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DiqteMwGoOl^lC
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CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
DiqteMwGoOl^lC
IHPRIltRHIE GÉNÊIULE DE CB. LAEORS
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CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
DiqteMwGoOl^lC
IMPEIXERIE (^NÉRALE DE CH. LAHDRK
Sua da tltant, », à Puti
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CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
PVBUËBS POUR LA SOCIËTË DE L'hISTORB DB FKANCE
PAR SIHÉON LUCE
TOME PREMIER
1307-1340.
fDsrms L'AvinxHBirr d'édouabd ti JtrsQo'AO Biice di touisà.1)
A PARIS
CHEZ H" V ICLES RENOVABD
UBIUŒE DE U SOdËTË OB L'OSTOIRE DB FBANCB
IDE M TOBUm, R* 8
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IMPRIMEIIIE GÉNËR&LE DE CH. UHORB
loB d» nemrvi, », k p*rU
D,qit,zeabvG00»^lc
CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
PUBLIÉES PWR LA SOCIÉTÉ DE l'eISTOIRB DE FRANCK
PAR SIHÈON LUGE
TOHE PREMIER
1307-1340.
(pmrma i.\vimMEwt a'istofimt ii jusqu'au aios iw touikat)
A PARIS
CHEZ M" V JULES RENOUARD
UBBAIBE SE LA SOOËTÊ DE L'HtSTOIRB DE FRANCE
KDE Dl TaiTUM, n* 6
UDCCCLXIZ
DiqitizeabyG00»^lc
DiqteMwGoOl^lC
CHRONIQUES ^'^ „
J. FROISSART"
PUBLIÉES POUR LA SOCIËTË DE L'bISTOIRE DB FRANCE
PAR SIHÉON LUCE
TOME PREMIER
1307-1340.
(dETIIIS L'ATÉlBlOnT D'iDOUABD II IDBQU'aD tlÉGK DB tousuay]
CHEZ M" T' IULES RENOUARD
LIBRAIRE DB LA SOCIÉTB DB l'hiETOIRE DE FRANCE
iDi Dt TocKMir, n* 6
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jjGooi^lc
INTRODUCTION
AU PREMŒR IJVRE
DES CHRONIQUES
J. PROISSART.
DE L. IMPOBTANCE DES CHBONIQDES DE PROISSART ,
XT DD VLAR QUI * pïïtsiai KM aMMÀi, * dm inirio».
Froissart eat un monde. Au triple point de vue
historique, littéraire, philologique, on pourrait même
ajouter romanesque et poétique , le chroniqueur de
Valenciennes représente à peu près seul pour le
commun des lecteurs un siècle presque entier, et ce
siècle est le quatorzième, époque de transition et de
crise, de décomposition et d'enfantement où finit le
moyen âge, où commencent véritablement les temps
modernes. Froissart n'a pas borné ses récits au pays
qui Va. TU naître et dont la langue est la sienne : il
;vGoo»^lc
n CHRONIQUES DE J. FROISSART.
a raconté l'Angleterre aussi bien que la France, la
France de la Seine, de la Loire et de la Garonne
aussi bien que celle de TEscaut et de la Meuse, l'Es-
pagne et le Portugal aussi bien que l'Italie; son
œuvre intéresse à la fois, quoiqu'à des degrés divers,
toutes les nations qui jouaient au temps où il a vécu
un rôle plus ou moins marqué dans la civilisation
occidentale.
Au quatorzième siècle, les anciennes institutions
tombaient en ruines, et les institutions nouvelles n'a-
vaient pas encore eu le temps de s'asseoir : il ne
restait debout que des individus isolés par la féoda-
lité, exaltés par l'idéal chevaleresque. Froissart a
cédé à rinfluence de son temps, sans doute aussi à
celle de son propre génie, et il a fait aux individus
une part énorme dans ses récits. De là vient l'Impor-
tance exceptionnelle, incomparable de son œuvre au
point de vue de la géographie et de la biographie :
dans l'histoire de l'Europe, telle qu'il l'a comprise
et tracée, des milliers de &milles anciennes retrou-
vent leur propre histoire. Un pareil trésor est d'au-
tant plus précieux que la plupart de ces familles ap-
partiennent à la France et à l'Angleterre, c'est-à-dire
aux deux plus grandes nations dont s'honore l'hu-
manité depuis la race grecque, aux deux nations qui
ont fondé la liberté et l'égalité sur le travail. Très-
indifférent, il faut bien l'avouer, aux recherches no-
biliaires proprement dites, nous pensons que l'a-
mour des ancêtres, l'esprit de famille, le sentiment
d'étroite solidarité des générations qui se succèdent
est la source vive de toute vertu, la condition indis-
pensable de tout progrès durable. Aussi les Chroni-
ques de Froissart, considérées à ce point de vue.
;vGoo»^lc
INTRODUCTK»!. m
nous semblent-elles avoir un caractère particulière-
ment vénérable; nous y voyons ce que les Romains
auraient appelé un temple international, un panthéon
des dieux tares : il sied d'autant plus à la France
nouvelle d'honorer ces dieux qu'elle leur rend désor-
mais on Culte exempt de toute exclusion de caste
non moins que d'idolâtrie.
Autant l'œuvre de Froissart est importante, autant
il est difficile d'en donner une bonne édition. Les
Chroniques se divisent, comme on sait, en quatre
livres, qui forment autant d'ouvrages distincts, dont
chacun dépasse en étendue le plus grand nombre
des compositions historiques de l'antiquité et du
moyen âge. Ces livres sont tellement distincts que ,
dans le cas où le même manuscrit en contient plu-
sieurs, un éditeur des Chroniques a parfois besoin^
à notre avis du moins, d'étudier chacun d'eux à
part, en faisant abstraction de ceux qui le précèdent
ou le suivent. Personne n'ignore que le classement
préalable des manuscrits par familles est le fonde-
ment indispetisable de toute édition qui veut revêtir
im caractère scientifique, qui aspire k être quelque
peu solide et durable. Or, il peut arriver, il arrive
que danâ le même manuscrit tel livre appartient à
une famille, tel autre livre à une antre fiunille. H
convient alors de suivre la méthode de Jussieu; et,
sans tenir compte d'une juxtaposition purement ma-
térielle, il faut tâcher de démêler dans chaque livre,
Sous des apparences souvent trompeuses, les carac-
tères génériques, essentiels, afin de le classer dans
la famille à laquelle ces caractères le rattachent. Tel
est le travail que nous avons entrepris pour les ma-
nuscrits du premier livre des Chroniques et dont
;vGoo»^lc
tv CHRONIQUES DE J. FR01SSA.HT.
on trouvera le résultat consigné dans cette intro-
duction.
Il ne faut donc pas chercher ici des vues sur Veti-
semble de l'œuvre de Froissart; ce n'est pas le lieu
d'exposer ces vues, et d'ailleurs un volume y suffi-
rait à peine. Il ïi'y faut pas chercher davantage,
pour les motifs qu'on vient d'indiquer, un classe-
ment des manuscrits des quatre livres. A chaque
jour suffit sa peine. La prudence autant que la lo-
gique conseillait de suivre le précepte de notre Des-
cartes et de diviser les difficultés pour les mieux ré-
soudre.
Ce qui pourra sembler étrange, c'est qu'aucun des
éditeurs précédents, fort nombreux pourtant, n'avait
fiayé la voie où nous avons dû le premier nous en-
gager; et le classement que nous allons soumettre au
public se recommandera, à défaut d'autre mérite,
par son entière originalité et par sa nouveauté. C'est
à l'illustre Dacier que les érudits sont redevables du
travail le plus important qui ait été &dt jusqu'à ce
jour sur Froissart, au point de vue des sources; mais
ce travail est une simple description, non un classe-
ment de la plupart des manuscrits, de notre Biblio-
thèque impériale et d'un certain nombre de manu-
scrits étrangers'. Nous espérons compléter un jour
le tableau de Dacier et donner la description dé-
taillée, minutieuse et pour ainsi dire technique de
tous les manuscrits de Froissart, sans exception, ainsi
que la biblif^raphie des éditions des Chroniques qui
ont paru soit en France, soit dans les autres pays;
1. Bach<Hi l'a publia d'aprit l«« not«* d« Dicier, Chronijaet, éd. dn
Puitl>6>D, t. m, p. 376 i 394.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. t
comme nous avons à cœur de rendre ce travail aussi
complet que possible, il a semblé sage de le réser-
ver avec le glossaire et les tables pour la fin de notre
édition.
La tâche que nous nous proposons est autre et
plus restreinte : si l'on excepte quelques observa-
tions sur l'accentuation et la ponctuation qui ont un
caractère plus général, nous n'entretiendrons pour le
moment le lecteur que du premier livre. Distinguer
et caractériser les diverses rédactions de ce premier
livre, fixer, s'il est possible, sinon leur date précise,
du moins l'ordre chronologique dans lequel elles se
sont succédé , distribuer et grouper par familles na-
turelles les manuscrits qui appartiennent à chacune
de ces rédactions : tel est le but principal de l'intro-
duction qui va suivre.
Cette introduction se compose de trois parties
dont la première est consacrée au classement des
différentes rédactions et des divers manuscrits du
premier livre, la seconde à l'exposé du plan de l'édi-
tion, la troisième enfin à quelques aperçus sur la va-
leur tant historique que Uttéraire du premier livre et
sur le génie de Froissart.
^
jvGooi^lc
PREMIÈRE PARTIE
DU CLASSEKKRT I«8 VltriaSSTKi ntDACTIOVS ET DRS
DIVERS MAITIISGItlTS DD PBUIIBB UVHB.
On compte trois rédactions du premier livre des
Chroniques profondément distinctes les unes des au-
tres.
L'une de ces rédactions est celle que donnent tous
les manuscrits autres que ceux d'Amitus, de Valen-
ciennes et de Rome; elle est représentée par environ
cinquante exemplaires : c'est pourquoi, en attendant
que nous ayons essayé de prouver qu'elle est la
première eu date, nous l'appellerons provisoirement
la rédaction ordinaire.
Une autre rédaction que nous considérons comme
la seconde, s'est conservée seulement dans les deux
manuscrits d'Amiens et de Valenciennes ; nous la
désignerons jusqu'à nouvel ordre par le principal
manuscrit qui la représente et nous la nommerons
rédaction d'Amiens.
Enfin, une dernière rédaction, que tout le monde
s'accorde à regarder comme la troisième, ne subsiste
que dans le célèbre manuscrit de Rome.
Nous allons examiner successivement dans les
trois chapitres suivants chacune de ces rédactions.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. m
GHiPITRE I.
DS Là PKBMliRS H<DlCTIOIT.
^ 1 . Quelle est la première rédaction?
Froissait n'a pas pris soin de nous dire à quelle
époc[ue il a composé soit la rédaction ordinaire, stHt
celle d'Amiens : cela étant, la comparaison attentive
du contenu de ces deux rédactions peut seule nous
éclairer sur leur date respective. Si l'on examine à
ce point de vue toute la partie de la rédaction ordi-
naire antérieure à l'année 1373, on voit qu'il n'y
est fait mention d'aucun &it postérieur à cette date.
\jk mention la plus récente que l'on y puisse décou-
vrir se rapporte à la mort de Philippe de Hainaut',
la célèbre reine d'Angleterre, qui eut lieu le 1 5 août
1369. Il est vrai que l'on rencontre cette mention
dès les premiers chapitres ; d'oil il faut conclure que
la rédaction ordinaire, pour toute cette partie du
premier livre qui s'étend de 1325 à 1373, a été
composée après 1 369. Les règles de la critique ne
permettent pas, d'ailleurs, d'attribuer ce passage à
une interpolation, car on le retrouve dans tous les
manuscrits de la rédaction ordinaire proprement
dite qui ofirent un texte complet *. Si ce passage fait
1. Vojn p. 933 de ce volume. Quand on ne tnniTer* daiu le* notM
que l'indication de la page, celte indication te rapporte toajODn an
tome I de la présente édition.
3. Ce piMage manque dan* le c^Mire mannurit de :b«ilau et dans
1m manufcriti de la mime Tamille daignés A 33 à 29 dani dm Ta-
rianie*, paru qoe le teite du premier livre a ^té abr^ dani ce« ma-
;vGoo»^lc
Tiii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
délaut dans les manuscrits de la rédacLion ordinaire
révisa, c'est que, comme nous le verrons plus loin,
ces derniers manuscrits présentent pour le commen-
cement du premier livre une narration qui leur est
propre'.
La rédaction d'Amiens, au contraii'e, ne peut avoir
été composée qu'après 1 376, puisqu'il est question,
presque dès les premiers folios* des deux manuscrits
qui nous l'ont conservée, de la mort du prince de
Galles*, le fameux Prince Noir, qui arriva le 8 juiUet
de celte année. La supposition d'interpolation, outre
qu'elle est gratuite, ne serait pas plus admissible ici
que dans le cas précédent par la raison que le ma-
nuscrit d'Amiens, comme nous le montrerons dans
le chapitre II consacré à la seconde rédaction,
semble à certains indices avoir été copié servilement
sur on exemplaire d'écriture cursive assez illisible
et, sinon autographe, au moins original.
Il faut aussi prendre garde que Froissart, men-
tionné pour la première fois comme curé des Estin-
nes-au-Mont* dans un compte du receveur de Bînche
du 19 septembre 1373', ne prend la qualité de prêtre
dans le prologue d aucun des manuscrits de la rédac-
tion ordinaire*, tandis qu'il a grand soin de faire
1. Lei nunuicriu de U l^visiou ne deriennent lemblibtea aux aatrei
maniucriu de la rMaction ordinaire qu'à partir du ^ 11, depoii cet
mot* ; Si t'utglirent par mtr. Voyez p. 26.
3. Cette mention ae trouve au ^ 30 du mi. d'Amieni qui •« coin-
po*e de 208 foliot et an f> 4S du mi. de Valenciennei qui compte
193 folio*.
3. P. 3U.
4. Belgique, prar. Raîiuint, arr. Thain, cant. Binche, k 13 kil. de
&. La eeur tU Jaamu tl de ffenettlat, par H. Pinclitirt, p. flS.
6. P. 7 et 209 i 311.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. nt
suivre son nom de ce titre dans les deux manuscrits
d*Ainiens* et de Valenoiennes : cette circonstance
donne lieu de <»ttire que la rédaction ordinaire a été
composée avant 1373 et par conséquent entre 1369
et 1373.
Ces déductions, déjà légitimes par elles-mêmes,
n'aoquaraient-elles pas un degré d'évidence irrésis-
tible si l'état matériel des manuso-its de la rédaction
ordinaire venait les confirmer, en d'autres termes si
le texte des exemplaires les plus anciens, les plus au-
thentiques, les meilleurs de cette rédaction s'arrêtait
précisément entre 1369 et 1373? Or, cette supposi-
tion est la réalité même. Le premier livre se termine
entre ces deux dates, comme le § suivant l'exposera
plus en détail, dans les manuscrits de notre Bibliothè-
que impériale cotés 20356, 2655, 2641, 2642, ainsi
que dans le manuscrit n* i 31 de sir Thomas Philltpps,
qui représentent incontestablement les cinq plus an-
ciens exemplaires de la rédaction ordinaire que l'on
connaisse.
On est fondé à conclure de cet ensemble de foits
que la rédaction ordinaire a précédé celle d'Amiens :
aussi, désonnais, appellerons-nous l'une première
rédaction et l'autre seconde rédaction.
§ 2. De la formation successisie des diverses parties
de la première rédaction.
Un des caractères distinetifs de la première rédac-
tion, c'est qu'elle n'a pas été pour ainsi dire coulée
d'un seul jet ; on y distingue aisément des soudures
;vGoo»^lc
i
z CHRONIQUES DE J. FROISSART.
qui marquent comme des temps d'arrêt duis le tra-
vail de l'auteur. La composition de cette rédacCioa
paraît avoir traversé trois phases distinctes que nous
allons indiquer successivement.
Première phase. Le point de départ de toute re-
chrache sérieuse sur la formation successive des di-
verses parties de la première rédaction devra toujours
être le passage niivant de Froissart :
« Si ay tousjours à mon povoir justement enqnis
et demandé du Ëiit des guerres et des aventures qui
en sont avenues, et par especial depuis la grosse ba-
taille de Poitiers où le noble roy Jehan de FWnoe
fiit prins, car devant j'estoie encores jeune de sens
et d'aage. Et ce non obstant si emprins je assez har-
diement, moy yssu de TescoUe, à dittier et à rimer
les guerres dessus dites et porter en Angleterre le li-
vre tout compilé, si comme je le Bs. Et le presentaj
adonc à très haulte et très noble dame , dame Pbe-
lippe de Haynault, royne d'Angleterre, qui doulce-
ment et lieement le récent de moy et me iîst grant
proffit'. 9
Froissart dit quelque part qu'il était déjà en An-
gleterre en 1 361 *. Le livre que le jeune chroniqueur
présenta à la reine d'Angleterre devait donc contenir
le récit des événements arrivés depuis la bataille de
Poitiers, c'est-à-dire depuis 1356 jusqu'en 1359 ou
•1360. Ce livre n'a pas été retrouvé jusqu'à présent,
mais ce n'est pas une raison pour révoquer en doute
le témoignage si formel de Froissart. On remarque
1. Voj'ei p. 310 et cf. la note qui ae rapporte à ce pusage daa*
le sonuiiaire du prologue de la première inaction.
3. Chroniqutt dt FroUiari pubUëea par BuchoD, éA. du PanthÀin,
t. m, p. 333, col. 3.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. xi
d'ailleurs^ à partir de 1350, une solution de conti^
nuit^ tout à iàit frappante, une Téritable lacune dans
la trame du pr^ooier livre : n'est-il pas remarquable
que cette solution de continuité finit juste en 1356 ?
Une telle lacune^ comblée dans les manuscrits de la
première rédaction proprement dite à Faide d'un in-
sipide fiagment; n'indique-t-elle pas que la partie du
premier livre qui s'arrête à 1350 et celle qui com-
mence à 1356 étaient, malgré le raccord d'emprunt
qui les relie aujourd'hui^ primitivement distinctes?
Le livre que Froissart présenta à la reine d'Angle-
terre était-il écrit en vers ou en prose? M. Kervyn
de Lettenhove * a soutenu la première opinion ,
M. Paulin Paris' a adopté la seconde. La réponse à
cette question dépend surtout de la place respective
des deux mots rimer et dicter dans une phrase de
FroissfU't citée plus haut : s .... Si empris je assés
hardîement, moy issu de l'escole, à rimer et dit^r*
lez guerres dessus dictes.... » Comme la leçon : rimer
et dicter est fournie par 1 9 manuscrits qui appar-
tiennent à 7 Ëimilles différentes, tandis que la leçon :
dittier et rimer ne se trouve que dans 1 3 exemplaires
répartis entre 3 Ëunilles seulement, il semble, eu
bonne critique, que l'opinion de M. Paulin Paris est
plus probable que celle de M. Rervyn de Lettenhove.
Le livre offert à Philippe de Hainaut en 1361 , tel
est le point de départ, le grane qui nous rejHrésente-
I. Froînart, ÉtuJt lilUralrt taf U quatorxième liielt, par H. Kervj'n
de LettoiboTe, Iom« I*', p. &2 et S3. BrnzeUet, 1857, 2 vol. in-13.
3. NouftlUê reeherchti lur la pic dt Froitiart tt sur lui data dt la tom-
potition dt tet Ckrimi^ua, par M. P. Pam, p. Ik. ParU, 1860.
3. Le texie de cène denuère lefon est emprunta aa nu. de notre
ffibUothiqiM impAûle cot^ t655, f* 1 t*.
;vGoo»^lc
XII CHRONIQUES DE J. FROISSART.
rait, si nous le possédions, la phase initiale de la
composition du premier livre, et, par conséquent, de
l'œuvre entière de Froissart; c'est l'bumble source
qui, se grossissant sans cesse d'une foule d'affluents,
est devenue cet immense fleuve des chroniques.
Seconde phase. On a dit plus haut que le texte du
premier livre s'arrête entre 1 369 et \ 373 dans un
certain nombre d'exemplaires de la première rédac-
tion : c'est ce qui constitue la seconde phase de la
composition de cette rédaction. Les manuscrits doDt
il s'agit sont au nombre de cinq : quatre sont conser-
vés à notre Bibliothèque impériale sous les n" 20356,
2655 , 2641 et 2642 ; le cinquième appartient à sir
Thomas Phillipps, et il figure sous le n" \ 31 dans le
catalogue de la riche collection de cet amateur. Ces
manuscrits offrent un ensemble de caractères qui doit
les faire considérer comme les exemplaires les plus
anciens, les plus authentiques, les meilleurs delà
première rédaction : les règles de l'ancienne langue
y sont relativement mieux observées, les noms de
personne et de lieu moins défigurés que dans les
copies plus modernes. Le texte s'arrête à la prise
de la Roche-sur- Yon, en 1369, dans le ms. 20356
et à la reddition de la Rochelle, en 1 372, dans les
mss. 2655, 2641 , 2642, ainsi que dans le ms. 131
de sir Thomas Phillipps , à Cheltenham.
On pourrait ajouter à la liste qui précède le tome I
d'un manuscrit de notre Bibliothèque impériale, dont
il ne reste aujourd'hui que le tome H, coté 5006.
G)mme ce tome Q est reproduit textuellement dans
le tome II d'un autre exemplaire^ coté 20357, il y a
lieu de croire que le tome I, qui nous manque, se
retrouve également dans le tome I de cet autre exem-
;vGoo»^lc
INTBODUCTION. xiu
plaire, coté 20356. L'empreinte du dialecte wallon et
la distinction du cas sujet et du cas régime, qui sont
très-marquées dans le teste du ms. 5006, attestent
l'antiquité et l'authenticité exceptionnelles de cette
copie ; et le tome I, si par mallieur il n'était perdu,
nous o0rirait certainement le plus ancien exemplaire
de la première rédaction.
Enfin, le premier livre, dans le manuscrit de notre
Bibliothèque impériale coté 86, ainsi que dans le
célèbre exemplaire de la ville de Breslau, semble
aussi appartenir à la seconde phase de la deuxième
rédaction; car il est encore plus court que dans le
ms. 20356, et ne va pas au delà du siège de fiour-
deilles en 1369. 11 est vrai que les manuscrits 86 et
de Breslau sont relativement modernes et n'ont été
exécutés que pendant la seconde moitié du quin-
zième siècle; mais conmie ils appartiennent à des
bmilles différentes et ne dérivent l'un de l'autre en
aucune ùiqon, ils reproduisent sans doute un exem-
plaire beaucoup plus ancien qu'on devrait alors con-
sidérer comme le spécimen le moins étendu de la
jH^mière rédaction.
Tous les manuscrits qu'on vient de mentionner
sont d'ailleurs complets dans leur état actuel ; et s'ils
coupent le premier Uvre plus tôt que les autres exem-
plaires de la première rédaction , ils n'ont pourtant
subi aucune mutilation.
Quoique la coupure du premier livre soit toujours
placée entre les années 1369 et 1373, on aura re-
marcpié qu'elle ne s'arrête pas au même endroit dans
les divers manusorits indiqués plus haut ; elle est Hxée,
dans les mss. 86 et de Breslau, au siège de Bout-'
deilles; dans les mss. 5006 et 20356, à la prise de la
;vGoo»^lc
XIV CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Rochc-sur-Yon; enfin dans les mss. 2655, 2641, 2642
et 131 de sir Thomas Phillipps, à la reddition de la
Rochelle. Pendant le laps de temps qui s'est écoulé de
1 369 à 1 373, il est probable que Froissart a fait exécuter
plusieurs copies de son œuvre. Chacune de ces co-
pies a dû naturellement s'enrichir de ce que l'auteur
avait trouvé le moyen d'ajouter à Son récit dans l'in-
tervalle d'une copie à l'autre. Ne pourrait-on pas ex-
pliquer ainsi les diversités de coupure que nous
venons de signaler, diversités qui , d'après cette hy-
pothèse, correspondraient à autant de copies succes-
sives, et, par suite, à une rédaction de plus en plus
complète, de plus en plus avancée? Les scribes qui
ont exécuté ces copies avaient sans doute l'ordre de
transcrire tout ce que Froissart pourrait rédiger tandis
qu'ils accomplissaient leur besogne, et l'un d'eux a
accompli sa tâche avec une ponctualité si machinale,
que les mss. 2655, 264t, 2642 et 131 de sir Thomas
Phillipps se terminent par une phrase inachevée'. Il
est très -remarquable, comme Dacier en a fait l'ob-
servation*, que les mss. 2641 , 2642, 2655 et sans
doute* aussi le ms. 131 de sir Thomas Phillipps,
malgré leur ressemblance profonde, n'ont point été
copiés cependant les uns sur les autres : cela n'indi-
querait-il pas que, sinon ces manuscrits, dn moins
1. Lm dernier» mou sont dani lenu. 36S5et1«&u. 131di sirThomu
Phillipp» ; eijieroni encore à nuit, dans les ms», 2641 el 2642 : eiptnm
aicoTi, Cf. Chroiùifues dans Buclioa, ^d. du Panth^n, t. I, [i. G'l5.
3. Voyei let note» de Dacier sur Ips mu. de Prois«art coDKrT& à la
Biblioth^ue du Roi, dam Buclion, t. III, p. 3S4.
3- Je di» »BRS doute, car j'ai fait rxprè» en 1868 le voyage de Chri-
tenham pour étudier le m». 131, et le nallieur a touIq que »ir Thona»
Phillippi n'ait pu le retrouTer. C'est par H. Kervjn qae j'ai appri»
qoel» loiit lei dernier» mot» du ms. 131, et je reoonTelIe ioï publique-
ment AU célèbre émdit belge met remercïment».
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. xr
leurs prototypes, ont été exécutés par différents scri-
bes sur le texte original lui-même?
D'ailleurs, si la fin du premier livre a je ne sais quoi
d'écourté et d'un peu hàtif dans les exemplaires
dont il s'agit, il faut peut-être attribuer ce caractère
moins encore à l'impatience des grands seigneurs
pour lesquels les copies ont été faites qu'au besoin
pressant que devait éprouver l'auteur de recevoir une
rémunération légitime de son travail. N'oublions pas,
en effet, que la seconde phase de la composition de
la première rédaction correspond à une période de
la vie de Froissart où ce chroniqueur semble n'avoir
en, à défaut de patrimoine, d'autres moyens d'exis-
tence que le produit de sa plume. Le jeune protégé
de Philippe de Hainaut venait de perdre par suite de
la mort de la bonne reine d'Angleterre arrivée le
15 août 1369 la position de clerc qu'il occupait au-
près de cette princesse; il avait du revenir dans son
pays j sans doute pour y chercher les ressources as-
surées qu'il ne trouvait plus désormais au delà du dé-
troit. D'un autre côté, nous voyons par les comptes
du duché de Brabant ' qu'il n'était pas encore curé
des Estinnes-au-Mont en 1370; et peut-être ne fiit-il
pourvu de cet important bénéfice que l'année même
où il apparaît pour k première fois avec le titre de
curëj c'est-à-dire ea. 1373. Qui sait si des nécessités
plus ou moins impérieuses et le désir de se créer de
nouveaux titres à une position qui lui tint lieu de
celle dont il venait d'être privé par la mort de sa
1 . H. Pindiart, qni ■ publia de* extraits de c» compte», est le m-
Tut qui aura le plus bit en ce siècle pour la biograplûe positive de
FroisMUt. Vojez m brochure intitula : Va eour lU Jtaniu et Je Wencet-
Uu, p. 68.
;vGoo»^lc
ZTi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
protectrice^ qui sait, dis-je, si ces circonstances plus
ou moins difficUes ne sont pas venues se joindre
dans une certaine mesure à une vocation naturelle
pour stimuler te génie de Froissart?
Dans cette seconde phase, l'auteur des Chroniques
a dû plus ou moins remanier l'essai présenté jadis à
Philippe de Uainaut, et il a ajouté à son œuvre pri-
mitive, d'une part, le récit des événements depuis
1 325 jusqu'en 1 356, de l'autre, la narration des faits
survenus de 1359 ou 1360 à 1372. Il a puisé les
matériaux de la partie antérieure à 1 356 soit dans la
chronique de Jean le Bel soit dans ses propres ren-
seignements , tandis qu'il semble avoir composé la
partie postérieure à 1359 à peu près exclusivement
d'après ses informations personnelles.
Quand nous plaçons entre 1 369 et 1 373 la seconde
phase de la composition de la première rédaction,
est-ce à dire que l'auteur des Chroniques n'ait rien
écrit au point de vue historique de 1359 ou 1360 à
1369? Telle n'est pas notre pensée. Froissart, qui a
vécu pendant cet intervalle à la cour d'Angleterre
en qualité de clerc de la reine Philippe, avait à un
trop haut degré la passion de l'histoire pour ne
pas tirer parti d'une situation aussi favorable : il a
dû recueillir sans cesse des matériaux, prendre des
notes, eru^gistrer des feits et des dates. Ce rôle
d'historiographe était même inhérent aux fonctions
du jeune clerc, comme le prouvent les paroles sui-
vantes du maréchal d'Aquitaine venant annoncer à
Froissart en 1367 la naissance de l'en&nt qui fut
plus tard Richard II : « Froissart, escripsez et met-
tez en mémoire que madame la princesse est accou-
chée d'un beau fil qui est venu au monde au jour
;vGoo"»^lc
iPfraODUCTION. xnu
des Rois*. » Lors donc qu'on fixe de 1369 à 1373 la
seconde phase de la première rédaction, il faut en-
tendre seulement que la mise en œuvre définitive, la
composition proprement dite en un mot n'eut lieu
qu'à cette date.
On vient de dire que Froissart a puisé les maté-
riaux de la première rédaction , pour la partie anté-
rieure à 1356, dans la chronique de Jean le Bel. Le
prologue de cette rédaction contient les lignes sui-
vantes qu'on ne saurait trop méditer : « Je me
vueU fonder et ordonner sur les vraies croniques ja-
dis &ites et rassemblées par vénérable bomme et
discret monseigneur Jehan le fiel , chanoine de Saint
Lambert du Liège, qui grant cure et toute bonne
diligence mist en ceste matière et la continua tout
son vivant au plus justement qu'il pot, et moult
lui coosta à acquerre et à l'avoir. » Et plus loin :
« J'ay emprinse ceste histoire à poursuir sur
l'ordonnance et fondation devant dite. » Un autre
passage de ce même prologue nous apfn«nd que
Froissart avait raconté dans un premier essai histo-
rique les événements survenus depuis la bataille de
Poitiers; cet essai devait s'arrêter à 1361, puisque
nous savons que c'est l'année où il tîit présenté à la
reine Pbilippe; d'où il suit que le mot poursuir dans
la dernière phrase citée s'applique évidemment à la
continuation de cet essai jusqu'en 1369 ou 1372.
Quant à la partie antérieui^ à 1356, il est impossible
d'exprimer plus clairement que par ces mots : Je me
vueil fonder et ordonner j toutes les obligations que
1. Ckramijmt di froittart du* BnchoUv^dit. du Puithdon, t. III,
p. 369.
;vGoo»^lc
xvm - CHRONIQUES DE J. F&OISSART.
notre chtt>mqaeur recoanait devoir à Jean le Bel
pour cetl« première partie.
Des trois rédactions du premier livre la premi^
est certainement celle oà l'on trouve en général, de
1325 à 1356, le moins de développements originaux
et où l'on constate les emprunts les plus nombreux,
les plus serviles à la chronique du chanoine de Li^e.
Ces emprunts à Jean le Bel abondent tellement dans
la première rédaction qu'on a plus vite fiiit d'y rde-
ver ce qui est original que ce qui provient d'une
source étrangère.
Dans le présent volume, notamment, cette ré-
daction , si l'on ne tient pas compte d'une foule de
modifications de détail, n'offî^ guère d'autres addi-
tions un peu importantes et entièrement propres à
Froissart que les suivantes : entrevue du roi de France
Charles le Bel avec sa sœur Isabelle d'An§^eterre*; —
voyage d'Edouard IH en France et prestation d'hom-
mage de ce prince à Philippe de Valois*; — prépa-
ratifs d'une croisade projetée par le roi de France*;
— combat de Cadsand *; — divers incidents de la
chevauchée de Buironfosse : prise de Thun-1'Évéque
par Gautier de Mauny'; sac de Relenghes' et dUas-
pres' par les Français, d'Aubenton'parles Hainuyers.
Si Ton excepte ces additions, tout ce qui reste de la
[H-emière rédaction est puisé plus ou moins intégra-
lement dans la chronique de Jean le Bel.
Parfois même FVoissart a transcrit mot à mot le
texte du chanoine de Liège. On peut citer comme
1. P. 15etl7, SMrtaai. — 2. P. SOilOO. — 3. P. lU à 118.
— 4. P. 133 k 13S. — 5. P. 154 i IW. — S. P. 190 et 191. —
7. P. 194 i 1»6. — 8. P. 199 i 304.
;vGoo»^lc
mmoDUcnoN. uz
exemple Tadmirable réoit des ilemiers moments de
Robart Bruce, la plus belle page peut-être de ce
volume' : la foi qui a £iit les croisades n'a rien in-
spiré de plus simple, de plus ému, de plus naïve-
ment grand. Ni Villehardouin, ni Joinvllle n'ont
atteint cette hauteur d'éloquence où l'on sent passer
comme un souffle de la chanson de Roland. Mal-
heureusement pour Froissart, tout l'honneur de
cette page incomparable revient à Jean le Bel dont
le chroniqueur de Valenciennes s'est contenté de
reproduire le récit sans y rien changer. On en peut
dire autant du célèbre passage où l'élévation de
Jacques d'Arteveld* est racontée avec tant de malveil-
lance et de parti pris. Quel récit passionné, curieux
même dans ses erreurs et ses injustices I Comme il
respire bien l'étonnement, le dédain que dut éprou-
ver la fière aristocratie des bords de la Meuse pour
l'insolente tentative du chef des vilains de Flandre I
C'est qu'en effet le véritable auteur du récit dont
nous parlons n'est pas Froissart, mais le noble cha-
noine de Liège qui, n'allant à la messe qu'avec une
escorte d'honneur de seize ou vingt personnes*.
1. P. 77 à 79. Cf. Je*Q le Bel, Chroaiqua, éd. Polain, t. I,p. 79 i 81.
a. P. 126 à 129. Cf. Jean le Bel, t. I, p. 127 k 129.
8. Il liknt lira dans I. de Hetnricourt la description du trtdn de lie
iutueox que menait le chanoine grand leigneur: ■ .... Qli n'aLlait on-
kei les commoai jonrg délie «emaine aile eglize qu'ilh n'anist taoïe
ou Tingt p«r«onne« qnj' le condny «oient, tant de ses projme» corne de
te* majuje* «t d« cheaz qaj eitojent à ses drai. Et qoant o'ettoît
•t jours solempaei, chilz qujr estoyent à ses drai le Tenojent qaère
en son hoiteit et le mjnojent aile eglize. Sj avoit aoventfoi* aity
grutt rotte après iy com après l'evesque de Liège, car ilh aToît bln
chinquante ou de moins quarante pareinans qui tus demoroient al
dioeir deleis Ij---. > Uiroir dti noiUé de la Siubaj*, par Jacques de
HemriGourt, ^. de Salbraf, p. 158.
DiqitizeabyG00»^lc
XX CHAONIQUES DE J. FROISSART.
trouve bien impertinent cet Arteveld qui se fait ac-
compagner de soixante ou quatre-vingts valets I Deux
des récits les plus vantés de la première rédaction,
l'épisode des amours d'Edouard 111 et de la comtesse
de Salisbury, la narration du siège de Calais, sont
aussi à peu près littéralement empruntés au galant
et chevaleresque chanoine. On s'étonne moins de
ces emprunts quand on admet comme nous que la
rédaction où ils sont le plus fréquents et surtout le
plus serviles a précédé les autres.
Sous quelle influence a été composée la première
rédaction? Les dernières lignes du prologue four-
nissent la réponse à cette question : « .... à la prière
et requeste d'un mien chîer seigneur et maistre mon-
seigneur Robert de Namur, seigneur de Beaufort, à
qui je Tueil devoir amour et obéissance, et Dieu me
laist faire chose qui lui puisse plaire 1 * » Robert de
Namur figure dans deux autres passages de la pre-
mière rédaction. Froissart nous apprend que «c ce
gentil et vaillant chevalier, » neveu de Robert d'Ar-
tois dont il portait le nom, au retour d'une croisade
en Prusse et en Palestine, vint ofirir ses sarvices à
Edouard m pendant le siège de Calais en 1346'.
Nous retrouvons Robert de Namur dans les rangs
des Anglais en 1369 à cette chevauchée de Tour-
nebem où il joue un rôle si brillant et dont il a dû
fournir à notre chroniqueur les détails très-circon-
stanciés*. Robert, qui toucha jusqu'à la mort
d'Edouard III en 1377 une pension de trois cents
1. P. 211.
3. H«. 3655, f^ Mk. Cf. Froiiuit de Buclioii, éA. du Pantlifeii, 1. 1,
p. U9.
8. H(. 3655, r«3t3 et313. CS. FVouMit da Buchon, 1. 1, p. 593 i 595.
;vGoo»^lc
INTRODUCnON. xxi
livres sterling sur la cassette de ce prince, avait en-
core resserré les liens qui l'unissaient au parti an-
dais en se mariant par contrat du 3 février 1354 à
Elisabeth de Hainaut, sœur de la reine d'Angleterre.
Q n'est donc pas étonnant que le jeune clerc de
Philippe, revenu dans son pays après la mort de sa
bienËiitrice en 1369, ait trouvé des encouragements
auprès d'un personnage aussi chevaleresque et aussi
dévoué à la cause anglaise que Robert de Namur.
On a prétendu que Froissart n'est entré en rela-
tions avec Robert de Namur qu'après 1373, à l'oc-
casion du mariage de Marie de Namur, nièce de
Robert, avec Gui de Blois. La seule raison qu'on
donne, c'est que l'auteur du Joli buisson de Jonèce,
poëme composé le 30 novembre 1373', n'a pas
nommé Robert parmi ses protecteurs'. Quoiqu'il ne
£iille pas demander à une œuvre de poésie légère une
précision en quelque sorte statistique et que l'on
puisse signaler d'autres lacunes dans la liste du JoU
buisson, l'omission du nom de Robert de Namur a
néanmoins, on doit en convenir, quelque chose de
frappant et de caractéristique. Faut-il y voir un sim-
ple oubli analogue à celui qu'allait commettre Frois-
sart lorsqu'il dit :
Harot que fai? Je me bescoce;
J'ai oubliiet le roj d'Escoce
Et le bon conte de Du^lu *.
L'auteur de la rédaction dédiée à Robert de Na-
1. Bibl. imp., ms. fr. ooté 831, f 161 t*.
3. Étud$ tar frmtiaTi, p«r M. KenTD de Lettenhore, I. I, p. J
et 3^3, en note.
3. BiM. imp., nu. fr. n* 831, P> 157 v*.
;vGoo»^lc
xzn CHRONIQUES DE I. FROISSART.
mur aurait-il été peu satisfît de la récompense qu'il
reçut de son travail^ ou y avait -il alors quelque
brouille entre Robert et Gui, îe bon seigneur de
Beaumont, pour lequel le poëte du Joli buisson, dès
lors curé des Ëstînnes, témoigne cette déférence par-
ticulière que l'on rend à son maître et seigneur ? Il
serait téméraire de répondre à ces questions. Ce qui
est certain, c'est que, quoique la première rédaction
ait été composée à la requête de Robert de Namur,
le nom de ce seigneur a été omis ou plutôt supprimé
dans le prologue de tous les manuscrits revisés de
cette rédaction, suppression bien plus surprenante
que l'omission relevée dans le Buisson de Jonèce. Et
pourtant on ne peut contester que les manuscrits où
l'on trouve la révision ne soient postérieurs à ceux
qui ne la contiennent pas et où l'on voit figurer le
nom de Robert de Namur. A plus forte raison serait-
on mal fondé à tirer de l'omission de ce nom dans
tm poëme une conclusion contre la date que nous
avons assignée à ta première rédaction.
D'après l'opinion que nous cond)attons, Froissart
se serait attaché à Robert de Namur de 1 390 à 1 392,
et il faudrait reporter entre ces deux dates la rédac-
tion du premier livre, entreprise sous les auspices de
ce seigneur. Mais cette hypothèse est entièrement
gratuite, en opposition avec les faits les mieux éta-
blis et contraire à toute vraisemblance. Froissart dit
en termes formels dans le prologue du troisième livre,
composé précisément vers 1390, qu'il a pour maître
et seigneur Gui, comte de Blois : « Et pour ce je
sires Jehans Froissars, qui me sui ensoingnez et occu-
pez de dicter et escripre cesle hystoire à la reques^
et contemplacion de hault prince et renommé messtre
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. xxnt
Guy conte de Bloys, mon bon maistre et seigneur^..,,'»
Depuis le jour où notre cboniqueur^ devenji dès 1 373
curé des Ëstinnes, où Gui de Châtillon possédait un
fief dépeadant de la seigneurie de Chiinay, s'atta-
cha par un lien étroit à la fortune et même au ser-
vice de la maison de Blois, rien, absolument rien ne
fiiit supposai que la protection dont cette illustre
maison ne cessa de l'entourer se soit démentie un
seul instant. Au contraire, dans le prologue du qua-
trième livre, Froissart apparaît pour la première fois
investi d'un canonicat dont il était certainement re-
devable à la &veur du comte de Bloîs, seigneur de
Chimay. L'auteur des Chroniques s'intitule dans ce
prologue K presbiterien et chapelain à mon très cher
seigneur dessus nonuné (Gui de Blois) et pour le
temps de lors trésorier et chanoine de Chimaj^ et de
làlle en Flandres. » Un des plus récents biographes
de Froissart n'en a pas moins intitulé l'un des chapi-
tres de son livre : Froissart chez Robert de Namur*.
□ est vrai que l'on se borne dans ce chapitre à ra-
conter divers incidents des dernières années de la
vie de Robert mort le 18 août 1392, incidents qui
n'ont rien à démêler ni avec la personne ni avec ta
vie du chroniqueur : on n'y trouve pas un mot d'où
l'on puisse inférer que le chapelain de Gui de Blois
ait vécu, comme on le prétend, de 1 390 à 1 392, au-
près du pensionnaire, du partisan dévoué des Anglais.
Le caractère essentiel, le trait distinctif de cette
partie de la première rédaction qui s'arrête entre
1369 et 1373 et qui a été composée à la requête et
1. H«. de BeunçoD, t. U, f SOI-
2. Éttti/e litlSrain luy FroUiari, par M. Kerryn, t. I, ch. xn, p. S4S
1346.
;vGoo»^lc
XXIV CHRONIQCFES DE J. FROISSART.
SOUS les auspices de Robfflt de Namur, c'est que l'in-
fluence anglaise y est beaucoup plus marquée que
dans les autres rédactions du premier livre et méiae
que dans le reste des Chroniques. Sans doute, Frois-
sart est trop animé de l'esprit chevaleresque pour ne
pas rendre hommage à la générosité, à la bravoure,
à la grandeur, partout oit il les voit briller; il n'en
est pas moins vrai qu'à la complaisance avec la-
quelle il s'étend sur les événements où l'Angletore
a joué le beau rôle, à l'insistance qu'il met à Saire
ressortir les prouesses des chevaliers du parti anglais,
ou reconnaît aisément la prédilection de l'auteur
pour la patrie adoptive de Philippe de Hainaut. Au
sujet des différends, des guerres, des batailles qui,
de 1325 à 1372, mirent aux prises la France et l'An-
gleterre, la rédaction dédiée à Robert de Namur donne
presque toujours la version anglaise. On peut citer
comme exemple le récit des journées de Crécy et de
Poitiers qui dans cette rédaction est fondé principa-
lement, suivant le témoignage de Froissart lui-même,
sur le témoignage des compagnons d'armes d'E-
douard ni et du Pnnoe Noir. Prise dans son en-
semble, la rédaction Ëiite pour Robert de Namur
doit être considérée avant tout comme un monu-
ment élevé par une âme enthousiaste, par une main
amie et pieuse à la gloire anglaise. Et l'on voudrait
attribuer une pareille œuvre au serviteur d'une mai-
son aussi française que celle des comtes de Btois, au
chapelain de ce Gui de Chàtillon dont le père avait
été tué à Oécy et qui, donné lui-même en otage aux
Anglais, n'avait obtenu sa mise en liberté que moyen-
nant une rançon ruineuse I Et l'on voudrait placer la
composition de cette œuvre vers 1390, c'est-à-dire à
;vGoo»^lc
nTraoDtrcnoN. «▼
une époque où la gloire des premières années du rè-
gne d'Edouard m était depuis longtemps évanouie,
où les superbes vainqueurs de Oécy et de Poitiers,
après les revers réitâ^ de leurs armes en France,
en Espagne, en Ecosse, étaient réduits à trembler
sous la menace d'une invasion française I
Combien il est plus naturel d'admettre la conclu-
sion- à laquelle nous ont conduit des preuves non
pas plus fortes , mais plus topiques et plus précises,
en &isant remonter la rédaction du premier livre in-
spirée par Robert de Namur à cette période comprise
entre 1369 et 1373 où quelques échecs partiels
avaient à peine entamé le prestige de la puissance
anglaise, où l'on était encore sous l'éblouîssement
produit par des victoires merveilleuses, où surtout
l'ancien clerc de la reine Philippe, qui venait de
passer les huit plus belles années de sa vie à la cour
d'Edouard m, avait des raisons personnelles de res-
sentir avec une vivacité particulière l'admiration gé-
nérale!
Outre la partialité pour l'Angleterre que nous ve-
nons de signaler, on remarque dans la première ré-
daction un caractère de jeunesse, d'entrain belliqueux
que n'oQrent pas à un égal degré les rédactions pos-
térieures. On dirait que le souffle guerrier qui anime
nos grands po^jnes du douzième siècle a passé tout
entier dans cette rédaction. Notre chroniqueur, il est
vrai, a toujours aimé les descriptions de combats,
mais il y porte ici une verve, un éclat, une furie
de pinceau supérieure. Les récits des batailles de
Oécy et de Poitiers, pour ne rappeler que ceux-là,
sont des chefe-d'œuvre qu'on n'a pas surpassés. Frois-
sart lui-même, lorsque plus tard il a voulu raconter de
;vGoo»^lc
xxn CHRONIQUES DE I. RtOISSAlLT.
nouveau ces mémorables journées, n'a plus retrouvé
la laideur de dessin, la vivacité de coloris, l'heu-
reuse fougue qui distinguent l'inspiration de la fleur
de l'âge. Combien la seconde rédacUon écrite par
un chapelain parvenu à la maturité reste sous ce rap-
port, malgré des beautés d'un autre ordre, infé-
rieure à la première 1 Dans celle-ci, qui remonte à
une période où l'auteur n'avait guère plus de trente
ans, on sent qu'une jeunesse ardente ajoute en-
core sa flamme aux instincts d'une nature chevale-
resque.
Qui sait si Froissart n'a pas eu le premier con-
science de cette supériorité de la première rédaction
au point de vue qui devait le plus toucher les lec-
teurs de son temps et si la préférence littéraire de
l'auteur n'est pas pour quelque chose dans la multi-
plicité des copies de cette rédaction, dont quelques-
unes ont été exécutées de son vivant, tandis que la
seconde rédaction, représentée par l'unique exem-
plaire d'Amiens, dont le manuscrit de Yalenciennes
n'est qu'un impar&it abrégé, demeurait isolée et in-
connue dans les archives de ce château de Chimay
dont les maîtres l'avaient inspirée?
En résumé, la partie de la première rédaction an-
térieure à 1373, composée par Froissart immédiate-
ment après son retour d'Angleterre à la demande de
Robert de Namur, l'un des partisans les plus dévoués
de la cause anglaise, celte rédaction affecte un triple
caractère : 1' Pour la partie qui s'arrête à 1356, elle
contient généralement moins de développements ori-
ginaux, elle tait des emprunts plus nombreux et sur-
tout plus serviles au texte de Jean le Bel que les deux
rédactions postérieures; 2* l'auteur y montre partout
;vGoo»^lc
nrTRODUCnON. xxvn
plus de sympathie^ d'admiration et même de partia-
Ëté pour les Anglais que dans les autres parties de
ses Chroniques; 3° on y trouve^ notamment dans les
récits de batailles, l'expression la plus brillante peut-
être du génie littéraire de Froissart.
Troisième phase. C'est après 1 378 que se place la
troisième phase de la composition de la première ré-
daction. Froissart a continué dans cette période le
récit des événements de 1372 à 1378; il a feit cette
continuation à deux reprises et sous deux formes
fort difiërentes. L'une de ces continuations est plus
sommaire, elle a un caractère en quelque sorte pro-
visoire, et l'on dirait parfois qu'elle a été esquissée
un peu au fur et à mesure des événements ; c'est
celle qui caractérise la première rédaction propre-
ment ditë. L'autre continuation qui semble avoir été
écrite d'un seul jet, est une révision de la première
dont elle corrige les erreurs ou dont elle enrichit le
texte par des développements et même par des récits
tout nouveaux : c'est celle qui distingue la première
rédaction revisée; et elle forme, conmie on le verra,
une sorte de trait d'union entre ta première rédac-
tion et la seconde où elle se retrouve aussi.
L'exemplaire le plus ancien de la continuation,
qui appartient en propre à la première rédaction pro-
prement dite, pourrait bien être offert par le beau
manuscrit de Besançon où le premier livre s'étend jus-
qu'à ces mots : « Adonc s'esmeut la guerre entre le
roy de Portingal et le roy Jehan de Caslille qui dura
moult longuement, si comme vous orrés recorder
avant en l'istore. » Le premier livre du manuscrit de
Besançon empiète ainsi sur les quarante-deux pre-
miers chapitres du second livre des autres manu-
;vGoo»^lc
XYvni CHRONIQUES DE 3. FROISSAKT.
scrits*. Plus tard sans doute^ ces quarante-deux cha-
pitres furent reportés en tête du second livre, et
Froissart les remplaça en ajoutant à la fin du pre
mier livre certains développements qui manquent
dans ie manuscrit de Besançon. Ces développements
commencent après ces mots : u Laquelle fille estoit
convenancée au damoisel de Haynault, filz aisné
du due Aubert*; a ils se terminent ainsi ; « et
par toutes les marches sur le clos de CostenUn. >
lies quatre ou cinq chapitres additionnels où sont
contenus ces développements marquent la fin du pre-
mier livre dans les manuscrits de la première rédac-
tion proprement dite.
Quant à la continuation qui distingue la première
rédaction revisée, si l'on excepte les manuscrits 5006
et 20357 où, comme on l'a fait remarquer plus haut,
cette continuation à partir de 1369 est comprise
dans le second livre, elle s'arrête dans le manuscrit
6477-6479 à ces mots qui finissent le premier livre :
« je parlerai plus à plain quant j'en serai mieux
informé'; s la coupure est rejetée quatre ou cinq
chapitres plus loin dans le manuscrit de Mouchy-
Moailles qui se termine au siège de Bergerac et dont
voici la dernière ligne : s près receu un grant
damage*. »
1. Cf. duu Bachot), t. II, p. 49.
3. H*, de BeMUtçon, f' 371 *<■. Le maniucrit de notre Bibliotbiqiie
impArùle calé SB49, repiod action g^ëralement fidtle <I« celui de
BcMufOD, contient quelque* ligne* teolement de plni qae 1« partie de
ce dernier manuicrit qui corretpond au premier liTre de» autre* exem-
plaire* de !■ preD)!b« rédaction proprement dite. Le manoacrit S6U
*e termine i ce* moti : ■ .... aini paiiireat oultre et prindreot. o Cf.
Froiatart dani Sauvage, ëdît. de lâSS, t. I, p. 457, ligne 11.
3. Cf. dantBuchon, t. I, p. 717, col. 3, fin du chap. 394.
t. Cf. dan* Buchon, t. Il, p. 4, fin de la ool. I.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. xxii
§ 3. Des deux branches de la première rédaction :
i" Première rédaction proprement dite ; 2" première
rédaction reuiséej — caractères distinctifs de ces
deux branches.
La division de la première rédaction en deux bran-
ches tire surtout; ainsi qu'on vient de le voir^ sa rai-
son d'être de la partie du premier livre postérieure à
4372. En effet, dans un certain nombre de manu-
scrits de la premtèi>e rédaction , le récit des événe-
ments, depuis 1372 jusqu'en 1377, comme aussi de-
puis 1350 jusqu'en 1356', est tout autre et plus am-
ple, plus développé que celui qu'on trouve dans la
partie correspondante des autres exemplaires de la
même rédaction.
Laquelle des deux branches dont il s'agit a précédé
l'autre? Évidemment, les manuscrits où la narration
a le moins d'originalité et d'ampleur doivent être
considérés conune les plus anciens; les exemplaires
de cette branche, qui sont de beaucoup tes plus
i. Selon H. Ker*jn, cette Teraion plut originale, particulière anx
manoscriu de la premiire rédaction reris^ pour I«« aiméei 13S0 i
1356, Kiait poitjrieare i 1388) ëpoque du roytige de Froitsart en
Bëam : ■ Elle en ponfeienre à 1388, dit-il, puUque Froiuari y raconta
let JémiUi du tire iTMbret mes Ut habitaati i» Captstang, fvprU et ya»
teux-ci lui £ruu. Je la crois écrite «en 1391. ■ Froiuart, t. I, p. 243
en note. Voîd le paMage tnr lequel l'appuie l'arpuneutation de
M. KerTjn ; ■ Depuit au fu dît qu'ila (il «'agit de» habitants de Ctpet-
tang) laisairent prendre lenn oitages.... > Voyez Buchon, éd. dn Pan-
théon, t. I, p. 317. Froiuart ne dit nullement dan* ce passage qu'il
tient les détails qa'il Ta raconter de la booohe même des habitants de
Capestang; par conséquent il n'j a pas lieu d'en conclnre avec H. Ker-
lyn que la Tenion des manusorita reriséi pour les années 13S0 i 1356
est poatérienre an Tojage dn cfaroniquenr en Béarn en 1388 et a été
écrite Ten 1391.
;vGoo»^lc
XXX CHRONIQUES DE J. FROISSAAT.
nombreux , constituent ce que nous avons ^pelé
déjà dans le paragraphe précédent la première rédac-
tion proprement dite, par opposition aux manusoits
où le récit a reçu plus de développement entre les
dates indiquées ci - dessus , qui forment la première
rédaction revisée.
11 importe aussi de faire remarquer que le com-
mencement du premier livre difiere dans les deux
branches de la première rédaction jusque vers le mi-
lieu du paragraphe 11 de ce volume'. Au contraire,
le texte de ces dix premiers paragraphes est le même
dans la seconde rédaction que dans la première ré-
daction proprement dite.
La première rédaction revisée et la seconde of-
frent deux traits communs d'une importance capi-
tale : elles remplacent l'une et l'autre, entre 1350 et
1356, le fragment d'emprunt de la première 1%-
daction proprement dite, par une version originale
et plus développée qui , sans être identique dans les
deux rédactions, présente du moins beaucoup d'ana-
logie. En outre, le texte plus complet et meilleur que
donne la première rédaction révisée pour la partie
comprise entre 1372 et 1377, se retrouve intégrale-
ment dans la seconde rédaction. Des ressemblances
aussi caractéristiques, aussi considérables entre celle
des branches de la première rédaction qui a été
écrite la dernière, et la seconde rédaction confirment
d'une manière frappante la date plus récente que
nous avons assignée à la composition de celle-ci. En
effet, supposer, conmie on l'a Êùt, que la premi^:^
1. Voyez p. 36, I. 91. Le tente devient temblable dans les aumu-
fcrît» de» deux branohe* aprèt cet mou : Si nn^èrtni par mtr.
D,qit,zeabvG00»^lc
INTRODUCTION. xzn
rédaction proprement dite est post^eure à la seconde
rédaction^ c'est supposer que Froissart a substitué
de gaieté de cœur^ 1*de 1350 à 1356, un frag-
ment emprunté et insipide à une vo^ion plus originale
dont il était l'auteur; 2» de 1372 à 1377, un texte
imparfait à un teste plus complet et meilleur, en un
mot , à un texte revisé. Une telle hypothèse n'est-
elle pas contraire à la vraiseraJ)lance?
§ 4. De la première rédaction proprement dite; —
classement des manuscrits de cette rédaction.
Les manuscrits de la première rédaction sont ex-
trêmement nombreux; on en compte environ cin-
quante, tandis que la seconde n'est représentée que
par les deux exemplaires d'Amiens et de Valencien-
nes, et la troisième par le texte unique de Rome.
Une disproportion aussi énorme peut être consi-
dérée comme un argument de plus en faveur de la
priorité de la rédaction qui compte un si grand
nombre de copies, car il tombe sous le sens que des
trois rédactions , c'est la première en date qui a dû
être le plus tôt et le plus souvent reproduite. L'ex-
périence enseigne que, dans ce cas, l'avantage reste
quelquefois au premier occupant; mais cela est sur-
tout vrai lorsqu'il s'agit d'une transcription aussi
longue et aussi coûteuse que celle du premier livre
des Ouvniques. Serait-il téméraire d'attribuor, en
partie du moins, à l'apparition plus tardive des
seconde et troisième rédactions la rareté vraiment
singulière des exemplaires cpii les représentent?
Des cinquante manuscrits de la première rédac-
tion, plus de quarante appartiennent à la première
;vGoo»^lc
xun CHRONIQUES DE J. FHOISSAAT.
rédaction proprement dite; il reste six mss. seule-
ment de la première rédaction revisée. Encore faut-U
comprendre parmi ces six un ms. où le premier
livre presque tout entier est perdu, un simple irag-
ment et un abrégé.
On a prévenu le lecteur qu'il ne devait pas cher-
cher ici une description des manuscrits; diverses rai-
sons ont feit renvoyer cette description à la fin de
l'édition. Le tableau soomiaire qu'on trouvera ci-des-
sous n'en a pas moins coûté à l'éditeur plus de six
mois de travail; il a nécessité de lointains voyages
et des recherches sans nombre. Il a présenté d'autant
plus de difficultés qu'il est impossible de grouper les
manuscrits par familles, en se fondant sur les carac-
tères saillants, extérieurs et pour ainsi dire matériels
de ces mss. L'éditeur avait, au début de son tra-
vail, nourri cette illusion; mais il a dû y renoncer
après bien des tâtonnements et de vains efforts.
Ainsi, il semble au premier abord que les manu-
scrits où le premier livre est coupé au ménle endroit
et se termine beaucoup plus tôt que dans les autres,
doivent être rattachés à la même famille; et pourtant
il est tel cas où l'on s'égarerait infailliblement en sui-
vant cette méthode. Le ms. de Besançon, par exem-
ple, ne contient pas trois ou quatre chapitres qui
terminent le premier livre dans les mss. 3649, 2663,
2674, etc., et néanmoins il appartient à la même fa-
mille que ces derniers exemplaires. Au contraire, le
ms. de notre Bibliothèque impériale coté 86 et le
ms. de Breslau finissent l'un et l'autre le premier U-
vre au siège de Bourdeilles, en 1369; ce qui n'em-
pêche pas ces copies de se rattacher à deux familles
différentes.
;vGoo»^lc
I
lOTRODUCTIOM. xixiii
Écartaat donc ces apparences trompeuses et ces
analogies purement superficielles, il a fallu pénétrer
plus avant pour essayer de saisir les caractères vrai-
ment génériques qui sont les variantes du texte. On
comprend tout ce qu'une pareille tâche exige de
comparaisons minutieuses et combien ces comparai*
sons sont difficiles lorsqu'elles doivent porter sur
d'énormes manuscrits souvent fort éloignés les uns
des autres ! Heureusement, un fîl conducteur nous a
guidé dans ce dédale : ce fil^ nous l'avons trouvé
dans les titres des chapitres qui, provenant unique-
ment du fait des copistes, constituent un indice à
peu près sûr de l'identité des variantes et par suite
de la communauté d'origine des manuscrits où ces
intitulés ajoutés au texte sont semblables. Conformé-
ment à cette méthode, on n'a rangé dans la même &-
mille que les manuscrits dont le texte présente des
modifications identiques qui leur sont exclusivement
propres et que l'on ne retrouve point dans les autres.
Toutefois, une exception a été admise en faveur de
certains exemplaires qui, tout en offrant généralement
les mêmes variantes que ceux auxquels on les a réu-
nis, se distinguent cependant de ceux-ci par des dif-
férences plus ou moins notables, sans qu'on puisse
d'ailleurs les rattacher à une autre famille. Ces ma-
nuscrits excentriques ont été joints à ceux dont ils
se rapprochent le plus; seulement, on les a laissés
en dehors de l'accolade pour bien marquer leur sin-
gularité.
;vGoo»^lc
zxxiT CHRONIQUES DE J. FftOISSAAT.
MSS. DE LA PREMIÈRE RÉDACHON
FREUIÂRE CLASSE.
HSI. DOKT LE TXZTK IST COMPLET.
Mss. A l-=ms. de la bibl. de la ville de Besaa^D.
!A 2=1113. 26^9*.
A 3=ins. 2663.
A 4=ms. 2674.
A S=:dis. 6471.
A 6^ms. de la bibl. royale de la Haye.
!A 7=ms. 268S.
A 8=ms. 264f .
A 9=ins. 2642.
A 10=1113. 131 de sir Thomas Phillipps, à Cbel-
A ia=in3.
S* fanùUe. { A 19=1113.
A 12=i]u. 267S.
A 13=m3. 2697.
A 14^in3. de la bibl. de la ville d'Arras.
A lS=[ns. 6474.
A 16 — II13. de l<vd Aâhbumhaiii, à Ashborahâin*
Place,
de la bibl. de l'Universitë de Leyde.
2662.
n" 67 du fonds Anindel a
Muséum.
1. Les muilucrits diàgaét umplemetit par ou chif&e i^ipartieiuiait
à notre Bibliothèque impàiale. Il faut ajouter à U lÎMe ci-jointe, le
bel exemplaire du premier lÏTre caniervé dam la bibliothèque du châ-
teau de Branitz (PnuteJ. M&fbeureoaement, il ne noni a pas Ai
donné de voir, d'ëtudier nous-même ce manutcrit ; et les rent^gne-
ments transmis par Son A. le prince de PnckJei^Miukau ne nmu ont
pas permis de le oonqirendre dans notre cksscmeat.
;vGoo»^lc
irrmoDucnoN. xxxv
PROPREMENT DITE=MSS. A.
SECONDE CLASSE.
■ISS. DONT LK TEX.TE BBT PLUS OO HCHnS ABRici.
iA 30=105.86.
A 21 =ms. de la bibl. de la ville de Berne.
A 22=ins. du fonds de la bibl. royale su firitûh
Muséum.
SA 23=ms. 3643.
A 24=:nis. 166S à 2667.
A 25=n,s. 1S486.
A 26=ins. 144 de la biM. de l'ArseDal, à Paris.
A S7=ms. de la bibl. de la ville de SainbOmer.
A 28^ins. de la bibl. de la ville de Carpentras.
A 29=m5. de la bM. de la ville de Bre^u.
IA 30=Dis. 2SM.
A 31 =ms. de la bibl. de la ville de Tours.
A 32=iDS. de la bibl. de la ville de Toulouse.
A 33=iiis. du musée Huuter, à Glasgow.
TROISIÈME CLASSE.
FRAGMENTS.
!A 34s=m3. 2677.
A 3S=ms. 2647.
A 36=:ins. Laud mise. 745 de la bibl. Bodlâemie,
k Oxford.
A 37=ms. de la bibl. de la'ville de Roueo.
QUATRIÈME CLASSE.
ASBÉQÛ PROPSBHSnT DITS,
A 38=m3. SOOS.
A 39=ms. HF14SdeIabibl. de l'Arsenal.
A 40^m8i de la tnbl. royale de Bnœlles.
;vGoo»^lc
zxxTi CHRONIQUES DE J. FROISSAKT.
Dans ce tableau comme dans tout le cours de
notre <klîtion, la première rédaction proprement
dite est désignée par la lettre A suivie d'un chiffi«
qui varie pour chacun des manuscrits de cette ré-
daction.
La première classe comprend les manuscrits où
le texte du premier livre est reproduit intégrale-
ment; non qu'U n'y manque çà et là des mots ou
même des membres de phrase^ mais ces lacunes ré-
sultent de l'inadvertance des copistes et n'ont pas le
caractère de suppressions systématiques.
Dans la première famille de cette classe^ le ms.
de Besançon a* été mis à part, non-seulement à cause
de son antiquité exceptionnelle, mais encore parce
que le premier livre, s'il s'étend beaucoup plus loin
dans cet exemplaire que dans les cinq congénères,
manque en revanche des trois ou quatre chapitres
qui le terminent dans ces derniers mss.
La seconde Ëimille (mss. A 7 à 10*) comprend les
copies à la fois les moins étendues et les plus an-
ciennes du premier livre; ces manuscrits ont cela de
très-particulier qu'ils ne semblent pas dériver les uns
des autres et ne présentent pas toujours les mêmes
variantes.
Les troisième, quatrième et cinquième familles de
la première classe (mss. Ali à 19) sont plus mo-
1. Hou ■mî, H. A. Cutui, * pofaUtf une exoelleDte Ande inr le ou.
de Siinl-Vinceiit de Betangon. Biil. Jt CÉcoU dtt Chartu, t. XXVI,
p. l\kk lU. Bachon crofwl M numotœit égtri it oon perda; H.Ca»-
un ne l*i pai tealentent retroar^ , il a éclaircî toatet lei qoettioti* qui
l'j ntuehent,
3. Sur la naniire dont *e tenniiiBat ow maniucriti, tojbs ce qui a
iii dit plu* haut, p. mi et si*, xxm et xxnn.
;vGoo»^lc
INTOODUCTION. xxxvn
deraes que les deux familles précédentes; et un cer-
tain nombre d'additions des mss. Ail à 1 9^ mais
surtout des mss. Alla 14^ ne doivent provenir
que du tait des copistes.
La seconde classe embrasse les manuscrits où le
texte est tantôt complet, tantôt plus ou moins abrégé.
Dans les exemplaires de cette classe, les lacunes, les
abréviations, au lieu d'être comme dans ceux de la
première une exception due à la distraction d'un
scribe, deviennent la règle; et ce système desujipres-
siens s'étend à toutes les parties, on pourrait pres-
que dire à tous les chapitres du texte,
La première famille de la seconde classe (mss. A
20 à 22] dmve de la première famille de la pre-
mière classe (mss. AI à 6) .
Le texte est encore plus abrégé dans les mss. A
23 à 28 que dans les mss. A 20 à 22.
$i dans la deuxième famille de la seconde classe le
ms. de Breslau a été mis en dehors de l'accolade,
c'est qu'à partir de 1340 le texte y est plus déve-
loppé et offre certains détails qu'on ne trouve pas
dans les autres mss. de la même famille.
Les simples fragments du premier livre sont ran-
gés dans la b>obième classe. Les mss. 34 à 36, qui
sont la reproduction les uns des autres, ne con-
tiennent que le commencement du premier livre;
le texte, d'ailleurs complet, de ces mss. s'arrête à la
mort de Philippe de Valois en 1350. Quant au ms.
de Rouen, découvert et signalé pour la première fois
par M. Delisle, on n'y trouve que des chapitres dé- -
tachés.
Les mss. A 3S à 40, qui composent la quatrième
classe, renferment le même résumé des quatre livres
;vGoo»^lc
uxrm CHRONIQUES DE J. FROISSART.
des Chroniques abr^ës chapitre par chapitre; le pre-
mier livre est divisé dans ce résumé en 1 67 cha-
pitres.
§ 5. De la première rédaction revisée ; — ciaS'
t des manuscrits de cette rédaction.
La première rédaction revisée, comparée à la
première rédaction proprement dite, présente trois
différences caractéristiques H ' le texte des onze pre-
miers paragraphes du premier livre est différent dans
les deux rédactions; 2' de 1350 à 1356, la première
rédaction revisée substitue un récit plus ample au
fragment fort sec que la première rédaction propre-
ment dite offre pour la même p«iode; 3* de 1372
à *378, le texte de la première rédaction propre-
ment dite est revisé et développé dans la première
rédaction appelée pour cette raison revisée.
Ces deux dernières différences sont tout k l'avan-
tage de la première rédaction revisée et prouvent
surabondamment^ comme nous l'avons dit plus haut,
qu'elle a été composée après la première rédaction
proprement dite sur laquelle elle constitue un pro-
grès notable. Il n'en est pas ainsi de la première
différence : on trouve dans les manuscrits de la
branche plus ancienne un meilleur texte que dans
ceux de la branche plus moderne. Serait-ce pour
cette raison qu'il a été reproduit dans la seconde
rédacdon de préférence à celui de la première ré-
daction re visée ?
Suivant une remarque déjà faite, les manuscrits de
Froissart sont d'autant plus nombreux que la ré-
daction qu'ils représentent est plus ancienne. I^
;vGoo»^lc
IWraODUCnON. xmx
nombre des exemplaires de la première rédaction
revisée confirme cette observation. Cette rédaction
ne compte aujourd'hui que trois manuscrits com-
plets; mais notre Bibliothèque impériale en possède
un quatrième exemplaire dont malheureusement le
tome I, qui contenait la plus grande partie du pre-
mier livre^ ne se retrouve plus. L'Anglais Johnes, qui
vivait au commencement de ce siècle et dont il pa-
raît que la riche collection a péri dans un incendie,
devait aussi avoir en sa possession au moins un
manuscrit de la rédaction dont il s'agit, puisqu'il a
signalé et publié le premier certaines variantes pro-
pres à cette rédaction ' ; et la bonne leçon de 1 350
à 1356, renvoyée en appendice à la fin du ms.
du fonds Arundel 67 au British Muséum, avait peut-
être été extraite au cpiinzième siècle des manus-
crits qui plus tard ont appartenu au châtelain de
Hafod. On arrive ainsi pour la première rédactioD
révisée à un total de cinq manuscrits au moins con-
tre quarante de la première rédaction proprement
dite, deux de la seconde, un seulement de la troi-
sième.
1. Voyta l'^tîoii imprima par Johite* en Kn cluttean d'Hafod
en 1803, fonnau in-ï" et iii-8*. Johne* Mt également l'inteur d'ime
tnductîon ancloÎM des iUtnoirti dt ia Cumt de Saialt-PiUafe tur Frou-
lari, qui parut i Londret en 1801. Notre chroniqneur a an tonjonra
inipirer de belles pawioiu A no* toUîiu; «tpiront que Jolines buib de*
;vGoo»^lc
u. CHKONIQUBS DB J. FfLOISSART.
Mss. DE LA. PHKMIÉXtB RÉDACnON REVISâK=Hu. B.
B l^nu. 6477 à 6479*.
(B t=(t. I nuDcpie) ; t- n cot^ S006 (du P- 1 au f 104).
{b 3=[DS. S03S6 «t S03S7> (du f^ f au f 81 t<).
B 4=:iiu. de Houcb;-NoaiUes, à Hondiy-le-Châtel.
B S^ms. da foods Anmdd S7 au Bridsb Htuenm (du ^ 8S8
Ml P- 373).
B 6£=ms. 10144 [dn f* 422 au f^ 532 et du f 80» au f»886).
Dans le tableau qui précède et dans le cours de
œtte édition, de même que la lettre A désigne la
première rédaction proprement dite, la lettre B cor-
respond à la premî^ rédaction revisée dont les di-
vers manuscrits sont indiqués par les chiflRres qui
suivent B.
A défaut du tome I aujourd'hui perdu du manus-
crit B2, le manuscrit Bl, le plus ancien de beau-
coup et le meilleur de la branche dont il fait partie,
a été adopté comme texte du premier livre; et l'on
exposera plus loin les raisons qui ont dicté ce
choix*.
Les mss. B2 et h3 ofirent le même texte, plus an-
cien dans le ms. B2, plus moderne dans le ms. B3
1 . Dan* De ubtean , comme d*i» le pHoMent , In muiu(crîu déâ-
gaét par mi ùmple chif&e apputiennent i notra Bibliothèque inipé-
riale.
S • Ce muiuscrit , qui provient du fondi de Gaipiière* , «t toujonri
appelé dam les variante* da texte de ce volume : Ht. J» GaigmUrtt.
Duu le* volume* raivanti, il len déiigné loo» la rubrique B3, le
mi. 6477 i 6479 *otu la mbrîqne Bl, le ma. de Mouohf'Noaille* loui
la rubrique B4.
3. Vojes le chapitre i de la tecoade partie de cette întroduoiioii.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. zu
qui n'est qu'une copie du premier; voilà pourquoi
ces deux mss. ont été réunis par une accolade. Une
main postérieure a pris à tâche de faire disparaître
du ms. B2, en grattant ou en ajoutant des lettres à
certains mots^ une empreinte wallonne très-caracté-
risée ainsi que les signes usités dans notre ancienne
langue pour marquer la distinction du cas sujet et
du cas r^ime qui est encore généralement observée
dans ce précieux ms. Il est âcheui que nous ne
connaissions pas la date précise de l'exécution du
ms. B3 : nous saurions ainsi à quelle époque la &-
meuse r^le de l's est devenue, non-seulement une
lettre close, mais encore un objet de scandale pour
ceux qui faisaient copier ou copiaient les manuscrits.
Ce qui prouve, malgré la différence de l'ortho-
graphe, que le ms. B3 a été copié sur le ms. B3,
c'est que la plupart des notes marginales du t. Il
coté 5006 se trouvent reproduites sur les maires du
t. n de l'exemplaire provenant du fonds de Gai-
gnières coté 20357.
ï..es mss. El, B2-3 et B4 ont cela de particulier
qu'aucun des trois n'a été copié sur l'un des deux
autres'; en d'autres termes, chacun d'eux a sa valeur
propre et indépendante. ï^a rareté relative des exem-
plaires de la première rédaction revisée rend cette
circonstance doublement précieuse.
Comme le ms. du British Muséum fonds Arundcl
n" 67 appartient à la première rédaction proprement
dite, il ne donne pour la partie du premier livre
comprise entre 1350 et 1356 que le sec fragment
1. Sta h maiùèR dont m tennine le premier li-rre dam let dÎTen
muiiucriti de la première rédaction reritée , vojrei plot haut ta fin do
$ a, p. xm et XIV, ixTO et ima.
D,qit,zeabvG00»^lc
zm CBRONIQUES DE J. FROISSAKT.
qui caractërise les exemplaires de cette branche. Mais
une note placée en mai^ du ms., au feuillet 173,
renvoie à la leçon plus ample propre à la première
rédaction revisée que le copiste du ms. Arundel avait
sans doute connue trop tard pour l'insérer dans le
corps du texte. Cette note est conçue en ces termes :
a Après ceste présente rubriche de rouge coumen-
sant : Coument le roy Phelippe de France trespassa,
fàult seize feiles lesquels vous trouverez au dernier
du livre. Et coumence la rubriche de rouge : Du
chapelet de perles que le rojr Edouart ^An^terre
donna.... » Le fragment du ms. Arundel figure sous
la rubrique B5 dans le tableau des mss. de la pre-
mière rédaction revisée et sera désigné ainsi dans
notre édition.
On conserve à notre Bibliothèque impériale sous
le numéro 10144 un abrégé du premier livre tel-
lement original qu'on pourrait le considérer presque
comme une quatrième rédaction. Cet abrégé se ter-
mine par Vexplicit suivant : « Che sont les croni-
ques de Froissart. Cest croniques escript Bertoulet
Lebrun^ archiés de corps de Phelippe duc de Bour-
goigne, que Dieu absol I et le commencha au Noël
mil CCCLXXVU'i et furent feit quinze jours de-
vant le Saint Jehan Baptiste en sievant. Et priés à
Dieu pour luy, et il pri[er]a à Dieu pour vout (sic)
et pour tous vos amis. Et avoit le dit Bertoulet
soissante trois ans quant il furent parfait, v Le ca-
ractère paléographique du ms. 10 144 s'accorde
bien avec la date de 1477 que le copiste a voulu
1 . Le copÏMe doit htoït oablU un C. Cet mots : que Dlta atiol ne
penrent «e rapporter qn'i Philippe le Bon, duc de Bourgogne, mort A
Bmge* le H jniu 1467,
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. xim
écrire^ et l'orthographe de ce ms. sent^ comme on
vient de le voir, son archer d'une Ueue. D'ailleurs,
rien dans te contenu de cet abrégé n'autorise à mettre
en doute l'authenticité de l'exemplaire unique qui
nous l'a conservé. Il porte comme tous les bons
manuscrits des Chroniques une forte empreinte de
dialecte wallon ; et il rectifie ou complète parfois
heureusement les autres rédactions du premier livi^'.
Le ms. 10 1M contient, du feuillet 423 au feuillet
532, pour les années 1350 à 1356, le même texte,
mais plus abr^é, que les mss. de la première rédac-
tion revisée. Il renferme aussi, à partir du feuillet
809, pour les années 1 372 à 1 375, un sommaire de
la version particulière à ces mêmes manuscrits. Ces
deux circonstances nous ont déterminé à le classa
sous la rubrique B6 parmi les exemplaires de la pre-
mière rédaction revisée.
CHAPITRE n.
DS LA SBCOIfVB R^DICTIOS ; — HÀNUBCUTB d'âHIBIIB ET BB
TALKHCIENItES ; CABACTiHSS DISTIHCTIFg DE CSITE tii-
La seconde rédaction ne nous est parvenue que
dans les deux manuscrits d'Amiens et de Valen-
eiennes.
Le manuscrit d'Amiens' est le seul qui représente
la seconde rédaction d'une manière complète ; il
1. Notre ^itioD eit la Mule où I'od ait utilisa ce précieux abr^g^.
3. Grn^ în-fol. riïia de 208 feuîlleti. Le texte est diiposé tar deux
colonne* Sont chacoiie a loixaDte lignei. Écritare de la première moitié
du quinûème nicle.
;vGoo»^lc
xLti CHRONIQUES DE ]. FaOISSAAT.
voyelles un double «'parasite^ ce trait apparaît seule-
mentdans le manuscrit d'Amiens. EJirevancfae^tous les
exemples de leur employé adverbialement pour là où,
relevés jusqu'à ce jour par l'éditeur, appartiennent à
l'abrégé de Valenciennes*.
Malgré de nombreuses exceptions dues à l'influence,
à la prépondérance croissantes du dialecte français,
l'emploi du cA à la place du ç doux français et du c
dur au lieu du ch fiançais, commun à l'origine aux
dialectes picard , wallon et même normand , est en-
core assez général dans les manuscrits d'Amiens et de
Valenciennes avec cette difTérence que le changement
du ç doux en cA est beaucoup plus fréquent dans le
premier de ces manuscrits, et l'usage du c dur plus
marqué et plus étendu dans le second. Ainsi, on lit
d'ordinaire: cAité*, pourveancAe* dans le ms. d'A-
miens cf. nté*, pourveance' dans le ms. de Valen-
ciennes; en retour, le ms. de Valenciennes écrit:
wi^uet* et do^e' là où l'on trouve dans le ms. d'A-
miens; guichet*, cloce* ou cloche". Le ms. d'Amiens
substitue même parfois un ch au c dur picard comme
dans: pourc^chier" ou au c dur français, par exem-
ple, dans: cAouchièrent*^ mais ce sont là des excep-
nuiiuwirit 6^77-6479, anc[Qe1 noDi «todi empnmtë le texte du prenùtr
Urre et où l'empreinte wallonne eit «oui trè» marquée, ofifre ptrfoû ta
m&ue particalaritj. Voyez p. 19, 1. 17.
1. ■ .... û qn'ilz ne seureot dedens denx jonn Uur il eltoîent. ■
i^9T'. ^ ■ .... tiiei sur one ««qnidle /eur tont lepeopte te Teoient. ■•
3. P. 253. — 3. p. 277. — 4. M», de Valencicnne*, P> 12 V.
- 5. rtW., MB T». — 6. P. Vti. — 7. p. 485 et 490. - 8. p. 445.
— 9. p. 490.— 10. p. 485.
U. P. 231 : ■ .... Bcqnerre et pourchachier amii et confortaïu.... »
Pourehachier est une fomte walloune du françau actuel pourchiuter.
13. P. 333:«....îlcliouchiirentgrsiit foîiond'ari]reietdeboû....K
;vGoo»^lc
INTRODUCnON. Jawi
tions^ ainsi que le prouvent d'autres passages où les
mots cités figurent sous la forme ordinaire y et ces
exceptions doivent sans doute être mises sur le compte
de l'allitération*.
La seconde rédaction présente deux particularités
par où elle se rapproche tour à tour des deux bran-
ches de celle qui l*a précédée : ainsi les onze para-
graphes du commencement du premier livre jusqu'au
départ d'Isabelle pour l'AngleteFre ea i 326 sont sem-
blables dans les manuscrits d'Amiens et de Valen-
ciennes et dans ceux de la première rédaction pro-
prement dite^ Undis que de 1372 à 1377 le texte
plus ample qui caractérise les exemplaires de la pre-
mière rédaction revisée est reproduit dans le ms.
d'Amiens. Cette dernière ressemblance est impor-
tante au plus haut point et mérite une attention spé-
ciale : elle tend à prouver tout à la fois^ pour le dire
en passant, que la première rédaction revisée et la
seconde rédaction sont l'une et l'autre postérieures
à la première rédaction proprement dite.
Pour toute la partie du premier livre, comprise
entre le retour d'Isabelle en Angleterre en 1 326 et la
reddition de la Rochelle en 1372, les première et
sec onde rédactions ofErent encore çà et là des parties
communes; on peut dire néanmoins qu'entre ces
deux dates la seconde rédaction est profondément
Choschier eU one forme miment étrange <pii poiarait bien Ctre 1'^
qni'ntlent de coucAier.
l . En attendant le glossaire qnï doit ^tre joint à cette édition , c'est
ici l'ocouiou de signaler aux philologues le mot itcie dans le pasuge
■nÏTant du mt. d'Amiens : k chianx de te kecie euunglontés — s
Vojcz page 364' M. Kervjn a lu : lieule. OËorres de Froissait, Cltro-
niqutt, t. Û, p. 133- C'est bien le sens, mais lUule n'est pu dans le
DiqitizeabyG00»^lc
XLTui CHRONIQUES DE J. FfiOISSA&T.
distincte de la première dans le fond aussi bien que
dans la forme.
On a vu dans le chapitre précédent que la pre-
mière rédaction s'est formée successivement et par
parties. Il ne semble pas qu'il en ait été ainsi de la
seconde; du moins on ne distingue dans le ms.
d'Amiens aucune trace de ces lacunes, de ces sutures
si visibles dans les exemplaires de la première.
A quelle date a été composée la seconde rédaction?
la réponse à cette question a été faite plus haut',
mais il importe de reproduire ici textuellement les
deux passages des manuscrits d'Amiens et de Valen-
cieones qui ont dicté cette réponse. On lit dans le ms.
d'Amiens : a Et puis fu chils enfez prinche de Gallez
et très bons, hardis et enlreprendans chevaliers et
qui durement et fièrement guaria tant qu'il vesqui;
mes il mourut dès le vivant le roy son père, ensi
comme vous orez en ceste histoire*. » P 20. Ce
passage se retrouve en abrégé dans le ms. de Valen-
ciennes : « .... et iist en France et ailleurs moult de
beaux fais d'armes, et mourut josne du vwant son
père *. » F* 42. Ainsi dès les premiers feuillets des
manuscrits d'Amiens et de Yalenciennes il est fait
mention de la mort du prince de Galles qui eut lieu
en 1 37G : on est forcé d'en conclure que la seconde
rédaction n'a pu être composée qu'âpre celte date.
Rien n'autorise à supposer que le passage dont il
s'agit est le résultat d'une interpolation; outre que
cette supposition serait gratuite, un détail matériel
du manuscrit d'Amiens la rend tout à fait înadmis-
1. Vojcsch^. I, S 1, p. TU i n. •
3- P. 349, «n nota.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. xuit
sîble. Les premiers feuillets de ce ms, présentent un
caractère particulier qui frappe le lecteur : la plu-
part des noms propres y sont laissés en blanc* ou
bien ils sont aflreusement estropiés. On y lit, par
exemple : o Pbelippes de Faleur* » pour « Phelippes
de Valois. » Ces lacunes ou ces erreurs grossières
sont d'autant plus étranges qu'on les rencontre seu-
lement dans les premiers feuillets et que le manuscrit
est du reste exécuté avec beaucoup de soin. On par-
vient à les expliquer en supposantque le copiste avait
sous les yeux un brouillon en écriture cursive plus
ou moins illisible dont il n'avait pas encore l'babi-
tude quand il a écrit ces premiers feuillets : il a deviné
d'abord plutôt qu'il n'a lu les mots ordinaires; les
noms propres sont les seuls que le contexte n'aide
pas à déchifirer, c'est pourquoi il les a estropiés ou
laissés en blanc; puis, il s'est vite accoutumé à ce
giimoire, il en a trouvé la clef, et alors les lacunes
et les bévues monstrueuses ont disparu presque en-
tièrement de sa copie. En même temps que ces la-
cunes attestent cbez le copiste le désir de reproduire
servilement et scrupuleusement le modèle, elles font
supposer que ce modèle était un autographe ou du
moins un original en caractères tracés à la hâte sous
la dictée de Froissart, car l'écriture des manuscrits
de cette époque exécutés à loisir par des scribes pro-
prement dits est généralement plus ou moins posée
et dans tous les cas très-Usible.
Cette explication est trop naturelle pour ne s'être
1. Vojes nOB variante*, p, 311, 313) 317, etc. Le» lacnnei du
"'mien» ont éU comblées il l'aide du texte de Valen-
D,qit,zeabvG00»^lc
L CHRONIQUES DB J. FROISSAAT.
pas déjà présentée à l'esprit des énidits qui ont exa-
miné le manuscrit d'Amiens. « Le manuscrit d'A-
miens, dit M. Rigollot^ a été copié avec beaucoup de
scrupule, peut-être sur un manuscrit autographe;
on remarque sur le premier feuillet que plusieurs
mots sont restés en blanc, probablement parce que
le copiste n'avait pu les lire sur les premières pages
de l'original qui auront été plus usées que les au-
tres'. » On ne saurait donc attribuer à une int^^-
lalion le passage qui mentionne dès les premiers
feuillets des manuscrits d'Amiens et de Valenciennes
la mort du Prince Noir ; d'oii il suit, pour le répéter
encore une fois, que la seconde rédaction est dans
toutes ses parties postérieure à 1376.
Cette date de 1376 nous amène à l'époque où les
liens les plus étroits qui unissaient Froissart au pays
adoptif de Philippe de Hainaut, à la patrie du Prince
Noir^ sont désormais rompus; c'est aussi le temps
oiJ la France se relève grâce à la sagesse de Charles V,
à l'épée de Duguesclîn et fait reculer de jour en jour
ses envahisseurs. Lorsque l'auteur des Chroniques
composa de 1369 à 1373 la partie de sa première
rédaction antérieure à ces deux dates, il venait de
passer huit années à la cour d'Angleterre; il avait
entendu raconter par des chevaliers de cette na-
tion les victoires qui avaient porté si haut la gloire
d'Edouard III, notamment celles de Crécy et de Poi-
tiers : enfin le récit même qu'il entreprenait lui était
commandé, il a soin de nous le dire dans le prolo-
gue, par ce Robert de Namur qui, entré au service
I . Mémoire mr le numnKTÎt de ProiiMTt de la ville d'Amietu et en
particulier sur le récit de la bataille de Ctéey, par H. Rîgollot, dans le
t. m det Mémoire* dt la tociéti dtt aatiquairei d» Piean^, p. 133, ai note.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. u
du roi son beau-frère depuis le siège de Calais en
13A6j combattait encore dans les rangs des Anglais
à la chevauchée de Tournehem en 1369. Qui s'éton-
nerait après cela que Froissart ayant vécu si long-
temps dans un pareil milieu et resté soumis à la
même influence nous ait donné presque toujours
dans sa première rédaction la version anglaise des
grands événements de cette période et entre autres
du si^ de Calais, des batailles de Crécy et de Poi-
tiers 1 Qui ne comprend que le peintre a pu sans
parti pris faire prédominer la couleur anglaise dans
ses tableaux ! Comme cette couleur se présentait seule
sous sa palette, elle est venue pour ainsi dire d'elle-
même s'empreindre sur la toile.
Mais après 1376 nous trouvons le curé des
Estinnes, le poëte de Weoceslas, le chapelain du
comte de Blois placé dans un tout autre milieu ,
soumis à des influences bien différentes. Wenceslas
de Luxemboui^, duc de Brabant, était fib de cet
héroïque roi de Bohême qui avait voulu, quoique
aveugle , se faire tuer à Crécy en combattant pour
la France, a Wenceslas, dit excellemment M. Pin-
chart, quoique d'origine allemande, avait reçu,
comme ses prédécesseurs, une éducation toute fran-
çaise. Il introdubit au palais de Bruxelles bien des
changements calqués sur la cour des rois de France
qu'il avait souvent visitée : entre autres voyages
qu'il y fit, Jeanne et lui furent présents au sacre
de Charles V à Reims en 1364; ils avaient même
pour ce prince une affection telle qu'ils portèrent le
deuil à sa mort*. »
] . étuJt inr [hinmre ik* aru on mafin igt, par Pinehart, p. 17 et 16.
;vGoo»^lc
ut CHRONIQUES DE J. FROISSART.
T^ cour de Gui n de ChâtUlon était encore plus
propre que celle de Wencesias à dépayser les affec-
tiens, les préventions de l'ancien clerc de la reine
Philippe et à diminuer l'ascendant de ses souvenirs
anglais. Champenoise d'origine et chevaleresque en-
tre toutes, riÛustre maison de Chàtillon à laquelle
appartenait Gui était vraiment deux fois française.
Le père de Gui, Louis de Chàtillon avait succombé
à <>écy sous les coups des Anglais; et sa m^,
Jeanne de Hainaut était la fille unique de Jean de
Hainaut qui, rallié à la France, s'était tenu constam-
ment aux côtés de Phitippe de Valois dans la désas-
treuse journée du 26 août 1346. Gui lui-même avait
été donné en otage au roi d'Angleterre à l'occasion de
la mise en liherté du roi Jean; et pour se racheter
il avait dû céder par un contrat passé à I.ondres
le 15 juillet 1367 son comté de Soissons à Ënguer-
rand, sire de Coucy. Fait plus tard chevalier pendant
une croisade contre les païens de la Prusse, Gui
s'était joint en 1370 aux ducs de Berry et d'Anjou
et avait pris part en Guyenne à la guerre contre les
Anglais; en 1383 enfin il commandait l'arrière-garde
de l'armée française à Roosebecke. Écrite certaine-
ment après 1 376 et probablement de 1 376 à la fin de
1383, époque où mourut Wenceslas et où Froissart
fiit attaché définitivement au service de Gui de filois ,
la seconde rédaction a été composée dans le milieu,
sous la double influence que nous venons d'indiquer;
et si l'auteur ne l'a pas fait précéder d'une dédicace
comme il en avait mis une dans le prologue de ta
première, ne serait-ce point parce qu'il lui répugnait
de manifester une préférence entre deux puissants
protecteurs dont il avait également à se louer et qui
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. lui
avaient prodigué l'un et l'autre à son œuvre leurs
encouragemeaU * ?
Toutefois, c'est la veine poétique du rimeur du
Méliador que le romanesque Wenceslas semble avoir
surtout favorisée et récompensée, tandis que Gui de
Bloîs mieux inspiré encouragea avec une prédilec-
tion singulière le génie narratif et historique du chro-
niqueur. Une foule de passages de la seconde rédac-
tion que l'on chercherait vainement dans la première
trahissent la sympathie de Froissart pour la maison
de Blois. Ainsi, dès les premières lignes du prologue
des manuscrits d'Amiens et de Valenciennes, notre
chroniqueur cite parmi les plus vaillants chevaliers
de France tr messires Caries de Blois * » dont il n'a-
vait Élit nulle mention dans la rédaction dédiée à
Robert de Namur. II dira plus loin en parlant de ce
même Charles de Blois qu'il était « le mieux et le
plus grandement enlinagiés en Franche et qui le
plus y avoit de prochains de tous costés et de bons
amis, j> et l'on voit en comparant les deux rédac-
tions que cette phrase a été ajoutée dans le récit
composé après 1376.
Est-ce à dire que l'auteur des Chroniques soit
allé jusqu'à altérer la vérité par dévouement pour
une lâmille qu'il aimait? Ce serait ne pas rendre
1. Va extrait de* compte* dureceTcnr de Bïnche, publia par H. Pin-
chart, conilate qae, le 35 juillet 13SS, te âac de BrabanC fit don d'nQ«
•anune de dit francs râlant douze litrei dix aons ■ i meuire Jehan
FVoisHrd, cnret de Leitinnez ou Mont, peur ua Uerc qi^U fitl pour ffla>~
iaigiieur. > Qui aait li ce Uttc n'était pat un exempliûre de la *econde
Faction da premier lÏTre?
S. Le* mots : Caria dt Blois que le eopùte n'arait aani doute pai pu
lire ont M Wuaia en blanc dan* le nuniuerit d'Anùena, mai* noua
le* avoiM restitué* i l'aide du mauiuerii de Valenciennei.
;vGoo»^lc
uv CHRONIQUES DE J. FROISSàRT.
justice à l'inspiration vraiment lai^ et chevaleres-
que qui a dicté les récits de Froissart : il a protesté
d'avance contre une telle supposition. « [Qu'on ne
dise pas que je aye eu la noble histoire] corrompue
par la faveur que je aye eu au conte Gui de Blois qui
le me Bst feire et qui bien m'en a payé tant que je
m'en eontempte, pour ce qu'il fut nepveu et si prou-
chains que filz au conte Loys de Blois, frère germain
à saint Charles de Blois qui , tant qu'il vesqui, fut
duc de Bretaigne. Nennil vrayement I Car je n'en
vueil parler fors que de la vérité et aler parmy le
trenchant, sans coulourer l'un ne l'autre. Et aussi le
gentil sire et conte, qui Tistoire me Bst mettre sus
et ediffîer, ne le voulsist point que je la feisse autre-
ment que vraye'. d II y a, si nous ne nous trompons,
dans ces paroles plus et mieux qu'une simple afiSr-
mation, il y a l'accent profond de la sincérité.
Froissart ne prend le litre de prêtre que dans la
seconde rédaction, et l'on sait^ar un compte du
receveur de Binche qu'il était curé des Estinnes dès
13T3; mais ce que personne n'a fait encore remar-
quer jusqu'à ce jour, c'est qu'un fîef important Mtué
aux Estinnes ou à Lestinnes', suivant l'orthographe
du quatorzième siècle, localité dont le nom s'est
conservé dans les deux villages des Estinnes-au-
Mont et des Estinnes-au-Val, appartenait, lorsque
Froissart en fut curé, à Gui de Blois. En effet, nous
voyons par un acte daté du 6 novembre i 336 * que
1. Ht. de Bewiii^n, t. Il, f>333. Les premiers moM omU dans le
KM. de BeuDçon ont été restitués à l'aide des mu. de notre Bîblto-
ihèqae impëriale, qui appartienneiiC à la même Famille.
3. La fonne Lestinnes, qui paraît être une abréviation de lei Enin-
net, e«t seule usitée dans les document! du quatorzième siècle.
3- Nout dcTMU l'indication détaillée de cet acte, cumcrré ans Ar-
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. lv
Jean de Haînaut se dessaisit en &Teur de Jeanne sa fille
unique, à l'occasion du mariage de celle-ci avec Louis
de Châtillon^ seigneor d'Avesnes, fils aîné du comte
de Blois, de plusieurs parties de la terre de Chimay,
et notamment « de tout chou entirement qu'il a à
Lestinnes, ou tierroit et es appartenances. » Or, Lcs-
tinnes dont il s'agit ici ne peut être que les Estinnes
et non IjCssines*, car la terre et seigneurie de Les-
sines avait été cédée depuis quelques mois seulement
à Guillaume, comte de Hainaut, en faveur duquel
Willaume de Mortagne, sire de Dossemer, ber ou
baron de Flandre, s'était déshérité de la dite sei-
gneurie au mois d'avril 1336*. On sait, d'un autre
. côté, qu'après la mort de Louis de Châtillon, frère aîné
de Gui, en 1 372, la seigneurie de Chimay et ses dépen-
dances échurent à ce dernier, déjà pourvu de la terre
de Beaumont en vertu d'un acte de partage du 27 avril
4361 entre lui et ses deux frères, Louis et Jean*. Il
&ut donc prendre à la lettre les vers suivants du
Buisson de Jonèce écrit en 1373 où Froissart énumé-
rant ses protecteurs dit au sujet de Gui de Blois :
Et osa mi signenr d« Blois
Loys, Jehan et Gui; des trois
Hoalt acotntés jà un Unips foi
Bt especiaumeitt de Gui
diÎTe* da Nord, dans le fonda de la Chambredei Compte*, carton B7U,
i l'obligeance de MM. Deiplaiiqae, Haonier et Loifeïd. Voyez l'/nveu-
tmn tomnuûrt dti arthirei du Kard, t.I,p. 130 et 131.
1. LeMÎnes, Belgique, proT. Hainaut, arr.Thmn, chef-lieu de canton.
3. Ed -vertu d'une trauiactiou datée du 13 mai 1303, uns rente d«
deux mille livres fut donnée par le comte de Hainaut à titre d'apports
d'Eliubeth de Hainaut, mariée à Robert de Namur en 1354 ; et cette
rente fal constituée s sur lei terrei d'Eitrew (EstreuxJ, de Chièvre et
de Lessine. ■ Hist. génial., par le P. Anselme, t. U, p. 7118.
3. HiiUHnde la nmnnds ChoêliUon-mr'lSame, par Audr^duChesne,
p. 166 et 167. Paris, 1621, in-fol.
;vGoo»^lc
L>i CHRONIQUES DE J. FROISSAAT.
El eneor le sui tons Us Jows;
Car daièt II gist mes séjours :
Cest li bons sires de Biaumotu
Qui niasnoaneste et me semont *.
Od a dit que Froissarl obtint le bénéfice des
Estinnes grâce à l'appui dévoué d'un de ses amis,
Gérard d'Obies, prévôt de Binche, qui était en
même temps le confident le plus intime du duc
Wenceslas*. Mais si la collation de ce bénéfice était
réservée au chapitre de Cambrai, Gui, en sa qualité
de seigneur de Chimay et probablement de Lestinnes
ou des Estinnes, devait avoir le droit de présentation :
il est donc naturel de voir dans la nomination de
Froissait à une cure alors importante le premier
gage de cette &veur dont le comte Gui ne cessa de
de l'entourer, et il ne faut pas s'étonner si la seconde
rédaction où se révèle l'influence toute française
de la maison de Blois, a été composée pendant le
séjour du chroniqueur aux Estinnes.
Cette influence est manifeste dans le rétùt des'
grandes affaires entre Français et Anglais telles que
les journées de Crécy et de Poitiers. Dans sa pre-
mière rédaction écrite immédiatement après son re-
tour d'Angleterre avec des matériaux recueillis en
grande partie dans ce pays, dédiée en outre à Robert
de Namur alors engagé dans le parti d'Edouard m,
Froissart avait raconté les mémorables journées des
26 août 1346 et 19 septembre 1356 surtout d'après
le témoignage des chevaliers anglais ; il a pris soin
d'en prévenir loyalement le lecteur. Mais lorsque
1. Bibl. imp., nu. fr. 631, P> 157 t».
S. ttatU Rltérairt lur Frotisarl, par M. Kerryn, t. I, p. lOt.
;vGoo»^lc
INTBODUCnON. ltii
l'auteur des Chroniques entreprit et acheva la seconde
Tédaction, il vivait depuis longtemps, par ses re-
lations avec Wenceslas et surtout avec Gui de Châtil-
lon, dans un milieu essentiellement firançais. Comme
nous le disions tout à l'heure^ Jean de Bohême,
père de Wenceslas, et Louis de Chàtillon, père
du comte de Blois, étaient morts tous les deux à
Crécy pour les fleurs de li»; le grand-père maternel
de Gui, Jean de Hainaut avait marché dans cette
journée aux côtés du roi de France, et Froissart dans
sa seconde rédaction rappelle à plusieurs reprises
cette circonstance : te Et cils qui se tenoit ehe jour
le plus prochains dou roy, c'estoit messires Jehans
de Haynnau, car li dis roys Tavoit retenu dallez lui
pour deviser et ordonner par son conseil en partie
de ses ennemis*. » Et plus loin : <c Adonc estoit dal-
lez le roy messires Jehans de Haynnau*.... » Une
fois curé des Estinnes, Froissart, invité à la table du
duc de Brabant et du comte de Blois son seigneur,
dut se trouver presque tous les jours en compagnie
de chevaliers qui avaient combattu à Crécy sous la
bannière de Jean de Bohême, de Louis de Châtillon
ou de Jean de Hainaut, mais tous dans les rangs
français ; il leur entendit raconter avec cette con-
viction chaleureuse propre aux témoins oculaires
une version de la bataille à laquelle ils avaient assisté
qui différait pour certains détails de sa première
narration : sans prendre garde à ces différences, il
rapporta dans la seconde rédaction le récit des
chevaliers du parti français avec la même fidélité
qu'il avait reproduit dans la première le témoignage
1. vu. d'Amieu, f* 93 t*. — 3. Ibid.
DiqitizeabyG00»^lc
Lvm CHRONIQUES DK J. FROISSART.
des gens d'armes du parti anglais. On en peut dire
autant de la bataille de Poitiers. Froissart, après avoir
adopté dans le travail dédié à Robert de Namur la
version anglaise de cette journée fameuse, y a sub-
stitué dans le remaniement postérieur à f 376 la ver-
sion française.
Or il y avait un chroniqueur qui, longtemps avant
Froissart, avait aussi donné la version française des
journées de Crécy et de Poitiers, et en général de
tous les événements postérieurs à l'année 1345,
époque où Jean de Hainaut, d'abord attaché à la
cause anglaise, s'était rallié au parti de la France :
ce chroniqueur, c'était Jean le Bel. On sait par
J. de Hemricourt que le belliqueux chanoine de
Liège a fut délie hosteit monsseigneur Jehan de
Haynnau, saingnorde Beamont et de Cymay*. nJean
le Bel, d'ailleurs, a pris soin de nous dire, aotam-
ment en ce qui concerne la bataille de Crécy, qu'il
raconte cette bataille d'après le témoignage de Jean
de Hainaut et des chevaliers qui combattirent aux
côtés du seigneur de Beaumont : n Je l'ay escript au
plus prez de la vérité, ainsy que je l'ay ouy recorder
à mon seigneur et amy i?>essîre Jehan de Haynaut,
que Dieu absouUe, de sa 'propre bouche, et à dix
ou à douze chevaliers et compaignons de son hostel
qui furent en la presse avecques le proeu et gentil
roy de Bohesme, auxquelz les chevauk lurent tuez
dessoubs eulx; et si l'ay aussy ouy recorder en telle
manière à plusieurs chevaliers angles et d'AIemaigne
qui lurent là de l'aultre partie'. » Il n'est donc pas
1, Kirairdtt MoèUi dé la Batbaye, éi. de Salbraj, p, 158-
lain, t. n, p. 89.
;vGoo»^lc
INTRODUCnON. ux
surprenant que le récit de Jean le Bel et celui de
Frbissart dans la seconde rédaction se ressemblent :
ils dérivent d'une source commune Peut-être, du
reste, le curé des Estinnes-au-Mont, qui de i 325 à
1 360 s'est souvent inspiré de son devancier dans ses
deux premières rédactions, a-t-il mis à profit la
chronique du chanoine de Liège pour la narration
de la journée de Grécy, quoiqu'il ait disposé les faits
dans un ordre tout différent.
Nous arrivons ici à l'origine même de l'erreur re-
grettable qui a fait considérer jusqu'à présent le texte
d'Amiens comme la première en date des rédactions
du premier livre. Dans une dissertation sur la ba-
taille de Crécy publiée en 1840 S feu M. Rigollot a
eu l'honneur de signaler le premier à Tattention
des érudits le précieux manuscrit d'Amiâus et de
montrer son caractère profondément oi-iginal. Malheu-
reusement, il borna son examen au récit de la cata-
strophe qui intéressait particulièrement son patrio-
tisme picard; il supposa avec sagacité que ce récit est
beaucoup plus rapproché de Jean le Bel dans la ré-
daction nouvelle que dans celle des imprimés : il
en conclut avec une certaine apparence de raison que
le manuscrit qu'il avait sous les yeux nous a conservé
le plus ancien texte du premier livre. Adoptée par
des savants aussi considérables que MM. de Cayrol,
L. Polain et Rervyn de Lettenhove, l'opinion de
M. Rigollot est devenue la base de la beÛe édition
du premier livre des Chroniques qui a paru sous les
auspices de l'Académie royale de Belgique.
1. SténuAra Je la loàiti dei anliquaira de Picardie, t. III, p. 133 à
164. A la diuerUtion de M. Rigollot est joint un trMioa travail da
M. de Cayrol.
;vGoo»^lc
Lx CHRONIQITBS DE J. FROISSAAT.
Cette opinion a un défaut capital : elle repose sur
une étude incomplète, restreinte presque à un seul
point; et par conséquent la conclusion que l'on en
Ure n'est pas légitime. La publication int^rale de la
chronique du chanoine de Liège, très-postérieure à
la dissertation de M. Rigollot, a prouvé que si l'épi-
sode de la bataille de Crécy est plus voisin du texte
de Jean le Bel dans la seconde rédaction que dans
les autres, il s'en faut de beaucoup que l'on en puisse
dire autant de l'ensemble du premier livre. C'est une
particularité que présente seule, pour les raisons in-
diquées plus haut, la partie comprise entre 1 345 et
1356, et même dans cette partie Ton rencontre plus
d'une exception. Que Ton prenne par exemple dans
le récit du siège de Calais qui succède immédiate-
ment à la narration de la journée de Crécy le célè-
bre épisode du dévouement des six boui^eois où
l'humiliation des Français sert à faire ressortir la pi-
tié généreuse de la reine d'Angleterre ainsi que la
clémence finale d'Edouard m : on verra que Frois-
sart, qui dans sa première rédaction avait emprunté
à peu près mot pour mot cet épisode à Jean le Bel,
ne Ta pas reproduit dans la seconde.
Si l'explication de nos contradicteurs était fondée,
la ressemblance plus grande, la parenté plus étroite
qu'ils signalent entre la chronique de Jean le Bel et
la rédaction d'Amiens, au lieu de se borner à un assez
petit nombre d'événements postérieurs à 1345, de-
vrait s'étendre aussi à la période qui précède oette
date, mais il n'en est rien. Au contraire, avant 1346
la seconde rédaction est beaucoup plus originale, elle
fait des emprunts moins fréquents et surtout moins
serviles à Jean le Bel que la première. A la différence
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. m»
de celle-ci qui n'est soaveDt que la copie littérale du
texte du chanoine de Li^e, l'auteur de la seconde
ne reproduit presque jamais un passage du modèle
sans l'écourter ou bien sans le critiquer et surtout
sans noyer l'emprunt au milieu d'additions originales
plus ou moins importantes qui parfois ne s'accordent
pas avec ce qui est de provenance ëtraugère.
Toutefois, le caractère distinctif, essentiel de cette <
dernière rédaction, c'est la quantité, Tétendue, l'im-
portance des développements absolument origioaux
qu'on y rencontre et dont il n'y a pas la moindre
trace dans la rédaction antérieure. C'est là le &it ca-
pital qu'il importe de mettre dans tout son jour et
de bien établir, parce qu'il est de nature à répandre
la plus vive lumière sur la date respective des deux
rédactions.
On pourra mesurer en quelque sorte l'importance
des additions originales qui appartiennent en propre
à la seconde rédaction par un rapprochement ma-
tériel, par un simple coup d'œil jeté sur ee premier
volume. On a adopté pour le texle, comme il a été
dit plus haut, la première rédaction, et l'on a ren-
voyé en appendice à la fin de chaque volume les
parties ajoutées dans les seconde et troisième ré-
dactions en y joignant, pour simplifier le travail du
lecteur, les variantes extraites des divers manuscrits
de la première rédaction. D'où il suit que, si l'on
excepte ces dernières variantes qui sont très-courtes
et ne portent que sur des mots ou des membres de
phrase, l'énorme appendice du présent volume, par
exemple, se compose tout entier d'additions origi-
nales tirées soit de la seconde, soit de la troisième
rédaction. Or, k tiers environ de cet apjfenditx est
;vGoo»^lc
LUI CHRONIQVES DE S. FROISSAJRT.
fourni par les manuscrits d Amiens et de FaJencien-
nes, c est-à-dire par la seconde rédaction.
La narration des campagnes d'Ecosse de 1333 à
1336, qui ne forme dans la première rédaction que
quatre paragraphes très-courts *, ne remplit pas moins
de trente pages dans la seconde*. Le long épisode
de la guerre de Gascogne en 1338 cl 1339, qui sem-
ble être l'œuvre tout à fait personnelle de Froissart
et occupe onze pages de nos variantes % ne se trouve
que dans la seconde rédaction.
Le récit relatif à l'élévation de Jacques d'Arteveld
et à la révolte des Flamands, ofire en petit une image
exacte de la manière difiërente dont Froissart a pro-
cédé dans ses trois rédactions. Dans la première il
se contente de reproduire littéralement le texte de
Jean le Bel, sans y rien ajouter, sans en rien retran-
cher*. Dans la seconde, il conserve encore la ver-
sion hostile et partiale du chanoine de Liège*, mais
il y ajoute d'importants développements* où les cau-
ses économiques des troubles de Flandre sont expo-
sées avec plus d'impartiaUté^ une profonde intelli-
gence poHtique, une ampleur vraiment magistrale.
Enfin dans la troisième rédaction, le chanoine de
Chimay supprime définitivement le passage emprunté
à Jean le Bel pour y substituer des détails entière-
ment originaux et une appréciation vraiment per-
sonnelle; il y appelle Jacques d'Arteveld « hauster
homme, sage et soutil durement\ »
Froissart mentioitne à plusieurs reprises Jean le
1. P. 103 à lU.
s. P. 313 i 315, 316 ■ 319, 3S1, 323, 329 & 336, 341 i 352.
3. P. 377 à 388. — 4. P. 126 à 129. — 5. P. 395 et 396.
6. P. 38S à 393. — 7. F. 394 et 395.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. uni
Bel dans la seconde rédaction, et l'on a voulu voir
dans ces mentions répétées, qui font déiaut dans la
première, un indice des obligations plus étroites que
l'auteur de la seconde aurait eues envers le cha-
noine de Li^e. Comment n'a-t-on pas vu que dans
les passages dont il s'agit, le chroniqueur de Valen-
ciennes n'a d'autre but que de constater les additions,
les développements, les corrections qu'il a apportées
au texte de son devancier? Au sujet du siège de
Tournai, par exemple, où la seconde rédaction s'est
enrichie d'une foule de détails qu'on chercherait en
Tain dans Jean le Bel et dans la première rédaction,
Froissart n'oublie pas de prendre acte de cette addi-
tion : a Si comme je vous recorde, che si^e durant
devant Toumay, avinrent pluisseurs avenues et grans
fès d'armes tant en France comme en Gascoingne et
en Ëscoche , qui ne sont mie à oubliier, car ainssi
l'ai je proummis à messires et mestres ou coummea-
chement de mon livre que tous les biaux fès d'armes
dont j'ai le memore et le juste infourmation je les
remeteray avant, jà soit ce que messires Jehans li
Biaux, en ses eronikes^ tCen fait mies de tous mention.
Mes ungs homs ne puet mies tout scavoir, car ces
gerres estoient si grandes et si dures et si enrachi-
nées de tous costés que on y a tantost oubliiet quel-
que cose, qui n'y prent songneusement garde*, s
X^ récit de la guerre de Bretagne , où Charles de
Blois et Louis de Châtillon , le premier oncle , et le
second père du comte de Blois, jouèrent un rôle si
considérable, est infiniment plus complet dans la
seconde rédaction que dans la première, à plus
1 . M*, d' Amiou, P> 46 v>.
;vGoo»^lc
unr CHRONIQUES DE J. FROISSAftT.
forte raison que dans la chronique de Jean le Bel.
Aussi Froissait n'éprouve-l îl aucun embarras à rap-
peler que le point de départ de son propre travail a
été l'essai du chanoine de Liège ; on dirait qu'il cher-
che à provoquer une comparaison qui ne peut que
lui être favorable. « Fluiseur gongleour et enchan-
teour en place ont chanté et rimet lez guerres de
Bretagne et corromput par leurs chançons et rimes
controuvées le juste et vraie histoire, dont trop en
desplaist à monsseîgneur Jehan le Biel, qui le com-
mencha à mettre en prose et en cronique et à moy
sire Jehan Froissait qui loyaument et justement l'ay
poursuiwi à mon pooir, car leurs rimmes et leurs can-
chons controuvées n'ataindenl en riens la vraie ma-
tère, mes velle ci comme nous l'avons laite et ra-
chievée par le grande dilligensce que nous y avons
rendut, car on n'a riens sans fret et sans penne. Jou
sire Jehans Froissars, dairains venus depuis monsseî-
gneur Jehan le Bel en cei ouvraige, ai ge allé et cher-
chiet le plus grant partie de Bretaingne, et enquis
et demandé as seigneurs et as hiraux les gerrez, les
prises , les assaux , les envaies, les batailles, les res-
cousses et tous les biaux fès d'armes qui y sont ave-
nut, mouvant sur l'an de grasse mil CCCXL, poui^
sieuwans jusquez à le dairainne datte de ce livre, tant
à la requeste de mes dis seigneurs et à ses fraix que
pour me plaisance acomplir et moy fonder sus title de
vérité, et dont j'ay estet grandement recompenssé'. »
Tout le monde connaît le fameux épisode des
amours d'Edouard Œ et de la comtesse de Salisbury,
et l'on sait maintenant qu'il est emprunté textuelle-
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. lxv
ment à Jean le Bel. Froissart a supprimé seulement
ce qui est relatif au viol de la comtesse par le roi
d'Angleterre. Il est vrai que notre chroniqueur n'en
nomme pas moins le dianoine de Liège dans la
seconde rédaction, mais il ne le nomme que pour
le critiquer et le redresser. D'ailleurs, par les détails
tout nouveaux qui embellissent ici le récit primitif,
notamment par la délicieuse partie d'échecs, Frois-
sart a trouvé le moyen de surpasser un modèle qu'on
eût pu croire inimitable : il peut donc cette fois évo-
quer le souvenir de son devancier sans que son ori-
ginalité ait rien à souffrir, sa gloire rien à redouter
du parallèle. « .... voirs est que messire Jehans li
Biaux maintient par ses cronickes que li roys englès
assés villainement usa de ceste damme et eull, ce dist,
ses vollentez si comme par forche : dont je vous di,
se Dieux m'ait, que j'ai moult repaïriet et converssé en
Ëngleterre , en l'ostel dou roy principaument et des
grans seigneurs de celui pays, mes oncques je n'en
oy parler en nul villain cas', d
La conclusioa à tirer de ces citations, c'est que si
l'auteur des Chroniques mentionne plus souvent Jean
le Bel dans la seconde rédaction, ce n'est point parce
qu'il a plus d'obligations au chanoine de Li^e dans
cette rédaction que dans les autres, c'est, au con-
traire, parce qu'à y est plus original que dans la
première, et se croit, par conséquent, plus en état de
soutenir avantageusement la comparaison avec son
devancier ; on ne cite jamais si volontiers ses prédé-
cesseurs et ses émules que lorsqu'on est sûr de les
avoir surpassés.
1. M*. d'Amiea*, P> 83 v°.
;vGoo»^lc
un CBHONIQUBS DE ). FROISSAAT.
Du reste, Froissart avait marqué avec tant 4e forpe
dans le prologue de la première rédactioD, toutç l'ér-
tendue de ses obligations envers Jean le i^el, qu'il a
au sans doute pouvoir se dispenser d'y revenir daqs
le cours de cette rédaction ; « .... je me vueUfonderet
ordonner sur les vraies chroniques jadis iaites et rassem-r
blées par vénérable honune et discret monseigneur Je-
han le Belj chanoine de Saint Lambert du Liège, qui
graat cure et toute bonne diligence mister^ ceste ma-
tière et la continua tout son vivaqt ^u plus justement
qil'il pot, e( moulL lui cousta à acquerre et à l'iivair,
Mais quelque fraiz qu'il y eust ne fist, riens pe pl^-
gny, car U estoit riches et puissaps, si les povoitbieq
porter, et de soy mesme larges, honnourahles et cour-
tois, et qui le sien voulentiers despendoit'. »
Combien est différent le langage que tient l'auteur
des Chroniques dans la seconde rédaction) Au lieu
du bel éloge qu'on vient de lire, c'est à peine s'U
accorde ici à son prédécesseur une mentioq de deux
lignes dont la sécheresse a quelque chose d'un peu
dédaigneux : « Voirs est que messiresJehansUBiaux,
jadis canonnes de Saint Lambert de Liège, en cronàa
à fon temps nuqune car«^ u Froissart fait ensuite resr
sortir avec une insistance marquée tout oe qu'il lui
en a coûté pour doQQer à son oeuvre un caractère
original : «< Or ay je obe livre et ceslâ histoire
at^/n«R/^ par juste enqueste que j'enayfaiten travail-
lant par le monde et en demandant $& vaillans hom-<
mes, chevalierq et esouyers, qui les ont aidiés 4 acrois-
tre, le vérité des avenues^ et osù à aucuns rois
d'armes et leurs marescbaus, tant en Fraiiobe ÇQmvoA
1. P. 310. — 2. P. 309.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. lxvii
en Engleterre où j'ay travillié apriès yaux pour avoir
la Tenté de la matère.... moût de paine et de travail
en euch en plmseurs mannierres mnchoit que je leuisse
compillé ne aeompli^ tant que de le labeur de ma teste
et t^ r exil de mon cor/'.r/mais touttescoses seaoom-
plissent par plaisance et le bonne dilligence que on
y 0> ensi comme il apparr» avant en cest livre. »
CHAPITRE ni,
Dl Là TROIStiHE BiDACTIOIT ; — HAiniSCIIlT UKIQUB DE U
■ISUOTBÈQtlB DU VATICAR', CARACTèuS filBTinCTIFS DB
LÀ TSQlSliHS Xio ACTION.
Id Ipoisième. rédaction n'est représentée que par
UB manuscrit unique conservé aujourd'hui à la biblio-
thèque du Vatican et qui dans nos variantes est top-
jours désigné sous la rubrique ; Ms. de Rome.
Cette troisième rédaction ne comprend que le tien
environ du premier livre ; et le réoit s'arrête à la
mort de Philippe de Valois en 1350. Il est vrai que
la phrase tronquée i les trkuves est, qui termine le
manuscrit de Rome, indique qu'il ne nous est pa^
parvenu dans son entier; mais trois fieuillets seule'^
ment en ont été retranchés^ comme le prouve la
souche encore très-apparente de ces feuillets \ il îoxA
en conclure que le manuscrit de Rome n'a jamais
dé|>assé l'étendue qu'il avait avant la mutilation des
trois derniers feuillets,
On A prétendu que le manuscrit de Rome^ dont
l'écriture est de la première moitié du quinzième
siècle, avait «ppiu-tenu à Jean de Moreuil ; malheu-
reusement c'est une pure hypothèse qui ne s'appuie
;vGoo»^lc
Lxviu CHRONIQUES DE J. FROISSAAT.
sur aucune preuve solide. U n'en est pas moins vrai
que ce manuscrit offre tous les caractères intrinsè-
ques et extrinsèques d'authenticité. Un certain nom-
bre de notes marginales, dont l'écriture semble
presque aussi ancienne que celle du texte, présen-
tent les caractères du dialecte wallon le plus pro-
noncé' : on est ainsi fondé à croire que le manus*
crit de Rome a d'abord appartenu à cpielque habitant
du pays où est mort Froissart.
De plus, le texte lui-même a gardé dans maint
passage l'empreinte de ce dialecte wallon cpii carac-
térise , comme nous l'avons dit, les manuscrits les
meilleurs, les plus anciens, tes plus authentiques des
deux premiers livres des chroniques. Comme cette
empreinte a généralement disparu dans les deux
éditions successives données par le savant M. Ker-
vyn, à qui revient du reste l'honneur insigne d^avoir
appelé le premier l'attention sur le manuscrit de
Rome, on me permettra d'appuyer par plusieurs ci-
tations une assalion aussi importante que nouveUe :
ie carge', — /e est', — le porte*, — il vinrent de-
vant la ville de Bristo, qui est forte assés ; si le asse-
gièrent', — la barge par ceuls meismes qui le me-
noient.... fti ramenée*, — le propre anée'. Un autre
trait caractéristique qui dénote aussi l'origine wal-
lonne du texte de Rome, c'est la fidélité remar-
quable avec laquelle la distinction du cas sujet et
I. On lit : mU roine i, 1^ 5 i«; ■ & fille ■, ^ 31 v; •< /s batulle de
Cutid», fb2&T«i •> fe mort don conte-, f<> Sei"; « b chenllerie don
conte Guillaume >, (>> 40 to; ■/■ bataille de Gagant», ^41 t"; tUhtr
taille de Citehj », P> 117 r>.
S. P. 334 de ce Tolume. — 3. P. 336. — 4. F. 339. — 5. P. 343-
— 6. P. 345. — 7. P. 247.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. lxul
du cas rëgime est souvent observée dans un ma-
nuscrit qui ne date pourtant, comme nous le verrons
tout à l'heure, que des premières années du quin-
zième siècle. On peut citer tel passage où ii abbes du
nominatif latin àbbas est employé au sujet, et Vabbet
ou y abbé, formé sur l'accusatif aWdfcffï, au régime ; il
n'y a dans la page et pour le mot dont il s'agit qu'une
infraction à la règle, et encore elle est douteuse '.
L'examen du texte lui-même se joint aux carac-
tères extrinsèques du manuscrit de Rome pour éta-
blir la par&ile authenticité de la troisième rédaction.
Froissart s'y met plus d'une fois en scène. Lorsqu'il
raconte que Jean Chandos fiit fait chevalier de la
main d'Edouard III à Buironfosse, le chroniqueur
n'oublie pas d'ajouter qu'il tient ce détail de Chan-
dos lui même*. Ailleurs, il évoque le souvenir de son
voyage d'Ecosse en 1365 qui dura trois mois*; il
parle du séjour qu'il fit au mois de septembre 1366
au château de Berkeley* et de ses excursions à tra-
vers l'Angleterre en compagnie d'Edouard Spenser :
« Et pluisseurs fois avint que, quant je cevaucboie
sus le pais avoecques lui, car les terres et revenues
des barons d'Engleterre sont par places et moult es-
parses, il m'appelloit et me dissoit : « Froissart, veés
TOUS celle grande ville à ce haut clochier?» — Je
respondoie : « Monsigneur, oil : pourquoi le dittes
vous?» — a Je le di pour ce : elle deuisl estre mienne,
mais il i ot une maie roine en ce pais, 'qui tout nous
tolli*. u De même qu'Edouard Spenser reconnaissait
de loin les domaines conâsqués sur sa famille à la
I. P. 339 « 240. - 2. P. 471 . — 3. P. 269. — 4. P. 247.
;vGoo»^lc
ux CHRONIQUES DE J. FHOISSART.
hauteur de bertains clochers^ qui ne reconhaitrait k
ce dialogue vif et pittoresque le prince des chroni-
queurs, sire' Jean Froissart?
A quelle date a été composée la troisième rédac-
tion? Il suflll, pour trouver la réponse à cette ques-
tion, de lire, entre beaucoup d'autres, le passage sui-
vant relatif à la belle Jeanne de Kent, femme du
Prince Noir et mère de Tinfortuné Richard H : a Celle
jone damoiselle de Qent estoit cousine germainne
dou roi Edouwart d'Engleterre ; et fîi en son temps
la plus belle dame de tout le roiaulme d'Engleterre
et la plus amoureuse ; mais toute sa génération vint
à povre conclusion par les fortunes de ce monde
qui sont tooult diversez, ensi que vous orés recorder
avant en l'istore *. » Ces lignes renferment une allu-
sion évidente à la fin malheureuse de Richard n et
sont par conséquent postérieures à l'année 1400,
date de la mort de ce prince.
C'est ici l'occasion de signaler le trait caractéris-
tique qui distingue, au point de vue historique, la
troisième rédaction de celtes qui l'ont précédée. Il
est impossible de Ure cette rédaction sans être frappé
de la gravité, de la sévérité inaccoutumées, quoique
souvent justes et parfois profondes, des réflexions de
Froissart sur le caractère et les institutions du peuple
1 . Froiturt w donne à la fin du prologue Ae la première r^aMion
rcïi»^ (Toyei p. 7) le titre de aire; il «cmble loutefoia recanniitre im-
plicitement qu'il n'y ayait pas droit, car il ajoute aussitôt ce correctif :
0111 laiU mt foit honaerer. On sait en effet que la qualification de tire ou
mestire, appliquée parfois eux clerc* à titre gracieux, ^tait plus particu-
lièrement rf servie aux gentil ahommes ; mais il 7 a une noblesse innje,
personnelle, qui s'impose en dépit de toutes les conventions sociales •,
qui poss^a jamais cette noblesse à un plus haut degré que le chroni-
queur de Valenciennes ?
2. P. 30ii.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. Wxi
anglais ; èl coitùiàe les événetnents relatifs à l'Ângle-
tëïte tiennent une très-grande place dans 1ë premier
litre, le r^cit des faits déjà i^cont^s dans les
prenûèfe et seconde rédactions revêt dans la ti^l
sième , sous l'intluentie que nous Indiquons , une
physisntittite toute nouvelle. <( Ënglès, dit quelque
partie chrctbiqueur, sueQréht bien un temps, inaii
en la IIh il paient si crlieusement que on s*i puet
bien ëxenlpliier, ne on ne puet jeuer à eulz. Et se
lîeuve et couce uns sires en trop grant péril qui tes
gouverné, car jà ne l'aùieront ne honneront, se il
n'est victorieus , et se il n'ainme les armes et là
guerre à ses voisins, et par especial à plus fors et k
plus ricbes que il ne soient'. » Ailleurs, Froissart lait
observer qUe les habitants de I.ondres ont été, sont
et sm>nt toujours les plus puissants de. toute l'Angle-
terre'. Il ajoute dans un autre endroit que, lorsque
les Londriens s'entendent, nul ne leur peut résister.
<^de aux richesses dont Us disposent et au nombre
de gens d'armes qu'ils peuvent mettre sur pied, ils
sont plus forts que tout le reste de l'Angleterre*. Quel-
ques pages plus loin, le chroniqueur prête à ces mê-
mes habitants de Londres les paroles suivantes :
«... Kous n'avons que faire d'un roi endormit ne
pesant, qui trop demande ses aises et sez déduis.
Nous en ocirions avant un demi cent, tout l'un
apriès l'autre, que nous n'euissions un roi à nostre
séance et volenté*. « Les Anglais sont ombrageux et
croient plus volontiers le mal que le bien'. Us sont
déliants et ils rompent le lendemain une convention
à laquelle ils ont souscrit la veille*. I^e roi d'Angle-
1. P. 2U. — 2. P. 224. — 3. p. 243, — (t. P. 349. — 5. P. 294.
;vGoo»^lc
I.XZII CHRONIQUES DE J. FROISSART.
terre doit coasulter ses sujets et obtenir leur consen-
tement avant de conclure aucun traité de paix, ou de
guerre avec une puissance étrangère '. Les Anglais ne
savent ne veulent ni ne peuvent rester longtemps en
paix ; il leur faut la guerre, n'importe sous quel pré-
texte, et ils y portent une passion, une aptitude ex-
trêmes*. Il nV a pas sous le soleil de peuple plus
orgueilleux et plus présomptueux que le peuple an-
glais'. Il faut que le roi d'Angleterre obéisse à ses su-
jets et fesse tout ce qu'ils veulent*. Enfin, Froissart,
après avoir rapporté un jugement très-sévère des
Ecossais sur les Anglais, s'associe à ce jugement dans
les termes suivants : « Ënsi disoient les Escoçois, et
non pas euls tant seullement, mais toutes aultres na-
tions, qui congnoLSsent la nature et condition des
EngloLs; car, desous le solel, ne sont gens plus pe-
rilleus ne mervilleus à tenir, ne plus divers que sont
Englois. Ils sont de belles aquintises et de biau sem-
blant ; mais nulz qui sages est , n'i doit avoir trop
granl fiance*. »
Que nous sommes loin de l'admiration presque
sans réserve pour l'Angleterre et les Anglais qui
éclate dans tant de pages de la seconde et surtout
de la première rédaction I Si un changement analo-
gue s'était produit dans les sentiments de Froissart à
l'égard des autres nations, on pourrait attribuer une
sévérité aussi insolite à ce désenchantement, fruit
amer de l'expérience de la vie, que les années ap-
portent d'ordinaire avec elles; mais il n'en est rien.
Notre chroniqueur continue d'apprécier comme par
t. P. 307, 319 « 327. — 2. P. 313.
5. P. 338.
;vGoo»^lc
INT{10DUCTI0N. lixiii
le passé les Flamands^ les Allemands, les Français;
on dirait même que sa sympathie pour la France,
plus marquée dans la seconde rédaction que dans
la première, s'est encore accrue dans le texte de
Rome. D'où vient donc cette sévérité exceptionnelle
à l'endroit des Anglais qui distingue la troisième ré-
daction? Ah I c'est qu'entre cette dernière et celles
qui l'ont précédée il y a l'abime profond, sanglant
qu'ont creasé les troubles de la lin du régne de Ri-
chard n. Ce prince, qui avait si bien accueilli notre
chroniqueur lors de son dernier voyage en Angleterre,
n'était-it pas le Bis du Prince I^oir, n'était-il pas sur-
tout le petit-fils de la bonne reine Philippe de Hai-
naut, cette auguste bienfaitrice dont son ancien clerc
adora le souvenir jusqu'à son dernier jour*. Lors-
({u'on fut informé sur le continent de la déposition,
puis de la mort de Richard, ainsii que des scènes
cruelles qui précédèrent et suivirent ces deux tragi-
ques événements, Froissart dut se sentir frappé dans
les plus chers souvenirs de sa jeunesse, dans ses plus
vives affections; il dut éprouver une indignation
^ale à sa surprise. Nul doute que la troisième rédac-
tion ne nous apporte dans les passages indiqués plus
haut comme un écho de ces sentiments *.
1. Vojez p. S86 de ce volame en qnela terme* tonchants ProÛMrt
parle de Philippe de Hainaut : ■ F.i tant comme elle Tetqni, li roiaulme*
d'Engleterre eut graace, prospérité, honnour et toute! bonne) aveo-
tnrei; ne onque» famine ne cliier tempi de «on resgne n'i demorèrenl. •
Ce pauage appartient à la troisième réHaction , et Froistart était cha-
noine de Clùmaj lorsqu'il écririt ce bel i^o^e de sa bienfaitrice.
2. Froiuart avait tonjour* eu dei lendancei aristocratique*; mai*
mille part il ne les accuie aiec plu* de force que dani la troisième ré-
daction, où le dëdain pour le* TÎlaiDi est parfois poms^ jutqa'à l'in-
jmtice et mime jusqu'à l'insulte. 1! dit de* Plaoïands qui combattirent '
i, CaMel {toyez p. 300} : • Toutes foii Dieoi ne Tolt pas conientir que
;vGoo»^lc
Ltzit CHRONIQtJES 1>t S. FRDISSAAT.
Au poiùt de vue Itttëraire, la troisième rédaéÂioil
ne présente pas un caractère moins frappant que
sous le rapport historique; et si^ pour le fonds des
idées, la sévéï'ité des jugements sur le peuple anglais
est le trait distinctlf de cette rédaction, le but ptin-
clpat, on pointaitdlre, exclusif de Ftvissaft, en ceqiil
concerne la forme, semble avoir été d'efiacer toute
trace des emprunts parfois sfirviles, teituels, qdMI
avait faits à Jean le Bel danâ les rédactions antérieu-t
res. Voilà pourquoi l'on ne l^trouVe daùs le texte
de RorQe ni le làmeux passage relatif à Jacques d'Ar-
teveld ni le célèbre épisode des amoilrs d'Edouard nî
et de la comtesse de Salîsbury, ni tant d'dutfes mor-
ceaux, où le chroniqueur de Valenclennes se conten-
tait de reproduire plus ou moins littéraletiient danâ
ses deux pt-emières rédactions le récit du chanoinfl
dé Liège. Voilà pourquoi, alors même qu'il emprunte
dans sa troisième rédaction le fond et la matière à
Jean le Bel, il a bien soin de modifier asseî profon-
détnent la forme poiu* lui donner un caractère vrai-
ment original, au risque de lui faire perdre quelque-
fois, comme il est arrivé, par exemple, dans le récit
des derniers moments de Robert BrUce, quelque
chose de sa valeur littéraire'. Voilà pourquoi enfltl,
li lignear fuissent là dewonfi de tel aitrdaiUt. * H tant pldiidre Proli-
tarl d'avoir qualifié avec une telle grosùèretf cet biaTM communieri
flamand! qui ie firent tuer sTeo tant de courage. Lorsqu'il «écrivit cet
lignes, les excès de la populace anglaise étaient sant doute prëienu 1
ia penB^e et ne lui inspiraient que du dégoât pour ce peuple dont îl
était pourtant sorti, comme Jeanne d'Arc allait bientôt eh sortir. Cest
l'tHeriielle histoire : on fait expier au peuple les fiiutès et les ctîmes de
la populace.
1. P. 389 de ce Toliime. Froissart, qui ne teUait pas de preniîêre
nlaînlel^it dri Cette admirable scène, n'a pas atteint la grandeur sîm[4é
du chanoine de Liège, comblé on le verra en comparant la première
;vGoo»^lc
INTRODTTCnOfii i,ixt
à partif de la bataille de CrîCy^ la troisième tëdactioh
se rapproche plus de la première qile de la seconde^
parce qu'à partir de la même date, la seconde,
comme on l'a dit plus haut, est souvettt moins ori-
ginale et fait plus d'eitiprunta que la première à ta
chronique du chanoine de Liège.
On sait que le texte de Jean le Bel, qui s'arrête au
mois d'avril 1361, prend, notamment dàhs la partie
comprise entre 1350 eti 856, le caractère d'uii abrégé
chronologique que Froissart avait en partie repro-
duit dans &a première rédaction proprement dite.
Mais Comme, d'un côté, notre chroniqueur avait
remplacé cet abrégé datis la première rédaction re-
visée ainsi que dans la seconde par un récit origi-
nal et plus ample, comme, d'un autre côté, il nous
apprend lui-même qu'il avait commencé à voler de
ses propres ailes à partir de la bataille de Poitiers en
135B, il suit de là que, pour réaliser pleinement la
pensée qui semble avoir présidé à sa troisième ré-^
daetion, c'est-à-dire pour se débarrasser de tous les
emprunts faits à Jean le Bel, le chanoine de Chimay
n'avait à remanier son premier livre que jusqu'en
1350. Aussi, nous pensons que, sans Id regrettable
mutilation qui nous a privés des trois derniers feuil-
lets du manuscrit de Rome, nous aurions ce manuscrit
dans son entier et tel que Froissart A voulu le trans-
mettre à la postérité, en le faisant suivre pour le reste
du premier livre de l'une de ses deux rédactions an-
térieures ou plus probablement d'un choix fait entre
les diverses parties de ces deux rédactions. En d'ati-
r^aetion (p. 79 à 81), reproduction pur« et simple dn texte de Jean
le Bel, i la narration originale qui lai a iti tubttitnëe dan* la tràl-
«ième (p. 289).
;vGoo»^lc
LXivi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
très termes, le texte du Vatican n'est nullement^
comme on l'a cru jusqu'à ce jour, une ébauche im-
parfaite, une œuvre inachevée; c'est un tout complet
auquel son auteur a mis la dernière main et auquel
il ne manque que ce qu'un caprice destructeur y a
enlevé.
M. Kervyn de Lettenhove pense comme nous que
le manuscrit de Rome ne devait guère aller plus
loin que 1350; mais il suppose que c'est la mort
qui a empêché Froissart de poursuivre son travail.
H Malheureusement, dit-il, le manuscrit du Vatican
est incomplet. Les derniers feuillets ont été détruits,
et ce qui nous en a été conservé ne donne que le
règne de Philippe de Valois. Le texte allait-il beau-
coup plus loin? J'en doute, car, vers la fin, je crois
découvrir dans la rédaction certains symptômes dé-
puisement et de lassitude. Les chapitres deviennent
très-courts. Le récit, loin d'être développé comme
dans d'autres parties de ce texte, n'offre plus que le
résumé de ce que nous connaissons, et nous avons
bien le droit de nous demander si le jour où fiit
suspendu le travail du chroniqueur, ne fut pas aussi
celui où l'on creusa à Chimay cette tombe que l'on
ne retrouve plus'. »
Ces symptômes d'épuisement et de lassitude sont
incontestables, si on ne lit le texte de Rome que
dans les deux éditions qu'en a données M. Kervyn ;
mais l'honneur de Froissart nous oblige à dire que ces
éditions ne reproduisent pas fidèlement le manuscrit;
et depuis le feuillet 1 00 surtout jusqu'au feuillet 1 52
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. uxvii
et dernier^ il n'y a presque pas de page où des
mots, des lignes, souvent des phrases entières n'aient
été omises par le savant éditeur belge ou plutôt par
ses copistes. Il serait trop long d'énumérer toutes
ces lacunes ; il suffira, pour prouver notre assertion,
de mettre en regard, dans un certain nombre de
passages, le texte publié par M. K.ervyn et le texte
réel que nous avons copié nous-même, comme c'é-
tait noire devoir rigoureux, sur le manuscrit.
TBXTB SI M. KXRVTM.
« & avoit en ceste aove vîUe don roi (il s'agit d'une ville fon-
dée par Edouard Ilf pour y loger son armée pendant le siège
de Calais], toutes coses nécessaires, apertenans à un host.
Quant mesures Jehans de ^^ane fu venus en Calais, et il ot
veu le siège et comment les £nglois estoient amasë, ensi que
pour demorer vint ou trente ans là devant au siège, et il ot fait
visiter la poissance des vivres qui estoient en la ville, il en Est
un jour widier et partir plus de XXVII° , hommes, femmes et
enfans, pour alegerir la ville.
Quant chil peuples issi hors premièrement de Calais, auquns
Eoglois quidièrent, quant il les veirent issir, que il les veuissent
courir sus. Si se assamblèrent à l' encontre de euls les archiers,
et les fissent requler jusques ens es fossés de la ville. Là i ot,
entre ces Engbis, auquns prendommes fûteus, qui congneureni
tantos que ce n'estaient pas gens pour faire nul ccHitraire. Si fis-
sent cesser les aultres de euls courir sus, et lor demandèrent où
il aloient. Il respondirent que on les avoit bouté hors de Calais
poor tant que il cargièrent trop la ville, et aloient ailleurs à
l'aventure quérir lor mieuls. Ces nouvelles vinrent au roi d'En-
gleterre qui, meus en pîté, les fist entrer en l'oost, et commanda
que tout et tontes fuissent bien disné ' . »
1. OEufrt dt FrvutarltjxMUu jbhi Ut auipictt da tÂemiiaù» njfoU
Jt Bttgi^u*. Chrwù^au, t. V, p. S7 et 88. Bruxelles, 1668 ia«>.
;vGoo»^lc
u^viii CHROmQUSS DB h FIIOISSART.
TBXTI DU KANCBCUT.
■ Et «voit en ceste nove ville dou ra toutes oowi neceasairM
apertenans i| ua hoost et * plus encores, et place a^tb^mée pour
tenir marchiet le merquedi et le samedi. Et là estoient halles de
drapi et de merekiers et aussi estas de bouciers et de bouleit-
giers. Et de toutes cotes on i pooit recouiirer aussi largement
comme à Bruges ou à Londres, et tavernes de tous vins de Gre-:
Bote, de Grec, de Malevisie, de Rivière, de vins de Gascongmt,
de Poito, de France et de Riu, boat caUarès et bien pourveu* dp
chars, de voliUes, de poissons. Et lor venaient de Flandres les
marceandises toutes /K-estes de Bollandes, de ZeUandes et d Âle-
magne, et tout par mer. Et en i avait là pluisseurs ouvriers ju-
ponniers, parmenliers, corduaniers, peietiers, cabareteur^ fotir-
niers et tavreniers qui i gissoient assis mieuls à lor plaisance
et pourfit que donc que II fuissent ckiis leur. Et parent biem oou~
rouciel qant li sièges se desfist et que Calais fut amquite, car
il perdirent le flour de lor wagnage.
Qant mesires Jehans de Viane fii venus en Calais et il ot veu et
considéré le siège el comment les Englois estoieat amasé ensi que
pour demorw vint ou trente ans là devant au siège, et il ot fait
viseter la poisaoee des vivres qui estoieat en la ville, il en Bat
un jour widier et partir plus de vint sept cens honmes, fenotes
et enfaDi, pour alegerir la ville. Qant chit peuples issi hors prv
DÛerement de Calais tous en blancs qamises et portùient confit»
notu de maustiers en signe de humelité, auquns Bnglois quidi^
rent, qant il les veîrent issir, que il les venissent courir sus. Si
SB assamblèrent à l'eaccwitre de euls les archiers, et les 6ss«it
reqnler jusques ens es fossés de la ville. Là i ot entre ces B^igloîs
auquns preudonmes piteus, qui oongneurent tautoi que oe n'es*
toieot pas gens poor foire nul contraire, fii fissent cesser les
aultres de euls courir sus, et lor demandèrent oà il aloient. 11
respondirent que on les avoit bout^ hors de Calais, pour tant
que il cargoient trop la ville et le fouiloiaa de vivres, et «f
aloient ailleurs à l'aventure quérir lor mieuls ensi que povres
gens qui a/voient tout perdtt sans nid recouvriez. Ces nouvelles
1 . Les passages sonligiià sont ceux qni manquent dans l'ëdîtioD de
M. Kerv^.
jvGooi^lc
UfT^OpUCriQN. Lxsff
vinrent au roi d'Engle terre et as signeurs qae cHils povres peu-
ples de Calais estait là oui à mercAi. Li rois, meus en pite. Us
fist entrer en l'oost, et coomanda que tout et toutes fuissent
bien disné. » F* 124 y».
TBXTB DB H. KBBVTN.
a Quant la congnissance en fu venue au ducti de ïfprmeqdie
conunent messires Gautiers de Mauni estoit pris et i^s en pri-
son, si en fu durement courouchiës '. o
TSXTB DO lUlfUBGRITt
<t Qant la congnisance en fq venue au duch de Normendie
conment messires Gautiers de Mauni, sus se asegurance et sauf-
conduit, avait ceile paiiate et desplaitattce que estoit pris et mis
en prison en Cbatteliel ià où on mat et botUe Ut larrons, à en fil
durement coorouchiés. » F° li6 ▼*■
TEXTÏ DK M. K8RTTR.
o Hiu n'en i ot i celle table, et là sus la fia dou disoer on
présenta à m^ssire Gautier de Hauni de par le roi mault lices
j«uiauls 4' or ^t d'argeiit et furent mis devant liù sus la tabla, et
qui les ayoit aportës, ce furent li sires de Siaujeu et messires
Caries fie Hootmorensi. Apriès la table, encoras estaient li jeuieL
sps U table *■ »
TEXTE DU HAIVOSCRIT.
a Plus n'en i ot à celle table, et là si|S la fin dou disner, on
présenta à messire Gautier de Mauni, de par le roi, moult rices
jeoiauli d'or et d'argent, et furent mis et assis devant lui sus la
table. là chevaliers, qui fU moult sages et moail /umnerables, re-
mercia grandement eeuls qui jeuituds avoient aportës : ce fu li
sire de Biaujeu et mesire Carie de Montmorensi. Qaitt li heure
fim de lever la table , encores estoient li jeuiel sus la table, s
F" (27 V",
1. OMwre* dt froùiart, t. V, p. 104. — 3. Ibid., p. 106.
;vGoo»^lc
CHRONIQUES DE J. FROISSART.
s Quant il Turent venus jusques à là, il asallireut la ville et le
|>risent d'asaut, mais au chastiel ne porent il riens Taire, et vin-
rent devant Harant, à quatre lieues de la Rocelle, mais il le
tronvèrent si Tort que point n'i tournèrent pour le asaltir, et pas-
sèrent oultre, et puis vinrent à Luslgnan et ardirent la ville,
mais au chastiel U ne fourGsscut riens, et laissièrent derrière
enls Pons en Poito et Saintes, mais pourtant que elles estoient
fortes et bien pourveues, il n'i livrèrent nuls assaus et vinrent à
Taillebourc sus la Oiareute. > s
TBXTI DO HARUtCaiT.
« Qant il Turent venu jusques à là, il asallîrent la ville et le
prisent d'asaut, mab au chastel ne porent il riens Taire, car il
est trop fars et s'est bien gardés tous Jours par usage, pour tant
que il fait frontière sas la Giane, et puis cfievauc/tièrenl deviers
Aunai et conquisserU ville et chastiel et puis Surgières et Benan,
Et vinrent devant Marant à quatre lieues de la Rocelle, mais il
le trouvèrent si Tort que point n'i tournèrent pour le asallir et
passèrent oultre et puis vinrent à Luzegnen et ardirent la ville,
mais au chastiel il ne fourfissent riens et laissièrent derière euls
Pons eu Poito et Saintes; mais pour tant que elles estoient Tmtes
et bien pourveues, il n'i livrèrent nuls assaus, et laissièrent
Niorth et Chiset et point n'i asalirent , et vinrent à Taillebourc
sus la Carente. » F* 138.
•c Ensî orent en ce temps les Englois et les Gascons b chité de
Poitiers et i Turent quatre jours, et quant il se départirent, tout
carnet d'or et d'argent, de draps *,... »
a Ensi orent en ce temps les Englois et tes Gascons la cbité
de Poitiers, et i fissau che que il vorrent. Elle fu toute courue,
\. OXurra Je FroUtart, t. V, p. 111. — 3. Ibid., p. 116.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. ixxu
et grandemera l pourfUèrem la Englois et i séjournèrent quatre
jours. Et qaut il se departireat tout cargiet d'or et d'argeot, de
draps.... » F* 128 v".
TEXTE DB K. XEBVTlf.
<s Qna&t lï rois de France et ses consauls vmrent qae 11 rois
d'Engletore et les Englois estoient aresté devant Calais, si en
furent moult courouchié. Si jetèrent lor visëe li Franchois ' . . . . u
TEXTE DU )U.nUSGUT.
Qant II rois de France et ses consauls veirent que lî rois d'Ein-
gleterre et les Englois estoient arestë devant Calais et teUement
fortefUet et ordonné que im ne lor pooit porter contraire ne da-
mage ne lever te siège, car de perdre telle ville que Calais est
ee pooit estre trop grandement au blâme et ou préjudice doa
roiaulme de France et par especial des marces et frontières de
Piqardie, ai en furent moult courouchîé. SI jetèrent lor visée
liFi^nçras.... » F» lî».
« Le lettres vinrent, et messires Godefras, qui estoit dalès le
roi d'Engleterre , fu moult rcsjols et dist : « Sîk, madame la
roine d'Engleterre est une vaillans femme : c'est une noble paire
de vous dens. Keus est en voatres oevres et mains. Persévères
toasjoura avant : vous venrés à chief ou en partie de vostre en-
tente et calenge; et se vous avés, ensi que vous auerës, celle ville
de Calais, vous auerés un grant avantage et porterés les clefs
dou roiaulme de France à vostre ceinture, et à bonne heure
passai la mer pour vous; car considères le biau voiage que vous
avés bit et desconfi vostre ennemis. » — « Godofroi, dist li rois,
TOUS dittes vérité, et je sui grandement tenus, et aussi est tous
mes roJanlmes de ren<b?e grâces à Dieu que ce nous a envoyet'. •>
TEXTE DU lUnlWCRIT.
n Le[s] lettres escriptes et seelées, honme bien esploiiant furent
cargiet de faire ce message et se missent à voie et chevaucièrent
1. OBarret Jt ProUiitrt, t. V, p. 123- — 3. Ibid., p. 141.
f
jvGooi^lc
UHxn CHRONIQUES DE J. FROISSAHT.
taat tjuoitovsement de nuit et de jour que il vinrent à Douertt.
Et tantôt entrèrent en un vassiel et furent oultre de une marée,
et vinrent deviers le roi premièrement, et baîUière/a lori lettres
de par la roine. Li rois les ouvri et listi tout au Umc. Et qaitt il
ot entendu toute la substance de la lettre et la prise dou roi
itEscoce, son serouge et son adeersaire, et tardenance de la
bataille et les noms des mors et des pris, des hanmes d'onnmir
qui à la bataille avaient esté, et conment Jehans de Copetanl,
esquiers de Narlhombrelande, taeoit pris et le tenait en un chas-
tiel, et ne le voloit rendre à nul honme ne fenme ne à la roine sa
fenme meismement, et toutes ces coses et nouvelles la roine'li spc
cipoit clerement, vous devis savoir que il ot grant Joie; et ajqielUi
tantôt mesire Godefroi de Harcourt qui estait dalèt lui, et U
lissi les lettres tout au lonch. De ces nouvelles fu mesiret Gode-
froit moult retj'oit et dist .* ■ Sire, madame la roine d'Engleterre
est une vaillans fenme : c'est une noble paire de vous deus.
Dieus est en vostres oevres et mains. Persévère tousjours avant :
vous venr^s à chief ou en partie de vostrcs ^itentes et calenge.
Et se vous avéi, enai que vous auerés, celle ville de Calais, vous
auerës nn grant avantage et porterés les cleb dou roiaulme de
France à vostre çainture. Et à bonne heure passai la mer pour
TOUS, car je vous ai resvilliet } à très grant painne vous amenai
je par de deçà. Considérés le biau voiage que vous aves fait et
desconfi vostres eonenùs. Et damre part et tout une saison
vostre fenme a eu une telle journée pour lui que pris le roi
dEtcoee et toute la fleur de celi roiaulme. /amait de vostre eage
ne se relèverait les Escoçois, Rostres coses ••ous viennent à plain
et pur souhet. » — « Godefroi, dist li rois, vous dîttes verilë.
Et je sui grandement tenus, et aussi est tous mes roiaulmes, de
rendre grâces à Dieu qui ce oous a envoiiet. » F* 132 v°.
M. Kervyn de Lettenhove^ personne ne le niera
après avoir lu ce qui précède, n'a pas tout à &it
tort de voir dans la dernière partie des deux éditions
dont l'érudition lui est redevable de nombreux symp-
tômes d'épuisement et de lassitude; setilement, ce
sont des symptômes de l'é^juisement et de la lassi-
tude de ses copistes, dont l'honorable savant, qui est
;vGoo»^lc
JNTRODUCnON. uxxin
l'un des plus viÊ admirateurs de l'auteur des Chro-
niques, regrettera certainement d'avoir rendu Frois-
sart responsable.
Une phrase résumera tout ce chapitre. La troi-
sième rédaction où, d'une part, la pitié pour Ri-
chard n perce à chaque page sous forme de jugements
sévères portes sur le peuple anglais, où, d'autre part,
une narration vraiment originale au moins dans la
forme a été substituée à toute la partie du premier
livre empruntée plus ou moins servilement à Jean le
Bel dans les rédactions antérieures, la troisième ré-
daction, dis-je, est un monument de la reconnais-
sance afièctueuse en même temps que de l'honnêteté
littéraire de Froissart.
C^
DiqitizeabyG00»^lc
SECONDE PARTIE.
DE L'iDITION DD PREMIEB LIVBI.
CHAPITRE I.
CHOIX DD TEITI.
Froissart ne se recommande pas seulement par
rîmportance historique du monument dont nous lui
sommes redevables, il est encore un de nos écrivains
les plus aimables et tes plus naïvement originaux.
Les moyens d'information et de vérification dont uu
chroniqueur, si consciencieux qu'il fût, pouvait dis-
poser avant l'invention de l'imprimerie étaient fort
impar&its, tandis que la critique a maintenant sous
la main des instruments de contrôle de toute sorte.
Aussi, les pn^rès de l'érudition tendent, il faut bien
en convenir, à diminuer la valeur purement histo-
rique de l'œuvre de Froissart : on peut, on doit
même y relever, soit dans les noms de lieu ou de
personne, soit dans les dates, soit dans le récit
des faits, d'innombrables erreurs, en prenant garde
toutefois de ne pas feire sonner trop haut ces
faciles triomphes, sous peine de tomber dans un pé-
dantisme qui ne serait pas exempt de niaiserie. Frois-
sai! historien est condamné à vieillir, et il ne reste
debout que par parties. Seul, Froissart écrivain, Frois-
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. uuv
sart peintre du détail des mœurs, est toujours jeune;
et l'on peut dire qu'il défie les atteintes du temps et
de la critique.
