  de  fournir  au  rm  d'An- 
gleterre. F.  133. 

Sur  ces  entrefaites,  l'évèque  de  IJncoln*,  Renaud  de  Cobham 
et  les  autres  envoyés  anglais  quittent  le  Hainaut  et  reprennent  le 
chemin  de  leur  pays.  Ib  s'embarquent  k  lioràrtcht  *  en  Hollande, 
pour  éviter  de  passer  près  de  t'tle  de  Cadsand,  car  ils  craignent 
de  tomber  entre  les  mains  d'une  bande  d'écumeurs  qui  occupent 
cette  lie  à  la  solde  du  roi  de  I^ance  et  du  comte  de  Flandre.  Le 
roi  d'Angleterre  accueille  avec  joie  la  nouvelle  des  alliances  qm 
ont  été  conclues  avec  le  comte  de  Hainaut,^le  duc  de  Brabant  et 
un  certain  nombre  de  seigneurs  des  marches  d'Allemagne. 
P.  i34,  407,  408. 

Seconde  rédaction,  —  Les  ambassadeurs  d'Angleterre  quittent 
Valenciennes  après  neuf  mois  de  séjour  et  retournent  dans  leur 
pays,  Ib  annoncent  qu'eu  présence  du  refus  de  Philippe  de  Valois 
d'entrer  en  pourparlers  avec  eux,  ils  se  sont  assuré  l'appui  d'un 
certain  nombre  de  seigneurs  d'Allemagne  qui  prient  le  roi  d'An- 
gleterre de  passer  la  mer  et  de  venir  s' entendre  avec  ses  alliés 
du  continent.  Ils  préviennent  ausû  Edouard  III  que  le  comte  de 
Flandre  tient  dans  l'île  de  Cadsand  une  garnison  dont  les  Anglais 
ont  beaucoup  à  souffrir.  P.  400  et  401. 

Le  roi  d'Angleterre  convoque  à  Londres  les  représentants  des 
trois  Ordres  de  son  royaume  pour  la  Saint-Michel  1337.  Ce  par- 
lement se  tient  à  Westminster  hors  Londres  et  dure  trois  semai- 
nes. Les  évSques  de  Lincoln  et  de  Durham  et  les  autres  seigneurs 
qui  ont  été  envoyés  en  ambassade  à  Valenciennes  exposent  de- 
vant la  haute  assemblée  le  résultat  de  leur  mission.  Le  parle- 
ment, a[Mrès  mûre  délibération,  est  d'avis  que  le  roi  d'Angleterre 

1.  LMTSque  de  Lincoln  dont  il  «'agit  ici  esi  le  célèbre  Henri  de 
Burghenh,  mort  i  Gand  en  1340,  dont  la  pauion  poor  la  chasse  a 
donn^  lieu  â  une  légende  populaire. 

3.  lYoïiiiote  rédaetum:  k  AnTerS.  P.  407- 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  S  62'  ccxi 

doit  renvoyer  son  hommage  et  défier  le  roi  de  Fmtce.  L'ëvSque 
de  lincoln  est  chargé  de  porter  le  déû.  I>.  401  et  402. 

Le  m&me  parlement  édicté  et  arrête  les  mesures  suivantes. 
i'  Q  est  ordonne  que,  pour  venir  en  aide  au  roi,  on  pajera 
double  imposition  par  chaque  sac  de  laine,  tant  que  durera  la 
guerre.  Sur  la  proposition  de  six  bourgeois,  deux  de  Londres, 
deux  d'Tork  et  deux  de  Coventry,  la  somme  annuelle  allouée 
au  roi  pour  sa  dépense,  est  augmentée  de  tnm  cent  mille  noUes, 
ce  qui  porte  cette  somme  à  six  cent  nulle  nobles  payables  en 
trois  termes.  2*  U  est  défendu,  sous  peine  de  mort,  par  tout  le 
royaume  d'Angleterre,  de  se  divertir  à  un  autre  jeu  que  celui  de 
de  l'arc  à  main  et  des  flècbes,  et  il  est  fait  remise  de  leurs  dettes 
à  tous  les  ouvriers  qui  fabriquent  des  arcs  et  des  flècbes,  3'  Les 
chevaliers,  écuyers  et  compagnons,  qui  prendront  part  à  la 
guerre,  recevront  des  gages  du  roi^  mais  ils  s'eutredendront  à 
leurs  frais,  chacun  selon  son  état,  pendant  six  mais  de  l' année, 
et  ils  feront  leur  profit  de  tous  les  prisonniers  qui  pourront  ttnn- 
ber  entre  leurs  mains  ainsi  que  du  butin.  4*  Les  habitants  de 
ta  presqu'île  de  Comouaille,  des  Ues  de  Guemesey,  de  Wight,  de 
Southampton  et  de  Sheppy  sont  déclarés  exempts  de  toute  levée 
et  semonce  ;  mais  il  leur  est  impose  de  garder  leurs  marches  et 
frontières,  d'habituer  leurs  enfants  à  manier  tes  armes  et  à  tirer  de 
l'arc,  5"  Il  est  eujoint  aux  gens  de  tonte  condition  de  faire  apprendre 
la  langue  française  à  leurs  enfants,  afin  que  ceux-ci  soient  plus 
capables  de  se  renseigner  et  moins  dépaysés  à  la  guerre.  6°  Il  est 
interdit  de  transporter  des  chevaux  d'un  pcùnt  quelconque  des 
côtes  d'Angleterre  sur  le  continent,  sans  la  permission  du  clian- 
celier.  P.  402. 

Le  parlement  décide  aussi  qu'une  expédidon  sera  dbigée  con- 
tre la  garnison  flamande  de  l'Ue  de  Cadsand;  Guillaume  de  Mon- 
tagu,  qui  vient  de  se  couvrir  de  gloire  ainu  que  Gautier  de 
Hauny  dans  k  guerre  contre  les  Écossais,  reçoit  pour  prix  de 
ses  exploits  la  main  d'Alix  de  Salisbury,  une  des  plus  beUes 
jeunes  dames  du  monde,  dont  le  roi  tient  la  terre  en  sa  main  et 
en  sa  garde.  La  session  du  parlement  est  à  peine  terminée  que 
chacun  rentre  chez  soi  et  s'empresse  de  faire  ses  préparatifs,  afin 
d'Stre  en  mesure  d'accourir  au  prenùer  signal.  De  son  câté,  l'évS- 
que  de  lincoln  se  rend  sur  le  continent  pour  défier  le  roi  de 
France.  P.  403. 

L'envoyé  du  roi  d'Angleterre  arrive  ù  Paris  pour  la  Tou»- 


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ccxii  CHROPHQUES  DE  J.  FROISSART. 

saint  de  l'an  1337  au  moment  où  les  rois  de  Bohême  et  de  Na- 
varre et  une  foule  de  grands  seigneurs  se  trouvent  à  la  cour  de 
Philippe  de  Valois.  11  présente  au  roi  de  France  la  lettre  de 
défi  datée  de  Westminster  le  19  octobre  1337.  Froissart  repro- 
duit la  teneur  de  cette  lettre  d'après  le  témoignage  du  seigneur 
de  Saint-Venant'  présent  à  l'entrevue.  Philippe  de  Valois  ne  fait 
que  rire  des  menaces  d'Edouard  III  et  se  contente  de  dire  au 
porteur  du  message  que  la  lettre  du  roi  d'Angleterre  ne  mérite 
point  de  réponse.  Il  transmet  copie  du  défi  qu'il  vient  de  rece- 
voir à  plusieurs  seigneun,  en  France  et  hors  de  France,  notam- 
ment  au  comte  de  Hainaut  et  au  duc  de  Brabant.  Il  somme  ces 
deux  princes  de  ne  contracter  aucune  alliance  avec  le  roi  d'An- 
gleterre sous  peine  de  voir  leur  pays  mis  à  feu  et  à  sang  ;  il 
adresse  la  même  invitation  au  comte  de  Bar  et  au  duc  de  Lor- 
raine, mais  il  est  sans  inquiétude  du  câté  de  ces  derniers  qui 
sont  bons  et  loyaux  Français.  En  même  temps,  il  fait  renforcer 
ses  garnisons  sur  les  frontières  de  l'Empire,  car  il  se  défie  des 
Allemands  i  et  il  mande  aux  habitants  de  Tournai,  Lille,  Béthuue, 
Arras  et  Douai,  de  mettre  ces  villes,  ainsi  que  les  chiteaux  et 
châtellenies  d'alentour,  en  état  de  défense.  P.  404  et  kOS. 

Des  gens  d'armes  sont  envoyés  sur  toutes  les  frontières  pour 
les  garder.  Énumération  des  principaux  points  de  ces  frontières 
au  nord,  à  l'ouest,  au  sud  et  à  l'est.  Godemar  du  Fay*  est  mis 
en  garnison  à  Tournai,  et  le  seigneur  de  Beaujeu  à  Mortagoe  sur 
Escaut.  Une  flotte  de  Normands  et  de  Génois,  armée  en  course 
sous  les  ordres  de  Hue  Quieret,  de  [Nicolas]  Bebuchet  et  de 
Barbavera,  fait  des  descentes  et  porte  le  ravage  sur  les  côtes 
d'Angleterre.  Enfin,  le  comté  de  Ponthieu  est  donné  avec 
toutes  ses  dépendances  à  Jacques  de  Bourbon.  P.  405  et  406. 

Après  avoir  terminé  ses  préparatifs,  sur  mer  comme  sur  terre, 
Philippe  de  Valois  mande  confidentiellement  au  c<»nte  de  Flandre 
de  faire  tous  ses  efi'orts  pour  se  concilier  l'affecdon  de  ses  sujets, 


1.  Robert  de  WaYrin,  »ire  de  Saint- Venant,  sénéchal  de  Flandre.  An 
mois  de  novembre  1336,  Louis  comte  de  Flandre  avait  donné  i  ce 
chevalier  et  à  aon  héritier  mSle  la  aénéchaiiuée  de  Flandre  avec  ane 
somme  de  500  livre»  une  foi*   pavée.  (Arch.  du  Nord  ,  laraat.  Je  la 


■e  du  Comptes,  l.  I,  p.  130.) 
odemar  du  Fay  fi 
li  et  des  fronliow»  i 
Camps,  portef.  83,  P-aiT. 


2.  Godemar  du  Fay  fui   en  effet  nomm^  en   1337  goaTemeur  de 
et  des  fronliow»  avec  120  hommesd'armes  louiaei  ordres.  De 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  61-S4.  ccxtii 
afin  de  les  empêcher  de  s'allier  avec  les  Anglais.  En  outre,  il 
charge  le  comte  de  Vendôme  et  le  seigneur  de  Montmorency  de 
porter  de  sa  part  en  Flandre  des  propositions  d'amitié  et  de  bon 
voisinage  :  il  promet  aux  Flamands  de  leur  tenir  ouverts  les  pas- 
sages de  Tournai,  de  Béthune,  d'Aire,  de  Saint-Omer  et  du 
Wameton  sur  le  lis  et  de  fournir  leur  pays  de  blés  et  de  tous 
grains  à  volonté'.  Ces  propositions  sont  accueilUes  presque  par- 
tout avec  une  extrême  froideur,  car  les  tisserands  de  Flandre  ont 
bien  plus  besoin  des  laines  d'Angleterre,  source  de  leurs  proGts 
dans  la  draperie,  que  de  blés  et  d'avoines  dont  leurs  marchés 
sont  rem{dis.  Toutefois,  les  envoyés  français  réusûssent  à  rame- 
ner Louis  de  Nevers  à  Gand  et  à  le  faire  assez  bien  venir  de 
Jacques  d'Arteveld  et  des  Gantois,  mais  cette  boime  entente  ne 
dure  pas  longtemps.  P.  406  et  407. 


CHAPITRE  XXn. 

i  337.  YicTOni  ns  cu»&im  ismoaTfts  rAa  lbs  txciMt  sua  un 
FLAMANDS   (§S  61  k  64). 

Deux  cents  chevaliers  ou  écuyers  et  quatre  ou  cinq  mille  com- 
battants vont,  par  l'ordre  du  comte  de  Flandre,  occuper  l'Ile  de 
Cadsand  '  d'où  ils  capturent  les  navires  et  infestent  les  câtes  d'An- 
gleterre. Cette  garnison  de  Cadsand  tient  à  sa  discrétion  l'entrée 
du  port  de  l'Écluse  et  intercepte  les  communications  entre  l'An- 
gleterre et  la  Flandre.  Elle  rend  impossible  toute  exportation  de 
laines  anglaises  sur  le  continent,  ce  drait  l'industrie  flamande  souf- 
fre beaucoup,  et  spécialement  la  draperie.  La  situation  devient 

I.  Philippe  de  Valoii,  ayant  tu  le»  propositioiu  d'alliance  repons- 
tées  par  les  Ftamaods,  fit  dëfenie  d'exporter  hon  dn  royaume  <  viTres, 
■rmenre*  ne  quelconques  amrei  choie*  des  quelles  noz  anemii  pour- 
roient  eatre  conrortez,  par  les  bailliaees  d'Aniem,  de  Vermendoii,  de 
Vîtry  et  de  Chaumont.  ■  Le  3S  janvier  ISdO,  une  enquête  fat  ordon- 
na contre  Jehan  de  Kierreui  et  Jehan  de  Tiergeville,  députa  à  la 
fpirde  de*  dit»  bailliages  et  accusés  ■  d'avoir  laisse  passer  par  corrup- 
tion,  fayeors  aa  oeglinnce,  lins,  bl^s  et  autres  choses  hors  de  noacre 
royaume,  les  quiles  choses  noos  degplaisent  moult  forment.  >  (Arch. 
de  l'Empire,  j)  73,  p.  SS»,  (»  207^ 

3.  Ue  ntaée  entre  la  TÏUe  de  l'Ecluse  et  l'ile  de  Walcheren  en  Z6- 
lande. 


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ccxrv  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART. 

lûentftt  inhdérable  et  soulève  des  plaintes  par  toute  la  Fltmdre. 
Jacques  d'Arteveld  et  les  Gantois,  alliés  du  roi  d'Angleterre,  s'as- 
socient de  grand  cœur  au  mécontentement  des  villes  de  l'Éctuse, 
de  Damme,  de  Bruges,  du  Franc  de  Bruges,  d'Ypres ,  de  Couiv 
trai  ;  et  l'habile  Jacques  d'Arteveld,  heureux  de  trouver  une  oc- 
casion d'entraîner  les  habitants  de  ces  villes  dans  le  parti  anglais, 
presse  Edouard  111  de  venir  an  secours  des  Flamands  et  de  les 
d^vrer  de  la  {nraierie  des  gens  d'armes  à  la  solde  de  Louis  de 
Nevers.  Cet  appel  est  entendn,  et  un  corps  d'arme  de  cinq  ou 
six  cents  lances  et  de  deux  mille  archers  est  envoyé  contre  la 
garnison  de  Cadsand  sous  les  Maires  du  comte  de  Dei4>y'.  Les 
principaux  seigneurs  qui  prennent  part  à  cette  expédition  sont  le 
comte  de  Suffotk,  le  ùre  de  Bericeley ,  Guillaume  Fitz-Waren, 
Louis  et  Roger  de  Beauchamp,  Renaud  de  Cobham  ,  Richard  de 
StaCTord,  Gautier  de  Mauny  nouvellement  revenu  d'Ecosse  et  fait 
conseiller  du  roi  en  récompense  de  ses  services.  Les  Anglais 
s'embarquent  sur  la  Tamise  ;  et  après  deux  stations  à  Gravesend 
et'  à  Margate,  ils  viennent  jeter  l'ancre  de  nuit  devant  Cadsand, 
la  V^lle  de  la  Saint-Hartin  d'hiver  (10  novembre]  1337.  P.  132 
à  13S,  398  A  40U,  407  à  409. 

Les  gens  d'armes  de  Cadsand  reconnaissent  les  Anglais  aux 
léopards  des  bannières  qui  flottent  sur  les  navires.  La  garnison 
de  l'Ile  se  compose  d'environ  cinq  mille  hommes  chobis  entre  les 
plus  braves.  Gui,  bâtard  de  Flandre,  &ère  du  comte  Louis,  Jean 
dit  le  due/tere  (seigneur),  de  Halluin,  Jean  de  Rbode,  Gilles  de 
Le  Trief,  Simon  et  Jean  de  Brigdamme,  Pierre  d'Englemoustier, 
Pierre  d'Ypres,  Louis  Vilain,  Baudouin  Bamage ,  Robert  Maré- 
chal, AtdouI  de  Vorst  combattent  à  la  tète  des  chevaliers  fla- 
mands. Us  se  rangent  en  ordre  de  bataille  sur  le  rivage  pour 
s'opposer  au  débarquement  des  Anglais.  Ils  font  très-bonne  con- 
tenance et  déploient  un  grand  courage  ;  mais  leurs  arbalétriers 
ne  peuvent  riposter  au  tir  beaucoup  plus  rapide  des  archers 
d'Angleterre  qui  lancent  sur  l'ennemi,  del'avaut  de  leurs  navires, 
une  grêle  de  Bêches.  Les  assaillants  réussissent  à  prendre  terre 
à  la  suite  d'une  lotte  acharnée,  et  alors  on  eu  vient  à  C4»nbattre 


armes  qui  eut  lieu  à  Boologne- 
is  daule  provixpiée  par  l'expé- 
B  Cadiand.  De  CuDps,  partef.  83,  ^  314 


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SOMMAERB  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  6S-67.  cczt 
corps  à  corps  et  à  se  disputer  le  terrain  pied  à  pied.  Après  qua- 
tre heures  de  résistance ,  tes  FlamatHls  sont  mis  en  pleine  dé- 
route ;  ils  perdent  environ  trois  mille  des  leurs,  dont  une  douzaioe 
de  chevaliers  et  nne  trentaine  d'écuyers  de  Flandre  ou  d'Ar- 
tob;  le  dQ<iere  de  Halloin',  Jean  de  Rbode,  les  deux  frères  de 
Btdgdainme  et  GÎUes  de  Le  Xrief  restent  parmi  les  morts.  Les  An- 
glab  mettent  le  feu  à  la  ville ,  et  l'tle  tout  entière  est  livrée  au 
pillage,  à  la  grande  satisfaction  des  habitants  de  Bruges,  d« 
Damme  et  de  l'Écluse.  Gui  de  Flandre,  fait  prisonnier,  est  amène 
à  Londres  où,  séduit  par  les  ofires  d'Edouard  III ,  il  passe  cette 
année  même  dans  le  parti  anglais.  Hemi  de  Lancastre  le  Jeune, 
comte  de  Derby,  cousin  germain  du  roi,  inaugure  dignement  par 
cette  victoire  sa  nouvelle  cbevalerie,  et  Gautier  de  Hauny  se 
dgnale  aux  cdtés  de  ce  çriace  par  des  prodiges  de  valeur.  P.  1 3S 
^138,  409  à  411. 

CHAPITRE  XXm. 

1338.  VOTAI»  D'ÉDonuD  in  x  anvxm  kt  HnmPAuns  ne  tm 
FBiitcB  st  M  iBB  ALLite  (gg  6S  à  67). 

Première  rédaction.  ^  L'affaire  de  Gadsasd  a  le  plus  grand 
retentissement.  Les  Flamands  rejettent  sur  leur  comte  toute  la  res- 
ponsabilité du  désastre.  Jasques  d'Arteveld  seul  y  trouve  son 
compte  et  il  fait  prier  le  roi  d'Angleterre  de  venir  à  Anvers  s'en- 
tendre avec  les  bonnes  villes  de  Flandre.  P.  138  et  139. 

Edouard  III  passe  la  mer  à  l'été  suivant  et  arrive  à  Anvers  qui 
lient  le  parti  du  duc  de  Brabant.  Des  pourparlers  ont  lien  dans 
cette  ville  de  la  Pentecôte  à  la  Saint-Jean  (du  1 6  mai  au  24  juin) 
entre  le  roi  anglais  et  ses  alliés  dont  les  principaux  sont  les  ducs 
de  Brabant  et  de  Gueldre,  le  marquis  de  Juliers,  Jean  de  Hai- 
naut  et  le  seigneur  de  Fauquemont.  Ces  seigneurs,  invités  à  s'exé- 
cuter et  à  prêter  aux  Anglais  l'appui  effectif  qu'ils  ont  promis  de 
fournir,  prennent  exemple  sur  les  atermoiements  du  doc  de 
Brabant  et   font  des  réponses  évasives  à  toutes  les  demandes 


1 .  Le  cheralter  ippel^  ici  le  duiiert  (Kigneor)  de  HbIIiùd  Mt  Jean 
de  Hallnin  fils  d'Olivier  de  Halluin,  •eigneiir  de  Heiuerode  et  de  Lac- 
ken,  at  de  Harraerite,  iille  de  Colut  de  PniiiiM.  Vovez  le  P.  Aaielme, 
I.  m,  p,  919. 


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ccxvi  CHRONIQUES  DE  J.  ÏÏIOISSART. 

d'Édonard  III.  Le  roi  d'Angleterre  est  forcé  d'assigner  à  ses  alliés 
un  nouveau  rendez-vous  qu'il  Tise  à  trois  semâmes  après  la  Saint- 
Jean.  Dans  l'intervalle,  il  fait  sa  résidence  à  l'abbaye  Saint-Ber- 
nard d'Anvers,  tandis  que  le  duc  de  Brabant,  qui  habite  Leeuv, 
renouvelle  au  roi  de  France  ses  protestations  d'amitié.  P.  139 
à  141. 

Quand  le  jour  du  rendez-vous  est  arrivé,  les  seigneurs  de  l'Em- 
pire font  dire  au  roi  d'Angleterre  qu'ils  sont  prêts  à  marcher  k 
la  condition  que  le  duc  de  Brabant,  qui  ne  semble  faire  aocmu 
préparatifs,  leur  donne  l'exemple.  Edouard  III  redouble  ses  in- 
stances auprès  du  duc  son  cousin,  qui  veut,  avant  de  rien  faire, 
se  concerter  une  dernière  fob  avec  les  seigneurs  d'Allemagne. 
Rendez-vous  est  pris  ]>our  le  iS  août,  et  ce  rendez-vous  est  fixé 
à  HaUe  '  en  considération  du  jeune  comte  Guillaume  de  Hainaut 
et  de  Jean  de  Hainaut  son  oncle.  P.  141  et  14Î. 

Le  duc  de  Brabant ,  le  comte  de  Hainaut  et  les  seigneurs  da 
l'Empire,  qui  prennent  part  à  l'entrevue  de  Halle,  déclarent, 
après  mare  délibération ,  qu'il  leur  est  impossible  de  s'engager 
dans  une  guerre  contre  la  France  si  le  roi  d'Angleterre  ne  s'as- 
sure d'abord  l'alliance  de  l'empereur  d'Allemagne  et  s'il  ne  par- 
vient à  décider  Louis  de  Bavière  lui-même  à  se  prononcer  contre 
Philippe  de  Valois.  Ils  ajoutent  que  l'achat  de  Crèvecceur  en  Cam- 
brésis  et  d'Arleux  en  Palluel ,  qui  sont  terres  d'Empire,  ne  peut 
manquer  d'être  aux  yeux  de  l'Empereur  un  motif  plus  que  suffi- 
sant de  se  joindre  à  ses  feudataires  pour  défier  le  rtn  de  France. 
Le  roi  d'Angleterre,  forcé  de  contenir  son  dépit  en  présence  de 
cette  nouvelle  fin  de  non-recevoir  suggérée  par  le  duc  de  Bra- 
bant, répond  à  ses  alliés  qu'il  sera  fait  selon  leur  volonté.  P.  142 
à  144. 

Abrégé  de  1477  ou  ms.  B  6.  Après  la  victoire  de  Cadsond, 
Edouard  III  renouvelle  sa  défense  d'exporter  des  laines  anglaises 
en  Flandre.  Les  Flamands,  dont  la  draperie  est  menacée  d'une 
ruine  complète,  sont  au  comble  de  la  désolation.  Jacques  d'Arte- 
veld,  dont  le  cœur  est  plus  anglais  que  français,  parvient  à  faire 
partager  les  mSmes  sentiments  à  la  majorité  de  ses  compatriotes, 
et  il  invite  le  roi  d'Angleterre  à  visiter  les  Flamands  qui  sont  im- 
patients de  le  voir.  Edouard  III  consent  alors  à  lever  la  défense 
d'exporter  des  marchandises  en  Flandre,  et  il  rend  à  la  ville  de 

1.  SttcnJt  rédaction  :  k  Diest. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  UVRE,  SS  ^^^T-  <:'»^< 
Bruges  l'étaple  des  laines  qu'il  lui  avait  enlevée.  BientAt  après,  il 
passe  la  mer  et  vient  débarquer  à  Anvers  en  compagnie  de  la 
reine  sa  femme  et  de  Robert  d'Artois,  comie  de  Ridiemoat. 
P.  412,417. 

Le  duc  de  bvbant  envoie  l'un  de  ses  chevaliei-a  souhaiter  la 
bienvenue  au  roi  d'Angleterre  qui  reçoit  aussi  la  vûite  de  Jacques 
d'Arteveld  et  des  seigneurs  des  marches  d'Allemagne.  U  s'engage 
alors  entre  Edouard  III  et  ses  allie's  de  grands  pourparlers  aux- 
quels le  jeune  comte  de  Hainaut  refuse  d'abord  de  prendre  part, 
en  disant  qu'il  entend  rester  Français  et  tenir  le  parti  du  roi  son 
oncle.  P.  417. 

Sur  ces  entrefaites,  la  reine  d'Angleterre  met  au  monde  un  fils 
qui  re^it  le  nom  de  Lion  et  qui  fut  depuis  duc  de  Oarence. 
Pendant  que  Philippe  fait  ses  relevailles ,  Edouard  lU  se  rend  à 
Gand  à  une  entrevue  qui  dure  quinze  jours  et  où  il  a  convié  le 
duc  de  Brabant,  le  comte  de  Hainaut  et  les  grands  feudataires 
des  marches  d'Allemagne.  Là,  on  dédde,  d'après  le  conseil  de 
Jean  le  Hayeur,  que  le  roi  d'Angleterre  doit  d'abord  se  (aire 
nommer  vicaire  de  l'Empire,  afin  de  fournir  aux  seigneurs  alle- 
mands, qui  seront  tenus  à  ce  titre  de  lui  obéir,  un  prétexte  légi- 
time de  marcher  sous  ses  ordres  contre  le  roi  de  France.  P.  423. 

Seconde  rédaction.  —  Après  la  défaite  de  Cadsand,  les  Fla- 
mands eoToient  par  le  conseil  de  Jacques  d'Arteveld  douze  bour- 
geois des  principales  villes  de  Flandre  auprès  du  roi  d'Angle- 
terre ;  ces  bourgeob  ont  mission  de  disculper  leurs  compatriotes 
de  toute  complicité  avec  les  gens  d'armes  vaincus  et  d'inviter  le 
vainqueur  à  venir  dans  leur  pays.  Edouard  III,  qui  reçoit  ces 
envoyés  à  Eltham,  leur  promet  de  se  rendre  à  Anvers  à  Nofil 
prochain  pour  s'entendre  avec  le  comte  et,  à  défaut  du  comte, 
avec  les  tMonea  villes  du  comte.  En  attendant  son  voyage,  il  au- 
torise jusqu'au  1"  janvier  la  reprbe  des  relations  entre  U  Flan- 
dre et  l'Angleterre.  P.  411  et  412. 

Quand  tout  est  prêt  à  Anvers  pour  le  recevoir,  le  roi  d'An- 
glet^re  s'embarque  pour  la  Flandre  ;  il  emmène  avec  lui  la  reine 
sa  femme  alors  enceinte,  Robert  d'Artois,  les  comtes  de  Derby,  de 
Warwich,  de  Pembridge,  de  Sufibtk,  d'Anindet  et  de  Kent,  les 
évËques  de  Lincoln  et  de  Durham,  Renaud  de  Cobham,  Richard 
de  Stafford,  Guillaume  Fita-Waren,  Gautier  de  Mauny,  Philippe 
deHastings,  les  seigneurs  de  la  Ware,  de  Beauchamp,  de  Fe^ 
rers,  de  Basset,  de  Wiltougbby  et  de  Bradeston.  Edouard  lU  dé- 


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ccznn  CHRONIQUES  DE  J.  FAOISSART. 

barque  à  Anvers  vers  la  Saint-Àubert  et  la  Sainle-Luce  (13  d^ 
cembre).  P.  416  et  417. 

Peu  de  temps  après  l'arrivée  du  roi  anglais  à  Anvers,  la  reine 
sa  femme  met  au  monde  un  fils  qui  re^t  le  nom  de  Lion  ;  et  le 
comte  de  Hainaut,  frère  de  Philippe,  vient  asùster  aux  pompeu- 
ses relevailles  de  sa  soeur  en  compagnie  de  Jean  de  Hainaut  son 
oncle.  Pressé  par  Jacques  d'Arteveld  de  s'entendre  avec 
Edouard  III,  le  comte  de  Flandre  déclare  qu'il  aime  mieux  per- 
dre tous  les  revenus  de  son  comté  que  de  s'allier  avec  le  roi 
d'Angleterre  contre  son  cousin  le  roi  de  France  ;  et  de  peor 
qu'on  ne  le  veuille  contraindre  k  cette  alliance,  Lotiis  de  Nevers 
quitte  la  Flandre  et  se  retire  en  France  avec  Marguerite  sa 
femme  et  Louis  son  fils  à  la  cour  de  Philippe  de  Valois,  P.  418. 

Jacques  d'Arteveld  se  rend  alors  à  Anvers  auprès  du  roi  d'An- 
gleterre, accompagné  de  soixante  bourgeois  des  plus  grands  de 
Flandre;  et  sur  les  instances  du  chef  de  cette  députation,  ami 
dévoué  des  Anglais,  Edouard  III  consent  à  rendre  aux  Flamands 
l'étaple  des  laines  qu'ils  ont  perdue  depuis  trois  ans,  à  la  condi- 
tion qu'il  pourra  désonnais  aller  et  vettir  en  Flandre ,  avec  on 
sans  armée ,  comme  il  lui  plaira  ;  mais  les  envoyés  des  bonnes 
villes  refusent  de  s'engager  au  nom  de  leurs  compatriotes  à  en- 
vahir le  Touméûs ,  les  chSteUenies  de  Lille  et  de  Douai  et  à 
prendre  les  armes  contre  le  roi  de  France.  Après  le  départ  de 
ses  collègues ,  Jacques  d'Arteveld  passe  son  temps  en  allées  et 
venues  de  Gand  À  Anvers  ;  il  est  sans  cesse  en  visite  auprès  d'E- 
douard III  auquel  il  promet  de  le  rendre  maître  de  la  Flandre. 
II  se  fait  fort,  quoi  qu'en  aient  dît  les  autres  députés  flamands, 
de  mettre  sur  pied  au  besoin  cent  mille  combattants  prêts  à  atta- 
quer et  à  envahir  la  France  par  le  câté  qu'Edouard  III  leur  dé- 
«gnera.  Cest  qu'autant  Jacques  d'Arteveld  est  prochain  et  ami 
du  roi  d'Angleterre,  autant  il  est  craint  et  redouté  par  toute  la 
Flandre.  Depuis  le  départ  du  comte,  il  y  règne  en  souverain  ;  et 
nul  n'est  plus  puissantque  loi,  principalemHit  à  Gand....  P.  (il9. 
Edouard  III  convoque  à  Anvers  ses  principaux  alliés,  le  duc  de 
Brabant,  le  comte  de  Gueldre,  le  marquis  de  Julîers,  les  comtes 
de  Oèves  et  de  Salm,  le  marquis  de  Brandebourg,  le  sire  de  Fan- 
quemont'i  et  le  comte  de  Hainaut  seul  refuse  de  se  rendre  à  l'ap- 
pel de  son  beau-frère.  P.  417. 

1.  fautpttmoia  eu  U  traduction  franfùie  de  FtJktubîirg,  hwalité  qui 


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SOJCUAIRE  DU  PREMIEE  LIVBE,  $$  flS-e?.     ccnz 

Mis  en  demeure  de  fournir  les  secours  promiB  au  roi  d'Angle- 
terre, ces  seigneurs  demandent  du  temps  pour  réflÀ^hir  ;  et  I'ob 
convient  d'une  nouvelle  entrevue  qui  doit  avoir  lieu  trois  semai- 
ues  après  la  Saint-Jean.  En  attendant  cette  entrevue,  Edouard  III 
va  habiter  avec  sa  fenune  l'abbaye  Saint-Bernard  d'Anvers. 
P.  420. 

En  Brabaot,  le  roi  d'An^eterre  compte  plus  de  partisans  que 
le  roi  de  France  ,  spécialement  parmi  les  habitants  des  bonnes 
villes;  mais  le  duc,  qui  est  prudent  et  avis^,  ne  se  veut  point 
mettre  en  guerre  avec  son  puissant  voisin ,  et  il  se  promet  bien 
de  ne  jamais  fitre  anglais,  si  en  Hainaut  et  en  Flandre  on  ne  l'est 
encore  plus  que  lui.  Quant  aux  Flamands,  ils  inclinent  de  plus 
en  plus  du  cAté  de  l'Angleterre.  C'est  que  Jacques  d'Arteveld, 
qui  est  alors  tout  en  Flandre,  fait  sans  cesse  des  discours  aux 
habitants  de  Gand,  de  Bruges,  d'Ypres,  de  Couitrai,  d'Aude- 
narde ,  oit  il  montre  si  bien  les  avantages  de  l'alliance  anglaise 
que  ses  compatriotes  sont  prêts  à  marcher  à  son  commandement 
sous  la  bannière  d'Edouard  111.  Les  dispositions  sont  les  mêmes 
dans  le  Hainaut  où  les  gens  des  communes  surtout  sont  très-fa- 
vorables auE  Anglais  ;  mais  le  jeune  comte  Guillaume  (Ut  que 
Philippe  de  Valois  son  oncle  lui  est  plus  prochain  et  la  France 
plus  amie  qu'Edouard  III  et  l'Angleterre.  P.  420  et  421. 

Troisième  rédaction.  —  Jacques  d'Arteveld  fait  e'n  sorte  que 
les  échanges  ne  recommencent  pas  entre  la  Flandre  et  l'Angle* 
terre  immédiatement  après  l'affaire  de  Cadsand.  Les  marchands 
anglais,  qui  ont  sur  le  quai  de  Londres  et  ailleurs  une  quantité 
énorme  de  sacs  de  laine,  ne  désirent  tien  tant  que  de  les  vendre 
pour  avoir  de  l'argent.  Les  drapiers  de  Flandre  et  dn  Brabant, 
de  leur  câtë,  ne  désirent  rien  tant  que  de  les  acheter  pour  les 
employer  à  la  fabrication  du  drap.  Jacques  d'Arteveld,  qui  sait 
tout  cela,  n'en  écrit  pas  moins  au  roi  d'Angleterre  pour  l'enga- 
ger à  ne  pas  lever  les  prohibitions  jusqu'à  nouvel  ordre,  P.  413. 

Lorsque  les  habitants  de  Bruges,  de  Damme,  de  l'Écluse, 
d'Ypres,  de  Courtrai  et  du  terroir  du  Franc  voient  que  la  raer 
n'est  pas  plus  ouverte  après  l'affaire  de  Cadsand  qu'auparavant, 
ils  commencent  à  murmurer  et  vont  se  plaindre  au  chef  popa- 
Uire  de  la  ville  de  Gand.   On  convient  après  de  longues  déli- 


D,qrt,zeabvG00»^lc 


GCXK  CHRONIQUES  DE  I.  FROISSART. 

bëratioos  de  nommer  dans  <^aqae  bonne  ville  deux  bourgeois 
qui  iront  en  Angleterre  avec  Jacques  d' Arteveld  prier  Edouard  III 
de  rendre  aux  Flamands  l'^tapie  des  laines,  et  on  leur  donne 
pleins  pouvoirs  d'adhérer  au  nom  de  toute  la  Flandre  an  traite 
conclu  par  l'^êque  de  Durham  et  les  autres  députés  an^ais 
avec  les  Gantois.  Ces  députés  s'embarquent  à  l'Écluse  et  arrivent 
à  Londres  où  ils  vont  loger  dans  la  rue  de  Ut  JUole*.  P.  413 
à  fais. 

Le  roi  d'Angleterre,  après  avoir  fêté  k  Eldiam  les  envoyés 
flamands  et  surtout  Jacques  d'Arteveld,  réunit  son  conseil  au 
palais  de  Westminster,  et  l'on  y  décide  qu'il  sera  iait  droit  à  la 
requSte  des  Flamands.  Ceui-d  promettent  en  retour  de  recevoir 
dans  leur  pays  Edouard  III  et  son  armée  et  même  de  se  j<Madre 
au  duc  de  BrabanI  et  aux  seigneurs  allemands  pour  man^^ 
contre  Toomai  ou  Cambrai ,  là  où  il  plaira  au  roi  anglais  de  les 
conduire.  I^es  députés  de  Flandre  stmt  à  peine  rentrés  dans  leur 
pays  qu'on  voit  les  laines  anglaises  affluer  à  l'Ecluse,  à  Damme 
et  &  Bruges  où  les  drapiers  du  Brabant  et  d'ailleurs  vîennrat 
les  acheter.  P.  41K  et  416. 

Vers  la  Saint^ean  (24  juin],  Edouard  III  laisse  à  Windsor  la 
reine  sa  femme  alors  enceinte  d'nne  princesse  qui  reçut  le  nom 
d'Isabelle  et  fut  depuis  dame  de  Coucy.  Puis  il  s'embarque  au 
port  de  Londres  en  compagnie  de  Robert  d'Artob  qui  a  inspiré  et 
fomenté  toute  cette  entreprise.  La  flotte  anglaise  jette  l'ancre 
devant  Anvers  la  nuit  de  la  Saint-Jacques  et  Saint-Cluîstophe 
(tS  juillet).  Le  roi  d'Angleterre  ne  tarde  pas  à  recevoir  dans 
cette  ville  la  visite  de  Jean  de  Hainaut,  puis  du  duc  de  Brabant 
son  cousin  germain,  du  comte  de  Gueldre  et  du  marquis  de 
JuUn^.  P.  416.  417  et  418. 


CHAPITRE  XXIT. 

1332  à  1338.  totâoks*  bt  sham  na  nAvm  bbuci,  moi  n'icossR, 
BR   »AHCB  (S  69). 

Première   rédaction.   —  David  Bruce,   dépouillé  de  ta  plus 

1.  Ce»  expreiùom  de  Froiisart  :  la  ru*  Jt  la  Mwle,  détignenl  peui- 
êcre  le  Strand. 

S.  Nous  écrivoiu  Mjragtt  au  plane],  parce  que,  s'il  paraît  bien  établi 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $  69.         ccxxi 

grande  partie  de  son  royaume ,  prend  le  parti  de  se  retirer  en 
France  ofi  il  trouve  ainsi  que  la  reine  sa  femme  l'accueil  le  plus 
empresse.  Philippe  de  Valois  met  à  la  disposîtian  du  roi  d'Ecosse 
plusieurs  de  ses  châteaux  et  se  charge  de  pourvoir  à  tous  les 
frais  d'existence  de  son  hâte.  Par  l'entremise  de  David  Bruce,  un 
traité  d'alliance  offensive  et  défensive  est  conclu  entre  le  roi  de 
France  et  les  seigneurs  d'Ecosse  partisans  de  David  :  Philippe 
de  Valois  s'engage  à  secourir  de  tout  son  pouvoir  les  Écossais 
qui  promettent  en  retour  de  n'accorder  aucune  trêve  aux  Anglais 
sans  le  consentement  de  leur  roj'al  allié.  Amoul  d'Audrdiem, 
maréchal  de  France,  et  le  sire  de  Gareodères,  envoyés  en 
Ecosse  à  la  tête  d'un  corps  d'auxiliaires,  se  couvrent  de  gloire'. 
P.  1^6  à  J48. 

Seconde  rédaction.  —  Toutes  les  forteresses  du  plat  pays 
d'Ecosse  sont  tombées  au  pouvoir  des  Anglais,  et  Guillaume  de 
MoQtagu,  comte  de  Salisbury,  occupe  Edimbourg.  Le  comte  de 
Hurray,  Guillaume  de  Douglas,  Robert  de  Vescy,  Simon  Fraser, 
Alexandre  de  Ramsay  se  sont  réfugiés  dans  les  forêts  de  Jed- 
burgh  :  le  centre  d'opérations  de  ces  défenseurs  de  l'Ecosse  est 
le  fort  château  de  Dumbarton  où  le  jeune  David  Bruce  et  U 
reine  sa  femme  ont  fixé  leur  résidence.  Lorsque  les  seigneiu^ 
écossais  apprennent  qu'Edouard  in  se  dispose  à  entrer  en  cam- 
pagne contre  le  roi  de  France ,  ils  chargent  Guillaume  de  Dou- 
glas, le  comte  de  Sutherland  et  Robert  de  Vescy  d'aller  en  com- 
pagnie du  roi  d'Ecosse  négocier  un  traité  d'alliance  avec  Philippe 
de  Valois.  David  Bruce  s'embarque  à  Aberdeen  avec  la  reine  et 

que  rairirée  de  Da'rid  Bruce  en  FVaiica  remonte  ■  1332,  un  voyage  de 
ce  prince  en  Ecosie,  avant  t'ouTeriure  des  hostilité»  entre  la  ÏVance  oi 
l'Ansleterre ,  n'a  rien  que  de  conforme  i  la  rraiiemblance.  Certain! 
dëlaitt  de  la  seconde  et  de  la  troiiiime  rédaclïao ,  notamment  la  ren~ 
contre  dea  Scouais  et  dei  écumeun  normands,  font  inppoier  que  ce 
second  voyage,  s'il  a  existé  réellement,  a  dd  avoir  lien  en  1338- 

l.  Cette  expédition  dut  avoir  lien  en  1335.  An  moU  d'avril  13W, 
Philippe  de  Valois  donna  au  comte  d'Eu  mille  livrea  tonmoit  de  rente 
sur  le  Trésor  à  Pans  «  comme  dès  l'an  de  grâce  mil  CCC  ireni»  ti  «inf 
noai  tuitieni  enUaiU  à  Chattilkeraut  Je  tnvoier  en  Sicece  aotire  ami  et 
féal  eouàiî  U  comte  de  Su,  eonaettaèU  de  France,  en  Cmdt  du  roy  d'Eteoc* 
centre  U  rof  iC EngUterre ;  et  pour  ce  que  nostre  dit  cousin,  qui  lenoit 
en  Engleteire  et  en  Yrknde  certaine  terre  en  Ré  du  roy  d'Engleterre, 
ne  devoit  ne  voloit  sler  encontre  li  sanx  avant  li  renvoier  son  hora- 


at,  par  nostre  volenté  et  ordenance  li  renvoya  de  loi*  l'omniage  de 
te  terre,  laquelle  vmnt  quatre  mille  livres  toninoii  par  annéet  com- 
monet....  a  (Arch.  de  l'Empire,  JJ  7i,  p.  74,  f>  44.) 


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cciïn  GHRONIQTJBS  DE  J.  FROISSAHT. 

les  seigneurs  ci-dessus  nommés.  Pendant  la  traversée,  les  quatre 
navires  qui  portent  le  roi  d'Ecosse  et  sa  suite,  pousses  par  un 
fort  vent  d'est  à  l'embouchure  de  la  Tamise  près  de  Margate, 
tombent  au  milieu  d'une  flotte  de  soixante- quinze  vaisseaux 
montés  par  des  Normauds  et  des  Génois  en  croisière  dans  ces 
parages.  Les  Normands  croient  d'abord  avoir  afiàire  à  des  An- 
glais et  ils  commencent  à  donner  la  chasse  à  ces  quatre  navires  ; 
mais  les  Ecossais  se  font  reconnaître,  et  aussitôt  Hue  Qderet', 
qui  commande  la  CKHsière,  s'empresse  de  les  escorter  jusqu'au 
port  de  Calais.  Une  fois  débarqué,  David  Bruce  passe  à  Thë- 
rouanne,  Arras,  Bapaume,  Péronne  et  arrive  à  Paiis.  P.  429 
à  431. 

Philippe  de  Valois,  qui  vient  de  recevoir  le  défi  d'Edouard  III, 
accueille  avec  joie  le  rtri  d'Ecosse;  il  est  heureux  de  trouver 
dans  les  propositions  d'alliance  qu'on  lui  vient  soumettre  on 
moyen  de  forcer  son  adversaire  à  détourner  contre  un  pays  au- 
tre que  la  France  une  partie  des  forces  de  l'Angleterre.  Aussi, 
b  conclusion  du  traité  ne  se  fait  pas  attendre,  et  Robert  de  Vescy 
retourne  en  porter  la  nouvelle  à  ses  compatriotes.  Aussitôt 
qu'Edouard  IIl  est  informé  de  cette  nouvelle,  il  renvoie  eu  An- 
gleterre l'évlque  de  Durham,  les  seigneurs  de  Lucy  et  de  Mow- 
bray,  et  il  les  charge  d'inviter  le  comte  de  Sahsbury,  les  sei- 
gneurs de  Percy,  de  Nevill,  de  Greystock  et  Edouard  Baillol, 
capitaine  de  Berwiclc,  à  renforcer  toutes  les  garnisons  sur  la 
frontière  d'Ecosse.  P.  431  et  433. 

Troisième  rédaction.  —  Après  la  prise  de  Berwick,  David 
Bruce ,  forcé  de  se  retirer  à  Aberdeen  et  aux  environs  dans  la 
Sauvage  Ecosse,  apprend  que  le  roi  d'Angleterre,  à  l'instigation 
de  Robert  d'Artob,  se  dispose  à  revendiquer  le  trdne  de  France  ; 


1.  Hue  Qnieret,  chevalier  et  conseiller  du  roî,  ion  amiral  en  mer, 
fut  capitaine  de  Douai  da  28  octobre  au  6  décembre  1339  (Bibl.  imp.. 
De  Campi,  portef.  83,  P"  311).  Parmi  le»  chevalière  qui  servirent  »iir 
let  fronti^i  de  Flandre  en  1339  et  1340,  on  voit  figurer  Hue  Quieret 
avec  ua  écuyer  *  venu  de  Rouit.|è»-Fre»neiJionder«  •  [auj.  Frcwnon- 
tiert,  Somme,  bit.  Amieni,  cantoo  Caatj).  Le  34  avril  Vîk^,  Hue 
Quieret,  éanjei,  fili  de  fen  Gurfrard  Quieret,  chevalier,  vendit  aux 
chapelains  de  Notre-Dame  d' Amieni  tout  le  fief  dit  de  Gneraville,  tenn 
de  Gaucher  de  Chttillon,  leigneur  de  la  Ferté  en  Pondiien  et  de 
Harie  de  Tontecourt  sa  femme  et  situe  i  Dotns  (aui.  Doingt-Flami- 
court.  Somme,  arr.  et  canton  Përonne).  Aroh.  de  l'Empire,  JJ  73, 
p.  555. 


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SOHBLURE  DU  PREHIER  LITRE,  $$  68-71.  ocxziii 
et  il  forme  le  projet  de  se  rendre  sur  le  coDtînrait  pour  négocier 
un  traité  d'alliance  avec  Philippe  de  Valois.  Ce  projet  reçoit  l'ap- 
probatiOD  des  Écossais  qui  ont  tonjours  élé  plus  partisans  des 
Français  que  des  Anglais.  Le  roi  d'Ecosse  s'embarque  au  port 
de  Montrose  ai  compagnie  de  la  reine  sa  femme,  de  Guillaume  de 
Doutas,  de  Tingt-six  chevaliers  et  écuyers,  des  dames  et  damoi- 
selles  de  la  suite  de  la  rane  j  il  confie  la  de'fense  du  royaume  en 
son  absence  à  Ardûbald  de  Douglas,  à  Robert  de  Vescy ,  à  Alexandre 
de  Ramsay  et  à  Simm  Fraser.  Les  Écossais  abordent  à  l'Écluse 
où  ils  se  font  passer  pour  des  pèlerins  et  pèlerines  qui  voiU  à 
Saint-Maur  des  Fosses.  De  l'Écluse,  ils  se  rendent  par  eau  à 
Bruges  où  ils  attendent  leurs  chevaux  et  renouvellent  leur  équi- 
page. Us  passent  à  Lille,  à  Arras,  à  Ëclusier*,  à  LihtMis*  en 
Santerre,  àSoye,  àCanny*,  à  Ressoos*  à  &eîl,  et  ils  ne  s'arrêtent 
qu'à  Luzarches'.  Arrivés  là,  Guillaume  de  D(Higlas  et  David  de 
Lindsay  prennent  les  devants  pour  prévenir  le  roi  de  France. 
Phil^^  de  Valois,  qui  tient  alors  sa  cour  à  l'hôtel  du  bois  de 
Viocomes,  envoie  au-devant  du  roi  et  de  la  reine  d'Ecosse  les 
seigneurs  de  Montmorency  et  de  Garencières.  De  Luzarches,  le 
c(»tége  royal  vient  coucher  à  Saint-Denis;  et  l'entrevue  des  deux 
rois  et  des  deux  reines  a  lieu  le  lendemain  au  Bois  avant  la  messe. 
Le  séjour  du  roi  et  de  la  reine  d'Ecosse  en  France  dura  neuf  ans 
pendant  lesquels  ils  habitèrent  la  ville  et  le  château  de  Nemours 
que  Philippe  de  Valois  leiu:  avait  assigné  pour  leur  demeure 
avec  une  r«nte  de  mille  écus  par  mois.  P.  432  à  43S. 


CHAPITRE  XXT. 

1338.  iNinrcTioH  n'ânouAKO  II!  nr  qvarrt  vm  viquu  di 
i.'BWiai  (SSflS,  70,  71). 

Le  roi  d'Angleterre  et  ses  alliés  décident  qa'une  députation  se 
rendra  auprès  de  l'empereur  d'Allemagne  afin  de  solliciter  le  dtre 


1.  ÉcluHer-Vanx,  Somme,  air.  Péronne, 
S.  Lihoni,  Sooime,  air.  Péroi 

3.  Canny^iir-UaU,  Oiae, 

4.  Re*Hiii»4iir-Hatz,  Oiu 

5.  Luzarches,  Seine^t-OUe,  ut.  Pootoise. 


Compîègne,  c.  Lauïgny, 
'.  CompiéenG. 


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â 


ccxxnr  CHRONIQUES  DE  J.  FHOISSA&T. 

de  vicaire  de  l'Empire  en  faveur  d'Edouard  III.  Cette  d^utation 
se  compose  du  comte  de  Gueldre  et  du  marquis  de  Juliers,  qui 
représentent  les  seigneurs  allemands,  de  l'ëvSque  de  Lincoln,  de 
Renaud  de  Cobham  et  de  Richard  de  StaSbrd  qui  s<Mit  déïégaéi 
par  le  roi  d'Angleterre.  Ces  députés'  vont  trouver  l'empereur  à 
Nuremberg*  où  leur  mission,  secondée  par  l' impératrice  Hargue- 
rite  de  Hainaut,  est  couronnée  d'un  plein  succès.  Les  électeurs 
et  les  plus  hauts  barons  de  l'Empire,  tels  que  le  duc  de  Saxe,  les 
marquis  de  Brandebourg,  de  Meissen  et  d'Osterland,  les  arche- 
vêques de  Cologne,  de  Trêves  et  de  Mayence  sont  convoqués  à 
cette  entrevue  solennelle  qui  dure  trois  jours;  le  duc  de  Brabaot, 
convoqué  aussi,  se  fait  excuser  et  remplacer  par  le  seigfoeur  de 
Cuyk*.  Là,  devant  tous  ces  princes  et  seigneurs,  Louis  de  Bavière 
érige  en  marquisat  le  comte  de  Juliers  et  en  duché  le  comté  de 
Gueldre.  En  mSme  temps,  il  fait  Edouard  III  son  vicaire  par  tout 
l'Empire,  il  l'autorise  à  battre  monnaie  en  son  ntun,  et  il  enjoint 
à  tous  ses  sujets  d'obéir  au  vicaire  impérial  comme  à  lui-mSine  ; 
enfin,  il  donne  mission  aux  délégués  tant  anglais  qu'allemands 
de  remettre  de  sa  part  au  roi  d'Angleterre  les  insignes  et  titres 
de  la  Douvelle  dignité  dont  il  l'a  investi.  P.  144,  14S,  424  et 
42S. 

AusdtAt  que  les  habitants  de  Cambrai,  qui  est  chambre  et 
terre  de  l'Empire,  apprennent  qu'Edouard  III  vient  d'Stre  aommé 
vicaire  de  l'empereur,  ils  craignent  que  le  roi  anghds  ne  veuille 
s'emparer  de  leur  ville  pour  en  faire  un  de  ses  avant-postes 
contre  la  France.  Et  comme  ils  sont  et  veulent  rester  boas  Fran- 
çais, ils  chargent  leur  évëque  Guillaume  d'Auxonne,  excellait  pa- 
triote, originaire  du  Berry  et  de  la  Sologne,  d'implorer  pour  eux. 
au  cas  où  ils  seraient  attaqués,  l'appui  du  roi  de  France.   Phi- 


1.  D'aprèi  l'abrégé  de  1477  ou  ms.  B  6,  l'fntrevue  eut  lieu  i  Co- 
bUnt,  non  entre  dei  d^lëauéi  du  roi  d'Angleterre,  mail  entre  U  roi 
iAngUttrre  lui-tnimt  tt  Femperear  ^Allemagne.  Cette  Tenion  est  U 
■eule  qui  loit  de  tout  point  conronne  k  la  vëritt:  historique. 

2-  D'aprèi  la  première  et  >uui  d'âpre  la  troiiième  ^daction,  l'en- 
trevue le  tint  à  Floreberg;  mais  Kloreberg  Ou  Florenberg  «emble  pro- 
Tenir  de  quelque  m<!pri»e  de  copiste  et  probablement  d'une  mauraiae 

3.  Otton,  Bire  de  Cuyk,  fib  de  Jean,  marié  à  Jeanne  dame  de 
Heïerlë,  nui»  en  1333  à  Jeanne  de  Flandre,  fiUe  do  lire  de  Tenre- 
monde.  Otton  mourut  uns  enfanta  peu  après  1350.  Cnyk  iait  aujour- 
d'hui partie  de  la  Hollande. 


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SOHBUHtE  DU  PREHIEa  I.IVRE,  §§  68-71.  ccsxt 
lippe  de  Valois  promet  de  venir  à  leor  secours,  et  l'on  verra  qu'il 
tint  sa  promesse*.  P.  4Ï!7  et  428. 

Rendes-vous  est  pris  pour  entendre  la  réponse  de  l'empereur 
Louis  de  Bavière.  Quoique  les  seigneurs  d'Allemagne  aient  dési- 
gne Utrecht  comme  plus  à  leur  convenance ,  ce  rendez-vous  a 
lieu,  sur  l'insistance  du  duc  de  Brabant,  à  Herck'  dans  le  comté 
de  Looz  le  jour  de  la  Saint-Hartin  d'hiver  (11  novembre).  La 
cérémonie  se  tient  dans  la  grande  vieille  halle  de  la  ville,  magni- 
fiquement décorée  pour  la  circonstance.  Edouard  III  siège ,  la 
GOurooDe  en  tête,  sur  un  ëtal  de  boucher  transformé  en  trdne. 
Là,  devant  un  immense  concours  de  seigneurs  et  de  pétale,  il 
est  donné  lecture  des  lettres  qui  instituent  le  roi  d'Angleterre  vi- 
caire de  l'Empire  et  qui  l'investissent  de  toutes  les  prérogatives 
afiïrentes  à  cette  haute  dignité.  Edouard  III  et  ses  alliés  se  sé- 
parent en  s' ajournant  à  trois  semaines  après  la  Saint-Jean  pour 
aller  mettre  le  siège  devant  Cambrai  qui  doit  relever  de  l'Em- 
pire. P.  1^9,  ISO,  439  et  436. 

Le  roi  d'Angleterre,  de  retour  au  château  de  Louvatn,  re- 
quiert â  titre  de  vicaire  de  l'Empire  et  se  fait  promettre  le  libre 
passage  pour  lui  et  pour  ses  gens  â  travers  le  comté  de  Hainaut  ; 
puis,  il  mande  à  la  reîce  sa  femme,  restée  en  An^eterre,  de 
passer  la  mer  et  de  le  venir  rejoindre.  Philippe  s'embarque  au 
palais  de  Westminster,  aborde  à  Anvers  et  fait  son  entrée  à  Lou- 
vain  avec  une  escorte  de  plus  de  deux  mille  hommes.  Le  roi  et 
la  reine  tiennent  leur  cour  pendant  tout  l'hiver  dans  le  chSteau 
du  duc  de  Brabant  avec  beaucoup  de  magnificence.  Ce  séjour  est 
très-onéreux  pour  les  finances  d'Edouard  III  qui  entretient  en  outre 
il  ses  frais  sur  le  continent  plus  de  deux  mille  chevaUersouécuyers 
et  environ  huit  mille  archers.  Il  faut  solder  tous  les  mc»s  les 
gages  de  ces  gens  d'armes,  sans  compter  les  cadeaux  destinés  à 
gagner  l'amitié  des  seigneurs  allemands  qui  ne  font  rien,  ni  pour 
parenté  ni  autrement,  si  on  ne  les  paye  d'avance  à  beaux  deniers 


1.  Un  rouble  traité  d'ailliiinoe  fut  conclu  en  novembre  1339  entre 
Philippe  de  Valois  et  la  cité  de  Cambra!.  Entre  autrei  prÎTil^^e*  qui 
furent  accordét  aax  habitants  de  ia  dite  ville,  le  roi  de  Frûice  pnt  l'en- 
gagement d'entretenir  i  lei  frais  300  hommes  d'armes  et  300  arbal^ 
trier*  pour  défendre  Camhrai  contre  tons,  excepta  contre  l'empereur  de 
Borne,  roi  d'Allemagne.  (Arch.  de  l'Empire,  JJ  73,  p.  344,  f°  191-} 

a.  Tro'uiimt  rédaction  ;  Herck  en  Hesbaing  {pays  ue  Lï^ge).  —  C'eit 
■njourd'htii  Herck^ViUe,  prov.  de  Limbourg,  a  13  k..  de  Huielt. 


q,t,7edbyG00»^lc 


OGxm  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT. 

comptants.  Pendant  ce  temps,  le  duc  de  Brabant  continue  de  re- 
nouveler ses  protestadoDS  de  dévouement  au  roi  de  France  par 
l'intermédiaire  de  [Léon]  de  Cralnhem' délégué  à  cet  effet  auprès 
de  Philippe  de  Valois.  E^  lorsque  bientôt  après  les  actes  viennent 
donner  un  démenti  à  ces  protesUtions ,  l'bcHmftte  et  loyal  repré- 
sentant  du  duc,  honteux  d'avoir  été  l'intermédiaire  d'aussi  impu- 
dents menstHiges,  en  meurt  de  douleur.  P.  ISl,  43S  à  439. 

Manuscrit  de  f^alenciames.  —  Le  samedi  avant  la  Nativité 
(S  septembre),  Louis  de  Bavière,  empereur  de  Borne,  est  assis  à 
Coblenz  en  siège  impérial  sur  une  estrade  de  douze  pieds  de 
haut;  il  est  vêtu  d'une  étoffe  de  soie  de  couleurs  variées  recou- 
verte d'une  dalmatique  avec  fanon  (manipule]  au  bras  et  étole 
croisée  par  devant  à  la  manière  des  prêtres,  le  tout  blasonné  aux 
armes  de  l'Empire  ;  il  a  les  pieds  chaussés  de  soie  comme  le  reste 
du  corps,  et  la  tète  coiffée  d'une  mitre  ronde  qui  supporte  une 
magnifique  couronne  d'or  ;  il  a  les  mains  gantées  de  soie  blanche 
et  aux  doigts  des  anneaux  du  plus  grand  prix.  Il  tient  de  la  main 
droite  un  globe  d'or  surmonté  d'une  croix  vermeille,  et  de  l'autre 
main  le  sceptre.  A  la  droite  de  Loois  de  Bavière,  le  marquis  de 
Meissen  a  la  garde  du  globe  d'or.  Tout  à  cdté  de  l'empereur 
siège  le  roi  d'Angleterre  vêtu  d'une  étoffe  vermeille  d'écarlate 
avec  un  château  en  broderie  sur  la  poitrine.  A  la  gauche  des 
empereurs,  le  marquis  de  Juliers  est  le  dépositaire  du  sceptre. 
Les  électeurs  sont  deux  degrés  plus  bas;  et  le  seigneur  de  Cuyk, 
représentant  du  duc  de  Brabant,  qui  tient  en  main  une  épée  nue, 
a  la  préséance  sur  eux  tous.  Après  avoir  Tait  renouveler  et  con- 
firmer par  les  électeurs  les  statuts  fondamentaux  de  l'Empire, 
Louis  de  Bavière  déclare  qu'il  contracte  alliance,  ainsi  que  plu- 
sieurs prélats  et  barons  d'Allemagne,  avec  Edouard  III  là  présent, 
et  qu'il  institue  le  roi  d'Angleterre  son  vicaire  par  tout  l'Empire 
et  en  toutes  choses.  P.  ktS  à  427. 

1.  JMg^  Jt  U77  ounu.BS:  Louis  de  Grauchon. 


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SOHUAIAE  OU  PREMIER  UVRE,  §§  72-74.    ccuru 


CHAPITRE  XXYl. 

1337  à  1339.  cKOtnius  kt  incduioits  du  nobiuvds  iuk  u>  cAns 
d'ikclitoub;  uc  dk  aoimuii'roH,  fi^uatifs  sx  squhx  dd 
un  DB  VKÀitoB,  «JK  •maa  ir  sm  mbk  (§§  72,  74.) 

1337  à  1339.  Philippe  de  Valois  arme  en  course  et  entretient 
SUT  mer  une  flotte  composée  de  Normands,  de  Bretmts,  de  Pi- 
cards, de  Génois  et  de  Biscayens  sous  les  ordres  de  Charles  Gri- 
maldi,  amiral  de  France,  de  Hue  Quieret,  de  [Nicolas]  Behucbet' 
et  de  Barbavera  *.  Ces  écumeurs,  au  nombre  de  vingt  ou  trente 
mille,  ont  leurs  principaux  quartiers  depuis  Dieppe  jusqu'à  Har- 
Beur,  et  c'est  de  là  qu'ils  partent  pour  donner  la  chasse  aux  An- 
glais et  anx  Flamands  ;  ils  infestent  sortont  les  parages  de  Dou- 
vres, de  Winchelsea,  de  Mainte  et  eu  général  les  ports  qui 
avoisinent  l'embouchure  de  la  Tamise.  P.  1S3. 

1337.  Hue  Quieret  et  ses  Normands  surprennent  un  dimanche 
matin  vers  la  Nativité  (8  septemluv)  le  port  de  Southarapton  à 
l'heure  où  les  habitants  sont  à  la  messe  ;  les  écumenrs  français 
se  rendent  maîtres  de  la  ville  sans  coup  férir  et  l'occupent  tout 
un  jour  ;  ils  massacrent  grand  nombre  de  bourgecàs ,  violent  les 
femmes,  les  jeunes  filles  et  ne  reprennent  la  mer  qu'après  avoir 
chargé  leurs  navires  de  l'immense  butin  qu'ils  ont  pu  ramasser 
dans  cette  dté,  alors  pleine  de  richesses.  Pendant  qu'ils  pillent 
ainsi  la  ville,  ils  envoient  quelques-uns  des  leurs  mettre  le  feu 
anx  hameaux  des  envircHis.  Ce  coup  de  main  jette  l'épouvante 
dans  tout  le  pays,  et  les  nouvelles  en  viennent  à  ffînchester,  à 
SalidHU7,  à  Gmidford  et  jusqu'à  Londres.  Les  milices  de  ces 


1.  NicoIm  Bebnchet  ou  Beachel,  d'oririne  normande,  ^tait  chevalier, 
n^torier  et  conseiller  du  roi  (Arch.  de  l'Empire,  JJ  74,  p. 154)-' 

2.  Pîetro  Bubavera,  cpialifié  i  lergent  d'armei  *  était  de  Gtees.  Le 
19  décembre  1337,  Philippe  de  Valoii  fit  don  «  a  «>n  bien  amé  et 
féal  lergent  d'armei  Pierre  dit  Berttevaire  •  de  100  livre*  toamoii  i, 
prendre  inr  lei  émolumenti  de  U  préràté  de  la  Rochelle.  Une  leconde 
donation  de  100  antres  lîvrei  tournois  de  rente  fut  fiiite  le  13  janvier 
1341  an  dit  Ptetro  Barbavera ,  à  la  conditioD  de  i  faire  venir  de*  partie* 
de  Jane  (GAiei)  en  nostre  dit  royaume  la  famé  et  *e*  en^z  pour  y 
conTCTser  d'ore*  en  avant  et  faire  lenr  perpétuel  résidence.  >  (Areh.  de 
l'Empire,  JJ  74,  p.  233-) 


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CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÀHT. 

villes  accourent  à  cheval  au  secours  de  Soutfaampton  ;  mais  quand 
elles  arrivent,  les  Français  sont  déjà  partis.  P.  1S3,  1S8  et  à 
l'addenda  les  var.  des  p.  1S3  et  1S8. 

1339.  Le  roi  de  France  apprend  que  l'intention  du  roi  d'An- 
gleterre est  de  venir  mettre  le  siëge  devant  Cambrai.  11  envoie 
aussitôt  dans  cette  ville  une  garnison  de  deux  cents  hommes  d'ar- 
mes, tant  de  France  que  de  Savoie,  sous  les  ordres  de  Louis  de 
Savoie,  d'Etienne  dit  le  Galois  de  la  Baume,  d'Ame  de  Genève, 
de  Miles  de  Noyers,  de  Loois  de  Chaton ,  de  Jean  de  Grosley, 
des  seigneurs  de  Beaujeu',  de  Saint- Venant *,  de  Baxentin',  d'Au- 
bigny',  de  Roye',  de  Vinaj ,  de  Fosseux*,  de  Beaussault,  de 
Coucy^  et  de  NeuchAtel*.  Ces  seigneurs  approvisionnent  Cambrai 
de  vivres  et  de  fourrages  et  font  enterrer  trois  des  portes  de  la 
ville.  Philippe  de  Valois  envoie  en  outre  au  Cateau-Cambresis 
Thibaud  de  Moreuil,  le  maréchal  de  Mirepoix'  et  le  seigneur  de 
Haineval'*;  il  pourvoit  à  ta  défense  de  Bohain",  de  la  Halmai- 
son**,  deCrèvecœur",  d'Arleux"  et  en  général  de  toutes  les  fron- 
tières d'Artois,  de  Camhrésis  et  de  Vermandois.  Par  l'ordre  du 
ir  de  Goucy,  le  seigneur  de  Qary  **  va  avec  quarante  lances 


1.  Edouard  de  Beanjeu. 

3.  Robert  de  WaTrin,  lire  de  Saint-Venant,  Robert  de  Wavria,  sire 
de  la  liile  de  Saint-Venant,  dievalier  baiineret ,  lervîi  lur  lei  frootiire* 
de  Flandre  du  30  octobre  1839  au  S7  septembre  1340  avec  1  bachelier 
«tlàOécajen.  (Bibl.  imp.,I>e  Camp*,  portef.  83,  i^314v«.] 

3.  Renaud  de  Bazentin  ^Uit  venn  avec  11  ëcujen  de  VimpreiAeir 
Noyon  (Oiie,  arr.  Compî^oe,  c.  Ribecoun).  De  Camp*,  portef.  83. 
P>338t". 

k.  Beruard  d'Aubigny .  —  5,  Jean  de  Hoje. 

6-  Jean  de  Fowem,  bumeret,  servit  en  Flandre  et  en  Hainant  de 
1337  à  1389  avec  3  chevaliera  et  35  durera.  (De  Camps,  poitef.  63, 

7-  Enguerrand,  lire  de  Coucy,  baimeret,  «erTit  sur  lei  frontières  de 
Flandre  et  de  Hainant  à  partir  du  3  mai*  1339  arec  1  autre  cbenUer 
banneret,  S  bachelien  et  écDjrert.  (De  Camps,  portef.  83,  P'  333  t*.} 

8.  Louii  de  Neufcltâtel. 

9.  Jean  de  Lërii,  maréchal  de  Hirepoîx.  —  10-  Raotd  de  Rainerai. 
11.  Aime,  arr,  Saint-<}aendD,  ch,-l.  de  c. 

19,  Ce  eliâteau  simé  dan*  la  commune  d'On,  arr.  de  Cambrai,  ap- 
partenait aux  érâques  de  cette  ville  et  fiit  démoli  lous  IMpiicopat  de 
Jean  de  Len*  en  U38. 

13.  Nord;  arr.  Cambrai,  cant,  Harcoins. 

lit.  Nord,  arr.  Douai,  ch,-l.  de  c. 

iîi.  Robert,  lire  de  Clari,  «errit  avec  3  A:uyera  à  Douai  soui  Hue 
Quicret  et  1339.  (De  Camps,  portef.  83,  f^  311  v"). 


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SOMMAIRE  on  PREMIER  LIVRE,  SS  ^i•^3'  ccuiz 
ie  bûos  compagnons  occiqier  Oùy  en  CambHsis.  En  mSme  temps, 
Philippe  convoque  tous  ses  gens  d'armes  à  GmnpiègDe,  k  Péronne, 
ji  Biqtaame  et  k  Arras.  Avis  est  aussi  donn^  de  l'ouverture  des 
hostilités  à  Jean,  roi  de  Bohême,  à  Raoul,  duc  de  LorraÎDe,  à 
Henri  IV,  crante  de  Bar,  à  Adbémar  de  HooteU,  évêque  de  Metz, 
k  Adolphe  de  la  Harck,  dvêque  de  Liège  ;  et  ces  princes  s'empres- 
sent d'assurer  le  roi  de  France  de  leur  fidélîtë.  Le  jeune  crante 
de  Haïnaut,  prévenu  comme  les  précédents,  fait  réponse  à  Phi- 
lippe de  Valois  son  oncle  que .  vassal  de  l'empire  d'Allemagne 
pour  une  partie  de  sa  terre,  il  ne  pent  refuser  de  marcher  avec 
Edouard  III,  vicaire  de  l'empereur,  autant  du  moins  que  celui-ci 
se  tiendra  dans  les  limites  du  territoire  de  l'Empire  ;  mais  Guil- 
laume II  proteste  qu'au  delA  de  ces  limites,  il  est  prêt  à  servir 
le  roi  de  France  contre  tout  bomme.  P.  157,  kkl,  448  et  452. 


CHAPITRE  XXVn. 

1339.  DicumATiON  di  goube  bt  oiivkrtuh  du  HOSTiuris  eiitu 

LA  nuUIGB  KT  l'iNOLETEUE  :  ASSEHBLAes  DB  VII.V01DB  ET  DB  lU- 
UNBS  ;  CHBVADCBiB  DB  âADTIEB  DB  HlmiT  XS  CÂKUtSll  ET  PlLlSI 
DB  TKnif-L' ÈTtQVK  fÀB  LES  ARGLAIS  (§§  72  et   73). 

L'hiver  se  passe  en  préparatifs  de  guerre,  tant  du  cdté  des 
Anglais  que  du  cAté  des  Français.  Après  la  Saint-Jean  (24  juin), 
Edouard  III  quitte  le  chiteau  de  Louvam  et  vient  à  Vilvorde 
près  de  Bruxelles  où  il  a  donné  rendez-vous  à  ses  gens  ainsi 
qu'au  duc  de  Brabant  et  à  ses  alliés  d'Allemagne.  L'année  an- 
glaise, composée  de  six  cents  armures  de  fer  et  de  huit  ou  dix 
mille  archers,  tons  gens  d'élite,  reste  campée  dans  les  belles 
prairies  qui  s'étendent  entre  Vilvorde  et  Bruxelles,  depuis  la 
Madeleine  (22  juillet)  jusqu'à  la  Nativité  (S  s^tembre).  Le  roi 
d'Angleterre,  fatigué  d'attendre  en  vain  l'arrivée  des  seigneurs 
d'Allemagne,  les  convoque  à  une  entrevue  qui  doit  se  tenir  à 
Matines  *  le  jour  de  saint  Gilles  (1"  septembre) .  Le  duc  de  Goel- 

1.  D'après  Vatrégé  de  lii77,  l'eiUreTue  définitive  d'Edouard  III  et 
de*  seigneur*  d'AUeoitgne  se  tint  k  Anvers.  P.  kV&-  D'aprèi  U  TniiUm* 
r/iaetioK,  cette  entrevue  ent  lien  d'abord  à  Vilvorde  mime,  pui*  â 
Blaline*.  P.  «40  et  448. 


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CGXxx  CHRONIQUES  DE  J.  FEOISSART. 

dre,  les  marquis  de  Joliers,  de  Heersen  et  d'OtterUnd',  de  Braa- 
debourg,  Jean  de  Hainaut,  les  comtes  d«  Berg,  de  Salm  et  de 
Looz,  le  seigneur  de  Fauquemont,  Amoul  de  Blankeahràu*  et  soo 
frère  Valerand  de  Juliers,  archevêque  de  Cologne  et  plusieurs 
chevaliers,  francs  rustres  d'Allemagne,  se  rendent  à  cette  entre- 
vue. Tous  ces  seigneurs  s'accordent  à  dëfier  le  roi  de  France  de 
concert  avec  Edouard  III.  Le  duc  de  Brabant  seul  refuse  de  Mre 
ccMnme  les  autres;  il  dit  qu'il  se  réserve  de  dëfier  le  roi  de 
France  isolement,  lorsque  le  roi  anglais  et  ses  allies  auront  nus 
le  siëge  devant  Cambrai.  L'^vèque  de  Uncoln  reçnt  la  mission 
de  remettre  les  lettres  de  dëfi  à  Philippe  de  Valois.  Cet  ëvSque, 
apr^s  avoir  attendu  à  Valendennes  le  retour  du  béraut  chai^ 
de  lui  apporter  un  sauf-conduit,  se  rend  à  Paris  en  passant  par 
le  Cateau-Cambrésb,  Saint-Quentin,  Ham,  Noyon,  et  il  va  loger 
au  CfaSteatt-F^tu'  dans  ia  rue  du  Tiroir,  derrière  les  InuocenU; 
il  est  reçu  en  audience  par  Hiilippe  de  Valois  qui  habite  alors 
l'hdtel  de  Nesle  outre  Seine.  L'envoyé  du  roi  d'Angleterre  com- 
mence par  rendre  an  nom  de  son  mahre  l'hinumage  tout  ender, 
tant  pour  le  comté  de  Ponthieu  que  pour  certaines  terres  de 
Guyenne  comprises  entre  Dordogne  et  Ginmde,  car  le  reste  des 
possessions  anglaises  sur  le  coutiaent  n'est  point  assujetti  à  l'hom- 
mage; puis  il  remet  au  roi  de  France  les  lettres  de  défi  dont  il 
est  porteur.  P.  152  k  1S4,  439  à  444. 

Ces  lettres  de  défi  sont  à  peine  remises  que  Gautier  de  Mauny 
inaugure  la  guerre  contre  la  France  par  deux  beaux  faits  d'ar- 
mes. Ce  chevalier  a  fait  voeu  naguère  en  Angleterre,  en  présence 
de  dames  et  seigneurs,  d'être  le  premier  qui  entrera  en  France 
et  y  prendra  château  ou  place  forte.  Jaloux  d'accomplir  ce  vœu, 
Gautier  quitte  Vitvorde*,  se  met  à  la  tête  d'environ  soixante 
bons  compagnons  et  chevauche  tant,  de  nuit  comme  de  jom-, 
qu'il  parvient  en  Hainaut;  il  traverse  les  bois  de  Blaton',  de 

1.  Partie  orienUle  de  la  Hollande. 

5.  Blankenheim  on  Blankenham  ikit  aBJooid'hni  partie  de  k  Hol- 
lande, aiT.  Zwolle,  c.  VoUenhoTe, 

3.  Voyei  lur  le  Chiteau-Pétu  et  la  me  du  Tiroir,  Bitaé*  dam  le  TOJ- 
ûnage  de  la  rue  Saint-Honorë  et  de  la  rue  de  l'Arbre-Sec,  la  Topogra' 
phU  h'utorijue  da  t'ieax  Paru,  pu  Berty,  t.  I,  p.  4B  à  &1. 

4-  Jirigi  d*  1477  :  Gand.  Secoadt  ritUctioit  :  Anvers.  —  Troi- 

tième  rJdaelum  :  VilTorde.  Hoiu  adoptom  cette  dernière  verrion  comme 
la  plus  Traitemblable. 

6.  Uaton,  Belgique,  prov.  de  Hainaut,  A  S6  k.  de  Tontnay. 


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SOHBLUHE  DU  PREMIER  LIVRE,  $S  ''l-'^S.    ccxzzi 

Brifioniil*  et  de  Wiers',  et  il  arrive,  tm  peu  avaot  le  lever  du 
soleU,  devant  Mortagite  '  sur  Escaut,  à  quatre  lieues  de  Toniv 
uay.  Quatre  de  ses  hoouues,  habillés  en  paysannes  avec 
grands  paniers  plats  recouverts  de  nappes  Uancbes  comme  pour 
aller  au  marché  vendre  du  beurre  ou  du  fromage,  pénètrent 
dans  la  ville  à  la  faveur  de  ce  déguisement  i  ils  se  saisis- 
sent du  portier  et  ouvrent  la  porte  toute  grande  à  leurs  com- 
pagnons. Gautier  de  Hauny  s'élance,  enseignes  déployées,  k 
Tassant  du  donjon  ;  mais  il  trouve  le  guichet  fermé  et  toutes  les 
entrées  bien  gardées,  car  la  sentinelle  a  déjà  donné  l'éveil.  Ce 
que  voyant,  il  prend  le  parti  de  se  retirer,  non  sans  avoir  mis 
b  feu  à  im  certain  nombre  de  maisons  de  Mortagne.  Il  revient 
sur  ses  pas  jusqu'à  Condé'  où  il  passe  l'Escaut  et  la  Hayne,  et, 
laissant  Valenciennes  à  sa  gauche,  il  vient  dtner  à  Denaïa*  dont 
l'abbesse  est  sa  cousine.  Après  avoir  passé  une  seconde  f<HS 
l'Escaut  à  Bouchain,  au  confluent  de  ce  fleuve  avec  la  rivière  de 
la  Sensée,  il  surprend  de  grand  matin  la  garnison  de  Thon- 
l'ÉvËqne',  fort  château  situé  sur  la  rive  gauche  de  l'Escaut  et 
relevant  de  l'évèché  de  Cambrai.  U  arrive  devant  cette  place 
juste  au  moment  où  les  valets  du  château  mènent  les  bestiaux 
pattre  dans  les  prés  d'alentour.  La  forteresse  n'est  pas  d'ailleurs 
pourvue  d'une  garnison  suffisante,  car  le  pays  ne  croit  pas  fitre 
en  guerre  :  le  châtelain  est  fait  prisonnier  dans  son  lit.  Gautier 
de  Mauny  met  bonne  garnison  dans  Thun-l'évèque  sous  les  or- 
dres de  son  frère  Gilles  surnommé  Grignart.  Cette  garnison 
causa  dans  la  suite  beaucoiqi  d'ennuis  aux  hatutants  de  Cambrai, 
car  elle  faisait  trrns  ou  quatre  fois  par  semaine  des  incursions 
jusques  sous  les  murs  de  cette  ville,  àtuée  à  une  lieue  seule- 
ment de  Tbun-TÉvèque.  Après  cet  exploit  dont  l'évèque  de  Cam- 


1.  BriFTimiil,  Belgique,  dép.  de  Watmes-Audemes,  pror.  de  Hainanl, 
à  17  k.  de  Toumay. 
3.  Wien,  Belgique,  prov.  de  Hainaut.  à  17  k.  de  Tonmaf . 

3.  Mortasue,  Nord,  air,  Valenciennei,  c.  St-Amand. 

4.  Condé,  Nord,  an-.  Valenciennes. 

5.  Denain,  Nord,  arr.  Valenciennea,  c.  Bonchain,  antrefoii  liége 
d'un  chapitre  noble  de  cbanoineHei,  fondé  en  7B4.  D'aprèt  la  TreUiim* 
rijaciiou,  G.  de  Maimr  dine  à  l'abbaye  de  Vicogne  (dëp.  de  RjiiunM, 
c.  Si-Amand),  et,  après  avoir  Iravera^  de  nuit  lei  bois  de  Walter»,  il 
entre  en  Oatrevant  et  paue  la  Senije  entre  Douai  et  Cambrai.  P.  kW 
et  447. 

6.  Thim-l'ETêqne,  Nord,  arr.  et  c.  Cambrai. 


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ccxxxii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

brai  se  plaint  amèrement  an  roi  de  France,  levaîuquenr  retourne 
en  Brabant  où  il  reçoit  les  fi^citationa  du  roi  d'An^eterre. 
P.  lS4à  1S6,  hUà447. 


CHAPITHE  XXVin. 

1339.  snbiB  dk  umbui  rAB  <dodabd  ui  et  sis  iiuém 

(SS  «  1  ")■ 

Edouard  III,  dont  tes  forces  réunies  à  celtes  de  ses  atliës  s'élè- 
vent à  vingt  mille  hommes,  quitte  Matines  '  et  vient  à  Bnixelles 
parler  au  duc  de  Brabant.  Le  roi  anglais  et  les  seigneurs  alle- 
mands entrent  seuls  dans  la  ville  ;  l'armée  reste  campée  hors  des 
murs.  Sommé  une  dernière  fois  par  les  confédérés,  le  duc  de 
Brabant  promet  de  les  rejoindre  devant  Cambrai  à  la  tète  de 
douze  cents  heaumes  et  de  vingt  mille  hommes  des  villes  de  scm 
duché.  De  Bruxelles,  Edouard  III  va  coucher  à  Nivelles  ;  puis 
il  se  rend  à  ttfons  où  It  passe  deux  jours  en  compagnie  du  jeune 
comte  et  de  Jean  de  Hainaut.  On  est  au  mois  de  septemljre,  et 
l'on  a  partout  fait  la  moisson.  L'armée  anglo-allemande  se  répand 
dans  les  villages  de  ta  marche  de  Valencieones  où  elle  trouve 
vivres  en  abondance.  Les  Anglais  consentent  à  payer  ce  qu'ils 
prennent;  quant  aux  Allemands,  ils  ont  l'habitude  d'être,  i 
moins  qu'on  ne  leur  force  la  main,  d'assez  mauvais  payeurs. 
P.  1S8,  1»9.  kkS  et  U9. 

Après  avoir  couché  la  veille  et  dîné  au  prieuré  de  Saint-Saulve, 
à  une  demi-lieue  de  Valenciennes,  Edouard  III  fait  son  entrée 
dans  cette  ville  par  la  porte  Montoise  au  milieu  d'un  imposant 
cortège  de  seigneurs  anglais  et  allemands,  tandis  que  son  armée 
prend  le  chemin  d'Haspres  et  va  camper  sur  les  bords  de  ta 
rivière  d'Escaillon.  Le  comte  Guillaume,  escorté  de  son  oncle, 
des  seigneurs  d'Enghien,  de  FagnoUes,  de  Verchain  et  de  Havre, 
conduit  par  la  main  le  roi  anglais  jusqu'à  l'hAtel  ^»pelé  la  Salle, 
décoré  !pour  la  circonstance  avec  une  magnificence  vraiment 
royale.  Au  moment  où  le  cortège  monte  les  degrés  du  perron  de 
cet  hfitel,  l'évêque  de  lincoln  somme  à  haute  voix  et  par  trois 
fob,  au  jtam  de  son  maître,  Guillaume  d'Auzonne,  évëque  de 

rJdaciioH.  Vilyorde. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $$  75-77.  ccxxiiit 
Cambrai,  d'ouvrir  les  portes  de  cette  ville  impériale  aa  roî 
d'Angleterre,  vicaire  de  l'empereur,  sous  peine  de  forfaiture*.  Le 
comte  de  Haioaut,  sommé  à  son  tour  et  avec  le  même  cérémo- 
nial, r^pcmd  qu'il  est  tout  prêt  à  faire  son  devoir  de  vassal  de 
l'Empire,  et  que  dans  trois  jours  il  aura  rejoint  son  beau-frère 
i  la  tête  de  cinq  cents  lances.  Après  un  souper  somptueux, 
Edouard  III  passe  la  nuit  dans  l'hâtel  de  la  Salle  réservé  ezcto- 
sivement  pour  son  usage  par  le  comte  et  la  comtesse  de  Hainaut 
installés  à  t'hâtel  de  Hollande.  Le  lendemain,  le  comte  Guillaume 
fait  la  conduite  an  roi  anglais  jusqu'à  Haspres;  et  les  deux 
beaux-frères  rendent  visite  sur  le  chemin  à  Jeanne  de  Valois, 
douairière  de  Hainaut,  leur  mère  et  belle-mère,  qui  habite 
l'abbaye  de  Fontenelles.  D'Haspres  où  il  reste  deux  jours, 
Edouard  HI  vient  camper  avec  son  armée  à  Naves*,  à  Iwuy  et 
à  Cagnoncles,  et  il  met  le  siège  devant  Cambrai.  P.  160  et  16], 
4S0  à  kSÎ. 

Le  second  jour  du  siège,  le  comte  de  Hainaut  et  Jean  de  Hai- 
naut son  oncle,  à  la  tète  de  dnq  cents  lances,  rejoignent  les  as- 
siégeants ;  et  quatre  jours  après  l'arrivée  de  ce  renfort,  le  duc 
de  Brabant  se  rend  à  son  tour  devant  Cambrai  avec  neuf  cents 
lances,  sans  compter  les  autres  armures  de  fer;  il  va  occuper, 
du  cdté  de  l'Ostrevant,  la  rive  gauche  de  l'Escaut  sur  lequel  tes 
assiégeants  jettent  un  pont  pour  assurer  les  communications  entre 
leurs  différents  corps  d'armée.  Les  coureurs  anglais  et  alle- 
mands portent  tous  les  jours  le  ravage  dans  le  Cambrésis,  et 
ils  poussent  leurs  incursions  jusqu'à  Bapaume  ;  mais  les  habitants 
du  pays,  qui  ont  été  prévenus  à  temps,  ont  eu  soin  de  mettre 
leurs  biens  en  sûreté  dans  les  forteresses,  et  ils  ont  chassé  de- 
vant eux  leur  bétail  jusqu'en  Artois  et  en  Vermandois.  Jean  de 
Hainaut,  Gautier  de  Mann}',  le  seigneur  de  Fauquemont  et  quel- 
ques chevaliers  de  Gueldre  et  de  Juliers  ont  coutume  de  faire 
ensemble  leurs  chevauchées.  Un  jour  ces  seigneurs,  à  la  tète  de 


1 .  Gaillanmc  d'Aoxoiuie  répandit  à  cette  aomixiBtîon  en  lançant  l'in- 
terdit contre  le  comte  de  Hainaut.  An  mois  d'octobre  1339,  appel  fut 
fait  au  Saînt-Âi^ge  par  Guillanme,  comte  de  Hainant,  de  l'interdit 
lanc^  contre  lui  par  Guillaume  d'Auxoiuie,  évêqne  de  Cambrai,  à  la 
Miite  de  l'entra  à  main  arm^e  du  comte  en  Cambràîi.  (Arch.  du  Nord, 
4*  cartulaire  de  Hainaut,  p.  SO.) 

3.  NaTet,  Ittuj  et  Cagnoncles  sont  dei  communes  limitroplies  lî- 
tuèes  dans  le  dép.  du  Nord,  bit.  et  o.  de  Cambrai. 


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wuzrr  CHRONIQUES  DB  S.  FROISSART. 

cinq  cents  lances  et  de  mille  antres  combattants,  vont  livrer  un 
assaut  terrible  an  chSteau  d'Oîsy  *  en  CambHsis  ;  mais  ce  chitean 
est  si  bien  défendu  par  la  garnison,  placée  sous  les  ordres  du 
seigneur  de  Coucy,  que  les  assaillants  sont  repoussés  après  avoir 
perdu  beaucoup  de  monde.  P.  161  et  161,  kHi  i  4S4. 

Un  samedi  matin,  le  valeureux  Guillaume  de  Rainant  met  pied 
à  terre  et  vient  avec  ses  gens  assaillir  la  porte  de  Saint-Quentin. 
Le  comte  est  suivi  de  ses  maréchaux  Erard  de  Verchain  et  Henri 
d'Antomg  ainsi  que  des  seigneurs  de  Ligne,  de  Gommegnies,  de 
Brifiœuil,  de  la  Hamaide,  de  Mastaing,  de  Boisin,  de  Berlaimont 
et  de  Henri  d'HouBalize.  La  porte  est  défendue  par  des  gens 
d'armes  de  Savoie  sous  les  ordres  d'Ame  de  Genève  et  du  Galois 
de  la  Baume.  L'attaque  de  cette  porte  est  signalée  par  un  com- 
bat singulier  qui  se  livre  en  dedans  des  barrières  entre  Jean 
Chandos,  alors  écuyer,  et  un  vaillant  écuyer  nommé  Jean  de 
Saint-Dizier  *.  Après  une  lutte  acharnée,  Jean  de  Bainaut  reste 
mattre  de  l'espace  compris  entre  la  porte  de  Saint-Quentin  et 
les  barrières.  Pendant  ce  temps,  le  duc  de  Gueldre.  le  marquis 
de  Juliers ,  les  seigneurs  d'Ënghieu  et  de  Blaokenheim  livrent 
un  assaut  non  moins  terrible  à  une  autre  porte,  appelée  la  porte 
Robert,  défendue  par  Louis  de  Châlon  et  le  seigneur  de  Vinaj, 
tandis  que  Jean  de  Hainaut,  Thierry  de  Walcourt  et  le  seigneur 
de  Fauquemont  s'efforcent  d'enlever  la  porte  de  Donai  confiée  à  la 
garde  de  Thibaud  de  Moreuil  et  du  seigneur  de  Roje.  Le  comte 
Raoul  d'Eu  amène  fort  à  propos  un  renfort  de  deux  cents  lances 
qoi  pénètre  dans  Cambrai  par  la  porte  du  côté  de  Bapaume  et 
relève  le  courage  des  assiégés.  Après  un  assaut  qui  a  duré  tout 
un  jour,  les  assiégeants  prennent  le  parti  de  se  retirer.  Sur  ces 
entrefaites,  le  jeune  marquis  Guillaïune  de  Namur  vient  avec  deux 
cents  lances  servir  sous  la  bannière  de  Guillaume  de  Hainaut.  Le 

1.  Nord,  aiT.  et  c.  Valencieniiei,  Jean  de  Hordain  Hùi  diltelaîn 
d'Oi»y  en  1339  «  13W.  Voyw.  De  Ctmpi,  ponef.  83,  P>  346  v".  Le 
chSleiD  et  la  chStelleuie  d'Oisy  appartenaient  à  Enguerrand  de  Coucv, 
Gis  de  Guillaume,  lire  de  Coucf ,  d'Oisj  et  de  MonUnîrail.  En  1343,1e 
sire  de  Coucy  fit  assiette  de  600  livres  de  terre  dan  à  son  oncle  En- 
gnen-and,  ricomle  de  Meaui,  et  la  terre  de  Camtret'u,  en  la  chatleUerit 
d'Oui,.,,  «ur  lei  boii  d'HaTTaincourt  (HaTrincouri).  (Arcli.  de  l'Empire, 
JJ  74,  p.  663.) 

3.  •  Jossenin,  «ire  de  Saint-Disier,  l  figare  dan*  l'établie  dei  fron- 
tière* de  Flandre  et  de  Hainaut  sous  Mahieu  de  Tiie  du  S8  juId  au  27 
octobre  1339.  (Bibl.  imp..  De  Camps,  portef.  83,  f'  445  r>.) 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  $^  78-83.  ccxxxv 
comte  de  Hainaut  et  le  marquis  de  Namur  d^larent,  du  reste,  Tnit 
et  l'autre,  que  s'ils  fout  cause  commune  avec  Edouard  III  sur  le 
territoire  de  l'Eminre,  ils  n'en  sont  pas  moins  décidés  i  aller  re- 
jcnndre  Hùlii^  «k  Valob  aussitAl  que  )e  roi  anglaii  mettra  le 
[ned  en  France.  P.  Ut  et  163,  454  et  4SS. 


CHAPITRE  XXIX. 


Î39.   CTOTAUCBiBD 

■  l'abhéb  akguub  es  TBuiumois,  khlaohnoib 

ET  BZI  xmâKACHB 

sites  D'EaNaKomï   kt    pu»  db  buisb  pai 

JUS  DK    KAIMAVT 

SAC  DE  HoirviOEi  FÀB  LU  uxEMAinis  (§S  78 

Â83]. 

Cambrai  r^ûste  depuis  cinq  semaines  à  tontes  les  attaques  du 
roi  d'Angleterre  et  de  ses  alliés.  Pendant  ce  temps,  le  roi  de 
France  achève  de  rassembler  ses  gens  d'armes  à  Péronne  en  Ver- 
roandois.  Edouard  III,  informé  de  ces  préparatifs,  réfléchit  que 
la  ville  qu'il  assiège  est  très-forte ,  pourvue  d'une  bonne  garni- 
son et  bien  approvisionnée  ;  il  voit  d'ailleurs  que  l'hiver  approche 
et  avec  l'hiver  les  longues  ntûts.  Cest  pourquoi,  de  l'avis  de  ses 
principaux  conseillers,  Robert  d'Artois,  Jean  de  Hainaut  et  le 
comte  de  Derby,  il  prend  le  parti  de  lev^  le  ûége  de  Cambrai 
pour  entrer  en  France  et  marcher  à  la  rencontre  de  KùUppe  de 
Valois.  Le  duc  de  Brabant,  mis  en  demeure  de  renoncer  à  sa 
politique  ambiguë  et  de  se  déclarer  définitivement  dans  un  sens 
ou  dans  l'autre,  se  décide  à  défier  le  roi  de  France  tant  eu  son 
nom  qu'au  nom  des  seigneurs  de  Cuyk,  de  Berg,  de  Bautersem, 
de  Petersem,  de  tons  ses  feudataires  et  des  barons  de  sou  paya. 
Philippe  de  Valais  reçoit  ce  défi  à  Péronne  et  envoie  aussitôt  à 
Paris  prévenir  [Léon]  de  Crainhem  qui  ne  cesse  avec  une  par- 
faite bonne  foi  de  se  porter  garant  de  la  fidélité  du  duc  de  Bra- 
bant son  maître.  Ce  brave  chevalier  est  tellement  indigné  d'avoir 
été  riustmment  d'une  déloyauté,  qu'il  en  tombe  malade  et  finit 
par  en  mourir  de  chagrin.  P.  t63,  164,  4SS  à  4S7. 

Cependant  l'armée  anglaise  s'ébranle  et  se  met  en  marche  dans 
la  direction  du  Hont-Saint-Hartin  '  qui  est  de  ce  cdté  l'entrée  de 


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ccxixTi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

France.  Cette  marche  se  fait  en  bon  ordre,  par  conn^tablies,  cha- 
que seigneur  au  mUieu  de  ses  gens.  L'annëe  anglaise  a  pour  ma- 
réchaux les  comtes  deNortbarapton,  de  Gloucester  et  de  Sufiblk 
et  pour  connétable  le  comte  de  Warwk.  Arrivés  à  quelque  dis- 
tance du  Mont-Saint-Martin,  Anglais,  Allemands  et  Brabançons 
passent  la  rivière  d'Escaut  qui  n'est  guère  large  en  cet  end-:Jit.  Avant 
le  passage,  le  comte  de  Rainant  et  le  marquis  de  Namur  prennent 
congé  du  roi  d'Angleterre  ;  Guillaume  de  Hainaut  annonce  qu'il 
va  servir  en  France  Philippe  de  Valois  dont  il  est  le  vassal  pour 
la  terre  d'Ostrevant,  de  même  qu'il  a  servi  le  vicaire  de  l'empe- 
reur en  l'Empire.  AussitOt  qu'Edouard  III  a  passé  l'Escaut  et  mis 
le  pied  en  France,  il  mande  auprès  de  lui  Henri  de  Flandre,  alors 
jeune  écuyer,  le  fait  chevalier  et  lui  assigne  en  Angleterre  deux 
cents  livres  sterling  de  rente  annuelle.  Le  roi  anglais  vient  se  lo- 
ger dans  l'abbaye  du  Mont-Saint-Martin  où  il  passe  deux  jours, 
tandis  que  ses  gens  se  répandent  dans  le  pays  environnant  et 
que  le  duc  de  Brabant  occupe  l'abbaye  de  Vaucelles'.  P.  iSk  et 
165,  4S7et  4S8. 

Le  comte  Raoul  d'Eu,  connétable  de  France,  aussitôt  après  la  levée 
du  siège  de  Cambrai ,  revient  en  toute  bâte  à  Péronne  prévenir 
te  roi  de  France  que  l'armée  anglaise  se  dispose  k  envahir  le 
Vermandois.  A  cette  nouvelle,  Philippe  de  Valois  envoie  À  Saint- 
Quentin  les  comtes  d'Eu  et  de  Guines,  de  Blois  *  et  de  Dam- 
martin ',  les  seigneurs  de  Coucy  *,  de  Montmorency'  de  Han- 
gest',  de  Canny',  de  Saucourt*,  avec  cinq  cents  armures  de  fer, 
pour  garder  la  ville  et  faire  frontière  contre  les  Anglais.  Charles 
de  Blois  est  chargé  de  défendre  Laon  ainsi  que  le  pays  des  envi- 
rons et  spécialement  la  terre  de  Guise  qui  appartient  à  sa  famille. 
Le  seigneur  de  Boye  à  la  tête  de  quarante  lances  occupe  Ham  en 
Vermandois  ;  Moreau  de  FienneS  est  mis  dans  Bohain ,  et  Eusta- 
che  de  IUbem<mt  est  préposé  à  la  garde  de  la  forteresse  du  mênae 
nom.  Le  roi  de  France  ne  tarde  pas  à  venir  lui-même  camper 


1.  Anioordnini  hameaa  de  Cr^econr,  an-,  de  Cambrai.  Abbaye  de 
l'ordre  de  Qteaux  an  diocèse  de  Cunbrai. 

5.  Louii  de  Châtillon  I"  du  nom,  comte  de  Bloi». 
3.  Charles  de  Trie,  comte  de  Dammartîn. 

k.  Fjiguerrsnd,  tire  de  Coacy. 
fi.  Charlei,  ure  de  Montmorency. 

6.  Roaue,  tire  de  HanceM.  —  7.  Raonl  le  Flamand,  lire  de  Canny. 
8.  GiUet,  wre  ''  --^^— 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  UVRE,  SS  78-^3.  ooxuvii 
avec  ton  armée  sur  les  bords  de  la  belle  rivière  de  Somme  entre 
Péronne  et  Sunt-Qiientin.  P.  16S  et  166,  498  et  499,  462. 

Pendant  le  séjour  d'Edouard  III  à  Fabbaje  du  Mont-Saint- 
Hartin,  ses  gens  d'armes  courent  tout  le  pajsdeseovirons  jusqu'à 
Bapanme  et  aux  alentours  de  Përonne  et  de  Saint-Quentm.  Ils 
trouvent  ce  pays  riche  et  abondant  en  ressources  de  tonte  es- 
pèce, car  il  n'y  pas  eu  de  guerre  depuis  longtemps.  Ils  avisent 
assez  près  de  là  un  village  appelé  Honnecourt,  '  petit,  mais  bien 
fortifié,  pourvu  de  portes,  de  murs  d'enceinte  et  de  fossés  où  les 
habitants  du  plat  pays  se  sont  mis  en  sâreté  eux  et  leurs  biens. 
Les  seigneurs  de  Honnecourt*,  de  Jauconrt*,  de  Walincourt*  et 
d'Estonrmel  '  sont  à  la  tète  de  la  garnison.  Après  une  tentative 
inGructuevse  d' Amoul  de  Blankeoheim  et  de  Guillaume  de  Duven- 
voorde,  Jean  de  Haioaut  dirige  une  nouvelle  attaque  contre  Hon- 
necourt à  la  tête  de  cinq  cents  combattants  parmi  lesquels  on 
distingue  les  seigneurs  de  Fauquemont,  de  Berg,  de  Cuyk,  de 
Wisselare,  Gautier  de  Idauny,  Gérard  de  Bautersem  et  Henri  de 
Flandre  qui  veut  inaugurer  sa  nouvelle  chevalerie  par  quelque 
beau  fait  d'armes.  A  Honnecourt  il  y  a  un  monastère  dont  l'abbé, 
qui  est  hardi  et  belliqueux,  a  fait  venir  à  ses  frais  des  arbalé- 
triers de  Saint-Quentin.  Par  les  soins  de  cet  abbé,  on  a  construit 
devant  la  principale  porte  d'Honnecourt  une  barrière  dont  les  po- 
teaux n'ont  qu'un  demi  pied  d'entre-deux.  Un  combat  singuUer 
se  livre  à  cette  barrière  entre  l'abbé  et  Henri  de  Flandre.  Après 
une  lutte  acharnée,  l'abbé  parvient  à  saisir  le  bras  de  son  adver- 
saire et  il  le  tire  si  fort  qu'il  le  iait  entrer  jusqu'aux  épaules  dans 
l'entre-deux  des  poteaux  de  la  barrière.  Les  compagnons  de 
Henri  le  tirent,  de  leur  cfité,  tant  et  si  bien  que  le  malheureux 
chevaUer  est  grièvement  blessé.  Son  glaive  reste  entre  tes  mains 
de  l'abbé ,  et  il  a  été  pendant  de  langues  années  exposé  dans  la 


1.  Nord,  arr.  Cimbrai,  c.  Harcoing.  Abbaje  de  l'ordre  de  Ctteaux 
an  diocèie  de  Cambrai. 

3.  GaudcT  de  Thonrotte,  KÎgneur  d'Honnecoart,  était  capitaine  de 
par  le  roi  de  France,  pour  la  garde  dudit  chtteau,  avec  2  sacheliert 
n  27  éeayen,  pendant  les  aaaém  1338  et  1339.  (BihI.  imp..  De 
Camp*,  porter.  83,  f»  346  »<■.) 

3.  &iird,  lire  de  Jaucourt,  bachelier,  sert  eu  1339  et  1340  itcc 
9  écnyen;  Tenu  de  Jaacoon  lez  Bar«iir'Anbe.  (De  Camps,  portef.  83, 
t>  34S  ¥».) 

4.  Jean,  aire  de  Watînconrt. 

6.  Raimband  Creton,  sire  d'Estounnel,  fili  de  Wader  et  père  de  Jean. 


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ccUEZvm         CHRONIQtneS  DE  J.  FROISSÂRT. 

grande  salle  de  fabbaye  d'Honnecourt.  Du  moins,  3  y  état  en- 
core un  jour  que  Froissait  passa  par  Ui,  et  tes  moines  le  montraient 
comme  un  magniGque  trophée.  Les  assaillants ,  repoussas  après 
un  assaut  qui  dure  jusqu'à  la  tombée  de  la  nuit,  reviennent  sur 
leurs  pas  vers  Gouy-en-Arrouaise  ' .  Le  comte  de  Warwick  n'est 
pas  plus  heureux  le  même  jour  dans  une  attaque  contre  le  chÂ- 
teau  de  Ronsoy*  qui  appartient  au  seigneur  de  Fosseux'. 

L'armée  du  roi  de  France  est  toujours  campëe  entre  Saint- 
Quentin  et  Péronne,  entre  Bapaume  et  Lihons*  en  Santerre.  Le 
lendemain  de  l'attaque  d'Honnecourt,  le  roi  d'Angleterre  se  dé- 
loge du  Mont-Saint-Martin  après  avoir  donné  l'ordre  de  ne  faire 
nid  mal  k  l'abbaye.  L'armée  d'Edouard  III  et  de  ses  alliés,  forte 
de  quarante  mille  hommes,  est  divisée  en  trois  batailles.  La  pre- 
mière bataille  ou  avant-garde  est  commandée  par  les  maréchaux 
d'Angleterre;  la  seconde  a  pour  chefs  Edouard  111  en  personne, 
le  duc  de  firabant,  Hobert  d'Artois,  le  duc  de  Gueldre ,  te  mar* 
quis  de  JuUers  et  l'archevSque  de  Cologne.  Enfin,  la  troisième 
bataille  ou  arrière-garde  marche  sous  les  ordres  des  marquis  de 
Meissen  et  d'Osterland  et  de  Brandebourg,  des  comtes  de  Berg*, 
d'Elle',  de  Heurs  ^,  de  Salm,  de  Jean  de  Hainaut,  d'Arnoul  de 
Blaokenheim  et  de  Guillaume  de  Duvenvoorde,  des  sàgneurs  de 
Cuyk  et  de  Fauquemont. 

Le  roi  d'Angleterre,  laissant  Saint-Quentin  à  droite ,  vient  se 
loger,  d'abord  à  l'abbaye  de  Fervaques'  près  de  Fonsommes', 
puis  â  l'abbaye  de  Bohéries'*.  Le  gros  de  son  armée  est  campé 

1.  Aime,  arr.  Saint-Quentiii,  e.  le  Cttelet. 

3.  Somme,  arr.  Péronne,  c.  Roisel. 

3.  Jean  de  FoMenx,  cfaeralter  batmeret  du  comt^  d'Artois,  «errît  sur 
iM  fronii^rea  de  Hainant  de  1337  Â  13M. 

k-  Somme,  arr.  Përonne,  c.  Chaulnei. 

&.  Nons  identiâoni  ■  le  comte  de  Uoni  >  de  Froûurt  avec  le  comte 
de  Bere.  Berg  fatuit  autrefois  partie  du  banc  de  VétéraTÎe ,  dans  le 
oomtë  de  Zntphen. 

6 .  «  Le  comte  des  Eles  »  de  Froïaurt  est  pent-étre  Amonl ,  seigneur 
d'Elle  en  Westphalie,  fendetaire  du  doc  de  Brabant.  Voyez  le  Litre 
4a  feudatalru,  pubLë  par  M.  Galesloot.  Bruxelles,  1865.  P.  12. 

7.  Le  comte  de  Meurs,  dont  le  comt^  ëlait  enclave  dans  le  diocèse 
de  Cologne,  figure  aussi  parmi  les  feodatairel  de  Jean  DI,  duc  de  Bra- 
bant.  LifTt  lUt  feudaiidret,  p.  30. 

8.  Abbaye  de  femmes  de  l'ordre  de  Gteaux  an  diocèse  de  Noyon. 

9.  Aisne,  arr.  et  c.  SBint.QueDtiii. 

1 0.  Aujourd'hui  Vadencourt-et-Boh^ie«,  Aisne,  arr.  Verrins,  c.  Guise, 
Abbaye  d'hommes  de  l'ordre  de  Cîteaux  an  diocèse  de  Laoïi. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


SOMMAIRE  DU  PBEHIER  LIVRE,  §§  78-83.    ccxxux 

entre  ces  deux  abbayes.  La  troisième  bataille  ou  arrière-garde, 
qui  se  compose  d'environ  deux  mille  armures  de  fer,  se  forme 
en  corps  de  fourrageurs  sous  la  conduite  de  Jean  de  Hainaut, 
d'Anioul  de  Blaukenheim,  des  seigneurs  ^e  Cuyk  et  de  Fauque- 
mont  ;  elle  passe  [t'Omignon]  sous  l'abbaye  de  Vermand',  met  le 
feu  aux  faubourgs  de  Saiut-Qneutin,  franchit  l'Oise  près  de  Ber- 
not  '  et  porte  le  ravage  sur  la  rive  gauche  de  cette  rivière.  Ori- 
gny-Sainte-Benotte'  et  son  abbaye,  la  forteresse  de  Ribemont,  oix 
l'ahbesse  et  les  religieuses  d'Origny,  à  la  nouvelle  de  l'approche 
des  ennemis,  ont  couru  se  réfugier  avec  leur  reliquaire  et  leurs 
biens,  la  ville  de  Guise  elle-même,  quoiqu'elle  ait  pour  seigneur 
le  crante  de  Bloîs ,  gendre  de  Jean  de  Hainaut ,  deviennent  la 
proie  des  flammes.  Cest  en  vain  que  la  comtesse  de  Blois,  qui 
se  tient  dans  le  château  de  Guise,  essaye  de  fléchir  son  père.  €  Re- 
monte vite  à  ton  donjon,  répond  Jean  de  Hainaut  à  sa  fille,  si  tu 
craios  que  la  fumée  ne  te  fasse  mal.  s  P.  170  à  172,  462  à  465. 
Pendant  ce  temps ,  l'évêque  de  Liocoln ,  Gautier  de  Mauny, 
Renaud  de  Cobham,  Guillaume  Eltz-Waren,  Richard  de  Stafibrd, 
les  stigneurs  de  Felton,  de  la  Ware  et  les  maréchaux  d'Angle- 
terre, qui  commandent  l'avant-garde,  vont  avec  cinq  cents  lances 
brdier  Hoy*,  Vendenil',  la  Fère  et  la  ville  de  Saint-Gobain  dont 
b  château  seul  est  épargné  ;  ils  s'avancent  vers  Saint-Lambeit*, 
Nisy  \  la  terre  du  seigneur  de  Coucy  '  et  poussent  leurs  incur- 


1.  Vennand,  Aisne,  ut.  Saint-Quentin.  Abbaye  de  Prémontr^s  an 
diocèse  de  Nojon,  Vemiand  n'est  pai  litné  sur  la  Somme,  oomoM 
Froiasart  lemble  le  croire,  maîi  sur  l'Onûgnon,  affluent  de  ta  rÏTc  droite 
de  la  Somme. 

S.  Bemot,  Aisne,  ut.  Verrini,  c.  Cniae. 

3.  Aune,  stt.  Saint^Quentîn ,  c.  BibemoDt.  Abbaye  de  femme*  de 
l'ordre  de  Saint-Benoit  an  diocèse  de  Laon.  Par  mie  charte  doitnëe  au 
bois  de  Vincemiei  le  mercredi  arant  Noël  1339,  •  coniiderant  les 
grani  dommagei  et  lianz  compassion  des  habîtanz  du  dit  lieu  et  com- 

mmialtë  et  de  leur  enat ,  eoatme  la  commimallé  de  la  riilt  Jb  Origaj 

Sniut-Btnoilt  tàt  ettd  art»  et  drtlruile  neguèra  par  noz  tmumit,  »  Phi- 
lippe de  Valois  fait  remiae  anxdiu  habitants  de  quarante  Uttcb  pariiii 
de  rente  annuelle  en  qnoi  ib  ëuient  tenus  enrers  le  roi  de  France,  à  la 
condition  que  chaque  feu  paiera  i  l'avenir  donsedenien  parisis  chaque 
«mée.  (Arch.  de  l'Empire,  JJ  72,  p.  87.) 

4.  Moy  ou  HoT-de-1  Aisne,  Aime,  arr.  Saint-Quentin. 

5.  Aisne,  arr.  SsintQuentîn,  c.  Hoy, 

6.  Saint-Lambert,  commune  Fourdrain,  Aisne,  arr.  Laon,  c.  la  Fïre. 

7.  Nizj-le-Comte,  Aisne,  arr.  Laon,  c.  Sissonne. 

8.  Giucj-le.Ch£tean,  Aisne,  arr.  Laon, 


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ccxL  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

sions  jusqu'à  Vaux  sous  Laon  et  même  jusqu'à  Bruyères'  où  ils 
mettent  le  feu.  Informés  soudain  que  le  roi  de  France  est  arrivé 
à  Saint-Quentin  et  qu'il  s'apprête  à  passer  la  Somme ,  les  cou- 
reurs angilaîs  reviennent  en  toute  Mte  sur  leurs  pas.  Au  retour,  ils 
brûlent  le  pont  à  Nouvion  '  et  tous  les  hameaux  des  enviroas, 
Crëcy-sur-Serre  et  Marie*,  et  ils  vont  rejoindre  la  bataille  de  Jean 
de  Hainaut  sous  les  murs  du  château  de  Guise.  P.  171,  460, 
461,  46S. 

Sur  ces  entrefaites,  le  roi  d'Angleterre  se  tient  toujours  à  l'ab- 
baye de  Bohéries  où  il  trouve  vivres  et  fourrages  en  abondance, 
car  cette  chevauchëe  se  fait  au  mois  d'octobre,  dans  la  plus  plan- 
tureuse saison  de  l'année.  A  la  nouvelle  de  l'approche  du  roi  de 
France,  le  gros  de  l'année  anglaise  quitte  ses  positions  de  Fer- 
vaques,  de  Vadancoiut-et-Bohéries,  de  Hontreux-les-Dames*, 
de  Lesquielle*  et  s'avance  dans  la  direction  de  Fesmy-I' Abbaye*, 
de  Buironfosse ',  de  la  Capelle  et  de  la  Flamengrie*.  Pendant 
cette  marche,  les  Allemands  d'Amoul  de  Blankenheim,  de  Guil- 
laume de  Duvenvoorde  et  du  seigneur  de  Fauquemont,  qui  sont 
revenus  de  leur  expédition  sur  la  rive  gauche  de  l'Oise ,  livrent 
un  assaut  infructueux  devant  Tupigny  '  dont  le  beau  et  fort  chi- 
teau,  défendu  par  son  seigneur",  résiste  à  toutes  leurs  attaques; 
en  revanche,  ils  [ùllent  et  hrtUent  Hirson",  Boue  "  et  chevauchent 
jusqu'au  Nouvion"  en  Thiérache,  grosse  ville  et  riche  qui  ap- 


I.  ADJonrd'biii  Brafèrei-et-MaDtbëraiilt,  Aisne,  arr.  et  c.  Laon. 

3- Aujourd'hui  NouTion-et-CatilIon  ou  NoaTion-l'Abbeue ,  Aitoe, 
•rr.  LaoD,  c.  CHcj-«iu>SeiTe.  La  leî^eurie  de  Pont  k  Nouvion  sppai^ 
tenait  à  Jean  de  Neilet,  aire  d'Offëmont,  qui  l'auigna  en  dot  ji  son  fila 
Gui  de  fietlet  en  131t3.  (Arch.  de  l'Empire,  JJ  74,  p.  315.) 

3.  Aisne,  air.  Laon. 

II.  Aujourd'hui  Hontreux,  hameau  de  Leiquidle-Saîiit-Gennain. 

5.  Aujourd'hui  Lesquielle -Saint-Germain,  Aisne,  arr.  Verrin»,  can- 

6.  Aaj.  Fetaij,  Aisne,  air.  Vervin»,  c.  NonTÎon.  Abbaye  de  l'ordre 
de  StBenoit  au  diocèae  de  Cambrai. 

7.  Aiine,  arr.  Verriui,  c.  la  Capelle.  —  8-  Ibid. 
9.  Aisne,  arr.  Verrina,  c.  Wassigny. 

10.  Jean  de  Tupigny,  chevalier  banneret,  fut  oommii  par  le  roi  de 
Ff«Dce  en  la  garde  de  son  château  en  133S  et  1339  avec  17  écuyera. 
Voyez  De  Camp»,  portef.  83,  f"  346. 

11.  Aisne,  bit.  Verrins. 

12.  Aisne,  arr.  Verrins,  C.  Nouvion. 

13.  Le  NouTÎDn,  Aime,  arr.  Verrins.  Ce  Nouvion  ne  doit  pas  être 
confondu  avec  Nouvion  près  Laon. 


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SOHHAmE  DU  PREHiea  LIVRE,  $g  84-88.  ccxli 
partient  au  comte  de  Blois.  Les  halHUnts  du  pays  ont  cherché 
UD  refoge  dans  la  forêt  du  Nouvion  ou  ils  ont  emporté  ce  qu'ils 
ont  de  plus  précieux,  et  ils  se  sont  cachés  derrière  des  monceaux 
de  branchages  et  de  troncs  d'arhres  abattus.  Mais  les  Allemands, 
guidés  par  leurs  instincts  cupides ,  parviennent  à  découvrir  et  à 
forcer  la  retraite  des  fugitifs;  ils  en  tuent  ou  blessent  plus  de 
quarante  et  s'emparent  d'un  précieux  butÎD.  P.  172,  464,  466. 
Tandis  que  le  roi  d'Angleterre  et  ses  quarante  mille  hommes 
sont  logés  à  la  Fhimengrie,  le  roi  de  France  vient  camper  avec  une 
armée  d'environ  cent  mille  hommes  à  Buironfosse,  à  deux  petites 
lieues  seulement  de  son  adversaire.  Le  soir  même  de  son  arrivée 
à  Buironfosse,  Philippe  de  Valois  reçoit  un  renfort  de  plus  de 
cinq  cents  lances  que  lui  amène  du  Quesnoy  son  neveu  Guillaume, 
comte  de  Hainaut.  Le  jeune  comte ,  après  s'être  excusé  de  son 
mieux  auprès  du  roi  son  oncle  d'avoir  servi  Edouard  III  devant 
Cambrai ,  se  voit  assigner  par  Robert  Bertrand  et  Mahieu  de 
Trie,  maréchaux  de  France,  les  positions  les  plus  voisines  de 
l'ennemi.  P.  173  et  174,  466  et  467. 


CHAPITRE  XXX. 

1339.  nirAOTin   d'une  caAnnB  bataille  a  BriBovrossa  «jtvis 

DB  LA    BBTRAITB    DES    DEUX   ABMÉBS  AXOLAISB  BT  rBAn(AlBB    (g$  84 

à  88.) 

Par  le  conseil  du  duc  de  Brabant,  le  roi  d'Angleterre  envoie 
un  héraut  du  duc  de  Gueldre  prendre  jour  avec  le  roi  de  France 
pour  la  bataille.  On  est  au  mercredi,  et  l'on  convient  des  deux 
parts  de  livrer  bataille  le  vendredi  suivant.  Philippe  de  Valois 
et  les  seigneurs  français  accueiUent  avec  joie  le  héraut  envoyé 
par  Edouard  III  et  lui  font  cadeau  de  bons  manteaux  fourrés 
pour  le  remercier  de  la  bonne  nouveUe  qu'il  apporte.  P.  174 
et  179,  467  et  468. 

Le  jeudi  matin ,  deux  chevaUers  de  la  suite  du  comte  de  Hai- 
naut, les  seigneurs  de  Fagnolles  et  de  Tupigny,  motitent  à  cheval 
et  s'avancent  en  ëclaireurs  à  très-peu  de  distance  de  l'armée  an- 
glaise. Or,  il  arrive  que  le  seigneur  de  Fagnolles  monte  un  cour- 
ùeT'fongueux  et  ombrageux  qui  prend  le  mors  aux  dents  et  em- 
porte  son  cavalier  au  milieu  des  tentes  du  roi  d'Angleterre.  Le 
seigneur  de  Fagnolles,  fait  prisonnier  par  le  seigneur  de  Horste- 


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ccxLii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

bergh,  chevalier  aJlemand,  dmt  s'engager,  pour  recouvrer  sa 
liberté,  à  payer  une  rançoo  de  mille  vieux  ëcua.  Informé  de  cette 
aventure,  Jean  de  Hainaut  isvite  à  dtner  le  seigneur  de  Fagoolles, 
son  compatriote,  en  compagnie  du  seigneur  de  Horstebergh. 
Après  le  dtner,  il  prie  le  chevalier  allemand  d'exiger  une  rançon 
moins  forte  d'un  prisonnier  dont  la  capture  n'est  due  qu'à  un 
heureux  hasard.  ■  Monseigneur,  répond  l'Allemand,  j'avais  bien 
besoin  que  Dieu  m'amène  ce  prisonnier,  car  hier  soir  j'avais 
perdu  tout  mon  argent  aux  dés.  »  Alors  les  chevahers  se  mettent 
à  rire,  et  bientôt  par  suite  d'un  nouvel  arrangement  la  rançon 
du  seigneur  de  FagnoUes  est  fixée  à  six  cents  vieui  écus  que 
Jean  de  Hainaut  prête  à  son  compatriote  et  qu'il  verse  le  soir 
même  entre  les  mains  du  seigneur  de  Horstebergh.  Le  seigneur 
de 'Fagnolles,  monte  sur  son  coursier  que  Jean  de  Hainaut  lui  a 
(ait  rendre  malgré  la  résistance  des  Allemands,  regagne  l'armée 
du  roi  de  France  et  la  bataille  du  comte  Guillaume  de  Hainaut. 
P.  J7S  à  177,  468  et  469. 

Le  vendredi  au  matin,  les  deux  armées,  avant  d'en  venir  aux 
mains,  entendent  la  messe,  chaque  seigneur  sous  sa  tente  et  au 
milieu  de  ses  gens.  La  plupart  se  confessent  et  communient  afin 
d'être  prêts  au  besoin  à  mourir.  Dans  le  camp  anglais,  tout  le 
monde  met  pied  à  terre;  on  place  les  chevaux,  les  bagages  et  le 
charroi  dans  un  petit  bois  situé  sur  les  derrières  pour  se  fortifier 
de  ce  côté.  L'armée  d'Edouard  III  et  de  ses  alliés  est  divisée  en 
trois  batailles.  La  première  bataille ,  composée  d'Allemands,  a 
pour  chefs  Renaud  II,  duc  de  Gueldre,  Guillaume  V  marquis  de 
Jubers,  Louis  1"  de  Bavière  marquis  de  Brandebourg,  Jean  de 
Hainaut,  Frédéric  II  marquis  de  Meissen,  Adolphe  VIII  comte 
de  Berg,  Nicolas  !"  comte  de  Salm,  Thierry  d'Heinsberg  comte 
de  Looi,  Thierry  lU  seigneur  de  Fauquemont,  Guillaume  de  Da- 
venvoorde  et  Amoul  de  Blankeoheim.  —  Jean  III,  duc  de  Bra- 
bant,  est  à  la  tête  de  la  seconde  bataille.  Sous  les  ordres  de 
leur  duc  marchent  tous  les  barons  et  chevaliers  du  Brabant, 
les  seigneurs  de  Cuyk',  de  Bergh*,   de  Breda',   de  Rotse- 

1 .  Otton,  lire  de  Cujk.  Cuy k  fait  anjourd'hiii  partie  de  la  Hollande, 
prOT.  de  Noord-Brabant. 

2.  Ed  1340,  la  (eigneuTie  de  Bergli  devait  appartenir  a  Jean,  sire  de 
FanqDemant,  du  chef  de  ib  femme  Jeanne,  dame  de.Voime  et  de  Bergh, 
lllte  et  héritière  de  Malhilde  de  Weiemaele  et  d'Alhert  de  Voime. 

3.  La  leigncuric  de  Breda  appartenait  alon  au  richissime  Guillatune, 


jvGooi^lc 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  gg  84-88.    oautti 

ber',  deVorsselaer',  de  Bautersem'.deBonÙTal,  deSchcKmTcrst', 
de Witham',  d'Aerschol',  de  Becquevoort^,  de  Gaesbeek',  de  Du^ 
fel*.  Tfaien7  III  de  Walcourt,  Raes  van  Gavere,  Jean  de  Rester 
beek,  Jean  Pyliser,  Gilles  de  Quarouble",  les  trms  frères  de  Har- 
lebeke",  Gautier  de  Huldenbergh '*  et  Henri  de  Flandre  dont  le 
grand  état  mérite  une  mention  spéciale.  A  ces  Brabançons  sont 
venus  se  joindre  quelques  chevaliers  flamands  :  le  seigneur  d'Hal- 
hiîn",  Hector  Villain,  Jean  de  Rhode,  le  seigneur  de  la  Gmdiuse**, 
Tulfard  de  Ghistelles,  Guillaume  van  Straten,  Gossuin  van  der 
Moere.  La  bataille  du  duc  de  Brabant  comprend  vingt-quatre 
bannières,  quatre-vingt  pennons  et  sept  mille  combattants.  — 
La  troisième  bataille  et  la  plus  considérable  est  composée  d'An- 
glais et  commandée  par  le  rot  d'Angleterre  en  personne.  Les 
principaux  seigneurs  de  la  suite  d'Edouard  III  sont  :  le  comte 
Henri  de  Derby,  Bis  de  Henri  de  Lancastre  au  Tors  Col,  les  évèques 
de  Lincoln  et  de  Durham,  le  comte  de  Salisbury  maréchal  de 
l'année  anglaise,  les  comtes  de  Northampton,  de  Gloucester,  de 
de  Suffolk,  de  Hereford,  de  Warwick,  de  March,  de  Pembroke, 
Robert  d'Artms  comte  de  Tlichemont,  Jean  vicomte  de  Beaumont, 
Renaud  d&  Cc^am,  Richard  de  StaSbrd,  les  seigneurs  de  Percy, 
de  Ross,  de  Howbray ,  Louis  et  Jean  de  Beauchamp,  les  seigneurs 
de  la  Ware,  de  Laagtown,  de  Basset,  de  Fitz-Walter,  Guillaume 
Htz-Waren,  Gautier  de  Mauny,  Hue  de  Hasdngs,  Jean  de  lille, 
les  seigneurs  de  Scales,  de  Felton,  de  Ferrers,  de  Bradeston,  de 

sire  de  SuTenvoorde ,  déjà  nommé  parmi  les  chcTalier*  ailemandt. 
Jean  III,  duc  de  Brabant,  aprii  aToir  acheta  en  1326  ladite  leùneiirie 
de  Gérard,  lire  de  lUssegem  et  de  Leni,  et  d'Alix,  dame  de  Lidekerke 
et  de  Breda,  aa  femme,  fut  obligé  d'en  laiuer  l'uiufroit  à  Guillaume 
de  DuTenTOorde,  aon  créancier.  La  «eisneurie  de  Breda  fat  revendue 
en  1350  à  Jean,  lire  de  Polaenen  et  de  lé  Lecke.  Vojez  Bntkeni,  t.  I, 
p.  3gfi  à  399. 

1.  Jean,  lire  de  Rotielaer.  —  2.  G&ard,  lire  de  Voraselaer. 

3.  Henri,  lire  de  Bauteraem. 

4.  Renand  de  Soboonvont,  lire  de  Honjaie. 

5.  Jean  de  Comelaer,  lire  de  Wilham. 

6.  Jean  d'Anchot  de  Scfaoonhoren. 

7.  Eit.ce  Jean  de  Becqueroort  ou  Adam,  fila  de  Jean  7 

8.  Goillaume  de  Gae«beek. 

9.  Henri  BerthoQt  IV,  lîre  de  Dulfel. 

10.  Vojei  ehap.  tv,  p.  cu:ti.  —  II.  Ibid.  —  12.  Ibid. 

13.  Sani  donte  Gautier,  II  dn  nom,  81*  de  Roland,  seigneur  de  Hal- 
luîn  et  de  Tronchiennea. 

14.  Jean  de  la  Gmdiuie. 


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cciuv  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT. 

Mulleton.  Le  roi  anglais  fait  là  plusieurs  nouveaux  chevaliers  et 
entre  antres  Jeau  Chandos,  le  plus  vaillant  chevalier  qu'il  y  eut 
jamais  en  Angleterre.  Cet  illustre  capitaine  a  dît  plusieurs  Tois 
en  présence  de  Froissart  qu'il  avait  été  fait  chevalier  de  la  main 
d'Edouard  III  le  vendredi  de  l'assemblée  de  Buironfosse.  La  ba- 
taille du  roi  d'Angleterre  se  compose  de  \-ingt-huit  bannières,  de 
quatre-vingt-dix  pennons,  de  âx  mille  hommes  d'armes  et  de 
sii  mille  archers.  Trois  mille  hommes  d'armes  à  cheval  et  deux 
mille  archers  placés  sur  les  ailes  forment  la  réserve  ;  les  princi- 
|Kiui.  chefs  de  cette  réserve  sont  Robert  d'Artois,  Gautier  de 
Maimy,  les  seigneurs  de  Berkeley  et  de  Clifford ,  Richaivi  de 
Pcmbridge  et  Barthélémy  de  Burghersh.  P.  177  à  J79,  469  à  472. 
Dans  l'armée  du  roi  de  France  il  y  a  deux  cent  vingt-sept 
bannières,  cinq  cent  soixante  pennons,  quatre  rois,  six  ducs, 
trente-six  comtes,  quab«  mille  chevaliers  et  plus  de  soixante 
mille  hommes  de  jned  fournis  par  les  communes  de  France.  Aux 
câtés  du  roi  de  France  se  tiennent  Jean  de  Luxembooi^,  roi  de 
Bohême,  Philippe  d'Évreux  roi  de  Navarre,  David  Bruce  roi 
d'Ecosse,  Jean  duc  de  Normandie,  Eudes  IV  duc  de  Bourgt^e, 
Jean  III  doc  de  Bretagne,  Louis  I"  duc  de  Bourbon,  Raoul  duc 
de  Lorraine,  Gautier  duc  d'Athènes.  Les  comtes  sont  Charles  II 
de  Valois,  comte  d'Alençon,  frère  du  roi  de  France,  Louis  de 
Nevers  comte  de  Flandre,  Guillaume  II  comte  de  Hainaut,  Gui 
de  ChAtitlon  comte  de  Blois,  Henri  IV  comte  de  Bar,  Guignes  VIII 
c<Hnte  de  Forez,  Gaston  II  comte  de  Foix,  Jean  I"  comte  d'Ar- 
magnac ,  Jean  dauphin  d'Auvergne ,  Ancel  sire  de  Joinvilte , 
Louis  II  cmnte  d'Etampes,  Bouchard  VI  comte  de  Vendôme, 
Jean  IV  comte  de  Harcourt,  Jean  de  Châdllon  comte  de  Saint- 
Pol,  Raoul  II  comte  de  Guines,  Philippe  comte  d'Auvergne  et  de 
Boulogne,  Jean  V  comte  de  Roucy  et  de  Braisne,  Charles  de 
Trie  comte  de  Dammartin,  Louis  l''  de  Poitiers  comte  de  Valen- 
tinois,  Jean  II  de  Ponthieu  ccnnte  d'Aumale,  Jean  H  de  Châlon 
comte  d'Auxerre ,  Louis  II  comte  de  Sancen-e ,  Amé  ctHnte 
de  Genève,  Pierre  comte  de  Dreux,  Edouard  III  comte  de 
Ponthieu,  Jean  I"  vicomte  de  Melun  et  sire  de  Tancarville, 
Hemn  IV  comte  de  Vaudemont,  Jean  de  Noyers  comte  de  Joigny, 
Gaucher  IV  de  ChStillon  comte  de  Porcîen,  Jean  vicomte  de 
Beaumont,  Jean  comte  de  Montfort,  Aymeri  VIII  vicomte  de 
Narbonne,  Roger  Bernard  comte  de  Périgord,  Arnaud  de  la  Vie 
sire  de  Villemur,   Pierre  Raymond  1"  comte  de  Comminges,  le 


D,qit,zeabvG00»^lc 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  8b-S8.  ccxlv 
vicomte  de  Mureiuhn^,  les  comtes  de  Douglas  et  de  Murray 
d'Ecosse,  Guillaume  I"  marquis  de  Namur.  L'armée  du  roi  de 
France  est  repartie  ea  trois  batailles  dont  chacuoe  comprend 
quinze  mille  hommes  d'armes  et  vingt  mille  hommes  de  pied. 
P.  180  et  131,  479  et  473. 

Deux  opinions  ont  cours  parmi  les  Français.  Les  uns  sont 
d'avis  qu'on  livre  bataille  ;  les  autres  sont  d'un  avis  contraire  ; 
ils  disent  que  le  roi  de  France,  outre  le  danger  de  trahison  auquel 
il  est  exposé,  a  tout  à  perdre,  s'il  est  vaincu,  et  n'a  rien  à  ga- 
gner,  s'il  est  vainqueur.  Vers  midi,  un  lièvre  qui  vient  se  jeter 
parmi  les  Français,  occasionne  un  grand  vacarme.  Les  chevaliers, 
qiû  de  loin  entendent  ce  bruit,  s'imaginent  que  c'est  la  bataille 
qui  commence  ;  ils  mettent  à  la  hâte  bassinet  en  tète  et  glaive  efl 
main.  Le  comte  de  Rainaut  fait  alors  quatra^e  nouveaux  cheva- 
Uers  qu'on  appela  toujours  depuis  les  chevaiiert  du  lièvre.  Ro- 
bert, roi  de  Sicile,  très-versé  dans  l'astrologie,  a  prédît  une  dé- 
faite aux  Français.  Sans  s'émouvoir  de  cette  prédiction,  Fhihppe 
de  Valois  est  impatient  d'en  venir  aux  mains;  toutefois  il  fini 
par  céder  à  l'opinion  des  chaperons  fourrés  dont  l'influence  do- 
mine dans  son  conseil,  et  la  bataille  n'a  pas  lieu.  Quant  au  roi 
d'Angleterre  et  aux  Anglais,  ils  sont  tout  disposés  à  continuer  la 
campagne;  mais  le  duc  de  Brabant,  qui  est  partisan  de  la  re- 
traite, parvient  à  ranger  à  son  opinion  le  duc  de  Gneldre,  le 
marquis  de  Juliers  et  les  seigneurs  allemands.  Edouard  III  et  ses 
alliés  lèvent  leur  camp  le  soir  mËme,  passent  la  Helpe  au  pont 
d'Avesnes,  la  Sambre,  traversent  le  Hainaut  et  gagnent  le  duché 
de  Brabant.  Le  comte  de  Hainaut  quitte  aussi  le  roi  de  France 
dès  le  vendredi  et  reprend  le  chemin  de  son  comté  par  Landre- 
cies  et  le  Quesnoy.  Philippe  de  Valois,  furieux  d'avoir  laissé  par- 
tu*  les  Anglais  sans  leur  livrer  bataille,  part  de  Bulronfosse  le 
samedi  au  matin  et  retourne  à  Saint-Quentin  où  il  donne  congé 
à  ses  gens  d'armes.  Avant  de  revenir  à  Paris,  il  met  des  garni- 
sons à  Tournai,  à  Lille,  à  Douai  et  dans  toutes  les  forteresses  de 
la  frontière  ;  il  laisse  à  Tournai  Godemar  du  Fay,  à  Hortagne 
sur  Escaut  Edouard  de  Beaujeu,  avec  le  titre  de  souverains  capi- 
taines et  gardiens  de  tout  le  pays  des  envircws.  P.  181  à  184, 
«S  à  479. 

I.  MurenJon  aX.  peol-ttre  pour  Hontredon  (Tiro,  nr.  Castres), 
■eigneurie  qai  appartenait  aux  Ticomte*  de  Lautrec.  Amanri  ou  Amal- 
ric,  vieonte  de  lÀutrcc,  seigneur  de  Hontredon,  monrat  vers  )  341  > 


jvGooi^lc 


J 


ccxLvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

CHAPITRE  XXXI. 

13&0.  isbkkblAbs  de  biiixbli.b8  bt  dm  oaiid  a  là  suiti 

iDODÀKD  lU    PaKXD  tX  trtBE  DB   SOI  DS  HAKCS,   BT  IBTOUK  DK  Cl 

riucE  in  AMCLCTUU  (§g  88  à  90) . 

RcrvMiu  en  Brabant  après  l'équipée  de  Buircuibsse,  le  roi  d'An- 
gleterre éprouve  plus  que  jamais  le  besoin  de  s'assurer  l'alliance 
effective  des  Flamands.  C'est  pourquoi,  il  convoque  à  un  parie- 
ment  qui  doit  se  tenir  à  BruxeUes  dans  l'hâtel  de  Coudenberg, 
résidence  du  duc  de  Brabant,  les  habitants  de  Gand,  de  Bruges, 
d'Ypres,  de  Courtrai,  de  Damme,  de  l'Écluse,  du  terroir  du  Franc 
et  des  autres  bonnes  villes  de  Flandre.  Les  Flamands ,  et  à  leur 
lite  Jacques  d'Arteveld,  répondent  avec  empressement  à  l'appel 
d'Edouard  IIl  qui  les  invite  à  conclure  avec  lui  une  alUauce  of- 
fensive  et  défensive  contre  le  roi  de  France,  leur  promettant  en 
revanche  de  les  faire  rentrer  en  possession  de  Lille,  de  Douai  et 
de  Béthune.  Les  représentants  des  bonnes  villes  flamandes  dé- 
clarent au  roi  d'Angleterre  qu'ils  sont  tout  pr&ts  à  le  servir;  ils 
ne  mettent  qu'une  cmdition  à  leur  concours,  c'est  qu'Edouard  III 
prenne  le  titre  et  les  armes  de  roi  de  France.  P.  1S4  et  18S, 
479  et  480. 

Le  roi  d'Angleterre  voit  plus  d'un  inconvénient  à  assumer  un 
titre  qui  ne  répond  encore  à  aucune  réalite  ;  toutefois,  il  a  telle- 
ment besoin  de  l'appui  des  Flamands  qu'il  se  décide  à  accoter 
la  condition  qui  lui  est  imposée.  Il  convoque  à  Gand  un  nouveau 
parlement  où  assistent,  en  compagnie  de  Jacques  d'Arteveld  et 
des  r^résentants  des  IxHines  villes  de  Flandre,  les  ducs  de  Bra- 
bant et  de  Gueldre,  les  marquis  de  Juliers,  de  Meissen  et  de  Bran- 
debourg, le  comte  de  Berg,  l'archevêque  de  Cologne ,  Jean  de 
Hainaut,  le  sire  de  Fauquemont ,  Robert  d'Artois  et  beaucoup 
d'autres  seigneurs.  Là,  en  présence  de  tous  ses  alliés,  Edouard  III 
prend  tes  armes  de  France  écartelées  d'Angleterre  et  se  fait  re- 
cramaltre  comme  rm  de  France.  P.  186,  480  et  481. 

n  est  aussi  décidé  à  l'assemblée  de  Gand  que  l'été  prochain  on 
ira  mettre  le  siège  devant  Tournai.  Cette  résolution  comble  de 
jme  les  Flamands  qui  ne  doutent  pas  qu'après  la  prise  de  Tour- 
nai ils  ne  soient  promptement  remis  en  possession  de  Lille ,    de 


;vGoo»^lc 


SOHMAIHE  DU  PREMIER  UVRE,  SS  ^^  ^*-  cgxltii 
Douai  et  de  Bëthume,  villes  qui  doivent  (aire  retour  au  comté  de 
Flandre  dont  elles  sont  des  dépendances  légitimes.  Les  Flamands 
et  les  Brabançons  voudraient  en  outre  attirer  dans  la  coalition  le 
Hainaut  dont  le  territoire  offrirait  une  base  d'opérations  très- 
utile  ;  mais  le  comte  Guillaume  s'abstient  de  se  rendre  à  ce  par- 
lement de  Gaad  où  il  a  été  invité ,  et  il  dit  pour  s'excuser  qu'il 
ne  peut  prendre  parti  contre  le  roi  de  France  son  oncle,  tant 
que  celui-ci  ne  lui  en  a  pas  donné  le  sujet.  Sur  ces  entrefaites, 
la  reine  d'Angleterre  vient  habiter  la  ville  de  Gand  et  fixe  sa  ré- 
sidence dans  l'abbaye  de  Saint-Pierre.  Edouard  III  se  décide  k 
retourner  dans  son  royaume  où  il  n'a  pas  mis  le  pied  depuis 
près  de  deux  ans  et  où  il  est  rappelé  par  des  affaires  pressantes 
et  surtout  par  la  guerre  contre  l'Ecosse  ;  il  laisse  en  Flandre 
Guillaume  de  Monlagu,  ccHute  de  Salisbury,  et  le  comte  de  Suf- 
folk,  avec  deux  cents  lances  et  cinq  cents  archers  ;  il  confie  la 
reine  Philippe  sa  femme  à  l'affection  des  Gantois  et  s'embarque 
pour  l'Angleterre  à  Anvers  en  compagnie  des  comtes  de. Derby,  de 
Northampton,  de  Gloucester,  de  Warwick,  de  Pembroke,  de  He- 
rer<H^,  de  Renaud  de  Cobham,  du  baron  de  Stafford,  de  l'é- 
vêqne  de  Lincoln,  de  Gautier  de  Hauny  et  de  Jean  Chandos  ;  il 
arrive  à  Londres  vers  la  Saint-André  (30  novembre)  1339.  P.  i87 
et  1S8,  481  à  483. 

CHAPITRE  XXXn. 

1340.  GouisBs  MABimna  des  xoxnakds.  — «ositUTia  deb  fuhçus 

CMNTmK    JIIN     Dl    BÀINACT    :    HCCUBBIOVS    DANS    LA    BBIOmDUB    m 

(BMAY  ;      VUSK    BT    DISTBIICTION    DU   ChItBAU    DB    ■ELEHGHXS.    

BSCAKKODCBK  XBTtK  LKS  FUNÇA»  OS  I^  GAKHISOD  DB  CIMBBAI  BT 
LXS  ÀHOL&IB  OU  BAIHUYBBS  DB  TKDH-L'ÉVfQnB  ;  MOBT  DX  aiLLM 
DBUUFV  (SS  91,  93). 

Pendant  tout  l'hiver,  une  flotte  d'environ  quarante  mille  n»- 
rins  normands,  génois,  picards  et  bretons,  commandée  par  Hue 
Quieret,  Behuchet  et  Barbavera,  infeste  les  côtes  d'Angleterre. 
Calais,  Wissant,  Boulogne,  le  Crotoy,  Saint-Valery-sur-Somme, 
Dieppe,  Harfleur  sont  les  ports  où  se  tiennent  surtout  ces  écu- 
meurs;  c'est  de  là  qu'ils  s'élancent  pour  courir  sus  aux  navires 
anglais,  afin  d'empêcher  le  roi  d'Angleterre  de  repasser  sur  le 


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ccxLTiii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

continent  ;  ih  croisent  en  vue  de  Douvres,  de  Rye .  de  Wincliel- 
sea,  s'avancent  jusqu'à  Wejraouth,  Dartmoutli,  Plymouth,  rava- 
gent et  braient  l'Ile  de  Wight.  Un  jour  tes  coureurs  normands 
capturent  un  grand  et  beau  vaisseau  appelé  le  Christophe^  cbargé 
de  laines  et  d'autres  marchandises  qu'Edouard  III  expédie  en 
Flandre,  et  ils  l'amènent  avec  la  cargaison  à  Calais ,  leur  quar- 
tier général.  Ce  succès  comble  de  joie  les  Français  en  même 
tem{)S  qu'il  jette  une  consternation  mêlée  de  terreur  parmi  les 
Anglais  qui  n'osent  plus  sortir  de  leurs  havres  et  de  leurs  ports. 
P.  188  et  189,  483. 

Philippe  de  Yalois  a  une  revanche  à  prendre  contre  Jean  de 
Hainaut  qui,  non  content  d'avoir  dirigé  l'invasion  anglaise,  a  ra- 
vagé en  personne  le  Cambrésis  et  la  Thiérache.  Par  l'ordre  du 
roi  de  France,  les  chevaliers  voisins  de  la  Thiérache,  pays  qui  a 
été  dévasté  et  brûlé  par  les  Anglais  ou  les  Allemands,  Jean  de 
Coucy,  are  de  Bosmont  et  de  Vendus,  Hue  vidame  de  Chitons, 
Jean  de  la  Bove,  Jean  et  [Gaucher]  *  de  Lor  ^,  Enguerrand  sire  de 
Coucy,  Renaud  »re  de  Pressigny,  Bobert  sire  de  Oary,  Madiieu 
sire  de  Locq*,  à  la  tête  d'environ  mille  armures  de  fer,  envahis- 
sent la  terre  de  Chimay,  seigneurie  qui  appartient  à  Jean  de  Hai- 
naut. Ces  gens  d'armes,  après  avoir  traversé  les  bois  de  Thiéra- 
che, la  forêt  de  Chimay,  arrivent  au  lever  du  soleil  dans  lesart* 
de  Qiimay  et  viennent  surprendre  les  faubourgs  de  la  ville  de  ce 
nom.  Ces  faubourgs,  alors  considérables,  sont  habités  par  beau- 
coup de  gens  riches  et  de  grands  éleveurs  de  bestiaux  que  l'on 
fait  prisonniers  dans  leurs  Uts.  Les  Français  recueillent  un  im- 
mense butin  dans  ces  faubourgs  et  dans  les  environs  ;  ils  s'empa- 
rent de  douze  mille  blanches  bêtes,  de  mille  porcs,  de  cinq  cents 
vaches  et  bœufs ,  car  c'est  une  marche  abondamment  fournie  de 
bestiaux  et  d'élèves  du  bétail.  Après  s'être  ainsi  gorgés  de  butin, 
les  envahisseurs  mettent  le  feu  aux  faubourgs  de  Chimay  et  abat- 
tent les  moulins  qui  à  cette  époque  étaient  situés  en  dehors  de 


1,  E'roisMiTt  donne  ■  ce  cheralier  le  prAiom  de  GArard;  niais  le* 
montre»  de  l'armée  de  Buîronfbue  mentioiment  Gaucher,  non  GAvn) 

S.  Lor,  Aime,  arr.  Laon,  c.  NeurchSiel. 

3-  Locq,  Aiine,  arr.  Laon,  commune  Aniij.le-ChSteaa. 

4.  La  plaine  de  Chimar  s'est  longtemps  appelée  U  tort,  parce  qu'elle 
l'est  formée  aux  dépens  de  la  forêt  de  ce  nom,  dont  on  «  défriché  de 
bonne  heure  une  grande  partie  pour  la  mettre  en  culture. 


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SOSfMAlRB  DU  PREMIER  LIVRE,  SS  ^1.  92.    cgxlix 

la  forteresse.  Ils  courent  ensuite  tout  le  pays  des  environs;  ils 
brûlent  Virelles*,  Lompret,  Vaulx-lez-Chimay ,  Baileui,  Bour- 
lers.  Forges,  Poterie,  Villers-la-Tour,  Beaurien,  Saint-Remy-lez- 
Chimay,  Sainte-Geneviève,  Sales,  Bailièvre,  Wallers',  Ébrétres, 
Momignies,  Seloigne  et  tous  les  villages  du  sart  de  Chimay.  Jean 
de  Hainaut  est  transpc»rté  de  fureur  à  la  nouvelle  du  ravage  de 
sa  terre  ;  il  reçoit  cette  nouvelle  à  Mons  auprès  du  comte  son  ne- 
veu auquel  il  fait  partager  son  irritation  ;  toutefois  le  comte  de  Hai- 
naut engage  son  oncle  &  se  tenir  tranquille  pour  le  moment.  P.  i  89 
et  190,  484  et  489. 

Dans  ce  m&me  hiver,  les  Français  de  la  garnison  de  Cambrai 
vont  un  jour  attaquer  la  petite  forteresse  de  Relenghes*  située  à 
quelque  distance  de  cette  ville.  Cette  forteresse  est  occupée  par 
une  garnison  de  vingt-cinq  ou  trente  compagnons  sous  les  ordres 
d'un  chevalier  nommé  Jean  le  Bâtard,  fils  naturel  de  Jean  de 
Hainaut.  Les  assiégés,  après  avoir  tenu  tête  un  jour  tout  entier  à 
leurs  agresseurs,  désespèrent  de  défendre  plus  longtemps  Relen- 
ghes  dont  les  fossés  sont  gelés  et  gagnent  de  nuit  Boucbain  et 
Valenciennes.  Le  lendemain,  les  Cambrésiens  reviennent  raser  la 
forteresse  j  et  les  pierres  provenant  de  k  démolitiiHi  sont  trans- 
portées à  Cambrai.  P.  190,  486. 

Gilles  de  Hauny  dit  Grignart,  mis  en  garnison  dans  Thun- 
l'Évèque  par  son  frère  Gautier  de  Mauny  qui  après  avoir  conquis 
ce  château  en  a  reçu  l'inve^itore  du  roi  d' Angleterre,  vicaire  de 
l'Empire,  fait  presque  tous  les  jours  des  courses  contre  les  Fran- 
çais de  la  garnison  de  Cambrai  et  s'avance  jusque  sous  les  murs 
de  cette  ville.  Un  jour,  dans  une  escarmouche  qui  se  livre  devant 
les  barrières  mêmes  de  Cambrai,  à  ta  porte  Robert,  un  jeune  et 
brave  gentilhomme  nommé  Guillaume  Marchand*,  chanoine  de 
Cambrai  et  neveu  de  l'évëque,  engage  un  combat  singulier  contre 

1.  ToDtes  lea  localités  dont  les  noms  luifent,  à  l'exceptioii  de  Wal- 
len,  lont  sitoëes  en  Belgique,  dani  la  pnmnce  de  Huaaut  et  le  canton 
de  Chimsy.  On  a  easay^  muis  iucc^  d'identifier  tûremeiit  Ébritra, 

3.  Wallen,  Nord,  iut.  Avetoei,  c.  Trélon. 

3.  Relcnghes,  lieu  dit  de  la  commone  d'ExnadmaTnM,  Nord,  arr. 
et  G.  de  Cambrai. 

4.  Guillaume  le  Marchand  est  ainsi  mentionné  sur  la  Une  dea  gens 
d'armes  qui  servirent  à  Cambrai ,  par  lettres  du  28  octobre  1339,  soiu 
Himibert  de  Cbolsy,  capitaine  de  ladite  ville  :  •  Gtiillaome  le  Marchant, 
chanoine  de  Cambraj,  pour  13  etcuier*.  >>  De  Camps,  portef.  83, 
p.  3U. 


;vGoo»^lc 


CCL  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT. 

Gilles  de  Maimy  et  tue  son  adversaire .  Jean  et  lliierty  de  Mauny, 
en  garnisoD  à  Bouchain,  sollicitent  et  obtiennent  des  Cambréuens 
la  remise  du  corps  de  leur  frère  qui  est  enterré  dans  l'église  des 
Cwdelîers  ou  de  Saint-François  à  Valeneiennes  ;  puis  Jean  et 
Thierry,  qui  ont  à  cœur  de  tirer  vengeance  de  la  mort  de  Gilles, 
viennent  prendre  le  commandement  de  la  garnison  de  Tlmn-rÉ- 
vèque;  et  Edouard  III  leur  adjoint  un  vaillant  chevalier  an^is 
nommé  Rii^rd  de  limousin.  P.  lUl  à  193,  487  et  488. 


CHAPITRE   XXXm, 

13b0.    DÉCLABATION  DB  CUBRRB  ET  OWERTUAB  DIS  HOSTIUT£b  BNTXB 

LA  FBiNCE  rr  ix  HACikirT  :  bac  D'BASrBis  ris  Les  nAMçus  ar 

D'AUBBtfTOK   PAR    LES    BAINirVEBll    DÛtAtT    DD    COMTE    DE    HAINADT 

rov%  1,'ahclitiiub  (§§  93  à  98). 

Godemar  du  Fay  tient  garnison  pour  le  roi  de  France  à  Tour- 
nay,  Edouard  de  Beaujen  à  Mortagne  sur  Escaut,  Jean  de  la 
Hoche,  sénécha!  de  Carcassonne,  à  Saint-Arnand,  Amé  de  Poitiers 
à  Douai,  Etienne  dit  le  Galois  de  la  Baume,  Humbert  de  VlIIars, 
Jean  de  Lévis  maréchal  de  Mirepoix,  Thibaud  de  Moreuil,  les 
seigneurs  de  Villers  et  de  Roussilton  à  Cambrai.  Ces  chevaliers 
et  leurs  gens  d'armes  n'attendent  qu'nn  signal  pour  guerroyer  en 
Hainaut  afin  de  piller  ce  pays  et  d'y  faire  du  butin.  De  son  côté, 
Guillaume  d'Auxonne,  évëque  de  Cambrai,  qui  se  tient  à  Paris  à 
la  conr  de  Philippe  de  Valois,  se  plaint  sans  cesse  de  l'hostiiité  du 
comte  de  Hainaut,  qui  est  de  toutes  les  assemblées  des  Anglais, 
et  des  incursions  des  Hainuyers  qui  courent,  pillent  et  brûlent  le 
Cambrésis.  Philippe  est  tellement  indisposé  contre  son  neveu 
qu'il  donne  congé  à  la  garnison  de  Cambrai  et  auK  garnisons  des 
forteresses  voisines  d'envahir  le  Hainaut  et  de  dévaster  ce  pays, 
ncm  pas  il  est  vrai  au  nom  du  roi  de  France,  mais  sous  le  couvert 
du  duc  de  Normandie  bailli  du  Cambrésis.  Gnq  ou  six  cents 
hommes  d'armes  partent  un  samedi  soir  de  Cambrai,  du  Cateau- 
Cambrésis  et  de  la  Maimaison*  sous  les  ordres  de  Thibaud  de 
Moreuil,  de  Benaud  de  Trie,  de  Dreux  de  Roye,  du  seigneur  de 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  gg  93-S8.       cgli 

Maliucourt' ;  ils  arrivent  au  milieu  de  la  nuit  à  Haspres',  viUe 
riche  maia  dépourvue  de  fbrdficatioiis  et  surprennent  les  habitants 
dans  leurs  lits.  Us  font  un  immense  butin  et  l'entassent  sur  des 
charrettes  qu'ils  ont  amenées  avec  euxj  puis  ils  mettent  le  feu  à 
Haspres,  et  l'incendie  dévore  si  complètement  les  maisons  qu'il 
n'ea  reste  que  les  murs.  On  conserve  dans  l'église  d'Haspres  les 
reliques  de  s^t  Achaire,  saint  terrible  et  qui  est  bien  à  redouter*; 
cette  église  est  une  prévâté  gouvernée  par  les  moines  de  Saint- 
Yaasl  d'Arras.  Sans  la  prévoyance  du  prévôt  qui  avait  eu  soin 
de  faire  transporter  à  Valeociennes  la  Gerte  [châsse]  du  saint,  le 
reliquaire  et  les  plus  riches  ornements  de  l'église,  tout  aurait  étë 
perdu,  car  les  ennemis  pillent  l'abbaye  aussi  bien  que  la  ville  dont 
ils  abattent  et  brillent  les  moulins.  P.  193  à  19S,  48S  à  490. 

Les  habitants  de  Valenciennes  ne  tardent  pas  à  être  inTormés 
du  sac  d'Haspres  ;  on  court  à  la  Salle  et  l'on  réveille  le  comte  de 
Hainaut  pour  lui  annoncer  cette  nouvelle.  Guillaume  II  se  lève 
ausàt&t,  s'arme  et  fait  armer  ses  gens,  Gérard  de  Verchin,  séné- 
chal de  Hainaut,  Henri  d'Antoing,  Henri  d'Houffalize,  Thierry 
de  Valcourt,  les  seigneurs  de  Potelles,  de  Floyon,  de  Roisin,  de 
Gommegnies,  de  Mastaing,  de  Vendegies,  de  Hartaing,  de  Sars, 
de  Berlaimont,  de  Wargnies,  de  Boussu,  de  Vertaing  s'empressent 
de  répondre  à  l'appel  du  comte.  Sans  attendre  que  ces  seigneurs 
l'aient  rejoint,  Guillaume  II  se  rend  sur  la  place  du  Marché  et 
fait  sonner  la  cloche  du  beffroi  à  toute  volée.  A  ce  signal,  Jean 
de  Haussy,  alors  prévôt  de  Valendennes,  vient  à  la  t8te  d'tm 
certain  nombre  de  bourgeois  de  la  ville  se  ranger  sous  la  bannière 
du  comte  qui  s'élance  par  la  porte  de  Cambrai  sur  la  route  d'Has- 
pres, impatient  de  rencontrer  ses  ennemis.  Arrivé  entre  Maîng* 
et  Monchaux  après  avoir  chevauché  environ  une  heure,  Guil- 
laume II  reçoit  la  nouvelle  de  la  retraite  des  Français.  Il  revient 
alors  SOT  ses  pas.  et  chemin  faisant  il  va  rendre  visite  à  sa  mère 
à  l'abbaye  de  Fontenelle'.  Jeanne  de  Valois  essaye  en  vain  de 
calmer  la  colère  de  son  Ûls  en  disant  que  le  sac  d'Haspres  n'est 

1.  Nord,  arr.  Cambrai,  c.  Claiy.  Ce  village  servait  d'apanage  i  un 
cadet  de  la  maïton  de  Walincomt. 

1.  Nord.  arr.  Valencicimes,  c.  BouchaiD. 

3.  Le*  reliques  de  laint  Acbaire  pauaient  pour  guérir  la  lolie. 

k.  Haing  et  Monchaux,  Nord,  arr.  et  c.  Vaienciennei. 

5.  Abbaje  de  femmei  de  l'ordre  de  Qteaux  au  diocèie  de  Cambrai, 
coiamuDC  de  Haing. 


jvGooi^lc 


ccui  CHRONIQUES  DE  J.  FBÛISSAAT. 

pas  le  fait  du  roi  de  France,  mais  de  l'évèque  et  des  habitants 
de  Cambrai;  le  comte  jure  de  tirer  vengeance  de  cet  acte  d'bos- 
tilite.  P.  195  et  196,  490  et  491. 

Avant  de  prendre  un  parti ,  Guillaume  II  veut  consulter  ses 
branmes  et  convoque  à  une  assemblée  qui  doit  se  tenir  à  Hons 
les  barons,  prélats,  abbës,  chevaliers  et  conseillers  des  bonnes 
villes  du  Hainaut.  Il  fait  dans  le  même  temps  un  voyage  à  BnueUes 
et  ù  Gand  afin  de  s'assurer,  dans  la  guerre  qu'il  veut  entrepren- 
dre contre  Philippe  de  Valois,  le  concours  du  duc  de  Brabant  et 
des  Flamands,  Jacques  d'Arteveld  s'engage  à  mettre  sur  pîedaux 
Trais  des  villes  de  Flandre  un  corps  d'armée  auxiliaire  de  soixante 
mille  combattants.  La  nouvelle  du  sac  d'Saspres  comble  de  joie 
Jean  de  Hainaut  qui  ne  cherche  qu'une  occaùon  de  se  venger  du 
ravage  de  sa  terre  de  Chimay.  Ce  seigneur  se  r«)d  à  l'assemblée 
de  Mons  ;  et  tandis  que  les  seigneurs  d'EInghien,  de  Barbançon  et  de 
Ligne  sont  d'avis  qu'on  commence  par  demander  réparation  au  roi 
de  France  et  des  excuses,  le  seigneur  de  Beaumont  insiste  au  con- 
traire pour  qu'on  envoie  immédiatement  défier  Philippe  de  Valois, 
et  il  réussit  à  faire  triompher  son  opinion.  Seul  de  tous  les  cheva- 
liers du  Hainaut ,  le  sire  de  Naast  '  refuse  de  signer  le  défi ,  et 
pour  le  punir,  le  comte  confisque  les  terres  du  vassal  récalci- 
trant. Thibaud  Gignos,  abbé  de  Crespia*,  est  chargé  de  porter  ce 
déR  en  France.  Mùlippe  de  Valois  n'en  fait  que  rire  et  dit  que 
soD  neveu  est  un  fou  et  un  présomptueux.  Gui  de  Châtillon, 
comte  de  Blois,  vassal  du  comte  de  Hainaut,  son  cousin  germain, 
poor  les  terres  d'Avesnes  et  de  Landrecies,  renvoie  son  hommage 
au  comte  pour  rester  Français  et  suivre  le  parti  de  Philippe  de 
Valois,  ce  k  quoi  l'obligeait  sa  qualité  de  pair  de  France.  Guil- 
laume II,  en  revanche,   se  saisit  d'Avesnes,  de  Landrecies,  du 


1.  Mailt,  Belgique,  prov.  Hainaut,  arr.  et  c.  Soigniei.  Ce  «eignear 
eu  uiu  doute  Godetroi  de  Naait,  qui  lerrit  en  1339  mr  Ici  frontières 
de  HainRut  et  qui  Mt  ainiî  mentionné  dam  nne  montre  :  t  Godefroi 
de  Naît  bann.  1  bacb.  et  7  e»o.;  Tenu  de  firugnj  en  Champagne,  t  De 
Campi,  83,  f^  322  to.  Dana  les  premier*  mou  de  l'ann^  1340,  Tristan 
d'Oiij,  Pierre  Maubuision,  le  seigneur  de  Naast,  Jean,  Ticomte  de 
Meinn,  ckambellan  de  France,  Jean,  sire  de  Walincourt  et  le  seigneur 
de  Ham  renroj-èrent  à  Guillaume,  comte  de  Hainaut,  les  honunage* 
qu'ils  tenaient  de  lui  poor  se  mettre  au  serrice  du  roi  de  France  contre 
ledit  comte.  Inrtnt.  dt  la  chamin  det  Coanutt  dt  LiUe^  t.  1,  p.  137. 

S.  Abbaye  de  bénédictins  au  diocèse  de  Cambrai,  comm.  Cretpin, 
Nord,  arr.  Valenciennes,  c.  Coudé. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  gg  93-08.  ccliu 
château  de  Sasseguies'  et  y  met  garnison.  Le  comte  de  Hainaut 
parvient  à  recruter,  tant  dans  son  comt^  qu'en  Hasbaing,  en  Bra- 
bant  et  en  Flandre,  une  année  de  dix  mille  armures  de  fer;  Jean 
de  Hainaut  et  Thierry  III,  sire  de  Fauquemont,  fournissent  pour 
leur  part  un  contiDgent,  le  premier  de  trob  cents,  le  second  de 
deux  cents  lances.  Jean  de  Looz,  sire  d'Agimont*  et  le  seigneur 
de  Mon-Jardin  '  sont  aussi  venus  servir  Guillaume  II.  De  Mons  où 
elle  s'est  réunie,  cette  armée  prend  le  chemin  de  Merbes-leit- 
CMteau  *,  passe  la  Snmbre,  traverse  la  Fagne  '  de  Trelon,  les 
bois  de  Chimay  et  vient  un  soir  loger  à  Chimayet  aux  environs. 
Jj'intention  du  cnmte  de  Hainaut  et  de  Jean  de  Hainaut  son  oncle 
est  de  s'emparer  le  lendemain  par  surprise  d'Aubenton,  et  de  ra- 
vager la  Thiérache  et  toute  la  terre  de  Jean  de  Coucy,  sire  de 
BosmcHit'  et  de  Vervins,  principal  auteur  de  la  dévastation  de 
Chimay.  P.  196  à  198,  491  à  494. 

Aubenton^  n'a  d'autres  fortifications  que  des  palissades  et  de 
petits  fossés;  mais  sur  la  demande  des  habitants  qui  prévoyaient 
t'attaque  de  Jean  de  Hainaut  et  du  comte  son  neveu ,  le  grand 
bailli  de  VermandfHS  a  mis  dans  cette  place  une  garnison  de 
trois  cents  armures  de  fer  sous  les  ordres  de  Hue,  vidame  de 
Châlons,  de  Jean  de  la  Bove,  de  Jean  de  Bosmont,  sire  de  Ver- 
vins,  et  du  seigneur  de  Grosley.  Après  avoir  brûlé  sur  leur  route 
adroite  et  à  gauche  Sgny-l' Abbaye*,  Signy-le-Petit',  Marcilly  ", 
Regniowez",  Manbert-Fontaine  ",  le  comte  de  Hainaut  et  ses  gens 
d'armes  arrivent  un  vendredi  matin  devant  Aul^enton ,   grosse 


1.  Nord,  an-.  Avetnes,  c.  Berlaimont. 

2.  Belgique,  prov.  Namur,  air.  PhilipperlUe,  c.  Florenue*. 

3.  MouJardin ,  lieu  dit  de  la  comm.  d'Ayrraille,  Belgique,  piov.  et 
Brr.  Lijse,  c.  Loureigné. 

4.  Bebique,  ptot.  Hainaut,  an-.  Thuin. 

5.  La  Pagne  de  Trelon,  lieu  dit  de  la  coma,  de  Tiglon,  Nord,  arr. 
ATesne».  Ce  lieu  dit  désigne  un  boii,  reste  de  l'immense  forêt  qui  cou- 
Trait  aulrefoi*  le  pays  et  ea  occupe  encore  aujourd'hui  une  gnnde 
partie.  Le  oon  de  Fanie,  dont  la  racine  eit  le  latin  fagut,  a  mu 
doute  é\.é  donn^  à  ce  boia,  parce  que  le  hêtre  y  ^tait  l'euence  do- 


6.  BounoQt,  Aisne,  an-.  Laon,  c.  Marie. 

7.  Aisne,  arr.  Verrin»,  ch.-l.  de  c. 

8.  Ardennei,  ut.  Wéiitret,  —  9.  Ardennes,  arr.  Rocroi. 

10.  Marcilly,  lieu  dit  de  la  comm.de  Barzv-Courtemont,  Aisne,  ( 
Ver*tns,  c.  Nouvion. 

11.  Ardennes,  an-,  et  e.  Rocroi.  ^  12.  Ibid. 


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ccLir  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

ville  et  riche  où  l'on  fabrique  beaucoup  de  drap.  Les  assiégeants 
livrent  un  assaut  dès  le  lendemain  :  Us  forment  trois  corps  de  ba- 
taille. Le  comte  de  Hainaut  commande  la  première  bataille,  Jean 
de  Hainaut,  sire  de  Beaumont,  la  seconde;  et  Thierry  III,  sire  de 
Fauquemont,  est  à  la  tète  de  la  troisième,  composée  d'hommes 
d'armes  de  son  pays,  d'Allemands  et  de  Brabançons.  Ce  que 
voyant,  les  assiégés  se  divisent  aussi  en  trois  corps  pour  tenir 
tite  à  leurs  adversaires.  T^  bataille  du  comte  de  Hainaut  donne 
l'assaut  à  une  porte  qui  est  vaillamment  défendue  par  Hue,  vi- 
dame  de  Châlons.  et  trois  de  ses  neveui  que  leur  oncle  fait  là 
chevaliers.  Jean  de  Hainaut  attaque  avec  un  acharnement  tout 
particulier  la  porte  située  du  cdté  de  Chimay,  parce  que  Jeas  de 
Coucy,  sire  de  Bosmont,  et  Jean  de  la  Bove,  qui  gardent  cette 
porte,  ont  pris  part  au  ravage  de  la  terre  de  Cbimay  dont  Jean 
de  Hainaut  est  le  seigneur.  Thierry  III,  sire  de  Fauquemont,  avec 
ses  Allemands  et  ses  Brabançons,  tourne  tons  ses  efforts  contre 
la  trobième  porte  dont  le  seigneur  de  Lor  lui  dispute  l'entrée. 
Ceux  du  dedans  jettent  du  haut  des  portes  des  planches,  despou- 
'  très,  des  vases  pleins  de  chaux  vive  et  font  pleuvoir  une  grêle 
de  pierres  et  de  cailloux  sur  les  assaillants.  Le  siège  dure  cinq 
jours,  et  les  assiégeants  livrent  des  assauts  tous  les  jours;  un 
brave  écuyer  de  Hainaut  de  la  terre  de  Binche*,  nommé  Beau- 
doin  de  Beaufort,  est  grièvement  blessé  à  l'un  de  ces  assauts, 
P.  198  à  301,  494  à  496. 

Le  samedi  des  Brandons'  au  matin  (4  mars],  Aubcnton  est  pris 
d'assaut  malgré  l'héroïque  résistance  de  la  garnison;  et  Jean  de 
Hainaut  entre  le  premier  dans  la  ville,  précfidé  de  sa  bannière 
que  porte  Thierry  de  Senselles.  Hue  vîdame  de  Châlons  et  un 
certain  ntmibre  de  chevaliers  et  d'écuyers  se  ramassent  alors  sur 
la  place  devant  l'abbaye;  et  ils  lèvent  là  leurs  bannières  et 
leurs  pennons,  bien  décidés  à  prolonger  jusqu'au  bout  la  résis- 
tance. Mais  Jean  de  Bosmont,  sire  de  Vervins,  qui  prévoit  que 
sa  participation  au  ravage  de  la  terre  de  Chimay  l'empêchera 
d'ëlre  pris  à  rançon  par  Jean  de  Hainaut,  se  sauve  de  toute  la 
vitesse  de  son  cheval,  et  il  est  suivi  dans  sa  retraite  par  Jean 
de  la  Bove.  A  cette  nouvelle,  Jean  de  Hainaut  s'élance  avec  ses 
gens  à  la  poursuite  de  son  ennemi  auquel  il  donne  la  chasse,  sans 

1.  Belgique,  prov.  Hainaut.  arr.  Thuin,  à  17  k.  de  Hons. 
3.  Le  premier  dimanche  de  carême. 


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SOMMAIRE  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  93-98.  oa.v 
toutefois  parvenir  à  le  ratteindre,  jusqu'aux  portes  du  château  de 
Vervins,  ville  ùtu^e  à  deux  lieues  d'ÂuJbenton.  Pendant  ce  temps. 
Hue  vidame  de  Châlons  et  ses  trots  neveux  font  des  prodiges 
de  valeur.  Le  vidame,  après  avoir  vu  deux  de  ses  neveux  périr 
à  ses  côtés,  est  blessé  grièvement  et  fait  prisonnier  ainsi  que  le 
neveu  qui  lui  reste  et  les  seigneurs  de  Lor,  de  Vendeuil  et  de 
Saint-Martin.  Le  même  sort  est  réservé  aux  gens  d'armes  de  la 
garnison  et  à  bien  deux  cents  habitants  d'Aubentou  ;  puis  oo  [ôlle 
la  ville  dont  les  richesses,  qui  consistent  surtout  en  laines  et  en 
drap,  sont  transportées  à  Chimay  )  enfin,  on  met  le  feu  aux 
niais<ms,  et  l'incendie  n'en  épargne  pas  même  une  seule.  Après 
la  destruction  d'Aubenton ,  Jean  de  Hainaut  revient  habiter 
Chimay.  Thierr}'  III  sire  de  Fauquemont  et  Jean  de  Looz,  sire 
d'Agimont,  se  dirigent  vers  Dinant'.  Le  comte  Guillaume  II, 
Gérard,  sire  d'Enghien  et  les  autres  chevaliers  du  Hainaut  re- 
tournent à  Mous.  Au  retour,  tous  ces  gens  d'armes  pillent  et 
braient  Aubencheul-aux-Bois  *  et  plus  de  quarante  villages  ou 
hameaux  des  environs.  P.  201  à  204,  4{)S  à  497. 

Le  comte  de  Hainaut  entreprend  plusieurs  voyages;  il  visite  à 
Cologne  Louis  de  Bavière  empereur  d'Allemagne  son  beao-frère, 
à  Bruxelles  Jean  III  duc  de  Brabant  son  beau-père,  à  Gand  sa 
soeur  Philippe  reine  d'Angleterre  et  aussi  Jacques  d'Arteveld  chef 
de  la  confédération  des  bonnes  villes  de  Flandre.  Le  but  de  ces 
voyages  est  d'imprimer  une  nouvelle  activité  à  la  coalition  déjà 
formée  contre  Phihppe  de  Valois.  Bientôt  même  Guillaume  II  se 
décide  à  passer  en  Angleterre  afin  de  concerter  avec  Edouard  III 
le  plan  d'une  nouvelle  campagne  contre  la  France.  Avant  son 
départ,  il  tient  à  Mons  une  assemblée  solennelle  où  il  fait  recon- 
naître Jean  de  Hainaut  son  oncle  comme  régent  et  gouverneur  de 
Hainaut,  Hollande  et  Zélande  en  son  absence.  Sur  ces  entrefaites, 
le  bruit  se  répand  que  le  duc  de  Normandie  se  prépare  à  enva- 
hir le  Hainaut  et  doit  venir  assiéger  Valenciennes  à  la  tête  d'une 
puissante  armée.  A  cette  nouvelle,  Jean  de  Hainaut  confie  la 
garde  de  Valenciennes  à  quatre  chevaliers,  Henri  d'Antoing,  les 
seigneurs  de  Wargny*  et  de  Gommegnies*  et  Henri  d'Houflâ- 
lize.  Il  met  à  Haubeuge  Thierry  de  Valcourt  maréchal  de  Hai- 


1.  Belgiqne,  pror.  Namur, 

S>  Aisne,  bit.  Saint-Quentin,  c.  le  Catelet. 

3>  Jean  de  Wargny.  —  k.  Gérard,  lire  de  Gommegnies  en  1340. 


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ccLvi  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT. 

naut  avec  cent  lances,  au  QuesDoy  Thierry  III  sire  de  Fauque- 
moRt  avec  cent  armures  de  fer,  à  Landrecies  le  seigneur  de 
Potelles,  à  Bouchain  les  trois  Conrard,  chevaliers  allemands,  à 
Escaudœuvres  Gérard  de  Sassegnies',  à  Avesnes  le  seigneur  de 
Mondgnies-Saint-Cfaristopbe*,  à  Thun-l'Evêque  Richard  de  Li- 
mousin, chevalier  anglais  avec  les  deux  frères  Jean  et  Thierry  de 
Mauny,  au  château  de  Rieolay*,  les  seigneurs  de  Raismes*  et  de 
Goeukin',  à  Condë-sur-l' Escaut*  les  seignears  de  Blicquy''  et  de 
Bury ',  à  Verchîn  '  Gérard  de  Verchin  sénëchal  de  Uainaut, 
pour  faire  ftxHitière  contre  les  Camt>réstens.  P.  S04  et  20S,  407 


1.  Ce  leisnenr  fut  décapita  en  1340  bonr  Crime  de  hante  uvhîtoii. 
•  Gaerart  de  Sauelcnies  •  lervit  dani  le  parti  tnuiçû*  *aai  Godemar 
du  Fay,  du  18  octiAre  1339  au  1"  octobre  1340,  avec  troi»  rfcujera. 
Voyez  De  Camps,  portef.  83,  P"  309  ï". 

2.  Belgique,  prov.  Hainaut,  arr.  Thoin,  c.  Herbe^&ChJteaa. 

3.  Nord,  BIT.  Douai,  c,  Harchiennei. 

4.  Nord,  BIT.  Valenciennes.  c.  Sainl-Amand-le»-KauK. 

5.  Nord,  an-.  Douai,  c.  Arleux.  —  6.  Nord,  hit.  Valeucienne*. 

7.  Belgique,  pror.  Kaimtut,  air.  Atfa.  o.  Qiièrrei. 

8.  Belgique,  prov.  Hainnut,  arr.  Tournay,  c.  PAiivreU. 

9.  Verchîn  ou  Verchain-Uaugré,  Ncnd,  arr.  et  c.  Valencieanet. 


c^ 


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CHRONIQUES 

DE 

J.  FROISSART 


DiqteMwGoOl^lC 


IHPRUERIE  GÉNÉRALE  DE  CE.  LAHURB 


D,qit,zeabvG00»^lc 


CHRONIQUES 

DE 

J.  FROISSART 

ItBLIËES  fOm  Là  SOGIÉTt  DE  l'sISTORB  DE  FRANCE 

PAR   SIMÉOIÏ  LUCS 


TOME   PREJtlIER 

1307-1340. 
(DEPttiB  h'ÂviitiMxjn  d'ùmdasd  II  lusqo'An  BiiCB  OB  toduut) 


A  PARIS 


CHEZ  H»'  V»  IULES  RENOUARD 

UBUIRB   DE    LA    SOCIÉTfi   DE   L'fllStOntE  DE   TRAKCB 
■DE  BB  TODMOH,  R*  6 

HDCCCLXIX 


DiqitizeabvG00»^IC 


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CHRONIQUES 

DE  JEAN  FROISSART. 

PROLOGUE. 


Afin  que  les  grans  merveilles  et  li  biau  fait  d'armes^ 
qui  sont  avenu  par  les  grans  guerres  de  Franee  et 
d'Ëngleterre  et  des  royaumes  voisins,  dont  li  toj  et 
leurs  consaulz  sont  cause,  soient  notablement  regis- 
tre et  ou  tamps  présent  et  à  venir  veu  et  cogneu,  je 
me  voel  ensonniier  de  l'ordonner  et  mettre  en  prose 
selonch  le  vraie  information  que  j'ay  eu  des  vaillans 
hommes,  ehevaliers  et  escuiers,  qui  les  ont  aidiés  à 
acroistre,  et  ossi  de  aucuns  rois  d'armes  et  leurs  ma- 
reschaus,  qui  par  droit  sont  et  doient  estre  juste  in- 
quisiteur et  raporteur  de  tels  besongnes. 

Voirs  est  que  messires  Jehans  li  Biaus,  jadis  ea- 
noones  de  Saint  Lambert  de  Liège,  en  fist  et  cronisa 
à  son  tamps  aucune  cose  à  se  plaisance';  et  j'ai  ce  li- 
vre hystoriiet  et  augmenté  à  le  mienne,  à  le  relation 
et  conseil  des  dessus  dis,  sans  Ëiire  fait,  ne  porter 
partie,  ne  coulourer  plus  l'un  que  l'autre,  fors  tant 


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s  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

que  It  biens  fais  des  bons,  de  quel  pays  qu'il  soient, 
qui  par  proèee  l'ont  acquîsj  y  est  plainnemenl  vens 
et  cogneus,  car  de  l'oubliier  ou  eseonser,  ce  seroit 
pechiés  et  cose  mal  apertenans,  car  esploit  d'armes 
5  sont  si  chierement  comparet  et  achetet,  che  seèvent 
chil  qui  y  traveillent,  que  on  n'en  doit  nullement 
mentir  pour  complaire  à  autrui,  et  tollir  le  glore  et 
renommée  des  bien&isans,  et  donner  à  chiaus  qui 
n'en  sont  mies  digne. 

10  Or  ai  je  mis,  ou  premier  chief  de  mon  proisme, 
que  je  voel  parler  et  trettier  de  grans  mervelles.  Voi- 
rement  se  poront  et  deveront  bien  tout  chil  qui  ce 
livre  liront  et  veront,  esmerviUier  des  grans  aventu- 
res qu'il  y  trouveront.  Car  je  croi  que,  de  puis  le 

l&  création  dou  monde,  et  que  on  se  commença  pre- 
mièrement à  armer,  on  ne  trouveroit  en  nulle  hys- 
tore  tant  de  merveilles  ne  de  grans  tais  d'armes,  se- 
lonch  se  quantité,  comme  il  sont  avenu  par  les 
guerres  dessus  dittes,  tant  par  terre  com  par  mer,  et 

30  dont  je  vous  ferai  enslevant  mention.  Mais  ançois 
que  j'en  commence  à  parler,  je  voel  un  petit  tenir  et 
démener  le  pourpos  de  proèee,  car  c'est  une  si  no- 
ble vertu,  et  de  si  grant  recommendation,  que  on  ne 
le  doit  mies  passer  trop  brieânent,  car  elle  est  mère 

25  materièle  et  lumière  des  gentilz  hommes,  et,  si  com 
la  busce  ne  poet  ardoîr  sans  feu,  ne  poet  li  gentilz 
homs  venir  à  parfaite  honneur  ne  à  le  glore  dou 
monde,  sans  proèee. 

Or  dolent  donc  tout  jone  gentil  homme,  qui  se 

30  voellent  avancier,  avoir  ardant  désir  d'acquerre  le 
fait  et  le  renommée  de  proèee,  par  quoi  il  soient  mis 
et  compté  ou  nombre  des  preus,  et  regarder  et  con- 


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PROLOGUE.  3 

sidérer  comment  leur  predicesseur,  dont  il  tiennent 
[leurs']  hyretages  et  portent  espoir  les  armes,  sont 
honnourë  et  recommendé  par  leurs  biens  Ëtis.  Je  sui 
seurs  que,  se  ilz  regardent  et  Usent  en  ce  livre,  que 
il  trouveront  otant  de  grans  fais  et  de  belles  apertises  5 
d'armes,  de  durs  rencontres,  de  fors  assaus,  de  lîères 
batailles  et  de  tous  autres  maniemens  d'armes  qui  se 
descendent  des  membres  de  proèce,  que  en  nulle 
hystore  dont  on  puist  parler,  tant  soit^anchiienne  ne 
nouvelle.  Et  ce  sera  à  yaus  matère  et  exemples  de  lo 
yaus  encoragier  en  bien  faisant,  car  la  memore  des 
bons  et  11  recors  des  preus  atisent  et  enflament  par 
raison  les  coers  des  jones  bacelers,  qui  tirent  et  ten- 
dent à  toute  perfection  d'onneur,  de  quoi  proèce 
est  li  principaus  chiés  et  11  certains  ressors.  15 

Si  ne  voel  je  mies  que  nulz  bacelers  soit  excusés 
de  non  li  armer  et  sievir  les  armes  par  defaute  de 
mise  et  de  chavance,  se  il  a  corps  et  membres  ables 
et  propisses  à  ce  faire,  mes  voel  qu'il  les  aherde  de 
bon  corage  et  prende  de  grant  volenté.  Il  trouvera  20 
tantost  des  haus  signeurs  et  nobles  qui  l'ensonnie- 
roDt,  se  il  le  vaut,  et  le  aideront  et  avanceront,  se  il 
le  dessert,  et  le  pourveront  selonch  son  bien  (ait. 
Ossi.en  armes  avieuuent  tant  de  grans  merveilles  et 
de  belles  aventures  que  on  n'oserolt  ne  poroit  pen-  25 
ser  ne  imaginer  les  fortunes  qui  s'i  boutent,  se  eom 
vous  verés  et  trouvères  en  ce  livre,  se  vous  le  lisiés, 
comment  pluiseur  chevalier  et  escuier  se  sont  fait  et 
avanciet,  plus  par  leur  proèce  que  par  leur  linage. 
Li  noms  de  preu  est  si  haus  et  si  nobles  et  la  vertu  30 

t.  m.  de  GugnièTM,  f^  1.  —  H*.  6477,  f^  3  v*  :  <  le  i. 


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4  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAftT. 

si  clère  et  si  belle  que  elle  resplendis!  en  ces  sales  et 
en  ces  places  où  il  a  assamblée  et  fuîson  de  grans 
signeurs,  et  se  remoustre  dessus  tous  les  autres,  et 
l'ensengn'on  au  doi  et  dist  on  :  «  Velà  cesti  qui  mist 
5  ceste  cevaucie  ou  ceste  armée  sus,  et  qui  ordonna 
ceste  bataille  si  Êiiticement  et  te  gouverna  st  sage- 
ment, et  qui  jousta  de  ûer  de  glave  si  radement,  et  - 
qui  tresperça  les  conrois  de  ses  ennemis  par  deus  ou 
par  trois  fois,  et  qui  se  combat!  si  vassaument  ou 

10  qui  entreprist  ceste  besongne  si  hardiement,  et  qui 
fil  trouvés  entre  les  mors  et  les  bleciés  navrés  moult 
durement,  et  ne  daigna  onques  fuir  en  place  où  il 
se  trouvas!,  s 

De  telz  grains  et  de  telz  semences  sont  servi  et 

15  alosé  li  vaillant  homme  et  li  preu  par  leur  vaillance. 
Encores  avant  on  voit  le  preu  baceler  seoir  à  haute 
honneur  à  table  de  roy,  de  prince,  de  duch  et  de 
conte,  là  où  plus  nobles  de  sanch  et  plus  rices  d'a- 
voir n'est  mies  assis.  Ou-,  si  com  li  quatre  ewange- 
'  30  liste  et  li  douze  apostele  sont  plus  proçain  de  Nostre 
Signeur  que  ne  soient  li  autre,  sont  li  preu  plus  priés 
d'onneur  et  plus  honnouré  que  li  aultre;  et  c'est  bien 
raisons,  car  il  acquèrent  et  conquèrent  le  nom  de 
proèce  en  grant  painne,  en  sueur,  en  labeur,  en  soing, 

25  en  villier,  en  travillier  jour  ,et  nuit  sans  séjour.  Et 
quant  leurs  biens  &is  est  veus  et  cogneus,  il  est  ra- 
menteus  et  renommés,  si  com  dessus  est  dit,  et  es- 
crips  et  registres  en  Uvreset  en  cronikes.  Car,  par  les 
escriptures  troeve  on  le  memore  des  bons  et  des 

30  vaillans  hommes  de  jadis,  si  com  les  neuf  preus  qui 
passèrent  route  par  leur  proèce,  les  douze  chevaliers 
compagnons  qui  gardèrent  le  pas  contre  Salehadin 


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e^  se  poiseance,  les  douze  pers  de  France  qui  demo- 
rèrent  en  Raînceraus,  et  qui  si  vaillammeut  s'i  ven- 
dirent et  combatirent;  et  ensi  de  tous  les  autres  que 
je  ne  puis  mies  tous  nommer,  ue  déterminer  leurs 
biens  Ëiis  ne  ramentevoîr,  car  trop  poroie  ma  prin-  5 
cipal  matère  empeechier.  Ensi  se  diffère  et  dissimule 
li  mondes  en  pluiseurs  manières.  Li  vaillant  homme 
traveillent  leurs  membres  en  armes,  pour  avancier 
leurs  corps  et  acroistre  leur  honneur.  Lî  peuples  pa- 
roUe,  recorde  et  devise  de  leurs  estas,  et  de  leur  for-  10 
tunes.  Li  aucun  clerch  escrisent  et  registrent  leurs 
avenues  et  baceleries. 

Or  ay  je  eu  pluiseurs  fois  imagination  sus  Testât 
de  proèce,  et  penset  comment  et  où  elle  a  regnet  et 
tenu  signourie  et  domination,  et  salli  d'un  pays  en  15 
aultre.  Sus  ses  ordenances  meismement,  en  ay  je  oy 
parler  et  deviser  en  ma  jonèœ  aucuns  vaillans  hom- 
mes et  bons  chevaliers,  qui  olant  bien  s'en  esmer- 
villoient  adonc  comme  je  Ëii  maintenant  :  si  vous 
en  voel  déclarer  aucune  cose.  Vérités  est,  selonch  so 
les  aneiiennes  escriptures,  que,  apriès  le  deliuve  et 
que  [Noés  ']  et  se  génération  eurent  repeuplé  le  monde, 
et  que  on  se  commença  à  armer  et  à  courir  et  à  pil- 
lier  l'un  sus  l'autre,  proèce  r^ua  premièrement  ou 
royaume  de  Caldée,  par  le  ùàl  dou  roy  Ninus  qui  35 
fist  fonder  et  edefîier  la  grant  cité  de  Ninivée  qui 
'  contenoït  trois  journées  de  lonc,  et  ossi  par  la  royne 
Semiramis  sa  femme  qui  fu  dame  de_  grant  valeur. 
Apriès,  proèce  se  remua  et  vint  régner  en  Judée  et 
en  Jherusalem,  par  le  &it  de  Josué,  de  David  et  des  30 

1.  Ib.  6477,  f-Sf:  «NoeU.  1  , 


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6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSADT. 

Machabiens.  Et  quant  elle  eut  !à  régné  im  temp^ 
elle  vint  demorer  et  régner  ou  royaume  de  Perse  et 
de  Mède,  par  Le  fait  de  Cyrus,  le  gi-ant  roy,  par  As- 
serus  et  par  Xerses.  Après,  revint  proèce  régner  en 
5  Gresce^  par  le  fait  de  Hercules,  de  Tezeus,  de  Jazon 
et  de  Acilles  et  des  aultres  preus  chevaliers;  apriès, 
en  Troies,  par  le  roi  Priant,  par  Hector  et  par  ses 
frères;  apriès,  en  le  cité  de  Homme  et  entre  les  Rom- 
mains,  par  les  nobles  senatours  et  concilies,  tribons 

10  et  centurions.  El  fiirent  cil  et  leurs  générations  en 
tel  poissance,  environ  cinq  cens  ans,  et  firent  priés 
que  tout  le  monde  rendre  trebus  à  yaus  jusques  au 
tamps  Julius  César,  qui  fii  li  premiers  emperères  de 
Romme,  et  de  qui  tout  li  aultre  sont  descendu  et 

15  venu. 

Apriès,  se  tanèrent  li  Bommain  de  proèce,  et  s'en 
vint  demorer  et  régner  en  France,  par  le  &it  pre- 
mièrement dou  roy  Pépin  et  dou  roy  Charle,  son 
fit,  qui  fil  rois  de  France  et  d'Alemagne  et  emperères 

20  de  Homme,  et  par  les  autres  nobles  rois  ensievant. 
Apriès,  a  régné  proèce  un  grant  tamps  en  Engleterre^ 
par  le  feit  dou  roy  Edowart  et  dou  prince  de  Galles, 
son  fil;  car,  de  leur  règne,  li  chevalier  Englès  et  li 
aultre  qui  avoech  yaus  se  sont  mis  et  acordé,  ont 

35  ùàt  olant  de  belles  apertises  d'armes  et  de  grans  ba- 

cheleries  et  de  hardies  emprises  que  nul  chevalier 

pueent  &ire,  si  com  il  vous  sera  déclaré  avant  en  ce 

livre. 

Or,  ne  sai  je  mies  se  proèce  voet  encores  chenu' 

30  ner  oultre  Engleterre  ou  reculer  le  chemin  que  elle  a 
Mt,  car,  si  com  chi  dessus  est  dit,  elle  a  cercbiet  et 
environné  ces  royaumes  et  ces  pays  dessus  nommés, 


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PROLOGUE.  7 

et  régné  et  conservé  entre  les  habitans  une  fois  plus 
et  l'autre  mains,  à  se  ordenance  en  soit;  mais  j'en 
ay  un  petit  touchiet  pour  les  mervilleusetés  dou 
monde.  Si  m'en  tairai  à  tant  et  me  retrairai  à  le  ma- 
tera dont  j'ai  fait  men  commenchement,  etdeclarrai  5 
assés  tost  par  quel  manière  et  condicion  la  gueire 
s'esmut  premièrement  entre  les  Englès  et  les  Fran- 
çois. Et  pour  che  que  ou  temps  à  venir  on  puîst  sa- 
voir qui  a  mis  ceste  hystore  sus,  et  qui  en  a  esté  ac- 
tères,  je  me  voel  nommer.  On  m'appelle,  cpii  tant  lo 
me  voet  honnerer,  sire  Jehan  Froissart,  net  de  le 
conté  de  Haynau  et  de  la  bonne,  belle  et  friche  ville 
de  Valenchienes. 


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LIVRE  PREMIER. 


§  1 .  Premièrement,  pour  mieus  entrer  en  le  ma- 
tère  et  hystore  dessus  ditte,  voirs  est  que,  apriès  l'a- 
paisemenl  des  guerres  de  Flandres  qui  furent  si  gran- 
des, et  dont  tant  de  vaillant  homme  lurent  mort  à 
Courtrai  et  ailleurs,  et  que  U  biaus  rois  Pheltppes  eut  â 
mariet  sa  fille  en  Engteterre  au  roy  Edouwart,  li  quelz 
rois  d'Engleterre  ne  fu  mies  de  si  grant  sens  ne  de  si 
grant  proèce  plains  comme  avoit  esté  li  bons  rois 
Edouwars  ses  pères,  qui  tant  eut  à  Ëiire  as  Danois  et 
as  Escos  et  les  desconfi  par  pluiseurs  fois  en  bataille,  lo 
et  ne  peurent  onques  avoir  victore  à  lui;  et  quant 
il  lu  trespassés,  ses  filz  de  son  premier  mariage,  qui 
lu  pères  au  roy  Edouwart  sur  qui  ceste  hystore  est 
ordenée,  pas  ne  le  ressambla  de  sens  ne  de  proèce. 
Car,  assës  tost  apriès  çou  qu'il  fu  couronnés,  li  rois  15 
Robers  de  Brus,  qui  estoit  rois  d'Escoce,  et  qui  par 
pluiseurs  fois  avoit  moult  donnet  à  faire  au  bon  roy 
Edouwart,  chevauça  tantost  efforciement  sur  lui  et 
reconquist  toute  Escoce  et  la  bonne  cité  de  Bervich, 
et  ardi  et  gasta  grant  partie  dou  royaume  d'Engle-  3o 
terre  bien  quatre  journées  ou  cinq  par  dedens  le  pays, 
et  desconfi  celi  roy  et  tous  les  barons  d'Engleterre  en 


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10  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [\Mi} 

une  place  en  Escoce  que  on  dist  Struvelin,  par  ba- 
taille reDgie  et  arrestée.  El  dura  la  caee  de  eeste  des- 
confiture  par  deus  jours  et  par  deus  nuis.  Et  s'en 
afui  11  rois  englés  à  moult  peu  de  s^  gens  jusques  à 
5  Londres.  Mes,  pour  ce  que  ce  n'est  mies  de  nostre 
matère,  je  m'en  tairai  à  tant. 

§  2.  Chilz  rois  englès,  dont  je  parloie  maintenant, 
qui  reçut  ce  grant  damage  en  Escoce,  avoit  deus 
firères  de  remariage.  Si  fu  li  uns  nonmiée  li  contes 

10  Mareschaus  et  fîi  de  diverse  et  de  sauvage  manière; 
li  autres  fu  appelles  messires  Aymes  et  estoit  contes 
•  de  Kent,  moult  preudons,  douls  et  débonnaires  et 
moult  amés  des  bonnes  gens.  Cbib  rois  eut  de  ma- 
dame sa  femme.  Bile  au  biau  roy  Pbelippe,  deus  fîlz 

15  et  deus  filles.  Des  quejz  fiU  li  ainsnës  eut  nom  Edou- 
wars,  et  fu  rois  d'Engleterre  par  l'acort  de  tous  les 
barons  très  le  vivant  son  père,  si  com  vous  orés  avant 
en  ce  livre.  Lî  secons  des  fîlz  eut  nom  Jehans  de 
Eltem  et  morut  jones.  Li  ainsnée  des  deus  filles  eut 

30  nom  Ysabel  et  fii  mariée  au  jone  roy  David  d'Escoce, 
filz  au  roi  Robert  de  Brus.  Et  )i  fii  donnée  en  mariage 
de  jonèce  par  l'acord  d^s]  deus  royaumes  d'Engle- 
terre et  d'Ëseoee  et  par  pais  faisant.  Li  autre  fille  fu 
mariée  au  dueh  de  Guérie.  Chilz  eurent  deus  filz  et 

25  deus  filles,  Renault  et  Edowart;  et  les  filles,  li  une 
fil  contesse  de  Blois  de  par  monsigneur  Jehan  de 
Blois  son  mari,  et  li  aultre  duçoise  de  Jullers. 

§  3.  Li  biaus  rois  Phelîppes  de  France  eut  trois  filz 

avoeh  ceste  belle  fille  ma  dame  Ysabel  qui  fii  royne 

30  d'Engleterre.  Et  fiirent  cil  troi  fd  moult  bel  et  grant 


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[1314-13X8]  LWRE  PREMIER,  $>3.  11 

chevalier.  Si  eut  à  nom  li  ainnés  Loeis,  et  fu  au  vi- 
vaut  dou  roy  son  père  rois  de  Navare,  et  l'appella 
on  le  roy  Hustin.  Li  secons  eut  à  nom  Phelippes  li 
Biaus,  et  li  tiers  Charles.  Et  fiirent  tout  troi  roi  de 
France  apriès  le  mort  dou  roy  Phelippe,  leur  père,  5 
par  droite  succession,  li  uns  apriès  l'autre,  sans  avoir 
hoir  maries  de  leurs  corps  engendrés  par  voie  de  ma- 
riage :  si  ques,  apriès  la  mort  del  daarrain  roy  Charle, 
li  douze 'per  et  li  baron  de  France  ne  donnèrent 
point  le  royaume  à  le  sereur  qui  estoit  royne  d'En-  lo' 
gleterre,  par  tant  qu'ifl]  '  voloient  dire  et  maintenir, 
encores  voelent,  que  li  royaumes  de  France  est  bien 
si  nobles  que  il  ne  doit  mies  aler  ne  descendre  à  fu- 
melle  ne  par  consequense  à  fil  de  fumelle.  Car,  ensi 
comme  il  voelent  dire  et  maintenir,  lifilz  de  fiimetle  15 
ne  poet  avoir  droit  ne  succession  de  par  sa  mère, 
venant  là  où  sa  mère  n'a  point  de  droit  :  si  ques, 
par  ces  raisons,  li  douze  per  et  li  baron  de  France 
donnèrent,  de  commua  acort  [le  royaume  de  France*], 
à  monsigneur  Phelippe  de  Yalob,  fil  jadis  à  monsi-  30 
gneur  Charle  le  conte  de  Valois,  frères  à  che  biau 
roy  Phelippe  descure  dit,  et  en  ostèrent  le  royne 
d'Ëngleterre  et  son  fit  qui  estoit  hoirs  maries  et  ne- 
veus  au  roy  Charlon,  et  li  rois  Phelippes  n'estoit  que 
cousins  germains.  C'est  li  poins  par  quoi  les  guerres,  25 
les  pestilenses  et  les  tribulations  sont  de  puis  incou- 
rutes  et  eslevées,  et  li  grant  mesehief  avenu  par  le 
cause  dou  calenge  et  de  le  defiense,  si  com  il  vous 

1.  La  leçon  du  mi.  de  Gaignièret,  f°  3,  aatorùe'à 
l  àe  il  qui  n'ett  pai  ûguzie  dans  l'à^nire,  parce  qu'eUe 
pas  lentir  dans  la  pronoDcialion  derant 

S.  Mh.  a  —  Mh.  B  (lacmie). 


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13  CHRfflnQDSS  DE  J.  FROIgSAHT.    [1307-1327] 

sera  recordé  chi  apriès,  quant  tamps  et  lieus  venront 
que  j'en  deverai  parler.  Mais  je  m'en  tairai  encores 
un  petit  et  me  retralrai  k  le  droite  matère  des  Englès, 
si  com  je  l'ay  commencie. 

5  $  4.  Il  est  bien  voirs  que  cils  roys  -d'Engleterre, 
pères  3  ce  roy  Ëdouwart  sur  qui  nostre  matère  est 
fondée^  gouvrena  moult  diversement  son  royaume  et 
fist  pluiseurs  diverses  justices  et  pluiseurs  merveilles 
par  le  conseil  et  enhort  de  monsigneur  Huon,  c'en 

10  dist  le  Despensier^  qui  avoit  esté  nouris  avoecques 
lui  d'enBince.  Et  avoîent  tant  fait  eilz  messires  Hues 
et  messires  Hues  ses  pères  qu'il  estoient  li  plus  grant 
baron  d'Engleterre,  en  tant  que  de  mise  et  de  rikèce. 
Et  par  especial  messires  li  filz  avoit  si  mené  le  roy  et 

15  si  alrait  à  ses  oppinions  que  sans  lui  n'estoit  riens 
foit,  et  par  lui  estoît  tout  fait,  et  le  creoit  li  rois  plus 
que  tout  le  monde.  Et  voloient  li  doi  signeur  Des- 
[lensier  mestrîier  et  sormonter  tous  les  sîgneurs  et 
les  barons  d'Engleterre.  Pour  quoi,  avinrent  de  puis 

30  ou  pays  et  à  yaus  meismea  moult  de  maulz  et  de 
tourmens. 

Car,  apriès  la  grande  desconfiture  de  Struvelin,  là 
où  li  rois  Robers  de  Brus,  rois  d'Escoce,  avoit  des- 
confi  che  roi  d'Engleterre  et  toutes  ses  gens,  si  com 

2i  ci  dessus  est  dit,  graut  hayne  et  grant  murmure 
monteplia  ou  pays  d'Engleterre  entre  les  nobles  ba- 
rons et  le  conseil  le  roy  meismement  encontre  le 
dit  monsigneur  Huon  le  Despeusier.  Et  li  mettoient 
sus  que  par  son  conseil  il  avoient  esté  desconfi  et 

30  que,  par  tant  qu'il  estoit  Ëtvourables  au  roi  d'Escoce, 
il  avoit  tant  conseilliet  et  tenu  le  roi  d'Engleterre  en 


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[13iS]  LIVRE  PREMIER,  $  S.  13 

neglîgense  que  li  Escot  avoient  reconquis  le  bonne 
cité  de  Bervich  et  ars  quatre  journées  ou  cinq  par 
deus  fois  dedens  leur  pays,  et  yaus  desconfis  en  ba- 
taille et  mis  en  cace,  et  porté  très  grant  damage.  Et  - 
sus  ce  li  dit  baron  d'Engleterre  eurent  pluiseurs  fois  i 
parlement  ensamble  pour  aviser  et  regarder  qu*il  en 
poroient  faire;  des  quelz  li  contes  Thomas  de  La[n]- 
castre  estoit  chiés  et  souverains.  Et  li  despiaisoit  U 
usages  que  li  rois  avoit  empris,  et  en  parla  par  deus 
ou  par  trois  fois  assés  ouvertement  au  dit  Despen-  10 
sier.  Or,  se  perchut  li  dis  messires  Hues  comment 
on  murmuroit  sur  lui  et  sus  son  afaire.  Si,  se  doubla 
trop  fort  que  maulz  ne  Fen  venist,  ensi  qu'il  6st; 
mes  che  ne  fu  mies  si  trestos.  Ançois  eut  il  Ëiit  moult 
de  coses  damagables  ou  pays,  si  eom  vous  orës  chi  1& 
après. 

§  5.  Cilz  qui  estoit  bien  dou  roy,  et  si  proçains  qu'il 
voloit,  et  plus  creus  tous  sens  que  tous  li  mondes, 
s'en  vint  au  roy  et  U  dîst  que  cil  signeur  avoient  &it 
alliance  encontre  lui,  et  qu'il  le  metteroient  hors  de  30 
son  royaume,  se  U  ne  s'en  prendoit  garde.  Tant  fist, 
par  son  enhort  et  par  son  soubtU  pourcach,  que  li 
rois  fist  à  un  jour  prendre  tous  ces  signeurs  à  un  par- 
lement là  où  il  estoient  assamblé,  et  en  6st  decoler 
sans  delay  et  sans  cognissance  de  raison  jusc[ues  à  SB 
vingt  et  deus  des  plus  grans  barons  d*Ëngleterre,  et 
tout  premiers  le  conte  Thumas  de  Laneastre,  qui  es- 
toit ses  oncles,  preudons  et  sains  boms,  et  fist  puis 
moult  de  biaus  miracles  ou  Ueu  où  il  fu  decolés. 
Pour  le  quel  feit,  li  dis  messires  Hues  acquist  grant  30 
hayne  de  tout  te  pays,  et  par  especial  de  la  royne 


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U  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [132S] 

d'Engleterre  et  dou  conte  de  Kent,  qui  estoit  frà>es 
au  dit  roy. 

Encores  ne  se  cessa  pas  li  dis  messires  Hues  de 
enhorter  le  roi  mal  à  faire.  Car,  quant  il  perehut 
5  qu'il  estoit  mal  de  le  royne  et  dou  conte  de  Kent,  il 
mist  si  grant  descort  entre  le  roy  et  le  royne,  par 
son  malisce,  que  li  rois  ne  voloit  point  venir  en  lieu 
où  elle  fust,  et  dura  cilz  descors  assés  longement.  Et 
fti  qui  dist  à  le  royne  et  au  conte  de  Kent  tout  secre- 

10  tement,  pour  les  perilz  eschiewer  où  il  estoient  par 
le  feit  dou  Despensier,  que,  se  il  demoroient  longe- 
ment ens  ou  pays,  li  rois,  par  hastieu  conseil  et  maie 
information,  leur  feroit  souffrir  dou  corps  haschière, 
si  com  cil  avoient  entendu. 

15  Dont,  quant  il  avint  que  la  royne  et  li  contes  de 
Kent  oïrent  ces  nouvelles,  si  se  doubtèrent,  car  il 
sentoient  le  roy  hastieu  et  de  diverse  manière  et  che 
messire  Hue  si  bien  de  lui  qu'il  faisoit  tout  ce  qu'il 
voloit,  sans  avis  et  sans  regart  de  nulle  raison.  Si  s'a- 

30  visèrent  la  ditte  dame  et  li  contes  de  Kent  qu'il  se 
partiroient  d'Engleterre  et  s'en  iroient  en  France  veoir 
le  roi  Charlon  que  la  royne,  qui  sa  sereur  germainne 
estoit,  n'avoit  veu  de  puis  que  elle  lîi  envoiie  en  £n- 
gleterre;  et  en  menroit  avoecques  lui  son  jone  fil 

35  Edouwart,  et  lairoit  eouvenir  ce  roy  et  le  Despensier 

au  sourplus.  Espoir,  hastement  s'amenderoit  leurs 

estas,  et  y  pourveroit  Diex  de  remède  et  de  conseil. 

Ce  pourpos  tinrent  la  dame  et  li  contes  de  Kent 

et  ordonnèrent  leurs  besongnes  secrètement  et  en- 

30  voilèrent  devant  le  plus  grant  partie  de  leur  arroi 
par  le  rivière  de  Tamise  en  nefs  en  Flandres.  Et 
pnst  la  ditte  dame  excusance  de  venir  en  pèlerinage 


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[13S5]  LIVRE  PREMIER,  §  6.  i» 

à  Nostre  Dame  de  Boulongne.  Et  se  parti,  si  com 
TOUS  poés  oïr,  d'Engleterre  à  petite  mesnie,  son  joue 
fil  avoech  lui,  le  conte  de  Rent  son  seroui^e  et  mon- 
signeur  Rogier  de  Mortemer.  Et  montèrent  à  Dou- 
vres et  arrivèrent  à  Boulongne.  5 

$  6.  Quant  la  royne  d'Engleterre  fii  arrivée  à  Bou- 
longne et  toute  se  route,  elle  regratia  Nostre  Signeur 
et  s'en  vint  tout  à  piet  jusques  à  l'église  Nostre  Dame 
en  dévotion,  et  fist  sen  of&ande  et  sen  orison  devant 
l'image.  Li  abbes  de  laiens  et  tout  li  monne  le  re-  lo 
cuelltèrent  tiement;  et  fa  laiens  h«'bei^e  et  toute  se 
mesnie;  et  s'i  reposèrent  et  rafrescirent  par  cinq 
jours.  Au  sizime,  il  montèrent  tout  as  chevaus  et  sus 
hagenées  qu'il  avoient  amené  d'Engleterre,  et  se  par- 
tirent de  Boulongne  o  tout  leur  arroi.  Si  fu  la  dame  i& 
aconvoiie  et  acompagnie  d'aucuns  chevaliers  de  là 
environ,  qui  Festoient  venu  veoir  et  festiier,  pour  la 
cause  de  ce  que  elle  esloit  soer  au  roy  leur  signeur. 
Tant  esploita  la  dame  par  ses  journées  que  elle  ap- 
proça  Amiens.  Chil  de  la  cité  vinrent  contre  lui  moult  ao 
reveramment.  Et  par  tout  où  elle  passoit,  as  cités  et 
as  bonnes  villes,  ou  li  Ëiisoit  feste  et  honneur,  car  U 
rois  Charles  l'avoit  ensi  ordonné,  qui  estoit  enfour- 
mes  de  sa  venue. 

Et  tant  chevauça  la  ditte  dame  que  elle  vint  à  Pa-  as 
ns.  Si  estoient  jà  issut  contre  lui  moult  de  noble 
gent,  pour  le  recueillier  et  son  jone  fil.  Et  les  ame- 
nèrent jusques  au  palais  messires  Robers  d'Artois,  li 
contes  de  Dammartin,  li  sires  de  Couci,  U  sires  de 
Montmorensi  et  pluiseur  aultre.  Si  descendirent  de-  30 
vant  le  perron  et  montèrent  les  degrés  dou  palais, 


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16  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAUT.  [13Î3] 

chil  signeuT  François  devant  qui  menoîent  la  dame, 
son  fil  et  le  conte  de  Kent;  et  vinrent  jusques  au  roi 
qui  se  tenoit  en  une  cambre,  bien  acompagniés  de 
prelas  et  de  chevaliers. 

5  Quant  li  rois  de  France  vei  sa  serour  qu'i[l]  en  grant 
tamps  n'avoit  veu*,  et  elle  deut  entrer  en  la  cambre, 
il  vint  contre  lui  et  le  prist  par  te  main  droite  et  le 
baisa  et  dist  :  «A  bien  vigne  ma  belle  suer  et  mes 
biaus  niés  !»  Si  les  tint  tous  deus  et  les  mena  avant. 

10  La  damCj  qui  pas  n'avoit  trop  grant  joie  fors  de  ce 
que  elle  se  trouvoit  dalés  le  roy  son  frère,  s'estoit  jà 
volue  agenouiller  par  deus  ou  par  trois  fois,  mais  li 
rois  ne  le  laioit  et  le  tenoit  toutdis  par  le  main  droite» 
et  li  demandoit  moult  doucement  de  son  estât  et  de 

ib  son  a&ire.  Et  la  dame  l'en  respondoit  très  sagement, 
et  tant  furent  les  paroUes  que  elle  dist  :  a  Monsi- 
gneur,  se  nous  va  moy  et  mon  fil  assés  petitement. 
Car  li  rois  d'Ëngleterre,  mes  maris,  m'a  pris  en  trop 
grant  hayne,  et  se  ne  scet  pour  quoi,  fors  par  l'enhort 

30  d'un  cbevalier  englès  qui  s'appelle  Hues  li  Despen- 
siers.  Chilz  chevaliers  a  telement  atrait  le  roi  à  ses 
volentés  que  tout  ce  qu'il  voet  dire  et  faire  il  est.  Et 
jà  ont  comparet  pluiseur  haut  barou  d'Engleterre  sa 
mauvesté,  car  il  en  ûst  sus  un  jour  prendre  au  com- 

35  mandement  dou  roy  et  en  fisl  decoler  jusques  à 
vingt  et  deus  sans  Ipy  et  sans  cause,  et  par  especial  le 
bon  conte  Thumas  de  Lancastre,  dont  ce  fu  trop 
grans  damages,  car  il  estoit  preudoas  et  loyaus  et 
plains  de  bon  conseil.  Et  n'est  nulz  en  ^gleterre, 

30  tant  soit  nobles  ne  de  grant  afaire,  qui  l'ose  courou- 

1 .  Ma.  de  Gugniirea,  ^  k  :  t  que  de  grant  temp*  n'aroit  Tenc.  • 


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[132S]  LIVRE  PREMIER,  $  7.  17 

cier  ne  desdire  de  cose  que  il  voelle  feire.  Et  m'a  le- 
kment  tourblet  devers  le  roy,  et  le  conte  de  Kent 
men  firère,  que  veci  qu'il  nous  fb  dit  en  grant  amisté 
par  chiaus  qui  savoient  aucunes  coses  dou  conseil  ce 
dit  chevalier^  que  nous  estions  en  grant  péril  de  nos  s 
vies.  Si  nous  sommes  parti  en  grant  doubtance  et 
venu  par  deçà  vous  veoir,  que  je  desiroie  moult.  » 
Et  li  rois  dist  ;  «  Ma  belle  suer,  grant  merchis.  » 

%  7.  Quant  li  rois  Charles  eut  oy  et  entendu  les 
complaintes  de  sa  suer,  et  comment  elle  estait  deme-  lo 
née  par  le  &it  dou  Despensier,  si  en  eut  grant  pite  et 
le  reconforta  moult  doucement  et  li  dist  ;  cMa  belle 
suer,  vous  demorrés  dalés  nous;  si  ne  vous  esbahis- 
siés  ne  desconfortés  de  riens  :  nous  avons  assés  pour 
nous  et  pour  vous.  Et  si  meterons  remède  et  conseil  15 
à  vos  besongnes.  »  Et  la  dame  s'agenoulla  et  dist  : 
N  Monsigneur,  grans  mercis  I  »  De  puis  la  venue  de 
la  dame,  de  son  fil  et  dou  conte  de  Kent,  et  que  It 
rois  Charies  eut  recueilliet  motUt  liement  les  dessus 
dis,  il  se  tinrent  à  Paris  dalés  le  roy.  Et  leur  Êiisoit  so 
li  dis  rois  feire  leur  délivrance  de  toutes  coses;  et  es- 
toit  souvent  la  royne  d'Engleterre  avoech  le  roy  son 
frère  et  la  royne  de  France,  et  ooit  à  le  fois  des  nou- 
velles d'Engleterre  qui  pas  trop  plaisans  ne  li  es- 
toient.  K 

Car,  cilz  messires  Hues  li  Despensiers  croissoit  tous 
jours  en  poissance  et  en  amour  devers  le  roy.  Et 
avoit  telement  attret  et  atoumet  le  dit  roy  que  tous 
li  pays  s'en  esmervilloit;  et  n'avoit  nulz  que  feire  en 
le  court  dou  roy,  se  il  n'estott  de  son  acord.  ^  fist  30 
il  de  puis  moult  de  diversetés  et  de  cruaultés  as  plui- 
I—» 


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18  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1326] 

aeurs  en  Ëngleterre,  dont  il  estoit  moult  hays.  Mais 
nulz  ne  li  osoil  dire  ne  moustrer,  car  se  il  se  doubtast 
de  qui  que  fiist,  conte  on  baron,  tantost  il  le  fesist, 
sus  l'ombre  dou  roy,  prendre  et  decoler  sans  nule 
t  remède.  Si  estoit  si  doublés,  et  des  pluiseurs  tant 
hays,  que  merveilles.  Et  r^ardèrent  aucun  baroA  et 
sage  homme  dou  pays  que  ce  ne  &isoit  mies  à  souf- 
frir, et  que  ses  outrages  et  mauvaistës  il  ne  poroient 
plus  porter.  Si  se  traisent  tout  secrètement  ensamble 

10  à  conseil,  et  eiu^nt  avis  et  volenté  que  il  remande- 
roient  leur  dame  la  royne  d'Ëngleterre,  qui  jà  avoit 
demoret  en  France  bien  priés  par  l'espasse  de  trois 
ans,  et  tout  dis  dedens  le  cit^  de  Paris.  Se  li  escri- 
sirent  et  segnefiièrent,  se  elle  pooit  trouver  voie  ou 

15  sens  par  quoi  elle  peuist  avoir  aucune  compagnie  de 
gens  d'armes  de  mil  armeures  de  lier  ou  là  environ, 
et  elle  vosist  ramener  son  fil  et  toute  se  compagnie 
ou  royaiune  d'Engleterre,  il  trairoient  tantost  vers 
lui  et  obeiroient  à  lui  et  à  son  fit  comme  à  leur 

30  ùgneur,  car  il  ne  pooient  ne  votoient  plus  porter  les 
desrois  ne  les  Êiis  que  li  rois  Ëiisoit  ou  pays,  par  le 
conseil  monsigneur  Huon,  et  de  chiaus  qui  de  son 
accort  estoient. 

Quant  la  royne  enlendi  ces  nouvelles,  elle  s'en 

35  consiUa  secrètement  au  roy  Charle,  son  frère,  qui 
bien  volentiers  l'entendi,  et  U  respondi  adonc  que 
elle  l'entrepresist  hardiement,  car  il  li  aideroit  et  !i 
presteroit  de  ses  gens  telz  que  elle  vorroit  avoir.  Et 
avoech  cbe  il  U  presteroit  de  son  or  et  de  son  atgent 

30  ce  qu'il  l'en  besongneroit.  Sour  ce,  la  royne  se  parti 
de  lui,  et  s'en  revint  à  son  hostel  et  se  pourvei  si 
com  elle  peut.  Et  pria  secrètement  des  plus  .grans 


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[I3i6]  LIVRE  PREMIER,  S  I-  1» 

barons  de  France  ceulz  dont  «Ile  se  fioit  le  plus,  et 
qui  le  plus  volentrieu  estoient  pour  tel  afeire,  et  en 
pensoit  estre  bien  certainne.  Puis  le  fist  ensi  à  savoir 
secrètement  à  ces  barons  d'Engleterre  qui  avoient 
vers  lui  envoiiet.  5 

Mais  on  ne  le  peut  si  celer  que  U  dis  messires 
Hues  11  Despensiers  ne  le  sceuist.  Si  fist  puis  tant,  le 
terme  perdant,  par  ses  messages  et  par  dons  et  prom- 
messes,  que  H  rois  Charles  de  France  fu  si  eohortés 
])ar  son  conseil  que  il  manda  sa  sereur  la  ditte  royne  lo 
Ysabiel,  qui  se  tenoit  à  son  hostel  entre  ses  gens,  et 
li  desoonsilla  et  defièndi  si  haut  et  si  acertes  qu'il 
peut,  que  elle  demorast  quoie  et  se  relaiast  de  oe  que 
elle  avoit  empris.  Et  quant  la  dame  entendi  le  roy 
son  Irère,  elle  fii  toute  esbahie  et  abaubie,  ce  ne  fia  15 
point  de  merveilles.  Si  perchut  bien  que  ses  frères 
estoit  mal  infourmés,  car  riens  que  elle  peuwist  dire 
à  rencontre  ne  li  pooit  valoir  ne  aidier.  Si  se  parti 
adonc  de  lui  moult  triste  et  esmarie,  et  revint  ar- 
rière a  son  hostelj  et  ne  se  relaia  point  pour  ce  à  ap-  ao 
pareillier.  Li  rois  ses  frères  le  sceut;  s'en  fii  courou- 
ciés,  quant  sus  sa  deffense  elle  voloit  ouvrer.  Si  fist, 
par  le  conseil  qu'il  eut,  commander,  sus  corps  et  sus 
avoir,  que  nulz  de  son  royaume  ne  se  meuist^  ne 
alast  avoech  la  ditte  royne,  sa  suer.  33 

Quant  la  dame  seut  ce,  elle  fu  assés  plus  triste  que 
devant,  ce  fu  bien  raisons.  Si  ne  sceut  que  faire  ne 
que  penser,  car  toutes  ses  besongnes  11  venoient  au 
contraire,  et  estoient  venues  de  lonch  tamps.  Et  se 
li  làlloit,  ce  li  sambloit,  par  mauvais  conseil,  cilz  qui  30 
mieus  U  devolt  aidier  à  son  besoing.  Et  si  ap[»roçoit 
li  termes  que  elle  avoit  mandet  à  chiaus  que  elle  te- 


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20  CHRONIQUES  DE  J.  FEOISSART.  [13î6] 

noil  pour  ses  amis  en  Engleterre.  Si  demora  moult 
esgarée,  sans  nul  confort,  comme  celle  qui  ne  savoit 
que  elle  peuist  faire  ne  ^e  devenir.  Et  requeroit 
souvent  Dieu  estroitement  en  soi  meismes,  et  li  prioit 
5  que  il  le  vosist  aidier  et  consillier. 

$  8.  Ne  demora  pas  gaires  de  temps  que  on  li  dist, 
fîablement  et  par  grant  bien,  que,  se  elle  ne  se  gar- 
doit  sagement,  li  rois,  ses  frères,  le  feroît  prendre  et 
mener  en  Engleterre,  pour  reUvrer  à  son  mari,  le  roi 

10  d'Engteterre,  et  detenroit  son  fil  avoecques  lui,  car  il 
ne  li  plaisoit  plus  que  elle  eslongast  ensi  son  mari. 
De  ces  nouvelles  fii  la  dame  plus  esbahie  que  devant, 
car  elle  amast  mieus  estre  morte  et  desmembrée  que 
venir  ou  pooir  ne  ou  dangier  son  mari  ne  le  Des- 

15  pensier.  Si  eut  bien  mestier  d'avoir  bon  conseil.  Si 
s'avisa  que  elle  vuideroit  France  et  s'en  avaleroit  en 
Haynau,  pour  veoir  le  conte  et  monsîgneur  Jehan  de 
Haynau  son  frère,  qui  estoient  signeur  plain  de  toute 
honneur  et  de  grant  recommendation.  Espoir,  trou- 

20  veroit  elle  en  yaus  tout  confort  et  bonne  adrèce,  et 
si  estoit  lor  cousine  moult  proçainne. 

Si  ordonna  la  ditte  dame  ses  besongneti,  et  fîst  ses 
gens  sages  de  son  département,  et  comptèrent  et 
paiièrent  par  tout.  Adonc,  se  parti  au  plus  tost  et  au 

35  plus  quoiement  que  elle  peut  de  son  hostel,  avoech 
li  ses  filz  en  l'eage  de  quinze  ans  ou  environ,  li  con- 
tes de  Kent,  li  sires  de  Mortemer,  et  tout  lî  aultre 
clievalier  d'Engleterre,  qui  estoient  afuioit  apriès  lui. 
Et  fist  tant  par  ses  journées  que  elle  passa  France, 

80  Vermendois  et  Cambresis,  et  vint  en  Ostrevant,  en 
Haynau,  en  un  chastiel  que  on  appelle  Buignicourt, 


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[1326]  LIVRE  PREMIER,  g  8.  « 

dont  messires  Nicoles  d'Aubrecicourt  estoit  sires.  Et 
H  quelz  bachelers  et  sa  femme  rechurent  llement  et 
bellement  en  leur  hostel  la  ditte  royne  d'Engleterre 
et  son  fil  et  leurs  gens  ;  et  trouvèrent  apparilliet  tous 
les  biens  de  laiens.  ^ 

Ces  nouvelles  furent  tosl  venues  à  Valencienes,  oît 
li  contes  de  Haynau  et  messires  Jehans  de  Haynau 
ses  fr^es  estoient,  que  la  royne  d'Ëngleterre  estoit 
herbergie  à  Buignicourt  chiés  le  chevalier.  Et  quant 
li  doi  signeur  dessus  dit  oïrent  ce,  si  lurent  tantost  lo 
consilliet  quel  cose  il  en  apertenoit  à  feire.  Premiè- 
rement, messires  Jehans  de  Haynau  se  parti  de  Va- 
lenchienes,  li  moult  bien  acompagniés  de  cheralier 
et  d'escuiers,  et  chevauça  tant  qu'il  vint  à  Buigni* 
court,  en  Ostrevant,  et  trouva  la  dessus  ditte  dame,  15 
à  qui  il  fist  toute  l'onneur  et  reverense  qu'il  peut,  car 
bien  le  savoit  &ire.  La  dame,  qui  estoit  moult  triste 
et  esgarée,  et  en  sus  de  tous  consaulz,  fors  de  Dieu 
et  de  lui,  commença  à  complaindre  au  dit  signeur 
de  Byaumont,  en  plorant  moult  piteusement,  ses  be-  20 
songnes,  et  recorder  ses  dures  avenues,  de  cief  en 
cor,  tout  ensi  que'  avenu  li  estoit  jusques  à  ores  : 
premièrement,  comment  elle  estoit  dechacie  d'Ëngle- 
terre, et  ses  fîlz,  et  venue  en  France  sus  le  fiance  de 
son  frère  le  roy;  et  comment  elle  cuidoit  [estre*]  u 
pourveue  de  gens  d'armes  par  le  conseil  de  son  frère, 
pour  aler  plus  poissamment  et  en  mener  son  fil  en 
son  royaume,  si  com  si  ami  d'Ëngleterre  li  avoien 
mandet;  et  comment  ses  frères,  puissedi,  fii  tele- 
ment  conseilliés  qu'  il  avoit  brîsiet  tout  ce  voiage  et  30 

1.  Ml.  de  GaigniiTM,  t'iy.  —  m.  6477,  P>8t*:  leM.  ■ 


;vGoo»^lc 


il  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1326] 

deffèndu  à  tous  gentitz  hommes  que  nulz  ne  se  me- 
sist  avoech  lui,  sus  à  perdre  leurs  terres  et  le  rovau- 
me.  £t  li  compta  comment,  et  à  quel  mescief,  elle 
estoit  là  afuie  à  tout  son  fil^  comme  celle  qui  ne  sa- 
b  voit  à  cui  ne  en  quel  pays  trouver  confort  ne  sous- 
tenance. 

§  9.  Et  quant  li  gentils  chevaliers  messires  Jehans 
de  Haynau  eut  oy  la  dame  complaîadre  si  tenrement, 
et  que  toute  fondoit  en  larmes  et  en  plours,  si  en 

10  eut  grant  pité  et  li  dist,  pour  lui  reconforter,  moult 
doucement  :  «  Certes,  dame,  veés  ci  vostre  cheva- 
\iet  qui  ne  vous  faurront  pour  morir,  se  tous  li  mon- 
des vous  ialloit.  Ains,  ferai  tout  mon  pooir  de  vous 
et  de  vostre  fil  conduire,  et  de  vous  et  de  lui  remet- 

15  tre  en  vostre  estât  en  Engleterre,  en  Fayde  de  vos 
amis  qui  delà  le  mer  sont,  ensi  que  vous  diltes.  Et 
je,  et  tout  cil  que  je  porai  priier,  y  enventurrons  les 
vies,  ançois  que  vous  ne  soîiés  au  dessus  de  vos  be- 
songnes.  » 

80  Et  quant  la  dame  l'eut  oy  parler  une  si  Haute  et 
si  noble  parolle,  et  si  reconfortans  ses  besongnes, 
elle  qui  seoit,  et  messires  Jehans  de  Haynau  devant 
lui,  se  drega  en  estant  et  se  volt  engenouUier,  de  le 
gnvit  joie  et  de  le  grasce  qu'il  li  ofiroit;  mes  H  gen- 

%b  tilz  chevaliers  ne  l'euist  jamais  souffert;  ains  se  leva 
moult  apertement,  et  prist  la  dame  entre  ses  bras  et 
dist  ;  «Ne  place  jà  à  Dieu  que  la  royne  d'Engleterre 
face  ce,  ne  ait  empenset  à  faire,  que  de  li  engenil- 
lier  devant  son  chevalier  I  Mais,  dame,  reconfortés 

30  vous,  et  vostre  gent  ossi,  car  je  vous  tenrai  vo  prom- 
messe.  Vous  venrës  veoir  monsigneur  mon  frère  et 


;vGoo»^lc 


[13X6]  LIVRB  PBBHIER,  $  10.  i3 

ma  dame  ma  suer,  vostre  cousine,  la  contesse  de 
Hayuau,  c|ui  vous  en  prient;  et  en  sui  oargiés  de 
vous  dire,  et  de  vpus  mener  par  devers  yaus.  »  Et  la 
dame  H  ottrie  et  dist  ;  «Certes,  sire,  je  tnieve  en 
vous  plus  de  confort  et  d'amour  que  en  tout  le  5 
monde.  Et,  de  ce  que  vous  me  dittes  et  offres,  cinq 
cens  mille  mercisv  jamais  ne  Tarons  desservi  moy  ne 
mes  filz;  mes,  se  li  tamps  vient  que  nous  soions  en 
nostre  estât,  si  com  jou  espoire  bien,  par  le  confort 
et  grasce  de  Dieu  et  de  vous,  il  vous  sera  grande-  lo 
ment  remoneret.  m 

Assés  tost  ajMÎès  ces  paroUes,  prist  li   sires   de 
Byaumont  congiet  de  la  ditte  dame,  de  son  fil  et 
dou  conte  de  Kent  et  des  autres  chevaliers,  et  s'en 
vint  ce  soir  herbei^er  à  Denaing.  Et  la  royne  de-  15 
mora  à  Bnignicourt,  grandement  reconfortée,  et  bien 
y  avoit  raison,  en  le  pourveance  de  monsigneur  Ni- 
cole d'Aubrecicourt,  qui  en  Ëiisoit  ce  qu'il  pooit.  Et 
tant  en  fist  que  la  royne  l'en  sceut  grant  gré.  Et  de- 
mora  tous  jours  de  puis  ses  chevaliers,  et  si  en&nt  90 
et  leur  génération  ossi,  sî  com  vous  orés  recorder  en  • 
avant  en  ceste  hystore. 