Tenir compte de ce double aspect, littéraire et
faîstoiique^ de l'œuvre de Froissart, et ne sacrifier,
s'il est possible, aucun des deux à l'autre, telle est la
première, l'indispensable condition que doit remplir
une bonne édition des Chroniques,
n y a une méthode qui consiste à découper plus
ou moins arbitrairement le premier livre par chapi-
tres et à publier les uns à la suite des autres les pe-
tits fitigments des diverses rédactions qui correspon-
dent à chacun de ces chapitres. Dans ce système, le
lecteur voit se succéder sans cesse par morceaux des
tex.te8 différents et souvent contradictoires qui vien-
nent rompre presque à chaque page le fil du récit
dont ils troublent en même temps l'unité morale.
Une édition ainsi comprise est d'une exécution rela-
tivement Ëicile, mais elle a un inconvénient capital :
elle rend Froissart à peu près illisible, elle enlève à
ce chroniqueur le bénéfice d'une narration homo-
gène, limpide, courante, et le dépouille dans ime cer^
taine mesure de ce charme littéraire qui constitue la
part la plus brillante, la plus durable de sa gloire.
D'ailleurs, un si bizarre mélange, on dirait presque,
une telle macédoine, qui peut plaire à des esprits
préoccupés avant tout du solide et du copieux, n'au-
rait que peu de chances de recevoir un accueil &vo-
rable, en France du moins, où l'on porte jusque
dans l'érudition un goût moins robuste peut-être que
dans d'autres pays. Enfin, ne serait-il pas r^etta-
ble, pour ne pas dire imprudent, de présenter au
public un travail qui ferait double emploi avec l'édi-
;vGoo»^lc
LxxsTi GHHpNIQITES DE J. FROISSART.
tion si pleine d'ampleur, publiée sous les auspices
de rAcadémie de Belgique? U a tàllu, du reste, des
considérations aussi puissantes pour qu'on se décidât
à rejeter une méthode que recommande l'imposante
autorité de M. le baron Kervyn de Lettenhove.
A dé&ut d'une combinaison satisfaisante de tout
point que l'on a vainement cherchée, on a dû se
contenter du système suivant qui a semblé le moins
mauvais : on a adopté comme texte l'une des trois
rédactions du premier livre, et l'on a renvoyé en
appendice à la fin de chaque vohmie les variantes
des autres rédactions qui ajoutent quelque chose à
ce texte au point de vue des faits historiques.
Des trois rédactions, quelle est celle qui avait le
plus de titres à devenir le texte de cette édition?
On doit supposer que la dernière en date, c'eat-à-
dire la troisième était dans la pensée de Froissart
une édition définitive de son premin* livre; car on
ne s'expliquaait pas autrement pourquoi ce chroni-
queur aurait fns la peine de remanier encore une
fois son œuvre. Aussi, cette rédaction mériterait sans
nul doute la préférence, si elle était complète; mais
elle ne comprend qu'un tiers environ du premin
livre et s'arrête à la fin du r^pie de Philippe de Va-
lois. On ne pouvait donc la choisir comme texte
sans emprunter à une autre rédaction la partie pos-
térieure à 1350 : on a repoussé cette combinaison
pour ne pas retomber dans l'inconvénient d'un texte
composite que l'on voulait éviter à tout prix.
La seconde rédaction a sur la troisième l'avan-
tage d'embrasser le premier livre dans son entier.
Toutefois, nous avons la preuve que l'auteur de cette
seconde rétractation ne la considérait pas comme
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. lzxxvd
la forme définitive de son premier livre, qu'eUe n'é-
tait pas ce qu'il eût désiré qu'elle fût : cette preuve,
c'est le &it même d'une rédaction postérieure à la
seconde qui la fournit. On ne voit pas, en effet,
pourquoi Froissart, parvenu sur le seuil de la vieil-
lesse^ s'il avait été pleinement satisfait de la seconde,
aurait repris la plimie pour écrire la troisième.
Il a semblé qu'à tout prendre ce qu'il y avait de
mieux à Ëiire, c'était de choisir comme texte la pre-
mière rédaction. Les seconde et troisième rédac-
tions, longtemps ensevelies dans les archives de quel-
ques grandes familles, avaient dormi dans un oubli
complet jusqu'à nos jours : on ne connaît que deux
manuscrits de la seconde et qu'un seul de la troi-
sième. La première rédaction, au contraire, a joui
aux quatorzième et quinzième siècles d'une vogue
immense, attestée encore aujourd'hui par les cin-
quante manuscrits qui nous en restent, ainsi que par
les nombreuses éditions qui datent des premiers
temps de l'imprimerie. Or, la vogue d'un livre s'a-
joute à sa valeur intrinsèque pour le recommander à
l'attention de la postérité, parce que cette vogue qui
ne peut s'expliquer que par une oalaine affinité en-
tre la nature de l'ouvrage, les opinions, les passions,
les tendances de l'auteur et celles de ses contempo-
rains, est un indice précieux des mœurs et du génie
d'une époque. De plus, il na faut pas perdre de vue
qu'on Ut toujours le texte d'un livre avant les va-
riantes : ne convient-il pas dès lors de demander ce
texte k celle des trois rédactions qui a précédé les
deux autres?
Rien n'est plus curieux que d'étudier dans les trois
rédactions du premier Uvre les modifications de toute
;vGoo»^lc
LWXTiii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
sorte que Froissart a successivement apportées au
récit des mêmes événements; rien n'est plus piquant
que de rechercher^ soit dans k vie du chroniqueur^
soit dans l'histoire de son temps, la cause de cesmo-
dîtications. Mais ces recherches ne peuvent être sû-
res et ces comparaisons fécondes que si les diverses
rédactions apparaissent au lecteur dans l'ordre où
elles se sont succédé chronolt^iquement : une conù-
dération aussi grave, aussi puissante, aurait suffi pour
faire adopter comme texte la première rédaction ; et
si l'ordre chronologique que nous avons adopté est
exact, la conformité à cet ordre assure à noire édi-
tion un avantage inappréciable qu'on ne trouve dans
aucune autre.
J^a première rédaction revisée, qui a été choisie de
préférence à la première rédaction proprement dite,
offre d'ailleurs, de <372 à 1377, le même texte que
la seconde ; elle a, suivant une remarque déjà faite,
moins d'originalité et de développement que cette
dernière de <325 à 1345; en revanche, elle est sou-
vent plus complète et parfois supérieure au point de
vue littéraire pour toute la partie du premier livre
comprise entre 1 345 et 1 372.
Le manuscrit de la Bibliothèque impériale coté
6i77 à 6479 = Bt renferme sans contredit le plus
ancien et le meilleur des trois exemplaires complets
qui nous restent de la première rédaction revisée; le
choix de ce manus<3'il comme texte du premier livre
de notre édition était donc naturellement indiqué.
L'empreinte du dialecte wallon, qui est très-marquée
dans Bt, pourra dérouter un peu le lecteur; mais
c'est un signe non douteux d'antiquité et d'authenti-
cité, un trait caractéristique qui distingue les meil-
;vGoo»^lc
INTRODDCTKMÏ. lxwix
leurs manuscrits des deux premiers livres des Chro-
niques*.
On rencontre çà et là dans le manuscrit B1 des
lacunes et de mauvaises leçons ; on a comblé ces la-
cunes et corrigé ces leçons défectueuses à l'aide des
autres manuscrits de la première rédaction revisée,
en ayant soin d'indiquer au bas de la page les ma-
nuscrits qui ont fourni ces resiitutions^ et de mettre
entre parenthèses tes mots ou les passages em-
pruntés.
Le manus(nît B1 , comme tous les exeniplaires
vraiment anciens , n'a pas de titres de chapitres. Le
texte y est divisé en alinéas dont te commencement
est marqué par des lettres capitales alternativement
rouges et bleues. Cette division a étéj sauf de très-rares
exceptions, scrupuleusement maintenue; seulement»
les alinéas du manuscrit B1 forment autant de para-
graphes dans notre édition.
La loi que s'est imposée Téditeur de faire lui-même
toutes ses copies et collations, a permis d'apporter
au texte, déjà publié tant de fois, de la première ré-
daction, des améliorations vraiment imprévues. Com-
me on s'est abstenu d'avertir le lecteur par des notes
placées au bas des pages, c'est ici le lieu de citer au
1 . Ce mannicrit, cheM'mnTre de la eaUîgnphïe de U fin du (jna-
toTuème lièeie, lemble aToir appartenu à quelque membre de la fk-
mille Bamaade dei Bertliuul, leigneun de GrammeDe, dont ou voit lei
arméi : d'juomit i troii paii de gutidu, sur te feuillet de garde pUc^
en ttte du premier volume. Sur Im armea dei Berthout, leigneun de
Grammene, Tojez Butkeni, Trephéa de Brabant, ëdit. de lHk, t. I,
p. 319. Lei Berthout de Grammene étaient une branche cadette de
l'illuMTe et puiiMnte fiuniUe dei Berthout, aTouf* de Ualinei, qui por-
taient : d'ob i troii pali de gueulti. On pent lire lur cei deniien le
beau mànoire de H. F^lii van den Braaden de Reeth, couronné par
l'Acailânie de Belgique, 184<i, in-4o de 195 pages.
;vGoo»^lc
xc CHRONIQDBS DE t. FROISSART.
moins un exemple de ces corrections. Dans le récit
de La bataille de Cassel , tous les éditeurs qui nous
ont précédé ont lu ainsi le passage suivant : m .... on-
ques de tous ces XVP' FUimens n'en esvapavvL, et fil
leur cbapitainne mors. Et si ne seut onques nuls de
ces signeurs nouvelle 11 uns de l'autre, jusques adont
qu'il eurent tout iait; et onques des Xf^ Flamens
qui mors jr demorèrent, n'en recula uns seuls'.... *
Ces lignes renflement une contradiction flagrante
qui aurait dû rendre la leçon suspecte et éveiller la
déSance des éditeurs. Il est clair, en effet, (jue û
quinze mille Flamands seulement sur seize mille
' sont morts, Froissart n'a pas pu dire dans la phrase
précédente qu'il n'en est pas échappé un seul. Da-
ttier semble avoir apύu cette contradiction, et c'est
sans doute pour tourner la difficulté que le savant
éditeur avait substitué le chtSre de seize mille morts*
aux quinze mille du texte; mais aucun manuscrit
n'autorise cette substitution. On trouvera pour la
première fois dans notre édition ce passage restitué
tel que Froissart a dA l'écrire : « .... onques de tous
ces seize mille Flamens n'en escapa un.*.... > Du
reste, nous avons cmrigé sur ce point les éditions
antérieures sans y viser le moins du monde ; et grande
1. ÛBorro it Fraôttr*, publia tom le« an^icM de l'Acad^nûii de
Belgique, par M. le bâroo Kerryn de Lettenhove, CkroMfitet, t. H,
p. as3.
3. Chrt»i^mtt iU Froiuarl, Mît. de Dwiier, p. 50. Baohcu a
faivi Dacîer ici comme partant. Vojn Viàxtioa du Panthéon, t. I,
p. 40.
3. F^oittart et lei aatrct ohnmïqDean du qiutonième uicle oot
■înguliirtmeDt exagM Je* perte* de* Flamand* 1 Caud. Notre ami,
H. Hannier a publié lei nomi de* rictime* dont le nombre ne dépava
guère 3000. Voyes £«1 Ftamattd* à la taitUi* d* Ctitl. Paria, Â. An-
bi7, 1863.
;vGoo»^lc
INmODDCTION. xa
a ëté notre surprise lorsque nous avons vu que tons
nos prédécesseurs avaient mal lu le passage dont il
s'agit. Ce curieux exemple prouve une fois de plus
que dans les travaux d'érudition il faut tout faire soi-
même. M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir :
en ne confiant à personne le soin de transcrire et de
collationner les manusciits, le plus humble corrige
parfois les erreurs des autres sans s'en douto'.
CHAPITRE II.
DBS vAKUaru,
Les variantes comprennent tout ce qui , dans les
différentes rédactions et les divers manuscrits, ajoute
quelque chose au texte au point de vue historique.
La nature, le nombre de ces variantes qui, pour le
premier livre du Okoins , dépassent presque toujours
en étendue , et souvent en importance, le texte lui-
même , les a fait renvoyer en appendice à la fin de
chaque volume , où elles sont distribuées par para-
graphes correspondant à ceux du texte et selon l'or-
dre chronologique des rédactions.
A désigne la première rédaction proprement dite ;
B la furemière rédaction revisée; les chifires placés
après A et B indiquent les divers manuscrits qui ap-
partieonent à ces deux rédactions.
La mention : lUs. d'Amiens équivaut à la seconde
rédaction, ainsi nommée du principal manuscrit qui
la représente; cette mention s'applique, non-seule-
ment au manuscrit d'Amiens, mais encore à celui de
Valenciennes, qui n'est le plus souvent qu'un abrégé
;vGoo»^lc
scii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
du premier, et dont le texte s'airéte au siège de
Tournai f en 1340. Ce manuficrit oflfre néanmoins
quelques additions que l'on trouvera dans notre ap-
pendice; et toutes les fois que les leçons par où il
diffère de l'original ont semblé plus ou moins inté-
ressantes au point de vue histonqne, on les a recueil-
lies avec soin et placées au bas de la page comme
variantes du texte d'Amiens.
La rubrique : Ms. de Rome correspond à la troi-
sième rédaction que le manuscrit unique de la Bi-
bliothèque du Vatican nous a conservée.
En tête de chaque variante figure l'indication du
manuscrit qui l'a fournie, et dont le feuillet est mar-
qué après cette variante. Ce soin constant de ren-
voyer au feuiUet, plus indispensable pour les ma-
nuscrits, quoique moins usité, que l'indication de la
page pour les imprimés, est une petite innovalîtm
de l'éditeur.
Si plusieurs manuscrits donnent la même variante,
on s'impose la tâche de les indiquer tous; et dans ce
cas le feuillet de la variante se rapporte toujours au
manuscrit indiqué le premier et d'après lequel a été
établi le texte de cette variante. Vous lisez, par
exemple : « Mss. ^ 7, 18, 19, 23 à 35 : ce roi Phi-
lippe nommé Beau de France. P 2 v". u Le P 2 v*
est celui du manuscrit A 7 d'où la variante est tirée;
et si vous vous reportez au paragraphe ' consa<a« au
classement des manuscrits A, vous y voyez que A 7
désigne le ms. de la Bibliothèque impérialecolé 3655.
Avec ce système, on ne publie pas une seule variante
J. P. 217.
S. Vojer, la première partie de cette Introduction, cliap. i, J 4,
;vGoo»^lc
IHTRODUCTION. xciii
sans en Êiire connaître la provenance; or il est très-
intéressant pour l'historien comme pour le philo-
l(^e de se rendre un compte exact de cette pro-
venance.
Ce serait^ qu'on ne l'ignore pas, se méprendre
étiangemeDt que de voir dans cette éniunération de
tous les manuscrits qui reproduisent la même va-
riante un vain étalage d'érudition. Une leçon a plus
ou moins de valeur selon le nombre, l'ancienneté,
Tauthentieité des manuscrits qui la fournissent. Re-
lever cette leçon sans indiquer tous les exemplaires
où on la trouve, c'e^ ne Ëiire que la moitié de la
tAche; c'est produire un témoignage sans offrir au
public les moyens de l'apprécier et de le contrôler.
Notre é^tion ne donne que les variantes histori-
ques, mais on a compris le mot historique dans son
sens le plus large, comme on pourra s'en oonvaincre
si l'on jette un regard sur l'énorme appendice de ce
volume. Les variantes relatives aux dates, aux noms
de lieu et de personne, qui sont historiques au pre-
mier chef, ont été l'objet d'une attention toute spé-
ciale. On a pris soin de recueillir les leçons même
défectueuses, toutes les fois qu'elles modifient essen-
tiellement la forme d'un nom. Bref, on a rejeté seu-
lement les variantes de pure forme, celles qui n'au-
raient ajouté au texte ni un fait ni un détail nouveau.
Du reste, les philologues n'y perdront rien, car les
mots et les tournures plus ou moins remarquables
sont réservés pour le glossaire qui doit embrasser tous
les manuscrits et toutes les variantes sans exception.
Le but qu'on s'est proposé, en ne publiant que
les variantes historiques, a été moins d'économiser
du temps et de l'espace que d'éviter tes répétitions et
;vGoo»^lc
ZGiT GHRONIQDES DE J. PROISSÀRT.
surtout de dégager nettement, de bieo mettre en
lumière ce qui appartient en propre à chaque rédac-
tion. Tel est en effet le principal avantage du système
adopté dans cette édition : il pnraet de comparer
et de mesurer matériellement, de toucher pour ainsi
dire du doigt les différences que les diverses rédac-
tions du premier livre présentent entre elles. L'œu-
vre de Froissart ressemble à ces forêts où les arbres
sont si rapprochés et si toufhis qu'ils portent un
ombrage trop épais : pour ^ire pénétrer davantage
le jour et circuler la lumière dans les profondeurs de
cette forêt, nous y avons percé des avenues, noua en
ftvons élagué les broussailles et les branchages pa-
rasites.
On sera peut-^tre surpris de ne pas trouver ici un
certain nombre de variantes d'un intérêt historique
qui figurent dans l'édition de Dacier d'où elles ont
sans doute passé dans celle de M. Kervyn de Let-
tenhove; mais il y avait une bonne raison de ne les
pas reproduire : eUes sont Ëiusses. Il convient de citac
quelques exemples à l'appui d'une assertion qui ne
manque pas de gravité. La leçon : « huit' » dans
l'édition de Dacier, p. 40, et dans celle de M. Kervyn,
t. n, p. 168 au bas de la page; la leçon : « quatre
cens » Dacier, p. 42 et M. Itavyn, t. H, p. 177; la
1. Une note de Dacier relative à ce patiage prërient le lecteur que
h leçon « hait ■ eM, non une reititntioD pure et limple, mai* nne
correotion de l'tfditeiir. L'édition de Dacia" dont il a'agït ici, oanunen-
0^ avant 17S9, Aait en oonn de publication lonque la Rérolntion
Tint l'inteirampre, et eUe ne (iit jamais repriie par son aateoi'; il n'en
rote qne de* bonnei feniilci dont le bean oaraetire fidt le pin* gtuad
bonneor ani picuai de l'Imprimerie ro/ale. Notre exemplaire compte
633 page*, <t il « Aé acheté i la vente in eabinn de tèa CbampoUioif
Figeù.
;vGoo»^lc
HtTRODUCTlOIf. xov
leçon : « mars » Dacier, p. 57 et M. K«rvyn^ t. n,
p. 234- en note ; la leçon : « neuf n Ducier, p. 64 et
Rervyn, t. n, p. 273 en note : ces leçons et une
foule d'autres dont il serait Êtstidieux de donner le
détail, doivent être le résultat de mauvaises* lectures,
car on n'a pu les retrouver dans aucun des nom-
breux manuscrits du premier livre; et pourtant tous
ceux que Dacier et M. Kervyn ont compulsés ont
été mis à oontributlon. L'illustre académicien fran-
çais semble avoir commis la faute grave de laisser à
des oc^istes le soin de recueillir les variantes de son
édition : il n'y a donc pas lieu de s'étonner si les
oreurs abondent dans cette partie de son travail.
La reproduction de ces erreurs dans la belle publi-
cation de M. Kervyn est un peu plus difficile à
comprendre : peut-être &ut-il l'expliquer en suppo-
sant que l'érudit belge a cru pouvoir emprunter des
variantes garanties par le nom de Dacira^ sans les
soumettre à un contrôle préalable.
CHAPITRE ni.
Le texte et les variantes forment deux parties qui,
bien que distinctes par leur place respective, n'en
sont pas moins inséparables; et si on les compare,
1. Le lecteur Tondra bien remarquer qa'oa t'ett «bttenu duu le
conr* de l'édition de ligncler le« faatea commiiei par le* précédent!
Mileura. Ici, fonie notu iu,it de critiquer le* aatre», ti noiu ne *oa-
lioiu bùiaer croire qu'un certain aomfare de Tariantei T^tablement
hialorique* ont ^t^ omiiei dani notre Tcleré. Il n'en est pu moint rrai
que non* n'aTon* ancan goât, Dieu merci, pour ce genre de beiogne.
Qoi MÙt d'ailleon û notie parewe n'7 tronre pa* ton compte?
;vGoo»^lc
xcn CHRONIQUES DE J. FROISSABT.
les rappcHls qu'elles soutiennent se présentent sous
un double aspect : tantôt, et c'est le cas le plus or-
dinaire, les variantes n'ajoutent au texte que des
faits de détail et des développements plus complets;
tantôt au contraire, la seconde et U troisième ré-
daction, qui ont fourni la majeure partie des varian-
tes du premier livre, présentent de foncières diffé-
rences, non-seulement entre elles, mab encore avec
le texte, c'est-à-dire avec la première rédaction. Dans
ce dernier cas, il n'y a évidemment rien autre chose
à faire, même dans un sommaire, qu'à résumer les
rédactions différentes en les publiant les unes à la
suite des autres et selon l'ordre chronologique. Mais
dans le premier cas, dans le cas où les variantes
enrichissent le texte plutôt qu'elles ne le démentent,
où les diverses rédactions, loin de se contredire, se
complètent, il y a lieu d'assi^er au sommaire un
rôle vraiment important et jusqu'à un certain point
il suffit de parcourir superficiellement l'ensemble
de ce volume pour être frappé de la multitude in-
nombrable de détails précieux disséminés çà et là,
mais qui risquent d'échapper par leur éparpillement
à l'attention des érudits eux-mêmes. Combien il se-
rait désirable qu'il fût fait un choi\, un triage intel-
ligent de tout ce que l'on rencontre d'intéressant,
soit dans le texte, soit dans les variantes I Combien
il serait commode de trouver résumée, condensée
dans une narration unique la matière historique
éparse dans les diverses rédactions 1
Le but principal de notre sommaire est précisé-
ment de répondre a ce besoin. C'est une tâche déli-
cate, ardue, nécessairement imparfaite comme toute
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. xcvii
l>esogae composite, pleine de difficultés de plus d'un
genre qu'on ne se flatte nullement d'avoir surmon-
tées; mais l'utilité et la commodité qui doivent ré-
sulter d'un pareil travail rendront le lecteur, on l'es-
père du moins, indulgent pour les fautes inévitables
de l'exécution.
Notre sonmiaire ne pouvait atteindre le but pro-
posé sans prendre des développements relativement
considérables. Aussi a-t-il le caractère d'une traduc-
tion à peu près littérale dans tous les passages que
leur importance rend dignes d'une attention plus
spéciale. Un cadre aussi large apermis en outre d'i-
dentifier presque tous les noms de lieu et de resti
tuer les noms de personne sous leur forme moderne.
Lorsqu'il s'agit de noms peu connus ou d'identiB-
cations et de restitutions plus ou moins sujettes à
controverse, on a placé des notes au bas des pages
pour expliquer et, s'il y a lieu, justifier la solution
que l'on a adoptée. On a souligné les noms que l'on
n'a pu parvenir à identifier afin d'appeler sur ces
petits problèmes l'attention d'érudits plus spéciaux
et plus compétents. Il n'a été apporté du reste au
texte de Froissart que de très-légères et très-rares
corrections de détail qui modifient çà et là un pré-
nom, un nom ou une date, et ces corrections sont
toujours mises entre parenthèses. Ainsi conçu, notre
sommaire ne tient sans doute pas lieu d'un glossaire
ou de tables géographique et onomastique ; mais il
aidera peut-être à attendre avec moins d'impatience
c-e complément indispensable de notre édition. Ce
n'est pas encore la critique, mais c'est déjà l'éluci-
dation aussi complète que possible du premier livre
des Chroniques.
;vGoo»^lc
xcvm CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Ce sommaire est divisé en un certain nombre de
chapitres dont chacun comprend une série de Mts
qui se relient entre eux et présentent un caractère
d'unité véritable. Ces chapitres pourraient donner lieu
à autant de dissertations critiques qui seraient desti-
nées, dans une publication en quelque sorte parallèle,
à compléter ëtàconlrôler l'œuvre de Froissart à l'aide
de tous les documents contemporains, imprimés ou
manuscrits. Dans ces dissertations, on poserait à pro-
pos de chacun des chapitres du sommaire, et l'on
essayerait, s'il était possible, de résoudre les trois
questions suivantes : 1* Froissart a-t-il puisé son rérât
dans un autre chroniqueur, ou l'a-t-il tiré de son
propre fonds? 2° Quelles modifications ont été appor-
tées au récit primitif dans les rédactions successives
du premier livre? 3* Enfin, quelle est la part de la
vérité et celle de l'erreur dans le texte des ChroDi-
ques? Ces dissertations critiques permettraient de
rassembler et de grouper en quelque sorte toute la
matière historique du quatorzième siècle autour de
l'œuvre de Froissart : les témoins sî nombreux et si
divCTS de cette curieuse époque seraient entendus
tour à tour, mais c'est le chroniqueur de Valen-
ciennes qui conduirait le chœur.
;vGoo»^lc
INTRODUCnON.
CHAPITRE IT.
OK l'oKTHM&APHX , DE U PONCTUATION
KT DE L* ACCENTUATION.
L'orthographe du texte comme des variantes est la
re[Voduction fidèle des manuscrits. On attache tant
de prix à cette fidélité qu'on n'a reculé devant au-
cun voyage, aucune dépense, aucun sacrifice pour
l'obtenir. Il n'y a pas dans ce volume et il n'y aura
pas, s'il plaîtjà Dieu, dans les volumes suivants une
seule ligne qui n'ait été copiée ou collationnée par
l'éditeur [lui-même; et c'est là certainement le prin-
fàpal titre qui reconunandera notre édition à l'indul-
gence des juges impartiaux.
Cette fidélité littérale devait être ici d'autant plus
recherchée qu'il y a plusieurs bonnes raisons de ne
rien entreprendre pour le texte de Froissart qui rap-
pelle, par exemple, le beau travail de correction et
de^restitution fait récemment sur Joinville par notre
vénéré maître M. Natalis de Wailly. D'abord, les
manuscrits du premier livre, d'après lesquels on a
établi le texte proprement dit ainsi que la plus grande
partie des variantes, sont à peu près contemporains
de l'époque^ où vivait l'auteur; ensuite, il ne nous
reste de Froissart aucun manuscrit, sinon autogra- .
phe, au moins incontestablement original, qui puisse
fournir à la critique le solide point d'appui que le
savant auteur des Éléments de Paléo^aphie a trouvé
dans les chartes émanées de la chancellerie de Join*
viUe. On peut ajouter que, quand même ce manu-
sra'it qui nous manque existerait, il ne devrait être
;vGoo»^lc
c CHRONIQUES DE J. FROISSART.
considéré comme un critérium sûr que pour une cer-
taine période, car qui sait si les différentes phases de
la vie errante et vagabonde du chroniqueur n'ont
pas amené des modifications successives et corres-
jK>ndantes dans sa langue ou du moins dans son or-
thographe? Ces observations s'appliquent aussi bien
aux poésies de Froissart qu'à sa prose. Il est vrai que
la rime garantit contre les altérations des scribes la
phonétique des syllabes finales de chaque vers ou du
moins permet de la restituer sûrement; mais qui
nous dit que le versificateur n'a pas en certains cas
modifié plus ou moins son orthographe ordinaire
pour les besoins de la rime? Il faut aussi faire la
part de ce qu'il doit y avoir de factice dans la langue
de ces poëmes de cour. Il est certain, toutefois, que
l'on retrouve dans le célèbre manuscrit des poésies
de Froissart conservé à la Bibliothèque impériale te
bizarre mélange de formes wallonnes et françaises,
tantôt conformes, tantôt contraires aux règles an-
ciennes, qui distingue la prose du chroniqueur.
Quoi qu'il en soit, il y a une raison plus haute et
pour ainsi dire plus philosophique de ne point tenter
la correction des fautes, des irrégubrités qu'on re-
trouve, non-seulement dans les divers manuscrits
des Chroniques, mais encore dans tous tes textes
qui datent de la même époque : supprimer ces feu-
les, en effet, ce serait enlever à la langue du chro-
niqueur de Valenciennes son caractère réel, histori-
que, le trait distinctil' qui la recommande surtout à
l'attention des savants et qui fait des Chroniques un
monument d'une incomparable importance pour les
philologues aussi bien que pour les lettrés et les éru-
dits appliqués à l'observation des événements.
;vGoo»^lc
imnODTICTION. Cl
Tout se tient dans ce vaste organisme qui compose
la vie des sociétés , et la décadence de la langue ac-
compagne toujours celle des institutions et des mœurs.
C'est là l'un des faits les mieux établis et en même
temps l'un des enseignements tes plus graves que
puisse ofirir l'étude du passé; mais jamais cette vé-
rité n'a été plus éclatante qu'en France au quatorziè-
me siècle. A cette époque ^ l'organisation féodale,
après avoir atteint son apogée dans les siècles précé-
dents, est déjà en pleine dissolution, et la centralisa-
IJon monarchique, qui doit aboutir au despotisme de
£x)uis XI, de Richelieu et de Louis XIV, vient' à
peine d'essayer ses forces sous Philippe le Bel et n'a
pas encore réussi à se constituer : la société , ainsi
qu'il arrive toujours dans ces temps de crise , est en
proie à la confusion , au désordre , à tous les maux
de Fanarchie. Il se produit alors un phénomène bien
digne d'être médité et approfondi. Sous l'influence
de causes diverses, la langue du quatorzième siècle
en général, celle de Froissart en particulier, revêt le
même caractère mixte, bâtard, de transition que l'é-
poque dont elle est l'expression , que la société qui
la parle : comme cette société, elle est pleine de dés-
OTdre, d'irrégularités, d'incohérences, parce que tan-
tôt elle suit les règles de l'ancien français, et tantôt
elle s'en aflranchit pour prendre le caractère qu'a
conservé le français moderne. D'ailleurs, si la royauté,
qui tend depuis longtemps à absorber les pouvoirs
locaux, est loin encore d'avoir atteint ce but à l'épo-
que de Froissart; l'idiome de l'Ile-de-France, de son
côté, quoiqu'il j>énètre et altère de plus en plus, à la
même époque, les dialectes des autres provinces, ne
les a pas néanmoins supplantés; il en résulte un péle-
;vGoo»^lc
oi CHRONIQUES DE J. FKOISSART.
mêle provisoire qui , se régularisant peu à peu , doit
devenir un jour la langue définitive. Un éditeur des
Chroniques commettrait donc une étrange méprise
s'il ne reproduisait pas avec un soin scrupuleux ces
irrégularités, ces incohérences, ce pêle-mêle. U ne
pourrait les corriger sans fausser la réalité, sans rom-
pre, par conséquent, avec la méthode scientifique,
pour tomber dans la pure fantaisie; autant vaudrait
supprimer l'histoire.
Il ne s'agit ici, bien entendu, que des &utes qui
proviennent de l'état général, et pour ainsi dire
organique de la langue; quant à celles qui ne peu-
vent être attribuées qu'à la négligence ou à la
distraction des copistes, et qui ont, comme on dirait
en pathologie, le caractère de lésions purement su-
perficielles et accidentelles, un éditeur intelligent,
consciencieux, n'a pas seulement le droit, il a le de-
voir strict de les effitcer et de les corriger*.
Le caractère mixte, composite de la langue de
Froissart est d'autant plus sensible dans le premier
livre, que les meilleurs , les plus importants manu-
scrits de ce livre sont écrits en dialecte Jwallon. Or,
on sait que l'une des particularités de ce dialecte,
c'est qu'il a maintenu plus longtemps que les autres
ta distinction du cas sujet et du cas régime, fonda-
1. La dùtinctian capitale que aaiu euayons de marquw ici s'appli-
que, du moins dam une cerUine meaure, aux ouTraget de la déca-
dence greoque et latine ausii hien qu'à ceux qui repràenteat la dé-
composition de l'anciea Erançait. On n'a pas tenu peut-être un compte
■uRÛant de cette distinction lorsqu'on a publia, au seizième sttele et
mime de nos jours, certaini auteur* de la basse latinité ou de la basse
fp^cité. C'est surtout en matière de tangage, ce perpAuel ttavanù; que
la ffiétbode naturaliste et scientifique, propre'i notre siMe, doit rem
placer l'abus du dogmatisme classique.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. eut
mentale dans l'ancien français. Ua passage de oe vo-
lume office un curieux exemple de cet archaïsme.
Daus ce passage, abbes du nominatif d:Ma.r, est tou-
jours employé au cas sujet, et abbet, fonué sur l'ac-
cusatif aïio/tf/n, au régime*.
La ponctuation a été l'objet d'une attention toute
spéciale, et l'on peut dire que ce détail, en apparence
infime, donne à notre édition un aspect entièrement
nouveau. Qui ne se rappelle avoir vu dans les édi-
tions antérieures, ces phrases vraiment interminables
dont les divers membres, enchaînés ensemble par la
conjonction et indéfiniment répétée, s'embairassent
et s'entravent en quelque sorte les uns les autres ?
Toutes les fois que le sujet est sous -entendu en tête
d'une phrase, comme il arrive d'ordinaire si ce sujet
est un pronom, les précédents éditeurs n'ont presque
jamais placé devant cette phrase un point ; dans ce
cas, ou bien ils se sont sdïstenus de tout signe de
ponctuation, ou bien ils n'ont mis qu'un point et
viigule , ou même qu'une simple virgule. L'éditeur
de ce volume a suivi d'autres errements : il a rem-
placé très-souvent par des points les virgules dont on
avait un peu abusé jusqu'à ce jour, de telle sorte que
là où le texte ne formait nagu^ qu'une seule phrase,
le lecteur en trouvera maintenant quatre ou cinq.
Outre que cette innovation s'appuie sur l'autorité de
quelques manuscrits anciens', elle a l'avantage d'im-
primer au récit une allure plus dégagée , plus Êicile,
plus rapide, plus conforme, en un mot, au véritable
I- Vojez p. 168, lîgnet 16 et 38.
!. On peut citer noUDunent le manuMirit de UBibl. Imp., cot^ 64T7
à 6ï76:=Bt d'tprè» lequel a ^t^ établi le texte du premier livre et où
Il fin de chaque phrite eit marqua par Ae» pointf .
jvGooi^lc
cTi CBBONIQUES DE J. FROISSART.
tout OÙ il la trouve observée dans les manuscrits, l'é-
diteur n'a fait que se conformer au système actuel
qui admet les mêmes anomalies : tandis que nous
mettons aujourd'hui l'accent sur la pénultième suivie
d'une muette dans première , Gdèle, espace, n'écri-
vons-nous pas sans accent , mais avec le redouble-
ment de la consonne verre^ ctuelie, paresse, selon les
errements de l'orthographe ancienne ?
;vGoo»^lc
TROISIÈME PARTIE.
DR U. VALRUR HISTOHIQDB BT CITT^ILAIHE
DD PREMIER LIVRE.
CHAPITRE I.
DB LA PARTIALITÉ BT DB LA SIMCJRITB DE l'aDTEUB
DBS CHKONIQCES.
Froissart a donné à ses récits le titre qui leur con- • •
vient réellement en tes appelant des Chroniques :
c'est ce qu'il ne faut pas perdre un seul instant de
vue lorsqu'on veut l'apprécier équitablement, car on
ne saurait sans injustice demander à un écrivain au-
tre chose que ce qu'il a voulu faire. S'entourer de
tous les renseignements, peser tous les témoignages, ^
les contrôler les uns par les autres, essayer d'y dé-
mêler la part de la vérité et celle de l'erreur : c'est
le devoir, c'est l'honneur de l'historien vraiment di-
gne de ce beau nom. Froissart n'eut jamais une am- •
bition aussi élevée, et l'on peut ajouter qu'il eut rai-
son de ne pas l'avoir. Le clerc de la reine Philippe, *
lecurédes Estinnes-au-Mont, le chapelain de Gui de
Blois vécut toujours dans une position plus ou moins
subalterne qui ne lui assurait pas l'indépendance ab-
solue ni peut-être les ressources matérielles indispen-
sables de son temps pour se placer dans les condi-
tions où l'histoire proprement dite peut éclore et
;vGoo»^lc
cvin CHRONIQUES DB J. raOISSAHT.
fleurir. En outre, la plus grande partie de ses Chro-
niques est consacrée à la narration des événements
eoDtemporains ; or il est impossible, quand il s'agît
de faits trop rapprochés, d'atteindre l'harmonie de la
composition, la justesse des proportions par où se
manifeste, dans la forme en même temps que dans le
fond, cet esprit de justice distributive qui est l'âme
de l'histoire. Pour atteindre ou plutôt pour pour-
suivre sûrement un but si difficile, la prudence com-
mande d'attendre que les événements se soient mas-
sés dans la perspective des siècles. Soit donc que
Froissart ait obéi à la nécessité, soit qu'il ait suivi
son Instinct, soit même, si l'on veut, qu'ayant sur-
tout égard à sa commodité, il ait cédé à des calculs
plus ou moins égoïstes, on ne serait nullement fondé
à lui reprocher, dès l'instant où il s'appliquait au ré-
cit des faits contemporains, de n'avoir écrit que des
Chroniques.
Les obligations qui incombent à l'annaliste sont
beaucoup moins sévères et moins étroites que celles
auxquelles est astreint l'historien véritable. Enregis-
trer pour ainsi dire au jour te jour les événements
les plus marquants tels qu'il les entend raconter au-
tour de lui : là se borne la tâche modeste du chro-
niqueur. Aussi, tandis que la sincérité de l'historien
ne va pas sans l'impartialité et sans la critique judi-
cieuse des divers témoignages , il suffit au chroni-
queur, pour être sincère, de ne pas transmettre un
écho trompeur, mensonger, des bruits d'alentour : la
fîdélité de la reproduction est tout ce que l'on attend
de sa bonne foi.
A ce point de vue, qui est te seul équitable, on doit
rendre hommage à la sincéiité de Froissart. Dans les
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. cix
récits qu'il fait de première main, on admire généra-
lement, avec la fidélité en quelque sorte minutieuse
de certains détails, cette fidélité plus haute et vrai-
ment supérieure qui reproduit jusqu'à la couleur des
temps et des lieux, jusqu'au geste et à l'accent des
personnages et qui est le privilège des grands ar-
tistes.
Non-seulement le chroniqueur n'a pas besoin,
comme l'historien, de concilier, de fondre dans une
harmonie générale les diverses parties de son œuvre,
mais encore il n'est pas tenu à la rigueur de mettre
d'accord les récits différents qu'il donne du même
fait, pourvu qu'il rapporte fidèlement dans chacun
d'eux ce qu'il a entendu raconter. En d'autres ter-
mes, plus heureux que l'historien qui doit s'efforcer
de dégager la vérité, l'annaliste n'a qu'à transmettre
exactement l'information telle qu'il l'a reçue , si in-
complète, si partiale qu'elle puisse être, pour s'ac-
quitter envers son lecteur.
Froissart a laidement usé et parfois, il faut bienen '
convenir, un peu abusé de ces immunités du genre
inférieur qu'il avait adopté. Avec un courage, une •
persévérance infatigables, il a composé à d'assez longs
intervalles trois rédactions de son premier livre pro-
fondément distinctes les unes des autres, mais il pa-
rait n'avoir jamais songé à faire ce qu'on appellerait
aujourd'hui la critique comparée de ces différentes
rédactions. Il ne tente nulle part de les confronter,
de les rapprocher ou de les opposer entre elles.
Qu'elles se confirment ou qu'elles se contredisent,
on dirait que peu lui importe. Il raconte le même *
événement une seconde, une troisième fois, avec
une allure aussi dégagée et sans plus de souci de ses
;vGoo»^lc
GK CHRONIQUES DE J. FftOISSART.
récits antérieurs que quelqu'un qui y serait complè-
tement étranger. Cette habitude est constante , et
l'on ne peut guère citer comme exception qu'un cu-
rieux passage du manuscrit de Rome, c'est-à-dire de
la troisième rédaction où Froissart, non content d'a-
dopter une version tout à fait contraire à celle qu'on
trouve dans tes deux rédactions précédentes , prend
la peine de reproduire sa première version pour la
contredire et y opposer le démenti le plus formel*-
On n'aurait le droit d'adresser des reproches à
l'auteur des Chroniques que s'il avait voulu donner
le change sur le caractère borné, exclusif, intéressé et
par suite plus ou moins partial des témoignages qui
ont servi de base à ses récits. Ne semble-t-il pas
avoir prévu cette objection lorsque, dans la premi^
rédaction, avant de raconter la bataille de Crécy , il
prévient loyalement le lecteur qu'il est surtout rede-
vable de sa narration à des chevaliers du parti an-
glais? «Il n'est nulz homs, tant fust presens à celle
journée, ne euist bon loisir d'aviser et ymaginer toute
la besongne ensi que elle ala, qui en seuist ne peuisl
imaginer ne recorder le vérité , especialement de le
partie des François , tant y eut povre arroy et orde-
nince en leurs conrois. £tce guefensçaiyjeleseuch
LB PLDS par les Englès qui imaginèrent bien leur cou-
venant*. » Au contraire, l'auteur de la seconde rédac-
tion Eut douter de sa parËiite bonne foi quand, après
avoir décrit la journée de Crécy dans un tableau
dont les traits principaux trahissent une origine
purement française, il ajoute néanmoins les lignes
1. Cf. h page 231 de* nrUntei, lignef 1 à U avec la p.^18, \igati
a« à 30 du texte. — 2. H*. 6477, PlSJ^.
;vGoo»^lc
hYTRODUCnON. «i
suivantes : «... Si comme cil le tesmoingnent qui
y furent tant ttung lés comme de Vautre, et par les-
quels le pure vérité en est escripte*. » Mais ces cas
sont rares, et d'ordinaire nul défaut de sincérité ne
vient altérer la fidélité pure et simple de reproduc-
tion qui recommande les Chroniques, alors même
que l'auteur a composé sa narration sous la dictée
de témoins intéressés, par conséquent avec un carac-
tère de partialité plus ou moins notoire.
U ne fendrait pas se méprendre sur le caractère ha-
bituel des variantes plus ou moins importantes qu'on
remarque entre les diverses rédactions. Ce n'est pas
précisément que Frolssart dise blanc dans l'une après
avoir dit noir dans l'autre : ce qui ressort surtout de
ces divei^nces, c'est que les témoins dont le chro-
niqueur a successivement reproduit la version, placés
dans des camps opposés, ont envisagé le même fait
d'un point de vue différent. L'Infatigable auteur des •
trois rédactions du premier livre visait sans doute
beaucoup moins à re{H^eQter toutes les feces de la
réalité historique qu'à plaire aux maîtres et seigneurs
dont il a recueilli les bienfeits tour à tour; mais
qu'importe, puisque, sî^ comme nous le croyons, il a
été chaque fois un narrateur aussi fidèle que partial,
le résultat est le même pour la postérité I Qui n'en-
tend qu'une cloche n'entend qu'un son, dit le pro-
verbe. Froissart a fiappé à toutes les cloches et nous
fait entendre ainsi tous les sons. Son premier livre *
si riche, si touffu, avec ses rédactions différentes et
parfois contradictoires, avec ses variantes infinies,
rappelle tout à fait ces carillons fameux des Flandres
;vGoo»^lc
exil CHRONIQUES DE J. FROISSART.
C[ui ébranlent les airs par une cadence à la fois si
variée et si profonde. Seulement, à la différence des
carillonneurs de Bruges ou d'Anvers, l'auteur des
Chroniques n'essaye pas de fondre sous son clavier
■ tant de timbres, tant de bruits divers : il se contente
de les noter fidèlement pour les transmettre à la
postérité, laissant à celle-ci le soin d'en dégager cette
harmonie de l'histoire qui s'appelle la vérité.
Cette fidélité de reproduction a été d'autant plus
facile à Froissart qu'il ne parait animé d'aucun sen-
timent de haine contre quelqu'un ou contre quelque
chose : il ignore toute espèce de &natisme; il n'est
obsédé d'aucune de ces passions de caste ou de na-
.tionalité qui ofinsquent la vue et troublent le juge-
ment. S'il n'a^-ait eu soin de nous dire qu'il fiit prê-
tre^ on l'aurait deviné difficilement en lisant ses
* Chroniques' ; né dans les rangs du peuple, il se préoc-
cupe de la noblesse outre mesure et montre pour
elle une complaisance, une indulgence parfois ex-
cessive; s'il aime avec une tendresse particuhère
et vraiment filiale le Hainaut sa patrie, une prédi-
lection si naturelle ne le rend point injuste pour les
autres pays. A le bien prendre, notre chroniqueur
1. n eu curieux de comparer tout ce rapport Froîuart aux cbroni.-
queur» des lièclea pr^Meot* : le onrë de* Ettûuie*, le chiDoioe deChi-
may, e«t beaucoup plut d<<gBgé des préoccupatioas ecclésiastiqnet qu'un
Villeliardouin ou UD JoinTÏlIe, par exemple; il a dsTantage ce qu'on
peut appeler Caprit laïque ^ cet etprit qui a diipenté la France an
leiziime «iècle de «e faire protestante, et auquel la Révolution (r>a{aî*e
doit ce qu'elle a de Mtn, la partie malsaine ayant éii recueillie dana
l'héritage de la ceatraliration monarchique. Il faut juf;er l'arbre par «et
fruit* : ta France, anin^ de cet esprit large, qui est l'une dei face*
de son génie, a joui de la libtrti religituit dans les mœurs aussi bien
que dan* le* loi* ayant les paj* de l'Europe qui ont embrassé la Ré-
jvGooi^lc
INTRODUCTION. cxiti
porte en son àme un idéal qui est l'uniqus objet de
son culte, qui lui dicte ses jugements sur les faits
ainsi que sur les individus : cet idéal, moins étroit
que le patriotisme, presque aussi ardent que la toi
religieuse, c'est l'esprit chevaleresque.
Cet esprit chevaleresque, quia constitué tout à la fois '
l'une des grandeurs et l'une des faiblesses du moyen
âge en général et du quatorzième siècle en particu-
lier, est aussi la source des meilleures qualités et des
défauts les plus saillants qu'on remarque dans les
Chroniques. Si, comme on l'a dit plus haut, Frois- •
sart néglige de mettre de l'unité dans ses diverses
rédactions, c'est qu'évidemment, malgré la curiosité
naturelle de son esprit, il n'attache qu'un prii assez
médiocre aux circonslances accessoires, aux détails
de la narration : ce qui l'intéresse, ce qui l'émeut,
ce qui le passionne par-dessus tout, c'est l'idéal même
qui a été le principe vivifiant des hauts faits qu'il
raconte, c'est-à-dire la chevalerie. Aussi, l'on re-
marquera que notre chroniqueur s'écarte volontiers
de sa réserve habituelle pour juger les faits ou les
hommes et manifester ses propres sentiments si
l'honneur chevaleresque est sérieusement en jeu, et
dans ce cas on peut avoir toute confiance en son
impartialité.
C'est en efiet la gloire du quatorzième siècle, de
ce siècle d'ailleurs si misérable, que l'esprit magna-
nime, héroïque de la chevalerie, y exerça dans l'opi-
nion sinon dans les actes un empire incontesté et
reconnu de tous. En s'inspirant de cet esprit, un
chroniqueur placé comme Froissart dans une posi-
tion dépendante pouvait prononcer un jugement
sévère sur tel ou tel grand personnage sans encourir
;vGoo»^lc
cxiT CHRONIQUES DE J. FROISSABT.
la disgrâce des protecteurs puissants qui se trouvaient
plus ou moins directement atteints par ce jugement.
Pour s'en convaincre, il sufiBt de lire plus loin ce
que Froissart dit à plusieurs reprises de la déloyauté
de Jean 111 duc de Brahant envers Philippe de Valois,
déloyauté dont un brave chevalier nommé Léon de
Crainhem fut si honteux d'avoir été l'instrumeat
qu'il en mourut. Rien assurémeat ne forçait notre
chroniqueur à emprunter à Jean le Bel le récit de
cette vilaine action; et pourtant dans ses deux pre-
mières rédactions, composées à une époque où il
avait tout intérêt à ménager la fille de Jean m,
Jeanne, femme de Wencesks, dont il recevait an-
nuellement les bienfaits, il a &it ressortir, il a flétri
avec une certaine insistance la mauvaise foi du père
delà duchesse de Brabant*. Appliquées aux jugements
rendus à ce point de vue élevé, les protestations
d'indépendance* que l'auteur des Chroniques a pris
soin de renouveler dans les diverses parties de son
ouvrage, méritent une entière créance. Robert de
Namur, Wenceslas, Gui de Blois étaient, comme
Froissart lui-même, trop animés de l'esprit de leur
temps pour avoir seulement l'idée d'exercer une
influence, une pression quelconque sur leur protégé
en ce qui touche à la chevalerie et à l'honneur
chevaleresque.
Lors donc que Froissart a varié dans ses senti-
ments, dans ses jugements soit sur les individus, soit
sur les peuples, on peut être sûr qu'il a modifié sa
manière de voir en toute liberté, en toute sincérité.
1. P. 151, 161, 437, 438. Cf. Jean le Bel, éé. de H. Polaio, t. I,
p. U9 et 150.
3. Vojez plus liaut, p. ur.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. ex»
Rien n'est plus curieux à cet égard que le change-
ment qui s'est opéré dans les dispositions de notre
chroniqueur à l'endroit des Anglais : après les avoir
admirés d'abord presque sans réserve^ notamment
dans la première rédaction de son premier Uvre, il
finit par les juger dans la troisième i*édaction de ce
même livre avec la sévérité la plus perspicace. On se
rendra aisément compte de ce changement si l'on
se rappelle ce que nous disions tout à rheure^ à
savoir que l'auteur des Chronitpies se place toujours^
pour juger les peuples aussi bien que les individus,
au point de vue de ta chevalerie.
I^ première rédaction où Froissart' exalte surtout
les Anglais, a été composée, comme on l'a vu plus
haut, de 1369 à 1373. A cette époque, Froissart ve-
nait de passer huit années à la cour d'Edouard lU
conmie clerc de Philippe de Hainaut, sa compatriote
et sa protectrice, qui l'avait comblé de faveurs. Tou-
tefois,,on se tromperait sans nul doute en attribuant
seulement à la reconnaissance personnelle l'enthou-
siasme pour l'Angleterre qui éclate à toutes les pages
de la première rédaction : cet enthousiasme a une
autre cause plus noble encore et surtout plus désin-
téressée. La première rédaction ne comprenait, du
moins sous sa seconde forme, que la partie du règne
d'Edouard III antérieure à 1373, et l'on sait que
cette brillante période, signalée par les victoires de
Crécy et de Poitiers, marque l'apogée de la gloire et
de la puissance anglaise. Durant le même temps, la
noblesse normande, transplantée de l'autre côté du
détroit, lutta d'esprit chevaleresque non moins que
de courage avec la noblesse française; et quand on
vit le jeune vainqueur de Poitiers servir à table son
;vGoo»^lc
<;vTi amO.MQUES DE J. FftOISSART.
royal pi-isonnier, un tel acte de courtoisie souleva
» ratlmiration de l'Europe entière. Comment Froissart,
riiislorien, j'allais dire, le chantre de la chevalerie,
n'aurait-il pas ressenti, lui aussi, pour l'An^eterre
d'Edouard IH et du Prince Noir, un enthousiasme
qui ne fut jamais ni plus légitime ni plus universel?
Tout était bien changé lorsque, trente ans plus tard,
notre chroniqueur, devenu chanoine de Chimay, en-
treprit d'écrire la troisième rédaction de son premier
hvre. L'infortuné Richard II, dépouillé de sa couronne
par un usurpateur, venait de périr misérablement après
avoir subi les plus indignes traitements; et Froissarl
avait dû éprouver une profonde douleur en voyant
disparaître dans la personne de ce prince, qui l'avait
si bien accueilli lors de son derniar voyage en Angle-
terre, le petit-fils de Philippe de Hainaut, le fils du
Prince Noir, le rejeton d'une dynastie qu'il aimait'.
D'ailleurs, comme ces tempêtes qui soulèvent jusqu'à
lu surface les monstres endormis au sein des mers, les
troubles précurseurs de la déposition, de la mort de
Richard avaient mis à nu et pour ainsi dire déchainé
ce fond d'égoïsme e0réné, indomptable, barbare au
besoin, que recouvre d'ordinaire le flegme de la
race anglo-saxonne. A partir de ce moment, il est visi-
ble que l'Angleterre cesse d'apparaître à notre chro-
1. Justice a été rendue à lUcbard II par an digne compatriote de
Froiatan, M. H. Wallon dans «on beau livre intitula : RUhord 11, Épi'
todt de la r.-'vlile' de la France et de f Angleterre. Parii, Hachette, 186Ï|
2 vol. iii-S". L'n art discret est mis dons cet ouvrage au lervice d'une
science approroudie, d'une conviction pleine de chaleur contenue; le
paia^ y est étudié pour lui-même , et l'on n'y trouve aucune de ce*
allusions par ou les partUam dc^guitéi en historiens mettent ce qu'il*
apiiellcnt l'amorce aux passions de leurs contemporains. Aussi le livre
du H, WiiUou «.(.il échappû à U mode, mai* en i-evanche il ne m là-
D,qit,zeabvG00»^lc
lyrRODUCTION. «VII
niqueur comme k terre chevaleresque par excel-
lence. Froissart se dégofite du pays des I^ncastre et
de leurs sicaires sous l'empire du même sentiment
qui le remplissait naguère d'admiration pour la pa-
trie des Cbandos; et s'il continue de rendre justice
dans sa troisième rédaction aux fortes qualités de la
nation anglaise, on s'aperçoit aisément qu'il ne lui
accorde plus comme autrefois sa sympathie.
Il est une nation au sujet de laquelle les sentiments
de Froissart n'ont jamais varié : c'est la nation aile- '
mande pour laquelle il laisse percer partout l'aver-
sion la plus profonde. Il importe d'autant plus de
constater ici ce fait qu'on y trouve l'occasion de si-
gnaler un trait saillant du caractère de notre chro-
niqueur qui n'est pas une des moindres garanties de
sa sincérité, Je veux dire le désintéressement. Il n'y
eut jamais d'Âme plus française que celle de Frois-
sart, parce qu'il n'y eut jamais d'âme plus chevale- »
resque et plus désintéressée. Admirer le courage, • .
l'honneur, la générosité, la magnificence, la beauté
et faire partager, en les racontant dignement, cette
admiration à la postérité : tel semble avoir été le but
dominant du chroniqueur d'un bout à l'autre de sa
carrière; le souci de sa personne, de ses intérêts ne
paraît avoir joué dans sa vie qu'un rôle tout à fait
secondaire. Froissart sait joindre, comme les génies
vraiment français, à l'activité féconde, à l'inspiration
créatrice, au labeur tenace, l'esprit de désintéresse-
ment et l'absence de préoccupation personnelle, tau-
dis que dans d'autres pays, f'égoïsme plus ou moins
âpre des artistes hors ligne est presque toujours le
principal ressort de leur force. Il ne faut donc pan
s'étonner si l'auteur des Chroniques juge sévèrement
;vGoo»^lc
i
cxviii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
les Allemands et s'il saUil toutes les occasions d'ex-
primer cette sévérité. Ce qu'il leur reproche avec
insistance, c'est d'être dévorés d'une convoitise insa-
tiable, c'est de présenter dans leur caractère un mé-
lange inouï d'insolence et de platitude, c'est de &ire
prendre en dégoût les qualités mêmes qui les distin-
guent, en les mettant toujours au plus offrant et
dernier enchérisseur'. Du reste, le mépris pour la
bassesse et la vénalité tudesques n'est pas moins
marqué dans la chronique de Jean le Bel'. Cet es-
prit désintéressé, chevaleresque, constituait évidem-
ment, dès le quatorzième siècle, une sorte de cou-
rant moral qui creusera toujours, qu'on ne l'oublie
pas, un fleuve cent fois plus large et plus profond
que le Rhin entre l'Allemagne et la France de l'Es-
caut ou de la Meuse. Toutefois, Jean le Bel et Frois-
sart ont peut-être conclu un peu vite du particuliar
au général ; ils se seraient montrés plus justes en ad-
mettant des circonstances atténuantes : l'àpreté au
gain est le défaut des races laborieuses et intelli-
gentes, mais pauvres. Quant à la servilité obsé-
quieuse, elle est la dépravation du penchant le plus
profond, le plus caractéristique des natures germani-
ques qui les porte à l'enthousiasme en présence de
toutes les manifestations de la force. L'Allemagne est
essentiellement naturaliste : elle n'a pas seulement
le génie, elle a le culte de la force. La France, au
contraire, est humaine par excellence ; sans doute elle
est loin de manquer de ce génie de la force sans le-
quel il n'y a point de grande race, mais elle y joint
1. P. 395, 437, kk9. Od retrouvera dea passage* «naloguei et pin*
lignificatifs encore d*n« tous les rolumet de cette édition.
2. Voyez Jean le Bel, ^dit. Polalu, t. I, p. 133, lîS, 133.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. atw
une adoration de ta faiblesse, du malheur qui va par-
fois jusqu'à je oe sais quelle folie sid>lime. Aussi, je
le dis avec une conviction moins ardente que raison-
née/ le jour où notre génëreuse nation disparaîtrait
de la scène du monde, c'est le cœur même de l'hu-
manité qui aurait cessé de battre.
Soit que l'on compare les diverses rédactions du
premier livre au point de vue de leurs ressemblan-
ces, soit qu'on les confronte sous te rapport de leurs
divergences, on voit que l'esprit désintéressé, clie-
valeresque de Froîssart e1 la fidélité, sinon l'impar-
tialité de ses récits, ressortent victorieusement de cette
comparaison. Les limites imposées à cette Introduc-
tion ne permettent pas d'entreprendre ici un pareil
travail qui trouverait mieuit sa place dans les dis-
sertations critiques dont le plan a été esquissé
plus haut'. Cette publication^ on peut le dire dès
maintenant, confirmera pleinement, au point de vue
de la sincérité des sentiments et des jugements, le
témoignage que Froîssart se rend à lui-même, lors-
qu'il dit dans le prologue de la première rédaction
revisée : « .... J'ai ce livre hystoriiet et augmenté...',
à le relation et conseil des dessus dis, sans faire fait,
ne porter partie, ne coulourer plus tun que rautre,
fors tant que H biens fais des bons, de quel pays
qu'il soient, qui par proèce l'ont acquis, y est ptain-
nemenl veus et cogneus, car de touhlier ou esœnser,
ce serait psceiâs*.... »
1. Voyez laKCondepirtiedecettelDtroduetion.chap.iii, p. ncfnt.
2. P. 1 « iJ.
;vGoo»^lc
cxx CHRONIQUES DE J. FROISSART.
CHAPITRE II.
DE l'exactitude RELÂTIV.; DS FROIBSIRT.
La conscience de Froissart n'est pas moins incon-
testable que sa bonne foi ; mais, de même que celle-
ci n'empêche pas toujours la partialité, la conscience
de l'auteur des Chroniques n'exclut point, hélas! un
fréquent délkut de critique. Il serait souverainement
injuste de demander à un chroniqueur qui a dïi
composer la plupart de ses récits d'après des témoi-
gnages purement oraux l'exactitude matérielle qu'il
est si facile d'atteindre aujourd'hui grâce aux res-
sources de tout genre mises à la disposition des his-
toriens depuis la découverte de l'imprimerie.
Si l'on veut apprécier équitablement le d^;ré de
conscience apporté par Froissart dans la recherche
de la vérité, il le faut comparer sous ce rapport aux
autres annalistes ses contemporains : on verra que
la comparaison n'est nullement défavorable au chro-
niqueur de Valenciennes.
Assurément, ce qu'il y a de plus défectueux dans
l'œuvre de Froissart, c'est sa chronologie et sa géo-
graphie ou plutôt sa stratégie; et pourtant il est loin
de fausser les dates, de confondre et d'estropier les
noms au même de^é que tel autre chroniqueur de
la même époque, Jean le Bel, par exemple. Quel-
ques-unes des plus grossières erreurs de ce volume,
Cardueil ou Carlisie placé en Galles^, Guillaume* de
1. Voyet Jean le Bel, CArontfuoi, Alit. Palain, t. I, p. W. Cf.
FroUaart, t. t de noire cdilion, p, 50-
2, Jcnti le Bel, t, I. p. 80. Cf. FroUsart, t. I, p. 1%.
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. cxxi
Douglas et louis* de Crainhem substitués à Jacques
de Douglas et à Léon de Crainhem, le titre de comte
tif. Richemont* conféré à Robert d'Artois, le noble et '
riche Jacques d'Arteveld transformé en simple bras-
seur de miel* : ces erreurs et une foule d'autres sont
autant d'emprunts malheureux faits à la chroniqae
du chanoine de Liège.
Combien Froissart est moins inexact que son mo-
dèle dans les parties qui lui appartiennent en propre,
telles que le récit des campagnes d'Ecosse* de 1 333
à t336 ou de la guerre de Gascogne' ! Là encore
sans doute notre chroniqueur intervertit souvent
l'ordre des événements, il brouille les dates, surtout
il ne se rend pas toujours un compte bien exact des
mouvements stratégiques, il altère parfois au point
de la rendre méconnaissable la forme de certains
noms de personne ou de lieu : il n'en est pas moins
vrai que l'éditeur a pu identifier à peu près sûrement
la plupart des localités d'Ecosse ou de Gascogne
mentionnées dans les deux longues narrations dont
il s'agit.
La géographie de Froissart est même en certains *
cas d'une exactitude minutieuse jusque dans les dé-
tails les plus infimes. Ainsi dans le récit de la guerre
de Gascogne, l'auteur des Chroniques dit quelque
part que les Français mirent le siège « devant Mire-
mont, qui siet sur le rivière de Dourdonne*. » Ce
mot de Dourdonne fait supposer au premier abord
qu'il s'agit de la Dordogne : on consulte la carte de
1. Jean le Bel, p. 135. Cf. FrowMrt, t. I, p. 151.
3. Ibid., t. I, p. 95. Cf. Proiuart, t. I, p. 105.
3. Ibid., p. 137. Cf. Froiuart, t. I, p. 137.
4. P. 316 i 353 de ce volume. — 5. P. 377 à 388. — 6. P. 385,
:,Goo»^lc
Gxm CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Cassini, et l'on Toit que Miramont se trouve à une
assez grande distance de cette rivière. Il ne faudrait
pas se presser d'en conclure que Froissart s'est trompé,
car on ne tarde pas à découvrir, si l'on poursuit cette
recherche, que Miramont est en efièt situé sur un
tout petit ruisseau qui s'appelle encore aujourd'hui,
comme au temps du chroniqueur, la Dourdoine.
Après Jean le Bel, prenez le continuateur de Guil*
laume de Nangis, le moine Jean de Yenette ou en-
core le continuatetu* des Grandes Chroniques de
France pour les r^^es de Philippe de Valois, de Jean
et de Charles V. Personne ne niera que ce da*nier
principalement se trouvait dans les conditions les
plus favorables pour donner à son œuvre un carac-
tère particulier d'exactitude : il était à la scHirœ des
documents authentiques. De plus, il semble que la
maigreur un peu sèche de ses récits, la discrétion
officielle, compassée, de son allure, aurait dû le pré-
server des écarts, des faux pas où s'expose et se
laisse inévitablement entraîner le génie primesautier,
abondant, aventureux du chroniqueur de Yalencien-
nés. Et pourtant on n'ignore pas que les erreurs de
tout genre ne sont guères moins nombreuses dans
les Grandes Chroniques de France que dans celles de
Jean de Venette et de Froissart.
Entre les diverses compositions du même genre
que nous a léguées le quatorzième siècle , celle qoi
soutient avec le plus d'avantage le contrée des char-
tes est la Chronique des quatre premiers falois. Telle
est du moins l'opinion d'un juge dont personne ne
récusera la compétence, M. Léopwld Delisle. Dans
cette Histoire du château de Saint-Sauveur-le-Fîcomte
où il a renouvelé de fond en comble l'histoire de la pre-
;vGoo»^lc
IWTRODUCnON. cxxni
mière partie de la guerre dite de Cent ans, le savant
membre de FInstitut a eu l'occasion de confronter
les principaux chroniqueurs contemporains de Frois-
sart avec les pièces authentiques, originales ; et c'est
la Chronique des quatre premiers Falois qui a le
mieux résisté à une aussi redoutable épreuve; mais
cette chronique ne mesure, soit dans le temps soit
dans l'espace, qu'un champ fort restreint, elle est
presque exclusivement provinciale; il ne faut pas ou-
blier d'ailleurs qu'elle a dû être écrite par un Nor-
mand.
Des considérations qui précèdent il ressort avec
évidence que Froissart, quoiqu'il ait embrassé dans
sa narration l'histoire de plusieurs pays et qu'il ait
donné à son œuvre une étendue tout à fait excep-
tionnelle, égale néanmoins, s'il ne surpasse, au point
de vue de l'exactitude, la plupart des chroniqueurs
contemporains. D'où vient donc que l'opinion con-
traire est passée pour ainsi dire à l'état de légende,
alors que tant d'annalistes du haut moyen âge ou de
l'Antiquité, qui sont peut-être moins exacts que le
chroniqueur de Valenciennes, jouissent sous ce rap-
port d'une meilleure renommée? La raison en est
que les érudits ont abondamment ce qu'il faut pour
contrôler et rectifier Froissart, pour le percer à jour,
tandis que nombre d'auteurs anciens échappent plus
ou moins à la critique par leur isolement relatif et
l'obscurité même dont ils sont enveloppés. Sans par- *
1er d'Hérodote et de Tite-IJve aussi mal famés que
l'auteur des Chroniques, est-il bien sûr que les Com-
mentaires de César, par exemple , si nous en pou-
vions vérifier pour ainsi dire jour par jour les moin-
dres détails à l'aide d'une masse énorme de documents
;vGoo»^lc'
cxxiv CHRONIQUES DE J. FROISSART.
de tout genre analogue à celle qui projette sur Tbis-
toire du quatorzième siède ce &isceau de lumière
dont les chroniqueurs de la même époque ont tant
de peine à soutenir l'éclat , est-il bien sûr, dis-je,
que, placés dans ces conditions , les Commentaires
de César eux-mêmes garderaient parfaitement intacte
leur r^utation classique d'exactitude? Certes, on ad-
mirera toujours les belles lignes architecturales d'un
Thucydide ou d'un Salluste qui se dessinent avec
l'harmonie d'un fronton de Phidias dans le <âel lu-
mineux et pur : qui sait cependant si, le jour où il
nous serait donné d'appliquer à ces incomparables
historiens les moyens de contrôle nombreux, variés,
précis dont la critique dispose poiu* l'époque mo-
derne, nous n'aurions pas à faire des réserves sur
l'exactitude d'une foule de détails qu'ils ont racon-
tés ?
Voilà pourquoi, soit dit en passant, les esprits vrai-
ment soncieux d'atteindre aussi sûrement que possi-
ble, sinon la vérité, du moins la réalité historique,
n'abordent pas volontiers l'étude de l'Antiquité et
notamment des périodes où la pénurie des docu-
ments rend le contrôle multiple, détaillé des faits
presque impossible. Le peu qui nous reste sur ces
époques obscures ressemble à ces nuages flottant à
l'horizon que notre imagination façonne à sa guise,
où elle met elle-même ce qu'elle veut y voir. Qui
pourrait empêcher un historien des premiers temps
de Rome, pourvu que son érudition procède avec
logique, de donner pleine carrière à sa fantaisie et
d'élever gravement les constructions les plus chimé-
riques? Où il y a si peu de chose, pour ne pas dire
rien, le roi ne perd-il pas ses droits?
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. cxxr
I^ situation change et devient tout autre li'il s'a-
git de riiistoire de l'Europe occidentale, surtout à
partir du douzième siècle. Depuis cette époque jus-
qu'à l'invention de l'imprimerie, il faut convenir
qu'au point de vue de l'exactitude les chroniqueurs
qui ont vécu dans l'intervalle se présentent à la pos-
térité dans des conditions exceptionnellement deËi-
vorables. D'une part, en effet, ils n'ont pas eu à leur
dbposition les ressources inépuisables que la presse
a fournies à leurs successeurs : la rareté des manu*
scrits, des pièces authentiques, originales, en les for-
çant à s'appuyer presque exclusivement sur des té-
moignages oraux, ne leur a pas permis de soumettre
les feitsà une vérification complète, minutieuse, ap-
profondie. D'autre part , les documents deviennent
assez nombreux, assez variés, assez précis à partir du
douzième siècle pour que la critique y trouve au-
jourd'hui les instruments dont elle a besoin et con-
trôle avec leur aide les compositions historiques con-
temporaines de ces documents. Il arrive ainsi que
les chroniques, rédigées du douzième siècle à la fin
du quinzième, nous paraissent moins exactes et les
chroniqueurs moins consciencieux qu'avant et après
cette date , quoique cette apparence puisse être dé-
pourvue de fondement. De telles conditions sont en-
core plus dé&vorables pour les chroniqueurs dont
nous parlons, s'ils ont entrepris, comme Froissart et
Villani, pour ne citer que ces deux noms, d'embras-
ser à la fois l'histoire de plusieurs pays, et si, comme
le chroniqueur de Yalenciennes, ils n'ont pas craint
de donner à leur œuvre une étendue supérieure à
celle des monuments du même genre les plus consi-
dérables que l'Antiquité nous ait laissés. A qui ne ré-
;vGoo»^lc
cxxvi CHRONIQUES DE t. FROISSàRT.
fléchit pas à cet ensemble de circonstances, Froissart
peut sembler un prodige d'inexactitude, mais eo
réalité il n'y a là qu'un simple malentendu. Ce n'est
pas notre chroniqueur qui est plus inexact que Ui
annaliste qui l'a précédé, que Richer, par exem^de,
c'est nous qui sommes infiniment mieux instruits sur
le quatorzième siècle que sur le dixième : ce n'est
pas l'eau de la source qui est plus firoîde, c'est notre
main qui est plus chaude.
CHAPITRE m.
DO oiEnib LirriiAiu di FaoïssiRT,
Si l'exactitude de Froissart peut être mise en doute,
ce que personne ne conteste, c'est le charme du nar-
rateur, le talent de l'écrivain , pour ne pas dire du
peintre. Ce charme est vraiment irrésistible, il a par-
fois été inspirateur; et ce n'est pas une médiocre
gloire pour l'auteur des Chroniques d'avoir contri-
bué puissamment à éveiller le génie de l'un des
plus grands enchanteurs de ce siècle, de Walter
Scott.
Ce qui &it goûter un si vif agrément à la lecture
de Froissart prosateur, c'est que la pensée ou le sen-
timent y porte toujours l'expression : le procédé, le
métier, l'école ne se trahit nulle part ; on sent que
Ton a aflàire à un homme, non à un riiéteur ou,
• comme on dirait aujourd'hui, à un virtuose. Aussi,
les beautés du chroniqueur n'ont-elles rien d'artifi-
ciel, d'apprêté, rien qui sente la serre chaude : elles
fleurissent souvent au milieu même des aspérités ou
;vGoo»^lc
DÎTRODtJCnON. cxxvu
de la ruslicitë inculte de la langue, et elles ont moins
d'éclat que de parfum.
Tout^ois, au point de vue littéraire, comme au
point de vue historique, on n'a peut-être pas rendu
jusqu'à ce jour pleine justice à Froissart, parce qu'on
ne le connaissait pas tout entier. La troisième rédac-
tion du premier livre, dont la publication est très-
récente, nous montre une face inattendue et nouvelle
du génie du grand chroniqueur. Dans cette rédac-
tion qui date des dernières années de sa vie, Frois-
sart, mûri sans doute par l'âge et l'expérience, fait
[M%uve d'une profondeur d'observation qu'aucun écri-
vain n'a surpassée. 11 sufSt, poiu- s'en convaincre, de
lire cet admirable portrait de la nation anglaise.
« Englès sont de mervilleuses conditions, chaut et
boullant, tos esmeu en ire, tart apaisié ne amodé en
douçour ; et se delittent et confortent en batailles et
en ocisions. Convoiteus et envieus sont trop grande-
ment sus le bien d'autrui, et ne se pueent conjoindre
par&itement ne naturelment en l'amour ne aliance
de nation estragne, et sont couvert et orguilleus. Et
par especial desous le sole! n'a nul plus perilleus peu-
ple, tant que de hommes mestis, comme il sont en
Ëo^et^re. £t trop fort se difiêrent en Ëngleterre les
natures et conditions des nobles aux honuues mestis
et vilains, car li gentithonmie sont de noble et loiale
condition, et lî communs peuples est de fêle, péril-
leuse, orguilleuse et desloiale condition. Et là où 11
peuples vodroit moustrer sa felonnie et poissance, li
noble n'aueroient point de durée à euls. Or sont il
et ont esté un lonch temps moult bien d'acort en-
semble, car li noble ne demande au peuple que toute
raison. Aussi on ne li soufièrroit point que il presist.
;vGoo»^lc
Gixviii CUBOMQUeS DE J. FROISSART.
sans paiter, un oef ne une poulie. Li homme de mes-
lier et lî laboureur parmi Engleterre vivent de ce que
il sèvent faire, et 11 gentilhomme, de lors renies et
revenues; et se li rois les ensonnie, il sont paiiet,
non que li rois puist laillier son peuple, non, ne li
peuples ne le vodroit ne poroit souflrir. Il i a cer-
Utînnes ordenances et pactions assisses sus le staple
des lainnes, et de ce est li rois aidiés au desus de
ses rentes et revenues; et quant ils fait gerre, celle
paclion on li double. Engleterre est la terre dou
monde la mieulz gardée'. »
Quelle vigueur de coloris , quelle justesse de Ion ,
et comme le peintre a fait puissamment saillir tous
les traits caractéristiques de son modèle! Aussi le
portrait n'est pas moins vivant, moins ressemblant
aujourd'hui qu'il y a quatre siècles.
Les termes empruntés à la peinture viennent natu-
rellement sous la plume quand on parle de l'auteur
des Chroniques : c'est que Froissart est avant tout
un peintre dont tes tableaux présentent les mêmes
caractères que ceux des maîtres de l'école flamande,
Il a le plus souvent la grâce naïve*, la candeur ex-
pressive de Jean van Eyck son contemporain, ou
1. P. 31%.
2. FroÏMtrt n'a parfoù betoîn que d'un ooap de crajon pour donner
la Tie i let iigiirei. Il dit, par exemple, p. 519 de ce Tolume, en par-
l*llt de la reine lubelle, mèi« d'Edouard ICI : «Si elloit elle tr^ bell«
dame et femiaine et doucement enUngagie. » Voilà bien cette heu-
rente limplicité , ce naturel aimable juxjue dans sa négligence que
goâtait tant Fénelon. Et deux pages plus loin, ù propo» du •Jjaur
d'Isabelle et de «on jeune fils Edouard à la cour de Cbarlei de Valoi* :
• Et Ici veoit li rois Tolentien et prendoit à la foia grant plaisance ou
jone Edouvratt, car il estait biaus lils et Tuaa; et s'esbatoit li rois, qui
estoit son oncle, en ses jonèces. •> P. S21. rt"7-a-t4l pas ici comme un
rajoB de cette grâce suave et légère qui est l'attieisme de la France ?
;vGoo»^lc
UiTTRODUCTION. cxziz
d'Hemling; mais le beau portrait du peuple anglais
prouve qu'à l'occasion il possède aussi la touche lar-
ge, le dessin correct d'Antoine van Dyck. Quand on
lit dans la première rédaction la narration si chaude,
si colorée, si pleine de mouvement, des journées de
Crécy ou de Poitiers, on croit êtrp devant des batail-
les de Rubens. Relisez , car vous devez l'avoir lu , le
ravissant épisode de la partie d'échecs entre Edouard HI
et la belle comtesse de Salisbury dans la seconde
rédaction, et vous conviendrez que les Hollandais eux-
mêmes, Miéris, Metzu, n'ont jamais peint scène d'in-
térieur avec une finesse plus exquise. Et toutes les
scènes de la chevauchée à travers le pays de Fois, le
Béarn, en compagnie d'Ëspaing de Lyon, ne dirait-
on pas autant de toiles de Téniers qui ae déroulent
successivement devant nos yeux 1
Certains critiques prétendent que l'on trouve en
raccourci dans V Iliade d'Homère tous les dévelop-
pements ultérieurs de la civilisation grecque. De
même, Froissart résume avec éclat les divers aspects
de ce génie du pittoresque intime, familier, à la fois
individualiste et pathétique, par où les maîtres de
l'école flamande ont introduit dans l'art comme un
nouveau monde.
Il ne faut donc pas s'étonner de la prédilection
que la France de l'Escaut a toujours témoignée pour
l'auteur des Chroniques; elle retrouve en lui , non-
seulement un de ses plus glorieux enfants, mais en-
core le représentant peut-être le plus complet des ra-
res qualités qui la distinguent; elle se reconnaît dans
cet écrivain qui sait joindre à tant de dons heureux,
une patience à toute épreuve, une persévérance infa-
tigable.
;vGoo»^lc
cxsx CHRONIQUES DE I. FROISSABT.
Qui ne serait saisi d'admiration en voyant que
Froissart a remis sur le métiar et refondu complète-
ment, à deux reprises difiFérentes , un ouvrage d'une
étendue aussi considérable que son premier livre! De
quelle vocation impérieuse il Êdlait être animé pour
recueillir des matériaux historiques au prix de voya-
ges lointains, de chevauchées par monts et par vaux,
d'enquêtes poursuivies pendant près de cinquante
ans ! La vieillesse elle-même ne ralentit pas le zèle du
• chroniqueur; il était plus que sexagénaire lorsqu'il
entreprit de remanier une dernière fois son premier
livre^et tout porte à croire qu'il ne déposa la plume
qu'avec la vie. L'amour, a dit Pascal, est un éternel
- recommenceur. Froissart aimait tant les heaux laits
d'armes, les hautes emprises, les nobles aventures,
qu'il en recommeDça le récit jusqu'à sa mort.
Je manquerais à mon devoir si je ne remaniais,
avant de terminer cette Introduction, la Société de
l'histoire de France de l'honneur insigne qu'elle m'a
fait en me choisissant comme éditeur de Frois-
sart. M. Jules Desnoyers, secrétaire de la Société,
M. Léopold Deiisle, président du comité de publica-
tion, IVDVf . Jules Quicherat, Jules Marioa, Henri Bor-
dier, membres du même comité, qui m'ont présenté
au choix du conseil, ont particulièrement droit h mes
remercîments.
M. I^pold Delisle mérite un hommage spécial. Ijë
premier, il a eu l'idée de me proposer pour une
édition dont la Société l'a nonmié commissaire res-
ponsable; il a revu les épreuves avec cette conscien-
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. ' cxxxi
ce qu'il apporte dans tous ses bavaux. Que d'utiles
conseils il m'a donnés I Que d'erreurs son esprit vrai*
ment critique a fait disparaître de mon travail I Du
reste, j'ai de vieille date tant d'obligations à l'émi-
nent diplomatiste , que depuis longtemps je ne les
compte plus. J'éprouve même quelque plaisir à voir
ma dette s'accroître de jour en jour, car je sens que,
si grande que doive être ma reconnaissance, elle n'é-
galffl^ jamais mon estime.
Après M. Delisle, c'est à M. Natalis de Wailly que
je suis le plus redevable. Le savant conservateur de
la Bibliothèque impériale ne m'a pas seulement Ëicl-
lit^ le prêt des manuscrits dont j'avais besoin; il m'a
gracieusement autorisé à lui soumettre les difficultés
qui pouvaient m'arrèter, et je n'ai jamais eu recours
en vain à son esprit si précis, si logique, à sa science
approfondie de l'ancien français. Parmi les philolo-
gues qui ont bien voulu m'aider à résoudre certains
problèmes relatifs à l'établissement du texte, il m'est
doux de compter aussi l'habile éditeur des Anciens
poètes de la France, mon ancien et cher maître,
M. Guessard.
Je me reprocherais de ne pas rendre hommage ici
à la mémoire de M. Victor Le Clerc, car c'est surtout
à l'instigation de ce savant illustre que j'ai dirigé
mes études vers le quatorzième siècle. Un des meil-
leurs amis de M. Le Oerc, M. Guigniaut n'a pas peu
contribué aussi, par la bienveillance qu'il m'a té-
moignée en toute circonstance, à me mettre en
mesure d'entreprendre le travail dont je publie au-
jourd'hui le premier volume.
Son Ëxc. M. le ministre de l'instruction publique
doit figurer au premier rang des bienfaiteurs de cette
;vGoo»^lc
cxxxn CHRONIQUES DE J. PROISSART.
édition. Sur la proposition de M. Bellaguet, I'ud des
membres fondateurs de la Société de l'histoire de
France, M. Duniy a daigné me confier en 1 867 et
1 868 deux missions qui m'ont permis d'étudier tous
les manuscrits de Froissart conservés dans les biblio-
thèques publiques ou particulières de l'Europe. Je
m'estime heureux d'avoir reçu ce témoignage de
haute bienveillance d'un minisire profondément pa-
triote et qui s'est dévoué avec autant d'ardeur que
de succès au progrès de l'instnictioD populaire.
Je n'ai pas trouvé moins de bienveiUance au Minis-
tère de la Maison de l'Empereur et des Beaux-Arts
dont je dépends en qualité d'archiviste aux Archives
de l'Empire. Sur la proposition d'un chef excellent
et trop érudit pour ne pas encourager l'érudition,
M. Huillard-Bréholles, gràce à l'appui de MM. L. de
Laborde et A. Maury qui se sont succédé dans la Direc-
tion générale des Archives de l'Empire, de M. le ba-
ron Dard, chef du personnel au Ministère de la Mai-
son de l'Empereur, Son Exe. M. le maréchal Vaillant
m'a généreusement accordé les congés qui m'étaient
nécessaires pour recueillir par toute l'Eiu^pe les ma-
tériaux d'une édition des Chroniques de Froissart.
A la reconmiandation de M. Guizot, président de
la Société de l'histoire de France et de M. Thiers,
membre du Conseil de cette Société, Son Ém. le
cardinal Antonelli a bien voulu m'ouvrir, par une
faveur spéciale, l'accès de la bibliothèque du Vatican
en dehors des heures de travail ordinaires. Je prie
ces trois illustres honunes d'État d'agréer l'expression
de ma plus vive gratitude.
Je dois également des remerciments à une foule
de savants ou d'hommes du monde, tant Français
;vGoo»^lc
INTRODUCTION. csxim
qu'étrangers, qui sont venus à mon aide avec une si
parfaite obligeance. Le dé&ut d'espace me condamne
à nommer seulement : à Paris, M. le duc de Mou-
chy*, IVbne la duchesse de la Rochefoucauld, M. le
baron de Witte; MM. Douet d'Arcq, Lot, Demay,
Meyer, Gautier, Claude, Emile Mabïlle, Michelant,
Servois, Anatole de Barthélémy, Alphonse de Ruble,
de Beaucourt, Manni^, P. Lacroix, Borel d'Haute-
rive, Godefroy, Jjongnon ; — en province, MM. Cas-
taa de Besançon, Gamier d'Amiens, Desplanque de
Ulle, Caffiaux de Valenciennes, Gouget de Bordeaux,
Caron et A. d'Héricourt d'Arras, Dorange de Tours,
Pont de Toulouse; — en Suisse, M. Steiger de Berne;
— en Belgique, MM. Gachard et Pinchart de Bruxel-
les, Rervyn de Lettenhove de Saint-STichel-lez-Bru-
ges ; — en Hollande, MM. Campbell de la Haye et du
Rieu de Leyde; — à Rome, Son Ém. le cardinal Pitra,
le R. P. Theiner, archiviste du Vatican ; à Vienne,
M. Ferdinand Wolf fils; — en Prusse, MM. Pertz de
Berlin, Pfeifièr de Breslau, prince de Puckler-Muskau
à Branilz; — enfin en Angleterre, MM. Stevenson du
Record-Office, Holmes et Granville du British Mu-
séum, lord Ashburnham à Ashburnham-Place, sir
Thomas Phillipps à Cbeltenham.
J*ai trouvé dans ce dernier pays surtout un accueil
que je n'oublierai pas. L'Angleterre, dont tant de
côtés sont admirables, ne m'a pas été moins douce
qu'elle ne le fut il y a fjuatre siècles pour Froissart
lui-même : le savant M. Stevenson m'a reçu avec
1. H. 1« dm d« Honehf , en emuenUnt aTec tant de bonne grâce i
me prêter «on pr^rax maniucrît, a rendn k U Soci^tâ de l'hîitoire de
Ftanee et k ton tiitenr nn •erriee de premier ordre.
jvGooi^lc
cxxxiv CHRONIQUES DE J. FROISSABT.
cette bonté affectueuse qui rappelle les mœurs pa-
triarcales de l'Ecosse, son pays d'origine; et la ma-
gnifique hospitalité d'Ashburnham-Place m'a remis
en mémoire ce que l'auteur des Chroniques raconte
de son séjour chez les grands seigneurs contempo-
rains d'Edouard IH.
Plus heureux que Johnes, dont la traduction parut
au plus fort des guerres terribles qui ont ensan-
glanté le commencement de ce siècle, l'éditeur de la
Société de l'histoire de France publie son travail à
une époque ou la France et l'Angleterre, associées
l'une à Tautre par une alliance déjà éprouvée, ten-
dent de plus en plus à établir entre elles un échange
fécond d'idées, de sentiments et d'intérêts. Loin de
chercher à raviva le souvenir des luttes anciennes,
celui qui écrit ces lignes n*a rien tant à cœur que
l'union intime de deux grands pays trop longtemps
rivaux, et il dédie cette édition à l'alliance libérale,
pacifique, civilisatrice de la France et de l'Angletore.
<4>
;vGoo»^lc
SOMMAIRE
jvGooi^lc
jjGooi^lc
SOMMAIRE.
PROLOGUE.
Première rédaction^. — Froissart déclare qu'il veut composer
soD livre en s' appuyant sur les vraies Qironiques jadis faites et
rassmiblées par Jean le Bel, chanoine de Saint-Lambert de Liège,
qui travailla i cette oeuvre, tant qu'il vëcut, avec un grand soinet
toat le zèle imaginable, et à qui il en coflta beaucoup pour l'exécn-
ter. Hais quelques frais qu'il dût s'imposer, ce seigneur ne lesépar-
gna point, car il ëtaît riche et puissant ; il les pouvait bien sn|>-
porter ; et de lui-mSme il était généreux, magnifique et courtfùs,
. il ne regardait pas à la dépense. Aussi fiit-il en son virant l'ami
intime de monseigneur Jean de Hainaut, dont il est souvait ques-
titm dans ce livre, et à juste titre, car le sire de Beaumoat fiit
le cher de plodeors belles expéditions et le proche parent des
rois ; grSce à cette intimité, Jean te Bel fut initié à de nobles
besognes qui st»it racontées ci-dessous.
■ Quant i mm, qui ai entrepris de composer ce livre, j'ai toujours
fréquenté avec prédilection les nobles et grands seigneurs, taot
m France qu'en Angleterre, en Ecosse, en Bretagne et antres
pays, et j'ai pu ainsi les connaître et m'instruire ea leur compa-
gnie. Toujours aussi, je me suis ^dalement enquis, autant qu'il
était en mon pouvoir, des guerres et des aventures, surtont de-
puis la fameuse bataille de Poitiers où le noble roi Jean de France
fut fait prisonnier, car auparavant j'étais encore jeune d'ige et
d'întdligence. Et pourtant j'entrepris par une insigne hardiesse,
I . Lm maniucriti de la première rédaction tout AitigaéM dan* lei
Tariantei loiit la mbriqoe Mu, A. Comme let prologaei loà-iient une
BUenlion toute ipéciale ■ divers point* de Tae, notre aiul^ie *r ' -
devient presque une t ' — "'"~ '" ' '" "'
texte semble t'exiger.
;vGoo»^lc
CHRONIQUBS DB 1. FROISSART.
à peine sorti de l'école, de rimer' et d'écrire l'histoire des
guerres dessus dites et de porter en Angleterre le livre tout com-
pile, ce que je fis. Et je presentu alors ce livre à très-haute et
très-noble dame, Philippe de Hainaut, reine d'Angleteire, qui
te reçut avec joie et me donna bonne récranpeiue.
Or, il se peut que ce livre ne soit pas élaboré et composé avec
ie soin que teUe chose requiert, car les faits d'armes sont û
chèrement achetés qu'ils doivent Être attribués et loyalement dé-
partis à qui de droit. Donc, pour m' acquitter envers tous comme
de raison, j'ai entrepris de parfaire cette histoire, en m'^pujant
pour la composer sur l'autorité devant dite, à la prière et re-
quête de mon cher seigneur et maître, Robert de Namur, sei-
gneur de Beaufort sur Meuse, à qui je veux devoir amour et
obéissance. Qne Dieu m'accorde la grftce de &ire chose qui loi
puisse [Oaire I » P. 210 et 212.
Froissart ntHnme parmi les preux les plus illustres de son temps
— en Ângleteire : le roi Edouard m, le prince de Galles son
fils, ie duc de Lancastre, Renaud de Gobbam, Gautier de Mann;
en Hainaut, Jean Chandos, Frank de Halle ; — en France : Pbt-
%pe de Val(tts, le roi Jean son fils, Jean roi de Boh&me, le
comte d'Alençon, le comte de Foix, Jean de Saintré, Amoal
d'Aodrehem, Boucicaut, Gnichart d'Angle, les seigneurs de
Beaujeu, père et fils. P. 211 et 212.
Première rédaction revisée '. — F^issart se vent appliquer à
écrire et mettre en prose les merveilles et les beaux fidts d'ai^
mes qiù ont signalé les guerres de France, d'Angleterre et des
rojraumes voisins, d'après le récit véridique des vaillants honmiei
qui ont été les héros de ces hauts faits et anssi de plusieurs
rois d'armes et maréchaux qui, par position, doivent être des
rapporteurs impartiaux et désintéressés de telles besognes. P. i.
a II est vrai que feu messire Jean ie Bel, chanoine de Saint-
Lambert de liége, a pris plaisir, en son temps, k raconter quel-
1. Mu.^1 i 19, 93, 30 4 36 : i rimer et k ditter. F* 1 f—Mit. A
1 A 6, 30 à 33, 34 i 39 : i dittier et à rimer. 19 mu., qui appaitieD-
nent i aept fiunillei diH'^rentes, donnent la première leçon, tandii
qu'on ne trouve U leoonde que dant 13 m», réparti* entre troil &-
millei Mulement, dont le* deux demière* (ont un «impie abrégé de li
première. On doit donc, du moini au point de vue de la critique di-
plomatique, donner la jH^féreiice ■ la première teçon inr la leconde.
3. Le* manuscrits de U première radaction révisée sont déaignét
dan* le* variante* «obi la rolmque Mu. B.
;vGoo»^lc
PROLOGUE. cxxux
qoe chose de ces faits d'armes dans ses Cbrradcpies. Et nu» aussi,
j'ai juris plaiûr à bistorier et enrichir ce livre, d'après le rétit
des témoins dont je viens de parler, sans prendre fait et cause
poor personne, sans mettre l'un plus en lumière que l'autre. Au
ccHitraire, les hauts faits des braves, de quelque pays qu'ils
srâmt, sont uns ici dans tout leur jour, car ce serait un pëcbë
et nue indignité de les laisser dans l'oubli ou de les passer sous
nleoce. P. 1 et 2.
J'ai dit tout d'abord que j'ai à parler de merveilles. Assuré-
ment, tons ceux qui liront ce livre se pourront et devront tnen
émerveiller des grandes aventures qu'ils y trouveront. Car je
croîs que, depuis la création du monde et que l'on a coonnencé à
porter les armes, on ne trouverait en nulle histoire tant de mer-
veilles et de hauts faits, comme U en est advmu pendant les guer-
res dessus dites, par terre et par mer, dmit je ferai meitioa
d-dessoos. âoge de Prouesse,.,, P. 2.
Or donc tous les jeunes gentils hommes, qui se veulent avancer,
dcùvent avoir ardent désir d'acquérir le fait et la renranmée de
[Hronesse, afin d'être mis au rang des prenz, et conùdérer com-
ment leurs prédécesseurs, dont ils sont les héritiers et dont ils
portent les armes, sont honorés et recommandés pour leurs hauts
faits. Je suis sûr que, s'ils lisait ce livre, ils y trouveront au-
tant de grands faits et de belles apertises d'armes, de dures
rmcontres, dé forts assauts, de fières bauilles et de toutes au-
tres acti<»is qtu relèvent de Prouesse, que dans n'importe quelle
histoire, s<»t ancienne, smt nouvelle. 11 y aura là pour eux une
invitation et tm encouragement à bîoi faire, car la mémoire des
braves et le souvenir des preux attisent et enflamment à bon
drtHt les cceurs des jeunes bacheliers qui tendent k tonte per-
fection d'honneur, dont Prouesse est le fondement {windpal et
le certain ressort. P. 2 et 3.
Et ausd je n'adm^ pas qu'un bachelier s'excuse sur sa pau-
vreté pour ne pas suivre la carrière des armes, pourvu qu'il soit
doné de l'aptitade corporelle indispensable k la guerre , mais je
veux qu'il enlève U fortune de haute hitte et la prenne d'assaut
à force d'énergie. Il trouvera bientdt de hauts et nobles sei-
gneurs qui s'occuperont de lui, s'il le mérite, l'aideront et l'avan-
ceront, s'il en est digne, et le traiteront selon sa valeur. En
outre, il sui^t dans la carrière des armes tant d'événements
extraordinaires et de belles aventures qu'on ne saurait imaginer
;vGoo»^lc
cxL CHRONIQUES DE L FROISSART.
les fortuites qui s'y poussent; et tods verrez «t ce livre, si vous
le lisez, comnwnt placeurs dievaliers et ëcuyers te H»it faits et
avance plus par leur prouesse que par leur naissance.... P. 3
et 4.
On voit encore tel preux bachelier s'asseoir par le plus insigne
bonneur à table de roi, de prince, de duc et de comte, là où
plus noble de sang et plus riche d'avoir ne s'est point assis. Car,
de mbne que les quatre ëvang^listes et les douze apfltres smt
plus prodies de Notre-Seigneur, ainsi les preux sont plus pro-
ches d'Honneur et plus honores que les autres j et c'est bien
raison, car ils conquièrent le nom de preux i force de souf-
frances, lie labeurs, de soucis, de veilles, de marches forc^
jour et nuit, sans trftve. Et quand leurs hauts faits sont vus et
connus, ils sont racontés et proclamés, comme il est dit d-dessus,
écrits et enregistrés dans les livres et les ChnHÛques..,. Ainsi
va le monde. Les vaillants hommes afOraïUent le péril dans les
combats pour s'avancer et accroître leur hcmneur ; le peuple s'en-
tretient d'eux et de leurs aventures; les clercs écrivent et enre-
gistrent leurs faits et gestes. P. 4 et 9.
Il est remarquable que Prouesse a régné, tantSt dans un pays,
tantôt dans un autre. Après avoir Beuri d'abord en Chaldée avec
Ninus et Sémir&mis, elle a régné successivement — en Judée,
avec Josué, David et les Macbabées, — en Perse et en Médie
avec CyroB, Assuérus et Xercès, — ea Grèce avec Hercule,
Thésée, Jason et Achille, — à Troie avec Priam, HectOT et ses
firères, — i Borne, pendant cinq cents ans envirtm, avec les sé-
nateurs, consuls, tribuns et centurions jusqu'à l'^mqne de Jules
César, le premier empereur romain, dont tous les autres sont
De Rome, Prouesse est venue demeurer en France avec Pé-
[ûn, Qiarlemagne son fils, rm de France et d'Allemagne et aa-
pereur de Renne, et avec les autres nobles rois leurs successeurs.
Ensuite, Prouesse a régné longtemps en Angleterre par le fait du
roi Edouard IH et du prince de Galles son fils, car de leur temps
les chevaliers anglais ou alliés au parti anglais ont fait autant de
belles apertises d'armes, de grandes bacbelerîes et de hardies
emprises que chevaliers en peuvent faire , comme on le verra
ci-a{ffès en ce livre. P. 6.
J'ignore si Prouesse se veut encore avancer au deli de l'An-
gleterre ou û elle vent revenir sur ses pas, car elle a Eait le tour
D,qit,zeabvG00»^lc
PROLOGUE. cxu
des royaumes et des pays ci -dessus nommés, elle a régné et
séjourna plus ou maias parmi les divers peuples, kIoq son ca-
price; mais j'en ai assez dit sur ces bizarres révolutioDS du
monde. Je reviens à la matière dont j'ai parlé en commençant,
et je vais raconter coounent la guerre éclata d'abord entre les
Anglais et les Français. Et pour qu'au temps à veoir on puisse
sayoir qui a composé cette histoire et qui en a été l'auteur, je
me yeux nommer. On m'appelle, qui me veut faire tant d'houe
neuf, are Jean Froissart, né dans le comté de Hainaut, en k
bonne, belle et Ërisque ville de Valendenœs. > F. 6 et 7.
Setxttde rédaction^. — «Afin* que les grands faits d'armes qm ont
signalé les guerres de France et d'Angleterre, soient enregistrés
dignement, et que les braves j poissent prendre exemple, je me
veux appliquer à les mettre ea prose. Il est vrai que feu mes-
sire Jean le Bel, chanoine de Saint-Lambert de Liège, raconta,
en son temps, quelque chose de ces faits d'armes dans ses Chro-
niques. Or, j'ai ajouté des développements à ce livre et à cette
histoire an moyen d'une enquête impartiale que j'ai faite, en
voyageant à travers le monde et en interrugeant les vaillants
hommes, chevaliers et écuyers', sur les actions où ils ont pris
part. J'ai surtout recherché, en Prauce comme en Angleterre,
les rois d'armes et maréchaux, pour mieux savoir la vérité, car
ils s<mt par leur fonctim même des narrateurs aussi équitables
que lûen informés, et je crois qu'ils n'oseraient par point d'hon-
neur mentir en telle matière. Dieu aidant, j'ai fait, écrit et com-
posé ce livre avec les matériaux ain^ recueillis, sans mettre
l'un plus en lumière que l'autre; au contraire, la belle action
d'un preux, dans quelque camp qu'il soit, est id pleinement ra-
contée et exposée, comme le lecteur pourra s'en apercevoir. Et
pour que la postérité sache sûrement quel est l'auteur de ce livre,
on m'appelle sire Jean Froissart, prêtre*, né en la ville de Va-
2. Ceci CM une ti ,._
d Amïau dont le proTosue du mi. oc Valeiicieiuie> a
Aet variantes îniigniGanlei.
3- Proistan te désigne linsi dam le prologae des mss. A : •• Pour
tous nobles cuers encouragier et eiûx monstrer exemple et matière
d'onneur, /'e Jthaa Proiuart commence à parler après la relation faicte
par monseigneur Jehan le Bel. ■ Ms. A 1, f*> 2. On voit que Froissart
parle ici de lui-même sur un ton beaucoup plus modeste ; mai* ce qui
;vGoo»^lc
cxui CHnONlQITES DE J. FROISSART.
lendemies. Ce livre m'a coâtë beaucoup de peine, beaucoup d'ef-
forts de tonte sorte ; et je n'ai pu venir à bout de le compiler
qu'en m'imposant de durs labeurs et même en m'expatiiant ;
maïs avec du zèle et de la bmine vokmté, on triomphe de tous
les obstacles, et ce tivre en est la preuve. » P. S09.
Froissart nomme parmi les preux les plus illustres de son
temps — en Angleterre : Edouard III, le prince de Galles scm
fils, les deux ducs de Lancastre Henri et Jean son gendre, le
comte de Warwiclc, R^iaud de Cobbam, Jean Chandos, Gautier
de Mauny, Jacques d'Andiey, Pierre d'Audley, Robert KsoUes,
Hugues de Calverly; — en France, PhiLj^ de Valob, le roi
Jean son fils, le duc de Bourgogne, Charles de Blois, le duc de
Bourbon, le comte d'Alenqon, Louis d'Espagne, Bertrand Du-
gnesclin, Arnoul d'Andrehem. P. 211.
Troiiiim^ rédaction^, — Le prologue de la troisi«ne rédac-
tion est la reproduction à peu près textuelle du prologue de la
première rédaction revisée.
On n'y trouve qu'une addition qui mérite d'être relevée, mais
elle a une importance capitale. Dès les premières lignes du nu"
nuscrit de Rome, FrtHssart s'intitule : Je, Jean Fmittart, Tsiso-
im R cunoun m Chuuy. P, SIS.
1307-132S, aiirtKALRte sua us six-rdit
no aàoRB n'iDODAKS u (§§ 1 à 5).
Faiblesse du règne d'Edouard H crauparé au règne d'Édouardl*',
«sa père. ^ 1308, Edouard II se marie à Isabelle de France,
fille de nii%pe le Bel. P. 9 et 21 3. — Portrait du caractère des
Anglais. P. 214. — 131Ï. Robert Bruce, roi d'Ecosse, reprend
est aiiTtont remarquable, c'ett qn'il ne feit pas inivre encore loii nom
de la meotioD de la qualité de prltre. On lit dant Ici mu. A 18, 19,
S3 à 36 : > Je, lirt Jehan FroiaHTt. • P> 1 t~.
I. La troiiième rédaction n'en reprétentée que par le mannscril de
Snne.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREHISa LIVRE, gg 6-11. cxliu
Benrick, Edimbourg, Dnmbarhm, Dimdee, Dunbar, Dalkeith,
Saint-JohnstoD (Ferth), Dunfarmlme et en gënëral toutes les
fmieresses justpi'à la Tweed. Défaite des Anglais à Sdrling. P. 9,
10, 21S et 216. — Noms des entants d'Edouard II et des niarù
de ses deux filles. P. 10, 817. — 13S8. Avènement de Miilippt
de Valois. P. 11, 417, 218. — Faveur des Spenser, père et fils,
auprès d'Edouard II. — 1322. A l'instigatioo de ces deux sei-
gneurs, le roi d'Angleterre fait mettre à mort vingt-deux des
plus grands barous de son royaume et entre autres le comte
Thomas de Lancastre, son oncle. P. 12, 13, 318, 219. — Spenser
parvient à jeter le trouble entre Edouard II, d'une part, Isabelle,
sa femme, et Edmond, comte de Kent, son frère, de l'autre. —
132S. Fuite de la reine d'Angleterre qui se rend eu France,
accompagnée de son fils, du comte de Kent, son beau-lrère, et
de Roger 4le Hortimer. P. 14, 219 et 220.
1325 et 1326. sAioua d'iubbu.k an nuao kt br sumàdi.
(SS 6 à il).
1325. La reine d'Angleterre, débarquée à Boulogne, passe à
Amiens et arrive à Paris où le nû Charles le Bel, son frère, lui
Eût le plus favorable accueil ainsi qu'au jeune Edouard, fils d'Isa-
belle. La reine expose à son frère les raisons qui l'ont déterminée
à quitter l'Angleterre. P. IS k 17, 220. — Le pape Jean XXII,
gagné par Spenser, s'oppose au mariage projeté du jeune Edouard
d'Angleterre avec une des nièces de Charles le Bel. P. 222 et 223.
1326. La reine Isabelle est invitée à repasser en Angletertre
avec stm fils par un certain nombre de barons et par les habi-
tants de Londres, ligués contre Spenser. P. 18, 223 et 224. —
Charles le Bel , gagné par les présents de Spenser et menacé
d'excommunication par le pape, retire son appui à sa sœur et dé-
fend à ancun de ses sujets de s'enrfller dans l'expédition projetée
par la reine d'Angletnre. P. 19, Î2S et 226. — Isabelle et son
fils quittent la Ftance et se rendent en Hainaut où Jean de Hai-
naut s'empresse de venir au-devant d'eux jusqu'à Buignicourt,
en Oslrevant, pour leur faire escorte. Narralion détaillée, d'abord
de l'entrevue de la reine et du sire de Beaumont, puis du voyaga
;vGoo»^lc
am CHRONIQUES DE J. FROISSART.
de Buignicourt à Valenciennes, ain» que de la réceptioD magni-
fique faite à Iiabelle d'Angleterre et à son fils dans cette der-
nière ville. P. 20 à 23, 226 à 233. — Jean de Haioaut m met
à la tète d'une expédition destinée à ramener de force Isabelle et
son fils en Angleterre. Récit circonstancié du départ de Valen-
ciennes, de l'embarquement à Dordredit, des incidents de la
traversée, mfio du débarquement en Angleterre. P. 94 i 27,
23fa à 240.
CHAPITRE m.
132ft et 1327. aintmon a'iDoviMa n m x-vÉxErnsm
a'toouàMD lu (SS 12 à 21].
132ft. La reine d'Angleterre et ses partisans, dont les plus
nombreux et les plus puissants étaient les habitants de Londres,
viennent assiéger dans Bristol Edouard II et les deux Spenser, ses
favoris. P. 38, 241 à 343. — Reddition de la ville de Bristol et
exécution de Hugues Spenser le Vieux et du comte d'Arundel.
P. 29 à 31, 243 et 244. — Édooard II et Hugues Spenser le
Jeune, assiégés dans le château de Bristol où ils s'étaieot réfu-
giés, essayent en vain de s'échapper par mer dans une barque;
ils tombent entre les mains d'un chevalier nommé Henri de Beau-
mont qui les livre à la reine d'Angleterre. Emprisonnement
d'Edouard II au château de Berkeley sous la garde du seigneur
du Ueu, et supplice horrible infbgé en la ville de Uereford à
Hugues Spenser le Jeune. F. 31 à 35, 244 à 24S. — Retour
triomphal de la reine et de son fils à Londres; desGrqitk>n du
spleudide festin offert aux chevaliers et aux gens d'armes du
Hainaut avant leur départ d'Angleterre. P. 3S, 36, 248 à iSi.
1327. Un parlement réimi à Londres proclame la déchéance
d'Edouard II et l'avènement de son fils sous le nom d'Édooard III
P. 37, 38, 2S3 et 2S4. — Après les fêtes du couronnement, Jean
de Hainaut, comblé de présents et d'honneurs par la rdne et par
son fils, quitte la cour d'Angleterre et retourne dans son pays
pour asùster, en compagnie d'un certain nombre de jeunes che-
valiers anglais, à un tournoi qui devait se tenir à Condé sur
Escaut. P. 39, 40, 23S et 2B6. — Bon gouvernement du jeune
Edouard III et d'Isabelle sa mère ; influence du comte de K.ent,
de Roger de Mortimer et de Thomas Wager. P. 40, 256. —
;vGoo»^lc
SOUMintE DU PREMIER LITRE, ^ 22-S7. cu.v
RestitatHMi partielle des biens confisquas de Spenser à sa veuve
et k ses enfants. Relations personnelles de Froiwart, dans sa
jeunesse, avec Edouard Spenser, l'alné des fils du favori
d'tidouard II. P. iS6 et S87.
1327. Fa&JHnAOBs db la nsiuiBt cAMFiom n'iEnnuAKo m
conru us icosaus (§§ 22 à 27).
Robert Brace, roi d'Ecosse, défie le jeune roi d'Angleterre.
P. 4), 257, 258. — Jean de Hainaut, appelé par Edouard III,
retourne en Angleterre. Noms des chevaliers du Hainaut, de la
Flandre, du Brabant, du Hesbaing * qui prennent part à l'expë-
ditîon. Chevaliers du Hainaut : Gautier d'Enghien, Henri d'An-
toing, le seigneur' de Fagnolles, Fastres du Roeulz, Robert et
Guillaume de Bailleul son frère, le seigneur de Havre*, châtelain
de Mons, Alard et Fastres de Briffœuil, Michel de Ligne, Jean de
Montignj le Jeune et son frère, Sausses* de Boussoit, le seigneur
de Gommegnies*, Perceval de Sepmeries, le seigneur de Floyoa,
Sanse de Beaurieu, les seigneurs de Potelles*, de Wargnies', de
Vertaia*, de Blargnies, de Mastaing, Nicolas d'Aubercbicourt, le
seigneur de Floursies et le Borgne de Robersart. — Chevaliers de
FUndre : Hector THain, Jean de Rhode, Vidfard de Ghistelles,
Guillaume van Straten, Gossuin van der Moere, Jean dit le
duckere (seigneur) d'Halluin' et le seigneur de Brigdamme. —
Chevaliers du Brabant : le seigneur de Dufiel", Thierry de Val-
court, Raes van Gavere", Jean de Gaesbeek'*, Jean Pyliser,
I. Pafi de Li^. — ~ 3. Hugues de Faguollei.
3. Gérard d'Eoghien, >ire de Havre.
(t. Jean, dit Sauues, sire deBousaoit.
5. Guillaume de Jauche, lire de Gommeniiei.
6. Guillaume, liie de Potelles. — 7. GuUlaunie, sire de Wai^ea.
8. Eiutache, sire de Vertain.
9. Jean de HallaÏD, fils d'Olivier, sire de Heitierot, petit-fils de Ro-
land. Ce Jean moarnt >u combat de Cadsand en 1337.
JO. Henri Berthout IV, sire de DufTel.
II. GaTere est en Flandre (Â IS kil. de Gand); mais Raei (éqoiira-
lent flamand d'Krasme) van GaTere Telerait plnneun fieb du duch^
de Brabant, notamment ceux de Liedekerke (a 3S kil. de Bruxelles) et
de Hértnae* (HëriniKs-lez-Enghien, à 30 kil. de Bruxdies).
13. La «eignenrie de Gaesbeek appartenait en 1337 a damoiielle B^n-
;vGoo»^lc
envi CHRONIQUES DE J. pROISSART.
Gilles de Qaaronble*, les trois frères de Harlebefce*, Gautier de
Huldenbergh ' . — Chevaliers he&begnons * : Jean le Bel ' et Henri
le Bel son frère, Godefroi de la dapelle. Hue d'Ohay, Jean de
libyne, Lambert d'Oupeye* et Gilbert de Herck. Jean de Hai-
naut a aussi sous ses ordres quelques cheTaliers du Cambrési$,
de l'Artois et du Veniumd«s qui portent l'effectif de sa compa-
gnie à cinq cents armures de fer; et il est rejoint vers les fttes
trix de Lonraio, mii avait t\>eeédi ea 13Sb i son IVère Jean, mort tans
enfuit*, et qui fit hommage en 1335 pour la teigneurie de Gaesbeek i
Jean III, duc de Brabant (Tojrez la belle publication de H. L. Gale*-
' loot. Livre dt4 feudataim dt Jean III, p. 26). Guillaume de Homei,
dit de Gacabeek, luccëda Tera 1339 à B^trii, sa cousine ge
dani la leignenrie de Gaesbeek. Jean de GaMbeek m'eat i.
Serait-ce Jean de EeaterbeLe appelé Catierith dan» le Lirre dtt f<u-
éataira, p. US?
1 . La forme du texte : Quadtnbb» a été auimilée à Quaroable ,
Nord, arrondiuement et canton de Valenciennea.
3. Harlebeke ett dam la Flandre occidentale (i 15 kil. de Codt-
trai), et cette seigneurie appartenait à la branche thtét de la b-
mille de Halluin : Gautier de Halluin II du nom, sire de Roo«d>eke,
vicomte de Harlebeke, mourut i Harlebeke eu 1338; mais set petita-
fils, Gautier, Roger et Thieirr, fils de Daniel, dont on ignore trop la
date de naissance pour le* atsmiiler sdrement aux trou frirat dt Harli-
Itie de Proiuart, pouvaient relever, comme Baei tbu Gavere, certaini
fiefi du duché de BrabanI, à moins que Jean le Bel et notre chrani-
queur n'aient confondu Amoul, Semer, Jean ou Adam de Hoisbeek en
Brabant (à 33 kil. de BruMlles) avec les seigneurs de Hadebeke.
Voyez Galesloot, Livn du ftudatairei , p. 38, 2^5, 327, 333, 39B.
3- Nous avons assimilé la forme Hotcherge du texte à Huidenbergh,
village et seigneurie du Brabant (a 20 kil. de Bruxelles).
k. Du pays de Liège.
5. Ce Jean le Bel n'est autre que le chanoir ■ de Liège, le célibre
Ghroniquetu qui a servi de modèle à Froissart pour toute la partie du
premier livre comprise entre 1335 et 1356-
6. Le nom de ce cherilier est défiguré dans toutes les rédacltims et
tous les mss. du premier livre des Ckroniqatt. Comme Froiasart repro-
duit ici littéralement Jean le Bel, nous avons restitué mSme dans le
texte le nom véritable d'après la chronique du chanoine de Li^-
I^mbert Hl de Dammartin de Warfuséc, dit d'Oupeye, maréchal de
l'évoque de Liège, mourut le 1» janvier I3U. Voyez J. de Hemri-
ODurt, Miroir de* noilet dalaHetiaj'e, édit. de Jalhean, p. 55. La hmijte
de Dammartin, à laquelle appartenait ce chevalier, fut transplantée, au
douzième siècle, de France d'où elle est originaire, dans le pays de
Liège. Cette incomparable famille, qui, dès le temps de Hemrioonrt,
ne comptait pas moins de cent seize branches, a couvert de ses innom-
brables rameaux toute la France de la Meuse; et encore aujourd'hoi il
n'y a guère en ce pays de famille ancienne qui ne se rallacne an tronc
paissant et fraunais des Dammartin.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREHIBR LIVRE, §§ 28-37. cuni
de U Pentecôte par Guillaume de Jnlliers et Ttûerr)' d'Hûnaberg
qui liire&t depuis, le premier comte de Jnliers après la mort de
soD père Gérard VI (en 1339), le second comte de Looz (en
1336). P. 43 et 44, 261 et 262.
Edouard III, à U tète de plus de 60000 hommes, établit son
quartier gënà-al à York. Une rixe ëcUte dans cette ville, à l'oc-
caskHi du jeu de dés, entre les gens d'armes de Jean de Hainaut
et des archers anglais du comté de Lincoln. Après une lutte san-
glante, où Tean le Bel, chanoine de Liège, auquel Froissait dit
qu'il emprunte le récit de cet incident, court les plus grands
dangers, les gens d'armes du Hainaut restent maîtres du (Jiamp
de bataille, et le roi d'Angleterre les prend sous sa spéciale sau-
vegarde. Abondance, bon marché de tous vivres ausà bien que
des vins de Gascogne , de l'Alsace et du Rhin , à York et dans
le pays environnant. P. 45 i 49, 263 à 268. — Après avoir
terminé ses préparatifs, Edouard III va camper s six Ueues au
nord de York, puis trois jours après, à Durham , à l'entrée du
Nwihumberland. Un corps d'armée, sous U conduite du maré-
chal d'Angleterre, occupe Newcastte, sur la "ryne, pour garder
le passage de cette rivière contre les Écossais. A l'ouest, en
unont de cette même rivière, la ville et forteresse de Cardact*
tn GaUet est défendue par une troupe de Gallms, sous les ordres
du comte de Hereford et du sire de Howbray. Le roi d'An-
gleterre trouve toute la frontière de ce pays ravagée et incra-
dîée par les Écossais qtd, à son approche, ont repassé la Tyne.
P. 80, SI, ses.
CHAPITRE V.
1327. niHiiii cuiMoint D'iDOOAan III ooktu lu tcotaus.
(SSî8à37).
1327. Gomment les Écossais font la guerre : ik servent tous
à dieval , excqité la valetaille qui les suit à pied : les chevahers
1. San* doute Carliile, irai e«t, non *iir la l^e, comme le dit
ProiMart, d'apris Jean le Bel, nuia inr l'ÉdcD, non en Galle*, aind
r l'affirment aniù le* deux chnimqueart , maii à quelque dutauce
Gallovraf . Ijigundbim, l'ancien nom de Carlide ui temps des Ro-
main* et an moyen fige, a pu le contracter en tuet, qoi, par l'addition
de c««r, boni^, TiUe, aurait donné Carinel ou Cardnel.
DiqitizeabyG00»^lc
cxLTni CHRONIQUES DE J. FR0IS8ART.
et ^yers sont moatés sur bons gros roncûu , et les gens du
commun sur pedtes haquenëes. Leur sobriété est telle qu'ils n'ont
besoin d'autres provisions que celles qu'ils emportent avec eux
sur leurs chevaux. P. SI et S2. — Robert Bruce, vieux et ma-
lade, met à la t£te de ses troupes les deux jJus puissants barras
d'Ecosse [Jacques] de Douglas et le comte de Hurray. P. S3.
(f roissart parle à ce propos da voyage qu'il a Tait en Ecosse eu
1365 : recommandé par Philippe de Halnaut, reine d'Angleterre,
dont il était un dits clercs et familiers, à David Bruce, fils de Ro-
bert Bruce, notre chroniqueur passe tr<»s mois à la cour de ce
prince et visite avec lui toute l'Ecosse. P. 36B). — L'année an-
glaise , ordonnée en trois batailles , s'engage i la poursuite des
Ecossais qui mettent tout à feu et k sang sur leur passage, maïs
elle ne parvient pas à les atteindre à cause de la difficulté du
pays. Après une journée de poursuite suivie d'un campement, les
Anglais laissent là leurs bagages et leurs provisions, et ils «itre-
prennent, à la faveur d'une marche forcée, de passer la Tyne,
pour couper laretraiteàleurs ennemis. Description [ùttoresque des
difficultés et des incidents de cette marc^ à travers les montagnes,
les vallées, les bruyères, les marais, les fondrières et les forêts,
peuplées de fauves, du Northumberland, dont les habitants, com-
parés aux Anglais, sont comme mmm« des demi-sauvages. P. S4
à 97, S69 et 270. — Passage à gué de la Tyne, et campement
d'Edouard 111 et de son armée sur le bord de ceBe rivière, à
quatorze lieues anglaises de Newcastle et à onze lieues de Car-
duel ou Carlisle. Détresse des Anglais qiû seraient morts de faim
ainsi que leurs chevaux, s'il ne leur était venu de Neircastle
quelques proviùons. Cherté excessive des vivres ; complet dé-
nâment ; situadon fausse et doublement mauvaise des gens d'ar-
mes du Hainaut. P. S8 à 60, S71 à 273. — Les Anglais démo-
ralisés repassent la 'Tyne , et Edouard III promet le titre de
chevalier avec cent livres sterling de revenu héréditaire à qui
saura découvrir les ennemis que l'on poursuit en vain et dont
on n'a nulles nouvelles. Un écuyer anglais, nommé Thomas Hou-
sagre', parti à la découverte, vient dire que les Écossais, entre
les mains desquels il était tombé et qui l'ont relâché, s<sit cam-
1 . Cet écuyer ctt appelé Thomsi de Rokesby dans mw charte d'£-
duuard lll, dulée de Lincoln le 28 iept«Dbre 1327. Voyet Jiymtr,
vol. II, pari, n, p. 717. Du mie il n'est ]>aa absolument impossible
que ce« deux noms HouMgn ou ffhiitmktr et Xekabr, déu^ent le
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 38, 39. cxlu
pél k quelques lîeues de là sur une montagne où ils attendent de
pied ferme qn'an vienne livrer bataille. P. 61, 63, 273 à Î7S.
— L'armée anglaise s'avance en bon ordre contre les Écossais
qui s'ordcHinent en trois batailles sur la pente de la montagne où
ils sont campa et au pied de laquelle coule une rivière grosse,
r^de et escarpée. Les Écossais refusent la bataille qui leur est
oflerte par les Anglais. Les deux amtées restent ainsi campées
en face l'une de l'autre pendant trcHS jours qui ne sont signalés
que par quelques escarmouches. Le quatrième jour, à minuit, les
Ecossais, menacés de famine, délogent et vont se postw sur une
autre montagne plus forte encore que la précédente et assise sur
la même rivière, au milieu d'un bois. Les Anglab les y poursui-
vent , et, après avoir pris position en face de leurs ennemis, ils
oSrent en vain la bataille à plusieurs reprises : les Écossais la
refilait comme la première fois. P. 63 à 6S, 278 à 277. —Ex-
piât de [Jacques] de Douglas : à la tête d'une poignée d'hom-
mes d'armes, il va réveiller les Anglais dont il tue un très-grand
nombre et pénètre jusqu'à la tente d'Edouard llf. Pendant vingU
deux jours, les escarmouches continuelles des Écossais ne laissent
ni paix ni trêve aux Anglais. P. 68, 69, 278. — Le dernier jour
des vingt-deux, les ÉcoMais prennent la fuite pendant la nuit, à
l'iniu des Anglais, laissant derrière eux dans le camp qu'ils aban-
donnent leur butin, leurs provisitHis et de nombreux ustensiles
de Imir cuisine portative. A cette nouvelle , le roi d'Angleterre
ramène son armée à Durham, puis à York où l'attendait la reine
sa mère ; et là il donne congé à ses gens : il (ait escorter jus-
qu'à Douvres Jean de Hainaut et les autres compagnons d'outre
mer, après les avoir comblés de présents. P. 69 à Ik, 279 à 282.
CHAPITRE TL
13S7. KUUas o'tDOVtMs ÏU atbc rmum dx sunÀur.
(SS 38 XT 39).
1327. Une ambassade est envoyée en Hainaut avec mission de
demander pour le jeune Edouard III la main de Philippe', l'une
illaktr peut i
I, et Roiethjr le nom de fiel
. Dès le 37 aoAt 1336, Iiabdie, reine d'Angleterre, t'éuit engagée
;vGoo»^lc
CL CHRONIQUES DE I. FROISSART.
des filles du comte Guillanme de Hainaut, Les ambassadeurs T<mt
d'abord i Beaiunont prier Jean de Hainaut de vouloir bien ap-
puyer leor demande et solliciter son frère en leur faveur ; de
U ils se rendent au Quesnoy auprès du comte de Hainaut qui
s'empresse de consentir au mariage de sa fiUe avec le roi d'An-
g:leterre. La parente des futurs ëpoux rend nécessaire une dis-
pense que le pape Jean Itxn accorde volontiers, sur la de-
mande des dits ambassadeurs. P. 74, 7S, 282 à 28S. — Vbi-
lippe est épousée k Valendennes par deux ^êques mmtyé& par
le roi d'Angleterre et en vertu d'une procuration spéciale. A{vis
la cérémonie, elle prend congé de ses parents et part pour l'An-
gleterre en compagnie de Jean de Beaumont, son oncle, et d'an
certain nmnbre de chevaliers du Hainaut, notamment d'un jeune
écuyer qui devint plus tard fameux sous le nom de Gautier de
Hauny. La jeune reine s'embarque à Wissant et arrive à Douvres.
Cette princesse, qm fiit mère de onze enfants, porta bmheur
â l'Angleterre : ce pays fut couvert de gloire et ne connut ni fa-
mine ni disette, tant qu'elle vécut. Philippe de Hainaut, i pane
débarquée, se rend en pèlerinage à Canterbury, elle passe 1 H(k
chetter, puis à Dartlt«d ; et, après s'(tre arrêtée à la résidâtes
royale d'EItham où elle prend congé de son onde, elle va re-
joindre son mari Edouard HI et Isabelle, la reine mère, à York
où elle était attendue. A|m^ one réceptim magnifique , le ma-
riage est célébré solennellement dans la cathédrale de cette ville.
A Piques, les nouveaux époux vont au chSteau de Windsor, ils
font ensuite leur entrée à Londres où des fStes de toute xxte,
qm durent plus de trois semaines , et de grandes joutes sont cé-
létx^ en leur honneur. P. 76, 77, 28S è tSè.
muiaga projeté entre Edouard duc de Guyeime et Philippe de Hai-
naut. (Orig. parch., aux Archives du Nord.)
;vGoo»^lc
S(MfHAI&E DU PRÏUIER LIVRE,
GHAFTFRE m.
13S8 à 1330. HOKT DB xom* uiica, soi b'écoub, rr bz^édition
DB lACQUia DB DOUCUS KÊ BIH£RI. AvioaMtKT DB DAVID BBUCB,
BT MÂBiACB DB CB FKnicB AVBc jumm, SCBUB DU aot v'arslb-
TBBU. (SS 40 «t 41.)
13X8. Les Ëcossaù repassent la Tyne vers la partie supérieure
de son cours, dans la direction de Carduel ou Carlîsle, et ren-
trât dans lear pays. Une trêve est conclue pour trois ans et
signée à Tork le 30 janvier entre le roi d'Angleterre et le roi
d'Ecosse. P. 77, 188.
13X0. Robot Bruce, à son lit de mort, charge [Jacques]
de Douglas, conune le plus brave de ses chevaliers, de porter
son cœur au Saint-Sëpulcre, pour acconqilir en quelque manière
le vœu fait jadis par le roi d'Ecosse de guerroyer les ennemis
dn Quist et de la foi cbrëtienne, rceu que des guerres conti'
nuelles avec l'Angleterre ne lui ont pas permis de réaliser. Ro-
bot Bruce meurt [vers la fin de juin 1320]. Son corps est em-
bauiné et enterré, après qu'on en a retiré le cœur, à Donfermline
où se bit la cérémonie des obsèques avec beaucoup de solennité.
Quant an cœtir du roi défunt, il est enfenné dans un reUquaîre
d'or massif auquel est attachée une chaîne du m&me métal qu
[Jacques] de Douglas suspend k son coo, &t jurant qu'il ne se
séparera ni jour ni nuit de ce précieux dépdt, avant de l'avoir
porté an Saint-Sépulcre, à la face des mécréants. David Bruce
est cooronné roi à la place de soa père et investi dn gouver-
nement, malgré son jeune Age, avec l'assistance du comte de
Hurray, de Robert de YtKj et d'Arcbibald de Douglas. P. 78 à
80. 289 et 300.
1330. Au printemps qui suit la mort de Robert Bmce, [Jacques]
de Douglas s'embarque à Montrose, en Ecosse, avec une nom-
breuse suite de chevaliers, et va d'abord jeter l'ancre à l'Écluse
en Flandre, espérant recruter sur le continent des compagnons
pour la croisade qu'il veut entreprendre ; il reste là une quin-
zaine de jours, sans mettre pied ù terre, men.int le train le plus
somptueux, traitant à table dans une vaisselle d'argent et d'or,
avec deux ou trois espèces de vins, tous les gens d'armes qui le
;vGoo»^lc
cui CHRONignSS DE J. FROISSART.
viennent visiter. [lacques] de Douglas apprend que la guerre
vient d'éclater entre Alphonse XI, roi de Castitle, et les Maures
de Grenade; il se dirige aussitôt vers l'Espagne, tant il est impa-
tient d'exercer son courage contre les Sarrauns, avant même
d'aller les combattre en Terre-Sainte. Bataille entre les Espagnols
et les Maures. [Jacques] de Douglas qui, dès le premier signal,
s'était élancé avec ses Ecossais en avant du reste de l'armée
d'Alphonse, est abandonné Uchement à ses seules forces par les
Espagnols, jaloux d'avoir été devancés ; il est entoura par tes
mécréants qui lui coupent la retraite; et, après des prodiges de
valeur, il trouve une mort glorieuse et sainte, ainsi que la plus
grande partie de ses gens. P. 81, 82, 201 à S93.
1328. Mariage entre le jeune David Bruce, roi d'Ecosse, et
[Jeanne], sœur du rcà d'Angleterre. Ce mariage, conclu uns
l'avis du parlement et négocia secrètement à l'insu des prélats,
des barcKia et des bonnes villes, est fort mal accueilli ai Angle-
terre où il rend impopulaires le comte de Kent et Roger de
Mortimer qui en ont été les principaux fauteurs. La jeune reine
est remise à Newcastle anx ambassadeurs du roi d'Ecosse, puis
elle est amenée à Berwick où David Bruce l'épouse en grande
pompe. Des fËtes et des joutes sont célébrées à Édimbooi^ en
ï'hiMineur de ce mariage, mais le mécontentement général eiiq>ïche
la plupart des chevaliers d'Angleterre d'y prendre part, P. 82
et 294.
CHAPITRE Vm.
1328. AvAHBNBin n noLim na vuon in tkAnx na paAxci,
VT vinoiai na cAsati. uwroBTftK ru <m punci coHraa m
rUNAMDB. (S 42.)
Charles IV, dit le Bel, roi de France, se marie trois fms. Sa
première femme, nommée Blanche, fille d'Otton lY, crante de
Bourgogne, est enfermée pour crime d'adultère au (Siltean-
Gaillard près des Andelys vers 131S, et ime sentence de divorce
est prononcée contre elle par le pape le 19 mai 1322. Après son
avènement au trône, Charles IV se r«narie, sur les instances de
ses conseillers, le 21 mai 132i, à Marie, fille de l'empereur
d'Allemagne, Henri VU, dit de Luxembourg, et scour du roi
de Bohtme. Marie de Luxembom^, la pins oKxlegtB et la phis
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, S *i- &■»!
honnfite de» femoies, meurt à Issoudun en Berry à la suite d'une
fausse-couche, et certains personnages sont soupçonnés de l'avoir
fait périr de mort violente. La tfoisième fenune de Charles IV,
Jeanne, fille de Louis, comte d'Évreux, était enceinte lorsque son
nuuri est atteint de la maladie dont il devait mourir. A son lit de
mort. Chartes IV, après avoir mandé auprès de lui les douze
pairs et les plus hauts barons de France, déclare en leur pré-
sence que, si la reine sa femme met au monde un fils, Philippe
de Valois exercera en qualité de tuteur ta régence du royaume;
« au contraire elle donne le jour à une fille, les douze pain
et les hauts barons aviseront à dcxmer la courrame à qui de
droit. Sur ces «itrefai tes, Charles le Bel meurt le 1" février 1328.
P. 83, 84, 29S et 196.
1328. La reine Jeanne étant accouchée le l*' avril d'une fille
nommée Blanche, les douze pairs et les hauts barcns de France
appellent an trâne, d'un commun accord, Philippe de Valois, fils du
comte de Valois, neveu de Philippe le Bel et cousin germain du
dernier roi , Otaries le Bel , excluant ainsi le jeune roi d'Angle-
terre, quoique celui-ci soit plus rapproché d'un degré en sa
quaUté de neveu de ce même Charles le Bel. Les pairs disent, pour
justifier cette excluûon, que la reine Isabelle, mère d'Edouard III,
□'ayant aucun droit an trône de France de par la loi salique, ne
peut transmettre à son fils un droit qu'elle n'a pas. Philippe VI
est sacré à Reims le 29 mai en présence des rms de BoMme et
de Navarre, du comte d'Artws et d'un certain nombre de sei-
gneurs de France et même de l'Empire qui sont dénommés,
Guillaume, comte de Hainaut, Gui', comte de Blois, et surtout
Robert, crante d'Artois, qui ont épousé les trois soeurs de Phi-
Uppe de Valois, sont les principaux fauteurs de cet avènement
de leur beau-frère à la couronne. P. 84, SUS. — A la suite d'un
curieux et dramatique dialogue échangé à la cérémonie du sacre
entre PhiUppe* de Valois et son cousin Louis de Nevers chassé
de Flandre par la révolte de ses sujets, le roi de France fait
soment de ne rentrer à Paris qu'après avoir remis son couûn
en possession du comté de Flandre. P. 297.
Les villes de Bruges, du Franc de Bruges, de Poperinghe,
1. Ga I* ae Chàtdion, p^ de Loni» I" de ChitiUon et grand-
pire de Gui 11, leprotectenr de Froiiurt.
3. Philin>e de Valoi* , la veille de ud mck , avait fait chevalier le
comte de Mandre. De Camps, portef. 83, f* Ul r>.
;vGoo»^lc
cuT CHRONIQtrES DE J. FROISSA&T.
d'Ypres, de Berguea et de Casse], trempent plus on moim ouver-
tement dans la révolte. Gand seule Bemble Stre rest^ fidèle, et
encore cette Gdélitë n'est qu'apparente. Environ seize mille PU-
niands, aux gages des villes révoltées, viennent, sous les ordres
de Zannequia, homme hardi et audacieux, occuper le Moat-
Cassel. P. 85, 298, 299.
Aussitôt après son couronnement , Philippe de Valois marche
contre ces Flamands, il va de Reims à Péroone et puis à Ârras
où il fixe le rendez-vous général de son année. De là il se rend
k Lens, il passe k Béthune et à Aire et il étaUît son can^ entre
ceUe dernière ville et le Uont-Cassel. Le roi de Bohême, le
crante Guillaume de Hainaut et Jean de Hainant sm frère , le
comte Gui de Blois, Ferri duc de Lorraine'. Edouard comte de
Bar et Robert d'Artois c«Hnte de Beaumont le Roger combattent
avec le roi de France. P. 84, 297 et 298.
La défaite de Cassel est amenée par la témérité des FUnands.
Le jour de la Saint-Barthélémy* en aoAt, dans l'après-midi, Zan-
nequin et ses gens parlent sans bruit de Cassel pour surprendre
le rot de France et son armée. Us arrivent au camp firançais
sans être aperçus, tuent on geotilhomroe nommé Renaud de Lor',
le premier qui se trouve sur leur passage, et tombent à rtmiH^>-
viate au milieu de leurs eimemis. Les Fhunands srait divisés en
trois colonnes dont la première commandée par Zanneqoin va
droit i la tente de Philippe de Valois, tandis qne la seconde
s'attaque aux gens du roi de Bohème et la troisième à ceux du
Comte de Hainaut. Toutefob, Dieu ne permet pas que des gentils-
hommes soient mis en déconfiture par une telle mtrdaftte. Jja
comte de Hainaut, assailli le premier, a deox chevaux tués sons
lui, mab ses gens ne tardent pas à envelof^r leurs agresseurs j
et, après les avoir mis en pleine déroute, ils se portent au se-
cours du roi de France. Alors commence une lutte horrible. Le
capitaiiM des Flamands, Zannequin, est tué après avoir fait des
prodiges de valeur. Un bon écujer de Hainaut, nommé le
Borgne* de Robersart, a le même sort : il est transpercé par les
longues piques de six Flamands à la poursuite desquels il s'était
1 . Fenî IV, dit U iMlteur, fut Xv,i à la bataille de Cattel.
2. La Saint- Barthélémy tombe le 24 aoât.
3. Lor, Aime. ar. LaoD, e. Nenfchltel.
4. RoberMTt, Nord, ar. Avetne*, e, Laudreeies. Alard de RobetMtt,
fili de GA«rd, dit U Borgne, eu mentionné en 1935.
;vGoo»^lc
I
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, S «2. clt
&axicé, laissant bien loin derrière lui ses compagnons. Les Fla-
mands annés, les uns de hacbes ou d'espaffus, les autres de
gros bâtons ferres en manière de piques, se défendent conune
des lions, et il en est fait un grand carnage : quinze mîUe'
des leurs restent sur le champ de bataille, et mille seulement
cherchent leur salut dans la fuite. Les gens d'armes du Haioaut
sont les premiers qui portent les bannières de leur comte et de
Jean son frère sur le Mon^Cassel ; ils les font flotter sur les rem-
parts de la ville et au haut de la tour du moustier. Le roi de
France prend possession de Cassel et y met garnison. P. 85, 86,
299 à 301 .
A la nouvelle de la défaite de Cassel, les villes * de Flandres,
qui s'étaient insurgées contre leur comte, telles que Bruges, Ypres
et Poperinghe , s'empressent de désavouer toute complicité avec
Zannequin et de faire leur soumission au roi de France. Philippe
de Valois entre en vainqueur à Bergues et à Ypres qu'il force à
rentrer, ainsi que Bruges, sous l'obéissance du comte de Flandre.
P. 86, 301 et 302.
Après avoir ainsi réintégré son cousin, le roi de France re-
tourne à Aire où il donne congé aux seigneurs qui l'étaient venus
stTvir, Puis il prend le chemin de France; et après s'être arrêté
à Compiègne, il fait son entrée triomphale à Paris. Escorté des
rois de BobSme et de Navarre, il est reçu solennellement à Notre-
Dame, et de là il se rend au Palais où se tiennent les réceptions
les plus somptueuses. P. 303.
La magoîGcence de la cour de France s'accrut beaucoup sous
le règne de ce prince qui avait la passion des joutes, des tour-
nob et autres divertissements chevaleresques dont il avait con-
tracté le gotlt alors qu'il cherchait fortune dans sa jeunesse.
1 . Ce cbirTre «t trii-exag^r^. Da cdié des Flamanda, le nombre des
vietime*, d'aprèt an releté officiel et nomioal, dretsè dam lei diverse*
porouseï complices de la réTolte, ne fut que de 3192, anxqueti il faut
ajouter In morU de Cauel non comprù dans le relevé exécuté pour la
ebambre dei comptes. Vojez Manmer, Lti Flamandi à la balailU Je
Caatt, p. 15.
3. 'Toos lei bieni des rebelles ayant été ccmfiiqaéi, Caswl compou
pour 4S00 livret pariiii, Bergue* pour lOOOO liTre» boa* pariii* fort*,
Bailleul pour 500 livres. (Arch. de l'empire, JJ 66, p. 1479, 1432, 1477.
Par un don verbal &it i Lille « en retournant de la bataille devant
Cu*el 1, Philippe de Valoi* accorda au comte de Flandre le tiers dei
bien* meuble* coofisqnéi lur le* rebelles , lequel don fut confirmé en
nat* 1330 (v. tt.}. (Arch. de l'empire, JJ 66, p. 709, P* 387.)
;vGoo»^lc
CLTI CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Malheureusement, Philippe de Valois, d'un naturel à la fois cré-
dule et emporté, subit l'influence de Jeanne, sa femme, fille du
duc de Boulogne, reine méchante et cruelle, qui, sacrifiant tout
à ses caprices et à ses haines, flt mettre à mort injustement (du-
ûeors dievaliers, P. 86, 87, 302 et 303.
CHAPITRE IX.
1330. nticoTioN nu caini db kmst surns nu sdfpucx de Kocn
DB NOKTUIKI , KT iiaXtlOS SK L* KBINB UABILU , ntll
D'iDOUAID m. [$ 43.)
Edouard III, pendant les premières années de son règne, est
livré à l'infloence de la reine Isabelle sa mère, de Roger de Hor-
timer, de Henri, comte de Lancastre, et d'Edmond, comte de
Kent, ses oncles. Rivalité du comte de Kent et de Roger de
Mortimer, favori de la reine mère. Celui-ci profite de la mort de
Jean d'EItham, frère d'Edouard III, pour attribuer ce tr^s pré-
maturé à un empoisonnement dont le comte de Kent se serait
rendu coupable et pour persuader au roi que son oncle , dési-
reuz de lui succéder, lui réserve le même sort qu'à soa frère.
Edouard III, crédule et ombrageux, demande i sa mèreceqn'elle
pense de ces accusations, et Isabelle, gagnée par Hortimer, ré-
pond de manière à confirmer les soup^ns de son fils. P. 87,
303 et 304.
1330. Arrêté par ordre du roi son neveu et enfermé d'abord
à la Tour de Londres, ensuite au palais de Westminster, le comte
de Kent, honnête, sage et vaillant homme, subit la décollatîmi
dans les jardins de ce palais. Il est universellement regretté des
grands et des petits, des nobles et des non-nobles, mais surtout
des habitants de Londres qui l'auraient regretté bien davantage
encore s'ils ne lui avaient gardé rancune de sa participation au
mariage de la sœur d'Edouard III avec Darid d'Ecosse. Le comte
de Kent laissait une fille , Agée de sept ans , que la jeune reine
PhiUppe, femme d'Edouard, qui n'avait pu empêcher le supplice
du père, recueillit et prit avec elle. Cette demoiselle de Kent* fiit
I. Jeanne de Kent, somonunée U MU r'urp J« Ktni, mariée en
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $ 43. cltu
en son temps la plus belle dame de tonte l'ÀngleteiTe et U plus
amouraue , mais tous les rejetoos de sa race eurent une fin mi-
sérable. P. 87, 88 et 304.
L' exécution du cmnte de Kent soulève contre Roger de Horti-
mer, qui en avait été l'instigateur, l'indignation générale. Bientdt
le iH-uit se répand dans le royaume que la reine mère est enceinte,
et que sa grossesse est l'œuvre de Mortimer. D'un autre câté,de5
doutes se font jour dans l'esprit du roi sur la culpalnlité de son
oncle qu'il vient de sacrifier à la haine du favori de sa mère.
Sous l'influence de ces soupi^ns et de ces remords, Edouard HI
fait arrêter Mortimer qui est amené k Londres et mis en accusa-
tion devant un parlement tenu au palais de Westminster, hors de
Londres. Il est déclaré coupable du crime de haute trahison et
condamné au dernier supplice. Après l'avoir traîné sur un bahut
à travers la cité, on l'amène en la grande rue de Cep (Cheap-
ùde). Là, on lui tranche la tête qui est exposée au bout d'une
pique sur le pont de Londres, puis on lui coupe le membre viril,
on lui arrache dn ventre le cœur et les entrailles, et l'on jette le
tout dans les flammes. Après quoi , on l'écarteUe, et l'on envoie
les quartiers aux quatre maîtresses cités d'Angleterre après Lon-
dres. P. 88, 89, 304 et 30S.
Quant à la reine mère Isabelle, complice de Mortimer,
Edouard III la relègue dans un beau château* situé sur les mar-
ches de Galles , avec des dames de compagnie et des chambriè-
res, des chevaliers et des écuyers d'hoimem- et tout l'appareil
qui convient k sm rang. II lui assigne en outre de grandes terres
dans le voisinage et de forts revenus, payés de terme en terme,
qui permettent à la reine exilée de mener comme auparavant un
train de vie vraiment royal. Seulement, il est défendu à Isabelle
de se montrer nulle part, de franchir l'enceinte du chtteau et de
prendre ses ébats ailleurs que dans le verger et les magnifiques
jardins d" sa résidence. La reine mère vécut ainsi environ trente-
quatre <ins, recevant, deux ou trois fois par an, la visite de son
fils. P. 89, 90.
1361 A Edouard, prince de Galles, te fameux Prince Noir, mire d«
l'infortané Richard il.
1 . Cuile Rising dan* le eomté de Norfolk.
;vGoo»^lc
CHRONIQUES DE J. FROISSART.
GHAPITfiE X.
1329. AHUaSADB BITTOYÉK EH ÂMGI.BTSmU m PEIIJprB DB T&UlU;
VOTÂOB d'ÉDOUÀHD III ES FUXCK IT KNTKBTnB d'àiusxb. (gg U
et 45.)
1329. Philippe de Valois se décide à sommer le rcà d'Angle-
terre de venir en France faire hommage pour la Guyenne et le
Ponthieu. Deux chevaliers, le sire d'Âubigny et le sire de Beaus-
sault, et deux conseillers au Parlement de Paris, Simon d'Oriéans
et Pierre de Maizières ' , sont envoyés en ambassade auprès d'E-
douard III. Ils s'emban[uent à Wissant, débarquent à Douvres,
ou ils s'arrêtent un jour pour attendre leurs d^evaux, et VMit
trouver le roi et la reine d'Angleterre au château de Windsor.
Us exposent l'objet de leur message à Edouard III qui les reçoit
honorablement et les invite à dtner à sa table; mais il leur dé-
clare qu'il ne pourra leur faire réponse qu'après avoir pris l'avis
de son conseil. Ils retournent, le soir même de leur arrivée a
Windsor, coucher à Gilebroolc', et le lendemain ils se rendent
à Londres. P. 90 et 91.
Le roi d'Angleterre réunit un parlement eu son paliis de West-
minster. Les envoyés de Philippe de Valois y sont appelés pour
lire la requête du roi leur seigneur ; et après qu'ils se sont reti-
rés, le parlement entre eu délibération. Le résultat de cette déli-
bération, annoncé solennellement aux ambassadeurs par l'évêque
de Londres qtd porte la parole au nom d'Edouard III, est qu'il
sera fait droit à la juste réclamadon du roi de France, et que le
roi d'Angleterre s'engage à passer le détrott sans délai pour s'ac-
quitter des obLgations où il se reconnaît tenu. Cette rép(»ise
comble de jrae les envoyés français. Edouard III leur doDiK an
palais de Westminster pendant une quinzaine de jours l'hospitalité
1. HoD ami et colligne M. Heari Lot ■ bien todIu faire det leclier-
chet d'où il réwilte <{ue Simon d'Orléuis et Pierre de Mûùèrei ne fi-
gurent DM aur la liite dei conieillen au Parlement pour l'annëe 1339
(Tojez U 497, C 1 13), ni *ur celle de* avocat*; mab leurs nom* ont
pu être omis, car il l'en faut que cei listes loieDi complètes.
3. Peul-étre le sourenir de cette localité s'est-il conservé à Londres
dans ColebrooL^'Ow, l'one des rues du quartier d'blington.
jvGooi^lc
SOMMAULE DU PREHIBR UVRE, SS ^^< ^^- eux
la plus somptueuse , et il ne les laisse partir qu'après leur avoir
di^ribué de grands doos et de beaux joyaux. P- 91, 93 et 306.
Philippe de Valois est eachanté du résulat de cette ambassade.
Il est convenu que l'entrevue avec son cousin d'Angleterre aura
lien à Amiens. On fait dans cette grande ville toute sorte d'ap-
provisitHutements ; et des hôtels, maisons, salles et chambres,
sont préparés pour recevoir les deux rois et leur suite. Le roi de
France ctmvie i cette entrevue les rois de BohSme et de Navarre,
les ducs de Lorraine, de Bretagne, de Bourgogne et de Bourbon
ainsi que Robert d'Artois. Dans la suite de Philippe de Valois,
on compte plus de trois mille chevaux. P. 93 et 306.
Edouard III se met en route pour Amiens avec une suite de
quarante ou cinquante chevaliers et une escorte de plus de mille
chevaux ; il faut deux jours à cette escorte pour passer de Dou'
vres à Wrâsant. Le roi d'Angleterre s'arrête un Jour à Boulogne,
il va de là à Montreuil-sur-Mer où il rencontre une escorte
de chevaliers envoyée au devant de lui sous les ordres du comi^
table de France. Il est reçu à Amiens par Philippe de Valois,
par les rois de Boh^e , de Navarre et de Majorque, par les
douze pairs et par une Toule innombrable de ducs, de comtes et
de barons qui font cortège au roi de France. P. 94 et OS.
Au nxxnent où Edouard III se prépare à prêter serment de
foi et d'hommage, la dé&ance naturelle aux Anglais, jointe à leur
connaissance imparfaite de la langue française dont ils ne com-
prennent pas bien tous tes termes, si ce n'est à leur profit, in-
spire aux conseillers du jeune roi d'Angleterre des scrupules sur
certaines exig^ices des pairs et conseillers du roi de France.
Jean de Haimaut, qui sert d'interprète aux Anglais, s'efforce en
vain de concilier les deux parties. Les Anglais engagent leur roi
à ne pas procéder plus avant sans avoir consulté le parlement
qui doit se réunir à la Saint-Michel au palais de Westminster. Sur
leurs instances, Edouard III fait hommage de bouche et de pa-
role seulement, sans mettre ses mains entre les mains du roi de
France ; et il exprime le désir d'attendre , pour parfaire le ser-
ment, son retour en Angleterre où il examinera à loisir et pièces
en main la question pendante, en s' aidant des conseils et des lu-
mières de son parlement. Philippe de Valois consent d'autant plus
volontiers à accorder ce délai qu'il nourrit dès lors un projet de
croisade auquel il espère associer le roi d'Angleterre. L'entrevue
se passe en f£tes et divertissements de tout genre. Edouard III
D,qit,zeabvG00»^lc
ax CHRONIQUES DB S. FROISSAAT.
retourne au chftteau de Windsor où il raconte k U reine Philippe
sa femnie la merveilleuse réception qu'il a trouTée en France où
l'on s'entend à faire les honneurs mieux qu'en nul autre pays du
mcoide. P. 95, 96, 306 et 307.
CHAPITRE XI.
1$30 et 1331. Nouviu.! uuàmadk mmortE. a Lomius ta
noMJtrt DR TALOiB, ET PBUTATioH HE roi ET Bfmmtam au mk
DB VKÂHCB rAK u BOI D'AROLETEBaS. (§§ 46 fit 47.)
1330. Philippe de Valois envoie en Angleterre l'ëvëque de
Chartres *, l'évëque de Beauvais', Louis de Qermont dnc de Bour-
bon, Jean IV comte de Harcourt et Jean II sire de Tancarville*,
pour recevoir l'hommage lige qui n'a pas ^té prête à Amiens. Les
envnyds français assistent à Londres anx parlements réunb par
Couard III pour délibérer sur la question de l'hommage auqnel
il est tenu comme duc de Guyenne. L'c^ÛDÎon circule d^à paimi
le peuple que le roi d'Angleterre a plus de droits à la courame
de France que Philippe de Valois , mais Edouard III et ses con-
seillers ne font pas encore attention à ces rumeurs. P. 96 et 97.
1331 . J^rès avoir passe tout l'hiver à Lradres sans pottvmr
obtenir une réponse définitive, les ambassadeurs de Phili}^ de
Valais reçoivent enfin, le 30 mars 1331 , des lettres patentes d'È-
douard lil, scellées de son grand sceau, on le roi d'Angleterre
se rec<HinaIt l'homme Uge du roi de France et lui fait prestalicn
de foi et hommage lige. Voici en substance la teneur de ces
lettres. P. 97.
Le roi d'Angleterre ra[^Ile que naguère, à Amiens, il s'est
refusé Â la prestation de foi et hommage lige , et qu'il n'a (ait
hommage au roi de France que par paroles générales, en disant
qu'il entendait iaire seulement ce que ses prédécesseurs avaksit
1. Pierre de Chappea, fait cardinal en 1337, fut érêmu de Clurtrc*
de 1326 ■ 1336.
2. Jean I", frère du cëlèbre Enguemnd de Han^f , fiit érfane de
Beauvais de 1313 à 1347, ann^e où il fut promu à l'archeiêcU de
3. Froisiart d^sigoe ce aeigneur par le titre de comte de Tancar-
fillp, iD.-iis ce titre ne fut conféré k Jean de Melon qu'en 1352.
D,qit,zeabvG00»^lc
SOHMAmS DU PREMIER UVKE, gg 48, 4S. ctxr
Tait; mais aujourd'hui il n'hésite pas, après plus ample inrorma-
ticm, i se reconnattre l'homme lige du roi de France, et à décla-
rer U^ l'hommage prêté jadis à Amiens . tant pour le duché
de Guyenne que pour les comtés de Ponthieu et de Montreuil.
Edouard Ul promet en outre, en son nom et au nom de ses suc-
cesseurs, dues de Guyenne, de faire hommage désormais, soit
pour le duché deGuyenne, soit pour les comtés de Ponthieu et de
Hontreuil , selon les formules de l'hommage lige qui sont tex-
tuellement énoncées. Enfin, le roi d'Angleterre termine en disant
que ses successeurs, ducs de Guyenne et comtes de Ponthieu et
et de Hontreuil, seront tenus de renouveler ces présentes lettres,
toutes les fois qu'ils entreront en l'hommage du roi de France.
P. 97 à 99.
CHAPITRE Xn.
1331 à 1334. BUHissiiuarT db bobibt d'abtois qui, ànta avoir
mbouxxi ik bbabast et nma lb MAnQuisAx db hamub, as bëfugib
u AHOLEmu. (gg 48 et 49.)
1331. Robert d'Artois, marié à la sœur de Philippe de Valois
qu'il a contribué plus que tout autre à faire arriver au trône de
France, jouit d'un très-grand crédit pendant les trois premières
années du règne de son beau-frère. Robert fabrique, di^<>n , une
foosse charte, espérant gagner par ce moyen un procès pendant
entre liû et Jeanne II, femme d'Eudes IV, duc de Bourgogne,
an sujet du comté d'Artois. Philippe de Valois , sollicité par la
méchante reine Jeanne de Bourgogne sa femme, soeur de l'ad-
versaire du comte d'Artois , prend parti contre ce dernier.
La charte est reconnue fousse et cancellée en séance du Parle-
ment, une demoiselle Divion, compUce de Robert, est brdlée, et
)e comte d'Artois n'échappe à la mort qu'en vidant le royaume'.
P. 100, 307 et 308.
1. En mai ]332, Pliilipp« àe Valois donne à son fils Jean, duc de
Nonnaiidie, comte d'Anjon et du lUaine, t la maison qji fii Robert
d'ArtOTS et tontes le« appertenances d'icelie Buiie à Paris en la nie de
Saint-Germain des Prés devnnt l'ostel de Navarre > coofiiquée ainsi
que toiu le* biens du dit Robert par arrêt du Parlement. (Arch. de
rEmpire. JJ 66, p. 659, !<• S75.}
;vGoo»^lc
cuii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
Première rédaction. 1331 à 1334. — Robert se rend d'abord
à NamuT auprès de Jean II, son neveu, fils de sa sœur. A cette
nouvelle , Philippe de Valois fait mettre eu prison la femme et les
deux enfants du fugitif. Bientftt même le jeune [marquis] de Na-
mur, menacé d'une guerre par Adolphe de la Harck, évèque de
Li^ge, tout dévoué au roi de France, est obligé de congédier son
oncle. P. 101.
Robert se réfugie alors auprès du puissant duc de Brabaut, son
cousin, qui l'accueille avec empressement et le réconforte dans
son malheur. La haine de Philippe de Valois poursuit son ennemi
dans ce nouvel asile, et le duc Jean III, craignant de s'attirer
une mauvaise affaire avec le roi de France, tient son cousin ca-
ché au chdteau d'Argenteul (Argenteau-sur-Meuse, selon Lance-
lot'}. La cachette est découverte par les émissaires de Phihppe de
Valois dont l'irritation ne connaît plus de bornes et qui soudoie à
grands frais le roi de Bohême ainsi que plusieurs seigneurs des
marches d'Allemagne pour qu'ils aillent défier le duc de Brabant.
Ces seigneurs auxquels refuse de s'associer le jeune marquis de
Namur, malgré l'invitation du roi de France, après avoir reçu un
grand renfort de gens d'armes commandes par le comte d'Eu,
pénètrent en Brabant en passant à travers le Hesbaing (pays
de Liège) et s'avancent jusqu'à Hannt; ils ravagent à deux re-
prises le pays environnant et brûlent tout sur leur passage. P. 101,
102, 310 et 311.
Le comte Guillaume de Hainaut envoie en France Jean de Beau-
mont, son frère, ainsi que sa femme, sceor de Philippe de Valras,
négocier une trêve entre les belligérants. Le roi de France n'ac-
corde cette trËve qu'à grand peine , et le duc de Brabant doit
prendre l'engagement de subir toutes les conditions qui lui seront
faites, tant par son adversaire que par les alliés de celui-ci, et
de mettre dans un délai fixé Robert d'Arlois hors de ses Etats.
P. 102 et 103.
1334. D'après le conseil du duc de Brabant, Robert d'Artois,
traqué en France et dans l'Empire, passe en Angleterre, aous un
déguisement de marchand. Edouard III l'accueille avec bienveil-
lance, le retient à sa cour et de son Conseil et lui asùgne en fief
le comté de Rîchmond. P. 103.
Seconde rédaction. 1331 ù 1334. — Robert d'Artois, chassé
1 . Mémoirei Jt CAtaJimU dtt inicripiient, t. X, p. 632,
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 48, 49. clxiu
de France, se rend à Valencîennes auprès du comte GuiUauine
de Haioaut. Le comte fait le meilleur accueil au fugitif, et il
chai^ Jean sou frère et ) evêque de Cambrai d'aller en France
imfdcovr la clémence du roi en faveur du prince eùlé. Cette dé-
marche reste infructueuse, et Philij^ menace Guillaume de toute
sa colère s'il continue de prêter main forte à Robert d'Artois.
P. 308.
Les barons de Hainaut engagent leur comte k ne pas se mettre
pour ce sujet en guerre avec fe roi de France. Robert, avant de
quitter Valendennes, est comblé de présents en vêtements, che-
vaux et joyaux, et six mille vieux ëcus lui sont remis pour payer
ses dépenses par le comte Guillaume. Robert d'Artois va voir à
Namur sa sœur, le jeune Jean II son neveu et les frères de celui-
ci, Giûllaiime, Robert et Louis , encore fort jeunes.
Les menaces du roi de France forcent Jean II à congédier son
(«cle qui va chercher un asile à Leeuw * auprès de Jean III, duc
de Brabant, son cousin. Ce dernier répond à Philippe de Valois,
qui réclame l'expulsion du fugitif, que les obligations d'une pa-
noXé très-ra(^)FOcbée lui font un devoir de venir en aide à Ro-
bert d'Artois, et que d'ailleurs il n'est pas convaincu du tout de
la culpalùlité de son cou«n. P. 309, 811.
1334. Philippe déclare alors la guerre au duc Jean qui n'ob-
tient la paix qu'à la cmidititHi de mettre hors de son pays l'en-
nemi da roi de France. Ccaigédié ainsi par le duc de Brabant
après avoir reçu six mille vieux écus pour payer ses frais, Robert
d'Artois s'embarque pour l'Angleterre à Anvers et arrive à Sand-
wich. Il se met en marche pour rejoindre Edouard III qui fait
alors ta guerre en Ecosse. Il passe par Stamford, Lincoln, Don-
caster et parvient à York, qu'on dit Ebruich, où il trouve la reine
Hûlippe, sa nièce, enceinte d'un fik [qui fut nommé plus tard
Guillaume de Hatfield.] La reine fait fête k son oncle et le retient
près d'elle envirmi une semaine ; la joie de Philippe est encore
accrue par la nouvelle, qu'elle reçoit en ce moment-là même, de
la reddition du château d'Edimbourg. Entouré d'une escorte de
trob cents archers dont Henri de Beaumont est le chef, Robert
d'Artois se rend à Berwick en Ecosse où il passe trois jours. Là,
il apprend qu'Edouard III, après avoir étabU garnison au château
;vGoo»^lc
„„„ CHRONIQUES DB J. TROISSART.
dÉdinbourg. e.t Mi ™ttr. le àëg. <U™a Sdrling, .1 U .4 di-
rist vers cette ville. P. 313 et SU. „ - .. .
Prévenu de 1 Triviie de Boben d'Artou par Heon de Be»-
mont mi a pris les dev.nU, Edouard III envoie T.elqu«-unJ de
se. bmns à la rencontre de son oncle cpi'il reço.t avec magnifi-
cence Robert d'Artois raconte ses malheurs, l'emprisonnement d
ses deux 61s Jean et Charles, la confiscation de ses biens, enfin
son bamiissement : il n'est plu. nulle part en s«reo! sur le cent
nenl • et il n'est ni comte de Hainaut ni duc de Brabant m [mar-
quis] de Namm- qui consente à lui domier asile, par cramte du
roi de France. P. 314. ^ ^. . . . i .
U roi d'Angleterre relève le courage de Robert d Artois et Im
dit ■• Bel oncle, nous avons asse^ pour nous et pour vous. Soyei
«ns inouiétude et sans cronte, car si le royaume de Fr««» est
ireo petit pour vous, celui d'Angleterre vous sera tout grand ou-
„„ V— • Monseigneur, reprend Robert d'Artob, louK n»n
«ipërance glt en Dieu « en vons, et je confesse ici que j'ai en
tort et que j'ai p&h* en prêtant les mains naguère A votre eiberi-
dadon l'ai contribué pour ma part à faire celui-là roi de Fr«K«
™i ne m'en sait aucun gré et qui n'y a pas autant de drmt que
vous car vous êtes plus rapproché d'un degré de feu Charles,
le dernier roi : Philippe n'est que son cousin germain et vous
êtes son neveu. « Edouard III devient tout pensif en entendant ces
paroles qui ne laissent pas toutefois de lui être agréables, mais
nom- lor. il n'y donne point d'antre suite, se réservant d'y reve-
nir quand il croira le moment venu. P. 314 et 31 3.
Trolslfme ,éiaalci: 1331 à 1334. - Robert dArtois, après
avoir séjourné successivement à Namur et en Brabant, vient en
Hainaut trouver le comte Guillaume son beau-frère. La comtesse
de Hainaut et Jean de Hainaut entreprennent mnlilement un
voyage en France afin de fléchir Philippe de Valois et de le ré-
conciber avec Robert. Ce que voyant, le comte d'Artois, déses-
péré jure qu'il honnira tout et plongera la France en de telles
luttes et divisions que le. suites s'en feront encore senUr dans
deuï cents ans. U reçoit du comte de Hainaut tout I argent ne-
cosaire pom- payer ses dépenses, et il prend la résolution de
.nsser en Angletem; i mais auparavant il retourne auprès du duc
de Brabant qui, après l'avoir retenu à sa cour en Im pronuiuant
de le défendre envers et contre tous, est bientôt contraint de cé-
der aux menaces du roi de France. P. 309 et 310.
jvGooi^lc
S0MMA1H£ DU PRBUIE& LIVRE, $$ k9, SO. clxt
198ft. Robert d'Artob s'embarque à Anvers pour l'Angleterre
et il se reiwl Boprès d'Edouard III au moment où ce prince, qui
l'accueille courtoisement, se dispose à entrer en campagne contre
les Écossais. Au retour de cette campagne, le roi d'Angleterre
fait proposer en séance du parlement d'assigner une dotation à
Robert d'Artois, l'un des pins hauts et plus nobles seigneurs qu'il
y ait au monde. Philippe de Valois a mb en prison la femme,
les enfants, il a confisqua les biens de son ennemi, après l'avoir
banni de md royaume. C'est justice, maintenant que Robert d'Ar-
tois fait partie du conseil d'Angleterre, de le dédommager dans
son pays d'adopdon de ce qu'il a perdu en France. La proposi-
tion d'Edouard ni est agréée, et l'on assigne à Robert le comté
de Bedfiffd dont le revenu est évalué trois mille marcs. Robert
d'Artois remercie sou neven et les seigneurs , et devient &insi
l'homme tige du roi d'Angleterre pour le comté de Bedford.
P. 315 et 316.
CHAPITRE Xm.
1332 et 1333. niuMiHiiBBs dr la kubisr du nosTiLiTis
EitTSI LIS UfOLAM BT LES icOBSAIB [§§ 49 Ct SO) .
Première et seconde rédaction. 1332. — Un an environ «près
l'espiradon de la trêve conclue pour trois ans entre Edouard III
et Robert Rruce, le roi d'Angleterre envoie des ambassadeurs
auprès de David Bruce, fils et successeur de Robert, sommer ce
prince de lui livrer Berwick et de reconnaître sa suzeraineté sur
le royaume d'Ecosse. David Bruce, après avoir consulté son
ccmaeil, répond aux envoyés d'Edouard III que les rois ses pré-
dëc«aaeurs n'ont jamais fait hommage aux rois d'Angleterre, et,
quant à Berwick, que Robert fouce son père, après l'avoir loya-
lement conquise, la lui a léga^ comme légitime héritage, et qu'il
est bien résolu à ne s'en point dessaisir. Le roi d'Ecosse ajoute
qu'il a lieu d'être surpris de voir aaa beau-frère d'Angleterre,
en qui il devrait trouver un défeiksenr, vouloir ainù s'approprier
itijustemoit le bien d'autrui. Une telle réponse est loin de satis-
faire Edouard III qui ctmvoque à un parlement à Londres, pour
déhbérer sur cette question, tous les barons, chevaliers et coir-
seillers des bonnes villes de son royaume. P. 103 à 109, 313.
Première rédaeticn. 1333. — Edouard III fait ei^ioser de-
;vGoo»^lc
CLXvi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
vant les représentants des trois Ordres la réponse nég^atÎTe rap-
portée par les ambassadeurs qu'il vient d'envoyer vers David
Bruce. L'avis unanime du parlement est qu'il faut contraindre par
la force des armes le roi d'Ecosse à faire hommage et à dcmner
satisfaction an roi d'Angleterre, son légitiine suzerain. P. 109
et 106.
Edouard III, ravi de trouver ses gens aussi bien disposés, les
invite à faire leurs préparatifs pour entrer en campagne et leur
donne rendez-vous, au jour fixé, à Newcastle. En mSme temps,
il députe encore une fois des ambassadeurs au[H^ de son bean-
frère pour le s(»nmer de nouveau et ensuite pour le défier, à
David Bruce persiste dans ses premières dispoûticus. P. 106
et 107.
Sectmde rédaaitai. — 1333. Edouard III, quoique mécontent de
la réponse faite à ses ambassadeurs par son beau-frà«, est
assez disposé à en rester là, mais ses conseiliers ne loi épargnent
aucune remontrance pour le pousser à la guerre. Ils lui repré-
sentent surtout que les Écossais ne cessent de menacer Newcastle,
Brancepeth, Percy, Arcot et les autres chiteaox voîùns. P. 316
et 317.
Grandes fîtes et joutes magnifiques à Londres ; Jean de
Hainaut y vient assister en compagnie de douze chevaliers du
continent. Le prix des chevaliers étrangers est décerné au sire
de Fagoolles, et le prix des écuyers à Frank de Balle qm fut
fait chevalier cette même année en Ecosse aux cAtés du roi
d'Angleterre. Ces f&tes et ces j(Aites, qui durent huit jours,
attirent un grand concours de dames et de damoiaelles. Jaurès
ces f&tes, Edouard III convoque un parlement. L'évëque de
Lincoln y expose au nom du roi le refus fait par David Bruce
de livrer la cité de Bervick, la forteresse de Boxburgh et de
faire hommage pour son royaume d'Ecosse. P. 317.
Le parlement consulté est unanime à déclarer que tous les
torts sont du câté de David Bruce. 11 est évident, disent tes caa-
seillers anglais, que les rois d'Ecosse faisaient autrefois hunmage
à nos rois, car leur pays n'a jamais formé une province distincte '.
ce n'est qu'une enclave de la province d'York qui est un arche-
vêché d'Angleterre. De plos, ils fabriquent leurs monnaies d'après
nos usages et ordonnances, ils ont les mêmes lois et les mêmes
coutumes que les Anglais, et ik parlent la même langue. D'où
il appert que le royaume d'Ecosse est une dépendance de celui
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DD PREMIER LIVRE, §$ 49, SO. clxvii
d'Angleterre. 11 convient d'envoyer une nouveUe ambassade k
David Bnice, et, s'il s'obstine, de le défier et de lui déclarer la
pierre. P. 318.
L'évSque de Durham, les seigneurs de Percy, de Mowbray,
de Felton aoat chargés de cette ambassade. Edouard III ne s'«i
prépare pas moins à entrer en campagne et il fixe le rendez-vous
général de son armée à Newcastle. Retomr de Jean de Beaumont
enHainant. P. 318 et 319.
Troisième rédaction. — Les Anglais n'aiment pas, n'ont jamais
aimé et n'aimeront jamais les Ecossais : ils ont vu avec un pro-
fond déplaisir le mariage de la sceur de leur roi avec le jeune
David Bruce; et quand la trêve conclue pour trms ans avec
l'Ecosse est expirée, ils ne souffrent pas qu'on la renouvelle, car
ils veulent avoir la guerre. Telle est la nature des Anglais : ils
ne savent pas, ils ne peuvent pas, ils ne veulent pas rester long-
temps sans guerroyer i ils demandent à se battre, peu leur im-
prnte sous qud prétexte, et ils n'ont que trop ta passion et le
génie des combats. Ils ne pardonnent pas aux Écossais de leur
avoir pris et d'avoir gardé Berwict, et c'est pour cela surtont
que le comte de Kent s'est rendu naguère si impopulaire en con-
sentant an mariage de la princesse [Jeanne] d'Angleterre avec
le roi d'Ecosse. P. 311 et 312.
A rez[Hration de la tr&ve, les Ecossais députent à Londres,
pour renouveler cette trêve, mte ambassade composée des évê<
ques de Saint-Andrews et d'Aberdeen, de Robert de Vescy, d'Ar-
chibald* de Douglas, de Simon Fraser et d'Alexandre de Ramsay.
Edouard III et la reine Philippe tenaient à cette époque leur cour,
tantôt à Windsor, tantfit à Eltham. Les ambassadeurs d'Ecosse
se rendent à Eltham oà la cour se trouvait alors, désireux de
conclure une longue trêve ou même un traité de paix, car c'en
est fait de la puissance de l'Ecosse, depuis que Robert Bruce,
[Jacques] de Douglas et le comte de Murraj sont morts. P. 312.
Edouard III fait aux seigneurs écossais l'accueil courtois qui est
dû à des ambassadeurs de son beau-trère. Il leur promet de
soumettre leur demande aux délibérations de son parlement, et
d'user de toute son influence en faveur de la paii. Sur ce, les
envoyés du roi d'Ecosse retournent à Iiondres. P. 312 et 313.
1. Ce prénom est encore porté aujourd'hui et s'est coniervé dans l'o-
Bomatliqae française sous la Forme Arthambaud ou Jrchamhmild,
;vGoo»^lc
cLivm CHKOiMQUES DE J. PROISSART.
Le parlement est coDvoqué à Westminster, car rien ne peut
ni ne doit se fidre sans son concours. L'évëque de Saint-Andrews
y porte la parole au nom du roi d'Ecosse. L'archevêque de Can-
terbury répond au nom du roi d'Angleterre en demandant du
temps pour délibérer sur les propositions de David Bruce. Sur
ces entrefaites, Edouard III s'en vient demeurer en son hfitel de
Sheen sur la Tamise, à peu de distance de Westminster, et les
Écossais passent plus d'un mois à Londres avant de pouvoir
obtenir une réponse. P. 319 et 320.
La crainte de voir le jeune Edouard lU s'amollir dans l'oisi-
veté comme son père Edouard II joiate au dësir de rei^endre
Berwick, Dttobar, Dalkeith, Edimbourg, Stiriing et tout le pays
jusqu'au détroit de Queensferry, détermine le pariement à re-
fuser de renouveler les trêves et de ci»icluFe la paix avec l'Éoosse
tant qu'elle n'aura pas restitué les dites vîUes à l'Angleterre. Les
envoyés de David Bruce quittent le palais de Westniînst^ aussitAt
qu'ils ont reçu cette réponse qui est une déclaration de guerre
déguisée ; ils cheminent an long de Londres et viennent à Saint-
John' s-laue en Gracecburdi où ils sont descendus, et de là ils
retournent en Ecosse, P. 3Î0.
Les plus sages entre les Écossais disent en apprenant les noo-
Telles apportées à Edimbourg par l'évèque de Saint-Andrews :
« Nous aurons la guerre, et nous ne sommes pas prêts. Cette
fcHS-ci, les Anglais nous abattront, ou nous les abattnms eus-
mèmes. Notre roi est jeune, et aussi le leur. U faut qu'ils s'es-
sayent. Il n'y a pas sous le soleil de peuple plus orgueilleux et
plus présomptueux que le peuple anglais. » Les jeunes chevaliers
et écuyers d'Ecosse, an contraire, qui aiment les armes et ont à
cour de s'avancer, aoat au comUe de ia joie. P. 321.
CHAPITRE XIT.
oniKiB n'Écostx; CAMPiaira db 1333 *. sntos tr ranx m bdwkx
(SS SI « »«)■
Première rédaction, — Edouard III vient avec le gros de son
armée à Newcastle jù il reste quatre jours, attendant ceux de
ses gens qui ne l'ont pas encore rejoint. Le quatrième jour, il se
dirige .dn cAté de Berwick, en traversant les terres des seigneurs
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $§ SI, S2. clxo.
de Perc; et de Nevill, deux ^ands barons de Northumberlaud,
qui, comme les seigoem^ de Ross, de Lucy et de Mowbray, font
in»tière aux Écossais. P. 107.
Edouard III passe la Tweed qui sépare l'Angleterre de l'Ecosse
et, sans s'arrêter devant Berwick, il ravage et inc^Hlie quantité
de villes du plat pays entourées seulement de fossés et de palis-
sades, il s'empare du fra-t cUteau d'Edimbourg et y met gar^
nison. Puis, il passe la seconde rivière d'Ecosse sous Stirling
[le Forth]. Les Anglais courent tout le plat pays des environs
et s'avancent jusqu'à Saint- John ston (Perth) et Aberdeen. Ils
brûlent et [ùllefit Dunfermline; l'abbaye seule est épargnée sur
l'ordre exprès du roi. Ils poussent leurs incurâons jusqu'à Dundee
et DumbartoD où le roi et la reine d'Ecosse se sont réfugiés.
Les écossais fuient devant les envahisseurs sens leur ojiposer
de réastance et mettent leurs personnes et leurs biens en sdreté
dans les forêts de Jedburgh impraticables pour quiconque ne
oxmaft pas le pays. P. 107 et 108.
Le roi David Bruce et Guillaume de Douglas, neveu de
[Jacques] de Douglas mort en Espagne, ont quinze on seize ans;
ie comte de Murray est encore plus jeone : l'Ecosse, privée de
ses plus Ix-aves et de ses plus habiles capitaines, est livrée sans
défense aux attaques victcneoses des Anglais. P. 108.
Après avoir pris le château de Dalkeith, i cinq lieues d'Edim-
bourg, qui aj^MTtient ao comte de Douglas, le roi d'Angleterre
vient mettre le siège devant Berwick, cite biea fortifiée, située
aux confins de fÉcosse et du retourne de IVorthumberland, en-
vironnée d'un bras de mer et pourvue d'une bonne garnison. Ce
n'est tous les jours, pendant la durée du siège, qu'assauts, butins,
escarmouches et apertises d' aimes. Les Écossais font plusieurs
fois des sorties, soit de jour, soit de nuit, pour réveiller et sur-
(orendre les assiégeants ; mais chaque fois ils trouvent les Anglais
prêts à les recevoir et ils sont repoussés après aviùr essuyé des
pertes plus ou moins graves, lies assiégés, menacés de famine,
demandent et obtiennent une trêve d'un mois, promettant de se
rendre si le roi d'Ecosse ne leur envoie aucun secours dans cet
intervalle, Robert d'Artois, qui voudrait voir Edouard III tour-
ner tout l'effort de ses armes contre la France, contribue beau-
coup à décider le roi d'Angleterre à accorder cette trêve.
P. 109 à 111.
Reddititm de la ville et du chAteau de Berwick. Les bourgeois
;vGoo»^lc
CLXX CHEONIQUES DE J. FROISSAHT.
se soumettent à Edouard III auquel ils prêtent serment de foi
et hommage. Le roi d'Angleterre (ait son eotrëe solennelle à
Berwick au son des trompes et des nacaires ; il quitte cette ville
après y avoir séjourné quinze jours, y laissant une ganùaon de
jeunes chevaliers et écuyers sous les ordres d'Edouard Baillai.
A|très quoi, il donne congé à ses gens et retourne à Windsor.
Robert d'Artois, qui l'accompagne partout, ne cesse de l'exhorter
À faire valoir ses droits à la cooronDe de France. P. 111 et 112.
Seconde rédaction. — Edouard III, arrivé avec ie gros de son
armée à Nevcastle, y reçoit la nouvelle que ses prétenti(»is sont
repoussées par les Écossais ; il se met aussitôt en marche pour
asùéger Berwick. Précédé de ses maréchaux, le comte de Snf-
folk et Thomas Wager, il va coucher à Arcot', chiteau et ville
qui appartient au seigneur de Percy : les Écossais avaient pillé
la ville sans pouvoir prendre le chlteau. Le lendemain, le ni
d'Angleterre vient dîner à Percy (Afaiwick). P. 3tl et 322.
L'année ai^^ise ne compte pas moins de dix mille hommes i
cheval et de vingt mille hommes à fned, archers et gallois, sans
compter la ribaadaille. Sége de Bervid. Les machines et pier-
riers des assiégeants abattent les officines et m6me les combles
des salles et des chambres, et bientôt i) ne reste plus aux asné-
gés que denx grosses tours oà ils se réfugient. Les écossais de-
mandent et obtiennent une trêve de quinze jours, promettant de
se rendre et de vider le chftteaa, sauf leur vie et leurs biens, s'ils
ne reçoivent pas de secoua dans l'intervalle. En même temps,
ils dépêchent un écuyer, chargé de réclamer ce secours, à Saint-
Johnston (Penh), une bonne ville située sur un bras de mer, où
se tiennent alors auprès de leur roi et de leur reine le jeune
comte de Hurray, le jeune Guillaume de Douglas, neveu de
[Jacques] de Douglas, Robert de Vescy, Simon Fraser et une
foiile d'écuyers et de bacheliers d'Ecosse. David Bruce marche
au secours de Berwick en passant par son château d'Édimbom^.
Le lendemain de son départ de cette dernière ville, à une heure
1. FroiiMrt appelle cette localité Vreot. Arcot, avec lequel nous
identifion* Urcol, «tt un village ■itué dona le aad du Nortbamberlind,
au nord de Newcutle, à peu de diiUnce de rancieDoe route de Lon-
drei  Edimbourg, qui panait par Nencastle et pir Percj' ou Alawick.
Cette idcDtificatioD lerait à peu pris idre, l'il était établi qu'il y BTÙt
à Arcot un château au quatonième liècle. Il appartient aux samiU
anglais île dou* renieigner sur ce point.
;vGoo»^lc
SOMSLUHS DU PREMIER LIVRE, ^ 81, SS. glxxi
d'après-midi, le roi d'Ecosse vient camper avec mhi armée prèa
d'une grande abbaye de moines noirs (bàiédictins}, nommée au
traops du roi Arthur la Noire Combe, à cause de sa situation dana
une vallée et sur le bord d'une Noire * Bivièire qui sépare l'Ecosse de
l'Angleterre. Celte abbajre jouit du privilège d'immunité dans les
^errea entre les deux pays en vertu de chartes et de bulles qui
lui ont été conférées, ^e est située à neuf lieues anglaises de
Rozburgh et à dis-huit de Benrick. P. 339 et 330.
La nuit mËme qui suit leur arrivée près de cette abbaye, au
coacher du soleil, le jeune Guitlanme de Douglas, te jeune comte
de Hurray, Robert de Vescy et Simon Fraser partent avec quatre
cents armures de fer pour réveiller les Anglais. Us chevauchent
à travers des landes désertes et arrivent vers minuit assez près
de Berwick, à une petite lieue de l'année anglaise. Us tombent à
l'improviste sur leurs ennemis qui ont à peine le temps de se
reconnattre, en tuent ou blessent plus de deux cents, en font
prisonniers plus de quarante, puis ils regagnent sams et saufe le
can^ écossais en b^versant les txus par où ik sont venus.
P. 331 et 332.
Deux jours après cette escarmouche dont le succès t'enhardit,
le roi d'Ecosse prend la résolution de joindre les Anglais. Son
année se compose d'environ seize mille hommes tous à cheval
selon l'usage, les chevaliers et écuyers montés sur bons coursiers
et gros KMicins, les autres sur haquenées bien disposes et endur-
cies à la fatigue. Parvenus à deux lieues anglaises de Berwick,
les Ecossais se divisent en deux batailles : la plus petite bataille
doit prendre les devants pour réveiller et escarmoucher les An-
^ais, tandis que la bataille la plus nombreuse formera la réserve
en s' étendant sur les ailes, pour se porter où bcMÛn sera. Les
Anglais, avertis par leurs sentinelles, s'arment en toute hâte et
conviennent de laisser l'ennemi s'avancer jusque dans leur camp,
sans avoir l'air de se douter de rien et sans opposer tout d'abord
aucune résistance. Les Écossais, témoins de cette îmœobiUté,
soupçonnent quelque ruse, ils ne tardent pas à s'apercevoir que
les Anglais se sont mis à l'abri d'une surprise. Us se postent
alors sur une petite montagne à cAté d'un bois qui sert de pâtn-
1. Cm mots de Ifoir* Xritrt dài^eul lans doute la BlatkaJdtr, nn
de* affluents de U Tneed. L'abbaye de bén^ictini dont parle Froit-
nit ^it peut-être I'ud des deux monastirei dont on voit encore ao-
jonrd'hui les minei (ur le flerrit'i Djrkke prés de Greenlaw.
;vGoo»^lc
cuxu CHRONIQUES DE J. FROISSART.
rage k leurs chevaux. L'escaipement de cette montagne en dé-
fend l'abord d'un cAtë, et les Ecossais, après avoir fortifie le seul
cAté par où elle reste accessible à l'aide de troncs d'arbres abat-
tus, en EoQt garder l'entrée par leurs maréchaux. P 3^3 et 334.
Le roi d'Angleterre envoie un de ses hérauts ofirir la bataille
au roi d'Ecosse ou, à défant de bataille, un combat partiel entre
un nombre limita de dievaliers |xis dans les deux armées. David
Bruce, après avoir consulté son conseil, refuse d'accepter cette
proposîlicHi. P. 334.
Un d^tadiement, composé de cinq cents hommes d'armes au
centre avec cinq cents archers sur chaque aile, va par t'wdre
d'Edouard 111 escarmoucher les Ecossais, qui sont chauds et
bouillants, pour les exciter et les décider à accepter la bataille.
Les seigneurs de Witloughby, de Bradeston, de la Ware, Edouard
Speoser, fils du fovori d'Edouard II, le seigneur de Greystock,
Gantier de Mauny et Guillaume de Hontagu, les deux frères
d'armes, sont faits chevaliers à cette occasion de la main du roi
d'Angleterre ; mais l'escarmouche reste sans résultat, et l'on ne
réussit pas à entratner l'ennemi hors de ses positions. P. 33S.
Les Ecossais veulent prendre leur revanche en réveillant vers
minuit les Anglais, ils sont repousses à leur tour. Ils voient l»en
qu'ils ne sont pas de force à engager la lutte contre un emwni
très-supérieur en nombre, ils aiment mieux perdre Berwick que
de tenter l'aventure, et ils effectuent leur retraite pendant la
nuit. Le lendemain nudn, les Anglais s'aper^Nvent que les
Écossais ont décampé. D^>aîs la veille, la trêve accordée aux
hatùtants de Berwick est expirée. Edouard III envoie quatre cbe-
valiers sommer les assiégés de tenir leur parole. Les ciels de
Berwick sont apportées au roi d'Angleterre , qui fait son entrée
dans la ville et le chAteaule 7 juillet 1333. P. 336.
Troisième rédaction. Vers la Saint Jean>B^tiste [i333J, le rtn
et la reine d'Angleterre viennent à York chasser aux cerfs, daims
et chevreuils. Le rendes-vous général de l'armée qui doit mar-
cher contre l'Ecosse est fixé pour le l"août. D'York Edouard III
se rend à Durfaam, puis à Newcastle où il attend les hommes d'ar-
mes des lointaines marches qui ne l'ont pas encore rejoint. P. 392.
A cette nouvelle, tes Écossais s'empressent de mettre leurs villes
et châteaux en état de défense, surtout la cité de Berwick dont
la garnison a pour capitaine Alexandre de Ramsay. David Bruce
et la reine sa femme se tiennent en la marche d'Edimbourg. Les
;vGoo»^lc
S(»flHAlBE DU PREMIER LIVRE, S$ SI. St. clkiiii
Eco66)U3 , <|ui ne se sentent pas en f(»t» pour soutenir une lutte
ouverte contre les Anglais, se décident à faire une guerre de par-
tisans. P. 32S.
Sur ces entrefaites, Robert d'Artois, traqué de tous cAtà par
le rcH de France, vient implorer l'appui du roi d'Angleterre qui
l'accueille avec bienTNllance comme son proche parent. P. 323.
Edouard III, après avoir passe douz« jours i Newcaaile où il
ràmit sons ses ordres six mille hommes d'anses, chevaliers et
Àniyers, et cinquante mille archers, passe la Tyne sur le pont de
cette ville, et, prenant la directitxi, non de Berwick, mais de
Rozbni^, il arrive à Alnwich dans la terre du seigneur de Per-
cj-. P. 3ï3.
A Alnwich, un héraut d'Ecosse aoaaaé Dundee sollicite et <^
tient da nû d'Angleterre des lettres de sauf-conduit pour sept an^-
bassadenrs envoyés par David Bruce, denx prélats et cinq cheva-
Ëns. Ces ambassadeurs partent de Horeham et viennent troaver
le beau-frère de leur roi à Alnwich. Edouard III leur souhaite
la bienvenue dans sa propre langue qui difiêre très-peu de la
langue écossaise. P. 3Î3 et 324.
Ces sept ambassadeurs sont les évëques de Saint-Andrews et
d'Aberdeen, le frère de [Jacques] de Douglas qui porta le cteur
de Robert Bruce en Grenade où il mounit, Ârdiibald de Douglas
son fils, le comte de Carrick, Robert de Vescy et Simon Fraser.
L'év6qiie de Saint-Andrews prie le roi d'At^gteterre, aa nom des
liens d'étroite parente qui l'unissent au roi d'Ecosse, son beau-
frère, de voal<nr Ihni nommer quatre prélats et autant de barons
de «ta rojaome chargés de s'entendre avec un égal nombre de
prélats et de barons écossais pour renouveler les trêves et con-
dnre une paix dnraUe. P. 3Zï et 3SS.
Edouard III cnosulle son conseil. Renaud de Cobham, père du
chevalier du même nom qm se rendit depuis si fameux par ses
prouesses, cmisaile de n'accorder la paix aux Écossais qu'a deux
coaditions: La f^^mière est la prestaticHi de l'iHHnmage dtt par
David Bruce au roi d'Angleterre pour tout le royaume d'Ecosse,
excepté certaines Iles situées du côté de l'Irlande et de la Nor-
vège, dites les Sauvages Escot, dont le seigneur a nom Jean des
Aduldlles* et n'est tributaire que du roi d'Ecosse. La seconde
1 . Penl-^tre Jean àet Athol-jlei ou Jean d'Athol, laiTant une eonjec-
tan DU pen hardie, maû ii^4nieuie, de Bucboo.
D,qit,zeabvG00»^lc
OLXxiT CfiROmOCBS DE 3. FROISSAAT.
condition est la reddition de Berwick et de tout le pays jusqu'à
la DKr d'Ecosse. P. 325.
Les ambassadeurs écossais, à U demande desquels Reoaud de
CoUuun est chaîné de répondre, déclarent qu'ils ne peuvent
prendre sur eux d'accepter de pareilles conditions. P. 326.
Us quittmt Alnwich et retournent vers le roi d'Ecosse auquel
ils transmettent la réponse hautaine et oi^ueilleuse des Anglais.
Ils font remarquer que le roi d'Angleterre n'a nulle puissance en
toutes ces choses et que c'est le peuple anglais lui-même qui
prend fait et cause pour la revendicatioD d'hommage et le re-
cours à la force ; ils ont bien vu que , quand même l&donard III
voudrait renoncer à cette revendication , ses gens n'y consenti-
raient pas. La guerre est inévitable : it ne reste plus qu'à s'y
préparer. P. 327.
Le roi d'Angleterre quitte Alnwich à la tète de cent mille che-
vaux, y compris les sommiers qui portent les provisions et les
bagages. Les Anglais prennent le cheinin de Roxborgh et de Mel-
rose. Uelrose est une abbaye de Saint-Benott, située sur tuie pe-
tite rivière qui sépare l'Ecosse de l'Angleterre. Ils laissent pour
le moment Berwick à leur drmte sans s'y arrêter et passent outre,
car ils ne chercbmt que U bataille et ils veulent voir s'ils trou-
veront à qui parier. Ils portent le ravage et l'incendie par tout
le pUt pays d'Ecosse. P. 327.
Il y a très-peu de villes fortifiées en Ecosse ; en revanche, les
châteaux y abondent, quoiqu'ils soient die fois moins nombreux
qu'en Angleterre. Les Écossais ont pour {nincipe , dans leurs
guerres cmitre les Anglais, de se tenir en rase campagne. Les
seigneurs eux-mêmes ne s'enferment point dans leurs châteaux ;
ils disent qu'un chevalier, dès lors qu'il est ainsi enfermé, cesse
de valoir plus que le premier venu. Les envahisseurs, contre leur
attente, ne trouvent pas à Edimbourg , qui est le Paris de l'É-
cosse, le roi David Bruce ; celui-ci s'est retiré avec la reine sa
femme dans la partie la plus sauvage de son royaume. Ainsi ont
fait les chevaliers et écuyers du pays dont les meubles, les objets
précieux et l'immense bétail ont été mis en sûreté dans les inao-
cesàMes forêts de Jedburgh'. P. 328.
t. L'ancien nom de Jedbnrgli ett Jedweorth on Jedwarth. On voit
encore sur le* bord) de U Jed. rivière qui a donne ton nom i Jed-
burgh, des grattes ■ troia compartiment* qu'on *uppoie BToir serri de
refuge Hox habitant* du paj* durant le* iaTuions de* AngUii.
;vGoo»^lc
SOMHAJRB DU PREUIER LIVRE, ^ Si , S2. clxxt
Edouard III fait soo entrée dans Edimboarg, ville grande, plan-
toreuse et d^pourvoe de fortifications. Il va se loger ji l'abbaye
de Sainte-Omx. Prise du château d'Edimbourg après quinze jours
de siège. Prise de Dalkeitb, château des Douglas, situé à cinq pe-
tites lieues d'Edimbourg. Les Anglais ravagent et brûlent toute
l'Ecosse jusqu'à Saint-Johnston (Perth.) P. 328.
Le roi d'Angleterre occupe une belle petite ville qu'on appelle
Dnnfennline. Il y a dans cette viUe une aU>aye de moines
noirs (bénédictins] qui est très-grande et belle; cette abbaye con-
tient les sépultures de la plupart des rois d'Ecosse. Les Anglais
mettent le feu à la ville, mais Edouard III leur défend de ton-
cber à l'abbaye où il est logé. Le roi, voyant que la mauvaise
saison s'ap[Hw:he, se dispose à retourner en Angleterre; il suit
un autre chemin que celui par lequel il est venu en Ecosse,
Il côtoie le rivage de la mer, car il veut aller mettre le siège
devant Berwick. Cest en vain que sur la ronte il essaye de
[H^ndre Dunbar ; cette ville maritime résiste pendant cinq jours
à tous les assauts des Anglais. P. 329.
Edouard III assiège Berwick dont ta garnison a pour capitaine
Alexandre de Ramsay. Les Anglais posent leur camp le long de
la Tweed, rivière qui se jette dans la mer sous Berwick; il s'y
trouve un port par où ils reçoivent des approvisionnements. Le
pays des environs est fertile et bien pourvu de toute sorte de
grains et de fourrages ; et l'on y trouve du gibier et des volailles
en abondance. Le rot d'Angleterre s'y livre au plaisir de la
diasse avec ses chiens et ses oiseaux; et pendant qu'il prend
ainsi ses ébats, le comte de Northampton, connétable d'Angleterre,
■urvùlle l'ennemi à la tète de cinq cents lances et de mille ar-
chers. P. 337.
Certes, ce n'est pas du temps de Robert Bruce ni de [Jacques]
de Douglas mort eu Grenade, ni de Jean de Murray, que le roi
d'Angleterre eût ainsi osé prendre ses ébats en Ecosse avec ses
chiens et ses oiseaux. Mais les Écossais OHnmencent à redouter
Edouard III et disent qu'il a la mine et les allures d'un brave.
Les Anglais excitent et entretiennent la bravoure de leur rot , et
ils font bien, car qui veut tenir terre et régir peuple doit être de
hardies et grandes emprises. Les Ecossais conviennent entr'eux
que le roi d'Angleterre, beau-frère de David Bruce, est tenu de
Ëûre en toutes choses les volontés du peuple anglais , sous peine
d'avoir le sort de son père Couard II, P. 337 et 338.
q,t,.-edbvG00»^lc
GLxxvi CEffiOmQDES DE J. FR0I8SART.
Cette opinioo des Ecossais est partage par tons ceux qui con-
naissent le caractère des Anglais, car il n'y a pas sous le soleil
de peuple plus difficile à gouverner et plus rëvolntionDaire : ils
sont de bonne compagnie et ils ont de beaux dehors ; mais il ne
faut pas trop s'y fier, si l'on est sage. P. 338.
Alexandre de Ramsay, capitaine de Benrick, craignant de se
voir bienlAt contraint de livrer cette ville aux Anglais, sollicite et
obtient des assiégeants une trfire de quinze jours j il promet de se
rendre s'il ne reçoit pas de secours dans cet intervalle. &i m6me
temps, il fait demander des renforts à David Bruce par deux
chevaliers qu'il expMie à Aberdeen où se dent alcars le roi d'E-
cosse. David Brucc répond qu'il est dans l'impossibiUté de secou-
rir Bervick. Ce que voyant, Alexandre de Ramsay prend le parti
de se rendre. Edouard III fait son entrée en grande pompe dans
la ville et le chiteaa de Berwick et il y tient sa cour en compagnie
de la reine PhiUppe alors encrante. Il ëtabUt garnison dans le
château dont il confie la garde au seigneur de Percy. Puis il re-
vient à Newcastle dont il fait le seigneur de Nevill capitaine, et
il va passer deux jours au chiteau de Brancepedi qui appartient
BU sdgnenr de Percy*. Robert d'Artcus accompagne partout le
roi et la reine d'Angleterre qui, après s'être arrêtés trois jours à
Duriiam, arrivent à York ou ils restent jusqu'à la Pique de l'an-
née suivante [1334]. P. 338 à 341.
CHAPITRE XV.
6UBIUIE d'êcobbb; ciwAGNES DS 1334 a 1336 : sibcb xt nisi db
xoxsDBOH, OB nALKxrrH vr db stiblino. (§ S3.)
Première rêdactiat. — Guillaume de Montagn ei Gautier de
Mauny, chargés de garder la frontière d'Angleterre du cite de
l'Ecosse, se couvrent de gloire. Guillaume de Montagu fait de
Hoxbui^h, qui n'était auparavant qu'une bastille, une forteresse
de premier ordre. Edouard III le crée comte de Salisbury en ré-
compense de ses services et lui procure le mariage le plus bril-
1, D y ■ lien de croire que ProiMart «joute ici nue confiuion de
nom aux ■ntres erreur) dont ce Hcit abonde : Brancepeth, près de
Durham, semble avoir toujours appartenu aux Nevill, non aux FeKf .
;vGoo»^lc
SOHHAIBE DU PREHIE& UVRE, g S3. ci^tm
lant. Gantier de Maiinj, de son <Alé, est fait chevalier et devient
nn des conseillers intimes du roi d'Angleterre. Ces deux cheva-
Uers soat en butte aux incursions continuelles des ennemis réfu-
gia dans les ibréts mai^cageuses de la sauvage Ecosse, et Guil-
laume lie Montagu |>erd un oeil dans une de ces escarmouches.
P. 112 et 113.
1306. Cest aussi dans ces marais et ces forSts que Robert
Ibruce, père de David, avait jadis cherché un refuge lorsqu'il avait
étÀ contraint de fiiir devant les armes victorieuses d'Edouard 1 ;
et c'est de là qu'il s'était élancé pour reconquérir par cinq fois
SOD royaume. P. 113 et ilk.
1307. Edouard I, à la nouvelle de l'un de ces retours oSeoùfs,
s'était mis en marche pour combattre le roi d'Ecosse ; mais il
avait été surpris par la mort à Berwick. Avant de mourir, il fit
appeler oi présence de toute sa cour son fils alnë qui lui succéda
sous le nom d'Edouard H et lui fit jurer sur des reliques que, sitôt
qu'il serait mort, on mettrait son corps à bouillir dans une cbau-
di^ jusqu'à ce qu'il ne restât que les os i et, toutes les fois que
son fils irait en guerre contre tes Écossais, il devrait emporter ces
os : tant qu'il les aurait avec lui, il battrait toujours ses enne-
mis. Edouard II ne tint pas la promesse qu'il avait faite à son
père : ausù fut-il défait à Stirling et dans une foule d'autres ren-
contres. P. 114.
Seconde rédaction. — Après la prise de Berwick, Edouard III
va mettre le siège devant le château de Roxburgh, situé à douze
lieues de là aux confins de l'Angleterre et de l'Ecosse ; la garni-
son de ce château a pour capitaine un écuyer écossais nommé
Alexandre ^|<^|^Uunsay. P. 341.
Pendant ce temps, l'armée écossaise , qui s'est redrée devant
l'armée anglaise , prend position sur une petite rivière appelée
dans le pays^ Boée'.IA, on décide que le jeune roi d'Ecosse se
mettra en sQreté dans Dumbartou, un très-fort château de la sau-
vage Ecosse, tandis que Guillaume de Douglas , les comtes de
Hurray et de Sutherland, Robert de Vescy et Simon Fraser met-
1. Peut-être, puisque Froiiiart avertit qu'il donne le oom local, la
f^uti on la Bbâche, aujonrdliaî ff/ûltadatr , petite mière ùtuée au
N. 0. de Bervriok, qui, après sToir fait m jonction avec la Blaekaddtr,
vient %e jeter dan* la Tweed . Froiwart a du écrire le nom de cette ri-
*>^i tel qu'il l'a entendu prononcer par le* habitant* du pa^ : Foét
on Boée, V^cihe on Bethe.
D,qit,zeabvG00»^lc
ctnvitt CHRONIQUES DE J. FROISSART.
tront à profit les retraites impénétrables des forêts de Jedbui^h
pour faire aus Anglais une guerre de partisans. Les Écossais se
contentent de mettre des garnisons à Édimboiu^, à Saint-Jobnston
(Perth), à Âberdeen, àDundee, à Dalkeith, à Saint-Audrews ; et,
après avoir ravagé eux-mSmes le plat pays pour n'y rien hisser
à prendre aux envahisseurs, ils se retirent dans les profondeurs
inaccessibles de leurs forêts. P. 342.
Le siège du cbâteau de Roxburgh est signalé par un combat
ùngulier entre Alexandre de Ramsay, capitaine du dit château et
Guillaume de Montagu, gentilhomme anglais fait nouvellement
chevalier. Cet exploit d'armes n'est point consigné dans les Chro-
niques de Jean le Bel, mais il fut raconté à Froissart par les sei-
gneurs du pays pendant son voyage en Ecosse. Guillaume de
Montagu propose ce combat singulier, et, pour être plus sllr de
le faire agréer, il promet de se racheter au prix de mille nobles
si Alexandre de Ramsay est vainqueur. Le capitaine de Roxburgh
accepte la proposition. P. 343.
Le roi d'Angleterre accorde à cette occasion une trêve à la
garnison de Roxburgh pendant tout le jour que le combat doit
avoir Ueu et le lendemain jusqu'à soleil levant. Ce combat singu-
lier se livre en plaine, à peu de distance du château, en présence
d'Edouard III et des gens d'armes tant anglais qu'écossais. Les
deux champions, montés sur leurs chevaux, après avoir rompu
d'abord leurs glaives, puis leurs épées, en échangeant des coups,
Unissent par se prendre à bras le corps, sans parvenir à se désar-
çonner l'un l'autre. Ce que voyant, le roi d'Angleterre fait cesser
le combat. F. 344.
La garnison de Roxburgh se rend , après avoir soutenu un
siège qm dure depuis l'entrée d'août jusqu'à la Toussaint. Les
gens d'armes qui composent cette garnison, libres d'aller où bon
leur semble, se retirent , les uns à Dumbarton , les autres dans
les forêts de Jedburgh avec Guillaume de Douglas, le comte de
Murray et autres chevaliers d'Ecosse qui réveillent et harcèlent
tes Anglais. P. 34K.
Après avoir passé huit jours à Roxburgh et y avoir fêté la
Toussaint, Edouard III chevauche vers Edimbourg, très-beau
château et fort situé près de la mer au sommet d'un rocher d'où
l'on découvre tout le pays environnant. Les maréchaux de l'ar-
mée anglaise font des incurvons par tout le comté de Mardi et
le long du rivage de la mer, au sud. jusqu'à Dunbar et Ramsay,
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, § S3. clzxix
au nord, jusqu'à Saint-Andrews ; ils pillent et brûlent la ville de
Queensrerry sur le détrmt de ce nom et ils viennent attaquer Dun-
fennline. Le comte de Sufiblk, Edouard Spenser, Thomas Biset et
Eudes de Pontchardon sont blessés au siège de cette ville qui, grâce
an seigneur de Lindsay, résiste à tous les assauts des Anglais. Les
maréchaux, ainsi rejKtusséa de DimfermliDe , vont rejoindre
Edouard III qui a mb le siège devant Dalkeith, un château des
Douglas, situé à cinq lienes d'Edimbourg. P. 34S et 346.
Ce château de Dalkeith n'est pas très-grand, mais il est Inen
aménagé et il a une grosse tour carrée et vndtée à l'épreuve des
machines ; il est bâti sur un petit rocher à pic entouré d'une ri-
vière [Esk] qui ne devient un peu forte que quand il tombe des
pluies en abondance. La garnison de Dalkeith se compose de
trente-ùx compagnons dont le capitaine, nommé Patrick d'Ork-
tKj, s'arme d'ai^ent à trois clefs de sable. P. 346.
Le siège de Dalkeith dure tout l'hiver. Au printemps, une rusa
de guerre livre ce château aux Anglais. Les comtes de Lancastre,
de Pembroke, de Hereford, de Warwick, les seigneurs de Percj,
de Grejstock , de Nevill et de Felton s'avisent de faire endosser
leurs armures à huit de leurs valets et de les envoyer à l'assaut ;
et pendant tpie les assiégés, qui ont fait une sortie, sont occupés
k repousser ces valets, les chevaliers anglais, auteurs du strata-
gème, pénètrent dans le château par le pont-levis qui reste
abaissé et se rendent ainù maîtres de Dalkeith. P. 346 et 347.
Après la prise de Dalkeith, Edouard III attaque le château
d'Edimbourg. D se loge dans une aU)aye de moines noirs (béné-
diciins) vfnsine de la ^e et à laquelle les Écossais ont mis le
feu, afin que l'ennemi ne puisse s'en servir. Edimbourg résiste
aux efforts et aux machines des assiégeants, mais le pays des
environs a été tellement dévasté, soit par les habitants, soit par
les envahisseurs, que les Anglais sont réduits à faire venir leurs
vivres d'Angleterre, par mer. P. 348.
Le roi d'Angleterre va mettre alors le ûége devant Stirlmg,
Stirlîng est un beau et fort château assis au sommet d'un ro-
cher escarpé de tous côtés sauf un seul, à vingt lieues d'Ëdim-
bom^, à douze de Dunfermiine, à trente de Saint-Johnston
(Perth). Cette forteresse était appelée Smandon au temps du rm
Arthnr; et c'est là que se réunissaient les chevaliers de la Table-
Ronde, ainsi qu'il fut dit à Froissart sur les lieux mêmes, lorsqu'il
alla passer trois jours au château de Stirlîng en compagnie du
;vGoo»^lc
cxxxx CHRONIQUES DB S. PaoISSART.
roi David d'Écoase. A l'époque de ce voyage, le château de Stir-
ling apparteDait à Robert de Vesc; qui avait aidé à le reprendre
aux Anglais. P. 34>8 et 340.
Le siège de Stirling est poussé avec vigueur malgré Les con-
seils de Robert d'Artois qui ne cesse de dire à Edouard III :
K Laissez ce pauvre payS) que le feu d'enfer le brAle, et ne
songez qu'à revendiquer le trône de France, votre légitime héri-
tage I » Pendant ce temps, la reine Philqipe, qui réside à York,
met au monde un fils qui reçoit le nom d'Edouard comme se»
père et son parrain Edouard Baillol. Cest ce fils qui devint de-
puis si fameux sous le titre de prince de Galles', mais il mourut
du vivant de son père, comme on le verra ci-après. P. 349.
La garnison de Stirling demande et obtient une trêve de
quinze jours pendant lesquels elle attend en vaîn des ren-
forts ; elle rend le château à l'expiration de cette trêve. P. 349
et 3S0.
Après la reddition de Stirling, Robert d'Artois exhorte plus
<{ue jamais le roi d'Angleterre à revendiquer le trône de France.
Les comtes de Lancastre, de Mardi, de Suffolk, de Hereford,
de Warwif^ et le seigneur de Percy conseillent à Edouard III de
se rendre i Londres et de soumettre la question, soulevée par
Robert d'Artois, aux délibëratioDS du parlement. Avant de quitter
l'Ecosse, le roi d'Angleterre met de bonnes garnisons k Bervick,
à Dalkeitli, à Roiburgh, à Dundee, à Astrebourch^ à la bastide de
March, au fort Saint-Pierre, à Edimbourg et à Stirling; en même
temps, il place tout le pays conquis sous le commandement et
sous la garde de Guillaume de Hontagu et de Gautier de Mauny.
Après quoi, il congédie ses barons à Roiburgh, en leur assignant
rendez-vous à un parlement qui doit se réunir prochainement à
Londres. Puis il va rejoindre la reine sa femme è York, en pas-
sant par Arcot, Percy (Alnwich), Newcastle-on-Tyne etDurfaam.
De retour à Londres, il fait célébrer aux Augustins de cette ville
un office solennel pour l'Ame de Jean d'Ëltham son frère, ré-
1 . Quoique la rectificatioa de» erreun hiatoriquei de Froisurt doive
faire l'objet d'une publication ipéciale, li mëpriie coœmÎK ici eat telle-
ment grouîère qu'il eit impouible de ae U pas relever. Notre chroni--
Sueur parait avoir conrondu du» ce patsage la naisunce d'Edouard,
«puis prince de Gallei, qui eut lieu le 16 juin 1330, avec celle de
Guillaume, que la reine Philippe mit au monde i Hatfield en 1336,
pendant la guerre d'Écoue.
;vGoo»^lc
S(»iHAniE DU PREMIER LITRE, §$ S4, SS. ct»u
eemment mort, et il tient sa cour tantât À Westminster, tantftt à
Sbeen, tantât à Eltham. P. 3S0 et 3Si .
Lei Ëcosuis [nxifitent du départ d'Édooard III pour faire aux
gêna d'armes anglais qu'il a laissa dans le pays conquis une
guerre de partisans. Les chevaliers des deux royaumes se livrent
des escarmouches dont l'honneur revient principalement, du cAté
des Écossais, i Guillaume de Douglas, à Robert de Vescy, au
comte de Huiray, à Simon Fraser, et, du c6té des Anglais, à
Gantier de Hauny et i Guillaume de Montagu. Ce dernier de-
vint dans la suite comte de Salisbury par son mariage avec Alix,
héritière de ce comtd, qui dans sa jeunesse avait Eait partie de
la maisoD de Hiilif^, reine d'Angleterre. P. 3S1 et 3S2.
CHAPITRE XTI.
1336. ymàorn we raïuppi m valuu a ivisitoh wt ral»ainn
s'dr CMMSini nojxrix pak cb fuuck (SS Sk et SS).
1336. Éclat de la cour de Mûlippe de Valois. Cest un roi ma-
gtnfiqne en tonte chose, et qui sait bien ce que c'est que bacbe-
lerîe, car il a été bachelier et homme d'armes à gages dans sa
jeunesse, en Lombardie, du vivant du comte de Valois son père.
D tient sa cour tantât à Paris, tantât au boù de Tinceunes. Noms
des princqtaux grands seigneurs qui fréquentent cette cour,
P. 3S3.
Philippe de Valois, voyant ses chevaliers impatients de l'inac-
tion où la paix les condamne, entreprend d'occuper leur activité
en les menant à la croisade délivrer la Terre Sainte; il part
pour Avignon en compagnie des rois de Rohëme et de Navarre,
afin de prier le pape Renott XII de prtitët son appui à cette cn»-
sade et de la publier par toute la chrétienté. Arrivé à Lyon ajais
avoir traversé la Bourgogne, il s'embarque sur le RhAne pour
voyager plus commodément, tandis que ses gens continuent leur
route par terre, et il vient se loger avec sa suite i Villeneuv»-
lès-Avignon. Il est reçu avec joie par le pape et par le roi Pierre
d'Aragon *. Renott XII donne plusieurs fois à dtner a Philippe de
1. An lien du roi d'Aragon, le manuscrit de Rome nomme le roi
Robert de Haples, comte de Provence, tpâ serait venu txpri* de Sale
;vGoo»^lc
cLxxzu CHRONIQUES DE J. FROISSàRT.
Valois et aux autres rois dans son palais qiû n*était pas alors si
beau ni si considérable qu'il est maintenant. P. 114, IIS, 3S3,
394.
Le pape prËche la croisade et accorde une indulgence plënière
i tous ceux qui en feront partie. Les rois présents, pluùeurs
cardinaux et plus de deux cents grands seigneurs prennent U
croix. P. 114, lis, 354.
Philippe de Valois retourne à Paris en passant par Montpellier,
par l'Auvergne, le Berry, la Beauce et le GAtinais. Le royauDoe
de France était alors florissant, populeux et plantureux, ses habi-
tants étaient riches et pourvus de grands biens, et l'on n'enten-
dait parler de nulle guerre. P. 116 et 117,
Philippe de Valois fait pour la croisade les plus grands et les
plus beaux préparatifs que l'on eût vus depuis le temps de Go-
defroi de Bouillon. On rassemble i Uarseille, à Aigues-Hortes, à
Lattes et dans les ports qui avoisinent Montpellier et Narbraine,
des approvisionnements de toute smte en biscuit, en vins, en eau
douce, en salaisons, avec un nombre suffisant de vaisseaux,
d'huissiers, de caraques, de galées, de barques, pour transporter
trente mille ou même soixante mille homtnes. Le comte de Nar-
bonne et Charles Grimaldi' de Gènes sont préposés à cette flotte
de transport. P. 117, 354 et 3S8.
Le roi de Hongrie, le vaillant Hugues IV de Lusignan, roi de
Chypre, Robert roi de Naples informent Philqipe de Valob qu'ils
sont disposés à livrer passage aux pèlerins de Dieu à travers leurs
États. Le grand prieur de France, k qui les Templiers obéissent,
est chargé de préparer des vivres et des approvisioimements
dans t'Sle de Rhodes. Les Génois et les habitants de la rivière de
Gènes fournissent quantité de galées et de barques toutes prêtes
à prendre la mer. Les Vénitiens garnissent l'Ile de Oète, une de
leurs possessions, de concert avec les chevaliers de Saint-Jean
de Jérusalem. Bref, plus de trois cent mille personnes prennent
la croix ; mais les Sarrasins ne s'en porteront pas plus mal, car
le roi de France ne donne pas suite à son projet. P. 118 et 3S7.
et de Pouitle pour se rencontrer avec le roi de Fïanoe ; et nu autre
manuscrit ajoute le rot de Majorque.
1. En novembre 1339, Philippe de Valois fît dan à son amë et f^l
conseiller Charlea Grimaldi, chevalier, de 1000 livrei tournois de
rente annuelle el perpëtuelle sur la claverie (douane) d'Aigues-Hortes.
(Arch. de l'Empire, JJ 74, p. 70,f>'41.)
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS i^^-SS. cutxxiii
A la demande de Phili[^ de Valois, Louis Y de Bavière, mari
de Marguerite de Hainaut et empereur de Rome malgré les Ro-
mains, accorde aux croisés le voyage siu* son territoire jusqu'en
II<»tgne, en promettant de les fournir de vivres pendant c*
voyage.
13S8> Froissart raconte à ce propos l'eTpédition de Louis de
Ravière en Italie et soa couronnement à Rome, mais il place i
tort ces événements sous le pontificat de Renolt XII, tandis qu'ils
eurent lieu sous celui de Jean XXII. Louis de Bavière, que ce der-
uio'pape refuse de reconnattre, traverse la Lombardie à la tête d'une
puissante armée et vient à Milan dont il donne te gouvernement à
ï'arcbevSque moyennant un tribut annuel; puis il se rend à Rome
où il fait avec la couniveuce des RoD.ains douze cardinaux et
un pape qui le courcMine empereur. Au moment où il vient de
quitter R(»ne, les Allemands qui servent sous ses ordres, et aux-
quels il n'a point donné de solde, restent un peu en arrière et
■e payent eux-mêmes en livrant au pillage la ville étemelle. Quand
Us se sont gorgés de dépouilles, d'or, d'argent et de joyaux,
ils vont rejoindre Louis de Bavière qui les attend à Viterbe.
Après un tel guet-apens, l'amour des Romains pour l'Empereur
fait place à la haine ; et le pape et les cardinaux créés par Loois
se soumettent au pape d'Avignon. P. 3S5 et 3ft6.
CHAPITRE XTn.
1337. tDOVAMB in nrvoiB dks ambassàdidbs sux lb cosTDfBirr
CHAKGËS I>B VÉCOCIEt UICB 1I.LI1HCB COHTXB lA rUKCB AVSO
LB COMTE DB BAINAUT, LB DUC DB BBABAHT BT LIS IBICIIBUU
DBS MAscHBS u'allemaonb (§§ S6 à 98).
Première rédaction. — Robert d'Artob redouble d'efforts pour
décider Edouard 111 à revendiquer le trdne de France. Le roi
d'Angleterre prendrait volontiers ce parti , mais il est retenu par
la crainte d'encourir le blSme en faisant valoir ses prétentions,
sans être prêt à les appuyer par la force cies armes ; or il ne
s'estime pas assez fort pour engager seul la lutte contre le grand
royaume de France : il éprouve le besoin de s'assurer aupara-
vant, à prix d'or, l'alliance de seigneurs puiss.tnts en l'Empire
;vGoo»^lc
CHRONIQUES DE J. FROISSART.
et ailleurs. Il consulte son cons^ sans le concours duquel il ne
veut rien entreprendre. P. 119.
L'opinion du conseil est qu'on envoie des ambassadeurs sur le
continent demander l'avis du comte de Hainaut et de Jean de
Hainaut son frère, qui doivent inspirer pleine confiance et sont
plus en mesure que tous autres d'indiquer les seigneurs dont
il convient de rechercher l'alliance. P. 120.
Edouard III charge de cette mission l'évdque de Lincoln et lui
adjoint deux chevaliers bamierets et deux clercs en droit. Les
envoyés anglais débarquent à Dunkerque, traversent la Flandre
et arrivent à Talencieones où ils sont comblés de fiâtes et d'hon-
neurs par Guillaume, comte de Hainaut, et par Jean son birt.
Le comte de Hainaut souffre tellement de la goutte et de la gn-
yelle qu'il garde le lit sans pouvoir faire aucun mouvement. Les
ambassadeurs anglais exposent l'objet de leur mission. P. ISO
et 121.
Après avoir donné des éloges à la prudence du roi d'Angle-
terre, le comte de Hainaut déclare qu'il a plus à cceur le succès
d'Edouard III, sou gendre, que celui de Philippe de Valois, son
beau-firère. Ce dernier a mis obstacle au mariage de l'une des filles
du comte, nommée Isabelle, avec le jeune duc de Brabant à qui
il a fait épouser sa propre fille*. Guillaume de Hainaut ajoute que
son gendre peut compter entièrement sur son aide ainsi que
sur celle de Jean son frère, mais Hainaut est un bien petit pays
en comparaison du royaume de France , et l'Angleterre eri bien
loin pour défendre un albé. L'évëque de Lincoln prie alors GoD-
laume de Hainaut d'indiquer tes seigneurs dont il convient de
rechercher l'alliance. Le comte nomme le duc de Brabant, l'évfe-
que de Liège, le duc de Gueldre, l'archevique de Co1<^ne, le
marquis de Juliers, Amoul de Blankenheim et le seigneur de
Fauquemont. Ce sont seigneurs très-belliqueux, qui peaventbieD
mettre sur pied huit ou dii mille armures de fer, pourvu qa'oa
les paye à proportion, car ils vendent volontiers leurs services.
Si jamais le roi d'Angleterre parvient à acheter l'alliaDce de
ces seigneurs, il pourra bien aller au delà de l'Oise offîir la ba-
Uille k Philippe de Valois. P. 121 à 123.
Igi ambassadeurs anglais retournent dans leur pays et re-
1. Marie, fille de Philippe de Valois et de Jeanne de Bourgogne,
mariée i Jean de Bnbant. duc de Limbou^.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS ^^'^8- cuzxr
riament à lx>ndres où ik rapportent à leur souverain les conseils
da comte de Hainaut et àe Jean de Hainant. Edouard HI reçoit
ces conseils avec déférence et se promet bien d'en Taire son
proGt. P. 1S3.
Pendant ce temps, on apprend en France que le roi anglais
se dispose à réclamer ses droits à la couronne. A cette nouvelle,
Hiilîppe de Valois sa^»end les préparatifs de la croisade qu'il a
entreprise ; il contremande les oGGciers et les approvisionnements
jusqu'à ce qu'il sache sur quel pied le roi d'Angleterre vent
danser*. P. 123.
Edouard m, de son cfité, renvoie à Valenciennes l'évSqne
de Lincoln en compagnie de dix chevaliers bannerets et de qua-
rante chevaliers jeunes bacheliers pour traiter avec les seigneurs
de l'Empire indiqués par le comte de Hainant et pour faire tùOt
ce que Goillanme et Jean de Hainaut conseilleront. Plusieurs des
bacheliers, qui font partie de cette ambassade, ont un oeil recou-
vert d'un morceau d'étoffe, ce qui les empêche de voir de cet tà\.
On dit qu'ils ont juré aux dames de leor pays qu'ils ne verront
jamais que d'un œil, tant qu'ils n'auront pas accompli en France
certaines prouesses d<Hit ils refusent de s'ouvrir à ceux qui les
intem^ent. P. 124.
Ces ambassadeurs vont d'abord, d'après le conseil du comte
de Hainaut, trouver le duc de Brabant. Celui-ci promet de sou-
tenir dans son pays le roi ainsi que les gens d'armes d'Angle-
terre et de leur livrer passage ; il promet même, moyennant une
certaine somme de florins, que si Edouard III, son cousin ger-
l . Lei hcMtilit^i iourde* eommeDcirent entre le roi de Fnnee et le
roi d'Angleterre dis le mou de juin 1337. (V. de Campa, portef. 83|
f 190.) P»r nn nundemeot en date da 24 août 1337, Philippe de
Valoii enjoint à Gà'ard de Picquigny, à Bernard de Horeuil et i Re-
naud d'Anbigny de conroquer fei gens d'armei de l'Amiàiois dan* la
![■' '""■"" de la Nativité pour repouuer les ennemis qui înqaiitent les
nintière* sons avoir déclaré la gaerre (de Camps, porte)*. 83, P 156). Par
acte donn^ à Giiors le 7 mai 1337, Philippe de Viloit décide que ions
les boni^eois, marchands on non nurcfaands domicilia en la TÎIIe et
le* lâubourgi de Parii, t nom feront en ceste présente ann^, en noKre
hott qne nons entendons à avoir à l'ajde de Dieu, ajde de quatre cens
hommes de cheval par l'espace de six mois, se nous alons ou dit Iiost en
nonre propre personne, ou par t'espace de quatre mois, se nons n'y
aloDS et la guerre ettoit, ■ laqaelle aide cesserait < se il avenoit par
■ventnre que il convenist que le commun des gens de la dicte ville bUm
ou dit host par manière de arrère ban ou autrement. > Arch. de l'Em-
pire, JJ 70, p. 371, f>> 179.
;vGoo»^lc
cunxn CHRONIQUES DE J. FROISSAHT.
main, a soin de dëSer en bonne forme le roi de France et par-
vient à acquérir l'alliance des seigneurs d'Allemagne ci-dessus
nommes, il défiera lui aussi Philippe de Valois et marchera sous
la bannière d'Angleterre à la tfite de mille armures de fer. Cette
promesse fiit bien mal tenue, comme on le verra ci-après. P. 125.
Les envoyés anglais reviennent à Vatenciennes où l'or et l'ar-
gent du roi d'Angleterre attirent le duc de Gneldre, beau-frère
d'Edouard m, le marquis de Juliers, qui vient tant en son nom
qu'au nom de son frère Valerand, archevêque de Cologne, enCa
le seigneur de Fanquemont. Ces seigneurs, gagnés par l'appât de
grosses sommes de florins promises à eus et k leurs gens, s'en-
gagent à se joindre au roi d'Angleterre pour défier le roi de
France et à servir leur allié à la tite d'un certain nombre de
gens d'armes à heaumes couronnés. On parlait alors de heaumes
couronnés; et les seigneurs ne tenaient nul compte des gens
d'armes, s'ils n'étaient à heaumes et à timbres couronoés. Au-
jourd'hui, on a changé tout cela; et l'on ne parle que de lances,
de glaives et de Jacques. P. 12S et 126.
Les envoyés anglais essayent de gagner Adolphe [de la Harck] ,
évfique de liége, mais toutes leurs démarches restent in£ruc-
tueuses. Cet ëvëque ne veut rien entendre ni rien entreprendre
coqQ% le roi de France dont il est devenu l'homme lige et k
qui if a prèl^ serment de foi et hommage. Aucune tentative n'est
faite auprès du rù de BohSme que le mariage de Bonne, sa fille,
avec Jean, duc de Normandie, attache par un lien si étroit au
parti dn roi de France. P. 126.
Seconde rédactioa. — Edouard III réunit à Londres on grand
parlement; Robert d'Artras y expose les droits du rcn d'Angle-
terre à la Couronne de France. P. 3^9.
L'opinion du parlement est qu'avant de prendre une résolu-
tion définitive il importe de sonder les dispositions et de savtMr
l'avis dn comte de Hainaut, de Jean de Hainaut, du duc de Bra-
bant et du comte de Gneldre. En conséquence, Edouard III députe
vers ces princes les seigneurs de Beauchamp, de Percy, de Staf-
ford et de Cobham. P. 360 et 361.
Arrivés à l'Écluse en Flandre, les envoyés du roi d'Angleterre
se dirigent d'abord vers le Hainaut et viennent à Valenciennes
où ils se logent sur le marché, chacun dans im tiAtel différent.
Us se rendent ensuite à ia Salle, résidence du comte de Hainaut
auquel ils soumettent l'objet de leur mission. P. 361 et 362.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS ^^^- «^xxsm
Le comte de Hainaut promet sod alliance aux ambassadeur»
d'Angleterre et leur conseille d'acquérir à tout prix celle du duc
de Brabast, du ctMUte de Gueldre , du pays de Flaiidre et de
Louis de Bavière, empereur d'Allemagne. P. 367.
Cest que les messagers d'Edouard III arrivent dans un mo-
ment où le comte de Hainaut a plusieurs raisons d'être fort mal
di^Msë envers le roi de France. D'abord, celui-^i a empêché le
mariage d'Isabelle, fille du comte, avec le fils atuë du duc de
Rrabant auquel il a fait épouser sa propre GUe. Puis, ayant ap-
|xis que Guillaume de Hainaut vient d'acheter le château de
Crèvecceur sur la firtmtière du Gunbrésis et du Hainaut ainsi que
le château d'Arleui en PaUuet aux confins du pays de Douai et
de l'Ostrevaut, Philippe de Valob a fait rompre le marché et au
moyen d'une surenchère a acheté pour son propre compte ces
deux châteaux qu'il a donnés au duc de Normandie, son fils'.
Depuis lors, le comte de Hainaut ne cherche qu'une occasion de
se venger de ces mauvais procédés. P. 36S et 366.
Après avoir passé six jours à Valencîennes, les envoyés an-
glais vont i Leeuw trouver le duc de Brabant, cousin germain
d'Edouard ni, qui se reconnaît tenu par les obligations de la
parenté de faire tout ce que voudra le roi d'Angleterre. A la
suite d'un v(^age dans le comté de Gueldre, les ambassadeurs
d'Angleterre tJÂiemient le même engagement du souveiain de
ce comté. Us retournent alors auprès d'Edouard III auquel ils
rendent compte du résultat de leur mission. P. 368.
Sur ces entretaites, Philippe de Talob est inf<»^ des préten-
tions et des menées du roi d'Angleterre. Il s'en préoccupe assez
peu , car il n'estimait guère alors les Anglais et leur puissance.
Toutefois, il renonce à ses projets de croisade; et après dispense
et même sur l'ordre exprès du saint-père, les préparatifs faits à
Marseille, à Aigues-Mortes, à NariKHine, et à Lattes reçoivent une
autre destination. P. 368.
Le roi d'Angleterre, d'après l'avis de se» conseillers, dép6cbe
1. Un échange fut fait i Parii, en aoât 1337 « j>oar U^ro&t Jt Jehan
dt Franc», Jut Je NomumAe, du chutei et de la ohaMeUeme Je Channy-
lUT-Oite appartenant an roj de France contre la ehatiiaut dt Criera-
cutr et d» AÎUvt cl ht chatteUenit dm Cambrai arecqua Iturt apparltaanett
appanenant à noitre chère et feaie cousine Beatrix de Saint-Pol, dame
;vGoo»^lc
CLZxzTm CHRONIQUES DE J. FROISSAAT.
▼ers Louis de Barière, empereur d'Allemagne, l'évSque de lin-
coln, Hichard de Staffi»^, les seigneurs de In Ware et de Hulton.
Ces envoyés s'embarquent au havre de la Tamise à Londres, dé-
barquent à Dordrecht en Hollande, où ils se reposent deux jours,
et se rendent k Coblenz au[His de l'empereur et de Marguerite
de Hainant, impératrice d'Allemagne. P. 369 et 370.
Louis de Bavière, qui n'aime pas le roi de France, promet
son alliance aux messagers d'Edouard III et les charge d'in-
viter leur niattre à le venir voir en Allemagne. Le marquis des
Meissen et d'Osterland, le marquis de Brandebourg, les ardie-
vèques de Majence et de Cologne, font les mSmes promesses
qui sont rapportées au roi d'Angleterre par ses ambassadeurs.
P. 369.
Le comte Louis de Flandre se tient alors à Gand. Le roi de
France lui recommande instamment de se Taire aimer des Fla-
mands, ce à quoi le comte fait ce qu'il peut, et de bien garder
les côtes de Flandre à l' encontre des Anglais. Ce Louis de Flan-
dre est bon et loyal Françab'. H aime beaucoup, et pour de
bonnes raïscms, le roi Philippe de Valois qui l'a réintégré les
armes à la main dans le comté de Flandre, après avoir battu les
Flamands à Cassel. P. 309.
Le roi d'Angleterre aj^rend que le comte de Flandre arme des
pirates et ëcumeurs de mer qui înTestent les cAtes de son royaume
et s'emparent des navires isolés qu'ils rencontrent ; il fait donner
la chasse à ces écumeurs. De plus, Edouard III défend d'exporter
des laines anglaises en Flandre, afin que les Flamands ne pois-
sent fabriquer de drap faute de matière première. Cette défense
ruine les Flamands qui vivent de l'industrie du tissage : ils émi-
grent en Hainant, en Artois et en Cambrésb et sont réduits à la
mendicité. Le roi d'Angleterre leur fait savoir qu'il ne leur ren-
dra leur gagne-pain que s'ils consentent à entrer dans son al-
liance. II y a des Flamands qui sont favorables à cette alliance,
car leur pays a plus d'avantages à en retirer que de celle de la
1 . Un traita d'alliance oFTeoiive et défensÏTe fat conclu m l'ibbaye
du Honcel Icx Pont Saint e-Maxence, le 16 août 1337 entre Philippe de
Valois et Louis, comte de Flandre, de Neien et de Rétliel, « coniide-
rani la bonne tonleoté ou'il (le comte de Flandre) a nou* «erriT en
noitre preumie guerre qui eit en apparent encontre le roy d'Enf^eterre,
le Bavaire (l'empereur Louis de BaTière), leurs complices et leurs adfae-
reni. > Arch. de l'Empire, JJ 70, p. 337 et p. 307.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, SS B6-S8. clizxix
France. Mais le comte de Flandre s'oppose à toutes les proposa
tioDS qui sont &ites dans l'inlérËt général, en tant qu'elles sont
contraires à la Conronne de France. P. 370.
Les deus rois ne se sont encore adressé aucun défi ; il n'y a
que des bruits et des soupçons de guerre. Le roi d'Angleterre,
comte de Ponthieu de par sa mère et grand feudataire en Gas-
cogne et en Normandie, hésite, malgré les excitations de
Robert d'Artois, à renvoyer son hommage et k défier le roi de
Rance. P. 370 et 371.
A l'instigation du roi de Bohême, du doc de Lorraine, des
comtes de Bar et de Namnr, de Jeanne de Valois, comtesse de
Hainant, de la comtesse de Soissons, femme de Jean de Hainaut,
de la dame de Varenne' sœur du comte de Bar, mariée en An-
gleterre au comte de Pembroke, qui craignent de voir éclater la
guerre entre leurs parents des deux pays, le pape d'Avignon
Benoît XII envoie deux cardinaux à Paris en leur donnant mis-
non de s'entremettre pour le maintien de la paix entre les rois
de France et d'Angleterre. Grice aux démarches et sur les pres-
santes instances de ces légats, il est convenu qu'im certain nom-
t^e d'ambassadeurs, tant d'un pays que de l'autre, se réuniront
à Valencieunes avec pleins pouvoirs de régler, après avoir pris
l'avis du comte de Haînaut , les différends des deux rois
P. 371.
Les évèques de lincolo et de purham se rendent à Valen-
cieunes, de la part du roi d'Angleterre, en compagnie de dix
chevaliers bannerets et de dix simples chevaliers. Le comte de
Hainaut fait Guillaume son fils chevalier, à la Salle, en présence
de ces seigneurs; grandes fêtes et joutes à cette occasion. Le
fils du comte se marie bientôt après à Jeanne, Aile aînée du duc
Jean de Brabant. P. 371 et 372.
Cependant, on attend en vun les délégués que Philippe de
Valois a promis d'envoyer à Valencieunes. Le comte de Hainaut,
à la prière des ambassadeurs anglais, charge la comtesse sa
femme et Jean de Hainaut son frère de se rendre auprès du roi
de France pour lui rappeler sa promesse et le prier de la mettre
à exécution. Philippe de Valois déclare à la comtesse de Hainaut
1 . Jeanne , mariée à Jean de Varenne , comte de Siumx, kbut d'E-
âowd 1*, comte de Bar, mon duu l'Ue de Chypre i Famagoaite
en 1337.
;vGoo»^lc
exe CHRONIQUES DE J. FROISSAAT.
sa sœur et au seigneur de Beaumont qu'après avoir consulte à
plusieurs reprises les conseillers en qni il a le plus de confiance,
il est décide, toute réflexion faite, à n'envoyer personne à Valen-
ciennes et à ne point entrer en pourparlers avec les Anglais. En
consentant à se faire représenter dans une d^iférence où devrait
être débattue la question en litige, il donnerait lieu de supposer
qu'il ne considère pas les prétentions de son adversaire comme
dépourvues de fondement. Cette réponse est transmise aux en-
voyés du roi d'Angleterre qui prient alors le comte de Hainaut
de mander à Valenciennes, tant en son nom qu'au leur, les sei-
gneurs de l'Empire dont il importe de se ménager î'al&ance.
P. 373 et 374.
Les comtes de Gueldre et de Mons, les marquis de Juliers et
de Brandebourg , l'archevêque de Cologne, les seigneurs de
Fauquentont, de Duvenvoorde et de Blankenheim, le seigneur
de Cuyk de la part du duc de Brabant se rendent à l'invitation
qui leur est adressée et viennent i Valenciennes où ils restent
trois semaines. Les princes et seigneurs d'Allemagne exprioaent
le vœu qu'Edouard III passe la mer et débarque à Anvers, afin
qu'ils puissent le voir et s'entendre avec lui. P. 377.
Troisième rédaction. — Robert d'Artois ne cesse d'exhorter
Edouard III à revendiquer le trAne de France. Le roi d'Angle-
terre a trois avantages qui doivent assurer le succès de cette re-
vendication. D'abord, il a de bonnes finances ; puis, son peuple
est remuant et belliqueux. Enfin, il trouvera sur le continent des
alliés prêts à te seconder, car les Allemands ne désirent rien
tant que d'avoir un prétexte de guerroyer contre la France,
pour abattre le grand orgueil de ce pays et se partager ses ri-
chesses. Bientât même Robert d'Artois parvient à déterminer
dans ce sens un mouvement de l' opinion populaire. P. 357
à 3S9.
Edonard III convoque un parlement solennel au palais de
Westminster. La plus grande salle de ce palais est remplie de
prélats, de nobles et de conseillers des bonnes villes. On fait as-
seoir les assistants sur des escabeaux, afin qu'ils puissent voir
plus à l'aise le roi qui siège sur son trône avec les vêtements
royaux, la couronne sur la tête et le sceptre en main. Deux de-
grés plus bas se tiennent les prélats, comtes et barons, et encore
un degré au-dessous plus de six cents chevaliers. Sur ce dernier
rang siègent aussi les représentants des cinq ports, des cités et
;vGoo»^lc
SOHUAIRE DU PREMIER LIVUE, SS ^^^- <^^'^
bonnes villes d'Angleterre. Un clerc, licencié en droit canon et
civil, qui sait le tatio, le lançais et l'anglais, prononce en an-
glais, pour être mieui compris de tout le monde, un discours
dont la teneur a été concertée À l'avance entre loi, le roi d'An-
gleterre et Robert d'Artois. Henri de Lancastre, charge de ré-
pondre an nom du parlement, conseille d'envoyer des ambassa-
deurs sur le continent pour demander l'avis du comte de Haioaut
et de Jean de Hainaut. Le parlement se réunira de nouveau au
retour de ces ambassadeurs et prendra une décision d'après la
réponse qu'Us transmettront. P. 359 et 360.
L'évëque de Lincoln, l'évèque élu d'Oxford, docteur en droit
canon et civil, maître Robert Weston, Renaud de Cobfaam et
Richard de Stafford sont chargés de cette amba&sade. P. 361.
Ces ambassadeurs s'embarquent à Douvres et abordait k Wis-
sant; ils se rendent de là à Valenciennes, en passant par Al-
quiues, Tbérouanne, Aire, Béthune, Lens et Douai. Arrivés à
Valendennes, ils se logent dans trois hfttek situés sur te Marché,
au Cygne, à la Bourse et à la Qef. Ils vont à l'bStel de Hollande
rendre visite au comte de Haioaut, alors abté et très-souffi'ant
de la goutte. L'évëque de Lincoln expose au comte an nom de
ses collègues l'objet de leur mission. Le comte de Haioaut, après
avoir entendu l'évëque de Lincoln, frappe de la main sur la poignée
de son fauteuil, réfléchit uo moment et finit par demander aux
envoyés du roi d'Angleterre trois ou quatre jours pour leur
répondre. Ces quatre jours se passent en fêtes, dîners et ré-
ceptions. Le cinquième jour, Guillaume de Hainaut déclare aux
messagers d'Edouard UI que le bon droit est du cAté de leur
maître pour le succès duquel il fait des vœux, qu'il est prêt à
aider son gendre et à lui prêter main forte en toutes choses, mais
qn' avant de rien entreprendre il convient de s'assurer l'alliance
du duc de Brabant, du comte de Gueidre, du marquis de Juliers
et en général des princes d'Allemagne. Les ambassadeurs angbis,
dont on croit que le voyage à Valenciennes n'a pas d'autre cause
que la maladie du comte, retournent en Angleterre et rapportent
à Edouard IH la réponse de Guillaume de Hainaut, son beau-
père. P. 364 et 36S.
L'année même que cette ambassade vint à Valeocienoes , les
terres de Crèvecœur en Cambrésis et d'Arleux en Palluel, sur la
rivière de la Sensée, avaient été mises en vente. Le comte de
Haioaut était en marché pour les acheter et les deniers pour les
;vGoo»^lc
cxcit CHRONIQUES DE J. FROISSART.
payer étaieot toot pr&ts, lorsque Jeaa, duc de Noniundie et dau-
phin de Viennob, intervint par ordre du roi son père pour faire
casser ce marché et acheta les dites terres. Le comte de Haiaaut
gardait de cette afTaire uue sourde rancune contre Philippe de
Valois, lorsqu'il reçut la visite des envoyés ang;lais. AAssi, loin de
chercher à les calmer, il les avait plutôt excités, et quelques-uns
voient dans cette attitude de Guillaume de Hainaut la cause prin-
cipale de la guerre qui éclata entre la France et l'Angleterre ;
mais il y a des événements qui doivent arriver fatalement et qu'iHi
ne saurait empêcher. P. 366 et 367.
Edouard III envoie sur le continent une seconde ambassade
composée des évSques de Lincoln et de Durham , des comtes de
Salisbury, d'Arundel, de Northampton et de Warvick , de Re-
naud de Cobham , de Richard de Stafibrd et des seigneurs de
Felton et de Sulli. Cette ambassade, qui a pour mission de traiter
avec le duc de Brabant et les princes d'Allemagne, emporte avec
elle cent mille Dorins, car on connaît la cupidité excessive des
Allemands qui ne font rien que pour de l'argent. Les envoyés
anglais, après avoir relâché à Gravesend, débarquent à Dordrecht
et se reodent à Valenciennes. Ils tiennent dans cette ville si grand
état qu'on dirait que l'argent leur tombe des nues, et ils achètent
toutes choses le prix qu'on leur fait. Afin de prévenir les abus,
les échevins de Valenciennes établissent une taie et un tarif rai-
sonnable pour la vente de tous les objets, ce dont les Anglais sont
très-reconnaissants. L'évgque de Lincoln est logé aux Jacobins,
et l'évèque de Durham aux frères Mineurs. D'après le conseil du
comte de Hainaut , les messagers d'Edouard III se rendent à
Louvain auprès du duc Jean de Brabant qui leur fait bon ac-
cueil, parce qu'ils viennent de la part du roi d'Angleterre son
cousin germain, et aussi parce qu'il est alors en démêlés avec le
roi de France. Le duc s'engage à recevoir l'armée anglaise dans
son pays, et si Edouard III passe la mer en personne, à le servir
à la tète de mille heaumes couronnés, moyetmant une certame
somme de florins pour lui et pour ses gens. P. 374 à 376.
Gagnés aussi par l'argent d'Angleterre , les seigneurs alle-
mands dessus nonunés'et plusieurs chevaliers des bords du Rhin
fort grosders viennent à Valenciennes; et là, en présence du
comte et de Jean de Hainaut, ils s'engagent & défier le roi de
1. Voyez plu* baut, p. oxc.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PfiEUIER UVBE, § 88. otciit
FVance de concert avec Edouard III et à servir le roi anglais
avec un certain nombre de heaumes couronnés, car alors il n'é-
tait pas encore question de lances ni de bassinets , on ne parlait
que de heaumes. Aucunes démarches ne sont tentées auprès du
roi de Bohème ; et celles qui sont faites auprès de l'évSque de
Liège échouent. Le roi de France est informé de ces menées
d'Edouard III , maïs il n'en tiendrait nul compte si elles ne le
forçaient à différer sa croisade. Philippe de Valois montre sur-
tout de l'irritatian contre le comte de Uainaut et il dit : « Mon
frère de Hainaut est en marché pour taire mettre s<hi pays à feu
et à sang ! i P. 377.
CHAPITRE XVra.
1337 à 1339. ouss» bx Gascogne bnthr lcs rsANçAis et les àn-
BLUg, BliGB BT raiSB I>B UINT-HAGIIBB, DB CITBAG BT DB BLAVC
p» LBs «KGLAis. (Fin du s 58.)
Seconde rédaction. — A une cour plénière tenue par le roi d'An-
gleterre h Westminster le 13 avril 1338, le [lundlj de Pâques, on
voit arriver un héraut anglais nommé Carlisle; ce nom a été
donné à celui qui le porte par Edouard 111 pendant les guerres
d'Ecosse.. Carlisle est absent d'Angleterre depuis cinq ans qu'il
a passés à parcourir le monde; il est allé en Prusse, en Iffland,
au Saint-Sépulcre, et il est revenu par tes États Barbaresques et
par l'Espagne ; le roi de ce dernier pays lui a remis une lettre
pour Edouard III. De là, il s'est rendu en Navarre et en Gasco-
gne, et il vient de trouver les seigneurs de ces provinces en
grande guerre les uns contre les autres. P. 377 et 378.
Au nombredes seigneurs du parti français figurent Jean I, comte
d'Armagnac, Gaston II comte de Fotx, Jean comte de Com-
minges , Jean comte de Clermont dauphin d'Auvergne , Ai-
meri VU [vicomte] de Narbonne, [Pierre de la Palu] sénéchal de
Toulouse, [Pierre Flotte] dit Flotton de Revel, les seigneurs de
Toumon ', de Baiz et de Chalançon*. Les Français assiègent à la
1. Loni* et Hngue* de Toomon lerrirent eu Gaicogne de 1338 à
1340; mail il s'>git ■"» doute ici de Gillei, tire de Toumon. De
Cwnps, porteF, 83, P> 32(i t".
S. U est San* doute question ici d'A;r>iiar de Poitiers, cinquième fil*
d'AjDUtr IV du nom, comte de Valentinoîi, et de Sibille de Baux. kj.
;vGoo»^lc
cxctT CHRONIQUES DE ). FROISSART.
fois Penne * et Blaye. Ils menacent Bardeaux et se sont raidus
maîtres du cours de la Gironde. En présence de forces supâneu*
Tes, les seigneurs du parti anglais renoncent à tenir la campagne
et sont réduits à s'enfermer dans les forteresses. Ces sei-
gneurs, notamment ceux de Bordeaux, ont remis des lettresà Car-
liste etl'ont chargé de demander du secours au roi d'Angleterre.
Le bérant s'est embarqué à Bajonne, ville anglaise ; et , après
une traversée de cinq jours et quatre rniits, il est arrivé à Sou-
thampton d'où il est venu en un jour et demi à Londres. P. 378
et 379.
Edouard III prend connaissance des lettres apportées par Cai^
lisle ; il apprend par ces lettres que ses affaires vont mal en Gas-
cogne et il invite le héraut à fournir de vive voix de plus
amples détails. Carlisle répond que le seigneur de Nûyelles, Poite-
vin, ayant été reconnu par jugement du Parlement de Paris créan-
der du roi d'Angleterre pour une sooune de trente mille écus
hypothéqués sur la ville et chStellenie de Condom , commisdon
générale a été donnée de percevoir les revenus des terres anglai-
ses en Gascogne jusqu'à concurrence de cette somme, et un pro-
cureur du roi nommé maître Raymond Foucàut* a été chargé de
mettre à exécuticoi la sentence du Parlement. Mais Raymond
mar, nommé auiti parfoi* Amé ou Aymiret, poru d'abord le titre de
■eignenr de Cfaalaii(aii , puii celui de seigneur de Vejne. D'un aalte
oAtt!, Jean Eynard, seigneur de Chalançon, est mentionne comme ser
vaut en Guyenne dans le parti anglais , le 1" juillet 1337. Voyez Ry-
mer, Fadtra^ t. II, pan II, p. 981.
I . Penne, Lot-et-Garonne, arrondiuemenc de Villeoeuve-tni^Lot, sur
la rive gauche du Lot, Par acte date de la Penne en Agenais le l" avril
1339 confirmé en mai de la m^me année, le Galoîs de la Banme, maî-
tre dea arbalétriers, capitaine et gouverneur es parties de Gascogne,
donne au comte de Foix, pour le récompenser et le dédommager des
frais et dépenses de la présente guerre, notamment ta la pr'ut Je la vitte
et château d» la Penne,]» ville et château de Sorde (Landes, atr, Dax,
canton Peyrehorade) sur la frontière de ta terre de Béam. (Arch. de
l'Empire, JJ 71, p. 238.)
3. Par acte donné à la Penne d'Agenaii(anj, Penne) le 3 janvier 1339
SI. st.), Gaston, comte de Foix, vicomte de Bâu-n, délivre des lettres
e quittance générale à Raymond Foocaul, jadis procureur du roi en la
sénéchaussée de Carcassonne et de Béliers, qui est an service royal de-
puis environ quarante an>, et qui, après avoir exercé le dit office de
frocnreur pendant vingt-deux ans, est trop brisé par la fatigue et par
fige pour continiiuer de le remplir. Ces lettres de quittance furent con-
finnée* à Melun-sur-Seine le 27 avril 1339 et an bois de Vincennes, en
décembre de la mSme année. (Arch. de l'Empire, JJ 73, p. 73, f" iï-)
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $ S8. cxcv
Foucaut s'^tant présenta en compagnie du seigneur de NoyelUs
à Condoni , le châtelain de cette ville a assena au procureur un
tel coup de bâton qu'il lui a fracassé la tète, et il a mis en pri-
son le seigneur de NajreUes. A la suite de cet incident, le roi de
France a frappé de confiscation toutes les possessions anglaises
du continent. Les Français ont déjà pris Priu^re, Sainte-Bazeille*,
Saint-Hacaire*; et au moment du départ de Carlide, ils assié-
geaient Penne et Blaye. P. 379 et 380.
1336. Robert d'Artois est mis à k tête de l'expédition qui doit
se rendre en France pour porter secours aux Gascons du parti
anglais. Les principaux seigneurs qni font partie de cette expé-
dition, sont avec Robert d'Artois les comtes de Huntingdon, de
Suffolk et de Cornouailles , Thomas d'Agworth, Thomas de Hol-
land, Richard de Pembridge, lÉdouard Spenser, le seigneur de
Ferrers, beau-frère de Spenser, les seigneurs de Hilton, de Bra-
deston et de ^lUonglib;, Les Anglais, au nombre de cinq cents
armures de fer et de trois mille ardiers, s'embarquent à Sou-
thampton et arrivent à Bordeaox où ils sont accudllis avec joie
par les habitants de la ville et par les deux frères Jean et Baie
de Pommiers. P. 380 et 381.
Après avoir passé trois jours à Bardeaux, Robert d'Artois en-
treprend de forcer les Français à lever le siège de Penne, et il se
dirige vers ce chÂteau à la tète de huit cents hommes d'armes,
de trois mille archers à cheval et de quatre mille fantassns;
le comte de Sufiblk est maréchal de son armée. P. 381.
A la nouvelle de l'arrivée prochaine des Anglais et des Gas-
tx/oi, Gaston 11, comte de Foix, Arnaud d'Euze, [vicomte] de
Caraman, Roger Bernard, comte de Périgord, Jean de Lévis, ma-
1. Suute-Bueille, Lot^t-OaroDDe, arrondiuenieDt et ctDton de Uar-
miude, (ur la rive droite de la GaroDne. SaiDle-Baieille »t suitout cé-
lèbre par le *iége qne la garnison anglo^gascoone qui occupait ce chS-
ttaa «ontint contre Jean de Marigny , ^Têqiie de BeauTaù, lieutenant du
roi de FVance es parties de langue d'oc et de Saintonge. Ce siése in^
morable dura an moins depoii le 30 aoât 1343 (Arch. de rEAipire,
JJ 11*, p. U3) jutqo'au 14 décembre de la m^me année (JJ 74, p. 135).
3. Sâint'Macaire, Gironde, arrondissement de la Rtole, sur la rive
droite de la Garonne. Par une lettre datée du 30 mars 1337, Edouard
remercie les babitanu de Saint-Macoire de leur fidélité et lea félicite du
cotnmRe qu'ils déploient dans la défense de leur ville contre les Fran-
{■î*. ftjmer, fadtm, t. II, pars 2, p. 963. Autre lettre d'Edouard III
au cbttelain et aux jurés de Saint-lHacair« , datée du 35 juin 1337-
RTmer, p. 976.
;vGoo»^lc
CMTi CHRONIQUES DE J. FROISSÂRT,
réchal de Mirepoix, le comte de Quercy, [Kerre Flotte] dit Flot-
ton de Revel et les autres seigneurs français , qui assiègent le
diAteau de Penne , réfléchissent qu'ils se soDt trop éloignes de
Blaye où se tient le gros de leur armée dont ils sont séparés par
la Dordogne; et dans la crainte qu'on ne leur coupe la retraite,
ils se décident à lever le siège. Les Anglo- Gascons arrivent à
Penne un jour après le départ des Français. Après avoir fait re<
poser ses gens dans ce château pendant deux jours, Robert d' Ar-
tois va mettre le siège devant Saint-Macaire, un autre château
occupé par les Français. P. 381 et 382.
Prise de Saint-Macaire après une résistance énergique des as-
siégés qui sont tous passés au fil de l'épée, excepté les femmes,
les enfants et les vieillards. Deux chevaliers , tes seigneurs de
Ponpeesta'm et de ZedaUich} et six écuyers sont faits prisonniers.
P. 388.
Après la prise de Saint-Macaire, les Anglais assiègent .SeiiTacA*,
un château très-fort et défendu contre le gré des habitants par
une garnison de bidaux et de Génois sous les ordres d'un écujer
nommé Regot de Villars. Les asâégeants se font ravitailler de
Bordeaux, par terre et par eau. P. 383.
1. Une charte datée du 15 avril 1339 mentioDQe un iisajet nomm^
Je*n de Poni, leigncur de Saint-Aubin de Cadelech, de Lubertac et
to^eigtaur dt SadUloc (Dordogne, air. Bergerac, canton Ejmet}. Fait
prisonnier par lel Anglais en combattant poar le roi de France, ce
nalheareux éciiyer Tui réduit pour k raclieter à Tendre à Helie de la
Roche, aoui forme d'échange, les belle* •eignenrie* de Sadillac et de
Saint-Aubin dans le diocèse de Sarlat, limitée* par le Drot, la seigneurie
d'Eymet, la Gordonète, ia leigneurie de Pujguilhem, celle de Outil-
loonès et enfin celle de Roiniepine. (Arch. de l'Empire, JJ 73, p. 301).
Ce Jean de Pons, leignear de Sadillac, pourrait bien être le leigneiir de
Zedulach AeVroittan.
2. Probablement CiTrac-de-Dordoçne , Gironde, arrondissement de
Liboume, canton de Pujols, aur la rive gauche de la Dordogne. Le St^
iilack de Froiuart devait être situ^ sur mi des affluents de la Garonne,
puisque les assiégeant! purent se iàire raTitailler de Bordeaux par eau;
en outre, cette forteresse, après avair été prise par les Français sur les
Anglais, fut reprise par le» Anglais sur Ip» Françuis. Or, ces deux cir-
constances conviennent à la localité appelée tantôt Sieirac (Arch. de
l'Kmpire, JJ 73, p. 212), tantflt Sy^ome tur Dcardonat (JJ 72, p. 566),
i cause de sa situation sur la rive gauche de la Dordogne. Cette place
forte, après avoir él^ emportée d'assaut vers la fin de 1337 par le*
Français que commandait Aaoul, cumtr d'Eu, connétable de France,
retomba au pouvoir des Anglais à une date que l'on ne saurait préci-
ser, mai* certainement entre 1337 et IMO.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $ S8. cxcvii
Sur ces entrefaites, les habitants de Blaye, pressés par la fa-
mme, implorent le secours de leurs amis de Bordeaux ; et ceux-
ci à leur tour mandent à Robert d'Artois la dure extrémité où la
garnison de Blaye est réduite. Robert d'Artois répond en en^-
geant les Bordelais à venir eux-mSmes en aide à la ville assiégée :
pour lui, il travaille à reconquérir les forteresses enlevées aux
Anglais qu'il trouve sur son chemin ; aussitôt après la prise de
Sebllach, il ira délivrer les habitants de Blaye. Cest alors que les
Français, campéa devant cette place, s'avisent d'un stratagèmequî
leur en ouvre les portes. Une centaine de sonuniers, chargés de
provisions, sont amenés sur un tertre situé près de Blaye k por-
lée de la vue des assiégés , après que trois individus , qui se
donnent pour des marchands, sont venus annoncer à l'une des
portes l'arrivée d'un fort convoi de vivres expédié par les habi-
tants de Miramont, de Bordeaux, de Cognac et des autres forte-
resses du parti anglais. P. 383 et 384.
Les assiégés , qui sont accourus en très-grand nombre à la
rencontre du convoi annoncé, se disposent à rentrer dans la ville
en conduisant devant eux les sommiers, lorsqu'ils voient tout à
coup fondre sur eux deux mille ennemis placés non loin de là en
embuscade soos les ordres du comte dauphin d'Auvergne et du
maréchal de Mirepoix. En même temps, le conducteur des som-
miers renverse trois mulets tout chargés sous la porte, afin qu'on
ne puisse la fermer. P. 384.
Les habitants de Blaye' se défendent bravement, mais ils ne
peuvent résister aux forces supérieures des Français. Ils sont
presque tous tués ou faits prisonniers. Les plus heureux se jet-
lent dans des barques avec leurs femmes et leurs enfants et ils
se rendent avec la marée par la Gironde à Bordeaux.
La ville est livrée au pillage ; au moment où l'on va y mettre
le feu, les seigneurs français se décident à y tenir garnison ; ils
confient le commandement de cette garnison à Jean Fouquére et
à GuiUaume lyris*. Puis, ils partent de Blaye pour aller assié-
1. Par acte dat^ dn SO man 1337, Edouard III recommuide i Oli-
vier de Ingham, ion »ÉnéchÀl de Gaicogne, d'employer Ber«rd de
Uibret à la défeiue du chfiteau de Blaye, aanf à prendre toute* le*
meturet nëccttaire* pour mettre en sdreté les bicni du dit cheralicr.
Rymer, t. II, pan 3, p. 963.
3. Par acte d>t^ de Compiègne en septembre 1339, Philippe de
Valois donne à Jean de Melun, sire de Tancarritle, diambellao de
;vGoo»^lc
cxcnii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
ger SGramont, cfafttexu ùtué sur les bords de la Dourdoine*.
P. 383.
Les Anglais sont toujours devant Sebilach. Begot de Villars,
capitaine de ce château, est un brave êcuyer, bien né, avisé,
hardi et très-bon compagnon ; maia il aime trop le jeu de dés ;
et, quand il perd, il est mauvais joueur. A la suite d'une que-
relle de jeu, Begot tue un jour un des plus riches jeunes gens
de la ville nommé Simon Justin ; et Qément Justin, frère de la
victime, livre par vengeance le château de Sebilach aux Anglais.
Begot de Villars et tous les gens d'armes de la garnison sont pas-
sis au fil de Vëpée. Ce n'est pas le premier malhenr qui a été
amené par le jeu de dés, et ce ne sera pas le dernier. Maudit
soit ce jeu de dés : c'est chose pernicieuse de tout point. P. 386.
Après la prise de Sebilach , Robert d'Artois , qui veut à tout
prix reprendre Blaye aux Français, retourne à Bordeaux. Là il
fait appareiller ses navires qui dorment à l'ancre et les fait pour-
voir de toute artillerie; puis un soir il met à la voile et arrive
avec la marée, un peu après minuit, devant Blaye dont le flot de
la mer bat les murs haut et fort. La ville est bientôt prise malgré
la coorageuse défense de la garnison que les Français y ont lais-
sée. Les deux capitaines de cette garnison se retranchent dans
une église très-forte, située à l'une des extrémités de la ville
dont ils barricadent les portes et les fenêtres ; et là ils prolon-
gent encore leur résistance un jour et une uuit, et ils ne se ren-
dent qu'aiH^s avoir obtenu la vie sauve. P. 386 et 387.
Les Français, qui assiègent Miramont, se repentent de n'avoir
pas mis le feu à Blaye, lorsqu'ils apprennent que les Anglais ont
réussi à y rentrer. Robert d'Artois fait réparer les murs et re-
faire les fossés de Blaye ; il repeuple cette ville en y r^>pelant
les hommes, femmes et enfants qui en étaient partis et la r^net
en bon état. P. 387.
Normandie et & te* Grèrei^ ( depnû que noz gens prindrent par force
d'armes le clustel et la Tille de Blaire, a le dit château et la dite ville
aTcc toute la châtellenie qui appartient an dit Jean et à let frères de
droit hériuge, comme il a été dÂilaré t contre le roy d'Engleteire par
arreit de noBtre parlement. » (Arcb. de l'Empire, JJ 73, 1^ 15.) Les frè-
re* de Helun Tendirent Blaye à Renaud de Pons, seigneur de Ribérac.
1. Miramont ou Hiremont, selon l'orthographe Bncienne, canton de
Lauiun, arrondissement de Marmande, Lot etOaronne , sur la E>oiir-
doine, petit ruisseau qui se jette dans le Drot lequel est lui-même un
dei affluents de la Garonne, i droite de ce fleuve.
;vGoo»^lc
SOnHAIRE DU PREMIER UVftE, $ S9. cxcix
Fendant le séjour de Robert d'Artois à Blaye et le »ége de Mi-
ramont par les Français, les évêques de Saintes et d'Angoulèfne
s'entremettent avec tant de succès auprès des deux partis qu'ils
parviennent à décider les rois de France et d'Angleterre à con-
clure one trêve qui doit durer un peu plus d'une année. C'est
pourquoi les Français lèvent le siège de Hiramont, et Robert
d'Artois retourne en Angleterre. P. 387 et 3S8.
CHAPITRE nX.
1337 et 1338. bévolti nn fluiaitob coktbb letib cohr;
œrLnKsa de iacqubs d'irtbvbld (g S9).
Première rédaction^. — Les Flamands se révoltent contre
leur comte qui ose à peine rester en Flandre où il n'est plus en
sûreté. Il surgît alors à Gand un homme qui a été brasseur de
miel. 11 est entré si avant dans les bonnes grâces et la faveur
populaires qu'on fait toutes ses volontés d'un bout de la Flandre
à l'autre. Les plus puissants n'osent enfreindre ses ordres ni le
contredire. Il se fait suivre k travers les rues de Gand par une
notobreuse escorte de valets armés parmi lesquels se trouvent
quelques sicaires prêts à tuer les plus hauts seigneurs sur un
signe de leur mattre. F. 126, 127, 39S et 396.
Plusieurs grands personnages sont mis à mort de cette ma-
nière. Aussi, l'auteur de ces meurtres est tellement redoute que
personne n'ose le contredire ni même en concevoir la pensée. Il
se fait reconduire à son hâtel pa^ sa bande de valets qui ne le
quittent qu'aux heures des repas; après te dtner, ces valets re-
viennent et ils flânent dans ta rue jusqu'à ce qu'il plaise à leur
mattre d'aller se promener et s'amuser par la ville. [La nuit, ils
font le guet devant l'hAtel de leur chef qui a de bonnes raisons
de penser qu'il n'est pas aimé de tout le monde et surtout du
comte de Flandre]. Chacun de ces mercenaires reçoit une solde
1, Le récit qui va «ûvre est la reproduction littérale dn texte de
Jmd le Bel, du moini dana la première rédaction. FroiMan ■ nuinteou
ce récit dans ht seconde rédaction des Chroniques, en j ajoutant (eu-
Icment par-ci par-U gnelqnes traits nonvetnx que nom mettons entre
pventhiseï pour le* dittingoer da reste.
:,Goo»^lc
ce CHRONIQUES DE J. FROISSART.
de quatre compagnons ou gros de Flandre par jour, et ils sont
régulièrement pa)'és de semaine en semaine. Cet homme a ainsi
par toutes les villes et chlîtellemes du comte gens à ses gages
chargés d'exécuter ses ordres et de dénoncer les personnes qui
pourraient dire ou tramer quelque chose contre lui. S'il se trouve
dans une ville un récalcitrant, il ne saurait échapper longtemps
à la mort ou au bannissement. Le même sort attend tous les per-
sonnages marquants, chevaliers, écuyers, bourgeois des bonnes
villes, qui se montrent favorables au comte en quelque manière :
ils sont bannis de Flandre, et la moitié de leurs biens est con-
fisquée ; l'autre moitié est réservée pour l'entretien de leurs fem-
mes et de leurs enfants. La plupart de ces bannis, qui sont en
très-grand nombre, se réfugient à Saint-Omer où on les appelle
avalés et outre-m>olés . P. 127, 128 et 396.
Bref, on ne vit jamais en Flandre ni ailleurs comte, duc, prince
ni autre, tenir à ce point un pays à sa discrétion. L'homme qui
exerce cette toute-puissance [et qui devait l'exercer environ neuf
ans] s'appeUe Jacques d'Arteveld. Il fait lever par toute la Flan-
dre les rentes, tonlieus, vinages, droitures et autres revenus ainsi
que les maltôtes qui appartiennent au comte : 0 les dépense à
son caprice et les distribue sans en rendre nul compte; [il en'
dépense la moitié selon sou bon plaisir et met l'autre moitié en
trésor.] Et quand il lui plaft de dire que l'argent lui manque, on
l'en croit sur parole, et il faut bien l'en croire, car on n'ose le
contredire. Et quand il veut emprunter une somme à quelque
bourgeois, il n'est personne qui ose refuser de lui prêter cette
somme. P. 128, 129 et 396.
Abrégé de 1477 ou ms. J6. — Les Gantois prennent telle-
ment en haine leur seigneur que celui-ci n'ose plus tester i
Gand et s'en vient demeurer à Termonde. P. 388.
Edouard III n'a rien plus à cœur que de se faire aimer des
Flamands et de les attirer dans son alliance ; il sait que des exé-
cutions terribles ont rendu le comte de Flandre odieux à ses
sujets, surtout à ceux de Gand : c'est pourquoi, il mande aux
habitants de cette ville que, s'ils veulent contracter alUance avec
l'Angleterre , il rétablira à leur proGt l'exportation et la vente
I. Cette Tmriaote est fournie par im abrégé du premier Une des
Chronique*, rédige en 1477 et détigné sous la rulnique B6 d«ns le«
variantei de cette édition.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, S ^9- ««
des laines sans laquelle Us ne peuvent vivre et dont la suppres-
sion expose leur commune, qui perd ainsi son gagne-pain, aux
plus grands dangers. P. 3S3.
Cest alors que se révèle et surgit un bourgeois de Gand
nommé Jacques d'Arteveld, homme habile et d'une haute intel-
ligence ; il ne tarde pas à gagner la confiance de se& concitoyens
qui lui donnent plein pouvoir de faire, défaire, ordonner et en-
treprendre tout ce qu'il veut. Ce Jacques d'Arteveld est doué
d'une éloquence merveilleuse. Il fait beaucoup de discours et û
pleins de persuasion qu'il décide les flamands à chasser leur
comte hors de leur pays. II ne cesse de répéter dans le com-
mencement à ses compatriotes que l'alliance anglaise leur est plus
avantageuse que l'alliance française, car c'est d'Angleterre ou à
la merci de l'Angleterre que leur viennent les denrées et matières
preniières excellentes dont ils tirent profit et qui leuE sont indis-
pensables, comme la laine, par exemple, pour la fabrication dn
drap; or cette fabrication sustente la Flandre qui sans cette in-
dustrie et sans le commerce ne pourrait le plus souvent pas
vivre. P. 394.
Ce Jacques d'Arteveld, en peu de temps, s'élève à im û haut
degré de faveur et de popularité que, quoi qu'il lui plaise de
décider et d'ordonner, on fait aussitôt sa volonté par toute la
Flandre, Il parle si bien, avec une éloquence si judicieuse et si
vive, que les Gantois, gagnés par le charme de sa parole non
moins que par l'ascendant de la vérité, se rangent â son opmion.
Ib le font les premiers mattre et souverain seigneur de leur ville
d'où son autorité s'étend ensuite par tout le comté, car Bruges,
Ypres et Courtrai refusent d'abord de tremper dans l'insurrection.
Mais les habitants de Gand, investis de tout temps de la supré-
matie sur le reste de la Flandre, forcent les autres villes à se
joindre à eux et à Jacques d'Arteveld qui prend en main le gou-
vernement du pays tout entier. Le comte Louis, chassé de Flan-
dre, se réfugie auprès du roi Philippe de Valois son cousin qui
assure au prince exilé et à sa femme les moyens de vivre et de
tenir leur rang, car leur comté, tant que vécut Arteveld, leur
fut de fort peu de ressource. P. 394.
Seconde rédaction. — Le roi d'Angleterre fait garder tous les
ports et les côtes de son royaume et défend de rien exporter en
Flandre, surtout les laines et agnelins. Cette prohibition ûi-appe
les Flamands de stupeur, car la draperie est l'industrie {xinci-
;vGoo»^lc
ccn CHRONIQUES DB S. FROISSART.
pale dont ils vivent, et udo foule de bœs bourgeois et de riches
■narchaads en sont bientôt réduits à la pauvreté. Il leur faut
vider le pays, bonunes et femmes, eux que le travail de la dra-
perie faisait vivre at^aravant dans l'aisance ; ils viennent en
Hainaut et ailleurs, là où ils espèrent trouver des moyens d'exis-
tence. Cette situation soulève un ^and mécontentement par tout
le pays de Flandre, et spécialement parmi tes habitants des
bonnes villes. Ils disent qu'ils expient au prix d'amers et pénibles
sacrifices l'attachement de leur seigneur pour les Français, car
c'est leur comte qui attire sur eux ce désastre et la haine
d'Edouard 111 ; ils ajoutent que l'intérËt général de tout le pays
de Flandre est de faire alliance avec le roi d'Angleterre plutôt
qu'avec le roi de France. P. 388 et 389.
II est vrai qu'il leur vient de France blés de toute sorte;
mais s'ils n'ont pas de quoi les acheter et tes payer, parce qu'ils
ne gagnent pas d'argent, ils n'en sont pas moins à plaindre, car
avec de l'argent on est sdr d'avoir du blé, malheur à qui n'a
pas d'argent. Mais c'est d'Angleterre que leur viennent ces laines,
qui sont pour eux la source de tant de profits, et qui les font
vivre dans l'aisance et dans la joie. Quant au blé, leur alliance
avec te Hainaut suffit pour assurer leur consommation. P. 389.
Ces considérations et beaucoup d'autres, tirées de l'intérêt pu-
blic, excitent souvent des murmures en Flandre et surtout à
Gand, car c'est de toutes les villes flamandes celle où l'on fabrique
le pins de drap, et qui peut le moins se passer de cette indus-
trie, celle aussi par conséquent qui souffi^ le plus du chômage.
Les Gantois font des rassemblements sur les places, et là ils
tiennent les propos les plus outrageants, ainsi qu'il est d'usage
entre gens du peuple, sur le compte de Louis leur seigneur. Us
disent entre eux que cette situation est intolérable et que, si cette
misère dure longtemps, les plus grands, les plus riches eux-
mêmes en seront atteints, et le pays de Flandre sera menacé
d'une ruine complète. P. 389.
Le comte de Flandre n'ignore pas ces plaintes que ses sujets
élèvent cmitre lui. 11 fait ce qu'il peut pour les apaiser et leur
dit : « Mes bonnes gens, cela n'aura qu'un temps, je le sais d'une
roanik% sûre par des amis que j'ai en Angleterre. Apprenez que
les Anglais sont encore plus furieux contre leur roi, qui les em-
pêche de faire argent de leurs laines, que vous n'êtes impatients
d'acheter ces laines. Us ne penvmt les vendre et en trafiquer
;vGoo»^lc
SOUItAIRE DU PBEHIER UVRB, $ S9. ccm
ailleurs qu'en Flandre, ou alors ce n'est pas sans grande perte.
Prenex patience, car j'aperçois plusieurs moyena de remédier an
mal, qui vous donneront satisfaction pleine et entière, et gardez-
TOdS de rien penser et dire contre ce noble pays de France d'où
tant de biens tous abondât. » P. 389 et 390.
Le cMDte de Flandre tient ce langage à ses sigets ponr les coi^
soler et leur faire prendre patience. Mais les Flamands, qui sont
presque tous sous le coup d'une pauvreté sans cesse croissante,
ne veulent rien entendre; car, quoi qu'on leur dise, ils ne voient
rien qui leur donne lieu d'espérer le retour de leiu: ancienne
prospérité. C'est pourqixù, le trouble et l'agitation augmentent
de jour en jour et de plus en plus. Mais personne n'est assez
hardi pour prendre l'initiative, par crainte du comte. P. 390.
Il se passe un certain temps pendant lequel <hi se borne à se
réunir par petits groupes sur les places et aux carrefours, A
Gand ou les habitants accourent ainsi de divers endrmts et de
plusieurs rues de la ville pour conférer ensemble, quelques corn-
pagnons sont frappés de la sagesse d'un bourgeois qui prend la
parole dans ces réunions : ce bourgeois s'appelle Jacques d'Arte-
veld, et il est brasseur de miel. Ces compagnons remarquent les
discours d'Arteveld entre tous les autres et ils le proclament un
très-habile homme. Ils lui entendent dire que, si on le vent écou-
ter et croire, U se lait fort de remettre promptement la Flan-
dre en situation de recouvrer son ancienne prospérité ; il promet
en outre d'assurer à la fois à son pays l'alliance du roi de France
et celle du roi d'Angleterre. Ces paroles sont répétées avec em-
pressement, et elles circulent si bien de l'un à l'autre que presque
tous les habitants de Gand en ont connaissance, notamment les
petites gens et le peuple que le manque de travail fait le plus
souQrir. On voit alors les atO^iupements recommencer de plus
belle par les rues et les carrefours. P. 390.
Il arrive qu'un jour [de * fête] après dtner, il se fcome un ras-
semblement de plus de cinq cents compagnons ; ils marchent k la
file, s'appellent de maison en maison et disent : i Allons, allons
entendre le conseil du sage homme 1 » Ils parviennent ainsi jus-
qu'à la maison de Jacques d'Arteveld qu'ils trouvent au seuil de
1. Le r^it du manuscrit de Vilenciennei contient qnelqnM variante*
et mSffle cenahiei addition* intérewante* que dou* intercaloiii dans ce
•onuDaire, en le* mettant entre parenthiiei.
;vGoo»^lc
cav CHRONIQUES DE J. FAOISSART.
sa demeure. Du plus loin qu'ils l' aperçoivent, ils âtent lenri cha-
perons, le saluent et lui disent : « Ha! cher sire, ponr Dieu merci,
veuillez nous entendre. Nous venons vous demander conseil, car
on nous dit que le grand bien de vous remettra le pays de Flan-
dre en bon point. Veuillez nous dire comment : vous ferez au-
tttàne, car nous avons bien besoin que vous ayez ^gard à notre
pauvreté. > Jacques d'Arteveld s'avance alors et dit : ■ Sdgneurs
compagnons, il est très-vrai que j'ai dit que, ù l'on veut m' écou-
ter et me croire, je mettrai Flandre en bon point, sans que notre
seigneur le comte en soit lésé en rien. > Tons alors de l'embras-
ser à qui mieux mieux et de le porter eu triomphe en s'ëcriant :
c Oui, vous serez cru, écouté, craint et servi. » — [ « Seigneurs
compagnons, ajoute Arteveld, je suis nadf et bourgeois de cette
ville et j'y ai le mien. Sachez que de tout mon pouvoir je vou
drais vous venir en aide et à mon pays. Et s'il y a un homme qui
soit décidé à assumer le fardeau, je suis prêt à exposer ma vie
et ma fortune pour marcher à ses câtés; ou si vous aubes me
voulez être frères, amis et compagnons en toutes choses et &ire
cause commune avec moi, je me chargerai volontiers, malgré mcMi
indignité, de la besogne.] Il convient que j'expose d'abord mes
projets devant la plus saine parde de la population de Gond, et
il faut que vous, qui êtes ici, et les vôtres et ceux qui se réuni-
ront k vous, me juriez de m'appuyer et de me prêter main-forte
en toute circonstance jusqu'à la mort, j [Les assistants répondait
tout d'une voix : < Nous tous promettons loyalement d'fitre avec
vous en toutes choses et d'y aventurer corps et biens, car nous
savons que dans tout le comté de Flandre il n'y a personne autre
que vous qui soit à la hauteur de la tâche. »] Jacques d'Arte-
veld donne alors rendez-vous à ses affidés pour le lendemain
matin sur la place de la Biloke ou il veut exposer devant tous les
projets qu'il a formés dans l'intérêt commun. P. 390 et 391 .
Ces nouvelles se répandent k Gand et se propagent dans les
trois parties de la ville. Le lendemain matin toute la place de la
Biloke se remplit de gens, ainsi que la rue où demeure Jacques
d'Arteveld. Porté sur les bras de ses partisans, Jacques fend la
foule qui se compose de gens de toutes les classes et arrive à la
Biloke : il prend place sur une belle estrade préparée pour le re-
cevoir. Et là il se met à parler avec tant d'éloquence et de sa-
gesse qu'il gagne tous les cœurs à son opinicn. It conseille à ses
compatriotes de tenir leur pays ouvert et prêt à recevoir le roi
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIEB LIVRE, g 59. ccv
d'Angleterre et les siens, s'ils veulent y venir, car on n'a rien à
gagner et l'on a tout à perdre dans une guerre contre les An-
glais. [Quant an roi de France, il a tant d'affairas sur les bras
qu'il n'a pouvoir m loisir de nuire à la Flandre. Edouard sera
ravi d'avoir l'amitië des Flamands, et le roi de France finira lui
aussi par rechercher cette amitié. Arteveld ajoute que l'alliance
de l'Angleterre assurera à la Flandre celle du Hainaut, du Bra-
bant, de la Hollande et de la Z^lande.] Les Gantois approuvent
les projets de Jacques d' Arteveld, ils jurent de le tenir désormais
pour leur seigneur et de ne rien faire que par son conseil, puis
ils le reconduisent à son hfttel. Ces événements se passent vers
la Saint-Michel 13^7. P. 391 et 392.
Le roi de France est vivement contrarié en apprenant ces nou-
velles. Il comprend que, si les Flamands deviennent ses ennemis,
ils peuvent lui être très-nuisibles en permettant au roi d'Angle-
terre de passer à travers leur pays pour envahir la France. Il
engage le comte de Flandre à aviser aux moyens de se débarra»-
ser de Jacques d' Arteveld qui menace d'enlever le comté à son
seigneur légitime. P. 392.
[Le comte mande auprès de lui Jacques d' Arteveld qui va au
rendez-vous avec ime escorte si nombreuse qu'on n'ose rien tenter
contre lui, Louis de Nevers invite Arteveld à user de son in»
fluence poiur maintenir le peuple en l'amour du roi de France;
il fait en outre à son ennemi les plus belles offres, et il entremêle
le tout de paroles de soupçon et de menace. Jacques ne se laisse
point intimider par ces menaces , et au sui^lus il aime du fond
du cœur les Anglais. Il répond qu'il tiendra ce qu'il a promis an
peuple en homme qui n'a point de peur, et, s'il plaît k Dieu, il
espère venir à bout de son entreprise. Puis il prend congé du
comte de Flandre.] P. 303;
Louis de Nevers met alors dans ses intérêts quelques personnes
qui appartiennent aux plus grandes Tamilles de Gand; il a d'ail-
leurs dans son parti les jurés qui lui ont prêté serment ie fidé-
lité. Les amis du comte dressent à plusieurs reprises des pièges
et des embflches à Jacques d' Arteveld; mais tonte la communauté
de Gand est si dévouée à scm chef qu'avant de faire mal à celui-
ci, il faudrait av<»r raison de trente ou quarante mille hommes.
Arteveld est entouré de gens de toute sorte, qui n'ont d'autre
occupation que d'exécuter ses ordres et de le défendre en cas de
besoin. P. 392 et 393.
;vGoo»^lc
Gcvi CHRONIQUES DE J. FROISSAAT.
Troisième rédaction. — A l'époqne dont je parle, il s'ëlève un
grand d^bat entre le comte de Flandre et les Flamands. Ce comte
Louis, marié à Marguerite d'Artois, ne sait se maîtriser ni se
contenir ni vivre en paix avec ses sujets dans son comté ; aussi
les Flamands ne purent jamais l'aimer. Il est forcé de vider le
pavs définitivement , de pardr de Flandre et de venir en France
avec sa femme ; il se tient à Paris à la cour de Miilippe de Va-
lois , qui pourvoit de ses deniers à l'entretien du comte et de la
comtesse. Ce comte était très-cbevaleresque , mais ses sujets di-
saient qu'il était trop français et qu'ils n'avaient nul bien à en
attendre. P. 388.
Les habitants de Gand donnent les premiers le signal de la ré-
volte, et ils entreprennent de soulever tout le reste du pays de
Flandre ; ils s'assurent l'alliance de Termonde , d'Alost et de
Grammont. Sur ces entrefaites, et pendant que les ambassadeurs
d'Angleterre entament des aégodations à Valenciennes , il appa-
raît à Gand un bourgeois qui se nomme Jacques d'Arteveld,
honune d'une audace, d'une capacité et d'une astuce e<tra<vdi-
naires ; ce bourgeois acquiert une teUe influence que toute la ville
de Gand le prend pour chef et se soumet à ses volontés. Les am-
bassadeurs anglais, qui sont venus à Valenciennes , se décident,
par le conseil du comte de Hainaut et de son frère , à envoyer
des délégués auprès de Jacques d'Arteveld pour inviter les Gan-
tois à faire alliance avec le roi d'Angleterre et les prier d'accor-
der à Edouard III et à son armée le libre passage à travers la
Flandre-. L'évSque de Durham, le comte de Northampton et Re-
naud de Cobham SŒit chargés de cette mission. P. 39b et 39S.
Les délégués anglais reçoivent à Gand un accueil magniGque
et sont coinblés d'attentions, d'honneurs et de festins. Un traité
est conclu grice aux acdves démarches de Jacques d'Arteveld
qui déteste le comte de Flandre ; et ce traité, ratiSé par la com-
mune de Gand, sdpule que, si le roi d'Angleterre passe la mer
et veut traverser la Flandre, avec on sans gens d'armes, en
payant comptant tout ce dont il se fera besoin sur la route, il
trouvera le pays ouvert. Il est vrai que Bruges, Ypres et Couiv
trai restent hostiles aux confédérés , mais tes Gantois comptent
bien s'y prendre de telle sorte que, sous bref délai, le pays tout
ender ne fera qu'un avec eux. P. 393.
Les délégués anglais sont ravis de joie d'avoir obtenu ce traité
qui est scellé du sceau aux causes de la ville de Gaod ; ils re-
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER tIVRE, $ 60. ccTti
tournent à Valeuciennes annoncer l'heureux résultat de leur mis-
ùon au cximtii de Hainaut et aux autres ambassadeurs d'Angle-
terre. Guillaume de Hainaut dit alors aux envoyés d'Edouard III :
« Vos affaires sont en très-bonne voie, si vous avez l' alliance de
la Flandre et du Brabant. Dites à mon fils d'Angleterre que ce lui
sera d'un grand secours et que sa guerre en sera plus belle; mais
il faut qu'il passe la mer au [uiotemps |H-ochain pour aiqirendre
à connaître les seigneurs et les pays qui voudront faire alliance
avec lui. Quand vous serez de retour en Angleterre, décidez-le
à se rendre sur le continent avec force gens d'armes et archers
et nvec grandes sommes d'argent, car les Allemands sont d'une
cupidité sans égale, et ils ne font rien si on ne les paye d'avance
à beaux deniers comptants. > P. 399.
CHAPITRE XX.
1337. AKBBSTATION ET BZJOanOM DB BOHIBK DB CODKTBU; HOBT
DB ODILUUVB 1 , COMTE DB HÀINAIIT (g 60) .
Le comte de Hainaut conseille aux ambassadeurs d'Angleterre,
qui sont venus à Valeodennes, de profiter de la mésintelligeuce
survenue entre le roi de France et le comte de Flandre, d'une
part, et les Flamands, de l'autre, pour rechercher l'amitié de ces
derniers, et surtout de Jacques d'Arteveld dont l'inâuence peut
seule assurer le succès de leuri démarches. Les envoyés anglais
suivent ce conseil et ils se partagent la tâche ; ils vont les uns à
Bruges, d'autres à Ypres, le plus grand nombre à- Gand ; ils mè-
nent si grand train qu'on dirait que l'argent leur tombe desnues.
Us donnent de beaux dîners dans les bonnes villes où ils passent,
et ils répandent le bruit dans le pays que , si les Flamands font
alliance avec le roi d'Angleterre , ils seront très-riches, vivront
en paix et auront lainages et draperie à profusion. L'évëque de
Lincoln' et ceux de ses collègues, qui sont allésà Gand, réussissent,
par belles paroles et autrement , à se faire bien venir des Gan-
tois ; ils gagnent l'amitié de Jacques d'Arteveld et aussi celle
d'un vieux, brave et riche chevalier de Gand, très-aimé des ha-
1. TroUi^M ridaetUn : l'ërtqne de Dnrliam.
;vGoo»^lc
ccviii CHRONIQUES DE J. IROISSART.
bitants de cette viUe où il prend plaisir à traiter magnifiquemeot
tous les étrangers, spécialement les barons et chevaliers d'honneur
et de nom. Ce chevalier banneret, nommé [Sohier] de Cburtrai,
est tenu pour le plus preux de Flandre, et il a toujours servi ses
seigneurs avec un courage sans égal. P. 129, 130, 396.
Ce Sohier de Courtrai tient compagnie et prodigue les honneurs
aux ambassadeurs d'Angleterre, ainsi qu'un galant homme doit
toujours tefaire, selon ses moyens, àdes chevaliers étrangers. Ces
nouvelles parviennent à la connaissance du comte de Flandre qui
se tient à Compiègne avec la comtesse sa femme. Le comte est
irrité de ne plus toucher les revenus de son comté et de voir les
Flamands incliner de jour en jour davantage à l'alliance des An-
glais ; il mande secrètement en France auprès de lui Sohier de
Courtrai. L'infortuné chevalier se rend sans défiance à l'appel de
son seigneur qui lui fait trancher la t^te*. Sohier de Courtrai, en-
touré de l'estime et de l'afiection générales, est profondément re-
gretté de tous les Flamands qui sentent redoubler leur haine con-
tre le comte, auteur de cet attenUt. P. 130, 397.
Jacques d'Arteveld réunit à plusieurs reprises tes représentants
des bonnes villes de Flandre pour leur soumettre les propositions
d'alliance apportées par les ambassadeurs d'Angleterre. Les Fla-
mands consentent à accorder au roi anglais et à son armée le li-
bre passage à travers leur pays ; mais ils ont de telles obligations
au roi de France qu'ils ne le pourraient attaquer ni entrer en
son royaume, sans avoir à payer une somme de florins si forte
qu'ili sont hors d'état de la fournir. En conséquence, ils désirent
que la conclusion d'une alliance oR'ensive soit remise à une autre
fois. Les ambassadeurs d'Angleterre, qui ne se sentent plus en
sûreté en Flandre depuis le meurtre de Sohier de Courtrai , se
tiennent pour satisfaiu d'avoir obtenu cette réponse et retournent
à Valenciennes. Us envoient souvent des messages à Edouard III
ponr le tenir au courant de toutes les phases des négociations, et
le roi d'AngteteiTC leur expédie en retour or et argent en abon-
dance pour payer leurs frais et faire des largesses à ces seigneurs
d'Allemagne qui n'ont souci d'autre chose. P. 130, 1 31 , 307.
Sur ces entreiaites, le comte Guillaume de Hainaut meurt le 7
juin 1337. Sa mort excite beaucoup de regrets, car il était large,
, anétÉ à la mite du voyage
eut lieu que le 21 man 1338.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, § 6S. cctz
noble, [Hvux, hardi, courtois, avenant, humain et boD pour tout
le moude. Il est pleuré amèrement par ses enfants. Le roi et la
reine d'Angleterre premient le deuil aussitât qu'ils ont reçu la fa-
taie nouvelle , et font célébrer un service à leur résidence de
Windsor. Le comte de Hainaut est enterré aux Cordeliers à Va-
lenciennes, et c'est là qu'ont lieu ses obsèques. La messe est chan-
tée par Guillaume III d'Auxonne, évoque de Cambrai. Une foule
de ducs, de comtes et de barons assistent à la cérémonie. Le
<»mte laisse un fils qui succède à son père sous le nom de Guil-
laume Il dans les comtés de HainauL, de Hollande et de Zélande.
Ce fils avait épousé Jeanne, fille de Jean III, duc de Brabaot, qui
apporta en dot à son mari la belle et riche terre de Binche.
Jeanne de Valois, veuve de Guillaume I et mère de Guillaume II,
va finir ses jours à Fontenelles, abbaye de dames située sur l'Es-
caut près de Valenciennes. Guillaume I laisse en outre quatre fil-
les dont trois sont mariées. L'aînée Marguerite, femme de Louis
de Bavière, est reine d'Allemagne et impératrice de Rome. La
seconde Jeanne, mariée à Guillaume V, est [marquise] de Juliers*.
La trobième Philippe, la bonne et noble compagne d'Edouard III,
est reine d'Angleterre, La plus jeune Elisabeth reste à marier, et
ce n'est que longtemps après la mort de son père qu'elle épouse
RcJ>ert de Namur et devient ainsi dame de Renais en Flandre et
de Beaafort sur Meuse. P. 131 et 13S, 397 et 3S8.
CHAPITRE XXI.
1337. arraCB dzs nvoYts anglais dans ledb pays; pRÉPUUTnre
tnt GUBUK ET tcHÂMGs DB niriB niTKK LU BOIS db ibangb bt
d'aholbtb&bb (§ 62).
Première rédaction. — Le duc de Brabaut, qui vient de s'en-
gager à ^ter son appui effectif au nn d'Angleterre, craint de
s'attirer l'inimitié du roi de France. Il craint qu'en cas d'échec
des Anglais, Philippe de Valois ne le fasse payer pour les autres.
Cest pourquoi, il prend soin de se justifier à l'avance vis-à-vis
du roi de France auprès duquel il envoie l'un de ses conseillers
;vGoo»^lc
ccx CHRONIQTTES DE J. FHOISSART.
nomm^ [I^°l ^^ Crainhem, chevalier d'un très-grand sens : il
se défend d'être entré jjans aucune coalition contre son puissant
voisin; seulement, il n'a pu se dispenser d'accorder au roi
d'Angleterre, son cousin germain, le libre passage à travers
son duché ; mais du reste il ae fera rien qui soit de nature à
déplaire au roi de France. PhiUppe de Valois se tient pour satis-
fait de ces excuses. Ce qui n'empêche pas le duc de Brabant de
recruter à ce moment-là même, dans s<hi pays et ailleurs, le
nombre de gens d'armes qu'il a [«Mmis de fournir au rm d'An-
gleterre. F. 133.
Sur ces entrefaites, l'évèque de IJncoln*, Renaud de Cobham
et les autres envoyés anglais quittent le Hainaut et reprennent le
chemin de leur pays. Ib s'embarquent k lioràrtcht * en Hollande,
pour éviter de passer près de t'tle de Cadsand, car ils craignent
de tomber entre les mains d'une bande d'écumeurs qui occupent
cette lie à la solde du roi de I^ance et du comte de Flandre. Le
roi d'Angleterre accueille avec joie la nouvelle des alliances qm
ont été conclues avec le comte de Hainaut,^le duc de Brabant et
un certain nombre de seigneurs des marches d'Allemagne.
P. i34, 407, 408.
Seconde rédaction, — Les ambassadeurs d'Angleterre quittent
Valenciennes après neuf mois de séjour et retournent dans leur
pays, Ib annoncent qu'eu présence du refus de Philippe de Valois
d'entrer en pourparlers avec eux, ils se sont assuré l'appui d'un
certain nombre de seigneurs d'Allemagne qui prient le roi d'An-
gleterre de passer la mer et de venir s' entendre avec ses alliés
du continent. Ils préviennent ausû Edouard III que le comte de
Flandre tient dans l'île de Cadsand une garnison dont les Anglais
ont beaucoup à souffrir. P. 400 et 401.
Le roi d'Angleterre convoque à Londres les représentants des
trois Ordres de son royaume pour la Saint-Michel 1337. Ce par-
lement se tient à Westminster hors Londres et dure trois semai-
nes. Les évSques de Lincoln et de Durham et les autres seigneurs
qui ont été envoyés en ambassade à Valenciennes exposent de-
vant la haute assemblée le résultat de leur mission. Le parle-
ment, a[Mrès mûre délibération, est d'avis que le roi d'Angleterre
1. LMTSque de Lincoln dont il «'agit ici esi le célèbre Henri de
Burghenh, mort i Gand en 1340, dont la pauion poor la chasse a
donn^ lieu â une légende populaire.
3. lYoïiiiote rédaetum: k AnTerS. P. 407-
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, S 62' ccxi
doit renvoyer son hommage et défier le roi de Fmtce. L'ëvSque
de lincoln est chargé de porter le déû. I>. 401 et 402.
Le m&me parlement édicté et arrête les mesures suivantes.
i' Q est ordonne que, pour venir en aide au roi, on pajera
double imposition par chaque sac de laine, tant que durera la
guerre. Sur la proposition de six bourgeois, deux de Londres,
deux d'Tork et deux de Coventry, la somme annuelle allouée
au roi pour sa dépense, est augmentée de tnm cent mille noUes,
ce qui porte cette somme à six cent nulle nobles payables en
trois termes. 2* U est défendu, sous peine de mort, par tout le
royaume d'Angleterre, de se divertir à un autre jeu que celui de
de l'arc à main et des flècbes, et il est fait remise de leurs dettes
à tous les ouvriers qui fabriquent des arcs et des flècbes, 3' Les
chevaliers, écuyers et compagnons, qui prendront part à la
guerre, recevront des gages du roi^ mais ils s'eutredendront à
leurs frais, chacun selon son état, pendant six mais de l' année,
et ils feront leur profit de tous les prisonniers qui pourront ttnn-
ber entre leurs mains ainsi que du butin. 4* Les habitants de
ta presqu'île de Comouaille, des Ues de Guemesey, de Wight, de
Southampton et de Sheppy sont déclarés exempts de toute levée
et semonce ; mais il leur est impose de garder leurs marches et
frontières, d'habituer leurs enfants à manier tes armes et à tirer de
l'arc, 5" Il est eujoint aux gens de tonte condition de faire apprendre
la langue française à leurs enfants, afin que ceux-ci soient plus
capables de se renseigner et moins dépaysés à la guerre. 6° Il est
interdit de transporter des chevaux d'un pcùnt quelconque des
côtes d'Angleterre sur le continent, sans la permission du clian-
celier. P. 402.
Le parlement décide aussi qu'une expédidon sera dbigée con-
tre la garnison flamande de l'Ue de Cadsand; Guillaume de Mon-
tagu, qui vient de se couvrir de gloire ainu que Gautier de
Hauny dans k guerre contre les Écossais, reçoit pour prix de
ses exploits la main d'Alix de Salisbury, une des plus beUes
jeunes dames du monde, dont le roi tient la terre en sa main et
en sa garde. La session du parlement est à peine terminée que
chacun rentre chez soi et s'empresse de faire ses préparatifs, afin
d'Stre en mesure d'accourir au prenùer signal. De son câté, l'évS-
que de lincoln se rend sur le continent pour défier le roi de
France. P. 403.
L'envoyé du roi d'Angleterre arrive ù Paris pour la Tou»-
;vGoo»^lc
ccxii CHROPHQUES DE J. FROISSART.
saint de l'an 1337 au moment où les rois de Bohême et de Na-
varre et une foule de grands seigneurs se trouvent à la cour de
Philippe de Valois. 11 présente au roi de France la lettre de
défi datée de Westminster le 19 octobre 1337. Froissart repro-
duit la teneur de cette lettre d'après le témoignage du seigneur
de Saint-Venant' présent à l'entrevue. Philippe de Valois ne fait
que rire des menaces d'Edouard III et se contente de dire au
porteur du message que la lettre du roi d'Angleterre ne mérite
point de réponse. Il transmet copie du défi qu'il vient de rece-
voir à plusieurs seigneun, en France et hors de France, notam-
ment au comte de Hainaut et au duc de Brabant. Il somme ces
deux princes de ne contracter aucune alliance avec le roi d'An-
gleterre sous peine de voir leur pays mis à feu et à sang ; il
adresse la même invitation au comte de Bar et au duc de Lor-
raine, mais il est sans inquiétude du câté de ces derniers qui
sont bons et loyaux Français. En même temps, il fait renforcer
ses garnisons sur les frontières de l'Empire, car il se défie des
Allemands i et il mande aux habitants de Tournai, Lille, Béthuue,
Arras et Douai, de mettre ces villes, ainsi que les chiteaux et
châtellenies d'alentour, en état de défense. P. 404 et kOS.
Des gens d'armes sont envoyés sur toutes les frontières pour
les garder. Énumération des principaux points de ces frontières
au nord, à l'ouest, au sud et à l'est. Godemar du Fay* est mis
en garnison à Tournai, et le seigneur de Beaujeu à Mortagoe sur
Escaut. Une flotte de Normands et de Génois, armée en course
sous les ordres de Hue Quieret, de [Nicolas] Bebuchet et de
Barbavera, fait des descentes et porte le ravage sur les côtes
d'Angleterre. Enfin, le comté de Ponthieu est donné avec
toutes ses dépendances à Jacques de Bourbon. P. 405 et 406.
Après avoir terminé ses préparatifs, sur mer comme sur terre,
Philippe de Valois mande confidentiellement au c<»nte de Flandre
de faire tous ses efi'orts pour se concilier l'affecdon de ses sujets,
1. Robert de WaYrin, »ire de Saint- Venant, sénéchal de Flandre. An
mois de novembre 1336, Louis comte de Flandre avait donné i ce
chevalier et à aon héritier mSle la aénéchaiiuée de Flandre avec ane
somme de 500 livre» une foi* pavée. (Arch. du Nord , laraat. Je la
■e du Comptes, l. I, p. 130.)
odemar du Fay fi
li et des fronliow» i
Camps, portef. 83, P-aiT.
2. Godemar du Fay fui en effet nomm^ en 1337 goaTemeur de
et des fronliow» avec 120 hommesd'armes louiaei ordres. De
jvGooi^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $$ 61-S4. ccxtii
afin de les empêcher de s'allier avec les Anglais. En outre, il
charge le comte de Vendôme et le seigneur de Montmorency de
porter de sa part en Flandre des propositions d'amitié et de bon
voisinage : il promet aux Flamands de leur tenir ouverts les pas-
sages de Tournai, de Béthune, d'Aire, de Saint-Omer et du
Wameton sur le lis et de fournir leur pays de blés et de tous
grains à volonté'. Ces propositions sont accueilUes presque par-
tout avec une extrême froideur, car les tisserands de Flandre ont
bien plus besoin des laines d'Angleterre, source de leurs proGts
dans la draperie, que de blés et d'avoines dont leurs marchés
sont rem{dis. Toutefois, les envoyés français réusûssent à rame-
ner Louis de Nevers à Gand et à le faire assez bien venir de
Jacques d'Arteveld et des Gantois, mais cette boime entente ne
dure pas longtemps. P. 406 et 407.
CHAPITRE XXn.
i 337. YicTOni ns cu»&im ismoaTfts rAa lbs txciMt sua un
FLAMANDS (§S 61 k 64).
Deux cents chevaliers ou écuyers et quatre ou cinq mille com-
battants vont, par l'ordre du comte de Flandre, occuper l'Ile de
Cadsand ' d'où ils capturent les navires et infestent les câtes d'An-
gleterre. Cette garnison de Cadsand tient à sa discrétion l'entrée
du port de l'Écluse et intercepte les communications entre l'An-
gleterre et la Flandre. Elle rend impossible toute exportation de
laines anglaises sur le continent, ce drait l'industrie flamande souf-
fre beaucoup, et spécialement la draperie. La situation devient
I. Philippe de Valoii, ayant tu le» propositioiu d'alliance repons-
tées par les Ftamaods, fit dëfenie d'exporter hon dn royaume < viTres,
■rmenre* ne quelconques amrei choie* des quelles noz anemii pour-
roient eatre conrortez, par les bailliaees d'Aniem, de Vermendoii, de
Vîtry et de Chaumont. ■ Le 3S janvier ISdO, une enquête fat ordon-
na contre Jehan de Kierreui et Jehan de Tiergeville, députa à la
fpirde de* dit» bailliages et accusés ■ d'avoir laisse passer par corrup-
tion, fayeors aa oeglinnce, lins, bl^s et autres choses hors de noacre
royaume, les quiles choses noos degplaisent moult forment. > (Arch.
de l'Empire, j) 73, p. SS», (» 207^
3. Ue ntaée entre la TÏUe de l'Ecluse et l'ile de Walcheren en Z6-
lande.
;vGoo»^lc
ccxrv CHRONIQUES DB J. FROISSART.
lûentftt inhdérable et soulève des plaintes par toute la Fltmdre.
Jacques d'Arteveld et les Gantois, alliés du roi d'Angleterre, s'as-
socient de grand cœur au mécontentement des villes de l'Éctuse,
de Damme, de Bruges, du Franc de Bruges, d'Ypres , de Couiv
trai ; et l'habile Jacques d'Arteveld, heureux de trouver une oc-
casion d'entraîner les habitants de ces villes dans le parti anglais,
presse Edouard 111 de venir an secours des Flamands et de les
d^vrer de la {nraierie des gens d'armes à la solde de Louis de
Nevers. Cet appel est entendn, et un corps d'arme de cinq ou
six cents lances et de deux mille archers est envoyé contre la
garnison de Cadsand sous les Maires du comte de Dei4>y'. Les
principaux seigneurs qui prennent part à cette expédition sont le
comte de Suffotk, le ùre de Bericeley , Guillaume Fitz-Waren,
Louis et Roger de Beauchamp, Renaud de Cobham , Richard de
StaCTord, Gautier de Mauny nouvellement revenu d'Ecosse et fait
conseiller du roi en récompense de ses services. Les Anglais
s'embarquent sur la Tamise ; et après deux stations à Gravesend
et' à Margate, ils viennent jeter l'ancre de nuit devant Cadsand,
la V^lle de la Saint-Hartin d'hiver (10 novembre] 1337. P. 132
à 13S, 398 A 40U, 407 à 409.
Les gens d'armes de Cadsand reconnaissent les Anglais aux
léopards des bannières qui flottent sur les navires. La garnison
de l'Ile se compose d'environ cinq mille hommes chobis entre les
plus braves. Gui, bâtard de Flandre, &ère du comte Louis, Jean
dit le due/tere (seigneur), de Halluin, Jean de Rbode, Gilles de
Le Trief, Simon et Jean de Brigdamme, Pierre d'Englemoustier,
Pierre d'Ypres, Louis Vilain, Baudouin Bamage , Robert Maré-
chal, AtdouI de Vorst combattent à la tète des chevaliers fla-
mands. Us se rangent en ordre de bataille sur le rivage pour
s'opposer au débarquement des Anglais. Ils font très-bonne con-
tenance et déploient un grand courage ; mais leurs arbalétriers
ne peuvent riposter au tir beaucoup plus rapide des archers
d'Angleterre qui lancent sur l'ennemi, del'avaut de leurs navires,
une grêle de Bêches. Les assaillants réussissent à prendre terre
à la suite d'une lotte acharnée, et alors on eu vient à C4»nbattre
armes qui eut lieu à Boologne-
is daule provixpiée par l'expé-
B Cadiand. De CuDps, partef. 83, ^ 314
;vGoo»^lc
SOMMAERB DU PREMIER LIVRE, $$ 6S-67. cczt
corps à corps et à se disputer le terrain pied à pied. Après qua-
tre heures de résistance , tes FlamatHls sont mis en pleine dé-
route ; ils perdent environ trois mille des leurs, dont une douzaioe
de chevaliers et nne trentaine d'écuyers de Flandre ou d'Ar-
tob; le dQ<iere de Halloin', Jean de Rbode, les deux frères de
Btdgdainme et GÎUes de Le Xrief restent parmi les morts. Les An-
glab mettent le feu à la ville , et l'tle tout entière est livrée au
pillage, à la grande satisfaction des habitants de Bruges, d«
Damme et de l'Écluse. Gui de Flandre, fait prisonnier, est amène
à Londres où, séduit par les ofires d'Edouard III , il passe cette
année même dans le parti anglais. Hemi de Lancastre le Jeune,
comte de Derby, cousin germain du roi, inaugure dignement par
cette victoire sa nouvelle cbevalerie, et Gautier de Hauny se
dgnale aux cdtés de ce çriace par des prodiges de valeur. P. 1 3S
^138, 409 à 411.
CHAPITRE XXm.
1338. VOTAI» D'ÉDonuD in x anvxm kt HnmPAuns ne tm
FBiitcB st M iBB ALLite (gg 6S à 67).
Première rédaction. ^ L'affaire de Gadsasd a le plus grand
retentissement. Les Flamands rejettent sur leur comte toute la res-
ponsabilité du désastre. Jasques d'Arteveld seul y trouve son
compte et il fait prier le roi d'Angleterre de venir à Anvers s'en-
tendre avec les bonnes villes de Flandre. P. 138 et 139.
Edouard III passe la mer à l'été suivant et arrive à Anvers qui
lient le parti du duc de Brabant. Des pourparlers ont lien dans
cette ville de la Pentecôte à la Saint-Jean (du 1 6 mai au 24 juin)
entre le roi anglais et ses alliés dont les principaux sont les ducs
de Brabant et de Gueldre, le marquis de Juliers, Jean de Hai-
naut et le seigneur de Fauquemont. Ces seigneurs, invités à s'exé-
cuter et à prêter aux Anglais l'appui effectif qu'ils ont promis de
fournir, prennent exemple sur les atermoiements du doc de
Brabant et font des réponses évasives à toutes les demandes
1 . Le cheralter ippel^ ici le duiiert (Kigneor) de HbIIiùd Mt Jean
de Hallnin fils d'Olivier de Halluin, •eigneiir de Heiuerode et de Lac-
ken, at de Harraerite, iille de Colut de PniiiiM. Vovez le P. Aaielme,
I. m, p, 919.
;vGoo»^lc
ccxvi CHRONIQUES DE J. ÏÏIOISSART.
d'Édonard III. Le roi d'Angleterre est forcé d'assigner à ses alliés
un nouveau rendez-vous qu'il Tise à trois semâmes après la Saint-
Jean. Dans l'intervalle, il fait sa résidence à l'abbaye Saint-Ber-
nard d'Anvers, tandis que le duc de Brabant, qui habite Leeuv,
renouvelle au roi de France ses protestations d'amitié. P. 139
à 141.
Quand le jour du rendez-vous est arrivé, les seigneurs de l'Em-
pire font dire au roi d'Angleterre qu'ils sont prêts à marcher k
la condition que le duc de Brabant, qui ne semble faire aocmu
préparatifs, leur donne l'exemple. Edouard III redouble ses in-
stances auprès du duc son cousin, qui veut, avant de rien faire,
se concerter une dernière fob avec les seigneurs d'Allemagne.
Rendez-vous est pris ]>our le iS août, et ce rendez-vous est fixé
à HaUe ' en considération du jeune comte Guillaume de Hainaut
et de Jean de Hainaut son oncle. P. 141 et 14Î.
Le duc de Brabant , le comte de Hainaut et les seigneurs da
l'Empire, qui prennent part à l'entrevue de Halle, déclarent,
après mare délibération , qu'il leur est impossible de s'engager
dans une guerre contre la France si le roi d'Angleterre ne s'as-
sure d'abord l'alliance de l'empereur d'Allemagne et s'il ne par-
vient à décider Louis de Bavière lui-même à se prononcer contre
Philippe de Valois. Ils ajoutent que l'achat de Crèvecceur en Cam-
brésis et d'Arleux en Palluel , qui sont terres d'Empire, ne peut
manquer d'être aux yeux de l'Empereur un motif plus que suffi-
sant de se joindre à ses feudataires pour défier le rtn de France.
Le roi d'Angleterre, forcé de contenir son dépit en présence de
cette nouvelle fin de non-recevoir suggérée par le duc de Bra-
bant, répond à ses alliés qu'il sera fait selon leur volonté. P. 142
à 144.
Abrégé de 1477 ou ms. B 6. Après la victoire de Cadsond,
Edouard III renouvelle sa défense d'exporter des laines anglaises
en Flandre. Les Flamands, dont la draperie est menacée d'une
ruine complète, sont au comble de la désolation. Jacques d'Arte-
veld, dont le cœur est plus anglais que français, parvient à faire
partager les mSmes sentiments à la majorité de ses compatriotes,
et il invite le roi d'Angleterre à visiter les Flamands qui sont im-
patients de le voir. Edouard III consent alors à lever la défense
d'exporter des marchandises en Flandre, et il rend à la ville de
1. SttcnJt rédaction : k Diest.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER UVRE, SS ^^^T- <:'»^<
Bruges l'étaple des laines qu'il lui avait enlevée. BientAt après, il
passe la mer et vient débarquer à Anvers en compagnie de la
reine sa femme et de Robert d'Artois, comie de Ridiemoat.
P. 412,417.
Le duc de bvbant envoie l'un de ses chevaliei-a souhaiter la
bienvenue au roi d'Angleterre qui reçoit aussi la vûite de Jacques
d'Arteveld et des seigneurs des marches d'Allemagne. U s'engage
alors entre Edouard III et ses allie's de grands pourparlers aux-
quels le jeune comte de Hainaut refuse d'abord de prendre part,
en disant qu'il entend rester Français et tenir le parti du roi son
oncle. P. 417.
Sur ces entrefaites, la reine d'Angleterre met au monde un fils
qui re^it le nom de Lion et qui fut depuis duc de Oarence.
Pendant que Philippe fait ses relevailles , Edouard lU se rend à
Gand à une entrevue qui dure quinze jours et où il a convié le
duc de Brabant, le comte de Hainaut et les grands feudataires
des marches d'Allemagne. Là, on dédde, d'après le conseil de
Jean le Hayeur, que le roi d'Angleterre doit d'abord se (aire
nommer vicaire de l'Empire, afin de fournir aux seigneurs alle-
mands, qui seront tenus à ce titre de lui obéir, un prétexte légi-
time de marcher sous ses ordres contre le roi de France. P. 423.
Seconde rédaction. — Après la défaite de Cadsand, les Fla-
mands eoToient par le conseil de Jacques d'Arteveld douze bour-
geois des principales villes de Flandre auprès du roi d'Angle-
terre ; ces bourgeob ont mission de disculper leurs compatriotes
de toute complicité avec les gens d'armes vaincus et d'inviter le
vainqueur à venir dans leur pays. Edouard III, qui reçoit ces
envoyés à Eltham, leur promet de se rendre à Anvers à Nofil
prochain pour s'entendre avec le comte et, à défaut du comte,
avec les tMonea villes du comte. En attendant son voyage, il au-
torise jusqu'au 1" janvier la reprbe des relations entre U Flan-
dre et l'Angleterre. P. 411 et 412.