S 1 0.  Quant  ce  vint  au  matin,  apriès  messe  et  boire, 
mesures  Jehans  de  Haynau  se  parti  de  Denaing,  et 
chevauça  de  rechief  à  Buignïcourt;  st  trouva  que  la  35 
royne  estoit  jà  toute  apparillie  et  ses  gens  ossi.  Si  se 
partirent  tout  ensamble,  et  ses  filz  et  leur  route,  ou 
conduit  le  signeur  de  Byaumont,  qui  les  amena 
adoQC  à  Valeneiennes.  Et  y  furent  liement  e  belle- 
ment rechut;  et  estoit  la  Salle  dou  Conte  toute  appa-  30 
reillie  pour  la  ditte  dame  et  ses  gens.  Car,  à  ce  donc. 


;vGoo»^lc 


U  CHRONIQtJES  DB  3.  FROISSjIRT.  [1316] 

II  contes  se  logoit  en  l'ostel  de  Hollandes^  et  tous  set» 
hosteulz.  Si  descend!  la  royne  d'Engleterre  à  le  Salle, 
et  y  fu  logie  et  faerbet^e  bien  et  aisiement.  Et  le 
vint'  là  veoir  la  contesse  de  Haynau,  qui  li  fist  toute 
5  honneur  et  reverense,  car  bien  le  savoit  feire.  Et 
ossi  iist  li  contes  Guillaumes  de  Haynau,  mais  il  es- 
toit  maladieus  de  gouttes,  si  ne  chevauooi[t]  mies  à 
sen  aise.  Toutes  fois,  i[t]  l'honnoura  et  festia  grande- 
ment, le  terme  que  elle  séjourna  à  Valenciennes,  en- 

10  viron  trois  sejmiainnes. 

Ëntroes,  elle  fist  apparillier  son  oirre  et  ses  beson- 
gnes.  Et  li  dis  messires  de  Byaumont  fist  escrire 
lettres  moult  affectueuses  as  chevalira^  et  as  compa- 
gnons de  cuï  il  se  fioit  le  plus,  en  Haynau,  en  Has- 

15  baing  et  en  Braibant;  et  les  prîoit,  tant  qu'il  pooit, 
et  cescun  sur  toutes  amistés,  qu'il  venissent  avoecli 
lui  en  ceste  emprise.  Si  en  y  eut  grant  plenté,  de 
l'un  pays  et  de  l'autre^  qui  y  aloient  pour  l'amour 
de  li,  et  ossi  grant  plenté  qui  n'i  alèrent  mies,  com- 

10  ment  qu'il  en  fuissent  priiet.  Et  meismement  H  dis 

*  messires  Jehans  en  fu  durement  repris  de  son  frère, 

et  de  aucuns  de  son  propre  conseil,  pour  tant  qu'il 

leur  samblolt  que  li  entrepresure  estoit  si  haute  et  si 

périlleuse,  selonch  les  descors  et  les  grandes  faaynes 

35  qui  adonc  estoient  entre  tes  haus  barons  et  les  com- 
muns d'Engleterre,  et  selonch  ce  que  li  Englès  sont 
communément  envieus  sour  toutes  estragnes  gens, 
quant  il  sont  à  leur  deseure  et  meismement  en  leur 
pays,  que  cescuns  avoit  paour  et  doubtance  que  li 

30  dis  messires  Jehans  ne  nulz  de  ses  compagnons  peuist 
jamais  revenir.  Mais,  quoi  que  on  li  btasmast  ne 
deseonslllast,  li  gentilz  <Âievaliers  ne  s'en  volt  onques 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[f3«S]  LIVRE  PREMIER,  $  11.  2S 

relaiier.  Ains,  dist  que  il  n'avoit  que  une  mort  à 
souffiir,  qui  estoll  en  le  volenté  de  Nostre  Signeur; 
mais  il  avoit  prommis  à  celle  gentilz  dame  de  lui 
conduire  jusques  en  son  royaume;  si  ne  Fen  Ëiuroit 
pour  morir.  Et  ossi  chier  avoit  il  à  prendre  le  mort  5 
avoecques  celle  noble  dame,  qui  ensi  estoit  dechacie, 
se  morir  y  devoit,  que  autre  part.  Car  tout  chevalier 
doient  aidier  à  leur  loyal  pooir  toutes  dames  et  pu- 
œlles  à  leur  besoing,  especialment  quant  il  en  sont 
requis.  10 

§11.  Ensi  se  parti  la  royne  d'Engleterre  de  le  ville 
de  YalencieneSj  quant  elle  et  ses  gens  furent  appariU 
liet  de  che  qu'il  leur  &lloit;  et  prist  con^et  au  gen- 
til conte  Guillaume  de  Haynau  et  ma  dame  Jehane 
la  contesse^  sa  femme,  et  les  remercia  grandement,  ]5 
humlement  et  doucement  de  le  bonne,  lie  cière  et 
de  la  belle  recueilloite  que  il  li  avoient  fait.  Si  se 
mist  à  voie  sus  le  segureté  et  conduit  del  gentil  che- 
valier, le  dit  monsigneur  de  Byaiunont.  Si  fîsent  tant 
par  leurs  journées  que  il  vinrent  à  Dourdresk,  en  SO 
Hollandes.  ÏÀ  endroit  se  pourveirent  de  naves  et  de 
vaissiaus  grans  et  petis,  ensi  qu'il  les  peurent  trou- 
ver, et  misent  dedens  leurs  chevaus,  leurs  hamas  et 
leurs  pourveances.  Et  quant  il  eurent  par  avis  vent 
bon  pour  eulz,  il  se  commandèrent  en  le  garde  de  25 
Nostre  Signeur,  et  entrèrent  en  leurs  vaissiaus,  et 
desancrèrent  et  se  misent  en  mer.  Et  n'estoient  non 
plus  de  trois  cens  armeures  de  fier. 

Or,  considérés  le  hardie  et  haute  emprise  que  li 
sires  de  Byaumont  faisoit,  que  de  aler  conquerre  et  30 
entrer  en  un  royaume  par  force  où  il  ne  [cc^nis- 


;vGoo»^lc 


se  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1326] 

soit']  nultui;  et  se  savoit  qu'il  y  trouveroit,  mais  il 
le  &isoit  de  si  grant  corage  et  avoit  tel  espérance  en 
Dieu,  qu'il  li  estoil  avis  que  bien  fumiroit  et  à  sen 
honneur  le  volage.  Si  estoît  il  adonc  ou  commence- 
5  ment  de  son  venir,  et  en  le  droite  fleur  de  se  jo- 
nèce;  si  l'entreprendoit  plus  volentiers  et  plus  har- 
diement. 

Or  vous  nommerai  aucuns  des  chevaliers  de  Hay- 
nau  qui  al^nt  avoecques  lui,  et  à  se  priière,  ea  ce 

10  voiage  :  premièrement,  messlres  Henris  d'Antoing, 
messires  Robers  de  Bailluel,  qui  puis  fu  sires  de 
Fontainnes,  messires  Fastrés  dou  Rues,  messires  Mi- 
kieus  de  Ligne,  messires  Sausses  de  Boussoit,  mes- 
sires Perchevaus  de  Semeries,  messires  Sanses  de 

15  Biauriu ,  ti  sires  de  Wai^i ,  11  sires  de  Potelles, 
li  sires  de  Montegni,  ii  sires  de  Gommegnies,  li  sires 
d'Aubrecicourt,  et  aucun  aultre  baceler,  qui  se  vo- 
loient  enventurer  avoech  le  dit  chevalier  et  leurs 
corps  avancier.  Si  y  eut  aucuns  Braibençons  et  Hes- 

30  begnons,  mes  ce  ne  fu  pas  gramment. 

Si  singlèrent  par  mer.  Et  avoient  entendu  et  avisé 
qu'il  prenderoient  teire  à  un  port  où  il  avoient  en- 
tente d'arester,  mais  il  ne  peurent.  Car  uns  grans 
tourmens  les  prist  en  mer,  qui  les  mist  hors  de  leur 

25  chemin,  qu'il  ne  sceurent  dedens  deus  jours  là  où  il 
estoient.  De  quoi  Di[e]x  leur  fist  grant  grasce,  et  leur 
envola  belle  aventure.  Car,  se  il  fuissent  embatu  à 
ce  port  que  il  avoient  chuesi  ou  auques  priés,  il  es- 
toient* perdu  davantage,  et  escheu  ens  es  mains  de 

30  leurs  ennemis,  qui  bien  savoient  leur  venue  et  les 

1.  H*,  de  Ga^nièrM,  P»  6  t*.  —  H».  6ftT7,  f»  10  :  «  cogmtsoietit.  ■ 


;vGoo»^lc 


.  [1326]  LIVRE  FREUIBB,  $  42.  27 

attendoient  là  endroit,  pour  yaus  mettre  tous  à  mort 
et  le  jone  roy  et  la  royne  ossi;  mais  Di[e]x  ne  le  volt 
mies  adonques  consentir.  Si  les  fist,  ensi  que  par 
droit  miracle,  destourner,  ensi  que  vous  avës  oy. 

Or  avint  que,  %u  chief  des  deus  jours,  cilz  tour-    5 
mens  cessa,  et  veirent  li  maronnier  terre  en  Engle- 
terre.  Si  se  traisent  celle  part  moult  joiant,  et  pri- 
sent terre  sus  le  sablon  et  sus  le  rivage  de  le  mer, 
sans  haveoe  et  sans  droit  port.  Si  demorèrent  sus  cel 
sablon  par  trois  jours,  à  petit  de  pourveances  de  lo 
vivres,  en  descai^ant  leurs  chevaiis  et  leurs  hamas; 
et  si  ne  savoient  en  quel  endroit  d'Engleterre  il  es- 
toient  arrivet,  ou  pooir  d'amis  ou  d'anemis.  Au 
quatnme  jour,  il  se  misent  à  le  voie,  à  l'aventure  de 
Dieu,  comme  cil  qui  avoient  eu  toute  mesaise  de  15 
fain  et  de  froit  par  nuis,  avoecques  les  grandes  paours 
qu'il  avoieat  ewes  et  avoient  encores.  Si  chevauciè^ 
rent  tant  amont  et  aval  qu'il  trouvèrent  aucuns  petis 
hamelés,  et  puis  apriès  si  trouvèrent  une  grande  ab- 
beye  de  noirs  monnes,  que  on  claimme  Saint  Ay-  so 
mon.   Si  se  herbeigièrent  et  rafreschirent  en  ceste 
abbeye  par  trois  jours.   Et  fisent  penser  de  leurs 
chevaus  bien  et  fort,  car  il  en  pensoient  temprement 
avoir  à  faire. 

§  1 2.  Nouvelles  s'espandireat  par  le  pays  tant  que  S5 
elles  parvinrent  à  ceulz  par  qui  seureté  et  mandement 
la  ditte  dame  estoit  rapassée.  Si  se  apparillièrent,  dou 
plus  tost  qu'il  peurent,  de  venir  vers  li  et  v^rs  son 
iil  qui  il  voloient  avoir  à  signeur.  Et  li  premiers  qui 
vint  encontre  lui,  et  qui  plus  grant  confort  donna  à  30 
chiaus  qui  estoient  venu  avoecques  lui,  che  fu  li 


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tt  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1326] 

contes  Henris  de  Lancastre  au  Tors  Cot,  qui  fa  bèra 
au  conte  Thumas  de  I^ncaslre  qui  fîi  décotes,  si  com 
vous  avés  oy  par  dessus,  et  fu  pères  au  duch  de  Lan- 
castre qui  fil  si  bons  chevaliers  et  si  reoommeDdés, 
s  si  com  vous  pores  oïr  en  ceste  hystore,  ains  que  vous 
venés  à  le  conclusion.  Chilz  contes  Henris  de  Lan- 
castre dessus  dis  vint  à  grant  compagnie  de  gens 
d'armes.  Apriès,  tant  d'uns  et  d'autres  vinrent  con- 
tes, barons,  chevaliers  et  escuiers,  à  tout  gens  d'ar- 
10  mes,  qu'il  leur  sambla  bien  qu'il  fuissent  hors  de 
tous  pnilz.  Et  tous  les  jours  croissoient  gens  d'armes, 
ensi  qu'il  aloient  avant. 

Si  eurent  conseil  entre  yaus  ma  dame  la  royne,  et 
)i  baron,  chevalier  et  escuier,  qui  venu  estoïent  en- 
15  contre  li,  que  il  iroient  droit  à  Bristo,  à  tout  leur 
pooir,  là  où  li  rois  se  tenoit  adonc  et  li  Despensier, 
qui  estoit  bonne  ville,  grosse   et  rice  et  fcotement 
fremée,  seans  sus  un  bon  port  de  mer.  Et  si  y  a  un 
chastiel  trop  durement  fort,  séant  sus  mer,  si  ques  li 
V)  mers  flote  tout  au  tour.  Là  endroit  se  tenoit  li  rois, 
messires    Hues  li  Despensiers,  li  pères,    qui    estoit 
priés  en  l'eage  de  quatre  vins  et  dis  ans,  messires 
Hues,  U  fîlz,  li  mestres  consillières  le  roy,  qui  tous 
les  mauvais  consaulz  et  mauvais  fois  li  enhortoit,  H 
3S  contes  d'Arondiel,  qui  avoit  à  femme  la  fiUe  monsi- 
gneur  Huon  le  Jone,  et  ossi  pluiseur  cbevaHer  et  es- 
cuier, qui  repairoient  entours  le  roy  et  entours  le 
court,  ensi  que  gens  d' estât  repairent  volentiers  en- 
tours  leurs  signeurs.  Si  se  misent  ma  dame  la  royne 
30  et  toute  sa  compagnie,  messires  Jehaus  de  Haynau, 
chil  conte  et  chil  baron  d'Engleterre  et  leurs  routes, 
au  dit  chemin,  pour  aler  celle  part.  Et  par  toutes  les 


;vGoo»^lc 


[13SS]  UVRE  PHBdlBR,  $  13.  S» 

villes  là  où  il  entroient,  on  leur  &isoit  feste  et  hon- 
neur. Et  touldis  leur  venoient  gens,  à  destre  et  à  se- 
nestre,  de  tous  costés.  Et  tant  fîsent  par  leurs  jour- 
nées qu'il  parvinrent  devant  le  ville  de  Bristo.  Si  le 
assegièrent  à  droit  si^e  fait.  5 

§  1 3.  Li  rois  et  messires  Hues  li  Despeosiers  li  filz  se 
lenoîent  ou  chastiel.  Li  vielles  messires  Hues  li  pères 
et  li  contes  d'Arondîel  se  tenoient  en  le  ville  de 
Bristo,  et  pluiseur  aultre  qui  estoient  de  leur  acord. 
Quant  cil  aultre  et  cil  de  le  ville  veîrent  le  pooir  le  lo 
dame  si  grant  et  si  enforciet,  et  priés  que  toute  Ën- 
gleterre  estoit  de  leur  acord,  et  veoient  le  péril  et  le 
damage  si  apparant,  il  eurent  conseil  qu'il  se  rende- 
roîent  et  le  ville  avoech,  salve  leurs  vies,  leurs  mem* 
bres  et  lor  avoir.  Si  envoUèrent  trettier  et  parlonen-  is 
ter  devers  la  royne  et  son  conseil,  qui  ne  s'i  veurent 
mies  acorder  ensi,  se  la  dessus  ditte  ne  pooit  faire 
dou  dit  monsigneur  Huon  et  dou  conte  d'Arondiel 
sa  volenté ,  car  pour  yaus  destruire  estoit  elle  là 
venue.  ao 

Quant  li  homme  de  le  ville  de  Bristo  veirent  que 
autrement  il  ne  pooient  venir  à  pais  ne  sauver  leurs 
biens  ne  leurs  vies,  au  deslroit  il  s'i  acordèrcnt  et 
ouvrirent  les  portes,  si  ques  ma  dame  la  royne,  . 
messires  Jehans  de  Haynau  et  tout  li  baron,  cheva-  3» 
lier  et  escuier  entrèrent  ens,  et  prisent  leurs  hosteulz 
dedens  la  ville  de  Bristo.  Et  cil  qui  ne  s'i  peurent 
log^er,  se  herbet^èrent  dehors.  Là  fu  pris  li  dis  mes- 
sires Hues  li  pères,  et  li  contes  d'Arondiel,  et  amené 
par  devant  le  royne,  pour  &ire  d'yaus  se  pure  vo-  ao 
lente.  Et  ossi  li  furent  amené  li  sien  aultre  jone  en- 


;vGoo»^lc 


30  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13S6] 

&nt,  Jehans  ses  filz  et  ses  deus  fillètes,  qai  furent  là 
trouvées  eu  le  garde  monsigneur  Haoa.  De  quoi  la 
dame  eut  grant  joie,  quant  elle  vei  ses  en&ns  que 
veus  n'avoit  de  grant  tamps,  et  ossî  eurent  tout  cil 
s  qui  point  n'amoient  les  Despensiers.  Et  s'il  avoient 
grant  joie  entre  yaus,  selonc  ce  pooient  avoir  grant 
duel  ti  rois  et  messires  li  Despensiers  li  filz,  qui  es- 
toient  en  ce  fort  chastiet  enclos,  et  qui  veoient  leur 
meschief  si  grant,  qui  leur  couroit  seure  si  apparam- 
10  ment.  Et  veoient  tout  le  pays  tourner  avoecques  le 
royne  et  avoecques  son  ainnet  fil,  et  dreciet  et  es- 
meut  encontre  yaus.  Dont,  se  il  eurent  dolour  et 
paour  et  assés  à  penser,  ce  ne  fait  point  à  demander. 

$  14.  Quant  la  royne  et  tout  li  baron  et  U  aultre 

15  furent  herb^giet  à  leur  aise,  il  assegièrent  le  chastiel, 
au  plus  priés  qu'il  peurent.  Et  puis  fist  la  royne  ra- 
mener monsigneur  Huon  le  Despensier  le  vielle  et  le 
conte  d'Arondiel  devant  son  ainsnet  fîl,  et  devant 
tous  les  barons  qui  là  estoient,  et  leur  dist  que  elle 

20  et  ses  filz  leur  feroient  droit  et  loy  et  bon  jugement, 
selonch  leurs  fais  et  leurs  œuvres.  Adonc  respondi 
messires  Hues  et  dist;  «  Ha!  dame,  Diex  nous  voelle 
donner  bon  juge  et  bon  jugement;  et  se  nous  ne  le 
poons  avoir  en  ce  siècle,  si  le  nous  doinst  en  l'au- 

3S  Ire!  »  Adonc  se  leva  messires  Thumas  Wage,  bons 
chevaliers,  sages  et  courtois,  qui  estoit  mareschaus 
de  l'ost,  et  leur  racompta  tous  leurs  fais  par  escrîpt, 
et  tourna  en  droit  sus  un  viel  chevalier  qui  là  estoit, 
afin  qu'il  raportast  sus  se  feauté  que  à  faire  avoit  de 

30  telz  personnes,  par  jugement,  et  de  telz  fois.  Li  che- 
valiers se  consilla  as  autres  barons  et  chevaliers,  et 


;vGoo»^lc 


[1326]  LIVRE  ËRBHIEH,  S  IS.  31 

raporta  par  plaitme  sieute  que  il  avoient  bien  mort 
desservie,  par  pluiseurs  horribles  fais  qu'il  avoient  là 
endroit  oys  racompter,  et  les  tenoient  pour  vrais  et 
tous  ders.  Et  avoient  desservi,  par  le  diversité  de 
leurs  &is,  à  estre  justiciés  ei^  trois  manières,  c'est  à  5 
savoir,  premiers  traynés,  et  puis  decolés,  apriès  pen- 
dus à  un  gibet.  Tout  en  tel  manière  qu'il  furent  ju- 
giet,  iurent  il  tantost  justiciet  par  devant  le  chastiel 
de  Bristo,  veant  le  roy,  et  veant  le  dit  monsigneur 
Uuon  le  fil,  et  tous  ceulz  de  laiens  qui  grant  despit  iO 
en  eurent.  Et  puet  çascuns  savoir  que  il  estoient  à 
grant  meschief  de  cuer.  Geste  justice  fu  Ëiite  l'an  de 
grasce  mil  trois  cens  vingt  et  six,  le  jour  saint  Denis, 
en  ootembre.    , 

§  15.  Apriès  ce  que  ceste  justice  fu  faite,  si  com   I5 
vous  avés  oy,  li  rois  et  messires  Hues  li  Despensiers,  qui 
se  veoient  assegiet  à  tèle  angousse  et  à  tel  meschief, 
et  ne  savoient  nul  confort  qui  leur  peuist  là  endroit 
de  nulle  part  venir,  se  misent  à  une  matinée,  entre 
yaus  deus,  à  peu  de  mesnie,  en  un  petit  batiel,  en  30 
mer,  par  derrière  le  chastiel,  poiu*  alcr  ou  royaume 
de  Galles,  s'il  peuissent,  comme  cil  qui  volentiers  se 
fuissent  sauvé.  Mais  Diex  ne  le  volt  mies  soufirir, 
car  leurs  peehiés  les  encombra.  Si  lor  avint  grant 
merveille  et  grant  miracle,  car  il  furent  onze  jours  35 
tous  plains  en  ce  batelet,  et  s'efibrçoient  de  nagier 
tant  qu'il  pooient,  mais  il  ne  pooient  si  loncb  nagier 
que  tous  les  jours  li  vens,  qui  leur  estoit  contraires 
par  !e  volenté  de  Dieu,  les  ramenoit  çascun  jour, 
une  fois  ou  deus,  à  mains  de  le  quarte  parUe  d'une  30 
liewe  priés  dou  dit  chastiel  dont  il  estoient  parti;  si 


D,qit,z'eabvG00»^lc 


32  OIAONIQUES  DE  J.  FftOISSART.  [1326] 

ques  tous  les  jours  les  veoient  bien  cil  de  l'ost  le 
royne. 

Au  daarrain,  avint  que  messires  Henris  de  Bjau- 
moQt,  iilz  au  viseonte  de  Byaumont  en  Englet^re, 

5  entra  en  une  barge,  et  ossi  avoec  lui  aucuns  compa- 
gnons, et  se  fîst  nagier  devers  ceulz,  et  nagièrenl 
tant  et  st  fort  que  onques  li  maronnier  le  roy  ne 
peurent  tant  fuir  devant  yaus  que  iinablement  il  ne 
fuissent  rataint,  et  pris  à  tout  leur  batiel,  et  ramenet 

10  en  le  ville  de  Bristo,  et  livrés  à  ma  dame  la  royne  et  - 
à  son  fil  comme  prisonniers,  qui  moult  en  eurent 
grant  [joye*],  et  ossi  eurent  tout  li  aullre,  et  à  bonne 
cause,  car  il  avoient  acomplit  et  acfaievet  leur  désir, 
à  l'ayde  de  Dieu,  tout  à  leur  plaisir. 

1&  S 1 6.  £nsi  reoonquist  la  ditte  royne  tout  le  royaume 
d'Engleterre  pour  son  ainsné  fil,  sour  le  conftnt  et 
conduit  de  monsigneur  Jehan  de  Haynau  et  de  se 
c<mipagnie.  Par  quoi  ilz  et  tout  si  compagnon,  qui 
en  ce  voiage  furent  avoech  lui,  furent  tous  tenus 

sa  pour  preus,  par  le  raison  de  le  haute  emprise  que 
fait  avoient.  Car  ii  ne  furent  tout  comptet,  quant  il 
entrèrent  en  m^  à  Dourdresch,  si  com  vous  avés  oy, 
que  trois  cens  armeures  de  6er,  qui  fisent  si  hardie 
enirepresure,  pour  l'amour  de  le  ditte  royne,  comme 

3&  d'entrer  en  naves  et  passer  mer  à  si  peu  de  gens, 
pour  conquerre  tel  royaume  comme  est  Engleterre, 
maugré  le  propre  roy  et  tous  ses  aidans. 

$  1 7.  £nsi  com  vous  avés  oy,  fii  celle  haute  et  har- 

1.  Ht.  de  Gu«nUrM,  e>  8.  — M«.  UT7,  P>  13  (iMone). 


;vGoo»^lc 


[1326]  LIVRE  PREMIER,  g  17.    t  33 

die  emjH^  achievée;  et  reconquistma  dame  la  royne 
.  Ysabiel  tout  son  estât,  par  le  confort  et  conduit  del 
gentil  chevalier  monsigneur  Jehan  de  Haynau  et  de 
ses  compagnons,  et  mist  à  destruction  ses  ennemis. 
Et  fu  pns  li  rois  meismes  par  tèle  mescheance  et  5 
fortune  que  vous  poés  entendre.  Dont  tous  li  pays 
communalment  eut  gtant  joie,  hors  mis  aucuns  qui 
estoient  de  le  &veur  le  dit  monsigneur  Huon  le  Des- 
pensier.  Quant  li  rois  et  li  dis  messires  Hues  li 
Despensiers  furent  amené  à  ^sto  par  le  dessus  dit  lo 
monsigneur  Henri  de  Byaumont,  li  rois  fii  envoiiés, 
par  le  conseil  de  tous  les  barons  et  les  chevaliers, 
ens  ou  fort  ehastiel  de  Berclo',  séant  sus  le  grosse 
rivière  de  Saveme,  et  recommendés  au  signeur  dou 
dit  ehastiel  de  Bercler  quie  il  en  fesist- bonne  garde;  15 
et  il  dist  que  ossi  feroit  il;  et  fu  ordonné  à  lui  ser< 
vir  et  garder  bien  et  honnestement,  et  gens  d'estat 
entours  lui,  qui  bien  savoienl  que  on  en  devoit  feire, 
mais  point  ne  le  dévoient  Laissier  partir  dou  pour- 
[Hns.  Ensi  fu  il  enjoint  et  commandé.  Et  li  dis  mes-  so 
sires  Hues  fii  tantost  livrés  à  monsigneur  Thumas 
Wage,  mareschal  de  l'host. 

Apriès  çou,  se  partirent  la  royne  et  toute  son  host 
pour  venir  droit  à  Londres,  qui  est  li  chiés  d'Engle- 
terre,  et  se  misent  au  chemin.  Li  dis  messires  Thu-  35 
mas  Wage  fist  bien  et  fort  loiier  monsigneur  Huon 
le  Oespensier  sour  le  plus  petit  magre  et  chetif  che- 
val qu'il  pot  trouvCT,  et  li  fist  fiiire  à  viestir  un  ta- 
bar  et  afiibler  par  dessus  son  abit  le  dit  tabar,  semet 
de  telz  armeures  qu'il  sotoit  porter,  et  le  feisoit  ensi  30 
mener  par  dérision  apriès  le  route'' et  le  conroi  le 
royne,  par  tontes  les  villes  où  il  dévoient  passer,  à 


;vGoo»^lc 


a  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT.  [13S6] 

trompes,  à  trompètes  et  flahutes,  pour  lui  faire  plus 
grant  despit,  tant  qu'il  vinrent  à  Harfort,  une  bonne  ■ 
cité.  Là  fb  la  royne  moult  reveramment  recheue  et 
à  grant  solennité,  et  toute  11  compagnie  ossi.  Et  tint 
5  là  sa  feste  de  le  Toussains  moult  grande  et  moult 
bien  estoffé[e],  pour  Famourde  son  fil  eldes  signeurs 
estragniers  qui  estoîent  avoecques  lui. 

§  18.  Quant  U  fi^te  fu  passée,  li  dis  messires  Hues 
qui  point  n'estoit  amés,  là  endroit  fu  amenés  par  de- 

10  vant  le  royne  et  tous  les  barons  et  chevaliers,  qui  là 
estoient  assamblet.  Là  li  furent  recordet  tout  si  fet 
par  escript,  quç  onques  ne  dist  riens  à  l'encontre  :  si 
ques  là  endroit  il  fti  jugiés,  par  plainne  sieute,  de 
tous  les  barons  et  chevaliers,  à  mort,  et  à  justicier, 

15  en  tel  manière  com  vous  orés.  Premièrement,  il  fii 
traynés  sour  un  bahut,  à  trompes  et  à  trompètes,  par 
toute  la  ville  de  Harfort,  de  rue  en  rue.  Et  puis  fii 
amenés  en  une  grant  place,  en  le  ville,  là  où  tous  li 
peuples  estait  assamblés.  Là  endroit  (a  il  loiiés  haut 

30  sus  une  eschielle,  si  ques  çascuns,  petis  et  grans,  le 
pooient  veoir.  Et  avoit  on  fait  en  le  ditte  place  un 
grant  feu.  Quant  il  fiit  ensi  loiiés,  on  li  copa  tout 
premiera  le  vit  et  les  coulles,  par  tant  qu'il  estoit 
hérites  et  sodomites,  ensi  que  on  disoit  meismement 

35  del  roy.  Et  pour  ce  avoit  decaciet  11  rois  la  royne 
ensus  de  lui  et  par  son  enhort.  Quant  li  vis  et  les 
coulles  li  furent  coppées,  on  les  getta  ou  feu,  et  fu- 
rent arses.  Apriès,  on  li  fendi  le  ventre,  et  li  osta  on 
tout  le  COH"  et  le  coraille,  et  le  getta  on  ou  feu  pour 

30  ardoir,  par  tant  qu'il  estoit  faulz  de  coer  et  traïttes, 
et  que,  par  son  traitte  conseil  et  enhort,  li  rois  avoit 


;vGoo»^lc 


[13S6]  LIVRE  PREMIER,  §1».  ^  35 

honni  son  royaume  et  mis  à  meschief,  et  avoit  fait 
decoler  les  plus  grans  barons  d^Englelerre,  par  les 
quels  li  royaumes  deroit  estre  soustenus  et  deffendus. 
Et  avoech  ce  il  avoit  si  enhortet  le  roy  qu'il  nie  pooit 
ou  ne  voloit  veoir  la  royne  sa  femme,  ne  son  aîns-  s 
net  fil,  qui  devoit  estre  leurs  sires;  ains  les  avoit  de- 
caciés,  par  doubtance  de  leurs  corps,  hors  dou 
royaume.  Apriès,  quant  lî  dis  messires  Hues  (a  ensi 
atoumés,  comme  dit  est,  on  li  coppa  te  teste,  et  Bi 
envoiie  en  le  chité  de  Londres;  et  puis  fil  il  decopés  lo 
en  quatre  quartiers.  Et  furent  tantost  envoiiet  as  qua- 
tre milleur^  cités  d'Ëngleterre  apriès  Londres. 

$  19.  Apriès  ceste  justice  faite,  si  com  vous  avés  oy, 
la  royne  et  tout  li  signeur,  et  grant  fîiison  dou  com- 
mun dou  pays,  se  misent  au  chemin  vers  Londres,  et  i& 
fisent  tant  par  leurs  petites  journées  qu'il  y  parvin- 
rent à  grant  compagnie.  Et  isùrent  communément 
tout  cil  de  Londres,  grans  et  petis,  encontre  le  royne 
et  son  ainsnet  fil,  qui  devoit  estre  leurs  drois  sires, 
et  lor  fisent  grant  feste  et  gtant  reverense,  et  à  toute  so 
leur  compagnie  ossi.  Et  donnèrent  cil  de  Londres 
grans  dons  à  le  ditte  royne,  et  à  ceulz  là  où  il  leur 
sambloit  miens  emploiiet. 

Quant  il  furent  ensi  receu  et  si  grandement  fes- 
tiiet,  si  que  dit  est,  et  il  eurent  là  séjourné  environ  35 
quinze  jours,  li  compagnon  qui  passet  estoient  avoech 
monsignenr  Jehan  de  Haynau,  eurent  grant  talent  de 
retotu>ner  cescuns  en  se  contrée,  car  il  leur  sambloit 
qu'il  avoient  bien  fait  le  besongne  et  acquis  grant 
honneur,  si  qu'il  avoient.  Si  prisent  congiet  à  ma  30 
dame  la  royne  et  as  signeurs  dou  pays.  Ma  dame  la 


:,Goo»^lc 


36  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13)!6] 

royDe  et  li  signeur  leur  priièrent  assës  de  demorer 
encores  un  petit  de  tamps^  pour  veoir  que  on  vor- 
roit  &ire  dou  roy,  qui  en  prison  estoitj  ensi  que  oy 
avës;  mais  il  avoieat  si  grant  désir  de  retourner  ces- 
5  cuns  en  se  maison  que  priière  n'i  valu  riens.  Quant 
la  royne  et  ses  consaulz  veirent  chou,  il  {n'itèrent  de 
coste  à  monsigneur  Jehan  de  Haynau  qu'il  vosist 
encores  demorer  jusques  apriès  le  Noël,  et  qu'il  de- 
tenist  de  ses  compagnons  avoech  lui  ceulz  qu'il  en 

10  poroît  détenir.  Li  gentils  chevaliers  ne  volt  mies 
laissier  k  par&ire  sen  service,  et  otria  courtoisement 
le  demorer  jusques  à  le  volenté  de  ma  dame  le  royne. 
Si  détint  de  ses  compagnons  ce  qu'il  en  peut  déte- 
nir; mais  petit  fu,  car  li  aultre  ne  vorrent  nullement 

15  demorer,  dont  il  Ai  moult  courouciés.  Toutes  fois, 
quant  la  royne  et  ses  consaulz  veirent  que  cil  com- 
pagnon ne  voloient  demorer  pour  nulle  priière,  il 
leur  fisent  toute  l'onneur  et  le  reverense  qu'il  peu- 
rent.  £t  leur  fist  la  royne  donner  grant  argent  pour 

30  leurs  frès  et  pour  leur  service,  et  grans  joiaus,  et 
cescun  selonch  son  estât,  si  grandement  que  tout 
s'en  tinrent  à  bien  content.  Et  avoech  ce  elle  leur 
fist  rendre  Festimation  de  leurs  chevaus  qu'il  vor- 
rent laissier,  si  haut  que  cescuns  voloit  estimer  les 

35  siens,  sans  del)at  et  Sans  dire  ne  trop  ne  peu.  Et 
tout  furent  paiiet  en  deniers  appareilliés. 

Si  demora  messires  Jehans  de  Haynau,  à  le  priière 
de  le  royne,  à  petite  maisnie  et  à  peu  de  compa- 
gnons, entre  les  Englès  qui  li  fàisoient  toutdis  toute 

30  l'onneur  et  le  compagnie  qu'il  pooient.  Ossi  fàisoient 
les  dames  dou  pays,  dont  il  y  avoit  grant  fuison, 
contesses  et  autres  grandes  et  gentilz  dames  et  pu- 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1327]  LIVRE  PREMIER,  S  20.  37 

celles,  qui  venues  estoient  compagnier  ma  dame  la 
royne,  et  venoient  de  jour  en  jour,  car  il  leur  sam- 
bloit  que  H  gentilz  chevaliers  l'euîst  bien  deservi,  si 
com  il  avoit. 

$  20.  Apriès  ce  que  li  plus  des  compagnons  de  Hay-    s 
naù  se  furent  parti  et  li  sires  de  Byaumont  demorés, 
la  royne  d*Engleterre  donna  congiet  as  gens  de  son* 
pays,  que  çascuns  s'en  ralast  à  se  maison  et  en  ses 
besongnes,  hors  mis  aucuns  barons  et  chevaliers  que 
elle  détint  pour  lui  consillier;  et  lor  commanda  que  10 
tout  revenissent  à  liOndres,  au  jour  dou  Noël,  à  une 
grant  court  que  elle  voloit  tenir.  Et  tout  cil  qui  se 
partirent  li  eurent  en  couvent,  et  encores  pluiseur 
autre  à  qui  la  feste  fii  mandée.  Quant  ce  vint  au 
Noël,  elle  tint  une  grant  court,  ensî  que  elle  Favoit   ]5 
dit.  Et  y  vinrent  tout  li  conte,  baron  et  chevalier  et 
tout  li  noble  d'Engleterre,  et  U  prelat  et  li  consaulz 
des  bonnes  villes.  A  ceste  feste  et  à  ceste  assamblée 
fu  ordonné,  par  tant  que  U  pays  ne  pooit  longement 
demorer  sans  signeur,  que  on  metteroit  en  escript  SO 
tous  les  fais  et  les  oevres,  que  li  rois  qui  en  prison 
estoit  avoit  fait  par  mauvais  conseil,  et  tous  ses  usa- 
ges et  ses  mauvais  maintiens,  et  comment  il  avoit 
gouvrenet  son  pays,  par  quoi  on  le  peuist  lire,  en 
plain  palais,  par  devant  tout  le  pays,  et  que  li  sage  SS 
dou  pays  peuissent  sur  ce  prendre  bon  avis  et  acord 
comment  et  par  cui  li  pays  seroit  gouvrenés  de  donc 
en  avant.  Ensi  que  entonné  fu,  il  fa  fait.   Et  quant 
tout  li  cas  et  U  ^t,  que  li  rois  avoit  &is  et  consen- 
tis à  faire,  et  tout  si  maintien  et  si  usage  furent  leu  30 
et  bien  entendu,  li  baron  et  li  chevalier  et  tous  H 


;vGoo»^lc 


39  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1327] 

consaulz  dou  pays  se  trairent  ensamble  à  conseil.  Et 
se  acordèrent  li  plus  saiane  partie,  et  meismement  lï 
grant  baron  et  li  noble  avoech  les  consaulz  des  bon- 
nes villes,  selonch  ce  que  il  avoient  là  oy  lire,  et 
5  qu'il  en  savoîent  le  plus  grant  partie  de  ces  Ëiis  et 
de  ces  maintiens,  de  certain  et  par  pure  vérité.  Et 
dirent  que  telz  bons  n'estoit  mies  dignes  de  jai^is 
porter  couronne,  ne  d'avoir  nom  de  roy.  Mais  il  s'a> 
cordèrent  à  cbe  que  ses  ainnés  filz,  qui  estoit  ses 

10  drois  hoirs,  fiist  couronnés  et  tantost  ou  lieu  dou 
père^  mais  que  il  presist  bon  conseil  et  sage  entours 
lui  et  feable,  par  quoi  li  royaumes  et  H  pays  fîist,  de 
donc  en  avant,  mieus  gouvrenés  que  esté  n'avoit;  et 
que  li  pères  ftist  bien  gardés  et  honnestement  tenus, 

15  tant  que  vivre  poroit,  selonch  son  estât. 

S  21 .  E^i  que  acordé  fu  par  les  plus  haus  barons 
et  par  les  consaulz  des  bonnes  villes,  lu  il  &it.  Et  fii 
adonc  couronnés  de  couronne  royal,  ens  ou  palais  de 
Wesmoustier,  datés  Londres,  li  jones  rois  Edowars, 

30  qiû  tant  fii  de  puis  ewireus  et  fcolunés  en  armes.  Ce 
fil  l'an  de  grasce  Nostre  Signeur  mil  trois  cens  vingt 
et  sis,  le  jour  dou  fioal.  Et  pooit  avoir  adonc  envi- 
ron seize  ans;  il  les  eut  à  le  Conversion  saint  Pol.  Et 
là  fu  très  grandement  servis  et  honnourés  li  gentilz 

3&  chevaliers  messires  Jehans  de  Haynau  de  tous  les 
prmces  et  de  tous  les  nobles  et  non  nobles  dou  pays. 
Et  là  [lui']  furent  donnet  grans  joiaus  et  très  riccs, 
et  à  tous  les  compagnons  qui  demoret  estoient  dalés 
lui.  Et  demora  de  puis  il  et  si  compagnon,  en  gran- 

1.  VU.  de  GMgnièret,  <>>  9.  —  Ui.  6471,  f>  14  (lacnne). 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1327]  LIVRE  PREUIER,  $  21.  39 

des  festes  et  ea  grans  solas  des  sigoeurs  et  des  da- 
mes qui  là  estoient,  jusques  au  jour  des  Trois  Rois 
que  il  oy  dire  que  li  rois  de  Behagne,  11  contes  de 
Hayuau,  ses  frères,  et  grant  plenté  de  signeurs  de 
France  se  ordonnoient,  pour  estre  à  Condet  sour  Es-  5 
oaut,  à  un  tournoi  qui  là  estoit  criés. 

Adono  ne  volt  messires  Jehans  de  Haynau  plus 
demorer,  pour  priière  que  on  li  peuist  faire,  pour  le 
grant  désir  qu'il  avoit  de  venir  à  ce  tournoi,  et  de 
veir  son  gentil  frère,  le  conte  de  Haynau,  et  tes  aul-  lo 
très  signeurs  qui  là  dévoient  estre,  et  especialment 
le  plus  noble  et  le  plus  gentil  roy  en  lai^hèce  qui 
regnast  à  ce  temps,  le  gentil  roy  Cfaarlon  de  Beha- 
gne.  Quant  li  jones  rois  Ëdowars,  ma  dame  la  royne 
sa  mère  et  li  baron,  qui  là  estoient,  veirent  que  il  ne  ts 
voloit  plus  demorer,  et  que  priière  ne  pooit  valoir, 
il  11  donnèrent  congiet  moult  à  envis.  Se  11  donna  li 
jones  rois,  par  le  conseil  de  ma  dame  sa  mère,  qua- 
tre cens  mars  d'estrellns,  un  estrelîn  pour  un  denir, 
de  rente,  hyretablement,  à  tenir  de  lui  en  fief,  et  à  30 
palier  çascun  an  en  le  ville  de  Bruges.  Et  donna  en- 
cores  à  Phelippe  de  Castiaus,  son  me&tre  esculer  et 
son  souverain  coosilleur,  cent  mars  de  rente  à  l'es- 
trelin,  et  ensl  à  palier  d'an  en  an  que  dit  est.  Et  li 
fist  avoech  ce  délivrer  grant  somme  d'estrelins,  pour  25 
paiier  les  frès  de  lui  et  de  toute  se  compagnie,  pour 
revenir  en  leur  pays.  Et  le  fist  conduire,  à  grant 
compagnie  de  chevaliers,  jusques  à  Douvres;  et  li  fist 
apparillier  et  délivrer  tout  son  passage.  Et  les  dames 
mêlâmes,  la  contesse  de  Garanes,  qui  estoit  suer  au  30 
conte  de  Bar,  et  aucunes  des  aultres  dames  li  donnè- 
rent grant  fuison  de  biaus  jeulaus  et  riches  au  départir. 


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M  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1327] 

Quant  li  dis  messires  Jehans  de  Hayaau  et  se  com- 
pagnie furent  venu  à  Douvres,  il  montèrent  lantost 
en  oaves  pour  passer  oultre,  pour  le  désir  (ju'il 
avoient  de  venir  à  temps  et  à  point  à  ce  tournoy, 
s  qui  devoit  estre  à  Condet.  Et  en  mena  avoech  lui 
quinze  jones  et  preus  chevaliers  d'Englelerre,  pour 
estre  à  ce  tournoy  avoech  lui,  et  pour  yaus  acointier 
as  signeurs  et  as  compagnons  qui  là  dévoient  estre. 
Si  leur  fist  toute  Fonneur  et  le  compagnie  qu'il  peut, 
10  et  toumiièrent  deus  fois  celle  saison  à  Condet,  puis 
qu'il  furent  venu.  Or,  me  voel  taire  de  monsigneur 
Jehan  de  Haynau  jusques  à  tant  que  poins  sera,  et 
revenrai  au  jonc  roy  Edouwart  d'Ëngleterre. 

§  22 .  Apriès  chou  que  messires  Jehans  de  Haynau  se 
l&  fil  partis  dou  jone  roi  et  de  ma  dame  sa  mère,  li  dis 
rois  et  la  royne  gouvrenèrent  le  pays  par  le  conseil 
dou  conte  de  Kent,  oncle  au  dit  roy,  et  par  le  con- 
seil ossi  monsigneur  Rogîer  de  Mortemer,  qui  tenoit 
grant  terre  en  Ëngleterre  bien  siept  mille  livrées  de 
SO  revenue,  un  estrelin  pour  un  denir.  Et  avoient 
tout  doi  esté  bani  et  escaciet  hors  d'Ëngleterre  avoee 
le  royne  et  le  dit  roy,  si  com  avés  oy.  Et  us^nt 
ossi  assés  par  le  conseil  de  monsigneur  Thumas 
Wage,  et  [par  le  conseil  de  plusieurs  autres*]  que  on 
2»  tenoit  les  plus  sages  dou  royaume,  comment  que 
aucim  aultre  en  euissent  envie.  Car  on  dist  eosi  que 
envie  ne  poet  morir  en  Ëngleterre.  Ossi  r^ne  elle  et 
voet  r^ner  en  pluiseurs  aultres  pays.  Ënsi  passa  li 
}viers  et  li  quaresmes  jusques  à  Pasques.  Et  furent  li 

I.  H*,  de  GaignièrM,  p>9v.  —  Hi.  6%T7,  P>  15  (tacoiie). 


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[1327]  LIVRE  PREMIER,  §  23.  H 

rois,  ma  dame  se  mère  et  H  pays  tous  en  pais,  che 
terme. 

Avint  que  li  rois  Robers  d'Ëscoce,  qui  avoit  esté 
moult  preus,  et  qui  moult  avoit  souffert  contre  lès 
Ënglès,  et  moult  de  fois  avoit  esté  decaciés  et  des-  s 
confis  au  tamps  le  bon  roy  Edowart,  tayon  à  ce  jone 
roy  Edowart,  estoit  devenus  moult  vieux  et  malades 
de  le  grosse  maladie,  ce  disoit  on.  Quant  il  sceut  les 
avenues  d'Engleterre,  comment  li  rois  avoit  esté  pris 
et  desposés  de  se  couronne,  et  ses  consaulz  justiciés  lo 
et  mis  k  destruction,  si  com  vous  avés  oy,  il  se 
pourpensa  qu'il  deffieroit  ce  jone  roi;  car,  par  tant 
qu'il  estoit  jones  et  que  li  baron  del  royaume  n'es- 
toient  mies  bien  d'acord,  si  com  il  cuidoit,  et  que 
on  H  avoit  fait  entendant  par  aventure  de  par  au>  is 
cuns  des  ennemis  et  dou  linage  les  Despensiers,  il 
poroit  bien  faire  se  besongne  et  conqoerre  partie 
d'Engleterre.  Ensi  qu'il  le  pensa,  il  le  fist;  et,  envi- 
ron Pasques,  l'an  mit.  trois  cens  vingt  et  sept,  list  il 
deffiier  le  jone  roy  Edouwart  et  tout  le  pays,  et  leur  20 
manda  qu'il  enteroit  ens  ou  pays  et  gasteroit  et  ar- 
deroit  ossi  avant  qu'il  avoit  Ëiit  autre  fois,  dou  tamps 
que  li  desconfiture  fii  au  chastiel  de  Struvelin,  où  li 
Englès  rechurent  si  grant  damage. 

§  23.  Quant  li  jones  rois  se  senti  deffiiës  et  ses  con-  35 
saulz  ossi,  il  le  fisent  savoir  par  tout  le  royaume  et 
commander  que  tout  noble  et  non  noble  fuissent  ap- 
parellié  cescuns  selonch  son  estât,  et  venist  çascuns 
à  tout  son  pooir  au  jour  de  l'Ascension  apriès  ensie- 
want  à  Evruich,  une  bonne  cité  qui  siet  ou  north.  30 
Et  envola  devant  grant  fïtison  de  gens  d'armes  pour 


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42  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13S7] 

garder  les  frqntirâ^  par  devers  Escoce.  Et  puis  en- 
vois grans  messages  par  devers  monsigneur  Jehan  de 
Haynau,  en  priant  moult  affectueusement  qu'il  le 
vosist  veait  seoourir  et  tenir  compagnie  à  ce  besoing, 
&  «t  que  il  vosist  estre  dalés  lui  à  Ëvruich,  au  jour  de 
l'Aficenaon,  à  tout  tel  compagnie  qu'il  poroit  avoir 
de  gens  d'armes.  Quant  li  sires  de  Byaumont  oy  che 
mandement,  il  envoia  ses  lettres  et  ses  messages  par 
tout  là  où  il  cuidoit  recouvrer  de  bons  compagnons, 

10  en  Flandres,  en  Haynau,  en  Braibant  et  en  Hasbaing; 
et  leur  prioit,  si  acertes  qu'il  pooit,  que  cescuns  le 
vosist  siewir,  au  mieus  montés  et  apparilliés  qu'il 
poroit,  devers  Wissant,  pour  passer  oultre  en  Ëngle- 
teire.  Cescuns  le  sievi  volentiers  selonc  son  pooir, 

u  chil  qui  fur^it  mandet  et  moult  d'aultre  qui  ne  fu- 
rent point  mandet,  pour  tant  que  cescuns  cuidoit 
raporter  otant  d'aigent  que  li  aultre  avoient  raportet, 
qui  avoient  estet  en  l'autre  chevaucie  en  Ëngleterre 
avoech  lui  :  si  ques,  avant  que  li  sires  de  Byaumont 

ao  venist  à  Wissant,  il  eut  assés  plus  de  gens  qu'il  ne 
cuidoit  avoir,  mais  tous  les  rechut  liement  et  leur 
fîst  grant  chière. 

Quant  il  et  se  compagnie  furent  venu  à  Wissant, 
il  trouvèrent  les  naves  et  les  vaissiaus  tous  prés  que 

25  on  leur  avoit  amenet  d'Engleterre,  et  misent  ens  au 
plus  tost  qu'il  peurent  chevaus  et  hamas,  et  passè- 
rent oultre  et  vinrent  à  Douvres,  it  ne  cessèrent  de 
chevaucier  oe  d'errer  de  jour  en  jour  tant  qu'il  vin- 
rent, à  trois  jours  priés  de  le  Pentecouste,  à  le  bonne 

80  cité  de  Evruich,  là  où  li  rois  et  ma  dame  sa  mère 
estoient  et  grant  plenté  de  grans  Barons,  pour  le 
jone  roy  consillier  et  compa^ier.  Et  attendoient  là 


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[13t7]  LIVRE  PREMIER,  S  24.  tS 

endroit  la  venue  de  moosigneur  Jehan  de  Haynau  et 
de  se  compagnie.  Et  ossi  attendoient  il  que  toutes  les 
gens  d'armesj  li  arcier  et  les  communes  gens  des 
bonnes  villes  et  des  villiaus  fuissent  oultre  passet.  Et 
ensi  qu'il  veDoient  par  grans  routes^  on  les  feisoit  & 
logier  es  villages,  à  deus  liewes  priés  ou  trois  de 
Evruich,  et  là  environ  sus  le  plat  pays,  et  les  &isoit 
on  oultre  passer  par  devers  les  frontières. 

§  24.  Droit  à  ce  point,  vint  à  Evruich  messires  Je- 
hans  de  Haynau  dessus  dis  et  9e  (^mpagnie.  Si  furent  to 
bien  venut  et  grandement  festiiet  dou  jone  roy,  de 
ma  dame  la  mère  et  de  tous  les  barons.  Et  leur  fist  on 
livrer  le  plus  biel  fourbourch,  de  le  cité,  pour  yaus 
herbei^ier  entironent  sans  nul  entredeus.  Et  fa  déli- 
vrée à  moDsigneur  Jehan  de  Haynau  une  abbeye  de  15 
blans  monnes,  pour  son  coips  et  pour  son  tinel  tenir. 

En  le  compagnie  dou  dit  chevalier  vinrent,  dou 
pays  de  Haynau,  li  sires  d'Enghien  qui  estoit  appel- 
lés  messires  Gauticrs,  li  sires  d'Antoing,  messires 
Henrîs,  H  sires  de  Fagnuellea,  messires  Pastrés  dou  30 
Rues,  messires  Robers  de  Bailluel  et  messires  Guil- 
laumes  de  Bailloel,  ses  frères,  li  sires  de  Havrech, 
chastellains  de  Mons,  messires  Alars  de  ftifiiel,  messi- 
res Fastrés  de  Briiîiel,  messires  Mikieus  de  Ligne,  mes- 
sires Jehans  dé  Montegni  li  jones  et  ses  frères,  mes-  S5 
sires  Sausses  de  B(Tussoit ,  IL  sires  de  Gommegnies, 
messires  Ferchevaus  de  Semeries,  li  sires  de  Floion. 

Dou  pays  de  Flandres  y  vinrent  messires  Hectors 
Villains,  messires  Jehans  de  Rodes,  messires  Wau- 
flars  de  Ghistelles,  messires  Guillaumes  de  Strates,  so 
ï  Gossuins  de  Le  Muele  et  pluiaeur  aultre. 


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44  CHRONIQUES  DB  J.  FROISS.IHT.  [1327] 

Dou  pays  de  Braibant  y  vinrent  lî  sires  de  Duffle, 
miïssires  Thieris  de  Wallecourt,  messires  Rasses  de 
Grés,  messires  Jehans  de  Casebèke^  messires  Jehans 
Pili[s]re,  messires  Gilles  de  Coterebbe^  li  troi  frère  de 
s  Harlebèke,  messires  Gautiers-de  Hoteberge  et  pluï- 
seur  aultre. 

Des  Hesbegnons  y  vinrent  messires  Jehans  lî  Biaus 
et  messires  Henris  ses  frères,  messires  Godefrois  de 
Le  Capelle,  messires  Hues  [d'Obay'j  et  messires  Je- 
10  hans  de  Libines,  messires  Lambers  [d'Oppey*],  mes- 
sires GUlebers  de  Hers. 

Et  si  y  vinrent  aucun  chevalier  de  Cambresis  et 

d'Artois  de  leur  volenté,  pour  leurs  corps  avancier^ 

tant  que  li  dis  messires  Jehans  de  Haynau  eut  bien 

15  en  se  compagnie  cinq  cens  armeures  de  fi^,  tous 

bien  estoffës  et  bien  montés. 

Apriès  ens  es  festes  de  le  Pentecouste,  vinrent 
messires  Guillaumes  de  Jullers,  qui  puis  fil  dus  de 
Jullers  apriès  le  dechiès  de  son  père,  et  messires 
30  Thieris  de  Heinsbei^  qui  puis  (a  contes  de  Los,  à 
beUe  route,  et  tout  pour  faire  compagnie  au  gentil 
chevalier  dessus  dit. 

§  25.  li  Jones  rois  d'En^eterre,  pour  miex  festUer 
ces  signeurs  et  toute  leur  compagnie,  tint  une  grande 
9b  court  au  jour  de  le  Trinité,  à  le  maison  des  Frères 
Meneurs,  là  où  il  et  ma  dame  sa  mère  estoient  her- 
ber^et.  Et  tenoient  leur  tinel,  cescuns  par  li,  c'est  à 
savoir  li  rois  de  ses  chevaliers,  et  la  royne  de  ses  da- 


].  H*.  a'Aminu,  P>  6  T<.  —  Hs.  6477,  t^  16  ;  (  de  Baj.  • 
3.  W*.  de  I.  U  Bd,  [^  14  i«.  -  W*.  6477,  P>  16  :  «  dou  Peh.  ■> 


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[1»T]  UVRB  PREMIER,  $  K.  4S 

mes,  dont  elle  avoit  grant  fiiison  en  se  compagnie. 
A  celle  court,  eut  bien  li  rois  six  cens  chevaliers, 
seans  en  salle  et  en  l'enclostre.  Et  .y  eut  à  ce  jour 
fais  quinze  nouviaus  chevaliers.  Et  ma  dame  b 
royne  tint  sa  court  ou  dortoir;  et  eut  bien  seans  à  5 
table  soixante  dames  que  elle  avait  priies  et  man- 
dées, pour  mix  festiier  le  dit  monsigneur  Jehan  de 
Haynaa  et  ces  aultres  signeurs.  Là  peut  on  veoir 
grant  noblèce  de  bien  servir  de  grant  plenté  de  mes 
et  d'entremès  estragnes  et  si  desghisés,  que  on  ne  10 
les  poroit  deviser.  I^à  peut  on  veoir  dames  noble- 
ment parées  et  richement  acheknées,  qui  euist'  loisir. 
Mais  adonc  ne  peut  on  avoir  loisir  ne  lieu  de 
danser,  ne  de  plus  festiier.  Car,  tantost  apriès  dis- 
ner,  uns  grans  hustins  commença  entre  les  Hay-  15 
nuiers  garçons  et  les  arciers  d'Engleterre,  qui  entre 
yaus  estoient  herb^et,  en  l'ocquison  dou  jeu  de 
dés,  de  quoi  grans  mauls  vint,  si  com  vous  orés. 
Car  ensî  que  cil  garçon  se  combatoient  à  aucuns  de 
ces  Englès,  tout  li  aultre  arcier  qui  estoient  en  le  90 
ville,  et  cil  qui  s'estotent  herbegiet  en  celi  four- 
bourch  entre  les  Haynuiers,  furent  tantost  ensamble 
à  tous  leurs  ars  apparilliés,  et  se  boutèrent  ou  hahai, 
et  navrèrent  à  ce  commencement  tout  plain  des  gar- 
çons des  Haynuiers  :  si  les  convint  retraire  en  leurs  35 
hosteiz.  Li  plus  des  chevaliers  et  de  leurs  mestres 
estoient  encores  à  court,  qui  de  ce  ne  savoîent  riens. 
Et  tantost  qu'il  oïrent  nouvelles  de  ce  hustîn,  il  se 
traisent  au  plus  tost  qu'il  peurent,  cescuns  vers  son 
hostel,  qui  peut  ens  entrer.  Et  qui  n'i  peut  entrer,  30 
il  le  convint  demorer  dehors  en  grant  péril.  Car  cil 
archier,  qui  estoient  bien  doi  mille,  avoient  le  dya- 


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46  CHHONIQUSS  DE  J.  FRCHSSAAT.  [1327] 

ble  ou  corps  et  trai[oi*)ent  despersement,  pour  tous 
tuer,  sîgneurs  et  variés. 

Et  veult  on  dire  et  supposer  que  o'estoit  tous  &is, 
avisés  et  pourparlés  de  aucuns  des  amis  les  Despen- 
5  sios  et  le  conte  d'Arondiel,  qui  avoient  esté  mis  à 
fin  par  monsigneur  Jehan  de  HaynaUj  si  com  vous 
avés  chi  dessus  oy  recorder.  Si  s'en  voloient  contre- 
vengier  as  Haynuiers^  et  meismement  à  mona- 
gneur  Jehan  de  Haynau,  se  il  peuissent;  et  bien  s'en 

10  misent  en  patnne,  si  com  vous  orés.  Car  encwes  U 
Engiès  et  les  Englesses,  de  tpii  U  bostel  estoient, 
clooiént  et  baroient  leurs  huis  et  leurs  fenestres  au 
devant  des  Haynuiers^  et  ne  les  laissoient  ens  ren- 
tra. Toutes  fms,  il  en  y  eut  aucuns  qui  y  rentrè- 

li  rent  par  derrière  leurs  hosteulz,  et  s'armèrent  moult 
vîstement.  Quant  il  furent  armet,  il  n'osèrent  issir 
hors  par  devant  pour  les  saîettes;  ains  issirent  hors 
par  denière,  par  les  c(»u*tilzj  et  rompirent  les  enclos 
et  les  paufis.  Et  attendirent  11  uns  l'autre,  en  une 

so  place  qui  là  estoit,  tant  qu'il  furent  bien  cent  ou 
plus,  tout  armet,  et  bien  otant  tous  desarmet,  qui 
ne  pooient  rentrer  en  leurs  hosteiz. 

Quant  cil  armé  furent  ensi  assamblé,  il  se  hastè- 
rent  pour  secourre  les  aultres  compagnons,  qui  def- 

35  fendoient  leur  hosteiz  en  le  grande  rue,  au  mieus 
qu'il  pocHent.  Et  passèrent  cil  armet  parmi  l'ostel 
au  signeur  d'Enghien,  qui  avoit  grandes  portes  der- 
rière et  devant  sour  le  grande  me,  et  se  ferirent 
estoutement  en  ces  archiers.  Dou  trait  y  eut  fiiison 

80  des  Haynuiers  navrés  et  blechiés.  Et  Ut  furent  bon 

1.  H*.  ei77,  f>  1«  *•  :  c  tnimi.  > 


q,t,7edbyG00»^lc 


[13S7]  LIVRE  PRBMIBR,  $  SB.  47 

chevalier  messires  Fastrés  dou  Rues^  messires  I^er- 
ehevaus  de  Semeries  et  messires  Sauses  de  Bous- 
soit.  Car  cil  troi  eheralier  ne  peurent  onques  ren- 
trer en  leurs  hostelz  pour  yaus  aimer;  mais  it  y 
fisent  otant  d'armes  que  tel  [qui*]  estoieat  aimet.  Et  5 
tenoient  grans  Ions  leyia^  et  gros  de  kesne,  qu'il 
avoient  pris  en  le  maison  d'un  carlier.  Et  donnoient 
les  horions  si  grans  que  nulz  ne  les  osoit  approcier, 
et  en  abatirent  plus  de  soixante  ce  jour^  si  eom  on 
dist.  Finablement,  li  arcier  qui  là  estoient  lurent  lo 
desconfi.  Et  en  y  eut  bien  mors,  en  le  place  que  as 
camps,  trois  cens  ou  environ,  qui  tout  estoient  de 
Feveskiet  de  Lincolle. 

Si  croi  que  Oiex  ne  envoia  onques  si  grant  for- 
tune à  nulle  gent,  qu'il  fîst  à  monsigneor  Jehan  de  15 
Haynau  et  à  se  compagnie.  Car  ces  gens  ne  ten- 
doient  fors  toutdis  à  yaulz  mourdrir  et  desrober, 
comment  qu'il  fuissent  là  venu  pour  la  besongne  le 
roy;  ne  onques  gens  ne  furent  ne  ne  demor^'ent  en 
si  grant  péril  ne  en  tel  angousse,  ne  paour  de  mort  20 
qu'il  fisent,  le  terme  qu'il  séjournèrent  à  Ëvruich. 
Et  encores  ne  furent  il  onques  bien  aseur,  jusques  à 
tant  qu'il  se  trouvèrent  à  Wissant.  Car  il  escheirent, 
pour  ce  fait,  en  si  grant  hayne  et  malinvotence  de 
tout  le  remanant  des  arciers,  qu'i[l]  les  haioient  plus  as 
assés  que  les  Escos,  qui  tous  les  jours  leur  ardoient 
leur  pays  I  Et  disoient  bien  li  aucun  chevalier  et  ba- 
ron d'Engleterre  as  signeurs  de  Haynau,  qui  point 
ne  les  haioient,  pour  yaus  aviser  et  mieus  garder, 
que  chil  maleoit  arcier  et  aultre  commun  d*£ngle-  30 

1.  m.  dAGufniim,  MI.  — lb.MT7,  f»17(lMMUw). 


;vGoo»^lc 


48  CHRONIQUES  DE  J.  PROISSART.  [1327] 

terre  estoient  cueilUet  et  aUoiiet  plus  de  six  mil  en- 
samble,  et  maneçoient  les  Haynuiers  que  d'yaus  venir 
tous  ardoir  et  occire  en  leurs  hosteulz,  de  nuit  ou 
de  jour;  et  ne  trouveroient  personne  de  par  le  roy 
s  ne  des  barons,  qui  les  osast  aidier  ne  souscourre. 
Dont,  se  il  estoient  en  grant  mesaise  de  coer  et  en 
grant  hideur,  quant  U  ooient  ces  nouvelles,  ce  ne 
Êùt  point  à  demander.  Ne  ilz  ne  savoient  que  pen- 
ser, ne  que  aviser  que  il  peuîssent  feire  selonc  ces 

10  nouvelles;  ne  il  n'avoient  espérance  nulle  de  retour- 
ner en  leur  pays,  ne  il  n'osoient  eslongier  le  roy  ne 
les  haus  barons;  et  si  ne  pooient  sentir  nul  confort, 
pour  yaus  aîdïer  ne  garantir.  Si  n'avoient  aultre  en- 
tente, fors  que  d'yaus  bien  vendre  et  leurs  corps 

15  del^ndre,  et  cescuns  aidier  li  uns  l'autre. 

Si  lisent  li  chevalier  de  Haynau  et  leurs  consaulz 
pluiseurs  bonnes  ordenances,  par  grant  avis,  pour 
yaus  mix  garder  et  deffendre,  par  les  quèl^  il  cou- 
venoil  toutdis  jesir  par  nuit  armés,  et  par  nuit  get- 

tt  tier  par  connestablies  les  camps  et  les  chemins  d'en- 
tours  le  ville  et  les  fourbours,  et  envoiier  aucunes 
escoutes  demi  liewe  ensus  de  le  ville,  pour  escouter 
se  ces  gens  venroient,  eosi  que  enfourmet  estoient 
et  que  on  leur  raportoit.  Et  leur  disoient  çascun 

35  jour  gens  creable,  chevalier  et  escuier,  qui  bien  le 
cuidoient  savoir.  Far  quoi,  si  ces  escoutes  oïssent 
gens  esmouvoir  pour  traire  par  devers  le  ville,  il  se 
dévoient  retraire  viers  chiaus  qui  gardoient  les 
camps,  pour  yaus  maDthe[n  ']ir  et  aviser,  par  quoi  il 


1.  L«  leçon  do  nu.  6477,  qtù  teuiUe  manvaiw,  e*t  -.  mamdmir  ou 
■HMtWir.  ~  Ht.  de  Gaigmirea,  ^  11  :  c  pour  leur  forcer  et  adriier.  i 


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[1317]  LIVRE   PREMIER,  g  26.  49 

liiissent  plos  tost  montet  et  apparilliet  et  venu  en- 
samble,  cescuns  à  se  banière,  en  une  place  qui  pour 
ce  &îre  eatoit  avisëe. 

$  26.  ËD  celle  tribulatîon,  demorèrent  il  en  ces  four- 
bours,  par  l'espasse  de  quatre  sepmainnes,  que  tous    5 
les  jours  on  leur  raportoit  telz  nouvelles  ou  pieurs 
assés^  et  telz  fois  pires  un  jour  que  Tautre.  Et  en 
veirent  pluiseurs  apparans,  qui  durement  les  eab»- 
hissoit.  Car^  au  voir  dire,  il  n^estoient  que  une  pui- 
gnie  de  gens  ens,  ou  F^;ard  de  le  communauté  lo 
d'Engleterre  qui  là  estoit  assamblée.  Ne  il  n'osoient 
eslongier  le^rs  hosteulz  ne  leurs  armeures,  ne  entrer 
en  le  cité,  hors  mis  les  signeurs  qui  aloient  veoir  le 
roy  et  le  royne  et  leur  conseil,  pour  festiier  et  pour 
ajH^ndre  des  nouvelles,  ne  com  longement  on  les   ts 
tenroit  en  cel  estât  ne  en  celle  angousse. 

Et,  se  H  meschief  de  le  mésaventure  et  11  perilz  ne 
fust,  il  sejoumoient  assés  aisiement.  Car  li  cités  et  U 
pays  d'entours  yaus  estoit  si  plentiveus  que,  dedens 
plus  de  six  sepmainnes,  que  U  rois  et  tout  li  si-  so 
gneur  d'Engleterre  et  li  estragnier  et  leur  gens,  dont 
il  y  avoit  plus  de  soixante  mille  honunes,  séjournè- 
rent là,  onques  ne  renchierirent  li  vivre,  que  on 
n'enist  la  denrée  pour  un  denir,  ossi  bien  que  on 
[avoit*]  en  avant  qu'il  y  venissent,  bons  vins  de  3S 
Gascongne,  d'Aussay  et  de  Rin,  à  très  bon  marcfaiet, 
poullalle  et  toutes  manières  de  aultres  vivres  ensi. 
Et  leur  amenoit  on  devant  leurs  hostelz  le  fain,  l'a- 
vainne  et  le  liUàre,  dont  il  estoient  bien  servi,  et  à 
bon  marcbiet.  ^ 

l.  H«.  deGMpiièni,f>lt  t<>.— .U*.  M77,  i*>  16 ;  •  n'avoit.ii 
1  —  4 


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50  CHRONIQUES  DE  J.  FBOISSAHT.  [1311] 

§  27.  Quant  il  eureot  là  séjourné  par  l'espasse  de 
trois  sepmaines  après  le  bataille,  on  leur  fist  à  savoir 
de  par  le  roy  et  les  mareschaus  que  cescuns  se  pour' 
veist,  dedeos  celle  aultre  sepmaînne,  de  charètes  et 
5  de  tentes  pour  gésir  as  camps,  et  de  tous  aultres 
hostilz  nécessaires,  pour  aler  oultre  par  devers  Escoce, 
car  li  rois  ne  voloit  là  plus  séjourner.  Adonc  se  pour- 
vei  cescuns,  au  mieulz  qu'il  peut,  selonch  son  estât. 
Quant  on  Ai  apparilliet,  li  rois  et  tout  si  baron  se 

10  îTaisent  hors,  et  alèrent  logier  six  liewes  en  sus  de  le 
ditte  cite.  Et  messires  Jehans  de  Haynau  et  se  com- 
pa^ie  furent  logiet  toutdis  au  plus  près  dei  roy 
pour  honneur,  et  par  tant  aussi  que  on  ne  voloit 
mies  que  li  archier,  qui  tant  les  haioient,  euissent 

l&  nul  avantage  sus  yaus.  Si  séjournèrent  li  rois  et  ces 

premières  routes  deus  jours,  pour  attendre  les  daar- 

rains,  et  pour  miex  aviser  cescun,  se  il  li  fàlloit 

riens. 

Au  tierch  jour  aptiès,  tonte  U  hos  qui  estoit  là  se 

30  desloga  et  se  traist  avant  de  jour  en  jour,  tant  que 
on  vint  oultre  le  eité  de  Durem,  une  grande  journée 
à  l'entrée  d'un  pays  que  on  claimme  Northomtn^- 
lande,  qui  est  sauvages  pays,  plains  de  desiers  et  de 
grandes  montagnes,  et  durement  povres  pays  de 

35  toutes  coses  fors  que  de  bestes.  Si  keurt  parmi  une 
rivière,  plainne  de  caiUiaus  et  de  grosses  pières,  que 
on  nomme  Thin.  Sus  celle  rivière,  siet  d'amont  li 
ville  et  li  chastiaus  que  on  claimme  Carduel  en  Gal- 
les, qui  fil  jadis  au  roy  Artus,  et  où  il  se  tenoit  moult 

30  volentiers.  Et  d'aval  la  ditte  rivière,  siet  là  une  bonne 
ville,  que  on  claimme  le  Noef  Chastiel  sur  Thin.  Là 
estoit  li  mareschaus  d'Engleterre,  à  tout  gnnl  genl 


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[1S27]  LIVRE  PREUIER,  $  18.  Si 

d'armes,  pour  garder  le  pays  contre  les  Escos,  qui 
gisoieot  as  camps  pour  entrer  en  Engleterre.  Et  à 
Carduel  gisoieot  ossi  grant  fîiison  de  Gallois,  dont  li 
contes  de  Herfort  et  li  ares  de  Montbrai  estoient 
condniseur  et  gouvreneur,  pour  de£fendre  le  passage  & 
de  le  rivière.  Car  ti  Escot  ne  pooient  entrer  en  En- 
gleterre  sans  passer  le  ditte  rivière. 

Et  ne  peurent  savoir  li  En^ès  certainnes  nonvelles 
des  Escos,  jusques  adonc  que  il  vinrent  à  l'entrée  de 
ycelui  pays.  Mes  adonc  peut  on  veoir  apparanunent  lO 
les  lumières  des  hamelés  et  des  villiaus,  qu'il  aiv 
doient  en  vaUëes  de  celui  pays,  Et  avoient  passet 
celle  rivière  si  paisievlement  que  onques  cil  de  Car- 
duel  ne  cil  dou  Noef  Chastiel  sur  Thin  n'en  seurent 
nouvelles,  ce  disoient.  Car,  entre  Carduel  et  le  Noef  1& 
Chastiel,  poet  avoir  environ  vingt  et  quatre  liewes 
englesces.  Mes,  pour  mieus  savoir  le  manière  des 
Escos,  je  me  tairai  un  petit  des  Englès,  et  deviseray 
aucune  cose  de  le  manière  des  Escos,  et  comment  il 
sèvent  guerrier.  » 

$  28.  li  Escot  sont  dur  et  hardit  durement,  et  fort 
traviUant  en  armes  et  en  guerre.  Et  à  ce  temps  de 
donc  il  amiroient  et  prisoient  assés  petit  tesEngtès,  et 
encores  font  il  au  temps  présent.  Et  quant  il  voelent 
entrer  ou  royaume  d'Ëngleterre,  il  mainnent  bien  35 
leur  host  vingt  ou  vingt  et  quatre  liewes  l<nng,  que 
de  jour  que  de  nuit,  de  quoi  moult  de  gens  se  po- 
roient  esmervillier,  qui  ne  saroient  leur  coustume. 

Certain  est,  quant  il  voelent  entrer  en  Engleterre^ 
il  sont  tout  à  cheval  uns  et  aultres,  fors  mis  li  ribau-  30 
daille  qui  les  sièvent  à  piet.  Assavoir,  sont  chevalier 


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M  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAHT.  [1327] 

et  escuier  bien  montés  sour  bons  gros  roncins,  et  les 
aultres  communes  gens  del  pays  tout  sour  petites 
hagenées.  £t  si  ne  mainnent  point  de  charoy,  pour 
les  diverses  montagnes  qu'il  ont  à  passer,  et  parmi 
5  che  pays  dessus  dît  que  on  clainmie  Northombre- 
lande.  Et  si  ne  mainnent  nulles  pourveances  de  pain 
ne  de  vin,  car  leurs  usages  est  telz  en  guerres  et  leur 
sobriétés,  qu'il  se  passent  bien  assés  longement  de 
char  cuite  à  moitiet,  sans  pain,  et  de  boire  aiguë  de 

10  rivière,  sans  vin.  Et  si  n'ont  que  faire  de  chaudières 
ne  de  cbauderons,  car  il  cuisent  bien  leurs  chars  ou 
cuir  des  bestes  meismes,  quant  il  les  ont  escorcies. 
Et  si  sèvent  bien  qu'il  trouveront  bestes  à  grant  fui- 
son  ou  pays  là  où  il  voellent  aler.  Par  quoi  il  n'en 

16  portent  aultre  pourveance  que  ceseuns  emporte, 
entre  le  selle  et  le  peniel,  une  grande  plate  pière.  Et 
se  tourse  derrière  lui  unes  besaces  plainne  de  Ëuîne 
en  celle  entente  que,  quant  il  ont  tant  mangiet  de 
char  mal  quitte  que  leur  estomach  leur  samble  astre 

SO  wape  et  afoiblis,  il  jettent  celle  plate  pière  ou  feu  et 
destemprent  un  petit  de  leur  faiine  d'yawe.  Quant 
leur  pière  est  cauffée,  il  jettent  de  ceste  clère  paste 
sus  ceste  chaude  pière,  et  en  font  un  petit  tourtiel  à 
manière  de  une  oublie  de  beghïne,  et  le  menguent 

35  pour  conforter  l'estomach.  Par  ce  n'est  point  de 
merveilles  se  ilz  font  plus  grandes  journées  que  aul- 
tres gens,  quant  tout  sont  à  cheval  hors  mis  le  ri- 
baudaille.  Et  si  ne  mainnent  nul  charoi  ne  aultres 
pourveances,  fors  ce  que  vous  avés  oy. 

30  En  tel  point  estoient  il  entré  en  ceU  pays  dessus 
dit.  Si  le  gastoient  et  ardoient,  et  trouvoient  tant  de 
bestes  qu'il  n'en  savoient  que  &ire.  Et  avoient  bien 


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[13ST]  LIVItE  PREMIER,  §  29.  -  S3 

trois  mille  armeures  de  fîer^  .chevaliers  et  escuiers, 
montés  sus  bons  roncins  et  bons  coursiers,  et  vingt 
mille  hommes  armés  à  lem:^  guises,  appers  et  hardis^ 
montés  sus  ces  petites  hagenées  qui  ne  sont  ne  loiies 
ne  estrillies;  ains  les  envoi-on  tantost  paistre  c'on  en  s 
est  descendu,  en  prés,  en  Mes  et  en  bruières.  Et  si 
avoient  deus  très  bons  chapilaines^  car  li  rois  Ro- 
bers  d'Escoce,  qui  estoit  moult  preus^  estoit  adonc  du- 
rement viex  et  chaînés  de  le  grosse  maladie.  Si  leur 
avoit  donnai  à  chapitainnes  un  moult  gentil  prince  jd 
et  vaillant  en  armes,  c'est,  assavoir  le  conte  de  Moret 
qui  portoit  un  escut  d'ai^nt  à  trois  orilUers  de 
geules,  et  mousîgneur  Guillaume  de  Douglas,  que  on 
tenoît  pour  le  plus  hardi  et  le  plus  entreprendant  de 
tout  les  deus  pays,  et  portoit  un  escut  d'asur  à  un  ]5 
chief  d'argent  et  trois  estoilles  de  geules  dedens  l'ar- 
gent. Et  estoient  cil  doi  signeur  li  plus  haut  baron 
et  li  plus  poissant  de  tout  te  royaume  d'Escoce,  et  li 
plus  renommé  en  biaus  fais  d'armes  et  en  grans 
proèces.  Or  voel  jou  revenir  à  nostre  matère.  ao 

§  29.  Quant  U  rois  englès  et  ses  gens  veirent  les  fu- 
mières  des  Escos,  si  que  dit  est  par  devant,  il  sceu- 
rent  bien  que  c'estoient  li  Escot  qui  entré  estoient  en 
leur  pays.  Si  lisent  tantost  criier  as  armes,  et  com- 
mander que  cescuns  se  deslogast  et  siewist  les  ha-  35 
nières.  Ensï  fu  Ëiit.  Et  traist  cescuns  armés  sus  les 
camps,  si  que  pour  tantost  combatre.  Là  endroit  fu- 
rent ordonnées  trois  grosses  batailles  à  piet,  et  ces- 
cune  bataille  avoit  deus  èles  de  cinq  cens  armeures 
de  fier  qui  dévoient  demorer  à  cheval.  Et  saciés  que  30 
on  disoit  que  il  y  avoit  bien  huit  mille  armeures  de 


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M  CHR<»nQUBS  DB  J.  FROESSART.  [1327] 

fier,  chevaliers  et  escuiers,  trente  mille  hommes  ai^ 
mes,  U  moitiés  montés  sur  petites  hagenëes,  et  l'autre 
moitiet  sergans  à  piet,  envoiiés  par  élection  de  par 
les  bonnes  villes  à  leurs  gages,  çascune  bonne  ville 
5  pour  se  rate.  Et  si  y  avoit  bien  vingt  et  quatre  mille 
aroiers  à  piet,  sans  le  nbaudaiUe. 

Tout  ensi  que  les  batailles  furent  ordonnées,  on 
chevauça  tous  rengiés  apriès  les  Ëscos,  à  Fassent  des 
lumières,  jusques  à  basses  viespres.  Adonc  se  loga  li 

10.  hos  en  un  bois,  sus  une  petite  rivière,  pour  yaus 
aaisier,  et  pour  attendre  le  charoi  et  les  pourveances. 
Et  tout  le  jour  avoient  ars  li  Escot,  à  cinq  liewes 
priés  de  leur  host,  et  ne  les  pooient  raconsiewir. 
L'endemain,  au  point  don  jour,  cescuns  fu  armés, 

15  et  trairent  les  banières  as  camps,  oescuns  à  se  ba-< 
taille  et  desous  sa  banière,  si  com  ordonné  estoit. 
Si  chevaucièrent  les  batailles  ensi  rengies,  tout  le 
jour,  sans  desrouter,  par  montaignes  et  par  vallées 
ne  onques  ne  peurent  approcier  les  Ëscos,  qui  ar- 

SO  doient  devant  yaus,  tant  y  avoit  de  bois,  de  marèsj 
de  desiers  sauvages  et  malaisiés,  montaignes  et  va' 
lées.  Et  si  n'estoit  nuls  qui  osast,  sus  le  tieste  à  co- 
per,  fourpasser  ne  chevaucier  devant  les  banières, 
fors  mis  les  mareschaus. 

u  $30.  Quant  ce  vint  apriès  nonne  sus  le  viespre,  gens, 
cheval  et  charoi,  et  meismement  gens  à  piet,  estoient 
à  traviUiet  que  il  ne  pooient  mes  avant  [aller'].  Et 
li  s^eur  se  perçurent  et  veirent  clerement  qu'il  se 
travilloient  en  tel  manière  pour  nient.  Et  fiist  enco- 

1.  H*.  deG*igiiièrci,i)>13<'*.  —  Bb.M77,  P>  19  t<  (knme). 


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[1327]  LIVRB  ntEMIBR,  $  30.  SS 

res  ensi  que  li  Escot  les  vosissent  attendre,  si  se  met- 
teroient  il  bien  sour  tel  montagne,  ou  sour  tel  pas, 
qu'il  ne  se  poroient  à  yaus  combatre,  sans  trop  grant 
meschief.  Si  fu  commandé,  de  par  le  roy  et  les  ma- 
rescbaus,  que  on  se  logast  ]à  endroit,  cescun  ensi  s 
qu'il  estoit,  jusques  à  l'endemain,  pour  avoir  oonseil 
comment  on  se  maintenroit.  £nsi  fu  toute  U  hos  lo- 
gie  ceste  nuit  en  un  bois,  sour  une  petite  riTi^«.  Et 
li  rois  fu  logiés  en  une  povre  court  d'abbeye  qui  li 
estoit.  Ses  gens  d'armes,  uns  et  aultres,  chevaus,  lo 
cbaroi  et  li  hostes  sieuvans  fiirent  logiet  moult  en- 
sos,  travilliet  oultre  mesure. 

Quant  œsouns  eut  pris  pièce  de  terre  pour  logier, 
U  signeur  se  traisent  ensemble  pour  avoir  conseil 
comment  il  se  poroient  combatre  as  Ëscos,  selonch  is 
le  pays  là  où  il  estoient.  Et  leur  sambla,. selonch  ce 
qu'il  veoient,  que  U  Escot  en  raloient  leur  voie  en 
leur  pays,  tout  ardant;  et  que  nullement  il  ne  se  po- 
roient combatre  à   yaus  entre  ces  montagnes,  fors 
que  à  grant  meschief;  et  si  ne  les  poroient  raoonsie-  so 
wir,  mais  passer  leur  couvenoit  celle  rivière  de  Thio- 
Et  fil  là  dit  en  grant  conseil  que,  se  on  se  voloit  le- 
ver devant  mîenuit,  et  l'endemain  un  petit  haster, 
on  lor  torroit  le  passage  de  le  rivière;  et  couvenroit 
que  il  se  combatissent  à  leur  meschief,  ou  il  demor-  35 
raient  tous  oois  en  Engleterre,  pris  à  le  trappe. 

A  celle  entente  que  dit  vous  ay,  fu  adono  ordon- 
net  et  acordet  que  cescuns  se  traisist  à  se  loge,  pour 
souper  et  boire  ce  qu'il  pooit  avoir,  et  desist  chea- 
cuns  à  ses  compagnons  que,  si  tost  que  on  oroit  le  30 
trompeté  sonner,  cescuns  mesîst  ses  selles  et  appa- 
reillast  ses  ehevaus;  et,  quant  on  t'oroit  le  seconde 


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se  CHRONIQTJBS  DK  J.  FROISSART.  [13t7] 

fois,  que  cescuns  s'armast;  et  à  le  lits^ie  fois  que  ces- 
ctins  moDtast  sans  atai^ier  et  se  traisist  à  se  banière, 
et  que  eescuns  presist  sans  plus  ua  pain  et  le  tour- 
sast  derrière  lui  à  guise  de  brakenier;  et  ossi  que 

5  oescuns  laissast  là  endroit  tous  hamas,  tous  oharois  et 
toutes  pourveances,  car  on  se  eombateroit  rende- 
main,  à  quel  meschief  que  ce  fiist  :  si  aroit  on  ou 
tout  perdut  ou  tout  gaegniet.  Ensi  que  ordonné  Ai, 
enai  fîi  &it.  Et  lu  eescuns  armés  et  montés  à  le  droite 

10  mienuit.  Petit  y  eut  de  chîaus  qui  dormirrat,  oom- 
ment  que  on  euist  durement  travilUet''le  jour. 

Ançois  que  les  batailles  fuissent  k  leur  droit  or- 
données et  assamblées,  commença  H  jours  à  appa- 
roir. Lors  commenciérent  les  banières  à  chevaucier 

15  en  haste  desparsement  par  bruières,  par  montagnes, 
par  vallées  et  par  rokailte  malaisies,  sans  point  de 
plain  pays.  Et  par  dessus  des  montaignes  et  ou  plain 
des  vallées  estoient  crolières  et  grans  mares,  et  si  di- 
vers passages  que  merveilles  estoit  que  eescuns  n'i 

90  demoroit.  Car  cesouns  chevauçoit  toutdis  avant,  sans 
attendre  signeur  ne  compagnon.  Et  sachtés  que  qui 
fust  encrolés  en  ces  <SY>lières,  il  trouimst  à  malaise 
qui  li  aidast.  Et  si  y  demorèrent  grant  foison  de  ba- 
nières, à  tout  les  chevaus,  en  pluiseurs  lieus,  et  grant 

S5  foison  de  sommiers  et  de  chevaus,  qui  onques  puis 
n'en  issirent.  Et  moult  souvent  on  cria  celi  jour  as 
armes,  et  disoit  on  que  li  prunier  se  combatoient  as 
ennemis;  si  ques  eescuns,  qui  cuidoit  que  ce  fust 
Toirs,  se  hastoit  quanqu'il  pooit  parmi  mares,  parmi 

90  pières  et  cailliaus,  et  parmi  vatées  et  montaignes,  le 
hyaume  apparitliet  et  Tescut  au  col,  le  glave  ou  l'es- 
pée  ou  poing,  sans  attendre  père  ne  frère  ne  compa- 


;vGoo»^lc 


{13S71  UVHB  PRBBUEB,  $  31.  S7 

goon.  Et  quant  on  avoit  ensî  courut  dnni  liewe  ou 
plus,  et  on  venoit  au  lieu  dont  chilz  hus  ou  cUz  cris 
naissoil,  on  se  trpuvoit  deceu.  Car  ce  avoient  esté 
chierf  ou  bisses  ou  ours,  ou  aultres  bestes  sauvages, 
de  quoi  il  y  avoit  grant  foison  en  ces  bos  et  en  ces  s 
bruières  et  en  ce  sauvage  pays,  qui  s'esmouToient  et 
fuioient  devant  ces  banières  et  ces  gens  à  cheval,  qui 
ensi  cbevauQoient,  et  que  onques  n'avoient  veu. 
Adonc  huioit  cescuns  ajHÎès  ces  bestes,  et  on  cuidoit 
que  ce  iust  aultre  cose.  to 

$  31 .  Ensi  chevauQa  li  jones  rois  englès  celi  jour  et 
tous  ses  hos  parmi  ces  montagnes  et  ces  desers,  sans 
diemin  tenir,  sans  voie  et  sans  sentier,  et  sans  villes 
trouver,  fors  que  par  avis,  seloncb  le  soleil.  Et 
quant  ce  vint  à  basses  vespres,  que  on  fh  venu  sus  15 
celle  rivière  de  Thin,  que  li  Escot  avoient  passet  et 
leur  couvenoit  rapasser,  ce  cuidoient  et  disoient  li 
Ënglès,  il  s'arrestèrent  un  petit  si  travilliet  et  si  four- 
menet  que  cescuns  poet  penser,  et  puis  passèrent 
oultre  le  ditte  rivière  à  gués,  moult  à  malaise,  pour  » 
les  grandes  pières  qui  dedens  gisent.  Et  quant  il  fu- 
rent passet,  cescuns  s'ala  logier  seloncb  celle  rivière, 
ensi  qu'il  pot  prendre  terre.  Mais  ançois  qu'il  euis- 
sent  pris  pièce  de  terre  pour  logier,  solaus  commença 
à  esconso-.  Et  si  y  avoit  petit  de  cbiaus  qui  euissent  ss 
happes  ne  cuignies,  ne  fièrement  ne  estrumens,  pour 
logier  ne  ptour  coper  bois.  Et  s'en  y  avoit  pluiseurs 
qui  avoient  perdus  leurs  compagnons,  et  ne  savoient 
qu'il  estoient  devenu;  dont,  s'il  estoient  mesaisié,  ce 
n'est  point  de  merveille.Et  meismement  les  gens  de  30 
piet  estoient  derrière  demoret;  et  si  ne  savoient  en 


D,qit,zeabvG00»^lc 


SB  CHRONtQDBS  DB  J.  FRUSSAKT.  [13IT] 

quel  lieu  œ  à  cul  demander  leur  chemin,  dont  il 
estoient  tout  fourmesaisiet.  Et  disoient  oit  qui  le 
miex  cuidoient  cc^oistre  le  pays,  qu'il  avoient  che- 
miné ceU  jour  vingt  et  huit  liewes  Englesses,  ensi 
5  coûtant  com  vous  avés  oy,  sans  arrestar,  fors  que  pour 
pissier»  oa  «m  dieval  reœngler.  Ensi  traviUiës  hom- 
mes et  chevaus  les  convint  là  le  nuit  gésir  sour  celle 
rivière  tous  armés,  cescuns  son  cheval  en  sa-  main 
par  le  frain,  car  il  ne  le  savoit  à  quoi  loiîer,  par  de- 

10  &ute  de  jour,  et  pour  defiàute  de  leur  charoi  qu'il 
ne  peuissent  avoir  menât  parmi  tel  pays  que  deviset 
vous  ay.  Ensi  ne  mmigièrent  toute  le  nuit  h  dieval, 
ne  le  jour  devant,  de  avainne  nulle  ne  de  fourage. 
Et  euk  meismes  ne  goustèrent,  tout  le  jour  ne  le 

15  nuit,  que  cescun  son  pain  qu'il  avoit  derri^  lui 
tourset,  ensi  que  dit  .vous  ay,  qui  estoit  de  le  sueur 
dou  cheval  tous  soulUés  et  ordes;  ne  il  ne  burent 
d'autre  buvrage  que  de  le  rivière  qui  là  cooroit,  fors 
mis  aucuns  soeurs  qui  avoient  boutelles,  ce  leur 

so  porta  grant  confort.  Et  n'eurent  toute  te  nuit  ne  feu 
ne  lumière,  et  ne  le  savoient  de  quoi  làire,  hors  mis 
aucuns  signeurs  qui  avoient  tortis  aportés  sus  leurs 
sommia^. 

Ensi  que  vous  oés,  et  à  tel  meschief,  passèrent  il 

as  le  nuit,  sans  oster  selles  à  leurs  chevaus,  ne  yaus 
desarmer.  Et  quant  li  désirés  jour  fil  venus,  en  quoi 
il  esp»i}ient  à  avoir  aucun  confort  et  aucune  adrèoe, 
pour  yaus  et  pour  leurs  chevaus  aisier,  pour  men- 
gier  et  pour  logier,  ou  pour  combatre  as  Escos  que 

30  il  desiroient  si,  pour  le  désir  qu'il  avoient  de  issir 
de  celle  mesaise  et  povretet  là  où  il  estoient;  adonc 
commença  à  pleuvoir  et  pleut  toute  le  journée  si  ' 


;vGoo»^lc 


[1317]  UVBE  PREMIER,  $  St.  S9 

ouniement  et  si  fort  que,  anchois  nonne  passée,  la 
rivière  sour  la  quèle  il  estoient  logiet,  devint  si  grande 
que  nuls  ne  pooit  envoiier  pour  veoir  ne  savoir  là 
où  il  estoient  cheu,  ne  où  il  poroient  recouvrer  de 
fourage  ne  de  littière  pour  leurs  ehevaus,  ne  pain,  s 
ne  vin,  ne  autre  oose,  pour  yaus  soustenir.  &  les 
convint  jun^  tout  le  jour  ensi  que  la  nuit,  et  les 
ohevaus  mengier  terre  pour  le  wason,  ou  bniière  et 
fuelles  d'arbres,  et  coper  plançons  de  bois  à  leurs 
espées  et  leurs  baselai^,  tous  ploians,  pour  leurs  lo 
chevaus  loiier,  et  verghes  pour  feire  huttelètes  pour 
yaus  mucier.  Ëutours  nonne,  aucun  pavre  dou  pays 
furent  trouvet.  Si  leur  fu  demandé  là  où  il  estoient 
cheu  et  embata.  Chil  respondirent  qu'il  estoient  à 
quatorze  liewes  englesses  pries  dou  Noef  Chasdel  sur  n 
Thin,  à  onze  liewes  priés  de  Carduel  en  Galles.  Et 
si  n'avoit  nulle  ville  plus  priés  de  là>  où  on  peuiat 
riens  trouver,  pour  yaus  aisier.  Tout  ce  fii  nonciet 
au  roy  et  as  signeurs.  -Et  envoia  cescuns  ses  messages 
celle  part,  et  ses  petis  chevaus  et  ses  sommio^,  pour  so 
aporter  poorveances.  Et  fîst  on  savoir,  de  par  le  roy, 
à  la  ville  dou  Noef  Chastiel  que,  qui  vorroit  gae- 
gnier,  si  amenast  pain,  vin,  avainne  et  aultres  den- 
rées, on  li  paieroit  tout  seoh^  et  le  feroit  on  con- 
duire à  sauf  conduit  jusques  à  l'ost.  Et  leur  fîst  on  35 
savoir  que  on  ne  se  partiroit  de  là  entour,  jusques  à 
tant  que  on  saroit  que  11  Ëscot  estoient  devenu. 

§  32.  A  l'endemain,  entour  heure  de  nonne,  revin- 
rent li  messie  que  li  signeur  et  II  aultre  compagnon 
Bvoient  envoiiés  as  pourveances,  et  en  reportèrent  30 
cbe  qu'il  peurent,  pour  yaus  et  leurs  mesnies  :  gzan- 


;vGoo»^lc 


80  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1327] 

dément  ne  fu  ce  mies.  Et  avoecques  yaus  vinrent 
gens  pour  gaegnier^  qui  amenoient  soi|s  petis  che- 
valés  et  petis  mules,  pain  mal  cuit  en  paniers,  povre 
vin  en  grans  barilz^  et  auttres  denrées  à  vendre^ 
5  dont  moult  de  gens  et  grant  partie  de  l*host  furent 
durement  apajsiés;  et  ensi  de  jour  en  jour,  tant  ({u'il 
séjournèrent  là  huit  jours  sour  celle  rive,  entre  ces 
montagnes,  en  attendant  çascun  jour  le  sourvenue 
des  Escos,  qui  ossi  ne  savoient  que  li  Ënglès  estoient 

10  devenu,  non  plus  que  li  Englès  savoient  d'yaus.  Ensi 
furent  il  trois  jours  et  trois  nuis  sans  pain,  sans 
vin,  si(ns  candeilles,  sans  avainne  et  sans  fourage  ne 
aultres  pourveances;  et  apriès,  par  Fespasse  de  qua- 
tre jours,  qu'il  leur  couvenoit  acater  un  pain  mal 

i&  quit  six  estrelins,  qui  ne  deuist  valoir  qu'un  parests, 
et  un  galon  de  vin  vingt  et  quatre  estrelins,  qui  n'en 
deuist  valoir  que  six.  Encores  y  avoit  on  si  grant 
rage  de  famine  que  H  uns  le  tolloit  hors  des  mains 
de  l'autre,  dont  pluiseur  hustin  et  grant  débat  vin- 

30  rent  des  compagnons,  des  uns  as  aultres. 

Encores  avoech  tous  ces  meschiés,  il  ne  cessa  point 
de  plouvoir  toute  celle  sepmainne.  Par  quoi  leurs 
selles,  peniaus,  contreçaingles  furent  tout  pouri,  et 
tout  li  cheval  ou  U  plus  grant  partie  quassés  sus  les 

S5  dos.  Et  ne  savoient  de  quoi  chiaus  ferrer  qui  estoient 
defferret,  ne  de  quoi  couvrir,  fors  que  de  leurs  tour- 
nikiaus  d'armes.  Et  ossi  n'avoient  li  plus  grant  par- 
tie que  vestir,  ne  de  quoi  couvrir  pour  plueve,  ne 
pour  le  froit,  fors  que  de  leurs  auLetons  et  de  leurs 

30  anneures.  Et  n'avoient  de  quoi  fitire  feu,  fors  que  de 
verde  laigne,  qui  ne  poet  ardoir  fors  à  grant  dur,  ne 
durer  encontre  le  plueve. 


;vGoo»^lc 


[18t7]  LIVftZ  PAEHIER,  S  33-  6< 

$  33.  A  tel  meschief,  mesaîse  et  povreté  demorèrent 
il  entre  ces  montaîgnes  el  le  ditte  rivière,  sans  oïr  ne 
savoir  nouvelles  des  Ëscos  qu*I[ll  cuidoient  qu'il 
deuissent  par  là  passer  ou  assés  priés,  pour  retour- 
ner en  leur  pays.  De  quoi  grant  murmurations  com-  5 
meaça  entre  les  Englès.  Car  H  aucun  voloient  amet- 
tre  as  autres  qui  avoient  donnet  ce  conseil  de  ta 
venir  en  tel  point,  que  il  l'avoient  feit,  pour  le  roy 
trahir  et  toutes  ses  gens  :  »  ques  pour  çou  fii  or- 
donné entre  les  signeurs  que  on  se  mouveroit  de  là,  10 
et  rapasseroit  on  la  ditte  rivière  sept  lîewes  par  de- 
seure,  là  où  elle  estoit  plus  aisieule  à  passer.  Et  fist 
on  criier  que  cescuns  se  apparillast,  pour  deslt^ier 
l'endemaîn,  et  siewist  les  banières.  Et  si  Bst  on 
adonc  criier  que,  qui  se  vorroît  tant  travillier  qu'il  15 
peuist  raporter  certainnes  nouvelles  au  roy  là  où  on 
porott  trouver  les  Escos,  li  premiers  qui  ce  H  apor- 
teroit,  il  aroit  cent  livrées  de  terre  à  hiretage  à  l'es- 
Irelin,  et  le  feroit  li  rois  chevalier. 

Quant  ces  nouvelles  lurent  esparses  par  l'ost,  tou-  30 
tes  gens  en  furent  grandement  resjoy.  Adonc  se  dé- 
partirent de  l'host  aucun  chevalier  et  escuier  englès 
jusques  à  quinze  ou  seize,  potur  le  convoitise  de  gae- 
gnier  celle  prommesse,  et  passèrent  le  rivière  en 
grant  péril,  et  montèrent  sus  les  montagnes;  et  puis  3S 
si  se  départirent  li  uns  chà  et  li  aultres  là  ;  et  se  mist 
cescuns  à  l'enventure  par  lui.  L'endemain,  tous  U 
hos  se  desloga.  Et  chevaucièrent  ce  jour  assés  belle- 
ment, car  li  cheval  estoient  foulet,  et  mal  livret  et 
mal  fieret,  et  quoissiet  as  çaingles  et  sour  le  dos.  Et  80 
Usent  tant  qu'il  rapassèrent  le  rivière  en  grant  ma- 
laise, car  elle  estoit  grosse  pour  le  plouvia|[e,  par 


D,qit,zeabvG00»^lc 


6S  CHRONIQUES  DB  i.  HtOISSART.  [1317] 

quoi  il  en  y  eut  assés  de  faagnlés  et  des  Englès  noiiës. 
Quant  tout  furent  rapasset,  il  se  Iogi^«nt  là  endroit, 
car  il  trouvèrent  fourages  es  prés  et  as  camps,  pour 
le  nuit  passer,  dalés  un  petit  village  que  li  Ëscot 
&  avoient  ars  à  leur  passer.  Si  leur  sambia  droitement 
qu'il  fuissent  oImu  à  Paris.  L'endemain,  il  se  parti- 
rent de  là  et  chevauci^tuit  par  montagnes  et  par 
vallées  toute  jour  jusques  priés  de  nonne  que  on 
trouva  aucuns  bamelés  ars,  et  aucunes  petites  cam- 

10  pagnes  où  il  y  avoit  blés  et  prés;  si  ques  tonte  li  hos 
se  loga  là  endroit  celle  nuit.  Et  le  tierch  jour,  che- 
vaucièrent  il  en  tel  manière,  et  ne  savoient  li  plus 
où  on  les  menoit,  et  le  quart  jour  ossi  jusques  à 
beure  de  tierce. 

15  Adonc  vint  uns  escuiers  devers  le  roi  et  dist  : 
«Sire,  je  vous  aporte  nouvelles.  Li  Escotsont  à  trois 
liewes  priés  de  ci,  logiet  sus  une  montagne,  et  vous 
attendent  là  ;  et  y  ont  bien  este  ja  buit  jours  ;  et  ne 
savoient  nouvelles  de  vous,  non  plus  que  vous  ne 

30  saviés  nouvelles  de  yam.  Cbe  vous  Ëii  je  ferme  et 
vrai.  Car  je  m'embati  si  priés  de  yaus,  que  je  fîii  pris 
et  menés  en  leur  host,  devant  les  signeurs,  pour  pri- 
son. Si  leur  di  nouvelles  de  vous,  et  o(»nment  vous 
les  queriés,  pour  combatre  à  yaus.  £t  tantost  U  si- 

35  gneur  me  quittèrent  me  prison,  quand  je  leur  euch 
dit  que  vous  dooriés  cent  livrées  de  terre  à  l'estrelin 
à  celui  qui  premiers  vous  raporteroit  certainnes  nou-' 
velles  d'yaus,  par  tèle  condition  que  je  leur  creantai 
que  je  n'aroie  repos,  jusques  à  tant  que  je  vous  aroie 

30  dit  ces  nouvelles.  Et  dtent,  ce  saebiés,  que  ossi  grant 
désir  ont  il  de  combalre  à  vous,  que  vous  avés  à 
vans;  et  les  trouvères  là  endroit  sans  &ute.  » 


;vGoo»^lc 


[13*7}  UVUt  PRKItlE&;  S  34.  63 

S  34.  Tanlost  que  U  rois  eotendî  ces  nonvetltos,  il  fist 
toute  Fost  là  endroit  airester  en  uns  blés^  pour  leurs 
chevaus  paistre  et  recengler,  d'eacoste  une  blanche 
abbeye,  qui  estoit  toute  arse,  que  on  clamoit  dou 
temps  le  roy  Artus  le  Blance  liande.  Là  endroit,  se  5 
confessa  et  adreça  cescuns  à  son  loyal  pooir.  Et  fist 
là  endfoit  11  rois  dire  grant  fuison  de  messes,  pour 
acumeniier  chiaos  qui  dévotion  en  aroient.  Et  assena 
tantost  bien  et  souffissamment  à  rescui»  les  cent  li- 
vrées de  teire  que  prommis  avoit,  et  le  fist  chevalier  lO 
par  devant  tous.  Apriès,  quant  on  fil  un  peu  reposé 
et'desjuné,  on  sonna  le  trompeté;  cescuns  ala  mon- 
ter. Et  fist  on  les  banières  chevaucier,  ensi  que  cis 
nouviaus  chevaliers  les  conduisoit,  et  toutdis  cescune 
bataille  par  lui>  sans  desrouter  par  montagne  ne  par  15 
vallée,  mes  toutdis  rengies  ensi  que  on  pooit,  et  que 
ordonné  estoit.  Et  tant  chevaucièrent  en  celi  manière 
que  il  vinrent,  entours  miedi,  si  priés  des  Escos  que 
il  les  veirent  tout  clerement,  et  li  Ëscot  yaus  ossi. 

Si  tost  que  li  Escot  tes  veirent,  il  issirent  de  leurs  90 
logeia  tout  à  piet,  et  ordonnèrent  trois  bonnes  ba- 
tailles faiticement,  sour  le  dévaler  de  le  montagne, 
là  où  il  estoient  logiet.  Par  desous  celle  montagne, 
eouroit  une  rivière  forte   et  rade,  plainne  de  cail- 
liaus  et  de  si  grosses  pières,  que  on  ne  le  peuist  S5 
bonnement  en  haste  passer,  sans  grant  meschief, 
'    maugret  yaus.  Et  encores,  plus  avant  «e  U  En^ès 
ewissent  le  rivière  passet,  si  n'avoit  point  de  place 
entre  le  rivière  et  la  monla^^e,  là  où  il  peuissent 
avoir  rengiet  leurs  batailles.  Et  si  avoient  li  Escot  30 
leurs  deux  premières  batailles  establi  sour  deux  cra- 
pes  de  montagne,  c*on  entent  de  rooe,  là  où  on  ne 


;vGoo»^lc 


64  CHRONIQUES  DE  J.  FHOISSART.  [13S7] 

pooit  boonement  monter  ne  ramper  pour  yatis  as- 
sallir;  mes  estoient  ea  parti  que  pour  les  assalkns 
tous  confixiissier  et  lapida  de  pières,  s'il  iuissent 
passet  oultre  le  rivière;  et  ne  peuissent  li  Engjès  aul- 

6  lement  retourner. 

Quant  li  signeur  d'Engleterre  veirent  le  oouvenant 
des  £scos,  il  lisent  toutes  leurs  gens  traire  à  piet,  et 
oster  les  esporons,  et  rengier  les  trois  batailles,  ensi 
que  ordonné  avoient  en  devant.  Là  endroit,  furent 

10  feit  grant  fuison  de  nouviaus  chevaliers.  Quant  ces 
batailles  &u%nt  rengies  et  ordonnées,  aucun  des  si- 
gneurs  d'Engleterre  amenèrent  le  jone  roy  à  cheval 
par -devant  toutes  les  batailles,  pour  les  gens  d'annes 
plus  resbaudir.  Et  prioit  moult  très  gracieusement 

l&  que  cescuns  se  penast  de  bien  &îre,  et  de  garder  sen 
honneur.  Et  Ëiisoit  ctmunand^,  sus  le  tieste,  que 
nulz  ne  se  mesîst  par  devant  les  banières  des  mares- 
chaus,  ne  ne  se  meuist  jusques  à  tant  que  on  le 
commanderoit.  Un  petit  apriès,  on  otmmianda  que 

so  les  batailles  alaîssent  avant  par  devers  les  ennemis, 
tout  bellement  le  pas.  Ensi  fu  lait.  Si  ala  bien  ces- 
cune  bataille  en  cel  estât,  un  grant  bonpier  de  terre 
avant,  jusques  au  dévaler  de  le  montaigne  sus  la 
quèle  il  estoient.  Che  fu  fait  et  ordonné  potur  veoir 

3&  se  li  ennemi  se  dea^utaxiient  point,  et  pour  veoir 
comment  il  se  maintenroient;  mais  on  ne  peut  pac- 
chevoir  qa*il  se  meuissent  de  riens,  et  si  estoient  si 
{viès  li  uns  de  l'autre  que  il  recognissoient  partie  de 
leur  armoierie. 

30  Adonc  fist  on  arrester  tout  quoi,  pour  avoir  aultre 
conseil.  Et  si  fist  on  aucuns  compagnons  monter  sus 
coursiers  pour  escarmucier  à  yaus,  et  pour  aviser  le 


;vGoo»^lc 


[1327]  LIVRE  PREHl£It,  $  3S.  65 

passage  de  le  rivière,  et  pour  veoir  leur  couvenant 
de  phis  priés.  Et  leur  fist  on  à  savoir  par  blraus  que, 
s'il  ToloieQt  passer  oultre  le  rivière  et  venir  combatre 
au  plain,  on  se  retrairoit  arrière,  et  leur  liveroit  on 
bonne  place,  i>our  le  bataille  rengiar,  et  tantost  ou  s 
à  Tendemàin  an  matin;  et,  se  ce  ne  leur  plaisoit, 
qu'il  volsissent  faire  le  kas  parel.  Quant  il  oïrent  ces 
trettiés,  il  eurent  conseil.  Yaus  consilliet,  et  tantost 
il  respondîrent  as  hiraus  là  envoïiés,  qu'il  ne  feroient 
ne  l'un  ne  l'autre.  Mais  li  rois  et  tout  si  baron  io 
veoient  bien  comment  il  estotent  en  son  royaume,  et 
li  avoient  ars  et  gasté.  S'il  l'en  anoioit,  si  le  venist 
amender,  car  là  demorroient  il,  tant  qu'il  leurplairoit. 

S  35.  Quant  li  consaulz  le  roy  d'Ëngleterre  vei- 
rent  qu'il  n'en  aroient  aultre  cose,  il  fîsent  criier  et  15 
commander  que  cescuns  se  logast  là  endroit  où  il 
estoit,  sans  reculer.  Ensi  se  logièrent  il  celle  nuit, 
moult  à  mesaise,  sour  dxu«  terre  et  pières  sauvages, 
et  toutdis  armés.  Et  à  grant  meschief  li  garçon  re- 
couvrèrent de  peulz  et  de  verges  pour  loiier  leurs  SO 
chevaus,  ne  fourage  ne  liUière,  pour  yaus  aisier,  ne 
taigne  pour  &ire  feu.  Et  quant  li  Ëscot  aperçurent 
que  li  Engtès  se  logoïent  en  tel  manière,  il  lisent  de- 
morer  aucuns  de  leurs  gens   sus  les  places  où  il 
avoient  establi  leurs  batailles,  puis  aé  retraisent  à  35 
leurs  logeis,  et  fisent  tantost  tant  de  feus  que  mer- 
veilles estoit  à  regarder.  £t  fisent  entre  nuit  et  jour 
si  grant  bruit  de  corner  de  lors  grans  cors,  tout  à 
une  fie,  et  de  juper  aprièa,  tout  à  une  vois,  qu'il 
sambloit  propmnent  as  Englèis  que  tout  li  dyable  30 
d'infier  fiassent  là  venu,  pour  yaus  estrangler.  Ensi 


;vGoo»^lc 


66  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1327] 

forent  il  logiet  celle  nuit,  qui  fii  le  nuit  Saint  Pière,  à 

rentrée  d'aoust,  l'an  de  grasce  mil  trois  cens  vingt  et 

sept^  jusques  à  l'endemain  que  H  signeur  oïrent  messe. 

Quant  ce  vint  le  jour  Saint  Pière  que  messe  fu 

5  ditle,  on  fît  cesoun  arm^  et  aler  à  se  banière,  et  les 

batailles  rengier,  ensi  que  le  jour  devant.  Quant  lî 

Escot  perchurent  cbou^  il  s'en  vinrent  rengiet,  ossi 

bien  comme  le  jour  devant.  Et  demorèrent  les  deus 

hos  tout  le  jour  ensi  rengiet,  jusques  apriès  miedi, 

10  que  onques  li  Ëscot  ne  fîsent  semblant  de  venir  v&cs 

les  Englès,  et  ossi  li  Ënglès  d'ater  vers  yaus,  car  il 

ne  les  pooient  bonnement  approcier  sans  trop  grant 

meschief.   Pluiseur  compagnon  englès  qui  avoient 

chevaus  dont  il  se  pooient  aidier,  passèrent  le  ri- 

IS  vière,  et  aucun  à  piet,  pour  escarmuoier  à  yaos.  Et 

ossi  se  de»x>utèrent  aucun  Escot,  qui  couroient  et 

racouroient  tout  escarmuçant  li  un  à  Tautre,  tant 

qu'il  y  eut  des  mors^  des  navrés  et  des  prisons  des 

uns  as   autres.  Ensi  que  apriès  miedi,  li  signeur 

30  d'Engleterre  fîsent  à  savoir  que  cescuns  se  retraisist 

à  se  loge,  car  bien  leur  sambloit  qu'il  estoient  là 

pour  nient.  Si  se  retraist  cescuns  à  son  logeis. 

En  cel  estât  furent  il  par  trois  jours  ^  et  li  Ëscot 
d'autre  part  sus  leur  montagne^  sans  départir.  Tou- 
la tes  fois>  tous  les  jours  y  avoit  gens  escarmuçans 
d'une  part  et  d'autre,  et  souvent  des  mors  et  des 
pris.  Et  toutes  les  viesprées,  à  le  nuit^  li  Escot  fai- 
soient  par  coustume  si  grans  feus,  et  tant,  et  fiû- 
soient  si  grant  bruit  de  juper  et  de  conier  tous  à 
30  une  vois,  qu'il  sambloit  proprement  as  Ënglès  que 
ce  fust  uns  drois  infîers^  et  que  tout  lî  dyable  fuis- 
sent  là  assamblé  par  droit  avis.   Li  intention  des 


;vGoo»^lc 


[1327]  LIVRE  PREMIER,  $  3S.  67 

signeuTS  d'Engleteire  estoit  de  tenir  ces  Ëscos  là  en- 
droit comme  assegiés^  puis  qu'il  ne  se  pooient  bon- 
nement à  yaus  combatre.  Et  les  cuidoient  bien 
a£^er,  car  nulle  pourveance  ne  leur  pooit  venir, 
et  .si  ne  se  pooient  de  là  partir,  si  qu'il  cuidoient,  ^ 
pour  râler  en  leur  pays.  Et  si  savoientbien  liËnglès, 
par  les  prisons  qui  pris  estoient,  que  li  Escot  n'a- 
voient  nulle  pourveance  de  pain,  de  vin  ne  de  sel. 
Bestes  avoient  il  à  grant  fuison,  qu'il  avoient  pris 
ens  ou  pays.  Si  en  pooient  mengier  en  Tewe  et  en  lo 
rost  à  leur  plaisir,  sans  pain  et  sans  sel,  à  quoi 
il  n'aconlent  nient  grammeot,  mais  qu'il  ewissent 
un  peu  de  farine  dont  il  usent,  ensi  que  dit  vous 
ai  par  deseure.  Et  ossi  en  usent  bien  aucun  Ënglès, 
quant  il  sont  en  leurs  chevaucies,  et  il  leur  touche.      15 

Or,  avint  que,  le  quatrime  jour  au  matio  que  li 
Ënglès  avoient  esté  là  logiet,  il  r^;ard^nt  par  de- 
vers le  montagne,  si  ne  veirent  nullui,  car  li  Escot 
s'en  estoient  partit  à  le  mienuit.  Si  en  eurent  li  si- 
gneur  grant  merveille,  et  ne  pooient  apenser  qu'il  30 
estoient  devenu.  Si  envoiièrent  tantost  gens  à  cheval 
et  à  piet  par  ces  montagnes,  qui  les  trouvèrent,  en- 
tours  heure  de  prime,  Ic^és  sus  une  aultre  monta- 
gne plus  forte  que  celle  devant  n'estoit,  sus  celle 
rivière  meisme.  Et  estoient  logiet  en  un  bois,  pour  35 
estre  plus  repus,  et  pour  plus  secrètement  aler  et  ve- 
nir, quant  il  vorroient.  Si  tost  qu'il  furent  trouvet, 
on  Qst  les  Ënglès  deslogier  et  traire  celle  fart  tout 
ordonneement,  et  I(^er  sus  une  aultre  montagne, 
droit  à  [rencontre  *]  d'yaus.  Et  fîst  on  les  batailles  30 

1 .  Ht.  d«  Gaigmèret,  flbf.  —  M*.  64T7,  f^  34  (lacune). 


;vGoo»^lc 


68  CHRONIQUES  DE  S.  FROlSSAtlT.  [1327] 

rengier,  et  faire  sambtant  que  d'aler  vers  yaus.  Mais 
si  tretost  qu'il  veirent  Fordenance  as  Englès  et  yaus 
approcier,  il  isslrent  hors  de  leurs  logeis,  et  s'en  vin- 
rent rengiet  &iticement  assés  priés  de  le  rivière  con- 
5  tre  yaus,  mais  onques  ne  vorreul  descendre,  ne  venir 
vers  les  Ënglès.  Et  H  Englès  ne  pooient  aler  jusques 
à  yaus,  qu'il  ne  iuissent  tout  mort  ou  tout  perdu  da- 
vantage, ou  pris  à  grant  meschief.  Si  se  logièrent  là 
endroit  encontre  yaus.  [Et  demourarent  dix  huit  jours 

10  entiers  sur  celle  froide  montaigne,  et  tous  les  jours 
rengé[3]  encontre  euLt'.]  Si  envoîoient  li  signeiu-d'En- 
glelerre  bien  souvent  leurs  hiraus  par  devers  yaus 
parlementer,  que  il  vosissent  livrer  place  et  pièce  de 
terre,  ou  on  leur  liveroit;  mais  onques  à  nulles  de 

15  ces  pareçons  il  ne  se  veurent  acorder.  Si  vous  di  bien 
pour  vérité  tjae  U  une  host  et  li  aultre,  en  ces  sé- 
jours, eurent  moult  de  mesaises. 

§  36.  Le  première  nuit  que  li  Ënglès  furent  lo^et 
sus  celle  seconde  montaigne  à  l'encontre  des  Escos, 

20  messires  Guilkumes  de  Douglas,  qui  estoit  moult 
preus  et  entreprendans  et  hardis  dievaliers,  prist  en- 
tours  le  mienuit  environ  deus  cens  armeures  de  fier, 
et  passa  celle  rivière  bien  loing  de  leur  host,  par  quoi 
on  ne  s'en  perchuist  ;  si  feri  en  l'est  des  Englès  moult 

as  vassaument  en  criant  :  a  Douglas  I  Douglas  I  vous  y 
morrés  tuit,  signeur  baron  englès  ».  Et  en  tua  il  et 
se  compagnie  plus  de  trois  cens,  et  feri  des  espérons 
jusques  proprement  devant  le  tente  le  rey,  toutdis 
criant  et  huant  :  «  Douglas  t  Douglas  !  »  et  copa  deus 

1.  Hh.  d«  Gaigniire»  et  d«  Monchjr-Noaitle»,  P>  15  *". 


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[13S7]  LIVRE  PREMIER,  $  37.  69 

OU  trois  des  cordes  de  le  tente  dou  roy,  puis  s'en 
parti  à  tant.  Bien  puet  estre  qu'il  pierdt  aucuns  de  ses 
gens  à  se  retraite,  mais  ce  ne  lu  mies  gramment,  et 
retourna  arrière  devers  ses  compagnons  en  le  mon- 
tagne. 5 
'.  De  puis,  n'i  eut  riens  Êiit,  mais  toutes  les  nuis  li 
Englès  laisoient  g^-ans  gès  et  fors,  qui  se  doubtoient 
dou  resvillement  des  Escos.  Et  avoient  gardes  et  es- 
coutes  en  certains  lieus  par  quoi,  se  cil  sentissent  ne 
oïsseut  riens,  il  le  s^nefîassent  en  l'ost.  Et  gisoient  lo 
priés  que  tout  li  signeur  en  leurs  armeures.  En  oel 
estât  furent  il  vingt  et  deus  jours  sus  ces  deus  monta- 
gnes, li  uns  devant  l'autre.  Et  tous  les  jours  y  avoit 
des  escarmuces,  et  escarmuçoit  qui  escarmucier  voloit. 
Si  en  y  avoit  souvent  des  mors,  des  pris,  des  navrés,  is 
des  btechiés  et  des  mesaisiés  des  uns  et  des  aultres. 

S  37.  Le  daarrain  jour  des  vingt  et  deus,  fu  pris  uns 
chevalÏOTs  d'Escoce  à  l'escaimuce,  qui  moult  à  envis 
voloit  dire  as  signeurs  d'Engleterre  le  couveoant  des 
leurs.  Se  lu  il  tant  enquis  et  eitaroinés  qu'il  dist  que  so 
leur  souverain  avoient  entre  yaus  aoordë  le  matin 
que  cescuns  fust  armés  au  vespre,  et  que  cescuns 
sievist  le  banière  monsigneur  Guillaume  de  Douglas, 
quel  part  qu'il  vorroit  aler,  et  que  cescuns  le  tenist 
en  secret  ;  mais  li  chevaliers  ne  savoit  de  certain  35 
qu'il  avoient  empenset.   Sur  çou  eurent  li  signeur 
d'Engleterre  conseil  eusamble  et  avisant  cpie,  se- 
lonch  ces  paroUes,  li  Escot  poroient  bien  par  nuit 
venir  brisier  et  assallir  leur  host  à  deus  costés,  pour 
yaus  mettre  en  aventure  de  vivre  ou  de  morir,  car  so 
plus  ne  pooient  endurer  leur  famine.  Si  ordonnèrent 


D,qit,zeabvG00»^lc 


70  CHRONIQUES  DE  J.  FBOISSAKT.  [1327] 

li  Englès  entre  yaus  trois  batailles,  et  se  rengièrent 
en  trois  pièces  de  terre  devant  leurs  logeis,  et  fîsent 
grant  fiiison  de  feus,  pour  veoir  plus  cler  entour 
yaus.  Et  fisent  demorer  tous  les  garçons  en  leurs  lo- 
5  geis,  pour  garder  leurs  chevaus.  Si  se  tinrent  enst 
celle  nuit  tout  armé^  cescuns  desous  se  banière  ou 
sen  penoncîel,  si  com  il  estoit  ordonnés,  pour  atten- 
dre Favenlure.  Car  il  esperoient  assés  bien,  selonch 
les  paroUes  dou  chevalier,  que  U  Escot  les  resville- 
10  roient,  mes  il  n'en  avoient  nul  talent;  ançois  Gsent 
par  aultre  ordenance  bien  et  sagement. 

Quant  ce  vint  sus  le  point  dou  jour,  doi  trompeur 
d'Escoce  s'embatirent  sus  l'un  des  gés  qui  gaitoient 
as  camps.  Si  furent  pris  et  amenet  devant  les  si- 
15  gneurs  dou  consel  le  roy  et  disent  ;  «  Signeur,  que 
gettiés  vous  ci?  Vous  perdes  le  temps.  Car,  sus  l'a- 
bandon de  nos  tiestes,  li  Escot  en  sont  ralet  très  de- 
vant le  mienuit,  et  sont  jà  quatre  ou  cinq  liewes 
loing.  Et  nos  emmenèrent  avoech  yaus  bien  une 
30  liewe  loing,  pour  doubtance  que  nous  ne  le  vous 
noncissions,  et  puis  nous  donnèrent  congiet  de  le 
vous  venir  dire.  »  Et  quant  li  signeur  englès  enten- 
dirent chou,  il  eurent  conseil  et  veirent  bien  qu'il 
estoient  decheu  en  leur  cuidier.  Et  disent  que  ti  ca- 
35  ciers  apriès  les  Escos  ne  leiu*  pooit  riens  valoir,  car 
on  ne  les  poroit  raconsiewir.  Et  encores,  pour  doub- 
tance de  decevement,  li  signeur  détinrent  les  deus 
trompeurs  tous  quois,  et  les  fîsent  demorer  dalés 
yaus,  et  ne  rompirent  point  leur  ordenance,  ne  l'es- 
30  tablissement  de  leurs  batailles,  jusques  apriès  prime. 
Et  quant  il  veirent  que  c'estoit  vérités,  et  que  U  Es- 
cot estoient   parti ,    il   donnèrent   congiet  à    tout 


;vGoo»^lc 


[1327]  LIVBK  PRSHIEB,  $  37.  71 

homme  de  retraire  à  se  Ic^  et  de  lui  aisier.  Et  H 
signeur  alèrent  à  conseil^  pour  regarder  qae  on  feroit. 

Enlrues,  aucuns  des  compagnons  englès  montè- 
rent sus  leurs  chevaus  et  passèrent  le  dessus  ditte 
rivière  en  grant  péril,  et  vinrent  sus  le  moataigne    s 
dont  li  Escot  estoient  parti  le  nuit.  Et  trouvèrent 
plus  de  cinq  cens  grosses  bestes  grades  tantost  mor- 
tes, que  li  Esoot  avoient  tuet,  pour  tant  que  elles  ne 
les  polissent  siewir;  et  si  ne  les  voloient  mies  vives 
laissier  as  Englès.  Et  si  trouvèrent  plus  de  trois  cens   lo 
chaudières,  Mtes  de  cuir  k  tout  le  poil,  pendues  sus 
le  feu,  plainnes  de  char  et  d'yawe,  pour  &ire  bou- 
lir,  et  plus  de  miUe  hastiers,  plains  de  pièces  de  char 
pour  rostir,  et  plus  de  dix  mille  vies  sola^  usés, 
&is  de  cuir  tout  crut  à  tout  le  poil,  que  li  Escot   l& 
avoient  Û  laissiet.  Et  trouvèrent  cinq  povres  prisons 
englès,  que  li  Escot  avoient  loiîet  tous  nus  as  arbres 
par  despit,  et  deus  qui  avoient  les  gambes  brisies. 
Si  les  desloiièrent  et  laissièrent  aler,  et  puis  revin- 
rent en  Vost  si  à  point  que  cescuns  se  deslogoit  et  » 
otdonnoit  pour  laler  vers  Engleterre,   par  t'acord 
dou  roy  et  tout  son  conseil.  Si  siewirent  tout  ce  jour 
les  banières  des  mareschaus,  et  vinrent  logi^  de 
haute  heure  en  un  biel  pré,  où  il  trouvèrent  assés  à 
fburer  pour  les  chevaus,  qui  leur  vint  bien  à  point.    S& 
Car  il  estoient  si  faible,  si  fondut  et  si  afl^unet,  que 
à  painnes  pooient  il  avant  aler. 

L'endemain,  il  se  deslogièrent  et  chevaucièrent 
encores  plus  avant,  et  s'en  vinrent  lo^er  de  haute 
heure  dalés  une  grande  court  d'abbeye ,  à  deus  30 
liewes  priés  de  le  cité  de  Duremmes.  Si  se  loga  li 
rois  le  nuit  en  celle  court,  et  li  hos  oontreval  les 


D,qit,zeabvG0Ô»^lc 


n  CHRONIQUES  DE  T.  FROISSART.  [13t7] 

pr^.'  Si  trouvèreat  assés  à  four«r,  qui  leur  vint  bien 
à  point,  hwbes,  vèches  et  blés.  L'endemain,  se  re- 
posa li  hos  là  endroit  tous  quoi»,  et  li  rois  et  li  si- 
gneur  alèrent  vers  l'église  de  Doremmes.  Et  adonc 
s  fist  li  rois  feaulté  à  l'élise  et  à  Tevesque,  et  ossi  à  le 
cité  et  as  boui^is,  car  faite  ne  l'avoit  encores.  En 
celle  cité,  trouTèrent  il  leurs  charetons  et  leurs  cha- 
rètes  et  tout  leur  faamas,  que  il  avoimt  lailet  trente  et 
deus  jours  en  devant  en  un  bois,  à  mienuit,  si  com 

10  il  est  contenu  chi  dessus.  Et  les  avoient  li  boui^is 
de  le  cité  de  Doremmes,  qui  trouvet  les  avoient  ens 
ou  bois,  amenet  dedens  leur  ville  à  leur  coust,  et 
&it  mettre  en  wides  granges,  çascune  charette  à  tout 
son  penonciel,  pour  recognoistre.  Si  furent  moult 

is  liet  tout  li  signeur,  quant  il  eurent  trouvet  leurs  cha- 
rètes  et  leur  harnas,  et  reposèrent  deus  jours  dedens 
le  cité  de  Durem,  et  li  host  tout  autour,  car  mies  ne 
se  peuist  toute  logier  en  le  ditte  cité.  Et  fisent  leurs 
cfaevaus  référer,  et  puis  se  misent  à  voie  devers 

SO  Evruich.  Si  esptoita  tant  li  rois  et  toute  son  host, 

que  dedens  trois  jours  il  y  vinrent.  Et  là  trouva  li 

rois  ma  dame  sa  mère  qui  le  reçut  à  grant  joie.  Et 

ossi  fisent  toutes  les  dames  et  li  bourgois  de  le  ville. 

l  donna  li  rois  ccHi^et  à  toutes  manières  de  gens 

a&  de  râler  cescun  en  son  Heu,  et  remercia  grandement 
les  contes,  les  barons  et  les  chevaliers,  dou  service 
qu'i[l]  li  avoient  fait.  Et  retint  encores  datés  lui 
monsigneur  Jehan  de  Haynau  et  toute  se  route,  qui 
furent  grandement  festiiet  de  ma  dame  la  royne  par 

30  especial,  des  signeurs  et  de  toutes  les  dames.  Et  re- 
livrèrent li  Uaynuier  leurs  chevaus,  qui  tout  estoient 
effondut  et  afolet,  au  conseil  dou  roy.  Et  fist  cescuns 


;vÇ00»^IC 


[i3ft7]  LIVRE  PHEHIBB,  $  37.  .73 

-  somme  pour  li  de  ses  chevaus,  mors  et  vis^  et  de 
ses  frais.  Si  en  fist  lï  rois  sa  debte  envers  le  dit 
nlbnsigneur  Jehan.  £t  li  dis  messires  Jehans  s'en 
.  obliga  envers  tous  les  compagnons.  Car  li  rois  et  ses 
oonsaulz  ne  peurent  si  tost  recouvrer  de  tant  d'ar-  s 
gent  que  li  cheval  montoient;  mais  on  lor  en  délivra 
assés  par  raison  pour  paiter  leurs  menus  frès,  et  pour 
retourner  au  pays.  Et  puissedi,  dedens  l'anée,  fu- 
rent U  tout  paîiet  de  ce  que  li  cheval  montoient. 
Quant  U  Haynuier  eurent  relivré  leurs  chevaus,  il  10 
rachatèrent  cescuns  des  petites  hagenées  pour  che- 
vaucier  miex  à  leur  aise,  et  renvoiià^nt  leurs  gar« 
çons  et  leur  harnas,  sommes  et  maies  et  bahus,  par 
mer,  et  misent  tout  en  deus  nek  que  li  rois  leur  fïst 
délivrer.  Si  arrivèrent  ces  besongues  droit  à  l'Esduse^  15 
en  Flandres.  Et  il  prisent  congiet  au  roy,  à  ma  dame 
se  mère>  au  conte  de  Kent,  au  conte  Henri  de  Lan- 
caslre  et  as  barons,  qui  grand^nent  les  honnourè- 
rent.  Et  les  fist  li  rois  acompagnier  de  douze  che- 
valiers et  deus  cens  armeures  de  fier ,  pour  le  so 
doubtance  des  archiers,  dont  il  n'estoient  mies  bien 
asseguret,  car  il  les  couvenoit  rapasser  parmi  leur 
pays,  l'evesquié  de  LincoUe. 

Si  se  partirent  messires  Jehans  de  Haynau  et  toute 
se  route,  ou  conduit  des  dessus  dis.  Et  chevauciè-  3& 
rent  tant  par  leurs  journées  qu'il  vinrent  à  Douvres. 
Là  montèrent  il  en  mer,  en  nefs  et  en  vaissiaus 
qu'il  trouvant  appareilliés.  Et  li  Englès  se  partirent 
d'yaus,  qui  aconvoiiet  les  avoient,  et  retournèrent 
cescuns  en  sou  lieu.  Et  li  Haynuier  arrivèrent  à  Wis-  30 
sant.  Là  se  reposèrent  il  par  deus  jours,  en  mettant 
hors  leurs  chevaus  et  le  demorant  de  leur  harnas. 


;vG00^^l6  ' 


74  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1327] 

Entrues,  vinrent  messires  Jehans  de  Haynau  et  aucun 
chevalier  en  pel^nage  à  Nostre  Dame  de  Boulon> 
gne.  Depuis  s'en  retournèrent  il  en  Haynau,  et  se 
départirent  tout  li  un  de  l'autre,  et  se  retraist  oes- 
b  cuns  chiés  soy.  Mes  messires  Jehans  de  Haynau  s'en 
vint  deviers  le  conte  son  frère,  qui  se  tenoit  à  Ya- 
lenchienes,  qui  le  reçut  liement  et  volentierà,  car 
moult  l'amoit.  Et  adonc  li  recorda  U  sires  de  Byau- 
mont  toutes  nouvelles,  »  avant  que  il  les  savoit. 

10  $  38.  Ensi  ta  celle  chevaucie  départie,  que  li  rois 
Edowars,  le  premier  an  de  se  création,  fîst  contre 
les  Escos,  li  quèle  fii  si  grande  et  si  dure  que  vous 
avës  oy.  Ne  demora  mies  gramment  de  temps  apriès, 
que  cilz  rois,  ma  dame  se  mère,  11  contes  de  Kent, 
l&  li  contes  Henris  de  Xancastre,  messires  Rogiers  de 
Mortemer  et  U  dultre  baron  d'Engleterre,  qui  estoient 
demoret  dou  conseil  le  roy,  pour  lui  aidier  à  con- 
seillier  et  gouvrener,  eurent  avis  et  conseil  de  lui 
marier.  Si  envoiièrent  un  evesque,  deus  chevalins 
30  banerès  et  deus  bons  clers  à  monsigneur  Jehan  de 
Haynau,  pour  lui  priier  qu'il  vosist  aidier  et  mettre 
conseil  à  che  que  li  jones  rois,  leurs  sires,  fust  ma- 
riés, et  qu'il  vosist  boins  moitens  estre,  par  quoi 
messires,  ses  frères,  li  contes  de  Ha3mau  et  de  Kol- 
as landes,  li  volsist  envoiier  une  de  ses  filles,  car  il  l'a- 
roit  plus  chière  que  nulle  aultre,  pour  l'amour  de 
lui.  Li  sires  de  Byaumont  festia  et  honnoura  ces 
messagiers  et  commissaires  de  par  le  roy  ec^ès, 
quanques  il  pot,  car  bien  le  savoit  taire.  Quant  bien 
30  festiiës  les  eut,  il  les  amena  à  Valenchienes  par  de- 
vers son  frère,  qui  moult  honnourablement  les  re- 


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[18ST]  LIVRE  raEMIER,  S  39.  7S 

chut  ossi,  et  les  festia  si  souTerainnement  bien  que 
longe  cose  serait  à  raconter. 

Quant  assës  festiiet  iiirent,  il  fisent  leur  message 
sagement  et  à  point,  ensi  que  chai^et  leur  estoit. 
Li  contes  leur  respondi  moult  courtoisement,  par  le  5 
conseil  de  monsigneur  Jehan  son  fr^,  et  de  ma 
dame  la  contesse,  m^  à  la  damoiselle,  et  leur  dist' 
que  moult  grans  mercis  à  monsigneur  le  roy  et  à 
madame  la  royne  et  as  signeurs  par  cui  conseil  il 
estoient  là  venu,  quant  tant  leur  estoit  que  de  li  10 
faire  xèle  honneur,  que  pour  tel  cose  il  avoient  si 
souffissans  gens  à  lui  envoiiés,  et  que  moult  volen- 
tiers  s'acorderoit  à  leur  requeste,  se  nostres  Sains 
Pères,  li  papes,  et  Sainte  Eglise  s'i  acordoit. 

Celle  response  leur  souffi  assës  grandement.  Puis   l& 
enToiièrent  tantost  deus  de  leurs  chevaliers,  et  deus 
clers  de  droit,  par  devers  le  Saint  Père,  à  Avignon, 
pour  impetrer  dispensatîon  de  celi  mariage  acordet. 
Car,  sans  le  con^et  don  Saint  Père,  faire  ne  se  po- 
roit,  pour  le  linage  de  France  dont  il  estoient  moult  30 
prochain,  si  com  en  tierch  d^;ré,  car  leurs  deus 
m^«8  estoient  cousines  germaines,  issues  de  deus 
frères.  Assés  tost  apriès  ce  qu'il  lurent  venu  à  Avi- 
gnon, il  eurent  faite  lor  besongne.  Car  li  Sains  Pè- 
res et  li  collées  s*i  consentirent  assés  benignouent,   S5 
pour  le  haute  noblèce  dont  tout  dey  estoient  issut. 

§  39.  Quant  cil  message  furent  revenu  de  Avignon 
à  Yalenoienes,  à  toutes  leurs  bulles,  chilz  mariages 
fil  tantos  otroiiés  et  aflremés  d'une  part  et  d'aultre. 

1 .  Hi.  de  Gaigniire*,  P>  17  :  *  moult  grau  n«rcù.  > 


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7«  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1327] 

Si  fist  on  le  devise  pourveir  et  appareillier  de  tout  ce 
qu'il  &lloitj  si  honnourablranent  que  à  tèle  damoi- 
selle^  qui  deroit  estre  royne  d'Ëi^let^re,  afïreoit. 
Quant  appareillie  fu,  si  com  dit  est,  elle  (a  espoa- 
5  sée  par  le  virtu  d'une  procuration  [apparanf]  souf- 
fîssaznment,  qui  là  (a  aport^  de  par  le  roy  d'Engle- 
terre.  Et  puis  si  fii  mise  à  le  voie  pour  emmener  en 
Engleterre  par  devers  son  mari,  qui  l'attendoit  à  Lon- 
dres, là  où  on  le  devoit  couronner.  Et  monta  en  m^ 

]a  la  ditte  damoiselle  Phelippe  de  Haynau  à  Wissant,  et 
arriva  et  toute  se  compagnie  à  Douvres.  Et  la  con- 
duisi  jusques  à  Londres  chilz  gentils  chevaliers  mes- 
sires  Jehans  de  Haynau,  ses  oncles,  qui  grandement 
fil  recheus,  honnourés  et  festiiés  dou  roy,  de  .ma 

15  dame  la  royne  se  mère,  des  aultres  dames,  des  ba- 
rons et  des  chevaliers  d'Engleterre.  Si  eut  adonc  à 
Londres  grant  feste  et  grant  noblèce  des  signeurs, 
contes,  barons  et  chevaliers,  des  hautes  dames  et  des 
nobles  pucelles,  de  riches  atours  et  de  riches  pare- 

SC  mens,  de  jouster  et  de  behourder  pour  l'amour  de 
elles,  de  danser  et  de  caroler,  de  grans  et  biaus  men* 
giers  çascun  jour  donner.  Et  durèrent  ces  festes  par 
l'espasse  de  trois  sepmainnes. 

Au  chief  de  ces  jours,  messires  Jehans  de  Haynau 

25  prist  congiet  et  s'en  parti,  o  toute  se  compagnie  de 
Haynau,  bien  furnis  de  biaus  jeuiaus  et  riches,  que 
on  leur  avoit  donnés  d'un  costé  et  d'autre,  en  plui- 
seurs  lieus.  Et  demora  li  jone  royne  Phelippe,  à  pe- 
tite compagnie  dé  son  pays,  fors  mis  un  damcHsid, 

1.  Hm.  ae  Giignièn»  et  de  Mouehj,  f>  17.  ~  Hi.  6477,  f^  27  : 


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[13X8}  UVRB  PftEMIER,  $  40.  77 

que  OQ  damoit  Watelet  de  Mauni^  qui  y  demora 
pour  servir  et  taillier  devant  li.  Li  quetz  acquist 
puissedi  à  grant  grasce  au  roy  et  à  tous  les  signeurs 
dou  pays,  qu'il  fu  del  secré  conseil  le  roy,  au  gret 
de  tous  les  nobles  dou  pays.  Et  fist  de  puis  si  gran-  b 
des  proèces  de  son  corps,  en  tant  de  lieus,  que  on 
n'en  pooit  savoir  le  nombre,  si  com  vous  orés  avant 
en  Fystore,  se  il  est  qui  le  vous  die.  Or  nous  tairons 
nous  de  lui  à  parla*,  tant  qu'à  présent,  et  des  En- 
gl^,  et  retournerons  as  Escos.  10 

S  40.  Apriès  chou  que  li  Escot  se  partirent  par 
nuit  de  le  montagne,  là  où  li  jones  rois  Edowars  et 
li  signeur  d'Engleterre  les  avoient  assegiës,  si  com 
vous  avés  oy,  il  alèrent  vingt  et  deus  liewes  de  celui 
sauvage  pays,  sans  arrester,  et  passèrent  celle  rivière  15 
de  Thin  assés  priés  de  Cardueil,  en  Galles.  Et  à  l'en- 
demain,  il  revinrent  en  leur  pays,  et  se  départirent 
par  Tordenance  des  signeurs,  et  en  râla  cescuns  en 
se  maison.  Assés  tost  ajuiès,  signeur  et  aucun  bon 
preudomme  pourcacièrent  tant  entre  le  roy  d'Engle-  so 
terre  et  son  conseil  et  entre  le  roy  d'Escoce,  que  une 
tiiewe  fîi  acordée  entre  yaus,  à  durer  par  l'espasse 
de  trob  ans. 

Dedens  celle  Iriewe,  avint  que  li  rois  Robers  d'Es- 
coce, qui  moult  preus  avoit  este,  estoit  devenus  as 
viex  et  foibles,  et  si  cai^és  de  le  grosse  maladie,  ce 
disoit  on,  que  morir  le  couvint.  Quant  il  senti  et 
cognent  que  morir  le  couvenoît  sans  retour,  il  manda 
tous  les  barons  de  son  royaume  ens  es  quelz  il  se 
fîoit  le  plus  par  devant  lui;  si  leur  dist  que  morir  le  30 
couvenoit,  si  qu'il  veoient.  Si  leur  pria  moult  affec- 


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7S  CHbMnQtlES  DE  J.  FHOISSAKT.  [13S9J 

tueusement  et  leur  caigiL,  sour  leur  feaulté,  que  il 
gardaissent  feablement  son  n^iune  en  ayde  de  Da- 
vid son  fil;  et,  quant  il  seroit  venns  en  eage,  qu'il 
obeisissent  à  lui  et  le  couroimai&sent  à  toj,  et  le  ma- 

&  liassent  en  lieu  si  souffissant  que  à  lui  apertenoit.  Eo 
apriès,  il  en  appelta  le  gentil  chevalier  monsigneur 
Guillaume  de  Douglas,  et  U  dist  devant  tous  les  aul- 
tres  :  «Monsigneur  Guillaume,  obiers  amis,  vous  sa- 
vés  que  j'ai  eu  moult  à  &ire  et  à  soufirir  en  mon 

10  temps  que  j'ai  vescu,  pour  maintenir  les  drois  de 
cesU  royaume.  Et  quant  jou  euch  le  plus  à  foire,  je 
fis  un  veu  que  je  n'ai  point  acompli,  dont  moult  me 
poise.  Je  voai  que,  s'il  estoit  ensi  que  jou  ewisse  ma 
guerre  achievée,  par  quoi  je  peuisse  cesli  royaume 

l&  gouvren«-  en  pais,  jou  iroie  aidier  à  guerriier  les 
ennemis  Nostre  Signeur  et  les  contraires  de  le  iby 
crestienne,  à  mon  loyal  pooir.  A  ce  point  a  toutdis 
mon  coer  tendu,  mais  Nostres  Sires  ne  l'a  mies  volu 
consentir.  Si  m'a  donné  tant  à  laire  à  mon  temps,  et 

30  a  darrains  si  entrepris  si  griefment  de  si  grant  mala- 
die qu'il  me  convient  morir,  si  com  vous  veés.  Et 
puis  qu'il  est  ensi  que  U  corps  de  mi  n'i  poet  aler, 
ne  acfaiever  ce  que  li  coers  a  tant  désiré,  jou  y  voel 
envoiier  le  coer  ou  lieu  del  corps,  pour  mon  veu 

35  achiever.  Et  pour  çou  que  je  ne  sçai  en  tout  mon 
royaume  nul  chevalier  plus  preu  de  vostre  corps,  ne 
miex  tailliet  de  mon  veu  acompUr  en  lieu  de  mi,  je 
vous  pri,  très  chiers  et  très  especiaulz  amis,  tant  com 
je  puis,  que  vous  cest  voiage  voelliés  entreprendre, 

30  pour  Famour  de  mi,  et  me  ame  acquitter  enva:^  Nos- 
tre  Signeur.  Car  je  tieng  tant  de  vostre  noblèce  et  de 
vostre  loyauté  que,  se  vous  l'entreprendés,  vous  n'en 


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[1320]  UVBE  PREMIER,  $  40.  79 

Ëturrés  nullement;  et  si  en  morrai  plus  aise,  mais 
que  ce  soit  par  tèle  manière  que  je  vous  dirai.  Je 
voel,  sites  que  je  serai  trespassés,  que  vous  prendés 
le  coer  de  mon  corps  et  le  &ites  bien  emhasmer^  et 
[H%ndés  tant  de  mon  trésor  que  vous  samblera  que  6  - 
assés  en  aiiés  pour  parfumir  tout  le  voiage,  pour 
vous  et  pour  tous  chiaus  que  vous  Ytxcrés  emmener 
avoech  vous;  et  emportés  mon  coer  avoech  vous, 
pour  présenter  au  Saint  Sépulcre,  là  où  Nostres,  Sires 
fil  ensepelis,  puis  que  li  corps  n'i  poet  aler;  et  le  lo 
&ites  si  grandement,  et  vous  pourveés  si  soufiSssam- 
ment  de  tèle  compagnie  et  de  toutes  aullres  coses 
que  à  vostre  estât  apertient;  et  que  partout  là  où 
vous  venrés,  que  on  sace  que  vous  emportés  oultre 
mer,  comme  messagiers,  le  co^  le  roi  Robert  d'Ës-  ts 
coce,  et  à  son  commandement,  puis.qu'ensi  est  que 
li  corps  n'i  poet  aler.  » 

Tout  cil  qui  là  estoient  prisent  à  plorer  de  pité 
moult  tenrement.  Et  quant  li  dis  messires  Guillau- 
mes  peut  parler,  11  respondi  et  dist  :  s  Gentilz  sires,  sd 
cent  mille  mercis  de  le  grande  honneur  que  vous  me 
&ites,  quant  vous  si  noble  et  si  grant  cose  et  tel  tré- 
sor me  chaigiés  et  recommendés.  Et  je  ferai  volen- 
tiers  et  de'cler  coer  vostre  commandement,  à  men 
loyal  pooir,  jamais  n'en  doubtés,  comment  que  je  35 
ne  sui  mies  dignes  ne  si  souffissans  que  pour  tel  cose 
acfaievÊT. » — «Ha!  gentilz  chevaliers,  dist  adonc  li 
rois,  grans  mercis,  mes  que  vous  le  me  créantes.  » 
— «Certes,  sires, moult  volentiers,  distli  chevaliers». 
Lors  li  creanta  tantost,  comme  ioyaus  chevaliers,  ao 
Âdonc  dist  li  rois  ;  «Or  soit  Diex  graciiés,  car  je 
morrai  plus  à  pais  d'ore  en  avant,  quant  je  sçai  que 


D,qit,zeabvG00»^lc 


80  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1329] 

li  plus  soufBssana  et  li  plus  preus  de  mon  royaume 
achievera  pour  mi  ce  que  je  ne  poi  onques  achie- 
ver  ». 

Assés  tost  après,  trespassa  de  cest  siècle  li  preus 
5  Robers  de  Brus,  rois  d'Ëscoce.  Et  fii  ensevelis  si  faon- 
nourablement  que  à  lui  afirei,  selonch  l'usage  dou 
pays.  Et  iîi  li  coers  ostës  et  embasmés,  ensi  que  com- 
mandé Favoit.  Si  gist  li  dessus  dis  rois  en  Fabbeye 
de  Donfremelin,  en  Escoce,  très  reveramment.  Et 

10  trespassa  de  ce  siècle.  Fan  de  grasce  Noslre  Signeur 
mil  trois  cens  vingt  et  sept,  le  septime  jour  de  no- 
vembre. ËD  ce  temporal,  assés  tost  apriès,  trespassa 
ossi  li  vailkns  contes  de  Moret,  qui  estoit  U  plus 
gentilz  et  li  plus  poissans  prinoes  d'Ëscoce,  et  s'ar- 

15  moit  d'ai^ent  à  trois  orilliera  de  génies. 

$  41 .  Quant  U  prin  tamps  vint  et  U  bonne  saisons 
pour  mouvoir,  qui  voelt  passer  oullre  mer,  messires 
GuiUaumes  de  Douf^  se  pourvei,  ensi  qu'à  loi  apee- 
teaoit,  seioncfa  che  que  commandé  11  estoit.  U  monta 

20  sus  mer  au  port  de  Morois,  en  Escoœ,  et  s'en  vint 
en  Flandres  droit  à  l'Escluse,  pour  oïr  nouvelles,  et 
pour  savoir  se  nulz  par  de  deçà  la  mer  s'apparilloit 
pour  aler  par  devers  le  Sainte  Terre  de  Jherusalem, 
afin  qu'il  peuist  avoir  milleur  compagnie.  Si  séjourna 

as  bien  à  FEscluse  par  Fespasse  de  douze  jours,  ançois 
qu'U  s'en  partesist;  mes  onques  ne  volt  mettre  piet 
à  terre,  tout  le  terme  des  douze  jours.  Ains  demo- 
rott  toutdis  sus  se  nave,  et  tenoît  loutdis  son  linel 
honnourablement,  à  trompes  et  à  nakaires,  comme 

30  se  ce  fîist  U  rois  d'Ëscoce.  Et  avoit  en  se  compagnie 
un  chevalier  banereth,  et  sis  aultres  chevaliers  des 


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[1330]  UVRE  PftEMIER,  §  41.  81 

plus  preus  de  son  pays,  sans  l'autre  mesnie.  Etavoit 
tout  vaisselement  d'or  et  d'argent,  pos,  bachins,  es- 
cuielles,  hanaps,  bouteilles,  barilz  et  anitres  si  laites 
choses.  Et  avoit  jusques  à  vingt  et  sis  escuiers,  jones 
et  gentitz  hommes  des  plus  souffîsSans  d'Escoce ,  5 
dont  il  estoit  servis.  Et  devés  savoir  que  tout  cil  qui 
le  voloient  aler  veoîr,  estoient  très  bien  festiiet  de 
deus  manières  de  vins,  et  de  deus  manières  d'espis- 
ses,  mes  que  ce  fuissent  gens  d'estat. 

Au  daarrain,  quant  il  eut  séjourné  là  endroit,  à  lo 
l'Escluse,  par  l'espasse  de  douze  jours,  il  entend!  que 
li  rois  Alpbons  d'Espagne  guerrioit  au  roi  de  Gre- 
nate,  qui-  estoit  Sarrasins.  Si  s'avisa  qu'il  iroit  celle 
part,  pour  miex  emploiier  son  temps  et  son  voiage. 
Et  quant  il  aroit  là  feite  sa  besongne,  il  iroit  oultre  15 
pour  parfaire  et  achiever  ce  que  cargiet  et  comman- 
det  li  estoit.  Si  se  parti  ensi  de  l'Escluse,  et  s'en  ala 
droit  par  devers  Espagne,  et  arriva  premiers  au  port 
de  Valence  le  Grant;  et  puis  s'en  ala  droit  vers  le 
roy  d'Espagne,  qui  estoit  en  host  contre  le  roy  de  20 
Grenate.  Et  estoient  assés  priés  l'un  de  l'autre,  sus 
les  frontières  de  leurs  pays. 

Avint,  assës  tost  apriès  çou  que  li  di  messires 
Guillaumes  de  Douglas  fii  là  venus,  que  li  rois  d'Es- 
pagne îssi  hors  as  camps,  pour  plus  approcier  ses  25 
ennemis.  Li  rois  de  Grenate  issi  hors  ossî  d'autre 
part,  si  ques  li  uns  rois  veoit  l'autre  à  tout  ses  ba- 
nières.  Et  se  commencièrent  à  rengîcr  leurs  batail- 
les, li  un  contre  l'autre.  Li  dis  messires  Guillaumes 
de  Douglas  se  traist  à  l'un  des  costés,  à  toute  se  route,  30 
poiu*  miex  (aire  se  besongne,  et  pour  miex  moustrer 
son  effort.  Quant  il  vei  toutes  tes  batailles  rengies 
1  —  6 


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82  CHRONIQUIS  DE  J.  FROISSART.  [1328] 

d'une  part  et  d'autre,  et  vei  la  bataille  le  roy  un 
petit  esmouvoir,  il  cuida  que  elle  ahat  assambler. 
Il,  qui  miex  voloit  estre  des  premiers  que  des  daar- 
rains^'feri  des  esporons,  et  toute  se  compagnie  avoech 
5  lui,  jusqoes  à  le  bataille  le  roy  de  Grenate,  et  ala  as 
ennemis  assambler.  Et  pensoit  ensi  que  li  rois  d'Es- 
pagne et  toutes  ses  batailles  le  sievissent,  mes  non 
fisent,'  dont  il  en  fîi  laidement  deceus,  oar  onques 
oeli  jour  ne  s'en  eanurent.  Là  fu  li  gentilz  eheva- 

10  Uers,  messires  Guillaumes  de  Douglas  endos,  et 
toute  se  route,  des  ennemis.  Et  y  fisent  merveilles 
d'armes,  mes  finablement  il  ne  peurent  durer,  ne 
onques  pies  n'en  escapa,  que  tout  ne  fuissent  occis 
à  grant  meschief.  De  quoi  ce  (a  pités  et  damages  et 

Ib  grant  lasquetë  pour  les  Espagnolz,  et  moult  en  furent 
blasmet  de  tous  chiaus  qui  en  oïrent  parler,  oar 
bien  ewisseut  resoous  le  chevalier  et  une  partie  des 
siens,  s'il  vosissent.  Ënsi  ala  de  ceste  aventure  et 
dou  voiage  monsigneur  Guillaume  de  Douglas. 

30  Ne  demora  mies  gramment  de  tamps,  apriès  çou 
que  li  dessus  dis  chevaliers  se  fu  partis  d*Escoce 
pour  aler  en  son  pel«inage,  si  oom  vous  avés  oy, 
que  aucun  signeur  et  preudomme,  qui  désiraient  à 
nourir  pais  enU%  les  Énglès  et  les  Eacos,  Irettièrent 

35  et  pourcacièrent  tant  que  mariages  fii  fois  del  jone 
roi  David  d'Escoce  et  de  la  sereur  le  jone  roy  d'En- 
gleteire.  Si  fu  cilz  mariages  acordés.  Et  espousa  la 
dame  li  dessus  dis  rois  à  Bervich,  en  Escoce.  Et  là 
y  eut  grans  festes,  de  l'une  partie  et  de  l'autre.  Or, 

30  me  voel  jou  taire  un  petit  des  Escos  et  des  Englès, 
et  me  retrairai  au  roi  Charlon  de  France,  et  as  cr- 
denances  de  celui  royaume. 


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[13S2-1328]  LIVRE  PREMIER,  §  42.  83 

$  42.  ÏÀ  rois  Charles  de  France,  filz  au  bîau  roy 
Phelippe,  lu  trois  fois  mariés,  et- si  morut  sans  hoir 
marie,  dont  ce  iîi  damages  pour  le  royaume,  si  com 
TOUS  orés  ci  après.  Li  première  de  ses  fenunes  fii  li 
une  des  plus  belles  dames  dou  monde,  et  fu  Qile  la  & 
contesse  d'Artois.  Celle  garda  mal  son  mariage  et  se 
foursi&t.  Par  quoi  elle  en  demora  lonch  temps  ens 
ou  Chastiel  Gaillard,  en  prison  et  à  grant  meschief, 
ançois  que  ses  maris  iiist  rois.  Quant  li  royaumes 
li  fu  escheus,  et  il  fu  couronnés,  li  douze  per  de  lo 
France  ne  Torrent  nient,  s'il  peuissent,  que  li  royau- 
mes demorast  sans  hoir  marie.  Si  quisent  sens  et 
aTis  par  quoi  li  rois  Charles  fust  remariés,  et  le  iîi  à 
le  fiUe  l'empereur  Henri  de  Lussembourch  et  suer 
au  gentil  roy  de  Behagne,  et  par  quoi  li  premiers  15 
mariages  liist  deffiiis  et  anullës  de  celle  dame  qtfi  en 
prison  estoit,  et  tout  par  le  déclaration  dou  pape, 
nostre  Saint  P^,  qui  adono  estoit.  De  celle  seconde 
dame  de  Lussembourch,  qui  estoit  moult  humie  et 
moult  preude  femme,  eut  li  rois  un  fil  qui  morut  20 
moult  Jones,  et  assés  tost  U  mère  ajffiès,  à  Ysodon 
en  Barri.  Et  morurent  tout  doi  souspeçonneusement. 
De  coi  aucunes  gens  en  furent  encoupées  en  derrière 
couTcrtement.  Apriès,  cilz  rois  Charles  fu  remariés 
tierce  fois  à  le  fille  de  son  onde  de  remariage,  le  35 
fille  de  monsigneur  Loeis,  le  conte  d'ETrues,  le 
royne  Jehenne,  et  sereur  au  roi  de  NaTare  qui  adonc 
estoit.  Puissedi,  arint  que  celle  dame  fii  enchainte. 
Et  li  dis  rois,  ses  maris,  s'acouça  malades  au  lit  de 
le  mort.  Quant  il  perchut  que  morir  le  couTcnoit,  so 
il  deyisa  que,  s*il  aTenoit  que  li  royne  se  acouçast 
d'un  fil,  il  Totoit  que  messires  Phelippes  de  Valois, 


D,qit,zeabvG00»^lc 


81  CHRONIQUES  DE  J.  FfiOISSART.  [13S8] 

ses  cousins  germains,  en  ftist  mainbours  et  regens 
de  tout  son  royaume,  jusques  adonc  que  ses  filz  se- 
roit  en  eage  d'esire  rois;  et,  s'il  avenoît  que  ce  fhst 
une  fille,  que  li  douze  per  et  li  hault  baron  de 
5  France  euissent  conseil  et  avis  entre  yaus  de  l'or- 
donna, et  donnaissent  le  royaume  à  celi  qui  avoir 
le  deveroit  par  droit.  Sur  chou,  li  rots  Charles  ala 
morir  environ  Paskes,  l'an  de  grasce  Nostre  Signeur 
mil  trois  cens  vingt  et  huit. 

10  Me  demora  mies  gramment  apriès,  que  la  royne 
Jehenne  aeouça  d'une  fille,  de  quoi  li  plus  del 
royaume  en  furent  durement  tourblé  et  courouciet. 
Quant  li  douze  per  et  hault  baron  de  France  sceu- 
rent  çou,  il  se  assamblèrent  à  Paris  au  plus  tost  qu'il 

15  peurent,  et  donnèrent  le  royaume,  de  commun 
acord,  à  monsigneur  Phelippe  de  Valois,  filz  jadis 
au  conte  de  Valois,  et  en  ostèrent  le  royne  d'En- 
gletore  et  le  roy  son  fil,  qui  estoit  demorée  soer 
germainne  au  roy  Charle  daarrainement  trespasset, 

30  par  le  raison  de  che  qu'il  dient  que  li  royaumes  de 
France  est  de  si  grant  noblèce  qu'il  ne  doit  mies  par 
succession  aler  à  fîimelle,  ne  par  consequense  à  fil 
de  fumelle,  ensi  que  vous  avés  oy  chà  devant,  au 
commencement  de  ce  livre.  Et  fîsent  celi  monsi- 

U  gneur  PheKppe  couronner  à  Rains  l'an  de  grasce 
mil  trois  cens  vingt  et  huit,  le  jour  de  le  Trinité. 
Dont,  puissedi,  grant  guerre  et  grant  désolation 
avint  au  royaume  de  France  en  pluiseurs  pars,  si 
com  vous  pores  ojâ*  en  ceste  hystore. 

30  Assés  tost  apriès  çou  que  cilz  rois  Phelippes  fu 
couronnés  à  Rains,  U  semonst  ses  princes,  ses  ba- 
rons et  toutes  ses  gens  d'armes,  et  ala  à  tout  son 


;vG0C)»^IC 


[1328]  LIVRE  PREMIER,  S  42.  8S 

pcwir  logier  en  le  vallée  de  Cassiel,  pour  guerriier 
les  Flamens,  qui  estoient  rebelle  à  leur  signeur,  et 
meismement  ciaus  de  Bruges ,  chiaus  d'Ippre  et 
chiaus  dou  Franch.  Et  ne  voloient  obéir  au  conte  de 
Flandres,  leur  dit  signeur,  mais  Favoient  decaeiet.  s 
Et  ne  pooit  adonc  nulle  part  demorer  en  son  pays, 
fors  tant  seulement  à  Gand,  et  encores  assés  escar- 
sement.  Si  desconfî  adonc  li  rois  Phelippes  bien 
seize  mille  hommes  flamens,  qui  avoient  fait  im 
chapitainne  qui  se  nommoit  Colins  Dennekins,  hardi  IQ 
homme  et  outrageus  durement.  Et  avoient  li  dessus 
dît  Flamench  iait  leur  garnison  de  le  ville  de  Cassiel, 
au  commandement  et  as  gages  des  villes  de  Flan- 
dres, pour  garder  ces  frontières  là  endroit. 

Et  vous  dirai  comment  cil  Flamench  furent  des-  ib 
confit^  et  fu  par  leur  oultrage.   Il  se  partirent  un 
jour,  sus  l'eure  dou  souper,  de  Cassiel,  en  entente 
que  pour  desconfire  le  roy  et  toute  sen  host.  Et  s'en 
vinrent  tout  paîsievlement,  sans  point  de  noise,  or- 
donné en  trois  batailles,  des  quèles  li  une  en  ala  20 
droit  as  tentes  le  roy,  et  eurent  priés  le  roy  sous- 
pris,  qui  seoit  au  souper,  et  toutes  ses  gens,  Li  aul- 
tre  bataille  s'en  ala  droit  as  tentes  le  roy  de  Beha- 
gne,  et  l'eurent  priés  Irouvet  en  tel  point.  Et  la 
tierce  bataille  s'en  ala  droitement  as  tentes  le  conte  3S 
de  Haynau,  et  l'eurent  ossi  priés  souspris,  et  le  bas- 
tèrent  si  que  à  grant  painne  peurent  pas  ses  gens 
estre  armé,  ne  les  gens  monsigneur  de  Byaumont, 
son  filtre.  Et  vinrent  ces  trois  batailles  si  paisievle- 
ment  jusques  as  tentes,  que  à  grant  meschief  furent    30 
li  signeur  armés,  ne  leurs  gens  assamblet.  Et  ewia- 
sent  tout  li  signeur  et  leurs  gens  esté  mort,  se  Diex 


DiqitizeaCvG00»^IC 


S8  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  '  [1328] 

ne  les  ewist,  ensi  que  par  droit  miracle,  secounit  et 
aidiet.  Mais,  par  le  grasce  de  Dieii,  cescuns  des  si- 
gneurs  desconfi  se  bataille  si  entièrement,  et  tous  à 
une  heure  et  en  un  point,  que  onques  de  tous  ces 
5  seize  mille  Flamens  n'en  escapa  mil,  et  fii  leur  cha- 
pitainne  mors.  Et  si  ne  seut  onques  nulz  de  ces  si- 
gneurs  nouvelle  li  uns  de  l'autre,  jusques  adonc  qu'il 
eurent  tout  fait.  Et  onques  des  quinze  mille  Fla- 
mens, cpii  mors  y  demorèrent,  n'en  recula  uns  seuls, 

10  que  tout  ne  fuissent  mort  et  tuet  en  trois  monchiaus 
l'un  sus  l'autre,  sans  issir  de  le  place  là  où  cescune 
bataille  commença,  qui  fu  l'an  de  grasce  mil  trois 
cens  vingt  et  huit,  le  jour  saint  Bietremieu. 

Adonc,  aprïès  ceste  desconfîture,  vinrent  li  Fran- 

15  çois  à  Cassiel,  et  y  misent  les  banïères  de  France. 
Et  se  rend!  U  ville  au  roy,  et  puis  Popringe,  et  puis 
Ippre,  et  tout  cil  de  le  chastelerie  de  Berges,  et  cil 
de  Bruges  ensiewant.  Et  rechurent  le  conte  Loeis, 
leur  signeor,  adonc  amiablement  et  paisievlement, 

30  et  li  jurèrent  foy  et  loyauté  à  tenir  à  tous  jours  mes. 
Quant*  li  rois  Phelippes  de  ïVance  eut  remis  le 
conte  de  Flandres  en  son  pays,  et  que  tout  li  eurent 
juré  feaulté  et  hommage,  il  départi  ses  gens,  et  re- 
tourna cescuns  en  son  lieu;  et  il  meismement  s'en 

35  vint  en  France  et  séjourner  à  Paris  ou  là  environ. 
Si  fti  durement  prisiës  et  honnourés  de  celle  em- 
prise qu'il  avoit  fait  sus  les  Flamens,  et  dou  service 
ossi  au  conte  Loeis  son  cousin.  Si  demora  en  grant 

1.  Cet  àUaem,  ^  m  lie  intimemeiit  «wt  alin^M  prictàmM,  hit 
nàuimoini  partie  da  chapitre  tuivant  daiu  le  m*.  6477>  f^  30  ▼*)  «Wl 
on  le  permet  ici,  par  exception,  de  modifier  la  coupure  éridemment 
d^fectnease. 


;vGoo»^lc 


[i330]  LIVRE  PREMIER,  S  *^-  87 

prospérité  et  en  grant  honneur,  et  acrut  grandement 
Testât  royal;  et  n'i  avoit  onques  mes  eu  en  France, 
si  com  on  disoit,  roy  qui  ewist  tenu  Testât  parel  au 
roj  Pbelippe.  Et  iaisoit  faire  tournois,  joustes,  festes 
et  esbalCTOens  mouli  souvent  et  à  grant  plente.  Or  » 
nous  tairons  nous  un  petit  de  luij  et  parierons  des 
aucunes  des  ordenances  d'Engleterre  et  dou  gouvre- 
nement  le  roy. 

S  43.  Li  Jones  rois  englès  se  gouvrena  un  grant 
tamps,  si  com  vous  avés  oy  chi  dessus  recorder^  par  lo 
le  conseil  de  ma  dame  se  mère,  dou  conte  Aymon 
de  Kent,  son  oncle,  et  de  monsigneur  Rogier  de 
Mortema*.  Au  daarrain,  envie  commença  à  nalstre 
entre  le  conte  de  Kent  dessus  dit,  et  le  signeur  de 
Mortemer.  Et  monta  puis  li  envie  si  haut  que  li  si-  15 
res  de  Mortema*  enfourma  et  enhorta  tant  le  jone 
roy,  par  le  consentement  de  ma  dame  se  m^  le 
royne,  et  li  lisent  entendant  que  U  dis  contes  de 
Kent  le  voloit  empuisonner,  et  le  fiaroit  morir  tem- 
prement,  s'il  ne  s'en  gardoit,  pour  avoir  sen  royaume,   30 
comme  li  plus  proçains  apriès  lui,  par  succession; 
car  li  Jones  frères  le  roy,  que  on  clamoit  messire 
Jehan  d'Eltem,  estoit  nouvellement  trespassés.  Li 
Jones  rob,  qui  creoit  leg^erement  che  dont  on  l'en- 
fotmnoit,  ensi  tpie  jone  signeur,  telz  a  on  souvent  35 
veus,  croient  legierement  çou  dont  cil  qui  les  doient 
consillier  les  enfourment,  et  plus  tost  en  mal  qu'en 
bien,  fîst,  assës  tost  après  chou,  son  dit  oncle  le 
conte  de  Kent  prendre,  et  le  fist  decoler  pnblike- 
ment,  que  onques  il  n'en  peut  venir  à  escusance.    SO 
De  quoi  tout  cil  dou  pays,  grans  et  petis,  nobles  et 


;vGoo»^lc 


88  CHRONIQUES  DE  3.  PKCXSSAST.  [t330] 

non  nobles,  en  furent  durement  tourblet  et  courou- 
cié,  et  eurent  puissedi  durement  contre  coer  !e  si- 
gneur  de  Mort^ner.  Et  bien  pensoient  que,  par  son 
conseil  et  pourcaeb  et  par  &usse  amise,  avoit  ensi 
5  esté  menés  et  trettiés  ti  gentiiz  contes  de  Kent,  cui 
il  tenoient  tout  pour  preudonune  et  pour  loyal.  Ke 
onques  apiiès  ce,  li  sires  de  Mortemer  ne  fîi  tant 
amés,  comme  il  avoit  esté  en  devant. 

Ne  demora  mies  de  puis  gaires  de  temps  que  grant 

10  &me  issi  hors  sus  la  mère  dou  roy  d'Engleteire,  ne 
sai  mies  se  voirs  estoit,  que  elle  estoit  [enchainte']; 
et  en  encoupoît  on  plus  de  ce  &il  le  signeur  de  Mor- 
temer que  nul  aultre.  Si  commença  durement  chilz 
escandeles  à  montepliier,  tant  que  li  jones  rois  en 

15  fil  enfourmés  souffissamment.  Et  avoech  tout  ce  il  fu 
enfouîmes  souffissamment  que,  par  &usse  amise  et 
par  envie  dou  signeur  de  Mortemer,  &ite  plus  par 
trahison  que  par  raison,  il  avoit  &it  mettre  à  mort 
son  oncle  le  conte  de  Kent,  que  tout  cil  dou  pays 

30  tenoient  et  avoient  toutdis  tenu  pour  preudonune  et 
pour  loyal.  Dont,  se  U  jones  rois  fu  tristes  et  cou- 
rouciés,  ce  ne  fait  mies  à  demander.  Si  fist  tantost 
prendre  le  dit  sîgneur  de  Mortemer,  et  le  fîst  ame- 
ner à  Londres,  par  devant  grant  fuison  des  barons 

35  et  des  nobles  de  son  royaume.  Et  fist  cont^  par  un 
sien  chevalier  tous  tes  &is  le  signeur  de  Mortemer, 
ensi  que  escrire  et  regislrer  les  avoit  fais.  Et  quant 
il  furent  tout  dit  et  conté,  li  dis  rois  d'Eogleterre 
demanda  à  tous,  par  mani^  de  conseil  et  de  juge- 


1 ,  Ce  mot  t  itt  gn.tti  et  efTic ^  djoi  notre  nu.  6477,  Kiiu  l'iafliienM 
de  je  ne  Mi*  ^e)  tcmpnle,  mai»  il  eit  encore  litîbte. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1830]  LIVRE  PRXHIBR,  S  43.       .  8» 

méat,  quel  cose  en  estoit  bon  à  faire.  Li  jugemens 
en  fil  assés  tost  rendus,  car  cescuos  en  estoit  jà  par 
famé  et  par  juste  information  tous  avisés  et  înfour- 
mes.  Si  en  respondirent  au  roy>  et  disent  que  il  de- 
voit  morir  en  tel  manière,  comme  messires  Hues  li  & 
Despensiers  avoit  fait  et  esté  justiciés.  A  ce  jugement 
n'eut  nulle  dilation  ne  de  merci.  Si  fii  tantos  trainés 
parmi  la  cité  de  Londres  sus  un  bahut,  et  puis  loîiés 
sus  ime  eschielle  en  mi  le  place,  et  puis  li  vis  copés 
a  toutes  les  couUes  et  jettées  en  un  feu  qui  là  estoit.  lo 
Et  puis  li  fu  li  ventres  ouvers  et  li  coers  trais  hors, 
pour  tant  que  il  en  avoit  fait  et  pensé  le  trahison, 
et  jettes  ou  dit  feu,  et  ensi  toute  se  coraiUe.  Et  puis 
fu  esquartelës,  et  envoiiés  par  quatre  mestres  oités 
en  Englet^re,  et  la  tleste  demora  à  Londres.  Ensi  is 
Hna  li  dis  messires  Rogiers  de  Mortoner,  Dieus  li 
pardoinst  tous  ses  fourfaisl 

Tantos  ajH^ès  ceste  justice  faite,  lï  rois  d'Engle- 
terre,  par  le  conseil  de  ses  hommes,  fist  ma  dame  sa 
mère  enfermer  en  un  castiel,  .et  li  bailla  dames  et  30 
camberières  et  toutes  gens  assés,  pour  lui  garder  et 
servir  et  &ire   compagnie ,  cbevali»:^  et   escuiers 
d'onneur,   ensi  conmie  à  si  haute  dame  que  elle 
estoit  apertenoit.  Et  li  assigna  et  délivra  grant  terre 
et  beUe  revenue,  pour  lui  souffissaxomentgouvrener,  ss 
selonch  son  noble  estât,  tout  le  cours  de  se  vie,  et 
la  ditte  revenue  au  plus  priés  de  œti  castiel  que  il 
peut  par  raison.  Mais  il  ne  vot  mies  soufirir  ne  con- 
sentir que  elle  alast  hors,  ne  s'amoustrast  nulle  part, 
fors  en  aucuns  esbas  qui  estoient  devant  le  porte  3o 
dou  chastiel,  et  qui  respondoîent  à  le  maison.  Si  usa 
la  ditte  daiùe  là  sa  vie  de  puis  assés  bellement.  Et  le 


;vGoo»^lc 


90  CHftONIQUK  DE  J.  FROISSART.  [18t9] 

venoit  veoir^  deus  ou  trois  fois  l'an,  H  jones  rois 
Edouwars,  ses  filz.  Nous  nos  soufferons  à  parler  de 
la  dame,  et  parla<ons  dou  dit  roy  son  fît,  et  com- 
ment il  persévéra  en  signourie. 

5  $  44.  Apriès  ce  que  cih  rois  Edowars,  qui  estoit 
en  son  jone  eage,  eut  feit  foire  ces  deus  grandes  jus- 
tices, si  com  TOUS  avés  oy  chi  dessus  records,  il 
prist  nouvel  conseil  des  plus  sages  et  des  mîx  creus 
de  tout  son  royaume,  et  se  gouvrena  moult  belte- 

10  ment,  et  maintint  son  royaume  en  pais,  par  le  bon 
conseil  que  il  avoit  datés  lui. 

Or  avint  que,  environ  un  an  aprtôs  que  lî  rois 
Phelippes  de  Valois  eut  esté  couronnés  à  roy  de 
France,  et  que  tout  li  baron    et  li  tenant  dou  dit 

15  royaume  li  eurent  fait  feaulté  et  hommage,  excepté 
li  jones  rois  Edowars  d'Engleterre,  qui  encores  n'es- 
toit  trais  avant,  et  ossi  il  n'avoit  point  esté  mandés  ; 
se  fîi  li  rois  de  France  eonsilliés  et  enfourmés  que  il 
mandast  le  dit  roy  d'Engleterre  et  venist  foire  hom- 

30  mage  et  feaulté,  ensi  comme  il  apertenoit.  Adonc  en 
furent  priiet  d'aler  en  Ëngleterre  faire  ce  message  et 
[sommer*]  le  dit  roy,  li  sires  d'Aubegni  et  li  sires  de 
Biausaut  et  doi  clercb  en  droit,  mestre  en  Parlement 
à  Paris,  que  on  appelloit  pour  ce  temps  mestre  Sy- 

SS  mons  d'Orliens  et  mestres  Pières  de  Maisières.  Chil 
quatre,  au  commandement  et  ordenance  dou  roy,  se 
partirent  de  Paris  bien  estoffeement,  et  cheminèrent 
tant  par  leurs  journées  qu'il  vinrent  à  Wisan.  Là 
montèrent  il  en  mer,  et  fbrent  tantost  oultre,  et  ar- 

f-Slv.  — Mi.  «77,f  M:  ttonaer,» 


ibvGoo»^lc 


[1329]  LIVRE  PREMIER,  g  44.  91 

rivèrent  à  Douvres,  et  séjournèrent  là  un  jour,  pour 
attendre  leurs  chevaus  et  leur  hamas  que  on  mlst 
hors  des  vaissiaus.  Quant  il  furent  tout  prest,  il  mon- 
tèrent sus  et  esploitièrent  tant  par  leurs  journées 
qu'il  vinrent  à  Windesore,  où  U  rois  dTEngleterre  et  5 
la  jone  royne  sa  femme  se  tenoient.  Li  quatre  dessus 
nommet  lisent  à  savoir  au  roy  pour  quoi  il  estoient 
là  venu,  et  ossi  de  qui  il  se  rendoient.  Li  rois  d'En- 
gleterre,  pour  Tonneur  dou  roy  de  France,  son  cou- 
sin, les  fiât  venir  avant  et  les  reçut  moidt  honnoura-  lo 
blement;  et  ossi  fist  ma  dame  la  royne  sa  femme, 
ensi  que  bien  le  savoient  faire.  En  apriès,  il  comp- 
tèrent leur  message;  il  fiirent  volentiers  oy.  Et  en 
respondi  li  rois  adonc  que  il  n'avoit  mies  son  con- 
seil dalés  lui,  mais  il  le  manderoit;  si  se  retraisent  is 
en  le  cité  de  Londres  ;  et  là  il  en  seroient  respondu 
teiement  que  bien  deveroit  souflSre.  Sus  ceste  pa- 
rtie, quant  il  eurent  disné  en  le  cambre  dou  dit 
roy  et  de  la  royne  moult  aise,  il  s'en  partirent  et 
vinrent  ce  soir  jesir  à  Colebruch,  et  l'endonain  à  so 
Londres. 

Ne  demora  mies  gramment  de  puis  que  li  rois 
d'Engleterre  vint  à  Londres,  en  son  palais  de  Wes- 
moustier.  Et  là  eut  il,  sus  un  jour  qu'il  y  ordonna, 
son  conseil  assamblé,  présent  qui  li  messagier  dou  9S 
roy  Phelippe  de  France  furent  appelle.  Et  là  remous- 
trèrent  il  pour  quoi  il  estoient  là  venu,  et  les  lettres 
qui  leur  avoient  esté  baillies  dou  roy  leur  signeur. 
Quant  il  eurent  parlé  bien  et  à  point,  il  vuidièrent 
hors  de  le  cambre,  et  lors  demanda  li  dis  rois  à  30 
avoir  conseil  sus  ceste  requeste.  Il  me  samble  que  li 
rois  fil  adonc  si  consilliës  de  respondre  que  Toire- 


;vGoo»^lc 


»  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSA.RT  [13i9] 

ment,  par  Tordenance  et  seelé  de  ses  predicesseurs, 
rois  d'Engleterre  et  dus  d'AcquitainDes,  il  en  devoît 
foy,  hommage  et  loyauté  faire  au  roy  de  France,  ne 
del  contraire  on  ne  t'oseroit  ne  vorroit  point  consil- 
5  lier.  Chilz  pourpos  et  consaulz  furent  arresté,  et  1i 
messagier  de  France  appelle.  Si  vinrent  en  le  cham- 
bre de  rechief  de  conseil,  ta  parla  il  evesques  de 
Londres  pour  le  roy  et  dist  :  c  Signeur^  qui  ci  estes 
euToilés  de  par  le  roy  de  France,  vous  estes  li  bien 

10  venu.  Kous  avons  oy  vos  parolles  et  leues  vos  lettres 
et  bien  examinées  à  no  pooir  et  consilUes.  Si  vous 
disons  que  nous  con&illons  monsigneur  qui  ci  est, 
qu'il  voist  en  France  veoir  le  dit  roy,  son  cousin, 
qui  moult  amiablement  le  mande,  et  dou  sourplus 

15  de  foy  et  d'ommage  il  s'acquitte  et  face  son  devoir, 
car  voirement  y  est  il  tenus.  Si  vous  retrairés  en 
France,  et  dires  ensi  au  roy  vostre  signeur  que  nos 
sires  li  rois  d'Engleterre  passera  par  de  là  tempre- 
ment,  et  fera  tout  ce  qu'il  doit  faire  sans  nu!  estri.  » 

30  Geste  response  plaisi  grandement  bien  as  dessus  dis 
messagiers  de  France,  et  prisent  congiet  au  roy  et  à 
tout  son  conseil;  mais  ançois  il  leur  couvint  disno' 
eus  ou  palais  de  Wesmoustier.  Et  les  festia  là  li  dis 
rois  moult  grandement,  et  leur  donna  au  départir, 

25  pour  l'onneur  et  amour  dou  roy  de  France,  son  cou- 
sin, grans  dons  et  biaus  jeuiaus.  De  puis  ce  &it,  il 
ne  séjournèrent  gaîres  de  temps  à  Londres  et  s'en 
partirent.  Et  esploitièrent  tant  par  leurs  journées 
qu'il  revinrent  en  France,  et  droîtement  à  Paris,  où 

30  il  trouvèrent  le  dit  roy  Phelippe,  à  qui  il  comptant 
toutes  leurs  nouvelles,  et  comment  il  avoîent  es- 
ploitié,  et  en  quel  estât  il  estoient  parti  dou  dit  roy 


DiqitizeabyG00»^lc 


[13»]  UVRR  PREMIER,  S  **■  «3 

d'Englet^re,  et  ossi  com  grandement  et  honnoura- 
blement  il  les  avoit  receus^  et,  à  leur  département 
et  congiet  prendre,  donné  de  ses  biens.  De  toutes 
ces  coses  et  esplois  se  contenta  grandement  li  rois 
Phelippes,  et  dist  que  moult  volentiers  il  veroit  le  5 
roy  Edouwart  d'Engleterre,  son  cousin,  car  onques 
ne  l'avoit  veu. 

Ces  nouvelles  s'espardirent  pamii  le  royaume  de 
France,    que  li  rois  d'Engleterre  devoit  venir    en 
France,  et  &îre  hommage  au  dit  roy.  Si  se  ordon-    lo 
aèrent  et   apparillièrent  moult  richranent  et  très 
puissamment  duch  et  conte  de  son  sanch ,  qui  le 
desiroient  à  veoir.  Et  proprement  li  rois  de  Fhince    . 
en  escrïsi  au  roy  Charle  de  Behagne,  son  cousin,  et 
au  roy  Loeis  de  Navare,  et  leur  segnefia  le  certain   is 
jour  que  li  rois  d'Engleterre  devoit  estre  devers  lui, 
et  leur  pria  que  il  y  vosissent  estre.  Cil  doi  roy,  ou 
cas  que  priiet  en  estoient,  ne  l'eutssent  jamais  las- 
sict,  et  se  ordonnèrent  au  plus  tost  qu'il  peorent,  et 
vinrent  en  France  en  grant  arroy  devers  le  roy.  Li   so 
rois  de  France  Ai  adonc  consilliés  que  il  recueille- 
ront le  dit  roy  d'Englet^re,  son  cousin,  en  le  bonne 
cité   de  Amiens.    Si  fîst  là  faire  ses  pourveances 
grandes  et  grosses,  et  aminislrer  salles,  cambres, 
hostelz  et  maisons  pour  recevoir  lui  et  toutes  ses  ss 
gens,  où  il  se  comptoit,  parmi  le  roy  de  Behagne  et 
le  roy  de  Navare  qui  estoient  de  se  délivrance,  et  le 
duch  de  Bretagne,  le  duch  de  Bourgongne,  le  duch 
de  Bourbon,  à  plus  de  trois  mille  chevaus,  et  li  rois 
d'EngletMre,  qui  y  devoit  venir  à  sis  cens  chevaus.   ao 
Il  avoit  adonc  à  Amiens,  et  a  encores  bien,  cité  pour 
rechevoir  aîsiement  otant  de  princes  et  leurs  gens  et 


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84  CHRONIQUES  DE  J.  FR0I5SART.  [13S9] 

plus  assés.  Or  parlerons  dou  roy  d'Engleterre^  qai 
passa  le  mer,  et  vint  en  celle  anée,  l'an  mil  trois 
œns  vingt  neuf,  aiviron  le  mi  aoust,  en  France. 

$  45.  Li  Jones  rois  d'Engleterre  ne  mist  mies  en 

5  oubli  le  voiage  que  il  devoit  faire  ens  ou  royaume 
de  France,  et  se  appareilla  bien  et  faiticement,  et  si 
souffîssamment  que  à  lui  apertenoit  et  à  son  estât; 
si  se  parti  d'Ëngleterre,  quant  jours  fil  dou  départir. 
En  se  compagnie  avoit  deus  evesques,  oesti  de  Lon- 

10  dres  et  cesti  de  Lincolle,  et  quatre  contes,  monsi- 
gneur  Henri  conte  Derbi,  son  cousin  germain,  fil 
monsigneur  Thumas  de  Lancastre  au  Tors  Col,  le 
conte  de  Sallebrin,  le  conte  de  Warvich,  et  le  conte 
de  Herfort  ;  sis  barons,  monsigneur  Renault  de  Gobe- 

ib  hem,  monsigneur  Thumas  Wage,  mareschal  d*^- 
gleterte,  monsigneur  Richart  de  Stanfort,  le  signeur 
de  Persi,  le  signeur  de  Mauné  et  le  signeur  de  Monl- 
bray,  et  plus  de  quarante  aultres  chevaliers.  Si  es- 
toient  en  le  route  et  à  le  délivrance  dou  roy  d'tn- 

so  glet«iTe  plus  de  mille  chevaus,  et  misent  deus  jours 
à  passer  entre  Douvres  et  Wissan.  Quant  il  fiirent 
tout  ouUre,  et  leurs  chevaus  trais  hors  des  nés  et  des 
vaissiaus,  li  rois  monta  acomjMgniés ,  ensi  que  je 
vous  ay  dit,  et  chevauça  tant  que  il  vint  à  BouloO' 

Sï  gne,  et  là  fil  il  un  jour. 

Tantos  nouvelles  vinrent  au  roy  Pbelippe  de  France, 
et  as  signeurs  de  France,  qui  jà  estoient  à  Amiens, 
que  li  rois  d'Ëngleterre  estoit  arrives  et  venus  à  Bou- 
longne.  De  ces  nouvelles  eut  li  rois  Phelippes  grant 

30  joie,  et  envoia  tantos  son  connestable  et  grant  fiiï- 
son  de  chevaliers  dever&  le  roy  d'Ëngleterre,  lequel 


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;i3S9]  LIVRE  niEBUEfi,  $  4S.  95 

il  trouTèrent  à  Monstruel  sus  Mer;  et  là  eut  grans 
recM^oissaDces  et  approcemens  d'amour.  De  puis 
chevauça  H  jones  rois  d'Engletore  en  le  compagnie 
del  connestable  de  France  ;  et  fîst  tant  o  toute  se  route 
que  il  vint  en  le  cité  d'Amiens,  oii  li  rois  Phelippes  s 
estoit  tous  appareilliés  et  pourveus  de  lui  recbeToir, 
le  roy  de  Behagne,  le  roy  de  Navare  et  le  roy  de 
Mayogres  dalés  lui^  et  si  grant  fuison  de,  dus,  de 
contes  et  de  barons  que  merveilles  serait  à  recorder. 
Car,  là  estoient  tout  li  douze  per  de  France  venu,  lo 
pour  le  roy  d'En^eterre  festoiier,  et  ossi  pour  estre 
personelment,  et  faire  tesmoing  à  son  hommage.  Se 
li  rois  Phelippes  reçut  honnourablement  et  grande- 
ment le  jone  roy  d'Ëngleterre,  son  cousin,  ce  ne  fait 
mies  à  demander;  et  ossi  fîsent  tout  li  roy,  li  duc  et  15' 
li  conte  qui  là  estoient.  Et  lurent  tout  cil  signeur 
adonc,  en  le  cité  d'Amiens,  jusques  à  quinze  jours. 
Là  en  dedens  eut  ça  mainte  parolle  et  ordenance 
&ite  et  derisée.  Et  me  samble  que  11  rois  Edouwars 
d'Ëngleterre  fîst  adonc  hommage,  de  bouoe  et  de  lo 
parolle  tant  seulement,  sans  les  mains  mettre  entre 
les  mains  dou  roy  de  France,  ou  prince  ou  prélat 
député  de  par  lui.  Et  n'en  volt  adonc  U  dis  rois 
d'Ëngleterre,  par  le  conseil  qu'il  eut,  dou  dît  hom- 
mage procéder  plus  avant,  si  serait  retournés  en  En-  SS 
gleterre  et  aroit  veus,  leus  et  examinés  les  previlèges 
de  jadis,  qui  dévoient  esclarcir  le  dit  hommage,  et 
moustrer  comment  et  de  quoi  U  rcHS  d'Ëngleterre 
devoit  estre  homs  au  roy  de  France.  Li  rois  de 
Fïance,  qui  veoit  le  roy  d'Ëngleterre  son  cousin  jone,  30 
entendi  bien  toutes  ces  parolles,  et  ne  le  volt  adonc 
de  riens  presser,  car  bien  savoit  assés  que  bien  y 


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CHRONIQUES  DE  I.  FftOISSAHT.  [1329] 

reoouveroit,  quant  il  Torroit^  et  lï  dist  :  a  Mod  cou- 
sin, nous  ne  vous  volons  pas  décevoir,  et  nous  plaîst 
bien  ce  que  vous  en  avës  fait  à  présent^  jusques  à 
tant  que  vous  serés  en  vostre  pays  et  enfourmés,  par 

S  les  seelés  de  vostres  predicesseurs,  (juel  cose  vous  en 
devés  &ire.  »  Lî  rois  d'Ëngleterrc  respondi  :  «  Chiers 
sires,  grans  merchis.  » 

De  puis  se  jeua,  esbati  et  demora  li  rois  d'Engle- 
terre  avoecques  ie  roy  de  France,  en  le  cité  d'Amiens. 

10  Et  quant  tant  y  eut  esté  que  bien  deubt  par  raisoo 
souffircj  il  prist  congiet  et  se  départi  dou  roy  moult 
amiablement,  et  de  tous  les  aultres  princes  qui  là  es- 
toient,  et  se  mist  au  retour  pour  revenir  en  Ëngle- 
terre.  Et  rapassa  le  mer,  et  fist  tant  par  ses  journées 

15  qu'il  vint  à  Windesbre,  là  où  il  trouva  la  royne 
Phelippe  sa  femme  qui  le  rechut  liement,  et  qui  li 
demanda  nouvelles  dou  roy  Phelippe,  son  oncle,  et 
de  son  grant  linage  de  France.  Li  rois,  ses  maiis, 
l'en  recorda  assés  et  dou  grant  estât  qu'il  avoit  trou- 

30  vet,  et  comment  on  l'avoit  recueilliet  et  festiiet  gran- 
dement, et  des  honneurs  qui  estoient  en  France,  as 
quèles  dou  faire  ne  de  l'entreprendre  à  Ëtire,  nulz 
aultres  pays  ne  s'apertient. 

$  AB.  Ne  demora  gaires  de  temps,  puissedi,  que 
26  li  rois  de  France  envoia  en  Engleterre,  de  son  plus 
especial  conseil,  l'evesque  de  Chartres  et  l'evesque 
de  Biauvais,  et  ossi  monsigneur  Loeis  de  Clermont, 
duch  de  Bourbon,  le  conte  de  Harcourt  et  le  conte 
de  TankarvUle,  et  des  aultres  chevaliers  et  clers  en 
30  droit,  pour  esire  as  oonsaulz  le  roy  d'Ëngleterre,  qui 
se  tenoimt  à  Londres  sus  Testai  que  vous  avés  oy, 


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[i33i]  UVRE  PAEMIER,  $  47.  97 

ensi  que  li  rois  d'Engleteire,  lui  revenut  en  son  pays, 
devoit  regarder  comment  anchtennement  si  predi- 
cessem-,  de  ce  qu'il  tenoient  en  Aquitainnes  et  dont 
ii  s'estoient  appelle  duch,  en  avoient  fait  hommage. 
Car  jà  murmuroient  li  pluiseur  en  Ëngleterre  que  s 
leurs  sires  estoit  plus  proçaïns  de  l'iretage  de  France 
que  li  rois  Phelippes.  Nequedent,  U  rois  d'Engleterre 
et  ses  consaulz  ignoroient  de  toutes  ces  coses.  Mais 
grant  parlement  et  assamblées  sus  le  dit  hommage 
furent  en  celle  saison,  en  Ëngleterre.  Et  y  séjourné-  lo 
rent  U  dessus  dit  envoiiet  don  roy  de  France,  tout 
river,  et  jusques  à  l'issue  dou  mois  de  may  ensie- 
vanl,  qu'il  ne  pooient  avoir  nulle  diffînitive  res- 
ponse.  Toutes  fois,  finablement,  li  rois  d'Engleterre, 
par  l'avis  de  ses  privilèges  as  quels  il  ajoustoit  grant  15 
foy,  fu  consilliés  de  eserire  *  ensl  lettres  patientes, 
seelëes  de  son  grant  seel,  en  recognissant  l'ommage 
tel  qu'il  le  doit  et  devoit  adonc  feire  au  roi  de 
France;  la  quèle  teneur  de  la  lettre  s'ensieut  ensi  : 

$  47.  «Edouwars,  par  la  grascedeDieu  roys  d'En-  2o 
«  gleterre,  signeur  d'Irlande  et  dux  d'Aquitainnes,  à 
«  tous  ceulz  qui  ces  présentes  lettres  veront  et  oront, 
o  salut.    Savoir   faisons,    comme   nous  feissons    à 
«  Amiens  hommage  à  excellent  prince  nostre  chier 
«  signeur  et  cousin  Phelippe  roy   de  France,  tors  35 
«  nous  fu  dit  et  requis  de  par  lui  que  nous  recognis- 
«  sions  le  dit  hommage  estre  lige,  et  que  nous,  en 
«  faisant  le  dit  hommage,  li  promissions  expresse- 
a  ment  foy  et  loyauté  porter,  la  quèle  cose  nous  ne 
«  fesimes  pas  tors,  pour  ce  que  nous  estions  enfoiu*-  30 
a  mes  que  point  ne  se  devoit  ensi  &ire.  Et  fesimes 

1  —  7 


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98  CHHONIQUES  DE  J.  FROISSAHT.  [1331] 

c  lors  au  dit  roy  de  France  hommage  par  paroUes 
«  générales,  en  disant  que  nous  entrions  en  son 
«  hommage  ;  par  ensi  comme  oestre  predicesseur, 
<x  dux  de  Gîane^  estoient  de  jadis  entrés  en  l'om- 
5  a  mage  des  rois  de  France,  qui  avoient  esté  pour  le 
«  temps.  Et,  de  puis  enehà  nous  soions  bien  enfour- 
«c  mes  et  acertenés  de  la  vérité,  recognissons,  par 
«  ces  présentes  lettres,  que  le  dit  hommage  que  nous 
«  fesimes  à  Amiens  au  roy  de  France,  comment  que 

10  <c  nous  le  fesimes  par  paroUes  générales,  fu,  est  et 
«  doit  iestre  entendu  lige,  et  que  nous  li  devons  foy 
«  et  loyauté  porter,  comme  dux  de  Aquitainne  et 
a  pers  de  France,  et  contes  de  Pontieu  et  de  Mous- 
«  truel.  Et  li  prommetons  des  or  en  avant  foy  et 

15  a  loyauté  porter. 

«  Et  pour  ce  que  ou  temps  à  venir  de  ce  ne  soit 
«  jamais  descors  ne  question  à  faire  le  dit  hommage, 
K  nous  prommetons  en  bonne  foy,  pour  nous  et  nos 
n  successeurs,  dus  de  Giane,    qui  seront  pour  le 

30  a  temps,  le  dit  hommage  se  fera  en  ceste  manière. 
«  lÀ  rois  d'Engleterre,  dux  de  Gpne,  tenra  ses 
«  mains  entre  les  mains  dou  roy  de  France.  Et  cilz 
o  qui  adrecera  les  parolles  au  roy  d'Engleterre,  dux 
a  d' Aquitainne,  et  qui  parlera  pour  le  roy  de  France, 

35  K  dira  ensi  :  «Vous  devenés  homme  lige  au  roy  de 
a  France^  mon  signeur,  qui  ci  est,  comme  dus  de 
«c  Gyane  et  pers  de  France,  et  li  prommetés  foy  et 
<c  loyauté  porter.  Dittes  :  voire.  »  Et  li  rois  d'En- 
«  gleterre,  duch  de  Giane,  et  si  successeur  diront  : 

30  «  l'aire.  Et  lors  li  rois  de  France  recevera  le  dit  roy 
a  d'Engleterre  et  duch  de  Gyaoe  au  dit  honunage 
«  lige,  a  la  foy  et  à  la  bouce,  sauf  son  droit  et  Tau- 


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[1331]  LIVRE  PREMIER,  S  *7.  9» 

«  truj.  De  rechief,  quant  le  dit  roy  et  ducb  entera 
«  en  l'ommage  dou  roy  de  France,  et  de  ses  succes- 
a  seurs  rois  de  France,  pour  la  conté  de  Pontieu  et 
«  de  Moustruel,  il  mettent  ses  mains  entre  les  mains 
IX  dou  roy  de  France.  Et  cils  qui  parlera  pour  le  roy  5 
«  de  France,  adrecera  ses  paroUes  au  dit  roy  et  duc, 
«  dira  ensi  :  «  Vous  devenés  homme  lige  au  roy  de 
a  France,  mon  signeur,  qui  ci  est,  comme  contes  de 
a  Pontieu  et  de  Moustruel,  et  li  prommetés  foy  et 
«  loyauté  porter.  Dittes  :  wîre.  a  Et  le  dit  roy  et  10 
«  duch,  conte  de  Pontieu,  dira  :  voire.  Et  lors  li  dis 
«  rois  de  F^nce  recevera  le  dit  roy  et  conte  au  dit 
s  hommage  lige,  à  la  foy  et  à  la  bouche,  sauf  son 
«  droit  et  l'autrui. 

a  Et  ossi  sera  fait  et  renouvelé,  toutes  fois  que  K 
«  Fommage  se  fera.  Et  de  ce  baillerons  nous  et  nos 
<x  successeurs,  dux  de  Giane,  &is  les  dis  hommages, 
«  lettres  patentes  seelées  de  nostres  grans  seaulz,  se 
«  le  roi  de  France  le  requiert.  Et  avoech  ce  nous 
«  prommetons  tenir  et  garder  afièctuehueot  les  pais   so 
a  et  acors  ùAs  entre  les  rois  de  France  et  dus  de 
a  Giane.  Et  en  ceste  manière  sera  Bait,  et  seront  re- 
s  nouvelées  les  dittes  lettres  par  les  dis  rois  et  dus 
a  et  leurs  successeurs,  dux  de  Giane  et  contes  de 
«  Pontieu  et  de  Moustruel,  toutes  les  fois  que  le  roi  36 
«  d'Engleterre,  dus  de  Giane,  et  ses  successeurs,  dux 
«  de  Giane  et  contes  de  Pontieu  et  de  Moustruel,  qui 
«  seront  pour  le  temps,  enteront  en  l'oromage  dou 
«  roy  de  France,  et  de  ses  successeurs,  rob  de  France, 
a  En  tiesmoing  des  quèles  coses,  à  cestes  nos  avons   30 
a  Btit  mettre  nostre  grant  seel.  Données  à  Eltem,  le 
s  trentisme  jour  de  maix;  mil  trois  cens  et  trente.  » 


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100  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1331] 

Ces  lettres  raportèrent  en  France  U  dessus  nom- 
met  sîgneur,  quant  il  se  départirent  d'Engleterre,  et 
il  eurent  le  congiet  dou  roy;  et  les  baillièrent  au  roy 
de  France,  qui  tantost  Ie[s]  tist  porter  à  se  cancelerie, 
5  et  mettre  en  garde,  avoec  ses  plus  especiaulz  ooses, 
à  le  oautèle  dou  temps  à  venir.  Nous  nos  soufferons 
à  parler  dou  roy  d'Engleterre  un  petit,  et  parlerons 
d'aucunes  aventures  qui  avinrent  en  France. 

§  48.  Li  homs  del  monde,  qui  plus  aida  le  roy 

iD  Phelîppe  à  parvenir  à  le  couronne  de  France,  ce  fu 
messires  Robers  d'Artois,  qui  estoit  li  uns  des  plus 
haus  barons  de  France,  le  mieus  linagiés  et  estrais 
des  royaus.  Et  avoit  à  femme  la  sereur  germainne 
dou  dit  roy  Phelippe.  Et  avoit  toutdis  esté  ses  plus 

15  especiaulz  compains  et  amis  en  tous  estas.  Et  (ii, 
bien  l'espasse  de  trois  ans,  que  en  France  estoit  tout 
fitit  par  lui,  et  sans  lui  n'esloit  riens  fait.  Apriès, 
avint  que  ti  rois  Phelippes  emprist  et  acqueilla  ce 
monsigneur  Robert  d'Artois  en  si  grjnt  hayne,  en 

20  i'ocquison  d'un  plait  qui  esmeus  estoit  devant  lui, 
dont  la  conté  d'Artois  estoit  cause,  que  li  dis  messi- 
res Robers  voloit  avoir  gaagnié,  par  le  vertu  d'une 
lettre  que  messires  Robers  mîst  avant,  qui  n'estoit 
mies  bien  vraie,  si  com  on  disoit,  que,  se  li  dis  rois 

25  Feuist  tenu  en  son  air,  il  l'euist  &it  morir  sans  nul 
remède.  Et  comment  que  li  dis  messires  Robers  fust 
li  plus  proçains  de  linage  et  d'amour  à  tous  les  haus 
barons  de  France,  et  seroui^;es  au  dit  roy,  se  li  con- 
vint il  vuidier  France,  et  venir  à  Namur  dalés  le  jone 

30  conte  Jehan ,  son  neveu,  et  ses  frères,  qui  estoient 
enfant  de  sa  sereur.  Quant  il  fu  partis  de  France,  et 


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[1331]  LIVRE  PREUIKR,  §  iS.  101 

li  rois  Tei  que  il  ne  le  poroit  tenir,  pour  miex  inous- 
trer  que  la  besongne  lî  touchoit,  il  iist  prendre  sa 
suer,  qui  estoit  femme  au  dit  monsigaeur  Robert  et 
ses  deus  fîlz,  ses  neveus  Jehan  et  Charle;  si  les  fist 
mettre  en  prison  bien  estroitement,  et  jura  que  ja-  5 
mais  n'en  isteroient,  tant  qu'il  viveroit.  Et  bien  tint 
ce  sieremeot,  car  onques  de  puis,  pour  personne 
qui  en  parlast,  il  n'en  vuidièrent,  dont  il  en  fii  de 
puis  moult  blasmés  en  derrière. 

Quant  li  dis  rois  de  France  sceut  de  certain  et  fu    lo 
enfourmés  que  messires  Robers  d'Artois  estoit  arres- 
tés  à  Namur  dalés  ses  sereurs  et  ses  neveus,  il  en  fu 
moult  courouciés.  Et  eovoia  caudement  devers  l'e- 
vesque  Aoulz  de  Liège,  en  priant  qu'il  defBast  et 
guerriast  le  conte  de  Namur,  se  il  ne  mettoit  huers   15 
de  son  pays  monsigneur  Robert  d'Artois.  Cilz  eves- 
ques,  qui  moult  amoit  le  roy  de  France,  et  qui  petit 
amiroit  ses  vosîns,  manda  au  jone  conte  de  Namur 
que  il  mesist  ensus  de  lui -son  oncle,  monsigneur 
Robert  d'Artois;   aultrement  il  li  feroit  guerre.    Li   so 
contes  de  Namur  fu  si  consilliés  que  il  mist  hors  de 
sa  terre  son  oncle.  Ce  fil  moult  à  envis,  mais  faire  li 
couvenoit  ou  pis  attendre. 

Quant  messires  Robers  d'Artois  se  vei  en  ce  parti, 
si  fu  moult  angousseus  de  coer,  et  se  avisa  que  il  ss 
iroit  en  Braibant,  pour  tant  que  li  dus,  ses  cousins, 
estoit  si  poissans  que  bimi  le  soustenroit.  Si  vint  de- 
vers le  duch,  son  cousin,  qui  le  reçut  moult  liement, 
et  le  reconforta  de  ses  destourbiers.  Li  rois  le  sceut, 
si  envoia  tantost  messages  au  dit  duch,  et  li  manda  30 
que,  se  il  soustenoit  ou  souffrait  à  demorer  ne  à  re- 
pairier  en  sa  tetre  monsigneur  Robert  d'Artois,  il 


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102  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1332] 

n'aroit  pieur  ennemit  de  lui,  et  le  greveroit  et  por- 
teroit  damage  en  toutes  les  guises  qu'il  poroit.  li 
dus  ne  le  volt  ou  n'osa  plus  soustenir  ouvertement 
en  son  pooir,  pour  doubtance  que  de  avoir  et  ac- 
5  querre  le  hayne  dou  dit  roy  de  France.  Ains  l'envoia 
couvertement  tenir  en  Ai^^entoel,  jusques  à  tant  que 
on  verroit  comment  li  rois  s*en  maintenroit. 

Li  rois  le  sceut,  qui  par  tout  avoit  ses  espies;  s'en 
eut  grant  despit.  Si  poureaça  tant,  en  moult  brief 

10  temps,  que  U  rois  de  Behagne,  qui  estoit  cousins 
germains  au  dit  duc,  li  evesques  de  Li^,  li  arce- 
vesques  de  Couïongne,  li  dus  de  Guéries,  li  marcfais 
de  Jullers,  li  contes  de  Bar,  li  contes  de  Los,  li  sires 
de  Faukemont,  et  pluiseur  aultre  signeur  furent  tout 

li  alloiiet  contre  le  dit  duch,  et  le  deffiièrent  tout,  au 
pourcach  et  requeste  del  dessus  dit  roy.  Et  entrèrent 
tantost  en  son  pays  parmi  Hesbaing,  et  en  alèrent 
droit  à  Hanut.  Et  ardirent  à  leur  volenté  par  deus 
fois,  demorant  ens  ou  pays,  tant  que  bon  leur  sam- 

30  bla.  Et  envoia  avoech  yaus  li  dis  rois  le  conte  d'Eu, 
son  conneslable,  à  tout  grant  comp^nie  de  gens 
d'armes,  pour  miex  moustrer  que  la  besongne  estoit 
sienne,  et  faite  à  son  pouroach,  et  tout  ardant  stm 
pays. 

3a  Si  en  couvint  le  conte  GuilIaiune  de  Haynau  en- 
sonniier;  et  envoia  ma  dame  sa  femme,  sereur  au 
roy  Phelippe,  et  le  signeur  de  Byaumont,  son  frère, 
en  France,  par  devers  le  dit  roy,  pour  impetr»  une 
souffrance  et  une  Iriewe  de  lui,  d'une  part,  et  dou 

30  duch  de  Braibant,  d'autre  part.  Trop  à  envis  et  à 
dur  y  descend!  le  roy  de  France,  tant  avoîl  il  pris  la 
cose  en  grant  despit.  Toutes  fois,  à  le  priière  dou 


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t133tl  UVRE  PRElflER,  $  49.  103 

conte  de  Haynau^  son  serourge,  li  rois  s'muelia  et 
donna  et  acorda  triewes  au  duch  de  Bratbant,  panni 
tant  que  li  dus  se  mist  dou  tout  en  l'ordenance  dou 
propre  roy  de  France  et  de  son  conseil,  de  tout  ce 
qu'il  avoit  à  faire  au  roy  et  à  çascun  de  ces  signeurs  5 
qui  deffiiet  l'avoient.  Et  devoit  mettre,  dedens  un 
certain  jour,  qui  nommés  y  estoit,  monsigneur  Ro- 
bert d'Artois  hors  de  sa  terre  et  de  son  pooir,  si  com 
il  fist  moult  à  envis;  mais  îivre  li  couvint,  ou  autre- 
ment il  euist  eu  trop  forte  gu^re  de  tous  costés,  si  lo 
com  il  estoit  apparans  :  si  ques,  entrues  que  cil 
toueillemmt  et  ces  besongnes  se  portoient,  ensi  que 
vous  oés  recorder,  li  rois  englès  eut  nouvel  conseil 
de  guerriier  le  roy  d'Escoce,  son  serourge,  je  vous 
dirai  à  quel  title.  IS 

§  49.  Vous  avés  bien  oy  recorder  chi  dessus  de  le 
guerre  le  roy  Robert  d'Escoce  et  dou  roy  d'Engle- 
tétre,  et  comment  unes  triewes  furent  prises  à  durer 
trois  ans,  là  en  dedens  cilz  rois  Rob<»s  morut  ;  en 
aprïès,  dou  mariage  qui  fîi  &is  de  la  serour  au  roi  30 
englès  et  dou  fil  ce  roy  Robert,  qui  fu  rois  d'Escoce 
apriès  le  mort  de  son  père,  et  le  clamoit  on  le  roy 
David.  Le  temps  que  ces  triewes  durèrent,  et  encores 
un  an  de  puis  ou  environ,  furent  li  Englès  et  li  Es- 
cot  bien  à  pais,  ohe  que  on  n'avoit  point  veu  en  de-  25 
vant,  passet  avoit  deus  c«is  ans,  qu'il  ne  se  fuissent 
guerriiet  et  heriiet. 

Or,  avint  que  li  jones  rois  d'Engleterre  fa  infour- 
més  que  li  rois  d'Escoce,  ses  seroui^esj  estoit  saisis 
de  le  bonne  cité  de  Bervich,  qui  devoit  estre  de  son   30 
royaume,  et  que  li  rois  Edouwars,  ses  taions,  Tavoit 


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lOi  CHRONIQUES  DE  J.  FAOISSART.  [133tJ 

tous  jours  tenue  paisevlement  et  francemeDt,  et  ses 
pères  aprîès,  un  grant  temps.  £t  fu  infourmés  que  li 
royalmes  d'Ëscoce  mouvoit  en  fief  de  lui,  et  que  ti 
Jones  rois  d'Escoce,  ses  serourges,  ne  t'avoit  encores 
5  relevet  ne  feit  hommage.  Il  en  ot  indignation,  et  eU' 
voia  assés  tost  apriès  grans  messages  et  soufiissans  au 
jone  roy  David,  son  seroui^e,  et  à  son  conseil.  Et  li 
fist  requ^re  que  il  vosist  osier  se  main  de  le  bonne 
cité  de  Bervich  et  lui  resaisir,  car  c'estoit  ses  bons 

10  hiretages,  et  avoit  tous  jours  esté  ses  ancisseurs  rois 
d'Engleterre  ;  et  qu'il  venist  à  lui,  pour  foire  hom- 
mage del  royaulme  d'Ëscoce,  qu'il  devoit  tenir  de 
lui  en  fief. 
Li  Jones  rois  David  se  consilk  à  ses  barons  et  à 

li  chiaus  de  son  pays,  par  grant  délibération  de  con- 
seil. £t  quant  il  fîi  assés  consilliés  sour  ces  requestes, 
il  respondi  as  messages  et  dist  :  «  Sîgneur,  jou  et 
tout  mi  baron  nous  mervillons  durement  de  ce  que 
TOUS  nous  requerés,  de  par  le  roy  nostre  serout^e. 

20  Car  nous  ne  trouvons  mies  à  nos  anciiens,  ne  ne  te- 
nons que  H  royaumes  d'Escoce  soit  de  riens  subgès 
ne  doit  estre  au  roy  d'Engleterre,  ne  par  hommage, 
ne  autrement.  Ne  onques  messires  U  rois,  nos  pères, 
de  bonne  memore,  n'en  volt  faire  hommage  à  ses 

35  ancisseurs,  rois  d'Engleterre,  pour  guerre  que  ou  l'en 
fesist.  Ossi,  n'ai  jou  point  conseil  ne  volenté  dou 
faire.  En  apriès,  nos  pères,  li  rois  Robers  conquist 
la  cité  de  Bervich,  par  droite  guerre,  sur  le  roy  son 
pèi^e,  et  le  obtint  comme  son  bon  hyrelage,  tout  le 

30  cours  de  se  vie.  Et  ossi  le  pense  jou  bien  à  tenir,  et 
en  ferai  mon  pooir.  Si  vous  requier  que  vous  voellïés 
pi-iier  au  roi,  oui  sereur  nous  avons,  qu'il  nous  voelle 


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[1333]  LIVRE  PREMIER,  g  SO.  105 

laissier  en  oelle  franchise  que  no  devantrain  ont  esté, 
et  goïr  de  ce  que  U  rois,  nos  pèr^,  conquist  et  main- 
tint toute  se  vie  paisievlement,  et  que  encontre  oe 
ne  voelle  croire  nul  mauvais  conseil.  Car,  se  uns 
aultres  nous  voloit  Ëiire  tort,  si  nous  deveroit  il  ai-  s 
dier  à  deffendre,  pour  l'amour  de  sa  sereur  oui  nous 
avons  à  femme.  >  Li  message  respondirent  :  «  Sire, 
nous  avons  bien  entendu  vostiv  response.  Si  le  re- 
porterons volentiers  à  nostre  signeur  le  roy,  en  tel 
manière  que  dit  l'avés.  »  Puis  prisent  cong^et,  et  1<) 
revinrent  arrière  à  leur  signeur,  le  roy  d'Engleterre, 
et  à  son  conseil.  Si  reoordèrent  toutes  tes  paroUes 
que  li  Jones  rois  d'Escoce  avoit  respondu  à  leur  re- 
queste.  Li  quels  rapors  ne  plaisi  mies  bien  au  roy 
Edowrart,  ne  à  son  conseil.  Ains  fist  mander  à  Lon-  i!> 
dres,  au  jour  de  Parlement,  tous  les  barons,  cheva- 
liers et  consaulz  des  bonnes  villes  de  son  royalme, 
pour  avoir  sur  ce  conseil  et  meure  délibération. 

Ce  terme  pendant,  vint  messires  Robers  d'Artois 
en  Engleterre,  à  guise  de  marcheant,  qui  estoit  de-  30 
caciés  don  roy  Phelippe  de  France,  si  com  vous  avés 
oy.  Et  li  avoit  li  dus  de  Braibant,  ses  cousins,  con- 
seilliet  qu'il  se  traisist  celle  part,  ou  cas  qu'il  ne 
pooit  nulle  part  demorer  paisievlement  en  France, 
ne  en  l'Empire.  Si  le  rechut  li  jones  rois  englès  lie-  35 
ment,  et  le  retint  volentiers  dalés  lui  et  de  son  con- 
seil. Et  li  assena  le  conlé  de  Ricemont,  qui  avoit  esté 
ses  ancisseurs.  Or  me  retrairai  as  dessus  dis  Parle- 
mens,  qui  furent  à  Londres,  sus  l' estât  dou  royaume 
d'Escoee.  ^ 

$  50.  Quant  iî  jours  de  Parlement  approça  que 


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106  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSiUlT.  [1333} 

li  rois  englès  avoit  establi,  et  tous  li  pays  fti  assam- 
blés  au  mandement  le  roy  à  Londres,  11  rois  leur  fist 
demoustrer  comment  il  avoit  fiiit  requerre  au  roy 
d'Ësooce^  son  seroiu^e,  que  il  vosist  oster  se  main 
K  de  le  cité  de  Berrich  qu'il  detenoit  à  tort,  et  qu'il 
vosist  venir  faire  hommage  à  lui  de  son  royalmo 
d'Escoce,  ensi  qu'il  devoit  ;  et  comment  li  rois  d'£s- 
coce  avoit  respondu  à  ses  messages.  Si  pria  à  tous 
que  cescuns  le  volsist  sour  ce  si  oonsillier  que  sen 

10  honneur  y  Aist  gardée.  Tout  li  baron,  li  chevaUer, 
li  oonsaukï  des  cités  et  des  bonnes  villes,  et  tous  II 
communs  pa^  se  oonsillièrent  sur  çou  et  raportérent 
leur  conseil,  tout  d'un  acord.  Li  quelz  consaulz  îa 
tek  que  il  leur  sambloit  que  U  rois  ne  pooit  plus 

15  pcNrter  par  honneur  les  tors  que  li  rois  d'Ëscoce  li 
feisoit,  Ains  conseillièrent  que  il  se  pourveist  si  ef- 
forciement,  qu'il  peuist  entrer  ou  royaume  d'Ëscoce 
si  poissamment,  que  il  peuist  ravoir  la  bonne  cité 
de  Bervio,  et  qu'il  peuist  si  constraindre  le  roy  d'Es- 

30  ooce  qu'il  fust  tous  joians,  quant  il  poroit  venir  à  son 

hommage  et  à  satis&tion.  Et  disent  qu'il  estoient  tout 

désirant  de  aler  avoech  lui,  à  son  commandement. 

IJ  rois  Edowars  fu  moult  joians  de  celle  response, 

car  il  veoit  le  bonne  volenté  de  ses  gens.  Sî  les  en 

95  regratia  moult  grandement,  et  leur  pria  que  cescuns 
fust  apparilliés  selonch  son  estât,  et  fuissent  à  un 
jour,  qui  adonc  fti  nommés,  droità  Noef  Chastiel  sur 
Thio,  pour  aler  reconquerre  les  droitures  apertenans 
à  son  royaulme  d'Ëngleterre.    Cescuns  se   haban- 

30  donna  à  celle  requeste,  et  en  rala  en  soo  lieu  pour 
lui  pourveir,  selonch  son  estât.  Et  li  rois  se  tist  pour- 
veir  et  apparitlier  si  souflissamment  que  à  tèle  be- 


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[1333]  LIVRE  PREMIGH,  S  ^*-  107 

songne  apertient.  Si  envoia  encores  aultres  messages 
à  son  dit  serourge,  pour  lui  souffissamment  sommer, 
et  apriès  pour  deffiier,  se  il  n'esloit  aultremeot  oon- 
silliés. 

§  51.  Li  jours  qui  dénommés  estoit  approça;  et    5 
vint  H  rois  Ëdouwars,  à  tout  son  host,  au  Noef 
Chastiel  sour  Thin.  Si  attend!  par  trois  jours  ses  gens 
qui  venoient  en  siewant  l'ost.  Au  quart  jour,  il  s*en 
parti  et  s'en  ala  à  toute  son  hosi  par  devers  Ëscooe, 
et  passa  la  terre  le  signeur  de  Persi  et  oesti  de  Noef-   lo 
ville,  (jii  sont  doî  grant  baron  de  Northombrelande, 
et  marcissent  as  Escos.  Et  ossi  font  li  sires  de  Ros, 
li  sires  de  Lusi  et  li  sires  de  Montbrai.  Si  se  traist  li 
rois  englès,  et  toute  son  host,  par  devers  le  cité  de 
Bervich.  Car  lï  rois  d'Escoce  n'avoit  volut  respondre   is 
aultranent  as  secons  messages  qu'il  avoit  fait  as  pre- 
miers, si  qu'il  estoit  souflissamment  sommés  et  def- 
fiiés. 

Tant  esploita  11  rois  englès,  à  toute  son  grant  host, 
qu'il  entra  en  Escoce,  et  passa  le  rivière  qui  départ  20 
Escoce  et  Engleterre  ;  et  n'eut  mies  adonc  conseil  de 
lui  arrester  devant  Bervich,  mais  de  chevaucier  avant 
et  ardoir  et  exiUier  le  pays,  si  com  ses  taions  avoit 
Élit  jadis.  Si  esploita  tant  en  ceste  cevaucie  qu'il 
foula  grandement  toute  le  plainne  Escoce,  et  ardi  et  25 
exilla  moult  de  villes  fremées  de  fossés  et  de  palis, 
et  prist  le  fort  chastiel  de  Haindebourch,  et  y  mist 
gens  et  gardiens  de  par  lui,  et  passa  le  seconde  ri- 
vière d'Escoce  desous  Struvelin.    Et  coururent  ses 
gens  tout  le  pays  de  là  environ,  jusques  à  Saînt-Je-  30 
hans-ton,  et  jusques  en  Ahredane.  Et  ardirent  et 


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108  CHRONIQUES  DE  J.  PROISSilRT.  [1333} 

exillièrent  le  bonne  ville  de  Donfremelin,  mais  il  ne 
Gsent  nul  damage  villain  à  Tabbeye,  car  li  rois  le 
deffendi.  Et  conquisent  tout  le  pays  jusques  à  Don- 
dieu  et  jusques  à  Dubretan,  un  très  fort  chastiel,  sus 
5  le  marée  de  le  sauvage  Esooce,  où  It  rois  estoit  re- 
très  et  li  royne  d'Escoce,  sa  femme.  Ne  nulz  n'aloil 
au  devant  des  Ënglès,  mais  s'estoient  mis  et  retret 
tout  dedens  les  forés  de  Gedours,  qui  sont  inhabita- 
bles pour   chiaus   qui  ne  eognoissent  le  pays.  El 

10  avoient  là  attrait  tout  le  leur  et  mis  à  sauveté,  et  ne 
faisoient  compte  dou  demorant. 

Che  n'estoit  mies  merveilles  s*il  estoient  esbahi, 
et  s'il  fuioient  devant  tes  Englès.  Car  il  n'avoient  nul 
bon  chapitainne  ne  sage  guerrieur,  si  com  il  avoient 

15  eu  dou  temps  passé.  Premièrement,  Il  rois  David, 
leurs  sires,  estoit  jones  en  l'eage  de  quinze  ou  de 
seize  ans,  li  contes  de  Moret  encores  plus  jones,  et 
uns  damoisiaus  qui  s'appelloit  Guillaumes  de  Dou- 
glas, neveus  à  celui  qui  estoit  demorés  en  Espagne, 

30  de  cel  eage  :  si  ques  li  pays  et  II  royaumes  d'Escoce 
estoit  tous  despourveus  de  bon  conseil,  pour  aler  ne 
résister  contre  les  Englès,  qui  adonc  estoient  si  pois- 
samment  entré  en  Escoce.  Pour  quoi,  toute  li  plainne 
Escoce  fil  courue,   arse  et  gastée,  et  pluiseurs  bons 

35  chastiaus  pris  et  conquis,  et  que  li  rois  englès  retint 
pour  lui.  Et  s'avisa  que  par  chiaus  il  guerrieroit  le 
remanant,  et  constraind^xiit  ses  ennemis  dou  leur 
meismes. 

S  52.  Quant  li  rois  englès  eut  esté  et  sejounié, 

30  couru  et  chevaucié  le  plainne  Escoce,  et  arresté  ou 

pays  le  terme  de  sis  mois  et  de  plus,  et  il  vit  que 


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[1333]  LIVRE  PREMIER,  §  9S.  109 

nuk  ne  venoit  contre  lui  pour  veer  sent  emprise,  il 
se  retraist  tout  ]3ellement  par  devers  Bervich.  Mes,  à 
son  retour,  il  conquist  et  gaegna  le  chastiel  de  Dal- 
quest,  qui  est  de  Thiretage  le  conte  de  Douglas,  et 
siet  à  cinq  liewes  de  Haindebourch  ;  et  y  ordonna  b 
ohastellain  et  bonnes  gardes  [tour  le  garder.  Et  puis 
chevauça  à  petites  journées,  et  fîst  tant  qu'il  s'en  re- 
vint devant  le  bonne  et  le  forte  cité  de  Bervich,  qui 
est  à  l'entrée  d*Ëscoce,  et  à  l'issue  dou  royaume  de 
Northombrelande.  Si  le  assega  et  environna  li  rois  lo 
de  tous  poins,  et  dist  que  jamais  n'en  partiroit,  si 
l'aroit  à  se  volenté  non,  se  li  rois  d'Escoce  ne  le  ve- 
noit combatre  et  lever  par  force. 

Si  se  tint  U  li  rois  un  grant  temps  devant  Bervich, 
ançois  qu'il  le  peuist  avoir,  car  la  cité  est  -durement  is 
forte,  et  bien  fremée,  et  environnée  d'un  lés  d'un 
brach  de  mer.  £t  se  y  avoit  dedens  bonnes  gens  en  gar- 
nison de  par  le  roy  d'Escoce,  pour  le  garder  et  deffen- 
drc  et  consillier  les  bourgois  de  le  cité.  Si  vous  di 
qu'il  y  eut  par  devant  Bervich,  le  terme  pendant  que   30 
li  rois  englès  y  sist,  maint  assaut,  maint  hustin  et 
mainte  dure  escarmuce  et  priés  que  tous  les  jours, 
et  mainte  apertise  d'armes  faite.  Car,  cil  de  dedens 
cuidoient  toutdis  estre  aidié  et  conforté,  mais  nulz 
upparans  n'en  fu.  Si  en  est  ventés  que  aucun  preu  ss 
chevalier  et  bacheler  d'Escoce  chevauçoient  à  le  fois, 
et  venoient  par  vesprées  et  par  ajoumemens  resvil- 
lier  t'ost  as  Englès,  mais  petit  y  faisoient.  Car  li  hos 
le  roy  englès  estoit  si  soufiissamment  bien  gardée  et 
escai^tie,  et  par  si  bonne  manière,  et  si  grant  avis,  30 
que  li  Escot  n'i  pooient  entrer,  fors  à  leur  damage, 
et  y  perdoient  souvent  de  leurs  gens. 


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110  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSÀRT.  [1333] 

Quant  oil  de  Bervich  veirent  que  il  ne  seroient  se- 
couru ne  conforté  de  nul  costé,  et  ossi  que  U  rois 
engtès  ne  partiroit  point  de  là  s'en  aroit  eu  se  vo- 
lentéj  et  que  vivre  leur  amenrissoient,  et  leur  es- 
&  toient  clos  li  pas  de  mer  et  de  terre,  par  quoi  nulz 
ne  lenr  en  pooit  venir,  si  se  commenoièrent  à  aviser, 
et  envoiièrent  devers  te  roy  englès  trettier  que  il  leur 
volsist  donner  et  acorder  une  triewe,  à  durer  un 
mois;  et  se,  dedens  ce  mois,  U  rois  David  leurs  si- 
lo res,  ou  aultres  pour  lui,  ne  venoit  là  si  fors  que  il 
levast  le  siège,  il  renderoient  le  cité,  salve  leurs  corps 
et  leurs  biens;  et  c[ue  li  saudoiier  qui  dedens  estoient 
s'en  peuissent  aler,  s'il  voloient,  en  leur  pays  d'Es- 
eoce,  sans  recevoir  point  de  damage. 
15  Li  rois  englès  et  ses  consaulz  entendirent  à  ces 
Irettiés;  et  ne  furent  mies  si  tost  acordé,  car  li  rois 
englès  les  voloit  avoir  simplement  pour  feire  des  au- 
cuns se  volenté,  pour  tant  qu'il  s'estoient  tant  tenu 
contre  lui.  Mais  finabtement  il  se  laissa  à  dire  par  le 
20  bon  avis  et  conseil  qu'il  eut  de  ses  hommes.  Et  ossi 
messires  Robers  d'Artois  y  rendi  grant  painne,  qui 
avoit  esté  en  ces  chevaucies  toutdis  avoech  lui,  et 
qui  li  avoit  jà  dit  et  demoustré,  par  pluiseurs  clères 
voies,  oom  proçains  il  estoit  de  le  couronne  de 
35  France,  dont  U  se  devoit  tenir  hiretiers,  par  le  sue- 
cession  de  monsigneur  Charlon  le  roy,  son  oncle, 
daarrainnement  trespasset.  Si  veist  volontiers  U  dis 
messires  Robers  que  li  rois  englès  esmeuist  guerre  as 
François,  pour  lui  contrevengier  des  despis  que  on 
30  li  avoit  Ëiis,  et  que  li  rois  englès  se  fust  partis  d'Es- 
coce,  à  quel  mesebief  que  ce  fust,  et  retrais  vers 
Londres  :  si  ques  ces  parolles  et  pluiseurs  aultres  en- 


;vGoo»^lc 


[1333J  UVaS  PaËHiER,  $  Ht.  iU 

clioèrent  grandemeot  le  roy  à  çou  que  àlz  trettiés  , 
de  Bervich  se  passa.  Et  furent  les  triewes  acordées 
de  chiaus  de  dehors  à  chîaus  de  dedens,  le  mois  tout 
acompli.  Et  le  segaefîèrent  cil  de  Bervioh  à  chiaus 
de  leur  costé  bien  et  à  point,  au  roi  d'Escooe,  leur  s 
signeur,  et  à  son  conseil,  qui  ne  peurent  veoir  ne 
imaginer  voie  ne  tour  qu'il  fuissent  fort  pour  com- 
batre  le  roy  englès  ne  lever  le  siège. 