Quand tout est prêt à Anvers pour le recevoir, le roi d'An-
glet^re s'embarque pour la Flandre ; il emmène avec lui la reine
sa femme alors enceinte, Robert d'Artois, les comtes de Derby, de
Warwich, de Pembridge, de Sufibtk, d'Anindet et de Kent, les
évËques de Lincoln et de Durham, Renaud de Cobham, Richard
de Stafford, Guillaume Fita-Waren, Gautier de Mauny, Philippe
deHastings, les seigneurs de la Ware, de Beauchamp, de Fe^
rers, de Basset, de Wiltougbby et de Bradeston. Edouard lU dé-
;vGoo»^lc
ccznn CHRONIQUES DE J. FAOISSART.
barque à Anvers vers la Saint-Àubert et la Sainle-Luce (13 d^
cembre). P. 416 et 417.
Peu de temps après l'arrivée du roi anglais à Anvers, la reine
sa femme met au monde un fils qui re^t le nom de Lion ; et le
comte de Hainaut, frère de Philippe, vient asùster aux pompeu-
ses relevailles de sa soeur en compagnie de Jean de Hainaut son
oncle. Pressé par Jacques d'Arteveld de s'entendre avec
Edouard III, le comte de Flandre déclare qu'il aime mieux per-
dre tous les revenus de son comté que de s'allier avec le roi
d'Angleterre contre son cousin le roi de France ; et de peor
qu'on ne le veuille contraindre k cette alliance, Lotiis de Nevers
quitte la Flandre et se retire en France avec Marguerite sa
femme et Louis son fils à la cour de Philippe de Valois, P. 418.
Jacques d'Arteveld se rend alors à Anvers auprès du roi d'An-
gleterre, accompagné de soixante bourgeois des plus grands de
Flandre; et sur les instances du chef de cette députation, ami
dévoué des Anglais, Edouard III consent à rendre aux Flamands
l'étaple des laines qu'ils ont perdue depuis trois ans, à la condi-
tion qu'il pourra désonnais aller et vettir en Flandre , avec on
sans armée , comme il lui plaira ; mais les envoyés des bonnes
villes refusent de s'engager au nom de leurs compatriotes à en-
vahir le Touméûs , les chSteUenies de Lille et de Douai et à
prendre les armes contre le roi de France. Après le départ de
ses collègues , Jacques d'Arteveld passe son temps en allées et
venues de Gand À Anvers ; il est sans cesse en visite auprès d'E-
douard III auquel il promet de le rendre maître de la Flandre.
II se fait fort, quoi qu'en aient dît les autres députés flamands,
de mettre sur pied au besoin cent mille combattants prêts à atta-
quer et à envahir la France par le câté qu'Edouard III leur dé-
«gnera. Cest qu'autant Jacques d'Arteveld est prochain et ami
du roi d'Angleterre, autant il est craint et redouté par toute la
Flandre. Depuis le départ du comte, il y règne en souverain ; et
nul n'est plus puissantque loi, principalemHit à Gand.... P. (il9.
Edouard III convoque à Anvers ses principaux alliés, le duc de
Brabant, le comte de Gueldre, le marquis de Julîers, les comtes
de Oèves et de Salm, le marquis de Brandebourg, le sire de Fan-
quemont'i et le comte de Hainaut seul refuse de se rendre à l'ap-
pel de son beau-frère. P. 417.
1. fautpttmoia eu U traduction franfùie de FtJktubîirg, hwalité qui
;vGoo»^lc
SOJCUAIRE DU PREMIEE LIVBE, $$ flS-e?. ccnz
Mis en demeure de fournir les secours promiB au roi d'Angle-
terre, ces seigneurs demandent du temps pour réflÀ^hir ; et I'ob
convient d'une nouvelle entrevue qui doit avoir lieu trois semai-
ues après la Saint-Jean. En attendant cette entrevue, Edouard III
va habiter avec sa fenune l'abbaye Saint-Bernard d'Anvers.
P. 420.
En Brabaot, le roi d'An^eterre compte plus de partisans que
le roi de France , spécialement parmi les habitants des bonnes
villes; mais le duc, qui est prudent et avis^, ne se veut point
mettre en guerre avec son puissant voisin , et il se promet bien
de ne jamais fitre anglais, si en Hainaut et en Flandre on ne l'est
encore plus que lui. Quant aux Flamands, ils inclinent de plus
en plus du cAté de l'Angleterre. C'est que Jacques d'Arteveld,
qui est alors tout en Flandre, fait sans cesse des discours aux
habitants de Gand, de Bruges, d'Ypres, de Couitrai, d'Aude-
narde , oit il montre si bien les avantages de l'alliance anglaise
que ses compatriotes sont prêts à marcher à son commandement
sous la bannière d'Edouard 111. Les dispositions sont les mêmes
dans le Hainaut où les gens des communes surtout sont très-fa-
vorables auE Anglais ; mais le jeune comte Guillaume (Ut que
Philippe de Valois son oncle lui est plus prochain et la France
plus amie qu'Edouard III et l'Angleterre. P. 420 et 421.
Troisième rédaction. — Jacques d'Arteveld fait e'n sorte que
les échanges ne recommencent pas entre la Flandre et l'Angle*
terre immédiatement après l'affaire de Cadsand. Les marchands
anglais, qui ont sur le quai de Londres et ailleurs une quantité
énorme de sacs de laine, ne désirent tien tant que de les vendre
pour avoir de l'argent. Les drapiers de Flandre et dn Brabant,
de leur câtë, ne désirent rien tant que de les acheter pour les
employer à la fabrication du drap. Jacques d'Arteveld, qui sait
tout cela, n'en écrit pas moins au roi d'Angleterre pour l'enga-
ger à ne pas lever les prohibitions jusqu'à nouvel ordre, P. 413.
Lorsque les habitants de Bruges, de Damme, de l'Écluse,
d'Ypres, de Courtrai et du terroir du Franc voient que la raer
n'est pas plus ouverte après l'affaire de Cadsand qu'auparavant,
ils commencent à murmurer et vont se plaindre au chef popa-
Uire de la ville de Gand. On convient après de longues déli-
D,qrt,zeabvG00»^lc
GCXK CHRONIQUES DE I. FROISSART.
bëratioos de nommer dans <^aqae bonne ville deux bourgeois
qui iront en Angleterre avec Jacques d' Arteveld prier Edouard III
de rendre aux Flamands l'^tapie des laines, et on leur donne
pleins pouvoirs d'adhérer au nom de toute la Flandre an traite
conclu par l'^êque de Durham et les autres députés an^ais
avec les Gantois. Ces députés s'embarquent à l'Écluse et arrivent
à Londres où ils vont loger dans la rue de Ut JUole*. P. 413
à fais.
Le roi d'Angleterre, après avoir fêté k Eldiam les envoyés
flamands et surtout Jacques d'Arteveld, réunit son conseil au
palais de Westminster, et l'on y décide qu'il sera iait droit à la
requSte des Flamands. Ceui-d promettent en retour de recevoir
dans leur pays Edouard III et son armée et même de se j<Madre
au duc de BrabanI et aux seigneurs allemands pour man^^
contre Toomai ou Cambrai , là où il plaira au roi anglais de les
conduire. I^es députés de Flandre stmt à peine rentrés dans leur
pays qu'on voit les laines anglaises affluer à l'Ecluse, à Damme
et & Bruges où les drapiers du Brabant et d'ailleurs vîennrat
les acheter. P. 41K et 416.
Vers la Saint^ean (24 juin], Edouard III laisse à Windsor la
reine sa femme alors enceinte d'nne princesse qui reçut le nom
d'Isabelle et fut depuis dame de Coucy. Puis il s'embarque au
port de Londres en compagnie de Robert d'Artob qui a inspiré et
fomenté toute cette entreprise. La flotte anglaise jette l'ancre
devant Anvers la nuit de la Saint-Jacques et Saint-Cluîstophe
(tS juillet). Le roi d'Angleterre ne tarde pas à recevoir dans
cette ville la visite de Jean de Hainaut, puis du duc de Brabant
son cousin germain, du comte de Gueldre et du marquis de
JuUn^. P. 416. 417 et 418.
CHAPITRE XXIT.
1332 à 1338. totâoks* bt sham na nAvm bbuci, moi n'icossR,
BR »AHCB (S 69).
Première rédaction. — David Bruce, dépouillé de ta plus
1. Ce» expreiùom de Froiisart : la ru* Jt la Mwle, détignenl peui-
êcre le Strand.
S. Nous écrivoiu Mjragtt au plane], parce que, s'il paraît bien établi
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $ 69. ccxxi
grande partie de son royaume , prend le parti de se retirer en
France ofi il trouve ainsi que la reine sa femme l'accueil le plus
empresse. Philippe de Valois met à la disposîtian du roi d'Ecosse
plusieurs de ses châteaux et se charge de pourvoir à tous les
frais d'existence de son hâte. Par l'entremise de David Bruce, un
traité d'alliance offensive et défensive est conclu entre le roi de
France et les seigneurs d'Ecosse partisans de David : Philippe
de Valois s'engage à secourir de tout son pouvoir les Écossais
qui promettent en retour de n'accorder aucune trêve aux Anglais
sans le consentement de leur roj'al allié. Amoul d'Audrdiem,
maréchal de France, et le sire de Gareodères, envoyés en
Ecosse à la tête d'un corps d'auxiliaires, se couvrent de gloire'.
P. 1^6 à J48.
Seconde rédaction. — Toutes les forteresses du plat pays
d'Ecosse sont tombées au pouvoir des Anglais, et Guillaume de
MoQtagu, comte de Salisbury, occupe Edimbourg. Le comte de
Hurray, Guillaume de Douglas, Robert de Vescy, Simon Fraser,
Alexandre de Ramsay se sont réfugiés dans les forêts de Jed-
burgh : le centre d'opérations de ces défenseurs de l'Ecosse est
le fort château de Dumbarton où le jeune David Bruce et U
reine sa femme ont fixé leur résidence. Lorsque les seigneiu^
écossais apprennent qu'Edouard in se dispose à entrer en cam-
pagne contre le roi de France , ils chargent Guillaume de Dou-
glas, le comte de Sutherland et Robert de Vescy d'aller en com-
pagnie du roi d'Ecosse négocier un traité d'alliance avec Philippe
de Valois. David Bruce s'embarque à Aberdeen avec la reine et
que rairirée de Da'rid Bruce en FVaiica remonte ■ 1332, un voyage de
ce prince en Ecosie, avant t'ouTeriure des hostilité» entre la ÏVance oi
l'Ansleterre , n'a rien que de conforme i la rraiiemblance. Certain!
dëlaitt de la seconde et de la troiiiime rédaclïao , notamment la ren~
contre dea Scouais et dei écumeun normands, font inppoier que ce
second voyage, s'il a existé réellement, a dd avoir lien en 1338-
l. Cette expédition dut avoir lien en 1335. An moU d'avril 13W,
Philippe de Valois donna au comte d'Eu mille livrea tonmoit de rente
sur le Trésor à Pans « comme dès l'an de grâce mil CCC ireni» ti «inf
noai tuitieni enUaiU à Chattilkeraut Je tnvoier en Sicece aotire ami et
féal eouàiî U comte de Su, eonaettaèU de France, en Cmdt du roy d'Eteoc*
centre U rof iC EngUterre ; et pour ce que nostre dit cousin, qui lenoit
en Engleteire et en Yrknde certaine terre en Ré du roy d'Engleterre,
ne devoit ne voloit sler encontre li sanx avant li renvoier son hora-
at, par nostre volenté et ordenance li renvoya de loi* l'omniage de
te terre, laquelle vmnt quatre mille livres toninoii par annéet com-
monet.... a (Arch. de l'Empire, JJ 7i, p. 74, f> 44.)
;vGoo»^lc
cciïn GHRONIQTJBS DE J. FROISSAHT.
les seigneurs ci-dessus nommés. Pendant la traversée, les quatre
navires qui portent le roi d'Ecosse et sa suite, pousses par un
fort vent d'est à l'embouchure de la Tamise près de Margate,
tombent au milieu d'une flotte de soixante- quinze vaisseaux
montés par des Normauds et des Génois en croisière dans ces
parages. Les Normands croient d'abord avoir afiàire à des An-
glais et ils commencent à donner la chasse à ces quatre navires ;
mais les Ecossais se font reconnaître, et aussitôt Hue Qderet',
qui commande la CKHsière, s'empresse de les escorter jusqu'au
port de Calais. Une fois débarqué, David Bruce passe à Thë-
rouanne, Arras, Bapaume, Péronne et arrive à Paiis. P. 429
à 431.
Philippe de Valois, qui vient de recevoir le défi d'Edouard III,
accueille avec joie le rtri d'Ecosse; il est heureux de trouver
dans les propositions d'alliance qu'on lui vient soumettre on
moyen de forcer son adversaire à détourner contre un pays au-
tre que la France une partie des forces de l'Angleterre. Aussi,
b conclusion du traité ne se fait pas attendre, et Robert de Vescy
retourne en porter la nouvelle à ses compatriotes. Aussitôt
qu'Edouard IIl est informé de cette nouvelle, il renvoie eu An-
gleterre l'évlque de Durham, les seigneurs de Lucy et de Mow-
bray, et il les charge d'inviter le comte de Sahsbury, les sei-
gneurs de Percy, de Nevill, de Greystock et Edouard Baillol,
capitaine de Berwiclc, à renforcer toutes les garnisons sur la
frontière d'Ecosse. P. 431 et 433.
Troisième rédaction. — Après la prise de Berwick, David
Bruce , forcé de se retirer à Aberdeen et aux environs dans la
Sauvage Ecosse, apprend que le roi d'Angleterre, à l'instigation
de Robert d'Artob, se dispose à revendiquer le trdne de France ;
1. Hue Qnieret, chevalier et conseiller du roî, ion amiral en mer,
fut capitaine de Douai da 28 octobre au 6 décembre 1339 (Bibl. imp..
De Campi, portef. 83, P" 311). Parmi le» chevalière qui servirent »iir
let fronti^i de Flandre en 1339 et 1340, on voit figurer Hue Quieret
avec ua écuyer * venu de Rouit.|è»-Fre»neiJionder« • [auj. Frcwnon-
tiert, Somme, bit. Amieni, cantoo Caatj). Le 34 avril Vîk^, Hue
Quieret, éanjei, fili de fen Gurfrard Quieret, chevalier, vendit aux
chapelains de Notre-Dame d' Amieni tout le fief dit de Gneraville, tenn
de Gaucher de Chttillon, leigneur de la Ferté en Pondiien et de
Harie de Tontecourt sa femme et situe i Dotns (aui. Doingt-Flami-
court. Somme, arr. et canton Përonne). Aroh. de l'Empire, JJ 73,
p. 555.
;vGoo»^lc
SOHBLURE DU PREHIER LITRE, $$ 68-71. ocxziii
et il forme le projet de se rendre sur le coDtînrait pour négocier
un traité d'alliance avec Philippe de Valois. Ce projet reçoit l'ap-
probatiOD des Écossais qui ont tonjours élé plus partisans des
Français que des Anglais. Le roi d'Ecosse s'embarque au port
de Montrose ai compagnie de la reine sa femme, de Guillaume de
Doutas, de Tingt-six chevaliers et écuyers, des dames et damoi-
selles de la suite de la rane j il confie la de'fense du royaume en
son absence à Ardûbald de Douglas, à Robert de Vescy , à Alexandre
de Ramsay et à Simm Fraser. Les Écossais abordent à l'Écluse
où ils se font passer pour des pèlerins et pèlerines qui voiU à
Saint-Maur des Fosses. De l'Écluse, ils se rendent par eau à
Bruges où ils attendent leurs chevaux et renouvellent leur équi-
page. Us passent à Lille, à Arras, à Ëclusier*, à LihtMis* en
Santerre, àSoye, àCanny*, à Ressoos* à &eîl, et ils ne s'arrêtent
qu'à Luzarches'. Arrivés là, Guillaume de D(Higlas et David de
Lindsay prennent les devants pour prévenir le roi de France.
Phil^^ de Valois, qui tient alors sa cour à l'hôtel du bois de
Viocomes, envoie au-devant du roi et de la reine d'Ecosse les
seigneurs de Montmorency et de Garencières. De Luzarches, le
c(»tége royal vient coucher à Saint-Denis; et l'entrevue des deux
rois et des deux reines a lieu le lendemain au Bois avant la messe.
Le séjour du roi et de la reine d'Ecosse en France dura neuf ans
pendant lesquels ils habitèrent la ville et le château de Nemours
que Philippe de Valois leiu: avait assigné pour leur demeure
avec une r«nte de mille écus par mois. P. 432 à 43S.
CHAPITRE XXT.
1338. iNinrcTioH n'ânouAKO II! nr qvarrt vm viquu di
i.'BWiai (SSflS, 70, 71).
Le roi d'Angleterre et ses alliés décident qa'une députation se
rendra auprès de l'empereur d'Allemagne afin de solliciter le dtre
1. ÉcluHer-Vanx, Somme, air. Péronne,
S. Lihoni, Sooime, air. Péroi
3. Canny^iir-UaU, Oiae,
4. Re*Hiii»4iir-Hatz, Oiu
5. Luzarches, Seine^t-OUe, ut. Pootoise.
Compîègne, c. Lauïgny,
'. CompiéenG.
jvGooi^lc
â
ccxxnr CHRONIQUES DE J. FHOISSA&T.
de vicaire de l'Empire en faveur d'Edouard III. Cette d^utation
se compose du comte de Gueldre et du marquis de Juliers, qui
représentent les seigneurs allemands, de l'ëvSque de Lincoln, de
Renaud de Cobham et de Richard de StaSbrd qui s<Mit déïégaéi
par le roi d'Angleterre. Ces députés' vont trouver l'empereur à
Nuremberg* où leur mission, secondée par l' impératrice Hargue-
rite de Hainaut, est couronnée d'un plein succès. Les électeurs
et les plus hauts barons de l'Empire, tels que le duc de Saxe, les
marquis de Brandebourg, de Meissen et d'Osterland, les arche-
vêques de Cologne, de Trêves et de Mayence sont convoqués à
cette entrevue solennelle qui dure trois jours; le duc de Brabaot,
convoqué aussi, se fait excuser et remplacer par le seigfoeur de
Cuyk*. Là, devant tous ces princes et seigneurs, Louis de Bavière
érige en marquisat le comte de Juliers et en duché le comté de
Gueldre. En mSme temps, il fait Edouard III son vicaire par tout
l'Empire, il l'autorise à battre monnaie en son ntun, et il enjoint
à tous ses sujets d'obéir au vicaire impérial comme à lui-mSine ;
enfin, il donne mission aux délégués tant anglais qu'allemands
de remettre de sa part au roi d'Angleterre les insignes et titres
de la Douvelle dignité dont il l'a investi. P. 144, 14S, 424 et
42S.
AusdtAt que les habitants de Cambrai, qui est chambre et
terre de l'Empire, apprennent qu'Edouard III vient d'Stre aommé
vicaire de l'empereur, ils craignent que le roi anghds ne veuille
s'emparer de leur ville pour en faire un de ses avant-postes
contre la France. Et comme ils sont et veulent rester boas Fran-
çais, ils chargent leur évëque Guillaume d'Auxonne, excellait pa-
triote, originaire du Berry et de la Sologne, d'implorer pour eux.
au cas où ils seraient attaqués, l'appui du roi de France. Phi-
1. D'aprèi l'abrégé de 1477 ou ms. B 6, l'fntrevue eut lieu i Co-
bUnt, non entre dei d^lëauéi du roi d'Angleterre, mail entre U roi
iAngUttrre lui-tnimt tt Femperear ^Allemagne. Cette Tenion est U
■eule qui loit de tout point conronne k la vëritt: historique.
2- D'aprèi la première et >uui d'âpre la troiiième ^daction, l'en-
trevue le tint à Floreberg; mais Kloreberg Ou Florenberg «emble pro-
Tenir de quelque m<!pri»e de copiste et probablement d'une mauraiae
3. Otton, Bire de Cuyk, fib de Jean, marié à Jeanne dame de
Heïerlë, nui» en 1333 à Jeanne de Flandre, fiUe do lire de Tenre-
monde. Otton mourut uns enfanta peu après 1350. Cnyk iait aujour-
d'hui partie de la Hollande.
;vGoo»^lc
SOHBUHtE DU PREHIEa I.IVRE, §§ 68-71. ccsxt
lippe de Valois promet de venir à leor secours, et l'on verra qu'il
tint sa promesse*. P. 4Ï!7 et 428.
Rendes-vous est pris pour entendre la réponse de l'empereur
Louis de Bavière. Quoique les seigneurs d'Allemagne aient dési-
gne Utrecht comme plus à leur convenance , ce rendez-vous a
lieu, sur l'insistance du duc de Brabant, à Herck' dans le comté
de Looz le jour de la Saint-Hartin d'hiver (11 novembre). La
cérémonie se tient dans la grande vieille halle de la ville, magni-
fiquement décorée pour la circonstance. Edouard III siège , la
GOurooDe en tête, sur un ëtal de boucher transformé en trdne.
Là, devant un immense concours de seigneurs et de pétale, il
est donné lecture des lettres qui instituent le roi d'Angleterre vi-
caire de l'Empire et qui l'investissent de toutes les prérogatives
afiïrentes à cette haute dignité. Edouard III et ses alliés se sé-
parent en s' ajournant à trois semaines après la Saint-Jean pour
aller mettre le siège devant Cambrai qui doit relever de l'Em-
pire. P. 1^9, ISO, 439 et 436.
Le roi d'Angleterre, de retour au château de Louvatn, re-
quiert â titre de vicaire de l'Empire et se fait promettre le libre
passage pour lui et pour ses gens â travers le comté de Hainaut ;
puis, il mande à la reîce sa femme, restée en An^eterre, de
passer la mer et de le venir rejoindre. Philippe s'embarque au
palais de Westminster, aborde à Anvers et fait son entrée à Lou-
vain avec une escorte de plus de deux mille hommes. Le roi et
la reine tiennent leur cour pendant tout l'hiver dans le chSteau
du duc de Brabant avec beaucoup de magnificence. Ce séjour est
très-onéreux pour les finances d'Edouard III qui entretient en outre
il ses frais sur le continent plus de deux mille chevaUersouécuyers
et environ huit mille archers. Il faut solder tous les mc»s les
gages de ces gens d'armes, sans compter les cadeaux destinés à
gagner l'amitié des seigneurs allemands qui ne font rien, ni pour
parenté ni autrement, si on ne les paye d'avance à beaux deniers
1. Un rouble traité d'ailliiinoe fut conclu en novembre 1339 entre
Philippe de Valois et la cité de Cambra!. Entre autrei prÎTil^^e* qui
furent accordét aax habitants de ia dite ville, le roi de Frûice pnt l'en-
gagement d'entretenir i lei frais 300 hommes d'armes et 300 arbal^
trier* pour défendre Camhrai contre tons, excepta contre l'empereur de
Borne, roi d'Allemagne. (Arch. de l'Empire, JJ 73, p. 344, f° 191-}
a. Tro'uiimt rédaction ; Herck en Hesbaing {pays ue Lï^ge). — C'eit
■njourd'htii Herck^ViUe, prov. de Limbourg, a 13 k.. de Huielt.
q,t,7edbyG00»^lc
OGxm CHRONIQUES DE J. FROISSAKT.
comptants. Pendant ce temps, le duc de Brabant continue de re-
nouveler ses protestadoDS de dévouement au roi de France par
l'intermédiaire de [Léon] de Cralnhem' délégué à cet effet auprès
de Philippe de Valois. E^ lorsque bientôt après les actes viennent
donner un démenti à ces protesUtions , l'bcHmftte et loyal repré-
sentant du duc, honteux d'avoir été l'intermédiaire d'aussi impu-
dents menstHiges, en meurt de douleur. P. ISl, 43S à 439.
Manuscrit de f^alenciames. — Le samedi avant la Nativité
(S septembre), Louis de Bavière, empereur de Borne, est assis à
Coblenz en siège impérial sur une estrade de douze pieds de
haut; il est vêtu d'une étoffe de soie de couleurs variées recou-
verte d'une dalmatique avec fanon (manipule] au bras et étole
croisée par devant à la manière des prêtres, le tout blasonné aux
armes de l'Empire ; il a les pieds chaussés de soie comme le reste
du corps, et la tète coiffée d'une mitre ronde qui supporte une
magnifique couronne d'or ; il a les mains gantées de soie blanche
et aux doigts des anneaux du plus grand prix. Il tient de la main
droite un globe d'or surmonté d'une croix vermeille, et de l'autre
main le sceptre. A la droite de Loois de Bavière, le marquis de
Meissen a la garde du globe d'or. Tout à cdté de l'empereur
siège le roi d'Angleterre vêtu d'une étoffe vermeille d'écarlate
avec un château en broderie sur la poitrine. A la gauche des
empereurs, le marquis de Juliers est le dépositaire du sceptre.
Les électeurs sont deux degrés plus bas; et le seigneur de Cuyk,
représentant du duc de Brabant, qui tient en main une épée nue,
a la préséance sur eux tous. Après avoir Tait renouveler et con-
firmer par les électeurs les statuts fondamentaux de l'Empire,
Louis de Bavière déclare qu'il contracte alliance, ainsi que plu-
sieurs prélats et barons d'Allemagne, avec Edouard III là présent,
et qu'il institue le roi d'Angleterre son vicaire par tout l'Empire
et en toutes choses. P. ktS à 427.
1. JMg^ Jt U77 ounu.BS: Louis de Grauchon.
;vGoo»^lc
SOHUAIAE OU PREMIER UVRE, §§ 72-74. ccuru
CHAPITRE XXYl.
1337 à 1339. cKOtnius kt incduioits du nobiuvds iuk u> cAns
d'ikclitoub; uc dk aoimuii'roH, fi^uatifs sx squhx dd
un DB VKÀitoB, «JK •maa ir sm mbk (§§ 72, 74.)
1337 à 1339. Philippe de Valois arme en course et entretient
SUT mer une flotte composée de Normands, de Bretmts, de Pi-
cards, de Génois et de Biscayens sous les ordres de Charles Gri-
maldi, amiral de France, de Hue Quieret, de [Nicolas] Behucbet'
et de Barbavera *. Ces écumeurs, au nombre de vingt ou trente
mille, ont leurs principaux quartiers depuis Dieppe jusqu'à Har-
Beur, et c'est de là qu'ils partent pour donner la chasse aux An-
glais et anx Flamands ; ils infestent sortont les parages de Dou-
vres, de Winchelsea, de Mainte et eu général les ports qui
avoisinent l'embouchure de la Tamise. P. 1S3.
1337. Hue Quieret et ses Normands surprennent un dimanche
matin vers la Nativité (8 septemluv) le port de Southarapton à
l'heure où les habitants sont à la messe ; les écumenrs français
se rendent maîtres de la ville sans coup férir et l'occupent tout
un jour ; ils massacrent grand nombre de bourgecàs , violent les
femmes, les jeunes filles et ne reprennent la mer qu'après avoir
chargé leurs navires de l'immense butin qu'ils ont pu ramasser
dans cette dté, alors pleine de richesses. Pendant qu'ils pillent
ainsi la ville, ils envoient quelques-uns des leurs mettre le feu
anx hameaux des envircHis. Ce coup de main jette l'épouvante
dans tout le pays, et les nouvelles en viennent à ffînchester, à
SalidHU7, à Gmidford et jusqu'à Londres. Les milices de ces
1. NicoIm Bebnchet ou Beachel, d'oririne normande, ^tait chevalier,
n^torier et conseiller du roi (Arch. de l'Empire, JJ 74, p. 154)-'
2. Pîetro Bubavera, cpialifié i lergent d'armei * était de Gtees. Le
19 décembre 1337, Philippe de Valoii fit don « a «>n bien amé et
féal lergent d'armei Pierre dit Berttevaire • de 100 livre* toamoii i,
prendre inr lei émolumenti de U préràté de la Rochelle. Une leconde
donation de 100 antres lîvrei tournois de rente fut fiiite le 13 janvier
1341 an dit Ptetro Barbavera , à la conditioD de i faire venir de* partie*
de Jane (GAiei) en nostre dit royaume la famé et *e* en^z pour y
conTCTser d'ore* en avant et faire lenr perpétuel résidence. > (Areh. de
l'Empire, JJ 74, p. 233-)
;vGoo»^lc
CHRONIQUES DE J. FROISSÀHT.
villes accourent à cheval au secours de Soutfaampton ; mais quand
elles arrivent, les Français sont déjà partis. P. 1S3, 1S8 et à
l'addenda les var. des p. 1S3 et 1S8.
1339. Le roi de France apprend que l'intention du roi d'An-
gleterre est de venir mettre le siëge devant Cambrai. 11 envoie
aussitôt dans cette ville une garnison de deux cents hommes d'ar-
mes, tant de France que de Savoie, sous les ordres de Louis de
Savoie, d'Etienne dit le Galois de la Baume, d'Ame de Genève,
de Miles de Noyers, de Loois de Chaton , de Jean de Grosley,
des seigneurs de Beaujeu', de Saint- Venant *, de Baxentin', d'Au-
bigny', de Roye', de Vinaj , de Fosseux*, de Beaussault, de
Coucy^ et de NeuchAtel*. Ces seigneurs approvisionnent Cambrai
de vivres et de fourrages et font enterrer trois des portes de la
ville. Philippe de Valois envoie en outre au Cateau-Cambresis
Thibaud de Moreuil, le maréchal de Mirepoix' et le seigneur de
Haineval'*; il pourvoit à ta défense de Bohain", de la Halmai-
son**, deCrèvecœur", d'Arleux" et en général de toutes les fron-
tières d'Artois, de Camhrésis et de Vermandois. Par l'ordre du
ir de Goucy, le seigneur de Qary ** va avec quarante lances
1. Edouard de Beanjeu.
3. Robert de WaTrin, lire de Saint-Venant, Robert de Wavria, sire
de la liile de Saint-Venant, dievalier baiineret , lervîi lur lei frootiire*
de Flandre du 30 octobre 1839 au S7 septembre 1340 avec 1 bachelier
«tlàOécajen. (Bibl. imp.,I>e Camp*, portef. 83, i^314v«.]
3. Renaud de Bazentin ^Uit venn avec 11 ëcujen de VimpreiAeir
Noyon (Oiie, arr. Compî^oe, c. Ribecoun). De Camp*, portef. 83.
P>338t".
k. Beruard d'Aubigny . — 5, Jean de Hoje.
6- Jean de Fowem, bumeret, servit en Flandre et en Hainant de
1337 à 1389 avec 3 chevaliera et 35 durera. (De Camps, poitef. 63,
7- Enguerrand, lire de Coucy, baimeret, «erTit sur lei frontières de
Flandre et de Hainant à partir du 3 mai* 1339 arec 1 autre cbenUer
banneret, S bachelien et écDjrert. (De Camps, portef. 83, P' 333 t*.}
8. Louii de Neufcltâtel.
9. Jean de Lërii, maréchal de Hirepoîx. — 10- Raotd de Rainerai.
11. Aime, arr, Saint-<}aendD, ch,-l. de c.
19, Ce eliâteau simé dan* la commune d'On, arr. de Cambrai, ap-
partenait aux érâques de cette ville et fiit démoli lous IMpiicopat de
Jean de Len* en U38.
13. Nord; arr. Cambrai, cant, Harcoins.
lit. Nord, arr. Douai, ch,-l. de c.
iîi. Robert, lire de Clari, «errit avec 3 A:uyera à Douai soui Hue
Quicret et 1339. (De Camps, portef. 83, f^ 311 v").
;vGoo»^lc
SOMMAIRE on PREMIER LIVRE, SS ^i•^3' ccuiz
ie bûos compagnons occiqier Oùy en CambHsis. En mSme temps,
Philippe convoque tous ses gens d'armes à GmnpiègDe, k Péronne,
ji Biqtaame et k Arras. Avis est aussi donn^ de l'ouverture des
hostilités à Jean, roi de Bohême, à Raoul, duc de LorraÎDe, à
Henri IV, crante de Bar, à Adbémar de HooteU, évêque de Metz,
k Adolphe de la Harck, dvêque de Liège ; et ces princes s'empres-
sent d'assurer le roi de France de leur fidélîtë. Le jeune crante
de Haïnaut, prévenu comme les précédents, fait réponse à Phi-
lippe de Valois son oncle que . vassal de l'empire d'Allemagne
pour une partie de sa terre, il ne pent refuser de marcher avec
Edouard III, vicaire de l'empereur, autant du moins que celui-ci
se tiendra dans les limites du territoire de l'Empire ; mais Guil-
laume II proteste qu'au delA de ces limites, il est prêt à servir
le roi de France contre tout bomme. P. 157, kkl, 448 et 452.
CHAPITRE XXVn.
1339. DicumATiON di goube bt oiivkrtuh du HOSTiuris eiitu
LA nuUIGB KT l'iNOLETEUE : ASSEHBLAes DB VII.V01DB ET DB lU-
UNBS ; CHBVADCBiB DB âADTIEB DB HlmiT XS CÂKUtSll ET PlLlSI
DB TKnif-L' ÈTtQVK fÀB LES ARGLAIS (§§ 72 et 73).
L'hiver se passe en préparatifs de guerre, tant du cdté des
Anglais que du cAté des Français. Après la Saint-Jean (24 juin),
Edouard III quitte le chiteau de Louvam et vient à Vilvorde
près de Bruxelles où il a donné rendez-vous à ses gens ainsi
qu'au duc de Brabant et à ses alliés d'Allemagne. L'année an-
glaise, composée de six cents armures de fer et de huit ou dix
mille archers, tons gens d'élite, reste campée dans les belles
prairies qui s'étendent entre Vilvorde et Bruxelles, depuis la
Madeleine (22 juillet) jusqu'à la Nativité (S s^tembre). Le roi
d'Angleterre, fatigué d'attendre en vain l'arrivée des seigneurs
d'Allemagne, les convoque à une entrevue qui doit se tenir à
Matines * le jour de saint Gilles (1" septembre) . Le duc de Goel-
1. D'après Vatrégé de lii77, l'eiUreTue définitive d'Edouard III et
de* seigneur* d'AUeoitgne se tint k Anvers. P. kV&- D'aprèi U TniiUm*
r/iaetioK, cette entrevue ent lien d'abord à Vilvorde mime, pui* â
Blaline*. P. «40 et 448.
;vGoo»^lc
CGXxx CHRONIQUES DE J. FEOISSART.
dre, les marquis de Joliers, de Heersen et d'OtterUnd', de Braa-
debourg, Jean de Hainaut, les comtes d« Berg, de Salm et de
Looz, le seigneur de Fauquemont, Amoul de Blankeahràu* et soo
frère Valerand de Juliers, archevêque de Cologne et plusieurs
chevaliers, francs rustres d'Allemagne, se rendent à cette entre-
vue. Tous ces seigneurs s'accordent à dëfier le roi de France de
concert avec Edouard III. Le duc de Brabant seul refuse de Mre
ccMnme les autres; il dit qu'il se réserve de dëfier le roi de
France isolement, lorsque le roi anglais et ses allies auront nus
le siëge devant Cambrai. L'^vèque de Uncoln reçnt la mission
de remettre les lettres de dëfi à Philippe de Valois. Cet ëvSque,
apr^s avoir attendu à Valendennes le retour du béraut chai^
de lui apporter un sauf-conduit, se rend à Paris en passant par
le Cateau-Cambrésb, Saint-Quentin, Ham, Noyon, et il va loger
au CfaSteatt-F^tu' dans ia rue du Tiroir, derrière les InuocenU;
il est reçu en audience par Hiilippe de Valois qui habite alors
l'hdtel de Nesle outre Seine. L'envoyé du roi d'Angleterre com-
mence par rendre an nom de son mahre l'hinumage tout ender,
tant pour le comté de Ponthieu que pour certaines terres de
Guyenne comprises entre Dordogne et Ginmde, car le reste des
possessions anglaises sur le coutiaent n'est point assujetti à l'hom-
mage; puis il remet au roi de France les lettres de défi dont il
est porteur. P. 152 k 1S4, 439 à 444.
Ces lettres de défi sont à peine remises que Gautier de Mauny
inaugure la guerre contre la France par deux beaux faits d'ar-
mes. Ce chevalier a fait voeu naguère en Angleterre, en présence
de dames et seigneurs, d'être le premier qui entrera en France
et y prendra château ou place forte. Jaloux d'accomplir ce vœu,
Gautier quitte Vitvorde*, se met à la tête d'environ soixante
bons compagnons et chevauche tant, de nuit comme de jom-,
qu'il parvient en Hainaut; il traverse les bois de Blaton', de
1. Partie orienUle de la Hollande.
5. Blankenheim on Blankenham ikit aBJooid'hni partie de k Hol-
lande, aiT. Zwolle, c. VoUenhoTe,
3. Voyei lur le Chiteau-Pétu et la me du Tiroir, Bitaé* dam le TOJ-
ûnage de la rue Saint-Honorë et de la rue de l'Arbre-Sec, la Topogra'
phU h'utorijue da t'ieax Paru, pu Berty, t. I, p. 4B à &1.
4- Jirigi d* 1477 : Gand. Secoadt ritUctioit : Anvers. — Troi-
tième rJdaelum : VilTorde. Hoiu adoptom cette dernière verrion comme
la plus Traitemblable.
6. Uaton, Belgique, prov. de Hainaut, A S6 k. de Tontnay.
;vGoo»^lc
SOHBLUHE DU PREMIER LIVRE, $S ''l-'^S. ccxzzi
Brifioniil* et de Wiers', et il arrive, tm peu avaot le lever du
soleU, devant Mortagite ' sur Escaut, à quatre lieues de Toniv
uay. Quatre de ses hoouues, habillés en paysannes avec
grands paniers plats recouverts de nappes Uancbes comme pour
aller au marché vendre du beurre ou du fromage, pénètrent
dans la ville à la faveur de ce déguisement i ils se saisis-
sent du portier et ouvrent la porte toute grande à leurs com-
pagnons. Gautier de Hauny s'élance, enseignes déployées, k
Tassant du donjon ; mais il trouve le guichet fermé et toutes les
entrées bien gardées, car la sentinelle a déjà donné l'éveil. Ce
que voyant, il prend le parti de se retirer, non sans avoir mis
b feu à im certain nombre de maisons de Mortagne. Il revient
sur ses pas jusqu'à Condé' où il passe l'Escaut et la Hayne, et,
laissant Valenciennes à sa gauche, il vient dtner à Denaïa* dont
l'abbesse est sa cousine. Après avoir passé une seconde f<HS
l'Escaut à Bouchain, au confluent de ce fleuve avec la rivière de
la Sensée, il surprend de grand matin la garnison de Thon-
l'ÉvËqne', fort château situé sur la rive gauche de l'Escaut et
relevant de l'évèché de Cambrai. U arrive devant cette place
juste au moment où les valets du château mènent les bestiaux
pattre dans les prés d'alentour. La forteresse n'est pas d'ailleurs
pourvue d'une garnison suffisante, car le pays ne croit pas fitre
en guerre : le châtelain est fait prisonnier dans son lit. Gautier
de Mauny met bonne garnison dans Thun-l'évèque sous les or-
dres de son frère Gilles surnommé Grignart. Cette garnison
causa dans la suite beaucoiqi d'ennuis aux hatutants de Cambrai,
car elle faisait trrns ou quatre fois par semaine des incursions
jusques sous les murs de cette ville, àtuée à une lieue seule-
ment de Tbun-TÉvèque. Après cet exploit dont l'évèque de Cam-
1. BriFTimiil, Belgique, dép. de Watmes-Audemes, pror. de Hainanl,
à 17 k. de Toumay.
3. Wien, Belgique, prov. de Hainaut. à 17 k. de Tonmaf .
3. Mortasue, Nord, air, Valenciennei, c. St-Amand.
4. Condé, Nord, an-. Valenciennes.
5. Denain, Nord, arr. Valenciennea, c. Bonchain, antrefoii liége
d'un chapitre noble de cbanoineHei, fondé en 7B4. D'aprèt la TreUiim*
rijaciiou, G. de Maimr dine à l'abbaye de Vicogne (dëp. de RjiiunM,
c. Si-Amand), et, après avoir Iravera^ de nuit lei bois de Walter», il
entre en Oatrevant et paue la Senije entre Douai et Cambrai. P. kW
et 447.
6. Thim-l'ETêqne, Nord, arr. et c. Cambrai.
;vGoo»^lc
ccxxxii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
brai se plaint amèrement an roi de France, levaîuquenr retourne
en Brabant où il reçoit les fi^citationa du roi d'An^eterre.
P. lS4à 1S6, hUà447.
CHAPITHE XXVin.
1339. snbiB dk umbui rAB <dodabd ui et sis iiuém
(SS « 1 ")■
Edouard III, dont tes forces réunies à celtes de ses atliës s'élè-
vent à vingt mille hommes, quitte Matines ' et vient à Bnixelles
parler au duc de Brabant. Le roi anglais et les seigneurs alle-
mands entrent seuls dans la ville ; l'armée reste campée hors des
murs. Sommé une dernière fois par les confédérés, le duc de
Brabant promet de les rejoindre devant Cambrai à la tète de
douze cents heaumes et de vingt mille hommes des villes de scm
duché. De Bruxelles, Edouard III va coucher à Nivelles ; puis
il se rend à ttfons où It passe deux jours en compagnie du jeune
comte et de Jean de Hainaut. On est au mois de septemljre, et
l'on a partout fait la moisson. L'armée anglo-allemande se répand
dans les villages de ta marche de Valencieones où elle trouve
vivres en abondance. Les Anglais consentent à payer ce qu'ils
prennent; quant aux Allemands, ils ont l'habitude d'être, i
moins qu'on ne leur force la main, d'assez mauvais payeurs.
P. 1S8, 1»9. kkS et U9.
Après avoir couché la veille et dîné au prieuré de Saint-Saulve,
à une demi-lieue de Valenciennes, Edouard III fait son entrée
dans cette ville par la porte Montoise au milieu d'un imposant
cortège de seigneurs anglais et allemands, tandis que son armée
prend le chemin d'Haspres et va camper sur les bords de ta
rivière d'Escaillon. Le comte Guillaume, escorté de son oncle,
des seigneurs d'Enghien, de FagnoUes, de Verchain et de Havre,
conduit par la main le roi anglais jusqu'à l'hAtel ^»pelé la Salle,
décoré !pour la circonstance avec une magnificence vraiment
royale. Au moment où le cortège monte les degrés du perron de
cet hfitel, l'évêque de lincoln somme à haute voix et par trois
fob, au jtam de son maître, Guillaume d'Auzonne, évëque de
rJdaciioH. Vilyorde.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $$ 75-77. ccxxiiit
Cambrai, d'ouvrir les portes de cette ville impériale aa roî
d'Angleterre, vicaire de l'empereur, sous peine de forfaiture*. Le
comte de Haioaut, sommé à son tour et avec le même cérémo-
nial, r^pcmd qu'il est tout prêt à faire son devoir de vassal de
l'Empire, et que dans trois jours il aura rejoint son beau-frère
i la tête de cinq cents lances. Après un souper somptueux,
Edouard III passe la nuit dans l'hâtel de la Salle réservé ezcto-
sivement pour son usage par le comte et la comtesse de Hainaut
installés à t'hâtel de Hollande. Le lendemain, le comte Guillaume
fait la conduite an roi anglais jusqu'à Haspres; et les deux
beaux-frères rendent visite sur le chemin à Jeanne de Valois,
douairière de Hainaut, leur mère et belle-mère, qui habite
l'abbaye de Fontenelles. D'Haspres où il reste deux jours,
Edouard HI vient camper avec son armée à Naves*, à Iwuy et
à Cagnoncles, et il met le siège devant Cambrai. P. 160 et 16],
4S0 à kSÎ.
Le second jour du siège, le comte de Hainaut et Jean de Hai-
naut son oncle, à la tète de dnq cents lances, rejoignent les as-
siégeants ; et quatre jours après l'arrivée de ce renfort, le duc
de Brabant se rend à son tour devant Cambrai avec neuf cents
lances, sans compter les autres armures de fer; il va occuper,
du cdté de l'Ostrevant, la rive gauche de l'Escaut sur lequel tes
assiégeants jettent un pont pour assurer les communications entre
leurs différents corps d'armée. Les coureurs anglais et alle-
mands portent tous les jours le ravage dans le Cambrésis, et
ils poussent leurs incursions jusqu'à Bapaume ; mais les habitants
du pays, qui ont été prévenus à temps, ont eu soin de mettre
leurs biens en sûreté dans les forteresses, et ils ont chassé de-
vant eux leur bétail jusqu'en Artois et en Vermandois. Jean de
Hainaut, Gautier de Mann}', le seigneur de Fauquemont et quel-
ques chevaliers de Gueldre et de Juliers ont coutume de faire
ensemble leurs chevauchées. Un jour ces seigneurs, à la tète de
1 . Gaillanmc d'Aoxoiuie répandit à cette aomixiBtîon en lançant l'in-
terdit contre le comte de Hainaut. An mois d'octobre 1339, appel fut
fait au Saînt-Âi^ge par Guillanme, comte de Hainant, de l'interdit
lanc^ contre lui par Guillaume d'Auxoiuie, évêqne de Cambrai, à la
Miite de l'entra à main arm^e du comte en Cambràîi. (Arch. du Nord,
4* cartulaire de Hainaut, p. SO.)
3. NaTet, Ittuj et Cagnoncles sont dei communes limitroplies lî-
tuèes dans le dép. du Nord, bit. et o. de Cambrai.
;vGoo»^lc
wuzrr CHRONIQUES DB S. FROISSART.
cinq cents lances et de mille antres combattants, vont livrer un
assaut terrible an chSteau d'Oîsy * en CambHsis ; mais ce chitean
est si bien défendu par la garnison, placée sous les ordres du
seigneur de Coucy, que les assaillants sont repoussés après avoir
perdu beaucoup de monde. P. 161 et 161, kHi i 4S4.
Un samedi matin, le valeureux Guillaume de Rainant met pied
à terre et vient avec ses gens assaillir la porte de Saint-Quentin.
Le comte est suivi de ses maréchaux Erard de Verchain et Henri
d'Antomg ainsi que des seigneurs de Ligne, de Gommegnies, de
Brifiœuil, de la Hamaide, de Mastaing, de Boisin, de Berlaimont
et de Henri d'HouBalize. La porte est défendue par des gens
d'armes de Savoie sous les ordres d'Ame de Genève et du Galois
de la Baume. L'attaque de cette porte est signalée par un com-
bat singulier qui se livre en dedans des barrières entre Jean
Chandos, alors écuyer, et un vaillant écuyer nommé Jean de
Saint-Dizier *. Après une lutte acharnée, Jean de Bainaut reste
mattre de l'espace compris entre la porte de Saint-Quentin et
les barrières. Pendant ce temps, le duc de Gueldre. le marquis
de Juliers , les seigneurs d'Ënghieu et de Blaokenheim livrent
un assaut non moins terrible à une autre porte, appelée la porte
Robert, défendue par Louis de Châlon et le seigneur de Vinaj,
tandis que Jean de Hainaut, Thierry de Walcourt et le seigneur
de Fauquemont s'efforcent d'enlever la porte de Donai confiée à la
garde de Thibaud de Moreuil et du seigneur de Roje. Le comte
Raoul d'Eu amène fort à propos un renfort de deux cents lances
qoi pénètre dans Cambrai par la porte du côté de Bapaume et
relève le courage des assiégés. Après un assaut qui a duré tout
un jour, les assiégeants prennent le parti de se retirer. Sur ces
entrefaites, le jeune marquis Guillaïune de Namur vient avec deux
cents lances servir sous la bannière de Guillaume de Hainaut. Le
1. Nord, aiT. et c. Valencieniiei, Jean de Hordain Hùi diltelaîn
d'Oi»y en 1339 « 13W. Voyw. De Ctmpi, ponef. 83, P> 346 v". Le
chSleiD et la chStelleuie d'Oisy appartenaient à Enguerrand de Coucv,
Gis de Guillaume, lire de Coucf , d'Oisj et de MonUnîrail. En 1343,1e
sire de Coucy fit assiette de 600 livres de terre dan à son oncle En-
gnen-and, ricomle de Meaui, et la terre de Camtret'u, en la chatleUerit
d'Oui,.,, «ur lei boii d'HaTTaincourt (HaTrincouri). (Arcli. de l'Empire,
JJ 74, p. 663.)
3. • Jossenin, «ire de Saint-Disier, l figare dan* l'établie dei fron-
tière* de Flandre et de Hainaut sous Mahieu de Tiie du S8 juId au 27
octobre 1339. (Bibl. imp.. De Camps, portef. 83, f' 445 r>.)
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, $^ 78-83. ccxxxv
comte de Hainaut et le marquis de Namur d^larent, du reste, Tnit
et l'autre, que s'ils fout cause commune avec Edouard III sur le
territoire de l'Eminre, ils n'en sont pas moins décidés i aller re-
jcnndre Hùlii^ «k Valob aussitAl que )e roi anglaii mettra le
[ned en France. P. Ut et 163, 454 et 4SS.
CHAPITRE XXIX.
Î39. CTOTAUCBiBD
■ l'abhéb akguub es TBuiumois, khlaohnoib
ET BZI xmâKACHB
sites D'EaNaKomï kt pu» db buisb pai
JUS DK KAIMAVT
SAC DE HoirviOEi FÀB LU uxEMAinis (§S 78
Â83].
Cambrai r^ûste depuis cinq semaines à tontes les attaques du
roi d'Angleterre et de ses alliés. Pendant ce temps, le roi de
France achève de rassembler ses gens d'armes à Péronne en Ver-
roandois. Edouard III, informé de ces préparatifs, réfléchit que
la ville qu'il assiège est très-forte , pourvue d'une bonne garni-
son et bien approvisionnée ; il voit d'ailleurs que l'hiver approche
et avec l'hiver les longues ntûts. Cest pourquoi, de l'avis de ses
principaux conseillers, Robert d'Artois, Jean de Hainaut et le
comte de Derby, il prend le parti de lev^ le ûége de Cambrai
pour entrer en France et marcher à la rencontre de KùUppe de
Valois. Le duc de Brabant, mis en demeure de renoncer à sa
politique ambiguë et de se déclarer définitivement dans un sens
ou dans l'autre, se décide à défier le roi de France tant eu son
nom qu'au nom des seigneurs de Cuyk, de Berg, de Bautersem,
de Petersem, de tons ses feudataires et des barons de sou paya.
Philippe de Valais reçoit ce défi à Péronne et envoie aussitôt à
Paris prévenir [Léon] de Crainhem qui ne cesse avec une par-
faite bonne foi de se porter garant de la fidélité du duc de Bra-
bant son maître. Ce brave chevalier est tellement indigné d'avoir
été riustmment d'une déloyauté, qu'il en tombe malade et finit
par en mourir de chagrin. P. t63, 164, 4SS à 4S7.
Cependant l'armée anglaise s'ébranle et se met en marche dans
la direction du Hont-Saint-Hartin ' qui est de ce cdté l'entrée de
;vGoo»^lc
ccxixTi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
France. Cette marche se fait en bon ordre, par conn^tablies, cha-
que seigneur au mUieu de ses gens. L'annëe anglaise a pour ma-
réchaux les comtes deNortbarapton, de Gloucester et de Sufiblk
et pour connétable le comte de Warwk. Arrivés à quelque dis-
tance du Mont-Saint-Martin, Anglais, Allemands et Brabançons
passent la rivière d'Escaut qui n'est guère large en cet end-:Jit. Avant
le passage, le comte de Rainant et le marquis de Namur prennent
congé du roi d'Angleterre ; Guillaume de Hainaut annonce qu'il
va servir en France Philippe de Valois dont il est le vassal pour
la terre d'Ostrevant, de même qu'il a servi le vicaire de l'empe-
reur en l'Empire. AussitOt qu'Edouard III a passé l'Escaut et mis
le pied en France, il mande auprès de lui Henri de Flandre, alors
jeune écuyer, le fait chevalier et lui assigne en Angleterre deux
cents livres sterling de rente annuelle. Le roi anglais vient se lo-
ger dans l'abbaye du Mont-Saint-Martin où il passe deux jours,
tandis que ses gens se répandent dans le pays environnant et
que le duc de Brabant occupe l'abbaye de Vaucelles'. P. iSk et
165, 4S7et 4S8.
Le comte Raoul d'Eu, connétable de France, aussitôt après la levée
du siège de Cambrai , revient en toute bâte à Péronne prévenir
te roi de France que l'armée anglaise se dispose k envahir le
Vermandois. A cette nouvelle, Philippe de Valois envoie À Saint-
Quentin les comtes d'Eu et de Guines, de Blois * et de Dam-
martin ', les seigneurs de Coucy *, de Montmorency' de Han-
gest', de Canny', de Saucourt*, avec cinq cents armures de fer,
pour garder la ville et faire frontière contre les Anglais. Charles
de Blois est chargé de défendre Laon ainsi que le pays des envi-
rons et spécialement la terre de Guise qui appartient à sa famille.
Le seigneur de Boye à la tête de quarante lances occupe Ham en
Vermandois ; Moreau de FienneS est mis dans Bohain , et Eusta-
che de IUbem<mt est préposé à la garde de la forteresse du mênae
nom. Le roi de France ne tarde pas à venir lui-même camper
1. Anioordnini hameaa de Cr^econr, an-, de Cambrai. Abbaye de
l'ordre de Qteaux an diocèse de Cunbrai.
5. Louii de Châtillon I" du nom, comte de Bloi».
3. Charles de Trie, comte de Dammartîn.
k. Fjiguerrsnd, tire de Coacy.
fi. Charlei, ure de Montmorency.
6. Roaue, tire de HanceM. — 7. Raonl le Flamand, lire de Canny.
8. GiUet, wre '' --^^—
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER UVRE, SS 78-^3. ooxuvii
avec ton armée sur les bords de la belle rivière de Somme entre
Péronne et Sunt-Qiientin. P. 16S et 166, 498 et 499, 462.
Pendant le séjour d'Edouard III à Fabbaje du Mont-Saint-
Hartin, ses gens d'armes courent tout le pajsdeseovirons jusqu'à
Bapanme et aux alentours de Përonne et de Saint-Quentm. Ils
trouvent ce pays riche et abondant en ressources de tonte es-
pèce, car il n'y pas eu de guerre depuis longtemps. Ils avisent
assez près de là un village appelé Honnecourt, ' petit, mais bien
fortifié, pourvu de portes, de murs d'enceinte et de fossés où les
habitants du plat pays se sont mis en sâreté eux et leurs biens.
Les seigneurs de Honnecourt*, de Jauconrt*, de Walincourt* et
d'Estonrmel ' sont à la tète de la garnison. Après une tentative
inGructuevse d' Amoul de Blankeoheim et de Guillaume de Duven-
voorde, Jean de Haioaut dirige une nouvelle attaque contre Hon-
necourt à la tête de cinq cents combattants parmi lesquels on
distingue les seigneurs de Fauquemont, de Berg, de Cuyk, de
Wisselare, Gautier de Idauny, Gérard de Bautersem et Henri de
Flandre qui veut inaugurer sa nouvelle chevalerie par quelque
beau fait d'armes. A Honnecourt il y a un monastère dont l'abbé,
qui est hardi et belliqueux, a fait venir à ses frais des arbalé-
triers de Saint-Quentin. Par les soins de cet abbé, on a construit
devant la principale porte d'Honnecourt une barrière dont les po-
teaux n'ont qu'un demi pied d'entre-deux. Un combat singuUer
se livre à cette barrière entre l'abbé et Henri de Flandre. Après
une lutte acharnée, l'abbé parvient à saisir le bras de son adver-
saire et il le tire si fort qu'il le iait entrer jusqu'aux épaules dans
l'entre-deux des poteaux de la barrière. Les compagnons de
Henri le tirent, de leur cfité, tant et si bien que le malheureux
chevaUer est grièvement blessé. Son glaive reste entre tes mains
de l'abbé , et il a été pendant de langues années exposé dans la
1. Nord, arr. Cimbrai, c. Harcoing. Abbaje de l'ordre de Ctteaux
an diocèie de Cambrai.
3. GaudcT de Thonrotte, KÎgneur d'Honnecoart, était capitaine de
par le roi de France, pour la garde dudit chtteau, avec 2 sacheliert
n 27 éeayen, pendant les aaaém 1338 et 1339. (BihI. imp.. De
Camp*, porter. 83, f» 346 »<■.)
3. &iird, lire de Jaucourt, bachelier, sert eu 1339 et 1340 itcc
9 écnyen; Tenu de Jaacoon lez Bar«iir'Anbe. (De Camps, portef. 83,
t> 34S ¥».)
4. Jean, aire de Watînconrt.
6. Raimband Creton, sire d'Estounnel, fili de Wader et père de Jean.
;vGoo»^lc
ccUEZvm CHRONIQtneS DE J. FROISSÂRT.
grande salle de fabbaye d'Honnecourt. Du moins, 3 y état en-
core un jour que Froissait passa par Ui, et tes moines le montraient
comme un magniGque trophée. Les assaillants , repoussas après
un assaut qui dure jusqu'à la tombée de la nuit, reviennent sur
leurs pas vers Gouy-en-Arrouaise ' . Le comte de Warwick n'est
pas plus heureux le même jour dans une attaque contre le chÂ-
teau de Ronsoy* qui appartient au seigneur de Fosseux'.
L'armée du roi de France est toujours campëe entre Saint-
Quentin et Péronne, entre Bapaume et Lihons* en Santerre. Le
lendemain de l'attaque d'Honnecourt, le roi d'Angleterre se dé-
loge du Mont-Saint-Martin après avoir donné l'ordre de ne faire
nid mal k l'abbaye. L'armée d'Edouard III et de ses alliés, forte
de quarante mille hommes, est divisée en trois batailles. La pre-
mière bataille ou avant-garde est commandée par les maréchaux
d'Angleterre; la seconde a pour chefs Edouard 111 en personne,
le duc de firabant, Hobert d'Artois, le duc de Gueldre , te mar*
quis de JuUers et l'archevSque de Cologne. Enfin, la troisième
bataille ou arrière-garde marche sous les ordres des marquis de
Meissen et d'Osterland et de Brandebourg, des comtes de Berg*,
d'Elle', de Heurs ^, de Salm, de Jean de Hainaut, d'Arnoul de
Blaokenheim et de Guillaume de Duvenvoorde, des sàgneurs de
Cuyk et de Fauquemont.
Le roi d'Angleterre, laissant Saint-Quentin à droite , vient se
loger, d'abord à l'abbaye de Fervaques' près de Fonsommes',
puis â l'abbaye de Bohéries'*. Le gros de son armée est campé
1. Aime, arr. Saint-Quentiii, e. le Cttelet.
3. Somme, arr. Péronne, c. Roisel.
3. Jean de FoMenx, cfaeralter batmeret du comt^ d'Artois, «errît sur
iM fronii^rea de Hainant de 1337 Â 13M.
k- Somme, arr. Përonne, c. Chaulnei.
&. Nons identiâoni ■ le comte de Uoni > de Froûurt avec le comte
de Bere. Berg fatuit autrefois partie du banc de VétéraTÎe , dans le
oomtë de Zntphen.
6 . « Le comte des Eles » de Froïaurt est pent-étre Amonl , seigneur
d'Elle en Westphalie, fendetaire du doc de Brabant. Voyez le Litre
4a feudatalru, pubLë par M. Galesloot. Bruxelles, 1865. P. 12.
7. Le comte de Meurs, dont le comt^ ëlait enclave dans le diocèse
de Cologne, figure aussi parmi les feodatairel de Jean DI, duc de Bra-
bant. LifTt lUt feudaiidret, p. 30.
8. Abbaye de femmes de l'ordre de Gteaux an diocèse de Noyon.
9. Aisne, arr. et c. SBint.QueDtiii.
1 0. Aujourd'hui Vadencourt-et-Boh^ie«, Aisne, arr. Verrins, c. Guise,
Abbaye d'hommes de l'ordre de Cîteaux an diocèse de Laoïi.
D,qit,zeabvG00»^lc
SOMMAIRE DU PBEHIER LIVRE, §§ 78-83. ccxxux
entre ces deux abbayes. La troisième bataille ou arrière-garde,
qui se compose d'environ deux mille armures de fer, se forme
en corps de fourrageurs sous la conduite de Jean de Hainaut,
d'Anioul de Blaukenheim, des seigneurs ^e Cuyk et de Fauque-
mont ; elle passe [t'Omignon] sous l'abbaye de Vermand', met le
feu aux faubourgs de Saiut-Qneutin, franchit l'Oise près de Ber-
not ' et porte le ravage sur la rive gauche de cette rivière. Ori-
gny-Sainte-Benotte' et son abbaye, la forteresse de Ribemont, oix
l'ahbesse et les religieuses d'Origny, à la nouvelle de l'approche
des ennemis, ont couru se réfugier avec leur reliquaire et leurs
biens, la ville de Guise elle-même, quoiqu'elle ait pour seigneur
le crante de Bloîs , gendre de Jean de Hainaut , deviennent la
proie des flammes. Cest en vain que la comtesse de Blois, qui
se tient dans le château de Guise, essaye de fléchir son père. € Re-
monte vite à ton donjon, répond Jean de Hainaut à sa fille, si tu
craios que la fumée ne te fasse mal. s P. 170 à 172, 462 à 465.
Pendant ce temps , l'évêque de Liocoln , Gautier de Mauny,
Renaud de Cobham, Guillaume Eltz-Waren, Richard de Stafibrd,
les stigneurs de Felton, de la Ware et les maréchaux d'Angle-
terre, qui commandent l'avant-garde, vont avec cinq cents lances
brdier Hoy*, Vendenil', la Fère et la ville de Saint-Gobain dont
b château seul est épargné ; ils s'avancent vers Saint-Lambeit*,
Nisy \ la terre du seigneur de Coucy ' et poussent leurs incur-
1. Vennand, Aisne, ut. Saint-Quentin. Abbaye de Prémontr^s an
diocèse de Nojon, Vemiand n'est pai litné sur la Somme, oomoM
Froiasart lemble le croire, maîi sur l'Onûgnon, affluent de ta rÏTc droite
de la Somme.
S. Bemot, Aisne, ut. Verrini, c. Cniae.
3. Aune, stt. Saint^Quentîn , c. BibemoDt. Abbaye de femme* de
l'ordre de Saint-Benoit an diocèse de Laon. Par mie charte doitnëe au
bois de Vincemiei le mercredi arant Noël 1339, • coniiderant les
grani dommagei et lianz compassion des habîtanz du dit lieu et com-
mmialtë et de leur enat , eoatme la commimallé de la riilt Jb Origaj
Sniut-Btnoilt tàt ettd art» et drtlruile neguèra par noz tmumit, » Phi-
lippe de Valois fait remiae anxdiu habitants de quarante Uttcb pariiii
de rente annuelle en qnoi ib ëuient tenus enrers le roi de France, à la
condition que chaque feu paiera i l'avenir donsedenien parisis chaque
«mée. (Arch. de l'Empire, JJ 72, p. 87.)
4. Moy ou HoT-de-1 Aisne, Aime, arr. Saint-Quentin.
5. Aisne, arr. SsintQuentîn, c. Hoy,
6. Saint-Lambert, commune Fourdrain, Aisne, arr. Laon, c. la Fïre.
7. Nizj-le-Comte, Aisne, arr. Laon, c. Sissonne.
8. Giucj-le.Ch£tean, Aisne, arr. Laon,
;vGoo»^lc
ccxL CHRONIQUES DE J. FROISSART.
sions jusqu'à Vaux sous Laon et même jusqu'à Bruyères' où ils
mettent le feu. Informés soudain que le roi de France est arrivé
à Saint-Quentin et qu'il s'apprête à passer la Somme , les cou-
reurs angilaîs reviennent en toute Mte sur leurs pas. Au retour, ils
brûlent le pont à Nouvion ' et tous les hameaux des enviroas,
Crëcy-sur-Serre et Marie*, et ils vont rejoindre la bataille de Jean
de Hainaut sous les murs du château de Guise. P. 171, 460,
461, 46S.
Sur ces entrefaites, le roi d'Angleterre se tient toujours à l'ab-
baye de Bohéries où il trouve vivres et fourrages en abondance,
car cette chevauchëe se fait au mois d'octobre, dans la plus plan-
tureuse saison de l'année. A la nouvelle de l'approche du roi de
France, le gros de l'année anglaise quitte ses positions de Fer-
vaques, de Vadancoiut-et-Bohéries, de Hontreux-les-Dames*,
de Lesquielle* et s'avance dans la direction de Fesmy-I' Abbaye*,
de Buironfosse ', de la Capelle et de la Flamengrie*. Pendant
cette marche, les Allemands d'Amoul de Blankenheim, de Guil-
laume de Duvenvoorde et du seigneur de Fauquemont, qui sont
revenus de leur expédition sur la rive gauche de l'Oise , livrent
un assaut infructueux devant Tupigny ' dont le beau et fort chi-
teau, défendu par son seigneur", résiste à toutes leurs attaques;
en revanche, ils [ùllent et hrtUent Hirson", Boue " et chevauchent
jusqu'au Nouvion" en Thiérache, grosse ville et riche qui ap-
I. ADJonrd'biii Brafèrei-et-MaDtbëraiilt, Aisne, arr. et c. Laon.
3- Aujourd'hui NouTion-et-CatilIon ou NoaTion-l'Abbeue , Aitoe,
•rr. LaoD, c. CHcj-«iu>SeiTe. La leî^eurie de Pont k Nouvion sppai^
tenait à Jean de Neilet, aire d'Offëmont, qui l'auigna en dot ji son fila
Gui de fietlet en 131t3. (Arch. de l'Empire, JJ 74, p. 315.)
3. Aisne, air. Laon.
II. Aujourd'hui Hontreux, hameau de Leiquidle-Saîiit-Gennain.
5. Aujourd'hui Lesquielle -Saint-Germain, Aisne, arr. Verrin», can-
6. Aaj. Fetaij, Aisne, air. Vervin», c. NonTÎon. Abbaye de l'ordre
de StBenoit au diocèae de Cambrai.
7. Aiine, arr. Verriui, c. la Capelle. — 8- Ibid.
9. Aisne, arr. Verrina, c. Wassigny.
10. Jean de Tupigny, chevalier banneret, fut oommii par le roi de
Ff«Dce en la garde de son château en 133S et 1339 avec 17 écuyera.
Voyez De Camp», portef. 83, f" 346.
11. Aisne, bit. Verrins.
12. Aisne, arr. Verrins, C. Nouvion.
13. Le NouTÎDn, Aime, arr. Verrins. Ce Nouvion ne doit pas être
confondu avec Nouvion près Laon.
;vGoo»^lc
SOHHAmE DU PREHiea LIVRE, $g 84-88. ccxli
partient au comte de Blois. Les halHUnts du pays ont cherché
UD refoge dans la forêt du Nouvion ou ils ont emporté ce qu'ils
ont de plus précieux, et ils se sont cachés derrière des monceaux
de branchages et de troncs d'arhres abattus. Mais les Allemands,
guidés par leurs instincts cupides , parviennent à découvrir et à
forcer la retraite des fugitifs; ils en tuent ou blessent plus de
quarante et s'emparent d'un précieux butÎD. P. 172, 464, 466.
Tandis que le roi d'Angleterre et ses quarante mille hommes
sont logés à la Fhimengrie, le roi de France vient camper avec une
armée d'environ cent mille hommes à Buironfosse, à deux petites
lieues seulement de son adversaire. Le soir même de son arrivée
à Buironfosse, Philippe de Valois reçoit un renfort de plus de
cinq cents lances que lui amène du Quesnoy son neveu Guillaume,
comte de Hainaut. Le jeune comte , après s'être excusé de son
mieux auprès du roi son oncle d'avoir servi Edouard III devant
Cambrai , se voit assigner par Robert Bertrand et Mahieu de
Trie, maréchaux de France, les positions les plus voisines de
l'ennemi. P. 173 et 174, 466 et 467.
CHAPITRE XXX.
1339. nirAOTin d'une caAnnB bataille a BriBovrossa «jtvis
DB LA BBTRAITB DES DEUX ABMÉBS AXOLAISB BT rBAn(AlBB (g$ 84
à 88.)
Par le conseil du duc de Brabant, le roi d'Angleterre envoie
un héraut du duc de Gueldre prendre jour avec le roi de France
pour la bataille. On est au mercredi, et l'on convient des deux
parts de livrer bataille le vendredi suivant. Philippe de Valois
et les seigneurs français accueiUent avec joie le héraut envoyé
par Edouard III et lui font cadeau de bons manteaux fourrés
pour le remercier de la bonne nouveUe qu'il apporte. P. 174
et 179, 467 et 468.
Le jeudi matin , deux chevaUers de la suite du comte de Hai-
naut, les seigneurs de Fagnolles et de Tupigny, motitent à cheval
et s'avancent en ëclaireurs à très-peu de distance de l'armée an-
glaise. Or, il arrive que le seigneur de Fagnolles monte un cour-
ùeT'fongueux et ombrageux qui prend le mors aux dents et em-
porte son cavalier au milieu des tentes du roi d'Angleterre. Le
seigneur de Fagnolles, fait prisonnier par le seigneur de Horste-
;vGoo»^lc
ccxLii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
bergh, chevalier aJlemand, dmt s'engager, pour recouvrer sa
liberté, à payer une rançoo de mille vieux ëcua. Informé de cette
aventure, Jean de Hainaut isvite à dtner le seigneur de Fagoolles,
son compatriote, en compagnie du seigneur de Horstebergh.
Après le dtner, il prie le chevalier allemand d'exiger une rançon
moins forte d'un prisonnier dont la capture n'est due qu'à un
heureux hasard. ■ Monseigneur, répond l'Allemand, j'avais bien
besoin que Dieu m'amène ce prisonnier, car hier soir j'avais
perdu tout mon argent aux dés. » Alors les chevahers se mettent
à rire, et bientôt par suite d'un nouvel arrangement la rançon
du seigneur de FagnoUes est fixée à six cents vieui écus que
Jean de Hainaut prête à son compatriote et qu'il verse le soir
même entre les mains du seigneur de Horstebergh. Le seigneur
de 'Fagnolles, monte sur son coursier que Jean de Hainaut lui a
(ait rendre malgré la résistance des Allemands, regagne l'armée
du roi de France et la bataille du comte Guillaume de Hainaut.
P. J7S à 177, 468 et 469.
Le vendredi au matin, les deux armées, avant d'en venir aux
mains, entendent la messe, chaque seigneur sous sa tente et au
milieu de ses gens. La plupart se confessent et communient afin
d'être prêts au besoin à mourir. Dans le camp anglais, tout le
monde met pied à terre; on place les chevaux, les bagages et le
charroi dans un petit bois situé sur les derrières pour se fortifier
de ce côté. L'armée d'Edouard III et de ses alliés est divisée en
trois batailles. La première bataille , composée d'Allemands, a
pour chefs Renaud II, duc de Gueldre, Guillaume V marquis de
Jubers, Louis 1" de Bavière marquis de Brandebourg, Jean de
Hainaut, Frédéric II marquis de Meissen, Adolphe VIII comte
de Berg, Nicolas !" comte de Salm, Thierry d'Heinsberg comte
de Looi, Thierry lU seigneur de Fauquemont, Guillaume de Da-
venvoorde et Amoul de Blankeoheim. — Jean III, duc de Bra-
bant, est à la tête de la seconde bataille. Sous les ordres de
leur duc marchent tous les barons et chevaliers du Brabant,
les seigneurs de Cuyk', de Bergh*, de Breda', de Rotse-
1 . Otton, lire de Cujk. Cuy k fait anjourd'hiii partie de la Hollande,
prOT. de Noord-Brabant.
2. Ed 1340, la (eigneuTie de Bergli devait appartenir a Jean, sire de
FanqDemant, du chef de ib femme Jeanne, dame de.Voime et de Bergh,
lllte et héritière de Malhilde de Weiemaele et d'Alhert de Voime.
3. La leigncuric de Breda appartenait alon au richissime Guillatune,
jvGooi^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, gg 84-88. oautti
ber', deVorsselaer', de Bautersem'.deBonÙTal, deSchcKmTcrst',
de Witham', d'Aerschol', de Becquevoort^, de Gaesbeek', de Du^
fel*. Tfaien7 III de Walcourt, Raes van Gavere, Jean de Rester
beek, Jean Pyliser, Gilles de Quarouble", les trms frères de Har-
lebeke", Gautier de Huldenbergh '* et Henri de Flandre dont le
grand état mérite une mention spéciale. A ces Brabançons sont
venus se joindre quelques chevaliers flamands : le seigneur d'Hal-
hiîn", Hector Villain, Jean de Rhode, le seigneur de la Gmdiuse**,
Tulfard de Ghistelles, Guillaume van Straten, Gossuin van der
Moere. La bataille du duc de Brabant comprend vingt-quatre
bannières, quatre-vingt pennons et sept mille combattants. —
La troisième bataille et la plus considérable est composée d'An-
glais et commandée par le rot d'Angleterre en personne. Les
principaux seigneurs de la suite d'Edouard III sont : le comte
Henri de Derby, Bis de Henri de Lancastre au Tors Col, les évèques
de Lincoln et de Durham, le comte de Salisbury maréchal de
l'année anglaise, les comtes de Northampton, de Gloucester, de
de Suffolk, de Hereford, de Warwick, de March, de Pembroke,
Robert d'Artms comte de Tlichemont, Jean vicomte de Beaumont,
Renaud d& Cc^am, Richard de StaSbrd, les seigneurs de Percy,
de Ross, de Howbray , Louis et Jean de Beauchamp, les seigneurs
de la Ware, de Laagtown, de Basset, de Fitz-Walter, Guillaume
Htz-Waren, Gautier de Mauny, Hue de Hasdngs, Jean de lille,
les seigneurs de Scales, de Felton, de Ferrers, de Bradeston, de
sire de SuTenvoorde , déjà nommé parmi les chcTalier* ailemandt.
Jean III, duc de Brabant, aprii aToir acheta en 1326 ladite leùneiirie
de Gérard, lire de lUssegem et de Leni, et d'Alix, dame de Lidekerke
et de Breda, aa femme, fut obligé d'en laiuer l'uiufroit à Guillaume
de DuTenTOorde, aon créancier. La «eisneurie de Breda fat revendue
en 1350 à Jean, lire de Polaenen et de lé Lecke. Vojez Bntkeni, t. I,
p. 3gfi à 399.
1. Jean, lire de Rotielaer. — 2. G&ard, lire de Voraselaer.
3. Henri, lire de Bauteraem.
4. Renand de Soboonvont, lire de Honjaie.
5. Jean de Comelaer, lire de Wilham.
6. Jean d'Anchot de Scfaoonhoren.
7. Eit.ce Jean de Becqueroort ou Adam, fila de Jean 7
8. Goillaume de Gae«beek.
9. Henri BerthoQt IV, lîre de Dulfel.
10. Vojei ehap. tv, p. cu:ti. — II. Ibid. — 12. Ibid.
13. Sani donte Gautier, II dn nom, 81* de Roland, seigneur de Hal-
luîn et de Tronchiennea.
14. Jean de la Gmdiuie.
;vGoo»^lc
cciuv CHRONIQUES DE J. FROISSAHT.
Mulleton. Le roi anglais fait là plusieurs nouveaux chevaliers et
entre antres Jeau Chandos, le plus vaillant chevalier qu'il y eut
jamais en Angleterre. Cet illustre capitaine a dît plusieurs Tois
en présence de Froissart qu'il avait été fait chevalier de la main
d'Edouard III le vendredi de l'assemblée de Buironfosse. La ba-
taille du roi d'Angleterre se compose de \-ingt-huit bannières, de
quatre-vingt-dix pennons, de âx mille hommes d'armes et de
sii mille archers. Trois mille hommes d'armes à cheval et deux
mille archers placés sur les ailes forment la réserve ; les princi-
|Kiui. chefs de cette réserve sont Robert d'Artois, Gautier de
Maimy, les seigneurs de Berkeley et de Clifford , Richaivi de
Pcmbridge et Barthélémy de Burghersh. P. 177 à J79, 469 à 472.
Dans l'armée du roi de France il y a deux cent vingt-sept
bannières, cinq cent soixante pennons, quatre rois, six ducs,
trente-six comtes, quab« mille chevaliers et plus de soixante
mille hommes de jned fournis par les communes de France. Aux
câtés du roi de France se tiennent Jean de Luxembooi^, roi de
Bohême, Philippe d'Évreux roi de Navarre, David Bruce roi
d'Ecosse, Jean duc de Normandie, Eudes IV duc de Bourgt^e,
Jean III doc de Bretagne, Louis I" duc de Bourbon, Raoul duc
de Lorraine, Gautier duc d'Athènes. Les comtes sont Charles II
de Valois, comte d'Alençon, frère du roi de France, Louis de
Nevers comte de Flandre, Guillaume II comte de Hainaut, Gui
de ChAtitlon comte de Blois, Henri IV comte de Bar, Guignes VIII
c<Hnte de Forez, Gaston II comte de Foix, Jean I" comte d'Ar-
magnac , Jean dauphin d'Auvergne , Ancel sire de Joinvilte ,
Louis II cmnte d'Etampes, Bouchard VI comte de Vendôme,
Jean IV comte de Harcourt, Jean de Châdllon comte de Saint-
Pol, Raoul II comte de Guines, Philippe comte d'Auvergne et de
Boulogne, Jean V comte de Roucy et de Braisne, Charles de
Trie comte de Dammartin, Louis l'' de Poitiers comte de Valen-
tinois, Jean II de Ponthieu ccnnte d'Aumale, Jean H de Châlon
comte d'Auxerre , Louis II comte de Sancen-e , Amé ctHnte
de Genève, Pierre comte de Dreux, Edouard III comte de
Ponthieu, Jean I" vicomte de Melun et sire de Tancarville,
Hemn IV comte de Vaudemont, Jean de Noyers comte de Joigny,
Gaucher IV de ChStillon comte de Porcîen, Jean vicomte de
Beaumont, Jean comte de Montfort, Aymeri VIII vicomte de
Narbonne, Roger Bernard comte de Périgord, Arnaud de la Vie
sire de Villemur, Pierre Raymond 1" comte de Comminges, le
D,qit,zeabvG00»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 8b-S8. ccxlv
vicomte de Mureiuhn^, les comtes de Douglas et de Murray
d'Ecosse, Guillaume I" marquis de Namur. L'armée du roi de
France est repartie ea trois batailles dont chacuoe comprend
quinze mille hommes d'armes et vingt mille hommes de pied.
P. 180 et 131, 479 et 473.
Deux opinions ont cours parmi les Français. Les uns sont
d'avis qu'on livre bataille ; les autres sont d'un avis contraire ;
ils disent que le roi de France, outre le danger de trahison auquel
il est exposé, a tout à perdre, s'il est vaincu, et n'a rien à ga-
gner, s'il est vainqueur. Vers midi, un lièvre qui vient se jeter
parmi les Français, occasionne un grand vacarme. Les chevaliers,
qiû de loin entendent ce bruit, s'imaginent que c'est la bataille
qui commence ; ils mettent à la hâte bassinet en tète et glaive efl
main. Le comte de Rainaut fait alors quatra^e nouveaux cheva-
Uers qu'on appela toujours depuis les chevaiiert du lièvre. Ro-
bert, roi de Sicile, très-versé dans l'astrologie, a prédît une dé-
faite aux Français. Sans s'émouvoir de cette prédiction, Fhihppe
de Valois est impatient d'en venir aux mains; toutefois il fini
par céder à l'opinion des chaperons fourrés dont l'influence do-
mine dans son conseil, et la bataille n'a pas lieu. Quant au roi
d'Angleterre et aux Anglais, ils sont tout disposés à continuer la
campagne; mais le duc de Brabant, qui est partisan de la re-
traite, parvient à ranger à son opinion le duc de Gneldre, le
marquis de Juliers et les seigneurs allemands. Edouard III et ses
alliés lèvent leur camp le soir mËme, passent la Helpe au pont
d'Avesnes, la Sambre, traversent le Hainaut et gagnent le duché
de Brabant. Le comte de Hainaut quitte aussi le roi de France
dès le vendredi et reprend le chemin de son comté par Landre-
cies et le Quesnoy. Philippe de Valois, furieux d'avoir laissé par-
tu* les Anglais sans leur livrer bataille, part de Bulronfosse le
samedi au matin et retourne à Saint-Quentin où il donne congé
à ses gens d'armes. Avant de revenir à Paris, il met des garni-
sons à Tournai, à Lille, à Douai et dans toutes les forteresses de
la frontière ; il laisse à Tournai Godemar du Fay, à Hortagne
sur Escaut Edouard de Beaujeu, avec le titre de souverains capi-
taines et gardiens de tout le pays des envircws. P. 181 à 184,
«S à 479.
I. MurenJon aX. peol-ttre pour Hontredon (Tiro, nr. Castres),
■eigneurie qai appartenait aux Ticomte* de Lautrec. Amanri ou Amal-
ric, vieonte de lÀutrcc, seigneur de Hontredon, monrat vers ) 341 >
jvGooi^lc
J
ccxLvi CHRONIQUES DE J. FROISSART.
CHAPITRE XXXI.
13&0. isbkkblAbs de biiixbli.b8 bt dm oaiid a là suiti
iDODÀKD lU PaKXD tX trtBE DB SOI DS HAKCS, BT IBTOUK DK Cl
riucE in AMCLCTUU (§g 88 à 90) .
RcrvMiu en Brabant après l'équipée de Buircuibsse, le roi d'An-
gleterre éprouve plus que jamais le besoin de s'assurer l'alliance
effective des Flamands. C'est pourquoi, il convoque à un parie-
ment qui doit se tenir à BruxeUes dans l'hâtel de Coudenberg,
résidence du duc de Brabant, les habitants de Gand, de Bruges,
d'Ypres, de Courtrai, de Damme, de l'Écluse, du terroir du Franc
et des autres bonnes villes de Flandre. Les Flamands , et à leur
lite Jacques d'Arteveld, répondent avec empressement à l'appel
d'Edouard IIl qui les invite à conclure avec lui une alUauce of-
fensive et défensive contre le roi de France, leur promettant en
revanche de les faire rentrer en possession de Lille, de Douai et
de Béthune. Les représentants des bonnes villes flamandes dé-
clarent au roi d'Angleterre qu'ils sont tout pr&ts à le servir; ils
ne mettent qu'une cmdition à leur concours, c'est qu'Edouard III
prenne le titre et les armes de roi de France. P. 1S4 et 18S,
479 et 480.
Le roi d'Angleterre voit plus d'un inconvénient à assumer un
titre qui ne répond encore à aucune réalite ; toutefois, il a telle-
ment besoin de l'appui des Flamands qu'il se décide à accoter
la condition qui lui est imposée. Il convoque à Gand un nouveau
parlement où assistent, en compagnie de Jacques d'Arteveld et
des r^résentants des IxHines villes de Flandre, les ducs de Bra-
bant et de Gueldre, les marquis de Juliers, de Meissen et de Bran-
debourg, le comte de Berg, l'archevêque de Cologne , Jean de
Hainaut, le sire de Fauquemont , Robert d'Artois et beaucoup
d'autres seigneurs. Là, en présence de tous ses alliés, Edouard III
prend tes armes de France écartelées d'Angleterre et se fait re-
cramaltre comme rm de France. P. 186, 480 et 481.
n est aussi décidé à l'assemblée de Gand que l'été prochain on
ira mettre le siège devant Tournai. Cette résolution comble de
jme les Flamands qui ne doutent pas qu'après la prise de Tour-
nai ils ne soient promptement remis en possession de Lille , de
;vGoo»^lc
SOHMAIHE DU PREMIER UVRE, SS ^^ ^*- cgxltii
Douai et de Bëthume, villes qui doivent (aire retour au comté de
Flandre dont elles sont des dépendances légitimes. Les Flamands
et les Brabançons voudraient en outre attirer dans la coalition le
Hainaut dont le territoire offrirait une base d'opérations très-
utile ; mais le comte Guillaume s'abstient de se rendre à ce par-
lement de Gaad où il a été invité , et il dit pour s'excuser qu'il
ne peut prendre parti contre le roi de France son oncle, tant
que celui-ci ne lui en a pas donné le sujet. Sur ces entrefaites,
la reine d'Angleterre vient habiter la ville de Gand et fixe sa ré-
sidence dans l'abbaye de Saint-Pierre. Edouard III se décide k
retourner dans son royaume où il n'a pas mis le pied depuis
près de deux ans et où il est rappelé par des affaires pressantes
et surtout par la guerre contre l'Ecosse ; il laisse en Flandre
Guillaume de Monlagu, ccHute de Salisbury, et le comte de Suf-
folk, avec deux cents lances et cinq cents archers ; il confie la
reine Philippe sa femme à l'affection des Gantois et s'embarque
pour l'Angleterre à Anvers en compagnie des comtes de. Derby, de
Northampton, de Gloucester, de Warwick, de Pembroke, de He-
rer<H^, de Renaud de Cobham, du baron de Stafford, de l'é-
vêqne de Lincoln, de Gautier de Hauny et de Jean Chandos ; il
arrive à Londres vers la Saint-André (30 novembre) 1339. P. i87
et 1S8, 481 à 483.
CHAPITRE XXXn.
1340. GouisBs MABimna des xoxnakds. — «ositUTia deb fuhçus
CMNTmK JIIN Dl BÀINACT : HCCUBBIOVS DANS LA BBIOmDUB m
(BMAY ; VUSK BT DISTBIICTION DU ChItBAU DB ■ELEHGHXS.
BSCAKKODCBK XBTtK LKS FUNÇA» OS I^ GAKHISOD DB CIMBBAI BT
LXS ÀHOL&IB OU BAIHUYBBS DB TKDH-L'ÉVfQnB ; MOBT DX aiLLM
DBUUFV (SS 91, 93).
Pendant tout l'hiver, une flotte d'environ quarante mille n»-
rins normands, génois, picards et bretons, commandée par Hue
Quieret, Behuchet et Barbavera, infeste les côtes d'Angleterre.
Calais, Wissant, Boulogne, le Crotoy, Saint-Valery-sur-Somme,
Dieppe, Harfleur sont les ports où se tiennent surtout ces écu-
meurs; c'est de là qu'ils s'élancent pour courir sus aux navires
anglais, afin d'empêcher le roi d'Angleterre de repasser sur le
;vGoo»^lc
ccxLTiii CHRONIQUES DE J. FROISSART.
continent ; ih croisent en vue de Douvres, de Rye . de Wincliel-
sea, s'avancent jusqu'à Wejraouth, Dartmoutli, Plymouth, rava-
gent et braient l'Ile de Wight. Un jour tes coureurs normands
capturent un grand et beau vaisseau appelé le Christophe^ cbargé
de laines et d'autres marchandises qu'Edouard III expédie en
Flandre, et ils l'amènent avec la cargaison à Calais , leur quar-
tier général. Ce succès comble de joie les Français en même
tem{)S qu'il jette une consternation mêlée de terreur parmi les
Anglais qui n'osent plus sortir de leurs havres et de leurs ports.
P. 188 et 189, 483.
Philippe de Yalois a une revanche à prendre contre Jean de
Hainaut qui, non content d'avoir dirigé l'invasion anglaise, a ra-
vagé en personne le Cambrésis et la Thiérache. Par l'ordre du
roi de France, les chevaliers voisins de la Thiérache, pays qui a
été dévasté et brûlé par les Anglais ou les Allemands, Jean de
Coucy, are de Bosmont et de Vendus, Hue vidame de Chitons,
Jean de la Bove, Jean et [Gaucher] * de Lor ^, Enguerrand sire de
Coucy, Renaud »re de Pressigny, Bobert sire de Oary, Madiieu
sire de Locq*, à la tête d'environ mille armures de fer, envahis-
sent la terre de Chimay, seigneurie qui appartient à Jean de Hai-
naut. Ces gens d'armes, après avoir traversé les bois de Thiéra-
che, la forêt de Chimay, arrivent au lever du soleil dans lesart*
de Qiimay et viennent surprendre les faubourgs de la ville de ce
nom. Ces faubourgs, alors considérables, sont habités par beau-
coup de gens riches et de grands éleveurs de bestiaux que l'on
fait prisonniers dans leurs Uts. Les Français recueillent un im-
mense butin dans ces faubourgs et dans les environs ; ils s'empa-
rent de douze mille blanches bêtes, de mille porcs, de cinq cents
vaches et bœufs , car c'est une marche abondamment fournie de
bestiaux et d'élèves du bétail. Après s'être ainsi gorgés de butin,
les envahisseurs mettent le feu aux faubourgs de Chimay et abat-
tent les moulins qui à cette époque étaient situés en dehors de
1, E'roisMiTt donne ■ ce cheralier le prAiom de GArard; niais le*
montre» de l'armée de Buîronfbue mentioiment Gaucher, non GAvn)
S. Lor, Aime, arr. Laon, c. NeurchSiel.
3- Locq, Aiine, arr. Laon, commune Aniij.le-ChSteaa.
4. La plaine de Chimar s'est longtemps appelée U tort, parce qu'elle
l'est formée aux dépens de la forêt de ce nom, dont on « défriché de
bonne heure une grande partie pour la mettre en culture.
;vGoo»^lc
SOSfMAlRB DU PREMIER LIVRE, SS ^1. 92. cgxlix
la forteresse. Ils courent ensuite tout le pays des environs; ils
brûlent Virelles*, Lompret, Vaulx-lez-Chimay , Baileui, Bour-
lers. Forges, Poterie, Villers-la-Tour, Beaurien, Saint-Remy-lez-
Chimay, Sainte-Geneviève, Sales, Bailièvre, Wallers', Ébrétres,
Momignies, Seloigne et tous les villages du sart de Chimay. Jean
de Hainaut est transpc»rté de fureur à la nouvelle du ravage de
sa terre ; il reçoit cette nouvelle à Mons auprès du comte son ne-
veu auquel il fait partager son irritation ; toutefois le comte de Hai-
naut engage son oncle & se tenir tranquille pour le moment. P. i 89
et 190, 484 et 489.
Dans ce m&me hiver, les Français de la garnison de Cambrai
vont un jour attaquer la petite forteresse de Relenghes* située à
quelque distance de cette ville. Cette forteresse est occupée par
une garnison de vingt-cinq ou trente compagnons sous les ordres
d'un chevalier nommé Jean le Bâtard, fils naturel de Jean de
Hainaut. Les assiégés, après avoir tenu tête un jour tout entier à
leurs agresseurs, désespèrent de défendre plus longtemps Relen-
ghes dont les fossés sont gelés et gagnent de nuit Boucbain et
Valenciennes. Le lendemain, les Cambrésiens reviennent raser la
forteresse j et les pierres provenant de k démolitiiHi sont trans-
portées à Cambrai. P. 190, 486.
Gilles de Hauny dit Grignart, mis en garnison dans Thun-
l'Évèque par son frère Gautier de Mauny qui après avoir conquis
ce château en a reçu l'inve^itore du roi d' Angleterre, vicaire de
l'Empire, fait presque tous les jours des courses contre les Fran-
çais de la garnison de Cambrai et s'avance jusque sous les murs
de cette ville. Un jour, dans une escarmouche qui se livre devant
les barrières mêmes de Cambrai, à ta porte Robert, un jeune et
brave gentilhomme nommé Guillaume Marchand*, chanoine de
Cambrai et neveu de l'évëque, engage un combat singulier contre
1. ToDtes lea localités dont les noms luifent, à l'exceptioii de Wal-
len, lont sitoëes en Belgique, dani la pnmnce de Huaaut et le canton
de Chimsy. On a easay^ muis iucc^ d'identifier tûremeiit Ébritra,
3. Wallen, Nord, iut. Avetoei, c. Trélon.
3. Relcnghes, lieu dit de la commone d'ExnadmaTnM, Nord, arr.
et G. de Cambrai.
4. Guillaume le Marchand est ainsi mentionné sur la Une dea gens
d'armes qui servirent à Cambrai , par lettres du 28 octobre 1339, soiu
Himibert de Cbolsy, capitaine de ladite ville : • Gtiillaome le Marchant,
chanoine de Cambraj, pour 13 etcuier*. >> De Camps, portef. 83,
p. 3U.
;vGoo»^lc
CCL CHRONIQUES DE J. FROISSAHT.
Gilles de Maimy et tue son adversaire . Jean et lliierty de Mauny,
en garnisoD à Bouchain, sollicitent et obtiennent des Cambréuens
la remise du corps de leur frère qui est enterré dans l'église des
Cwdelîers ou de Saint-François à Valeneiennes ; puis Jean et
Thierry, qui ont à cœur de tirer vengeance de la mort de Gilles,
viennent prendre le commandement de la garnison de Tlmn-rÉ-
vèque; et Edouard III leur adjoint un vaillant chevalier an^is
nommé Rii^rd de limousin. P. lUl à 193, 487 et 488.
CHAPITRE XXXm,
13b0. DÉCLABATION DB CUBRRB ET OWERTUAB DIS HOSTIUT£b BNTXB
LA FBiNCE rr ix HACikirT : bac D'BASrBis ris Les nAMçus ar
D'AUBBtfTOK PAR LES BAINirVEBll DÛtAtT DD COMTE DE HAINADT
rov% 1,'ahclitiiub (§§ 93 à 98).
Godemar du Fay tient garnison pour le roi de France à Tour-
nay, Edouard de Beaujen à Mortagne sur Escaut, Jean de la
Hoche, sénécha! de Carcassonne, à Saint-Arnand, Amé de Poitiers
à Douai, Etienne dit le Galois de la Baume, Humbert de VlIIars,
Jean de Lévis maréchal de Mirepoix, Thibaud de Moreuil, les
seigneurs de Villers et de Roussilton à Cambrai. Ces chevaliers
et leurs gens d'armes n'attendent qu'nn signal pour guerroyer en
Hainaut afin de piller ce pays et d'y faire du butin. De son côté,
Guillaume d'Auxonne, évëque de Cambrai, qui se tient à Paris à
la conr de Philippe de Valois, se plaint sans cesse de l'hostiiité du
comte de Hainaut, qui est de toutes les assemblées des Anglais,
et des incursions des Hainuyers qui courent, pillent et brûlent le
Cambrésis. Philippe est tellement indisposé contre son neveu
qu'il donne congé à la garnison de Cambrai et auK garnisons des
forteresses voisines d'envahir le Hainaut et de dévaster ce pays,
ncm pas il est vrai au nom du roi de France, mais sous le couvert
du duc de Normandie bailli du Cambrésis. Gnq ou six cents
hommes d'armes partent un samedi soir de Cambrai, du Cateau-
Cambrésis et de la Maimaison* sous les ordres de Thibaud de
Moreuil, de Benaud de Trie, de Dreux de Roye, du seigneur de
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, gg 93-S8. cgli
Maliucourt' ; ils arrivent au milieu de la nuit à Haspres', viUe
riche maia dépourvue de fbrdficatioiis et surprennent les habitants
dans leurs lits. Us font un immense butin et l'entassent sur des
charrettes qu'ils ont amenées avec euxj puis ils mettent le feu à
Haspres, et l'incendie dévore si complètement les maisons qu'il
n'ea reste que les murs. On conserve dans l'église d'Haspres les
reliques de s^t Achaire, saint terrible et qui est bien à redouter*;
cette église est une prévâté gouvernée par les moines de Saint-
Yaasl d'Arras. Sans la prévoyance du prévôt qui avait eu soin
de faire transporter à Valeociennes la Gerte [châsse] du saint, le
reliquaire et les plus riches ornements de l'église, tout aurait étë
perdu, car les ennemis pillent l'abbaye aussi bien que la ville dont
ils abattent et brillent les moulins. P. 193 à 19S, 48S à 490.
Les habitants de Valenciennes ne tardent pas à être inTormés
du sac d'Haspres ; on court à la Salle et l'on réveille le comte de
Hainaut pour lui annoncer cette nouvelle. Guillaume II se lève
ausàt&t, s'arme et fait armer ses gens, Gérard de Verchin, séné-
chal de Hainaut, Henri d'Antoing, Henri d'Houffalize, Thierry
de Valcourt, les seigneurs de Potelles, de Floyon, de Roisin, de
Gommegnies, de Mastaing, de Vendegies, de Hartaing, de Sars,
de Berlaimont, de Wargnies, de Boussu, de Vertaing s'empressent
de répondre à l'appel du comte. Sans attendre que ces seigneurs
l'aient rejoint, Guillaume II se rend sur la place du Marché et
fait sonner la cloche du beffroi à toute volée. A ce signal, Jean
de Haussy, alors prévôt de Valendennes, vient à la t8te d'tm
certain nombre de bourgeois de la ville se ranger sous la bannière
du comte qui s'élance par la porte de Cambrai sur la route d'Has-
pres, impatient de rencontrer ses ennemis. Arrivé entre Maîng*
et Monchaux après avoir chevauché environ une heure, Guil-
laume II reçoit la nouvelle de la retraite des Français. Il revient
alors SOT ses pas. et chemin faisant il va rendre visite à sa mère
à l'abbaye de Fontenelle'. Jeanne de Valois essaye en vain de
calmer la colère de son Ûls en disant que le sac d'Haspres n'est
1. Nord, arr. Cambrai, c. Claiy. Ce village servait d'apanage i un
cadet de la maïton de Walincomt.
1. Nord. arr. Valencicimes, c. BouchaiD.
3. Le* reliques de laint Acbaire pauaient pour guérir la lolie.
k. Haing et Monchaux, Nord, arr. et c. Vaienciennei.
5. Abbaje de femmei de l'ordre de Qteaux au diocèie de Cambrai,
coiamuDC de Haing.
jvGooi^lc
ccui CHRONIQUES DE J. FBÛISSAAT.
pas le fait du roi de France, mais de l'évèque et des habitants
de Cambrai; le comte jure de tirer vengeance de cet acte d'bos-
tilite. P. 195 et 196, 490 et 491.
Avant de prendre un parti , Guillaume II veut consulter ses
branmes et convoque à une assemblée qui doit se tenir à Hons
les barons, prélats, abbës, chevaliers et conseillers des bonnes
villes du Hainaut. Il fait dans le même temps un voyage à BnueUes
et ù Gand afin de s'assurer, dans la guerre qu'il veut entrepren-
dre contre Philippe de Valois, le concours du duc de Brabant et
des Flamands, Jacques d'Arteveld s'engage à mettre sur pîedaux
Trais des villes de Flandre un corps d'armée auxiliaire de soixante
mille combattants. La nouvelle du sac d'Saspres comble de joie
Jean de Hainaut qui ne cherche qu'une occaùon de se venger du
ravage de sa terre de Chimay. Ce seigneur se r«)d à l'assemblée
de Mons ; et tandis que les seigneurs d'EInghien, de Barbançon et de
Ligne sont d'avis qu'on commence par demander réparation au roi
de France et des excuses, le seigneur de Beaumont insiste au con-
traire pour qu'on envoie immédiatement défier Philippe de Valois,
et il réussit à faire triompher son opinion. Seul de tous les cheva-
liers du Hainaut , le sire de Naast ' refuse de signer le défi , et
pour le punir, le comte confisque les terres du vassal récalci-
trant. Thibaud Gignos, abbé de Crespia*, est chargé de porter ce
déR en France. Mùlippe de Valois n'en fait que rire et dit que
soD neveu est un fou et un présomptueux. Gui de Châtillon,
comte de Blois, vassal du comte de Hainaut, son cousin germain,
poor les terres d'Avesnes et de Landrecies, renvoie son hommage
au comte pour rester Français et suivre le parti de Philippe de
Valois, ce k quoi l'obligeait sa qualité de pair de France. Guil-
laume II, en revanche, se saisit d'Avesnes, de Landrecies, du
1. Mailt, Belgique, prov. Hainaut, arr. et c. Soigniei. Ce «eignear
eu uiu doute Godetroi de Naait, qui lerrit en 1339 mr Ici frontières
de HainRut et qui Mt ainiî mentionné dam nne montre : t Godefroi
de Naît bann. 1 bacb. et 7 e»o.; Tenu de firugnj en Champagne, t De
Campi, 83, f^ 322 to. Dana les premier* mou de l'ann^ 1340, Tristan
d'Oiij, Pierre Maubuision, le seigneur de Naast, Jean, Ticomte de
Meinn, ckambellan de France, Jean, sire de Walincourt et le seigneur
de Ham renroj-èrent à Guillaume, comte de Hainaut, les honunage*
qu'ils tenaient de lui poor se mettre au serrice du roi de France contre
ledit comte. Inrtnt. dt la chamin det Coanutt dt LiUe^ t. 1, p. 137.
S. Abbaye de bénédictins au diocèse de Cambrai, comm. Cretpin,
Nord, arr. Valenciennes, c. Coudé.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, gg 93-08. ccliu
château de Sasseguies' et y met garnison. Le comte de Hainaut
parvient à recruter, tant dans son comt^ qu'en Hasbaing, en Bra-
bant et en Flandre, une année de dix mille armures de fer; Jean
de Hainaut et Thierry III, sire de Fauquemont, fournissent pour
leur part un contiDgent, le premier de trob cents, le second de
deux cents lances. Jean de Looz, sire d'Agimont* et le seigneur
de Mon-Jardin ' sont aussi venus servir Guillaume II. De Mons où
elle s'est réunie, cette armée prend le chemin de Merbes-leit-
CMteau *, passe la Snmbre, traverse la Fagne ' de Trelon, les
bois de Chimay et vient un soir loger à Chimayet aux environs.
Jj'intention du cnmte de Hainaut et de Jean de Hainaut son oncle
est de s'emparer le lendemain par surprise d'Aubenton, et de ra-
vager la Thiérache et toute la terre de Jean de Coucy, sire de
BosmcHit' et de Vervins, principal auteur de la dévastation de
Chimay. P. 196 à 198, 491 à 494.
Aubenton^ n'a d'autres fortifications que des palissades et de
petits fossés; mais sur la demande des habitants qui prévoyaient
t'attaque de Jean de Hainaut et du comte son neveu , le grand
bailli de VermandfHS a mis dans cette place une garnison de
trois cents armures de fer sous les ordres de Hue, vidame de
Châlons, de Jean de la Bove, de Jean de Bosmont, sire de Ver-
vins, et du seigneur de Grosley. Après avoir brûlé sur leur route
adroite et à gauche Sgny-l' Abbaye*, Signy-le-Petit', Marcilly ",
Regniowez", Manbert-Fontaine ", le comte de Hainaut et ses gens
d'armes arrivent un vendredi matin devant Aul^enton , grosse
1. Nord, an-. Avetnes, c. Berlaimont.
2. Belgique, prov. Namur, air. PhilipperlUe, c. Florenue*.
3. MouJardin , lieu dit de la comm. d'Ayrraille, Belgique, piov. et
Brr. Lijse, c. Loureigné.
4. Bebique, ptot. Hainaut, an-. Thuin.
5. La Pagne de Trelon, lieu dit de la coma, de Tiglon, Nord, arr.
ATesne». Ce lieu dit désigne un boii, reste de l'immense forêt qui cou-
Trait aulrefoi* le pays et ea occupe encore aujourd'hui une gnnde
partie. Le oon de Fanie, dont la racine eit le latin fagut, a mu
doute é\.é donn^ à ce boia, parce que le hêtre y ^tait l'euence do-
6. BounoQt, Aisne, an-. Laon, c. Marie.
7. Aisne, arr. Verrin», ch.-l. de c.
8. Ardennei, ut. Wéiitret, — 9. Ardennes, arr. Rocroi.
10. Marcilly, lieu dit de la comm.de Barzv-Courtemont, Aisne, (
Ver*tns, c. Nouvion.
11. Ardennes, an-, et e. Rocroi. ^ 12. Ibid.
;vGoo»^lc
ccLir CHRONIQUES DE J. FROISSART.
ville et riche où l'on fabrique beaucoup de drap. Les assiégeants
livrent un assaut dès le lendemain : Us forment trois corps de ba-
taille. Le comte de Hainaut commande la première bataille, Jean
de Hainaut, sire de Beaumont, la seconde; et Thierry III, sire de
Fauquemont, est à la tète de la troisième, composée d'hommes
d'armes de son pays, d'Allemands et de Brabançons. Ce que
voyant, les assiégés se divisent aussi en trois corps pour tenir
tite à leurs adversaires. T^ bataille du comte de Hainaut donne
l'assaut à une porte qui est vaillamment défendue par Hue, vi-
dame de Châlons. et trois de ses neveui que leur oncle fait là
chevaliers. Jean de Hainaut attaque avec un acharnement tout
particulier la porte située du cdté de Chimay, parce que Jeas de
Coucy, sire de Bosmont, et Jean de la Bove, qui gardent cette
porte, ont pris part au ravage de la terre de Cbimay dont Jean
de Hainaut est le seigneur. Thierry III, sire de Fauquemont, avec
ses Allemands et ses Brabançons, tourne tons ses efforts contre
la trobième porte dont le seigneur de Lor lui dispute l'entrée.
Ceux du dedans jettent du haut des portes des planches, despou-
' très, des vases pleins de chaux vive et font pleuvoir une grêle
de pierres et de cailloux sur les assaillants. Le siège dure cinq
jours, et les assiégeants livrent des assauts tous les jours; un
brave écuyer de Hainaut de la terre de Binche*, nommé Beau-
doin de Beaufort, est grièvement blessé à l'un de ces assauts,
P. 198 à 301, 494 à 496.
Le samedi des Brandons' au matin (4 mars], Aubcnton est pris
d'assaut malgré l'héroïque résistance de la garnison; et Jean de
Hainaut entre le premier dans la ville, précfidé de sa bannière
que porte Thierry de Senselles. Hue vîdame de Châlons et un
certain ntmibre de chevaliers et d'écuyers se ramassent alors sur
la place devant l'abbaye; et ils lèvent là leurs bannières et
leurs pennons, bien décidés à prolonger jusqu'au bout la résis-
tance. Mais Jean de Bosmont, sire de Vervins, qui prévoit que
sa participation au ravage de la terre de Chimay l'empêchera
d'ëlre pris à rançon par Jean de Hainaut, se sauve de toute la
vitesse de son cheval, et il est suivi dans sa retraite par Jean
de la Bove. A cette nouvelle, Jean de Hainaut s'élance avec ses
gens à la poursuite de son ennemi auquel il donne la chasse, sans
1. Belgique, prov. Hainaut. arr. Thuin, à 17 k. de Hons.
3. Le premier dimanche de carême.
;vGoo»^lc
SOMMAIRE DU PREMIER LIVRE, §§ 93-98. oa.v
toutefois parvenir à le ratteindre, jusqu'aux portes du château de
Vervins, ville ùtu^e à deux lieues d'ÂuJbenton. Pendant ce temps.
Hue vidame de Châlons et ses trots neveux font des prodiges
de valeur. Le vidame, après avoir vu deux de ses neveux périr
à ses côtés, est blessé grièvement et fait prisonnier ainsi que le
neveu qui lui reste et les seigneurs de Lor, de Vendeuil et de
Saint-Martin. Le même sort est réservé aux gens d'armes de la
garnison et à bien deux cents habitants d'Aubentou ; puis oo [ôlle
la ville dont les richesses, qui consistent surtout en laines et en
drap, sont transportées à Chimay ) enfin, on met le feu aux
niais<ms, et l'incendie n'en épargne pas même une seule. Après
la destruction d'Aubenton , Jean de Hainaut revient habiter
Chimay. Thierr}' III sire de Fauquemont et Jean de Looz, sire
d'Agimont, se dirigent vers Dinant'. Le comte Guillaume II,
Gérard, sire d'Enghien et les autres chevaliers du Hainaut re-
tournent à Mous. Au retour, tous ces gens d'armes pillent et
braient Aubencheul-aux-Bois * et plus de quarante villages ou
hameaux des environs. P. 201 à 204, 4{)S à 497.
Le comte de Hainaut entreprend plusieurs voyages; il visite à
Cologne Louis de Bavière empereur d'Allemagne son beao-frère,
à Bruxelles Jean III duc de Brabant son beau-père, à Gand sa
soeur Philippe reine d'Angleterre et aussi Jacques d'Arteveld chef
de la confédération des bonnes villes de Flandre. Le but de ces
voyages est d'imprimer une nouvelle activité à la coalition déjà
formée contre Phihppe de Valois. Bientôt même Guillaume II se
décide à passer en Angleterre afin de concerter avec Edouard III
le plan d'une nouvelle campagne contre la France. Avant son
départ, il tient à Mons une assemblée solennelle où il fait recon-
naître Jean de Hainaut son oncle comme régent et gouverneur de
Hainaut, Hollande et Zélande en son absence. Sur ces entrefaites,
le bruit se répand que le duc de Normandie se prépare à enva-
hir le Hainaut et doit venir assiéger Valenciennes à la tête d'une
puissante armée. A cette nouvelle, Jean de Hainaut confie la
garde de Valenciennes à quatre chevaliers, Henri d'Antoing, les
seigneurs de Wargny* et de Gommegnies* et Henri d'Houflâ-
lize. Il met à Haubeuge Thierry de Valcourt maréchal de Hai-
1. Belgiqne, pror. Namur,
S> Aisne, bit. Saint-Quentin, c. le Catelet.
3> Jean de Wargny. — k. Gérard, lire de Gommegnies en 1340.
;vGoo»^lc
ccLvi CHRONIQUES DE J. FROISSAHT.
naut avec cent lances, au QuesDoy Thierry III sire de Fauque-
moRt avec cent armures de fer, à Landrecies le seigneur de
Potelles, à Bouchain les trois Conrard, chevaliers allemands, à
Escaudœuvres Gérard de Sassegnies', à Avesnes le seigneur de
Mondgnies-Saint-Cfaristopbe*, à Thun-l'Evêque Richard de Li-
mousin, chevalier anglais avec les deux frères Jean et Thierry de
Mauny, au château de Rieolay*, les seigneurs de Raismes* et de
Goeukin', à Condë-sur-l' Escaut* les seignears de Blicquy'' et de
Bury ', à Verchîn ' Gérard de Verchin sénëchal de Uainaut,
pour faire ftxHitière contre les Camt>réstens. P. S04 et 20S, 407
1. Ce leisnenr fut décapita en 1340 bonr Crime de hante uvhîtoii.
• Gaerart de Sauelcnies • lervit dani le parti tnuiçû* *aai Godemar
du Fay, du 18 octiAre 1339 au 1" octobre 1340, avec troi» rfcujera.
Voyez De Camps, portef. 83, P" 309 ï".
2. Belgique, prov. Hainaut, arr. Thoin, c. Herbe^&ChJteaa.
3. Nord, BIT. Douai, c, Harchiennei.
4. Nord, BIT. Valenciennes. c. Sainl-Amand-le»-KauK.
5. Nord, an-. Douai, c. Arleux. — 6. Nord, hit. Valeucienne*.
7. Belgique, pror. Kaimtut, air. Atfa. o. Qiièrrei.
8. Belgique, prov. Hainnut, arr. Tournay, c. PAiivreU.
9. Verchîn ou Verchain-Uaugré, Ncnd, arr. et c. Valencieanet.
c^
jjGooi^lc
CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
DiqteMwGoOl^lC
IHPRUERIE GÉNÉRALE DE CE. LAHURB
D,qit,zeabvG00»^lc
CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
ItBLIËES fOm Là SOGIÉTt DE l'sISTORB DE FRANCE
PAR SIMÉOIÏ LUCS
TOME PREJtlIER
1307-1340.
(DEPttiB h'ÂviitiMxjn d'ùmdasd II lusqo'An BiiCB OB toduut)
A PARIS
CHEZ H»' V» IULES RENOUARD
UBUIRB DE LA SOCIÉTfi DE L'fllStOntE DE TRAKCB
■DE BB TODMOH, R* 6
HDCCCLXIX
DiqitizeabvG00»^IC
jjGooi^lc
CHRONIQUES
DE JEAN FROISSART.
PROLOGUE.
Afin que les grans merveilles et li biau fait d'armes^
qui sont avenu par les grans guerres de Franee et
d'Ëngleterre et des royaumes voisins, dont li toj et
leurs consaulz sont cause, soient notablement regis-
tre et ou tamps présent et à venir veu et cogneu, je
me voel ensonniier de l'ordonner et mettre en prose
selonch le vraie information que j'ay eu des vaillans
hommes, ehevaliers et escuiers, qui les ont aidiés à
acroistre, et ossi de aucuns rois d'armes et leurs ma-
reschaus, qui par droit sont et doient estre juste in-
quisiteur et raporteur de tels besongnes.
Voirs est que messires Jehans li Biaus, jadis ea-
noones de Saint Lambert de Liège, en fist et cronisa
à son tamps aucune cose à se plaisance'; et j'ai ce li-
vre hystoriiet et augmenté à le mienne, à le relation
et conseil des dessus dis, sans Ëiire fait, ne porter
partie, ne coulourer plus l'un que l'autre, fors tant
;vGoo»^lc
s CHRONIQUES DE J. FROISSART.
que It biens fais des bons, de quel pays qu'il soient,
qui par proèee l'ont acquîsj y est plainnemenl vens
et cogneus, car de l'oubliier ou eseonser, ce seroit
pechiés et cose mal apertenans, car esploit d'armes
5 sont si chierement comparet et achetet, che seèvent
chil qui y traveillent, que on n'en doit nullement
mentir pour complaire à autrui, et tollir le glore et
renommée des bien&isans, et donner à chiaus qui
n'en sont mies digne.
10 Or ai je mis, ou premier chief de mon proisme,
que je voel parler et trettier de grans mervelles. Voi-
rement se poront et deveront bien tout chil qui ce
livre liront et veront, esmerviUier des grans aventu-
res qu'il y trouveront. Car je croi que, de puis le
l& création dou monde, et que on se commença pre-
mièrement à armer, on ne trouveroit en nulle hys-
tore tant de merveilles ne de grans tais d'armes, se-
lonch se quantité, comme il sont avenu par les
guerres dessus dittes, tant par terre com par mer, et
30 dont je vous ferai enslevant mention. Mais ançois
que j'en commence à parler, je voel un petit tenir et
démener le pourpos de proèee, car c'est une si no-
ble vertu, et de si grant recommendation, que on ne
le doit mies passer trop brieânent, car elle est mère
25 materièle et lumière des gentilz hommes, et, si com
la busce ne poet ardoîr sans feu, ne poet li gentilz
homs venir à parfaite honneur ne à le glore dou
monde, sans proèee.
Or dolent donc tout jone gentil homme, qui se
30 voellent avancier, avoir ardant désir d'acquerre le
fait et le renommée de proèee, par quoi il soient mis
et compté ou nombre des preus, et regarder et con-
;vGoo»^lc
PROLOGUE. 3
sidérer comment leur predicesseur, dont il tiennent
[leurs'] hyretages et portent espoir les armes, sont
honnourë et recommendé par leurs biens Ëtis. Je sui
seurs que, se ilz regardent et Usent en ce livre, que
il trouveront otant de grans fais et de belles apertises 5
d'armes, de durs rencontres, de fors assaus, de lîères
batailles et de tous autres maniemens d'armes qui se
descendent des membres de proèce, que en nulle
hystore dont on puist parler, tant soit^anchiienne ne
nouvelle. Et ce sera à yaus matère et exemples de lo
yaus encoragier en bien faisant, car la memore des
bons et 11 recors des preus atisent et enflament par
raison les coers des jones bacelers, qui tirent et ten-
dent à toute perfection d'onneur, de quoi proèce
est li principaus chiés et 11 certains ressors. 15
Si ne voel je mies que nulz bacelers soit excusés
de non li armer et sievir les armes par defaute de
mise et de chavance, se il a corps et membres ables
et propisses à ce faire, mes voel qu'il les aherde de
bon corage et prende de grant volenté. Il trouvera 20
tantost des haus signeurs et nobles qui l'ensonnie-
roDt, se il le vaut, et le aideront et avanceront, se il
le dessert, et le pourveront selonch son bien (ait.
Ossi.en armes avieuuent tant de grans merveilles et
de belles aventures que on n'oserolt ne poroit pen- 25
ser ne imaginer les fortunes qui s'i boutent, se eom
vous verés et trouvères en ce livre, se vous le lisiés,
comment pluiseur chevalier et escuier se sont fait et
avanciet, plus par leur proèce que par leur linage.
Li noms de preu est si haus et si nobles et la vertu 30
t. m. de GugnièTM, f^ 1. — H*. 6477, f^ 3 v* : < le i.
;vGoo»^lc
4 CHRONIQUES DE J. FROISSAftT.
si clère et si belle que elle resplendis! en ces sales et
en ces places où il a assamblée et fuîson de grans
signeurs, et se remoustre dessus tous les autres, et
l'ensengn'on au doi et dist on : « Velà cesti qui mist
5 ceste cevaucie ou ceste armée sus, et qui ordonna
ceste bataille si Êiiticement et te gouverna st sage-
ment, et qui jousta de ûer de glave si radement, et -
qui tresperça les conrois de ses ennemis par deus ou
par trois fois, et qui se combat! si vassaument ou
10 qui entreprist ceste besongne si hardiement, et qui
fil trouvés entre les mors et les bleciés navrés moult
durement, et ne daigna onques fuir en place où il
se trouvas!, s
De telz grains et de telz semences sont servi et
15 alosé li vaillant homme et li preu par leur vaillance.
Encores avant on voit le preu baceler seoir à haute
honneur à table de roy, de prince, de duch et de
conte, là où plus nobles de sanch et plus rices d'a-
voir n'est mies assis. Ou-, si com li quatre ewange-
' 30 liste et li douze apostele sont plus proçain de Nostre
Signeur que ne soient li autre, sont li preu plus priés
d'onneur et plus honnouré que li aultre; et c'est bien
raisons, car il acquèrent et conquèrent le nom de
proèce en grant painne, en sueur, en labeur, en soing,
25 en villier, en travillier jour ,et nuit sans séjour. Et
quant leurs biens &is est veus et cogneus, il est ra-
menteus et renommés, si com dessus est dit, et es-
crips et registres en Uvreset en cronikes. Car, par les
escriptures troeve on le memore des bons et des
30 vaillans hommes de jadis, si com les neuf preus qui
passèrent route par leur proèce, les douze chevaliers
compagnons qui gardèrent le pas contre Salehadin
;vGoo»^lc
e^ se poiseance, les douze pers de France qui demo-
rèrent en Raînceraus, et qui si vaillammeut s'i ven-
dirent et combatirent; et ensi de tous les autres que
je ne puis mies tous nommer, ue déterminer leurs
biens Ëiis ne ramentevoîr, car trop poroie ma prin- 5
cipal matère empeechier. Ensi se diffère et dissimule
li mondes en pluiseurs manières. Li vaillant homme
traveillent leurs membres en armes, pour avancier
leurs corps et acroistre leur honneur. Lî peuples pa-
roUe, recorde et devise de leurs estas, et de leur for- 10
tunes. Li aucun clerch escrisent et registrent leurs
avenues et baceleries.
Or ay je eu pluiseurs fois imagination sus Testât
de proèce, et penset comment et où elle a regnet et
tenu signourie et domination, et salli d'un pays en 15
aultre. Sus ses ordenances meismement, en ay je oy
parler et deviser en ma jonèœ aucuns vaillans hom-
mes et bons chevaliers, qui olant bien s'en esmer-
villoient adonc comme je Ëii maintenant : si vous
en voel déclarer aucune cose. Vérités est, selonch so
les aneiiennes escriptures, que, apriès le deliuve et
que [Noés '] et se génération eurent repeuplé le monde,
et que on se commença à armer et à courir et à pil-
lier l'un sus l'autre, proèce r^ua premièrement ou
royaume de Caldée, par le ùàl dou roy Ninus qui 35
fist fonder et edefîier la grant cité de Ninivée qui
' contenoït trois journées de lonc, et ossi par la royne
Semiramis sa femme qui fu dame de_ grant valeur.
Apriès, proèce se remua et vint régner en Judée et
en Jherusalem, par le &it de Josué, de David et des 30
1. Ib. 6477, f-Sf: «NoeU. 1 ,
;vGoo»^lc
6 CHRONIQUES DE J. FROISSADT.
Machabiens. Et quant elle eut !à régné im temp^
elle vint demorer et régner ou royaume de Perse et
de Mède, par Le fait de Cyrus, le gi-ant roy, par As-
serus et par Xerses. Après, revint proèce régner en
5 Gresce^ par le fait de Hercules, de Tezeus, de Jazon
et de Acilles et des aultres preus chevaliers; apriès,
en Troies, par le roi Priant, par Hector et par ses
frères; apriès, en le cité de Homme et entre les Rom-
mains, par les nobles senatours et concilies, tribons
10 et centurions. El fiirent cil et leurs générations en
tel poissance, environ cinq cens ans, et firent priés
que tout le monde rendre trebus à yaus jusques au
tamps Julius César, qui fii li premiers emperères de
Romme, et de qui tout li aultre sont descendu et
15 venu.
Apriès, se tanèrent li Bommain de proèce, et s'en
vint demorer et régner en France, par le &it pre-
mièrement dou roy Pépin et dou roy Charle, son
fit, qui fil rois de France et d'Alemagne et emperères
20 de Homme, et par les autres nobles rois ensievant.
Apriès, a régné proèce un grant tamps en Engleterre^
par le feit dou roy Edowart et dou prince de Galles,
son fil; car, de leur règne, li chevalier Englès et li
aultre qui avoech yaus se sont mis et acordé, ont
35 ùàt olant de belles apertises d'armes et de grans ba-
cheleries et de hardies emprises que nul chevalier
pueent &ire, si com il vous sera déclaré avant en ce
livre.
Or, ne sai je mies se proèce voet encores chenu'
30 ner oultre Engleterre ou reculer le chemin que elle a
Mt, car, si com chi dessus est dit, elle a cercbiet et
environné ces royaumes et ces pays dessus nommés,
;vGoo»^lc
PROLOGUE. 7
et régné et conservé entre les habitans une fois plus
et l'autre mains, à se ordenance en soit; mais j'en
ay un petit touchiet pour les mervilleusetés dou
monde. Si m'en tairai à tant et me retrairai à le ma-
tera dont j'ai fait men commenchement, etdeclarrai 5
assés tost par quel manière et condicion la gueire
s'esmut premièrement entre les Englès et les Fran-
çois. Et pour che que ou temps à venir on puîst sa-
voir qui a mis ceste hystore sus, et qui en a esté ac-
tères, je me voel nommer. On m'appelle, cpii tant lo
me voet honnerer, sire Jehan Froissart, net de le
conté de Haynau et de la bonne, belle et friche ville
de Valenchienes.
;vGoo»^lc
jjGooi^lc
LIVRE PREMIER.
§ 1 . Premièrement, pour mieus entrer en le ma-
tère et hystore dessus ditte, voirs est que, apriès l'a-
paisemenl des guerres de Flandres qui furent si gran-
des, et dont tant de vaillant homme lurent mort à
Courtrai et ailleurs, et que U biaus rois Pheltppes eut â
mariet sa fille en Engteterre au roy Edouwart, li quelz
rois d'Engleterre ne fu mies de si grant sens ne de si
grant proèce plains comme avoit esté li bons rois
Edouwars ses pères, qui tant eut à Ëiire as Danois et
as Escos et les desconfi par pluiseurs fois en bataille, lo
et ne peurent onques avoir victore à lui; et quant
il lu trespassés, ses filz de son premier mariage, qui
lu pères au roy Edouwart sur qui ceste hystore est
ordenée, pas ne le ressambla de sens ne de proèce.
Car, assës tost apriès çou qu'il fu couronnés, li rois 15
Robers de Brus, qui estoit rois d'Escoce, et qui par
pluiseurs fois avoit moult donnet à faire au bon roy
Edouwart, chevauça tantost efforciement sur lui et
reconquist toute Escoce et la bonne cité de Bervich,
et ardi et gasta grant partie dou royaume d'Engle- 3o
terre bien quatre journées ou cinq par dedens le pays,
et desconfi celi roy et tous les barons d'Engleterre en
;vGoo»^lc
10 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [\Mi}
une place en Escoce que on dist Struvelin, par ba-
taille reDgie et arrestée. El dura la caee de eeste des-
confiture par deus jours et par deus nuis. Et s'en
afui 11 rois englés à moult peu de s^ gens jusques à
5 Londres. Mes, pour ce que ce n'est mies de nostre
matère, je m'en tairai à tant.
§ 2. Chilz rois englès, dont je parloie maintenant,
qui reçut ce grant damage en Escoce, avoit deus
firères de remariage. Si fu li uns nonmiée li contes
10 Mareschaus et fîi de diverse et de sauvage manière;
li autres fu appelles messires Aymes et estoit contes
• de Kent, moult preudons, douls et débonnaires et
moult amés des bonnes gens. Cbib rois eut de ma-
dame sa femme. Bile au biau roy Pbelippe, deus fîlz
15 et deus filles. Des quejz fiU li ainsnës eut nom Edou-
wars, et fu rois d'Engleterre par l'acort de tous les
barons très le vivant son père, si com vous orés avant
en ce livre. Lî secons des fîlz eut nom Jehans de
Eltem et morut jones. Li ainsnée des deus filles eut
30 nom Ysabel et fii mariée au jone roy David d'Escoce,
filz au roi Robert de Brus. Et )i fii donnée en mariage
de jonèce par l'acord d^s] deus royaumes d'Engle-
terre et d'Ëseoee et par pais faisant. Li autre fille fu
mariée au dueh de Guérie. Chilz eurent deus filz et
25 deus filles, Renault et Edowart; et les filles, li une
fil contesse de Blois de par monsigneur Jehan de
Blois son mari, et li aultre duçoise de Jullers.
§ 3. Li biaus rois Phelîppes de France eut trois filz
avoeh ceste belle fille ma dame Ysabel qui fii royne
30 d'Engleterre. Et fiirent cil troi fd moult bel et grant
;vGoo»^lc
[1314-13X8] LWRE PREMIER, $>3. 11
chevalier. Si eut à nom li ainnés Loeis, et fu au vi-
vaut dou roy son père rois de Navare, et l'appella
on le roy Hustin. Li secons eut à nom Phelippes li
Biaus, et li tiers Charles. Et fiirent tout troi roi de
France apriès le mort dou roy Phelippe, leur père, 5
par droite succession, li uns apriès l'autre, sans avoir
hoir maries de leurs corps engendrés par voie de ma-
riage : si ques, apriès la mort del daarrain roy Charle,
li douze 'per et li baron de France ne donnèrent
point le royaume à le sereur qui estoit royne d'En- lo'
gleterre, par tant qu'ifl] ' voloient dire et maintenir,
encores voelent, que li royaumes de France est bien
si nobles que il ne doit mies aler ne descendre à fu-
melle ne par consequense à fil de fumelle. Car, ensi
comme il voelent dire et maintenir, lifilz de fiimetle 15
ne poet avoir droit ne succession de par sa mère,
venant là où sa mère n'a point de droit : si ques,
par ces raisons, li douze per et li baron de France
donnèrent, de commua acort [le royaume de France*],
à monsigneur Phelippe de Yalob, fil jadis à monsi- 30
gneur Charle le conte de Valois, frères à che biau
roy Phelippe descure dit, et en ostèrent le royne
d'Ëngleterre et son fit qui estoit hoirs maries et ne-
veus au roy Charlon, et li rois Phelippes n'estoit que
cousins germains. C'est li poins par quoi les guerres, 25
les pestilenses et les tribulations sont de puis incou-
rutes et eslevées, et li grant mesehief avenu par le
cause dou calenge et de le defiense, si com il vous
1. La leçon du mi. de Gaignièret, f° 3, aatorùe'à
l àe il qui n'ett pai ûguzie dans l'à^nire, parce qu'eUe
pas lentir dans la pronoDcialion derant
S. Mh. a — Mh. B (lacmie).
;vGqo»^Ic
13 CHRfflnQDSS DE J. FROIgSAHT. [1307-1327]
sera recordé chi apriès, quant tamps et lieus venront
que j'en deverai parler. Mais je m'en tairai encores
un petit et me retralrai k le droite matère des Englès,
si com je l'ay commencie.
5 $ 4. Il est bien voirs que cils roys -d'Engleterre,
pères 3 ce roy Ëdouwart sur qui nostre matère est
fondée^ gouvrena moult diversement son royaume et
fist pluiseurs diverses justices et pluiseurs merveilles
par le conseil et enhort de monsigneur Huon, c'en
10 dist le Despensier^ qui avoit esté nouris avoecques
lui d'enBince. Et avoîent tant fait eilz messires Hues
et messires Hues ses pères qu'il estoient li plus grant
baron d'Engleterre, en tant que de mise et de rikèce.
Et par especial messires li filz avoit si mené le roy et
15 si alrait à ses oppinions que sans lui n'estoit riens
foit, et par lui estoît tout fait, et le creoit li rois plus
que tout le monde. Et voloient li doi signeur Des-
[lensier mestrîier et sormonter tous les sîgneurs et
les barons d'Engleterre. Pour quoi, avinrent de puis
30 ou pays et à yaus meismea moult de maulz et de
tourmens.
Car, apriès la grande desconfiture de Struvelin, là
où li rois Robers de Brus, rois d'Escoce, avoit des-
confi che roi d'Engleterre et toutes ses gens, si com
2i ci dessus est dit, graut hayne et grant murmure
monteplia ou pays d'Engleterre entre les nobles ba-
rons et le conseil le roy meismement encontre le
dit monsigneur Huon le Despeusier. Et li mettoient
sus que par son conseil il avoient esté desconfi et
30 que, par tant qu'il estoit Ëtvourables au roi d'Escoce,
il avoit tant conseilliet et tenu le roi d'Engleterre en
;vGoo»^lc
[13iS] LIVRE PREMIER, $ S. 13
neglîgense que li Escot avoient reconquis le bonne
cité de Bervich et ars quatre journées ou cinq par
deus fois dedens leur pays, et yaus desconfis en ba-
taille et mis en cace, et porté très grant damage. Et -
sus ce li dit baron d'Engleterre eurent pluiseurs fois i
parlement ensamble pour aviser et regarder qu*il en
poroient faire; des quelz li contes Thomas de La[n]-
castre estoit chiés et souverains. Et li despiaisoit U
usages que li rois avoit empris, et en parla par deus
ou par trois fois assés ouvertement au dit Despen- 10
sier. Or, se perchut li dis messires Hues comment
on murmuroit sur lui et sus son afaire. Si, se doubla
trop fort que maulz ne Fen venist, ensi qu'il 6st;
mes che ne fu mies si trestos. Ançois eut il Ëiit moult
de coses damagables ou pays, si eom vous orës chi 1&
après.
§ 5. Cilz qui estoit bien dou roy, et si proçains qu'il
voloit, et plus creus tous sens que tous li mondes,
s'en vint au roy et U dîst que cil signeur avoient &it
alliance encontre lui, et qu'il le metteroient hors de 30
son royaume, se U ne s'en prendoit garde. Tant fist,
par son enhort et par son soubtU pourcach, que li
rois fist à un jour prendre tous ces signeurs à un par-
lement là où il estoient assamblé, et en 6st decoler
sans delay et sans cognissance de raison jusc[ues à SB
vingt et deus des plus grans barons d*Ëngleterre, et
tout premiers le conte Thumas de Laneastre, qui es-
toit ses oncles, preudons et sains boms, et fist puis
moult de biaus miracles ou Ueu où il fu decolés.
Pour le quel feit, li dis messires Hues acquist grant 30
hayne de tout te pays, et par especial de la royne
;vGoo»^lc
U CHRONIQUES DE J. FROISSART. [132S]
d'Engleterre et dou conte de Kent, qui estoit frà>es
au dit roy.
Encores ne se cessa pas li dis messires Hues de
enhorter le roi mal à faire. Car, quant il perehut
5 qu'il estoit mal de le royne et dou conte de Kent, il
mist si grant descort entre le roy et le royne, par
son malisce, que li rois ne voloit point venir en lieu
où elle fust, et dura cilz descors assés longement. Et
fti qui dist à le royne et au conte de Kent tout secre-
10 tement, pour les perilz eschiewer où il estoient par
le feit dou Despensier, que, se il demoroient longe-
ment ens ou pays, li rois, par hastieu conseil et maie
information, leur feroit souffrir dou corps haschière,
si com cil avoient entendu.
15 Dont, quant il avint que la royne et li contes de
Kent oïrent ces nouvelles, si se doubtèrent, car il
sentoient le roy hastieu et de diverse manière et che
messire Hue si bien de lui qu'il faisoit tout ce qu'il
voloit, sans avis et sans regart de nulle raison. Si s'a-
30 visèrent la ditte dame et li contes de Kent qu'il se
partiroient d'Engleterre et s'en iroient en France veoir
le roi Charlon que la royne, qui sa sereur germainne
estoit, n'avoit veu de puis que elle lîi envoiie en £n-
gleterre; et en menroit avoecques lui son jone fil
35 Edouwart, et lairoit eouvenir ce roy et le Despensier
au sourplus. Espoir, hastement s'amenderoit leurs
estas, et y pourveroit Diex de remède et de conseil.
Ce pourpos tinrent la dame et li contes de Kent
et ordonnèrent leurs besongnes secrètement et en-
30 voilèrent devant le plus grant partie de leur arroi
par le rivière de Tamise en nefs en Flandres. Et
pnst la ditte dame excusance de venir en pèlerinage
;vGoo»^lc
[13S5] LIVRE PREMIER, § 6. i»
à Nostre Dame de Boulongne. Et se parti, si com
TOUS poés oïr, d'Engleterre à petite mesnie, son joue
fil avoech lui, le conte de Rent son seroui^e et mon-
signeur Rogier de Mortemer. Et montèrent à Dou-
vres et arrivèrent à Boulongne. 5
$ 6. Quant la royne d'Engleterre fii arrivée à Bou-
longne et toute se route, elle regratia Nostre Signeur
et s'en vint tout à piet jusques à l'église Nostre Dame
en dévotion, et fist sen of&ande et sen orison devant
l'image. Li abbes de laiens et tout li monne le re- lo
cuelltèrent tiement; et fa laiens h«'bei^e et toute se
mesnie; et s'i reposèrent et rafrescirent par cinq
jours. Au sizime, il montèrent tout as chevaus et sus
hagenées qu'il avoient amené d'Engleterre, et se par-
tirent de Boulongne o tout leur arroi. Si fu la dame i&
aconvoiie et acompagnie d'aucuns chevaliers de là
environ, qui Festoient venu veoir et festiier, pour la
cause de ce que elle esloit soer au roy leur signeur.
Tant esploita la dame par ses journées que elle ap-
proça Amiens. Chil de la cité vinrent contre lui moult ao
reveramment. Et par tout où elle passoit, as cités et
as bonnes villes, ou li Ëiisoit feste et honneur, car U
rois Charles l'avoit ensi ordonné, qui estoit enfour-
mes de sa venue.
Et tant chevauça la ditte dame que elle vint à Pa- as
ns. Si estoient jà issut contre lui moult de noble
gent, pour le recueillier et son jone fil. Et les ame-
nèrent jusques au palais messires Robers d'Artois, li
contes de Dammartin, li sires de Couci, U sires de
Montmorensi et pluiseur aultre. Si descendirent de- 30
vant le perron et montèrent les degrés dou palais,
;vGoo»^lc
16 CHRONIQUES DE J. FROISSAUT. [13Î3]
chil signeuT François devant qui menoîent la dame,
son fil et le conte de Kent; et vinrent jusques au roi
qui se tenoit en une cambre, bien acompagniés de
prelas et de chevaliers.
5 Quant li rois de France vei sa serour qu'i[l] en grant
tamps n'avoit veu*, et elle deut entrer en la cambre,
il vint contre lui et le prist par te main droite et le
baisa et dist : «A bien vigne ma belle suer et mes
biaus niés !» Si les tint tous deus et les mena avant.
10 La damCj qui pas n'avoit trop grant joie fors de ce
que elle se trouvoit dalés le roy son frère, s'estoit jà
volue agenouiller par deus ou par trois fois, mais li
rois ne le laioit et le tenoit toutdis par le main droite»
et li demandoit moult doucement de son estât et de
ib son a&ire. Et la dame l'en respondoit très sagement,
et tant furent les paroUes que elle dist : a Monsi-
gneur, se nous va moy et mon fil assés petitement.
Car li rois d'Ëngleterre, mes maris, m'a pris en trop
grant hayne, et se ne scet pour quoi, fors par l'enhort
30 d'un cbevalier englès qui s'appelle Hues li Despen-
siers. Chilz chevaliers a telement atrait le roi à ses
volentés que tout ce qu'il voet dire et faire il est. Et
jà ont comparet pluiseur haut barou d'Engleterre sa
mauvesté, car il en ûst sus un jour prendre au com-
35 mandement dou roy et en fisl decoler jusques à
vingt et deus sans Ipy et sans cause, et par especial le
bon conte Thumas de Lancastre, dont ce fu trop
grans damages, car il estoit preudoas et loyaus et
plains de bon conseil. Et n'est nulz en ^gleterre,
30 tant soit nobles ne de grant afaire, qui l'ose courou-
1 . Ma. de Gugniirea, ^ k : t que de grant temp* n'aroit Tenc. •
;vGoo»^lc
[132S] LIVRE PREMIER, $ 7. 17
cier ne desdire de cose que il voelle feire. Et m'a le-
kment tourblet devers le roy, et le conte de Kent
men firère, que veci qu'il nous fb dit en grant amisté
par chiaus qui savoient aucunes coses dou conseil ce
dit chevalier^ que nous estions en grant péril de nos s
vies. Si nous sommes parti en grant doubtance et
venu par deçà vous veoir, que je desiroie moult. »
Et li rois dist ; « Ma belle suer, grant merchis. »
% 7. Quant li rois Charles eut oy et entendu les
complaintes de sa suer, et comment elle estait deme- lo
née par le &it dou Despensier, si en eut grant pite et
le reconforta moult doucement et li dist ; cMa belle
suer, vous demorrés dalés nous; si ne vous esbahis-
siés ne desconfortés de riens : nous avons assés pour
nous et pour vous. Et si meterons remède et conseil 15
à vos besongnes. » Et la dame s'agenoulla et dist :
N Monsigneur, grans mercis I » De puis la venue de
la dame, de son fil et dou conte de Kent, et que It
rois Charies eut recueilliet motUt liement les dessus
dis, il se tinrent à Paris dalés le roy. Et leur Êiisoit so
li dis rois feire leur délivrance de toutes coses; et es-
toit souvent la royne d'Engleterre avoech le roy son
frère et la royne de France, et ooit à le fois des nou-
velles d'Engleterre qui pas trop plaisans ne li es-
toient. K
Car, cilz messires Hues li Despensiers croissoit tous
jours en poissance et en amour devers le roy. Et
avoit telement attret et atoumet le dit roy que tous
li pays s'en esmervilloit; et n'avoit nulz que feire en
le court dou roy, se il n'estott de son acord. ^ fist 30
il de puis moult de diversetés et de cruaultés as plui-
I—»
;vGoo»^lc
18 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1326]
aeurs en Ëngleterre, dont il estoit moult hays. Mais
nulz ne li osoil dire ne moustrer, car se il se doubtast
de qui que fiist, conte on baron, tantost il le fesist,
sus l'ombre dou roy, prendre et decoler sans nule
t remède. Si estoit si doublés, et des pluiseurs tant
hays, que merveilles. Et r^ardèrent aucun baroA et
sage homme dou pays que ce ne &isoit mies à souf-
frir, et que ses outrages et mauvaistës il ne poroient
plus porter. Si se traisent tout secrètement ensamble
10 à conseil, et eiu^nt avis et volenté que il remande-
roient leur dame la royne d'Ëngleterre, qui jà avoit
demoret en France bien priés par l'espasse de trois
ans, et tout dis dedens le cit^ de Paris. Se li escri-
sirent et segnefiièrent, se elle pooit trouver voie ou
15 sens par quoi elle peuist avoir aucune compagnie de
gens d'armes de mil armeures de lier ou là environ,
et elle vosist ramener son fil et toute se compagnie
ou royaiune d'Engleterre, il trairoient tantost vers
lui et obeiroient à lui et à son fit comme à leur
30 ùgneur, car il ne pooient ne votoient plus porter les
desrois ne les Êiis que li rois Ëiisoit ou pays, par le
conseil monsigneur Huon, et de chiaus qui de son
accort estoient.
Quant la royne enlendi ces nouvelles, elle s'en
35 consiUa secrètement au roy Charle, son frère, qui
bien volentiers l'entendi, et U respondi adonc que
elle l'entrepresist hardiement, car il li aideroit et !i
presteroit de ses gens telz que elle vorroit avoir. Et
avoech cbe il U presteroit de son or et de son atgent
30 ce qu'il l'en besongneroit. Sour ce, la royne se parti
de lui, et s'en revint à son hostel et se pourvei si
com elle peut. Et pria secrètement des plus .grans
;vGoo»^lc
[I3i6] LIVRE PREMIER, S I- 1»
barons de France ceulz dont «Ile se fioit le plus, et
qui le plus volentrieu estoient pour tel afeire, et en
pensoit estre bien certainne. Puis le fist ensi à savoir
secrètement à ces barons d'Engleterre qui avoient
vers lui envoiiet. 5
Mais on ne le peut si celer que U dis messires
Hues 11 Despensiers ne le sceuist. Si fist puis tant, le
terme perdant, par ses messages et par dons et prom-
messes, que H rois Charles de France fu si eohortés
])ar son conseil que il manda sa sereur la ditte royne lo
Ysabiel, qui se tenoit à son hostel entre ses gens, et
li desoonsilla et defièndi si haut et si acertes qu'il
peut, que elle demorast quoie et se relaiast de oe que
elle avoit empris. Et quant la dame entendi le roy
son Irère, elle fii toute esbahie et abaubie, ce ne fia 15
point de merveilles. Si perchut bien que ses frères
estoit mal infourmés, car riens que elle peuwist dire
à rencontre ne li pooit valoir ne aidier. Si se parti
adonc de lui moult triste et esmarie, et revint ar-
rière a son hostelj et ne se relaia point pour ce à ap- ao
pareillier. Li rois ses frères le sceut; s'en fii courou-
ciés, quant sus sa deffense elle voloit ouvrer. Si fist,
par le conseil qu'il eut, commander, sus corps et sus
avoir, que nulz de son royaume ne se meuist^ ne
alast avoech la ditte royne, sa suer. 33
Quant la dame seut ce, elle fu assés plus triste que
devant, ce fu bien raisons. Si ne sceut que faire ne
que penser, car toutes ses besongnes 11 venoient au
contraire, et estoient venues de lonch tamps. Et se
li làlloit, ce li sambloit, par mauvais conseil, cilz qui 30
mieus U devolt aidier à son besoing. Et si ap[»roçoit
li termes que elle avoit mandet à chiaus que elle te-
;vGoo»^lc
20 CHRONIQUES DE J. FEOISSART. [13î6]
noil pour ses amis en Engleterre. Si demora moult
esgarée, sans nul confort, comme celle qui ne savoit
que elle peuist faire ne ^e devenir. Et requeroit
souvent Dieu estroitement en soi meismes, et li prioit
5 que il le vosist aidier et consillier.
$ 8. Ne demora pas gaires de temps que on li dist,
fîablement et par grant bien, que, se elle ne se gar-
doit sagement, li rois, ses frères, le feroît prendre et
mener en Engleterre, pour reUvrer à son mari, le roi
10 d'Engteterre, et detenroit son fil avoecques lui, car il
ne li plaisoit plus que elle eslongast ensi son mari.
De ces nouvelles fii la dame plus esbahie que devant,
car elle amast mieus estre morte et desmembrée que
venir ou pooir ne ou dangier son mari ne le Des-
15 pensier. Si eut bien mestier d'avoir bon conseil. Si
s'avisa que elle vuideroit France et s'en avaleroit en
Haynau, pour veoir le conte et monsîgneur Jehan de
Haynau son frère, qui estoient signeur plain de toute
honneur et de grant recommendation. Espoir, trou-
20 veroit elle en yaus tout confort et bonne adrèce, et
si estoit lor cousine moult proçainne.
Si ordonna la ditte dame ses besongneti, et fîst ses
gens sages de son département, et comptèrent et
paiièrent par tout. Adonc, se parti au plus tost et au
35 plus quoiement que elle peut de son hostel, avoech
li ses filz en l'eage de quinze ans ou environ, li con-
tes de Kent, li sires de Mortemer, et tout lî aultre
clievalier d'Engleterre, qui estoient afuioit apriès lui.
Et fist tant par ses journées que elle passa France,
80 Vermendois et Cambresis, et vint en Ostrevant, en
Haynau, en un chastiel que on appelle Buignicourt,
;vGoo»^lc
[1326] LIVRE PREMIER, g 8. «
dont messires Nicoles d'Aubrecicourt estoit sires. Et
H quelz bachelers et sa femme rechurent llement et
bellement en leur hostel la ditte royne d'Engleterre
et son fil et leurs gens ; et trouvèrent apparilliet tous
les biens de laiens. ^
Ces nouvelles furent tosl venues à Valencienes, oît
li contes de Haynau et messires Jehans de Haynau
ses fr^es estoient, que la royne d'Ëngleterre estoit
herbergie à Buignicourt chiés le chevalier. Et quant
li doi signeur dessus dit oïrent ce, si lurent tantost lo
consilliet quel cose il en apertenoit à feire. Premiè-
rement, messires Jehans de Haynau se parti de Va-
lenchienes, li moult bien acompagniés de cheralier
et d'escuiers, et chevauça tant qu'il vint à Buigni*
court, en Ostrevant, et trouva la dessus ditte dame, 15
à qui il fist toute l'onneur et reverense qu'il peut, car
bien le savoit &ire. La dame, qui estoit moult triste
et esgarée, et en sus de tous consaulz, fors de Dieu
et de lui, commença à complaindre au dit signeur
de Byaumont, en plorant moult piteusement, ses be- 20
songnes, et recorder ses dures avenues, de cief en
cor, tout ensi que' avenu li estoit jusques à ores :
premièrement, comment elle estoit dechacie d'Ëngle-
terre, et ses fîlz, et venue en France sus le fiance de
son frère le roy; et comment elle cuidoit [estre*] u
pourveue de gens d'armes par le conseil de son frère,
pour aler plus poissamment et en mener son fil en
son royaume, si com si ami d'Ëngleterre li avoien
mandet; et comment ses frères, puissedi, fii tele-
ment conseilliés qu' il avoit brîsiet tout ce voiage et 30
1. Ml. de GaigniiTM, t'iy. — m. 6477, P>8t*: leM. ■
;vGoo»^lc
il CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1326]
deffèndu à tous gentitz hommes que nulz ne se me-
sist avoech lui, sus à perdre leurs terres et le rovau-
me. £t li compta comment, et à quel mescief, elle
estoit là afuie à tout son fil^ comme celle qui ne sa-
b voit à cui ne en quel pays trouver confort ne sous-
tenance.
§ 9. Et quant li gentils chevaliers messires Jehans
de Haynau eut oy la dame complaîadre si tenrement,
et que toute fondoit en larmes et en plours, si en
10 eut grant pité et li dist, pour lui reconforter, moult
doucement : « Certes, dame, veés ci vostre cheva-
\iet qui ne vous faurront pour morir, se tous li mon-
des vous ialloit. Ains, ferai tout mon pooir de vous
et de vostre fil conduire, et de vous et de lui remet-
15 tre en vostre estât en Engleterre, en Fayde de vos
amis qui delà le mer sont, ensi que vous diltes. Et
je, et tout cil que je porai priier, y enventurrons les
vies, ançois que vous ne soîiés au dessus de vos be-
songnes. »
80 Et quant la dame l'eut oy parler une si Haute et
si noble parolle, et si reconfortans ses besongnes,
elle qui seoit, et messires Jehans de Haynau devant
lui, se drega en estant et se volt engenouUier, de le
gnvit joie et de le grasce qu'il li ofiroit; mes H gen-
%b tilz chevaliers ne l'euist jamais souffert; ains se leva
moult apertement, et prist la dame entre ses bras et
dist ; «Ne place jà à Dieu que la royne d'Engleterre
face ce, ne ait empenset à faire, que de li engenil-
lier devant son chevalier I Mais, dame, reconfortés
30 vous, et vostre gent ossi, car je vous tenrai vo prom-
messe. Vous venrës veoir monsigneur mon frère et
;vGoo»^lc
[13X6] LIVRB PBBHIER, $ 10. i3
ma dame ma suer, vostre cousine, la contesse de
Hayuau, c|ui vous en prient; et en sui oargiés de
vous dire, et de vpus mener par devers yaus. » Et la
dame H ottrie et dist ; «Certes, sire, je tnieve en
vous plus de confort et d'amour que en tout le 5
monde. Et, de ce que vous me dittes et offres, cinq
cens mille mercisv jamais ne Tarons desservi moy ne
mes filz; mes, se li tamps vient que nous soions en
nostre estât, si com jou espoire bien, par le confort
et grasce de Dieu et de vous, il vous sera grande- lo
ment remoneret. m
Assés tost ajMÎès ces paroUes, prist li sires de
Byaumont congiet de la ditte dame, de son fil et
dou conte de Kent et des autres chevaliers, et s'en
vint ce soir herbei^er à Denaing. Et la royne de- 15
mora à Bnignicourt, grandement reconfortée, et bien
y avoit raison, en le pourveance de monsigneur Ni-
cole d'Aubrecicourt, qui en Ëiisoit ce qu'il pooit. Et
tant en fist que la royne l'en sceut grant gré. Et de-
mora tous jours de puis ses chevaliers, et si en&nt 90
et leur génération ossi, sî com vous orés recorder en •
avant en ceste hystore.
S 1 0. Quant ce vint au matin, apriès messe et boire,
mesures Jehans de Haynau se parti de Denaing, et
chevauça de rechief à Buignïcourt; st trouva que la 35
royne estoit jà toute apparillie et ses gens ossi. Si se
partirent tout ensamble, et ses filz et leur route, ou
conduit le signeur de Byaumont, qui les amena
adoQC à Valeneiennes. Et y furent liement e belle-
ment rechut; et estoit la Salle dou Conte toute appa- 30
reillie pour la ditte dame et ses gens. Car, à ce donc.
;vGoo»^lc
U CHRONIQtJES DB 3. FROISSjIRT. [1316]
II contes se logoit en l'ostel de Hollandes^ et tous set»
hosteulz. Si descend! la royne d'Engleterre à le Salle,
et y fu logie et faerbet^e bien et aisiement. Et le
vint' là veoir la contesse de Haynau, qui li fist toute
5 honneur et reverense, car bien le savoit feire. Et
ossi iist li contes Guillaumes de Haynau, mais il es-
toit maladieus de gouttes, si ne chevauooi[t] mies à
sen aise. Toutes fois, i[t] l'honnoura et festia grande-
ment, le terme que elle séjourna à Valenciennes, en-
10 viron trois sejmiainnes.
Ëntroes, elle fist apparillier son oirre et ses beson-
gnes. Et li dis messires de Byaumont fist escrire
lettres moult affectueuses as chevalira^ et as compa-
gnons de cuï il se fioit le plus, en Haynau, en Has-
15 baing et en Braibant; et les prîoit, tant qu'il pooit,
et cescun sur toutes amistés, qu'il venissent avoecli
lui en ceste emprise. Si en y eut grant plenté, de
l'un pays et de l'autre^ qui y aloient pour l'amour
de li, et ossi grant plenté qui n'i alèrent mies, com-
10 ment qu'il en fuissent priiet. Et meismement H dis
* messires Jehans en fu durement repris de son frère,
et de aucuns de son propre conseil, pour tant qu'il
leur samblolt que li entrepresure estoit si haute et si
périlleuse, selonch les descors et les grandes faaynes
35 qui adonc estoient entre tes haus barons et les com-
muns d'Engleterre, et selonch ce que li Englès sont
communément envieus sour toutes estragnes gens,
quant il sont à leur deseure et meismement en leur
pays, que cescuns avoit paour et doubtance que li
30 dis messires Jehans ne nulz de ses compagnons peuist
jamais revenir. Mais, quoi que on li btasmast ne
deseonslllast, li gentilz <Âievaliers ne s'en volt onques
D,qit,zeabvG00»^lc
[f3«S] LIVRE PREMIER, $ 11. 2S
relaiier. Ains, dist que il n'avoit que une mort à
souffiir, qui estoll en le volenté de Nostre Signeur;
mais il avoit prommis à celle gentilz dame de lui
conduire jusques en son royaume; si ne Fen Ëiuroit
pour morir. Et ossi chier avoit il à prendre le mort 5
avoecques celle noble dame, qui ensi estoit dechacie,
se morir y devoit, que autre part. Car tout chevalier
doient aidier à leur loyal pooir toutes dames et pu-
œlles à leur besoing, especialment quant il en sont
requis. 10
§11. Ensi se parti la royne d'Engleterre de le ville
de YalencieneSj quant elle et ses gens furent appariU
liet de che qu'il leur &lloit; et prist con^et au gen-
til conte Guillaume de Haynau et ma dame Jehane
la contesse^ sa femme, et les remercia grandement, ]5
humlement et doucement de le bonne, lie cière et
de la belle recueilloite que il li avoient fait. Si se
mist à voie sus le segureté et conduit del gentil che-
valier, le dit monsigneur de Byaiunont. Si fîsent tant
par leurs journées que il vinrent à Dourdresk, en SO
Hollandes. ÏÀ endroit se pourveirent de naves et de
vaissiaus grans et petis, ensi qu'il les peurent trou-
ver, et misent dedens leurs chevaus, leurs hamas et
leurs pourveances. Et quant il eurent par avis vent
bon pour eulz, il se commandèrent en le garde de 25
Nostre Signeur, et entrèrent en leurs vaissiaus, et
desancrèrent et se misent en mer. Et n'estoient non
plus de trois cens armeures de fier.