Si  demora  la  cose  en  cel  estât,  et  fti  la  cité  de 
Bervich  rendue,  au  chief  dou  mois,  au  roy  englès,  lo 
et  os»  li  chastiaus,  qui  est  moult  biaus  et  moult 
fors,  au  dehors  de  le  cité.  Et  en  prisent  li  mareschal 
de  l'bost  le  saisine  et  le  possession,  de  par  te  roy 
englès.  Et  vinrent  li  bourgois  de  le  cité  en  l'est  &ire 
hommage  et  feaulté  au  dit  roy,  et  jurèrent  et  reoo-  li 
gneurent  à  tenir  le  cité  de  Bervich  de  lui.  Apriès,  y 
entra  li  rois  à  grant  solennité  de  trompes  et  de  na- 
kaires;  et  y  séjourna  de  puis  douze  jours,  et  y  or- 
donna un  bon  chevalier  à  gardiien  et  à  souverain, 
qui  s'appelloit  messlres  Edouwars  de  Bailluel.  Et  30 
quant  il  se  parti  de  Bervich,  il  laissa  avoecques  le  dit 
chevalier  pluiseurs  jones  chevaliers  et  escuiers,  et 
pour  aidier  à  garder  le  terre  conquise  sus  les  Escos, 
et  les  frontières  de  celui  pays. 

Si  s'en  retourna  li  rois  vers  Londres,  et  donna  à  S5 
toutes  manières  de  [gens']  congiet,  et  s'en  râla  ces- 
cuns  en  son  lieu.  Et  il  meismes  s'en  revint  à  Win- 
desore,  où  le  plus  volentiers  se  tenoit,  et  messires 
Robers  d'Artois  dalés  lui,  qui  ne  cessoit  nuit  ne 
jour  de  lui  remoustrer  quel  droit  il  avoit  à  le  cou-  30 

1.  Hi.  de  Gaigni^Ki,  P>  26  v>  .  —  M*.  6h77,  f  39  (Ucune). 


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Iti  OHaONlQUES  DE  ].  FROISSART.  [1333] 

ronne  de   France.   Et   li  rois   y  entendoil   volen- 


§  53.  Ensi  ala  en  ce  temps  de  le  chevaucie  le  roy 
englès  sus  les  Escos.  Il  gasta  et  exilla  le  plus  grant  par- 

5  tîe  de  leur  pays.  Et  y  pris!  plulseurs  fors  chastiaus, 
que  ses  gens  obtinrent  sus  les  Escos  de  puis  ua  grant 
temps,  et  principaument  le  bonne  cité  de  Bervich. 
Et  estoient  demoret  de  par  le  roy  englès,  pour  tenir 
les  frontières,  pluiseur  apert  bacheler,  cbevalier  et 

10  escuier,  entre  les  quelz  messires  Guillaumes  de  Moa- 
tagut  et  messires  Gautîers  de  Mauni  en  font  bien  à 
i-amentevoir.  Car,  de  le  partie  des  Englès,  cil  doi 
en  avoient  toute  le  huée;  et  feisoient  souvent  sus  les 
Escos  des  hardies  emprises,  des  belles  chevaucies, 

15  des  meslées  et  des  hustins.  Et  par  usage,  le  plus  il 
gn^noient  sus  yaus,  dont  il  acquisent  grant  grasce 
devers  le  roy  et  les  barons  d'Engleten-e. 

Et  pour  mieus  avoir  leur  entrées  et  leurs  issues  en 
Escoce  et  à  mestriier  le  pays,  messires  Guillaumes 

30  de  Montagut,  qui  fu  appers,  hardis  et  entreprendans 
chevaliers,  durement  fortelia  le  bastide  de  Hose- 
bourch,  sus  le  marce  d'Escoce,  et  en  Bst  un  bon 
chastiel,  pour  tenir  et  defièndre  contre  tout  homme. 
De  quoi  li  rois  englès  li  sceut  grant  gré,  et  acquist 

35  si  grant  renommée  et  si  grant  grasce  en  ces  entrepre- 
sures,  dou  roy  Edowart,  que  U  rois  le  fist  conte  de 
Salbrin,  et  le  maria  moult  hautement  et  très  noble- 
ment. Ossi  6st  messires  Gautiers  de  Mauni,  qui  de- 
vînt en  ces  chevaucies  chevaliers,  et  fu  retenus  dou 

30  plus  secret  conseil  le  roi,  et  moult  avanciés  en  se 
court.  El  fist  de  puis  li  dis  messires  Gautiers  tant  de 


;vGoo»^lc 


[1333]  UVAE  PItEMIER,  §  93.  H3 

belles  appertises  et  de  grans  &is  d'armes,  si  eom 
vous  orés  avant  en  Tystore,  que  11  livres  est  moult 
renlumiués  de  ses  proèces. 

Pien  est  voÎTS  que  aucun  preu  chevalier  d'Escoce 
£ùsoient  souvent  anoi  as  Englès,  et  se  tenoient  tout-  5 
dis  par  devers  le  sauvage  Escoce,  entre  grans  mares 
et  grandes  hautes  forés,  là  nuls  ne  les  pooit  siewir. 
Et  sievoient  à  le  fois  les  Englès  de  si  priés  que  tous 
les  jours  y  avoit  puigneis  ou  hustin.  Et  toutdis  mes- 
sires  Guillaumes  de  Montagut  et  messires  Gautiers  de  10 
Mauni,  adonc  nouviel  chevalier,  y  estoient  renommé 
pour  les  miex  faisans  et  les  pins  enventureus.  E)t  y 
pierdi  à  ces  hustins  et  puigneis  li  dis  messires  Guil- 
laumes, qui  estoit  hardis  et  durs  chevaliers  mervit- 
leusement,  un  oel,  par  ses  hardies  emprises.  îs 

En  ces  grans  mares  et  en  ces  grans  forés,  là  où  cil 
signeur  d'Escoce  se  tenoient,  s'estoit  jadis  H  prens 
rois  Robers  d'Escoce  tenus  par  pluiseurs  fois,  quant 
li  rois  Edouwars,  taions  à  celui  dont  nous  parlons 
présentement,  l'avoit  desconfit,  et  conquis  tout  le  20 
royaume  d'Escoche.  Et  pluiseurs  fois  fu  il  si  menés 
et  si  decaciés  qu'il  ne  trouvoit  aullui  qui  l'osast  her- 
b^ier,  ne  soustenir  en  chastiel  ne  en  forterèce,  pour 
le  doubtance  de  ce  roy  Ëdouwart,  qui  avoit  si  net- 
tement conqub  toute  ^coce  qu'il  n'i  avoit  ville,  25 
chastiel  ne  forterèce  qui  n'obeisist  à  lui.  Et  quant 
cilz  rois  Edouwars  estoit  arrière  revenus  en  Engle- 
terre,  chilz  preus  rois  Robers  rassambloit  gens  d'ar- 
mes, quèle  part  que  il  les  pooit  trouver,  et  recon- 
queroit  tous  ses  chastiaus,  ses  forteréces  et  ses  bonnes  30 
villes  jusques  à  Bervich,'Ies  unes  par  force  et  par 
bataille,  et  les  aultres  par  biaus  parlers  et  par  amours. 


;vGoo»^C 


m  CUflONIQUBS  DK  J.  FftOlSSART.  [1336] 

Et  i^ant  H  rois  Edouwars  le  savoit^  il  en  avoit  graot 
despitj  et  faisoit  tantost  semonre  ses  os,  et  ne  cessoit 
jusques  à  tant  qu'il  Tavoit  de  rechief  desconBt,  et 
reconquis  le  royaulme  d'Escoce  eomine  devant. 
5  Ensi  avint  entre  ces  deus  rois,  si  comme  jou  ay 
oy  recorder,  que  cilz  rois  Robers  reconquist  son 
royaume,  par  cinq  fois.  Et  ensi  se  maintinrent  cil 
doi  roy,  que  on  tenoit  à  leur  temps  pour  les  deus 
plus  preus  del  monde,  tant  que  li  bons  rois  Edowars 

10  fil  trespassés,  et  trespassa  en  le  bone  cité  de  Ber- 
vich.  Et  avant  qu'il  morut,  il  iist  appeller  son  ainnet 
fil,  qui  fu  rois  apriès  lui,  par  devant  tous  ses  hom- 
mes. Et  li  fist  jurer  sus  Sains  que,  si  tost  qu'il  serait 
trespassés,  il  le  feroit  boulir  en  une  caudière,  tant 

is  que  li  char  se  partiroit  des  os,  et  feroit  le  char  met- 
tre en  terre  et  garderoit  les  os.  Et  toutes  fois  que  li 
.  Ëscot  reveleroient  contre  lui,  il  semonroit  ses  gens 
et  assambleroit  et  porteroit  avoech  lui  les  os  de  son 
père.  Car  il  tenoit  fermement  que,  tant  qu'il  aroit 

2D  ces  os  avoech  lui,  U  Escot  n'aroîent  point  victore 
contre  lui.  Li  quels  ne  acopapli  mies  che  qu'il  avdit 
juret.  Ains  fist  son  père  raporter  à  Londres,  et  là  en- 
sepelir  contre  son  sierement.  Pour  quoi  il  li  meschei 
de  puis  en  piuiseurs  manières,  si  com  vous  avés  oy, 

25  et  premièrement  à  le  bataille  de  Siruvelin,  là  où  li 
Escot  eurent  victore  contre  lui. 

§  54.  Apriès  ce  que  li  jones  rois  d'Engleterre  eut 

&it  hommage  au  roy  Phelippe  de  France,  de  le  conté 

de  Pontieu  et  de  tout  ce  qu'il  li  apertenoit  à  faire, 

30  eut  li  dis  rois  Phelippes  grasee  et  dévotion  de  venir 

veoir  le  Saint  Père  pape  Benedie,  qui  pour  le  temps 


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[1336]  LIVRE  PREMIER,  §  S*.  IIS 

r^noit  et  se  tenoit  en  Avignon,  et  de  viseter  une 
partie  de  son  royaulme,  pour  lui  déduire  et  esbatre, 
et  pour  aprendre  à  cognoistre  ses  cités,  ses  villes  et 
se»  cbastiaus,  et  les  nobles  de  son  royaume.  Si  fîst 
faire  en  celle  istance  ses  pourveances  grandes  et  5 
grosses,  et  se  parti  de  Paris  en  très  grant  arroi,  le 
roi  de  Behagne  et  le  roi  de  Navare  en  se  compagnie, 
et  ossi  grant  fuison  de  dus,  de  contes  et  de  s^neurs, 
car  il  tenoit  grant  estât  et  estoffet,  et  faïsoit  grans  li> 
vrées  et  grans  despens.  Si  chevauça  li  rois  ensi  parmi  lo 
Boui^ngne,  et  fist  tant  par  ses  petites  journées  qu'il 
vint  en  Avignon,  où  il  fii  moult  solennelment  reoeus 
dou  Saint  Père  et  de  tout  le  Collège,  et  l'onnourèrent 
dou  plus  qu'il  peurent.  Et  fu  de  puis  grant  tenne  là 
environ  avoech  le  pape  et  les  cardinauls,  et  se  lo-  15 
goit  à  Ville  Nove  dehors  Avignon.  Si  vint  li  roisd'Ar- 
ragon  en  ce  meisme  temps  ossi  en  court  de  Romme, 
pour  lui  veoir  et  festiier.  Si  y  eut  grans  festcs  et 
grans  solennités  à  leurs  approcemens  et  à  leurs  as- 
samblées.  Et  lurent  là  tout  le  quaresme  ensievant.        30 

Donc  il  avint  que  certainnes  nouvelles  vinrent  en 
court  de  Romme  que  li  ennemi  de  Dieu  estolent 
trop  fort  révélé  contre  le  Sainte  Terre,  et  avoient 
reconquis  priés  que  tout  le  royaume  de  Rasse,  et 
pris  le  -roy  qui  s'estoit  de  son  temps  crestiennés,  et  J5 
fait  morir  à  grant  martire.  Et  maneçoient  encores  li 
incrédule  grandement  sainte  Crestienlé.  De  ces  nou- 
velles fil  li  papes  moult  courouciés,  ce  fii  bien  rai- 
sons, car  il  estoit  chiés  de  l'Eglise,  à  cui  tout  bon 
crestien  se  doivent  ralloiier.  Si  preeça,  le  jour  dou  3or 
Saint  Venredi,  présent  les  rois  dessus  nommés,  le 
digne  sou£france  de  Nostre  Signeur,  et  euhorta  et  re- 


;vGoo»^lc 


116  CHRONIQUES  DK  J.  FHOISSART.  [1836] 

moustra  grandement  le  croîs  à  prendre  et  encai^ier, 
pour  aler  sus  les  ennemis  de  Dieu.  Et  si  humblement 
fourma  se  predicacion,  que  li  rois  de  France,  meus 
en  graot  pité>  prist  là  le  crois,  et  requist  au  SaÎAt 
5  Père  qu'il  li  volsîst  acorder.  Adonc  li  papes  Benedic, 
qui  vit  le  bonne  vol^ité  dou  roy  de  France,  li  acorda 
benignement  et  le  confirma,  par  condition  que  il 
absoloit  de  painne  et  de  coupe  vrais  confès  et  vrais 
repentans,  le  roi  de  France  premièrement,  et  tous 

10  chiaus  qui  avoech  lui  iroient  en  ce  saint  volage. 
Adonc,  par  grant  dévotion,  et  pour  l'amour  dmi  roi, 
et  lui  tenir  compagnie  en  ce  pèlerinage,  li  rois  Char- 
les de  Behagne,  U  rois  de  Navare  et  li  rois  Pières 
d'Arragon  le  prisent,  et  grant  fuison  de  dus,  de  con- 

15  tes,  de  barons  et  de  chevaliers  qui  là  estoient,  et 
ossi  quatre  cardinal,  li  cardinaulz  Blans,  h  cardinaus 
de  Naples,  li  cardinaulz  de  Pieregorth,  et  U  cardi- 
naulz d'Ostie.  Si  fu  tantost  celle  crois  publiie  et  pree- 
cie  par  le  monde,  et  venoit  à  tous  signeurs  à  grant 

30  plaisance,  et  especialment  à  chiaus  qui  voloient  le 
tamps  dispenser  en  armes,  et  qui  adonc  ne  le  sa- 
voient  bien  raisonnablement  où  emploiier. 

Quant  li  rois  de  France  et  li  roi  dessus  nommet 
eurent  esté  un  grant  temps  dalés  le  pape,  et  il  eu- 

35  rent  retté  et  avisé  et  confermé  le  plus  grant  partie 
de  leurs  besongnes,  il  se  partirent  de  court,  et  pri- 
sent congiet  au  Saint  Père.  Si  s'en  râla  li  rois  d'Ar^ 
ragon  en  son  pays.  Et  li  rois  de  France  et  se  com- 
pagnie s'en  vinrent  à  Montpellier,  et  là  furent  il 

30  un  grant  tamps.  Et  fist  adonc  U  rois  Phelippes  une 
pais,  de  grant  hayne  qui  se  mouvoit  entre  le  roy 
d'Arragon  et  le  roy  de  Maiogres.  Apriès  celle  pais 


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[13S6]  LintE  HtEMIEB,  $  S5.  ilT 

fidte,  il  s'en  retourna  en  France  à  petites  journées  et 
as  grans  despens,  visetaot  ses  cités,  ses  villes,  ses 
chastiaus  et  ses  forlerèces,  dont  il  avoit  sans  nom- 
bre; et  rapassa  parmi  Auvei^e,  parmi  Berri,  parmi 
Biausse  et  parmi  le  Gastinob,  et  revint  à  Paris,  où  il  & 
fu  l'eceus  à  grant  feste.  Adonc  estoit  11  royaumes  de 
France  gras,  plains  et  drus,  et  les  gens  riches  et  pos- 
sessans  de  grant  avoir,  ne  on  n'i  savoit  parler  de 
nulle  guerre. 

§  55.  Ens  l'ordenance  de  le  crois,  pour  aler  oultre  lo 
mer,  que  li  rois  de  France  avoit  empris  et  encai^et, 
et  dont  il  se  Ëtisoit  chiés,  se  avisèrent  pluiseur  si- 
gneur  par  le  monde,   et  l'emprisent  ossi  li  aucun 
par  grant  dévotion.  Car  li  papes  absoloit  tous  chiaus 
de  painne  et  de  coupe,  qui  en  ce  saint  volage  iroient.    15 
Si  fu  la  ditle  ctchs  manifestée  et  preecie  par  le  monde  ; 
et  venoit  à  pluiseurs  chevaliers  bien  à  point,  qui  se 
desiroient  à  avancier.  Si  fist  li  rois  Phelippes,  comme 
chiés  de  ceste  emprise,  le  plus  grant  et  le  plus  Inel 
apparel  qui  onques  euist  estet  làis  pour  aler  oultre  SO 
mer,  ne  dou  temps  Godefroi  de  Builton,  ne  d'aultre. 
£t  avoit  retenu  et  mis  en  certains  pors,  c'est  assavoir 
de  Marselle,  de  Aiguemortes,  de  Lattes,  de  Nerbonne 
et  d'environ  Montpellier,  tel  quantité  de  vaissiaus, 
de  naves,  de  carrakes,  de  gallé[es]  et  de  baises,  que  25 
pour  passer  et  porter  soissante  mil  hommes  et  leurs 
pourveances.  Et   le  fist  tout  le  temps  pourveir  de 
bescuit,  de  vins,  de  douce  aiguë,  de  chars  sallées,  et 
de  toutes  aultres  coses  neccessaires  pour  gens  d'ar- 
mes, et  pour  vivre,  et  si  grant  plenté  que  pour  durer  30 
trois  ans,  s'il  besongnoit. 


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118  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.        '   [i33«] 

Et  envoia  encores  U  dis  rois  de  France  grans  mes* 
sages  par  devers  le  roy  de  Hongerie,  qui  estoit  moult 
vaillans  homs,  en  lui  priant  que  il  fîist  appareitliés, 
et  ses  pays  ouvers,  pour  recevoir  les  pèlerins  de  Dieu. 
5  Cils  rois  de  Hongerie  y  entendi  voleatiers^  et  dist 
que  il  estoit  tous  pourveus  et  ses  pays  ossi,  de  rece- 
voir le  roy  de  France,  et  tous  chiaus  qui  avoech  lui 
iroient.  Tout  en  tel  manière,  le  segneBa  li  rois  de 
France  au  roy  de  Cippre,  monsigneur  Huge  du  Lu- 
10  zegnon,  un  vaillant  roy  durement,  et  ossi  au  roy  de 
Cecille,  qui  volentiers  y  entendirent,  et  se  pourvei- 
rent  selonoh  ce  bien  et  souflissamment,  à  le  priière 
et  requeste  dou  roy  de  France.  Encores  envoia  U  dis 
rois  devers  les  Venissîens,  en  priant  et  requérant 
15  que  leurs  mètes  fussent  ouvertes,  gardées  et  pour- 
venes.  Cil  obéirent  volentiers  au  roy  de  France,  et 
aoomplirent  son  commandement.  Ossi  lisent  li  Ge- 
neuois  et  tout  cil  de  le  rivière  de  Gennes.  Et  list 
li  rois  de  France  passer  oultre  en  l'iUe  de  Rodes  Je 
20  grant  prieus  de  France,  pour  aministrer  vivres  et 
pourveances  sus  leurs  mètes.  Et  fisent  cil  de  Saint 
Jehan,  par  acord  avoech  les  Venissiiens,  pourveir 
moult  soufHssamment  le  isle  de  Crète,  qui  est  de 
leur  signourie.  Briefinent,  cescuns  estoit  appareilliés 
25  et  rebraciés  de  faire  tout  ce  que  bon  estoit  et  sam- 
bloit,  pour  recueillier  les  pèlerins  de  Dieu.  Et  prisent 
plus  de  trois  cens  mil  personnes  le  crois,  pour  aler 
oultre  en  ce  voiage. 

§  56.  En  ce  tempore  que  ceste  crois  estoit  en  si 

30  grant  fleur  de  renommée^  et  que  on  ne  parloit  ne 

devisoit   d'auUre   cose,    se  tenoit  messires   Robers 


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[1337]  LIVRE  PREMIBR,  $  M.  119 

d'Artois  en  Engleterre,  esoaciés  de  FraDce,  dalës  le 
jone  roy  Edouwart,  et  avoit  esté  avocch  lui  au  con- 
quesl  de  Bervich  et  en  pluiseurs  ehevaucies  d'Escoce  : 
si  estoient  nouvellement  retourné  en  Ëngleterre.  Et 
eohortoit  et  consilloit  H  dis  messires  Robers  tempre  5 
et  tart  le  roy  qu'il  vosist  deffiier  le  roy  de  France, 
qui  tenoit  son  hyretage  à  grant  tort.  Dont  li  rois 
englès  eut  pluiseurs  fois  conseil,  par  grant  délibéra- 
tion, à  ceujz  qui  estoient  si  plus  secré  et  especial 
consilleur,  comment  il  s'en  poroit  maintenir  dou  lo 
destort  que  on  li  avoit  &it  dou  royaume  de  France, 
en  sa  jonèce,  qui  par  droite  succession  de  proismeté 
devoit  estre  siens  par  raison,  cosi  que  messires  Ro- 
bers  d'Artois  l'en  avoit  infourmet.  Et  l'avoient  li 
douze  per  et  li  baron  de  France  donnet  à  monsigneur  15 
Phelippe  de  Valois,  d'acort  et  ensi  que  par  jugement, 
sans  appeller  ne  adjoumer  partie  adverse.  Si  n'en 
savoit  li  dis  rois  que  penser,  car  à  envis  te  lairoit,  se 
amender  le  pooit.  Et  se  il  le  calengoit,  et  le  débat 
en  esmouvoit,  et  on  li  deveoit,  si  com  bien  faire  on  so 
poroit ,  et  il  s'en  tenist  tous  quois,  et  point  ne  l'a- 
mendoit  ou  son  pooir  n'en  Êtisoit,  plus  que  devant 
blasmés  en  seroit.  Et  d'autre  part,  il  veoit  bien  que, 
par  lui  ne  par  le  poissance  de  son  royaume,  il  poroit 
à  mesaise  mettre  au  desous  le  grant  royaume  de  35 
France,  se  il  n'acqueroit  des  signeurs  poissans,  en 
l'Empire  et  d'autre  part,  par  son  or  et  par  sou  ar- 
gent. Si  requfflxiit  souvent  à  ses  espeoiaulz  consiUeurs 
qu'il  li  volsissent  sur  ce  donner  bon  conseil  et  bon 
avis,  car  sans  grant  conseil  il  n'en  voloit  plus  avant  30 
entreprendre. 

A  le  parfin,  si  consilleur  li  respondirent  d'acord 


;vGoo»^lc  I 


122  CHRONIQUES  DE  J.  PROISSART.  [1337] 

et  ainsnet  fil  le  rot  d'Engleterre,  s'il  Iroeve  en  scm 
conseil  qu'il  le  voelle  entreprendre.  Ains  U  aîdo^i 
de  conseil  et  d'ayde,  à  mon  loyal  pooir.  Ossï  fera 
Jehans,  mes  frères^  qui  là  siet,  qui  aultre  fois  l'a  sier- 
5  vit.  Mais  saci^  qu'il  li  feuiroit  bien  avoir  aultre 
ayde,  plus  forte  que  n'est  la  nostre.  Car  Haynaus  est 
uns  petis  pays,  ce  savés,  ou  regard  dou  royaume  de 
France;  et  Engleterre  gist  trop  loing  pour  nous  sous- 
courre.  »  —  «  Certes,  sire,  vous  npus  donnés  très 

10  bon  conseil,  et  nous  moustrës  grant  amour  et  grant 
volenté;  de  quoi  nous  vous  r^rations,  de  par  nos- 
tre signeur  le  roy  »,  ce  respondi  li  evesques  de  Lin- 
colle,  pour  tous  les  aultres.  Et  dist  encores  :  «  Cbiers 
sires,  or  nous  consilliés  des  quelz  signeurs  nos  sires 

15  se  poroit  mieus  aidier,  et  des  quelz  il  se  poroit  miex 
fiier,  par  quoi  nous  H  puissions  reporter  vostre  con- 
seil. »  —  «Sour  l'ame  de  roi,  respondi  li  contes,  je 
ne  saroie  aviser  signeur  si  poissant,  pour  lui  aidier 
en  ces  besongnes,  <x>nune  seroit  li  dux  de  Braibant, 

30  qui  est  ses  a>ustns  germains,  ossi  U  evesques  de 
Liège,  li  dus  de  Guéries,  qui  a  sa  sereur  à  femme,  li 
arcevesques  de  Coulongne,  li  markis  de  Jullers,  mes- 
sires  Emoulz  de  Bakehen,  et  11  sires  de  Faukemont. 
Ce  sont  cil  qui  plus  aroient  grant  liiison  de  gens 

S5  d'armes,  en  brief  temps,  que  signeur  que  je  sace  en 
nul  pays  del  monde.  Et  si  sont  très  bon  guerrieur. 
Et  fineront  bien,  se  il  voellent,  de  huit  mille  ou  de 
dis  mille  armures  de  fier,  mais  que  on  leur  doinst 
de  l'ai^Dt  à  l'avenant.  Et  si  sont  signeur  et  gens 

30  qui  gaagnent  volentiers.  S'il  estoit  ensi  que  li  rois 
mes  filz  vos  sires  euist  acquis  ces  signeurs  que  je  dis, 
et  il  fiist  par  deçà  le  met,  il  poroit  bien  aler  re- 


:,Goo»^lc 


[1337]  IJVRE  PREMIER,  S  S'-  «3 

querre  le  roy  Phelippe  oultre  le  rivi^  d'Oise  et 
combatre  à  lui.  » 

Cilz  coDsaulz  pleut  grandement  à  ces  signeurs 
d*EngIeterre;  puis  prisent  congiet  au  conte  de  Hay- 
nau  et  à  moosigneiir  Jehan  de  Haynau,  son  firère.  Si  s 
s'en  râlèrent  Tiers  Engleterre  porter  au  roy  le  conseil 
qu'il  avoient  trouvet  ou  dessus  dit  conte  et  à  son 
frère.  Quant  il  furent  venu  à  Londres^  li  rois  leur 
fist  grant  feste.  Et  i!  li  racontèrent  tout  ce  qu'il 
avoient  trouvet  au  conseil  et  à  l'avis  dou  gentil  conte^  lO 
et  de  monsigneur  Jehan  de  Haynau,  son  irère.  Dont 
li  rois  eut  grant  joie  et  en  fii  grandement  reconfor- 
tés, quant  il  eut  entendu  tout  ce  que  ses  sires  li  eut 
mandet  et  consilliet. 

Or  vinrent  ces  nouvelles  en  France  et  montepliiè-  15 
rent  petit  à  petit,  que  li  rois  englès  supposoit  et  cn- 
tendoit  à  avoir  grant  droit  à  le  couronne  de  France. 
Et  fil  U  rois  FheUppes  enfourmés  et  avisés  de  ses 
plus  especiaulz  et  grans  amis  que,  s'il  aloit  ou  voiage 
d'oultre  mer  qu'il  avoit  ^apris,   il  metteroit  son  so 
royauhne  en  très  grant  aventure,  et  qu'il  ne  pooit 
faire  ne  esploitïer  milleur  painne  que  de  garder  ses 
gens  et  ce  qui  sien  estoit,  et  dont  il  tenoit  le  posses- 
sion, et  qui  devoit  retourner  à  ses  enfàns.  Si  se  re- 
froida  grandement  de  celle  crois  emprise  et  preecie.  35 
Et  contrananda  ses  officiiers  qui  ses  pourveances  &i- 
soient,  si  grandes  et  si  grosses  que  merveilles  seroit 
à  penser,  jusques  à  tant  qu'il  aroit  veu  de  quel  piet 
li  rois  englès  vorroit  aler  avant,  qui  mies  ne  se  re- 
froidoit  de  lui  pourveir  et  appareillier,  selonch  le  30 
conseil  c[ue  si  homme  li  avoient  raporté  dou  conte 
de  Haynau,  et  fist,  assés  tost  aprïès  ce  (pi'il  furent 


q,t,7edbvG00»^lc 


Iti  CHRONIQUES  DE  J.  FROISS&RT.  [133T] 

revenu  en  Engleterre,  ordonner  et  apparillier  dis 
chevalins  banerès  et  quarante  aultres  chevaliers  jo- 
ncs bachelers.  £t  les  [envoya']  à  grans  Irès  par  deçà 
le  mer,  droit  à  Valeneienes,  et  le  evesque  de  lin- 
5  coUe,  qui  fu  moult  vaillans  homs,  avoec  eulz,  eu 
cause  que  pour  trettier  à  ces  signeurs  de  l'Empire , 
que  li  contes  de  Haynau  leur  avoit  dénommés,  et 
pour  faire  tout  ce  qu'il  et  messires  Jehans,  ses  frè- 
reSj  en  consilleroient.  Quant  il  furent  venu  à  Valen- 
10  cîenes,  cescuos  les  regardoit  à  grans  merveilles,  pour 
le  biel  et  grant  estât  qu'il  maintenoient,  sans  riens 
espargnier  nient  plus  que  li  corps  dou  roy  d'Engle- 
terre  y  fust  en  propre  personne,  dont  il  acqueroient 
grant  grasce  et  grant  renommée.  Et  si  y  avoit  entre 
16  yaus  pluiseurs  bachelers,  qui  avoient  cescun  un  oel 
couvert  de  drap,  pour  quoi  il  n'en  peuist  veoir.  Et 
disoit  on  que  cil  avoîent  voet  entre  dames  de  letù' 
pays,  que  jamais  ne  verroient  que  d'un  oel  jusques 
adonc  qu'il  aroient  feit  aucunes  proèces  de  leurs 
30  corps  ens  ou  royaume  de  France,  le»  quelz  il  ne  vo- 
loient  mies  oognoistre  à  cbiaus  qui  leur  en  deman- 
doient.  Si  en  avoit  cescuos  très  grant  merveilles. 

Quant  il  furent  assés  festiiet  et  honnouret  à  Va- 
leneienes dou  conte  de  Haynau,  de  monsigneur  Je- 
25  han  de  Haynau,  son  frère,  et  des  signeurs  chevaliers 
dou  pays,  et  osa  des  bourgois  et  des  dames  de  Va- 
leneienes, li  dis  evesques  de  Lincolle  et  H  plus  grant 
partie  d'yaus  se  traisent  par  devers  le  duch  de  Brai- 
bant,  par  le  conseil  dou  conte  dessus  dit.  Si  les  fes- 
30  tia  li  dus  assés  soufHssamment,  car  bien  le  savoil 

1 .  Hi.  de  Gaignièrm,  (>>  39  i».  —  Hi.  6477,  f^  43  i>  :  ■  amou.  * 


:,Goo»^lc 


[1337]  LIVIt£  PREMIER,  $  88.  12S 

&âre.  Et  pais  se  accordèrent  si  bellement  au  duch 
que  il  eut  en  couvent  de  soustenir  le  roy,  son  cou- 
sin, et  toutes  ses  gens,  en  son  pays,  car  à  Ëiire  l'a- 
voil,  car  c'estoit  ses  cousins  germains  :  si  pooit  ve- 
nir, et  aler  et  demorer,  armés  et  desarmés,  toutes  & 
fois  qu'il  li  plairoit.  Et  avoec  ce  il  leur  eut  eu  cou- 
vent, par  tout  son  conseil  et  parmi  une  certaine 
somme  de  florins,  que,  se  li  rois  englès,  ses  cousins, 
voloît  le  roy  de  France  deffiier  souffissamment,  et  en- 
trer à  force  en  son  royalibe,  et  se  il  pooit  avoir  l'a-  10 
cord  et  Tayàc  de  ces  signeurs  d'Alemagne  deseure 
nommés,  il  le  deffieroit  ossi  et  iroit  avoech  lui,  à 
tout  mille  armeures  de  fier.  Ënsi  leur  eut  il  en  cou- 
vent par  son  créance.  De  quoi  il  cancela  et  detria 
puis  assés,  si  com  vous  orés  avant  en  Fystore.  a 

§  58.  Adonc  fîireut  cil  signeur  d'Engleterre  moult 
aise,  car  il  leur  sambla  qu'il  avoient  moult  bien  be- 
songnié,  tant  comme  au  duch.  Si  retournèrent  à  Va- 
lencienes,  et  flsent,  par  messages  et  par  For  et  l'ar- 
gent le  roy  d'Engleterre  leur  signeur,  tant  que  li  dus  20 
de  Guéries,  serourges  au  dit  roy  d'Engleterre,  li  mar- 
kisde  Jullers,  pour  luielpourl'arcevesquedeCoulon- 
gne  Walerant,  son  frère,  et  li  sires  de  Faukemont  vin- 
rent àValencienes  parler  à  yaus,  par  devant  le  conte  de 
Haynau,  qui  ne  pooit  mes  chevaucïer  ne  aler,  et  par  35 
devant  monsigneur  Jehan,  son  frère.  Et  esploitièrent 
si  bien  devers  yaus  que,  parmi  grandes  sommes  de 
florins  que  cescuns  devoit  avoir  pour  lui  et  pour  ses 
gens,  il  eurent  en  couvent  de  deffiier  le  roi  de  France, 
avoech  le  roy  englès,  quant  il  li  plairoit,  et  que  ces-  80 
cuns  d'vaus  le  serviroit,  à  un  certain  nombre  de 


D,qit,zeabvG00»^lc 


lie  CHAONIQUBS  DE  J.  FROISSART.  [1337J 

gens  d'armes  à  hyaumes  couronnés.  En  ce  temps 
parloit  on  de  hyaumes  couronnés;  et  ne  Ëiisoient  li 
signeur  nul  compte  d'aultres  gens  d'armes,  s'il  n'es- 
toient  à  hyaumes  et  à  timbres  couronnés.  Or  est  cilz 
&  estas  mués  maintenant;  on  pa|X)IIe  de  lances  ou  de 
glaves  et  de  jakes.  Et  vous  di  que  cil  signeur  dessus 
nommet  eurent  en  couvent  as  geas  le  roy  d'Engle- 
terre,  que  il  leur  aideroient  à  aultres  signeurs  d'oul- 
tre  le  Ein,  qui  bien  avoient  pooir  de  amener  grant 

10  fîiison  de  gens  d'armes,  mais  que  il  ewissent  souffis- 
samment  le  pourquoi.  Puis  prisent  congiet  li  dessus 
dit  signeur  alemant,  et  en  râlèrent  en  leur  pays. 

Et  li  signeur  d'Engleterre  demorèrent  encores  à 
Valencienes  et  en  Haynau,  dalés  le  conte,  par  quel 

ib  conseil  il  ouvroient  le  plus.  Si  priièrent  et  envoiiè- 
rent  encores  souffissans  messages  devers  l'evescpe  de 
Liège,  monsigneur  Aoulz,  et  l'euissent  volentiers  at- 
trait de  leur  partie;  mais  li  dis  evesques  n'i  volt  on- 
ques  entendre,   ne  riens  faire  encontre  le  roi  de 

30  France,  à  cui  U  estoit  devenus  homs  et  entré  en  se 
feaulté.  Li  rois  de  Behagne  ne  fii  point  priiés  ne 
mandés,  car  on  savoit  bien  qu'il  estoit  si  conjoins 
au  roi  de  France,  par  le  mariage  de  leurs  deus  en- 
fans,  dou  duc  Jehan  de  Nonnendie,  qui  avoit  à  fem- 

S5  me  ma  dame  Bonne,  fille  au  dessus  dit  roy,  que 
pour  celle  cause  il  ne  feroit  riens  contre  le  roy  de 
France.  Or  me  tairai  un  petit  d'yaulz,  et  parierai 
d'une  aultre  matère,  qui  à  ceste  se  rajoindera  chi 
apriès. 

ao  $  59.  En  ce  temps  dont  jou  ay  parlet,  avoit  grant 
dissention  entre  le  conte  Loeis  de  Flandres  et  les 


;vGoo»^lc 


[1338]  LIVRE  HtEMIEa,  S  ^9.  .  127 

Flamens,  car  il  ne  voloient  point  obéir  à  lui,  ne  à 
painnes  ne  s'osoit  il  tenir  en  Flandres^  fors  en  grant 
péril.  Et  avoit  à  ce  donc  un  homme  à  Gand,  qui 
avoit  estet  brassères  de  mielz.  Chilz  estoit  entrés  en 
si  grant  fortune  et  si  grant  grasce,  que  c'estoit  tout  5 
&it  quanqu  'il  voloit  deviser  et  conmiander  par  toute 
Flandres,  de  Fun  des  corons  jusques  à  Tautre.  Et  n'i 
avoit  nuUui,  com  grans  qu'il  iiist,  qui  de  riens  osast 
trespasser  ses  commandemens  ne  contredire.  Il  avoit 
toutdis,  apriès  lui  alans  aval  le  ville  de  Gand,  sois-  lo 
santé  ou  quatre  vingt  variés  armés,  entre  les  quelz 
il  en  y  avoit  deus  ou  trois  qui  savoient  aucuns  de 
ses  secrès.  Et  quant  il  eocontroit  un  homme  qu'il 
avoit  en  souspeçon  ou  qu'il  haioit,  cilz  estoit  tantos 
tués,  car  il  avoit  commandé  à  ses  secrès  variés  et  is 
dit  :  «  Silos  que  jou  encontre  un  homme,  et  je 
vous  k\  un  tel  signe,  si  te  tués  sans  déport,  com 
grans  ne  com  haulz  qu'il  soit,  sans  attendre  aultre 
parolle.  » 

Ensi  avenoit  souvent,  et  en  fîst  en  celle  manière  so 
pluiseurs  grans  mestres  tuer.   Par  quoi  il  estoit  si 
doubtés  que  nulz  n'osoit  parler  contre  cose  qu'il  vol- 
sist  fiiire,  ne  à  painnes  penser  de  lui  contredire.  £t 
tantost  que  cil  soissante  varlet  le  avoient  raconduit 
à  son  hostel,  cescuns  aloit  disner  à  se  maison;  et  95 
tantost  apriès  disner,  il  revenoient  devant  son  hostel, 
et  beoient  en  le  rue,  jusques  adonc  qu'il  voloit  aler 
aval  le  rue  jouer  et  esbatre  parmi  le  ville;  et  ensi 
le  conduisoient  jusques  au  souper.  Et  saciés  que  ces- 
cuns de  ces  saudoïiers  avoit,  cescun  jour,   quatre  30 
compagnons  ou  gros  de  Flandres,  pour  ses  frès  et 
pour  ses  gages.  Et  les  laisoit  bien  paiier,  de  sepmainne 


;vGoo»^lc 


ii$  *  CUaONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1338] 

en  sepnmnne.  Et  ossi  avoit  il,  par  toutes  les  vîUes 
et  les  chasteleries  de  Flandres,  sei^ns  et  saudoiiers 
à  ses  gages,  pour  faire  tous  ses  commandemens,  et 
espiier  et  savoir  s'il  avoit  nulle  part  personne  qui 

5  (iist  rebelle  à  lui,  ne  qui  desist  ne  enfourmast  nullui 
contre  ses  volentës.  Et  si  tost  qu'il  en  savoit  aucuns 

'  *  en  une  ville,  il  ne  cessast  jamais,  si  l'euist  &it  banir 
ou  Eut  tuer  sans  déport  :  jà  cilz  ne  s'en  peuist  gar- 
der. £t  meismement  tous  les  poissans  de  Flandres, 

10  chevaliers,  escuiers  et  boui^is  des  bonnes  villes, 
qu'il  pensoit  qu'il  fuissent  fevourable  au  conte  en 
aucune  manière,  il  les  banissoit  de  Flandres,  et  le- 
voit  le  moitiet  de  leurs  revenues,  et  laissoit  l'autre 
moitiet  pour  le  doaire  et  le  gouvrenement  de  leurs 

is  femmes  et  enfans.  Et  cil  qui  eosi  estoient  banit,  des 
quelz  il  estoient  grant  foison,  se  tenoient  à  Saint- 
Omer  le  plus,  et  les  appelloit  on  les  avollés  ou  les 
oultre  avollés. 

Brie&nent  à  parler,  il  n'eut  ontpjes  en 'Flandres,  ne 

30  en  aultre  pays,  conte,  duch,  prince,  ne  aultre,  qui 
peuist  avoir  un  pays  si  à  se  volenté,  com  cilz  avoit 
et  eut  longement.  Et  estoit  appelles  Jakemars  d'Ar- 
tevelle.  II  faisoit  lever  les  rentes,  les  tPnnieus,*  les 
winages,  les  droitures  et  toutes  les  revenues,  que  lî 

S5  contes  devoit  avoir  et  qui  à  lui  apertenoient,  quèle 
part  que  ce  fîist  parmi  Flandres,  et  toutes  les  maleto- 
tes  :  ai  les  despendoit  à  se  volenté  et  en  donnoit, 
sans  rendre  nul  compte.  Et  quant  il  voloit  dire  que 
ai^ns  li  fàUoit,  on  l'en  creoit  par  sen  dit,  et  croire 

so  l'en  couvenoit,  car  nulz  n'osoit  dire  aicontre.  Et 
quant  il  en  voloit  emprunter  à  aucuns  boui^ois  sour 
son  paiement,  il  n'estoit  nulz  qui  le  osast  escondire 


;vGoo»^lc 


[1337]  LIVKE   PREMIER,  §  60.  129 

à  prester.  Or  voel  jou  retourner  as  messagiers  d'En- 
gleterre. 

§  60.  Chil  signeur  d'Engleterre,  qui  estoient  en- 
voijet  par  deçà  le  mer,  et  estoient  si  honnourable- 
ment  à  Valenciennes,  com  vous  avés  oy,  se  apensè-     5 
renl  entre  yaus  que  ce  seroit  grans  confors  pour  leur 
signeur  le  roy,  selonch  ce  qu'il  voloient  entrepren- 
dre, se  il  pooient  avoir    l'acort  des  Flamens,  qui 
adonc  estoient  mal  dou  roy  de  France  et  dou  conte, 
leur  droit  signeiu*.  Si  s'en  consillièrent  au  conte  de  10 
Haynau,  qui  leur  dist  que  voirement  seroit  ce  li  plus 
grans  confors  qu'il  peuissent  avoir.  Mais  il  ne  pooit 
veir  que  il  y  peuissent  pourfiter  se  petit  non,  se  il 
n'avoient  premièrement  acquis  le  grasce  et  le  faveur 
de  celui  Jakemart  d'ArteveUe.  Il  disent  qu'il  en  fe-  15 
roient  leur  pooir  temprement. 

Assés  tost  apriès  qou,  U  se  partirent  deValenciènes, 
et  s'en  alèrent  vers  Flandres,  et  se  départirent  en 
trois,  ne  sai,  en  quatre  routes,  s'en  alèrent  partie  à 
Bruges,  partie  à  Ippre,  et  li  plus  granl  partie  à  Gand,  îo 
et  tout  despendant  si  largement  qu'il  sambloit  que 
argens  leur  pleuist  des  nues.  Et  queroient  acord  par 
tout,  et  pnmmetoienr  as  uns  et  as  aultres,  là  où  on 
les  consilloit,  et  où  il  creoient  miex  emploiier,  pour 
parvenir  à  leur  entente.  Toutes  voies,  li  evesques  de  ss 
LincoUe  et  se  compagnie,  qui  alèrent  à  Gand,  usent 
tant,  par  biel  parler  et  autrement,  qu'il  eurent  l'a- 
cord,  l'acoiotance  et  l'amisté  de  Jakemart  d'Arte- 
velle,  et  grant  grasce  en  le  ville,  et  meismement 
d'un  vaillant  chevalier  anciien,  qui  volentiers  démo-  30 
roit  à  Gand,  et  y  estoit  durement  amés.  Si  le  appel- 
I  —  9 


:,Goo»^lc 


130  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1337] 

loit  [on*]  monsigneur  le  Courtrisien,  et  estoit  cheva- 
liers banerès,  et  le  tenoît  on  pour  le  plus  prea  che- 
valier de  Flandres,  et  pour  le  plus  vaillant  homme, 
et  qui  le  plus  hardiement  avoit  toutdis  servi  ses  si- 

5  gneurs. 

Cilz  sires  Courtrissiens  compagnoit  et  honnouroit 
durement  ces  signeurs  d'Engleterre,  ensi  que  vaillant 
homme  doienl  toutdis  honnourer  estragnes  cheva- 
liers, à  leur  pooir.  Mais  il  en  eut,  au  darrain,  mau- 

10  vais  loiier.  Car  il  en  fu'  accusés  de  celle  honneur 
qu'il  Êiisoit  as  Englès,  envîers  le  roy  de  France,  si 
ques  li  rois  commanda  très  estroitement  au  dit  conte 
de  Flandres  qu'il  fesist  tant,  comment  que  ce  fiist, 
qu'il  ewist  le  dessus  dit  chevalier,  se  tant  l'amoit,  et 

Id  qu'il  li  fesist  coper  le  tieste.  Li  contes,  qui  n'osa 
trespasser  le  commaQdemeat  le  roy,  ains  fîst  tant, 
je  ne  sai  comment  ce  fu,  que  li  sires  G>urtrisiens 
vint  là  où  li  contes  le  manda.  Si  fîi  tantost  pris  et 
tantost  decolés.  De  quoi  moult  de  gens  furent  dure- 

20  ment  dolant  de  pitié,  car  il  estoit  moult  amés  et 
honnourés  ou  pays,  et  en  seurent  moult  mal  gret  au 
conte. 

Tant  esploitièrent  cil  signeur  d'Engleterre  en  Flan- 
dres, que  cilz  Jakemars   d'Artevelle   mist  ptuiseurs 

35  fois  les  consaulz  des  bonnes  villes  ensamble,  pour 
parler  de  le  besongne  que  cil  signeur  d'Engleterre 
queroient,  et  des  franchises  et  amistés  qu'il  leur  of- 


1.  m.  de  Mouchy-NoaUle»,  ^  30  V.  —  M».  6(i77,  t»  46  (lacune). 

2.  Ma.  6477,  F°  46  :  f  Tu  a  aoentà.  •  —  Les  leçon»  de  |diuieiin 
boiu  niM.,  notamment  du  m»,  de  Gajgnières,  f^  30  vo,  du  mt.  3641, 
[*  31  T»  et  du  ms.  de  BeMn^on,  P>  33,  antoriieiit  à  luppriner  ce  ti  qui 

e  une  ligue  plui  bai  dut»  li  qtàti. 


jvGooi^lc 


[1337]  UVRE  PREMIER,  $  60.  131 

fraient  de  par  le  roi  d'Ëngleterre  leur  sigDeuTj  sans 
cui  terre  et  acord  il  ne  se  pooîent  bonnement 
longement  chevir.  £t  tant  parlementèrent  ensamble 
qu'il  furent  d'acort  en  tel  manière^  qu'il  piaisoit 
bien  à  tous  le  consaulz  de  Flandres  que  li  rois  en-  5 
glès  et  toutes  ses  gens  pooient  bien  venir  et  aler,  à 
gens  d'armes  et  autrement,  par  toute  Flandres^  ensi 
qu'il  li  plairoit.  Mais  il  estoient  si  fortement  obligiet 
envers  le  roy  de  France  qu'il  ne  le  poroient  grever 
ne  entrer  en  son  royalme,  qu'il  ne  fuissent  attaint  lo 
de  une  si  grande  soutfae  de  florins,  que  à  grant  ma- 
laise en  poroient  il  fîner.  Et  leur  priièrent  que  ce 
leur  volsist  souffire  jusques  à  une  aultre  fois.  Ces  res- 
ponses  et  cil  esploit  souffirent  adono  assës  à  ces  sî- 
gneiu^  d'Ëngleterre,  puis  s'en  revinrent  arrière  à  15 
Valenciènes,  à  grant  joie.  Et  souvent  envoioieutaleurs 
messages  devers  le  roi,  leur  signeur,  et  li  signefîoient 
ce  qu'il  avoient  besongniet.  Et  li  rois  leur  renvoioit 
grant  or  et  grant  aident,  pour  palier  leurs  frais,  et 
pour  départir  à  ces  signeurs  d'Âlemagae,  qui  ne  20 
convoitoient  aultre  cose. 

En  ce  temps,  trespassa  de  ce  siècle  li  gentîb  con- 
tes Guillaumes  de  Haynau,  sept  jours  ou  mois  de 
juing,  l'an  de  grasce  mil  trois  cens  trente  sept.  Si  (a 
ensepelis  as  Cordeliers,  à  Valenciènes;  et  li  fist  on  là  as 
son  obsèque.  Et  chanta  le  messe  li  evesques  Guil- 
laumes de  Cambrai.  Si  y  eut  grant  fiiison  de  dus,  de 
contes  et  de  barons,  ce  fu  bien  raisons,  car  il  estoit 
grandement  amé  et  renommés  de  tous.  Apriès  son 
trespas,  se  traist  à  le  conté  de  Haynau,  de  Hollandes  ao 
et  de  Zelandes,  messires  Guillaumes,  ses  fîlz,  qui 
eut  à  femme  la  Clle  au  duch  Jehan  de  Braibant.  Et 


;vGoo»^lc 


131  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1337] 

fil  ceste  dame,  qui  s'appelloit  Jehane,  doée  de  le 
terre  de  Binch,  qui  est  un  moult  biaus  hirelages  et 
pour6tables.  Et  ma  dame  Jehane  de  Vallois,  sa  mère, 
s'en  vint  demorer  à  Fontenielles  sus  Escaut,  et  là 
s  usa  sa  vie  comme  bonne  et  dévote  en  le  ditte  ab- 
beye,  et  y  Bst  moult  de  biens. 

$  61 .  De  toutes  ces  devises  et  ces  ordenances>  ensi 
com  elles  se  portoient  et  estendoient,  et  des  confors 
et  des  alliances  que  11  rois  englès  acqueroit  par  deçà 
10  le  mer,  tant  en  l'Empire  comme  ailleurs,  estoit  li 
rois  Phelippes  tous  infourmés  ;  et  euist  volentlers 
veu  que  li  contes  de  Flandres  se  fust  tenus  en  son 
pays  et  euist  attrais  ses  gens  à  son  acord.  Mes  cilz 
Jakemars  d'Artevelle  avoît  jà  si  sourmonté  toutes  ma- 
is nières  de  gens  en  Flandres  que  nulz  n'osoit  contre- 
dire' à  ses  oppinions,  meïsmement  li  contes,  leurs 
sires,  ne  s'i  osoit  clerement  tenir,  et  avoit  envoiiet 
ma  dame,  sa  femme,  et  Iioeis^  son  jone  fil,  en  France, 
pour  le  doubte  des  Flamens. 
30  Avoec  tout  ce,  se  tenaient  en  Fille  de  Gagant  au- 
cun chevalier  et  escuier  de  Flandres,  en  garnison, 
dont  messires  Ducres  de  Halluin  et  messires  Jelians 
de  [Rodes']  et  li  enfant  de  Le  Trief  estoientchapitain 
et  souverain;  et  là  gardoient  le  passage  contre  les 
85  Ënglès,  et  faisoient  gueire  couvertement  :  dont  li 
chevalier  d'Ëngleterre,  qui  se  tenoient  en  Haynau, 
estoient  tout  infourmet  que,  se  ilz  s'en  raloient  par 
là  en  leur  pays,  il  seroient  rencontré;  pour  quoi,  il 
n'estoient  mies  bien  aseur.  Non  obstant  ce,  se  che- 

1.  .M(.  de  Moncliy-NMillM,  f>  S«.  —  Hi.  6477,  f»  47  :  -  Rodait.  - 


D,qit,zeabvG00»^lc 


tl337]  UVRE  PREMIER,  $  fit.  133 

TauQoient  il  et  aloient  a  leur  volenté  parmi  le  pays 
de  Flandres,  et  par  les  booues  villes,  mais  c'esloit 
sus  le  confort  Jakemon  d'Àrtevelle,  qui  les  portoit 
^t  honnouroit  en  toutes  manières^  œ  qu'il  pooit. 
Or  retourroas  nous  un  petit  au  ducb  de  Brai-  5 
bant. 

§  62.  Quant  li  dus  de  firaibant  ot  fait  ses  couve- 
nences  à  ces  signeurs  d'Ëngleterre,  si  com  vous  avés 
oy,  il  s'avisa  que  li  rois  de  France  aultre  fois  U  avoit 
iait  contraire.  Si  se  doubta  i^'il  ne  fust  durement  10 
infourmés  contre  lui,  à  l'ocquison  des  Englès  et,  se 
il  avenoit  que  li  entrepresure  que  li  rois  d'Ëngleterre 
avoit  emprise  ne  venîst  avant  ou  ne  venist  à  bon 
cfaief,  que  li  rois  de  France  ne  le  vobist  guerriier,  et 
li  âdre  comparer  che  que  li  aultre  aroient  acordet.  15 
Si  envoia  de  son  conseil  au  roy  de  France  monsi- 
gneur  Loeis  de  [Cranaben*],  sage  cbevalier  dure- 
ment, et  pluiseurs  aultres  avoech  lui,  pour  lui  excu- 
ser, et  pour  priier  au  roy  qu'il  ne  volsist  croire  nulle 
mauvaise  information  contre  lui;  car  moult  à  envis  20 
U  feroit  nulle  alliance  ne  couvenence  contre  lui, 
mais  li  rois  d'Ëngleterre  estoit  ses  cousins  germains  : 
se  ne  li  pooit  bonnement  escondire  sa  revenue  de^ 
deos  son  pays,  de  lui  ne  de  ses  gens,  leurs  frais 
palans;  mais  plus  avant  il  n^en  feroit  riens  qui  deuist  Sâ 
estre  au  desptaisir  dou  roy.  Li  rois  le  crey  à  celle 
fois,  si  s'en  apaisa  atant.  £t  toutes  voies  li  dux  ne 
laissa  mies  pour  ce,  qu'il  ne  retenist  des  gens  d'ar- 
mes en  Braibant  et  ailleurs,  là  où  il  les  pooit  ne 

1.  Ui.  dcGuenièrci,  »>3lT*.  — H*.  MI7,  l^47:<C:nTdtai.i 


;vGoo»^lc 


134  CHRONIQUES  DE  J.  FRÛISSART.  [1337] 

pensoit  à  avoir,  jusques  k  le  somme  que  couTenen- 
ciet  avoit  au  roi  d'Engleterre. 

Et  quant  H  dessus  dit  signeur  d'Engleterre  eurent 
lait  en  partie  ce  pour  quoi  il  avoient  passet  mer,  il 
5  se  partirent  de  Valenciènes,  où  il  tenoient  leur  sou- 
verain séjour,  premièrement  li  evesques  de  Liacolle, 
messires  Reoaulz  de  Gobehen  et  li  aultre.  Et  Tuidiè- 
rent  Haynau,  et  vinrent  à  Doordresch,  eu  Hollandes. 
Et  montèrent  là  en  mer,  pour  eschiewer  le  passage 
10  de  Gagant,  où  li  dessus  dit  chevalier  de  Flandres  se 
tenoient  en  garnison,  de  par  le  roy  de  France  et  le 
conte  de  Flandres,  si  com  on  disoit.  Et  s'en  revin- 
rent au  mieus  qu'il  peurent,  et  au  plus  couverte- 
ment,  arrière  en  leur  pays,  devers  le  roy  englès,  leur 
15  signeur,  qui  les  rechut  à  grant  joie.  Se  U  recordèrent 
tout  l'estat  des  signeurs  de  par  de  dechà,  première- 
ment 4P"»<^*i*^b  ^^  Braibant,  dou  duch  de  Guéries, 
dou  conte  de  JiiUers;  de  l'arcevesque  de  Coulongne, 
de  monsigneur  Jehan  de  Haynau,  dou  signeur  de 
so  Faukemont,  et  des  alloiiés,  comment  et  sus  quel 
point  il  s'estoient  alloiiet  et  accordé  à  lui,  et  à 
quelle  quantité  de  gens  d'armes  cescnns  le  devoit 
servir,  et  ossi  quel  cose  cescuns  devoit  avoir.  A  ces 
parolles  entendi  U  rois  englès  volentiers,  et  dist  que 
25  ses  gens  avoient  bien  esploitiet.  Mais  trop  dure- 
ment plaindi  le  mort  le  conte  de  Haynau,  qui  fille 
il  avoit,  et  disoit  qu'il  avoit  perdu  en  li  un  très 
grant  confort  :  se  li  couvenoit  il  porter  et  faire  à  l'a- 
venant. 
30       Encores  recordèrent  li  dit  signeur  au  roi  1«  couve- 
nant  de  chiaus  qui  se  tenoient  en  le  garnison  de  Ga- 
gant, et  qui  herioient  ses  gens  tous  les  jours;  et 


;vGoo»^lc 


[1357]  IIVUE  PREMIER,  §  63.  135 

comment^  pour  le  double  d'yaus,  il  estoient  revenu 
par  Hollandes,  et  avoient  eslongiet  grandement  leur 
chemin.  Donc  dist  li  rois  que  il  y  pourveroit  tem- 
prement  de  remède.  Si  ordonna  assés  tost  apriès  le 
conte  Derbi,  son  cousin,  et  monsigneor  Gautier  de  s 
Mauni>  qui  y  avoit  tant  &it  de  belles  bacheleries,  en 
Escoce^  qu'il  en  estoit  durement  aloses,  et  ossi  au- 
cuns aultres  chevaliers  et  escuiers  englès,  qu'il  vo- 
sissent  traire  devers  Gagant,  et  comhatre  cbiaus  qui 
là  se  tenoient.  Li  dessus  dit  obéirent  au  commande-  lo 
ment  le  roi,  leur  signeur,  et  fisent  leurs  pourveances 
et  lor  amas  de  gens  d'armes  et  d'arciers  à  Londres, 
et  chargièrent  leurs  vaissiaus  en  le  Tamise.  Quant  il 
furent  tout  venu  et  appariUiet,  il  estoient  environ 
cinq  cens  armeures  de  6er  et  deus  mille  arciers.  Si  15 
entrèrent  en  leur  navie,  qui  estoit  toute  preste,  et 
puis  si  se  desancrèrent.  Et  vinrent,  de  celle  marée, 
le  première  nuit,  gésir  devant  Gravesaindes.  A  l'en- 
demain,  il  desancrèrent  et  vinrent  devant  Meigate. 
A  le  tierce  marée,  il  tirèrent  les  voiles  amont,  et  20 
prisent  le  parfont,  et  nagièrent  tant  par  mer  qu'il 
veirent  Flandres.  Si  arroutèrent  leurs  vaissiaus,  et 
misent  en  bon  convenant.  Si  vinrent  assés  priés  de 
Gagant,  à  heure  de  nonne.  Che  fu  le  nuit  Saint  Mar- 
tin en  hyvier,  l'an  mil  trois  cens  trente  sept.  2s 

§  63.  Quant  li  Englès  veirent  le  ville  de  Gagant, 
où  il  tendoient  à  venir,  et  combatre  chiaus  qui  par 
dedens  se  tenoient,  si  se  avisèrent  et  regardèrent 
qu'il  avoient  vent  et  le  marée  pour  yaus,  et  que  ou 
nom  de  Dieu  et  de  saint  Jorge  il  approceroient.  Donc  30 
fisent  il  sonner  leurs  trompètes,  et  s'armèrent  et  ap- 


;vGoo»^lc 


13$  CHRONIQUES  DS  J.  FROISSART.  [1337] 

parillièrent  vistement^  et  ordonnèrent  leurs  vaissiaus^ 
et  misent  les  arciers  devant,  et  singlèrent  fors  Tiers 
le  ville. 

Moult  bien  avoient  les  gettes  et  les  gardes,  qui  en 
5  Gagant  se  tenoient,  veu  approcier  ceste  grosse  armée. 
Si  suppoaoient  assés  que  c'estoient  Ënglès  ;  pour  quoi 
il  s'estoient  jà  tout  armet  et  rengiet  sus  les  dikes  et 
sus  le  sablon^  et  mis  leurs  pennons  par  ordenance 
devant  yaus,  et  fait  entre  yaus  des  nouviaus  cheva- 

10  liers  jusques  à  seize.  Et  pooient  estre  environ  cinq 
mille  tout  complet,  bien  apert  baceler  et  compagnon, 
ensi  qu'il  le  moustrèrent.  Et  là  estoit  messires  Guis 
de  Flandres,  frères  au  conte  Loeis  de  Flandres,  uns 
bons   et   seurs   cbevaliers,    mes  bastars  estoit,  qui 

15  amonnestoit  et  prioit  tous  les  compagnons  de  bien 
Élire.  Et  là  estoient  messires  Ducres  de  Halluin,  mes* 
sires  Jehans  de  Rodes,  messires  Gilles  de  le  Trief, 
qui  fu  là  fais  cbevaliers,  messires  Symons  et  messires 
Jehans  de  Brukedent,  qui  y  lurent  fait  ossi  chevalier^ 

30  et  Pières  d'Englemoustier,  et  maint  compagnon  ba- 
celer et  escuier  et  appert  hommes  d'armes,  ensi  qu'il 
le  moustrèrent,  et  qui  moult  desiroient  le  bataille  as 
Ënglès. 

Et  estoient  tout  cil  ordenet  et  rengiet  à  l'encontre 

25  des  Ënglès.  Et  n'i  eut  riens  parlementé  ne  devisé, 
car  li  Ënglès,  qui  estoient  en  grant  [soucy*}  de  yaus 
assallir,  et  cil  de  deffendre,  criièrenl  leurs  cris  et  fi- 
sent  traire  leurs  arciers  moult  roit  et  moult  fort,  et 
tant  que  cil  qui  le  havene  deffendoient  en  furent  si 

80  ensonniiet  que,  vosissent  ou  non,  il  les  couvint  re- 

1.  M«."tle  Gaigniim,  h  33.  —  M*.  6477,  t"  kS  (lacune). 


;vGoo»^lc 


[1337]  UVRE  PREMIER,  §  S4.  137 

culer.  Et  eo  y  eut  dou  tret  à  ce  premiers  moult  de 
mehagniés.  Et  prisent  terre  li  baron  et  li  chevalier 
d'Engleterre,  et  s'en  vinrent  combatre  as  haces,  as 


îspêes 


et  as  slaves,  li  un  à  l'autre. 


Et  là  y  eut  pluiseurs  belles  baceleries  et  apertises     5 
d'armes  &ilies.  Et  moult  vassauinent  se  combatirent 
li  Flamench.  Ossi  moult  bachelereusement  les  requi- 
rent li  Ënglès.  Et  là  fil  moult  bons  chevaliers  li  con- 
tes Derbi,  et  s'avança  de  premiers  si  avant  qu'il  fu, 
en  lançant  de  glavês,  mis  par  terre.  Et  là,  H  fu  mes-   lo 
sires  Gantiers  de  Maunl  bons  confors,  car  par  apei> 
lises  d'armes  il  le  releva  et  osia  de  tous  pertlz,  en 
escrianl  :  n  Lancastre  au  conte  Derbi  !  »  Et  adonc 
approcîèrent  il  de  tous  lés.  Et  en  y  eut  pluiseurs 
mehagniés,  et  par  especial  plus  des  Flamens  que  15 
des  Engtès.   Car  li  arcier  d'Engleterre,   qui  conti- 
nuelment  traioient,  leur  portoient  trop  grant  da- 
mage. 

$  64.  A  prendre  terre  ou  havene  de  Gagant,  fu  li 
bataille  dure  et  Qère.  Car  li  Flamench  qui  là  estoient,   so 
et  qui  le  ville  et  le  havene  gardoient  et  deffendoîent, 
estoient  très  bonne  gent,  et  de  grant  apertise  plain. 
Car,  par  élection,  li  contes  de  Flandres  les  y  avoit 
mis  et  establis,  pour  garder  cel  passage  contre  les 
Englès.  Si  s'en  voloient  acquitter  bacelereusement,  et  25 
làire  leur  devoir  en  tous  estas,  ensi  qu'il  Osent.  Là 
estoient  li  baron  et  li  chevalier  d'Engleterre  :  pre- 
mièrement, le  conte  Derbi,  filz  au  conte  Henri  de 
Lancastre  au  Tors  Col,  li  contes  de  Sufforch,  messi- 
res  Renaulz  de  Gobehen,   messires  Loys  de  Biau-  30 
camp,  messires  Guillaume!  filz  Warine,  h  sires  de 


,  G  00»^  le 


438  CBROmQTJKS  DE  J.  FROISSAM.  [13371 

Bercler^  messtres  Gautiers  de  Mauni  et  pluiseur  aol- 
tre,  qui  très  vassaument  s'i  portoient  et  assalloient 
les  Flamens. 

Là  eut  dure  bataille  et  fort  combatue,  car  il  estcient 
5  main  à  main.  Et  là  fisent  li  pluiseur  moult  de  belles 
apertises  d'armes,  et  de  l'un  lés  et  de  l'autre  ;  mais 
flnablement  li  Englès  obtinrent  le  place.  Et'furent  li 
Flamencb  desconB  et  mis  en  cace.  Et  en  y  eut  plus 
de  trois  mille  mors,  que  sus  le  bavene,  que  sus  les 

10  rues,  que  ens  es  maisons.  Et  là  fu  pris  messtres  Guis, 
bastars  de  Flandres,  et  mors  messires  Dueres  de  Hal- 
luin,  et  messires  Jehans  de  [Rodes 'j,  et  li  doi  frè^^  de 
Brukedent  et  messires  Gilles  de  le  Trief  et  pluiseur 
aultre  :  environ  vingt  sis  chevaliers  et  escuiers  y  fu- 

15  rent  mort  en  bon  couvenant.  Et  fu  la  ville  prise, 
pillie  et  robëe,  et  tous  li  avoir  aportés  et  mis  ens  es 
vaissiaus  avoecques  les  prisonniers.  Et  puis  tu  la  ville 
toute  arse  et  sans  déport.  Et  retournèrent  li  Englès 
arrière,  et  sans  damage,  en  Engleterre,  et  recordè- 

20  rent  au  roy  leur  aventure.  Li  quelz  fii  moult  joians, 
quant  il  les  vit,  et  seeut  comment  il  avoient  esploi- 
tiet.  Si  fist  à  monsigneur  Gui  de  Flandres  creanter 
se  foy  et  obligier  prison.  Li  quels  se  tourna  englès 
en  celle  meisme  anée,  et  devint  boms  au  roy  d'En- 

S5  gleterre.  De  quoi  li  contes  de  Flandres,  ses  firères,  fu 
moult  courouciés. 

§  65.  Apriès  le  desconBture  de  Gagant,  ces  nou- 
velles s'espardtrent  en  pluiseurs  lieus.  Si  en  furent 
cil  de  le  partie  le  roy  d'Engleterre  tout  joiaut,  et  cil 

1.  M*.  6477,  f^  48  :  ■Rodkb.  ■ 


;vGoo»^lc 


[1338]  LIVRE  PREMIER,  S  ^-  139 

de  le  partie  dou  conte  tout  courouciet.  Et  disoient 
bien  cO  de  Flandres  que  sans  raison,  hors  de  leur 
conseil  et  volenté^  H  contes  les  avoit  là  mis.  Si  se 
passa  ensi  cesie  cose.  Qui  plus  y  eut  mis,  plus  y  eut 
perdut,  fors  tant  que  d'Ârtevelle,  qui  avoit  sourmonté  5 
tous  ohiaulz  de  Flandres  et  en  avoit  pris  le  gouver- 
nouent,  ne  vosist  nullement  que  la  besongne  se  fost 
aultrement  portée.  Si  envoia  tantost  ses  messages  en 
Engleterre  devers  le  roy  Ëdowart,  en  lui  recommen- 
dant  de  coer  et  de  foy  ;  et  li  segn^a  que  en  avant  lo 
il  li  consilloit  qu'il  passast  le  mer  et  venist  en  Anwiers, 
par  quoi  il  s'aquintast  des  Flamens,  qui  moult  le  de- 
siroient  à  veoir.  Et  supposoit  assés  que,  s'il  estoit 
par  deçà  le  mer,  ses  besongnes  en  seroient  plus  clè- 
res,  et  y  prenderoil  grant  pourfit.  is 

Li  rois  englès  à  ces  parolles  entendi  volentiers,  et 
iîst  faire  ses  pourveances  grandes  et  grosses.  Et  tan- 
tost que  cilz  yviers  !a  passés,  à  Testé  ensieuwant,.il 
monta  en  mer,  bien  acompagniés  de  contes  et  de 
barons  et  d'aultre  chevalerie,  et  passa  le  mer  et  ar-  30 
riva  en  le  ville  de  Anwiers,  qui  adonc  se  tenoit  pour 
le  duc  de  Braibant.  Si-tost  c'on!  sceut  qu'il  estoit  des- 
cendus, gens  vinrent  de  tous  costés,  pour  lui  veoir 
et  considérer  le  grant  estât  qu'il  maintenoit.  Quant 
il  eut  esté  assés  honnourés  et  festiiés,  il  eut  advis  S5 
qu'il  parleroit  volentiers  au  duch  de  Braibant,  son 
cousin,  au  duch  de  Guéries,  son  seroui^e,  au  mar- 
kis  de  Jullers,  à  monsigneur  Jehan  de  Haynau,  au 
signeur  de  Faukemont,  et  à  chiaus  dont  il  esperoit  à 
eslre  confortés,  et  qui  estoient  à  lui  acouvenenciet,  30 
pour  avoir  leur  conseil  comment  et  quant  il  poroient 
commenoier  à  Êdre  çou  qu'il  avoient  empris.  £nsi  le 


;vGoo»^lc 


UO  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARJ.  [1338] 

fîst.  Et  viorent  tuit  à  son  mandement  à  Auwiers, 
entre  le  Pentecouste  et  le  Saint  Jehan, 

Là,  furent  cil  &igneur  festiiet  grandement,  à  le 
manière  d'Engielerre.  Apriès,  les  traist  à  conseil  U 
b  rois,  et  leur  demoustra  moult  bumiement  se  beson- 
gne,  et  volt  savoir  d'yaus  le  certainne  intention;  et 
leur  pria  qu'il  s'en  volsissent  délivrer,  car  pour  çou 
estoit  il  là  venus,  et  avoit  ses  gens  tous  apparil- 
liés.  Se  li  tourneroît  à  grant  damage,  se  il  ne  t'en 

10  delivroient  aperteinent.  Cil  signeur  eurent  grant  con- 
seil ensamble  et  loncli,  car  la  cose  les  estraindoit,  et 
si  n'estoient  point  d'acord.  Et  toutdîs  avoient  re- 
gart  sour  le  duc  de  Braibant,  qui  n'en  foisoit  nient 
bien  boine  cière,  par  samblant.  Quant  il  furent  lon- 

\b  gement  consilliet,  il  respondîrent  au  roy  Edouwart  et 
disent  :  «  Chiers  sires,  quant  nous  venins  ci,  nous 
y  venins  plus  pour  vous  veoir  que  pour  aultre  chose. 
Si  n'estions  mies  pourveu  ne  avisé  de  vous  respon- 
dre  sur  ce  que  requis  nous  avés.  Si  nous  retrairons 

20  arrière  vers  nos  gens,  cescuns  vers  les  siens,  et  re- 
venrons  à  vous  à  un  certain  jour,  quant  il  vous  plaira. 
Et  vous  responderons  adonc  si  plainnement,  que  li 
coupe  n'en  demorra  point  sour  nous,  d 

Li  rois  vey  bien  qu'il  n'en  aroit  aultre  cbose,  à 

35  celle  fois.  Si  s'en  apaisa  atant;  et  se  acordèrent  d'une 
journée  estre .  ensamble  pour  respondre  le  milleur 
avis,  apriès  le  Saint  Jehan  trois  sepmainnes.  Mais 
bien  leur  moustra  li  rois  eoglès  les  grans  frès  et  les 
grans  damages  qu'il  soustenoit  cescun  jour  pour  leur 

30  attente  ;  car  il  pensoit  qu'il  fuissent  tout  pourveu  de 
lui  respondre,  quant  il  vint  là,  si  com  il  estoit.  Et 
leur  dist  qu'il  ne  s'en  retourroît  jamais  en  Ëngle- 


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[1S3S]  LIVAE  PREMIER,  S  66-  141 

terre,  jusques  adonc  qu'il  saroït  leur  intention  tout 
plainnement.  Sur  ce,  cil  signeur  se  départirent.  Li 
rois  demora  tous  quais  en  l'abbeye  Saint  Bernard, 
jusques  aprïès  le  journée.  Lî  aucun  des  signeurs  et 
des  chevaliers  d'Ëi^lelerre  demorèrent  en  Anwiers,  5 
pour  lui  faire  compaignie.  Lî  aultre  aloient  esba- 
niant  et  esbataot  parmi  lë  pays,  à  grans  frais,  li  uns 
à  Brouxeiles,  li  aultres  en  Haynau,  li  pluiseur  aval 
les  bonnes  villes  de  Flandres,  là  où  il  esloient  dore- 
ment  bien  venut  et  bien  festiiet.  Li  dus  de  Braibant  10 
s'en  ala  à  le  Leuvre,  et  se  tint  là  un  grant  temps. 
Et  renvoioit  souvent  par*  devers  le  roi  de  France, 
pour  lui  escuser,  et  pour  priier  qu'il  ne  cniist  nulle 
information  senestre  encontre  lui. 

$  66.  Il)  jours  approça  et  vînt  que  li  rois  angles  is 
attendoit  le  response  de  ces  signeurs;  mais  il  se  li- 
sent souffissamment  escuser  et  mandèrent  au  roi  qu'il 
estoient  tout  appareiliiet  yaus  et  leurs  gens,  ensi  que 
couvens  estoit,  mais  qu'il  fesist  tant  au  ducfa  qu'il 
se  apparillast,  qui  estoit  U  plus  proçains,  et  qui  le  30 
plus  froidement,  ce  leur  sambloit,  se  apparilloit.  Et 
ossi  tost  qu'il  saroient  de  certain  que  li  dus  seroit 
apparilliës  de  mouvoir,  il  se  mouveroient  et  seroient 
ossi  tost  au  commencement  de  le  besongae  que  li 
dus  de  Bi^ibant  seroit.  35 

Sus  ces  responses,  li  dis  rois  englès  fist  tant  qu'il 
parla  au  duch  de  Braibant,  son  cousin,  et  li  demous- 
tra  le  mandement  que  cil  signeur  li  avoient  mandet. 
Si  le  pria  en  amisté  et  requist,  par  linage,  qu'il  se 
Tobist  sour  ce  aviser,  par  coi  nulle  def^ule  n'en  fust  30 
trouvée  en  lui,  car  il,  endroit  de  lui,  se  apercevolt 


;vGoo»^lc 


U2  CHRONIQUES  DB  J.  FKOISSART.  [133S] 

bien  que  il  se  apparilloit  froidement.  Et  se  il  n'en 
Ëùsoit  atiltre  cose,  il  doubtoit  qu'il  ne  perdist  l'ayde 
et  confort  de  ces  signeurs  d'Alemagne,  par  le  def- 
faute  de  lui.  Quant  li  dus  oy  çou^  il  en  fîi  tous  con- 
6  fiis  et  dist  qu'il  s'en  consilleroit.  Quant  il  fu  longe- 
menl  consilliés,  il  respondi  au  roy  qu'il  serait  assés 
tost  apparilliésj  quant  besoins  en  serait  ;  mes  il  arait 
ançois  parlé  à  tous  ces  aultres  signeurs,  et  leur  prie- 
rait qu'il  volsissent  estre  à  Halle^  ou  à  Destre,  eo- 
10  contre  lui. 

Quant  li  rois  englès  veï  cou,  il  perchut  bien  qu'il 
n'en  arait  auhre  cose,  et  que  II  courouciers  ne  li  pooit 
riens  valoir;  si  accorda  au  duch  son  pourpos,  et  dist 
qu'il  envolerait  encores  à  ces  signeurs  certains  mes- 
15  sages  de  par  lui  qu'il  fuissent,  à  une  journée  c^- 
tainne,  contre  lui^  là  où  il  leur  plairait  le  mieus. 
Ënsi  se  départirent  li  rois  et  li  dus  d'ensamble.  Mes- 
sage fiirent  envoiiet  devers  les  signeurs  de  l'Ejnpire, 
et  li  certains  jours  assignés  qu'il  venroicnt  :  ce  fu  à 
20  le  Nostre  Dame  mi  aoust.  Et  fii  mis  et  assis  cilz  par- 
lemens  par  tous  communs  acors,  à  Halle,  pour  le 
cause  dou  jone  conte  de  Haynau,  monsigneur  Guil- 
laume, et  fil  avoech  monsigneur  Jehan  de  Haynau, 
son  oncle. 

25  S  ^^*  Quant  cil  signeur  de  l'Empire  furent  assamblé, 
si  com  dessus  est  dit,  en  le  ville  de  Halle,  il  eurent 
grant  parlement  et  lonch  conseil,  car  lï  besongne 
leur  estraindoit  durement;  à  envis  poursievoient 
leurs  couvenans,  et  à  envis  en  deflàlloient  pour  leur 

30  honneur.  Quant  il  iiirent  très  longement  consilliet, 
il  respondirent  d'un  acord  au  roi  englès,  et  disent 


;vGoo»^lc 


[1338]  UVSE  POEMIBR,  $  67.  143 

ensi  :  «  Ciers  sires,  nous  nos  sommes  longement  con- 
silliet,  carvostre  besongne  nous  est-assés  pesans.Car 
nous  ne  veons  mies,  tout  considéré,  que  nous  aions 
point  de  caxise  de  deffiier  le  roi  de  France  à  vostre 
oocoison,  se  vous  ne  pourchaciés  que  vous  aiiés  l'a-  & 
cord  de  l'Empereur,  et  qu'il  nous  commande  que 
nous  deOions  le  roi  de  France  de  par  lui,  car  il  ara 
bien  droite  ocquison  et  vraie  par  raison,  si  com  nous 
vous  dirons.  Et,  de  donc  en  avant,  ne  demorra  nulle 
deflaule  en  nous  que  nous  ne  soions  appariUiet  de  lo 
faire  ce  que  prommîs  vous  avons  sans  nulle  excu- 
sancê.  La  cause  que  li  Emperères  poet  avoir  de  def- 
Bier  le  roi  de  France  est  tèle.  Il  est  certain  que  cou- 
veuenciet  a  esté  de  lonch  temps,  et  seelet  et  juret, 
que  li  rois  de  France,  quiconques  le  soit,  ne  puet  ne  ib 
ne  doit  tenir  ne  acquerre  riens  sus  l'Empire.  Et  cilz 
rois  Phelippes,  qui  à  présent  règne,  a  fait  le  con- 
traire contre  son  sairement.  Car  il  a  acquis  le  chas- 
tiel  de  Crievecuer,  en  Cambresis,  et  le  chastiel  de 
Alues,  en  Pailluel,  et  pluîseurs  aultres  hyretages,  en  20 
le  ditte  conté  de  Cambresis,  qui  est  terre  de  l'Empire 
et  baus  fiés  et  relevée  de  l'Empereur,  et  l'a  attribuet 
au  dit  royaume  de  France.  Par  quoi  li  Emperères  a 
bien  cause  de  lui  deffiier  et  de  faire  deffiier  par  nous 
qui  sommes  '  si  soubgès  :  si  ques  nous  vous  prions  25 
et  consillons  que  vous  y  voelliés  painne  mettre  au 
pourcacier  son  acord,  pour  nostre  pais  et  honneur. 
Et  nous  y  metterons  painne  volentiers  au  pourcacier 
ossi,  à  nostre  loyal  pooir.  » 

1.  On  lit  dan»  le  du.  647T,  f"  50  f,  aprè»  :  <•  lomme*  » ,  «  ù 
MEDinefia,  T^p^rioD  <]ui  ne  m  retroure  pa*  âûu  le  nu.  de  Gaignière*, 
f^  33  T*,  <i  ^'il  faut  un*  donte  ailribuer  à  une  diMraotion  du  copïite. 


;vGoo»^lc 


m  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [133S1 

Lî  rois  englès  fîi  tous  confus  quant  il  oy  ce  raport, 
et  bien  H  sambla  que  ce  fusL  uns  detriemens.  Et  bien 
pensa  que  ce  venoit  de  l'avis  le  duch  de  Sraibant, 
son  cousin,  plus  que  des  auttres.  Toutes  voies,  il 
5  considéra  assés  qu'il  n'en  aroit  auttre  chose,  et  que  li 
courechiers  ne  li  pooit  riens  valoir.  Si  en  fist  mil- 
leur  samblant  qu'il  peut,  par  emprunt,  et  leur  dist  : 
<f  Certes,  signeur,  je  n'estoie  mies  avisés  de  ce  point; 
et  se  plus  tost  en  fuisse  avisés,  je  en  ewisse  voleo- 

10  tiers  fait  par  vostre  conseil,  et  encores  voel  faire.  Si 
m'en  aidïés  à  consillier,  selonch  ce  que  je  sui  deçà 
le  mer  en  estragne  pays  apassés.  Et  si  y  ay  loi^ement 
séjourné,  et  à  grant  fret.  Si  m'en  voelliés  donner 
bon  conseil,  pour  vostre  honneur  et  pour  le  miène. 

15  Car  saciés,  se  jou  ay  en  ce  cas  nul  blasme,  vous  n'i 
poés  avoir  honneur.  » 

S  68.  Ijonge  cose  seroit  à  raconter  tous  leurs  coD- 
saulz  et  toutes  leurs  parolles.  Acordé  fii  entre  yaus, 
à  le  parfin,  que  li  marchis  de  Jullers  iroit  parl^  à 

20  l'Empereur;  et  iroient  des  chevaliers  et  des  clers  le 
roy  avoec  lui,  et  dou  conseil  [du  duc']  de  Guéries 
ossi,  et  feroient  le  besongne  à  le  milleur  foy  qu'il 
poroient.  Mais  li  dus  de  Braibant  n'i  volt  point  en- 
voiier,  mais  [vesta  le  chastiel  de  Louvaing  au  roy, 

25  pour  demorer,  s'il  li  plaisoit,  jusques  à  l'estet;  carU 
rois  leur  avoit  bien  dit  que  nullement  il  ne  s'»i  re- 
tourneroit  en  Engleterre,  car  hontes  et  vii^ongne  li 
seroit,  s'il  s'en  retournoit  sans  avoir  feit  partie  de  scn 
emprise,  de  quoi  si  grant  lame  estoit,-  se  li  defl&ute 

1 .  Ui.  d«  Gftigniïm,  r*  ik.  —  H*.  Sli77,  f^  50  v*  (lacune). 


DK^tizeabyGoOglc 


[1338]  LIVRE  PREMIEn,  g  68.  14S 

et  n^ligense  n'en  demoroit  en  yaus.  Et  leur  clist 
qu'il  manderoit  le  jone  royne  se  ùocae,  et  lenroient 
leur  hostel  ens  ou  chastiel  de  Louvaing,  puis  que  It 
dus,  ses  cousins,  H  avoit  offîert.  Ensi  se  départi  cilz 
parlemens,  et  creantèrent  tout  cil  signeur,  lî  un  en  5 
le  présence  de  l'autre,  que  jamais  il  ne  querroient 
nulle  excusance  ne  detrîement  que,  de  le  feste  Saint 
Jehan  Baptiste,  qui  seroit  l'an  mil  trois  cens  trente 
neuf,  en  avant,  il  seroient  ennemi  au  roy  Phelippe  de 
France,  et  seroit  cescuns  apparilliés,  ensi  que  prom-  10 
mis  avoit.  Cescuns  en  râla  en  son  lieu.  Li  marcis  de 
JuUers  meut  à  toute  se  compagnie  pour  aler  vers 
l'Empereur.  Si  le  trouvèrent  à  Floreberg. 

Pourquoi  feroi  je  lonch  sermon  de  leurs  parolles, 
ne  de  leurs  requestes?  Je  ne  les  saroie  raconter  tou-    15 
tes  entirement,  car  je  n'i  fui  mies.  Mais  li  dis  marcis 
de  Jullers  parla  si  gracieusement  à  monsigo^ur  Loeis 
de  Baivière,  empereur  de  Homme  pour  le  temps,  qu'il 
lisent  toutes  leurs  besongnes  et  ce  pour  quoi  il  estoient 
là  alet.  Et  y  rendi  ma  dame  Mai^erite  de  Haynau,  sa  30 
femme,  grant  painne.  Et  fli  adonc  li  marcis  de  Jullers 
fais  marcis  de  Jullers,  qui  en  devant  estoit  contes  de 
Jullers;  et  li  dus  de  Guéries,  qui  estoit  appelles  contes, 
fais  dus  de  Guéries.  Et  le  impetrèrent  ceste  augmen- 
tation de  nom  ses  gens  qui  là  estoient.  Et  ossi  lî  35 
^^nperères  donna  commission  à  quatre  chevaliers  et 
à  deus  clers  de  droit,  qui  estoient  de  son  conseil,  et 
pooir  de  feire  le  roy  englès  son  vicaire  par  tout 
l'Empire;  et  li  donna  grasce  par  quoi  il  peuist  faire 
monnoie  d'or  et  d'ai^nt,  el  nom  de  lui,  et  eom-    30 
mandement  que  cescuns  de  ses  soubgès  obeisist  à 
lui^  comme  au  vicaire  et  comme  à  lui  meismes.  Et 
i  —  10 


;vGoo»^lc 


14e  CHRONIQUES  DE  J.  FaOlSSAAT.  [1338] 

de  ce  prisent  li  dessus  dit  instrumens  pubUkes,  con- 

fi-emés  et  saiellés  soulfissamment  de  l'Empereur. 
Quant  li  dis  marcis  de  JuUers  eut  fait  toutes  ses  be- 
sougues,  il  et  se  compagnie  se  misent  au  retour. 

5  $  69.  En  ce  temporal,  li  jones  rois  David  d'Es- 
coce,  qui  avoit  perdu  grant  partie  de  son  royaulme, 
et  ne  le  pooit  recouvrer,  pour  l'effort  dou  roy  d'En- 

.  gleterre,  son  serourge,  se  parti  d'Escoce  priveement 
avoech  le  royne  sa  femme,  et  se  misent  en  mer;  si 

10  arrivèrent  à  Boulongne.  Et  puis  fisent  tant  qu'il  vin- 
rent en  France,  et  droitement  à  Paris,  où  li  rois  Phe- 
lippes  se  tenoit  pour  le  temps,  attendans  tous  les  joui^ 
que  deffiances  li  venissent  dou  roy  englès  et  des  signeurs 
de  l'Empire,  selonch  chou  qu'il  esloit  infourmés. 

15  De  la  venue  dou  roi  d'Escoce  fu  li  rois  de  France 
moult  resjoys,  et  le  conjoy  grandement,  pour  tant 
qu'il  en  entendoit  à  avoir  bon  confort.  Car  bien 
veoit  li  rois  de  France  et  ooit  dire  tous  les  jours  que 
li  rois  d'Engleterre  se  apparilloit,  quanqu'il  pooit, 

30  pour  lui  guerroiier,  et  pour  lui  osier  de  son  royalme, 
se  il  pooit  :  si  ques,  quant  li  rois  d'Escoce  li  eut  re- 
moustré  sa  besongne  et  sa  neccessité,  et  en  quel  is- 
tance  il  estoit  là  venus,  il  fu  lantost  tous  aquinlés  de 
lui,  car  moult  bien  se  savoit  acointier  de  chîaus  dont 

95  il  esperoit  à  avoir  pourfit,  ensi  que  pluiseur  graot 
signeur  sèvent  faire.  Se  li  présenta  ses  chastiaus  pour 
séjourner  à  se  volenté,  et  de  son  avoir  pour  [despen- 
dre'],  mais  qu'il  ne  volsist  faire  nul  acord  ne  pais  au 
roi  d'Engleterre,  fors  par  son  conseil. 

1.  Us.  de  Gaignièrei,  P>  34  v».  —  Ml.  6477,  f^Sl  v»:  f  âefTendn. i 


;vGoo»^lc 


[1338]  LIVRE  PREMIER,  $  69.  147 

li  Jones  rois  d'Escoce  reçut  en  grant  gré  ce  que  li 
rois  de  France  li  offi-i^  et  11  creanta  ce  qu'il  requlst 
tout  plainnement.  Si  sambla  adonc  au  roi  de  France 
que  c'estoit  grans  confors  pour  lui^  et  grans  contrai- 
res pour  le  roi  d'Engleterre,  se  11  poolt  tant  &ire  que  5 
li  slgneur  et  baron^  qui  estoient  demoret  en  Ëscoce, 
voslssent  et  peulssent  si  ensonniler  les  Englès  qu'il 
n'en  peuist  venir  par  deçà  le  mer^  se  petit  non^  pour 
lui  grever,  ou  qu'il  couvenlst  le  roi  d'Engleterre  re- 
passer, pour  garder  son  royaume.  Pour  ce  et  en  celle  lo 
intention,  il  retint  ce  jone  roy  d'Escoce  et  la  royne 
,sa  femme  dalés  lui,  et  les  soustlnt  par  lonch  temps, 
et  leur  Ust  délivrer  quanqu'U  leur  besongnoit,  car 
d'Escoce  leur  venolt  U  assés  petit,  pour  leur  estât 
parmaintenir.  Et  envola  11  dis  rois  de  France  grans  15 
messages  en  Escoce  à  ces  slgneurs  et  barons,  qui  là 
guerrloient  contre  les  garnisons  dou  roy  d'Engle- 
terre; et  leur  fist  offrir  grant  ayde  et  grant  confort, 
mais  qu'il  ne  volsissent  faire  pais  ne  donner  nulles 
triewes  as  Englès,  se  ce  n'estoit  par  se  volenté  et  par  30 
son  conseil,  et  par  le  volenté  et  conseil  de  leur  sl- 
gneur le  roy  d'Escoce,  qui  tout  ce  li  avoit  juret  et 
prommls  à  tenir. 

Sus  les  lettres  et  requestes  dou  roy  de  France, 
chll  slgneur  d'Escoce  se  consillièrent.  Quant  il  furent  35 
bien  consilUet,  et  il  eurent  consideret  parfaitement 
toutes  leurs  besongnes,  et  le  dure  guerre  qu'il  avoient 
as  Englès,  il  s'I  acordèrent  liement,  et  le  jurèrent  et 
scellèrent  avoech  le  roy  leur  slgneur.  Ensi  furent  les 
alliances  de  ce  temps  faites  entre  le  roy  Phelippe  de  30 
France  et  le  roi  David  d'Escoce,  qui  se  tinrent  fermes 
et  estables  un  loncb  temps.  Et  envola  li  dis  rois  de 


D,qit,zeabvG00»^lc 


U8  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT.  [1338] 

France  gens  d'armes  en  Escoce,  pour  guemier  les  _ 
Englès.  Et  par  especîal  messires  Ernoulz  d'Andrehen, 
qui  puis  fil  mareschaus  de  France,  et  li  sires  de  Ga- 
rensières,  avoech  pluiseurs  chevaliers  et  escuiers,  y 
5  furent  envoiiet^  et  y  Osent  tamainte  belle  apertise 
d'armes,  si  com  vous  orés  avant  en  Tystore.  Or  me 
tairai  à  présent  de  ceste  matère,  et  me  retrairai  à 
nostre  matère  devantrainne. 

$  70.  Quant  li  rois  Edowars  et  li  aultre  signeur  à 

10  lui  alloiiet  se  furent  parti  del  parlement,  si  com  vous 
avés  oy,  li  rois  se  retraist  à  Louvaing,  et  fist  apparil- 
lier  le  chasliel  pour  demorer.  Et  manda  à  le  [roioe'] 
Phelippe,  sa  femme,  se  elle  voloit  venir  par  deçà  le 
mer,  ce  li  plairoit  bien,  car  il  ne  pooît  de  là  rapas- 

15  ser  toute  celle  anée.  Et  renvoia  grant  fuison  de  ses 
chevaliers  oultre,  pour  garder  son  pays,  meismemeni 
sus  le  marce  d'Escoce.  La  royne  dessus  dilte  prist 
,  en  grant  plaisance  les  nouvelles  don  roy ,  son  si- 
gneur, et  se  apparilla,  au  mieus  et  au  plus  tost  que 

30  elle  peut,  pour  rapasser  le  mer.  Entrues  que  ces  be- 
songnes  se  detrioient,  li  aultre  chevaUer  englès,  qui 
estoient  en  Braibant  dalës  le  roy,  s'espardirent  aval 
le  pays  de  Flandres  et  de  Haynau,  en  tenant  grant 
estât  et  en  faisant  grans  frais.  Et  n'espai^noient  ne 

25  or  ne  aident,  non  plus  qu'il  leur  pleuist  des  nues,  et 
donnoient  grans  jeuiaus  as  signeurs,  as  dames  et  as 

*  damoiselles,  pour  acquerra  le  grasce  et  le  loenge  de 
ceulz  et  de  celles  entre  qui  il  conversoient;  et  tant 
&isoient  qu'il  l'avoient  de  tous  et  de  toutes,  et  meis- 

I .  M»,  de  Caignière»,  P>  35.  —  Mi.  6477,  f  53  :  -  roy.  - 


;vGoo»^lc 


[133S]  LIVRE  PREMIER,  §  70.  149 

mement  dou  commun  peuple  à  qui  il  ne  donnoient 
rienSj  pour  le  bîel  estât  qu'il  menolent. 

Or  revinrent  de  l'empereur  monsigneur  Loeîs  de 
fiaivière,  environ  le  Toussains,  li  marcis  de  Jullers 
et  se  compagnie.  Si  s^neiia  et  escrisi^  par  certains  s 
chevaliers,  au  roy  Edouwart  de  sa  venue,  et  li  manda 
ossi  que.  Dieu  merci,  il  avoit  bien  esptoitié.  De  ces 
nouvelles  (a  li  rois  tous  joians,  et  rescrisi  au  dit 
marcis  que,  à  le  feste  Saint  Martin,  il  iiist  devers 
lui,  et  que  à  ce  jour  tout  li  aultre  signeur  y  seroient.  10 
Avœch  tout  çou,  li  rois  englès  se  consilla  au  duc  de 
ft^ibant,  son  cousin,  et  li  demanda  où  il  voloit  que 
cils  parlemens  se  tenist.  Li  dus  fu  avisés  de  respon- 
dre,  et  ne  volt  mies  adonc  qu'il,  ftist  en  son  pays; 
et  si  ne  volt  mies  aler  jusques  à  Tret,  où  la  journée  15 
euist  esté  bien  seans,  pour  le  cause  des  signeurs  de 
l'Empire.  Ains  ordonna  et  volt  que  elle  fust  assise  à 
Herkes,  qui  siet  priés  de  son  pays,  en  le  conté  de 
Los.  Li  rois  englès,  saciés,  avoit  si  grant  désir  de  se 
besongne  avancier,  qu'il  li  couvenoit  poursiewir  et  90 
attendre  tous  les  dangiers  et  les  volontés  le  duch^ 
son  cousin,  puisqu'il  s'i  estoit  embatus;  et  se  acorda 
à  çou  que  li  journée  fîi  assignée  à  Herkes.  Si  le  ûst 
savoir  à  tous  ses  alloiiés,  qui  tout  y  vinrent  à  son 
mandement,  au  jour  de  le  Saint  Martin,  35 

Quant  tout  furent  là  venu,  saciés  que  li  ville  (a 
durement  plainne  de  signeurs,  de  chevaliers  et  d'es-  , 
cuiers,  et  de  toutes  aultres  manières  de  gens.  Et  fîi 
U  halle  de  le  ville,  là  où  on  vendoit  pain  et  char, 
qui  gaires  ne  valoit,  encourtinée  de  biaus  draps  30 
comme  la  cambre  le  roy.  Et  fu  li  rois  englès  assis, 
le  couronne  d'or  moult  rice  et  moult  noble  sus  son 


;vGoo»^lc 


ISO  CHRONIQUES  DE  J.  FRCHSSAILT.  [1338] 

chi^,  plus  hault  cinq  pies  que  nulz  des  aultres,  sur 
un  banc  d'un  boucler,  là  où  il  vendoit  et  tailloit  se 
char.  Onques  tèle  halle  ne  fu  à  si  haute  honneur.  Là 
endroit,  par  devant  tout  le  peuple  qui  là  estoit^  et 

s  par  devant  tous  les  signeurs,  furent  leutes  les  lettres 
l'Empereur,  par  les  quèles  il  constituoit  le  roi  <J'E^- 
gleterre  Ëdouwart  son  vicaire  et  son  lieutenant  pour 
lui,  et  11  donnoit  pooir  de  Êiire  droit  et  loy  à  çascun, 
el  nom  de  lui,  et  de  &ire  monnoie  d'or  u  d'ai^ent, 

10  ossi  el  nom  de  lui.  Et  commandoit  par  ses  dittes  let- 
tres à  tous  les  princes  de  son  Empire,  et  à  tous  aul- 
tres  à  lui  soubgès,  qu'il  obeisissent  à  son  vicaire 
comme  à  lui  meismes,  et  H  fesissent  feaulté  et  hom- 
mage comme  au  vicaire  de  l'Empire. 

15  Quant  ces  lettres  furent  leutes,  cescuns  des  si- 
gneurs  Gst  feaulté  et  sairement  au  roi  englès,  comme 
au  vicaire  de  l'Empereur.  Et  lantost,  là  endroit,  fu 
clamet  et  respondut  entre  parties,  comme  devant 
l'Empereur,  et  ju^et  droit  à  le  semonse  de  lui.  Et  fu 

30  là  endroit  renouvelez  et  afiremés  uns  jugemens  et 
estatus,  qui  avoit  estet  ùàs  en  le  court  de  l'Empereur 
dou  temps  passet,  qui  telz  estoit  :  que,  qui  voloît 
aultrui  grever  ou  porter  damage,  il  le  devolt  segne- 
fiier  souffissamment,  trois  jours  devant  son  fait;  et 

SS  qui  aultrement  le  feroit,  il  devoit  estre  attains  com 
de  mauvais  et  de  villain  fait.  Chilz  estatus  sambla 
estre  bien  raisonnables  à  cesoun,  mais  je  ne  croi 
mies  que  de  puis  il  ait  estet  par  tout  bien  gardés. 
Quant  tout  çou  fu  fait,  li  signeur  se  départirent  et 

30  creantèrent  11  uns  à  l'autre  de  estre  apparilliet  sans 
delay  à  toutes  leurs  gens,  ensl  que  couvenenciet  es- 
toient,  trois  sepmainnes  ajH-lès  le  Saint  Jehan,  pour 


;vGoo»^lc 


[1SS8]  UVnB  PREMIER,  §  71.  1SI 

aler  devant  Cambray^  qui  doit  estre  de  l'Empire,  et 
estoit  tournée  par  devers  le  roy  de  France. 

$  71.  Ensi  se  départirent  cil  signeur;  cescuns  en 
râla  en  son  lieu.  Et  li  rois  Edouwars,  vicaires  de 
l'Empire,  s'en  revint  à  Louvaing,  dalés  ma  dame  la  & 
royne  sa  femme,  qui  nouvellement  estoit  là  venue  à 
grant  noblèce,  et  bien  acompagnie  de  dames  et  de 
damoiselles.  Si  tinrent  à  Louvaing  leur  tinel  moult 
bonnourablement,  tout  cel  yvier.  Et  fist  faire  mon- 
noie  d'or  et  d'ai^ent  en  Ànwiers,  à  grant  ftiison.  10 
Mais  porn-  ce  ne  cessa  mies  U  dus  de  Bnùbant  de 
renvoiier  songneusement  devers  le  roy  de  France 
monsigneur  Loeis  de  [Cranehen  '],  son  plus  especial 
chevalier  et  consilleur,  en  lui  excusant.  En  le  fin,  il 
le  fist  demorer  tout  quoi  dalés  le  roy.  Et  li  carga  et  15 
enjoîndi  expressément  que  toutdis  il  l'escusast  de- 
vers le  roy,  et  contredesist  toutes  informations  qui 
pooient  venir  au  dit  roi  à  rencontre  de  lui.  Li  dis 
monsigneur  Loeis  n'osa  escondire  le  commandement 
del  duch  son  signeur;  ains  en  fist  toutdis  bien  son  so 
devoir,  à  son  pooir.  Mais  au  darrain  il  en  eut  povre 
guerredon,  car  il  en  morut  en  France  de  duel,  quant 
on  vei  apparamment  le  contraire  de  ce  dont  il  escu- 
soit  le  duch  si  certainnemeot;  et  en  devint  si  confiis 
qu'il  n'en  volt  onques  puis  retourner  en  Braibant.  Si  25 
demora  tous  cois  en  France,  pour  lui  oster  de  sous- 
peçon,  tant  qu'il  vesqui  :  ce  ne  fii  pas  longement,  si 
com  vous  orés  en  avant  reeorder  en  l'ystore. 

1.  M»,   de  Moiichy-No«illet.  fb  35  v»   —  M».  iVl   (»■  53  ;  «  Crare- 


;vGoo»^lc 


ISi  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSART.  [1339] 

§  73.  Or  passa  cilz  yviers;  H  estes  revint;  H  feste 
Saint  Jehan  Baptiste  approça.  Chil  signeur  d'Alona- 
gne  se  cx)mmencièrenl  à  apparillier,  pour  achiever 
leur  emprise.  Li  rois  de  France  se  pourvei  à  l'en- 
5  contre,  car  il  savoit  partie  de  leur  entente,  comment 
qu'il  n'en  fust  point  encores  deffiiés.  Li  rois  englès 
fist  toutes  ses  pourreances  faire  en  Ëngleterre,  et  ses 
gens  d'armes  apparillier  et  a  passer  par  deçà  le  mer, 
si  tost  que  li  Saint  Jehan  fu  passée.  Et  se  ala  tenir  il 

10  meismes  à  Yilvort;  et  faisoït  ses  gens^  ensi  qu'il 
apassoient  oultre  et  qu'il  venoient,  prendre  hostelz 
en  le  ville  de  Vilvort.  Et  quant  li  ville  fu  plainne,  il 
les  fist  logier  contreval  ces  biaus  prés,  selonch  le  ri- 
vière, en  tentes  et  en  très.  Et  là  se  logièrent  il  et  de- 

15  morèrent,  de  le  Magdelainnejusques  apriésie  Nostre 
Dame  en  septembre,  en  attendant  de  sepmainne  en 
sepmainne  le  venue  des  aultres  signeurs,  et  par  espe* 
cial  celle  dou  duch  de  Braibant,  apriès  qui  tout  li 
anitre  s'attendoient.  Quant  li  rois  englès  vei  que  cil 

30  signeur  ne  venoient  point  ne  apparilliet  estoient,  il 
envoia  certains  messages  viers  çascun,  et  les  fist  se- 
monre,  sour  leur  créant,  qu'il  venissent  sans  nul  de- 
lai,  ensi  que  créante  avoient,  ou  il  venissent  au  jour 
Saint  Gille  pour  parler  à  lui  en  le  ville  de  Malignes, 

2*1  et  lui  dire  pour  quoi  il  larmoient  tant. 

Li  rois  Edouwars  sejournoit  à  Vilvort  à  grant  fret, 
ce  puet  çascuns  savoir,  et  perdoit  son  temps  ;  se  li 
anoioit,  et  ne  le  pooit  amender.  Il  soustenoit  tous  les 
jours  sous  ses  frès  bien  seize  cens  armeures  de  fier, 

30  fleur  de  gens,  tous  venus  de  oultre  le  mer,  et  bien 
dix  mille  arciers,  sans  tes  aultres  poursiewans  à  çou 
apertenans.  Se  H  pooit  bien  ce  peser,  avoeeh  le  grant 


;vGoo»^lc 


I 


iiiZd]  UVBE  PREMIER,  g  73.  1S3 

trésor  qu'il  avoit  donnet  à  ces  si^eurs  qui  ensî  le 
detrioient  par  parolles,  ce  li  pooit  bien  sambler,  et 
avoecques  les  grandes  armées  qu'il  avoit  establis  sour 
m^  contre  Geneuois,  Nonnans,  Bretons,  Pikars  et 
Espagnolz,  que  li  rois  Phelippes  feisoït  gésir  et  na-  a 
gier  sour  mer  à  ses  gages,  pour  les  Englès  grever; 
dont  messires  Hues  Kierés,  messires  Pières  Bahucés 
et  Barbevaires  estoient  amiraut  et  conduiseur,  pour 
garder  les  destrois  et  les  passages  entre  Engleterre  et 
France.  Et  n'attendoient  cil  dessus  dit  escumeur  de  lo 
mer  aultre  cose  que  les  nouveUes  leur  venissent  que 
11  rois  englès,  si  com  on  supposoit,  euist  deOiiet  le 
roy  de  France,  qu'il  enteroient  en  Çngleteire,  où  que 
ce  (bst,  il  avoient  jà  aviset  ù  et  comment,  pour  por- 
t^  au  pays  grant  damage.  15 

§  73.  Quant  cil  signeur  d'Alemaigne,  à  le  semonse 
dou  roi  englès ,  li  dus  de  Braibant  et  messires  Jehans 
de  Haynau  vinrent  à  Malignes,  il  n'amenèrent  pas 
leurs  gens  avoech  yaus,  ne  leurs  pourveances,  pour 
hostoiier;  mais  se  traisent  par  devers  le  roy,  pour  %o 
parlementer  encores  un  petit  ensamble.  Et  là  il  s'a- 
cordèrent  communément,  apriès  tout  plain  de  parol- 
les, que  li  rois  englès  pooit  bien  mouvoir  à  le  quin- 
sainne  après  ou  environ,  et  seroient  adonc  tout 
appareilliet.  Et  pour  tant  que  leur  guerre  fiist  plus  3S 
belle,  et  que  bien  apertenoit  à  faire,  puis  qu'il  vo- 
loient  guerroiier  le  roi  de  France,  il  se  acordèrent  de 
envoiier  les  deflîances  au  roi  Phelippe  :  première- 
ment, li  rois  d'Ëngleterre  Edouwars,  qui  se  fist  cbiës 
de  tous  et  de  chiaus  de  son  royaulme,  ce  fu  raisons,  so 
ossi  li  dus  de  Guéries,  H  marcis  de  Jullers,  messires 


;vGoo»^lc 


iSi  CHRONIQUES  DE  J.  FB(»SSART.  [ISSft] 

Robers  d'Artois,  messïres  Jehans  de  Haynau,  li  mar- 
ois  de  Misse  et  d'Eurient,  li  marcis  de  Blankebourc, 
li  sires  de  Faukemont,  messires  Ëmoulz  de  Bakehea, 
li  aroberesques  de  Coulongne,  messires  Galerans,  ses 
5  frères,  et  tout  li  sigaeur  de  l'Empire,  qui  chief  se 
fàisoient  de  le  besongne  avoech  le  roi  englès.  Si  fil- 
rent  ces  deffîances  escriptes  et  scellées  de  cescim,  ex- 
cepté dou  duch  Jehan  de  Braibant,  qui  encores  s'es- 
cusa,  et  ne  se  volt  mies  adonc  conjoindre  en  ces 

10  deffiances,  et  dist  qu'U  feroit  son  fait  à  par  lui,  à 
tamps  et  à  point.  De  ces  deffîances  aporter  en  France 
fil  priiés  et  cargiés  li  evesques  de  LincoUe,  qui  bien 
s*en  acquitta,  car  il  les  aporta  à  Paris,  et  list  son 
message  bien  et  à  point,  tant  qu'il  ne  fîi  de  nullul 

15  rejH'is  ne  blâmés.  Et  li  iîi  délivrés  un  saufconduis 
pour  retourner  arrière  devers  le  roy,  son  signeur, 
qui  se  tenoit  à  Malignes. 

Or  vous  voel  je  parler  de  deus  grans  entrepresures 
d'armes  que  messires  Gautiers  de  Mauai  Ost,  en  le 

20  propre  sepmainne  que  li  rois  de  France  fil  deffiiés. 
Si  tretost  comme  il  peut  sentir  et  percevoir  que  li 
rois  de  France  devoit  ou  pooit  estre  deffiiés,  il  pria 
et  cueilla  environ  quarante  lances  de  bons  compa- 
'  gnons  seurs  et  hardis,  et  chevauça  tant  de  nuit  que 

35  de  jours,  qu'il  vint  en  Haynau,  et  se  bouta  ens  es 
bos  de  Blaton.  Et  encores  ne  savoit  nulz  quel  cose  il 
voloii  faire,  mes  il  s'en  descouvri  là  à  aucuns  de  ses 
plus  secrès,  et  leur  dist  qu'il  avoit  prommis  et  voé 
en  Engleterre,  présent  dames  et  signeurs,  que  ce  se- 

30  roit  li  premiers  qui  enteroit  en  France  et  y  feroit 
guerre,  et  prenderoit  cbastiel  ou  forte  ville,  et  y  fe- 
roit aucune  apertise  d'armes  :  si  estoit  sen  entente 


;vGoo»^lc 


[1339]  LITRE  PREMIER,  $  73.  IS» 

que  de  chevaucier  jusqoes  à  Mortagne,  et  de  sous- 
prendre  le  -ville  qui  se  tient  dou  royaume. 

Chil  à  qui  il  s'en  descouvri  11  acordèrent  liement. 
Adonc  recenglèreot  il  leurs  chevaus  et  restraindirent 
leiu^  armeures,  et  chevaucièrent  tout  sieret,  et  pas-  5 
sèrent  les  bos  de  Blaton  et  de  Brifiiel,  et  vinrent 
droit  à  un  ajournement,  un  petit  devant  soleil  levant^ 
à  Mortagne.  Si  trouvèrent  d'aventure  le  guicet  ou- 
vert. Adonc  descendirent  il  messires  Gautiers  de 
Mauni  tout  premiers,  et  aucuns  des  compagnons,  et  10 
entràrent  en  le  porte  tout  quoiement,  et  eslablirent 
aucuns  des  leurs  pour  garder  le  porte,  par  quoi  il  ne 
fuissent  souspris  ;  et  puis  s'en  vinrent  tout  contreval 
la  rue,  messires  Gautiers  de  Mauni  et  son  pennon 
tout  devant,  devers  le  grosse  tour  et  les  chaingles.  15 
Si  le  cuidièrent  ossi  trouver  mal  gardée,  mais  il  &1- 
lirent  à  leur  entente,  car  les  portes  et  li  guicet  es- 
toient  fremet  bien  et  estroitement.  Ossi  la  gette  dou 
chastiel  oy  la  friente  et  les  perçut  de  sa  garde.  Si  fii 
tous  esbahis,  et  conunença  à  sonner  et  à  corner  en  ao 
sa  buisine  :  c  Trahi  I  trahi  I  »  Si  esvillièrent  toutes 
gens  et  li  saudoiier  dou  cbastiel,  mais  point  ne  vui- 
dièrent  de  leur  fort. 

Quant  messires  Gautiers  de  Mauni  senti  les  gens 
de  Mortagne  esmouvoir,  il  se  retraist  tout  bellement  3S 
devers  le  porte,  mais  il  fîst  bouter  le  feu  en  le  rue 
contre  le  chastiel,  qui  tantost  s'esprlst  et  aluma.  Et 
furent  bien  à  ceste  matinée  soixante  maisons  arses,- 
et  les  gens  de  Mortagne  moult  ellraet,  car  il  cuidiè- 
rent  estre  tout  pris.  Mais  li  sires  de  Mauni  et  ses  30 
gens  se  partirent  de  le  ville,  et  chevaucièrent  arrière 
devers  Condet,  et  passà%nt  là  l'Escaut  et  le  rivière 


;vGoo»^lc 


iM  CHRONIQUES  DE  ].  FftOlSSABT.  [1339] 

de  le  Haine  ;  et  clievaucièrent  le  cliemin  de  Valen- 
ciènes  et  le  costiièrent  à  le  droite  main,  et  vinrent  à 
Denaing^  et  se  raireschïrent   en    l'abbeye.  Et  puis 
passèrent  oultre  devers  Bouchain,  et  lisent  tant  au 
Et  cfaastellain  de  Bouchain  que  les  portes  leur  furent 
ouvertes,  et  passèrent  là  une  rivière  qui  y  keurt,  qui 
se  refîert  en  l'Escaut,  et  vient  d'amont  devers  Alues, 
en  Pailluel. 
Apriès  ce,  quant  il  furent  tout  oultre  Bouchain  et 
10  le  rivière,  il  s'en  vinrent  à  un  fort  chastiel,  qui  se  te- 
noit  de  l'evesque  de  Cambrai  et  de  Cambresis,  et 
l'appelloit  on  Thun  l'Evesque,  et  siet  sus  le  rivière 
d'Escaut.  En  che  chastiel,  n'avoit  adonc  nulle  garde 
souffissans,  car  li  pays  ne  cuidoit  nient  estre  en 
15  guerre.  Si  furent  cil  de  Tfaun  soubdainnement  sous- 
pris,  et  li  chastiaus  pris  et  conquis ,  et  li  chastelains 
et  sa  femme  dedens.  Et  en  fist  li  sires  de  Mauni  une 
bonne  garnison ,  et  y  ordonna  à  demorer  un  sien 
frère  chevalier,   qui  s'appelloit  messires  Gilles  de. 
30  Mauni,  c'on  dist  Grignart,  H  quelz  fist  de  puis  ce  jour 
pluiseurs  destourbiers  à  chiaus  de  Cambresis  et  de  le 
cité  de  Cambrai,  car  li  chastiaus  siet  à  une  liewe  de 
Cambrai.  Quant  messires  Gautiers  de  Mauni  eut  Ëiit 
ses  emprises,   il  s'en  retourna  francement  en  Brai- 
sa bani  devers  le  roy  englès,  son  signeur,  et  le  trouva 
à  Malignes;  se  li  recorda  une  partie  de  ses  chevau* 
cies.  Li  rois  les  oy  volentiers  et  les  retint  à  grant 
vasselage. 

§  74.  Vous  avés  bien  ci  dessus  oy  recorder  sus 

30  quel  estât  H  signeur  de  l'Empire  se  partirent  don  roy 

englès  et  dou  parlement  qui  fu  à  Malignes,  et  corn- 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1339]  LIVRE  PREMIER,  §  74.  157 

ment  il  envoiièrent  deffiier  le  roy  de  France.  Sitos 
que  H  rois  Phelippes  se  senti  deffiiés  dou  roy  englès 
et  de  tous  ses  ailoiiés,  il  vei  bien  que  c'estoit  acoles 
et  qu'il  aroit  le  guerre.  Si  se  pourvei  seioDch  ce  bien 
et  grossement,  et  retint  gens  d'armes  et  saudoiîers  à     5 
tous  lés,  cl  envoia  grans  garnisons  en  Cambresis,  car   " 
il  pensoit  bien  que  de[ce']costé  il  aroit  première- 
ment l'assaut.    Et  envoia  monsigneur  le  Galois  de 
le  Baume,    un, bon  cbevalier  de  Savoie,    dedens 
Cambrai,  et  l'en  fist  chapitainne,  avoecques  monsi*   lo 
gneur  Tbiebaut  de  Moruel  et  le  signeur  de  Roie.  Et 
estoient  bien,  Savoiien  que  François,  deux  cens  lan- 
ces. Et  envoia  encores  11  dis  rois  Phelippes  saisir  le 
conté  de  Pontieu,  que  H  rois  d'Engleterre  avoit  tenu 
en  devant  de  par  ma  dame,  se  mère.  Et  manda  et  is 
pria  à  aucuns  signeurs  de  l'Empire,  telz  que  le  conte 
de  Haynau,  sou  neveu,  le  duch  de  Loerainne,  le 
conte  de  Bar,  l'evesque  de  Mes,  l'evesque  de  Liège, 
monsigneur  Aoulz  de  le  Marce,  que  il  ne  fesissent 
oui  mauvais  pourcach  contre  lui  ne  à  son  royalme.    30 
U  plus  de  ces  signeurs  ti  mandèrent  que  ossi  ne  fe- 
roient  îlz.  Et  adonc  li  contes  de  Haynau  li  rescrisi 
moult  courtoisement  et  li  segnefia  qu'il  seroit  appa- 
reilliés  à  li  et  à  son  royalme  à  aidier,  à  defifendre  et 
à  garder  contre  tout  homme.  Mais,  se  li  rois  englès  35 
voloit  gueniier  en  l'Empire,  comme  vicaires  et  lieu- 
tenans  de  l'Empereur,  il  ne  li  pooit  refuser  son  pays 
ne  son  confort,  car  il  tient  en  partie  sa  terre  de 
l'Empereur;  se  li  doit,  ou  à  son  vicaire,  toute  obéis- 
sance. De  ces  rescripsions  se  contenta  li  rois  de   30 

1 .  M»,  de  Gaignières,  i"  36.  -  Ml.  6477,  f  55  (Ucune). 


D,qit,zeabvG00»^lc 


«SS  ŒHONIQUBS  DE  J.  FROISSA&T.  [1337J 

France  assés  bien,  et  les  laissa  passer  legierement,  et 
n'en  fist  nul  grant  compte,  car  il  se  sentoît  fors  assés 
pour  résister  contre  tous  ses  ennemis. 

Si  tretost  que  messires  Hues  Kierés  et  si  compa- 
5  gnon,  qui  se  tenoient  sus  mer,  entendirent  que  les 
■    deffiances  estoient,  et  la  guerre  ouverte  entre  France 
et  Eogleterre,  il  en  furent  tout  joiant;  si  se  départi- 
rent avoecques  leur  année,  où  il  avoit  bien  vint 
mille  combatans  de  toutes  manières  de  gens,  et  sin- 

10  glèrent  vers  Engleterre ,  et  vinrent  un  dimence  au 
matin  ou^havene  de  Hantonne,  entrues  que  les  gens 
estoient  à  messe.  Et  entrant  li  dit  Normant  et  G«- 
neuois  en  le  ville  et  le  prisent  et  le  piUièrent  et  ro- 
bèrent  tout  enlirement,  et  y  tuèrent  moult  de  gens, 

15  et  violèrent  pluiseurs  dames'  et  pucelles,  dont  ce  (a 
damages;  et  chargièrent  leurs  naves  et  leurs  vaissiaus 
dou  grant  pillage  qu'il  trouvèrent  en  le  ville,  qui 
estoit  plainne  et  drue  et  bien  garnie,  et  puis  rentrè- 
rent en  leurs  nefe.  Et  quant  li  flos  de  le  mer  fii  re- 

20  venus,  il  desancrèrent  et  singlèrent  à  l'esploit  dou 
vent  devers  Normendie,  et  s'en  vinrent  rafrescîr  à 
Dièpe;  et  là  départirent  il  leur  butin  et  leur  pillage. 
Or  retourrons  nous  au  roy  englès,  qui  se  tenoit  à 
Malignes,  et  se  apparilloit  fort  pour  venir  devant 

25  Cambray. 

§'75.  Li  rois  englès  se  parti  de  le  ville  de  Malignes 
et  vint  à  Brousselles  pour  parler  au  duch  de  Brai- 
'  bant,  son  cousin,  et  toutes  ses  gens  passèrent  au  de- 
hors. Donc  s'avalèrent  Alemant  efforciement,  li  dos 
30  de  Guéries,  li  marcis  de  Jullers,  li  marchis  de  Blan- 
kebourch,  li  marchis  de  Misse  et  d'Eurient,  li  contes 


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[133d]  UVRE  PREHIfiR,  $  75.  189 

des  Mons,  li  contes  de  Saumes^  U  sires  de  Fauke-  . 
mont,  messb^s  Ernoulz  de  Bakehen  et  tout  11  .si- 
gneur  de  l'Empire  alloiiet  au  roy  englès;  et  estoient 
bien  vint  mille  hommes.  D'autre  part^  estoit  messi- 
res  Jebans  de  Uaynau,  qui  se  pourveoit  grossement     5 
pour  estre  en  ceste  ohevaucie^  mais  il  se  tenoit  dalés 
le  conte  de  Haynau,  son  neveut.  Quant  11  rois  englès 
et  messires  Robers  d'Artois  lurent  venu  à  Broussellcs, 
et  il  eurent  parlé  au  duc  de  Braîbant  assés  et  de 
pluiseurs  coses,  il  demandèrent  au  dit  ducb  quelle  lO 
estoit  se  intention,  de  venir  devant,  ou  dou  laissier. 
Li  dus  à  ceste  parolle  respondi  et  dist  que,  si  tretost 
que  il  poroit  savoir  que  il  aroit  assegiet  Cambray,  il 
se  trairoit  de  ceste  part  à  douze  cens  lances,  bien 
estoSës  de  bonnes  gens  d'armes.  Ces  responses  souf-  15 
firent  bien  au  roy  englès  adonc  et  à  son  conseil. 

Si  se  parti  li  dis  rois  de  Brousselles  et  passa  parmi 
le  ville  de  Nivelle,  et  là  jut  une  [nuyt*].  A  l'ende- 
Tpain,  il  vînt  à  Mons  en  Haynau,  et  là  trouva  le  jone 
conte,  son  serourge,  et  monsigneur  Jehan  de  Haynau,  20 
son  oncle,  qui  le  reçurent  moult  liement^  et  monsi- 
gneur Robert  d'Artois  qui  estoit  toutdis  dalés  lui  et 
de  son  plus  secret  conseil,  et  environ  seize  ou  vint 
grant  baron  et  chevalier  d'Engleterre  que  li  dis  rois 
menoit  avoech  lui,  pour  sen  honneur  et  son  estât  et  35 
pour  lui  eonsiUier.  Et  si  y  estoit  li  evesques  de  Lin- 
colle,  qui  moult  estoit  renommés,  en  ceste  chevaucie, 
de  grant  sens  et  de  proèce.  Si  se  reposa  li  rois  englès 
deux  jours  à  Mons  en  Haynau,  et  y  fîi  grandement 
festiiés  dou  dit  conte  et  des  chevaliers  dou  pays.  Et  30 

1.  Ma.  de  GaigaiirM,  f>  36  v».  —  Ha.  647T,  1^  56  (laonns). 


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160  CHRONIQUES  DE  J.  PR0ISS4IIT.  [13S9] 

toutdis  passoient  ses  gens  et  se  logoient  sus  le  pMa 
pays,  ensi  qu'il  venoient,  et  trouvoient  tous  vivres 
apparilliés  pour  leurs  deniers;  li  aucun  paioient  etli 
aultre  non. 
5  Ensi  se  approohièrent  les  besongnes  dou  roy  en- 
glès,  et  s'en  vint  à  Valenciènes,  et  y  entra  tant  seu- 
lement li  douzime  de  chevaliers.  Et  jà  y  estoient 
venu  li  contes  de  Haynau  et  messires  Jehans  de  Hay- 
nau,  ses  oncles,  li  sires  d'Enghien,  li  aires  de  Fa- 

10  gnuelles,  U  sires  de  Wercin,  li  sires  de  Hav«ech,  et 
pluiseur  aultre  chevalier,  qui  se  tenoient  dalés  leur 
signeur,  et  rechurent  le  roy  englès  moult  liement. 
Et  l'en  mena  li  dis  contes  par  le  main  jusques  en  la 
Salle,  qui  estoit  toute  arrée  et  appareillie  poiu-  lui  re- 

15  chevoir.  Donc  il  avint  que,  en  montant  les  dep^ 
de  le  Salle,  li  evesques  de  Lincolle^  qui  là  estoit  pre- 
sens,  leva  sa  vois  et  dist  :  «  Guillaume  d'Ausonoe, 
evesques  de  Cambrai,  je  vous  amonneste,  comme 
procurères  de  par  le  roy  d'Engleterre,  vicaire  de 

»  l'empereur  de  Romme,  que  vous  voeHiés  ouvrir  le 
cité  de  Cambray  ;  aultrement,  vous  vos  fourfaites,  et 
y  enterons  de  force.  »  Nulz  ne  respondi  à  ceste  pa- 
rolle,  car  h  evesques  n'estoit  point  là  presens.  £n- 
cores  parla  li  dis  evesques  de  Lincolle  et  dist  :  «  Cou- 

S5  tes  de  Haynau,  nous  vous  amonnestons,  de  par 
l'empereiu'  de  Romme ,  que  vous  venés  servir  le  roy 
d'EngletCTre,  sen  vicaire,  devant  Cambrai,  à  ce  que 
vous  devés  de  gens.  »  Li  contes,  qui  là  estoit,  res- 
pondi  et  dist  :  «  Yolentiers.  »  Apriès  ces  parotles,  U 

30  entrèrent  en  le  Salle  et  menèrent  le  roy  englès  en  sa 
cambre.  Assés  tost  apriès,  (a  11  soupers  appareilliés, 
qui  fil  grans  et  biaus  et  bien  ordonnés.  A  l'ende- 


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[1339]  LIVRE  PRBHIKR,  $  76.  161 

main,  au  matirt,  se  parti  li  rois  englès  de.Valenciè- 
nes,  el  s'en  vint  à  Haspre;  et  là  se  loga  et  reposa 
deux  joiirs^  attendant  ses  gens  qui  venoient,  dont  il 
en  y  avoit  grant  fiiison ,  tant  d'£ngleterre  comme 
d'AlemagiK.  5 

$  76.  Quant  li  rois  englès  eut  esl^  deux  jours  à 
"Haspre,  et  que  là  moult  de  ses  gens  furent  passet  et 
venu  à  Nave  et  là  environ,  il  s'en  parti  et  s'en  vint 
devers  Cambray,  et  se  loga  à  Yvuis,  et  assega  la  cite 
de  Cambray  de  tous  poins,  et  toutdis  li  croissoîent  lo 
gens.  Là  vint  li  jones  contes  de  Hayoau  en  très  grant 
aiToy,  et  messires  Jebans  de  Haynau,  ses  oncles,  et 
se  logièrent  assés  priés  don  roy;  apriès,  li  dus  de 
Guéries  et  ses  gens,  li  marchis  de  Jullerç  et  se  roule, 
li  marchis  de  Misse  et  d'Ëurient,  li  marcis  de  Blan-  is 
kebouTch  et  leurs  routes,  li  contes  des  Mons,  li  con- 
tes -de  Saumes,  li  sires  de  Faukemont,  messires  Er- 
noulz  de  Ëakefaen,  et  ensi  tout  li  aultre;  et  toutdia 
leur  eroissoient  gens. 

Au  sixime  jour  que  li  rois  englès  et  tout  cil  si-  ao 
gneur  se  furent  It^et  devant  Cambray,  vint  li  dus 
de  Braibant  en  l'est,  moult  estoffeement  et  en  grant 
arroy.  Et  avoit  bien  neuf  cens  lances,  sans  les  aultres 
aimeures  de  fer,  dont  il  avoit  grant  fuison.  Et  se  loga 
devers  Ostrevan  sus  l'Escaut,  et  fîst  on  un  peut  sus  35 
te  rivière,  pour  aler  de  l'une  bost  à  l'autre.  Lors  que 
li  dus  de  Braibant  fu  venus,  il  envoia  deffîier  le  roy 
de  France  qui  se  tenoit  à  Compiègne.  De  quoi  mes- 
sires Loys  de  Cranehen,  qui  toutdis  l'avoît  escuset, 
en  fil  si  confus  qu'il  en  morut  de  duel,  dont  ce  fu  30 
damages  pour  ses  amis. 


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leS  CHRWIQUBS  DE  J.  FROISSAAT.  [1»9] 

Che  siège  durant  devant  Cambray,  il  y  eut  ploi- 
seurs  assaus,  escarmuces  et  paletis.  Et  chevauçoient 
par  usage  messires  Jehans  de  Haynau  et  U  sires  de 
.Fauquemonl  ensamble  :  dont  il  ardirent  et  foulèrent 
i  durement  le  pays.  Et  vinrent  cil  signeur,  un  jmir,  et 
leurs  routes,  où  il  avoit  bien  cinq  cens  lances  et 
mille  aultres  combatans,  au  chastiel  de  Oisi,  en  Cam- 
Ixresis,  et  y  livrèrent  un  très  grant  assaut.  Et,  se  ne 
fiiissent  U  chevalier  et  li  escuier  qui  dedens  estoieat, 
10  il  l'euissent  pris  et  de  force.  Mais  si  bien  se  defièn- 
dirent  cil  de  dedans^  qui  là  estoient  de  par  le  signeur 
de  Couci,  qu'il  n'eurent  point  de  damage.  Et  retour* 
nèrent  li  dessus  dit  signeur  et  leurs  routes  en  leurs 
k^is. 

15  §  77.  Encores  ce  siège  durant  par  devant  CamlHay, 
vint  par  un  samedi  li  contes  Guillaïunes  de  Haynau, 
qui  estoit  moult  bacetereus,  à  tout  cbiaus  de  son 
pays,  dont  il  y  avoit  très  bonne  gent  devant  le  cité 
de  Cambray,  à  le  porte  de  Saint  Quentin,  et  y  livra 

30  grant  assaut.  Et  là  fii  Jefaans  Chandosj  qui  adonc  es- 
toit  escuiers  très  appers  et  bons  baceier^,  et  se  jetia 
entre  les  barrières  et  te  porte  oultre  au  Iwich  d'une 
lanee;  et  là  se  combat!  à  un  escuier  de  Vermendois 
moult  vaillamment,  qui  s'appelloit  Jefaans  de  Saint 

35  Digier.  Et  fisent  adonc  li  uns  sus  l'autre  plniseurs 
belles  apertises  d'armes.  Et  conquisent  de  force  li 
Haynuier  le  baille.  Et  là  estoit  li  contes  de  Haynau, 
en  très  bon  convenant,  et  ses  senesehaus  messires 
Gerars  de  Wercin,  et  messires  Henris  d'Antoing  et 

30  tout  li  aultre  qui  s'avançoient  et  enventuroient  faar- 
diement  pour'  leur  honneur. 


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11339]  LIVRE  PREUIER,  $  78.  1S9 

•À  une  porte^  c'on  dist  le  porte  Robert,  estoient  li 
sires  de  Byaumont,  li  sires  de  Fauquemont^  et  mes- 
sires  Gautiers  de  Mauni  et  leurs  gens,  et  y  fiseat  im 
très  fort  et  dur  assaut.  Mais,  se  il  assalloient  forte- 
ment et  durement,  cfail  de  Cambray,  et  li  saudoiier  5 
que  li  rois  de  France  y  avoit  ossi  envoilés,  se  deffen- 
doient  vassaument  et  par  grant  avis.  Et  fîsent  tant 
que  li  dessus  dit  assallant  n'i  conquisent  riens,  mais 
retournèrent  bien  lasset  et  bien  batu  à  leurs  logeis; 
H  se  désarmèrent  et  pensèrent  dou  reposer.  Et  vint  10 
là  li  Jones  contes  Guillaumes  de  Namur  servir  le 
conte  de  Haynau,  par  priière;  et  disoit  qu'il  se  ten- 
roit  de  leur  partie  bien  et  volentiers,  tant  qu'il  se- 
roient  sus  l'Empire;  mais,  si  tretost  qu'il  enteroient 
sus  le  royaume  de  France,  il  s'en  iroit  devers  le  roy  15 
Phelippe  qui  l'avoit  retenu  ossi.  C'estoit  li  intentions 
dou  conte  de  Haynau;  et  commandoit  estroitement 
à  ses  gens  que  nulz,  sus  le  bart,  ne  fourfissist  riens 
au  royaume  de  France. 

$  78.  Entrues  que  li  rois  d'Engletore  seoit  devant  20 
le  cité  de  Cambray,  à  bien  quarante  mille  bommes, 
et  que  moult  les  constraindi  d'assaus  et  de  pluiseurs 
Êds  d'armes,  bisoit  li  rois  Phelippes  de  France  son 
mandement  à  estre  à  Perronne,  en  Yermendois,  et, 
là  environ^  car  il  avoit  intention  de  chevaucier  con-  K 
bre  les  Ënglès,  qu'il  sentoit  moult  efforciement  en 
Gunbresis.  Donc  les  nouvelles  en  vinrent  en  Fost 
d'Englet^re,  que  li  rois  Pbelippes  Ëiisoit  un  grant 
amas  des  nobles  de  son  royalme.  Si  regarda  li  rois 
englès  et  considéra  pluiseurs  coses.  Et  se  consîlla  30 
principalment  à  chiaus  de  son  pays,  et  à  monsigneur 


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V 

J64  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

Robert  d'Artois,  en  qui  il  avoit  moult  grant  fianae; 
et  leur  demanda  lequel  il  estoit  le  milleur  à  foire,  ou 
d'entrer  ou  royaume  de  France  et  venir  contre  son 
adversaire  le  roy  Phelippe,  ou  de  lui  tenir  devant 
5  Gambray,  tant  que  par  force  il  Teuist  conquise. 

li  signeur  d'Englet«Te  et  ses  esirois  consaulz  ima- 
ginèrent ptuiseurs  coses,  et  regardèrent  que  la  cité 
de  Gambray  estoit  malement  forte,  et  bien  pourveue 
de  gaas  d'armes  et  d'artillerie,  et  ossi  de  tous  vivres, 

ID  selonch  leur  espoir,  et  que  longe  cose  seroit  de  là 
tant  séjourner  et  estre  que  il  Teuissent  conquis.  Dou 
quel  conques  il  n'estoient  mies  encores  bien  certain. 
Et  si  approçoit  Li  yviers,  et  si  n'avoient  encores  fait 
nul  fait  d'armes,  ne  apparant  n'estoit  dou  faire,  et 

1&  sejournoieut  là  à  grant  Irait.  Se  li  consillièrent,  tout 
considéré,  que  il  se  deslogast  et  chevauçt^t  avant  ou 
royaume.  Là  trouveroient  il  lai^;ement  à  vivre  rt 
mieus  à  fourer. 

Cilz  consaulz  fti  creus  et  tenus.  Donc  s'ordonnè- 

20  rent  tout  li  signeur  à  deslogier,  et  fisent  tourser  ten- 
tes et  très  et  toutes  manières  de  harnois.  Et  se  des- 
logièrent  tout  communalment,  et  se  misent  à  voie  et 
chevaucièrent  devers  le  Mont  Saint  Martin,  qui  à  ce 
oosté  est  li  entrée  de  France.  Et  chevauçoient  orde- 

35  neement,  et  par  connestablies,  cescuns  sires  entre 
ses  gens.  Et  estoient  marescal  de  t'faost  englesce  li 
contes  de  Norhantonne  et  de  Clocestre  et  li  contes 
de  Sufforc,  et  connestables  d'Engleterre  II  contes  de 
Warvich.  Et  passèrent  assés  priés  dou  Mont  Saint 

80  Martin,  li  Engtès,  li  Alemant  et  li  Braibençon  le  ri< 
vière  d'Escaut,  tout  à  leur  aise,  car  eUe  n'est  mies  là 
endroit  trop  lai^e. 


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[1339]  LIVRE  PREMIER,  §  79.  1f>S 

§  79.  Quant  li  contes  de  Haynau  eut  conduit  et 
aoompagnié  le  roy  d'Ën^eterre  jusques  au  départe- 
ment de  l'Empire,  et  qu'il  devoit  passer  PEscaut  et 
entrer  ou  royaume,  il  prist  conglet  à  lui  et  li  dist> 
tant  qu'à  celle  fois,  il  ne  cbevauceroit  plus  avoec-  s 
ques  lui  ;  et  que  il  estoit  priiés  et  mandés  dou  roy, 
son  oncle,  à  cui  il  ne  voloit  point  de  bayne,  mais 
l'iroit  servir  ou  royaume  en  tel  manière  comme  il 
l'avoit  servi  en  l'&npire.  Et  li  rois  dist  :  «  Diex  y 
ait  part  !  n  Donc  se  parti  li  eontes  de  Haynau  dou  roy  lo 
dfjigleterre,  et  toutes  ses  routes,  et  li  contes  de  Na- 
mur  avoeques  lui,  et  s'en  revinrent  arrière  au  Kes- 
noy.  Et  donna  li  contes  congiet  le  fhis  grant  partie 
de  ses  gens,  mais  il  lor  dist  et  pria  qu'il  fuissent  tout 
pourveu,  car  il  voloit  aler,  dedens  brief  jour,  devers  15 
le  roy  son  oncle.  Et  il  li  respondirent  que  ossi  se- 
roient  II.  Or  parlerons  nous  dou  roy  d'Englet^re,  et 
de  tous  ses  alloiiés,  comment  il  persévérèrent. 

Si  tretost  que  li  rois  englès  eut  passet  le  rivière 
d'Escaut,  et  il  fil  montés  sus  le  royaume,  il  appella  20 
Henri  de  Flandres,  qui  estoit  jones  escuiers,  et  le  fîst 
là  chevalier,  et  li  donna  deux  cens  livres  de  revenue 
à  Testrelin  oascun  an,  et  li  assigna  bien  et  souffissam- 
ment  en  Engletenre.  De  puis,  vint  li  rois  levier  en 
l'abbeye  dou  Mont  Saint  Martin,  et  là  se  tint  par  95 
deux  jours;  et  toutes  ses  gens  estoient  espan  sus  le 
pays  environ  lui.  Si  estoit  li  dus  de  Bnùbant  logiés 
en  l'abbeye  de  Vaucelles. 

Quant  li  rois  de  France,  qui  encores  se  tenoit  à    ' 
Compiègne,  entendi  ces  nouvelles  que  li  rois  englès'  30 
approQoit  Saint  Quentin,  et  estoit  logiés  sus  le  royau- 
me, si  renforça  son  mandement  par  tout,  et  envoia 


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166  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSiJlT.  [19M] 

son  connestafole  le  conte  Raoul  d'Eu  et  de  Ghînes,  à 
tout  grant  gent  d'armes,  à  Saint  Quentin,  pour  gar- 
der le  Tille  et  le  frontière  sus  les  ennemis,  et  renvtHa 
le  signeur  de  Couci  en  sa  terre  et  le  signeur  de  Hen 
5  en  le  sienne.  Et  envoia  encores  grant  gent  d*armes 
en  Guise  et  en  Ribeumont,  à  Bohain  et  as  forterèces 
voisines,  sus  le  royaume,  pour  les  garder  des  enne- 
mis. Et  descend]  devers  Perronne  en  Vermendois,  à 
grant  fuison  de  gens  d'armes,  de  dus,  de  contes  et 
10  de  barons  avoech  lui.  Et  toutdis  li  croissoient  geos 
de  tous  lés,  et  se  logoient  sus  celle  belle  rivière  de 
Somme,  entre  Saint  Quentin  et  Pax>nne. 

§  80.  Entrues  que  li  rois  englès  se  tenoit  en  l'ab- 
beye  dou  Mont  Saint  Martin,  ses  gens  couroient  tout 

U  le  pays  là  environ  jusques  à  Bapaumes,  et  bien  près 
de  Perronne  et  de  Saint  Quentin.  Si  trouvoient  le 
pays  plain  et  gras,  et  pourveu  de  tous  biens,  car  il 
n'avoient  onques  mes  eu  point  de  guerre.  Or  avint 
ensi  que  messires  Henris  de  Flandres,  en  se  nouvelle 

30  chevalerie,  et  pour  son  corps  avaocier  et  acra^istre 
sen  honneur,  se  mist  un  jour  en  le  compagnie  et 
cueilloite  de  pluiseurs  bons  chevaliers,  des  quels 
messires  Jehaos  de  Haynau  estoil  chiés.  Et  là  estoient 
li  sires  de  Faukemont,  li  sires  de  Beiges,  li  sires  de 

K  Baudresen,  li  sires  de  Kuc  et  ptuiseur  aultre;  tant 
qu'il  estoient  bien  cinq  cens  combatans.  Et  avoient 
aviset  une  ville  assés  priés  de  là,  que  on  appelle  Ron- 
necourt,  où  li  plus  grant  partie  dou  pays  estoient 
retret,  sus  le  fiance  de  le  forterèce,  et  y  avoient  mis 

30  tous  leurs  biens.  Et  jà  y  avoient  esté  messires  &- 
noulz  de  Bakeben,  et  messires  GulUaumes  de  Duvort 


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[13S9]  UVRE  PREHIEIl,  S  W-  187 

et  leuis  routes,  mes  riens  n'i  avoient  feit.  Doiu;,  ensi 
que  par  airamie,  tout  oïl  sîgaeur  dessus  nommet 
s'estoient  queilliet  en  grant  désir  de  là  venir,  et  de 
faire  lor  pooir  dou  conqueire. 

A  ce  donc  avoit  dedeos  Honnecourt  un  abbet,     5 
de  grant  sens  et  de  hardie  entrepresure,  et  estoit 
moult  hardis  et  vaillans  homs  as  armes.  Et  bien  ap- 
parut, car  il  fist,  au  dehors  de  le  porte  de  Honne- 
court, faire  et  carpenter  en  grant  haste  unes  bailles, 
et  mettre  et  assir  au  travers  de  le  rue  ;  et  y  avoit,   10 
entre  l'un  bauch  et  l'autre ,  environ  demi  piet  de 
crues  et  d'ouvreture.  El  puis  fist  armer  toutes  ses 
gens,  et  cescun  aler  as  garites,  pourveu  de  pières, 
de  cauoh  et  de  tète  artillerie  qu'il  apertient  pour  def- 
iendre.  Et  si  tretost  comme  cil  signeur  dessus  nom-   15 
met  vinrent  à  Honnecourt,  ordonné  par  bataiUe,  et 
en  grosse  route  et  espesse  de  gens  d'armes  dure- 
mentj  il  se  mist  entre  les  bailles  et  le  porte  de  le 
ville,   en  bon  convenant,  et  fist  le  porte  de  le 
ville  ouvrir  toute  arrière,  et  moustra  et  fîst  bien  cière  so 
et  manière  de  delTense.  Là  vinrent  messires  Jelians 
de  Haynau,  messires  Henris  de  Flandres,  li  sires  de 
Faukemont,  li  sires  de  Berges  et  li  aultre,  qui  se  mi- 
sent tout  à  piet.  Et  approcièrent  ces  bailles,  qui  es- 
toient  fortes  durement,  cescuns  son  glave  en  son  35 
poing.  Et  commencièrent  à  lancier,  et  à  jetter  grans 
cops  à  ohiaus  de  dedens;  et  cil  de  Honnecourt,  à 
yaus  defifendre  vassaument.  Là  estoit  dans  abbes, 
qui  mies  ne  s'espai^oit,  mais  se  tenoit  tout  devant, 
en  très  bon   couvenant,  et  recueilloit  les  horions  30 
moult  vaillamment,  et  lançoit  à  le  fois  ossi  grans 
cops   moult  ai>ertement.  Là  eut  ùàt  tamainte  belle 


;vGoo»^lc 


168  CHRONIQUES  OE  J.  PKOISSART.  [1S39] 

apertise  d'annes,  et  assaut  très  dur  et  très  fier,  et 
tamaint  homme  mort  et  bleciet,  car  cil  qui  estment 
as  mura  et  as  garittes  jettoient  contreval  pières  et  * 
baus  et  pos  plains  de  cauch^  pour  plus  ensonniier 
5  les  assallans.  Là  estoient  li  baron  et  tî  chevalier  de- 
vant les  barrières,  qui  y  fàisoient  merveilles  d'ar- 
mes. 

Et  avint  ensi  que  messires  Henrîs  de  Flandres,  qui 
se  tenoit  tout  devant  son  glave  empuignié,  lançoit 

10  les  horions  grans  et  perilleus.  De  quoi  dans  abbes, 
qui  estoit  fors  et  hardis,  apuigna  le  glave  au  dit 
monsigneur  Henri.  Et  tout  paumiant  et  en  tirant 
vers  lui,  il  fist  tant  que,  parmi  les  fendures  des  bar- 
rières, il  vint  jusque»  au  brach  le  dit  monsigneur 

is  Henri,  qui  ne  voloit  mies  son  glave  laissier  aler, 
pour  sen  honneur.  Adonc,  quant  li  abbes  tint  le 
brach  dou  chevalier,  il  le  tira  si  fort  à  lui  qu'il  l'en- 
cousi  ens  es  bailles,  jusques  as  espaules,  et  [le]  tint  là 
à  grant  meschief,  et  Feuist  sans  faulte  sachiet  ens,  se 

ao  les  bailles  fuissent  ouvertes  assés.  Si  vous  di  que  li 
dis  messires  Henris  ne  fii  mies,  le  temps  que  li  abbes 
le  tint,  à  sen  aise,  car  il  estoit  fors  et  durs  et  le  ti- 
roit  sans  espargnier.  D'autre  part,  li  chevalier  tiroient 
contre  lui  pour  rescourre  monsigneur  Henri.  Etdura 

S&  ceste  luîte  et  chilz  tireis  moult  longement,  et  tant 
que  messires  Henris  fu  durement  grevés.  Toutes  fois, 
de  force,  il  fu  rescous,  mais  sa  glave  demora  par 
grant  proèce  devers  l'abbet  qui  le  garda,  de  puis, 
moult  d'anées,  et  encores  est  elle.  Je  croi,  en  le  salle 

30  de  Honnecourt.  Toute  fois,  elle  y  estoit,  quant  je 
trettai  ce  livre,  et  me  fu  moustrée,  par  un  jour  c[ue 
je  passai  par  là;  et  m'en  fii  recordée  la  venté  et  li 


;vGoo»^lc 


[1339]  LIVSE  PREMIER,  g  81.  4S9 

maDi^  de  l'assaut^  comment  il  fu  fais;  et  le  gar- 
doient  encores  [les  moynes*]  en  grant  parement. 

J  8f.  Ce  jour  eut  à  Honnecourt  mouit  fier  assaut 
et  dura  jusques  au  vespre.  Et  eu  y  eut  pluîseur  des 
assallans  mors  et  blechiés.  Et  par  especial,  messires  5 
Jehans  de  Haynau  y  perdi  un  chevalier  de  Hollan- 
des, qui  s*appelloit  messires  Hamans,  et  s'armoit  à 
une  îasse  copenée  de  geules,  et  à  trois  fremaus  d'a- 
zur ou  chief  de  sen  eseut.  Quant  Haynuier,  Flamench, 
Englès,  Alemant,  qui  là  estoient  assallant,  veirent  le  to 
bonne  volenté  de  chiaus  dedens,  et  qu'il  n'i  pooient 
riens  conquester,  mais  estoient  batu  et  nayre  et 
moult  foulé,  si  se  retraisent  arrière,  sus  le  soir,  et 
emportèrent  à  leurs  logeis  les  bleciés. 

A  l'endemain,  au  matin,  se  départi  li  rois  englès   15 
dou  Mont  Saint  Martin,  et  commanda  sus  le  hart,  à 
son  département,  que  nuls  ne  fesist  mal  à  t'abbeye. 
Ses  commandemens  fu  tenus.  Et  puis  entrèrent  en 
Vermendois,  et  s'en  vinrent  ce  jour  logier  de  haute 
heure  droit  sus  te  Mont  de  Saint  Quentin,  et  là  firent  so 
en  bonne  ordenance.  Et  les  pooient  bien  veoir  cil  de 
Saint  Quentin,  se  il  votoient;  mais  il  n'avoient  nul 
talent  de  issir  hors  de  le  ville.  Si  vinrent  li  coureur 
d'Engleterre  courir  jusques  as  barrières   de  Saint 
Quentin,  et  escarmucier  à  chiaus  qui  là  se  tenoient,   35 
li  eonnestables  de  France  et  messires  Charles  de 
Blois,  qui  fisent  leurs  gens  ordonner  devant  les  bar- 
<  rières,  et  mettre  en  boti  convenant.  Et  quant  li  En- 
glès qui  là  estoient,  li  contes  de  SufTorch ,  li  contes 

1.  Mb.  de  Gai^ère*,  ^  38  t*   —  Ms.  $477,  fo  59  (lacune). 


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t7Q  CHROmQCBS  IS  I.  FROfSSART.  [tnVi 

de  Northantonne,  measires  Rensuls  de  Gob^en, 
messires  Gautiers  de  Mauni  et  pluiseur  aultre  en  vei- 
rent  le  manière^  et  que  riens  il  n'i  pooieat  gaagnier, 
si  se  retraîsent  arrière  devers  l'ost  le  roy^  qui  se  te- 
5  noit  sus  le  Mont  Saint  Quentin,  et  furent  là  It^et 
jusques  à  l'endemain  à  prime.  Si  eurent  li  signeur 
conseil  ensamble  quel  cose  il  feroient,  se  ilz  se  trai- 
•  roient  avant  ou  royaulme,  ou  se  il  se  retrairoient  en 
le  Tierasse.  ■  [Ce  fut  conseillé  et  regardé  pour  le  meil- 

10  leur,  par  l'advis  du  duc  de  Brebant,  qu'Uz  se  tire- 
roient  en  *]  Tierasse,  eostiant  Haynau,  dont  les  pour- 
veances  lor  venoient  tous  les  jours;  et,  se  li  rois 
Phelippes  les  sievoit  à  host,  ensi  qu'il  supposoîent 
bien  qu'il  le  feroit,  il  l'atenderoient  en  plains  camps, 

15  et  se  combateroient  à  lui  sans  faute. 

Adonc  se  parti  li  rois  englès  dou  Mont  Saint  Quen- 
tin, et  s'arroutèrent  toutes  ses  gens;  et  cbevaucièrent 
en  trois  bataiUes  moult  ordonneement  :  li  marescbal 
et  11  Alemant  avoient  le  première,  li  rois  englès  le 

30  moiienne,  et  li  dus  de  Braibant  la  tierce.  Si  chevau* 
çoient  ensi,  ardant  et  essillant  le  pays,  et  n'aloient 
non  plus  de  trois  ou  de  quatre  liewes  le  jour,  et  se 
logoient  de  haute  heure.  Et  passèrent  une  route 
d'Ënglès  et  d'Àletnans  le  rivière  de  Somme,  desous 

ss  Tabbeye  de  Vermans,  et  entrèrent  en  ce  plein  pays 
de  Vermendois;  si  l'ardirent  et  exillièrent  moult  du- 
r«Daent,  et  y  Bsent  moult  grant  damage.  Une  autre 
route,  dont  messires  Jehans  de  Haynau,  li  sires  de 
Faukemont  et  messires  Ernoulz  de  Bakehen  estoient 

30  chief  et  meneur,  chevauçoient  un  aultre  chemin,  et 

1.  H*,  de  GaiguièrM  P>  39.  —  H».  6477,  i^69  To(l«cnD«). 


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[4339]  LIVnE  PREMIER,  S  «•  171 

vinrent  à  Or^;:ni  Sainte  Benoîte,  une  ville  assës 
bonne,  mais  elle  estoit  foiblement  freinée.  Si  fîi  tan- 
tost  prise  par  assaut,  pillie  et  robée ,  et  une  bonne 
abbeye  de  dames,  qui  là  estoit  et  est  encores,  vio- 
lée, dont  ce  fîi  pités  et  damage,  et  la  ville  lit  toute  5 
arse.  Et  pois  s'en  partirent  li  Alemant,  et  chevauciè- 
rent  le  chemin  devers  Guise  et  vers  Ribeumont.  Si 
se  vint  li  rois  en^ès  logier  à  Befaories,  et  là  se  tint 
un  jour  tout  entier,  et  ses  gens  couroient  et  ar- 
doient  le  pays  de  là  environ.  10 

Si  vinrent  nouvelles  au  roy  englès,  et  as  signeurs 
qui  là  estoient  avoecques  lui,  que  li  rois  de  France 
estoit  partis  de  Perronne  en  Vermendois,  et  le  ap- 
proçoit  à  j^us  de  cent  mille  hommes.  Adonc  se  parti 
li  rois  englès  de  Behories,  et  prist  le  chemin  de  le   15 
Flamengne,  pour  venir  vers  Leschielle  en  Tierasse. 
Et  si  mareschal  et  li  evesques  de  Lincolle  de  leur 
route,  à  plus  de  cinq  cens  lances,  passèrent  le  rivière 
de  Oise  à  gué,  el  entrèrent  eu  I^onnois  et  vers  le 
terre  le  signeur  de  Ck>uci ,  et  ardirent  le  Fère ,  et  30 
Saint  Goubain  et  le  ville  de  Marie,  et  s'en  vinrent  un 
soir  logier  à  Vaus  desous  Laon.  Et  l'endemain,  il  se 
retraisent  devers  leur  bost,  car  il  sceurent  de  certain, 
par  aucuns  prisonniers  qu'il  prisent,  que  li  rois  de 
France  estoit  venus  à  Saint  Quentin,  et  que  là  pas-  35 
seroit  U  le  rivière  de  Somme  :  si  se  doubtèrent  qu'il  ' 
ne  fuissent  rencontré.  Nonpourquant,  à  lor  retour, 
il  ardirent  une  bonne  ville,  c'on  dist  Creci  sus  Selle, 
qui  point  n'estoit  fremée,  et  grant  fiiison  de  viUe  et 
de  hamîaus  là  environ.  30 

§  82.  Or  vous  parierons  de  le  route  monsigneur 


;vGoo»^lc 


t7S  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

Jehan  de  Haynau^  où  il  avoit  bien  cinq  cens  comba- 
tans.  Si  s'en  vint  à  Guise,  si  entra  en  le  ville,  et  le 
Hst  toute  ardoir,  et  abatre  les  moulins.  Dedens  le 
forterèce  estoit  ma  dame  Jehane  sa  fille,  femme  au 
5  conte  Loeis  de  Blois,  qui  fti  moult  efiraée  de  l'arùn 
et  dou  couvenant  monsigneur  son  père.  Et  li  fist 
priier  que,  pour  Diu,  il  se  volsist  déporter  et  retraire, 
et  qu'il  estoit  trop  dur  consilliés  contre  li,  quant  il 
ardoit  l'iretage  à  son  fil  le  conte  de  Blois.  Nonob- 

10  stant  ce,  li  sires  de  Byaumont  ne  s'en  volt  onques 
dekiier,  si  eut  lait  se  entrepresure.  Et  puis  s'en  re- 
tourna devers  l'ost  le  roy,  qui  estoit  logîés  et  arrestés 
en  l'abbeye  de  Femi. 
Entrues  couroient  ses  gens  tout  le  pays.  Et  vinrent 

i&  bien  sis  vint  lances  d'Alemans,  dont  li  sires  de  Fau- 
kemont  estoit  cfaiés,  jusques  au  Louvion  en  Tierasse, 
une  bonne  grosse  plate  ville.  Si  estoient  les  gens  dou 
Louvion  communément  retret  et  boutet  ens  es  bos, 
et  y  avoient  mis  et  porté  te  leur  à  sauveté.  Et  s'i  es- 

30  toient  fortefiiet  de  roullies  et  de  bois  copet  et  abatut 
environ  yaus.  Si  chevaucîèrent  li  Alemant  celle  part. 
Et  y  sourvint  messires  Ernouls  de  Bakehen  et  se 
route,  et  assallirent  chiaus  dou  Louvion,  qui  ens  ou 
bos  s'estoient  boutet,  liquel  se  deBèndirent  ce  qu'il 

25  peurent.  Ce  ne  fHi  mies  gramment,  car  il  ne  tinrent 
".  point  de  conroi,  et  ne  peurent  durer  à  le  longe  con- 
tre tant  de  bonne  gent  d'armes.  Si  furent  ouvert,  et 
leurs  fors  conquis,  et  mis  en  cace.  Et  en  y  eut  bien, 
mors  que  navrés,  quarante,  et  perdirent  tout  ce  que 

30  là  aporté  avoient.  Ensi  estoit  et  fu  cilz  pays  de  Tie- 
rasse  adonc  courus  et  sans  déport.  Et  en  (aisoient  li 
Ënglès  leur  volenté. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1339]  UVSE  PftEMIER.S  S3.  173 

Si  se  parti  li  rois  Edouwars  de  Farvakes,  où  il  s'es- 
toit  lo^és,  et  s'en  vint  à  Moustruel,  et  se  loga  un 
soir.  Et  l'eademain,  il  vint  et  toute  sen  host  logier  à 
le  Flamengrie.  Et  fist  toutes  ses  gens  logier  environ 
lui,  où  il  avoit  plus  de  quarante  mille  hommes.  Et  s 
eut  conseil  qu'il  attenderoient  là  le  roy  Phelippe  et 
son  ptooir,  et  se  combateroient  à  lui,  comment  qu'il 
fust. 

§  83.  Li  rois  de  France,  qui  estoit  partis  de  Saint 
Quentin  ;  sievoit  vistement  le  roy  englès  en  grant  lo 
désir  que  dou  trouver  et  te  combatre.  Et  estoit  par- 
tis de  Saint  Quentin  o  tout  son  plus  grant  effort^  et 
toutdis  li  croissoient  et  veooient  gens  de  tous  pays. 
Si  s'esploita  tant  li  dis  rois  et  toutes  ses  hos  qu'il 
vint  à  Buironfosse,  et  là  s'arresta,  et  commanda  à  15 
toutes  gens  logier  et  à  arrester  ;  et  dist  qu'il  n'iroit 
plus  avant,  si  aroit  combatu  le  roy  englès  et  tous  ses 
alloiiés,  puis  qu'il  estoit  à  deus  liewes  priés. 

Si  tretost  que  li  contes  Guillaumes  de  Haynau, 
qui  se  tenoit  au  Kesnoy,  tous  pourveus  de  gens  d'ar-  so 
mes,  peut  savoir  que  li  rois  de  France,  ses  oncles, 
estoit  logiés  à  Buironfosse,  en  espoir  que  de  comba- 
tre les  Englès,  il  se  parti  dou  Kesnoi  à  plus  de  cinq 
cens  lances,  et  chevauça  tant  qu'il  [vint']  en  l'ost  le 
roy  de  France,  et  se  représenta  au  dit  roy  son  on-  2S 
cle,  qui  ne  li  fist  mies  si  lie  chière  que  li  contes  vo- 
sist,  pour  le  cause  de  ce  qu'il  avoit  esté  devant  Cam- 
bray  avoech  son  adversaire  le  roy  englès,  et  fortement 
apovri  et  euvriet  Cambresis.  Nompourc)uant  li  contes 

t .  M*,  de  Gùgiûèi«i,  P>  kO.  —  M*.  6^77,  P>  60  v»  (Ucune). 


D,qit,ze'abvG00»^lc 


m  CHRONIQUES  DE  J.  FR0IS6ART.  [1336] 

s'en  porta  assés  bellement,  et  s'escusa  si  sagement  au 
roy  son  (mcle,  que  li  rois  et  tous  ses  consaulz,  pour 
celle  fois,  s'en  conteutèrent  assés  bien.  Et  lîi  ordon- 
nés des  mareschaus,  le  mareschal  Bertran  et  le  ma- 
5  reschal  de  Trie,  à  soi  logier  aa  plus  priés  des  enne- 
mis. 

$  84.  Or  sont  li  roi  de  France  et  d'Ëngletore  to- 
giet  entre  Buironfosse  et  le  Flamengrie  en  plain  pays, 
sans  nul  avantage,  et  ont  grant  désir,  si  com  il  mous- 

10  trent,  que  d'yaus  combatre.  Si  tous  di  pour  certain 
que  on  ne  vit  onques  si  belle  assamblée  de  grans  si- 
gneurs  qu'il  y  eut  là,  car  li  rois  de  France  y  estoit, 
lui  quatrime  de  rois  :  premièrement  avoecques  lui  lï 
rois  de  Behagne,  messires  Charles  li  rois  de  Navare 

15  et  li  rois  d'Escoce,  ossi  de  dus,  de  contes  et  de  ba- 
rons tant  que  sans  nombre.  Et  toutdis  li  croissoient 
gens  de  tous  lés. 

Quant  li  rois  englès  fii  arrestés  à  le  Capelle  enTie- 
rasse,  ensi  que  vous  avés  oy,  et  il  sceut  de  verilé  que 

20  li  rois  Phelippes  de  France,  ses  aversaires,  estoit  à 
deus  petites  liewes  de  lui,  et  en  grant  volenté  de 
combatre,  si  mist  les  signeurs  de  son  host  ensamhie: 
premièrement  le  duch  de  Braibant  son  cousin,  le 
dueh  de  Guéries,  le  conte  de  Jullers,  le  marchis  de 

35  Blankebourch,  le  conte  desMons,  monsigneur  Jehan 
de  Hajmau,  monsigneur  Robert  d'Artois  et  tous  les 
barons  et  les  prelas  d'Engleterre,  qui  avoecques  lui 
estoient,  et  à  qui  il  touchoit  bien  de  le  besongne,  et 
leur  demanda  conseil  comment  à  sen  honneur  il  se 

ao  poroient  maintenir,  car  c'estoit  se  intention  que  de 
combatre,  puis  qu'il  sentoit  ses  ennemis  si  priés  de 


;vGoo»^lc 


{«889]  LIVRE  raXUIBR,  $  85.  478 

lui.  Adono  regardèrent  H  signeur  l'un  l'autre  et  priiè- 
rent  au  ducfa  de  Braibant  qu'il  en  volsist  dire  sen 
entente.  Et  li  dus  en  respondi  que  o'estoit  bien  ses 
aocors  que  dou  combatre,  car  aultronent  à  leur  hon- 
neur il  ne  s'en  pooient  partir.  Et  conailla  adonc  que  6 
on  enroiast  fairaus  devers  le  roy  de  France,  pour  de- 
mander et  accepter  le  journée  de  le  bataille.  Adonc 
en  fa  oargiés  uns  hiraus  dou  duch  de  Guéries,  et  qui 
bien  savoit  Srançois^  et  enfourmés  quel  eose  il  devoît 
dire.  Si  se  parti  li  dis  hiraus  de  ses  signeurs,  et  ohe-  lo 
vauça  tant  qu'il  vînt  en  l'ost  fiançoise,  et  se  traist 
devers  le  roy.  de  France  et  son  conseil,  et  Sst  son 
message  bien  et  à  point;  et  dist  au  roy  de  France 
comment  U  rois  englès  estoit  arrestés  sur  les  camps, 
et  li  requerott  à  avoir  bataille,  pooir  contre  pooir.        15 

A  laquelle  requeste  li  rois  de  France  entendi  vo- 
lentiers  et  accepta  le  jour.  Si  me  samble  que  ce  deut 
estre  le  venredi  ensiewant,  dont  il  estoit  merkedis. 
Si  s'en  retourna  li  hiraus  arrière  devers  ses  signeurs, 
bien  revestis  de  bons  mantiaus  fourés,  que  li  rois  de  so 
France  et  li  signeur  li  donnèrent,  pour  les  riches 
nouvelles  qu'il  avoit  aptn'tées.  Et  recorda  le  bonne 
cière  que  11  rois  li  avoit  fait  et  tout  11  signeur  de 
France. 

$  85.  Ensi  et  sus  cel  estât  fii  la  journée  accordée  S5 
de  combatre,  et  fîi  segnefîiet  à  tons  les  compagnons 
de  l'une  host  et  de  l'autre.  Si  se  abillièrent  et  ordon- 
nèrent, cescuns  selonch  ce  qu'il  besongnoit.  Le  joedi, 
au  matin,  avint  que  doi  chevalier  au  conte  de  Hay- 
nau  et  de  se  délivrance,  li  sires  de  Fagnoelles  et  li  so 
sires  de  Tupegni  montèrent  sus  leurs  coursiers  rades. 


;vGoo»^fc 


176  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [i3S9] 

fors  et  bien  courans,  et  se  partirent  de  leur  host,  en- 
tre yaus  deus  tant  seulement,  pour  aler  veoir  l'ost  as 
Englès  el  wardemaner.  Si  chevaueièrent  un  grant 
temps,  à  le  couverte,  toutdîs  en  costiant  l'ost  as  En- 
5  glès.  Or  eschei  que  lî  sires  de  Fagnuelles  estoit  mon- 
tés sus  un  coursier  trop  merancolieus  et  mal  afirenet  : 
si  s'effrea  en  ehevauçant,  et  prist  son  mors  as  dens, 
par  tel  manière  qu'i^]  *  s'escuella  et  se  démena  tant 
qu'i[ll  fu  mtàtres  dou  signeur  qui  le  chevauçoit,  et 

10  l'emporta,  volsist  ou  non,  droit  en  mi  les  logeis  le 
roy  d'Engleterre.  Et  chei  d'aventure  entre  mains  d'A- 
lemans,  qui  lantosl  eogneurent  qu'il  n'estoit  mies  de 
leurs  gens,  si  l'encloirent  de  toutes  pars  et  le  cheval 
ossi.  Et  demora  prisonniers,  à  cinq,  nesai,  sisgentilz 

15  hommes  alemans,  qui  tantost  le  rançonnèrent  et  li 
demandèrent  dont  il  estoit;  et  il  respondi  :  «de  Hay- 
nau.  »  Adonc  li  demandèrent  il  se  il  cognissoit  mon- 
signeur  Jehan  de  Haynau,  et  il  dist  :  a  oil.  u  Et  re- 
quist  que  par  amours  on  le  menast  devers  lui,  car  il 

ao  estoit  tous  seurs  que  il  le  raplegeroit  bien,  se  il  vo- 
loient. 

De  ces  parolles  furent  li  Alemant  tout  joiant  et 
l'amenèrent  devers  le  signeur  de  Byaumont,  qui  tan- 
tost  avoit  oy  messe.  Et  fu  moult  esmervilliés,  quant 

25  il  vey  le  signeur  de  Fagnuelles,  Se  li  recorda  cils  sen 
aventure,  si  com  vous  avés  ci  dessus  oy,  et  ossi  de 
combien  il  estoit  rançonnés.  Adonc  demora  ti  sires 
de  Byaumont  pour  le  dit  chevalier  devers  ses  mes- 

1.  On  lit  liai»  le  nu.  S1|T7,  F*  61  v»  :  qu'l,  forme  qui  dou»  repr^tente 
MM  donte  la  prononciation  d'alon,  où  la  conaonne  finale  I  de  qa'il 
ne   M   faisait  pa»  leatir,  du  moïn*  devant  un  mot  rommençanl  par 


;vGoo»^lc 


[1339]  LIVRE  PREMIER,  §  86.  177 

très,  et  le  raplega  de  sa  raençon.  Si  se  parti  sur  ce  lî 
sires  de  Fagnuelles,  et  revint  arrière  eo  Tost  de  Hay- 
,  imu  devers  le  conte  et  les  signears,  qui  estoient  tout 
courouciet  de  lui,  par  le  relation  que  li  sires  de  Tu- 
pegni  en  avoit  faite;  mais  il  furent  tout  joiant,  quant  5 
il  le  veirent  revenu.  Si  se  remercia  grandement  au 
conte  de  Haynau  de  monsigneur  Jehan,  son  oncle, 
qui  l'avoit  raplegiet  et  renvoiiet  sans  péril  et  sans 
damage,  fors  de  sa  raençon  tant  seulement.  Car  ses 
coursiers  li  fii  rendus  et  restitués,  à  le  priière  et  or-  lo 
denance  dou  dessus  dit  monsigneur  Jehan  de  Hay- 
nau. Ënsi  se  porta  ceste  journée,  et  n'i  eut  riens  fait, 
non  cose  qiù  à  recorder  face.  > 

§  86.  Quant  ce  vint  le  venredi,  au  matin,  les  deus 
hos  se  apparillièrent  et  oïrent  messe,  cescuns  sires  15 
entre  ses  gens  et  en  son  logeis.  Et  se  acumenièrent 
et  confessèrent  li  pluiseur,  et  se  misent  eo  bon  estât, 
ensi  que  pour  tantost  morir,  se  il  besongnoit.  Nous 
parlerons  premièrement  de  l'ordenance  des  Englès, 
qui  se  traisent  sus  les  camps,  et  ordonnèrent  trois  30 
batailles  bien  et  faiticement  et  toutes  trois  à  piet,  et 
mhenl  leurs  chevaus  et  tout  leur  harnois  en  un  petit 
bois  qui  estoit  derrière  yaus,  et  arroutèrent  tout  leur 
charoy  par  derrière  yaus,  et  s'en  fortefiièreot. 

Si  eurent  li  dus  de  Guéries,  li  contes  de  Jullers,  35 
H  marchis  de  Blankebourch,  messires  Jehans  de  Hay- 
nau, li  marchis  de  Misse,  li  contes  des  Mons,  li  con- 
tes de  Saumes,  li  sires  de  Faukemont,  messires  Guil- 
laumes  de  Duvort,  messires  Ërnoulz  de  Bakehen  et 
li  Alemant  la  première  bataille.  Et  avoit  en  ce  pre-  30 
mière  route  vint  et  deus  banières  et  soissante  pen- 


;vGoo»^lc 


178  CHRONIQUES  DE  J.  FaOlSSART.  [1339] 

nons,  et  estoient  bien  huit  mille  faommehde  bonne 


La  seconde  bataille  avoit  li  dus  de  Braibant.  Si 
estoient  avoecques  lui  tout  li  baron  et  li  chevalier  de 
5  son  pays  :  premièrement  li  sires  de  Kuk,  li  sires,  de 
Bei^hes,  li  sires  de  Bredas,  li  aires  de  Roselar,  U  si- 
res de  Vauselare,  li  sires  de  Baudresen,  U  sires,  de 
Bcff^eval,  li  sires  de  Sconnevort,  li  sires  de  Wilem, 
li  sires  d'Âsko,  li  sires  de  Boukehort,  li  sires  de  Ca- 

10'  sebèke,  li  sires  de  Duffle,  messires  Thieris  de  Walle- 
coml,  messires  Rasses  de  Grés,  messires  Jefaans  de 
Casebèke,  messires  Jebans  Pili[sr]re,  messires  Gilles 
de  Coterebbe,  li  troi  frère  de  Harlebèke,  messires 
Gantiers  de  Hotebei^e  et  messires  Hem-is^e  Flandres, 

15  qui  fait  bien  à  rementevoir,  car  il  y  estoit  en  grant 
esto£Fe;  et  pluiseur  aultre  baron  et  bon  chevalier,  et 
aucun  de  Flandres  qui  s'estoient  mis  desous  le  ba- 
nière  dou  duch  de  Braibant,  telz  que  li  sires  de  Hal- 
luin,  messires  Hector  Vîllains,    messires  Jehans  de 

30  Rodes,  li  sires  de  Grutjis,  messires  Wauflars  de  Ghis- 
telle,  messires  Guillaumes  de  Strates,  messires  Gos- 
suins  de  le  Muellé,  et  pluiseurs  aultres.  Si  avoit  li 
dus  de  Braibant  jusques  à  vint  et  quatre  banîèig^ 
et  quatre  vint  pennons.  Si  estoient  bien  sept  mille 

25  combatans,  toutes  gens  de  bonne  estoffe. 

La  tierce  bataille  et  la  plus  grosse  avoit  li  rois 
d'Ëngleterre,  et  grant  fuison  de  bonnes  gens  de  son 
pays  dalés  lui  ;  et  premiers  ses  cousins,  11  contes  Hen- 
ris  Derbi,  fitz  à  monsigneur  Hemi  de  Lapcastre  au 

30  Tors  Col,  U  evesques  de  LincoUe,  li  evesques  de  Du- 
rem,  li  contes  de  Sallebrin,  U  contes  de  Norhantonne 
et  de  Clocestre,  li  contes  de  Su£forch,  li  contes  de 


;vGoo»^lc 


[fll39]  LIVSE  PHEMIBK,  $  87.  170 

K.eDfort,  monsigneur  Robert  d'Artois  qui  s'appelloit 
contes  de  Ricemont,  messires  Renaus  de  Gobehen^ 
H  sires  de  Persi,  li  sires  de  Ros^  H  sires  de  Montbrai, 
messires  Loeis  et  messires  Jehans  de  Biaucamp,  li 
sires  de  le  Ware,  li  ^ires  de  Lantornie^  li  sires  de  '- 
Basset^  li  sires  de.  Filwatier,  messires  Gautiers  de 
Mauni,  messires  Hues  de  Hastinges,  messires  Jehaos 
de  Lilie^  et  pluiseurs^ultres  que  je  ne  puis  mies  tqus 
nommer. 

Et  fist  là  li  rois  englès  pluiseurs  nouviaus  chev^-  to 
liers,  entre  lesquels  il  fist  monsigneur  Jehan  Ghandos^ 
qui  de  puis  de  proèce  et  chevalerie  iîi  plus  recom- 
mendés  que  nulz  chevaliers  de  son  temps^  si  com 
vous  orés  avant  en  ceste  hystore.  Si  avoit  U  rois 
vint  et  huit  banières  et  environ  quatre  vint  et  dix  u 
pennons,  et  pooient  estre  enviroo  six  mille  hommes 
d'armes  et  six  mille  arciers.  Et  avoient  mis  une  aul- 
tre  bataille  sus  èle,  dont  li  contes  de  Warvich  et  U 
contes  de  Pennebruch,  li  sires  de-Beroler,  li  sires  de 
MuUeton  et  pluiseur  aultre  bon   chevalier  estoient  SO 
chief.  Si  se  tenoient  chil  à  cheval,  pour  reconforter 
les  batailles  qui  branleroient.  Et  estoient  en  celle  ar- 
rière regarde  environ  trois  mille  aimeures  de  fier. 

§  87.  Quant  tout  li  Englès/U  Alemant^  U  Braiben- 
Qon  et  tout  li  alloiiet  furent  ordonné,  ensi  que  vous  S5 
avés  oy,  et  cescuns  sires  mis  et  arrestés  desous  se 
banière,  en»  que  commandé  ta  de  par  les  mares- 
chaus,  si  (a  dit  enoores  et  commandé,  de  par  le  roy, 
que  nuls  n'alast  ne  se  mesist  devant  les  banières  des 
marescaus.  Adonc  monta  U  rois  englès  sus  un  petit  ao 
palefroi  moult  bien  ambiant,  acompagniés  tant  aeu- 


;vGoo»^lc 


180  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT.  [1339] 

lement  de  monsigneur  Robert  d'Artois,  de  monsi- 
gneur  Renault  de  Gobehen  et  de  monsigneur  Gauti^ 
de  Mauni,  et  ehevauça  devant  toutes  les  batailles. 
Et  prioit  moult  doucement  as  signeurs  et  as  compa- 

5  gnons  que  il  vosissent  aidier  à  garder  sen  honneur, 
et  cescuns  li  avoit  en  couvent.  Apriès  ce,  il  s'en  re- 
vint en  se  bataille  et  se  mist  en  ordenance,  ensi 
qu'il  apertenoit.  Or  vous  reeorderons  l'ordenanc3e 
dou  roy  de  France  et  de  ses  batailles,  qui  furent 

10  grandes  et  bien  estoffées,  et  vous  en  parlerons  otant 
bien  que  nous  avons  &it  de  ceste  des  Englès. 

Il  est  bien  vérités  que  U  rois  de  France  avoit  si 
grant  peuple  et  tant  de  nobles  et  de  bonne  chevale- 
rie que  merveilles  seroit  à  recorder.  Car,  ensi  que  je 

15  oy  dire  chiaus  qui  y  furent  et  qui  les  avisèrent  tous 
armés  et  ordonnés  sus  les  camps ,  il  y  eut  onze  vint 
et  sept  banières,  cinq  cens  et  soissante  pennons, 
quatre  rois  et  six  dus  et  trente  six  contes  et  plus  de 
quatre  mille  chevaliers,  et  de  conunugnes  de  France 

30  plus  de  soixante  mille.  Avoech  le  roy  de  France  es- 
toient  li  rois  de  Behagne,  li  rois  de  Navare  et  li  rois 
d'Escoce,  li  dus  de  Normendie,  li  dus  de  Bourgon- 
gne,  li  dus  de  Bretagne,  li  dus  de  Bourbon,  li  dus  de 
Loeraingne  et  U  dus  d'Athènes;  des  contes,  li  contes 

25  d'Alençon,  frères  au  roy  de  France,  li  contes  de  Flan- 
dres, li  contes  de  Haynau,  li  contes  de  Blois,  li  con- 
tes de  Bar,  li  contes  de  Forés,  li  contes  de  Fois,  li 
contes  d'Ermignac,  le  dauffin  d'Auvergne,  li  contes 
de  Genville,  li  contes  d'Estampes,  H  contes  de  Ven- 

30  dôme,  li  contes  de  Harcourt,  li  contes  de  Saint  Pol, 
li  contes  de  Ghines,  li  contes  de  Boulongne,  U  contes 
de  Roussi,  li  contes  de  Dammartin,  li  contes  [de 


;vGoo»^lc 


[1339]  LIVRE  PREMIER,  g  87.  181 

Yalentinois'] ,  li  cpntes  d'Aubmale ,  H  contes  d'Au- 
Qoirre,  li  contes  de  Sansoire^  li  contes  de  G«iève,  li 
contes  de  Dreus,  et  de  celle  Gascongne  et  de  la  Lan- 
guedoch  tant  de  contes  et  de  viscontes  que  ce  serolt 
uns  detris  à  recorder.  Certes  e'estoit  très  grans  bîau-  s 
tés  que  de  veoir  sas  les  camps  banières  et  pennons 
venleler,  ohevaus  couvers,  chevaliers  et  escuiers  ar- 
més si  très  nettement  que  riens  n'i  avoit  à  amender. 
Et  ordonnèrent  li  François  trois  grosses  batailles,  et 
misent  en  çascune  quinze  mille  hommes  d'armes  et  lO 
vint  mille  hommes  de  piet. 

Si  se  poet  on  et  doit  grandement  esmerviUier 
comment  si  belle  gent  d'armes  se  peurent  partir  sans 
bataille,  mais  H  François  n'estoient  point  d'acord. 
Ançois  en  disoit  cescuns  sen  oppinion.  Et  disoient,  15 
par  estrit,  que  ce  seroit  grant  honte  et  grant  defÊiute 
se  on  ne  les  combatoit,  quant  li  rois  et  toutes  ses 
gens  savoient  leurs  ennemis  si  priés  de  lui,  et  en  son 
pays  rengiés  et,  à  plains  camps,  et  les  avoit  sievis  à 
l'entente  que  de  combatre  à  yaus.  Li  aucun  des  aul-  ao 
très  disoient  à  t'encontre  que  ce  serait  grant  folie  se 
il  se  condjatoit,  car  il  ne  savoit  que  cescuns  pensoit, 
ne  se  point  de  trahison  y  avoit.  Car,  se  fortune  li. 
estoit  contraire,  il  mettoit  son  royaume  en  aventure 
de  perdre;  et  se  il  desconfisoit  ses  ennemis,  pour  ce  35 
n'aroit  il  mies  le  royaume  d'Engleterre,  ne  les  terres 
des  signeurs  de  l'Empire,  qui  avoecques  lui  estoient 
alloiiet. 

Ensi  estrivant  et  debatant  sus  ces  diverses  oppi- 
nions,  li  jours  passa  jusques  à  grant  miedi.  Environ  30 

I.  Ml.  de  Gtignière»,  î»  41  «°.  —  Mi.  6477,  P>  £3  :  ••  d'Alçiitinoit.  > 


;v  G  oo»^  le 


182  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

petite  Donne,  uns  lièvres  s'en  vint  trespassant  parmi 
1^  camps,  et  se  bouta  entre  les  François.  Donc  corn- 
mencièrent  cil  qui  le  veirent  à  criier  et  à  huer  et 
faire  grant  haro.  De  quoi  cil  qui  estoient  derrière 
5  cuidoient  que  cil  de  devant  se  combalissent,  et  H 
pluiseur  qui  se  tenoient  en  leurs  batailles  tous  ren- 
glës  fesissent  otel.  Si  misent  li  pluiseur  vistement 
leurs  bacinès  en  leurs  testes  et  prisent  leurs  glaves. 
ÏÀ  y  eut  fais  pluiseur  nouviaus  ohevaUers.  Et  par 

10  especial  li  contes  de  Haynau  en  fîst  quatorze,  que  on 
nomma  tous  jours  depuis  «  les  chevaliers  dou  lièvre  » . 
En  cel  estât  se  tinrent  les  batailles,  ce  venredi,  tout 
le  jour,  et  sans  yaus  esmovoir,  fors  par  le  manière 
que  j'ai  dit. 

15  Avoech  tout  ce  et  les  estris  qui  estoient  entre  piui- 
seurs  dou  conseil  le  roy  de  France,  estoient  aportées 
en  l'ost  lettres  et  reconraiendations  au  roy  de  France 
et  à  son  conseil,  de  par  le  roy  Robert  de  Sezille,  li 
quelz  rois  ftobers,  si  com  on  disoit,  estoit  mis  grans 

30  astronomiiens,  et  plains  de  grant  prudense.  Si  avoit 
par  pluiseurs  fois  jettes  ses  sors  sus  Testât  et  les  ave- 
nues dou  roy  de  ïVance  et  dou  roy  d'Engleterre.  Et 
avoit  trouvé  en  l'astrologe  et  par  experiense  que,  se 
li  rois  de  France  se  combatoLt  au  roy  d'Engleterre, 

35  il  convenoit  qu'il  Aist  desconfîs.  Donc,  il,  com  rois 
plains  de  grant  cognissanee,  et  qui  doubtoit  ce  péril 
et  le  damage  dou  roy  de  France,  son  cousin,  avoit 
envoiîés  jà  de  lonch  temps  moult  songneusement 
lettres  et  episteles  au  roy  Phelippe  et  à  son  conseil, 

30  que  nullement  il  ne  se  mesissent  en  bataille  entre  les 
Ënglès,  là  où  li  corps  dou  roy  Edouwart  iîist  en  pré- 
sent. Pourquoi,  ceste  doubte  elles  escripsions que  li 


:,Goo»^lc 


[4839]  LIVRE  PREMIER,  §  88.  183 

.  rois  de  Sesille  eo  faisoit,  detrioient  grandement  plui- 
seurs  signeurs  dou  dit  royaume.  Et  meismement  li 
rois  Phelippes  estoit  tous  infounnés  d^  ce  conseil. 
Mais  non  obstant  ce  que  od  li  desist  et  remoustrast 
par  belles  raisons  les  deffenses  et  les  doubtes  dou  ï 
roy  Robert  de  Sezille,  son  chier  cousin,  si  estoit  il 
en  grant  -volenté  et  en  bon  desîr  de  combatre  ses 
ennemis;  mais  il  fii  tant  detriiés  que  li  journée  passa 
sans  bataille,  et  se  retray  çascuns  à  son  logeis. 

Quant  li  cont«s  de  Haynau  vei  que  on  ne  comba-   lo 
tcroit  point,  il  se  parti,  et  toutes  ses  gens,  et  s'en 
vint  ce  soir  arrière  au  Kesnoy.  Et  li  rois  englès  et  li 
dus  de  Braibanl  et  li  auitre  signeur  se  misent  au  re- 
tour, et  fîsent  caigier  et  tourser  tout  leur  harnois, 
et  vinrent  gésir,  ce  venredi,  bien  priés  d'Avesnes,    15 
en  Haynau,  et  là  environ.  Et  l'endemaîn,  il  prisent 
congiet  tout  l'un  à  l'autre.  Et  se  départirent  li  Aie- 
-  mant  et  li  Braibençon,  et  s'en  râlèrent  eescuns  en 
leurs  Ueus.  Si  revînt  li  rois  englès  en  Braibant,  avoec- 
ques  le  duc  de  Braibant,  son  cousin.  Or  vous  parle-  so 
rons  dou  roy  de  France  comment  il  persévéra. 

§  '88.  Che  venredi  que  li  François  et  li  Englès  fu- 
rent ensi  ordonné  pour  bataille  à  Buironfosse,  quant 
ce  vint  apriès  nonne,  li  rois.  Phelippes  retourna  en 
ses  k>geis  tous  courouciés,  pour  tant  que  la  bataille  2b 
n' estoit  point  adrecie  ;  mais  cil  de  son  conseil  le  ra- 
paisièrent  et  li  disent  ensi  que  noblement  et  vassau- 
ment  il  s'i  estoit  portés^  car  il  avoit  hardiement  pour- 
sievis  ses  ennemis  et  tant  fait  qu'il  les  avoit  boutés 
hors  de  son  royaulme,  et  que  II  convenoit  le  roi  en-  3o 
glès  faire  moult  de  tolz  chevaucies,  ançois  qu'il 'euist 


D,qit,zeabvG00»^lc 


184  CHRMnQUES  DE  J.  FROISSART.  [I3S9] 

conquis  le  royaume  de  France.  Le  samedi,  au  matin, 
donna  H  rois  Phelippes  toutes  manières  de  gens  d'ar- 
mes congiet,  dus,  contes,  barons  et  chevaliers,  et  re- 
mercia les  chiés  des  signeurs  mouit  courtoisement, 
s  quant  si  appareilliement  il  l'estoient  venu  servir.  Ensi 
se  deffist  et  rompi  ceste  grosse  chevaucie;  si  se  re- 
trest  cescuns  en  son  lieu. 

Li  rois  de  France  s'en  revint  à  Saint  Quentin,  et 
là  ordonna  il  une  grant  plenté  de  ses  bescmgnes,  et 

10  envoia  gens  d'armes  par  ses  garnisons,  especiaument 
à  Toumay,  à  Lille  et  à  Douay,  et  en  toutes  les  for- 
lerèces  marcissans  sus  l'Empire.  Et  envoia  dedens 
Tournay  monsigneur  Godemar  dou  Fay  souverain 
cliapitainne  et  regard  de  tout  le  pays  là  environ,  et 

1&  monsigneur  Edouwarl  de  Biaugeu  dedens  Mortagne. 

Et  quant  il  eut  ordonné  une  partie  de  ses  besongnes, 

à  sen  entente  et  à  sa  plaisance,  il  se  retraist  devers 

Paris. 

'Or  parlerons  nous  un  petit  dou  roy  englès,   et 

20  comment  il  persévéra  avant.  Depuis  qu'il  fu  partis  de 
le  Flamengrie  et  revenus  en  Braibant,  il  s'en  vint  à 
Brousselles.  Là  le  raconvoiièrent  li  dus  de  Guéries , 
li  contes  de  Jullers,  li  marcis  de  Blankebourch,  li 
contes  des  Mons,  messires  Jehans  de  Haynau,  li  sires 

s&  de  Faukemont,  et  tout  li  signeur  de  l'Empire  qui  es- 
toient  alloiiet  à  lui,  car  il  voloient  aviser  et  regarder 
li  un  parmi  l'aultre  comment  il  se  maintenroient  de 
ceste  guerre  où  il  s'estoient  bouté.  Et  pour  avoir  cer- 
tainne  expédition,  il  ordonnèrent  un  grant  parlement 

30  à  estre  en  le  ditte  viUe  de  Brousselles.  Et  y  fu  priiés 
et  mandés  Jakemes  d'Artevelle,  li  quelz  y  vint  lie- 
ment  et  en  grant  arroy,  et  amena  en  se  compagnie 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1389]  UVRB  PREMIER,  S  88.  18S 

tous  les  consaulz  entièrement  des  bonnes  villes  de 
Flandres.  A  ce  parlement,  qui  fu  à  Brouxeltes,  ot 
pluiseurs  eoees  dittes  et  devbées.  Et  me  samble  que 
li  rois  englès  fu  si  consillfés  de  ses  amis  de  V^- 
pire  qu'il  fist  une  requeste  à  chiaus  de  Flandres  que  5 
il  li  volsissent  aidier  à  parmaintenir  se  guerre ,  et 
defliier  le  roi  de  France,  et  aler  avoecques  lui,  par 
tout  où  il  les  vorroit  meoer;  et  se  il  voloient  ce 
faire,  il  leur  aideroit  à  recouvrer  Lille,  Douay  el 
Bietune,  10 

Geste  parolle  entendirent  li  Flamench  volentiers; 
mais  de  le  requeste  que  li  rois  lor  faisoit,  il  deman- 
dèrent à  avoir  conseil  entre  yaus  tant  seulement,  et 
taatost  à  respondre.  Li  roi»  leur  acorda.  Si  se  con- 
sillièrent  à  grant  loisir;  et,  quant  il  se  furent  consil-  15 
liet,  il  respondirent  et  disent  :  «  Chiers  sires,  aultre 
fois  nous  avés  vous  fait  ces  requestes.  Et  sacLës  vraie- 
menl  que,  se  nous  la  poions  nullement  faire,  par 
noslre  honneiu*  et  nos  fois  garder,  nous  le  ferions. 
Mes  nous  ne  poons  esmouvoir  guerre  au  roy  de  20 
France,  quiconques  le  soit,  car  nous  sommes  obli- 
glet  à  çou,  par  foy  et  par  sierement,  et  sus  deus  mil- 
lions de  florins  à  le  cambre  dou  pape,  et  sus  escheir 
en  sentCTise,  se  nous  esmouviens  guerre  contre  le  dit 
roy  de  France.  Mais  se  vous  voliés  faire  une  cose  que  as 
nous  vous  dirons,  vous  y  pourveriës  bien  de  remède 
et  de  conseil.  C'est  que  vous  voelliés  enchargier  les 
armes  de  France  et  esquarteler  d'£ngleterre,  et  vous 
appelles  rois  de  France,  et  nous  vous  tenrons  pour 
roy  et  obéirons  à  vous  comme  au  roy  de  France,  et  30 
vous  demanderons  quittance  de  nos  fois,  et  vous  le 
nous  donrés  comme  rois  de  France.  Par  ensi  serons 


;vGoo»^lc 


186  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1340] 

nous  absolz  et  dispensés,  et  irons  par  tout  là  où  vous 
vorrés  et  ordonnerés.  » 

§  89.  Quant  li  rois  englès  eut  oy  ce  point  et  le 
requeste  des  Flamens,  il  eut  besoing  d'avoir  bon 
5  conseil  et  seur  avis,  car  pesant  li  estoit  de  prendre 
les  armes  et  le  nom  de  ce  dont  il  n'avoit  encor^ 
riens  conquis.  Et  ne  savoit  quel  cose  il  l'en  avenroit, 
ne  se  conquerre  le  poroit.  Et  d'autre  part  il  refusoit 
envis  le  confort  et  l'ayde  des  Flamens,  qui  plus  li 

10  pooient  aidier  à  se  besongne  que  tous  li  remanans 
dou  siècle.  Si  se  consilla  li  dis  rois  au  duc  de  Brai- 
bant,  au  duc  de  Guéries,  au  conte  de  Jullers,  à  mon- 
signeur  Robert  d'Artois,  à  monsigneur  Jehan  de 
Haynau  et  à  ses  plus  secrès  et  especiaulz  amis  :  si 

15  ques  iinablement,  tout  peset,  le  mal  comme  le  bien, 
il  respondi  as  Flamens,  par  l'information  des  signeurs 
dessus  dis,  que,  se  il  voloient  jurer  et  seeler  qu'il  li 
aideroienl  à  parmainlenir  se  guerre,  il  emprenderoit 
tout  et  de  bonne  volenté;  et  ossi  il  leur  jurroit  à  ra- 

SO  voir  LiUe,  Douay  et  Bietune,  et  il  respoudirent  : 
«Oil.  » 

Donc  fil  pris  et  assignés  uns  certains  jours  à  Gand, 
li  quels  jours  se  tint,  et  y  fii  li  rois  d'£ngleterre  et  te 
plus  grant   partie  des  signeurs  de  l'Empire  dessus 

25  nommés,  alloiiés  avecques  lui.  Et  là  furent  tous  li 
consaulz  de  Flandres  generaument  et  especialment. 
Là  ftirent  toutes  les  parolles  en  devant  dittes  rela- 
tées et  proposées,  entendues  et  acordées,  escriptes, 
jurées  et  scellées.  Et  encarga  li  rois  d'Ëngleterre  les 

30  armes  de  France  et  les  esquartela  d'Engleterre ,  et 
emprist  en  avant  le  nom  dou  roy  de  France;  et  !e 


;vGoo»^lc 


[1340]  LIVB£  PREUUit,  $  90.  187 

obtint  tant  que  il  le  laissa,  par  certainne  composi- 
tion, ensi  com  vous  orés  en  avant  recorder  en  ceste 
hyptoire,  s'il  est  qui  le  vous  reeorde. 

S  90.  A  ce  parlement,  qui  fu  à  Gand,  y  eut  plui- 
seurs  parolles  dîtes  et  retournées.   Et  eonsillièrent    5 
adonc  [les  seigneurs'],  proposèrent  et  acouvenenciè- 
rent  qu'il  assegeroient  le  cité  de  Toumay.  De  ce  fu- 
rent li  Flamench  tout  resjoy,  car  il  leur  sambla  qu'il 
seroient  fort  et  poissant  assés  de  le  conquerre.  £t  se 
elle  estoit  conquise,  et  en  le  signourie  dou  roy  en-    lo 
glès,  de  legier  il  conquerroient  et  recouveroient  Lille, 
Douay  et  Bietune  et  toutes  les  appendances,  qui 
dolent  estre  tenues  de  le  conté  de  Flandres.  Encores 
fil  là,proposé  et  regardé,  entre  ces  signeurs  et  leurs 
consaulz  des  bonnes  villes  de  Flandres  et  de  Brai-    15 
bant,  qu'i[l]  leur  venroit  trop  grandement  à  point 
que  li  pays  de  Haynau  fust  .de  leur  acord,  pour  avoir 
y  leur  retour.  Si  en  fu  priiés,  pour  venir  à  ce  parle- 
ment, li  contes,  mais  il  s'escusa  si  bellement  et  n 
sagement  que  li  rois  d'Ëngleterre  et  tout  li  signeur  30 
s'en  tinrent  pour  content.  Ensi  déniera  la  cose  sus 
cel  estât,  et  se  départirent  li  signeur,  et  s'en  retourna 
cescuns  en  son  lieu  et  en  son  pays.  Et  li  rois  englès 
prist  congict  à  son  cousin,  le  duch  de  Braibant,  et 
s'en  revint  en  Anwiers.  Ma  dame  la  royne,  sa  femme,    at 
demora  à  Gand,  et  tous  ses  bostelz,  qui  souvent  es- 
toit  visetée  et  confortée  de  d'Artevelle  et  des  signeurs, 
des  dames  et  des  damoiselles  de  Gand. 

Assés  tost  apriès,  fu  li  navie  dou  roy  englès  appa- 

1 .  Hi.  de  Gaignièret,  t»  43.  —  H*.  6477,  ^  65  (hcune). 


D,qit,zeabvG00»^lc    . 


188  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1340] 

reilHe,  sus  le  havene  d'Anvers,  Si  monta  là  en  mer 
et  le  plus  grant  partie  de  ses  gens^  en  yslance  que  de 
retourner  en  Engleterre,  et  de  viseter  le  pays.  Mais  il 
laissa  ou  pays  de  Flandres  deus  contes^  sages  cheva- 
5  liers  et  vaillans  durement,  pour  tenir  à  amour  les 
Flamens,  pour  mieus  moustrer  que  leurs  besongnes 
estoient  siennes.  Che  furent  messires  Guillaumes  de 
Montagut,  contes  de  Sallebrin,  et  li  contes  de  Suf- 
forch.  Chil  s'en  vinrent  en  le  ville  de  Ippre,  et  tin- 

10  rent  là  leur  garnison,  et  guerriièrent  tout  cel  yvier 
moult  fortement  chiaus  de  Lille  et  de  là  environ.  Et 
li  rois  englès  naga  tant  par  mer  qu'il  arriva  à  I^on- 
dres,  environ  le  Saint  Andrieu,  où  îl  fu  moult  con- 
jois  de  chiaus  de  son  pays  qui  desiroient  sa  revenue^ 

15  car  il  n'i  avoit  esté  en  lonch  temps.  Se  vinrent  à  lui 
les  plaintes  de  le  destruction^  que  li  Normant'et  li 
Pikart  avoient  fait  de  le  bonne  ville  de  Hantonne.-Si 
fu  li  rois  englès  moult  courouciés  de  le  désolation 
de  ses  gens,  che  fii  bie'ii 'raisons,  mais  il  les  rapaisa 

20  au  plus  biel  qu'il  peut.  Et  leur  dist  que,  se  il  venoit 
à  tour,  il  leur  feroit  chier  comparer,  ensi  qu'il  fist 
en  ceste  anée  meismement,  si  com  vous  orés  recor- 
der  avant  en  l'ystore. 

S  91.  Or  vous  conterons  dou  roy  Phelippe  de 
25  France,  qui  estoit  retrais  viers  Paris,  et  avoit  donnet 
congiet  toutes  ses  grans  hos,  et  fist  durement  renfor- 
cier  se  grosse  navie  qu'il  tenoit  sur  mer,  dont  messi- 
res Hues  Kierés,  Bahucés  et  Barbevaire  estoient  cha- 
pitaines  et  souverain.  Et  tenoienl  cil  troi  mestre 
30  escumeur  grant  fîiison  de  saudoiiers  geneuois,  nor- 
mans,  pikars  et  bretons,  et  Osent  en  cel  hyvier  pluî- 


;vGoo»^lc 


[1388}  LIVRE   PREMIER,  §  91.  189 

seurs  danlages  as  Englès.  £t  venoîent  souvent  courir 
jusques  à  Douvres,  et  à  ZaDdvic,  à  Winceséej  à  Rie 
et  là  environ,  sur  les  costes  d'Engleterre.  Et  les  res- 
songnoient  durement  li  Ënglès,  car  cil  estoieut  si 
fort  sus  mer  que  plus  de  quarante  mille  saudoiiers.  5 
Et  ne  pooit  nuls  issir  ne  partir  d'Engleterre,  qu'il 
ne  fust  veus  et  sceus ,  et  puis  pilliés  et  robes ,  et 
tout  mettoienl  à  bort.  Si  conquisent  cil  dît  saudoiier 
marin  au  roi  de  France,  en  cel  yvier,  sus  les  Englès 
tamaînt  pillage.  Et,  par  espeeial,  il  conquisent  le  lo 
belle  grosse  nave ,  qui  s'appelloit  Ctistofle ,  toute 
cai^e  d'avoir  et  de  lainnes  que  li  Englès  amenoient 
en  Flandres,  la  quèle  nave  avoit  eousté  moult  d'avoir 
au  roy  englès  au  faire  faire.  Mes  ses  gens  le  perdi- 
rent sus  ces  Normans ,  et  furent  tout  mis  à  bort.  is 
Et  eu  fisent  depuis  li  François  tamaint  parlement, 
comme  cil  qui  furent  grandement  resjoy  de  ce  con- 
ques. 

Encores  soutilloit  et  imaginoit  H  rois  de  France, 
nuit  et  jour,  comment  il  se  poroît  vengier  de  ses  en-  ao 
nemîs,  et  par  espeeial  de  monsigneur  Jeban  de  Hay- 
nau,  qui  li  avoit  lais,  si  com  il  estoit  enfourmés, 
pluiseurs  despis,  que  [d'avoir'  conduit  et]  amené  le 
roy  englès  en  Cambresis  et  en  Tierasse,  et  ars  tout  le 
pays.  Si  escrisi  et  commanda  li  dis  rois  à  monsigneur  25 
Jehan  de  Beaumont,  signeur  de  Vrevins,  au  visdame 
de  Chaalons,  à  monsigneur  Jehan  de  la  Bove,  [à  mon- 
signeur* Jehan]  et  à  monsigneur  Gerart  de  Lore,  que 
il  mesissent  sus  une  chevaucie  et  armée  de  compa- 

1.  H*,  de  GaigDière*,  f^  1,3  v>.  _  Hi.  6477,  f>  66  (lacune). 

2.  Hu.  de  Gaignières  et  de  Mouchy-Noaille*,  f»  43  V.  —  M».  6ii77 
(lacune). 


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190  CHRONIQUES  DE  J.  FROIfôART.  ff^} 

gnons,  et  entrassent  en  le  teire  moDsignmir  Jehan 
de  Haynau,  et  le  ardissent  sans  déport.  Li  dessus  dit 
obéirent  au  [mandement  *]  don  roy,  ce  fu  raisons,  et 
se  cueillièrent  secrètement  tant  qu'il  furent  bien  cinq 

5  cens  armeures  de  fier.  Et  vinrent  devant  ie  bonne  ville 
de  Chymay,  et  acuellièrent  toute  le  proie  dont  il  en 
y  trouvèrent  ^nt  fiiison ,  car  les  gens  don  pays  ne 
s'en  donnoient  garde;  et  ne  cuidassent  jamais  à  nul 
jour  que  li  François  deuissent  passer  lès  bos  de  Tie- 

10  rasse,  ne  chevaucier  si  avant  oultre  les  bos,  mais  si 
fisent.  Et  ardirent  tous  les  fourbours  de  Chimay,  et 
grant  ftiison  de  villages  là  environ,  et  priés  que  toute 
la  terre  de  Cimay,  excepté  les  forterèces.  Et  puis  se 
retraisent  en  Aubenton  en  Tierasse,  et  là  départirent 

15  il  leur  pillage  et  leur  butin.  Ces  nouvelles  et  les  com- 
plaintes en  vinrent  à  monsigneur  Jehan  de  Haynau, 
qui  se  tenoit  adonc  en  Mons  en  Haynau,  datés  le 
conte,  son  neveu.  Si  en  fu  durement  courouciés,  ce 
fu  bien  raison  ;  et  ossi  fu  li  contes,  ses  cousins,  car  ses 

So   oncles  tenoit  ceste  terre  de  lui.  Nompourquant  il  s'en 

soufirirent  tant  c'a  celle  fois,  et  n'en  pioustrèrent  nul 

samblant  de  contrevengance  au  royaume  de  France. 

Avoech  ces  despis,  il  avint  que  il  saudoiier,  qui 

se  tenoient  en  le  cité  de  Cambray,  issirent  hors  de 

25  Cambray  et  vinrent  à  une  petite  forte  maison,  de- 
hors Cambrai,  qui  s'appelloit  Releoghes,  la  quèle 
estoit  à  monsigneur  Jehan  de  Haynau.  Et  le  gardoit 
uns  siens  fîlz  bastars,  que  on  nommoit  monsigneur 
Jehan  le  Bastart.  £t  pooient  estre  avoecquea  lui  en- 


1.  Mt.  de  Gaignièrei,  Jfcftv  v",—  M».  6477,  f»  66  ;  ■mandent».  Le 
copitte  a  uni  doute  omit  pu-  diitnctkm  le  tigat  àbténuif. 


;vGoo»^lc 


[1340},    '    '  •         LIVRE  PREMIER,  g  92.  igi 

viroa  vint  et  cinq  compagnon.  Si  furent  assalli  un 
jour  tout  entier,  et  trop  bien  se  deffendirent.  Au 
soir,  cil  de  Cambrai  se  retraisent  en  leur  cite,  qui 
manecièrent  à  leur  département  grandement  chiaus  de 
Relenges.  Et  disent  bien  que  jamais 'n'entenderoient  5 
à  aultre  cose,  si  les  aroient  conquis  et  le  mat- 
.  son  abatue.  Sus  ces  p^roUes,  li  compagnon  de  Re- 
lenghes  s'avisèrent  et  regardèrent  le  nuit  que  il  n'es- 
toient  mies  fort  assés,  pour  yaus  tenir  contre  chiaus 
de  Cambray,  puis  qu'il  les  voloient  ensi  accueillîer.  lo 
Car,  avoech  tout  ce  qui  bien  les  esbabissoit,  il  estoit 
si  fort  gellé  que  on  pooit  bien  venir  jusques  as  murs 
sus  les  fosses  tous  engellés.  Si  eurent  conseil  qu'il  se 
partiroient,  ensi  qu'il  fisent,  et  toursèrent  tout  ce  qui 
leur  estoit.  Et  wîdièrent  environ  mienuit,  et  si  bou-  la 
tèrent  le  feu  dedeus  Relenges.  A.  l'endemain^  au  ma- 
tin, cil  de  Cambray  le  vinrent  par  ardoir  et  abatre. 
Et  messires  Jehans  li  Bastars  et  si  compagnon  s'en 
vinrent  à  Yalenciènes,  et  puis  se  départirent  il.  Si 
s'en  rala  cescuns  en  son  lieu.  3o 

§  92.  Vous  avés  chi  dessus  oy  recorder  comment 
messires  Gantiers  de  Mauni  prist^  par  proèce  et  par 
grant  fait  d'armes^  le  chastiel  de  Thua  l'Evesque,  et 
y  mîst  dedens  en  garnison  un  sien  frère  que  moult 
amoit,  que  on  clamoit  monsigneur  Gillion  Grignart,  S5 
c'oD  dist  de  Mauni.  Chilz  faisoit  tamainte  envaye 
et  mainte  sallie  sus  cbiaus  de  Cambray^  et  leur  por- 
toit  pluiseurs  destourbiers,  et  couroit  priés  que  tous 
les  joiu^  devant  leurs  barrières.  En  cel  estât  et  en 
celle  double  les  tint  il  un  grant  temps,  et  tant  qu'il  30 
avint  que  un  jour  il  estoit  partis  de  se  garnison  de 


;vGoo»^lc 


192  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  '[1340] 

Thun,  environ  six  vint  armeures  de  fier  en  se  com- 
pagnie, et  s'en  vînt, courir  devant  Cambray,  et  jus- 
ques  as  barrières.  ]j  noise  et  li  haros  monta  en  le 
ville,  et  tant  que  pluiseurs  gens  en  furent  moult  ef- 
5  fraet.  Si  s'armèrent,  eeseuns  qui  mieuls  mieulz,  et 
montèrent  à  cheval  cil  qui  chevaus  avoient,  et  vin- 
rent à  le  porte  là  où  li  escarmuce  estoit,  et  où  messi- 
res  Grignars  de  Mauni  avoit  rebouté  chiaus  de  Cam- 
bray.  Si  issirent,    cescuns  qui   miex  miex,    contre 

10  leurs  ennemis. 

Entre  les  Cambrisiens  avoit  un  jone  canonne,  ap- 
pert homme  d'armes,  durement  fort,  dur,  hardi  et 
apert.  Et  estoit  cilz  Gascons,  et  s'appelloît  GutUaumes 
•    Marchant.  Si  se  mist  hors  as  camps  avoech  les  auU 

15  très,  montés  sus  bon  coursier,  le  tai^e  au  col,  le  glave 
ou  poing,  et  armés  de  toutes  pièces.  Si  esporonoa 
tout  devant,  de  grant  corage.  Et  quant  messires 
Gilles  de  Mauni  le  vil  venant  vers  lui,  qui  ne  desi- 
roil  autre  cosé  que  le  jouste,  si  en  (u  tous  joians,  et 

30  esporonna  ossi  vers  lui  moult  radement.  Si  se  con- 
sievirent  de  leurs  glaves,  sans  espargnier ,  moult 
mervilleusement;  dont  ensi  eschet  à  Guillaume  Mar- 
chant qu'il  consievi  monsigneur  Gillion  de  Mauni  si 
roidement,  qu'il  perça  le  targe  de  son  glave  et  toutes 

85  ses  armeures,  et  li  mist  le  glave  dalés  le  coer,  et  li 
fist  passer  le  fier  à  l'autre  lés,  et  l'abati  jus  de  son 
cheval,  navré  à  mort.  De  cesle  jouste  furent  si  com- 
pagnon moult  esbahi,  et  chil  de  Cambray  trop  resjoy  : 
si  se  recueillièrent  tout  ensamble.  Là  eut,  je  vous  di, 

30  de  premières  venues,  très  bon  puigneis  et  fort,  et 
pluiseur  des  uns  et  des  aultres  reversé  par  terre,  et 
tamainte  apertise  d'armes  faite. 


;vGoo»^lc 


[1340]  LIVRE  PREMIER,  g  93.  193 

Finablement,  chil  de  Cambray  obtinrent  le  place 
et  reboutèrent  leurs  ennemis,  et  en  navrèrent  et  me- 
hagnièrent  aucuns,  et  les  cacièrent  bien  avant.  Et 
retinrent  monsigneur  Grignart  de  Maoni,  ensi  navrés 
qu'il  estoit,  et  l'empralèrent  en  Cambray  à  grant  5 
joie,  et  le  fisent  tantost  désarmer  et  regarder  à  sa 
plaie  et  bien  mettre  à  point.  Et  euissent  volentiers 
veu  qu'il  fust  rescapés  de  ce  péril,  mes  il  ne  peut; 
ançois  morut  dedens  le  second  jour  apriès.  Quant  il 
fîi  mors,  il  regardèrent  qu'il  en  estoit  bon  à  &ire.  Si  lo 
eurent  conseil  que  le  corps  il  renvoïeroient  devers 
ses  deus  frères  Jehan  et  Thieri>  qui  se  tenoient  adonc 
en  le  garnison  de  Bonçain,  en  Osirevant.  Car,  quoi 
qne  li  pays  de  Haynau  ne  fiist  en  point  de  guerre,  ù 
se  tenoient  les  forterèces  sus  les  frontières  de  France  is 
toutes  closes,  et  sus  leur  garde.  Si  ordonnèrent  adonc 
un  sarcu  assés  honnourable,  et  le  recommiendèrent  à 
deus  frères  Meneurs,  et  envolèrent  le  corps  monsi- 
gneur Grignart  de  Mauni  à  ses  deus  frères,  Jehan  et 
Thieri,  qui  le  reçurent  en  grant  dolom*.  De  puis  il  le  30 
Bsent  aporter  as  Cordeliers  à  Valenciènes;  et  &  fri  il 
ensepetîs.  Aprîès  ces  ordenances,  li  doi  frère  de  Abuni 
s'en  vinrent  logier  ou  chastiel  de  Thun  l'Evesque,  et 
fisent  forte  guerre  à  chiaus  de  le  cité  de  Cambray, 
en  contrevengant  te  mort  de  leur  frère.  35 

§  93.  Vous  devés  savoir  qu'en  ce  temps,  de  par 
le  roy  de  France,  estoit  messires  Godemars  dou  Fay 
tous  chapitainne  de  le  cité  de  Toumay  et  de  Tour- 
nesis  et  des  forterèces  environ.  Et  ossi  adonc  estoit 
li  sires  de  Biaugeu  dedens  Mortagae  sus  Escaut,  li  30 
seneschaus  de  Charcassonne  en  le  ville  de  Saint 
1  —  13 


;vGoo»^lc 


iU  CHROMQUES  DE  J.  KftOISSART,  [1340] 

Amant,  messîres  Aymers  de  Poitiers  en  Douay,  mes- 
sires  li  Galois  de  le  Baume,  U  sires  de  Villars,  Il  ma- 
reschaus  de  Mirepois  et  li  sires  de  Manuel  en  le  cité 
de  Cambrav.  Et  ne  desiroient  cil  chevalier  et  chil  sau- 
5  doiier,  de  par  te  roy  de  France,  aultre  eose  que  cou- 
rir en  Haynau,  pour  pillier  et  gaegnier,  pour  le  pays 
mettre  en  guerre.  Ossi  li  evesques  de  Cambray,  mes- 
sires  GuiUaumes  d*Ausonne  estoit  tous  quois  à  Paris 
datés  le  roy  Phetippe,  et  se  complaindolt  à  tui, 
10  quant  il  cbeoit  à  point,  trop  amèrement  des  Hay- 
nuiers.  Et  disoit  bien  que  ti  Haynuier  ti  avoîent  fait 
plus  de  contraires  et  de  damages,  ars,  pillet  et  cou- 
rut son  pays  que  nuls  aultres.  Si  se  portèrent  tele- 
ment  les  besongnes,  et  tîi  li  rois  si  dur  consiltiés  sus 
15  son  neveu  le  coûte  de  Haynau  et  sus  ses  gens,  que  lî 
saudoiier  de  Cambresis  eurent  coogiet  et  acord  d'en- 
trer en  Haynau  et  de  faire  y  aucune  envaye  et  che- 
vaucie  au  damage  dou  pays. 

Quant  ces  nouvelles  furent  venues  à  chiaus  qui 
20  ens  es  garnisons  de  Cambresis  se  tenoient,  si  en  fu- 
rent moutt  joiant,  et  misent  sus  une  chcvaucie  de 
cinq  cens  armeures  de  Oer.  Et  se  partirent  un  sa- 
medi, après  jour  faltant,  de  Cambray  cil  qui  ordonné 
y  estoient,  et  ossi  à  tète  heure,  cit  dou  Chastiel  en 
as  Cambresis  et  cit  de  le  Malemaison.  Et  se  trouvèrent 
tout  sus  les  camps  et  vinrent  en  le  vitte  de  Haspre^ 
qui  lors  estoit  une  bonne  vitle  et  grosse  et  bien  fou- 
cie,  mais  point  n'estoït  fremée.  Et  si  n'estoient  les 
gens  en  nulle  double,  car  on  ue  les  avoit  point  avi- 
so ses  ne  escriés  de  nulle  guerre.  Si  entrèrent  li  Fran- 
çois dedens  et  trouvèrent  les  gens,  hommes  et  fem- 
mes, en  leurs  hostelz;  si  les  prisent  à  leur  volenté 


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[1340]  LIVBE  PREMIER,  g  93.  198 

et  tout  le  leur,  or,  aident  et  jeuiaus,  et  leurs  bes- 
tes,  et  puis  boutèrent  le  feu  en  le  ville,  et  le  ardirent 
si  nettement  que  riens  n'i  demora  fors  les  parois. 
Par,  dedens  Haspre  a  une  prevosté  de  noirs  monnes, 
et  grans  edefisses  avoech  le  moustier,  qui  se  tient  de  5 
Saint  Vaast  d'Arras.  Si  le  pillièrent  li  François  et  ro- 
bèrent,  et  puis  boutèrent  le  feu  dedens,  et  le  ardi- 
rent moult  villainnement.  Quant  il  en  eurent  Ëiit 
leur  volenté,  il  cargièrent  tout  leur  pillage,  et  caciè- 
rent  tout  devant  yaus,  et  s'en  retournèrent  en  Cam-  lo 
bray. 

Ces  nouvelles  furent  tantes  sceues  à  Valenciènes. 
Et  proprement  elles  vinrent  jusques  au  conte  Guil- 
laume de  Haynauj  qui  se  dormoit  en  son  h(^tel  c'on 
dist  à  le  Salle;  si  se  leva,  vesti  et  arma  moult  ap-  15 
pertemeot,  et  (ist  resvilller  toutes  ses  gens,  dont  il 
n'avoit  mies  grant  iîiison  datés  lui,  fors  tant  seule- 
ment son  senescal  monsigneur  Gerart  de  Wercin, 
monsigneur  Henri  d'Antoing,  messire  Henri  de  Hus- 
faltse,  monsigneur  Thieri  de  Wallecourt,  le  signeur  30 
de  Potielles,  le  signeur  de  Floion  et  aucuns  cheva- 
liers qui  se  tenoient  dalés  lui,  ensi  que  tout  gentil 
homme  se  tiennent  volentiers  dalés  leur  signeur. 
Mais  il  estoieat  couciet  en  divers  faoslelz;  si  ne  fu- 
rent mies  si  tost  appareilliet,  ne  armé,  ne  monté  à  25 
cheval,  que  li  contes  fu,  car  il  n'atendi  nullni;  ains 
s'en  vint  ou  marohiet  de  Valenciènes,  et  fist  sonner 
les  cloches  ou  berfroi  à  votée.  Si  s'estourmirent  tou- 
tes gens  et  s'armèrent  et  sievirent  leur  signeur  à  ef- 
fort, qui  s'estoit  jà  mis  hors  de  ta  ville  et  ehevauçoit  30 
radement  devers  Haspre,  en  grant  volenté  de  trouver 
ses  ennemis.  Quant  il  eut  chevauciet  environ  une 


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196  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1340J 

lieuwe,  il  li  fii  dit  qu'il  se  travîLloit  en  vaia,  et  que 
li  François  estoient  retrait.  Adonc  se  retray  li  contes 
en  l'abbeye  de  Fontenelles,  qui  estoit  assés  priés  de 
là,  où  ma  dame  sa  mère  demoroit,  qui  fîi  toute  en- 
5  sonniie  de  lui  rapaisier,  tant  estoit  il  escauffés  et 
ïufrés;  et  disoit  bien  que  eestî  arsin  de  Haspre  il  le 
feroit  temprement  cier  comparer  au  royaume  de 
France.  Sa  dame  de  mère  li  acordoit  tout,  et  euîsl 
volentiers  de  ceste  mespresure  escuset  son  fi^re  le 

10  roy  de  France;  mes  li  contes  n'i  voloit  entendre, 
mes  disoit  :  «  Il  me  fault  r^arder  comment  hastee- 
ment  je  me  puisse  vengier  de  ce  despit  que  on  m'a 
lait,  et  otretant  ou  plus  ardoir  en  France,  u 

Quant  li  contes  de  Haynau  eut  esté  une  espasse  à 

15  Fontenelles  dalés  ma  dame  sa  mère,  il  prist  congiet, 
puis  s'en  parti  et  retourna  à  Valenciènes.  Et  fisl  lan- 
tost  lettres  escrire  par  tout  as  chevaliers  et  as  prelas 
de  son  pays,  pour  avoir  conseil  conmient  il  se  po- 
roit  chevir  de  ceste  avenue,  et  mandoit  par  ses  let- 

20  très  que  tout  fuissent  à  Mons  en  Haynau  au  certain 
jour  qui  assignés  y  estoit.  Ces  nouvelles  s'espardirent 
parmi  le  pays,  et  les  sceut  messires  Jehans  de  Hay- 
nau, qui  se  tenoit  à  Byaumont,  pensans  et  imaginans 
comment  il  poroit  ossi  l'arsin  de  se  terre  de  Chymay 

2S  contrevengier.  Si  ne  (u  mies  courouciet  quant  il  oy 
dire  et  recorder  le  grant  desplaisir  que  on  avoit  fait 
à  son  neveut  le  conte,  et  ossî  en  quel  desdain  il  l'a- 
voit  pris,  et  ne  le  sentoit  mies  si  souffrant  que  il  vo- 
sisl  longement  porter  ceste   villonnie.    Si   monta  à 

30  cheval  et  vint  au  plus  tost  qu'il  peut  à  Valenciènes, 
où  il  trouva  le  dit  conte  à  le  Salle  ;  si  se  traist  vers 
li,  ensi  que  raisons  estoit. 


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[13^0]  LIVBG  PREMIER,  g  94.  197 

$  94.  Sitost.  que  U  contes  de  Haynau  vey  monsi- 
gneur  Jehan  de  Haynau,  son  oncle,  il  vint  contre 
lui  et  li  dist  :  «  Biaus  oncles,  voslre  guerre  as  Fran- 
çois est  grandement  embellie,  v  —  «  Sire,  ce  res- 
pondi  Ji  sires  de  Byaumont,  Diex  en  soit  loésl  De  s 
vostre  anoi  et  damage  seroi  je  tous  courouciés, 
mais  cilz  ci  me  vient  assés  à  plaisance.  Or  avés  vous 
[ceoy']  de  l'amour  et  dou  service  les  François  que 
vous  avés  tout  le  temps  portet.  Or  nous  fault  faire 
une  chevaucîe  sus  France;  regardés  de  quel  oostet.  n  lo 
Dist  li  contes  ;  «  Vous  dittes  voir,  et  si  sera  bien 
briefïnent.  »  Si  se  tinrent  de  puis,  ne  sai  quans  jours, 
à  Valenciènes.  £t  quant  .li  .jours  de  parlement,  qui 
estoit  assignés  à  estre  à  Mons  en  ilaynau,.  ^.venus, 
il  y  furent.  Là  fîi  tous  li  consaulz  dou  pays,et'Qssi  15 
de  Hollandes  et  de  Zelandes, 

A  ce  parlement  qui  lîi.  en  le  ville  de  Mons  en  Hay- 
nau, eut  pluiseurs  parolles  proposées  et  remoustrées. 
Et  voloient  li  aucun  des  barons  dou. pays  que  on 
envoiast  souffissans  hommes  devers  le  roy  de  France,  ao 
à  savoir  se  il  avoit  acordé  ne  consenti  à  ardoir  en 
Haynau,  ne  envoiiet  les  saudoiiers  de  Cambresis  en 
le  terre  don  conte,  ne  à  quel  title  cil  l'avoient  foit, 
pour  tant  que  on  n'avoit  point  deffiiet  le  conte  ne 
le  pays.  Et  U  aultre  chevalier,  qui  proposoient  à  l'en-  35 
contre,  voloient  tout  le  contraire,  mais  que  on  se 
contrevengast  en  tel  manière  com  li  François  avoient 
commencbiet. 

Entre  ces  parolles  des  unes  as  aultres  eut  plui- 
seurs detris,  estris  et  debas.  Mes  finablement  il  fii  30 

1.  Mt.  de  Oaigni^rM,  (-  kh.  —  Ml,  6477,  P"  68  ï°  (Iscune). 


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198  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1340] 

regardé,  tout  consideret  et  imaginet,  que  H  contes 
de  Haynau  et  li  pays  ne  pooient  nullement  issir  de 
ceste  besongne,  sans  faire  guerre  au  royaume  de 
France,  tant  pour  l'arstn  de  le  teire  de  Cymai  que 
5  pour  cesti  de  Haspre.  Si  fii  là  ordonné  que  on  def- 
fieroit  le  roy  de  FrancCj  et  puis  enteroit  on  à  effort 
ou  royaume.  El  de  porter  ces  deffiances  fii  priiés  et 
cargiés  li  abbes  de  Crespin,  qui  pour  le  temps  s'ap- 
pelloit  Thiebaus.  Si  furent  les  lettres  de  defdances 

10  escrites  et  scellées  dou  conte  et  de  tous  les  barons  et 
chevaliers  dou  |)ays.  En  apriès,  li  dis  contes  remer- 
cia grandement  tous  ses  hommes  pour  le  bonne  vo- 
lenté  dont  il  les  vey,  car  il  11  prommisent  confort  et 
service  en  tous  estas. 

15  Je  n'ai  que  feire  de  démener  ceste  matère  longe- 
ment.  Li  abbes  de  Crespin  se  parti  et  vint  en  France 
aporter  au  roy  Phclippe  les  deffiances,  qui  n'en  fist 
pas  trop  graat  compte  et  dîst  que  ses  neveus  estoit 
uns  folz  oultrageus,  et  qu'il  marchandoit  bien  que 

20  de  faire  ardoir  tout  son  pays.  Li  abbes  retourna  ar- 
rière devers  le  conte  et  son  conseil,  et  leur  compta 
conmient  il  avoit  esploitiet,  et  les  responses  que  li 
rois  en  avoit  laites.  Assés  tost  apriès,  se  pourvei  li 
contes  de  gens  d'armes,  et  manda  tous  chevaliers  et 

35  escuiers  parmi  son  pays,  et  ossi  en  ^^ibant  et  en 
Flandres,  et  &st  tant  qu'il  eut  bien  dix  mille  armeures 
de  Ber,  de  bonne  estoffe,  tout  à  cheval.  Si  se  parti- 
rent de  Mons  en  Haynau  et  de  là  environ,  et  che- 
vaucièrent  vers  le  terre  de  Cymai,  car  li  intentions 

30  dou  conte  et  de  son  oncle,  li  signeur  de  Byaumonl, 
estoit  tèle  que  il  iroient  ardoir  et  essillîer  la  terre 
le  signeur  de  Vrevins,  et  ossi  Aubenton  en  Tierasse. 


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[1340]  LIVRE  PSËMIËR,  g  OS.  199 

$  95.  Bien  se  doubtoient  cil  de  le  ville  de  Auben- 
too  dou  conte  de  Haynau  et  de  son  oncle.  Si  l'a- 
voient  segnefiiet  au  grant  baillieu  de  Vennendois, 
que  il  leur  volsist  envoiier  gens  pour  yaus  aidier  à 
tenir  et  deffendre  contre  les  Haynuiers,  qui  leur  es-  •, 
toienl  trop  proçain  voisin.  Et  bien  leur  besongnoit 
que  il  euissent  avoec  yaus  bonne  gent  d'armes,  car 
leur  ville  n'estoit  fremée  que  de  palis.  Donc  li  dis 
baillieus  de  Vermendois  y  avoit  envoiiés  des  bons 
chevaliers  de  là  environ  :  premièrement,  le  vîsdame  lo 
de  Cliaatons,  monsigneur  Jehan  de  Beaumont,  mon- 
signeur  Jehan  de  la  Bove,  le  signeur  de  I^re  et  plui- 
seurs  aultres.  Si  s'estoient  li  dessus  dit  chevalier  et 
leurs  routes,  oît  bien  avoit  Iroîs  cens  armeures  de 
fier,  mis  dedens  Aubenton,  et  le  pensoient  bien  à  te-  15 
nir  contre  les  Haynuiers,  et  le  remparèrent.  Et  forte- 
fîièrent  encores  aucuns  lieus  de  le  ditte  ville  où  il 
veireat  et  sentirent  que  elle  estoit  le  plus  foible;  et 
estoient  tout  conforté  et  pourveu  de  attendre  les 
Haynuiers  qui  ne  fisent  point  un  lonch  séjour,  de  so 
puis  qu'il  furent  assamblë  à  Mons  en  Haynau,  mais 
se  partirent  vistement  en  grant  arroi,  si  corn  ci  des- 
sus est  dit,  et  s'aceminèrent  vers  Chimay  et  passè- 
rent, par  un  venredi,  le  bois  c'on  dist  de  Tierasse, 
et  esptoitièrent  (tant'}  qu'il  vinrent  à  Aubenton,  qui  2^ 
estoit  une  grosse  ville  et  bonne  et  plainne  de  drape- 
rie. Ce  venredi,  li  Haynuier  se  logièrent  assés  priés 
et  le  avisèrent  et  considérèrent  au  quel  lés  elle  estoit 
le  plus  prendable.  A  l'endemain,  il  vinrent  tout  or- 
donné par   devant  pour  le  assallir,   leurs  banières  3o 

I .  Mi.  ife  GsifnUrM,  P>  U.  —  Mi.  6477,  f  69  1^  (lacune). 


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800  CHRONIQUES  DE  J.   FROISSART.  [1340] 

moult  faiticement  tout  devant,  et  les  arbalétriers 
ossi  ;  et  se  partirent  en  trois  coonestablies,  et  se  traist 
çascuns  à  sa  banière.  Dont  li  contes  de  Haynau  eut 
le  première  bataille,  avoech  lui  graut  fiiison  de  bons 
5  chevaliers  et  escuiers  de  son  pays;  li  sires  de  Byau- 
mont,  ses  oncles,  la  seconde  livrée,  osai  à  toiit  grant 
fuison  de  bonne, gant  d'annes;  et  li  sires  de  Fauke- 
mont  avoech  grant  fuison  de  bonne  gent  de  son 
pays,  Alemans  et  Braibençons,.une  aultre.  Et  se  traist 

10  cescuns  sires  desous  se  banière  et  entre  ses  gens, 
celle  part  où  il  furent  ordonné  pour  assallir. 

Si  commença  U  îissaus  grans  et  fors  durement;  et 
s'emploiià«nt  arbaleslrier  et  dedens  et  dehors  au 
traire  moult  vi^reusement,  par  lequel  trait  il  en  y 

15  eut  pluiseur  bleciés  des  assallaos  et  des  dcffend^ns. 
Là  contes  de  Haynau  et  se  roule,  où  moult  avoit  de 
appers  chevaUers  et  escuiers,  vinrent  jusques  as  bail- 
les de  l'une  des  portes.  Là  eut  grant  assaut  et  f<»te 
escaimuce.  Là  estoit  li  visdames  de  Chaalons,  uns 

so  appers  chevaliers,  qui  y.  Bst  merveilles  d'armes,  et 
qui  moult  vassaument  se  comhati  .et  defiendi.  Et  fist 
là  à  le  porte  meismement  trois  de  ses  neveus  cheva- 
liers, qui  ossi  se  acquittèrent  moult  bien  en  leur 
nouvelle  chevalerie,  et  y  Bsent  ploiseurs  apeaitises 

25  d'armes.  Mais  il  furent  si  fort  requis  et  assalli  dou 
conte  de  Haynau  qu'il  les  convint  retraire  en  le 
porte,  car  il  prirent  les  barrières.  LÀ.  eut  un  moult 
dur  assaut,  sus  le  pont  meismement.  A  le  porte  de- 
vers Cimay,  esloit  messires  Jehans  de  Haynau  et  se  ba- 

30  nière,  qui  assalloit  moult  Berement.  Et  celle  porte  gar- 
doient  messires  Jehans  de  fie|a|umont  et  monsigneur 
Jehan  de  la  Bove.  Là  eut  très  grant  assaut  et  forte 


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[1340]  LIVRE  PREUIER,  S  96>  201 

escarmuce,  et  couvînt  les  François  retraire  dedens  le 
porte,  car  il  perdirent  leurs  bailles^  et  les  conquisent 
li  Haynuier  et  le  pont  ossi.  Là  eut  dure  escarmuce 
et  forte  et  grant  assaut  et  felenès^  car  cil  qui  estoient 
monté  sus  le  porte  jettoieut  bau3  et  mairiens  contre-  5 
val,  et  pos  plains  de  cauch,  et  grant  fiiison  dépits 
et  de  cailUaus,  dont  il  navroient  et  mehagnoient 
gens,  se  il  n'estoient  fort  aninet  et  p^vesçfaiet.  Et  là 
fîi  constevis  à  mescfatef  d'une  pière  grosse  etvilUiinne 
uns  bons  escuiers  de  Haynau,  qui  se  tepQit  tout  de-  lo 
vant  pour  son  corps  avancier,  Bauduins  de  Bifiufort, 
et  reçut  un  si  dur  horion  sus  sa  tai^,  que  on  li  es- 
quartela  et  fepdi  en  deus  moitiés,  et  eut  romput  le 
brach  dont  il  le  pprtoit.  Et  le  convint  retr^iire,  pour 
le  villain  horion,  et  porter  as  togeis,  ensi  que  ceti  15 
qui  ne  se  peut  de  .puis  armer  en  gn(ut  temps,  Jus- 
ques  à  tant  qu'il  iii  sanés  et  gans.. 

$  96.  Le  samedi,  au  matin,  fi^  li  assaus  mpult 
grans  et  très  fiers  à  le  ville  de  Aubenton  en  Tiera^se; 
et  se  mettoient  li  assalant  en  grant  [»inne  et  en  grant  30 
péril,  pour  conquérir  la  ville.  Osst  li  chevalier,  li  es- 
cuier  et  cil  qui  dedens  estoient  reqdoient.  grant  en- 
tente et  dîligeQse  à  yaii$  deffendre,  et  bien  le  beson- 
gnoit.  Et,  saciés,  se  ce  ne  fuissent  U, gentil  homme  qui 
dedens  Aubenton  se  teupient  et.  qui  le  gardaient,  elle  s& 
eui«t  estet  ta^tost  prise  et  de  saut,  car  elle  eatoit  fort 
et  dur  assallie  de  tous  costés  et  de  grant  fiiison  de 
bonne  gent  d'année.  Si  y  cpuvenoit  tant  plus,  grant 
avis  et  plus  graiu  hardement  pour  le  deffendre,  et  en 
fisent  U  chevalier  de  dedens,  au  voir  dire,  bien  leur  30 
devoir;  mai»  finabl.eai.ent  elle  61  conquise  par  force 


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202  CHRONIQUES  DE  I.  PHOISSA.RT.  [1340] 

d'armes,  et  les  garites  qui  n'esloîent  que  de  palîs 
rompues  et  brisîes.  El  entra  en  la  ville  tout  premiè- 
rement messires  Jehans  de  Haynau  et  se  banière,  en 
grant  huée  et  en  grant  fouleis  de  gens  et  de  chevaus. 
5  Et  adonc  se  recueillièrent  en  le  place,  devant  le 
moustier,  )i  visdames  de  Chaalons  et  aucun  chevalier 
et  escuier,  et  levèrent  là  leurs  banîères  et  leurs  pen- 
nons,  et  moustrèrent  de  fait  bien  samblant  et  corage 
de  yaus  combalre,  et  tenir  tant  que  par  honneur  it 

10  poroient  durer.  Mais  H  sires  de  Vrevins  se  parti  et 
se  banière,  sans  arroî  et  sans  ordenance,  et  n'osa  de- 
morer,  car  bien  sentoit  monsigneur  Jehan  de  Hay- 
nau si  aïret  sur  lui  qu'il  ne  l'euist  pris  à  nulle  raen- 
çon  ;  si  ibonta  au  plus  tost  qu'il  peut  sus  fleur  de 

la  coursier  et  prist  les  camps.  Ces  nouvelles  vinrent  à 
monsigneur  Jehan  de  Haynau  que  ses  grans  ennemis, 
et  qui  tant  avoit  porté  le  damage  à  se  terre  de  Chy- 
may,  estoit  partis,  et  s'en  aloit  devers  Vrevins.  Adonc 
li  sires  de  Byaumont  monta  sus  son  coursier  et  fibt 

20  chevaucier  se  banière  et  vuida  Aubenton,  en  entente 
de  raconsievir  ses  ennemis.  Ses  gens  le  sievoient,  ees- 
cuns  qui  mieus  mieus;  et  H  aultre  demorèrent  en  le 
ville,  li  contes  de  Haynau  et  se  bataille,  et  se  com- 
batirent  asprement  et  fièrement  à  chiaus  qui  s'es- 

25    toienl  arreslé  devant  le  moustier.  Là  ot  dur  hustin  et 

fier,  et  tamaînt  homme  reversé  et  mis  par  terre.  Et  là 

furent  très  bons  chevaliers  li  visdames  de  Chaalons  et 

si  troi  fil,  et  y  fisent  tamainte  belle  appertise  d'armes. 

EndemeDtnies  que  cil    se  combatoient,    messires 

30  Jefaans  de  Haynau  et  ses  gens  caçoient  et  encauçoient 
le  signeur  de  Vrevins,  au  quel  il  avint  si  bien  que  il 
trouva  les  portes  de  se  ville  toutes  ouvertes  et  entra 


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[t340]  LIVRE  PREMIER,  §  97.  203 

eDs  en  grant  haste;  et  jusques  à  là  le  poursievi  sus 
son  coursier,  l'espée  en  le  main^  messires  Jehans  de 
Haynau.  Quant  il  vit  qu'il  li  estoit  escapés  et  realrés 
en  se  forterèce,  si  en  fu  trop  courciés,  et  retourna 
tout  le  grant  chemin  de  Aubenton.  Si  encontrèrenl  b 
ses  gens  le[s]  gens  le  sigoeur  de  Vrevins  qui  le  sie- 
voient  à  leur  pooir.  Si  en  occirent  et  misent  par 
terre  grant  fuison,  et  puis  retournèrent  dedens  Au- 
benton. Si  trouvèrent  leurs  gens,  qui  jà  avoient  déli- 
vré le  place  de  leurs  ennemis.  Et  estoit  pris  lî  visda-  lo 
mes  et  duremeat  navrés,  et  mort  deus  de  ses  neveus, 
ce  jour  fais  chevaliers,  et  ossi  pluiseur  aultre.  Ne 
onques  chevaliers  qui  là  fust  n'en  escapa  ne  escuiers, 
fors  cil  qui  se  sauvèrent  avoecques  le  signeur  de  Vre- 
vins, qu'il  ne  luissent  tout  mort  et  tout  pris,  et  bien  15 
deuK  cens  hommes  de  le  ville,  et  fii  toute  pUlie  et  robée  ; 
et  li  grans  avoirs  et  pourfis,  qui  dedens  estoient,  char- 
giés  sus  chars  et  sus  charettes  et  envoiiés  à  Chîmay. 
Avoecques  tout  ce,  la  ville  d' Aubenton  fii  toute  arse. 
Et  se  logièrent  ce  soir  li  Haynuîer  sus  le  rivière,  et  ao 
l'endemain  ilchevaucièrent  devers  Mauberfontainnes. 

§  97.  Apriès  le  désolation  et  destruction  de  Au- 
benton, ensi  que  vous  avés  oy,  s'acheminèrent  li 
Haynuier  et  leurs  routes  devers  Mauberfontainnes.  Si 
tost  qu'il  y  parvinrent,  il  le  conquisent,  car  il  n'i  sl 
avoit  point  de  deffense,  et  le  pillièrent  et  robèrent, 
et  puis  l'ardirenl  et,  apriès,  le  ville  de  Aubencuel  et 
Segni  le  Graot  et  Segni  le  Petit,  et  tous  les  hamiaus 
et  villages  de  là  environ,  dont  il  en  y  eut  plus  de 
quarante.  Ensi  se  contrevengièrent  li  Haynuier  des  30 
damages  que  on  leur  avolt  fais,  tant  en  le  terre  de 


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«M  CHRONIQUES  DE  J.  FAOISSART.  [1340] 

Ojimay  comme  à  Haspre.  Mais  de  puis  U  François 
leur  fiseQt  cier  comparer,  si  com  voua  ores  avant  en 
l'ystore.  De  puis  ceste  chevaucie  feite,  li  contes  de 
Haynau  se  reiraist  deviers  le  ville  de  Mons  et  donna 
5  congiet  toutes  manières  de  gens  .d'annes,  et  les  re- 
mercia grandem&Qt  et  bellement  cescun  de  son  bon 
service,  et  fist  tant  que  tout  se  partirent  bien  con- 
tent de  lui;  si  s'en  râla  cescuns  en  son  Ueu. 

Assés  tost,  apriès,  vint  il  en  volenté  et  en  pourpos 

]o  au  dit  conte  que  d'aler  esbatre  en  Ëngleterre  et  faire 
certaiones  alliances  au  dit  roi,  son  sax)ui^,  pour  es- 
tre  plus  .fors  en  sa  guêtre,  cajr  bien  pensoit  et  disoit 
que  la  cose  ne  pooit  demorer  ensi,  et  que  11  rois,  ses 
oncles,  ne  fesîst  aucune  armée  contre  lui.  Et  pour 

15  estre  plus  fors,  bon  li  sambloit,  et  à  son  conseil  ossï, 
que  il  euist  l'amour  et  l'alliance  des  Englès,  des  Fla- 
mens  et  des  Braibençons.  Si  manda  li.dis  contes 
tout  son  conseil  à  Mons  en  Haynau,  et  leur  remous- 
tra  sen  entente.  Et  ordonna  et  institua  là  monsigneur 

30  Jehan,  de  Haynau  à  estre  hauts  et  gouvrenères  de 
Haynau,  de  Hollandes  et  de  Zelandes.  Et  se  parti  de 
puis  assés  tost,  à  privée  mesnie,  et  vint  à  Dour- 
dresch  en  Hollandes,  et  là  monta  en  mer  [>our  arriver 
en  Engleterre.  Or  nous  tairons  nous  à  parler  dou  conte 

35  de  Haynau,  et  parlerons  des  besongnes  de  son  pays, 
et  des  avenues  qui  y  avinrenl  entrues  qu'il  fu  hors. 

S  98.  Vous  avés  bien  oy  recorder  comment  mes- 
ures Jehans  de  Haynau  demora  baulz  et  gouvrenères 
des  trois  pays,  par  l'ordenance  dou  conte.  Si  obei- 
30  rent   eu   avant    tout    li  baron  et  H  chevalier  el  H 
homme  dou  pays  à  lui,  comme  à  leur  signeur,  jus- 


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I 


[1340]  LIVBE  PREMIER,  $  98.  ÎOS 

ques  à  sod  retour.  Si  se  tint  li  dis  messires  Jehans  de 
Haynau  en  le  ville  de  Mons^  et  pourvei  le  pays  et 
garni  bien  et  soufiissamment  de  toutes  bonnes  gens 
d'armeSj  especialment  sus  les  frontières,  de  France, 
et  envoia  quatre  chevaliers  en  le  ville  de  Valenchiè-  5 
nés,  pour  aidier  à  garder  et  consillier  le  ville  et  les 
bourgois.  Che  furent  li  sires  d'Antoing,  li  sires  de 
Wargni,  li  sires  de  Gommegnies  et  messires  Henris 
de  Husplialize.  Et  envoia  te  senescal  de  Haynau, 
monsigneur  Gerart  de  Wercin,  à  tout  cent  lances  10 
de  bonne  gerit  d'armes,  en  le  ville  de  Alaubuege;  et 
mist  le  mareschal  de  Haynau,  monsigneur  Thieri  de 
Walecourt,  en  le  ville  dou  Kesnoi,  et  le  signeur  de 
Potielles  en  le  ville  de  Ijandrecîes.  Apriès,  il  mist  en 
le  ville  de  Bouçain  trois  chevaliers  alemans,  qui  tout  15 
troi  se  nommoient  messires  Conrars,  et  envoia  à  £s- 
cauduevre  monsigneur  Gerart  de  Sassegnies,  et  ossi 
en  le  ville  de  Avesnes  le  signeur  de  Faukemont,  et 
ensi  par  toutes  les  forterèces  de  Haynau,  voires  sus 
les  frontières  dou  royaume;  et  pria  et  enjoindi  à  20 
cescun  de  ces  chapitainnes  qu'il  fuissent  songneus, 
pour  leur  honneur,  d'entendre  à  che  qui  leur  estoit 
recai^iet,  et  cescuns  li  eut  en  couvent.  Si  se  tray 
cescuns  sires  et  chapitains  avoecques  ses  gens  en  se 
garnison,  et  entendirent  dou  remettre  en  point,  gar-  35 
nir  et  pourveir  che  dont  il  estoient  garde.  Or  reven- 
rons  nous  au  roy  de  France,  et  recorderons  comment 
il  envoia  une  grande  chevaucie  de  gens  d'armes  en 
Haynau,  pour  ardoir  et  exillier  le  pays,  et  en  fist  le 
duch  de  Normendie  son  fil  chief.  30 

FIN  DU    PSEUIEB  VOLUME. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


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VARIANTES. 


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VARIANTES. 


PROLOGUE. 

Page  1,  ligne  i  :  Afin.  —  Mt.  dAmieiu  :  Affin  que  li  grant 
fait  d'urnes  qui  par  les  guerres  de  Franche  et  d'Engleterre  sont 
'«venu,  soient  notablement  registre  et  mis  en  memore  perpétuel, 
pa(  quoy  U  IKhi  y  puissent  prendre  exemple,  je  me  voeil  enson- 
nier  dou  mettre  en  prose.  Voirs  est  que  messires  Jehans  U  Bianx, 
jadis  canonnes  de  Saint  Lambiert  de  Liège,  en  croniza  à  S(H) 
temps  uuqune  cose.  Or  ay  je  che  livre  et  «ste  histoire  augmenta 
par  juste  enquaste  que  j'en  ay  fait  en  travaillant  par  le  monde 
et  en  demandant  as  vaillans  hommes,  chevaliers  et  escuyers,  qui 
4es  ont  aîdiës  à  acraistre,  le  vérité  des  avenues,  et  ossi  k  aucuns 
rois  d'armes  et  leurs  mareschaos,  tant  en  Franche  comme  en  Eo- 
gleterre  ou  j'ay  travilli^  apriès  yaux  pour  avoir  la  veritë  de  la 
matère;  car  par  droit  tels  gens  sont  juste  inquisiteur  et  rapor- 
leur  des  bescângnes,  et  croy  que  pour  leur  honneur  il  n'en  oae- 
roient  mentir.  Et  sour  ce  je  ay  ce  Uvre  fait,  diclet  et  ordonne! 
parmy  l'ayde  de  Dieu  premièrement  et  le  relation  des  desms  dis, 
sans  coulourer  l'un  plus  que  l'autre,  mes  li  bien  fius  don  bon, 
douquel  costet  qu'il  soit,  y  est  plalnnement  ramenteus  et  cou> 
^eus,  si  comme  voua  trouvères  en'  lisant.  Et  pour  ce  que  ou 
temps  advenir  on  sace  de  vérité  qui  ce  livre  mist  sus,  on  m'a- 
p^e  sire  Jehan  Froissart,  priestre,  net  de  le  ville  de  Valleo- 
chiennes,  qui  œout  de  paine  et  de  travail  en  eucb  em  pluiseurs 
mamùerres,  ainchois  que  je  l'euisse  «mpitlé  ne  acompli,  tant 
que  de  le  labeur  de  ma  teste  et  de  l'esl  de  mon  corps;  mais 
touttes  coses  se  font  et  acomplissest  par  plaisance  et  le  bonne 
dilligence  que  cm  y  a,  ensi  comme  il  apparra  avant  en  cest  livre. 
F-i. 

Mit.  A  :  Donc  ainsi,  pour  atlaindre  et  venir  à  la  matière  que 
1—14 


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210  CimOMQUES  DE  J.  FROlSS.VfiT. 

j'ay  emprinse  de  ccKiunencîer  premièrement  |>ar  U  grâce  ile  Dieu 
et  de  la  benoite  glorieuse  Vierge  Marie,  dont  tout  confort  et 
«Tancement  viennent,  je  me  vueil  fonder  et  ordonner  sur  les 
vraies  croniques  jylis  faites  et  rassemblées  par  veaerable  homme 
et  discret  seigneur  monseignenr  Jehan  le  Bel,  chanoine  de  Saint 
Lambert  du  Liège  qui  grant  cure  et  toute  bonne  diligence  mist 
en  Geste  matière  et  la  continua  tout  son  vivant  au  plus  j'uatemeat 
qu'il  pot,  et  moult  loi  cousta  à  acquerre  et  à  l'avoir.  Mais  quel- 
que  trùz  qu'il  y  eost  ne  Gst,  riens  ne  plaingi^,  car  il  estoit 
riches  et  puissans,  si  les  povoit  bien  pmter,  et  de  soy  mesme  lar- 
gea,  bonnonrabtes  et  courtois,  et  qui  le  sien  voulenâers  de^>Ai- 
doit.  Aussi  il  fiit  en  son  vivant  moult  amy  et  secret  à  très  oc^le 
et  doubti  seigneur  monseigneur  Jehan  de  Baynauh  qui  bien  est 
ramenteos  de  raison  en  ce  livre,  car  de  pinseurs  et  belles  ate- 
nuet  il  en  fut  chief  et  cause,  et  des  rojs  moult  prochain.  Pour- 
quoi, le  dessus  dit  messire  Jehans  le  Bel  pot  delez  lui  veoir  et 
ccmgnoistre  pluseurs  besoingnes,  lesquelles  sont  contemies  en- 
suivant. 

Voira  est  que  je,  qui  ay  emprins  ce  livre  à  ordonner,  ay,  pat 
plaisance  qui  à  ce  m'a  tousjoura  encline,  fréquente  pinseurs  no- 
bles et  grans  seigneurs,  tant  en  France  comme  en  Angleterre, 
en  EsGoce*  et  ta  autres  pais,  et  ay  eu  congnoissance  d'eulz.  Si 
ay  tonsioars  i  dm»  pavinr  justement  enquis  et  demandé  du  Eût 
<tes  guerres  et  des  aventures  qui  ea  sont  avenoes,  et  par  eqie- 
dal  depuis  la  grosse  bataille  de  Poiti«B  ait  le  noble  roy  Jehan 
de  France  (ut  prins,  car  devant  j'estoie  encores  jeune  de  sens  et 
d'aage.  Et  ce  non  <^tant  si  emprins  je  assez  liardiement,  moy 
yssn  de  l'escoUe,  i  dittier  et  à  rimer  les  guerres  dessus  dites  et 
porter  en  Angleterre  le  livre  tout  con^)ilé,  si  comme  je  le  fis.  Et 
le  presentay  adonc  à  très  haulte  et  très  noble  dame,  dame  Phe- 
lippe  de  Haynanlt,  royne  d'Angleterre,  qui  doulcement  et  liée- 
ment  le  receut  de  moy  et  me  fist  grant  proIGt. 

Or  puet  estre  que  cest  livre  n'est  mie  examine  ne  ordtmné  si 
josterocat  que  telle  chose  le  requiert.  Car  fais  d'armes,  qui  si 
cUerement  saat  comparez,  doivent  estre  donnei  et  loyaument 
départis  à  ceulx  qui  par  prouesce  y  travaillent.  Donc,  pour  moy 
acquitter  oivers  tous,  ainsi  que  drois  est,  j'ay  emprinse  ceste 
histoire  k  poursuir  sur  l'ordonnance  et  fondation  devant  dite,  à 

1.  La  mu  4  11  st  13  o/oatMil  ;  ea  Bceuingne.  F"  1  vo. 


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VAlllANTES  DU  PR0L06UB.  ^  2ti 

la  prière  et  requeste  d'un  mira  dûer  sùgneur  et  mai&tre,  mon- 
seigdeur  Robert  de  Namur,  ttignenr  [de  Beaufoit*],  à  qui  je 
vu^  devcôr  amour  et  obeÎMance,  et  Dieu  me  kist  Taire  chose 
qui  lui  puisse  plaire  I  ifs.  ^  1,  P*  1  t*. 

P.  6,  1.  SS  :  Edowart. —  Ms.  deSame  :  et  de  la  bonne  rc^ne 
Phelippe  de  Hainnau,  sa  fenine.  F*  1  v°. 

P.  6,  1.  22  :  Galles.  —  Mt,  ttJmieiu  :  h  doi  duchs  de  taa- 
castre,  messes  Henris  et  messires  Jehans  qui  eut  sa  fille,  lï 
comtes  de  Warrich,  messires  Regnaa[s]  de  Gobehen,  messires 
Jehans  Camdos,  messires  Wantiers  de  Mauni,  messires  James  * 
d'Auddée'  et  pluiseurs  autres  dont  je  ne  puis  mie  de  tout  parler: 
Et  osù  li  royaununeE  de  Franche  ne  fu  oncquez  n  desconfi  que 
li  Englès  n'y  trouvaissent  graut  foîsoa  de  bonne  chevalerie.  Et 
Al  li  roys  PheLippes  de  [Valms*]  ungs  vaillans  homs  et  hardis 
durement,  et  li  roys  Jehans  ses  fils,  li  ducs  de  Bourgoingne, 
messires  [Charles  de  Bbis*],  !i  dus  de  Bouriion,  li  comtez  d'AI- 
tenchon'  et  pluiseurs  hauls  barcms  et  bacelers.  F"  t . 

AIu.  d  :  le  duc  de  Lancastre,  uessire  Gaultier  de  Mauny  en 
Hayoault,  messire  Regnault  de  Gobehan,  messire  Jehan  Oiandos, 
messire  Frqpque  de  Halle  et  pluseurs  autres  qui  se  ramenteve- 
•xont  pour  le^en  et  la  prouesce  d'eulx  dedens  ce  livre.  Car,  par 
toutes  les  batailles  où  ils  ont  est^,  ilz  ont  eue  renommée  des 
mieulx  faisans  par  lerw  et  par  mer;  et  s'i  sont  moustrez  si  vail- 
lamment que  on  les  dut  bien  (enir  pour  souverains  preux,  mais 
pour  ce  ne  doivent  les  antres,  qui  avecques  eulx  iurent,  pis  va- 
Imr. 

Aussi  «n  France  a  esté  trouvée  bimne  chevallerie,  roide,  forte 

l.  Ml.  J  i,^  1  ^.  -^  ati.J  l  (lacune).  Lti  mott  :  aeignenr  de 
Besafort  mmqutni  aiuii  dont  h  mi.  A  3,  f^  7.  —  Mj.  £  6  :  Rob^  de 
Namur,  teigneuT  de  Renais  en  Flandres  et  de  BeBnTort  sur  Hetue.  F"  ] . 

S.  Contrairement  aux  habitndei  de  notre  orthographe  BetneUe,'on 
trouve  fr^qAemmenl  d*n>  le  nu.  d'Amieni  la  consonne  »  plac^  imffl^ 
diatement  aprèi  des  t  qni  ne  deraient  pat  moins,  aU  quatorzième  «ièele 
comme  anjonrd'bui,  rester  mnets  dans  la  prononciation.  Aussi  nous 
acceutoerons  par  exception,  dans  In  textes  emprunté*  an  ms.  d'Amieni, 
(oos  les  t  qni  doirent  être  acceotnâ,  alori  mfaae  qu'ils  seront  suitis 

3.  £(  *W.  it  Falmeiennei  ajoute  ;  messire  Pierre  d'Audellée,  mes- 
sire RcAert  Canolle,  me«iic  Hue  de  CaTrdée.  V  1. 

k.  M*.  ifJmuni  .■  Valeur.  P«  1.  Mamaite  Iteon.  , 

5.  M*,  de  Valenciennes,  f*  l  y.  —  Vit.  d'Amiens,  f  1  (lacune). 

6.  Lt  mt.  dt  faUncUtutet  ^mtta  .-  mewre  Loys  d'Ewsigne,  messire 
Bertran  de  Claieqnin,  mestiie  Emoult  d'Andenefacm.  F*  I  v. 


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tlS^  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART. 

et  appert  ,  car  le  rayaume  de  France  ne  fiitoncques  si  desconfis 
que  m  n'y  tnnivut  tousjours  bien  à  qii!  combatre.  Et  fut  le  do- 
bte  roj  de  Valbû,  ap^llë  Pfaelippe,  nn^  très  hardy  et  chevalle- 
reox  chevtllier,  et  le  roy  Jehan  son  filz.  Charles  roy  de  Befaai- 
gne,  le  conte  d'Alençon,  le  conte  de  Foix,  messire  Saîzitré, 
mesaire  Amo«l  d'Andrehen,  messire  Boudcanlt,  messire  Guichart 
d'Ange,  niiHiseignenr  de  Beaugeu  le  père  et  le  filz  et  pluseurs 
autres.  Mt.  ^  1,  P  %.- 

P.  7,  1.  7  :  Franijois.  —  Ut.  de  Rome  :  selonch  ce  que  j'en 
fus  enfournes,  car  cxsqune  des  parties  dist  que  sa  querelle  est 
bonne,  otretant  bien  le  deffendant  comme  le  demandant.  F*  i  v*. 

P.  7,  I.  11  :  Froissart.  —  Mt.  de  Rome:  Je  Jehans  Froissars, 
trésoriers  et  ctuuuiones  de  Chimay.  F'  I . 


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LIVRE   PREMIER. 


S  *.  P-  •,  1.  5  :  ailleurs.  —  Mt.  de'Rnmp  .'....  par  t'orguel 
d'un  conte  d'ArtcHs  qui  s'a]>elloit  Robers.  F*  1  v*. 

P.  9,  1.  S  :  )i  biaus.  —  Mt.  £  6  :  Pomr  che  tamps  estoit  rois 
en  France  ung  roy  qui  s'apelloit  Pfaelippe.  Et  pour  che  qo'il  es- 
toit beaus  de  corps  M  de  viakj  et  de  tous  autres  menbres  com- 
.raunement,  on  l'apelloit  lé  biel  rcty  Bhelîppe.  F»  3. 

P.  9,  1.  8  :  Edouwart.  ^^  Ms.  d Amiens .-  Et  li  avoit  li  roi? 
de  Franche  donne  sa  fille  par  envie,  si  comme  on  disoit,  pour 
tant  que  lî  comtes  Guis  de  Flandres,  ^uî  rignoit  pour  le  temps, 
li  avait  volut  donner  sa  fillvsans  lo  con^^  et  ordonnance  dou 
roy  de  France,  et  if  ne  li  plaismt  g)ies  que  il  s'aliast  as  Englès. 
Et  quant  cbils  biaux  eoys  Phelif^s  sceut  que  chiJs  mariaiges  se 
devoit  faire,  il  manda  au  comte  ^e  Flandres  qu'il  U  envoyas! 
veoir  sa  fdie  qui  estoit  sa  filloeille.  Li  comtes,  qui  nul  mal  n'y 
penssoit,  li  envoya  tantos  et  s^s  d^ay.  Q^nt  li  roys  Phelippes 
le  vit,  il  le  prist  et  le  fist  eojprisounncr  gar  tel  manière  c'oncques 
depuis  ne  rentra  en  Flaiylres.  Pour  laquelle  avenue,  moult  de 
batailles  furent  en  ^  Flandres  et  en  France,  et  la  grosse  bataille 
de  Courtray  Où  il  eut  tant  de  ^«illans  seigneurs  mors  et  desoon- 
lis,  et  ailleurs  ossi.  Or  maiia  cbils  biauT  roys  Phelippes  sa  fille 
[Ysabel*]  au  ti^  d'Engleterre,  et  lî  dounna  en  mariaige  toutte 
la  comté  de  Jontieu'  el  encoires •  revenus  ailleurs.  F*  1  v". 

P.  9,  1.  13  :  Bdouwart.  —  Ms,  é:  qui  fut  couronnez  à  Lon- 
dres, l'an  d»  grâce  mil  trois  cens  et  vingt  sis.  le  jour  de  Noël,     i 
au  ^vant  du  rof  son  père  et  de  la  royne  sa  mère.  Mt,  A\,^'t. 

Ms,  de  Rome  :  Et  pour  ce  que  ses  fils  nommés  Edouwars  n'eut 
ptnnt  celle  grasce  ne  bonne  aventure  d'armes,  car  tous  ne  sont 
pas  ne  ne  pueent  estre  aoumé  de  bonnes  vertus,  escei  ils  en 
haine  et  ïadignadon  de  son  peuple,  mais  on  ne  li  remoustra  pas  - 

1.  Ms.  de  Vileticieniie*,  f>  3.  —  Ms.  d'Amiens  (lacDoe). 

3.  Lei  pomta  iodiquent  un  mot  Uînë  en  blanc  dan*  len».  d'Amîent, 


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i\k    -  CHRONIQUES  DE  J.  FftOISSART.   [1307-134Ï] 

ses  folies  «crêtes,  avant  ot  il  fait  moult  de  grans  mauls  et  de 
crueuses  justices  des  nobles  de  son  roiaume.  Englès  suefirent  bien 
un  temps,  maii  en  la  Gn  il  paient  si  crueusement  que  on  a'i  puet 
bien  exempliier,  ne  on  ne  puet  jeu[e]r  à  eulï.  Et  se  lieuve  et 
couce  uns  »res  en  trop  grant  péri)  qui  les  ^uverne,  car  jà  ne 
l'ameroot  ne  hooneront,  se  il  n'est  victorieus,  et  se  il  n'aimne  les 
aimes  et  la  guerre  à  ses  voisins,  et  par  especial  à  plus  fors  et  à 
plus  riches  que  il  ne  soient.  Et  ont  celle  condicion,  et  tiennent 
celle  opinion  et  ont  tous  joors  tenu  et  tenroot,  tant  que  Engte- 
terre  sera  terre  balùtable.  Et  dient  generaulment,  et  ce  ont  il 
veu  p«r  experiense  par  trop  fois  que,  apriès  un  bon  roi,  il  en 
ont  un  qui  n'est  de  nulle  vaillance.  Et  le  tiennent  à  endormi  et  à 
[»esant,  quant  il  ne  voelt  ensievir  les  oeuvres  de  sen  père  ou  de 
ses  predicesseur,  bon  roy  qui  a  fesgnë  eb  devant  de  li.  Et  est 
lor  terre  plus  pUinne  de  ri^isses  et  de  tous  biens,  quant  il  ont 
la  gerre,  que  en  t«nps  de  paii.  Et  en  cela  sont  il  né  et  obstiné, 
ne  nuls  ne  lor  poroil  faire  entendant  le  contraire. 

Englès  sont  de  mervilleuses  conditions,  chaut  et  boullant,  tos 
esmeu  en  ire,  tart  apaiiié  ne  amode  en  douçpur  ;  et  se  delitteat 
et  confortent  en  batailles  et  en  ocisions.'  Convoiteus  et  enviens 
sont  trop  ^andement  sus  le  bien  d' autrui,  et  ne  se  pueent  con- 
joindre  parfaitement  ne  naturelment  en  l'amour  ne  alimce  de  na- 
tion estragne,  et  sont  couvert  et  orguillens.  Et  par  especîal  de- 
sous  le  solel  n'a  nul  plus  perilieus  peuple,  tant  que  de  hommes 
mestb,  comme  il  sont  en  Engleterre.'Et  trop  fort  se  diflêrent  en 
Engleterre  les  natures  et  conditions  des  nobles  aux  hommes  mn- 
tis  et  vilains,  car  li  gentilhomme  sont  de  iloble  et  loîale  condi- 
tion, et  li  communs  peuples  est  de  fêle,  périlleuse,  orgiùUeuse  et 
desloiale  condition.  Et  là  où  U  peuples  vodroit  moustrer  sa  feion- 
nie  et  poissance,  li  noble  n'aueroient  point  de  dhrée  k  euls.  Or 
sont  il  et  ont  esté  un  lonch  temps  moult  bien  d'acort  ensamble, 
carli  noble  ne  demande  au  peuple  que  toute  raison.  Aussi  on  ne 
li  soufferroit  point  que  il  presist,  sans  paiier,  un  oef  ne  une 
poulie.  Li  homme  de  mestier  et  li  laboureur  parmi  Engleterre' 
vivent  de  ce  que  il  sèvent  faire,  et  li  gentilhomme,  de  lors  ren- 
tes et  revenues;  et  i  li  rois  les  ensonnie,  il  sont  paiiet,  non  que 
li  rois  puist  taillier  son  peuple,  non,  ne  li  peuples  ne  le  vodroit 
ne  poroit  souffrir.  11  i  a  certainnes  ordenances  et  pactions  assis- 
ses sus  le  staple  des  lainnes,  et  de  ce  est  li  rois  aidiés  au  desus 
de  ses  rentes  et  revenues;  et  qunnt  ils  faîl  gcrre,  celle  pnctinn 


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{1307-4X]     VABUNIB»  DU  PREMIER  LIVRE,  S  1  21S 

on  U  double.  Ëtiglelen-ffest  la  terre  dou  inonde  le  mieulz  gardée. 
Aultronent  il  ne  poroient  nq  saueroient  vivre,  et  convient  bien 
qne  uns  rois  qui  est  lors  sires,  se  ordonne  ^iriès  euls  et  s'en- 
dine  à  moult  de  lora  volent^  ;  et  se  il  fait  le  contraire  et  mauU 
en  viengne,  mdl  l'en  prendera  ensi  que  il  fist  à  ce  roi  Edouwart, 
dont  je  parloie  maintenant,  liquels  fu  &la  au  bon  roi  Edouwait 
qui  tant  fu  de  proèce  plains  qœ  il  desconfi  par  pluisseurs  fois 
en  bataille  les  Escoçois  et  conquist  sus  euls  la  chitë  de  Bervich 
et  la  frontière  d'Escoce  JUsques  en  la  chité  d'Abredane;  et  prist 
et  tint  Hdndebourcb  et  le  fort  chasdel  de  Stnivelin. 

Et  qant  chils  bons  rois  Edouwars  fu  trespassés,  ses  fils,  ncttumës 
aussi  Ëdoui^Urs,  fu  rois,  pais  U  n'ensievî  pas  ne  en  riens  la  viUance 
dou  iroi  son  père.  Car  assés  los  apriès  ce  que  il  fu  couronna,  li 
rois  d'Ëscoce,  qui  se  nouma  Robers  de  Brus,  desfia  ce  roi  Edou- 
,  wart  et  cevaUça  tantos  efibrciement  sur  lui  et  reconquist  toute 
Escoce,  celle  que  lî  bons  rois. Edouwars  avoit  conquis,  et  reprist 
la  chité  de  Bervicb  et  passa  la  rivière  de  Taie,  et  entra  eus  on 
pais  de  Norbombrelande  et  ardi  et  essilla  moult  dou  roiaulme 
d'Engleterre  jusques  à  la  rivière  dou  Thin;  et  vinrent  li  dit  Es- 
GOçdis  mettre  le  siège  devant  le  chastiel  de  Struvelin.  Adonc 
a'esmurent  chils  rois  Edouwars,  fils  au  bon  rot  Edouwart,  et 
toute  la  chevalerie  d'Engleterre,  pour  lever  ce  siège.  Et  là  les 
atendirent  li  rois  Robers  de  Brus  et  ses  gens,  et  i  ot  une  ba- 
taille arestée  très  grande.  Et  là  furent  desconfi  les  Englws  et 
mis  en  cace,  et  en  i  ot  biau  cop  de  mors  et  de  pris.  Et  dura 
ceste  cace  des  Escoçois  sus  les  Englez  jusques  oultre  la  rivière 
dou  Hombre.  Et  se  sauva  à  grant  paiune  li  rois  Edouwars,  et  ne 
fu  onques  asegurës  en  chite  ne  en  ville  ne  chastiel  que  il  euiat 
sus  tout  son  cemin,  si  se  trouva  en  la  chité  de  Londres.  Et 
quant  il  vei  et  congneut  la  vaillance  de  ce  roi  Robert  de  Brus, 
il  fist  paction  et  acordance  à  lui,  et  demo[rè]rent  li  doi  roiaulme 
d'Engleterre  et  d'Escoce  en  trieuves,  ung  grant  tempore.  F*  2. 
P.  9,  I.  16  :  Robers  de  Brus.  —  Mi.  £  B  :  En  ce  tanq» 
regnoit  ung  roy  en  Escoche  qui  s'apielloit  le  roy  Robert  de  Brus. 
Che  roy  Robert  avoît  esté  du  vivant  le  père  de  ce  roy  Edouart 
durement  vexes  et  travilliés  par  guerre  et  tuut  son  royaume  : 
sy  que,  quant  che  bcm  roy  Edouart  fii  mors  et  son  filz,  le  roy 
Edouart  vint  à  le  couronne,  qui  ne  fu  mie  de  sy  grant  vaillance 
que  son  père.  Che  roy  Robert,  qui  entendy  le  fbible  conseil  que 
il  creoit  et  le  discort  que  il  avoit  entre  le  roy  et  les  hauls  barrâs 


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SIA  GHROt^IQUGS  DE  J.  FROISSAtlT.        -     [mkj 

d'Engleterre,  s'aviga  que  il  se  cnatrevengeroit  des  anoy  et  desptt 
que  les  E^lez  Ey  avoient  fait.  Et  amit  à  che  donc  sji  nettement 
perdu  son  rcHalme  d'Escoche  que  11  se  tenoit  entre  lei  mostu- 
gnes  devers  Abredanne  et  n'osoit  entrer  en  le  Donlche  Escoche. 
&y  issambla  tous  ses  amis,  monseigneur  Guillaume  de  Douglas, 
monseigneiir  le  conte  Pab4s,  le  conte  de  Mouret,  monseigneur 
Robert  de  Versy,  monseignenr  Simon  Fresiel  et  pluisêurs  antres. 
Bt  chevauchèrent  avant  à  grant  esploit  et  reconquirent  villes  et 
chasteaulx  en  Escoche  que  les  Englès  tenment,  et  reprirent  la 
bonne  cité  de  fiervich.  Bt  reconquirent  bneftnent  Ions  les  cas- 
tuulx  d'Escoche,  Handebourch,  Dubertain,  Dondieu,  Dombare, 
Dalqnesl,  Saint  Jehanston,  Donfremelio.  Abredane  et  pluiaen^ 
•ntres.  Et  vinrent  fuiablement  mettre  le  siège  devant  1^  fort 
ctstel  de  Struvelin'en  Escoche,  et  apressèrçÀt  moult 'cheaux  de 

Ces  nouv^es  vinrent  en  Éngleterre  qne  les  Escocluns  avoient 
tout  reconquist  leur  pais ,  excepté  le  castel  de  Stonrvelîn. 
Dont  s'esmurent  le  roy  et  tons  les  barons  et  conitnunaulté 
d'Engleterre  pour  venir  en  Escoche.  Et  esploitèrent  tant  que  il 
viiKent  assés  priés  de  Strnvelin.  Le  ro^  Robert  de  Bras  et  1/ 
barons  d'Escoche  qui  là  se  tenoient  à  siège,  si  tost  que  il  enten- 
dirent que  le  roy  d'Engleterre  et  sa  puissance  estoient  venus 
poor  yaulx  combatre  et  lever  le  siège,  il  se  rengièrent  et  ordon- 
nèrent tantost  devant  euU  et  combadrent  caudement  U  roy 
d'Engleterre  et  les  Englès,  ainchois  que  il  sepeuïssent  levier  ne 
aviser  plache.  Et  là  ot  grant  bataille,  crudie  et  dure,  qui  dura 
Imigeraent.  Mais  finablement  les  Englès  furent  desconfis.  Et  con- 
vint le  roy  fuir  et  mesire  Hue  le  Despensier  ;  autrement  il  euis- 
sent  esté  pris.  Bt  dura  ceste  cache  des  Escochois  as  Englès  trois 
jours,  et  furent  racacbiet  jusques  ,à  la  rivière  de  Thin.  Et  y  ot 
des  Bibles  mors  plus  de  quarante  mille,  et  moult  de  vaîllans 
hommes.  El  au  retour  que  ly  rois  d'Escoche  fist,  il  prist  le  fort 
dustel  de  Siruvelin,  car  ly  Englès  quy  le  tenoient  te  rendirent, 
sauve  leur  vies.  F"  5  à  7. 

S  9.  P.  10,  I.  14  :  femme.  —  JUts.  J  ;  qui  estoit  une  des 
plus  belle[s]  <lame[s]  du  monde.  Mt.  ^  i,  f*  S  v*>. 

P.  10,  1.  IS  :  h  ainsnés.  —  Mts.  A:  est  le  gentil  et  le  preux 
roy.  Ms.  À  1,  P>  2  v*.  —  M$.  ttAmieiu  :  qui  tant  fu  vailtans 
homs.  F"  1  V». 


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[13VI-S7]     VARIANTES  DU  PRBMIBR  LIVBE.  §  3.  217 

P.  10,  1.  19  et  16  :  Edouwars.  —  U*.  £  <  :  de  Windesoi-t. 
P«4  v«. 

P.  10,  I.  17  :  bannis.  —  M*,  de  Some:  prelas  et  commniuu- 
tës  dingleterre.  P*  î  V. 

P.  10,  1.  22  :  l'acord.  —  Hfs,  de  Rome  :  des  hauts  barons  de 
l'un  roianlme  et  de  l'aultre,  «t  pour  venir  à  plus  grande  aliance 
d'aramir.  F-  2  y'. 

P.  10,  !.  23  :  fille.  —  Ms..B  6  :  ot  nqm  Marie.  F'  4  v".  — 
Ms.  de  Borne  :  ot  nom  Jehane.  P*  ï  v». 

P.  10.  I.  ik  :  duch.  —  Ms.B»:  duc  de  Gfaerles  nomë  Re- 
nault. F*  4  T*.  —  Msr.  ji  1  k  3^  :  conte  Regnault  de  Gerlles 
qm  de  p«iis  fu  apeUé  duc  de  Guèle.  F*  S.  —  Mt.  de  Borne  ;  conte 
de  Guéries.  F*  2  V.  —  Mss,  ^  1  à  6  :  comte  Regnault  de 
Guéries.  F*  2  v".  • 

P.  10,  I.  m  :  Renault.  —  Ms,  d'Jmient  :  messire  Emaut  et 
messire  Edouwart  quoi  tant  lu  bons  chevaliers.  F*  1 . 

P.  10,  1.  2S  :  filles.  —  Mi.  d'Amiem  :  De  ses  deux  fiUes, 
l'une  eut  li  contes  de  Mons,  et  l'aultae  eult  d<f>uis  U  comtes  Je- 
hans  de  Rlois,  comme  tous  orés  avant  en  l'istoire.    YX  que  on 

l'entende,  chils  comtes  des    Mons  fu    nurcis' et  puis  par 

l'ordounnance  l'enqtereeur  Lo^ys  de  Baivière,  comtes  de  Jullers 

«t  des  Mons fils  eussuiwant  par  le   decoellance  l'enpereur 

d'Allemaigne  et  de  Homme  monseigneur de  Jullers.  F*  1.  -r- 

Ms.  de  FtUenfiennes  :  Ht  de  ses  deux  filles,  l'une  eut  le  conte 
de  Clèves,  et  l'autre  le  conte  de  Jullers.  F*  2  v*. — if  t,  de  Borne  : 
Et  des  dni  RIIps  li  ainnée  in  f«nme  au  conte  de  Jullers,  et  li 
aultre  morut  sans  mariaige.  F"  2.v". 

S  S,  P.  10,  I.  36  :  Li  biaus.  —  Mst.  A  7,  18,  Ifl,  23  à  3S  :  ce 
roi  Philippe  nommé  B^u  de  ^rance.  F'  2  y*.  —  Ms.  d  Amiens  : 
Çncoires.  |>fltr  mieus  e^sdarcbir  ceste  grande  el  noble  m^tère, 
t'Omrir  le  declaracion  des  unaiges,  je  me  vocil  ung  petit  en- 
sonuiier  de  mettre  avant  dont  li  roysEdouars  qui  [assega*]  Toui^ 
nay  yssi,  et  com  prochains  il  fit  de  la  couronne  de  France,  tant 
qu'il  vesqui.  Il  descendi,  de  par  la  fiimelle,  de  le  .droite  ordon- 
nance. F»  1 . 

1.  Les  poinu  indiqaent  ici  cwtainci  licunPt  d'uD  ou  deux  moti,  de* 
noms  propret  preiqui  touJDur»,  qui  ont  ët^  marquées  par  de*  blanca 
dam  lei  premiers  folios  du  du.  d'Amieni. 

2.  M«.  df  Valeociennet,  f>  3  V.  —  Mi.  d'Amienf  (lacune). 


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21S  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1314^318] 

P.  11,  I.  1  :  chevalier.  —  Mt,  ^Jmiens  :  d«  monbres  et  de 
façons.  F*  1. 

P.  11,  1.  3  el  4  :  U  BUns.  —  Mu.  ^  1  à  6,  8  à  17,  20  à 
22,  36  à  38  :  le  I/Hig.  F>  2  v*.  —  Mu.  A  7,  18,  19,  23  i  35 1 
li  Grans  dit  le  Lonc.  F*  2  v". 

P.  11,  1.  6  :  l'autre.  —  Mt.  de  Rome  :  et  furent  tout  troi 
mariet.  F*  3. 

P.  11,  1,  19  :  maintenir.  —  Mt.  do  Home  :  par  electimi  et 
rieule  naturel  et  droiturier  que  il  ont  eo  France,  et  de  laquelle 
ordenance  anciîennenient  oq  avoit  veu  user.  F*  3. 

P.  11,  I.  19  :  acort. — Mj.  ifJmie/u:  de  hur  certain  acord.... 
absoluement,  en  plain  Palais,  à  Paris.  F"  1  \'. 

P.  11,  I.  20  :  fi]  jadis.  —  Ma.  A  7,  18,  19,  23  à  33  :  nc^ 
veu  jadis  à  ce  beait  roi  Phelippe  de  France.  F*  2  v*. 

P.  11,  1.  25  :  germains.  —  Mi.  dAmUnt  et  Mts.  A  :  Ensi 
ala  li  dis  royaummes  hors  de  la  droite  lignie,  che  samble  il  à 
mauh  de  gens.  F*  1  v*. 

P.  11,  1.  25  :  poina.  —  Mt.  d Amiens  et  Mtt.  A  :  Car  [c'est'] 
la  vraie  fondation  de  ceste  histoire  pour  raconter  les  grandes 
entreprinses  et  les  grans  fès  d'armez  qui  avenu  en  sont.  Car, 
puis  le  tamps  le  haa.  toj  Garlemainse  qui  fu  emperères  d'Ale- 
maigne  et  roys  de  Franche,  n'avinrent  si  grans  aventurei  dq 
guerrez  ou  royaumme  de  France  que  ellez  sont  avenues  par  ce 
fet  ohj.  F"  1  v«. 

§4.  P.  12,  ).  9  :  enhort.  —  Mtt.  A  11  à  13  :  d'an  mauvais 
chevalier  que  on  dit  monseigneur  Huon.  F*  3. 

P.  12,  1.  11  :  d'enfaace.  ~  Mt.  B  e  et  mt.  de  Rame:  et 
qui  estoit  son  cousin.  F*  S.  —  Mt.  deSome  :....  et  plus  enoores 
par  l'enort  et'  conse)  don  fil  que  dwi  père,  car  li  pères  esteit  jà 
tous  ancfens,  et  li  fils  se    tenoit  b^us  jours  dal^'Ic  rai.  F"  3. 

P.  12,  1.  21  :  tounnens.  —  Mt.  de  Ibme  :....  car,  atA  que 
je  ai  dit  ichi  desus,  Bnglès  ne  se  pueentlongementtrair  ne  souf- 
frir de  un  inconvénient,  qant  on  lor  fait;  et  se  il  le  portent  et, 
suefirent  un  temps  oultre  tor  volenté,  si  m  prendent  il  en  la  fin 
crueuls  paiement.  F°  3. 

P.  12,  1.  29  :  murmure.  —  Mt.  de  Borne:  et  coumenchièrent 

1.  Ms.  deValencienne*.,  fb  3-  —  Mi.itAmieiu  :  cette.  Maura'ue  Upm. 


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.[13SS]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  %  S.  219 

à  murmurer  li  prélat,  li  barsa  et  li  homme  des  chitës  et  bonnes 
villes  d'Engleterre.  F-  3. 

P.  13,  1.  7  et  8  :  Lancastre.  —  M*.  dJmient  et  nus.  J  :  qui 
estoit  oncles  au  roy,  F*  1  v°. 

Stf.  P.  13,  1.  23  et  ik  :  parlement. — M*,  de  Borne  : que 

U  fist  venir  à  Bristo,  là  où  il  se  tenoit  le  plus  souvent  et  moult 
Tolentiers.  F°  3. 

P.  13,  1.  29  :  decoUs.  —  JWi.  de  Rome  : et  se  son  fiire 

le  conte  Ainmon  de  Qent  euist  esté  à  ce  parlement,  il  estoit  or- 
donné dou  faire  morir;  mais  point  n'i  fii,  car  il  estoit  dehetïA, 
si  s'escusa.  F"  3. 

P.  13,  I.  31  :  pays.  —  Mt.  de  Home  :  Mais  nuls  n'en  osoit 
parler,  là  oà  la  congioissance  en  fiist  venue  au  roi,  ne  au  dit 
messire  Hue  te  Espensier;  car  il  estoient  si  crueuls  en  lor  fais 
que  nuls,  tant  liauls  ne  nobles  que  il  iiist,  n' estoit  espargni^; 
et  voloieQt  resgner  en  celle  ordonnance  que  nuls  ne  parlast  sur 
lor  estât.  F"  3. 

P.  14, 1.  S  :  roy.  —  Ms,  S  6  :  qu;  fu  preudons  et  vuUans 
Ihsis.  F*  9. 

P.  14,  1.  8  :  fiist.  —  Mt.  de  Mme  :  Et  pour  tant  que  le  conte 
Ainmon  de  Qent  en  parla  et  en  blâma  le  roi  son  frère,  presens 
auquDs  nobles  d'Bngleterre,  pour  ces  parties  et  pour  aultres 
avoecques,  tout  le  mal  et  discort  que  messires  Hues  li  Espen- 
siers  pooit  mettre  entre  le  roi  et  son  firère  et  la  roioe,  il  l'i  mist. 
Et  bien  le  savoient  la  r<»De  et  li  contes  de  Qent,  et  s'en  vinrent' 
demorer  en  la  conté  de  Qent,  et  en  un  biau  chastiau  dou  dit 
conte  que  on  ttoome  I^èdes.  Et  là  se  tinrent  un  tempore,  car  li 
roi^  d'Engleterre  ne  faisrat  compte  de  sa  f^use  ne  de  ses  enfans. 
Et  aouvenoit  la  rolne  vivre  de  son  demaiime,  car  les  roioes 
d'Engleterre  ont  grans  drois.  et  biaus  hiretages  de  lors  doaîres 
en  Engleterre.  Chi^  rois  ne  falsoit  compte  4e  veoir  la  roine.  Sî 
estoit  elle  très  belle  dame, 'et  féminine  et  doucement  enlangagie. 
Dit  fil  à  ce  conte  de  Qent  et  k  la  rçlne  Issabiel  d'Engleterre, 
qui  se  tenoient  en  ce  chastiel  de  Lèdes,  que  li  rois  les  ferait 
prendre,  decoter  où  noiier  son  frère,  et  la  raine  emnurer. 
F*  3  V.  ,       , 

P.  14,  1.  21  :  d'Engleterre.  -^  Ms.  de  Rome:  et  venroit  en 
Pontieu,  car  la  conté  de  PoAtieu  li  devoit  estre  deue,  et  li  avoit 
esté  donnée  en  mariage  cwoecques  te  roi  d'Engleterre.  F*  3  v". 


D,qit,zeabvG00»^lc 


3âO  CHRONIQUES  DE  J.  FttOISSART.  [t3S5] 

P.  14,  i.  22  :  Cliarion.  —  Ms,  tC Amiens  :  qui  eticoires  vivoit. 

v*i. 

p.  14,  1.  32  :  pèlerinage.  —  Ms.  d'Amiens  et  nus.  A  :  à 
Saint  Thuminas  en  Cantorbie,  F"  2. 

P.  18,  1.  4  et  S  :  Douvres.  —  Mt.  d'Amiens  et  mss.  A  :  à 
Winnecesée*,  et  )à  de  nuit  elle  entra  en  une  nef  appareillie  pour 
elle  et  son  61  et  le  conte  Aynmon  de  Kent  et  messire  Rogîer  de 
Hortemer,  et  en  une  autre  nef  mirent  leurs  pourveances.  Et  eu- 
rent vent  à  Mtuhet,  et  furent  l'endemain  devant'  prime  on  ha- 
vene  de  Bonloîngne.  F*  2. 

§6.  P.  1S.  I.  10  :  ahhes.  —  Ms.  d'Amiens  et  mss.  A:  li  cap- 
pitainne  de  la  ville  et  li  bourgois  et  ossi  li  abbes.  F°  2. 

P.  15,  1.  12  :  cinq.  —  Ms.  ^Amiens  et  mss.  A  i  À  tk,  H  à 
35  :  deux.  F*  2.  —Mss.  A  IS  k  tt  :  trois.  F'  3  v». 

P.  15,  1.  13  :  sizime.  —  Ms.  d'Amiens  et  mss.  ^  1  à  14,  18 
k  35  :  tiers.  —  Mss.  ^  15  à  17  :  quatrime.  F"  3  v*. 

P.  15, 1.  25  et  26  :  Paris.  —  M.  de  Rome  :  et  ou  bois  de  Vi- 
cainnes  où,  pour  ce  temps,  li  rois  de  France  se  tenoit.  F*  3. 

P.  15, 1.  28  :  palais.  —  te  ms.  d'Amiens  et  les  mss,  A  omet- 
tent :....  li  contes  de  Dammartin, . . . .  li  sires  de  Montmorensi,  et 
.   qjoutent  :  monseigneur  de  Sully  et  le  seigneur  de  Roye.  F"  2. 

P.  n,  I.  6  :  vies.  —  Ms.  d Amiens  et  mss,  A  :  Si  ne  l'ay  je 
pas  desservi  ne  ne  vouroie  faire  nullement,  car  oncques  enviers  li 
je  ne  pensay  ne  ne  fis  cose  qui  fuist  à  reprendre.  Et  quant  j'eucli 
oy  ces  dures  nouvellez  et  si  iterilleusex  pour  moy  et  sans  rais(H), 
je  m'avisay  pour  le  mieux  que  je  partiroie  d'Bngleterre  et  vous 
venroie  veoir  et  remoustrer  fyablemcnt  comme  à  mon  seigneur  et 
biaufrère  l'aventure  ei  le  pcril  où  j'ay  esté,  ossi  li  comtez  de  Gain 
que  la  ve^s,  qui  est  frères  du  roy  mon  maFit,  qui  est  eiL-ntel 
parti  de  haynne  comme  je'sui.  et  tout  par  l'esmouvemcnt  et  faux 
enort  de  ce  Huon  1&  Espenssier.  Si  m'en  sui  chy  afuie  c(Knmè 
femme  esgar^e  et  desconsettlie  deviers  Vins  pour  avoir  consseîl  et 
confort  de  ces  besoingnes  ;  car,  se  Dieux  premièrement  et  vous  n'y 
remediiés,  je  ne  me  sçay  vers  qui  traire.  F"  2  v*.' 


1.  iau..4TàlO,  Ibà  19, n  à  i3  ■.yuiotAaée. Foi.  —  tt"- A  l  è  6, 
U  à  13,  20  à  aa  ;  WindMore.  F"  9*°.  —  U$i.  ^  ZketBh:  ■Vînchelle*. 
V  3  V". 

2.  *M.  ^  1  a  6  :  à  prime.  F"  3  v". 


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[|34«]        VAHUSTES  DU  fRËHIËR  LIVRE,  §  7.  iH 

S  7.  P.  17, 1.  a  :  doucement.  —  Ms.  de  Roihm  :  Li  rois  Caries 
d«  France  requelli  assés  doucement  sa  serour  et  son  jone  fil  Ëdou- 
WBTt  et  le  vei  moult  volentiers  et  le  conte  de  Qent  et  messire  Ao- 
gier  de  Mortemer  et  ordonna  tantos  de  lor  estât,  qaut  ii  ot  en- 
tendu recorder  sa  serour  çt  le  conte  de  Qent  la  vie,  l'affaire  et 
l'ordenance  dou  roi  d'Engleterre  et  de  ce  Une  le  Espensierj  mais 
il  ne  diUpas  :  ■  Belle  serour,  ^w  l'amour  de  vous,  et  pour  ce 
que  je  voi  que  il  se  mesuse,  je  Ii  manderai  notoremeot  que  il  se 
mète  à  raison  et  esloage  de  li  son  mauvais  consel  et  vous  tiengne 
en  paix  et  en  estât,  ensi  que  uns  rois  doit  tenir  sa  fenme,  ou  je  li 
ferai  guerre;  >  iiennil,  mais  li  dist  :  ■  Ma  belle  serour,  .je  vous 
pourverai  courtoisement  de  vostre  estât  pour  vous  et  pour  vostre 
lil  ;  et  entrues  s'avisera  vostres  maris,  ou  li  amour  et  la  compa- 
gnie de  li  et  de  ce  Hue  le  Espensier  se  desrompera.  »  Il  convint 
la  roine  d'Engleterre  prendre  en  bon  gré  ce  que  ses  frères  li  rois 
de  France  li  ofTroit,  et  l'en  remercia,  et  aussi  fist  li  cont£S  de 
Qent.  Et  se  tinrent  à  Paris  que  là  environ  trois  ans  tous  complïs, 
et  estoient  souvent  avec  le  roi  Carie.  Et  les  veoit  li  rois  volen- 
tiers et  prendoit  à  la  fois  grant  plaisance  ou  jone  Edouwart,  car  il 
estoit  biaus  fils  et  rians  ;  et  s'esbatoit  li  rois,  qui  estoit  aon  onde, 
en  ses  jonèces.  F"  S  v°. 

P.  17,  1.  16  :  besongnes.  —  Mt.  d Amiens  et  mss.  A  :  Depuis 
m  demoura  guairez  que,  sus  cel  afaire  que  vous  svés  oy,  Cavlez  li 
roys  de  Franche  assambla  pluiseurs  grans  seigneurs  et  baro^  dou 
l'oyauoune  de  Fran<je  pour  avoil'  conseil  et  bon  avis  comment  il  or- 
donneroit  de  le  besoiDgne  la  loynnè  sa  soer  à  qui  il  avoit  proum- 
mis  Goofort  et  ayde,  et  teiur  li  volloit.  Dont  fut  aînsai  consetUiet 
au  roy  et  ponr  le  mieys  que  il  laissast  ma  danime  sa  sereur  ac- 
querre  et -pourchachier  amis  et  confortans  ou  royaumme  et  se 
biodist  de  ceste  «uprise;  car  dé  esmouvoir  guerre  au  roy  d'En- 
gleterre  et  de  mettre  son  pays  en  haynne,  ce  n'estoit  pas  cose  qui 
fiiist  appertenant,  mais  couvertement  et  secrètement  l'aidast  et 
confortast  dou  sien  tant  que  d'or  et  d'argent,  car  c'est  li  métaux 
par  quoy  on  aquiert  l'amom*  des  gentilz  hommes  et  des  povres 
bacelers.  A  ce  ccmseil  et  advis  s'acorda  li  roys  et  le  fist  dire  ainssi 
tout  quoiement  à  le  roynne  d'Engleterre  sa  sereur  par  monsei- 
gneur Rc^rt  d'Artois  qui  lors  estoit  li  ungs  des  plus  grans  de 
Franche.  Sur  ce,  la  bonne  -danune,  loutte  resjoie  et  confortée . 
persévéra  et  se  pourvey  d'acquerre  amys  parmi  le  royaumme  de 
Franche.  Les  aucuns  prioit;  lex  autres  proumettoit  ou  donnoit,  et 


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23S  CHRONIQUES  DB  J.  FROISSAAT.  [131«] 

tant  que  il  y  eult  moult  de  grani  seigneurs,  de  jouenes  dievalîers 
et  escnyers  qui  tous  li  acordèrent  ««ifbrt  et  alîuiche,  pour  li  re- 
mener en  Engleterre  et  de  force'.  P*  î  v**. 

P.  17,  1'.  ik  et  2S  -.  estaient.  —  Ms.  rie  Rome  :  Pour  ce  temps 
que  U  KÔne  d'Engletevre  et  ses  fils  et  li  contes  de  Qent  estoient 
.  en  France,  svoit  deus  jones  filles  en  Franc«,  des  quelles  ti  rois 
Caries  estoit  raclez,  car  elles  avoient  est^  filles  à  ses  deus  frères, 
li  roy  Lois  qne  on  nonma  le  roi  Hustin,  et  li  autre,  fiUe  au  roi 
Melippe  le  Grant,  qui  en  sa  jonèce  avoit  esté  noum^  ccmtes  de 
Nevers.  Ces  deus  filles,  li  une  fu  depuis  duçoise  d'Orliieus,  et  li 
anltre,  Margerite,  contessc  de  Flandres  et  d'Artois.  Et  fn  adonc 
parole  ens  ou  consel  don  roi  de  France,  et  asseï  s'i  acordoit  U 
rois,  que  ses  biaus  neveus  Edouwars  d'Engleterre  euist  l'une  de 
ses  nièces  par  mariage  et  que  li  roiaulmes  de  France,  apriès  li, 
lor  retoumast,  car  il  Tcnoient  de  la  droite  lignie. 

Ces  nouvelles  s'espandirent  tant  que  elles  furent  sceuea  en  En- 
gleterre.  Qant  messires  Hues  li  Gspensiers  en  fu  enfourmés,  »  se 
doubla  grandement  que  la  poissance  don  roi  de  France  ne  le  fe- 
sist  tresbuchierjusde  ses  estas,  car  bien  imaginoit  an  fort  [que] 
ses  sires  li  rob  d'Engleterre  n'oseroit  c«urouobicr  le  roi  de  Fran- 
ce, et  encores  oultre,  se  ceste  aliance  se  faisoit,  que  li  joaes 
Edouvars  d'Engleterre  fust  mariés  en  Fronce' et  presist  sa  cou- 
sine germainne,  il  ne  poroit  longement  estre  ne  demorer  que,  dou 
CosIéMe  France,  il  n'euîst  à  faire,  avoecques  tout  ce  eaoores  que 
il  sentoit  bien  que  moult  estoit  hais  en  Engleterre  par  les  cruea- 
ses  justices  et  sanz  raison,  que  il  avràt  consenti  tt  oHiûlliet  à 
faire,  dont  tous  les  jours  i^  estoit  en  péril  et  en  aventure  des  lî- 
nages  de  ceuls  qui  mort  estoient.  Si  se-  avisa  que  k  tout  ce  il 
pourveroit  tn^  grandement,  ensi  qu'il  fist.  Ib  qui 'iâen  savoit 
qne,  se  chils  mariages  se  faisoit,  ce  seroit  par  di^iensation  don 
pape,  tautos  et  inctmtinent  il  fist  le  roi  d'Engleterre  esciire  an 
pape  Jehan,  qui,  pour  ce  temps,  resgnoit  et  demoroit  en  Avi- 
gnon. 

Chils  papes  Jehans  estoit  gascons  et  de  la  nation  de  Bourdiatis, 
et  tous  li  linages  de  ce  pape  demoroient  desous  le  roi  d'Engle- 
terre, et  aussi  de  condition  et  en  toutes  ses  oeuvres,  il  estoit  ea- 


1.  Lei  molf  :  et  de  force  ntan^ueiU  Jaiu  Ut  mu,  ^  I  à  6,  11  à  13  non 
abrégit.  Ut  mi.  .i  U  à  13  ajoutent  :  niaalgrri  toni  ta»  ennemil,  ponr 
l'onntur  du  roj  leur  (eigneur.  P>  k- 


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[iSSG}        VABIANIÏS  DU  PREMIER  LIVRE,  §  7.  Sï3 

gkNS,  et  ne  vostst  pour  rieas  couronchier  le  roi  d'Engleterre.  Ça 
lettres  escriptes  et  seelëes,  messires  Hues  li  Espensiers,  qui  avcut 
escript  enû  comme  il  voloit,  espoir  n'en  savoit  riens  It  rois,  prist 
tantos  deus  chevaliers  de  Eon  linage  et  les  envoia  en  Avignon  dé- 
viera ce  pape  Jehan.  Qant  li  papes  vei  les  lettres  dou  roy  d'En- 
gleterre, ils  les  rechut  et  les  chevaliers  en  grant  «âiieretë,  et  les 
ouvri  et  lîssi  tout  au  lonc,  et  tint  ces  escriptures  en  secré.  Et 
en  avint  que,  pour  ce  jone  Edouwart  d'Engleterre  marier  à  la 
jone  dame,  qui  fille  avoit  esté  dou  roi  Lofs  de  France  et  de  Na- 
vare,  et  on  en  volt  avoir  la  di^ensation,  cbils  papes  qui  -tous 
enfourmés  estoJt,  et  qui  complaire  voloit  au  roi  d'Engleterre  et 
k  messire  Hue  k  fspensier,  respondi  à  ceuls  qui  envoiiet  i  fu- 
rent de  par  le  roi  de  France,  qu^à  ne  dispenseroit  ce  mariage, 
car  il  estaient  trop  prt^ain. 

£nsi  fti  chils  nituiages  bnssiés  ^ t  rompos,  et  aussi  pinisseur  hault 
baron  da  France  n'en  fissent  point  grant  compte,  car  jà  mur- 
muroiem  ils  que  de  ce  maviage  poroient  venir  tn^  grant  manls 
et  que,  apriès  la  mort  dou  roi  Carie,  qiji  consentit  à  liiettre  sus 
fit  avant  ces  trettiés,  li  hiretages  de  la  couronne  de  France  ne 
devoit  ne  pooit  «u  riens  descendre,  ne  venr  à  ces  filles,  ne  as 
enfans  de  la  roine  d'Engleterre,  par  les  previlèges  et  estatu^  an- 
ciieas  de  France  ;  et  en  estoîent  hiratier  li  fil  au  conte  de  Valois, 
Phelippes  et  Caries,  jà  faisseot  ils  de  plus  lontain  degré,  m^  li 
contes  de  Valois  lors  pères  avoit  esté  frèrez  au  biau  roi  Phelippe, 
rcri  de  France.  F»  4. 

P.  18,  I.  6  :  merveilles.  —  Ms.  de  Rame  ;  Grandes  murmura- 
tions  et  escandales  commenchièrent  %.  monter  en  Engleterre  à 
rencontre  dou  roi  et  de  ce  Hne  le  Espensier,  tant  des  nobles 
comme  des  prelas  et  marceans,  et  disoient  ensi  l'uii  à  l'autre, 
qant  il  se  trouvoient  :  i  Nostres  rois  se  mesuse  trop  mallement 
par  l'enort  et  consel  de  ce  Hue  le  Espensier.  A  quoi  es  cou  bon 
que  il  ont  mb  hors  d'Engleterre,  la  roine  qui  est  serour  dou 
roi  de  France  et  une  vaillans  dame,  sage,  humble  et  dévote, 
et  ysa  jone  fil,  nostre  hiretier,  et  aussi  le  conte  de  Qent,  un 
vaillant  homme  et  de  bonne  conscience,  et  ne  sot  se  tenir  en  ce 
pals,  pour  tant  que  il  a  parlé  à  son  frère  le  roi  et  à  messtre 
Hue  le  Espensier  et  leur  a  blamet  leurs  folies  ?  Telles  coses  ne 
font  pas  à  soufirir  ne  à  consentir,  et  poroient  lors  oevres  por- 
•  ter  trop  grant  pr^udïsce  à  ce  roîaulme,  et  seroit  bon  que  on  i 
pourveist.  » 


;vGoo»^lc 


iiii  CtUtUMQUES   DE  J.  FROISSAHT.  [13S6] 

Lî  Londriien,  qui  ont  tousjours  est^,  M)nt  et  serunt,  tant  que 
il  seront,  U  phis  pcussunt  de  toute  Eagleterrs,  considérèrent  ces 
affaires  que  les  coses  aloient  en  Engleterre  trop  mallemeat,  el 
que  justice  n'i  avuit  point  de  lieu  ne  de  au^cnsc,  ne  li  marceant 
n'osoient  aler  ne  ceminer  ne  ne  pooient,  fors  en  grant  péril  et 
(aventure  de  perdre  lurs  corps  et  lois  bieus,  parmi  le  roiaulme 
d'Englcterre.  Si  en  parlèrent  entre  euls  et  dissent  que  il  î  cou- 
venoit  obviier.et  que  de  la  vie  et  gouvemance  dou  roi  et  de  son 
cxtnsel,  c'estoit  une  pure  perte.  Et  sentirent  que  moult  de  nobles 
d'Eqgleterre  s'enclineroient  assés  tos  à  ce  que  on  i  pourveist.  Et 
couroit  secrée  renommée  que  L  rois,  par  ses  iiiesusauc«6  et  folies, 
n'estoit  point  dignes  de  tenir  terre,  et  que  à  tort  et  à  pechiet  il 
avoit  eslongiet  en  sus  de  lî  sa  fenme  la  roine  d'Angleterre  et  son 
fit  et  son  frère  le  A>nte  de  Qent,  et  se  tenoit  en  la  marce  de 
Bristo  en  wiseusses  et  en  déduis,  er  ne  faisoit  çotapte  comment 
li  roiaulmes  fust  menés  ne  gouvernes,  mais  que  il  euist  ses  plai- 
sances et  or  et  argent  assés,  et  tout  donnoit  à  ce  Hue  le  Bspen- 
sier  et  à  ses  ctlmplisces. 

Si  regardèrent  que  on  i  pourveroit,  et  enrent  ua  certain  con- 
sel  secret  en  samble  li  «uqun  noble  d'Engleterrc  et  prèlas,  qui  ne 
pooient  phis  souffrir  ce  que  il  veoient,  -et  li  Londrijen,  que  il  re- 
manderoient  la  roine*  Issabiel  tbr  dame  et  son  til  et  le  conte  de 
Qent,  et  fesissent  tant  que  il  euissent  jusques  3  trois  cnis  ar- 
meures  de  fier;  mais  que  il  fuissedt  arrivé  en  Engieterre,  il 
trouveroient  confort  et  aide  ass^s  des  nobles  d'Engleterre  et  des 
Londriiens.  Et  certefioient  les  lettres  que  tout  ce  que  il  venroit 
en  Engieterre  de  gens  d'armes,  tJ  seroient  tout  paiiet,  el  en  fai- 
soient  li  Londriien  lor  fait.  En  ce  consel,  furent  les  lettres  e»- 
criptes  et  seelées,  et  chil  esleu,  qui  feraient  le  message,  et  cou- 
venoit  bien  que  tout  ce  fiist  tenu  en  secre*  il  le  fu.  Et  vinreot 
chil,  qui  envoîiet  i  ^rent,  à  Paris,  et  trouvèrent  la  roine  et  son 
fil  et  le  conte  de  Qent.  Si  leur  baillièrent  à  part  les  lettres;  il 
les  lisièrent.  Si  en  furent  tout  resjoT,  quant  il  veirent  que  la  plus 
saine  partie  dou  pais  et  li  Londriien  les  mandnient,  mais  le  plus 
fort  pour  euls  estoit  à  trouver  gens  d'armes.  Et  ne  s'osa,  de  ces 
lettres  ne  des  mandemeus,  la  roine  d'Engleterre  descouvrir  à  son 
frère  le  roi  de  France,  ne  à  baron  qui  fust  en  France.  Et  ce  li 
consellièrent  li  contes  de  Qent  et  messires  Rogiers  de  Mortemer. 
F"  4  V. 

P.  19,  1.  7   ;  sceuist.  —  Ms.  J'jémieni  et  mu.  A  :  Lors  se 


;vGoo»^lc 


[1326]       VARIANTES  DU  PREMIER  LBUE,  S  *  228 

doubta  que  de  Torce  li  rois  de  France  ne  le  renvoiast  en  Engle- 
terre;  et  s'avisa  que,  par  dons,  il  atrairoit  si  le  roy  de  F|;ance 
et  son  conseil  qu'il  n'arment  nulle  votenté  de  la  dame  aidier,  ne 
lui  porter  contraire.  Dcmc  envoya,  par  messaiges  seorès  et  aU- 
tiés  de  ce  faire,  graat  plentet  d'or  et  d'argent  et  jeuiaox  rices  et 
especiaux  deviers  le  roy  et  son  plus  privet  conseil.  Et  fist  taat, 
en  brief  termine,  qfte  li  rojs  et  tous  ses  conssaulx  furent  ossï 
froît  d'aidier  la  dame  comme  il  avoient  estet  en  grant  deûr.'  Et 
brisa  U  roys  tout  ce  voiaige  et  defiendy,  sus  à  perdre  le  royaum- 
me,  qu'il  ne  fnist  nuls  qui  avoecques  la  roynne  d'Engleterre  se 
mebt  à  voie,  pour  elle  aidier  à  remettre  en  Engleterre  à  nuîn 
armée.  Dont  11  pluiséur  chevalier  et  ba<dielier  du  dit  royaumme  en 
furent  moult  oourouchiet,  et  s'esmervillièrent  entre  yaus  po)ir- 
quoi  si  soudainement  li  rois  avoit  fait  ceste  deffensce.  Et  en 
monnurèreot  li  aucun  et  disent  (âen  que  «rs  et  argens  i  estoit 
efTorcheement  acourus  d'Engleterre*.  F°  3. 

P.  19,  1.  8  :  messages.  —  Mt.  tfjimieiu  et  mst.  A  :  Encoî- 
res  vous  diray  je,  se  j'ay  loisir,  de  quciy  chilx  messires  Bues  li 
Espenssiers  s'avisa.  Quant  il  vit  qu'il  n'avoit  garde  dou  roy  de 
Franche  ue  de  ce  costé,  pour  embellir  et  florir  se  mauvaitié  et 
ratraire  la  roynne  en  Engleterre,  et  remettre  en  aou  dangier  4t 
dou  roy  son  marit,  il  fist  le  roy  d'Engleterre  escripre  au  Saint 
Père  en  supliant  ass^s  afiectucusement  que  il  volsist  escripre  et 
mander  au  roy  Charle  de  Franche  que  U  lui  volsUt  renvoiier  sa 
4eaime,  car  il  s'en  voloit  acquiter  à  Dieu  et  au  monde,  et  que 
ce"  n'estoit  mie  sa  couppe  que  elle  estoit  partie  de  lui,  car  il  ne 
U  voulloit  que  toutte  amour  et  bonne  loyanlté,  telle  que  ob  doit 
tenir  en  mariaige.  Avoecq  ces  lettrez  que  U  dis  messires  Bues 
fist  le  roy  d'Engleterre  escripre  au  pape  -  et  as  cardinaos  en  hiS 
escusaut,  comme  vous  avés  oy,  et  encadrez  par  pluiseurs  soub- 
tieves  voies  qui  cy  ne  puevent  mie  estre  teuttes  descriptez,  il 
envoya  grant  or  et  grant  argent  à  pluiseurs  cardinaux  et  prelas 
les  [to  secrès  et  prochains  duftape,  et  aussi  les  [messagiers  sa- 
ges* et  advisez]  et  bien  ydonne  et  tailEé  de  faire  ce  messaige. 
Et  mena  tellameut  le  pape,  par  ses  dons  et  par  ses  fallasses, 
jgu'il  Gontoiupèrent  dou  tout  la*  roymie  Ysabiel  d'Engleterre  et 

1.  Lci  mu.  ^  11  d  13  ajoutent  :  et  que  Fnmçois  sont  trop  conroi' 
tenx.  Fo.iï". 

2.  Ml.  A  1,  P>  S  v».  —  Hi.  d'Amieni  (lacune). 


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SSK  CHBOMQUES  DE  J.  FR01SSA.RT.  [1326] 

condempnèreDt  en  son  tort,  et  misent  le  roy  d'Engleterre  et  son 
conseil  à  son  drMt.  Et  escripsi  li  papes  par  le  conseil  â'ancitns 
cardinaulx,  qui  de  l'acord  le  dessus  dit  Espenssier  estoient,  an 
roy  Carltai  de  Franche  que,  sour  painne  et  Motensce  d'escume- 
nicment,  il  rcnvoj'ast  sa  serour  la  roynne  Ysabiet  ai  EDgleterre 
devers  le  roy  son  marit.  Ces  lettrex  veues  et  apportées  devers  le 
roy  de  Franche*  et  par  si  especial  messagier  que  par  l'evesque 
de  Saintes  en  Poitau  que  U  pa[^i  y  envoiioit  en  legadon,  lî 
roys  fu  durement  esmeus  sur  sa  sereur,  et  dist  qu'il  nel  volloit 
plus  sousteoir  à  rencontre  de  l'Eglise.  Et  Est  dire  à  sa  seur,  car 
jà  de  grant  temps  ne  parloit  il  plus  à  elle,  que  elle  vidasl  tost 
et  hastivement  son  royaumme,  ou  il  l'en  fereit  vidier  à  honte*. 


S8.P.20,  1.12:  nomeUei.—Aîs.  cT^miau  et  mu.  J  :  Si  (la 
r<^e}  ne  seut  que  dire  ne  quel  advis  prendre,  car  jà  l'eiloa- 
goient  chil  de  Franche  par  le  commandement  dou  roy,  et  n'aroit 
à  nulloi  conseil  ne  retour,  fors  seulement  i  sou  çhier  cousin 
monseigneur  Robert  d'Artois.  Mè*  chiU  secrètement  le  crauseil- 
loit  et  (Mnfortoit  che  qu'il  pooit,  non  à  veue,  car  il  ne  t'osut 
^re  pour  le  roy  qui  deffensce  y  avoit  mis  et  en  quel  hayniw  et 
malivolensce  la  roynne  estait  esceue,  dont  moult  li  anoioit,  et 
savoit  bien  que  par  mal  et  par  envie  elle  estoit  ainssi  decachie. 
Si  estoit  chils  messires  Robiers  d'Artois  si  Jtien  dou  roy  qu'il 
voHoit;  mes  il  ne  l'en  osoit  parler,  car  il  avoit  oy  dire  le  roy  et 
jurer  que  diilx  qui  l'em  paroit,  quelx  qui  fust,  U  lui  torroit  sa 
terre  et  son  royaumme.  Si  entendi  il  secrètement  que  li  roys  es- 
toit en  vollentë  de  Tab^  prendre  sa  soer,  son  fil,  le  comte  de 
Cam  A  mesure  Rogier  de  Mortemer,  et  de  remettre  eus  èi  mains 
dou  roy  d'Engleterre  et  duu  dit  Espeussier.  Et  ensi  le  vint  ïl  dire 
de  nuit  à  le  roynne  d'Engleterre,  et  le  avisa  dou  péril  oti  elle  es- 
toit. Dont  fu  b  danuue  moult  esbahie  et  requist,  tout  en  plorant* 
conseil  à  monseigneur  Robert  d'Artois  quel  cose  elle  p<m»t  (aire 
ne  ù  traire  à  garant  et  à  conseil  :  t  En  non  Dieu,  damme,  dist 

1 .  It  au.  Jt  VaUncUimtt  y'oate  !  qui  jà  ettoit  davoie^.  pac  lei  donA 
qoi  d'Engleterre  egioient  Tenus,  H  se  meut  dui«iaent  à  paHrr  à  la' 
roynne.  Et  luy  diit  plainement  :  <  Je  ne  veul  [du>  Bouitciiir  vous  ne 
vottre  fait  en  mon  paya,  ouût  partez  tous  kattïvemeni.  Se  nidïA  taaa 
loyalme  ou  je  tous  ferai  vrîdier.  »  F«  6  *<>. 

2.  i.c' OU'.  .^20  à  SSo/oufau.- a  dommaige  d'elle  et  des  sienl.  F»  17. 


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[1326]        VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  8.  227 

messtres  Robîers,  lî  rc^auinme  de  Franche  vous  loa  je  iHen  à 
fridier  et  retraùe  deviers  l'Empire.  Là  a  il  ploiseurs  gram  aâ- 
gneurs  qui  bien  aidier  vous  porment,  et  par  especial  li  comtes 
Guillaummes  de  Baynnau  et  messirez  Jehansde  Haymiau  ses  frè- 
rez.  Chii  doj  sont  grant  seigneur,  preudomme  et  loyaul,  cremu 
et  redoubté  de  leurs  ennemis,  amés  de  leurs  amis  et  pourveu  de 
grant  sens  et  de  parfaite  honneur.  Et  croj  t»en  que  en  yaux 
vous  trouveras  toutte  adrèce  de  bon  conseil,  car  autrement  il  ne 
le  saroieut  ne  voroieut  faire,  i  F*  3. 

P.  20,  1.  28  ;  aprièa  lui.  —  JUt,  de  Some  :  La  dame  se  or- 
donna apriès  le  consel  de  son  serom-ge  le  conte  de  Qent,  et  prist 
congiet  à  son  frère  le  roi  de  France.  Li  rots  )i  donna  assës  le~ 
gierement,  mais  il  voloit  que  ses  iwveus  Edonwars  demorast 
Bvoecques  lui,  mais  la  dame  l'escusa  et  dist  que,  sans  son  fil, 
point  elle  a'oseroit  retourner  en  Engleterre.  li  rois  n'en  paria 
plus  avant,  et  11  fist  délivrer  par  ses  dievaliers  d'ostel  deus  mille 
florins,  pour  pailer  ses  menus  û-ès  sus  son  cemin.  Et  pour  loiz 
estoit  servis  U  rois  d'un  chevalier  de  Cambresis,  qui  se  nonmoit 
li  sires  d'Ssoe.  Li  chevaliers'  s'ofiH  à  cevauchier  avoecques  la 

roine  et  en  demanda  congiet  au  rai,  et  li  rois  li  acorda Et 

les  condaisoit  li  aires  d'Esne  et  acondiùsi  et  amena  en  Cambresis, 
et  furent  un  jour  et  une  nuit  en  son  chastîel,  et  de  là  vinrent 
à  Buignicourt.  F"  S. 

P.  20,  1.  31  :  chasdel.  —  Ms.  tfjmieru  et  nus.  J  \  àl,9, 
15  ^  3S  :  en  l'ostel  d'un  prtit  chevalier.  F°  3.  —  Mit.  A  H  à 
13  :  en  la  maison  d'nn  vaillant  cbevalier.  F*  S  v*.  —  Af/.  de 
Rome:  Pour  ces  jours  i  av<ût  ong  dievalier  et  une  dame  de  trop 
grant  gouvernement.  F*  S.  * 

P.  20,  1.  31  :  Buigmconrt.  —  Afw.  A  7,  18,  19.  23  à  33  : 
Aubrechicourt.  F*  tl.  —  Mss.  >4  38  A  3&  :  Chamtn'esicoun.  F"  3. 
—  JUss.  A  34  et  35  :  Amlàiecottrt.  F«  6. 

P.  21,  I.  9  :  Boignicourt.  —  Mss,  A  ;  Aubrecicoort.  Mt.'A 
i,f». 

P.  21,  1.  0  :  chevalier.  —  Ms.  de  Borna  :  Et  ^int  li  sires 
d'Esne,  sitos  que  la  roine  fu  descendue  à  Bbigmcourt  oà  eU«  fu 
dou  chevalier  et  de  la  dame  très  joieusem^nt  requelloite,  en  la 
ville  de  Valenchiennes,  car  9  n'i  a  pas  de  là  longe  voie  à  cevau- 
chier :  pour  ce^  jours  s'I  tenoient  li  contes  et  la  contease  et  mes- 
sires  Jehans  de  Hainnau,  sires  de  Biaumont,  lors  frères  ;  et  vint 
deviers  eub  en  la  Salle  de  Valenchiennes,  et  lor  rec<»^Ja  ces  nou- 


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S28  CHRONIQtliS  DE  J.  FHOISSAKT.  [i3î6] 

velles  desquelles  il  iurent  tout  resjoi.  Adonc  dist  U  contes  à  son 
frère  :  a  Jehan,  cevauàës  jusques  à  Buignicourt,  et  dous  amenas 
Dostre  cousine  la  roine  d'Engleterre  :  nous  le  volons  festoiîer 
en  Dostre  pais.  >  Li  stres  de  Biaumont  respondi  -.   >  Volentiers.  > 

Tantos  cheraus  furent  ensellé,  et  montèrant  messires  Jehans  de 
Hainnau  et  sa  route,  car  il  estoit  bien  acompagni^s,  et  issirent  de 
Valenchietmes.  Derechief  li  contes  de  Hainnau,  qui  fii  uns  moult 
hranourablez  sires,  et  qui  voloit  requellier  bonnourablement  U 
roine  d'Engleterre  et  estre  acompagniez  de  barons  et  chevaliers 
de  son  pais,  mist  messagiers  en  oevre  et  manda  le  signeur  d'An- 
toing,  le  senesca]  de  Hainnau,  le  signeur  de  Ligne,  le  signeor  de 
BaîHuel,  le  signeur  de  Barbançon,  le  signeur  de  Haverecfa,  le  sî- 
gneuT  de  Gonmegnies,  le  signeur  de  Vertain  et  moult  d'autres, 
que  tantoz  et  sans  délai,  il  venîssent  à  Valenchiennes.  Il  vinrent 
tout  en  bon  arroi,  et  le  plus  vestis  des  draps  de  la  livrée  que  li 
contes  donnoit  ;  et  aussi  dames  et  damoiselles  vinrent  dalés  la 
contesse. 

Messires  Jefaans  de  Hainnau  cevauça  et  vint  à  Denaing  oultre 
Valenchiennes,  et  là  s'aresta.  Et  renvoia  le  signeur  d'Esne  à  Bui- 
gnicourt,  et  estoit  moult  tart,  et  li  dist  :  s  Je  serai,  à  quelle 
heure  que  ce  soit,  encores  à  nuit  dalés  madame  la  roine. 
Dites  li  ensi.  »  Et  fist  tout  ce  pour  mains  cargier  l'ostel,  car  il 
sentoit  le  chevalier  et  la  dame  de  tout  oultre  bonne  volentë.  Li 
sires  d'Esne  vint  à  Buignicourt,  et  compta  à  la  roine  tout  ce  qoe 
il  avoit  veu  et  trouvé,  dont  la  dame  fut  moult  contente,  et  se 
reconforta  mjeuls  que  devant.  Messires  Jehans  de  Hainnau  soupa 
à  Denaing  entre  les  damoiselles  de  l'abeie,  gentils  fenmes  qui  là 
estoient.  Et  tantos  apriès  souper,  il  prist  Phelippe  de  (Siastiaus, 
le  plus  proçain  esquier  que  il  euist;  et  montèrent  as  chevaus  et 
deus  pages,  et  cevaucièrent  tous  les  plains  et  tantos  furent  à 
Buignicourt;  et  missent  piet  à  terre,  et  entrèrent  eas  ou  chastîel, 
car  on  les  atendoit. 

Messires  Jehans  de  Hainaao  se  traist  en  une  cambre  où  la 
roine  d'Engleterre-  estoit,  li  contes  de  Qent,  messires  fiogiers  de 
Moi^mer  et  toutes  les  gens  d'onnonr,  qui  issu  estoient  d'Engle- 
terre avoecques  la  ditte  mine,  laquelle  estoit  toute  droite,  et 
messires  Jehan§  de  Hainnau  s'enclinn  moult  bas  contre  lui.  La 
dame  le  prist  par  la  main,  et  le  leva  et  l'cnmena  arrière  ;  et 
qant  la  roine  parloit  au  chevalier,  il  s'enclinoit  tout  bas,  car  des 
honnours  de  ce  monde,  messires  Jehans  de  Hainnau  èstott  tous 


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[13î6]        VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE.  §  9.  229 

fais  et  nouiis.  Là  furent  les  aquintances  douces  et  courtoissea^ 
là  remoustra  la  dilte  dame  au  cbevaUer  moult  doucemeat  toutes 
ses  mesestances.  F*  S. 

S  9.  P.  22,  I.  11  :  doucement.  —  Jlfs.  du  Borne  :  Et  qant  la 
mine  vint  à  la  parole  de  dire  coaunent  li  Londriien,  par  le  consen- 
tement de  pluisseurs  prelas  et  barons  d'Engleterre,  le  mandoient 
que  elle  retoumast  eu  Engleterre,  et  que  elle  fesist  tant  que  elle 
eubt  trois  cens  ou  quatre  cens  armeures  de  fier,  car  li  langages 
dou  pronoDchier  pour  le  temps  de  lors  estoit  tels,  et  les  amenast 
ou  pab,  et  li  Londriien  les  delivreroient  de  tous  poins  et  se  me- 
teroient  en  lor  compagnie  -.  a.  car  par  ma  foi,  messire  Jehan  et 
biau  cousin,  je  n'ai  de  quoi  faire  ce  paiement  :  je  n'ai  finance 
fors  que  pour  mes  menus  frès  ;  b  il  respondi  promptement  et 
dist  :  «  Madame,  vechi  vostre  chevalier  qui  n'a  pour  le  présent 
que  faire,  ne  à  quoi  entendre.  Si  voel  estre  en  vostre  service,  et 
n'entenderai  jamais  à  autre  cose,  si  vous  aurai  remis  en  Engle- 
terre.  Monsigneur  mon  frère  et  moi,  avons  finance  ass^s,  cheva- 
liers et  esquiers  qui  désirent  les  armes,  et  qui  ne  sont  pour  le 
présent  de  riens  cargiet  ne  ensonniiet  :  si  ne  vous  fault  point 
doubler  que,  par  faute  de  mise  et  de  chevalerie,  vostres  volage* 
soit  requiés,  car  à  l'aide  de  Dieu  et  de  sdnt  George,  mus  l'a- 
chèverons. ■ 

A  ceste  parole,,  plora  moult  tendrement  la  dame  de  joie  et  de 
pit^,  et  l'en  remerdiia  de  bon  coer.  £t  puis  li  dist  messires  Jehanit 
de  Hainnau  :  c  Madame,  monsigneur  mon  frère  et  madame  ma 
soer  la  comtesse  de  Hainnau  vous  prient  par  moi  que  vous  las 
venés  veoir  et  lors  enfans.  >  La  roine  respondi  et  dist  que,  de  ce 
faire  elle  estoit  toute  preste  et  tenue  dou  faire,  et  que  pour  euls 
veoir  principaument,  elle  estoit  avalée  et  venue  de  France  jusques 
à  là.  Ensi  se  portèrent  les  premières  acquointances  entre  la  mine 
d'Engleterre  et  messire  Jehan  de  Hainnau  ;  et  fu  là  environ  dcus 
heures,  et  parlèrent  de  pluisseurs  coses  «ses,  et  prissent  vins  et 
espi»ces  par  deus  fois. 

Tout  ce  fait,  messires  Jebans  de  Hainnau  piist  congiet  à  la 
renne  et  à  son  fil  et  an  conte  de  Qent  et  à  tous  et  à  toutes,  gt  issi 
hors  dou  chaatiel,  et  monta  à  ceval  et  son  esquier  et  leur  page. 
~  U  sires  d'Esne,  li  sires  d'Aubredcourt  et  trois  dez  enfans  ^ie 
Mauni  qui  là  estoient,  Gilles,  Jehans  et  Tiens,  le  réconvoiièrent. 
Watiers  et  Willaumes  de  Blauni  demorèrent  dalës  la  roine.  Et 


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230  CUROMQUES  DE  J.  FROISSART.  [13S63 

s'en  reTinrent  messires  Jehans  et  U  «litre  â  Denaing,  et  là  demo- 
rèrent  la  nnit;  mais  chtl  qui  acompagniet  avoient  le  signeur  de 
BiauDXiDt,  retomèrent  à  Buignicourt  dalés  la  roine  d'Engleterre. 
F*S  V». 

P.  23,  i.  H  :  remuneret.  —  Ms.  it Amiens  et  mit,  A  :  Je  de- 
venroie  Tostre  serve,  et  mes  fils  vostres  sers  à  tous  joun,  et 
mettriens  tout  le  royaume  d'Engleterre  à  vostre  abandon,  et  à 
bon  droit.  F»  3. 

P.  23,  I.  13  :  ByamncKit.  —  Jfr.  tf  A/nient  et  nur.  A  :  qui 
estoit  en  le  fleur  de  son  eage.  F*  3. 

§  10.  P.  23,  I.  24  :  se  parti.  —  Ms.  de  Rome  :  Qant  mes- 
sires  Jebans  de  Hainnan  eut  dormi  et  reposé  tout  k  sm  aise  en 
l'abeie  de  Denaing,  il  se  leva  et  apparilla,  et  puis  monta  à  dieval, 
et  prist  congiet  k  dames  et  i  damoiselles  qui  pour  ces  jours  i 
estoient.  Et  s'en  vint  à  Valenchieones,  et  descend!  à  la  Sale  dou 
Conte,  et  trouva  jà  des  barons  et  des  chevaliers  de  Hainnau  qui 
estràent  VMiut.  Il  se  trabt  deviers  son  Trère  qui  devoit  akr  à 
taUo;  K  li  recorda,  avant  que  il  s'aseist,  tout  ensi  comme  il 
aviHt  fait,  et  Testât  et  l'ordenance  de  la  roine  et  des  pandes  et 
'  requestes  que  elle  avoit  misses  avant,  et  aussi  de  celles  que  il 
avoit  responda.  De  tout  se  contenta  li  contes  et  dist  que  il  avoit 
moult  bien  fait,  et  li  savoit  très  bon  gré  de  ce  que  il  s'estoit  of- 
fers  et  mis  eus  ou  service  de  la  roine  d'Engleterre  et  de  son  Gl, 
et  que  point  il  ne  li  faudroit,  fust  de  gens,  fust  de  finance  :  i  En 
nom  Dieu,  bîau  (rère,  respondi  li  sires  de  Kaomont,  sus  la  fiance 
de  vous  ai  je  parlé  si  hardiement;  et  ansd  certainnement  je  ai  eu 
si  graut  piti  de  U  bonne  dame  et  ai  eocores,  que  je  ne  li  poroie 
follir  ponr  mettre  toute  ma  cavance.  i  Adonc  lavèrent  li  signeur 
et  se  asissent  à  table. 

Apriès  dUner,  ordonné  fu  que  mesures  Jehans  de  Hainnan,  li 
sires  d'Enghien,  li  sires  d'Antoing,  li  sires  de  Ligne  et  li  sires  de 
Havrech  chevauceroiest  ce  soir  et  iroient  à  Bouchain  souper,  et 
à  l'endemain  il  iroient  quérir  la  roine  d'Engleterre  à  Buignicourt 
et  son  fil  et  le  conte  de  Qent  et  toute  tor  compagnie,  et  les  amen- 
roie>t  disner  à  Bouçain;  et  puis  apriès  disner,  il  s'en  depar- 
liroient,  et  venroient  par  Haspre  et  tout  le  ^nt  chemin  de 
Ombrai,  et  enteroieot  i  Talenchiennes,  par  la  porte  ^on  dist 
CambrisSienne ,  et  les  ameoroieut  à  la  Sale  ;  et  là  les  reoberê- 
roient  li  contes,  la  contasse,  aigneurs,  dames  et  damoisdlei  qui 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[13î6]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  10.  231 

lor  vearoieat  à  l'aociHitre.  Celle  ordenance  sambla  bonoe,  et,  ae 
li  hosteU  dou  Conte  estoit  bien  ponrveus,  encores  fîi  ils  reafor- 
dés;  et  farent  envoiies,  à  chars  et  à  chevaus,  grandes  pourveancei 
à  Bouchain.  Et  Ui  vinrent  messires  Jehans  de  Hainnau  et  li  si- 
gneur  desos  nonuné  ce  soir  souper  et  jessir.  Qant  ce  vint  à  l'en- 
demain,  tout  montèrent  qont  il  orent  oy  messe,  et  puis  cevan- 
chièrent  monh  ordonneAnent  tout  cet  pais  et  plain  d'Ostrevant, 
et  vinrent  an  chaatel  de  Buignicourt.  Et  jà  estoit  la  roioe  d'£n- 
f^eterre  segnefiie  de  lor  venue  et  toute  ordonnée  pour  piirtir,  car 
bien  savoit  que  on  le  venoit  querre  de  par  le  conte  de  Hainnauj 
et  11  avoit  madame  Jehane  de  Valois,  contesse  de  Hainnau,  en- 
voiiet  son  char  ordramë  et  apparilliet  ensi  que  pour  lui.  CW 
baron  de  Hainnau  vinrent  à  la  roine  d'Engleterre,  et  l'onnou- 
[rè]rent  grandement,  ensi  que  bien  le  sceurent  faire,  et  elle  eub. 

Adonc  prist  la  roine  congiet  k  la  dame  de  Buignicourt  et  à 
tous  ses  eoians,  dont  eUe  avoit  assës,  fils  et  filles,  et  li  dïst  et 
protunist  qœ,  pour  la  bonoe  chière  que  elle  avoit  trouvé  e/i  li 
et  en  son  mari,  elle  se  sentoit  grandement  tenue  à  eols,  et  que 
si  enfant,  on  temps  à  venir,  en  vaudraient  nûeuls.  La  bonne 
dame  de  Buignicourt  et  d'Aubrecicourt,  comme  sage  et  discrète, 
se  htuneBa  et  remerchia  de  tout.  Adonc  entra  la  roine  ou  char, 
la  contesse  de  Haionan,  et  mist  son  fil  Edouward  en  coste  li  et 
une  dame  d'&igleterre  qui  l'avait  acompagniet,  que  on  nonmoit 
ta  dame  de  BriaBe,  et  avment  li  rois  et  li  Espenslers  (ait  deooler 
son  mari;  et  puis  se  départirent  de  Buignicourt  et  cevauchièrent 
tout  souef  i  beUe  c(»npagnie,  tous  jours  œessire  Jeban  de  Hain- 
nau dalës  la  roine  au  char,  et  vinrent  à  Bouchain  et  là  disnèrent. 
Apriès  dûner,  tout  s'en  départirent  et  se  missent  au  cemin  et 
passèrent  Blepre,  qant  tous  et  toutes  orent  beu  un  cop,  et  pris- 
sent le  cemin  de  Valeodiiennes. 

Ensi  que  la  roine  et  chil  signeur  desus  nonmé  descendoieut  ens 
es  praierîes  de  Fontenielles,  jà  estoient  venu  chevaliers  et  es- 
quiers,  qui  bouté  s'estoîent  et  armé  pour  la  jouste,  ens  es  bois  iJe 
Fontenielles,  et  aultres -offidiers  de  par  le  conte,  qui  présentè- 
rent à  la  roine  et  à  son  fil  et  au  conte  de  Qent  et  à  messire 
Rogier  de  Mortemer,  chevaus  et  palefrois  si  l)ien  aoum^S  de  tout 
ce  que  à  enls  apertenoit,  que  riens  n'i  avait  espargniet,  laquelle 
cose  la  roine  d'Engleterre  vei  moidt  volentiers.  Aussi  fist  ses  fils 
et  tontes  lors  gens,  et  le^  avoit  on  là  amfoés'  et  enroués  pour 
la  roine  et  la  damede  Briane  et  les  damoiselles  monter  sas  et 


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2W  CllRÛNlQUES  DE  J.  FROISSAJIT.  [1326] 

renouveler  Ae  mouteore,  mais  la  ditte  roîoe  ne  la  dam^,  qui  ens 
ou  char  estoîeni,  n'en  issir^t  point,  û  ftirent  venu  en  la  Sale  à 
Valenchiennes;  mais  )î  Jones  Edouwars  monta  sus  un  palefroi 
tout  préparé  et  ordonné  pour  lui.  Toute  la  compagnie  montèrent, 
sus  les  camps,  en  aprochant  le  bos  de  Fontenelles.  Et  dou  bois 
inirent  chevaliers  et  esquiers  armés  pour  la  jouste,  et  là  jous- 
tèrent  moult  radement  devant  la  reine  et  les  si^^eurs.  Et  tout  en 
venant  et  en  chevauçant  vers  Valenchieones,  chevutier  et  esquier 
joustoimt  sans  euls  espargnier,  tels  que  li  sires  de  Gonmegnies, 
li  sires  de  Vertain,  li  sires  de  Hastain,  li  sires  de  Biellain,  li  sires 
de  Uordain,  li  sires  de  Potelles,  li  sires  de  Vendegies,  li  Bor- 
gjKS  de  Bobertsart,  Gilles  de  Mauni,  dis  Grig[nars,  Gilles  de  Sou- 
main  et  Ostes  ses  frères,  et  plus  de  quarante .  chevaliers  et  es- 
quiers.  Et  tout  ce  veoit  la  reine  d'Engleterre  moult  volentiers,  et 
aussi  faisoit  ses  fils.  Et  durèrent  ces  joustes  jusques  à  moult  priés 
de  Valenciennes. 

Si  issirent  hors  de  la  ville  grant  (iiisson  de  bourgtàs  de  Valen- 
chiennes,  bien  montés  et  aouniés  et  en  bonne  ordmmance  *,  et 
vinrent  contre  la  roine  et  son  SI  et  les  signeurs.  £t  fu  ensi  la 
roine  d'Gngleterre  amenée  honourablement  jusque  en  la  Salle  de 
Valenchiennes,  et  bsï  au  piet  des  grès  hors  dou  char.  Et  encon- 
^rèrent  à  l'entrée  de  la  Salle  amont  le  conte  de  Hainnau,  tout  à 
nu  chief,  la  contesse  sa  femme  et  lors  enfans,  Margerite,  Jehamie, 
PhEJippe,  Isabiel  et  lor  frère  Guillaume,  qui  tout  estoient  jone  ; 
à  honnourèrent  la  roine,  et  elle,  euls.  Et  la  conjoirent  et  la  re- 
quellièrent  monlt  doucement  li  contes  et  la  contesse,  ensi  comme 
il  apeitenoit  et  que  bien  le  sceurent  faire.  Et  vous  di  que  toute 
la  Salle  fu  adonc  laissie  pour  la  roine  d'Engleterre  logier  et  ses 
gens  ;  et  b  contes  et  la  contesse  estoient  logiet  en  l'ostel  de  Hol- 
landes, et  lors  enfans,  à  Malaimoit,  et  aussi  avoient  il  là  par  jour 
lor  retret. 

La  roine  d'Engleterre  veoit  que  li  contes  de  Hainnau  et  la 
contesse  fi  faisolent  tant  d'onnour  qne  plus  ne  l'en  pooient 
faire;  û  en  looit  Dieu  et  regratioit  grandement  en  soi  meismes, 
car  ella  esperoit  bien  que  par  euls  et  les  Hainnoiers,  elle  seroit 
confortée  et  adrechiée,  ensi  que  elle  fu  si  grandement,  comme 

1.  JUt.  d^Amieiuttma.A  !  Et  conn:«  lui  widièrent  moult  de  bonrgttÎB 
de  le  Tille,  bien  parC  et  ordonnet,  pour  Jui  faonorablemeiit  recepvoîr. 


jvGooi^lc 


[1386]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  10.  Î33 

vous  orà  recorder  avant  en  l'histoire.  Et' Ai  la  ditte  roîne  et  ses 
fils  et  li  contes  de  Qent  grandement  tenu  au  conte  de  Hainnau 
et  à  messire  Jehan  de  Hainnau,  son  frère,  et  as  Hainnuiers,  car 
elle  ne  trouvoit  en  France,  ne  aultre  part,  nul  confmt,  ne  qui  se 
vosist  ensonniier  de  ses  besongnes,  qant  ti  gentils  chevaliers 
mesures  Jehans  de  Hainnau  eniprist  le  iaix  et  le  carge.  Dont 
pluisseurs  gens,  en  Hainnau  meismemeat,  l'en  tenoient  i  fol  et  à 
mal  consilliet,  qant  à  tout  une  poignie  de  gens,  il  se  mist  en  l'a- 
venture  d'aler  en  Eogleterre  à  l'encontre  don  roi,  dou  signeur 
Espensier  et  de  ceuls  de  lor  sieste.  Au  voir  dire,  se  li  Londriien 
n'euissent  est^,  et  auquns  nobles  dou  pais  qui  furent  dou  confort 
et  aliance  ta  roine,  jamais  pies  n'en  fust  retournas.  F*  6. 

P.  24,  1.  5  ;  faire.  —  M*.  d'Amiens  et  mit.  A,  :  Adonc,  avoit 
H  comtes  Guillaumme  quatre  filiez,  Margherite,  Phelippe,  Jehanne 
et  Ysabiel.  De  quoy  li  jones  Edouvars,  qui  fu  puis  roys  d'En- 
gleterre,  s'adonnoit  le  plus  et  s'enclinoit  de  regart  et  d'amour 
sus  Phelippe  qne  sus  lez  autrez.  Et  ossi  la  jonne  fille  le  connois- 
soit*  plus,  et  lui  tenoît  plus  grant  compaignie  que  nule  de  ses 
sereurs.  Ainsi  l'ay  je  oy  depuis  recorder  la  bonne  danïDe  qui  fu 
roynne  d'Engleterre,  et  dallés  qui  je  demouray  et  servi;  mes  ce 
fi]  trop  tart  ponr  my.  Si  me  fist  elle  tant  de  biens  que  j'en  sui 
tenus  de  priier  à  tous  jours  mes*.  F"  3  V  et  4. 

P.  îk,  1.  10  :  trois  sepmainnes.  —  Jlfr.  d'Amiem  et  mss.  A  : 
huit  jours.  F°  4. 

P.  S4,  1.  14  et  18  :  Hasbaing.  ^  Mi.  A  1  :  Rasbaingne. 
F"  3  V".  —  Mit.  A  18,  19,  Î3  A  38  :  Behaigne.  F-  7. 

P.  24,  1.  18  ;  prioit.  —  Mt.  de  Rome  :  En  ces  séjours,  joies 
et  esbatemens  où  li  contes  Guillaumes  de  Hainnau  dnt  et  rechut 
la  roine  d'Engleterre  en  la  ville  de  Valenchiennes,  fu  ordonn^de 
messire  Jehan  de  Hainnau  comment  U  feroit,  ne  quel  cai^e  de 
gens  d'armes  il  aueroit.  Pinhseur  jone  chevalier  et  esquier  de 
Hainnau  s'offroient  à  messire  Jehan  et  li  disoient  r  a  Sire,  me- 
nés nous  avo«cques  vous,  nous  vous  volons  servir  sus  ce  voiage 
à  nostres  costages.  »  Li  gentils  chevaliers  respnndoit  et  disoit  : 
»  Grant  merchis,  biau  signcur,  j'en  aurai  avis.  Je  ne  vousrefnse 


■r T V- '-F*»-^- 

...  ,..-j.  A  1  a  9,  15  d  22  :  pour  elfe.  V'I.  —  àùi.  A  11 
l'ame  d'elle.  F^  6.  —  Un.  y<  34,  35  :  pour  elle  et  pour  m 
le  je  vivray.  F'  7. 


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234  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [IStS] 

pas;  mats   le  carge  que  je  aurai,  monsi^eur  mon  frère  le  me 
ten.  >  Emi  s'escusoît  U  cbevalien.  F"  7. 

S  H.  P.  Î5,  1.  H  :  Emi.  —  Ms.  dJmieruet  mu.  ^.'Enssi 
estoit  meus  et  encoragiés  messires  lehans  de  Haynnau,  et  faisoit 
se  semonse  et  se  priière  des  Haynuyers  à  estre  à  Hal,et  les  Brai- 
benchons  à  estre  à  Bredas,  et  les  Hasbegnons  au  Hont  Sainte- 
Getrud,  et  tes  Hollandois,  dont  il  eut  aucuns,  à  estre  à  Dourdrecq. 
Lors  prist  «mgiet  la  roynne  d'Engleterre  au  comte  de  Haymuu 
et  à  la  contesse,  et  les  remerchia  grandement  et  doucement  de 
l'honneur,  de  le  feste  et  de  le  bonne  chierre  et  belle  recoeilloite 
(ju'il  li  avoient  fet,  et  le  baisa  au  partir  et  la  oontesse  et  leurs 
biaux  enfans.  Ainssi  se  parti  la  damme  et  ses  filz  et  toutte  leur 
routte,  acompaigniet  de  monsigneur  Jehan  de  Ha3rnnau,  qui  à 
grant  dur  et  moult  envis  aroit  eut  congiei  de  monsdgnenr  son 
frère,  quoy  qu'il  se  fuist  de  premiers  acordés  et  asentis  ad  ce 
voiaige;  mes  Gnablement  il  li  dounna  de  boime  vollenté.  Et  )i 
dist  ensi  messires  Jehana  par  trop  biau  langaige  ;  s  Monseigneur, 
je  sui  Jones  et  encorrez  à  faire.  Si  cruy  que  Dieux  m'ait  pourveu 
de  ceste  emprise  pour  mon  avanchemeut;  et,  se  Dieux  me  vaille, 
li  GOuraige  m'en  siet  trop  bien  que  nous  en  venronz  à  nostre 
deseure;  car  je  quide  et  croy  de  vérité  que  par  pedet,  à  tort 
et  par  envie,  on  a  ceste  bonne  roynne  decachie  et  stm  fil  hors 
d'Engleterre.  Si  est  aumonsne  et  gloire  à  Dieu  et  au  monde  d'a- 
drecer  et  reconforter  les  desconfort^z  et  descon fondes,  et  espe- 
cialment  si  noble  et  haute  damme  comme  cesti  est,  qui  fu  fille 
de  roy  et  est  descendue  de  royal  lignie,  et  sommes  de  stui  sancq 
et  elle  dou  nostre.  Je  aroie  plus  cher  à  rennncber  à  tout  che 
que  j'ay  vaillant,  et  aler  servir  Dieu  oultre  mer,  sans  jammais 
retourner  en  ce  pays,  que  la  bonne  damme  liist  partie  de  nous 
sans  comfort  et  ayde.  Si  me  lajés  aller  et  donnés  congiet  de 
bonne  volenté  ;  si  ferés  bien  et  vous  en  saray  gré,  et  s'en  e^loi- 
terrmt  mieux  mes  besotngues.  > 

Quant  li  bons  comtez  de  Haynnau  eut  oy  son  frère  et  perchât 
le  grant  désir  qu'il  a  de  faire  ce  voiaige,  qui  à  très  faaulte  boo- 
nenr  li  puelt  retourner  et  à  ses  hoirs  à  tous  jours  mes,  et  con- 
gnoist  bien  qu'il  dist  vérité,  si  en  cuit  grant  joie  et  li  dist  : 
4  Biau  frère,  ne  plaise  jà  à  Dieu  que  vostre  bon  pourpos  je  vous 
brise  ne  nste,  et  je  vous  donne  congiet  ou  nom  de  Dieu.  »  Lors 
le  baisa  et  li  estraindi  le  main  en  signe  de  grant  antoor,  En^  se 


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[1326]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  %  11.  23S 

parti  messires  Jehans  de  Haynnau,  et  s'en  vint  ce  jour  jesir  à 
HoDS  en  Hajnnau,  et  osa  la  royiuie  d'Engleterre.  Qae  tous  es- 
loDgeroie  la  matère?  Il  âseut  tant  par  leurs  journées  qu'il  vin- 
rent à  Dourdrech  *#n  HoUandez  où  li  especiaux  mandemens  e&- 
toit  (es.  F".  4. 

Mf.  de  Rome  :  Li  jours  fa  assignés  le  dix  septième  jour  du 
mois  de  septembre  k  estre  à  Dourdresc.  Et  tout  se  ordonccrent 
et  apparillièrent,  chil  qui  aler  i  dévoient.  El  vinrent  devant  le 
jour  li  pluisseurs  en  la  ville  de  Dourdresc,  et  là  atendirent  tout 
l'un  l'autre.  Là  estoient  gens  d'ofBce  de  par  messire  Jehan  de 
Hainnau,  qui  faisoient  les  pourveances  de  mer  et  apparilloient 
barges  et  balenghiers,  pour  passer  oultre  en  Engleterre.  Toutes 
ces  coses  furent  scènes  deviers  le  roi  d'Engleterre  et  le  signeur 
Espenùer  et  lors  complisces,  comment  la  roine  d'Engleterre  et 
ses  fils  et  11  contes  de  Qent  estoient  descendu  de  France  en  Hain- 
nau et  aToimt  tant  fait  deviers  le  conte  et  son  frère  que  messi> 
res  Jehans  de  Hainnau,  à  p^nssance  de  gens  d'armes,  les  devoit 
ramener  et  remettre  en  Engleterre,  maugré  tous  lors  nuissans. 
Adonc  i  pourveirent  il  pour  obviier  à  l'encontre  de  euls,  et  fis- 
sent garder  pors,  havenes  et  passages  à  grant  fuisson  de  gens 
d'armes  et  d'archiers.  Et  lor  estoit  estroitement  commandé  que 
tout  ce  que  il  veroient,  qujr  prendre  terre  vodroient  en  Engle- 
terre, fuissent  mort,  sans  nului  prendre  à  mercM. 

Qant  mesru-eS  Jehans  de  Hainnau  senti  que  toutes  les  pour- 
veances estoient  faites,  et  ses  gens  desquels  ils  se  voloit  aidier, 
venu  à  Dourdresc,  et  plus  encores  que  il  n'en  euist  pris  et  rete- 
nus, il  dist  à  la  renne  d'Engleterre  :  t  Dame,  il  est  temps  que 
nous  nos  metons  à  voiage,  car  ceuls  que  je  pense  amener 
avoecques  nous  en  Engleterre ,  sont  tout  prest  et  nous  atten- 
dent au  passage,  i  La  dame  respondi  :  «  Dieus  i  ait  parti  > 
Adonc  prist  elle  congiet  au  conte  de  Hainnau  et  à  la  contesse, 
et  les  remerchia  moult  doucement  de  la  bonne  et  honnom^le 
requelloite  que  fait  H  avoient.  Là  fu  pris  li  congiés,  et  baissa  la 
roine  à  son  départir  tous  les  enfans,  l'un  apriès  l'aultre,  de 
Hainnau,  et  aussi  fist  son  fil  Edotiwars.  Phelippe  de  Hainnau,  , 
qui  puis  fu  roine  d'Engleterre,  commença  trop  fort  à  plorer, 
qant  U  Jones  Edonwars  prist  congiet.  Ou  li  demanda  pourquoi 
elle  ploroit  :  «  Pour  ce,  dist  elle,  que  mon  biau  cousin  Edouvars 
d'Engleterre  se  départ  de  moi,  et  je  l'avoie  jà  apris.  s  Dont 
commenclaà'ent  U  chevalier  qui  là  estoient,  à  rire,  et  depuis  li 


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236  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1326} 

fu  nusenteu,  qant  U  mariages  fii  trebés  de  lui  et  de  l'anfant 
d'Engleterre.  Et  elle  eo  respondi  adonc  sagement  et  dist  que  son 
eoer  s'i  traioit  tr*^  grandement,  et  pensoit  bien  que  elle  seroit 
encorei  sa  feiune.  * 

Ensi  se  départi  la  roine  d'Engleterre  du  conte  de  Hainnau  et 
de  la  contesse.  Et  estoient,  pour  ce  jour  que  li  congiés  (a  pris, 
à  HoQs  en  Hainnau,  et  vinrent  je&sir  à  Binch,  et  à  l'endemain  à 
Nivelle,  et  à  l'endemain  à  Villevort.  Et  esqievèrent  Brousselles 
et  passèrent  à  destre,  et  fissent  tant  que  il  vinrent  à  Mont  Sainte- 
Gertrut  et  de  là  à  Dourdrcsc.  Et  n'i  séjournèrent  que  demi  joar 
que  il  entrèrent  ens  es  vassiaus,  car  il  gissoient  ou  havene  à 
l'ancre  et  estoient  tous  près.  Et  qant  li  ceval  furent  tout  guide 
ceuls  que  mener  on  en  voloit,  et  la  mer  Tu  revenue,  tout  par 
ordenance  entrèrent  ens  es  vassiaus.  Et  estoit  marescaus  de  le  ost 
messires  Jehan  de  Haînnau  et  messires  Faster^s  don  Rues.  Qant 
tout  furent  entré,  il  desancrèrent  et  puis  traissent  les  voilles 
amont;  si  esquipèrent  et  se  départirent,  et  avoient  vent  et  marée 
pour  euls.  Pour  ce  temps,  estoit  messires  Jehans  de  Hainnan  en 
la  droite  Qour  de  sa  jonèce,  et  de  si  grant  volent^  qae  nuls  che- 
valiers pooit  estre.  Et  pour  ce  entreprist  il  le  dit  voiage  n  lie- 
ment,  et  ne  resongnoït  painne  ne  péril  qui  li  petûst  avenir. 
Aussi  il  n'i  pensoit  point,  et  estoit  et  fu  tout  dis  ena  oa  vassiel 
la  roine  d'Engleterre  et  de  soa  fil.  P>  7. 

P.  26,  1.  10  :  d'Ântoing.  —  Le  mt,  dJnùemt  omet  :  Bobers 
de  Bailluel,  et  il  ajoute  :  li  sires  de  Havrech  caalelain  de  Mons, 
messires  Rol»ers  de  Biaufor.  F°  4.  —  Le  ms.  dAmieas  et  les 
mis.  A  omettent:  Fastres  dou  Rues, Sanses  de  Biauriu,  li  si- 
res de  Wargni,  et  ils  ajoutent  :  li  sirez  de  Villers,  li  sirei  de 
Henin,  li  sirez  de  Sars,  li  sires  de  Bousies*,  U  sirez  de  Ver- 
taing',....  li  sirez  d'Estmmel*,  messires  [Waflars']  de  Gistellcz. 
P°  4.  —  Le  mt.  de  Rome  ajoute  :,.,.  messire  Gerart  de  Yende- 
gtes,....  le  signeur  d'Espinoit,  le  Borgne  de  Hobertsart,  messire 
Gille  Grignart  de  Mauni,  Willaume  dou  Casteler,  Oste  et  Gille 
de  Soumain  et  pluisseurs  aultres.  Et  estoit  li  ùrcs  de  Fagnuelles 

1.  Ma.AXà  6,  aO  i  33  :  Bootiera.  T'I  r>.  —  ilit.  Kl\  àlZ  : 
Boursien.  P*  1. 

2.  Lt  nu.  de  Faitac'uniut  ajoute  :  me««ire  Feri*  de  Hordaing,  le  ùre 
de  Hertaing.  P»  9  r>. 

3.  V*.  A  i:  d'Eimunelin.  F"  8. 

4.  Mt.  de  Valencienua,  P>  9.  —  Ut.  i4aùeru  :  Sonlhn.  F"  4. 


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[1386]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  lï-  «31 

compains  à  bamère  à  messire  Jehan  de  Haînnau,  et  Dtarescaus 
de  l'oost  messires  Fasterës  dou  Rues.  P°  7. 

P.  «6,  l.  13  :  IJgne.  —  Mss.  ^  15  à  17  :  Ligny.  P-  7  v*. 

P.  «6,  1.  13  :  Boossoit.  —  Mss.  ^11^13,  34,  33  :  Bouf- 
fort.  F"  7. 

P.  26,  1.  14  :  Semeries.  —  Mss.  ^  1  à  6,  8  à  17,  20  à  22  : 
Sameries.  T"  1  y*.  —  Ms.  Â  iZ  :  Smeriz.  F»  8  v°. 

P.  28,  1.  Itf  :  li  sires  de  Moategni.  —  Mi.  if  Amiens  ;  li  Es- 
tandars  de  Montegni.  F°  k.  —  Ms.  de  Rome  :  le  signeur  de  Hon- 
tegDÎ  en  Ostrevant.  F"  7. 

P.  26,  l.  17  ;  d'Anhrecicourt.  —  Mss.  ^  2,  20  à  22  :  d'Am- 
breûcourt.  F"  8.  —  Mt.  A  18  :  d'Aubregicourt.  F"  8. 

P.  28,  I.  19  et  20  :  Hesbegnons.  —  Mss.  Ai  à%ii  à  13, 
15  à  3»  -.  Behaignons.  F»  7. 

P.  26,  1.'21  :  par  mer.  —  Ms.  d'Amiens  et  mss.  A  :  Quant 
il  furent  parti  dou  havene  de  Dourdrec,  moult  estoit  la  navîe 
beQe  seloDcq  la  quantité  et  biea  ordonnée,  et  li  tamps  biauK  et 
souefs,  et  li  airs  assez  mobtes  et  atemprési  et  mirent  à  l'ancre 
ceste  première  marée  devant  les  dicques  de  Hollande  sus  le  dé- 
partement de  le  terre.  L'endemain,  il  se  desancrèrent  et  sachi^ 
rent  les  singles  amont,  et  se  missent  an  chemin  en  costiant  Zel- 
landes.  F"  4. 

P.  36,  1.  24  :  tourmois.  —  Mt.  de  Rome  :  (II)  orent  ce  pre- 
mier jour  et  le  second  assés  bon  voit,  et  avoient  jette  lor  avis 
Hgneurs  et  maronniers  que  par  la  grasce  de  Dieu  il  iroient  pten- 
ifre  terre  au  port  à  Orvelle,  en  la  marce  de  Exsesses.  Or  lor 
revint  un  fors  vens  contraires  qui  les  rebouta  moult  arrièr»  de 
ce  port,  et  ce  lii  tout  à  lor  poorftt  et  droite  grasce  que  Dieus 
lor  fist;  car  se  il  fuissent  arivé  à  OrveUe,  il  euissent  trouvé  plus 
de  vint  mille  hommes,  qui  là  les  atendoient,  archiers  et  aultres, 
et  pour  euls  tons  ocire  et  destruire.  Ensi  estoit  il  commandé  et 
ordonné  dou  roi  et  dou  signenr  Espensier  et  dou  conte  d'Aron- 
diel  qui  estoit  de  lor  aliaiKe.  Et  estoient  les  pors  et  les  havenes 
d'Engleterre  û  bien  gardés  à  l'oncontre  de  Flandres  et  de  Hol- 
landes que  on  n"î  pooit  venir  ne  entrer,  fors  par  la  bataille. 
Chils  vens  contraires  lor  dura  deus  jours,  et  cosdïèrent  Prisse  ; 
et  ne  savoient  bonnement  à  dire  li  maronnier  où  il  estoient. 

Au  derch  jour,  vens  lor  revint  à  droit  sonhet,  et  qui  les  mena 
et  bouta  droit  contre  Egleterre,  et  tant  que  li  maronnier  en  oreqj 
la  Gongnîssoace.  Si  demandèrent  à  la  roine  et  as  signeurs  qu«l  cose 


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238  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1326] 

il  voloient  faire,  et  se  il  preoderoieQt  terre  à  l'aventure  en  Eq- 
gleterre,  car  il  disoient  que  il  estoieot  tn^  en  bus  de  Orvelle  et 
de  Clocestre  et  des  fOrs  et  des  haveaes  de  celle  bende.  Il  dis- 
sent :  «  Oil  >  et  presissent  terre  où  que  fust,  au  plus  toat  que 
il  peuîsMDt,  car  prendre  lor  couvenoit  pour  euls  rafresqir  et 
lors  chevaus.  Et  tous  di  que  tout  chil  maronoier  estoimt  de  Hol- 
landes et  de  Zellandes,  et  ne  conuissoient  pas  bien  tout  le  pais 
et  encores  ce  que  la  mer  les  avoit  tourmentés. 

Adoac  singlérent  ils  à  l'adrèce,  ensi  que  li  vens  les  menoil  et 
que  Dieus  proprement  les  conduisoît  et  voloit  que  ils  euissent  ce 
cemin  et  non  aultre,  et  s'edrecièrent  contre  Engleterre,  que  il 
veoient  devant  euls.  Et  s'en  vinrent  ferîr  lors  nefs  tout  de  une 
Ilote  sus  le  sabelon  en  terre  descongnene,  où  il  n'avait  ne  ha- 
vene  ne  port;  nuds  le  sabdon  estoit  assës  ferme  et  bon  pour 
ancrer  et  sans  péril.  Et  si  veoient  ass^s  plain  pais  et  «uni  devant 
euls,  fors  tant  que  il  i  avoit  grant  fiûsson  de  gene&tres  et  de  pe- 
tis  buissons,  ensi  comme  en  lieu  où  nuls  ne  nulle  ne  demeure  ne 
ne  converse.  Toutesfois  il  prissent  la  terre,  et  furent  tn^  resjoi 
qant  il  se  veirent  à  ferme  terre  et  hors  des  dangiers  de  la  mer,  et 
missent  lors  chevaus  petit  à  petit  hors  des  vassiaus  et  toutes  lors 
pourveances,  et  traissent  tout  hors  en  sus  de  la  mer,  et  là  où 
elle  ne  pooit  monter  ne  venir.  Et  trouvèrent  un  rien  d'aige 
moult  clère,  qui  venoit  d'amont  de  fontevis;  et  ce  6at  grant  bien 
à  euls  et  à  lors  chevaus,  car  il  en  furent  rafresquî. 

Et  ne  savoient  lî  contes  de  Qent,  messires  Eogiers  de  Morte- 
mer,  ne  nuls  Ënglois  qui  là  fiussent,  où  il  estoient  arivet,  fors  tant 
que  il  disoieat  que  il  estoient  en  Engleterre.  Toutesfois  il  se  lo- 
gièrent  entre  ces  brousais,  car  il  faisoit  biel,  chaut  et  cler,  ensi 
comme  il  fait  ou  mois  d'aoust.  Si  portoient  l'un  par  l'autre  lor 
painne  et  travel,  assés  liement  et  legierement,  et  ne  savoient  k  dite 
se  il  estoient  en  pooir  d'amis  ou  d'ennemis.  Et  oreot,  en  trois  jours 
que  il  furent  li,  tamainte  imagination  pour  sçavoir  se  il  rente- 
roient  en  lors  vassiaus,  et  costieroient  Engleterre  par  mer,  t«nt 
que  ils  trouveroient  havene  ou  port.  Toutesfois  tout  considéré,  li 
plus  des  signeurs  ne  s'acordoient  point  de  rentrer  en  mer  pour 
la  cause  de  lorz  chevaus,  mais  se  voloient  mettre  au  cemin  parmi 
Engleterre,  à  l'aventure.  Chils  consauls  fu  arestés  et  tenus,  et  fu- 
,  rent  les  nefs  recargies  de  tout  ce  que  il  veoient  que  point  mener 
il  n'en  pouient.  Et  fu  dit  as  maronniers  :  a  Retournés  ent  arrière 
en  Hollandes,  et  se  on  vous  demande  de  nous,  si  dittes  ce  que 


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[1326]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  11.  »3« 

vous  ea  savës,  et  riens  oultre,  car  il  o'i  a  nul  en  nostre  compa- 
gnie qui  sace  à  dire  où  nous  sonmes,  fors  en  Engleterre;  et  ache- 
virODs  che  pourquoi  nous  i  sonmes  venu,  ou  nous  i  éemotroos 
tout.  >  Li  maronnier  revendirent  :  «  Dieux  i  ait  part,  mais  en- 
cores  serons  nous  ichi  à  l'ancre  jusques  à  demain,  que  vous 
ditles  que  vous  vos  deslogerés.  »  Et  li  signeur  respondirent  : 
tt  Vous  dittes  biea.  > 

Quant  ce  vint  au  qu^rime  jour,  et  que  euls  et  lors  cevaus  fu- 
rent tout  rafresqi  et  ea  grant  volenté  de  ceminer  avant  poiir 
trouver  quelsque  aventures,  il  se  départirent  et  se  recommandèrent 
en  la  garde  de  Dieu,  et  ceminèrent  parmi  ces  broussis.  Et  les  con- 
vint al«'  tout  le  pas,  car  le  plus  de  lors  chevaus  estoient  cargiés 
de  lors  armeurez  et  de  pourveances.  Qant  li  maroonier  les  veireut 
eslongiés  et  que  la  mer  tu  revenue,  il  se  départirent  de  Ui,  tout 
de  une  flote,  et  iraissent  les  voilles  amont  et  entrèrent  dedeos 
1a  mer,  et  retournèrent  arrière  sans  péril  et  vinrent  en  Hollaiw 
des.  Et  qant  on  lor  demanda  que  la  roine  d'Engleterre  et  messîres 
Jehan  de  Hainnau  et  li  chevalier  et  lors  gens  estoient  devenu,  il 
en  respondirent  tout  eusi  et  ou  parti  oà  il  les  avoteot  laisiiet  en 
Engleterre.  Et  qant  li  contes  de  Hainnau  entendi  ces  prenuères 
nouvelles,  si  ot  pluisseurs  dures  imaginations,  et  fii  en  grant  «mai 
de  son  irère  et  de  tonte  la  compagnie. 

Tant  ceminèrent  à  destre  et  à  senestre  la  roine  d'Engleterre  et 
ses  fils  et  messires  Jebans  de  Hainnau  et  toute  la  route  que  il 
trouvèrent  un  petit  bamelet,  où  U  n'avoit  que  sis  msissons.  Et  un 
petit  oultre,  il  veirent  na  hault  moustier,  dont  furent  il  tout  res- 
joi,  et  dissei^t  :  t  Nous  orons  et  auerons,  se  il  plaist  à  Dieu,  [»»- 
çainnement  bonnes  nouveUes.  >  Adonc  s'arestèrent  ils  tous  sus 
les  camps.  Et  envoia  li  cfmles  de  Qent,  un  varlet  à  cheval  au  vil- 
lage, pour  savoir  comment  li  moustiers,  que  il  veoient,  se  noa- 
.  moit.  Ji  variés  englois  cevauça  jusques  k  là,  et  raporta  as  si- 
gneurs  que  chils  hanls  moustiers  estolt  une  abbeie,  que  on  nomoe 
Saint  Ainmon,  et  [de]  noirs  monnes.  Adonc  se  départirent  euls 
de  là,  et  s'adrecbièrent  viers  l'abeie. 

Qant  il  furent  là  venu,  et  il  entrèrent  dedens  le  porte,  li  momie 
chantoient  vespres,  mais  il  orent  si  grant  paour  que  il  lassièreot 
tout  en  mi  plain,  et  s'en  alèreut  reponre,  dont  chà,  dont  là  ;  et 
proprement  li  abbes  s'ala  bouter  dedens  un  celier  et  là  enclor». 
Et  quidoient  bien  chil  monnc  que  ce  fuissent  Escoçois  ou  Danois, 
de  ces  gens  cftrmes,  qui  là  fuissent  venu  par  mer,  pour  eub 


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240  CHRONIQTJBS  DE  J.  PROISS,Ut.T.  [1326] 

rob«r.  Et  ne  sav<Ment  li  sîgaeur  à  qui  parler;  touteefois  tant 
alèrent  et  vinrent  que  il  trouvèrent  un  coavers,  qui  issoït  hors 
d'un  gardin  et  venoit  en  la  court.  Qant  U  vei  ces  gens  d'armes, 
il  s'en  volt  fuir,  mais  il  ne  pot.  Oq  le  prist,  mais  on  l'aseura  ;  et 
G  (h  demandé  où  l'abbé  et  li  moane  estoieot.  Il  respondî  que  il 
ne  savoit,  et  que  il  les  quidoit  ou  moustier.  D«Hit  li  fu  dit  que  ïl 
les  alast  querre  et  asegurer,  car  il  œ  lor  voloient  que  tout  bien. 

Li  convers,  suz  ceste  asegurance,  .£st  tant  que  il  trouva  les 
motines;  si  les  asegura  de  par  les  signeurs,  et  les  fist  venir  avant. 
Qant  il  lurent  venu,  li  signeur  parlèrent  doucement  à  culs.  Et  se 
nonmèrent  li  contes  de  Qent  et  messires  Rogiers  de  Mortemer,  et 
leur  dissent  :  s  Aies  querre  vostre  abbé,  et  li  dittes  que  il  ne  soit 
en  nulle  doubte,  et  que  k  roine  d'Engleterre  et  ses  fils  le  de- 
mandent. »  Sus  ces  paroles,  il  quissent  tant  l'abet  que  il  le  trou- 
vèrent; se  li  comptèrent  cez  paroles.  Qant  il  entendî  ce,  si  fti 
lous  resjcns;  et  se  traïst  tantos  avant,  et  s'en  vint  deviers  la  roiue 
et  son  fil.  Et  s'umelia  et  s'escusa  de  ce  que  ils  et  si  moone  es- 
loient  ensi  demuchié  et  repus,  car  il  quidlèrent  bien,  tel  fois  fu, 
à  estre  tout  pris  et  perdu  d'Escoçois  ou  de  Danois  ou  d'aultres 
robeours  qui  venissent  rober  l'abbeie.  On  les  tint  bien  pour  es- 
qusés  et  à  bonne  cause. 

AdoDC  fiirent  il  logiet  là  dedens,  selonch  l'ordenance  de  la  mai- 
so[n],  assez  aise.  Et  eurent  li  signeur  cambres,  et  trouvèrent 
grant  fuissoo  de  grains  et  de  fourages  pour  lors  chevaus,  qui 
leur  lîst  grant  bien.  Et  bien  en  avoient  li  cheval  mestier,  car  il 
avoient  esté  travillict  de  la  mer,  et  aussi  couchîet  trois  nuis  sus 
les  bruièrez  ;  si  prissent  en  grant  gré  cel  aise  et  che  repos.  Et 
aussi  fissent  la  roine  d'Engleterre  et  li  signeur  et  lors  gens,  et 
se  rafresqirent  dedens  l'abeie  de  Saiat  .Ainmon  de  tous  peins,  et 
î  forent  trois  jours.  Et  lor  amenistra  li  abbes  variés,  pour  aler 
là  où  il  les  envoiièrent.  Premièrement  il  segnefiièrent  lor  venue 
au  conte  Henri  de  I^ncastre  au  Tors  Col,  qui  frères  avoît  esté 
au  conte  Thomas  de  Lancastre,  qui  fii  decolés,  ensi  que  vous 
avés  o_v  ;  secondement,  au  maire  et  à  la  ville  de  Londres,  on 
C(Htte  de  Warvicb,  au  baron  de  Stanfort,  au  signeur  de  Briane, 
au  signeur  de  Manne,  au  signeur  de  Persi  el  à  tous  les  buons, 
sus  laquelle  seureté  il  estoient  venu  ea  Eugleterre.  F°'  7  v»  et  8. 

P.  Î6,  I.  29  :  davanUge.  —  IHs.  J  6  :  car  messire  Hues  le 
Des|)enùer,  qui  savoit  tout  le  couvin  et  le  conduite  de  la  damme, 
et  comment  à  ggns  d'armes  elle  volloit  venir  ou  pais,  avoit  piou- 


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[13S6]       TABIAMXS  DU  P&BUIER- LIVRE,  $  12.  241 

veu  sur  le  pasaige  plus  de  dix  mille  htHnmes,  qui  tous  estoienl 
aparliet  de  mettre  à  l'espée  le  royae  d'Eugleterre,  son  filz  et  tous 
les  autres,  sans  uulluy  prendre  à  merchy.  I*  12. 

§  12.  P.  27,  1.  29  :  premiers.  —  J^s.  de  Borne  :  Li  contes 
Henris  de  Lancastre  au  Tors  Col  fu  toua  li  premiers  qui  Tint  à 
gract  ftiisson  de  gens  d'armes  et  d'archiers.  Puis  vmrent  de 
Northombrdande  li  sires  de  Persi,  li  sires  de  Noefville,  li  sires 
de  Montbrai  et  li  sires  de  Lussi.  Puis  viut-li  sires  de  Stanfort; 
et  ensi  chevaliers  et  esquiers  et  arcliiers  venoient  de  tous  les. 
Sitos  que  les  nouvelles  furent  sceues  sus  le  pais  que  la  roine 
d'Eugleterre  et  ses  Sis  estaient  arivet  et  venu  à  belle  compagnie 
de  gens  d'armes,  li  Loudriien  furent  trop  grandement  resjoi  de 
ta  venue  de  la  roine,  et  ordonnèrent  tantos  à'  aler  à  l'encontre 
de  li.  Et  se  départirent  de  Londres  en  bon  arroi  deus  mille 
hommes  d'armes  et  quatre  mille  archierz,  et  li  maires  meismes 
en  fu  menères  et  conduisières.  Tout  ne  peur^t  pas  venir  à  l'a- 
beie  de  Saint  Ainmon,  avant  que  la  roine  s'en  departesist;  mais 
sitos  que  li  contes  Henris  de  Lancastre  fii  venus,  qui  grande- 
ment honnoora  messire  Jehan  de  Hainnau  et  les  Hanuuiers,  dou 
grant  et  biau  service  que  il  faisoient  à  la  roine  d'Eugleterre  et  à 
son  fil  et  au  pais,  il  eurent  avis  et  consel  que  11  s'en  iroient  tout 
droit  vieri  Brîsto,  là  où  li  rois  d'Engle terre,  et  chils  Hues  li  Es- 
pensiers  et  ses  pères  et  li  contes  d'Ârondiel  se  tenoient.  Si  se 
missent  au  cemin,  et  tous  les  jours  venoient  gens  de  tous  costës 
eus  ou  service  de  la  rdne,  et  tant  que  il  se  trouvèrent  bien, 
qant  li  Londriien  lurent  venu,  quatre  mille  hommes  d'armes  et 
vint  mille  archier& 

Cez  nouvelles  furent  sceues  à  Bnsto,  qui  est  une  bonne  ville 
et  forte,  et  bon  poit  de  mer.  Et  là  se  rentre  la  rivière  de  la  Sa- 
veme,  qin  départ  la  rq^ulme  de  GuUea  et  Engleterre,  en  la  mer. 
Et  est  la  ville  de  Bristo  forte  et  bien  fremée.  Et  encores  est  U 
chastiaus  plus  fors,  mû  sciet  sus  la  mer,  car  il  est  environnés 
de  la  Saverue  et  de'^a  mer.  Qant  li  rois  et  U  sires  Espensiers 
entendirent  que  la  roine  et  ses  fils  venoient  là  à  poissauce  dt 
gens  d'armes,  et  estoit  li  contes  Henris  de  Lancastre  en  la  com- 
pagnie, et  li  maires  de  Londres  et  li  Londriien  en  lor  compa- 
gnie, si  furent  tout  csbahi  et  trop  esmervilliet  par  où  il  estoient 
entré  ne  arivé  en  Engleterre,  qant  les  pors  et  les  bavenes  es- 
~  toient  partout  si  bien  gardé.  Il  lor  fu  dit  et  compté  tonte  la  ma- 
1—16 


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m  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1326] 

nière,  ens!  que  il  lor  en  estult  avenu.  Adouc  demanda  li  rois 
conset  au  comte  d'Arondiel,  liquels  avoit  la  fille  au  ùgneur  Es- 
pensier,  et  au  signeur  Esfensier  le  père  et  le  fil,  commeot  il 
se  poroit  tenir  de  ceste  avenue  et  résister  à  l' encontre  de  euls, 
car  fuirs  ne  eslongiers,  ne  lor  estoît  pourfitable,  ne  honnourable. 
On  li  dist  :  «  Sire,  envoiids  messages  à  tous  lés  et  faîtes  un  com- 
mandement que  toutes  gens  viennent  et  sans  délai,  et  sus  la 
painne  que  de  perdre  corps  et  avoir,  et  e^ieciaunient  mandés 
en  Galles  :  1)  Galois  ne  vous  faudront  point.  Nous  nos  tenrons 
bien  en  ceste  ville,  car  elle  est  forte  assés,  tant  que  seqours 
vous  sera  venus  de  tous  cost^s.  Et  les  gens  d'armes  et  les  ar- 
chiers  que  vous  avés  estabUs  sus  les  pors  et  sus  les  havenes ,  il 
ne  puet  estre  que  il  ne  soient  ores  enfourm^  de  ces  nouvelles  ; 
et  créons  bien  c^e  il  viennent  efforciemment  et  que  proçainne- 
ment  il  seront  chi ,  ou  il  combateront  la  roioe  et  ses  gens  sus 
son  cemin.  »  Li  rois  tint  ce  conset ,  autre  ne  pooît  avoir,  et 
cnvoiia  ses  messages  et  ses  variés  partout  li  où  il  p^isoit  à  avoir 
gens  et  par  especial  en  Galles ,  car  ce  li  estoit  la  terre  la  plus 
proçainne. 

Vous  devés  sçavoîr  que  diil  qui  furent  escript  et  mande  dou 
roi ,  qant  il  entendirent  que  la  roine  venoit  à  poissance  de  gens 
d'armes  et  d'archiers,  et  estoient  li  Londriîen  en  sa  compagnie, 
ne  se  hastoient  point  de  venir,  mais  se  dissimuloient,  car  il 
veoieqt  bien  que  les  bcsoqgnea  se  porteroient  mal  pour  le  roi  et 
ses  complisses.  Messires  Uenris  de  Biaumnnt ,  un  grant  baron 
d'Ëngleterre,  et  messires  41iCHuaB  Wage,  son  oncle,  qui  venoieut 
servir  la  roine  d'Ëngleterre,  trouvèrent  d'aventure  sus  les  camps 
des  varies  dou  roi ,  liquel  estoient  parti  de  Bristo  et  aloient  au 
commandement  dou  roi  semondre  chevaliers  et  esquiers  et  euls 
dire  que  tantos  et  sans  délai  il'  venissent  S  Bristo  deviers  le  roi, 
et  commandoit  que  à  ce  besoing  nuls  ne  le  fausist,  sus  la  painne 
de  estre  pugnis  de  corps  et  d'avoir.  Furent  requis  que  il  alais- 
sent  celle  part,  il  respondirent  et  demandèrent  :  «  Et  de  qui  se 
doubte  li  rois?  d  et  ignorèrent  que  il  n'en  savaient  riens.  Chil 
varlet  et  messagier  dou  roi  leur  dissent  que  nouvelles  estoient 
venues  au  roi  et  à  messire  Hue  l'Espensier  et  au  conte  d'A- 
rondiel, que  la  roine,  ses  fils  et  li  contes  de  Qent  avoit  pris 
terre  en  Engleterre;  et  estoient  en  sa  compagnie  grant  fuisson 
de  gens  d'armes  que  li  contes  de  Hainnau  lor  avoit  délivrés. 
Chil  doi  chevalier  lissent  l'esmervIUiet  et  dissent  :  «  Aies,  aies. 


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[1326]  VARUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  13,  ik.     243 

nous  (dons  celle  part.  >  Il  disoîent  venté,  mais  c'estoit  en  am- 
fortant  la  roine.  En  ce  meisme  jour,  il  trouvèrent  la  roine  et  toute 
sa  route.  Si  recordèrent  ces  nouvelles;  on  n'«n  Est  nul  compte, 
car  li  seigneur  savoient  bien  que  il  ne  seroient  grevé  ^fi  ren- 
contré de  nului.  Et  sitos  que  cbîl  doi  chevalier  furent  venu,  mes- 
ures ThcHnas  Waj;e  fu  ordonnes  à  estre  marescaus  de  toute  l'oost  ; 
et  chevaucièrent  tant,  en  traversant  le  pais,  que  il.aprocièr«it 
Bristo.  Et  par  toutes  les  villes  là  oii  il  venoient  et  entroient,  on 
lor  faisoit  feste  et  honneur  ;  et  tout  dis  leur  venoient  gen;,  k  destre 
et  àsenestre,  de  tous  cost^.  Et  tant  fissent  par  lors  joum^s  que 
il  vinrent  devant  la  ville  de  Bristo ,  qiû  est  forte  ass^  ;  si  le  as- 
segièrent  à  droit  siège  fait.  F"  8  v°  et  9. 

P.  28,  1.  3  :  au  duch.  —  Ms.  et  Amiens  et  nui.  A  :  Henri. 
F"4  ï*. 

P.  28,  I.  22  :  quatre  vins  et  dis.  —  Mt.  de  Falencieiwes  : 
quatre  vingt  et  douze.  F°  10  v*. 

5  13.  P.  29 ,  1.  7  :  tenoient.  —  Ms.  if  Amiens  et  mss.  A  : 
Tolentiers.  F°  4  v*.  —  JUs.  de  Falegçieanes  :  Quant  le  roy  et 
messire  Hue  le  fil  virent  leur  ville  ainsi  assise ,  si  se  mirent  ou 
chastel.  F"  10  v«. 

P.  29,  I.  12  :  acord.  —  Ms.  de  Rome  :  car  là  où  li  Lnndriien 
s'accordent  et  aloient,  nuls  n'ose  résister..  Il  pueent  plus  que  tous 
li  demorans  d'Engleterre  ;  ne  nub  ne  les  ose  an  fort  coure- 
chier,  car  il  sont  trqi  poissant  de  mise  et  de  gens.  F"  9. 

P.  29,  1.  16  :  royne.  —  Mt.  de  Home  :  et  mesure  Jehan  de 
Hainnau,  car  riens  ne  se  faisoit  ne  passoit,  fors  par  le  dit  signeur 
de  Btaumont.  On  ne  votoit  prant  ceuls  de  Bristo  prendre  à  nulle 
merchi ,  mais  leur  [irounietoit  on  que  seroient  tout  mort ,  se  on 
ne  lor  rendoit  le  conte  ^'Arondiel  et  messire  Bue  l'Espensier  le 
père.  F»  9. 

P.  29,  1.  18  :  d'Arondiel.  —  Ms.  d Amiens  :  lesquels  elle 
hayoit  souverainement*.  F"  4  v«, 

P.  30  ,  i.  1  :  Jehans.  —  Mss.  d Amiens  et  de  FaUneiennes  : 
Jehans  de  Ëltem.  F°  4  v*'. 

S  14.  P.  30,  I.  24  et  Î5  :  l'autre.  —  Ms.  da  Borne  :  Il  furent 
tout  doi  mis  en  la  garde  de  messire  Thomas  Wage  qui  bien  en- 

1.  JW>,  dt  falencicnnei.:  ameremeDI.  F'  10  t*. 


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244  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1396] 

songna  dou  garder,  puisque  recomnandë  ft  li  estoient,  tant  que 
la  reine  aueroit  consel  quel  cause  en  seroît  bonne  à  faire.  Et 
rtgardèrent  là  li  dgneur  ensamble  que  on  renvoieroit  lez  LoD- 
driiens;  et  que  il  estaient  au  desus  de  lors  besongnes,  car  otre- 
tant  bien  aueroit  on  lé  roi  et  messtre  Hue  le  Espensier  le  jone 
que  on  avoit  en  les  aultres.  Si  fu  appeliez  li  maires  de  Londres 
et  remerciiés  de  la  roiae  et  de  son  ti],  de  ce  que  fait  avoit,  et 
que  bien  s'en  pooient  partir,  qant  il  voloiei^l ,  el  Rtraire  vîers 
Londres.  ,A  tout  ce  s'accordèrent  li  Loodriien,  et  se  ordonnèrent 
de  départir  et  de  retourner  en  lor  lieu.  Le  secont  jour,  apriès  ce 
ce  que  il  se  furent  départi,  on  ot  consel  eu  l'oostde  ta  roine  que 
on  delivsroit  par  jugement  le  conte  d'Arondiel  et  messire  Hue  le 
Sspensier  le  viel.  Si  lurent  amené  en  place  devant  les  barons 
d'Engleterre,  liquel  furent  ordonna  pour  euls  juger,  F'  9  *'. 

P.  31  ,  1.  1  :  ùeute.  —  Ms.  de  FaUncienna  :  par  acort  de 
tous  et  par  jugement.  F*  11. 

P.  31,  1.  4  :  clers.  —  Ms.  Ât:  hérites.  F"  9. 

P.  31,  1.  13  :  et  sis.  —  Ms.  de  Borne  ;  un  vendredi.  F«9  v*. 

P.  31,  1.  14  :  en  octembre.  — Ms.  d Amiens  {\a  onzième  jour 
de  octembre.  F*  5.  —  Ms.  de  Faieneiciimes  :  le  neuvième  jour  de 
novembre.  F*  U. 

§  iS.  P.  31 ,  I.  20  :  yans  deus.  —  Ms,  iAmiaa  :  et  yaux 
dixime  seullement.  F*  H.  —  Ms.  de  Rame  :  et  n'estoient  que 
culs  sept  dedeus  celle  barge.  F*  9  v°. 

P.  31 ,  1.  21  :  aler.  —  Ms.  de  Rame  :  à  l'aventure ,  U  où  la 
marée  et  li  vens  tes  menroient,  fust  en  Galles  ou  eu  Irlande. 
F"fl  v». 

P.  31 ,  1.  23  :  sauvé.  —  Ms.  de  Borne  .'  sans  che  que  cil  de 
l'oost  en  seuissent  riens.  Et  tout  che  il  pooient  bien  faire,  car 
au  derrière  dou  chastiel  la  mer  bat  assés  priés  ;  et  là  a  un  cou- 
rant qui  entre  dedens  le  chastiel,  et  de  ce  courant  [on  va]  en  U 
mer.  F"  9  V. 

P.  31 ,  1.  3S  :  onze.  —  Ms.  de  KaUncieanes  :  neuf.  F>  il  v<. 
—  Ms.  B  ^  :  quatre.  F»  18. 

P.  31 ,  I.  27  :  si  lonch.  —  Ms.  de  Borne  :  plus  hault  de  deus 
lieues  en  mer.  F°  9  v*. 

P.  32,  1.  2  :  royne.  —  Ms.  d'Amieas  :  De  premiers  il  cui- 
doient  que  ce  fuissent  pescheur,  maïs  quant  il  lez  virent  tant  va- 
nter sur  mer  et  qui  bien  ewissent  pris  terre  ou  havene  de  Bristo 


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tl326]       VABIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  13.  2JS 

s'il  volstsseat,  mais  il  mettoient  painne  à  yaux  de  fuir  et  «sIod- 
gier  et  ù  ne  pooient,  ù  souppechonnèrent  lî  pluiseur  que  ce 
estoit  li  roys  ou  messtres  Hues  li  Espeussiers.  Adonc,  par  le 
coDSseil  de  monseigneur  Jehan  de  Haynnau,  aucun  maronnier  et 
compaignon  de  Hollandes  se  misent  en  bafiaux  et  en  bargcttev 
qu'il  trouvèrent  là,  et  nagièrent  apriès  yaux  tant  qu'il  peurent. 
F"  5. 

Ml.  de  Roma  :  ...  Et  s'en  conmenchièrent  à  esmervillier  et  à 
parler  l'on  à  l'autre,  et  à  dire  ti  auqun  par  imagination  :  e  Nouz 
*eons  mervelles;  nous  avons  veu  celle  barge,  passet  a  sept  jours, 
estriver  contre  le  vent,  et  se  voelt  bouter  en  la  mer  et  se  ne 
puet.  11  fault  que  ce  soit  cose  à  soupeçon,  car  chil  qui  sont 
dedens,  ne  voellent  point  venir  à  Bristo,  mais  l'esqievent  et 
fiiient  ce  que  il  pueent.  s  Messîres  Henns  de  Biaumont,  qui 
estoit  uns  jones  chevaliers  et  de  grant  volente,  s'asaia  et  dist 
que  il  iroit  veoir  que  c'estoit.  Et  entra  dedens  une  barge  grosse 
asse's,  et  environ  trente  archiers  en  sa  compagnie  ;  et  se  fist  à 
force  de  rimes  mener  jusques  à  la  barge  dou  roi.  Qant  il  ^rent 
là  venu,  il  l'arçstèrent  et  veirent  que  li  rois  esfoit  dedens,  et  son 
consillier  messires  Hues  li  Espensîers.  En  euts,  ne  en  lors  gens 
n'i  ot  point  de  deffense  :  la  barge,  par  ceuls  meismes  qui  le 
mflooient  et  par  auquns  des  hommes, à  messire  Henri,  fu  ramenée 
ou  havene  de  Bristo. 

Toutes  joies  i  fiirent  de  toutes  gens  qui  là  vinrent  au  devant, 
qant  il  sceurent  que  ce  estoit  li  rois  et  messires  Hues  li  Espen- 
siers,  et  dissent  :  a  Considères  comment  Dieus  est  pour  madame 
la  roine  et  son  fil,  qant  il  ne  voelt  point,  ne  n'a  volu  ne  con- 
senti que  il  soient  eslongiet ,  ne  escapet.  Il  appert  que  il  sont 
mauvùs,  et  que  il  est  temps  que  il  soient  pugni  et  corrigiet  de 
lors  mesfais  les  quels  ils  ont  fais,  et  fait  morir  et  decoler  en  ce 
pab  chi  maint  vaillant  homme ,  sans  cause  et  sans  raison.  »  Ces 
nouvelles  vinrent  à  la  roine  et  à  messire  Jehan  de  Hainnau  que 
li  tois  et  li  Espensiers  estoient  pris,  et  que  ce  estoient  chil  qui 
waucroient  par  mer  en  la  barge.  De  ces  nouvelles  fut  la  roine 
grandement  .resjoie,  et  en  loa  Dieu,  à  jointes  mains,  de  che 
que  ses  besongues  venoient  à  si  bon  chief;  et  se  la  roine  fu  res- 
jbie,  aussi  fattnX  tout  U  aultre,  tant  Englois  comme  Hainnuters. 
F»  10. 

P.  32,  I.  S  et  6  :  compagnons.  —  Ms.  fi  6  :  luy  donzième 
d'archiers.  F"  17. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


246  CHRONIQUES  DE  J.  FR0I5SART.  [1326] 

S  t7.  P.  33,  I.  13  :  Berder. — Ms.  tfJmien*  :  très  fort,  très 
bel  et  très  poissaDt ,  séant  sus  la  belle  rivière  de  Saverne ,  ou 
asséi  pries  que  je  n'en  mente.  F*  &. 

P.  33,  1.  14  :  recommendés.  —  Mrs.  J  IS  /(  19  :  et  baillié 
i  garder  à  nKmseigneur  Henrj  de  Beaumont,  et  enjoint  qu'il  en 
feist  bonne  garde.  F°  10. 

P.  33,  .  IS  :  garde.  Ms.  £  H  :  et  le  tenist  tout  ayse  de  boire 
et  de  mengier  tant  qu'il  riveroît,  car'bien  savoient  ly  barons  du 
pays  que  tout  che  que  il  avoit  fait,  c'estoit  par  l'eonort  et  consail 
de  messire  Hue  le  Despensier.  Le  ùre  de  Bercter,  à  tout  grant 
armée,  en  mena  le  roy  d'Engleterre  avoecq  lui  ea  son  <Jia9tiel  de 
'Bêrcler.  F*  17. 

•P.  33,  1.  18  :  faire.  —  Ms.  ^Amiens  :  jusquez  à  tant  que  li 
communs  pays  arment  aviset  comment  on  s'en  maintenroil.  F*  S. 
—  Ms.  de  Some  :  Et  se  missent  li  signeur  ensamble  à  savoir  quel 
cose  on  en  feroit.  Et  à  ce  consel  fu  tous  premiers  appelés  messires 
Jehans  de  Hainuau.  Et  li  fu  demandé  quel  cose  il  consilloit  à  faire 
dou  roi,  fust  de  mort  ou  de  prison.  Il  respoudi  et  dist  :  «  Puisque 
vous  tournés  ceste'  demande  sur  moi,  je  vous  en  responderai.  Li 
rois  a  esté  rois  d'Engleterre;  et  quoi  que  il  se  soit  mesfais,  ensi 
comme  il  est  apparans,  par  ses  oeuvres,  il  a  tout  ce  fait  par  mau- 
vais enort  et  consel;  il  n'est  nuls,  ne  moi,  neaultres,  qui  le 
doient  jugier  à  mort.  Mais  avissés  une  place  et  un  chastiel  et 
un  chevalier,  et  le  recargiés  à  celi;  et  li  faites  avoir  son  eMat 
et  vivre  ralsomiablement  toute  sa  vie.  Encores  se  pora  il  amen- 
der en  consience,  de  qoi,  tant  c'a  Dieu,  il  en  vaudra  grandement 
mieuls  :  c'est  le  jugement  que  je  li  ordonne.  »  Tout  respondi- 
rent  li  baron,  et  de  une  sieute,  qui  là  estoient  :  c  Vous  avës  bien 
'  et  loiaument  parlé,  et  il  sera  fait  cnsi.  n  Adonc  fu  appelles  li 
sires  de  Bercler,  un  grant  baron  en  Engleterre,  et  de  la  marce 
de  Bristo;  et  a  un  chastiel  biel  et  bon  et  fort,  séant  sus  la  rivière 
de  Saverne.  Et  li  fu  dit  et  commandé ,  de  par  la  roine  et  son  fil , 
que  il  presist  en  garde  le  roi  d'Engleterre ,  et  l'euist  tel  et  «ez 
gens  que  il  en  seuist  à  rendre  compte,  quant  il  en  seroit  de- 
mandés, et  que  de  son  estât  on  ordonneroit.  Li  sires  de  Bercler, 
qui  s'aj^lloit  Thomas,  respondi  et  dist  que  il  en  ferOit  bien  son 
acqml  et  tout  che  que  madame  la  roine  et  ses  consauls  avoient 
ordonné.  Si  se  départi  tantos  et  sans  délai  de  Bristo  et  en  mena 
le  roi,  bien  acompagniés  de  gens  d'armes  et  d'archiers;  et  vînt 
chiés  soi  ens  ou  chastiel  de  Bercler,  et  mist  le  roi  en  bonne  garde. 


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[13Î6]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  18.  247 

Et  en  fil  tous  joivs  si  au  desus  que ,  se  on  li  euist  demandé,  il 
t'euist  rendu,  mais  on  le  mist  en  oubli.  Gt  ne  vesqpi  pais  U  rois  , 
que  il  fu  veitus  à  Bercler,  trop  longcment.  Et  comment  euîst  il 
vesqu,  par  la  manière  que  je  vous  dira!?  car  je  Jehans  Froissars, 
actères  de  ceste  histore,  fui  ens  ou  chastid  de  Bercler,  l'an  de 
grasce  Nostre  Signeur  mille  trois  cens  soixante'  six,  ou  mois  de 
septembre,  en  la  compagnie  de  messire  Ëdouwart  le  Espensier, 
liqnels  fii  fiU  dou  fil  de  ce  mesire  Hue  le  Espensier,  dont  je  par- 
lerai asses  tos;  et  fumes,  dedens  te  chastiel  que  ens  es  esbate- 
mens  là  enviroD,  trob  jours.  Si  demandai  de  che  roi ,  pour  jus- 
tiliier  men  histore,  que  il  estoit  devraus.  Uns  anciiens  esquiers 
me  dist  que  dedens  le  propre  ande  que  il  fu  là  amenés,  il  fu 
mors,  car  on  U  acourça  sa  vie.  EnA  fina  chils  rois  d'Engleterre, 
et  ne  parlerons  plus  de  li,  mais  de  la  rotae  et  son  fil.  F°  10. 

P.  33,  I.  23  :  Âpriès  çou.  —  IHi.  de  Rame  :  Qant  la  roine 
d'Engleterre  fu  au  desus  de  ses  besongnes,  elle  donna  une  grant 
partie  de  ses  gens  d'armes  oongiet,  et  en  retint  auquns;  et  totis 
jours  eatoient  li  Hainnuier  logiet  au  plus  priés  de  li,  et  li  plus 
espedal  de  sa  court  et  le  mieuls  delivrel.  Or  fu  avisé  et  ordonne 
que  la  roine  se  departiroit  de  là,  et  se  retroiroit  viers  Londres. 
Messires  Thomas  Wage,  au  département  de  la  roine,  avoit  or- 
donné on  tabar  armoiiet  des  armes  le  signeur  Espensier,  et  ce 
tabar  s«net  de  ctoquètes,  on  le  vesti  et  afubla  le  dit  mesàre  Hue; 
et  fu  montés  sus  un  magre  cheval,  et  chevauça  en  ta  compagnie 
et  en  sievant  la  roine  ensi.  Et  par  toutes  les  villes  où  il  passoient, 
par  devant  te  dit  messire  Hue,  on  sonnoit  grant  fuisson  de  trou- 
pes et  de  tronpètes  et  de  taburs,  et  tout  par  manière  et  orde- 
nance  de  deri»on.  Avoecqties  tout  ce,  en  toutes  les  villes  où  U 
venoîent,  on  lissoit  publiquement  par  an  rolet  les  fais  dou  dît 
messve  Hue  en  la  presense  de  li.  P  10  v*. 

P.  33,  1.  ik  :  Londres.  —  Ms.  £6  :  car  les  bonnes  gens  de 
la  cité  le  volloient  veoir;  sy  s'en  allèrent  celle  part  à  graot  pooir 
et  à  grant  arroy.  F"  17. 

S  18.  P.  34,  I.  10  :  royne.  —  Afr.  de  Rome  :  et  son  fils  et 
nessires  Jehans  de  Hainnau.  F"  10  v". 

P.  34,  I.  11  ;  assamblet.  —  Ms.  S  6  :  tant  pour  veoir  mon- 
signeur  Jehan  de  Haynaut ,  qui  estoit  chief  et  avoit  esté  de  ceste 
emprise,  que  pour  estre  à  le  justice ^de  messire  Hues  le  Despen- 
sier.  F=  18. 


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Î48  CHROTIIQUES  DE  J.  FROISSAUT.  [iSte] 

P.  34,  1.  12  :  escript.  —  3fs,  de  Rome  :  lÀ  furent  recordé  et 
leu  au  lonch  et  tout  hanlt.  F>  10  t°. 

P.  38,  1.  10  :  Londres.  —  JKi.  de  Falenciennes  :  pour  moDs- 
trer  an  peuple.  F*  12  v*  —  Mî.  B  G  :  en  ung  cercle,  au  debout 
d'une  laoche.  F"  20.  —  JH>.  de  Home  :  et  mise  sus  une  glave 
au  pont  de  Londres  ;  et  les  quartiers,  li  uns  en  demora  à 
Harfort,  li  aultres  fu  envoiiés  à  lorch,  li  tiers  à  Cuitorbie  et 
li  cpiars  à  Sasleberi.  Ensi  furent  il  espars  ans  es  <{uatre  parties 
d'Engleterre.  F*  10  v". 

§  10.  P.  3S,  I.  13  :  Aprièa.  —  Mt.  de  Borne  :  Apriès  ceste 
justice  faite,  la  roine  et  tout  li  signeur  et  grant  fuisson  dou  com- 
mun dou  pais,  se  missent  au  cemin  pour  venir  à  Londres,  et 
fissent  tant  par  tors  journées  que  il  i  parvinrent  à  grant  compa- 
gnie. Qant  la  roine  et  si  enfant  et  li  sig:neur  deurent  entrer  de- 
deas  Londres,  toutes  ordenances  de  gens  îssirent  hors  à  t'en- 
Gontre,  casquns  pares  et  vestis  si  trez  ricement  comme  on  pooh 
estre,  et  tous  montes  k  chevaus.  Et  estoient  les  rues  parées  et 
couvertes  de  draps  et  de  jeuiauls  moult  estofeement.  Et  s'esfor- 
^ient  toutes  gens  de  honnourer  tor  dame  la  roine,  ce  que  il 
pooîent,  et  messire  Jehan  de  Hainnau  et  tous  les  chevaliers  de 
sa  route;  et  fu,  en  ce  jour,  moult  regardés  de  toutes  gens,  et 
seoit  sus  un  noir  haolt  palefroi  moult  bien  âonmé,  qoe  ta  chité 
de  Londres  li  avoit  donné;  et  fu  moult  prissiez  en  arroi,  en  per- 
sone  et  en  contenance.  Et  disoient  toutes  gens  que  il  avoit  bien 
fourme  et  regard  de  vaillant  homme;  et  portoit  sus  son  chief 
tout  nn  un  capelet  de  pières  pr^Bieuses  moult  rices,  qui  trop 
bien  li  estoit  seans.  Et  par  especial  la  grant  rue  de  Cep  estoit 
parée  et  aoumée  oultre  mesure.  Et  donna  ce  jour  la  fontainne, 
tout  au  loue  dou  jour,  par  les  brocerons,  vinfi  blanc  et  verntel  à  , 
tous  ceuls  qui  en  peurent  ou  vorrent  avoir. 

Et  fu  ensi  la  roine  aconvoue  jusques  au  chastîel,  et  là  descendi 
et  si  enfant  Edouwars  et  Jehans  de  Eltëm,  et  sez  deus  filles,  Isa- 
biel  et  Kateline.  Et  messires  Jehans  de  Hainnau  estoit  et  fu  tout 
dis  dalés  la  roine,  et  ses  corps  logîés  ens  ou  chastiel,  et  toutes 
ses  gens  au  plus  priés  de  li  que  on  pooit.  Et  estoient  toutes  coses 
ouvertes  et  appariUies  à  lor  commandement.  Toutes  gens  les  hon- 
nonroient  et  conjoissoient.  Il  estoit  ensi  ordonné  et  commandé  de 
par  les  officiiers  la  roine  et  le  maire  de  Londres.  Et  n'estoient  que 
festes,  solas  et  esbatemeos  aval  Londres,  et  ne  furent  un  grant 


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[1326]       VABIASTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  19.  249 

temps,  et  parellement  parmi  tout  le  roiaulme  d'Engleterre.  Et 
estoit  avis  au  peuple  que  il  estoieut  quite  d'nn  grant  encombrier 
et  deËvré  d'un  pesant  faix,  qant  ii  se  veoient  délivré  dou  roi 
et  de  scoi  consel.  Et  disoieot  k  Londres  et  parmi  Engleterre  : 
«  n  nous  fault  refourmer  et  prendre  une  nouvelle  ordenance, 
car  celle  que  nous  avons  eu,  nous  a  trop  hod^  et  traviUiet  ;  ne 
chils  roiadmes  chî  ne  vault  riens  sans  un  bon  chief,  et  nous 
l'avis  eu  si  mauvais  que  nous  le  po»Ds  avoir.  Il  nous  fault 
le  joue  Edouwait  couronner  et  faire'  roi,  et  mettre  dalés  11  hom- 
mes Tie  sens  et  de  vaillance,  par  quoi  il  soit  espers  et  resvilGés, 
car  nous  a' avens  que  faire  d'an  roi  endormit  ne  pesant,  qui 
trop  demande  ses  aises  et  sez  déduis.  Nous  en  ocirions  avant 
un  demi  cent,  tout  l'un  apriès  l'autre,  que  nous  n'euïssions  un 
roi  à  nostre  séance  et  vtdenté.  »  Ensî  disoient  11  generaument 
en  Londres,  et  parmi  toute  Engleterre. 

Qant  chil  chevalier  et  esquter  de  Hainnau,  qui  en  la  compa- 
gnie de  la  roine  d'Engleterre  estoient  venu,  veirent  que  lor  em- 
prise estoit  achievee  et  que  il  ne  faisoieot  là  que  boire  et  men- 
gier,  dormir  et  reposer,  danser  et  caroler,  quoi  que  on  les  veist 
très,  volentiers,  et  que  tout  estoit  paiiet  qanque  il  prendoient.  si 
se  conmenchièrent  il  k  hoder  et  à  taner  et  à  dire  l'un  à  l'autre  : 
«  Nous  en  volons  retourner  en  Hainnau.  Nous  ne  faisons  riens 
chi;  nous  cargons  trop  madame  la  roine  et  le  pais.  Il  est  heure 
dou  départir,  car  totites  nostres  emprisses  sont  achievées.  «  Il 
s'en  vinrent  generaument  à  messire  Jehan  de  Hainnau,  lor  chief, 
et  Ii  reraoustrèrent  lor  pourpos  sus  la  fourme  que  ja  vous  di. 
-Qant  roessires  Jehans  de  Hainnau  les  vei  en  celle  volenté,  et 
senti  que  il  remoustroient  raison,  si  leur  dist  :  a  Biau  signeur, 
je  parlerai  à  madame  la  roine,  et  prenderai  congiet,  et  me 
.  départirai  avoecques  vous.  Attendes  encores  un  petit.  »  Li  dis 
messires  Jehans,  qant  il  vei  que  heiu'e  fu,  parla  à  la  roine  et  )u 
conte  de  Qent,  et  lor  remoustra  que  ses  gens  se  voloient  dépar- 
tir et  retourner  en  Jlainnau. 

Ces  paroles  vinrent inoult  au  contraire  à  la  roine,  et  fist  appeller 
les  chevaliers  d»  Hainnau  devant  h;  et  qant  il  furent  veiffl,  elle 
loi-  demanda  :  >  Biau  signeur,  pourquoi  vous  anoie  il  en  ce  pais? 
On  vous  i  voit  volebtiers.  Demores  dalés  nous,  tant  que  li  iviers 
soit  passés,  n  Li  chevalier  de  Hainnau,  à  la  parole  de  la  roine 
respondirent  couitoisement  et  dissent  :  t  Madame,  nous  veons 
et  savons  bien  que  nlt>uh  volentiers  vous  et  li  vostre  nous  voient 


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KO  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1326] 

en  ce  pais.  Hais,  madame,  noos  regardons  et  considérons  que  ce 
pour  quoi  noos  partesimes  de  Bainnau  avoecques  vous,  est  tout 
achievë.  Car  se  nous  sentions  que  tous,  ne  li  vostre,  euissiés  nuls 
besoings  de  nostres  serrisces,  li  departemens  ne  nous  touche  pas 
de  si  pries  ne  tant,  que  nous  ne  dmiorisions  tant  que  tout  se- 
roit  acompli.  Mais  nons  cargous  vostre  bostel  et  le  pais  de  immis 
et  à  riens  faire,  et  nous  avons  bien  ailleurs  mestier;  et  si  verioDS 
volentiers  nostres  fenmes  et  nostres  enfans,  et  savons  bieD  que 
i)  nous  désirent  à  Teoir.  Si  vons  prions  que  tous  nous  doQiié[g] 
congiet,  et  nous  nos  offrons  i  vous  et  disons  de  bonne  volenté 
que,  se  besoings  vous  croîst  ne  touce,  et  nous  en  soiona  segne- 
fiiel,  nous  venrons  tantos  et  sans  délai  en  vostre  service.  >  La 
roine  respondi  :  «  Grant  merchis  t  *  et  puis  se  retourna  deviers 
messire  Jehan  de  Hainnan  et  li  dist  :  s  Biaus  cousins,  vous  us 
vos  poés  partir  encores  de  moi  jusquez  ^riès  Noël,  car  contre 
les  festes  dou  Noël,  tous  li  coosaols  d'Bugleterre,  prelas,  barons, 
chevaliers  et  bonnes  viUes  doîent  estre  à  Wesmoustier,  et  là  aue- 
roni  il  avis  et  consel  qud  cose  on  fera  dou  rw,  qui  est  à  Ber- 
cler,  en^  que  vous  sav^s.  Si  retenës  auqnns  de  vostres  chevaliers 
dalÀ  vous  pour  vostre  estât,  car  je  vod  que  vous  soiîés  à  ce 
parlement,  et  que  chil  qui  point  ne  vous  ont  encores  ven,  vous 
voient;  ot  li  demorans  de  vostres  gens  se  départiront  dedens 
quabv  jours,  puis  que  partir  voellent.  ■  Li  gentis  chevaliers  res- 
p4Xidi  et  dist  :  «  Madame,  volentiers.  i  Depuis  ceste  parole,  parla 
messires  Jehant  de  Hainnau  à  ses  gens  et  ordonna  ceuls  que  il 
voloit  que  il  demorassent  avoecques  lui,  et  as  aultres  dîst  : 
«  Vons  vos  partiras  dedens  tel  jour.  Madame  le  m'a  dit;  mais, 
au  départir,  elle  voelt  parler  à.  vous  et  paiier  vostre  bien 
alée.  > 

La  roine  d'Engleterre,  qui  se  sentoit  tenue  enviers  ces  cheva- 
liers et  esquiers  de  Hainnau  pour  le  biel  et  grant  servisce  que 
fait  li  avoient,  qant  elle  vei  que  plus  demorer  il  ne  voloient,  elle 
s'en  vint  à  Eltem  à  sept  milles  de  Londres  et  sus  le  cemin  de  la 
mer  et  de  lor  retour  ;  et  amena  là  ses  enfAis  et  le  conte  de  Qent 
et  sofl  estât  un  petit  plus  esforchiet  que  une  ^ultre  fois.  Et  là 
furent  segnefiiet  tout  li  chevalier  et  esquîer  de  Hainnau  à  esm, 
qui  partir  voloient,  et  i  furent,  et  "messire s«Jehan$  de  fiaînnau 
aussi.  Qaot  il  fiu'ent  tout  venu,  la  roine  tint  son  estât  et  sist  à 
taUe  solempneinent  en  la  sale.  Là  furent  assis  à  taUe  tous  che- 
valiers et  esquiers  de  Hainnau  qui  partir  votoient,   et  servi  de 


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[1326]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  19.  231 

tous  mes  grandement  et  largement,  selonch  l'usage  d'Engleterre. 
Et  sus  la  fin  dou  disner,  entrues  qne  on  entendoit  à  regarder  la 
roue,  entrèrent  dedens  la  sale  tronpes  et  ménestrels  qui  faisoient 
lor  mestier,  et  tantos  apriès  eula,  douse  chevaliers  parés  et  ves- 
lis  tou£,parellemeut  et  d'une  livrée  très  rice.  Et  les  sievoieot 
douse  esquiers  parés  et  vestis  aussi  de  une  livrée;  et  portaient 
chil  esqnier,  deus  et  deus,  casquns,  une  grande  corbille  à  deus 
aniaus,  toutes  plaînnes  de  vaselle  d'argent,  de  pos,  de  plas,  de 
dragioîrs,  de  coupes,  de  hanas,  d'esquelles,  de  temproirs  et  de 
toute  vasselle.  Et  alèrent  li  ménestrel  et  li  chevalier  et  li  esquier 
qui  ces  corbilles  portoient,  au  tour  des  tables  ;  et  qant  il  orent 
fait  lof  tour,  il  s'arestèrent  devant  là  table  des  plus  grans  »- 
gnenrs.  Et  ne  seoit  mils  à  table  fors  chil  qui  partir  se  dévoient, 
reservd  mesures  Jehans  de  Hainnau.  Chils  seoit  à  la  table  de  la 
roine.  Là  furent  misses  ces  corbilles  jus.  Et  sus  casqune  vinrent 
doi  chevalier,  tout  avisé  de  ce  que  il  dévoient  faire;  et  dq>arti- 
rent  tons  ces  jeuiauls  as  chevaliers  et  as  esquiers,  et  casquns 
selonch  son  estât.  Tout  en  furent  servi,  et  mis  devant  enls  sas 
les  tables.  Et  depuis,  li  mestre  d'ostel  de  la  raine  issirent  hors  de 
la  salle  et  vinrent  en  la  court,  et  fissent  venir  avant  tous  les 
variés  et  pages  de  ces  chevaliers  et  esquiers  de  Hainnau  qui  par- 
tir dévoient;  et  là  avoient  en  un  sach  cent  livres  d'estrelins, 
monnoie  d'Engleterre,  car  adonc  il  n'estoit  eocores  nulles  nou- 
velles de  nobles.  Et  qant  chil  varlet  furent  venut,  li  mestre  d'os- 
tel  dissent  tout  hault,  en  prenant  le  sac  qm  estolt  de  quir  : 
i  Tenez,  entre  vous,  varies  des  Hainnuiers,  qui  partir  devés,  ma- 
dame la  roine  vous  donne  cent  livres  d'estrelins  ;  prliés  pour 
lui.  »  Tout  ou  en  partie  respondirent  et  dissent  :  a  Dieux  doinst 
à  madame  la  roine  bonne  vie  !»  Se  lor  demora  chits  argens,  et 
le  départirent  entre  euls  à  grant  joie.  H  en  i  ot  auquns  qui  bien 
le  gardèrent  ce  qne  en  lor  pareçon  en  cschei,  et  en  devinrent 
puis  rice,  pour  mettre  en  bonne  moutepliance;  et  U  aultre  le 
jeuèrent  as  dés,  qui  se  s'en  savoient  conment  délivrer. 

Che  diHier  fait,  et  ces  signeurs,  chevaliers  et  esquiers  de'Hain- 
nau  servis  aa  la  fourme  et  manière  qme  je  vous  di,  et  tous  ces 
jenianls  requelliés  et  mis  en  paniers  et  en  bonne  ordenance  pour 
te  plus  aise  porter  et  sans  froissier,  il  prissent  congiet  de  madame 
la  roine,  de  son  fil  et  don  conte  de  Qent.  Et  les  aconvoia  jusques 
en  mi  la  court  à  Eltem  li  sires  de  Biaumont,  messires  Jehans  de 
Hainnau  ;  et  tout  un  et  on  prissent  congiet  à  lui,  et  il  lor  donna. 


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iSi  CHRONIQUES  DE  J.  FHOISS&RT.  [1346] 

Adonc  montèrent  ils  et  messires  Thomas  Wage,  aussitos  comme 
il  fissent;  et  se  départirent  de  Eltem,  et  jà  estoit  tout  tart,  et 
vinrent  jessir  à  Dardefbrde,  et  à  l'endemain  k  Rocestre,  et  au  lier 
jour  à  Saint  Thomas  de  Cantorbie,  et  fissent  là  (or  ofirande  au 
corps  saint.  Et  apriès  disner,  il  cevauchièrent  et  vinrent  à  Dou- 
vres, et  tout  partout  estoient  délivré  de  par  tes  gens  la  roine. 
Qant  il  furent  venu  à  Douvres,  on  lor  pourvei  vassiaus  de  par  la 
roine.  Il  esqipèrent  lors  chevaus,  et  puis  entrèrent  ens  es  vassiaus 
passagiers.  Et  là  piist  messires  Thomas  Wage  congiet  à  euls,  et 
retourna  deviers  la  roine,  et  le  trouva'  à  son  retour  à  Eltem  et 
messire  Jehan  de  Hainnau.  Et  li  Hainnuier  singlèrent  par  mer,  et 
furent  tantos  à  Wissan.  Poor  ce  temps,  il  i  avoit  une  très  bonne 
ville,  et  sciet  entre  Boulongne  et  Calais,  Et  devés  savoir  que, 
avant  que  h  Hainnuier  issirent  de  Londres,  il  furent  paiiA  en 
deniers  apparilliés,  ensi  que  couvenance  se  porta  au  départir  de 
Hainnatt  entre  la  roine  et  euls,  et  si  largement  que  tout  s'en  con- 
tentèrent. Et  retournèrent  en  Hainnau  tout  fouci  d'argent  et  de 
jeuiaulr,  et  vinrent  à  Valenchiennes  deviers  le  conte  et  la  contesse 
qui  les  veirent  volentiers,  et  lors  recordèrent  des  nouveUes  d'Cit- 
gleterre.  Et  sus  mains  de  quatre  mob  orent  il  fait  tout  ce  Toiage. 
Nous  retournerons  à  parler  de  la  roine  d'Engleterre  et  des  or- 
denances  dou  pais.  ¥°*  il  et  12. 

P.  3S,  1.  IS  :  Londres.  —  Sti.  ^  6  :  et  là  furent  recheu  à 
grant  joye  du  maieur  de  la  ville  et  des  bonnes  gens,  qui  mmdt 
desiroient  à  veoir  la  damme  et  le  filz  le  jouène  Edouart.  Sy 
rechut  le  foyalté  des  hommes  de  la  ville  la  ditte  roynne,  ou 
nom  de  son  filz.  Âsés  tos  après,  le  vinrent  veoir  ou  palais 
de  Wesmoustier  où  elle  se  tenoit,  dehors  Londres,  tout  1; 
prélat  et  les  dievaliers  d'En^eterre,  qui  encore  ne  l'avoient 
veu.  Et  ly  firent  grant  reverense  et  ossy  à  che  gentil  cheviller 
monsigneur  Jehan  de  Hainau,  desquels  il  fii  grandement  hoonou- 
rés.  F"  ÎO. 

P.  36,  1.  3  :  estoit.  —  Mt.  dJmiem  :  ens  ou  castel  de  Bor-« 
cler.  F"  a. 

P.  36,  I.  14  :  petit  fur  —  Ms.  B  6  :  mais  le  plus  ^ant  partie 
des  chevaliers  de  Haynau,  qui  avoecques  ïuf  avoient  esté  VMius, 
retournèrent,  tels  que  messire  Robert  de  Bailleuel,  mesdre  Sanses 
de  Bieaurieu,  le  sire  de  Floyon,  le  sire  de  Gonmegnies,  le  sire 
de  Aubechicourt,  le  sire  de  Mastain,  messire  Sanses  de  Boussut, 
le  are  de  Mongtiny  et  pluiseur  autre.  F*  îl. 


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[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE.  $  20.  283 

P.  36,  I.  26  :  paijet.  —  3tt.  ^Amiens  :  en  arg:eDt  tout  seck 
et  tanlost  en  purs  estrelins  d'Engleterre.  F*  S. 

P.  36,  I.  28  et  29  :  compagnoas.  —  Mt,  de  FaUncienne$  :  au- 
cuns de  ses  pius  privez.  P*  13. 

S  aO.  P.  37,  i.  11  :  Noël.  —  Ms.  de  Rome  :  Environ  siis 
jours  devant  la  faste  dou  Noël ,  que  on  apelle  en  France  Calan- 
des,  furent  venu  en  la  chité  de  Londres  de  toutes  les  parties 
d'Engleterre  li  signeur  et  U  prélat  et  li  consauts  des  bonnes 
villes.  Et  là  ot  un  grant  parlement  au  palab  de  Wesmoustier, 
présente  la  roine  et  son  fil.  Et  estoient  tout  li  fait  dou  roi  Edou- 
wart,  liquels  estoit  ens  ou  chastiel  de  Bercler,  ensi  que  chi  desus 
est  dit,  tous  par  articles  rais  en  escript.  Et  là  ot  un  clerc  qui  les 
lissi  tout  en  publ[i]c,  oant  le  peuple.  Qant  il  furent  tout  leu,  li 
arcevesques  de  Cantorbie  se  leva  et  demanda,  de  par  la  roina 
d'Engleterre,  quel  cose  en  estoit  bonne  à  faire;  et  prioit,  par  la 
bouce  dou  dit  arcevesque,  que  elle  fust  si  consillie  que  elle  et  li 
roianlmes  d'Engleterre  i  eubsent  honoour  et  pourfit,  car  de  ces 
cas  elle  en  cargoit  tous  ses  hommes  et  en  descargoit  sa  cod- 
aience.  F-  12.  ^ 

P.37,1.  18:feste.  — JïfM.-rf20i22  :  CeDe  feste  dura  huit  jours. 
F*  2S.  —  Aïs.  BG:  Sy  dura  la  feste  plos  de  quinze  jours.  F"  22. 

P.  38,  I.  8  :  de  roy.  —  JUs.  de  Rome  :  Et  pour  ce  que  U 
rCBaumes  ne  puet  estre  sans  chiaf  et  sans  gouverneur,  et  que  il 
apertient  que  en  Engleterre  ait  roi,  ordonne  fu  et  aresté  que 
Edouwars  ses  fils  serait  rois  couronnés  et  solempniiés  à  roi  te 
jour  de  la  Nativité  Nostre  Signeur,  et  presist  coosel  bon,  sage  et 
meur  dalés  lai,  par  quoi  li  roianlmes  et  It  pais  fiist  en  avant 
mieuls  gauvreitéa  que  este  n'euist,  par  quoi  en  nul  tourble  ne 
dfaension  U  dis  roiaulmes  ne  se  peuist  esmouvoir.  Adcmc  fil  chils 
coDsauls  ouvers,  et  revinrent  li  vaillant  homme  et  li  sage  et  li 
prélat,  sus  lesquels  on  avoit  assis  et  tourné  ce  consel,  en  la  pre- 
.  sence  de  la  roine  et  de  son  fil  et  de  mesire  Jehan  de  Hainnau  et 
doii  conte  de  Qent  et  aussi  dou  consel  des  bonnes  villes.  Et  (ii 
tout  ce  publliet  generaulment.  Et  se  départi  li  consauls  sus  celle 
entente  et  volenté  (pie  li  jones  Edouwars  seroit  rob  enoîns  et  sa- 
crés la  jour  de  la  Nativité  Nostre  Signeur.  Et  demorèrent  tout 
^gneur  et  tout  preMt  et  toutes  gens,  qui  là  estoient  venu  à  la 
priière  et  ordenance  la  roine,  pour  estre  à  celle  solempnité.  Et 
furent  toutes  ordenSncez  aministrées,  qui  apertenment  à  estre  et 


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2U  CHRONIQUES  DE  S.  FROISSART.  [1327] 

à  avoir,  tant  d'abîs  que  d'autres  coses,  pour  le  dit  jone  roi,  et 
li  église  de  Wesmoustier  a[q>arillie  très  reveranment.  F*  12. 

§  ftl.  P.  38,  1.  19  :  Edowars.  —  lUt.  de  Rome  :  Etloairars 
de  Windesore,  lîquels  en  son  temps  a  eu  tant  de  belles  aventures 
d'armes  et  victorieuses,  ensi  que  elle[s]  vous  seront  remoustrées 
et  recordées  enûevant  en  l'îstore;  et  fu  consacrés  et  oins  solemp- 
nement  selonch  l'ordenance  d'Engleterre.  Et  furent  à  sa  comsa- 
cration  deus  archevesques  et  douse  evesques  et  quarante  wit 
abbés  d'Engleterre.  Et  rechut  li  rois  toutes  les  dignités  et  solemp- 
nités  que  rois  doit  et  puet  recevoir,  et  estoît  pour  iors  ou  ses- 
sime  an  de  son  eage  ;  il  les  ot  complis  à  la  Conversion  saint  Pol 
apriès.  Et  porta  ce  jour  la  couronne  de  saint  Edouwart,  laquelle 
est  moult  digne  et  moult  riche;  et  furent  fait  à  sa  corouatioo 
nouviauls  chevaliers  quatre  cens  et  quinze,  et  vellièrent  le  nuit 
dou  Noël,  toute  la  niût,  en  l'église  de  l'abeie  de  Wesmoustier.  Et 
qant  li  rois  vint  de  l'église  au  palais,  montés  sus  un  blanc  cour- 
sier, paré  et  vestis  de  sambuc  jusques  ens  es  fêlions  des  {nés, 
armoiiés  des  armes  d'Engleterre  d'une  part,  et  des  armes  de 
saint  Edouwart  de  l'autre  part,  chevauchièrent  tout  chiel  avm- 
viel  chevalier  devant  lui.  Et  fu  eosî  amenés  de  l'egUse  dedens  le 
Palais,  liquels  estoit  aournés  si  ricement  comme  on  pooit.  Et  sist 
à  table,  deus  arcevesques,  de  Cantorbie  et  d'iorch,  au  desus  de 
li,  et  puis  li  rois,  et  puis  la  roine  sa  mère  et  puis  meures  Jehans 
de  Hainnau,  et  puis  li  contes  de  Qent,  et  puis  11  contes  Henris 
de  Lancastre.  F°  12,  V. 

P.  38,  1.  20  :  armes.  —  Mis.  '^  11  ^  13  :  tant  par  mer  comme 
par  terre.  F"  10. 

P.  38,  1.  23  :  saint  Pol. —  Ms.  d'^mieat  :  en  l'eage  de  seize 
ans  à  l'entrée,  car  il  les  devoit  avoir  ea  jaavier -ensuivant,  le 
jour  de  leConversicm  saint  Pol  l'apostle.  F*  6. 

P.  38,  I.  2b  :  li  gentilz.  --  Mst.  ^  1  à  6,  20  à  22  :  du  gen- 
til. F»  11. 

P.  39,  1.  3  :  Behagne.  —  Afj.  <f Amiens:  li  gentils  et  nobles 
Caries.  F»  6. 

P.  39,  I.  k  :  frères.  —  Lems.  d'Amiens  ajoute  :  ....  h  dus  de 
Bourbon,  messines  Robiers  d'Artois,  li  comtes  Raouli  [d'Eu'],  U 
comtes  d'Ançoirre,  K  comtes  de  Sansoire.  P"  6. 

1.  Uu.d'JmiMucidtVaicaeienna.AeXieaioa^eViea.  MauviàttUçoa. 


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11327]       VARIAMES  DU  PREMIER  LIVRE.  S  2) .  25» 

P. '39,  1.  6  :  criés.  —  Ms.  ^  Home  :  et  ma  dame  la  roine  et 
U  Foù  vinrent  tenir  lor  mancion  à  Windesore,  et  en  ama  U  rois 
grandement  le  lieu  et  la  place,  pour  tant  que  il  i  tu  ufe;  et  tout 
partout  où  il  aloient,  messires  J^ans  de  Hainnau  aloît.  Tantos 
apriez  l'Âparition  des  Rois,  nouvelles  vinrent  à  messire  Jeban  de 
Hainnau  que  11  rois  de  Behagne,  son  cMer  et  amé  cousin,  avoit 
fait  criier  on  tournoi  et  assis  à  estre  sus  le  sabelon,  à  Condet  en 
Hainnau.  Qant  les  nouvelles  furent  venues  en  Engleterre  et  mes- 
sirea  Jebaos  de  Hainnau  en  ot  la  congnissance ,  nuls  ne  l'euist 
retenu  en  Engleterre,  car  li  rois  de  Behagne  li  escripwùt  que  à 
ce  tournoi  il  dévoient  estre  compagnon  ensambte.  Et  moustra  U 
gentils  chevaliers  les  lettres  à  la  roine  et  au  roi  aussi,  et  dist 
qoe  il  le  couvenoit  partir,  et  tons  jours  estoit  il  prës  de  faire 
service  au  roi  là  où  il  en  seroit  requis.  F'^  J2  v*  et  13. 

P.  39,  1.  13  et  14  :  Beha^ie.  —  ait.  d'Amiens:  qui  dure- 
ment l'anKut.  P>  6. 

P.  39.  1.  IS  et  19  ;  quatre  cens.  —  Jft.  B  6  :  seize  cens 
mars  de  revenue,  sa  vie  durant,  et  les  florins  délivrés  à  Bruges 
et  là  paiiez.  F°  23. 

P.  39,  I.  ik  :  dit  est.  —  Mt.  de  Rome  :  Et  avoech  les  dons 
on  bailla  les  lettres  toutes  seelées  don  seel  dou  roi,  qui  tesmon-' 
gnoient  et  certefioient  ces  dons.  Encores  fu  il  délivré  au  mestre 
d'ostel  de  messire  Jehan  de  Hainnau  grant  fiiissoa  de  blance 
monnoie  d'Engleterre,  pour  paiier  lors  menus  (rh&  sus  le  cemin. 
'  Adonc  se  dejkarti  messires  Jehans  de  Hainnau  don  roi  et  de  sa 
mère,  dou  conte  de  Qent  et  de  mesire  Rogier  de  Mortemer.  Si 
fu  acompagniés  et  acoavoiiés  de  mesàre  Tlionias  Wage  et  de» 
chevaliers  dou  roi.  Et  li  maires  de  Londres  et  plus  de  cent  hom- 
mes d'onneur  de  L«mdres  l'acon^Mgnièrent  jusques  à  Darde- 
forde;  et  prisent  là  congiet  à  lui,  et  puis  retournèrent.  Hais  li 
chevalier  dou  roi  et  de  la  roine  l'accompagnièrent  jusquez  à 
Douvfez,  et  paioient  partout  les  Grès  de  li  et  de  ses  gens;  et  leur 
pourveirent  vasdaus  passagiers  qui  les  passèrent  à  Wissant.  F*  13. 

P.  (lO,  1.  6  :  d'Engleterre.  —  Mt.  de  Home  :  Et  les  amena 
messires  Jehans  de  Hainnau  à  Valenchiennes  deviers  le  conte  s(m 
frère  et  la  contesse  qui  les  coujotrent  et  requellièrent  bellement, 
pour  l'onnour  et  amour  dou  roi  jd'Engleterre  et  de  madame  sa 
mère.  Si  se  tint  li  tournois  à  Condet  sus  .Escaut,  eosî  qu^  non- 
chiet  et  criiet  fii  ;  et  i  ot  dbux  cens  et  soissante  chevaliers  tour- 
nians.^i  en  i  bt  des  bien  h^tua.  Des  François  en  ot  le  pris,  pour 


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2S6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i3ï7] 

le  mieuls  toumoiant  et  p[r]eiiaat  puinne,  li  »res  de  Biausaut  da- 
tés Montdidier,  et  des  Hainnuiers  messires  Miqiez  de  Ligne.  F*  13. 

P.  40,  I.  8  :  estre.  —  Mi.  B  S  :  Retourna  le  chevalier  en 
Hainau  où  il  fut  grandement  rechut  du  conte  son  frère  et  de 
tous  les  barons.  Et  bien  le  valloit,  car  au  vray  dire  il  avoit  fait 
lutg  biel  voiage  et  une  haulte  emprise.  Dont  il  en  devoil  bien 
estre  honnourés,  et  osy  fust  il  tout  son  vivant  et  est  encores  de 
tous  cheaus  qui  en  oient  parler.  F°*  23  et  24. 

P.  40,  I.  iÙ:  deus  fois.  —  Mt.  de  Faleirciennei  :  Et  pour 
l'amour  d'eulz,  reSst  on  en  celui  an  encore  ung  aultre  toumoy 
à  Condet.  F°  14. 

§  fis.  P.  40,  I.  14  :  Apriès.  —  Ms.  de  Rome  :  Apriès  ce  qoe 
messires  Jehans  de  Hainnau  se  fu  départis  d'Engleterre ,  li  jones 
rois  et  ipadame  sa  mère  gouvrenèrent  le  pais  par  le  consel  dou 
conte  de  Qent  et  de  messire  Rogier  de  Hortemer  et  de  messire 
Thomas  de  Wage ,  et  par  le  consel  de  pluisseurs  aultrez  que  on 
tenoit  le  plus  sages  d'Engleterre.  Et  fu  tous  li  rtuaulmes  recon- 
ciliiés  et  rends  eu  bon  estât,  et  estoit  justice  gardée  souverain- 
nement. 

Celle  première  anée  dou  resgne  le  jone  roi  Edouwart ,  avint 
que  la  fenme  à  mesire  Hue  l'Espensîer,  qui  justichiés  fu ,  ensî 
que  vous  xwés  oy,  se  traist  deviers  le  roi  et  son  consel  et 
amena  un  moult  biau  SI,  que  elle  avoit  de  l'cage  de  neuf  ans,  et 
estoit  nonmés  Edouwars  ;  et  inist  en  avant  par  un  avocat  une 
plainte.  Et  dist  ensi  la  dame  par  la  parole  de  l'avocat  que,  se 
soa  mari  avoit  fourfait  le  sien,  il  ne  pooit  fourfaire  l'iretage  de 
la  dame,  et  le  couvenoit  vivre  U  et  son  fil.  Or  estoit  avenu  que 
on  avoit  confiiset  et  atribdet  à  la  couronne  d'Engleterre  tous 
meubles  et  hiretages  que  li  Bspensier  avoient ,  li  pères  et  h  iils, 
par  tout  le  roiaulme  d'Engleterre,  et  tenoient  bien  suissante  mille 
[mars]  de  revenue.  La  roîne  d'Engleterre  et  li  rois  ses  fils  eu- 
rent pité  de  la  dame ,  car  elle  estoit  des  plus  nobles  d'Engle- 
terre ;  si  s'enclinèrent  à  ce  que  la  dame  fust  aidie  et  ses  (ils  ausâ. 
Et  li  furent  rendu  el  restitué  tout  h  hiretagc  qui  venaient  de  son 
costé,  et  par  especial  en  la  contrée  de  Gallez,  et  retourna  bien  la 
dame  à  quatre  mille  mars  de  revenue  par  an.  Et  depuis  avint 
que,  ^ant  li  fils  ot  eage,  li  rois  (e  maria,  mais  ce  ne  fu  pas  sclonc 
le  linage  dont  il  estoit  issus  ;  ce  fu  à  la'  fille  d'un  sien  chevalier  ba- 
celer,  que  on  nonma  messire  Raoul  de  Ferrièi-es.  Qiils  Edduwars 


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[13i7]       VAKIASTES  tiV  PREMIER  LIVRE,  §  ii.  237 

li  Esi*ensiers  et  su  fenme  ne  Turent  que  chinq  ans  en  mariage,  car 
il  fu  ocis  eus  es  gcrres  de  Bretagne ,  ensi  que  vous  orés  recor- 
der en  l'istiire,  mais  ce  sera  bien  avant,  [et]  orent  quatre  Tilz  ; 
li  troi  en  furent  chevaliers ,  Edouwars ,  Hues  et  Thomas ,  et  li 
quars  ot  nom  Henris  et  fu  evesques  de  Nordvich. 

Je  Froissars,  actères  de  ces  croniques,  le  di  pour  tant  que,  en  ma 
jonèce,  je  fui  moult  bien  et  tous  sus  unies  de  l'ainnet  frère  Ës- 
pcnsicr,  que  on  nonmu  Edouwart,  ensi  que  son  [>cre,  et  ot  en 
mariage  la  fille  à  messirc  Bictremieu  de  Bruhes,  un  moult  vaillant 
chevalier.  Et  fu  cils  sires  Es]>ensiers,  de  son  teni|>s  et  dou  mien, 
li  plus  jolis  chevaliers,  li  plus  courtois,  U  plus  honnourables  et 
amourcus  et  bacelereus  assés  qui  fust  en  toute  Engleterrc,  et  li 
plus  larges  de  donner  le  sien  là  où  il  veoit  que  il  estuit  bien 
emploiict,  et  qui  mieuls  sccut  vivre  et  dou  plus  biel  estât  et  bien 
ordonné.  Et  oy  dire  en  mon  temps  les  plus  hautez  et  nobles 
dames  dou  pais  que  nulle  feste  n'estoit  parfaite,  se  li  sires  Es- 
pensiers  n'i  estoit.  Et  pluisseurs  fois  avint  que,  qant  je  cevauchoie 
sus  le  pais  avoecques  lui ,  car  les  terres  et  revenues  des  barons 
d'Engleterre  sont  par  places  et  moult  esparses ,  il  m'apelloit  et 
me  dissoit  :  i  Froissart,  veês  vous  celle  grande  ville  à  ce  haut 
clochier  7  n  —  Je  respondoie  :  <t  Monsigneur ,  oil  :  pourquoi  le 
diltes  vous?  »  —  u  Je  le  di  pour  ce  :  elle  deuist  estre  mienne, 
mais  il  i  ot  une  maie  roine  en  ce  pais,  qui  tout  nous  tolli.  »  Et 
ensi  par  pluisseurs  fois  m'en  moustra  il  semëes  en  Engleterre  plus 
de  quarante;  et  appellolt  la  roine  Issabiel,  mère  au  roi  Edouwart, 
le  maie  roine,  et  ausi  faisoient  si  frère. 

En  ce  temps  dont  je  parole ,  et  que  li  roiaulmes  d'Engleterre 
estait  tous  en  paix  et  ou  gouvrenement  de  la  min?  Issabiel  et  dou 
cfHite  de  Qent  et  dou  jone  roi  et  de  !cir  cunsel,  avint  que  Robers 
de  Brus,  rois  d'Escoce,  qui  en  son  temps  ot  moult  à  faire  contre 
les  Englois ,  et  qui  tous  jours  les  tint  en  gerre  et  reconquist  sus 
euls  ce  que  si  predicesseur  avnient  perdu  encontre  le  bon  roi 
Edouwart,  et  les  desconfi  par  bataille  devant  Struvelin,  et  dura 
la  cace  jusques  oultre  la  rivière  du  Tbin,  et  reprist  Bervîch, 
Dombare  et  pluisseurs  chastiaus  que  li  Englois  teunient  en  Escoce, 
chils  niis  Robers  de  Brus  entendi  conment  li  rois  d'Engleterre 
avoit  este  pris  et  desposés  de  sa  couronne,  et  ses  cnnsauU  jus- 
tichics;  M  s'apensa  que  il  desfieroit  ce  jone  roi  Edouwart,  et 
supposa  que  grandes  hainnes  estoient  nouries  el  engendi-ées  en 
Engleterre  par  les  mors  des  signeurs  Es|)ensier5  et  le  conte  d'A- 
I— n 


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258  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1327] 

rondiel,  et  que,  qant  ses  gens  se  meteroient  sus  les  camps,  li 
linages  des  desusdb  se  bouteroient  co  lor  compagoie,  [tour  con- 
treveagier  lors  amis.  Si  envoia  desfijcr  le  roi  EdOuwart  et  toute 
sa  poissance.  Et  aporta  la  desfiance  uns  hiraus  d'Escoce,  lequel 
on  nonmoil  Glas,  Et  csloit  contenu  en  la  lettre  sccléo  dnu  roi 
d'Escoce  et  des  barons  de  celi  pais,  que  jamais  il  n'entendernit  à 
aultre  cose ,  si  aueroit  si  avant  courut  en  Engleterre  que  passet 
la  rivière  dou  Thin  et  le  Hombre  et  contrevengiet  tous  ses  toi'sfais; 
et  se  combatrc  on  le  voloit,  il  li  asignoît  journée  devant  Ewruich. 

Qant  li  joncs  rois  d'Engleterre  ot  recheu  ces  desGances  ou 
premier  an  de  sa  crcation,  li  cocrs  li  comncnça  à  engrossier,  et 
ne  moustra  pas  ne  ne  dist  au  hiraut  toute  sa  pensée,  mais  li  flst 
donner  un  manliel  qui  bien  valoit  cent  florins  j  et  aussi  la  roine, 
li  contes  de  Qent,  messires  Rogiers  de  Mortemer,  et  li  signcui'  li 
donnèrent  [tant]  que  il  fu  tons  rices.  Et  li  Tu  dit  de  l'un  des  che- 
valiers dou  roi  :  o  Glas,  vous  vos  pocs  bien  partir,  qant  il  vous 
plaist,  car  li  rois  et  ti  pais  se  tient  à  tous  desHiés  sus  les  lettres 
que  vous  avcs  aporté.  s  Àdonc  se  départi  li  hiraus,  et  li  rois  et 
ses  consanls  et  toute  Engleterre  demorèrent  en  ces  desfiances.  Et 
bien  sentirent  toutes  gens,  as  (juels  la  congnissance  en  vint,  que 
de  par  les  Escocois  il  aueroient  la  guerre,  I"<"  13  v"  et  14. 

P.  40,  i.  17  :  roy.  —  Ms,  dAmiem  :  et  le  comte  Henry  de 
Lancastre  au  Tors  Col.  F"  6. 

P.  40,  1.23  :Thumas.  —  Mt,  rferii&ncitf/WKrj,- Wautier,P'14. 

P.  41,  I.  7  :  malades.  —  Ms.  d Amiens  :  de  gouttes.  Nonpour- 
quant  ses  coers  estoit  encoires  assés  fors  et  en  grant  desirier  de 
guerrier,  mes  que  il  veyst  son  plus  biel.  F*  6. 

P.  41,  I.  8  :  disoit  on.  —  Mis.  .^  11  à  13  :  Et  disoit  on  qu'il 
en  mourroit,  car  nulle  guarison  trouver  il  n'en  povoit.  F°  10  v*. 

P.  41,  I.  21  :  manda.  —  Ms.  B  6  :  par  ses  hiraus  que  il 
vendroit  mettre  le  siège  devant  la  bonne  cité  de  Ewruich,  et  que 
il  ne  s'en  partiroit  sy  l'aueroît,  ou  on  luy  leveroit  le  siège.  F"  24. 

S  B3.  P.  *1,  1,  30  :  Evmich.  —  Mss.  A  18,  19,  34,  33  : 
Bruich.  F»  12.  —  Mis.  ^  30  à  33  :  Bervich.  F'  98  v».  —  Mss, 
^  23  ià  29  ;  Vervich.  F"  14.  —  Mss.  A  H  à  iZ  :  Warvich'. 


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[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  g  23.  259 

P.  41,  1.  30:  Dorth.  —  Ms.  d Amiens:  sus  les  marches  de 
Norhombrelant.  F*  6  V. 

P.  42,  I.  2  :  messages.  —  Ms,  de  Rome  :  Or  Tu  consillië  eo 
In  cambre  dou  roi  que,  tantos  et  sans  délai,  li  rois  envoiast  ses 
messages  et  ses  lettres  deviers  messire  Jehan  de  Haimiaii,  et  lî 
priast  que  il  te  venisl  veoir  et  servir,  et  se  pourveist  de  cinq 
cens  ai'meures  de  fier,  chevaliers  et  esquiers,  et  tout  serotent 
delivret  et  bieu  paiiet,  et  11  escrlpsist  que  c'cstoît  pour  aler  en 
Escoce,  car  li  rob  d'Escocc  et  li  Ëscocois  l'avolent  desfiiet.  Et  fu 
dit  ensl,  en  la  cambre  dou  roi  et  en  couse],  que  on  ne  pooit  mieuls 
emploiier  lettres  ne  messages,  que  d'envoiier  en  Hainnau.  Tout 
ensl  comme  U  fu  ordonné,  il  Tu  fait.  Et  escrlpsi  li  rob  d'Engle- 
terre  à  messire  Jehan  de  Hainnau  et  envola  ses  messages,  qui 
passèrent  la  mer  et  vinrent  en  Hainnau,  et  trouvèrent  le  gentil 
chevalier  que  il  demandoient,  en  la  ville  de  Biaumont  dont  il 
portoit  le  nom,  et  It  baillièrent  les  lettres  que  U  li  aportoient, 
tant  de  par  le  roi  que  de  par  la  roine  d'Engleterre.  11  les  lissi, 
qant  il  les  ot  ouvertes,  et  considéra  conment  on  le  prioit  et  man- 
doit.  Si  fu  tous  resjols  de  ces  nouvelles,  et  dist  que  il  estoil  tenus 
de  servir  te  roi  et  le  pais  d'Engleterre,  puis  que  il  s'estolt  ahers 
et  atoiiës  à  euls  de  fol  et  d'ommage  ;  et  rescrlpsi  an  roi  d'Engle- 
terre et  à  la  roine  par  ceuls  meismes  qui  cez  lettres  avoient 
aporté.  Et  fu  contenu  eus  es  dittes  lettres  que  il  seroit  en  Engle- 
terre,  et  à  ce  n'aueroit  nulle  défauts,  dedens  le  jour  que  on  lî 
avoit  assis,  et  à  otant  de  gens  ou  plus  que  on  ne  li  avoit  escript. 
Li  messagier  d'Engleterre  retournèrent. 

Messires  Jehans  de  Hainnau  se  pourvei,  et  escripst  et  manda  as 
chevaliers  et  esqulers  autours  de  11,  des  quels  il  pensoit  à  estre 
acompagnie's  et  servis,  tant  en  Hainnau,  en  Braibant,  en  Flan- 
dres et  en  Hasbaing.  Tout  furent  apparilliet  à  sa  priière  et  or- 
denance,  et  se  pourveirent  tantos  et  sans  délai  de  tout  ce  que  à 
lor  estât  apertenoit,  et  se  départirent  de  lors  lieus,  et  vinrent  li 
auqun  à  Wissant,  et  li  aultre  à  Calais.  Toutes  fois,  messires  Jehans 
de  Hainnau  vînt  à  Wissan;  et  passèrent  oultre,  car  il  trouvèrent 
les  vassiaus  passa gierz  que  li  rois  d'Engleterre  lor  avoit  envoiiés, 
et  tant  lissent  qu'il  furent  oultre  et  en  Engleterre.  Et  atendirent 
tout  l'un  l'autre  à  Cantorbie,  et  entendirent  que  li  rois  et  la  roine 
et  li  signeur  s'en  aioient  à  grant  esfort  vlers  Escoce.  Si  se  esploi- 
tièrent  li  Hainnuier  ce  qu'il  peurent,  et  passèrent  Rocestre  et 
Dardeforde  et  vinrent  à  Londre.  Et  là  se  rafresqirent  de  tout  ce 


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SGO  CliUO.MQUIiS  DK  J.  FUOISSART.  [1327] 

i|ue  il  lor  b«songnnit,  de  chevaus.  de  sellerie,  d'armeures  et  de 
toutes  aultres  coses  qui  apertiennent  à  gens  d'armes.  Et  là  trou- 
vèreot  le  trésorier  des  gerres  dou  roi,  qui  lor  délivra  moonoie 
et  paiement  bien  et  largement.  Et  puis  il  se  départirent  et  mis- 
sent au  cemin,  et  passèrent  le  Ware  et  Lincole.  Et  partout  où  il 
venoient,  il  estoient  requelliet  liement,  conjoi  et  festîiet.  Et  pas- 
sèrent à  Danfront  et  à  Dancastre,  et  vinrent  à  Evreuich,  nue 
gi'ose  chit^  et  bonne,  qui  sciet  en  bon  pais;  et  j>asse  la  rivière 
dou  Hombre  tout  parmi,  qui  va  ceoir  en  la  mer. 

Jà  savoient  11  rois  d ' En gle terre ,  madame  sa  mère  et  li  baroa 
d'Engleterre  que  messires  Jehans  de  Hainnaii  venoît  à  belle  cwm- 
j>agaie  de  gens  d'armes,  encores  plus  assés  que  on  ne  li  euist 
escript  et  mandd.  Si  en  estoient  tout  resjii)'  et  atendoient  sa  ve- 
nue. Et  devés  sçavoir  que  li  Escocois  avoient  passet  la  rivière 
dou  Thin  amont  viers  les  montagnes  qui  départent  Galles  et  Ed- 
gleterre,  et  moult  priés  de  une  chité  que  on  nonme  Carlion,  et 
estment  venu  entre  la  chité  de  Durâmes  et  Evruich,  et  ardoient 
le  plat  pais,  tant  que  on  en  ponit  bien  veoir  les  fumières.  Et 
n'estoit  point  li  rois  Robers  d'Escoce  en  celle  chevaucie,  mais  se 
tenoit  à  Haindebourch  en  Escoce  sus  la  litière,  car  il  estoit  si 
ataias  de  la  grose  maladie  que  il  ne  pooit  mais  cevauchier.  Et  là 
estoient  pour  lut  li  contes  de  Moret  et  messires  Ouillatunes  Dou- 
glas ,  doi  vaillant  chevalier  qui  conduisoient  les  Escocois  ,  où 
moult  avoit  de  htms  chevaliers  et  esquiers  et  vaillans  as  armes.  F"i  4. 

P.  42,  1.  6  :  compagnie.  —  JUt.  J  6  :  à  cinq  ou  six  cens 
lances.  F»  24. 

P.  42,  I.  8  :  mandement,  —  Us.  B  G  i  sy  ea  î\i  tous  resjois 
et  dist  aus  messaigiers  que  il  estoit  tout  aparli^s  ou  serviche  du 
roy  d'Engleterre  et  de  madame  sa  mère.  F*  iS. 

P.  42,  I.  23  :  Wissant.  —  JUt.  J  6  :  et  là  séjourna  deus 
jours.  F"  26. 

P.  42,  I.  27  :  Douvres.  —  Ms.  S  G  :  et  Ik  séjourna  deus 
jours.  F*  26. 

P.  42,  I.  28  :  jour,  —  Ms.  itJmiens  :  tant  qu'il  passèrent  le 
bonne  chite  de  Londres,  et  chevauchièrent  à  esploit  tout  le  grant 
chemin  d'Escoche  parmy  le  comté  de  Lincellc,  et  vinrent  à  Dan- 
castre et  puis  à  Ewruich,  quatre  jours  devant  le  Pentecouste. 
F"  6  V. 

P.  42,  1.  30  :  Evruich.  —  Mt.  S  6  :  une  moult  riche  cité 
sciint  sur  le  livière  de  Uombre,  ou  norl.  F»  27. 


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[ISiî]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  24.  if<\ 

P.  42,  l.  31  :  barons.  —  Ma.  A  i\  à  i3  :  Je  gens  d'armes, 
et  d'archiers.  F*  \\. 

§24.?.  43,).  18:Haj-n.-iu. — Lesmss.  A,B  ^  etde  Rome ajou- 
temaux  noms  mentionnés  dans  le  texte:  messire  [Sanse*]  de  Biau- 
rieu'.  Ms.  de  Rome,  P  14  v».  —  Les  nus.  tf  Amiens  et  de  Borne 
ajoutent  :  ...  li  sirez  de  Polelles ,  li  siiez  de  Waregny.  F°  6  v*. 

—  Le  ms.  de  Rome  ajoute  :  ...  le  signeur  de  Vertain ,  le 

signeur  de  Blurgoies ,  le  signeur  de  Mastain,  messire  Nichole 
d'Aubrecicourt ,  le  signeur  de  Flosies,  le  Borgne  de  Robertsart. 
F*  14  V». 

P.  43,  I.  20  et  21  :  dou  Rues.  —  3fs.  if  Amiens:  dou  Roelx. 
F»  fl  V*.  —  *fj.  J  6  -.  dou  Buelt.  F».  25. 

P.  43,  t.  U:  Bailluel.  —  Ms.  d'Amiens  :  qui  puisedi  fu  sirez 
de  Fontainnez  l'Evesque,  de  Morrîaiimés.  F*  6  v°. 

P.  43,  I.  23  :  Brifuel.  —  Mss.  A  i  à  6,  6,  9,  ^^  à  19,  23 
à  33  :  Briseul ,  BrisucI  ou  Brisueil. 

P.  43,  I.  24  :  Fastres  de  Brifuel.  —  Ce  chevalier  n'est  men- 
tionné ijue  dans  les  mss.  £  i  à  3. 

P.  43,1.24:  Ligne. -Afw.  ^IS  il»:  Ligny  ow  Ligney.F"  12. 

P.  43,  I.  26  :  Boussoit.  —  Mss.  A  1,  3  à  «,  23,  23  i  29,  34, 
3S  ;  Bussort  ou  Boussorl.  —  Mss,  A  i,  ik  :  Buissat  ou  Boussat.. 

P.  43,  I.  27  :  Seraeries.  — Mss.  ^  11  n  13  :  Sameries.  PU. 

—  Mss.  A  34,  35  :  Surenes.  F«  12  V.  —  Mss.  -rf  30  à  33  :  Fe- 
vreries.  F- 99. 

P.  43,  I.  27  :  Floion.  —Mss.  ^  15  «  19,  34 ,  38  :  Florion, 
Floron  ou  Flouron. 

P.  43,  I.  28  :  Flandres.  —  Le  ms.  d'Amiens  ajoute  aux  noms 
mentionnés  dans  U  terte  :  ...  li  sirez  de  Halluin,  li  sires  de 
Brughedeut.  F'  6  v». 

P.  43  :  1.  29  :  Rodes.  —  Mis.  rf  1,  3  à  fi  :  Condes.  F"  12. 

—  Ms.  A  1  :  Rondes.  F*  12  v».  —  Jlfo.  B  6  :  Robais.  F*  25. 
P.  43,  I.  30  :  Ghistelles.  —  Les  éditions  de  D.  Sauvage  ajou- 
tent :  et  messire  Jaques  de  Guistelle  son  frère.  Édition  de  1559, 
p.  14. 

P.  44,  I.  2  :  Basses.  —  Mss.  ^  20  à  22  :  Roches.  F«  27  v». 
P.  44,  i.  3  :  Grés.  —  JH>.  B  6  :  Gros.  F«2». 

1 .  Le  pràiom  Saïut  ne  se  trouve  que  dsni  lt>  m».  Ae  Romp. 

2.  Jfu,  ^  1  à  6.  20  à  22  :  BcaugMi.  P°  12. 


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262  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1317] 

P.  44,  I.  3  :  Casebèke.  —  Mtt.  A  18,  1»  :  Cassebelie.  F»  13. 

—  Mss.  A  34,  38  :  Gastebolie.  F- 13. 

P.  44,  1.  4  :  Pilisre.  —  Mk.  A  18,  19,  34,  35.  ;  Pelisce. 
F"  13.  —  Mss.  A  \,%,  M  k  13,  23  A  33  :  Pilistre,  Phaistre, 
Philleste  ou  Pilestre.  —  Mss.  S ,  mss.  AI.  3  à  7,  9,  1 K  à  22 
et  mis.  d Amiens  et  de  Rome  :  Pilifra,  Pelifre,  Pilliffe,  Philiffre. 

—  Ms.  de  Valeneiennes  :  Pillesore.  F"  IS. 

P.  44,  1.  4  :  Gilles.  —  Mss.  ^  11  à  13  ;  Jehan.  F°  11. 

P.  44,  1.  4  :  Coterebbe.  —  Ms.  A  1  .  Contereble.  F"  10.  — 
Mss.  A  18  et  19  :  Courterebles.  F*  12.  —  Mss.  ^  20  à  S3  : 
Cotherelle,  Courtelle,  Courlerelle.  —  Mi.  de  faleneienues  :  Qua- 
derobe.  F»  15. 

P.  44,  1.  5  :  Harlebèke.  —  Ms.  de  Falencie/met  .*  Barbecque. 
F'  15. 

P.  Itk,  1.7  :  Besbepum.  —  Mu.  A  i  àl,  liai»,  23  à  35: 
Behaingnons.  F"  12  v*. 

P.  44,  t.  7  :  li  Biaus.  —  Mt.  d'Amiens  :  canonnes  de  Liège. 
F"  e  V.  —  Af*.  J  6  :  le  Vtauls.  F*  25.  —  Mst.  ^  23  «  33  :  de 
Libeaux.  F»  IS. 

P.  44,  1.  9  :  d'Obay.  —  Mss.  ^  1  A  10.  15  à  3»  :  de  Hay. 
F»  12  V.  —  Ms.  de  FaleRcienaes  :  Hue  de  Hary.  F"  IS.  —  Mt. 
de  Home  :  Hues  Hay.  F'  14  v".  —  Mst.  ^  11  d  13  :  messires 
HuondeHainauIt,  bastart.  F*  11. 

P.  44, 1.  10  :  Libines.  —  Ms.  d'Amiens  ;  qui  tous  quatre  de- 
vinrent là  chevalier.  P  6  v*.  —  Ms.  3  6  :  Librues.  F°  28. — Mss. 
^  8.  23  A  33  :  Livines.  F"  12  v*.  —  Mm.  A  34,  35  :  libidines. 
F"  13. 

P.  44,  I.  10  :  d'Oppey.  —  Mss.  d Amiens  et  de  Rome,  mss.  B 
et  mss.  A  :  du  Pel,  du  Pal.  du  Pehi.  —Ms.  Ja.de  Duiel.  P  19. 

P.  44,  1.  11  :  GUlebers.  —  Mrs.  ^  11  A  13  :  Robert.  F"  U. 
-—  M*.  B6  :  Gnillante.  P  28. 

P.  44,  1.  H  ;  Hers.  —  Jlfw.  ^  11  i  13  :  Hars.  —  Af*.  J  6  : 
Hors. 

P.  44. 1.  13:  d'Artois.  —  Mt.  jB  6  :  et  de  Vermendois.  F" 26. 

P.  44,  1.  18  :  Guillaumes  de  Jullers.  —  Mss.  Ai  à  8  :  Ja- 
ques de  Juilliers  [qui  depuis  fut  duc  deJuillîers']  après  le  deceps 
de  son  père.  F*  12  v*. 

1.  l.e»  mol»  mi»  entre  crochPts  ont  ixé  omi»  par  one  diMractîon  du 
ropiite  dans  le  ms.  A  \. 


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[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  25.  iC.Z 

P.  44, 1.  SO  :  conte  de  Los.  —  Mm.  A  iOàii  :  qui  depuis  fut 
conneslable  de  l'ost'.  F*  27  v". 

§  SB.  P.  45,  1.  2  :  six  cens.  —  3/m.  A  :  cinq  cens.  —  Ms. 
A  24  :  cent.  F'ZI.— Jfr.  B  6  :  plus  de  cinq  cens,  F"  27. 

P.  4S,  \.  4  :  quinze.  —  Mis.  ^  11  à  13  :  dix  huit. 
FMI  V". 

P.  4S,  I.  6  ;  soixante.  —  Mts.  A  \\à\Z  :  quatre  vingt.  — 
Mss.  A  Via  a  :  deux  cens.  F"  28.  —  Ms.  B  6  :  cinq  cens  dames 
et  demoiselles.  F°27. 

P.  45,  L  6  et  1.  7  :  mandées.  —  Ms.  de  Rome  :  là  environ  et 
ou  pais  de  Northombrelant.  F"  14  V. 

P.  4S,  I.  16  :  arciers.  —  Ms.  B6  :  du  conté  de  Linchelles. 
F»  28. 

P.  4S,  I.  19  :  car,  —  Ms.  de  Borne  ;  Car  ensi  que  chil  garçon 
se  combatoient  à  auquns  de  ces  Englois ,  la  noise  se  conmença  à 
monter  en  la  ville,  et  criièrent  :  «  Lincole  I  »  Cbil  de  la  nation  de 
Lincole  estoient  là  grant  fuisson  :  si  se  missent  tantos  ensamble  et 
prissent  lors  ars  et  se  rengièrent,  et  entrèrent  en  la  rue  où  liHai»- 
nuier  estoient  logiet  ;  et  couvint  ceuls  qui  là  estoient  des  Hain- 
Dtders  retraire  dedens  lors  hostels.  ¥"  IS. 

P.  48,  1.  32  :  doi  mille.  —  Mss.  v<  23  «  29  :  trois  mille. 
FMSV. 

P.  46,  I.  20  :  cent.  —  Ms.  d'Amiens  ;  deus  cens.  F»  7. 

P.  46,  I.  24  :  compagnons.  —  Ms.  d'Amiens  :  Là  fu  messires 
Jehans  li  Biaux ,  camionnes  de  Liège ,  sus  les  quels  cronicques  et 
par  quel  relacion  de  ce  fet  et  d'autrez  j'ay  fondé  et  ordonné  ce 
livre,  en  grant  péril  ;  car  tous  désarmés  il  Tu  enmy  yaux  ung  grant 
terme.  Si  volloient  saiettes  à  tous  lés,  et  il  meismes  en  Tu  consie- 
vris  et  navrés,  et  pluiseurs  de  ses  compaignons,  priés  jusques  à 
mort.  F"  7. 

P.  47,  I.  2  et  3  ;  BoussoU.  —  Le  ms.  d'Amiens  ajoute  aux 
n/ims  mentionnés  dans  le  texte  :  ....  messires  Jehans  de  Monte- 
gny,  li  sirez  de  Vertaing,  li  sirez  de  Potelles,  li  sireï  de  Warguy, 
messires  Hectors  Villains,  messires  Jehans  de  Rodes,  messires 
Wafllars  de  Ghistelles,  messires  Thieris  de  Wallecourt,  messires 

1.   Cette  erreur  provïi 
to,  lût  est  l'cril  luit. 


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i6k  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i327] 

Rasses  de  Grés,  messires  Jehans  Pilifre,  messires  Gille  de  Cnte- 
rèbe,  messires  Lambers  dou  Pels,  très  Iwn  chevalier.  V  7.  ' 

P.  kl,  I.  7  :  carlier.  —  91s.  de  Rame  :  chiés  un  archier. 
F- 15. 

P.  47,  I,  11  r  mors.  —  Ms.  d'Amiens  :  Et  en  tuèrent  bien 
seise  vingt  ou  environ,  tout  archier,  le  plus  qui  estoient  de  l'e- 
vesquet  <)c  Lincelle.  Et  cncoires  en  ewissent  plus  ocis  en  l'eur, 
qui  les  ew'ist  layet  convenir,  car  c'estoit  leur  entente  que  d'iaux 
tous  mettre  à  l'espée  et  de  prendre  à  otel  raercliy  qiie  les  ar- 
chers les  ewissent  pris,  se  il  en  ewissent  estet  maistrei  mais  ly 
roys  y  envoya  monseigneur  Thumas  Wage,  marescaul  de  l'ost, 
monseigneur  Richart  de  Stamfort  et  le  seigneur  de  Moutbray,  en 
yaus  priant  que  il  se  volsissetU  retraire  el  souffrir,  et  que  le 
roys  leur  feroit  amender  ceste  forfaiture. 