Or, considérés le hardie et haute emprise que li
sires de Byaumont faisoit, que de aler conquerre et 30
entrer en un royaume par force où il ne [cc^nis-
;vGoo»^lc
se CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1326]
soit'] nultui; et se savoit qu'il y trouveroit, mais il
le &isoit de si grant corage et avoit tel espérance en
Dieu, qu'il li estoil avis que bien fumiroit et à sen
honneur le volage. Si estoît il adonc ou commence-
5 ment de son venir, et en le droite fleur de se jo-
nèce; si l'entreprendoit plus volentiers et plus har-
diement.
Or vous nommerai aucuns des chevaliers de Hay-
nau qui al^nt avoecques lui, et à se priière, ea ce
10 voiage : premièrement, messlres Henris d'Antoing,
messires Robers de Bailluel, qui puis fu sires de
Fontainnes, messires Fastrés dou Rues, messires Mi-
kieus de Ligne, messires Sausses de Boussoit, mes-
sires Perchevaus de Semeries, messires Sanses de
15 Biauriu , ti sires de Wai^i , 11 sires de Potelles,
li sires de Montegni, ii sires de Gommegnies, li sires
d'Aubrecicourt, et aucun aultre baceler, qui se vo-
loient enventurer avoech le dit chevalier et leurs
corps avancier. Si y eut aucuns Braibençons et Hes-
30 begnons, mes ce ne fu pas gramment.
Si singlèrent par mer. Et avoient entendu et avisé
qu'il prenderoient teire à un port où il avoient en-
tente d'arester, mais il ne peurent. Car uns grans
tourmens les prist en mer, qui les mist hors de leur
25 chemin, qu'il ne sceurent dedens deus jours là où il
estoient. De quoi Di[e]x leur fist grant grasce, et leur
envola belle aventure. Car, se il fuissent embatu à
ce port que il avoient chuesi ou auques priés, il es-
toient* perdu davantage, et escheu ens es mains de
30 leurs ennemis, qui bien savoient leur venue et les
1. H*, de Ga^nièrM, P» 6 t*. — H». 6ftT7, f» 10 : « cogmtsoietit. ■
;vGoo»^lc
. [1326] LIVRE FREUIBB, $ 42. 27
attendoient là endroit, pour yaus mettre tous à mort
et le jone roy et la royne ossi; mais Di[e]x ne le volt
mies adonques consentir. Si les fist, ensi que par
droit miracle, destourner, ensi que vous avës oy.
Or avint que, %u chief des deus jours, cilz tour- 5
mens cessa, et veirent li maronnier terre en Engle-
terre. Si se traisent celle part moult joiant, et pri-
sent terre sus le sablon et sus le rivage de le mer,
sans haveoe et sans droit port. Si demorèrent sus cel
sablon par trois jours, à petit de pourveances de lo
vivres, en descai^ant leurs chevaiis et leurs hamas;
et si ne savoient en quel endroit d'Engleterre il es-
toient arrivet, ou pooir d'amis ou d'anemis. Au
quatnme jour, il se misent à le voie, à l'aventure de
Dieu, comme cil qui avoient eu toute mesaise de 15
fain et de froit par nuis, avoecques les grandes paours
qu'il avoieat ewes et avoient encores. Si chevauciè^
rent tant amont et aval qu'il trouvèrent aucuns petis
hamelés, et puis apriès si trouvèrent une grande ab-
beye de noirs monnes, que on claimme Saint Ay- so
mon. Si se herbeigièrent et rafreschirent en ceste
abbeye par trois jours. Et fisent penser de leurs
chevaus bien et fort, car il en pensoient temprement
avoir à faire.
§ 1 2. Nouvelles s'espandireat par le pays tant que S5
elles parvinrent à ceulz par qui seureté et mandement
la ditte dame estoit rapassée. Si se apparillièrent, dou
plus tost qu'il peurent, de venir vers li et v^rs son
iil qui il voloient avoir à signeur. Et li premiers qui
vint encontre lui, et qui plus grant confort donna à 30
chiaus qui estoient venu avoecques lui, che fu li
;vGoo»^lc
tt CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1326]
contes Henris de Lancastre au Tors Cot, qui fa bèra
au conte Thumas de I^ncaslre qui fîi décotes, si com
vous avés oy par dessus, et fu pères au duch de Lan-
castre qui fil si bons chevaliers et si reoommeDdés,
s si com vous pores oïr en ceste hystore, ains que vous
venés à le conclusion. Chilz contes Henris de Lan-
castre dessus dis vint à grant compagnie de gens
d'armes. Apriès, tant d'uns et d'autres vinrent con-
tes, barons, chevaliers et escuiers, à tout gens d'ar-
10 mes, qu'il leur sambla bien qu'il fuissent hors de
tous pnilz. Et tous les jours croissoient gens d'armes,
ensi qu'il aloient avant.
Si eurent conseil entre yaus ma dame la royne, et
)i baron, chevalier et escuier, qui venu estoïent en-
15 contre li, que il iroient droit à Bristo, à tout leur
pooir, là où li rois se tenoit adonc et li Despensier,
qui estoit bonne ville, grosse et rice et fcotement
fremée, seans sus un bon port de mer. Et si y a un
chastiel trop durement fort, séant sus mer, si ques li
V) mers flote tout au tour. Là endroit se tenoit li rois,
messires Hues li Despensiers, li pères, qui estoit
priés en l'eage de quatre vins et dis ans, messires
Hues, U fîlz, li mestres consillières le roy, qui tous
les mauvais consaulz et mauvais fois li enhortoit, H
3S contes d'Arondiel, qui avoit à femme la fiUe monsi-
gneur Huon le Jone, et ossi pluiseur cbevaHer et es-
cuier, qui repairoient entours le roy et entours le
court, ensi que gens d' estât repairent volentiers en-
tours leurs signeurs. Si se misent ma dame la royne
30 et toute sa compagnie, messires Jehaus de Haynau,
chil conte et chil baron d'Engleterre et leurs routes,
au dit chemin, pour aler celle part. Et par toutes les
;vGoo»^lc
[13SS] UVRE PHBdlBR, $ 13. S»
villes là où il entroient, on leur &isoit feste et hon-
neur. Et touldis leur venoient gens, à destre et à se-
nestre, de tous costés. Et tant fîsent par leurs jour-
nées qu'il parvinrent devant le ville de Bristo. Si le
assegièrent à droit si^e fait. 5
§ 1 3. Li rois et messires Hues li Despeosiers li filz se
lenoîent ou chastiel. Li vielles messires Hues li pères
et li contes d'Arondîel se tenoient en le ville de
Bristo, et pluiseur aultre qui estoient de leur acord.
Quant cil aultre et cil de le ville veîrent le pooir le lo
dame si grant et si enforciet, et priés que toute Ën-
gleterre estoit de leur acord, et veoient le péril et le
damage si apparant, il eurent conseil qu'il se rende-
roîent et le ville avoech, salve leurs vies, leurs mem*
bres et lor avoir. Si envoUèrent trettier et parlonen- is
ter devers la royne et son conseil, qui ne s'i veurent
mies acorder ensi, se la dessus ditte ne pooit faire
dou dit monsigneur Huon et dou conte d'Arondiel
sa volenté , car pour yaus destruire estoit elle là
venue. ao
Quant li homme de le ville de Bristo veirent que
autrement il ne pooient venir à pais ne sauver leurs
biens ne leurs vies, au deslroit il s'i acordèrcnt et
ouvrirent les portes, si ques ma dame la royne, .
messires Jehans de Haynau et tout li baron, cheva- 3»
lier et escuier entrèrent ens, et prisent leurs hosteulz
dedens la ville de Bristo. Et cil qui ne s'i peurent
log^er, se herbet^èrent dehors. Là fu pris li dis mes-
sires Hues li pères, et li contes d'Arondiel, et amené
par devant le royne, pour &ire d'yaus se pure vo- ao
lente. Et ossi li furent amené li sien aultre jone en-
;vGoo»^lc
30 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [13S6]
&nt, Jehans ses filz et ses deus fillètes, qai furent là
trouvées eu le garde monsigneur Haoa. De quoi la
dame eut grant joie, quant elle vei ses en&ns que
veus n'avoit de grant tamps, et ossî eurent tout cil
s qui point n'amoient les Despensiers. Et s'il avoient
grant joie entre yaus, selonc ce pooient avoir grant
duel ti rois et messires li Despensiers li filz, qui es-
toient en ce fort chastiet enclos, et qui veoient leur
meschief si grant, qui leur couroit seure si apparam-
10 ment. Et veoient tout le pays tourner avoecques le
royne et avoecques son ainnet fil, et dreciet et es-
meut encontre yaus. Dont, se il eurent dolour et
paour et assés à penser, ce ne fait point à demander.
$ 14. Quant la royne et tout li baron et U aultre
15 furent herb^giet à leur aise, il assegièrent le chastiel,
au plus priés qu'il peurent. Et puis fist la royne ra-
mener monsigneur Huon le Despensier le vielle et le
conte d'Arondiel devant son ainsnet fîl, et devant
tous les barons qui là estoient, et leur dist que elle
20 et ses filz leur feroient droit et loy et bon jugement,
selonch leurs fais et leurs œuvres. Adonc respondi
messires Hues et dist; « Ha! dame, Diex nous voelle
donner bon juge et bon jugement; et se nous ne le
poons avoir en ce siècle, si le nous doinst en l'au-
3S Ire! » Adonc se leva messires Thumas Wage, bons
chevaliers, sages et courtois, qui estoit mareschaus
de l'ost, et leur racompta tous leurs fais par escrîpt,
et tourna en droit sus un viel chevalier qui là estoit,
afin qu'il raportast sus se feauté que à faire avoit de
30 telz personnes, par jugement, et de telz fois. Li che-
valiers se consilla as autres barons et chevaliers, et
;vGoo»^lc
[1326] LIVRE ËRBHIEH, S IS. 31
raporta par plaitme sieute que il avoient bien mort
desservie, par pluiseurs horribles fais qu'il avoient là
endroit oys racompter, et les tenoient pour vrais et
tous ders. Et avoient desservi, par le diversité de
leurs &is, à estre justiciés ei^ trois manières, c'est à 5
savoir, premiers traynés, et puis decolés, apriès pen-
dus à un gibet. Tout en tel manière qu'il furent ju-
giet, iurent il tantost justiciet par devant le chastiel
de Bristo, veant le roy, et veant le dit monsigneur
Uuon le fil, et tous ceulz de laiens qui grant despit iO
en eurent. Et puet çascuns savoir que il estoient à
grant meschief de cuer. Geste justice fu Ëiite l'an de
grasce mil trois cens vingt et six, le jour saint Denis,
en ootembre. ,
§ 15. Apriès ce que ceste justice fu faite, si com I5
vous avés oy, li rois et messires Hues li Despensiers, qui
se veoient assegiet à tèle angousse et à tel meschief,
et ne savoient nul confort qui leur peuist là endroit
de nulle part venir, se misent à une matinée, entre
yaus deus, à peu de mesnie, en un petit batiel, en 30
mer, par derrière le chastiel, poiu* alcr ou royaume
de Galles, s'il peuissent, comme cil qui volentiers se
fuissent sauvé. Mais Diex ne le volt mies soufirir,
car leurs peehiés les encombra. Si lor avint grant
merveille et grant miracle, car il furent onze jours 35
tous plains en ce batelet, et s'efibrçoient de nagier
tant qu'il pooient, mais il ne pooient si loncb nagier
que tous les jours li vens, qui leur estoit contraires
par !e volenté de Dieu, les ramenoit çascun jour,
une fois ou deus, à mains de le quarte parUe d'une 30
liewe priés dou dit chastiel dont il estoient parti; si
D,qit,z'eabvG00»^lc
32 OIAONIQUES DE J. FftOISSART. [1326]
ques tous les jours les veoient bien cil de l'ost le
royne.
Au daarrain, avint que messires Henris de Bjau-
moQt, iilz au viseonte de Byaumont en Englet^re,
5 entra en une barge, et ossi avoec lui aucuns compa-
gnons, et se fîst nagier devers ceulz, et nagièrenl
tant et st fort que onques li maronnier le roy ne
peurent tant fuir devant yaus que iinablement il ne
fuissent rataint, et pris à tout leur batiel, et ramenet
10 en le ville de Bristo, et livrés à ma dame la royne et -
à son fil comme prisonniers, qui moult en eurent
grant [joye*], et ossi eurent tout li aullre, et à bonne
cause, car il avoient acomplit et acfaievet leur désir,
à l'ayde de Dieu, tout à leur plaisir.
1& S 1 6. £nsi reoonquist la ditte royne tout le royaume
d'Engleterre pour son ainsné fil, sour le conftnt et
conduit de monsigneur Jehan de Haynau et de se
c<mipagnie. Par quoi ilz et tout si compagnon, qui
en ce voiage furent avoech lui, furent tous tenus
sa pour preus, par le raison de le haute emprise que
fait avoient. Car ii ne furent tout comptet, quant il
entrèrent en m^ à Dourdresch, si com vous avés oy,
que trois cens armeures de 6er, qui fisent si hardie
enirepresure, pour l'amour de le ditte royne, comme
3& d'entrer en naves et passer mer à si peu de gens,
pour conquerre tel royaume comme est Engleterre,
maugré le propre roy et tous ses aidans.
$ 1 7. £nsi com vous avés oy, fii celle haute et har-
1. Ht. de Gu«nUrM, e> 8. — M«. UT7, P> 13 (iMone).
;vGoo»^lc
[1326] LIVRE PREMIER, g 17. t 33
die emjH^ achievée; et reconquistma dame la royne
. Ysabiel tout son estât, par le confort et conduit del
gentil chevalier monsigneur Jehan de Haynau et de
ses compagnons, et mist à destruction ses ennemis.
Et fu pns li rois meismes par tèle mescheance et 5
fortune que vous poés entendre. Dont tous li pays
communalment eut gtant joie, hors mis aucuns qui
estoient de le &veur le dit monsigneur Huon le Des-
pensier. Quant li rois et li dis messires Hues li
Despensiers furent amené à ^sto par le dessus dit lo
monsigneur Henri de Byaumont, li rois fii envoiiés,
par le conseil de tous les barons et les chevaliers,
ens ou fort ehastiel de Berclo', séant sus le grosse
rivière de Saveme, et recommendés au signeur dou
dit ehastiel de Bercler quie il en fesist- bonne garde; 15
et il dist que ossi feroit il; et fu ordonné à lui ser<
vir et garder bien et honnestement, et gens d'estat
entours lui, qui bien savoienl que on en devoit feire,
mais point ne le dévoient Laissier partir dou pour-
[Hns. Ensi fu il enjoint et commandé. Et li dis mes- so
sires Hues fii tantost livrés à monsigneur Thumas
Wage, mareschal de l'host.
Apriès çou, se partirent la royne et toute son host
pour venir droit à Londres, qui est li chiés d'Engle-
terre, et se misent au chemin. Li dis messires Thu- 35
mas Wage fist bien et fort loiier monsigneur Huon
le Oespensier sour le plus petit magre et chetif che-
val qu'il pot trouvCT, et li fist fiiire à viestir un ta-
bar et afiibler par dessus son abit le dit tabar, semet
de telz armeures qu'il sotoit porter, et le feisoit ensi 30
mener par dérision apriès le route'' et le conroi le
royne, par tontes les villes où il dévoient passer, à
;vGoo»^lc
a CHRONIQUES DE J. FROISSAHT. [13S6]
trompes, à trompètes et flahutes, pour lui faire plus
grant despit, tant qu'il vinrent à Harfort, une bonne ■
cité. Là fb la royne moult reveramment recheue et
à grant solennité, et toute 11 compagnie ossi. Et tint
5 là sa feste de le Toussains moult grande et moult
bien estoffé[e], pour Famourde son fil eldes signeurs
estragniers qui estoîent avoecques lui.
§ 18. Quant U fi^te fu passée, li dis messires Hues
qui point n'estoit amés, là endroit fu amenés par de-
10 vant le royne et tous les barons et chevaliers, qui là
estoient assamblet. Là li furent recordet tout si fet
par escript, quç onques ne dist riens à l'encontre : si
ques là endroit il fti jugiés, par plainne sieute, de
tous les barons et chevaliers, à mort, et à justicier,
15 en tel manière com vous orés. Premièrement, il fii
traynés sour un bahut, à trompes et à trompètes, par
toute la ville de Harfort, de rue en rue. Et puis fii
amenés en une grant place, en le ville, là où tous li
peuples estait assamblés. Là endroit (a il loiiés haut
30 sus une eschielle, si ques çascuns, petis et grans, le
pooient veoir. Et avoit on fait en le ditte place un
grant feu. Quant il fiit ensi loiiés, on li copa tout
premiera le vit et les coulles, par tant qu'il estoit
hérites et sodomites, ensi que on disoit meismement
35 del roy. Et pour ce avoit decaciet 11 rois la royne
ensus de lui et par son enhort. Quant li vis et les
coulles li furent coppées, on les getta ou feu, et fu-
rent arses. Apriès, on li fendi le ventre, et li osta on
tout le COH" et le coraille, et le getta on ou feu pour
30 ardoir, par tant qu'il estoit faulz de coer et traïttes,
et que, par son traitte conseil et enhort, li rois avoit
;vGoo»^lc
[13S6] LIVRE PREMIER, §1». ^ 35
honni son royaume et mis à meschief, et avoit fait
decoler les plus grans barons d^Englelerre, par les
quels li royaumes deroit estre soustenus et deffendus.
Et avoech ce il avoit si enhortet le roy qu'il nie pooit
ou ne voloit veoir la royne sa femme, ne son aîns- s
net fil, qui devoit estre leurs sires; ains les avoit de-
caciés, par doubtance de leurs corps, hors dou
royaume. Apriès, quant lî dis messires Hues (a ensi
atoumés, comme dit est, on li coppa te teste, et Bi
envoiie en le chité de Londres; et puis fil il decopés lo
en quatre quartiers. Et furent tantost envoiiet as qua-
tre milleur^ cités d'Ëngleterre apriès Londres.
$ 19. Apriès ceste justice faite, si com vous avés oy,
la royne et tout li signeur, et grant fîiison dou com-
mun dou pays, se misent au chemin vers Londres, et i&
fisent tant par leurs petites journées qu'il y parvin-
rent à grant compagnie. Et isùrent communément
tout cil de Londres, grans et petis, encontre le royne
et son ainsnet fil, qui devoit estre leurs drois sires,
et lor fisent grant feste et gtant reverense, et à toute so
leur compagnie ossi. Et donnèrent cil de Londres
grans dons à le ditte royne, et à ceulz là où il leur
sambloit miens emploiiet.
Quant il furent ensi receu et si grandement fes-
tiiet, si que dit est, et il eurent là séjourné environ 35
quinze jours, li compagnon qui passet estoient avoech
monsignenr Jehan de Haynau, eurent grant talent de
retotu>ner cescuns en se contrée, car il leur sambloit
qu'il avoient bien fait le besongne et acquis grant
honneur, si qu'il avoient. Si prisent congiet à ma 30
dame la royne et as signeurs dou pays. Ma dame la
:,Goo»^lc
36 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [13)!6]
royDe et li signeur leur priièrent assës de demorer
encores un petit de tamps^ pour veoir que on vor-
roit &ire dou roy, qui en prison estoitj ensi que oy
avës; mais il avoieat si grant désir de retourner ces-
5 cuns en se maison que priière n'i valu riens. Quant
la royne et ses consaulz veirent chou, il {n'itèrent de
coste à monsigneur Jehan de Haynau qu'il vosist
encores demorer jusques apriès le Noël, et qu'il de-
tenist de ses compagnons avoech lui ceulz qu'il en
10 poroît détenir. Li gentils chevaliers ne volt mies
laissier k par&ire sen service, et otria courtoisement
le demorer jusques à le volenté de ma dame le royne.
Si détint de ses compagnons ce qu'il en peut déte-
nir; mais petit fu, car li aultre ne vorrent nullement
15 demorer, dont il Ai moult courouciés. Toutes fois,
quant la royne et ses consaulz veirent que cil com-
pagnon ne voloient demorer pour nulle priière, il
leur fisent toute l'onneur et le reverense qu'il peu-
rent. £t leur fist la royne donner grant argent pour
30 leurs frès et pour leur service, et grans joiaus, et
cescun selonch son estât, si grandement que tout
s'en tinrent à bien content. Et avoech ce elle leur
fist rendre Festimation de leurs chevaus qu'il vor-
rent laissier, si haut que cescuns voloit estimer les
35 siens, sans del)at et Sans dire ne trop ne peu. Et
tout furent paiiet en deniers appareilliés.
Si demora messires Jehans de Haynau, à le priière
de le royne, à petite maisnie et à peu de compa-
gnons, entre les Englès qui li fàisoient toutdis toute
30 l'onneur et le compagnie qu'il pooient. Ossi fàisoient
les dames dou pays, dont il y avoit grant fuison,
contesses et autres grandes et gentilz dames et pu-
D,qit,zeabvG00»^lc
[1327] LIVRE PREMIER, S 20. 37
celles, qui venues estoient compagnier ma dame la
royne, et venoient de jour en jour, car il leur sam-
bloit que H gentilz chevaliers l'euîst bien deservi, si
com il avoit.
$ 20. Apriès ce que li plus des compagnons de Hay- s
naù se furent parti et li sires de Byaumont demorés,
la royne d*Engleterre donna congiet as gens de son*
pays, que çascuns s'en ralast à se maison et en ses
besongnes, hors mis aucuns barons et chevaliers que
elle détint pour lui consillier; et lor commanda que 10
tout revenissent à liOndres, au jour dou Noël, à une
grant court que elle voloit tenir. Et tout cil qui se
partirent li eurent en couvent, et encores pluiseur
autre à qui la feste fii mandée. Quant ce vint au
Noël, elle tint une grant court, ensî que elle Favoit ]5
dit. Et y vinrent tout li conte, baron et chevalier et
tout li noble d'Engleterre, et U prelat et li consaulz
des bonnes villes. A ceste feste et à ceste assamblée
fu ordonné, par tant que U pays ne pooit longement
demorer sans signeur, que on metteroit en escript SO
tous les fais et les oevres, que li rois qui en prison
estoit avoit fait par mauvais conseil, et tous ses usa-
ges et ses mauvais maintiens, et comment il avoit
gouvrenet son pays, par quoi on le peuist lire, en
plain palais, par devant tout le pays, et que li sage SS
dou pays peuissent sur ce prendre bon avis et acord
comment et par cui li pays seroit gouvrenés de donc
en avant. Ensi que entonné fu, il fa fait. Et quant
tout li cas et U ^t, que li rois avoit &is et consen-
tis à faire, et tout si maintien et si usage furent leu 30
et bien entendu, li baron et li chevalier et tous H
;vGoo»^lc
39 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
consaulz dou pays se trairent ensamble à conseil. Et
se acordèrent li plus saiane partie, et meismement lï
grant baron et li noble avoech les consaulz des bon-
nes villes, selonch ce que il avoient là oy lire, et
5 qu'il en savoîent le plus grant partie de ces Ëiis et
de ces maintiens, de certain et par pure vérité. Et
dirent que telz bons n'estoit mies dignes de jai^is
porter couronne, ne d'avoir nom de roy. Mais il s'a>
cordèrent à cbe que ses ainnés filz, qui estoit ses
10 drois hoirs, fiist couronnés et tantost ou lieu dou
père^ mais que il presist bon conseil et sage entours
lui et feable, par quoi li royaumes et H pays fîist, de
donc en avant, mieus gouvrenés que esté n'avoit; et
que li pères ftist bien gardés et honnestement tenus,
15 tant que vivre poroit, selonch son estât.
S 21 . E^i que acordé fu par les plus haus barons
et par les consaulz des bonnes villes, lu il &it. Et fii
adonc couronnés de couronne royal, ens ou palais de
Wesmoustier, datés Londres, li jones rois Edowars,
30 qiû tant fii de puis ewireus et fcolunés en armes. Ce
fil l'an de grasce Nostre Signeur mil trois cens vingt
et sis, le jour dou fioal. Et pooit avoir adonc envi-
ron seize ans; il les eut à le Conversion saint Pol. Et
là fu très grandement servis et honnourés li gentilz
3& chevaliers messires Jehans de Haynau de tous les
prmces et de tous les nobles et non nobles dou pays.
Et là [lui'] furent donnet grans joiaus et très riccs,
et à tous les compagnons qui demoret estoient dalés
lui. Et demora de puis il et si compagnon, en gran-
1. VU. de GMgnièret, <>> 9. — Ui. 6471, f> 14 (lacnne).
D,qit,zeabvG00»^lc
[1327] LIVRE PREUIER, $ 21. 39
des festes et ea grans solas des sigoeurs et des da-
mes qui là estoient, jusques au jour des Trois Rois
que il oy dire que li rois de Behagne, 11 contes de
Hayuau, ses frères, et grant plenté de signeurs de
France se ordonnoient, pour estre à Condet sour Es- 5
oaut, à un tournoi qui là estoit criés.
Adono ne volt messires Jehans de Haynau plus
demorer, pour priière que on li peuist faire, pour le
grant désir qu'il avoit de venir à ce tournoi, et de
veir son gentil frère, le conte de Haynau, et tes aul- lo
très signeurs qui là dévoient estre, et especialment
le plus noble et le plus gentil roy en lai^hèce qui
regnast à ce temps, le gentil roy Cfaarlon de Beha-
gne. Quant li jones rois Ëdowars, ma dame la royne
sa mère et li baron, qui là estoient, veirent que il ne ts
voloit plus demorer, et que priière ne pooit valoir,
il 11 donnèrent congiet moult à envis. Se 11 donna li
jones rois, par le conseil de ma dame sa mère, qua-
tre cens mars d'estrellns, un estrelîn pour un denir,
de rente, hyretablement, à tenir de lui en fief, et à 30
palier çascun an en le ville de Bruges. Et donna en-
cores à Phelippe de Castiaus, son me&tre esculer et
son souverain coosilleur, cent mars de rente à l'es-
trelin, et ensl à palier d'an en an que dit est. Et li
fist avoech ce délivrer grant somme d'estrelins, pour 25
paiier les frès de lui et de toute se compagnie, pour
revenir en leur pays. Et le fist conduire, à grant
compagnie de chevaliers, jusques à Douvres; et li fist
apparillier et délivrer tout son passage. Et les dames
mêlâmes, la contesse de Garanes, qui estoit suer au 30
conte de Bar, et aucunes des aultres dames li donnè-
rent grant fuison de biaus jeulaus et riches au départir.
:,Goo»^lc
M CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
Quant li dis messires Jehans de Hayaau et se com-
pagnie furent venu à Douvres, il montèrent lantost
en oaves pour passer oultre, pour le désir (ju'il
avoient de venir à temps et à point à ce tournoy,
s qui devoit estre à Condet. Et en mena avoech lui
quinze jones et preus chevaliers d'Englelerre, pour
estre à ce tournoy avoech lui, et pour yaus acointier
as signeurs et as compagnons qui là dévoient estre.
Si leur fist toute Fonneur et le compagnie qu'il peut,
10 et toumiièrent deus fois celle saison à Condet, puis
qu'il furent venu. Or, me voel taire de monsigneur
Jehan de Haynau jusques à tant que poins sera, et
revenrai au jonc roy Edouwart d'Ëngleterre.
§ 22 . Apriès chou que messires Jehans de Haynau se
l& fil partis dou jone roi et de ma dame sa mère, li dis
rois et la royne gouvrenèrent le pays par le conseil
dou conte de Kent, oncle au dit roy, et par le con-
seil ossi monsigneur Rogîer de Mortemer, qui tenoit
grant terre en Ëngleterre bien siept mille livrées de
SO revenue, un estrelin pour un denir. Et avoient
tout doi esté bani et escaciet hors d'Ëngleterre avoee
le royne et le dit roy, si com avés oy. Et us^nt
ossi assés par le conseil de monsigneur Thumas
Wage, et [par le conseil de plusieurs autres*] que on
2» tenoit les plus sages dou royaume, comment que
aucim aultre en euissent envie. Car on dist eosi que
envie ne poet morir en Ëngleterre. Ossi r^ne elle et
voet r^ner en pluiseurs aultres pays. Ënsi passa li
}viers et li quaresmes jusques à Pasques. Et furent li
I. H*, de GaignièrM, p>9v. — Hi. 6%T7, P> 15 (tacoiie).
;vGoo»^lc
[1327] LIVRE PREMIER, § 23. H
rois, ma dame se mère et H pays tous en pais, che
terme.
Avint que li rois Robers d'Ëscoce, qui avoit esté
moult preus, et qui moult avoit souffert contre lès
Ënglès, et moult de fois avoit esté decaciés et des- s
confis au tamps le bon roy Edowart, tayon à ce jone
roy Edowart, estoit devenus moult vieux et malades
de le grosse maladie, ce disoit on. Quant il sceut les
avenues d'Engleterre, comment li rois avoit esté pris
et desposés de se couronne, et ses consaulz justiciés lo
et mis k destruction, si com vous avés oy, il se
pourpensa qu'il deffieroit ce jone roi; car, par tant
qu'il estoit jones et que li baron del royaume n'es-
toient mies bien d'acord, si com il cuidoit, et que
on H avoit fait entendant par aventure de par au> is
cuns des ennemis et dou linage les Despensiers, il
poroit bien faire se besongne et conqoerre partie
d'Engleterre. Ensi qu'il le pensa, il le fist; et, envi-
ron Pasques, l'an mit. trois cens vingt et sept, list il
deffiier le jone roy Edouwart et tout le pays, et leur 20
manda qu'il enteroit ens ou pays et gasteroit et ar-
deroit ossi avant qu'il avoit Ëiit autre fois, dou tamps
que li desconfiture fii au chastiel de Struvelin, où li
Englès rechurent si grant damage.
§ 23. Quant li jones rois se senti deffiiës et ses con- 35
saulz ossi, il le fisent savoir par tout le royaume et
commander que tout noble et non noble fuissent ap-
parellié cescuns selonch son estât, et venist çascuns
à tout son pooir au jour de l'Ascension apriès ensie-
want à Evruich, une bonne cité qui siet ou north. 30
Et envola devant grant fïtison de gens d'armes pour
:,Goo»^lc
42 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [13S7]
garder les frqntirâ^ par devers Escoce. Et puis en-
vois grans messages par devers monsigneur Jehan de
Haynau, en priant moult affectueusement qu'il le
vosist veait seoourir et tenir compagnie à ce besoing,
& «t que il vosist estre dalés lui à Ëvruich, au jour de
l'Aficenaon, à tout tel compagnie qu'il poroit avoir
de gens d'armes. Quant li sires de Byaumont oy che
mandement, il envoia ses lettres et ses messages par
tout là où il cuidoit recouvrer de bons compagnons,
10 en Flandres, en Haynau, en Braibant et en Hasbaing;
et leur prioit, si acertes qu'il pooit, que cescuns le
vosist siewir, au mieus montés et apparilliés qu'il
poroit, devers Wissant, pour passer oultre en Ëngle-
teire. Cescuns le sievi volentiers selonc son pooir,
u chil qui fur^it mandet et moult d'aultre qui ne fu-
rent point mandet, pour tant que cescuns cuidoit
raporter otant d'aigent que li aultre avoient raportet,
qui avoient estet en l'autre chevaucie en Ëngleterre
avoech lui : si ques, avant que li sires de Byaumont
ao venist à Wissant, il eut assés plus de gens qu'il ne
cuidoit avoir, mais tous les rechut liement et leur
fîst grant chière.
Quant il et se compagnie furent venu à Wissant,
il trouvèrent les naves et les vaissiaus tous prés que
25 on leur avoit amenet d'Engleterre, et misent ens au
plus tost qu'il peurent chevaus et hamas, et passè-
rent oultre et vinrent à Douvres, it ne cessèrent de
chevaucier oe d'errer de jour en jour tant qu'il vin-
rent, à trois jours priés de le Pentecouste, à le bonne
80 cité de Evruich, là où li rois et ma dame sa mère
estoient et grant plenté de grans Barons, pour le
jone roy consillier et compa^ier. Et attendoient là
;vGoo»^lc
[13t7] LIVRE PREMIER, S 24. tS
endroit la venue de moosigneur Jehan de Haynau et
de se compagnie. Et ossi attendoient il que toutes les
gens d'armesj li arcier et les communes gens des
bonnes villes et des villiaus fuissent oultre passet. Et
ensi qu'il veDoient par grans routes^ on les feisoit &
logier es villages, à deus liewes priés ou trois de
Evruich, et là environ sus le plat pays, et les &isoit
on oultre passer par devers les frontières.
§ 24. Droit à ce point, vint à Evruich messires Je-
hans de Haynau dessus dis et 9e (^mpagnie. Si furent to
bien venut et grandement festiiet dou jone roy, de
ma dame la mère et de tous les barons. Et leur fist on
livrer le plus biel fourbourch, de le cité, pour yaus
herbei^ier entironent sans nul entredeus. Et fa déli-
vrée à moDsigneur Jehan de Haynau une abbeye de 15
blans monnes, pour son coips et pour son tinel tenir.
En le compagnie dou dit chevalier vinrent, dou
pays de Haynau, li sires d'Enghien qui estoit appel-
lés messires Gauticrs, li sires d'Antoing, messires
Henrîs, H sires de Fagnuellea, messires Pastrés dou 30
Rues, messires Robers de Bailluel et messires Guil-
laumes de Bailloel, ses frères, li sires de Havrech,
chastellains de Mons, messires Alars de ftifiiel, messi-
res Fastrés de Briiîiel, messires Mikieus de Ligne, mes-
sires Jehans dé Montegni li jones et ses frères, mes- S5
sires Sausses de B(Tussoit , IL sires de Gommegnies,
messires Ferchevaus de Semeries, li sires de Floion.
Dou pays de Flandres y vinrent messires Hectors
Villains, messires Jehans de Rodes, messires Wau-
flars de Ghistelles, messires Guillaumes de Strates, so
ï Gossuins de Le Muele et pluiaeur aultre.
;vGoo»^lc
44 CHRONIQUES DB J. FROISS.IHT. [1327]
Dou pays de Braibant y vinrent lî sires de Duffle,
miïssires Thieris de Wallecourt, messires Rasses de
Grés, messires Jehans de Casebèke^ messires Jehans
Pili[s]re, messires Gilles de Coterebbe^ li troi frère de
s Harlebèke, messires Gautiers-de Hoteberge et pluï-
seur aultre.
Des Hesbegnons y vinrent messires Jehans lî Biaus
et messires Henris ses frères, messires Godefrois de
Le Capelle, messires Hues [d'Obay'j et messires Je-
10 hans de Libines, messires Lambers [d'Oppey*], mes-
sires GUlebers de Hers.
Et si y vinrent aucun chevalier de Cambresis et
d'Artois de leur volenté, pour leurs corps avancier^
tant que li dis messires Jehans de Haynau eut bien
15 en se compagnie cinq cens armeures de fi^, tous
bien estoffës et bien montés.
Apriès ens es festes de le Pentecouste, vinrent
messires Guillaumes de Jullers, qui puis fil dus de
Jullers apriès le dechiès de son père, et messires
30 Thieris de Heinsbei^ qui puis (a contes de Los, à
beUe route, et tout pour faire compagnie au gentil
chevalier dessus dit.
§ 25. li Jones rois d'En^eterre, pour miex festUer
ces signeurs et toute leur compagnie, tint une grande
9b court au jour de le Trinité, à le maison des Frères
Meneurs, là où il et ma dame sa mère estoient her-
ber^et. Et tenoient leur tinel, cescuns par li, c'est à
savoir li rois de ses chevaliers, et la royne de ses da-
]. H*. a'Aminu, P> 6 T<. — Hs. 6477, t^ 16 ; ( de Baj. •
3. W*. de I. U Bd, [^ 14 i«. - W*. 6477, P> 16 : « dou Peh. ■>
;vGoo»^lc
[1»T] UVRB PREMIER, $ K. 4S
mes, dont elle avoit grant fiiison en se compagnie.
A celle court, eut bien li rois six cens chevaliers,
seans en salle et en l'enclostre. Et .y eut à ce jour
fais quinze nouviaus chevaliers. Et ma dame b
royne tint sa court ou dortoir; et eut bien seans à 5
table soixante dames que elle avait priies et man-
dées, pour mix festiier le dit monsigneur Jehan de
Haynaa et ces aultres signeurs. Là peut on veoir
grant noblèce de bien servir de grant plenté de mes
et d'entremès estragnes et si desghisés, que on ne 10
les poroit deviser. I^à peut on veoir dames noble-
ment parées et richement acheknées, qui euist' loisir.
Mais adonc ne peut on avoir loisir ne lieu de
danser, ne de plus festiier. Car, tantost apriès dis-
ner, uns grans hustins commença entre les Hay- 15
nuiers garçons et les arciers d'Engleterre, qui entre
yaus estoient herb^et, en l'ocquison dou jeu de
dés, de quoi grans mauls vint, si com vous orés.
Car ensî que cil garçon se combatoient à aucuns de
ces Englès, tout li aultre arcier qui estoient en le 90
ville, et cil qui s'estotent herbegiet en celi four-
bourch entre les Haynuiers, furent tantost ensamble
à tous leurs ars apparilliés, et se boutèrent ou hahai,
et navrèrent à ce commencement tout plain des gar-
çons des Haynuiers : si les convint retraire en leurs 35
hosteiz. Li plus des chevaliers et de leurs mestres
estoient encores à court, qui de ce ne savoîent riens.
Et tantost qu'il oïrent nouvelles de ce hustîn, il se
traisent au plus tost qu'il peurent, cescuns vers son
hostel, qui peut ens entrer. Et qui n'i peut entrer, 30
il le convint demorer dehors en grant péril. Car cil
archier, qui estoient bien doi mille, avoient le dya-
:vGoo»^lc
46 CHHONIQUSS DE J. FRCHSSAAT. [1327]
ble ou corps et trai[oi*)ent despersement, pour tous
tuer, sîgneurs et variés.
Et veult on dire et supposer que o'estoit tous &is,
avisés et pourparlés de aucuns des amis les Despen-
5 sios et le conte d'Arondiel, qui avoient esté mis à
fin par monsigneur Jehan de HaynaUj si com vous
avés chi dessus oy recorder. Si s'en voloient contre-
vengier as Haynuiers^ et meismement à mona-
gneur Jehan de Haynau, se il peuissent; et bien s'en
10 misent en patnne, si com vous orés. Car encwes U
Engiès et les Englesses, de tpii U bostel estoient,
clooiént et baroient leurs huis et leurs fenestres au
devant des Haynuiers^ et ne les laissoient ens ren-
tra. Toutes fms, il en y eut aucuns qui y rentrè-
li rent par derrière leurs hosteulz, et s'armèrent moult
vîstement. Quant il furent armet, il n'osèrent issir
hors par devant pour les saîettes; ains issirent hors
par denière, par les c(»u*tilzj et rompirent les enclos
et les paufis. Et attendirent 11 uns l'autre, en une
so place qui là estoit, tant qu'il furent bien cent ou
plus, tout armet, et bien otant tous desarmet, qui
ne pooient rentrer en leurs hosteiz.
Quant cil armé furent ensi assamblé, il se hastè-
rent pour secourre les aultres compagnons, qui def-
35 fendoient leur hosteiz en le grande rue, au mieus
qu'il pocHent. Et passèrent cil armet parmi l'ostel
au signeur d'Enghien, qui avoit grandes portes der-
rière et devant sour le grande me, et se ferirent
estoutement en ces archiers. Dou trait y eut fiiison
80 des Haynuiers navrés et blechiés. Et Ut furent bon
1. H*. ei77, f> 1« *• : c tnimi. >
q,t,7edbyG00»^lc
[13S7] LIVRE PRBMIBR, $ SB. 47
chevalier messires Fastrés dou Rues^ messires I^er-
ehevaus de Semeries et messires Sauses de Bous-
soit. Car cil troi eheralier ne peurent onques ren-
trer en leurs hostelz pour yaus aimer; mais it y
fisent otant d'armes que tel [qui*] estoieat aimet. Et 5
tenoient grans Ions leyia^ et gros de kesne, qu'il
avoient pris en le maison d'un carlier. Et donnoient
les horions si grans que nulz ne les osoit approcier,
et en abatirent plus de soixante ce jour^ si eom on
dist. Finablement, li arcier qui là estoient lurent lo
desconfi. Et en y eut bien mors, en le place que as
camps, trois cens ou environ, qui tout estoient de
Feveskiet de Lincolle.
Si croi que Oiex ne envoia onques si grant for-
tune à nulle gent, qu'il fîst à monsigneor Jehan de 15
Haynau et à se compagnie. Car ces gens ne ten-
doient fors toutdis à yaulz mourdrir et desrober,
comment qu'il fuissent là venu pour la besongne le
roy; ne onques gens ne furent ne ne demor^'ent en
si grant péril ne en tel angousse, ne paour de mort 20
qu'il fisent, le terme qu'il séjournèrent à Ëvruich.
Et encores ne furent il onques bien aseur, jusques à
tant qu'il se trouvèrent à Wissant. Car il escheirent,
pour ce fait, en si grant hayne et malinvotence de
tout le remanant des arciers, qu'i[l] les haioient plus as
assés que les Escos, qui tous les jours leur ardoient
leur pays I Et disoient bien li aucun chevalier et ba-
ron d'Engleterre as signeurs de Haynau, qui point
ne les haioient, pour yaus aviser et mieus garder,
que chil maleoit arcier et aultre commun d*£ngle- 30
1. m. dAGufniim, MI. — lb.MT7, f»17(lMMUw).
;vGoo»^lc
48 CHRONIQUES DE J. PROISSART. [1327]
terre estoient cueilUet et aUoiiet plus de six mil en-
samble, et maneçoient les Haynuiers que d'yaus venir
tous ardoir et occire en leurs hosteulz, de nuit ou
de jour; et ne trouveroient personne de par le roy
s ne des barons, qui les osast aidier ne souscourre.
Dont, se il estoient en grant mesaise de coer et en
grant hideur, quant U ooient ces nouvelles, ce ne
Êùt point à demander. Ne ilz ne savoient que pen-
ser, ne que aviser que il peuîssent feire selonc ces
10 nouvelles; ne il n'avoient espérance nulle de retour-
ner en leur pays, ne il n'osoient eslongier le roy ne
les haus barons; et si ne pooient sentir nul confort,
pour yaus aîdïer ne garantir. Si n'avoient aultre en-
tente, fors que d'yaus bien vendre et leurs corps
15 del^ndre, et cescuns aidier li uns l'autre.
Si lisent li chevalier de Haynau et leurs consaulz
pluiseurs bonnes ordenances, par grant avis, pour
yaus mix garder et deffendre, par les quèl^ il cou-
venoil toutdis jesir par nuit armés, et par nuit get-
tt tier par connestablies les camps et les chemins d'en-
tours le ville et les fourbours, et envoiier aucunes
escoutes demi liewe ensus de le ville, pour escouter
se ces gens venroient, eosi que enfourmet estoient
et que on leur raportoit. Et leur disoient çascun
35 jour gens creable, chevalier et escuier, qui bien le
cuidoient savoir. Far quoi, si ces escoutes oïssent
gens esmouvoir pour traire par devers le ville, il se
dévoient retraire viers chiaus qui gardoient les
camps, pour yaus maDthe[n ']ir et aviser, par quoi il
1. L« leçon do nu. 6477, qtù teuiUe manvaiw, e*t -. mamdmir ou
■HMtWir. ~ Ht. de Gaigmirea, ^ 11 : c pour leur forcer et adriier. i
;vGoo»^lc
[1317] LIVRE PREMIER, g 26. 49
liiissent plos tost montet et apparilliet et venu en-
samble, cescuns à se banière, en une place qui pour
ce &îre eatoit avisëe.
$ 26. ËD celle tribulatîon, demorèrent il en ces four-
bours, par l'espasse de quatre sepmainnes, que tous 5
les jours on leur raportoit telz nouvelles ou pieurs
assés^ et telz fois pires un jour que Tautre. Et en
veirent pluiseurs apparans, qui durement les eab»-
hissoit. Car^ au voir dire, il n^estoient que une pui-
gnie de gens ens, ou F^;ard de le communauté lo
d'Engleterre qui là estoit assamblée. Ne il n'osoient
eslongier le^rs hosteulz ne leurs armeures, ne entrer
en le cité, hors mis les signeurs qui aloient veoir le
roy et le royne et leur conseil, pour festiier et pour
ajH^ndre des nouvelles, ne com longement on les ts
tenroit en cel estât ne en celle angousse.
Et, se H meschief de le mésaventure et 11 perilz ne
fust, il sejoumoient assés aisiement. Car li cités et U
pays d'entours yaus estoit si plentiveus que, dedens
plus de six sepmainnes, que U rois et tout li si- so
gneur d'Engleterre et li estragnier et leur gens, dont
il y avoit plus de soixante mille honunes, séjournè-
rent là, onques ne renchierirent li vivre, que on
n'enist la denrée pour un denir, ossi bien que on
[avoit*] en avant qu'il y venissent, bons vins de 3S
Gascongne, d'Aussay et de Rin, à très bon marcfaiet,
poullalle et toutes manières de aultres vivres ensi.
Et leur amenoit on devant leurs hostelz le fain, l'a-
vainne et le liUàre, dont il estoient bien servi, et à
bon marcbiet. ^
l. H«. deGMpiièni,f>lt t<>.— .U*. M77, i*> 16 ; • n'avoit.ii
1 — 4
;vGoo»^lc
50 CHRONIQUES DE J. FBOISSAHT. [1311]
§ 27. Quant il eureot là séjourné par l'espasse de
trois sepmaines après le bataille, on leur fist à savoir
de par le roy et les mareschaus que cescuns se pour'
veist, dedeos celle aultre sepmaînne, de charètes et
5 de tentes pour gésir as camps, et de tous aultres
hostilz nécessaires, pour aler oultre par devers Escoce,
car li rois ne voloit là plus séjourner. Adonc se pour-
vei cescuns, au mieulz qu'il peut, selonch son estât.
Quant on Ai apparilliet, li rois et tout si baron se
10 îTaisent hors, et alèrent logier six liewes en sus de le
ditte cite. Et messires Jehans de Haynau et se com-
pa^ie furent logiet toutdis au plus près dei roy
pour honneur, et par tant aussi que on ne voloit
mies que li archier, qui tant les haioient, euissent
l& nul avantage sus yaus. Si séjournèrent li rois et ces
premières routes deus jours, pour attendre les daar-
rains, et pour miex aviser cescun, se il li fàlloit
riens.
Au tierch jour aptiès, tonte U hos qui estoit là se
30 desloga et se traist avant de jour en jour, tant que
on vint oultre le eité de Durem, une grande journée
à l'entrée d'un pays que on claimme Northomtn^-
lande, qui est sauvages pays, plains de desiers et de
grandes montagnes, et durement povres pays de
35 toutes coses fors que de bestes. Si keurt parmi une
rivière, plainne de caiUiaus et de grosses pières, que
on nomme Thin. Sus celle rivière, siet d'amont li
ville et li chastiaus que on claimme Carduel en Gal-
les, qui fil jadis au roy Artus, et où il se tenoit moult
30 volentiers. Et d'aval la ditte rivière, siet là une bonne
ville, que on claimme le Noef Chastiel sur Thin. Là
estoit li mareschaus d'Engleterre, à tout gnnl genl
;vGoo»^lc
[1S27] LIVRE PREUIER, $ 18. Si
d'armes, pour garder le pays contre les Escos, qui
gisoieot as camps pour entrer en Engleterre. Et à
Carduel gisoieot ossi grant fîiison de Gallois, dont li
contes de Herfort et li ares de Montbrai estoient
condniseur et gouvreneur, pour de£fendre le passage &
de le rivière. Car ti Escot ne pooient entrer en En-
gleterre sans passer le ditte rivière.
Et ne peurent savoir li En^ès certainnes nonvelles
des Escos, jusques adonc que il vinrent à l'entrée de
ycelui pays. Mes adonc peut on veoir apparanunent lO
les lumières des hamelés et des villiaus, qu'il aiv
doient en vaUëes de celui pays, Et avoient passet
celle rivière si paisievlement que onques cil de Car-
duel ne cil dou Noef Chastiel sur Thin n'en seurent
nouvelles, ce disoient. Car, entre Carduel et le Noef 1&
Chastiel, poet avoir environ vingt et quatre liewes
englesces. Mes, pour mieus savoir le manière des
Escos, je me tairai un petit des Englès, et deviseray
aucune cose de le manière des Escos, et comment il
sèvent guerrier. »
$ 28. li Escot sont dur et hardit durement, et fort
traviUant en armes et en guerre. Et à ce temps de
donc il amiroient et prisoient assés petit tesEngtès, et
encores font il au temps présent. Et quant il voelent
entrer ou royaume d'Ëngleterre, il mainnent bien 35
leur host vingt ou vingt et quatre liewes l<nng, que
de jour que de nuit, de quoi moult de gens se po-
roient esmervillier, qui ne saroient leur coustume.
Certain est, quant il voelent entrer en Engleterre^
il sont tout à cheval uns et aultres, fors mis li ribau- 30
daille qui les sièvent à piet. Assavoir, sont chevalier
;vGoo»^lc
M CHRONIQUES DE J. FROISSAHT. [1327]
et escuier bien montés sour bons gros roncins, et les
aultres communes gens del pays tout sour petites
hagenées. £t si ne mainnent point de charoy, pour
les diverses montagnes qu'il ont à passer, et parmi
5 che pays dessus dît que on clainmie Northombre-
lande. Et si ne mainnent nulles pourveances de pain
ne de vin, car leurs usages est telz en guerres et leur
sobriétés, qu'il se passent bien assés longement de
char cuite à moitiet, sans pain, et de boire aiguë de
10 rivière, sans vin. Et si n'ont que faire de chaudières
ne de cbauderons, car il cuisent bien leurs chars ou
cuir des bestes meismes, quant il les ont escorcies.
Et si sèvent bien qu'il trouveront bestes à grant fui-
son ou pays là où il voellent aler. Par quoi il n'en
16 portent aultre pourveance que ceseuns emporte,
entre le selle et le peniel, une grande plate pière. Et
se tourse derrière lui unes besaces plainne de Ëuîne
en celle entente que, quant il ont tant mangiet de
char mal quitte que leur estomach leur samble astre
SO wape et afoiblis, il jettent celle plate pière ou feu et
destemprent un petit de leur faiine d'yawe. Quant
leur pière est cauffée, il jettent de ceste clère paste
sus ceste chaude pière, et en font un petit tourtiel à
manière de une oublie de beghïne, et le menguent
35 pour conforter l'estomach. Par ce n'est point de
merveilles se ilz font plus grandes journées que aul-
tres gens, quant tout sont à cheval hors mis le ri-
baudaille. Et si ne mainnent nul charoi ne aultres
pourveances, fors ce que vous avés oy.
30 En tel point estoient il entré en ceU pays dessus
dit. Si le gastoient et ardoient, et trouvoient tant de
bestes qu'il n'en savoient que &ire. Et avoient bien
;vGoo»^lc
[13ST] LIVItE PREMIER, § 29. - S3
trois mille armeures de fîer^ .chevaliers et escuiers,
montés sus bons roncins et bons coursiers, et vingt
mille hommes armés à lem:^ guises, appers et hardis^
montés sus ces petites hagenées qui ne sont ne loiies
ne estrillies; ains les envoi-on tantost paistre c'on en s
est descendu, en prés, en Mes et en bruières. Et si
avoient deus très bons chapilaines^ car li rois Ro-
bers d'Escoce, qui estoit moult preus^ estoit adonc du-
rement viex et chaînés de le grosse maladie. Si leur
avoit donnai à chapitainnes un moult gentil prince jd
et vaillant en armes, c'est, assavoir le conte de Moret
qui portoit un escut d'ai^nt à trois orilUers de
geules, et mousîgneur Guillaume de Douglas, que on
tenoît pour le plus hardi et le plus entreprendant de
tout les deus pays, et portoit un escut d'asur à un ]5
chief d'argent et trois estoilles de geules dedens l'ar-
gent. Et estoient cil doi signeur li plus haut baron
et li plus poissant de tout te royaume d'Escoce, et li
plus renommé en biaus fais d'armes et en grans
proèces. Or voel jou revenir à nostre matère. ao
§ 29. Quant U rois englès et ses gens veirent les fu-
mières des Escos, si que dit est par devant, il sceu-
rent bien que c'estoient li Escot qui entré estoient en
leur pays. Si lisent tantost criier as armes, et com-
mander que cescuns se deslogast et siewist les ha- 35
nières. Ensï fu Ëiit. Et traist cescuns armés sus les
camps, si que pour tantost combatre. Là endroit fu-
rent ordonnées trois grosses batailles à piet, et ces-
cune bataille avoit deus èles de cinq cens armeures
de fier qui dévoient demorer à cheval. Et saciés que 30
on disoit que il y avoit bien huit mille armeures de
;vGoo»^lc
M CHR<»nQUBS DB J. FROESSART. [1327]
fier, chevaliers et escuiers, trente mille hommes ai^
mes, U moitiés montés sur petites hagenëes, et l'autre
moitiet sergans à piet, envoiiés par élection de par
les bonnes villes à leurs gages, çascune bonne ville
5 pour se rate. Et si y avoit bien vingt et quatre mille
aroiers à piet, sans le nbaudaiUe.
Tout ensi que les batailles furent ordonnées, on
chevauça tous rengiés apriès les Ëscos, à Fassent des
lumières, jusques à basses viespres. Adonc se loga li
10. hos en un bois, sus une petite rivière, pour yaus
aaisier, et pour attendre le charoi et les pourveances.
Et tout le jour avoient ars li Escot, à cinq liewes
priés de leur host, et ne les pooient raconsiewir.
L'endemain, au point don jour, cescuns fu armés,
15 et trairent les banières as camps, oescuns à se ba-<
taille et desous sa banière, si com ordonné estoit.
Si chevaucièrent les batailles ensi rengies, tout le
jour, sans desrouter, par montaignes et par vallées
ne onques ne peurent approcier les Ëscos, qui ar-
SO doient devant yaus, tant y avoit de bois, de marèsj
de desiers sauvages et malaisiés, montaignes et va'
lées. Et si n'estoit nuls qui osast, sus le tieste à co-
per, fourpasser ne chevaucier devant les banières,
fors mis les mareschaus.
u $30. Quant ce vint apriès nonne sus le viespre, gens,
cheval et charoi, et meismement gens à piet, estoient
à traviUiet que il ne pooient mes avant [aller']. Et
li s^eur se perçurent et veirent clerement qu'il se
travilloient en tel manière pour nient. Et fiist enco-
1. H*. deG*igiiièrci,i)>13<'*. — Bb.M77, P> 19 t< (knme).
;vGoo»^lc
[1327] LIVRB ntEMIBR, $ 30. SS
res ensi que li Escot les vosissent attendre, si se met-
teroient il bien sour tel montagne, ou sour tel pas,
qu'il ne se poroient à yaus combatre, sans trop grant
meschief. Si fu commandé, de par le roy et les ma-
rescbaus, que on se logast ]à endroit, cescun ensi s
qu'il estoit, jusques à l'endemain, pour avoir oonseil
comment on se maintenroit. £nsi fu toute U hos lo-
gie ceste nuit en un bois, sour une petite riTi^«. Et
li rois fu logiés en une povre court d'abbeye qui li
estoit. Ses gens d'armes, uns et aultres, chevaus, lo
cbaroi et li hostes sieuvans fiirent logiet moult en-
sos, travilliet oultre mesure.
Quant œsouns eut pris pièce de terre pour logier,
U signeur se traisent ensemble pour avoir conseil
comment il se poroient combatre as Ëscos, selonch is
le pays là où il estoient. Et leur sambla,. selonch ce
qu'il veoient, que U Escot en raloient leur voie en
leur pays, tout ardant; et que nullement il ne se po-
roient combatre à yaus entre ces montagnes, fors
que à grant meschief; et si ne les poroient raoonsie- so
wir, mais passer leur couvenoit celle rivière de Thio-
Et fil là dit en grant conseil que, se on se voloit le-
ver devant mîenuit, et l'endemain un petit haster,
on lor torroit le passage de le rivière; et couvenroit
que il se combatissent à leur meschief, ou il demor- 35
raient tous oois en Engleterre, pris à le trappe.
A celle entente que dit vous ay, fu adono ordon-
net et acordet que cescuns se traisist à se loge, pour
souper et boire ce qu'il pooit avoir, et desist chea-
cuns à ses compagnons que, si tost que on oroit le 30
trompeté sonner, cescuns mesîst ses selles et appa-
reillast ses ehevaus; et, quant on t'oroit le seconde
;vGoo»^lc
se CHRONIQTJBS DK J. FROISSART. [13t7]
fois, que cescuns s'armast; et à le lits^ie fois que ces-
ctins moDtast sans atai^ier et se traisist à se banière,
et que eescuns presist sans plus ua pain et le tour-
sast derrière lui à guise de brakenier; et ossi que
5 oescuns laissast là endroit tous hamas, tous oharois et
toutes pourveances, car on se eombateroit rende-
main, à quel meschief que ce fiist : si aroit on ou
tout perdut ou tout gaegniet. Ensi que ordonné Ai,
enai fîi &it. Et lu eescuns armés et montés à le droite
10 mienuit. Petit y eut de chîaus qui dormirrat, oom-
ment que on euist durement travilUet''le jour.
Ançois que les batailles fuissent k leur droit or-
données et assamblées, commença H jours à appa-
roir. Lors commenciérent les banières à chevaucier
15 en haste desparsement par bruières, par montagnes,
par vallées et par rokailte malaisies, sans point de
plain pays. Et par dessus des montaignes et ou plain
des vallées estoient crolières et grans mares, et si di-
vers passages que merveilles estoit que eescuns n'i
90 demoroit. Car cesouns chevauçoit toutdis avant, sans
attendre signeur ne compagnon. Et sachtés que qui
fust encrolés en ces <SY>lières, il trouimst à malaise
qui li aidast. Et si y demorèrent grant foison de ba-
nières, à tout les chevaus, en pluiseurs lieus, et grant
S5 foison de sommiers et de chevaus, qui onques puis
n'en issirent. Et moult souvent on cria celi jour as
armes, et disoit on que li prunier se combatoient as
ennemis; si ques eescuns, qui cuidoit que ce fust
Toirs, se hastoit quanqu'il pooit parmi mares, parmi
90 pières et cailliaus, et parmi vatées et montaignes, le
hyaume apparitliet et Tescut au col, le glave ou l'es-
pée ou poing, sans attendre père ne frère ne compa-
;vGoo»^lc
{13S71 UVHB PRBBUEB, $ 31. S7
goon. Et quant on avoit ensî courut dnni liewe ou
plus, et on venoit au lieu dont chilz hus ou cUz cris
naissoil, on se trpuvoit deceu. Car ce avoient esté
chierf ou bisses ou ours, ou aultres bestes sauvages,
de quoi il y avoit grant foison en ces bos et en ces s
bruières et en ce sauvage pays, qui s'esmouToient et
fuioient devant ces banières et ces gens à cheval, qui
ensi cbevauQoient, et que onques n'avoient veu.
Adonc huioit cescuns ajHÎès ces bestes, et on cuidoit
que ce iust aultre cose. to
$ 31 . Ensi chevauQa li jones rois englès celi jour et
tous ses hos parmi ces montagnes et ces desers, sans
diemin tenir, sans voie et sans sentier, et sans villes
trouver, fors que par avis, seloncb le soleil. Et
quant ce vint à basses vespres, que on fh venu sus 15
celle rivière de Thin, que li Escot avoient passet et
leur couvenoit rapasser, ce cuidoient et disoient li
Ënglès, il s'arrestèrent un petit si travilliet et si four-
menet que cescuns poet penser, et puis passèrent
oultre le ditte rivière à gués, moult à malaise, pour »
les grandes pières qui dedens gisent. Et quant il fu-
rent passet, cescuns s'ala logier seloncb celle rivière,
ensi qu'il pot prendre terre. Mais ançois qu'il euis-
sent pris pièce de terre pour logier, solaus commença
à esconso-. Et si y avoit petit de cbiaus qui euissent ss
happes ne cuignies, ne fièrement ne estrumens, pour
logier ne ptour coper bois. Et s'en y avoit pluiseurs
qui avoient perdus leurs compagnons, et ne savoient
qu'il estoient devenu; dont, s'il estoient mesaisié, ce
n'est point de merveille.Et meismement les gens de 30
piet estoient derrière demoret; et si ne savoient en
D,qit,zeabvG00»^lc
SB CHRONtQDBS DB J. FRUSSAKT. [13IT]
quel lieu œ à cul demander leur chemin, dont il
estoient tout fourmesaisiet. Et disoient oit qui le
miex cuidoient cc^oistre le pays, qu'il avoient che-
miné ceU jour vingt et huit liewes Englesses, ensi
5 coûtant com vous avés oy, sans arrestar, fors que pour
pissier» oa «m dieval reœngler. Ensi traviUiës hom-
mes et chevaus les convint là le nuit gésir sour celle
rivière tous armés, cescuns son cheval en sa- main
par le frain, car il ne le savoit à quoi loiîer, par de-
10 &ute de jour, et pour defiàute de leur charoi qu'il
ne peuissent avoir menât parmi tel pays que deviset
vous ay. Ensi ne mmigièrent toute le nuit h dieval,
ne le jour devant, de avainne nulle ne de fourage.
Et euk meismes ne goustèrent, tout le jour ne le
15 nuit, que cescun son pain qu'il avoit derri^ lui
tourset, ensi que dit .vous ay, qui estoit de le sueur
dou cheval tous soulUés et ordes; ne il ne burent
d'autre buvrage que de le rivière qui là cooroit, fors
mis aucuns soeurs qui avoient boutelles, ce leur
so porta grant confort. Et n'eurent toute te nuit ne feu
ne lumière, et ne le savoient de quoi làire, hors mis
aucuns signeurs qui avoient tortis aportés sus leurs
sommia^.
Ensi que vous oés, et à tel meschief, passèrent il
as le nuit, sans oster selles à leurs chevaus, ne yaus
desarmer. Et quant li désirés jour fil venus, en quoi
il esp»i}ient à avoir aucun confort et aucune adrèoe,
pour yaus et pour leurs chevaus aisier, pour men-
gier et pour logier, ou pour combatre as Escos que
30 il desiroient si, pour le désir qu'il avoient de issir
de celle mesaise et povretet là où il estoient; adonc
commença à pleuvoir et pleut toute le journée si '
;vGoo»^lc
[1317] UVBE PREMIER, $ St. S9
ouniement et si fort que, anchois nonne passée, la
rivière sour la quèle il estoient logiet, devint si grande
que nuls ne pooit envoiier pour veoir ne savoir là
où il estoient cheu, ne où il poroient recouvrer de
fourage ne de littière pour leurs ehevaus, ne pain, s
ne vin, ne autre oose, pour yaus soustenir. & les
convint jun^ tout le jour ensi que la nuit, et les
ohevaus mengier terre pour le wason, ou bniière et
fuelles d'arbres, et coper plançons de bois à leurs
espées et leurs baselai^, tous ploians, pour leurs lo
chevaus loiier, et verghes pour feire huttelètes pour
yaus mucier. Ëutours nonne, aucun pavre dou pays
furent trouvet. Si leur fu demandé là où il estoient
cheu et embata. Chil respondirent qu'il estoient à
quatorze liewes englesses pries dou Noef Chasdel sur n
Thin, à onze liewes priés de Carduel en Galles. Et
si n'avoit nulle ville plus priés de là> où on peuiat
riens trouver, pour yaus aisier. Tout ce fii nonciet
au roy et as signeurs. -Et envoia cescuns ses messages
celle part, et ses petis chevaus et ses sommio^, pour so
aporter poorveances. Et fîst on savoir, de par le roy,
à la ville dou Noef Chastiel que, qui vorroit gae-
gnier, si amenast pain, vin, avainne et aultres den-
rées, on li paieroit tout seoh^ et le feroit on con-
duire à sauf conduit jusques à l'ost. Et leur fîst on 35
savoir que on ne se partiroit de là entour, jusques à
tant que on saroit que 11 Ëscot estoient devenu.
§ 32. A l'endemain, entour heure de nonne, revin-
rent li messie que li signeur et II aultre compagnon
Bvoient envoiiés as pourveances, et en reportèrent 30
cbe qu'il peurent, pour yaus et leurs mesnies : gzan-
;vGoo»^lc
80 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
dément ne fu ce mies. Et avoecques yaus vinrent
gens pour gaegnier^ qui amenoient soi|s petis che-
valés et petis mules, pain mal cuit en paniers, povre
vin en grans barilz^ et auttres denrées à vendre^
5 dont moult de gens et grant partie de l*host furent
durement apajsiés; et ensi de jour en jour, tant ({u'il
séjournèrent là huit jours sour celle rive, entre ces
montagnes, en attendant çascun jour le sourvenue
des Escos, qui ossi ne savoient que li Ënglès estoient
10 devenu, non plus que li Englès savoient d'yaus. Ensi
furent il trois jours et trois nuis sans pain, sans
vin, si(ns candeilles, sans avainne et sans fourage ne
aultres pourveances; et apriès, par Fespasse de qua-
tre jours, qu'il leur couvenoit acater un pain mal
i& quit six estrelins, qui ne deuist valoir qu'un parests,
et un galon de vin vingt et quatre estrelins, qui n'en
deuist valoir que six. Encores y avoit on si grant
rage de famine que H uns le tolloit hors des mains
de l'autre, dont pluiseur hustin et grant débat vin-
30 rent des compagnons, des uns as aultres.
Encores avoech tous ces meschiés, il ne cessa point
de plouvoir toute celle sepmainne. Par quoi leurs
selles, peniaus, contreçaingles furent tout pouri, et
tout li cheval ou U plus grant partie quassés sus les
S5 dos. Et ne savoient de quoi chiaus ferrer qui estoient
defferret, ne de quoi couvrir, fors que de leurs tour-
nikiaus d'armes. Et ossi n'avoient li plus grant par-
tie que vestir, ne de quoi couvrir pour plueve, ne
pour le froit, fors que de leurs auLetons et de leurs
30 anneures. Et n'avoient de quoi fitire feu, fors que de
verde laigne, qui ne poet ardoir fors à grant dur, ne
durer encontre le plueve.
;vGoo»^lc
[18t7] LIVftZ PAEHIER, S 33- 6<
$ 33. A tel meschief, mesaîse et povreté demorèrent
il entre ces montaîgnes el le ditte rivière, sans oïr ne
savoir nouvelles des Ëscos qu*I[ll cuidoient qu'il
deuissent par là passer ou assés priés, pour retour-
ner en leur pays. De quoi grant murmurations com- 5
meaça entre les Englès. Car H aucun voloient amet-
tre as autres qui avoient donnet ce conseil de ta
venir en tel point, que il l'avoient feit, pour le roy
trahir et toutes ses gens : » ques pour çou fii or-
donné entre les signeurs que on se mouveroit de là, 10
et rapasseroit on la ditte rivière sept lîewes par de-
seure, là où elle estoit plus aisieule à passer. Et fist
on criier que cescuns se apparillast, pour deslt^ier
l'endemaîn, et siewist les banières. Et si Bst on
adonc criier que, qui se vorroît tant travillier qu'il 15
peuist raporter certainnes nouvelles au roy là où on
porott trouver les Escos, li premiers qui ce H apor-
teroit, il aroit cent livrées de terre à hiretage à l'es-
Irelin, et le feroit li rois chevalier.
Quant ces nouvelles lurent esparses par l'ost, tou- 30
tes gens en furent grandement resjoy. Adonc se dé-
partirent de l'host aucun chevalier et escuier englès
jusques à quinze ou seize, potur le convoitise de gae-
gnier celle prommesse, et passèrent le rivière en
grant péril, et montèrent sus les montagnes; et puis 3S
si se départirent li uns chà et li aultres là ; et se mist
cescuns à l'enventure par lui. L'endemain, tous U
hos se desloga. Et chevaucièrent ce jour assés belle-
ment, car li cheval estoient foulet, et mal livret et
mal fieret, et quoissiet as çaingles et sour le dos. Et 80
Usent tant qu'il rapassèrent le rivière en grant ma-
laise, car elle estoit grosse pour le plouvia|[e, par
D,qit,zeabvG00»^lc
6S CHRONIQUES DB i. HtOISSART. [1317]
quoi il en y eut assés de faagnlés et des Englès noiiës.
Quant tout furent rapasset, il se Iogi^«nt là endroit,
car il trouvèrent fourages es prés et as camps, pour
le nuit passer, dalés un petit village que li Ëscot
& avoient ars à leur passer. Si leur sambia droitement
qu'il fuissent oImu à Paris. L'endemain, il se parti-
rent de là et chevauci^tuit par montagnes et par
vallées toute jour jusques priés de nonne que on
trouva aucuns bamelés ars, et aucunes petites cam-
10 pagnes où il y avoit blés et prés; si ques tonte li hos
se loga là endroit celle nuit. Et le tierch jour, che-
vaucièrent il en tel manière, et ne savoient li plus
où on les menoit, et le quart jour ossi jusques à
beure de tierce.
15 Adonc vint uns escuiers devers le roi et dist :
«Sire, je vous aporte nouvelles. Li Escotsont à trois
liewes priés de ci, logiet sus une montagne, et vous
attendent là ; et y ont bien este ja buit jours ; et ne
savoient nouvelles de vous, non plus que vous ne
30 saviés nouvelles de yam. Cbe vous Ëii je ferme et
vrai. Car je m'embati si priés de yaus, que je fîii pris
et menés en leur host, devant les signeurs, pour pri-
son. Si leur di nouvelles de vous, et o(»nment vous
les queriés, pour combatre à yaus. £t tantost U si-
35 gneur me quittèrent me prison, quand je leur euch
dit que vous dooriés cent livrées de terre à l'estrelin
à celui qui premiers vous raporteroit certainnes nou-'
velles d'yaus, par tèle condition que je leur creantai
que je n'aroie repos, jusques à tant que je vous aroie
30 dit ces nouvelles. Et dtent, ce saebiés, que ossi grant
désir ont il de combalre à vous, que vous avés à
vans; et les trouvères là endroit sans &ute. »
;vGoo»^lc
[13*7} UVUt PRKItlE&; S 34. 63
S 34. Tanlost que U rois eotendî ces nonvetltos, il fist
toute Fost là endroit airester en uns blés^ pour leurs
chevaus paistre et recengler, d'eacoste une blanche
abbeye, qui estoit toute arse, que on clamoit dou
temps le roy Artus le Blance liande. Là endroit, se 5
confessa et adreça cescuns à son loyal pooir. Et fist
là endfoit 11 rois dire grant fuison de messes, pour
acumeniier chiaos qui dévotion en aroient. Et assena
tantost bien et souffissamment à rescui» les cent li-
vrées de teire que prommis avoit, et le fist chevalier lO
par devant tous. Apriès, quant on fil un peu reposé
et'desjuné, on sonna le trompeté; cescuns ala mon-
ter. Et fist on les banières chevaucier, ensi que cis
nouviaus chevaliers les conduisoit, et toutdis cescune
bataille par lui> sans desrouter par montagne ne par 15
vallée, mes toutdis rengies ensi que on pooit, et que
ordonné estoit. Et tant chevaucièrent en celi manière
que il vinrent, entours miedi, si priés des Escos que
il les veirent tout clerement, et li Ëscot yaus ossi.
Si tost que li Escot tes veirent, il issirent de leurs 90
logeia tout à piet, et ordonnèrent trois bonnes ba-
tailles faiticement, sour le dévaler de le montagne,
là où il estoient logiet. Par desous celle montagne,
eouroit une rivière forte et rade, plainne de cail-
liaus et de si grosses pières, que on ne le peuist S5
bonnement en haste passer, sans grant meschief,
' maugret yaus. Et encores, plus avant «e U En^ès
ewissent le rivière passet, si n'avoit point de place
entre le rivière et la monla^^e, là où il peuissent
avoir rengiet leurs batailles. Et si avoient li Escot 30
leurs deux premières batailles establi sour deux cra-
pes de montagne, c*on entent de rooe, là où on ne
;vGoo»^lc
64 CHRONIQUES DE J. FHOISSART. [13S7]
pooit boonement monter ne ramper pour yatis as-
sallir; mes estoient ea parti que pour les assalkns
tous confixiissier et lapida de pières, s'il iuissent
passet oultre le rivière; et ne peuissent li Engjès aul-
6 lement retourner.
Quant li signeur d'Engleterre veirent le oouvenant
des £scos, il lisent toutes leurs gens traire à piet, et
oster les esporons, et rengier les trois batailles, ensi
que ordonné avoient en devant. Là endroit, furent
10 feit grant fuison de nouviaus chevaliers. Quant ces
batailles &u%nt rengies et ordonnées, aucun des si-
gneurs d'Engleterre amenèrent le jone roy à cheval
par -devant toutes les batailles, pour les gens d'annes
plus resbaudir. Et prioit moult très gracieusement
l& que cescuns se penast de bien &îre, et de garder sen
honneur. Et Ëiisoit ctmunand^, sus le tieste, que
nulz ne se mesîst par devant les banières des mares-
chaus, ne ne se meuist jusques à tant que on le
commanderoit. Un petit apriès, on otmmianda que
so les batailles alaîssent avant par devers les ennemis,
tout bellement le pas. Ensi fu lait. Si ala bien ces-
cune bataille en cel estât, un grant bonpier de terre
avant, jusques au dévaler de le montaigne sus la
quèle il estoient. Che fu fait et ordonné potur veoir
3& se li ennemi se dea^utaxiient point, et pour veoir
comment il se maintenroient; mais on ne peut pac-
chevoir qa*il se meuissent de riens, et si estoient si
{viès li uns de l'autre que il recognissoient partie de
leur armoierie.
30 Adonc fist on arrester tout quoi, pour avoir aultre
conseil. Et si fist on aucuns compagnons monter sus
coursiers pour escarmucier à yaus, et pour aviser le
;vGoo»^lc
[1327] LIVRE PREHl£It, $ 3S. 65
passage de le rivière, et pour veoir leur couvenant
de phis priés. Et leur fist on à savoir par blraus que,
s'il ToloieQt passer oultre le rivière et venir combatre
au plain, on se retrairoit arrière, et leur liveroit on
bonne place, i>our le bataille rengiar, et tantost ou s
à Tendemàin an matin; et, se ce ne leur plaisoit,
qu'il volsissent faire le kas parel. Quant il oïrent ces
trettiés, il eurent conseil. Yaus consilliet, et tantost
il respondîrent as hiraus là envoïiés, qu'il ne feroient
ne l'un ne l'autre. Mais li rois et tout si baron io
veoient bien comment il estotent en son royaume, et
li avoient ars et gasté. S'il l'en anoioit, si le venist
amender, car là demorroient il, tant qu'il leurplairoit.
S 35. Quant li consaulz le roy d'Ëngleterre vei-
rent qu'il n'en aroient aultre cose, il fîsent criier et 15
commander que cescuns se logast là endroit où il
estoit, sans reculer. Ensi se logièrent il celle nuit,
moult à mesaise, sour dxu« terre et pières sauvages,
et toutdis armés. Et à grant meschief li garçon re-
couvrèrent de peulz et de verges pour loiier leurs SO
chevaus, ne fourage ne liUière, pour yaus aisier, ne
taigne pour &ire feu. Et quant li Ëscot aperçurent
que li Engtès se logoïent en tel manière, il lisent de-
morer aucuns de leurs gens sus les places où il
avoient establi leurs batailles, puis aé retraisent à 35
leurs logeis, et fisent tantost tant de feus que mer-
veilles estoit à regarder. £t fisent entre nuit et jour
si grant bruit de corner de lors grans cors, tout à
une fie, et de juper aprièa, tout à une vois, qu'il
sambloit propmnent as Englèis que tout li dyable 30
d'infier fiassent là venu, pour yaus estrangler. Ensi
;vGoo»^lc
66 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
forent il logiet celle nuit, qui fii le nuit Saint Pière, à
rentrée d'aoust, l'an de grasce mil trois cens vingt et
sept^ jusques à l'endemain que H signeur oïrent messe.
Quant ce vint le jour Saint Pière que messe fu
5 ditle, on fît cesoun arm^ et aler à se banière, et les
batailles rengier, ensi que le jour devant. Quant lî
Escot perchurent cbou^ il s'en vinrent rengiet, ossi
bien comme le jour devant. Et demorèrent les deus
hos tout le jour ensi rengiet, jusques apriès miedi,
10 que onques li Ëscot ne fîsent semblant de venir v&cs
les Englès, et ossi li Ënglès d'ater vers yaus, car il
ne les pooient bonnement approcier sans trop grant
meschief. Pluiseur compagnon englès qui avoient
chevaus dont il se pooient aidier, passèrent le ri-
IS vière, et aucun à piet, pour escarmuoier à yaos. Et
ossi se de»x>utèrent aucun Escot, qui couroient et
racouroient tout escarmuçant li un à Tautre, tant
qu'il y eut des mors^ des navrés et des prisons des
uns as autres. Ensi que apriès miedi, li signeur
30 d'Engleterre fîsent à savoir que cescuns se retraisist
à se loge, car bien leur sambloit qu'il estoient là
pour nient. Si se retraist cescuns à son logeis.
En cel estât furent il par trois jours ^ et li Ëscot
d'autre part sus leur montagne^ sans départir. Tou-
la tes fois> tous les jours y avoit gens escarmuçans
d'une part et d'autre, et souvent des mors et des
pris. Et toutes les viesprées, à le nuit^ li Escot fai-
soient par coustume si grans feus, et tant, et fiû-
soient si grant bruit de juper et de conier tous à
30 une vois, qu'il sambloit proprement as Ënglès que
ce fust uns drois infîers^ et que tout lî dyable fuis-
sent là assamblé par droit avis. Li intention des
;vGoo»^lc
[1327] LIVRE PREMIER, $ 3S. 67
signeuTS d'Engleteire estoit de tenir ces Ëscos là en-
droit comme assegiés^ puis qu'il ne se pooient bon-
nement à yaus combatre. Et les cuidoient bien
a£^er, car nulle pourveance ne leur pooit venir,
et .si ne se pooient de là partir, si qu'il cuidoient, ^
pour râler en leur pays. Et si savoientbien liËnglès,
par les prisons qui pris estoient, que li Escot n'a-
voient nulle pourveance de pain, de vin ne de sel.
Bestes avoient il à grant fuison, qu'il avoient pris
ens ou pays. Si en pooient mengier en Tewe et en lo
rost à leur plaisir, sans pain et sans sel, à quoi
il n'aconlent nient grammeot, mais qu'il ewissent
un peu de farine dont il usent, ensi que dit vous
ai par deseure. Et ossi en usent bien aucun Ënglès,
quant il sont en leurs chevaucies, et il leur touche. 15
Or, avint que, le quatrime jour au matio que li
Ënglès avoient esté là logiet, il r^;ard^nt par de-
vers le montagne, si ne veirent nullui, car li Escot
s'en estoient partit à le mienuit. Si en eurent li si-
gneur grant merveille, et ne pooient apenser qu'il 30
estoient devenu. Si envoiièrent tantost gens à cheval
et à piet par ces montagnes, qui les trouvèrent, en-
tours heure de prime, Ic^és sus une aultre monta-
gne plus forte que celle devant n'estoit, sus celle
rivière meisme. Et estoient logiet en un bois, pour 35
estre plus repus, et pour plus secrètement aler et ve-
nir, quant il vorroient. Si tost qu'il furent trouvet,
on Qst les Ënglès deslogier et traire celle fart tout
ordonneement, et I(^er sus une aultre montagne,
droit à [rencontre *] d'yaus. Et fîst on les batailles 30
1 . Ht. d« Gaigmèret, flbf. — M*. 64T7, f^ 34 (lacune).
;vGoo»^lc
68 CHRONIQUES DE S. FROlSSAtlT. [1327]
rengier, et faire sambtant que d'aler vers yaus. Mais
si tretost qu'il veirent Fordenance as Englès et yaus
approcier, il isslrent hors de leurs logeis, et s'en vin-
rent rengiet &iticement assés priés de le rivière con-
5 tre yaus, mais onques ne vorreul descendre, ne venir
vers les Ënglès. Et H Englès ne pooient aler jusques
à yaus, qu'il ne iuissent tout mort ou tout perdu da-
vantage, ou pris à grant meschief. Si se logièrent là
endroit encontre yaus. [Et demourarent dix huit jours
10 entiers sur celle froide montaigne, et tous les jours
rengé[3] encontre euLt'.] Si envoîoient li signeiu-d'En-
glelerre bien souvent leurs hiraus par devers yaus
parlementer, que il vosissent livrer place et pièce de
terre, ou on leur liveroit; mais onques à nulles de
15 ces pareçons il ne se veurent acorder. Si vous di bien
pour vérité tjae U une host et li aultre, en ces sé-
jours, eurent moult de mesaises.
§ 36. Le première nuit que li Ënglès furent lo^et
sus celle seconde montaigne à l'encontre des Escos,
20 messires Guilkumes de Douglas, qui estoit moult
preus et entreprendans et hardis dievaliers, prist en-
tours le mienuit environ deus cens armeures de fier,
et passa celle rivière bien loing de leur host, par quoi
on ne s'en perchuist ; si feri en l'est des Englès moult
as vassaument en criant : a Douglas I Douglas I vous y
morrés tuit, signeur baron englès ». Et en tua il et
se compagnie plus de trois cens, et feri des espérons
jusques proprement devant le tente le rey, toutdis
criant et huant : « Douglas t Douglas ! » et copa deus
1. Hh. d« Gaigniire» et d« Monchjr-Noaitle», P> 15 *".
;vGoo»^lc
[13S7] LIVRE PREMIER, $ 37. 69
OU trois des cordes de le tente dou roy, puis s'en
parti à tant. Bien puet estre qu'il pierdt aucuns de ses
gens à se retraite, mais ce ne lu mies gramment, et
retourna arrière devers ses compagnons en le mon-
tagne. 5
'. De puis, n'i eut riens Êiit, mais toutes les nuis li
Englès laisoient g^-ans gès et fors, qui se doubtoient
dou resvillement des Escos. Et avoient gardes et es-
coutes en certains lieus par quoi, se cil sentissent ne
oïsseut riens, il le s^nefîassent en l'ost. Et gisoient lo
priés que tout li signeur en leurs armeures. En oel
estât furent il vingt et deus jours sus ces deus monta-
gnes, li uns devant l'autre. Et tous les jours y avoit
des escarmuces, et escarmuçoit qui escarmucier voloit.
Si en y avoit souvent des mors, des pris, des navrés, is
des btechiés et des mesaisiés des uns et des aultres.
S 37. Le daarrain jour des vingt et deus, fu pris uns
chevalÏOTs d'Escoce à l'escaimuce, qui moult à envis
voloit dire as signeurs d'Engleterre le couveoant des
leurs. Se lu il tant enquis et eitaroinés qu'il dist que so
leur souverain avoient entre yaus aoordë le matin
que cescuns fust armés au vespre, et que cescuns
sievist le banière monsigneur Guillaume de Douglas,
quel part qu'il vorroit aler, et que cescuns le tenist
en secret ; mais li chevaliers ne savoit de certain 35
qu'il avoient empenset. Sur çou eurent li signeur
d'Engleterre conseil eusamble et avisant cpie, se-
lonch ces paroUes, li Escot poroient bien par nuit
venir brisier et assallir leur host à deus costés, pour
yaus mettre en aventure de vivre ou de morir, car so
plus ne pooient endurer leur famine. Si ordonnèrent
D,qit,zeabvG00»^lc
70 CHRONIQUES DE J. FBOISSAKT. [1327]
li Englès entre yaus trois batailles, et se rengièrent
en trois pièces de terre devant leurs logeis, et fîsent
grant fiiison de feus, pour veoir plus cler entour
yaus. Et fisent demorer tous les garçons en leurs lo-
5 geis, pour garder leurs chevaus. Si se tinrent enst
celle nuit tout armé^ cescuns desous se banière ou
sen penoncîel, si com il estoit ordonnés, pour atten-
dre Favenlure. Car il esperoient assés bien, selonch
les paroUes dou chevalier, que U Escot les resville-
10 roient, mes il n'en avoient nul talent; ançois Gsent
par aultre ordenance bien et sagement.
Quant ce vint sus le point dou jour, doi trompeur
d'Escoce s'embatirent sus l'un des gés qui gaitoient
as camps. Si furent pris et amenet devant les si-
15 gneurs dou consel le roy et disent ; « Signeur, que
gettiés vous ci? Vous perdes le temps. Car, sus l'a-
bandon de nos tiestes, li Escot en sont ralet très de-
vant le mienuit, et sont jà quatre ou cinq liewes
loing. Et nos emmenèrent avoech yaus bien une
30 liewe loing, pour doubtance que nous ne le vous
noncissions, et puis nous donnèrent congiet de le
vous venir dire. » Et quant li signeur englès enten-
dirent chou, il eurent conseil et veirent bien qu'il
estoient decheu en leur cuidier. Et disent que ti ca-
35 ciers apriès les Escos ne leiu* pooit riens valoir, car
on ne les poroit raconsiewir. Et encores, pour doub-
tance de decevement, li signeur détinrent les deus
trompeurs tous quois, et les fîsent demorer dalés
yaus, et ne rompirent point leur ordenance, ne l'es-
30 tablissement de leurs batailles, jusques apriès prime.
Et quant il veirent que c'estoit vérités, et que U Es-
cot estoient parti , il donnèrent congiet à tout
;vGoo»^lc
[1327] LIVBK PRSHIEB, $ 37. 71
homme de retraire à se Ic^ et de lui aisier. Et H
signeur alèrent à conseil^ pour regarder qae on feroit.
Enlrues, aucuns des compagnons englès montè-
rent sus leurs chevaus et passèrent le dessus ditte
rivière en grant péril, et vinrent sus le moataigne s
dont li Escot estoient parti le nuit. Et trouvèrent
plus de cinq cens grosses bestes grades tantost mor-
tes, que li Esoot avoient tuet, pour tant que elles ne
les polissent siewir; et si ne les voloient mies vives
laissier as Englès. Et si trouvèrent plus de trois cens lo
chaudières, Mtes de cuir k tout le poil, pendues sus
le feu, plainnes de char et d'yawe, pour &ire bou-
lir, et plus de miUe hastiers, plains de pièces de char
pour rostir, et plus de dix mille vies sola^ usés,
&is de cuir tout crut à tout le poil, que li Escot l&
avoient Û laissiet. Et trouvèrent cinq povres prisons
englès, que li Escot avoient loiîet tous nus as arbres
par despit, et deus qui avoient les gambes brisies.
Si les desloiièrent et laissièrent aler, et puis revin-
rent en Vost si à point que cescuns se deslogoit et »
otdonnoit pour laler vers Engleterre, par t'acord
dou roy et tout son conseil. Si siewirent tout ce jour
les banières des mareschaus, et vinrent logi^ de
haute heure en un biel pré, où il trouvèrent assés à
fburer pour les chevaus, qui leur vint bien à point. S&
Car il estoient si faible, si fondut et si afl^unet, que
à painnes pooient il avant aler.
L'endemain, il se deslogièrent et chevaucièrent
encores plus avant, et s'en vinrent lo^er de haute
heure dalés une grande court d'abbeye , à deus 30
liewes priés de le cité de Duremmes. Si se loga li
rois le nuit en celle court, et li hos oontreval les
D,qit,zeabvG0Ô»^lc
n CHRONIQUES DE T. FROISSART. [13t7]
pr^.' Si trouvèreat assés à four«r, qui leur vint bien
à point, hwbes, vèches et blés. L'endemain, se re-
posa li hos là endroit tous quoi», et li rois et li si-
gneur alèrent vers l'église de Doremmes. Et adonc
s fist li rois feaulté à l'élise et à Tevesque, et ossi à le
cité et as boui^is, car faite ne l'avoit encores. En
celle cité, trouTèrent il leurs charetons et leurs cha-
rètes et tout leur faamas, que il avoimt lailet trente et
deus jours en devant en un bois, à mienuit, si com
10 il est contenu chi dessus. Et les avoient li boui^is
de le cité de Doremmes, qui trouvet les avoient ens
ou bois, amenet dedens leur ville à leur coust, et
&it mettre en wides granges, çascune charette à tout
son penonciel, pour recognoistre. Si furent moult
is liet tout li signeur, quant il eurent trouvet leurs cha-
rètes et leur harnas, et reposèrent deus jours dedens
le cité de Durem, et li host tout autour, car mies ne
se peuist toute logier en le ditte cité. Et fisent leurs
cfaevaus référer, et puis se misent à voie devers
SO Evruich. Si esptoita tant li rois et toute son host,
que dedens trois jours il y vinrent. Et là trouva li
rois ma dame sa mère qui le reçut à grant joie. Et
ossi fisent toutes les dames et li bourgois de le ville.
l donna li rois ccHi^et à toutes manières de gens
a& de râler cescun en son Heu, et remercia grandement
les contes, les barons et les chevaliers, dou service
qu'i[l] li avoient fait. Et retint encores datés lui
monsigneur Jehan de Haynau et toute se route, qui
furent grandement festiiet de ma dame la royne par
30 especial, des signeurs et de toutes les dames. Et re-
livrèrent li Uaynuier leurs chevaus, qui tout estoient
effondut et afolet, au conseil dou roy. Et fist cescuns
;vÇ00»^IC
[i3ft7] LIVRE PHEHIBB, $ 37. .73
- somme pour li de ses chevaus, mors et vis^ et de
ses frais. Si en fist lï rois sa debte envers le dit
nlbnsigneur Jehan. £t li dis messires Jehans s'en
. obliga envers tous les compagnons. Car li rois et ses
oonsaulz ne peurent si tost recouvrer de tant d'ar- s
gent que li cheval montoient; mais on lor en délivra
assés par raison pour paiter leurs menus frès, et pour
retourner au pays. Et puissedi, dedens l'anée, fu-
rent U tout paîiet de ce que li cheval montoient.
Quant U Haynuier eurent relivré leurs chevaus, il 10
rachatèrent cescuns des petites hagenées pour che-
vaucier miex à leur aise, et renvoiià^nt leurs gar«
çons et leur harnas, sommes et maies et bahus, par
mer, et misent tout en deus nek que li rois leur fïst
délivrer. Si arrivèrent ces besongues droit à l'Esduse^ 15
en Flandres. Et il prisent congiet au roy, à ma dame
se mère> au conte de Kent, au conte Henri de Lan-
caslre et as barons, qui grand^nent les honnourè-
rent. Et les fist li rois acompagnier de douze che-
valiers et deus cens armeures de fier , pour le so
doubtance des archiers, dont il n'estoient mies bien
asseguret, car il les couvenoit rapasser parmi leur
pays, l'evesquié de LincoUe.
Si se partirent messires Jehans de Haynau et toute
se route, ou conduit des dessus dis. Et chevauciè- 3&
rent tant par leurs journées qu'il vinrent à Douvres.
Là montèrent il en mer, en nefs et en vaissiaus
qu'il trouvant appareilliés. Et li Englès se partirent
d'yaus, qui aconvoiiet les avoient, et retournèrent
cescuns en sou lieu. Et li Haynuier arrivèrent à Wis- 30
sant. Là se reposèrent il par deus jours, en mettant
hors leurs chevaus et le demorant de leur harnas.
;vG00^^l6 '
74 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
Entrues, vinrent messires Jehans de Haynau et aucun
chevalier en pel^nage à Nostre Dame de Boulon>
gne. Depuis s'en retournèrent il en Haynau, et se
départirent tout li un de l'autre, et se retraist oes-
b cuns chiés soy. Mes messires Jehans de Haynau s'en
vint deviers le conte son frère, qui se tenoit à Ya-
lenchienes, qui le reçut liement et volentierà, car
moult l'amoit. Et adonc li recorda U sires de Byau-
mont toutes nouvelles, » avant que il les savoit.
10 $ 38. Ensi ta celle chevaucie départie, que li rois
Edowars, le premier an de se création, fîst contre
les Escos, li quèle fii si grande et si dure que vous
avës oy. Ne demora mies gramment de temps apriès,
que cilz rois, ma dame se mère, 11 contes de Kent,
l& li contes Henris de Xancastre, messires Rogiers de
Mortemer et U dultre baron d'Engleterre, qui estoient
demoret dou conseil le roy, pour lui aidier à con-
seillier et gouvrener, eurent avis et conseil de lui
marier. Si envoiièrent un evesque, deus chevalins
30 banerès et deus bons clers à monsigneur Jehan de
Haynau, pour lui priier qu'il vosist aidier et mettre
conseil à che que li jones rois, leurs sires, fust ma-
riés, et qu'il vosist boins moitens estre, par quoi
messires, ses frères, li contes de Ha3mau et de Kol-
as landes, li volsist envoiier une de ses filles, car il l'a-
roit plus chière que nulle aultre, pour l'amour de
lui. Li sires de Byaumont festia et honnoura ces
messagiers et commissaires de par le roy ec^ès,
quanques il pot, car bien le savoit taire. Quant bien
30 festiiës les eut, il les amena à Valenchienes par de-
vers son frère, qui moult honnourablement les re-
;vGoo»^lc
[18ST] LIVRE raEMIER, S 39. 7S
chut ossi, et les festia si souTerainnement bien que
longe cose serait à raconter.
Quant assës festiiet iiirent, il fisent leur message
sagement et à point, ensi que chai^et leur estoit.
Li contes leur respondi moult courtoisement, par le 5
conseil de monsigneur Jehan son fr^, et de ma
dame la contesse, m^ à la damoiselle, et leur dist'
que moult grans mercis à monsigneur le roy et à
madame la royne et as signeurs par cui conseil il
estoient là venu, quant tant leur estoit que de li 10
faire xèle honneur, que pour tel cose il avoient si
souffissans gens à lui envoiiés, et que moult volen-
tiers s'acorderoit à leur requeste, se nostres Sains
Pères, li papes, et Sainte Eglise s'i acordoit.
Celle response leur souffi assës grandement. Puis l&
enToiièrent tantost deus de leurs chevaliers, et deus
clers de droit, par devers le Saint Père, à Avignon,
pour impetrer dispensatîon de celi mariage acordet.
Car, sans le con^et don Saint Père, faire ne se po-
roit, pour le linage de France dont il estoient moult 30
prochain, si com en tierch d^;ré, car leurs deus
m^«8 estoient cousines germaines, issues de deus
frères. Assés tost apriès ce qu'il lurent venu à Avi-
gnon, il eurent faite lor besongne. Car li Sains Pè-
res et li collées s*i consentirent assés benignouent, S5
pour le haute noblèce dont tout dey estoient issut.
§ 39. Quant cil message furent revenu de Avignon
à Yalenoienes, à toutes leurs bulles, chilz mariages
fil tantos otroiiés et aflremés d'une part et d'aultre.
1 . Hi. de Gaigniire*, P> 17 : * moult grau n«rcù. >
;vGoo»^lc
7« CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
Si fist on le devise pourveir et appareillier de tout ce
qu'il &lloitj si honnourablranent que à tèle damoi-
selle^ qui deroit estre royne d'Ëi^let^re, afïreoit.
Quant appareillie fu, si com dit est, elle (a espoa-
5 sée par le virtu d'une procuration [apparanf] souf-
fîssaznment, qui là (a aport^ de par le roy d'Engle-
terre. Et puis si fii mise à le voie pour emmener en
Engleterre par devers son mari, qui l'attendoit à Lon-
dres, là où on le devoit couronner. Et monta en m^
]a la ditte damoiselle Phelippe de Haynau à Wissant, et
arriva et toute se compagnie à Douvres. Et la con-
duisi jusques à Londres chilz gentils chevaliers mes-
sires Jehans de Haynau, ses oncles, qui grandement
fil recheus, honnourés et festiiés dou roy, de .ma
15 dame la royne se mère, des aultres dames, des ba-
rons et des chevaliers d'Engleterre. Si eut adonc à
Londres grant feste et grant noblèce des signeurs,
contes, barons et chevaliers, des hautes dames et des
nobles pucelles, de riches atours et de riches pare-
SC mens, de jouster et de behourder pour l'amour de
elles, de danser et de caroler, de grans et biaus men*
giers çascun jour donner. Et durèrent ces festes par
l'espasse de trois sepmainnes.
Au chief de ces jours, messires Jehans de Haynau
25 prist congiet et s'en parti, o toute se compagnie de
Haynau, bien furnis de biaus jeuiaus et riches, que
on leur avoit donnés d'un costé et d'autre, en plui-
seurs lieus. Et demora li jone royne Phelippe, à pe-
tite compagnie dé son pays, fors mis un damcHsid,
1. Hm. ae Giignièn» et de Mouehj, f> 17. ~ Hi. 6477, f^ 27 :
;vGoo»^lc
[13X8} UVRB PftEMIER, $ 40. 77
que OQ damoit Watelet de Mauni^ qui y demora
pour servir et taillier devant li. Li quetz acquist
puissedi à grant grasce au roy et à tous les signeurs
dou pays, qu'il fu del secré conseil le roy, au gret
de tous les nobles dou pays. Et fist de puis si gran- b
des proèces de son corps, en tant de lieus, que on
n'en pooit savoir le nombre, si com vous orés avant
en Fystore, se il est qui le vous die. Or nous tairons
nous de lui à parla*, tant qu'à présent, et des En-
gl^, et retournerons as Escos. 10
S 40. Apriès chou que li Escot se partirent par
nuit de le montagne, là où li jones rois Edowars et
li signeur d'Engleterre les avoient assegiës, si com
vous avés oy, il alèrent vingt et deus liewes de celui
sauvage pays, sans arrester, et passèrent celle rivière 15
de Thin assés priés de Cardueil, en Galles. Et à l'en-
demain, il revinrent en leur pays, et se départirent
par Tordenance des signeurs, et en râla cescuns en
se maison. Assés tost ajuiès, signeur et aucun bon
preudomme pourcacièrent tant entre le roy d'Engle- so
terre et son conseil et entre le roy d'Escoce, que une
tiiewe fîi acordée entre yaus, à durer par l'espasse
de trob ans.
Dedens celle Iriewe, avint que li rois Robers d'Es-
coce, qui moult preus avoit este, estoit devenus as
viex et foibles, et si cai^és de le grosse maladie, ce
disoit on, que morir le couvint. Quant il senti et
cognent que morir le couvenoît sans retour, il manda
tous les barons de son royaume ens es quelz il se
fîoit le plus par devant lui; si leur dist que morir le 30
couvenoit, si qu'il veoient. Si leur pria moult affec-
;vGoo»^lc
7S CHbMnQtlES DE J. FHOISSAKT. [13S9J
tueusement et leur caigiL, sour leur feaulté, que il
gardaissent feablement son n^iune en ayde de Da-
vid son fil; et, quant il seroit venns en eage, qu'il
obeisissent à lui et le couroimai&sent à toj, et le ma-
& liassent en lieu si souffissant que à lui apertenoit. Eo
apriès, il en appelta le gentil chevalier monsigneur
Guillaume de Douglas, et U dist devant tous les aul-
tres : «Monsigneur Guillaume, obiers amis, vous sa-
vés que j'ai eu moult à &ire et à soufirir en mon
10 temps que j'ai vescu, pour maintenir les drois de
cesU royaume. Et quant jou euch le plus à foire, je
fis un veu que je n'ai point acompli, dont moult me
poise. Je voai que, s'il estoit ensi que jou ewisse ma
guerre achievée, par quoi je peuisse cesli royaume
l& gouvren«- en pais, jou iroie aidier à guerriier les
ennemis Nostre Signeur et les contraires de le iby
crestienne, à mon loyal pooir. A ce point a toutdis
mon coer tendu, mais Nostres Sires ne l'a mies volu
consentir. Si m'a donné tant à laire à mon temps, et
30 a darrains si entrepris si griefment de si grant mala-
die qu'il me convient morir, si com vous veés. Et
puis qu'il est ensi que U corps de mi n'i poet aler,
ne acfaiever ce que li coers a tant désiré, jou y voel
envoiier le coer ou lieu del corps, pour mon veu
35 achiever. Et pour çou que je ne sçai en tout mon
royaume nul chevalier plus preu de vostre corps, ne
miex tailliet de mon veu acompUr en lieu de mi, je
vous pri, très chiers et très especiaulz amis, tant com
je puis, que vous cest voiage voelliés entreprendre,
30 pour Famour de mi, et me ame acquitter enva:^ Nos-
tre Signeur. Car je tieng tant de vostre noblèce et de
vostre loyauté que, se vous l'entreprendés, vous n'en
;vGoo»^lc
[1320] UVBE PREMIER, $ 40. 79
Ëturrés nullement; et si en morrai plus aise, mais
que ce soit par tèle manière que je vous dirai. Je
voel, sites que je serai trespassés, que vous prendés
le coer de mon corps et le &ites bien emhasmer^ et
[H%ndés tant de mon trésor que vous samblera que 6 -
assés en aiiés pour parfumir tout le voiage, pour
vous et pour tous chiaus que vous Ytxcrés emmener
avoech vous; et emportés mon coer avoech vous,
pour présenter au Saint Sépulcre, là où Nostres, Sires
fil ensepelis, puis que li corps n'i poet aler; et le lo
&ites si grandement, et vous pourveés si soufiSssam-
ment de tèle compagnie et de toutes aullres coses
que à vostre estât apertient; et que partout là où
vous venrés, que on sace que vous emportés oultre
mer, comme messagiers, le co^ le roi Robert d'Ës- ts
coce, et à son commandement, puis.qu'ensi est que
li corps n'i poet aler. »
Tout cil qui là estoient prisent à plorer de pité
moult tenrement. Et quant li dis messires Guillau-
mes peut parler, 11 respondi et dist : s Gentilz sires, sd
cent mille mercis de le grande honneur que vous me
&ites, quant vous si noble et si grant cose et tel tré-
sor me chaigiés et recommendés. Et je ferai volen-
tiers et de'cler coer vostre commandement, à men
loyal pooir, jamais n'en doubtés, comment que je 35
ne sui mies dignes ne si souffissans que pour tel cose
acfaievÊT. » — «Ha! gentilz chevaliers, dist adonc li
rois, grans mercis, mes que vous le me créantes. »
— «Certes, sires, moult volentiers, distli chevaliers».
Lors li creanta tantost, comme ioyaus chevaliers, ao
Âdonc dist li rois ; «Or soit Diex graciiés, car je
morrai plus à pais d'ore en avant, quant je sçai que
D,qit,zeabvG00»^lc
80 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1329]
li plus soufBssana et li plus preus de mon royaume
achievera pour mi ce que je ne poi onques achie-
ver ».
Assés tost après, trespassa de cest siècle li preus
5 Robers de Brus, rois d'Ëscoce. Et fii ensevelis si faon-
nourablement que à lui afirei, selonch l'usage dou
pays. Et iîi li coers ostës et embasmés, ensi que com-
mandé Favoit. Si gist li dessus dis rois en Fabbeye
de Donfremelin, en Escoce, très reveramment. Et
10 trespassa de ce siècle. Fan de grasce Noslre Signeur
mil trois cens vingt et sept, le septime jour de no-
vembre. ËD ce temporal, assés tost apriès, trespassa
ossi li vailkns contes de Moret, qui estoit U plus
gentilz et li plus poissans prinoes d'Ëscoce, et s'ar-
15 moit d'ai^ent à trois orilliera de génies.
$ 41 . Quant U prin tamps vint et U bonne saisons
pour mouvoir, qui voelt passer oullre mer, messires
GuiUaumes de Douf^ se pourvei, ensi qu'à loi apee-
teaoit, seioncfa che que commandé 11 estoit. U monta
20 sus mer au port de Morois, en Escoœ, et s'en vint
en Flandres droit à l'Escluse, pour oïr nouvelles, et
pour savoir se nulz par de deçà la mer s'apparilloit
pour aler par devers le Sainte Terre de Jherusalem,
afin qu'il peuist avoir milleur compagnie. Si séjourna
as bien à FEscluse par Fespasse de douze jours, ançois
qu'U s'en partesist; mes onques ne volt mettre piet
à terre, tout le terme des douze jours. Ains demo-
rott toutdis sus se nave, et tenoît loutdis son linel
honnourablement, à trompes et à nakaires, comme
30 se ce fîist U rois d'Ëscoce. Et avoit en se compagnie
un chevalier banereth, et sis aultres chevaliers des
;vGoo»^lc
[1330] UVRE PftEMIER, § 41. 81
plus preus de son pays, sans l'autre mesnie. Etavoit
tout vaisselement d'or et d'argent, pos, bachins, es-
cuielles, hanaps, bouteilles, barilz et anitres si laites
choses. Et avoit jusques à vingt et sis escuiers, jones
et gentitz hommes des plus souffîsSans d'Escoce , 5
dont il estoit servis. Et devés savoir que tout cil qui
le voloient aler veoîr, estoient très bien festiiet de
deus manières de vins, et de deus manières d'espis-
ses, mes que ce fuissent gens d'estat.
Au daarrain, quant il eut séjourné là endroit, à lo
l'Escluse, par l'espasse de douze jours, il entend! que
li rois Alpbons d'Espagne guerrioit au roi de Gre-
nate, qui- estoit Sarrasins. Si s'avisa qu'il iroit celle
part, pour miex emploiier son temps et son voiage.
Et quant il aroit là feite sa besongne, il iroit oultre 15
pour parfaire et achiever ce que cargiet et comman-
det li estoit. Si se parti ensi de l'Escluse, et s'en ala
droit par devers Espagne, et arriva premiers au port
de Valence le Grant; et puis s'en ala droit vers le
roy d'Espagne, qui estoit en host contre le roy de 20
Grenate. Et estoient assés priés l'un de l'autre, sus
les frontières de leurs pays.
Avint, assës tost apriès çou que li di messires
Guillaumes de Douglas fii là venus, que li rois d'Es-
pagne îssi hors as camps, pour plus approcier ses 25
ennemis. Li rois de Grenate issi hors ossî d'autre
part, si ques li uns rois veoit l'autre à tout ses ba-
nières. Et se commencièrent à rengîcr leurs batail-
les, li un contre l'autre. Li dis messires Guillaumes
de Douglas se traist à l'un des costés, à toute se route, 30
poiu* miex (aire se besongne, et pour miex moustrer
son effort. Quant il vei toutes tes batailles rengies
1 — 6
;vGoo»^lc
82 CHRONIQUIS DE J. FROISSART. [1328]
d'une part et d'autre, et vei la bataille le roy un
petit esmouvoir, il cuida que elle ahat assambler.
Il, qui miex voloit estre des premiers que des daar-
rains^'feri des esporons, et toute se compagnie avoech
5 lui, jusqoes à le bataille le roy de Grenate, et ala as
ennemis assambler. Et pensoit ensi que li rois d'Es-
pagne et toutes ses batailles le sievissent, mes non
fisent,' dont il en fîi laidement deceus, oar onques
oeli jour ne s'en eanurent. Là fu li gentilz eheva-
10 Uers, messires Guillaumes de Douglas endos, et
toute se route, des ennemis. Et y fisent merveilles
d'armes, mes finablement il ne peurent durer, ne
onques pies n'en escapa, que tout ne fuissent occis
à grant meschief. De quoi ce (a pités et damages et
Ib grant lasquetë pour les Espagnolz, et moult en furent
blasmet de tous chiaus qui en oïrent parler, oar
bien ewisseut resoous le chevalier et une partie des
siens, s'il vosissent. Ënsi ala de ceste aventure et
dou voiage monsigneur Guillaume de Douglas.
30 Ne demora mies gramment de tamps, apriès çou
que li dessus dis chevaliers se fu partis d*Escoce
pour aler en son pel«inage, si oom vous avés oy,
que aucun signeur et preudomme, qui désiraient à
nourir pais enU% les Énglès et les Eacos, Irettièrent
35 et pourcacièrent tant que mariages fii fois del jone
roi David d'Escoce et de la sereur le jone roy d'En-
gleteire. Si fu cilz mariages acordés. Et espousa la
dame li dessus dis rois à Bervich, en Escoce. Et là
y eut grans festes, de l'une partie et de l'autre. Or,
30 me voel jou taire un petit des Escos et des Englès,
et me retrairai au roi Charlon de France, et as cr-
denances de celui royaume.
;vGoo»^lc
[13S2-1328] LIVRE PREMIER, § 42. 83
$ 42. ÏÀ rois Charles de France, filz au bîau roy
Phelippe, lu trois fois mariés, et- si morut sans hoir
marie, dont ce iîi damages pour le royaume, si com
TOUS orés ci après. Li première de ses fenunes fii li
une des plus belles dames dou monde, et fu Qile la &
contesse d'Artois. Celle garda mal son mariage et se
foursi&t. Par quoi elle en demora lonch temps ens
ou Chastiel Gaillard, en prison et à grant meschief,
ançois que ses maris iiist rois. Quant li royaumes
li fu escheus, et il fu couronnés, li douze per de lo
France ne Torrent nient, s'il peuissent, que li royau-
mes demorast sans hoir marie. Si quisent sens et
aTis par quoi li rois Charles fust remariés, et le iîi à
le fiUe l'empereur Henri de Lussembourch et suer
au gentil roy de Behagne, et par quoi li premiers 15
mariages liist deffiiis et anullës de celle dame qtfi en
prison estoit, et tout par le déclaration dou pape,
nostre Saint P^, qui adono estoit. De celle seconde
dame de Lussembourch, qui estoit moult humie et
moult preude femme, eut li rois un fil qui morut 20
moult Jones, et assés tost U mère ajffiès, à Ysodon
en Barri. Et morurent tout doi souspeçonneusement.
De coi aucunes gens en furent encoupées en derrière
couTcrtement. Apriès, cilz rois Charles fu remariés
tierce fois à le fille de son onde de remariage, le 35
fille de monsigneur Loeis, le conte d'ETrues, le
royne Jehenne, et sereur au roi de NaTare qui adonc
estoit. Puissedi, arint que celle dame fii enchainte.
Et li dis rois, ses maris, s'acouça malades au lit de
le mort. Quant il perchut que morir le couTcnoit, so
il deyisa que, s*il aTenoit que li royne se acouçast
d'un fil, il Totoit que messires Phelippes de Valois,
D,qit,zeabvG00»^lc
81 CHRONIQUES DE J. FfiOISSART. [13S8]
ses cousins germains, en ftist mainbours et regens
de tout son royaume, jusques adonc que ses filz se-
roit en eage d'esire rois; et, s'il avenoît que ce fhst
une fille, que li douze per et li hault baron de
5 France euissent conseil et avis entre yaus de l'or-
donna, et donnaissent le royaume à celi qui avoir
le deveroit par droit. Sur chou, li rots Charles ala
morir environ Paskes, l'an de grasce Nostre Signeur
mil trois cens vingt et huit.
10 Me demora mies gramment apriès, que la royne
Jehenne aeouça d'une fille, de quoi li plus del
royaume en furent durement tourblé et courouciet.
Quant li douze per et hault baron de France sceu-
rent çou, il se assamblèrent à Paris au plus tost qu'il
15 peurent, et donnèrent le royaume, de commun
acord, à monsigneur Phelippe de Valois, filz jadis
au conte de Valois, et en ostèrent le royne d'En-
gletore et le roy son fil, qui estoit demorée soer
germainne au roy Charle daarrainement trespasset,
30 par le raison de che qu'il dient que li royaumes de
France est de si grant noblèce qu'il ne doit mies par
succession aler à fîimelle, ne par consequense à fil
de fumelle, ensi que vous avés oy chà devant, au
commencement de ce livre. Et fîsent celi monsi-
U gneur PheKppe couronner à Rains l'an de grasce
mil trois cens vingt et huit, le jour de le Trinité.
Dont, puissedi, grant guerre et grant désolation
avint au royaume de France en pluiseurs pars, si
com vous pores ojâ* en ceste hystore.
30 Assés tost apriès çou que cilz rois Phelippes fu
couronnés à Rains, U semonst ses princes, ses ba-
rons et toutes ses gens d'armes, et ala à tout son
;vG0C)»^IC
[1328] LIVRE PREMIER, S 42. 8S
pcwir logier en le vallée de Cassiel, pour guerriier
les Flamens, qui estoient rebelle à leur signeur, et
meismement ciaus de Bruges , chiaus d'Ippre et
chiaus dou Franch. Et ne voloient obéir au conte de
Flandres, leur dit signeur, mais Favoient decaeiet. s
Et ne pooit adonc nulle part demorer en son pays,
fors tant seulement à Gand, et encores assés escar-
sement. Si desconfî adonc li rois Phelippes bien
seize mille hommes flamens, qui avoient fait im
chapitainne qui se nommoit Colins Dennekins, hardi IQ
homme et outrageus durement. Et avoient li dessus
dît Flamench iait leur garnison de le ville de Cassiel,
au commandement et as gages des villes de Flan-
dres, pour garder ces frontières là endroit.
Et vous dirai comment cil Flamench furent des- ib
confit^ et fu par leur oultrage. Il se partirent un
jour, sus l'eure dou souper, de Cassiel, en entente
que pour desconfire le roy et toute sen host. Et s'en
vinrent tout paîsievlement, sans point de noise, or-
donné en trois batailles, des quèles li une en ala 20
droit as tentes le roy, et eurent priés le roy sous-
pris, qui seoit au souper, et toutes ses gens, Li aul-
tre bataille s'en ala droit as tentes le roy de Beha-
gne, et l'eurent priés Irouvet en tel point. Et la
tierce bataille s'en ala droitement as tentes le conte 3S
de Haynau, et l'eurent ossi priés souspris, et le bas-
tèrent si que à grant painne peurent pas ses gens
estre armé, ne les gens monsigneur de Byaumont,
son filtre. Et vinrent ces trois batailles si paisievle-
ment jusques as tentes, que à grant meschief furent 30
li signeur armés, ne leurs gens assamblet. Et ewia-
sent tout li signeur et leurs gens esté mort, se Diex
DiqitizeaCvG00»^IC
S8 CHRONIQUES DE J. FROISSART. ' [1328]
ne les ewist, ensi que par droit miracle, secounit et
aidiet. Mais, par le grasce de Dieii, cescuns des si-
gneurs desconfi se bataille si entièrement, et tous à
une heure et en un point, que onques de tous ces
5 seize mille Flamens n'en escapa mil, et fii leur cha-
pitainne mors. Et si ne seut onques nulz de ces si-
gneurs nouvelle li uns de l'autre, jusques adonc qu'il
eurent tout fait. Et onques des quinze mille Fla-
mens, cpii mors y demorèrent, n'en recula uns seuls,
10 que tout ne fuissent mort et tuet en trois monchiaus
l'un sus l'autre, sans issir de le place là où cescune
bataille commença, qui fu l'an de grasce mil trois
cens vingt et huit, le jour saint Bietremieu.
Adonc, aprïès ceste desconfîture, vinrent li Fran-
15 çois à Cassiel, et y misent les banïères de France.
Et se rend! U ville au roy, et puis Popringe, et puis
Ippre, et tout cil de le chastelerie de Berges, et cil
de Bruges ensiewant. Et rechurent le conte Loeis,
leur signeor, adonc amiablement et paisievlement,
30 et li jurèrent foy et loyauté à tenir à tous jours mes.
Quant* li rois Phelippes de ïVance eut remis le
conte de Flandres en son pays, et que tout li eurent
juré feaulté et hommage, il départi ses gens, et re-
tourna cescuns en son lieu; et il meismement s'en
35 vint en France et séjourner à Paris ou là environ.
Si fti durement prisiës et honnourés de celle em-
prise qu'il avoit fait sus les Flamens, et dou service
ossi au conte Loeis son cousin. Si demora en grant
1. Cet àUaem, ^ m lie intimemeiit «wt alin^M prictàmM, hit
nàuimoini partie da chapitre tuivant daiu le m*. 6477> f^ 30 ▼*) «Wl
on le permet ici, par exception, de modifier la coupure éridemment
d^fectnease.
;vGoo»^lc
[i330] LIVRE PREMIER, S *^- 87
prospérité et en grant honneur, et acrut grandement
Testât royal; et n'i avoit onques mes eu en France,
si com on disoit, roy qui ewist tenu Testât parel au
roj Pbelippe. Et iaisoit faire tournois, joustes, festes
et esbalCTOens mouli souvent et à grant plente. Or »
nous tairons nous un petit de luij et parierons des
aucunes des ordenances d'Engleterre et dou gouvre-
nement le roy.
S 43. Li Jones rois englès se gouvrena un grant
tamps, si com vous avés oy chi dessus recorder^ par lo
le conseil de ma dame se mère, dou conte Aymon
de Kent, son oncle, et de monsigneur Rogier de
Mortema*. Au daarrain, envie commença à nalstre
entre le conte de Kent dessus dit, et le signeur de
Mortemer. Et monta puis li envie si haut que li si- 15
res de Mortema* enfourma et enhorta tant le jone
roy, par le consentement de ma dame se m^ le
royne, et li lisent entendant que U dis contes de
Kent le voloit empuisonner, et le fiaroit morir tem-
prement, s'il ne s'en gardoit, pour avoir sen royaume, 30
comme li plus proçains apriès lui, par succession;
car li Jones frères le roy, que on clamoit messire
Jehan d'Eltem, estoit nouvellement trespassés. Li
Jones rob, qui creoit leg^erement che dont on l'en-
fotmnoit, ensi tpie jone signeur, telz a on souvent 35
veus, croient legierement çou dont cil qui les doient
consillier les enfourment, et plus tost en mal qu'en
bien, fîst, assës tost après chou, son dit oncle le
conte de Kent prendre, et le fist decoler pnblike-
ment, que onques il n'en peut venir à escusance. SO
De quoi tout cil dou pays, grans et petis, nobles et
;vGoo»^lc
88 CHRONIQUES DE 3. PKCXSSAST. [t330]
non nobles, en furent durement tourblet et courou-
cié, et eurent puissedi durement contre coer !e si-
gneur de Mort^ner. Et bien pensoient que, par son
conseil et pourcaeb et par &usse amise, avoit ensi
5 esté menés et trettiés ti gentiiz contes de Kent, cui
il tenoient tout pour preudonune et pour loyal. Ke
onques apiiès ce, li sires de Mortemer ne fîi tant
amés, comme il avoit esté en devant.
Ne demora mies de puis gaires de temps que grant
10 &me issi hors sus la mère dou roy d'Engleteire, ne
sai mies se voirs estoit, que elle estoit [enchainte'];
et en encoupoît on plus de ce &il le signeur de Mor-
temer que nul aultre. Si commença durement chilz
escandeles à montepliier, tant que li jones rois en
15 fil enfourmés souffissamment. Et avoech tout ce il fu
enfouîmes souffissamment que, par &usse amise et
par envie dou signeur de Mortemer, &ite plus par
trahison que par raison, il avoit &it mettre à mort
son oncle le conte de Kent, que tout cil dou pays
30 tenoient et avoient toutdis tenu pour preudonune et
pour loyal. Dont, se U jones rois fu tristes et cou-
rouciés, ce ne fait mies à demander. Si fist tantost
prendre le dit sîgneur de Mortemer, et le fîst ame-
ner à Londres, par devant grant fuison des barons
35 et des nobles de son royaume. Et fist cont^ par un
sien chevalier tous tes &is le signeur de Mortemer,
ensi que escrire et regislrer les avoit fais. Et quant
il furent tout dit et conté, li dis rois d'Eogleterre
demanda à tous, par mani^ de conseil et de juge-
1 , Ce mot t itt gn.tti et efTic ^ djoi notre nu. 6477, Kiiu l'iafliienM
de je ne Mi* ^e) tcmpnle, mai» il eit encore litîbte.
D,qit,zeabvG00»^lc
[1830] LIVRE PRXHIBR, S 43. . 8»
méat, quel cose en estoit bon à faire. Li jugemens
en fil assés tost rendus, car cescuos en estoit jà par
famé et par juste information tous avisés et înfour-
mes. Si en respondirent au roy> et disent que il de-
voit morir en tel manière, comme messires Hues li &
Despensiers avoit fait et esté justiciés. A ce jugement
n'eut nulle dilation ne de merci. Si fii tantos trainés
parmi la cité de Londres sus un bahut, et puis loîiés
sus ime eschielle en mi le place, et puis li vis copés
a toutes les couUes et jettées en un feu qui là estoit. lo
Et puis li fu li ventres ouvers et li coers trais hors,
pour tant que il en avoit fait et pensé le trahison,
et jettes ou dit feu, et ensi toute se coraiUe. Et puis
fu esquartelës, et envoiiés par quatre mestres oités
en Englet^re, et la tleste demora à Londres. Ensi is
Hna li dis messires Rogiers de Mortoner, Dieus li
pardoinst tous ses fourfaisl
Tantos ajH^ès ceste justice faite, lï rois d'Engle-
terre, par le conseil de ses hommes, fist ma dame sa
mère enfermer en un castiel, .et li bailla dames et 30
camberières et toutes gens assés, pour lui garder et
servir et &ire compagnie , cbevali»:^ et escuiers
d'onneur, ensi conmie à si haute dame que elle
estoit apertenoit. Et li assigna et délivra grant terre
et beUe revenue, pour lui souffissaxomentgouvrener, ss
selonch son noble estât, tout le cours de se vie, et
la ditte revenue au plus priés de œti castiel que il
peut par raison. Mais il ne vot mies soufirir ne con-
sentir que elle alast hors, ne s'amoustrast nulle part,
fors en aucuns esbas qui estoient devant le porte 3o
dou chastiel, et qui respondoîent à le maison. Si usa
la ditte daiùe là sa vie de puis assés bellement. Et le
;vGoo»^lc
90 CHftONIQUK DE J. FROISSART. [18t9]
venoit veoir^ deus ou trois fois l'an, H jones rois
Edouwars, ses filz. Nous nos soufferons à parler de
la dame, et parla<ons dou dit roy son fît, et com-
ment il persévéra en signourie.
5 $ 44. Apriès ce que cih rois Edowars, qui estoit
en son jone eage, eut feit foire ces deus grandes jus-
tices, si com TOUS avés oy chi dessus records, il
prist nouvel conseil des plus sages et des mîx creus
de tout son royaume, et se gouvrena moult belte-
10 ment, et maintint son royaume en pais, par le bon
conseil que il avoit datés lui.
Or avint que, environ un an aprtôs que lî rois
Phelippes de Valois eut esté couronnés à roy de
France, et que tout li baron et li tenant dou dit
15 royaume li eurent fait feaulté et hommage, excepté
li jones rois Edowars d'Engleterre, qui encores n'es-
toit trais avant, et ossi il n'avoit point esté mandés ;
se fîi li rois de France eonsilliés et enfourmés que il
mandast le dit roy d'Engleterre et venist foire hom-
30 mage et feaulté, ensi comme il apertenoit. Adonc en
furent priiet d'aler en Ëngleterre faire ce message et
[sommer*] le dit roy, li sires d'Aubegni et li sires de
Biausaut et doi clercb en droit, mestre en Parlement
à Paris, que on appelloit pour ce temps mestre Sy-
SS mons d'Orliens et mestres Pières de Maisières. Chil
quatre, au commandement et ordenance dou roy, se
partirent de Paris bien estoffeement, et cheminèrent
tant par leurs journées qu'il vinrent à Wisan. Là
montèrent il en mer, et fbrent tantost oultre, et ar-
f-Slv. — Mi. «77,f M: ttonaer,»
ibvGoo»^lc
[1329] LIVRE PREMIER, g 44. 91
rivèrent à Douvres, et séjournèrent là un jour, pour
attendre leurs chevaus et leur hamas que on mlst
hors des vaissiaus. Quant il furent tout prest, il mon-
tèrent sus et esploitièrent tant par leurs journées
qu'il vinrent à Windesore, où U rois dTEngleterre et 5
la jone royne sa femme se tenoient. Li quatre dessus
nommet lisent à savoir au roy pour quoi il estoient
là venu, et ossi de qui il se rendoient. Li rois d'En-
gleterre, pour Tonneur dou roy de France, son cou-
sin, les fiât venir avant et les reçut moidt honnoura- lo
blement; et ossi fist ma dame la royne sa femme,
ensi que bien le savoient faire. En apriès, il comp-
tèrent leur message; il fiirent volentiers oy. Et en
respondi li rois adonc que il n'avoit mies son con-
seil dalés lui, mais il le manderoit; si se retraisent is
en le cité de Londres ; et là il en seroient respondu
teiement que bien deveroit souflSre. Sus ceste pa-
rtie, quant il eurent disné en le cambre dou dit
roy et de la royne moult aise, il s'en partirent et
vinrent ce soir jesir à Colebruch, et l'endonain à so
Londres.
Ne demora mies gramment de puis que li rois
d'Engleterre vint à Londres, en son palais de Wes-
moustier. Et là eut il, sus un jour qu'il y ordonna,
son conseil assamblé, présent qui li messagier dou 9S
roy Phelippe de France furent appelle. Et là remous-
trèrent il pour quoi il estoient là venu, et les lettres
qui leur avoient esté baillies dou roy leur signeur.
Quant il eurent parlé bien et à point, il vuidièrent
hors de le cambre, et lors demanda li dis rois à 30
avoir conseil sus ceste requeste. Il me samble que li
rois fil adonc si consilliës de respondre que Toire-
;vGoo»^lc
» CHRONIQUES DE J. FROISSA.RT [13i9]
ment, par Tordenance et seelé de ses predicesseurs,
rois d'Engleterre et dus d'AcquitainDes, il en devoît
foy, hommage et loyauté faire au roy de France, ne
del contraire on ne t'oseroit ne vorroit point consil-
5 lier. Chilz pourpos et consaulz furent arresté, et 1i
messagier de France appelle. Si vinrent en le cham-
bre de rechief de conseil, ta parla il evesques de
Londres pour le roy et dist : c Signeur^ qui ci estes
euToilés de par le roy de France, vous estes li bien
10 venu. Kous avons oy vos parolles et leues vos lettres
et bien examinées à no pooir et consilUes. Si vous
disons que nous con&illons monsigneur qui ci est,
qu'il voist en France veoir le dit roy, son cousin,
qui moult amiablement le mande, et dou sourplus
15 de foy et d'ommage il s'acquitte et face son devoir,
car voirement y est il tenus. Si vous retrairés en
France, et dires ensi au roy vostre signeur que nos
sires li rois d'Engleterre passera par de là tempre-
ment, et fera tout ce qu'il doit faire sans nu! estri. »
30 Geste response plaisi grandement bien as dessus dis
messagiers de France, et prisent congiet au roy et à
tout son conseil; mais ançois il leur couvint disno'
eus ou palais de Wesmoustier. Et les festia là li dis
rois moult grandement, et leur donna au départir,
25 pour l'onneur et amour dou roy de France, son cou-
sin, grans dons et biaus jeuiaus. De puis ce &it, il
ne séjournèrent gaîres de temps à Londres et s'en
partirent. Et esploitièrent tant par leurs journées
qu'il revinrent en France, et droîtement à Paris, où
30 il trouvèrent le dit roy Phelippe, à qui il comptant
toutes leurs nouvelles, et comment il avoîent es-
ploitié, et en quel estât il estoient parti dou dit roy
DiqitizeabyG00»^lc
[13»] UVRR PREMIER, S **■ «3
d'Englet^re, et ossi com grandement et honnoura-
blement il les avoit receus^ et, à leur département
et congiet prendre, donné de ses biens. De toutes
ces coses et esplois se contenta grandement li rois
Phelippes, et dist que moult volentiers il veroit le 5
roy Edouwart d'Engleterre, son cousin, car onques
ne l'avoit veu.
Ces nouvelles s'espardirent pamii le royaume de
France, que li rois d'Engleterre devoit venir en
France, et &îre hommage au dit roy. Si se ordon- lo
aèrent et apparillièrent moult richranent et très
puissamment duch et conte de son sanch , qui le
desiroient à veoir. Et proprement li rois de Fhince .
en escrïsi au roy Charle de Behagne, son cousin, et
au roy Loeis de Navare, et leur segnefia le certain is
jour que li rois d'Engleterre devoit estre devers lui,
et leur pria que il y vosissent estre. Cil doi roy, ou
cas que priiet en estoient, ne l'eutssent jamais las-
sict, et se ordonnèrent au plus tost qu'il peorent, et
vinrent en France en grant arroy devers le roy. Li so
rois de France Ai adonc consilliés que il recueille-
ront le dit roy d'Englet^re, son cousin, en le bonne
cité de Amiens. Si fîst là faire ses pourveances
grandes et grosses, et aminislrer salles, cambres,
hostelz et maisons pour recevoir lui et toutes ses ss
gens, où il se comptoit, parmi le roy de Behagne et
le roy de Navare qui estoient de se délivrance, et le
duch de Bretagne, le duch de Bourgongne, le duch
de Bourbon, à plus de trois mille chevaus, et li rois
d'EngletMre, qui y devoit venir à sis cens chevaus. ao
Il avoit adonc à Amiens, et a encores bien, cité pour
rechevoir aîsiement otant de princes et leurs gens et
;vGoo»^lc
84 CHRONIQUES DE J. FR0I5SART. [13S9]
plus assés. Or parlerons dou roy d'Engleterre^ qai
passa le mer, et vint en celle anée, l'an mil trois
œns vingt neuf, aiviron le mi aoust, en France.
$ 45. Li Jones rois d'Engleterre ne mist mies en
5 oubli le voiage que il devoit faire ens ou royaume
de France, et se appareilla bien et faiticement, et si
souffîssamment que à lui apertenoit et à son estât;
si se parti d'Ëngleterre, quant jours fil dou départir.
En se compagnie avoit deus evesques, oesti de Lon-
10 dres et cesti de Lincolle, et quatre contes, monsi-
gneur Henri conte Derbi, son cousin germain, fil
monsigneur Thumas de Lancastre au Tors Col, le
conte de Sallebrin, le conte de Warvich, et le conte
de Herfort ; sis barons, monsigneur Renault de Gobe-
ib hem, monsigneur Thumas Wage, mareschal d*^-
gleterte, monsigneur Richart de Stanfort, le signeur
de Persi, le signeur de Mauné et le signeur de Monl-
bray, et plus de quarante aultres chevaliers. Si es-
toient en le route et à le délivrance dou roy d'tn-
so glet«iTe plus de mille chevaus, et misent deus jours
à passer entre Douvres et Wissan. Quant il fiirent
tout ouUre, et leurs chevaus trais hors des nés et des
vaissiaus, li rois monta acomjMgniés , ensi que je
vous ay dit, et chevauça tant que il vint à BouloO'
Sï gne, et là fil il un jour.
Tantos nouvelles vinrent au roy Pbelippe de France,
et as signeurs de France, qui jà estoient à Amiens,
que li rois d'Ëngleterre estoit arrives et venus à Bou-
longne. De ces nouvelles eut li rois Phelippes grant
30 joie, et envoia tantos son connestable et grant fiiï-
son de chevaliers dever& le roy d'Ëngleterre, lequel
;vGoo»^lc
;i3S9] LIVRE niEBUEfi, $ 4S. 95
il trouTèrent à Monstruel sus Mer; et là eut grans
recM^oissaDces et approcemens d'amour. De puis
chevauça H jones rois d'Engletore en le compagnie
del connestable de France ; et fîst tant o toute se route
que il vint en le cité d'Amiens, oii li rois Phelippes s
estoit tous appareilliés et pourveus de lui recbeToir,
le roy de Behagne, le roy de Navare et le roy de
Mayogres dalés lui^ et si grant fuison de, dus, de
contes et de barons que merveilles serait à recorder.
Car, là estoient tout li douze per de France venu, lo
pour le roy d'En^eterre festoiier, et ossi pour estre
personelment, et faire tesmoing à son hommage. Se
li rois Phelippes reçut honnourablement et grande-
ment le jone roy d'Ëngleterre, son cousin, ce ne fait
mies à demander; et ossi fîsent tout li roy, li duc et 15'
li conte qui là estoient. Et lurent tout cil signeur
adonc, en le cité d'Amiens, jusques à quinze jours.
Là en dedens eut ça mainte parolle et ordenance
&ite et derisée. Et me samble que 11 rois Edouwars
d'Ëngleterre fîst adonc hommage, de bouoe et de lo
parolle tant seulement, sans les mains mettre entre
les mains dou roy de France, ou prince ou prélat
député de par lui. Et n'en volt adonc U dis rois
d'Ëngleterre, par le conseil qu'il eut, dou dît hom-
mage procéder plus avant, si serait retournés en En- SS
gleterre et aroit veus, leus et examinés les previlèges
de jadis, qui dévoient esclarcir le dit hommage, et
moustrer comment et de quoi U rcHS d'Ëngleterre
devoit estre homs au roy de France. Li rois de
Fïance, qui veoit le roy d'Ëngleterre son cousin jone, 30
entendi bien toutes ces parolles, et ne le volt adonc
de riens presser, car bien savoit assés que bien y
:vGoo»^lc
CHRONIQUES DE I. FftOISSAHT. [1329]
reoouveroit, quant il Torroit^ et lï dist : a Mod cou-
sin, nous ne vous volons pas décevoir, et nous plaîst
bien ce que vous en avës fait à présent^ jusques à
tant que vous serés en vostre pays et enfourmés, par
S les seelés de vostres predicesseurs, (juel cose vous en
devés &ire. » Lî rois d'Ëngleterrc respondi : « Chiers
sires, grans merchis. »
De puis se jeua, esbati et demora li rois d'Engle-
terre avoecques ie roy de France, en le cité d'Amiens.
10 Et quant tant y eut esté que bien deubt par raisoo
souffircj il prist congiet et se départi dou roy moult
amiablement, et de tous les aultres princes qui là es-
toient, et se mist au retour pour revenir en Ëngle-
terre. Et rapassa le mer, et fist tant par ses journées
15 qu'il vint à Windesbre, là où il trouva la royne
Phelippe sa femme qui le rechut liement, et qui li
demanda nouvelles dou roy Phelippe, son oncle, et
de son grant linage de France. Li rois, ses maiis,
l'en recorda assés et dou grant estât qu'il avoit trou-
30 vet, et comment on l'avoit recueilliet et festiiet gran-
dement, et des honneurs qui estoient en France, as
quèles dou faire ne de l'entreprendre à Ëtire, nulz
aultres pays ne s'apertient.
$ AB. Ne demora gaires de temps, puissedi, que
26 li rois de France envoia en Engleterre, de son plus
especial conseil, l'evesque de Chartres et l'evesque
de Biauvais, et ossi monsigneur Loeis de Clermont,
duch de Bourbon, le conte de Harcourt et le conte
de TankarvUle, et des aultres chevaliers et clers en
30 droit, pour esire as oonsaulz le roy d'Ëngleterre, qui
se tenoimt à Londres sus Testai que vous avés oy,
;vGoo»^lc
[i33i] UVRE PAEMIER, $ 47. 97
ensi que li rois d'Engleteire, lui revenut en son pays,
devoit regarder comment anchtennement si predi-
cessem-, de ce qu'il tenoient en Aquitainnes et dont
ii s'estoient appelle duch, en avoient fait hommage.
Car jà murmuroient li pluiseur en Ëngleterre que s
leurs sires estoit plus proçaïns de l'iretage de France
que li rois Phelippes. Nequedent, U rois d'Engleterre
et ses consaulz ignoroient de toutes ces coses. Mais
grant parlement et assamblées sus le dit hommage
furent en celle saison, en Ëngleterre. Et y séjourné- lo
rent U dessus dit envoiiet don roy de France, tout
river, et jusques à l'issue dou mois de may ensie-
vanl, qu'il ne pooient avoir nulle diffînitive res-
ponse. Toutes fois, finablement, li rois d'Engleterre,
par l'avis de ses privilèges as quels il ajoustoit grant 15
foy, fu consilliés de eserire * ensl lettres patientes,
seelëes de son grant seel, en recognissant l'ommage
tel qu'il le doit et devoit adonc feire au roi de
France; la quèle teneur de la lettre s'ensieut ensi :
$ 47. «Edouwars, par la grascedeDieu roys d'En- 2o
« gleterre, signeur d'Irlande et dux d'Aquitainnes, à
« tous ceulz qui ces présentes lettres veront et oront,
o salut. Savoir faisons, comme nous feissons à
« Amiens hommage à excellent prince nostre chier
« signeur et cousin Phelippe roy de France, tors 35
« nous fu dit et requis de par lui que nous recognis-
« sions le dit hommage estre lige, et que nous, en
« faisant le dit hommage, li promissions expresse-
a ment foy et loyauté porter, la quèle cose nous ne
« fesimes pas tors, pour ce que nous estions enfoiu*- 30
a mes que point ne se devoit ensi &ire. Et fesimes
1 — 7
;vGoo»^lc
98 CHHONIQUES DE J. FROISSAHT. [1331]
c lors au dit roy de France hommage par paroUes
« générales, en disant que nous entrions en son
« hommage ; par ensi comme oestre predicesseur,
<x dux de Gîane^ estoient de jadis entrés en l'om-
5 a mage des rois de France, qui avoient esté pour le
« temps. Et, de puis enehà nous soions bien enfour-
«c mes et acertenés de la vérité, recognissons, par
« ces présentes lettres, que le dit hommage que nous
« fesimes à Amiens au roy de France, comment que
10 <c nous le fesimes par paroUes générales, fu, est et
« doit iestre entendu lige, et que nous li devons foy
« et loyauté porter, comme dux de Aquitainne et
a pers de France, et contes de Pontieu et de Mous-
« truel. Et li prommetons des or en avant foy et
15 a loyauté porter.
« Et pour ce que ou temps à venir de ce ne soit
« jamais descors ne question à faire le dit hommage,
K nous prommetons en bonne foy, pour nous et nos
n successeurs, dus de Giane, qui seront pour le
30 a temps, le dit hommage se fera en ceste manière.
« lÀ rois d'Engleterre, dux de Gpne, tenra ses
« mains entre les mains dou roy de France. Et cilz
o qui adrecera les parolles au roy d'Engleterre, dux
a d' Aquitainne, et qui parlera pour le roy de France,
35 K dira ensi : «Vous devenés homme lige au roy de
a France^ mon signeur, qui ci est, comme dus de
«c Gyane et pers de France, et li prommetés foy et
<c loyauté porter. Dittes : voire. » Et li rois d'En-
« gleterre, duch de Giane, et si successeur diront :
30 « l'aire. Et lors li rois de France recevera le dit roy
a d'Engleterre et duch de Gyaoe au dit honunage
« lige, a la foy et à la bouce, sauf son droit et Tau-
;vGoo»^lc
[1331] LIVRE PREMIER, S *7. 9»
« truj. De rechief, quant le dit roy et ducb entera
« en l'ommage dou roy de France, et de ses succes-
a seurs rois de France, pour la conté de Pontieu et
« de Moustruel, il mettent ses mains entre les mains
IX dou roy de France. Et cils qui parlera pour le roy 5
« de France, adrecera ses paroUes au dit roy et duc,
« dira ensi : « Vous devenés homme lige au roy de
a France, mon signeur, qui ci est, comme contes de
a Pontieu et de Moustruel, et li prommetés foy et
« loyauté porter. Dittes : wîre. a Et le dit roy et 10
« duch, conte de Pontieu, dira : voire. Et lors li dis
« rois de F^nce recevera le dit roy et conte au dit
s hommage lige, à la foy et à la bouche, sauf son
« droit et l'autrui.
a Et ossi sera fait et renouvelé, toutes fois que K
« Fommage se fera. Et de ce baillerons nous et nos
<x successeurs, dux de Giane, &is les dis hommages,
« lettres patentes seelées de nostres grans seaulz, se
« le roi de France le requiert. Et avoech ce nous
« prommetons tenir et garder afièctuehueot les pais so
a et acors ùAs entre les rois de France et dus de
a Giane. Et en ceste manière sera Bait, et seront re-
s nouvelées les dittes lettres par les dis rois et dus
a et leurs successeurs, dux de Giane et contes de
« Pontieu et de Moustruel, toutes les fois que le roi 36
« d'Engleterre, dus de Giane, et ses successeurs, dux
« de Giane et contes de Pontieu et de Moustruel, qui
« seront pour le temps, enteront en l'oromage dou
« roy de France, et de ses successeurs, rob de France,
a En tiesmoing des quèles coses, à cestes nos avons 30
a Btit mettre nostre grant seel. Données à Eltem, le
s trentisme jour de maix; mil trois cens et trente. »
;vGoo»^lc
100 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1331]
Ces lettres raportèrent en France U dessus nom-
met sîgneur, quant il se départirent d'Engleterre, et
il eurent le congiet dou roy; et les baillièrent au roy
de France, qui tantost Ie[s] tist porter à se cancelerie,
5 et mettre en garde, avoec ses plus especiaulz ooses,
à le oautèle dou temps à venir. Nous nos soufferons
à parler dou roy d'Engleterre un petit, et parlerons
d'aucunes aventures qui avinrent en France.
§ 48. Li homs del monde, qui plus aida le roy
iD Phelîppe à parvenir à le couronne de France, ce fu
messires Robers d'Artois, qui estoit li uns des plus
haus barons de France, le mieus linagiés et estrais
des royaus. Et avoit à femme la sereur germainne
dou dit roy Phelippe. Et avoit toutdis esté ses plus
15 especiaulz compains et amis en tous estas. Et (ii,
bien l'espasse de trois ans, que en France estoit tout
fitit par lui, et sans lui n'esloit riens fait. Apriès,
avint que ti rois Phelippes emprist et acqueilla ce
monsigneur Robert d'Artois en si grjnt hayne, en
20 i'ocquison d'un plait qui esmeus estoit devant lui,
dont la conté d'Artois estoit cause, que li dis messi-
res Robers voloit avoir gaagnié, par le vertu d'une
lettre que messires Robers mîst avant, qui n'estoit
mies bien vraie, si com on disoit, que, se li dis rois
25 Feuist tenu en son air, il l'euist &it morir sans nul
remède. Et comment que li dis messires Robers fust
li plus proçains de linage et d'amour à tous les haus
barons de France, et seroui^;es au dit roy, se li con-
vint il vuidier France, et venir à Namur dalés le jone
30 conte Jehan , son neveu, et ses frères, qui estoient
enfant de sa sereur. Quant il fu partis de France, et
;vGoo»^lc
[1331] LIVRE PREUIKR, § iS. 101
li rois Tei que il ne le poroit tenir, pour miex inous-
trer que la besongne lî touchoit, il iist prendre sa
suer, qui estoit femme au dit monsigaeur Robert et
ses deus fîlz, ses neveus Jehan et Charle; si les fist
mettre en prison bien estroitement, et jura que ja- 5
mais n'en isteroient, tant qu'il viveroit. Et bien tint
ce sieremeot, car onques de puis, pour personne
qui en parlast, il n'en vuidièrent, dont il en fii de
puis moult blasmés en derrière.
Quant li dis rois de France sceut de certain et fu lo
enfourmés que messires Robers d'Artois estoit arres-
tés à Namur dalés ses sereurs et ses neveus, il en fu
moult courouciés. Et eovoia caudement devers l'e-
vesque Aoulz de Liège, en priant qu'il defBast et
guerriast le conte de Namur, se il ne mettoit huers 15
de son pays monsigneur Robert d'Artois. Cilz eves-
ques, qui moult amoit le roy de France, et qui petit
amiroit ses vosîns, manda au jone conte de Namur
que il mesist ensus de lui -son oncle, monsigneur
Robert d'Artois; aultrement il li feroit guerre. Li so
contes de Namur fu si consilliés que il mist hors de
sa terre son oncle. Ce fil moult à envis, mais faire li
couvenoit ou pis attendre.
Quant messires Robers d'Artois se vei en ce parti,
si fu moult angousseus de coer, et se avisa que il ss
iroit en Braibant, pour tant que li dus, ses cousins,
estoit si poissans que bimi le soustenroit. Si vint de-
vers le duch, son cousin, qui le reçut moult liement,
et le reconforta de ses destourbiers. Li rois le sceut,
si envoia tantost messages au dit duch, et li manda 30
que, se il soustenoit ou souffrait à demorer ne à re-
pairier en sa tetre monsigneur Robert d'Artois, il
;vGoo»^lc
102 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1332]
n'aroit pieur ennemit de lui, et le greveroit et por-
teroit damage en toutes les guises qu'il poroit. li
dus ne le volt ou n'osa plus soustenir ouvertement
en son pooir, pour doubtance que de avoir et ac-
5 querre le hayne dou dit roy de France. Ains l'envoia
couvertement tenir en Ai^^entoel, jusques à tant que
on verroit comment li rois s*en maintenroit.
Li rois le sceut, qui par tout avoit ses espies; s'en
eut grant despit. Si poureaça tant, en moult brief
10 temps, que U rois de Behagne, qui estoit cousins
germains au dit duc, li evesques de Li^, li arce-
vesques de Couïongne, li dus de Guéries, li marcfais
de Jullers, li contes de Bar, li contes de Los, li sires
de Faukemont, et pluiseur aultre signeur furent tout
li alloiiet contre le dit duch, et le deffiièrent tout, au
pourcach et requeste del dessus dit roy. Et entrèrent
tantost en son pays parmi Hesbaing, et en alèrent
droit à Hanut. Et ardirent à leur volenté par deus
fois, demorant ens ou pays, tant que bon leur sam-
30 bla. Et envoia avoech yaus li dis rois le conte d'Eu,
son conneslable, à tout grant comp^nie de gens
d'armes, pour miex moustrer que la besongne estoit
sienne, et faite à son pouroach, et tout ardant stm
pays.
3a Si en couvint le conte GuilIaiune de Haynau en-
sonniier; et envoia ma dame sa femme, sereur au
roy Phelippe, et le signeur de Byaumont, son frère,
en France, par devers le dit roy, pour impetr» une
souffrance et une Iriewe de lui, d'une part, et dou
30 duch de Braibant, d'autre part. Trop à envis et à
dur y descend! le roy de France, tant avoîl il pris la
cose en grant despit. Toutes fois, à le priière dou
;vGoo»^Fc
t133tl UVRE PRElflER, $ 49. 103
conte de Haynau^ son serourge, li rois s'muelia et
donna et acorda triewes au duch de Bratbant, panni
tant que li dus se mist dou tout en l'ordenance dou
propre roy de France et de son conseil, de tout ce
qu'il avoit à faire au roy et à çascun de ces signeurs 5
qui deffiiet l'avoient. Et devoit mettre, dedens un
certain jour, qui nommés y estoit, monsigneur Ro-
bert d'Artois hors de sa terre et de son pooir, si com
il fist moult à envis; mais îivre li couvint, ou autre-
ment il euist eu trop forte gu^re de tous costés, si lo
com il estoit apparans : si ques, entrues que cil
toueillemmt et ces besongnes se portoient, ensi que
vous oés recorder, li rois englès eut nouvel conseil
de guerriier le roy d'Escoce, son serourge, je vous
dirai à quel title. IS
§ 49. Vous avés bien oy recorder chi dessus de le
guerre le roy Robert d'Escoce et dou roy d'Engle-
tétre, et comment unes triewes furent prises à durer
trois ans, là en dedens cilz rois Rob<»s morut ; en
aprïès, dou mariage qui fîi &is de la serour au roi 30
englès et dou fil ce roy Robert, qui fu rois d'Escoce
apriès le mort de son père, et le clamoit on le roy
David. Le temps que ces triewes durèrent, et encores
un an de puis ou environ, furent li Englès et li Es-
cot bien à pais, ohe que on n'avoit point veu en de- 25
vant, passet avoit deus c«is ans, qu'il ne se fuissent
guerriiet et heriiet.
Or, avint que li jones rois d'Engleterre fa infour-
més que li rois d'Escoce, ses seroui^esj estoit saisis
de le bonne cité de Bervich, qui devoit estre de son 30
royaume, et que li rois Edouwars, ses taions, Tavoit
;vGoo»^lc
lOi CHRONIQUES DE J. FAOISSART. [133tJ
tous jours tenue paisevlement et francemeDt, et ses
pères aprîès, un grant temps. £t fu infourmés que li
royalmes d'Ëscoce mouvoit en fief de lui, et que ti
Jones rois d'Escoce, ses serourges, ne t'avoit encores
5 relevet ne feit hommage. Il en ot indignation, et eU'
voia assés tost apriès grans messages et soufiissans au
jone roy David, son seroui^e, et à son conseil. Et li
fist requ^re que il vosist osier se main de le bonne
cité de Bervich et lui resaisir, car c'estoit ses bons
10 hiretages, et avoit tous jours esté ses ancisseurs rois
d'Engleterre ; et qu'il venist à lui, pour foire hom-
mage del royaulme d'Ëscoce, qu'il devoit tenir de
lui en fief.
Li Jones rois David se consilk à ses barons et à
li chiaus de son pays, par grant délibération de con-
seil. £t quant il fîi assés consilliés sour ces requestes,
il respondi as messages et dist : « Sîgneur, jou et
tout mi baron nous mervillons durement de ce que
TOUS nous requerés, de par le roy nostre serout^e.
20 Car nous ne trouvons mies à nos anciiens, ne ne te-
nons que H royaumes d'Escoce soit de riens subgès
ne doit estre au roy d'Engleterre, ne par hommage,
ne autrement. Ne onques messires U rois, nos pères,
de bonne memore, n'en volt faire hommage à ses
35 ancisseurs, rois d'Engleterre, pour guerre que ou l'en
fesist. Ossi, n'ai jou point conseil ne volenté dou
faire. En apriès, nos pères, li rois Robers conquist
la cité de Bervich, par droite guerre, sur le roy son
pèi^e, et le obtint comme son bon hyrelage, tout le
30 cours de se vie. Et ossi le pense jou bien à tenir, et
en ferai mon pooir. Si vous requier que vous voellïés
pi-iier au roi, oui sereur nous avons, qu'il nous voelle
;vGoo»^lc
[1333] LIVRE PREMIER, g SO. 105
laissier en oelle franchise que no devantrain ont esté,
et goïr de ce que U rois, nos pèr^, conquist et main-
tint toute se vie paisievlement, et que encontre oe
ne voelle croire nul mauvais conseil. Car, se uns
aultres nous voloit Ëiire tort, si nous deveroit il ai- s
dier à deffendre, pour l'amour de sa sereur oui nous
avons à femme. > Li message respondirent : « Sire,
nous avons bien entendu vostiv response. Si le re-
porterons volentiers à nostre signeur le roy, en tel
manière que dit l'avés. » Puis prisent cong^et, et 1<)
revinrent arrière à leur signeur, le roy d'Engleterre,
et à son conseil. Si reoordèrent toutes tes paroUes
que li Jones rois d'Escoce avoit respondu à leur re-
queste. Li quels rapors ne plaisi mies bien au roy
Edowrart, ne à son conseil. Ains fist mander à Lon- i!>
dres, au jour de Parlement, tous les barons, cheva-
liers et consaulz des bonnes villes de son royalme,
pour avoir sur ce conseil et meure délibération.