A  le  priière  et  ordonnance  dou  roy,  se  retrairent  li  Haynuyer 
et  leur  compaignon  bellement  et  sagement.  Et  s'en  vinrent  |iar- 
my  la  graot  rue  et  enc<Mitrèrent  monseigneur  Jehan  de  Haynnau 
bien  armet  et  ses  bannièrez  devant  lui,  acomp^igniet  de  messîre 
Guillaume  de  Jullers,  de  monseigneur  d'Knghien,  de  monseigneur 
Henry  d'Antomg,  de  monseigneur  Robert  de  Bailloel,  de  mon- 
seigneur Alart  de  BrifToel,  de  monseigneur  Micquiel  de  Ligne, 
de  monseigneur  de  Gonmignies,  de  monseigneur  Guillaume  de 
Strate ,  de  monseigneur  Gossuin  de  le  Meule ,  de  monseigneur 
Jehan  de  Ghasebecques,  de  monseigneur  Wautier  de  Ileteberge, 
de  monseigneur  Jehan  de  Libines,  de  monseigneur  Giltebiert  de 
Hers,  de  monseigneur  Fastret  dnu  Roeli  et  de  pluiseurs  autres 
compaignons  qui  tous  s'esloient  mis  en  se  routte,  et  encorrez  en 
y  avoit  as  liostelx  qui  s'armoient  toudis  qui  mieux  mieux.  Quant 
messires  Jehans  de  Haynnau  eult  encontrds  ses  compaignons  et 
cliiaux  de  se  kecke  ensanglentés  et  ensonniiés  d'ocire  et  de 
mehaygnier  ces  felcurs  archers,  enssi  comme  vous  avés  oy,  et 
avoecq  yaux  les  barons  d'Ëngleterre  à  laquelle  ordUIllUnce  et 
priière  il  rctournoîent,  si  leur  demanda,  en  arestant  tous  quois 
sour  le  rue  et  toutte  se  routte,  comment  il  leur  esti^it.  Et  il  li  di- 
sent ;  a  Monseigneur,  bien  seloiicq  l'aventure  :  bi  avons  estet  en 
grant  péril  de  nos  vies,  mes  cil  qui  les  liargignoient  y  ont  plus 
mis  et  laiiet  que  pris.  »  —  a  En  non  Dieu,  sire,  dist  monsei- 
gneur Thumas  Wagc,  se  nous  ewissiens  veu  que  vos  gens  en  ew- 
issent eu  dou  |>ieur,  nous  les  ewissiens  grandement  aidiés  et 
cnnfcH-tés,  car  il  nous  estoit  commandez  de  par  monseigneur  le 


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[*3?7]  ,    VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE.  §  SS.  26H 

roy  et  me  damme  se  mère;  mes,  Dieu  merchy,  li  honneurs  et  li 
victoire  leur  en  est  dentnurée,  car  il  les  ont  cachië  jtisquez  as 
camps  et  en  ont  grunt  plentet  mort,  b  —  «  Che  poise  moy  que 
de  si  peu,  >  ce  respondi  monseigneur  Jehan  de  Haynnau.  Adonc 
se  retrairent  en  leurs  hostelz  paisiblement,  et  se  desarmèrent  li 
pluiseur  et  regardèrent  as  navres  comment  il  leur  estoit.  Si  pens- 
sèrent  li  Haynuyer,  pour  les  blechiés  vaux  niedeciner  et  garir,  et 
ceux  qui  mort  estoient  ensepvelir.  Che  propre  soir,  on  commandit 
par  le  noble  roy  que  nuls  Englès  ne  se  roeuist  contre  les  es- 
trangiers,  sus  le  teste  à  perdre.  F*  7. 

Ms.  de  Eome  :  La  cose  ne  se  fust  point  passée  ensi,  mais  i  fust 
encores  avenus  un  trop  grans  meschiés,  se  li  rois  ne  se  fust  en- 
sonniiés.  Mais  qanl  les  nouvelles  en  vinrent  à  madame  la  roine, 
elle  tantos  dist  au  roi  :  «  Riaus  fils,  montés  à  cheval  et  atés  celle 
part,  et  vous  traiies  avoecques  les  Hainnuiers;  et  faites  un 
conmaDdement  très  fort  et  très  cruel  que  nuls  Englois,  sus  la 
painne  à  perdre  la  teste,  ne  se  mueve  et  ne  face  fait  ne  débat, 
et  prendés  la  cose  sus  vous.  ■  Li  rois  obéi  à  madame  sa  mère 
et  monta  à  cheval.  Et  montèrent  plus  de  soissante  barons  et  che- 
valiers, et  trouvèrent  sus  les  rues  messire  Jehan  de  Hainnau,  qui 
venoit  tous  armés,  et  plus  de  trente  cevaliers  avoecques  lui,  et 
crioient  ;  «  Hainuaut  s  et  estoient  en  volenté  de  ocire  tous  les 
archiers  que  il  trouveroient  ens  es  fourbours  où  lors  gens  estoient 
logiet.  Conuderés  le  grant  meschief  que  il  fust  tantos  avenus, 
car  ces  Englès,  archiers  et  aiiltres  communautés,  se  requellnîent 
et  raetoient  ensamble;  et  estoit  lor  intension  d'entrer  en  ces  four- 
bours et  tont  ocire  ou  bouter  le  feu  dedens  et  tout  ardoir.  Pre- 
mièrement li  rois  s'aresta  sus  la  rue,  car  on  li  dist  :  a  Siie, 
vechi  messire  Jehan  de  Hainnau  et  grant  fuisson  de  Hainnuters 
avnecques  lui,  et  viennent  en  ordenance  de  bataille,  banières 
et  pennons  tous  desvolepës.  Arestés  les  et  apaisîés,  et  prendés  la 
cose  sur  vous,  et  leur  dittes  que  vous  lor  ferés  amender  c« 
niesfait  si  grandement  comme  ils  vodront;  et  leur  priiés  que  il 
ne  facent  pas  cose  par  quoi  vostres  voiages  soit  rompus.  » 

Li  rois  entendi  à  ses  hommes,  et  fist  ensi  que  il  li  conseUèrent. 
Messiresjehans  de  Hainnau,  qui  avoit  l'air  enla  teste,  et  qui  moult 
dur  estoit  enfourmés  sus  ces  archiers,  dist  en  hault  :  a  Sire, 
sire ,  nous  sommes  venu  en  ce  pais  pour  vous  servir  et  vostre 
pais  contre  vostres  enneraisi  et  vostres  communs,  entrues  que 
nous    sommes  en  esbatemens  dalés  vous,    esmuevent  debas  et 


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2CG  CHRONIQUES  DE  J.  FROI.SSA,RT.  [13Î7] 

voellent  nos  gens  ocire  et  nous  aussi.  Nous  ne  le  pocms  sousfrir, 
et  n'en  savons  prendre  milleur  amendement,  que  sus  ceuls  qui 
ont  esmeu  la  rihote.  n  Donc  dist  li  rois  :  a  Messîre  Jehan,  sous- 
Ws  vous,  et  faites  tenir  en  paix  vostres  gens.  Je  ferai  tenir  en 
paix  aussi  tovs  ceuls  de  ceste  nation;  et  se  ce  venoit  à  la  bataille, 
je  demorroie  dalés  vous,  car  je  congnob  bien  que  par  vous  et 
par  vos  gens  ai  je  recouvré  mon  roiaulme.  Si  vous  pri  que  vous 
me  donnés  ceste  bestmgne,  et  retournés  et  ne  veaés  plus  avant; 
car  je  meterai  partout  telle  atemprance  et  par  si  b<»uie  ordenance 
que  vous  et  li  vostre  vous  en  contenterés.  »  Ces  douces  paroles, 
que  li  rois  dist,  apaisa  grandement  messire  Jehan  de  Hainnau  et 
les  Hainnuiers.  Or  voloit  li  rois  que  il  ne  venist  plus  avant,  mais 
il  respondi  à  che  et  dist  :  «  Sire,  sire,  et  ne  fust  riens  dou  débat 
et  dou  hustin  de  ma  gmt,  puis  que  vous  estes  hors  de  vostre 
hostel.  il  apertient  que  je  voie  et  demeure  dalés  vous,  cur  espoir 
vous  et  vostrez  consauls,  ne  savéa  pas  bien  le  fons  de  ceste  ma- 
tère  :  otretant  bien  puet  estre  contre  vous  qtie  4X>ntre  nous,  a 
Donc  respondi  messire  Thomas  Wage,  marescal  dou  roi,  et  dist 
au  roi  en  son  langage  :  a  Sire,  il  parole  sagement,  et  puet  estre 
tout  ce  qu'il  dist.  n 

Adonc  chevauchièrcnt  li  rois  et  toute  sa  route  et  vinrent  ens  es 
fourbours,  où  li  logeis  des  Hainnuiers  estoit;  si  trouvèrent  la 
rue  moult  esmeue,  et  des  mors  couchiés  sus  tes  caucbies.  Donc 
ala  li  rois  tout  oultre  et  sus  les  camps  où  li  grans  hustins  avoit 
esté,  et  encontrèrent  pluisseurs  Englois  qui  trop  fort  se  pbin- 
doient  des  Hainnuiers,  et  on  lor  disoit  ;  a  C'est  à  bon  droit, 
se  vous  avés  esté  batu.  Pourquoi  les  aliiés  vouz  asallir  à  lors 
lioslels?  >  Encores  avoecques  tout  ce,  leur  disoit  messires  TIk)- 
mas  Wage  -.  ■  Li  rois  s'enfourmcra  de  ce  fait,  et  chierement  le 
comparront  chil  qui  ont  conmenchiet  la  meslée.  n  Quant  chil 
archier  veirent  que  il  n'estoient  aulirement  plaint  et  que  on  les 
maneçoit  encores,  et  que  inquisition  et  information  se  feroît  sus 
euls,  si  se  doublèrent  dou  roi  et  de  sa  justice,  et  ensepelirent  les 
mors  et  entendirent  as  bleciez.  Li  rois  retourna  à  son  logeis,  et 
raesàres  Jehans  de  Hainnau  avoecques  lui. 

Si  fu,  de  par  le  rd,  fais  uns  bans  et  un  cris  d'un  sergant 
d'armes  à  cheval  tout  parmi  la  ville  et  chite  de  Evruich,  que  nuls, 
sus  la  teste  à  perdre,  ne  fesist  débat  ne  rihote,  ne  ne  s'emeuist 
jamais  de  ce  fait  qui  avenu  estoil,  ens  ne  hors,  Encores  avoecques 
tout  ohe,  li  rois  envoia  deus  de  ses  tanières  ens  es  logeis  des 


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[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  Î6.  267 

Hainnuiers  et  quatre  chevaliers.  Et  furent  ordonné  à  euls  tenir 
tous  quois,  nuit  et  jour,  et  garder  lez  banières  le  roi,  par  quoi 
archier  englois  ne  communaullé  ne  se  esmeuissent,  de  jour  ne  de 
nuit.  Car  vous  devës  sçavoir  [que]  chil  qui  avoient  eu  lors  frères, 
lors  pères,  lors  enfans,  cousins  ou  proismes  mors,  avoient  grant 
felonnie  ou  coer;  et  disoient,  qant  il  veoient  les  Hainnuiers  aler 
ensamble  sus  les  rues  :  a  Velà  ceuls  qui  nous  ont  ocis  nos  amis, 
et  si  n'en  poons  aultre  cosc  avoir;  et  par  Dieu  si  aaerons,  avant 
que  il  retournent  en  lor  pais.  » 

Et  disoient  bien  li  auqun  baron  et  chevalier  d'Engleterre 
as  chevaliers  de  Hainnan,  qui  point  n'entendoient  le  langage  des 
Englois,  et  liquel  ne  baioient  point  les  Hainnuiers,  mais  le  disoient 
pour  euls  aviser,  à  la  fin  que  il  fuissent  le  mieuls  sus  lor  garde  : 
«  Cbil  archier  de  Lincole,  et  moult  d'aultres  communs,  pour  l'a- 
mour d'euls,  vous  ont  quelliet  en  grant  haine  ;  et  se  il  n'estoient 
brisiet  de  par  le  roi,  il  le  vous  mousteroient  et  de  fait.  >  Li  che- 
valier de  Hainnan  respondoient  :  ■  Il  nous  en  fault  atendre  l'a- 
venture; et  se  là  venoit  que  nous  fuissîens  asalli,  des  quels  vous 
totimeriiés  vous?  »  —  >  Il  nous  est  conmandé  et~ ordonné,  res- 
pondoient li  chevalier  d'Engleterre,  sus  qanq  que  nous  tenons 
dou  roi,  que,  se  rihote  conmenche  par  euls,  que  nous  soions 
avoecquez  vous.  Et  bien  nous  lor  disons  et  remoustrons  que  il 
se  tiengnent  en  paiï,  car  se  la  rihote  conmence,  nous  serons 
pour  vous  avoecquea  euls  et  contre  euls,  et  nous  est  conmandé 
dou  roi.  Et  pour  ce  que  il  voient  que  li  rois  et  nous  vous  vo- 
lons aidier  et  pM-ter  à  l'encontre  de  euls,  il  se  refrènent  de 
moustrer  de  fait  lor  mautalenl;  et  à  ce  que  nous  entendons,  il 
sont  bien  euls  siis  mille  de  une  aliance.  *  P"  1S  et  16. 

P.  48,  1.  1  :  alloiiet.  — JUs.  ^ Amiens  :  en  ung  village,  à 
douse  lieuwes  d'Ewmich.  F"  7  v". 

S86.  P. 49, 1.1 6;  angousse. — Ma.  d Amiens :HèiVi  grant  sei- 
gneur de  Haynnau,  qui  estoient  souvent  dallés  le  roy,  reconfor- 
toient  lor  mesnies  ;  et  lor  disoient  que  li  roys  lez  asseuroit,  et  qui 
mal  leur  voroit,  il  le  feroit  à  lui  meysmes.  El  est  cose  assés  crea- 
ble  que,  se  li  roii  et  ses  conssaux  n'y  evissent  mis  trop  grant 
remède,  il  n'en  fuissent  jammais  partis  sans  danimaige,  car  entre 
trois  cens  ne  seise  vingt  hommes  mors,  et  encoires  de  gens  estran- 
gniers,  il  ne  puet  y  estre  qu'il  n'y  ait  grant  plenté  de  lors  prois- 
mes qui  dolent  en  sont,  et  qui  vollentiers  les  contrevengeroienl. 


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8fi8  CHRONIQUES  DE  J.   FROISSART.  [1327] 

se  il  veoient  leur  plus  bel  et  il  osnient.  F"  7  v*.  —  Ms.  tli-  Rome: 
Et  qiint  il  aloient  venir  le  rot  et  la  roine  et  les  dames  et  les  da- 
moiselles,  il  estoït  ordonne  de  par  le  roi,  à  quelle  heure  que  ce 
fust,  il  fuissent  racnnvoiiel  et  niis  dedens  lors  hoslels.  P^lâ. 

P.  49,  I.  24  :  n'euist.  —  Ms.  tf  Amiens  :  un  gros  capon  |)oiir 
trois  estrelins,  douse  Très  hairens  pour  un  estrelin,  un  gallon  de 
bon  vin  de  Hin  pour  huit  estrelins,  et  cell  de  Gascoingne  pour 
sis  estrelbs,  de  quoy  li  gallons  fct  les  deus  quartes  de  pois.  F°  7 
V'.  —  Ms.  de  Rome  :  le  potel  pour  trois  estrelins  et  les  milleurs 
cervoisses  dou  monde.  F'  16. 

P.  48,  1.  26  :  d'Aussay.  —  Mti.  ^  1,  3,  20  a  3S  :  Ausoie. 
F«13  V».  ~Mss.  ,^  H  à  13:  Ausoy.  P"  12  V.  —  Mss.  A  18, 
19  :  Aussy.  F"  14. 

P.  49,  I.  29  :  litière.  —  Ms.  de  Rnme  :  à  milleur  niarchict  que 
en  Hainnau  ou  en  Vermendois.  V^  16. 

§87.  P.  50.  1.  2:  trois.  —  Mt.  d'Amiens  et  nus.  A  {  à  6.  8, 
9  :  quatre.  F>  7  V. 

P.  50,  I.  10  :  hors.  —  Mss.  d Amiens  et  de  Rome  :  de  Ewruic. 
F"  7  ¥'.  —  Ms.  .£  6  :  Si  se  party  de  Ewruich,  et  laissa  lu  ma- 
damme  su  mère.  F°  29. 

P.  50,  I.  12  :  del  roy.  —  Ms.  de  Rome  ;  tant  pour  honneur 
que  |M>ur  les  archiers  de  Lincole,  qui  ne  pooient  ne  ne  voloienl 
oubliier  te  ocision  et  la  perte  de  lors  amis;  et  volentiers  se  fuis- 
sent pris  as  Hainnuiers,  se  il  euissent  veu  que  point  d'avantage  il 
eiiissent  eu  sus  euls.  F"  16  v". 

P.  51,  ).  I  :  Escos.  — Ms.  de  Rnme  .'Etne  savoient  encores  li 
Englois  là  où  li  Escocob  estoient.  Et  disoient  li  auqun  :  t  II  sont 
retrait  en  lur  pais  :  ît  ont  usage  que  il  guerricnt  en  courant  ;  et 
qant  il  ont  fait  celle  course,  et  il  sentent  que  gens  ^'iennent  sus 
euls  il  jKMiir,  il  se  retraient.  >  Mais  pour  ces  jours  il  n'estoient  pas 
retrait,  avant  ardoient  en  Northombrelant,  et  avoient  ars  en 
Gallez  et  jusques  à  Carduel,  et  tout  le  pais  de  là  environ.  Et  tant 
alèrent  chil  de  l'avant  garde  que,  de  desus  les  montagnes,  il  vei- 
rent  les  furaières  d'auquns  petis  hametès  que  li  Escoçnis  faisoient. 
Et  li  auqun  Englès  disoient  que  ce  n'estoient  pas  fumières  des  feus  des 
Escos,  mais  des  ouvriers  qui  faisoient  carbon  ens  es  bois.  F°  16  v°. 

S  S8.  P.  Ii3,  I.  1  :  trois  mille.  —  Mss.  A  18,  19,  23  à  29  : 
quatre  mille.  F»  15.  —  Mss.  A  \  à  &  :  deux  mille,  F°  14  vo. 


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[i:t27]       VARl.VSTES  OU  PltKMlER  LIVRE,  §  23.  ilJ9 

P.  S3,  I.  S  et  1.  3  :  vingt  mille.  —  Ms.  dÀmiens  :  dix  mille. 
F»?  V*. 

P.  53,  I.  6  :  bruières,  —  Mx.  de  Rome  :  Et  je  Froissars,  actè- 
rcs  de  ces  croniques,  fui  en  Escoce  en  l'an  de  grasce  mil  ti'ois 
cens  soissante  et  cinq,  car  la  bonne  rnine,  madame  Philip{>e  de 
HalDnau,  roine  d'Engleterre,  m'escripsi  deviers  le  roi  David  d'Es- 
cuce,  liquels  (u  Ëh  au  roi  Robert  de  Brus,  et  au  conte  de  Douglas 
qui  pour  le  temps  resnoit,  et  à  mesire  Robeit  de  Versî,  signeur  de 
Sti-uvelin,  et  au  conte  de  la  Mare,  liquel,  pour  l'unnour  et  amour 
de  la  bonne  mine  desus  ditte  qui  tesmongnoit  par  ses  lettres  see- 
lées  que  je  estoie  uns  de  ses  clers  et  familiiers,  me  requellièrent 
tout  doucement  et  liement.  Et  fui  en  la  compagnie  dou  roi  un 
quartier  d'un  an,  et  euch  celte  aventure  que,  ce  que  je  fui  en  Es- 
coce, il  viseta  tout  son  pais,  |>ar  laquelle  Visitation  je  ajiris  et 
considérai  moult  de  ta  matère  et  ordenance  des  Escoçois, 
et  sont  de  toute  tèle  condition  que  chi  desus   vous  est  devisé. 

r-  17. 

p.  S3,  1.  9  :  maladie.  —  Ms.  ^Amiens  :  tant'estoit  il  fort  as- 
trains  de  gouttes  et  de  forte  maladie,  ains  se  tenoit  à  Donfremelin, 
une  moult  bonne  ville  seloncq  le  pays  en  Escoche,  et  où  tous  leur 
ancestrez  gisent  en  une  abbeye  qui  là  est.  F"  7  v".  —  Ms.  de  fa- 
Uncieruiet  :  car  il  ne  (Kwit  chevauchicr  pour  deux  grandes  mala- 
dies, l'une  de  goutte  et  l'autre  d'escaupine.  F'  17. 

P,  33,  1.  H  :  Morel.  —  Mss.  ,<  U  àl4  :  le  conte  de  Moret  en 
Escoce,  non  mie  enGastinois.  F°  13  v°. 

P.  53,  I.  ]2  :  orilliers.  —  Mss.  ^  1  à  6,  20  à  2»  :  oreilles, 
p.  ^l^  V". 

P.  K3,  t.  20  :  proèces.  — Ms.  d Amiens  :  Encoires  estoient  là 
li  comtez  de  Surlant,  li  comtes  Patris,  li  contez  de  Mare,  li  com- 
tes de  Fi,  li  comtes  d'Astredène  et  moult  de  bons  chevalliers  et 
escuiers.  F"  8. 

S  89.  P.  53,  1.  29  :  bataille.  —  Ms.  if  Amiens  :  En  chacune 
uvoit  bien  huit  mille  hommes  d'armes  et  seize  mille  de  piet.  F°  8. 

—  Ms.  de  faleaciennes  :  Et  avoit  bien  en  chacune  huit  cens 
hommes  d'armes  et  seize  mille  de  piet,  F*  17. 

P.  54,  I.  1  :  trente  mille.  —  Mss.  .^  11  <i  14  :  vingt  quatre 
mille.  F"  13  v. 

P.  54,  I.  6  :  vingt  et  quatre.  — Af*.  B  6  :  vingt  mille.  F"  29. 

—  Ms.  de  Borne  :  vint  trois  mille..  F*  17. 


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270  aiROXIQUES  DE  J.  FROISSARÏ.  [1327] 

P.  94,  1.  6  :  sans  le  ribaudaille.  —  Ms.  de  Rome  :  sans  les 

archiers  à  cheval.  F*  17. 

P.  54,  I.  S  :  rengiés.  —  Ms.  de  Borne  :  on  cevauça  tout  ren- 

giet  sicvant  les  banicres  le  roi.  Et  en  i  avoit  quab'e;  et  les  por- 

toieut  li  sires  de  Sees,   lî  sires  de  Ferrièrez,  b  sires  de  Morlais 

et  }i  sires  de  Hastinghes.  F*  17. 

P.  54,  1.  12  :  cinq.  —  Mts.  Â  i\  à  \k  :  deux.  P  13  v». 

§  50.  P.  55,  I.  9  :  d'abbaye.  —  Mts.  .^  11  à  14  :  de  moines 
noirs.  F"  14. 

P.  55,  I.  14  :  ensamble.  —  Ms,  ^Amiens  :  et  là  f u  messires 
Jehans  de  Haynnau  appelés,  ce  fu  bien  raison.  F"  17  v*. 

P.  55,  I.  16  :  estotent.  —  Ms.  d'Amiens  :  Tout  consideret, 
enti-'iaux  il  disoient  malcment ,  car  encorres  n'en  avaient  il  nuls 
veus  ne  ili  ne  savoient  où  tl  gisoient ,  ne  se  jà  |)oint  les  tmu- 
veroient,  pour  le  fort  pays  où  il  estoient  enbatu.  Si  sanibla  as 
aucuns  seigneurs  qui  là  estoient,  tels  que  le  seigneur  de  Persi, 
le  seigneur  de  Ros,  le  seigneur  de  Moutbray  et  le  seigneur  de 
Luzi,  qui  congnissoient  auques  le  pays  ;  et  disent  à  l'avis  des  Escos 
pour  certain  que  il  s'en  raloient  en  leur  pays,  et  que  miUenicnt. . . . 
F"  8.  —  Ms.  de  Borne  :  et  fu  avis  à  auqims  que  li  Escot  s'en 
raloient  en  leur  pais,  et  que  on  ne  les  aueroit  point  ;  et  pooit  estre 
que  il  savoient  bien  tout  le  convenant  des  Engloïs ,  mab  on  ne 
savoit  riens  don  leur.  F*  17  v*. 

P.  56,  1.  18  :  mares.  —  Ms.  tf  Amiens  :  car  chilx  pays  de 
Norhombrelant  se  diflêre  assës  de  diverseté  à  le  marce  d'Engle- 
terre.  Et  ossi  font  les  gens  :  il  sont  enviers  les  Englès  ensi  gue 
demy  sauvaige.  F*  8. 

P.  56,  I.  22  ;  crolières.  —  Ms.  dAmiens  .*  ne  en  ces  cras 
mares  plains  de  bourbe.  F°  8. 

P.  56 ,  1.  2d  :  mares.  —  Ms.  d Amiens  :  crolièrei  et  autres 
plassis.  F*  8. 

P.  56,  1,  31  ;  au  col.  —  Ms.  <t Amiens  ;  le  targe  sus  le  dos. 
F»8  V. 

P.  87,  1.  9  :  bestes.  —  Ms.  d'Amiens  :  et  chil  derière  cuidoient 
que  ce  fuissent  li  aonemy.  F"  8  v*. 

g  51.  P.  57,  1.  15  :  vespres.  —  Ms.  de  Borne  :  en  ces  Ions 
jours  d'esté.  F*  17  v". 

P.  57,  I.  17  :  rajKisser.  —  Ms.  d'Amiens  :che  disoient  chil 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  32.  271 

.  dou  pays  poiu'  cectam,  car  ailleurs  n'y  avoit  point  de  gué  De  de 
passage,  fors  que  droit  là.  F°  8  v*. 

P.  58,  ).  4  :  vingt  et  huit    —  Ats.  B&:  4ugt  et  deus.  F"  30. 

P.  58,  I.  16  :  lourset.  —  Ms.  de  B/>me  :  ou  boute'  en  lor  sain. 
F"  1 7  V". 

P.  38,  1.  22  :  lortis.  —  Mis.  Aï  eti:  alumez.  F°  16  V. 

P.  S9,  I.  1  :  nonne.  —  Mss.  A  i  à  6,  9,  iQ  à  ii  :  ainçois 
que  le  jour  feust  passé.  F»  16, 

P.  b9,  I.  12  :  noone.  —  Ms.  de  Rome  :  Environ  heure  de 
nonne,  auqun  povre  homme,  ouvrier  de  carhon  au  bois,  furent 
ti-ouve  des  varies  qui  estoient  aies  as  verghes  au  bob,  pour  euls 
logier  :  il  furent  amené  devant  les  signeurs ,  liquel  orent  de  lor 
venue  ti'ez  grant  joie.  Il  lor  fu  demandé  où  il  estoient  :  il  res- 
pondirent  que  il  estoient  à  quatorze  lieues  englesces  priés  dou 
Hoef  Chastiel  sur  Thin,  et  à  orne  lieues  de  Carduel  ea  Galles  ;  et 
M  n'avoit  nulle  ville  plus  priés  de  là,  où  on  peuist  riens  trouver 
pour  euls  aisier. 

On  prise  ces  hommes,  on  les  monta  sus  cbevaus  pour  ensen- 
gnier  le  chemin.  On  envoia  tantos  et  sans  délai  de  par  le  roi 
nonchier  au  Noef  Chastiel  sus  Thin  que,  qui  voloit  gaegnier,  on 
venist  avitaiUicr  le  ost.  Et  i  furent  de  le  ost  envoii^s  plus  de 
deux  cens  petis  chevaus,  pour  aporter  vivres  pour  lors  mestres. 
Mais  11  cheval  estoient  si  foullé  et  si  lassé  que  il  ne  pooient  aler 
que  le  pas;  et  fu  toute  nuis,  avant  que  il  venissent  au  Noef  Chas- 
tiel. 

Qant  ces  nouvelles  furent  sceues  au  Noef  Chastiel  que  li  rois, 
lors  sires,  et  lors  gens  estoient  en  tel  heu  et  en  tel  dangîer,  toutes 
manières  de  gens  se  prissent  priés  que  de  tourser  vins  et  viandes 
et  cervoises  et  fains  et  avainnes  pour  les  cbevaus ,  et  se  missent 
tantos  à  voie,  non  sus  les  chevalès  que  il  uvoient  amenés,  mais 
sus  autrez  qu'il  prissent  tous  reposés.  Environ  mie  nuit,  vinrent  li 
premier  en  le  ost,  dont  on  ot  grunt  joie,  car  hommes  et  chevaus 
estoient  si  afamet  que  plus  ne  pooient.  F*  18. 

P.  S9,  I.  15  ;  quatorze.  ~  Ms.B  &:  quinze.  F«  31 . 

P.  5«,  1.  16  ;  onze.  —  Mis.  ^  11  à  14  :  douze.  F»  15.  — 
Ms.  B  6  :  vingt  cinq.  V  31. 

P.  59,  1.  23  :  avalnne.  —  Mss.  jl  11  à  14  :  pouiailles,  eufs, 
fromaiges.  F"  15. 

g  32.  F.  59,  I.  28  :  A  l'cndemain.  —  Mm.  de  Rome  :  A  l'en- 


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ÎU  ClIRO-MQUES   DE  J.  KUOISSART.  [13î1] 

demain,  dedens  heure  de  tierce,  fu  li  h<M>s  ussés  avitaillie.  Et 
(juisièrent  celle  nuit  tnute  nuit  li  four,  et  s'i  hustèrent  ù  faire 
dnu  ]kaiii.  A  [lainnol  estoit  b  pnste  escaufec,  qunt  il  le  trainîent 
hi>i-5  dnu  Tour,  et  le  metoient  en  sas  et  en  paniers  i  et  puis  sus 
jieUs  chevalès  il  vinrent  en  le  ost.  Tout  cstoJt  requclliet  en  bon 
gi-c  et  vendu.  Kt  furent  chil  de  le  ost  grandement  apaisiet.  Et 
list  li  rois  donner  à  trois  povrcs  hommes  que  lors  gens  avoient 
triHive,  dont  11  avoîent  eu  celle  adrèche,  vint  livres  à  l'estrelin. 
Et  séjournèrent  là  li  rois  et  timlc  li  lioos,  sus  la  i-ivièrc  de  Thin, 
wit  JDUi's  tous  entiers,  atteuduns  que  li  Escocdis  retournaissent, 
mais  ils  n'en  avoient  ne  ooient  nulles  nouvelles-  Aussi  U  Esco- 
çnis  ne  savnicnt  riens  des  Englès  et  les  esc[ievoient  par  avis  de 
pais  elle  qu'il  jKtoienti  et  s*!  teiioient  en  la  marche  de  Carduel, 
entre  roces  et  montagnes,  et  pais  inhabitable. 

Ces  uit  jours  que  les  Eiiglez  séjournèrent  sus  la  rivière  de  Thîn, 
atcndans  la  revenue  des  Escoçois,  il  travillièrent  tellement  le  pais 
de  [Murveanccs  et  si  les  quissent  que,  un  pain  d'im  estrelin,  od 
lor  vendoit  siis.  Encores  le  toloient  il  l'un  l'autre.  Vin  tout  ba- 
hutc,  le  galon  qui  ne  valoit  en  devant  que  siis  estrclins,  il  l'acha- 
toient  vingt  quatre  estrclins.  Chars  avoîent  il  assés,  mais  toutez 
aultres  coses  lor  estoient  si  chièrcs  et  si  court  tenues  qu'il  n'en 
ponient  recouvrer.  Et  encores  avoecques  tout  ce'  meschief,  il  ne 
ccssoit  point  de  pleuvoir,  par  quoi  lors  selles,  iicniiiauls  et  con- 
treçaingles  furent  tout  piHirit,  et  tout  li  cheval  ou  la  plus  grant 
(lartie  quass^  sus  le  dos;  et  ne  savoient  de  quoi  cheuls  ferrer  qui 
estoient  desferret,  ne  de  quoi  couvrir  fors  que  de  leurs  toumi- 
(jiaus  d'armes.  Ne  culs  meismes  encontre  la  plueve  il  ne  se  sa- 
voient cnnment  desfendre;  et  jiassoient  bien  souvent,  qant  il 
aloicnt  et  venoîent  pour  quérir  pourveances  ou  pour  veoir  l'un 
t'aultre,  en  la  bourbe  jusques  as  qievilles. 

El  encores  l'avoient  li  Hainnuier  trop  pluz  dur  parti  que  li 
Englois,  car  depuis  basses  vespres  il  ne  s'osoient  desfouchier , 
mais  tenir  ensamble  et  faire  doubles  gais  toute  nuit,  pour  la  doub- 
tiince  des  arcliiers  de  Lincole,  qui  volentiers  les  euissent  couru 
sus  et  fait  gi'ant  damage,  se  il  lie  dobtaissent  le  roi  et  les  sî- 
gneurs  à  courouchier.  Et  n' avoient  de  quoi  faire  feu,  fort  que 
de  verde  lagne  qui  ne  voloit  ardoir;  et  n'avoieotne  (xit,  ne  chau- 
dière, ne  caudron,  car  tous  lors  charois  estoit  demorés  der- 
rière, qui  ne  pooit  venir  par  nul  cemin  jusques  à  culs  pour  la 
diversetc  dou  pais;  et  rotissoient  toutez  lorz  carz,  et  avoient  trt^ 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[13Ï7]       VARIAISTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  33.  273 

grant  defaote  de  se);  et  ne  savaient  k  quoi  boire  de  l'aige  ou  de 
l'autre  buvrage,  qant  il  en  pooient  avoir,  fors  en  vasselles  que  il 
avoient  fais  dez  escorces  des  auniaus  et  d'aultres  arbes  dou  bois. 
F»  18. 

P.  60,  1.  4  :  barilz.  —  Ms.  B.  Q  :  Et  sy  coustoit  le  denier 
quatre.  F*  32. 

P.  60,  I.  7  :  huit  jours.  —  Mt.  ^Andtnt  et  mst.  A  :  envi- 
roD  huit  jours.  F"  9.  —  Jlfs.  ^  6  :  En  cel  estât  furent  dix 
huit  jours.  Sy  vous  dy  que  les  Englès  eurent  moult  de  disettes 
et  de  pouvret^,  car  tondis  nuit  et  jour  il  gîsoient  en  leur  armure. 
Et  faisoient  les  Hayhuers  deus  gait,  l'un  pour  les  Escochois,  et 
l'autre  pour  les  archiés  de  Linchelle.  F"  32. 

P.  60,  I.  15  :  six  estrelins.  —  Mt.  cPAmiem:  sis  estrelins  ou 
sept.  F»  9. 

P.  60,  1.  13  :  un  paresis.  —  Ms.  d'Amiens  :  une  obole  estre- 
line.  P  9. 

P.  60,  I.  16  :  de  vin.  —  Mts.  .^  18  et  19  :  ùs  esterlins  qui 
ne  deust  valoir  que  sis  parisis.  F°  17  V.       , 

P.  60,  I.  17  ;  sis,  ~  Mi.  d Amiens  :  quatre.  V  9. 

S  S3.  P.  61,  I.  4  :  passer.  —  Ms.  de  Rome  :  mais  li  Escoçoia 
qui  sont  soutil  de  gerre,  sceurent  bien  prendre  un  aultre  cemin; 
car  il  congnoissent  otant  bien  toute  la  marce  où  U  estoient, 
aloient  et  venoîent,  que  il  font  lor  pais  d'Escoce.  F'  18  v*. 

P.  61,  I.  5  :  De  quoi.  —  Mt,  de  Rome  :  et  n'i  avoit  si  fort,  si 
jooe,  ne  si  joli,  qui  ne  fust  tous  pesans  de  merancolie.  F'  18  v". 

P.  61,  1.  11  :  sept.  —  Ms.  de  Rome  :  sept  lieues  plus  hault 
viers  Carduel,  au  desus  de  la  rivière.  F'  18  V.  —  Mst.  A  18, 
19  :  six  lieues.  F"  17  V. 

P.  61,  I.  18  :  cent  livrées.  —  Ms,  de  Rnme  :  en  deniers  ap- 
pariUi^s  cent  livres  d'estrelins.  F"  18  v*. 

P.  61,  I.  21  :  Adonc.  —  Ms.  S  6  :  Adonc  montèrent  à  che- 
val pluiseur  escuiicrs  qui  desiroient  à  avoir  chs  prouffit  et  hon- 
neur, et  se  mirent  en  esqueste.  Dont  il  avint  à  ung  escuier  en- 
glès, qui  s'apelloît  Thomelin  Housagre,  que  il  chevaucha  si  avant 
que  d'aventure  il  s'enbaty  entre  les  Escochois,  qui  estoient  logiet 
sur  une  montaigne,  à  sept  petites  lieues  priés  des  Englès,  et  riens 
n'en  savoient.  Sy  fut  pris  l'escuyers  et  amené  devant  messire 
Gillame  de  Douglas  et  le  conte  de  Mouret,  chief  et  meneurs  des 
gens  d'armes,  car  le  roy  d'Bscoche  n'y  estoit  myc  presens. 
i  —  18 


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274  CHRONIQUES   DE  J.  FROISSART.  [1327] 

Quant  les  seigneurs  et  les  barons  d'Escoche  virent  l'escuier  en- 
glès  devant  yaulx,  il  luy  demandèrent  dont  il  venoit  et  quel  cose 
il  queroit.  £t  il  leur  dist  toute  la  vérité,  et  commeat  le  roy  d'En- 
gleterre  et  ses  gens  les  avoicnt  quis  et  demande  jà  le  terme  de 
vingt  jours.  Dont  dist  mesirres  Gillame  de  Duuglas,  qui  ot  grant 
joie  de  ces  nouvelles  :  ■  Chertés,  compains,  puisque  vous  estes 
venus  jusques  à  chy  pour  chelle  cause,  nous  vous  quiterons  vostre 
prison,  car  nous  voilons  que  vous  soies  chevalier,  et  que  vous 
gaigni^s  cent  livres  de  terre  à  l'estrelin.  Et  se  dires  ensy  au  roy 
et  à  vos  seigneurs  que,  se  il  nous  quièrent  et  ont  quis,  et  nous 
les  querons  ;  et  que  droi  chy  il  viengnetit,  et  il  nous  trouve- 
ront. »  L'escuiier  fut  moult  joieus  de  ceste  response,  et  leur 
dist  ;  ■  Signeur,  grant  merchy,  et  je  le  diray  au  roy  et  as  ba- 
rons par  delà.  > 

Adonc  se  party  d'eulz,  et  chevaucha  tant  que  il  vint  en  l'ost 
devers  le  roy  d'Engleterre.  Et  là  vinrent  tout  li  baron,  pour  olr 
nouvelles,  a  Sire,  dit  l'escuiier  au  roy,  je  ay  veut  et  trouvé  les 
Escos  et  parlé  à  iaus.  Et  sont  bien  logiet  sur  une  montaigne,  à 
sept  petites  lieues  de  chy.  Et  vous  ont  quis  et  là  atendu  ung 
grant  temps,  et  vous  désirent  à  trouver  otant  bien  que  vous  faites 
eulx.  Et  demain  au  matin  je  vous  menray  à  celle  part  et  les  vous 
monstreray,  se  il  vous  plaist,  car  il  dient  que  il  vous  atende- 
ront.  >  De  ces  nouvelles  fut  le  roy  et  tous  les  barons  resjoy. 
F"  33  et  34. 

P.  61,  i.  23  :  seize.  —  Mtt.  J  il  à  Ik  :  jusques  à  seize  ou 
dix  huit.  F"  15  v*. 

P.  61,  1.  27  :  L'endemain.  —  JUs.  de  Rome:  le  bon  matin. 
F"  18  V. 

P.  62,  1.  2  :  rapasset.  —  Ms,  de  Rome  :  une  petite  lieue  en 
sus.  F"  19. 

P.  62,  1.  6  :  à  Paris.  —  Ms.  d Amiens  :  k  Londrez  ou  à  Pa- 
ris. F"  9.  —  Mu.  A  :  en  paradis.  —  Af*.  ^  1,  P  17. 

P.  62,  1.  9  :  ars.  —  Ms.  de  Rome  :  mais  il  ne  veoient  bcmime 
ne  fenme;  tout  s'en  estoit  fui  et  repus  [Mur  la  doubtance  d'euls. 
F»  19. 

P.  62,  1.  13  :  menoit.  —  Ms,  de  Rome  :  et  n'ooient  nulles 
nouvelles  des  Escos.  Considères  la  grant  painne  et  diligense  que 
il  rcndoient  à  trouver  les  maleois  Escoçois.  Et  se  «mtentoient 
mai  li  auqun  de  ce  que  on  les  jxiurmenoit  ensi,  et  dissoient  : 
«  Xcnnil,  nous  travillons  en  vain  :  les  Escos  sont  reliait,  grans 


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[13Î71       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  34.  275 

jours  sont  passé;  cor  anltrement,  se  il  ne  fuissent  enclos  en  terre, 
nous  en  euissions  oy  nouvelles.  > 

Au  quart  jour,  sus  l'eure  de  tierce,  evous  revenu  trois  esquiers 
deriers  les  marescaus,  qui  les  Escoç<hs  avoient  trouvés  et  parlé 
à  euls.  Tantos  li  doi  marescal,  mesire  Thomas  Wage  et  messires 
Lois  Hay  fissent  cesser  l'oost,  dont  dissent  toutes  gens  :  s  Nous 
avons  nouvelles  :  chil  chevauceour  ont  trouve  les  Escos.  »  Mes- 
sires Thomas  Wage  amena  ces  esquiers  deviers  le  roi.  Qant  il 
furent  venu  jusques  uu  roi,  il  li  dissent  :  a  Sire,  certainnement 
nous  avons  veu  les  Escos,  et  la  place  là  où  il  sont  logiet  et  aresté  ; 
et  à  ce  que  ii  moustrent,  il  vous  atendent.  Et  avons  parlé  à  l'un 
de  lors  hiraus,  et  disoit  que  il  venoit  de  Durâmes  ;  et  vous  quidoit 
là  b'ouver,  et  vous  portoit  la  bataille.  Et  nous  mena  si  avant  sus 
son  conduit  que  nous  avons  veu  une  partie  de  lor  cobvenant  ;  et 
là  vous  menrons,  se  vous  volés,  n  i —  a  Oil,  dist  li  rois,  nous  ne 
désirons  aultre  cose.  n  —  b  Et  sont  il  lonch  de  chi?  »  demanda  li 
rois.  —  <  Sire,  nennil  '.  environ  siis  lieues  englesces.  >  F*  19. 

P.  62,  1,  Ï8  :  huit  jours.  —  Ms.  de  Falencienaet  :  six  jour- 
néez.  F*  19. 

g  34.  P.  63,  1.  2  :  arrester.  —  Ms.  S  Q  :  k  heure  de  ves- 
pres.  F"  35. 

P.  63,  1.  2  :  blés.  —  Ms.  de  Rome  :  et  fu  U  rois  logiez  en 
une  abbeie  que  on  clainme  ou  pais  le  clostre  Saint  Pière,  et  est 
de  blans  monnes.  Et  ne  l'avoient  point  ars  li  Escoçois,  pour  tant 
que  l'abbé  estoit  cousins  ù  un  baron  d'Escoce,  le  signeur  de 
Lindcsée,  et  estoit  chils  en  celle  cevauchie. 

Encores  fu  demandé  à  ces  trois  esquiers  pourquoi  h  hiraus 
n'estoit  venus  parler  au  roi,  qant  si  mestre  l'avoient  envoiiet  jus- 
quez  à  Durâmes  pour  li  trouver  et  les  signeurs,  et  fait  son  mes- 
sage. Il  respondirent  à  ce  et  dissent  :  a  Nous  li  remoustrasmes 
bien  et  le  volions  amener  avoecques  nous,  mais  il  nous  pria  que 
nous  vosisions  faire  son  message,  et  se  moustroit  à  estre  dehe- 
tiés  :  c'est  la  cause  pour  quoi  il  s'en  retourna  deviers  ses  si- 
gneurs. s  En  celle  abbeie  se  loga  U  rois  celle  luit,  et  toute  li 
hoost  là  environ  ;  et  pooit  avoir  quatre  lieues  englesces  de  là  oii 
li  Escoçois  estoient  logiet.  F°  19. 

P.  63,  1,  11  :  At)riès.  —  Ms.  de  Borne  :  Qant  ce  vint  au  ma- 
tin. P  19. 

P.  63,  I.  14  :  conduisoit.  —  Mt.  rie  Rame  :  Et  abient  11  troi 


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276  aiRONIQUES  DE  J.  FROISSABT.  [1327] 

esquier,  qui  les  nouvelles  avoient  ajtorté  des  Esoçois,  devant, 
et  menotent  les  banières.  P*  19  y°. 

P.  63,  1.  17  :  chevaucièrent.  —  Ms.  de  Rome  :  en  tournant 
deus  montagnes.  P  19  v», 

P.  63,  I.  S2  :  montagne.  ~-  Mi.  B  6  :  rond^  et  agne  de  tous 
lés,  excepté  du  costet  par  où  les  Escochois  estoient  montés. 
F*  35. 

P.  64,  1.  11  :  ordonnées.  —  Mt.  d! Amiens  :  messires  Jehans 
de  Haynnau  et  cinq  des  plus  grans  seigneurs  d'Bngteterre  ame- 
nèrent.... F"  9  v". 

P.  6S,  I.  ik  :  plairoit.  —  Ms.  de  Rome  :  et  se  il  ne  pooient 
venir  par  là,  il  alaissent  autour  des  montagnes  querre  la  voie. 
F»  19  V», 

§  S&.  P.  65,  I.  16  :  commander.  —  Ms.  de  faleneietaiei  : 
par  les  marissaulx.  F°30. 

P.  65,  I.  19  :  juper.  —  Ms.  de  Falertciennei  :  huer  à  plaine 
geulle  tout  à  une  fois.  F"  20. 

P.  66,  1.  4  :  Pière.  —  Ms.  d'Amiens  :  Il  solaux  leva  biaux 
et  clers,  et  fii  U  airs  assés  atemprés  et  en  boin  point.  F"  9  v°. 

P.  66, 1.  32  :  avis.  —  Ms.  de  Rome  :  mais  H  Englès,  qui  con- 
gnoissent  lor  manière,  n'en  font  compte;  bien  dient  :  Olàl  les 
diables  qui  se  resvellent,  qui  nous  quident  esfreer  et  eshider  par 
lor  juperie.  F"  20. 

P.  67,1.10  :enl'ewe.  — jtfw.  ^làe,  Hàl9  :  en  pot.  F«  18. 

P.  67,  1. 12  :  gramment.  —  Ms.  de  Rome  :  mes  queil  aient  de 
la  farine  et  une  plate  pière  a  faire  des  oublies.  Et  aussi  ne  font 
auquns  Eaglob  ne  Gallois  :  il  sont  tout  de  une  poinne  et  de  une 
matère  et  condition.  F"  20. 

P.  67,  i.  23  et  24  :  montagne.  —  Ms.  £  6  :  à  quatre  lieues 
en  sus.  F*  37. 

P.  67,  1.  26  :  repus.  —  Mss.  ^  1  à  6,  20  à  22  :  pour  plus 
estre  à  repos.  F"  13  V*.  —  Mss.  A  18,  19  ;  pour  estre  plus  re- 
pont. F"  19  v«. 

P.  68,  I.  9  :  yaus. —  Ms.  ètAndens  :  Li  Englès  estoioit  logiés 
de  une  part  de  le  rivierre,  et  li  Escot  d'aultre;  et  demorèrent  en 
tel  estât,  dis  huit  jours  et  dis  huit  nuis,  sus  celle  seconde  montain- 
gne,  et  tous  les  jours  rengiés  l'un  contre  l'autre.  Si  y  eult  plui- 
seur  escarmuches,  en  le  rivierre  et  sus  le  rivaige,  d'aucims  ar- 
chiers  et  legiers  compuignons  qui  s'aventuroient.  F*  10. 


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[1327]       VAHIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  3C.  277 

P.  08,  I.  15  :  acorder.  —  JUs.  tfAmietu  :  de  quoy  li  i-oys  et 
li  signeur  d'Engleterre  estoient  tout  courchiet,  et  si  ae  le  pocuent 
amender  que  ce  ne  fuist  trop  à  leur  grant  dammaige.  F*  10. 
P.  68, 1.  9  :  dix-huit.— «■«.  J  l  à  e,  ÎQà  22  ;  huit.  F"  18  v», 
P.  68. 1.  17  :  mesaises.  —  Ms.  dAmieru  :&  n'eurent  oncqnez 
li  Escot,  tout  ce  temps  que  je  vous  compte,  pain,  ne  vin,  ne  sel, 
ne  quir  tanet  ne  conret  pour  faire  estivaulz,  ne  sorlers;  ains  fai- 
soient  surlers  de  quir  tous  crus  ii  tout  le  poil.  Et  li  Ënglès,  de 
l'autre  part,  n' estoient  mie  trop  à  aise,  car  il  ne  savoient  de  quoy 
yaux  logier,  ne  de  quoy  couvrir,  ne  où  aller  fourer  fors  en  bruitè' 
rez.  Si  puet  chacuns  savoir  que  il  avoient  grant  faute  et  grant 
mesaise  de  leurs  tentes  et  de  leur  caroy,  de  leurs  coses  et  de  leurs 
hostilz  qu'il  avoient  en  devant  fês,  ordonnés  et  achatés,  pour  yauz 
servir  et  aaisier.  Et  si  les  avoient  en  iing  bois  labsiet  sans  garde, 
et  ne  savoient  où  c'estoit  ;  ne  il  n'y  pooient  venir  ne  envoiier. 

Ensi  en  celle  cache  et  poursuilte  des  Escos,  furent  li  Englès  ung 
mois  tout  plain,  à  tel  meschîef  et  à  tel  mesaise  que  vous  avés  oy, 
que  touttes  leurs  pourveanches  leur  estoient  faliies  à  leur  plus  grant 
besoing.  Et  comment  que  pourveanchez  leur  venist  à  vendre  tous 
les  jours  de  pluiseurs  cost^s,  sy  n'eurent  il  oncques  si  bon  mar- 
chiet  que  uns  pains  mal  quis  et  de  mauvais  bled  ne  leur  coustast 
trois  estrelins  englès,  qui  ne  dewist  valloir  que  ung  denier  parsis 
à  le  ville,  et  ung  galon  de  povre  vin.  escauffet  douse  estrelins,  qui 
ne  valloit  au  tounel  que  trois.  Ensi  vivoient  il  à  dur  et  en  grant 
meschief,  et  livroient  leurs  gardions  par  (xirtinn  bien  escarsemeni, 
car  encoires  avoient  il  paour  de  plus  grant  fammine,  et  que  ar- 
gens  ne  leur  fausist  par  trop  loinge  demorëe.  F*  10. 

Ms.  de  FàteReienaet  :  Mais  onques  les  Escos  ne  s'i  vantent 
acorder  ne  prendre  le  parchon;  et  si  vivoient  en  te)  povreté 
qu'il  n'est  homme  qui  n'en  deuist  avoir  pttië,  et  pareillement 
les  Englès,  nonobstant  que  un  pau  euissent  il  mieulx  que  les 
Escos.  F*  20  V», 

S  56.  P.  68,  I.  22  :  deux  cens.  —  Mss.  A  H  à  ik  :  trois 
cens.  F"  17  v"  — Af*.  B  6  :  quatre  cens.  F»  37. 

P.  68,  1.  24  :  si  feri.  —  Ms.  de  Jt/ime  :  et  se  feri  moult  vas- 
saumenten  l'oost  des  Englois,  en  criant  :  «  GlasI  GlasI  »  Et 
txmmeuchièrent  il  et  si  compagnon  à  faire  une  grande  envaie,  et 
à  coper  et  mehagnier  gens  et  à  abntre,  car  ce  fu  sus  le  point  dou 
premier  sonme.  F»  20  v*. 


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278  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1327] 

P.  68,  i.  26  :baroii.  — JlfM.  ^7«  10,  13 à  19:  larron.  F"  16. 

P.  68,  1.  27  :  trois  cens.  —  Ms.  B  6  :  deux  cens.  F>  37. 

P.  69,  1.  4  et  5  :  montagne.  —  Ms.  de  Rome  :  Celle  envoie 
fist  U  chevaliers,  dont  il  acquit  trez  grant  renomma,  des  En- 
glés  meismement.  F°  20  y". 

P.  69,  I.  12  :  vingt  et  deus.  — JUs.  B  6  :  cinq.  F"  38. 

P.  69,  I.  16  :  aultres.  —  Ms.  d Amiens:  En  tel  mannierre  que 
je  vous  ay  compté,  demorèrent  li  Englès  vingt  deus  jours  sus  ces 
deus  montaingnes  devant  les  Escos,  toudis  escarmuchant  qui  es- 
carrouchier  volloit,  et  priés  que  tous  tes  joui-s  rengiés  les  ungs  con- 
tre les  autres,  une  foix  ou  deus.  Et  moult  souvent  quant  on  estnit 
retrai-s  et  desarmés,  recrioit  on  :  o;  As  armes!  Li  Escot  sont  pas- 
set,  n  Si  les  couvenoit  armer  de  rekief,  et  puis  trouvoit  on  que 
c'estoit  bourde.  En  apriès,  il  couvenoit  getter  toultes  lez  nuis  par 
connestablies  sus  lez  chans  en  trois  lieux  et  à  trois  costéz  de  l'host, 
apriès  ce  que  messires  Guillaumes  de  Douglas  eut  fait  ceste  en- 
vaiie  que  vous  avés  ovt.  Et  coramandoit  on  bien  et  à  çascun  gart 
deus  cens  armeurez  de  fier,  car  çascun  jour  dounnoit  on  à  entendre 
a  ces  seigneurs  d'Engleterre  que  li  Escot  estoient  tout  ordounnet 
de  venir  par  nuit  courre  sour  yauz,  car  il  ne  se  pooient  plus 
ensi  tenir,  ne  endurer  telle  fammine.  Ces  nouvelles  faisoient  plus 
ententievement  gaiticr  les  Englès  que  nulle  autre  cose,  et  estoient 
de  ces  ghais  durement  travilliés,  avoecq  le  mesaise  et  le  povreté 
qu'il  end ur oient. 

De  quoy  li  Haynuiers  et  chil  qui  estoient  là  avoecques  mon- 
seigneur Jehan  de  Haynuau,  estoient  là  en  ung  dur  parti,  car 
il  leur  couvenoit  faire  deus  gais,  l'un  avoec  les  seigneurs  d'En- 
gleterre par  l'ordounnanche  des  mareschaux,  et  l'autre  pour 
les  archiers  d'Engleterre  qui  plus  les  heoient  que  il  ne  fesissent 
les  Escos,  et  bien  leur  disoient  et  leur  reprouvoient  souvent  le 
fier  et  le  dure  bataille  qu'il  leur  avoient  fet  à  Ewruich,  enssi  que 
vous  avés  oj',  et  souvent  les  appelloient  mourdreours.  Ensî 
estoient  il  toudis,  par  jour  et  par  nuit,  en  troiit  grandez  paours, 
en  paour  des  Escos  qui  si  priés  leur  estoient ,  en  paour  des  ar- 
cliiers  englès  qui  entre  yaux  se  logoient,  et  en  paour  de  plus 
grant  Tammine  et  grant  mesaise  avoir  par  trop  loinge  demour^. 
F*  10  v». 

S  37.  P.  69,  1.  17  :  vingt  et  deus.  —  lUf.  dAmienu  :  le  dix 
huitième  jour.  F"  10  V.  —  Afw.  ^  20  A  22  :  le  derienier  jour 


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[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  37.  279 

des  huyt.  F"  36  v".  —  Mss.  ^  30  à  33  :  le  derrenier  jour  des 
vingt  quatre.  F*  104  v°.  —  Ms.  J  6  :  le  sixième  jour,  F"  38. 

P.  69,  1.  ÎO  :  leurs.  —  Ms.  ajmtens  :  et  toutteffois  tant  fu 
il  enquis  et  examinés  qu'il  s'en  descouvri  ung  petit,  car  on  li  eut 
&k  couvent  à  faire  douche  raenchon.  F°  10  v". 

P.  69,  1.  21  :  souverain.  —  Mt,  lie  Valencieimes  :  les  capi- 
taines des  Escos.  P  21  v", 

P.  70 ,  I.  6  :  armé.  —  Ms.  ^Amiens  :  et  jurent  toutte  'celle 
nuit  chacuas  tous  sus  armes,  en  le  place  devant  le  Teu  et  desoubz 
les  bannierrez,  le  teste  sour  le  cui  ou  sour  les  jambes  de  son  com- 
paignon.  F'  10  V.  —  Mi.de  Rame  :  et  proprement  li  rois  i  estoit, 
et  le  convint  villier  aussi  bien  comme  les  aultres.  Et  attendirent 
les  Escoçois  en  cel  estât,  qui  point  ne  vinrent,  mais  ordonnèrent 
autrement  bien  et  sagement.  Car,  si  tos  que  la  nuis  fu  venue,  ii 
furent  tout  prest  et  se  départirent,  sans  faire  noise  ne  cri  ;  et  fu- 
rent moult  eslongié,  avant  que  il  fust  jours,  F"  20  V  et  21 , 

P.  70,  l.  13  :  d'Escoce.  —  Mi.  de  Rame  ;  qui  trop  avoient 
dormi.  F»  21. 

P.  71 ,  l.  3  et  4  :  montèrent.  —  Ms.  B  6  :  environ  soUall 
levant.  P  39. 

P.  71,  1.  4  :  englès.  — Ms.  dJmieits:  et  haynuyers.  P  10  v*. 

P.  71,  I.  8  :  bestes.  —  Ms.  de  Rome:  vaces,  buefs  et  viauls. 
F"  21. 

P.  71 ,  1.  1 1  '.  chaudières.  —  Ms.  de  Borne  :  caudrons  pendans 
à  baves  de  bois.  P  21 . 

P.  71,  1.  14  :  hastiera. —  Ms.  d Amiens  ;  mil  chartiers.  F"  10 
vo. 

P.  71,  I.  24  :  mareschaus.  —  Ms.  d  Amiens  :  Et  au  soir  il  se 
logièrent  en  un  biel  prêt  et  trouvèrent  assés  à  fourer,  qui  bien 
besoagnoit  à  leurs  chevaux,  qui  estoient  si  foullet  et  afammet,  si 
esfondut  de  froit  et  de  pleuve,  et  si  desfroissiet  de  leurs  povrez 
selles  que  à  grant  meschief  les  pooient  il  cachier  avant,  ne  seoir 
sus  pour  le  froissure,  car  il  n' avoient  peniel  à  cengle,  ne  contre- 
cengle,  culière,  bride,  ne  poitral,  que  tout  ne  fuissent  desromput 
et  pourri.  Ains  en  cnuvenoit  le  plus  fairre  peniaux  de  vies  wan- 
bais  ou  de  vies  pourpoins  ou  de  vies  flassars,  qui  avoir  en  pooit, 
pour  mettre  desoubz  leurs  seller  et  cengles  de  sourcengles.  Et 
avoccq,  li  plus  de  leurs  cevaux  estoient  defferet  par  defiaulte  de 
fier  et  de  marescaux  ;  et  y  vendi  on  mil  claux  de  fier,  chacun 
claux  sis  estrelins  :  encoirfs  tous  liés  qui  les  pooit  avoir.  Par 


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280  CHRONIQUES  DE  3.  FROISSA.AT.  [1327] 

quoy  on  poroit  bien  dire,  qui  tous  les  meschîers,  les  mesaises, 
les  travaux  et  les  paours  seroil  considérer  de  le  première  che- 
vauchie  et  de  ceste  autre,  que  oncques  si  jouènes  prinches  comme 
li  gentilz  rojs  estoit,  n'avoit  empris  ne  enduret  deus  si  durez,  si 
travtllans  ne  si  périlleuses  chevauchies  comme  ces  deux  avoient 
estet ,  et  ambedeux  dedens  une  année  emprises  et  achievées  ;  et 
si  n'avoit  li  roys  que  seize  uns.  Ainssi  le  disoient  tous  U  plus 
preux  de  l'ost,  et  cîl  qui  plus  avoient  veut.  Ensi  furent  il  celle 
nuit  logiet  en  cel  biel  prêt,  dallez  ung  Ikel  park.  F*  11. 

P.  72,  I.  4  :  l'eglbe.  —  Ms.  de  Ponie  :  catedral.  F*  U. 

P.  72,  1.  4  :  Durem.  ~  Ms.  S  6  :  Et  le  prumière  ville  que  il 
trouvèrent,  che  la  Durem  où  il  y  avoit  grant  foison  de  leur  har- 
Das.  Sy  s'en  vint  le  roy  au  Noef  Cistel.  et  là  se  rafresqui  trois 
jours.  Et  au  quatrième  il  se  party  et  s'en  vint  à  Durem ,  et  )ù 
donna  il  le  plus  grant  partie  de  ses  gens  congiet.  Mais  il  retint 
dalés  luy  monseigneur  Jehan  de  Haynau  et  les  Hainuiers  ;  et  che- 
vauchèrent en  la  compaignie  du  roy  jusques  àla  cité  de  Ewruich. 
F"  40. 

P.  72,  I.  14  :  recognoistre.  —  Ms.  JAmieni  :  s'il  furent  lîet 
et  joiant  quant  il  olrent  ces  nouvelles,  che  ne  fet  point  à  deman- 
der, car  tous  leurs  draps  et  leurs  avoirs  estoit  sus  les  charettes. 
Si  n'avoient  que  vestir  fors  leurs  pouq>oins  puans  et  flairans , 
tous  pouris  de  pleuve  et  de  sueur,  et  pures  brayes  pouriez  et 
mal  buées.  Si  se  renouvellèrent  celle  nuit  de  touttes  coses,  qui 
bien  leur  besongnoit.  P  11.  —  Ms.  de  Rome  :  Si  se  tinrent  là 
trois  jours  et  s'i  rafresqirent ,  et  fissent  ferrer  lors  chevaus  qui 
grant  besongne  en  avoient.  Et  tant  en  chet  à  referrer  que  li  fiers 
falli,  et  se  couvint  aidïer  de  ceminiaus,  de  beades  de  chars  et 
de  hastiers  de  fier  et  de  qievilles,  Et  coustoit  uns  fiers  pour  mi 
cheval,  d'un  seul  piet,  siis  estrelins.  Encures  i  eut  si  grant  presse, 
sus  les  trois  jours  que  il  furent  à  Durâmes ,  que  bien  la  tierce 
pars  des  chevaus  furent  encioés.  F°  21. 

P.  72, 1.  20:Evruich.  —  Ms.  de  Rame:  et  li  rois  vint  àUruich 
c'on  dist  lorch.  F"  21  v°. 

P.  73,  I.  4  :  compagnons.  —  Ms.  de  Rome  :  Et  ne  furent  pas 
adonc  tout  hors  paiiet  en  denierz  apparilliés,  car  li  receveur  et 
officier  dou  roi  avoient  trop  mis  hors  d'argent  pour  ce  voiage. 
Et  qant  fmance  fu  revenue ,  on  en  fist  paiement  à  Bruges.  Si  fu 
çasquns  paiiez  et  satisfais  selonch  sa  porùan.  F"  21  V. 

P.  73,  I.  16  :  Flandres.  —  Ms.  de  Rome.-tsniron  s^t  jours. 


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[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  37.  281 

se  tinrent  messires  Jehans  de  Hainnau  et  li  Hainnuier  à  Wruich, 
c'on  dbt  lorch ,  depnJs  la  revenue  dont  je  vous  ai  parlé ,  da- 
lés  le  roi  et  madame  la  roine  et  les  signeurs  d'Engleterre. 
jw  21  V". 

P.  73,  1.  19  :  douze.  —  Mss.  A  M  à  \k  :  deux.  F"  18  v". 

P.  73,  1.  ii  ■■  archiers.  —  Ml.  d'Amiens  :  pour  le  doubtance 
des  archiers,  qui  trop  les  haj/nient,  et  qui  au  départir  de  l'ost  trop 
fort  manechiet  les  avoient.  Pour  celle  cause,  et  que  li  roys  ne  vol- 
sist  nullement  que  messires  Jehans  de  Haynnau  ue  se  routte  ewis- 
sent  rechupt  nul  dammaige,  les  hst  il  aconduirc  de  douse  cheva- 
liers et  de  bien  trois  cens  armurez  de  fer,  dont  messires  Regnauli 
de  Goben  et  messires  Thumas  Waghe  estoient  chief;  et  les  amenè- 
rent tout  sauvement  à  Douvres.  F"  11 .  —  JUs.  de  fa/eneiennes  : 
Et  en  conduit  que  le  roy  y  envoia,  pour  le  grant  soing  qu'il  avoil, 
furent  douze  chevaliers  et  trois  cens  hommes  d'armes.  Premiers 
y  fu  messire  Regnault  de  Gobeham  et  messire  Thomas  Waghe , 
qui  estoient  meneur  de  le  route.  F"  22,  —  Ms.  de  Home  :  Ensî 
se  départirent  le  Hainnuicr  dou  roi  et  des  signeurs  ;  muiz  il  en- 
voiièrentpar  la  rivière  dou  Mombre,  qui  rechiet  en  la  mer,  et  par 
vassiaus,  la  grignour  partie  de  lors  harnois  et  de  lors  variés,  11- 
quel  vinrent  depuis,  à  l'aide  de  Dieu  et  dou  vent,  a  l'Eschise  en 
Flandres  ;  et  il  ceminèrent  par  terre,  et  vinrent  à  Londres.  Et  les 
fist  li  rois  aconvoiier  et  acompagnier  de  messire  Thomas  Wage, 
marescal  d'Engleterre ,  pour  la  doubtance  des  archiers  de  Lin- 
cole,  car  il  les  couvenoit  rapasser  parmi  lor  pais;  et  ne  ti'ouvè- 
rent.  Dieu  merchi,  nul  encombrier.  Et  orent  li  Hainnuier  moult 
à  cevauchier  de  lorch  jnsques  à  Londres.  El  qant  il  furent  là 
venu,  il  s'i  rarresqirent  deus  jours,  et  puis  s'en  départirent  et  se 
missent  au  cemin.  Et  ne  les  laissa  messires  Thomas  Wage,  si  fu- 
rent à  Douvres;  et  là  montèrent  ii  en  mer,  et  arivèrent  à  Wis- 
san.  F»  21  V. 

P.  74 ,  I.  2  et  3  :  Roulongne.  —  Mt.  de  Borne  :  et  li  aultre 
vinrent  à  Saint  Orner.  F"  21  v*. 

P.  74,  t.  3  :  Haynau.  —  Ms.  de  Rome  :  Messirez  Jehans  de 
Raîmiau  vint  deviers  son  frère  le  conte  et  madame  la  contesse , 
qui  les  vetrent  volentiers,  li,  le  signeur  de  Ligne  et  les  barons  et 
chevaliers,  qui  en  sa  compagnie  «voient  esté.  F*  21  v". 

P.  74,  I.  9  :  savoit.  —  Ms.  d'Amieiu  :  Ea  telle  mannière 
coomie  je  vous  recorde  ,  fu  ceste  dure  grande  chevauchie  sus 
les  Escos  départie,  et  s'en  ralla  chacun  en  son  lieu.  £t  remerchîa 


;vGoo»^lc 


282  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1327] 

grandement  messirea  Jehans  de  Haynnau  lez  compaignons  qui  en 
ceste  cevkucie  avoient  estel  avoecq  lui;  et  cspeciitlment  et  pre- 
rnierement  les  plus  lontaings,  les  Hasbegnons  et  les  Braibenchons 
et  osst  tous  leE  Haynnuiers  ;  et  li  proummissent  au  départir  touttc 
amour  et  bon  service,  se  il  lui  besongnoit.  P  1!  v°. 

§  58.  P.  74,  1.  13  :  Ne  demora.  —  JUs.  tùr  Rame  :  Depuii 
ne  demora  pas  demi  an  que  madame  la  roine  d'Engleterre  et 
tous  li  consauls  de  li  et  de  son  fil  le  roi  avisèrent  l'un  parmi 
l'autre  que  il  couvenoit  le  jone  Edouwart  roi  d'Engieterre  ma- 
rier. Et  ne  pooient  veoir  lieu  ne  hostel,  par  l'avis  et  imagina- 
tion de  tous  et  de  toutes,  où  il  euist  femne  mieuls  ù  la  plaisance 
de  li,  car  on  l'en  demanda,  que  en  l'ostel  de  Hainnau,  à  l'une 
des  filles  le  gentil  conte  Guillaume  de  Hainnau.  Et  qant  il  li  fu 
demandé,  il  conmença  à  rire  et  dist  :  u  OU,  il  me  plaist  mieuls 
là  que  d'aultrc  part,  et  à  Pbelippe,  car  elle  et  moi  noua  concor- 
dions trop  bien  en»amble;  et  plora,  je  le  sçai  bien,  quant  je  pris 
congiet  à  lui,  et  je  me  parti.  »  Adonc  dist  madame  se  mère  : 
K  Biaus  Sis,  vous  dittes  voir,  et  nous  sonmes  moi  et  vnus  gran- 
dement tenu  à  nostre  cousin  de  Hainnau  ;  et  vous  verai  là  plus 
volcnticrs  mariet  que  ailleurs.  Et  i  envoierons  soufissans  messa- 
ges, car  la  damoisellc  le  vault  bien;  et  escriprons  et  prierons  à 
messire  Jehan  de  Hainnau  que  il  s'en  voelle  dou  tretiier,  comme 
bons  moiiens,  ensonniier.  n 

On  ne  recula  point  de  ce  pnurpos ,  mais  furent  ordonné  li 
evesqucs  de  Durâmes  et  doi  baron  d'Engieterre,  le  signeur  de 
Biaucamp  et  messire  Renault  de  Gobehcm.  Et  leur  furent  deli- 
vret  lettres,  et  dou  .sourplus  qanq  que  nu  dit  voiage  pooit  aper- 
tenir,  El  passèrent  la  mer  à  Douvres,  et  vinrent  à  Wissan  ;  et  ne 
cessèrent,  si  vinrent  à  Valenchiennes.  Si  se  traissent  à  liostels  sus 
le  marchiet,  au  Chine,  à  le  Bourse  et  à  la  Clef.  Pour  ces  jours, 
cstoient  li  contes  de  Hainnau  et  la  contesse  et  si  enfant  au 
Resnoi.  Il  demandèrent  où  mcssîres  Jehans  de  Hainnau  estoit. 
On  leur  dist  que  il  en  oroient  nouvelles  à  Biaumont  en  Hainnau. 
D'aventure,  il  trouvèrent  Pbelippe  de  Castiaus,  qui  estoit  venus 
A  Valenchiennes.  Tantos  que  il  sceut  lor  venue,  il  se  trest  viers 
culs.  Il  le  recongneorent ,  car  il  l'avaient  veu  en  Engleterre  ;  et 
estoit  li  plus  ]>roçains  de  tnesire  Jehan  de  Hainnau.  Il  en  de- 
mandèrent à  lui;  il  l'en  dist  la  vérité,  et  cevauça  ù  l'endemain 
avoecques  euls,  et  les  amena  à  Biatimont. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  38.  283 

Messires  Jehans  de  Hamnau  fu  très  grandement  resjois  de  Inr 
venue.  Et  le  trouvèrent  pourveu  et  aoumé  de  chevaliers  et  d'es- 
quiers,  et  madame  &a  fenme ,  cnntesse  de  SoUsons  et  dame  de 
Dargies,  jiussi  pourveue  de  dames  et  de  damoîselles.  Là  estoicnt 
li  sires  de  Fagnueiles,  li  sires  de  Haverés,  li  sires  de  Wargni,  it 
sires  de  Potelles  et  li  sires  de  Montegui.  Chil  signeur  d'Engleterre 
reommendèrent  grandement  Testât  de  li  et  de  sa  Tenme.  llmous- 
trèrent  les  lettres,  que  il  avoient  de  par  madame  d'Engleterre,  et 
le  jone  roi  son  lil,  et  lors  consauls.  Messires  Jehans  de  Hainnau 
rechut  les  lettres,  et  les  ouvri  et  lissi  tout  au  lonch.  Et  quant  i] 
oi  veu  et  entendu  la  matère  dont  elles  parloient,  et  que  c'esloit 
pour  l'avancement  et  mariage  de  sa  cousine  de  Hainnau,  si  en 
fu  grandement  resjois;  et  dist  à  l'evesque  et  as  chevaliers  qui  là 
estoient,  que  il  obeiroit  volentiers  h  tout  ce  que  on  U  avoit 
*escript,  car  il  i  estoit  tenus  de  foi  et  d'onmage.  Li  gentils  cheva- 
liers iist  ù  ces  signeurs  d'Engleterre  la  milleur  chière  que  faire 
lor  pot,  car  bien  le  savoit  faire,  et  tant  que  tout  s'en  contentè- 
rent; et  les  tint  à  Biaumont  deus  jours  tout  aise. 

Et  puis  au  ticrch  jour,  il  s'en  départirent  tout  ensamble,  et  vin- 
rent à  Maubuege  et  de  là  au  Kesnoi;  et  trouvèrent  le  conte  et  la 
contesse  bien  accHiipagniet  de  chevaliers  et  d'esquiers,  de  daines  et 
de  darooiselles  dou  pais,  qui  requellièrent  toute  la  compagnie  moult 
doucement  et  lieoieut,  ensi  que  bien  le  savoient  faire.  Messires 
Jehans  de  Hainnau  fu  promotères  de  ce  mariage  et  s'en  aquita 
bien,  ensi  que  escript  on  l'en  avoit,  et  tint  que  li  contes  de 
Hainnau  acorda  Phelippe,  sa  fille,  en  cause  de  mariage,  au  jone 
roi  d'Engleterre,  voircs  là  où  li  papes  les  vodroit  dbpenser  pour 
le  linage,  car  il  estoient  moult  proçain,  lors  ^eus  mères  cousines 
gerraaînnes.  En  tant  que  de  la  dispensation,  li  ambasadour  d'En- 
gleterre s'en  cargièrent,  et  envoiièrent  en  Avignon  deus  cheva- 
liers et  deus  clei's  de  droit. 

Pour  ce  temps,  resgnoit  papes  Jehans,  qui  descend!  tantos  à 
la  dispensation  faire  dou  mariage  d'Engleterre  et  de  Hainnau.  Et 
li  fu  avis  et  à  tout  le  colège  que  c' estoit  une  cose  bien  prise.  Et 
retournèrent  arrière  à  toutes  les  bulles  de  dispensation,  et  vin- 
rent à  Valcnchlennes  deviers  les  signeurs,  l'evesque  de  Durâmes 
et  les  aultres  qui  là  les  atendnient.  Si  en  orent  toutes  les  parties 
grant  joie.  Et  fu  la  damoiselle  espousée  par  ta  vertu  de  une 
procuration  ;  et  puis  retournèrent  en  Engleterre  nonchier  ces 
nouvelles.  Pour  lors  estoit  Phelippe  de  Hainnau,  ou  tressime  an 


D,qit,zeabvG00»^lc 


28i  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13*7] 

(le  soQ  eage.  Longe  et  droite  estoit,  sage,  lie,  humle,  dévote, 
large  et  courtoise  ;  et  fu  en  son  temps  aournée  et  parée  de  toutes 
nobles  venus,  et  amée  de  Dieu  et  dou  monde.  F*  il  v'  et  22. 

P.  74,  I.  14  :  li  contes.  —  Mi.  B  G  :  Aimon.  F"  4i. 

P.  74,1.  14:deKent,  —  jl/i.  (f^mfe/iï.- ses  oncles.  F"  11  v", 

P.  74,  1.  19  :  maiier.  —  Ms,  jG  6  :Sy  regardèrent  où,  et  di- 
i-ent  adouc  entr'eulx  que  on  no  le  povoit  mieuli  assener  ne  ma- 
rier que  à  l'une  des  filles  de  che  vaillant  et  honuourc  prinche, 
le  conte  Guillame  de  Ha)-nau  qui  sy  grant  amour  et  courtoisie 
avoît  fait  à  la  royne  d'Engleteire  et  à  son  filz,  et  que  aydiet  luj 
avoit,  quant  tout  le  monde  luy  avoit  failly,  et  envoiet  son  frère 
et  ses  gens  pour  luy  uydier  à  reconquerre  sou  pais,  ou  aultre- 
ment  il  estoit  perdus.  Chel  avis  et  consauls  Tu  tenus,  et  fut  de^ 
mandet  au  jone  roy  quelle  chose  il  en  diroil.  Hz  resjwndy  que 
il  n'y  sentoit  que  tout  bien,  et  que  plus  vollentiers  le  prenderoit 
yl  que  aulti'e  part.  Et  lors  luy  fu  demandé  à  laquelle  il  avoit 
mieus  son  plaisir,  car  le  conte  de  Uaynau  avoit  trois  filles  à  ma- 
rier. Et  le  roy  respondy  :  a  à  la  plus  jouène,  eisepte  unne,  qui 
s'apelle  Phelippe,  ■  car  celle  luy  avoit  toudis  moustré  plus  d'a- 
mour que  nulle  des  aultres,  du  tamps  que  il  fut  en  Haynau. 
F-  41  et  42. 

P.  74,  I.  19  ■.  un  evesque.  —  Mt,  d'Amiens  :  l'evesque  de 
Nordvicli.  F°  Il  v*.  —  Ms.  B  6  :  deus  evesques  et  ung  conte 
et  six  chevaliers.  F°  42. 

P.  74,  I.  25  :  filles.  —  Ms.  £  Amiens  :  madammoiselle  Phe- 
lippe sa  fille.  F"  H  V. 

P.  74,  I.  27  :  lui.  —  Ms.  B  6  :  Adonc  passèrent  l'ambassade 
la  mer  à  Wisunt,  où  le  passaige  estoit  lors  tout  commun.  F°  43. 
—  Ms,  d Amiens  :  Chil  messagicr  de  par  le  roy,  ensi  que  je 
vous  dt,  vinrent  à  Vallenchiennes  en  grant  arroy,  et  trouvèrent 
monseigneur  Jclian  de  Ilayunau  à  son  Itostel  de  Biaumont;  et  fe 
traissent  premièrement  deviers  lui,  et  li  disent  tout  ce  dont  char- 
giet  estoient  :  ■  Ciiiers  sirez,  nous  sommes  cliy  envoiiet  de  |>ar 
nostre  seigneur  le  jouène  roy  d'Engleterre  et  madamnie  se  mère 
et  tout  son  consseil  de  delà.  Et  vous  priient  que  vous  voeilli^z 
adrechier  à  ceste  bcsoingne  et  estre  dallés  nous,  et  priier  à  mon- 
seigneur le  comte  vostre  frère  que  il  voeille  acorder  en  cause  de 
mariaige  madammoiselle  Phelip|ic  sa  lille,  car  il  ran>it  plus  chiet- 
que  nul  autre,  tant  pour  l'amour  de  vous  que  dou  noble  saucq 
dont  elle  est  extraite.  «F»  Il  v°. 


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[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  39.  283 

P.  74,  1.  2»  :  fcîre.  —  Ms.  A  6  :  Le  gentil  chevalier  res- 
pondy  que  vollentiers  il  y  seroît  pour  yauls,  et  que  che  n'estoit 
mie  petite  chose  de  sa  nièche,  car  sa  seur  ly  mainsn^e  aurait  à 
mari  le  roy  d'Allemaigne  qui  jà  lîroit  à  estre  empereur  de 
Romme.  F"  k%. 

P.  74,  ;1,  31  :  frère.  —  Ms.  J  6  :  !e  œnte  qui  estoit  en  la 
ville  de  Valenciennes  où  adonc  il  se  tenoit.  F°  43. 

P.  74  et  73  :  rechut  —  Ms.  B  6  :  grandement,  car  bien  le 
savoit  faire,  mieulx  que  nul  prinche,  F*  43. 

P.  73,  1.  16  :  deus  de  leurs  chevaliers.  —  Ms.  B  6  :  qnatre 
chevaliers.  F*  44, 

P.  73,  l.  17  :  Saint  Père.  —  Mt.  B  ^  :  pape  Jehan.  F»  44. 

S  39.  P.  76,  I.  4  :  Quant.  —  Mt.  de  Borne  :  Qant  li  contes  et 
la  contesse  de  Hainnau  orent  ordonne  et  entendu  à  Testât  de  ma- 
damoizelle  Phelippe  lor  fille,  et  aourne  ensi  comme  à  lui  aperte- 
noit,  qui  devait  estre  roine  d'Engleterre,  on  pourvei  chevaliers  et 
esquiers  qui  avoecques  lui  dévoient  partir.  Adonc  prist  elle  con- 
giet  à  son  signeur  de  père  et  à  madame  sa  mère  et  ù  Guillaume 
de  Hainnau,  son  frère,  et  h  Jchane  et  à  Issabiel,  ses  sernurs,  car 
Margeritc,  li  ainnée,  n'estoit  point  là;  avant  estoit  en  Alemagne 
et  acouvenenchie  à  l'empereour  le  roi  Lois  de  Baivière,  roi  d'Ale- 
magne  et  empereour  de  Ronmc.  Après  tous  ces  congiés,  la  jone 
roine  Plielippe  d'Engleterre,  en  l'eage  entre  trèse  et  quatorse  ans, 
se  départi  de  Valenchiennes  en  la  compagnie  de  messire  Jehan  de 
Hainnau  son  oncle,  dou  signeur  de  Fagnuelles,  dou  signeur  de 
Ligne,  dou  signeur  de  Brifucl,  dou  signeur  de  Haverech,  dou 
signeur  de  Wargni  et  plus  de  quarante  chevaliers  et  esquier»  de 
Hainnau.  Et  servoit  devant  lui  adonc  uns  jones  esquiers  qui  se 
nonmoit  Watelès  de  Mauni,  qui  puis  fu  messires  Watiers,  vaillans 
homs  et  preus  as  armes,  ensi  que  vous  trouvères  ses  grans 
proèces  escriptes  en  cesie  histoire,  car  ce  fu  uns  homs  qui  fist 
en  son  temps  par  sens  et  par  proèce  le  corps  et  la  cavance.  Et 
se  départirent  de  Hainnau  pluisseur  jone  esquier,  en  entente  que 
pour  demorer  en  Engleterre  avoecquez  la  roine.  Si  cheminèrent 
tant  que  il  vinrent  à  Wissan;  si  furent  csqipé  lors  chevaus  et 
mis  ens  es  vassiaus  passagiers  d'Engleterre  qui  là  les  atendoient. 
Si  furent  tantiis  oultre,  et  là  estoient  li  sires  de  Biaucamp  et 
messire  Renault  de  Gobehem,  liquel  avoient  atencfu  la  venue  de 
la  jone  roine  bien  qijatre  jours.  Si  entra  la  ditte  roine  Phelippe 


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2811  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART,  [1347] 

de  Hainnau  en  Engleterre  à  si  bonne  heure  que  tous  li  roiaul- 
mes  en  deubt  estre  resjoU  et  fu;  car  depuis  le  temps  de  la  roîne 
Geaoivre  qui  fu  fenme  au  roi  Artus  et  roine  d'Engleterre  que 
on  nonmoit  adonc  la  Grant  Bretagne,  si  bonue  roine  n'i  entra, 
ne  qui  tant  d'onnour  reçuist,  ne  qui  si  belle  generatian  cuist, 
car  elle  eut  dou  roi  Edouwart  6on  mari,  en  son  temps,  sept  fils 
et  cinq  fUies.  Et  tant  comme  elle  vesqui,  li  roiaulmes  d'Engle- 
terre eut  grasce,  prospérité,  honnour  et  toutes  bonnes  aventu- 
res; ne  onques  famine  ne  chier  temps,  de  son  resgne,  n'i  de- 
morèrent,  ensi  que  vous  orés  recorder  en  l'istore. 

Tant  esploita  la  jone  roine  d'Engleterre  et  sa  compagnie  que 
il  vinrent  en  la  chité  de  Cantorbie,  et  alèrent  veoir  le  corps 
saint  Thomas  et  i  fissent  ior  offrande,  et  puis  passèrent  oultre. 
Et  par  toutes  les  villes  où  il  passoient,  on  Ior  faisoit  feste  et 
honnour,  dons  et  presens,  et  passèrent  à  Rocestre  et  puis  à  Dar~ 
deforde;  et  vinrent  à  Ettem,  et  là  s'arestèrent.  Et  là  estoit  li  eves- 
ques  de  Durâmes  qui  {>ar  procuration  l'avoit  espousé  à  Valen- 
chiennes  ou  nom  dou  roi,  et  grant  fuisson  de  signeurs  et  de  damez 
d'Engleterre,  qui  requellièrent  doucement  la  roine  et  toute  sa 
compagnie.  Et  m'est  avis  que  messires  Jehans  de  Hainnau  pour 
celle  fois,  ne  li  chevalier  et  esqiiier  qui  la  roine  avoient  acompa- 
gniet,  n' alèrent  plus  avant,  fors  chil  et  celles  qui  avoecquez  lui 
dévoient  demorer,  car  li  rois,  pour  ces  jours,  et  madame  sa  mère 
et  U  contes  de  Qent  estoient  en  la  marce  de  Northombrelande.  Si 
regardèrent  li  signeur  d'Engleterre  que  li  Hainnuier  aueroient 
trop  de  painnc  à  aler  si  lonch,  et  en  furent  deportd,  et  là  donnés 
et  pris  li  congiës  de  toutes  parties.  Et  plora  la  jonc  roine  PheUppe 
ossés,  qant  son  oncle  et  li  cevalier  de  Hainnau  le  laissièrent. 
Toutes  fois  ensi  fu  fait.  II  s'en  retournèrent  en  Hainnau,  et  li  si- 
gneur el  les  dames  d'Engleterre,  qui  de  ce  faire  estoient  cargict, 
ordonnèrent  Ior  jone  dame  et  l'enraenèi-ent.  Et  passa  tout  parmi 
Londres,  mais  adonc  point  n'i  arcsta;  car  on  voloit  que  li  Lon- 
driien  la  rechuissent  une  aultrc  fois,  qant  li  rois  l'aueroSt  es- 
pousé, et  elle  seroit  ruine  d'Engleterre,  de  tous  poins  et  à  telle 
solempnité  comme  il  estoient  et  sont  tenu  dou  faire  qant  une  roine 
d'Engleterre,  et  li  rois  l'a  cspousc,  entre  la  {)remièrc  fois  en  ta 
chité  de  Londres. 

Tant  esploitièrent  chil  qui  la  jone  roine  menoient,  que  i) 
vinrent  à  Evruich.  Là  fu  elle  recheule  très  solempnement  et 
grandement.   Et  issirent  en    bonne   ordenauce    tout  li    ùgneur 


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[1327]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  39.  287 

d'Engleterre  qui  là  estoieDt,  ù  l'escontre  de  U,  et  meisme- 
meDt  li  joQcs  rois  qui  le  trouva  sus  les  camps  montée  sus  une 
hagenée  très  bien  umblans  et  très  ricement  aournée  et  pâree , 
elle  prist  par  la  main  et  puis  l'acola  et  baisa;  et  cevauchièreat 
coste  à  costc,  et  à  grant  fuisson  de  menestrandics  et  d'onnours 
il  entrèrent  dedens  la  chité  ;  et  ensi  fu  amenée  jusques  au  lieu 
où  li  rois  et  madame  sa  mère  estoieni  logiet.  La  roîne,  mère 
dou  roi,  rechut  celle  jone  roine  moult  doucement,  car  elle  savoit 
d'onnours  tout  qanq  que  on  en  pooit  sçavoir.  Je  n'ai  que  faire 
de  plus  démener  ce  pourpos.  Li  jones  rois  Edouwars  espousa 
Fhelippe  de  Ilainnau  en  l'église  catedral,  que  on  dist  de  Saint 
Guillaume.  Et  les  e^wusa  li  arcevesques  dou  lieu  par  la  vertu 
de  la  dispensation  que  on  avoit  empêtré  en  Avignon  ;  et  fu  le 
jour  de  la  Conversion  saint  Fol.  Et  avoit  li  rois  disse  sept  ans 
d'eage,  et  la  jone  roine  sus  le  point  de  quatorze  ans;  et  fu  en 
l'an  de  grâce  Nnstre  Signeur  nulle  trois  cens  vingt  sept.  Si  poés 
et  devés  sçavoir  que  toutes  solempnités  et  festes,  sans  riens  cspar- 
gnier,  furent  à  ces  jones,  et  hiraut  et  ménestrel  largement  paiiet. 
Et  se  tint  depuis  ces  espousailles  li  rois  Edouwars,  madame  sa 
mère  et  la  jone  roine  lor  fille,  à  Evruîch  ou  là  environ,  jusques 
au  temps  Pusqnur,  que  il  vinrent  à  Londres  et  à  Windesore.  Et 
furent  de  rechicf  là  toutes  festes  faites;  et  i  ot  ou  mois  de  maî 
que  la  roine  entra  en  Londres,  grandes  joustes  faites.  Et  i  fu- 
rent grant  fuisson  de  Haionuiers;  et  par  especial  messires  Je- 
haas  de  Hainnau  et  messires  Guillaumes  de  Jullers  i  furent,  et 
li  sires  d'Enghien  qui  fourjousta  lez  joustes.  Je  me  tairai  un  petit 
à  parler  de  ceste  matère,  et  parlerai  des  Escoçois.  F**  22  V  et 
23. 

P.  76,  I.  4  et  5  :  espousée.  ■ —  JUs.  S  6  :  Lors  espousa  \y 
evesque  de  Linchelle  ia  fille  du  conte  de  Haynau  ou  non  du  roy 
d'Engleterre.  F"  44. 

P.  76,  1.  10  :  Wissant.  —  Ms.  £  6  :  Et  la  convoia  l'on  par- 
my  Artois  jusqu'à  Wissant.  Là  trouva  on  les  nefs  d'Engleterre 

toute  aparlies  qui  estoient  venus  querre  toute  la  compaignie 

8y  arivèrent  à  Douvres,  et  là  se  reposèrent,  tant  que  les  nefs  fu- 
rent toute  deschergies.  Et  puis  se  partirent  et  chevauchèrent  de- 
vers Saint  Thomas  en  Cantorbyc Ensy  fu  la  jone  dame,  en 

le  aigc  de  quatorze  ans,  amenée  jusques  à  la  cité  de  Londres. 
F"  4S. 

F-  76,  1.  22  :  festes.  — Ms.  if  Amiens:  Dtirèrcnt  ces  grandes 


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288  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1328] 

et  nobles  festes  plus  de  trois  sepmainnes,  aindiois  que  elles  se 
departesissent.  F"  11  V. 

P.  76,  I.  25  :  s'en  parti.  —  Ms.  ttAmiens  :  et  fu  là  et»  En- 
gleterre  messires  Jehans  de  Haynnau  ung  grant  tienne,  ains  qu'il 
s'en  peuist  partir.  F"  H  ■v". 

P.  76,  I,  29  ;  damoisiel.  —  Ms.  d'Amiens  :  ung  jouène  es- 
cuyer  de  HaiTinau,  qui  s'apelloît  adonc  Gautelcs  de  Maunjr,  qui 
fu  puis  messires  Ghnutiers  de  Mauny,  bons  chevaliers,  rades, 
preun,  hardis,  sages  et  baclielereux,  et  moût  amës  dou  my  et  de 
toiit  le  pays.  F*  12.  —  JW*.  de  Valenciennes  :  ung  josne  es- 
cuier  de  Haynnnu  pour  Ij  servir,  que  on  appeloit  Watelet  de 
Maugny,  qui  puis  fu  messire  Wautier  de  Maugny,  bon  chevalier, 
preux  et  hardis,  qui  moult  fu  amez  en  le  court  et  nu  pays.  F*  23. 
—  Ml.  B  6  :  ung  jone  escuiers,  qui  s'apelloit  Wastelet  de  Mas- 
ny,  que  monseigneur  son  |ièrc  luy  donna.  F*  46. 

g  40.  P.  77,  t.  16  :  Galles.  —  Ms.  de  Borne  :  Qant  il  se 
veirent  si  eslongiet  des  Englois,  et  il  sentirent  lors  chevaus  foul- 
lés,  il  se  logièrent  entre  montagnes  et  bois,  et  furent  là  toute  la 
nuit.  Et  ne  mengiérent  ne  mcngiet  n'avaient,  quinse  jour  estoîent 
passet,  les  trois  pars  de  l'oost,  ne  pain  ne  paste,  fors  que  chars, 
et  beu  de  l'aige  ;  et  se  li  Englès  avoient  eu  painne  de  euls  pour- 
sievir,  li  Escocois,  pour  euls  garder  et  sauver,  avoient  eu  poione 
et  soufTreté  de  toutes  coses  au  double.  F°  23. 

P.  77,  1.  19  :  Ass^s.  —  Ms.  de  Rome  :  Assës  tost  opriès  ce 
que  les  nouvelles  furent  venues  en  Escoce  que  li  jones  rois  Edou- 
wars  estoit  maries  à  la  ftlle  dou  conte  de  Hainnau ,  et  encore  se 
tenoit  ils  à  Evruich  là  où  les  noces  et  festes  avoient  esté,  auqun 
baron  d'Escoce  et  de  Northorabrelande  se  missent  ensamble  sus 
asegtu'ances  et  vinrent  sus  une  place  que  on  dist  la  Mourlane , 
entre  Escoce  et  Engleterre.  Et  là  parlementèrent  tant  H  un  à 
l'autre  que  unes  trieuvez  furent  prisses,  à  durer  trois  ans  entre 
Engleterre  et  Escoce.  Et  pour  ce  se  tint  li  jones  rois  d'Engleterre 
si  longement  à  Evruich  que  li  trettié  de  ces  trieuves  estaient.  Et 
qant  elles  furent  données  et  acordces  de  toutes  parties,  li  rois 
d'Engleterre,  contre  le  mois  de  mai ,  retourna  en  la  marce  de 
Londres,  et  madame  su  mère  et  la  j'one  roîne  Phelippe.  Et  furent 
les  festes  adonc  à  Londres  à  la  venue  de  la  roine,  ensi  conune  il 
est  contenu  icbi  desus.  F°  23. 

P.  77,  I.  23  :  trois  ans.  —  Ms.  B  6  :  pour  tant  que  le  roy 


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[1329]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  40.  289 

d'Escoche  quey  en  grant  maladie  et  ne  pooit  mais  chevaucier,  et  le 
roi  d'Engleterre  estoit  jonènes.  Sy  furent  celle[s]  trièves  prises  sir 
ans  durant,  et  lurent  bien  tenues  le  vivant  du  roy  d'Escoche.  F*  47 
P.  77,  I.  30  :  devant  lui.  —  Mt.  de  Borne  :  Qant  il  furent 
devant  ti ,  si  leur  dUt  ;  .  Hiau  signeur,  je  voi  bien  que  il  m'en 
convient  aler  la  voie  conmune  :  à  cela  n'i  a  nul  remède.  Je  vous 
reconroande  David,  mon  fil.  Li  enfes  est  Jones  et  auera  mestier 
d'avoir  bon  consel.  Se  li  baillie's  tel  que  li  roiaulmes  en  vaille 
mieuls,  et  le  couronnés  tantos  apriès  ma  mort,  et  le  maries  en 
lieu  à  voslre  sambknt ,  dont  il  vaille  mieuls.  Et  à  vous,  mes- 
sire  Guillaume  Douglas,  compains  et  trez  grans  amis,  Je  vous  ai 
tous  jours  trouvé  fiable,  de  bon  consel  et  de  haute  emprise;  je 
vous  pri  que  vous  me  voelliés  donner  un  don  que  je  vous  de- 
manderai ;  et  qant  vous  le  m'auerés  accordé ,  j'en  morrai  plus 
aise.  71  Li  gentils  chevaliers,  tout  en  plorant,  li  accorda  et  li 
dist  :  «  Monsigneur ,  dites  et  demandés  ;  je  le  vous  accorde, 
mais  que  ce  soit  cose  licite,  et  que  je  puisse  faire.  »  —  «  (h! 
respondi  li  rois.  Chiers  compains  et  amis,  je  voai  une  fois  il 
Dieu,  et  ce  veu,  je  l'ai  tous  jours  tenu  en  secré,  que,  se  je 
pooie  jà  veoir  le  temps  et  les  jours  que  le  roiaolme  d'Escoce  je 
peuisse  obtenir  en  paix  à  l'encontre  des  Englois,  en  l'onnour  de 
Jhesu  Cris,  qui  volt  mort  recevoir  en  crois  pour  nous  et  son 
sanch  espandre,  je  voloie  faire  un  voiage  sus  les  ennemis  de  Dieu 
et  là  exposse[r]  mon  corps  et  mes  biens.  Or  ay  je  tous  jours  eu 
tant  à  faire  encontre  les  Engloiz,  ensi  que  vous  savés,  que  je 
sui  devenus  vieuls  et  cheus  en  débilité  de  corps  et  de  maladie , 
par  quoi  je  ne  puis  mon  veu  acomplir.  Et  puis,  chiers  compains 
et  amis,  que  li  corps  ne  puet  faire  le  voiage  d'oultre  mer,  ne 
aler  ay  Saint  Sépulcre,  ne  espanir  mes  pecbiés,  sus  les  eononis 
de  Dieu ,  laquelle  cose  me  touce  de  trop  pries ,  je  vous  pri  que, 
qant  je  serai  trcspassés  de  ce  siècle ,  que  vous  faites  ouvrir  mon 
corps  et  prendre  le  coer  et  mètre  en  telle  ordenance  comme  il 
apertient.  et  que  vous  le  portés  oultre  la  mer  sus  les  mescreans 
et  jusques  au  Saint  Sépulcre ,  et  là  le  laissiez,  se  l'aventure  poës 
avoir  d'aler  si  avant.  Or  me  respondés  se  vous  m'accomplirés 
mon  darrain  desiriier.  »  Messires  Guillaumes  Douglas  respondi 
tout  en  plorant  et  dist  :  «  Monsigneur,  puis  que  vous  me  volés 
cargier  de  si  grant  cose,  jà  soit  que  point  ne  le  vaille,  j'en  ferai 
mon  devoir  et  mon  pooir.  >  Et  lî  rois  respondi  et  dist  :  «  Grant 
merchis.  i>  F*  î3  V*. 

1  —  19 


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290  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [i329J 

P.  78,  l.  17  :  crestienne.  —  Ms.  B  Q  :  et  visseter  le  saint 
mont  de  Calvaire,  et  Dieu  merchy  les  besoignes  au  les  par  dechà 
de  mon  royaume  sont  ass&  en  bon  estât.  P  48. 

P.  80,  L  4  :  siècle,  —  IUj,  if  Amiens  :  Lui  trespasset,  on 
l'ouvri,  ensi  que  ordonuet  l'avoît,  et  prist  on  son  coer,  et  fu 
boulis  et  enbaumës.  F"  12.  —  Ms.  de  Rome  :  Depuis  ccste  or- 
denance  faite,  ti  rois  Bobers  de  Brns  ne  vesqui  que  trois  jours. 
Si  fu  ouvers  et  enbaupsumés,  et  son  coer  pris  et  eobaupsumés  et 
couchiez  en  un  petit  vasselet  d'or  si  ricement  ouvr^  que  od  ne 
pooit  mieuls,  et  mis  en  une  chainne  d'or.  Et  tout  cela  encarga  li 
gentils  chevalier  de  Douglas,  au  jour  que  on  fist  l'obsèque  dou 
roi  Robert,  en  l'abeie  de  Donfremelîn  en  Escoce.  Là  fu  li  nùs 
Robers  enscpelis;  et,  preseus  les  barons,  les  prelas  et  les  cheva- 
liers, messires  ûuillaumcs  de  Douglas  encarga  la  çainne  et  !e 
vasselet  d'or  où  li  coers  dou  roi  Robert  estoit  enclos,  et  le  nûst 
en  son  hateriel;  et  dist  que  jamais  de  là  ne  partiroit,  de  nuit 
ne  de  Jour,  si  l'aueroit  porte  oultre  mer,  et  sus  les  roescreans, 
et  laissiet  au  Saint  Sépulcre  en  Uierusalem,  ensi  que  proumis 
avoit.  F"  23  v". 

P.  80,  1.  9  :  DoDÎremelb.  —  Ma.  Ji  à6,iO  àîix  d'Es- 
trumelin.  F*  21  v«. 

P.  80,  1.  9  :  reveranunent.  —  Ats.  d'Amiens  :  et  y  furent 
tout  li  noble  de  son  pays.  Apriès  ceste  ordonnanclie  fête,  li 
gentilz  chevaliers  messires  GuUlaumme  de  Douglas  se  coummen- 
cha  à  pourveyr  et  à  appareiUier  pour  mouvoir,  quant  temps  et 
saison  scroit,  pour  achicver  ce  que  proummis  avoit.  F*  12  v*. 

P.  80,  1.  11  :  le  septtoie.  —  Ms.  f  6  :  le  neuvième  jour  de 
septembre.  P  49. 

P.  80,  1,  13  :  novembre.  —  Ms.  de  Rome  :  Et  trespassa  de 
ce  siècle  li  rois  Robers  de  Brus  eu  l'an  de  grasce  Nostre  Signeur 
mil  trois  cens  vingt  huit,  le  septïme  jour  dou  mois  de  julle',  qui 
iu  la  nuit  dou  Saint  Sacrement.  Et  le  jour  saint  Jehan  Baptiste 
enlevant,  fu  couronnés  à  roi  David  ses  lilsj  et  li  fissent  tout  li 
baron  d'Escoce  feaultë  et  honmage,  les  hommes  des  chitds  et  des 
bonnes  villes,  des  pors  et  des  havenesi  et  estoit  en  oosime  an 
de  son  eage,  et  demora  ou  govrenement  dou  conte  de  Moret,  de 
mesire  Rd»ert  de  Versi  et  d'Arcebaut  Douglas.  F°  23  v*. 

P.  80,  1.  13  :  contes.  —  Mt.  d Amiens  :  de  Moret  d'Escodie. 
F"  12  V. 

P.  80,  1.  14  :  d'Escoce.  —  Ms,  dJmiens!  Si  en  furent  gran- 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1330]  VARIANTES  DU  PKËUIER  UVR£,  §  41..  291 
demeat  afoibli  tant  dou  roy  que  de  ce  conte,  que  de  monsei- 
gneur Guillaumme  Douglas  qui  vuidoit  le  royaumme  d'Escoce. 
F*  12  y. 

F.  80,  I.  15  :  oriJIiers.  —  Mss.  ^  20  à  33  :  oreilles.  F<>  40. 
—  Mu.  J  18  el  19  :  coilliera.  F"  22  v*. 

P.  80,  1.  IS  :  geules.  —  Mss.  ^  1  à  6,  18  à  33  :  d'or. 
F0  21  V*. 

S  41.  P.  80,  ].  16  :  prÏD  tainps.  —  Ms.  J!  S  .*  au  mars  en- 
fiievant.  F»  49. 

P.  80,  1.  20  :  en  Escoce.  —  Ms.  d Amiens  :  ou  havene  de 
HaindebouTch,  F»  12  v», 

P.  80,  I.  25  :  douze.  —  Ms.  B  6  :  quinze.  F»  50. 

P.  80,  I.  30  :  d'Escoce.  —  Ms.  d Amiens  :  et  avoit  en  se 
compaignie  deux  chevaliers  bannerèz  et  sept  autre  chevaliers  des 
plus  preus  de  son  pays,  et  bien  vingt  cinq  cscuiers  biaux  et  jouè- 
nes,  les  plus  souffissans  qu'il  pot  eslire  en  tout  son  pays,  sans 
l'autre  mesnie.  F*  12  v°.  —  Ms.  de  Borne  :  et  avoit  en  sa  com- 
pagnie un  baron  et  siis  chevaliers  et  trente  esquiers,  et  tous  à  sa 
délivrance,  sans  l'autre  mesnie.  P  24. 

P.  80,  I.  30  :  compagnie.  —  Ms.  B  6  ;  luy  vingt  cinquième, 
que  chevaliers  et  escuiers.  Et  y  estoit  le  conte  de  Mouret.  F°  49. 

P.  81,  I.  8  :  vins.  —  Ms.  He  Borne  :  et  servis  de  deus  ou 
trois  manières  de  vins,  et  casquns  selonch  son  estât.  Et  le  vin- 
rent veoir  de  Flandres  pluisseurs  chevaliers  et  esquiers,  et  de 
Hainnau  et  d'Artois,  et  à  tous  il  fist  bonne  chière.  F*  24. 

P.  81,  I.  11  :  entendi.  —  Ms.  de  Borne  :  il  entendi  que  Al- 
pbons.  Il  rob  de  Chastelle,  avqit  guerre  contre  le  roi  de  Gre- 
nade et  au  roi  de  Bougie  et  au  roi  de  Thunes  et  au  roi  de  Bel- 
lemarie,  et  tout  cstoient  Sarrasin.  F°  24. 

P.  81,  I.  17  :  l'Escluse.  —  Ms.  B  &  :  et  singla  devers  Cas- 
tille  et  tant  esploîta  que  il  ariva,  en  la  compaignie  de  aucuns 
Espaignos,  au  port  de  Seville.  Là  se  reposèrent  par  quatre  jours. 
,  Au  cinquième,  il  se  partirent  et  puis  yssirent  des  bateaulx,  et 
montèrent  à  cheval,  et  allèrent  devers  le  roy  Alphons  qui  estoit 
devant  Arsesille.  F"  50,  51.  —  Ms.  de  Borne:  et  puis  se  de- 
parti  de  l'Escluse,  et  orent  lî  maronnier  vent  à  volentë,  et  ùn- 
glèrent  sans  péril  et  sans  damage,  et  vinrent  à  la  Calongne  en 
Galise.  Et  là,  qant  il  furent  issu  de  lor  vassiel  qui  estoit  graiu 
et  biaus,  et  l'avoit  fait  faire  et  ouvrer  li  rois  Robers  de  Brus,  et 


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292  CHROMQUES  DE  J.  FROISSART.  [1330] 

il  furent  sus  t«rre,  il  se  pourvurent  de  chevaus,  et  puis  s'en 
alèrent  deviers  le  roi  d'Espagne  qui  se  tenoit  à  Burs  en  E^gne, 
et  s'aquintièrent  de  H.  Li  rois  avnit  bien  ni  parler  de  mcssire 
Guillaume  Douglas  et  de  ses  proèces.  Se  li  fu  li  très  bien  venus, 
et  le  rechut  d  grant  joie  el  toute  sa  compagnie,  et  li  fist  avoir 
sa  délivrance  et  son  estât  bien  et  grandement,  et  le  plus  à  ses 
coustages.  Avint  que  li  rois  Alphons  d'Es]>agne  entendi  que  li 
rois  de  Grenade,  lui  quatrinic  de  rois,  estoit  venus  à  poissance 
logier  à  l'entrée  de  son  pais,  Jà  avoit  mandé  ses  hranmes,  et  se 
mist  aussi  à  poissance  à  l'enconlre  de  ses  ennemis.  T'  24. 

P.  81,  I.  22  :  pays.  —  Ms.  d'Amiens  :  sept  jours  apriès  ce 
que  li  dis  messires  Guillaummex  de  Douglas  fu  là  venus.  F*  12  v*. 

P.  81,  I.  26  ;  ennemis.  —  Mt.  de  Kalemieiuws  :  et  dalei  lui 
estoit  venus  aussi  en  bon  arroy  te  sire  d'Engien  en  Haynnau 
pour  honneur  acquerre,  et  jà  avoit  este  grant  espasse  en  Espat- 
gne.  F»  23. 

P.  81,  1.  28  et  29  :  batailles.  ~  Ms.  £  6  :  et  esloient  bien 
trente  mille  hommes  en  trois  batailles.  F'  51. 

P.  81,  l.  30  :  route.  —  Ms.  S  G  :  ot  bien  cinq  cens  armés 
de  fier.  F"  51 . 

P.  81,  1.  32  :  effort.  —  Ms.  de  Valeneiennes  :  et  aussi  fist  le 
dit  seigneur  d'Engien  sur  les  costés  où  il  furent  ordonné  à  tout 
leur  charge.  F°  23. 

P.  82,  1.  14  :  meschief.  —  Ms.  de  Yalenciennes  :  Et  aussi  y 
demoura  la  banière  le  seigneur  d'Engien,  que  portoit  Gille  de 
Hembisse,  et  plaiseurs  autres,  mais  le  sire  d'Engien  se  sauva.... 
et  sachiés  que  ceulx  qui  iik  demourcrcnt  très  ;bien  se  vendirent. 
Et  parmi  le  mort  il  acquirent  très  grant  honneur  et  le  salvemeDt 
de  leurs  âmes.  F°  29. 

P.  82,  1.  IS  :  Espngnolz.  —  Ma.  £  6  :  Les  Espaignos  qui  là 
estoient,  et  qui  bien  les  olrent  assambler  as  Sarasins,  se  tinrent 
tout  cois  sur  leur  pas,  ne  oncques  ne  s'en  partirent  ne  firent 
samblant  de  conforter  les  Escochois.  Et  les  bons  chevaliers  mes- 
sire  Guillaume  de  Douglas  et  te  conte  de  Mouret  et  bien  dix 
chevaliers  d'Escoche,  qui  s' estoient  mis  en  clie  voyage  jiour  l'a- 
mour de  messire  Gillanie,  furent  tout  mors,  ne  de  tout  leur  gens 
n'en  escapa  nul.  Dont  clie  fut  pité  et  domaiges  et  dcfaultc,  et 
tout  par  les  Castelens  qui  bien  les  eusent  secourut,  se  il  eusent 
vollut.  Et  ensy  demoura  le  cuer  du  roy  d'Escoclie  en  Castîlle, 
ne  il  ne  fu  porté  plus  avant.  F**  SI  et  52. 


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[1328]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  41.  2!13 

P.  82,  I.  16  :  blasmel.  —  Ms.  de  Rome  :  Considérés  la  grant 
mauvesté  des  Cresdiens  qui  laissièrent  perdre  ce  vaillant  homme 
ensi  et  tous  les  siens;  car  il  furent  là  tout  mort;  ne  onques  ce 
jour  li  rois  d'Espagne  ne  li  sien  ne  se  combalirent.  Mais  mes- 
sires  Guillaumes  Douglas  et  li  Escoçois  i  fissent  mervelles  d'ar- 
mes, et  ocirent  et  abatirent  moult  grant  ftiisson  de  Sarrasins- 
Finablement,  il  demorèrent  là  tnut  mort  sus  la  place,  dont  ce  fu 
damages  et  grant  mauvesté  pour  les  Espagnols;  mais  li  auqun 
dient  que  il  le  Gssent  tout  volentiers  et  par  envie.  Easi  demora 
li  coers  dou  roi  Robert  de  Brus  là,  et  li  gentils  chevaliers  qui  l'î 
portoit,  et  toute  la  route  des  Escos,  reserve  les  variés. 

Considères  entre  vous  qui  entendes  raison,  le  povre  aventure 
chils  gentils  chevaliers  messires  Guillaumes  Douglas  eut  et  re- 
chut en  roiaulme  estragne  et  lont;iin,  pour  bien  faire.  Pluisseur 
voellent  dire  et  supposer  que  U  Espagnol  orent  envie  sur  lui  et 
sus  ses  compagnons,  pour  tant  que  il  s'avanchièrent  de  estre  ii 
premier  requérant  les  ennemis  et  assallant,  et  que  il  vodrent 
avoir  celle  honneur  devant  euls.  Qant  les  nouvelles  furent  sceues 
en  Escoce  de  la  mort  dou  gentil  chevalier,  tout  chil  dou  roiaulme 
en  furent  courouchie,  car  il  avoient  perdu  un  trop  grant  chapi- 
tainne,  et  le  regretèrent  moult.  Et  Ii  fissent  faire  si  parent  et  li 
baron  et  chevalier  d'Escoce,  son  obsèquc  aussi  solempnement  que 
donc  que  b  corps  fust  presens.  Et  chanta  la  messe,  en  l'abeie 
de  Sainte  Crois,  en  l'abeie  de  Haindebaurch,  li  evesques  de  Saint 
Andrjeu  en  Escoce.  Et  i  furent  tout  Ii  baron  et  li  prélat  d'Escoce. 

Encel  meisme  an,  trespassa  aussi  sus  son  lit  li  contes  de  Moret 
d'Escoce.  Ensi  fu  li  roiaulmes  d'Escoce  afoiblis  de  deus  vaillans 
hommes  et  d'mi  vaillant'  roi,  le  roi  Robert  de  Brus,  père  au  roi 
David.  F"  24. 

P.  82,  I.  24  ;  treltièrent.  —  JH>.  tfJmiens  :  aucun  Taillant 
homme  d'Escoce.  F*  12  V.  —  Mi,  de  Falenciemus  :  aucuns 
vaillans  seigneurs  et  sages.  F"  25  v. 

P.  «2,  I.  25  :  fu  fais.  —  Ms.  ^Amiens  :  Et  envoya  li  rojs 
d'Engletcrre  madamoiselle  Ysabel  sa  soer  moult  honnerablement 
deviers  le  joDC  roy  David  d'Escoche,  liquelz  le  rechupt  liemmt 
et  l'espousa  à  grant  joie.  F*  12  v". 

P.  82,  1.  26  et  27  :  d'Engleterre.  —  Ms.  B  %  :  mademoiselle 
Isabiel.  F"  49. 

P.  88,  1.  28  :  Bervich.  —  Mis.  A  W  à  ik  :  Warvich.  F»  21. 
—  Mss.  -^  15  à  19  :  Ewruich.  F»  21  v». 


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S94  CHRONIQUES  DE  J.  PROISSjUIT.  [1338] 

P.  82,  1.  28  :  en  Escoce.  —  Uss.  ^  1  â  6,  18  Â  22  :  en 
Gales.  Fo  22. 

P.  82,  1.  29  :  l'autre.  —  Ms.  de  Rome  :  Qsnt  li  demorant  des 
barons  et  chevaliers  d'Escoce  veirent  que  il  estoient  eosi  albîbUs 
de  v^Uans  hommes  et  avaient  un  jone  roi,  si  orent  consel  en- 
samble  à  savoir  là  où  il  poroient  lor  roi  marier  et  asener  en  lieu 
dont  il  vausissent  le  mieux.  Bien  sçavoient  chil  qui  conginisoîeot 
le  roiaulme  d'Engleterre,  que  li  jones  rois  Edouwars  avoit  uoe 
jone  soer  à  marier.  Si  regardèrent  et  jettèrent  lor  visëe  à  ce 
que,  se  lors  sires  li  rois  Davids  pooit  avoir  à  fenme  et  e^use 
la  serour  le  roi  d'Engleterre,  par  ceste  aliance  ou  temps  avenir, 
il  en  deveroient  mieuls  valoir,  et  que  pair  raisonaLle  en  poroit 
bien  venir,  au  pourfit  de  l'un  roiaulme  et  de  l'autre,  car  la 
guerre  avoit  trop  longement  duré.  Si  s'en  Misonniièrent  auquns 
Taillans  hommes  d'Escoce,  prelas  et  autres,  et  en  tretiièrent  pre- 
mierement  deviers  le  conte  Ainmon  de  Qent  et  mesire  Rogier  de 
Hortemer,  qui  pour  lors  avoieut  en  gouvrenement  le  roiaulme 
d'Engleterre.  Chil  doi  signeur  assés  legierement  s'enclinèrent  as 
reqoestes  et  tretiës  des  Esco^is  et  délivrèrent  la  serour  dou  jone 
roi  d'Engleterre,  madame  Isabiel,  à  ambassadours  dou  roi  d'Es- 
coce ;  et  lor  fu  menée  au  Noef  Chastiel  sur  Thiu,  sans  ce  que 
prelas,  barons^  ne  li  consauls  des  diités  et  bonnes  villes  d'En- 
gleterre en  seuissent  riens,  ne  fuissent  apellé. 

Pour  laquelle  cose,  grant  murmuradon  s'en  esleva  en  Engle- 
terre  contre  le  conte  de  Qent  et  messire  Rogier  de  Mortemer.  Et 
disott  la  rewmmée  dou  pais  que  il  ne  deuissent  pas  cela  avûr 
fait,  ne  le  mariage  acordé  si  legierement,  de  la  fille  d'Engleterre 
à  tor  adversaire  te  roi  d'Escoce,  que  il  n'euissent  convoqiet  l'es- 
pecîal  et  gênerai  consel  dou  pais;  et  couvenoit  que  il  i  euist 
entre  ceuls  qui  de  ce  mariage  s'estoient  eosonniiet,  auqune  eau- 
telle  secrée  qui  se  descouveroit,  qanq  que  ce  fust.  Vous  devés 
sçavoir  que  pour  celi  cause  pluisseur  en  Engleterre  entrèrent  en 
double  el  en  soupeçon  mauvaise,  jà  n'i  euist  nulle  cause,  à  ren- 
contre des  desus  dis  le  conte  de  Qent  et  mesire  Rogier  de  Hor- 
temer, et  les  [prissent]  à  grant  haine,  car  Englès  sont  mervilleus 
et  croient  plus  legierement  le  mal  que  le  bien.  Toutes  fois,  la 
jone  dame  d'Engleterre  fu  délivrée  as  barons  et  prelas  d'Escoce, 
et  le  prissent  au  Noef  Chastiel  sur  Thin  et  l'enmenèrent  en  la  chitë 
de  Bervich,  c'on  dist  en  Escoce.  Et  là  i'espousa  li  rois  Davids  d'Es- 
coce, et  vint  faire  sa  feste  depuis  en  Haindebourch  en  Escoce,  et 


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[1328]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  42.  295 

i  ot  joustes  noncies  et  [wbliies  tout  parmi  le  roiaulme  «TEngle- 
terre;  mais  moult  petit  de  chevaliers  d'Engleterre  i  furent,  car  Q 
considérèrent  la  vois  conmune  dou  pais  que  chils  mariages  n'es- 
toit  pas  fais  à  la  plaisance  dou  pais  d'&gleterre,  fors  que  de 
eolz  deus.  F*  24  v*. 

S  49.  P.  83,  I.  18  :  estnit.  —  J/j,  dÂmiens  :  et  qui  en 
dispenssa  le  roy  de  Franche.  F*  13. 

P.  83,  i.  26  :  d'Evrues-  —  Ms.  ^Amitnt  :  et  fu  noumm^  la 
damme  la  bonne  roynne  Jehanne.  F°  13. 

P.  83,  I.  27  :  au  roi.  —  Ms.  de  Rome  :  Lois  de  Navare.  ' 
F"  25. 

P.  83,  I.  30  :  Quant.  —  Ms.  de  Rome  :  Qant  il  senti  et  con- 
gneut  que  morir  le  cuvenoit,  il  manda  les  nobles  de  son  roiaulme, 
ceuls  que  en  haste  on  peut  avoir,  tant  des  douse  pers  de  France 
comme  des  autres  ;  et  qant  il  furent  en  la  présence  de  li ,  il  leur 
dist  ■  ■  Biau  signeur,  vous  estes  tout  mi  obéissant  et  de  mon 
lînage.  Je  sent  bien  et  congnois  que  aler  m'en  convient  en  la 
conmuue  voie ,  «isi  que  li  aultre  vont.  Je  vous  laisse  ma  fenme 
la  roine  enchainte.  Se  il  avient  que  l^eus  li  donne  un  hoir  malc, 
ce  que  la  couronne  de  France  désire  à  avoir,  je  vous  pri  que 
vous  en  faites  bonne  garde  et  le  couronnés  à  roi,  qant  il  vous 
samblera  que  il  apertiengne  à  estre;  et,  se  elle  est  fenme,  si 
ordonnés  de  la  couronne  de  France  à  juste  élection ,  car  bien 
sçai,  se  elle  est  Elle,  par  les  cstatus  et  ordenance  de  France, 
elle  ne  le  poet  avoir.  >  Tout  li  orent  couvenant  que  loiaumenl 
s'en  acquiteroient.  F*  23. 

Ms.  B  6  :  Quant  le  roy  Caries  deubt  mourir,  il  manda  les 
douze  pers  de  France  et  les  barons;  si  leur  dist  ensy  :  <  Si- 
gneurs,  vous  veés  que  mourir  me  couvient,  ensy  que  il  plaist  à 
Nostre  Seigneur.  Je  vous  rechergeray  ma  femme  la  royne  ;  elle 
est  ençainte  de  moy.  S'elle  porte  hou-  malle,  ilz  sera  roy.  Se 
c'est  une  fille ,  sy  ordonnés  de  la  couronne  de  France  à  vostre 
consienche  et  avis,  et  le  donnés  an  plus  prochain  hoir  masle. 
Autrement  n'en  saroie  ordoimer.  »  Il  respondirent  tout  que  ensy 
le  feroient. 

Et  puis  après  ung  pan -de  temps,  le  roy  Cbarles  morut  et  fut 
ensevely  à  Saint  Denis  en  Franche.  Ne  demoura  gaire  de  tamps 
après,  qne  ly  douze  pers  et  les  saiges  du  royalme  de  France 
s'asamblèrent  à  Paris,  et  regardèrent  qui  seroît  manbours ,  tant 


D,qit,zeabvG00»^lc 


296  CHRONIQUES  DE  J.  PROISSART.  [1328] 

que  la  royne  Jehenne  seroit  acouchie.  Sy  ordonnèrent  par  cou- 
mun  acort  messire  Pblipp«s  de  Vallois,  filz  jadis  an  conte  de  Val- 
lois.  F-  S2  et  53. 

P.  84,  1.  8  :  Paskes.  —  Mu.  J  S  i  17  :  environ  la  Chan- 
deleur, l'an  mil  trois  cens  vingt  sept.  F*  20  v".  —  Mt.ttJmiens: 
le  dix  sep tiesme  jour  dou  mois  de  march,  l'an  mil  trob  cens  vingt 
huit.  F"  13.  —  Afj  de  Rome  :  la  nuit  de  la  Pentecouste,  l'an  de 
grasce  mil  trois  cens  vint  huit.  F*  25, 

P.  84,  1.15:  royaume.  —  Ms.  J  Ô  ;  Sy  eslurent  pour  le  plus 
prochain,  à  leur  avis,  de  par  le  coumun  acort  de  tout  te  royalme. 
F-  53  et  Sk. 

P.  84,  I.  18  :  son  fi).  —  Mt.  de  Borne  :  Et  fu  bien  nonvelle 
de  Edouwart  le  jone  roi  d'Engleterre ,  fil  de  sa  seronr,  mais  la 
querelle  Tu  dcbatue  et  point  longement  soustenue.  F<>  25. 

P.  8k,  1.  24  :  livre.  — Ms.  J  Amiens  :  Li  douze  per  de  Fran- 
che et  li  vois  des  haux  barons  de  celi  royaumme  s'asentirent  et 
acordèrent  à  courounner  le  roy  Phelippe  de  Valloîs,  fil  au  comte 
de  Vallob,  liquelz  comtez  de  Vallois  avoit  estet  frères  au  btet 
roy  Phelippe ,  pèrez  à  ce  roy  Charlon ,  par  lequelle  sucessîoa  il 
eut  le  royaumme. 

Apriès  le  electon  fête,  g ramment  ne  demeura  mies  que  li  nou- 
viaus  roy  Phelîppes  s'en  vint  deviers  Rains  pour  lui  faire  con- 
sacrer et  courounner,  et  fist  là  son  mandement  à  estre  y  le  mer- 
quedi  de  le  Pentecouste  ;  et  le  jour  de  la  Trenité  enssuiwant ,  i) 
devoit  recepvoir  se  consacration.  Dont  s'esmurent  tout  U  grant 
signeur  don  royaumme  et  pluîsenr  de  l'Empire;  et  là  vinrent, 
pour  lui  honnourer.  Caries,  li  roys  de  Boesme ,  et  Phelippes,  ti 
roys  de  Navarre,  qui  à  ce  jour  l'adestrèrent.  Et  là  furent  H  dus 
de  Braibunt,  li  cnmtcz  de  Haynnau,  messires  Jehans  de  Haynnau, 
li  dus  de  Bretaingne,  li  dus  de  Bourgoingne,  iî  comtez  de  Blois, 
nepveux  au  roi  Phelippe,  li  comtez  d'Alençon,  li  comtes  de 
Flandres .  messires  Robers  d'Artois,  qui  mis  avoit  grant  painne 
à  che  couronnement,  li  dus  de  Lorainne,  li  comtes  de  Bar, 
li  comtes  de  Namur,  li  comtez  d'Auçoire ,  li  ducs  de  Bourbon , 
li  sirez  de  Couchy,  li  comtez  de  Saint  Pol,  li  comtez  d'Aumale, 
li  comtes  de  Halecourt  et  tant  d'autrez  seigneurs  que  li  recorders 
seroit  ungs  grans  detris. 

Avint  que,  au  jour  de  le  Trenitet,  ensi  que  ordonnet  estoit,  fu 
li  roys  Phelippes  courounnéa  et  consacrés  en  le  grant  église  de 
Nostre  Damme  de  Rains,  présent  tous  ces  seigneurs  devant  noum- 


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[13SS]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  42.  297 

met  et  moult  d'autres.  Et  là  estoîent  li  grant  et  li  hault  seigneur 
qui  dévoient  servir  le  roy  de  leur  offisce,  li  ungs  de  çaindre  l'es- 
pëe,  li  autre  de  li  chauchier  ses  espérons  et  enssi  de  touttes  co- 
ses.  Et  bien  estoient  appareilliet  de  faire  chacuns  son  devoir,  ex- 
cepta le  comte  de  Flandres,  mes  il  se  traioit  arrière.  Dont  fu  il 
appeliez  en  hault,  et  dist  on  par  deus  fais  :  t  Comtes  de  Flandres, 
se  vous  estes  ceens  ou  personne  de  pr  vous ,  si  ven^s  faire  vo 
devoir;  ■  et  li  comtes,  qui  bien  oy  ces  parolles,  se  tut  tous  quois. 
Lors  fu  il  de  rechief  apellé  le  tierche  fois  et  amonestës,  de  parle 
roy,  qu'il  venist  avant,  sour  quanque  qu'ï]  pooit  fourfaire, 

Adonc ,  quant  il  s'oy  ensi  conjurer,  il  vint  avant  et  endina  le 
roy  et  dist  :  <  Monseigneur,  se  on  m'ewist  appelles  Loeys  de 
Nevers  et  non  comtez  de  Flandres,  je  me  fuisse  très  avant.  > 
—  s  Coununent ,  dist  li  rois ,  non  estes  vous  comtez  de  Flan- 
dres? ■  —  1  Sire,  dist  il,  j'en  porte  le  nom  et  non  le  prouf- 
ùt.  D  Dont  vot' li  roys  savoir  comment  che  pooit  estre.  a  Mon- 
seigneur, dist  II  contez,  chil  de  Bruges,  d'Ippre,  de  Popringe  et 
de  Berghes  et  de  le  castelerie  de  Cassel  m'ont  boutet  hors,  et  ne 
me  tiennent  point  à  comte  ne  à  seigneur.  Encoires  assés  escars- 
sement  m'ose  jou  veoir  à  Gaod,  tant  troeuve  jou  le  pays  pfain 
de  rébellion,  n  Dont  parla  li  roys  Pbeiippes,  et  dist  :  «  Loeis, 
l»aux  cousins ,  nous  vous  tenons  pour  comtez  de  Flandres ,  et 
par  le  digne  ungction  et  sacrement  que  nous  recevons  hui,  jam- 
mais  ne  renterons  en  Paris  si  vous  arons  mis  en  possession  pai- 
sieuUe  de  le  comtet  de  Flandres.  »  Lors  s'engenouîlla  li  comtez 
et  dist  :  a  Monseigneur,  grant  merchis.  s  Depuis  fist  li  comtez 
son  devoir,  et  fu  tous  resjoys  de  ceste  proummesse,  et  ce  fu  bien 
raisons.  F*  13. 

P.  84,  I.  26  :  Trinité.  —  Jlfs.  de  Rome  :  A  celle  concordation 
de  la  couronne  de  France  donner  et  Phelîppe  de  Valois  cou- 
ronner, rendirent  grant  painne  li  contes  de  Hainnau ,  ti  contes 
Guis  de  Blois  et  messires  Robers  d'Artois,  car  chil  troi  prince 
avoient  ses  trois  serours  espousées.  F"  23. 

P.  84,  I.  32  ;  ala.  —  Ms.  JAmieas  :  et  s'en  vint  à  Arras  et 
là  se  tint  ung  tamps  ;  apriès  s'en  vint  il  à  Aire ,  car  on  li  dist 
que  li  Flamencq  estoient  enssamble  dessus  le  mont  de  Cassiet. 
F°  13  v°.  —  Ms.  de  Rome  :  et  vint  de  Rains  à  Pieronne,  et 
puis  à  Arras,  et  là  atendi  tous  ceuls  que  il  uvoit  mandés,  Li 
contes  de  Hainnau,  ses  serouges,  et  messires  Jehans  de  Hain- 
nau, son  frère,  le  vinrent  servir  par  priière  et  par  amours,  et 


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898  CHRONIQUES  DE  J.  FROBSART.  [1328] 

amenèrent  belle  route  de  genz  d'armes,  chevaliers  et  esquiers. 

Aussi  fissent  li  signcur  de  France,  qui  estoîent  tenu  de  ce  faire 

Li  roia  Phelippez  à  poissance  s'en  vint  d'Arras  à  Lens  en  Artois 
et  de  là  à  Bietune  et  puis  à  Aire.  Et  se  loga  entre  Aire  et  le  mont 
de  Cassiel,  et  avoit  le  plus  belle  hoost  et  plus  belle  gent  dou 
monde.  Et  avoient  li  signcur  tendu  tentes,  très,  auqubes  et  pa- 
villons sus  lez  camps,  et  sembloit  que  ce  fuissent  grandes  villes 
-  de  lors  logeis.  Et  là  estoit  li  bons  rois  de  Boesme  en  grant  arroî, 
II  contes  de  Hainnau  et  messires  Jehans  de  Hainnau  ses  frères, 
li  contes  Guis  de  Blois,  li  dus  de  Lorrainnc,  li  dos  de  Bar,  mes- 
sires Robers  d'Artois.  Et  teaoient  li  signeur  là  grant  estât  et  noble 
F"  25  V. 

P.  8S,  I.  3  :  Bruges.  —  fis.  de  Rome  :  non  que  Gant,  Bruges, 
Courtrai ,  Granmont  et  Ippre  en  fesj^sent  fait ,  mais  s'en  dissimu- 
loient  et  consentoient  bien  que  une  congrégation  de  fourbanis  de 
Flandres  fuissent  à  l' encontre  dou  dit  conte,  F»  Î5. 

P.  85,  1.  3  :  d'Ippre.  —  Ms.  J  6  :  et  de  le  chastelerie  de 
Bergues  et  de  Cassiel.  F°  S4. 

P.  83,  1.  7  et  8  :  escarsement.  —  Ms,  J  6  :  Sy  que.  à  la 
complainte  du  dit  conte ,  le  roy  Phelippes  esmeut  ses  gens  et  fit 
ung  grant  mandement.  Et  vint  logier  à  Aire  et  là  environ,  et  puis 
desoubz  le  mont  de  Cassel.  El  là  furent  les  Franchob,  je  ne  say 
quans  jours,  à  tentes  et  pavillons.  F"  34. 

P.  85.  1.  9  :  seize  mille.  —  Mst.  ^  15  i  17  :  environ  sèze 
miUe.  F"  22.  —  jKw.  A  IQ  à  il  et  B  &  :  bien  quinze  mille. 
F»  41  V".  —  Mss.  .^11  à  14  :  dix  huit  mille.  F»  21  V.  —  Mss. 
Ai  à&,  18,  A9,  23,  23  à  36  :  onze  mil.  F"  22  V.  —  Ms.  A 
24  :  douze  œil.  F°  33. 

P.  8S,  1.  10  :  chapitainne.  —  Ms.  ajmieiu  ;  Et  avoient  fet 
img  cappittainnc  qui  s'appielloit  Clais  de  Dennequin'.  ChUz  estoit 
inervilleusement  orguilleux,  hardis  et  outrageux.  Et  \\  proume- 
toient  li  aultre  qui  à  lui  obeissoient  que,  se  il  pooient  desconfire 
le  roy  de  Franche,  qu'il  le  feroient  ung  très  grant  seigneur.  Et 

bien  s'en  misent  en  aventure,  ensi  que  vous  orés.  F°  13  v". 

Ms.  de  Rome  :  Qant  le  chapitainne  de  ces  Flamens,  qui  se  non- 
moit  dais  Dennequins,  cntendi  que  li  rois  de  France,  en  s.T 
nouvelleté,  avoit  juré  que  jamais  il  n'enteroit  en  Paris,  ne  enten-    ' 

1.  Jfi.  de  yalencioHut  :  CInis  Zandeqnin.  F»  37  v". 


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[132S]  VARIAMES  DD  PREMIER  LIVRE,  §  ii.  ■  299 
deroit  à  aultre  cose  û  aaeroit  remis  en  Flandres  le  conte  Lois  et 
confondus  tous  ses  ennemis  et  nuisans,  si  s'en  enfellonnia  gran- 
dement et  dist  que  chils  rois  poroit  bien  fallir  à  ses  pourpos,  et 
toutes  fois  pour  lui  brisier,  ils  s'en  meterott  en  painne.  Et  asam- 
bla  tous  ceuJs  des  quels  il  pensoit  à  estre  aidiés,  car  chil  de 
Bruges,  d'Ippre  et  de  Courtrai  l'aidoient  couvertement,  et  avoient 
banis  et  mb  hors  de  lors  villes  des  fors  et  jones  compagnons, 
tisserans  et  aultres,  qui  tous  estoient  de  l'aliance  ce  Clai  Denne- 
qin.  Et  s'en  riiit  logier  sus  le  dit  mont  de  Cassel.  Et  pooient 
estre  en  sa  compagnie  environ  seize  mil  hommes,  tous  des  plus 
cmeub  et  envenim<!s  de  Flandres,  et  tous  as  gages  des  bonnes 
villes  de  Flandres,  reservet  Gant.  Car  chil  là,  tant  que  des  rices 
hommes  de  Gant,  s'en  dissimuloient  et  ne  faisoient  point  partie  à 
rencontre  don  conte,  F"  Ï5  V. 

P.  85,  1.  16  :  se  partirent.  —  Afs.  de  Rome  :  U  Flamench 
estoient  sus  le  mont  de  Cassiel  et  logiet  d'aultre  part  au  l^s  de- 
viers  Yppre,  et  veoient  tout  contreval  les  logeis  dou  roi  de 
France,  et  eurent  espies  qui  lor  vinrent  raporter  tout  le  conve- 
nant des  François,  et  conment  il  estoient  logiet  espars Et  s'a- 
valèrent un  jour  sus  l'eure  de  bassez  vespres  dou  mont  de  Cas- 
siel, et  s'en  vinrent  tout  droit,  sans  enls  tourner  ne  bestoumer. 
P25  V. 

P.  8B,  1.  2i  :  le  roy.  —  Mt.  de  Rome  :  Clais  Denneqins  îroit 
tout  droit  devant  lui  à  la  tente  dou  roi  de  France;  et  le  trouve- 
roient  soupant.  F°  25  v*. 

P.  8ÎS,  1.  22  :  souper.  —  Mt.  de  Borne  :  et  furent  sus  le  point 
li  François  que  de  estre  sousprb,  qant  on  cria  :  <  A  l'arme  t  - 
Honjoie  Saint  Denis!  » 

P.  85,  1.  26  :  de  Haynau.  —  M*.  B  S  :  Le  conte  de  Haynau 
et  messire  Jehan  son  frère,  qui  là  estoient  à  tout  grant  compai- 
gnie  de  Haynuiers,  lequel  estoient  logiet  à  l'un  des  bous  de  l'ost 
et  furent  les  pnimiers  qui  virent  les  Flamens,  sy  s'armèrent  in- 
continent et  toute  leurs  gens,  et  firent  adonc  ung  très  grant  se- 
cours au  roy  de  France  et  as  Franchois.  Car,  se  il  ne  fussent  sy 
'  tos  venus  au  devant  des  Flamens  qu'il  firent,  et  que  il  leur  cop- 
pèrent  la  voie,  pour  certain  il  euissent  au  dit  roy  porté  moult 
grant  damaige.  F°  55. 

P.  85,  1.  31  :  assamblet.  —  lUs.  S  6  :  Sy  avallèrent  le  dit 
mont  sy  coyement  que  oncques  nul  ne  s'en  donna  garde.  Sy  fu- 
rent tous  jus  et  bien  avant  en  l'ost.  Et  tuèrent  ung  chevalier  de 


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300  CHRONIQUES  DE  J.  FROISS,\RT.  («aS] 

Franche,  en  Tenant,  qui  s'u|>eUoit  messire  Renault  de  Lore,  que 
d'aventure  il  oncontrèreat.  F°  33. 

P.  86,  I.  3  :  de  Dieu.  —  Ms.  de  Rame  :  Toutes  fois  Dieus  ne 
voit  pas  consentir  que  U  signeur  fuissent  là  desconli  de  tel  mer- 
daille.  F"  2S  v°. 

P.  86,  l.  3  ;  escapa.  —  JWt.  d Amiens  :  De  tout  ces  seize  œil 
Flamens  n'en  cscappa  mil;  et  eurent  li  Haynnuyer,  li  comtes  de 
Haynnau  et  messiies  Jehans  ses  frèrez  premiers  desconlis  leur 
bataille,  car  ossi  ce  furent  li  |)reniier  assailli.  Et  les  endoirent  K 
Haynnuier  ])ar  derière  tellement  que,  quant  li  Flamencq  quïdiè- 
rent  retourner,  il  ne  peurent.  Là  y  eult  grant  bataille,  grant 
lanclieis  et  grans  fereis,  et  trop  bien  s'i  vendirent,  car  il  avoient 
hacez  et  espaBus  et  gros  bastons  fierez,  à  pickot,  dont  il  don- 
noicnt  grans  horions.  Et  là  rechurent  li  doy  frèrez  de  Haynnau 
moult  de  painne,  et  y  furent  trop  bien  batus.  Et  y  eult  li  comtes 
de  Haynnau  mors  deus  coursiers  desoubz  lui  ;  et  à  touttes  ces 
deus  fois  fu  il  relevés  de  monseigneur  Jehan  de  Haynnau,  son 
frère.  Et  lisent  tant  li  Haynnuyers,  avoecq  lor  seigneur,  qu'il 
desconfirent  celle  bataille  dez  Flamens  tout  nettement;  et  endoi- 
rent le/  autrez  qui  le  roy  de  France  avoient  assailli,  en  escriant  : 
a  Haynnau  I  Haynnau  !  ii 

Là  eut  grant  ocision  et  grant  mortalité  de  Flamens,  car  on 
n'en  prendoit  nul  à  merchy.  Et  là  fu  ocis  Colins  Dennekins,  cap- 
pittainne  d'iaux,  et  ossi  fu  ungs  bons  escuiers  de  Haynnau  qiù 
s'apielloit  li  Borgnes  de  Itobersart;  mes  ce  fu  par  son  outraige, 
car  il  tous  seux  cncaclioit  six  Flamens  qui  portaient  longhez 
pickez,  et  leur  escrioit  en  chasçant  :  o  Retournés,  laron,  car  je 
vous  ocirai  tous.  >  Enssi  les  poursuiwy  une  longlic  espasse;  et 
quant  il  le  virent  aseullet  et  arrière  de  touttes  aiies  pour  lui,  il 
retournèrent  tout  à  une  fois  som-  lui.  Et  le  feri  li  uns  do  se  picke 
desous  son  bachinet,  et  li  enbara  le  fer  en  le  cervelle,  et  le  re- 
versa à  terre.  Ensi  fu  mors  H  escuyers,  dont  ce  fu  dammaigez, 
et  moût  fu  plains  de  chiaux  de  son  pays. 

Ceste  bataille  fu  moult  felencsse  et  moult  dure.  Et  bien  se  ven- 
dirent Flamencq  tant  qu'il  peurent  durer;  mes  finablement  il  fu- 
rent si  assailli  de  tous  costéz  et  si  courageusement  combatu, 
qu'il  furent  desrout  et  desconfi  cl  ocîs,  et  mis  par  mons  ensi  que 
bestes.  Et  en  y  eut  bien  mors  quinze  mil.  Et  furent  li  Haynnuyer 
premier  qui  portèrent  les  bannierri'/  de  Haynnau,  de  monsei- 
gneur le  comte  et  de  monseigneur  Jehan  sen  frère,  sus  le  mont 


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[1328]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  42.  301 

de  Cassiel;  et  lez  miseat  sus  lez  raura  de  le  ville,  et  haut  sus  le 
tour  dou  moustier.  Depuis  y  furent  ^portées  les  bannièrez  dou 
roy  de  France,  qui  envoiia  saisir  le  ville,  et  y  mist  garde  de  par 
lui.  Geste  bataille  fu  en  l'an  de  grâce  Nostre  Seigneur  mil  trois 
cens  vingt  huit,  le  jour  Saint  Bretremieu  en  aoust.  P>  13  v*". 

P.  86,  1.  6  :  mors.  —  Ms,  S  6  :  Adonc  le  conte  de  Hajnau 
et  messire  Jehan  son  frère  se  combatirent  moult  vaillanment,  et 
rechurent  de  ces  plançon  de  Flandres  maint  pesant  horions.  Fi- 
nablement,  les  Fhmens  furent  desconGs  et  près  que  tous  mors. 
Et  demorèrent  toute  leur  capitaines  ochis  sur  la  plache.  Et  fu- 
rent les  banières  du  roy  de  Franche  portées  sur  le  mont  de  Cas- 
siel.  F"  56. 

P.  86,  I.  13  ;  Bietremieu.  —  Ms.  de  Rome  :  au  soir.  Y"  26. 

P.  86,  1.  IS  :  Cassiel.  —  Mt.  dAmieas:  se  tint  li  rois  de 
France  là  toutte  le  nuit,  et  lendemain  ossi.  F"  13  v".  —  Ms.  de 
Rome  :  Qant  ce  vint  à  l'endemain,  li  rois  de  France  envoia  ses 
marescaus,  le  signeur  de  Montmorensî  et  le  signeur  de  Trie,  et 
ses  banières  sus  le  mont.  P  26. 

P.  86,  I.  16  ;  Popringe.  —  Mi.  dJmiens  :  Cez  nouvelles  vin- 
drent  à  Bruges,  à  Yppre,  à  Popringhe  et  es  villez  voisinne/,  qui 
rebellez  estoient  au  conte,  que  Ga^'s  Dennekîns  estoit  mors  et 
desconfis  et  toute  se  routte.  Dont  baissicrcnt  lez  testes  chil  de  se 
partie,  et  n'osèrent  moustrer  nul  sambiant  d'aler  à  ['encontre 
dou  roy  et  de  leur  seigneur.  Et  dbcnt  que  Clais  Dennekins  estoit 
folz  et  outrageux,  et  que  sans  leur  consseil  il  g' estoit  combatus, 
car  il  li  avoient  mandet  qu'il  ne  se  cambatesïst  point  encorres; 
et  pour  ce  qu'il  l'a  fet  oultre  leur  deffensce,  il  l'en  est  mesavenu. 
Si  n'en  fait  nient  à  plaindre.  Ensi  fu  il  plorés  des  Flamcns  qui, 
devant  ce,  li  avoient  esqueilli  à  faire  ceste  emprise. 

Et  li  rois  de  Franche  chevaucha,  et  toutte  li  os  deviers  Yppre. 
Dont  vint  li  castelains  de  Berghes;  et  aporCa  les  clefs  dou  caste), 
avoecq  grant  fuison  des  gens  de  ceste  castelerie,  an  roy  de  Fran- 
che. Et  li  rois  les  prist,  et  en  rendi  le  seigneurie  au  comte  de 
Flandres.  Puis  chevaucha  li  rois  vers  Yppre.  £t  quant  cil  de 
Ij)pre  olrent  nouvellez  de  se  venue,  il  vinrent  contre  lui  à  grant 
pourcession,  etli  oiïrirent  les  clefs  de  le  ville.  Li  roys  les  prist  et 
les  rendi  au  comte;  et  fist  jurer  chiaus  de  le  ville  d'Ippre  foy  et 
loyaulté  à  leur  seigneur.  Puis  entra  li  roys  dcdens  Yppre,  ety  fu 
très  hotinerablement  recheus.  Et  tant  s' 1  tint  que  cil  de  Bruges 
et  dou  Fraucq  de  Brugbes  furent  venu  faire  featdté  et  houm- 


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30i  CH&ONIQUES  DE  Jf.  FAOISSART.  [1330] 

voloit  enpuisnimer  le  roi  et  faire  morir,  ensî  que  il  avoit  fait 
messire  Jehaa  d'Eltem,  et  pour  venir  ù  la  couronne  d'Ëngleterre. 
Li  rois  crut  ces  paroles  iegierement,  et  en  parla  à  madame  sa 
mère.  La  roiue  Issabiel,  qui  raieuls  amoit  messire  Rogier  que  le 
conte  de  Qent,  ne  l'escusa  aultrement  que  elle  dist  :  a  Ce  poroît 
bien  estre,  biaus  fils,  on  ne  sc«t  en  qui  avoir  fiance  aujourd'tii. 
On  li  donne  eu  ce  pais  povrc  renonmée  de  vostre  frère  ;  et  se  vouz 
esties  mors,  il  seroit  rois  d'Ëngleterre  :  c'est  li  plus  proçains.  » 
Ces  paroles  entrèrent  tellement  oii  coer  le  roi  d'Ëngleterre  qui 
estoit  Jones,  que  onques  depuis  elles  ne  li  porent  issir,  et  fist 
prendre  son  oncle  et  mener  en  la  Tour  à  Londres,  et  de  ià  au 
palais  de  Wesmoustier.  Li  contes  de  Qent,  qui  avoit  esté  tenus 
tous  jours  à  preudomme  et  sage  et  vaillant  hnmme,  ot  cel  ïncou- 
venient  si  grant  contre  li  que  morir  le  convint.  Et  fu  decolcs  ens 
es  gardins  de  Wesmoustier,  fà  otx  li  rois  Edouwars,  ses  frères, 
en  avoit  fait  decoler  des  plus  grans  barons  d'Ëngleterre  jusques 
à  vint  deux.  Et  ce  greva  et  apesa  trop  grandement  le  conte  Aio- 
mon  de  Qent  en  la  grâce  et  renonmée  des  Londrïiens,  que  il 
avoit  sa  cousine  la  soer  au  roi  d'Ëngleterre  donné  et  acordé  en 
mariage  au  roi  David  d'Escoce,  sans  ce  que  li  pais  en  seuist 
riens  ;  et  n'en  fii  point  tant  plains  que  il  euist  esté  et  aidiés,  se 
il  n' euist  fait  ce  mardé.  De  ce  conte  de  Qent  mort  et  decole, 
demora  une  jone  fille.  Pour  lors,  elle  pooit  avoir  sept  ans.  Se  le 
prist  la  jone  roine  Philippe  dalés  lui,  qui  en  ot  pité  et  enist  vo- 
lentiers  aidié  à  son  père  que  il  ne  fust  point  mors;  mais  qant 
chil  qui  le  haihoient  veirent  que  elle  s'en  voloit  ensonniier,  il  le 
hastèrent,  et  le  couvint  morir,  ensi  que  vous  avés  oy.  Celle  jone 
damoiselle  de  Qent  estoit  cousine  germainne  dou  roi  EdDuwart 
d'Ëngleterre;  et  fu  en  son  temps  la  plus  belle  dame  de  tout  le 
roiaulme  d'Ëngleterre,  et  la  plus  amoureuse;  mais  toute  sa  gé- 
nération vint  à  povre  conclusion  par  les  fortunes  de  ce  monde 
qui  sont  moult  diversez,   ensî  que  vous  orés  recorder  avant  en 

De  la  mort  et  decolation  le  conte  Ainmon  de  Qent  fii  li  roiaul- 
mes  d'Ëngleterre  moult  afoiblis,  et  li  rois  en  pluîsseurs  lieus 
grandement  blâmés,  qant  il  avoit  fait  morir  son  oncle,  et  tout 
chil  qui  ce  consel  li  avoient  donnet  et  par  especial  messires  Bo- 
giers  de  Mortemer.  F°  Î6  v", 

P.  87,  1.  19:  empuisonner.—  Mss.  A  i  à  iO,  15  à  19  ;  em- 
prisonner. F"  23. 


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[1330]       VABIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  43.  308 

P.  88,  I.  IS  :  enfourmës.  —  Ms.  de  Rome  :  et  li  fu  dit  pour 
sen  hoanour,  il  couvenoit  que  il  i  pourveist.  F*  26  V. 

P.  88,  I.  24  :  à  Londres.  —  itf*.  tC Amiens  :  à  Wesmoustier, 
son  palais.  F"  14  v*.  —  JUs.  de  Kalencienties  :  en  son  palab,  à 
Westmenstar,  hors  de  Londres.  F°  30. 

p.  88,  t.  2S  :  nobles.  —  Ms.  d'Amiens  :  et  dez  prelas. 
V  14  V. 

P.  88,  I.  27  :  fais.  —  Ms.  dAmiens  .*  Et  compta  U  roys 
meysmes  par  devant  tous  cliiaux  qui  là  estoient  mandat  et  a»- 
samblet,  les  fès  et  les  oeuvrez  le  seigneur  de  Mortemer,  ensi  que 
imfourmëa  en  estoit  et  que  trouvet  l'avoit  souffissanunent,  si  ques 
grant  partie  en  apparroit.  F*  14  v°, 

P.  89,  1.  1  :  à  faire.  —  iHs.  de  Rame  :  Adonc  entrèrent  tout 
chil  signeur  en  une  aultre  cambre  et  parlèrent  ensamble.  F°  27. 

P.  89,  1.  3  et  4  ;  infourmés.  —  Ms.  d^miens  :  et  ainchms 
loDch  terme  que  li  roys  en  seuwist  riens.  F'  14  v*. 

P.  89,  i.  6  :  justiciés.  —  Ms.  de  Rome  :  car  il  estoit  fauls, 
mauvais  et  traites  contre  son  signeur.  F*  27. 

P.  89,  I.  8  :  bahut.  —  Ms.  de  Rome  ;  et  puis  amenés  en  la 
grande  rue  de  Cep.  F*  27. 

P.  89,  I.  13  :  coraiUe.  —  Ms.  ^Amiens  :  Et  apriès  on  li 
coppa  le  teste,  et  puis  lii  pendus  par  lez  costés.  F°  14  v*.  — 
Ms.  de  Rome  :  et  puis  fil  mis  jus  de  l'escelle,  et  estendus  sus  un 
estai  de  bouchier,  et  copës  la  teste  et  esquartelés.  F°  27. 

P.  89,  I.  IS  :  tieste.  —  Ms.  de  Rome:  et  la  teste  de  lui  fa 
misse  sus  une  glave  au  pont  de  Londres.  P  27. 

P.  89,  1.  20  :  castiel.  —  Aff.  .0  6  :  sur  les  marches  de  Galles, 
moult  belle  place.  F"  58. 

P.  89,  1.  2S  :  revenues,  —  Ms.  de  Rome  :  et  rentes  et  reve- 
nues et  bien  paiies  de  terme  en  terme.  F*  27. 

P.  89,  1.  28  :  raison.  —  Ms.  d Amiens  :  Et  ordonna  li  rois 
que  nullement  elle  ne  vuidast  point  dou  castiel  plus  avant  que  à 
le  barrière,  mais  là  dedens  presist  ses  esbatemens  en  vergier  et 
en  gardins  qui  moût  bel  y  estoient,  et  par  lez  edefGcez  dou  cas* 
tiel  dont  il  y  avoil  grant  foison.  F»  14  V,  —  Ms.  de  Rome  :  lÀ 
rois  d'Engleterre,  par  te  consel  qu'il  ot,  fist  ma  dame  sa  mère 
envoiier  en  un  castiel  et  là  tenir  sans  point  issir  de  la  pourprise. 
F"  27. 

P,  89,  I.  32  :  bellement.  —  Ms.  de  Rome  :  Depuis  vesqui  la 
roine  Issabiel  là  en  cel  estât,  bien  ti-ente  quatre  ans.  F*  il. 


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306  CHROMQUES  DE  J.  FROISSART.  [1349J 

S  44.  P.  90,  1.  20  :  feaullé.  —  Ms.  £  6  :  de  la  duché  d'Aqui- 
taine et  de  la  conl^  de  Pontieu  et  de  la  cont^  de  Monâtreul. 
f'  S8.  —  Ms.  de  Rome  :  tant  de  la  duc4e  de  Giûeiiae  comme  de 
la  conlé  de  Poaticu.  F"  27. 

P,  92,  1.  24  :  grandement.  —  JUt.  ifAmieas  :  et  Itt  tjst  sé- 
journer par  l'espasse  de  quùue  jours.  F°  14  v". 

P.  93,  1.  23  :  cite.  —  Ms.  -<  2  :  en  la  bonne  chite  d'Arras  ou 
d'Amiens.  F*  iS  V.  —  Mt.  de  Rome  :  et  que  là  tenroit  li  roù 
son  estât,  et  i  seroient  à  ce  jour  li  douse  per  de  France  ou  chil 
qui  i  poroient  e&tre.  F"  27. 

P.  94,  I.  3  ;  mi  aoust.  —  Cette  date  fausse  ne  te  t/vuve  pas 
dont  les  mts.  A  i\  à  14.  F°  23  v>. 

S  48.  P.  94,  I.  7  :  estât.  —  Ms.  de  Rome  :  et  envoia  ses  let- 
tres en  Bainnau  dévier»  le  signeur  de  Bîaumont,  et  li  manda  que  il 
fust  à  Amiens  en  ce  jour,  car  il  i  scroit.  Messires  Jehans  de  Uaîn- 
nau  ne  l'euîst  jamais  laissiet  que  il  n'i  fust  venus.  F°  S7. 

P.  94,  1.  18  :  quarante.  —  Mss.  ^  11  à  14  ;  quarante  quatre. 
P"  23  v".  —  Mss.  ^  20  à  22  ;  cincquante.  P  45.  —  Ms.  B  6  : 
à  cinquante  chevaliers.  P  S9. 

P.  94.  1.  23  :  monta.  —  Mss.  .rf  11  à  14  :  à  cheval.  F»  24. 

P.  9S,  1.  5  :  d'Amiens.  —  Ms.  de  Rome  :  Che  prope  jour 
que  le  roi  vint ,  entra  en  la  chité  d'Amiens  messires  Jehans  de 
Hainnau ,  de  quoi  li  rois  et  tout  li  Englois  Turent  moult  resjm. 
F"  27. 

P.  9S,  t.  17  :  quinze.  —  Mss.  ^  23  i  29  :  seize.  F»  3i  V. 
—  Mss.  .^  11  à  14  :  dix  huit.  P  24.  —  Ms.  de  Borne  :  environ 
huit.  F"  27. 

P.  '96,  I.  1  :  vorroit.  —  Ms.  de  Rome  :  La  nature  des  Eoglès 
est  telle  que  tous  jours  il  se  crieoment  à  estre  decheu  et  r^li- 
quent  tant  apriès  une  cose  que  mcrvellesi  et  ce  que  il  aueront  en 
couvenant  un  Jour,  il  le  déliteront  l'autre.  Et  à  tout  ce  les  en- 
cline à  faire  ce  que  il  n'entendent  point  bien  tous  les  termes  dou 
langage  de  France;  ne  on  ne  lor  scet  conment  bouter  en  la  teste, 
se  ce  n'est  tout  dis  à  lor  pourfit.  Et  encorcz  eu  avint  adonc  ensi- 
Dont  li  signeur  et  li  per  de  France,  qui  là  estoient  veau  et  asam- 
blé  pour  celle  matère,  en  furent  trop  fort  esmervilUet  ;  et  en 
parlèrent  especiaument  ù  mesire  Jehan  de  Haiimau,  et  li  remous- 
trérent  tous  les  poins  et  les  articles  dou  dit  honmage  conmeot  il  se 
de  voit  faire. 


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[1331]  VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §§  *6.  48.  307 
Messires  Jehans  de  Haionau,  qui  estoît  ensi  que  moiiens  entre 
ces  parties ,  remnustra  ce  au  consel  le  rot  d'Engleterre ,  et  les 
paroles  des  François ,  et  quel  cose  il  disnient ,  conment  il  deuis- 
sent  estre  là  venu  aullrement  pourveu  que  il  n'estoient.  Il  res- 
pondinmt  à  ce  et  s'escusèrent  que  il  apertient  et  couvient  que  as 
(MirlemeDs  qui  sont  ù  la  Saint  Michiel  a  Wcsmoustier,  où  tous  lî 
consauls  gencrauU  d'Engleterre  est,  soient  remoustrées  tels  coses, 
car  bonnement  il  ne  le  poroit  faire  saus  le  sceu  de  tout  le  pais  ; 
et  se  li  rois  fait  l'avoit,  il  en  seroit  blâmés,  et  aussi  semient  tout 
chil  qui  conselliet  li  aueroient  t  et  n'en  vodroient  riens  tenir  en 
Engleterre,  et  diroient  que  il  aueroient  esté  decheu  :  si  ques,  sus 
cel  estât,  messires  Jehans  de  Hainnau  en  fist  response  à  ceuls  qui 
cargiet  l'en  avoient.  Et  qant  il  veirent  que  soufrir  leur  couvenoit, 
il  le  portèrent  et  passèrent  courtoisement,  et  li  rois  de  France 
trop  plus  doucement  encores  que  son  consel,  car  il  avoit  en  ima- 
gination que  d'enprendre  la  crois  et  aler  au  Saint  Sépulcre  et 
délivrer  des  mescreans;  ouquel  voiage  il  en  menroit  avoecques  lui, 
ce  disoit ,  son  cousin  le  jone  roi  d'Engleterre  ;  si  le  voloit  tenir  en 
amour  et  faire  pour  li  tout  che  que  il  poroit.  F*  27  v*. 

P.  96,  I.  23  :  s'apertient.  —  Mis.  ^.  1  à  6,  18  à  33  :  s'a- 
comparage.  F*  25.  —  Mts.  A  i\  à  14  :  ne  fait  à  comparer. 
F»24v«. 

S  46,  P.  96,  1.  31  :  à  Londres.  —  Ms.  de  Rome  :  au  palais  de 
Wesmoustier.  F*  27  v°. 

S  48.  P.  tOO,  1.  9  :  li  homs.  —  Ms.  d! Amiens  ;  Vous  avés 
bien  oy  cliy  devant  dire  et  recorder  le  trespas  don  roy  Charlon 
de  Franche,  et  coumment  li  père  et  li  hault  baron  del  royaumme 
de  Franche  eslisirent  et  couronnèrent  à  roy  Phelippe ,  fil  jadis 
au  comte  de  Vallois.  Et  sachiés  que  à  celle  élection  faire  mes- 
sires Robiers  d'Artois ,  ses  serourges,  qui  adonc  estoit  li  ungs 
des  plus  grans  et  mieux  oy  en  parlement  del  royaumme  de  Fran- 
che ,  y  mist  et  rendi  grant  painne.  F°  19. 

P.  100,  1.  20  :  lui.  — '  Ms.  de  faleneiennes  ;  entre  le  contesse 
d'Artois  et  le  duc  de  Bourgogne.  F»  38. 

P.  IM  ,  t.  21  :  d'Artois.  —  Ms.  d'Amiens  :  laquelle  comté 
messires  Robiers  callengoit  et  demandoit  contre  le  duc  de  Bour- 
goingne.  F"  19  —  Ms.  de  Rome  :  laquelle  comt^  messires  Ro- 
bers  d'Artois  proposoit  et  calengoit  comme  ûenne,  car  il  en 


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308  CHRO.MQUES  DE  J.  FROISSART.  [1331-34] 

venmt  d'estradon,  mais  (a  maie  roine  de  France,  renme  an  m 
Phelippe,  aîdoit  tr<^  fort  son  averse  partie  et  tant  que  elle  li 
moustra  et  prouva  mervilleuaentent  à.  fause  une  lettre,  laquelle 
ti  dis  messires  RtJiers  d'Artois  mist  avant ,  et  s'en  vnloit  aidier. 
Et  fu  celle  lettre  cmidaropn^e  en  parlement  à  Paris ,  el  une  da-  ■ 
minselle  d'Artois  arse ,  que  on  clamoit  la  damoiselle  Dtvion ,  <-t 
Rwssîres  Roberz  d'Artois  jugîés  à  morir  honteusement,  se  on 
l'euist  tenu  ;  ne  nuques  li  rois  Phelippes  ne  le  volt  sousporter, 
tant  fn  il  dur  enfourmés  contre  li,  et  tout  par  la  roine  de  France. 
F»  28  V». 

P.  100,  !.  Ï6  :  remède.  —  Mt.  J  6  :  Et  à  che  avoit  la  nyne 
de  France  grant  eoup[>e,  car  le  pluit  estoit  contre  le  duc  Oede  de 
Bourgoigne,  son  frère.  Sy  y  bouta  sy  fort  que  le  roy  le  fisl  bamr 
publicquement.  F»  60. 

P.  100,  1.  29  :  France. — Ms.  ifJmieiu:  11  wuida  leroyaumme 
au  plus  tost  qu'il  peult,  et  s'en  vint  enHaynnau  deviers  le  comte 
Guillaume,  qui  adonc  regnoit  et  se  tenoit  en  l'ostel  de  Hollandes, 
à  Vallenchiennea,  maladieus  et  travîlliés  par  heures  de  gouttes. 
Et  recorda  au  comte  sen  avenue,  et  cnumment  li  rois  de  France 
l'avoit  aqueilUet  en  grant  haynne.  Si  l'en  demanda  à  avoir  cota- 
seil.  Li  comtes  de  Haynnau,  qui  ses  serourges  estoit,  car  il  avMent 
deux  serours  espousées,  fu  durement  esmervilliéz  de  ces  nou- 
velles, et  li  dist  que  voUenders  pour  l'amour  de  lui  il  envoiermt 
deviers  le  roy  de  Frandie,  et  U  aideroit  à  faire  sa  pais.  Si  em  pria 
monseigneur  Jehan  de  Uaynnau,  son  frère,  et  l'evesque  de  Cam- 
brai, qui  estoit  pour  le  temps,  que  il  y  volsissent  aller.  Cil  li  acor- 
dèrent  voUentiers  el  vinrent  en  Franche  deviers  le  roy,  pourveu 
et  avisé  de  lettres  de  par  le  comte  de  Haynnau,  et  de  biel  lan- 
gaige  pour  excuser  le  dit  monseigneur  Robert,  en  lui  priant  que 
il  lui  vosist  pardonner  son  mautateut  et  li  rendre  ses  enfans  et  sa 
terre.  Mes  li  roys  n'y  volt  oncques  de  riens  entendre,  ains  manda 
au  comte  de  Haynnau ,  par  monsigneur  Jehan  de  Haynnau  son 
frère  que,  se  il  soustenoit  ne  tenoit  ne  comfurtoit  en  riens  le  dit 
messire  Robert ,  il  n'aroit  pieur  enncmit,  ne  plus  grant  de  lui. 

De  quoy  li  comtes  de  Haynnau  fu  moult  corouchi^s,  quant  il 
oy  ces  nouvelles  et  si  fors  mandemens  dou  roy.  Et  s'en  consseilta 
as  pluiseurs  grans  barons  de  son  pays  qu'il  en  estoit  bon  à  faire, 
car  il  amoit  durement  le  dit  monseigneur  Robert;  et  bien  disoit 
que,  se  il  fuJst  hetiës  et  que  il  pewist  chevauchier,  il  li  cuiderait 
bien  faire  se  )ics,  avoec  l'ayde  dou  duc  de  Braihant.  Dont  dbsent 


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[1331-34]  VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  48.  309 
li  baron  de  Hayniuiu  que  il  n'avoit  que  iâire  d'entrer  en  haynne. 
ne  mettre  son  pays  en  guerre  contre  le  toy  de  Franche  pour 
Dtiessire  Robert  d'Artois;  mes,  se  il  le  voUoit  aidier  et  comforter 
de  misse  secrètement,  (aire  le  pooit,  et  le  laissas!  pourcacher  et 
querre  amis  là  où  bon  li  sambloit,  car  il  avoit  bien  des  plus  pro- 
diains  qu'il  ne  li  fust.  Li  comtes  crut  son  cousseil  et  fist  délivrer 
a  messire  Robert  secrètement  six  mille  vi^  escus  pour  paiier  ses 
frès  ;  et  li  donna  draps,  chevaux  et  jetiiaux  au  départir,  et  le  re- 
conmmanda  à  Dieu.  Et  s'en  vint  adonc  le  dit  messires  Robiers 
d'Artois  à  Namur  veoir  sa  soer  la  comtesse  de  Namur  et  le  jouène 
comte  Jehan  de  Namur,  son  uepveult  et  les  autrez,  Guillaume, 
R<^rt  et  Loeis,  qui  estoient  adonc  moût  jone  damoizel.  Sa  serour 
le  rechupt  à  joie,  et  ti  fist  feste  ce  qu'elle  peult;  che  ne  fu  nient 
iMigement,  car  U  roys  de  Franche  y  mist  remède. 

Quant  lî  roys  Phelippes  oy  dire  que  messires  Robiers  d'Artois 
se  tenoit  à  Namur  dalés  le  jouèue  comte  son  nepveult,  si  en  fn 
couroucbiéz  et  manda  et  couramanda  outreement  et  très  especia- 
lement  au  comte  que,  se  il  ne  li  faisoit  wuidier  sa  terre,  il  le  coth- 
rouceroit  hastecment,  et  li  torrnit  tout  ce  que  il  tenoit  de  lui  en 
Franche,  et  li  feroit  ardoir  et  courir  son  pays  de  ses  voisins  rae^ 
mes.  Quant  li  jouènes  comtez  de  Namur  et  ses  conssauz  olrent  che, 
si  ne  vorent  pas  cnurnuchier  le  my,  et  obéirent  à  ses  mandemens. 
Lors  se  parti  messires  Robers  et  ^'en  vint  en  Braibant  deviers  le 
duc  Jehan  son  cousin,  qui  Inrs  se  tenoit  à  le  Leuvre  et  qui  le  re- 
chupt à  joie,  à  qui  messires  Robiers  d'Artois  dist  toutte  sen  aven- 
ture et  coumment  li  roys  le  decachoit  et  FaLsoit  decachier  de  pays 
en  pays,  et  ne  savoit  mes  où  aller,  s'il  li  Talloit.  Dont  li  dist  It  ducs 
de  Braibant  i  t  Biaux  cousins,  ne  vous  esbahissiéz  de  riens,  car 
j'ai  terre  et  mise  assez  pour  vous  conforter,  ne  je  ne  sui  de  riens 
tenu  de  obéir  au  roy  de  Franche.  Si  vous  tenës  dallas  moy,  et  je 
regarderay  et  pensseray  à  vos  besoingnes.  »F°  iH  v", 
'  Ms.  de  Rome  :  Et  couvint  le  dit  messire  Robert  soudainnemeut 
laissier  fenme  et  enfans,  des  quels  li  rois  de  France  estoit  oncles, 
et  partir  dou  roîaulme  et  venir  en  l'Empire.  Et  se  tint  à  Namur 
un  petit  de  temps,  car  la  contesse  estoit  sa  serour.  Et  de  là  il  vint 
en  Braibant,  et  le  quida  li  dus  de  Braibant  apaiuer  au  roi  de 
France,  mais  il  ne  peut. 

Adonc  vint  il  en  Hainnau,  car  U  contes  et  li  avoient  deus  se- 
rours  [espous^s].  Li  contesse  mist  en  painne  de  remettre  à  paix 
messires  Robers  d'Artois  au  roi  de  France,  et  i  envois  sa  feme, 


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310  CHRONIQUES  DE  S.  FROISSART.  [1331-34] 
qui  seroor  estoit  dou  roi  Mielippe,  et  messire  Jehan  de  Haînnau, 
son  frère  ;  mais  il  retournèrent  sans  riens  faire 

Qant  messîres  Hoblers  d'Artois  se  vei  ensi  aqaelliës  don  r<H 
Phelippe  et  de  la  roine,  et  que  à  la  priière  dou  duch  de  Brûbani, 
dou  conte  de  Hoinnau  et  dou  conte  de  Blois,  il  ne  pooit  venir  i 
paix,  et  estoient  sa  fenme  et  si  enfant  enprisonne',  il  li  deubt  te- 
nir et  tourner  à  grant  desplaisance,  car  encores  n'aToit  i)  de 
quoi  vivre,  se  li  signeur  ne  li  aidoient.  Si  s'avisa,  puis  que  ensi 
estoit,  il  honniroit  tout,  et  meteroit  tel  tourble  et  descort  en 
France  que  les  traces  i  demorroient  dens  cens  ans  à  venir.  Il 
prist  congiet  au  conte  de  Hainnau  et  à  la  contesse.  Ce  fu  li  dar~ 
rains  hostels  adonc,  dcmt  it  se  parti.  Li  contes,  qui  fut  moult 
tuais  et  honnourables,  et  qui  avoit  grant  jHté  de  li,  et  aussi 
avoîent  tout  signeur  et  toutes  dames  de  bien,  li  fist  délivrer  et 
baillier  or  et  argent  pour  paiier  ses  menus  frès,  car  il  s'en  vo- 
loit  aler  en  Engleterre;  mais  il  s'avisa  que  il  iroit  prendre  con- 
giet aussi  au  duch  de  Braibant,  qui  moultt'arooit,  et  li  contes  de 
Hainnau  li  conseUa. 

Si  se  départi  de  Valenchiennes  et  vint  à  Mons,  et  puis  à  Halle 
et  à  Brouselles,  et  là  trouva  le  duch  de  Braibant.  Se  li  remous- 
tra,  quoi  que  li  dus  en  seuist  assés,  toutes  ses  tribulations.  Li 
dus  en  ot  pitë  et  li  dist  :  t  Biaus  cousins,  on  vous  fait  tort,  et  li 
rois  de  France  est  mal  consilli^.  Bien  veons  et  entendons  qu'il 
est  aoumés  et  pares  de  mauvab  consel  '.  se  l'en  pora  bien  mes- 
ceir.  Nous  avons  terre  et  pais  assës  pour  vous  tenir  à  l'encontre 
de  tous  vos  nuisans.  n  De  ces  proumesses  se  resjoi  messires 
Robers  d'Artois  et  se  tint  dalés  le  duch  de  Braibant,  son  cousin, 
pour  tant  que  il  en  pensoit  mieuls  à  valoir,  et  que  li  dis  dus, 
qnî  rices  et  poissans  estoit,  le  deuist  mettre  à  coron  de  tous  ses 
incouveniens,  mais  non  fist  ;  car  la  poissance  dou  rai  de  France 
est  trop  grande  et  avoit  en  trop  grande  haine  encargié  le  dit 
messire  R<^rt  d'Artois,  ensi  que  il  fu  apparans.  F~  28  v*  et  29. 

P.  101,  I.  27  :  soustenroit.  —  Ms.  B  6  :  Sy  le  soustict  le 
pins  longement  le  ducq  Jehan  de  Brabant,  qui  ly  presta  son 
chastcl  d'Argentuelle.  Mais  le  roy  Phelîppes  fist  défiler  le  duc 
de  Brabant  pour  celle  cause ,  et  «iToia  douze  prinches  qui  ar- 
dirent  le  pais.  Et  y  furent  les  Lygois  adonc  jusqnes  à  [Hanut']. 
F*  61. 

I.   tft.  B  6  :  huit.  Mauraitt  Ueon. 


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[Ï334]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  4fl.  3H 

P.  102,  I,  î  :  poroit.  —  Ms.  d'Amiens  :  là  dus  de  Braibant 
ne  fist  comte  de  ces  manaces  et  remasda  au  roy,  par  ses  mes- 
sagiers  mejsmex,  que  messires  Robiers  d'Artois  estoit  ses  cou- 
sins Uea  prochainz  et  ung  des  plus  nobles  de  saDcq  du  monde. 
Si  le  devott  aidier  et  conforter  par  linage.  Et  encoires  li  man- 
doit  il  que  il  ne  creoit  mies  que  messires  Robiers  d'Artois  euist 
cause  nulle  à  ce  dont  il  l'amettoit,  et  que  il  faisoit  mal  et  pe- 
chiet,  quant  ainsst  pour  amise  il  le  deshonneroit  et  tolloît  son 
hiretaige.  F"  19  V. 

P.  '102,  1.  9  :  tant  —  Ms.  de  Rome  :  par  son  or  et  par  son 
argent  dez  grans  amis  en  Alemagne.  F'  29. 

P.  102,  1.  11  :  Liège.  —  Ms.  dAmienâ  :  messire  Awous  de 
le  Marce,  qui  estoit  evesque  pour  le  tamps.  F"  19  V. 

P.  102,  t.  12  :  Coulongue.  —  Lei  mss.  de  Falenciennes  et  de 
Rome  ajoutent  :  l'arcevesque  de  Trièves.  F*  40.  —  Le  ms.  d'A- 
miens ajoute  ;  le  arcevesque  de  Maience.  F°  19  v*. 

P.  102,  1.  12  :  li  dus.  —  Ms.  de  Rome  :  le  conte  de  Gerlles. 
F"  29. 

P.  102,  1.  13  :  Jullers.  —  Le  ms.  dAndens  ajoute  :  le  comte 
de  la  Marche ,  le  comte  des  Mons,  messire  Emoul  de  Bakehen. 
F"  19  V.  —  Ms.  de  Falenciemes  :  conte  de  Jullers.  F»  40. 

P.  102,  1.  1S  ;  tout.  —  Mr.  de  Rome  :  sus  un  jour  et  à  une 
fms.  F"  29. 

P.  102,  1.  16  :  roy.  —  Ms.  ^Amiens  :  et  leur  donna  grant 
or  et  grant  aident,  affin  que  il  vosissent  defBier  le  duc  de  Brai- 
bant et  le  gueriier  ;  et  il  s'i  asentirent  parmy  les  grans  dons 
qu'il  en  eurent.  Encoires  y  vot  mettre  et  bouter  It  roys  le 
JDuène  comte  de  Namur,  mais  il  s'en  excusa  bellement  et  dbt 
qu'il  serviroit  le  roy  de  France  en  touttes  autrez  manierez,  fors 
en  ceste.  F"  19  V. 

P.  102,  I.  18  :  Hanut.  —  Ms.  de  Rome  :  et  demorèrent  deus 
jours.  F°  29. 

§4».  P.  103,1.16:  Vousavés.  —  Mf .  rf*  A)me  ;  Vous  sçaves, 
si  com  il  est  contenu  ichi  desus  en  nostre  histore,  conment  les 
trieuwes  lurent  prisses  et  données  entre  Engleterre  et  Escoce, 
et  aussi  conment  li  mariages  Tu  fais  don  jone  roi  David  d'Es- 
coce  à  la  serour  le  roi  d'Engleterre.  De  quoi  li  Escoçois  en 
quidièrent  trop  grandement  mieuls  valoir,  mais  li  Englès  ne 
l'entendoient  pas  ensj,  eul/  qui  ne  pueent  amer  les  Escos,  ne 


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342  CHRONIQUES  DE  I.  FROISSART.  [iWî] 

ne  fissent  onques,  ne  jà  ne  feront.  Qant  les  trieuwes  forent 
failies  entre  euls  et  les  Ëscos,  qui  avoient  duret  trois  ans,  il 
ne  vodrenl  point  sousfrir  par  nulle  voie  que  les  trieuwes  fuis- 
sent reprisses,  car  il  voloient  avoir  la  guerre,  car  li  sejouTneni 
lor  despluisoit  trop  grandement,  Bnglès  sont  de  celle  nature  : 
il  ne  sèvent,  ne  pueent,  ne  voellent  longement  séjourner  sans 
euts  ensonniier  en  gerre  ;  et  demandent  les  armes,  n'ont  cure 
à  quel  title,  et  trop  grandement  s'i  diiitent  et  abilitenl.  Encores 
estoient  les  Escocois  assés  au  desus  de  lors  besongnes  et  tenoient 
la  chité  de  Bervic,  que  li  rois  Robers  de  Brus,  qant  il  leva  le 
siège  de  Struvelin,  avoit  conquis  sus  le  roi  Edouwart,  père  au 
jone  roi  Edouwart,  dont  il  despkisoit  grandement  as  Englès. 
Et  pour  ce  avoient  li  auqun  parlé  vîlainnemcnt  en  Engleterre 
sus  le  conte  de  Qent,  qant  il  acorda  si  tos  sa  cousine,  Isabiel 
d'Engleterre,  par  mariage,  au  roi  d'Escoce,  lor  adversaire. 

Qant  les  trieuves  furent  failles  d'Engleterre  et  d'Escoce,  li 
Escocois,  qui  quïdièrent  trouver  auqune  amour  et  aliancc  deviers 
le  roi  d'Engleterre  et  son  consel,  pour  la  cause  de  ce  que  lors  " 
sirez  avoit  à  fenme  la  serour  le  roi  d'Engleterre,  envoiièrent 
ambassadours  d'Escoce,  tels  que  l'evesque  de  Saint  Ândrieu, 
l'evesque  d'Abredane,  messire  Robert  de  Versi,  mesdre  Arce- 
baut  Douglas,  messire  Simon  Fresel  et  messire  Alixandre  de 
Ramesai ,  deviers  le  roi  d'Engleterre  et  son  consel.  Et  vinrent 
chii  prélat  et  chil  chevalier  d'Escoce,  sus  bonnes  asegurances, 
en  la  chité  de  Londres.  Pour  lors,  li  rois  d'Engleterre  et  la 
roine  Phelippe  tenoient  leur  hostel,  une  fois  à  Eltem,  et  l'antre 
fob  à  Windcsore.  Pour  ces  jours  que  li  Escocois  vinrent,  estoient 
li  rois  et  la  roine  à  Eltem  ;  ù  se  traissent  deviers  euts  tout  pre- 
mièrement, ensi'  que  pour  mieuls  valloir.  Car  au  voir  dire,  il 
avoient  plus  chier  à  entendre  à  unes  longes  trieuves  ou  avoir 
paix  que  la  guerre;  car  lor  poissance  en  Escoce  estott  trop 
afoiblie,  tant  dou  roi  Robert  qui  mors  estoit,  que  de  inesire 
Guillaume  Douglas  et  dou  conte  de  Moret. 

Li  rois  d'Engleterre  et  ta  roine  et  li  ctievalier  d'oslel  requel- 
lièrent  assez  courtoisement  ces  signeurs  d'Escoce,  pour  ta  cause 
de  ce  que  li  rois  Davis,  lors  sires,  avoit  à  fenme  leur  serour  ; 
et  remoustrèrent  au  roi  moult  doucement  ce  pourquoi  il  estoient 
là  venu  et  envoiiet  de  par  tout  le  pais.  Li  rois  respondi  à  ce  et 
diat  que  il  fuissent  li  bien  venu,  et  que  volentiers  il  meteroît 
s<m  consel  ensamble  et  là  seroit;  et  toute  l'adrèce  que  il  poroît 


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[1334]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  ■*»■  313 

faire,  fiist  de  trieaves  ou  de  paix,  salve  l'onnour  de  U  et  de 
son  roiaulme,  il  i  meteroit.  Geste  response  souffi  ass^s  as  Esco- 
qois,  et  retournèrent  en  la  chite'  de  Londres.  F*  29. 

P.  104,  i.  14  :  barons.  —  Ms.  dAmiens  :  Lors  assambla 
tout  son  conssei],  les  nobles  et  tes  grans  barons  d'Escoce  et 
ossî  les  prelas.  F°  14  v*.  —  Mt.  de  Valeaciennet  :  Lors  assam- 
bla tout  son  conseil,  prelas.  barons  et  citoiens.  F*  30  v". 

P.  105,  l.  12  :  conseil.  —  Afj.  ifjmiens  .■  qui  desiroient  à 
avoir  le  guerre  as  Escos,  et  contrevengier  le  mort  de  lor  prois- 
mes,  qui  furent  ochis  devant  Struvelin  et  eu  le  cache  qui  fu  assés 
dammagable  et  honteuse  pour  les  Englès.  F°  13. 

P.  iOS,  t.  20  et  21  :  décades.  —  Mss.  J  l  à  6,  ii  i  H  i 
de  Braibant.  F*  27. 

P.  lOS,  I.  25  :  l'Empire.  —  Mf.  (tJrmeju  :  Enssi  ne  se  peult 
messires  Robiers  d'Artois  tenir  ne  en  France  ne  en  l'Empire.  Si 
eull  avis  et  consseil  qu'il  s'en  yrolt  en  Engleterre  veoirle  jouène 
roy  Edouwart,  et  li  raetteroit  avant  tel  cose  dont  gaires  ne  se 
dounnoit  garde,  qui  coustèrent  au  royaumme  de  Franche.  Si 
prist  congiet  au  duc  de  Braibant  qui  li  fist  au  partir  délivrer  six 
mille  vies  escus  pour  paiier  ses  Très,  et  se  parti  couvertement  de 
Braibant  et  vint  en  Anwerz.  Là  entra  il  en  ung  gros  vaissiel  et 
toutte  se  mesnie,  et  fist  tant  et  naga  par  mer  qu'il  ariva  à  Zan- 
duch'  en  Engleterre,  en  ce  tamps  que  U  rois  englès  estoit  en 
Escoce,  ensi  que  vous  avés  oy  chy  devant. 

Quant  messires  Robiers  d'Artois  oy  ces  nouvelles  que  li  roys 
d'Engleterre  estoit'en  Escoce,  qui  gherioit  là  les  Escos,  si  n'en 
fil  mie  plus  liés.  Nonpourquant  il  prist  ghides  pour  lui  mener 
celle  part,  et  se  parti  de  Zandvich  o  toutte  se  routte,  et  prist 
l'adrèce  pour  venir  vers  Stanfort  et  vers  Lincelle  et  tout  le  droit 
chemio  d'Escoche;  et  passa  ces  villes  que  je  vous  nomme  et 
pluiseurs  autrez,  et  vint  à  Dancastre  et  de  là  à  Yorch'  c'on  dist 
Ebruich,  où  la  roynne  Phelippe  d'Engleterre  sa  cousine  et  sa 
niècbe  estoit  toutte  enchainte  du  biau  RI,  qui  depuis  fu  noumm^s 
Edouwars  et  princhez  de  Galles*.  Quant  la  roynne  seul  la  venue 
de  monseigneur  Robert  d'Artois  saa  oncle,  si  en  eult  grant  joie, 
et  le  requeilli  et  festia  grandement,  enssi  que  bien  le  sent  faire. 


1.  Ut.  dt  Vatmtitnatt  :  Eurewich.  F*  40. 

2.  Ibid.  :  BerTJcli.  F»  HO  v". 

3.  Ih'ti.  :  qui  fu  moult  vailhin»,  dont  tant  iTez  oj  parier. 


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3U  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [I33(.l 

et  le  retint  dallez  lui  environ  sit  jours.  En  ce  termine,  vinrent 
certainnes  nouvelle/,  à  le  roynne  que  li  roys  sez  maris  avoit  pris 
le  castel  de  Haindebourch,  et  s'estoient  chil  dedens  rendu  an 
roy,  sauve  leurz  viez,  par  les  enghiens  qui  nuit  et  jour  jettoïent 
à  le  fortrèche.  Ensi  eult  la  rojnne  double  joie. 

Lors  se  parti  messires  Robîers  d'Artois,  et  dist  qœ  il  voHoit 
aller  deviers  Escoce,  et  veoir  le  roy  comment  il  s'i  maintenoit. 
Dont  fist  la  roynne  appareillier  grans  gens  d'armes  et  bien  trois 
cens  archiers,  dont  messires  Henris  de  Bîaumont  fu  chiéi,  pour 
aconduire  le  plus  sauvement  jusques  au  roy  monseigneur  Robiert 
son  biel  oncle,  liqués  chemina  et  esploita  tant  avoecq  se  route 
qu'il  vint  à  Bervich  en  Escoctie  qui  se  tenoit  de  par  le  roy  d'En- 
gteterre.  Et  rechurent  chil  qui  dedens  esloient,  par  le  congnis- 
sance  qu'il  eurent  de  monseigneur  Henry,  le  dit  monseigneur 
Robert  et  touttes  ses  gens  à  grant  joie,  et  se  rafreschirent  en 
Bervich  trois  jours.  Là  eurent  il  nouvelles  que  li  roys  estoit  par- 
tis de  Haindebourdi,  et  avoit  mis  grant  garnison  ou  castel,  et 
en  estoit  all^a  devant  Struvelin  et  l'avoit  asegiet.  Lors  se  parti 
li  dis  messires  Robiers  d'Artois  de  Bervich,  et  chevaucha  à  es- 
ploit  celle  part, 

Tant  esploita  messires  Robiers  que  il  aj^rocha  l'ost  le  roy.  Et 
quant  il  fu  ensi  que  environ  trois  lieuwes  englesces  priés,  mes- 
sires Henris  de  Biaumont  qui  le  conduiaoit,  chevaucha  devant, 
et  vint  deviers  le  roy,  et  U  dist  les  nouvelles  de  monseigneur 
Robiert  qui  venoit.  Liquelx  roys  fa  moult  lies,  et  fist  monter  au- 
cuns de  ses  baroos  et  venir  contre  lui  ;  et  l'amenèrent  tout  par- 
lant et  devisant  en  l'ost  et  en  le  tente  dou  roy,  qui  vint  contre 
li  bien  avant  et  le  festia  grandement  et  li  demanda  :  «  Kaux 
cousins  et  oncles,  quelz  besoingnes  vous  amainnent  maintenant  en 
ce  pays  ?»  —  a  El  non  Dieu,  sire,  dist  messires  Robers,  vous 
le  saréz,  car  c'est  raisons,  n  Adonc  li  compta  il  toutte  se  (6r- 
tunne  et  sen  aventure,  et  coumment  li  roys  Phel^pes,  à  qui  il 
avoit  fait  tant  de  biens,  li  avoit  tollut  sa  terre  et  emprisonnet  ses 
deus  lieux,  Jehan  et  Carie,  et  bani  publicquement  du  royaumme 
de  Franche.  Plus  avant  il  ne  le  laioit  en  nulle  place  delà  le  mer 
demourer;  ne  il  n'estoit  comtes  de  Haynnau,  ne  duc  de  Brai- 
bant,  ne  comtes  de  Namur,  ne  autrez  sirez  qui,  pour  le  doub- 
tance  dou  roy  de  France,  le  pewist  ne  osast  conforter,  ne  tenir 
dalésli. 

De  ces  parolles  et  de  pluiseurs  autres  que  messires  Robiers  lî 


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[1334]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  49.  31K 

recorda.  Tu  )i  rois  moult  esmerviltîëE.  Si  recomlorta  le  dit  mon- 
seigneur Robiert  et  U  dist  :  a  Biaux  oncles,  nous  avons  assés 
pour  nous  et  pour  vous.  Ne  vous  sousii^s  ne  esbahissiés  de  riens, 
car  te  li  myammez  de  France  vous  est  petis,  li  royaummes  d'Ën- 
gleterre  vous  sera  grans  ass^s.  »  —  i  Monsigneur,  che  dist 
messires  Robîers,  toutte  men  espérance  gist  en  Dieu  et  en  vous, 
et  me  confesse  chî  que,  à  tort  et  à  pechiet,  je  consenti  jadis 
vostre  deshiretance.  Et*  fis  en  partie  celui  roy  dou  noble 
royaumme  de  Franche,  qui  nul  gret  ne  m'en  set,  et  qui  pas  n'y  a 
si  graot  droit  comme  vous  advés.  Car,  par  droit,  et  par  prois- 
metet  de  le  sucessic»!  monseigneur  Carlon,  roy  de  Franche,  vos- 
tre oncle,  vous  deveriés  tenir  l'iretaige  et  en  estes  saas  cause 
eslongiés;  car  cils  qui  l'est  estoit  phis  lontains  de  vous  ung 
point  :  il  n' estoit  que  cousins  germains,  et  vous  n^veus.  >  De 
ces  parolles  fu  li  rois  tous  penssieux,  et  touttesfois  il  les  oy  vol- 
lentiers;  mes,  tant  qu'adonc,  il  n'en  fist  mies  tropgrant  compte, 
car'  bien  savoit  qn'il  y  retouroit  quant  il  vouroit.  Si  fist  le  dit 
messire  Robert  pourveyr  de  logeis  et  de  toutte  ordonnanche 
qu'il  li  appertenoit.  F"  20. 

P.  105,  I.  27  :  RicenKHit.  —  9fs.  de  Rome  :  De  rechief,  pour 
.  tant  que  tous  li  consaols  d'Engleterre  estoient  là  asambléa,  li 
clers  meismes,  liquels  avoit  parlé  et  remnustré  les  besongnes  qui 
touçoient  au  roi  et  au  roiaulme  par  le  conmandement  et  orde- 
nance  dou  roi,  parla  là  pour  le  asignation  de  mesire  Robert 
d'Artois  avoir,  qui  estoit  li  uns  des  plus  gentils  homs  de  ce 
monde.  Et  reooustra  li  dis  clers  tout  au  lonc  conment  Phelippes 
de  Valois  l'avoit  de  fait  et  de  pobsance  banit  et  escachiet  hors 
dou  roiaulme  de  France.  Se  avoit  il  sa  serour  espousée,  laquelle 
il  tenoit  en  pnsoa  et  ses  enfans.  Or  voloit  li  rois  d'Engleterre, 
qui  l'avoit  retenu  et  de  son  consel,  puisque  on  li  avoit  mté  et 
pris  le  siea  en  France,  que  en  Engleterre  il  euist  terre  et  reve- 
nue, pour  lui  déduire  et  tenir  son  estât. 

A  ceste  requeste  et  ordenance  descendirent  et  s'enclinèrent 
tout  li  signeur  legierement.  Regardé  fu  que  il  î  avoit  une  conté 
en  Engleterre  qui  estoit  en  la  main  dou  roi;  et  pooit  par  an  va- 
Imr  la  revenue  trois  mille  mars,  et  la   conté  est  nonmée  Bcte- 

I.  jttr.  Jt  VaUncitBoti  :  el  fil  pour  celui  roy  plus  que  nulx.  F*  41 
3.  /iid.  ;  car  ii  ee  conTenoii  grani  eontcil  et  advi»  de  le  laiuierpo 
l'eve  emy. 


laiuier  pour 


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3]6  aiRONIQUES   DG  J.  FROISSABT.  [1333] 

forde.  Si  fti  dit  et  acord^  que  il  seroit  contes  de  Beteforde,  et  en 
lèverait  tous  les  pourGs.  Messires  Robers  d'Artob  remercia  le  roi 
de  ce  doa  et  tous  les  »gneurs,  et  devint  U  homs  au  roi  d'En- 
gleterre  de  la  conté  de  Beteforde.  F*  34  v*. 

S  80.  P,  1 06,  1.  8  :  messages.  —  Mt.  rtJmietu  :  Quant  li  roys 
d'Engtelerre  eut  oy  les  hommes  de  bien  qu'il  avoit  envoiiet  en  Esco- 
che  devers  le  roy  son  serourge,  et  les  respoasses  tellez  que  li  rau 
li  avoit  fait,  se  li  samblèrent  d'un  lés  assës  darez  contre  l'onneur 
de  lui  et  de  son  royaumme ,  et  ossi  assés  raisonnables  tant  qu'à 
fraternité,  car  voirement  estoit  il  tenus  à  souffrir  de  lui,  pour  le 
cause  de  sa  sereur  que  il  avoit  espousée  ;  et  assés  legierement  s'en 
fust  souffers,  sauve  l'onneur  de  lui  et  de  son  pays.  Mais  cbil  qui 
dallés  lui  estoient,  et  par  qui  consseil  en  partie  il  ouvroit  de  ceste 
besoingne,  ne  li  laiièrent  guairez  longement  endormir;  ains  lî 
disent  pour  lui  esmouvoir  et  escauffer  :  >  Sire,  vous  avés  jnrel 
solempnelment,  par  dignité  de  roy,  à  tenir,  maintenir,  soustenir, 
defiendre  et  garder  et  acroistre  lez  drois  de  vostre  royaumme. 
Dont ,  se  vous  laissiez  celle  bonne  chité  de  Bervich  et  ce  bel 
caatel  de  ftosebourch,  qui  sont  sus  marce  et  cleb  de  vostre  pays 
à  rencontre  del  royaumme  d'Escoche,  ens  es  mains  des  Bschos, 
vous  ne  vos  acquittés  mies  bien  contre  vo  siennent ,  et  en  afi»- 
blissiéz  vostre  honneur  et  vostre  hiretaige;  et  mains  en  serét 
doubtéz  et  honneréz ,  qui  estes  jnuène  et  en  vo  venir.  Et  poroitt 
dire  tout  chil  qui  parler  en  oront ,  que  faute  de  hardement  et 
faÎDtize  de  coer,  che  qui  n'est  pas  bien  seass  en  jourôe  seigneur, 
le  vous  vont  faire.  Encorres  plus  avant  tous  les  jours ,  li  Esco- 
chois  poevent,  par  l'entrée  de  Bervich  et  par  le  castel  de  Rose- 
bourch,  entrer  et  courir  en  vostre  royaumme  bien  avant,  ce  que 
pas  ne  feroient  se  chil  hiretaige,  qui  jadis  fuirent  à  vos  predices- 
seurs,  estoient  racquis  à  vous,  enssi  que  de  legier  le  pourés  faire 
se  vous  voilés,  car  li  forche  des  Escos  est  moult  amenrie  et  afin- 
blie  puis  trois  ans  en  enchà.  Si  sont  il  grant  et  orguilleui,  et  qui 
petit  arairent  ne  prisent  vostre  pays.  Encorez  tous  les  jours  sas 
marche,  ensi  que  nous  sommes  enfourmet  souFBssamment  par 
nos  voisins  qui  les  marchissent,  chiaux  dou  Noef  Castiel  sur  Tin, 
de  Branspes,  de  Persi,  de  Urcol  et  des  autres  castiaus  voisins,  li 
Escocbois  les  manachent  '  et  dient  qu'il  chevaucheront  encorres 

1 .  Ml.  tU  FaUmitiuiet  :  Car  encore  est  le  orgenl  des  Emoi  h  granit 


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[1333]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  SO.  317 

plus  avant  en  vostre  pays  que  li  roys  Robiers  ne  fist  oncques , 
mais  que  li  rois  David  leur  sires  ait  ung  peu  plus  d'eage;  et  que 
pour  ce  que  voua  voUiés  nourir  pès  à  yauï  et  tenir  vostre  terre 
sans  guerre,  acordastez  vous  le  mariaige  de  medamme  vo  soer  à 
yaux.  Dont  telx  coses  et  plus  assés  que  touttes  ne  poons  mies 
recorder,  mes  tous  les  jours  en  oons  nouvelles  par  les  marchis- 
sans,  ne  font  mies  à  souffrir  ne  àconssentir.  Si  aiiés  sour  ce  bon 
advis  et  hastîeu  consseil,  nous  vous  en  prions.  » 

Quant  Tu  li  rois  Eldouwars  d'Engleterre  conseillés  et  enfourmés 
contre  les  Escos  que  il  fist  criier  une  moult  belle  feste  à  Londrez, 
et  furent  de  trente  chevaliers  de  dedens  et  ossi  de  trente  escuyers, 
et  manda  que  tous  nobles  et  prelas  fuissent  à  Londres  ou  environ 
à  le  Purification  Nostre  Damme  qui  fu  l'an  mil  trois  cens  trente 
et  un,  tout  y  furent  ensi  que  ordoonnet  estoit.  Et  fii  la  feste 
moût  noble ,  bien  festiée  et  bien  joustée  ;  et  à  celle  feste  fu  loes- 
sires  Jehans'  de  Haynnau,  lui  douzime  de  chevaliers.  £t  eut 
adonc,  de  chyaus  de  dehors ,  le  pris  des  joustes  li  sires  de  Fa- 
gnoellez ,  qui  estoit  de  te  compaignie  monseigneur  de  Biaumont  ; 
et  des  escuyers  de  dehors,  Francque  de  Halle  qui  encoires  n' estoit 
mies  chevaliers,  mes  il  le  fu  celle  année  ens  es  armées  d'Escoce, 
en  le  compaignie  dou  roy.  Tout  les  huit  jours,  on  jousta  et  festia 
grandement  à  Lc»idrez  ;  et  grant  fuison  de  seigneurz,  de  dammes 
et  de  damiDoiselles  il  y  eut.  Au  chief  des  huit  jours ,  sus  le  dé- 
partement de  le  feste,  li  roys  assambla  tout  son  consseil,  prelas, 
comtes,  barons,  chevaliers  et  bourgois  sagez  et  honnestes  des 
bonnes  villei.  Et  là  leur  fist  li  roys  remoustrer  par  ce  vaillant 
prélat  le  evesque  de  IJncoUe,  coumment  il  avoil  fait  requerre  au 
roy  d'Escoce  son  serourge  que  il  volsist  oster  se  main  de  le  chité 
de  Bervich  et  dou  castel  de  Rosebourch  que  il  detenoit  à  tort,  et 
qu'il  volsist  faire  hcMnmaige  à  lui  de  son  royaumme  d'Escoce,  ensi 
qu'il  devoit,  et  ossi  coumment  li  roys  d'Escoce  avoit  respondu  à 
ses  mesagcs.  Si  pria  a  tous  li  mis,  par  le  bouche  dou  dessus  dit 
evesque,  que  chacuns  le  volsist  sur  chou  si  consiller  que  se  hon- 
neur y  fubt  gardée. 

Adonc  tout  li  baron,  li  chevalier,  li  conssaulx  des  chités  et 


..  ^  .X  de  cmlit  de  dehon.  Et 
rsloit  ««ec  le  dit  meuire  Jeh»n  le  leigneur  de  FaigneuUe».  F"  33. 


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318  UIROMQUËS  DE  J.  FROISSART,  [1333] 

dez  bonnes  villez  et  tous  U  communs  pays  se  consseillièrent  sur 
chou,  et  raportèreni  leur  consseil  tout  d'un  acord.  Liqueli  cmis- 
seils  et  rappiirs  fu  telx  que  il  leur  sambloit  que  lî  roys  ne  pooil 
plus  porter  par  honneur  les  tara  que  li  rois  d'Escoche  li  faisoit  : 
■  car  il  est  bien  sceu  et  est  tout  cter  que  anchienncmcnt  li  rovs 
d'Escoche  faisoit  houmage  au  roy  d'Engleterre ,  car  jà  n'tmt  il 
en  leur  pays  nulle  pro\inse ,  mes  sont  enexé  et  coDclavc  en  le 
provinse  de  Ëvruich ,  qui  est  archeresquiet  et  dou  royaumme 
d'Engleterre.  Encoires  avant  il  prendent  le  fourme  de  leur  moD- 
noie  sus  les  communes:  et  ordonnuaches  d'Engleterre ,  et  ont 
Uiuttez  telx  loix  et  tebc  coustummez  que  li  Englèz  ont,  et  uag 
ineysme  langage.  Dont  il  appert  que  li  royaummes  d'Escoche  se 
depent  et  desccnt  dou  royaumme  d'Engleterre.  £t  troevent  bieD 
li  Englèz  que  ychil  doy  pays  furent  jadis  tout  à  img  seigneur 
roy  d'Engleterre,  liqueli  rois  eut  deus  filz.  Si  départi  ens  ou  L't 
de  le  mort,  presens  tous  les  noblez  des  deus  pays  qui  à  ce  dé- 
voient y  estre  appelle ,  les  deus  royaummes  ;  et  donna  l'ainel 
Engleterre  et  au  maisnet  Escoce,  panny  tant  qu'il  le  devoit  teair 
en  fief  et  hoummaige  de  son  frère  le  roy  d'Engleterre.  Or  oat  li 
Escot,  qui  sont  dur  à  entendre,  tenu  depuis  une  aultre  opiniiHi, 
liquelle  ne  fet  mie  à  souffrir.  Si  conseillonz  et  voulions ,  chiers 
sirez,  qne  ces  coses  soient  encorrez  remoustrées  au  roy  d'Escoct 
et  à  son  consseil,  et  y  metons  cel  loisir  et  grâce  pour  l'ouDeur 
et  amour  de  medamme  vostre  sereur  qu'il  a  espousée;  et  s'il  d^ 
vient  à  voie  de  congnissance  des  requestez  que  on  li  a  failt^t 
et  fera ,  il  soit  defEiés  ;  et  vous  pourveés  si  efforchiemenl  qm 
|>our  entrer  ou  royaumme  d'Escoce  aprics  les  deffianches  faittei, 
si  poissamroent  que  pour  ravoir  et  raquerre  le  bonne  cilé  de 
Bcrvich,  qui  est  de  vostre  hiretaige;  et  ayés  tel  par  forche  el 
par  constrainte  le  roy  d'Escoce  qu'il  soït  tous  joians  s'il  puei  ve- 
nir à  vous  à  hoummaige  et  faire  satifation  des  tors  et  des  outraiges 
qu'il  vous  a  fès  ou  li  rois  ses  pères.  Et  enssi  nous  sommes  tous 
desirans  d'aller  avoecq  vous  à  vostre  commandement.  » 

Quant  li  rois  d'Engleterre  eut  oy  le  responce  de  son  consseil. 
et  il  eut  veut  le  bonne  volenlé  de  ses  hommes,  si  fu  moult  lies 
et  les  en  reroerchia  grandement.  Dont  fu  là  regarda  et  avisé  qui 
3'roit  en  Escoce.  La  besotngnc  et  li  voiaiges  fa  assis  sus  l'evcsqiK 
de  Durem  et  sus  le  seigneur  de  Persi  et  le  seigneur  de  Mnutbf^)' 
et  te  seigneur  de  Felleton.  Chil  prelas  et  chil  troy  hault  bar«i> 
qui  là  estoient  presens,  acordcrent ,  à  le  ]>riièrc  et  requeste  <''"' 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1333]       VAAIAMTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  bO.  319 

roy,  ce  voiaife.  Eacores  pria  li  roys  à  tous  que  il  se  volsissent 
pourveir  et  appareillier  à  oag  jour  qui  adonc  fu  nommés,  chas- 
cuDS  seloncq  son  estât,  à  cstre  au  Noef  Castel  sur  Tin  ;  et  il  li 
disent  qu'il  y  seroient  bien  et  volentiers,  et  n'y  aroit  point  de 
deffuulte.  Ensi  se  départi  ]i  conssaulx  del  roy,  et  s'en  ralla  cha- 
cuns  en  son  lieu.  Et  ossl  messires  Jehans  de  Haynnau  prist  con> 
giel  au  roy,  et  se  présenta  à  lui  de  bon  coer  et  de  grant  vollenté. 
De  quoy  li  roys  l'en  seut  grant  gret,  et  li  dist  :  o  Biaux  oncles, 
très  grant  merchis  à  vous,  et  à  vostre  aye  ne  renunche  jou  pas; 
et  se  besoings  me  croist  ne  touche,  je  vous  manderay.  »  Sur  che 
se  parti  li  db  messires  Jehans  del  roy  et  de  le  roynne,  se  niè- 
che,  qui  moult  doucement  l'acoUa  au  partir,  et  li  pria  qu'il  le 
volsist  recoumjnander  à  monseigneur  son  père  et  à  madaimne  se 
mère,  et  saluer  ses  bêliez  soers;  et  il  li  dist  qu'il  le  feroit  vol- 
lentiers.  Sour  ce,  se  parti  li  dis  messires  Jehans  et  toutte  se  com- 
paignie,  et  s'en  revint  en  Haynnau.  F*  13. 

JItt.  rie  Rome  :  Depuis  ne  demorèrent  point  Ions  jours  que  lî 
rois  d'Ëngleterre  auna  tous  les  barons  et  prelas  d'Eogleterre  qui 
ordonné  estoient  à  lui  consellier,  et  les  hommes  des  bonnes  chi- 
tés  et  villes,  qui  par  druit  estatut  y  dévoient  estrc  cunvoqiet,  car 
il  estoit  ensi  acordé  que  riens  ne  se  devoit  ne  pooit  passer  sans 
culs.  Qant  tout  furent  venu  à  Londres,  li  parlement  et  li  consel 
conmenchièrent  à  Wesmoustier,  et  furent  li  ambassadeur  d'Es- 
coce  apellé.  11  vinrent  et  entrèrent  tout  en  la  cambre  dou  con- 
sel,  et  là  estoit  li  rois  d'Ëngleterre  presens.  Là  lor  fu  demandé 
quel  besongne  les  amenoit  pour  ces  jours  en  Engleterre.  Li  eves- 
ques  de  Saint  Andrieu  d'Escoce,  qui  fu  uns  moult  sages  et  dis- 
crés  homs,  remoustra  la  parole  pour  tous,  et  bien  le  sceut  faire. 
Qant  il  ot  parlé,  on  les  fist  issir  de  la  cambre,  pour  euls  consil- 
lier  et  faire  response.  Il  atèrent  petiier  le  parvis  et  le  clostre, 
tant  qu'il  fuissent  rapellé. 

Or  conmenchièrent  chil  dou  ctmsel  à  parler  et  à  proposer 
pluisseurs  coses,  et  ne  peurent  estr<  d'acort,  et  furent  li  Esco- 
çois  appelle;  il  vinrent.  Qant  il  furent  venu,  li  archevesques  de 
Cantorble  lor  dist  que  il  ne  pooient  estre  si  tos  définitivement 
respondu,  mais  il  le  seroient  au  plus  tus  que  un  jioroit,  et  que 
lor  demande  ne  requeroit  pas  si  bricf  conset.  Il  n'en  purent  aul- 
tre  cose  avoir,  et  se  départirent  de  là  et  retournèrent  à  lors  hos- 
tels.  Et  li  consauz  demorai  et  parlèrent  d'aultres  besongnes  qui 
lor  louvoient,  car  il  a'estoient  pas  asumblé  tout  pour  une  cose. 


;vGoo»^lc 


3Î0  CHBOXIQUES  DE  J.  FROISS\RT.  [1333] 

Et  li  rois  s'en  vint  à  Cènes,  usaés  priés  de  Wesmoustier,  un  ho&- 
tet  roial  qui  sciet  sus  la  Tamise.  Chil  Escoçois  demorèrent  plus 
d'un  mois  à  Londres  et  ne  pooient  estre  respiHidu,  car  U  con- 
sauls  ne  voloit,  et  tant  que  il  furent  si  hodé  et  si  tané  que  il  re- 
quissent et  priièrent  que,  fust  pour  euls  ou  contre  eols,  il  fuis- 
sent respondu. 

La  cause  qui  ntetoit  detriance  ou  consel  dnu  roi,  je  le  vous 
dirai.  Il  cpnsideroient  generaulment  entre  euls  deus  coses  :  li 
une  si  estoit  que  lors  sires  li  mis  estoit  joues  et  à  faire,  et  ne  le 
voloient  pas  tenir  ne  nourir  en  viseuses.  mais  en  painne  et  eo 
travel^d'amies  ;  car,  par  les  wiseusses  que  ses  pères  avoit  eu, 
estoit  d'onneur  li  roiaulmes  d'Engleterre  requlés,  à  laquelle  cose 
il  voloient  retourner  ou  tout  parperdre.  Li  sccons  articles  estMt 
que  li  Escoçois  tenoient  la  chité  de  Bervich  et  Struvelin,  Dran* 
bare,  Dalquest,  Haindebourch  et  tout  le  pais  jusques  à  un  pas 
que  on  dist  Quinnesferi,  où  la  mer  d'Escoce  doit  départir  les 
deus  roiaulmes,  et  que  li  Escoçois  l'aueroient  trop  bon  parti,  se 
uns  si  grans  hiretages  lor  demnroit  paûeviement,  et  que  ce  ne 
faisoit  pas  à  rcquerre  ne  à  sousfrir  :  ■  Voire,  disoient  li  auqun 
vaillant  homme  ou  consel  dou  roi,  li  Escoçois  sont  bien  fol  et 
ignorant,  qui  quident,  pour  une  fenme  qui  est  seroiur  de  nosire 
roi,  que  nous  doions  cest,  que  est  hiretages  à  la  couronne  d'En- 
gleterre,  quiter.  Il  nous  tourueroit  à  grant  blâme  et  reproce,  et 
aussi  nous  ne  le  poons  faire.  Nous  avcms  cause  raisonnable  de 
re^xmdre  as  Escoçois  et  dire  ensi  :  Il  nous  rendent  Bervich  et 
tout  le  pais,  ensi  que  li  bons  rois  Edouwanc  le  tint  en  son  temps; 
et  puis  dou  sourplus,  nous  entenderons  à  lors  treties-  ■ 

Ensi  fu  conclu  ens  ou  consel  d'Engleterre,  et  U  Escoçois  res- 
pondu,  qant  il  orent  séjourna  à  Londres  bien  un  mois.  Qant  11 
Escoçois  olrent  ceste  response,  il  furent  tout  abus  et  veirent  bien 
que  li  Englès  voloient  la  guerre.  Toutes  fois,  il  respondirent  et 
dissent  que  il  n'estoient  pas  cargié  de  procéder  sus  tels  trettiés, 
et  que  les  paroles,  que  il  avoient  oy  et  entendu,  seroient  repor- 
ta au  pais.  Si  issirent  hors  dou  consel,  et  montèrent  sus  tors 
cevaus,  et  se  départirent  dou  palais  de  Wesmoustier.  Et  cevau- 
chièrent  au  lonch  de  Londres,  et  vinrent  à  Saint  Jehan  Lane  en 
Griscerche,  là  où  il  estoient  descendu.  Et  fissent  par  tout  lors 
hostels  compter  et  paiier,  et  puis  issirent  de  Londres;  et  cevau- 
chièrent  tant  par  lors  journées  que  il  retournèrent  en  Escocc. 

On  estoit  trop  esroervillië  pourquoi  il  deUMn-inent  tant.  Qant  it 


;vGoo»^lc 


[1333]       VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  $  SI.  321 

furent  revenu,  li  baron  et  li  signeur  d'Escoce  vodrent  savoir  des 
nouvelles.  Ils  ne  les  pubiiièrent  pas  sitns  que  il  furent  revenu, 
mais  fissent  venir  à  Haindebourc  tous  ceuls  qui  toilliet  estoient 
d'en  savoir.  Qant  tout  furent  venu  en  la  présence  dou  roi  meis- 
mes,  li  evesques  de  Saint  Andrieu  parla  et  remoustra  toute  l'or- 
denance  de  lor  voiage,  et  quel  et  conment  il  avoient  trouvé  le 
roi  d'Engleterre  et  son  consel,  et  que  plus  d'un  mois  il  avoient 
atendu  à  avoir  response.  En  la  fin  il  l'eurent  tèle.  Adonc  lor  re- 
moustra li  dis  evesques  toute  t'ordenance  des  paroles  que  li  con- 
sauls  d'Engleterre  avoient  respondu. 

Qant  chil  qui  là  estoient  entendirent  que  les  besongnes  se  por- 
toient  ensi,  si  furent  tout  abus,  et  dissent  li  plus  sage  :  «  Nous 
auerons  lu  gerre,  il  manque  dou  pourveir.  A  celle  fois  ichi,  Il 
^glès  nous  rueront  jus,  ou  nous  les  mêlerons  en  ce  parti.  Ros- 
tres rois  est  jones ,  et  aussi  est  le  leur.  Il  fault  que  il  s'asaient. 
Desous  le  solel ,  n'a  plus  orguilleus  ne  presomptieus  jieuple  que 
le  peuple  d'Engleterre  est.  »  Li  jone  chevalier  et  esquier  d'Es- 
coce, qui  amoient  les  armes,  et  qui  se  desiroient  à  avanchier, 
furent  tout  resjoy  de  ces  nouvelles,  car  il  avoient  assés  plus 
chier  la  guerre  que  la  paîs.  F"  2fl  V  et  30. 

§  81.  P.  107,  I.  5  ;  Li  jours.  —  JUs.  a  Amiens  :  Or  reven- 
rons  à  le  matère  des  Englès  et  des  Escos.  Li  jours,  qni  dénom- 
més estoit,  aprocha  ;  et  vint  li  noblez  rois  Eklouwars  à  tout  son 
ost  au  Noef  Castiel  sur  Tin,  et  encoirez  tondis  li  croissoient  gens. 
Et  là  se  tint  par  l'espasse  de  huit  jours,  atteadans  chiaux  qu'il 
avoit  envoiiés  en  Escoche  deviers  le  jouène  roy  David  et  son 
consseil,  liquel  revinrent  deviers  lui  au  neuvième  jour,  comme 
chil  qui  ne  raportèrent  aultre  responsce  que  le  premîerre.  Et  di- 
sent bien  au  roy  d'Engleterre  que  li  Ëscot  estoient  tout  appareil- 
liet  de  lui  recepvoir,  puisque  gueriier  les  voloit  :  ■  Dont,  sire, 
quant  nous  veysmes  l'ordonnanche  d'iaux  et  le  afTection  qu'il 
ont  de  tenir  leur  oppinion,  nous  deffiamez  le  roy  et  les  siens  de 
vous  et  des  vostrez.  Si  poés  d'ores  en  avant,  et  sans  fourfet,  en- 
trer sur  yaux.  Or,  regardés  de  quel  costet.  •  Dist  li  roys  :  «  J'en 
aray  avis.  »  Adonc,  s'en  consseilla,  et  on  It  dist  que  premiers 
on  alabt  deviers  Rosebourdi,  et  le  assiegast  on  de  tous  lés,  car 
c'est  ungs  castiaus  qui  siet  sus  marche,  et  que  li  Escos  tiennent 
pour  concquès.  Ceste  cose  fu  acordée. 

Dont  se  parti  li  nobles  roys  Edouwars  dou  Noef  Castiel ,  et  list 


;vGoo»^lc 


32i  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT.  [1333; 

ses  marescaux  chevauchier  devant,  le  comte  de  Sufibrch  et  mon- 
seigneur Thummas  Waghe.  Che  premier  jour,  s'en  vint  li  roù 
jesîr  à  Urcol,  uag  castel  et  une  ville  qui  est  au  seigneur  de 
Persi.  Li  ville  estoit  toutte  gastée  des  Escos,  mais  li  castiaui 
n'avoit  garde.  L'mdemain,  vint  li  roys  dinuer  à  Persi,  et  se  tint 
là  tout  te  jour,  en  atendant  ses  os  et  ses  gens,  qui  enctùm 
estoienl  par  derièi'e.  F"  15  V. 

JUs.  de  Borne:  Environ  la  Saint  Jehan  Baptiste,   que  on  compta 
l'an  de  grasce  mil  trois  cens  trente  et  un,  li  jones  rois  Edouwars 
d'Engleterre  et  la  reine  s'en  vinrent  à  Evruich  euls  tenir  et  lor 
estât,  et  cachier  as  cerfs,  as  dajns  et  as  chevinteis.    Et  entrues 
se  ordonnoient  les  pourveances,  et  se  fabsoient  très    grandes  et 
très  grosses,  pour  aler  ens  ou  roiaume  d'Escoce.    £t  fîst  li  rois 
faire  un  mandement  que  toutes  gens  tenans  de  li,  portans  aimes, 
fuissent,  le  premier  jour  d'aoust,  à  Evruich.  Li  mandemeDs  dou 
roi  s'estendi  par  toutes  les  parties  d'Engleterre  jusques  ens  ou 
fons  de  Cornuaille,  et  tout  vinrent  à  Evruich.  Adonc  se  deslcça 
li  rois  et  vint  à  Durem;  et  ensi  que  il   ceminoit,    la   roine  sa 
fenme  le  sievoit.  Et  vint  li  rois  au  Noef  Chastîel  et    là  s'aresta, 
pour  tant   que  tous  ceuls  des   lonCainnes    marces  d'Engleterre 
n'estoient  point  encores  venu. 

Ces  nouvelles  estoient  bien  sceues  en  Escoce,  comnent  li  roi^ 
d'Engleterre,  à  poissance  de  gens  d'armes  et  d'ai'cliiers,  les  ve- 
fioit  veoir.  Les  auquns  en  faisoient  grant  doubte,  et  li  aultre 
non.  Toutes  fois,  ils  pourveirent  les  villes  et  les  chastiaus  tena- 
btes,  et  par  especial  la  chité  de  Bervîc.  Et  i  ordonnèrent  li  si- 
gneur  d'Escoce  à  chapitainne,  mesire  Aliiandre  de  Ramesai,  un 
treï  vaillant  et  sage  chevalier,  et  des  aultres  chevaliers  et  es- 
quiers  assés  avoecques  lui.  Et  li  rois  et  la  roine  se  tinrent  en  U 
marce  de  Haindebourch.  Et  n'avoient  pas  li  Escoçois  entension 
que  d'atendre  le  roi  d'Engleterre,  et  de  combatre  à  lui  poissance 
contre  poissance,  car  il  n'avoient  pas  gens  pour  résister  encontre 
les  Englois.  11  laisscroient  bien  perdre  une  parHe  de  lor  pais  et 
puis  le  recouveroient;  et  aussi  Û  poursievroient  les  Englês  sus 
lors  logeis,  de  nuit  ou  de  joiu-,  et  lor  poroient  bien  par  ce  parti 
porter  aucun  damage.  En  ce  consel  s'arestèrent  il.  Et  li  roi* 
d'Engleterre  se  tenoit  au  Noef  Chastiel  sur  Jhia,  et  toutes  ses 
gens  estoient  logiet  autour  de  li  ;  mais  point  n'avoient  encores 
passé  la  rivièie,  pour  la  doubtance  des  Escos. 

Enti-ues  que  li  rois  d'Engleterre  estoit  sus  ce  voiage,  vint  de- 


q,t,7edbyG00»^lc 


[1333]       VAE.1ANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  Si.  323 

viers  lui  messlres  Robers  d'Artois,  ensi  cornue  uns  chevaliers 
tous  desconfortez,  et  il  le  savoit  bien  où  prendre.  Li  rois  d'En- 
gleterre  et  la  ruine  le  requetlièrent  moult  doucement,  car  il  lor 
estoit  moult  procains  de  linage.  Et  li  dist  li  rois  :  a  Messires 
Robert,  biaus  cousins,  nous  avons  ass^s  pour  nous  et  pour  vous. 
Puis  que  vostre  amie  de  delà  la  mer  vous  defiallent,  nous  ne 
vous  faudrons  point  à  vostre  besoing.  »  Et  messires  Robers  li 
avoît  respondu  et  dit  :  «  Monsigneur,  grant  merchis.  s  Li  in- 
tension dou  roi  et  de  son  consel  estoit  tèle  que,  le  roi  retourné 
de  ce  volage  et  venu  en  la  marce  de  Londres,  il  [li]  asigneroit 
en  Engleterre  terre,  rentes  el  revenues,  pour  vivre  honnourable- 
ment  et  tenir  son  estât. 

Qant  li  rois  ot  séjourna  au  Noef  Cliastiet  sui-  Thin  environ 
douse  jourz,  et  toutes  ses  gens  furent  venu,  moult  i  avoit  grant 
peuple.  On  nombra  les  hommez  d'armes,  cbevaliers  et  esquiers, 
à  siis  mille  hommes,  et  les  archiers  à  chienqante  mille.  Si  pas- 
sèrent tout  oultre  la  rivière  dou  Thin,  sus  le  pont  dou  Noef 
Cbastiel;  ailleurs  ne  le  pooient  passer.  Et  passèrent  chil  de  l'a- 
vantgarde,  laquelle  li  connestables  d'Engleterre  et  li  marescal 
menoienti  et  s'en  alèrent  logier  sus  le  pais  encontre  la  frontière 
de  Northombrelande,  et  ne  prissent  pas  le  cemin  pour  aler  viers 
Bervich,  mais  viers  Rosebourch  ;  et  vinrent  il  Ânwich  et  en  la 
terre  le  signeur  de  Persi. 

Ensi  que  li  rois  d'Engleterre  estoit  logiés  en  la  ville  de  Anwich 
et  toutes  ses  gens  là  environ,  uns  hiraus  d'Escoce,  qui  s'apelloit 
Dondée,  vint  deviers  le  roi  et  deviers  les  sîgneurs,  et  pria  que 
il  peuist  estre  oIs;  il  le  fu.  II  dist  au  roi,  presens  ceuls  qui  le 
peurent  olr  :  i  Très  chlers  sires ,  je  sui  chi  envoiiés  de  par 
aucuns  prelasetbaronsd'Escoce,  qui  sont  venujusques  àla  Mour- 
lone,  et  là  me  doient  il  atendre  tant  que  je  soie  retournés  de- 
viers euls  ;  et  venroient  volentiers  parler  à  vous  et  à  vostre  con- 
sel, sauf  venant  et  sauf  retournant.  »  Li  rois  regarda  sus  le 
conte  Henri  de  Lancastre,  et  sus  auquns  barons  et  prelas  qui  là 
estoicnt.  Adonc  fiat  on  traire  le  hiraut  arrière,  tant  que  li  i-ois 
lu  consilliés.  Acordé  fu  que  li  hiraus  les  nonmast  là  par  noms, 
Uquel  c'estoient,  qui  venir  voloient  i  on  lor  acordoil  volenliei-s 
la  venue  et  le  retour.  Li  hiraus  les  nonma  :  il  en  i  avoit  sept, 
deus  prelas,  et  chevaliers  jusques  à  chiencb.  Tantos,  une  lettre 
de  sauf  conduit  fu  escripte  et  seeMe  et  délivrée  au  hiraut,  qui  se 
départi  de  là  et  retourna  à  ses  mestres,  et  leur  bailla  le  sauf  conduit. 


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324  CHRONIQUES  DE  J.'  FBOISSART.  [1333] 

Qanl  il  l'orent,  il  i  ajouslèrent  foi  ;  et  se  départirent  de  la  Mour- 
lane,  et  cevaacièrent  tant  que  il  vinrent  à  Anwich.  Li  rois  d'Eu- 
gleterre,  à  l'eure  que  li  Escos  vinrent,  estoit  aies  logier  ou  chas- 
tiel,  et  là  tenoit  son  estât.  Quant  li  Escoçois  fureol  venu  et 
descendu  de  lors  chevaus,  il  furent  logiet  de  par  les  nFficiiers 
dou  roi.  Adonc  vinrent  auqun  chevalier  d'Englelcrre  qui  les  re- 
quellicrent,  et  qui  à  ce  faire  estnient  connus  ;  et  les  enmenèrent 
deviers  le  roi  et  les  signeurs,  qui  atcndoient  lor  venue.  Tout  li 
signeur  d'Englcterre,  qui  là  estoient  en  la  présence  dou  roi,  s'ou- 
vrirent et  laissièrent  les  Escoçois  passer.  Il  cnclînèrent  le  roi,  et 
non  plus  avant.  Li  rois  les  requelli  de  une  parole  tant  seulle- 
ment,  ce  fu  que  il  dîst  en  son  langage  :  n  Bien  venant.  >  De 
trop  petit  se  disfèrent  li  uns  langage  de  l'autre. 

Or  vous  nonmerai  les  deus  prelas  et  les  chîenc  chevaliers, 
l'evesque  de  Saint  Andrieu  et  l'evesque  d'Abredane,  messire  Ja- 
mes Douglas,  frère  à  messire  Guillaume  qui  porta  te  coer  dou 
roi  Robert  de  Brus  en  Grenade  et  là  morut,  messîre  Arcebaus 
Douglas  son  fil,  le  conte  de  Qarrich,  mcsire  Robert  de  Versi  et 
mesire  Simon  Fresiel.  Li  evesques  de  Saint  Andrieu  Tu  chils  qui 
remoustra  la  parole  et  dist  :  «  Sire  rois,  et  vous  baron  et  prélat 
d'Englcterre,  qui  chi  estes,  nous  sonmes  ichi  envoii^s  de  par 
toute  la  généralité  dou  roiaulme  d'Escoce,  et  sonmes  esmervelli^, 
euls  avoecques  nous,  et  nous  avoecquez  euls,  à  quel  title  si  son- 
dainneroent  apriès  les  trieuves  fallies  entre  Escoce  et  Engleterre, 
vous  estes  esmeu  à  nous  (aire  gerre,  qant  nostrcs  sires  U  rois 
d'Escoce  a ,  sire  rois  d'Engleterre,  espousé  vostre  soer.  Nous  i 
adjoustions  au  dit  mariage  grans  aliances,  et  (uioies  generaul- 
ment  en  toute  Escoce  moult  resjoî ,  qant  la  dame  nous  demora 
roine.  El  dous  tome  à  grant  mervelle  celle  dureté  que  vousavés 
empris  à  faire  à  vostre  frère,  noslre  roi,  et  vostre  serour,  nostre 
roine,  qant  ce  tant  de  petit  hiretage  que  Dieus  lor  a  donné,  vous 
volés  destruire.  Si  vous  prient,  par  nous,  nostres  sires  li  rois  et 
madame  la  roine  que  vous  ne  voelUés  pas  faire  celle  cruautté 
que  d'ardoir  et  cssillier  lor  hiretage;  et  retraiiés  vous  et  faites 
retraire  vos  hommes,  et  leur  donné[s]  congié  çasqun  de  re- 
tourner en  son  lieu.  Et  prenés  trois  ou  quatre  prelas  des  vostres 
et  otant  des  vostres  barons  d'Engleterre,  et  nostres  sires  li  rois 
en  metera  otretant  à  l'encontre;  et  ce  que  chil  trouveront  ou 
decrë  de  lor  disposition,  il  déposeront  sus  t'ordenance  des  deus 
roiaulmes.  Et  sera  tenu  à  ferme  et  à  estable,  pour  tousjoun 


DiqitizeabyG00»^lc 


[i333]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  SI.  325 

mes,  ce  que  <lepose  en  sera  ;  et  demorrés,  vous  et  vostre  frère, 
en  puix,  et  ensi  vostre  hiretage.  C'est  k  parole  que  nous  vous 
remoustrons,  et  pour  qoy  nous  snnmes  venu,  et  sur  ce  nous  de- 
mandons à  avoir  response.  n 

Qant  ti  evesques  de  Saint  Andrieu  d'Ëscoce  ot  ensi  parl^,  H  (u 
moult  bien  ois  et  entendus.  Donc  Ai  dit  as  Escoçois  que  il  se 
traissent  arrière,  on  conscUeroit  ior  parole,  et  puis  aueroient 
response.  Il  le  fissent;  et  s'en  alèrent  li  Escoçois  tout  eusamble 
en  une  aultre  cambre  qui  estoit  ordonnée  pour  euls.  Encorcs  fu 
conmandë  que  tout  vidassent  de  la  cambre  dou  roi,  réservé  ceuls 
dou  consel.  Il  widièrent  chil  qui  là  n'avoient  que  Taire.  14  repli- 
qièrent  li  signeur,  en  la  présence  dnu  roi,  toutes  les  paroles  et 
requestez  des  Escoçois,  et  demandèrent  :  «  Or  sus,  qui  fera  la 
response,  et  qui  parlera  à  point  susche  que  il  ont  dit  et  proposé?* 
Donc  parla  messires  Reoauls  de  Gobehen,  uns  moult  sages  et 
vaillans  chevaliers,  pères  ù  mesire  Renault,  qui  fu  depuis  anssi 
uns  moult  preus  et  vaillans  chevaliers,  et  dist  :  ■  A  tout  ce  que 
chiJ  Escoçois  reqièrent  et  demandent,  ne  fault  pas  trop  grant 
consel.  Il  seront  respondu  ensi,  pour  ce  que  il  ont  demandé  à 
quel  title  li  rois  nostres  sires  et  nous  Ior  faissons  gerre  :  c'est 
por  le  mauvesté  et  rudèce  de  euls.  Car  jà  sèvent  il  et  ont  sceu 
leur  père,  passé  sont  L  terme  de  cinq  ans,  que  li  rois  d'Escoce 
doit  tenir  et  relever  et  faire  honmage  au  roi  d'Engleterre  de 
tout  le  roiaulme  d'Escoce,  réservé  auquns  isles  qui  marcissent  à 
rencontre  d'Irlande  et  de  Norvègue,  les  quels  isles  sont  nonmé 
les  sauvages  Gscos ,  et  ont  un  signeur  pour  euls ,  qui  se  nonme 
Jehans  des  Adultilles.  Chils  obeist  au  roi  d'Escoce,  et  non  à 
nous.  Et  cesle  raison,  on  Ior  metera  en  termes  tout  premiers, 
car  elle  est  toute  clère;  et  bien  le  scèvent,  quoi  que  il  en  igno- 
rent. Secondement,  pour  reconquerre  ce  qui  est  nostre,  la  chit^ 
de  Bervich  et  tout  le  pais  jusques  à  la  mer  c'on  dist  d'Escoce  ; 
et  se  ce  il  nous  voellent  rendre  debonnairemcnt,  et  que  li  rois 
viengne  à  honmage  au  roi  nostre  siro  et  recongnoise  l'onmage  à 
estre  lige,  presens  les  barons  d'Engleterre  et  ceuls  d'Escoce,  et 
que  de  ce  soient  lettres  escriptes  et  seelées  dou  roî  d'Escoce  et 
des  barons  d'Escoce,  il  demorront  en  paix.  >  Adonc  fii  dit  ù 
messire  Renault  de  Gobehen  :  «  Sire,  il  plaist  au  roi  que  vous 
fachiés  la  response,  car  avés  la  matère  toute  pourveue.  a  Donc 
respondi  messires  Renauls  et  dist  :  »  Je  le  ferai  volentiers.  » 
Adonc  furent  appelle  li  Escot,  Il  vinrent  avant  et  entrèrent 


;vGoo»^lc 


326  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1333} 

dedens  la  cambre,  et  nuls  fors  euls.  Li  consauls  dou  roi  se  mUt 
sus  deus  èles,  et  les  Escoçois  eoini  euls.  Qant  il  furent  tout  aquoi- 
sié,  messirez  Renauls  de  Gobehein  parla  el  dist  :  i  Entre  vous, 
signeur  d'Escoce,  vous  demandés  à  avoir  response  et  non  aiiltre 
cose,  et  vous  l'auerés,  et  bien  briefment.  Vous  avés  demandé  à 
quel  title  nous  vous  volons  présentement  faire  guerre.  Vous  le 
savés  bien,  quoi  que  vous  ignorés  ;  mais  puis  que  il  faut  que  nous 
renouvelions  la  parole,  je  parole  pour  nostre  sire  le  roi  et  pour 
tout  le  pais  generaument  d'Engleterre.  Et  dissons  que  vostres 
rois  est  tenus,  et  ont  esté  tout  si  predicessour,  roi  d'Escoce,  et 
seront  li  successour,  à  faire  honmage  au  roi  d'Engleterre,  à  ceuls 
qui  furent  et  seront.  Et  cela  avoech  le  calcnge  nous  volons  tenir 
en  droit,  et  le  demandons  et  requérons  comme  te  bon  hiretage 
à  la  couronne  d'Engleterre.  Avoecques  tout  ce,  nous  disons,  et 
pour  ce  sonmee  nous  logiet  sus  les  camps,  que  vous,  qui  estes 
d'Escoce  des  plus  grans  et  li  consauls  dou  roi ,  tenés  contre 
l'onnour  et  majesté  roial  dou  roi  d'Engleterre  et  de  ses  hoirs, 
ta  chité  de  Bei^ch  et  grant  pais  qui  s'estent  jusques  à  bonnes 
de  la  mer  d'Escoce,  et  volés  demorer  en  celle  tenure  par  ma- 
nière de  conques.  Sachiés  que  nostres  sires  li  rois  ne  le  puet 
sonsfrir  ne  voelt.  Et  se  il  le  voloit  par  auqune  dissimulacion, 
pour  tant  que  avés  mis  en  termes  qne  il  deveroit  tenir  en  pais 
ce  tant  de  petit  hiretage  que  son  frère  le  roi  d'Escoce  et  sa  se~ 
rour  ont,  et  tient  à  présent,  se  ne  le  sousferroient  pas  si  homme, 
et  sont  tout  conforté  que  toutes  ces  coses  vous  reraeterés  arrière. 
Et  fera  vostres  stres  li  rois  foi  et  hommage  lige  à  nostre  sire  te 
roi  d'Engleterre,  se  il  voelt  demorer  en  pais.  Et  le  feront  aus^ 
tout  chit  qui  sont  enexsé  et  conclave  ens  es  terres,  qui  sont  et 
dolent  estre  tenues  et  relevées  de  foi  et  d'onmage  de  nostre  si- 
gneur le  roi  d'Engleterre.  Et  se  vous  estez  fort,  de  par  vostre 
roi  et  les  vostres,  de  acorder  toutes  ces  coses  recordées,  si  ditez 
oil;  et  nous  entenderons  à  la  paix.  »  Donc  respondirent  li  Es- 
coçois  et  dissent  :  a  Nennîl,  ne  nous  n'en  sonmes  ne  cargié  ne 
introduit.  »  Donc  respondi  li  chevaliers  .englois  et  dist  :  «  Vous 
perdes  aultrement  vostre  langage  ;  et  puis  que  vous  votés  procé- 
der dou  contraire,  retraités  vous  viers  les  vostres,  et  lor  dites 
ce  que  vous  avés  trouvé  en  nous ,  car  vous  n'enporterés  aultre 

Qant  li  Escoçois  orent  entendu  messire  Renault  de  Gobehem 
enst  parler  et  soustenir  ta  querelle  des  Englois  par  celle  voie,  si 


;vGoo»^lc 


[i333]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  51.  327 

iureot  tout  abus  et  ne  sceurent  que  dire,  ne  que  repliqier,  mais 
il  prissent  congiet  dou  retraire  ;  on  lor  donna.  Et  issirent  don 
chastiel,  et  retournèrent  là  où  lor  cheval  estoient  ;  et  burent  un 
cop  et  mengièrent,  car  des  biens  de  l'ostel  dou  roi  on  lor  envoia 
assés.  Et  puis  montèrent  sus  lors  chevaus,  et  partirent  de  An- 
wich;  et  chevauchièrent  tant  que  il  trouvèrent  le  roi  et  auquns 
des  signeursd'Escoce,par  lequel  consel  il  estoient  venu  deviersle 
roi  d'Engleterre  et  son  consel.  Si  lor  recordèrent  tout  au  lonch 
quel  cose  il  avoient  trouva,  et  la  response  grande  et  orguilleuse 
que  il  avoient  eu  des  Englots.  Et  moustroi^it  bien  en  lor  parole 
que  li  rois  d'Engleterre  n'avoit  en  toutes  ces  coses  nulle  pois- 
sance,  et  que  li  pais  et  roiaulmes  d'Engleterre  faisoit  fait  et  par- 
tie dou  calenge  et  dou  procéder  avant;  et  avoient  bien  entendu 
que,  se  li  rois  d'Engleterre  se  voloit  dissimuler,  taire  tous  quois 
et  quiter  l'onmage  et  le  calenge,  se  ne  le  quiteroient  pas  ses 
gens ,  Adonc  dissent  ils  entre  euls  :  a  Confortons  nous  et  faisons 
dou  mieuls  que  nous  poons.  Nous  auerons  la  gerre,  et  ne 
l'euimes  onques  si  dure  ne  si  folle    que  nous  auerons  poiu*  le 

Ensi  demorèrent  les  coses  en  cel  estât,  ne  depuis  n'i  ot  tretti^  nul 
quelccoiques,  pour  celle  saison,  entre  Engleterre  et  Escoce;  mais 
se  départi  li  rois  d'Engleterre  et  toute  sa  poissance  de  Anwich  et 
de  là  environ,  où  ses  gens  estoient  logiiîs.  Cil  avoient  encores  cent 
mille  chevaus  ;  et  ensi  que  il  ceminoient,  pourveances  les  sie- 
voient  à  esfort,  as  sonmiers  et  à  charroi.  Et  prissent  li  Englois 
pour  celle  fois  le  c«min  de  Rosebourch  et  de  Miauros.  Encore 
s'esten  toute  Engleterre  jusquez  à  là.  Aliauros  est  une  abbeie  de 
Saint  Benoit;  et  là  se  départ,  à  une  petite  rivière  qui  i  court,  li 
roiaulmes  d'Escoce  d'un  lés,  et  li  roiaulmes  d'Engleterre  d'auttre. 
Lu  première  ville  que  on  trueve  en  alant  en  Escoce,  c'est  la 
Mourlane  :  là  vinrent  logier  li  connestables  d'Engleterre,  li  contes 
de  Norhanton  et  li  marescal,  li  sires  de  FeUeton  et  messires 
Thomas  Wage.  Qant  ce  vint  à  l'endemain,  toute  li  hoos  fu  logîe 
en  Escoce,  et  laièrent  Bervich  à  la  bonne  main.  Bien  savoient 
que  il  i  retoumeroient  qant  il  aueroient  fait  lor  emprise  ;  mais 
il  voloient  veotr  se  il  trouveraient  à  qui  parler,  car  il  ne  deman- 
doient  que  la  bataille.  Si  esploitièrcnt  tant  li  rois  d'Engleterre  et 
ses  hoos  que  il  foullèrent  grandement  la  plainne  Escoce,  et  ar- 
dirent  et  essillièrent  moult  de  villes  et  de  hamiaus. 

Moult  petit  de  villes  fremëes  sont  en  Escoce  ;  ii  r  a  grant  fuis- 


;vGoo»^lc 


328  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1333] 

son  de  chastiaus,  et  non  pas  tant  de  diis  fois  que  il  i  a  en  Engle- 
terre.  Et  ont  li  Escoçois  celle  manière  et  condition,  qant  il  sentait 
les  Englois  venir  à  poissanche  telle  que  pour  lors  il  avoient,  il 
tiennent  les  camps.  Et  ne  s'encloent  point  li  sigueur  en  Ion 
diastiaus  ;  et  dient  que  uns  cKevaliers,  qui  là  est  enclos,  ne  puet 
non  plus  faire  que  un  aultre  homme.  Li  Englois  quidièrent  trou- 
ver le  rot  en  Haindebourc,  car  c'est  Paris  en  Escoce,  mais  non 
fissent  ;  car  II  en  estoit  al^s  oultre  et  meoe'  sa  fenme  sus  ta  sau- 
vage Escoce.Et  li  chevalier  et  esquier  dou  pais  s'estoient  requel- 
liet  et  rais  ensamble,  et  avoient  fait  mener  tous  lors  meubles  et 
cachier  lors  bestail,  dont  il  ont  grant  fuisson,  ens  es  fores  de 
Gedours  qui  sont  inhabitables  ;  et  bien  scèvent  que  les  Englès  ne 
les  iroient  jamais  là  querre,  car  point  ne  c<Hignissoient  les  entr^ 
et  les  issues,  et  sont  fortes  à  cevauchier. 

Si  vinrent  li  rois  d'Engleterre  et  ses  gens  en  la  ville  de  Hain- 
debourc, qui  est  grande  et  plentiveuse,  et  point  n'est  fremëe.  Si 
se  loga  li  rois  en  l'abeie  de  Sainte  Crois,  et  tout  li  signeur  là  où 
le  mieuls  il  peurent;  et  t  furent  quinse  jours,  pour  tant  que  <m 
entendi  à  prendre  le  chastiel,  liquels  se  rendi,  salve  lors  vies  de 
ceuls  qui  dedens  estoient.  Donc  le  fist  li  rois  d'Engleterre  too- 
parer  grandement  et  ravitaîllier  et  rafresqir  de  nouvelles  pour- 
veances;  et  i  mist  un  chevalier  à  chapitainne,  dou  pais  de  Nor- 
thombrelande.  Et  fu  li  entension  dou  roi  et  de  son  consel  que  il 
le  tenroient,  et  en  feroient  frontière  contre  les  Escot^is.  Aussi 
prissent  li  Englois  un  aultre  chastiel  fort  assés ,  à  cinq  petites 
lieues  englesces  de  Haindebourc,  lequel  aa  clainme  Dalquest,  et 
est  hiretages  à  ceuls  [de]  Douglas  ;  et  en  fissent  garnison,  et  de 
pluisseurs  aultres.  Et  ardirent  li  Englois  toute  l'Escoce  jusques  i 
à  la  ville  de  Saint  Jehan  en  Escoc«,  ne  nuls  ne  lor  ala  aa  de- 
vant; et  ne  savoient  chil  dou  pais  à  dire  où  h  rois  et  la  roine 
estoient. 

Qant  li  rois  d'Engleterre  et  ses  gens  orent  chevauchié  et  couru 
toute  la  plainne  Escoce  et  ars,  et  exsilUé  tout  te  plat  pais,  et 
n'estait  nulle  nouvelles  des  Escos  qui  lor  contredesissent  lor 
cemin,  et  il  veîrent  que  li  iviers  aproçoit,  et  il  orent  pourveu  et 
rafresqi  tous  les  chastiaus  que  il  pensoient  à  tenir  pour  gueniier 
et  heriier  le  demorant  dou  pais,  il  se  missent  tout  souef  au  re- 
tour. Et  fu  li  rois  logiés  en  une  moult  belle  petite  ville ,  que  on 
apelle  Donfremelin.  Et  là  a  une  abbeie  de  noirs  monnes ,  qui 
est  assës  grande  et  belle  ;  et  là  dedens  celle  abbeie  sont  les  se- 


;vGoo»^lc 


[133'i]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  32.  328 

pultures  conniunetinent  des  rois  d'Escoce.  La  ville  fu  arse,  mais 
li  rois  desfeiidi  à  non  ardoir  l'abeie,  pour  tant  cjue  il  i  avoit  esté 
logîés.  Puis  se  missent  li  rois  et  ses  hoos  au  retour;  et  ne  pris- 
sent pas  le  cemin  que  il  estoient  venu.'Oiais  celi  desus  la  marine, 
car  ce  fu  lor  intensiou  que,  de  ce  voiage,  il  meteroient  le  siège 
devant  Bervich.  Et  esploitièrent  tant  les  Englois  que  i!  vinrent 
devant  Dombare,  qui  sciet  sus  la  mer.  Et  furent  là  et  environ 
chinq  jours;  et  se  missenfc^en  grant  painne  de  le  prendre  et  de 
l'avoir.  Et  i  fissent  li  arclùer  pluisseurs  assaus,  et  ue  le  peurent 


§  as.  P.  109,  1.  14  :  li  rois.  -~Mt.  <f  Amiens  :  Li  roys  d'En- 
gteterre  avoit  bien  en  celle  armée  du  mil  hnmmez  à  cheval  et 
vingt  mil  à  piet,  archiers  et  gallois,  sans  le  autre  ribaudaille, 
qui  sieuvoieDt  l'ost.  Et  esploita  tant  li  os  que  il  vim-ent  devant 
[Bervich'].  Donc  se  logièrent  que  mieux  mieus,  et  environnèrent 
lecastel  et  assiegièrent  de  tous  costés.  Et  envoiièrent  lors  foureurs 
chevaucier,  fourer  et  ardoir  en  Escoche,  et  prendre  prisonniers 
et  bestez  grant  luison,  et  ramener  en  l'ost.  Et  fist  li  rois  d'En^e- 
terre  drechier  enghiens  grans  et  haulx  au  pins  priés  dou  castiel 
qu'il  peult,  lîquel  jetcoient  sauvent  nuit  et  jour  sus  lez  tours  du 
castel  et  dedens  ossi.  Et  ce  durement  les  travilloit,  car  li  enghien 
leur  abatirent  les  offechinnez  de  laiens  et  meysmes  lez  comblez 
des  saliez  et  des  cambrez;  et  n'y  avoit  mes  que  deux  grosses 
tours  où  il  se  peuissent  tenir.  Moult  furent  chil  qui  le  fortresse 
gardoient  et  tenoient,  bonne  gent  et  bien  deflendant  ;  mab  enKn, 
quant  il  parcburent  qu'il  estoient  si  cuvriiet  dez  enghiens,  et  que 
longbement  ne  pooient  souffrir  tel  assault,  car  lez  grosses  pièrez 
que  on  leur  jettoit  desrompoient  et  froissoient  trop  durement 
leur  caslel,  si  eurent  avis  de  tretier  deviers  le  roy  d'Engleterre. 
El  traitièrent  une  souffrance  de  quinze  jours,  et  que  li  ungs  de 

1,  Dans  ce  pasaage  du  mi.  d'Amiens  et  dans  plusieurs  autres  qui 
■nitent,  on  lit  :  Soiehourch,  sa  lieu  de  ;  Bvvich.  C'est  cependant  de 
Berticli  qu'il  s'agit  :  la  fin  de  ce  récit,  où  le  nom  mâme  de  Bervich  ré- 
parait, et  tout  le  contexte,  ne  permettent  pas  d'en  douter.  Cette  erreur, 
qu'il  faut  «an»  doute  attribuer  à  une  distraction  du  copiste,  se  trouve 
reproduite  dans  les  passages  correspondants  du  lai,  de  Valencîennes  ; 
et  la  reproduction  servile  d'une  erreur  auss!  grtMsière  et  purement  ma- 
térielle est  un  des  faits  qui  donnent  lieu  de  suopuser  que  ce  dernier 
ms,  a  é\.é  fait  d'après  le  ms.  d'.^niiens,  auquel  il  est  (fiidemment  pos- 


jvGooi^lc 


330  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1333] 

chiaux  dedeas  peuist  aller  deviers  le  roy  d'Escoche  remonstrer 
en  quel  parti  il  estoient  ;  et  se,  au  seizième  jour  de  le  aouffrancbe 
durant,  li  roys  d'Escoche  ne  les  avoit  confortez  et  levet  le  siège, 
il  dévoient  mettre  et  rendre  le  caste)  en  le  voUenlé  le  roy  d'&i- 
gleterre,  et  cil  s'en  dévoient  partir  sauve  yans  et  le  leur.  Li  roys 
leur  acorda  ceste  besoingue,  et  fist  cesser  les  engfaiens;  et  laissa 
passer  et  paisivlemetit  ung  escuier  des  lors  qui  iJevolt  Tère  ce 


Or  dist  li  comtes  que  chilï  escuyers,  qui  partis  estoit  de  [Ber- 
vich],  esploita  tant  qu'il  vint  à  Saint  Jehans  Tonne,  une  bonne 
vile  séant  sus  uog  brach  de  mer,  où  li  roys  d'Escoce  se  tenoit  et 
li  roynne,  et  li  jouènes  comte  de  Moret,  et  messires  Guillaunmie 
de  Douglas  qui  estoit  adono  escuiers,  nepveuz  au  bon  messire 
Guillaume  de  Douglas  de  qui  vous  av^s  oy  chy  dessus,  et  mes- 
sires Robiers  de  Versi,  et  messires  Siraons  Fresel,  et  grant  fuison 
de  jouène  bachelerie  d'Escoche;  car  li  roys  avoit  fet  son  especiat 
mandement  cocome  chîl  qui  volloit  chevauchier  contre  lez  Englèï 
et  defiendre  son  pays.  Lorsque  li  cscuyers  fu  venus,  il  s'enge- 
nilla  devant  le  roy. Et  li  dist,  tout  ensi  que  vous  avés  oychy  de- 
vant, en  quel  parti  li  castiaux  de  [Bervich]  estoit;  et  se  briefment 
il  n'estoit  confortez  dedens  le  terme  qui  mis  y  estoit,  on  le  devoit 
rendre.  Dont  dist  li  rois  d'Escoche  :  a  Oil,  s'il  plaist  à  Dieu, 
nous  chevaucherons  celle  part.  >  Âdonc  renforcha  il  son  mande- 
moit,  et  se  parti  de  Saint  Jehans  Tonne,  et  s'en  vint  deviers  Hain- 
debourch;  et  touttes  ses  gens  le  sieuwirent,  qui  mieux  mieux  et  à 
eflbrt.  Lors  se  parti  li  roys  de  Haiadebourch ,  et  se  mtst  as 
champs  o  touttez  ses  os,  pour  venir  deviers  [Bervich].  Tant  s'es- 
ploita  li  roys  d'Escoce  que,  l'endemaiu  à  heure  de  relevée  qu'il  se 
fu  partis  de  son  castel  [de]  Haindebourch,  il  s'en  vint  à  une  grande 
abbeie  de  noirs  moinnez  qui  dou  tempz  le  roy  Artus  estoit  noum- 
m^e  li  Noire  Combe,  pour  ce  que  elle  gist  en  ung  val  et  sus  une 
noire  rivierre  qui  départ  anchiennement  Escoce  et  Engleterre. 
Et  est  celle  abbeye  crens  de  le  guerre  des  deux  pays,  et  de  ces 
ont  il  bien  cartre  et  bien  burle.  Là  se  loga  U  roys  d'Escoche  et 
ses  gens  tout  sus  ceste  rivierre,  qui  est  à  neuf  lieuwes  englesses  de 
Rosebourch,  à  dix  huit  de  Bervich. 

Celle  nuit,  enssi  c'a  soleil  esconssant,  se  parti  li  Jouènes  mes- 
sires Guillaume  de  Douglas  et  li  jouènes  comtes  de  Moret  et  mes- 
sires Robers  de  Versi  et  messires  Simons  Fresel,  a  bien  quatre 
cens  armurez  de  fer  bien  montez  et  bien  abilli^s.  Et  chevauchi^- 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1333]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  52.  331 

rent  fort  par  voies  couvertez  et  landez  nient  antéez  ;  et  vinrent 
environ  mienuît  ass^s  priés  de  [Bervich],  en  ung  biel  prêt,  envi- 
ron une  petite  lieuwe  englesce  de  l'ost.  Là  descendirent  il  et  res- 
traindirent  leurs  armures ,  et  recenglèrent  leurs  chevaux  et  se 
rabillièrent  bien  de  tous  poins;  et  puis  montèrent  et  ordonnèrent 
coumment  il  se  maintenroient.  Bien  veolent  les  feux  de  l'ost  et 
chiaux  que  lî  gait  faisoient.  St  eurent  advls  que  point  D'yroient 
celle  part,  mais  s'adrecheroient  i  l'autre  costct;  et  ne  diroient 
mot  tant  qu'il  seroient  ferut  en  l'ost.  Et  quant  il  seroient  entré 
dedens,  il  criroient  t^ut  d'une  vois  :  u  Douglas  !  Douglas  1  »;  et  si 
trestos  qu'il  veroient  les  pignonchiaux  de  Douglas  et  de  Moret 
retourner,  il  tes  sieuwissent.  Tout  furent  enfourmé  de  ceste  be- 
soingne,  et  chevauchièrent  autour  de  l'ost  englesce,  et  si  coiement, 
que  oncques  nulz  ne  s'en  donna  garde.  Si  furent  li  Escot  entre 
dedens,  puis  escriièrent  d'une  vois  :  «  Douglas!  DouglasI  n  et 
disant  :  a  Tout  y  morés,  larron  d'Engleterre  1  »  Lors  coummen- 
chièrent  à  fcrir  et  à  frapper,  et  à  decopper  et  reverser  tentez  et 
logies ,  et  à  abattre,  navrer  et  tuer  Englès  et  mettre  en  grani 
mescief. 

Celle  nuit ,  faisoient  le  gait  doi  seigneur  d'Engleterre ,  li  sirez 
de  Felleton  et  li  sirez  de  Moutbray,  à  cinq  cens  honunez  d'ar- 
mes et  cinq  cens  archiers'.  A  le  vois  et  à  le  huée  et  à  l'aba- 
teis  des  loges ,  et  au  meschiës  de  chiaux  qui  criotent  où  li  Escot 
estoient  embatu ,  s'estourmy  li  os  ;  et  s'armèrent  par  tout  cou- 
munaument  qui  mieux  mieux.  Meysmes  li  roys  s'arma  moult 
vistement,  et  se  mist  devant  se  tente;  et  iist  lever  bannierres  et  pi- 
gnons, et  (a  moult  courchiés  des  Escos  que  ensi  souspris  l'avoient. 
Là  se  rassamblèrent  daUéz  le  roy  et  en  son  logeis  li  seigneur  et  li 
baron  d'Engleterre;  et  li  gèz  s'eBbrcha  et  avancha  che  qu'il  peult 
de  venir  celle  part  où  li  noise  estoit.  Mais  ainchois  qu'il  y  pewis- 
sent  parvenir,  li  Escochois  qui  avoient  en  partie  achievet  leur  em- 
prise, se  retournèrent  tout  sagement  et  enmenèreat  bien  quarante* 
prisonniers,  dont  il  y  eult  sept*  chevaliers  et  douze  escuiers;  et 
entrèrent  ens  es  bois  saoz  dammaige,  comme  chil  qui  n'avoient 
garde  puisque  là  estoient,  car  i)  savoient  tous  lez  chemins  et  adrè- 
ches,  che  que  li  Englès  ne  savoient  point.  Quant  che  vint  au  ma- 
tin, on  regarda  en  l'ost  quel  dammaige  li  Escot  y  avoient  fait.  Si 

1.  Ml.  dt  faleneUnnei  ;  mais  il  estoient  d'aiillre  pan.  F*  34. 
a.  lùU.  ;  toixBute.  —  3.  Hid.  :  huit. 


DiqitizeabyG00»^lc 


332  CHRONIQUES  DE  J.  FR01SSA.RT.  [1333] 

fu  trouvct  qu'il  avoicnt  bien,  qiia  mors. que  navr^,  treize  vmgt' 
hommes  et  s'en  menoient  plus  de  quarante  *.  Moult  en  fu  It  roy» 
courouchiës,  mes  ameniier  ne  le  peut,  tant  que  à  celle  foix.  Si  or- 
donna que,  d'orez  en  avant,  il  feroieQt  deux  ghais  o^i  grani  t^- 
cun  que  il  avuient  acoustummet  de  faire^  et  aniient  gettep  et  es- 
cnuttes  pour  gettier  et  garder  les  chemins,  afiin  que  il  ne  fuissent 
plus  ainssi  sou sp ris.  Tout  ce  fn  ordonné  6t  accordé  de  par  le  roy 
et  les  mareschaun. . 

Or  vous  paurai  des  Escos  qui  Uet  et  joiant  revinrent  l'ende- 
main,  environ  heure  de  primmc,  divers  le  roy  et  Içurf  gens ,  k 
qui  il  recordèrent  leur  aventure.  Moult  acquisent  chil  quatre 
jouëne  seigneur  d'Escoche,  de  r.este  première  chevauchie,  grant 
grâce  de  leurs  amis;  et  ossi  Tissent  il  grant  renoummée  de  leurs 
ennemis,  car  depuis  tnudis  il  en  furent  le  plus  doublet.  Or  eult 
li  rois  David  consseil  de  deilngier  et  d'aprochier  lez  ennemis.  £t 
chevauchièrent  li  Escot,  le  second  soir  que  li  Englèz  avoient  estet 
resvilliet,  et  se  partirent  de  leurs  logeis  apriès  soleil  esconssani; 
et  chevauchièrent  tout  secrètement  devers  [Bervicb],  Et  avoiept, 
très  dont  qu'il  se  partirent  de  l'abbeie,  ordounné  coumment  il  se 
maintenroicnt,  comme  chil  quî  congnissoient  le  pays.  Il  pooient  y 
estre  tout  complet  environ  seize  mille  hommes,  et  tout  à  cheval 
seloncq  leur  usaige,  chevaliers  et  escuyers  montés  sus  bon  cour- 
siers et  gros  ronchins ,  le  demourant  sus  haghenéeg  bien  apertei 
et  bien  travillans.  Et  yaui  venus  en  ung  bois,  à  deus  lieuwes  en 
glesces  es  preis  de  [Bervich],  chil  dévoient  partir  leurs  gens  eo 
deus  moitiés,  le  mendre  part  envoiier  rcsvillier  l'ost  et  escarmu- 
chier,  et  leur  plus  grosse  bataille  retenir  et  mettre  sus  elle .  et 
venir,  apriès  ce  que  li  os  serolt  esmeute,  sur  cnstet  et  ferir  elis; 
et  chevauchoient  en  cel  estât  que  je  vous  di.  Or  fa  leur  venue 
sceue  en  l'ost  par  les  escoutes  et  geltez  que  li  Englès  lenoieiit 
sus  les  chemins  de  touttes  pars  ;  et  vinrent  en  l'ost  moût  hav 
teement,  eu  disant  :  ■  Armés|  vous!  Armés  vousl  car  It  Escot 
chevauchent  à  tout  leur  effort  et  seront,  s'il  voellent ,  tantosE_ 
chy.  »  Adonc  s'estourmy  li  os  de  tous  costéz.  Et  li  doi  get  se  mis- 
sent enssamble,  et  se  tinrent  tout  qnoiement  sur  les  chans  tant  que 
touttes  lors  gens  fuissent  armé,  et  pour  requeillier  lez  Escos,  s'il 
fiùssent  venut,  enssi  que  dit  leur  estoit. 

Si  tost  que  li  roys  d'Engleterre  fu  armés  et  toutte  li  os,  il  se 

1.  Jtf/.  Je  rafcneiennw;  deus  cens.  F»  34vo.  —  2.  /Wrf.  .•  »oiwoie. 


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[1333]       VARIAMES  DU  PREMIER  LIVRE,  &  Si.  333 

partirent  de  leur  logeis  tout  bellement  sans  criier  et  sans  noisier, 
et  vinrent  enssus,  environ  le'n-etie'  de  trois  àrs.  Et  avoient  or- 
donné qu'il  luiroient  les  Escot  entrer  en  leur  logeis,  et  j'aux  en- 
sonniier  de  prendre  et  de  tourssev  che  que  laissiet  y  avoient;  et 
puis  tout  à  ung  les  venroient  aconrant  sur  yaulx.  Et  enssi  comme 
il  l'ordonnèrent,  il  le  fisent.  Et  Ji  Escot,  d'autre  part,  prisent  le 
avantaige  dou  bos  et  d'une  |>etltte 'montaigne  dallés  te  bois;  et 
affin  qu'il  ne  laissent  decheu,  il  envouèrent  trais  escuiers,  monteic 
sur  trois  hongres  chevaux  trop  appela,  pour  savoir  se  li  gës  es- 
toit  de  ce  Us  là  où  il  volloient  entrer  en  l'oit.  Ghil  vinrent  à 
chevauchant  jusqnes  as  loges  des  Englès,  et  si  pries  que  droit 
à  l'entrée  ;  et  ne  virent  se  oircul,  personne  ;  dont  il  furent  tout 
esmervilliet ,  car  encoirez  dedenS  l'ost  n'y  avoit  point  de  Inm- 
mierre.  Si  disent  entre  jiauit  ;  u  Ou  il  s'en  sont  fui  et  parti,  ou 
il  sont  tous  endormy.  a  Ensù  le  rapbrt^rent  il  à  leurs  gens  en 
le  montaingne  où  il  estolenc ,  dont  li  pluiseur  eurent  assés  grant 
merveille. 

Quant  li  rois  d'Escoche  et  ses  conssaux  qui  daléz  lut  estoit , 
eurent  oy  le  rapport  que  li  escuier  eurent  fet,  si  le  cotuseilliè- 
rent  l'un  par  l'autre  coumment  il  se  maintenroient.  fii  disent  H 
plus  anchien,  et  chil  qtii  le  plos  avoient  uset  les  armes,  au  roy  : 
*  Sire,  ne  penssés  jà  que  »  vaillant  chevalier  que  li  roys  d'En- 
gleterre  a  avoecques  lui ,  s'en  soient  fui  ne  parti  ea  tel  man- 
nicre  ;  mes  puet  y  estre  qu'il  ont  sceu  nostre  affaire  et  venue.  Si 
se  tiennent  tout  armé  couvertement  dedens  leurs  logeis,  pour  nous 
atraire  où  il  sont,  à  bataille  rengie,  mis  sus  les  chans,  et  ont  pris 
leur  avantaige.  Si  aiiés  avis  sur  che.  ■  Adonc  demanda  li  roys  à 
ses  mareschaux  qu'il  en  estoit  bon  affaire.  Il  conseillièrent  qu'il 
se  tenissent  là  tout  quoy,  tant  que  clers  jours  fuist  venus  et  qu'il 
veroient  entour  yaux;  et  mesissent  tous  lors  chevaux  dedens  le 
bois  paistre.  Enssi  Usent  il.  Tout  se  misent  à  piet  et  chachièrent 
lors  chevaux  et  haghenées  eus  el  bois,  et  tes  fisent  garder  de  leurs 
variez  ;  et  se  rengièrent  et  misent  tout  en  une  bataille  sus  le  mon- 
taingne, qui  n' estoit  pas  trop  grande.  Et  estnit  ceste  montaigne, 
d'un  lés,  si  roste  que  nulx  ne  peuist  de  che  costé  venir  à  yaux  ; 
de  l'autre  part,  elle  eshrit  plus  plainne ,  et  touttes  voies  y  avoit 
grant  terre  à  monter.  Au  |^us  plain  par  où  on  les  pooit  apro- 
chier,  il  chnuchièrent  grant  foison  d'arbres  et  de  bois,  dont  trop 

1.  Ui.  Je  falmeUnutf  '  bien  de  lonfoew  de  trais  vais  d'arch. 


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334  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1333] 

bien  se  fortefiièrent.Etne  les  pooiton  que  par  une  entrée  aprochier 
ne  venir  à  yaux  ;  et  cestc  entrée  estoit  bien  gardée  des  marescaux 
de  leur  ost.Ensi  se  tinrent  il  tout  quoy,  tant  que  !i  jours  fu  venus 
biaui  et  clers,  et  qu'il  vcirent  environ  jaux,  et  les  Englès  tous 
rengiés  et  ordonnés  sus  mig  terne,  cnsi  que  dit  est  chy  devant. 
Ossi  li  Englès  les  pooient  bien  perchevoir  et  avisser,  si 
comme  il  lisent.  Lors  eurent  consseil  entre  yaux  coument  il  se 
maintenroient  ;  et  envoiièrent  ung  '  hirault  des  leurs  de  par  le 
roy  d'Englelerre  deviers  le  roy  d'Escochc,  liqueli  y  vint  et  li  dist 
enai  comme  vous  orés  cnsuiwant  :  a  Sire ,  li  nobles  roys  d'En- 
gleterre  m'envoie  devierz  vous  et  vous  mande  que,  se  li  journée 
d'ui  se  part  sans  bataille,  et  que  par  Torche  vous  ne  levés  le  siège 
à  le  bonne  cbité  de  Bervicli,  n'alendés  jammais  riens,  car  elle  sera 
sienne  toutte  liège  pour  tousjours  mes.  Et  pour  tant  que  vous  y 
estes  venus  si  avant  que  vous  monstres  que  vous  vocilliéz  nostre 
roy  combattre,  afin  que  vostre  désir  et  emprise  soient  accompli, 
voeilliés  descendre  de  celle  montaigne  là  ou  vous  estez  et  li  vos- 
tre  :  il  vous  laira  tout  paisieuvlement  en  ces  biaui  plains  ordouD- 
ner,  et  vous  combatei'a  sans  avantaige.  Et  se  che  vous  ne  voullés 
faire ,  eslisiés  des  vostres  vingt  *  ou  trente  ou  quarante  ou  cent 
ou  deux  cens ,  li  roys  d'Engleterre  otanl ,  et  chil  se  coœbate- 
ront  iH>ur  son  droit  et  pour  le  vostre;  et  à  qui  li  place  dcmoura 
il  en  ait  l'onneur,  et  li  chité  li  demeure.  »  A  ces  parollez  res- 
pondi  bien  briefment  li  consseil  le  roy  d'Escoche  et  dist  enssi  : 
a  Hiraui,  vous  soîiés  li  bien  venus,  qui  si  biaux  fais  d'armes  nous 
aportéz.  Mes  vous  direz  à  vostre  roy  de  par  le  nostre,  qu'il  n'a 
nul  droit  de  séjourner  en  che  pays;  mais  s'il  nous  voelt  combat- 
tre, il  nous  voit  ù  yeux  :  si  viègne  à  nous,  et  nous  le  requeille- 
rons.  Car  au  descendre  de  cestc  montaingne,  nous  n'en  sommes 
point  maintenant  bien  conseilliet,  ne  des  vingt',  ne  des  trente, 
ne  des  cent ,  ne  des  deux  cens  combattre  ossi  corps  à  corps,  ne 
de  mettre  le  droit  que  li  roys  nos  sirez  [a]  a  le  chité  de  Bervicb 
en  tel  pareçon  \  et  serons  chy  tant  qu'il  nous  plaira.  Et  quant  boa 
nous  samblera,  nous  savons  bien  voie  pour  descendre  et  pour  com- 
battre, non  à  l'entente  de  nos  anemis,  mes  de  nos  anus.  »  Che  fu 
toutte  la  responce  que  li  hiraux  eult  adonc,  et  laquelle  il  raporta 
an  roy  d'Engleterre  et  à  son  consseil. 


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[1333]       VARIANTES  DU  PREftlIEft  LIVRE,  §  82.  335 

Quant  II  roys  englès  vit  et  oy  dire  par  son  hîrault  que  li  Escot 
ne  descenderoient  point  de  !e  mnntaingne  se  bon  ne  leur  sanbloit, 
si  eut  vollenté  et  coummanda  que  on  lez  alast  veoir  de  plus  priés 
et  escarmuchier,  car  il  sont  ctiault  et  boullant,  si  lez  poroit  on 
bien  par  ceste  matmière  jus  atraire.  Li  advis  et  commandement 
dou  roj  ne  fu  point  brisés;  et  furent  ordené  mil  archiers',  cinq 
cens  d'un  les  et  cinq  cens  d'un  autre,  et  cinq  cens  hommes  d'ar- 
mes enmy  yaus,  qui  les  vinreot  escarmuchier.  Et  fist  là  li  roys 
pluiseurs  nouviauz  chevaUers  :  le  seigneur  de  Willebi,  le  sei- 
gneur de  Brasetonne^,  le  fil  le  seigneur  de  le  Ware,  messire 
Edouwart  le  Des]>enssier',  fil  au  seigneur  Despenssier  darrain 
mort,  le  seigneur  de  Gresop  qui  là  leva  banoierrc,  et  pluiseurs 
autrez  d'Englclerre.  Ëncoires  furent  là  fet  chevalier  messires 
Gautiers  de  Mauny  et  messires  Guillaumez  de  Montagut ,  qui 
estoienl  compaignon  enssamble  et  très  appert  bacheler.  Dont  se 
partirent  chil  seigneur  englès  et  chil  archier,  et  apixtchièrent  tes 
Escos  moult  vistement;  et  li  roys  et  ses  bataillez  demourèrent  là 
où  il  estoient  ordonne,  sans  yaux  en  riens  desiviiier.  Et  fu  coum- 
mandé  de  par  le  roy,  et  suur  le  teste,  que  nulz  ne  se  partesist  de 
le  montaingne,  ne  se  raesist  devant  lez  bannierrez  des  marescaux. 
Quant  li  Escot  virrent  aprocbier  les  Englès  et  venir  de  celle 
part  la  où  il  estoient  le  plus  ouviers,  sachiés  que  il  ne  liirent  pas 
trop  efireetj  mais  se  misent  apertement  li  plus  hardit  et  li  plus 
bat^elercux  à  cel  lés  et  ce  qu'il  eurent  d'arciers  devant  yauï,  et 
fisent  leur  roy  tenir  tout  quoy  à  ses  bannierrez.  Evous  venus  les 
Englèz  qui  coummenchièrent  à  traire  as  Escos,  et  li  Escos  à  yaux. 
Là  y  cuit  grant  escarmuche  et  tomainte  belle  apperlise  d'armes, 
mainte  aventureuse  prise  et  mainte  belle  rescousce.  Et  avint  ensi 
que,  sus  le  plus  fort  de  l'assaut,  li  marescal  d'Engleterre  fisent 
tout  à  ung  fès  retourner  leurs  pignons,  pour  yaux  faire  chachier 
et  les  Escos  jus  atruire.  Mais  li  Escot,  et  par  especial  leurs  cap- 
pittainnes,  qui  sont  assés  sage  de  guerre  et  de  teLx  fès,  ne  se 
desroiièrent  pour  ce  noiient;  a  in  s  se  tinrent  en  leur  parti,  enssi 
qu'il  dévoient.  Et  quant  li  Englès  virent  qu'il  n'en  aroient  autre 
cose,  si  se  sont  retret  devers  leurs  grosses  bataillez,  car  à  l'es- 
carmucbier  pooient  il  plus  mettre  que  prendre,  yaulx  fouller  et 
faire  navrer,  et  peu  grever  les  Escos. 


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] 


33»  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1333] 

Enssi  se  tinrent  lî  Englès,  tout  le  jour,  leurs  batailles  ordoun- 
niies,  et  li  Escochois  d'autre  part.  Et,  sus  le  soir,  li  roys  d"Engle- 
terre  se  retraist  à  ses  logeis;  et  soupèrent  en  grant  hasie  et  tout 
armet,  et  fisent  celle  nuit  leur  ost  bien  cscargaittcr  et  priés 
garder.  Quant  ce  vint  environ  mienuit,  lî  Esc<it,  qui  sont  trop  biel 
resvilleur  de  gens,  envouèrent  leurs  nouviaui  chevaliers  et  au- 
cuns comjinignons  qui  aventurer  se  vorent,  devers  l'ost  as  En- 
glès, mais  bien  leur  besoingna  qu'il  fuissent  bien  monté,  car  il 
Turent  cachiet  et  reboutet  ;  et  en  y  eut  des  leurs  pris,  aînschois 
que  il  se  pewissent  estre  remis  en  leur  mnntaigne.  Depuis  ceste 
envaie  n'y  eut  riens  fet,  car  li  Escnt  se  partirent  assés  tost  apriès, 
car  il  virent  bien  qu'il  n'estoient  mie  fort  pour  combattre  le  roy 
engtèz  ne  se  puissance.  Si  eurent  plus  chier  à  perdre  le  chité 
de  Bervich'  à  ceste  foix  que  yaux  mettre  en  l'aventure  de  plus 
perdre. 

Quant  ce  vint  au  matin,  li  Englès  regardèrent  deviers  le  mon- 
taingne  où  U  Escot  s'estoient  tenu  le  jour  devant,  et  n'en  virent 
nul;  si  le  nonchièrent  au  roy.  Adonc  y  envoya  U  rois  veoir  se 
c'estoit  vérité;  et  on  trouva  qu'il  estoient  parti  et  avoient  laissiet 
petit  remannant,  car  il  ne  mainnent  point  de  charoy.  Si  rapor- 
tèrent  ces  nouvellez  certainnez  au  roy,  chil  qui  envoiiet  y  avoient 
estet. 

Et  che  jour  devant,  estoit  close  li  trieuwe  à  chiaux  de  Ber- 
vïch.  Si  envoya  li  roys  deviers  yaui'  quatre  chevaliers  assavoir 
quel  cose  il  voUoîent  faire,  Chil  respondirent  qu'il  tenroient  leur 
couvent,  tel  qu'il  l'avoient  au  roy.  Li  couvens  estoit  que  il  dé- 
voient rendre  le  chite  et  le  castiel  nu  roy,  et  il  s'en  dévoient  par- 
tir tout  chil  et  celles  qui  partir  s'en  volloient,  salve  leur  corps 
et  le  leur,  enssi  qu'il  lisent;  et*  aportèrent  les  clefs  au  roy  d'Kn- 
gleterre,  et  entra  en  le  ville  et  puis  ou  castiel,  à  grant  joie,  et 
tout  chil  qui  entrer  y  peurent;  et  qui  n'y  peult  entrer,  si  se  loga 
dehors.  Enssi  concquist  li  roys  d'Engleterre  le  chité  et  le  castel 
de  Bervich,  et  y  entra  en  l'an  de  grasce  mil  trob  cens  trente 
trois,  le  septième  jour  de  jullet.  ¥^  iS  v*  kf  tl  v". 

JUs,  de  Rome  :  Si  passèrent  oultre  et  ceminèrent  tant  que  il 
vinrent  devant  la  chîté  de  Bervich.  Si  l'asiegièrent,  et  se  logiè- 


1.  Ml.  Je  yaUncitnBti  :  et  le  chaai^l  de  Bosdjourcli.  V°  36. 

2.  tbld.  !  dpvers  Je  fort. 

3.  Ibid.  :  et  rendirent  le  fonereMe. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1333]      VARUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  82.  337 

rent  au  plus  priés  que  il  porent.  Pour  ces  jours,  ea  estoit  chapi- 
tainne  nus  Taillans  chevaliers  d'Esco<%,  qui  se  nonmoit  Alizandres 
de  Hamesai.  Et  avoit  avoecques  lui  des  'aultres  «^evalîers  d'Es- 
Goce  et  esquiers,  qui  tout  estoient  vaillant  homme.  Si  se  logièrent 
les  Englois  au  lonc  de  la  rivière  de  Taie,  qui  rentre  en  la  mer 
desons  Bervich.  Et  est  uns  havenes  de  mer,  et  par  là  par  mer 
venoient  moult  de  pourveancel  au  roi  d'Engleterre  et  à  ses  gens, 
dont  il  estoient  tous  les  jours  rafresqi.  Et  sciet  Bervich  en  bon 
pais  et  pourveu  de  bleds,  d'avainnes  et  d'autres  grains  et  de 
bons  fains;  et  i  trueve  on  grant  fuisson  de  venissons  et  de  vo- 
lilles.  Et  avoit  là  li  rois  d'Engleterre  ses  chiens  et  ses  oiziaus  où 
il  prendoit  ses  déduis  ;  ne  nuls  ne  li  aloit  au  devant,  ne  brisoit 
ses  esbatemens.  Car  tous  les  jours,  qant  il  voloit  faire  ce  mes- 
tier,  li  connestables  d'Engleterre,  li  contes  de  Norhanton,  avoit 
bien  chinq  cens  lances  et  mille  archiers,  qui  cxtsiioient  les  bois 
et  les  rivières  toute  jour,  tant  que  li  rois  retoumoit  arrière. 

Considérés  conment  les  saisons  s'i  portent  et  difiêrent  de  l'une 
à  l'autre.  Vous  trouvés  ichi  desus  en  ceste  hlstwe,  le  roi  Robert 
de  Brus  d'Escoce  resgnant,  père  à  ce  roi  David,  que  il  donna 
moult  à  faire  as  Englois;  et  se  il  euist  resqu,  et  messires  Guil- 
laumes  de  Douglas  qui  iii  ocis  par  sa  vaillance  en  Grenade,  et  li 
contes  Jehans  de  Moret,  li  rois  d'Engleterre  n'euist  osé  avoir 
ensi  pris  ses  déduis  de  chiens  ne  d'oisiaus  en  Escoce,  ne  ohe- 
vauchiet  sans  avoir  eu  des  grans  rencontres.  Maïs  les  Escoçois 
conmençoient  à  doubler  ce  roi  Edowart.  Et  disoient  li  ancuea  et 
et  li  sage  en  Escoce  que  il  feroit  un  vaillant  homme,  et  en  avait 
bien  la  chière  et  la  manière.  Et  en  celle  vaillance  si  homme 
d'Engleterre  l'introduisoient  et  nourissoient  :  si  faissoient  bien, 
car  uns  rois,  puisqu'il  voelt  tenir  terre  et  signourir  peuple,  doit 
estre  de  hardies  et  grandes  emprises. 

Encores  disoient  les  Escoçois,  liquel  congnissoient  assés  parfet- 
tement  la  nature  des  Englois,  et  l'un  à  l'autre,  par  manière  de 
(x^tion  :  «  Et  pensés  vous  pour  ce,  se  nos  rois  a  à  fenme  la-se- 
rour  don  roi  d'Engleterre,  que  nous  en  doions  mieuls  valoir  et 
estre  déporté  à  non  estre  guerriiet,  mais  Dieus,  nennil  1  II  fault 
que  li  rois  d'Engleterre  obeise  à  son  peuple,  et  face  tout  ce 
qu'il  voellent.  Et  s'i[l]  fait  le  contraire,  et  qu'il  fuie,  et  bée  les 
armes  et  sent  pre<^eus  et  endormis,  et  quière  et  demande  ses  dé- 
duis, il  ne  le  poront  amer,  mais  le  disfameront  et  querr<Hit  sur 
lui  vues  et  adrèces  obliques,  jà  smt  il  preudons  en  consience, 
1—22 


;vGoo»^lc 


338  CHRONIQUES  DE  J.  FfiOISSAKT.  [1333] 

par  quoi  il  le  destruiront.  El  tn^  grans  périls  est  en  Engleterre 
d'nn  roi  qui  vient  en  la  ^session  dou  roiaulme,  qant  i  auera  eu 
un  vaillant  predicesseur  devant  lui,  car  se  il  n'ensieut  ses  oevres, 
il  est  tous  les  jours  en  péril  et  ea  aventure  d'estre  mors  de  son 
peuple  meismes,  ensi  comme  il  en  est  esceu  et  pris  au  roi  Edou- 
vart,  père  de  cesti  qui  resgne  en  présent,  que  si  homme  ont  fait 
morir  de  maie  mort  eus  ou  cfaastiel  de  Bercler,  et  ont  son  fil 
couronné  à  roi.  Ce  sont  grant  exemple  pour  lui,  et  pour  tous  les 
rois  qui  par  succession  pueeat  avenir  et  venir  à  la  couronne 
d'Eogleterre.  > 

Ensi  disoieiU  II  Escoçois,  et  non  pas  euls  tant  seullement,  mais 
toutes  aultres  nations,  qui  congnoissent  la  nature  et  condition 
des  Englois;  car,  desous  le  solel,  ne  sont  gens  plus  peritlens  ne 
mervilleus  à  tenir,  ne  plus  divers  que  sont  Englois.  11  sont  de 
belles  aquintises  et  de  biau  samblant;  mais  nulz  qui  sages  est,  n'i 
doit  avoir  trop  grant  fiance. 

Tant  fist  li  rois  Edouwars  en  celle  saison,  devant  la  chité  de 
Bervich,  que  par  poissance  il  les  constraindi  et  mena  si  avant 
que  messires  Allxandres  de  Ramesai,  qui  chapitainne  en  esloit, 
entra  en  trettiés  deviers  euls,  c'est  à  entendre  devicrs  le  roi  et 
son  consel,  car  il  vei  que  secours  ue  confors  ne  li  apparoit  de 
nulle  part;  et  estoient  fort  amenries  lors  pourveances  et  lors  ar- 
tellerie,  pour  les  grans  assaus  que  on  lor  avoit  bailliet  et  livrés, 
car  priés  que  tous  les  jours  i  estoient  avenu  fait  d'armes  et  escar- 
mucez  ;  et  en  avoit  parlé  à  ses  compagnons,  car  sans  l'acort  et 
consentement  de  euls,  il  n'en  euist  jamez  riens  fait.  Si  se  [K>rta 
tretiés  que  il  av<»ent  trieuves  quiose  jours,  et  dedeus  ce  terme, 
il  dévoient  envoiier  deus  de  lors  cevaliers  deviers  le  roi  d'Escoce 
et  son  consel  pour  compter  lor  estât;  et  se  li  rois  d'Escoce  vo- 
irai là  venir,  si  poissans  que  pour  lever  le  siège,  la  chité  de  Ber- 
vich li  demoroit;  et  se  dedens  les  quinse  jours  il  ne  venoit,  il  se 
dévoient  rendre  au  roi  d'Engleterre,  et  de  ce  jour  en  avant  de- 
morer  bon  EUigloîs;  et  se  pooient  chevalier  et  esquier,  qui  de- 
dens estoient,  partir  segurement  sans  riens  perdre  dou  leur;  et 
dévoient  li  manant  de  Bervich  demorer  en  bonne  paix  sans  estre 
foullé  ne  pressé,  ne  avoir  auqune  violense  de  lors  corps  et  de 
lors  biens.  Les  trieuves  furent  bien  tenues;  ne  onques,  tous  les 
qoinse  jours,  il  n'i  eut  assaut  ne  escarmuce.  Et  eovoia  messires 
âlixandres  de  Ramesai  deviers  le  roi  d'Escoce  et  sou  consel,  qui 
se  tenoît  en  Abredane,  et  là  environ  sus  la  sauvage  Escoce,  deus 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1333]       VABIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  53.  339 

chevaliers.  Je  les  vous  nonmerai  :  messire  GuUtaume  de  Glaudi- 
guin  et  messire  Robert  Bourme.  Chit  chevalier  se  départirent  de 
û  chité  de  Bervich,  et  cevauchièrent  parmi  l'Escoce  ;  et  trou- 
voient  en  cevançant  tout  le  pais  ars  et  destruit,  et  ne  savoient  à 
qui  parler.  Tant  esploitièrent  que  il  vinrent  en  la  chité  d'Abre- 
dane,  et  là  trouvèrent  le  roi  et  la  roioe  et  auquns  chevaliers 
d'KsGoce  qui  ior  Ikisoient  compagnie. 

Qant  li  rois  vei  les  chevaliers  venus,  î)  senti  tantos  que  il 
aportoient  nouvelles;  si  leur  dist  ;  i  Bien  venant!  Otmnent  vous 
portas  vous  dedens  Bervich?  >  Adonc  li  recordèrent  li  chevalier 
toute  l'ordenance  dou  treti^  ensi  que  il  se  portait.  Et  qont  li 
rois  l'ot  entendu,  si  pensa  un  petit,  et  vei  bien  que  il  n'i  pooit 
pourveir,  »  dist  :  a  II  me  fault  Bervich  perdre,  la  souverainne 
chité  de  mon  roiaulrae.  A  ce  ne  puis  je  aidier.  i  Et  puis  il  dist 
eocores  ensi  :  «  Se  nous  le  perdons  pour  ce  temps,  uns  aultres 
retournera  que  nous  le  recouverons,  n  Et  dist  ensi  as  chevaliers  : 
B  Messire  Guillaume  et  vous  messire  Robert,  je  vous  remerchie 
grandemKil  de  ce  que  si  vaîllanment  vous  vos  estes  tenu  en  Ber- 
vich. Vous  vees  bien  que  il  n'est  pas  en  ma  poissance  que  je 
puisse  amender  à  ce  mUé.  Il  n'i  a  nului  en  Escoce,  depuis  la 
mort  de  messire  Guillaume  de  Douglas  et  dou  conte  Jehan  de 
Moret;  il  n'i  a  gaires  de  cevaliers  qui  se  doient  ne  puissent  re- 
lever contre  la  poissance  d'Engleterre.  Englois  sont  maie  gent. 
Li  baron  de  ce  pais  tretiièrent  jadis,  et  n'i  a  pas  encores  chinq 
ans,  dou  mariage  de  ma  fenme  et  de  moi,  au  conte  de  Qent  qui 
fu  uns  vaitlans  preudons  et  à  la  roine^  Isabiel  d'Engleterre,  pour 
tant  que  il  quidoient  que  je  et  toute  Escoce  en  deuissions  mieub 
valoir,  mais  nennil  :  nous  avons  plus  forte  guerre  assés  que  de- 
vant. Et  chil  qui  s'acordèrent  au  mariage,  la  roine,  la  mèi'e  ma 
fenme,  li  contes  de  Qent  et  messires  Rogiers  de  Mortemer  en 
sont  venu  à  povre  conclusion,  et  tout  par  envie  et  le  mauvest^ 
des  Englois,  Robert  et  vous,  Guillaume,  vous  retoumerës  et  fe- 
rés  dou  mieuls  que  vous  imrés  ;  je  voi  bien  que  il  fault  que  je 
perde  Bervich.  » 

Depuis  ceste  response  que  li  rois  David  d'Escoce  fist  à  ses 
chevaliers,  il  ne  demorèroit  que  deus  jours  que  il  se  missent 
au  retour,  et  cemiuèrent  tant  par  lors  journées  que  il  vinrent  à 
Bervich,  et  passèrent  tout  parmi  l'oost  as  EInglois  paisieuvlement, 
et  rentrèrent  en  la  ville.  Buis  revenus,  il  parlèrent  au  capitaione 
et  as  tous  ceuls  de  la  ville,  bourgois  et  autres,  et  Ior  [recordè- 


DiqitizeabyG00»^lc 


340  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAAT.  [1333] 

rent']  en  gênerai  tout  ce  que  il  avoient  trouvé  ou  roi  d'Escoce 
et  en  sou  consel,  et  ta  response  tèle  que  faite  on  lor  avoili  et 
sur  ce  [orent]  consel  et  avis.  Donc  dissent  il  l'un  par  l'autre  : 
c  II  n'i  a  auttre  cose;  il  nous  fault  tenir  le  trettté  tel  que  nous 
l'avoQS  deviers  les  Englès.  Aultrement  ne  poons  nous  liner.  Et  à 
tout  considérer,  voirement  ne  le  puet  li  rois  amender,  car  il  n'a 
pas  à  présent  gens  ne  poîssance  pour  combatre  les  Engloîs.  » 

Les  chevalierz  d'Escoce  retournes  sus  la  fourme  et  estât  que 
je  vous  dt,  li  rois  d'Engleterre  et  sez  consaulz  vorreat  sçavoir 
quel  cose  il  avoient  raporté.  Il  leur  dissent  que  Bervich  estoit  lour, 
parmi  les  couvenances  acomplies.  Li  rois  d'Engleterre  lor  tint 
et  acompli  de  point  en  point.  Et  s'en  départirent  tout  chevalier 
et  esquier  qui  en  garnison  i  avoient  est^,  et  enportèrent  tout  che 
qui  leur  estoit  et  sans  rihote.  Et  li  bourgnis  de  la  ville  demorè- 
rent  en  paix,  parmi  tant  que  il  jurèrent  solempnement  à  estre 
bons  et  loiaus  Englois,  à  tous  jours  mes,  et  eussent  li  biglois  U 
posession.  Et  i  entra  li  rois  d'Engleterre  à  grant  fuisson  de 
trompes  et  de  trompètes  et  de  menestrandies.  Et  i  tint  son  tinel 
et  son  estât,  et  la  roine  Phelippe  sa  feome  avoecques  lui,  laqneUe 
estoit  enchainte,  et  ce  fu  de  Edouwart  son  ainné  fil,  qui  puis  fu 
princes  de  Galles  et  si  vaillans  homs,  comme  vous  trouvères  de- 
dens  ceste  histore,  qant  temps  et  liens  seront  à  parler  de  lui. 
Avoecques  la  chtte  de  Bervich,  ot  li  rois  d'Engleterre  le  castiel 
qui  est  biaus  et  fors  et  oevre  sus  les  camps  et  en  la  ville.  Et  tout 
(a  mis  ens  un  trctié  dou  rendage.  Et  furent  la  chit^  de  Bervich 
et  li  chasdaus  ravitailliet  et  rafresqi  de  pourveances  et  de  gens 
d'armes  et  d'archiers  et  de  bon  chapitaîime.  Et  fu  toute  la  marce 
et  la  terre  de  là  environ  recargie  et  mise  en  garde,  de  la  bouce 
dou  roi,  au  signeur  de  Persî  qui  resgnott  pour  ce  temps. 

Toutes  ces  coses  faites  et  ordonni^es,  li  rois  d'Engleterre  corn* 
mença  à  donner  de  sa  gent  congiet.  Et  se  départirent  It  plus 
lontain  premièrement.  Et  ils  meismes  s'en  retourna  au  Noef 
Chastiel  sur  Thin,  et  i  institua  ù  chapitainne  le  signeur  de  Noef- 
ville;  et  puis  s'en  parti,  et  vint  un  jour  disner  en  un  chastiel 
priés  de  là  séant,  et  la  roine  ans».  Et  le  castel  on  l'apelle 
Bronzes,  et  est  dou  signeur  de  Persi.  Et  tiirent  lit  li  rois  et  la 
roine  deus  jours.  Et  entrues  passoient  ses  gens,  et  se  retraioimt 
casquns  en  son  lieu.  Et  oii  que  li  rtùs  et  la  roine  aloient,  mes- 

'■'   1.  Ki.  dt  Kome  :  records.  F«  33. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1334]       VARUNTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  S3.  341 

sires  Robers  d'Artois  estoit  tous  jours  en  lor  compagnie.  Qant 
li  dis  rois  et  la  roine  et  ses  gens,  voires  ceuls  liquel  estoient  or- 
donna pour  aoa  corps,  eurent  esté  en  Branspes  deus  jours,  et 
li  sires  de  Persi  et  la  dame  les  orent  bien  festoiids,  il  prissent 
congiet  et  se  départirent.  £t  vinrent  à  Durem,  et  là  se  tinrent 
trois  jours  ;  et  puis  s'en  départirent,  et  vinrent  à  Evruich.  Et  là 
furent  li  rois  et  la  roine  et  tous  li  hostels  un  temps  jusques  à  la 
Pasque  ensievant,  que  on  compta  l'an  de  grasce  mille  trois  cens 
trente  deus.  Et  là  fist  la  roine  sa  jesine  de  Edouwart,  son  pre- 
mier fil,  qui  depuis  fu  nonmés  prinches  de  Galles  et  dus  d'Ac- 
quitainoes,  et  qui  tant  fu  preus  et  vaillans  homs,  ensi  que  vous 
orés  dire  en  l'istore.  F"  33. 

P.  m,  1.  *0  :  au  chief.— 3f«.^  18  «19  :  en  la  fin. F"  30 
v'—Ufts.  ^  ÎO  à  36  :  au  bout.  F"  50  v". 

S  55.  P.  112,  I.  3  ;  Ensi.  —  lUt.  ctJmieTts  :  Apriès  le 
concquès  de  Bervich ,  li  roys  eult  consseil  et  advîs  qu'il  yroit 
devant  le  caslcl  de  Rosebourch,  qui  estoit  à  douze  licuwes  de 
là,  et  qui  est  de  ce  costet  li  entrée  d'Escoche  et  li  departemcns 
dou  royaumme  d'Engleterre  et  de  Norhombrelande  ;  car  en  ce 
«astiel  pooient  lî  Escot  mettre  une  grant  garnison,  et  trop  fort 
grever  Bervich ,  et  yaux  aidier  à  deffendre  et  garder  le  marce, 
s'il  estoit  de  leur  accord.  Dont  fu  crîiet  et  coummandet  de  par 
le  roy  que  on  s'en  allast  de  celle  part,  ainssi  que  on  ûst.  Et 
sieuwirent  touttes  pourveanches  l'ost;  et  s'en  vinrent  devant  Ro- 
sebourq ,  et  l'asegièrent  de  tous  costéit ,  car  c'est  ung  castiau 
sus  une  roce  en  plain  pays.  Et  y  a  fossés  assés  profons,  mes 
peu  d'aighe  y  descent  ne  se  tient.  Dedens  ce  casiel  y  avoit 
UDg  très  bon  escuier  d'Escoce,  que  on  clammoit  Allxandre  de 
Ramesay,  qui  dou  garder  fist  bien  son  devoir.  Et  avoit  touz 
les  jours  l'assautt,  jnsquez  as  murs,  de  traire  et  de  lanchieri  et 
il  se  deffendoit  si  bien  qu'il  en  avoit  le  grâce  de  chiaux  de  de- 
dens et  de  dehors  ossi.  Or  vous  dirons  ung  |>eu  dou  convenant 
et  de  l'ordonnance  le  roy  David  d'Escoce  et  de  son  consseil,  et 
coumment  il  se  maintinrent  depuis  le  département,  si  comme 
vous  avés  oy. 

Quant  li  Escot  se  lurent  parti  de  le  montaigne,  si  comme  il 
est  dit  chy  devant,  il  chevauchièrent  ce  jour  tout  à  leur  aise, 
car  bien  sentirent  que  li  Engiès  n'avoient  nul  talent  d'iaux  pours- 
suiwirj  et  se  logièrent,  de  haulte  nonne,  sus  une  petite  rivierre. 


DiqitizeabyG00»^lc 


3ii  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1334] 

que  on  claimme  ou  pays  la  Boée  '.  Et  là  se  traissent  (ont  ti  sâ~ 
gneur  d'Escoche  ik  consseil  quel  cose  il  feroient,  et  coumment  le 
plus  hminerableoienl  de  ceste  guère  as  Englès  il  se  muinten- 
roient.  Là  y  eut  pluiseur  parotlez  dittez,  devisées  et  remoustrées. 
Et  ne  sambloit  pas  bonne  as  aucuns  ceste  ordonnance  d'ensi  fuir 
devant  lez  Englèz,  et  qu'il  se  metoient  en  parti  de  tout  perdre, 
,ear  honneur  et  leur  pays.  Dont  disoient  li  plus  sages  que  nul- 
lement il  ne  se  veoient  fort  de  combattre  le  roy  englès,  qui  avoit 
avoecq  lui  bien  soisante  mille  hommes  d'esUte,  et  que  il  leur  val- 
loil  mieur  ensi  maintemr  que  tout  aventurer  et  perdre.  Dont  eu- 
rent consseil  et  pour  le  mieux  que  li  jouènes  roys  leurs  sirez  s'en 
alast  à  Dubretan,  ung  très  fort  castel  sus  le  sauvaige  Escoche, 
et  là  se  tenist ,  il  y  seroit  tout  aseor,  et  la  roynne  avoecq  Inî  ; 
et  li  jouènes  messires  Guillaume  de  Douglas  et  li  comtes  de  Mo- 
ret  et  li  comtez  de  Surlant'  et  messires  Robiers  de  Verssi  et  mes- 
sires Sîmons  Fresel'  et  tel  route  de  gens  qu'il  Toroient  prendre, 
se  tenissent  ens  es  forés  de  Gedours;  et  cosdaîssent  lez  Englès  et 
les  heriaasent  :  par  celle  voie  il  les  gueriroient  sagement  et  leur 
porteroient  à  le  fois  grant  dammaige  ;  et  li  autre  se  maintenissent 
au  plus  bel  que  il  pewissent. 

Chilz  conssaux  fu  creus  et  tenus.  Et  se  départirent  leurs  os, 
et  s'en  ralla  chacuns  en  son  lieu ,  sans  faire  ne  moustrer  aultre 
deffensce  au  pays,  fors  par  le  mannierre  que  j'ay  dit  chy  de- 
vant, fors  tant  qu'il  envoiièrent  grant  garnison  en  Haindebourch, 
en  Saint  Jehanston,  en  Abredane,  en  Dondier,  en  Oarquest,  en 
le  ville  de  Saint  Andrieu  et  ensi  par  les  fortressez,  et  gastèrent 
yaox  meysmes  tout  le  plain  pays.  Et  se  retraissent  hommes  et 
femmez  et  enfans  ens  es  montaingnez  et  ens  es  bois  et  ens  è$ 
forés  ;  et  là  menèrent  tout  le  leur  et  s'i  amusèrent.  Et  li  cheva- 
lier et  seigneur  dessus  dit ,  qui  estoient  estaubli  et  ordonné  pour 
gueriier  lez  Engles ,  messires  Guillaumes  de  Douglas ,  li  comtes 
de  Moret,  )i  comtez  de  Surlant,  messires  Simons  Fresel  et  plui- 
seur autre  se  retraissent  devers  le  forest  de  Gedours  qui  est  forte, 
sauvaige  et  grande  sans  nombre ,  où  nulle  gens  estranges  ne  se 
oseroient  ne  poroient  embattre,  s'il  ne  voulloit  y  estre  perdu  da> 
vantaige  *.  Et  li  roys  et  ii  roynne  d'Escoce  s'en  allèrent  à  Dubre- 

1.  Ut.  de  VaUnàtima  :  la  Bethe.  F"  36  t", 

2.  Ihld.  ;  Suriaitre.  —  3.  liid.  :  de  Ver»el. 

4.  iM. .-  Le»  costiirent  tonsioura  par  lei  montaigne»  et  païuget  où  il 
savoîent  bien  let  chemin*,  et  leur  faiioient  gmnt  donunage. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1334]      VABIANTES  DU  PREMIER  LIVUE,  §  S3.  3-t3 

tan,  ensi  qu'il  est  dit  chy  devant,  et  laiièrent  leur  pays  gueriier 
en  la  mannierre  comme  vous  orës. 

Ensi  seoit  li  roys  d'Engleterre  devant  le  fort  castel  de  Rose- 
bourch,  en  Escoche,  et  y  fu  ung  grant  temps  ;  et  le  fist  par  plui- 
seurs  fois  assaillir.  Mes  li  bons  escuicrs  Alixandres  de  Ramesay 
s'aquitta  très  bien  et  loyaument  dou  garder  et  dou  dépendre  i  et 
vint  avoecq  ses  compaignons  par  pluîseurs  Fois  à  le  barrière ,  et 
escarmuchier  et  combattre  as  Englèz.  Et  y  fissent  li  Escot  pluî- 
seurs belles  appertisses  d'armes ,  de  tant  que  li  roys  y  sist ,  qui 
disoit  qu'il  ne  s'en  partiroit  mes  jusqu'à  tant  qu'il  arott  le  castel 
par  deviers  lui,  et  en  seroit  sirez.  Et  là  eut  devant  le  castel  ung 
fet  d'armes  d'un  chevalier  d'Engleterre,  qui  s'apelloit  messires 
Guillaumes  de  Montagut ,  et  de  cei  Âlixandre  de  Ramesay,  li- 
quelx  ne  fait  mîe  à  oubliier.  Et  pour  ce  ai  Je  che  livre  coum- 
menchlct  que  j'en  doie  et  voeil  recorder  lez  bêliez  avenues,  et 
à  ce  je  me  sui  acouvenenchiëz.  Si  n'est  pas  chili  tes  d'armez 
escrips  ne  contenus  ens  es  oronicquez  messire  Jehan  le  Rel;  mes 
j'en  fui  enfourméz  dez  signent  dou  pays,  quant  je  fui  en  Escoche. 

Chits  messires  Guillaume  de  Montagut,  qui  puis  fu  comtes  de 
SaDebrin  par  le  vasselage  et  proèce  de  lui,  et  qui  estoit  fês  nou- 
viaux  chevaliers,  queroîl  les  armes  et  lez  aventurez  che  qu'il 
pooit.  Dont,  le  siège  durant  devant  Rosebourch,  à  une  escar- 
muche  qui  estoit  une  foix  à  te  barière  dou  castel ,  il  estoit  tout 
devant ,  une  glaive  en  son  poing ,  et  faisoît  là  moult  de  bêliez 
appertises  d'armes;  et  li  cappitaumez  de  layens,  Alixandres  de 
Ramesay,  yssi  contre  li.  Avint  que  li  dis  messires  Guillaumez  li 
dist  :  s  Âlixandre,  Alixandre,  nous  nos  haïrions  chy  tout  le  joiu- 
au  lanchier  et  au  traire  ;  et  nous  mettons  en  aventure  d'estre 
ocb,  et  sans  grant  proèce.  Si  voeilliés  faire  une  cose  oue  je  vous 
diray  :  armes  vous  demain,  du  mieux  que  vous  poës,  et  jou  ossi  ; 
et  montés  sus  ung  cheval,  le  milleur  que  vous  aiiés.  Et,  se  vous 
n'en  advés  nul  qui  bon  ne  vous  samble ,  je  vous  en  fera;  ung 
prester,  et  prendés  vostre  targe  et  vostre  glave.  Si,  vous  venés 
esprouver  à  moy,  en  ces  biaux  plains,  devant  le  roy  men  sei- 
gneur et  les  barons  d'Engleterre,  par  couvent,  se  vous  me  con- 
quérez par  vostre  proèche ,  ensi  que  bien  faire  poirés ,  vous  en- 
porteréz  devant  vous  mil  nobles;  et  se  je  vous  conquiers,  je  vous 
feray  bonne  compaignie.  »  —  <r  Par  me  foy,  respondi  li  escuiers, 
il  ne  seroit  mies  drois  hommes  d'armes,  qui  refuseroit  che  parti, 
et  je  le  vous  accorde  liement.  u 


;vGoo»^lc 


Ui  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT.  [1334] 

Ensi  Tu  li  bataille  fianchîe  à  l'endemain,  et  li  escarmuche  le»- 
sie.  Chacuns  se  (XKirvey  en  droit  de  lui,  dou  mieux  qu'il  |»eult. 
Et  pour  l'amour  de  le  bataille,  li  rois  d'Engleterre  doona  triewez 
à  tous  chiaux  dou  castel  de  Rosebourch,  le  jour  entier,  et  l'en- 
demain jusques  à  soleil  levant.  Quant  ce  vint  au  matin,  messires 
Guillaume  de  Monlagut  s'arma  très  bien,  fort  et  ablement,  pour 
estre  plus  legiers.  Et  tous  armés  it  monta  sus  sou  cheval,  le 
glave  ou  poing,  l'espée  au  costet  et  le  targe  au  col;  et  s'en  vint, 
ensi  qu'il  dcvoit,  desus  lez  camps  assës  priés  dou  castel.  Et  là 
estoit  li  roys  et  li  plus  des  barons  d'Engleterre.  Assés  tost  apriès, 
vint  Alixandrez  de  Ramesay,  armés  fricement  et  geDtement  de 
toultez  pièches  seloncq  sou  usaige,  montés  sus  nng  bon  courùer, 
le  bacJiinet  en  le  teste,  le  glave  ou  poing,  et  acompaigniés  de 
chiaux  dou  castel.  Quant  il  se  virent  sur  les  camps,  oncques  ne 
parlementèrent  de  riens  enssamble,  ains  abaissièrent  les  glaives 
et  coindirent  les  targes  à  leurs  poitrinoes,  et  ferirent  chevaux 
des  espérons,  et  s'en  vinrent  au  plus  droit  l'un  contre  l'autre 
qu'il  peurent,  sans  yaux  nient  espargnier.  Et  s'asenèrent,  de  pre- 
mier encontre,  de  leurs  glaives  si  roidement  que  chacun  rompt 
le  sienne  en  plus  de  troix  pièces;  et  s' encontre rent  de  leurs 
espaulles  si  dur  que  leur  large  en  passant  se  desbouclèrent  et 
leur  pendaient  contre  val  assés  ik  malaise;  mais  chacuns  à  se 
partie  mist  remède  et  aye.  Et  quant  on  leur  eult  rebouclé  et  re- 
mis à  leur  droit,  il  sachièrent  les  espées  et  ferirent  chevaux  des 
espérons;  et  vinrent  l'un  sus  l'autre  très  fièrement,  et  se  requi- 
sent,  sans  yaux  espargnier,  de  grant  couraige.  Et  là  moût  vassau- 
mcnt  et  longhement  se  combatirent,  et  donnèrent  li  ung  à  l'autre 
sus  leur  bachinés  à  visière  tamaint  pesant  horion.  Et  quant  des 
espées  il  se  furent  ung  grant  temps  combatu,  il  les  jetlèrent  à 
terre  avoecq  les  fouriaux,  et  puis  se  prisent  as  bras,  et  Initièrent 
sus  leur  chevaux  ;  et  fourmenèrent  en  luitant  tant  yaux  et  leurs 
chevaux  que  moult  estoient  afoibli  de  leur  force.  Dont  dbt  li 
roys  ■.  «  Chil  doy  bacheler  se  sont  bien  esprouvet,  et  fricement 
et  vassaument  se  sont  gouverné  en  leurs  armures.  Pour  riens  je 
ne  vouroie  qu'il  mescheist  à  mon  chevalier,  et  que  ti  Escot  ewist 
ossi  trop  grant  dammaige  de  son  corps.  Dittez  leur  de  par  moy 
que  je  voeil  qu'il  cessent,  car  leur  esbatemens  nous  doit  bien 
souffire.  »  Dont  vint  celle  part  li  sires  de  Gresop,  li  comtes  de 
Suflbrch,  li  sirez  de  Ferières  ;  et  disent  as  champions  cbe  que  li 
rob  leur  mandoit,  et  qu'il  volloit  qu'il  fesissent.  Ensi  se  d^iarti 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1334]       VAHIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  53.  345 

li  bataiUe  des  deux  bachelers  qui  vollentiers  fu  regardée,  car 
vassaument  et  bardieioeat  il  s'estoient  requis  et  cornbatu.  Li  Es- 
coctxùs  en  remenèrent  leur  cappittainne  qui  durement  estoit  tra- 
viUiéz  et  tass^5;  et  li  Englèz,  monseigneur  Guillaumme  de  Hon- 
tagttt  qui  n'en  avoit  mies  plentet  mains. 

Chilz  jours  passa,  la  nuit  ossi;  et  l'endemain  au  matin,  à  so- 
leil levant,  fii  la  trienwe  à  chiaux  de  Rosebourch  espîrée.  Si  re- 
coummenchièrent  li  assault  fort  et  fier  au  castiel,  et  chil  de 
dedens  à  yaux  bien  defiendre.  Chilz  sièges  dura  de  l'entrée 
d'aoust  jusquez  à  le  Toussaint.  Adonc  fu  li  castiaux  rendus,  car 
plus  ne  le  peorent  chil  qui  s'en  partirent,  tenir.  Et  se  sauvèrent 
yaux  et  le  leur  seullement,  et  en  peurent  aller  quel  part  qu'il 
veurent,  che  fu  deviers  Dubretan  li  aucun,  et  li  autre  deviers  le 
forest  de  Gedours,  là  où  li  bon  chevalier  et  escuicr  d'Escoche  se 
tenoient,  qui  souvent  resveilloient  les  Englèz,  messires  Guillaume 
de  Douglas,  li  comtez  de  Moréz  et  li  autres. 

Quant  11  roys  d'Engleterre  fu  entrez  ou  castel  de  Rosebourch, 
il  se  reposa  ù  grant  joie  ;  et  y  tint  se  feste  le  jour  de  Tous  les 
Sains,  et  y  donna  grans  dons  as  chevaliers  cstranges,  as  hiraux 
et  as  ménestrels'.  Au  huitième  joiu-,  il  s'en  parti  et  laissa  bonne 
cappittainne  et  aouffîssant  ou  castel,  cent  hommes  d'annez  et 
deux  cens  arcbiers,  puis  chevaucha  deviers  Haindebourch,  ung 
très  bel  castel  et  fort,  séant  sus  une  haulte  rocbe,  pour  vcoir  le 
pays  tout  environ,  et  pries  de  le  mer;  mes,  ains  qu'il  y  parvenis- 
sent,  il  eurent  mainte  envaye  des  Escos  et  maint  assault.  Et  ossi 
fin-ent  li  E&cot  par  pluiseurs  fois  cachiez  et  reboutet  de  messire 
Guillaumme  de  Montagut  et  de  messire  Gautier  de  Mauni,  qui 
estoient  corapaignon  enssamble,  et  qui  grant  paimie  et  grant 
siûng  mettoient  et  rendoient  à  yaux  avanchir  et  aloser,  et  à 
adanunagier  lez  Escos  qui  grant  contraire  leur  portoient. 

Aiochois  que  U  roys  englèz  et  ses  os  parvenissent  devant  le 
fort  castel  de  Haindebourch,  li  marescal  de  son  ost  coururent 
toutte  le  coDté  de  Mare  et  contreval  le  marinne  jusques  à  Don- 
bare  et  à  Ramesee,  et  tout  contreval  le  marine  jusques  à  le  ville 
de  Saint  Andrieu.  Et  puis  reprissent  ung  bras  de  mer  contre- 
mont,  et  s'en  vinrent  à  une  ville  sur  cel  bras  de  mer  que  on 
appelle  Kuinuesferri  *,  et  robèrent  et  ardirent  le  ville,  puis  s'en 

] .  Wi.  dt  faiuMiauw*  .■  et  ai  trompettei.  I^  38. 
2-  l^.  .'  Kinfer;. 


;vGoo»^lc  . 


U6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1334] 

partirent;  et  montèrent  contremont,  et  vinrent  jusqnes  à  Donfre- 
melin.  Et  là  eut  ung  grant  assault,  car  grant  fuisson  des  gens 
del  pays  d'Escoche  s'i  estoiettt  retret,  qui  si  bien  gardèrent  celle 
ville,  parmy  l'ajde  le  seigneur  de  Lindesée  et  ses  gens,  que  elle 
n'eut  garde.  Et  y  fu  là  durement  navrés  li  comtez  de  Suflbrch  et 
messires  Edouwars  li  Despenssiers  et  mesures  Thununas  Bises  et 
messires  Ostes  de  Pontchardon.  Et  s'en  partirent'  li  Englèz 
quant  il  virent  qu'il  n'y  feroient  riens,  et  s'en  revinrent  tout 
autour  par  desaubs  Haindebourcb  ;  et  trouvèrent  le  roy  à  siège 
devant  Dalquest,  ung  castieP  au  seigneur  de  Douglas,  qui  siet  à 
cinq  lieuwes  de  Haindebourch. 

Chilx  castianx  de  Dalquest  n'est  pas  trop  grans,  mes  il  est  bien 
herbregiës  de  cambrer,  et  de  edeffices  qui  sont  edeflîiet  en  une 
grosse  tour  quarte,  vot^  deseures,  qui  ne  crient  nul  assault 
d'enghiens  ne  d'espringallez  ;  et  siet  sus  une  petitte  roche  bien 
taillie,  environnée  d'une  rivierre  qui  n'est  pas  trop  grans,  se  ce 
n'est  par  habundanche  de  pleuves.  Et  est  li  basse  court  ung  peu 
ens  sus,  laquelle  chil  de  layens  avoient  toutte  arse  et  mise  par 
terre,  affin  que  elle  ne  leur  portast  point  de  dommage.  Et  avoit 
dedeus  le  Tort  de  Dalquest  mis  messires  Guillaumez  de  Douglas 
bons  compaignons  et  appers.  Et  estoicnt  environ  trente  sii,  bien 
pourveu  d'artillerie  et  de  vivres,  pour  yaux  tenir  ung  grant 
temps.  Et  avoient  une  cappittaine  qui  s'appielloit  Patris  de  Ho- 
élève',  qui  estoit  bons  hommes  d'armes  et  seurs;  et  s'armoit  d'ar- 
gent à  trois  clés  de  sablez,  car  par  pluisseurs  fois  il  fu  à  le  bar- 
rière dou  castel  armés  de  touttes  pièches ,  escarmuchans  as 
Englès  bien  et  vassaument;  et  tant  y  vint  escarmuchier  qu'il  l'en 
mesavint,  si  comme  vous  oréz. 

Li  rois  d'Engleterre,  qui  seoit  devant  Dalquest,  ne  s'en  volloit 
nullement  partir  si  ewjst  pris  le  fortrèche  ;  et  y  fu  tout  l'iver 
enssuivant.  Dont  il  avint  sur  le  printamps  que  les  aighes  se 
coummenchent  à  retrairc,  et  plus  une  saison  que  une  autre,  et 
que  li  coralge  dez  preux  bacelers  par  nature  se  raverdissent  et 
resjnissent,  adonc  se  fist  ungs  assaus  des  Englès  à  chiaus  de  de- 
dens,  grans  et  fiers  et  bien  ordonnés;  et  avisèrent  li  seigneur 
d'Engleterre  coumment  il  poroient  dechevoîr  che  chastelain. 
Bien  savoient  que,  à  tous  les  assaus  que  on  faisoit,-  il  s'abandon- 

1.  Jft,  de  VataicUimet  s  à  grant  perte.  F»  38. 

S.  IhU.  :  â  mewire  Guillaume  de  Douglai.  —  3.  Ihid.  :  Honcleng. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[133*1      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE.  S  «3-  3*7 

noit  moult  avant;  et  entendoit  toudis  que  îl  pewist  prendre  et 
retenir  dez  plus  grans  de  t'ost  par  son  advis,  que  il  veoit  devant 
lui  à  l'assault.  Si  fisent  yuux  huit  des  plus  grans  de  l'ost,  armer 
huit  de  leiurs  varies  en  leurs  propres  tourniquiaus  et  parures 
d'armes,  pour  mieux  veoir.  Et  les  fisent  assés  fotbiement  acom- 
paigniet  de  gens  vemr  devant  le  pont  leveis  du  castiel,  et  ung 
hiraut  d'Engleterre,  en  une  rice  cote  d'armes  dou  roy,  vesti  par 
parement  devant  jaux,  qui  crioit  à  chiaux  dedens  :  ■  0  PatrisI 
Patris!  regarde  le  belle  aventure  d'armes  qui  vous  vient.  Vechi 
ces  seigneurs  barons  d'Engleterre,  qui  voèrent  her  soir  après 
vin  qu'il  volloient  hui  escarmuchier  à  vons,  sans  autre  ayde 
que  de  yaux  meysmez.  Se  vous  tes  poyés  par  biau  fait  d'armes 
prendre  ne  retenir,  vous  y  ariés  bien  de  prouiEt  cent  mil  florins  '.» 
Et  quant  li  castelains  oy  ces  parolles  et  il  recongnut  les  armes 
au  comte  de  Lancastre,  au  comte  de  Pennebrucq,  au  comte  de 
Herfort,  au  comte  de  Suflbrch,  au  comte  de  Warvicb,  au  sei- 
gneur de  Persi,  au  seigneur  de  Gresop,  au  seigneur  de  Nuefville 
et  au  seigneur  de  Felleton,  et  il  lez  vit  tant  seulement  yaux  huit 
à  l'entrée  dou  pont,  si  quida  bien  que  li  hiraux  li  deist  vérité, 
et  qu'il  fuissent  là  venu  par  voie  de  veu.  Si  dîst  à  ses  compai- 
gnons  :  «  Seigneur,  qui  troeve  saint  Pière  à  l'uis,  il  ne  l'a  que 
faire  d'aller  querre  à  Romme.  Vechy  nostre  recouvranche ,  se 
eur  et  fortune  y  a  venue,  pour  tousjours  mes  ;  plus  vassaument 
ne  nous  poons  nous  combattre  ne  aventurer,  que  à  ces  noblez 
seigneurs  d'Engleterre,  qm  nous  en  requièrent.  Il  en  y  a  tel 
quatre  qui  paieroient  deus  cens  mille  florins,  sans  yaux  grever. 
AvaUons  le  pont,  et  nous  basions  d'yaux  combattre,  et  de  mettre 
ceens  par  force  d'ansez.  Si  ferons  une  des  bêliez  aventurez  qui 
avenist  oncques  mes  en  Escoche.  »  Et  chacuns  dist  :  a  Che  smt 
fait.  V  Dont  avaUèrent  le  pont  vistement  tous  jus,  rés  à  rés  de 
terre,  et  ouvrirent  leur  portes  ;  et  vinrent  de  plain  cours  sur  ces 
variés,  qu'il  cuidoient  grans  seigneurs.  Liquel  se  coummenchiè- 
rent  à  deffendre  faintement,  et  à  reculer  jusques  à  le  jomture 
dou  pont,  et  yaux  laissier  tirer  et  abattre,  et  dire  :  *  Rendes 
vous  n  et  respondre  :  «  Non  ferons.  >  Entroes  qu'il  s'enson- 
nioient  ainssi,  Englèz,  qui  estoîent  tous  pourveu  et  avisé  quel 
cose  il  dévoient  faire,  vinrent  à  cours  de  cheval  celle  part  ;  et 
montèrent  sour  le. pont  si  efforciement  que  oncques  puis  ne  s'en 

1.  Ms.  de  Vahnàtmu»  :  noble*.  P>  8S. 


jvGooi^lc 


348  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.        |;t334-36] 

partirent,  et  en  furent  maistre;  et  prisent  Patris  le  cappittainne 
et  dii  huit'  de  ses  compaignons,  et  tuèrent  tous  les  autrez.  Et 
eatrèreut  en  le  porte  qui  estoit  toutte  ouverte,  et  se  sajàrent  le 
castiel  ;  et  en  rendirent  les  clés  au  roy  englès,  qui  en  eult  grant  joie. 

Tout  ainssi  comme  vous  m'avés  oy  compter,  fn  U  castiaux  de 
Dalquest  pris'.  Et  y  mist  li  roys  englès  gamison,  pour  le  tenir  et 
deffendre  contre  tous  hommez,  et  le  rafresqui  de  pourveanches. 
Puis  s'en  parti  li  rois  et  tout  sen  ost,  et  s'en  Tinrent  en  Haiode- 
bourch.  Et  se  loga  li  rois  en  une  abbeie  de  noirs  nirâmes,  assés 
priés  de  le  ville,  que  li  Escot  avoient  toutte  arse,  pour  ce  qu'il 
ne  volloieat  point  que  li  Englès  s'i  herbergalssent.  Et  environnè- 
rent le  castel,  qui  siet  hault  sus  une  roche  de  tous  costcs.  Et  y 
Gst  li  roys  pluisseurs  assauts  grans  et  Ëers  et  mervQleux,  mes 
peu  y  Gonquist,  car  il  y  avoit  dedcns  bonne  bachelerie  qui  bien 
le  deffendoient  à  tous  venans.  Lors  eult  cunsseil  li  roys  qu'il  le 
feroit  assaillir  d'enghiens,  enssi  qu'il  fist.  Et  fist  deus  grans  en- 
ghiens,  baus  et  bien  ordouanés,  drechier  devant  le  castel,  qui 
ouniement  nuit  et  jour  y  jettoient;  et  rompirent  et  debrisièrent 
chil  engbien  toutte  te  basse  court.  Ens!  estoient  cbil  de  Hainde- 
bourcb  assailli  et  travillie  des  Englès.  Et  li  coureur  et  foureur 
d'Engleterre,  dont  messires  Guillaume  de  Montagut  et  messires 
Gautiers  de  Mauny,  qui  nouvelcment  estait  devenu  chevalier, 
estoient  cappittainne,  coururent  le  plainne  Escoche  bien  souvent 
jusques  à  Struveliu*  et  jusques  à  Donfremelin  ;  mes  noient  ne 
trouvèrent  à  fourer,  car  li  Escot  avoient  yaui  meysmes  destruit 
et  ars  tout  leur  plain  pays,  et  reiret  le  leur  et  leur  bestez  ens  es 
foriès.  Et  euissent  eu  li  Englès  moût  de  malaise  et  de  povreté  de 
faminne,  se  il  ne  leur  fuissent  venu  vivre  par  mer;  mes  il  leur 
en  venoit  d'Engleterre  assës  et  jwr  raison,  qui  grandement  re- 
comfortoit  leur  ost.  Or  lairons  ung  peu  à  parler  des  gberrcs  del 
royaumme  d'Escoche,  et  paurons  des  avenues  de  Franche.... 
F*  17  Va  19. 

....  Or  revenrons  au  roy  d'Engleterre  qui  estoit  devant  Struve- 
lin,  en  Escoche.  Struvelin*  si  est  ungs  castiaux  biaux  et  fors,  seans 
sus  tuie  roche  et  faaulte  assés  de  tous  costés,  horsmis  de  l'un,  et 
est  à  vingt  lieuwez  de  Haindebourg,  à  douze  de  Donfremelin,  et 


1.  Ht.  Je  F'attneimaei  :  et  tout  ses  hommes.  F°  38. 

3.  ihid.  :  Si  entra  le  roy  dedeiu  luj  ralrescir  à  erant  joie. 

3.  Ib'id.  :  Eilrumelin.  —  k.  Oid.  ;  Stmmeliiu.  F>  42. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1334-36]  VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  S3.  349 

à  trente  lieuwes  de  le  ville  Saint  Jehan.  Et  fu  chilz  castiaus  an- 
cbiennement,  dou  tamps  le  roy  Artus,  nnmmés  Smandon.  Et  là 
revenoient  à  le  fois  ii  chevalier  de  le  Reonde  Table,  si  comme  il 
me  fil  dit  quant  g'i  fui,  car  ens  ou  castiel  je  reposay  par  trois 
jourz  avoecq  le  roy  David  d'Escoche,  si  comme  je  poray  bien 
dire  sour  le  lin  de  ce  livre.  Et  estoit  lî  dis  castiaux,  pour  le 
temps  que  g'i  hii,  à  messire  Robert  de  Verssi,  ung  grant  baron 
d'Escoce,  qui  l'avoit  aidiet  à  reconcquerre  sus  les  Englès.  Et  vous 
di  que  II  roys  d'Engleterre,  de  tant  qu'il  y  sist,  y  (ist  faire  plui- 
seurs  assaulx  grans  et  fors.  Et  chil  de  dedens  se  deSiendoïent 
bien  et  loyaujnent,  dont  il  annioit  au  roy  que  tant  se.tenoient; 
car  messires  Robiers  d'Artois  IL  disoit  souvent  :  «  Sire,  loissiés 
che  povre  pays.  Que  mau  feu  l'arde,  et  entende's  à  vostre  plus 
grant  prnufEt,  le  noble  courounne  de  Franche,  dont  vous  estes 
drois  hoirs,  et  de  quoy  on  vous  fait  tort.  Il  n'est  si  grans  perilx 
que  de  gheriier  povres  gens.  Chy  poés  vous  bien  perdre  et  nient 
gaignier.  b  Li  rois  entendi  vnllentiers  à  ses  parollez,  quoyqu'il 
poursuiwist  le  guerre  d'Escoche,  car  il  l'avoit  empris  à  toutte 
destruire  jusquez  k  le  sauvage  Escoche  ;  et  euist  fait,  se  chilx 
soings  ne  li  fuist  crens. 

Endementires  que  il  seoit  devant  Struvelin,  nouvelles  li  vin- 
rent que  la  roynne  sa  femme  estoit  acouchie  d'un  biau  fil,  en  le 
chité  de  Ewnûch,  et  que  il  y  voisist  envoiier  certains  messages 
et  le  nom  qu'il  porteroit  à  fons.  Moût  fu  li  rois  joyans  de  ces 
nouvellez  ;  et  donna  au  chevalier,  qui  aportées  h  avoit,  cent  librez 
d'estrelins  et  ung  biau  courssier.  Et  envoya  celle  part  messire 
Edouwart  de  Bailloel ,  ung  bon  chevalier  qui  le  tint  à  fons,  et 
contre  qui  il  eult  à  non  Edouwars,  te  nom  don  roy  sen  père.  Et 
fu  puis  chils  enfez  prinche  de  Gallez,  et  très  bons,  hardis  et  en- 
treprendans  chevaliers,  et  qui  durement  et  fièrement  guerria  tant 
qu'il  vesqui';  mes  il  mourut  dès  le  vivant  le  roy  son  père,  eosi 
comme  vous  oréz  en  ceste  histoire. 

Tant  sist  li  rois  d'Engleterre  devant  Struvelin  que  li  castîaux 
fu  M  apress^s,  grevés  et  démenés  d'assaux  de  grans  enghiens  qui 
nuit  et  jour  y  jettoient,  que  chil  de  dedens,  qui  loyaument  s'es- 
toient  delFendu  et  tenu,  ne  se  peurent  plus  tenir  ;  car  il  ne  veoimt 
apparant  point  de  comfort  de  nuls  costéz,  ne  nulle  assamblée  des 

1.  Ui,  <U  falenâtHnea  :  et  fiit  en  France  et  aiUeur»  moult  de  beauK 
faî»  d'armes,  et  morut  josne  da  vivant  Mn  père.  F*  42. 


;vG00»^lt: 


380  CHRONIQUES  DE  J.  FROI^ABT.       [1334-36] 

Escos  qoi  se  fesist  pour  combattre  le  roy  ne  lever  le  âège.  Si 
tretièrent  unez  trieawes  deviers  le  roy  à  durer  quinze  jours*; 
et  se  dedens  ces  quinze  jours,  antres  comfors  ne  leur  apparroit, 
il  dévoient  rendre  le  fortrèce  au  roy,  sauve  leors  corps  et  le 
leur.  Li  rois  s'i  acorda,  et  tint  le  trieuve  bien  et  paisiviement; 
mes  oncques  n'apjtari  homs  vivans,  pour  combattre  les  Englès. 
Quant  li  quinzième  jours  fu  passés,  li  rois  fist  requeire  à  i^iiaui 
dou  castiel  que  il  tenissent  leur  couvent,  et  ossi  fissent  il.  Dont 
se  partirent  dou  castiel  enssi  qu'il  dévoient  ;  et  en  portèrent  tout 
le  leur,  hors  mis  les  vitailles  et  le  artillerie  dou  castiel.  Tout  ce 
estoit  reservet  en  le  devise.  Et  s'en  allèrent  li  Escot  là  où  bon  leur 
sambla.  Et  li  rois  prist  le  possession  dou  castel  de  Struveliu,  et  y 
nûst  bonne  garnison  de  gens  d'armes  pour  le  garder  et  deffendre. 
Quant  li  roys  d'Engleterre  eut  pris  le  castel  de  Struv^  et 
toute  le  plainne  Escoche  courut,  et  pris  et  ars  pluiseurs  villes 
Ereméez  de  fossés  et  de  palis,  si  demanda  cimsseil  à  ses  hommes 
comment  û  se  maintenroit,  car  riaifourmation  que  il  avait  de 
monseigneur  Bobert  d'Artois  li  touchoit  moult.  Et  souvent  y 
penssoit,  et  en  avoit  jà  parlé  as  plus  secrès  de  son  consseil  et  à 
ses  plus  prochains  de  linages,  à  tels  comme  au  comte  de  Lanca&- 
tre,  au  comte  de  le  Marce,  au  comte  de  SufTorch,  au  comte  de 
Herfort,  au  comte  de  Worvich,  au  seigneur  de  Perssi  et  as  pluis- 
seurs  autres.  Si  trouvoit  en  consseil  U  rois  que  il  pourveist  les 
fortrèces  que  il  avoit  prises  en  Escoce,  bien  et  souffissamment, 
de  bonne  bachelerie  apperte  et  legière*,  pour  les  tenir  et  garder 
contre  les  Escos  ;  et  s'en  revenist  arrière  viers  le  cité  de  Londres, 
et  fesbt  là  assambler  son  parlement  des  nobles,  des  prelas  et 
de  ses  bonnes  villes;  et  leur  remoustrast  ou  fesist  remoustrtf 
sen  intention,  et  ce  dont  messires  Robiers  l'avoit  enfourmet.  Li 
roys  s'acorda  à  ce  consseil,  et  Est  de  rediief  pourveir  et  rafrescir' 
Bervich,  Dalquest,  Rossebourch,  Dondieu,  Astrebourch,  le  bas* 
tide  de  le  Mare,  le  fort  Saint  Pierre,  Haindebourch  et  Struvelin; 
et  mist  en  chacun  de  ces  castiaux  grant  fuissoo  de  bonnes  gens 
d'armes  et  de  archiers.  Et  fist  souverains  de  tous  ce  paya  cooc- 
qois  et  de  touttes  gens  d'armes'  messire  Guillaumme  de  Monta- 

1.  Kl.  de  VaUncitnnu  :  adfin  qu'il  emuent  vivre».  F»  42. 

2.  Ibid.  ;  de  bonne  cherKlerie  et  de  bont  archier».  F»  k2  v*- 

3-  liid.  :  les  ville*  et  place*  qu'il  avoit  prime*,  jusque*  au  uosnbie 

4.  JbiJ.  :  pour  garder  toute  la  martbe. 


;vGoo»^lc 


[1334-36]  VAKIAHTBS  DU  PREMIER  LIVRE,  §  53.  331 

gut  et  mesure  Cautier  de  Maimy.  Puis  se  desloga  et  parti,  et 
s'en  revint  arrierre  vers  Rossebourc,  et  dounna  ses  gens  congiet. 
Et  ordonna  ung  certain  jour  de  parlement  qui  seroit  à  Londrez, 
et  pria  et  enjoindi  à  tous  barons,  prelas  et  chevaliers  qu'il  y 
fuissent,  et  chacun  11  eut  en  couvent. 

Tant  s'esptoita  li  rois  englès,  apriès  che  que  ses  os  furent  de- 
puti,  qu'il  rapassa  le  royaumme  de  NorhoD:J)relant,Urcol,  Persî, 
le  Noef  Chastiel  sur  Tm,  Durem,  et  s'en  vint  à  Ewruich.  Si  trouva 
la  roynne  sa  femme  qui  se  devoit,  dedcns  cinq  jours,  relever  de 
sa  gesinne.  Là  séjourna  li  rois  tant  que  elle  fii  relevée;  et  y  eut 
au  jour  de  se  purification  grant  feste.  Puis  se  parti  U  roys  assés 
luîeiinent,  et  la  roynne  et  messires  Robiers  d'Artois  et  tout  leur 
arroy  i  et  s'en  revint  trière  deviers  le  chité  de  Londrez.  Et  se 
tint  à  Wesmoustier,  et  à  Cènes  et  à  Ëltem,  et  là  environ  Londres; 
et  toudis  messires  Robiers  d'Artois  dallés  lui,  à  qui  il  faisoit 
grant  feste  et  moustroit  grant  amour. El  fist  11  rois  faire  as'  Au- 
gustins,  à  Londres,  les  obsèque  et  l'ofBsce  de  Monseigneur  Jehan 
de  Eltem,  son  frère,  qui  nouvellement  estoit  trespass^s.  Or  vous 
pam^DS  ung  peu  des  Escos,  et  de  cbiaus  que  lî  roys  eoglès  avoit 
laissiet  en  Escoche. 

Vous  avés  bien  oy  recorder  chy  devant  coumment,  à  une  as- 
samblée  des  Escochois  qui  se  fist  devant  Bervich,  là  où  li  roys 
David  d'Escoce  fu  presens  et  que  venu  y  estoient  pour  lever  le 
^ège,  que  point  ne  fissent,  car  il  n'cstoient  mies  fort  pour  le 
faire,  si  ordonnèrent  messire  Guillaumme  de  Douglas  et  le  jouène 
comte  de  Moret  à  gberiier  sus  les  frootierrez  les  Ënglès,  et  à 
berner  ce  qu'il  poroient.  De  quoy,  tantost  qu'il  seurent  le  retour 
dou  roy  d'Engleterre,  il  s'asamblèrent  et  couoimenchlèrent  à 
courre  sus  chiaux  que  li  roys  d'Engleterre  avoit  laissiet  ou  pays; 
et  leur  portèrent  souvent  plidsseurs  donmiaîges,  car  il  congnis- 
soîent  leurs  marches  et  leur  pays.  Si  en  avoient  de  tant  plus 
grant  avantaige  et  mieux  lieu  de  gherîier,  et  souvent  resviUoient 
les  Englès  et  leur  portoient  doummaîge.  Ossl  à  le  fois  il  estoient 
cachiet  et  racachiet  moût  avant;  mes  li  Escos  se  tenaient  et  met- 
ttnent  en  ù  fort  pays  de  mares  et  de  crollères  et  de  drus  bois, 
que,  quant  il  estoient  là  retret,  il  estaient  asses  bien  asseur.  Et 
vous  di  que,  de  ces  chevauchies  et  puigneis  qui  adonc  estoient  et 
se  (alsoient  en  Escoce,  en  avoient  toutte  le  huée  et  le  plus  grant 


Ml.  dt  Faltneimnu  :  au  siouttier  des  Angmtiiu.  F"  43- 


DiqitizeabyG00»^lc 


3Sâ  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1336] 

KQoamm^  des  Escos  quatre  chevaliers  d'Escoce,  mesaire  Gml- 
lannune  de  Douglas,  messires  Robers  de  Versi,  li  comtes  de  Horet, 
messires  Sîmons  Preseli  et  de  le  partie  as  Englès,  messires  Gsu- 
tiers  de  Maun^  et  messires  Guillaumme  de  Hontagut,  qui  depuis 
fu  c»)nites  de  Sassebrin  et  en  eut  rnadanuDe  Aelis  à  femme,  qui 
en  estoit  hoirs  et  de  se  jonèce  de  l'ostel  le  rojmie  d'Engletem. 
Et  li  domia  li  roys,  pour  le  bien  et  le  proèche  de  lui,  car  en  ces 
gherres  il  se  porta  très  vassaument.  Or  lairoDS  à  parler  des  be- 
soingnes  d'Escoche,  et  paurons  dou  roy  d'Engleteire,  et  coum- 
ment  il  parsevera  sus  le  infourmation  qu'il  avoit  de  nionseigneui' 
Robert  d'Artois.  F"  20  T'et  21. 

P.  112,  I.  21  et  22  :  Rosebourch.  —  jlf/.  J.  6  :  Et  fist  en  che 
tamps  messire  GuilUme  de  Montagu  faire  une  fortresse  contre  les 
Escochois  qui  se  nome  de  Rosebourcq,  qui  n'estoit  que  devant 
une  bastille,  qui  siet  sur  les  marches  des  deux  royaUnes  de  l'une 
partie  d'Escoche.  F>64. 

S  M.  P.  114,  I.  31  :  Benedic.  — Mt.  ifJmiens  :  Encoms 
envoya  H  roys  de  Franche  dévotement  devers  le  pappe  Renedicq 
en  Awignon,  en  lui  priant  comme  ses  filx  que  le  voiaige  d'outre 
mer  et  le  croix  il  lï  volsist  confreomier,  et  le  fesist  preechter  pann; 
sainte  Crestiennet^.  Li  papes  li  acorda  doucement,  et  fa  ceste 
croix  preschie  panny  le  monde  où  li  foj  de  Dieu 'est  creoei  et 
prisent  pluiseur  vaillant  homme  et  presdomme  le  croix,  qui  dévo- 
tion avoient  d'aller  en  ce  saint  voiaige.  F°  20  v". 

Xs.  de  Rome  :  En  ce  temps ,  vint  il  en  devodotl  an  rm  Pbe- 
lippe  d'aler  en  Avignon  veoir  le  pape  Benedich  qui  resgnoil  pouf 
ce  temps,  et  de  parler  à  lui,  et  par  son  consel  entreprendre  le 
voiage  d'outre  mer  et  conquerre  la  Sainte  Terre,  car  pour  Ion  il 
n'avoient  que  faire  et  ne  savoient  à  quoi  entendre,  fors  as  jousies 
et  as  tournois  et  à  tous  aultres  esbatemens.  Et  pour  ce  li  rois  Phe- 
lippes  avoit  celle  dévotion  de  convertir  ces  armes  et  esbatemens 
à  aler  sus  les  Incrédules  et  conquerre  la  sainte  chitë  de  Jhon- 
salem  et  le  roiaulme  de  Surîe,  et  tant  faire  par  pmssancc  que  de 
oster  hors  des  mains  dou  Soudan  et  des  Incrédules.  P"  35  v*et  36. 

P.  115,  1.  6  :  grant  arroi.  —  Ms.  dAmieru  ;  Quant  li  rois 
de  Franche  eut  en  partie  acompli  ses  voUentés  de  mooseignenr 
Robert  d'Artois  ',  ensi  comme  vous  avés  oy,  et  que  il  se  vit  en 

I.  tft.  de  raUncitntiMi  :  avoir  cnuehi^.  F<>  41. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1336]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  54.  353 

pès  et  en  repos  en  ce  noble  royaumme  de  France,  si  en  carga 
grant  estât*,  et  bien  le  pooit  Taire.  Et  tenoit  trois  roys  de  son 
hostel  :  le  roy  Carlon  de  Behaigoe,  le  roy  Pbelippe  de  Navare  et 
le  roy  de  Mayogrez,  et  dus  et  comtes  et  barons  sans  nombre;  et 
n'y  ayoit  cmcques  mes  eut  roy  en  Franche  dont  il  souvenist,  qpi 
euist  tenu  lestât  pareil  au  dit  roy  Pbelippe.  Et  Taisoit  faire  festes, 
joustes,  tournois  et  esbatemens,  et  il  meismes  les  devisoil  et  or- 
dounnoit.  £t  estoit  ungs  rois  plains  de  toutte  honneur,  et  con- 
gnissoit  bien  que  c'estnit  de  bachelerie;  car  il  avoit  estet  bache- 
lers  et  saudoiîers  en  son  venir  en  Lombardie,  dou  vivant  le 
comte  de  Vallois  son  père.  Si  en  amoit  encorrez  mieux  les  petis 
compaignons.  Par  especïal,  il  amoit  et  tenoit  le  plus  dou  tamps 
dallez  lui  le  gentil  roy  de  Behaingne  et  le  roy  de  Navarre,  te 
comie  d'AlençoD,  sen  frère,  monseigneur  Jehan  de  France,  duc 
de  Normendie,  son  aisne  SI,  le  duc  Oedon  de  Bnurgoîngne,  le 
comte  Loeys  de  Flandrez,  le  comte  Loys  de  Blois  et  messtre 
Cbarle  de  Blois,  car  il  estoient  si  nepveut,  le  comte  de  Bar,  le 
duc  de  Bourbon  et  le  duc  de  Lorainne*.  Et  n'estoit  oncque» 
)i  rois  si  priveement,  fiist  à  Paris  ou  ou  bois  de  Vicesnes,  que 
chil  seigneur  ne  fuissent  dallas  lui,  et  tout  de  son  hostel  à  dé- 
livrance ,  et  encoires  grant  fuisson  d'autre  baronnie  et  cheva- 
lerie. Moult  estoit  li  estas  dou  roy  Pbelippes  de  Franche  grans 
et  reDOummés  en  tous  pays,  et  tousdis  croissoit  sans . amenrir. 
P  ÎO. 

P.  113,  I.  10  :  Si  chevauça. — Ms.  de  Rome  :  Pour  ces  jours, 
estoit  li  rois  Phelîppes  jà  avalés  et  venus  à  Lion  sus  le  Rosne. 
Qant  on  li  dist  que  li  rois  Robers  estoit  en  Prouvence,  si  se  de- 
parti  tantos  et  vint  tout  contrevat  la  rivière  dou  Rosne  en  une 
nef  en  Avignon,  pour  ceminer  plus  aise.  Et  li  aultre,  c'est  à  en- 
tendre ses  gens,  vinrent  pur  terre  une  partie;  et  se  logièrent 
tout  à  Villenove  dehors  Avignon,  et  li  rois  de  France  ausi.  Li 
papes,  li  cardinal  et  toute  li  cours  furent  grandement  resjoi  de 
la  venue  dou  roi  de  France  et  dou  roi  Robert  de  Cecille,  quant 
il  estoient  là  venu;  et  furent  grâces  ouvertes  à  tous  clers  qui 
empêtrer  vololent.  Et  donna  U  pa(»es  par  pluisseurs  fois  à  diner 
en  son  palais,  liquels,  pour  le  temps  dont  je  parole,  n'estoit  pas 


Ma.  dt  yaleacieanes  :  il  tenoit  plus  noble  «rtat  que  onques  n'eu 
(ttisl.  F°  41. 
lit  d'auttres  qu'il  avoit  à  sa  d^liiriuivc. 

I  —  zA 


fait  roy  que  ou  «ceuist.  F°  41 
2.  IbiJ.!  ■     ■■     ■ 


DiqitizeabyG00»^lc 


334  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [133<i] 

si  biaus  ue  si  raemplis  de  cambres  et  d'edefisces  OHume  il  est 
pour  le  preseol.  F*  36. 

P.  as,  I.  16  et  17  :  d'Arragon.  —  Ms.  de  Rome  :  Et  jà 
en  avoit  li  rois  de  Frimce  escript  au  ini  Robert  de  Cecille , 
son  cousin,  et  priiet  que  il  se  vosist  avaler  en  Prouvence  dont  i) 
estoit  sires,  et  que  sans  faute  en  tel  temps,  se  li  nonma,  i)  seroit 
en  Avignon.  Les  quelles  nonvelles  et  segnefiances  furent  à  ce 
roi  Robeit  moult  plaisans,  car  il  s'escripsoit  rois  de  Cecille  et  de 
Naples  et  de  Jherusulem,  dus  de  Puille  et  de  Calabre  et  conte; 
de  Prouvence.  Si  {lensoit  à  recouvrer  son  hiretagc  de  la  Saincte 
Terre  par  la  poissance  dnu  roi  de  France  et  des  Crestiiens,  puis 
que  li  voiages  de  la  vermelle  Crois  seroit  empris.  Et  se  départi 
de  Sesiile  et  de  Puille,  et  esploita  tant  par  ses  journées  que  il 
vint  en  Prouvence.  F*  36. 

P.  115,  1.  30  :  Si  preeça.  ~  Ms.  de  Xome  :  Et  là  furent  faites 
grandes  prédications  et  belles  devant  les  rois,  et  toutes  touchans 
à  la  Crois  vermelle  emprendre.  Et  l'emprisent  ou  nom  de  Dieu 
et  le  jurèrent  et  voèrent  à  porter  oultre  mer  en  la  Saincte  Terre, 
en  la  capelle  dou  pape,  li  doi  roi  desus  nonmé,  li  contes  d'Â- 
Icnçon,  frèi'es  au  mi  de  France,  li  contes  de  Savoie,  li  contes 
d'Ermigoac,  li  dauilns  de  Viane,  li  daufins  d'Auvergne,  li  dus  de 
Bourbon,  li  contes  de  Forois,  li  cardinauls  de  Naples,  li  cardi- 
nauls  d'Otuu ,  li  cardinaus  de  Melans  et  li  cardinaus  d'Urgel.  Et 
tant  que  à  ce  jour,  en  issant  dou  palais,  il  furent  plus  de  dens 
cens  grans  signcurs  qui  tous  emprisent  le  vermeUe  Crois  à  por- 
ter; et  voèrent  que,  au  plus  tart  dedens  deus  ans,  il  seroient  en 
l'ille  de  Rodes.  F"  36. 

P.  116,  I.  Ik  :  d'Arragon.  —  Le  ms.  B  6  ajoute  :  le  roy  de 
Mayogres.  F°  69. 

P.  116,  I.  36  :  se  partirent.  — Ms.  de  Rome  :  Qant  li  doi  roi 
desus  nonmé  orent  assés  séjourné  en  Avignon ,  tant  que  bon  lor 
fu,  il  prissent  congiet  au  pape  et  as  cardinauls,  et  aussi  li  on 
à  l'autre,  et  se  départirent.  Et  s'en  retourna  li  rois  RdKrs  en 
Cecille,  et  U  rois  Pbelippes  en  France.  F"  36. 

§  88.  P.  117,  I.  22  :  pors.  —  Ms.  a  Amiens  :  Et  fist  li  roys, 
sus  le  port  de  Marselle  et  de  Aigue^mortes,  appareillier  ses  vais- 
siaux  et  ses  gallées  et  pourveir  de  touttez  pourveanches,  qui  ap- 
pertcnoit  à  lui  et  pour  trente  mil  combatans,  parmy  les  giam 
seignems  qu'il  en  volloit  mener  de  son  hostel.  Et  estoi«it  de 


DiqitizeabyG00»^lc 


[139S]       VABIAMES  DU  PREMIER  LIVRE.  §  SS.  3SÎI 

toutte  ceste  navie  souverain  li  comtes  de  [  Nerboone  *]  et  mes- 
sire  Caries  Grimaus,  ungs  GeneuoU*.  F"  20  v". 

P.  il8,  1.  2:  Hongerie.  —  Ms,  i€ Amiens  :  ossi  deviers  le  roy 
d'AlIemaigne  Loeys  de  Baivière,  qui  resgnoit  pour  le  tamps,  em- 
perèrez  de  Homme,  quoy  que  li  Roiuamninli  contredesissent ,  et 
liquelx  avoit  sa  nièche  espousée,  madamme  Margherite,  fille  au 
comte  de  Hayonau.  Li  quek  rois  d'AIcmaignc  li  accorda  le  voiaîge 
et  se  terre  à  ouvrir  jusquez  en  Hongrie,  se  par  là  volloit  passer  ; 
et  li  amenisiroit  vivrez ,  et  pour  tous  ciaux  qui  le  Croix  porte- 
raient, et  qui  lesIncreduUez  voroient  destruire  et  la  foy  crestienne 
essauchier.  F"  20. 

Ms.  de  Rome:  En  ce  temps,  estoit  avenu  que  messires  Lois  de 
Baivière  avoit  tenu  son  siège  devant  la  ville  de  Aix,  en  Alemagne, 
quarante  jours.  Et  l'avoicnt  li  eslisseur  esleu  à  estre  emperères 
de  Ronme  ;  mais  li  rois  Phelippes  et  li  signeor  de  France  i  mê- 
laient un  grant  empecement,  et  voloient  que  Caries  de  Boesme, 
fils  au  roi  de  Boesme  et  dus  de  Lucembourc,  fust  emperères.  Li 
Alemant  se  traioient  au  Baivier,  et  ne  s'acordoient  point  à  Carie 
de  Boesme.  Et  très  donc  se  conmenchièrent  à  engendrer  et  nou- 
rir  haines  entre  les  Alemans  et  les  François  ;  car  li  uns  voloit 
d'un,  et  li  aultres  d'autre.  Et  faisoient  partie  avoecques  le  roi 
de  France  et  les  François ,  ti  Suins  Pères  Benedic  et  tout  li 
cardinal.  Et  ne  pooit  Lois  de  Baivière,  rob  d'Alemagne,  finer 
que  U  papes  envoiast  à  Ronme  on  cardinal  en  légation  et  li 
donnast  poissance  pour  îi  consacrer,  et  s'escusoit  par  voies 
obliques. 

Qant  Loys  de  Baivière  vei  ce  que  il  n'en  aueroit  aultre  cose, 
et  que  il  estoit  dez  cardinaus  et  dou  pape  menés  d'uiseuses  et 
de  frivoles,  et  veoît  tout  clerement  que  li  François  s'cnclinoient 
à  Carie  de  Lucembourc,  et  non  à  lui ,  il  i  pourvei,  je  vous  dirai 
conment.  11  cevauca  à  poissance,  et  à  grant  fuisson  de  gens  d'ar- 
mes, parmi  la  Lombardie,  et  vint  à  Melans;  et  Est  son  devoir  de 
tout  che  que  à  roi  d'Alemagne  apcrtenoit  à  faire.  Et  institua 
l'arcevesque  de  Melan,  qui  pour  le  temps  resgnoit ,  à  gouvrener 
Metan  et  ta  visconté,  parmi  une  somme  de  florins  que  il  en  devoit 
rendre  tous  les  ans,  et  puis  passa  oultre.  Et  partout  où  il  venoit, 
il  estoit  courtoisement  requelliés ,  et  tenoit  grant  estât  et  estofé 

.-  Verbonne. 


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3S6  CHRONIQUES   DE  t.  FltOlSSART.  [I3â8] 

et  poUsance  de  gens  d'armes ,  |>ar  quoi  il  estoit  le  plus  doubles  ; 
et  vint  à  Ronrae,  et  là  fu  recheus  comme  rois  d'Alemagoe.  Et 
«voit  envoiiet  en  Avignon,  son  cemia  faissant,  soufîssam  mes- 
sages pouv  sonmer  le  pape  et  les  cardinauls  ;  et  lor  segnefioit, 
par  ses  lettres  et  par  ses  conmissaires,  que  ils  vosissent  envoiier 
à  Ronme  un  cardinal  pour  11  consacrer  à  empereour;  et  de  ce  il 
supplioit  afiectueusement  le  pape  et  les  cardinauls.  Chil  qui  i  fu- 
rent envoiiet,  fissent  bien  lor  devoir  de  faire  lor  message,  mais  il 
ne  pooient  avoir  nulle  response;  avant  estoient  menet  de  paroles. 
Et  tout  lor  estât  et  convenant ,  il  escripsoient  songneusement  à 
lor  signcur  le  roi  Loys  de  Baivière.  Qant  il  vei  che  que  i!  n'en 
aueroit  aultre  cose ,  et  que  on  li  empecnit  sa  consacration ,  il  i 
jmurvei,  car  il  Bst  un  pape  et  douse  cardinauls,  par  l'acort  des 
Roumains;  et  se  fist  consacrer  et  couronner  de  ce  paj>e  et  de  ces 
cardinauls ,  et  prononchier  à  estre  empcrères.  Qant  il  ot  redieu 
celle  dignité  par  la  voie  que  je  vous  di,  assés  tos  apriès,  il  se  de- 
j>arti  de  Bonme. 

Li  Alemant,  qui  servi  l'avcâcnt  sus  tout  son  voiage,  et  as  quels 
il  devoit  grant  finance,  li  demandèrent  à  estre  paiiet  :  il  s'escusa 
et  dbt  que  il  n'avoit  point  d'argent  là  aporté,  fors  que  pour  ses 
menus  Très  paiier.  H  U  dissent  de  rechief,  tout  generaumeni,  que, 
se  il  n'estoient  paiiet,  il  se  paieroient.  Il  lor  acorda  ;  et  n'avoit 
cure  conment ,  mais  que  il  demorast  en  paix  et  en  lor  grâce. 
Silos  que  luoys  li  Baiviers  fu  issus  de  Bonme,  li  Alanant  demo- 
rèrent  derrière.  Il  avaient  ordonné  à  courir  Ronme ,  ensi  que  il 
fissent.  Et  jtillièrent  et  prissent  li  Alemant  sus  les  Ronmains  tant 
et  oullre  ce  que  on  lor  devoit ,  et  n'en  porent  avoir  aultre  cose  ; 
et  retournèrent,  tout  fouci  d'or  et  d'argent  et  de  jeuiauls,  devien 
t'empereour  de  Baivière  qui  les  atendoit  à  Viterbe.  Si  aquellièrent 
U  Roumain  ce  Baivier  en  grant  haine,  et  dissent  que  il  lor  avoit 
fait  faire;  ne  nuques  depuis  il  ne  rentra  à;.'Ronme.  Et  li  papes  et 
li  cardinaul,  qui  te  consacrèrent,  n'orent  point  de  durée,  et  se 
vinrent  rendre  au  pape  d'Avignon  ;  mais  ce  ne  fu  pas  si  tos. 

Loys  de  Baivière  qui  s'escripsi,  tant  que  il  vesqi,  rois  d'Alema- 
gne  et  empereour  de  Ronme ,  muugré  tous  ses  malvocllans,  s'en 
retourna  en  Alemagne,  et  là  se  tint.  Et  avoit  à  fenme  madame 
Margerite,  fille  au  conte  Guillaume  de  Hainnau;  et  en  ot  de  li  un 
grant  mont  de  biaus  enfans,  fils  et  filles.  P  36  v''. 

P.  118,  1.  6  et  7  :  recevoir.  —  Âfis.  J  H  à  lit  :  moult  beni- 
gnement  son  cousin.  F*  29  v*. 


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[1337]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  S6.  357 

P.  118,  I.  If  :  Cecille.  —  Mss.  ^  II  o  14  :  son  cousin. 
F"  29  T". 

P.  118,  1.  17  :  Ossifisent.  —  Ms.  ^Amiem:  Et  fist  on  farnir 
et  pourveir  touttes  les  costières  de  mer  de  le  rivière  de  Gennes*, 
mouvant  jusques  en  Napple/.,  et  revenant  en  Venise  et  en  l'ille  de 
Crette.  Et  fist  ii  roys  de  Franche  pourveir  l'ille  de  Rodes,  et  y 
envoya  le  grant  prieur  de  Franche  à  qui  Ii  Templier  obéissent. 
F°  20  V. 

P.  118,  I.  17  et  18  :  Geneuoîs.  —  M$.  iî  6  :  Il  avoil  donné 
à  entendre  qu'il  paseroit,  et  par  espesial  as  Geneuob,  dont  il  avoit 
trait  avant  sur  les  costes  de  Franche  grant  foison  de  gallées,  de 
nefs  et  de  barges  toutes  apparillies.  F*  70. 

P.  118,  I.  28  :  voiage.  —  Ms.  de  f^alenciennes  :  Mab  pau 
greva  aux  Sarrasins,  car  le  roy  n'en  fist  riens.  F°  41. 

g  86.  P.  119,  1.  4  :  Engleterre.— Aff.  de  Borne  :  en  la  marce 
deLondres.Unefois  tenoit[li  rois  d'Engteterre)  sonhostel  à  Eltem, 
et  l'autre  à  Windesore,  Et  vivoient  Ii  rois  et  la  roîne  en  grans  es- 
batemens;  et  faisoient  faire  festes,  joustes  et  behours  en  Ëngle- 
terre,  et  passoient  ensi  le  temps.  F"  33  v". 

P.  H9,  i.  S  :  consilloit.  —  Ms.  de  Rome  :  Et  dîsoit  ensi  et 
moult  souvent  Ii  dis  messircs  Robers  d'Artois  au  roi  d'Engte- 
terre :  a  Monsigneur  et  biaus  cousins ,  vous  estes  jones  et  à 
venir  :  m  ne  vous  devës  pas  rcfroidier  de  demander  vostre  droit 
et  de  calengier.  Voua  avës  deus  ou  trois  coses  qui  grandement 
vous  i  pueent  aidier  et  valoir  avoecques  le  droit.  Vous  avés  mise 
et  cavance  assés ,  et  peuple  de  bonne  volenté ,  qui  désirent  les 
armes,  et  qui  point  ne  voellent  estre  wiseus.  Si  avés  très  grant 
conmencement  de  requérir  et  calengier  ce  qui  est  vostre.  Et  ai 
vous  di  encores  que  vous  trouvères  dez  bons  amis  par  delà  la 
mer,  qui  vous  aideront ,  conselleront  et  conforteront  en  vostre 
calenge,  si  tretos  que  vous  auerés  conmenchié  la  guerre,  se 
guerriier  vous  en  fault.  Car  il  n'est  riens,  en  ce  monde,  que  Ii 
Alemant  désirent  si  que  d'avoir  auqune  cause  et  title  de  guer- 
riier  le  roiaurae  de  France,  pour  le  grant  orguel  qui  i  est  aba- 
tre,  et  pour  partir  à  la  riçoise.  Très  chierz  sires  et  biaus  cousins, 
soiiés  tous  segurs  :  quoi  que  Phelippes  de  Valois  fust  couronnés 

à  Pallea  en 


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388  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1337] 

k  roy  de  France,  et  que  li  douse  per  de  France  l'eslisirent  et 
eslevèrent,  si  fustes  vous  bien  mis  en  doubte;  et  se  vous  i'euis- 
ûés  debatu  ou  envoiiet  debatre ,  jà  on  n'euist  procédé  ens  on 
couronnement.  Vous  en  ferés  ce  que  bon  vous  en  samblera  ; 
mais  se  vous  perdes  vostre  hiretage  par  estre  trop  mois,  vous 
qui  estes  à  venir,  vous  en  serés  mains  prisies  et  doubtés  ;  et  se 
sera  à  vostre  grande  confusion  et  condampnatÎDn  de  corps  et 
d'ame.  A  tout  le  mains,  faites  asambler  vous  honmes  et  vostre 
consel  ;  et  euls  venu,  soit  chi  à  Eltem,  ou  ailleurs,  je,  en  la  pré- 
sence de  vous,  leur  remousterai  et  esclarchirai  de  point  en  point 
le  droit  que  vous  avés  à  la  couronne  de  France.  Se  orés  quel 
cose  il  en  diront  et  rcsponderont,  qant  vous  demaoderës  à  avoir 
consel  sur  ce ,  par  quoi  il  ne  puissent  dire  ou  temps  à  venir  que 
vous  ne  vws  soiiés  aquites  de  euls  remoustrer  le  droit  que  vous 
av^s  au  calenge  de  France.  Ciir  se  vous  cstiiës  de  vostre  peuple 
reprociés  que,  par  dcfaute  de  enrage  et  par  paour,  voas  aueriés 
laissiet  aler  le  vostre,  et  vous  séries  endurcfais  en  ce  pechiet,  H 
le  vous  toumeroient  en  grant  prejudisce  et  lasquetë  de  coer,  et 
diroient  que  vous  ne  sériés  pas  dignes  de  porter  couronne  ;  et 
demorriés  tous  jours,  le  demorant  de  vostre  vie,  soupeçonnables 
deviers  euls  et  en  grant  péril  encores,  se  partant  vous  poiiés  issir 
de  ce  dangier.  » 

Tant  dist,  tant  promeut  et  tant  esploita  messirex  Robers  d'Ar- 
tois que  li  Jones  rois  d'Engleterre  ouvri  les  orelles  et  se  resvilla, 
et  entendi  à  ce  que  if  li  disoit  et  remoustroit.  Et  voellent  bien  li 
auqun  dire  que  il  ne  l'osa  iaissier,  car  jà  grande  murmuratkin 
se  montoit  en  Engleterre  des  nobles  et  dou  menu  peuple,  et  di- 
soient ;  ■  Nostres  sires,  li  rois,  a  trop  grant  droit  à  l'iretage  et 
couronne  de  France.  Et  messirez  Robers  d'Artois  li  a  bien  sceu 
dire,  remoustrer  et  esclarcir  de  point  en  point  cotunent.  par 
droite  succession  et  mcobrcs  d'iretage,  il  deveroit  estre  rob  de 
France,  dont  on  l'a  arriéré  à  fraude  et  par  cautèle,  car  il  est 
fils  de  la  serour  le  roi  Carie  de  France  ;  et  celi  que  il  eut  cou- 
ronna à  roi,  Phelippe  de  Valois,  n'est  que  cousins  germains. 
Nous  verons  que  il  en  vodra  dire.  Se  le  demande  et  calenge  de- 
meure en  sa  prnèce,  et  que  il  s'aherde  à  wlseusses,  ensi  que  Sst 
ses  [lères,  il  vivera  en  péril  et  en  haine  deviers  nous;  et  se  il 
aliert  de  bon  corage  son  droit  à  [Miursievir,  nous  l'aiderons  de 
nostres  corps  et  dou  nostrc.  »  Si  fu  dit  fiablemenl  au  roi  : 
«  Sire,  ensi  dient  li  noble  de  ce  pais  et  li  j^uples  ;  il  fault  que 


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[1331]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  S6.  359 

vous  aiiés  avis.  Conmime  renoDoiee  qeurt  par  toutes  vos  signou- 
ries  d'Engleterre  que  voua  devés  esire  rois  de  France,  se  en 
vous  [proesse]  ne  demeure.  Et  soat  toutes  gens,  asquels  les  pa- 
roles viennent,  esmerviUiet  pourquoi  vous  detriies  tant  que  vous 
n'^i  faites  vostre  devoir,  puisque  vous  en  estes  souTissanment 
enfourmés.  s  F°  34. 

P.  H9,  1.  8  :  conseil.  —  Mi.  ^Amiens  :  Li  roys  avoit  or- 
donné un^  grant  parlement  à  estre  à  Londres',  des  barons,  pre- 
las  et  boimes  villes  d'Engleterre  ;  duquel  {larlement  tout  chil,  qui 
priiet  et  semons  en  furent,  y  vinrent.  Et  là  fu  remoustré  et  par- 
lementé quel  droit  et  quel  prochainnetet  li  roys  Edouwars  avoit 
à  rtiiretaige  de  France.  Et  leur  remoustra  messires  Robiers 
d'Artois,  de  point  en  point  et  de  degret  en  degret,  coumiueut  et 
par  quelle  ordounnanche  ce  ]>ooit  estre.  Là  eut  pluisseurs  pa- 
roles dittes,  devisées  et  retournées;  car  de  entreprendre  ung  si 
grant  fait  que  de  volloir  bouter  le  possessant  de  le  courounne 
de  Fraocbe  hors  del  possession  dou  royaumme,  c'estoit  fort 
affaire,  et  y  couvenmt  grans  sens,  pourcach  et  advis.  F"  Si. 

Ms.  de  Rome  :  Adonc  li  joues  rois  d'Engleterre,  qui  veoit  le 
bonne  volenté  de  ses  hommes,  par  ie  bon  cnnsel  qu'il  ot,  Qst 
une  grande  assamblée  à  Londres  pour  avoir  un  parlement,  au 
palnis  de  Wesmoustier,  des  prelas,  des  nobles  et  des  cons;iul3 
des  bonnes  villes  d'Engleterre,  cl  pour  avoir  consel  sur  ce  à  sa- 
voir que  il  en  poroit  et  deveroit  faire.  Qant  tout  furent  venu, 
Londres  fu  moult  fort  garnie  de  peuple  ;  car  encores  avoecques 
tous  ceuls  qui  estoient  escript  et  mandé,  vinrent  moult  d'aultre 
peuple  pour  aprendre  des  nouvelles,  car  la  matère  lor  sambloit 
moult  grande. 

Or  se  Est  chils  consauis  ou  palais  de  Wesmoustier;  et  fu  toute 
ta  plus  grant  sale  raempiie  de  prelas,  des  nobles  et  des  consauis 
des  dûtes  et  des  bonnes  villes  d'Engleterre.  Et  là  fist  on  tout 
homne  seoir  sus  escamiaus,  pour  casqun  veoir  le  roi  plus  aise, 
liquels  estoit  assis  en  pontificalité,  en  draps  roiians,  et  la  cou- 
ronne en  chief,  tenant  un  septre  roial  en  sa  main.  Et  plus  bas 
deus  degrés,  senient  prélat,  conte  et  baron;  et  encores  en  desous 
avoit  plus  de  siis  cens  chevaliers.  Et  de  ce  rieule  seoient  les 
honmes  des  chienq  pors  d'Engleterre,  et  les  consauis  des  chités 


DiqitizeabyG00»^lc 


360  CHRONIQUES  DE  S.  FROISSART.  [1337] 

et  bonnes  villes  don  pais.  Qant  tout  furent  tvaé  et  assis  par  or- 
denance,  ensi  qu»  il  dévoient  estre,  on  fisi  silense. 

Adonc  se  leva  uns  clers  d'Engleterre,  licensii^s  en  droïs  et  en 
lois,  et  moult  lûen  pourveus  de  trois  langages,  de  ladn,  de  fran- 
cs et  dou  langage  englès  ;  et  conmeDca  à  parler  mottlt  sage- 
ment. Et  estoil  messires  Robers  d'Artois  dalés  lui,  liquets  l'avoît 
enfourmé,  trois  ou  quatre  jours  devant,  de  tout  ce  que  il  devoit 
dire.  Si  parla  atempreement  et  remoustra  tout  en  hault,  et  [«a] 
englois,  à  la  fin  que  il  fiist  mieuls  entendus  de  toutez  gens,  car 
tous  jours  sçut  on  mieuls  ce  que  oq  vo^t  dire  et  proposer  eus 
ou  langage  où  on  est  d'enfance  introduit  qu'en  un  aultre,  tous 
les  poins  et  les  articles  desquels  messires  Rcibers  d'Artob  les 
avoit,  le  roi,  le  clerc  et  auquns  signeurs,  enfourmés;  et  con 
proçains  li  rois,  lors  sires,  en  quelle  istance  il  estcHent  là  venu 
et  asambU,  estoit  de  l'iretage  et  de  la  couronne  de  France.  Et 
qant  il  ot  remoustré  la  parole  tout  nu  lonch,  par  grant  avis  et 
par  bon  lobir,  tant  que  tout  l'avoient  volentierz  ol,  il  demanda 
ens  ou  nom  dou  roi  à  avoir  consel  de  toutes  ces  coses. 

Li  signeur  et  li  prélat  regardèrent  l'on  l'autre,  et  fissent  si- 
lense une  espasse  que  nuls  ne  parloit,  mais  grande  nturmuratioa 
av<Ht  entre  euls.  Il  m'est  avis,  selonch  ce  que  je  fui  enfonrmés, 
que  la  response  à  faire  fut  cargie  et  tournée  sus  le  conte  HaiH 
de  Lancastre  pour  le  plus  proçain  que  !i  rois  euist  là.  Il  qui  fo 
bien  avises  de  respondre  et  tantes  cansilliés,  dist  ensi,  en  bon- 
nourant  le  roi  et  tOBs  les  signeurs,  ce  fij  raison  :  «  Je  conselle 
de  ma  partie  que  ceste  besongne  soit  mise  en  sousfrance,  tant 
que  li  rois  nostres  sires  ait  soufissans  hommes  de  son  roianlme 
envoilet  par  delà  la  mer  powr  parler  au  conte  de  Hainnau,  qui 
fille  il  a,  qui  pour  le  présent  est  nostre  chière  dame  roine  d'En- 
gleterre,  et  à  messire  Jehan  de  Hainnau,  son  frère,  qui  sont  doi 
prince  sage,  vaillant  et  de  bon  consel  ;  et  tout  ce  que  chil  doi 
en  conseil eront,  les  ambassadours  retournes  en  ce  pais,  et  nous 
remis  ensamble  et  la  response  et  parole  des  desus  dis  oie,  nous 
procéderons  sus  sans  nulle  faute,  n  Qant  li  contes  Henrb  de 
Lancastre  au  Tors  Col  ot  parlé,  il  respondirent  tout  d'une  vois  : 
«  Il  dist  bien.  ï  F»  34  v". 

P.  120,  I.  S  et  6  :  messages.  —  JUs.  tï Amiens  :  as  seigneurs 
telz  comme  estoit  \y  comtez  de  Hainnau,  messires  Jeluins  de 
Haynnau  ses  frères,  li  ducs  de  Braibant  ses  cousins  germains, 
li  ducs  de  Guerlez  ses  serourges,  et  que  chil  l'en  volsissent  con- 


:,Goo»^lc 


[1331]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  B6.  361 

seillîer  et  adviser  qnel  cose  en  seroit  bon  affaire  ;  et  les  mesages 
revenus  et  l'intoitioii  des  dessus  dis  sceue,  il.  fesisi  de  rechief 
ordounner  et  aasambler  ung  parlement  en  ce  meysme  lieu,  et  nn 
li  donroit  tel  coDSseil  qui  li  souffiroil.  F*  21 . 

P.  180,  I.  7  :  de  Haynau.  —  Ms.  B  6  ;  lequelz  estoit  img 
prÎDche  sai^s  et  ymaginatif.  F°  66. 

P.  120,  1.  20  :  Adouc  pria,  —  Ms.  dAmient  :  et  fist  li  roys 
d'Engleterre ,  si  comme  conssillies  estoit,  escripre  et  fourmer 
toutte  sen  intention  et  demande  par  le  imfourmation  et  advis  de 
monseigneur  Robert  d'Artois.  Et  ordonna  et  eslisi  quatre  cheva- 
liers sages  et  preudommes  pour  venir  en  Haynnau,  en  Braibant 
et  en  Guéries,  tels  que  le  seigneur  de  Biaucamp,  le  seigneur  de 
Persi,  le  seigneur  de  Stanfort  et  mtmseigneur  Gobam  < .  F°  21 .  — 
JUt.  de  Some;  Il  m'est  avis  que  li  evesquea  de  Lincole  î  fu  non- 
mes  et  li  esleus  d'Asquesufort,  clerc  en  drois  et  en  lois,  mestre 
Robert  Weston,  avoecques  euls  mesires  Reoauls  de  Gobehem  et 
mesires  Richars  de  Stanfort.  Chil  quatre  emprisent  le  voiage  à 
faire.  F"  34  v».  —  Ms.  S  6  :  Adonc  y  envoia-t-on  une  esba- 
sade;  et  y  ala  messire  Thumas  Wagbe,  marisal  de  Engleterre,  le 
sire  de  Persy,  le  sire  de  Neufville,  le  sires  de  Maun^  et  deus 
clers  en  droit.  P  66. 

P.  lîO,  I.  27  et  28  :  apparillièrent.  —  Mi.  d'Amiens  :  Qaant 
li  baron  dessus  noummés  et  doy  clercq  de  droit',  avoecq  yaux 
envoiiés  de  par  le  roy  d'&iglelerre ,  fureal  arivet  à  l'Escluze  en 
Flandres,  il  eulrent  consseil  lequel  chemin  premiers  des  trois  il 
tenroient.  Si  s'acordèrent  et  pour  le  milleur  que  de  venir'  en 
Haynnau  ;  si  enquissent  où  li  comtes  se  tenoit,  et  on  leur  dist  à 
Valenchieunes.  Lors  esploitièrent  il  tant  par  leurs  journées  qu'il 
vinrent  à  Vallencbiennes,  et  descendirent  sus  le  marchiet  ;  et  eut 
chacims  des  barons  son  bostel  par  lui.  Et  quant  il  se  furent  ap- 
pareillié  et  de  draps  renouveliez,  il  s'en  vinrent  très  ordonnee- 
ment  devicrs  le  comte  de  H.iinnau.  qui  adonc  se  tenoit  en  le 
Salle  à  VoUenchiennes.  Et  leu;  chei  si  bien  que  messires  Jehans 
ses  frères  estoit  dalles  lui,  desquelx  seigneurs  il  furent  convigna- 
blement  recheu,  cor  bien  le  savoient  faire. 

Quant  li  baron  d'Engleterre  eurent  le  comte  salué  et  encline, 
et  monseigneur  Jehan  son  frère,  li  ungs  pour  yaux  cnummencha 

1.  Ml.  dt  yabntUnnti  :  de  Gobebem.  F^  43. 

2,  liiit.  !  deux  grans  cler».  —  3.  lild.  .■  prenicn. 


^.. 


.Gooi^lc 


36i  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1337] 

à  parler,  en  iui  tnui-iunt  sus  le  C(»&te,  et  dist  ;  ■  Honsdgiwur, 
vostre  biau&  filz  li  roys  d'Eogleterre  nous  envoie  par  deviers 
TOUS  en  grant  e^kecUiiCe  avoecq  ces  lettrez  que  balllies  vou& 
avons,  pour  avoir  coQSseil  et  advis  de  ceste  besoingne  qui  à  son 
honnetu*  grandement  li  touche,  si  «Hnme  les  lettrez  font  men- 
tion ;  car  it  est  emfuurmés,  et  de  certain  et  par  pluiseurs  clères 
voies  et  raisons  on  li  maustre  et  a  on  remoustre,  que  li  royaum- 
mes  de  Franche  deveroit  de  droite  hoirie,  et  par  le  sucession 
dou  roy  CharJon  son  oncle,  estre  siens.  Or  considère  li  rois  les 
perilx,  les  adventures,  les  haynncs  et  les  fortunnes  qui  en  pue- 
vent  naistre  et  descendre,  car  il  ne  vouroit  pas  cose  esmouvmr 
qui  à  sen  deshoaneur  U  peuist  venir.  Ossi  il  ne  vorroit  mies  qne, 
par  faute  de  coturaige,  d'emprise  et  de  voUenté,  ses  drois  li  fost 
tollus  ne  ostés  ;  car  il  troeve  en  bonne  vollente  et  en  grant  désir 
tout  son  royaumme  d'Eogleterre  de  lui  aidier.  Et  bien  li  ont  dit 
que  il  ne  se  délaie  mies  de  son  droit  à  poursuiwir,  pour  double 
d'avoir  peu  de  gens  et  de  chevauche,  car  il  l'en  feront  assés 
avoir.  Or  est  li  emprise  si  grande  et  si  haulte  que  dou  tout  seul- 
lement  il  ne  se  velt  mies  fonder  ne  orester  sur  lui,  ne  sur  l'en- 
vayssement  de  ses  hommes.  Si  sommes  cnvoiiet  par  deviers 
vous,  comme  à  son  père,  que  de  ces  besoingnes  vous  en  voeiU 
liez  dire  vsstre  entraite.  n  F°  21  v". 

Ms.  de  Rome  :  Et  montèrent  en  mer  à  Douvres,  et  vinrent 
à  Wissan,  Et  là  issirent  des  vassiaiis,  et  cevauchièrent  toute 
l'Aleqîne;  et  vinreqf  à  Tieruane  et  puis  à  .4jre,  et  puis  à  Bie~ 
tune,  à  Lens  et  à  Douai,  et  puis  à  Va len chiennes.  11  pooient 
bien  faire  tout  ce  cemin  sans  péril  ne  reprise,  car  encores  n'a- 
voil  entre  France  et  Engleterre  nul  mautaleuti  et  joissoit  ças- 
quns  de  ce  que  il  devoit  tenir,  c'est  à  entendre  U  rois  d'Engle- 
terre  tenoit  la  amté  de  Pontieu  et  en  levoit  lez  pourfis,  et  ensi 
en  Giane. 

Qant  cliil  ambassadeur  furent  venu  à  Valenchiennez,  il  se  lo- 
gièrent  sus  te  marchié  à  leur  aise  en  trois  hostels,  au  Qûne,  a 
le  Bourse  et  ù  l'ostel  à  la  Clef.  Four  ces  jours,  estoit  li  contes  de 
Hainnau  en  l'ostel  de  Hollandes,  et  gissans  au  lit  de  la  maladie 
des  goûtes.  Tantos  il  fu  segnefiiés  que  chil  signeur  d'Engleterre 
estoient  venu  ;  si  envola  deviers  son  frère  qui  estoit  à  l'ostel  de 
Biaumont,  et  là  se  tenoit  aussi.  Pour  l'amour  dou  conte,  mes- 
ures Jehans  de  Hainnau  vint  tantos  deviers  son  frère,  qui  li  dist 
la  cause  pour  quoi  il  l'avoit  maud^,  et  que  il  aueroient  nou- 


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[1337]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  56.  363 

velles,  car  là  estoient  venu  ambassadeurs  d'Engleterre  de  par  le 
roi  son  fil.  Ensi  que  li  contes  le  dist,  en  avint.  Car  11  evesques  de 
Lincolle  et  li  esleus  d'Asquesuforch  et  li  doi  baron,  qant  il  se 
furent  rafresqt  et  ^parilliet,  ensi  comme  à  euls  apertenoit,  il 
a'eo  vmrent  en  l'ostel  de  Hollandes.  Si  trouvèrent  le  conte  de 
Hainnau,  et  son  frère,  et  madame  la  contesse,  et  des  chevaliers 
dou  pais,  qui  les  requelllèrent  doucement,  taû  que  bien  le  sceu- 
rent  faire.  Et  entrèrent  chil  signeur  d'Engleterre  en  la  cambre 
dou  conte,  li  quels  estoit  pour  celle  heure  levés,  vestis  et  parés 
moult  ricement  ;  et  seoit  sus  une  chaière  moult  bien  aournée,  car 
il  ne  se  pooit  soustenir  sus  ses  pies.  Si  rechut  ces  signeurs  d'En- 
gleterre l'un  apriès  l'autre  moult  humlement.  Et  aussi  tout  l'en- 
clinèrent  et  li  fissent  la  reverense,  et.  à  la  contesse  aussi  et  à 
mesire  Jehan  de  Hainnau  ;  et  puis  moustrèrent  les  lettres  de 
créance  que  il  avoient  aporte.  Li  contes  les  fist  lire  devant  li  par 
un  sien  clerc;  et  qant  il  ot  oy  la  créance,  il  fist  toutes  gens 
widier  hors  de  la  cambre,  réservé  son  frère  et  les  Ënglès.  Et 
qant  il  furent  à  lor  requoî,  il  lor  dist  :  u  Or  sus  dites  ce  dont 
vous  estes  cargiés,  et  vous  serés  oy.  » 

Li  evesques  de  Lincolle  conmenca  à  parler  pour  tous,  et  dist  : 
K  Très  chiers  sires,  nous  sonmes  chi  envoiiet  de  par  vostre  fit 
le  roi  d'Engleterre  et  son  consel,  à  savoir  que  vous  dires  de  une 
nouvelleté  qui  est  promeue  en  l'ostel  d'Engleterre,  et  que  vous 
en  consellerés  à  faire.  Li  rois,  nostres  sires,  est  enfourmés  moult 
avant  et  tout  acertes  de  mesire  Robert  d'Art«is,  qui  pour  le  pré- 
sent se  dent  et  demeui^  datés  le  roi  en  Engleterre,  que  de  la 
couronne  de  France  et  de  l'iretage,  il  deveroit  estre  escauciers, 
qui  droit  et  raison  li  feroit.  Et  les  poins  de  la  proimeté,  il  sont 
tout  cler,  ensi  que  bien  les  savés,  car  U  rois,  vostres  fils,  est 
fils  de  la  serour  au  roi  Carie  de  France,  darrainnement  mort. 
Ensi  par  ce  point  est  il  son  neveu,  et  plus  proçains  d'un  degré 
de  la  couronne  de  P'rance  ne  soit  li  rois  Phehppes,  fils  au  conte 
de  Valois  ;  car  il  n' estoit  que  cousins  germains  au  roi  Carie,  ensi 
que  bien  le  savés.  Et  pour  celi  cause,  nous  sonmes  envoiiet  de- 
viers  vous,  pour  veoir  et  sçavoir  que  vous  en  responderés;  car 
vostres  fils,  nostres  sires  li  rois,  est  consilliés  et  esmeus  à  mettre 
avant  le  calenge  de  France.  Tout  si  homme  li  offrent  corps  et 
cavance,  mais  ils  ne  voelt  pas  emprendre  si  très  grant  cose  que 
de  deffiter  le  roi  de  France,  et  de  renvoiier  son  honmage  de 
terres  que  il  a  relevées  à  Phelippe  de  Valois  comme  ù  roi  de 


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364  OHRO?ilQUES  DE  J.  FROISS.VRT.  [1337; 

France,  se  vous  ne  le  conseillés,  car  de  ce  et  de  toutes  coses  3 
voelt  ouvrer  par  vostre  consel.  ■  F*  37. 

§87.  P.  121,  ).  13  :  Quant.  —Mt.  de  Some  :  Qant  H  contes 
de  Hainnau  ot  oy  l'evesque  de  Lincole  ensi  parler,  si  feri  sa 
main  sua  la  poiie  de  la  chaiière  sus  laquelle  il  seoit,  et  poisa  un 
petit,  et  puis  respondi  et  dist  :  «  Vous  tout  ensi  que  chi  estes, 
vous  nous  soiiés  1i  bien  venu.  Vous  demorrés  dalffs  noas,  trois 
ou  quatre  jours,  et  vous  rafreschirés;  et  nous  penserons  sus  ces 
besongnes  et  regarderons,  en  considérant  toutes  coses,  lequel  en 
est  bon  à  faire,  et  adonc  vous  en  ser^s  respondu.  ■  Il  respmdi- 
rent  tout  de  une  sieute  :  >  Monsigneur,  nous  ferons  vostre  plai- 
sir. >  Apriès,  il  entrèrent  en  aultres  paroles;  et  lor  demanda  li 
contes  de  Testât  de  son  fil  le  rni  et  de  sa  fdle,  et  des  ordenances 
d'Engleterre,  et  conment  on  s'i  ordonnait.  A  toutes  ses  demandes 
et  paroles,  li  evesques  de  Lincole  et  li  baron  respondirent  bien 
et  sagement,  et  tant  que  li  dis  contes  s'en  contenta.  Adonc  vint 
là  lu  contessc,  qui  estoit  retraite  en  ses  cambres,  qant  li  sigQEur 
se  missent  ensamble  pour  parler  de  consel  ;  et  honnoura  moull 
grandement  ces  signeurs  d'Engleterre,  et  leur  demanda  de  soa  fil 
et  de  sa  fille,  et  à  tout  il  respondirent  bien  et  à  point.  Et  demo- 
rèrent  ce  jour  au  dbner  datés  la  contesse  et  messire  Jehan  de 
Hainnau,  qui  leur  list  là  et  ailleurs  la  milleur  compagnie  que  il 
peut;  et  lor  donna  deus  disncrs  et  deus  soupers  moult  solempnes, 
sus  chienq  jours  qae  il  furent  là.  Et  tous  les  jours,  il  estdeni  dt 
disner  et  de  souper  nu  avoech  le  conte,  ou  la  contesse  sa  fenme, 
ou  messire  Jehan  de  Hainnau. 

Au  chinquime  jour,  il  furent  respondu  de  la  bouce  dou  conte, 
qui  leur  dist  apriès  les  requestes  que  fait  avoient  :  "  Biau  û- 
gneur,  vous  dires  ensi  à  uostre  fil  d'Engleterre  que  nous  li  sa- 
vons bon  gré  de  ce  que  il  a  cnvoiiet  deviers  nous  fiablernent 
pour  reraoustrcr  l'entrée  de  son  information  ;  et  que  il  poise  la 
matère  et  fait  doubte  des  avenues ,  car  ce  n'est  pas  petite  cese 
voirement  à  desfiier  le  roiaulmc  de  France.  Hais,  en  venant  au 
fait,  il  est  tout  cler  que  mon  fils  li  rois  d'Engleterre  est  plus 
proçains  voirement  un  degré  de  la  couronne  de  France  et  de 
l'iretage  ne  soit  Phelippes  de  Valois.  Et  plus  chier  auerions  ce 
pourlit  pour  nostre  fil,  qui  a  nostre  fille,  et  pour  ses  enfans,  que 
nous  ne  ferions  pour  Phelippe  de  Valois  ;  et  qui  onques  rieos 
n'emprist,  riens  n'achieva.  Vous  dires  ensi  à  nostre  fil  d'Engle- 


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[1337]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  57.  36S 

terre,  de  par  nous,  et  A  soq  consel,  que  tout  le  bon  droit  que 
ils  sent  à  avoir  mi  l'iretage  et  couronne  de  IVance,  il  le  demande 
et  calenge.  Nous  le  aiderons  et  conforterons  en  toutes  coses. 
Nous  i  sonmes  tenu,  et  le  volons  faire  ai  avant  que  nostre  pois- 
sance  se  pora  estendre;  mais  c'est  petite  cose,  de  nous  et  de 
nostre  pais,  encontre  la  puissance  dou  roiaulme  de  France.  Pour 
ce  fault  il  que  vostres  sires  nostres  fils,  avant  que  il  entreprende 
si  grant  cose  que  de  renvoiier  son  hÀnmage  au  roi  de  France  et 
li  desfier,  que  il  viengne  par  deçà  la  mer,  acompagniés  de  sou 
consel,  et  il  auera  avoecques  li  Jehan  mon  ^ère  qui  le  adrecera 
de  ce  que  il  pora  ;  et  iront  deviers  le  duch  de  Braibant,  cousin 
germain  à  mon  fil  d'Engleterre,  et  à  son  frère  de  par  sa  serour 
le  conte  de  Gerlles,  et  aussi  au  marqis  de  Jullers,  et  aquière 
amour  et  aliance  à  euls.  Et  se  il  puet  avoir  le  confort  et  l'aide 
des  Alemans  avoecques  la  sienne,  il  pora  bien  adonc  desfUer  le 
roi  de  France  et  demander  son  droit;  mais  toutes  fois  nous  di- 
sons et  mettons  avant  que  riens  n'en  face,  si  sace  la  volent^  de 
cenls  que  je  vous  ai  nonmés.  Et  velâ  le  consel  et  la  response  sus 
vostre  demande,  que  je  vous  donne,  s  Chil  signeor  d'Engleterre 
generaument  respondirent  et  dissent  :  s  Grant  merchis,  et  nous 
ouverrons  apriès  vostre  consel.  n 

Si  prissent  depuis  congiet  au  conte  et  à  la  coatesse  et  à  mes- 
sire  Jehan  de  Hainnau,  et  se  départirent  de  Valenchiennes,  et 
retournèrent  arrière  à  la  mer  par  le  cemin  que  il  estoient  venu  ; 
car  on  quidoit  partout  que  li  rois  d'Engleterre  les  euist  envoîiet 
en  Hainnau  pour  veoir  le  conte,  liquels  u'estoit  pas  bien  hetiés. 
Si  vinrent  à  Wissan,  et  entrèrent  là  ens  es  vassiaus  d'Engleterre 
qui  les  atendoient;  et  puis  se  desancrèrent,  et  singlèrent  viers 
Engleterre,  et  furent  tantos  à  Douvres.  Et  esploitièrent  tant  que 
il  vinrent  deviers  le  roi  et  son  consel  ;  et  leur  recordèreni  tout 
ce  que  il  avoient  oy,  veu  et  trouvé  ens  ou  conté  de  Hainnau. 
F»  37  V». 

P.  121,  I.  tk  :  grant  joie.  — *j.  ^Amiens  :  Et  escei  si  bien 
à  point  adonc,  pour  le  my  d'Engleterre,  que  li  dis  comtes  estoit 
en  grant  haynne  contre  le  roy  Phelippe  de  Franche.  Et  je  vous 
dirai  pour  quoy,  car  je  n'y  voeil  riens  oubliier  non  qui  à  recor- 
der face.  Li  comtez  de  Hannau  avoit  traitiel  ung  mariaige  de 
madamme  Ysabiel,  se  fille,  à  l'ainnet  fil  le  ducq  de  Braibant.  Et 
quant  li  roys  de  Franche  le  seult,  U  esploita  tant  que  li  mariaiges 
Tu  defiês;  et  le  fiancha  ailleurs,  che  fu  à  sa  tille.  Pour  quoy,  H 


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i^ 


366  CHRONIQUES   DE  J.  FROISSART.  [1337] 

comtes  Guîllaummes  fu  durement  courrouchiés  sus  le  roy  Phe- 
lippe. 

Encoires,  en  ce  me3snie  temps,  eschei  en  vendaîge  li  castianx 
et  li  terre  de  Crievecoer.  Et  l'acata  li  comtes  de  Haynnau,  el 
en  presta  as  vendeurs  grans  deniers.  Et  le  quidoit  tenir  el 
ajoustcr  à  le  comté  de  Ha^imau,  comme  sen  boa  hiretaîge;  et 
en  avoit  granl  joie,  car  cesle  terre  li  cstoit  trop  bien  scans,  pour 
estre  ensi  comme  clés,  sus  les  frontierres  de  Cambresis  et  le  dé- 
partement de  Haynnau.  Et  quant  li  roys  Phelippes  sent  che,  il 
en  fu  moult  courouchiefs  et  manda  le  vendeur  ;  et  11  amenda  son 
marchiet,  et  li  fist'  renonchier  le  vendaigc.  Et  le  [irist  pour  lui, 
el  le  dounna  le  duc  de  Normcndie ,  son  fil,  liqueli  s'en  mist  en 
possession;  el  fu  depuis  atribués  au  royaummc  de  Franche, 
comme  de  l'hiretaige.  Et  ensi,  par  tel  mannierre,  li  fors  castiaui 
de  Alues  on  Pailluel,  sus  le  marce  de  Ostrevant  et  de  Douay,  fu 
hostéz  au  comte  de  Haynnau,  qui  le  cuidoit  avoir  acatet  pour 
acrnistre  son  pays  et  clore  sus  les  frontières  de  France, 

Ces  trois  coses  estoient  asscs  nouvellement  advenues  entre  le 
roy  de  Franche  et  le  comte  de  Ha^iinau,  lîquelx  en  avoit  bdi- 
nation,  et  n'en  amoil  mies  mieux  le  roy  ne  son  consseil.  Et  disoit 
bien  que  il  li  remousteroit,  quant  il  venroit  à  point.  F"  31  v'et  Si. 

JUs.  de  Rome  :  Pour  ce  temps,  avoit  li  contes  de  Hainnau  une 
haine  couverte  moult  grande  deviers  son  serourge,  le  roi  Plie- 
lippe  de  France;  je  vous  dirai  quelle  et  pourquoi.  La  terre  et 
ùgnourie  de  Crievecoer,  en  Cambresis,  avoit  couru  à  vendage- 
El  qant  elle  i  fu  mise,  les  premières  offres  en  furent  doimées  au 
conte  de  Hainnau,  et  ensi  de  la  terre  et  signourie  dpu  chasliel 
c'on  dist  Alues  en  Pailluel,  séant  sus  la  rivière  de  la  Sensée,  sus 
les  frontières  d'Artois  et  de  Douai.  Et  quidoit  bien  11  contes  de 
Hainnau  ces  deux  terres  avoir  acatées  ;  et  esloienl  li  denier  tout 
prest  pour  les  paiier.  Qant  li  rois  Phcli|>pes  fu  eufourmés  de 
ceste  marceandise.  Jebans  ses  Tils,  qui  cstoit  dus  de  Norraen- 
die  et  daulîns  de  Viane,  se  traist  avant  et  referi  sus  ce  marchié 
par  le  conmandement  dou  roi  son  père,  et  acata  en  l'Empire  ces 
terres  desus  dictes.  Dont  li  contes  de  Hainnau  fut  trop  grande- 
ment courouchi^s  ;  et  dist  et  jura  que,  de  le  vilennie  que  ses 
serourges  ti  avoit  fait,  il  l'en  souvenroit  et  ti  remousteroit  dure- 
ment  qant  il  cheiroit  à  point. 

1.  Mt,  de  faleaeiennti  ;  par  dcniere  et  par  paroUes.  F'  kk  f. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1337]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  87.  367 

Et  eschei  que  les  nouvelles  de  ces  promotions  dou  roi  d'En- 
gleterre  à  calengier  l'îretage  de  France  se  boutèrent  avant; 
et  desquelles  coses  on  li  demandnit  le  consel,  en  l'année  pro- 
prement, qant  li  vendage  et  li  achat  des  hiretages  desus  dis 
furent  fait.  Si  en  estoit  li  contes  plus  tenres  et  plus  enclins  à 
estre  tos  courouciés,  et  lors  secrètement  il  remoustra  son  man- 
talcnl.  Car,  se  il  euist  aussi  bien,  ens  ou  commencement  de  ces 
nouvelles,  abatu  les  paroles  et  les  oppinions  des  Englois  que  il 
les  esleva,  pluisseurs  gens  dient  que,  de  la  guerre  de  France  et 
d'Engleterrc  qui  tant  a  duret  et  cousict,  riens  net  n'euist  est^; 
mais,  ensi  que  on  puet  dire  et  supposer,  ce  qui  doit  avenir,  nuls 
ne  puet  brisier  ne  oster.  F»  38  v°. 

P.  122,  I.  17:  respondi.  —  Mf.  J  6  :  Je  luy  conseille  que  il  se 
traie  en  AUemaigne,  et  s'acointe  de  mon  filz  le  roy  d'Allemaif  ne, 
et  du  marquis  de  JuUers  et  des  barons  de  l'Empire.  F"  67  et  68. 

P.  122,  1.  21  :  dus  de  Guéries.  —  Ms.  d'Amiens  :  comte  de 
Guerlez.  F"  21  v*. 

P.  122,  1.  30  :  volentiers.  —  Mt.  d Amiens':  Et  vous  revenu 
en  Engleterre,  si  dîttes  enssi  au  roy  de  par  my  que,  par  priière 
ou  par  constrainte,  il  fâche  tant  qu'il  ait  à  acord  et  pour  comfort 
le  pays  de  Flandrez  :  se  li  sera  nngs  très  grans  avantages.  Ossi 
il  ne  s'espargne  mies  d'aller  ou  d'envoiier  devlers  le  roy  d'Alle- 
maingne,  Loeys  de  Baivière,  qui  en  ceste  besoingne  le  poelt  moût 
aidier  et  par  pluiseurs  cas.  F°  21  v". 

P.  123,  I.  3  :  consaulz.  — Ms.  S  Amiens  .-  Quant  li  baron 
d'Englet«rre  eurent  oy  les  responscez  dou  comte  de  Haynnan  et 
le  consseil  qu'il  leur  dounnoit,  si  l'olrent  volentiers  ;  et  dirent  que 
grant  merchis,  et  que  par  son  advis  il  useroient.  Depuis,  furent 
il  avoecquez  le  comte  et  monseigneur  Jehan  son  frère,  cinq  jours, 
qui  trop  bien  les  festiièrent.  Au  sixième,  il  se  partirent  et  s'en 
vinrent  en  Braibanti  et  trouvèrent  à  le  Leuwre  le  ducq  Jehan  de 
Braibant  qui  courtoisement  les  rechupt,  pour  l'amour  dou  roy 
leur  seigneur  4  qui  il  estoit  cousins  germains,  et  à  qui  il  contè- 
rent tout  leur  messaigc.  Li  ducs  en  respondy  que  par  linaige  il 
ne  devoit  mies  faillir  au  roy  d'Engleterre,  et  que  il  le  comforte- 
roit,  aideroit  et  conseillerait  en  tous  cas  si  avant  que  il  vorroit 
son  droit  reiioursuiwir,  car  il  y  estoit  tenus  et  avoit  bonne  vol- 
tenté  de  le  faire.  De  ce  furent  li  messagier  tout  joyant.  Et  vinrent 
depuis  en  Guéries,  et  esploitièrent  si  bien  que  U  comtez  de  Guér- 
ies s'abandonna  dou  tout,  son  corps,  ses  hoioimes  et  son  pays, 


;vGoo»^lc 


3I>8  -       CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1337] 

ou  service  le  roy  eoglès.  Lors  retournèrent  li  baron  d'Eogle- 
terre  arrière,  et  rapportèrent  au  roy  et  à  son  c<»i5seil  tout  che 
que  trouvât  avoient. 

Ainsi  se  [Kiurveoit  li  rois  d'Eogleterre  quoiement  et  secrète- 
ment, et  aqueroit  amis  en  l'Empire  cheUT  que  avoir  en  povoil. 
Et  souvent  parloït  à  monseigneur  Robert  d'Artois,  au  comte  de 
Lancastre,  au  comte  de  le  Marce,  au  comte  de  Pennebrucq,  au 
comte  de  Norlhautonne  et  à  ses  plus  privés  et  e^iecîals  amb, 
GODinment  de  cesle  haulte  et  grande  entrepresure  qu'il  desiroil 
et  esperoit  affaire,  il  se  maintenroît.  Si  l'en  conssdiloient  loyau- 
ment,  chacun  selimc  son  avis.  F"  22. 

P.  123,  1.  17  :  France.  ^  Mi.  d Amiens  :  et  coununent  il  le 
proposoit  à  ghueriier,  et  que  il  acquerroit  amis  de  tous  tés  en 
l'Empire.  Si  se  doubta  ung  peu  U  roys  de  Franche,  Nnnpoor- 
quant  il  n'en  fist  mies  trop  grant  compte,  car'  ghaires  n'amimit 
à  che  donc  les  Englès  ne  leur  puissanche.  P  22  v". 

P.  183,  1.  25  :.  preecie.  —  Ms.  d Aiment  :  Ossi  li  Sains  Pères 
li  deffendi  et  dispenssa  et  tous  chîaux  qui  le  Crois  avoient  pris. 
F»  22  V. 

P.  123,  I.  26  :  pourveances.  —  Ms.  dArmens  ;  Et  furent  les 
pourveanches ,  qui  à  Marselle,  à  Aigreroortes,  à  Nerbonne  et  an 
port  de  Lates  estoiept,  ailleurs  emploiiées.  F*  22  V. 

P.  123,  1.  29  :  li  rois.  — Mt.  d'Amitm  :  Et  quant  li  roys  d'En- 
gleterre  vit  entainet  si  grandement  les  coers  de  teli  troii  grans 
seigneurs  comtue  diil  estoient,  en  recomrortaut  ses  besningnes, 
^  en  fu  plus  liés  et  tous  ses  conssaus.  Et  se  fondèrent  en  partie 
sus  les  parollez  et  advis  dou  comte  de  Haynnau,  et  conseillièreDl 
au  roy  que,  s'il  volsbt  envoiier  hasteement  deviers  le  roy  d'Ale- 
maigne  ung  prélat  et  deus  ou  trois  grans  banins  et  sagez,  pour 
aidier  à  tretier  ceste  besoingne  et  pour  savoir  quel  samblant  li 
dessus  dis  en  feroit,  il  le  fist.  Et  en  fu  cargiés  especialmenl  li 
evesque  de  Lincolle',  qui  vollentiers  et  liemeni  entrepris!  le  voîaige 
pour  l'amour  dou  roy.  Et  avoecques  lui  allèrent  messires  Richars 
de  Stamfort,  li  sire  de  le  Ware  et  li  sires  de  Mullonne*.  Et  mon- 
tèrent en  mer  ou  havene  de  Tamisse  à  Londres,  et  singlèreni 
tant  qu'il  arivèrent  en  Hollandes  à  Dourdrech  ;  et  fissent  mettre 

1.  Ml.  de-  falacieBita  .-  Car  II  eitoit  grans  et  plÛMaiu,  et  pan  doob' 
toit  1>  puiHance  de»  Eoglè».  F«  lA  v». 

2.  itid.  :  Nicolle.  F«  45.  —  3.  Ihid.  :  Hîtonne. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[i3;i7]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE.  §  SI.  369 

lors  chevaux  et  leur  harnas  hors  des  nefs,  et  se  rafreschirent  là 
par  deus  jours.  Au  tierch,  s'en  partirent  et  chevaucièrent  tant 
par  leurs  journées  qu'il  vini'ent  à  0>Dvalence,  là  où  li  Emperères 
et  li  Empereb  se  tenoient,  qui  les  messagiers  le  roy  d'Ëngleterre 
rechurent  à  grant  joie. 

Loeis  de  Baivière,  rois  d'Allemaigne  et  empereurs  des  Roum- 
matDs  pour  le  tamps,  n'uvott  raies  adonc  en  trop  grant  chierete 
le  roy  de  France,  ensi  que  li  coer  sont  de  divierses  oppinions  ; 
et  se  acorda  assés  tas  à  comforter  et  cunseillier  le  roy  d'Engle- 
terre.  Et  respondi  us  messagiers  englès,  si  tost  comme  il  eurent 
dit  ei  complet  che  pour  quoy  il  estoient  là  venut,  que,  seloncq 
l'ordounnanche  d'Allemaigne',  li  roys  d'Engleterre  avoit  graat 
droit  à  le  courounne  de  France;  et,  puisque  li  rois  eoglès  se  re- 
traioit  deviers  lui  par  liablete,  et  pour  sen  droit  aidier  à  soustenii' 
et  à  garder,  il  ne  l'en  devoit  mes  faillir  :  a  Si  dires,  ce  dist  li 
Emperères,  au  roy  d'Engleterre  que  fiablement  il  me  viègne  veoir, 
et  juer  et  esbattre  dalles  moy  ;  si  s'aquintera  des  AUemans  qui 
bien  en  ceste  besoingne  le  polront  aidier,  et  je  l'en  aideray  à 
aquintier.  n  Li  evesque  de  Lincolle  et  li  chevalier  d'Engleterre 
furent  de  ces  responsoes  tout  joyant,  et  se  partirent  amiablement 
de  l'Empereur  et  de  l'Ëmpereis  madamme  Margherite  de  Hayn- 
nau,  qui  au  partir  en  eurent  biaux  dons  et  gransjeuiaux'.Et  s'en 
revinrent  arrière  en  Engleterre,  et  recordèrent  au  roy  coumment 
il  avoient  esploitié  ;  et  donnèrent  au  roy  lettres  de  par  l'Empe- 
reur et  aucuns  seigneurs  de  l'Empire,  telz  que  le  marchis  de 
Misse  et  d'Eurient,  le  marchis  de  BlanquebouTch  et  l'archevesque 
de  Maiienche  et  celi  de  Couloigne.  Si  trouva  li  roys  en  leurs  es- 
cripsious  salus  et  amiste's  et  touttes  proummesses  de  confort.  De 
quoy  il  fu  moult  resjays,  et  bien  y  eut  cause 

En.  ce  tamps,  se  tenoit  li  comte/.  Loeys  de  Flandrez  à  Gand,  et 
tenoit  à  amour  les  Flammens  ce  qu'il  pooit;  car  li  roys  de  Fran- 
che l'en  priuit  et  li  enjoindoit,  et  qu'il  gardast  bien  les  fron- 
tières de  le  mer  à  che  costet ,  par  quoy  li  Englès  n'y  ewissent 
nul  avantaige,  Chilic  comtes  de  Flandres  estoit  bons  Franchois 
et  loyaux,  et  moult  amoit  le  roy  Phelippe.  Et  bien  y  avoit  rai- 
son, car  li  roys  avoit  le  comte  remis  en  Flandres  par  puis- 
sance, quant  il  desconiï  les  Flammens  à  Cassiel,  sy  comme  vous 

1 .  JHi.  dt  yalentUniw  :  irlon  les  drois  de  riiini)ire.  F"  45  "". 

2.  liai.  :  pour  l'anour  de  »a  >oer,  lu  royne  d'Englelerrr, 


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370  CHRONIQUES  DE  J.  FROISS.\RT.  [1337] 

ave's  oy  chy  devant  en  Tystoire  del  couroanement  le  roy  Phe- 
lippe. 

Li  roys  d'Engleterrc,  qui  aqueroit  amis  a  tous  lés  pour  ses  be- 
soingnes  cnbellir,  entendy  que  li  comtes  de  Flandres  tenoit  cou- 
vertement  saudoiiers  et  escumeurs  sur  mer,  qui  costioient  à  le 
foix  ËDgleterre;  et  quant  il  veoient  leur  plus  biel,  si  s'abandon- 
noient  à  gaignier  ung  vaissiet  ou  deux,  se  il  le  trouvoient.  Doot 
mist  li  roys  d'Engletcrre  gens  sur  mer,  pour  son  pays  et  les  mar- 
cheans  deffendre  et  garder  des  periix  as  escumeurs  de  mer.  En- 
coires  fist  li  roys  englcs,  par  l'ordouonanche  de  son  consseil  et 
pour  constraindre  les  Fbmmens  et  mettre  en  son  dangier,  dore 
tous  les  pas  d'Engletcrre  et  detfendre  que  nuli  ne  envoiast,  veo- 
desist  ue  amcnast  nulles  lainnes  englescez  en  Flandres,  ne  as 
Flammens,  alSn'  que  il  n'ewissent  de  quoy  drapper.  Et  les  fist  li 
roys  touttes  en  son  non  nchater  et  amener  en  certains  lieux  pour 
lui  et  sur  lui  et  ses  gens  paiier.  Mais  nulles  n'en  venoieut  en 
Flandres,  dont  li  dt-apperie  et  li  gaagne  dou  mestier  commencha 
moult  à  afoiblir  et  à  amenrir  et  moult  de  menues  gens  à  apovrir, 
car  on  n'avoit  en  Flandres  de  quoy  drapper,  et  sans  le  drapperie 
c'est  ungs  pays  qui  petitement  se  puet  déduire.  Et  wuidoient  li 
honnest  homme  del  comté  de  Flandrez  et  venoicnt  en  Haynnau', 
en  Artois  et  en  Cambresis,  mendiant  i>ar  dcHaulte  dou  gaignage. 
Et  mandoit  bien  ti  roys  d'Engletcrre,  tous  les  jours,  as  Flammens 
que  il  leurtoroit  leur  prouffit  et  le  marchandise,  s'il  n'estoient  de 
son  accord.  De  quoy  les  bonnes  villez  de  Flandres  eurent  par 
pluiseura  fois  moult  de  parlemens  enssanble,  assavoir  coumment 
il  s'en  maintenroient.  Et  volsissent  bien  li  aucun  que  il  leoissent 
à  amour  le  roy  d'Engletcrre,  car  plus  de  proufSt  leur  pooit  venir 
de  ce  costct  que  de  Franche.  Mes  li  comtes  de  Flandres  leurs 
sires  estoit  le  plus  à  leurs  conssaux  et  parlemens,  et  brisoit  tous 
les  proupos  qui  bons  estoîent  au  commun  proufit  dou  pays,  en 
tant  que  d'estre  contraire  à  le  courounne  de  Franche. 

Encorres  n'y  avoit  entre  les  dcus  roys  ntillez  deffianches,  fors 
que  murmurations  et  suppisious  de  guerre.  Et  posessoît  encoirez 
li  rois  d'Engleterrc  le  comté  de  Pontieu,  qu'il  tenoit  de  par 
medamme  se  mère,  et  pluiseurs  terrez  ailleurs  en  Gascuingne  et 

1.  3/i.  de  yaUncienntt  ;  affiii  que  le  comiuua,  qui  D'uoient  de  quoy 
ouvrer,  se  couroufaiMent.  F°  li&  v, 

2.  iiid.  !  en  Hajiuiau,  en  Brabaut,  eu  Artois. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1337}       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  87.  371 

en  Nonnendie.  Et  vous  di  Inen  pour  certain  que  il  avoit  pluiseurs 
jmiagiDasions  &us  ceste  emprise,  quoj'que  messires  Robiers 
d'Artois  !i  consseillast  et  fust  sus  ie  col  qu'il  y  envoiust  son 
hoummaige  au  roy  Phelîppe  et  le  deffiast  appcrtement,  car  li  roy 
d'Engleterre  sentoil  son  royatimme  petit  ou  regard  del  royaumme 
de  Franche  :  si  voloit  ceste  cose  faire  par  grant  delibei'atinn  et 
bon  advis  de  consseil,  ainchots  que  il  esmeuist  cose  où  il  pewist 
recepvoir  point  de  dounimage. 

Or  avint  ensi  que  li  papes  Benedich  et  li  collèges  de  Romme, 
qui  lors  se  tenoicnt  en  Aviguon,  par  le  promotion  et  pourcach 
d'aucuns  bonnes  gens,  seigneurs  et  dummes,  de  quoy  g'i  oy 
noununer  le  roy  de  Behaingne,  le  ducq  de  Lorainne,  le  comte  de 
Bar  et  le  comte  de  Namur,  et  medamme  Jehanne  de  Vallois, 
comtesse  de  Haynnau,  et  madamme  la  comtesse  de  Soissons, 
femme  A  monsieur  Jehan  de  Haynnau,  et  medamme  de  Garanez, 
soer  au  comte  de  Bar,  qui  estoît  mariée  en  Engleterre  au  comte 
de  Pennebrucq,  qui  les  perilz  et  les  ghcrrez  redoubtoicnt  entre 
leur  prochains  de  France  et  d'Engleterre  et  les  mcsavenucs  qui 
venir  en  pooient,  envotièrent  deus  cardinaux  à  Paris  pour  tretier 
deviers  le  roy  Phelippe  que  il  se  volsîst  acorder  à  che  que  uns 
parlemens  des  deux  roys  se  fesist  et  mesist  enssamble  de  leurs 
plus  grans  barons  et  plus  sagez,  et  oyssent  les  Franchois  les  de- 
mandez dou  roi  d'Engletei'i'e  ;  et  se  aucuns  dr<)is  avoient  en  l'ire- 
taige  de  Franche,  par  le  bon  avis  de  chiaux  qui  cargiet  en  se- 
roient,  satifation  et  apaisemens  l'en  fuissent  fais.  Tant  traitièrent 
li  cardinal  au  roy  de  Franche,  avoecq  leurs  bons  moiiens,  que  il 
s'asenti  ad  ce  que  parlemens  s'en  fesist.  Et  fu  ceste  cose  tant  dé- 
menée que  li  rois  d'Engleterre  s'i  acorda  ;  et  devoit  cnvoïier  à 
Vallenchiennes  gens  souGBssans  pour  lui,  à  oyr  et  respondre  as 
ententes  des  Franchois.  Et  li  rois  de  France  devoit  ossi  là  en- 
voiier  gens  de  pir  lui,  bien  fondés  et  advisesde  respondre  as  op- 
pinions  et  demandes  des  Englès.  Et  dévoient  chil  y  estre  puissant 
d'acorder  les  deus  roys,  pur  l'avis  et  consseil  dou  comte  Guil- 
laumme  de  Haynnau,  devant  qui  touttes  les  besoingnes  seroient 
|)roposées. 

Adonc  envoya  li  roys  d'Engleterre  par  dechà  le  mer  dix  che- 
valiers banerès  de  sen  pays  et  dix  autres  et  l'evcsque  de  Lïncolle 
etcesti  deDurem;  et  vinrent  à  Vallenchiennes,  et  se  représentèrent 
au  comte  qui  les  rechupt  à  joie.  Et  faisoient  chil  seigneur  d'En- 
gleterre grans  très  et  grans  despens,  et  tenoient  bon  estât  et  tant 


DiqitizeabyG00»^lc 


374  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1337] 

de  larghèches  qu'il  en  acquisent  grant  grasce.  En  ce  meysme 
temps,  fisi  li  comtezde  Il.iynnau  Guillaumme  son  fil  chevaliei^à 
le  Salle,  à  Vallcncliiennes.  Et  y  eut  grant  Teste  et  grant  joustes 
des  Englès  et  des  Haynnuyers  et  des  Braibenchons  ;  et  fa  à  une 
Pentecfluste,  l'an  mil  trras  cens  trente  et  six.  Assés  tost  apriès,  fu 
(es  li  mariaiges  de  ce  jouène  seigneur,  le  fil  dou  comte,  à  me- 
damœe  Jehanne,  ainnée  fille  au  duc  Jehan  de  Braibant. 

Ehissi  se  tenoient  chil  seigneur  d'En^eterre  en  Vallen<^ieiuies 
et  aloient  de  l'un  à  l'autre,  et  suuvent  visetant  le  comte  Guil- 
laume de  Haynnau ,  qui  par  heures  estoit  maut  agrev^  de  le 
maladie  des  gouttes,  et  se  logait  en  l'ostel  de  Hollandes.  Et  atea- 
doient  chil  signeui'  les  barons  et  seigneur  de  Franche  que  li  rois 
Phelippes  y  devoit  envoiier  et  point  ne  venoient,  dont  il  estoieni 
durement  esmervilliet  à  quoy  ce  tenoit  qu'il  ne  venoient.  Si  en 
parlementèrent  par  pluiseurs  fois  ensamble  et  devant  le  conile 
auquel  il  priièrent  que  il  volsist  medamme  la  comtesse  sa  femme 
et  monseigneur  Jehan  de  Haynnau  son  frère  euviers  le  roy  de 
Franche  envoiier,  pour  savoir  à  quoy  il  tendoit,  ne  que  il  esperoit 
ne  voltoit  faire.  Si  empria  li  dis  comtes  madamme  sa  femme  et 
le  seigneur  de  Biauraont,  son  frère,  que  il  volsissent  aller  en  cbe 
voiaige;  et  il  K  acordèrent  vollentiers. 

Lors  se  partii'cnt  de  Haynnau  medamuie  Jehanne  de  Valloiset 
messires  Jehan  de  Biatmiout;  et  chevauchièrent  en  bon  arroyde- 
viers  Franche ,  et  tant  esploitièrent  par  leurs  journées  qu'il  vin- 
rent k  Paris.  Et  là  trouvèrent  il  le  roy  qui  lez  rechupt  à  joie;  el 
festia  et  honnoura  moult  madamme  sa  soer  et  monseigneur  Jehan 
de  Haynnau.  Adonc  disent  il  au  roy  le  matère  ijour  quoy  il  es- 
toient  là  venu;  et  que  en  partie,  pour  sen  honneur  escuzer  et  le 
consseil  d'Engleterre  apaisier,  qui  à  grans  fret  sejoumoient  en 
Vallenchiennes  et  là  environ,  li  comtes  de  Haynnau  tes  avoil  eo- 
voiiés.  Dont  respondy  li  roys  de  France  et  dist^;  b  Ma  belle  soer 
et  vous,  sires  de  Biaumont,  voirs  est  que,  par  aucuns  moiiens  et 
especialmeni  des  gens  de  l'église  qui  de  ce  se  son!  euscmniiel. 
[je  m'acorday*]  ad  ce  que  d'envoiier  à  Vallenchiennes  aucuns 
noble/. de  mon  royaumme,  pour  parlementer  asEnglèz.Or  me  sool 
depuis  autres  DOUvelleE  revenues  ;  et  ay  eu  pluiseurs  parlemens  de 
mes  plus  es|)eciaulK  amis  sur  ces  besoingnes.  De  quoy,  tout  catt- 
sideré  et  ymaginë  lez  affaires ,  j'ay  trouvet  en  mon  consseil  que 

1.  Ms.  de  Vatenciennes,  ("  kS-  —  M*.  d'Amiens  (lacune). 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1337]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  37.  373 

de  là  envoiier  je  ne  sui  en  riens  tenus;  et  que,  se  je  le  Taisoie  ou 
ewisse  fet ,  cbe  euist  estet  ou  seroit  à  mon  blamme  et  grande- 
ment  au  prejudîsce  de  mon  royaumme.  Car  li  roys  d'Engleterre 
n'a  nul  droit  de  calenge ,  ne  de  partir  à  mon  hiretaïge  :  j'en  sui 
en  possession  et  y  fui  mis  par  Tassent  et  acord  et  le  élection  des 
douze  pères  de  Franche,  des  barons,  et  le  consseil  et  acord  des 
prelas  et  bonnes  villez.  Si  tenrav  pour  my,  et  te  deHenderay  à 
mon  pomr  contre  tout  homme.  Et  ces  raisons  j'ay  envoiies  pro- 
poser devant  le  Saint  Père  el  le  collège  de  Romme.  qui  asses  bien 
maintenatit  s'en  ctmtentent;  et  ne  troeve,  par  nul  clercq  de  droit, 
que  j'en  doie  autre  cose  faire,  ■  A  ces  parolles  respondi  madamme 
Jehanne  de  Vallois,  qui  les  perilx  dpubtoit  entre  son  frère  le  roy 
et  son  fil  le  roy  d'Engleterre,  et  dist  :  «  Monseigneur,  je  ne 
tieng  mies  que  11  roys  d'Engleterre  tire  ne  voeil  tendre  ne 
entendre  dou  tout  entirement  à  le  courounne  de  Franche.  Mes 
se,  par  proismete  de  medamme  se  mère,  il  y  a  aucuns  drnix,  et 
qu'il  n'ait  point  estet  bien  partis  des  hiretaigez,  salve  vostre  lion- 
near  amenrir,  vous  feries  bien  se  vous  y  voiliez  regarder,  par 
quoy  vous  demorissiés  bien  amie  enssamble.  Car,  se  Dieux  me 
vaille ,  la  gherre  et  la  haynne  entre  vous,  qui  esteï  li  doi  plus 
grunt  roy  de  tout  le  monde,  y  serf)it  trop  mal  séant.  Si  vous  pri 
chieremcnt  que  vous  voeilliés  descendre  ad  ce  que  je  soie  oie;  et 
que  vous  envoiies  vostre  consseil  à  VallenchienaeSn  pour  aprochier 
toutte  bonne  amour  entre  vous  et  le  roy  d'Engleterre.  >  Lors  res- 
pondi li  roys  de  Franche  qu'il  en  aroit  advis. 

Sus  ceste  darrainne  responsce,  se  départirent  del  roy  la  com- 
tesse de  Haynnau  et  messires  de  Biaumont .  et  revinrent  à  leurs 
hostelx;  et  laissièrent  depuis  1c  roy  de  Franche,  par  l'espasse  de 
trois  jours,  adviser  et  conseitlier.  Liquelx  fînablement  ne  trouva 
point  en  son  consseil  que  il  y  envoiast,  car,  se  il  le  faisoit,  il  don- 
roit  à  entendre  au  roy  d'Engleterre  que  il  aioit  aucun  droit  en 
ceste  querelle;  et  tout  ensi  en  respondi  à  sa  soer  et  au  seigneur 
de  Biaumont.  Et  quant  il  vii'ent  qu'il  n'en  aroient  autre  cose,  si 
prissent  congiet  au  roy  et  se  partirent  de  lui  ;  et  s'en  repairièrent 
arrière  en  Haynnau,  et  tout  droit  à  Vallenchiennes.  Et  trouvèrent 
le  comte  en  l'ostel  de  Hollandes ,  à  qui  il  disent  et  recordèrent 
leurs  nouveliez.  Et  quant  li  comtez  les  oy,  il  manda  lez  Englès 
et  fist,  présent  yaux ,  à  madamme  se  femme  et  à  monseigneur 
Jehan  son  frère,  dire  et  compter  tout  che  qu'il  avoient  trouvet 
en  Franche.  Si  en  furent  li  Englès  bien  esmer%'illiet  et  malcon- 


DiqitizeabyG00»^lc 


374  CHRONIQUES   DE  J.  FROISSART.  [1337] 

tent  sus  )e  roy  de  France  et  son  consseil ,  mais  il  ne  te  peurent 
amender.  Lors  demandèrent  consseil  au  comte  de  Haynnau  qu'il 
en  estoit  bon  arfaire.  Et  li  comtes  leur  respoodi  qu'il  savoient 
bien  sur  quel  estât  il  estoient  parti  dou  roy  leur  seigneur  et 
que  seloncq  ce  il  s'avisasent,  ou  il  desissent  touttez  leurs  en- 
tentions  ou  au  plus  priés  que  dire  le  poroient ,  il  les  en  aîderoit 
vollentiers  à  conseillicr.  Adonc  rcspondi  li  evesques  de  Lincollc 
et  dist  ensi  :  a  Sire,  c'est  li  entention  (tel  roy  nostre  seigneur 
et  de  son  plus  especial  consseil  de  par  delà  que,  se  li  roys  de 
Franche  ewist  chy  envoiiet  barons,  prelas  et  son  consseil  de  par 
lui,  et  nous  n'ewissicns  estet  d'acord,  que  nous  seitissiens,  pré- 
sent vous,  quel  affection  li  seigneur  de  l'Empire,  qui  comfort  et 
ayde  li  ont  proummis,  ont  de  lui  aîdier,  par  quoy  il  se  pourvetst 
seloncq  che  ;  car,  nous  revenu  en  Engleterre,  il  ne  vora  point 
picntet  séjourner  qu'il  ne  guérie.  Or  en  i  a  chy  aucuns  de  l'Em- 
pire; et  tout  n'y  sont  mies  chil  que  nous  voulions  avoir  et  veoir. 
Si  venions  volentiers  qu'il  fuissent  mandct  au  title  de  vous  et  de 
nous  ossi,  et  ewissiens  parlement  enssamblc,  par  quoy  iiostre  voie 
fuist  cmploiiée  en  aucunne  raannière.  ■  Lors  respondi  li  comtez 
de  Haynnau  et  dist  :  a  Vous  parlés  bien,  et  c'est  une  bonne  voie; 
si  le  ferons  enssi,  et  sans  séjour,  s 

Dont  escripsirent  et  d'un  acord  li  comtez  de  Haynnau  et  li 
baron  d'Engleterre,  comme  messgier  de  jiar  le  roy  englès,  à  au- 
cuns seigneurs  de  l'Empire  et  à  telï  comme  au  comte  '  de  Guér- 
ies, au  marchis  de  Jullers,  à  l'arcevesque  de  Couloigne,  à  mon- 
seigneur  Gallcrant  son  frère,  au  marchis  de  Blancquebourch,  que 
il  volsissent  venir  en  Haynnau  et  jusques  à  Vallenchiennes  devant 
le  comte,  à  ung  parlement  qui  eslre  y  devoit.  Chil  qui  priiet  en  fu- 
rent, ne  se  vorent  point  escuzer;  et  rescripsirent  qu'il  y  seroient 
bien  et  vollentiers,  au  jour  qui  ordounnes  y  estoit.  F°*  Î2  et  23. 

Ms.  lie  Rome  :  Avisé  fu,  .telle  fois  fu,  ou  conmencement  de  lor 
consel,  (pie  li  rois  d'Engleterre  passeroit  la  mer  à  une  qantitë  des 
nobles  de  son  pais,  et  venroit  en  Hainnau  et  en  Braibant,  en  Ger- 
les  et  en  Jullers.  Et  feroit  ils  meismes  tous  ces  pourcas  par  le  con- 
sel que  il  aueroit  de  son  grant  signeur  le  conte  de  Hainnau.  Et 
puis  fu  chils  consauls  brissiés.  Et  regardèrent  chil  qui  le  (xmsC- 
loient,  que  il  n'i  avoit  encores  que  faire  jusques  à  tant  que  on 
aueroit  tretic  devicrs  euls,  et  que  on  saueroit  k  volent^  des  Ale- 

1.   »i.  Je  raUncieanei  :  duc  de  Guéries.  V"  liQ. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1337]       VARIAMES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  r.T.  :i7r> 

mans.  Si  furent  ordonné  li  eve^^ues  de  LincoUe  et  li  evesques  de 
Durem,  li  contes  de  Sasiabcri,  li  contes  d'Arondiel,  li  contes  de 
Northantonet  li  contes  de  Warvich,  messires  Benauls  de  Gobehen, 
messires  Richars  de  Stanfort ,  li  sires  de  Felleton  et  li  sires  de 
Sulli,  à  passer  la  mer  et  venir  à  Valenchiennes  et  parler  au  conte, 
et  faire  apriès  son  consel,  et  tretiier  au  duch  de  Braibant  et  à  tous 
ceuls  desquels  il  poroient  estre  aidié  et  conforte. 

Si  ordonnèrent  tout  chil  signeur  lors  besongnes,  et  cargièrent 
lors  vassiaus  sus  la  rivière  de  la  Tamise  de  tout  ce  que  il  lor  be- 
songnoil.  Et  esloit  lor  intension  que  de  prendre  terre  en  Anwiers, 
car  point  ne  voloient  passer  par  France.  Et  en  portoient  chil  si~ 
gneur,  en  deniers  tous  apparillés,  cent  mille  florins,  pour  tenir 
lor  estât  et  pour  donner  des  dons  là  où  il  aperlenrnient  à  faire, 
car  bien  siivoient  que  Alemant  sont  durement  convoiteus  et  ne 
font  riens,  se  ce  n'est  pour  les  deniers.  Qant  toutes  lors  beson- 
gnes furent  aparillics  et  li  vassiel  cai^iet,  il  entrèrent  dedens  et 
esqipèrent  en  mer,  et  ancrèrent  de  ceste  marée  devant  Grave- 
saindes.  Et  qant  la  mer  fu  revenue ,  il  desancrèrent  et  se  dé- 
partirent] et  orent  vent  h  volenté,  et  entrèrent  en  la  mer  et  sin- 
glèrent.  Et  ne  furent  depuis  que  deus  jours  sus  mer  que  il  vinrent 
à  Dourdresc,  en  Hollandes  ;  et  là  issirent  il  des  vassiaus,  et  furent 
li  bien  venu  en  la  ville.  On  mistbors  les  chevaus  petit  à  petit,  et 
se  rafresqirent  en  la  ville  de  Dourdresc  quatre  jours;  et  se  pour- 
veirent  de  chevaus  chil  qui  nuls  n'en  avoient.  Et  qant  toutes  lors 
besongnes  furent  prestes,  il  se  départirent  en  grant  arroi.  Et 
moustroient  bien,  à  lestât  que  il  tenoient,  que  il  avoient  or  et  ar- 
gent assés  ;  et  cevaucièrent  à  petites  journées,  et  à  grans  despens. 
Et  ne  s'arestèrent  chil  signeur  nulle  part,  si  furent  venu  à  Valen- 
chiennes; car  de  tout  ce  que  il  avoient  à  faire,  il  se  voloient  or- 
donner de  par  le  conte  de  llainnau. 

Qant  il  furent  venu  à  Valenchiennes,  il  se  logièrent  à  leur  aise 
et  i  furent  recheuà  joie.  Et  les  regardoicnt  toutes  gensà  mervelles, 
pour  le  grant  estât  que  il  tenoient;  car  il  n'cspargnoient  nulles 
riens,  non  plus  que  argens  lor  apicuist  des  nues,  et  acatoient 
toutes  coses  le  pris  que  on  lor  faisoit.  Dont  il  avint  que,  qant  li 
signeur  qui  la  ville  de  Valenchiennes  gouvrenoient  pour  ce  temps, 
en  veirent  la  manière,  il  missent  par  ban  et  sus  painne  à  toutes  co- 
ses fuer  et  pris  raisonnable,  et  tant  que  li  Enginis  s'en  contentèrent 
grandement.  Et  estoit  li  evesques  de  Lincole  logiés  as  Jacobins, 
et  li  evesques  de  Durem  as  Frères  Meneui-s. 


DiqitizeabyG00»^lc 


376  CHRONIQUES  DE  J.    FRÛISSART.  [1337] 

Pour  ces  jours,  estait  de  tous  poîns  alites  li  contes  Guillaumes 
de  Hainnau  de  la  maladie  des  goûtes,  maïs  il  avoit  tous  ses  sens 
avoecques  lui  ;  et  aussi  naturelment  donnoit  bon  consel  que  onques 
fait  il  avoit  en  devant  sa  maladie.  Et  Turent  cliil  signeur  d'Engle- 
terre  requelliet  moull  doucement  de  li  et  de  la  contesse  sa  fenme, 
et  de  Guillaume  lor  fil  et  de  mcssire  Jehan  de  Hainnau.  Et  aloient 
li  dit  signeur,  tant  des  prelas  comme  des  barons,  veoir  le  coate  et 
parler  à  lui  des  besongnes  }>our  lesquelles  il  estoient  là  envoiict.  Et 
li  contes  les  en  consilloit  Iniaument  à  son  pooir  ;  et  à  tous  lors  con- 
sauls  estoit  apellés  messires  Jehans  de  Hainnau,  c'estoit  raisons, 
conme  honme  de  fief  et  d'onmage  et  de  foi  et  sleremeot  au  rai 
d'Engleterre.  F*  38. 

P.  124,  1.  24  :  de  Haynau.  —  Afs.  de  Rome  :  et  de  la  con- 
tesse et  de  son  fd.  F°  38  y'. 

P.  124,  1.  27  :  de  Lincolle.  —  Ms.  de  Rome:  et  li  contes 
d'Arondiel  et  li  contes  de  Norbantonne  et  messires  Renauls  de 
Gobehen  et  messires  Rlchars  de  Stanfort  et  des  aultres  signeurs 
d'Engleterre.  F"  38  V. 

P.  124,  I.  28  ;  se  traisent.  —  Mt.  de  Rame;  à  Louvaing,  de- 
viers  le  duch  Jehan  de  Braibant.  F"  38  V. 

P.  128,  I.  1  :  faire.  —  Ms.  de  Rome  :  Et  avoit  adonc,  entre  li 
et  le  roi  Phelipjie  de  France,  un  grant  disferent.  F*  38  v°. 

P.  128,  I.  8  ;  florins.  —  Ats.  de  Rome  :  que  il  devoit  avoir 
pour  li  et  pour  ses  gens.  F°  38  v». 

P.  123,  I.  12  :  nommés.  —  JUs.  de  Rome  :  se  en  propre  per- 
sonne il  ]>assoit  la  mer,  à  nulle  hiaumes  couronnés.  F*  38  v*. 

P.  J23,  I.  15  :  l'ystore.  —  Ms.  de  Rome  :  Chil  seigneur  d'En- 
gleterre, qui  poissance  avoient  de  tout  ce  faire,  car  li  rois  Ibrs 
sires  lor  avoit  donnet,  escripsirent  et  seelèrent  touttes  ces  con- 
venances et  ce  que  li  dus  de  Braibant  volt.  Et  retournèrent  en 
la  ville  de  Valenchiennes,  et  recordèreni  an  conte  de  Hainnau 
conment  il  avoient  esploitié.  Desquels  esplois  li  comtes  fii  tous 
resjois  et  lor  dist  :  a  Biau  signeur,  puisque  vous  avés  d'acord  le 
duch  de  Braibant,  c'est  uns  grans  sires  et  sages,  et  bien  amés  de 
tous  ses  voisins.  Je  cs|>oipe  que  vous  auerés  assés  legierement  le 
conte  de  Gerlles,  le  marchis  de  JuUers,  l'arcevesque  de  CouIoD- 
gne,  mesire  Emoul  de  Baquehen,  le  signeur  de  Fauquemont  et 
tous  les  Alemans  :  il  convient  tretiior  doviers  euls.  ■  F°  38  V. 

S  K8.   P.   125,  I.   19  et  20  :    l'argent.   —  Itft.  de  Rome  : 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1337]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  58.  377 

car  ce   sont  coses   qui    moult  i  valleat  et    pueent.    F"  38   v* 
et  39. 

P.  I2ff,  I.  20  et  21  :  dus  Guéries.  —  Mi.  WAmiem  ;  li 
cnmtez  de  Guerlez.  F"  23  V.  —  Ms.  dé  Rome  :  ii  contes  RenauU 
de  Gerles.  F*  39. 

P.  12R.  I.  33  :  Faubemont.  —  Le  ms.  <t  Amiens  ajoute  :  li 
marchis  de  BlaDcquebourch,  li  sirez  de  Duvort.  messires  Ernoux 
de  Babehen',  li  comtes  des  Mons  et  li  sirez  de  Kuk  ou  lieu  dou 
duc  de  Braibant.  F»  23  v".  —  Ms.  de  Rome:  et  pluisseur  aultre 
chevalier  desus  le  Rin  et  fort  ruste.  F°  39. 

P.  125,  1,  ïik  :  Valenciènes.  —  Ms.  d Amiens  :  par  l'espasse 
de  trois  sepmainncz.  F"  23  v".  —  Ms.  de  Kalenciennes  :  plui- 
seurs  jours.  F"  50. 

P.  125,  I.  29  :  France.  —  Ms.  de  Rome  :  silos  que  il  saue- 
roient  que  li  rois  d'Engleterrc  l'aueroit  deSiiet,  ou  au  plus  tart 
un  mois  aprîès.  F*  39. 

P.  126,  1.  1  :  couronnés.  —  Ms.  de  Rome  :  car  pour  lors  on 
ne  parloit  point  de  lances  ne  de  bachînés,  fors  de  hiaumez.  Or 
sont  les  coses  transmuées  aultremeat,  'et  encores  se  transmue- 
ront. F»  39. 

P.  126,  I.  11  :  le  pourquoi.  —  Ms.  d Amient  :  Et  disent  li 
Allemant  que,  ou  non  de  Dieu,  li  consseil  d'Engleterrc  esmeuissent 
leur  roy  à  che  que  il  passast  le  raer  et  venist  en  Anwers,  tanL 
que  il  le  pewîssent  veoir  et  oyr;  car  il  en  avoient  grant  désir,  ^ 
ses  besoingnes  en  vauroient  mieux.  F"  23  v°. 

P.  126,  J.  12  :  pays.  —  Ms.  de  Rome  :  Vous  devés  sçavoir. 
et  c'est  cose  legière  à  croire,  que  de  toutes  ces  besongoes,  de 
ces  aliances  des  Alemans  el  des  séjours  que  chil  signeur  d'En- 
gleterre  faisoient  en  Valenchienncs,  et  de  lestât  que  il  i  tenoient, 
li  rois  Phelippes  estoit  enfoiirmés.  Mais  il  n'en  faisoit  compte, 
réservé  ce  que  il  li  desplaisoit  trop  grandement  de  ce  que  li 
voiagcz  d'outre  mer  en  seroit  retardés;  et  se  contentoit  moult 
mal  dou  conte  de  Hainnau,  son  serouge,  de  ce  que  il  soustenoit 
en  son  pais  ceuls  qui  11  voloient  porter  damage,  et  disoit  bien  : 
0  Mon  frère  de  Hainnau  marceande  de  avoir  son  pais  de  Hain- 
nau ars  et  courut,  i  F*  39. 

P.  126,  1,  29  :  apriès.  —  Ms.  d  Amiens  :  Endementroes  que 
li  roix  d'Engleterre  sejournolt  à  Wesmoustier  dalé»  Londrez,  da- 

l.  Ml.  Je  Veltncirimfi  :  Emoutt  de  Bakem.  V°  50. 


;vGoo»^lc 


378  CHRONIQUES  DE  J.  FBOISSART.  [1338] 

lés  lui  son  cousin  le  comte  de  Lancastra,  messire  Robert  d'Ar- 
tois, le  cnmte  de  Pennebmcq,  le  comte  de  Kent  et  pluiseurs  au- 
tres, et  par  uns  paskéres  que  on  compta  l'an  mil  trois  cens  trente' 
et  sept,  le  treizième  jour  i'nvril,  et  avoit  ndonc  tenut  court  ple- 
nière  ea  son  palais  à  Wesmoustier,  le  mardi  de  ceste  Pasque  as- 
sés  matin,  vint  ungs  liiraux  bien  conncu  dou  roy  et  des  baixHis; 
et  estoit  cnglèz,  et  l'appellnit  on  Cardoeil,  car  li  roys  meysmez 
r avoit  jadis  fa"it  hiraut  en  ces  voiaiges  d'Escoce,  et  li  avoit  doun- 
net  ce  non.  Chilz  hiraus  avoit  demouré  hors  d'Engleterre  jà  par 
l'cspasse  de  cinq  ans,  travtllans  le  monde  ;  et  avoit  estet  en 
Prusse,  en  Ifflant,  au  Saint  Sépulcre,  et  retourné  par  ces  biaux 
voiaiges  en  Barbarie  et  revenu  en  Espaingne.  Et  avoit  demouret 
dallez  le  roy  d'Espaingne,  ung  grant  temps,  sus  le!i  voiaiges'  de 
Grenade,  et  raportoit  lettres  dou  roy  d'Espaingne  au  roy  d'En- 
gleterre.  Si  estoit  revenus  le  droit  chemin  par  Navare  et  par 
Gascoingne,  et  le  terre  que  li  rois  englès  tient  de  sen  hïretaige 
en  ce  pays  de  Gascoingne  :  si  avoit  yllocc  trouvât  grans  gherrez 
et  grant  esmouvemens  de  castiaux  dez  ungs  as  autrez. 

Et  jà  y  cstoient,  de  par  le  roy  de  Franche,  grant  fuisson  de 
seigneurs,  telz  que  le  cnmte  d'Ermignach,  li  comtez  de  Fols,  li 
comtes  de  Commines,  li  comtez  dauffin  d'Auvergne,  li  comtes  de 
Nerbonne,  li  senescaus  de  Toulouse,  mcssires  Floton  de  Reviel, 
li  sires  de  Biaugeu,  li  sirez  de  Toumon,  ly  sires  de  Bays  *,  li  sirei 
VB  Calençon  *  et  pluiseurs  autre/.  Et  avoient  fet  deus  sièges,  dont 
li  ungs  estoit  devant  une  fortrèce  c'on  clamoit  Penne  ',  et  li  au- 
tres devant  Slaves.  Et  constraind oient  moult  chiaux  de  Bour- 
diauK  par  le  rivierre  de  Gironde.  Et  disoicnt  enssi  li  sïgneur  de 
France  que  chiU  pays  estoit  fourfes  et  raquis  au  roy  de  Fran- 
che, par  sentense  ajugie  et  rendue  ou  jialab  à  Paris,  ensi  comme 
vous  ort's  chy  aprics.  Et  n'y  avoit  adonc  en  Gascoingne  nul 
homme  qui  se  meuist,  ne  fesist  fct  encontre  les  Franchois,  car  il 
n'estoient  mies  fort  asez  pour  résister  contre  yaux;  mes  se  te- 
noient  les  fortresses  touttez  closes,  et  se  defTendoient  à  leur 
pooir.  Et  avoient  le  dessus  dit  hirault  cargiet  et  priiet  que  il 
volsist  faire  bien  hastiement  ce  message  deviers  le  roy  s<m  sei- 
gneur. Et  li  avoient  li  seigneur  de  Gascoingne,  qui  pour  Englès 


1 .  3fs.  Je  VaUncieantt  :  l'an  TÎngl  stpt.  F»  50  "f".  Wauc 
a.  ibid.  :  è»  gueiT«i.  P"  51,  —  3.  Itid.  :  le  Baie. 
4.   Ibid.  :  Collenchw.  —  5.  Ibid.  :  Ppine. 


;vGoo»^lc 


[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  58.  379 

se  teaoient,  et  li  ville  de  Boordiaux,  cargiet  lettrez  de  créance  et 
eDfourniet  de  tout  ce  fel,  ensi  qu'il  estoit  avenus,  et  si  comme  je 
vous  diray.  Liquelx  hiraux  avoit  ^  bien  esploitiet  que  il  estoit 
montez  en  mer  en  le  ville  de  Baione,  qui  se  tient  englèce  ;  et 
estoit  venus,  en  cinq  jours  et  en  quatre  nuis,  ou  havene  de  Han- 
tonne,  et  puis  tant  chevauchiet  par  haghenées  que  en  jour  et 
dem)'  venus  à  Londres  où  li  roys  estoit,  et  iui  remoustr^s  et 
tou^s  ses  lettres;  et  s'engenilla  devant  le  roy,  si  comme  vous 
avés  oy.  Liquelx  roys  et  tuit  li  baron  orent  au  'premiers  grant 
joie,  car  bien  il  savoîent  qu'il  aroient  de  lui  pluiseurs  nouvellez. 
Quant  li  roys  englès  vit  le  hiraut  devant  lui  que,  grant  temps 
a,  n'avoit  veu,  se  dist  :  e  A  bien  viengne,  Cardoeil.  Or  nous 
dittez  de  delà  le  mer  et  des  lointains  pays  où  vous  aves  estet, 
depuis  que  nous  ne  vous  veymes,  car  moult  en  desirons  à  sa- 
voir, n  —  ■  Monseigneur,  dist  li  hiraiiT,  vous  lires  »u  ferés  lire, 
s'il  vous  plest,  ces  lettrée  ;  et  puis  je  vous  en  diray  de  pluiseurs, 
car  il  en  y  a  de  tellez  qui  moût  vous  touchent.  »  Lors  ouvri  li 
roys  aucunez  des  leltrez  et  regarda  ens  ;  et  vit  bien  qu'il  y  avoit 
autrez  coses  qui  touttes  ne  pooient  pas  estre  escriptez,  et  des- 
quelles li  hiraux  portoit  créance.  Et  vit  bien  li  roys  que  les  be- 
soingnes  par  de  delà,  en  Gascoingne,  n'estoient  mies  trop  bêliez 
pour  lui  ;  si  en  fu  de  tant  plus  hastieus  dou  demander.  Et  li  hi- 
raux li  dist  ensi  ;  a  Chiers  sirez,  il  est  ungs  chevaliers,  par  de 
delà  te  mer,  qui  s'apeUe  li  sires  de  Noielles;  et  est  chilz  poite- 
vins. Et  dist  et  maintient  que,  pour  pluiseurs  services  que  chUz 
fist  à  vostre  signeur  de  père,  dont  on  li  doit  le  somme  de  trente 
mille  escus'.  Et  l'en  fu  bailliet  en  crand  et  en  piège  li  ville  et 
castelerie  de  Condon*,  dont,  si  comme  il  dist,  il  ne  pooit  avoir 
nul  paiement.  Si  s'en  plaindl  au  roy  de  Franche,  et  moustra  ses 
lettres  ;  et  lu  remis  et  envoiiés  par  le  cambre  de  Parlement.  Et 
li  fu  jugies  qne  vous  estiés  tenus  en  celle  debte,  et  à  rendre  tous 
frès  et  tous  despens  ;  et  fu  enssi  dit  par  sentence  en  plain  Paris. 
Dont,  pour  exécuter  ces  esplois  et  lui  faire  paiier,  il  eut  une 
commission  generaule  à  lever,  prendre  et  arester  partout  en 
vostre  terre  de  Gascoingne,  tant  qu'il  seroît  satisfès  de  le  somme 
dessus  dicte,  et  des  frès  que  fel  y  avoit.  Et  y  estaubli  U  roys,  à 
le  priière  dou  chevalier,  ung  procureur,  liquels  s'appielloit  mais- 

1.   Vi.  dt  yiUtBcienrtt4  :  florin*.  F"  51  *". 


DiqitizeabyG00»^lc 


380  CHRONIQUES  DE  J.  FR01SSA.RT.  [1338] 

très  Raiemons*  Fouchaus.  Et  esploitièreot  tant  qu'il  vinrent  à 
Condon,  et  se  veurent  mettre  en  le  possession  et  saisinne  dou 
dit  castiel,  par  le  vertu  de  le  commission  dessus  dicte.  Et  en 
parla  li  procureur  dou  chevalier  au  castelain  si  orguilleusemeiit 
que  mautalens  y  monta,  car  d'un  baston  gros  il  domia  à  ce  mes- 
tre  Raymon  ung  tel  horion,  présent  le  seigneur  de  NcHielle,  que 
il  li  pnurfendi  le  teste  ;  et  prist  le  chevalier  et  le  roist  en  prison, 
et  dist  qu'il  estoit  moût  outrageux,  quant  en  vostre  hiretaige  il 
osoit  faire  teU  esplois.  De  quoy  li  roys  de  France  a  eut  grant 
indination  et  despit;  et  dist  que  vostre  terre  par  de  delà  est  par 
cestc  advenue  toutte  fourfaite.  Et  y  font  si  grant  gherre  chîl  qui 
y  sont  envoiiet  de  par  le  roy  et  si  mortelle,  qu'il  ont  pris  Pru- 
daire.  Sainte  Basille  et  Saint  Malquaire.  Et  quant  je  me  parti 
dou  pays ,  il  seoient  devant  Penne  *  et  devant  Blaves.  Si  vous 
prient  li  chevalier  et  les  bonnes  villes  de  Ghascoingne  que  vous 
les  confortez  et  secoures  hasteement;  autrement  vous  poréi 
moult  perdre,  n 

Quant  li  roys  d'Englcterre  eut  oy  les  parollez  de  l'hirault  et  les 
nouvellez  qu'il  li  apportoit  de  Ghascoingne ,  et  coumment  ti 
Franchois  et  à  petitte  raison  li  faisoient  gherre,  et  y  estoient  si 
efforchiement  que  nuls  ne  pooit  reûsler  à  l' encontre,  si  fut 
moût  penssieux  une  longhe  espasse.  Et  quant  il  leva  le  chîef, 
si  se  retourna  deviers  ses  barons,  et  demanda  que  ce  estoit  bon 
affaire.  «  En  nom  Dieu,  sire,  che  respondirent  li  plus  espe- 
cial,  à  cel  lés  là  vous  faut  envoiier;  car,  seloDcq  que  vous  avés 
affaire  et  entendes  à  parfumir,  li  Gascon,  qui  sont  borniez  gens 
d'armes,  vous  poroient  grandement  valloir  ou  nuire  en  vostre 
gherre.  Si  advisés  qui  vous  en  voulez  cargier  de  faire  che 
voiaige,  «  Dont  respondi  li  roys  :  •  Or  y  regardons  l'un  par 
l'aube'.  J'en  priroie  voUentiers  monseigneur  Robert  d'Artois,  et 
le  feroie  chief  de  cesfe  armée.  Car  en  cel  estct  qui  vient,  je  n'ay 
nulle  affection  ne  entention  de  deffiier  le  roy  de  Franche;  mes 
voray  toutlez  pourveanche?.  adviser  et  ordonner  par  bon  loisir,  et 
acquerre  encoirez  tous  les  amis  que  je  pouray  delà  le  mer,  car 
tnen    me    besongneront    à    gueriier    si    grant    cose    comme    le 

1.  tfi.  dt  Foltnclennei  :  maiiU^  Remon,  F°  SI  i^- 

2.  itid.  :  Peme.  F°  52. 

3.  lèiJ,  :  Donc  dist  meuire  Robert  d'Artois  :  <c  Sire,  je  m'en  cbtrgp- 
ray,  s'il  ïoiu  ptaist.  ■  —  i  Certes,  diat  le  roy,  je  voui  en  pentoie  pri*n 
or  Toui  ponrrrez  haitivemeut.  ■ 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  58.  381 

royaumme  de  Franche.  *  Lors  respondi  messires  Robiers  d'Ar- 
tois liemenl  au  roy,  et  disl  que  ce  voiaige  il  ferait  très  volen- 
tiers.  Et  li  roys  li  diat  :  ■  Gratis  raerchis.  n 

Depuis  ne  deranura  mies  loing  tamps  que  messires  Robiei-s 
d'Artois  se  parti  d'Ëngleterre  à  cinq  cens  armures  de  lier  et  trois* 
mille  archiers;  et  montèrent  ou  haveoe  de  Hantonne,  bien  or- 
donne et  garny  de  touttez  pourveanches.  Et  estoient  adonc 
avoecq  le  dit  monseigneur  Robiers  d'Artois  li  comtes  de  Hesti- 
donne,  li  comtez  de  SufTorch,  li  comteï  de  Cornuaille, 
Thummas  d'Aghourde,  messires  Thummas  de  Hollande, 
Richart  de  Pennebrug,  li  sires  Despenssiers,  li  sirez  de  Ferièrez 
ses  serourgez,  li  sirez  de  Multonne,  li  sirea  de  Brassetonne  et  li 
sirez  de  Willebi,  Si  singlèrent  tant  par  mer  chil  seigneur,  à 
l'ayde  de  Dieu  et  dou  vent,  qu'il  arivèrent  parmi  le  Geronde  ou 
havene  de  Bourdiaux,  dont  cil  de  le  chiti!  eurent  grant  joie  et  en 
furent  grandement  réconforte.  Et  là  estoient  li  doi  frère  de  Fu- 
miers, messires  Helyes  et  messires  Jehaiis,  qui  vinrent  sus  le  sa- 
belon  contre  lez  nefs  englesses;  et  ossi  fisent>  li  plus  grant  partie 
de  chiauB  de  le  ville,  car  ce  secours  il  desiroient. 

Dont  yssirent  messires  Robiers  d'Artois  et  chil  de  se  route 
hors  des  vaissiaux,  et  s'en  vinrent  tout  à  piet  jusques  à  leurs 
hosteli  oii  il  fuirent  cunvoiiet  à  joie.  Et  sus  le  soir,  quant  li 
mers  fu  retraite,  ont  li  varies  mis  hors  leurs  chevaux  et  leur 
harnois  et  touttes  autres  pourvennces.  Si  se  rafreschirent  par 
trois  jours  en  le  chilé  de  Bourdiaui,  et  puis  se  consellièrent  quel 
part  il  se  trairoïent.  Si  eurent  consseit  et  advis  que  il  yroient 
droit  à  Penne,  pour  lever  le  siège  qui  là  estoit  des  Franchois.  Si 
s'ordonnèrent  et  abillièrent  une  matinée,  et  smmèrcnt  les  trom- 
pettea  et  aroutèrent  le  charoy  et  leurs  pourveances.  Et  fist  là 
messires  Robiers  d'Artois,  marescal  de  tout  son  ost  le  comte  de 
SulToix;!).  Dont  çhevanchièrent  dcviers  le  castiel  de  Penne,  à  huit 
cens  hommes  d  armes  et  trois  mille  archiers  tout  à  cheval,  et 
quatre  mille  hommes  de  jiiet.  <Jlic  fu  environ  l'Assention,  l'an  mil 
trois  cens  trente  et  sept. 

Quant  li  comtes  de  Fois,  tî  comtes  de  Charmain,  li  comtes  de 
Keregorch ,  li  mareschautx  de   Mirepoix,    H  comtes  de  Quersi, 

1.   Ui-de  yaU»c. 


>vGoo»^lc 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSVRT.  [1338] 

s  Floton  de  Reviel  et  li  autre  seigneur,  qui  là  estoient  ei 
qui  le  castiel  de  Pâme  aasegiet  avoient,  olrent  ces  oonvellez  que 
Englès  et  Gascons  assés  eETorchiement  venoient  là  pour  lever  le 
siège,  si  eureat  consseil  coumment  il  se  maintenrotent.  Tout 
conssiderë  entr'iaux,  il  ne  se  sentirent  mies  ass^s  fort  que  des 
Englès  atendre,  car  il  estoîeut  trop  enssus  de  leur  grosse  ost  qui 
se  tenoit  devant  Blaves,  car  li  rivière  de  Dotu-donne  estoit  entre 
yaux  et  leur  ost  :  si  ne  pooient  mies  legierement  passer.  Si  eu- 
rent consseil  que  de  yaux  deslogier,  cnsi  qu'il  fissent;  et  se  par- 
tirent dou  aège  de  Penne,  et  s'en  revinrent  au  plus  droit  qu'il 
peurent  vers  Blaves.  Et  les  trouvèrent  tous  partis  li  Englès  et  jà 
esloignies  plus  de  une  grande  journée.  Et  quant  messires  Rolûers 
d'Artois  fii  là  venus,  il  et  li  baron  d'Engleterre  entrèrent  ou  cas- 
tiel où  il  fiirent  rechupt  à  joie,  et  se  rafrescierent  là  par  deux 
jours.  Et  au  tierch,  s'en  partirent  et  chevaucbièrent  ordeneemenC 
(leviers  Saint  Malquaire,  que  li  Franchois  tenoient;  et  y  avoient 
nus  une  bonne  et  grosse  garnison,  et  le  castiel  bien  pourveu  de 
tout  ce  qu'il  besongnoit,  en  voUenté  que  de  tenir  contre  tout 
homme.  Là  vint  messires  Hobiers  d'Artois  et  toutte  se  route,  et 
i  bastï  le  ûège  fort  et  fier,  et  dist  qu'il  ne  s'en  partiroit  Jammais, 
se  l'aroit  à  se  voilent^. 

Or  dist  li  comtes  cpie,  quant  messires  Robiers  d'Artois  eult  as- 
segiet  le  castiel  de  Saint  Malquaire  et  juret  qu'il  ne  s'en  parli- 
roit  se  l'aroit  à  se  vollenté,  il  le  Cst  assaillir  vigbereusiement 
d'enghiens  et  ossi  de  compaignons  arcbîers,  qui  tampre  et  tart  y 
Uvroient  mervilleusement  grans  assaux.  Et  chil  dedens  se  def- 
fendoient  ablement  et  vistement,  car  bien  leur  besongnoit.  Ung 
jour  entre  les  autres,  il  y  eult  ung  si  grant  assaut  et  de  si  priés 
l'aprochièi^nt  li  archier,  qui  si  ensonnioient  chiaux  dou  fort, 
qu'il  ne  s'osoient  apparoir  as  defTenscez.  Et  lisent  U  assallant  ou 
mur  img  tel  traa  qu'il  y  pooient  bien  entrer  ^e  froncq  yau* 
huit;  et  fisent  lei  mures  rcvcrsser  ens  es  fossés,  et  lantost  jetè- 
rent sus  tant  de  bob,  de  terre  et  d'autre  cose,  que  il  peurent 
bien  entrer  et  sans  dammaige  dedens  le  ville,  si  comme  il  fisent; 
et  rompirent  une  |)orte  par  où  li  seigneur  y  entrèrent.  Ensi  fu 
prise  li  fortresse.  Et  y  tuèrent  grant  fuison  de  gens,  et  y  pris- 
sent deus  chevaUers  et  sis  escuyers  gentils  hommes,  le  seigneur 
de  Poupeestain  et  le  seigneur  de  Zedulach  ;  et  tout  le  demeurant 
misent  à  l'espee,  excepte  femmez  et  enfans  et  vieilles  hommes, 
non  tailliet  d'iaux  deBendre  ne  combattre. 


>vGoo»^lc 


[1339]       VARIAHTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  38.  383 

Apriès  le  prinse  de  Saint  Malquaire,  il  eurent  consseil  et  avis 
qu'il  yroient  devant  Sebilach',  ung  castel  que  bidau  et  Geneuob 
tenoient;  et  y  avoient  mis  en  garoisua  uog  escuyer,  qui  s'apellait 
Begos  de  Villafs.  Bien  estoit  la  fortrèce  pourveue  et  rafreschïée 
de  touttez  coses,  et  chil  de  dedens  en  vollente  dou  delTendre, 
maugret  que  li  manant  de  le  ville  en  ewissent  de  le  tenir.  Là 
vinrent  messires  Robiers  d'Artois  et  ti  seigneur  d'Englelerre  et 
de  Gnscoingne  et  touttez  leur  routtez  ;  et  assegièrent  le  ville  à 
l'environ,  et  virent  bien  que  elle  estoit  forte  et  mauvaise  à  pren- 
dre. Nonpourquant  il  disent  qu'il  ne  s'en  partiroient  nullement, 
se  l'ui'oient;  et  y  ordonnèrent  logez  et  bastidez  et  touttez  coses 
appertenans  à  ost.  Et  leur  venoient  souvent  pourveancbes  de 
Bourdiaux,  par  terre  et  par  aige,  assés  plentiveusement.  Et  tondis 
se  tcnoit  li  sièges,  devant  Blaves,  des  seigneurs  de  Franche  dessus 
nounuuL's  :  douquel  siège  je  voeil  ung  petit  parler,  puis  que  g'i 
sui,  pour  une  aventure  qui  avint  à  ctiiaux  de  le  ville,  assés  con- 
traire pour  yaux,  et  de  quoy  la  ville  fu  gaegnie,  enù  comme  vous 
oréz. 

Bien  avoient  mandés  et  certainement  senefikt  chil  de  Blaves  à 
chtaui  de  Bourdiaux  que  il  estoîent  ea  grant  destroit  de  faminne, 
et  que  vivre  leur  aloient  durement  defallant,  et  que  il  fuissent 
comforté,  ou  longement  il  ne  se  pootent  tenir.  Dont  chil  de  Bour- 
diaux en  avoient  jà  escrïpt  par  pluiseurs  fois  à  monseigneur  Ro- 
bert d'Artois  qui  estoit  en  ceste  chevauchie,  si  comme  vous  avés 
oy  ;  mes  li  dis  meesire  Robiers  et  ses  conssaux  tiroient  à  che 
que  il  pewissent  ravoir  les  forsconcquis  et  acquis  en  leur  cemin; 
et  mandoieut  et  prioicnt  à  chiaux  de  Bourdlaus  que  il  comfor- 
taissent  et  aidaisseni  cliiaux  de  Blaves,  car  bien  briement  il  ven- 
roient  de  celle  port  apriès  le  siège  de  Sebillach  ;  et  chil  de  Bour- 
diaux le  SËgne&oient  enssi  à  chiaux  de  Blaves.  Or  avint  que  li 
seigneur  de  Franche,  qui  seoient  devant  Blaves  et  qui  bien  sa- 
voient  le  destroit  de  faminne  et  le  nécessite  qui  dedeus  le  ville 
estoit,  avisèrent  coumtnent  il  poroient  leur  siège  acourchier.  Si 
ordonnèrent  une  grant  cantite  de  soummiers  cargiés  de  vitaille,  et 
les  fissent  une  matinée  monter  sus  ung  terne  assés  priés  de  Blaves, 
afiin  que  chil  de  le  vUleles  veissent,  etqueil  assissent  hors  apriès 
pour  yaux  avitaillier.  £t  lissent  encoirez  li  Franchois  aimer  jus- 
qu'à deus  mille  hommez  de  leur  usti  et  les  fissent  eobuscier  de- 

1.  Ut.  <U  f'aUaeimiut  :  Sektiach.  F"  53  *<. 


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îïSià  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

den>  ung  val,  entre  vignes  et  haies,  pour  sousprendre  les  vssans. 
Et  de  ceste  embusche  estoicnt  souverain  doy  seigneur  de  Franche, 
li  comtes  dauPins  d'Auvergne  et  li  mareschaux  de  MirepoÏK  avnecq 
leur  routlei;  et  fiscnt  dou'  soir  tout  enssi  comme  ordounnet  fu. 
Et  s'armèrent  li  seigneur  et  ti  compaignon,  et  se  misent  en  leur 
embusce  couvertement.  Et  droit  au  {xiint  du  jour,  li  soumnùer 
furent  tout  arouté,  dont  il  en  y  avoit  plus  de  cent',  cargiet  de 
touttes  pnurveanches  pour  mengicr.  Et  vinrent  troi  homme  vil- 
lain  devant,  enssi  comme  marchant,  à  le  porte  de  Blaves,  et  di- 
sent :  «  Seigneur,  faittez  bonne  chièrc,  et  vous  mettes  en  arov  ; 
et  venes  requeillier  le  belle  provision  qui  vous  vient  de  Mîremont, 
de  Bourdiaus,  de  Coignach  et  des  autrez  fortrèches  de  vostre 

Quant  chil  de  Blaves  entendirent  ces  parolles,  si  en  eurent 
grant  jnie,  car  voîrement  les  veoient  il  approchier  leur  ville.  Si 
s'armèrent  moult  vistement,  et  yssirent  de  leur  ville  environ  deus 
mille  hommes  ;  et  se  misent  entre  le  porte  et  les  cans.  Et  li  souni- 
mier  coummenchièi'ent  à  aprochier,  et  jà  en  y  avoit  entrés  en  le 
ville,  ne  say  dis  ou  douze  ;  et  s'enstmnioient  moult  et  par  couvre- 
ture  à  l'entrée  de  le  porte.  Evous  l'enbusce  grande  et  grosse  qui 
vient  en  criant  leur  cry,  li  comtez  Daulins  et  li  sîrez  de  Merquel 
criant  :  <  Fois  et  Auvergne  !  o  bannierrez  et  pignons  ventellans 
par  devant  yaux.  Et  quant  chil  de  Blaves  lez  perchurent,  si  fu- 
rent tout  esbaliit  et  se  retraissent  vers  leur  ville,  et  Franchois 
apriès  abatans  gens,  navrant  et  mehaignant.  Et  chil  qui  lez  soum- 
miers  menoient,  alfin  que  li  porte  fuist  tenue  et  empeschie,  effon- 
drèrent et  reversèrent  trois  de  leurs  raulés  tous  chargiez  desoubs 
le  porte.  Là  y  eut  grant  pestclit  et  grant  encombrier;  car  chil 
qui  dedens  esloient  ne  pooient  jssir.  Et  ossi  il  n'en  avoient  mies 
grant  vollenté;  mes  rentroient  en  leurs  maisons  et  prendoient 
tout  le  milteur  de  leurs  coses,  et  le  portoîent  sus  le  havene  en 
le  Geronde.  Et  là  entroient  femmez  et  enfans  en  nefs,  en  barges 
et  en  bacques;  et  s'en  sauvèrent  par  celle  mannierre  pluiseurs. 
entroes    que    li   autres  se    combatoient  devant  le   porte  de  le 

Adonc  s'estourmy  li  os  as  Franchois,  et  s'armèrent  chacun  qui 
mieui  mieu:(,  et  vinrent  là  moult  ordonneement  et  par  connes- 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1339]       VAKIA.NTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  58.  385 

tabliez  ;  et  se  ferireot  en  chiaux  de  Blavez,  qui  assés  bien  se  def- 
fendirent  et  vendirent  seloncq  leur  pooir.  Mais  quant  li  grosse 
routte  des  Franchois  fu  venue,  il  ne  durèrent  point  loDgement; 
et  fuient  finaulement  tout  mort  et  tout  pris,  et  li  ville  de  Blave  * 
prise  adonc  et  gaegnie.  Si  s'en  partirent  et  sauvèrent  pluiseurs 
hommes,  femmes  et  enfâns,  par  te  Geronde,  qui  vinrent  à  Bour- 
diaux  avoecq  le  mar^e  comme  gens  desconlis  et  desbarelés.  Et 
recordèrent  leur  mesavenue,  dont  Bourdelois  furent  moult  cou- 
rouchies  ;  et  segnefiièrent  ces  nouvelles  à  monseigneur  Robert 
d'Artoex  qui  estoit  devant  Sebilacb,  liquelx  en  fu  moult  courou- 
chi^ï,  mais  amender  ne  le  peult  tant  que  à  celle  fois. 