Ce terme pendant, vint messires Robers d'Artois
en Engleterre, à guise de marcheant, qui estoit de- 30
caciés don roy Phelippe de France, si com vous avés
oy. Et li avoit li dus de Braibant, ses cousins, con-
seilliet qu'il se traisist celle part, ou cas qu'il ne
pooit nulle part demorer paisievlement en France,
ne en l'Empire. Si le rechut li jones rois englès lie- 35
ment, et le retint volentiers dalés lui et de son con-
seil. Et li assena le conlé de Ricemont, qui avoit esté
ses ancisseurs. Or me retrairai as dessus dis Parle-
mens, qui furent à Londres, sus l' estât dou royaume
d'Escoee. ^
$ 50. Quant iî jours de Parlement approça que
;vGoo»^lc
106 CHRONIQUES DE J. FROISSiUlT. [1333}
li rois englès avoit establi, et tous li pays fti assam-
blés au mandement le roy à Londres, 11 rois leur fist
demoustrer comment il avoit fiiit requerre au roy
d'Ësooce^ son seroiu^e, que il vosist oster se main
K de le cité de Berrich qu'il detenoit à tort, et qu'il
vosist venir faire hommage à lui de son royalmo
d'Escoce, ensi qu'il devoit ; et comment li rois d'£s-
coce avoit respondu à ses messages. Si pria à tous
que cescuns le volsist sour ce si oonsillier que sen
10 honneur y Aist gardée. Tout li baron, li chevaUer,
li oonsaukï des cités et des bonnes villes, et tous II
communs pa^ se oonsillièrent sur çou et raportérent
leur conseil, tout d'un acord. Li quelz consaulz îa
tek que il leur sambloit que U rois ne pooit plus
15 pcNrter par honneur les tors que li rois d'Ëscoce li
feisoit, Ains conseillièrent que il se pourveist si ef-
forciement, qu'il peuist entrer ou royaume d'Ëscoce
si poissamment, que il peuist ravoir la bonne cité
de Bervio, et qu'il peuist si constraindre le roy d'Es-
30 ooce qu'il fust tous joians, quant il poroit venir à son
hommage et à satis&tion. Et disent qu'il estoient tout
désirant de aler avoech lui, à son commandement.
IJ rois Edowars fu moult joians de celle response,
car il veoit le bonne volenté de ses gens. Sî les en
95 regratia moult grandement, et leur pria que cescuns
fust apparilliés selonch son estât, et fuissent à un
jour, qui adonc fti nommés, droità Noef Chastiel sur
Thio, pour aler reconquerre les droitures apertenans
à son royaulme d'Ëngleterre. Cescuns se haban-
30 donna à celle requeste, et en rala en soo lieu pour
lui pourveir, selonch son estât. Et li rois se tist pour-
veir et apparitlier si souflissamment que à tèle be-
;vGoo»^lc
[1333] LIVRE PREMIGH, S ^*- 107
songne apertient. Si envoia encores aultres messages
à son dit serourge, pour lui souffissamment sommer,
et apriès pour deffiier, se il n'esloit aultremeot oon-
silliés.
§ 51. Li jours qui dénommés estoit approça; et 5
vint H rois Ëdouwars, à tout son host, au Noef
Chastiel sour Thin. Si attend! par trois jours ses gens
qui venoient en siewant l'ost. Au quart jour, il s*en
parti et s'en ala à toute son hosi par devers Ëscooe,
et passa la terre le signeur de Persi et oesti de Noef- lo
ville, (jii sont doî grant baron de Northombrelande,
et marcissent as Escos. Et ossi font li sires de Ros,
li sires de Lusi et li sires de Montbrai. Si se traist li
rois englès, et toute son host, par devers le cité de
Bervich. Car lï rois d'Escoce n'avoit volut respondre is
aultranent as secons messages qu'il avoit fait as pre-
miers, si qu'il estoit souflissamment sommés et def-
fiiés.
Tant esploita 11 rois englès, à toute son grant host,
qu'il entra en Escoce, et passa le rivière qui départ 20
Escoce et Engleterre ; et n'eut mies adonc conseil de
lui arrester devant Bervich, mais de chevaucier avant
et ardoir et exiUier le pays, si com ses taions avoit
Élit jadis. Si esploita tant en ceste cevaucie qu'il
foula grandement toute le plainne Escoce, et ardi et 25
exilla moult de villes fremées de fossés et de palis,
et prist le fort chastiel de Haindebourch, et y mist
gens et gardiens de par lui, et passa le seconde ri-
vière d'Escoce desous Struvelin. Et coururent ses
gens tout le pays de là environ, jusques à Saînt-Je- 30
hans-ton, et jusques en Ahredane. Et ardirent et
;vGoo»^lc
108 CHRONIQUES DE J. PROISSilRT. [1333}
exillièrent le bonne ville de Donfremelin, mais il ne
Gsent nul damage villain à Tabbeye, car li rois le
deffendi. Et conquisent tout le pays jusques à Don-
dieu et jusques à Dubretan, un très fort chastiel, sus
5 le marée de le sauvage Esooce, où It rois estoit re-
très et li royne d'Escoce, sa femme. Ne nulz n'aloil
au devant des Ënglès, mais s'estoient mis et retret
tout dedens les forés de Gedours, qui sont inhabita-
bles pour chiaus qui ne eognoissent le pays. El
10 avoient là attrait tout le leur et mis à sauveté, et ne
faisoient compte dou demorant.
Che n'estoit mies merveilles s*il estoient esbahi,
et s'il fuioient devant tes Englès. Car il n'avoient nul
bon chapitainne ne sage guerrieur, si com il avoient
15 eu dou temps passé. Premièrement, Il rois David,
leurs sires, estoit jones en l'eage de quinze ou de
seize ans, li contes de Moret encores plus jones, et
uns damoisiaus qui s'appelloit Guillaumes de Dou-
glas, neveus à celui qui estoit demorés en Espagne,
30 de cel eage : si ques li pays et II royaumes d'Escoce
estoit tous despourveus de bon conseil, pour aler ne
résister contre les Englès, qui adonc estoient si pois-
samment entré en Escoce. Pour quoi, toute li plainne
Escoce fil courue, arse et gastée, et pluiseurs bons
35 chastiaus pris et conquis, et que li rois englès retint
pour lui. Et s'avisa que par chiaus il guerrieroit le
remanant, et constraind^xiit ses ennemis dou leur
meismes.
S 52. Quant li rois englès eut esté et sejounié,
30 couru et chevaucié le plainne Escoce, et arresté ou
pays le terme de sis mois et de plus, et il vit que
:,Goo»^lc
[1333] LIVRE PREMIER, § 9S. 109
nuk ne venoit contre lui pour veer sent emprise, il
se retraist tout ]3ellement par devers Bervich. Mes, à
son retour, il conquist et gaegna le chastiel de Dal-
quest, qui est de Thiretage le conte de Douglas, et
siet à cinq liewes de Haindebourch ; et y ordonna b
ohastellain et bonnes gardes [tour le garder. Et puis
chevauça à petites journées, et fîst tant qu'il s'en re-
vint devant le bonne et le forte cité de Bervich, qui
est à l'entrée d*Ëscoce, et à l'issue dou royaume de
Northombrelande. Si le assega et environna li rois lo
de tous poins, et dist que jamais n'en partiroit, si
l'aroit à se volenté non, se li rois d'Escoce ne le ve-
noit combatre et lever par force.
Si se tint U li rois un grant temps devant Bervich,
ançois qu'il le peuist avoir, car la cité est -durement is
forte, et bien fremée, et environnée d'un lés d'un
brach de mer. £t se y avoit dedens bonnes gens en gar-
nison de par le roy d'Escoce, pour le garder et deffen-
drc et consillier les bourgois de le cité. Si vous di
qu'il y eut par devant Bervich, le terme pendant que 30
li rois englès y sist, maint assaut, maint hustin et
mainte dure escarmuce et priés que tous les jours,
et mainte apertise d'armes faite. Car, cil de dedens
cuidoient toutdis estre aidié et conforté, mais nulz
upparans n'en fu. Si en est ventés que aucun preu ss
chevalier et bacheler d'Escoce chevauçoient à le fois,
et venoient par vesprées et par ajoumemens resvil-
lier t'ost as Englès, mais petit y faisoient. Car li hos
le roy englès estoit si soufiissamment bien gardée et
escai^tie, et par si bonne manière, et si grant avis, 30
que li Escot n'i pooient entrer, fors à leur damage,
et y perdoient souvent de leurs gens.
;vGoo»^lc
110 CHRONIQUES DE J. FROISSÀRT. [1333]
Quant oil de Bervich veirent que il ne seroient se-
couru ne conforté de nul costé, et ossi que U rois
engtès ne partiroit point de là s'en aroit eu se vo-
lentéj et que vivre leur amenrissoient, et leur es-
& toient clos li pas de mer et de terre, par quoi nulz
ne lenr en pooit venir, si se commenoièrent à aviser,
et envoiièrent devers te roy englès trettier que il leur
volsist donner et acorder une triewe, à durer un
mois; et se, dedens ce mois, U rois David leurs si-
lo res, ou aultres pour lui, ne venoit là si fors que il
levast le siège, il renderoient le cité, salve leurs corps
et leurs biens; et c[ue li saudoiier qui dedens estoient
s'en peuissent aler, s'il voloient, en leur pays d'Es-
eoce, sans recevoir point de damage.
15 Li rois englès et ses consaulz entendirent à ces
Irettiés; et ne furent mies si tost acordé, car li rois
englès les voloit avoir simplement pour feire des au-
cuns se volenté, pour tant qu'il s'estoient tant tenu
contre lui. Mais finabtement il se laissa à dire par le
20 bon avis et conseil qu'il eut de ses hommes. Et ossi
messires Robers d'Artois y rendi grant painne, qui
avoit esté en ces chevaucies toutdis avoech lui, et
qui li avoit jà dit et demoustré, par pluiseurs clères
voies, oom proçains il estoit de le couronne de
35 France, dont U se devoit tenir hiretiers, par le sue-
cession de monsigneur Charlon le roy, son oncle,
daarrainnement trespasset. Si veist volontiers U dis
messires Robers que li rois englès esmeuist guerre as
François, pour lui contrevengier des despis que on
30 li avoit Ëiis, et que li rois englès se fust partis d'Es-
coce, à quel mesebief que ce fust, et retrais vers
Londres : si ques ces parolles et pluiseurs aultres en-
;vGoo»^lc
[1333J UVaS PaËHiER, $ Ht. iU
clioèrent grandemeot le roy à çou que àlz trettiés ,
de Bervich se passa. Et furent les triewes acordées
de chiaus de dehors à chîaus de dedens, le mois tout
acompli. Et le segaefîèrent cil de Bervioh à chiaus
de leur costé bien et à point, au roi d'Escooe, leur s
signeur, et à son conseil, qui ne peurent veoir ne
imaginer voie ne tour qu'il fuissent fort pour com-
batre le roy englès ne lever le siège.
Si demora la cose en cel estât, et fti la cité de
Bervich rendue, au chief dou mois, au roy englès, lo
et os» li chastiaus, qui est moult biaus et moult
fors, au dehors de le cité. Et en prisent li mareschal
de l'bost le saisine et le possession, de par te roy
englès. Et vinrent li bourgois de le cité en l'est &ire
hommage et feaulté au dit roy, et jurèrent et reoo- li
gneurent à tenir le cité de Bervich de lui. Apriès, y
entra li rois à grant solennité de trompes et de na-
kaires; et y séjourna de puis douze jours, et y or-
donna un bon chevalier à gardiien et à souverain,
qui s'appelloit messlres Edouwars de Bailluel. Et 30
quant il se parti de Bervich, il laissa avoecques le dit
chevalier pluiseurs jones chevaliers et escuiers, et
pour aidier à garder le terre conquise sus les Escos,
et les frontières de celui pays.
Si s'en retourna li rois vers Londres, et donna à S5
toutes manières de [gens'] congiet, et s'en râla ces-
cuns en son lieu. Et il meismes s'en revint à Win-
desore, où le plus volentiers se tenoit, et messires
Robers d'Artois dalés lui, qui ne cessoit nuit ne
jour de lui remoustrer quel droit il avoit à le cou- 30
1. Hi. de Gaigni^Ki, P> 26 v> . — M*. 6h77, f 39 (Ucune).
;vGoo»^lc
Iti OHaONlQUES DE ]. FROISSART. [1333]
ronne de France. Et li rois y entendoil volen-
§ 53. Ensi ala en ce temps de le chevaucie le roy
englès sus les Escos. Il gasta et exilla le plus grant par-
5 tîe de leur pays. Et y pris! plulseurs fors chastiaus,
que ses gens obtinrent sus les Escos de puis ua grant
temps, et principaument le bonne cité de Bervich.
Et estoient demoret de par le roy englès, pour tenir
les frontières, pluiseur apert bacheler, cbevalier et
10 escuier, entre les quelz messires Guillaumes de Moa-
tagut et messires Gautîers de Mauni en font bien à
i-amentevoir. Car, de le partie des Englès, cil doi
en avoient toute le huée; et feisoient souvent sus les
Escos des hardies emprises, des belles chevaucies,
15 des meslées et des hustins. Et par usage, le plus il
gn^noient sus yaus, dont il acquisent grant grasce
devers le roy et les barons d'Engleten-e.
Et pour mieus avoir leur entrées et leurs issues en
Escoce et à mestriier le pays, messires Guillaumes
30 de Montagut, qui fu appers, hardis et entreprendans
chevaliers, durement fortelia le bastide de Hose-
bourch, sus le marce d'Escoce, et en Bst un bon
chastiel, pour tenir et defièndre contre tout homme.
De quoi li rois englès li sceut grant gré, et acquist
35 si grant renommée et si grant grasce en ces entrepre-
sures, dou roy Edowart, que U rois le fist conte de
Salbrin, et le maria moult hautement et très noble-
ment. Ossi 6st messires Gautiers de Mauni, qui de-
vînt en ces chevaucies chevaliers, et fu retenus dou
30 plus secret conseil le roi, et moult avanciés en se
court. El fist de puis li dis messires Gautiers tant de
;vGoo»^lc
[1333] UVAE PItEMIER, § 93. H3
belles appertises et de grans &is d'armes, si eom
vous orés avant en Tystore, que 11 livres est moult
renlumiués de ses proèces.
Pien est voÎTS que aucun preu chevalier d'Escoce
£ùsoient souvent anoi as Englès, et se tenoient tout- 5
dis par devers le sauvage Escoce, entre grans mares
et grandes hautes forés, là nuls ne les pooit siewir.
Et sievoient à le fois les Englès de si priés que tous
les jours y avoit puigneis ou hustin. Et toutdis mes-
sires Guillaumes de Montagut et messires Gautiers de 10
Mauni, adonc nouviel chevalier, y estoient renommé
pour les miex faisans et les pins enventureus. E)t y
pierdi à ces hustins et puigneis li dis messires Guil-
laumes, qui estoit hardis et durs chevaliers mervit-
leusement, un oel, par ses hardies emprises. îs
En ces grans mares et en ces grans forés, là où cil
signeur d'Escoce se tenoient, s'estoit jadis H prens
rois Robers d'Escoce tenus par pluiseurs fois, quant
li rois Edouwars, taions à celui dont nous parlons
présentement, l'avoit desconfit, et conquis tout le 20
royaume d'Escoche. Et pluiseurs fois fu il si menés
et si decaciés qu'il ne trouvoit aullui qui l'osast her-
b^ier, ne soustenir en chastiel ne en forterèce, pour
le doubtance de ce roy Ëdouwart, qui avoit si net-
tement conqub toute ^coce qu'il n'i avoit ville, 25
chastiel ne forterèce qui n'obeisist à lui. Et quant
cilz rois Edouwars estoit arrière revenus en Engle-
terre, chilz preus rois Robers rassambloit gens d'ar-
mes, quèle part que il les pooit trouver, et recon-
queroit tous ses chastiaus, ses forteréces et ses bonnes 30
villes jusques à Bervich,'Ies unes par force et par
bataille, et les aultres par biaus parlers et par amours.
;vGoo»^C
m CUflONIQUBS DK J. FftOlSSART. [1336]
Et i^ant H rois Edouwars le savoit^ il en avoit graot
despitj et faisoit tantost semonre ses os, et ne cessoit
jusques à tant qu'il Tavoit de rechief desconBt, et
reconquis le royaulme d'Escoce eomine devant.
5 Ensi avint entre ces deus rois, si comme jou ay
oy recorder, que cilz rois Robers reconquist son
royaume, par cinq fois. Et ensi se maintinrent cil
doi roy, que on tenoit à leur temps pour les deus
plus preus del monde, tant que li bons rois Edowars
10 fil trespassés, et trespassa en le bone cité de Ber-
vich. Et avant qu'il morut, il iist appeller son ainnet
fil, qui fu rois apriès lui, par devant tous ses hom-
mes. Et li fist jurer sus Sains que, si tost qu'il serait
trespassés, il le feroit boulir en une caudière, tant
is que li char se partiroit des os, et feroit le char met-
tre en terre et garderoit les os. Et toutes fois que li
. Ëscot reveleroient contre lui, il semonroit ses gens
et assambleroit et porteroit avoech lui les os de son
père. Car il tenoit fermement que, tant qu'il aroit
2D ces os avoech lui, U Escot n'aroîent point victore
contre lui. Li quels ne acopapli mies che qu'il avdit
juret. Ains fist son père raporter à Londres, et là en-
sepelir contre son sierement. Pour quoi il li meschei
de puis en piuiseurs manières, si com vous avés oy,
25 et premièrement à le bataille de Siruvelin, là où li
Escot eurent victore contre lui.
§ 54. Apriès ce que li jones rois d'Engleterre eut
&it hommage au roy Phelippe de France, de le conté
de Pontieu et de tout ce qu'il li apertenoit à faire,
30 eut li dis rois Phelippes grasee et dévotion de venir
veoir le Saint Père pape Benedie, qui pour le temps
;vGoo»^lc
[1336] LIVRE PREMIER, § S*. IIS
r^noit et se tenoit en Avignon, et de viseter une
partie de son royaulme, pour lui déduire et esbatre,
et pour aprendre à cognoistre ses cités, ses villes et
se» cbastiaus, et les nobles de son royaume. Si fîst
faire en celle istance ses pourveances grandes et 5
grosses, et se parti de Paris en très grant arroi, le
roi de Behagne et le roi de Navare en se compagnie,
et ossi grant fuison de dus, de contes et de s^neurs,
car il tenoit grant estât et estoffet, et faïsoit grans li>
vrées et grans despens. Si chevauça li rois ensi parmi lo
Boui^ngne, et fist tant par ses petites journées qu'il
vint en Avignon, où il fii moult solennelment reoeus
dou Saint Père et de tout le Collège, et l'onnourèrent
dou plus qu'il peurent. Et fu de puis grant tenne là
environ avoech le pape et les cardinauls, et se lo- 15
goit à Ville Nove dehors Avignon. Si vint li roisd'Ar-
ragon en ce meisme temps ossi en court de Romme,
pour lui veoir et festiier. Si y eut grans festcs et
grans solennités à leurs approcemens et à leurs as-
samblées. Et lurent là tout le quaresme ensievant. 30
Donc il avint que certainnes nouvelles vinrent en
court de Romme que li ennemi de Dieu estolent
trop fort révélé contre le Sainte Terre, et avoient
reconquis priés que tout le royaume de Rasse, et
pris le -roy qui s'estoit de son temps crestiennés, et J5
fait morir à grant martire. Et maneçoient encores li
incrédule grandement sainte Crestienlé. De ces nou-
velles fil li papes moult courouciés, ce fii bien rai-
sons, car il estoit chiés de l'Eglise, à cui tout bon
crestien se doivent ralloiier. Si preeça, le jour dou 3or
Saint Venredi, présent les rois dessus nommés, le
digne sou£france de Nostre Signeur, et euhorta et re-
;vGoo»^lc
116 CHRONIQUES DK J. FHOISSART. [1836]
moustra grandement le croîs à prendre et encai^ier,
pour aler sus les ennemis de Dieu. Et si humblement
fourma se predicacion, que li rois de France, meus
en graot pité> prist là le crois, et requist au SaÎAt
5 Père qu'il li volsîst acorder. Adonc li papes Benedic,
qui vit le bonne vol^ité dou roy de France, li acorda
benignement et le confirma, par condition que il
absoloit de painne et de coupe vrais confès et vrais
repentans, le roi de France premièrement, et tous
10 chiaus qui avoech lui iroient en ce saint volage.
Adonc, par grant dévotion, et pour l'amour dmi roi,
et lui tenir compagnie en ce pèlerinage, li rois Char-
les de Behagne, U rois de Navare et li rois Pières
d'Arragon le prisent, et grant fuison de dus, de con-
15 tes, de barons et de chevaliers qui là estoient, et
ossi quatre cardinal, li cardinaulz Blans, h cardinaus
de Naples, li cardinaulz de Pieregorth, et U cardi-
naulz d'Ostie. Si fu tantost celle crois publiie et pree-
cie par le monde, et venoit à tous signeurs à grant
30 plaisance, et especialment à chiaus qui voloient le
tamps dispenser en armes, et qui adonc ne le sa-
voient bien raisonnablement où emploiier.
Quant li rois de France et li roi dessus nommet
eurent esté un grant temps dalés le pape, et il eu-
35 rent retté et avisé et confermé le plus grant partie
de leurs besongnes, il se partirent de court, et pri-
sent congiet au Saint Père. Si s'en râla li rois d'Ar^
ragon en son pays. Et li rois de France et se com-
pagnie s'en vinrent à Montpellier, et là furent il
30 un grant tamps. Et fist adonc U rois Phelippes une
pais, de grant hayne qui se mouvoit entre le roy
d'Arragon et le roy de Maiogres. Apriès celle pais
;vGoo»^lc
[13S6] LintE HtEMIEB, $ S5. ilT
fidte, il s'en retourna en France à petites journées et
as grans despens, visetaot ses cités, ses villes, ses
chastiaus et ses forlerèces, dont il avoit sans nom-
bre; et rapassa parmi Auvei^e, parmi Berri, parmi
Biausse et parmi le Gastinob, et revint à Paris, où il &
fu l'eceus à grant feste. Adonc estoit 11 royaumes de
France gras, plains et drus, et les gens riches et pos-
sessans de grant avoir, ne on n'i savoit parler de
nulle guerre.
§ 55. Ens l'ordenance de le crois, pour aler oultre lo
mer, que li rois de France avoit empris et encai^et,
et dont il se Ëtisoit chiés, se avisèrent pluiseur si-
gneur par le monde, et l'emprisent ossi li aucun
par grant dévotion. Car li papes absoloit tous chiaus
de painne et de coupe, qui en ce saint volage iroient. 15
Si fu la ditle ctchs manifestée et preecie par le monde ;
et venoit à pluiseurs chevaliers bien à point, qui se
desiroient à avancier. Si fist li rois Phelippes, comme
chiés de ceste emprise, le plus grant et le plus Inel
apparel qui onques euist estet làis pour aler oultre SO
mer, ne dou temps Godefroi de Builton, ne d'aultre.
£t avoit retenu et mis en certains pors, c'est assavoir
de Marselle, de Aiguemortes, de Lattes, de Nerbonne
et d'environ Montpellier, tel quantité de vaissiaus,
de naves, de carrakes, de gallé[es] et de baises, que 25
pour passer et porter soissante mil hommes et leurs
pourveances. Et le fist tout le temps pourveir de
bescuit, de vins, de douce aiguë, de chars sallées, et
de toutes aultres coses neccessaires pour gens d'ar-
mes, et pour vivre, et si grant plenté que pour durer 30
trois ans, s'il besongnoit.
;vGoo»^lc
118 CHRONIQUES DE J. FROISSART. ' [i33«]
Et envoia encores U dis rois de France grans mes*
sages par devers le roy de Hongerie, qui estoit moult
vaillans homs, en lui priant que il fîist appareitliés,
et ses pays ouvers, pour recevoir les pèlerins de Dieu.
5 Cils rois de Hongerie y entendi voleatiers^ et dist
que il estoit tous pourveus et ses pays ossi, de rece-
voir le roy de France, et tous chiaus qui avoech lui
iroient. Tout en tel manière, le segneBa li rois de
France au roy de Cippre, monsigneur Huge du Lu-
10 zegnon, un vaillant roy durement, et ossi au roy de
Cecille, qui volentiers y entendirent, et se pourvei-
rent selonoh ce bien et souflissamment, à le priière
et requeste dou roy de France. Encores envoia U dis
rois devers les Venissîens, en priant et requérant
15 que leurs mètes fussent ouvertes, gardées et pour-
venes. Cil obéirent volentiers au roy de France, et
aoomplirent son commandement. Ossi lisent li Ge-
neuois et tout cil de le rivière de Gennes. Et list
li rois de France passer oultre en l'iUe de Rodes Je
20 grant prieus de France, pour aministrer vivres et
pourveances sus leurs mètes. Et fisent cil de Saint
Jehan, par acord avoech les Venissiiens, pourveir
moult soufHssamment le isle de Crète, qui est de
leur signourie. Briefinent, cescuns estoit appareilliés
25 et rebraciés de faire tout ce que bon estoit et sam-
bloit, pour recueillier les pèlerins de Dieu. Et prisent
plus de trois cens mil personnes le crois, pour aler
oultre en ce voiage.
§ 56. En ce tempore que ceste crois estoit en si
30 grant fleur de renommée^ et que on ne parloit ne
devisoit d'auUre cose, se tenoit messires Robers
;vGoo»^lc
[1337] LIVRE PREMIBR, $ M. 119
d'Artois en Engleterre, esoaciés de FraDce, dalës le
jone roy Edouwart, et avoit esté avocch lui au con-
quesl de Bervich et en pluiseurs ehevaucies d'Escoce :
si estoient nouvellement retourné en Ëngleterre. Et
eohortoit et consilloit H dis messires Robers tempre 5
et tart le roy qu'il vosist deffiier le roy de France,
qui tenoit son hyretage à grant tort. Dont li rois
englès eut pluiseurs fois conseil, par grant délibéra-
tion, à ceujz qui estoient si plus secré et especial
consilleur, comment il s'en poroit maintenir dou lo
destort que on li avoit &it dou royaume de France,
en sa jonèce, qui par droite succession de proismeté
devoit estre siens par raison, cosi que messires Ro-
bers d'Artois l'en avoit infourmet. Et l'avoient li
douze per et li baron de France donnet à monsigneur 15
Phelippe de Valois, d'acort et ensi que par jugement,
sans appeller ne adjoumer partie adverse. Si n'en
savoit li dis rois que penser, car à envis te lairoit, se
amender le pooit. Et se il le calengoit, et le débat
en esmouvoit, et on li deveoit, si com bien faire on so
poroit , et il s'en tenist tous quois, et point ne l'a-
mendoit ou son pooir n'en Êtisoit, plus que devant
blasmés en seroit. Et d'autre part, il veoit bien que,
par lui ne par le poissance de son royaume, il poroit
à mesaise mettre au desous le grant royaume de 35
France, se il n'acqueroit des signeurs poissans, en
l'Empire et d'autre part, par son or et par sou ar-
gent. Si requfflxiit souvent à ses espeoiaulz consiUeurs
qu'il li volsissent sur ce donner bon conseil et bon
avis, car sans grant conseil il n'en voloit plus avant 30
entreprendre.
A le parfin, si consilleur li respondirent d'acord
;vGoo»^lc I
122 CHRONIQUES DE J. PROISSART. [1337]
et ainsnet fil le rot d'Engleterre, s'il Iroeve en scm
conseil qu'il le voelle entreprendre. Ains U aîdo^i
de conseil et d'ayde, à mon loyal pooir. Ossï fera
Jehans, mes frères^ qui là siet, qui aultre fois l'a sier-
5 vit. Mais saci^ qu'il li feuiroit bien avoir aultre
ayde, plus forte que n'est la nostre. Car Haynaus est
uns petis pays, ce savés, ou regard dou royaume de
France; et Engleterre gist trop loing pour nous sous-
courre. » — « Certes, sire, vous npus donnés très
10 bon conseil, et nous moustrës grant amour et grant
volenté; de quoi nous vous r^rations, de par nos-
tre signeur le roy », ce respondi li evesques de Lin-
colle, pour tous les aultres. Et dist encores : « Cbiers
sires, or nous consilliés des quelz signeurs nos sires
15 se poroit mieus aidier, et des quelz il se poroit miex
fiier, par quoi nous H puissions reporter vostre con-
seil. » — «Sour l'ame de roi, respondi li contes, je
ne saroie aviser signeur si poissant, pour lui aidier
en ces besongnes, <x>nune seroit li dux de Braibant,
30 qui est ses a>ustns germains, ossi U evesques de
Liège, li dus de Guéries, qui a sa sereur à femme, li
arcevesques de Coulongne, li markis de Jullers, mes-
sires Emoulz de Bakehen, et 11 sires de Faukemont.
Ce sont cil qui plus aroient grant liiison de gens
S5 d'armes, en brief temps, que signeur que je sace en
nul pays del monde. Et si sont très bon guerrieur.
Et fineront bien, se il voellent, de huit mille ou de
dis mille armures de fier, mais que on leur doinst
de l'ai^Dt à l'avenant. Et si sont signeur et gens
30 qui gaagnent volentiers. S'il estoit ensi que li rois
mes filz vos sires euist acquis ces signeurs que je dis,
et il fiist par deçà le met, il poroit bien aler re-
:,Goo»^lc
[1337] IJVRE PREMIER, S S'- «3
querre le roy Phelippe oultre le rivi^ d'Oise et
combatre à lui. »
Cilz coDsaulz pleut grandement à ces signeurs
d*EngIeterre; puis prisent congiet au conte de Hay-
nau et à moosigneiir Jehan de Haynau, son firère. Si s
s'en râlèrent Tiers Engleterre porter au roy le conseil
qu'il avoient trouvet ou dessus dit conte et à son
frère. Quant il furent venu à Londres^ li rois leur
fist grant feste. Et i! li racontèrent tout ce qu'il
avoient trouvet au conseil et à l'avis dou gentil conte^ lO
et de monsigneur Jehan de Haynau, son irère. Dont
li rois eut grant joie et en fii grandement reconfor-
tés, quant il eut entendu tout ce que ses sires li eut
mandet et consilliet.
Or vinrent ces nouvelles en France et montepliiè- 15
rent petit à petit, que li rois englès supposoit et cn-
tendoit à avoir grant droit à le couronne de France.
Et fil U rois FheUppes enfourmés et avisés de ses
plus especiaulz et grans amis que, s'il aloit ou voiage
d'oultre mer qu'il avoit ^apris, il metteroit son so
royauhne en très grant aventure, et qu'il ne pooit
faire ne esploitïer milleur painne que de garder ses
gens et ce qui sien estoit, et dont il tenoit le posses-
sion, et qui devoit retourner à ses enfàns. Si se re-
froida grandement de celle crois emprise et preecie. 35
Et contrananda ses officiiers qui ses pourveances &i-
soient, si grandes et si grosses que merveilles seroit
à penser, jusques à tant qu'il aroit veu de quel piet
li rois englès vorroit aler avant, qui mies ne se re-
froidoit de lui pourveir et appareillier, selonch le 30
conseil c[ue si homme li avoient raporté dou conte
de Haynau, et fist, assés tost aprïès ce (pi'il furent
q,t,7edbvG00»^lc
Iti CHRONIQUES DE J. FROISS&RT. [133T]
revenu en Engleterre, ordonner et apparillier dis
chevalins banerès et quarante aultres chevaliers jo-
ncs bachelers. £t les [envoya'] à grans Irès par deçà
le mer, droit à Valeneienes, et le evesque de lin-
5 coUe, qui fu moult vaillans homs, avoec eulz, eu
cause que pour trettier à ces signeurs de l'Empire ,
que li contes de Haynau leur avoit dénommés, et
pour faire tout ce qu'il et messires Jehans, ses frè-
reSj en consilleroient. Quant il furent venu à Valen-
10 cîenes, cescuos les regardoit à grans merveilles, pour
le biel et grant estât qu'il maintenoient, sans riens
espargnier nient plus que li corps dou roy d'Engle-
terre y fust en propre personne, dont il acqueroient
grant grasce et grant renommée. Et si y avoit entre
16 yaus pluiseurs bachelers, qui avoient cescun un oel
couvert de drap, pour quoi il n'en peuist veoir. Et
disoit on que cil avoîent voet entre dames de letù'
pays, que jamais ne verroient que d'un oel jusques
adonc qu'il aroient feit aucunes proèces de leurs
30 corps ens ou royaume de France, le» quelz il ne vo-
loient mies oognoistre à cbiaus qui leur en deman-
doient. Si en avoit cescuos très grant merveilles.
Quant il furent assés festiiet et honnouret à Va-
leneienes dou conte de Haynau, de monsigneur Je-
25 han de Haynau, son frère, et des signeurs chevaliers
dou pays, et osa des bourgois et des dames de Va-
leneienes, li dis evesques de Lincolle et H plus grant
partie d'yaus se traisent par devers le duch de Brai-
bant, par le conseil dou conte dessus dit. Si les fes-
30 tia li dus assés soufHssamment, car bien le savoil
1 . Hi. de Gaignièrm, (>> 39 i». — Hi. 6477, f^ 43 i> : ■ amou. *
:,Goo»^lc
[1337] LIVIt£ PREMIER, $ 88. 12S
&âre. Et pais se accordèrent si bellement au duch
que il eut en couvent de soustenir le roy, son cou-
sin, et toutes ses gens, en son pays, car à Ëiire l'a-
voil, car c'estoit ses cousins germains : si pooit ve-
nir, et aler et demorer, armés et desarmés, toutes &
fois qu'il li plairoit. Et avoec ce il leur eut eu cou-
vent, par tout son conseil et parmi une certaine
somme de florins, que, se li rois englès, ses cousins,
voloît le roy de France deffiier souffissamment, et en-
trer à force en son royalibe, et se il pooit avoir l'a- 10
cord et Tayàc de ces signeurs d'Alemagne deseure
nommés, il le deffieroit ossi et iroit avoech lui, à
tout mille armeures de fier. Ënsi leur eut il en cou-
vent par son créance. De quoi il cancela et detria
puis assés, si com vous orés avant en Fystore. a
§ 58. Adonc fîireut cil signeur d'Engleterre moult
aise, car il leur sambla qu'il avoient moult bien be-
songnié, tant comme au duch. Si retournèrent à Va-
lencienes, et flsent, par messages et par For et l'ar-
gent le roy d'Engleterre leur signeur, tant que li dus 20
de Guéries, serourges au dit roy d'Engleterre, li mar-
kisde Jullers, pour luielpourl'arcevesquedeCoulon-
gne Walerant, son frère, et li sires de Faukemont vin-
rent àValencienes parler à yaus, par devant le conte de
Haynau, qui ne pooit mes chevaucïer ne aler, et par 35
devant monsigneur Jehan, son frère. Et esploitièrent
si bien devers yaus que, parmi grandes sommes de
florins que cescuns devoit avoir pour lui et pour ses
gens, il eurent en couvent de deffiier le roi de France,
avoech le roy englès, quant il li plairoit, et que ces- 80
cuns d'vaus le serviroit, à un certain nombre de
D,qit,zeabvG00»^lc
lie CHAONIQUBS DE J. FROISSART. [1337J
gens d'armes à hyaumes couronnés. En ce temps
parloit on de hyaumes couronnés; et ne Ëiisoient li
signeur nul compte d'aultres gens d'armes, s'il n'es-
toient à hyaumes et à timbres couronnés. Or est cilz
& estas mués maintenant; on pa|X)IIe de lances ou de
glaves et de jakes. Et vous di que cil signeur dessus
nommet eurent en couvent as geas le roy d'Engle-
terre, que il leur aideroient à aultres signeurs d'oul-
tre le Ein, qui bien avoient pooir de amener grant
10 fîiison de gens d'armes, mais que il ewissent souffis-
samment le pourquoi. Puis prisent congiet li dessus
dit signeur alemant, et en râlèrent en leur pays.
Et li signeur d'Engleterre demorèrent encores à
Valencienes et en Haynau, dalés le conte, par quel
ib conseil il ouvroient le plus. Si priièrent et envoiiè-
rent encores souffissans messages devers l'evescpe de
Liège, monsigneur Aoulz, et l'euissent volentiers at-
trait de leur partie; mais li dis evesques n'i volt on-
ques entendre, ne riens faire encontre le roi de
30 France, à cui U estoit devenus homs et entré en se
feaulté. Li rois de Behagne ne fii point priiés ne
mandés, car on savoit bien qu'il estoit si conjoins
au roi de France, par le mariage de leurs deus en-
fans, dou duc Jehan de Nonnendie, qui avoit à fem-
S5 me ma dame Bonne, fille au dessus dit roy, que
pour celle cause il ne feroit riens contre le roy de
France. Or me tairai un petit d'yaulz, et parierai
d'une aultre matère, qui à ceste se rajoindera chi
apriès.
ao $ 59. En ce temps dont jou ay parlet, avoit grant
dissention entre le conte Loeis de Flandres et les
;vGoo»^lc
[1338] LIVRE HtEMIEa, S ^9. . 127
Flamens, car il ne voloient point obéir à lui, ne à
painnes ne s'osoit il tenir en Flandres^ fors en grant
péril. Et avoit à ce donc un homme à Gand, qui
avoit estet brassères de mielz. Chilz estoit entrés en
si grant fortune et si grant grasce, que c'estoit tout 5
&it quanqu 'il voloit deviser et conmiander par toute
Flandres, de Fun des corons jusques à Tautre. Et n'i
avoit nuUui, com grans qu'il iiist, qui de riens osast
trespasser ses commandemens ne contredire. Il avoit
toutdis, apriès lui alans aval le ville de Gand, sois- lo
santé ou quatre vingt variés armés, entre les quelz
il en y avoit deus ou trois qui savoient aucuns de
ses secrès. Et quant il eocontroit un homme qu'il
avoit en souspeçon ou qu'il haioit, cilz estoit tantos
tués, car il avoit commandé à ses secrès variés et is
dit : « Silos que jou encontre un homme, et je
vous k\ un tel signe, si te tués sans déport, com
grans ne com haulz qu'il soit, sans attendre aultre
parolle. »
Ensi avenoit souvent, et en fîst en celle manière so
pluiseurs grans mestres tuer. Par quoi il estoit si
doubtés que nulz n'osoit parler contre cose qu'il vol-
sist fiiire, ne à painnes penser de lui contredire. £t
tantost que cil soissante varlet le avoient raconduit
à son hostel, cescuns aloit disner à se maison; et 95
tantost apriès disner, il revenoient devant son hostel,
et beoient en le rue, jusques adonc qu'il voloit aler
aval le rue jouer et esbatre parmi le ville; et ensi
le conduisoient jusques au souper. Et saciés que ces-
cuns de ces saudoïiers avoit, cescun jour, quatre 30
compagnons ou gros de Flandres, pour ses frès et
pour ses gages. Et les laisoit bien paiier, de sepmainne
;vGoo»^lc
ii$ * CUaONIQUES DE J. FROISSAAT. [1338]
en sepnmnne. Et ossi avoit il, par toutes les vîUes
et les chasteleries de Flandres, sei^ns et saudoiiers
à ses gages, pour faire tous ses commandemens, et
espiier et savoir s'il avoit nulle part personne qui
5 (iist rebelle à lui, ne qui desist ne enfourmast nullui
contre ses volentës. Et si tost qu'il en savoit aucuns
' * en une ville, il ne cessast jamais, si l'euist &it banir
ou Eut tuer sans déport : jà cilz ne s'en peuist gar-
der. £t meismement tous les poissans de Flandres,
10 chevaliers, escuiers et boui^is des bonnes villes,
qu'il pensoit qu'il fuissent fevourable au conte en
aucune manière, il les banissoit de Flandres, et le-
voit le moitiet de leurs revenues, et laissoit l'autre
moitiet pour le doaire et le gouvrenement de leurs
is femmes et enfans. Et cil qui eosi estoient banit, des
quelz il estoient grant foison, se tenoient à Saint-
Omer le plus, et les appelloit on les avollés ou les
oultre avollés.
Brie&nent à parler, il n'eut ontpjes en 'Flandres, ne
30 en aultre pays, conte, duch, prince, ne aultre, qui
peuist avoir un pays si à se volenté, com cilz avoit
et eut longement. Et estoit appelles Jakemars d'Ar-
tevelle. II faisoit lever les rentes, les tPnnieus,* les
winages, les droitures et toutes les revenues, que lî
S5 contes devoit avoir et qui à lui apertenoient, quèle
part que ce fîist parmi Flandres, et toutes les maleto-
tes : ai les despendoit à se volenté et en donnoit,
sans rendre nul compte. Et quant il voloit dire que
ai^ns li fàUoit, on l'en creoit par sen dit, et croire
so l'en couvenoit, car nulz n'osoit dire aicontre. Et
quant il en voloit emprunter à aucuns boui^ois sour
son paiement, il n'estoit nulz qui le osast escondire
;vGoo»^lc
[1337] LIVKE PREMIER, § 60. 129
à prester. Or voel jou retourner as messagiers d'En-
gleterre.
§ 60. Chil signeur d'Engleterre, qui estoient en-
voijet par deçà le mer, et estoient si honnourable-
ment à Valenciennes, com vous avés oy, se apensè- 5
renl entre yaus que ce seroit grans confors pour leur
signeur le roy, selonch ce qu'il voloient entrepren-
dre, se il pooient avoir l'acort des Flamens, qui
adonc estoient mal dou roy de France et dou conte,
leur droit signeiu*. Si s'en consillièrent au conte de 10
Haynau, qui leur dist que voirement seroit ce li plus
grans confors qu'il peuissent avoir. Mais il ne pooit
veir que il y peuissent pourfiter se petit non, se il
n'avoient premièrement acquis le grasce et le faveur
de celui Jakemart d'ArteveUe. Il disent qu'il en fe- 15
roient leur pooir temprement.
Assés tost apriès qou, U se partirent deValenciènes,
et s'en alèrent vers Flandres, et se départirent en
trois, ne sai, en quatre routes, s'en alèrent partie à
Bruges, partie à Ippre, et li plus granl partie à Gand, îo
et tout despendant si largement qu'il sambloit que
argens leur pleuist des nues. Et queroient acord par
tout, et pnmmetoienr as uns et as aultres, là où on
les consilloit, et où il creoient miex emploiier, pour
parvenir à leur entente. Toutes voies, li evesques de ss
LincoUe et se compagnie, qui alèrent à Gand, usent
tant, par biel parler et autrement, qu'il eurent l'a-
cord, l'acoiotance et l'amisté de Jakemart d'Arte-
velle, et grant grasce en le ville, et meismement
d'un vaillant chevalier anciien, qui volentiers démo- 30
roit à Gand, et y estoit durement amés. Si le appel-
I — 9
:,Goo»^lc
130 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
loit [on*] monsigneur le Courtrisien, et estoit cheva-
liers banerès, et le tenoît on pour le plus prea che-
valier de Flandres, et pour le plus vaillant homme,
et qui le plus hardiement avoit toutdis servi ses si-
5 gneurs.
Cilz sires Courtrissiens compagnoit et honnouroit
durement ces signeurs d'Engleterre, ensi que vaillant
homme doienl toutdis honnourer estragnes cheva-
liers, à leur pooir. Mais il en eut, au darrain, mau-
10 vais loiier. Car il en fu' accusés de celle honneur
qu'il Êiisoit as Englès, envîers le roy de France, si
ques li rois commanda très estroitement au dit conte
de Flandres qu'il fesist tant, comment que ce fiist,
qu'il ewist le dessus dit chevalier, se tant l'amoit, et
Id qu'il li fesist coper le tieste. Li contes, qui n'osa
trespasser le commaQdemeat le roy, ains fîst tant,
je ne sai comment ce fu, que li sires G>urtrisiens
vint là où li contes le manda. Si fîi tantost pris et
tantost decolés. De quoi moult de gens furent dure-
20 ment dolant de pitié, car il estoit moult amés et
honnourés ou pays, et en seurent moult mal gret au
conte.
Tant esploitièrent cil signeur d'Engleterre en Flan-
dres, que cilz Jakemars d'Artevelle mist ptuiseurs
35 fois les consaulz des bonnes villes ensamble, pour
parler de le besongne que cil signeur d'Engleterre
queroient, et des franchises et amistés qu'il leur of-
1. m. de Mouchy-NoaUle», ^ 30 V. — M». 6(i77, t» 46 (lacune).
2. Ma. 6477, F° 46 : f Tu a aoentà. • — Les leçon» de |diuieiin
boiu niM., notamment du m», de Gajgnières, f^ 30 vo, du mt. 3641,
[* 31 T» et du ms. de BeMn^on, P> 33, antoriieiit à luppriner ce ti qui
e une ligue plui bai dut» li qtàti.
jvGooi^lc
[1337] UVRE PREMIER, $ 60. 131
fraient de par le roi d'Ëngleterre leur sigDeuTj sans
cui terre et acord il ne se pooîent bonnement
longement chevir. £t tant parlementèrent ensamble
qu'il furent d'acort en tel manière^ qu'il piaisoit
bien à tous le consaulz de Flandres que li rois en- 5
glès et toutes ses gens pooient bien venir et aler, à
gens d'armes et autrement, par toute Flandres^ ensi
qu'il li plairoit. Mais il estoient si fortement obligiet
envers le roy de France qu'il ne le poroient grever
ne entrer en son royalme, qu'il ne fuissent attaint lo
de une si grande soutfae de florins, que à grant ma-
laise en poroient il fîner. Et leur priièrent que ce
leur volsist souffire jusques à une aultre fois. Ces res-
ponses et cil esploit souffirent adono assës à ces sî-
gneiu^ d'Ëngleterre, puis s'en revinrent arrière à 15
Valenciènes, à grant joie. Et souvent envoioieutaleurs
messages devers le roi, leur signeur, et li signefîoient
ce qu'il avoient besongniet. Et li rois leur renvoioit
grant or et grant aident, pour palier leurs frais, et
pour départir à ces signeurs d'Âlemagae, qui ne 20
convoitoient aultre cose.
En ce temps, trespassa de ce siècle li gentîb con-
tes Guillaumes de Haynau, sept jours ou mois de
juing, l'an de grasce mil trois cens trente sept. Si (a
ensepelis as Cordeliers, à Valenciènes; et li fist on là as
son obsèque. Et chanta le messe li evesques Guil-
laumes de Cambrai. Si y eut grant fiiison de dus, de
contes et de barons, ce fu bien raisons, car il estoit
grandement amé et renommés de tous. Apriès son
trespas, se traist à le conté de Haynau, de Hollandes ao
et de Zelandes, messires Guillaumes, ses fîlz, qui
eut à femme la Clle au duch Jehan de Braibant. Et
;vGoo»^lc
131 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
fil ceste dame, qui s'appelloit Jehane, doée de le
terre de Binch, qui est un moult biaus hirelages et
pour6tables. Et ma dame Jehane de Vallois, sa mère,
s'en vint demorer à Fontenielles sus Escaut, et là
s usa sa vie comme bonne et dévote en le ditte ab-
beye, et y Bst moult de biens.
$ 61 . De toutes ces devises et ces ordenances> ensi
com elles se portoient et estendoient, et des confors
et des alliances que 11 rois englès acqueroit par deçà
10 le mer, tant en l'Empire comme ailleurs, estoit li
rois Phelippes tous infourmés ; et euist volentlers
veu que li contes de Flandres se fust tenus en son
pays et euist attrais ses gens à son acord. Mes cilz
Jakemars d'Artevelle avoît jà si sourmonté toutes ma-
is nières de gens en Flandres que nulz n'osoit contre-
dire' à ses oppinions, meïsmement li contes, leurs
sires, ne s'i osoit clerement tenir, et avoit envoiiet
ma dame, sa femme, et Iioeis^ son jone fil, en France,
pour le doubte des Flamens.
30 Avoec tout ce, se tenaient en Fille de Gagant au-
cun chevalier et escuier de Flandres, en garnison,
dont messires Ducres de Halluin et messires Jelians
de [Rodes'] et li enfant de Le Trief estoientchapitain
et souverain; et là gardoient le passage contre les
85 Ënglès, et faisoient gueire couvertement : dont li
chevalier d'Ëngleterre, qui se tenoient en Haynau,
estoient tout infourmet que, se ilz s'en raloient par
là en leur pays, il seroient rencontré; pour quoi, il
n'estoient mies bien aseur. Non obstant ce, se che-
1. .M(. de Moncliy-NMillM, f> S«. — Hi. 6477, f» 47 : - Rodait. -
D,qit,zeabvG00»^lc
tl337] UVRE PREMIER, $ fit. 133
TauQoient il et aloient a leur volenté parmi le pays
de Flandres, et par les booues villes, mais c'esloit
sus le confort Jakemon d'Àrtevelle, qui les portoit
^t honnouroit en toutes manières^ œ qu'il pooit.
Or retourroas nous un petit au ducb de Brai- 5
bant.
§ 62. Quant li dus de firaibant ot fait ses couve-
nences à ces signeurs d'Ëngleterre, si com vous avés
oy, il s'avisa que li rois de France aultre fois U avoit
iait contraire. Si se doubta i^'il ne fust durement 10
infourmés contre lui, à l'ocquison des Englès et, se
il avenoit que li entrepresure que li rois d'Ëngleterre
avoit emprise ne venîst avant ou ne venist à bon
cfaief, que li rois de France ne le vobist guerriier, et
li âdre comparer che que li aultre aroient acordet. 15
Si envoia de son conseil au roy de France monsi-
gneur Loeis de [Cranaben*], sage cbevalier dure-
ment, et pluiseurs aultres avoech lui, pour lui excu-
ser, et pour priier au roy qu'il ne volsist croire nulle
mauvaise information contre lui; car moult à envis 20
U feroit nulle alliance ne couvenence contre lui,
mais li rois d'Ëngleterre estoit ses cousins germains :
se ne li pooit bonnement escondire sa revenue de^
deos son pays, de lui ne de ses gens, leurs frais
palans; mais plus avant il n^en feroit riens qui deuist Sâ
estre au desptaisir dou roy. Li rois le crey à celle
fois, si s'en apaisa atant. £t toutes voies li dux ne
laissa mies pour ce, qu'il ne retenist des gens d'ar-
mes en Braibant et ailleurs, là où il les pooit ne
1. Ui. dcGuenièrci, »>3lT*. — H*. MI7, l^47:<C:nTdtai.i
;vGoo»^lc
134 CHRONIQUES DE J. FRÛISSART. [1337]
pensoit à avoir, jusques k le somme que couTenen-
ciet avoit au roi d'Engleterre.
Et quant H dessus dit signeur d'Engleterre eurent
lait en partie ce pour quoi il avoient passet mer, il
5 se partirent de Valenciènes, où il tenoient leur sou-
verain séjour, premièrement li evesques de Liacolle,
messires Reoaulz de Gobehen et li aultre. Et Tuidiè-
rent Haynau, et vinrent à Doordresch, eu Hollandes.
Et montèrent là en mer, pour eschiewer le passage
10 de Gagant, où li dessus dit chevalier de Flandres se
tenoient en garnison, de par le roy de France et le
conte de Flandres, si com on disoit. Et s'en revin-
rent au mieus qu'il peurent, et au plus couverte-
ment, arrière en leur pays, devers le roy englès, leur
15 signeur, qui les rechut à grant joie. Se U recordèrent
tout l'estat des signeurs de par de dechà, première-
ment 4P"»<^*i*^b ^^ Braibant, dou duch de Guéries,
dou conte de JiiUers; de l'arcevesque de Coulongne,
de monsigneur Jehan de Haynau, dou signeur de
so Faukemont, et des alloiiés, comment et sus quel
point il s'estoient alloiiet et accordé à lui, et à
quelle quantité de gens d'armes cescnns le devoit
servir, et ossi quel cose cescuns devoit avoir. A ces
parolles entendi U rois englès volentiers, et dist que
25 ses gens avoient bien esploitiet. Mais trop dure-
ment plaindi le mort le conte de Haynau, qui fille
il avoit, et disoit qu'il avoit perdu en li un très
grant confort : se li couvenoit il porter et faire à l'a-
venant.
30 Encores recordèrent li dit signeur au roi 1« couve-
nant de chiaus qui se tenoient en le garnison de Ga-
gant, et qui herioient ses gens tous les jours; et
;vGoo»^lc
[1357] IIVUE PREMIER, § 63. 135
comment^ pour le double d'yaus, il estoient revenu
par Hollandes, et avoient eslongiet grandement leur
chemin. Donc dist li rois que il y pourveroit tem-
prement de remède. Si ordonna assés tost apriès le
conte Derbi, son cousin, et monsigneor Gautier de s
Mauni> qui y avoit tant &it de belles bacheleries, en
Escoce^ qu'il en estoit durement aloses, et ossi au-
cuns aultres chevaliers et escuiers englès, qu'il vo-
sissent traire devers Gagant, et comhatre cbiaus qui
là se tenoient. Li dessus dit obéirent au commande- lo
ment le roi, leur signeur, et fisent leurs pourveances
et lor amas de gens d'armes et d'arciers à Londres,
et chargièrent leurs vaissiaus en le Tamise. Quant il
furent tout venu et appariUiet, il estoient environ
cinq cens armeures de 6er et deus mille arciers. Si 15
entrèrent en leur navie, qui estoit toute preste, et
puis si se desancrèrent. Et vinrent, de celle marée,
le première nuit, gésir devant Gravesaindes. A l'en-
demain, il desancrèrent et vinrent devant Meigate.
A le tierce marée, il tirèrent les voiles amont, et 20
prisent le parfont, et nagièrent tant par mer qu'il
veirent Flandres. Si arroutèrent leurs vaissiaus, et
misent en bon convenant. Si vinrent assés priés de
Gagant, à heure de nonne. Che fu le nuit Saint Mar-
tin en hyvier, l'an mil trois cens trente sept. 2s
§ 63. Quant li Englès veirent le ville de Gagant,
où il tendoient à venir, et combatre chiaus qui par
dedens se tenoient, si se avisèrent et regardèrent
qu'il avoient vent et le marée pour yaus, et que ou
nom de Dieu et de saint Jorge il approceroient. Donc 30
fisent il sonner leurs trompètes, et s'armèrent et ap-
;vGoo»^lc
13$ CHRONIQUES DS J. FROISSART. [1337]
parillièrent vistement^ et ordonnèrent leurs vaissiaus^
et misent les arciers devant, et singlèrent fors Tiers
le ville.
Moult bien avoient les gettes et les gardes, qui en
5 Gagant se tenoient, veu approcier ceste grosse armée.
Si suppoaoient assés que c'estoient Ënglès ; pour quoi
il s'estoient jà tout armet et rengiet sus les dikes et
sus le sablon^ et mis leurs pennons par ordenance
devant yaus, et fait entre yaus des nouviaus cheva-
10 liers jusques à seize. Et pooient estre environ cinq
mille tout complet, bien apert baceler et compagnon,
ensi qu'il le moustrèrent. Et là estoit messires Guis
de Flandres, frères au conte Loeis de Flandres, uns
bons et seurs cbevaliers, mes bastars estoit, qui
15 amonnestoit et prioit tous les compagnons de bien
Élire. Et là estoient messires Ducres de Halluin, mes*
sires Jehans de Rodes, messires Gilles de le Trief,
qui fu là fais cbevaliers, messires Symons et messires
Jehans de Brukedent, qui y lurent fait ossi chevalier^
30 et Pières d'Englemoustier, et maint compagnon ba-
celer et escuier et appert hommes d'armes, ensi qu'il
le moustrèrent, et qui moult desiroient le bataille as
Ënglès.
Et estoient tout cil ordenet et rengiet à l'encontre
25 des Ënglès. Et n'i eut riens parlementé ne devisé,
car li Ënglès, qui estoient en grant [soucy*} de yaus
assallir, et cil de deffendre, criièrenl leurs cris et fi-
sent traire leurs arciers moult roit et moult fort, et
tant que cil qui le havene deffendoient en furent si
80 ensonniiet que, vosissent ou non, il les couvint re-
1. M«."tle Gaigniim, h 33. — M*. 6477, t" kS (lacune).
;vGoo»^lc
[1337] UVRE PREMIER, § S4. 137
culer. Et eo y eut dou tret à ce premiers moult de
mehagniés. Et prisent terre li baron et li chevalier
d'Engleterre, et s'en vinrent combatre as haces, as
îspêes
et as slaves, li un à l'autre.
Et là y eut pluiseurs belles baceleries et apertises 5
d'armes &ilies. Et moult vassauinent se combatirent
li Flamench. Ossi moult bachelereusement les requi-
rent li Ënglès. Et là fil moult bons chevaliers li con-
tes Derbi, et s'avança de premiers si avant qu'il fu,
en lançant de glavês, mis par terre. Et là, H fu mes- lo
sires Gantiers de Maunl bons confors, car par apei>
lises d'armes il le releva et osia de tous pertlz, en
escrianl : n Lancastre au conte Derbi ! » Et adonc
approcîèrent il de tous lés. Et en y eut pluiseurs
mehagniés, et par especial plus des Flamens que 15
des Engtès. Car li arcier d'Engleterre, qui conti-
nuelment traioient, leur portoient trop grant da-
mage.
$ 64. A prendre terre ou havene de Gagant, fu li
bataille dure et Qère. Car li Flamench qui là estoient, so
et qui le ville et le havene gardoient et deffendoîent,
estoient très bonne gent, et de grant apertise plain.
Car, par élection, li contes de Flandres les y avoit
mis et establis, pour garder cel passage contre les
Englès. Si s'en voloient acquitter bacelereusement, et 25
làire leur devoir en tous estas, ensi qu'il Osent. Là
estoient li baron et li chevalier d'Engleterre : pre-
mièrement, le conte Derbi, filz au conte Henri de
Lancastre au Tors Col, li contes de Sufforch, messi-
res Renaulz de Gobehen, messires Loys de Biau- 30
camp, messires Guillaume! filz Warine, h sires de
, G 00»^ le
438 CBROmQTJKS DE J. FROISSAM. [13371
Bercler^ messtres Gautiers de Mauni et pluiseur aol-
tre, qui très vassaument s'i portoient et assalloient
les Flamens.
Là eut dure bataille et fort combatue, car il estcient
5 main à main. Et là fisent li pluiseur moult de belles
apertises d'armes, et de l'un lés et de l'autre ; mais
flnablement li Englès obtinrent le place. Et'furent li
Flamencb desconB et mis en cace. Et en y eut plus
de trois mille mors, que sus le bavene, que sus les
10 rues, que ens es maisons. Et là fu pris messtres Guis,
bastars de Flandres, et mors messires Dueres de Hal-
luin, et messires Jehans de [Rodes 'j, et li doi frè^^ de
Brukedent et messires Gilles de le Trief et pluiseur
aultre : environ vingt sis chevaliers et escuiers y fu-
15 rent mort en bon couvenant. Et fu la ville prise,
pillie et robëe, et tous li avoir aportés et mis ens es
vaissiaus avoecques les prisonniers. Et puis tu la ville
toute arse et sans déport. Et retournèrent li Englès
arrière, et sans damage, en Engleterre, et recordè-
20 rent au roy leur aventure. Li quelz fii moult joians,
quant il les vit, et seeut comment il avoient esploi-
tiet. Si fist à monsigneur Gui de Flandres creanter
se foy et obligier prison. Li quels se tourna englès
en celle meisme anée, et devint boms au roy d'En-
S5 gleterre. De quoi li contes de Flandres, ses firères, fu
moult courouciés.
§ 65. Apriès le desconBture de Gagant, ces nou-
velles s'espardtrent en pluiseurs lieus. Si en furent
cil de le partie le roy d'Engleterre tout joiaut, et cil
1. M*. 6477, f^ 48 : ■Rodkb. ■
;vGoo»^lc
[1338] LIVRE PREMIER, S ^- 139
de le partie dou conte tout courouciet. Et disoient
bien cO de Flandres que sans raison, hors de leur
conseil et volenté^ H contes les avoit là mis. Si se
passa ensi cesie cose. Qui plus y eut mis, plus y eut
perdut, fors tant que d'Ârtevelle, qui avoit sourmonté 5
tous ohiaulz de Flandres et en avoit pris le gouver-
nouent, ne vosist nullement que la besongne se fost
aultrement portée. Si envoia tantost ses messages en
Engleterre devers le roy Ëdowart, en lui recommen-
dant de coer et de foy ; et li segn^a que en avant lo
il li consilloit qu'il passast le mer et venist en Anwiers,
par quoi il s'aquintast des Flamens, qui moult le de-
siroient à veoir. Et supposoit assés que, s'il estoit
par deçà le mer, ses besongnes en seroient plus clè-
res, et y prenderoil grant pourfit. is
Li rois englès à ces parolles entendi volentiers, et
iîst faire ses pourveances grandes et grosses. Et tan-
tost que cilz yviers !a passés, à Testé ensieuwant,.il
monta en mer, bien acompagniés de contes et de
barons et d'aultre chevalerie, et passa le mer et ar- 30
riva en le ville de Anwiers, qui adonc se tenoit pour
le duc de Braibant. Si-tost c'on! sceut qu'il estoit des-
cendus, gens vinrent de tous costés, pour lui veoir
et considérer le grant estât qu'il maintenoit. Quant
il eut esté assés honnourés et festiiés, il eut advis S5
qu'il parleroit volentiers au duch de Braibant, son
cousin, au duch de Guéries, son seroui^e, au mar-
kis de Jullers, à monsigneur Jehan de Haynau, au
signeur de Faukemont, et à chiaus dont il esperoit à
eslre confortés, et qui estoient à lui acouvenenciet, 30
pour avoir leur conseil comment et quant il poroient
commenoier à Êdre çou qu'il avoient empris. £nsi le
;vGoo»^lc
UO CHRONIQUES DE J. FROISSARJ. [1338]
fîst. Et viorent tuit à son mandement à Auwiers,
entre le Pentecouste et le Saint Jehan,
Là, furent cil &igneur festiiet grandement, à le
manière d'Engielerre. Apriès, les traist à conseil U
b rois, et leur demoustra moult bumiement se beson-
gne, et volt savoir d'yaus le certainne intention; et
leur pria qu'il s'en volsissent délivrer, car pour çou
estoit il là venus, et avoit ses gens tous apparil-
liés. Se li tourneroît à grant damage, se il ne t'en
10 delivroient aperteinent. Cil signeur eurent grant con-
seil ensamble et loncli, car la cose les estraindoit, et
si n'estoient point d'acord. Et toutdîs avoient re-
gart sour le duc de Braibant, qui n'en foisoit nient
bien boine cière, par samblant. Quant il furent lon-
\b gement consilliet, il respondîrent au roy Edouwart et
disent : « Chiers sires, quant nous venins ci, nous
y venins plus pour vous veoir que pour aultre chose.
Si n'estions mies pourveu ne avisé de vous respon-
dre sur ce que requis nous avés. Si nous retrairons
20 arrière vers nos gens, cescuns vers les siens, et re-
venrons à vous à un certain jour, quant il vous plaira.
Et vous responderons adonc si plainnement, que li
coupe n'en demorra point sour nous, d
Li rois vey bien qu'il n'en aroit aultre cbose, à
35 celle fois. Si s'en apaisa atant; et se acordèrent d'une
journée estre . ensamble pour respondre le milleur
avis, apriès le Saint Jehan trois sepmainnes. Mais
bien leur moustra li rois eoglès les grans frès et les
grans damages qu'il soustenoit cescun jour pour leur
30 attente ; car il pensoit qu'il fuissent tout pourveu de
lui respondre, quant il vint là, si com il estoit. Et
leur dist qu'il ne s'en retourroît jamais en Ëngle-
;vGoo»^lc
[1S3S] LIVAE PREMIER, S 66- 141
terre, jusques adonc qu'il saroït leur intention tout
plainnement. Sur ce, cil signeur se départirent. Li
rois demora tous quais en l'abbeye Saint Bernard,
jusques aprïès le journée. Lî aucun des signeurs et
des chevaliers d'Ëi^lelerre demorèrent en Anwiers, 5
pour lui faire compaignie. Lî aultre aloient esba-
niant et esbataot parmi lë pays, à grans frais, li uns
à Brouxeiles, li aultres en Haynau, li pluiseur aval
les bonnes villes de Flandres, là où il esloient dore-
ment bien venut et bien festiiet. Li dus de Braibant 10
s'en ala à le Leuvre, et se tint là un grant temps.
Et renvoioit souvent par* devers le roi de France,
pour lui escuser, et pour priier qu'il ne cniist nulle
information senestre encontre lui.
$ 66. Il) jours approça et vînt que li rois angles is
attendoit le response de ces signeurs; mais il se li-
sent souffissamment escuser et mandèrent au roi qu'il
estoient tout appareiliiet yaus et leurs gens, ensi que
couvens estoit, mais qu'il fesist tant au ducfa qu'il
se apparillast, qui estoit U plus proçains, et qui le 30
plus froidement, ce leur sambloit, se apparilloit. Et
ossi tost qu'il saroient de certain que li dus seroit
apparilliës de mouvoir, il se mouveroient et seroient
ossi tost au commencement de le besongae que li
dus de Bi^ibant seroit. 35
Sus ces responses, li dis rois englès fist tant qu'il
parla au duch de Braibant, son cousin, et li demous-
tra le mandement que cil signeur li avoient mandet.
Si le pria en amisté et requist, par linage, qu'il se
Tobist sour ce aviser, par coi nulle def^ule n'en fust 30
trouvée en lui, car il, endroit de lui, se apercevolt
;vGoo»^lc
U2 CHRONIQUES DB J. FKOISSART. [133S]
bien que il se apparilloit froidement. Et se il n'en
Ëùsoit atiltre cose, il doubtoit qu'il ne perdist l'ayde
et confort de ces signeurs d'Alemagne, par le def-
faute de lui. Quant li dus oy çou^ il en fîi tous con-
6 fiis et dist qu'il s'en consilleroit. Quant il fu longe-
menl consilliés, il respondi au roy qu'il serait assés
tost apparilliésj quant besoins en serait ; mes il arait
ançois parlé à tous ces aultres signeurs, et leur prie-
rait qu'il volsissent estre à Halle^ ou à Destre, eo-
10 contre lui.
Quant li rois englès veï cou, il perchut bien qu'il
n'en arait auhre cose, et que II courouciers ne li pooit
riens valoir; si accorda au duch son pourpos, et dist
qu'il envolerait encores à ces signeurs certains mes-
15 sages de par lui qu'il fuissent, à une journée c^-
tainne, contre lui^ là où il leur plairait le mieus.
Ënsi se départirent li rois et li dus d'ensamble. Mes-
sage fiirent envoiiet devers les signeurs de l'Ejnpire,
et li certains jours assignés qu'il venroicnt : ce fu à
20 le Nostre Dame mi aoust. Et fii mis et assis cilz par-
lemens par tous communs acors, à Halle, pour le
cause dou jone conte de Haynau, monsigneur Guil-
laume, et fil avoech monsigneur Jehan de Haynau,
son oncle.
25 S ^^* Quant cil signeur de l'Empire furent assamblé,
si com dessus est dit, en le ville de Halle, il eurent
grant parlement et lonch conseil, car lï besongne
leur estraindoit durement; à envis poursievoient
leurs couvenans, et à envis en deflàlloient pour leur
30 honneur. Quant il iiirent très longement consilliet,
il respondirent d'un acord au roi englès, et disent
;vGoo»^lc
[1338] UVSE POEMIBR, $ 67. 143
ensi : « Ciers sires, nous nos sommes longement con-
silliet, carvostre besongne nous est-assés pesans.Car
nous ne veons mies, tout considéré, que nous aions
point de caxise de deffiier le roi de France à vostre
oocoison, se vous ne pourchaciés que vous aiiés l'a- &
cord de l'Empereur, et qu'il nous commande que
nous deOions le roi de France de par lui, car il ara
bien droite ocquison et vraie par raison, si com nous
vous dirons. Et, de donc en avant, ne demorra nulle
deflaule en nous que nous ne soions appariUiet de lo
faire ce que prommîs vous avons sans nulle excu-
sancê. La cause que li Emperères poet avoir de def-
Bier le roi de France est tèle. Il est certain que cou-
veuenciet a esté de lonch temps, et seelet et juret,
que li rois de France, quiconques le soit, ne puet ne ib
ne doit tenir ne acquerre riens sus l'Empire. Et cilz
rois Phelippes, qui à présent règne, a fait le con-
traire contre son sairement. Car il a acquis le chas-
tiel de Crievecuer, en Cambresis, et le chastiel de
Alues, en Pailluel, et pluîseurs aultres hyretages, en 20
le ditte conté de Cambresis, qui est terre de l'Empire
et baus fiés et relevée de l'Empereur, et l'a attribuet
au dit royaume de France. Par quoi li Emperères a
bien cause de lui deffiier et de faire deffiier par nous
qui sommes ' si soubgès : si ques nous vous prions 25
et consillons que vous y voelliés painne mettre au
pourcacier son acord, pour nostre pais et honneur.
Et nous y metterons painne volentiers au pourcacier
ossi, à nostre loyal pooir. »
1. On lit dan» le du. 647T, f" 50 f, aprè» : <• lomme* » , « ù
MEDinefia, T^p^rioD <]ui ne m retroure pa* âûu le nu. de Gaignière*,
f^ 33 T*, <i ^'il faut un* donte ailribuer à une diMraotion du copïite.
;vGoo»^lc
m CHRONIQUES DE J. FROISSAKT. [133S1
Lî rois englès fîi tous confus quant il oy ce raport,
et bien H sambla que ce fusL uns detriemens. Et bien
pensa que ce venoit de l'avis le duch de Sraibant,
son cousin, plus que des auttres. Toutes voies, il
5 considéra assés qu'il n'en aroit auttre chose, et que li
courechiers ne li pooit riens valoir. Si en fist mil-
leur samblant qu'il peut, par emprunt, et leur dist :
<f Certes, signeur, je n'estoie mies avisés de ce point;
et se plus tost en fuisse avisés, je en ewisse voleo-
10 tiers fait par vostre conseil, et encores voel faire. Si
m'en aidïés à consillier, selonch ce que je sui deçà
le mer en estragne pays apassés. Et si y ay loi^ement
séjourné, et à grant fret. Si m'en voelliés donner
bon conseil, pour vostre honneur et pour le miène.
15 Car saciés, se jou ay en ce cas nul blasme, vous n'i
poés avoir honneur. »
S 68. Ijonge cose seroit à raconter tous leurs coD-
saulz et toutes leurs parolles. Acordé fii entre yaus,
à le parfin, que li marchis de Jullers iroit parl^ à
20 l'Empereur; et iroient des chevaliers et des clers le
roy avoec lui, et dou conseil [du duc'] de Guéries
ossi, et feroient le besongne à le milleur foy qu'il
poroient. Mais li dus de Braibant n'i volt point en-
voiier, mais [vesta le chastiel de Louvaing au roy,
25 pour demorer, s'il li plaisoit, jusques à l'estet; carU
rois leur avoit bien dit que nullement il ne s'»i re-
tourneroit en Engleterre, car hontes et vii^ongne li
seroit, s'il s'en retournoit sans avoir feit partie de scn
emprise, de quoi si grant lame estoit,- se li defl&ute
1 . Ui. d« Gftigniïm, r* ik. — H*. Sli77, f^ 50 v* (lacune).
DK^tizeabyGoOglc
[1338] LIVRE PREMIEn, g 68. 14S
et n^ligense n'en demoroit en yaus. Et leur clist
qu'il manderoit le jone royne se ùocae, et lenroient
leur hostel ens ou chastiel de Louvaing, puis que It
dus, ses cousins, H avoit offîert. Ensi se départi cilz
parlemens, et creantèrent tout cil signeur, lî un en 5
le présence de l'autre, que jamais il ne querroient
nulle excusance ne detrîement que, de le feste Saint
Jehan Baptiste, qui seroit l'an mil trois cens trente
neuf, en avant, il seroient ennemi au roy Phelippe de
France, et seroit cescuns apparilliés, ensi que prom- 10
mis avoit. Cescuns en râla en son lieu. Li marcis de
JuUers meut à toute se compagnie pour aler vers
l'Empereur. Si le trouvèrent à Floreberg.
Pourquoi feroi je lonch sermon de leurs parolles,
ne de leurs requestes? Je ne les saroie raconter tou- 15
tes entirement, car je n'i fui mies. Mais li dis marcis
de Jullers parla si gracieusement à monsigo^ur Loeis
de Baivière, empereur de Homme pour le temps, qu'il
lisent toutes leurs besongnes et ce pour quoi il estoient
là alet. Et y rendi ma dame Mai^erite de Haynau, sa 30
femme, grant painne. Et fli adonc li marcis de Jullers
fais marcis de Jullers, qui en devant estoit contes de
Jullers; et li dus de Guéries, qui estoit appelles contes,
fais dus de Guéries. Et le impetrèrent ceste augmen-
tation de nom ses gens qui là estoient. Et ossi lî 35
^^nperères donna commission à quatre chevaliers et
à deus clers de droit, qui estoient de son conseil, et
pooir de feire le roy englès son vicaire par tout
l'Empire; et li donna grasce par quoi il peuist faire
monnoie d'or et d'ai^nt, el nom de lui, et eom- 30
mandement que cescuns de ses soubgès obeisist à
lui^ comme au vicaire et comme à lui meismes. Et
i — 10
;vGoo»^lc
14e CHRONIQUES DE J. FaOlSSAAT. [1338]
de ce prisent li dessus dit instrumens pubUkes, con-
fi-emés et saiellés soulfissamment de l'Empereur.
Quant li dis marcis de JuUers eut fait toutes ses be-
sougues, il et se compagnie se misent au retour.
5 $ 69. En ce temporal, li jones rois David d'Es-
coce, qui avoit perdu grant partie de son royaulme,
et ne le pooit recouvrer, pour l'effort dou roy d'En-
. gleterre, son serourge, se parti d'Escoce priveement
avoech le royne sa femme, et se misent en mer; si
10 arrivèrent à Boulongne. Et puis fisent tant qu'il vin-
rent en France, et droitement à Paris, où li rois Phe-
lippes se tenoit pour le temps, attendans tous les joui^
que deffiances li venissent dou roy englès et des signeurs
de l'Empire, selonch chou qu'il esloit infourmés.
15 De la venue dou roi d'Escoce fu li rois de France
moult resjoys, et le conjoy grandement, pour tant
qu'il en entendoit à avoir bon confort. Car bien
veoit li rois de France et ooit dire tous les jours que
li rois d'Engleterre se apparilloit, quanqu'il pooit,
30 pour lui guerroiier, et pour lui osier de son royalme,
se il pooit : si ques, quant li rois d'Escoce li eut re-
moustré sa besongne et sa neccessité, et en quel is-
tance il estoit là venus, il fu lantost tous aquinlés de
lui, car moult bien se savoit acointier de chîaus dont
95 il esperoit à avoir pourfit, ensi que pluiseur graot
signeur sèvent faire. Se li présenta ses chastiaus pour
séjourner à se volenté, et de son avoir pour [despen-
dre'], mais qu'il ne volsist faire nul acord ne pais au
roi d'Engleterre, fors par son conseil.
1. Us. de Gaignièrei, P> 34 v». — Ml. 6477, f^Sl v»: f âefTendn. i
;vGoo»^lc
[1338] LIVRE PREMIER, $ 69. 147
li Jones rois d'Escoce reçut en grant gré ce que li
rois de France li offi-i^ et 11 creanta ce qu'il requlst
tout plainnement. Si sambla adonc au roi de France
que c'estoit grans confors pour lui^ et grans contrai-
res pour le roi d'Engleterre, se 11 poolt tant &ire que 5
li slgneur et baron^ qui estoient demoret en Ëscoce,
voslssent et peulssent si ensonniler les Englès qu'il
n'en peuist venir par deçà le mer^ se petit non^ pour
lui grever, ou qu'il couvenlst le roi d'Engleterre re-
passer, pour garder son royaume. Pour ce et en celle lo
intention, il retint ce jone roy d'Escoce et la royne
,sa femme dalés lui, et les soustlnt par lonch temps,
et leur Ust délivrer quanqu'U leur besongnoit, car
d'Escoce leur venolt U assés petit, pour leur estât
parmaintenir. Et envola 11 dis rois de France grans 15
messages en Escoce à ces slgneurs et barons, qui là
guerrloient contre les garnisons dou roy d'Engle-
terre; et leur fist offrir grant ayde et grant confort,
mais qu'il ne volsissent faire pais ne donner nulles
triewes as Englès, se ce n'estoit par se volenté et par 30
son conseil, et par le volenté et conseil de leur sl-
gneur le roy d'Escoce, qui tout ce li avoit juret et
prommls à tenir.
Sus les lettres et requestes dou roy de France,
chll slgneur d'Escoce se consillièrent. Quant il furent 35
bien consilUet, et il eurent consideret parfaitement
toutes leurs besongnes, et le dure guerre qu'il avoient
as Englès, il s'I acordèrent liement, et le jurèrent et
scellèrent avoech le roy leur slgneur. Ensi furent les
alliances de ce temps faites entre le roy Phelippe de 30
France et le roi David d'Escoce, qui se tinrent fermes
et estables un loncb temps. Et envola li dis rois de
D,qit,zeabvG00»^lc
U8 CHRONIQUES DE J. FROISSABT. [1338]
France gens d'armes en Escoce, pour guemier les _
Englès. Et par especîal messires Ernoulz d'Andrehen,
qui puis fil mareschaus de France, et li sires de Ga-
rensières, avoech pluiseurs chevaliers et escuiers, y
5 furent envoiiet^ et y Osent tamainte belle apertise
d'armes, si com vous orés avant en Tystore. Or me
tairai à présent de ceste matère, et me retrairai à
nostre matère devantrainne.
$ 70. Quant li rois Edowars et li aultre signeur à
10 lui alloiiet se furent parti del parlement, si com vous
avés oy, li rois se retraist à Louvaing, et fist apparil-
lier le chasliel pour demorer. Et manda à le [roioe']
Phelippe, sa femme, se elle voloit venir par deçà le
mer, ce li plairoit bien, car il ne pooît de là rapas-
15 ser toute celle anée. Et renvoia grant fuison de ses
chevaliers oultre, pour garder son pays, meismemeni
sus le marce d'Escoce. La royne dessus dilte prist
, en grant plaisance les nouvelles don roy , son si-
gneur, et se apparilla, au mieus et au plus tost que
30 elle peut, pour rapasser le mer. Entrues que ces be-
songnes se detrioient, li aultre chevaUer englès, qui
estoient en Braibant dalës le roy, s'espardirent aval
le pays de Flandres et de Haynau, en tenant grant
estât et en faisant grans frais. Et n'espai^noient ne
25 or ne aident, non plus qu'il leur pleuist des nues, et
donnoient grans jeuiaus as signeurs, as dames et as
* damoiselles, pour acquerra le grasce et le loenge de
ceulz et de celles entre qui il conversoient; et tant
&isoient qu'il l'avoient de tous et de toutes, et meis-
I . M», de Caignière», P> 35. — Mi. 6477, f 53 : - roy. -
;vGoo»^lc
[133S] LIVRE PREMIER, § 70. 149
mement dou commun peuple à qui il ne donnoient
rienSj pour le bîel estât qu'il menolent.
Or revinrent de l'empereur monsigneur Loeîs de
fiaivière, environ le Toussains, li marcis de Jullers
et se compagnie. Si s^neiia et escrisi^ par certains s
chevaliers, au roy Edouwart de sa venue, et li manda
ossi que. Dieu merci, il avoit bien esptoitié. De ces
nouvelles (a li rois tous joians, et rescrisi au dit
marcis que, à le feste Saint Martin, il iiist devers
lui, et que à ce jour tout li aultre signeur y seroient. 10
Avœch tout çou, li rois englès se consilla au duc de
ft^ibant, son cousin, et li demanda où il voloit que
cils parlemens se tenist. Li dus fu avisés de respon-
dre, et ne volt mies adonc qu'il, ftist en son pays;
et si ne volt mies aler jusques à Tret, où la journée 15
euist esté bien seans, pour le cause des signeurs de
l'Empire. Ains ordonna et volt que elle fust assise à
Herkes, qui siet priés de son pays, en le conté de
Los. Li rois englès, saciés, avoit si grant désir de se
besongne avancier, qu'il li couvenoit poursiewir et 90
attendre tous les dangiers et les volontés le duch^
son cousin, puisqu'il s'i estoit embatus; et se acorda
à çou que li journée fîi assignée à Herkes. Si le ûst
savoir à tous ses alloiiés, qui tout y vinrent à son
mandement, au jour de le Saint Martin, 35
Quant tout furent là venu, saciés que li ville (a
durement plainne de signeurs, de chevaliers et d'es- ,
cuiers, et de toutes aultres manières de gens. Et fîi
U halle de le ville, là où on vendoit pain et char,
qui gaires ne valoit, encourtinée de biaus draps 30
comme la cambre le roy. Et fu li rois englès assis,
le couronne d'or moult rice et moult noble sus son
;vGoo»^lc
ISO CHRONIQUES DE J. FRCHSSAILT. [1338]
chi^, plus hault cinq pies que nulz des aultres, sur
un banc d'un boucler, là où il vendoit et tailloit se
char. Onques tèle halle ne fu à si haute honneur. Là
endroit, par devant tout le peuple qui là estoit^ et
s par devant tous les signeurs, furent leutes les lettres
l'Empereur, par les quèles il constituoit le roi <J'E^-
gleterre Ëdouwart son vicaire et son lieutenant pour
lui, et 11 donnoit pooir de Êiire droit et loy à çascun,
el nom de lui, et de &ire monnoie d'or u d'ai^ent,
10 ossi el nom de lui. Et commandoit par ses dittes let-
tres à tous les princes de son Empire, et à tous aul-
tres à lui soubgès, qu'il obeisissent à son vicaire
comme à lui meismes, et H fesissent feaulté et hom-
mage comme au vicaire de l'Empire.
15 Quant ces lettres furent leutes, cescuns des si-
gneurs Gst feaulté et sairement au roi englès, comme
au vicaire de l'Empereur. Et lantost, là endroit, fu
clamet et respondut entre parties, comme devant
l'Empereur, et ju^et droit à le semonse de lui. Et fu
30 là endroit renouvelez et afiremés uns jugemens et
estatus, qui avoit estet ùàs en le court de l'Empereur
dou temps passet, qui telz estoit : que, qui voloît
aultrui grever ou porter damage, il le devolt segne-
fiier souffissamment, trois jours devant son fait; et
SS qui aultrement le feroit, il devoit estre attains com
de mauvais et de villain fait. Chilz estatus sambla
estre bien raisonnables à cesoun, mais je ne croi
mies que de puis il ait estet par tout bien gardés.
Quant tout çou fu fait, li signeur se départirent et
30 creantèrent 11 uns à l'autre de estre apparilliet sans
delay à toutes leurs gens, ensl que couvenenciet es-
toient, trois sepmainnes ajH-lès le Saint Jehan, pour
;vGoo»^lc
[1SS8] UVnB PREMIER, § 71. 1SI
aler devant Cambray^ qui doit estre de l'Empire, et
estoit tournée par devers le roy de France.
$ 71. Ensi se départirent cil signeur; cescuns en
râla en son lieu. Et li rois Edouwars, vicaires de
l'Empire, s'en revint à Louvaing, dalés ma dame la &
royne sa femme, qui nouvellement estoit là venue à
grant noblèce, et bien acompagnie de dames et de
damoiselles. Si tinrent à Louvaing leur tinel moult
bonnourablement, tout cel yvier. Et fist faire mon-
noie d'or et d'ai^ent en Ànwiers, à grant ftiison. 10
Mais porn- ce ne cessa mies U dus de Bnùbant de
renvoiier songneusement devers le roy de France
monsigneur Loeis de [Cranehen '], son plus especial
chevalier et consilleur, en lui excusant. En le fin, il
le fist demorer tout quoi dalés le roy. Et li carga et 15
enjoîndi expressément que toutdis il l'escusast de-
vers le roy, et contredesist toutes informations qui
pooient venir au dit roi à rencontre de lui. Li dis
monsigneur Loeis n'osa escondire le commandement
del duch son signeur; ains en fist toutdis bien son so
devoir, à son pooir. Mais au darrain il en eut povre
guerredon, car il en morut en France de duel, quant
on vei apparamment le contraire de ce dont il escu-
soit le duch si certainnemeot; et en devint si confiis
qu'il n'en volt onques puis retourner en Braibant. Si 25
demora tous cois en France, pour lui oster de sous-
peçon, tant qu'il vesqui : ce ne fii pas longement, si
com vous orés en avant reeorder en l'ystore.
1. M», de Moiichy-No«illet. fb 35 v» — M». iVl (»■ 53 ; « Crare-
;vGoo»^lc
ISi CHRONIQUES DB J. FROISSART. [1339]
§ 73. Or passa cilz yviers; H estes revint; H feste
Saint Jehan Baptiste approça. Chil signeur d'Alona-
gne se cx)mmencièrenl à apparillier, pour achiever
leur emprise. Li rois de France se pourvei à l'en-
5 contre, car il savoit partie de leur entente, comment
qu'il n'en fust point encores deffiiés. Li rois englès
fist toutes ses pourreances faire en Ëngleterre, et ses
gens d'armes apparillier et a passer par deçà le mer,
si tost que li Saint Jehan fu passée. Et se ala tenir il
10 meismes à Yilvort; et faisoït ses gens^ ensi qu'il
apassoient oultre et qu'il venoient, prendre hostelz
en le ville de Vilvort. Et quant li ville fu plainne, il
les fist logier contreval ces biaus prés, selonch le ri-
vière, en tentes et en très. Et là se logièrent il et de-
15 morèrent, de le Magdelainnejusques apriésie Nostre
Dame en septembre, en attendant de sepmainne en
sepmainne le venue des aultres signeurs, et par espe*
cial celle dou duch de Braibant, apriès qui tout li
anitre s'attendoient. Quant li rois englès vei que cil
30 signeur ne venoient point ne apparilliet estoient, il
envoia certains messages viers çascun, et les fist se-
monre, sour leur créant, qu'il venissent sans nul de-
lai, ensi que créante avoient, ou il venissent au jour
Saint Gille pour parler à lui en le ville de Malignes,
2*1 et lui dire pour quoi il larmoient tant.
Li rois Edouwars sejournoit à Vilvort à grant fret,
ce puet çascuns savoir, et perdoit son temps ; se li
anoioit, et ne le pooit amender. Il soustenoit tous les
jours sous ses frès bien seize cens armeures de fier,
30 fleur de gens, tous venus de oultre le mer, et bien
dix mille arciers, sans tes aultres poursiewans à çou
apertenans. Se H pooit bien ce peser, avoeeh le grant
;vGoo»^lc
I
iiiZd] UVBE PREMIER, g 73. 1S3
trésor qu'il avoit donnet à ces si^eurs qui ensî le
detrioient par parolles, ce li pooit bien sambler, et
avoecques les grandes armées qu'il avoit establis sour
m^ contre Geneuois, Nonnans, Bretons, Pikars et
Espagnolz, que li rois Phelippes feisoït gésir et na- a
gier sour mer à ses gages, pour les Englès grever;
dont messires Hues Kierés, messires Pières Bahucés
et Barbevaires estoient amiraut et conduiseur, pour
garder les destrois et les passages entre Engleterre et
France. Et n'attendoient cil dessus dit escumeur de lo
mer aultre cose que les nouveUes leur venissent que
11 rois englès, si com on supposoit, euist deOiiet le
roy de France, qu'il enteroient en Çngleteire, où que
ce (bst, il avoient jà aviset ù et comment, pour por-
t^ au pays grant damage. 15
§ 73. Quant cil signeur d'Alemaigne, à le semonse
dou roi englès , li dus de Braibant et messires Jehans
de Haynau vinrent à Malignes, il n'amenèrent pas
leurs gens avoech yaus, ne leurs pourveances, pour
hostoiier; mais se traisent par devers le roy, pour %o
parlementer encores un petit ensamble. Et là il s'a-
cordèrent communément, apriès tout plain de parol-
les, que li rois englès pooit bien mouvoir à le quin-
sainne après ou environ, et seroient adonc tout
appareilliet. Et pour tant que leur guerre fiist plus 3S
belle, et que bien apertenoit à faire, puis qu'il vo-
loient guerroiier le roi de France, il se acordèrent de
envoiier les deflîances au roi Phelippe : première-
ment, li rois d'Ëngleterre Edouwars, qui se fist cbiës
de tous et de chiaus de son royaulme, ce fu raisons, so
ossi li dus de Guéries, H marcis de Jullers, messires
;vGoo»^lc
iSi CHRONIQUES DE J. FB(»SSART. [ISSft]
Robers d'Artois, messïres Jehans de Haynau, li mar-
ois de Misse et d'Eurient, li marcis de Blankebourc,
li sires de Faukemont, messires Ëmoulz de Bakehea,
li aroberesques de Coulongne, messires Galerans, ses
5 frères, et tout li sigaeur de l'Empire, qui chief se
fàisoient de le besongne avoech le roi englès. Si fil-
rent ces deffîances escriptes et scellées de cescim, ex-
cepté dou duch Jehan de Braibant, qui encores s'es-
cusa, et ne se volt mies adonc conjoindre en ces
10 deffiances, et dist qu'U feroit son fait à par lui, à
tamps et à point. De ces deffîances aporter en France
fil priiés et cargiés li evesques de LincoUe, qui bien
s*en acquitta, car il les aporta à Paris, et list son
message bien et à point, tant qu'il ne fîi de nullul
15 rejH'is ne blâmés. Et li iîi délivrés un saufconduis
pour retourner arrière devers le roy, son signeur,
qui se tenoit à Malignes.
Or vous voel je parler de deus grans entrepresures
d'armes que messires Gautiers de Mauai Ost, en le
20 propre sepmainne que li rois de France fil deffiiés.
Si tretost comme il peut sentir et percevoir que li
rois de France devoit ou pooit estre deffiiés, il pria
et cueilla environ quarante lances de bons compa-
' gnons seurs et hardis, et chevauça tant de nuit que
35 de jours, qu'il vint en Haynau, et se bouta ens es
bos de Blaton. Et encores ne savoit nulz quel cose il
voloii faire, mes il s'en descouvri là à aucuns de ses
plus secrès, et leur dist qu'il avoit prommis et voé
en Engleterre, présent dames et signeurs, que ce se-
30 roit li premiers qui enteroit en France et y feroit
guerre, et prenderoit cbastiel ou forte ville, et y fe-
roit aucune apertise d'armes : si estoit sen entente
;vGoo»^lc
[1339] LITRE PREMIER, $ 73. IS»
que de chevaucier jusqoes à Mortagne, et de sous-
prendre le -ville qui se tient dou royaume.
Chil à qui il s'en descouvri 11 acordèrent liement.
Adonc recenglèreot il leurs chevaus et restraindirent
leiu^ armeures, et chevaucièrent tout sieret, et pas- 5
sèrent les bos de Blaton et de Brifiiel, et vinrent
droit à un ajournement, un petit devant soleil levant^
à Mortagne. Si trouvèrent d'aventure le guicet ou-
vert. Adonc descendirent il messires Gautiers de
Mauni tout premiers, et aucuns des compagnons, et 10
entràrent en le porte tout quoiement, et eslablirent
aucuns des leurs pour garder le porte, par quoi il ne
fuissent souspris ; et puis s'en vinrent tout contreval
la rue, messires Gautiers de Mauni et son pennon
tout devant, devers le grosse tour et les chaingles. 15
Si le cuidièrent ossi trouver mal gardée, mais il &1-
lirent à leur entente, car les portes et li guicet es-
toient fremet bien et estroitement. Ossi la gette dou
chastiel oy la friente et les perçut de sa garde. Si fii
tous esbahis, et conunença à sonner et à corner en ao
sa buisine : c Trahi I trahi I » Si esvillièrent toutes
gens et li saudoiier dou cbastiel, mais point ne vui-
dièrent de leur fort.
Quant messires Gautiers de Mauni senti les gens
de Mortagne esmouvoir, il se retraist tout bellement 3S
devers le porte, mais il fîst bouter le feu en le rue
contre le chastiel, qui tantost s'esprlst et aluma. Et
furent bien à ceste matinée soixante maisons arses,-
et les gens de Mortagne moult ellraet, car il cuidiè-
rent estre tout pris. Mais li sires de Mauni et ses 30
gens se partirent de le ville, et chevaucièrent arrière
devers Condet, et passà%nt là l'Escaut et le rivière
;vGoo»^lc
iM CHRONIQUES DE ]. FftOlSSABT. [1339]
de le Haine ; et clievaucièrent le cliemin de Valen-
ciènes et le costiièrent à le droite main, et vinrent à
Denaing^ et se raireschïrent en l'abbeye. Et puis
passèrent oultre devers Bouchain, et lisent tant au
Et cfaastellain de Bouchain que les portes leur furent
ouvertes, et passèrent là une rivière qui y keurt, qui
se refîert en l'Escaut, et vient d'amont devers Alues,
en Pailluel.
Apriès ce, quant il furent tout oultre Bouchain et
10 le rivière, il s'en vinrent à un fort chastiel, qui se te-
noit de l'evesque de Cambrai et de Cambresis, et
l'appelloit on Thun l'Evesque, et siet sus le rivière
d'Escaut. En che chastiel, n'avoit adonc nulle garde
souffissans, car li pays ne cuidoit nient estre en
15 guerre. Si furent cil de Tfaun soubdainnement sous-
pris, et li chastiaus pris et conquis , et li chastelains
et sa femme dedens. Et en fist li sires de Mauni une
bonne garnison , et y ordonna à demorer un sien
frère chevalier, qui s'appelloit messires Gilles de.
30 Mauni, c'on dist Grignart, H quelz fist de puis ce jour
pluiseurs destourbiers à chiaus de Cambresis et de le
cité de Cambrai, car li chastiaus siet à une liewe de
Cambrai. Quant messires Gautiers de Mauni eut Ëiit
ses emprises, il s'en retourna francement en Brai-
sa bani devers le roy englès, son signeur, et le trouva
à Malignes; se li recorda une partie de ses chevau*
cies. Li rois les oy volentiers et les retint à grant
vasselage.
§ 74. Vous avés bien ci dessus oy recorder sus
30 quel estât H signeur de l'Empire se partirent don roy
englès et dou parlement qui fu à Malignes, et corn-
DiqitizeabyG00»^lc
[1339] LIVRE PREMIER, § 74. 157
ment il envoiièrent deffiier le roy de France. Sitos
que H rois Phelippes se senti deffiiés dou roy englès
et de tous ses ailoiiés, il vei bien que c'estoit acoles
et qu'il aroit le guerre. Si se pourvei seioDch ce bien
et grossement, et retint gens d'armes et saudoiîers à 5
tous lés, cl envoia grans garnisons en Cambresis, car "
il pensoit bien que de[ce']costé il aroit première-
ment l'assaut. Et envoia monsigneur le Galois de
le Baume, un, bon cbevalier de Savoie, dedens
Cambrai, et l'en fist chapitainne, avoecques monsi* lo
gneur Tbiebaut de Moruel et le signeur de Roie. Et
estoient bien, Savoiien que François, deux cens lan-
ces. Et envoia encores 11 dis rois Phelippes saisir le
conté de Pontieu, que H rois d'Engleterre avoit tenu
en devant de par ma dame, se mère. Et manda et is
pria à aucuns signeurs de l'Empire, telz que le conte
de Haynau, sou neveu, le duch de Loerainne, le
conte de Bar, l'evesque de Mes, l'evesque de Liège,
monsigneur Aoulz de le Marce, que il ne fesissent
oui mauvais pourcach contre lui ne à son royalme. 30
U plus de ces signeurs ti mandèrent que ossi ne fe-
roient îlz. Et adonc li contes de Haynau li rescrisi
moult courtoisement et li segnefia qu'il seroit appa-
reilliés à li et à son royalme à aidier, à defifendre et
à garder contre tout homme. Mais, se li rois englès 35
voloit gueniier en l'Empire, comme vicaires et lieu-
tenans de l'Empereur, il ne li pooit refuser son pays
ne son confort, car il tient en partie sa terre de
l'Empereur; se li doit, ou à son vicaire, toute obéis-
sance. De ces rescripsions se contenta li rois de 30
1 . M», de Gaignières, i" 36. - Ml. 6477, f 55 (Ucune).
D,qit,zeabvG00»^lc
«SS ŒHONIQUBS DE J. FROISSA&T. [1337J
France assés bien, et les laissa passer legierement, et
n'en fist nul grant compte, car il se sentoît fors assés
pour résister contre tous ses ennemis.
Si tretost que messires Hues Kierés et si compa-
5 gnon, qui se tenoient sus mer, entendirent que les
■ deffiances estoient, et la guerre ouverte entre France
et Eogleterre, il en furent tout joiant; si se départi-
rent avoecques leur année, où il avoit bien vint
mille combatans de toutes manières de gens, et sin-
10 glèrent vers Engleterre , et vinrent un dimence au
matin ou^havene de Hantonne, entrues que les gens
estoient à messe. Et entrant li dit Normant et G«-
neuois en le ville et le prisent et le piUièrent et ro-
bèrent tout enlirement, et y tuèrent moult de gens,
15 et violèrent pluiseurs dames' et pucelles, dont ce (a
damages; et chargièrent leurs naves et leurs vaissiaus
dou grant pillage qu'il trouvèrent en le ville, qui
estoit plainne et drue et bien garnie, et puis rentrè-
rent en leurs nefe. Et quant li flos de le mer fii re-
20 venus, il desancrèrent et singlèrent à l'esploit dou
vent devers Normendie, et s'en vinrent rafrescîr à
Dièpe; et là départirent il leur butin et leur pillage.
Or retourrons nous au roy englès, qui se tenoit à
Malignes, et se apparilloit fort pour venir devant
25 Cambray.
§'75. Li rois englès se parti de le ville de Malignes
et vint à Brousselles pour parler au duch de Brai-
' bant, son cousin, et toutes ses gens passèrent au de-
hors. Donc s'avalèrent Alemant efforciement, li dos
30 de Guéries, li marcis de Jullers, li marchis de Blan-
kebourch, li marchis de Misse et d'Eurient, li contes
;vGoo»^lc
[133d] UVRE PREHIfiR, $ 75. 189
des Mons, li contes de Saumes^ U sires de Fauke- .
mont, messb^s Ernoulz de Bakehen et tout 11 .si-
gneur de l'Empire alloiiet au roy englès; et estoient
bien vint mille hommes. D'autre part^ estoit messi-
res Jebans de Uaynau, qui se pourveoit grossement 5
pour estre en ceste ohevaucie^ mais il se tenoit dalés
le conte de Haynau, son neveut. Quant 11 rois englès
et messires Robers d'Artois lurent venu à Broussellcs,
et il eurent parlé au duc de Braîbant assés et de
pluiseurs coses, il demandèrent au dit ducb quelle lO
estoit se intention, de venir devant, ou dou laissier.
Li dus à ceste parolle respondi et dist que, si tretost
que il poroit savoir que il aroit assegiet Cambray, il
se trairoit de ceste part à douze cens lances, bien
estoSës de bonnes gens d'armes. Ces responses souf- 15
firent bien au roy englès adonc et à son conseil.
Si se parti li dis rois de Brousselles et passa parmi
le ville de Nivelle, et là jut une [nuyt*]. A l'ende-
Tpain, il vînt à Mons en Haynau, et là trouva le jone
conte, son serourge, et monsigneur Jehan de Haynau, 20
son oncle, qui le reçurent moult liement^ et monsi-
gneur Robert d'Artois qui estoit toutdis dalés lui et
de son plus secret conseil, et environ seize ou vint
grant baron et chevalier d'Engleterre que li dis rois
menoit avoech lui, pour sen honneur et son estât et 35
pour lui eonsiUier. Et si y estoit li evesques de Lin-
colle, qui moult estoit renommés, en ceste chevaucie,
de grant sens et de proèce. Si se reposa li rois englès
deux jours à Mons en Haynau, et y fîi grandement
festiiés dou dit conte et des chevaliers dou pays. Et 30
1. Ma. de GaigaiirM, f> 36 v». — Ha. 647T, 1^ 56 (laonns).
;vGoo»^lc
160 CHRONIQUES DE J. PR0ISS4IIT. [13S9]
toutdis passoient ses gens et se logoient sus le pMa
pays, ensi qu'il venoient, et trouvoient tous vivres
apparilliés pour leurs deniers; li aucun paioient etli
aultre non.
5 Ensi se approohièrent les besongnes dou roy en-
glès, et s'en vint à Valenciènes, et y entra tant seu-
lement li douzime de chevaliers. Et jà y estoient
venu li contes de Haynau et messires Jehans de Hay-
nau, ses oncles, li sires d'Enghien, li aires de Fa-
10 gnuelles, U sires de Wercin, li sires de Hav«ech, et
pluiseur aultre chevalier, qui se tenoient dalés leur
signeur, et rechurent le roy englès moult liement.
Et l'en mena li dis contes par le main jusques en la
Salle, qui estoit toute arrée et appareillie poiu- lui re-
15 chevoir. Donc il avint que, en montant les dep^
de le Salle, li evesques de Lincolle^ qui là estoit pre-
sens, leva sa vois et dist : « Guillaume d'Ausonoe,
evesques de Cambrai, je vous amonneste, comme
procurères de par le roy d'Engleterre, vicaire de
» l'empereur de Romme, que vous voeHiés ouvrir le
cité de Cambray ; aultrement, vous vos fourfaites, et
y enterons de force. » Nulz ne respondi à ceste pa-
rolle, car h evesques n'estoit point là presens. £n-
cores parla li dis evesques de Lincolle et dist : « Cou-
S5 tes de Haynau, nous vous amonnestons, de par
l'empereiu' de Romme , que vous venés servir le roy
d'EngletCTre, sen vicaire, devant Cambrai, à ce que
vous devés de gens. » Li contes, qui là estoit, res-
pondi et dist : « Yolentiers. » Apriès ces parotles, U
30 entrèrent en le Salle et menèrent le roy englès en sa
cambre. Assés tost apriès, (a 11 soupers appareilliés,
qui fil grans et biaus et bien ordonnés. A l'ende-
;v Google
[1339] LIVRE PRBHIKR, $ 76. 161
main, au matirt, se parti li rois englès de.Valenciè-
nes, el s'en vint à Haspre; et là se loga et reposa
deux joiirs^ attendant ses gens qui venoient, dont il
en y avoit grant fiiison , tant d'£ngleterre comme
d'AlemagiK. 5
$ 76. Quant li rois englès eut esl^ deux jours à
"Haspre, et que là moult de ses gens furent passet et
venu à Nave et là environ, il s'en parti et s'en vint
devers Cambray, et se loga à Yvuis, et assega la cite
de Cambray de tous poins, et toutdis li croissoîent lo
gens. Là vint li jones contes de Hayoau en très grant
aiToy, et messires Jebans de Haynau, ses oncles, et
se logièrent assés priés don roy; apriès, li dus de
Guéries et ses gens, li marchis de Jullerç et se roule,
li marchis de Misse et d'Ëurient, li marcis de Blan- is
kebouTch et leurs routes, li contes des Mons, li con-
tes -de Saumes, li sires de Faukemont, messires Er-
noulz de Ëakefaen, et ensi tout li aultre; et toutdia
leur eroissoient gens.
Au sixime jour que li rois englès et tout cil si- ao
gneur se furent It^et devant Cambray, vint li dus
de Braibant en l'est, moult estoffeement et en grant
arroy. Et avoit bien neuf cens lances, sans les aultres
aimeures de fer, dont il avoit grant fuison. Et se loga
devers Ostrevan sus l'Escaut, et fîst on un peut sus 35
te rivière, pour aler de l'une bost à l'autre. Lors que
li dus de Braibant fu venus, il envoia deffîier le roy
de France qui se tenoit à Compiègne. De quoi mes-
sires Loys de Cranehen, qui toutdis l'avoît escuset,
en fil si confus qu'il en morut de duel, dont ce fu 30
damages pour ses amis.
;vGoo»^lc
leS CHRWIQUBS DE J. FROISSAAT. [1»9]
Che siège durant devant Cambray, il y eut ploi-
seurs assaus, escarmuces et paletis. Et chevauçoient
par usage messires Jehans de Haynau et U sires de
.Fauquemonl ensamble : dont il ardirent et foulèrent
i durement le pays. Et vinrent cil signeur, un jmir, et
leurs routes, où il avoit bien cinq cens lances et
mille aultres combatans, au chastiel de Oisi, en Cam-
Ixresis, et y livrèrent un très grant assaut. Et, se ne
fiiissent U chevalier et li escuier qui dedens estoieat,
10 il l'euissent pris et de force. Mais si bien se defièn-
dirent cil de dedans^ qui là estoient de par le signeur
de Couci, qu'il n'eurent point de damage. Et retour*
nèrent li dessus dit signeur et leurs routes en leurs
k^is.
15 § 77. Encores ce siège durant par devant CamlHay,
vint par un samedi li contes Guillaïunes de Haynau,
qui estoit moult bacetereus, à tout cbiaus de son
pays, dont il y avoit très bonne gent devant le cité
de Cambray, à le porte de Saint Quentin, et y livra
30 grant assaut. Et là fii Jefaans Chandosj qui adonc es-
toit escuiers très appers et bons baceier^, et se jetia
entre les barrières et te porte oultre au Iwich d'une
lanee; et là se combat! à un escuier de Vermendois
moult vaillamment, qui s'appelloit Jefaans de Saint
35 Digier. Et fisent adonc li uns sus l'autre plniseurs
belles apertises d'armes. Et conquisent de force li
Haynuier le baille. Et là estoit li contes de Haynau,
en très bon convenant, et ses senesehaus messires
Gerars de Wercin, et messires Henris d'Antoing et
30 tout li aultre qui s'avançoient et enventuroient faar-
diement pour' leur honneur.
;vGoo»^lc
11339] LIVRE PREUIER, $ 78. 1S9
•À une porte^ c'on dist le porte Robert, estoient li
sires de Byaumont, li sires de Fauquemont^ et mes-
sires Gautiers de Mauni et leurs gens, et y fiseat im
très fort et dur assaut. Mais, se il assalloient forte-
ment et durement, cfail de Cambray, et li saudoiier 5
que li rois de France y avoit ossi envoilés, se deffen-
doient vassaument et par grant avis. Et fîsent tant
que li dessus dit assallant n'i conquisent riens, mais
retournèrent bien lasset et bien batu à leurs logeis;
H se désarmèrent et pensèrent dou reposer. Et vint 10
là li Jones contes Guillaumes de Namur servir le
conte de Haynau, par priière; et disoit qu'il se ten-
roit de leur partie bien et volentiers, tant qu'il se-
roient sus l'Empire; mais, si tretost qu'il enteroient
sus le royaume de France, il s'en iroit devers le roy 15
Phelippe qui l'avoit retenu ossi. C'estoit li intentions
dou conte de Haynau; et commandoit estroitement
à ses gens que nulz, sus le bart, ne fourfissist riens
au royaume de France.
$ 78. Entrues que li rois d'Engletore seoit devant 20
le cité de Cambray, à bien quarante mille bommes,
et que moult les constraindi d'assaus et de pluiseurs
Êds d'armes, bisoit li rois Phelippes de France son
mandement à estre à Perronne, en Yermendois, et,
là environ^ car il avoit intention de chevaucier con- K
bre les Ënglès, qu'il sentoit moult efforciement en
Gunbresis. Donc les nouvelles en vinrent en Fost
d'Englet^re, que li rois Pbelippes Ëiisoit un grant
amas des nobles de son royalme. Si regarda li rois
englès et considéra pluiseurs coses. Et se consîlla 30
principalment à chiaus de son pays, et à monsigneur
;vGoo»^lc
V
J64 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
Robert d'Artois, en qui il avoit moult grant fianae;
et leur demanda lequel il estoit le milleur à foire, ou
d'entrer ou royaume de France et venir contre son
adversaire le roy Phelippe, ou de lui tenir devant
5 Gambray, tant que par force il Teuist conquise.
li signeur d'Englet«Te et ses esirois consaulz ima-
ginèrent ptuiseurs coses, et regardèrent que la cité
de Gambray estoit malement forte, et bien pourveue
de gaas d'armes et d'artillerie, et ossi de tous vivres,
ID selonch leur espoir, et que longe cose seroit de là
tant séjourner et estre que il Teuissent conquis. Dou
quel conques il n'estoient mies encores bien certain.
Et si approçoit Li yviers, et si n'avoient encores fait
nul fait d'armes, ne apparant n'estoit dou faire, et
1& sejournoieut là à grant Irait. Se li consillièrent, tout
considéré, que il se deslogast et chevauçt^t avant ou
royaume. Là trouveroient il lai^;ement à vivre rt
mieus à fourer.
Cilz consaulz fti creus et tenus. Donc s'ordonnè-
20 rent tout li signeur à deslogier, et fisent tourser ten-
tes et très et toutes manières de harnois. Et se des-
logièrent tout communalment, et se misent à voie et
chevaucièrent devers le Mont Saint Martin, qui à ce
oosté est li entrée de France. Et chevauçoient orde-
35 neement, et par connestablies, cescuns sires entre
ses gens. Et estoient marescal de t'faost englesce li
contes de Norhantonne et de Clocestre et li contes
de Sufforc, et connestables d'Engleterre II contes de
Warvich. Et passèrent assés priés dou Mont Saint
80 Martin, li Engtès, li Alemant et li Braibençon le ri<
vière d'Escaut, tout à leur aise, car eUe n'est mies là
endroit trop lai^e.
:vGoo»^lc
e
[1339] LIVRE PREMIER, § 79. 1f>S
§ 79. Quant li contes de Haynau eut conduit et
aoompagnié le roy d'Ën^eterre jusques au départe-
ment de l'Empire, et qu'il devoit passer PEscaut et
entrer ou royaume, il prist conglet à lui et li dist>
tant qu'à celle fois, il ne cbevauceroit plus avoec- s
ques lui ; et que il estoit priiés et mandés dou roy,
son oncle, à cui il ne voloit point de bayne, mais
l'iroit servir ou royaume en tel manière comme il
l'avoit servi en l'&npire. Et li rois dist : « Diex y
ait part ! n Donc se parti li eontes de Haynau dou roy lo
dfjigleterre, et toutes ses routes, et li contes de Na-
mur avoeques lui, et s'en revinrent arrière au Kes-
noy. Et donna li contes congiet le fhis grant partie
de ses gens, mais il lor dist et pria qu'il fuissent tout
pourveu, car il voloit aler, dedens brief jour, devers 15
le roy son oncle. Et il li respondirent que ossi se-
roient II. Or parlerons nous dou roy d'Englet^re, et
de tous ses alloiiés, comment il persévérèrent.
Si tretost que li rois englès eut passet le rivière
d'Escaut, et il fil montés sus le royaume, il appella 20
Henri de Flandres, qui estoit jones escuiers, et le fîst
là chevalier, et li donna deux cens livres de revenue
à Testrelin oascun an, et li assigna bien et souffissam-
ment en Engletenre. De puis, vint li rois levier en
l'abbeye dou Mont Saint Martin, et là se tint par 95
deux jours; et toutes ses gens estoient espan sus le
pays environ lui. Si estoit li dus de Bnùbant logiés
en l'abbeye de Vaucelles.
Quant li rois de France, qui encores se tenoit à '
Compiègne, entendi ces nouvelles que li rois englès' 30
approQoit Saint Quentin, et estoit logiés sus le royau-
me, si renforça son mandement par tout, et envoia
:,Goo»^lc
166 CHRONIQUES DE J. FROISSiJlT. [19M]
son connestafole le conte Raoul d'Eu et de Ghînes, à
tout grant gent d'armes, à Saint Quentin, pour gar-
der le Tille et le frontière sus les ennemis, et renvtHa
le signeur de Couci en sa terre et le signeur de Hen
5 en le sienne. Et envoia encores grant gent d*armes
en Guise et en Ribeumont, à Bohain et as forterèces
voisines, sus le royaume, pour les garder des enne-
mis. Et descend] devers Perronne en Vermendois, à
grant fuison de gens d'armes, de dus, de contes et
10 de barons avoech lui. Et toutdis li croissoient geos
de tous lés, et se logoient sus celle belle rivière de
Somme, entre Saint Quentin et Pax>nne.
§ 80. Entrues que li rois englès se tenoit en l'ab-
beye dou Mont Saint Martin, ses gens couroient tout
U le pays là environ jusques à Bapaumes, et bien près
de Perronne et de Saint Quentin. Si trouvoient le
pays plain et gras, et pourveu de tous biens, car il
n'avoient onques mes eu point de guerre. Or avint
ensi que messires Henris de Flandres, en se nouvelle
30 chevalerie, et pour son corps avaocier et acra^istre
sen honneur, se mist un jour en le compagnie et
cueilloite de pluiseurs bons chevaliers, des quels
messires Jehaos de Haynau estoil chiés. Et là estoient
li sires de Faukemont, li sires de Beiges, li sires de
K Baudresen, li sires de Kuc et ptuiseur aultre; tant
qu'il estoient bien cinq cens combatans. Et avoient
aviset une ville assés priés de là, que on appelle Ron-
necourt, où li plus grant partie dou pays estoient
retret, sus le fiance de le forterèce, et y avoient mis
30 tous leurs biens. Et jà y avoient esté messires &-
noulz de Bakeben, et messires GulUaumes de Duvort
;vGoo»^lc
[13S9] UVRE PREHIEIl, S W- 187
et leuis routes, mes riens n'i avoient feit. Doiu;, ensi
que par airamie, tout oïl sîgaeur dessus nommet
s'estoient queilliet en grant désir de là venir, et de
faire lor pooir dou conqueire.
A ce donc avoit dedeos Honnecourt un abbet, 5
de grant sens et de hardie entrepresure, et estoit
moult hardis et vaillans homs as armes. Et bien ap-
parut, car il fist, au dehors de le porte de Honne-
court, faire et carpenter en grant haste unes bailles,
et mettre et assir au travers de le rue ; et y avoit, 10
entre l'un bauch et l'autre , environ demi piet de
crues et d'ouvreture. El puis fist armer toutes ses
gens, et cescun aler as garites, pourveu de pières,
de cauoh et de tète artillerie qu'il apertient pour def-
iendre. Et si tretost comme cil signeur dessus nom- 15
met vinrent à Honnecourt, ordonné par bataiUe, et
en grosse route et espesse de gens d'armes dure-
mentj il se mist entre les bailles et le porte de le
ville, en bon convenant, et fist le porte de le
ville ouvrir toute arrière, et moustra et fîst bien cière so
et manière de delTense. Là vinrent messires Jelians
de Haynau, messires Henris de Flandres, li sires de
Faukemont, li sires de Berges et li aultre, qui se mi-
sent tout à piet. Et approcièrent ces bailles, qui es-
toient fortes durement, cescuns son glave en son 35
poing. Et commencièrent à lancier, et à jetter grans
cops à ohiaus de dedens; et cil de Honnecourt, à
yaus defifendre vassaument. Là estoit dans abbes,
qui mies ne s'espai^oit, mais se tenoit tout devant,
en très bon couvenant, et recueilloit les horions 30
moult vaillamment, et lançoit à le fois ossi grans
cops moult ai>ertement. Là eut ùàt tamainte belle
;vGoo»^lc
168 CHRONIQUES OE J. PKOISSART. [1S39]
apertise d'annes, et assaut très dur et très fier, et
tamaint homme mort et bleciet, car cil qui estment
as mura et as garittes jettoient contreval pières et *
baus et pos plains de cauch^ pour plus ensonniier
5 les assallans. Là estoient li baron et tî chevalier de-
vant les barrières, qui y fàisoient merveilles d'ar-
mes.
Et avint ensi que messires Henrîs de Flandres, qui
se tenoit tout devant son glave empuignié, lançoit
10 les horions grans et perilleus. De quoi dans abbes,
qui estoit fors et hardis, apuigna le glave au dit
monsigneur Henri. Et tout paumiant et en tirant
vers lui, il fist tant que, parmi les fendures des bar-
rières, il vint jusque» au brach le dit monsigneur
is Henri, qui ne voloit mies son glave laissier aler,
pour sen honneur. Adonc, quant li abbes tint le
brach dou chevalier, il le tira si fort à lui qu'il l'en-
cousi ens es bailles, jusques as espaules, et [le] tint là
à grant meschief, et Feuist sans faulte sachiet ens, se
ao les bailles fuissent ouvertes assés. Si vous di que li
dis messires Henris ne fii mies, le temps que li abbes
le tint, à sen aise, car il estoit fors et durs et le ti-
roit sans espargnier. D'autre part, li chevalier tiroient
contre lui pour rescourre monsigneur Henri. Etdura
S& ceste luîte et chilz tireis moult longement, et tant
que messires Henris fu durement grevés. Toutes fois,
de force, il fu rescous, mais sa glave demora par
grant proèce devers l'abbet qui le garda, de puis,
moult d'anées, et encores est elle. Je croi, en le salle
30 de Honnecourt. Toute fois, elle y estoit, quant je
trettai ce livre, et me fu moustrée, par un jour c[ue
je passai par là; et m'en fii recordée la venté et li
;vGoo»^lc
[1339] LIVSE PREMIER, g 81. 4S9
maDi^ de l'assaut^ comment il fu fais; et le gar-
doient encores [les moynes*] en grant parement.
J 8f. Ce jour eut à Honnecourt mouit fier assaut
et dura jusques au vespre. Et eu y eut pluîseur des
assallans mors et blechiés. Et par especial, messires 5
Jehans de Haynau y perdi un chevalier de Hollan-
des, qui s*appelloit messires Hamans, et s'armoit à
une îasse copenée de geules, et à trois fremaus d'a-
zur ou chief de sen eseut. Quant Haynuier, Flamench,
Englès, Alemant, qui là estoient assallant, veirent le to
bonne volenté de chiaus dedens, et qu'il n'i pooient
riens conquester, mais estoient batu et nayre et
moult foulé, si se retraisent arrière, sus le soir, et
emportèrent à leurs logeis les bleciés.
A l'endemain, au matin, se départi li rois englès 15
dou Mont Saint Martin, et commanda sus le hart, à
son département, que nuls ne fesist mal à t'abbeye.
Ses commandemens fu tenus. Et puis entrèrent en
Vermendois, et s'en vinrent ce jour logier de haute
heure droit sus te Mont de Saint Quentin, et là firent so
en bonne ordenance. Et les pooient bien veoir cil de
Saint Quentin, se il votoient; mais il n'avoient nul
talent de issir hors de le ville. Si vinrent li coureur
d'Engleterre courir jusques as barrières de Saint
Quentin, et escarmucier à chiaus qui là se tenoient, 35
li eonnestables de France et messires Charles de
Blois, qui fisent leurs gens ordonner devant les bar-
< rières, et mettre en boti convenant. Et quant li En-
glès qui là estoient, li contes de SufTorch , li contes
1. Mb. de Gai^ère*, ^ 38 t* — Ms. $477, fo 59 (lacune).
;vGt)0*^lc
t7Q CHROmQCBS IS I. FROfSSART. [tnVi
de Northantonne, measires Rensuls de Gob^en,
messires Gautiers de Mauni et pluiseur aultre en vei-
rent le manière^ et que riens il n'i pooieat gaagnier,
si se retraîsent arrière devers l'ost le roy^ qui se te-
5 noit sus le Mont Saint Quentin, et furent là It^et
jusques à l'endemain à prime. Si eurent li signeur
conseil ensamble quel cose il feroient, se ilz se trai-
• roient avant ou royaulme, ou se il se retrairoient en
le Tierasse. ■ [Ce fut conseillé et regardé pour le meil-
10 leur, par l'advis du duc de Brebant, qu'Uz se tire-
roient en *] Tierasse, eostiant Haynau, dont les pour-
veances lor venoient tous les jours; et, se li rois
Phelippes les sievoit à host, ensi qu'il supposoîent
bien qu'il le feroit, il l'atenderoient en plains camps,
15 et se combateroient à lui sans faute.
Adonc se parti li rois englès dou Mont Saint Quen-
tin, et s'arroutèrent toutes ses gens; et cbevaucièrent
en trois bataiUes moult ordonneement : li marescbal
et 11 Alemant avoient le première, li rois englès le
30 moiienne, et li dus de Braibant la tierce. Si chevau*
çoient ensi, ardant et essillant le pays, et n'aloient
non plus de trois ou de quatre liewes le jour, et se
logoient de haute heure. Et passèrent une route
d'Ënglès et d'Àletnans le rivière de Somme, desous
ss Tabbeye de Vermans, et entrèrent en ce plein pays
de Vermendois; si l'ardirent et exillièrent moult du-
r«Daent, et y Bsent moult grant damage. Une autre
route, dont messires Jehans de Haynau, li sires de
Faukemont et messires Ernoulz de Bakehen estoient
30 chief et meneur, chevauçoient un aultre chemin, et
1. H*, de GaiguièrM P> 39. — H». 6477, i^69 To(l«cnD«).
.vGoo»^lc
[4339] LIVnE PREMIER, S «• 171
vinrent à Or^;:ni Sainte Benoîte, une ville assës
bonne, mais elle estoit foiblement freinée. Si fîi tan-
tost prise par assaut, pillie et robée , et une bonne
abbeye de dames, qui là estoit et est encores, vio-
lée, dont ce fîi pités et damage, et la ville lit toute 5
arse. Et pois s'en partirent li Alemant, et chevauciè-
rent le chemin devers Guise et vers Ribeumont. Si
se vint li rois en^ès logier à Befaories, et là se tint
un jour tout entier, et ses gens couroient et ar-
doient le pays de là environ. 10
Si vinrent nouvelles au roy englès, et as signeurs
qui là estoient avoecques lui, que li rois de France
estoit partis de Perronne en Vermendois, et le ap-
proçoit à j^us de cent mille hommes. Adonc se parti
li rois englès de Behories, et prist le chemin de le 15
Flamengne, pour venir vers Leschielle en Tierasse.
Et si mareschal et li evesques de Lincolle de leur
route, à plus de cinq cens lances, passèrent le rivière
de Oise à gué, el entrèrent eu I^onnois et vers le
terre le signeur de Ck>uci , et ardirent le Fère , et 30
Saint Goubain et le ville de Marie, et s'en vinrent un
soir logier à Vaus desous Laon. Et l'endemain, il se
retraisent devers leur bost, car il sceurent de certain,
par aucuns prisonniers qu'il prisent, que li rois de
France estoit venus à Saint Quentin, et que là pas- 35
seroit U le rivière de Somme : si se doubtèrent qu'il '
ne fuissent rencontré. Nonpourquant, à lor retour,
il ardirent une bonne ville, c'on dist Creci sus Selle,
qui point n'estoit fremée, et grant fiiison de viUe et
de hamîaus là environ. 30
§ 82. Or vous parierons de le route monsigneur
;vGoo»^lc
t7S CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
Jehan de Haynau^ où il avoit bien cinq cens comba-
tans. Si s'en vint à Guise, si entra en le ville, et le
Hst toute ardoir, et abatre les moulins. Dedens le
forterèce estoit ma dame Jehane sa fille, femme au
5 conte Loeis de Blois, qui fti moult efiraée de l'arùn
et dou couvenant monsigneur son père. Et li fist
priier que, pour Diu, il se volsist déporter et retraire,
et qu'il estoit trop dur consilliés contre li, quant il
ardoit l'iretage à son fil le conte de Blois. Nonob-
10 stant ce, li sires de Byaumont ne s'en volt onques
dekiier, si eut lait se entrepresure. Et puis s'en re-
tourna devers l'ost le roy, qui estoit logîés et arrestés
en l'abbeye de Femi.
Entrues couroient ses gens tout le pays. Et vinrent
i& bien sis vint lances d'Alemans, dont li sires de Fau-
kemont estoit cfaiés, jusques au Louvion en Tierasse,
une bonne grosse plate ville. Si estoient les gens dou
Louvion communément retret et boutet ens es bos,
et y avoient mis et porté te leur à sauveté. Et s'i es-
30 toient fortefiiet de roullies et de bois copet et abatut
environ yaus. Si chevaucîèrent li Alemant celle part.
Et y sourvint messires Ernouls de Bakehen et se
route, et assallirent chiaus dou Louvion, qui ens ou
bos s'estoient boutet, liquel se deBèndirent ce qu'il
25 peurent. Ce ne fHi mies gramment, car il ne tinrent
". point de conroi, et ne peurent durer à le longe con-
tre tant de bonne gent d'armes. Si furent ouvert, et
leurs fors conquis, et mis en cace. Et en y eut bien,
mors que navrés, quarante, et perdirent tout ce que
30 là aporté avoient. Ensi estoit et fu cilz pays de Tie-
rasse adonc courus et sans déport. Et en (aisoient li
Ënglès leur volenté.
DiqitizeabyG00»^lc
[1339] UVSE PftEMIER.S S3. 173
Si se parti li rois Edouwars de Farvakes, où il s'es-
toit lo^és, et s'en vint à Moustruel, et se loga un
soir. Et l'eademain, il vint et toute sen host logier à
le Flamengrie. Et fist toutes ses gens logier environ
lui, où il avoit plus de quarante mille hommes. Et s
eut conseil qu'il attenderoient là le roy Phelippe et
son ptooir, et se combateroient à lui, comment qu'il
fust.
§ 83. Li rois de France, qui estoit partis de Saint
Quentin ; sievoit vistement le roy englès en grant lo
désir que dou trouver et te combatre. Et estoit par-
tis de Saint Quentin o tout son plus grant effort^ et
toutdis li croissoient et veooient gens de tous pays.
Si s'esploita tant li dis rois et toutes ses hos qu'il
vint à Buironfosse, et là s'arresta, et commanda à 15
toutes gens logier et à arrester ; et dist qu'il n'iroit
plus avant, si aroit combatu le roy englès et tous ses
alloiiés, puis qu'il estoit à deus liewes priés.
Si tretost que li contes Guillaumes de Haynau,
qui se tenoit au Kesnoy, tous pourveus de gens d'ar- so
mes, peut savoir que li rois de France, ses oncles,
estoit logiés à Buironfosse, en espoir que de comba-
tre les Englès, il se parti dou Kesnoi à plus de cinq
cens lances, et chevauça tant qu'il [vint'] en l'ost le
roy de France, et se représenta au dit roy son on- 2S
cle, qui ne li fist mies si lie chière que li contes vo-
sist, pour le cause de ce qu'il avoit esté devant Cam-
bray avoech son adversaire le roy englès, et fortement
apovri et euvriet Cambresis. Nompourc)uant li contes
t . M*, de Gùgiûèi«i, P> kO. — M*. 6^77, P> 60 v» (Ucune).
D,qit,ze'abvG00»^lc
m CHRONIQUES DE J. FR0IS6ART. [1336]
s'en porta assés bellement, et s'escusa si sagement au
roy son (mcle, que li rois et tous ses consaulz, pour
celle fois, s'en conteutèrent assés bien. Et lîi ordon-
nés des mareschaus, le mareschal Bertran et le ma-
5 reschal de Trie, à soi logier aa plus priés des enne-
mis.
$ 84. Or sont li roi de France et d'Ëngletore to-
giet entre Buironfosse et le Flamengrie en plain pays,
sans nul avantage, et ont grant désir, si com il mous-
10 trent, que d'yaus combatre. Si tous di pour certain
que on ne vit onques si belle assamblée de grans si-
gneurs qu'il y eut là, car li rois de France y estoit,
lui quatrime de rois : premièrement avoecques lui lï
rois de Behagne, messires Charles li rois de Navare
15 et li rois d'Escoce, ossi de dus, de contes et de ba-
rons tant que sans nombre. Et toutdis li croissoient
gens de tous lés.
Quant li rois englès fii arrestés à le Capelle enTie-
rasse, ensi que vous avés oy, et il sceut de verilé que
20 li rois Phelippes de France, ses aversaires, estoit à
deus petites liewes de lui, et en grant volenté de
combatre, si mist les signeurs de son host ensamhie:
premièrement le duch de Braibant son cousin, le
dueh de Guéries, le conte de Jullers, le marchis de
35 Blankebourch, le conte desMons, monsigneur Jehan
de Hajmau, monsigneur Robert d'Artois et tous les
barons et les prelas d'Engleterre, qui avoecques lui
estoient, et à qui il touchoit bien de le besongne, et
leur demanda conseil comment à sen honneur il se
ao poroient maintenir, car c'estoit se intention que de
combatre, puis qu'il sentoit ses ennemis si priés de
;vGoo»^lc
{«889] LIVRE raXUIBR, $ 85. 478
lui. Adono regardèrent H signeur l'un l'autre et priiè-
rent au ducfa de Braibant qu'il en volsist dire sen
entente. Et li dus en respondi que o'estoit bien ses
aocors que dou combatre, car aultronent à leur hon-
neur il ne s'en pooient partir. Et conailla adonc que 6
on enroiast fairaus devers le roy de France, pour de-
mander et accepter le journée de le bataille. Adonc
en fa oargiés uns hiraus dou duch de Guéries, et qui
bien savoit Srançois^ et enfourmés quel eose il devoît
dire. Si se parti li dis hiraus de ses signeurs, et ohe- lo
vauça tant qu'il vînt en l'ost fiançoise, et se traist
devers le roy. de France et son conseil, et Sst son
message bien et à point; et dist au roy de France
comment U rois englès estoit arrestés sur les camps,
et li requerott à avoir bataille, pooir contre pooir. 15
A laquelle requeste li rois de France entendi vo-
lentiers et accepta le jour. Si me samble que ce deut
estre le venredi ensiewant, dont il estoit merkedis.
Si s'en retourna li hiraus arrière devers ses signeurs,
bien revestis de bons mantiaus fourés, que li rois de so
France et li signeur li donnèrent, pour les riches
nouvelles qu'il avoit aptn'tées. Et recorda le bonne
cière que 11 rois li avoit fait et tout 11 signeur de
France.
$ 85. Ensi et sus cel estât fii la journée accordée S5
de combatre, et fîi segnefîiet à tons les compagnons
de l'une host et de l'autre. Si se abillièrent et ordon-
nèrent, cescuns selonch ce qu'il besongnoit. Le joedi,
au matin, avint que doi chevalier au conte de Hay-
nau et de se délivrance, li sires de Fagnoelles et li so
sires de Tupegni montèrent sus leurs coursiers rades.
;vGoo»^fc
176 CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. [i3S9]
fors et bien courans, et se partirent de leur host, en-
tre yaus deus tant seulement, pour aler veoir l'ost as
Englès el wardemaner. Si chevaueièrent un grant
temps, à le couverte, toutdîs en costiant l'ost as En-
5 glès. Or eschei que lî sires de Fagnuelles estoit mon-
tés sus un coursier trop merancolieus et mal afirenet :
si s'effrea en ehevauçant, et prist son mors as dens,
par tel manière qu'i^] * s'escuella et se démena tant
qu'i[ll fu mtàtres dou signeur qui le chevauçoit, et
10 l'emporta, volsist ou non, droit en mi les logeis le
roy d'Engleterre. Et chei d'aventure entre mains d'A-
lemans, qui lantosl eogneurent qu'il n'estoit mies de
leurs gens, si l'encloirent de toutes pars et le cheval
ossi. Et demora prisonniers, à cinq, nesai, sisgentilz
15 hommes alemans, qui tantost le rançonnèrent et li
demandèrent dont il estoit; et il respondi : «de Hay-
nau. » Adonc li demandèrent il se il cognissoit mon-
signeur Jehan de Haynau, et il dist : a oil. u Et re-
quist que par amours on le menast devers lui, car il
ao estoit tous seurs que il le raplegeroit bien, se il vo-
loient.
De ces parolles furent li Alemant tout joiant et
l'amenèrent devers le signeur de Byaumont, qui tan-
tost avoit oy messe. Et fu moult esmervilliés, quant
25 il vey le signeur de Fagnuelles, Se li recorda cils sen
aventure, si com vous avés ci dessus oy, et ossi de
combien il estoit rançonnés. Adonc demora ti sires
de Byaumont pour le dit chevalier devers ses mes-
1. On lit liai» le nu. S1|T7, F* 61 v» : qu'l, forme qui dou» repr^tente
MM donte la prononciation d'alon, où la conaonne finale I de qa'il
ne M faisait pa» leatir, du moïn* devant un mot rommençanl par
;vGoo»^lc
[1339] LIVRE PREMIER, § 86. 177
très, et le raplega de sa raençon. Si se parti sur ce lî
sires de Fagnuelles, et revint arrière eo Tost de Hay-
, imu devers le conte et les signears, qui estoient tout
courouciet de lui, par le relation que li sires de Tu-
pegni en avoit faite; mais il furent tout joiant, quant 5
il le veirent revenu. Si se remercia grandement au
conte de Haynau de monsigneur Jehan, son oncle,
qui l'avoit raplegiet et renvoiiet sans péril et sans
damage, fors de sa raençon tant seulement. Car ses
coursiers li fii rendus et restitués, à le priière et or- lo
denance dou dessus dit monsigneur Jehan de Hay-
nau. Ënsi se porta ceste journée, et n'i eut riens fait,
non cose qiù à recorder face. >
§ 86. Quant ce vint le venredi, au matin, les deus
hos se apparillièrent et oïrent messe, cescuns sires 15
entre ses gens et en son logeis. Et se acumenièrent
et confessèrent li pluiseur, et se misent eo bon estât,
ensi que pour tantost morir, se il besongnoit. Nous
parlerons premièrement de l'ordenance des Englès,
qui se traisent sus les camps, et ordonnèrent trois 30
batailles bien et faiticement et toutes trois à piet, et
mhenl leurs chevaus et tout leur harnois en un petit
bois qui estoit derrière yaus, et arroutèrent tout leur
charoy par derrière yaus, et s'en fortefiièreot.
Si eurent li dus de Guéries, li contes de Jullers, 35
H marchis de Blankebourch, messires Jehans de Hay-
nau, li marchis de Misse, li contes des Mons, li con-
tes de Saumes, li sires de Faukemont, messires Guil-
laumes de Duvort, messires Ërnoulz de Bakehen et
li Alemant la première bataille. Et avoit en ce pre- 30
mière route vint et deus banières et soissante pen-
;vGoo»^lc
178 CHRONIQUES DE J. FaOlSSART. [1339]
nons, et estoient bien huit mille faommehde bonne
La seconde bataille avoit li dus de Braibant. Si
estoient avoecques lui tout li baron et li chevalier de
5 son pays : premièrement li sires de Kuk, li sires, de
Bei^hes, li sires de Bredas, li aires de Roselar, U si-
res de Vauselare, li sires de Baudresen, U sires, de
Bcff^eval, li sires de Sconnevort, li sires de Wilem,
li sires d'Âsko, li sires de Boukehort, li sires de Ca-
10' sebèke, li sires de Duffle, messires Thieris de Walle-
coml, messires Rasses de Grés, messires Jefaans de
Casebèke, messires Jebans Pili[sr]re, messires Gilles
de Coterebbe, li troi frère de Harlebèke, messires
Gantiers de Hotebei^e et messires Hem-is^e Flandres,
15 qui fait bien à rementevoir, car il y estoit en grant
esto£Fe; et pluiseur aultre baron et bon chevalier, et
aucun de Flandres qui s'estoient mis desous le ba-
nière dou duch de Braibant, telz que li sires de Hal-
luin, messires Hector Vîllains, messires Jehans de
30 Rodes, li sires de Grutjis, messires Wauflars de Ghis-
telle, messires Guillaumes de Strates, messires Gos-
suins de le Muellé, et pluiseurs aultres. Si avoit li
dus de Braibant jusques à vint et quatre banîèig^
et quatre vint pennons. Si estoient bien sept mille
25 combatans, toutes gens de bonne estoffe.
La tierce bataille et la plus grosse avoit li rois
d'Ëngleterre, et grant fuison de bonnes gens de son
pays dalés lui ; et premiers ses cousins, 11 contes Hen-
ris Derbi, fitz à monsigneur Hemi de Lapcastre au
30 Tors Col, U evesques de LincoUe, li evesques de Du-
rem, li contes de Sallebrin, U contes de Norhantonne
et de Clocestre, li contes de Su£forch, li contes de
;vGoo»^lc
[fll39] LIVSE PHEMIBK, $ 87. 170
K.eDfort, monsigneur Robert d'Artois qui s'appelloit
contes de Ricemont, messires Renaus de Gobehen^
H sires de Persi, li sires de Ros^ H sires de Montbrai,
messires Loeis et messires Jehans de Biaucamp, li
sires de le Ware, li ^ires de Lantornie^ li sires de '-
Basset^ li sires de. Filwatier, messires Gautiers de
Mauni, messires Hues de Hastinges, messires Jehaos
de Lilie^ et pluiseurs^ultres que je ne puis mies tqus
nommer.
Et fist là li rois englès pluiseurs nouviaus chev^- to
liers, entre lesquels il fist monsigneur Jehan Ghandos^
qui de puis de proèce et chevalerie iîi plus recom-
mendés que nulz chevaliers de son temps^ si com
vous orés avant en ceste hystore. Si avoit U rois
vint et huit banières et environ quatre vint et dix u
pennons, et pooient estre enviroo six mille hommes
d'armes et six mille arciers. Et avoient mis une aul-
tre bataille sus èle, dont li contes de Warvich et U
contes de Pennebruch, li sires de-Beroler, li sires de
MuUeton et pluiseur aultre bon chevalier estoient SO
chief. Si se tenoient chil à cheval, pour reconforter
les batailles qui branleroient. Et estoient en celle ar-
rière regarde environ trois mille aimeures de fier.
§ 87. Quant tout li Englès/U Alemant^ U Braiben-
Qon et tout li alloiiet furent ordonné, ensi que vous S5
avés oy, et cescuns sires mis et arrestés desous se
banière, en» que commandé ta de par les mares-
chaus, si (a dit enoores et commandé, de par le roy,
que nuls n'alast ne se mesist devant les banières des
marescaus. Adonc monta U rois englès sus un petit ao
palefroi moult bien ambiant, acompagniés tant aeu-
;vGoo»^lc
180 CHRONIQUES DE J. FROISSABT. [1339]
lement de monsigneur Robert d'Artois, de monsi-
gneur Renault de Gobehen et de monsigneur Gauti^
de Mauni, et ehevauça devant toutes les batailles.
Et prioit moult doucement as signeurs et as compa-
5 gnons que il vosissent aidier à garder sen honneur,
et cescuns li avoit en couvent. Apriès ce, il s'en re-
vint en se bataille et se mist en ordenance, ensi
qu'il apertenoit. Or vous reeorderons l'ordenanc3e
dou roy de France et de ses batailles, qui furent
10 grandes et bien estoffées, et vous en parlerons otant
bien que nous avons &it de ceste des Englès.
Il est bien vérités que U rois de France avoit si
grant peuple et tant de nobles et de bonne chevale-
rie que merveilles seroit à recorder. Car, ensi que je
15 oy dire chiaus qui y furent et qui les avisèrent tous
armés et ordonnés sus les camps , il y eut onze vint
et sept banières, cinq cens et soissante pennons,
quatre rois et six dus et trente six contes et plus de
quatre mille chevaliers, et de conunugnes de France
30 plus de soixante mille. Avoech le roy de France es-
toient li rois de Behagne, li rois de Navare et li rois
d'Escoce, li dus de Normendie, li dus de Bourgon-
gne, li dus de Bretagne, li dus de Bourbon, li dus de
Loeraingne et U dus d'Athènes; des contes, li contes
25 d'Alençon, frères au roy de France, li contes de Flan-
dres, li contes de Haynau, li contes de Blois, li con-
tes de Bar, li contes de Forés, li contes de Fois, li
contes d'Ermignac, le dauffin d'Auvergne, li contes
de Genville, li contes d'Estampes, H contes de Ven-
30 dôme, li contes de Harcourt, li contes de Saint Pol,
li contes de Ghines, li contes de Boulongne, U contes
de Roussi, li contes de Dammartin, li contes [de
;vGoo»^lc
[1339] LIVRE PREMIER, g 87. 181
Yalentinois'] , li cpntes d'Aubmale , H contes d'Au-
Qoirre, li contes de Sansoire^ li contes de G«iève, li
contes de Dreus, et de celle Gascongne et de la Lan-
guedoch tant de contes et de viscontes que ce serolt
uns detris à recorder. Certes e'estoit très grans bîau- s
tés que de veoir sas les camps banières et pennons
venleler, ohevaus couvers, chevaliers et escuiers ar-
més si très nettement que riens n'i avoit à amender.
Et ordonnèrent li François trois grosses batailles, et
misent en çascune quinze mille hommes d'armes et lO
vint mille hommes de piet.
Si se poet on et doit grandement esmerviUier
comment si belle gent d'armes se peurent partir sans
bataille, mais H François n'estoient point d'acord.
Ançois en disoit cescuns sen oppinion. Et disoient, 15
par estrit, que ce seroit grant honte et grant defÊiute
se on ne les combatoit, quant li rois et toutes ses
gens savoient leurs ennemis si priés de lui, et en son
pays rengiés et, à plains camps, et les avoit sievis à
l'entente que de combatre à yaus. Li aucun des aul- ao
très disoient à t'encontre que ce serait grant folie se
il se condjatoit, car il ne savoit que cescuns pensoit,
ne se point de trahison y avoit. Car, se fortune li.
estoit contraire, il mettoit son royaume en aventure
de perdre; et se il desconfisoit ses ennemis, pour ce 35
n'aroit il mies le royaume d'Engleterre, ne les terres
des signeurs de l'Empire, qui avoecques lui estoient
alloiiet.
Ensi estrivant et debatant sus ces diverses oppi-
nions, li jours passa jusques à grant miedi. Environ 30
I. Ml. de Gtignière», î» 41 «°. — Mi. 6477, P> £3 : •• d'Alçiitinoit. >
;v G oo»^ le
182 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
petite Donne, uns lièvres s'en vint trespassant parmi
1^ camps, et se bouta entre les François. Donc corn-
mencièrent cil qui le veirent à criier et à huer et
faire grant haro. De quoi cil qui estoient derrière
5 cuidoient que cil de devant se combalissent, et H
pluiseur qui se tenoient en leurs batailles tous ren-
glës fesissent otel. Si misent li pluiseur vistement
leurs bacinès en leurs testes et prisent leurs glaves.
ÏÀ y eut fais pluiseur nouviaus ohevaUers. Et par
10 especial li contes de Haynau en fîst quatorze, que on
nomma tous jours depuis « les chevaliers dou lièvre » .
En cel estât se tinrent les batailles, ce venredi, tout
le jour, et sans yaus esmovoir, fors par le manière
que j'ai dit.
15 Avoech tout ce et les estris qui estoient entre piui-
seurs dou conseil le roy de France, estoient aportées
en l'ost lettres et reconraiendations au roy de France
et à son conseil, de par le roy Robert de Sezille, li
quelz rois ftobers, si com on disoit, estoit mis grans
30 astronomiiens, et plains de grant prudense. Si avoit
par pluiseurs fois jettes ses sors sus Testât et les ave-
nues dou roy de ïVance et dou roy d'Engleterre. Et
avoit trouvé en l'astrologe et par experiense que, se
li rois de France se combatoLt au roy d'Engleterre,
35 il convenoit qu'il Aist desconfîs. Donc, il, com rois
plains de grant cognissanee, et qui doubtoit ce péril
et le damage dou roy de France, son cousin, avoit
envoiîés jà de lonch temps moult songneusement
lettres et episteles au roy Phelippe et à son conseil,
30 que nullement il ne se mesissent en bataille entre les
Ënglès, là où li corps dou roy Edouwart iîist en pré-
sent. Pourquoi, ceste doubte elles escripsions que li
:,Goo»^lc
[4839] LIVRE PREMIER, § 88. 183
. rois de Sesille eo faisoit, detrioient grandement plui-
seurs signeurs dou dit royaume. Et meismement li
rois Phelippes estoit tous infounnés d^ ce conseil.
Mais non obstant ce que od li desist et remoustrast
par belles raisons les deffenses et les doubtes dou ï
roy Robert de Sezille, son chier cousin, si estoit il
en grant -volenté et en bon desîr de combatre ses
ennemis; mais il fii tant detriiés que li journée passa
sans bataille, et se retray çascuns à son logeis.
Quant li cont«s de Haynau vei que on ne comba- lo
tcroit point, il se parti, et toutes ses gens, et s'en
vint ce soir arrière au Kesnoy. Et li rois englès et li
dus de Braibanl et li auitre signeur se misent au re-
tour, et fîsent caigier et tourser tout leur harnois,
et vinrent gésir, ce venredi, bien priés d'Avesnes, 15
en Haynau, et là environ. Et l'endemaîn, il prisent
congiet tout l'un à l'autre. Et se départirent li Aie-
- mant et li Braibençon, et s'en râlèrent eescuns en
leurs Ueus. Si revînt li rois englès en Braibant, avoec-
ques le duc de Braibant, son cousin. Or vous parle- so
rons dou roy de France comment il persévéra.
§ '88. Che venredi que li François et li Englès fu-
rent ensi ordonné pour bataille à Buironfosse, quant
ce vint apriès nonne, li rois. Phelippes retourna en
ses k>geis tous courouciés, pour tant que la bataille 2b
n' estoit point adrecie ; mais cil de son conseil le ra-
paisièrent et li disent ensi que noblement et vassau-
ment il s'i estoit portés^ car il avoit hardiement pour-
sievis ses ennemis et tant fait qu'il les avoit boutés
hors de son royaulme, et que II convenoit le roi en- 3o
glès faire moult de tolz chevaucies, ançois qu'il 'euist
D,qit,zeabvG00»^lc
184 CHRMnQUES DE J. FROISSART. [I3S9]
conquis le royaume de France. Le samedi, au matin,
donna H rois Phelippes toutes manières de gens d'ar-
mes congiet, dus, contes, barons et chevaliers, et re-
mercia les chiés des signeurs mouit courtoisement,
s quant si appareilliement il l'estoient venu servir. Ensi
se deffist et rompi ceste grosse chevaucie; si se re-
trest cescuns en son lieu.
Li rois de France s'en revint à Saint Quentin, et
là ordonna il une grant plenté de ses bescmgnes, et
10 envoia gens d'armes par ses garnisons, especiaument
à Toumay, à Lille et à Douay, et en toutes les for-
lerèces marcissans sus l'Empire. Et envoia dedens
Tournay monsigneur Godemar dou Fay souverain
cliapitainne et regard de tout le pays là environ, et
1& monsigneur Edouwarl de Biaugeu dedens Mortagne.
Et quant il eut ordonné une partie de ses besongnes,
à sen entente et à sa plaisance, il se retraist devers
Paris.
'Or parlerons nous un petit dou roy englès, et
20 comment il persévéra avant. Depuis qu'il fu partis de
le Flamengrie et revenus en Braibant, il s'en vint à
Brousselles. Là le raconvoiièrent li dus de Guéries ,
li contes de Jullers, li marcis de Blankebourch, li
contes des Mons, messires Jehans de Haynau, li sires
s& de Faukemont, et tout li signeur de l'Empire qui es-
toient alloiiet à lui, car il voloient aviser et regarder
li un parmi l'aultre comment il se maintenroient de
ceste guerre où il s'estoient bouté. Et pour avoir cer-
tainne expédition, il ordonnèrent un grant parlement
30 à estre en le ditte viUe de Brousselles. Et y fu priiés
et mandés Jakemes d'Artevelle, li quelz y vint lie-
ment et en grant arroy, et amena en se compagnie
D,qit,zeabvG00»^lc
[1389] UVRB PREMIER, S 88. 18S
tous les consaulz entièrement des bonnes villes de
Flandres. A ce parlement, qui fu à Brouxeltes, ot
pluiseurs eoees dittes et devbées. Et me samble que
li rois englès fu si consillfés de ses amis de V^-
pire qu'il fist une requeste à chiaus de Flandres que 5
il li volsissent aidier à parmaintenir se guerre , et
defliier le roi de France, et aler avoecques lui, par
tout où il les vorroit meoer; et se il voloient ce
faire, il leur aideroit à recouvrer Lille, Douay el
Bietune, 10
Geste parolle entendirent li Flamench volentiers;
mais de le requeste que li rois lor faisoit, il deman-
dèrent à avoir conseil entre yaus tant seulement, et
taatost à respondre. Li roi» leur acorda. Si se con-
sillièrent à grant loisir; et, quant il se furent consil- 15
liet, il respondirent et disent : « Chiers sires, aultre
fois nous avés vous fait ces requestes. Et sacLës vraie-
menl que, se nous la poions nullement faire, par
noslre honneiu* et nos fois garder, nous le ferions.
Mes nous ne poons esmouvoir guerre au roy de 20
France, quiconques le soit, car nous sommes obli-
glet à çou, par foy et par sierement, et sus deus mil-
lions de florins à le cambre dou pape, et sus escheir
en sentCTise, se nous esmouviens guerre contre le dit
roy de France. Mais se vous voliés faire une cose que as
nous vous dirons, vous y pourveriës bien de remède
et de conseil. C'est que vous voelliés enchargier les
armes de France et esquarteler d'£ngleterre, et vous
appelles rois de France, et nous vous tenrons pour
roy et obéirons à vous comme au roy de France, et 30
vous demanderons quittance de nos fois, et vous le
nous donrés comme rois de France. Par ensi serons
;vGoo»^lc
186 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
nous absolz et dispensés, et irons par tout là où vous
vorrés et ordonnerés. »
§ 89. Quant li rois englès eut oy ce point et le
requeste des Flamens, il eut besoing d'avoir bon
5 conseil et seur avis, car pesant li estoit de prendre
les armes et le nom de ce dont il n'avoit encor^
riens conquis. Et ne savoit quel cose il l'en avenroit,
ne se conquerre le poroit. Et d'autre part il refusoit
envis le confort et l'ayde des Flamens, qui plus li
10 pooient aidier à se besongne que tous li remanans
dou siècle. Si se consilla li dis rois au duc de Brai-
bant, au duc de Guéries, au conte de Jullers, à mon-
signeur Robert d'Artois, à monsigneur Jehan de
Haynau et à ses plus secrès et especiaulz amis : si
15 ques iinablement, tout peset, le mal comme le bien,
il respondi as Flamens, par l'information des signeurs
dessus dis, que, se il voloient jurer et seeler qu'il li
aideroienl à parmainlenir se guerre, il emprenderoit
tout et de bonne volenté; et ossi il leur jurroit à ra-
SO voir LiUe, Douay et Bietune, et il respoudirent :
«Oil. »
Donc fil pris et assignés uns certains jours à Gand,
li quels jours se tint, et y fii li rois d'£ngleterre et te
plus grant partie des signeurs de l'Empire dessus
25 nommés, alloiiés avecques lui. Et là furent tous li
consaulz de Flandres generaument et especialment.
Là ftirent toutes les parolles en devant dittes rela-
tées et proposées, entendues et acordées, escriptes,
jurées et scellées. Et encarga li rois d'Ëngleterre les
30 armes de France et les esquartela d'Engleterre , et
emprist en avant le nom dou roy de France; et !e
;vGoo»^lc
[1340] LIVB£ PREUUit, $ 90. 187
obtint tant que il le laissa, par certainne composi-
tion, ensi com vous orés en avant recorder en ceste
hyptoire, s'il est qui le vous reeorde.
S 90. A ce parlement, qui fu à Gand, y eut plui-
seurs parolles dîtes et retournées. Et eonsillièrent 5
adonc [les seigneurs'], proposèrent et acouvenenciè-
rent qu'il assegeroient le cité de Toumay. De ce fu-
rent li Flamench tout resjoy, car il leur sambla qu'il
seroient fort et poissant assés de le conquerre. £t se
elle estoit conquise, et en le signourie dou roy en- lo
glès, de legier il conquerroient et recouveroient Lille,
Douay et Bietune et toutes les appendances, qui
dolent estre tenues de le conté de Flandres. Encores
fil là,proposé et regardé, entre ces signeurs et leurs
consaulz des bonnes villes de Flandres et de Brai- 15
bant, qu'i[l] leur venroit trop grandement à point
que li pays de Haynau fust .de leur acord, pour avoir
y leur retour. Si en fu priiés, pour venir à ce parle-
ment, li contes, mais il s'escusa si bellement et n
sagement que li rois d'Ëngleterre et tout li signeur 30
s'en tinrent pour content. Ensi déniera la cose sus
cel estât, et se départirent li signeur, et s'en retourna
cescuns en son lieu et en son pays. Et li rois englès
prist congict à son cousin, le duch de Braibant, et
s'en revint en Anwiers. Ma dame la royne, sa femme, at
demora à Gand, et tous ses bostelz, qui souvent es-
toit visetée et confortée de d'Artevelle et des signeurs,
des dames et des damoiselles de Gand.
Assés tost apriès, fu li navie dou roy englès appa-
1 . Hi. de Gaignièret, t» 43. — H*. 6477, ^ 65 (hcune).
D,qit,zeabvG00»^lc .