Quant  li  Franchois  eurent  pris  et  concquis  le  ^-ille  de  Blaves, 
et  li  pillart  l'eurent  toutte  robée  dou  demourant  de  ce  que  trou- 
vet  y  avoient,  si  eurent  cousseil  li  seigneur,  tel  fois  (a,  qu'il 
l'arderoient.  Et  puis  fu  brisiës  chilz  conssaux,  et  disent  qu'il  le 
tenroient,  dont  puis  se  repentirent,  enssi  comme  vous  orés;  et 
prissent  coDsseil  de  mettre  le  siège  devant  Miremont,  qui  siet  sur 
le  rivière  de  Dourdonne.  Lors  se  partirent  et  deslogièrent  de 
devant  Blaves,  et  vinrent  à  Miremont,  et  misent  le  siège.  Et  re- 
coummandèrent  le  ville  de  Blaves  à  deus  chevaliers,  à  messire 
Jehan  Fouquère  et  messire  Guillaumme  de  Tyris*.  Or  vous  di- 
rons dou  siège  de  Sebilach,  et  comment  elle  fii  prise  et  par  quelle 
mamiierre. 

En  le  ville  de  Sebilach,  avoit  adonc  une  cappittainne,  que  on 
appielloit  Begot  de'  Vîllars.  Et  estoit  ungs  fetis  escuyers  et  de 
linage,  ables  et  hardis  et  très  bons  compains;  mais  trop  vollen- 
tiers  jeuoit  as  dés,  et  par  usaige  moût  felenès  estoit,  quant  il  y 
perdoit.  Li  compaignons  sauldoiiers  et  cbil  de  le  ville  jeuoient  à 
lui,  et  avoient  souvent  de  son  argent.  Avint  que,  ung  soir  entre 
les  autres,  il  jeuoit  à  ung  joue  homme  de  le  ville,  qui  s'appelloit 
ornons  Justins.  Et  avoit  chils  ung  frère  mainnet  de  lui,  que  on 
clammoit  Climent;  et  estoient  chil  doy  li  plus  riche  de  le  ville, 
et  des  plus  grans  amis.  Debas  s'esmut  entre  che  Simon  et  ce 
Begot,  par  leur  jeu  de  dés,  et  tant  qu'il  se  desmentirent;  et  se 
levèrent  tout  doy  en  pies,  et  sachièrent  leurs  espces.  Et  escar- 
muchièrent  U  uns  as  autrez,  et  tant  que  Begos  consievi  che  Simon 


1.  JU>.  de  yattneUwitt  :  Si  j  mirent  tel  gamiaon  qu'il  appartenoit. 
F»  54  Y*. 

2.  l6iJ.  !  fiegbot  de  Villains. 


DiqitizeabyG00»^lc 


386  CIIROXIQUES   DE  J.  FROISSA.RT.  [1339] 

tellement  qu'il  li  fendi  toutte  le  teste  et  le  jeta  là  mort.  Li  haros 
moDtai  saudoiier  acoururent;  gens  y  vinrent  de  tous  lés.Climens 
Justins  i  vint  acompaignies  d'aucuns  de  ses  amis,  qui  son  frère 
•  volloit  contrevengier  ;  mais  adonc  il  ne  p«ult,  car  U  saudoiier 
estoicnt  tout  a.voecques  Begot;  et  leur  convint  encorrez  le  place 
wiûdier,  ou  il  ewissent  recheu  plus  grant  doumaige.  Tondis  de- 
puis, Begos  n'aloit  point  si  seuls  acompaignies  que  il  n'ewist 
soissante  ou  douze  vingt'  comptûgaous  avoecq  lui,  dont  cbils 
Gimens  et  ses  linaiges  avoicnt  grant  despit.  Et  regardèrent  et 
parlementèrent  enssorable  qu'il  n'en  poient  estre  point  contreven- 
giet  à  leur  aise,  fors  par  les  Englèï.  Si  traitiièrcnt  secrètement  de- 
viers  monseigneur  Robiert  d'Artois  et  les  Englès  que  il  les  mete- 
roient  en  le  ville,  aUîu  que  tous  les  estraigniers  il  voUissent  mettre 
à  l'espee  '.  On  leur  acorda  liement  che  marcliiel,  et  souffrirent  de 
nuit  li  amie  dou  mort  le  ville  à  escicller.  Et  entrèrent  ens  bien 
deus  cens  archiers  englès,  et  furent  maistrc  de  le  porte;  et  le 
ouvrirent  de  forche,  avoecq  l'ayde  de  Ctimenth  Justin  et  des  siens. 
Et  entrèrent  ens  li  Englès,  et  furent  tout  U  saudoiier  mort  et 
Begos  de  Villars  et  li  autre.  Chili  meschiës  avint  ecssi,  et  tout 
par  le  jeu  de  dés  :  ce  n'est  point  li  premiers  qui  en  est  advenus, 
ne  li  darrains  qui  encorres  en'  avenra.  Maudis  soit  il,  car  dou  jeu 
de  dés,  c'est  toutte  ennemie  cose. 

Apriès  le  prise  de  Sebillacli,  messires  Robiers  d'Artois  le  ra- 
freschy  de  nouveUez  gens  et  de  pourveanches  ;  puis  s'en  parti  et 
s'en  revint  vers  Bourdiaux,  car  li  prise  de  Blaves  li  annoioit  trop 
fort.  Et  quant  il  fii  revenus  à  Bourdiaus,  il  fist  sus  le  havene  as- 
sambler  touttes  les  nefs  et  les  vaissiaui  qui  là  dormoient  à  l'an- 
cre ;  et  les  fist  hnsteement  ordoimer  et  pourveir  de  toutte  artil- 
lerie. Et  puis,  sur  ung  soir,  il  fist  entrer  ens  touttes  mannières 
de  gens  qui  combattre  se  pooient ,  et  parti  dou  havene  de  Bour- 
diaux]  et  singla  celle  nuit  avoecq  le  marée  et  vint,  ung  petit  apriès* 
mienuit,  devant  Blave.  Et  estoit  adonc  li  flos  de  le  mer  si  hauts 
et  si  grans  qu'il  batoit  as  murs  *.  Âdonc  fist  il  vistement  mettre 
avant  eschielles  et  ordounner  archiers,  et  aprocbier  les  murs  et 
sounner  ses  trompettes,  et  assaillir  le  ville  où  il  n'eult  mies  grant 


1.  !Ut.  J»  VaUmiennus  ;  cinquante  ou  soixante.  F"  55. 

2.  /èi4.  .-  et  ceulx  de  la  ville  fuueat  sauf 

3.  liid.  !  devant.  F"  55  v». 

k.  Ibid.  :  Et  ne  wvoicut  riens  de  leur  venue. 


jyGoot^lc 


L1339]       VARIANTES  DO  PREMIER  LIVRE,  §  S8.  387 

deffensce,  car  elle  estoit  wuide  de  gens  d'armes  et  de  compai- 
gQons,  pour  le  deffendrc  et  garder  contre  tel  ost.  Nonporquant 
U  doy  chevalier,  qui  dedens  estoient,  et  leur  route  en  fiscnt  bien 
leur  devoir;  et  le  defleadirent,  tant  qu'il  peurent  durer,  Che  ne 
fil  gaires,  car  archiers  traioient  si  songneusement  et  si  espes^e- 
meot  que  chil  de  dedens  n'osoient  aprocbier  as  gantes  ne  à  def- 
Tenscez;  et  en  y  eut  là  du  tret  pluiseurs  navrés.  Que  vous  Teroie 
je  lonch  compte  ?  Eschiellez  furent  drechies  et  apoiiées  as  murs  à 
grans  graves  de  fier;  et  compaignon  able  et  legier,  et  pour  yaux 
esprouver  et  honnourer,  rampèrent  et  montèrent  sus;  et  entrè- 
rent ens,  volsissent  ou  non  li  deflcndant.  Enssi  fu  la  ville  gae- 
gnie.  Et  avoit  une  église  moulte  forte  à  l'un  des  lés  de  le  ville  : 
là  se  retrairent  li  doy  chevalier  et  leurs  gens,  et  contrebarèrent 
les  huis  et  lez  feaestrez.  Et  se  tinrent  ung  jour  et  une  nuit 
depuis  le  ville  prise;  et  l'eadeinaii)  il  se  rendirent,  sauve  lors 
vies.  Et  furent  prisomùer  as  compaignons  à  qui  il  fianchièrent 
leurs  fob. 

Ensi  et  par  le  vasselaige  de  monseigneur  Robiert  d'Artois  et 
de  ses  aidans,  fu  li  ville  de  Rlaves  reprise.  Dont  li  Franchois, 
qui  devant  Miremont  seoient,  furent  moult  couroucfaiet  ;  et  trop 
se  repentoient  de  ce  qu'il  ne  l'avoient  ars.  Quant  messires  Ro- 
biers  d'Artois  se  vit  en  possession  de  Blavcs,  si  en  fu  moût  liez 
et  alla  au  tour,  et  regarda  se  elle  estoit  à  tenir  ;  et  vit  bien  que 
oil,  mes  que  elle  fuist  bien  pourveuwe  et  avitaillie.  Si  le  Gst  de 
rechief  pourveir  et  avitaillier  de  tout  ce  qu'il  y  besongnoit,  et  re- 
fourbir les  fossés,  et  drechter  les  murs  et  remaçonner,  et  de  tous 
poins  rapareillier;  et  y  fist  revenir  hommes,  femmes  en  enfans, 
qui  parti  s'en  estoient,  pour  repeupler  et  mettre  le  ville  en  bon 
estât. 

Encorres  que  il  se  tenoit  en  Slaves,  et  que  li  comtez  d'Ermi- 
gnach  et  li  comtes  de  Fois  et  li  autre  seigneurs  seoient  devant 
.Miremont,  doy  evesque,  c'est  assavoir  chilx  de  Saintez  et  chik 
d'Anghouloime*,  aloient  de  l'un  lés  à  l'autre,  traitant  ung  respit. 
Et  tant  le  parlementèrent  que  il  se  fist  entre  les  pays  et  leurs  ai- 
dans, à  durer  jusques  au  premier  jour  d'avril  que  on  atendoit,  et 
de  ce  jour  en  ung  an.  Parmy  tant,  se  defGst  li  sièges  de  Mire- 
mont;  et  chacuns  se  devoit  tenir  à  ce  qu'il  tenoit,  et  que  conc- 
quis  ou  reconcquis  arroit.  Et  se  départirent  les  deus  os,  et  s'en 

1.  m.  Je  l'aUnciamei  :  «i  de  Poitiers.  V"  56- 


DiqitizeabyG00»^lc 


388  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1337] 

ralla  chacuas  en  son  lieu,  li  Franchnis  en  Franche  et  lî  Gascon 
en  Gascoingne.  Et  retourna  messîres  Robiers  d'Artois  avoecq  les 
Englês  arrière  en  Engleterre  deviers  le  roy,  à  qui  U  recorda 
coumment  il  avoit  esploitiel.  Li  roys  en  eult  grant  joie  et  fu 
moult  lies  quant  il  le  vit  dulléz  lui,  parce  que  il  y  Irouvoit  et 
avoit  trouvet  pluiseurs  foix  grant  consseil  de  ses  besoingnes. 
F-  Ï4  à  Î8. 

§  G9.  P.  116,  l.  31  :  dissention.— M*.  J  6  :  Sy  prirent  tous 
ceulx  de  Gant  leur  signeur  en  teUe  hayne  que  depuis  il  ne  s'osa 
tenir  clerement  ne  couvertement  en  la  ville  de  Gant,  mais  s'en 
vint  tenir  à  Terrcraonde.  F"  87.  —  Ms.  de  Home  :  En  ce  temps 
dont  je  parole,  avoit  grande  dissenlion  entre  le  conte  de  Flan- 
dres et  les  Flamens.  Car  cliils  contes  Lois,  qui  eut  à  fenme  Mar- 
gerite  d'Artois,  ne  se  sceut  onques  avoir  ne  dissimuler,  ne  estre 
en  paix  entre  ses  gens  en  son  pais;  ne  sex  gens  aussi  ne  le  peu- 
rent  onques  amer.  Et  le  convint  de  rechief  widier  et  partir  de 
Flandres  et  venir  en  France,  et  là  amena  sa  fenme  ;  et  se  tenoient 
à  Paris  dalés  le  roi,  liquels  les  soustenoit  de  une  partie  de  son 
estât.  Chils  contes  fu  assés  chevalerous  ;  mais  ses  gens  disoient 
que  il  estoit  trop  francois,  et  que  jà  nul  bien  ne  lor  feroit. 
F"  39, 

P.  127,  1.  3  :  un  homme  à  Gand.  —  Ms.  itAnàem  :  Or  re- 
venrons  à  le  matère  des  Flamens.  Vous  avés  bien  oy  compter 
chy  devant  coumment  li  roys  d'Ëngleterre  avoit  clos  tous  les  pas 
de  mer,  et  ne  laissoit  riens  venir  ne  ariver  en  Flandres,  et  espe- 
cialment  lainnez  ne  agnelins.  De  quoy  tous  li  pays  de  Klandrez 
estoit  tous  esbahis,  car  la  draperie  est  li  plus  principuuK  mem- 
brez  de  quoy  il  vivent;  et  en  estoient  jà  trop  de  bonnes  gens  et 
rices  marchans  apovris.  Et  couvenoit  widier  hors  dou  pays  de 
Flandres  plniseurs  hoonestez  hommes  et  femmez,  qui  par  le  la- 
beur de  le  draperie  estoient  devant  ce  bien  aisiet;  et  venoient 
quérir  leur  chevance  en  Haynnau  et  ailleurs  là  où  il  le  pooient 
avoir  :  dont  grant  murmuration  estoient  espars  et  semés  par  le 
pays  de  Flandres,  et  especialment  ens  es  bonnes  villes .  Et  disment 
bien  qu'il  comparoient  amèrement  et  dolereusement  l'amour  que 
li  çomtez  leur  sirez  avoit  as  Franchois*,  car  par  lui  et  par  ses 
oeuvres  estoient  il  en  ce  dangier  esceut  et  en  le  haine  dou  roy 

1.  Mt.  de  faleacUnnei  ■'  si  grande  au  roy  de  Fnmue.  F"  â6. 


lJ.qit.2e0b,GoOl^lC 


[1337]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  «9.  389 

d'Engleterre  ;  et  que  ce  seroit  mieux  li  conuDuns  proiiffis  de  tout 
le  pays  de  Ftandrez,  de  estre  en  l'acord  et  amour  dou  roi  englès 
que  dou  roy  de  France. 

Voirs.'  est  que  de  Franche  leur  viennent  bien  phiiseur  blés; 
mes  quant  il  ne  l'ont  de  quoy  acater  ne  de  quoy  paiier,  et  tout 
par  laute  de  gaignier,  mal  pour  eux,  car  muy  de  bled  a  denier; 
dolent  celui  qui  ne  l'a.  Mes  d'Engleterre  leur  viennent  lainnes 
et  grans  prouffis,  qui  tenir  leur  fait  bons  estas  et  vivre  en  joie. 
Si  ont  il  de  bleds  assés  dou  costé  de  Haynnau,  puisque  li  pays 
est  de  leur  acord. 

Ensi  esmeut  et  de  pluisetirs  autres  parolez  pour  le  commun 
prouHit,  murmurnient  souvent  les  gens  par  le  pays  de  Flandres, 
et  especialment  en  le  ville  de  Gand;  car  c'est  li  ville  de  tout  le 
pays  de  Flnndrez  où  on  drappe  le  plus,  et  qui  le  mains  puet 
vivre  sans  draperie,  et  osai  adouc  à  qui  li  contrairez  estoit  çlus 
grans.  Si  s'asambloient  par  places,  par  mons  et  par  fouquiaux, 
et  là  en  parloient  et  devisoient  en  tamainte  diverse  mannière;  et 
en  parloient  villa inuement,  ensi  que  commune  gens  ont  usage  de 
pledier  et  parler,  sus  le  partie  le  comte  Loeys,  leur  seigneur.  Et 
disoient  entriam  que  ce  ne  faisoit  mies  à  aoufirir  et  que,  se 
ceste  povreté  duroit  longement,  tous  li  plus  grans  et  plus  rices 
s'en  doleroit,  et  en  yroit  li  pays  de  Flandres  à  destruction. 

Bien  savoît  lï  comtes  de  Flandres  que  ses  gens  coummuniment 
murmuraient  sur  lui  et  contre  se  partie.  Si  les  appaisoit  il,  et 
faisoit  appaisier  ce  qu'il  pooit;  et  leur  dïsoit  et  faisoit  dire  : 
■  Me  bonne  gens,  sachiés  que  ceste  cose  ne  poet  durer  longe- 
ment. car  j'ay  oy  nouvelles  certaiunes  de  par  ancuns  de  mes 
amis  que  j'ay  en  Engleterre.  Et  dient  ensi  que  li  Englès  sont  en 
plus  grant  estrif  contre  le  roy,  affin  que  il  puissent  faire  leur 
proufBt  de  leurs  lainnes,  que  vous  ne  soiies  en  désir  de  l'avoir. 
Il  ne  les  peuent  vendre  ne  aloiier  ailleurs  que  à  vous,  se  ce 
n'est  à  trop  grandement  leur  dammage.  Si  vous  appaisiés,  car 
g'i  voy  et  sens  plujseur  biaux  remèdes  pour  vous  et  dont  vous 
serez  temprcment  resjoys;  et  ne  penss^s  ne  ne  dictez  nul  con- 

1.  Ws.  Je  yolrneitnnti  :  n  Vray  est  que  dei  Vrançol»  nous  Tiennmt 
bledi,  mais  il  convient  avoir  de  quoy  ù  achater  et  païer;  et  mny  de 
bled  a  denier;  dolanl  celui  qiiî  ne  Va.  Mail  d'Engleterre  nous  Tiennent 
laine*  et  grans  prnufïis  pour  avoir  les  vivres,  et  tenir  grans  eitas  et 
vivre  en  joie;  et  du  jiay*  de  Haynnau  nous  venroit  asie?.  blei,  nous  à 
euU  d'accord.  ■  F»  56. 


DiqitizeabyG00»^lc 


390  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1338] 

traire  ne  nnlle  maDTaistië  de  ce  noble  pays  de  Franche,  d'où 
tant  de  biens  vous  habondent.  n 

Ensi,  pour  yaux  reconforter  et  apaisier,  teur  dîsoit  ou  faisoil 
dire  li  comteE.  Mais  nientmains  tout  li  pins  estoient  si  batu  de 
celle  disette  et  povrcté,  et  tous  les  jours  leur  recroissoit,  qu'il  ne 
s'i  pooient  apaisier  ;  car,  quoy  que  on  leur  desist,  il  ne  reoieni 
nul  aj^iarrant  de  recomrort  ne  de  prochain  waîgnage.  Pour  quoy, 
il  s'esmouvoient  et  s'enmenconnoient  de  'jour  en  jonr  et  de  plus 
en  plus.  Et  si  n'estoit  entre  yauz  si  hardis  qui  osast  emprendre 
le  fet  pour  le  cremeur  dou  comte. 

Si  demoura  ce  ung  grant  tempE  et  tant  comme  enssî  qu'3  s'a- 
sambloîent  par  fouquiaux,  en  places  et  en  quarefours.  Et  ve- 
noient  enssamble  parlementer  de  deviers  lieux  et  de  pluiscurs 
rues,  parmy  le  ville  de  Gand,  aucun  compaîgnon',  qui  oy  avoient 
tr<^  sagement  parler  à  leur  agrée  ung  bonr^is,  qui  s'apelloit 
Jaquèmes  d'Artevelle,  et  estoit  brasserez  de  miéz.  Si  reprissent 
chil  compaîgnon  dessus  dit  ses  parolles  entre  les  autrez;  et  dirent 
que  c'estoit  ungs  très  sages  homs,  et  que  il  U  avoient  oy  dire 
que,  se  il  estoit  oys  et  creus,  il  quideroit  dedens  brief  temps  tel- 
lement remettre  Flandrez  en  bon  estât  que  il  raroient  tout  leur 
waignaige  et  seroient  bien  dou  roy  de  Franche  et  dou  roy  d'En- 
gteterre.  Ces  parollez  coumroenchièrent  à  moutepliier,  et  tant  al- 
lèrent des  ungs  as  autrez  que  bien  li  quars  *  de  te  ville  en  furent 
enfourmet,  especialment  pedttes  gens  et  communs  asquelx  li 
meschiëz  touchoit  le  plus.  Lors  se  coummenchîèrent  à  rassam- 
bler  des  rues  et  des  quarefours,  et  leurs  assamblées  à  remettre 
enssamble. 

Et  avint  que,  ung  jour'  apriès  disner,  il  s'en  partirent  pins  de 
cinq  cens*  sieowans  l'un  l'autre;  et  appelloient  leur  compaîgnon 
de  maison  en  maison,  et  disoient  :  a  Alons,  alons  oTr  le  consseil 
don  saige  homme,  n  Et  vinrent  enssi  jusques  à  le  maison  Jakème 
d'Artevelle,  et  le  trouvèrent  apoyant  à  son  huis.  De  si  loncq 
qu'il  le  perchurent,  il  estèrent  leurs  capperons,  et  l'enclinèrent, 
et  li  disent  :  v  Ha  !  chiers  sirez,  pom*  EÙeu  merchi,  voeilliés  nous 
oyr.  Nous  venons  deviers  vous  à  consseil,  car  on  nous  dist  que 

1,  Ml.  Je  yateaeUitaei  :  En  ce  temps  stoiI  une  bourgoia  à  Gand. 
braweur  de  mier,  lequel  par  ptuiseurs  fois  pHrtoit  bien  sagement  au 
%ti  de  pluiieur».  Si  l'appelloîl  on  Jaquemon  d'ArlcTelle.  F°  56  v». 

3.  lo'td.  :  ly  quars  ou  la  moilÎL'  de  le  ville,  F°  57. 

3.  Ihid.  !  une  Teste.  ~  i^.  tl^d.  :  plus  de  mille. 


DiqitizeabyG00»^lc 


[i338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  ÏÏ9.  391 

li  grans  biens  de  vous  remetera  le  pais  de  Flandres  en  boin 
point.  Or  nous  voeilUés  dire  coumment  :  si  ferés  anmounne,  car 
il  est  bien  mestiers  que  vous  avës  considère  nostre  povret^.  ■ 
Lors  s'avancha  Jaquèntes  d'Artevelle  et  dist'  :  «  Seigneurs  com- 
paignon,  bien  est  voirs  que  j'aj  dît  qae,  se  j'estoîe  de  tous  oys 
et  creus,  que  je  meteroîe  Flandres  en  boin  point,  et  se  n'en  se- 
poit  nos  sires  de  riens  grevés.  »  Dont  l'acollèrent  qui  mieux 
mieux,  et  l'enportèrent  entre  yaux,  et  disent  :  «  Oil,  vous  serés 
creus,  ois,  cremus  et  servis.  »  —  o  Signeur,  seigneur,  ce  dist 
d'Artevelle,  il  besoingne  bien  que  au  remoustrer  touite  li  plus 
sainne  partie  de  le  ville  de  Ghand  soit  et  que  vous  me  jur^s, 
vous  qui  chy  estei  et  tout  chil  qui  de  vostre  acord  sont  ou  se- 
ront, que  vous  me  conforterez  et  aideras  en  tous  kas  jusques  à 
morir.  >  Et  il  dient  tout  d'unne  vois  :  s  Oil.  n  Dont  leur  dist 
que,  l'endemain  à  prîrome,  il  fuissent  en  ung  lieu  que  on  apelle 
le  Biloke  ;  et  le  fesissent  à  savoir  à  tous  parmy  le  ville  de 
Chand  ;  et  que  là,  presens  tous,  il  leur  remousteroit  publicque- 
ment  che  dont  toutte  la  ville  seroit  resjoie.  Et  il  respondîrent 
tout  d'unne  vois  ;  «  Cest  bien  dit,  c'est  bien  dit.  » 

Enssi  ces  nouvelles  s'espardirent  parmy  le  ville  de  Gand,  et 
en  furent  les  trois  pars  de  le  ville  tout  sage.  L'endemain  à  heure 
de  prime,  toutte  li  place  de  le  Biloke  fu  plainne  de  gens,  et  le 
rue  oiï  il  demouroit  toutte  plaine  ossi.  Et  l'aportèrent  mouvant 
de  se  maison,  entre  leurs  bras,  et  fendans  touttcs  mannières  de 
gens  jusquez  en  te  place  de  le  Biloke;  et  li  avaient  ordounnet 
ung  biel  escaufaut  sus  lequel  il  le  misent.  Et  là  couramencha  il  à 
preschier  si  bellement  et  si  sagement  qu'il  converti  tous  coers  en 
son  oj^inion*.  Et  estoit  sen  entente  que  li  pays  de  Flandrez  se- 

1 .  Ml.  Je  FùleiKieaaa  :  n  Seigneuro  compaignons,  je  siii  natif  et  bout- 
gois  Hp  CMte  tUIc,  si  y  ay  le  mien.  Sachi^  que  de  tout  mon  pooir  \f 
vous  vorroic  aidier  et  tout  le  pays.  Et  s'il  estoït  homme  qui  vosiat  em- 
preudre  le  fais,  je  vorroie  exposer  mon  corps  et  biens  a  estre  da)e/. 
lui  ;  ou  se  tous  aultros  me  raWés  estre  frère ,  amy  el  compaignon  en 
toutes  choses  pour  demonrer  dalez  my,  nonobstant  que  je  n'en  soy 
mie  dignes,  je  l'euprCDderois  Tolcntïers,  »  Alors  dirent  iU,  tout  d'un 
asseni  et  d'une  voix  :  «Nous  tous  [irometons  lealment  à  deraourer 
Aa\é»  vous  en  toutes  choses,  el  d'y  aTenturer  corps  el  biens,  car  noua 
suTona  bien  qu'en  toute  le  cont^  de  Flandres  n'y  a  homme,  se  non 
vous,  oui  soit  dignes  de  ce  faire.  »  F»  57. 

2.  Ibid.  :  Par  plusieurs  jours  il  fist  grans  consaalx  et  grondes  as- 
samblfez  de  gens,  en  remonstrant  qu'il  lenissent  le  partie  des  Englèi 

,  à   rencontre  de  ceul\  de  France;  et  que  il  savoii  bien  que   le   roy 


>vGoo»^lc 


392  CHRONIQUES  DE  J.  FROISS\RT.  [1338] 

mit  ouvers  et  appareilli^s  pour  reqnellier  le  roy  d'Engleterre  et 
tous  lez  siens,  se  venir  y  volloîent,  pour  paiier  tout  ce  qu'il  y 
prenderoient,  car  U  gherre  ne  li  haynne  des  Flamens  as  Englès 
ne  leur  pooit  pourfiter,  mais  trop  couster.  Et  leur  remouatra 
voies  et  conditions,  lesquelles  ne  puevent  mies  estre  touttes 
escriptez.,  car  trop  y  fauroît  de  parollez.  Mes  la  6n  fii  telle  que 
il  li  eurent  en  couvent,  et  li  jurèrent  que  de  ce  jour  en  avant  il 
le  tenroient  pour  souverain;  et  se  ordonnèrent  tout  par  lui  et 
par  son  consseil.  Et  fu  rammenés  à  son  hostel  si  amiableineat 
que  à  merveilles,  et  de  jour  en  jour  mouteplioit  en  grant  hon- 
neur. Che  fa  environ  le  Saint  Michiel,  l'an  mil  trois  cens  ti*eDte 
et  sept,  que  li  grans  parlemens  devoit  estre  à  Londres  en  Eugle- 
terre,  et  dou  quel  nous  vous  compterons  maintenant  et  coum- 
ment  il  se  porta.... 

Or  revenrons  as  Flammens  pour  mieux  entendre  le  elevatioa 
Jaquemon  d'Artevelle,  qui  gouvrena  le  comté  de  Flandrez  par  le 
tienne  de  neuf  ans  et  Hst  en  partie  ses  voUentéz,  enssi  que  vous 
orés  chy  apnès.  Vous  avës  bien  oy  chy  dessus  coumment  îl 
preecha  en  le  ville  de  Gand  et  eult  l'acort  de  tontte  le  ville, 
especialment  de  toutte  le  coummunalté,  à  faire  ce  qu'il  voroit. 

Quant  li  roys  de  France  entendi  lez  nouvellez  de  lui,  se  li 
despleurent  durement.  Car  il  suposa  assés  que,  se  li  Flamencq 
estoient  contraire  et  ennentit  à  lui  ne  à  son  royaumme,  que  trop 
leur  poroit  grever  et  mettre  le  roy  d'Engleterre  en  son  royaumme 
par  leur  pais.  Si  manda  au  comte  de  Flandrez  qut  se  tenait  à 
[Bapesmes'],  que  nullement  il  ne  laiast  resgner  ne  vivre  ce  Ja- 
quemon d'Artevelle,  car  il  estoit  trop  à  son  prejudisse,  et  que 
par  lui,  se  il  duroît  longement,  il  perderoit  se  terre. 

De  quoy  lî  comtez,  qui  bien  sentoit  tous  ces  mesciéz,  acquist 


n  moult  de  manières  qu'il  n'avoit  pooir 
mai;  et  avec  ce  le  roy  d'Engleterre  serait  joieuz 
;t  autsi  fcroit  enfin  celui  de  France.  Et  leur  re- 
it  Haynnau,  Brabanl,  Hollandes  et  ZeUandes  avec 
eull.  Et  tant  les  mena  de  parollei  que  toute  la  communaltë  et  grant 
plenté  de  la  bourgoisie  se  tirèrent  avec  luy  et  habandonnèrenl  de  ton» 

Eoins  leur  leigneur,  sans  rims  plus  convertir  ne  aler  devere  lui.  Hais 
:  compaignoient  à  si  graiit  puissance  que  tous  les  jouis  dornioïent  en 
sa  maison,  buvoient  ei  meneoieni  mille  ou  douze  cens  penonnet;  et 
le  compaignoient  à  aler  par  la  rille  ou  ailleurs  leur  bon  lui  sambtoil. 
F"  57- 

1.  afi.  iTjImitttt  ;  Vipennea  ou  Bipennes.  Maanaitt  leçon. 


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[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LÏVRE,  g  59.  393 

amis  des  plus  gratis  de  linage  de  le  ville  de  Gand;  et  les  juHs 
avoit  il  pour  lui,  car  il  lî  dévoient  foy  par  sierement.  Si  fisent 
pluiseurs  aghès  et  erobuscez  sus  d'ArtevelIe;  mes  oncques  ne  le 
peurent  avoir  à  leur  aise,  car  toutte  11  coummunaulté  de  Gand 
estoit  si  appareillie  pour  lui  que,  qui  li  volsist  mal  faire,  il  cou- 
venist  estre  plus  Tort  que  de  trente  mille  ou  quarante  mille  hom- 
mes. Et  estoient  touttes  mamûèrez  de  gens  wiseuz,  pour  lui 
mieux  servir  à  gré  et  li  deffeudre,  se  mestiers  fuist.  F"  26  v» 
et  27. 

Mt.  de  VtàeiKiennei  :  Or  avint  que  le  conte  de  Flandres  en 
sot  à  parler.  Si  le  manda  qu'il  alast  parler  à  lui  en  son  hostel  ; 
mais  il  y  ala  à  si  grant  corapaignie  que  le  conte  n'avoit  pooir  de 
résister  encontre  lui  là  présent.  Le  conte  lui  remoustra,  par 
pluiseiu*s  poins,  qu'il  volsist  tenir  ta  main  à  tenir  le  peuple  en 
l'amour  et  pour  le  roy  de  France,  comme  celuy  qui  en  avoit  plus 
d'auctoritë  que  nul  autre,  et  lui  ofiry  pluiseurs  biens  à  faire  ;  et 
entre  deuls  lui  disoit  paroUes  de  souppeçon  de  manaces.  lequel 
Jaqaeraon  n'avoit  nulles  doubles  de  sa  manace  leur  il  estoit  ;  et 
au  surplus,  en  son  corage,  il  amoit  les  Englès.  Si  respondi  qu'il 
feroit  ce  qu'il  avoit  promis  au  commun,  comme  celui  qui  n'avoit 
point  de  peur,  et  au  plaisir  de  Dieu  il  n'en  venist  bien  à  chief. 
Et  ainsi  se  parti  dou  conte. 

Nientmains,  le  conte  se  conseilla  à  ses  plus  privez  comment  il 
feroit  de  cesle  besongne,  lequel  avoit  avec  luy  aucuns  des  bour- 
gois  de  la  ville,  qui  avoient  des  grans  amis  et  lingnages  dedens 
la  ville.  Si  lui  conseitlièrent  de  les  laissier  convenir,  et  il  le  tue- 
roient  secrètement  ou  aultrement.  Et  sur  ce  s'en  misrent  en 
paine  par  pluiseurs  fois,  et  firent  pluiseui's  agais  sur  le  dit  Ja- 
quemon.  Mais  riens  n'i  valoit,  car  toute  le  communalté  estoit 
pour  luy,  tant  que  on  ne  lui  pooit  mal  faire,  qu'il  ne  convenist 
estre  puissant  de  conbattre  contre  toute  la  ville  et  le  Franc. 
F*  S8. 

Ms.  £  6  :  Et  le  roy  d'Engleterre,  qui  droit  à  atraire  à  amour 
et  à  sa  cordelle  ceulx  de  Flandres,  et  qui  bien  savoit  que  le  conte 
n'y  estoit  point  bien  amés  pour  le  grande  justicbe  que  il  y  avoit 
fait,  et  par  especial  en  la  ville  de  Gant,  adonc  manda  à  ceulx 
de  Gant  que,  se  il  voUoient  estre  de  son  acort,  il  leur  renderoit 
l'estaple  et  la  marchandise  des  lainnes  sans  lequel  il  ne  povoient 
vivre,  et  que  la  conmunaulté  de  la  ville  de  Gant  estoit,  pour  la  def- 
faulte  de  wagoage,  en  grant  dangier. 


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394  CHROMQUES  DE  J.  FROISSABT.  [ï338] 

Or  se  resveilla  et  leva  ung  bourgois  de  Gant ,  qui  s'apelloit  Ja- 
ques d'Àrtevelle ,  saige  homme  et  ymaginatif  durement ,  et  qai 
tantost  eult  tout  le  comuaaulté  de  son  acort ,  pour  fure  et  def- 
faire  tout  che  que  ordonner  et  entreprendre  volloît.  Cheluy  Ja- 
ques d'Artevelle  estoit  durement  bien  enlangaigiet.  Sy  fist  plui- 
seurs  sermons,  et  sy  s'y  porta  qne  par  lui  fu  le  conte  enehachiés 
et  boutés  hors  du  pals  de  Flandres.  Et  disoit  bien  à  son  commen- 
chement  que  plus  proufitable  leur  estait  estre  de  le  partie  des 
Englès  que  de  le  partie  de  Franche,  car  tous  proufis  et  toutes 
bonnes  marchandises ,  profitables  et  nécessaires  pour  eulx ,  leor 
venolt  d'Engleterre  ou  par  le  dangier  d'Engleterre,  tant  qne  lai- 
nes pour  drapper,  dont  tout  le  pais  de  Flandres  estoit  soiutenos, 
car  sans  draperie  et  marchandise  communaument  il  ne  pouroient 
vivre. 

Che  Jaques  de  Hartevelle,  en  peude  temps,  monta  en  sy  grant 
fortune  et  en  telle  grâce  des  Flamens,  que  c'estoit  tout  fait  qnan- 
ques  il  voUoit  deviser  et  commander  par  toute  Flandres.  Et  es- 
toit sy  bien  enlangaigiet,  et  de  sy  saiges  parolles  et  sy  vives,  (jue, 
par  sez  langaiges  et  pour  cbe  que  il  moustroit  vérité,  che  estoit 
bien  avis  à  ceux  de  Gant.  Et  le  firent  mestre  et  souverain  pm- 
mierement  d'eux  ,  et  puis  de  tout  le  pais  de  Flandres  ;  car  en 
son  commenchement  ceux  de  Bruges,  de  Ypre  et  de  Courtra* 
furent  rebelles  à  ses  oppinions.  Mais  ceulx  de  Gant,  qui  tondis 
ont  esté  mestre  et  souverain  de  toutes  tes  villes  et  les  pays  de 
Flandres,  de  Torche  les  firent  obéir  et  estre  enclins  et  obéissant 
à  eulx  ,  et  à  Jaques  de  Hartevelle  ,  qui  emprist  le  gouvernement 
de  Flandres.  Et  convint  le  conte  Iiois  widicr  et  partir  ;  et  s'en  vint 
en  Franche  dallez  leroy  Phlippes,  sonconsin,  qui  le  rechut  liement 
et  luy  assîna  rentes ,  pour  luy  et  madame  sa  femme  vivre  et  en- 
tretenir leur  estât;  car  en  le  conté  de  Flandres,  le  \-ivant  de  Jac- 
ques de  Hartevelle,  eurent  ilz  moult  petit.  F"  87  et  89. 

Ms.  de  Rome  :  Chil  de  Gand  conmencièrent  premièrement  à 
faire  le  mauvais,  et  à  voloir  suspediter  tout  le  demorant  dou  pals 
de  Flandres;  et  avoienl  de  lor  aliance  Tenremonde,  Aies  et  Gran- 
mont.  Pour  ces  jours  dont  je  parole,  et  entrues  que  chil  signeur 
d'Engleterre  se  tenoient  à  Valenchiennez  et  faisoîent  lors  pourcas, 
en^  que  che  chi  desus  est  dit ,  avoit  à  Gant  un  bouffis  qui  se 
nonmoit  Jaquemon  d'Artevelle,  liauster  honme,  sage  et  soutil  du- 
rement; et  fist  tant  par  sa  poissance  que  toute  la  ^ille  de  Gand  fu 
encline  à  lui  et  à  ses  volentés,  Chil  signeur  d'Engleterre ,  qui  se 


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[13381       VARIANTES   DU  PBEMIER  LIVRE,  $  S9.  39S 

tenoîent  à  Valencbiennez,  jettèrent  lor  vis^e,  par  le  consel  et  in- 
troduction que  il  orent  doa  conte  de  Hainnau  et  de  son  (rtre , 
que  il  envoieroient  deviers  che  Jaquemart  d'ÂrtevelIe  et  tes  bour- 
gois  de  Gand ,  afin  que  il  vosissent  estre  de  l'aliance  et  acord 
dou  roi  d'Engleterre  :  par  quoi,  se  il  li  besongnoit,  il  peuist 
avoir,  ils  et  ses  gens,  entrée  en  Flandres.  Sî  i  envcàièrent  l'eves- 
que  de  Dorem  et  le  conte  de  Noriianton  et  messire  Renault  de 
Gobehem. 

Euls  venu  à  Gand ,  il  forent  recheu  très  firandement,  conjoi, 
honnouré  et  festoiié.  Et  se  portèrent  ù  bien  )i  tretd^,  par  le 
moiien  Jaquemon  d'Arteyelle,  qtù  i  rendi  grant  painne  et  qui 
haioit  le  conte,  que  cbîl  de  Gand  generaument  s'acordèrent  à 
ce  que,  se  li  rois  d'Engleterre  passoit  la  tner  et  voloit  prendre 
son  chemin  parmi  le  pais  de  Flandres,  fust  à  gens  d'armes  on 
sans  gens  d'armes,  lors  deniers  poians  de  toutes  coses  des  quelles 
on  lor  feroît  anjinistration,  il  trouveroient  le  pais  ouvert.  Heque- 
dent  que  chil  de  Bruges,  d'Ippre  et  de  Courtrai  lor  iuissent  con- 
traire et  rebelle,  il  pensoient  bien  tant  à  esploitier,  et  dedens  lunefs 
jours,  que  li  pais  serait  tous  en  une  unité. 

Ces  aliances  et  concordances  de  Jaquemon  d'ArtevelIe  et  de 
ceuls  de  Gand  plaisirent  grandement  bien  à  ces  sîgneurs  d'En- 
gleterre qui  là  avoient  esté  envoiiet;  et  prisent  de  toutes  ces  con- 
venances lettres  seelëes  dou  seel  à  causes  de  la  ville  de  Gant.  Et 
puis  retournèrent  à  Valenchiennes ,  deviers  le  conte  de  Hainnau 
et  lors  compagnons;  et  moustrèrent  de  parole,  et  par  les  let- 
tres que  il  avoient,  en  quoi  et  conment  chil  de  Gand  estoient  de 
bonne  volent^  oblîgiet.  Donc  dist  li  contes  de  Hainnau  à  ces  si- 
gneurs  d'Engleterre  :  s  Biaus  signeurs,  vostres  besongnes  s'avan- 
cent grandement ,  se  vous  avés  les  pais  de  Flandres  et  de  Brai- 
bant  d'acort.  Dites  à  mon  fi]  d'Engleterre  que  ce  li  sera  uns 
grans  confors,  et  que  sa  gerre  en  sera  plus  belle;  mais  il  con- 
vient que  il  passe  la  mer  à  la  saison  qui  retourne,  pour  apren- 
dre  à  congnoistre  les  signeurs  et  les  pats  qui  le  vodront  aidier  et 
servir  :  si  ques,  vous  revenu  en  Engleterre,  esmouvë[s]  le  à  ce 
que,  à  une  qantitë  de  gens  d'armes  et  d'archiers,  il  viengne  de- 
çà la  mer  et  face  venir  de  la  hnance;  car  Âlemant  sont  convoi- 
tous  et  ne  font  riens,  se  li  denier  ne  vont  premièrement  devant, 
car  ce  sont  gens  moult  convoitous.  »  F"  39. 

P.  127,  I.  11  :  quatre  vingt. — llfs.  djémiens  :  six  vingt  ou 
sept  vingt  variez  armét ,  entre  lesquels  il  y  en  avoit  cinq  ou  six 


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3»6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1338] 

especialment  outrageui  et  ilont  il  faisoit  se  bourie,  et  qui  sa- 
voient  ses  secrèz  et  quel  cose  il  voUoieot  faire.  F*  27  V. 

P.  127,  1.  29  :  au  soupper.  —  Mt.  d Amiens  :  et  faisoient  de 
nuit  bon  gel  devant  son  hostel  ;  car  bien  savoit  qu'il  n'esloit  mies 
bien  amés  de  tous  et  especialment  dou  comte,  car  jà  en  avuit  il 
veu  pluiseurs  appairans,  dont  il  ses  toit  bien  sceu  oster. 
F*  27  V. 

P.  127,  I.  30  :  quatre.  — JM>.  J  6  :  six.  F»  90. 

P.  128,  1.  22  :  iongement.  —  lUs.  dJmieru  :  le  tienne  de 
nenf  ans  ou  envircra  le  pays  de  Flandres.  F°  27  v*. 

P.  128.  1.  26  et  27  :  maletotes.  —  3ff.  S  G  :  &y  en  de^>én- 
doit  la  moitié  à  sa  voUenté,  et  l'autre  moitié  metoit  en  trésor. 
F»  92. 

P.  130,  I.  1  :  prester.  — Mi.  dJmieat  :  Ënsî  estoit  il  for- 
tunés de  ses  besoingnes.  F"  27  v°.  —  Jtfj,  B  6  :  tant  estoit  re- 
doubtés  par  my  le  pais  de  Flandres.  F"  92. 

S  60.  P.  129,  I.  22  :  des  unes.  —  Ms.  <f  Amiens  :  Et  le- 
noient  grant  estât  et  faisoient  grans  frèz,  et  donnoient  biaux 
disners  ens  es  bonnes  villes  où  il  venoient,  afGn  qu'il  en  fuissent 
plus  aloset,  et  li  rois  d'Engleterre  mieui  recoummandés.  Et  fai- 
soient semer  parolles  parmy  le  pays  et  les  bonnes  villes  que,  s'il 
estoient  amie  et  acordant  au  roy  d'Engleterre,  il  seroient  très 
riches  et  paisîeule,  et  aroient  lanages  et  drapperie  à  grant  fuison. 
F"  23  V. 

P.  130,  I.  1  :  le  Cotirtrisien.  —  Mt.  d  Amiens  :  monseigneur 
Simon  le  Courtrissien,  ancbien  homme  et  riche,  et  qui  voUentiers 
faisoit  feste,  honneur  et  compaignie  à  toutteE  gens  estraingiers, 
especialment  as  barons  et  chevaliers  d'onneur  et  de  nom.  F"  23  V. 
—  Ms.  £  6  :  En  che  temps,  fist  justichicr  le  conte  de  Flandres 
monseigneur  Simon  le  Courtrisienj  qui  estoit  de  Gant;  et  le  fist 
roorir,  sans  cause  de  rayson,  Et  fiit  pour  ce  que  il  avoit  com- 
paigniet  les  Ënglès  en  Bi-abant  et  en  Ilaynau,  et  ossi  en  Flandres. 
Dont  ceulx  de  Gant  furent  durement  ccurouchiés  sur  le  conte, 
car  ehilz  sires  Simon  Courtisien  estoit  bourgois  de  grant  linage, 
et  durement  vaiUans  et  saigcs  homme,  et  de  bonne  renommée. 
F»  87. 

P.  130,  1.  19  :  decolés.  —  Ms.  dAmiens  :  li  comtes  de 
Flandres  le  manda  en  ung  certain  lieu.  Lui  venut  au  mandem«it 
dou  comte,  il  fu  pris  et  saisis  et  délivrés  au  connestable  de  Flan- 


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[I337J       VARIANIES  DU  Pfi£M(ER  L1VR£,  §  60.  397 

drez,  et  depuis  à  celui  de  Franche  ;  et  fu  assés  tost  apriès  deco- 
lés.  F"  23  v°.  —  Ms,  de  Rome  :  Li  contes  de  Flandres,  pour  ce 
temps,  se  tenoit  à  Compiengne,  et  la  contesse  sa  (enme.  Si  en- 
tend! que  li  Englois,  U  eve^ques  de  Durem  et  grant  baron  d'En- 
gleterre  avoient  esté  à  Gand  et  moult  bellement  recheu;  et  par  U 
promotion  et  enort  d'un  bourgois  de  Gant  qui  s'apelloit  Jaque- 
mart d'Artevelle,  toutes  gens,  en  Gant  et  en  pluisseurs  villes  de 
Flandres,  a'enclinoient  assés  à  l'opinion  des  Englois  ;  et  tant  que 
ses  rentes  et  revenues  en  estoient  esconsées,  et  cancetoient  tous 
les  jours.  Et  encores  en  oultre,  li  contes  de  Flandres  Tu  cnfour- 
més  que  uns  chevaliers  de  Flandres,  vaillans  homs  durement,  et 
lequel  li  contes  avoït  toujours  tenu  à  toial  homme  et  prudent, 
qui  se  nonmoit  le  Courtrissien,  avoit  tousjours  compagnie!  et  fait 
feste  et  lionnour,  en  ta  ville  de  Gant  où  sa  rcsidense  estoit,  ces 
signeurs  d'Engleterre.  Desquelles  coses,  li  contes  de  Fliindi'es  fu 
durement  courouchiés  sus  le  chcvaUer,  tant  que  il  li  remoustra,  et 
le  manda  couverteraent  en  France  où  il  se  tenoit.  Li  sires  Cour- 
trissiens  ala  deviers  li,  qui  nul  mal  n'i  pensait.  Sitos  que  li  contes 
le  tint,  il  li  fist  remoustrer  en  la  présence  de  U  ce  pourquoi  il 
l'avoit  mandet.  Onques  li  chevaliers  ne  se  peut  esquser,  mais  le 
list  decoler,  F"  40  v*. 

P.  131,  1.  16  :  à  Valenciènes.~^j.  tt Amiens  :  Depuis  le 
mort  dou  seigneur  Giurtrissien,  li  chevalier  d'Engleterre  n'osèrent 
mies  si  plainement  aller  ne  venir  par  le  pays  de  Flandres  qu'il 
faisoient;  car  ils  se  doubtèrent  que  soudainement  il  ne  fuissent 
pris  ou  de  nuit  à  lors  hostelx,  et  mort  par  le  puissanche  du  roy 
de  Franche  et  dou  comte,  qui  très  loyaux  Francbois  estoit.  Si  se 
tinrent  en  avant  en  Haynnau  dallez  le  comte  Guillaume,  qui 
bonne  chière  leur  falsoit.  F°  23  v°. 

P.  131,  1.  22  :  En  ce  temps.  -  JW*.  £  8  :  En  cel  esté,  en- 
tretant  que  les  Englès  estoient  à  Vallenchiènes.  F*  84. 

P.  131,1.  22  :  trespassa.—Mi.  tT Amiens  et  ms.  B  G  •■  en  l'os- 
tel  de  Hollandez,  à  Vallenchiennez.  F°  24. 

P.  131,1.  23  -.  sept  jours.  —  ^M.  A  iS  à  i^  :  ]e  sixième  jour 
de  jning.  F*  41  v°.  —  Ms.  de  Rome  ;  vingt  jours  ou  mois  de 
jun,  le  jour  de  la  Pentecoste,  F'  40  v". 

P.  131,1.  24  :  trente  sept.  —  Mu.  ^  1  à  6,  20  à  22  :  trente 
huit.  F*  33  y. 

P.  131,  I.  26  :  obsèque.  —  Xt.  ttAmient  :  De  le  mort  dou 
comte  furent  |duiseur  cocr  courouchié,  car  il  (ii  larges,  noblez. 


DiqitizeabyG00»^lc 


398  C11B0MQUB8  DE  J.  FROISSART.  [133T] 

preux,  h&rdis,  courtois,  humbles,  piteux  et  débonnaires  â  tootiet 
gens.  Si  le  plaindirent  moult  si  enfaus,  messires  Guillaummez  ses 
tilz,  li  roynne  d'AlIemaigne,  li  royune  d'Engleterre,  li  comtesse 
de  JuUers,  medamme  Ysabîel,  se  maisuëe  fille,  qui  depuis  eut 
monseigneur  de  Kamur  espouset.  Et  trop  le  plaindi  et  regreia 
messires  Jehans  de  Haynnan  ses  biaus  frèrez,  car  il  y  perdi  grant 
comfort  et  grant  amour,  car  moult  amoient  t'uu  l'autre.  F*>  24 
et  23. 

Mt.  de  Rome  :  Qant  li  rois  d'Engleterre  et  la  roine  furent  se- 
gnefiiet  de  la  mort  dou  conte,  lor  signenr  de  père,  si  en  furent 
grandement  couronchi^,  mais  passer  lor  couvinl.  Et  s'en  vesii- 
rent  de  noir;  et  li  fissent  faire  son  obsèque  en  Engleterre,  ens  ou 
cbastiel  de  Windesore,  là  où  il  se  tenoient.  P  ^1. 

P.  131,  1.  29  :  de  tons.  — Ms.  S  G  :  Et  avait  le  conte  ong 
filz  que  on  nomoit  Gillame,  lequel  fut  conte  de  Itaioau  après  son 
père  et  régna  poîssanment,  tant  qu'il  vesquy.  Et  ot  quatre  filles, 
dont  le  comte  en  avoit  mariée[s]  les  trois.  Li  aisnée  ot  non  Mar- 
grite,  et  estoit  potu"  che  tamps  roynne  d'AlIemaigne  et  eropereis 
de  Romme.  Le  seconde  ot  nom  Jehanne,  qui  estoit  cnntesse  de 
JuUers.  Le  tierche  ot  nom  Phetippe,  la  bonne  et  noble  rope 
d'Eugletore,  et  le  maisnée  Yzabel  qui  estoit  encores  à  marier, 
et  fu  UDg  grant  tamps  depuis  le  trcspas  son  père;  et  de  piû 
ot  elle  à  roaiit  messire  Robert  de  Namur,  et  fu  dame  de  Renais 
en  Flandres  et  de  Bieaufort  sur  Meose.  P*  S4  et  85. 

P.  131,  I.  32  :  de  Braibant.—  Mt.  ^Amiens  :  Et  li  fissent  li 
noble  des  trois  pays,  li  prélat  et  les  bonnes  villes,  foy  et  siere- 
ment  et  hoummaige;  et  il  leur  juraà  tenir  as  us  et  as  coustumiDes 
anchiennes.  F*  25. 

P.  132,  I.  4  :  sus  Escaut. — Ms.  d Amiens  :  une  abbeie  de 
daxumes  dallez  Valenchiennes,  f  25. 


S  61.  P.  132,  I.  29  :  Gagant,  —  Mr.  de  Rome  :  Vous  mes 
conment  li  contes  de  Flandres  avoit  mis  et  establi  garnison  de 
gens  d'armes  en  l'ille  de  Gagant,  liquel  fissent  pluisseurs  des- 
tourbiers  et  grans  anois  à  ceuls  qui  voloîent  par  mer  venir  pren- 
dre port  à  l'Escluse ,  et  tant  que  tous  li  pais  de  Flandres  s'en 
contentoit  malement.  Car  li  pourfis  de  ta  marceandise  en  estait 
ensi  que  tous  perdus ,  et  especiaulment  la  draperie ,  car  nulles 
lainnes  ne  venoient  ne  issoient  hors  d'Engleterre.  Jaquèmesd'Ar 


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[1337]       VARIANTES  DU  PftEHlER  LIVRE,  g  61.  399 

tevelle,  liquels  voloit  aidier  le  roi  d'Engleterre ,  et  à  che  faire  il 
esloit  obligiés  et  avoit  fait  obligier  generaument  la  ville  de  Gand, 
n'estoit  pas  courouchiés  de  ce  que  chil  qui  herioient  la  ville  de 
Brugez  et  le  pab  de  Flandres  se  tenoient  à  Gagant;  et  fist  se- 
mer paroles  à  Bnighes ,  h  Ippre  et  à  Courtrai  et  ou  Franch  de 
Bruges  que ,  se  on  voloit  entendre  à  ce  que  il  conselleràt  et  tout 
acertes,  on  en  deliveroit  le  pais.  La  ville  de  Bruges  et  la  «ille  dou 
Dan  et  la  ville  de  l'Escluae,  qui  trop  grandement  perdoient,  car 
sans  la  marceandise  de  la  mer  il  ne  pueent  avoir  çavanc€  ne  sè- 
vent  vivre,  s' encline rent  à  entendre  à  ses  paroles.  Et  envoiièreat 
çasqune  des  dites  villes  de  lors  honunes  par  deviers  li  à  Gant , 
en  li  priant  que  il  i  vosist  pourveir  et  donner  consel  conment  li 
wagnages  peuist  retourner  en  Flandres.  Il  lor  respondi  qne  aussi 
feroit  il  bien  et  volentiers  ;  et  celle  response  raportèrent  à  lors 
gens,  chil  qui  i  furent  envotiet.  On  s'apaisa  pour  veoir  conment 
se  feroit  ce  que  d'Artevelle  oElroil. 

Jaquèmes  d'Artevelles,  liquels  fu  moult  soubtieus  en  son  temps, 
envoia  messages  et  lettres  deviers  le  roi  d'Engleterre  et  son  con- 
sel; et  lor  segnefia  que,  se  il  voloient  avoir  l'amour  dou  pais  de 
Flandres  et  l'entrée  generaulment ,  il  envolassent  délivrer  le  pas 
et  l'ille  de  Gagant,  que  les  gens  dou  conte  tenoient  à  l'encontre 
de  euls  et  desAlemans,  et  qui  là  roboieut  la  mer;  et  n'osoit  nuls 
aler  ne  venir ,  ne  ariver  à  t'Escluse.  Li  rois  d'Engleterre  et 
ses  consauls  regardèrent  à  ce,  et  sentirent  assés  que  tout  ce 
esloit  raisonnable,  et  que  voirement  i  pourveroient  il.  Si  fii  or- 
donnes U  contes  Berbi  à  estre  chiés  de  cest«  armée  à  tout  six 
cens  lances,  chevaliers  et  esquiers,  et  deus  mille  arcMers.  Et 
li  fu  dit  que  il  s'en  venist  par  la  Tamise  à  toute  sa  carge  à  Ga- 
gant, et  delivrast  l'Ule  et  le  pas  de  ceuls  qui  le  tendent. 
F«  41. 

P.  13Ï,  I.  21  :  garnison.  —  JUs.  de  f^aleaciemtet  :  jusques 
au  nombre  de  deux  cens  chevaliers  et  escuiers  et  bien  quatre 
mille  combatans  ;  lesquels  se  misrent  en  l'ille  de  Gagant,  où  la 
ville  et  toute  l'ille  leur  obeissoit.  Et  sachiés  qu'iiz  firent  mains 
maulz  et  mainte  destrousse  sur  les  Englès.  Et  bien  tenoient  en 
cremeui'  toute  le  coste  d'Engleterre,  en  monstrant  qu'il  estoient 
bonne  gent  de  guerre;  et  tim'ent  grant  temps  le  pays  es  grant 
subjecdon.  F*  88  V. 

P.  13J,  I,  23  :  de  le  Tricf.  —  Le  ms,  tf^micnj  ajoute  :  mes- 
sire  Guis,  bostars  de  Flandres ,  frères  au  conte ,  messires  Gilles 


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à 


400  CUftO.MQUES  DE  J.  FttOISS.4RT.  [1337] 

de  le  Trief*,  messires  Jefaans  et  messircs  Slmoos  de  Bnuinedeat*. 


g  69.  P.  133,  1.  17  et  18  :  durement.  —  Mt.  dJmieiu  :  et 
bien  enlangagiel.  F°  30. 

P.  134,  I.  3  :  Et  quant.  —  Ms.  B  6  :  Quuil  ces  seigneurs 
d'Bngleterre  furent  retournés  arière  en  leur  pais  devers  le  roy, 
il  luy  recordèrent  de  point  en  point  coaunent  ilz  avoient  es- 
ploitieti  et  se  escusèrent  de  che  que  il  avoient  tant  demourel, 
car  en  alant  et  en  venant  il  avoient  bien  séjourné  neuf  m<MS, 
mais  trop  séjournèrent  :  le»  raisons  y  sont  et  longues  à  démener, 
car  vous  les  avés  oyes.  Mais  à  nng  grant  parlement  qui  se  fist  à 
Londres,  le  roy  fut  consilli^s  que  il  envoiast  gens  d'armes  en  Flan- 
dres pour  combatre  aucuns  chevaliers  et  esculers  qui  gardoioit 
l'ille  de  Quagant ,  les  quelz  avoient  rués  jus  pluiseurs  Englès. 
F"  83  et  84. 

Ms.  d  Amiens  :  Quant  li  prélat  et  li  baron  d'En^eterre  furent 
retoumet  en  leur  pays,  il  trouvèrent  le  roy  leur  seigneur  qui  les 
rechupt  à  joie,  monseigneur  Robert  d'Artois,  le  comte  de  Lan- 
castre  et  les  autres  barons  et  seigneurs  d'Bngleterre,  à  qui  il  re- 
cordèrent touttes  les  avenues  qui  avenu  leur  estoient  et  coum- 
ment  il  avoient  séjournât  à  Vallenchiennes ,  atendans  le  coosseil 
le  loy  de  Franche,  qui  |>oiat  n'estoit  venus,  et  coumment  et  par 
priière  il  envoitèrent  monseigneur  Jehan  de  Haynnau  et  ma- 
damme  de  Valois  parler  au  roy  Phelij^,  et  les  responsces  tdles 
qu'il  eurent  dd  roy,  et  si  comme  il  leur  raportèrent  :  ■  Apriès, 
quant  nous  veimes  que  U  roys  de  Franche  s'escusoit  et  que  il 
n'envoieroit  point  son  consseil  ne  de  ses  hommes  deviers  nous, 
nous  eummes  advis  de  mander  tes  seigneurs  d'Alleœaigne,  chiaux 
qui  par  bonne  alianche  se  sont  mis  et  acordé  à  vous.  Et  vinrent 
bien  et  liement;  et  nous  ont  juret  qu'il  vous  aideront  et  conitH^ 
teront  en  tous  kas ,  si  avant  ossi  que  vous  leur  tenrés  leur  cou- 
vens.  Et  vous  prient  que  vous  voeilliés  ordonner  vos  besoingnes 
et  passer  le  mer,  par  quoi  il  vous  puissent  veoir  et  olr.  Si  en 
esploiteréz,  che  dient,  le  miés  en  touttes  vos  besoingnes.  &i- 
coires,  sirez,  vous  disons  nous  et  segnefiona  que  lî  comtes  de 
Flandres  tient  convertement  garnison  eu  l'ille  de  Gaiant,  cheva- 

I.  Ut.  dr  raienciemet  :  Gille  de  le  Triett.  F°  58  v». 
3.  iiid.  .-  Ira  deux  frères  de  Bragriem. 


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[1337]        VARLIMES  DU  PREMIER  LIVRE.  §  62.  401 

liers  et  escuiers  et  gens  d'aimés  qui  gardent  te  pays  de  ce  costet  ; 
et  ont  jà  fait  pluisenrs  de^s  et  contraires  à  vos  gens,  dont  bien 
il  vous  doit  desplaire.  > 

Qoant  li  rojs  d'Engleteire  oy  ces  nouvellez,  si  fut  moult  pen»- 
sieux ,  et  n'en  y  eult  nulles  qui  le  peuissent  resjoyr,  fors  celles 
des  Allemans  qui  li  prioient  que  il  volsist  passer  le  mer.  Si  de- 
manda consseil  sus  ces  besoingnes.  Dont  respoadirent  si  plus  es- 
peciat  amy  que,  seloncq  ce  que  il  pooient  entendre  et  olr,  li  roys 
de  France  ne  quidoit  mies  que  jà  il  l'osast  geriier  :  «  Si  vous 
conseillionz  et  mettons  avant  pour  vostre  honneur  que  vous  voeii' 
lies  faire  ung  parlement,  et  que  nuls  parmy  vostre  royaumme  ne 
s'escnze  qu'il  ne  soit  à  ceste  Saint  Mi<^iel  à  Londrez ,  prelas, 
chevaliers  et  li  conssaus  des  bonnes  villez.  Et  adonc,  seloncq 
ce  qu'il  vous  conseilleront,  vous  vous  ordonnerez.  >  Li  roys 
s'acorda  à  che  et  manda  et  coummaoda  à  tous  comtes,  barons 
et  chevaliers,  prebs  et  consaux  des  bonnes  villes,  qu'il  finssent 
à  ceste  Saint  Uichiel  à  Londres ,  c'om  comptera  l'an  mil  trois 
cens  trente  sept'.  Tout  obéirent  au  coummandement  dou  roy,  car 
ce  fu  raisons.  Et  pour  ce  que  riens  je  n'oublie,  car  J'ay  dit  et 
mis  en  terme  ou  coummencbement  dou  livre  que  je  feray  men- 
tion de  touttes  les  avenues  petites  et  grandes  qui  sont  avenues 
où  que  soit,  si  vous  en  paray  d'unes  qui  advinrent  en  Gascoigoe 
auquel  en  ce  tamps  que  je  vous  compte 

A  le  Saint  Michiel,  comme  dit  est,  furent  li  grant  parlement 
à  Wesmoustier  dehors  Londrez.  et  durèrent  troix  sepmainnes. 
Et  là  furent  tout  li  plus  grant  et  plus  sage  d'Engleterre,  prélat, 
comte,  baiTon.  chevalier  et  11  conssaulx  des  bonnes  villez.  Là  re- 
moustrèrent  li  doi  evesque.  c'est  assavoir  de  Lincelle  et  de  Du- 
rem,  et  li  baron  et  chil  qui  à  Valenchiennes  avoient  estet,  com- 
ment il  s'estoient  maintenu,  atendans  le  consseil  de  Franche  qui 
oncques  ne  vol  venir,  et  tout  enssi  de  point  en  point  com  vous 
avés  chy  dessus  oy.  Et  quant  li  prélat  eurent  proposet  tonttez 
leurs  parollez,  li  roys  se  leva  en  estant,  et  requist  que  on  le  vol- 
sbt  conseillicr  si  à  point  que  ce  fust  à  l'onneur  de  lui  et  de  son 
royaumme.  Adonc  respondirent  li  plus  saige  par  avis  et  disent 
que,  tout  considère!  et  imaginet  les  requests,  les  voies,  les  oSrez, 
tez  pourkas,  les  treti^s  et  lez  parlemens  que  li  roys  avoit  fais  et 
représentez,   dont  li  Franchois  ne   faisoient  nul  compte,  il  ne 

1.   .tf».  de  yaltatiennri  .-  I'hh  'inft  «epI.  F°  50  v«,  lUaureiie  Itivn. 


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402  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1337] 

pooit  nullement  y  estre  ne  demourer  que  il  ne  rendesist  son 
hommage  au  roy  de  Franche  et  le  deffiast  de  lui  et  de  tons  ses 
aidans.  Chili  conssaux  fu  tenus  et  arestës,  et  ti  evesques  de  lin- 
celle  priiés  que  de  passer  !e  mer  et  porter  les  deffianches,  liqueb. 
à  le  priière  et  ordounnanche  dou  roy  et  des  seigneurs,  dist  que  il 
feroit  ce  voilentiers. 

Encoires  fu  il  dit  et  arestet  que,  pour  aidier  le  roy  à  avoir 
finance  et  ses-gherres  à.  parmaintenir,  chacuns  sas  de  lainoe 
paieroit  double  imposlsion,  et  à  durer  tant  que  les  gherrer  dn- 
[rejroicnt.  Et  fu  là  regarde  de  quel  somme  on  li  remforcheroit 
se  mise.  Si  eu  respoodirent  sii  bourgois,  lî  doi  de  Londres,  li 
doi  de  Evruich  et  li  autre  doy  de  Conventre,  que  on  li  remfor- 
ch[er]oit  ceste  coustumme  de  trois  cens  mille  nobles  par  an,  et  que 
six  cens  mille  noblez  en  renderoient  il  chacun  an  à  trois  paiemens. 

Encoires  fu  il  consseilbet  et  arestet  que  on  deffendesist,  et  sus 
le  teste,  parmy  le  royaumrae  d'Engleterre,  que  nuls  ne  jeuast  ne 
s'esbaniast  fors  que  de  l'arch  à  main  et  des  saiettez,  et  que  tout 
ouvrier  ouvrant  ars  et  saiettes  fuissent  francq  et  quittez  de 
toultes  debittez. 

Encorres  fu  il  ordounnet  et  aresté  que  tout  chevalier  et  escuyer 
et  compaignons,  servans  le  roy  en  se  gherre,  aroient  les  sau- 
dées  dou  roy  et  chacun  preûst  de  son  paiement  setoncq  se  quan- 
tité de  demi  an;  et  que  tout  prisonnier  et  concquest  qu'il  po- 
roient  faire  ne  prendre,  ce  leur  demourast  à  leur  prouffit. 

Encorres  fu  ordonné  que,  sus  lez  yllez  telz  que  de  Cornuaile, 
de  Gemesie,  de  Wisk,  de  Hantonne  et  de  Copée,  nullez  gens 
d'armes  ne  de  defiensce  ne  se  meuissent,  pour  semonsce  ne  man- 
dement que  h  roys  fesist,  mais  gardaissent  leurs  marchez  et 
leurs  frontières,  et  prcsissent  et  abilitassent  leurs  enfans  à  ma- 
niier  armes  et  à  traire  de  l'arch,  parmy  chacun  deus  estrelins  le 
jour  qu'il  aroient  de  pencion  sus  lez  coustummez  des  lainnez  de- 
morans  en  leurs  marchi^s. 

Encorres  fu  il  ordonné  et  aresté  que  tout  seigneur,  baron, 
cbevaUer  et  honnestes  hommes  de  bonnes  villes  mesissent  cure 
et  chtUgence  de  estruire  et  aprendre  leurs  enfans  le  langhe  Iran- 
çoise,  par  quoy  il  en  fuissent  plus  able  et  plus  cousbunmier  eus 
leurs  gberres, 

Encoires  fu  il  ordonna  et  deflendu  que  on  ne  laisast  passer  nul 
cheval  outre  mer  à  nulz  des  lés  d'Engleterre,  sans  le  congiet 
dou  cancelier,  sus  à  estre  en  le  indignation  dou  roy. 


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[1337]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  62-  403 

Encorres  fu  il  ordonnet  que  de  eavmer  gens  d'armes  et  ar- 
chiers  en  l'ille  de  Gaiant  à  l'encontre  des  Flamens,  qui  là  se  te- 
noient  en  garnison  de  par  le  comte  de  Flandrez,  de  quoy  mes- 
ures Guis,  basurs  de  Flandrez,  frères  au  comte,  messires  Ducrez 
de  Halluin,  messires  Jehans  de  Rodes,  messires  Gillez  de  le 
Trief,  messires  Jehans  et  messires  Simons  de  Bruquedent  estoient 
chief  avoecq  pluiseurs  autrez.  Si  en  fu  priiés  messires  Henris  de 
Lancastre  li  jones,  qui  fu  là  fès  comtes  Derhi,  cousins  germains 
dou  roy,  et  li  comtez  de  Sufiorch,  li  sires  de  Bercler,  messires 
(luillaummes  Fils  Warine,  messires  Loeis  de  Biaucamp,  messires 
Richars  de  Stanfort,  messires  Gautiers  de  Maoni  qui  nouvelle- 
ment estoit  revenus  d'Escoce,  où  piuisseurs  bêliez  baceleries  et 
appertisses  d'armes  y  avoit  fait  tant  qu'il  en  avoit  le  grâce  et 
l'onnour  dou  roy  et  de  tous  les  seigneurs  d'Engleterre.  Et  le  re- 
tint là  li  comtez  Henris  Derbi  pour  son  chevalier  et  le  plus  pro- 
chain de  lui,  et  fu  mis  et  escrips  à  estre  dou  consseil  dou  roy. 

Encoirres  fu  là  ordounnës  et  confremmés  li  mariaiges  de  mon- 
seigneur Guillaume  de  Montagut,  qui  loyaument  avoit  servi  le 
roy  ens  es  gherres  d'Escoche  et  tellement  reboutet  les  Escos 
avoecq  l'ayde  de  monseigneur  Gautier  de  Mauni,  que  il  ne  s'o- 
soient  mes  apparoir  clercment  fors  en  fuiant  et  en  cachant.  Et 
pour  lui  rémunérer  ses  bons  services,  li  rois  li  donna  le  jone 
coniesse  de  Sassebrin,  madamme  Aelis,  dont  il  tenoit  la  terre  en 
se  main  et  en  garde,  et  estoit  li  une  des  plus  belles  jones  dammes 
del  monde. 

Encoirez  y  eut  pluiseurs  ordonnances  faittez,  devisées  et  acor- 
dées,  le  parlement  séant,  qui  touttes  ne  puevent  pas  estre  regis- 
trëes  ne  escriptez,  et  qui  furent  bien  tenues,  avoec  celles  dessus- 
dittez.  Fins  de  parlemens  fu  que  tout  seigneur,  comte,  prélat, 
baron,  chevalier  et  bonnes  villez  se  départirent  sur  Testât  que 
de  yaux  poorveir  et  appareillier,  quant  requis  et  semons  de  par 
te  roy  en  seroient.  Si  se  parti  li  evesques  de  Linceile  pour  por- 
ter les  deffianches  par  lettrez  seellées  au  roy  de  Franche,  et  [fu] 
enfourmés  quel  cose  il  devoit  dire.... 

Or  paurons  de  l'evesque  de  Linceile,  coumment  il  vint  deffîier 
le  roy  de  Franche  de  par  le  roy  d'Engleterre  ;  et  puis  retourons 
encore  à  le  matère  des  Flamens,  pour  mieui  ataindre  nnstre  his- 
toire. Tant  esploita  li  evesques  de  Linceile  par  ses  journées  que 
il  passa  le  naer,  et  chevaucha  parmy  le  royaumme  de  Franche, 
et  vint  à  Paris.  Et  trouva  te  roy  Phelippe  bien  accompaignies 


:,Goo»^lc 


404  CHRONIQUES  UE  J.  FROISSABT.  [IS»?] 

<lou  roy  de  Behaygne,  dou  roy  de  Navare,  de  ducs,  de  comtei 
et  de  barc»  graat  fuison,  car  che  fa  à  une  solempnite  de  k 
Toussaini,  l'an  mil  trois  cens  trente  sept.  Et  a'aleodoit  li  roys 
de  France  de  jour  en  jour  autre  cose  que  de  ojr  teli  noUTelles, 
seloncq  le  relation  que  il  avoit  oy  d'aucuns  de  ses  amis  de  l'Ent- 
pire.  Et  entra  li  dis  evesques  de  Lincelle  en  le  cambre  dou  roy, 
car  on  li  fist  voie.  Si  salua  le  roy  et  l'enclina,  et  tous  lez  autres 
rois  enssuiwant  ;  et  bailla  ses  lettres  au  roy  de  France,  liquels 
les  rechupt  et  brisa  ung  petit  signet  qui  estoit  deseure  en  avant. 
Elles  estoient  à  ung  grant  seel  pendant,  et  en  parchemin,  touttes 
ouvertei.  Si  lez  regarda  li  rois  ung  petit  et  puis  lez  bailla  à  ong 
sien  clercq  secrétaire  ;  et  le  fist  là  lire,  lesquelles  faisoient  men- 
tion enssi  ou  assés  priés,  si  comme  j'ay  oy  recorder  depuis 
chiaux  qui  aucune  cose  en  dévoient  savoir,  et  especialment  le  sei- 
.  gneur  de  Saint  Venant  qui  y  fu  preseas  : 

<  Bdouwars,  par  le  grâce  de  Dieu  roy  d'Engleterre  et  d'Ir- 
lande,  à  Plielippe  de  Vallois  escripsons.  Comme  ensi  soit  que  par 
le  sucession  de  nostre  chier  oncle  monseigneur  Charlon,  roy  de 
France,  nous  soîions  hiretier  de  l'hiretaige  et  couronne  de  Fran- 
che par  trop  plus  prochain  degré  que  vous  ne  soiiés,  qui  en  le 
possession  de  nostre  hiretaige  vous  estes  mis  et  le  tenes  et  tenir 
vouliez  de  foroe,  si  le  vous  avons  nous  par  pluiseurs  fois  mous- 
tret  et  fet  remoustrer  par  si  digne  et  si  especial  avis  comme 
celui  de  l'Eglise  et  le  saint  collège  de  Romme,  et  à  l'entente  del 
ni^le  Empereour,  chief  de  touttes  juriditions  ;  asquels  coses  et 
demandez  vous  n'aves  mies  vollut  entendre,  mais  vous  estes  tenu 
et  tenés  en  vostre  oppinion  fondée  sus  tort.  Pour  quoy  nous 
vous  certefions  que  le  oestre  hiretaige  de  Franche  nous  retjtier- 
rons  et  concquerrons  par  le  puissance  de  noiu  et  des  nostrez  i  et 
de  ce  jour  en  avant  deffions  vous  et  les  vostrez  de  nous  et  des 
nostrez,  et  vous  rendons  foy  et  hoununaige  que  sans  raison  vous 
avons  fait;  et  remetons  le  terre  de  Pontieu  avoecq  nostre  autre 
hiretaige  en  le  garde  de  Dieu,  non  en  le  vostre,  qui  ennemy  et 
adverssaire  vous  tenons.  Donné  à  nostre  palais  à  Wesmoustier, 
présent  nostre  gênerai  consseil,  le  dix  neuvième  jour  dou  mois 
de  octembre.  » 

Et  quant  li  rois  PheUppes  eut  oy  lire  ces  lettres,  si  se  re- 
tourna viers  l'evesque  de  Lincelle  ;  et  n'en  fist  par  samblant  mies 
trop  grant  compte,  et  coummença  à  sourire  et  dist  :  ■  Evesque, 
vous  aves  bien  fet  che  pour  quoy  vous  estiez  chy  venus.  A  ces 


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[va-,]       V.VRIANTES  DU  PREMIER  LIVRE.  $  62.  40S 

lettres  ne  couvient  point  rescripre.  Voas  vous  pov^s  partir  quant 
vous  vouliez.  >  —  «  Sire,  dist  li  evesque,  grans  merchist  > 
Dont  prist  congiet  et  retourna  à  son  bostel,  et  se  tint  là  lotit  le 
jour.  Sus  le  soir,  li  roys  li  envoya  ung  bon  sauf  conduit  pour  lui 
et  pour  tous  lez  siens,  sus  lequel  sauf  conduit  il  rapassa  pamiy 
le  royaumme  de  Franche  sans  péril  ;  et  revint  en  jE!ngleterre  de- 
viers  le  roy  et  les  barons,  à  qui  il  recorda  comment  il  avoit 
esploitiet.  Si  en  eurent  li  Englès  grant  joie. 

Or  vous  dirons  don  roy  de  Francbe.  Quant  il  eut  veut  les 
deffianches  dou  roy  d'Engleterre,  il  les  fist  coppiier  et  les  en- 
voya en  pluiseors  lieux  par  son  royaumme  et  hors  de  son 
royaumme,  afBn  que  lî  seigneur  ewissent  advis  et  considération 
sus,  et  especialment  au  comte  de  Hajrnnau,  son  neveult,  et  au 
duch  de  Braibant.  Et  leur  manda  estroîtement  que  il  n' ewissent 
nulle  aliancbe  au  roy  d'Engleterre  :  et  se  il  l'avoient  ou  faisoient, 
il  leur  arderoit  leur  pays,  ensi  au  comte  de  Bar  et  an  duch  de 
Lorainne;  mes  de  dieux  n'estoit  il  nulle  double,  car  il  estoient 
bon  FrancbcHs  et  loyal.  Et  envoya  tantost  li  roix  pourveir  et 
regarder  en  ses  garnisons,  sus  lez  frontières  de  l'&npîre,  car 
desAIlemans  n'estoit  il  mies  trop  assenret.  Et  manda  àcbiaux  de 
Toumay,  de  Lille,  de  Bietune,  d'Arras  et  de  Douay  jpi'il  fuis- 
sent sus  leur  garde ,  et  pourvussent  et  fortefiassent  les  villez , 
pour  atendre  siège  ou  assaut,  se  mestier  faisoit;  et  ossi  que  il 
presissent  garde  as  castiaus  et  ens  es  casteleries  d'entour  yaux  , 
et  renouvellassent  officUers,  et  les  rafresquissent  de  touttez  coses 
nécessaires  pour  le  gberre. 

Et  envoya  li  roys  à  Saint  Ommer,  k  Gines,  à  Kalais,  à  Boa- 
longne  et  là  environ  gens  d'armes ,  pour  garder  les  fronderez , 
ossi  à  Abeville*,  au  Crotoi,  à  Saint  Waleri,  à  Eus,  à  Dieppe,  à 
Harflues ,  à  Honneflues  et  en  toutte  le  Normendie ,  jusques  en 
Bretaigne  et  Pontorson  et  mouvant  de  le  Bretaingne  jusquez  en 
le  Rocelle ,  et  [de]  le  Rocelle  à  Saintongle  et  tout  le  Poitau  en 
revenant  en  Limoun,  eu  Roherge,  en  Aginois  et  en  Thoulousain 
et  tout  le  Nerbonnœs,  le  diarcasonncns,  Bedarioiz,  Aigemortes, 
Biaukaire,  Montpellier  et  Nimes,  et  jusques  as  portes  d'Avignon 


1.  «t.  Jt  f 

revenant  jniquei  à  Ilarfl«a,  et  en  le  Rocelle,  niant  tout  autour  juique* 
en  Avignon  et  toute  la  rivière  du  RoHie,  Et  pour  bien  abrt^ier  ce 
compte,  il  Git  pourveir  1  toui  coMei.  F°  59  v 


DiqitizeabyG00»^lc 


406  CHRONIQUES  DE  I.  FROISSiRT.  [1337] 

et  toutle  lé  rivière  de  Rosne  ,  le  Pont  Saint  Esperit,  Viviers, 
Toumon,  Salière,  le  bourch  d'Argental,  Viane,  Lions  et  toutte 
le  comt^  de  Foriest,  le  terre  le  seigneur  de  Biaugeu,  le  comté  de 
Mascons,  Tournus  et  tout  jusqu'à  Challoa  sus  le  Sone,  et  toutte 
le  comté  et  leduchié  de  Bourgoingne,  costiant  l'AlemaigDe,  l'Au- 
say  et  le  terre  de  Montbliart  jusques  eu  l'evesquet  de  Leogres,  et 
toutte  le  Campaigne  costiant  le  Lorraine  ;  l'evesquet  de  Thoul  et 
l'evesquet  de  Miéz ,  revenans  jusques  à  Raios  et  à  Chaalons  et 
toutte  le  comté  de  Relhers,  Doncheri  et  Massièrez  et  ces  fors 
castiaux  sour  le  rivière  de  Meuse,  costiant  l'Ardenne,  l'evesquet 
de  Liège  et  Flimain  et  le  Haynsau  et  le  terre  monseigneur  Jehan 
deHaynnau  et  toutte  le  comté  de  Roussi,  de  Porsiien,  de  Brainne 
'    et  l'evesquet  de  Laon. 

Et  escripsi  ammiablement  et  fiablement  à  ciaus  de  Cambray 
que  il  li  fuissent  amie  et  bon  voisin  en  tous  cas,  et  il  leur  se- 
roit,  se  mestiers  en  avoienti  et  envoya  messire  Godemar  dou  Fai 
à  Toumay  demourcr  et  séjourner,  pour  regarder  à  le  chité  et 
ou  pays  d'environ;  et  mist  le  seigneur  de  Biaugeu  en  Mortaigne 
sus  estant,  pour  garder  ctie  passaige.  Et  mist  encoîres  sour 
mer  grant  cantitet  de  Normans  et  de  Geneuois ,  de  quoy  mes- 
sires  Hues  Rierés,  messires  Pières  Bahucés  et  Barbevaire  es- 
toient  cappitainne  ;  et  leur  coummanda  et  enjoindi  que  il  ar- 
dissent  en  Englelerre ,  au  plus  tost  qu'il  poroient.  Et  dounna  à 
son  chier  cousin  monseigneur  Jaquemon *  de  Bourbon,  le  comté 
de  Pontfaieu  et  touttes  les  appendances ,  en  foi  et  en  houunaige 
et  à  tenir  de  lui;  liquebi  en  prist  le  possession,  et  y  amena  qie- 
damrne  sa  femme. 

Quant  li  r(»s  de  France  eut  ensi  ordonnet  et  fet  pourveir,  ra- 
pareillier  et  rafrescir  touttez  les  frontières  de  son  royauinme , 
tant  sur  mer  comme  par  terre,  si  escripsi  î)  et  manda  fiablement 
au  comte  de  Flandre  sen  cousin  que  il  ratresist  et  tenist  à  amour 
ses  gens,  par  quoy  li  Englès  n'ewîssent  nulle  aliance  à  yauz;  et 
y  envoya  de  par  lui  le  comte  de  Vendôme  et  le  seigneur  de  MoiU- 
roorensi,  pour  tretier  à  yanx  qu'il  fuissent  amie  et  bon  voisin 
au  royaumme  de  Franche,  et  il  leur  tenroit  toudîs  les  pas  ouviers 
de  Toumay,  de  Bietune,  d'Aire,  de  Saint  Orner  et  dou  Wameston 
sus  le  Lis*,  et  aroient  à  leur  vollcnté  bleds  et  tous  grains  pour 

t .  Mf.  di  Valemâenatt  :  Jaque  de  Bourbon.  F°  60. 
2.  ibid.  .'  et  par  toute  la  rivi^  de  l'Kicanlt, 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1337]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  G2.  401 

(XHnforter  leur  pays.  Et  allèrent  chil  seigneur  de  bonne  ville  ea 
bonne  ville  remoustrer  touttes  ces  coses,  de  par  le  roy  de  Frait- 
che.  Li  aucun  s'i  asentoient ,  mes  li  plus  non  ;  car  li  waignages 
de  le  drapperie  leur  touchoit  plus  au  ravoir  avoecq  les  lainnes 
d'Engkterre,  que  il  ne  fesissent  adonc  bleds  ne  avainnes*,  carde 
tout  ce  avoient  il  assés  et  à  grant  niarchiet.  Touttes  fois  fisent 
tant  chil  seigneur  de  Franche  que,  quant  il  se  partirent  de  Flan- 
dres ,  il  laiièrent  le  comte  Loeys  à  Gand  as&és  amiablement  da- 
tés Jakemon  d'Artevelle  et  chtaux  de  Gand;  mes  depuis  n'y  de- 
moura  il  mies  longement,  ensi  comme  vous  oréz.  F"  24,  27  et  28. 

P.  iZk,  1.  S  -.  Valenciènes.  —  Mi,  de  Home  :  Chil  signeur 
d'Engleterre  s^oumoient  en  Valcnchiennes  si  honneur abletnent 
que  vous  avés  oy.  Et  qant  il  veirent  que  il  avoient  en  partie  - 
achieré  ce  pour  quoi  il  estoit  venu  à  Valcnchiennes ,  car  il  ne 
faisoient  riens  que  ce  ne  fust  par  le  consel  dou  comte  et  de  sou 
frère,  qaot  il  orent  esté  à  Valenchiennes  plus  de  demi  an  et  des- 
pendut  biau  cop  d'argent,  tant  en  dons  pour  avoir  l'amour  des 
signeurs  de  l'Empire  que  en  lors  menus  frès,  il  jirissent  congiet 
au  comte  et  à  son  frère ,  et  se  missent  au  retour  et  vinrent  à 
Louvuin.  Et  là  trouvèrent  le  duch  [de  Braibant]  qui  lor  fist  très 
bonne  chière,  et  les  tint  ung  jour  tout  aise  dales  li  ;  et  parlèrent 
ensamble  de  biau  cop  de  coses.  Et  puis  s'en  partirent,  et  vinrent 
en  Anvers;  et  trouvèrent  vassiaus  d'Engleterre  tous  près  pour 
euts,  qui  là  tes  atendoient.  Li  pluz  de  ces  signeurs  laissièrent 
lors  cevaus  au  séjour  en  Anwiers ,  car  bien  savoient  que  il  en 
aueroient  encores  à  faire;  et  li  auqun  passèrent  les  lours,  et  li 
aultre  les  vendirent.  Si  entrèrent  tout  ens  es  vassiaus ,  qui  es- 
toient  ordonné  pour  euls  ;  et  retournèrent  sanz  perïl  et  sans  da- 
mage en  Engleterrc,  et  trouvèrent  le  roi  à  Windesore  et  la  roine. 
Si  lor  recordèrent  comnent  il  avoient  csploitié,  et  les  bons  amis 
que  il  avoient  delà  la  mer. 

A  toutes  ces  paroles  et  remoustrances  estoit  et  fu  toutdis  roes- 
sires  Kobers  d'Artois,  qui  trop  grandement  fu  resjois  de  ces  nou- 
velles, et  dist  ensi  au  roi  :  s  Monsigneiu',  je  le  vous  ai  bien  tous 
jours  dit  :  vous  trouvères  plus  d'amis  et  de  bon  confort  delà  la 
mer  que  vous  ne  quidie's,  car  onques  Alemant  ne  peurent  amer 


1 .  Ml.  dt  ^altncltnnei  :  or  il  amoient  mienlx  la  maTcbaudiie  d'En- 
glel«Te.  Si  ne  Ici  pooit  on  rapaiiier-,  et  oiiy  Jaquemon  d'Artevelle 
ne  *'i  acordoit  point,  Fo  60. 


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*08  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13S7] 

les  François  ;  il  vous  feront  roi  de  France ,  car  chlU  qui  l'est , 
n'i  a  nulle  juste  cause.  Et  les  poins  et  les  articles  com  prochains 
vous  estes  de  la  couronne,  je  vous  ai  pluisseurs  fois  r^noustrë  i 
se  les  calengiés  et  mettes  oultre.  Puis  que  on  vous  voelt  aidier 
à  esclarcir  vostre  droit ,  ne  soiiés  pas  négligeas ,  mais  diligens  à 
demander  ce  qui  est  vostre;  si  en  ser^s  priu^s  et  amës  de  vos- 
tre peuple ,  car  il  demandent  la  guerre.  A  ce  que  je  puis  veoir 
et  percevoir,  en  Engteterre  il  ne  désirent  que  la  gerre.  Et  vous 
av^s  biau  et  graut  conmencement  pour  vous ,  car  jà  avés  vous 
si  sousmis  les  Escoçois  que  il  ne  se  poront  aidier  ne  relever  en 
grant  temps.  Ce  sont  segnefiances  de  tous  biens,  et  que  les  bonnes 
fortunes  seront  pour  vous.  F»  3fl  v*. 

P.  134,  1.  12  :  disoit.  —  Ms.  de  Faleneiennet  :  pour  double 
d'estre  ruez  jus  des  escumeurs,  qui  estoient  là  de  par  le  conte 
de  Flandres.  F*  50. 

P.  133,  1.  4  :  Si  ot>donna.  —  Ms.  ^JmittK  .-  Si  en  fii  priiés 
messires  Henris  de  Lancastre  ti  jones,  qui  Tu  U  (es  contes  Derfaî, 
cousins  germains  dou  roy,  et  U  comtes  de  Sufibrdi,  li  sires  de 
Bercler,  messires  Guillaummes  F^b  Warioe,  messires  Loeis  de 
Biaucamp,  messires  Richars  de  Stanfort,  messires  Gantiers  de 
Hauni  qui  nouvellement  estoit  revenus  d'Escoce  où  pluisseurs 
bêliez  baceleries  et  appertisses  d'armes  y  avoit  fait,  tant  qu'il  en 
avoit  le  grâce  et  l'onnour  dou  roy  et  de  tous  les  seigneurs  d'En- 
gleterre.  Et  le  retint  là  li  comtez  Henris  Derbi  pour  son  cheva- 
lier et  le  plus  prochain  de  lui;  et  fu  mis  et  escrips  à  estre  doti 
consseil  dou  roy.  F*  17  v*.  —  itf  ms.  de  Rome  ajoute  à  ces 
noms  :  messires  Renaals  de  Gobehen,  messires  Rogiers  de  Biau- 
camp. F"  41 . 

P.  13S,  1.  12  :  à  Londres.  —  Mt.  S  6  :  Sy  se  partirent  de 
Gravesaindes,  sur  le  Tamise,  là  où  il  avoient  fait  toute  leur  pour- 
veanche  et  leur  asamblëe.  F°  8S. 

P.  135,  1.  13  :  cinq  cens.  —  Ms.  de  Valenciennet  :  huit  cens. 
F«  60  V».  —  Afj.  J  6  1  miUe  hommes  d'armes.  F"  85.  —  M*,  de 
Rome:  six  cens.  F»  41. 

P,  135,  I.  18  :  Gravesaindes.  —  Mt.  if  Amiens  :  derant 
Gravesande*,  bien  pourveus  et  abillies  de  naves,  de  vaissiaus,  de 
bourses,  de  seules  et  de  bokebos  armées  et  frètes.  F°  28  v*. 

P.  135,  1.  19  :  devant  Mergate.  —  Ms.  ^ Amiens  :  De  le  se- 

1,  Ml.  dt  Fakneimatt  :  Gavres.  ¥"  60  t«. 


DiqitizeabyG00»^lc 


{1337]       VARIANTES  DU  PRHMIER  LIVRE,  $  63.  409 

conde  marée,  U  vinrent  devant  He^te  et  furent  là  un  soir;  et, 
le  nuit  et  environ  mienuit,  il  se  desancrèrent  et  tendirent  leurs 
v<nllez  au  plaîn,  car  il  avoient  vent  à  soubet;  et  se  boutèrent  en 
mer  et  singkrmt  tout  jour,  et  vinrent  aasés  priés  de  Gaiant  à 
heure  de  ntHue.  F*  28  V.  —  Hft.  de  Rome  .-  A  l'endemain,  il 
s'en  depairtirent  qant  la  mer  fit  revenue,  et  vinrent  devant  Mer- 
gate  et  là  ancrèrent  et  furent  deus  jours,  car  il  avoient  vent  trop 
contraire  pour  entrer  en  la  mer.  Au  tierch  jour,  H  veos  lor  re- 
vint; si  desancrèrent  et  se  boutèrent  en  la  mer  et  prissent  le 
cbemin  de  Flandres.  F>  41 . 

P.  13S,  I.  IS  :  trente  sept.  —  Mt.  4  1  :  trente  huit.  F*  34  v°. 

—  Mil.  ^  ÎO  à  22  :  trente  neuf.  F'  58  v". 

%  65.  P.  13S,  1.  4  et  5  :  en  Gagant.  -~  Mt.  iT Amiens  ;  et 
sur  le  mer  estoient.  F*  28  v*. 

P.  136,  I,  10  :  jnsqnes  à  seize.  — Mt.  de  Faleneieimes  :  bien 
dix  huit.  F»  60  v*. 

P.  136,  1.  10  et  11  :  doq  mil.  —  Mt.  de  FalencienTies  et 
m*.  B  %  :  quatre  mille.  F*  60  v*. 

P.  136,  1.  16  :  de  Hallain.  —  Jtfj.  de  Rome  :  mesures  Jehans 
ncHunés  Ducres  de  Halluin.  F*  41  V. 

P.  136,  I.  20  :  Pières.  —  Jfw.  .^  20  à  2*  :  Jehans.  F*  39. 

—  £e  ms.  de  Rome  a/oute  à  ces  noms  :  messire  Pière  d'Ippre, 
messires  Lois  Vilains,  messire  Bauduin  Bamage,  mesire  Robert 
Marescal,  messire  Emoul  de  Vors.  F*  41  -f. 

P.  136,  1.  2S  :  des  Englès.  —  Ms.  de  Rome  :  Evous  venus 
les  Bnglois  en  ordenance  de  bataille,  les  urchiers  tous  devant. 
Qant  li  vassiel  aprochièrent,  li  chevalier  qui  dedens  Gagant  se 
tenoient,  conneurent  que  chil  qui  les  venolent  combatre,  c'es- 
toient  Englob,  car  il  veirent  les  banières,  les  pennoas  et  les 
estramières  des  lupars  d'Engleterre  qui  voloient  amont  sus  ces 
nefs  et  baulioient  au  vent.  Qant  li  Englèa  aprochièrent,  il  i  ot 
grant  noise  de  tronpètes  et  de  claronchiaus.  Donc  UHunenchïè- 
rent  archler  à  traire  de  grant  randon  et  ensonniier  gens,  et  gens 
d'armes  entre  enls  à  aprochier  pour  prendre  terre.  Là  ot  fort 
hustin  et  dur,  et  traioient  arbalestrier  à  pooir,  mes  Englès  n'ea 
faisoîent  compte,  car  archier  sont  trop  plus  isniel  au  traire  ne 
sont  arbalestrier.  Et  furent  en  cel  estât  un  grant  temps,  et  tant 
que  la  mer  fu  toute  retraite,  et  que  les  vassiaus  d'Engleterre 
demorèrent  tout  aresté  sus  le  sabeltHi.  F°  41  v*. 


D,qit,zeabvG00»^lc 


410  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSIRT.  [1337] 

S  64.  P.  137,  1.31  lûhVimne.  —  Jlîtt.JHd  14  :  fil  Vas- 
tier.  F°  34.  —  Editiont  de  Férard  et  de  D.  Sauvage  :  fils  an 
comte  de  Warvich.  £d.  deSaiwagede  1559,  p.  41. 

P.  13S,  1.  5  -.  main  à  main.  —  Ms.  de  Rome:  An  voir  dire, 
lî  archier  eosoauioient  trop  grandement  les  asallans  et  desfeu- 
dans  Fbunens;  et  furent  en  cel  estât  bien  quatre  heures,  tous- 
jours  desfendans  et  asallans.  F*  41  v*. 

P.  138,  I.  8  et  9  :  plus  de  trob  mille.  —  JVj.  de  Valeit- 
ciennet  :  de  deux  à  trois  mille.  F«  61 .  —  JUti.  jt  iQ  à  H  et 
mt.  £  S  :  trois  mille.  F>  59  v".  —  Mts.  A  S  ei  9,  ^S  à  11  : 
plus  de  quatre  mille.  F*  33. 

P.  138,  1.  13  :  Gilles  de  le  Trief.  —  Mts.  ^  11  à  14  :  Guil- 
laume de  Lestrief.  F*  3i.  —  JUm.  ^  15  à  17  ;  Jehan  de  le 
Trief.  F°  36.  —  Ms.  de  Faîeneiemas  :  Gille  de  le  Triest. 
F"  61. 

P.  138,  1.  14  :  vingt  six.  —  Jlfo.  i  6  ;  dix  huit.  F*  86.  — 
M',  de  Rome  :  jusques  à  douse  chevaliers  et  bien  trente  esquiera, 
tous  gentils  hommes,  que  de  Flandres,  que  d'Artois.  Et  i  ot 
grande  occision  des  aultres  hommes  )  et  les  caçoimt.  les  Engloù 
jusques  à  la  mer  et  les  faisoient  sallir  dedeos,  et  plus  chier  ils 
avoient  à  noiier  que  à  morir  de  glave.  F°  41  v". 

P.  138,  1.  18  :  Et  retournèrent.  —  JUs.  de  Rome  :  Qant  les 
Englois  furent  signeur  de  l'ille  et  de  la  ville  de  Gagant.  ii  le 
fustèrent  et  coururent  toute  et  puis  boutèrent  le  feu  dedens, 
qant  il  s'en  deurent  partir;  et  rentrèrent  en  lors  vassiaus,  et 
dormirent  là  à  l'ancre  tant  et  si  longement  que  vens  lor  revînt. 
£t  bien  le  savoient  cbil  de  Bruges,  dou  Dan  et  de  l'Esduse, 
mda  il  estoient  tout  resjoy  de  che  que  on  lor  avoit  délivré  le 
pasage  de  ceub  qui  trop  longement  l'avoient  tenu.  Qant  11  En- 
glois orent  vent  pour  ceminer,  il  se  desancrèreot  de  là  et  retour- 
nèrent viers  Engleterre,  et  emnenèreot  lor  butin  et  lors  prisoa- 
niers.  Et  fissent  tant  par  l'esploit  dou  vent  que  il  entrèrent  a\  la 
rivière  de  )a  Tamise,  et  prissent  terre  au  kai  à  Londrez.  Et 
acquist  Ii  Jones  contes  Henri  Derbi  en  sa  nouvelle  chevalerie 
grant  grasce  et  grant  renoumec  de  celle  besongne.  Et  aussi  fis- 
sent tout  cfail  qui  avoecques  Ii  avoient  esté,  et  par  especial  mes- 
sirez  Gautelés  de  Mauni.  F°  4î. 

P.  138,  I.  19  :  en  Engleterre.  —  Sfj.  de  Faieneieimes  ;  à 
tout  leur  gaignage,  nonobsbtnt  que  ce  ne  fu  point  sans  perdre 
de  leur  gens.  F*  61. 


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[1338]      VARIANTES  DU  PRSHIER  UVRE,  S  ^S.  411 

P.  138,  I.  20  :  au  roy.  —  Mi.  £  6  :  en  ou  pakis  de  Wes- 
moiislier.  F*  86. 

P.  138,  I.  23  :  prison.—  Ms,  B  6  -.  et  l'onitoura  assés  selooc 
son  estât,  et  le  l^ss»  aler  panny  Londres  recreu  sur  sa  foy. 
F*  86. 

P.  138,  I.  23  :  li  queb.  —  Mt.  de  f'altncie/mes  :  par  les  pro- 
messes que  tes  Englès  Ini  firent.  F"  61. 

P.  138,  I.  24  et  2S  :  d'Ëngleterre.  —  JUs.  de  f^aieneieniKt  i 
par  convoitise.  P  61. 

§  B6.  P.  138,  1.  27  :  Apriès.  —  Mt.  d'Jmiens  ;  Apriès 
le  desconfitnre  de  Galant,  ces  nouvelles  s'espardirent  en  pluis- 
seurs  lieux.  Si  en  furent  chil  de  le  partie  le  comte  courou- 
chiet,  et  chil  de  le  partie  le  roy  d'Eagleterre  tout  joiant.  Et 
disoient  bien  [cil  de  Flandres]  que,  sans  raison  ne  leur  voleatë, 
U  comtes  les  avoit  là  mis.  Et  eurent  advis  en  Flandrei  li  cons- 
saulx  des  bonnes  villex,  par  le  pourkac  et  enort  de  Jaquemou 
d'Artevelle,  que  il  envoieroient  douze  boungoîs  des  six  meilleurs 
villes  de  Flandres  déviera  Le  roy  d'Engleterre,  escuzer  le  pays  de 
ceste  besoingne  de  Galant,  et  que  nullement  il  ne  se  consentirent 
oncques  que  là  il  se  tenissent  de  leur  acord.  Et  plus  avant,  se  il 
plest  au  roy  d'Engleterre  ariver  en  Flandrez,  ou  que  soit,  il  en 
seront  tout  Joiant  ;  et  il  presteront  et  ouveront  le  pays  pour  pas- 
ser, séjourner,  demourer,  partir  et  retourner  par  paiier  touttes 
coses,  dont  il  en  seront  servi  et  aisiet.  Chil  douze  bourgois  par- 
tirent enformet  et  adviset  sus  le  mamiière  que  j'ay  dit:  et  vinrent 
en  Engleterre  et  trouvèrent  le  roy  adonc  à  Eltem ,  liquelx  les 
rechupt  assés  hement,  car  il  en  quidoit  grandement  mieux  val- 
loir,  ensi  qu'il  fist.  Et  li  dissent  comment  Jacquèmes  d'Artevelle 
et  tons  li  especialz  conssaulx  de  Flandres  se  recommandoient  h 
lui,  et  s'escusoient  de  le  ville  de  Gaiant  et  des  gens  d'armes  qui 
trouvet  y  avoieut  estet,  que  ce  n'avoit  estet  point  li  fais  ne  li 
acors  àmi  pays  de  Flandres,  mes  dou  comte  seuUement  et  dou 
roy  de  Franche. 

Que  vous  feroie  je  loing  compte  ?  Tant  parlèrent,  et  si  belle- 
ment et  si  sagement  remoustrèrent  leur  messaige,  que  li  rois  s'en 
contenta.  Et  leur  respondi  que,  dedens  le  jour  dou  Noël  prochain 
venant,  il  seroit  en  Anwers,  car  là  faisoit  on  ses  pourveanches  : 
si  y  amenaissent  le  comte  leur  seigneur  deviers  lui,  pour  savoir 
quel  cose  il  vollolt  faire  )    ou  que  li  pays  de  Flandrez  fust  telle- 


DiqitizeabyG00»^lc 


Mî  CHRONIQUES  DE  J.  FR01SS\RT.  [1338] 

ment  advisés  et  consettliëz ,  se  li  comtes  n'y  rolloit  estre ,  que 
jà  pour  ce  ne  demoratt  que  il  ne  fuist  leurs  boÎDS  amis.  Et  il 
donnoit  parmy  tant  respit  à  tous  allans  et  à  tous  venans,  jnsqnes 
au  premier  jour  de  jenvier.  Ensi  le  raportèrent  li  douze  bonr- 
gois  h  Jaquemon  d'Artevelle,  et  au  consseil  des  bonnes  yillei 
de  Flandres,  en  le  vitle  de  Gand.  Si  en  furvnt  tout  liet, 
quant  il  seurent  que  li  roys  d'Engleterre  passermt ,  et  soppo- 
sèrent  ass^s  que  il  le  trouveroient  tretable  et  aimable;  mes,  qui 
qui  en  fuist  lies,  li  comtes  de  Flandres  n'en  eult  point  de  joie. 
F"». 

JUi.  B  $  :  Tantost  après  (l'affaire  de  Cadzand),  le  roy  d'En- 
gteterre  fist  clore  tous  les  pas  de  mer,  afin  que  nulles  laines  ne 
venissent  en  Flandres.  Adonc  le  pais  de  Flandres  fut  en  grant 
tribulacion,  et  la  draperie  toute  perdue....  F*  86  et  87. 

Cheluy  Jaques  d'Artevelle  avoit  le  cuer  plus  englès  que  fran- 
çois,  et  pressa  tant  la  querelle  du  roy  d'Engleterre  par  my  Flan- 
dres que  tout  le  pais  fut  englèz.  Et  manda  et  escripsy  au  roy 
d'Engleterre,  par  mygrans  consauls  et  traitiers  qui  furent  entre 
tes  Flamens  et  les  Englès,  que  il  venist  seurement  en  Flandres 
ensy  que  il  luy  plaisoit  ;  les  Flameos  le  verroïent  moult  volten- 
tiers,  et  moult  le  desiroient  à  veoir.  Le  roy  d'Engleterre,  qm 
moult  desiroit  que  par  moien  de  aquerre  en  Flandres,  en  Hay- 
nau,  en  Brabant  des  amis,  adonc  fui  moult  re^*ois  de  l'aliance 
que  il  avoit  en  Flandres;  et  tint  Jaques  de  Hartevelle  en  grant 
amour,  car  bien  savait  que  c'estoit  par  le  dit  Hartevelle.  Sy  fist 
le  roy  d'Engleteterre  rendre  a  Flameus  tout  les  droitures  de 
mer,  et  laissa  courir  toute  marchandise  par  my  leur  pays,  et  re- 
mist  l'estaple  de  laignes  à  Bruges  quy  eslongîet  leur  estrat.  Dont 
les  Flamens  en  eurent  grant  joie. 

Assés  tos  après,  le  dit  roy  d'Engleterre  s'avisa,  par  my  le 
consail  et  enhort  qu'il  eut  de  messire  Robert  d'Artois,  que  il 
vendroient  prendre  port  en  Flandres  ou  en  Brabant,  auquel  lés 
il  plairtNt  au  duc  de  Brabant  son  cousin,  au  duc  de  Gberdres, 
au  conte  de  Hons,  au  marquis  de  Julers,  au  seigneur  de  Faul- 
qnemont  et  à  Jaques  de  Hartevelle  et  à  ceulx  qui  dévoient  ay- 
dier  à  faire  sa  guerre.  F"  92  et  93. 

lit.  de  Rame  :  Or  s'espardirent  ces  nouvelles  en  Flandres,  en 
France  et  ailleurs,  que  chil  qui  en  garnison  s'estoient  toiu  un 
grant  temps  en  l'ille  de  Gaant,  estoient  tout  desconfi,  et  la  ville 
tellement  arse  que  on  ne  savoit  où  retraire  :  li  contes  de  Flan- 


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[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  «»•  413 

dres  en  fii  durement  couroachie's,  et  Jaquèmes  d'Artevelle  et  tout 
chil  de  sa  sexsteresjoy. 

Pour  ce,  se  fille  de  Gaant  ta  délivrée  des  Flamens,  chevaliers 
et  esquiers,  qui  gardé  l'avoîent  un  lonch  temps  au  conmandement 
dou  comte  de  Flandres,  ne  se  retonrna  pas  ù  tos  U  «agoages  ne 
la  marceandise  ou  pais  de  Flandres,  car  Jaquèmes  d'Artevelle  i 
mist  empecement,  je  vous  dirai  conroent.  Vnirg  est  que  li  englols 
marceant,  liquel  avoient  sus  le  qai  à  Londres  et  ailleurs  pluîs- 
seurs  n<Hnbres  de  sas  de  lainnes,  en  desiroieot  à  avoir  Ich"  delï- 
vroDche,  pour  atraire  à  euls  les  deniers.  Aussi  li  marceant  de 
Flandres  et  de  Braibant  et  li  drapier  lez  desiroient  à  avoir  et  à 
acater,  pour  faire, ouvrer  et  mettre  en  la  draperie,  ensi  que 
usages  est  que  tout  pais  vivent  et  s'estofent  et  gouvernent  l'un 
de  l'autre.  Et  tout  ce  sentoit  et  savoit  bien  de  la  nécessité  Ja- 
quèmes d'Artevelle.  Et  tantos  apriès  la  bataille  de  Gaiant,  il 
escripsi  au  roi  d'Engleterre  et  son  consel  que  point  ne  se  has- 
tassent  de  envoiier  en  Flandres  ne  à  l'Ëscluse  les  marceandises 
d'Engleterre;  et  les  tenist  encores  closes,  jusques  à  tant  que  on 
aueroit  aultres  nouvelles  de  li.  Li  rois  d'Engleterre  et  ses  con- 
sauls,  qui  se  voloient  rieuter  de  tous  poins'  par  sen  ordenance, 
entendirent  à  ces  lettres  et  segoefiances  dou  dit  d'Artevelle,  pour 
vetHT  quel  cose  il  vodroit  dire  et  faire. 

Qanl  chil  de  Bruges,  dou  Dan,  de  l'Ëscluse,  d'Ipre  et  de  Cour- 
trai  et  dou  tieroit  dou  Franc  veirent  que  la  mer  n'estoit  non  plus 
ouverte  apriès  la  bataille  de  Gaiant  comme  en  devant,  si  con- 
menchièrent  à  murmurer  generaulment,  et  à  dire  li  uns  à  l'autre, 
eus  es  villes  :  ■  Jaques  d'Artevelle  nous  donnoit  anten  à  entendre 
que  il  avoit  le  wagne  de  la  draperie  en  la  main,  elle  nous  feroit 
avoir  toutes  fois  qantes  fois  que  il  vodroit.  Nous  quidions  que  la 
maladie  iessist  dou  lés  deviers  Gaiant,  et  par  ceulz  qui  là  se  te- 
Doient  en  garnison.  Or  en  est  U  pas  délivrés,  et  se  ne  retourne 
point  la  marceandise  en  Flandres.  Ce  seroit  bon  que  on  alast  à 
Gaind  parler  à  lui,  et  savoir  à  quoi  il  perist.  > 

Sus  cel  estât,  tout  s'acordèrent.  Et  se  quettièrent  des  bonnes 
villes  de  Flandres  auquns  notables  honmes,  et  vinrent  k  Gaind  ; 
et  parlèrent  à  d'Artevelle,  et  proposèrent  toutes  les  paroles  desus 
dittes.  Il  respondi  à  celles  et  dist  :  ■  Il  est  venté  que  je  di  ensi 
et  encores  le  dis  je.  Se  vous  volez  que  li  proufis  et  li  wagnages 
vous  retoume,  il  fault  que  vous  aiiés  aliances  grandes  et  fortes 
au  rcH  d'Engleteire ,  dont  li  proufis  vous  puet  venir,  et  qui  vous 


DiqitizeabyG00»^lc 


4U  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [ISSS] 

a,  des  emiemis  de  la  mer  qui  se  tenoient  à  (îaiant,  deliTré  le 
pais.  Par  celle  voie,  l'ai  je  toutdis  ensi  entendu  et  non  aultrement. 
Et  se  vous,  qui  chi  estes  cnToiiet  de  par  ta  grignour  partie  des 
bonnez  villes  de  Flandres,  voles  venir  avoecques  moi  en  Engle- 
terre  parler  au  roi  et  à  son  consel,  nous  esploiterons  tellemenl 
que  nous  remeterons  le  wagnage  et  le  pourfit  ou  pais  de  Flan- 
dres. >  Donc  respondireut  li  plus  sage  de  la  compagnie  et  «lis- 
sent :  I  Sire,  nous  ne  sonmes  pas  cargiet  si  avant  que  nous  vous 
acordoDS  le  voiage.  Nous  retournerons  casquns  en  sa  ville,  et 
mêlerons  les  bonnes  gens  ensamble,  et  leur  recordcrons  ce  qw 
nous  avons  oy  de  vous  ;  et  ce  que  il  en  vodront  faire,  on  le  tous 
segnefiera  et  bien  briefment.  »  —  i  À  la  bonne  heure,  >  respondi 
d'Artevelle. 

Il  prissent  congiet;  il  se  départirent  de  Gaind,  et  retouroèrent 
casquns  en  lors  lieus.  Et  missent  les  consauls  des  bonnes  villes 
ensamble,  et  remoustrèrent  tout  ce  que  vous  avés  oy.  Euls  can- 
silbcs  bien  et  par  grande  délibération  et  pour  le  comnun  pourfit 
de  Flandres,  avoecques  ce  que  U  contes  esloit  trop  grandemenl 
hais  ou  pais,  tant  pour  l'amour  dou  signenr  Courtrissim  leqnd 
il  avoit  fait  decoler  que  pour  aultrex  soufEssans  honmes,  ens  es 
bonnes  villes  acordé  et  ordonné  fu  que,  avoecques  Jaquemnn 
d'Artevelle,  de  toutes  tes  bonnes  villes  de  Flandres,  iroient  en 
Engleterre  deus  honmes  ;  et  chil  qui  là  seroient  envoiiet  prie- 
roient  au  roi  d'Engleterre  que  les  marceandises  des  lainnes,  1« 
quelles  lor  sont  moult  nécessaires,  il  vossist  consentir  que  elle? 
retournassent  en  Flandres,  tant  que  il  en  fuissent  aisiet  et  seni, 
ensi  que  dou  temps  passe'  avoient  este';  et  il  tenroient  generaD- 
ment  par  toute  Flandres  l'ordenance  et  le  treltie  que  cbil  At 
Gaiud  avoient  juret  à  tenir  et  proumis  par  lettres  et  seelés  à  l'e- 
vesque  de  Durem  et  à  ses  connus,  qant  darrainnement  il  for^  * 
Gaind. 

Sus  cet  estât,  s'ordonnèrent  chil  qui  cslcu  furent,  d'ater  en 
Engleterre  avoecques  Jaquemon  d'Artevelle.  Et  li  dis  d'Artevelle 
estoit  jà  tous  pourvcus  de  son  estai,  grant  et  estofë  aussi  bien 
conme  uns  contes;  et  s'en  vint  à  Bruges,  et  fu  là  requelliés 
ensi  conme  uns  sires  dou  pais.  Tout  li  aultre  bourgois  des 
bonnes  villes  de  Flandres  vinrent  à  Bruges,  et  là  s'asamblèrenl. 
Et  qant  tout  furent  venu,  il  vinrent  à  l'EscIuse;  et  trouvèrent 
deus  vassiaus  tous  pr&s,  pour  euls  porter,  et  deus  hoquebos  pour 
lors  pourv'cances.  Si  entrèrent  ens  es  dis  vassiaus,  et  se  desan- 


DiqitizeabyG00»^lc 


[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  6S.  413 

crèrent  et  se  départirent  de  l'Esclnse;  et  esploitièrent  tant,  & 
l'aide  de  Dien  et  don  vent,  que  il  entrèrent  en  la  Tamise,  et 
vinrent  à  Londres.  Et  issirent  sus  le  qai  hors  de  lors  vassiaus, 
et  se  logièrent  tout  à  lor  aise  en  la  rue  de  la  Riole. 

Pour  ces  jours,  se  tenoient  li  rois  et  la  roine  à  Eltem,  à  sept 
tienes  englesces  de  Londres,  liquel  furent  tantos  enfourm^  de  la 
venue  des  Flamens.  Li  rois,  qui  desiroit  à  savoir  lor  entente  et 
pourquoi  il  estoient  venu,  leur  segnefia  que  il  venissent  parler  à 
lui;  et  si  escripsi  et  envoia  ses  lettres  et  ses  messages  deviers 
son  consel,  et  lor  manda  que  tantos  et  sans  délai  il  venissent  à 
Londres.  Jaquèmes  d'Artevelle  et  li  Flamench  vinrent  à  Eltem 
toat  preraierement  veoir  le  roi  et  la  roine,  liquel  les  requelliè- 
rent  moult  courtoisement.  Et  là  lor  remoustra  li  dis  Jaques,  en 
la  presence  de  tous  ses  compagnons,  ce  pour  quoi  il  estoient 
venu  et  là  envoiiet.  Et  prioient  les  conmunaut^s  des  bonnes 
villes  de  Flandres  que  ce  fusl  la  plaisance  et  l'acort  dou  roi  que 
l'estaple  et  la  marceandise  des  lainnes  peuist  venir  en  Flandres, 
ensi  que  aulti'e  fois  avoit  fait.  Li  rois  respondi  à  ce  et  dist  que 
il  en  aueroit  avis  et  consel,  et  en  seroient  de  lor  demande  et  re- 
queste  respondu  dedens  un  jour  que  il  lor  nonma,  et  seroit  la 
response  faite  ens  ou  palais  de  Wesmoustier.  De  cez  paroles  il 
se  contentèrent  assés. 

Si  disnèrest  ce  jour  tout  chil  Flamenc  en  la  cambre  dou  roi 
et  de  la  roine.  Et  lor  fu  moustrëe  la  plus  grant  amour  conme 
on  pot,  et  par  espectal  à  Jaqucmon  d'Artevelle,  car  bien  sen- 
toient  li  rois  et  la  roine  que  il  estoit  tous  souverains  des  aultres, 
et  aussi  que  de  bonne  amour  il  les  amoit.  Et  parla  aussi  li  rois 
à  li,  à  part,  de  pluisseurs  coses.  Et  d'Artevelle,  qui  voloit  l'aug- 
mentation dou  roi  d'Engleterre,  li  remouslra  tout  bellement  la 
voie  et  la  manière  conment  il  poroit  entrer  en  la  grasce  dou  pais 
de  Flandres,  avoech  ce  que  il  i  rendoit  et  renderoit  grant 
painne.  Qant  il  orent  assés  parlé  ensamble,  li  Flamenc  prissent 
congiet  pour  celle  heure  j  et  retournèrent  à  Londres,  et  atendi- 
rent  que  li  rois  vint  à  Wesmoustier,  et  que  tous  ses  consauls  fu 
venus  à  Londres. 

Adonc  furent  li  Flamenc  mande  au  palais;  il  vinrent.  Là  fu- 
rent oy  de  tout  ce  que  il  vodrent  dire;  il  furent  respondu  si 
courtoisement  que  il  s'en  contentèrent,  car  il  empêtrèrent  tout 
ce  que  il  vodrent  avoir.  Et  aussi  il  proumissent  au  roi  là,  ou  cas 
que  il  vodroit  passer  la  mer  à  une  qantité  de  gens  d'armes  et 


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416  CHRONIQUES  DE  J.  FHOiSSART.  [1338] 

d'archicrs,  il  seroit  requelliës  en  Flandres  bellement  et  douce- 
ment. Et  se  li  dus  de  Braibant,  son  cousin,  et  li  contes  de  Geriles 
son  serouge  et  ti  marqis  de  JuUers  et  les  Ajemans  qui  avoecques 
lui  s'estoient  aliiet,  voloient  desfiier  le  roy  de  France,  il  trouve- 
roit  les  conmimautés  de  Flandres  tout  apparilliet  pour  aler,  fiist 
devant  Tournai  ou  Cambrai,  là  oili  il  les  vodroit  mener.  Li  roi$ 
d'Engleterre,  qui  très  grant  désir  avoit  de  faire  sen  emprise,  les 
ny  volentiers  parler,  et  les  remercia  ;  et  lor  dist  que  sans  faute, 
^edens  la  Saint  Jehan  Baptiste,  il  seroit  oultre  la  mer. 

Ensi  se  portèrent  ces  ordeoances.  Li  Flamenc  eurent  dou  roi 
tout  ce  que  ils  desiroient  à  avoir,  et  retournèrent  arrière  en 
Flandres  et  i  raportèrent  le  wagnage,  car  la  mer  fu  ouverte.  Et 
vinrent  les  lainnae  en  Flandres,  à  l'Eseluse,  au  Dam  et  à  Bruges; 
et  là  les  venoient  querre  et  acater  li  marceant  drapier  de  Brai- 
bant,  et  tout  chil  qui  les  voloient  avoir,  F*  42. 

P.  ISn,  1.  17  :  grosses.  —  lUt.  d Amiens:  Et  jà  estoient  ses 
pourveances  faitez  en  Anwiers,  car  il  desiroit  à  là  venir  pour 
savoir  bien  parfaitement  l'entention  dou  duch  de  Braibant,  son 
cousin,  don  duch  de  GerlIcs  et  de  celt  de  Jullers  et  des  Atte- 
mans.  F°  Î9.  —  Ms.  de  Rome  :  Tout  cel  ivier,  ordonna  li  rois 
d'Engleterre  ses  pourveances  grandes  et  grosses.  Et,  qant  ce 
vint  à  l'esté  que  on  compta  en  l'an  de  grasce  Nostre  Signeor 
mil  trois  cens  trente  et  huit,  environ  la  Saint  Jehan  Baptiste,  il 
prist  congiet  à  la  roine  Pbelippe  sa  fenme  ;  et  h  ot  en  couvenaul 
par  sa  foi  que,  se  il  veoit  que  séjourner  le  couvenist  longemeot 
par  deçà  la  mer,  que  il  le  remandcroit.  La  bonne  dame  s'a- 
paissa  sur  ce  et  demora  à  Windesore,  et  là  tint  son  hostel,  et  jà 
avoit  son  fil  qui  portoit  le  nom  dou  père,  £douwart,  et  fu  puis 
princes  de  Galles.  Et  demora  la  roine  ençainte  et  priés  que  sus 
ses  jours  :  ce  fu  de  une  fille,  qui  ot  nom  Issabiel,  et  puis  fa 
dame  de  Couci,  ensi  que  vous  orés  recorder  avant  en  l'istore. 

Qant  tout  chil  que  li  rois  voloit  mener  avoecquez  liù  furoit 
venu  à  Londres,  et  la  navic  toute  preste,  et  chil  ordonné  qui 
garderoient  le  pais  et  la  frontière  d'Escoce,  U  rois  entra  en  sm 
vassiel;  et  tout  li  aultre  entrèrent  ens  es  vassiaus,  qiû  estoient  or- 
donné pour  euls,  sus  la  rivière  de  la  Tamise.  Si  levèrent  li  ma- 
ronnier  les  voiliez,  et  sachicrent  les  ancres  à  mont,  et  se  dépar- 
tirent dou  havene  de  Londres;  et  entrèrent  dedens  la  mer,  et 
avoient  le  vent  et  la  merée  pour  etits.  F*  43. 

P.  139,  t.  19  :  acompagniés.  —  JHî.  d Amiens  :  le  roynne 


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[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  6»-  417 

avoecq  lui,  qui  toutte  enchainte  estoit,  messires  Roblers  d'Ar- 
tois, li  comteï  Derbi,  ti  comtez  de  Warvich,  ti  camtez  de  Penne- 
bnicq,  li  comten  de  Sufforch,  11  comtez  d'Arondiel,  ii  comtes  de 
Reut,  li  evesques  de  lincolle',  li  evesques  de  Durem,  messires 
Regnart  de  ûobehen,  messires  Richars  de  Sbimfort,  li  slrez  de 
le  Ware,  messires  Guillaummcs  Filz  Warine,  li  sirez  de  Biau- 
camp,  messires  Gautiers  de  Mauni,  li  sirea  de  t'erières,  messires 
Phelippes  de  Hastingez,  li  sirez  de  Basset,  li  slrez  de  Willebi,  li 
sirez  de  Brasseton  et  pluiseur  autres  ;  et  eurent  vent  à  souhet  et 
arrivèreut  ou  havene  de  Ajiwiers,  environ  le  Saint  Obert  et 
Sainte  Luce.  F°  99.  —  Mi.  £  6  :  En  sa  compaignie  fu  ma- 
damme  sa  femme,  avecques  luy  messire  Robert  d'Artois,  quy  s'a- 
l>elloit  conte  de  Ricbemont.  F*  04.  —  Ms.  de  Rome  :  En  la 
compagnie  dou  roi,  avoit  grant  fuison  de  barons  et  de  chevaliers 
d'Engleterre.  Et  i  estoit  messires  Robers  d'Artois,  qui  toutes  ces 
coses  avoit  atisies  et  eslev^es.  Et  esploita  tant  ceste  navie  que, 
sans  péril  et  damage,  il  arivèrent  en  Anwiers,  la  nuit  Saint 
Jaque  et  Saint  Cristofle.  F*  43. 

P.  139,  1.  33  ;  gens  vinrent,  —  Jtti.  dJmiens:  Ensi  se  de- 
tria  ceste  cose  ung  grant  temps,  et  tant  que  li  roys  d'Engleterre 
assambla  ung  grant  parlement  à  estre  à  Anwers.  Et  y  furent  li 
dus  de  Braibant,  li  comtez'  de  Gerllez,  ses  serourges,  li  marchis 
de  JuUers,  ti  comtez  de  Clèves,  ti  comtez  de  Saumcs,  li  marchis 
de  Blancquebourc,  li  sirez  do  Fauquemont',  messires  Jehans  de 
Haynnau;  mes  li  comtez  de  Haynnau  n'i  fu  point,  car  il  dist  que 
i)  n'y  avoit  que  faire,  de  quoy  li  toys  de  Franche  li  seult  grant 
gret  de  ceste  excusanche.  F°  30. 

Ms.  B  6  :  Quant  le  duc  de  Brabant  sceut  la  venue  de  son 
cousin  le  roy  d'Engleterre,  sy  envoia  devers  luy  de  ses  cheva- 
liers, à  cause  de  les  bien  vignier.  Et  ly  jones  conte  de  Haynan, 
ses  Serouges,  le  vint  veoir.  Et  osy  fist  Jaques  de  Hartcvelle. 
Entre  les  quelz  et  le  roy  il  eult  grans  alianches  et  aprochemens 
d'amours.  Depuis,  vinrent  ces  seigneurs  d'Alcmaignes  les  uns 
après  les  autres,  qui  moult  le  desiroient  à  veoir.  Sy  eult  là  grant 
parlement  ensemble,  as  tpielz  le  jone  conte  de  Haynnau  ne  vol- 
loit  point  estre  ;  mais  disoit  à  che  commencbement  qu'il  demou- 
roit  franchois  et  delés  le  roy  son  oncle.  F°  94. 

1.  Vj.  d«  fale/Kunnu  :  NicoUe.  I^  62. 

2.  liid.  !  le  dnc  de  Gnerlei.  F°  64.  —  3.  iiiJ.  :  Franquemont.^ 

I— Î7 


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418  CHRONIQUES  DE  J.  PROISSART.  [1338] 

Afj.  de  Home  :  Et  chîb  qui  premieremenl  i  vint,  ce  fu  me»- 
sires  Jehans  de  Haionau,  dont  U  rob  li  sceut  grant  gret,  car  par 
U  et  par  son  consel  en  partie  il  se  voloit  ordonner.  Apriès,  vint 
li  dus  de  Braibant,  son  cousin  germain,  et  puis  li  contes  de  Gér- 
iez et  li  marchis  de  Jullers.  F°  43. 

P.  140,  I.  1  ;  Anwiers.  —  Ms.  d Amiens  :  Assés  toat  apriès 
che  que  li  ra}-s  englès  fu  arîvéz  en  Anviers,  la  roinne  sa  femme 
ajut  d'un  fil  qui  fu  appelez  Lions*,  et  y  eut  grant  feste  à  le  re- 
lever. Et  y  fut  li  comtez  de  Haynnau,  frères  à  le  roynne,  mes- 
sires  Jehans  de  Haynnau,  oncle/,  de  la  dammc  et  que  li  roys  en 
ce  tamps  amoit  moût,  et  grant  plenté  de  chevalerie  de  Haynnaa 
qui  estoient  aie  veoir  le  roy  et  le  roynne  et  qu'il  n'avoient  veut, 
trop  grant  temps  avoii, 

Endementroes,  treloît  Jaquèmes  d'Arteveile  enviers  le  conte  de 
Flandrcz  que  il  se  volsist  aviser  et  aler  avoec  son  plus  especîal 
consseil  «leviers  le  roy  d'Engleterre,  et  fesist  tant  que  il  demou- 
raist  ses  amis.  Mais  li  comtes  n'y  avoit  nulle  plaisanche  ne  affec- 
tion de  venir  ne  d'aller,  et  disoit  bien  que,  pour  aperdre  tontte 
le  revenue  de  Flandrez,  il  ne  s'acouvenencheroit  jà  ne  aloieroit 
au  roy  d'Engleterre,  pour  gheriier  le  roy  de  Franche  son  cousin 
ne  le  royaunuse.  Et  se  doubla  li  comtez  que  de  forche  on'  ne  l'î 
raenast,  et  li  fesist  on  faire  cose  dont  il  fuist  courouci^s  apriès. 
Si  se  parti'  de  Flandrez,  et  enmena  le  comtesse  madamme  Mar- 
gherite  sa  femme  et  Loeis  leur  Gl  ;  et  s'en  vint  en  France*  dallez 
te  roy  Phelippe,  qui  très  vollentiers  le  rechupt,  et  le*  asigna 
d'une  somme  de  florins  tous  les  mois  à  recepvoir,  pour  son  estât 
tenir  et  aidier  à  parmaintenir. 

Quant  chil  de  Flandrez  virent  que  li  contez  leurs  ûrtz  estoit 
secrètement  partis  et  widiéz  le  comtet  et  trèz  deviers  te  roy  de 
Franche,  et  que  il  n' avoit  nulle  volentë  de  y  estre  de  l'alîanche 
des  Englès,  si  se  conseillièrent  enssamble  coumment  il  poroient 
parseverer.  Et  eurent  consseil  par  l'acord  de  d'Arteveile,  qui  au 
voir  dire  estoit  plus  favourables  au  roy  englès  que  il  ne  fuist  au 
roy  de  Franche,  que  il  s'en  yroît,  bien  acorapaigniés  des  pins 

1.  Ml.  B  6  :  et  fu  de  puii  duc  de  CtarenK,  ly  comme  vou»  or^t  chy 
avant  en  ce»  cronique»,  F»  96. 

2.  Ml.  Je  VaUnciennet  .-  de  nuyt.  F*  62  v» 

3.  Ibid.  .-  ±  Parîi. 

it.  Ibid.  :  et  lear  auena  leur  ili  prenderoient  finances,  pour  leur 
«Jtat  n    ■   ■     ■ 


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[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  6S.  419 

richez  et  honnerablez  bourjoîs  de  Flandrez,  deviers  le  roy  d'En- 
gleterre  qni  estoit  en  Anwiers,  et  saroient  une  partie  de  sen  en- 
tente. 

Et  s'en  vint  adonc  d'Artevelle,  lui  acompaigni^s  de  soissante 
bourgoU  des  plus  ^ans  de  Flandrez,  en  Anviers  deviers  le  roy, 
qui  liement  rechapt  d'Artevelle  et  tous  les  autres  pour  l'amour 
de  lui,  car  on  li  avoit  bien  dit  qu'il  estoit  souverains  en  Flan- 
dres, et  que  deseure  lui  n'y  avoit  nul  plus  grant.  Pour  ce  le 
festia  et  requcUi  li  roys  amiabtement  ;  et  li  dist  que,  pour  l'amour 
de  lui,  toutte  Flandrez  en  vauroit  mieux.  Et  rendi  là  adonc  U 
roys  d'Engleterre  as  Flammens  l'cslaple  et  le  marchandise  dez 
lainnez  que  jà  leur  avoit  tolut  plus  de  trois  ans,  parmy  tant  que . 
il  pooit  et  tout  li  sien  aller,  armet  et  desarmet,  parmy  le  comté 
de  Flandre,  et  ariver  où  qu'il  li  plairait.  Et  de  ce  furent  faittez 
lettres  seellées  dou  roy  et  des  bonnes  villes  de  Flandres. 

Encorres  requist  li  roys  as  Flammens  que  il  volsissent  avoecq 
lui  gheriier  le  royaumme,  et  entrer  en  Tournesls  et  en  le  caste- 
terie  de  Lille  et  de  Douay  et  ardoir  ;  mes  li  Flammens  s'escusè- 
rent  à  ce  donc  au  roy  d'Engleterre.  Et  dissent  que  il  estoient 
si  fortement  obligiet  enviers  le  roy  de  Franche  que  il  ne  le 
pocnent  grever,  ne  entrer  de  fet  en  son  royaumme,  que  il  ne 
fuissent  ataint  d'une  si  grant  somme  de  florins  que  à  malaise  en 
poroient  il  finer.  Et  li  priièrent  que  ce  li  volsist  souffire,  jusques 
à  une  autre  fois,  qu'il  y  aroient  mieux  cause.  Et  li  roys  s'en  ap- 
paisa,  et  leur  donna  au  partir  grans  dons  et  biaux  jeuîaux;  et 
ossi  fist  li  roine. 

Si  se  partirent  li  Flammencq,  et  s'en  rallèrent  cbacuns  en 
letu's  lieux.  Et  Jaquèmes  d'Artevelle  revint  à  Gand,  qui  souvent 
alloit  et  venoit  jusquez  en  Anwiers  viseter  le  roy  Edouwart;  et 
li  proummctoit  qu'il  le  ferait  seigneur  de  Flandrez.  Et  quoyque 
li  Flammencq  dcsissent  maintenant,  se  l'en  feroit  il  avoir  cent 
mille  tous  armes,  quant  il  vorrcnt,  pour  ardoir  sus  le  royaumme 
auquel  l^s  qu'il  li  plairait.  De  quoy  li  rois  d'Engleterre  avoit 
grant  joie;  et  atendcùt  de  loi  grant  confort,  et  ossi  de  tout  le 
pays  de  Flandres. 

Monlt  estoit  cbilz  Jaquèmes  d'Artevelle  prochains  et  amis  dou 
roy  d'Engleterre,  cremus  et  doutés  par  toutte  Flandrez.  Car, 
depuis  que  li  comtei  en  fu  partis,  enssi  comme  vous  avés  oyt,  il 
y  resgna  comme  sires;  et  n'y  avoit  avant  lui  nul  plus  grant  sei- 
gneur, et  tenoit  grant  estât  et  puissant  entre  le  ville  de  Gand.... 


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bSO  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1338] 

Vous  xvés  oy  chy  dessus  recorder  coumment  li  roys  de  Fran- 
che avoit  mandet  et  escript  au  comte  de  Haynnau  et  au  duch  de 
Braibant  que  nulles  alianches  il  n'ewissent  au  roy  d'Engletem  ; 
et  se  il  les  y  avoïent,  il  leur  arderoit  leur  pays.  Nonobstant  ce 
que  cil  seigneur  s'escusaissent  déviera  le  roy  de  Franche,  si  es- 
toient  il  as  parlemens  le  roy  d'Engleterre,  et  par  especiat  li  ducs 
de  Braibant,  car  il  s'estoit  jà  aconvenenchiés  au  roy  d'Engte- 
terre,  mais  li  Jones  contes  de  Haynnau  non,  et  disoit  bien  que  il 
ne  gkeriroit  jà  le  roy  de  Franche  son  cher  ODcle,  se  il  ne  li  faî- 
soit  desplaisir  devant.  F*  29  v"  et  30. 

P.  140,  I.  5  :  humlement.  —  Ms.  de  Faienciennes  :  doul- 
cement.  P  64. 

P.  140, 1.  14  :  par  sambtant.  —  Mi.  JJmient  :  Si  estoit  cbe 
(U  dus  de  Braibant)  li  ungs  de  ciaus  pour  quoy  li  roys  d'Englfr- 
terre  avoit  adonc  le  plus  assemblé  seo  parlement.  P  30. 

P.  141,  I.  3  :  Saint  Bernard.  —  Ms.  dJmieoM  ;  Li  roys 
d'Engielerre  demoura  tous  quoys  en  Anwers,  en  l'abbele  Saint 
Bemart',  et  la  roynne  sa  femme  avoecq  lui,  qui  nouvellement 
estoit  relevée  d'enfant  d'un  biau  fil,  que  on  clamoit  Lion;  et  fu 
puisedi  ducs  de  Clarence  et  mariés  en  Lombardie,  ensi  comme 
vous  orés  avant  en  l'istoire.  Li  comtez  Guillaummes  de  Baynuau 
et  messires  Jehans  de  Haynnau  venoient  à  le  foix  veoir  le  roy  et 
le  roynne  ;  et  se  tenoient  dallez  lui  deux  jours  ou  trois,  et  puis 
s'en  retournoient.  F°  30. 

P.  141,  I.  9  :  bonnes  villes.  —  Ms.  d Amiens  :  à  Brouielles, 
à  Malinnez,  à  Gand,  à  Brugez  et  partout  où  il  leur  plaisoit  à 
aler.  P  30. 

P.  141 ,  I.  10  :  de  Braibant.  —  Ms.  d Amiens  :  Vous  avés 
bien  oy  aucunes  fois  dire  et  compter  que  on  saut  bien  si  avant 
dont  on  ne  poett  recuUer.  Ossi  on  se  oblège  bien  et  acouve- 
nenche  teUement  que  par  honneur  on  ne  s'en  poet  partir.  A  ce 
pourpos,  li  dus  Jehans  de  Braibant  s'estoit  acouveuenchiés,  jurés 
et  obUgiéz  si  avant  et  si  expresseement  au  roy  d'Eugleterre  que  il 
ne  pooit  reculler,  ne  enfraindre  ce  que  proummis  li  avoit;  et,  an 
voir  dire,  c'estoit  set  cousins  germains  i  si  le  devoit  par  linaige 
aidier. 

Or  avoit  à  ce  donc  U  dus  de  Braibant  en  son  pays  ancuns  ba- 

1 .  Mt.  de  Valmàeimts  :  Et  là  demoura  le  roy  et  la  roynne  en  l'al»- 
bttie  Saiut  Michicl  cd  Ampven.  P°  64  «*- 


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[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  66-  Ml 

roiu  et  chevaliers  qui  estoient  plus  eDcUn,  li  ung  as  Euglès,  et  li 
autre  as  FVanchois,  enssi  que  li  coers  sont  de  divierses  conditions. 
Et  touttes  fois,  li  plus  estoient  favourable  au  roi  d'Engleterre,  et 
espedalment  les  bonnes  villes  de  Beaibaut.  Et  volsissent  bien  li 
plus  que,  sans  arricst,  li  rois  d'Engleterre  fust  autrement  comfor- 
tét  qu'il  n'estoit.  Mes  li  dus ,  qui  estoit  sages  et  avisas ,  ne  se 
volloit  mies  mettre  en  gherre  contre  le  roy  de  Franche,  sans 
délibération  de  plus  grant  consseil ,  car  il  resongnoit  les  périls  à 
quoy  il  en  pooit  venir  ;  et  disoit  biea  en  son  secret  que  il  ne  se- 
roit  jà  Englès,  se  Haynuyers  et  Flamens  ne  l'estoient  ossi  avant 
comme  il. 

De  legier,  Flammencq  '  s'i  accordoient,  car,  au  voir  dire,  d'Àr- 
tevelle,  qui  estoit  adonc  tout  en  Flandrez,  estoit  plus  enclins  et 
favourablez  au  roi  englèz  sans  coniparisoD  que  il  ne  fust  as  Fran- 
chois.  Si  prechoit  tous  les  jours  chiaux  de  Gand ,  de  Brugez ,  de 
Ippre,  de  Courtray  et  de  Audenarde  et  des  bonnes  villez  de  Flan- 
dres; et  leur  remoustroit  tant  de  si  bêliez  raisons  que  il  estoient 
enssi  que  tout  appareilliet ,  au  coummandement  d'Artevelle,  que 
de  servir  le  roy  d'Engleterre  en  ceste  besoingne. 

Ossi  eus  es  bonnez  vilIez  de  Hayimau ,  estoit  U  rois  d'Engle- 
terre trop  plus  recoummandéz ,  loës,  amez  et  honnourëz  que  ne 
fust  U  roys  de  France.  Et  volsissent  bien  les  coummunanltéz  que 
li  cocDtes  de  Haynnau ,  leurs  sirez ,  ewist  aliancbe  et  faveur  au 
roy  d'Engleterre  ;  mes  il  n'en  avoit  nul  désir  et  disoit  que  li 
roys  de  France,  ses  biaux  onclez ,  li  estoit  plus  prochains ,  et  li 
royaummez  de  Franche  plus  amis*,  que  U  roys  d'Engleterre  ne 
ses  pays.  Et  à  che  premiers  li  roys  de  Franche  l'en  savoit  très 
bon  gret,  et  disoit  que  il  s'en  portoit  bêlement  et  sagement, 
F*  30  V». 

S  66.  P.  141 ,  1.  17  :  escuser.  —  Ms.  de  Home  :  Li  contes 
de  Gerles,  li  marqis  de  JuUers,  U  sirez  de  Fauqaemont,  li  arce- 
vesques  de  Coulmgne,  messire  ErnoiUs  de  Baquehera  et  U  Ale- 
mant  envoiièreni,  casquns  endroit  de  soi,  à  la  journée  euls  escuser 
soufBssanment.  F"  43. 

1.  Us.  de  FaUneit/ina  ;  Tant  que  do  Flindra,  avoit  beau  coranen- 
cement  le  roy  d'avoir  l'accord,  c*r  tous  li  communs  otoïi  pour  Iut; 
et  auui  Arterelle  les  presçoit  sonrent,  et  remonitroit  lant  de  belles 
raisoiu  ipie  il  estaient  auque*  tout  pm!.  F°  65. 

3.  /iik,  :  plus  voisins  et  amis. 


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4»  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1338] 

P.  141 ,  1.  20  :  plus  proçains.  —  Mi.  d Amiens  :  de  liiuige 
et  de  conseil  ào\x  roy,  et  à  qui  tout  li  autre  se  atendoieut  et  re- 
gardoient.  P*  30  v°. 

P.  141,  1.  26  :  responses.  —  Mi.  d Amiens  :  Et  quant  U  roya 
englès  oy  ces  nouvelles,  û  fu  plus  pensùeuz  que  devant.  Si  s'en 
conseilla  à  monseigneur  Robert  d'Artois  son  cousin  et  au  comte 
Derbi  quel  cose  il  estoit  bon  à  faire  de  ceste  be'swigne.  Il  U  di- 
sent que  il  mandaist  le  duc  de  Braibant  et  )î  remoustrast  touttea 
ces  escusances.  Adonc  te  manda  U  rois  :  il  vint  en  Anviers  par- 
ler à  lui.  F»  30  V». 

P.  142 ,  1.  6  :  consiilies.  —  Mt.  de  FaUncieimes  :  il  dist  au 
roy  :  i  Sire ,  je  n'ay  mte  conseil  que ,  ainchois  que  je  vous  en 
aye  plus  avant  en  couvent,  je  feray  aiachois  reparler  à  ces  sei- 
gneurs d' Alemaigne ,  et  adonc  je  vous  feray  response  finable.  s 
—  3fr.  de  Rnme  :  Li  dus  de  Braibant  respondi  et  dist  :  a  Sires 
et  biaus  consîns,  il  ne  sont  que  faire  d'esquser  par  mi ,  car  je 
sui  tout  prés;  et  faites  que  une  journée  de  parlement  soit  à 
Halle,  et  que  tout  i  viengnent.  Et  je  serai  là;  et,  qant  nous  se- 
rons tout  l'un  devant  l'autre ,  et  vous  nous  requerrës  que  nous 
façons  ce  en  quoi  nous  sonmes  obligiet  deviers  vous ,  vous 
verés  adonc  ceuls  qui  ont  ta  plus  grande  affection  à  la  beson- 
gne.  »  F»  43. 

P.  142,  1.  8  ;  signeurs.  —  Ms.  de  Futenciennes  :  d' Alemai- 
gne. V  65  v«. 

P.  142,  1.  15  :  qu'il  fuissent.  —  Mt.  d  Amiens  :  à  Halle  ou 
à  Destre*  encontre  lui,  au  jour  de  Nostre  Damme  my  aoust,  s'il 
ne  volloient  venir  plus  priés  de  lui  pour  acorder  avant  de  leur 
emprisse ,  et  pria  an  duch  que  il  y  volsist  y  estre  et  que  il  se 
pourveist  et  appareillast  dedens  ce  jour  si  sDufHssamment  que 
chil  seigneur  ne  se  pewissent  excuzer  parmy  lui.  F"  30  v*. 

P.  142,  1.  21  :  à  Halle.  —  Afj.  d  Amiens  :  à  Diestre,  le  jour 
Nostre  Dame  mi  aonst,  l'an  mil  trois  cens  trente  et  huit.  F*  30 
v*.  —  JUs.  de  Rome  :  à  Halle,  à  un  parlement  qui  là  se  tenroit. 
Tout  obéirent  et  i  vinrent,  et  se  logièrent  dedens  la  ville  ou  ens 
es  fourbours.  Qant-  tout  furent  venu ,  li  rois  d'Engleterre  les  re- 
merchia  de  lor  diligense.  Et  estoit  li  dis  rois  d'Engleterre  logiés 


à  Dieat,  à  rencontre  de  loi  et  dn  duc  de 


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il338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  67.  423 

ou  chastiel  de  Halle  que  li  jones  contes  de  Haiimau,  son  serourge, 
li  avoit  preste.  F°  43  V. 

S  67.  P.  142,  I.  26  :  Halle.  —  Ms.  £  ^  :  EntreuU  que 
madame  la  roj'ne  d'Bngleterre  gisoit,  s'ea  ala  Je  roy  de  Engle- 
teire  à  Gant,  et  fu  là  environ  quinze  jours.  Et  là  eult  ung 
parlement.  Se  i  fu  le  duc  de  Brabant ,  le  conte  de  Ilaynau ,  ses 
oncles ,  le  duc  de  Gueldres ,  le  marquis  de  Julers ,  le  seigneur 
de  Fauquemont  et  messires  Walleraus  de  Ligny.  Là  ne  savoient 
les  seigneiurs  tant  consiltier  ne  trouver  ^oie  ne  manière  comment 
il  peuissent  avoir  cause  de  guerrier  le  roy  de  France  ne  aydier 
le  roy  d'Engleterre,  quant  uns  clers  du  duc  de  Brabant,  quy  s'a- 
pelloit  Jehan  de  le  Maiière,  y  trouva  voie. 

Et  fu  ses  coDsail  creus  et  ois,  car  il  dist  ensy  ;  s  Mes  sei- 
gneurs, je  vous  voy  trestous  arester  et  abuser  sur  ung  estât  que 
je  vous  escla[r]chiray  vollentiers,  se  vous  voiles,  et  je  vous  le  de- 
clarray,  Vechy  le  roy  d'Engleterre,  qui  chy  est  en  vostre  pre- 
senche,  et  demande  avoir  le  confort  et  ayde  de  vous.  Et  vous 
ne  luy  povës  bonnement  donner  ne  acorder  pour  guerrier  le 
roy  de  Franche,  se  che  n'est  par  ung  point  que  je  vous  diray  : 
il  s'en  voist  par  devers  le  roy  d'AlIemaigne,  lequel  est  empereur 
de  Ronmie,  et  faiche  tant  envers  luy  qu'il  le  estabhse  es  parties 
de  chà  vicaire  ou  envolez.  Sou  vicaire  [a]  par  deçà  et  devers 
vous,  ou  non  de  l'Empereur,  toute  obéissance,  et  il  vous  menra 
là  où  il  luy  plaira,  i  Les  seigneurs  regardèrent  adonc  l'un  l'au- 
tre, et  puis  dirent  :  «  H  dist  vérité.  » 

Ensy  fut  l'avis  et  consail  de  Jehan  le  Maiière.  Alors  s'arestè- 
rent  tout  ces  seigneurs  de  l'Empire  qui  là  estoïent  ;  et  ordonnè- 
rent que  le  roy  d'Engleterre  s'en  yroit  devers  le  roy  d'AlIemaigne 
et  espleteroit  tant  que,  par  decfaà  le  Rin,  serdt  vicaires  de  l'Em- 
pereur. F"  96  et  97. 

P.  143,  1.  7  :  de  par  lui.  —  Jtf*.  tle  Falenciennes  :  pour 
vostre  cause.  F"  66. 

P.  143,  1.  20  :  Alues.  — .Ms.  djmiens  :  et  toutte  le  terre  et 
le  eastiel  de  Aluez  en  Pailluel.  F"  31. 

P.  143,  1.  23  :  France.  —  Ms.  Ai:  et  l'Empereur  ne  l'a  mie 
attribuée  au  royaume  de  France.  F°  38. 

P.  144,  1.  2  :  detricmens.  —  Mm.  A  i  à  6,  11  ^14,  18,  19: 
ung  detriement  pourpensé  et  venu  du  duc  de  Braibant  plus  que 
de  nul  autre.  F"  36  v". 


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424  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1338] 

P.  ikk,  1.  8  :  ûgneur.  —  Mst.  ^  11  à  14  :  quant  je  vins  cî. 
1*35  V". 

S  «8.  P.  144,  1.  19  :  de  Jullers.  —  Mt.  d^miais  :  Li  mar- 
chis  de  Jullers  s'esmeut  o  toute  se  compaignie  pour  aller  vers 
l'empereur  de  Romme.  Si  le  trouvèrent  à  Norenbergh',  et  ii 
comptèrent  tout  ce  pour  quoy  il  estoient  là  venu.  IJ  Emperères, 
qui  moût  estoit  amis  au  vay  d'Engleteire ,  les  rechupt  liemeot 
et  les  fesda,  et  leur  accorda  touttes  lors  requestes.  Et  les  fist  de- 
mourer  et  séjourner  li  Emperères  avoecq  iuy,  ung  grant  temps. 
Endementroes ,  manda  il  les  eslisseurs  de  l'Empire  et  plus  hauls 
barons,  tels  que  le  duc  de  Sassoingne,  le  marchis  de  Blancque- 
bouTch ,  le  marchis  de  Misse  et  d'Eurient ,  l'arcevesque  de  Cou- 
kungne ,  l'arcevesque  de  Trêves  et  l'arcevesque  de  Maîence. 
Encorre/  manda  il  le  comte  de  Gerllez  et  le  ducq  de  Brai- 
bant,  mes  il  s'escuza  et  y  envoya  le  seigneur  de  Kuk  en  son 
lieu.  F"  31. 

Ms.  de  Rome  :  Donc  furent  là  esleu  et  ordonne  li  contes  de 
Gerles  et  li  marquis  de  Jullers,  de  par  ceub  de  l'Empire  ;  et  li 
evesque  de  Lincolle  et  messires  Renauls  de  Gobehen  et  messire 
Hichart  de  Stanfort,  de  par  le  roi  d'Engleterre,  Et  furent  cargîet 
chil  signeur  esleu  de  tant  esploitier  et  faire  deviers  l'Empereur, 
par  priière  et  par  tretiez ,  que  li  Emperères  ordonneroit  le  roi 
Edouwart  d'Engleterre  à  estre  soc  vicaire  ;  et  cbils  vicaire»  à 
l'Empereour  requerroit  ces  signours  de  l'Empire,  sus  la  foi  et 
honmage  que  il  ont  à  l'Empereour,  que  tout  li  fesissent  service. 
F"  43  y". 

P.  144,  I.  23  et  24  :  envoiief .  —  Ms.  dAmient  :  Mais  li  ducs 
de  Braibant  n'y  devoit  pomt  envoiier,  car  il  souffissoit  assés  des 
dessus  dis.  P>  31. 

P.  144,  I.  25  :  l'estet.  —  Sîs.  dJmiem  :  l'ivier  enssuivant. 
F*  31. 

P.  144,  1.  27  ;  en  Engleterre.  —  Mi.  ttAmieiu  :  si  aroit  fait 
aucune  chevauclùe  en  Franche.  F*  31 . 

P.  14S,  1.  13  :  Floreberg.  —  Chronique  de  Jehan  le  BiU  .- 
Norumberch.  Ed.  Polain,  t.  I,  p.  144.  —  Ms.  .ff  6  :  Le  roy 
d'Engleterre  s'en  ala  devers  l'Empereur,  et  pria  son  serouge,  le 

) ,   On  prut  lirt  auai  :  WorrborfiU 


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[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  «8-  42» 

marquis  de  Jullers,  qu'il  yohîst  aller  en  sa  conquignie,  et  il  luy 
acorda  vollentiers,  Sy  se  party  le  roy  d'Engleteire  de  Gant,  et 
en  mena  aucuns  barons  d'Engleteire  avec  luy  et  messire  Robert 
d'Artois  ;  et  passa  tout  parmy  Rrabant  et  Hazebain  ,  et  vint 
à  Tret  et  à  Jullers  )  là  trouva  le  marquis  qui  se  mist  en  sa 
route.  Et  s'y  esploitèrent  tant  par  leur  journées  que  il  vinrent  à 
CoDvalencbe,  là  où  l'Empereur  estoit,  qui  le  rechut  liement. 
F»  98. 

P.  14S,  I.  21  :  Jullers.  —  Ma.  M  i  à  Ç,  H  à  14,  20  à  28  : 
Et  furent  adoncques  le  marquis  de  JuUiers,  et  le  duc  de  Guéries, 
qui  adonc  estoit  conte,  fait  duc  de  Guéries;  et  le  marquis,  qui 
paravant  estoit  marquis,  fut  fait  conte.  F°  36  v*, 

P.  14S,  I.  26  :  commission.  —  JUi.  dJmiens  :  Quant  chil  sei- 
gneur furent  venut  et  assamblé  à  Norenbergh  au  mandement  de 
l'Empereur,  il  fist  une  feste  moult  solempnelle,  et  tint  court  ou- 
verte par  trois  jours.  Et  sist  en  siège  impérial,  vestis  de  draps 
imperiaU;  et  là  renouvella  i!  les  estatus  de  l'Empire,  et  lesquels 
on  doit  tenir.  Et  là  ordonna  il  et  fist  le  roy  d'Engleterre  son  vi- 
caire ;  et  li  dounna  puissance  impérial  et  congiet  de  forgier 
parmy  l'Empire  touttes  maimières  de  florins  et  de  autres  moun- 
noies.  Et  commanda  à  tous  ses  subgès  que  il  obeyssent  à  lui 
comme  à  son  propre  corps  meysmez,  et  que  tout  fuissent  appa- 
reilliet  à  se  semonse  sans  delay,  et  pour  deGGier  le  roy  de 
France.  Et  fist  de  ce  certains  procureurs  et  commissairez,  pour 
renouveller  le  roy  d'Engleterre  ces  estatus,  et  lui  assir  en  siège 
impérial.  De  quoy  li  dus  de  Gerlles,  qui  devant  ce  jour  estoit 
noummés  comtes,  fu  li  uns,  et  li  comtes  de  Jullers,  qui  devant 
ce  estoit  noummés  marchis,  fu  li  seconds,  et  li  comtes  de  War- 
vich  et  messircs  Richars  de  Stanfort  et  doy  clercq  de  droit.  Et 
avoient  chil  six  coummission,  par  instrumment  publicque,  de 
faire  et  aemphr  tout  ce  qui  dessus  est  dit.  Et  enssi  se  départi- 
rent il  de  l'Empereur,  et  revinrent  au  roy  d'Engleterre  qui  lei 
rechupt  à  jde.  Or  vous  conterons  d'aucunes  coses  qui  ayinrent 
sus  mer  en  Franche  et  ailleurs ,  entroex  que  cil  parlement  et 
pourkas  se  faisoient,  qui  durèrent  plus  d'un  an,  afBn  que  riens 
je  n'y  oublie.  F°  31. 

M$.  de  ValenciaOKs  :  En  l'an  dessns  dit,  le  samedi  devant  le 
Noslre  Dame  en  septembre,  comme  empereur  de  Romme,  Loys 
de  Raivière,  en  cel  jour  assis  en  Convelence  en  siège  impérial, 
sur  ung  escafaut  de  douze  pies  de  hault,  vestis  de  drap  de  soie 


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4Î6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [4338] 

cangfant,  par  dessus  ces  draps  d'un  daumatique,  en  ses  bras  |^- 
noDS,  et  estolle  devant  croisie,  à  manière  de  prestre,  tout  estoffé 
des  armes  de  l'Empire  ;  et  avoit  ses  pies  d'otel  drap  comme  le 
corps,  et  avoit  son  chief  atoumé  de  mittre  rconde;  et  sur  celle 
mittre  il  avoit  couronne  d'or  moult  riclio  ;  en  ses  mains  avoit 
deux  blancs  wans  de  soie,  et  en  ses  dois  aneaux  moult  riches.  Si 
tenoit  en  sa  main  destre  une  pomme  d'or,  une  crois  vermeille 
dessus.  En  l'autre  main,  tenoit  il  le  septrc.  Dalcz  l'Empereur,  à 
désire,  seoit  le  marquis  de  Hisse,  auquel  l'Emperenr  bailla  à  te- 
nir le  pomme  d'or.  Et  assez  près  seoit  le  roy  d'Englcterre,  vestis 
d'un  drap  vermeil  d'esquerlatte,  à  ung  chastel  de  broudure  en 
le  poitrine.  Et  au  senestre  des  empereurs,  seoit  le  marquis  de 
Jullers,  à  qui  l'Empereur  bailla  à  tenir  le  septre.  Et  environ  deux 
degrez  plus  bas  de  l'Empereur,  seoicnt  li  esliseur.  Et  dcseur  de 
l'Empereur  seoit  le  sire  de  Cuk,  ou  lieu  du  duc  de  Brabant,  ea 
préséance  de  tous,  en  se  main  une  espée  toute  nue. 

Donc  parla  l'Empereur  ensi  :  «  Je  demande  à  vous  se  ung  roy 
d'Alemaingne,  esleus  et  promeus  à  Empereur,  peut  amenistrer 
aucuns  des  biens  de  l'Empire  sans  le  confirmadon  du  pappe.  v 
Ce  jugement  fu  tournez  sur  l'arcevesque  de  Coulongne.  Lui  con- 
seillié  de  ses  pers  dist  par  jugement  que  oyl.  Le  seconde  de- 
mande fu  ;  se  ung  fievé  d'Alemaingne  fourfaisoït  en  l'Empire  ea 
amenrissani  l'Empire,  à  quelle  amende  il  doit  estre.  Ce  juge- 
ment fu  tournez  sur  le  duc  de  Sasongne.  Lui  conseillié  respondi 
que  celui  estoit  en  le  volentë  de  l'Empereur,  de  corps  et  d'avoir. 
Le  tierce  demande  si  fu  que  ■.  se  robeurs  estoient  sur  cbemins 
d'Alemaingne,  à  quelle  amende  et  à  quelle  penance  il  doivent 
estre.  Ce  jugement  fu  tournez  snr  l'arcevesque  de  Trièves.  Lui 
conseillié  dist  qu'ilz  estoient  il  te  volenté  de  l'Empereur,  de  corps 
et  d'avoir,  et  tous  ceulx  qui  les  soustenoicnt.  Le  quarte  de- 
mande fu  :  comment  tous  ceulx  qui  tenojent  de  l'Empire,  le  dé- 
voient servir.  Ce  jugement  fu  tournez  sur  l'arcevesque  de 
Malence.  Lui  conseïllict  de  ses  pers  dist  que  tous  les  honmies 
de  l'Empire  doivent  servir  l'Empereur  de  leurs  corps  et  de  leurs 
biens,  et  doivent  aler  partout  où  l'Empereur  les  vorra  mener,  ou 
ses  lieuxtenans,  pour  les  drois  de  l'Empire  garder.  Et  la  quinte 
demande  fu  :  comment  le  tenable  de  l'Empire  doivent  defBer 
l'un  l'autre  en  cas  de  guerre.  Ce  jugement  fu  tournez  sur  le 
marquis  de  Brandebourc.  Lui  conseiltet  dist  que  celui  qui  deEBe, 
ne  peut  ne  doit  porter  dommage  au  dellié  dedens  trois  jours  ;  et 


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[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  68.  427 

où  il  feroit  du  cootrairc,  il  doit  estre  deshonourez  et  niis  hors 
de  toutes  lois. 

Après  ces  choses  ainsi  faictes,  tantoat  t'Ein{>ereur  dist,  oyaat 
tous  :  «  J'ay  esté  couronnez  roy  d'Alemaigne  grant  temps,  et 
à  Empereur,  comme  tous  savez.  Et  croy  que  je  n'ay  sur  nulles 
de  mes  gens  mespris,  ne  envers  sainte  Eglise  ne  ses  menistres  ; 
et  se  nulx  pooit  faire  apparoir  que  fait  l'euisse,  je  le  volroie 
rendre  jusques  raison.  Si  vous  dy  que  je  me  sui  aloiez  avec  plui- 
seurs  prelas  et  barons  d'Alemaingne  au  roy  d'Engletcrre  qui  cy 
est,  et  l'ay  fait  pour  le  mieulx  faire  que  laisster.  Et  cy,  en  vostre 
présence,  je  fay  et  estabti  le  roy  d'Engleterre  mon  vicaire  et 
lieutenant,  partout  et  en  toutes  causes.  Si  veul  que  tous  tenans 
voisent,  aydent  et  confortent  ce  roy  comme  vicaire,  partout  où 
mener  les  voira,  >  Après  ces  jngemens  ainsi  fais,  l'Empereur  ap- 
pella  tabellions  publiques,  et  leur  commanda  à  faire  instrumens, 
et  que  toutes  ces  choses  fussent  mises  es  drois  des  Empereurs, 
tenues  fermes  et  estables  en  temps  advenir.  Et  aussi  lui  donna 
puissance  impereai  de  forgier  parmi  l'Empire  toutes  manières  de 
florins  et  aultres  monnoies  ;  et  commanda  à  tous  subgès  qu'ilz  y 
obeyssent  comme  à  son  propre  corp,  et  que  tous  fuissent  appa^ 
rïlliés,  à  sa  sommonsse,  sans  delay,  de  deffier  le  roy  de  France. 
Et  fist  de  ce  certains  procureurs  et  commissaires,  pour  renou- 
vetler  le  roy  d'Engleterre  tous  estas,  et  lui  i  assir  en  siège  im- 
périal. De  quoy  le  duc  de  Guéries,  que  paravant  on  appelloit 
conte,  fu  nommez  et  fais  duc,  et  le  conte  de  Jullers,  qui  para- 
vant  estoit  nonunez  marquis.  Ainsi  ces  choses  faictes,  prinrent 
congiet,  et  en  râla  chascnn  en  son  Ueu;  et  le  roy  d'Engleterre 
revint  en  Brabant.  F"  67  et  68. 

IHt.  de  Rome  :  Li  rois  d'Engleterre  s'en  revint  à  Anwiers  dalés 
ses  gens,  et  là  atendî  tant  que  chil  qui  furent  envoiiet  deviers 
l'Empereour  retournèrent,  liquel  k  trouvèrent  en  Alemagne  en 
une  ville  que  on  appelle  Florenberghe.  Lesquels  signeurs  il  re- 
quella  moult  liement,  et  fist  à  tous  feste  et  honnour,  tant  pour 
l'amour  dou  roy  d'Engleterre  que  pour  ce  que  chil  de  l'Empire 
estoient  si  honme.  Il  esploitièrent  sus  ce  voiage  si  bien  que  me- 
sires  Lois  de  Baivière,  rois  d'Alemagne  et  emperadour  de 
Ronme,  ordonna  et  institua  à  estre  son  vicaire  le  roi  Edouwart 
d'Engleterre  par  tout  l'Empire  \  et  conmanda  à  tous  signeurs, 
soubjès  à  lui,  que  tout  obeisissent  à  lui  conme  à  son  vicaire.  Et 
de  ceste  ordenance  et  institution  furent  ordonnées  et  levées  let~ 


D,qit,zeabvG00»^lc 


UiS  aiRONlQUES  DE  J.  FROISS&RT.  [4338] 

très  autentiques,  seelees  des  seaula  dou  roi  d'Alemagne  et  des 
eslis«urs  de  l'Empire  qui  là  furent  présent,  et  avoech  tout  ce 
instrument  publique  tabellioonet  û  fort  et  à  bien  conme  faire  se 
pooient.  Et  retournèrent  avoech  toutes  ces  coses,  chil  ^gneur 
qui  en  légation  avoient  est^  envouet,  de^ders  le  roi  d'Gngleterre 
qui  se  tenoit  pour  ces  jours  à  Malignez  ;  et  moustrèrent  cod- 
ment  il  avoient  esploitié.  li  rois  d'Engleterre,  messires  Roben 
d'Artois,  messires  Jehans  de  Hainnau  et  tous  li  consauls  en  fu- 
rent grandement  resjoy,  et  disent  que  il  avoient  bien  esploitié. 

Or  s'espardirent  ces  nouvelles  partout  que  li  roîs  d'Alemagne 
imtituoit  et  ordonnoit  le  roi  d'Engleterre  à  estre  son  vicaire. 
Qant  chil  de  la  chit^  de  Cambrai  entendirent  ce,  pour  tant  que 
Cambrai  est  la  cambre  à  l'Empereour  et  est  terre  de  l'Empire,  il 
furent  tout  abus;  et  envoiièrent  de  lors  bonmes  deviers  le  roi 
de  France  pour  recorder  ces  nouvelles.  Pour  ces  jours,  est<»t  li 
evesques  de  Cambrai  à  Paris,  liquels  s'apelloit  Guillaumes  d'Au- 
sonne;  et  estoit  de  nation  de  Berri  et  de  la  Salongne,  et  bons 
françois.  Si  se  représenta  et  ces  bonmes  de  Cambrai  au  roi;  et 
recordèrent  les  besongnes,  ensi  que  par  renonmëe  elles  se  por- 
toient  en  l'Empire,  et  dou  roi  d'Engleterre  que  li  rois  d'Ale- 
magne  avoit  ordonné  à  estre  son  vicaire;  et  faisoient  doubte  que, 
par  ceste  institution,  il  ne  vosist  venir  à  Cambrai  et  saisir  la 
chité,  pour  faire  ent  frontière  et  garnison  sus  le  roiaulme  de 
France.  Donc  lor  fu  demandé,  en  la  présence  dou  mi,  se  îl 
avoient  bonne  volenté  de  requellier  en  lor  ville  le  roî  d'Engle- 
terre conme  vicaire  à  l'Empereur.  Il  respondirent  que  nennil,  et 
que,  se  il  vosissent  ou  se  il  voloient  faire  ce  tretié,  il  ne  fuissent 
point  là  venus  ;  mais  il  remoustroient  ce  au  roi  conme  loial  et 
bon  François  que  il  sont  et  voellent  estre;  et  aussi,  se  li  cas 
cbeoit  que  il  fuissent  oppresset  des  Englois  et  Alemans,  que  il 
fuissent  secouru  et  conforté  des  François.  Li  rois  de  France  lor 
ot  en  convenant  et  bien  lor  tint,  ensi  que  vous  orés  recorder 
avant  en  l'istore. 

Quant  li  sîgneur  de  l'Empire  furent  retourné  deviers  le  roi 
d'Engleterre  qui  pour  ces  jours  se  tenoit  en  la  ville  de  Malignes, 
uns  parlemens  fu  couvoqiés  à  estre  là  en  la  dite  viUe,  de  tous 
les  signeurs  qui  convenance  et  aliance  avoient  au  roi  d'Engle- 
terre. Et  tout  i  vinrent,  et  aussi  Jaqucmes  d'Artevelle  no  s'i  ou- 
blia point  à  estre,  tant  pour  veoir  le  roi  d'Engleterre,  que  point 
il  n'avoit  encores  veu  par  deçà  la  mer,  que  pour  sçavcùr  de  l'or- 


;vGoo»^lc 


[1332]         VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  69.  429 

denance  des  signeurs,  ne  quelle  la  conclusion  dou  parlement 
seroît,  F"  43  V  el  44, 


S  «9.  P.  146,  1.  5  :  En  ce.  —  Ms.  d Amiens  :  Or  vous  par- 
lerons dou  roy  David  d'Escoche  et  de  son  consseil  coumment  il 
se  maintinrent  en  celle  meysme  saison.  Vous  avës  bien  oy  ch; 
devant  coumment  li  rois  d'Engleterre  avoit  tellement  menet  et 
ghueriiet  Escoche  et  les  Escos  que  ars  et  perdut  toutte  le 
pUinne  Escoce  et  pris  et  saisi  touttes  les  fortrèces  ;  et  encoires 
les  faismt  il  de  jour  en  jour  gueriier.  Et  leur  portoit  messires 
Guillaumez  de  Hontagut,  contez  de  Sallebrin,  trop  de  contrairez 
et  de  dammaige,  et  se  tenoit  en  Haindebourcq.  Et  quant  il  sen- 
toit  les  Escos  chevauchier,  il  assambloit  ctiiaux  des  garnisons 
environ,  dont  li  Englès  estoient  signeur,  et  reboutoient  trop  du- 
rement lez  Escos.  Si  se  tenoicnt  li  roys  d'Escoce,  li  comtes  de 
Horet,  messires  Guillaummez  de  Douglas,  messires  Robers  de 
Verssi,  messires  Simons  Fresie),  messires  Âlixandres  de  Bamessay 
et  pluiseurs  autrez  ens  es  foriès  de  Gedours;  et  estoit  leur  sou- 
verainne  garnison  et  resors,  li  fors  castiauz  de  Dubretan.  Là  es- 
toit  li  roys  d'Escoce  onniement  et  le  roynne  d'Escoce  sa  femme 
avoecq  lui. 

Or  seurent  chil  seigneur  que  li  roys  englès  avoit  deGiet  le 
roy  de  Franche  et  le  voUoit  gueriier.  Si  eurent  avis  et  consseil 
l'un  par  l'autre  que  messires  Guillaumes  de  Douglas,  li  comtes 
de  Surlant'  et  messire  Robiers  de  Versi  amenroient  le  roy  leur 
seigneur  en  France  deviers  le  roy,  et  remousteroient  le  guerre 
que  li  Englès  leur  font  ;  et  s'aloieroient  à  lui  et  U  roys  de  Fran- 
che à  yaux,  parmy  tant  qu'il  en  seroient  aidiet  et  comfortet.  Chili 
conssauE  fu  tenus ,  nefs  furent  appareillies.  Et  vinrent  li  roys 
d'Escoce  et  la  royiine  et  li  seigneur  dessus  dit  à  Abredaime.  Et 
là  pourveirent  il  et  cargièrent  leurs  vaissiaus,  et  entrèrent  en 
mer;  et  singlèrent  tant,  par  l'ayde  de  Dieu  et  dou  vent,  que  il 
vinrent  à  l'Escluse.  Mes  point  ne  se  nommèrent;  ains  disent  que 
il  estuent  pellerin,  qui  s'en  alloient  à  Saint  Jaquème  de  Galisce, 
et  marchans  de  Norvèghe  avoecq  yaux.  Sur  ce,  il  ne  furent  nient 
plentet  examînet.  Osù  il  ne  descendirent  point  à  terre ,  ains  se 
partirent,  quant  il  se  furent  rafresqui,  et  la  marée  leur  re- 

1.  iti.  de  FaUneltimu  .■  le  conte  de  Houret.  F»  69  t<>. 


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430  CHRONIQUES  DE  J.  FKOISSA.RT.  [1332] 

vinti  et  singlèrent,  et  prisent  le  parfont,  pour  aller  deviers  Boa- 


Ensi  comme  li  Escochois  nagoicnt  pnr  mer,  nns  Teos  d'amont 
si  fors  et  si  ounis  les  prist  et  les  bouta ,  volsissent  ou  non ,  à 
l'entrée  de  le  Tamisse ,  encontre  Mergate  en  Engleterre  ;  et  ad 
ce  dont  estoient  li  Kormant  et  li  Geneuois,  waucrant  par  mer,  à 
savoir  se  il  trouverroient  nul  Ënglcs  ;  et  quant  il  virent  les  nefs 
escoçoisses,  si  furent  tout  joiant,  et  quidièrent  que  ce  fuissent 
nefs  englesses.  Si  misent  hors  leurs  bamiièreE  et  leurs  pignons, 
et  coummenchièrent  à  cachier  forment  vers  yaui.  Et  quant  U 
Escot  les  virent,  si  furent  tout  esbahi,  car  il  quidièrent  que  ce 
ftiissent  Englès.  Si  ne  seurent  que  dire,  et  n'y  avoit  à  hardi  qui 
ne  volsist  estre  en  Jherusalem.  Et  demandèrent  coosseil  li  ungs  à 
l'autre  qu'il  feroient;  car  il  n' estoient  que  quatre  vaissiaux,  et  il 
en  veoicnt  bien  soîssante  et  quinze.  Si  n'y  avoit  nulle  parchon, 
fors  que  d'iaux  bien  vendre.  Lors  s'armèrent  il  vistement  et  dis- 
sent que  il  n'y  aroit  nul  d'iaus  qui  jà  se  rendesbt  prisonniers, 
mais  du[reJroient  tant  que  durer  poroîent;  et  enssiVeut  là  li  roys 
en  couvent.  Lors  se  misent  k  l'ancre,  car  fuir  ne  leur  valloit 
Doiient  ;  et  boutèrent  hors ,  comme  bonnes  gens ,  tes  bannierrez 
d'Escoce  et  leurs  pignons. 

Evous  les  Normans  venus  qui  demandent  quel  gens.  Che  res- 
pondi  messires  Guillaumes  de  Douglas  :  <c  flous  sommes  Esco- 
chois et  au  roy  d'Escoce  ;  et  vous,  qui  estes,  qui  le  demandez  ?  s 
Adonc  vint  avant  messires  Hue  Kierés  et  dist  :  «  Et  quelx  gens  estes 
vous  d'Escoce  ?  Noummés  vous  :  autrement  vous  estes  tout  mort, 
car  nous  mescreons  que  vous  ne  soiiés  Englès.  »  Et  quant  U  sei- 
gneur d'Escoce  olrent  ceste  parolle,  si  furent  auques  aseuret,  car 
il  congnurent  bien,  par  le  langaige  et  à  leurs  bannierres,  qu'il  n'es- 
toient  mies  Englès.  Si  disent  :  u  Nous  sommes  telz  et  telz  et  li  roys 
meysmes,  et  en  allons  en  France  veoir  le  roy  de  Franche.  Si  nous 
avis  fait  grant  esmay,  car  nous  quidions  ores  que  vous  fms&jés  li 
Englès,  nostre  ennemy.  i 

Et  quant  messires  Hues  Kiercs  et  si  compaignon  entendirent  et 
congnurent  qu'il  disoient  voir,  si  furent  mnult  joyant,  et  les  fis- 
sent desancrer;  et  disent  que  il  les  conduiroient  jusques  à  Calais 
ou  à  Bouloingne,  car  il  estoient  leur  amy,  et  saudoiier  au  roy  de 
Franche.  Lors  se  desancrèrent  et  singlèrent  tout  enssamble ,    et 

1.  Ml.  dt  raltncieanci  :  on  à  Calaix.  V^  69  t». 


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[1332]        VARIANTES  DU  PREMIER  LITRE,  g  69.         431 

vinrent  ce  soir  ou  havene  de  Calais.  Là  ancrèrent  li  Escot,  et  li 
Normant  non.  Si  entra  li  roys  d'Escoche  en  le  ville  de  Callais  et 
toutte  se  routte ,  et  y  fii  rechupt  à  joie ,  et  s'i  rafresci  par  deus 
jours;  et  au  tierch,  il  s'en  parti,  et  priit  le  chemin  pour  venir  à 
Tieruanne.  Si  passa  à  Tieruanne,  Arras,  Bapaununes,  Peronoe  en 
Vermcndoig  ;  et  Gst  tant  par  ses  journées  qu'il  vint  à  Paris,  où  il 
trouva  le  roy  de  Franche  et  grant  fuison  de  dus,  de  contes  et  de 
barons  avocc  lui,  car  il  y  avoit  ung  grant  parlement.  Pour  ce,  y 
avoil  estet  faite  ceste  assamblee. 

Moult  iii  li  rois  de  le  venue  le  roy  David  d'Escoce  resjoys, 
et  envoya  contre  lui  des  barons  et  des  chevaliers  qui  l'ame- 
nèrent au  palais  là  où  li  roys  se  tenoit  adonc  et  li  dist  :  i  A 
bien  viègne  li  rois  d'Escoce  et  toute  sa  compaignie  pour  l'a- 
mour de  lui.  9  Li  roys  d'Escoce  li  respondi  :  «  Gbiers  sires, 
vostre  bonne  merchy.  »  Lors  parlementèrent  enssamble  de  plui- 
seurs  coses,  et  furent  moult  tost  aquinté  et  privet  l'un  de  l'au- 
tre. Car  li  roys  de  France  desiroit  bien  à  avoir  l'amour  et 
l'aquintance  de  lui ,  pour  ce  qu'il  se  veoit  defSiés  dou  roy  d'En- 
gleterre  et  le  sentoit  dechà  le  mer  en  l'Empire,  procurans  et  ac- 
querans  seigneurs  et  amis  à  tous  lés  ;  et  entendoit  bien  que  il 
enteroit  temprement  en  son  royaumme.  Se  li  sambloit  graos 
[conjfors,  se  [i  roys  d'Escoce  et  li  seigneur  d'Escoce  qui  mar- 
cissent  ù  Engleterre,  le  voUoient  tellement  aidier  que  ensonniier 
les  Englès  et  ardoir  leur  pays  :  se  gherre  en  seroit  plus  belle.  Si 
ofTri  et  délivra  li  roys  de  France  au  roy  d'Escoce  chastiaux*  et 
'argent,  pour  son  estât  parmaintenir,  à  celle  fin  que  il  n'evist 
nulle  pès  ne-trieuwes  ne  respit  au  roy  englès,  fors  que  par  lui 
et  par  sa  vollenté.  Ensi  li  jura  li  roys  d'Escoche,  presens  ducs, 
comtes,  prelas,  barons  et  chevaliers.  Se  le  retint  li  roys  de  Fran- 
che de  ses  draps  et  son  compaîgnon,  et  ses  chevaliers  de  son  hos- 
tel  ;  et  la  roynne  de  France ,  ensi  la  roynne  d'Escoche ,  qui  estoit 
soer  germaine  au  roy  englès.  Et  leur  fist  li  roys  délivrer  tout  quant 
qu'il  leur  besongnoit. 

Et  fu  renvoyez  assés  briefinent  apriès  ce,  de  par  ces  deux  rois, 
messires  Robiers  de  Versi,  en  Escoce.  Chils  y  reporta  les  alianches 
comfremmëes  et  seelléez  des  roys  dessus  dis.  De  quoy  li  seigneur 
d'Escoce  et  tons  li  pays  fu  moult  joyant;  et  coramencièrent  à 
gueriier  plus  fort  et  plus  asprement  que  devant.  Et  quant  li  roys 

1.  Ms.  de  f'aieneitiinti .-  forterHcet  sur  marches.  F°  69  v* 


D,qit,zeabvG00»^lc 


43S  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [133ÎJ 

d'Engleteire  le  seul,  si  renvoya  l'evesque  de  Durem  et  le  seî- 
gtteur  de  Lussi  et  le  seigneur  de  Moutbray;  et  leur  pria  que  il 
deùssent  au  comte  de  Sallesebrin,  au  seigneur  de  Persi,  au 
seigneur  de  Noerville,  au  seigneur  de  Grisop,  à  messire  Edou- 
vart  de  Bailloel,  cappittainne  de  Bervich*,  que  il  entendesissent 
bien  à  gi^'der  lez  fh)ntière3  contre  les  Escos  et  le  pays  coac- 
quis.  Chil  seigneur  dessus  dit  revinrent  en  Engleteire  et  che- 
vaucièrent  deviers  lorch,  pour  Taire  ce  que  1i  roys  leur  avoit  en- 
joint. F*  32. 

JUs,  de  Borne  ;  Aprics  ce  que  li  rois  d'Engleterre  eùst  couru 
tout  ou  en  partie  te  roiaulme  d'Escoce  et  pris  et  saisis  dedens  le 
pais  pluisseurs  chastiaus  et  mis  en  garnisons  pour  gueiriier  le 
demorant,  et  que  il  se  fu  partis  de  la  chité  de  Bervich,  laquelle 
il  avoit  conquis  par  lonch  siège,  et  que  il  l'ot  rafresquie  et  ravi- 
tallie  de  gens  d'armes  et  de  pourveances,  et  que  il  fu  retrais  en 
Engleterre,  li  rois  David  d'Escoce,  qui  se  tenoit  en  la  chité 
d'Abredane  et  là  sus  la  sauvage  Escoce,  demora  tous  esbahis  et 
considéra  que  de  sa  poissance  singulière  il  ne  porait  amender 
les  damages  que  li  Englois  li  avoient  fais.  Et  jà  avoit  il  entendu, 
euM  que  renomnée  court  et  vole  moult  tos  de  pais  en  aultre, 
que  messires  Robers  d'Artois  enortoit  le  roi  d'Engleterre  à  ca- 
lengier  la  couronne  de  France,  et  li  metoît  en  l'orelle  par  ses 
informabons  que  li  roiaulmes  de  France  li  estoit  dévolus  par  la 
mort  dou  son  chier  onde  le  roi  Carie  darrain  trespasset,  et  que 
Pbelippes  de  Valois  qui  en  tenoit  la  possession,  n'avoit  pas  juste 
cause  à  l'iretage  de  France,  selonc  ce  que  messires  Robers  d'Ar- 
tois disoit.  Si  n'estoit  pas  cose  pour  le  roi  d'Engleterre  et  les 
Englois  legière  à  esclarcir,  car  jamais  li  rois  Phelippes,  pour 
lors  paroles,  demandes  ne  menaces,  ne  s'en  dclairoit  dou  non 
tenir  et  remetre  arrière  ;  ne  li  per  et  baron  de  France,  qui  cou- 
ronné l'avoient  et  qui  estoient  si  homme  devenu,  ne  le  souffer- 
roient  point.  Li  rois  d'Escoce,  imaginans  ces  cases,  pensoit  bien 
que,  ou  temps  à  venir,  se  li  rois  d'Engleterre  voloit  procéder  en 
ces  demandes,  guerre  s'esmouveroit  entre  France  et  Engleterre  : 
pour  quoi,  de  li  et  de  son  roiaulrae,  se  bonnes  aliances  estoient 
faites  entre  les  Escos  et  les  François,  îb  et  ses  pais  en  seroient 
grandement  reconfortés;  et  aussi  ceste  ordenance  venrcùt  bien  à 
point  au  roi  de  France  et  as  Françob,  car  par  le  roiaulme  d'Es- 

1.  Ml.  de  FelaKicmiti  :  Ewruicli.  P>  70. 


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[1333]        VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  69.  433 

coce  poroient  li  François  aisiement  entrer  en  Engleterre  et  f^dre 
lor  gerre. 

Sus  ceste  imagination,  li  rois  d'Escoce,  com  jones  que  il  ^st, 
fist  asambler  auquns  prelaa  et  barons  d'Escoce  et  venir  en  Abre- 
<lane,  là  où  il  se  tenoit  et  sa  fenme  ;  et  lor  remoostra,  qant  chil 
furent  venu  lesquels  il  avoit  mandas,  moult  sagement  de  point 
en  point,  les  articles  de  ses  imaginations.  Qant  il  l'eurent  ol  et 
entendu,  euls,  qui  sont  de  nature  et  ont  esté  tousjours  plus  en- 
clins à  estre  François  que  Englols,  respondirent  et  dissent  au 
roi  ;  o  Sire,  à  toutes  vos  paroles  nous  ne  veons  que  tout  bien  ; 
car,  ou  cas  que  les  Euglois  nous  voellent  suspediter  par  la  ma- 
nière et  fourme  qu'il  moustrent,  il  nous  fault  pourveir  à  ren- 
contre de  euls.  Et  créons  proprement  que  Dieu  vous  a  envoiiet 
ceste  inspiration  pour  nous  oster  dou  dangier  des  Englois  ;  car 
jà  n'avenra,  pour  retourner  toute  Escoce  ce  que  desus  est  au 
desous,  que  qous  aions  roi  qui  soit  hommes  au  roi  d'Eugleterre, 
ne  le  tiengne  à  signeur  souverain,  ne  reliève  de  li  j  car  la  cou- 
ronne d'Escoce  et  11  roiaulmes  est  de  si  noble  condition  que  il 
est  tenus  de  Dieu  et  de  l'Eglise  saint  Pierre.  Si  ne  vous  volons 
pas  brisier  vostre  imagination  et  pourpos  de  aler  en  France 
veoir  le  roi  et  les  estas.  Vous  estes  Jones  et  à  venir.  Si  vous 
aquointen!s  des  barons  et  chevaliers  de  France,  et  euls  de  vous  ; 
et  tousjours  ferons  nous,  à  nostre  pooir,  gerre  as  Englois.  Il  ne 
tenront  jà  journée  paisieuvlement,  en  ce  pais,  ce  qu'il  i  tiennent. 
Se  nous  l'avons  perdu  onques,  nous  le  recouverrons,  uns  temps 
venra.  Onques  nous  ne  pusmes  amer  les  Englois,  ne  euls,  nous; 
et  ont  tousjours  esté  les  terres  en  différent,  et  les  hommes,  l'un 
contre  l'autre,  très  le  premier  temps  que  elles  furent  abitées.  » 

Moult  fu  pour  ces  jours  li  rois  d'Escoce  resjois,  qant  il  vei 
ses  hommes  concordans  à  son  pourpos.  Et  ordonna  ses  beson- 
gnes  au  plus  bellement  et  quoiement  qu'il  peut;  et  fist  au  port 
de  Morois  en  Escoce  cargier  et  apparillier  ung  vassiel  de  ce  que 
besongnier  lor  pooit  à  lui  et  à  sa  fenme  et  à  lor  estât.  Et  qant 
il  furent  tout  près,  il  vinrent  là  et  entrèrent  dedens,  ils  et  la 
roine  et  messires  Guillaumes  Douglas,  neveus  au  bon  messire 
Guillaume.  Et  enmena  avoecques  lui  vingt  siis  chevaliers  et  es- 
quiers,  tout  de  son  eage  ;  et  ta  roine  aussi,  des  jones  dames  et 
damoiselles  d'Escoce.  Et  demorèrent  ou  pais  pour  le  garder, 
messires  Arcebaus  Douglas,  messires  Robers  de  Versi,  messires 
Alixandres  de  Ramesai  et  messires  Simons  Fressiel.  Et  nagiérent 
i  —  Î8 


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WAi*  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSABT.  [1332] 

)i  rois  et  la  roine  et  lor  compagnie,  et  orent  vent  à  volenté,  «t 
costUèrent  Frise  et  Hollandes:  et  eslongièrent  toutdis  de  Engle- 
terre,  dou  plus  qu'il  poreat.  £t  s'en  vinrent  ferir  ou  havene  de 
t'Escluse,  et  là  issirent  de  lor  vassiel;  et  ne  dissent  pas  que  ce 
fnsl  li  rois  d'Escoce  ne  la  roiae,  mais  pèlerins  et  pèlerines  qm 
aloient  à  Saint  Mor  des  Fosses.  Et  ne  séjournèrent  pas  longement 
à  l'Escluse,  mab  vinrent  à  Bruges  et  tout  par  algue  j  et  furent  11 
tant  que  lors  chevaus  furent  amené,  car  il  les  avoient  estppës 
avoecques  euls  eu  lor  vassiel,  tous  ou  en  partie;  et  ce  que  il  lor 
besongna,  tant  de  monteures  que  d'abU,  il  s'en  pourveimit  à 
Bruges.  Et  puis  si  s'en  départirent,  et  vinrent  à  Lille  et  de  là  à 
Arras,  et  puis  à  Esclusiers  et  à  Lihons  en  Santhers  et  à  Roie  et 
à  Qanni  et  à  Beson,  et  puis  à  Crai  et  à  Luserches,  et  là  s'ares- 
lèrent.  Et  envola  11  rois  d'Escoce  deus  de  ses  chevaliers,  pour 
segneliîier  sa  venue  au  roi  de  France,  et  pour  sçavoir  et  veoir 
quel  samblont  11  rois  en  feroit.  Li  chevalier  furent  messires  Guil' 
laumes  Douglas  et  messires  David  de  Lindesëe;  et  s'en  vinrent  i 
Paris,  et  passèrent  oultre  jusques  au  bois  de  Vicènes,  car  pour 
ces  jours  s'i  tenoient  li  rois  et  la  roine  et  li  dus  de  Nonnendie 
leur  fils.  Et  trouvèrent  des  chevaliers  don  roi  qui  les  requelliè- 
rent  moult  doucement,  pour  tant  que  il  les  vùrent  estraugiers; 
et  les  menèrent  deviers  le  roi,  auquel  il  comptèrent  tout  l'afaire, 
et  conment  li  rois  d'Escoce  et  la  roine  le  venoieut  vecnr,  et 
avoient  pris  ombre  et  escusance  de  venir  à  Saint  Hor. 

De  ces  nouvelles  fu  li  rob  de  France  trop  grandement  re^is; 
et  dist  as  chevaliers  d'Escoce  que  il  fuissent  li  bien  venu,  et  que 
moult  volentiers  les  veroit  et  tenroît  avoecques  li.  Li  chevalin 
d'Esà)ce  disnèrcnt  à  l'ostel  dou  Bois.  Et  tantos  apriès  di»ier,  3 
fist  monter  le  signeur  de  Montmorensi  et  le  signeur  de  Garen- 
dères,  el  dist  :  «  Chevauchiés  avoecques  ces  chevaliers  d'Escoce, 
et  aies  à  Luserces  querre  le  roi  et  la  roine  d'Escoce  qui  nous 
viennent  veoir  ;  et  les  amenés  ichi,  sans  entrer  en  Paris.  ■  Li 
chevalier  respondirent  :  a  Volentiers.  «  Si  se  départirent  tout 
quatre  dou  Bois,  et  cevauchièrent  ensamble,  et  vinrent  à  La- 
serces.  Et  trouvèrent  là  le  rni  d'Escoce  et  toute  lor  compagnie, 
laquelle  n'estoit  pas  trop  grande;  el  leur  dissent  ce  que  K  rois 
de  France  avoit  ordonne.  Sus  les  paroles  des  chevaliers  de 
France,  li  rois  et  la  roine  d'Escoce  se  partirent  de  Luserces  et 
cevauchièrent;  et  vinrent  ce  jour  jeâr  à  Saint  Denis.  Et  à  Ven- 
demain.  devant  la  messe   dou  roi.  il   furent  venu  au  Bois,  et 


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[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  70.  43S 

mené  devîers  le  roi  et  puis  deviers  la  roine,  qui  grandement  fu- 
rent resjoi  de  ior  venue.  Là  furent  les  aquointances  de  ces  deus 
rois  et  de  ces  dcus  roines  motdt  grandes.  Et  depuis,  demorèrent 
en  France,  sus  le  point  de  neuf  ans.  Et  leur  fist  li  rois  délivrer 
la  ville  et  le  chastiel  de  Ncmouses,  pour  tenir  Ior  estât.  Et  estoît 
ordonnd  de  par  le  roi  de  France  que,  de  mois  en  mois,  il  au- 
roient  mille  esqus  et  bien  paiiés,  pour  paiier  lors  menus  frès.  Et 
venoit  à  le  fois  li  rois  d'Escoce  vcoir  le  roi  Phelippe,  fusl  à  Paris 
ou  ailloursj  et  se  tenoit  dates  li  trois  ou  quatre  jours,  et  se  devi- 
soient  de  lors  be.<iongnes.  Et  s'énamoura  li  rois  de  France  dou 
roi  d'Escoce,  et  li  rois  d'Escoce  de  lui.  Encores  n'estoit  il  nulles 
nouvelles  en  France  que  li  rois  d'Engleterre  vosist  renvoiier  son 
honmage  au  roi  de  France  ne  li  desfiier,  pour  faire  calenge  de  * 
la  couronne  de  France.  F"  34  et  35. 

S  70.  P.  148,  I.  10  :  parlement.  —  Xs.  de  FaUneiermes  ; 
l'Empereur.  P  70  v». 

P.  148,  I.  12  :  manda.  —  JIft,  d^Andens  :  et  y  fist  venir 
la  roynne  et  tout  son  hostel.  P  32  v". 

P.  149,  1.  4  :  de  Jullers.  — Ms.  J'Jmie/u:  li  ducs  de  Gériez, 
li  comtez  de  Jullers  et  chil  que  li  rojs  avoit  envoiiës  deviers 
l'Empereur.  F"  32  v". 

P.  149,  I.  9  :  Saint  Martin.  —  lUs.  d'Amiera  :  en  yvier,  en 
Braibanl.  P  32  v". 

P.  149,  1.  IS  :  à  Tret.  —  Ms.  JJmiem  :  Tret  sur  Meuse,  où 
li  Allemant  l'avoient  adviset.  F*  32  V. 

P.  149,  I.  18  :  à  Herkes*.  —  Mi.  de  Rmw  .-  En  la  ville  de 
Malignes  vinrent  biau  cop  de  sîgneurs,  pour  tant  qut  U  rois 
d'Engleterre  i  estoit.  Or  s'avisa  li  dus  de  Braîbant,  qui  se  voloit 
dissimuler  de  ces  besongnes,  et  ordonna  et  i  trouva  une  cautelle 
nouvelle  ;  et  dist  que  li  parlemens  ne  se  pooit  tenir,  pour  celle 
fois,  à  Malignes  ne  à  Trcc.  Se  euist  il  est^  là  moult  bien,  et  pour 
l'aise  des  signeurs  de  l'Empire.  11  li  fu  demande  dou  roi  et  don 
conte  de  Gerles  où  il  votoit  donc  que  il  se  tenist.  Il  respondi  : 
à  Herkes  en  Basbain,  qui  sciet  priés  de  son  pais.  P  44. 

P.  140,  1.  24  :  vinrent.  —  Ms.  de  Morne  :  Et  vinrent  là  tout 
li  signeur,   tant  de  l'Empire  conme  d'autre  pais,  qui  alianœ 

1 .  Mt.  de  raUncieniiti  :  Horles  en  le  conte  de  Lo*.  F»  70  \" 


DiqitizeabyG00»^lc 


436  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1338] 

avoient  au  roi  d'Eagleterre,  et  pliù&senr  de  la  conté  de  Hûnnan 
qui  n'i  avoient  que  faire,  fors  que  pour  veoir  l'estat.  F"  kk. 

P.  149,  I.  27  ;  plaiime  de  signeura.  —  Mt.  de  Rome  :  et  se 
logièrent  moult  de  signeurs  a  nu  chiel,  ou  desous  fuellies,  et 
contre  les  haies  et  les  buissons  et  ens  es  jardins  au  dehco^  de  la 
YiUe.  F»  44. 

P.  149,  1.  29  :  halle.  —  Itfs.  de  falerKienaes  :  grande  vielle 
halle.  F»  70  v«. 

P.  ISÛ,  1.  1  :  cinq  pies.  —  Ms.  dAmiem  :  pins  haols  ung 
piet  que  nuls  dez  autres.  P  32  v". 

P.  130,  1.  29  :  li  signeur.  —  Ms.  de  Rome  :  en  aucgmentadoD 
de  title  et  de  nom  le  conte  de  Gerles  fu  transmués  en  duc,  et  li 
marquis  de  Jullers  en  conte,  et  puis  grant  temps  apriès  fu  il 
nonmés  dus  de  Jullers.  Donc  descendi  li  dis  rois  d'Engteterre, 
nonmés  vicaires  à  l'Empereour.  Et  ausù  fissent  tout  li  signeur, 
et  issirent  de  la  halle;  et  vinrent  en  une  aultre  place  moult 
grande,  laquelle  on  avoit  appariUie  pour  euls,  et  là  disnèrent  en- 
samble.  Et  fu  ordonne  que  de  là  on  se  departiroit  casquns  en 
son  lieu  ;  et,  cel  ivier  passet,  sus  l'estet,  qant  li  vicaires  de  l'Em- 
pereour semondroit  ses  honmes,  tout  se  remeteroient  eosanible 
et  le  venroient  servir,  et  irotent  partout  où  il  les  menroit.  F»  44. 

P.  150,  1.  30  :  creantèrenl. —  Ms.  de  Falenciennes  :  là  où  >Iz 
se  trairoient  à  l'esté  pour  guerroier.  F*  70  v°. 

§  71.  P.  ISl,  I.  S  :  à  Louvaing.  —  Ms.  dJmiens  :  Adixic 
s'en  revînt  li  roys  englès  à  Louvaing  dalés  le  roynne  se  femme  ; 
et  se  tint  là  tout  l'ivier,  et  à  grant  fret;  et  se  faisoit  partout  ap- 
peller  vicaire  de  l'Empereur.  Et  manda  au  comte  de  Hayuoaa 
que  ses  pays  li  fuist  ouvers  et  appareilli^s,  pour  rccepvoir  lui  el 
ses  gens,  et  passer  parmy  comme  vicairez  de  l'Empire.  U  com- 
tez,  qui  bien  vôlloit  obéir  à  l'Empereur  si  avant  que  tenus  y 
estoit,  et  garder  ossi  sen  honneur  au  roy  de  Franche,  respoodi 
qu'il  en  armt  avis.  Si  mist  va  Mons  en  Haynnau  ung  grant  par- 
lement enssamble  des  barons  et  des  chevaliers  et  des  hommes  de 
se  terre.  Et  fu  trouvet  que  il  ne  pooit  contredire  à  l'Empereur, 
ne  à  son  vicaire,  que'  il  ne  le  servesîstetouvresistsepays,  pour 
lui  et  ses  g^is  recevoir.  Et  enssi  le  raportèrent  au  roy  d'Engle- 
terre  chit  qui  par  lui  chargiet  en  estotent,  liquelx  roys  en  fu 

1.  Mt.  de  yaUneUniut  :  qu'il  ne  meiïeiist.  F"  71. 


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[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  71.  437 

tons  joians  et  se  dut  à  Louvaing,  ensi  que  je  tous  ay  dit,  toudis 
acquerans  amis  en  l'Empire.  F»  32  v*. 

P.  ISl,  I.  6  :  venue.  —  Ms.  de  Rome  :  Si  se  départirent  chil 
BÏ^ear  et  prissent  congiet  an  toi  d'Engleteire,  et  li  rois  à  euls, 
sus  Testât  et  ordenance  que  de  retourner  à  l'estet.  Et  vint  li  rois 
d'Engleterre  â  Louvaing  et  se  loga  ou  chastiel,  car  li  dus  son 
cousin  Ji  presta.  Et  inanda  li  dis  rois  d'Engleterre  la  roine  Phe- 
lippe  sa  Tenme  en  Engleterre,  laquelle  fu  moult  resjoie  de  ces 
nouvelles;  et  se  apparilla  don  plus  tos  conme  elle  pot.  Et  se 
mist  en  la  mer,  et  monta  eus  son  vassiel  au  palais  de  Wesmous- 
der,  et  tout  chil  et  toutes  celles  qui  de  sa  route  furent.  Et  estoit 
la  roine  bien  acompagnie  de  daines  et  de  damoiselles  d'Engle- 
terre, de  chevaliers  et  d'esquiers.  Et  nagièrent  tant  li  marounier, 
à  l'aide  de  Dieu  et  dou  vent,  que  il  vinrent  en  Anwiers  \  et  là 
issirent  des  vassiaus,  et  se  missent  en  la  ville.  Si  Tu  la  roine  re- 
quelloite  moult  honourablement  de  ceuls  de  la  ville. 

Les  nouvelles  s'espardirent  tantos  sus  le  pais  que  la  roine 
d'Engleterre  estoit  venue.  Si  vinrent  contre  li,  et  pour  acompa- 
gnier  et  amener  à  Louvaing  deviers  le  roi,  pluisseurs  barons  et 
chevaliers  d'Engleterre  qui  estoient  espars  sus  le  pais  de  Brai- 
hant;  et  entra  la  roine  en  Louvaing  à  plus  de  dens  mille  che- 
vaus.  Se  vint  li  rois  contre  lî  et  le  rechut  liement.  Si  furent 
moult  belles  et  moult  amoureuses  les  aquintances  dou  rai  et  de 
la  roine  i  et  se  logièrent  ou  chasliei  de  Louvaing  tout  cel  ivier, 
et  tinrent  lor  estât.  Assés  tos  apriès  ce  que  la  roine  fu  venue  À 
Louvaing,  le  vinrent  veoir  li  joues  contes  Guillaumes  de  Hainnau 
son  frère,  et  la  jone  contesse  sa  fenme.  Et  aussi  fist  madame  de 
Valois  sa  mère,  car  elle  l'amoit  de  tout  son  coer  plus  tenrement 
que  nulles  de  ses  filles.  Si  fu  la  rome  visete'e  des  chevaliers  et 
des  dames  de  Hainnau  et  de  Br.iibant;  et  elle  qui  estoit  pour- 
veue  toute  sus,  les  requelloit  liement  et  doucement,  et  les  re- 
mercioil  de  lor  bonne  Visitation.  Vous  devës  sçavair  et  croire 
legierement  que  li  rois  d'Engleterre  gissoit  à  grans  fnès  et  as 
grana  coustages  deçà  la  mer;  car  il  tenoït  plus  de  deus  mille 
chevaliers  et  esquiers,  et  environ  huit  mille  archiers.  Et  tous  les 
mois  estoient  paîiet  de  lors  gages,  sans  les  grans  coustages  et 
frès  qui  li  venoient  de  costë,  à  tenir  ces  signeurs  d'Alemagne  à 
amour,  car  il  n'en  fesissent  riens,  ne  pour  linage  ne  aultrement, 
se  li  denier  n'alaissent  toutdis  devant.  F*  44  V. 

P.  ISl,  I.  13  :  de  Cranehen.  —  A/i.  £  6  :  Le  roy  d'Engle- 


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438  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1338] 

terre  giaoit  en  la  ville  d'Anvers  à  gnmt  frait  et  y  fii  plus  d'un 
an,  car  le  duc  de  Brabant  son  cousin  le  deffi%oit  cfae  qu'il  poroit, 
et  nooit  entre  deus  yawe ,  car  il  donooit  à  entendre  bien  souvent 
au  roy  d'Engieterre  qu'il  luy  aideroit,  et  au  roy  de  France  que 
jà  ne  serait  fors  que  bon  Franchois.  Et  pour  luy  escuser  et  tenir 
en  onwur  le  roy  de  Franche,  il  envoia  en  Franche  ung  sien  che- 
valier, le  plus  secret  qu'il  euist,  messire  Loys  de  Granchon,  et 
l'ordonna  là  demourer  et  estrc  tous  quoy  delës  le  roy  de  Fraiw 
che  :  lequel  chevalier  s'en  aquita  lealment.  Car,  quant  il  venoit 
nouvelles  en  la  court,  et  le  roy  Phelippes  estoit  eofourmés  que 
le  duc  de  Braibant  son  cpusin  estoit  à  tous  les  parlemens  du  roy 
d'Engieterre,  et  qu'il  voHoit  soustenir  la  querelle  du  roy  d'Eb- 
gleterre,  le  dit  chevalier  Loys  l'escusoit  et  aloit  au  devant  et  di- 
soit  :  t  Ha!  chier  sire  et  nobles  roy,  ne  creés  nulles  parolles, 
car  le  duc  de  Brabant  vous  est  leal,  car  jà  ne  sera  Englès,  quel 
samblant  que  il  moustre  au  roy  d'Engieterre.  Et  se  il  se  tient 
delez  luy,  c'est  pour  brisier  son  opinion;  et  se  luy  est  sy  proçain 
de  sanc  et  de  linage  qu'il  convient  à  le  fois  que  il  luy  faiche  coat- 
paignie.  »  F»  85  et  86. 

JUs.  de  Rome  :  Benonmée  couroit  en  Flandres  et  ailleurs, 
quoique  lî  dus  Jehans  de  Braibant  fust  cousins  germains  au  roi 
d'Engieterre,  si  se  faindolt  ils  de  li  aidier,  ensi  que  faire  deuist, 
et  estoit  moult  pesans  à  csmouvoïr.  Et  disoient  auqunez  gens  que 
les  secrès  de  ces  parlemens  estoient  par  lui  sccu  en  France ,  car 
il  avoit  un  sien  chevalier  le  plus  secrc  de  tous  les  aultres  et  que 
le  plus  il  amoit ,  lequel  on  nonmoît  messire  Lois  de  Craneheo , 
envoiiet  à  Paris,  et  là  se  tenoit  tous  quoia  dalés  le  roi  et  les  si- 
gneurs.  Et  estbit  li  dis  messires  Loys  cargiés  de  par  le  duc, 
que  de  li  esquser  au  roi  de  toute[s]  informations  senestres  qui 
poraient  venir.  Et  grandement  bien  s'en  aquita  li  chevaliers.  Et 
tous  les  jours  venoient  lettres  et  nouvelles  dou  duch  de  Braibant 
au  (Jievalier,  par  quoi  il  sçavoit  tous  les  secrès  qui  se  faisoient 
en  Braibant 

Encores  se  dissimuloit  ce  qu'il  pooit  li  dus  de  Braibant ,  quel 
amour  ne  compagnie  que  il  fesist  ne  moustrast  au  roi  d'Engie- 
terre son  cousin.  Et  faisait  tout  quoi  tenir  son  chevalier,  messire 
Lois  de  Cranehen ,  à  Paris ,  dalés  le  roi ,  qui  tousjours  esqusoit 
le  duch  de  toutes  imformations  senestres  qui  venoient  en  la  pre- 
sence  dou  roi,  et  disoit  au  roi  :  i  Sire,  n'en  créez  riens,  car 
monsigneur  de  Bnûbant ,  quel  samblant  que  il  moustre  ne  face 


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[1339]  VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  72.  ■  439 
k  son  cousin  le  roi  d'Eogleterre,  ne  vous  Terajà  guerre  pour  lui.» 
Et  li  rois  de  France  le  creoit ,  et  crei  tant  que  oa  en  vei  tout  le 
contraire.  De  quoi  li  dis  chevaliers  prist  si  très  grande  meran- 
colie ,  qant  li  rois  Phelippes  li  dist  que  il  estoit  mençonnables, 
et  li  dus  de  Braibant  ses  mestres  aussi,  que  il  en  morat  d'anoi; 
ne  onques  depuis  ne  retourna  en  Braibant.  F°  44  r*  et  v°. 

S  7â.  P.  132,  I.  10  :  à  Vilvort.  —  Ms.  cTJmleiu  :  Or  re- 
venons au  roy  d'Engleterre ,  qui  très  grant  désir  avolt  que  ti 
saisons  venist  que  il  pewist  faire  se  emprise.  Et  se  teuoit  à  Lou- 
vaing,  et  parloit  souvent  de  son  voiaige  au  duc  de  Braibant  son 
cousin,  au  duc  de  Guéries  son  serourge,  au  comte  de  Jullers  et 
it  monseigneur  Jehan  de  Haynnau ,  qui  le  visetoient.  Et  quant  li 
estes  fu  venus ,  li  Pasques  et  li  Pentecouste  passée  et  li  Sains 
Jebans  Baptiste  ossi,  et  li  aoust  aprocha,  il  s'en  vint  à  Vilvort  et 
se  loga  en  la  ville.  Et  là  s'asambloient  li  Englès,  qui  le  mer 
avoient  rappasset  j  et  se  logoient  en  le  ville ,  qui  logier  s'i 
pooient,  ou  ens  es  mares  sour  le  nvierre.  F°  33. 

Ms.  de  Borne  ;  Li  rois  d'Engleterre,  toute  celle  saison,  petit  à 
petit,  fist  par  deçà  la  mer  et  par  de  delà  appariltîer  ses  pourvean- 
ces.  Et  qant  la  Pentecouste  fu  passée,  il  se  départi  de  Louvaingj 
et  laissa  là  ta  roine  sa  fenme.  Et  s'en  vint  logier  à  Vîllevort,  à 
une  lieue  priés  de  BrousseUes;  et  remanda  toutes  ses  gens,  qui 
esloient  espars  en  Hainnau  et  en  Braibant.  Et  là  furent  tendu, 
en  ces  biaus  prés  qui  sont  grant  et  large,  au  lonc  de  la  rivière, 
tentes,  trefs,  auqubes  et  pavillons,  et  toutes  ordenances  de  lo- 
geis.  Et  escripsi  deviers  ces  signeurs  d'Alemagne;  et  leur  manda 
conme  vicaires  de  l'Empire,  et  les  semonst,  sus  lors  fois,  que 
tout  venissent.  Chil  sigaeur  s'ordonnoient  tout  par  grant  loisir, 
et  ne  se  delivroient  point  ensi  que  li  rois  d'Engleterre  vosîst; 
et  prendoîent  piet  sus  le  duch  de  Brùbant.  Et  de  ces  detriances 
li  rois  d'Engleterre  estoit  tous  merancolieus ,  et  Gouvenoit  que  il 
portast  ce  dangier,  F°'  44  v»  et  45. 

P.  132,  1.  19  -.  s'attendoient.  —  Ms.  itJmiens  :  Lors  manda 
il  estroitement  à  tous  ces  seigneurs  d'ÂlIemaigne  que  il  venissent 
et  avalaissent ,  ensi  que  juret  et  prouramis  li  avoient  ;  et  il  li  re- 
mandèrent que  il  estoient  tout  appareilliet ,  mes  que  b  dus  de 
Braibant  s'esmeuist.  Encorrez  detria  li  dus  de  Braibant ,  de  le 
Madclainne  à  li  mouvoir  jusque  en  septembre  ;  et  avoit  renvoiiet 
en  France  monseigneur  Loeys  de  Cranehen ,  le  plus  secret  che- 


D,qit,zeabvG00»^lc 


440  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  (1339] 

valier  qu'il  ewist,  liquelï  chevaliers  escnzoit  toudis  le  duc  de 
Braibant  envers  le  roy  contre  touttes  imrourmatioiis  qui  pooieni 
venir.  Nonobstant  ce ,  si  fatsoit  U  dus  de  Braibant  son  mande- 
ment ,  et  retenoit  chevaliers  et  escuiers  là  où  il  les  pooit  avoir. 
Et  le  detriance  qu'il  y  metoit,  elle  estoît  assés  raisonnable,  car 
il  veist  vollentier&  que  entre  ces  deux  roys  aucuns  bons  tretiés 
d'acort  se  fust  fais,  aiochois  que  gherre  ne  arsinà  s'en  fust  es- 
meus  ne  commeochie's.  Et  bien  disoit  que,  se  li  comtez  Guillaum- 
ines  de  Haynnau,  qui  nouvellement  estoit  trespassés,  vesquesist,  il 
les  ewist  appaisidz  et  mis  à  acord.  Et  se  li  estoient  chil  doy  roy 
si  prochain  que  à  envis  s'en  mesloit  et  à  envis  s'en  demoroit  ; 
mes  il  s'estoit  jà  si  avant  acouvenenchiéz  que  par  honneur  il  ne 
pooit  reculler.  Ossi  H  plus  gr«it  partie  de  tous  ses  chevaliers  es- 
toient  en  coer  Engtès,  qui  bien  avanchoient  et  aidoient  le  roy  en- 
glès  en  ses  besoingnes.  F°  33. 

P.  1S3,  I.  29  :  seize  cens.  —  Mss.  jt  H  à  ik  :  da.  huit  cens. 
F"  38.  —  IH1.B6:  deux  mille.  F»  104. 

P.  1S2,  !.  31  :  dix  mille.  ~  JUs.  ifJmiens .-huit  mille.  F*  33. 
—  JBj.  JB  6  :  quatre  mille.  F"  104. 

P.  1S3,  I.  9  :  les  passais.  —  Mss.  ^  11  à  14  :  contre  les 
Anglois  qu'ilz  n'apassassent  d'Angleterre  par  de^  la  mer  pour 
venir  en  France.  F*  38. 

P.  153,  I.  13  :  France.  —  Mts.  -^  11  à  14  :  avecques  ses 
allez  d'AUemalngne.  F*  38. 

S  73.  P.  1S3,  I.  16  :  Quant  cil  signenr.  —  Ms.  de  Rome  : 
Bien  sentoient  et  congnissoient  11  sîgneur  d'AIemagne  que  li  dus 
de  Braibant  se  dissimuloit  et  se  portoit  de  ces  besongncs  assés 
froidement.  Et  se  savoient  bien  li  pluïsseur  que  il  avoit  envotiet 
son  chevalier,  mesire  Lois  de  Cranchen,  à  Paris,  de^'iers  le  roi 
de  France ,  et  le  faisoit  là  tenir  tout  quoi ,  pour  li  escuser  de 
toutes  informations  senestres  qui  pooient  venir.  Nequedent,  too- 
tes  CCS  coses  misses  avant,  il  se  départirent  de  lors  iieus,  qant 
il  orent  pourveu  lors  gens  ;  et  s'en  vinrent  à  Villevort  deviers  le 
roi  d'Engleterre  et  vicaire  à  l'Emperenur.  Et  ensi  que  il  vcnoient, 
il  se  logoient  sus  celles  belles  praieries  qui  sont  entre  Brouselles 
et  Villevort;  et  s'estendoient  lors  logeis  et  comprendoient  bien 
avant  joîndant  Brouselles.  Et  vinrent  tout  premièrement  li  dus  de 
Gerlles,  serouges  dou  dit  roi,  li  contes  de  Jullers,  li  contes  des 
Mons,  li  contes  de  Saumcs  en  Saumnis,  li  archevesques  de  Cou- 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1339]       VARIANTES  DU  PBEMIER  LIVRE,  §  73.  441 

loDgne  ei  messires  Gallerans  ses  frères ,  ti  sires  de  Fanquemont , 
messires  Ernouls  de  Baquehen,  et  pluisseur  chevalier  et  tout  ruste 
d'Alemagne.  Messires  Jehaas  de  Haimiau  estoit  tous  jours  dalés  le 
roi  et  son  consel. 

Qant  il  furent  venu ,  li  rois  d'Engleterre  tor  requist  que  il  vo- 
sissent  escrire  et  seeler  avoecques  lui  lettres  de  desfiances  à  Phe- 
lippe  de  Valois,  qui  se  nonmoit  rois  de  France.  Chil  signeur 
d'Alemagne  respondirent  generaument  que  il  estoient  tout  prcst, 
mais  que  li  dus  de  Braibant  vosist  ce  faire;  et  bien  apertenoit  que 
il  le  fesist,  car  il  estoit  11  plus  proçains  de  sanc  et  de  lioage  qui 
fust  là  au  roi  d'Engleterre.  Adonc  requist  li  rois  d'Engleterre 
an  duch  de  Braibant ,  par  honmage  et  par  tiaage,  qne  il  vosist 
seeler.  Li  dus  de  Braibant  fu  consiUics  de  respondre  :  si  rea- 
pondi  et  dist  que  point  pour  l'eure  il  ne  escriroït  ne  seeleroit 
nulles  desGances  avoecques  euls,  et  pas  ne  s'escusoit  que  il  ne  le 
deuist  faire  ;  mais  ce  que  fait  en  seroit,  il  le  feroit  de  soi  meismes, 
sans  nului  mettre  en  sa  lettre. 

Donc  regarda  li  rois  d'Engleterre  sus  les  signeurs  d'Alemagne, 
et  leur  dist  :  «  Biau  signeur,  je  me  tieng  ass^s  contens  de  ce 
que  mon  cousin  de  Braibant  en  fera.  Nous  sonmes  en  son  pais; 
et  qant  nous  serons  dehors ,  il  ancra  mieuls  cause  de  escrire  et 
seeler  les  desfiances  que  il  n'ait  présentement.  Si  vous  pri  chie- 
rement  que  vous  ne  vos  voelliës  pas  arcster  sus  ce ,  et  seeMs 
avoecqnes  moi.  >  11  regardèrent  tout  l'un  l'autre.  Donc  dist  li  dus 
de  Gerlles  :  ■  Contes  de  JuUers,  et  vous,  contes  des  Mons,  biaus 
cousins,  nous  i  metons  trop  de  detrls  sans  raison  :  il  le  nous  fault 
faire,  et  à  ce  nous  sonmes  aloiiet  et  obligiet  de  trop  grant  temps,  n 
Donc  respondirent  li  Alcmant  tout  de  une  vois  :  s  Dus  de  Gerles, 
vous  dittes  vérité.  » 

Là  fu  conclu  et  acordé  que  tout  seeleroient  avoecqnes  le  roi 
d'Engleterre  les  desfiances  à  Phclippe  de  Valois ,  ensî  que  il  fis- 
sent. Li  rois  d'Engleterre  en  chief  escripsi  et  seela ,  pour  lui  et 
pour  tous  ses  tenaules  d'Engleterre  ;  et  puis  seelêrent  tout  li  aul- 
tre ,  reserve  le  duch  de  Braibant.  Qiils  volt  faire  son  fait  à  par 
lui.  Les  desBances  escriptes  et  seelécs,  li  evesques  de  Lincole  (îi 
cargii^s  de  la  porter  et  faire  le  message.  Il  l'emprist  avoecques 
un  hiraut  d'Engleterre,  liquels  cevauça  tout  devant  pour  impe- 
trer  un  sauf  conduit  pour  le  dit  evesque  alant  et  retournant,  et 
l'atendi  à  Valenchlennes.  Li  hiraus  qui  chevauca  devant,  esploita 
SI  bien  que  il  ot  le  sauf  conduit  pour  l' evesque  de  Lincolle  et  toute 


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44Î  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

sa  famille  alaiis  et  retournons,  et  l'aporta  à  TaleQchieDnes  là  où  U 
evesques  l'ateadoit. 

Qant  li  dû  evesques  l'ot,  il  se  départi  de  Taloichiennes  et 
vint  au  Cbastiel  en  Cambresis  et  puis  à  Saint  QuetUÎa  et  à  Hem 
et  puis  à  NoioD  ;  et  Gst  tant  par  ses  journées  que  il  vint  à  Paris 
et  se  loga  au  Chastiel  Festu ,  eu  la  rue  don  Tiroi ,  derrière  les 
Innocens.  Pour  ces  jours,  estoit  li  rois  Phelippes  à  Itistd  c'on 
dist  de  Neelle ,  oultre  la  rivière  de  Saiime.  Et  là  ala  li  evesques 
de  LincoUe  faire  son  message  et  parla  au  roi,  car  on  li  fist  voie, 
et  li  rois  le  volt  veoir  et  olr.  Si  mist  les  desfiances  avant  :  adcmc 
regarda  li  rois  la  lettre  et  les  seauls  qui  i  pendoient.  Si  fist  dire  à 
l'evesque  que  il  pooit  bien  partir  qant  il  voloit,  car  il  se  tenait 
pour  tous  desfiiés.  Et  aussi  li  evesques  de  Lincole ,  pour  plus 
deuement  faire  les  desfîances,  avott  rendu  au  roi  de  France,  avant 
ce  que  il  moustrast  ses  lettres,  l'onmage  tout  entier  et  tel  qne  0 
le  tenoit  de  li,  et  li  rois  l'avoit  repria.  C'estoit  la  conti!  de  Pontieo, 
et  en  Gîane  auqunes  terres,  qui  s'estendent  entre  la  rivière  de  la 
Dourdonne  et  la  Geronde;  car  ce  qui  est  par  de  delà,  les  rois 
d'Engleterre  ont  tous  jours  tenu  quitement  et  liegement,  et  ensi 
conme  l'iretage  d'Eugleterre. 

Qant  H  evesques  de  Lincole  ot  fait  ce  pour  quoi  Q  estoit  venus, 
il  se  départi  et  retourna  arrière.  Et  tantos  li  rois  Phelippes  envoia 
saisir  la  conte  de  Pontieu  et  la  conté  de  Moustruel  et  toutes  les 
terres  que  li  rois  d'Engleterre  avoit  relevé  de  la  couronne  de 
France ,  et  qu'il  tenoit  au  jour  que  les  desfiances  vinrent.  Et 
transmuèrent  li  oflïciier,  qui  connus  i  furent  de  par  le  roi,  tous 
officiiers,  et  i  remissent  aultres  selonch  les  ordenances  des  lieus; 
mais  il  ne  tint  pas  longement  la  contd  de  Pontieu,  qant  il  le  donna 
à  mesire  Jaquème  de  Bourbon ,  un  sien  cousin  moult  proçain ,  et 
liquels  estoit  issus,  et  li  dus  Pières  de  Bourbon,  ses  frères,  de  U 
droite  coste  dou  roi  saint  Lois  de  France.  Et  ne  tenoit  pas  li  dis 
messires  Jaquèmes  de  Bourbon ,  au  jour  que  li  rois  li  donna  )a 
conté  de  Pontieu,  trop  grant  terre,  et  pour  ce  li  augmenta  il  son 
biretage;  et  bien  l'emploia,  car  li  gentils  chevaliers  fu  ausi  pour- 
veus  de  nobles  conditions  que  nuls  chevaliers  peut  estre.  Or  se  tint 
li  rois  Phelippes  pour  destics  dou  roi  d'Engleterre  et  des  conjoins 
et  aiiers  avoecques  H  en  celle  gerre.  F"  45. 

F.  1S4,  1.  8  :  Jehan  de  Braibant.  —  Ms.  S  6  :  Quant  toutes 
ces  choses  furent  faites  et  du  consail  et  consentement  de  l'Em- 
pereur, et  osy  des  aliés  qui  là  estoient  presens  et  qui  tout  y  fu- 


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[1339]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  ^^■  443 

rent  appelles  ;  alors  le  roy  d'Engleterre  prist  coogiet  et  s'en  re- 
tourna arière  en  ia  vUle  d'Anvers  où  madamme  sa  femme  estoit 
encore.  De  là  eult  de  recbief  à  sa  revenue  uug  grant  parlement, 
et  nus  ne  s'y  oublia  de  y  venir.  Et  Jaques  de  Hartevelle,  qui 
sousteuoit  grandement  le  partie  du  roy  d'Engleterre,  là  y  fu,  le 
duc  de  Brabant,  le  conte  de  Haynau,  messire  Jehan  de  Haynau, 
le  duc  de  Gueidre,  le  conte  de  Jullers,  le  sire  de  Fauqueiuont  et 
tout  ly  alUe's.  Et  là  remoustra  le  roy  d'Engleterre  ses  lettres  et 
tout  che  que  il  avoit  cnpietr^  devers  l'Empereur,  Et  requist  le 
dit  roy  à  tous  ses  seigneurs  que  il  le  volsissent  servir,  ensy  que 
ses  lettres  contenoicnt. 

Là  n'en  y  eult  nul  qui  se  peuiat  escDser  ne  volùst.  Tors  le  duc 
de  Brabant  :  mais  encore  conchela  il  ung  petit  et  dist  :  <  Sire, 
nous  serons  tous  aparetlié  pour  aller  là  où  il  vous  plaira  en 
l'Empire  au  commandement  de  l'Empereur,  mais  nomes  où  vous 
voilés  aller  7  »  Et  dit  le  roy  de  Engleterre  :  k  Devant  la  cité  de 
Cambray,  car  elle  est  de  l'Empire,  dont  elle  deuist  obéir  à  l'Em- 
pereur; et  elle  est  contraire  et  obeist  au  roy  de  France.  Et  là 
vous  voel  jou  là  mener,  et  le  conquerrons,  sy  plest  à  Dieu,  se 
nous  poons.  »  Che  fu  bien  l'acort  de  tous.  Lors  respondj  le  duo 
de  Brabant  et  dist  encores,  qui  envis  se  tournoit  Englès  et  envîs 
le  laissoit;  mais  il  avoit  là  parlet  et  agambc  sy  avant  que  il  ne 
povoil  recullér,  et  avoit  tant  recheu  d'or  et  d'argent  du  roy 
d'Engleterre  que  il  ne  s'en  povoit  escuser;  lor  dist  :  a.  Chier 
cousin,  puis  que  ensy  est  que  là  vous  nous  voilés  mener,  sy  def- 
tiiés  le  roy  de  France  bien  hastivcment  et  vous  traies  celle  part. 
Et  sy  trestost  que  je  saray  que  vous  serés  devant  Cambray,  je 
vous  y  v[e]nr3y  servir  à  douze  cens  lanches.  i  Le  roy  d'Engle- 
terre, qui  veist  voUentiers  que  ses  fwsoingnes  fuissent  avanchies, 
dist  :  a  Je  le  feray  vollentiers.  > 

E^sy  se  departy  le  parlement  sur  cest  estât.  Et  s'en  vint  adonc 
le  dit  roy  à  Brouselles,  avec  le  duc  son  cousin,  où  il  fu  recheus 
joicusement.  Et  s'acointa  sy  bien  de  Brnsselois  et  des  chevaliers 
et  escuiers  de  Brabant  que  tout  se  mirent  à  son  commandement, 
mais  que  leur  syre  le  volsist.  Quant  le  roy  d'Engleterre  eult  là 
esté  bien  ung  mob,  il  s'en  departy  et  s'en  retourna  vers  Gant, 
sur  cel  estât  que  pour  esmouvoir  ses  gens  et  pour  aller  avant  et 
venir  devant  Cambray,  ensy  que  l'ordoonancbe  portoit.  Lui  venu 
à  Gant,  il  y  trouva  la  royne  sa  femme,  en  l'abeie  de  Saint  Pière, 
que  jà  y  estoit  venue,  et  là  tinrent  leur  ostel.  Sy  estoit  souvent 


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444  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

vissetés  de  Jaques  de  Martevelle  et  des  bourgob  de  Gant,  et 
madame  la  royoe  des  bonrgoises. 