188 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
reilHe, sus le havene d'Anvers, Si monta là en mer
et le plus grant partie de ses gens^ en yslance que de
retourner en Engleterre, et de viseter le pays. Mais il
laissa ou pays de Flandres deus contes^ sages cheva-
5 liers et vaillans durement, pour tenir à amour les
Flamens, pour mieus moustrer que leurs besongnes
estoient siennes. Che furent messires Guillaumes de
Montagut, contes de Sallebrin, et li contes de Suf-
forch. Chil s'en vinrent en le ville de Ippre, et tin-
10 rent là leur garnison, et guerriièrent tout cel yvier
moult fortement chiaus de Lille et de là environ. Et
li rois englès naga tant par mer qu'il arriva à I^on-
dres, environ le Saint Andrieu, où îl fu moult con-
jois de chiaus de son pays qui desiroient sa revenue^
15 car il n'i avoit esté en lonch temps. Se vinrent à lui
les plaintes de le destruction^ que li Normant'et li
Pikart avoient fait de le bonne ville de Hantonne.-Si
fu li rois englès moult courouciés de le désolation
de ses gens, che fii bie'ii 'raisons, mais il les rapaisa
20 au plus biel qu'il peut. Et leur dist que, se il venoit
à tour, il leur feroit chier comparer, ensi qu'il fist
en ceste anée meismement, si com vous orés recor-
der avant en l'ystore.
S 91. Or vous conterons dou roy Phelippe de
25 France, qui estoit retrais viers Paris, et avoit donnet
congiet toutes ses grans hos, et fist durement renfor-
cier se grosse navie qu'il tenoit sur mer, dont messi-
res Hues Kierés, Bahucés et Barbevaire estoient cha-
pitaines et souverain. Et tenoienl cil troi mestre
30 escumeur grant fîiison de saudoiiers geneuois, nor-
mans, pikars et bretons, et Osent en cel hyvier pluî-
;vGoo»^lc
[1388} LIVRE PREMIER, § 91. 189
seurs danlages as Englès. £t venoîent souvent courir
jusques à Douvres, et à ZaDdvic, à Winceséej à Rie
et là environ, sur les costes d'Engleterre. Et les res-
songnoient durement li Ënglès, car cil estoieut si
fort sus mer que plus de quarante mille saudoiiers. 5
Et ne pooit nuls issir ne partir d'Engleterre, qu'il
ne fust veus et sceus , et puis pilliés et robes , et
tout mettoienl à bort. Si conquisent cil dît saudoiier
marin au roi de France, en cel yvier, sus les Englès
tamaînt pillage. Et, par espeeial, il conquisent le lo
belle grosse nave , qui s'appelloit Ctistofle , toute
cai^e d'avoir et de lainnes que li Englès amenoient
en Flandres, la quèle nave avoit eousté moult d'avoir
au roy englès au faire faire. Mes ses gens le perdi-
rent sus ces Normans , et furent tout mis à bort. is
Et eu fisent depuis li François tamaint parlement,
comme cil qui furent grandement resjoy de ce con-
ques.
Encores soutilloit et imaginoit H rois de France,
nuit et jour, comment il se poroît vengier de ses en- ao
nemîs, et par espeeial de monsigneur Jeban de Hay-
nau, qui li avoit lais, si com il estoit enfourmés,
pluiseurs despis, que [d'avoir' conduit et] amené le
roy englès en Cambresis et en Tierasse, et ars tout le
pays. Si escrisi et commanda li dis rois à monsigneur 25
Jehan de Beaumont, signeur de Vrevins, au visdame
de Chaalons, à monsigneur Jehan de la Bove, [à mon-
signeur* Jehan] et à monsigneur Gerart de Lore, que
il mesissent sus une chevaucie et armée de compa-
1. H*, de GaigDière*, f^ 1,3 v>. _ Hi. 6477, f> 66 (lacune).
2. Hu. de Gaignières et de Mouchy-Noaille*, f» 43 V. — M». 6ii77
(lacune).
;vGoo»^lc
190 CHRONIQUES DE J. FROIfôART. ff^}
gnons, et entrassent en le teire moDsignmir Jehan
de Haynau, et le ardissent sans déport. Li dessus dit
obéirent au [mandement *] don roy, ce fu raisons, et
se cueillièrent secrètement tant qu'il furent bien cinq
5 cens armeures de fier. Et vinrent devant ie bonne ville
de Chymay, et acuellièrent toute le proie dont il en
y trouvèrent ^nt fiiison , car les gens don pays ne
s'en donnoient garde; et ne cuidassent jamais à nul
jour que li François deuissent passer lès bos de Tie-
10 rasse, ne chevaucier si avant oultre les bos, mais si
fisent. Et ardirent tous les fourbours de Chimay, et
grant ftiison de villages là environ, et priés que toute
la terre de Cimay, excepté les forterèces. Et puis se
retraisent en Aubenton en Tierasse, et là départirent
15 il leur pillage et leur butin. Ces nouvelles et les com-
plaintes en vinrent à monsigneur Jehan de Haynau,
qui se tenoit adonc en Mons en Haynau, datés le
conte, son neveu. Si en fu durement courouciés, ce
fu bien raison ; et ossi fu li contes, ses cousins, car ses
So oncles tenoit ceste terre de lui. Nompourquant il s'en
soufirirent tant c'a celle fois, et n'en pioustrèrent nul
samblant de contrevengance au royaume de France.
Avoech ces despis, il avint que il saudoiier, qui
se tenoient en le cité de Cambray, issirent hors de
25 Cambray et vinrent à une petite forte maison, de-
hors Cambrai, qui s'appelloit Releoghes, la quèle
estoit à monsigneur Jehan de Haynau. Et le gardoit
uns siens fîlz bastars, que on nommoit monsigneur
Jehan le Bastart. £t pooient estre avoecquea lui en-
1. Mt. de Gaignièrei, Jfcftv v",— M». 6477, f» 66 ; ■mandent». Le
copitte a uni doute omit pu- diitnctkm le tigat àbténuif.
;vGoo»^lc
[1340}, ' ' • LIVRE PREMIER, g 92. igi
viroa vint et cinq compagnon. Si furent assalli un
jour tout entier, et trop bien se deffendirent. Au
soir, cil de Cambrai se retraisent en leur cite, qui
manecièrent à leur département grandement chiaus de
Relenges. Et disent bien que jamais 'n'entenderoient 5
à aultre cose, si les aroient conquis et le mat-
. son abatue. Sus ces p^roUes, li compagnon de Re-
lenghes s'avisèrent et regardèrent le nuit que il n'es-
toient mies fort assés, pour yaus tenir contre chiaus
de Cambray, puis qu'il les voloient ensi accueillîer. lo
Car, avoech tout ce qui bien les esbabissoit, il estoit
si fort gellé que on pooit bien venir jusques as murs
sus les fosses tous engellés. Si eurent conseil qu'il se
partiroient, ensi qu'il fisent, et toursèrent tout ce qui
leur estoit. Et wîdièrent environ mienuit, et si bou- la
tèrent le feu dedeus Relenges. A. l'endemain^ au ma-
tin, cil de Cambray le vinrent par ardoir et abatre.
Et messires Jehans li Bastars et si compagnon s'en
vinrent à Yalenciènes, et puis se départirent il. Si
s'en rala cescuns en son lieu. 3o
§ 92. Vous avés chi dessus oy recorder comment
messires Gantiers de Mauni prist^ par proèce et par
grant fait d'armes^ le chastiel de Thua l'Evesque, et
y mîst dedens en garnison un sien frère que moult
amoit, que on clamoit monsigneur Gillion Grignart, S5
c'oD dist de Mauni. Chilz faisoit tamainte envaye
et mainte sallie sus cbiaus de Cambray^ et leur por-
toit pluiseurs destourbiers, et couroit priés que tous
les joiu^ devant leurs barrières. En cel estât et en
celle double les tint il un grant temps, et tant qu'il 30
avint que un jour il estoit partis de se garnison de
;vGoo»^lc
192 CHRONIQUES DE J. FROISSART. '[1340]
Thun, environ six vint armeures de fier en se com-
pagnie, et s'en vînt, courir devant Cambray, et jus-
ques as barrières. ]j noise et li haros monta en le
ville, et tant que pluiseurs gens en furent moult ef-
5 fraet. Si s'armèrent, eeseuns qui mieuls mieulz, et
montèrent à cheval cil qui chevaus avoient, et vin-
rent à le porte là où li escarmuce estoit, et où messi-
res Grignars de Mauni avoit rebouté chiaus de Cam-
bray. Si issirent, cescuns qui miex miex, contre
10 leurs ennemis.
Entre les Cambrisiens avoit un jone canonne, ap-
pert homme d'armes, durement fort, dur, hardi et
apert. Et estoit cilz Gascons, et s'appelloît GutUaumes
• Marchant. Si se mist hors as camps avoech les auU
15 très, montés sus bon coursier, le tai^e au col, le glave
ou poing, et armés de toutes pièces. Si esporonoa
tout devant, de grant corage. Et quant messires
Gilles de Mauni le vil venant vers lui, qui ne desi-
roil autre cosé que le jouste, si en (u tous joians, et
30 esporonna ossi vers lui moult radement. Si se con-
sievirent de leurs glaves, sans espargnier , moult
mervilleusement; dont ensi eschet à Guillaume Mar-
chant qu'il consievi monsigneur Gillion de Mauni si
roidement, qu'il perça le targe de son glave et toutes
85 ses armeures, et li mist le glave dalés le coer, et li
fist passer le fier à l'autre lés, et l'abati jus de son
cheval, navré à mort. De cesle jouste furent si com-
pagnon moult esbahi, et chil de Cambray trop resjoy :
si se recueillièrent tout ensamble. Là eut, je vous di,
30 de premières venues, très bon puigneis et fort, et
pluiseur des uns et des aultres reversé par terre, et
tamainte apertise d'armes faite.
;vGoo»^lc
[1340] LIVRE PREMIER, g 93. 193
Finablement, chil de Cambray obtinrent le place
et reboutèrent leurs ennemis, et en navrèrent et me-
hagnièrent aucuns, et les cacièrent bien avant. Et
retinrent monsigneur Grignart de Maoni, ensi navrés
qu'il estoit, et l'empralèrent en Cambray à grant 5
joie, et le fisent tantost désarmer et regarder à sa
plaie et bien mettre à point. Et euissent volentiers
veu qu'il fust rescapés de ce péril, mes il ne peut;
ançois morut dedens le second jour apriès. Quant il
fîi mors, il regardèrent qu'il en estoit bon à &ire. Si lo
eurent conseil que le corps il renvoïeroient devers
ses deus frères Jehan et Thieri> qui se tenoient adonc
en le garnison de Bonçain, en Osirevant. Car, quoi
qne li pays de Haynau ne fiist en point de guerre, ù
se tenoient les forterèces sus les frontières de France is
toutes closes, et sus leur garde. Si ordonnèrent adonc
un sarcu assés honnourable, et le recommiendèrent à
deus frères Meneurs, et envolèrent le corps monsi-
gneur Grignart de Mauni à ses deus frères, Jehan et
Thieri, qui le reçurent en grant dolom*. De puis il le 30
Bsent aporter as Cordeliers à Valenciènes; et & fri il
ensepetîs. Aprîès ces ordenances, li doi frère de Abuni
s'en vinrent logier ou chastiel de Thun l'Evesque, et
fisent forte guerre à chiaus de le cité de Cambray,
en contrevengant te mort de leur frère. 35
§ 93. Vous devés savoir qu'en ce temps, de par
le roy de France, estoit messires Godemars dou Fay
tous chapitainne de le cité de Toumay et de Tour-
nesis et des forterèces environ. Et ossi adonc estoit
li sires de Biaugeu dedens Mortagae sus Escaut, li 30
seneschaus de Charcassonne en le ville de Saint
1 — 13
;vGoo»^lc
iU CHROMQUES DE J. KftOISSART, [1340]
Amant, messîres Aymers de Poitiers en Douay, mes-
sires li Galois de le Baume, U sires de Villars, Il ma-
reschaus de Mirepois et li sires de Manuel en le cité
de Cambrav. Et ne desiroient cil chevalier et chil sau-
5 doiier, de par te roy de France, aultre eose que cou-
rir en Haynau, pour pillier et gaegnier, pour le pays
mettre en guerre. Ossi li evesques de Cambray, mes-
sires GuiUaumes d*Ausonne estoit tous quois à Paris
datés le roy Phetippe, et se complaindolt à tui,
10 quant il cbeoit à point, trop amèrement des Hay-
nuiers. Et disoit bien que ti Haynuier ti avoîent fait
plus de contraires et de damages, ars, pillet et cou-
rut son pays que nuls aultres. Si se portèrent tele-
ment les besongnes, et tîi li rois si dur consiltiés sus
15 son neveu le coûte de Haynau et sus ses gens, que lî
saudoiier de Cambresis eurent coogiet et acord d'en-
trer en Haynau et de faire y aucune envaye et che-
vaucie au damage dou pays.
Quant ces nouvelles furent venues à chiaus qui
20 ens es garnisons de Cambresis se tenoient, si en fu-
rent moutt joiant, et misent sus une chcvaucie de
cinq cens armeures de Oer. Et se partirent un sa-
medi, après jour faltant, de Cambray cil qui ordonné
y estoient, et ossi à tète heure, cit dou Chastiel en
as Cambresis et cit de le Malemaison. Et se trouvèrent
tout sus les camps et vinrent en le vitte de Haspre^
qui lors estoit une bonne vitle et grosse et bien fou-
cie, mais point n'estoït fremée. Et si n'estoient les
gens en nulle double, car on ue les avoit point avi-
so ses ne escriés de nulle guerre. Si entrèrent li Fran-
çois dedens et trouvèrent les gens, hommes et fem-
mes, en leurs hostelz; si les prisent à leur volenté
;vGoo*^lc
[1340] LIVBE PREMIER, g 93. 198
et tout le leur, or, aident et jeuiaus, et leurs bes-
tes, et puis boutèrent le feu en le ville, et le ardirent
si nettement que riens n'i demora fors les parois.
Par, dedens Haspre a une prevosté de noirs monnes,
et grans edefisses avoech le moustier, qui se tient de 5
Saint Vaast d'Arras. Si le pillièrent li François et ro-
bèrent, et puis boutèrent le feu dedens, et le ardi-
rent moult villainnement. Quant il en eurent Ëiit
leur volenté, il cargièrent tout leur pillage, et caciè-
rent tout devant yaus, et s'en retournèrent en Cam- lo
bray.
Ces nouvelles furent tantes sceues à Valenciènes.
Et proprement elles vinrent jusques au conte Guil-
laume de Haynauj qui se dormoit en son h(^tel c'on
dist à le Salle; si se leva, vesti et arma moult ap- 15
pertemeot, et (ist resvilller toutes ses gens, dont il
n'avoit mies grant iîiison datés lui, fors tant seule-
ment son senescal monsigneur Gerart de Wercin,
monsigneur Henri d'Antoing, messire Henri de Hus-
faltse, monsigneur Thieri de Wallecourt, le signeur 30
de Potielles, le signeur de Floion et aucuns cheva-
liers qui se tenoient dalés lui, ensi que tout gentil
homme se tiennent volentiers dalés leur signeur.
Mais il estoieat couciet en divers faoslelz; si ne fu-
rent mies si tost appareilliet, ne armé, ne monté à 25
cheval, que li contes fu, car il n'atendi nullni; ains
s'en vint ou marohiet de Valenciènes, et fist sonner
les cloches ou berfroi à votée. Si s'estourmirent tou-
tes gens et s'armèrent et sievirent leur signeur à ef-
fort, qui s'estoit jà mis hors de ta ville et ehevauçoit 30
radement devers Haspre, en grant volenté de trouver
ses ennemis. Quant il eut chevauciet environ une
;vGoo»^lc
196 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340J
lieuwe, il li fii dit qu'il se travîLloit en vaia, et que
li François estoient retrait. Adonc se retray li contes
en l'abbeye de Fontenelles, qui estoit assés priés de
là, où ma dame sa mère demoroit, qui fîi toute en-
5 sonniie de lui rapaisier, tant estoit il escauffés et
ïufrés; et disoit bien que eestî arsin de Haspre il le
feroit temprement cier comparer au royaume de
France. Sa dame de mère li acordoit tout, et euîsl
volentiers de ceste mespresure escuset son fi^re le
10 roy de France; mes li contes n'i voloit entendre,
mes disoit : « Il me fault r^arder comment hastee-
ment je me puisse vengier de ce despit que on m'a
lait, et otretant ou plus ardoir en France, u
Quant li contes de Haynau eut esté une espasse à
15 Fontenelles dalés ma dame sa mère, il prist congiet,
puis s'en parti et retourna à Valenciènes. Et fisl lan-
tost lettres escrire par tout as chevaliers et as prelas
de son pays, pour avoir conseil conmient il se po-
roit chevir de ceste avenue, et mandoit par ses let-
20 très que tout fuissent à Mons en Haynau au certain
jour qui assignés y estoit. Ces nouvelles s'espardirent
parmi le pays, et les sceut messires Jehans de Hay-
nau, qui se tenoit à Byaumont, pensans et imaginans
comment il poroit ossi l'arsin de se terre de Chymay
2S contrevengier. Si ne (u mies courouciet quant il oy
dire et recorder le grant desplaisir que on avoit fait
à son neveut le conte, et ossî en quel desdain il l'a-
voit pris, et ne le sentoit mies si souffrant que il vo-
sisl longement porter ceste villonnie. Si monta à
30 cheval et vint au plus tost qu'il peut à Valenciènes,
où il trouva le dit conte à le Salle ; si se traist vers
li, ensi que raisons estoit.
;vGoo»^lc
[13^0] LIVBG PREMIER, g 94. 197
$ 94. Sitost. que U contes de Haynau vey monsi-
gneur Jehan de Haynau, son oncle, il vint contre
lui et li dist : « Biaus oncles, voslre guerre as Fran-
çois est grandement embellie, v — « Sire, ce res-
pondi Ji sires de Byaumont, Diex en soit loésl De s
vostre anoi et damage seroi je tous courouciés,
mais cilz ci me vient assés à plaisance. Or avés vous
[ceoy'] de l'amour et dou service les François que
vous avés tout le temps portet. Or nous fault faire
une chevaucîe sus France; regardés de quel oostet. n lo
Dist li contes ; « Vous dittes voir, et si sera bien
briefïnent. » Si se tinrent de puis, ne sai quans jours,
à Valenciènes. £t quant .li .jours de parlement, qui
estoit assignés à estre à Mons en ilaynau,. ^.venus,
il y furent. Là fîi tous li consaulz dou pays,et'Qssi 15
de Hollandes et de Zelandes,
A ce parlement qui lîi. en le ville de Mons en Hay-
nau, eut pluiseurs parolles proposées et remoustrées.
Et voloient li aucun des barons dou. pays que on
envoiast souffissans hommes devers le roy de France, ao
à savoir se il avoit acordé ne consenti à ardoir en
Haynau, ne envoiiet les saudoiiers de Cambresis en
le terre don conte, ne à quel title cil l'avoient foit,
pour tant que on n'avoit point deffiiet le conte ne
le pays. Et U aultre chevalier, qui proposoient à l'en- 35
contre, voloient tout le contraire, mais que on se
contrevengast en tel manière com li François avoient
commencbiet.
Entre ces parolles des unes as aultres eut plui-
seurs detris, estris et debas. Mes finablement il fii 30
1. Mt. de Oaigni^rM, (- kh. — Ml, 6477, P" 68 ï° (Iscune).
;vGoo»^lc
198 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
regardé, tout consideret et imaginet, que H contes
de Haynau et li pays ne pooient nullement issir de
ceste besongne, sans faire guerre au royaume de
France, tant pour l'arstn de le teire de Cymai que
5 pour cesti de Haspre. Si fii là ordonné que on def-
fieroit le roy de FrancCj et puis enteroit on à effort
ou royaume. El de porter ces deffiances fii priiés et
cargiés li abbes de Crespin, qui pour le temps s'ap-
pelloit Thiebaus. Si furent les lettres de defdances
10 escrites et scellées dou conte et de tous les barons et
chevaliers dou |)ays. En apriès, li dis contes remer-
cia grandement tous ses hommes pour le bonne vo-
lenté dont il les vey, car il 11 prommisent confort et
service en tous estas.
15 Je n'ai que feire de démener ceste matère longe-
ment. Li abbes de Crespin se parti et vint en France
aporter au roy Phclippe les deffiances, qui n'en fist
pas trop graat compte et dîst que ses neveus estoit
uns folz oultrageus, et qu'il marchandoit bien que
20 de faire ardoir tout son pays. Li abbes retourna ar-
rière devers le conte et son conseil, et leur compta
conmient il avoit esploitiet, et les responses que li
rois en avoit laites. Assés tost apriès, se pourvei li
contes de gens d'armes, et manda tous chevaliers et
35 escuiers parmi son pays, et ossi en ^^ibant et en
Flandres, et &st tant qu'il eut bien dix mille armeures
de Ber, de bonne estoffe, tout à cheval. Si se parti-
rent de Mons en Haynau et de là environ, et che-
vaucièrent vers le terre de Cymai, car li intentions
30 dou conte et de son oncle, li signeur de Byaumonl,
estoit tèle que il iroient ardoir et essillîer la terre
le signeur de Vrevins, et ossi Aubenton en Tierasse.
;vGoo»^lc
[1340] LIVRE PSËMIËR, g OS. 199
$ 95. Bien se doubtoient cil de le ville de Auben-
too dou conte de Haynau et de son oncle. Si l'a-
voient segnefiiet au grant baillieu de Vennendois,
que il leur volsist envoiier gens pour yaus aidier à
tenir et deffendre contre les Haynuiers, qui leur es- •,
toienl trop proçain voisin. Et bien leur besongnoit
que il euissent avoec yaus bonne gent d'armes, car
leur ville n'estoit fremée que de palis. Donc li dis
baillieus de Vermendois y avoit envoiiés des bons
chevaliers de là environ : premièrement, le vîsdame lo
de Cliaatons, monsigneur Jehan de Beaumont, mon-
signeur Jehan de la Bove, le signeur de I^re et plui-
seurs aultres. Si s'estoient li dessus dit chevalier et
leurs routes, oît bien avoit Iroîs cens armeures de
fier, mis dedens Aubenton, et le pensoient bien à te- 15
nir contre les Haynuiers, et le remparèrent. Et forte-
fîièrent encores aucuns lieus de le ditte ville où il
veireat et sentirent que elle estoit le plus foible; et
estoient tout conforté et pourveu de attendre les
Haynuiers qui ne fisent point un lonch séjour, de so
puis qu'il furent assamblë à Mons en Haynau, mais
se partirent vistement en grant arroi, si corn ci des-
sus est dit, et s'aceminèrent vers Chimay et passè-
rent, par un venredi, le bois c'on dist de Tierasse,
et esptoitièrent (tant'} qu'il vinrent à Aubenton, qui 2^
estoit une grosse ville et bonne et plainne de drape-
rie. Ce venredi, li Haynuier se logièrent assés priés
et le avisèrent et considérèrent au quel lés elle estoit
le plus prendable. A l'endemain, il vinrent tout or-
donné par devant pour le assallir, leurs banières 3o
I . Mi. ife GsifnUrM, P> U. — Mi. 6477, f 69 1^ (lacune).
;vGoo»^lc
800 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
moult faiticement tout devant, et les arbalétriers
ossi ; et se partirent en trois coonestablies, et se traist
çascuns à sa banière. Dont li contes de Haynau eut
le première bataille, avoech lui graut fiiison de bons
5 chevaliers et escuiers de son pays; li sires de Byau-
mont, ses oncles, la seconde livrée, osai à toiit grant
fuison de bonne, gant d'annes; et li sires de Fauke-
mont avoech grant fuison de bonne gent de son
pays, Alemans et Braibençons,.une aultre. Et se traist
10 cescuns sires desous se banière et entre ses gens,
celle part où il furent ordonné pour assallir.
Si commença U îissaus grans et fors durement; et
s'emploiià«nt arbaleslrier et dedens et dehors au
traire moult vi^reusement, par lequel trait il en y
15 eut pluiseur bleciés des assallaos et des dcffend^ns.
Là contes de Haynau et se roule, où moult avoit de
appers chevaUers et escuiers, vinrent jusques as bail-
les de l'une des portes. Là eut grant assaut et f<»te
escaimuce. Là estoit li visdames de Chaalons, uns
so appers chevaliers, qui y. Bst merveilles d'armes, et
qui moult vassaument se comhati .et defiendi. Et fist
là à le porte meismement trois de ses neveus cheva-
liers, qui ossi se acquittèrent moult bien en leur
nouvelle chevalerie, et y Bsent ploiseurs apeaitises
25 d'armes. Mais il furent si fort requis et assalli dou
conte de Haynau qu'il les convint retraire en le
porte, car il prirent les barrières. LÀ. eut un moult
dur assaut, sus le pont meismement. A le porte de-
vers Cimay, esloit messires Jehans de Haynau et se ba-
30 nière, qui assalloit moult Berement. Et celle porte gar-
doient messires Jehans de fie|a|umont et monsigneur
Jehan de la Bove. Là eut très grant assaut et forte
;vGoo»^lc
[1340] LIVRE PREUIER, S 96> 201
escarmuce, et couvînt les François retraire dedens le
porte, car il perdirent leurs bailles^ et les conquisent
li Haynuier et le pont ossi. Là eut dure escarmuce
et forte et grant assaut et felenès^ car cil qui estoient
monté sus le porte jettoieut bau3 et mairiens contre- 5
val, et pos plains de cauch, et grant fiiison dépits
et de cailUaus, dont il navroient et mehagnoient
gens, se il n'estoient fort aninet et p^vesçfaiet. Et là
fîi constevis à mescfatef d'une pière grosse etvilUiinne
uns bons escuiers de Haynau, qui se tepQit tout de- lo
vant pour son corps avancier, Bauduins de Bifiufort,
et reçut un si dur horion sus sa tai^, que on li es-
quartela et fepdi en deus moitiés, et eut romput le
brach dont il le pprtoit. Et le convint retr^iire, pour
le villain horion, et porter as togeis, ensi que ceti 15
qui ne se peut de .puis armer en gn(ut temps, Jus-
ques à tant qu'il iii sanés et gans..
$ 96. Le samedi, au matin, fi^ li assaus mpult
grans et très fiers à le ville de Aubenton en Tiera^se;
et se mettoient li assalant en grant [»inne et en grant 30
péril, pour conquérir la ville. Osst li chevalier, li es-
cuier et cil qui dedens estoient reqdoient. grant en-
tente et dîligeQse à yaii$ deffendre, et bien le beson-
gnoit. Et, saciés, se ce ne fuissent U, gentil homme qui
dedens Aubenton se teupient et. qui le gardaient, elle s&
eui«t estet ta^tost prise et de saut, car elle eatoit fort
et dur assallie de tous costés et de grant fiiison de
bonne gent d'année. Si y cpuvenoit tant plus, grant
avis et plus graiu hardement pour le deffendre, et en
fisent U chevalier de dedens, au voir dire, bien leur 30
devoir; mai» finabl.eai.ent elle 61 conquise par force
;vGoo»^lc
202 CHRONIQUES DE I. PHOISSA.RT. [1340]
d'armes, et les garites qui n'esloîent que de palîs
rompues et brisîes. El entra en la ville tout premiè-
rement messires Jehans de Haynau et se banière, en
grant huée et en grant fouleis de gens et de chevaus.
5 Et adonc se recueillièrent en le place, devant le
moustier, )i visdames de Chaalons et aucun chevalier
et escuier, et levèrent là leurs banîères et leurs pen-
nons, et moustrèrent de fait bien samblant et corage
de yaus combalre, et tenir tant que par honneur it
10 poroient durer. Mais H sires de Vrevins se parti et
se banière, sans arroî et sans ordenance, et n'osa de-
morer, car bien sentoit monsigneur Jehan de Hay-
nau si aïret sur lui qu'il ne l'euist pris à nulle raen-
çon ; si ibonta au plus tost qu'il peut sus fleur de
la coursier et prist les camps. Ces nouvelles vinrent à
monsigneur Jehan de Haynau que ses grans ennemis,
et qui tant avoit porté le damage à se terre de Chy-
may, estoit partis, et s'en aloit devers Vrevins. Adonc
li sires de Byaumont monta sus son coursier et fibt
20 chevaucier se banière et vuida Aubenton, en entente
de raconsievir ses ennemis. Ses gens le sievoient, ees-
cuns qui mieus mieus; et H aultre demorèrent en le
ville, li contes de Haynau et se bataille, et se com-
batirent asprement et fièrement à chiaus qui s'es-
25 toienl arreslé devant le moustier. Là ot dur hustin et
fier, et tamaînt homme reversé et mis par terre. Et là
furent très bons chevaliers li visdames de Chaalons et
si troi fil, et y fisent tamainte belle appertise d'armes.
EndemeDtnies que cil se combatoient, messires
30 Jefaans de Haynau et ses gens caçoient et encauçoient
le signeur de Vrevins, au quel il avint si bien que il
trouva les portes de se ville toutes ouvertes et entra
;vGoo»^lc
[t340] LIVRE PREMIER, § 97. 203
eDs en grant haste; et jusques à là le poursievi sus
son coursier, l'espée en le main^ messires Jehans de
Haynau. Quant il vit qu'il li estoit escapés et realrés
en se forterèce, si en fu trop courciés, et retourna
tout le grant chemin de Aubenton. Si encontrèrenl b
ses gens le[s] gens le sigoeur de Vrevins qui le sie-
voient à leur pooir. Si en occirent et misent par
terre grant fuison, et puis retournèrent dedens Au-
benton. Si trouvèrent leurs gens, qui jà avoient déli-
vré le place de leurs ennemis. Et estoit pris lî visda- lo
mes et duremeat navrés, et mort deus de ses neveus,
ce jour fais chevaliers, et ossi pluiseur aultre. Ne
onques chevaliers qui là fust n'en escapa ne escuiers,
fors cil qui se sauvèrent avoecques le signeur de Vre-
vins, qu'il ne luissent tout mort et tout pris, et bien 15
deuK cens hommes de le ville, et fii toute pUlie et robée ;
et li grans avoirs et pourfis, qui dedens estoient, char-
giés sus chars et sus charettes et envoiiés à Chîmay.
Avoecques tout ce, la ville d' Aubenton fii toute arse.
Et se logièrent ce soir li Haynuîer sus le rivière, et ao
l'endemain ilchevaucièrent devers Mauberfontainnes.
§ 97. Apriès le désolation et destruction de Au-
benton, ensi que vous avés oy, s'acheminèrent li
Haynuier et leurs routes devers Mauberfontainnes. Si
tost qu'il y parvinrent, il le conquisent, car il n'i sl
avoit point de deffense, et le pillièrent et robèrent,
et puis l'ardirenl et, apriès, le ville de Aubencuel et
Segni le Graot et Segni le Petit, et tous les hamiaus
et villages de là environ, dont il en y eut plus de
quarante. Ensi se contrevengièrent li Haynuier des 30
damages que on leur avolt fais, tant en le terre de
:vGoo»^lc
«M CHRONIQUES DE J. FAOISSART. [1340]
Ojimay comme à Haspre. Mais de puis U François
leur fiseQt cier comparer, si com voua ores avant en
l'ystore. De puis ceste chevaucie feite, li contes de
Haynau se reiraist deviers le ville de Mons et donna
5 congiet toutes manières de gens .d'annes, et les re-
mercia grandem&Qt et bellement cescun de son bon
service, et fist tant que tout se partirent bien con-
tent de lui; si s'en râla cescuns en son Ueu.
Assés tost, apriès, vint il en volenté et en pourpos
]o au dit conte que d'aler esbatre en Ëngleterre et faire
certaiones alliances au dit roi, son sax)ui^, pour es-
tre plus .fors en sa guêtre, cajr bien pensoit et disoit
que la cose ne pooit demorer ensi, et que 11 rois, ses
oncles, ne fesîst aucune armée contre lui. Et pour
15 estre plus fors, bon li sambloit, et à son conseil ossï,
que il euist l'amour et l'alliance des Englès, des Fla-
mens et des Braibençons. Si manda li.dis contes
tout son conseil à Mons en Haynau, et leur remous-
tra sen entente. Et ordonna et institua là monsigneur
30 Jehan, de Haynau à estre hauts et gouvrenères de
Haynau, de Hollandes et de Zelandes. Et se parti de
puis assés tost, à privée mesnie, et vint à Dour-
dresch en Hollandes, et là monta en mer [>our arriver
en Engleterre. Or nous tairons nous à parler dou conte
35 de Haynau, et parlerons des besongnes de son pays,
et des avenues qui y avinrenl entrues qu'il fu hors.
S 98. Vous avés bien oy recorder comment mes-
ures Jehans de Haynau demora baulz et gouvrenères
des trois pays, par l'ordenance dou conte. Si obei-
30 rent eu avant tout li baron et H chevalier el H
homme dou pays à lui, comme à leur signeur, jus-
;vGoo»^lc
I
[1340] LIVBE PREMIER, $ 98. ÎOS
ques à sod retour. Si se tint li dis messires Jehans de
Haynau en le ville de Mons^ et pourvei le pays et
garni bien et soufiissamment de toutes bonnes gens
d'armeSj especialment sus les frontières, de France,
et envoia quatre chevaliers en le ville de Valenchiè- 5
nés, pour aidier à garder et consillier le ville et les
bourgois. Che furent li sires d'Antoing, li sires de
Wargni, li sires de Gommegnies et messires Henris
de Husplialize. Et envoia te senescal de Haynau,
monsigneur Gerart de Wercin, à tout cent lances 10
de bonne gerit d'armes, en le ville de Alaubuege; et
mist le mareschal de Haynau, monsigneur Thieri de
Walecourt, en le ville dou Kesnoi, et le signeur de
Potielles en le ville de Ijandrecîes. Apriès, il mist en
le ville de Bouçain trois chevaliers alemans, qui tout 15
troi se nommoient messires Conrars, et envoia à £s-
cauduevre monsigneur Gerart de Sassegnies, et ossi
en le ville de Avesnes le signeur de Faukemont, et
ensi par toutes les forterèces de Haynau, voires sus
les frontières dou royaume; et pria et enjoindi à 20
cescun de ces chapitainnes qu'il fuissent songneus,
pour leur honneur, d'entendre à che qui leur estoit
recai^iet, et cescuns li eut en couvent. Si se tray
cescuns sires et chapitains avoecques ses gens en se
garnison, et entendirent dou remettre en point, gar- 35
nir et pourveir che dont il estoient garde. Or reven-
rons nous au roy de France, et recorderons comment
il envoia une grande chevaucie de gens d'armes en
Haynau, pour ardoir et exillier le pays, et en fist le
duch de Normendie son fil chief. 30
FIN DU PSEUIEB VOLUME.
D,qit,zeabvG00»^lc
jjGooi^lc
VARIANTES.
jvGooi^lc
jjGooi^lc
VARIANTES.
PROLOGUE.
Page 1, ligne i : Afin. — Mt. dAmieiu : Affin que li grant
fait d'urnes qui par les guerres de Franche et d'Engleterre sont
'«venu, soient notablement registre et mis en memore perpétuel,
pa( quoy U IKhi y puissent prendre exemple, je me voeil enson-
nier dou mettre en prose. Voirs est que messires Jehans U Bianx,
jadis canonnes de Saint Lambiert de Liège, en croniza à S(H)
temps uuqune cose. Or ay je che livre et «ste histoire augmenta
par juste enquaste que j'en ay fait en travaillant par le monde
et en demandant as vaillans hommes, chevaliers et escuyers, qui
4es ont aîdiës à acraistre, le vérité des avenues, et ossi k aucuns
rois d'armes et leurs mareschaos, tant en Franche comme en Eo-
gleterre ou j'ay travilli^ apriès yaux pour avoir la veritë de la
matère; car par droit tels gens sont juste inquisiteur et rapor-
leur des bescângnes, et croy que pour leur honneur il n'en oae-
roient mentir. Et sour ce je ay ce Uvre fait, diclet et ordonne!
parmy l'ayde de Dieu premièrement et le relation des desms dis,
sans coulourer l'un plus que l'autre, mes li bien fius don bon,
douquel costet qu'il soit, y est plalnnement ramenteus et cou>
^eus, si comme voua trouvères en' lisant. Et pour ce que ou
temps advenir on sace de vérité qui ce livre mist sus, on m'a-
p^e sire Jehan Froissart, priestre, net de le ville de Valleo-
chiennes, qui œout de paine et de travail en eucb em pluiseurs
mamùerres, ainchois que je l'euisse «mpitlé ne acompli, tant
que de le labeur de ma teste et de l'esl de mon corps; mais
touttes coses se font et acomplissest par plaisance et le bonne
dilligence que cm y a, ensi comme il apparra avant en cest livre.
F-i.
Mit. A : Donc ainsi, pour atlaindre et venir à la matière que
1—14
;vGoo»^lc
210 CimOMQUES DE J. FROlSS.VfiT.
j'ay emprinse de ccKiunencîer premièrement |>ar U grâce ile Dieu
et de la benoite glorieuse Vierge Marie, dont tout confort et
«Tancement viennent, je me vueil fonder et ordonner sur les
vraies croniques jylis faites et rassemblées par veaerable homme
et discret seigneur monseignenr Jehan le Bel, chanoine de Saint
Lambert du Liège qui grant cure et toute bonne diligence mist
en Geste matière et la continua tout son vivant au plus j'uatemeat
qu'il pot, et moult loi cousta à acquerre et à l'avoir. Mais quel-
que trùz qu'il y eost ne Gst, riens ne plaingi^, car il estoit
riches et puissans, si les povoit bien pmter, et de soy mesme lar-
gea, bonnonrabtes et courtois, et qui le sien voulenâers de^>Ai-
doit. Aussi il fiit en son vivant moult amy et secret à très oc^le
et doubti seigneur monseigneur Jehan de Baynauh qui bien est
ramenteos de raison en ce livre, car de pinseurs et belles ate-
nuet il en fut chief et cause, et des rojs moult prochain. Pour-
quoi, le dessus dit messire Jehans le Bel pot delez lui veoir et
ccmgnoistre pluseurs besoingnes, lesquelles sont contemies en-
suivant.
Voira est que je, qui ay emprins ce livre à ordonner, ay, pat
plaisance qui à ce m'a tousjoura encline, fréquente pinseurs no-
bles et grans seigneurs, tant en France comme en Angleterre,
en EsGoce* et ta autres pais, et ay eu congnoissance d'eulz. Si
ay tonsioars i dm» pavinr justement enquis et demandé du Eût
<tes guerres et des aventures qui ea sont avenoes, et par eqie-
dal depuis la grosse bataille de Poiti«B ait le noble roy Jehan
de France (ut prins, car devant j'estoie encores jeune de sens et
d'aage. Et ce non <^tant si emprins je assez liardiement, moy
yssn de l'escoUe, i dittier et à rimer les guerres dessus dites et
porter en Angleterre le livre tout con^)ilé, si comme je le fis. Et
le presentay adonc à très haulte et très noble dame, dame Phe-
lippe de Haynanlt, royne d'Angleterre, qui doulcement et liée-
ment le receut de moy et me fist grant proIGt.
Or puet estre que cest livre n'est mie examine ne ordtmné si
josterocat que telle chose le requiert. Car fais d'armes, qui si
cUerement saat comparez, doivent estre donnei et loyaument
départis à ceulx qui par prouesce y travaillent. Donc, pour moy
acquitter oivers tous, ainsi que drois est, j'ay emprinse ceste
histoire k poursuir sur l'ordonnance et fondation devant dite, à
1. La mu 4 11 st 13 o/oatMil ; ea Bceuingne. F" 1 vo.
;vGoo»^lc
VAlllANTES DU PR0L06UB. ^ 2ti
la prière et requeste d'un mira dûer sùgneur et mai&tre, mon-
seigdeur Robert de Namur, ttignenr [de Beaufoit*], à qui je
vu^ devcôr amour et obeÎMance, et Dieu me kist Taire chose
qui lui puisse plaire I ifs. ^ 1, P* 1 t*.
P. 6, 1. SS : Edowart. — Ms. deSame : et de la bonne rc^ne
Phelippe de Hainnau, sa fenine. F* 1 v°.
P. 6, 1. 22 : Galles. — Mt, ttJmieiu : h doi duchs de taa-
castre, messes Henris et messires Jehans qui eut sa fille, lï
comtes de Warrich, messires Regnaa[s] de Gobehen, messires
Jehans Camdos, messires Wantiers de Mauni, messires James *
d'Auddée' et pluiseurs autres dont je ne puis mie de tout parler:
Et osù li royaununeE de Franche ne fu oncquez n desconfi que
li Englès n'y trouvaissent graut foîsoa de bonne chevalerie. Et
Al li roys PheLippes de [Valms*] ungs vaillans homs et hardis
durement, et li roys Jehans ses fils, li ducs de Bourgoingne,
messires [Charles de Bbis*], !i dus de Bouriion, li comtez d'AI-
tenchon' et pluiseurs hauls barcms et bacelers. F" t .
AIu. d : le duc de Lancastre, uessire Gaultier de Mauny en
Hayoault, messire Regnault de Gobehan, messire Jehan Oiandos,
messire Frqpque de Halle et pluseurs autres qui se ramenteve-
•xont pour le^en et la prouesce d'eulx dedens ce livre. Car, par
toutes les batailles où ils ont est^, ilz ont eue renommée des
mieulx faisans par lerw et par mer; et s'i sont moustrez si vail-
lamment que on les dut bien (enir pour souverains preux, mais
pour ce ne doivent les antres, qui avecques eulx iurent, pis va-
Imr.
Aussi «n France a esté trouvée bimne chevallerie, roide, forte
l. Ml. J i,^ 1 ^. -^ ati.J l (lacune). Lti mott : aeignenr de
Besafort mmqutni aiuii dont h mi. A 3, f^ 7. — Mj. £ 6 : Rob^ de
Namur, teigneuT de Renais en Flandres et de BeBnTort sur Hetue. F" ] .
S. Contrairement aux habitndei de notre orthographe BetneUe,'on
trouve fr^qAemmenl d*n> le nu. d'Amieni la consonne » plac^ imffl^
diatement aprèi des t qni ne deraient pat moins, aU quatorzième «ièele
comme anjonrd'bui, rester mnets dans la prononciation. Aussi nous
acceutoerons par exception, dans In textes emprunté* an ms. d'Amieni,
(oos les t qni doirent être acceotnâ, alori mfaae qu'ils seront suitis
3. £( *W. it Falmeiennei ajoute ; messire Pierre d'Audellée, mes-
sire RcAert Canolle, me«iic Hue de CaTrdée. V 1.
k. M*. ifJmuni .■ Valeur. P« 1. Mamaite Iteon. ,
5. M*, de Valenciennes, f* l y. — Vit. d'Amiens, f 1 (lacune).
6. Lt mt. dt faUncUtutet ^mtta .- mewre Loys d'Ewsigne, messire
Bertran de Claieqnin, mestiie Emoult d'Andenefacm. F* I v.
;v Google
tlS^ CHRONIQUES DE J. FROISSART.
et appert , car le rayaume de France ne fiitoncques si desconfis
que m n'y tnnivut tousjours bien à qii! combatre. Et fut le do-
bte roj de Valbû, ap^llë Pfaelippe, nn^ très hardy et chevalle-
reox chevtllier, et le roy Jehan son filz. Charles roy de Befaai-
gne, le conte d'Alençon, le conte de Foix, messire Saîzitré,
mesaire Amo«l d'Andrehen, messire Boudcanlt, messire Guichart
d'Ange, niiHiseignenr de Beaugeu le père et le filz et pluseurs
autres. Mt. ^ 1, P %.-
P. 7, 1. 7 : Franijois. — Ut. de Rome : selonch ce que j'en
fus enfournes, car cxsqune des parties dist que sa querelle est
bonne, otretant bien le deffendant comme le demandant. F* i v*.
P. 7, I. 11 : Froissart. — Mt. de Rome: Je Jehans Froissars,
trésoriers et ctuuuiones de Chimay. F' I .
;vGoo»^lc
LIVRE PREMIER.
S *. P- •, 1. 5 : ailleurs. — Mt. de'Rnmp .'.... par t'orguel
d'un conte d'ArtcHs qui s'a]>elloit Robers. F* 1 v*.
P. 9, 1. S : )i biaus. — Mt. £ 6 : Pomr che tamps estoit rois
en France ung roy qui s'apelloit Pfaelippe. Et pour che qo'il es-
toit beaus de corps M de viakj et de tous autres menbres com-
.raunement, on l'apelloit lé biel rcty Bhelîppe. F» 3.
P. 9, 1. 8 : Edouwart. ^^ Ms. d Amiens .- Et li avoit li roi?
de Franche donne sa fille par envie, si comme on disoit, pour
tant que lî comtes Guis de Flandres, ^uî rignoit pour le temps,
li avait volut donner sa fillvsans lo con^^ et ordonnance dou
roy de France, et if ne li plaismt g)ies que il s'aliast as Englès.
Et quant cbils biaux eoys Phelif^s sceut que chiJs mariaiges se
devoit faire, il manda au comte ^e Flandres qu'il U envoyas!
veoir sa fdie qui estoit sa filloeille. Li comtes, qui nul mal n'y
penssoit, li envoya tantos et s^s d^ay. Q^nt li roys Phelippes
le vit, il le prist et le fist eojprisounncr gar tel manière c'oncques
depuis ne rentra en Flaiylres. Pour laquelle avenue, moult de
batailles furent en ^ Flandres et en France, et la grosse bataille
de Courtray Où il eut tant de ^«illans seigneurs mors et desoon-
lis, et ailleurs ossi. Or maiia cbils biauT roys Phelippes sa fille
[Ysabel*] au ti^ d'Engleterre, et lî dounna en mariaige toutte
la comté de Jontieu' el encoires • revenus ailleurs. F* 1 v".
P. 9, 1. 13 : Bdouwart. — Ms, é: qui fut couronnez à Lon-
dres, l'an d» grâce mil trois cens et vingt sis. le jour de Noël, i
au ^vant du rof son père et de la royne sa mère. Mt, A\,^'t.
Ms, de Rome : Et pour ce que ses fils nommés Edouwars n'eut
ptnnt celle grasce ne bonne aventure d'armes, car tous ne sont
pas ne ne pueent estre aoumé de bonnes vertus, escei ils en
haine et ïadignadon de son peuple, mais on ne li remoustra pas -
1. Ms. de Vileticieniie*, f> 3. — Ms. d'Amiens (lacDoe).
3. Lei pomta iodiquent un mot Uînë en blanc dan* len». d'Amîent,
;vGoo»^lc
i\k - CHRONIQUES DE J. FftOISSART. [1307-134Ï]
ses folies «crêtes, avant ot il fait moult de grans mauls et de
crueuses justices des nobles de son roiaume. Englès suefirent bien
un temps, maii en la Gn il paient si crueusement que on a'i puet
bien exempliier, ne on ne puet jeu[e]r à eulï. Et se lieuve et
couce uns »res en trop grant péri) qui les ^uverne, car jà ne
l'ameroot ne hooneront, se il n'est victorieus, et se il n'aimne les
aimes et la guerre à ses voisins, et par especial à plus fors et à
plus riches que il ne soient. Et ont celle condicion, et tiennent
celle opinion et ont tous joors tenu et tenroot, tant que Engte-
terre sera terre balùtable. Et dient generaulment, et ce ont il
veu p«r experiense par trop fois que, apriès un bon roi, il en
ont un qui n'est de nulle vaillance. Et le tiennent à endormi et à
[»esant, quant il ne voelt ensievir les oeuvres de sen père ou de
ses predicesseur, bon roy qui a fesgnë eb devant de li. Et est
lor terre plus pUinne de ri^isses et de tous biens, quant il ont
la gerre, que en t«nps de paii. Et en cela sont il né et obstiné,
ne nuls ne lor poroil faire entendant le contraire.
Englès sont de mervilleuses conditions, chaut et boullant, tos
esmeu en ire, tart apaiiié ne amode en douçpur ; et se delitteat
et confortent en batailles et en ocisions.' Convoiteus et enviens
sont trop ^andement sus le bien d' autrui, et ne se pueent con-
joindre parfaitement ne naturelment en l'amour ne alimce de na-
tion estragne, et sont couvert et orguillens. Et par especîal de-
sous le solel n'a nul plus perilieus peuple, tant que de hommes
mestb, comme il sont en Engleterre.'Et trop fort se diflêrent en
Engleterre les natures et conditions des nobles aux hommes mn-
tis et vilains, car li gentilhomme sont de iloble et loîale condi-
tion, et li communs peuples est de fêle, périlleuse, orgiùUeuse et
desloiale condition. Et là où U peuples vodroit moustrer sa feion-
nie et poissance, li noble n'aueroient point de dhrée k euls. Or
sont il et ont esté un lonch temps moult bien d'acort ensamble,
carli noble ne demande au peuple que toute raison. Aussi on ne
li soufferroit point que il presist, sans paiier, un oef ne une
poulie. Li homme de mestier et li laboureur parmi Engleterre'
vivent de ce que il sèvent faire, et li gentilhomme, de lors ren-
tes et revenues; et i li rois les ensonnie, il sont paiiet, non que
li rois puist taillier son peuple, non, ne li peuples ne le vodroit
ne poroit souffrir. 11 i a certainnes ordenances et pactions assis-
ses sus le staple des lainnes, et de ce est li rois aidiés au desus
de ses rentes et revenues; et qunnt ils faîl gcrre, celle pnctinn
;vGoo»^lc
{1307-4X] VABUNIB» DU PREMIER LIVRE, S 1 21S
on U double. Ëtiglelen-ffest la terre dou inonde le mieulz gardée.
Aultronent il ne poroient nq saueroient vivre, et convient bien
qne uns rois qui est lors sires, se ordonne ^iriès euls et s'en-
dine à moult de lora volent^ ; et se il fait le contraire et mauU
en viengne, mdl l'en prendera ensi que il fist à ce roi Edouwart,
dont je parloie maintenant, liquels fu &la au bon roi Edouwait
qui tant fu de proèce plains qœ il desconfi par pluisseurs fois
en bataille les Escoçois et conquist sus euls la chitë de Bervich
et la frontière d'Escoce JUsques en la chité d'Abredane; et prist
et tint Hdndebourcb et le fort chasdel de Stnivelin.
Et qant chils bons rois Edouwars fu trespassés, ses fils, ncttumës
aussi Ëdoui^Urs, fu rois, pais U n'ensievî pas ne en riens la viUance
dou iroi son père. Car assés los apriès ce que il fu couronna, li
rois d'Ëscoce, qui se nouma Robers de Brus, desfia ce roi Edou-
, wart et cevaUça tantos efibrciement sur lui et reconquist toute
Escoce, celle que lî bons rois. Edouwars avoit conquis, et reprist
la chité de Bervicb et passa la rivière de Taie, et entra eus on
pais de Norbombrelande et ardi et essilla moult dou roiaulme
d'Engleterre jusques à la rivière dou Thin; et vinrent li dit Es-
GOçdis mettre le siège devant le chastiel de Struvelin. Adonc
a'esmurent chils rois Edouwars, fils au bon rot Edouwart, et
toute la chevalerie d'Engleterre, pour lever ce siège. Et là les
atendirent li rois Robers de Brus et ses gens, et i ot une ba-
taille arestée très grande. Et là furent desconfi les Englws et
mis en cace, et en i ot biau cop de mors et de pris. Et dura
ceste cace des Escoçois sus les Englez jusques oultre la rivière
dou Hombre. Et se sauva à grant paiune li rois Edouwars, et ne
fu onques asegurës en chite ne en ville ne chastiel que il euiat
sus tout son cemin, si se trouva en la chité de Londres. Et
quant il vei et congneut la vaillance de ce roi Robert de Brus,
il fist paction et acordance à lui, et demo[rè]rent li doi roiaulme
d'Engleterre et d'Escoce en trieuves, ung grant tempore. F* 2.
P. 9, I. 16 : Robers de Brus. — Mi. £ B : En ce tanq»
regnoit ung roy en Escoche qui s'apielloit le roy Robert de Brus.
Che roy Robert avoît esté du vivant le père de ce roy Edouart
durement vexes et travilliés par guerre et tuut son royaume :
sy que, quant che bcm roy Edouart fii mors et son filz, le roy
Edouart vint à le couronne, qui ne fu mie de sy grant vaillance
que son père. Che roy Robert, qui entendy le fbible conseil que
il creoit et le discort que il avoit entre le roy et les hauls barrâs
;vGoo»^lc
SIA GHROt^IQUGS DE J. FROISSAtlT. - [mkj
d'Engleterre, s'aviga que il se cnatrevengeroit des anoy et desptt
que les E^lez Ey avoient fait. Et amit à che donc sji nettement
perdu son rcHalme d'Escoche que 11 se tenoit entre lei mostu-
gnes devers Abredanne et n'osoit entrer en le Donlche Escoche.
&y issambla tous ses amis, monseigneur Guillaume de Douglas,
monseigneiir le conte Pab4s, le conte de Mouret, monseigneur
Robert de Versy, monseignenr Simon Fresiel et pluisêurs antres.
Bt chevauchèrent avant à grant esploit et reconquirent villes et
chasteaulx en Escoche que les Englès tenment, et reprirent la
bonne cité de fiervich. Bt reconquirent bneftnent Ions les cas-
tuulx d'Escoche, Handebourch, Dubertain, Dondieu, Dombare,
Dalqnesl, Saint Jehanston, Donfremelio. Abredane et pluiaen^
•ntres. Et vinrent fuiablement mettre le siège devant 1^ fort
ctstel de Struvelin'en Escoche, et apressèrçÀt moult 'cheaux de
Ces nouv^es vinrent en Éngleterre qne les Escocluns avoient
tout reconquist leur pais , excepté le castel de Stonrvelîn.
Dont s'esmurent le roy et tons les barons et conitnunaulté
d'Engleterre pour venir en Escoche. Et esploitèrent tant que il
viiKent assés priés de Strnvelin. Le ro^ Robert de Bras et 1/
barons d'Escoche qui là se tenoient à siège, si tost que il enten-
dirent que le roy d'Engleterre et sa puissance estoient venus
poor yaulx combatre et lever le siège, il se rengièrent et ordon-
nèrent tantost devant euU et combadrent caudement U roy
d'Engleterre et les Englès, ainchois que il sepeuïssent levier ne
aviser plache. Et là ot grant bataille, crudie et dure, qui dura
Imigeraent. Mais finablement les Englès furent desconfis. Et con-
vint le roy fuir et mesire Hue le Despensier ; autrement il euis-
sent esté pris. Bt dura ceste cache des Escochois as Englès trois
jours, et furent racacbiet jusques ,à la rivière de Thin. Et y ot
des Bibles mors plus de quarante mille, et moult de vaîllans
hommes. El au retour que ly rois d'Escoche fist, il prist le fort
dustel de Siruvelin, car ly Englès quy le tenoient te rendirent,
sauve leur vies. F" 5 à 7.
S 9. P. 10, I. 14 : femme. — JUts. J ; qui estoit une des
plus belle[s] <lame[s] du monde. Mt. ^ i, f* S v*>.
P. 10, 1. IS : h ainsnés. — Mts. A: est le gentil et le preux
roy. Ms. À 1, P> 2 v*. — M$. ttAmieiu : qui tant fu vailtans
homs. F" 1 V».
;vGoo»^lc
[13VI-S7] VARIANTES DU PRBMIBR LIVBE. § 3. 217
P. 10, 1. 19 et 16 : Edouwars. — U*. £ < : de Windesoi-t.
P«4 v«.
P. 10, I. 17 : bannis. — M*, de Some: prelas et commniuu-
tës dingleterre. P* î V.
P. 10, 1. 22 : l'acord. — Hfs, de Rome : des hauts barons de
l'un roianlme et de l'aultre, «t pour venir à plus grande aliance
d'aramir. F- 2 y'.
P. 10, !. 23 : fille. — Ms..B 6 : ot nqm Marie. F' 4 v". —
Ms. de Borne : ot nom Jehane. P* ï v».
P. 10. I. ik : duch. — Ms.B»: duc de Gfaerles nomë Re-
nault. F* 4 T*. — Msr. ji 1 k 3^ : conte Regnault de Gerlles
qm de p«iis fu apeUé duc de Guèle. F* S. — Mt. de Borne ; conte
de Guéries. F* 2 V. — Mss, ^ 1 à 6 : comte Regnault de
Guéries. F* 2 v". •
P. 10, I. m : Renault. — Ms, d'Jmient : messire Emaut et
messire Edouwart quoi tant lu bons chevaliers. F* 1 .
P. 10, 1. 2S : filles. — Mi. d'Amiem : De ses deux fiUes,
l'une eut li contes de Mons, et l'aultae eult d<f>uis U comtes Je-
hans de Rlois, comme tous orés avant en l'istoire. YX que on
l'entende, chils comtes des Mons fu nurcis' et puis par
l'ordounnance l'enqtereeur Lo^ys de Baivière, comtes de Jullers
«t des Mons fils eussuiwant par le decoellance l'enpereur
d'Allemaigne et de Homme monseigneur de Jullers. F* 1. -r-
Ms. de FtUenfiennes : Ht de ses deux filles, l'une eut le conte
de Clèves, et l'autre le conte de Jullers. F* 2 v*. — if t, de Borne :
Et des dni RIIps li ainnée in f«nme au conte de Jullers, et li
aultre morut sans mariaige. F" 2.v".
S S, P. 10, I. 36 : Li biaus. — Mst. A 7, 18, Ifl, 23 à 3S : ce
roi Philippe nommé B^u de ^rance. F' 2 y*. — Ms. d Amiens :
Çncoires. |>fltr mieus e^sdarcbir ceste grande el noble m^tère,
t'Omrir le declaracion des unaiges, je me vocil ung petit en-
sonuiier de mettre avant dont li roysEdouars qui [assega*] Toui^
nay yssi, et com prochains il fit de la couronne de France, tant
qu'il vesqui. Il descendi, de par la fiimelle, de le .droite ordon-
nance. F» 1 .
1. Les poinu indiqaent ici cwtainci licunPt d'uD ou deux moti, de*
noms propret preiqui touJDur», qui ont ët^ marquées par de* blanca
dam lei premiers folios du du. d'Amieni.
2. M«. df Valeociennet, f> 3 V. — Mi. d'Amienf (lacune).
;vGoo(^lc
21S CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1314^318]
P. 11, I. 1 : chevalier. — Mt, ^Jmiens : d« monbres et de
façons. F* 1.
P. 11, 1. 3 el 4 : U BUns. — Mu. ^ 1 à 6, 8 à 17, 20 à
22, 36 à 38 : le I/Hig. F> 2 v*. — Mu. A 7, 18, 19, 23 i 35 1
li Grans dit le Lonc. F* 2 v".
P. 11, 1. 6 : l'autre. — Mt. de Rome : et furent tout troi
mariet. F* 3.
P. 11, 1, 19 : maintenir. — Mt. do Home : par electimi et
rieule naturel et droiturier que il ont eo France, et de laquelle
ordenance anciîennenient oq avoit veu user. F* 3.
P. 11, I. 19 : acort. — Mj. ifJmie/u: de hur certain acord....
absoluement, en plain Palais, à Paris. F" 1 \'.
P. 11, I. 20 : fi] jadis. — Ma. A 7, 18, 19, 23 à 33 : nc^
veu jadis à ce beait roi Phelippe de France. F* 2 v*.
P. 11, 1. 25 : germains. — Mi. dAmUnt et Mts. A : Ensi
ala li dis royaummes hors de la droite lignie, che samble il à
mauh de gens. F* 1 v*.
P. 11, 1. 25 : poina. — Mt. d Amiens et Mtt. A : Car [c'est']
la vraie fondation de ceste histoire pour raconter les grandes
entreprinses et les grans fès d'armez qui avenu en sont. Car,
puis le tamps le haa. toj Garlemainse qui fu emperères d'Ale-
maigne et roys de Franche, n'avinrent si grans aventurei dq
guerrez ou royaumme de France que ellez sont avenues par ce
fet ohj. F" 1 v«.
§4. P. 12, ). 9 : enhort. — Mtt. A 11 à 13 : d'an mauvais
chevalier que on dit monseigneur Huon. F* 3.
P. 12, 1. 11 : d'enfaace. ~ Mt. B e et mt. de Rame: et
qui estoit son cousin. F* S. — Mt. deSome :.... et plus enoores
par l'enort et' conse) don fil que dwi père, car li pères esteit jà
tous ancfens, et li fils se tenoit b^us jours dal^'Ic rai. F" 3.
P. 12, 1. 21 : tounnens. — Mt. de Ibme :.... car, atA que
je ai dit ichi desus, Bnglès ne se pueentlongementtrair ne souf-
frir de un inconvénient, qant on lor fait; et se il le portent et,
suefirent un temps oultre tor volenté, si m prendent il en la fin
crueuls paiement. F° 3.
P. 12, 1. 29 : murmure. — Mt. de Borne: et coumenchièrent
1. Ms. deValencienne*., fb 3- — Mi.itAmieiu : cette. Maura'ue Upm.
;vGoo»^lc
.[13SS] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, % S. 219
à murmurer li prélat, li barsa et li homme des chitës et bonnes
villes d'Engleterre. F- 3.
P. 13, 1. 7 et 8 : Lancastre. — M*. dJmient et nus. J : qui
estoit oncles au roy, F* 1 v°.
Stf. P. 13, 1. 23 et ik : parlement. — M*, de Borne : que
U fist venir à Bristo, là où il se tenoit le plus souvent et moult
Tolentiers. F° 3.
P. 13, 1. 29 : decoUs. — JWi. de Rome : et se son fiire
le conte Ainmon de Qent euist esté à ce parlement, il estoit or-
donné dou faire morir; mais point n'i fii, car il estoit dehetïA,
si s'escusa. F" 3.
P. 13, I. 31 : pays. — Mt. de Home : Mais nuls n'en osoit
parler, là oà la congioissance en fiist venue au roi, ne au dit
messire Hue te Espensier; car il estoient si crueuls en lor fais
que nuls, tant liauls ne nobles que il iiist, n' estoit espargni^;
et voloieQt resgner en celle ordonnance que nuls ne parlast sur
lor estât. F" 3.
P. 14, 1. S : roy. — Ms, S 6 : qu; fu preudons et vuUans
Ihsis. F* 9.
P. 14, 1. 8 : fiist. — Mt. de Mme : Et pour tant que le conte
Ainmon de Qent en parla et en blâma le roi son frère, presens
auquDs nobles d'Bngleterre, pour ces parties et pour aultres
avoecques, tout le mal et discort que messires Hues li Espen-
siers pooit mettre entre le roi et son firère et la roioe, il l'i mist.
Et bien le savoient la r<»De et li contes de Qent, et s'en vinrent'
demorer en la conté de Qent, et en un biau chastiau dou dit
conte que on ttoome I^èdes. Et là se tinrent un tempore, car li
roi^ d'Engleterre ne faisrat compte de sa f^use ne de ses enfans.
Et aouvenoit la rolne vivre de son demaiime, car les roioes
d'Engleterre ont grans drois. et biaus hiretages de lors doaîres
en Engleterre. Chi^ rois ne falsoit compte 4e veoir la roine. Sî
estoit elle très belle dame, 'et féminine et doucement enlangagie.
Dit fil à ce conte de Qent et k la rçlne Issabiel d'Engleterre,
qui se tenoient en ce chastiel de Lèdes, que li rois les ferait
prendre, decoter où noiier son frère, et la raine emnurer.
F* 3 V. , ,
P. 14, 1. 21 : d'Engleterre. -^ Ms. de Rome: et venroit en
Pontieu, car la conté de PoAtieu li devoit estre deue, et li avoit
esté donnée en mariage cwoecques te roi d'Engleterre. F* 3 v".
D,qit,zeabvG00»^lc
3âO CHRONIQUES DE J. FttOISSART. [t3S5]
P. 14, i. 22 : Cliarion. — Ms, tC Amiens : qui eticoires vivoit.
v*i.
p. 14, 1. 32 : pèlerinage. — Ms. d'Amiens et nus. A : à
Saint Thuminas en Cantorbie, F" 2.
P. 18, 1. 4 et S : Douvres. — Mt. d'Amiens et mss. A : à
Winnecesée*, et )à de nuit elle entra en une nef appareillie pour
elle et son 61 et le conte Aynmon de Kent et messire Rogîer de
Hortemer, et en une autre nef mirent leurs pourveances. Et eu-
rent vent à Mtuhet, et furent l'endemain devant' prime on ha-
vene de Bonloîngne. F* 2.
§6. P. 1S. I. 10 : ahhes. — Ms. d'Amiens et mss. A: li cap-
pitainne de la ville et li bourgois et ossi li abbes. F° 2.
P. 15, 1. 12 : cinq. — Ms. ^Amiens et mss. A i À tk, H à
35 : deux. F* 2. —Mss. A IS k tt : trois. F' 3 v».
P. 15, 1. 13 : sizime. — Ms. d'Amiens et mss. ^ 1 à 14, 18
k 35 : tiers. — Mss. ^ 15 à 17 : quatrime. F" 3 v*.
P. 15, 1. 25 et 26 : Paris. — M. de Rome : et ou bois de Vi-
cainnes où, pour ce temps, li rois de France se tenoit. F* 3.
P. 15, 1. 28 : palais. — te ms. d'Amiens et les mss, A omet-
tent :.... li contes de Dammartin, . . . . li sires de Montmorensi, et
. qjoutent : monseigneur de Sully et le seigneur de Roye. F" 2.
P. n, I. 6 : vies. — Ms. d Amiens et mss, A : Si ne l'ay je
pas desservi ne ne vouroie faire nullement, car oncques enviers li
je ne pensay ne ne fis cose qui fuist à reprendre. Et quant j'eucli
oy ces dures nouvellez et si iterilleusex pour moy et sans rais(H),
je m'avisay pour le mieux que je partiroie d'Bngleterre et vous
venroie veoir et remoustrer fyablemcnt comme à mon seigneur et
biaufrère l'aventure ei le pcril où j'ay esté, ossi li comtez de Gain
que la ve^s, qui est frères du roy mon maFit, qui est eiL-ntel
parti de haynne comme je'sui. et tout par l'esmouvemcnt et faux
enort de ce Huon 1& Espenssier. Si m'en sui chy afuie c(Knmè
femme esgar^e et desconsettlie deviers Vins pour avoir consseîl et
confort de ces besoingnes ; car, se Dieux premièrement et vous n'y
remediiés, je ne me sçay vers qui traire. F" 2 v*.'
1. iau..4TàlO, Ibà 19, n à i3 ■.yuiotAaée. Foi. — tt"- A l è 6,
U à 13, 20 à aa ; WindMore. F" 9*°. — U$i. ^ ZketBh: ■Vînchelle*.
V 3 V".
2. *M. ^ 1 a 6 : à prime. F" 3 v".
:vGoo»^lc
[|34«] VAHUSTES DU fRËHIËR LIVRE, § 7. iH
S 7. P. 17, 1. a : doucement. — Ms. de Roihm : Li rois Caries
d« France requelli assés doucement sa serour et son jone fil Ëdou-
WBTt et le vei moult volentiers et le conte de Qent et messire Ao-
gier de Mortemer et ordonna tantos de lor estât, qaut ii ot en-
tendu recorder sa serour çt le conte de Qent la vie, l'affaire et
l'ordenance dou roi d'Engleterre et de ce Une le Espensierj mais
il ne diUpas : ■ Belle serour, ^w l'amour de vous, et pour ce
que je voi que il se mesuse, je Ii manderai notoremeot que il se
mète à raison et esloage de li son mauvais consel et vous tiengne
en paix et en estât, ensi que uns rois doit tenir sa fenme, ou je li
ferai guerre; > iiennil, mais li dist : ■ Ma belle serour, .je vous
pourverai courtoisement de vostre estât pour vous et pour vostre
lil ; et entrues s'avisera vostres maris, ou li amour et la compa-
gnie de li et de ce Hue le Espensier se desrompera. » Il convint
la roine d'Engleterre prendre en bon gré ce que ses frères li rois
de France li ofTroit, et l'en remercia, et aussi fist li cont£S de
Qent. Et se tinrent à Paris que là environ trois ans tous complïs,
et estoient souvent avec le roi Carie. Et les veoit li rois volen-
tiers et prendoit à la fois grant plaisance ou jone Edouwart, car il
estoit biaus fils et rians ; et s'esbatoit li rois, qui estoit aon onde,
en ses jonèces. F" S v°.
P. 17, 1. 16 : besongnes. — Mt. d Amiens et mss. A : Depuis
m demoura guairez que, sus cel afaire que vous svés oy, Cavlez li
roys de Franche assambla pluiseurs grans seigneurs et baro^ dou
l'oyauoune de Fran<je pour avoil' conseil et bon avis comment il or-
donneroit de le besoiDgne la loynnè sa soer à qui il avoit proum-
mis Goofort et ayde, et teiur li volloit. Dont fut aînsai consetUiet
au roy et ponr le mieys que il laissast ma danime sa sereur ac-
querre et -pourchachier amis et confortans ou royaumme et se
biodist de ceste «uprise; car dé esmouvoir guerre au roy d'En-
gleterre et de mettre son pays en haynne, ce n'estoit pas cose qui
fiiist appertenant, mais couvertement et secrètement l'aidast et
confortast dou sien tant que d'or et d'argent, car c'est li métaux
par quoy on aquiert l'amom* des gentilz hommes et des povres
bacelers. A ce ccmseil et advis s'acorda li roys et le fist dire ainssi
tout quoiement à le roynne d'Engleterre sa sereur par monsei-
gneur Rc^rt d'Artois qui lors estoit li ungs des plus grans de
Franche. Sur ce, la bonne -danune, loutte resjoie et confortée .
persévéra et se pourvey d'acquerre amys parmi le royaumme de
Franche. Les aucuns prioit; lex autres proumettoit ou donnoit, et
;vGoo»^lc
23S CHRONIQUES DB J. FROISSAAT. [131«]
tant que il y eult moult de grani seigneurs, de jouenes dievalîers
et escnyers qui tous li acordèrent ««ifbrt et alîuiche, pour li re-
mener en Engleterre et de force'. P* î v**.
P. 17, 1'. ik et 2S -. estaient. — Ms. rie Rome : Pour ce temps
que U KÔne d'Engletevre et ses fils et li contes de Qent estoient
. en France, svoit deus jones filles en Franc«, des quelles ti rois
Caries estoit raclez, car elles avoient est^ filles à ses deus frères,
li roy Lois qne on nonma le roi Hustin, et li autre, fiUe au roi
Melippe le Grant, qui en sa jonèce avoit esté noum^ ccmtes de
Nevers. Ces deus filles, li une fu depuis duçoise d'Orliieus, et li
anltre, Margerite, contessc de Flandres et d'Artois. Et fn adonc
parole ens ou consel don roi de France, et asseï s'i acordoit U
rois, que ses biaus neveus Edouwars d'Engleterre euist l'une de
ses nièces par mariage et que li roiaulmes de France, apriès li,
lor retoumast, car il Tcnoient de la droite lignie.
Ces nouvelles s'espandirent tant que elles furent sceuea en En-
gleterre. Qant messires Hues li Gspensiers en fu enfourmés, » se
doubla grandement que la poissance don roi de France ne le fe-
sist tresbuchierjusde ses estas, car bien imaginoit an fort [que]
ses sires li rob d'Engleterre n'oseroit c«urouobicr le roi de Fran-
ce, et encores oultre, se ceste aliance se faisoit, que li joaes
Edouvars d'Engleterre fust mariés en Fronce' et presist sa cou-
sine germainne, il ne poroit longement estre ne demorer que, dou
CosIéMe France, il n'euîst à faire, avoecques tout ce eaoores que
il sentoit bien que moult estoit hais en Engleterre par les cruea-
ses justices et sanz raison, que il avràt consenti tt oHiûlliet à
faire, dont tous les jours i^ estoit en péril et en aventure des lî-
nages de ceuls qui mort estoient. Si se- avisa que k tout ce il
pourveroit tn^ grandement, ensi qu'il fist. Ib qui 'iâen savoit
qne, se chils mariages se faisoit, ce seroit par di^iensation don
pape, tautos et inctmtinent il fist le roi d'Engleterre esciire an
pape Jehan, qui, pour ce temps, resgnoit et demoroit en Avi-
gnon.
Chils papes Jehans estoit gascons et de la nation de Bourdiatis,
et tous li linages de ce pape demoroient desous le roi d'Engle-
terre, et aussi de condition et en toutes ses oeuvres, il estoit ea-
1. Lei molf : et de force ntan^ueiU Jaiu Ut mu, ^ I à 6, 11 à 13 non
abrégit. Ut mi. .i U à 13 ajoutent : niaalgrri toni ta» ennemil, ponr
l'onntur du roj leur (eigneur. P> k-
;vGoo»^lc
[iSSG} VABIANIÏS DU PREMIER LIVRE, § 7. Sï3
gkNS, et ne vostst pour rieas couronchier le roi d'Engleterre. Ça
lettres escriptes et seelëes, messires Hues li Espensiers, qui avcut
escript enû comme il voloit, espoir n'en savoit riens It rois, prist
tantos deus chevaliers de Eon linage et les envoia en Avignon dé-
viera ce pape Jehan. Qant li papes vei les lettres dou roy d'En-
gleterre, ils les rechut et les chevaliers en grant «âiieretë, et les
ouvri et lîssi tout au lonc, et tint ces escriptures en secré. Et
en avint que, pour ce jone Edouwart d'Engleterre marier à la
jone dame, qui fille avoit esté dou roi Lofs de France et de Na-
vare, et on en volt avoir la di^ensation, cbils papes qui -tous
enfourmés estoJt, et qui complaire voloit au roi d'Engleterre et
k messire Hue k fspensier, respondi à ceuls qui envoiiet i fu-
rent de par le roi de France, qu^à ne dispenseroit ce mariage,
car il estaient trop prt^ain.
£nsi fti chils nituiages bnssiés ^ t rompos, et aussi pinisseur hault
baron da France n'en fissent point grant compte, car jà mur-
muroiem ils que de ce maviage poroient venir tn^ grant manls
et que, apriès la mort dou roi Carie, qiji consentit à liiettre sus
fit avant ces trettiés, li hiretages de la couronne de France ne
devoit ne pooit «u riens descendre, ne venr à ces filles, ne as
enfans de la roine d'Engleterre, par les previlèges et estatu^ an-
ciieas de France ; et en estoîent hiratier li fil au conte de Valois,
Phelippes et Caries, jà faisseot ils de plus lontain degré, m^ li
contes de Valois lors pères avoit esté frèrez au biau roi Phelippe,
rcri de France. F» 4.
P. 18, I. 6 : merveilles. — Ms. de Rame ; Grandes murmura-
tions et escandales commenchièrent %. monter en Engleterre à
rencontre dou roi et de ce Hne le Espensier, tant des nobles
comme des prelas et marceans, et disoient ensi l'uii à l'autre,
qant il se trouvoient : i Nostres rois se mesuse trop mallement
par l'enort et consel de ce Hue le Espensier. A quoi es cou bon
que il ont mb hors d'Engleterre, la roine qui est serour dou
roi de France et une vaillans dame, sage, humble et dévote,
et ysa jone fil, nostre hiretier, et aussi le conte de Qent, un
vaillant homme et de bonne conscience, et ne sot se tenir en ce
pals, pour tant que il a parlé à son frère le roi et à messtre
Hue le Espensier et leur a blamet leurs folies ? Telles coses ne
font pas à soufirir ne à consentir, et poroient lors oevres por-
• ter trop grant pr^udïsce à ce roîaulme, et seroit bon que on i
pourveist. »
;vGoo»^lc
iiii CtUtUMQUES DE J. FROISSAHT. [13S6]
Lî Londriien, qui ont tousjours est^, M)nt et serunt, tant que
il seront, U phis pcussunt de toute Eagleterrs, considérèrent ces
affaires que les coses aloient en Engleterre trop mallemeat, el
que justice n'i avuit point de lieu ne de au^cnsc, ne li marceant
n'osoient aler ne ceminer ne ne pooient, fors en grant péril et
(aventure de perdre lurs corps et lois bieus, parmi le roiaulme
d'Englcterre. Si en parlèrent entre euls et dissent que il î cou-
venoit obviier.et que de la vie et gouvemance dou roi et de son
cxtnsel, c'estoit une pure perte. Et sentirent que moult de nobles
d'Eqgleterre s'enclineroient assés tos à ce que on i pourveist. Et
couroit secrée renommée que L rois, par ses iiiesusauc«6 et folies,
n'estoit point dignes de tenir terre, et que à tort et à pechiet il
avoit eslongiet en sus de lî sa fenme la roine d'Angleterre et son
fit et son frère le A>nte de Qent, et se tenoit en la marce de
Bristo en wiseusses et en déduis, er ne faisoit çotapte comment
li roiaulmes fust menés ne gouvernes, mais que il euist ses plai-
sances et or et argent assés, et tout donnoit à ce Hue le Bspen-
sier et à ses ctlmplisces.
Si regardèrent que on i pourveroit, et enrent ua certain con-
sel secret en samble li «uqun noble d'Engleterrc et prèlas, qui ne
pooient phis souffrir ce que il veoient, -et li Londrijen, que il re-
manderoient la roine* Issabiel tbr dame et son til et le conte de
Qent, et fesissent tant que il euissent jusques 3 trois cnis ar-
meures de fier; mais que il fuissedt arrivé en Engieterre, il
trouveroient confort et aide ass^s des nobles d'Engleterre et des
Londriiens. Et certefioient les lettres que tout ce que il venroit
en Engieterre de gens d'armes, tJ seroient tout paiiet, el en fai-
soient li Londriien lor fait. En ce consel, furent les lettres e»-
criptes et seelées, et chil esleu, qui feraient le message, et cou-
venoit bien que tout ce fiist tenu en secre* il le fu. Et vinreot
chil, qui envoîiet i ^rent, à Paris, et trouvèrent la roine et son
fil et le conte de Qent. Si leur baillièrent à part les lettres; il
les lisièrent. Si en furent tout resjoT, quant il veirent que la plus
saine partie dou pais et li Londriien les mandnient, mais le plus
fort pour euls estoit à trouver gens d'armes. Et ne s'osa, de ces
lettres ne des mandemeus, la roine d'Engleterre descouvrir à son
frère le roi de France, ne à baron qui fust en France. Et ce li
consellièrent li contes de Qent et messires Rogiers de Mortemer.
F" 4 V.
P. 19, 1. 7 ; sceuist. — Ms. J'jémieni et mu. A : Lors se
;vGoo»^lc
[1326] VARIANTES DU PREMIER LBUE, S * 228
doubta que de Torce li rois de France ne le renvoiast en Engle-
terre; et s'avisa que, par dons, il atrairoit si le roy de F|;ance
et son conseil qu'il n'arment nulle votenté de la dame aidier, ne
lui porter contraire. Dcmc envoya, par messaiges seorès et aU-
tiés de ce faire, graat plentet d'or et d'argent et jeuiaox rices et
especiaux deviers le roy et son plus privet conseil. Et fist taat,
en brief termine, qfte li rojs et tous ses conssaulx furent ossï
froît d'aidier la dame comme il avoient estet en grant deûr.' Et
brisa U roys tout ce voiaige et defiendy, sus à perdre le royaum-
me, qu'il ne fnist nuls qui avoecques la roynne d'Engleterre se
mebt à voie, pour elle aidier à remettre en Engleterre à nuîn
armée. Dont 11 pluiséur chevalier et ba<dielier du dit royaumme en
furent moult oourouchiet, et s'esmervillièrent entre yaus po)ir-
quoi si soudainement li rois avoit fait ceste deffensce. Et en
monnurèreot li aucun et disent (âen que «rs et argens i estoit
efTorcheement acourus d'Engleterre*. F° 3.
P. 19, 1. 8 : messages. — Mt. tfjimieiu et mst. A : Encoî-
res vous diray je, se j'ay loisir, de quciy chilx messires Bues li
Espenssiers s'avisa. Quant il vit qu'il n'avoit garde dou roy de
Franche ue de ce costé, pour embellir et florir se mauvaitié et
ratraire la roynne en Engleterre, et remettre en aou dangier 4t
dou roy son marit, il fist le roy d'Engleterre escripre au Saint
Père en supliant ass^s afiectucusement que il volsist escripre et
mander au roy Charle de Franche que U lui volsUt renvoiier sa
4eaime, car il s'en voloit acquiter à Dieu et au monde, et que
ce" n'estoit mie sa couppe que elle estoit partie de lui, car il ne
U voulloit que toutte amour et bonne loyanlté, telle que ob doit
tenir en mariaige. Avoecq ces lettrez que U dis messires Bues
fist le roy d'Engleterre escripre au pape - et as cardinaos en hiS
escusaut, comme vous avés oy, et encadrez par pluiseurs soub-
tieves voies qui cy ne puevent mie estre teuttes descriptez, il
envoya grant or et grant argent à pluiseurs cardinaux et prelas
les [to secrès et prochains duftape, et aussi les [messagiers sa-
ges* et advisez] et bien ydonne et tailEé de faire ce messaige.
Et mena tellameut le pape, par ses dons et par ses fallasses,
jgu'il Gontoiupèrent dou tout la* roymie Ysabiel d'Engleterre et
1. Lci mu. ^ 11 d 13 ajoutent : et que Fnmçois sont trop conroi'
tenx. Fo.iï".
2. Ml. A 1, P> S v». — Hi. d'Amieni (lacune).
;vGoo»^lc
SSK CHBOMQUES DE J. FR01SSA.RT. [1326]
condempnèreDt en son tort, et misent le roy d'Engleterre et son
conseil à son drMt. Et escripsi li papes par le conseil â'ancitns
cardinaulx, qui de l'acord le dessus dit Espenssier estoient, an
roy Carltai de Franche que, sour painne et Motensce d'escume-
nicment, il rcnvoj'ast sa serour la roynne Ysabiet ai EDgleterre
devers le roy son marit. Ces lettrex veues et apportées devers le
roy de Franche* et par si especial messagier que par l'evesque
de Saintes en Poitau que U pa[^i y envoiioit en legadon, lî
roys fu durement esmeus sur sa sereur, et dist qu'il nel volloit
plus sousteoir à rencontre de l'Eglise. Et Est dire à sa seur, car
jà de grant temps ne parloit il plus à elle, que elle vidasl tost
et hastivement son royaumme, ou il l'en fereit vidier à honte*.
S8.P.20, 1.12: nomeUei.—Aîs. cT^miau et mu. J : Si (la
r<^e} ne seut que dire ne quel advis prendre, car jà l'eiloa-
goient chil de Franche par le commandement dou roy, et n'aroit
à nulloi conseil ne retour, fors seulement i sou çhier cousin
monseigneur Robert d'Artois. Mè* chiU secrètement le crauseil-
loit et (Mnfortoit che qu'il pooit, non à veue, car il ne t'osut
^re pour le roy qui deffensce y avoit mis et en quel hayniw et
malivolensce la roynne estait esceue, dont moult li anoioit, et
savoit bien que par mal et par envie elle estoit ainssi decachie.
Si estoit chils messires Robiers d'Artois si Jtien dou roy qu'il
voHoit; mes il ne l'en osoit parler, car il avoit oy dire le roy et
jurer que diilx qui l'em paroit, quelx qui fust, U lui torroit sa
terre et son royaumme. Si entendi il secrètement que li roys es-
toit en vollentë de Tab^ prendre sa soer, son fil, le comte de
Cam A mesure Rogier de Mortemer, et de remettre eus èi mains
dou roy d'Engleterre et duu dit Espeussier. Et ensi le vint ïl dire
de nuit à le roynne d'Engleterre, et le avisa dou péril oti elle es-
toit. Dont fu b danuue moult esbahie et requist, tout en plorant*
conseil à monseigneur Robert d'Artois quel cose elle p<m»t (aire
ne ù traire à garant et à conseil : t En non Dieu, damme, dist
1 . It au. Jt VaUncUimtt y'oate ! qui jà ettoit davoie^. pac lei donA
qoi d'Engleterre egioient Tenus, H se meut dui«iaent à paHrr à la'
roynne. Et luy diit plainement : < Je ne veul [du> Bouitciiir vous ne
vottre fait en mon paya, ouût partez tous kattïvemeni. Se nidïA taaa
loyalme ou je tous ferai vrîdier. » F« 6 *<>.
2. i.c' OU'. .^20 à SSo/oufau.- a dommaige d'elle et des sienl. F» 17.
;vGoo»^lc
[1326] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 8. 227
messtres Robîers, lî rc^auinme de Franche vous loa je iHen à
fridier et retraùe deviers l'Empire. Là a il ploiseurs gram aâ-
gneurs qui bien aidier vous porment, et par especial li comtes
Guillaummes de Baynnau et messirez Jehansde Haymiau ses frè-
rez. Chii doj sont grant seigneur, preudomme et loyaul, cremu
et redoubté de leurs ennemis, amés de leurs amis et pourveu de
grant sens et de parfaite honneur. Et croj t»en que en yaux
vous trouveras toutte adrèce de bon conseil, car autrement il ne
le saroieut ne voroieut faire, i F* 3.
P. 20, 1. 28 ; aprièa lui. — JUt, de Some : La dame se or-
donna apriès le consel de son serom-ge le conte de Qent, et prist
congiet à son frère le roi de France. Li rots )i donna assës le~
gierement, mais il voloit que ses iwveus Edonwars demorast
Bvoecques lui, mais la dame l'escusa et dist que, sans son fil,
point elle a'oseroit retourner en Engleterre. li rois n'en paria
plus avant, et 11 fist délivrer par ses dievaliers d'ostel deus mille
florins, pour pailer ses menus û-ès sus son cemin. Et pour loiz
estoit servis U rois d'un chevalier de Cambresis, qui se nonmoit
li sires d'Ssoe. Li chevaliers' s'ofiH à cevauchier avoecques la
roine et en demanda congiet au rai, et li rois li acorda Et
les condaisoit li aires d'Esne et acondiùsi et amena en Cambresis,
et furent un jour et une nuit en son chastîel, et de là vinrent
à Buignicourt. F" S.
P. 20, 1. 31 : chasdel. — Ms. tfjmieru et nus. J \ àl,9,
15 ^ 3S : en l'ostel d'un prtit chevalier. F° 3. — Mit. A H à
13 : en la maison d'nn vaillant cbevalier. F* S v*. — Af/. de
Rome: Pour ces jours i av<ût ong dievalier et une dame de trop
grant gouvernement. F* S. *
P. 20, 1. 31 : Buigmconrt. — Afw. A 7, 18, 19. 23 à 33 :
Aubrechicourt. F* tl. — Mss. >4 38 A 3& : Chamtn'esicoun. F" 3.
— JUss. A 34 et 35 : Amlàiecottrt. F« 6.
P. 21, I. 9 : Boignicourt. — Mss, A ; Aubrecicoort. Mt.'A
i,f».
P. 21, 1. 0 : chevalier. — Ms. de Borna : Et ^int li sires
d'Esne, sitos que la roine fu descendue à Bbigmcourt oà eU« fu
dou chevalier et de la dame très joieusem^nt requelloite, en la
ville de Valenchiennes, car 9 n'i a pas de là longe voie à cevau-
chier : pour ce^ jours s'I tenoient li contes et la contease et mes-
sires Jehans de Hainnau, sires de Biaumont, lors frères ; et vint
deviers eub en la Salle de Valenchiennes, et lor rec<»^Ja ces nou-
;vGoo»^lc
S28 CHRONIQtliS DE J. FHOISSAKT. [i3î6]
velles desquelles il iurent tout resjoi. Adonc dist U contes à son
frère : a Jehan, cevauàës jusques à Buignicourt, et dous amenas
Dostre cousine la roine d'Engleterre : nous le volons festoiîer
en Dostre pais. > Li stres de Biaumont respondi -. > Volentiers. >
Tantos cheraus furent ensellé, et montèrant messires Jehans de
Hainnau et sa route, car il estoit bien acompagni^s, et issirent de
Valenchietmes. Derechief li contes de Hainnau, qui fii uns moult
hranourablez sires, et qui voloit requellier bonnourablement U
roine d'Engleterre et estre acompagniez de barons et chevaliers
de son pais, mist messagiers en oevre et manda le signeur d'An-
toing, le senesca] de Hainnau, le signeur de Ligne, le signeor de
BaîHuel, le signeur de Barbançon, le signeur de Haverecfa, le sî-
gneuT de Gonmegnies, le signeur de Vertain et moult d'autres,
que tantoz et sans délai, il venîssent à Valenchiennes. Il vinrent
tout en bon arroi, et le plus vestis des draps de la livrée que li
contes donnoit ; et aussi dames et damoiselles vinrent dalés la
contesse.
Messires Jefaans de Hainnau cevauça et vint à Denaing oultre
Valenchiennes, et là s'aresta. Et renvoia le signeur d'Esne à Bui-
gnicourt, et estoit moult tart, et li dist : s Je serai, à quelle
heure que ce soit, encores à nuit dalés madame la roine.
Dites li ensi. » Et fist tout ce pour mains cargier l'ostel, car il
sentoit le chevalier et la dame de tout oultre bonne volentë. Li
sires d'Esne vint à Buignicourt, et compta à la roine tout ce qoe
il avoit veu et trouvé, dont la dame fut moult contente, et se
reconforta mjeuls que devant. Messires Jehans de Hainnau soupa
à Denaing entre les damoiselles de l'abeie, gentils fenmes qui là
estoient. Et tantos apriès souper, il prist Phelippe de (Siastiaus,
le plus proçain esquier que il euist; et montèrent as chevaus et
deus pages, et cevaucièrent tous les plains et tantos furent à
Buignicourt; et missent piet à terre, et entrèrent eas ou chastîel,
car on les atendoit.
Messires Jehans de Hainaao se traist en une cambre où la
roine d'Engleterre- estoit, li contes de Qent, messires fiogiers de
Moi^mer et toutes les gens d'onnonr, qui issu estoient d'Engle-
terre avoecques la ditte mine, laquelle estoit toute droite, et
messires Jehan§ de Hainnau s'enclinn moult bas contre lui. La
dame le prist par la main, et le leva et l'cnmena arrière ; et
qant la roine parloit au chevalier, il s'enclinoit tout bas, car des
honnours de ce monde, messires Jehans de Hainnau èstott tous
;vGoo»^lc
[13î6] VARIANTES DU PREMIER LIVRE. § 9. 229
fais et nouiis. Là furent les aquintances douces et courtoissea^
là remoustra la dilte dame au cbevaUer moult doucemeat toutes
ses mesestances. F* S.
S 9. P. 22, I. 11 : doucement. — Jlfs. du Borne : Et qant la
mine vint à la parole de dire coaunent li Londriien, par le consen-
tement de pluisseurs prelas et barons d'Engleterre, le mandoient
que elle retoumast eu Engleterre, et que elle fesist tant que elle
eubt trois cens ou quatre cens armeures de fier, car li langages
dou pronoDchier pour le temps de lors estoit tels, et les amenast
ou pab, et li Londriien les delivreroient de tous poins et se me-
teroient en lor compagnie -. a. car par ma foi, messire Jehan et
biau cousin, je n'ai de quoi faire ce paiement : je n'ai finance
fors que pour mes menus frès ; b il respondi promptement et
dist : « Madame, vechi vostre chevalier qui n'a pour le présent
que faire, ne à quoi entendre. Si voel estre en vostre service, et
n'entenderai jamais à autre cose, si vous aurai remis en Engle-
terre. Monsigneur mon frère et moi, avons finance ass^s, cheva-
liers et esquiers qui désirent les armes, et qui ne sont pour le
présent de riens cargiet ne ensonniiet : si ne vous fault point
doubler que, par faute de mise et de chevalerie, vostres volage*
soit requiés, car à l'aide de Dieu et de sdnt George, mus l'a-
chèverons. ■
A ceste parole,, plora moult tendrement la dame de joie et de
pit^, et l'en remerdiia de bon coer. £t puis li dist messires Jehanit
de Hainnau : c Madame, monsigneur mon frère et madame ma
soer la comtesse de Hainnau vous prient par moi que vous las
venés veoir et lors enfans. > La roine respondi et dist que, de ce
faire elle estoit toute preste et tenue dou faire, et que pour euls
veoir principaument, elle estoit avalée et venue de France jusques
à là. Ensi se portèrent les premières acquointances entre la mine
d'Engleterre et messire Jehan de Hainnau ; et fu là environ dcus
heures, et parlèrent de pluisseurs coses «ses, et prissent vins et
espi»ces par deus fois.
Tout ce fait, messires Jebans de Hainnau piist congiet à la
renne et à son fil et an conte de Qent et à tous et à toutes, gt issi
hors dou chaatiel, et monta à ceval et son esquier et leur page.
~ U sires d'Esne, li sires d'Aubredcourt et trois dez enfans ^ie
Mauni qui là estoient, Gilles, Jehans et Tiens, le réconvoiièrent.
Watiers et Willaumes de Blauni demorèrent dalës la roine. Et
;vGoo»^lc
230 CUROMQUES DE J. FROISSART. [13S63
s'en reTinrent messires Jehans et U «litre â Denaing, et là demo-
rèrent la nnit; mais chtl qui acompagniet avoient le signeur de
BiauDXiDt, retomèrent à Buignicourt dalés la roine d'Engleterre.
F*S V».
P. 23, i. H : remuneret. — Ms. it Amiens et mit, A : Je de-
venroie Tostre serve, et mes fils vostres sers à tous joun, et
mettriens tout le royaume d'Engleterre à vostre abandon, et à
bon droit. F» 3.
P. 23, I. 13 : ByamncKit. — Jfr. tf A/nient et nur. A : qui
estoit en le fleur de son eage. F* 3.
§ 10. P. 23, I. 24 : se parti. — Ms. de Rome : Qant mes-
sires Jebans de Hainnan eut dormi et reposé tout k sm aise en
l'abeie de Denaing, il se leva et apparilla, et puis monta à dieval,
et prist congiet k dames et i damoiselles qui pour ces jours i
estoient. Et s'en vint à Valenchieones, et descend! à la Sale dou
Conte, et trouva jà des barons et des chevaliers de Hainnau qui
estràent VMiut. Il se trabt deviers son Trère qui devoit akr à
taUo; K li recorda, avant que il s'aseist, tout ensi comme il
aviHt fait, et Testât et l'ordenance de la roine et des pandes et
' requestes que elle avoit misses avant, et aussi de celles que il
avoit responda. De tout se contenta li contes et dist que il avoit
moult bien fait, et li savoit très bon gré de ce que il s'estoit of-
fers et mis eus ou service de la roine d'Engleterre et de son Gl,
et que point il ne li faudroit, fust de gens, fust de finance : i En
nom Dieu, bîau (rère, respondi li sires de Kaomont, sus la fiance
de vous ai je parlé si hardiement; et ansd certainnement je ai eu
si graut piti de U bonne dame et ai eocores, que je ne li poroie
follir ponr mettre toute ma cavance. i Adonc lavèrent li signeur
et se asissent à table.
Apriès dUner, ordonné fu que mesures Jehans de Hainnan, li
sires d'Enghien, li sires d'Antoing, li sires de Ligne et li sires de
Havrech chevauceroiest ce soir et iroient à Bouchain souper, et
à l'endemain il iroient quérir la roine d'Engleterre à Buignicourt
et son fil et le conte de Qent et toute tor compagnie, et les amen-
roie>t disner à Bouçain; et puis apriès disner, il s'en depar-
liroient, et venroient par Haspre et tout le ^nt chemin de
Ombrai, et enteroieot i Talenchiennes, par la porte ^on dist
CambrisSienne , et les ameoroieut à la Sale ; et là les reoberê-
roient li contes, la contasse, aigneurs, dames et damoisdlei qui
D,qit,zeabvG00»^lc
[13î6] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 10. 231
lor vearoieat à l'aociHitre. Celle ordenance sambla bonoe, et, ae
li hosteU dou Conte estoit bien ponrveus, encores fîi ils reafor-
dés; et farent envoiies, à chars et à chevaus, grandes pourveancei
à Bouchain. Et Ui vinrent messires Jehans de Hainnau et li si-
gneur desos nonuné ce soir souper et jessir. Qant ce vint à l'en-
demain, tout montèrent qont il orent oy messe, et puis cevan-
chièrent monh ordonneAnent tout cet pais et plain d'Ostrevant,
et vinrent an chaatel de Buignicourt. Et jà estoit la roioe d'£n-
f^eterre segnefiie de lor venue et toute ordonnée pour piirtir, car
bien savoit que on le venoit querre de par le conte de Hainnauj
et 11 avoit madame Jehane de Valois, contesse de Hainnau, en-
voiiet son char ordramë et apparilliet ensi que pour lui. CW
baron de Hainnau vinrent à la roine d'Engleterre, et l'onnou-
[rè]rent grandement, ensi que bien le sceurent faire, et elle eub.
Adonc prist la roine congiet k la dame de Buignicourt et à
tous ses eoians, dont eUe avoit assës, fils et filles, et li dïst et
protunist qœ, pour la bonoe chière que elle avoit trouvé e/i li
et en son mari, elle se sentoit grandement tenue à eols, et que
si enfant, on temps à venir, en vaudraient nûeuls. La bonne
dame de Buignicourt et d'Aubrecicourt, comme sage et discrète,
se htuneBa et remerchia de tout. Adonc entra la roine ou char,
la contesse de Haionan, et mist son fil Edouward en coste li et
une dame d'&igleterre qui l'avait acompagniet, que on nonmoit
ta dame de BriaBe, et avment li rois et li Espenslers (ait deooler
son mari; et puis se départirent de Buignicourt et cevauchièrent
tout souef i beUe c(»npagnie, tous jours œessire Jeban de Hain-
nau dalës la roine au char, et vinrent à Bouchain et là disnèrent.
Apriès dûner, tout s'en départirent et se missent au cemin et
passèrent Blepre, qant tous et toutes orent beu un cop, et pris-
sent le cemin de Valeodiiennes.
Ensi que la roine et chil signeur desus nonmé descendoieut ens
es praierîes de Fontenielles, jà estoient venu chevaliers et es-
quiers, qui bouté s'estoîent et armé pour la jouste, ens es bois iJe
Fontenielles, et aultres -offidiers de par le conte, qui présentè-
rent à la roine et à son fil et au conte de Qent et à messire
Rogier de Mortemer, chevaus et palefrois si l)ien aoum^S de tout
ce que à enls apertenoit, que riens n'i avait espargniet, laquelle
cose la roine d'Engleterre vei moidt volentiers. Aussi fist ses fils
et tontes lors gens, et le^ avoit on là amfoés' et enroués pour
la roine et la damede Briane et les damoiselles monter sas et
;vGoo»^lc
2W CllRÛNlQUES DE J. FROISSAJIT. [1326]
renouveler Ae mouteore, mais la ditte roîoe ne la dam^, qui ens
ou char estoîeni, n'en issir^t point, û ftirent venu en la Sale à
Valenchiennes; mais )î Jones Edouwars monta sus un palefroi
tout préparé et ordonné pour lui. Toute la compagnie montèrent,
sus les camps, en aprochant le bos de Fontenelles. Et dou bois
inirent chevaliers et esquiers armés pour la jouste, et là jous-
tèrent moult radement devant la reine et les si^^eurs. Et tout en
venant et en chevauçant vers Valenchieones, chevutier et esquier
joustoimt sans euls espargnier, tels que li sires de Gonmegnies,
li sires de Vertain, li sires de Hastain, li sires de Biellain, li sires
de Uordain, li sires de Potelles, li sires de Vendegies, li Bor-
gjKS de Bobertsart, Gilles de Mauni, dis Grig[nars, Gilles de Sou-
main et Ostes ses frères, et plus de quarante . chevaliers et es-
quiers. Et tout ce veoit la reine d'Engleterre moult volentiers, et
aussi faisoit ses fils. Et durèrent ces joustes jusques à moult priés
de Valenciennes.
Si issirent hors de la ville grant (iiisson de bourgtàs de Valen-
chiennes, bien montés et aouniés et en bonne ordmmance *, et
vinrent contre la roine et son SI et les signeurs. £t fu ensi la
roine d'Gngleterre amenée honourablement jusque en la Salle de
Valenchiennes, et bsï au piet des grès hors dou char. Et encon-
^rèrent à l'entrée de la Salle amont le conte de Hainnau, tout à
nu chief, la contesse sa femme et lors enfans, Margerite, Jehamie,
PhEJippe, Isabiel et lor frère Guillaume, qui tout estoient jone ;
à honnourèrent la roine, et elle, euls. Et la conjoirent et la re-
quellièrent monlt doucement li contes et la contesse, ensi comme
il apeitenoit et que bien le sceurent faire. Et vous di que toute
la Salle fu adonc laissie pour la roine d'Engleterre logier et ses
gens ; et b contes et la contesse estoient logiet en l'ostel de Hol-
landes, et lors enfans, à Malaimoit, et aussi avoient il là par jour
lor retret.
La roine d'Engleterre veoit que li contes de Hainnau et la
contesse fi faisolent tant d'onnour qne plus ne l'en pooient
faire; û en looit Dieu et regratioit grandement en soi meismes,
car ella esperoit bien que par euls et les Hainnoiers, elle seroit
confortée et adrechiée, ensi que elle fu si grandement, comme
1. JUt. d^Amieiuttma.A ! Et conn:« lui widièrent moult de bonrgttÎB
de le Tille, bien parC et ordonnet, pour Jui faonorablemeiit recepvoîr.
jvGooi^lc
[1386] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 10. Î33
vous orà recorder avant en l'histoire. Et' Ai la ditte roîne et ses
fils et li contes de Qent grandement tenu au conte de Hainnau
et à messire Jehan de Hainnau, son frère, et as Hainnuiers, car
elle ne trouvoit en France, ne aultre part, nul confmt, ne qui se
vosist ensonniier de ses besongnes, qant ti gentils chevaliers
mesures Jehans de Hainnau eniprist le iaix et le carge. Dont
pluisseurs gens, en Hainnau meismemeat, l'en tenoient i fol et à
mal consilliet, qant à tout une poignie de gens, il se mist en l'a-
venture d'aler en Eogleterre à l'encontre don roi, dou signeur
Espensier et de ceuls de lor sieste. Au voir dire, se li Londriien
n'euissent est^, et auquns nobles dou pais qui furent dou confort
et aliance ta roine, jamais pies n'en fust retournas. F* 6.
P. 24, 1. 5 ; faire. — M*. d'Amiens et mit. A, : Adonc, avoit
H comtes Guillaumme quatre filiez, Margherite, Phelippe, Jehanne
et Ysabiel. De quoy li jones Edouvars, qui fu puis roys d'En-
gleterre, s'adonnoit le plus et s'enclinoit de regart et d'amour
sus Phelippe qne sus lez autrez. Et ossi la jonne fille le connois-
soit* plus, et lui tenoît plus grant compaignie que nule de ses
sereurs. Ainsi l'ay je oy depuis recorder la bonne danïDe qui fu
roynne d'Engleterre, et dallés qui je demouray et servi; mes ce
fi] trop tart ponr my. Si me fist elle tant de biens que j'en sui
tenus de priier à tous jours mes*. F" 3 V et 4.
P. îk, 1. 10 : trois sepmainnes. — Jlfr. d'Amiem et mss. A :
huit jours. F° 4.
P. S4, 1. 14 et 18 : Hasbaing. ^ Mi. A 1 : Rasbaingne.
F" 3 V". — Mit. A 18, 19, Î3 A 38 : Behaigne. F- 7.
P. 24, 1. 18 ; prioit. — Mt. de Rome : En ces séjours, joies
et esbatemens où li contes Guillaumes de Hainnau dnt et rechut
la roine d'Engleterre en la ville de Valenchiennes, fu ordonn^de
messire Jehan de Hainnau comment U feroit, ne quel cai^e de
gens d'armes il aueroit. Pinhseur jone chevalier et esquier de
Hainnau s'offroient à messire Jehan et li disoient r a Sire, me-
nés nous avo«cques vous, nous vous volons servir sus ce voiage
à nostres costages. » Li gentils chevaliers respnndoit et disoit :
» Grant merchis, biau signcur, j'en aurai avis. Je ne vousrefnse
■r T V- '-F*»-^-
... ,..-j. A 1 a 9, 15 d 22 : pour elfe. V'I. — àùi. A 11
l'ame d'elle. F^ 6. — Un. y< 34, 35 : pour elle et pour m
le je vivray. F' 7.
:,Goo»^lc
234 CHRONIQUES DE J. FROISSAKT. [IStS]
pas; mats le carge que je aurai, monsi^eur mon frère le me
ten. > Emi s'escusoît U cbevalien. F" 7.
S H. P. Î5, 1. H : Emi. — Ms. dJmieruet mu. ^.'Enssi
estoit meus et encoragiés messires lehans de Haynnau, et faisoit
se semonse et se priière des Haynuyers à estre à Hal,et les Brai-
benchons à estre à Bredas, et les Hasbegnons au Hont Sainte-
Getrud, et tes Hollandois, dont il eut aucuns, à estre à Dourdrecq.
Lors prist «mgiet la roynne d'Engleterre au comte de Haymuu
et à la contesse, et les remerchia grandement et doucement de
l'honneur, de le feste et de le bonne chierre et belle recoeilloite
(ju'il li avoient fet, et le baisa au partir et la oontesse et leurs
biaux enfans. Ainssi se parti la damme et ses filz et toutte leur
routte, acompaigniet de monsigneur Jehan de Ha3rnnau, qui à
grant dur et moult envis aroit eut congiei de monsdgnenr son
frère, quoy qu'il se fuist de premiers acordés et asentis ad ce
voiaige; mes Gnablement il li dounna de boime vollenté. Et )i
dist ensi messires Jehana par trop biau langaige ; s Monseigneur,
je sui Jones et encorrez à faire. Si cruy que Dieux m'ait pourveu
de ceste emprise pour mon avanchemeut; et, se Dieux me vaille,
li GOuraige m'en siet trop bien que nous en venronz à nostre
deseure; car je quide et croy de vérité que par pedet, à tort
et par envie, on a ceste bonne roynne decachie et stm fil hors
d'Engleterre. Si est aumonsne et gloire à Dieu et au monde d'a-
drecer et reconforter les desconfort^z et descon fondes, et espe-
cialment si noble et haute damme comme cesti est, qui fu fille
de roy et est descendue de royal lignie, et sommes de stui sancq
et elle dou nostre. Je aroie plus cher à rennncber à tout che
que j'ay vaillant, et aler servir Dieu oultre mer, sans jammais
retourner en ce pays, que la bonne damme liist partie de nous
sans comfort et ayde. Si me lajés aller et donnés congiet de
bonne volenté ; si ferés bien et vous en saray gré, et s'en e^loi-
terrmt mieux mes besotngues. >
Quant li bons comtez de Haynnau eut oy son frère et perchât
le grant désir qu'il a de faire ce voiaige, qui à très faaulte boo-
nenr li puelt retourner et à ses hoirs à tous jours mes, et con-
gnoist bien qu'il dist vérité, si en cuit grant joie et li dist :
4 Biau frère, ne plaise jà à Dieu que vostre bon pourpos je vous
brise ne nste, et je vous donne congiet ou nom de Dieu. » Lors
le baisa et li estraindi le main en signe de grant antoor, En^ se
:,Goo»^lc
[1326] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, % 11. 23S
parti messires Jehans de Haynnau, et s'en vint ce jour jesir à
HoDS en Hajnnau, et osa la royiuie d'Engleterre. Qae tous es-
loDgeroie la matère? Il âseut tant par leurs journées qu'il vin-
rent à Dourdrech *#n HoUandez où li especiaux mandemens e&-
toit (es. F". 4.
Mf. de Rome : Li jours fa assignés le dix septième jour du
mois de septembre k estre à Dourdresc. Et tout se ordonccrent
et apparillièrent, chil qui aler i dévoient. El vinrent devant le
jour li pluisseurs en la ville de Dourdresc, et là atendirent tout
l'un l'autre. Là estoient gens d'ofBce de par messire Jehan de
Hainnau, qui faisoient les pourveances de mer et apparilloient
barges et balenghiers, pour passer oultre en Engleterre. Toutes
ces coses furent scènes deviers le roi d'Engleterre et le signeur
Espenùer et lors complisces, comment la roine d'Engleterre et
ses fils et 11 contes de Qent estoient descendu de France en Hain-
nau et aToimt tant fait deviers le conte et son frère que messi>
res Jehans de Hainnau, à p^nssance de gens d'armes, les devoit
ramener et remettre en Engleterre, maugré tous lors nuissans.
Adonc i pourveirent il pour obviier à l'encontre de euls, et fis-
sent garder pors, havenes et passages à grant fuisson de gens
d'armes et d'archiers. Et lor estoit estroitement commandé que
tout ce que il veroient, qujr prendre terre vodroient en Engle-
terre, fuissent mort, sans nului prendre à mercM.
Qant mesru-eS Jehans de Hainnau senti que toutes les pour-
veances estoient faites, et ses gens desquels ils se voloit aidier,
venu à Dourdresc, et plus encores que il n'en euist pris et rete-
nus, il dist à la renne d'Engleterre : t Dame, il est temps que
nous nos metons à voiage, car ceuls que je pense amener
avoecques nous en Engleterre , sont tout prest et nous atten-
dent au passage, i La dame respondi : « Dieus i ait parti >
Adonc prist elle congiet au conte de Hainnau et à la contesse,
et les remerchia moult doucement de la bonne et honnom^le
requelloite que fait H avoient. Là fu pris li congiés, et baissa la
roine à son départir tous les enfans, l'un apriès l'aultre, de
Hainnau, et aussi fist son fil Edotiwars. Phelippe de Hainnau, ,
qui puis fu roine d'Engleterre, commença trop fort à plorer,
qant U Jones Edonwars prist congiet. Ou li demanda pourquoi
elle ploroit : « Pour ce, dist elle, que mon biau cousin Edouvars
d'Engleterre se départ de moi, et je l'avoie jà apris. s Dont
commenclaà'ent U chevalier qui là estoient, à rire, et depuis li
;vGoo»^lc
236 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1326}
fu nusenteu, qant U mariages fii trebés de lui et de l'anfant
d'Engleterre. Et elle eo respondi adonc sagement et dist que son
eoer s'i traioit tr*^ grandement, et pensoit bien que elle seroit
encorei sa feiune. *
Ensi se départi la roine d'Engleterre du conte de Hainnau et
de la contesse. Et estoient, pour ce jour que li congiés (a pris,
à HoQs en Hainnau, et vinrent je&sir à Binch, et à l'endemain à
Nivelle, et à l'endemain à Villevort. Et esqievèrent Brousselles
et passèrent à destre, et fissent tant que il vinrent à Mont Sainte-
Gertrut et de là à Dourdrcsc. Et n'i séjournèrent que demi joar
que il entrèrent ens es vassiaus, car il gissoient ou havene à
l'ancre et estoient tous près. Et qant li ceval furent tout guide
ceuls que mener on en voloit, et la mer Tu revenue, tout par
ordenance entrèrent ens es vassiaus. Et estoit marescaus de le ost
messires Jehan de Haînnau et messires Faster^s don Rues. Qant
tout furent entré, il desancrèrent et puis traissent les voilles
amont; si esquipèrent et se départirent, et avoient vent et marée
pour euls. Pour ce temps, estoit messires Jehans de Hainnan en
la droite Qour de sa jonèce, et de si grant volent^ qae nuls che-
valiers pooit estre. Et pour ce entreprist il le dit voiage n lie-
ment, et ne resongnoït painne ne péril qui li petûst avenir.
Aussi il n'i pensoit point, et estoit et fu tout dis ena oa vassiel
la roine d'Engleterre et de soa fil. P> 7.
P. 26, 1. 10 : d'Ântoing. — Le mt, dJnùemt omet : Bobers
de Bailluel, et il ajoute : li sires de Havrech caalelain de Mons,
messires Rol»ers de Biaufor. F° 4. — Le ms. dAmieas et les
mis. A omettent: Fastres dou Rues, Sanses de Biauriu, li si-
res de Wargni, et ils ajoutent : li sirez de Villers, li sirei de
Henin, li sirez de Sars, li sires de Bousies*, U sirez de Ver-
taing',.... li sirez d'Estmmel*, messires [Waflars'] de Gistellcz.
P° 4. — Le mt. de Rome ajoute :,.,. messire Gerart de Yende-
gtes,.... le signeur d'Espinoit, le Borgne de Hobertsart, messire
Gille Grignart de Mauni, Willaume dou Casteler, Oste et Gille
de Soumain et pluisseurs aultres. Et estoit li ùrcs de Fagnuelles
1. Ma.AXà 6, aO i 33 : Bootiera. T'I r>. — ilit. Kl\ àlZ :
Boursien. P* 1.
2. Lt nu. de Faitac'uniut ajoute : me««ire Feri* de Hordaing, le ùre
de Hertaing. P» 9 r>.
3. V*. A i: d'Eimunelin. F" 8.
4. Mt. de Valencienua, P> 9. — Ut. i4aùeru : Sonlhn. F" 4.
:,Goo»^lc
[1386] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S lï- «31
compains à bamère à messire Jehan de Haînnau, et Dtarescaus
de l'oost messires Fasterës dou Rues. P° 7.
P. «6, l. 13 : IJgne. — Mss. ^ 15 à 17 : Ligny. P- 7 v*.
P. «6, 1. 13 : Boossoit. — Mss. ^11^13, 34, 33 : Bouf-
fort. F" 7.
P. 26, 1. 14 : Semeries. — Mss. ^ 1 à 6, 8 à 17, 20 à 22 :
Sameries. T" 1 y*. — Ms. Â iZ : Smeriz. F» 8 v°.
P. 28, 1. Itf : li sires de Moategni. — Mi. if Amiens ; li Es-
tandars de Montegni. F° k. — Ms. de Rome : le signeur de Hon-
tegDÎ en Ostrevant. F" 7.
P. 26, l. 17 ; d'Anhrecicourt. — Mss. ^ 2, 20 à 22 : d'Am-
breûcourt. F" 8. — Mt. A 18 : d'Aubregicourt. F" 8.
P. 28, I. 19 et 20 : Hesbegnons. — Mss. Ai à%ii à 13,
15 à 3» -. Behaignons. F» 7.
P. 26, 1.'21 : par mer. — Ms. d'Amiens et mss. A : Quant
il furent parti dou havene de Dourdrec, moult estoit la navîe
beQe seloDcq la quantité et biea ordonnée, et li tamps biauK et
souefs, et li airs assez mobtes et atemprési et mirent à l'ancre
ceste première marée devant les dicques de Hollande sus le dé-
partement de le terre. L'endemain, il se desancrèrent et sachi^
rent les singles amont, et se missent an chemin en costiant Zel-
landes. F" 4.
P. 36, 1. 24 : tourmois. — Mt. de Rome : (II) orent ce pre-
mier jour et le second assés bon voit, et avoient jette lor avis
Hgneurs et maronniers que par la grasce de Dieu il iroient pten-
ifre terre au port à Orvelle, en la marce de Exsesses. Or lor
revint un fors vens contraires qui les rebouta moult arrièr» de
ce port, et ce lii tout à lor poorftt et droite grasce que Dieus
lor fist; car se il fuissent arivé à OrveUe, il euissent trouvé plus
de vint mille hommes, qui là les atendoient, archiers et aultres,
et pour euls tons ocire et destruire. Ensi estoit il commandé et
ordonné dou roi et dou signenr Espensier et dou conte d'Aron-
diel qui estoit de lor aliaiKe. Et estoient les pors et les havenes
d'Engleterre û bien gardés à l'oncontre de Flandres et de Hol-
landes que on n"î pooit venir ne entrer, fors par la bataille.
Chils vens contraires lor dura deus jours, et cosdïèrent Prisse ;
et ne savoient bonnement à dire li maronnier où il estoient.
Au derch jour, vens lor revint à droit sonhet, et qui les mena
et bouta droit contre Egleterre, et tant que li maronnier en oreqj
la Gongnîssoace. Si demandèrent à la roine et as signeurs qu«l cose
;vGoo»^lc
238 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1326]
il voloient faire, et se il preoderoieQt terre à l'aventure en Eq-
gleterre, car il disoient que il estoieot tn^ en bus de Orvelle et
de Clocestre et des fOrs et des haveaes de celle bende. Il dis-
sent : « Oil > et presissent terre où que fust, au plus toat que
il peuîsMDt, car prendre lor couvenoit pour euls rafresqir et
lors chevaus. Et tous di que tout chil maronoier estoimt de Hol-
landes et de Zellandes, et ne conuissoient pas bien tout le pais
et encores ce que la mer les avoit tourmentés.
Adoac singlérent ils à l'adrèce, ensi que li vens les menoil et
que Dieus proprement les conduisoît et voloit que ils euissent ce
cemin et non aultre, et s'edrecièrent contre Engleterre, que il
veoient devant euls. Et s'en vinrent ferîr lors nefs tout de une
Ilote sus le sabelon en terre descongnene, où il n'avait ne ha-
vene ne port; nuds le sabdon estoit assës ferme et bon pour
ancrer et sans péril. Et si veoient ass^s plain pais et «uni devant
euls, fors tant que il i avoit grant fiûsson de gene&tres et de pe-
tis buissons, ensi comme en lieu où nuls ne nulle ne demeure ne
ne converse. Toutesfois il prissent la terre, et furent tn^ resjoi
qant il se veirent à ferme terre et hors des dangiers de la mer, et
missent lors chevaus petit à petit hors des vassiaus et toutes lors
pourveances, et traissent tout hors en sus de la mer, et là où
elle ne pooit monter ne venir. Et trouvèrent un rien d'aige
moult clère, qui venoit d'amont de fontevis; et ce 6at grant bien
à euls et à lors chevaus, car il en furent rafresquî.
Et ne savoient lî contes de Qent, messires Eogiers de Morte-
mer, ne nuls Ënglois qui là fiussent, où il estoient arivet, fors tant
que il disoieat que il estoient en Engleterre. Toutesfois il se lo-
gièrent entre ces brousais, car il faisoit biel, chaut et cler, ensi
comme il fait ou mois d'aoust. Si portoient l'un par l'autre lor
painne et travel, assés liement et legierement, et ne savoient k dite
se il estoient en pooir d'amis ou d'ennemis. Et oreot, en trois jours
que il furent li, tamainte imagination pour sçavoir se il rente-
roient en lors vassiaus, et costieroient Engleterre par mer, t«nt
que ils trouveroient havene ou port. Toutesfois tout considéré, li
plus des signeurs ne s'acordoient point de rentrer en mer pour
la cause de lorz chevaus, mais se voloient mettre au cemin parmi
Engleterre, à l'aventure. Chils consauls fu arestés et tenus, et fu-
, rent les nefs recargies de tout ce que il veoient que point mener
il n'en pouient. Et fu dit as maronniers : a Retournés ent arrière
en Hollandes, et se on vous demande de nous, si dittes ce que
;vGoo»^lc
[1326] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 11. »3«
vous ea savës, et riens oultre, car il o'i a nul en nostre compa-
gnie qui sace à dire où nous sonmes, fors en Engleterre; et ache-
virODs che pourquoi nous i sonmes venu, ou nous i éemotroos
tout. > Li maronnier revendirent : « Dieux i ait part, mais en-
cores serons nous ichi à l'ancre jusques à demain, que vous
ditles que vous vos deslogerés. » Et li signeur respondirent :
tt Vous dittes biea. >
Quant ce vint au qu^rime jour, et que euls et lors cevaus fu-
rent tout rafresqi et ea grant volenté de ceminer avant poiir
trouver quelsque aventures, il se départirent et se recommandèrent
en la garde de Dieu, et ceminèrent parmi ces broussis. Et les con-
vint al«' tout le pas, car le plus de lors chevaus estoient cargiés
de lors armeurez et de pourveances. Qant li maroonier les veireut
eslongiés et que la mer tu revenue, il se départirent de Ui, tout
de une flote, et iraissent les voilles amont et entrèrent dedeos
1a mer, et retournèrent arrière sans péril et vinrent en Hollaiw
des. Et qant on lor demanda que la roine d'Engleterre et messîres
Jehan de Hainnau et li chevalier et lors gens estoient devenu, il
en respondirent tout eusi et ou parti oà il les avoteot laisiiet en
Engleterre. Et qant li contes de Hainnau entendi ces prenuères
nouvelles, si ot pluisseurs dures imaginations, et fii en grant «mai
de son irère et de tonte la compagnie.
Tant ceminèrent à destre et à senestre la roine d'Engleterre et
ses fils et messires Jebans de Hainnau et toute la route que il
trouvèrent un petit bamelet, où U n'avoit que sis msissons. Et un
petit oultre, il veirent na hault moustier, dont furent il tout res-
joi, et dissei^t : t Nous orons et auerons, se il plaist à Dieu, [»»-
çainnement bonnes nouveUes. > Adonc s'arestèrent ils tous sus
les camps. Et envoia li cfmles de Qent, un varlet à cheval au vil-
lage, pour savoir comment li moustiers, que il veoient, se noa-
. moit. Ji variés englois cevauça jusques k là, et raporta as si-
gneurs que chils hanls moustiers estolt une abbeie, que on nomoe
Saint Ainmon, et [de] noirs monnes. Adonc se départirent euls
de là, et s'adrecbièrent viers l'abeie.
Qant il furent là venu, et il entrèrent dedens le porte, li momie
chantoient vespres, mais il orent si grant paour que il lassièreot
tout en mi plain, et s'en alèreut reponre, dont chà, dont là ; et
proprement li abbes s'ala bouter dedens un celier et là enclor».
Et quidoient bien chil monnc que ce fuissent Escoçois ou Danois,
de ces gens cftrmes, qui là fuissent venu par mer, pour eub
;vGoo»^lc
240 CHRONIQTJBS DE J. PROISS,Ut.T. [1326]
rob«r. Et ne sav<Ment li sîgaeur à qui parler; touteefois tant
alèrent et vinrent que il trouvèrent un coavers, qui issoït hors
d'un gardin et venoit en la court. Qant U vei ces gens d'armes,
il s'en volt fuir, mais il ne pot. Oq le prist, mais on l'aseura ; et
G (h demandé où l'abbé et li moane estoieot. Il respondî que il
ne savoit, et que il les quidoit ou moustier. D«Hit li fu dit que ïl
les alast querre et asegurer, car il œ lor voloient que tout bien.
Li convers, suz ceste asegurance, .£st tant que il trouva les
motines; si les asegura de par les signeurs, et les fist venir avant.
Qant il lurent venu, li signeur parlèrent doucement à culs. Et se
nonmèrent li contes de Qent et messires Rogiers de Mortemer, et
leur dissent : s Aies querre vostre abbé, et li dittes que il ne soit
en nulle doubte, et que k roine d'Engleterre et ses fils le de-
mandent. » Sus ces paroles, il quissent tant l'abet que il le trou-
vèrent; se li comptèrent cez paroles. Qant il entendî ce, si fti
lous resjcns; et se traïst tantos avant, et s'en vint deviers la roiue
et son fil. Et s'umelia et s'escusa de ce que ils et si moone es-
loient ensi demuchié et repus, car il quidlèrent bien, tel fois fu,
à estre tout pris et perdu d'Escoçois ou de Danois ou d'aultres
robeours qui venissent rober l'abbeie. On les tint bien pour es-
qusés et à bonne cause.
AdoDC fiirent il logiet là dedens, selonch l'ordenance de la mai-
so[n], assez aise. Et eurent li signeur cambres, et trouvèrent
grant fuissoo de grains et de fourages pour lors chevaus, qui
leur lîst grant bien. Et bien en avoient li cheval mestier, car il
avoient esté travillict de la mer, et aussi couchîet trois nuis sus
les bruièrez ; si prissent en grant gré cel aise et che repos. Et
aussi fissent la roine d'Engleterre et li signeur et lors gens, et
se rafresqirent dedens l'abeie de Saiat .Ainmon de tous peins, et
î forent trois jours. Et lor amenistra li abbes variés, pour aler
là où il les envoiièrent. Premièrement il segnefiièrent lor venue
au conte Henri de I^ncastre au Tors Col, qui frères avoît esté
au conte Thomas de Lancastre, qui fii decolés, ensi que vous
avés o_v ; secondement, au maire et à la ville de Londres, on
C(Htte de Warvicb, au baron de Stanfort, au signeur de Briane,
au signeur de Manne, au signeur de Persi el à tous les buons,
sus laquelle seureté il estoient venu ea Eugleterre. F°' 7 v» et 8.
P. Î6, I. 29 : davanUge. — IHs. J 6 : car messire Hues le
Des|)enùer, qui savoit tout le couvin et le conduite de la damme,
et comment à ggns d'armes elle volloit venir ou pais, avoit piou-
;vGoo»^lc
[13S6] TABIAMXS DU P&BUIER- LIVRE, $ 12. 241
veu sur le pasaige plus de dix mille htHnmes, qui tous estoienl
aparliet de mettre à l'espée le royae d'Eugleterre, son filz et tous
les autres, sans uulluy prendre à merchy. I* 12.
§ 12. P. 27, 1. 29 : premiers. — J^s. de Borne : Li contes
Henris de Lancastre au Tors Col fu toua li premiers qui Tint à
gract ftiisson de gens d'armes et d'archiers. Puis vmrent de
Northombrdande li sires de Persi, li sires de Noefville, li sires
de Montbrai et li sires de Lussi. Puis viut-li sires de Stanfort;
et ensi chevaliers et esquiers et arcliiers venoient de tous les.
Sitos que les nouvelles furent sceues sus le pais que la roine
d'Eugleterre et ses Sis estaient arivet et venu à belle compagnie
de gens d'armes, li Loudriien furent trop grandement resjoi de
ta venue de la roine, et ordonnèrent tantos à' aler à l'encontre
de li. Et se départirent de Londres en bon arroi deus mille
hommes d'armes et quatre mille archierz, et li maires meismes
en fu menères et conduisières. Tout ne peur^t pas venir à l'a-
beie de Saint Ainmon, avant que la roine s'en departesist; mais
sitos que li contes Henris de Lancastre fii venus, qui grande-
ment honnoora messire Jehan de Hainnau et les Hanuuiers, dou
grant et biau service que il faisoient à la roine d'Eugleterre et à
son fil et au pais, il eurent avis et consel que 11 s'en iroient tout
droit vieri Brîsto, là où li rois d'Engle terre, et chils Hues li Es-
pensiers et ses pères et li contes d'Ârondiel se tenoient. Si se
missent au cemin, et tous les jours venoient gens de tous costës
eus ou service de la rdne, et tant que il se trouvèrent bien,
qant li Londriien lurent venu, quatre mille hommes d'armes et
vint mille archier&
Cez nouvelles furent sceues à Bnsto, qui est une bonne ville
et forte, et bon poit de mer. Et là se rentre la rivière de la Sa-
veme, qin départ la rq^ulme de GuUea et Engleterre, en la mer.
Et est la ville de Bristo forte et bien fremée. Et encores est U
chastiaus plus fors, mû sciet sus la mer, car il est environnés
de la Saverue et de'^a mer. Qant li rois et U sires Espensiers
entendirent que la roine et ses fils venoient là à poissauce dt
gens d'armes, et estoit li contes Henris de Lancastre en la com-
pagnie, et li maires de Londres et li Londriien en lor compa-
gnie, si furent tout csbahi et trop esmervilliet par où il estoient
entré ne arivé en Engleterre, qant les pors et les bavenes es-
~ toient partout si bien gardé. Il lor fu dit et compté tonte la ma-
1—16
;vGoo»^lc
m CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1326]
nière, ens! que il lor en estult avenu. Adouc demanda li rois
conset au comte d'Arondiel, liquels avoit la fille au ùgneur Es-
pensier, et au signeur Esfensier le père et le fil, commeot il
se poroit tenir de ceste avenue et résister à l' encontre de euls,
car fuirs ne eslongiers, ne lor estoît pourfitable, ne honnourable.
On li dist : « Sire, envoiids messages à tous lés et faîtes un com-
mandement que toutes gens viennent et sans délai, et sus la
painne que de perdre corps et avoir, et e^ieciaunient mandés
en Galles : 1) Galois ne vous faudront point. Nous nos tenrons
bien en ceste ville, car elle est forte assés, tant que seqours
vous sera venus de tous cost^s. Et les gens d'armes et les ar-
chiers que vous avés estabUs sus les pors et sus les havenes , il
ne puet estre que il ne soient ores enfourm^ de ces nouvelles ;
et créons bien c^e il viennent efforciemment et que proçainne-
ment il seront chi , ou il combateront la roioe et ses gens sus
son cemin. » Li rois tint ce conset , autre ne pooît avoir, et
cnvoiia ses messages et ses variés partout li où il p^isoit à avoir
gens et par especial en Galles , car ce li estoit la terre la plus
proçainne.
Vous devés sçavoîr que diil qui furent escript et mande dou
roi , qant il entendirent que la roine venoit à poissance de gens
d'armes et d'archiers, et estoient li Londriîen en sa compagnie,
ne se hastoient point de venir, mais se dissimuloient, car il
veoieqt bien que les bcsoqgnea se porteroient mal pour le roi et
ses complisses. Messires Uenris de Biaumnnt , un grant baron
d'Ëngleterre, et messires 41iCHuaB Wage, son oncle, qui venoieut
servir la roine d'Ëngleterre, trouvèrent d'aventure sus les camps
des varies dou roi , liquel estoient parti de Bristo et aloient au
commandement dou roi semondre chevaliers et esquiers et euls
dire que tantos et sans délai il' venissent S Bristo deviers le roi,
et commandoit que à ce besoing nuls ne le fausist, sus la painne
de estre pugnis de corps et d'avoir. Furent requis que il alais-
sent celle part, il respondirent et demandèrent : « Et de qui se
doubte li rois? d et ignorèrent que il n'en savaient riens. Chil
varlet et messagier dou roi leur dissent que nouvelles estoient
venues au roi et à messire Hue l'Espensier et au conte d'A-
rondiel, que la roine, ses fils et li contes de Qent avoit pris
terre en Engleterre; et estoient en sa compagnie grant fuisson
de gens d'armes que li contes de Hainnau lor avoit délivrés.
Chil doi chevalier lissent l'esmervIUiet et dissent : « Aies, aies.
;vGoo»^lc
[1326] VARUNTES DU PREMIER LIVRE, §§ 13, ik. 243
nous (dons celle part. > Il disoîent venté, mais c'estoit en am-
fortant la roine. En ce meisme jour, il trouvèrent la roine et toute
sa route. Si recordèrent ces nouvelles; on n'«n Est nul compte,
car li seigneur savoient bien que il ne seroient grevé ^fi ren-
contré de nului. Et sitos que cbîl doi chevalier furent venu, mes-
ures ThcHnas Waj;e fu ordonnes à estre marescaus de toute l'oost ;
et chevaucièrent tant, en traversant le pais, que il.aprocièr«it
Bristo. Et par toutes les villes là oii il venoient et entroient, on
lor faisoit feste et honneur ; et tout dis leur venoient gen;, k destre
et àsenestre, de tous cost^. Et tant fissent par lors joum^s que
il vinrent devant la ville de Bristo , qiû est forte ass^ ; si le as-
segièrent à droit siège fait. F" 8 v° et 9.
P. 28, 1. 3 : au duch. — Ms. et Amiens et nui. A : Henri.
F"4 ï*.
P. 28, I. 22 : quatre vins et dis. — Mt. de Falencieiwes :
quatre vingt et douze. F° 10 v*.
5 13. P. 29 , 1. 7 : tenoient. — Ms. if Amiens et mss. A :
Tolentiers. F° 4 v*. — JUs. de Falegçieanes : Quant le roy et
messire Hue le fil virent leur ville ainsi assise , si se mirent ou
chastel. F" 10 v«.
P. 29, I. 12 : acord. — Ms. de Rome : car là où li Lnndriien
s'accordent et aloient, nuls n'ose résister.. Il pueent plus que tous
li demorans d'Engleterre ; ne nub ne les ose an fort coure-
chier, car il sont trqi poissant de mise et de gens. F" 9.
P. 29, 1. 16 : royne. — Mt. de Home : et mesure Jehan de
Hainnau, car riens ne se faisoit ne passoit, fors par le dit signeur
de Btaumont. On ne votoit prant ceuls de Bristo prendre à nulle
merchi , mais leur [irounietoit on que seroient tout mort , se on
ne lor rendoit le conte ^'Arondiel et messire Bue l'Espensier le
père. F» 9.
P. 29, 1. 18 : d'Arondiel. — Ms. d Amiens : lesquels elle
hayoit souverainement*. F" 4 v«,
P. 30 , i. 1 : Jehans. — Mss. d Amiens et de FaUneiennes :
Jehans de Ëltem. F° 4 v*'.
S 14. P. 30, I. 24 et Î5 : l'autre. — Ms. da Borne : Il furent
tout doi mis en la garde de messire Thomas Wage qui bien en-
1. JW>, dt falencicnnei.: ameremeDI. F' 10 t*.
;vGoo<^lc
244 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1396]
songna dou garder, puisque recomnandë ft li estoient, tant que
la reine aueroit consel quel cause en seroît bonne à faire. Et
rtgardèrent là li dgneur ensamble que on renvoieroit lez LoD-
driiens; et que il estaient au desus de lors besongnes, car otre-
tant bien aueroit on lé roi et messtre Hue le Espensier le jone
que on avoit en les aultres. Si fu appeliez li maires de Londres
et remerciiés de la roiae et de son ti], de ce que fait avoit, et
que bien s'en pooient partir, qant il voloiei^l , el Rtraire vîers
Londres. ,A tout ce s'accordèrent li Loodriien, et se ordonnèrent
de départir et de retourner en lor lieu. Le secont jour, apriès ce
ce que il se furent départi, on ot consel eu l'oostde ta roine que
on delivsroit par jugement le conte d'Arondiel et messire Hue le
Sspensier le viel. Si lurent amené en place devant les barons
d'Engleterre, liquel furent ordonna pour euls juger, F' 9 *'.
P. 31 , 1. 1 : ùeute. — Ms. de FaUncienna : par acort de
tous et par jugement. F* 11.
P. 31, 1. 4 : clers. — Ms. Ât: hérites. F" 9.
P. 31, 1. 13 : et sis. — Ms. de Borne ; un vendredi. F«9 v*.
P. 31, 1. 14 : en octembre. — Ms. d Amiens {\a onzième jour
de octembre. F* 5. — Ms. de Faieneiciimes : le neuvième jour de
novembre. F* U.
§ iS. P. 31 , I. 20 : yans deus. — Ms, iAmiaa : et yaux
dixime seullement. F* H. — Ms. de Rame : et n'estoient que
culs sept dedeus celle barge. F* 9 v°.
P. 31 , 1. 21 : aler. — Ms. de Rame : à l'aventure , U où la
marée et li vens tes menroient, fust en Galles ou eu Irlande.
F"fl v».
P. 31 , 1. 23 : sauvé. — Ms. de Borne .' sans che que cil de
l'oost en seuissent riens. Et tout che il pooient bien faire, car
au derrière dou chastiel la mer bat assés priés ; et là a un cou-
rant qui entre dedens le chastiel, et de ce courant [on va] en U
mer. F" 9 V.
P. 31 , 1. 3S : onze. — Ms. de KaUncieanes : neuf. F> il v<.
— Ms. B ^ : quatre. F» 18.
P. 31 , I. 27 : si lonch. — Ms. de Borne : plus hault de deus
lieues en mer. F° 9 v*.
P. 32, 1. 2 : royne. — Ms. d'Amieas : De premiers il cui-
doient que ce fuissent pescheur, maïs quant il lez virent tant va-
nter sur mer et qui bien ewissent pris terre ou havene de Bristo
;vGoo»^lc
tl326] VABIANTES DU PREMIER LIVRE, g 13. 2JS
s'il volstsseat, mais il mettoient painne à yaux de fuir et «sIod-
gier et ù ne pooient, ù souppechonnèrent lî pluiseur que ce
estoit li roys ou messtres Hues li Espeussiers. Adonc, par le
coDSseil de monseigneur Jehan de Haynnau, aucun maronnier et
compaignon de Hollandes se misent en bafiaux et en bargcttev
qu'il trouvèrent là, et nagièrent apriès yaux tant qu'il peurent.
F" 5.
Ml. de Roma : ... Et s'en conmenchièrent à esmervillier et à
parler l'on à l'autre, et à dire ti auqun par imagination : e Nouz
*eons mervelles; nous avons veu celle barge, passet a sept jours,
estriver contre le vent, et se voelt bouter en la mer et se ne
puet. 11 fault que ce soit cose à soupeçon, car chil qui sont
dedens, ne voellent point venir à Bristo, mais l'esqievent et
fiiient ce que il pueent. s Messîres Henns de Biaumont, qui
estoit uns jones chevaliers et de grant volente, s'asaia et dist
que il iroit veoir que c'estoit. Et entra dedens une barge grosse
asse's, et environ trente archiers en sa compagnie ; et se fist à
force de rimes mener jusques à la barge dou roi. Qant il ^rent
là venu, il l'arçstèrent et veirent que li rois esfoit dedens, et son
consillier messires Hues li Espensîers. En euts, ne en lors gens
n'i ot point de deffense : la barge, par ceuls meismes qui le
mflooient et par auquns des hommes, à messire Henri, fu ramenée
ou havene de Bristo.
Toutes joies i fiirent de toutes gens qui là vinrent au devant,
qant il sceurent que ce estoit li rois et messires Hues li Espen-
siers, et dissent : a Considères comment Dieus est pour madame
la roine et son fil, qant il ne voelt point, ne n'a volu ne con-
senti que il soient eslongiet , ne escapet. Il appert que il sont
mauvùs, et que il est temps que il soient pugni et corrigiet de
lors mesfais les quels ils ont fais, et fait morir et decoler en ce
pab chi maint vaillant homme , sans cause et sans raison. » Ces
nouvelles vinrent à la roine et à messire Jehan de Hainnau que
li tois et li Espensiers estoient pris, et que ce estoient chil qui
waucroient par mer en la barge. De ces nouvelles fut la roine
grandement .resjoie, et en loa Dieu, à jointes mains, de che
que ses besongues venoient à si bon chief; et se la roine fu res-
jbie, aussi fattnX tout U aultre, tant Englois comme Hainnuters.
F» 10.
P. 32, I. S et 6 : compagnons. — Ms. fi 6 : luy donzième
d'archiers. F" 17.
D,qit,zeabvG00»^lc
246 CHRONIQUES DE J. FR0I5SART. [1326]
S t7. P. 33, I. 13 : Berder. — Ms. tfJmien* : très fort, très
bel et très poissaDt , séant sus la belle rivière de Saverne , ou
asséi pries que je n'en mente. F* &.
P. 33, 1. 14 : recommendés. — Mrs. J IS /( 19 : et baillié
i garder à nKmseigneur Henrj de Beaumont, et enjoint qu'il en
feist bonne garde. F° 10.
P. 33, . IS : garde. Ms. £ H : et le tenist tout ayse de boire
et de mengier tant qu'il riveroît, car'bien savoient ly barons du
pays que tout che que il avoit fait, c'estoit par l'eonort et consail
de messire Hue le Despensier. Le ùre de Bercter, à tout grant
armée, en mena le roy d'Engleterre avoecq lui ea son <Jia9tiel de
'Bêrcler. F* 17.
•P. 33, 1. 18 : faire. — Ms. ^Amiens : jusquez à tant que li
communs pays arment aviset comment on s'en maintenroil. F* S.
— Ms. de Some : Et se missent li signeur ensamble à savoir quel
cose on en feroit. Et à ce consel fu tous premiers appelés messires
Jehans de Hainuau. Et li fu demandé quel cose il consilloit à faire
dou roi, fust de mort ou de prison. Il respoudi et dist : « Puisque
vous tournés ceste' demande sur moi, je vous en responderai. Li
rois a esté rois d'Engleterre; et quoi que il se soit mesfais, ensi
comme il est apparans, par ses oeuvres, il a tout ce fait par mau-
vais enort et consel; il n'est nuls, ne moi, neaultres, qui le
doient jugier à mort. Mais avissés une place et un chastiel et
un chevalier, et le recargiés à celi; et li faites avoir son eMat
et vivre ralsomiablement toute sa vie. Encores se pora il amen-
der en consience, de qoi, tant c'a Dieu, il en vaudra grandement
mieuls : c'est le jugement que je li ordonne. » Tout respondi-
rent li baron, et de une sieute, qui là estoient : c Vous avës bien
' et loiaument parlé, et il sera fait cnsi. n Adonc fu appelles li
sires de Bercler, un grant baron en Engleterre, et de la marce
de Bristo; et a un chastiel biel et bon et fort, séant sus la rivière
de Saverne. Et li fu dit et commandé , de par la roine et son fil ,
que il presist en garde le roi d'Engleterre , et l'euist tel et «ez
gens que il en seuist à rendre compte, quant il en seroit de-
mandés, et que de son estât on ordonneroit. Li sires de Bercler,
qui s'aj^lloit Thomas, respondi et dist que il en ferOit bien son
acqml et tout che que madame la roine et ses consauls avoient
ordonné. Si se départi tantos et sans délai de Bristo et en mena
le roi, bien acompagniés de gens d'armes et d'archiers; et vînt
chiés soi ens ou chastiel de Bercler, et mist le roi en bonne garde.
;vGoo»^lc
[13Î6] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 18. 247
Et en fil tous joivs si au desus que , se on li euist demandé, il
t'euist rendu, mais on le mist en oubli. Gt ne vesqpi pais U rois ,
que il fu veitus à Bercler, trop longcment. Et comment euîst il
vesqu, par la manière que je vous dira!? car je Jehans Froissars,
actères de ceste histore, fui ens ou chastid de Bercler, l'an de
grasce Nostre Signeur mille trois cens soixante' six, ou mois de
septembre, en la compagnie de messire Ëdouwart le Espensier,
liqnels fii fiU dou fil de ce mesire Hue le Espensier, dont je par-
lerai asses tos; et fumes, dedens te chastiel que ens es esbate-
mens là enviroD, trob jours. Si demandai de che roi , pour jus-
tiliier men histore, que il estoit devraus. Uns anciiens esquiers
me dist que dedens le propre ande que il fu là amenés, il fu
mors, car on U acourça sa vie. EnA fina chils rois d'Engleterre,
et ne parlerons plus de li, mais de la rotae et son fil. F° 10.
P. 33, I. 23 : Âpriès çou. — IHi. de Rame : Qant la roine
d'Engleterre fu au desus de ses besongnes, elle donna une grant
partie de ses gens d'armes oongiet, et en retint auquns; et totis
jours eatoient li Hainnuier logiet au plus priés de li, et li plus
espedal de sa court et le mieuls delivrel. Or fu avisé et ordonne
que la roine se departiroit de là, et se retroiroit viers Londres.
Messires Thomas Wage, au département de la roine, avoit or-
donné on tabar armoiiet des armes le signeur Espensier, et ce
tabar s«net de ctoquètes, on le vesti et afubla le dit mesàre Hue;
et fu montés sus un magre cheval, et chevauça en ta compagnie
et en sievant la roine ensi. Et par toutes les villes où il passoient,
par devant te dit messire Hue, on sonnoit grant fuisson de trou-
pes et de tronpètes et de taburs, et tout par manière et orde-
nance de deri»on. Avoecqties tout ce, en toutes les villes où U
venoîent, on lissoit publiquement par an rolet les fais dou dît
messve Hue en la presense de li. P 10 v*.
P. 33, 1. ik : Londres. — Ms. £6 : car les bonnes gens de
la cité le volloient veoir; sy s'en allèrent celle part à graot pooir
et à grant arroy. F" 17.
S 18. P. 34, I. 10 : royne. — Afr. de Rome : et son fils et
nessires Jehans de Hainnau. F" 10 v".
P. 34, I. 11 ; assamblet. — Ms. S 6 : tant pour veoir mon-
signeur Jehan de Haynaut , qui estoit chief et avoit esté de ceste
emprise, que pour estre à le justice ^de messire Hues le Despen-
sier. F= 18.
;vGoo»^lc
Î48 CHROTIIQUES DE J. FROISSAUT. [iSte]
P. 34, 1. 12 : escript. — 3fs, de Rome : lÀ furent recordé et
leu au lonch et tout hanlt. F> 10 t°.
P. 38, 1. 10 : Londres. — JKi. de Falenciennes : pour moDs-
trer an peuple. F* 12 v* — Mî. B G : en ung cercle, au debout
d'une laoche. F" 20. — JH>. de Home : et mise sus une glave
au pont de Londres ; et les quartiers, li uns en demora à
Harfort, li aultres fu envoiiés à lorch, li tiers à Cuitorbie et
li cpiars à Sasleberi. Ensi furent il espars ans es <{uatre parties
d'Engleterre. F* 10 v".
§ 10. P. 3S, I. 13 : Aprièa. — Mt. de Borne : Apriès ceste
justice faite, la roine et tout li signeur et grant fuisson dou com-
mun dou pais, se missent au cemin pour venir à Londres, et
fissent tant par tors journées que il i parvinrent à grant compa-
gnie. Qant la roine et si enfant et li sig:neur deurent entrer de-
deas Londres, toutes ordenances de gens îssirent hors à t'en-
Gontre, casquns pares et vestis si trez ricement comme on pooh
estre, et tous montes k chevaus. Et estoient les rues parées et
couvertes de draps et de jeuiauls moult estofeement. Et s'esfor-
^ient toutes gens de honnourer tor dame la roine, ce que il
pooîent, et messire Jehan de Hainnau et tous les chevaliers de
sa route; et fu, en ce jour, moult regardés de toutes gens, et
seoit sus un noir haolt palefroi moult bien âonmé, qoe ta chité
de Londres li avoit donné; et fu moult prissiez en arroi, en per-
sone et en contenance. Et disoient toutes gens que il avoit bien
fourme et regard de vaillant homme; et portoit sus son chief
tout nn un capelet de pières pr^Bieuses moult rices, qui trop
bien li estoit seans. Et par especial la grant rue de Cep estoit
parée et aoumée oultre mesure. Et donna ce jour la fontainne,
tout au loue dou jour, par les brocerons, vinfi blanc et verntel à ,
tous ceuls qui en peurent ou vorrent avoir.
Et fu ensi la roine aconvoue jusques au chastîel, et là descendi
et si enfant Edouwars et Jehans de Eltëm, et sez deus filles, Isa-
biel et Kateline. Et messires Jehans de Hainnau estoit et fu tout
dis dalés la roine, et ses corps logîés ens ou chastiel, et toutes
ses gens au plus priés de li que on pooit. Et estoient toutes coses
ouvertes et appariUies à lor commandement. Toutes gens les hon-
nonroient et conjoissoient. Il estoit ensi ordonné et commandé de
par les officiiers la roine et le maire de Londres. Et n'estoient que
festes, solas et esbatemeos aval Londres, et ne furent un grant
;vGoo»^lc
[1326] VABIASTES DU PREMIER LIVRE, § 19. 249
temps, et parellement parmi tout le roiaulme d'Engleterre. Et
estoit avis au peuple que il estoieut quite d'nn grant encombrier
et deËvré d'un pesant faix, qant ii se veoient délivré dou roi
et de scoi consel. Et disoieot k Londres et parmi Engleterre :
« n nous fault refourmer et prendre une nouvelle ordenance,
car celle que nous avons eu, nous a trop hod^ et traviUiet ; ne
chils roiadmes chî ne vault riens sans un bon chief, et nous
l'avis eu si mauvais que nous le po»Ds avoir. Il nous fault
le joue Edouwait couronner et faire' roi, et mettre dalés 11 hom-
mes Tie sens et de vaillance, par quoi il soit espers et resvilGés,
car nous a' avens que faire d'an roi endormit ne pesant, qui
trop demande ses aises et sez déduis. Nous en ocirions avant
un demi cent, tout l'un apriès l'autre, que nous n'euïssions un
roi à nostre séance et vtdenté. » Ensî disoient 11 generaument
en Londres, et parmi toute Engleterre.
Qant chil chevalier et esquter de Hainnau, qui en la compa-
gnie de la roine d'Engleterre estoient venu, veirent que lor em-
prise estoit achievee et que il ne faisoieot là que boire et men-
gier, dormir et reposer, danser et caroler, quoi que on les veist
très, volentiers, et que tout estoit paiiet qanque il prendoient. si
se conmenchièrent il k hoder et à taner et à dire l'un à l'autre :
« Nous en volons retourner en Hainnau. Nous ne faisons riens
chi; nous cargons trop madame la roine et le pais. Il est heure
dou départir, car totites nostres emprisses sont achievées. « Il
s'en vinrent generaument à messire Jehan de Hainnau, lor chief,
et Ii reraoustrèrent lor pourpos sus la fourme que ja vous di.
-Qant roessires Jehans de Hainnau les vei en celle volenté, et
senti que il remoustroient raison, si leur dist : a Biau signeur,
je parlerai à madame la roine, et prenderai congiet, et me
. départirai avoecques vous. Attendes encores un petit. » Li dis
messires Jehans, qant il vei que heiu'e fu, parla à la roine et )u
conte de Qent, et lor remoustra que ses gens se voloient dépar-
tir et retourner en Jlainnau.
Ces paroles vinrent inoult au contraire à la roine, et fist appeller
les chevaliers d» Hainnau devant h; et qant il furent veiffl, elle
loi- demanda : > Biau signeur, pourquoi vous anoie il en ce pais?
On vous i voit volebtiers. Demores dalés nous, tant que li iviers
soit passés, n Li chevalier de Hainnau, à la parole de la roine
respondirent couitoisement et dissent : t Madame, nous veons
et savons bien que nlt>uh volentiers vous et li vostre nous voient
'vGoo»^lc
KO CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1326]
en ce pais. Hais, madame, noos regardons et considérons que ce
pour quoi noos partesimes de Bainnau avoecques vous, est tout
achievë. Car se nous sentions que tous, ne li vostre, euissiés nuls
besoings de nostres serrisces, li departemens ne nous touche pas
de si pries ne tant, que nous ne dmiorisions tant que tout se-
roit acompli. Mais nons cargous vostre bostel et le pais de immis
et à riens faire, et nous avons bien ailleurs mestier; et si verioDS
volentiers nostres fenmes et nostres enfans, et savons bieD que
i) nous désirent à Teoir. Si vons prions que tous nous doQiié[g]
congiet, et nous nos offrons i vous et disons de bonne volenté
que, se besoings vous croîst ne touce, et nous en soiona segne-
fiiel, nous venrons tantos et sans délai en vostre service. > La
roine respondi : « Grant merchis t * et puis se retourna deviers
messire Jehan de Hainnan et li dist : s Biaus cousins, vous us
vos poés partir encores de moi jusquez ^riès Noël, car contre
les festes dou Noël, tous li coosaols d'Bugleterre, prelas, barons,
chevaliers et bonnes viUes doîent estre à Wesmoustier, et là aue-
roni il avis et consel qud cose on fera dou rw, qui est à Ber-
cler, en^ que vous sav^s. Si retenës auqnns de vostres chevaliers
dalÀ vous pour vostre estât, car je vod que vous soiîés à ce
parlement, et que chil qui point ne vous ont encores ven, vous
voient; ot li demorans de vostres gens se départiront dedens
quabv jours, puis que partir voellent. ■ Li gentis chevaliers res-
p4Xidi et dist : « Madame, volentiers. i Depuis ceste parole, parla
messires Jehant de Hainnau à ses gens et ordonna ceuls que il
voloit que il demorassent avoecques lui, et as aultres dîst :
« Vons vos partiras dedens tel jour. Madame le m'a dit; mais,
au départir, elle voelt parler à. vous et paiier vostre bien
alée. >
La roine d'Engleterre, qui se sentoit tenue enviers ces cheva-
liers et esquiers de Hainnau pour le biel et grant servisce que
fait li avoient, qant elle vei que plus demorer il ne voloient, elle
s'en vint à Eltem à sept milles de Londres et sus le cemin de la
mer et de lor retour ; et amena là ses enfAis et le conte de Qent
et sofl estât un petit plus esforchiet que une ^ultre fois. Et là
furent segnefiiet tout li chevalier et esquîer de Hainnau à esm,
qui partir voloient, et i furent, et "messire s«Jehan$ de fiaînnau
aussi. Qaot il fiu'ent tout venu, la roine tint son estât et sist à
taUe solempneinent en la sale. Là furent assis à taUe tous che-
valiers et esquiers de Hainnau qui partir votoient, et servi de
;vGoo»^lc
[1326] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 19. 231
tous mes grandement et largement, selonch l'usage d'Engleterre.