En  che  temps,  envoia  defEier  le  roy  d'Engleterre  le  roy  de 
France  par  l'evesque  de  Lincelle,  qui  fist  bien  son  messaige  en 
la  ville  de  Paris,  et  fist  que  le  roy  de  Franche  se  Uni  bien  pour 
deSiet.  Et  retourna  arière  à  Gant  vers  le  roy  son  seigneur,  qui 
le  vey  vollentiera,  et  ly  demanda  au  retour  quel  santblant  le  roy 
Phelippe  avoit  dit  ne  fait.  «  Certes,  dist  l'evesque,  il  n'en  Bst 
^ue  rire,  et  dist  que  vous  avés  songiet  qile  cuidiés  estre  roy  de 
Franche.  .  F"  99  à  lOï. 

P.  1S4,  1.  n  :  à  Malignes.  —  Ms.  S  6  :  Or  r«viens  au  roy 
d'Engleterre  qui  se  tenoi[  en  la  ville  de  Gant.  Osy  tost  que  il 
eult  deffiiet  le  roy  Phelippe,  et  que  le  roy  Pbelippe  se  tint  pour 
deffiiet,  et  qu'il  eult  fait  saysir  le  conte  de  Poitau  par  son  coones- 
table  et  le  conte  de  Ghines,  le  dit  roy  d'Engleterre  cuida  tantost 
partir  et  venir  devant  Cambray  ;  mais  il  n'eut  mie  ses  gens  sy 
tost  prest,  espesialment  le  duc  de  Brabant,  et  detria  tes  Allemans 
à  venir  de  le  Saint  Jeban  Baptiste  jusques  en  my  aoust  et  plus 
avant.  En  che  detriement,  list  ung  grant  envaisement  mesire 
Gautier  de  Mauny,  car  il  se  party  de  Gant  du  roy  d'Engle- 
terre.... F"  102  et  103. 

P.  154,  I.  19  :  Gantiers  de  Mauni.  —  JUt.  li^Àmiens  :  qui 
Bvoecquez  le  roy  d'Engleterre  estoit  apassés  le  mer  par  dechà  et 
qui  en  Anwiers  se  tenoit.  F"  31  v*.  —  Ms.  de  Rome  :  uns  bace- 
lers  et  chevaliers  de  la  conté  de  Hainnau  et  tousjours  vrais  et 
loiaus  Englois.  F*  4S  v°. 

P.  154,  1.  20  :  fu  deffiiés.  —  JUs.  de  Valenciennes  :  Or 
estoit  le  roy  d'Engleterre  revenus  en  Ampvers.  Si  vint  messire 
Gautier  de  Maugny  devant  le  roy;  et  prist  congié  de  luy  et  au- 
cuns compaignons,  d'aler  faire  aucune  appertise.  F"  69.  — 
Mt.  de  Rome  :  le  roi  d'Engleterre  et  ses  boos  cstans  à  Ville- 
vort.  P  45  V. 

P.  154,  1.  23  :  quarante.  — Afs.  <t Amiens  :  environ  soixante. 
F"  31  V». 

P.  1S4,  1.  33  et  24  :  compagnons.  —  Mt.  de  Rome  :  h^n- 
nuiers  et  englois.  F"  45  v». 

P.  1S4,  I.  26  :  filaton.  —  Ms.  <f  Amiens  :  dallés  Condet  sus 
Escaut.  F*  31  v»,  —  Ms.  de  Rome  :  et  se  boutèrent  eus  es  bos 
de  Blaton.  Li  gentils  chevaliers  avoit  voé  en  Engleterre,  oant 
dames  et  signeurs,  et  dit  ensi  :  a  Se  la  guerre  s'esmuet  entre  le 


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[i33»l       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  73.  kki 

roi  d'Eagleterre,  mon  signeur,  et  Pbelippe  de  Valois  qui  se  dist 
rois  de  Franche,  je  serai  li  premiers  qui  s'en  armera  et  qui 
prendera  chasticl  ou  ville  sus  le  roiaume  de  France.  *  Et  de  ce 
Teu  point  il  n'en  defaUi,  car  il  s'en  vint  de  nuit  bouter  ens  es 
bois  de  Wières,  moult  priés  de  Mortagne.  F*  43  v». 

P.  ISS,  i.  7  :  levant.  —  Mt.  B  ti  :  k  Mortaigne  sus  l'Escaut, 
à  quatre  lieues  de  Toumay.  F°  103. 

P.  135.  1.  8  :  à  Mortagne.  —  Ms.  de  Borne  :  La  ville  de 
Mortagne  sus  la  rivière  d'Escaut,  quoi  que  elle  soit  moult  priés 
gard^,  pour  ce  jour  fu  en  très  grande  aventure  de  estre  prise, 
car  messires  Gantiers  de  Mauni  et  sa  route  vint  sus  l'ajournée 
si  priés  que  il  se  boutèrent  en  enbusqe  ens  es  haies  et  buissons 
dal^  Mortagne.  Et  orent  pourveu  cotes  et  abis  de  fenmes,  les 
quelles  il  prissent  en  un  village  sus  lor  cemin,  et  grans  crétins 
plas,  là  où  ces  fenmea  qui  vont  au  marchiet  mettent  bures,  oefs 
et  fronmages.  Et  abituèrent  quatre  de  lors  honmes  âe  Tabit  de 
ces  fenmes  et  loiièrent  entours  lors  testes  belles  blances  loiures 
de  toille;  et  prissent  ces  crétins  couvers  de  blances  napes,  et 
moustroient  que  elles  venissent  au  marchiet  vendre  lors  bures  et 
froumages.  Et  vinrent  sus  l'eure  de  solel  levant  à  la  porte,  et  la 
trouvèrent  dose  et  le  guichet  entre  ouvert,  et  un  homme  qui  le 
gardoit  ;  et  quida  véritablement  {fie  ce  fuissent  fenmes  d'un  vil- 
lage là  priés,  qui  venissent  au  marchiet,  et  ouvri  le  guichet  tout 
arrière,  pour  elles  entrer  et  lors  crétins.  Qant  chil  honme  en  abit 
de  fenmes  furent  dedens,  il  se  saisirent  dou  portier  et  traissent 
Ions  coutiaus  que  il  portoîent  desous  lors  gonnes,  et  li  dissent  : 
a  Se  tu  sonnes  mot,  tu  seras  mors.  »  L'ome  fu  moult  effraé  et 
doubta  la  mort,  et  se  tint  tous  quois  àsiês  euls. 

Evous  messire  Gautier  de  Mauni  venu  et  ses  compagnwis,  qui 
les  poursievoient  de  lonch;  et  avaient  laissiet  lors  chevaus,  ea 
haies  et  en  buissons,  assés  priés  de  Mortagne,  en  la  garde  de 
lors  variés.  Et  veirent  que  lor  compagnon  estoient  signeur  de  la 
porte;  si  se  hastèrent  dou  plus  qu'il  porent,  et  entrèrent  dedens 
le  guichet  tout  à  lor  aise.  Et  s'en  vinrent  deviers  la  tour  et  le 
dongnon,  et  le  quidièrent  trouver  mal  gardée;  mais  non  fissent, 
car  elle  estoit  fremée.  Adone  se  tinrent  euls  tout  quoi,  et  veirent 
bien  que  il  avoient  fali  à  leur  entente,  et  que  la  ville,  sans  le 
chastiel,  ne  lor  valloit  noient  à  tenir.  Si  se  retraissent  tout  le  pas 
là  par  où  il  estoient  venu,  et  ne  portèrent  aultre  damage  à  la 
ville  de  Mortagne  que  il  boutèrent  le  feu  en  deus  ou  trois  mai- 


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kk6  CHRONIQUES  DE  J.  FR01SSA.RT.  ■    [1339] 

SODS;  et  puis  Usirent  et  montèrent  sus  leurs  cbevaus,  et  se  dépar- 
tirent snns  aultre  cose  faire.  Moult  de  gens  de  la  ville  de  Morta- 
gne  estoient  encores  en  lors  lis,  et  ne  sceurent  riens  de  ceUe 
aventure.  F"  kS  V  et  46. 

P.  15S,  1.  8  :  guicet.  —  Âfs.  de  Vaienciames  :  le  viquet  de 
la  porte  ouvert.  Si  rompirent  le  flaiel,  et  ea  furent  maistre. 

p-es. 

P.  ISS,  1.  20  :  bouter  le  feu.  —  Ms.  tPAmient  :  affin  que  il 
souventst  chiaus  de  le  ville  que  il  y  avoit  estet,  et  que  une  autre 
fois  il  fuissent  plus  songneux  de  garder  leur  ville.  F"  31  V. 

P.  156,  1.  12  :  Thun  l'Evesque.  —  Ms.  d Amiens  :  Dont  se 
parti  messires  Gautiers  et  toutte  se  routte,  et  vint  passer  l'Es- 
cault  et  le  Haynne  à  Condet;  et  cevaucha  encorres  plus  avant 
deviers  Cambresis,  ensi  comme  vous  orés.  Encorres  ne  se  doub- 
toit  on  de  riens,  ens  ou  pays  de  Cambresis.  Bien  supposoît  li 
evesques  de  Cambrai  que  li  roys  d'Engleterre  feroit  en  France 
se  premier  voiaige  par  là  ;  mais  il  leur  estoit  encorrez  si  lontains 
que  ses  pays  n'en  estoit  de  riens  effraés  ne  pourveus.  Or  che- 
vaucha li  sires  de  Mauni  en  celle  entente  que  pour  faire  y  au- 
cune envaye,  car  bien  savoit  que  li  pays  de  Cambresis  estoit  et 
seroît  ennemis  à  yaux.  Touttesfois  en  ceste  chevauchie,  il  s'avisa 
que  il  envoieroit  defGier  souffissanunent  l'evcsque  de  Cambray. 
afin  que  il  ne  futst  repris  de  villain  fet.  Li  evesques  n'en  fist  nul 
compte,  car  il  ne  le  cuidoit  mie  si  priés  de  lui  qu'il  estoit.  Os^ 
chilz  qui  porta  les  deffianchcs  ne  li  dist  mies.  Si  chevauça  li 
sirez  de  Mauni,  à  le  couverte,  deseure  Valenchiennes  ;  et  vint  à 
Denaing  où  il  disna,  car  l'abessc  estoit  sa  cousinne.  Et  viat  à 
Bouchain  et  passa  là  l'Escaut,  et  ne  dist  mies  à  chiaux  de  Bou- 
chain  quel  cose  il  voltoit  faire  ;  et  vint  une  matinée  si  à  point  à 
Thun  l'Evesque,  ung  castiel  séant  sour  l'Escaut,  qui  se  lient  de 
Cambresis,  que  de  venue,  parmy  l'ayde  de  ses  gens,  il  prist  le 
pont,  le  porte  et  le  castiel  et  le  castelain  dedens.  F°  31  v*. 

Ms.  de  Rome:  Messires  Gautiers  de  Mauni,  pour  acomplir 
son  emprise,  il  et  si  compagnon,  chevaucièrent  et  rentrèrent  en 
Hainnau;  et  passèrent  l'Escaut  à  un  ponton  au  desous  de  Con- 
det. Et  vinrent  ce  jour  disner  en  l'abeie  de  Vicongne;  et  là  ra- 
fresqircnt  lors  chevaus,  et  s'i  tinrent  jusques  à  la  nuit.  Encores 
n'estoit  li  pais  de  riens  effraés.  Et  montèrent  sus  lors  cevaus  à 
ta  vesprée,  et  cevauchièreni  amont;  et  passèrent  les  bois  de 
Walers,  et  entrèrent  en  Ostrevant.  Et  avoient  gides  qui  les  me- 


D,qit,zeabvG00»^lc 


[1339]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  74.  447 

noient;  et  vinrent,  entre  Douai  et  Cambrai,  passer  la  rivière  de 
la  Sensée,  qui  rentre  en  l'Escaut  à  Bouchain.  Et  cevauchièrent 
tant  que,  sus  l'eure  de  solel  levant,  il  vinrent  à  un  chastiel,  que 
on  dist  Thuu  l'Evesque,  séant  sus  la  rivière  d'Escaut;  et  si  à 
point  que  les  mesnies  don  dit  chastiel  mettoient  hors  le  bestail, 
pour  pasturer  ens  es  prées  qui  sont  priés  de  là,  et  encores  estoit 
li  chastellains  en  son  lit.  F"  46. 

P.  156,  I.  19  :  GiUes.  —  Mt.  de  Ftdeaciennes  :  Willame. 
P  69. 

P.  1S6,  I.  21  :  destourblers.  —  Mss.  ^  11  à  14  :  Et  faisoit 
ses  courses,  trois  ou  quatre  fob  la  scpmaine,  jusques  devant  la 
bonne  cite  de  Cambra;;  et  venoît  escarmouchier  jusques  aux 
barrières,  où  il  faisoit  moult  grandes  et  belles  appertises  d'armes. 
P  39.  —  JW*.  dÂmient:  Or  furent  chil  de  Cambray  couron- 
chiet  et  e^iecialment  U  evesques  ;  et  manda  au  roy  de  Franche 
le  fet,  et  coumment  ses  castiaus  lî  estoit  tolus  et  emblés.  Si  en 
fu  li  roys  courouchîés,  et  bien  y  eut  cause.  P*  31  v°. 

P.  196,  1.  24  et  25  :  en  Braibant.  —  Ms.  .fi  6  :  Et  puis  s'en 
retourna  le  dit  Gautier  à  Gant  devers  le  roy  son  seigneur,  qui 
le  vey  vollentier  et  qui  jà  avoit  oit  parler  de  ses  adventures  :  se 
luy  eu  savoit  bon  gré,  et  le  tenott  pour  nng  des  plus  aventureus 
de  son  ostet  et  vaillans.  F°  104. 

P.  1S6,  1.  25  :  le  roy  englès.  —  Mi.  ^Amiens  !  qui  encorres 
estoit  en  Anwiers.  F°  31. 

P.  1S6,  1.  26  :  à  .Malignes.  —  Mt,  de  Borne:  et  i  avoit  tu 
parlement.  F*  46. 

S  7-1.  P,  187,  1.  8  :  et  envoia.  —  Mi.  dJmiens  :  Si  y  en- 
voya gnms  pourreatK^es  de  gens  d'armes  pour  le  garder  et 
deBendre  contre  tous  venans,  premiers  monseigneur  Loeys  de 
Savoie,  monseigneur  le  Galois  de  le  Baume,  le  seigneur  de 
Groulée,  le  seigneur  de  Biauges,  messire  [Mille*]  de  Noyers;  le 
seigneur  de  Saint  Venant,  le  seigneur  d'Aubegny,  lé  seigneur  de 
BasentuQ  et  le  seigneur  de  Roye,  et  avoecq  cbeui  bonne  bache- 
lerie  et  grant  fuison  de  Geneuois  et  d'autres  saudoiiers.  Cliil  y 
fissent  tons  vivres  d'environ  amener  et  akariîer ,  et  emplir  les 
greniers  de  bleds  et  d'avainnes.  Et  fisent  chil  seigneur  entierer 
trois  des  portes  de  Cambray,  (joi  point  n'estoient  nécessaires  à 

1.  Mt.  de  raltncitnati,  ?>  72  »".  —  Mt.  d'Amleat  :  Cille. 


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kk»  CttRONlQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

l'ouvrir.  Encorres  eavoya  li  roys  de  France  au  Castel  en  Cam- 
bresis  messîre  Thieubaut  de  MoreîT,  le  marescal  de  Mîrepois  et  le 
seigneur  de  Rainneval.  Et  fîst  li  roys  bien  garnir  Bohaing,  le 
Maie  Maison,  Crievccoer,  Aloes  et  Oizi  en  Cambresis  ;  et  Est  son 
mandement  par  tout  le  royaumme  de  Franclic  à  estre  à  Peromie 
en  Vermendois,  à  Bapaimimes'  et  ù  Arras.  F°  33. 

P.  1S7,  I.  11  :  de  Roie.  —  Le  rm.  £  6  ajoute  :  le  sire  de 
Neurchastel,...  le  sire  de  Coucy,  le  sire  de  Raiaeval.  F'  102. 

P.  157,  1.  12  :  deux  cens.  —  Ms.  B  6  :  cinq  cens.  P  102. 

P.  Ift7,  I.  IS  :  manda.  —  Ms.  B  t  :  Or  avint  que,  quant  le 
roy  Phelippe  se  vit  defïïiet  du  roy  d'Engleterre,  il  n'en  fist  mie 
grant  conte.  Et  fist  coppiier  tantost  les  lettres  de  déhanche,  et 
les  envoya  par  tout  les  hauls  seigneurs  qu'il  pensait  avoir  à  cnde 
et  confort,  est  à  savoir  devers  le  roy  de  Behaigne,  l'evesque  de 
Liège,  le  duc  de  Loraine,  le  conte  de  Bar  et  ensy  deviers  les 
autres.  F"  102. 

S  7S.  P.  1S8,  1.  26  :Lirois.  — Jf4.  de  Rome: Li  rois  d'Engle- 
terre estoit  venus  k  Malignes  à  un  parlement  qtit  là  se  tint,  car 
li  Alemant,  qui  le  roi  d'Engleterre  voloient  servir,  et  qui  defBet 
avoient  le  rot  de  France,  s'esmervilloient  grandement  entre  euls, 
de  ce  que  li  dus  de  firaibant  no  se  apparilloît  aultrement  pour 
aidier  son  cousin  germain,  le  roi  d'Engleterre.  Et  fu  là  dit,  a- 
resté  et  consellié  que  tout  se  departiroient  de  Villevorl,  où  logiel 
il  estoient,  et  cemineroient  oultre  et  passeroient  parmi  Haînnau. 
Tout  ce  ne  pooit  deveer  11  contes  de  Uainnau  :  puis  que  il  en 
estait  l'equis  dou' vicaire  à  l'Empereour,  il  couvenoit  que  il  fust 
en  obéissance.  Et  fu  remoustrë  au  roi  d'Engleterre  que  il  s'adrc- 
ceroit  parmi  Brousselles  et  iroit  parler  au  duch  son  cousin,  pub 
que  il  a' estoit  venus  au  parlement  à  Malignes,  et  li  remousteroît 
ces  desPautes  el  aultres,  desquelles  on  estoit  tout  esmervilliet. 

Ensi  se  conclut  ii  parlcmens.  Et  retournèrent  li  sigoeur  à  Vil- 
levort,  et  se  conmenchièrent  à  deslogier  et  à  tourser  tentes  et 
très,  auqubes  et  pavillons  et  toutes 'manières  de  logeis  portatis, 
et  à  mètre  sus  chars  et  sus  cbarettes.  Tout  fu  deslogiet  et  mis 
à  voie  et  à  chemin;  et  passèrent  au  dehors  de  Brousselles.  Li 
rois  d'Engleterre,  li  dus  de  Gcrllcs,  li  contes  de  Jullers,  li  arce- 
vesques  de  Coulongne ,  li  marqis  de  Misse  et  d'Eurient,  meures 

1.  2fj.  Je  faUnc'uaHtt  ;  Compiengne.  P°  73  v"' 


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[1339]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  75.  449 

Robers  d'Artois,  messires  Jehaas  de  Hainnau  et  li  sires  de  Fau- 
queiDont  entrèrent  en  Brousselles,  et  i  disnèrent  et  jurent  une 
nuit;  et  entrues  lors  gens  passèrent  oultre.  F°  46  v". 

P.  158,  l.  26  :  de  Malignes.  —  Mu.  ^  H  à  14  :  où  il  avoit 
longuement  séjourné  à  grans  fraiz  et  despens,  en  attendant  de  jour 
en  jour  ces  grans  seigneurs  d'Allenlaingne  qui  point  ne  venoient, 
ainsi  que  promis  lui  avoient,  dont  moult  lui  ennuioit,  mais  passer 
il  lui  en  convenoit.  F*  39.  —  JUs.  ^Amiens:  de  Vilvort.  F"  33. 

P.1S8,  1.  27  :  a  Brousselles.— Aff.  B  6  :  à  Willevort.  F»  104. 

P.  158,  1.  30  :  marcis  de  Jullers.  —  Ms.  d Amiens  :  duc  de 
Jnliers.  F"  33. 

P.  1S9,  1.  1  !  de  Saumes.  — -  Les  nus.  A  \\  à  14  ajotueni: 
le  conte  de  Los.  F»  39.  —  Mt.  Aiiàe  Sannes.  F"  40.  —  Mi.  de 
Valenciennes:  de  Salmes.  F"  72  v». 

P.  159.  1.  2  :  Bakehen.  —  Ms.  A  i  :  Brakehen.  F*  40.  — 
Ms.  de  ValencUnnes  :  Blanqaenhem.  F"  72  v*. 

P.  159,  1.  7  :  son  neveut.  —  Ms.  tf^miew .' qui  estoit  semons 
que  d'estre  en  celle  chevauchie  devant  Cambray.  F.  33.  —  Ms. 
de  Falenciennes  :  qui  faisoit  son  mandement  à  Valenchiennes. 
F»  72  v«. 

P.  159,  1.  14  :  douze  cens.  —  Msi.  A  U  à  tk  i  deux  cens. 
F*  36  v".  —  Ms.  de  Rome  :  doose  cens  hiaumes  et  vint  mille 
hommes  des  villes  de  Braibant,  F.  46. 

P.  1S9,  1.  23:  seize  ou  vint.— ilfj'.r.^S  et  9  :  quinze  ou  vingt. 
F"  38  V.  —  Mis.  Ai  à  6,  18  et  19  :  seize.  F»  40.  —  Mss. 
AU  àik  :  vingt.  F"  39  v». 

P.  130,  1.  30  :  festiiés. —  Ms.  de  Rome  :  pour  deux  raisons: 
la  première  estoit  pour  che  que  il  avoit  sa  serour  espousée  ;  et 
l'autre  raison  :  faire  li  couvenoit,  car  li  rois  d'Engleterre  estoit 
vicaires  à  l'Empereour,  ensi  que  vous  savés  ;  se  le  devOit  rece- 
voir, pub  que  requis  en  estoit,  conme  son  signeur  et  faire  toute 
homiour,  reverense  et  obeisance.  Si  se  rafresqirent  li  rois  d'En- 
gleterre et  li  signeur  qui  avoecques  lui  estoient,  deus  jours  en  la 
ville  de  Mous;  et  entrues  passèrent  lors  gens  et  li  charois.  Ce  fn 
mois  de  septembre,  et  avoit  on  partout  mièssonné.  Et  s'avalèrent 
toutes  ces  gens  d'armes  en  la  marce  de  Valenchiennes  ;  et  se  lo- 
gièrent  eus  ces  villages,  et  trouvoient  des  biens  assés,  Li  auqun 
paioient  moult  volentiers  ce  que  il  prendoient,  et  li  aultre  non  ; 
car  Alemant  ne  sont  pas  trop  bon  paieur,  là  où  il  le  pueent 
amender. 


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480  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

Li  rois  d'Engleterre,  lui  trentime  de  signeurs  d'Engleterre  et 
d'Alemagne,  entra  en  Valenchlennes  ;  et  avoit,  la  nuit  devant, 
jeu  à  Saint  Sauve  en  la  priorié.  Et  là  vinrent  ti  contes  de  Hain- 
nau  et  mesires  Jehuns  de  Hainnau,  son  oncle,  et  pluisseur  baron 
et  chevalier  de  Haionao,  en  la  compagnie  don  conte.  Et  le  jour 
encores  que  il  entra  à  Valenchiemies,  ii  rois  avoit  disn^  à  Saint 
Sauve,  à  demi  lieue  de  Valenciennes.  Et  entrèrent  li  rois  et  lï 
ugneur  en  la  ditte  ville,  par  la  porte  Montoise.  Et  amena  li 
contes  le  roi  en  son  hostel  que  on  dîst  en  la  Salle  ;  laquelle  Salle 
et  hostel  on  avoit  ordonuet  et  apparilliet  très  ricement,  ensî  que 
pour  le  corps  le  roi. 

Et  aviut  que,  en  montant  les  degrés  de  la  Salle,  li  evesques  de 
lincole,  qui  là  estoit  presens,  esleva  sa  vois  et  dist  :  «  GuiJ- 
laumes  d'Âusone,  evesques  de  Cambrai,  je  vous  amoneste,  comme 
procureur  de  par  le  vicaire  au  rgi  d'Alemague  et  à  l'empereour 
de  Ronme,  que  vous  voelliés  ouvrir  la  chité  de  Cambrai,  et  re- 
quellier  dedens  le  roi  d'Engleterre,  vicaire  à  l'empereour.  »  A 
ceste  requeste  et  parole  ne  respondi  nub.  Apriès,  tourna  li  dis 
evesque  sa  parole  sus  le  conte  de  Hainnau,  et  dist  :  «  Contes  de 
Hainnau,  je  evesques  de  Lincolles,procurères  dou  roi  d'Engleterre, 
vous  amoneste  de  par  le  vicaire  de  l'Empereour,  que  vous  le  ve- 
nés  servir,  là  partout  sus  l'Empire,  là  où  il  vous  menra,  pour  lui 
aidier  à  corrigier  les  rebelles.  >  Li  contes  respondi  et  dist  :  a  Je 
obéirai  volentiers  si  avant  que  je  sui  tenus,  b  Donc  respondi  li 
rois  d'Engleterre  qui  estoit  d'encosie  li  :  s  il  nous  «ouGst.  > 

Apriès  ces  monitions  et  requestes,  il  montèrent  les  degre's  de 
la  Salle.  Et  fu  menés  dou  conte  de  Hainnau  H  rois  d'Engleterre 
en  sa  cambre,  et  ensi  tout  li  aultre  signeur  en  lors  cambres.  Et 
fu  li  ostez  de  la  Sale  de  Valenchiennes  ordonnés  seuUement  pour 
le  roi  d'Engleterre  et  son  tinel.  Et  li  contes  de  Hainnau  et  la 
contesse  furent  logiet  à  l'ostel  de  Hollandes,  El  vint  la  jone  con- 
tesse  de  Hainnau,  bien  acompagnie  de  dames  et  de  damoiselles 
de  son  pais,  veoir  le  roi  d'Engleterre  ;  et  li  rois  le  rechut  moult 
doucement,  ensi  que  chils  qui  bien  le  sceut  faire.  Si  fu  li  soupers 
grans  et  biaus  et  bien  estofés,  et  li  rois  d'Engleterre  grandement 
bien  requetliés  et  hoimourés  du  conte,  son  serouge,  et  des  cheva~ 
liers  dou  pais. 

A  l'endemain  apriès  disncr ,  il  se  départi  de  Valenchiennes  ;  et 
vmt  a  Fontenelles  l'abeie ,  veoir  madame  de  Valois  sa  grande 
dame.  Et  fu  avoecques  lui  li  dis  rois  bien  deus  heures,  et  là  aussi 


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[1339}       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  76.  4SI 

estoit  li  contes  de  Hainnau.  Si  prist  li  rois  d'Engleterre  congiet 
à  la  bonne  dame,  et  puis  s'en  départi  ;  et  vint  ce  soir,  au  souper 
et  à  la  giste,  à  Haspre.  Et  li  contes  de  Hainnau  retourna  à  Va- 
lenchienues  ;  et  jà  avoit  fait  tous  ses  conmandemens  et  semons 
ses  honmes,  pour  venir  ao  serviche  le  roi  d'Engleterre  devant 
Cambrai.  P"  46  v"  et  47. 

P.  160.  1.  7  :  li  donzime.  —  Mss.  ^  11  â  14  :  à  tout  vint 
chevaliers  et  trente  escuiers  tant  seulement.  F"  39  V.  —  Ms. 
.S  6  :  lui  quarandème  tant  seuUement.  Et  toute  ses  gens  prirent 
le  chemin  de  Haspre,  et  se  logèrent  sur  la  rivière  d'Escaillon. 
F«105. 

P.  160,  1.  17  :  d'Ausonne.  —  Ms.  B  6  :  d'Ausoire.  F»  105. 

P.  160,  1.  19  :  vicaire.  ^  Ms.  £  6  :  de  par  monseigneur 
Lois  de  Baivière,  roy  d'Alemaigne  et  empereur  de  Romme. 
F"  lOS. 

P.  160,  I.  23  :  presens.  —  Mi.  B  6  :  Ensy  fu  il  requis  et 
amonnest^  par  trois  fois.  T'  106. 

P.  160,  1.  27  :  Cambrai.  —  Ms.  B  6  :  comme  homs  de  l'Em- 
pereur, pour  aydier  et  constraindre  le  dit  evesque,  qui  est  en 
desobeissanche,  et  tous  les  rebelles  d'icelluy  pays.  F"  106. 

P.  160,  1.  32  :  ordonnas.  —  Ms.  SAmient  :  et  passèrent  le 
nnit  en  joie.  F*  .33  —  Ms.  2t  6  :  et  soupa  le  roy  cbe  soir  en  la 
Salle  du  Conte,  et  y  jut  celle  nuit.  Et  l'endemain  s'en  par^,  et 
fu  acoQvoiiés  jusques  à  Haspres  où  ses  gens  l'atendoient.  Adonc 
prist  congiet  le  conte  de  Haynau  au  roy  et  de  son  oncle  ;  et  au 
prendre  congiet  luy  dirent  que  il  fust  tout  prest,  dedens  trois 
iours,  et  venist  devers  luy  à  tout  cinq  cens  lanches.  P>  106. 

P.  161,  1.  4  :  grant  fuison. —  Ms.  ttJmrens.'Et  devés  savoir 
que  tout  chil  signeur  de  l'Empire  avoient  fait  suffisamment  defBier 
le  roy  de  Franche,  horsmis  li  dus  de  Braibant,  qui  encorrez 
estoit  derière,  et  li  comtez  de  Haymiau  qui  disoit  que  il  serviroit 
le  roy  englèz  à  cinq  cens  armurez  de  fier  tant  qu'il  seroit  en 
l'Empire;  mais  si  tost  qu'O  passeroit  sus  le  royaumme,  il  yroit 
deviers  le  roy  de  Franche,  son  oncle,  pour  lui  servir.  F'  33. 

P.  161,  I.  S  :  d'Alemagne.  —  Bîss.  ^  11  à  14  :  de  Hainault 
et  Braibant.  F«  40. 

S  76.  P.  161,  1.  6  :  Quant. —  JW*.  de  Borne  :  Vous  savés,  si 
conme  il  est  contenu  ichi  desus  en  nostre  histore,  que  cliil  de  la 
chité  de  Cambrai  avoient  esté  deviers  le  roi  Phelippe,  pour  li 


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CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 


remoustrer  conment  il  avoieat  entendu  que  li  rois  d'En^eterre, 
ranme  vicaires  à  Loys  de  Baivière,  roi  d'Alemagne  et  empereonr 
de  Ronme,  venroit  à  poissance  mettre  le  siège  devant  lor  ville  ; 
et  avoient  priiet  au  dit  roi,  oomue  chil  qui  se  voloient  de  tous 
poins  tenir  avuecques  lui,  pour  tant  que  il  ne  se  sentoieot  pas 
pourveu  assés  de  gens  d'armes,  que  ils  lor  en  vosbt  eovoiier.  Li 
rois  esloit  descendus  à  ceste  priière  et  avait  envoiiet  en  garnison 
en  la  chité  de  Cambrai  mesure  Amë  de  Genève,  le  Galois  de  la 
Baume,  savoiien,  messire  Jehan  de  Groulée,  le  signeur  de  Vinaî, 
messire  Loys  de  Chaloo,  mesire  Tiebaut  de  Moruel,  le  signeur 
de  Roie,  le  signeur  de  Fosseur,  le  signeur  de  Biausaut,  et  bien 
deus  cens  lances  de  bonnes  gens  d'armes,  chevaUers  et  esquiers  ; 
et  avoit  fait  pourveir  et  rafresqir  tous  les  castiaus  de  Cambresis 
de  bonnes  gens  d'armes,  à  la  fin  que  il  ne  fuissent  souspris  de 
nulle  roale  aventure.  Li  sires  de  Coud  avoit  envoiiet  à  Oisi  en 
Cambresis  environ  quarante  lances  de  bons  compagnons,  desquels 
li  sires  de  Qari  estoit  cbiés.  Li  pais  estoit  tous  pourveus  sus  les 
frontières  d'Artois,  de  Cambresis  et  de  Vermendois.  Avoecques 
tout  ce,  ti  rois  Phelippes  faisoit  un  mandement  très  granl  par 
tout  son  roiaulme  et  hors,  et  prioît  ses  amis  et  conmandoit  à 
ses  subjets,  car  li  intension  de  li  estoit  telle  que  il  venroit  com- 
batre  le  roi  d'Engleterre ,  fust  devant  Cambrai  ou  ailleurs ,  et 
que  jamais  ne  retoumeroit  à  Paris,  ù  l'aueroit  combatu,  car 
pour  lors  il  se  tenoit  à  Compien^e  et  faisoit  là  son  mandement. 
F»  47. 

P.  161,  I.  7  :  Haspre.  —  Ms.  ttjmie/is  .■  et  que  moult  de  ses 
gens  furent  passe  et  venu  à  Avenue  et  là  environ.  F°  33  v°. 

P.  161 ,  1.  8  :  à  Nave.  —  Le  ms.  de  Rome  ajoute  :  à  Cacongle 
F»  47. 

P.  161,1.  9  :  à  Yvuîs.  —  Mt.  de  Rome:k  Iwîs  en  Cambresis. 
Tout  chil  signeur  d'Alemagne  par  ordenance  passèrent  oultre,  et 
vinrent  mettre  le  siège  devant  Cambrai.  F°  47. 

P.  16i,  I.  H  :  Là  vint.  —  Ms.  de  Rome:  Le  second  jour 
apriès.  F*  47. 

P.  161,  I.  12  :  arroy.  —  Ms.  de  Rome:  à  grant  compagnie 
et  belle  de  Hainnuîers.  Et  estoient  plos  de  cinq  cens  lances, 
chevaliers  et  esquiers,  et  s'en  vinrent  logier  devant  Cambrai. 
F»  47. 

P.  161,1.  IS.apriès.  —  Let  mss.J  Hà  ikometleni:li  conta 
<les  Mons,  et  ih  ajoutent  :  les  comtes  de  Vaudemont  et  de  Los. 


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[1339]       VARIANTES  PU  PREMIER  LIVRE,  §  76.  453 

F*  40.  —  Le  nu.  S  6  omet  :  It  marcis  de  Blankebourch,  li  contes 
de  Saumes,  etilajoute:  te  sire  Duvort.  P  107. 

P.  161,  I.  14  :  marchis  de  Jtdlers.  Mu.  dAmient  et  B  6  : 
comtez  de  JuUers.  F"  33  v". 

P.  161,  1.  22  :  de  Braibant.  —  Mt.  B  &  :  Et  encores  n'estoit 
point  le  duc  de  Bf  abanl,  de  qiioy  tous  les  autres  seigneurs  s'esmer- 
villoient  pour  quoy  il  demouroit  tant,  quant  il  avoît  jarés  et  en 
convenent  par  sa  foy  que  il  y  v[e]nroil  sy  losl  que  les  seigneurs 
seroient  venus  devant  Cambray.  Adonc  renvoia  le  roi  d'Engleterre 
devers  luy,  et  luy  mandant  qu'il  tenist  che  qu'il  avoit  promis  et 
juré.  Quant  le  duc  de  Brabant  vey  que  c'estoit  acertes  que  aller 
devant  Cambray  luy  convenoit,  ou  aultrement  il  seroit  trop  repro- 
chiés  de  son  honneur,  lors  fist  son  mandement  que  tous  chevaliers 
et  escuiers  de  son  pais  venissent  à  Brouselles  ;  et  envoîa  devant 
son  compaignon  le  sire  de  Kuck,  pour  aviser  placbe  devant  Cam- 
lioray  et  là  où  le  duc  se  trairoit  et  ossy  ses  gens.  F"*  107  et  108. 

P.  161 ,  I.  23  :  neuf  cens.  —  Mi.  de  Valenciennes  :  huit  cens. 
P»  73.—  Mt.  B  6  :  douze  cens.  F"  108. 

P.  161,  1.  27  :  deffiier.  — Mt.  de  Rome.-Si  environnèrent  ces 
gens  d'armes  englois,  alemans,  hainnnîers,  tiessons,  la  chité  de 
Cambrai.  Assés  tos  apriès  ce  que  li  dus  de  Braibant  fu  venus  à 
hoost  devant  Cambrai ,  il  fu  priiés  et  requis  dou  roi  d'Engle- 
terre que  il  envoiast  defiiier  le  roi  de  France.  Li  dus  respoudi 
à  ce  et  dist  que  il  le  feroit  tout  à  temps;  et  n'en  volt  encores 
pour  lors  riens  faire ,  jusques  adonc  que  il  veroit  que  on  vodroit 
chevauchier  sus  le  roiaume  de  France.  Et  demora  la  cose  en  cel 
estât ,  mais  li  intensiou  dou  roi  d'Engleterre  estoit  bien  telle  que 
jamais  ne  retoilmeroit  arrière  si  aueroit  ars  et  brui  ou  roiaume 
de  France.  F»  47. 

P.  161,  1.  28  :  à  Compiègne.  —  JHi.  dJmiens  :  à  Peronne. 
F"  33  V". 

P.  161,  1.  29  :  Cranehen.  —  Ms.  de  Kaleneiennes  :  Caren- 
nem.  F'  73. 

P.  162 ,  I.  2  :  et  paletis.  —  Ms.  de  Rome  :  Et  avoient  chil 
de  l'oost  fait  un  pont  sus  la  rivière  d'Esqut,  pour  aler  de  l'un 
en  l'autre.  Et  couroient  tous  les  jours  les  Englois  et  les  Alemans 
ens  ou  Cambresïs  et  jusques  à  Bapaumes.  Tous  li  pais  estoit  avi- 
sas, avant  ce  que  li  sièges  Tenist  devant  Cambrai.  Si  avoient 
retrait  U  plus  dou  peuple  lors  biens  ens  es  forterèces,  et  lor 
bestail  cachiet  devant  euls  Uen  avant  en  Artois  et  en  Vermen- 


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4S4  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

dois,  car  ce  qui  estoit  trouvé  sus  le  plat  pais  estoit  perdu. 
F«47v". 

P.  162,  1.  là  :  Fauipiemont.  —  Le  ms.  dAnùem  ajoute  :  li 
sirez  de  Mauni.  F"  33  v*. —  Ms.  de  Borne:  et  auquns  chevaliers 
de  Gertes  et  de  JuUers.  F*  47  v". 

P.  162,  !■  12  :  damage.  — Ms,  de  Falenciennes :  mii&  si  bien 
fti  deSendus  par  les  gens  le  seigneur  de  Couchy  qui  dedens 
estoient  qu'ils  n'y  gaingnèrent  c'un  pau  ;  mais  y  perdirent  assez 
de  bonne  gent,  car  on  ne  peut  assalir  et  retraire  sans  perte. 
F*  73  V. 

g  77.  P.  162,  I.  16  :  samedi.  —  Ms.  de  FtdemienMS  :  biaa 
matin.  F»  73  v». 

P.  162,  1.  IS  :  porte  de  Saint  Quentin.  —  Mt.  de  Btme  ■ 
et  descendirent  ils  et  ses  gens  à  piet.  La  porte  desus  nonmée 
estoit  gardée  des  Savoiiens,  desquels  messires  Amé  de  Genève  et 
U  Galois  de  la  Baume  eetoient  souverain.  F*  47  v*. 

P.  163,  I.  24  et  2S  :  Jehans  de  Saint  Digier. —  Ms.  dAmieTu: 
et  se  combati  vallamment  au  seigneur  de  Bîaugeu. 

P.  162,  1.  29  :  Gerars  de  Wercin.  —  Ms.  ^Amiens  :  et  ii 
sirez  de  IJgne,  li  sires  de  Gommignies,  li  sirez  de  BriSbeil,  li 
ùrez  de  le  Hammaide ,  li  sirez  de  Mastain ,  li  sirez  de  Roysin , 
messires  Henris  de  Hufalise,  li  «rei  de  Berlaimont.  F"  33  V.  — 
Mis.  a  \  à  6,  11  à  14,  18  à  19  :  aussi  estoient  ses  mares- 
chaulx  appeliez  messire  Erart  de  Werchin  et  messire  Henry  d'An- 
toing.  P  41. 

P.  163,  1.  1  :  estoient.  —  Ms.  de  Rome  .*  aussi  en  armes  li 
dus  de  JuUers  et  li  dus  de  Gerles  et  lors  gens.  En  la  garde  de 
la  porte,  estoient  ti  sires  de  Tinai  et  messires  Lois  de  Chalon  et 
lors  gens,  et  fissent  contre  ces  Alemans  à  la  deflense  tamainte 
appertisse  d'armes.  A  la  porte  de  Douay,  estoient  li  sires  de 
Roie  et  messires  Tiebaus  de  Moruel  ;  et  eurent  l'asaut  de  mesire 
Jehan  de  Hainnau  et  dou  signettr  de  Fauquemont  et  de  messire 
Weri  de  Wallecourt.  Et  furent  ce  jour  trez  vaillans  gens  li  assal- 
lant  et  U  desfendant,  et  tant  que  point  ne  prissent  de  damage. 
Li  hoos  dou  roi  d'Engleterre  et  des  signeurs  qui  là  estoient, 
n'avoient  nulle  defaute  de  vivres  ne  de  pourveances  ;  car  il  lor  en 
venoit  grant  fuisson  pour  euls  rafresquir,  et  tous  les  jours,  de 
la  conté  de  Hainnau  et  de  Braibant,  car  chil  pas  là  lor  estoient 
ouvert.  F°  47  V. 


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[i33fl]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  78.  455 

P.  163,  1.  3  :  Gantiers  de  Hauni.  —  Les  mss.  A  ajouient  : 
li  sires  d'Anghien.  —  Le  ms.  d Amiens  ajoute  :  li  sircE  d'En- 
ghien  et  messires  Ernouls  de  Batehen'.  P"  33  v". 

P.  163,  I.  6  :  envoii^.  —  MJ.  d'Amiem  ,-  Et  endementroes 
c'on  asailjoit,  vînt  li  comtez  Baoux  d'Eux  à  tout  deux  cens* 
tanches ,  et  entra  en  le  chité  par  le  porte  deviers  Bapaumez ,  et 
recomforta  et  rafreschi  durement  chiaux  de  Cambray,  Si  dura 
chilz  assaux  jusques  à  basses  vespres',  que  li  assallant  se  retray- 
rent  à  lenr  logeis.  F°  33  v». 

P.  163,  1.  lï  :  par  priière.  —  Mss.  ^  11  ^  14  :  sanz  prier» 
qui  lui  en  eust  esté  faicte,  mais  seulement  par  la  grant  amour 
qu'il  avoit  à  lui.  F"  40  V.  —  Ms.  é Amiens  :  à  deux  cens  lan- 
cbes.  F"  33  V. 

P.  163,  1.  Ifl  ;  France.  —  M*.  d'Amiens  :  et  s'envoya  ex- 
cozer  par  le  seigneur  d'Antoing  et  le  seigneur  de  Faignuellez 
au  roy  de  France  sèn  onde,  qui  estoit  à  Peronne  en  Vermendois, 
li  quelx  roys  prist  bien  en  gré  l'escuzancbe  et  oy  voUentiers  les 
messaigez.  F"  33  v". 

P.  163,  1.  21  :  à  bien  quarante  mille. —  S/s.  de  Fatenciermet  : 
à  plus  de  quarante  nulle  hommes  bien  armez.  F"  74. 

S  78.  P.  163,  I.  30  :  consilla.  —  Ms.  ^Amiens  :  Or  eult 
ti  roys  englès  consseil  de  chyaux  où  plus  fl  s'alioit,  de  mon- 
seigneur Bobiert  d'Artois,  de  monseigneur  Jehan  de  Haymtau, 
dou  comte  Derbi  son  consin  et  des  baz^ns  d'Engleterre.  F*  33  v*. 

P.  164 ,  l.  6  :  Li  signeur.  —  Ms.  de  Rome  :  Qant  li  signeur 
veirent  que  riens  il  ne  faisoient  devant  Cambrai  et  que  h  iviers 
aproçoit  et  les  longes  nuis,  si  se  avisèrent  que  il  se  depardroient 
de  là  et  cèvauceroient  en  France,  et  bonteroîent  le  duch  de  Braî- 
bant  en  la  guerre  qui  encores  n' avoit  desfiiet  le  roi  de  France  ;  et 
puis  que  it  estoit  si  avant  venus,  blâme  trop  grant  li  serait,  se  il 
ne  faisoit  ensi  que  li  aultre.  Toutes  ces  coses  furent  remoustr^es 
à  part  au  roi  d'Engleterre  et  à  mcsire  Bobert  d'Artois  et  à  me- 
sire  Jehan  de  Hainnau,  par  lesquels  consauls  il  s'ordonnoit  le  plus. 
Et  tout  respondirent  que  ce  seroit  bon  de  faire  ensi ,'  mais  tout 
considère,  il  apertenoit  que  li  dus  de  Braibant  en  fust  segnefiiés, 

1.  JHV.  Je  faUncimnei  :  Blanquenhem.  F^  74, 
3.  liiii.  ■■  à  deux  mille  armures  de  fer. 
3,  Ity.  ■•  du  matin  jiuque«  à  Ip  nuyt. 


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(tS6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [133d] 

afin  que  il  euist  pourveance  de  desfiier.Ie  roi  :  à  tout  le  mains  on 
oroît  sa  respome,  et  veroit  on  quelle  chïère  il  en  feroit. 

Si  manda  li  rois  d'Engleterre  en  sa  tente  tous  les  chiës  des  sî- 
gneurs,  et  leur  fist  dire  que  il  voloit  avoir  parlement  à  enls. 
Tout  i  vinrent.  Qant  tout  furent  venu ,  li  dis  rob  d'Engleterre 
les  remercia  des  services  que  il  li  faisoient  ;  et  puis  entra  en  la 
matère  moult  sagement ,  et  leur  dist  :  «  Biau  signeur,  je  ne  sui 
pas  venus  en  ce  pais  et  faire  les  frès  et  les  coustages  si  grans 
que  TOUS  veés  que  je  fac  et  ai  fais  jusques  à  chi ,  pour  tenir  le 
siège  devant  Cambrai.  C'est  li  intension  de  moi  et  de  ceuls  qui 
ont  desfiiet  te  roi  de  France  que  nous  nos  départirons  de  cbî 
dedens  quatre  jours ,  et  chevaucerons  en  France ,  et  verons  se 
nostre  adversaire  Pbelippe  de  Valois  venra  sus  les  camps  à  ren- 
contre de  nous;  si  ques,  biau  cousins  de  Braibant.  vous  n'avés 
pas  encore  desfiiet  le  roi  de  France ,  et  tous  jours  avés  vous  dit 
que  vous  )e  desfierës  tout  à  temps.  Je  le  vous  remoustre ,  car 
il  est  heure  que  vous  te  desfiés,  se  le  desfiier  le  devés.  >  Li 
dus  de  Braibant  se  vei  pris  en  parole  ;  et  couventùt  que  il  res- 
pondesist,  ne  plus  ne  pooit  requler,  ne  faire  nulle  disimulation; 
te  si  esloit  li  plus  proçains  que  li  rois  d'Engleterre  eubt  là.  Et  li 
fu  avis  trop  grant  blâme  li  serait  de  dire  non;  si  rcspondi  etdist 
si  bault  que  tout  l'olrent  :  n  Che  que  je  me  sui  sousfers  jusques 
à  chi  à  non  deffiief  le  roi  de  France ,  la  cause  principaus  estait 
tèle  que  je  quidoie  et  supposoie  tous  les  jours  que  auquns  bons 
moiiens  se  deuissent  ensonniier  de  ceste  guerre  apparant  entre 
France  et  Engleterre,  par  quoi  casquns  des  rois  euist  eu  stm 
droit.  Et  puis  que  li  contraires  est ,  et  que  vous ,  biaus  couûns 
d'Engleterre,  volés  procéder  en  la  guerre,  je  escrira!  et  penderai 
à  mes  lettres  mon  seet  et  ferai  pendre  les  seaus  de  tous  les  ba- 
rons de  ma  tère,  certefians  la  desfiance  qui  s'adrecera  à  Phelqtpe 
de  Valois  qui  se  dist  rois  de  France.  »  Tout  respondirent  : 
a  C'est  bien  dit  et  bien  parlé ,  et  nous  demorrons  tout  avecques 
vous.  » 

Ensi  s'espardi  diils  parlemens ,  liquels  fu  en  la  tente  don  roi 
d'Engleterre  devant  Cambrai.  Et  escripsi  li  dus  de  Braibant  unes 
lettres  de  desfiances  au  roi  de  France,  et  seela  et  fist  seeler  avec- 
ques  lut  le  signeur  de  Quq,  le  signeur  de  Bergbes,  le  signeur  de 
Baudresem ,  te  signeur  de  Pietresen  et  tous  les  barons  de  sod 
pais.  Et  furent  ces  lettres,  escriptes  et  données  devant  Cam- 
brai ,  aportées  A  Pieronne  en  Vermendois  où  li  rois  de  France 


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[4339]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  79.  4S7 

se  tenoit,  et  faisoit  là  son  mandement  de  toutes  parties  de  son 
roiaulme. 

Qant  la  congnisance  des  desGances  vinrent  au  roi  de  France, 
il  D'en  fist  nulle  compte  et  dist  que  il  n'en  atendoit  aultre  cose; 
mez  ij  demanda  :  «  Où  est  li  chevaliers  de  mon  cousin  de  Brai- 
bant  qui  tous  jours  l'a  si  loiaument  escusé,  Loys  de  Cranehen  ?  ■ 
On  li  dist  :  •  Sire,  il  est  demorés  à  Paris,  n  Adonc  ordonna  11 
roU  un  de  ses  cevauceours  et  dist  :  u  Va  à  Paris  et  porte  ces 
lettres  à  Lob  de  Cranehen.  ■  Li  variés  les  prist  et  monta  à  ce- 
val  et  ne  cessa,  si  vint  à  Paris  et  trouva  le  chevalier  à  son  hos- 
tel.  Si  fist  son  mesage  bien  et  à  point,  ensi  que  cargiet  li  estoît. 
Qant  mesires  Lois  de  Crenehen  vei  che,  si  fu  si  confus  que  il  en 
entra  en  merancolie  et  maladie  et  en  morut.  En  si  grant  virgon- 
gne  priât  il  ce  que  son  signeur  li  dus  de  Braibant  l'avoil  fait 
mençonnable. 

Or  retournons  au  siège  de  Cambrai  et  comptons  coiunent,  de- 
puis les  desfiances  faites  et  envoiies  au  duc  de  Braibant,  le  troi- 
sime  joor  apriès,  tout  se  deslogièrent  et  requelUèrent  tentes  et 
trefs,  et  mist  on  tout  à  charoi  et  à  voiture.  Et  s'en  vint  li  rob 
d'Engleterre  logier  au  Mont  Saint  Martin,  une  abbeie  de  blans 
monnes,  laquelle  est  moult  belle  et  moult  bien  edefiie.  F**  47  v* 
et  48. 

P.  164,  I.  iS  i  frait.  —  JUs.  £  6  :  Sy  fu  là  le  siège  devant 
Cambray  environ  cinq  sepmaines,  et  près  que  tous  les  jours  il  y 
avoit  escannuche  ou  assanlt.  Et  travilloient  les  Haynuiers  plus 
cheulx  de  Cambray  que  tous  les  autres.  F>  lOS. 

P.  J64,  1.  17  :  royaume.  —  Ms.  B  S  :  ea  requérant  bataille, 
se  avoir  le  povoit,  à  son  adversaire  le  roy  Phelippe.  Sy  se  des- 
logèrent de  devant  Cambray.  Et  donna  à  Jaques  de  Hartevelle 
congiet  et  as  Flamens  de  retourner  en  Flandres.  Et  les  remer- 
cbya  grandement  de  che  que  tant  s'estoient  travilliet  de  là  venir 
à  sa  prière.  F°  110. 

S  79.  P.  16S,  1.  4  :  congiet.  ~  lUt.  £  6  :  Le  jone  conte  de 
Haynau  dit  au  roy  d'Engleterre  que,  sy  avant  que  l'Empire  le 
porteroit,  il  yroit.  Et  quant  il  dent  entrer  en  Franche,  il  luy 
dist  :  a  Sire  roy  d'Engleterre  et  bieau  frères,  je  cfoy  que  je  me 
suis  bien  acquittas  devers  vous  du  commandement  de  l'Empereur. 
Vechy  delà  ceste  rivière  le  royalme  de  Franche,  et  le  roy  est 
mes  oncles,  et  est  à  neuf  lieties  près  de  chy,  et  a  fait  son  man- 


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I 


4»8  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSAKT.  [133«] 

dément,  et  m'a  jà  mandet  et  escript  que  je  luy  doy  serriche  et 
homage  :  se  l'yray  servir.  »  —  u  Bieau  frère,  respondy  le  roy 
d'Engleterre,  vostre  compaignie  me  plaisoit  graDdement  j  mais  je 
ne  voel  pas  que  vous  vos  desloyautës  pour  mon  serviche  :  adieu 
vous  dy  jusques  au  revoir,  n  Ensy  se  départirent  li  uns  de  l'au- 
tre. Le  conte  de  Uaynau  prist  congiet  et  prist  le  cbemin  de  Pe- 
ronne  en  Vermendois,  et  le  roy  d'Engleterre  chcluy  du  Hont 
Saint  Martin.  Et  osy  tost  que  il  furent  passez  ta  rivière,  ilz  en- 
trèrent en  Franche.  F"  HO  et  HI. 

P.  16S,  1,  9  :  l'Empire.  —  Ms.  de  Rome  ;  car  il  esloit  boms 
au  roi  de  France,  voirement  estoit  de  la  terre  d'Ostrevant,  de 
laquelle  madame  sa  mère  estoit  do^,  se  ne  li  voloit  faire  point 
de  gerre.  F°  48. 

P.  165,  I.  13  :  congiet.  —  Ms.  de  Borne  :  et  rentra  en  son 
pais  et  s'en  vint  à  Valenchienncs  dalés  madame  sa  fenme.  F"  48. 

P.  165,  1,  21  :  de  Flandres.  —  3fj.  fl  6  r  de  Mauny.  F°  Hl. 

P.  163,  I.  24  :  en  Engleterre.  —  Ms.  B  ^  .  en.  Flandres. 
F»  111. 

P.  165,  1.  26  :  deux.  —  Ms.  S  6  :  quatre.  P  111. 

P.  165,  1.  26  :  jours.  :  jtfj.  dJmieni  :  et  li  dus  de  Braibant 
dallés  lui,  penssans  et  ymaginans  lequel  chemin  il  tenroient  pour 
entrer  en  Franche.  F*  34. 

P.  166,  1.  2  ;  à  Saint  Quentin.  —  lUs.  d'Jmiens  :  Quant  chil 
de  Cambray  se  sentirent  dessegiet,  si  en  furent  tout  joL-mt  et  re- 
merciièrcnt  grandement  le  comte  Raoul  [d'Eu*]  et  de  Ghinnes 
qui  comfortés  les  avoit.  Liquelx  cotntez,  assés  tost  apriès  le  des- 
logement, s'en  parti  et  toutte  se  routte,  et  s'en  vint  à  Peronne, 
et  compta  au  roy  de  France  des  nouvellez,  et  couroment  Englèz 
et  Allemans  estoient  entré  el  royaumme  et  prendoient  leur  c«min 
pour  entrer  en  Vermendois,  Adonc  envoya  li  roys  de  France  le 
comte  de  Blois,  sen  neveut,  à  deux  cens  lanches,  à  Saint  Quentin, 
pour  garder  le  ville  et  le  frontière  contre  les  Englès;  et  envoya 
monseigneur  Carlon  de  Blois  à  Laon,  pour  garder  le  cité  et  le 
pays  d'environ,  et  le  terre  de  Guise  qui  est  de  leur  hîretaige. 
F"  34. 

P.  166,  1.  4  :  terre.  —  Ms.  d'Amiens  :  pour  regarder  à  ses 
fortrèches.  F*  34. 

1.  Mi,  Je  ratene'unnti,  f«  75.  —  Mt.  tTJmieiu  :  de  Dfui.   Mammte 


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[1399]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  80.  kH 

P.  166,  I.  4  :  de  Hen.  —  Aft.  dAmiem  :  et  envoya  le  si- 
gneuT  de  Roye  à  Hem,  en  Vermendois,  à  tout  quarante  tanches, 
pour  garder  le  yille.  F"  34, 

P.  166,  I.  6  :  à  Rohain.  —  Ms.  J Amiens  :  et  envoya  mon- 
seigneur Moreau  de  Fiennes  à  Bohaiu,  pour  garder  le  fortrèche; 
et  renvoya  moaseigneur  Ustasse  de  Ribeumont  à  Ribeumont,  pour 
garder  le  fortrèce.  F*  34. 

S  80.  P.  166,  1.  24  :  de  Berghes.  —  Le  ms.  d'Amiens  omet  : 
li  sires  de  Rergbes,  et  il  ajoute  :  messires  Gantiers  de  Manni  et 
li  sires  de  Vauselare'.  F*  34, 

P.  166,  I.  iS  :  Baudresen.  —  Ms.  d'Amiens  :  Bodresse.  — 
jift.  de  Fatenelennes  :  Bodrehem.  —  Ms.  de  Rome  ;  messires 
Gerars  de  Baudresem.  F"  48. 

P.  166,  I.  26  :  combatans.  —  Mss.  d Amiens  et  B  S  :  lanches. 
V  34.  —  Ms.  de  Rome  :  anneures  de  fier.  F"  48. 

P.  166,  1.  27  et  28  :  Hoimecourt.  —  Ms.  B  6  r  Honnencourt, 
une  ville  non  pas  trop  grande,  mais  bien  frumée.  F*  112.  — 
Mt.  d Amiens  :  Et  là  eut  ung  très  fort  et  très  grant  assaolt,  et 
dura  priés  ung  jour  toutte  jour.  [Là  estoient']  li  sirez  de  Hon- 
cotirt  et  li  sires  de  Jocourt*  et  li  sirez  de  Wallaincourt  et  li 
sires  d'Estnimiel  et  moût  bonne  bachelerîe  avoecq  yaux,  qm  trop 
bien  le  dépendirent  et  trop  vassaument.  Et  bien  leur  estràt  mes- 
tier,  car  il  furent  si  dur  et  si  roit  assallît  qu'il  pardirent  leurs 
bailles  et  furent  [ramponnet]  *  jusques  as  portes  et  as  murs.  F*  34. 
—  Ms,  de  Borne  :  c'est  une  abbeie,  mais  il  i  a  une  petite  ville 
bien  fremée  de  portes,  de  murs  et  de  fossés;  et  dedens  la  ville 
de  Honnecourt  estoient  requelliet  moult  de  gens  dou  plat  pais, 
et  avoient  mis  et  bouté  le  leur.  F"  48. 

P.  167,  1.  7  et  8  :  apparut.  —  Ms.  de  Rome  :  Li  abbes  avoit 
fait  armer  tous  ses  honmes,  voires  ceuls  dont  on  se  pooit  aidier; 
et  avoit  mandé  à  Saint  Quentin  des  arbalestriers  à  ses  deniers, 
pour  aidier  à  garder  la  ville.  F*  48  r»  et  v*. 

P.  168,  I.  31  :  trettai,  —  Mss.  A  :  escrisi.  —  Ms.  A  7, 
("■39  V. 


1.  Mi.  dt  FtdtaeUmts  :  le  aire  de  Volclore.  F>  75- 

2.  liid.,  f>  75.  —  Ms.  d'Amiem  (Iwnuie). 

3.  Us.  dt  faUneiaoïti  :  le  >iiv  d'Alaiocourt. 

4.  liid.  :  rampoicDl. 


jvGooi^lc 

4 


460  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

$Si.  P.  169,  1.  3  :  Ce  jour.  —  Ms.  d Amiens  :  Ens»  toutte 
jour  dura  li  assaut  à  Honnecourt.  Et  tous  di,  se  ce  n'euîssent 
estet  U  gentil  homme  qui  dedens  estoieot,  li  ville  ewist  estet 
prise.  Si  y  avoit  dedens  grant  avoir,  car  tous  li  pays  d'environ 
s'i  estoit  requeilliëï.  Et  quant  che  vint  au  soir,  li  assallant  s'en 
partirent  tout  lasset  et  pluiseurs  navras,  et  s'en  revinrent  arrière 
logier  vers  Goy  en  Aruwaise.  Et  l'endemaîn,  se  desloga  ii  roys 
englès  dou  Mont  Saint  Martin ,  et  prist  le  chemin  deviers  l'abeie 
de  Vaucelles',  et  pour  venir  sus  le  Mont  Samt  Quentin.  Et  mes- 
sires  Jehans  de  Haynnau  et  h  dessus  Doummet  qui  faistûent  leur 
routte  à  par  yaux,  chevauchoient  le  pays  et  vinrent  bouter  les 
feux  jusques  bien  priés  de  Saint  Quentin,  tant  que  les  flamescet 
en  volloient  en  le  ville.  Et  vinrent  passer  le  Somme  desous  l'ab- 
beie  de  Vermans  de  blans  moinnez,  et  ardirent  moût  de  paj's  de 
delà,  qui  estoit  cras  et  drus;  et  se  logièrent  ung  soir  sus  celle 
mej-sme  rivierre.  Et  l'endemaîn  vinrent  à  Oregni,  et  y  livrèrent 
grant  assault  et  moult  felenès.  Chil  de  dedens  se  deS'endirent  ce 
qu'il  j>eurent  ;  mais  ce  ne  fu  gairez,  car  il  n'y  avoit  que  vilains 
et  hommes  nient  acoustumméz  de  combattre.  Dont  che  fu  leur 
dammaiges,  car  la  ville  fu'  prise  d'assault  et  toutte  robée  et  l'ab- 
beie  moult  amenrée  et  violée*  par  les  Al^nans  et  lez  gens  le  sei^ 
gncur  de  Fauquemont.  De  quoy  meswre  Jehan  de  Haynnau  fu 
mont  courouchiéz  ;  mes  il  ne  le  peult  amender,  car  i)  deETendott 
et  gardoit  les  eglisez  à  son  pooir. 

Apriès  la  destruction  de  Oregny  Sainte  Benoite,  li  Englès  che- 
vauchièrent  le  chemin  de  le  Tieraisse.  Et  s'en  vint  li  roys  englès 
logier  à  Behories',  kttendans  que  il  ewist  nouvelles  dou  roy  de 
Franche  quel  part  il  se  trairoit,  car  il  avoit  entention  que  dou 
combattre.  Liquels  roys  de  Franche  se  parti  de  Peroone  et  s'en 
vint  à  Saint  Quentin,  à  si  grant  gent  que  li  douzième  partie  des 
seigneurs  ne  se  peurent  mies  logier  en  le  ville.  Et  toudis  U  ve- 
noient  gens;  et  disoit  que,  se  U  plaisoit  à  Dieu,  il  combateroit  le 
roy  englès.  Dont  se  desloga  U  roys  englès  de  Behories,  et  vint  à 
.  Farvaques  et  vers  Moustroeil  les  Dammes,  et  li  evesquez  de  lin- 
colle  et  messires  Renaus  de  Gobehem  et  messires  Guillaume  Filz- 
Warine  et  U  sirez  de  le  Ware  et  li  sires  de  Felleton  et  messires 


1.  tft.  dt  VaUnâianei  :  Vacellet  l'abbaye.  F«  75. 
3.  Ih'ià.  !  et  le»  femoiet  Tioléez  par  let  Almaïu. 
3.  lh\d.  !  Borgnin.  P»  76. 


;vGoo»^lc 


[1339]       VARIANTES  DU  PBEMIER  LIVRE,  §  81.  481 

Richars  de  Stmfort,  à  deus  cens  lanchez  et  trois  cens'  archiers. 
Et  tout  à  ceval  passèrent  Oise,  et  entrèrent  en  le  terre  le  sei- 
gneur de  Gouchy;  et  ardîrent  Saint  Goubaîn,  hors  mis  le  fortrèce, 
et  tons  li  anuniaui  d'environ.  Et  vinrent  vers  Nisi  et  vers  Saint 
Lambert,  et  passèrent  outre  jusques  desoubs  Laon  ;  et  fisent  en 
Laonnois  moult  de  destourbiers.  Et  vinrent  à  Cresci  sus  Selle', 
qui  estoit  une  bonne  grosse  ville  sans  fremure;  et  le  prissent 
et  pillièrent  de  tout  ce  qu'il  y  trouvèrent,  et  ptûs  l'ardîrent. 
F>  34  v». 

Ms.  de  Rome  :  Chils  assaus  dura  bien  trob  heures,  et  n'i  fis- 
sent riens  li  assallant  fors  euls  travillier.  Qant  il  veirent  ce,  il 
sonnèrent  la  retrète,  et  se  départirent  de  l'assaut;  et  retournèrent 
à  lors  chevaus  et  montèrent  sus,  et  s'en  vinrent  en  lors  logeis. 

Aussi  ot  en  ce  jour  un  grant  assaut  au  chastiel  de  Ronsoit,  lî- 
quels  est  à  l'entrée  de  Vermendois  et  sus  le  pasage  de  Saint 
Quentin  en  biau  plain  pais,  dou  conte  de  Warvich,  connestable 
d'Engleterre.  Et  est  li  dis  chastîaus  an  signeur  de  Fosseur, 
voires  estoit  pour  le  temps  ;  et  i  eut  des  bleciés  des  Englois  asal- 
lans,  et  aussi  ot  de  chtaus  de  dedens.  Et  s'en  départirent  li  En- 
glois, sans  riens  faire,  et  retournèrent  à  lors  logeis. 

Tous  les  jours  ooit  nouvelles  li  rois  de  France,  qui  se  tenoit  à 
Keronne  en  Vermendois,  dou  convenant  des  Englois;  et  avoit  in- 
tension très  grande  et  afTection  que  il  tes  combateroit,  ne  jamais 
ne  retoumeroient  sans  estre  combatu.  Et  sus  cel  espmr,  li  rois 
avoit  fait  estendre  ses  mandemens  par  tout  son  roiaulme,  et 
asambloit  grant  gens  d'armes.  Et  en  estoieat  li  camp  tout  cargiet 
entre  Saint  Quentin  et  Pieronne,  et  entre  Bapaumes  et  Lihoms 
en  Santhers;  et  tout  au  lonch  de  la  rivière  de  Somne,  li  rob 
d'Engleterre.  Se  deslogièrent  dou  Mont  Saint  Martin  ils  et  toutes 
ses  gens  et  de  là  environ,  et  cevauchièrent  en  trois  batailles 
moult  ordonneement,  la  bataille  des  mareschaus  première,  et 
puis  le  roi  et  le  duch  de  Bralbant  et  messire  Robert  d'Artois, 
après,  le  duch  de  Gerlles,  le  conte  de  Jullers,  l'arcevesque  de 
Coulongne  el  mesire  Callerant  son  frère.  En  l'arrière  garde  es- 
toient  li  marqis  de  Misse  et  d'Eurient,  U  marqis  de  Blanque- 
bonrc,  U  contes  de  Mons,  li  contes  des  Éles,  U  contes  de  Mours, 
li  contez  de  Saumes,  messires  Jehans  de  Hainnau,  li  sires  de 


I.  Ml.  dt  yattHcUnna  ;  qjatre  cens.  Fo  76. 
3.  liid.  :  Cnt^j. 


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464  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

S  88.  P.  17i  ,  I-  1  ;  Jehan  de  Haynau.  —  Mt.  d Amiens  : 
Et  d'autre  part,  messires  Jehans  de  Uajnanau,  à  tout  dens  cens 
lanches,  couroit  le  pays;  et  avoit  pris  un  autre  chemin,  et  vint  à 
Marie  et  anJi  le  ville  et  tout,  hors  mis  les  fortrèces,  et  ardi  les 
viUiaus  d'envirou  sus  le  rivierre  d'Oise.  Et  prist  son  tour,  et  ra- 
passa  Oize  à  Guize,  où  madamme  de  Blois  sa  fille  estràt;  mes 
pour  ce  ne  laissa  11  mies  la  ville  à  ardoir,  et  les  moulius  à  abat- 
tre. £t  d'autre  part,  lî  sirez  de  Fauquemout  chevauchoit  à  six 
vingt'  lanches,  et  autres  compaignona,  qui  environ Ribeumont  fis- 
sent moult  de  doununaiges;  et  s'en  vint  autour,  costiant  leur  grosse 
ost  qui  aprochoit  Buironfosse .  Et  emendi  que  li  homme  *  dou  Lou- 
vion  en  Tieraisse  estoient  retret  ens  es  bois,  et  i  avoient  là  mis  et 
atrait  le  leur,  et  s' estoient  asséa  bien  fortefiés,  en  tant  que  de  rouil- 
lies  et  de  bois.  Si  chevaucièrent  li  Alemant  celle  part.  Et  y  soar- 
vint  messires  Emous  de  Bakehcm  chiaux  dou  Louvion*  qui  e&  le 
forest  dou  Louvion  s'estoient  boutet ,  liquel  se  deffeudirent  ce 
qu'il  peureut.  Che  ne  fu  nient  granunent,  car  il  ne  peurent  à 
le  longhe  durer  contre  tant  de  bonnes  gent  d'armes.  Si  furent 
ouvers,  et  leurs  fors  concquis  et  mis  à  cache;  et  en  y  eut  bien 
mors  que  navrés  quarante,  et  perdirent  tout  ce  que  là  aport^ 
avoient. 

Ensi  esloit  et  fu  chils  pays  adonc  courus  et  sans  déport.  Et 
li  roys  d'Engleterre  et  toutte  se  grosse  os,  où  bien  avoit  plus  de 
quarante  mil*  hommes,  estoient  parti  de  Parvaques  et  venu  logier 
à  Moustroel  les  Dames  ;  et  l'endemain  il  chevauchièrent  tout  souef, 
et  vinrent  à  le  Flammengherie.  Et  là  eut  li  roys  englès  consseil 
qu'il  se  logeroit  et  atenderoit  le  roy  Phelippe,  qui  vistement  et  de 
grant  volenté  le  sieuwoit  à  plus*  de  cent  mil  hommes;  et  tondis 
li  croissoient  gens  à  forche.  F"  34  v^. 

Ms.  de  Rome  :  Le  roi  d'Engleterre  estant  à  Behories,  li  avant 
garde  estoit  logie  oultrc  le  roi  une  grande  lieue;  si  s'en  vinrent 
à  Guise.  Et  là  en  celle  cevauchie  estoient  messires  Jehans  de  Hain- 
uau,  li  sires  de  Fauquemont,  li  sires  de  Quq  et  mesires  Bmouls 
de  Baquehem.  Four  lors  la  ville  de  Cuisse ,  réservé  le  chastiel , 

1.  Ms.  d»  VaUnciennti  :  deux  ccDS  lancet.  F>  76- 
3.  Ibid.  :  lei  bons  hommes. 

3.  liid.  !  Nouvion,  groHc  ville  taa»  frumuT«,  fors  qu'il»  l'avoient 
fortifia  de  bairière*  et  de  hajn. 

4.  liU.  :  à  quarante  mille  hammei  armez.  V"  76  v*. 

5.  ibiJ.  !  û  bien  cent  mille  bommet. 


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[133fij       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  82.  465 

n'estoit  fremée'  que  de  palis  et  de  bailles.  Et  se  confioient  chil  de 
la  ville  sus  lor  dame  la  contese  de  BloU,  pour  tant  tjue  elle  estoit 
fille  àmessireJehftndeHainnau,  queil  ne  deuissent  point  estre  as- 
salli,  mais  si  ftirent.  Car  qant  chil  de  l'avant  garde  et  U  chevalier 
desus  nonmé  fiireat  venu  devant  les  barrières,  il  missent  tout  piet 
à  terre  et  prissent  les  lances,  et  s'en  vinrent  asallir  à  ceuls  qui  as 
barrières  estoient  ;  et  tantos  furent  conquisses ,  car  la  force  des 
desfendans  n'estoit  point  parelle  as  asallans  ;  et  toutes  fois  il  s'i 
portèrent  assés  bien,  et  se  retraissent  petit  à  petit  dedens  le  fort, 
et  ne  prissent  pomt  trop  grant  damage.  Tant  que  de  lors  honnies, 
fenmes,  enfans  et  tous  tors  meubles,  il  avoient  tout  retrait  ou  fort, 
et  tout  le  bestail  cachiet  oultre  viers  Saint  Goubain  et  en  la  terre 
de  Couchi. 

ha  contesse  de  Blois  entoidi  que  son  signeur  de  père  estoit 
eu  celle  cevancliie  ;  si  quida  trop  bien  besongnier,  et  que  pour 
l'amour  de  li ,  son  père  deuist  respiter  de  non  ardoir  la  ville 
de  Guise.  Si  descendi  aval  dou  chastiel,  et  vint  à  la  première 
porte  i  et  fist  tant  par  priières  et  par  paroles  que  messires  Jefaans 
de  Hainnaa  son  père  vint  parler  à  lui,  et  li  demanda  tout  ireu- 
sement  :  «  Que  voes  tu,  aitnjsigneur,  que  ceste  ville  soit  déportée 
de  non  estre  arse?  cela  poës  vous  bien  faire,  et  tout  pour  l'amour 
de  naoi  qui  suï  vostre  fille.  »  —  t  Et  pour  ce  que  tu  es  ma  fille, 
respondi  mesires  JeTians  de  Hainnau ,  sera  elle  arse  ;  et  remonte 
là  sus  ou  dongnoD,  que  la  fumière  ne  te  face  mal.  i  La  contesse 
de  Blois  u'ea  pot  aultre  cose  avoir,  car  la  ville  de  Guise  fu  arse. 

D'autre  part,  li  evesques  de  Lincolle  et  li  marescal  d'Ëngleterre 
et  messiies  Gantiers  de  Mauni,  à  bien  cinq  cens  lances,  entrues 
que  K  rois  d'Ëngleterre  estoit  à  Behories,  cevauchièrent  oultre 
viers  Venduel  et  ardkent  Clari,  sus  la  rivière  d'Oise,  Moy  et 
Vendue) ,  le  Fère  et  un  grant  moût  de  villages  là  environ ,'  et  la 
ville  de  Saint  Goubain ,  mais  au  chastiel  ne  portèrent  il  nul  da- 
mage. Et  s'en  vinrent  corir  jusques  à  Vaus  desous  Laon,  et  t'ar- 
dirent  et  Bruières ,  car  pour  lors  il  n'i  avoit  nulle  fremeté ,  et 
s'en  retournèrent  par  Cresci  sus  Sèle  et  l'ardirent,  et  le  Pont  au 
Nouvion,  et  tous  les  hamiaus  de  là  environ,  et  la  ville  de  Marie. 
El  li  rois  d'Ëngleterre  et  toute  li  hoos ,  celle  cevauchie  faisant , 
se  départirent  de  Waudaincourt  et  de  Behories  et  de  l'Esqielle,  et 
s'en  vinrent  viers  Femi  l'Abeie  et  viers  la,  Capielle  en  la  Tierasse 
el  la  Flamengrie.  V  49. 

P.  172,  1.  2  :  à  Gnise.  —  Mt.  .fi  6  :  Et  s'en  revinrent  à  Guise. 
1  —  30 


;vGoo»^lc 


466  CHRONIQUES  DE  J.  FfiOISSART.  [13»} 

et  là  trouvèrent  il  monseigneur  Jehan  de  Haynas  et  le  seigncur 
de  FaoquenxiDt  à  tout  ses  gens.  Et  alors  se  combatoient  à  aul- 
cuns  Franchois  qui  gardoient  le  pont  et  la.  rivière  de  par  moa- 
seigneur  Qiartes  de  Blois  à  qui  la  ville  estoit  :  si  ques,  quant  ces 
Englès  vinrent  de  l'autre  costé,  les  François  se  retrairent  ou 
castel.  Et  passèrent  adonc  l'evesques  de  LincoUe  et  leur  route 
au  pont.  F^  114  et  115. 

P.  172,  1.  4  :  sa  fille.  —  Ms.  .£  6  :  qui  seur  estoit  à  atessire 
Jehan  de  Haynau,  qui  là  estmt  présent.  F*  IIS. 

P.  17Î.  1.  13  ;  Femi.  —  Mts.  Jiàl,\\à  14, 18  à  39,  et 
ms.  S  6:  Farvaques.  F>  43.  —  Mtt.  J  S  et  9,  iS  à  iT  :  Feny. 
F»  41. 

P.  172,  1.  15  :  d'Alenians.  —  JUs,  de  Rome  :  Une  route  d'A»- 
lemans,  desquels  li  sires  de  Fauquemont  estoit  <iûéa  et  condui- 
siries,  chevauchièrent  devant  hors  de  l'avant  garde,  car  il  ne 
trouvoient  nuluî  qiù  lor  contredesist  lor  cemin  ;  et  vinrent  sus  on 
vilage  que  on  apeUe  Irçon,  et  le  pillièrent  et  ardireut,  et  pois 
Bonires.  Et  chevauchièrent  oultre  jusques  au  Louvion  en  Tierasse, 
car  on  lor  avoit  dit  que  il  i  avoit  un  gros  village  et  rïce,  liquels 
estMt  biretages  au  conte  de  Blois.  Qant  il  furent  venu  jusques  à 
là,  il  ne  trouvèrent  à  qui  parler,  car  toutes  gens  estaient  retrait 
en  la  haie  dou  Louvion  et  avoient  là  mène  à  sauveté,  et  copé  et 
haiiet  le  bois  de  tel  manière  que  on  ne  pooit  venir  à  euls  fiws  à 
grant  malaise;  mais  quoi  que  il  se  finssent  ensi  forteBiet,  pour 
ce  ne  se  abstinrent  pas  les  Alemans  que  il  ne  les  alaissent  v«i»r, 
ensi  que  gens  convoiteus  qui  sont  tous  jours  enclin  au  gaegnier. 

Messires  Ernouls  de  Baquehem  et  sa  route  avoient  chevauchiet 
d'un  aultre  lés.  Si  trouvèrent  le  signeur  de  Fauquemont  et  ses 
gens  en  la  ville  dou  Louvion  qui  mengoient  et  bnvoient,  car  des 
vins  et  des  pourveances  il  avoient  trouvé  assés;  n  que*  par 
acord  il  dissent  que  il  iroient  ens  ou  bois,  et  escarmuceroient 
cbeuls  qui  i  estoient  retrait,  et  lor  torroient  ce  que  il  i  avoient 
porte.  Tant  fissent  que  il  trouvèrent  le  trace  et  vinrent  jusques  à 
eols  i  et  costiièrent  tant  le  bois  haiiet  et  abatu,  que  il  trouvèrent 
la  voie  par  quoi  il  vinrent  à  euls.  Qant  il  furent  U  venu,  il  asal- 
lirent  ces  honmes  dou  Louvion  qui  se  missent  à  desTense  tant 
que  il  porent,  mais  plenté  ne  fu  ce  pas.  Si  en  i  ot  biau  cop  de 
navrés  et  de  bleciés,  et  s'enfuirent  et  s'espardirent  parmi  le 
ixm,  li  uns  cbà  et  U  aultres  là.  Chil  Alemant  ne  les  poursievi- 
rent  point  plenté,  mais  prisent  et  toursèrent  tout  ce  de  bon  que 


;vGoo»^lc 


[1339]  VARIAHTIS  DU  PREMIER  UVRE,  gS  «3,  Bi.  «7 
dou  lour  U  trouvèrent;  et  retournèrent  arrière  et  poursievirent 
l'oost  le  roi  d'Engleterre  qui  estoit  logiés  à  la  Flamengrie. 
F»  4fl  T». 

P.  172,  i.  ï»  :  quarante.  —  Mst.  A  U  à  ik  :  quarante 
quatre.  F»  43. 

P.  173, 1.  4  :  le  Flamengrie.  —  Ms.  d'Jmitiu:k  le  Chapelle 
ea  Tlerasse  et  à  le  Flamengherie.  Fo  34  v.  —  Ms,  de  Faien- 
eieane*  :  i  le  Cappelle  et  à  le  Flamengerie  en  Teraice.  F"  76  v. 

P.  173,  1.  S  :  quarmte  mille.  —  Mts,  A  li  à  ik  :  quarante 
qnatre  mille.  F°  A3. 

g  83.  P.  173,  1.  12  :  effort.  —  Ms.  de  Ihme  :  et  avoit  plus 
de  cent  niiBe  hommes.  F"  49  v°. 

P.  173,  1.  18  :  deus  liewes.  —  JUs.  ttJmiens  .-  deux  petitez 
iieuvez.  F»  3ù  v». 

P.  173,  I.  19  ;  Si  tretost.  —  JUs.  ^Amiens  :  ce  meysme  soir 
(que  le  roi  de  France  vint  à  Buironfosse),  vint  en  l'ost  de  Franche 
)i  oomtez  Guillaume  de  Haynuau.  F°  34  v°. 

P.  173,  1.  24:  lances*.— ilf«.  de  Some  :  de  Hainmiiers  et  de 
Hollandois.  F"  49  v«. 

§  84.  P.  174,  1.  7  -.  Or  sont.  —  Ms.  dJmien,  :  Moût  desi- 
roîf  lî  roys  englès  à  avoir  le  bataille,  car  messire  Robert  d'Artois 
et  messires  Jehans  da  Haynnau  et  li  contez  Derbi  li  consseilloient, 
ossi  li  dus  de  Braibant,  li  dus  deGerllez,  li  dus  de  Ju]le[r]s  et  li 
seigneur  d'Âllemaigne.  Et  disoieut  bien  entre  yaux  que  ce  seroît 
grans  dammaigez  et  grans  confusions  que  se  si  bêliez  gens  d'ar- 
mes, qui  làestwentdeïdeuxcostéz,  sedepartoientsans  riens  faire. 
Ossi  li  roys  de  Franche  n'avoit  autre  entension  que  dou  com- 
battre et  que  de  vengier  l'arsain  et  le  doummaige  que  li  [rois] 
englès  et  li  aloiîés  avoec  lui  li  avoient  fait.  Si  demanda  à  son 
connestable  Raous  le  comte  d'Eu  et  de  Gui[n]e  et  à  ses  mares- 
eaux,  le  marescal  Bertran  et  le  marescol  de  Trie,  quel  nombre  de 
gens  il  pooit  bien  avoir  ;  et  il  li  respondirent  que  il  en  avoit  bien 
six  vingt  mille,  et  tout  adrcchiet  pour  combattre.  F°  34  v*. 

Mt.  B  6  -.  Tant  esploita  le  roy  d'Engleterre  et  tout  son  ost 
où  bien  avoit  quarante  mille  hommes ,  et  s'en  vint  à  la  Cappelle 


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468  CHRONIQUES  DE  J.  FKOISSART.  [1339J 

en  Terrache;  et  ardirent  s£s  gens  toute  la  ville  du  Luvio[iiJ,  qui 
esuiit  au  coQte  de  Blois.  Et  osy  ardirent  )a  ville  de  la  Caiq>eUe, 
et  puis  s'en  vinrent  à  le  Flamengherie.  Entre  le  Flamcngrie  et 
Buierfosse,  s'ei  vint  logier  le  roy  d'Engleterre.  Et  dist  qne  il  n'y- 
roit  plus  avant,  sy  aroit  veu  ses  ennemis  et  combatu  le  roy  de 
Franche  et  sa  puissance,  qui  le  sievoîent  monlt  efforcbiemcnt.  Bt 
s'en  vint  che  soir  logier  le  roy  de  France  eptre  le  Cappelle  en 
Terrasse  et  Buironfosse.  F"  l^^  ei  116. 

P,  174,  I.  16  :  nombre.  —  Au.  4e  Borne  :  li  rois  Phelippes 
de  France  avoit  là  tout  le  monde  de  gentils  homes  ;  et  Airent 
nombres  les  banières  en  son  hooet  à  deus  ceas  et  soUsante  ba- 
rons. F'  SQ. 

P.  174,  1.  18  :  le  Capelle.  —  Ms.  de  Borne  :  k  la  Flamengrie 
et  à  la  Capelle  en  Tierasse.  F>  SO. 
,      P.  174 ,  I,  21  :  petites  liewes.  —  Ms.  de  Borne  :  et  tout  plain 
pais.  F°  50.  —  Ms.  S  6  :  k  mains  de  deus  Iteuwes.  F°  116. 

P,  174,  I,  24  :  de  JuUers.  —  Ze  ms.  rfJmiens  ty'oaie  :  le 
marquis  de  Mbse  et  d'Eurient.... ,  le  comte  Derbi,,...  le  aei- 
gneur  de  Fauquemont,  messire  Guillaume  de  Duvort,  le  comte 
de  Saumes.  F°  34  y".  —  Les  mss,  ^  11  à  14  lyoutent  :  le  conte 
de  Los.  F»  43  v". 

P.  174,  I.  26  :  Bobert  d'Artois.  —  Mu.  ^  11  à  14  r  conte 
de  Aichemont  en  Angleterre,  que  le  roy  Edouart  lui  avoit  donnée. 
F»43v*. 

§  8S.  P.  17S,  I.  29  :  doi  chevalier.  —  Ms.  de  Rome  :  deus 
Jones  chevaliers  et  de  grant  volenté.  F°  SO. 

P.  176,  1.  14  :  prisoniûers.  —  Ms.  tPJmtens  :  et  la  retint  li 
sirez  de  Horsteberch*  comme  sen  prisonnier.  F"  33. 

P.  176,  I.  14  :  sis.  —  Ms,  de  Borne  :  et  fu  pritooniv*  à  euls 
siis;  çasquns  i  clama  part.  F>  SO. 

P.  176,  ).  IS  :  rançonnèrent.  —  M*,  ttjmiens  :  Dont  furent 
il  d'acort  qu'il  se  mist  à  finanche  parmy  mil  vies  esous  que  il 
devoit  porter  ou  envoyer,  dedens  le  jour  don  Noet  prochain  ve- 
nant, à  Tret  sus  Meuse,  ou  ià  venir  tenir  prison.  Ensi  le  jurs  li 
sirez  de  Faignuellez.  F*  3S.  —  Ms.  de  Borne  :  et  se  rançonna  à 
douse  cens  florins  et  le  cheval  perdu.  F°  50. 

1.  ,1/i.  Je  fûlateianui  ;  de  Hotebereh.  F"  77  *". 


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[1339]       VAHIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  86.  460 

P.  175,  I.  16  et  17  r  de  Haynau.  Ms.  de  B^me  :  de  France 
et  de  Hainnau.  F°  KO. 

P.  176,  1.  24  :  messe.  —  Mt.  de  Borne  :  et  le  trouvèrent  que 
il  s'aparilloit  pour  aler  deviers  le  roi  d'Engleterre.  F*  SO. 

P.  176,  I.  28  :  Byaumont.  —  ifs.  tfJmient  :  Si  fiât  disner  le 
seigneur  de  Fatgnuellei  et  le  chevalier  allemant  dallés  lui;  et 
apriàs  disner  encorrez  parlèrent  il  de  la  raencbon.  Et  dist  li  sirez 
de  Biaumout  à  t'Alemant  :  e  Sire,  sire  de  Hosteberch,  soiiés  ung 
petit  plus  doulz  au  seigneur  de  Faignuelles ,  car  vous  savés  en 
quel  convention  vous  l'avés  pris,  »  Adonc  fu  li -chevaliers  d'Ale- 
maigno  tous  honteux  et  dist  :  «  Monseigneur ,  se  Dieux  le  m'a- 
mena, j'en  avoie  bien  mestier;  car  er  soirj'avoie  perdu  tout  mon 
argent  as  déz.  >  Dont  coumenchièrent  li  chevalier  à  rire ,  et 
meysmement  messires  de  Biaufnont.  Lors  coummenchîèrent  li  che- 
valier à  «llei  entre  deux,  et  à  brisier  le  premierre  marchandise  ;  et 
tellement  amoiienèrent  le  besoingne  que  il  le  dubt  quiter  de  foy  et  j 
de  prison  parmy  six  cens  vies  escus  que  messires  de  Biaumont  li 
devoit  paiier  tantost,  lesquelx  il  li  fîst  deliTrer  dedens  le  viespre, 
et  les  presta  au  seigneur  de  Faignuellez.  F"  35. 

P.  177,  1.  4  :  courouciet.  —  Ms.  d'jimient  :  et  especial- 
ment  li  comtes,  car  mouh  l'amoit.  F"  3S. 

P.  177,  I.  8  :  renvoiiet.  —  M*,  de  Borne  :  et  le  fist  racon- 
voiier  par  ses  gens  meismes  jusques  bien  priés  de  l'ost  as  Fran- 
çois. F"  50. 

P.  177,  I.  10  ;  coursiers.  —  Mt.  de  B/,me  :  lequel  li  Alemant 
ne   11  voloient   rendre;   et  disoient   que  il   l'avoient  gaegnié. 


S  8».  P.  177,  1.  2»  :  contes  de  JuUers.  —  Mi.  de  Faleit- 
ciennes  :  duc  de  JuUera.  F"  78  v* 

P.  177,  I.  26  :  Blankebourch.  —  lUst.  J  11  à  14  :  Fran- 
kebourc.  F"  44. 

P.  177,  I,  27  :  des  Mons.  —  Les  mst.  jI  M  à  \k  ajoutent  : 
li  contes  de  Los.  F*  44. 

P.  177,  1.  28  et  29  :  Guillaumes.  —  Ms.  de  FtUencienuM  : 
Gilles.  F"  78  V. 

P.  177,  ï.  29  :  de  Duvort.  —  «i*.  A  U  à  ik  :  du  North. 
F"  44. 

P.  177,  I.  29  :  Emoulz  de  Bakehen.  —  Mss.  ^  11  à  14  : 
Guillaume  de  Kakehan.  F°  44. 


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470  CHRONIQUES  DE  J.  PROISSART.  [1889] 

P.  177,  I.  30  :  bataille.  —  Mt.  itAmietu  :  et  avoit  en  cèle 
route  vingt  cinq  bannières  et  quinze  pignons ,  et  estoient  bien 
huit  mille  hommes  et  de  bonne  estofie.  P  3S. 

P.  177,  I.  31  ;  soissante.  —  Mss.  J  \  à  6  :  quarante.  F* 
44  v«.  —  Mss,  J  a  à  M  i  s<nssante  deus.  F*  46  v*. 

P.  178,  1.  S  ;  son  pays.  —  Lems.  SAndeta  aioiue  :  U  comtes 
des  Mons.  F-  35. 

P.  178,  1.  5  ;  Kuk.  —  Ms.  de  Falenciemtes  :  Buck.  F»  78. 

P.  17S,  1.  6  :  Bergfaes.  —  Mis.  ^  11  à  14  :  Berguettes. 
F"  44. 

P.  178,  1.  7  :  Vauselare.  —  jtft.  ^Amiens  :  Wasenare^  F"  35. 
—  Ms.  de  ralenciennes  :  Voscler.  F»  78  V. 

P.  178,  1.  8  :  Sconnevort.  —  3tts.  .^  11  à  14  :  Stonumordi. 
P  44. 

P.  178,  1.  9  :  Boukehort.  —  Mss.  A  H  à  ik  :  Bourquen- 
bourch.  F"  44.  —  Mss.  A  i  à  6,  id  à  i9  -.  Boukebourc. 
p>  44  v». 

P.  178,  I.  lî  :  Gilles.  —  Mss.  A  ii  à  ik  :  Jehan.  V  44. 

P.  178,  ).  14  :  Gaatiers.  —  Mss.  A  H  à  ik  :  Jehan.  P  44. 

P.  178,  I.  18  et  19  :  Halluin.  —  lUss.  ^  11  à  14  :  Jehan  de 
Halluin.  F«  44. 

P.  178,  1.  21  :  Strates.  —  Mss.  ^  11  à  14  :  Trasces.  F» 
44  V*. 

P.  178,  1.  23  :  vint  et  quatre.  —  Mi.  d Amiens  :  vingt  et 
deux.  F»  35. 

P.  178,  I.  24  :  quatre  vint.  —  Ms.  dJmiem  :  dix  sept. 
F«35. 

P.  178,  I.  24  :  sept  mille.  —  Mss.  A  i  à6,  11  à  14,  20  à 
2*  et  ms.  il  Amiens  :  huit  mille.  F"  44  v». 

P.  178,  I.  30  :  Lincolle.  —  Le  ms.  ^Amiens  omet  :  lieves- 
ques  de  Durem,...  li  sires  de  Persi,...  li  sires  de  Montbm,...  Ii 
sires  de  Lantonne,...  li  sires  de  Basset,...  messircs  Jehans  de 
Lille;  —  et  il  ajoute  :  li  coens  de,Warvich....,  li  comtes  de  le 
Marche,  li  comtes  de  Pennebrucq,  monseigneur  Richart  de  Stan- 
fort,  messires  Jehans  viscontez  de  Biaumont....,  li  sirez  de  Sa- 
lich  *,  li  sirez  de  Felleton  '..,.,  li  sires  de  Ferierres*,  li  sirez  de 
Brasseton *..•.,  li  sires  de  Multonnc,  F"  3S. 


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[ISSfl]      VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE.  §  86.  471 

P.  178,  1.  31  :  Sallebrid.  —  Mi.  ttJmiens  :  qui  estait  nu- 
rescamt  de  Tost.  F"  38. 

P.  178,  ).  32  :  ClocMtre.  —  Mss.J  1  à6,  SO  A  SS:  le  conte 
de  Norhantonne  et  de  Lancastre.  F*  44  V. 

P.  179,  1.  1  :  Keofort.  —  Mss.  .^  11  «ï  14  :  Kainforth.  F*  44 
V*.  —  Xs.Ji:  Kerfort  F*  46  v*.  —  Mit.  feAmieia  et  de  Vtdm- 
cUnnes  :  Herfort.  F*  3K. 

P.  179,  I.  2  :  Ricemont.  —  Mst.  ^  11  à  14  :  en  Angle- 
terre, oar  Toirement  la  lui  avoit  le  roy  aiigtoU  dtumëe.  F"  44  v*. 

P.  179,  1.  3  ■.  de  Ros.  —  Ms.  d Amiens  :  de  Nortluxibrelant 
qui  fu  là  fês  chevalier  et  leva  bannière.  F°  3S. 

P.  179,  1.  5  ;  Lantonne.  —  jtfw.  AU  à  I4,  20  à  22  :  Han- 
tonse.  F»  44  v'. 

P.  179,  1.  6  :  li  sires  de  Filwatier.  —  Ms.  d'Amiens  :  Gdl- 
laumnes  Filz  Warine'.  F*  3S. 

P.  179,  I.  10  :  nouviaus.  —  Mi.  de  Rome  ;  Hais  je  Froissan 
et  actères  de  ces  croniques,  ol  dire  plus  de  une  fois  le  gentil  che- 
valier messire  Jehan  Caindos  que  il  fu  fais  nonviaus  chevaliers  de 
la  main  le  roi  Edouvart  d'Engleterre  ce  venredi  que  li  assanJdée 
fu  à  Buironfosse  ;  et  pour  tant  que  il  fu  pins  vaillans  que  nnls 
aultres  quiconque»  s'armast  de  la  partie  des  Englois,  j'en  fac 
enarradon.  F°  KO. 

P.  179,  1.  H  :  Chandos.  —  Ms.  de  Vaienciennes  :  qui  fu  l'un 
des  bons  hommes  d'armes  des  deux  royalmei.  F*  79. 

P.  179,  1.  15  :  vint  et  huit  banières.  —  Ms.  tf  Amiens:  Et  a,'voit 
li  roys  trente  deux  bannierrez  et  bien  otant  de  pignons.  F*  3S  v. 

P.  179,  I.  IS;  quatre  vint  et  dix.  — Afjj.  ^  13  A  17  :  quatre 
vint  et  douze.  F*  46  V. 

P.  179,  I.  16  :  six  mille.  —  Mst.  A  i  à  e,  iO  à  ii  :  environ 
huit  mille.  F"  45.  —  Ms.  de  Faleneiennes  :  dix  mille.  F"  79. 

P.  179,  1.  17  :  six  mille.  —  Mss.  ^  20  i  22  :  huit  rniHe. 
F"  73  V». 

P.  179,  I.  18  :  batai&e.— 3/f.  d Amiens  :  Et  fu  là  ordounn^s 
à  tenir  sus  destre  en  une  bataille,  pour  réconforter  sus  elle  lez 
plus  las5& ,  messires  Robiers  d'Artois.  Et  avoit  dallez  lui  mon- 
seigneur Gautier  de  Mauny  *,  monseigneur  de  Bercler,  le  seigneur 


1 .  Xi.  Jt  ralmeitniui  :  Fil  Warnier.  F*  79. 
3.  Le  ms,  dt  VaUaàatnu  ajoule  :  monKignenr  fl 
e  «ire  de  NeafTille. 


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471  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [133»] 

de  CLfort,  messire  Richart  de  Pensebruge*,  messîr«  Bietremies 
de  Bruech*.  Et  estoient*  trois  mil  hommes  d'armes,  douze  ban- 
nières et  deas  mille  archiers.  F*  39  v°. 

P.  179,  1.  23  :  trois  mille.  —  Mst.  .^  11  ^  14  :  enviroo  qua- 
tre mille  hommes  d'armes  et  deux  mille  archiers.  F*  44  v*.  — 
Mts.  J  ^b  àil  :  environ  deux  mille.  F-  46  v*. 

S  87.  P.  180,  l.  5  :  honneur.  —  JUs.  tFJmiens  .-  car  il  rete- 
noit  sus  sen  ame  que  il  se  ccHnhatoit  sus  son  droit.  F"  3S  v*. 

P.  180,  I.  8  :  apertenoit.  —  Ms.  d'Jmient  :  ainsi  se  tinrent 
il  toute  le  madnée,  attendant  les  Franchoîs.  F»  35  v*. 

P.  160,  I.  IS  :  avisèrent.  —  Ms.  d'Amiens  :  les  hiranz  (pu 
eurent  en  escript  tous  les  bannerèz.  F*  3S  v*. 

P.  180,  1.  16  :  il  y  eut.  —  Mi.  ^Jmieni  :  onze  vii^  et  sept 
hanièrez,  quatre  roys,  cinq  dus,  trente  six  comtes  et  vingt  sept 
cens  et  cinq*  chevaliers,  quatre  vingt  mil  hommes  d'annes,  sans 
les  communes  dont  il  y  avoit  plus  de  soixante  mille  F^  39  v*. 

P.  180,  1.  18  et  17  :  ohm  vint  et  sept.— ^«r.  J  S  et  9,  ii 
à  33  :  onze  vingt  bannières.  F*  43.  —  A(fs,  .^  11  à  14  :  <Mue 
vingt  et  dix  huit.  F*  45.  —  Mts.  .^  1  â  6  :  six  vingt  et  sept. 
F»  49.  —  lUs.  S  6  :  onze  vingt  et  quinze.  F"  118. 

P.  ISO,  1.  17  :  dnq  cens.  —  JVst.  A  i  àQ,  H  à  14,  18  à 
tt  :  six  cens.  F»  49. 

P.  180,  ).  17  :  et  soissante. —  Mss.J  11  à  14  :  et  quatorze. 
F»  45. 

P.  180,  I.  19  :  quatre  mille.  —  Mu.  J  1  à  6,  20  À  22  : 
quatre  cens.  F*  49.  —  Mi.  it  6  :  dix  sept  cens.  F"  H8. 

P.  180,  ).  20  :  plus  de  soixante  mille.  —  Mt.  .8  6  :  Le  roy 
de  Franche,  à  ce  que  on  disoit,  avoit  bien  deus  cent  mille  hom- 
mes, que  à  piet,  que  à  cheval.  F*  117. 

P.  180,  l.  27  :  de  Bar.  —  Le  ms.  <tJmiens  omet  :  ti  contes 
de  Valentinois,...  li  contes  de  Genève,  li  contes  de  Dreux;  —  et 
il  ajoute  ;  li  comtez  de  Pontieu,  ....  li  comtez  de  Tankarville,  li 
comtez  de  Waudimont,  ....  li  comtes  de  Jeni',  ....  li  contez  de 
Porsiicn*,  li  comtez  de  firainne li  comtez  de  Biaumont,  li 


1.  Ml.  dt  T'aUnciamu  :  Penebniach.  F"  79. 

3.  IhiJ.  :  Bertremieu  de  BruTei   —  3.  Itid.  :  e 

4.  liid.  !  ùx.  —  5.  Ibid.  !  Joingnj'.  F.  79  y. 
6.  Wid.  :  de  Poitiert. 


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[iS&ff]      VAUANTBS  Dtr  PREMIER  LIVRE,. $  87.  473 

comtes  de  H<»itfort,  H  cooitez  de  Nerltoime,  li  comtes  de  JPkre- 
gart,  licomtes  de  Villemiir,  li  comtes  de  Coomignes,  ....  li  coiytei 
de  Mnrendon*,  li  comtez  Douglas  d'Escoce  et  H  craitez  de  Mo- 
ret....  F"  3S  v".  —  £es  ma.  A  H  à  ik  afoùtent  ;  le  conte  de 
Namar,  ...  le  cobte  de  Joingny.  F°  4S. 

P.  181,  1.  K  :  à  recorder.  —  Afo.  ^Amens  :  Environ  hei»e 
de  tiercbe,  vint  lî  dus  Oedes  de  Bourgoingoe  à  plus  de  cinq  cens 
lanches  *,  et  se  miat  d'un  l^z  sour  les  camps  ;  et  avoit  dix  neuf  ba- 
nerèi,  tous  de  Bourgonpie  et  de  le  comtet  de  Bourgoingne,  Là 
cBtoient  11  jonez  comtes  GuiUaanunes  da  Haynnau  en  très  bon  ar- 
roy  ef  forche,  et  faisoit  se  bataille  ù  par  lui  ;  et  aVoit  dii  huit  ba- 
nerès,  tous  à  bannierre  de  son  pays  dalles  lui.  F'  35  V. 

P.  181,  I.  S  et  6  :  biaidés.  ^-  M*,  d Amiens  ;  Moult  Tu  œste 
journée  belle  et  clerre  «t  sans  bruine;  et  rfsplenditoit  b  solaux 
en  ces  armoiriez,  tant  que  c'estoît  grans  depors  de  l'imaginer  et 
veoir.  P  3B  v». 

P.  181,  1.  7  ;  couvers-  —  Mn  eFAmiens  :  jusifiau  fallon. 

P.  i81,  I.  10  :  quinze  mille.  —  Jlfss.  A  i  à  6  ■  seize  miUe. 
P"  i»  v°.  —  Mm.  a  iO  à  ii  :  seize  mille  hommes  à  chenal  et 
trente  mille  hommes  à  pi^.  F°  74. 

P.  iSÎ,  1.  11  :  don  lièvre.  —  Ms,  tfAmt'e/u  :  Apriès  ceste 
avenue,  les  nouvelles  vinrent  au  ro^  de  France  comment  uns 
lièvres  avoit  estourmy  ses  geqp  et  estoit  passes  parm;  sen  ost. 
Dont  li  pluiaeur  eurent  sus  gtant  ymagination  et  dissent  que  ce 
n'estoit  pas  ungs  bons  signes  quanl  uns  lièvres,  qui  est  encfintrëz 
'fje  povce  estrinne ,  les  avoit  ensi  estourmis  et  courut  par  devant 
*yauxi  et  quoy  que  fuist  dou  samedi,  chc  venredi  on  ne  li  cons- 
seilloit  niens  à  lui  combatti'e.  Ensi  parlans  et  ymaginans  plui- 
seurs  paroles  et  diviers  oppinions ,  s'avancha  moût  li  jours  tant 
que  nonne  fn  passée.  P*  36. 

P.  183,  I.  8  :  detriiés.  — Ms.  B.  6  :  Ensy  furent  ches  sei- 
gneurs tant  englès  comme  francljois.  et  aloient  l'un  devant  l'au- 
tre par  ung  venredy,  et  point  ne  se  combatirent.  Dont  on  s'en 
peult  moult  esmervilUer  pour  quoy  il  le  laissèrent,  car  il  y  avoit 
de  toutes  parties  grans  foison  de  gens  d'armes.  Et  à  che  que  j'ay 
depuis  ouit  recorder,  il  tint  plus  en  la  partie  du  roy  de  Franche 
que  en  chelui  du  roy  d'Engleterre,  car  il  y  avoit  tant  de  fouré 

1.  Vf.  dv  ValtncUnnti  :  Mirendon. 


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474  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1899] 

cbapi^'ons  qui  estoient  du  conseil  du  roy  de  Franche,  les  qneb 
brtssèrent  la  jouniëe.  Car  qui  euist  crut  le  roi  Phelippe,  on  se 
fiist  combattis  sans  faulte,  et  ne  desiroit  anitre  chose.  Sy  se  de- 
party  ensj  celle  joam^  sans  riens  fairs,  qui  fu  à  Buiroofosse  l'an 
mil  trois  cens  trente  neuf,  le  vingt  dnquièate  Jour  du  mois  d'oc- 
tobre. F»  118  et  119. 

P.  183,  1.  10  :  Haynau.  —  3fr.  d Amiens  :  Quant  li  contes 
GoillaummedeHaymiau,  qui  estoit  sus  les  camps  cil  bon  arroyet 
friche,  vit  que  nosne  passoil  et  que  nnlx  ne  s'aprochoit  pour 
combattre,  si  aj^Ua  le  seignenr  d'EogbÏM  et  monsîgnenr  Hestry 
d'ÂBtoing  et  leur  à'at  :  «  AJl^z  deviers  monseigneur  mon  oscle, 
et  li  demandez  quel  cose  il  Toelt  que  je  fâche.  »  Il  respondirent  : 
«  Vollaitîers.  »  Dont  partirent  li  doy  baron  et  vinrent  devins 
le  roy  de  ^ance  qui  j  à  se  retraioit,  et  i  avoit  une  si  espesse 
route  dfi  seigneurs  que  jammais  ne  l'ewissent  brisïet.  Si  trouvè- 
rent monseigneur  d'Alençw  à  qui  il  adrecliièreut  leur  messaîge. 
Et  il  respoudi  :  s  Ditez  à  mon  nepveut  qu'il  s'en  voist,  de  par 
Dieu,  car  nous  n'arous  point  de  bataille.  >  Bnsi  le  raportèrent 
li  seigneur  dessus  dit  au  comte  de  Haynnan  qui  se  parti  de  le 
place  et  toutte  se  routte,  w  tost  qu'il  oy  ces  nouvelles;  et  s'en 
revint  cevauchier'  vers  le  Kesnoy.  F"  36. 

P.  183,  i.  12  :  englès.  ■•-  Ms.  d Amiens  :  Quant  lî  roys  d'En- 
gleterre  et  si  aloiiet,  qui  avotent  estet  rengi^  .enmy  les  camps 
tout  à  pict,  dou  matin  jusque}  à  nonne,  sans  boire  et  tans  meu- 
gler, veyrent  bien  que  li  roys  de  Franche  ne  ses  gens  ne  des- 
cenderoient  point  jusqu'à  yaux  pour  c<»nbattre,  si  se  traîsent 
enssamble  pour  avoir  avis  et  consseil  coumment  il  se  mainien- 
roieut.  Pluîseurs  oppinions  et  grant  estoient  eut  entre  yaulx  osa 
bien  comme  entre  les  Franchois.  Et  volloient  li  roys  et  li  baron 
d'Engleterre,  messires  Robers  d'Artois,  messires  Jehans  de  Hayn- 
nau  et  U  sires  de  Fauquemont,  chevauchier  encorres  avant  sour 
le  royaumme  et  nient  partir  sans  combattre.  Li  ducs  de  Braî- 
bant  et  pluîseurs  de  son  accord  disoient  ensi  que  il  ne  pooieut 
avoir  blasme  ne  reprochement  del  partir  à  tous  bons  entendeurs  ; 
car  il  avoient  offert,  à  t'entra  del  royaume,  le  bataille  au  roy  de 
Franche  qui  leur  avoit  acordé.  Avoecq  tout  ce,  il  s'estoient  Iti 
tenu,  enssi  que  gens  d'armes  se  doient  tenir,  attendans  leurs  en- 
nemis qui  point  n'estoient  venus  j  et  se  passoit  U  heure  et  li  tier- 

1.  ttt.  Je  faUndtanei  :  yi»que»  eaR»yaaui.'F°  Sï.      — 


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[1339]      VABIANTES  DU  PH&MIER  LIVBE,  $  87.  47S 

mes  de  combattre  os».  D'autre  part,  vitaille  leur  coummenchiè- 
rmt  à  defallir;  et  ne  savoîent  mies  bonnement,  s'il  chevauchoient 
plus  avant,  coumment  il  en  seroient  ponrveu  :  si  ques  d'iaux  en- 
clore ne  bouter  trop  avant  et  sus  l'ivîer  ou  royaume  de  Franche, 
il  n'y  veoient  point  de  bon,  car  mieux  leur  en  valloit  partir  à 
honneur  qne  d'atendre  nulle  aveoture  à  leur  déshonneur.  Tout 
comsideret  et  regardet  l'un  oontre  l'autre,  li  darrains  acors  fu 
que  d'iaux  départir.  Si  se  deslogièrent  et  vinrent  la  nuit  geùr 
^en  tart  environ  Avesnes  à  tout  leur  caroy  et  leur  concquès.  P>  36. 

Ml.  de  Bome  :  Ce  venradi  au  soir,  il  fîi  ordimn^  en  l'oost  le 
roi  d'EDgleterre  que  on  se  deslogeroit  sus  le  point  de  mie  Doit,  et 
se  retratroit  on  tout  bellement  en  Hainnau  et  en  Braibant,  et  que 
pour  celle  saison  on  en  avnit  Tait  assës  ;  car  au  voir  dire,  tant  que 
pour  la  bataille,  la  pareçon  n'estoit  pas  parelle,  car  li  François 
estcnent  tr<^  plus  fort  et  plus  poissant  sus  les  camps  ne  fuissent 
les  Englois.  CeUe  doubte  et  nulle  aultre,  ensi  qne  il  fu  supposé  et 
considéré  d^uis,  i  igissent  li  dus  de  Braibant,  li  dus  de  Gerles  et 
li  contes  de  Jullers  et  auquns  aultres  de  tor  aliance  ;  non  li  rois 
d'Engleterre  et  les  Englois.  car  il  se  fuissent  votentiers  combatu 
et  pris  l'aventure  et  se  tenoient  à  tout  conforte,  mais  là  pour 
celle  fois  il  les  couvint  croire  consel,  car  il  n'estoient  pas  signeur 
des  Alemans  et  des  estrangiers.  Sus  le  pomt  de  mienuit,  sans 
faire  trop  grant  npise,  toutes  gens  en  l'ost  le  roi  d'Engleterre  se 
deslogièrent,  et  cargièrent  chars  et  charètes,  tentes,  très,  auqu- 
bes  et  pavillons.  F"  50  v°. 

P.  183,  1.  13  :  de  Braibant.  ~  Ms.  £  6  :  A  minuit,  le  roy 
d'Engleterre  mist  tout  son  consai!  ensamble  pour  savoir  que) 
chose  il  feroit,  et  commeat  il  se  maintenrott.  Le  duc  de  Braibant, 
qui  estoit  là  ses  cousins  germains,  et  qui  estoït  le  plus  grant  de 
tout  son  consail,  dist  et  conseUla  que  on  se  retrairoit,  et  que  pour 
celle  saison  on  avoit  assés  ghuerniet,  car  l'yvier  aprochoit,  et  que 
le  roy  d'Engleterre  avoit  fait  bien  son  devoir,  et  allé  et  chevau- 
chiet  ou  royalme  de  Franche  et  ars  et  moult  gasté  le  p.iis  et 
atendu  ses  ennemis,  et  puis  avoir  este  tous  rengiés  et  ordonnés  et 
mb  en  bataille,  l'un  devant  l'autre  ;  et  point  ne  furent  ses  ennemis 
sy  hardis  de  les  venir  combatre.  Pour  laquelle  cose,  on  doit  tenir 
à  grant  honneur  l'emprise  d'un  roy  d'Engleterre.  Adonc  fut  creut 
le  consail  du  duc  de  Brabant.  F°  119  et  ISO. 

P.  183,  1.  IS  :  ce  venredi.  —  lUs.  B  S  et  nu.  de  Home  :  le 
semmedi  au  matin.  F*  120. 


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476  .CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1339] 

P.  183,  I.  15  :  d'Avesnes.  —  Jtfi.  S.  6  :  ht  roy  d'Engleterre 
et  toute  sa  compaîgnie  passèrent  devers  Avennes,  et  tout  à  tra- 
vers le  pays  de  Haynau,  et  deaoubz  BîeaumoQt  et  le  Samive,  et 
au  pont  à  Avesne.  F"  120. 

P.  183,  I.  i9  :  en  BraibaHt.  —  lits.  S  6  :  k  Brouselles  d'en- 
près  son  cousin  le  duc  de  Brabant,  et  là  séjourna  quinze  jours. 
F*  lïO.  —  Ml.  de  Rome  :  Et  s'en  vint  li  rois  à  Louvaing,  et  là 
trouva  la  roioe  sa  femnci  et  s'espardirent  chil  signeur  d'Ëigle- 
terre  aval  Braibant,  ensi  que  fait  avoient  en  devant  celle  ccv«u- 
chie.  Et  murmuroient  li  auqun  Englois  l'un  i  l'autre  et  disoient  : 
■  On  fait  bien  le  roi  nostro  sire  despendre  et  alever  sou  argent 
pour  noient  et  perdre  le  temps  ;  il  uous  fault  faire  moult  de  tèles 
cevauchies  avant  que  nous  aions  conqub  le  roiaulme  de  France.  ■ 
I>50  V». 

S  88.  P.  183,  I.  Î2  :  venredi.  —  Sti.  A  1  :  samedi.  B*  43. 

P.  183,  1.  24  :  Phelq>pes.  —  Ms.  tPAmieM  :  Quant  li  roys 
de  Franche,  ensi  que  vous  avés  oy,  se  fu  tenus  tout  le  jour  jus- 
quez  à  basse  nunne  sus  lez  camps  en  divierses  oppinions,  parlans 
et  devisans  à  ses  plus  haus  et  grans  amis  et  barons,  et  il  vit  que 
on  ne  lui  consseilloit  nient  de  combattre,  tous  mautalens  et  en- 
flammés d'air,  il  retourna  vers  Buironfosse  ;  et  avait  entention  qme 
l'endemain,  coumment  qu'il  fust,  il  se  donkateroit.  Si  appella  ses 
deux  marescaus ,  monseigneur  Robert  Bertran  et  le  seigneur  de 
Trie,  et  leur  dtst  :  «  Ordonnes  et  coummandés  de  par  nous  que 
nulz  ne  se  parte,  et  que  chacuns  se  loge,  car  demain  nous  dos 
combaterons,  coumment  qu'il  soit,  s  Et  li  marescal  le  fissent 
ensi.  Et  quant  il  ne  trouvèrent  le  comte  de  Haynnau,  se  le  disent 
au  roy,  afiin  que  il  ne  fuissent  repris. 

Adonc  regarda  li  roys  sus  te  comte  d'Allencbon  son  frère  et  li 
dtst  :  a  De  nostre  nepveut  de  Haynnau  savcs  nulles  nouvelles  ?  > 
—  «  En  nom  Dieu,  monseigneur,  oyi,  che  respondi  li  comtes 
d'Allencbon,  [car]  il  [envoia  *]  oroins  le  seigneur  d'Enghten  et 
le  seigneur  d'Antoing  assavoir  quel  cose  volliéE  qu'il  fesist.  Il  ne 
peurent  parler  à  vous  ;  si  me  trouvèrent  d'aventure.  Et  quant  je 
les  euch  ois,  je  leur  dis  que  il  n'estoit  appairant  de  combattre, 
et  qu'il  s'en  atlast  de  par  Dieu,  b  Adonc  penssa  li  rois  ung  petit 
et  puis  dist  :  a  Or  le  mandez  apertement,  car  demain  nous  dos 

1    Ml.  Ji  raUnel,nae$,  p>  81  ^.  —  «i.  d'Ami 


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[13M]       VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  §  88.  477 

combaterons.  >  Xiors  fist  on  monter  ung  sergant  d'armes  et  venir 
vers  le  KesDoy,  et  y  vint  si  k  point  que  li  comtes  se  desannoit. 
Et  jà  estoienl  tout  li  baron  et  li  «hevalier  retrait  as  hostelx,  et  lî 
autre  partit  et  rullet  vers  leurs  maisons.  Si  vint  li  messoigez  dou 
roy  deviers  le  comte,  qui  estoit  ou  castiel,  et  li  dist  :  a  Sire,  li 
roys  vous  sallue  et  vous  mande  que,  dem^  à  soleil  levant,  vous 
soiiés  à  Buironfosse,  car  on  se  eombatera  as  Eoglèz.  > 

fit  quant  li  comtes  oy  ces  nouvelles,  si  fist  sounner  ses  trom- 
pattes  et  reuviOier  chevaliers ,  et  renseller  chevaux ,  et  mdzider 
aprièe  chiaux  que  il  cuMoit  le  mieux  ravoir.  Et  se  parti  en  grant 
haste  dou  Quesnoy  environ  mienuit,  et  chevaucha  tant  avoecq  ses 
gens  que,  la  samedi  au  watin,  il  fu  sus  les  c«mps  et  ou  lieu  ou 
auques  pri^  dont  il  estoit  partis  le  venredi.  Et  quidoit  bien  li 
comtes  que  ou  se  dewist  combattre;  mais  li  roys  ses  dndes  et  li 
Franchois  avoient  oy  autres  nouvelles,  car  le  venredi  au  soir  lî 
coin^ur  et  li  foureur  de  Franche  estoient  revenus  en  leur  ost  et 
avoient  dit  pour  certain  que  ti  Englès  estoient  party  et  jà  retret 
en  l'Empire  et  en  le  comté  de  Haynnau,  et  s'en  ralloient  arrière; 
et  n"  estoit  mies  apparans  que  il  en  fe&issent  plus  ceste  saison'. 
Dont  disent  lî  baron  de  France  au  roy  :  «  Sire,  il  faora  le  roy 
d'Engleten-e  ,  faire  moût  de  telx  chcvauchies,  ainchob  qu'il  ait 
concquis  le  royaumme  de  Franche  »  r  si  ques  li  roys  avoit  jà  or- 
dounné  et  coummandé  à  deslogier  et  de  raller  chacun  en  son  lieu. 

Ces  nouvelles  vinrent  jusques  au  comte  de  Haynnau  qui  se  te- 
noit  sour  les  camps ,  que  li  roys  de  Franche  se  devoit  partir,  et 
ji  avoit  dounnet  congiet  à  touttes  mannières  de  gens,  car  li  En- 
glès estment  esloingiet.  Adonc  s'en  vint  li  comtes  de  Haynnau  et 
toutte  se  rôutte  où  bien  avoit  quatre  cens  tanches*,  sus  ung  cer- 
tain pas  où  li  roys  de  Franche  devoit  passer.  Et  quant  li  roys 
vînt  là  et  iJ  le  vît  ensi  ordonnet,  il  demanda  à  chiaux  d'entours 
lui  dou  comte  qui  c'e^tôtt,  et  on  li  dist  que  c'estoit  U  comtes  de 
Haynnau.  Lors  l'enclina  h  comtes  en  passant,  et  li  roys  U  dist  : 
■  Biaux  niés,  rallés  vous  ent^  vous  vous  estes  bien  acqtùtéz.  » 
Dont  se  parti  li  comtes  et  prist  congiet  au  roy  et  à  sen  oncle 
d'Allençt»  et  au  roy  de  Behaîngne,  et  à  ses  cousins  germains 
monseigneur  le  comte  de  Blois  et  monseigneur  Charlon  de  Bloîs  ; 
et  retourna  arrierre  avoecq  se  cevaucie,  et  s'en  revint  disner  à  Lan- 
drechies  et  jesir  au  Kesnoy.  Or  paurons  dou  roy  d'Engleterre  et 

I.  Ml,  dt  faltaeitnmi  :  arnuim  de  fer.  P°  83. 


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h78  CHaOXlQUBS  DE  I.  FftOISSAILT.  [1339] 

des  aloiiës  qu'il  fissent  et  qu'il  devinrent  i  car  li  roys  de  Franche 
ne  les  sieuwi  plus  avant;  ains  s'en  revint  à  Saint  Quentin,  et  là 
donna  touttes  ses  os  congiet.  SI  s'en  rallèrent  chacuns  en  ieun 
lieus  et  en  leur  garnisons,  ensi  que  ordonné  eatoient. 

Le  samedi'  au  matin,  se  misent  li  seigneur  enssamble  et  sé  con- 
seiUièrent  quel  cose  il  feroient,  car  il  leur  sambloit  que  ceste  ce- 
vaucfaie  estoit  parfaite.  Si  trouvèrent  en  consseil  que  il  doonais- 
sent  touttes  leur  gens  congiet,  et  il  s'en  alaissent  avoecq  le  roy 
d'Engleterre  jusquez  à  Brouxelles.  Ensi  le  fiseut.  F*  36. 

Mt.  de  Rome  :  Qant  ce  vint  le  samedi  an  matio,  nouvelles  vio' 
rent  en  l'oost  ie  roi  de  France  que  les  Bngloisestoient  départi  et 
fuioil  lor  voie  ;  ne  on  ne  savoit  que  il  estoient  devenu,  De  ces 
nouvelles  fu  li  roîs  Phelippes  trt^  durement  courouchi^Si  et  dist 
que  on  l'avoit  trahi,  qact  U  n'avoit  combatue  ses  ennemis,  et  que 
tout  volentiers  on  lor  avoit  fait  voie.  14  plus  hault  baron  et  ai- 
gneur  de  l'oost  le  rapaisicrent  et  h  dissent  :  o  Sire,  sousCrés  Yous  : 
on  Tera  ce  povre  roi  d'Engleterre  outrequidiet  tout  despendre  et 
alever  le  sien,  et  li  tellement  eudebter  deviers  ces  Alemans,  que 
jamais  n'en  se  vera  délivrés.  Li  dus  de  Braibant  en  scet  bien  jiis- 
qnez  à  lik;  et  oultre  il  le  m'ainne  et  pourmainne,  et  suesfre  que 
ses  gens  amendent  trop  grandement  de  ce  roi  d'Engleterre.  Il  ne 
le  soustient  pour  aultre  cose  que  pour  le  pourht.  Il  fault  ce  roi 
d'Engleterre  faire  moult  de  tels  cevauchies,  avant  que  il  ait  cmi- 
quis  le  roiaulme  de  France.  Le  quide  il  donc  conquerre  par  feus 
et  par  fumières?  mes  Dieusl  nennil.  Mais  que  il  soit  retournés 
oultre  la  mer,  vous  ne  le  verés  mes  en  grant  temps  revenir.  Où, 
diable,  prenderoit  il  la  finance  pour  seeler  ces  Alemans  ?  II  a  esté 
mauconsUUés  de  vous  avoir  desfiiet  et  de  renvoiierHonhonmage. 
Jà  a  il  plus  perdu  que  il  ne  gagnera  en  toute  sa  vie.  Les  terres 
que  il  tenoit  deçà  la  mer  li  estoient  bien  aperteiums  ;  elles  sont 
fourfaites  à  tous  jours  mais''.  Jamais  n'i  rdloumera,  ne  hoirs  qui 
de  li  isse.  s 

Ensi  apaisoient  ii  signeur  de  France  le  roi  Phelqipe.  Mais, 
nonobstant  toutes  ces  paroles,  il  vosist  bien  avoir  combatu  le  roi 
d'Engleterre  et  ses  Alemans;  car,  ensi  que  il  disoit,  il  avoit  geos 
assés  pour  ce  faire.  Qant  il  vei  que  il  n'en  auercit  aultre  cote,  il 
donna  toutes  ses  gens  congiet  de  retourner  casqun  en  son  lieu. 
Li  contes  de  Hainnau,  sou  neveu,  vint  prendre  congiet  à  hû  sus 

1.  Ml.  de  Velaiclainu  :  L'eadenuiit,  au  nutin.  F°  63  y'. 


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[1339]  VAIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  88.  '  479 
tes  cavps,  et  li  rois  li  donna  ;  et  aussi  fist  li  contes  d'Alençon, 
son  onde  :  si  s'en  retourna  li  contes  en  son  pais.  Et  li  rois  de 
France  prist  le  cemin  de  Saint  Quentin.  Ensi  se  dearonyiirent  ces 
grandes  ceraudûes  et  ces  assambl^.  F"  j50  v"  et  SI . 

P.  183,  ).  2S  :  courouciés.  —  Ms,  £  6  :  et  dist,  sy  comme 
je  ojr  compter  depuis,  que  il  solleroit  tous  ses  amis  pour  ung 
denier  de  pain,  F"  liO  et  121 . 

P.  184,  I.  8  :  Sûnt  Quentin.  —  Mss.  A\  à1,\\  à  14,  18 
h  33  :  Saint  Omer.  F"  46.  —  M».  J  6  :  et  là  se  tint  plus  de 
quinze  jours.  F"  131. 

P.  184,  I.  13  :  don  Fay.  —  Ms.  B  6  :  ung  moult 'salge  che- 
valier, devers  la  cité  de  Tournay,  pour  gatder  le  paisj  car  très 
adonc  se  doubtwt  il  des  Flamcns.  F°  121. 

P'.  184,  I.  1S  :  Mortagne.  ~  Mi.  B  6  :  dedans  le  casU)  tt 
ville  de  Mortaîgne  sur  l'Escault.  F°  131. 

P.  184,  1.  18  :  Paris..— jlfrf...^llàl4  :  ofi  il  trouva  la  loine 
sa  femme  qui  ^donc  le  reseupt  à  moult  grant  joîe .  F"  46 . 

P.  184,  I.  2i  :  en  Braibant.  —  Ms.  de  Some  :  Tous  jours 
avoit  il  dal^s  li  messire  Bobert  d'Artois  et  l'evesque  de  Lincole 
et  son  consel.  Considéré  lu  et  avisé  enfre  euls  que,  se  U  roiï 
d'Engleten^  pofflt  tant  faire  et  esploitier  que  il  eui»t  plainneraent 
l'aide  et  le  confort  des  Flalnens  poar  nener  là  où  il  les  vodroit 
avoir,  sa  gerre  en  seroit  plus  forte  et  plus  belle,  et  jà  avoit  il 
l'amour  et  la  grâce  de  Jacpiemon  d'Arlevelle  et  de  ceuls  de 
Gaind;  si  ques,  pour  omoiener  tqiiles  ces  besongnes  etsçavoir  la 
pure  intention  de  ceuls  de  Bruges,  d'Ippae,  de  Courtrai,  dou 
Dui,  de  l'Esclitfc  et  dou  tieroit  dou  Eranch,  uns  parlemens  fu 
assis  et  ordojuiés  à  estre  à  Brouseltes  devant  le  duch  de  Braibant 
en  son  hostel  à.  CoUeberghe.  Et  ot  li  dus  en  couvent  au  roi  d'En- 
gleterre,  pour  tant  que  il  estoit  graqs  tretiière^  et  bien  enknga- 
giés ,  qae  de  euls  remoustrer  et  attraire  U  feroit  son  plain  pooir. 

Chik  parlemens  fu  eacrips  et  mandas  à  estre  à  BrouseUes  et 
priiés  Jaquèmes  d'ArtevelIe'  que  il  i  vosist  venir  et  estre;  et 
aussi  en  fu)*ent  prijet  les  consauls  des  bonnes  villes  de  Flandres. 
Jaquèmes  d'ArtevelIe,  qui  jamais  n'i  eust  defalli,  i  rendi  grant 
painuQ  que  les  consauls  des  bonnes  villes  de  Flandres  i  fuissent  i 
et  i  vinrent  et  ils  meismes  tout  premiers  avoecques  ceuls  de  Gran* 
mont  et  de  Gant  en  grant  arroi.  F°  51 . 

P.  184,  1.  32  ;  Brousselles.  —  Mr.  d'Amieiu.  Dont  se  dé- 
partirent les  os;  et  s'en  rallèrent  U  Allemant,  li  Braibenchon ,  li 


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480  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1340] 

Guerllois  «t  tout  li  autre,  chacun  en  l«urs  lieux.  Et  li  roys  d'Ea- 
gleterre,  li  dus  de  Braibant  et  li  cief  des  seigneurs  chevaucbièrent 
à  petites  journées  et  rappassèrent  la  rivière  de  Sambre;  et  esploi- 
tièreot  tant  .qu'il  vinrent  en  Bmibant  et  à  Brouxelles  où  it  furent 
bien  requdlliet.  F"  36  v*. 

P.  184,  1.  98  :  raconvoiièrent.  —  Les  nus.  J  \  à  6,  ISA  17, 
|a  à  2i  a/oiuent  :  le  duc  de  Braibaat.  F"  46. 

P.  184,  I.  23  :  li  contes.  —  Atss.  J  i  à  6,  U  à  14,  18  À  M  : 
le  marquis.  F*  4fi. 

P.  184, 1.  23  :  Jullers.  —  Les  mu.  A  W  à  Ift  ajoutent  :  le 
coMe  de  Los.  F"  46. 

P.  184,  I.  30  :  BnMssdIes.. —  Ms.  S  6  :  Après  ce  que  le 
roy  d'Engleterre  eult  fait  celle  armée  en  Franche,  sy  comme  ch,v 
dessuA  est  dit,  et  que  toutes  ses  gens  se  fureat  departy  et  chacun 
ralë  à  son  lieu ,  il  s'en  vint  eu  la  ville  da  Gant  où  madamme  sa 
femme  se  tenait ,  et  là  eult  pluiseurs  coosaub;  et  parleueus  as 
Flamens.  Et  toudis  contoit  i[l^  ses  afaires  à  Jaques  de  Uartevelle 
quy  estoit  son  compère  et  grans  amis,  et  qui  avait  en  la  main 
tous  les  Ramens  pour  faire  sa  vollentë.  Le  roy  d'Engleterre  avoit 
intencion  de  retourner  chel  yver  en  son  pais,  et  sur  l'esté  retour- 
ner à  tout  grant  foison  de  gens  d'armes  et  d'ujvhiés,  et  de  venir 
asegier  la  cité  de  Tourna^.  Et  tout  che  diet  il  à  Jaques  d'Aite- 
veUe  qui  bien  esUHt  de  son  acort.  F*  123. 

P.  <84,  I.  31  :  d'Artevelle.  —  Ms.  dJmiem  :  Et  y  furent  li 
consaux  de  Flandres  des  bonus  villes,  especialment  Jaquèmes 
d'Artevelle;  et  puisqi^il  y  est^t,  c' estoit  Assis.  F"  36  v*. 

P.  188,  1.  10  :  Bietun*.  —  Ms.  d'Amieiu  :  (|ui  jadis  forent 
de  Flandres.  F°  36  V. 

P.  18S,  I.  11  :  li  Flanench.  —  JUs.  £  6  :  qui  par  samUant 
amoient  moult  te  vpy  d'Engleterre.  F°  123, 

S  89.  P.  186,  I.  5  :  avis.  —  Jf^j'.  JI  6  :  et  dit'que  dsdens 
trois  jours  il  en  respond^roit.  F°  124. 

P.  186,  I.  12  :  ctHite  de  Jullers.'  —  Mss.  A\  à  6,  11  àlfc, 
18  à  22  :  marquis, de  JuiUiers.  F"  48  v*'. 

P.  186,  I.  23  :  d'Engleterre.  —  Mt.  ^Amiens  :  U  ducs  de 
Gerlles,  li  dus  de  Braibant',  li  comtes  de  Jullers,   li  marqms  de 

1.  Ml.  de  yaUneienntt  :  et  tow  les  prîrchei  et  les  leigneun  atman» 
qui  enoieut  k*  «lin.  F"  83. 


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[1340]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  90.  481 

Misse  et  d'Eurient,  11  marquis  de  Rlancquebourg,  messires  Jehans 
de  Hajnoau,  li  sires  de  Fauquemont ,  messires  Robiers  d'Artois 
et  moût  d'autres  seigneurs.  Et  d'autre  part,  là  fu  tous  li  plus 
espacialx  conseils  de  Flandres  de  touttes  les  bonnes  villes  et  dou 
R'ancq  de  Rmges.  F°  36  v*.  —  Le  mi,  de  Rome  ajoute  à  ces 
noms  :  li  contes  des  Mons,  li  archevesques  de  Coulongne.  F°  SI  V. 

P.  186,  1.  26  :  de  Flandres.  —  Mtt.  J  11  à  14.  18  et  19  : 
d'Angleterre.  F»  46  V. 

P.  186,. 1.  39  et  30  :  les  armes.  —  Ms.  £  6  :  les  aeur[s]  de 
lis.  Adonc  furent  les  Flamens  tous  resjois  et  dirent  que  il  yroient 
par  tout  avec  luy,  là  où  il  volroît.  F"  124. 

S  90.  P.  187,  1.  6  :  seigneurs.  —  Mit.  A  :  que  sur  l'estë  qui 
revendroit ,  flz  fertMeut  très  grande  guerre  en  France,  Mt.  À  1 , 
f46  T*. 

P.  187,  t.  17  :  acord.  —  Ms.  ^ Amieiu  :  Ossi  li  Flammencq 
et  li  Rraibeochon ,  qui  estoient  tout  aloiiet  et  acordë  enssamble, 
tiroient  trop  fort  que  il  ewissent  le  pays  de  Haynnau  d'acord 
avoecq  yauz  :  si  en  sercât  leur  guerre  plus  belle.  F<>  37. 

P.  187,  1.  19  :  s'escusa.  —  Mt.  <£ Amiens  :  s'escuzoit  et  disoit 
que  jà  il  ne  feroit  cose  qui  fust  contraire  au  roy  de  Franche  son 
oncle,  se  li  Franchois  ne  coununenchoient  premiers.  F"  37. 

P.  187,  I.  2S  :  Anwiers.  —  Ms.  dAmieru  :  Encorres  depuis 
ces  departemens,  se  tint  li  rois  d'Bngleterre  en  Flandres  ung  grant 
terme ,  chevauchans  de  bonne  vUle  en  bonne  ville,  pour  aprendr^ 
les  gens  et  congnoistre,  et  yaux  lui.  Et  fist  venir  à  Gand,  par  le 
conseil  Jaquemon  d'Artevelie  et  le  priière  de  chiaux  de  Gand, 
madamme  la  roynne  Phelippe  sa  femme,  et  tinrent  leur  hostel  en 
l'abbeie  de  Saint  Pière.  Et  la  estoit  souvent  visitée  dez  danunes 
et  des  bourgoises  de  Gand....  ' 

Quant  li  roys  d'Eugleterre  eut  ensî  ordonne!  touttes  ses  be- 
soingikes,  il  prist  congiet  à  d'Artevelie  et  as  Flammens  et  à  le 
roynne  sa  femme,  et  laissa  dallés  lui  monseigneur  Robert  d'Ar- 
tois; et  se  mist  en  mer  pour  revenir  en  Engleterre  et  prendre 
garde  à  son  pays  où  il  n'avoit  estet  bien  par  l'espasse  de  priés  de 
deus  ans ,  et  especialment  pour  regarder  sus  lez  marches  d'Es- 
coce,  car  il  doubtoit  plus  ce  costet  là  que  nulz  des  autres.  Si 
rapassa  le  mer  li  comtes  Derbi  avoecq  lui,  li  comtes  de  Norhan- 
tonne  et  de  Clocestre,  li  comtes  de  Warvich,  li  comtes  de  Peone- 
bnicq,  li  comtes  de  Herfort,  messires  Rénaux  de  Gobehem,  le 
1  —  31 


D,qit,zeabvG00»^lc 


482  CHRONIQUES  DE  J.  PR0I6SART.  [f340] 

baron  de  Stamfort,  l'evesque  de  Linct^le,  mMsires  Gautiers  de 
Haiiny,  messires  Jehans  Camdos  et  tout  U  autre.  Et  passèrent  le 
mer  et  arivèreot  à  Londres  où  il  furent  rechen  à  joie,  en  le  ve- 
gille  Saint  Andrieu  l'apostle,  l'an  mil  trob  c«ns  trente  neuf.  F*  37. 

Ms.  de  Rome  :  Et  là  prist  li  rois  d'Engleterre  congiet  à  ces 
signeurs  de  retourner  en  son  pais,  car  il  n'i  avoit  esté  puis  priés 
d'un  an.  Si  apertenoit  que  il  ï  alast,  pocr  veoir  coament  les  coses 
s'i  portoient,  et  pour  remoustrer  ses  besongnes  et  empêtrer  de 
la  finance.  Tout  che  li  acordèrent  li  signeur  legierement,  et 
dissent  que  ce  serait  bien  fait.  Donc  li  requissent  li  Flamenc  qae 
il  establesist  en  Flandres,  de  par  lui  et  ou  nom  de  li,  deus  on 
trois  vaillans  honmes  et  gens  d'armes  et  archiers,  qui  li  aidai»- 
sent  à  garder  la  frontière  et  euls  consillier ,  se  il  beaongnoit.  Et 
li  rois  d'Engleterre  leur  respondi  que  aussi  feroit  il.  Et  en  oultre 
ildist  à  Jaquemon  d'Artevelle  et  à  ceuls  de  Gand  conme  ses  bons 
amis,  que  il  lor  lairoil  la  roine  sa  fenme,  jusques  à  son  retour, 
et  tout  son  hostel.  De  ce  furent  li  Gantois  tout  resjoy. 

Donc  se  départirent  chil  signeur  et  s'en  retournèrent  çasquns 
en  lors  lîeus.  Et  la  roine  d'Engleterre  vînt  à  Gant,  et  esloil  poor 
ces  jours  ençainte  ;  et  avoit  un  fil,  liquels  avoit  esté  nés  en  An- 
wiers,  que  on  nonmoit  Lion.  Qant  li  rois  d'Engleterre  se  départi 
de  Gand,  à  la  requeste  des  Flamens,  il  institua  le  conte  de  Sasle- 
beri  et  le  conte  de  Siifforch  à  demorer  en  Flandres,  à  deus  cens 
lances  et  cinq  cens  archiers.  Et  puis  prist  congiet  à  la  roine  sa 
femne,  et  s'en  vint  en  Anwiers  ;  et  trouva  tous  près  ses  honmes, 
les  quels  il  en  voloit  mener ,  et  sa  navie  toute  preste.  Si  entrè- 
rent en  lors  vassiaus,  et  issirent  dou  havene  d' Anwiers,  et  entrè- 
rent dedens  la  mer;  et  nagièrent  tant  Tiers  Engleterre  que  il  vin- 
rent à  OrveUe,  et  là  issirent  des  vassiaus.  Et  fissent  tant  li 
signeur,  par  haguenées  et  chevaus,  que  il  vinrent  en  la  chité  de 
Londres.  Si  furent  li  Englès  par  toutes  les  parties  d'Engleterre 
moult  grandement  resjoi  de  la  venue  dou  roi ,  car  moult  li  desi- 
roient.  Et  enst  que  prélat,  signeur  et  consauls  des  chités  et  bon- 
nes villes  le  venoient  veoir  et  conjoir ,  ensi  que  on  doit  faire  son 
signeur,  il  leur  recordoit  doucement  et  bellement  toutes  ses  aven- 
tures, et  conment  ils  avoit  esploitié ,  et  les  amis  et  alliés  que  il 
avoit  acquis  oultre  la  mer  ;  et  par  especial  des  Flamens  il  faisoit 
très  grant  compte,  et  aussi  faisoient  ses  gens.  F*  51  v*. 

P.  187,  1.  26  :  à  Gand.  —  3fr.  £  6  :  de  lés  les  Flamens  et 
Jaques  de  HarteveHe  qui  souvent  la  visetoit.  Aussy  faisdt  le 


D,qit,zeàbvG00»^l"C 


[1338]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  9].  483 

conte  de  Hainau  son  frère  et  ma  daoune  la  contesse  sa  femme, 
fille  au  duc  de  Brabant ,  et  madame  de  Vallob  sa  mère  qui  se 
tenoit  en  l'abeie  de  Fontenelles  de  lés  Valenchiènes.  Et  ossy  fa- 
soient  les  dammes  et  demoyselles  et  bourgoises  de  Gand.  Sy  ad- 
vint que  la  dite  royne  d'Engleterre,  en  celle  saison,  s'ajut  d'un 
bieau  fil  en  l'abbeye  de  Saint  Pière  de  Gant  qui  ot  à  non  Jehan. 
Contre  {sir)  le  duc  de  Brabant  le  leva  ;  et  fut  de  puis  duc  de  Len- 
ciastre,  pour  che  qu'il  eut  à  mariage  le  fille  au  bon  duc  Henry  de 
Lenclaïlre  et  de  madame  Blanche.  F**  12S. 

P.  188,  I.  12  et  13  :  à  Londres.  —  Mt.  £  6  :  au  quay  sur  le 
Tamis».  F°  124. 

5  91.  P.  188,  1.  29  :  souverain.  —  Ms.  de  Rome:  car  il  avmt 
entendu  que  li  rois  ses  adversaires  estoit  retrais  en  Engleterre.  Et 
fist  li  rois  de  France  moult  fort  garder  la  mer,  car  il  voloit  don- 
•jieret  mettre  empecement  sus  le  retour  dou  roi  d'Engleterre.  Et 
se  rafresqissoient  chil  e&qumeur  de  mer  normant,  geneuois  et 
piqart,  qant  il  voloient,  une  fois  à  Calais,  l'autre  à  Wban,  et 
puis  à  Boulogne,  auCrotoi,  à  Saint  Walleri ,  à  Dièpe,  à  MarQues, 
et  là  partout  où  il  voloient,  F"  81  v°  et  52. 

P.189, 1.3  :  là  environ. —,^j.ff6:Etalèrent  ung  jo'ur  courir 
en  Engleterre  et  prirent  [terre]  ou  havre  de  Hantone ,  et  furent 
seigneurs  de  ta  ville  ung  jour,  et  le  coururent  toute  et  ardirent  ; 
et  ochîrcnt  grant  fuison  d'ommes  et  de  femmes  et  d'enfans ,  et 
puis  se  retrairent  en  la  mer,  F°  122.  —  Ms.  de  Rome  :  devant 
Plumude,  Wesmude,  Dardemude.  Et  ne  lor  aloit  encores  nuls  au 
devant,  mais  on  gardoit  par  tout  les  pors  et  les  havenes  d'Engle- 
terre. Et  ardirent  chU  esqumeur  en  l'ille  de  Wisque.  F"  52. 

P.  189,  I.  4  :  li  Englès.  —  Ms.  d'Amiens  :  une  heure  per- 
doient,  et  l'autre  gaegnoiant.  En  ce  meysme  temps,  rapassèrent  le 
mer  en^Escoce  li  comtes  de  Moret  et  messires  GuUlaumes  de  Dou- 
glas, pour  tant  qu'il  savoient  que  li  roys  englès  estoit  râpasses. 
Se  ne  savoient  qu'il  aw>ient  enpensset.  Et  passèrent  avoecq  yaux 
deus  cens  compaignons  franchoix,  pour  querre  lez  aventures  et 
par  le  congiet  dou  rcy  de  France,  de  quoy  li  sires  d'Aubegny  et 
messires  EmouU  'd'Andrchen  estcAent  cappittainne.  F'  37. 

P.  189,  I.  S  :  quarante  mille.  —  Ms.  B  6  :  soixante  mille. 
F»  122. 

P.  189,  I.  8  :  à  borl. — Ms.  de  Rome  :  et  amenèrent  les  lainnes 
à  Calais.  Là  estoit  lors  souverains  retours.  F'SÎ. 


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484  CHROMQUES  DE  J.  FIIOISSART.  [1340] 

P.  189.  1.  10  :  pillage.  —  Mi.  S  &  -.Et  firent  moult  de  des- 
tourbiez  à  marchans  allans  et  venans  en  Flandres.  F*  122. 

P.  189,  1.  15  :  Normans.  —  Mti.  ^  11  à  14  :  et  fiil  ponse 
par  les  Normans,  Picars  et  Espa^ols  :  dont  les  François  fireot  de- 
puis assez  de  parlement.  F°  47. 

P.  189,  1.  13  :  à  bort.  —  Mr.  ^  24  :  à  mort.  F»  S9  v". 
P.  1S9,  I.  IS  :  Encores.  —  Ws.  de  Rome  :  Qant  li  cevalier, 
voisin  à  celle  Tierasse ,  sceurent  et  entendirent  que  ces  gens 
d'armes  englois  et  alemans  estoient  retrait ,  tels  que  li  sires  de 
Couchi,  li  sires  de  Vervins,  li  visdames  de  Caalons,  li  sires  de 
Presegni,  li  sires  de  Lore,  li  sires  de  Qari,  li  sires  de  la  Bove, 
li  sires  de  Loques ,  et  chil  liquel  avoient  eu  lors  villes  arses  dee 
Englois  et  des  Alemans  ;  et  messires  Jehans  de  Hainau  avoit  aussi 
esté  en  auquues  de  ces  cevauchies,  il  nen  s'en  pooit  escuser  De 
voloit,  car  il  li  couvenoîl  servir  le  roi  d'Engteterre ,  puis  que  il 
prendoit  ses  deniers  :  ces  gens  d'armes  fissent  lor  quelloite  de 
compagnons ,  et  tant  que  il  furent  anriron  mille  armeures  de 
fier.  Et  plus  en  euissent  eu ,  se  il  vosissent  ;  mais  il  lor  sambla 
que  il  estoient  gens  assés ,  pour  brisier  la  terre  mesire  Jehan 
de  Hainau.  Li  sires  de  Couchi  i  envoia  auquns  de  ses  bon- 
mes,  mais  il  n'i  volt  point  estre  pour  une  ù  petite  contreven- 
gance. 

Ces  gens  d'armes  fissent  lor  assamblt^e  secrètement,  et  pas- 
sèrent de  nuit  les  bos  que -on  dist  la  Tîeraesc;  et  vinrent,  sus  le 
point  de  solel  levant,  ou  sart  de  Chimai.  Les  bonnes  gens  n'es- 
toient  encores  de  riens  en  doubte,  et  ne  quidoient  point  comparer 
les  chevauchies  que  lors  aires,  messires  Jehans  d«  Hainnau,  avoit 
fait  en  France,  en  servant  le  roi  d'Engteterre  ;  mes  si  fissent.  Car, 
qant  il  orent  passé  les  bois  de  Tierasse  etla  haie  de  Cimaï,  il 
entrèrent  on  plain  pais,  et  s'en  vinrent  courir  devant  Chimai. 
Tantos  la  ville  fu  esfraée.  Si  cloirent  les  bonnes  gens  lors  portes, 
et  montèrent  as  desfenses.  Pour  le  temps  d'adonc,  les  Murbours 
de  Cernai  estoient  grant  ;  et  moult  de  rices  gens  et  de  grans  nou- 
reqiers  i  demoroient  :  il  furent  pris  en  fors  lis,  ewireus  quî  se 
peut  sauver.  Ces  gens  d'armes  françois  aquellièrent  grant  proie, 
tant  que  ens  es  fourbours  de  Cimai  que  ailleurs  environ  Chimai , 
ens  es  villages  de  là  priés  ;  et  levèrent  ce  jour  plus  de  douse  mille 
blances  bestes,  mille  jiors  et  cinq  cens  vaces  et  buefs,  car  c'est  une 
marce  moult  raemplie  de  bestail  et  de  aoureçons. 
Et  qant  il  orent  tout  levet  et  requelfiet  et  mis  ensamble,  il  con- 


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[1340]       VARIANTE  DU  PREMIER  LIVRE,  $  91.  48S 

meRcliièrent  ù  ardoir.  Et  premièrement  il  ardirent  tous  les  four- 
bours  de  diimai';  et  abatirent  les  moulins,  qui  lors  estoient  hors 
de  la  fremeté.  Et  coururent  tout  le  pais  de  eaviron ,  et  ardirent 
Virelle,  Lonqiret,  Vaus,  Bailleus,  Bourlers,  Forges,  Pos,  Villers, 
Biaurieu,  Saint  Rémi,  Sainte  Genevière,  Salles,  Ballèvres,  Wa- 
lers ,  Ebrètres  et  Montmegnies ,  et  toutes  les  villes  dou  sart  de 
Cbimai  ;  et  se  requcltièrent  à  Selongne.  Et  qant  il  s'en  départi- 
rent, il  boutèrent  le  feu  dedcns;  riens  n'i  ot  déporté.  Et  en  me- 
nèrent, avoecques  la  proie,  bîaucop  de  prisonniers,  que  depuis 
il  rançonnèrent  bien  et  acerles.  Ce  despît  et  contrevengance  fis- 
sent il  à  messire  Jehan  de  Hainnau ,  et  s'en  retournèrent  à  Au-  . 
benton.  Et  là  départirent  il  lor  butin,  et  puis  s'en  rata  çascuns 
en  son  lieu. 

Hessires  Jehans  de  Hainnau  se  tenoît  pour  lors  à  Mons  en 
Hainnau,  dalés  son  cousin  le  conte,  Qant  ces  nouvelles  li  vinrent 
qne  les  François  avoient  ars[e]  et  robée  toute  sa  terre  de  Chî- 
maî,  réservé  la  forterèce,  si  en  fu  durement  courouchiés,  et  à 
bonne  cause.  Et  en  parla  à  son  cousin  le  conte,  liquels  li  respondi 
et  consilla  que  son  damage  il  le  portast  au  plus  bellement  que  il 
peuist,  car  pour  lors  il  n'en  aueroit  autre  cose.  F"  52. 

P.  189,  1.  20  et  21  :  ennemb.  —  Ms.  i Amiens  :  telz  que  le 
duc  de  Braibant  et  monseigneur  Jehan  de  Haynnau.  F°  37.' 

P.  189,  1.  26  ;  de  Beaumont.  —  Jlfii.  A  1,  4,  S,  6,  H  à  14, 
20  à  ZS  :  à  monseigneur  de  Brennes.  F°  47  v*.  —  Mss.  A  %  ei 
3  t  au  conte  de  Brennes.  F*  49  v*. 

P.  189,  I.  28  :  de  Lore.  —  Mm.  ..4  7,  8,  9  :  à  monseigneur 
Jehan  et  à  monseigneur  Gerart  de  Lore.  F*  44  v*. 

P.  190,  1.  6  :  de  Oiymay.  —  Ms.  JAmieru  :  Uni  que  les  fla- 
maisses  en  volloient  en  le  ville.  Et  dont  chil  de  Chimay  furent 
moût  eSraet,  et  sonnèrent  leur  cloche*;  et  s'armèrent  vistement 
et  vinrent  as  portes  et  à  gharittes,  et  moustrèreni  bonne  vollenté 
de  yauz  deffendre.  Mes  li  Franchois  n'avoient  nul  talent  de  l'as- 
saillir; et  se  retournèrent  arrière,  quant  il  eurent  fet  leur  em- 
prise. F"  37. 

P.  190,  I.  14  :  se  retrabent.  —  9fi.  dAmieni  :  sans  dam- 
maige  et  sans  nul  encontre,  à  Vrevins  et  à  Aubenton.  F"  37.  — 
JUs.  de  KaUTuiennfs  :  jusques  à  Vreving  en  Therasse.  F"  84. 

P.l»0,I.17:enMons.— Jlfc.rf'^miew.-àVallenchiennes.F«37. 

1.  M*,  d»  foiraciennet  :  lenn  doquei.  F^  84- 


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4S6  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1340] 

P.  190,  1.  19  :  li  contes.  —  Ms.  £  6  :  Adonc  se  part;  le 
coDte  de  son  pais,  et  s'en  ala  en  Brabant.  Et  conta  au  duc,  saa 
grant  seigneur,  les  despis  que  les  Franchoîs  lity  ayoient  fait.  Le 
duc  luy  dist  :  «  Bieau  filz ,  quant  vous  volr&,  je  vous  presteray 
gens  assés  pour  voua  aydier  à  contrevengier.  »  Le  conte  dist  : 
■  Grant  merchy.  «  Et  tout  ensy  luy  dist  Jaques  de  Uartevelle 
que  le  duc  de  Brabant  avoit  fait.  F°  130. 

P.  190,  I.  20  :  de  lui.  —  Ms.  d'Amiens  ;  en  foy  et  en  houm- 
raage.  F"  37. 

P.  190,  1.  20  :  Nompourqoant.  —  Âfs,  il  Amiens  :  à  le  priière 
dou  comte,  li  sires  de  Biaumonl  s'en  soufiri  tant  que  à  cèle  fois, 
et  s'en  vint  à  Biaumont  et  puis  h  Chimay  reconforter  ses  gens,  et 
leur  proumist  bien  que  chils  fourfès  seroit  temprement  amendés. 
1*37. 

P.  190,  1.  43  ;  saudoiier.  —  Ms.  de  Borne  :  françoîs.  P"  52. 

P.  190,  1.  26  :  Relenghes.  —  3fs.  de  Rome  .-le  castelet  de  Re- 
lenghes.  P«S2. 

P.  190,  i.  29  :  le  Bastart,  —  Aft.  de  Rome  :  et  estoit  cheva- 
liers. F>  m. 

P.  191,  1,  1  :  vint  et  cinq.  —  Mi.  ttAmiens  :  environ  trente 
armures  de  fier.  P>  37  v*.  —  3£s.  de  Borne  :  quarante  com- 
pagnons. F"  92, 

P.  191,  1.  S  :  disent  bien.  —  Ms.  dJmteni  :  que  l'endemain 
il  revenroient  si  fort  qu'il  lez  aroient.  F*  37  v, 

■P.  191,  1.  8  :  le  nuit.  —  Ms.  B  6  :  quant  che  vint  à  minuit. 
F- 127. 

P.  191,  1.  9  :  contre.  —  Ms.  de  Fcdenciermes.:  une  telle 
bonne  ville.  F*  84  v*. 

P.  191,  1.  14  :  toursèrent.  —  Ms.  de  Faienciennes  :  et  prin- 
rent  leurs  baghes.  F"  84  v. 

P.  191,  1. 17  :  abatre.  —  Ms.  d Amiens  :  et  en  fissent  mener 
le  pière  à  Cambray.  F'  37  v". 

P.  191,  1.  19  :  vinrent.  —  Ms.  cCAmiens  :  k  Bouchain  oîi  il 
furent  requeilliet,  et  lendemain  à  Vallenchiennes.  F*  37  v*. 

P.  191,  1.  20  :  en  son  lieu.  —Mss.  ^  11  Â  14  :  Et  enà  ala  il 
de  la  maison  monseigneur  Jehan  de  Hainault  qui  en  fut  dure- 
ment courrouctë.  F"  47  v",  —  Ms.  de  Borne  :  Et  de  tous  ces  da- 
mages fu  enfounnés  mesires  Jehans  de  Hainnau,  et  les  porta  une 
espasse  au  plus  bellement  qu'il  pot,  ensi  que  il  fault  faire  à  le 
(bis.  F"  82  V. 


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[Ï3ftO]      VARIANTE  DU  PRBHIER  LIVRE,  S  M-  487 

S  9H-  Ce  paragn^he  eonunenee  ainsi  dans  le  nu.  B  6  :  Nous 
retovirnerons  à  aucunes  besongnes  et  incidenses  que  il  advinrent 
w  Haynau  cel  ivier  et  l'estet  ensievant,  entreus  que  le  roy  d'En- 
gleterre  estmt  eo  son  pays.  F°  iS5. 

P.  191,  I.  ÎS  :  de  Mauni.  —  Ms.iï J miens  :  a'Sehaa  et  Thieri 
de  Mauny,  ses  deux  autres  frères,  car  lî  roys  d'Engleterre  lî  avoît 
domiet  le  castiel  et  les  appendonces,  comme  vicaires  de  l'Emigré. 

p  32  yo. Mti.  ^  11  ^  14  :  et  certain  nombre  de  boDSCom- 

paingnons  aventureux  avecques  lui.  F»  VI  V. 

P.  192,  1.  5  ":  s'armèrent.  —  Ms.  d'Jmiens  ;  car  il  y  avoît 
layens  des  saudoiiers  franchoiset  autres.  P 32  v* — Ms.  de  Rome: 
Pour  ce  jour,  estoit  renforcbie  la  garnison  des  Cambrissîens,  si 
ques,  qant  il  veirent  ces  compagnons,  les  quels  il  nonmoient  les 
BaioBuiers,  qui  si  Tort  les  adaioient  et  herioient,  il  se  quellièrent 
et  se  trouvèrent  environ  deus  cens  armeures  de  fier.  Si  se  armè- 
rent et  montèrent  as  chevaus,  et  fissent  ouvrir  la  porte  c'<hi  dist 
Robert  et  avaler  le  pont,  et  se  missent  sus  les  camps.  F»  Sî  v». 

P.  192,  1.  11  :  j'one.  —  Mi.  de  Rome  :  baceler  gentilhonme 
et  chanonne  de  Cambrai.  P*  32  v*. 

P.  192,  1.  13  :  Gascons.  —  Ms.  d Amiens  :  et  conseil*  de 
l'evesque  de  Cambray,  F"  32  v*.  —  Ms.  B  6  :  neveu  de  l'eves- 
qne.  F*  126. 

P.  19»,  I.  14  :  Marchant.  —  Ms.  J  6  :  Rollans.  F"  126. 

P.  192,  1.  24  :  le  large.  —  Ms.  d  Amiens  :  fendi  le  large  et 
rompi  les  plattes  et  passa  l'auqueton.  F*  32  v, — Ms.  de  Rome  : 
percha  l'esqut  et  le  cote  de  fier  et  la  plate  d'achier.  F"  52  v*. 

P.  193,  1.  '3  :  cacièrent.  —  Ms.  de  Rome  .•  et  en  i  eut  des 
pris  et  des  retenus  jusques  à  neuf;  et  li  aultre  se  sauvèrent  et  se 
boutèrent  dedens  Thun  l'Evesque.  F*  82  v*. 

P.  193,  1.  12  :  ses  deus  frères.  —  Ms.  d'Amiens  :  Ces  nou- 
velles vinrent  ad  seigneur  de  Mauni  son  frère,  qui  trop  durement 
en  fil  courouchies,  mes  il  ne  le  peult  amender  tant  qu'adonc;  et 
ossi  fu  11  roys  d'Engleterre  et  y  envoya  ung  très  bon  chevalier 
englès,  qui  s'api»eIIoit  messires  Richars  de  Limosin,  qui  vaillam- 
ment tint  le  forterèce  puisedi.  F"  33.  —  Ms.  de  Rome  :  Si  doi 
frère  Jehans  et  Terris  tretiièrent  viers  ceuls  de  Cambrai  pour  ra- 
voir le  corps.  Il  furent  consillié  dou  renvoiier;  et  l'alèrent  re- 
querre  en  Cambrai  doi  frère  cordelier  de  Valenchiennes.  On  lor 

l.  Ut.  i*  FaUncUaut  :  couib.  P>  71  t». 


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4Sg  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1340] 

délivra.  Si  fu  li  corps  mis  sus  Un  kar  vesti  de  ncnr,  et  aportës  à 
Valenchiennes ,  et  ensepvelis  en  t'eglise  de  Saint  François,  et  là 
gist.  Eosi  vont  les  aventures  d'armes.  F*  S2  v". 

g  93.  P.  193,  I.  36  :  Vous  devés.  ~  Mj.  de  Home  :  Cbil  de 
la  garnison  de  Cambrai  procurèrent  tant  deviers  k  baiUieu  de 
Vermandob  que  il  orent  congiet  d'entrer  et  ardoir  en  Hainnaa. 
et  de  faire  bonne  gerre.  £t  avoient  proposet  ensi  li  Cambrisi«n 
que  H  Hainnuier  leur  avoient  fait  et  porté  plus  de  damages  que  li 
Englois  ne  Alemant  n'euissent;  et  s'esmervilloient  pourquoi  oa  ks 
deportoit  à  non  estre  en  la  gerre. 

El  fu  ce  rcmoustrë  au  consel  don  roi  de  France  que  li  contes 
de  Hainnau,  li  pères  et  li  fils,  avoient  tous  jours  fait  partie  à 
rencontre  don  roîaulme  de  Franche,  et  porté  à  lor  pooir  con- 
traire et  damage,  et  avoient  sousienu  tous  jours  convertement  les 
Englois  ;  et ,  se  il  euissent  abatu  otant  les  errederies ,  demandes, 
requestes,  calenges  et  oppiniMts  don  roi  d'Engleterre  que  il  les 
ont  eslevé,  de  la  gerre  n'euist  riens  esté;  et  estaient  tenu  en 
Hainnau  de  comparer  tous  ces  cas,  car  trop  bien  l'avoient  li 
Hainnuier  acquis.  Tant  fu  parlé,  proposé  et  remoustré  à  ren- 
contre dou  conte  de  Hainnau  et  de  son  pais,  sans  ce  que  li  dis 
contes  fust  mandés,  pour  olr  ses  escmances,  que  il  fu  acordé  et 
ordonné  que  li  compagnon  saudoîier  françois,  qui  en  la  chité 
de  Cambrai  se  tenoieni,  venroient  en  Hainnau  et  î  bouteraient  le 
feu,  et  conmenceroient  la  gerre,  car  il  ne  desiroient  aultre  case. 

Si  se  ordonnèrent  à  ce  faire,  et  issirent  de  la  cliité  de  Cambrai 
un  samedi,  par  nuit,  environ  soissante  lances.  Et  les  conduisaient 
mesires  Tiebauz  de  Moruel,  messires  Renauls  de  Trie,  mesires 
Drues  de  Roie  et  li  sires  de  Mellincourt.  Et  grant  gent  ne  lor 
couvenoit  point  pour  faire  lor  emprise ,  car  li  pals  de  Haionan 
n'estoit  en  nulle  doubte ,  ne  point  desfiies.  Et  vinrent  ces  gens 
d'armes  et  biau  cop  de  campagnons  de  piet  de  Cambrai,  environ 
deus  heures  en  la  nuit,  en  la  ville  de  Haspre,  laquelle  estoit  tout 
desfremée  et  est  encores;  et  prissent  les  gens  en  lors  lis.  Et. 
pour  esbahir  ceuls  de  la  ville,  il  fissent  bouter,  par  ces  bonmes 
de  piet  qui  les  sievoient,  en  cincq  ou  en  siïs  liens,  le  feu  en  la 
ville. 

Li  haros  et  li  cris  s'esleva.  Tantos  gens,  lionmes,  fenmes  et 
enfans  s'esfreèrent,  et  veirent  bien  que  il  estoient  atrapé;  et  que 
c'estoient  lor  voisin,  li  saudoiier  de  Cambrai,  qui  les  resvilloient. 


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[1340]       VARIA\TES  DU  PREMIER  LIVRE,  $  93.  489 

el  qui  ce  damage  lor  portoient.  Si  se  conmenchièreot  toutes  gens 
à  demuchier  et  à  fuir  chà  et  là.  Toutes  fois  il  en  i  eut  grant 
fnisson  de  pris  et  de  ocis,  et  eacores  en  i  euist  plus  eu,  se  il 
voûssent;  maïs  il  entendirent  au  pillier  la  ville,  et  à  rompre 
escrins,  et  à  cargier  cbaK  et  a)iarètes  et  chevaus  que  il  avoient 
fait  venir  avoecques  euls  ;  et  meismes  chil  de  piet  estoient  si  car- 
giet  de  draps  et  de  jeuiaus  que  plus  ne  pooient. 

En  l'église  de  Haspre,  on  aoure  de  saint  Ac|iiire ,  liquels  est 
uns  moult  crueuls  sains,  et  que  on  doit  resongnier;  et  dou  dit 
saint  if  ont  là  dedans  l'église,  qui  est  une  prouvost^,  et  gouvre- 
nëe  pKr  les  monnes  de  Saint  Vast  d'Arras.  Li  dis  provos ,  pour 
ces  jours,  n'i  esloit  point  ;  et  avoit  esté  si  avisés  que  la  fiertre  de 
saint  Aqaire  et  le  reliqaire  et  les  plus  rices  aoumemens  de  l'é- 
glise ,  il  avoit  fait  venir  et  amener  avoecques  li  à  Valenchiennes. 
Cela  ta  sauve  ;  aultrement  tout  euist  esté  perdu ,  car  la  ville  et 
l'abei»  et  tout  fu  si  netement  '  pilliet  et  robet  que  riens  n'i  de- 
roora,  dont  on  peuist  faire  argent,  et  la  ville  toute  arse,  et  les 
moulins  ars  et  abatus.  F*  S3. 

P.  194,  I.  S  :  li  sires  de  Villars.  -^  Mst.  ^  1  Â  S,  9  â  14,  30 
à  22  :  le  seigneur  de  riUiers.  P  48  V. 

P.  194,  1.  3  :  Maruel.— Jlfj.  de  Fakmiennes  i  Martel.  F^SS. 

P.  194,  I.  4  :  Cambray.  —  Ms.  B  B  :  et  de  la  cité  de  Cam- 
bray  messire  Mille  de  Mirepois,  le  Gallois  de  le  Baume,  savoiiens, 
et  le  sire  de  Vilters  et  de  Rousillon  et  ossy  messire  Ubau  de  Mo- 
ruel.  ¥*  128. 

P.  194,  1.  4  et  3  :  saud<nier. — Ms.  B  B  :  de  Cambray  et  chil 
dou  Castiel  en  Cambresis.  F*  37  v»,  —  JUs.  de  Faleneiennet  :  de 
Cambray  et  de  Cambresis.  F°  8S. 

P.  194,  1.  6  :  pour  pillier.  —  Ms.  B  6  :  pour  contrevengier 
les  despia  que  les  Hayniàers,  sy  comme  il  dtsoieat ,  leur  avoient 
fait  au  siège  de  Cambray.  F"  128. 

P.  194,  1.  7  :  evesques.  —  Mi,  B  6  :  En  che  tamps  estoîtious 
cob  à  Paris  delés  le  roy  de  Franche  le  evesque  de  Cambray,  qui 
rendoit  grant  paine  au  coosail  du  roy  que  on  peuist  de  Cambre- 
sis  courir  en  Ilaynau.  Et  se  complendoit  trop  amèrement  du  conte 
de  Haynau ,  et  disoit  que  c'estoit  lui ,  du  siège  estant  devant 
Cambray,  qui  pis  les  avoit  fait  et  porté  de  damaiges.  Encore  plus 
avant  il  disoit  que  tout  couvertement  le  conte  de  Haynau  estoit 
bons  englès,  car  il  avoit  esté  au  parlement  du  roy  d'Engleterre 
en  Brabant  et  Flandres ,  et  savoit  tout  leurs  secret,  et  avoit  en- 


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490  GH&ONIQUBS  DE  J.  FROISSART.  [13U>] 

cores  ^ant  alianches  as  Englei.  Tant  dist  et  tant  procura  et  tant 
esploita  che  dit  evesque  que  le  consail  du  roy  se  contourna  à  che 
que  on  fesîM  aucuns  despis  au  conte  de  Haynau,  non  nie  au  nom 
du  roy  de  Franche,  mais  soubz  ombre  du  duc  de  Normendie  qui 
estoit  bauls  de  Cambresb,  F*  129. 

P.  194,  I.  22  :  cinq  cens.  —  lUst.  .4  1  A  10,  IS  à  39  :  sit 
cens,  r*  48  V.  —  Mm.  jiH  à  ik:  sept  cens.  P  46  V. 

P.  194.  I.  22  et  23  :  wmedi.  —  Mt.  B  6  :  àfS  Brandons. 
F»  129. 

P.  194,  1.  26  :  vinrent.  — M*.  d'Amiens  :  de  nuit.  F*  37  y*. 

P.  19S,  1.  2  :  ardirent.  —  JUs.  dAmitm  :  et  violèrent  l'ab- 
beie*.  F-  37  V. 

P.  19S,  1.  4  :  prevosté.  —  lUss.  .^  1  à  6,  11  à  14,  20  â  29  : 
prioré.  F*  48  V. 

P.  19ï,  I.  13  :  vinrent,  —  Ms.  ifjmie/u:  environ  mienuit. 
F<  37  V«,  —  Ms.  de  Rame  :  dmt  plus  tost  c'on  pot,  à  cours  de 
chevaua.  F*  33. 

P.  195,  I.  14  :  se  donboit.  —  Ms.  de  Rome  .■  et  la  contesse. 
F*  53. 

P.  19S,  I.  18  :  Wercin,  —  Ms.  de  rateneiesmes  :  Vertiin. 
F"  85. 

P.  195,  1.  21  :  de  Floion.  —  Le  ms.  rf  Amiens  omet .-...  mon- 
sùgneur  Thieri  de  WaUecourt, . . .  le  signeur  de  Floicm;  et  il 
(tfMte  :...  ti  sires  de  Roisin,  li  sires  de  Gommegnies....,  li  sires 
de  Mastain,  li  ûres  de  Vendegies ,  li  sires  de  Hartain ,  li  ures 
de  Sars....,  li  sires  de  Berlaimont,  li  sires  de  Wargny,  li  sires 
de  Boussut.  F*  37  v*.  —  Le  mt,  de  Rome  omet  :  monseigneur 
Thieri  de  Wallecourt,  le  signeur  de  Potielles,  le  signeur  de 
Floion;  et  il  q/oute  :...  lî  sires  de  Wargni,...  li  sires  de  Gon- 
mefnies,  li  sires  de  Vertain.  F*  53. 

P.  195,  1.  27  :  Valencièies.  —  Ms.  d'Amiens  :  et  dist  à  chianx 
qui  le  bellefroit  gardoient  :  c  0  vous  maie  gent  qui  là  estes,  qui 
veés  le  dammaige  de  vos  voisins ,  pourquoy  ne  sonnéi  vous  II 
Gloce'?Si  s'emouverontetesvilleroutchil  de  la  ville,  ■  Alerequeste 
don  comte  fn  la  cloche  sonn^.  Lors  s'esvillîèrent  touttes  man- 
nierres  de  gens  et  s'armèrent,  et  s'en  vinrent  viera  le  marchiet. 


1.  Jfi.Jé  raltmimiut  .-  l'egU«e.  F"  8S. 

2.  lUJ.  :  t  pour  qnoy  nr  «onirn  too»  le  clocijDr?  Si  i'MTÎlIeronl 
ceux  de  la  TÎlle.  > 


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[1340]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  S  A*-  ^9* 

Mes  li  comtes  ne  vot  pas  aiendre  lez  darrains;  aîns  se  parti  et 
disl  :  €  Qui  m'aime,  se  me  sieuwècc.  »  F»  37  v*. 

P.  J93,  1.  29  :  sievirent.  —  Ms.  d Amiens  :  Et  li  prevos  pour 
le  temps  de  Vallenchîennes ,  qui  s'apelloit  Jehan  de  Hausû,  fist 
monter  et  ordonner  pluiseurs  de  chîaux  de  le  ville  et  sievir  le 
comte.  F"  37  V. 

P.  193, 1.  30  :  hors.  —  M*,  de  Rome  :  par  la  porte  cambri- 
nenne.  F*  S3. 

P.  19S,  I.  32  :  chevauciet.  —  Ms.  ttAmimt  ;  jusquez  à  Main, 
F*  37  T*.  —  Ms.  de  Rome  :  et  passa  F'>ntenelles  ;  et  droit  i  Mon- 
Ghiaus  nouvelles  li  vinrent.  F"  33. 

P.  106,  I.  1  :  lieuwe.  —  Ms.  J  ^  :  une  heure.  F"  46  v*. 

■p.  *96 ,  I.  ï  :  li  François.  —  Ms.  de  Rome  :  et  li  Cambris- 
sien.  F*  53. 

P.  196, 1.  2  :  retrait.  —  JKt,  dAmiera  :  vers  Cambray.  F»  87  v*. 

P.  f  96,  I.  3  :  rapaisier.  —  Mf.  dAmieni  :  et  li  dist  que  elle 
ne  quidoit  mies  que  ce  fuist  li  fês  dou  roy  de  Franche,  mes  de 
l'evesque  de  Cambray  et  de  chiauz  de  Cambresb  :  «  Si  vous  prî, 
biaux  fllz,  ainchois  que  vous  esmouvés  nulle  gherre  contre  le  roy 
de  Franche  vostre  oncle ,  que  vous  vos  voeilh^  aviser  et  avoir 
bon  consseil,  cor  trop  vous  poroil  couster  et  à  vostre  pays  ossi.  » 
P"  37  V*. 

P.  196,  I.  14  :  une  espasse.  ^  Mt.  de  Home  :  environ  une 
heure.  F*  S3. 

P.  196, 1.  17  :  lettres  escrire.  —  Âfs.  de  Borne  ;  il  mist  clercs 
et  messagiers  en  oevre.  F*  33. 

§94.  P.  197,1.12:  briefment.  —  j|f.r.  if^fflfemr.-Làeutavia  li 
comtes,  par  l'ordonnanche  de  son  oncle,  dou  senescal  de  Uajrn- 
nau,  de  monseigneur  Hetu-y  d'Antoing  et  d'aucuns  chevaliers  qui 
là  estoient ,  que  il  assignast  ung  parlement  à  estre  à  Mons  en 
Haynnaii;  et  que  là  fuissent  tout  chil  de  son  pays,  qui  tailliet  y 
estoient  de  y  estre,  baron,  abbet,  chevalier  et  coossaux  des  bon- 
nes villes.  Lettres  riu*enl  escriptes  et  seigneur  mandet.  Endemen- 
troes  li  comtes  de  Haynnau  s'en  ala  en  Braibant  compter  au  duc 
de  Braibant,  qui  fille  il  avolt,  quel  desplaisir  les  Fcanchois  li 
avoient  fait.  Se  li  respondi  li  dus  que  lui  et  ses  pays  estoient 
tout  appareilliet  pour  lui  aidier  à  contrevengier.  Encoires  che- 
vaucha li  comtes  plus  avant,  et  vint  à  Gand  ;  et  se  complaindi  à 
d'Artevelle  dou  despil  que  li  Franchois  li  avoient  fait.  Liquelx  li 


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49Î  CHRONIQUES  DE  J.   FROISSART.  [1340] 

r«spoDdi  que,  dou  despît  esloit  il  courouchiés,  mes  non  pas  que 
pour  ce  en  avant  il  seroit  avoecq  yaux  des  alou^s,  et  ti  dist  ; 
«  Comtes  de  Haynnau,  soués  tous  reixmfonés  que,  quant  tous 
VOTIEZ  bien  adcertes,  je  vous  menray  soixante  mil  Flammens  as 
coustages  de  Flandres,  là  où  vous  nous  manderés.  >  Et  li  comtes 
dist  :  «  Grant  mcrchis  1  » 

A  che  parlement,  qui  ordonnés  et  assignée  estoit  en  le  ville  de 
Hons,  furent  baron,  abbet,  chevalier  et  consseil  des  bonnes  vil- 
les dez  trois  pays  de  Haynnau,  de  Hollande  et  de  Zellande.  Kt 
là  remoustra  li  comtes  à  tous  le  despit  et  le  villonnie  que  U 
Franchois  li  avoient  fait;  et  pria  et  requîat  que  sour  ce  on  le 
conssillast  si  à  point  que  il  n'y  ewist  point  de  blamme  en  ses 
pays.  Là  ot  mainte  parolle  retournée  et  maint  proupos  aviset, 
car  li  sires  d'Enghien  et  li  sires  de  Barbenchon  et  li  sires  de  Li- 
gne voloient  que  li  comtes  envoyas!  deux  ou  troix  chevaliers  et 
deux  ou  trob  clercq  de  droit  de  son  pays  deviers  le  roi  de  Fran- 
die,  assavoir  de  certain  se  de  ceste  fourfaiture  li  rois  se  voroît 
point  excuser,  ne  amender  le  fourfet.  Mes  cbilz  conssaux  ne  chîlz 
avis  ne  peut  oncque  estre  oys,  car  li  ûres  de  Biaumont,  qui  le 
plus  grans  i  estoit  de  trop  apriès  le  comte,  brisoit  tout  et  disoit  : 
«  Ne  plaise  jà  à  Dieu  que  nous  nos  abaissons  de  tant  que,  sus 
deus  grans  despis  que  on  a  fait  en  nostre  pays  de  Haynnau, 
nous  requérons  nul  moUen.  Nous  sommes  gens  assés  pour  nous 
c«H)trevengier  ;  et  si  poons  entrer  el  royanmme,  de  quel  lés  qu'il 
noos  plest.  ■  Là  estoit  li  comtes  qui  ooit  tous  ces  debas,  qui  plus 
s'enclinoit  à  le  gherre  que  à  le  pais,  car  li  arssins  de  le  terre  de 
Chimay  li  touchoit  moult  et  chilz  de  Haspre.  F*  38. 

P.  197,  I.  il  :  contrevengast.  —  JUs.  de  Jtome  :  Et  fii  dit  : 
■  Nulle  gerre  couverte  ne  vault  riens.  Messires  Jebans  de  Hain- 
nau  a  desfiiet  le  roi  de  France,  et  li  a  fait  gcrre  avoecques  le  roi 
d'Englelerre,  etausi  ferés  vous,  sire.  Vous  le  desfiierés,  et  nous 
tout  qui  sonmes  vostre  honme  ;  et  puis  li  ferons  bonne  gerre,  car 
nous  ne  volons  point  porter  ce  despit  paisieuvle.  »  P*  53  v*. 

P.  198,  1.  8  :  Crespia.  —  JUts.  ^  1  à  6,  8  à  10,  IS  à  17,  SO 
à  ii  :  Saint  Crespin.  F°  49  v°.  —  Mss.  ^  23  à  33  :  Thibault  de 
Crespin.  F«  89  v».  —  Wsi.  ^  11  à  14  :  Cr«spy.  F»  49  v". 

P.  198,  1.  11  :  dou  pays.  —  lUtf.  j^  11  à  14  :  des  trois  pais 
dessus  dicts.  F"  49  v°.  —  Ms.  S  Q  :  Et  sellèrent  tous  les  ba- 
rons de  la  conté  de  Haynau  et  tous  cheulx  qui  rien  ne  tencùent 
du  roy  de  Franche.  Et  renvoièrent  leur  hommages,  excepte  le 


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[1340]       VARIANTES  DU  PREMIER  LIVRE,  g  9S.  493 

sire  de  Naste.  Cheluy  se  party  de  eulx,  et  ne  veult  oncques  def- 
fiier  le  roy  de  Franche.  De  quoy  le  conte  saisy  toutes  ses  terres 
de  Haynau,  ne  oncques  de  puis  ne  luy  volt  rendre.  F»  131. 

P.  198,  I.  17  :  n'en  fist.  —  Ms.  £  6  :  que  rire.  F»  13t. 

P.  198,  1.  20  :  son  pays.  ~  Ms.  £  6  :  Le  conte  de  Blois,  qui 
estoit  là  présent,  et  qui  teooit  grant  hiretaige  en  Haynau,  la 
terre  d'Avesne  et  de  Landrechie,  et  qui  cousins  germains  estoit 
an  conte  de  Haynau  deux  fois  de  père  et  de  mère,  renvoya  ses 
honunaiges  au  dit  conte  et  demoura  franchois  et  delés  le  roy 
Phelippe  son  oncle.  Cbe  fu  rayson,  car  il  estoit  ung  des  pers  de 
France.  F»  131. 

P.  19S,  1.  23  :  faites.  —  Ms.  iÀmient  :  Apriès  ces  deffianees 
faittes  dou  roy  de  Franche  et  l'abbet  de  Crespin  retournet,  il  ne 
denonra  nient  granunent  que  li  comtes  de  Haj'nnau  fist  son  man- 
dement et  semonse  de  tous  barons  chevaliers  et  hommes  de  fief, 
à  estre  à  Hons  en  Haynnau.  Ht  envoya  saisir  et  prendre  Avesnes 
et  Landrcchies,  qui  estoient  dou  comte  de  Blois,  ossi  le  castiel 
de  Sassoigne  *  i  et  y  nrfst  partout  garnison  pot^r  lui  et  ou  nom  de 
lui.  D'autre  part,  messires  Jehans  de  Haynnau  fist  se  aemonsce 
à  Rianmoot  et  là  environ,  et  eut  bien  trois  cens  lanches.  Adanc 
se  parti  li  comtes  de  le  ville  de  Mons  en  grant  arroy.  Et  fissent 
Il  marescal  et  li  offisciier,  qui  à  ce  estoient  ordonnet,  le  charroy 
aroutter,  et  prendre  le  chemin  de  Merbes'  le  Castiel,  pour  passer 
le  Sambre.  Et  passèrent  là  le  rivière,  et  s'en  vinrent  à  esptoit 
vers  Biaumont,  et  puis  vers  Chîmay  ;  car  c' estoit  leur  entente 
que  d'entrer  en  la  Tieraisse,  et  de  venir  à  Aubanton  et  en  le 
terre  le  seigneur  de  Vrevins  et  de  Bieumont,  qui  courut  avoit  le 
terre  de  Chimay.  El  passèrent  li  Haynuier  Fagne  et  les  bos  de 
Chimai,  et  se  hdiregièrent  ung  soir  à  Chimay  et  là  environ  ;  et 
l'endemain  s'aroutèrent  deviers  Aubenton.  F°  3S. 

P.  198,  1.  26  :  Flandres,  —  I^s  mss.  .^  IS  à  17  ajoaieni  :  et 
en  Zellande  et  Hollande.  F°  M  V. 

P.  198,  1.  32  :  Vrevins.  —  JKf.  de  Borne  :  et  de  mesire  Je- 
han de  Beumont  qui  avoient  ars  la  terre  de  Chimai.  F?  53  V*.— 
Aftj.    ^  H  li  ik:  la  terre  du  seigneur  de  Brenne.  F'  49  v", 

g  9tt.  P.  199,  I.  S  :  palis.  —  Ms.  dJmieiu  :  et  de  peds 
fossés.  F"  38  V. 


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b94  CHRONIQUES  DE  J.  FAOISSAUT.  [IMO] 

P.  199,1. 11  :  deCh^ons. — Ms.  BG  :  ung  moult  vaillant  che- 
valier et  ses  deus  filz,  joaes  escuiers,  et  le  sire  de  Vrevîn.  F*  13Z. 

P.  199,  1.  11  :  de  Beaumont.  —  Le  nu.  de  Bûme  ajoate  :  au 
signenr  de  Craaié.  F°  S3  v*. 

P.  199,  1.  14  :  trou  cens.  —  Ms.  J  6  :  Là  avoît  bien  cinq 
cens  lances  de  Brabant  que  le  duc  y  avoit  envoiet  pour  conforter 
ioa  fili.  Sy  firent  ces  gens  d'anaes  trois  assauls  grans  de  gens 
tnen  estoffiis.  F-  131. 

P.  199,  1.  16  :  Hayuuiers.  —  Ms.  ^Âmient  •*  Non  pourquant 
il  disoient  et  asseuroient  bien  à  chiaux  de  le  ville  qu'il  la  deffen- 
deroient  bien  et  loyaument  ce  qu'il  poroient',  eosî  qu'il  fiaent; 
car  vraiment  il  s'en  acquitèreut  à  leur  pooir.  F*  38  V>. 

P.  199,  1.  31  ;  à  MuDs.  —  Ms.  de  Rnme  :  Li  contes  de  Hain- 
nau  fist  son  aisamblée  et  son  amas  de  gens  d'armes  à  Hdds  en 
Haûmau  ;  et  escripsi  et  pria  à  auquus  cbevxliers ,  en  Braibast  et 
en  Habehain,  que  il  le  vosissent  venir  veoir  et  servir,  pour  con- 
trevengier  les  despb  que  li  François  li  avaient  fait.  Pluisseurs 
chevaliers  vinrent  et  ne  se  vodreot  pas  esquser.  Et  par  espedal 
li  sires  de  Fauquemont,  qui  fu  moult  bacelereus,  vint  servir 
le  conte  à  deus  cens  armeures  de  fier,  li  sires  d'Augimont  à 
grant  gent,  li  sires  de  Mon^'ardin  et  moult  de  aultres ,  et  tant 
que  il  se  trouvèrent,  qant  il  furent  tout  assambie,  bien  diis  mOle 
armeures  de  fier.  Si  cargièrent  cbarS  ^t  charettes  de  pourveances 
et  d'artellerie,  de  tentes  et  de  très  et  de  ce  que  il  lor  besongnoit. 
Et  se  départirent  de  Mons  eu  Hainnau ,  et  cevauchièrent  viers 
Maiibuege  ;  et  esploitièrent  tant  que  il  passèrent  les  bos  de  la  Tie- 
rasse,  et  entrèrent  en  France.  Et  avdii'cqt  li  coureur,  qui  cevau- 
^ient  devant  à  destre  et  il  senestre,  Segni  le  Grant,  Segni  le  Petit, 
Harcellies,  Renierwès,  Maubert  Fontainnes  et  tout  le  plat  pais  de  là 
environ,  sans  nul  déport.  Et  s'en  vinrent  devant  Aubeuton,  et  l'en- 
vironnèrent tout  autour,  car  bien  estoient  getts  pour  ce  faire. 
F-  83  v"  et  34. 

P.  199, 1.  24  :  un  venredi.  —Ms.  J  Amiens  :  au  matin.P  38  V. 

P.  199,  I.  26  et  27  ;  draperie.  —  Ms.  de  Falenciennes  : 
grosse  ville  et  bien  drappicre>  F°  87  V. 

P.  300,  I.  9  :  aultre.  —  Ms.  d  Amiens  :  Quant  chil  de  dedens, 
chevalier  et  escuier,  veirent  le  convenant  dez  Haynuyers,  et  que 

ceulx. 


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[(340]       VARIAMTES  DU  PREMIER  LIVRE,  §  96.  49S 

en  trois  lieux  il  seroient  assailli,  il  se  partirent  ossî  en  trotx  lieux. 
F"38  V. 

P.  200,  1.  32  :  de  la  Bove.  —  Wt.  dAnOau  :  que  il  D'amoit 
mies  gramment ,  car  il  leur  estott  au  devapt  et  il  tî  avoient  ars 
se  terre  ;  si  desiroit  à  avoir  le  bataille  à  yaux ,  et  les  assailli  fie- 
remeat  et  durement.  A  l'autre  porte,  estoient  Alemant  et  Braibeu- 
çon,  dont  li  sires  de  Fauquemout  estoit  chiés.  Et  là  estoient  li  sires 
de  Lore  '  et  pluiseur  autre  qui  vassaument  se  defiendirent.  Li  fu 
tret,  lancbi^,  ferut  et  fet  mainte  apertise  d'armes.  Là  crioit  on  : 
s  Hajnnau  1  »  F»  38  v«. 

P.  300,  1.  32  :  Là  eut.  —  Ms.  de  Borne  ;  Si  ot  &  Âubenton, 
en  cinq  jours  que  li  Uainnuier  furent  là,  pluisseurs  assaus  et  es- 
uumucAS,  et  des  navras  et  blecîés  de  une  part  et  d'aultre.  Et  se 
portèrent  moult  vaiUanment  à  tous  les  assaus  li  chevalier  et  ea- 
quier  trançois  qui  dedens  estoient;  et  se  la  ville  d' Aubenton  eulst 
est^  Cremée  d'aultre  cose  que  de  palis ,  elle  n'euist  eu  point  de 
damage  ;  mais  contre  tant  de  bonnes  gens  d'armes  que  U  Hain- 
nuier  estoient,  mervelles  fut  conment  elle  se  peut  tant  tenir  que 
elle  fist.  F°  Sk. 

P.  201 ,1.8:  paveschiet.  —  Mi.  JAmletu  :  Là  en  y  «voit 
pluiseurs  eus  es  fossée  qui  montoient  et  rampoieni  contremont, 
large,  pavais  et  escus  sus  leurs  testes ,  et  haches  et  c»ignies  en 
leurs  mams,  pour  effondrer  les  palis.  F°  38  v>. 

P.  201,  I.  \\  :  de  fiiaufort.  —  Ms.  de  Rome  :  Entre  tes  as- 
saus qui  furent  fait  et  livret  à  Aubenton ,  il  en  i  ot  un  le  sa- 
medi que  on  dist  des  Brandons ,  m^V^uicot  ^rant  ;  et  i  furent 
moult  d'onmes  bleci^  de  ceuls  dedens  par  le  tret  des  arbalestres. 
Et  fu  ce  jour  Bauduias  de  Siaufort,  uns  esquiers  de  Hainnau  et  de 
la  terre  de  Btnch ,  moult  vaillans....  F*  Sk. 

S  06.  P.  201,  1.  19  :  AubentiH).— jtfn.^20  à  22  :  Aubettfu. 
F»80t». 

P.  202,  1.  6  :  moustier.  —  JUs.  d  Amiens  :  Et  là  eut  dure 
bataille  et  felenesse,  car  messiras  Jehans  de  Haynnau  y  vint 
très  bien  aootnpaignîot.  Et  là  furent  pris  li  sires  de  Lore  et  li 
sires  de  Vendoel  et  li  sires  de  Saint  Martin...,  Li  visdames  se 
sauva ,  car  il  monta  à  cheval  ;  et  osa  lisent  messires  Jebaoa  de 
Beumont  et  messires  Jehans  de  la  Bove  F°  38  V. 

1.  ail.  <U  raUMitnim  .■  Loi.  F»  87  f. 


DiqitizeabyG00»^lc 


iW  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1340] 

P.  303,  I.  6  :  de  Chaalons.  —  Ms.  de  Home  :  et  uns  siens 
fils^nes,  qui  fu  là  fais  clievaliers.  F°  S4  v°. 

P.  202.  1.  7  :  banières.  ^  Mi.  S  6  -.  Et  là  fist  le  vidâmes  de 
Chalon  ses  deux  &f  chevaliers.  F*  i32. 

P.  202,  1. 13  et  14  :  r&eacoa.  —  JUt.  S  6  :  tant  t<at  le  lutycHt, 
pour  ce  qu'il  &voit  ars  ses  terres.  F*  133. 

P.  202,  I.  IS  :  les  camps.  —  JUs.  B  6  :  prist  le  chemin  de 
Vervài ,  vint  à  soit  chastet. 

P.  202,  1.  18  :  Adonc.  —  Mt.  dAmiea*  :  Et  quant  li  sires 
de  Biaumont  entendi  que  si  ennemi  s'enfuioient,  chiaux  qu'il  dé- 
croît le  plus  à  avoir,  si  dist  :  <  A  chevalt  à  chevalt  ■  et  monta 
et  feri  chevaux  des  espérons  apriès,  e(  toultes  ses  gens  apriès. 
Itri,  et  chevaucha  et  cacha  sez  uinemis  jnsquex  es  portes  de  Vre- 
vins.  F°  38  v".  —  jtfj:  £  S  :  Entre  Aubenton  et  Vrevin  a  dtus 
liens  près.  Sy  vous  dy  que.  sur  le  chemin  de  Vervin,  avoit  plui- 
seurs  gens  d' Aubenton  ;  mais  tous  ceulx  qui  fureat  trouW  s&r 
les  chemins  eurent  dur  encontre,  car  les  Haynuiers  les  abatoient 
et  les  ochioient  sans  pité.  Sy  dura  ceste  chasse  jusques  as  portes 
de  Vervin.  Et  se  sauva  le  sire  de  Vervin  par  le  bonté  de  son 
coursier,  ne  oncques  ne  fu  rrtuns.  F°  1 33.  —  Mi.  de  Borne  : 
Tantos  messires  Jehans  de  Hainnau  demanda  son  coursier  ;  OD  li 
amena  dou  plus  tos  que  on  pot.  Qant  il  fu  montes,  il  dist  à  ses 
gens  :  «  Or  tos,  sievons  ce  chevaher  :  il  le  me  fault  à  avoir  mort 
ou  vif.  C'est  cils  qui  plus  a  porté  de  contraire  et  de  damage  à 
ma  terre  de  Cimai.  s  Donc  veissiés  chevaliers  et  esquiers  monter 
apertement  et  sievir  lor  signeur  et  sa  banière,  laquelle  messires 
Thiciis  de  Senselles  portok,  et  prissent  les  camps.  Li  sires  de 
Vrevins  estoit  bien  montés  et  sus  flour  de  coursier,  et  avmt  bien 
demi  lieue  d'avantage.  Ses  gens  le  eievoient  4  l'e^ron ,  que 
nûeuls,  mieuls.  Si  en  i  avoit  en  la  compagnie  des  mauls  montée. 
QUI  furent  rataint,  qui  ne  peurent  aler  avant.  Si  en  i  ot  des  mors 
et  des  pris  sus  le  chemin.  F*  t(4  v*. 

P.  202,  1.  38  :  troi.—  M*s.  ^  1  â  7,  11  ^  14.  18,  19,  23 
à  33  :  deux.  P*  80  v-. 

P.  203,  i.  11  :  deus  de  ses  nevaus.  —  Mi.  ^Âmieia  :  et 
mort  doi'  nouvel  chevalier,  seveult  au  visdamme,  et  li  tien 
prb.  F*  38  v».  —  Mm.  ^  1  d  22  :'  deux  de  ses  filz.  F"  SO  v«. 

1.  lit.  de  falenàainei  .'  Et  y  moururent  deux  de«  nouveaux  cbeva'~ 
li^,  nepvenx  au  viidamme,  et  le  ti«s  fu  prini.  V"  88. 


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[1340]       VARIANTES  DU  PREMIER  UVRE,  S  97.  497 

—  Mst.  .^  33  à  33  :  ses  deus  filz.  F°  6{ .  —  Mi.  £  6  :  et  ses 
deus  filz  ochb  et  plus  de  deux  cens  d'aatres.  P>  133.  —  Mt.  de 
Borne  :  le  visdame  deChaalons  pris  et  un  sieo  filjone  chevalier, 
et  deos  cxiis  et  moult  d'aultres.  P>  S4  v*. 

P.  203,  !■  16  '.  deux  cens.  —  Édit.  de  Verard  et  de  D.  Sau- 
çage  :  deux  mille.  —  Édii.  deD.  Sauvage  de  1SS9,  p.  S7. 

P.  303,  1.  16  :  le  ville.  —  Mt.  B  6  :  qui  estoit  grande  et 
grosse  et  bien  marchande  et  remplie-  de  drapperie.  P*  133  et 
134. 

P.  303,  I.  17  :  grans  avoirs.  —  JUs.  d^mieiu  ;  li  drap  et  les 
lainnes.  F»  38  \*. 

P.  203,  1.  19  :  arse.  ~  Ms.  d Amiem  :  de  cbief  en  cor,  que 
oncqoes  n'y  demoora  maison,  ne  une  seule,  que  toutie  ne  fiiist 
arst  F*  38  V*. 


S  87.  P.  303,  1.  22  et  33  :  Aubenton.— Jf/.  de  Borne  !  Enù 
avint  ce  jour  à  Aubenton.  La  viUe  fu  prise  par  b  manière  que 
je  vous  di,  et  toute  pillie  et  robëe  et  puis  arse.  Et  quant  li  Hain- 
nuier  orent  ensi  esptoidë,  il  s'en  départirent  et  s'en  retournèrent 
viers  Chimai,  et  là  demora  messires  Jefaans  de  Hainnau.  Li  ûres 
de  Fauquemont  et  li  sires  d'Augimont  s'en  alèrent  viers  Dîgnant. 
Et  li  contes  de  Hainnau  et  li  sires  d'Enghien  et  li  aultre  cheva- 
lier retournèrent  avoecques  le  conte  à  Mons.  F°  34  v°, 

P.  303,  1.  28  :  le  Petit.  —  Mr.  S  G  :  et  livra  au  chastel  ung 
assault.  Et  laiens  Bauduin  de  Beaufort,  ung  escuiers  d'onneur  et 
appert  homme  d'armes  durement,  eult  le  bras  rompus.  Et  le 
convint  depuis  chcvauchier  en  litière.  F*  134. 

P.  203,  1.  30  :  quarante.  —  Mtt.  ^  11  A  14  :  quarante  huit. 
F°  51 .  —  Mt.  d^mieiu  :  et  puis  s'en  retournèrent  en  Haynnau, 
le  charoi  tout  chargiet  de  draps,  dejeuiaux  et  d'autre  avoir. 
F»  39. 

P.  304,  1.  4  :  Mous.  —  Mt.  B  6  :  chergiés  pluiseurs  cars  de 
draps  et  jojaulz.  F*  134. 

P.  304 ,  1.  12  :  sa  guerre.  —  Mt.  dAmiem  :  pour  aquerre 
amis  à  tous  léz  et  pour  faire  une  bonne  gerre  et  forte  en  Franche, 
sus  l'estet  qui  proçainement  revenoit.  F*  39. 

P.  304,  I.  IS  :  plus  fors. — Mt.  de  Borne. -lA  contes  de  Hain- 
nau fu  consilliés  que  d'aler  en  Engleterre  et  remouatrer  au  roi 
son  serouge  ses  bcsongnes,  et  de  faire  aliauces  à  lui,  et  d'avoir 
conmanderoent  de  par  li,  coome  vicaires  à  l'Empereour,  que  H 
1—32 


;vGoo»^lc 


498  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [13»] 

n^eur  d'Alemagne ,  qui  tout  lî  dévoient  obéissance  et  qui  ser* 
vice  ti  avoient  fait  devant  Cambrai ,  fuissent  apparilliet  de  ai^o- 
le  dit  conte  à  pannaintenir  sa  gerre,  car  il  esB)it  en  très  bonne  et 
grande  volent^  de  gerriier  le  roiaume  de  France ,  sans  li  point 
refroidier.  Sus  ce  pourpos  et  consel  il  persévéra,  et  fiât  une  asam- 
b\ée  de  nobles  de  son  paîs  et  des  consauls  des  bonnes  villes,  à 
Hons  en  Hainnau.  Et  1&  institua  il  et  ordonna,  en  la  présence  de 
tous ,  messire  Jehan  de  Hainnau,  son  oncle,  à  estre  bauls  et  re- 
gars en  Hainnau  et  gouvrenères,  jnsques  à  tant  que  il  retourne- 
roit  ;  et  pria  à  tous  que  çasquns  vosist  obéir  à  lui  conme  à  soi 
meismes,  se  il  estoit  presens.  Tout  li  orent  en  couvenant  de  bonite 
volent^,  car  il  sentment  et  congnissoient  le  dît  messire  Jehan  de 
Hainnau  si  vaillant  et  si  prudent  que  il  ne  lor  requerroit  cose  qtû 
ne  lor  fust  raisonnable. 

Qant  li  jooes  contes  de  HainDaii  ot  ordonna  tontes  ses  besco- 
gnes,  et  pns  congiet  à  sa  dame  de  mère  et  à  la  contesse  sa 
fenroe,  il  parti  dou  Kesnoi  où  il  tenait  son  hostel  ;  et  Tint  à  Mous 
en  Hainnau ,  et  là  trouva  son  oncle.  Si  fu  encore»  un  jour  dalés 
li,  pour  nûeuls  estre  avisas  et  enfouîmes  de  ses  besongnes;  et 
puis  s'en  parti,  et  vint  à  Haie,  et  à  Brouselles.  Et  là  trouva  le 
duch  de  Braibant  qni  fiUe  il  avoit  à  fenme,  qui  U  fist  très  benne 
chière  ;  car  li  dus  l'amoit  de  tout  son  coer,  otant  que  nuls  de  ses 
enfans.  Li  contes  se  complaindi  à  lui  des  despis  et  damages  que  li 
François  li  avoient  fais  :  *  Aussi,  biaus  fils,  respondi  li  dus,  lor 
en  avës  vous  faitj  vous  vos  estes  contrevengiés.  La  cose  ne  de- 
morra  pas  en  ce  point ,  car  li  François  sont  grans  et  orguilleus, 
et  marcissent  à  vous.  Tous  les  jours  pueent  il  entrer  en  vostre 
pais  et  porter  damage  :  il  vous  en  fault  attendre  l'aventure.  Si 
TOUS  tieng  pour  bien  consillié  et  avise  de  ce  que  vous  fortffiiés  à 
rencontre  de  vostres  eimemis  ;  car  plus  grant  et  plus  fort  de  li, 
OD  doit  doubler.  Soiiés  tous  confortes  que  je  demorrai  dalés 
vous.  »  là  contes  respondi  et  dist  :  n  Grant  merchis  1  v 

Qant  li  contes  de  Hainnau  ot  esté  avoecques  le  duch  de  Brai- 
bant un  jour  et  plus,  et  li  ot  remoustré  toutes  ses  besongnes  et 
recargiea,  il  prîst  congiet  et  se  départi  de  li  et  de  Brousselles; 
et  se  mist  au  cemin,  et  vint  à  Gaind  veoir  sa  serour,  la  ràat 
d'Engleterre.  Se  li  remoustra  te  volage  que  il  avoit  empris  de 
faire,  d'aler  en.Engleterre.  La  roine  en  fu  grandement  contente, 
et  li  dist  que  il  faisoit  bien.  Si  escripsi  la  ditte  roine ,  par  son 
frère  le  coûte,  à  son  »gneur  le  roi  d'Engleterre.  Avoecques  tout 


;i-Goo»^lc 


[1340]      VâBIâNTES  du  PREMIER  LITRE,  g  98.  &99 

ce,  li  contes  de  Haînnan  parla  à  Jacquemon  d'Aitevelle,  qid  estoît 
pour  lors  en  la  cont^  de  Flandres  li  plus  grans  qui  1  liisti  et  li 
remoustra  toutes  ses  besougnes,  ensi  que  il  avait  fait  an  duch  de 
Braibaot,  son  grant  signeur.  Jaquèmes  d'ÂrtevelIe  i  entendi  de 
bon  coer,  et  dist  au  conte  ;  a  Sire,  tenës  vous  pour  tous  confor- 
tés que  li  pais  de  Flandres  vous  sera  ouvers  et  apparilliës  ;  et  dites 
an  râ  d'Angleterre,  vostre  biau  frère  et  mon  compère,  que  il  se 
délivre  de  mettre  à  point  et  ordonner  ses  besongnes  par  de  delà 
la  mer,  et  se  mète  au  retour  don  plus  tos  que  il  puet.  Car  li  re< 
venu  par  de^,  sus  la  fourme  et  estât  que  nous  estions,  et  que 
Dous,  les  Flamens,  les  Âlemans  et  li,  fumes  à'ziSoit,  nous  ferons 
une  très  belle  et  forte  gerre,  et  tant  que  il  nous  devera  bien  soua- 
fire  et  à  vous,  à  qui  on  a  feit  contraire  et  damage.  » 

li  contes  de  Haimiau  respondi  et  dist  :  ■  Jaquemart,  je  ne  li 
oublierai  riens  à  dire.  »  Àdonc  prist  il  congiet  et  se  départi  de 
la  roine,  sa  serour,  de  d'ÂrtevelIe  et  la  ville  de  Gant;  et  s'en  vint 
en  la  ville  d'Anvers,  et  trouva  sa  navie  toute  preste  et  ses  gens 
aussi.  Si  entra  en  son  vassiel,  et  cesquQs  de  ses  honmes  en  ceuls 
oà  fl  dévoient  entrer  par  ordeoance.  Si  se  desancrèrent  et  passè- 
rent le  havene  d'Anviers ,  et  entrèrent  dedens  la  mer,  et  single 
rent  viers  Engleterre  ;  et  orent  vent  à  volent^,  et  vinrent  à  Or- 
veUe.  P-  S4  V»  et  B5. 

P.  204,  1.  21  :  se  parti.  —  Mt.  ftÂmient  :  Assés-tost  apriès, 
se  départi  U  comtes  Gnillaummes  et  s'en  vint  deviers  l'Empereur 
qui  se  tenoit  à  Couloingne,  qui  le  rechupt  à  grant  joie;  et  ossi 
fist  madamme  Margberite,  soer  au  dit  comte,  et  femme  à  l'Em- 
pereur. F"  39. 

P.  204,  1.  35  :  parlerons.  —  M$.  £  6  :  du  duc  de  Normendie 
qui  mist  sus  une  grant  armée  pour  venir  en  Haynau,  en  instanche 
de  ardoir  tout  te  pais  et  asigier  Vallenchienne  et  contreven^er 
les  despis  que  les  Haynuyers  luy  avoient  fait  enterrasse.  F*  13S. 

%  98.  P.  205,  1.  S  :  quatre  chevaliers.  —  Mt.  dJndem  : 
Premièrement  li  comtes  de  Haynnau  ' ,  par  l'avis  de  messire 
Jehan  de  Haynnau  son  oncle,  mist  en  Vallenchiennes  quatre 
chevaliers.  F"  39. 

1.  Ui.  da  Valenciamet  :  Et  tûnehoii  qu'il  le  putiet  da  pavi,  il  or- 
donna et  garni  les  fors  et  le«  homiei  TÏllei.  Et  par  etpeoial  il  mïM 
monaeigneur  Jehan  de  Hajnnau,  ion  oncle,  alant  et  Tenant  par  le 
terre,  avec  quatre  cheralien.  P»  eS  t". 


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SOO  CHRONIQUES  DE  J.  FROISSART.  [1340] 

P.  205,  1.  8  :  Wargni.— Jlfw.  ^  U  à  ik  :  Jrfian  de  Wai^. 
P  31  V.— JlfM.  ^  1  à  6,  20  i  22  :  le  sire  deWaitaing.  P>51, 
—  Mit.  ^  23  à  29  ;  le  sire  de  Vergy.  P*  61  v». 

P.  205,  1.  8  :  li  sires  de  Gommegnies.  —  Msf.  ^  11  à  U  : 
Jehan  de  Gommegnies.  F"  51  v".  —  Ms.  itAmtem  :  le  seigoenr 
de  Hartaing.  F*  39. 

P.  205,  1.  H  :  Maubuege.  —  JUs.  ^Amiens  :  Apriès,  il  mist 
  Hauboege  monseigneur  Tieri  de  Walecourt,  marescal  de  H>;ih 
DBu,  et  cent  lances  '  de  bonnes  gens.  F°  39. 

P.  205,  1.  13  :  Kesnoi.  —  Ms.  ttAmiens  :  il  mist  au  Kesnoy 
le  seigneur  de  Fauquemont  à  cent  armures  de  fier.  F*  30. 

P.  205,  I.  17  :  Sassegnies.  —  Âttt.  A  H  à  Ik  :  Fassegores. 
F»  51  v'.~-Mu.A\8,  19  :  Sassegoies.  F»  S4.— Af«.  ^  20à  Sï: 
Sassoingne.  F*  82. 

P.  205,  1.  18  :  Avesnes.  —  Mt.  if  Amiens  :  le  seigneur  de 
Montegni  Saint  Christophle.  F"  39. 

P.  205,  1,  19  :  forterèces.  —  JKr.  ^Amiens  :  Apriès,  il  nùsl 
en  Thun  l'Evesque  monseigneur  Richart  de  Limozin,  ung  boa 
chevalier  englès,  et  avoecq  lui  le*  deux  frères  de  Hauni,  lehan 
et  Thîeri.  Apriès,  il  mist  ou  castiel  de  Rieutay  le  seigneur  de 
Remme*  et  le  seigneur  de  GuelesinV  Apriès,  il  mist  à  Condetsus 
Escaut  le  seigneur  de  Blicquî  et  le  seigneur  de  Buri,  et  les  autres 
forterèches  sus  les  frontières  de  Franche,  as  chevaliers  et  as  com- 
paignons  de  son  pays.  B  leur  pria  et  enjoindi  que  il  en  fuissent 
songneu»  et  pour  leur  honneur;  et  envoya  son  senescal  monsei- 
gneur Gerart  de  Werchln  en  son  castel  de  Werchin,  pour  faire 
frontière  sur  les  Cambresiens.  F°  30. 

1.  Ml.  Je  Falmdenaei  :  à  cent  honunei  d'armes.  T>>  gg. 


W  DU  TAaiUTH  D 


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ADDENDA. 


P.  3S4,  ajoutes:  P.  IJS,  1.  16  :  li  cardinaulz  Blans. — Msi.  A 
\\  h  \lk  :  le  cardinal  d'Albane. 

P.  Uk%,  ajoutez  :  P.  138,  l.  11  :  Eantùnrte.—  m.  ^Amiens: 
Tous  avez  bien  oy  compter  comneDt  lî  roys  de  Franche  avoït 
ans  te  mer  mis  et  estabU  Geneuois,  Nonnans  et  escumeurs  pour 
gerriier  les  Englès  qui  le  mer  volloient  passer  ou  repasser,  des- 
quels messires  Hues  Kierès,  Bahucès  et  Barbevaire  estoient  sou- 
verain. Si  se  tenoient  chil  sus  mer  et  estaient  souvent  devant 
Douvres  ou  Winnescesée  ou  en  la  Tamise  ou  devant  Mergate, 
et  faisment  moult  de  contraires  à  touttes  gens,  especîalment  as 
Englès  et  as  Flammens.  Avint  que  chil  escumeur,  qui  bien  es- 
toient trente  mille  Geneuois,  bidaus  et  Normans  et  Pickars,  vin- 
rent par  ung  dimenche  devant  Hantonne,  à  heure  de  messe  que 
les  gens  estoient  au  moustier.  Et  prisent  le  marée  si  à  point  que 
il  entrèrent  ou  havène  de  Hantonne,  et  furent  mestre  et  seigneur 
de  toutte  le  ville  et  des  gens,  et  le  prisent  et  robèrent;  et  moult 
de  bonnes  gens  y  tuèrent,  de  femmes  et  d'enfans,  dont  che  fu 
pit^.  Et  se  tinrent  là  tout  le  jour,  et  cfaargièrent  leurs  vaissiaux 
de  tout  ce  qu'il  trouvèrent.  Et  envoiièrent  ardoir  par  aucuns  de 
leurs  courreurs  aucuns  hammiaux  dallés  Hantonne  ;  de  qui^ 
tous  li  pays  fii  moult  effraés  et  esmeus,  et  en  vinrent  les  nou- 
velles à  Wincester  et  à  Sasldn'i  et  à  Gilleforde  et  jusques  à  Lon- 
dres. Lors  s'esmurent  touttes  mannîères  de  gens  et  vinrent  à  che- 
val au  plus  bastivement  qu'il  peurent  en  le  cont^  de  Hanthonne 
et  en  le  ville  ;  mes  il  trouvèrent  que  lî  Franchois  estoient  retret, 
qui  le  ville  avoient  toute  arse  et  reubëe  :  dont  il  furent  couroa- 
chiet  et  li  roys  de  France  tous  joiians,  et  dist  que  Barbevaîres 
et  li  sien  avoient  fait  ung  biel  exploit  à  che  caunuuenchement  sour 
les  Englès.  Che  fu  environ  le  Nostre-Damme  en  septembre,  l'an 
de  grasce  nul  CCCLXXYIH.  F"  31. 


;vGoo»^lc 


jjGooi^lc 


ERRATA. 


Englèi,  page  6,  ligne  23, 

coTuerr^,  p.  7,  I-  1, 

Valencliieiie*,  p.  7,  I.  13, 

avoeh,  p.  10,  I.  39. 

Valenchienei,  p.  31,  1.  13  et  13, 

aToiea,  p.  31,  1.  38, 

e,  p.  33,  ).  39, 

Valencienei,  p,  35,  1.  13, 

Engless»,  p.  58, 1.  4, 

Valenchienes,  p.  74, 1.  6,  7,  30, 

Valencienei,  p,  75,  1.  S8, 

A,  p.  89,  1.  10, 

çtL  mainte,  p.  95, 1.  18, 

Valencienes,  p.  121,  1.  I, 

Valcncienei,  p.  134, 1. 4,  9, 10,  S 

Valencieoes,  p.  135,  1.  16,  19,  34, 

nonme,  p.  319, 

noDinë,  p.  323, 

foin  ne  eslongien,  ne  leur  eitoit,  p.  243, 

HotebooTch,  p.  321,  an  bai  de  la  page, 
rmiana,  p.  359, 
eitant,  p.  406, 
d'Eiqnt,  p.  453, 
ce,  p.  456, 


Vilenchiène*. 

Valenchi^et. 

avoient. 

et. 

Valenciènei. 

englewei. 

Valenchîène*. 

Valeociène*. 

tamainte. 

Valenciène*. 

3,  37,   Valenciène*. 

Valenciènes. 


nonmë. 

fuiri   ne   eiloagiera  a 

lor  eitoit. 
[Berïich]. 

d'Etqant. 


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jjGooi^lc 


TABLE. 


battamanoM,  page  i  à  tnuxir. 

pBOLOeoB.  —  Smmuûre,  p.  cxkztii  i  cxui.  —  Ttxté,  p,  1  i  7.  ^  Ft- 

riaattt,  p.  309  à  313. 

CHAPITRE  I. 
G^aéralitës  sur  le*  dix^uit  premièrM  ann^a  du  i^gne  d'Edotuuil  II.— 

Sommaire,  p.  cxui  et  Ciuii, —  Tacle,  p.  11  i  lu,  —  FariaiUei,  p.  313 

à  330. 

CHAPITRE   n. 
Séjour  d'Itobelle  en  Frtmce  et  en  Hainaut.  —  SoKmalrt,  p.  cuiu  et 

CTLW,  —  rei/ï,  p.  15i37.  —  ^arJanrM,  p,  aaOà241. 

CHAPITRE   m. 

Déposition  d'Edouard  II  et  avénemeiit  d'Edouard  III.  ^  Sommaire, 

p.  cxuT  et  czLT.  —  Texlt,  p.  37  à  ^0.  —  yarUmtet,  p.  341  i  3SS. 

CHAPITHE  IV. 
Prëliminaires  de  la  première  campagne  d'Edouard  III  contre  tes  Écoi- 
laîi.  —  5ommairt,p.  cxi.t  i  oxltu.  —  Ttilt,p.  W  k  dl.~  farimutl, 
p.  3^)6  a  368. 

CHAPITRE  V. 

Praoiire  campagne  d'Edouard  UE  contre  le*  Écosmù».  —  Sommairi, 

p.  CU.TIIBCXLIZ.  —  Texii,  p.  51  à  74.  —  Fariantet,  p.  268  à  382. 

CHAPITRE  VI. 
Mari«ge  d'Edouard  III  arec  Pliiljppe  de  Hainaut.  —  Sommaire,  p.  cixiz 
et  CL.  —  Texte,  p,  74  i  77.  —  F'ariaaUt,  p.  283  à  388. 

CHAPITRE  VU. 

Mort  de  Robert  Bruce ,  roi  d'Écoue ,  et  exp^tion  de  Jacques  de  Dou- 

gla»  en  Eapagne.  Av^emenc  de  Darid  Bruce,  et  mariage  de  ce  prince 

avec  Jeanne,  kbut  du  roi  d'Angleterre.  —  Sommaire,  p,  eu  et  cui.  — 

TtxU,  p.  77  i  89.  —  farlaniei,  p.  288  i  395. 

CHAPITRE  VUI. 
Avènement  de  Philippe  de  Valois  au  tnlne  de  France,  et  TÎctoit»  de 
CbmcI  remporta  par  ce  prince  contre  lea  Flamand».  —  Sommaire, 
p.  CiLO  «  CX.TI.  —  TtMe,  p.  83  i  87.  —  ^«rioalw,  p.  395  à  303. 
33 


;vGoo»^lc 


CHAPITRE  IX. 
Ex^ution  du  comle  de  Kenl,  suivie  du  supplice  de  Roger  de  Hotti- 
mer  et  r^lusion  de  U  rebe  Uabelle,  mère  d'Edouard  IIl.  — Som- 
maire, p.  cLTi  et  cLTii.  —  Texte,  p.  87  à  90-  —  yariaatei,  p.  303 
à  305. 

CHAPITRE  X. 
Ambassade  envoya  eu  Angleterre  par  Philippe  de  VaJoi»  ;  voyage  d'É- 
dooard  III  en  France  et  entrevue  d'Amiens.  —  Samntain,  p.  cLTm  * 
CLX.  —  Tixli,  p.  90  à  96.  —  yariantea,  p.  306  et  307. 

CHAPITRE  XI. 
Nonveiie  ambattade  eovoyi'e  à  Londres  par  Philippe  de  Valois,  el  pres- 
tation de  foi  et  hommage  a  -     — 
—  Sommaire,  p.  eut  et  ta. 
p.  307. 

CHAPITRE  XH- 

Bannisicment  de  Robert  d'Artois  qui,  après  avoir  s^joun^  en  Rratxmt 

et  dans  le  marquisat  de  Namnr,  se  réfugie  en  Angleterre.  —  Sùm- 

maire,  p.  otM  à  cutT.  —  Texte,  p.  100  à  105.  —  Variantet,  p.  307  ■ 

316. 

CHAPITRE  Xin. 

Préliminaires  de  la  reprise  des  hostilités  entre  les  Anglais  et  tes  txxa- 

sais.  —  Sommaire,  p.  clxv  à  cxivin,  —  Texte,  p.  103  à  107.   —   f'- 

riantel,  p.  311  à  331. 

CHAPITRE   XIV. 
Guerre  d'Ecosse^  cuapagtie  de  1333  :  «i^e  et  prise  de  Brrwiek.  — 

Sommaire,  p.  CLXTIII  a  clxxti.  —  Texte,  p.  107  à  113.  —  rariaulrt, 

p.  331  ik  S'il. 

CHAPITRE  XV. 
Guerre  d'Ecosse;  compagnes  de  1334  à  1336  :  siège  et  prise  de  Ro^- 

bnrgh,  de  Dalkeith  et  de  Stirling.  —  Sommaire,  p.  cuxvi  à  ci.xxxl.— 

Tai;  p.  113  a  lU.  —  rertaaies,  p.  341  à  352. 

CHAPITRE  XVI. 
Voyage  de  Philippe  de  Valois  à  Avignon  et  préparatiA  d'une  croisade 
projetée  par  ce  prince.  —  Sommairt,  p.  ci,xxxi  à  cuuxm.  —  Ttiie, 
p.  IHà  118.— '^•irûnfH,  p.  353  à  357. 

CHAPIIRE  XVn. 
Edouard  1(1  envoie  des  ambassadeurs  sur  le  continent  char^  de  né- 
gocier une  aLiince  contre  la  France  nvec  le  comte  de  Hainaut,  le  dnc 
de  Brabant  et  les  seigneurs  des  marches  d'Allemagne.  —  Sommùirt, 
p.  CLXXXUi  à  Gxcni.  —  Texl»,  p.  118  à  136.  —  FariaiUet,  p.  357  i 


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CHAPITRE  XVin. 
Guerre  en  Gascogne  entre  les  Français  et  les  Anglais.  Si^ge  et  prise  de 
Saint-Hacaire,  de  Civrac  el  de  Blaje  par  les  Anglais.  —  Sonanairt, 
p,  cxcmicxcpt.  —  Varitmlet,  p.  377  à  388. 

CHAPITRE  XEÎ. 
Rérolte  des  Flamands  contre  leur  comte;  influence  de  Jacques  d'Arle- 
Teld.  —  Sommaire,  p,  cncH  à  coni.  —  Ttxle,  p.  136  à  129.  —  fa- 
rianiei,  p.  388  à  396. 

CHAPITRE  XX. 
ArrestatioD  el  exécution  de  Sohier  de  Courtrai  ;  mort  de  Guillaume  1°^, 
comte  de  Hainaut. — Sommaire,  p.  ccvii  à  ccix. — Texte,  p.  129  à  133. 
farianta,  f.  396  k  398. 

CHAPIXaE   XXI. 

Retour  des  eoTojés  auglais  dans  leur  pa^s;   prëparatlfs  de  gueire  et 

Change  de  diSi  entre  les  roiii  de  Frajice  et  d'Angleterre,  -r  Som- 

niaire,  p.  ocix  i  ccxui.  —  Texte,  p.  133  k  135.  —  fariarUei,  p.  400 

i409. 

CHAPITRE  XXn. 
Victoire  de  Càdsand  remporta  par  les  Anglais  sur  les  Flamands.  — 
Sommaire,  p.  ccxni  i  «cxt.  —  Texte,  p.  133  et  133,  135  à  138.  — 
Farianttt,  p.  398  jk  400,  409  â  411. 

CHAPITRE  XXIU. 
Voyage  d'Edouard  lU  à  AnTers  et  pourparlers  de  ce  prince  et  de  ses 
alliés.  —  Sommairt,  p.  ccxt  i  aoxx. — Texte,  p.  138  à  144. —  fariantei, 
p.  411  à  424. 

CHAPITRE  XXIV. 

Voyage*  et  séjour  de  David  Bruce,  roi  d'Ecosse,  en  France.— Sommaire, 

p.  conji  kaanm.— Texte,  p.  146  à  148.  — ^'arian/a,  p.  4S9  à  435. 

CHAPITRE  XXV. 
Institution  d'Edouard  III  en  qualité  de  vicaire  de  l'Empire.  —  Som- 
maire, p.  ccxxin  i  GCKXTi.  —  Texte,  p.  144  à  146,  148  à  151.  —  fa- 
riantei,  p.  434  à  429,  435  à  439. 

CHAPITRE  XXVI. 

Croisières  et  iocursions  des  Normands  sur  les  cfttes  d'Angleterre  ;  sac 

de  Southampton;  préparatifs  de  guerre  du  roi  de  FVanee ,  sur  terre 

el  sur  mer.  —  Sommaire,  p,  ocxKru  à.  caxxtx.  —  Texte,  p.  152  et  153, 

156  à  158.  —  yarianiei,  p.  439  et  440,  447  et  448. 

CHAPITRE   XXVII. 
Déclaration  de  guerre  et  ouverture  des  hostilités  entre  la  France  et 


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l'Angleterre  :  uieabiée»  de  Vilvorde  «  de  Maline»;  chevauchée  de 
Ganiier  de  Haunj  en  Cambréù»  et  pri»e  de  Thun-l'Év^que  par  1« 
Anglaii.—  Somaiaire,  p.  ccxxfx  à  ocxxxn.  —  Texta,  p.  152  à  156.— 
FariaaM,  p.  439  à  kkl. 

CHAPITRE  XXVm. 
Si^e  de  Cambrai  par  Edouard  III  et  ses  aUift.  —  Sommaire,  p.  ccxi^i 
i  ccxixT.  —  TexU,  p.  158  à  163.  —  farianlet,  p.  k<i%  à  455. 

CHAPITRE  XXIX. 

Chetauchée  de  l'aima  anglaiie  en  Vennandoii ,  en  Latuinois  et  en 

Thiérache  ;  âége  d'Honnecourt  et  prîie  de  Guise  par  Jean  de  Hai- 

nant;  sac  de  NouTion  par  les  Allemands.  —Sommalrt,  p.  couxt  à 

CCM.I.  —  Texte,  p.  163  à  ni.  —  yar'uutiei,  p.  454  i  467. 

CHAPimE   XXX. 
Préparatirg  d'nne  grande  bataille  à  Buironfosse,  luivia  de  la  retraite  det 
deux  armëei  anglaise  et  française.  —  Sommaire,  p.  ccjcti  à  ccxx.t.  — 
Texte,  p.  174  à  186.  —  Variante*,  p.  467  à  480. 

CHAPITRE  XXXI. 

Aïscmbl^ea  de  Bruxelle»  et  de  Gand  à  la  «nite  desquelles  Edouard  ID 

prend  le  titre  de  roi  de  France,  et  retour  de  ce  prince  en  Angleterre. 

—  Sommaire,  p.  coxtyi  et  (KXl.Tli.-^rei«,  p.  184  à  188.—  fariaalei, 
p.  480  à  483. 

CHAPITRE  XXXn. 
Cotirses  maritimes  des  Normands.  —  Hostilité  des  Français  contre 
Jean  de  Ilainaut  ;  incursions  dans  la  seignem-ie  de  Chimay;  prise  et 
destruction  du  châleau  de  Relenghes.  —  Escarmouche  entre  les  Fran- 
çais de  la  garnison  de  Cambra!  et  les  Anglais  ou  Hainujera  de  Thun- 
l'Eïêque;  mort  de  Gilles  de  Maonj.  —  Sommaire,  p.  ccu.Tii  à  ou.. 

—  Texte,  p.  188  à  193.  —  Variaiitet,  p.  483  4  488. 

CHAPITRE  XXXm.       ' 

Déclaration  de  guerre  et  ouverture  des  hostilités  entre  la  FVance  et  le 
Hainaul  ;  sac  d'Haspres  par  les  Français  et  d'Aubenton  par  les  Hii- 
nuyers  ;  départ  du  comte  de  Hainaut  pour  l'Anglelerre. 
p.  (M^L  à  CCLTI.  —  Texte,  p.  193  â  305.  —  fariantei,  p. 


ImpiÙMTie  ginénia  da  Cb.  Labnn,  ra»  dt  Flauw,  *,  k  Pun. 


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AxT.  14.  Le  conseil  désigne  les  ouvrages  à  publier,  et  choisit 
les  personnes  les  plus  capables  d'eo  préparer  et  d'en  suivre  la 
publication, 

11  noDune,  pour  chaque  ouvrage  à  puhlier,  un  Commissaire 
responsable,  chargé  d'en  surveiller  l'exécution. 

'Le  nom  de  l'éditeur  sera  placé  en  (ëte  de  chaque  volume. 

Aucun  volume  ne  pourra  paraître  sous  te  nom  de  la  Société 
sans  l'autorisation  du  Conseil,  et  s'il  n'est  accompagné  d'une  dé- 
claration du  Commissaire  responsable,  portant  que  le  travail  lui 
a  paru  mériter  d'Être  publié. 


Le  Commissaire  responsable  soussigné  déclare  que 
CÉdition  des  Chrohiqubs  de  J.  Fhoissabt,  préparée  par 
M.  SiHÉoiT  Ldce  ,  lui  a  paru  digne  (titre  publiée  par  la 
Sociiri  DK  l'Histoieb  db  Feance. 

Fait  à  Paris,  le  V  mai  1869. 

Signé  h.  DELISLE. 
CtriifU, 
Le  Secrétaire  de  la  Société  de  rHittoïre  de  France, 
i.  DE^OYERS. 


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