Et sus la fin dou disner, entrues qne on entendoit à regarder la
roue, entrèrent dedens la sale tronpes et ménestrels qui faisoient
lor mestier, et tantos apriès eula, douse chevaliers parés et ves-
lis tou£,parellemeut et d'une livrée très rice. Et les sievoieot
douse esquiers parés et vestis aussi de une livrée; et portaient
chil esqnier, deus et deus, casquns, une grande corbille à deus
aniaus, toutes plaînnes de vaselle d'argent, de pos, de plas, de
dragioîrs, de coupes, de hanas, d'esquelles, de temproirs et de
toute vasselle. Et alèrent li ménestrel et li chevalier et li esquier
qui ces corbilles portoient, au tour des tables ; et qant il orent
fait lof tour, il s'arestèrent devant là table des plus grans »-
gnenrs. Et ne seoit mils à table fors chil qui partir se dévoient,
reservd mesures Jehans de Hainnau. Chils seoit à la table de la
roine. Là furent misses ces corbilles jus. Et sus casqune vinrent
doi chevalier, tout avisé de ce que il dévoient faire; et dq>arti-
rent tons ces jeuiauls as chevaliers et as esquiers, et casquns
selonch son estât. Tout en furent servi, et mis devant enls sas
les tables. Et depuis, li mestre d'ostel de la raine issirent hors de
la salle et vinrent en la court, et fissent venir avant tous les
variés et pages de ces chevaliers et esquiers de Hainnau qui par-
tir dévoient; et là avoient en un sach cent livres d'estrelins,
monnoie d'Engleterre, car adonc il n'estoit eocores nulles nou-
velles de nobles. Et qant chil varlet furent venut, li mestre d'os-
tel dissent tout hault, en prenant le sac qm estolt de quir :
i Tenez, entre vous, varies des Hainnuiers, qui partir devés, ma-
dame la roine vous donne cent livres d'estrelins ; prliés pour
lui. » Tout ou en partie respondirent et dissent : a Dieux doinst
à madame la roine bonne vie !» Se lor demora chits argens, et
le départirent entre euls à grant joie. H en i ot auquns qui bien
le gardèrent ce qne en lor pareçon en cschei, et en devinrent
puis rice, pour mettre en bonne moutepliance; et U aultre le
jeuèrent as dés, qui se s'en savoient conment délivrer.
Che diHier fait, et ces signeurs, chevaliers et esquiers de'Hain-
nau servis aa la fourme et manière qme je vous di, et tous ces
jenianls requelliés et mis en paniers et en bonne ordenance pour
te plus aise porter et sans froissier, il prissent congiet de madame
la roine, de son fil et don conte de Qent. Et les aconvoia jusques
en mi la court à Eltem li sires de Biaumont, messires Jehans de
Hainnau ; et tout un et on prissent congiet à lui, et il lor donna.
;;Goo»^lc
iSi CHRONIQUES DE J. FHOISS&RT. [1346]
Adonc montèrent ils et messires Thomas Wage, aussitos comme
il fissent; et se départirent de Eltem, et jà estoit tout tart, et
vinrent jessir à Dardefbrde, et à l'endemain k Rocestre, et au lier
jour à Saint Thomas de Cantorbie, et fissent là (or ofirande au
corps saint. Et apriès disner, il cevauchièrent et vinrent à Dou-
vres, et tout partout estoient délivré de par tes gens la roine.
Qant il furent venu à Douvres, on lor pourvei vassiaus de par la
roine. Il esqipèrent lors chevaus, et puis entrèrent ens es vassiaus
passagiers. Et là piist messires Thomas Wage congiet à euls, et
retourna deviers la roine, et le trouva' à son retour à Eltem et
messire Jehan de Hainnau. Et li Hainnuier singlèrent par mer, et
furent tantos à Wissan. Poor ce temps, il i avoit une très bonne
ville, et sciet entre Boulongne et Calais, Et devés savoir que,
avant que h Hainnuier issirent de Londres, il furent paiiA en
deniers apparilliés, ensi que couvenance se porta au départir de
Hainnatt entre la roine et euls, et si largement que tout s'en con-
tentèrent. Et retournèrent en Hainnau tout fouci d'argent et de
jeuiaulr, et vinrent à Valenchiennes deviers le conte et la contesse
qui les veirent volentiers, et lors recordèrent des nouveUes d'Cit-
gleterre. Et sus mains de quatre mob orent il fait tout ce Toiage.
Nous retournerons à parler de la roine d'Engleterre et des or-
denances dou pais. ¥°* il et 12.
P. 3S, 1. IS : Londres. — Sti. ^ 6 : et là furent recheu à
grant joye du maieur de la ville et des bonnes gens, qui mmdt
desiroient à veoir la damme et le filz le jouène Edouart. Sy
rechut le foyalté des hommes de la ville la ditte roynne, ou
nom de son filz. Âsés tos après, le vinrent veoir ou palais
de Wesmoustier où elle se tenoit, dehors Londres, tout 1;
prélat et les dievaliers d'En^eterre, qui encore ne l'avoient
veu. Et ly firent grant reverense et ossy à che gentil cheviller
monsigneur Jehan de Hainau, desquels il fii grandement hoonou-
rés. F" ÎO.
P. 36, 1. 3 : estoit. — Mt. dJmiem : ens ou castel de Bor-«
cler. F" a.
P. 36, I. 14 : petit fur — Ms. B 6 : mais le plus ^ant partie
des chevaliers de Haynau, qui avoecques ïuf avoient esté VMius,
retournèrent, tels que messire Robert de Bailleuel, mesdre Sanses
de Bieaurieu, le sire de Floyon, le sire de Gonmegnies, le sire
de Aubechicourt, le sire de Mastain, messire Sanses de Boussut,
le are de Mongtiny et pluiseur autre. F* îl.
;vGoo»^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER LIVRE. $ 20. 283
P. 36, I. 26 : paijet. — 3tt. ^Amiens : en arg:eDt tout seck
et tanlost en purs estrelins d'Engleterre. F* S.
P. 36, I. 28 et 29 : compagnoas. — Mt, de FaUncienne$ : au-
cuns de ses pius privez. P* 13.
S aO. P. 37, i. 11 : Noël. — Ms. de Rome : Environ siis
jours devant la faste dou Noël , que on apelle en France Calan-
des, furent venu en la chité de Londres de toutes les parties
d'Engleterre li signeur et U prélat et li consauts des bonnes
villes. Et là ot un grant parlement au palab de Wesmoustier,
présente la roine et son fil. Et estoient tout li fait dou roi Edou-
wart, liquels estoit ens ou chastiel de Bercler, ensi que chi desus
est dit, tous par articles rais en escript. Et là ot un clerc qui les
lissi tout en publ[i]c, oant le peuple. Qant il furent tout leu, li
arcevesques de Cantorbie se leva et demanda, de par la roina
d'Engleterre, quel cose en estoit bonne à faire; et prioit, par la
bouce dou dit arcevesque, que elle fust si consillie que elle et li
roianlmes d'Engleterre i eubsent honoour et pourfit, car de ces
cas elle en cargoit tous ses hommes et en descargoit sa cod-
aience. F- 12. ^
P.37,1. 18:feste. — JïfM.-rf20i22 : CeDe feste dura huit jours.
F* 2S. — Aïs. BG: Sy dura la feste plos de quinze jours. F" 22.
P. 38, I. 8 : de roy. — JUs. de Rome : Et pour ce que U
rCBaumes ne puet estre sans chiaf et sans gouverneur, et que il
apertient que en Engleterre ait roi, ordonne fu et aresté que
Edouwars ses fils serait rois couronnés et solempniiés à roi te
jour de la Nativité Nostre Signeur, et presist coosel bon, sage et
meur dalés lai, par quoi li roianlmes et It pais fiist en avant
mieuls gauvreitéa que este n'euist, par quoi en nul tourble ne
dfaension U dis roiaulmes ne se peuist esmouvoir. Adcmc fil chils
coDsauls ouvers, et revinrent li vaillant homme et li sage et li
prélat, sus lesquels on avoit assis et tourné ce consel, en la pre-
. sence de la roine et de son fil et de mesire Jehan de Hainnau et
doii conte de Qent et aussi dou consel des bonnes villes. Et (ii
tout ce publliet generaulment. Et se départi li consauls sus celle
entente et volenté (pie li jones Edouwars seroit rob enoîns et sa-
crés la jour de la Nativité Nostre Signeur. Et demorèrent tout
^gneur et tout preMt et toutes gens, qui là estoient venu à la
priière et ordenance la roine, pour estre à celle solempnité. Et
furent toutes ordenSncez aministrées, qui apertenment à estre et
:,Goo»^lc
2U CHRONIQUES DE S. FROISSART. [1327]
à avoir, tant d'abîs que d'autres coses, pour le dit jone roi, et
li église de Wesmoustier a[q>arillie très reveranment. F* 12.
§ ftl. P. 38, 1. 19 : Edowars. — lUt. de Rome : Etloairars
de Windesore, lîquels en son temps a eu tant de belles aventures
d'armes et victorieuses, ensi que elle[s] vous seront remoustrées
et recordées enûevant en l'îstore; et fu consacrés et oins solemp-
nement selonch l'ordenance d'Engleterre. Et furent à sa comsa-
cration deus archevesques et douse evesques et quarante wit
abbés d'Engleterre. Et rechut li rois toutes les dignités et solemp-
nités que rois doit et puet recevoir, et estoît pour iors ou ses-
sime an de son eage ; il les ot complis à la Conversion saint Pol
apriès. Et porta ce jour la couronne de saint Edouwart, laquelle
est moult digne et moult riche; et furent fait à sa corouatioo
nouviauls chevaliers quatre cens et quinze, et vellièrent le nuit
dou Noël, toute la niût, en l'église de l'abeie de Wesmoustier. Et
qant li rois vint de l'église au palais, montés sus un blanc cour-
sier, paré et vestis de sambuc jusques ens es fêlions des {nés,
armoiiés des armes d'Engleterre d'une part, et des armes de
saint Edouwart de l'autre part, chevauchièrent tout chiel avm-
viel chevalier devant lui. Et fu eosî amenés de l'egUse dedens le
Palais, liquels estoit aournés si ricement comme on pooit. Et sist
à table, deus arcevesques, de Cantorbie et d'iorch, au desus de
li, et puis li rois, et puis la roine sa mère et puis meures Jehans
de Hainnau, et puis li contes de Qent, et puis 11 contes Henris
de Lancastre. F° 12, V.
P. 38, 1. 20 : armes. — Mis. '^ 11 ^ 13 : tant par mer comme
par terre. F" 10.
P. 38, 1. 23 : saint Pol. — Ms. d'^mieat : en l'eage de seize
ans à l'entrée, car il les devoit avoir ea jaavier -ensuivant, le
jour de leConversicm saint Pol l'apostle. F* 6.
P. 38, I. 2b : li gentilz. -- Mst. ^ 1 à 6, 20 à 22 : du gen-
til. F» 11.
P. 39, 1. 3 : Behagne. — Afj. <f Amiens: li gentils et nobles
Caries. F» 6.
P. 39, I. k : frères. — Lems. d'Amiens ajoute : .... h dus de
Bourbon, messines Robiers d'Artois, li comtes Raouli [d'Eu'], U
comtes d'Ançoirre, K comtes de Sansoire. P" 6.
1. Uu.d'JmiMucidtVaicaeienna.AeXieaioa^eViea. MauviàttUçoa.
:vGoo»^lc
11327] VARIAMES DU PREMIER LIVRE. S 2) . 25»
P. '39, 1. 6 : criés. — Ms. ^ Home : et ma dame la roine et
U Foù vinrent tenir lor mancion à Windesore, et en ama U rois
grandement le lieu et la place, pour tant que il i tu ufe; et tout
partout où il aloient, messires J^ans de Hainnau aloît. Tantos
apriez l'Âparition des Rois, nouvelles vinrent à messire Jeban de
Hainnau que 11 rois de Behagne, son cMer et amé cousin, avoit
fait criier on tournoi et assis à estre sus le sabelon, à Condet en
Hainnau. Qant les nouvelles furent venues en Engleterre et mes-
sirea Jebaos de Hainnau en ot la congnissance , nuls ne l'euist
retenu en Engleterre, car li rois de Behagne li escripwùt que à
ce tournoi il dévoient estre compagnon ensambte. Et moustra U
gentils chevaliers les lettres à la roine et au roi aussi, et dist
qoe il le couvenoit partir, et tons jours estoit il prës de faire
service au roi là où il en seroit requis. F'^ J2 v* et 13.
P. 39, 1. 13 et 14 : Beha^ie. — ait. d'Amiens: qui dure-
ment l'anKut. P> 6.
P. 39. 1. IS et 19 ; quatre cens. — Jft. B 6 : seize cens
mars de revenue, sa vie durant, et les florins délivrés à Bruges
et là paiiez. F° 23.
P. 39, I. ik : dit est. — Mt. de Rome : Et avoech les dons
on bailla les lettres toutes seelées don seel dou roi, qui tesmon-'
gnoient et certefioient ces dons. Encores fu il délivré au mestre
d'ostel de messire Jehan de Hainnau grant fiiissoa de blance
monnoie d'Engleterre, pour paiier lors menus (rh& sus le cemin.
' Adonc se dejkarti messires Jehans de Hainnau don roi et de sa
mère, dou conte de Qent et de mesire Rogier de Mortemer. Si
fu acompagniés et acoavoiiés de mesàre Tlionias Wage et de»
chevaliers dou roi. Et li maires de Londres et plus de cent hom-
mes d'onneur de L«mdres l'acon^Mgnièrent jusques à Darde-
forde; et prisent là congiet à lui, et puis retournèrent. Hais li
chevalier dou roi et de la roine l'accompagnièrent jusquez à
Douvfez, et paioient partout les Grès de li et de ses gens; et leur
pourveirent vasdaus passagiers qui les passèrent à Wissant. F* 13.
P. (lO, 1. 6 : d'Engleterre. — Mt. de Home : Et les amena
messires Jehans de Hainnau à Valenchiennes deviers le conte s(m
frère et la contesse qui les coujotrent et requellièrent bellement,
pour l'onnour et amour dou roi jd'Engleterre et de madame sa
mère. Si se tint li tournois à Condet sus .Escaut, eosî qu^ non-
chiet et criiet fii ; et i ot dbux cens et soissante chevaliers tour-
nians.^i en i bt des bien h^tua. Des François en ot le pris, pour
;vGoo»^lc
2S6 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i3ï7]
le mieuls toumoiant et p[r]eiiaat puinne, li »res de Biausaut da-
tés Montdidier, et des Hainnuiers messires Miqiez de Ligne. F* 13.
P. 40, I. 8 : estre. — Mi. B S : Retourna le chevalier en
Hainau où il fut grandement rechut du conte son frère et de
tous les barons. Et bien le valloit, car au vray dire il avoit fait
lutg biel voiage et une haulte emprise. Dont il en devoil bien
estre honnourés, et osy fust il tout son vivant et est encores de
tous cheaus qui en oient parler. F°* 23 et 24.
P. 40, I. iÙ: deus fois. — Mt. de Faleirciennei : Et pour
l'amour d'eulz, reSst on en celui an encore ung aultre toumoy
à Condet. F° 14.
§ fis. P. 40, I. 14 : Apriès. — Ms. de Rome : Apriès ce qoe
messires Jehans de Hainnau se fu départis d'Engleterre , li jones
rois et ipadame sa mère gouvrenèrent le pais par le consel dou
conte de Qent et de messire Rogier de Hortemer et de messire
Thomas de Wage , et par le consel de pluisseurs aultrez que on
tenoit le plus sages d'Engleterre. Et fu tous li rtuaulmes recon-
ciliiés et rends eu bon estât, et estoit justice gardée souverain-
nement.
Celle première anée dou resgne le jone roi Edouwart , avint
que la fenme à mesire Hue l'Espensîer, qui justichiés fu , ensî
que vous xwés oy, se traist deviers le roi et son consel et
amena un moult biau SI, que elle avoit de l'cage de neuf ans, et
estoit nonmés Edouwars ; et inist en avant par un avocat une
plainte. Et dist ensi la dame par la parole de l'avocat que, se
soa mari avoit fourfait le sien, il ne pooit fourfaire l'iretage de
la dame, et le couvenoit vivre U et son fil. Or estoit avenu que
on avoit confiiset et atribdet à la couronne d'Engleterre tous
meubles et hiretages que li Bspensier avoient , li pères et h iils,
par tout le roiaulme d'Engleterre, et tenoient bien suissante mille
[mars] de revenue. La roîne d'Engleterre et li rois ses fils eu-
rent pité de la dame , car elle estoit des plus nobles d'Engle-
terre ; si s'enclinèrent à ce que la dame fust aidie et ses (ils ausâ.
Et li furent rendu el restitué tout h hiretagc qui venaient de son
costé, et par especial en la contrée de Gallez, et retourna bien la
dame à quatre mille mars de revenue par an. Et depuis avint
que, ^ant li fils ot eage, li rois (e maria, mais ce ne fu pas sclonc
le linage dont il estoit issus ; ce fu à la' fille d'un sien chevalier ba-
celer, que on nonma messire Raoul de Ferrièi-es. Qiils Edduwars
;vGoo»^lc
[13i7] VAKIASTES tiV PREMIER LIVRE, § ii. 237
li Esi*ensiers et su fenme ne Turent que chinq ans en mariage, car
il fu ocis eus es gcrres de Bretagne , ensi que vous orés recor-
der en l'istiire, mais ce sera bien avant, [et] orent quatre Tilz ;
li troi en furent chevaliers , Edouwars , Hues et Thomas , et li
quars ot nom Henris et fu evesques de Nordvich.
Je Froissars, actères de ces croniques, le di pour tant que, en ma
jonèce, je fui moult bien et tous sus unies de l'ainnet frère Ës-
pcnsicr, que on nonmu Edouwart, ensi que son [>cre, et ot en
mariage la fille à messirc Bictremieu de Bruhes, un moult vaillant
chevalier. Et fu cils sires Es]>ensiers, de son teni|>s et dou mien,
li plus jolis chevaliers, li plus courtois, U plus honnourables et
amourcus et bacelereus assés qui fust en toute Engleterrc, et li
plus larges de donner le sien là où il veoit que il estuit bien
emploiict, et qui mieuls sccut vivre et dou plus biel estât et bien
ordonné. Et oy dire en mon temps les plus hautez et nobles
dames dou pais que nulle feste n'estoit parfaite, se li sires Es-
pensiers n'i estoit. Et pluisseurs fois avint que, qant je cevauchoie
sus le pais avoecques lui , car les terres et revenues des barons
d'Engleterre sont par places et moult esparses , il m'apelloit et
me dissoit : i Froissart, veês vous celle grande ville à ce haut
clochier 7 n — Je respondoie : <t Monsigneur , oil : pourquoi le
diltes vous? » — u Je le di pour ce : elle deuist estre mienne,
mais il i ot une maie roine en ce pais, qui tout nous tolli. » Et
ensi par pluisseurs fois m'en moustra il semëes en Engleterre plus
de quarante; et appellolt la roine Issabiel, mère au roi Edouwart,
le maie roine, et ausi faisoient si frère.
En ce temps dont je parole , et que li roiaulmes d'Engleterre
estait tous en paix et ou gouvrenement de la min? Issabiel et dou
cfHite de Qent et dou jone roi et de !cir cunsel, avint que Robers
de Brus, rois d'Escoce, qui en son temps ot moult à faire contre
les Englois , et qui tous jours les tint en gerre et reconquist sus
euls ce que si predicesseur avnient perdu encontre le bon roi
Edouwart, et les desconfi par bataille devant Struvelin, et dura
la cace jusques oultre la rivière du Tbin, et reprist Bervîch,
Dombare et pluisseurs chastiaus que li Englois teunient en Escoce,
chils niis Robers de Brus entendi conment li rois d'Engleterre
avoit este pris et desposés de sa couronne, et ses cnnsauU jus-
tichics; M s'apensa que il desfieroit ce jone roi Edouwart, et
supposa que grandes hainnes estoient nouries el engendi-ées en
Engleterre par les mors des signeurs Es|)ensier5 et le conte d'A-
I— n
;vGoo»^lc
258 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
rondiel, et que, qant ses gens se meteroient sus les camps, li
linages des desusdb se bouteroient co lor compagoie, [tour con-
treveagier lors amis. Si envoia desfijcr le roi EdOuwart et toute
sa poissance. Et aporta la desfiance uns hiraus d'Escoce, lequel
on nonmoil Glas, Et csloit contenu en la lettre sccléo dnu roi
d'Escoce et des barons de celi pais, que jamais il n'entendernit à
aultre cose , si aueroit si avant courut en Engleterre que passet
la rivière dou Thin et le Hombre et contrevengiet tous ses toi'sfais;
et se combatrc on le voloit, il li asignoît journée devant Ewruich.
Qant li joncs rois d'Engleterre ot recheu ces desGances ou
premier an de sa crcation, li cocrs li comncnça à engrossier, et
ne moustra pas ne ne dist au hiraut toute sa pensée, mais li flst
donner un manliel qui bien valoit cent florins j et aussi la roine,
li contes de Qent, messires Rogiers de Mortemer, et li signcui' li
donnèrent [tant] que il fu tons rices. Et li Tu dit de l'un des che-
valiers dou roi : o Glas, vous vos pocs bien partir, qant il vous
plaist, car li rois et ti pais se tient à tous desHiés sus les lettres
que vous avcs aporté. s Àdonc se départi li hiraus, et li rois et
ses consanls et toute Engleterre demorèrent en ces desfiances. Et
bien sentirent toutes gens, as (juels la congnissance en vint, que
de par les Escocois il aueroient la guerre, I"<" 13 v" et 14.
P. 40, i. 17 : roy. — Ms, dAmiem : et le comte Henry de
Lancastre au Tors Col. F" 6.
P. 40, 1.23 :Thumas. — Mt, rferii&ncitf/WKrj,- Wautier,P'14.
P. 41, I. 7 : malades. — Ms. d Amiens : de gouttes. Nonpour-
quant ses coers estoit encoires assés fors et en grant desirier de
guerrier, mes que il veyst son plus biel. F* 6.
P. 41, I. 8 : disoit on. — Mis. .^ 11 à 13 : Et disoit on qu'il
en mourroit, car nulle guarison trouver il n'en povoit. F° 10 v*.
P. 41, I. 21 : manda. — Ms. B 6 : par ses hiraus que il
vendroit mettre le siège devant la bonne cité de Ewruich, et que
il ne s'en partiroit sy l'aueroît, ou on luy leveroit le siège. F" 24.
S B3. P. *1, 1, 30 : Evmich. — Mss. A 18, 19, 34, 33 :
Bruich. F» 12. — Mis. ^ 30 à 33 : Bervich. F' 98 v». — Mss,
^ 23 ià 29 ; Vervich. F" 14. — Mss. A H à iZ : Warvich'.
;vGoo»^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER UVRE, g 23. 259
P. 41, 1. 30: Dorth. — Ms. d Amiens: sus les marches de
Norhombrelant. F* 6 V.
P. 42, I. 2 : messages. — Ms, de Rome : Or Tu consillië eo
In cambre dou roi que, tantos et sans délai, li rois envoiast ses
messages et ses lettres deviers messire Jehan de Haimiaii, et lî
priast que il te venisl veoir et servir, et se pourveist de cinq
cens ai'meures de fier, chevaliers et esquiers, et tout serotent
delivret et bieu paiiet, et 11 escrlpsist que c'cstoît pour aler en
Escoce, car li rob d'Escocc et li Ëscocois l'avolent desfiiet. Et fu
dit ensl, en la cambre dou roi et en couse], que on ne pooit mieuls
emploiier lettres ne messages, que d'envoiier en Hainnau. Tout
ensl comme U fu ordonné, il Tu fait. Et escrlpsi li rob d'Engle-
terre à messire Jehan de Hainnau et envola ses messages, qui
passèrent la mer et vinrent en Hainnau, et trouvèrent le gentil
chevalier que il demandoient, en la ville de Biaumont dont il
portoit le nom, et It baillièrent les lettres que U li aportoient,
tant de par le roi que de par la roine d'Engleterre. 11 les lissi,
qant il les ot ouvertes, et considéra conment on le prioit et man-
doit. Si fu tous resjols de ces nouvelles, et dist que il estoil tenus
de servir te roi et le pais d'Engleterre, puis que il s'estolt ahers
et atoiiës à euls de fol et d'ommage ; et rescrlpsi an roi d'Engle-
terre et à la roine par ceuls meismes qui cez lettres avoient
aporté. Et fu contenu eus es dittes lettres que il seroit en Engle-
terre, et à ce n'aueroit nulle défauts, dedens le jour que on lî
avoit assis, et à otant de gens ou plus que on ne li avoit escript.
Li messagier d'Engleterre retournèrent.
Messires Jehans de Hainnau se pourvei, et escripst et manda as
chevaliers et esqulers autours de 11, des quels il pensoit à estre
acompagnie's et servis, tant en Hainnau, en Braibant, en Flan-
dres et en Hasbaing. Tout furent apparilliet à sa priière et or-
denance, et se pourveirent tantos et sans délai de tout ce que à
lor estât apertenoit, et se départirent de lors lieus, et vinrent li
auqun à Wissant, et li aultre à Calais. Toutes fois, messires Jehans
de Hainnau vînt à Wissan; et passèrent oultre, car il trouvèrent
les vassiaus passa gierz que li rois d'Engleterre lor avoit envoiiés,
et tant lissent qu'il furent oultre et en Engleterre. Et atendirent
tout l'un l'autre à Cantorbie, et entendirent que li rois et la roine
et li signeur s'en aioient à grant esfort vlers Escoce. Si se esploi-
tièrent li Hainnuier ce qu'il peurent, et passèrent Rocestre et
Dardeforde et vinrent à Londre. Et là se rafresqirent de tout ce
;vGoo»^lc
SGO CliUO.MQUIiS DK J. FUOISSART. [1327]
i|ue il lor b«songnnit, de chevaus. de sellerie, d'armeures et de
toutes aultres coses qui apertiennent à gens d'armes. Et là trou-
vèreot le trésorier des gerres dou roi, qui lor délivra moonoie
et paiement bien et largement. Et puis il se départirent et mis-
sent au cemin, et passèrent le Ware et Lincole. Et partout où il
venoient, il estoient requelliet liement, conjoi et festîiet. Et pas-
sèrent à Danfront et à Dancastre, et vinrent à Evreuich, nue
gi'ose chit^ et bonne, qui sciet en bon pais; et j>asse la rivière
dou Hombre tout parmi, qui va ceoir en la mer.
Jà savoient 11 rois d ' En gle terre , madame sa mère et li baroa
d'Engleterre que messires Jehans de Hainnaii venoît à belle cwm-
j>agaie de gens d'armes, encores plus assés que on ne li euist
escript et mandd. Si en estoient tout resjii)' et atendoient sa ve-
nue. Et devés sçavoir que li Escocois avoient passet la rivière
dou Thin amont viers les montagnes qui départent Galles et Ed-
gleterre, et moult priés de une chité que on nonme Carlion, et
estment venu entre la chité de Durâmes et Evruich, et ardoient
le plat pais, tant que on en ponit bien veoir les fumières. Et
n'estoit point li rois Robers d'Escoce en celle chevaucie, mais se
tenoit à Haindebourch en Escoce sus la litière, car il estoit si
ataias de la grose maladie que il ne pooit mais cevauchier. Et là
estoient pour lut li contes de Moret et messires Ouillatunes Dou-
glas , doi vaillant chevalier qui conduisoient les Escocois , où
moult avoit de htms chevaliers et esquiers et vaillans as armes. F"i 4.
P. 42, 1. 6 : compagnie. — JUt. J 6 : à cinq ou six cens
lances. F» 24.
P. 42, I. 8 : mandement, — Us. B G i sy ea î\i tous resjois
et dist aus messaigiers que il estoit tout aparli^s ou serviche du
roy d'Engleterre et de madame sa mère. F* iS.
P. 42, I. 23 : Wissant. — JUt. J 6 : et là séjourna deus
jours. F" 26.
P. 42, I. 27 : Douvres. — Ms. S G : et Ik séjourna deus
jours. F* 26.
P. 42, I. 28 : jour, — Ms. itJmiens : tant qu'il passèrent le
bonne chite de Londres, et chevauchièrent à esploit tout le grant
chemin d'Escoche parmy le comté de Lincellc, et vinrent à Dan-
castre et puis à Ewruich, quatre jours devant le Pentecouste.
F" 6 V.
P. 42, 1. 30 : Evruich. — Mt. S 6 : une moult riche cité
sciint sur le livière de Uombre, ou norl. F» 27.
;vGoo»^lc
[ISiî] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 24. if<\
P. 42, l. 31 : barons. — Ma. A i\ à i3 : Je gens d'armes,
et d'archiers. F* \\.
§24.?. 43,). 18:Haj-n.-iu. — Lesmss. A,B ^ etde Rome ajou-
temaux noms mentionnés dans le texte: messire [Sanse*] de Biau-
rieu'. Ms. de Rome, P 14 v». — Les nus. tf Amiens et de Borne
ajoutent : ... li sirez de Polelles , li siiez de Waregny. F° 6 v*.
— Le ms. de Rome ajoute : ... le signeur de Vertain , le
signeur de Blurgoies , le signeur de Mastain, messire Nichole
d'Aubrecicourt , le signeur de Flosies, le Borgne de Robertsart.
F* 14 V».
P. 43, I. 20 et 21 : dou Rues. — 3fs. if Amiens: dou Roelx.
F» fl V*. — *fj. J 6 -. dou Buelt. F». 25.
P. 43, t. U: Bailluel. — Ms. d'Amiens : qui puisedi fu sirez
de Fontainnez l'Evesque, de Morrîaiimés. F* 6 v°.
P. 43, I. 23 : Brifuel. — Mss. A i à 6, 6, 9, ^^ à 19, 23
à 33 : Briseul , BrisucI ou Brisueil.
P. 43, I. 24 : Fastres de Brifuel. — Ce chevalier n'est men-
tionné ijue dans les mss. £ i à 3.
P. 43,1.24: Ligne. -Afw. ^IS il»: Ligny ow Ligney.F" 12.
P. 43, I. 26 : Boussoit. — Mss. A 1, 3 à «, 23, 23 i 29, 34,
3S ; Bussort ou Boussorl. — Mss, A i, ik : Buissat ou Boussat..
P. 43, I. 27 : Seraeries. — Mss. ^ 11 n 13 : Sameries. PU.
— Mss. A 34, 35 : Surenes. F« 12 V. — Mss. -rf 30 à 33 : Fe-
vreries. F- 99.
P. 43, I. 27 : Floion. —Mss. ^ 15 « 19, 34 , 38 : Florion,
Floron ou Flouron.
P. 43, I. 28 : Flandres. — Le ms. d'Amiens ajoute aux noms
mentionnés dans U terte : ... li sirez de Halluin, li sires de
Brughedeut. F' 6 v».
P. 43 : 1. 29 : Rodes. — Mis. rf 1, 3 à fi : Condes. F" 12.
— Ms. A 1 : Rondes. F* 12 v». — Jlfo. B 6 : Robais. F* 25.
P. 43, I. 30 : Ghistelles. — Les éditions de D. Sauvage ajou-
tent : et messire Jaques de Guistelle son frère. Édition de 1559,
p. 14.
P. 44, I. 2 : Basses. — Mss. ^ 20 à 22 : Roches. F« 27 v».
P. 44, i. 3 : Grés. — JH>. B 6 : Gros. F«2».
1 . Le pràiom Saïut ne se trouve que dsni lt> m». Ae Romp.
2. Jfu, ^ 1 à 6. 20 à 22 : BcaugMi. P° 12.
;vGoo»^lc
262 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1317]
P. 44, I. 3 : Casebèke. — Mtt. A 18, 1» : Cassebelie. F» 13.
— Mss. A 34, 38 : Gastebolie. F- 13.
P. 44, 1. 4 : Pilisre. — Mk. A 18, 19, 34, 35. ; Pelisce.
F" 13. — Mss. A \,%, M k 13, 23 A 33 : Pilistre, Phaistre,
Philleste ou Pilestre. — Mss. S , mss. AI. 3 à 7, 9, 1 K à 22
et mis. d Amiens et de Rome : Pilifra, Pelifre, Pilliffe, Philiffre.
— Ms. de Valeneiennes : Pillesore. F" IS.
P. 44, 1. 4 : Gilles. — Mss. ^ 11 à 13 ; Jehan. F° 11.
P. 44, 1. 4 : Coterebbe. — Ms. A 1 . Contereble. F" 10. —
Mss. A 18 et 19 : Courterebles. F* 12. — Mss. ^ 20 à S3 :
Cotherelle, Courtelle, Courlerelle. — Mi. de faleneienues : Qua-
derobe. F» 15.
P. 44, 1. 5 : Harlebèke. — Ms. de Falencie/met .* Barbecque.
F' 15.
P. Itk, 1.7 : Besbepum. — Mu. A i àl, liai», 23 à 35:
Behaingnons. F" 12 v*.
P. 44, t. 7 : li Biaus. — Mt. d'Amiens : canonnes de Liège.
F" e V. — Af*. J 6 : le Vtauls. F* 25. — Mst. ^ 23 « 33 : de
Libeaux. F» IS.
P. 44, 1. 9 : d'Obay. — Mss. ^ 1 A 10. 15 à 3» : de Hay.
F» 12 V. — Ms. de FaleRcienaes : Hue de Hary. F" IS. — Mt.
de Home : Hues Hay. F' 14 v". — Mst. ^ 11 d 13 : messires
HuondeHainauIt, bastart. F* 11.
P. 44, 1. 10 : Libines. — Ms. d'Amiens ; qui tous quatre de-
vinrent là chevalier. P 6 v*. — Ms. 3 6 : Librues. F° 28. — Mss.
^ 8. 23 A 33 : Livines. F" 12 v*. — Mm. A 34, 35 : libidines.
F" 13.
P. 44, I. 10 : d'Oppey. — Mss. d Amiens et de Rome, mss. B
et mss. A : du Pel, du Pal. du Pehi. —Ms. Ja.de Duiel. P 19.
P. 44, 1. 11 : GUlebers. — Mrs. ^ 11 A 13 : Robert. F" U.
-— M*. B6 : Gnillante. P 28.
P. 44, 1. H ; Hers. — Jlfw. ^ 11 i 13 : Hars. — Af*. J 6 :
Hors.
P. 44. 1. 13: d'Artois. — Mt. jB 6 : et de Vermendois. F" 26.
P. 44, 1. 18 : Guillaumes de Jullers. — Mss. Ai à 8 : Ja-
ques de Juilliers [qui depuis fut duc deJuillîers'] après le deceps
de son père. F* 12 v*.
1. l.e» mol» mi» entre crochPts ont ixé omi» par one diMractîon du
ropiite dans le ms. A \.
jvGooi^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 25. iC.Z
P. 44, 1. SO : conte de Los. — Mm. A iOàii : qui depuis fut
conneslable de l'ost'. F* 27 v".
§ SB. P. 45, 1. 2 : six cens. — 3/m. A : cinq cens. — Ms.
A 24 : cent. F'ZI.— Jfr. B 6 : plus de cinq cens, F" 27.
P. 4S, \. 4 : quinze. — Mis. ^ 11 à 13 : dix huit.
FMI V".
P. 4S, I. 6 ; soixante. — Mts. A \\à\Z : quatre vingt. —
Mss. A Via a : deux cens. F" 28. — Ms. B 6 : cinq cens dames
et demoiselles. F°27.
P. 45, L 6 et 1. 7 : mandées. — Ms. de Rome : là environ et
ou pais de Northombrelant. F" 14 V.
P. 4S, I. 16 : arciers. — Ms. B6 : du conté de Linchelles.
F» 28.
P. 4S, I. 19 : car, — Ms. de Borne ; Car ensi que chil garçon
se combatoient à auquns de ces Englois , la noise se conmença à
monter en la ville, et criièrent : « Lincole I » Cbil de la nation de
Lincole estoient là grant fuisson : si se missent tantos ensamble et
prissent lors ars et se rengièrent, et entrèrent en la rue où liHai»-
nuier estoient logiet ; et couvint ceuls qui là estoient des Hain-
Dtders retraire dedens lors hostels. ¥" IS.
P. 48, 1. 32 : doi mille. — Mss. v< 23 « 29 : trois mille.
FMSV.
P. 46, I. 20 : cent. — Ms. d'Amiens ; deus cens. F» 7.
P. 46, I. 24 : compagnons. — Ms. d'Amiens : Là fu messires
Jehans li Biaux , camionnes de Liège , sus les quels cronicques et
par quel relacion de ce fet et d'autrez j'ay fondé et ordonné ce
livre, en grant péril ; car tous désarmés il Tu enmy yaux ung grant
terme. Si volloient saiettes à tous lés, et il meismes en Tu consie-
vris et navrés, et pluiseurs de ses compaignons, priés jusques à
mort. F" 7.
P. 47, I. 2 et 3 ; BoussoU. — Le ms. d'Amiens ajoute aux
n/ims mentionnés dans le texte : .... messires Jehans de Monte-
gny, li sirez de Vertaing, li sirez de Potelles, li sireï de Warguy,
messires Hectors Villains, messires Jehans de Rodes, messires
Wafllars de Ghistelles, messires Thieris de Wallecourt, messires
1. Cette erreur provïi
to, lût est l'cril luit.
;vGoo»^lc
i6k CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i327]
Rasses de Grés, messires Jehans Pilifre, messires Gille de Cnte-
rèbe, messires Lambers dou Pels, très Iwn chevalier. V 7. '
P. kl, I. 7 : carlier. — 91s. de Rame : chiés un archier.
F- 15.
P. 47, I, 11 r mors. — Ms. d'Amiens : Et en tuèrent bien
seise vingt ou environ, tout archier, le plus qui estoient de l'e-
vesquet <)c Lincelle. Et cncoires en ewissent plus ocis en l'eur,
qui les ew'ist layet convenir, car c'estoit leur entente que d'iaux
tous mettre à l'espée et de prendre à otel raercliy qiie les ar-
chers les ewissent pris, se il en ewissent estet maistrei mais ly
roys y envoya monseigneur Thumas Wage, marescaul de l'ost,
monseigneur Richart de Stamfort et le seigneur de Moutbray, en
yaus priant que il se volsissetU retraire el souffrir, et que le
roys leur feroit amender ceste forfaiture.
A le priière et ordonnance dou roy, se retrairent li Haynuyer
et leur compaignon bellement et sagement. Et s'en vinrent |iar-
my la graot rue et enc<Mitrèrent monseigneur Jehan de Haynnau
bien armet et ses bannièrez devant lui, acomp^igniet de messîre
Guillaume de Jullers, de monseigneur d'Knghien, de monseigneur
Henry d'Antomg, de monseigneur Robert de Bailloel, de mon-
seigneur Alart de BrifToel, de monseigneur Micquiel de Ligne,
de monseigneur de Gonmignies, de monseigneur Guillaume de
Strate , de monseigneur Gossuin de le Meule , de monseigneur
Jehan de Ghasebecques, de monseigneur Wautier de Ileteberge,
de monseigneur Jehan de Libines, de monseigneur Giltebiert de
Hers, de monseigneur Fastret dnu Roeli et de pluiseurs autres
compaignons qui tous s'esloient mis en se routte, et encorrez en
y avoit as liostelx qui s'armoient toudis qui mieux mieux. Quant
messires Jehans de Haynnau eult encontrds ses compaignons et
cliiaux de se kecke ensanglentés et ensonniiés d'ocire et de
mehaygnier ces felcurs archers, enssi comme vous avés oy, et
avoecq yaux les barons d'Ëngleterre à laquelle ordUIllUnce et
priière il rctournoîent, si leur demanda, en arestant tous quois
sour le rue et toutte se routte, comment il leur esti^it. Et il li di-
sent ; a Monseigneur, bien seloiicq l'aventure : bi avons estet en
grant péril de nos vies, mes cil qui les liargignoient y ont plus
mis et laiiet que pris. » — a En non Dieu, sire, dist monsei-
gneur Thumas Wagc, se nous ewissiens veu que vos gens en ew-
issent eu dou |>ieur, nous les ewissiens grandement aidiés et
cnnfcH-tés, car il nous estoit commandez de par monseigneur le
;vGoo»^lc
[*3?7] , VARIANTES DU PREMIER LIVRE. § SS. 26H
roy et me damme se mère; mes, Dieu merchy, li honneurs et li
victoire leur en est dentnurée, car il les ont cachië jtisquez as
camps et en ont grunt plentet mort, b — « Che poise moy que
de si peu, > ce respondi monseigneur Jehan de Haynnau. Adonc
se retrairent en leurs hostelz paisiblement, et se desarmèrent li
pluiseur et regardèrent as navres comment il leur estoit. Si pens-
sèrent li Haynuyer, pour les blechiés vaux niedeciner et garir, et
ceux qui mort estoient ensepvelir. Che propre soir, on commandit
par le noble roy que nuls Englès ne se roeuist contre les es-
trangiers, sus le teste à perdre. F* 7.
Ms. de Eome : La cose ne se fust point passée ensi, mais i fust
encores avenus un trop grans meschiés, se li rois ne se fust en-
sonniiés. Mais qanl les nouvelles en vinrent à madame la roine,
elle tantos dist au roi : « Riaus fils, montés à cheval et atés celle
part, et vous traiies avoecques les Hainnuiers; et faites un
conmaDdement très fort et très cruel que nuls Englois, sus la
painne à perdre la teste, ne se mueve et ne face fait ne débat,
et prendés la cose sus vous. ■ Li rois obéi à madame sa mère
et monta à cheval. Et montèrent plus de soissante barons et che-
valiers, et trouvèrent sus les rues messire Jehan de Hainnau, qui
venoit tous armés, et plus de trente cevaliers avoecques lui, et
crioient ; « Hainuaut s et estoient en volenté de ocire tous les
archiers que il trouveroient ens es fourbours où lors gens estoient
logiet. Conuderés le grant meschief que il fust tantos avenus,
car ces Englès, archiers et aiiltres communautés, se requellnîent
et raetoient ensamble; et estoit lor intension d'entrer en ces four-
bours et tont ocire ou bouter le feu dedens et tout ardoir. Pre-
mièrement li rois s'aresta sus la rue, car on li dist : a Siie,
vechi messire Jehan de Hainnau et grant fuisson de Hainnuters
avnecques lui, et viennent en ordenance de bataille, banières
et pennons tous desvolepës. Arestés les et apaisîés, et prendés la
cose sur vous, et leur dittes que vous lor ferés amender c«
niesfait si grandement comme ils vodront; et leur priiés que il
ne facent pas cose par quoi vostres voiages soit rompus. »
Li rois entendi à ses hommes, et fist ensi que il li conseUèrent.
Messiresjehans de Hainnau, qui avoit l'air enla teste, et qui moult
dur estoit enfourmés sus ces archiers, dist en hault : a Sire,
sire , nous sommes venu en ce pais pour vous servir et vostre
pais contre vostres enneraisi et vostres communs, entrues que
nous sommes en esbatemens dalés vous, esmuevent debas et
;vGoo»^lc
2CG CHRONIQUES DE J. FROI.SSA,RT. [13Î7]
voellent nos gens ocire et nous aussi. Nous ne le pocms sousfrir,
et n'en savons prendre milleur amendement, que sus ceuls qui
ont esmeu la rihote. n Donc dist li rois : a Messîre Jehan, sous-
Ws vous, et faites tenir en paix vostres gens. Je ferai tenir en
paix aussi tovs ceuls de ceste nation; et se ce venoit à la bataille,
je demorroie dalés vous, car je congnob bien que par vous et
par vos gens ai je recouvré mon roiaulme. Si vous pri que vous
me donnés ceste bestmgne, et retournés et ne veaés plus avant;
car je meterai partout telle atemprance et par si b<»uie ordenance
que vous et li vostre vous en contenterés. » Ces douces paroles,
que li rois dist, apaisa grandement messire Jehan de Hainnau et
les Hainnuiers. Or voloit li rois que il ne venist plus avant, mais
il respondi à che et dist : « Sire, sire, et ne fust riens dou débat
et dou hustin de ma gmt, puis que vous estes hors de vostre
hostel. il apertient que je voie et demeure dalés vous, cur espoir
vous et vostrez consauls, ne savéa pas bien le fons de ceste ma-
tère : otretant bien puet estre contre vous qtie 4X>ntre nous, a
Donc respondi messire Thomas Wage, marescal dou roi, et dist
au roi en son langage : a Sire, il parole sagement, et puet estre
tout ce qu'il dist. n
Adonc chevauchièrcnt li rois et toute sa route et vinrent ens es
fourbours, où li logeis des Hainnuiers estoit; si trouvèrent la
rue moult esmeue, et des mors couchiés sus tes caucbies. Donc
ala li rois tout oultre et sus les camps où li grans hustins avoit
esté, et encontrèrent pluisseurs Englois qui trop fort se pbin-
doient des Hainnuiers, et on lor disoit ; a C'est à bon droit,
se vous avés esté batu. Pourquoi les aliiés vouz asallir à lors
lioslels? > Encores avoecques tout ce, leur disoit messires TIk)-
mas Wage -. ■ Li rois s'enfourmcra de ce fait, et chierement le
comparront chil qui ont conmenchiet la meslée. n Quant chil
archier veirent que il n'estoient aulirement plaint et que on les
maneçoit encores, et que inquisition et information se feroît sus
euls, si se doublèrent dou roi et de sa justice, et ensepelirent les
mors et entendirent as bleciez. Li rois retourna à son logeis, et
raesàres Jehans de Hainnau avoecques lui.
Si fu, de par le rd, fais uns bans et un cris d'un sergant
d'armes à cheval tout parmi la ville et chite de Evruich, que nuls,
sus la teste à perdre, ne fesist débat ne rihote, ne ne s'emeuist
jamais de ce fait qui avenu estoil, ens ne hors, Encores avoecques
tout ohe, li rois envoia deus de ses tanières ens es logeis des
;vGoo»^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § Î6. 267
Hainnuiers et quatre chevaliers. Et furent ordonné à euls tenir
tous quois, nuit et jour, et garder lez banières le roi, par quoi
archier englois ne communaullé ne se esmeuissent, de jour ne de
nuit. Car vous devës sçavoir [que] chil qui avoient eu lors frères,
lors pères, lors enfans, cousins ou proismes mors, avoient grant
felonnie ou coer; et disoient, qant il veoient les Hainnuiers aler
ensamble sus les rues : a Velà ceuls qui nous ont ocis nos amis,
et si n'en poons aultre cosc avoir; et par Dieu si aaerons, avant
que il retournent en lor pais. »
Et disoient bien li auqun baron et chevalier d'Engleterre
as chevaliers de Hainnan, qui point n'entendoient le langage des
Englois, et liquel ne baioient point les Hainnuiers, mais le disoient
pour euls aviser, à la fin que il fuissent le mieuls sus lor garde :
« Cbil archier de Lincole, et moult d'aultres communs, pour l'a-
mour d'euls, vous ont quelliet en grant haine ; et se il n'estoient
brisiet de par le roi, il le vous mousteroient et de fait. > Li che-
valier de Hainnan respondoient : ■ Il nous en fault atendre l'a-
venture; et se là venoit que nous fuissîens asalli, des quels vous
totimeriiés vous? » — > Il nous est conmandé et~ ordonné, res-
pondoient li chevalier d'Engleterre, sus qanq que nous tenons
dou roi, que, se rihote conmenche par euls, que nous soions
avoecquez vous. Et bien nous lor disons et remoustrons que il
se tiengnent en paiï, car se la rihote conmence, nous serons
pour vous avoecquea euls et contre euls, et nous est conmandé
dou roi. Et pour ce que il voient que li rois et nous vous vo-
lons aidier et pM-ter à l'encontre de euls, il se refrènent de
moustrer de fait lor mautalenl; et à ce que nous entendons, il
sont bien euls siis mille de une aliance. * P" 1S et 16.
P. 48, 1. 1 : alloiiet. — JUs. ^ Amiens : en ung village, à
douse lieuwes d'Ewmich. F" 7 v".
S86. P. 49, 1.1 6; angousse. — Ma. d Amiens :HèiVi grant sei-
gneur de Haynnau, qui estoient souvent dallés le roy, reconfor-
toient lor mesnies ; et lor disoient que li roys lez asseuroit, et qui
mal leur voroit, il le feroit à lui meysmes. El est cose assés crea-
ble que, se li roii et ses conssaux n'y evissent mis trop grant
remède, il n'en fuissent jammais partis sans danimaige, car entre
trois cens ne seise vingt hommes mors, et encoires de gens estran-
gniers, il ne puet y estre qu'il n'y ait grant plenté de lors prois-
mes qui dolent en sont, et qui vollentiers les contrevengeroienl.
;vGoo»^lc
8fi8 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
se il veoient leur plus bel et il osnient. F" 7 v*. — Ms. tli- Rome:
Et qiint il aloient venir le rot et la roine et les dames et les da-
moiselles, il estoït ordonne de par le roi, à quelle heure que ce
fust, il fuissent racnnvoiiel et niis dedens lors hoslels. P^lâ.
P. 49, I. 24 : n'euist. — Ms. tf Amiens : un gros capon |)oiir
trois estrelins, douse Très hairens pour un estrelin, un gallon de
bon vin de Hin pour huit estrelins, et cell de Gascoingne pour
sis estrelbs, de quoy li gallons fct les deus quartes de pois. F° 7
V'. — Ms. de Rome : le potel pour trois estrelins et les milleurs
cervoisses dou monde. F' 16.
P. 48, 1. 26 : d'Aussay. — Mti. ^ 1, 3, 20 a 3S : Ausoie.
F«13 V». ~Mss. ,^ H à 13: Ausoy. P" 12 V. — Mss. A 18,
19 : Aussy. F" 14.
P. 49, I. 29 : litière. — Ms. de Rnme : à milleur niarchict que
en Hainnau ou en Vermendois. V^ 16.
§87. P. 50. 1. 2: trois. — Mt. d'Amiens et nus. A { à 6. 8,
9 : quatre. F> 7 V.
P. 50, I. 10 : hors. — Mss. d Amiens et de Rome : de Ewruic.
F" 7 ¥'. — Ms. .£ 6 : Si se party de Ewruich, et laissa lu ma-
damme su mère. F° 29.
P. 50, I. 12 : del roy. — Ms. de Rome ; tant pour honneur
que |M>ur les archiers de Lincole, qui ne pooient ne ne voloienl
oubliier te ocision et la perte de lors amis; et volentiers se fuis-
sent pris as Hainnuiers, se il euissent veu que point d'avantage il
eiiissent eu sus euls. F" 16 v".
P. 51, ). I : Escos. — Ms. de Rnme .'Etne savoient encores li
Englois là où li Escocob estoient. Et disoient li auqun : t II sont
retrait en lur pais : ît ont usage que il guerricnt en courant ; et
qant il ont fait celle course, et il sentent que gens ^'iennent sus
euls il jKMiir, il se retraient. > Mais pour ces jours il n'estoient pas
retrait, avant ardoient en Northombrelant, et avoient ars en
Gallez et jusques à Carduel, et tout le pais de là environ. Et tant
alèrent chil de l'avant garde que, de desus les montagnes, il vei-
rent les furaières d'auquns petis hametès que li Escoçnis faisoient.
Et li auqun Englès disoient que ce n'estoient pas fumières des feus des
Escos, mais des ouvriers qui faisoient carbon ens es bois. F° 16 v°.
S S8. P. Ii3, I. 1 : trois mille. — Mss. A 18, 19, 23 à 29 :
quatre mille. F» 15. — Mss. A \ à & : deux mille, F° 14 vo.
;vGoo»^lc
[i:t27] VARl.VSTES OU PltKMlER LIVRE, § 23. ilJ9
P. S3, I. S et 1. 3 : vingt mille. — Ms. dÀmiens : dix mille.
F»? V*.
P. 53, I. 6 : bruières, — Mx. de Rome : Et je Froissars, actè-
rcs de ces croniques, fui en Escoce en l'an de grasce mil ti'ois
cens soissante et cinq, car la bonne rnine, madame Philip{>e de
HalDnau, roine d'Engleterre, m'escripsi deviers le roi David d'Es-
cuce, liquels (u Ëh au roi Robert de Brus, et au conte de Douglas
qui pour le temps resnoit, et à mesire Robeit de Versî, signeur de
Sti-uvelin, et au conte de la Mare, liquel, pour l'unnour et amour
de la bonne mine desus ditte qui tesmongnoit par ses lettres see-
lées que je estoie uns de ses clers et familiiers, me requellièrent
tout doucement et liement. Et fui en la compagnie dou roi un
quartier d'un an, et euch celte aventure que, ce que je fui en Es-
coce, il viseta tout son pais, |>ar laquelle Visitation je ajiris et
considérai moult de ta matère et ordenance des Escoçois,
et sont de toute tèle condition que chi desus vous est devisé.
r- 17.
p. S3, 1. 9 : maladie. — Ms. ^Amiens : tant'estoit il fort as-
trains de gouttes et de forte maladie, ains se tenoit à Donfremelin,
une moult bonne ville seloncq le pays en Escoche, et où tous leur
ancestrez gisent en une abbeye qui là est. F" 7 v". — Ms. de fa-
Uncieruiet : car il ne (Kwit chevauchicr pour deux grandes mala-
dies, l'une de goutte et l'autre d'escaupine. F' 17.
P, 33, 1. H : Morel. — Mss. ,< U àl4 : le conte de Moret en
Escoce, non mie enGastinois. F° 13 v°.
P. 53, I. ]2 : orilliers. — Mss. ^ 1 à 6, 20 à 2» : oreilles,
p. ^l^ V".
P. K3, t. 20 : proèces. — Ms. d Amiens : Encoires estoient là
li comtez de Surlant, li comtes Patris, li contez de Mare, li com-
tes de Fi, li comtes d'Astredène et moult de bons chevalliers et
escuiers. F" 8.
S 89. P. 53, 1. 29 : bataille. — Ms. if Amiens : En chacune
uvoit bien huit mille hommes d'armes et seize mille de piet. F° 8.
— Ms. de faleaciennes : Et avoit bien en chacune huit cens
hommes d'armes et seize mille de piet, F* 17.
P. 54, I. 1 : trente mille. — Mss. .^ 11 <i 14 : vingt quatre
mille. F" 13 v.
P. 54, I. 6 : vingt et quatre. — Af*. B 6 : vingt mille. F" 29.
— Ms. de Borne : vint trois mille.. F* 17.
;vGoo»^lc
270 aiROXIQUES DE J. FROISSARÏ. [1327]
P. 94, 1. 6 : sans le ribaudaille. — Ms. de Rome : sans les
archiers à cheval. F* 17.
P. 54, I. S : rengiés. — Ms. de Borne : on cevauça tout ren-
giet sicvant les banicres le roi. Et en i avoit quab'e; et les por-
toieut li sires de Sees, lî sires de Ferrièrez, b sires de Morlais
et }i sires de Hastinghes. F* 17.
P. 54, 1. 12 : cinq. — Mts. Â i\ à \k : deux. P 13 v».
§ 50. P. 55, I. 9 : d'abbaye. — Mts. .^ 11 à 14 : de moines
noirs. F" 14.
P. 55, I. 14 : ensamble. — Ms, ^Amiens : et là f u messires
Jehans de Haynnau appelés, ce fu bien raison. F" 17 v*.
P. 55, I. 16 : estotent. — Ms. d'Amiens : Tout consideret,
enti-'iaux il disoient malcment , car encorres n'en avaient il nuls
veus ne ili ne savoient où tl gisoient , ne se jà |)oint les tmu-
veroient, pour le fort pays où il estoient enbatu. Si sanibla as
aucuns seigneurs qui là estoient, tels que le seigneur de Persi,
le seigneur de Ros, le seigneur de Moutbray et le seigneur de
Luzi, qui congnissoient auques le pays ; et disent à l'avis des Escos
pour certain que il s'en raloient en leur pays, et que miUenicnt. . . .
F" 8. — Ms. de Borne : et fu avis à auqims que li Escot s'en
raloient en leur pais, et que on ne les aueroit point ; et pooit estre
que il savoient bien tout le convenant des Engloïs , mab on ne
savoit riens don leur. F* 17 v*.
P. 56, 1. 18 : mares. — Ms. tf Amiens : car chilx pays de
Norhombrelant se diflêre assës de diverseté à le marce d'Engle-
terre. Et ossi font les gens : il sont enviers les Englès ensi gue
demy sauvaige. F* 8.
P. 56, I. 22 ; crolières. — Ms. dAmiens .* ne en ces cras
mares plains de bourbe. F° 8.
P. 56 , 1. 2d : mares. — Ms. d Amiens : crolièrei et autres
plassis. F* 8.
P. 56, 1, 31 ; au col. — Ms. <t Amiens ; le targe sus le dos.
F»8 V.
P. 87, 1. 9 : bestes. — Ms. d'Amiens : et chil derière cuidoient
que ce fuissent li aonemy. F" 8 v*.
g 51. P. 57, 1. 15 : vespres. — Ms. de Borne : en ces Ions
jours d'esté. F* 17 v".
P. 57, I. 17 : rajKisser. — Ms. d'Amiens :che disoient chil
D,qit,zeabvG00»^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 32. 271
. dou pays poiu' cectam, car ailleurs n'y avoit point de gué De de
passage, fors que droit là. F° 8 v*.
P. 58, ). 4 : vingt et huit — Ats. B&: 4ugt et deus. F" 30.
P. 58, I. 16 : lourset. — Ms. de B/>me : ou boute' en lor sain.
F" 1 7 V".
P. 38, 1. 22 : lortis. — Mis. Aï eti: alumez. F° 16 V.
P. S9, I. 1 : nonne. — Mss. A i à 6, 9, iQ à ii : ainçois
que le jour feust passé. F» 16,
P. b9, I. 12 : noone. — Ms. de Rome : Environ heure de
nonne, auqun povre homme, ouvrier de carhon au bois, furent
ti-ouve des varies qui estoient aies as verghes au bob, pour euls
logier : il furent amené devant les signeurs , liquel orent de lor
venue ti'ez grant joie. Il lor fu demandé où il estoient : il res-
pondirent que il estoient à quatorze lieues englesces priés dou
Hoef Chastiel sur Thin, et à orne lieues de Carduel ea Galles ; et
M n'avoit nulle ville plus priés de là, où on peuist riens trouver
pour euls aisier.
On prise ces hommes, on les monta sus cbevaus pour ensen-
gnier le chemin. On envoia tantos et sans délai de par le roi
nonchier au Noef Chastiel sus Thin que, qui voloit gaegnier, on
venist avitaiUicr le ost. Et i furent de le ost envoii^s plus de
deux cens petis chevaus, pour aporter vivres pour lors mestres.
Mais 11 cheval estoient si foullé et si lassé que il ne pooient aler
que le pas; et fu toute nuis, avant que il venissent au Noef Chas-
tiel.
Qant ces nouvelles furent sceues au Noef Chastiel que li rois,
lors sires, et lors gens estoient en tel heu et en tel dangîer, toutes
manières de gens se prissent priés que de tourser vins et viandes
et cervoises et fains et avainnes pour les cbevaus , et se missent
tantos à voie, non sus les chevalès que il uvoient amenés, mais
sus autrez qu'il prissent tous reposés. Environ mie nuit, vinrent li
premier en le ost, dont on ot grunt joie, car hommes et chevaus
estoient si afamet que plus ne pooient. F* 18.
P. S9, I. 15 ; quatorze. ~ Ms.B &: quinze. F« 31 .
P. 5«, 1. 16 ; onze. — Mis. ^ 11 à 14 : douze. F» 15. —
Ms. B 6 : vingt cinq. V 31.
P. 59, 1. 23 : avalnne. — Mss. jl 11 à 14 : pouiailles, eufs,
fromaiges. F" 15.
g 32. F. 59, I. 28 : A l'cndemain. — Mm. de Rome : A l'en-
;vGoo»^lc
ÎU ClIRO-MQUES DE J. KUOISSART. [13î1]
demain, dedens heure de tierce, fu li h<M>s ussés avitaillie. Et
(juisièrent celle nuit tnute nuit li four, et s'i hustèrent ù faire
dnu ]kaiii. A [lainnol estoit b pnste escaufec, qunt il le trainîent
hi>i-5 dnu Tour, et le metoient en sas et en paniers i et puis sus
jieUs chevalès il vinrent en le ost. Tout cstoJt requclliet en bon
gi-c et vendu. Kt furent chil de le ost grandement apaisiet. Et
list li rois donner à trois povrcs hommes que lors gens avoient
triHive, dont 11 avoîent eu celle adrèche, vint livres à l'estrelin.
Et séjournèrent là li rois et timlc li lioos, sus la i-ivièrc de Thin,
wit JDUi's tous entiers, atteuduns que li Escocdis retournaissent,
mais ils n'en avoient ne ooient nulles nouvelles- Aussi U Esco-
çnis ne savnicnt riens des Englès et les esc[ievoient par avis de
pais elle qu'il jKtoienti et s*! teiioient en la marche de Carduel,
entre roces et montagnes, et pais inhabitable.
Ces uit jours que les Eiiglez séjournèrent sus la rivière de Thîn,
atcndans la revenue des Escoçois, il travillièrent tellement le pais
de [Murveanccs et si les quissent que, un pain d'im estrelin, od
lor vendoit siis. Encores le toloient il l'un l'autre. Vin tout ba-
hutc, le galon qui ne valoit en devant que siis estrclins, il l'acha-
toient vingt quatre estrclins. Chars avoîent il assés, mais toutez
aultres coses lor estoient si chièrcs et si court tenues qu'il n'en
ponient recouvrer. Et encores avoecques tout ce' meschief, il ne
ccssoit point de pleuvoir, par quoi lors selles, iicniiiauls et con-
treçaingles furent tout piHirit, et tout li cheval ou la plus grant
(lartie quass^ sus le dos; et ne savoient de quoi cheuls ferrer qui
estoient desferret, ne de quoi couvrir fors que de leurs toumi-
(jiaus d'armes. Ne culs meismes encontre la plueve il ne se sa-
voient cnnment desfendre; et jiassoient bien souvent, qant il
aloicnt et venoîent pour quérir pourveances ou pour veoir l'un
t'aultre, en la bourbe jusques as qievilles.
El encores l'avoient li Hainnuier trop pluz dur parti que li
Englois, car depuis basses vespres il ne s'osoient desfouchier ,
mais tenir ensamble et faire doubles gais toute nuit, pour la doub-
tiince des arcliiers de Lincole, qui volentiers les euissent couru
sus et fait gi'ant damage, se il lie dobtaissent le roi et les sî-
gneurs à courouchier. Et n' avoient de quoi faire feu, fort que
de verde lagne qui ne voloit ardoir; et n'avoieotne (xit, ne chau-
dière, ne caudron, car tous lors charois estoit demorés der-
rière, qui ne pooit venir par nul cemin jusques à culs pour la
diversetc dou pais; et rotissoient toutez lorz carz, et avoient trt^
D,qit,zeabvG00»^lc
[13Ï7] VARIAISTES DU PREMIER LIVRE, g 33. 273
grant defaote de se); et ne savaient k quoi boire de l'aige ou de
l'autre buvrage, qant il en pooient avoir, fors en vasselles que il
avoient fais dez escorces des auniaus et d'aultres arbes dou bois.
F» 18.
P. 60, 1. 4 : barilz. — Ms. B. Q : Et sy coustoit le denier
quatre. F* 32.
P. 60, I. 7 : huit jours. — Mt. ^Andtnt et mst. A : envi-
roD huit jours. F" 9. — Jlfs. ^ 6 : En cel estât furent dix
huit jours. Sy vous dy que les Englès eurent moult de disettes
et de pouvret^, car tondis nuit et jour il gîsoient en leur armure.
Et faisoient les Hayhuers deus gait, l'un pour les Escochois, et
l'autre pour les archiés de Linchelle. F" 32.
P. 60, I. 15 : six estrelins. — Mt. cPAmiem: sis estrelins ou
sept. F» 9.
P. 60, 1. 13 : un paresis. — Ms. d'Amiens : une obole estre-
line. P 9.
P. 60, I. 16 : de vin. — Mts. .^ 18 et 19 : ùs esterlins qui
ne deust valoir que sis parisis. F° 17 V. ,
P. 60, I. 17 ; sis, ~ Mi. d Amiens : quatre. V 9.
S S3. P. 61, I. 4 : passer. — Ms. de Rome : mais li Escoçoia
qui sont soutil de gerre, sceurent bien prendre un aultre cemin;
car il congnoissent otant bien toute la marce où U estoient,
aloient et venoîent, que il font lor pais d'Escoce. F' 18 v*.
P. 61, I. 5 : De quoi. — Mt, de Rome : et n'i avoit si fort, si
jooe, ne si joli, qui ne fust tous pesans de merancolie. F' 18 v".
P. 61, 1. 11 : sept. — Ms. de Rome : sept lieues plus hault
viers Carduel, au desus de la rivière. F' 18 V. — Mst. A 18,
19 : six lieues. F" 17 V.
P. 61, I. 18 : cent livrées. — Ms, de Rnme : en deniers ap-
pariUi^s cent livres d'estrelins. F" 18 v*.
P. 61, I. 21 : Adonc. — Ms. S 6 : Adonc montèrent à che-
val pluiseur escuiicrs qui desiroient à avoir chs prouffit et hon-
neur, et se mirent en esqueste. Dont il avint à ung escuier en-
glès, qui s'apelloît Thomelin Housagre, que il chevaucha si avant
que d'aventure il s'enbaty entre les Escochois, qui estoient logiet
sur une montaigne, à sept petites lieues priés des Englès, et riens
n'en savoient. Sy fut pris l'escuyers et amené devant messire
Gillame de Douglas et le conte de Mouret, chief et meneurs des
gens d'armes, car le roy d'Bscoche n'y estoit myc presens.
i — 18
;vGoo»^lc
274 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
Quant les seigneurs et les barons d'Escoche virent l'escuier en-
glès devant yaulx, il luy demandèrent dont il venoit et quel cose
il queroit. £t il leur dist toute la vérité, et commeat le roy d'En-
gleterre et ses gens les avoicnt quis et demande jà le terme de
vingt jours. Dont dist mesirres Gillame de Duuglas, qui ot grant
joie de ces nouvelles : ■ Chertés, compains, puisque vous estes
venus jusques à chy pour chelle cause, nous vous quiterons vostre
prison, car nous voilons que vous soies chevalier, et que vous
gaigni^s cent livres de terre à l'estrelin. Et se dires ensy au roy
et à vos seigneurs que, se il nous quièrent et ont quis, et nous
les querons ; et que droi chy il viengnetit, et il nous trouve-
ront. » L'escuiier fut moult joieus de ceste response, et leur
dist ; ■ Signeur, grant merchy, et je le diray au roy et as ba-
rons par delà. >
Adonc se party d'eulz, et chevaucha tant que il vint en l'ost
devers le roy d'Engleterre. Et là vinrent tout li baron, pour olr
nouvelles, a Sire, dit l'escuiier au roy, je ay veut et trouvé les
Escos et parlé à iaus. Et sont bien logiet sur une montaigne, à
sept petites lieues de chy. Et vous ont quis et là atendu ung
grant temps, et vous désirent à trouver otant bien que vous faites
eulx. Et demain au matin je vous menray à celle part et les vous
monstreray, se il vous plaist, car il dient que il vous atende-
ront. > De ces nouvelles fut le roy et tous les barons resjoy.
F" 33 et 34.
P. 61, i. 23 : seize. — Mtt. J il à Ik : jusques à seize ou
dix huit. F" 15 v*.
P. 61, 1. 27 : L'endemain. — JUs. de Rome: le bon matin.
F" 18 V.
P. 62, 1. 2 : rapasset. — Ms, de Rome : une petite lieue en
sus. F" 19.
P. 62, 1. 6 : à Paris. — Ms. d Amiens : k Londrez ou à Pa-
ris. F" 9. — Mu. A : en paradis. — Af*. ^ 1, P 17.
P. 62, 1. 9 : ars. — Ms. de Rome : mais il ne veoient bcmime
ne fenme; tout s'en estoit fui et repus [Mur la doubtance d'euls.
F» 19.
P. 62, 1. 13 : menoit. — Ms, de Rome : et n'ooient nulles
nouvelles des Escos. Considères la grant painne et diligense que
il rcndoient à trouver les maleois Escoçois. Et se «mtentoient
mai li auqun de ce que on les jxiurmenoit ensi, et dissoient :
« Xcnnil, nous travillons en vain : les Escos sont reliait, grans
:,Goo»^lc
[13Î71 VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 34. 275
jours sont passé; cor anltrement, se il ne fuissent enclos en terre,
nous en euissions oy nouvelles. >
Au quart jour, sus l'eure de tierce, evous revenu trois esquiers
deriers les marescaus, qui les Escoç<hs avoient trouvés et parlé
à euls. Tantos li doi marescal, mesire Thomas Wage et messires
Lois Hay fissent cesser l'oost, dont dissent toutes gens : s Nous
avons nouvelles : chil chevauceour ont trouve les Escos. » Mes-
sires Thomas Wage amena ces esquiers deviers le roi. Qant il
furent venu jusques uu roi, il li dissent : a Sire, certainnement
nous avons veu les Escos, et la place là où il sont logiet et aresté ;
et à ce que ii moustrent, il vous atendent. Et avons parlé à l'un
de lors hiraus, et disoit que il venoit de Durâmes ; et vous quidoit
là b'ouver, et vous portoit la bataille. Et nous mena si avant sus
son conduit que nous avons veu une partie de lor cobvenant ; et
là vous menrons, se vous volés, n i — a Oil, dist li rois, nous ne
désirons aultre cose. n — b Et sont il lonch de chi? » demanda li
rois. — < Sire, nennil '. environ siis lieues englesces. > F* 19.
P. 62, 1, Ï8 : huit jours. — Ms. de Falencienaet : six jour-
néez. F* 19.
g 34. P. 63, 1. 2 : arrester. — Ms. S Q : k heure de ves-
pres. F" 35.
P. 63, 1. 2 : blés. — Ms. de Rome : et fu U rois logiez en
une abbeie que on clainme ou pais le clostre Saint Pière, et est
de blans monnes. Et ne l'avoient point ars li Escoçois, pour tant
que l'abbé estoit cousins ù un baron d'Escoce, le signeur de
Lindcsée, et estoit chils en celle cevauchie.
Encores fu demandé à ces trois esquiers pourquoi h hiraus
n'estoit venus parler au roi, qant si mestre l'avoient envoiiet jus-
quez à Durâmes pour li trouver et les signeurs, et fait son mes-
sage. Il respondirent à ce et dissent : a Nous li remoustrasmes
bien et le volions amener avoecques nous, mais il nous pria que
nous vosisions faire son message, et se moustroit à estre dehe-
tiés : c'est la cause pour quoi il s'en retourna deviers ses si-
gneurs. s En celle abbeie se loga U rois celle luit, et toute li
hoost là environ ; et pooit avoir quatre lieues englesces de là oii
li Escoçois estoient logiet. F° 19.
P. 63, 1, 11 : At)riès. — Ms. de Borne : Qant ce vint au ma-
tin. P 19.
P. 63, I. 14 : conduisoit. — Mt. rie Rame : Et abient 11 troi
;vGoo»^lc
276 aiRONIQUES DE J. FROISSABT. [1327]
esquier, qui les nouvelles avoient ajtorté des Esoçois, devant,
et menotent les banières. P* 19 y°.
P. 63, 1. 17 : chevaucièrent. — Ms. de Rome : en tournant
deus montagnes. P 19 v»,
P. 63, I. S2 : montagne. ~- Mi. B 6 : rond^ et agne de tous
lés, excepté du costet par où les Escochois estoient montés.
F* 35.
P. 64, 1. 11 : ordonnées. — Mt. d! Amiens : messires Jehans
de Haynnau et cinq des plus grans seigneurs d'Bngteterre ame-
nèrent.... F" 9 v".
P. 6S, I. ik : plairoit. — Ms. de Rome : et se il ne pooient
venir par là, il alaissent autour des montagnes querre la voie.
F» 19 V»,
§ S&. P. 65, I. 16 : commander. — Ms. de faleneietaiei :
par les marissaulx. F°30.
P. 65, I. 19 : juper. — Ms. de Falertciennei : huer à plaine
geulle tout à une fois. F" 20.
P. 66, 1. 4 : Pière. — Ms. d'Amiens : Il solaux leva biaux
et clers, et fii U airs assés atemprés et en boin point. F" 9 v°.
P. 66, 1. 32 : avis. — Ms. de Rome : mais H Englès, qui con-
gnoissent lor manière, n'en font compte; bien dient : Olàl les
diables qui se resvellent, qui nous quident esfreer et eshider par
lor juperie. F" 20.
P. 67,1.10 :enl'ewe. — jtfw. ^làe, Hàl9 : en pot. F« 18.
P. 67, 1. 12 : gramment. — Ms. de Rome : mes queil aient de
la farine et une plate pière a faire des oublies. Et aussi ne font
auquns Eaglob ne Gallois : il sont tout de une poinne et de une
matère et condition. F" 20.
P. 67, i. 23 et 24 : montagne. — Ms. £ 6 : à quatre lieues
en sus. F* 37.
P. 67, 1. 26 : repus. — Mss. ^ 1 à 6, 20 à 22 : pour plus
estre à repos. F" 13 V*. — Mss. A 18, 19 ; pour estre plus re-
pont. F" 19 v«.
P. 68, I. 9 : yaus. — Ms. ètAndens : Li Englès estoioit logiés
de une part de le rivierre, et li Escot d'aultre; et demorèrent en
tel estât, dis huit jours et dis huit nuis, sus celle seconde montain-
gne, et tous les jours rengiés l'un contre l'autre. Si y eult plui-
seur escarmuches, en le rivierre et sus le rivaige, d'aucims ar-
chiers et legiers compuignons qui s'aventuroient. F* 10.
;vGoo»^lc
[1327] VAHIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 3C. 277
P. 08, I. 15 : acorder. — JUs. tfAmietu : de quoy li i-oys et
li signeur d'Engleterre estoient tout courchiet, et si ae le pocuent
amender que ce ne fuist trop à leur grant dammaige. F* 10.
P. 68, 1. 9 : dix-huit.— «■«. J l à e, ÎQà 22 ; huit. F" 18 v»,
P. 68. 1. 17 : mesaises. — Ms. dAmieru :& n'eurent oncqnez
li Escot, tout ce temps que je vous compte, pain, ne vin, ne sel,
ne quir tanet ne conret pour faire estivaulz, ne sorlers; ains fai-
soient surlers de quir tous crus ii tout le poil. Et li Ënglès, de
l'autre part, n' estoient mie trop à aise, car il ne savoient de quoy
yaux logier, ne de quoy couvrir, ne où aller fourer fors en bruitè'
rez. Si puet chacuns savoir que il avoient grant faute et grant
mesaise de leurs tentes et de leur caroy, de leurs coses et de leurs
hostilz qu'il avoient en devant fês, ordonnés et achatés, pour yauz
servir et aaisier. Et si les avoient en iing bois labsiet sans garde,
et ne savoient où c'estoit ; ne il n'y pooient venir ne envoiier.
Ensi en celle cache et poursuilte des Escos, furent li Englès ung
mois tout plain, à tel meschîef et à tel mesaise que vous avés oy,
que touttes leurs pourveanches leur estoient faliies à leur plus grant
besoing. Et comment que pourveanchez leur venist à vendre tous
les jours de pluiseurs cost^s, sy n'eurent il oncques si bon mar-
chiet que uns pains mal quis et de mauvais bled ne leur coustast
trois estrelins englès, qui ne dewist valloir que ung denier parsis
à le ville, et ung galon de povre vin. escauffet douse estrelins, qui
ne valloit au tounel que trois. Ensi vivoient il à dur et en grant
meschief, et livroient leurs gardions par (xirtinn bien escarsemeni,
car encoires avoient il paour de plus grant fammine, et que ar-
gens ne leur fausist par trop loinge demorëe. F* 10.
Ms. de FàteReienaet : Mais onques les Escos ne s'i vantent
acorder ne prendre le parchon; et si vivoient en te) povreté
qu'il n'est homme qui n'en deuist avoir pttië, et pareillement
les Englès, nonobstant que un pau euissent il mieulx que les
Escos. F* 20 V»,
S 56. P. 68, I. 22 : deux cens. — Mss. A H à ik : trois
cens. F" 17 v" — Af*. B 6 : quatre cens. F» 37.
P. 68, 1. 24 : si feri. — Ms. de Jt/ime : et se feri moult vas-
saumenten l'oost des Englois, en criant : « GlasI GlasI » Et
txmmeuchièrent il et si compagnon à faire une grande envaie, et
à coper et mehagnier gens et à abntre, car ce fu sus le point dou
premier sonme. F» 20 v*.
;vGoo»^lc
278 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
P. 68, i. 26 :baroii. — JlfM. ^7« 10, 13 à 19: larron. F" 16.
P. 68, 1. 27 : trois cens. — Ms. B 6 : deux cens. F> 37.
P. 69, 1. 4 et 5 : montagne. — Ms. de Rome : Celle envoie
fist U chevaliers, dont il acquit trez grant renomma, des En-
glés meismement. F° 20 y".
P. 69, I. 12 : vingt et deus. — JUs. B 6 : cinq. F" 38.
P. 69, I. 16 : aultres. — Ms. d Amiens: En tel mannierre que
je vous ay compté, demorèrent li Englès vingt deus jours sus ces
deus montaingnes devant les Escos, toudis escarmuchant qui es-
carrouchier volloit, et priés que tous tes joui-s rengiés les ungs con-
tre les autres, une foix ou deus. Et moult souvent quant on estnit
retrai-s et desarmés, recrioit on : o; As armes! Li Escot sont pas-
set, n Si les couvenoit armer de rekief, et puis trouvoit on que
c'estoit bourde. En apriès, il couvenoit getter toultes lez nuis par
connestablies sus lez chans en trois lieux et à trois costéz de l'host,
apriès ce que messires Guillaumes de Douglas eut fait ceste en-
vaiie que vous avés ovt. Et coramandoit on bien et à çascun gart
deus cens armeurez de fier, car çascun jour dounnoit on à entendre
a ces seigneurs d'Engleterre que li Escot estoient tout ordounnet
de venir par nuit courre sour yauz, car il ne se pooient plus
ensi tenir, ne endurer telle fammine. Ces nouvelles faisoient plus
ententievement gaiticr les Englès que nulle autre cose, et estoient
de ces ghais durement travilliés, avoecq le mesaise et le povreté
qu'il end ur oient.
De quoy li Haynuiers et chil qui estoient là avoecques mon-
seigneur Jehan de Haynuau, estoient là en ung dur parti, car
il leur couvenoit faire deus gais, l'un avoec les seigneurs d'En-
gleterre par l'ordounnanche des mareschaux, et l'autre pour
les archiers d'Engleterre qui plus les heoient que il ne fesissent
les Escos, et bien leur disoient et leur reprouvoient souvent le
fier et le dure bataille qu'il leur avoient fet à Ewruich, enssi que
vous avés oj', et souvent les appelloient mourdreours. Ensî
estoient il toudis, par jour et par nuit, en troiit grandez paours,
en paour des Escos qui si priés leur estoient , en paour des ar-
cliiers englès qui entre yaux se logoient, et en paour de plus
grant Tammine et grant mesaise avoir par trop loinge demour^.
F* 10 v».
S 37. P. 69, 1. 17 : vingt et deus. — lUf. dAmienu : le dix
huitième jour. F" 10 V. — Afw. ^ 20 A 22 : le derienier jour
;vGoo»^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 37. 279
des huyt. F" 36 v". — Mss. ^ 30 à 33 : le derrenier jour des
vingt quatre. F* 104 v°. — Ms. J 6 : le sixième jour, F" 38.
P. 69, 1. ÎO : leurs. — Ms. ajmtens : et toutteffois tant fu
il enquis et examinés qu'il s'en descouvri ung petit, car on li eut
&k couvent à faire douche raenchon. F° 10 v".
P. 69, 1. 21 : souverain. — Mt, lie Valencieimes : les capi-
taines des Escos. P 21 v",
P. 70 , I. 6 : armé. — Ms. ^Amiens : et jurent toutte 'celle
nuit chacuas tous sus armes, en le place devant le Teu et desoubz
les bannierrez, le teste sour le cui ou sour les jambes de son com-
paignon. F' 10 V. — Mi.de Rame : et proprement li rois i estoit,
et le convint villier aussi bien comme les aultres. Et attendirent
les Escoçois en cel estât, qui point ne vinrent, mais ordonnèrent
autrement bien et sagement. Car, si tos que la nuis fu venue, ii
furent tout prest et se départirent, sans faire noise ne cri ; et fu-
rent moult eslongié, avant que il fust jours, F" 20 V et 21 ,
P. 70, l. 13 : d'Escoce. — Mi. de Rame ; qui trop avoient
dormi. F» 21.
P. 71 , l. 3 et 4 : montèrent. — Ms. B 6 : environ soUall
levant. P 39.
P. 71, 1. 4 : englès. — Ms. dJmieits: et haynuyers. P 10 v*.
P. 71, I. 8 : bestes. — Ms. de Rome: vaces, buefs et viauls.
F" 21.
P. 71 , 1. 1 1 '. chaudières. — Ms. de Borne : caudrons pendans
à baves de bois. P 21 .
P. 71, 1. 14 : hastiera. — Ms. d Amiens ; mil chartiers. F" 10
vo.
P. 71, I. 24 : mareschaus. — Ms. d Amiens : Et au soir il se
logièrent en un biel prêt et trouvèrent assés à fourer, qui bien
besoagnoit à leurs chevaux, qui estoient si foullet et afammet, si
esfondut de froit et de pleuve, et si desfroissiet de leurs povrez
selles que à grant meschief les pooient il cachier avant, ne seoir
sus pour le froissure, car il n' avoient peniel à cengle, ne contre-
cengle, culière, bride, ne poitral, que tout ne fuissent desromput
et pourri. Ains en cnuvenoit le plus fairre peniaux de vies wan-
bais ou de vies pourpoins ou de vies flassars, qui avoir en pooit,
pour mettre desoubz leurs seller et cengles de sourcengles. Et
avoccq, li plus de leurs cevaux estoient defferet par defiaulte de
fier et de marescaux ; et y vendi on mil claux de fier, chacun
claux sis estrelins : encoirfs tous liés qui les pooit avoir. Par
;vGoo»^lc
280 CHRONIQUES DE 3. FROISSA.AT. [1327]
quoy on poroit bien dire, qui tous les meschîers, les mesaises,
les travaux et les paours seroil considérer de le première che-
vauchie et de ceste autre, que oncques si jouènes prinches comme
li gentilz rojs estoit, n'avoit empris ne enduret deus si durez, si
travtllans ne si périlleuses chevauchies comme ces deux avoient
estet , et ambedeux dedens une année emprises et achievées ; et
si n'avoit li roys que seize uns. Ainssi le disoient tous U plus
preux de l'ost, et cîl qui plus avoient veut. Ensi furent il celle
nuit logiet en cel biel prêt, dallez ung Ikel park. F* 11.
P. 72, I. 4 : l'eglbe. — Ms. de Ponie : catedral. F* U.
P. 72, 1. 4 : Durem. ~ Ms. S 6 : Et le prumière ville que il
trouvèrent, che la Durem où il y avoit grant foison de leur har-
Das. Sy s'en vint le roy au Noef Cistel. et là se rafresqui trois
jours. Et au quatrième il se party et s'en vint à Durem , et )ù
donna il le plus grant partie de ses gens congiet. Mais il retint
dalés luy monseigneur Jehan de Haynau et les Hainuiers ; et che-
vauchèrent en la compaignie du roy jusques àla cité de Ewruich.
F" 40.
P. 72, I. 14 : recognoistre. — Ms. JAmieni : s'il furent lîet
et joiant quant il olrent ces nouvelles, che ne fet point à deman-
der, car tous leurs draps et leurs avoirs estoit sus les charettes.
Si n'avoient que vestir fors leurs pouq>oins puans et flairans ,
tous pouris de pleuve et de sueur, et pures brayes pouriez et
mal buées. Si se renouvellèrent celle nuit de touttes coses, qui
bien leur besongnoit. P 11. — Ms. de Rome : Si se tinrent là
trois jours et s'i rafresqirent , et fissent ferrer lors chevaus qui
grant besongne en avoient. Et tant en chet à referrer que li fiers
falli, et se couvint aidïer de ceminiaus, de beades de chars et
de hastiers de fier et de qievilles, Et coustoit uns fiers pour mi
cheval, d'un seul piet, siis estrelins. Encures i eut si grant presse,
sus les trois jours que il furent à Durâmes , que bien la tierce
pars des chevaus furent encioés. F° 21.
P. 72, 1. 20:Evruich. — Ms. de Rame: et li rois vint àUruich
c'on dist lorch. F" 21 v°.
P. 73, I. 4 : compagnons. — Ms. de Rome : Et ne furent pas
adonc tout hors paiiet en denierz apparilliés, car li receveur et
officier dou roi avoient trop mis hors d'argent pour ce voiage.
Et qant fmance fu revenue , on en fist paiement à Bruges. Si fu
çasquns paiiez et satisfais selonch sa porùan. F" 21 V.
P. 73, I. 16 : Flandres. — Ms. de Rome.-tsniron s^t jours.
q,t,.-edbvG00»^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 37. 281
se tinrent messires Jehans de Hainnau et li Hainnuier à Wruich,
c'on dbt lorch , depnJs la revenue dont je vous ai parlé , da-
lés le roi et madame la roine et les signeurs d'Engleterre.
jw 21 V".
P. 73, 1. 19 : douze. — Mss. A M à \k : deux. F" 18 v".
P. 73, 1. ii ■■ archiers. — Ml. d'Amiens : pour le doubtance
des archiers, qui trop les haj/nient, et qui au départir de l'ost trop
fort manechiet les avoient. Pour celle cause, et que li roys ne vol-
sist nullement que messires Jehans de Haynnau ue se routte ewis-
sent rechupt nul dammaige, les hst il aconduirc de douse cheva-
liers et de bien trois cens armurez de fer, dont messires Regnauli
de Goben et messires Thumas Waghe estoient chief; et les amenè-
rent tout sauvement à Douvres. F" 11 . — JUs. de fa/eneiennes :
Et en conduit que le roy y envoia, pour le grant soing qu'il avoil,
furent douze chevaliers et trois cens hommes d'armes. Premiers
y fu messire Regnault de Gobeham et messire Thomas Waghe ,
qui estoient meneur de le route. F" 22, — Ms. de Home : Ensî
se départirent le Hainnuicr dou roi et des signeurs ; muiz il en-
voiièrentpar la rivière dou Mombre, qui rechiet en la mer, et par
vassiaus, la grignour partie de lors harnois et de lors variés, 11-
quel vinrent depuis, à l'aide de Dieu et dou vent, a l'Eschise en
Flandres ; et il ceminèrent par terre, et vinrent à Londres. Et les
fist li rois aconvoiier et acompagnier de messire Thomas Wage,
marescal d'Engleterre , pour la doubtance des archiers de Lin-
cole, car il les couvenoit rapasser parmi lor pais; et ne ti'ouvè-
rent. Dieu merchi, nul encombrier. Et orent li Hainnuier moult
à cevauchier de lorch jnsques à Londres. El qant il furent là
venu, il s'i rarresqirent deus jours, et puis s'en départirent et se
missent au cemin. Et ne les laissa messires Thomas Wage, si fu-
rent à Douvres; et là montèrent ii en mer, et arivèrent à Wis-
san. F» 21 V.
P. 74 , I. 2 et 3 : Roulongne. — Mt. de Borne : et li aultre
vinrent à Saint Orner. F" 21 v*.
P. 74, t. 3 : Haynau. — Ms. de Rome : Messirez Jehans de
Raîmiau vint deviers son frère le conte et madame la contesse ,
qui les vetrent volentiers, li, le signeur de Ligne et les barons et
chevaliers, qui en sa compagnie «voient esté. F* 21 v".
P. 74, I. 9 : savoit. — Ms. d'Amieiu : Ea telle mannière
coomie je vous recorde , fu ceste dure grande chevauchie sus
les Escos départie, et s'en ralla chacun en son lieu. £t remerchîa
;vGoo»^lc
282 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1327]
grandement messirea Jehans de Haynnau lez compaignons qui en
ceste cevkucie avoient estel avoecq lui; et cspeciitlment et pre-
rnierement les plus lontaings, les Hasbegnons et les Braibenchons
et osst tous leE Haynnuiers ; et li proummissent au départir touttc
amour et bon service, se il lui besongnoit. P 1! v°.
§ 58. P. 74, 1. 13 : Ne demora. — JUs. tùr Rame : Depuii
ne demora pas demi an que madame la roine d'Engleterre et
tous li consauls de li et de son fil le roi avisèrent l'un parmi
l'autre que il couvenoit le jone Edouwart roi d'Engieterre ma-
rier. Et ne pooient veoir lieu ne hostel, par l'avis et imagina-
tion de tous et de toutes, où il euist femne mieuls ù la plaisance
de li, car on l'en demanda, que en l'ostel de Hainnau, à l'une
des filles le gentil conte Guillaume de Hainnau. Et qant il li fu
demandé, il conmença à rire et dist : u OU, il me plaist mieuls
là que d'aultrc part, et à Pbelippe, car elle et moi noua concor-
dions trop bien en»amble; et plora, je le sçai bien, quant je pris
congiet à lui, et je me parti. » Adonc dist madame se mère :
K Biaus Sis, vous dittes voir, et nous sonmes moi et vnus gran-
dement tenu à nostre cousin de Hainnau ; et vous verai là plus
volcnticrs mariet que ailleurs. Et i envoierons soufissans messa-
ges, car la damoisellc le vault bien; et escriprons et prierons à
messire Jehan de Hainnau que il s'en voelle dou tretiier, comme
bons moiiens, ensonniier. n
On ne recula point de ce pnurpos , mais furent ordonné li
evesqucs de Durâmes et doi baron d'Engieterre, le signeur de
Biaucamp et messire Renault de Gobehcm. Et leur furent deli-
vret lettres, et dou .sourplus qanq que nu dit voiage pooit aper-
tenir, El passèrent la mer à Douvres, et vinrent à Wissan ; et ne
cessèrent, si vinrent à Valenchiennes. Si se traissent à liostels sus
le marchiet, au Chine, à le Bourse et à la Clef. Pour ces jours,
cstoient li contes de Hainnau et la contesse et si enfant au
Resnoi. Il demandèrent où mcssîres Jehans de Hainnau estoit.
On leur dist que il en oroient nouvelles à Biaumont en Hainnau.
D'aventure, il trouvèrent Pbelippe de Castiaus, qui estoit venus
A Valenchiennes. Tantos que il sceut lor venue, il se trest viers
culs. Il le recongneorent , car il l'avaient veu en Engleterre ; et
estoit li plus ]>roçains de tnesire Jehan de Hainnau. Il en de-
mandèrent à lui; il l'en dist la vérité, et cevauça ù l'endemain
avoecques euls, et les amena à Biatimont.
DiqitizeabyG00»^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 38. 283
Messires Jehans de Hamnau fu très grandement resjois de Inr
venue. Et le trouvèrent pourveu et aoumé de chevaliers et d'es-
quiers, et madame &a fenme , cnntesse de SoUsons et dame de
Dargies, jiussi pourveue de dames et de damoîselles. Là estoicnt
li sires de Fagnueiles, li sires de Haverés, li sires de Wargni, it
sires de Potelles et li sires de Montegui. Chil signeur d'Engleterre
reommendèrent grandement Testât de li et de sa Tenme. llmous-
trèrent les lettres, que il avoient de par madame d'Engleterre, et
le jone roi son lil, et lors consauls. Messires Jehans de Hainnau
rechut les lettres, et les ouvri et lissi tout au lonch. Et quant i]
oi veu et entendu la matère dont elles parloient, et que c'esloit
pour l'avancement et mariage de sa cousine de Hainnau, si en
fu grandement resjois; et dist à l'evesque et as chevaliers qui là
estoient, que il obeiroit volentiers h tout ce que on U avoit
*escript, car il i estoit tenus de foi et d'onmage. Li gentils cheva-
liers iist ù ces signeurs d'Engleterre la milleur chière que faire
lor pot, car bien le savoit faire, et tant que tout s'en contentè-
rent; et les tint à Biaumont deus jours tout aise.
Et puis au ticrch jour, il s'en départirent tout ensamble, et vin-
rent à Maubuege et de là au Kesnoi; et trouvèrent le conte et la
contesse bien accHiipagniet de chevaliers et d'esquiers, de daines et
de darooiselles dou pais, qui requellièrent toute la compagnie moult
doucement et lieoieut, ensi que bien le savoient faire. Messires
Jehans de Hainnau fu promotères de ce mariage et s'en aquita
bien, ensi que escript on l'en avoit, et tint que li contes de
Hainnau acorda Phelippe, sa fille, en cause de mariage, au jone
roi d'Engleterre, voircs là où li papes les vodroit dbpenser pour
le linage, car il estoient moult proçain, lors ^eus mères cousines
gerraaînnes. En tant que de la dispensation, li ambasadour d'En-
gleterre s'en cargièrent, et envoiièrent en Avignon deus cheva-
liers et deus clei's de droit.
Pour ce temps, resgnoit papes Jehans, qui descend! tantos à
la dispensation faire dou mariage d'Engleterre et de Hainnau. Et
li fu avis et à tout le colège que c' estoit une cose bien prise. Et
retournèrent arrière à toutes les bulles de dispensation, et vin-
rent à Valcnchlennes deviers les signeurs, l'evesque de Durâmes
et les aultres qui là les atendnient. Si en orent toutes les parties
grant joie. Et fu la damoiselle espousée par ta vertu de une
procuration ; et puis retournèrent en Engleterre nonchier ces
nouvelles. Pour lors estoit Phelippe de Hainnau, ou tressime an
D,qit,zeabvG00»^lc
28i CHRONIQUES DE J. FROISSART. [13*7]
(le soQ eage. Longe et droite estoit, sage, lie, humle, dévote,
large et courtoise ; et fu en son temps aournée et parée de toutes
nobles venus, et amée de Dieu et dou monde. F* il v' et 22.
P. 74, I. 14 : li contes. — Mi. B G : Aimon. F" 4i.
P. 74,1. 14:deKent, — jl/i. (f^mfe/iï.- ses oncles. F" 11 v",
P. 74, 1. 19 : maiier. — Ms, jG 6 :Sy regardèrent où, et di-
i-ent adouc entr'eulx que on no le povoit mieuli assener ne ma-
rier que à l'une des filles de che vaillant et honuourc prinche,
le conte Guillame de Ha)-nau qui sy grant amour et courtoisie
avoît fait à la royne d'Engleteire et à son filz, et que aydiet luj
avoit, quant tout le monde luy avoit failly, et envoiet son frère
et ses gens pour luy uydier à reconquerre sou pais, ou aultre-
ment il estoit perdus. Chel avis et consauls Tu tenus, et fut de^
mandet au jone roy quelle chose il en diroil. Hz resjwndy que
il n'y sentoit que tout bien, et que plus vollentiers le prenderoit
yl que aulti'e part. Et lors luy fu demandé à laquelle il avoit
mieus son plaisir, car le conte de Uaynau avoit trois filles à ma-
rier. Et le roy respondy : a à la plus jouène, eisepte unne, qui
s'apelle Phelippe, ■ car celle luy avoit toudis moustré plus d'a-
mour que nulle des aultres, du tamps que il fut en Haynau.
F- 41 et 42.
P. 74, I. 19 ■. un evesque. — Mt, d'Amiens : l'evesque de
Nordvicli. F° Il v*. — Ms. B 6 : deus evesques et ung conte
et six chevaliers. F° 42.
P. 74, I. 25 : filles. — Ms. £ Amiens : madammoiselle Phe-
lippe sa fille. F" H V.
P. 74, I. 27 : lui. — Ms. B 6 : Adonc passèrent l'ambassade
la mer à Wisunt, où le passaige estoit lors tout commun. F° 43.
— Ms, d Amiens : Chil messagicr de par le roy, ensi que je
vous dt, vinrent à Vallenchiennes en grant arroy, et trouvèrent
monseigneur Jclian de Ilayunau à son Itostel de Biaumont; et fe
traissent premièrement deviers lui, et li disent tout ce dont char-
giet estoient : ■ Ciiiers sirez, nous sommes cliy envoiiet de |>ar
nostre seigneur le jouène roy d'Engleterre et madamnie se mère
et tout son consseil de delà. Et vous priient que vous voeilli^z
adrechier à ceste bcsoingne et estre dallés nous, et priier à mon-
seigneur le comte vostre frère que il voeille acorder en cause de
mariaige madammoiselle Phelip|ic sa lille, car il ran>it plus chiet-
que nul autre, tant pour l'amour de vous que dou noble saucq
dont elle est extraite. «F» Il v°.
;vGoo»^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 39. 283
P. 74, 1. 2» : fcîre. — Ms. A 6 : Le gentil chevalier res-
pondy que vollentiers il y seroît pour yauls, et que che n'estoit
mie petite chose de sa nièche, car sa seur ly mainsn^e aurait à
mari le roy d'Allemaigne qui jà lîroit à estre empereur de
Romme. F" k%.
P. 74, ;1, 31 : frère. — Ms. J 6 : !e œnte qui estoit en la
ville de Valenciennes où adonc il se tenoit. F° 43.
P. 74 et 73 : rechut — Ms. B 6 : grandement, car bien le
savoit faire, mieulx que nul prinche, F* 43.
P. 73, 1. 16 : deus de leurs chevaliers. — Ms. B 6 : qnatre
chevaliers. F* 44,
P. 73, l. 17 : Saint Père. — Mt. B ^ : pape Jehan. F» 44.
S 39. P. 76, I. 4 : Quant. — Mt. de Borne : Qant li contes et
la contesse de Hainnau orent ordonne et entendu à Testât de ma-
damoizelle Phelippe lor fille, et aourne ensi comme à lui aperte-
noit, qui devait estre roine d'Engleterre, on pourvei chevaliers et
esquiers qui avoecques lui dévoient partir. Adonc prist elle con-
giet à son signeur de père et à madame sa mère et ù Guillaume
de Hainnau, son frère, et h Jchane et à Issabiel, ses sernurs, car
Margeritc, li ainnée, n'estoit point là; avant estoit en Alemagne
et acouvenenchie à l'empereour le roi Lois de Baivière, roi d'Ale-
magne et empereour de Ronmc. Après tous ces congiés, la jone
roine Plielippe d'Engleterre, en l'eage entre trèse et quatorse ans,
se départi de Valenchiennes en la compagnie de messire Jehan de
Hainnau son oncle, dou signeur de Fagnuelles, dou signeur de
Ligne, dou signeur de Brifucl, dou signeur de Haverech, dou
signeur de Wargni et plus de quarante chevaliers et esquier» de
Hainnau. Et servoit devant lui adonc uns jones esquiers qui se
nonmoit Watelès de Mauni, qui puis fu messires Watiers, vaillans
homs et preus as armes, ensi que vous trouvères ses grans
proèces escriptes en cesie histoire, car ce fu uns homs qui fist
en son temps par sens et par proèce le corps et la cavance. Et
se départirent de Hainnau pluisseur jone esquier, en entente que
pour demorer en Engleterre avoecquez la roine. Si cheminèrent
tant que il vinrent à Wissan; si furent csqipé lors chevaus et
mis ens es vassiaus passagiers d'Engleterre qui là les atendoient.
Si furent tantiis oultre, et là estoient li sires de Biaucamp et
messire Renault de Gobehem, liquel avoient atencfu la venue de
la jone roine bien qijatre jours. Si entra la ditte roine Phelippe
;vGoo»^lc
2811 CHRONIQUES DE J. FROISSART, [1347]
de Hainnau en Engleterre à si bonne heure que tous li roiaul-
mes en deubt estre resjoU et fu; car depuis le temps de la roîne
Geaoivre qui fu fenme au roi Artus et roine d'Engleterre que
on nonmoit adonc la Grant Bretagne, si bonue roine n'i entra,
ne qui tant d'onnour reçuist, ne qui si belle generatian cuist,
car elle eut dou roi Edouwart 6on mari, en son temps, sept fils
et cinq fUies. Et tant comme elle vesqui, li roiaulmes d'Engle-
terre eut grasce, prospérité, honnour et toutes bonnes aventu-
res; ne onques famine ne chier temps, de son resgne, n'i de-
morèrent, ensi que vous orés recorder en l'istore.
Tant esploita la jone roine d'Engleterre et sa compagnie que
il vinrent en la chité de Cantorbie, et alèrent veoir le corps
saint Thomas et i fissent ior offrande, et puis passèrent oultre.
Et par toutes les villes où il passoient, on Ior faisoit feste et
honnour, dons et presens, et passèrent à Rocestre et puis à Dar~
deforde; et vinrent à Ettem, et là s'arestèrent. Et là estoit li eves-
ques de Durâmes qui {>ar procuration l'avoit espousé à Valen-
chiennes ou nom dou roi, et grant fuisson de signeurs et de damez
d'Engleterre, qui requellièrent doucement la roine et toute sa
compagnie. Et m'est avis que messires Jehans de Hainnau pour
celle fois, ne li chevalier et esqiiier qui la roine avoient acompa-
gniet, n' alèrent plus avant, fors chil et celles qui avoecquez lui
dévoient demorer, car li rois, pour ces jours, et madame sa mère
et U contes de Qent estoient en la marce de Northombrelande. Si
regardèrent li signeur d'Engleterre que li Hainnuier aueroient
trop de painnc à aler si lonch, et en furent deportd, et là donnés
et pris li congiës de toutes parties. Et plora la jonc roine PheUppe
ossés, qant son oncle et li cevalier de Hainnau le laissièrent.
Toutes fois ensi fu fait. II s'en retournèrent en Hainnau, et li si-
gneur el les dames d'Engleterre, qui de ce faire estoient cargict,
ordonnèrent Ior jone dame et l'enraenèi-ent. Et passa tout parmi
Londres, mais adonc point n'i arcsta; car on voloit que li Lon-
driien la rechuissent une aultrc fois, qant li rois l'aueroSt es-
pousé, et elle seroit ruine d'Engleterre, de tous poins et à telle
solempnité comme il estoient et sont tenu dou faire qant une roine
d'Engleterre, et li rois l'a cspousc, entre la {)remièrc fois en ta
chité de Londres.
Tant esploitièrent chil qui la jone roine menoient, que i)
vinrent à Evruich. Là fu elle recheule très solempnement et
grandement. Et issirent en bonne ordenauce tout li ùgneur
;vGoo»^lc
[1327] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 39. 287
d'Engleterre qui là estoieDt, ù l'escontre de U, et meisme-
meDt li joQcs rois qui le trouva sus les camps montée sus une
hagenée très bien umblans et très ricement aournée et pâree ,
elle prist par la main et puis l'acola et baisa; et cevauchièreat
coste à costc, et à grant fuisson de menestrandics et d'onnours
il entrèrent dedens la chité ; et ensi fu amenée jusques au lieu
où li rois et madame sa mère estoieni logiet. La roîne, mère
dou roi, rechut celle jone roine moult doucement, car elle savoit
d'onnours tout qanq que on en pooit sçavoir. Je n'ai que faire
de plus démener ce pourpos. Li jones rois Edouwars espousa
Fhelippe de Ilainnau en l'église catedral, que on dist de Saint
Guillaume. Et les e^wusa li arcevesques dou lieu par la vertu
de la dispensation que on avoit empêtré en Avignon ; et fu le
jour de la Conversion saint Fol. Et avoit li rois disse sept ans
d'eage, et la jone roine sus le point de quatorze ans; et fu en
l'an de grâce Nnstre Signeur nulle trois cens vingt sept. Si poés
et devés sçavoir que toutes solempnités et festes, sans riens cspar-
gnier, furent à ces jones, et hiraut et ménestrel largement paiiet.
Et se tint depuis ces espousailles li rois Edouwars, madame sa
mère et la jone roine lor fille, à Evruîch ou là environ, jusques
au temps Pusqnur, que il vinrent à Londres et à Windesore. Et
furent de rechicf là toutes festes faites; et i ot ou mois de maî
que la roine entra en Londres, grandes joustes faites. Et i fu-
rent grant fuisson de Haionuiers; et par especial messires Je-
haas de Hainnau et messires Guillaumes de Jullers i furent, et
li sires d'Enghien qui fourjousta lez joustes. Je me tairai un petit
à parler de ceste matère, et parlerai des Escoçois. F** 22 V et
23.
P. 76, I. 4 et 5 : espousée. ■ — JUs. S 6 : Lors espousa \y
evesque de Linchelle ia fille du conte de Haynau ou non du roy
d'Engleterre. F" 44.
P. 76, 1. 10 : Wissant. — Ms. £ 6 : Et la convoia l'on par-
my Artois jusqu'à Wissant. Là trouva on les nefs d'Engleterre
toute aparlies qui estoient venus querre toute la compaignie
8y arivèrent à Douvres, et là se reposèrent, tant que les nefs fu-
rent toute deschergies. Et puis se partirent et chevauchèrent de-
vers Saint Thomas en Cantorbyc Ensy fu la jone dame, en
le aigc de quatorze ans, amenée jusques à la cité de Londres.
F" 4S.
F- 76, 1. 22 : festes. — Ms. if Amiens: Dtirèrcnt ces grandes
;vGoo»^lc
288 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1328]
et nobles festes plus de trois sepmainnes, aindiois que elles se
departesissent. F" 11 V.
P. 76, I. 25 : s'en parti. — Ms. ttAmiens : et fu là et» En-
gleterre messires Jehans de Haynnau ung grant tienne, ains qu'il
s'en peuist partir. F" H ■v".
P. 76, I, 29 ; damoisiel. — Ms. d'Amiens : ung jouène es-
cuyer de HaiTinau, qui s'apelloît adonc Gautelcs de Maunjr, qui
fu puis messires Ghnutiers de Mauny, bons chevaliers, rades,
preun, hardis, sages et baclielereux, et moût amës dou my et de
toiit le pays. F* 12. — JW*. de Valenciennes : ung josne es-
cuier de Haynnnu pour Ij servir, que on appeloit Watelet de
Maugny, qui puis fu messire Wautier de Maugny, bon chevalier,
preux et hardis, qui moult fu amez en le court et nu pays. F* 23.
— Ml. B 6 : ung jone escuiers, qui s'apelloit Wastelet de Mas-
ny, que monseigneur son |ièrc luy donna. F* 46.
g 40. P. 77, t. 16 : Galles. — Ms. de Borne : Qant il se
veirent si eslongiet des Englois, et il sentirent lors chevaus foul-
lés, il se logièrent entre montagnes et bois, et furent là toute la
nuit. Et ne mengiérent ne mcngiet n'avaient, quinse jour estoîent
passet, les trois pars de l'oost, ne pain ne paste, fors que chars,
et beu de l'aige ; et se li Englès avoient eu painne de euls pour-
sievir, li Escocois, pour euls garder et sauver, avoient eu poione
et soufTreté de toutes coses au double. F° 23.
P. 77, 1. 19 : Ass^s. — Ms. de Rome : Assës tost opriès ce
que les nouvelles furent venues en Escoce que li jones rois Edou-
wars estoit maries à la ftlle dou conte de Hainnau , et encore se
tenoit ils à Evruich là où les noces et festes avoient esté, auqun
baron d'Escoce et de Northorabrelande se missent ensamble sus
asegtu'ances et vinrent sus une place que on dist la Mourlane ,
entre Escoce et Engleterre. Et là parlementèrent tant H un à
l'autre que unes trieuvez furent prisses, à durer trois ans entre
Engleterre et Escoce. Et pour ce se tint li jones rois d'Engleterre
si longement à Evruich que li trettié de ces trieuves estaient. Et
qant elles furent données et acordces de toutes parties, li rois
d'Engleterre, contre le mois de mai , retourna en la marce de
Londres, et madame su mère et la j'one roîne Phelippe. Et furent
les festes adonc à Londres à la venue de la roine, ensi conune il
est contenu icbi desus. F° 23.
P. 77, I. 23 : trois ans. — Ms. B 6 : pour tant que le roy
;vGoo»^lc
[1329] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 40. 289
d'Escoche quey en grant maladie et ne pooit mais chevaucier, et le
roi d'Engleterre estoit jonènes. Sy furent celle[s] trièves prises sir
ans durant, et lurent bien tenues le vivant du roy d'Escoche. F* 47
P. 77, I. 30 : devant lui. — Mt. de Borne : Qant il furent
devant ti , si leur dUt ; . Hiau signeur, je voi bien que il m'en
convient aler la voie conmune : à cela n'i a nul remède. Je vous
reconroande David, mon fil. Li enfes est Jones et auera mestier
d'avoir bon consel. Se li baillie's tel que li roiaulmes en vaille
mieuls, et le couronnés tantos apriès ma mort, et le maries en
lieu à voslre sambknt , dont il vaille mieuls. Et à vous, mes-
sire Guillaume Douglas, compains et trez grans amis, Je vous ai
tous jours trouvé fiable, de bon consel et de haute emprise; je
vous pri que vous me voelliés donner un don que je vous de-
manderai ; et qant vous le m'auerés accordé , j'en morrai plus
aise. 71 Li gentils chevaliers, tout en plorant, li accorda et li
dist : « Monsigneur , dites et demandés ; je le vous accorde,
mais que ce soit cose licite, et que je puisse faire. » — « (h!
respondi li rois. Chiers compains et amis, je voai une fois il
Dieu, et ce veu, je l'ai tous jours tenu en secré, que, se je
pooie jà veoir le temps et les jours que le roiaolme d'Escoce je
peuisse obtenir en paix à l'encontre des Englois, en l'onnour de
Jhesu Cris, qui volt mort recevoir en crois pour nous et son
sanch espandre, je voloie faire un voiage sus les ennemis de Dieu
et là exposse[r] mon corps et mes biens. Or ay je tous jours eu
tant à faire encontre les Engloiz, ensi que vous savés, que je
sui devenus vieuls et cheus en débilité de corps et de maladie ,
par quoi je ne puis mon veu acomplir. Et puis, chiers compains
et amis, que li corps ne puet faire le voiage d'oultre mer, ne
aler ay Saint Sépulcre, ne espanir mes pecbiés, sus les eononis
de Dieu , laquelle cose me touce de trop pries , je vous pri que,
qant je serai trcspassés de ce siècle , que vous faites ouvrir mon
corps et prendre le coer et mètre en telle ordenance comme il
apertient. et que vous le portés oultre la mer sus les mescreans
et jusques au Saint Sépulcre , et là le laissiez, se l'aventure poës
avoir d'aler si avant. Or me respondés se vous m'accomplirés
mon darrain desiriier. » Messires Guillaumes Douglas respondi
tout en plorant et dist : « Monsigneur, puis que vous me volés
cargier de si grant cose, jà soit que point ne le vaille, j'en ferai
mon devoir et mon pooir. > Et lî rois respondi et dist : « Grant
merchis. i> F* î3 V*.
1 — 19
;vGoo»^lc
290 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [i329J
P. 78, l. 17 : crestienne. — Ms. B Q : et visseter le saint
mont de Calvaire, et Dieu merchy les besoignes au les par dechà
de mon royaume sont ass& en bon estât. P 48.
P. 80, L 4 : siècle, — IUj, if Amiens : Lui trespasset, on
l'ouvri, ensi que ordonuet l'avoît, et prist on son coer, et fu
boulis et enbaumës. F" 12. — Ms. de Rome : Depuis ccste or-
denance faite, ti rois Bobers de Brns ne vesqui que trois jours.
Si fu ouvers et enbaupsumés, et son coer pris et eobaupsumés et
couchiez en un petit vasselet d'or si ricement ouvr^ que od ne
pooit mieuls, et mis en une chainne d'or. Et tout cela encarga li
gentils chevalier de Douglas, au jour que on fist l'obsèque dou
roi Robert, en l'abeie de Donfremelîn en Escoce. Là fu li nùs
Robers enscpelis; et, preseus les barons, les prelas et les cheva-
liers, messires ûuillaumcs de Douglas encarga la çainne et !e
vasselet d'or où li coers dou roi Robert estoit enclos, et le nûst
en son hateriel; et dist que jamais de là ne partiroit, de nuit
ne de Jour, si l'aueroit porte oultre mer, et sus les roescreans,
et laissiet au Saint Sépulcre en Uierusalem, ensi que proumis
avoit. F" 23 v".
P. 80, 1. 9 : DoDÎremelb. — Ma. Ji à6,iO àîix d'Es-
trumelin. F* 21 v«.
P. 80, 1. 9 : reveranunent. — Ats. d'Amiens : et y furent
tout li noble de son pays. Apriès ceste ordonnanclie fête, li
gentilz chevaliers messires GuUlaumme de Douglas se coummen-
cha à pourveyr et à appareiUier pour mouvoir, quant temps et
saison scroit, pour achicver ce que proummis avoit. F* 12 v*.
P. 80, 1. 11 : le septtoie. — Ms. f 6 : le neuvième jour de
septembre. P 49.
P. 80, 1, 13 : novembre. — Ms. de Rome : Et trespassa de
ce siècle li rois Robers de Brus eu l'an de grasce Nostre Signeur
mil trois cens vingt huit, le septïme jour dou mois de julle', qui
iu la nuit dou Saint Sacrement. Et le jour saint Jehan Baptiste
enlevant, fu couronnés à roi David ses lilsj et li fissent tout li
baron d'Escoce feaultë et honmage, les hommes des chitds et des
bonnes villes, des pors et des havenesi et estoit en oosime an
de son eage, et demora ou govrenement dou conte de Moret, de
mesire Rd»ert de Versi et d'Arcebaut Douglas. F° 23 v*.
P. 80, 1. 13 : contes. — Mt. d Amiens : de Moret d'Escodie.
F" 12 V.
P. 80, 1. 14 : d'Escoce. — Ms, dJmiens! Si en furent gran-
D,qit,zeabvG00»^lc
[1330] VARIANTES DU PKËUIER UVR£, § 41.. 291
demeat afoibli tant dou roy que de ce conte, que de monsei-
gneur Guillaumme Douglas qui vuidoit le royaumme d'Escoce.
F* 12 y.
F. 80, I. 15 : oriJIiers. — Mss. ^ 20 à 33 : oreilles. F<> 40.
— Mu. J 18 el 19 : coilliera. F" 22 v*.
P. 80, 1. IS : geules. — Mss. ^ 1 à 6, 18 à 33 : d'or.
F0 21 V*.
S 41. P. 80, ]. 16 : prÏD tainps. — Ms. J! S .* au mars en-
fiievant. F» 49.
P. 80, 1. 20 : en Escoce. — Ms. d Amiens : ou havene de
HaindebouTch, F» 12 v»,
P. 80, I. 25 : douze. — Ms. B 6 : quinze. F» 50.
P. 80, I. 30 : d'Escoce. — Ms. d Amiens : et avoit en se
compaignie deux chevaliers bannerèz et sept autre chevaliers des
plus preus de son pays, et bien vingt cinq cscuiers biaux et jouè-
nes, les plus souffissans qu'il pot eslire en tout son pays, sans
l'autre mesnie. F* 12 v°. — Ms. de Borne : et avoit en sa com-
pagnie un baron et siis chevaliers et trente esquiers, et tous à sa
délivrance, sans l'autre mesnie. P 24.
P. 80, I. 30 : compagnie. — Ms. B 6 ; luy vingt cinquième,
que chevaliers et escuiers. Et y estoit le conte de Mouret. F° 49.
P. 81, I. 8 : vins. — Ms. He Borne : et servis de deus ou
trois manières de vins, et casquns selonch son estât. Et le vin-
rent veoir de Flandres pluisseurs chevaliers et esquiers, et de
Hainnau et d'Artois, et à tous il fist bonne chière. F* 24.
P. 81, I. 11 : entendi. — Ms. de Borne : il entendi que Al-
pbons. Il rob de Chastelle, avqit guerre contre le roi de Gre-
nade et au roi de Bougie et au roi de Thunes et au roi de Bel-
lemarie, et tout cstoient Sarrasin. F° 24.
P. 81, I. 17 : l'Escluse. — Ms. B & : et singla devers Cas-
tille et tant esploîta que il ariva, en la compaignie de aucuns
Espaignos, au port de Seville. Là se reposèrent par quatre jours.
, Au cinquième, il se partirent et puis yssirent des bateaulx, et
montèrent à cheval, et allèrent devers le roy Alphons qui estoit
devant Arsesille. F" 50, 51. — Ms. de Borne: et puis se de-
parti de l'Escluse, et orent lî maronnier vent à volentë, et ùn-
glèrent sans péril et sans damage, et vinrent à la Calongne en
Galise. Et là, qant il furent issu de lor vassiel qui estoit graiu
et biaus, et l'avoit fait faire et ouvrer li rois Robers de Brus, et
;vGoo»^lc
292 CHROMQUES DE J. FROISSART. [1330]
il furent sus t«rre, il se pourvurent de chevaus, et puis s'en
alèrent deviers le roi d'Espagne qui se tenoit à Burs en E^gne,
et s'aquintièrent de H. Li rois avnit bien ni parler de mcssire
Guillaume Douglas et de ses proèces. Se li fu li très bien venus,
et le rechut d grant joie el toute sa compagnie, et li fist avoir
sa délivrance et son estât bien et grandement, et le plus à ses
coustages. Avint que li rois Alphons d'Es]>agne entendi que li
rois de Grenade, lui quatrinic de rois, estoit venus à poissance
logier à l'entrée de son pais, Jà avoit mandé ses hranmes, et se
mist aussi à poissance à l'enconlre de ses ennemis. T' 24.
P. 81, I. 22 : pays. — Ms. d'Amiens : sept jours apriès ce
que li dis messires Guillaummex de Douglas fu là venus. F* 12 v*.
P. 81, I. 26 ; ennemis. — Mt. de Kalemieiuws : et dalei lui
estoit venus aussi en bon arroy te sire d'Engien en Haynnau
pour honneur acquerre, et jà avoit este grant espasse en Espat-
gne. F» 23.
P. 81, 1. 28 et 29 : batailles. ~ Ms. £ 6 : et esloient bien
trente mille hommes en trois batailles. F' 51.
P. 81, l. 30 : route. — Ms. S G : ot bien cinq cens armés
de fier. F" 51 .
P. 81, 1. 32 : effort. — Ms. de Valeneiennes : et aussi fist le
dit seigneur d'Engien sur les costés où il furent ordonné à tout
leur charge. F° 23.
P. 82, 1. 14 : meschief. — Ms. de Yalenciennes : Et aussi y
demoura la banière le seigneur d'Engien, que portoit Gille de
Hembisse, et plaiseurs autres, mais le sire d'Engien se sauva....
et sachiés que ceulx qui iik demourcrcnt très ;bien se vendirent.
Et parmi le mort il acquirent très grant honneur et le salvemeDt
de leurs âmes. F° 29.
P. 82, 1. IS : Espngnolz. — Ma. £ 6 : Les Espaignos qui là
estoient, et qui bien les olrent assambler as Sarasins, se tinrent
tout cois sur leur pas, ne oncques ne s'en partirent ne firent
samblant de conforter les Escochois. Et les bons chevaliers mes-
sire Guillaume de Douglas et te conte de Mouret et bien dix
chevaliers d'Escoche, qui s' estoient mis en clie voyage jiour l'a-
mour de messire Gillanie, furent tout mors, ne de tout leur gens
n'en escapa nul. Dont clie fut pité et domaiges et dcfaultc, et
tout par les Castelens qui bien les eusent secourut, se il eusent
vollut. Et ensy demoura le cuer du roy d'Escoclie en Castîlle,
ne il ne fu porté plus avant. F** SI et 52.
;vGoo»^lc
[1328] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 41. 2!13
P. 82, I. 16 : blasmel. — Ms. de Rome : Considérés la grant
mauvesté des Cresdiens qui laissièrent perdre ce vaillant homme
ensi et tous les siens; car il furent là tout mort; ne onques ce
jour li rois d'Espagne ne li sien ne se combalirent. Mais mes-
sires Guillaumes Douglas et li Escoçois i fissent mervelles d'ar-
mes, et ocirent et abatirent moult grant ftiisson de Sarrasins-
Finablement, il demorèrent là tnut mort sus la place, dont ce fu
damages et grant mauvesté pour les Espagnols; mais li auqun
dient que il le Gssent tout volentiers et par envie. Easi demora
li coers dou roi Robert de Brus là, et li gentils chevaliers qui l'î
portoit, et toute la route des Escos, reserve les variés.
Considères entre vous qui entendes raison, le povre aventure
chils gentils chevaliers messires Guillaumes Douglas eut et re-
chut en roiaulme estragne et lont;iin, pour bien faire. Pluisseur
voellent dire et supposer que U Espagnol orent envie sur lui et
sus ses compagnons, pour tant que il s'avanchièrent de estre ii
premier requérant les ennemis et assallant, et que il vodrent
avoir celle honneur devant euls. Qant les nouvelles furent sceues
en Escoce de la mort dou gentil chevalier, tout chil dou roiaulme
en furent courouchie, car il avoient perdu un trop grant chapi-
tainne, et le regretèrent moult. Et Ii fissent faire si parent et li
baron et chevalier d'Escoce, son obsèquc aussi solempnement que
donc que b corps fust presens. Et chanta la messe, en l'abeie
de Sainte Crois, en l'abeie de Haindebaurch, li evesques de Saint
Andrjeu en Escoce. Et i furent tout Ii baron et li prélat d'Escoce.
Encel meisme an, trespassa aussi sus son lit li contes de Moret
d'Escoce. Ensi fu li roiaulmes d'Escoce afoiblis de deus vaillans
hommes et d'mi vaillant' roi, le roi Robert de Brus, père au roi
David. F" 24.
P. 82, I. 24 ; treltièrent. — JH>. tfJmiens : aucun Taillant
homme d'Escoce. F* 12 V. — Mi, de Falenciemus : aucuns
vaillans seigneurs et sages. F" 25 v.
P. «2, I. 25 : fu fais. — Ms. ^Amiens : Et envoya li rojs
d'Engletcrre madamoiselle Ysabel sa soer moult honnerablement
deviers le joDC roy David d'Escoche, liquelz le rechupt liemmt
et l'espousa à grant joie. F* 12 v".
P. 82, 1. 26 et 27 : d'Engleterre. — Ms. B % : mademoiselle
Isabiel. F" 49.
P. 88, 1. 28 : Bervich. — Mis. A W à ik : Warvich. F» 21.
— Mss. -^ 15 à 19 : Ewruich. F» 21 v».
;vGoo»^lc
S94 CHRONIQUES DE J. PROISSjUIT. [1338]
P. 82, 1. 28 : en Escoce. — Uss. ^ 1 â 6, 18 Â 22 : en
Gales. Fo 22.
P. 82, 1. 29 : l'autre. — Ms. de Rome : Qsnt li demorant des
barons et chevaliers d'Escoce veirent que il estoient eosi albîbUs
de v^Uans hommes et avaient un jone roi, si orent consel en-
samble à savoir là où il poroient lor roi marier et asener en lieu
dont il vausissent le mieux. Bien sçavoient chil qui conginisoîeot
le roiaulme d'Engleterre, que li jones rois Edouwars avoit uoe
jone soer à marier. Si regardèrent et jettèrent lor visëe à ce
que, se lors sires li rois Davids pooit avoir à fenme et e^use
la serour le roi d'Engleterre, par ceste aliance ou temps avenir,
il en deveroient mieuls valoir, et que pair raisonaLle en poroit
bien venir, au pourfit de l'un roiaulme et de l'autre, car la
guerre avoit trop longement duré. Si s'en Misonniièrent auquns
Taillans hommes d'Escoce, prelas et autres, et en tretiièrent pre-
mierement deviers le conte Ainmon de Qent et mesire Rogier de
Hortemer, qui pour lors avoieut en gouvrenement le roiaulme
d'Engleterre. Chil doi signeur assés legierement s'enclinèrent as
reqoestes et tretiës des Esco^is et délivrèrent la serour dou jone
roi d'Engleterre, madame Isabiel, à ambassadours dou roi d'Es-
coce ; et lor fu menée au Noef Chastiel sur Thiu, sans ce que
prelas, barons^ ne li consauls des diités et bonnes villes d'En-
gleterre en seuissent riens, ne fuissent apellé.
Pour laquelle cose, grant murmuradon s'en esleva en Engle-
terre contre le conte de Qent et messire Rogier de Mortemer. Et
disott la rewmmée dou pais que il ne deuissent pas cela avûr
fait, ne le mariage acordé si legierement, de la fille d'Engleterre
à tor adversaire te roi d'Escoce, que il n'euissent convoqiet l'es-
pecîal et gênerai consel dou pais; et couvenoit que il i euist
entre ceuls qui de ce mariage s'estoient eosonniiet, auqune eau-
telle secrée qui se descouveroit, qanq que ce fust. Vous devés
sçavoir que pour celi cause pluisseur en Engleterre entrèrent en
double el en soupeçon mauvaise, jà n'i euist nulle cause, à ren-
contre des desus dis le conte de Qent et mesire Rogier de Hor-
temer, et les [prissent] à grant haine, car Englès sont mervilleus
et croient plus legierement le mal que le bien. Toutes fois, la
jone dame d'Engleterre fu délivrée as barons et prelas d'Escoce,
et le prissent au Noef Chastiel sur Thin et l'enmenèrent en la chitë
de Bervich, c'on dist en Escoce. Et là i'espousa li rois Davids d'Es-
coce, et vint faire sa feste depuis en Haindebourch en Escoce, et
;vGoo»^lc
[1328] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 42. 295
i ot joustes noncies et [wbliies tout parmi le roiaulme «TEngle-
terre; mais moult petit de chevaliers d'Engleterre i furent, car Q
considérèrent la vois conmune dou pais que chils mariages n'es-
toit pas fais à la plaisance dou pais d'&gleterre, fors que de
eolz deus. F* 24 v*.
S 49. P. 83, I. 18 : estnit. — J/j, dÂmiens : et qui en
dispenssa le roy de Franche. F* 13.
P. 83, i. 26 : d'Evrues- — Ms. ^Amitnt : et fu noumm^ la
damme la bonne roynne Jehanne. F° 13.
P. 83, I. 27 : au roi. — Ms. de Rome : Lois de Navare. '
F" 25.
P. 83, I. 30 : Quant. — Ms. de Rome : Qant il senti et con-
gneut que morir le cuvenoit, il manda les nobles de son roiaulme,
ceuls que en haste on peut avoir, tant des douse pers de France
comme des autres ; et qant il furent en la présence de li , il leur
dist ■ ■ Biau signeur, vous estes tout mi obéissant et de mon
lînage. Je sent bien et congnois que aler m'en convient en la
conmuue voie , «isi que li aultre vont. Je vous laisse ma fenme
la roine enchainte. Se il avient que l^eus li donne un hoir malc,
ce que la couronne de France désire à avoir, je vous pri que
vous en faites bonne garde et le couronnés à roi, qant il vous
samblera que il apertiengne à estre; et, se elle est fenme, si
ordonnés de la couronne de France à juste élection , car bien
sçai, se elle est Elle, par les cstatus et ordenance de France,
elle ne le poet avoir. > Tout li orent couvenant que loiaumenl
s'en acquiteroient. F* 23.
Ms. B 6 : Quant le roy Caries deubt mourir, il manda les
douze pers de France et les barons; si leur dist ensy : < Si-
gneurs, vous veés que mourir me couvient, ensy que il plaist à
Nostre Seigneur. Je vous rechergeray ma femme la royne ; elle
est ençainte de moy. S'elle porte hou- malle, ilz sera roy. Se
c'est une fille , sy ordonnés de la couronne de France à vostre
consienche et avis, et le donnés an plus prochain hoir masle.
Autrement n'en saroie ordoimer. » Il respondirent tout que ensy
le feroient.
Et puis après ung pan -de temps, le roy Cbarles morut et fut
ensevely à Saint Denis en Franche. Ne demoura gaire de tamps
après, qne ly douze pers et les saiges du royalme de France
s'asamblèrent à Paris, et regardèrent qui seroît manbours , tant
D,qit,zeabvG00»^lc
296 CHRONIQUES DE J. PROISSART. [1328]
que la royne Jehenne seroit acouchie. Sy ordonnèrent par cou-
mun acort messire Pblipp«s de Vallois, filz jadis an conte de Val-
lois. F- S2 et 53.
P. 84, 1. 8 : Paskes. — Mu. J S i 17 : environ la Chan-
deleur, l'an mil trois cens vingt sept. F* 20 v". — Mt.ttJmiens:
le dix sep tiesme jour dou mois de march, l'an mil trob cens vingt
huit. F" 13. — Afj de Rome : la nuit de la Pentecouste, l'an de
grasce mil trois cens vint huit. F* 25,
P. 84, 1.15: royaume. — Ms. J Ô ; Sy eslurent pour le plus
prochain, à leur avis, de par le coumun acort de tout te royalme.
F- 53 et Sk.
P. 84, I. 18 : son fi). — Mt. de Borne : Et fu bien nonvelle
de Edouwart le jone roi d'Engleterre , fil de sa seronr, mais la
querelle Tu dcbatue et point longement soustenue. F<> 25.
P. 8k, 1. 24 : livre. — Ms. J Amiens : Li douze per de Fran-
che et li vois des haux barons de celi royaumme s'asentirent et
acordèrent à courounner le roy Phelippe de Valloîs, fil au comte
de Vallob, liquelz comtez de Vallois avoit estet frères au btet
roy Phelippe , pèrez à ce roy Charlon , par lequelle sucessîoa il
eut le royaumme.
Apriès le electon fête, g ramment ne demeura mies que li nou-
viaus roy Phelîppes s'en vint deviers Rains pour lui faire con-
sacrer et courounner, et fist là son mandement à estre y le mer-
quedi de le Pentecouste ; et le jour de la Trenité enssuiwant , i)
devoit recepvoir se consacration. Dont s'esmurent tout U grant
signeur don royaumme et pluîsenr de l'Empire; et là vinrent,
pour lui honnourer. Caries, li roys de Boesme , et Phelippes, ti
roys de Navarre, qui à ce jour l'adestrèrent. Et là furent H dus
de Braibunt, li cnmtcz de Haynnau, messires Jehans de Haynnau,
li dus de Bretaingne, li dus de Bourgoingne, iî comtez de Blois,
nepveux au roi Phelippe, li comtez d'Alençon, li comtes de
Flandres . messires Robers d'Artois, qui mis avoit grant painne
à che couronnement, li dus de Lorainne, li comtes de Bar,
li comtes de Namur, li comtez d'Auçoire , li ducs de Bourbon ,
li sirez de Couchy, li comtez de Saint Pol, li comtez d'Aumale,
li comtes de Halecourt et tant d'autrez seigneurs que li recorders
seroit ungs grans detris.
Avint que, au jour de le Trenitet, ensi que ordonnet estoit, fu
li roys Phelippes courounnéa et consacrés en le grant église de
Nostre Damme de Rains, présent tous ces seigneurs devant noum-
;vGoo»^lc
[13SS] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 42. 297
met et moult d'autres. Et là estoîent li grant et li hault seigneur
qui dévoient servir le roy de leur offisce, li ungs de çaindre l'es-
pëe, li autre de li chauchier ses espérons et enssi de touttes co-
ses. Et bien estoient appareilliet de faire chacuns son devoir, ex-
cepta le comte de Flandres, mes il se traioit arrière. Dont fu il
appeliez en hault, et dist on par deus fais : t Comtes de Flandres,
se vous estes ceens ou personne de pr vous , si ven^s faire vo
devoir; ■ et li comtes, qui bien oy ces parolles, se tut tous quois.
Lors fu il de rechief apellé le tierche fois et amonestës, de parle
roy, qu'il venist avant, sour quanque qu'ï] pooit fourfaire,
Adonc , quant il s'oy ensi conjurer, il vint avant et endina le
roy et dist : < Monseigneur, se on m'ewist appelles Loeys de
Nevers et non comtez de Flandres, je me fuisse très avant. >
— s Coununent , dist li rois , non estes vous comtez de Flan-
dres? ■ — 1 Sire, dist il, j'en porte le nom et non le prouf-
ùt. D Dont vot' li roys savoir comment che pooit estre. a Mon-
seigneur, dist II contez, chil de Bruges, d'Ippre, de Popringe et
de Berghes et de le castelerie de Cassel m'ont boutet hors, et ne
me tiennent point à comte ne à seigneur. Encoires assés escars-
sement m'ose jou veoir à Gaod, tant troeuve jou le pays pfain
de rébellion, n Dont parla li roys Pbeiippes, et dist : « Loeis,
l»aux cousins , nous vous tenons pour comtez de Flandres , et
par le digne ungction et sacrement que nous recevons hui, jam-
mais ne renterons en Paris si vous arons mis en possession pai-
sieuUe de le comtet de Flandres. » Lors s'engenouîlla li comtez
et dist : a Monseigneur, grant merchis. s Depuis fist li comtez
son devoir, et fu tous resjoys de ceste proummesse, et ce fu bien
raisons. F* 13.
P. 84, I. 26 : Trinité. — Jlfs. de Rome : A celle concordation
de la couronne de France donner et Phelîppe de Valois cou-
ronner, rendirent grant painne li contes de Hainnau , ti contes
Guis de Blois et messires Robers d'Artois, car chil troi prince
avoient ses trois serours espousées. F" 23.
P. 84, I. 32 ; ala. — Ms. JAmieas : et s'en vint à Arras et
là se tint ung tamps ; apriès s'en vint il à Aire , car on li dist
que li Flamencq estoient enssamble dessus le mont de Cassiet.
F° 13 v°. — Ms. de Rome : et vint de Rains à Pieronne, et
puis à Arras, et là atendi tous ceuls que il uvoit mandés, Li
contes de Hainnau, ses serouges, et messires Jehans de Hain-
nau, son frère, le vinrent servir par priière et par amours, et
;vGoo»^lc
898 CHRONIQUES DE J. FROBSART. [1328]
amenèrent belle route de genz d'armes, chevaliers et esquiers.
Aussi fissent li signcur de France, qui estoîent tenu de ce faire
Li roia Phelippez à poissance s'en vint d'Arras à Lens en Artois
et de là à Bietune et puis à Aire. Et se loga entre Aire et le mont
de Cassiel, et avoit le plus belle hoost et plus belle gent dou
monde. Et avoient li signcur tendu tentes, très, auqubes et pa-
villons sus lez camps, et sembloit que ce fuissent grandes villes
- de lors logeis. Et là estoit li bons rois de Boesme en grant arroî,
II contes de Hainnau et messires Jehans de Hainnau ses frères,
li contes Guis de Blois, li dus de Lorrainnc, li dos de Bar, mes-
sires Robers d'Artois. Et teaoient li signeur là grant estât et noble
F" 25 V.
P. 8S, I. 3 : Bruges. — fis. de Rome : non que Gant, Bruges,
Courtrai , Granmont et Ippre en fesj^sent fait , mais s'en dissimu-
loient et consentoient bien que une congrégation de fourbanis de
Flandres fuissent à l' encontre dou dit conte, F» Î5.
P. 85, 1. 3 : d'Ippre. — Ms. J 6 : et de le chastelerie de
Bergues et de Cassiel. F° S4.
P. 83, 1. 7 et 8 : escarsement. — Ms, J 6 : Sy que. à la
complainte du dit conte , le roy Phelippes esmeut ses gens et fit
ung grant mandement. Et vint logier à Aire et là environ, et puis
desoubz le mont de Cassel. El là furent les Franchob, je ne say
quans jours, à tentes et pavillons. F" 34.
P. 85. 1. 9 : seize mille. — Mst. ^ 15 i 17 : environ sèze
miUe. F" 22. — jKw. A IQ à il et B & : bien quinze mille.
F» 41 V". — Mss. .^11 à 14 : dix huit mille. F» 21 V. — Mss.
Ai à&, 18, A9, 23, 23 à 36 : onze mil. F" 22 V. — Ms. A
24 : douze œil. F° 33.
P. 8S, 1. 10 : chapitainne. — Ms. ajmieiu ; Et avoient fet
img cappittainnc qui s'appielloit Clais de Dennequin'. ChUz estoit
inervilleusement orguilleux, hardis et outrageux. Et \\ proume-
toient li aultre qui à lui obeissoient que, se il pooient desconfire
le roy de Franche, qu'il le feroient ung très grant seigneur. Et
bien s'en misent en aventure, ensi que vous orés. F° 13 v".
Ms. de Rome : Qant le chapitainne de ces Flamens, qui se non-
moit dais Dennequins, cntendi que li rois de France, en s.T
nouvelleté, avoit juré que jamais il n'enteroit en Paris, ne enten- '
1. Jfi. de yalencioHut : CInis Zandeqnin. F» 37 v".
jvGooi^lc
[132S] VARIAMES DD PREMIER LIVRE, § ii. ■ 299
deroit à aultre cose û aaeroit remis en Flandres le conte Lois et
confondus tous ses ennemis et nuisans, si s'en enfellonnia gran-
dement et dist que chils rois poroit bien fallir à ses pourpos, et
toutes fois pour lui brisier, ils s'en meterott en painne. Et asam-
bla tous ceuJs des quels il pensoit à estre aidiés, car chil de
Bruges, d'Ippre et de Courtrai l'aidoient couvertement, et avoient
banis et mb hors de lors villes des fors et jones compagnons,
tisserans et aultres, qui tous estoient de l'aliance ce Clai Denne-
qin. Et s'en riiit logier sus le dit mont de Cassel. Et pooient
estre en sa compagnie environ seize mil hommes, tous des plus
cmeub et envenim<!s de Flandres, et tous as gages des bonnes
villes de Flandres, reservet Gant. Car chil là, tant que des rices
hommes de Gant, s'en dissimuloient et ne faisoient point partie à
rencontre don conte, F" Ï5 V.
P. 85, 1. 16 : se partirent. — Afs. de Rome : U Flamench
estoient sus le mont de Cassiel et logiet d'aultre part au l^s de-
viers Yppre, et veoient tout contreval les logeis dou roi de
France, et eurent espies qui lor vinrent raporter tout le conve-
nant des François, et conment il estoient logiet espars Et s'a-
valèrent un jour sus l'eure de bassez vespres dou mont de Cas-
siel, et s'en vinrent tout droit, sans enls tourner ne bestoumer.
P25 V.
P. 8B, 1. 2i : le roy. — Mt. de Rome : Clais Denneqins îroit
tout droit devant lui à la tente dou roi de France; et le trouve-
roient soupant. F° 25 v*.
P. 8ÎS, 1. 22 : souper. — Mt. de Borne : et furent sus le point
li François que de estre sousprb, qant on cria : < A l'arme t -
Honjoie Saint Denis! »
P. 85, 1. 26 : de Haynau. — M*. B S : Le conte de Haynau
et messire Jehan son frère, qui là estoient à tout grant compai-
gnie de Haynuiers, lequel estoient logiet à l'un des bous de l'ost
et furent les pnimiers qui virent les Flamens, sy s'armèrent in-
continent et toute leurs gens, et firent adonc ung très grant se-
cours au roy de France et as Franchois. Car, se il ne fussent sy
' tos venus au devant des Flamens qu'il firent, et que il leur cop-
pèrent la voie, pour certain il euissent au dit roy porté moult
grant damaige. F° 55.
P. 85, 1. 31 : assamblet. — lUs. S 6 : Sy avallèrent le dit
mont sy coyement que oncques nul ne s'en donna garde. Sy fu-
rent tous jus et bien avant en l'ost. Et tuèrent ung chevalier de
;vGoo»^lc
300 CHRONIQUES DE J. FROISS,\RT. («aS]
Franche, en Tenant, qui s'u|>eUoit messire Renault de Lore, que
d'aventure il oncontrèreat. F° 33.
P. 86, I. 3 : de Dieu. — Ms. de Rame : Toutes fois Dieus ne
voit pas consentir que U signeur fuissent là desconli de tel mer-
daille. F" 2S v°.
P. 86, l. 3 ; escapa. — JWt. d Amiens : De tout ces seize œil
Flamens n'en cscappa mil; et eurent li Haynnuyer, li comtes de
Haynnau et messiies Jehans ses frèrez premiers desconlis leur
bataille, car ossi ce furent li |)reniier assailli. Et les endoirent K
Haynnuier ])ar derière tellement que, quant li Flamencq quïdiè-
rent retourner, il ne peurent. Là y eult grant bataille, grant
lanclieis et grans fereis, et trop bien s'i vendirent, car il avoient
hacez et espaBus et gros bastons fierez, à pickot, dont il don-
noicnt grans horions. Et là rechurent li doy frèrez de Haynnau
moult de painne, et y furent trop bien batus. Et y eult li comtes
de Haynnau mors deus coursiers desoubz lui ; et à touttes ces
deus fois fu il relevés de monseigneur Jehan de Haynnau, son
frère. Et lisent tant li Haynnuyers, avoecq lor seigneur, qu'il
desconfirent celle bataille dez Flamens tout nettement; et endoi-
rent le/ autrez qui le roy de France avoient assailli, en escriant :
a Haynnau I Haynnau ! ii
Là eut grant ocision et grant mortalité de Flamens, car on
n'en prendoit nul à merchy. Et là fu ocis Colins Dennekins, cap-
pittainne d'iaux, et ossi fu ungs bons escuiers de Haynnau qiù
s'apielloit li Borgnes de Itobersart; mes ce fu par son outraige,
car il tous seux cncaclioit six Flamens qui portaient longhez
pickez, et leur escrioit en chasçant : o Retournés, laron, car je
vous ocirai tous. > Enssi les poursuiwy une longlic espasse; et
quant il le virent aseullet et arrière de touttes aiies pour lui, il
retournèrent tout à une fois som- lui. Et le feri li uns do se picke
desous son bachinet, et li enbara le fer en le cervelle, et le re-
versa à terre. Ensi fu mors H escuyers, dont ce fu dammaigez,
et moût fu plains de chiaux de son pays.
Ceste bataille fu moult felencsse et moult dure. Et bien se ven-
dirent Flamencq tant qu'il peurent durer; mes finablement il fu-
rent si assailli de tous costéz et si courageusement combatu,
qu'il furent desrout et desconfi cl ocîs, et mis par mons ensi que
bestes. Et en y eut bien mors quinze mil. Et furent li Haynnuyer
premier qui portèrent les bannierri'/ de Haynnau, de monsei-
gneur le comte et de monseigneur Jehan sen frère, sus le mont
;vGoo»^lc
[1328] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 42. 301
de Cassiel; et lez miseat sus lez raura de le ville, et haut sus le
tour dou moustier. Depuis y furent ^portées les bannièrez dou
roy de France, qui envoiia saisir le ville, et y mist garde de par
lui. Geste bataille fu en l'an de grâce Nostre Seigneur mil trois
cens vingt huit, le jour Saint Bretremieu en aoust. P> 13 v*".
P. 86, 1. 6 : mors. — Ms, S 6 : Adonc le conte de Hajnau
et messire Jehan son frère se combatirent moult vaillanment, et
rechurent de ces plançon de Flandres maint pesant horions. Fi-
nablement, les Fhmens furent desconGs et près que tous mors.
Et demorèrent toute leur capitaines ochis sur la plache. Et fu-
rent les banières du roy de Franche portées sur le mont de Cas-
siel. F" 56.
P. 86, I. 13 ; Bietremieu. — Ms. de Rome : au soir. Y" 26.
P. 86, 1. IS : Cassiel. — Mt. dAmieas: se tint li rois de
France là toutte le nuit, et lendemain ossi. F" 13 v". — Ms. de
Rome : Qant ce vint à l'endemain, li rois de France envoia ses
marescaus, le signeur de Montmorensî et le signeur de Trie, et
ses banières sus le mont. P 26.
P. 86, I. 16 ; Popringe. — Mi. dJmiens : Cez nouvelles vin-
drent à Bruges, à Yppre, à Popringhe et es villez voisinne/, qui
rebellez estoient au conte, que Ga^'s Dennekîns estoit mors et
desconfis et toute se routte. Dont baissicrcnt lez testes chil de se
partie, et n'osèrent moustrer nul sambiant d'aler à ['encontre
dou roy et de leur seigneur. Et dbcnt que Clais Dennekins estoit
folz et outrageux, et que sans leur consseil il g' estoit combatus,
car il li avoient mandet qu'il ne se cambatesïst point encorres;
et pour ce qu'il l'a fet oultre leur deffensce, il l'en est mesavenu.
Si n'en fait nient à plaindre. Ensi fu il plorés des Flamcns qui,
devant ce, li avoient esqueilli à faire ceste emprise.
Et li rois de Franche chevaucha, et toutte li os deviers Yppre.
Dont vint li castelains de Berghes; et aporCa les clefs dou caste),
avoecq grant fuison des gens de ceste castelerie, an roy de Fran-
che. Et li rois les prist, et en rendi le seigneurie au comte de
Flandres. Puis chevaucha li rois vers Yppre. £t quant cil de
Ij)pre olrent nouvellez de se venue, il vinrent contre lui à grant
pourcession, etli oiïrirent les clefs de le ville. Li roys les prist et
les rendi au comte; et fist jurer chiaus de le ville d'Ippre foy et
loyaulté à leur seigneur. Puis entra li roys dcdens Yppre, ety fu
très hotinerablement recheus. Et tant s' 1 tint que cil de Bruges
et dou Fraucq de Brugbes furent venu faire featdté et houm-
;vGoo»^lc
30i CH&ONIQUES DE Jf. FAOISSART. [1330]
voloit enpuisnimer le roi et faire morir, ensî que il avoit fait
messire Jehaa d'Eltem, et pour venir ù la couronne d'Ëngleterre.
Li rois crut ces paroles iegierement, et en parla à madame sa
mère. La roiue Issabiel, qui raieuls amoit messire Rogier que le
conte de Qent, ne l'escusa aultrement que elle dist : a Ce poroît
bien estre, biaus fils, on ne sc«t en qui avoir fiance aujourd'tii.
On li donne eu ce pais povrc renonmée de vostre frère ; et se vouz
esties mors, il seroit rois d'Ëngleterre : c'est li plus proçains. »
Ces paroles entrèrent tellement oii coer le roi d'Ëngleterre qui
estoit Jones, que onques depuis elles ne li porent issir, et fist
prendre son oncle et mener en la Tour à Londres, et de ià au
palais de Wesmoustier. Li contes de Qent, qui avoit esté tenus
tous jours à preudomme et sage et vaillant hnmme, ot cel ïncou-
venient si grant contre li que morir le convint. Et fu decolcs ens
es gardins de Wesmoustier, fà otx li rois Edouwars, ses frères,
en avoit fait decoler des plus grans barons d'Ëngleterre jusques
à vint deux. Et ce greva et apesa trop grandement le conte Aio-
mon de Qent en la grâce et renonmée des Londrïiens, que il
avoit sa cousine la soer au roi d'Ëngleterre donné et acordé en
mariage au roi David d'Escoce, sans ce que li pais en seuist
riens ; et n'en fii point tant plains que il euist esté et aidiés, se
il n' euist fait ce mardé. De ce conte de Qent mort et decole,
demora une jone fille. Pour lors, elle pooit avoir sept ans. Se le
prist la jone roine Philippe dalés lui, qui en ot pité et enist vo-
lentiers aidié à son père que il ne fust point mors; mais qant
chil qui le haihoient veirent que elle s'en voloit ensonniier, il le
hastèrent, et le couvint morir, ensi que vous avés oy. Celle jone
damoiselle de Qent estoit cousine germainne dou roi EdDuwart
d'Ëngleterre; et fu en son temps la plus belle dame de tout le
roiaulme d'Ëngleterre, et la plus amoureuse; mais toute sa gé-
nération vint à povre conclusion par les fortunes de ce monde
qui sont moult diversez, ensî que vous orés recorder avant en
De la mort et decolation le conte Ainmon de Qent fii li roiaul-
mes d'Ëngleterre moult afoiblis, et li rois en pluîsseurs lieus
grandement blâmés, qant il avoit fait morir son oncle, et tout
chil qui ce consel li avoient donnet et par especial messires Bo-
giers de Mortemer. F° Î6 v",
P. 87, 1. 19: empuisonner.— Mss. A i à iO, 15 à 19 ; em-
prisonner. F" 23.
;vGoo»^lc
[1330] VABIANTES DU PREMIER LIVRE, § 43. 308
P. 88, I. IS : enfourmës. — Ms. de Rome : et li fu dit pour
sen hoanour, il couvenoit que il i pourveist. F* 26 V.
P. 88, I. 24 : à Londres. — itf*. tC Amiens : à Wesmoustier,
son palais. F" 14 v*. — JUs. de Kalencienties : en son palab, à
Westmenstar, hors de Londres. F° 30.
p. 88, t. 2S : nobles. — Ms. d'Amiens : et dez prelas.
V 14 V.
P. 88, I. 27 : fais. — Ms. dAmiens .* Et compta U roys
meysmes par devant tous cliiaux qui là estoient mandat et a»-
samblet, les fès et les oeuvrez le seigneur de Mortemer, ensi que
imfourmëa en estoit et que trouvet l'avoit souffissanunent, si ques
grant partie en apparroit. F* 14 v°,
P. 89, 1. 1 : à faire. — iHs. de Rame : Adonc entrèrent tout
chil signeur en une aultre cambre et parlèrent ensamble. F° 27.
P. 89, 1. 3 et 4 ; infourmés. — Ms. d^miens : et ainchms
loDch terme que li roys en seuwist riens. F' 14 v*.
P. 89, i. 6 : justiciés. — Ms. de Rome : car il estoit fauls,
mauvais et traites contre son signeur. F* 27.
P. 89, I. 8 : bahut. — Ms. de Rome ; et puis amenés en la
grande rue de Cep. F* 27.
P. 89, I. 13 : coraiUe. — Ms. ^Amiens : Et apriès on li
coppa le teste, et puis lii pendus par lez costés. F° 14 v*. —
Ms. de Rome : et puis fil mis jus de l'escelle, et estendus sus un
estai de bouchier, et copës la teste et esquartelés. F° 27.
P. 89, I. IS : tieste. — Ms. de Rome: et la teste de lui fa
misse sus une glave au pont de Londres. P 27.
P. 89, 1. 20 : castiel. — Aff. .0 6 : sur les marches de Galles,
moult belle place. F" 58.
P. 89, 1. 2S : revenues, — Ms. de Rome : et rentes et reve-
nues et bien paiies de terme en terme. F* 27.
P. 89, 1. 28 : raison. — Ms. d Amiens : Et ordonna li rois
que nullement elle ne vuidast point dou castiel plus avant que à
le barrière, mais là dedens presist ses esbatemens en vergier et
en gardins qui moût bel y estoient, et par lez edefGcez dou cas*
tiel dont il y avoil grant foison. F» 14 V, — Ms. de Rome : lÀ
rois d'Engleterre, par te consel qu'il ot, fist ma dame sa mère
envoiier en un castiel et là tenir sans point issir de la pourprise.
F" 27.
P, 89, I. 32 : bellement. — Ms. de Rome : Depuis vesqui la
roine Issabiel là en cel estât, bien ti-ente quatre ans. F* il.
;vGoo»^lc
306 CHROMQUES DE J. FROISSART. [1349J
S 44. P. 90, 1. 20 : feaullé. — Ms. £ 6 : de la duché d'Aqui-
taine et de la conl^ de Pontieu et de la cont^ de Monâtreul.
f' S8. — Ms. de Rome : tant de la duc4e de Giûeiiae comme de
la conlé de Poaticu. F" 27.
P, 92, 1. 24 : grandement. — JUt. ifAmieas : et Itt tjst sé-
journer par l'espasse de quùue jours. F° 14 v".
P. 93, 1. 23 : cite. — Ms. -< 2 : en la bonne chite d'Arras ou
d'Amiens. F* iS V. — Mt. de Rome : et que là tenroit li roù
son estât, et i seroient à ce jour li douse per de France ou chil
qui i poroient e&tre. F" 27.
P. 94, I. 3 ; mi aoust. — Cette date fausse ne te t/vuve pas
dont les mts. A i\ à 14. F° 23 v>.
S 48. P. 94, I. 7 : estât. — Ms. de Rome : et envoia ses let-
tres en Bainnau dévier» le signeur de Bîaumont, et li manda que il
fust à Amiens en ce jour, car il i scroit. Messires Jehans de Uaîn-
nau ne l'euîst jamais laissiet que il n'i fust venus. F° S7.
P. 94, 1. 18 : quarante. — Mss. ^ 11 à 14 ; quarante quatre.
P" 23 v". — Mss. ^ 20 à 22 ; cincquante. P 45. — Ms. B 6 :
à cinquante chevaliers. P S9.
P. 94. 1. 23 : monta. — Mss. .rf 11 à 14 : à cheval. F» 24.
P. 9S, 1. 5 : d'Amiens. — Ms. de Rome : Che prope jour
que le roi vint , entra en la chité d'Amiens messires Jehans de
Hainnau , de quoi li rois et tout li Englois Turent moult resjm.
F" 27.
P. 9S, t. 17 : quinze. — Mss. ^ 23 i 29 : seize. F» 3i V.
— Mss. .^ 11 à 14 : dix huit. P 24. — Ms. de Borne : environ
huit. F" 27.
P. '96, I. 1 : vorroit. — Ms. de Rome : La nature des Eoglès
est telle que tous jours il se crieoment à estre decheu et r^li-
quent tant apriès une cose que mcrvellesi et ce que il aueront en
couvenant un Jour, il le déliteront l'autre. Et à tout ce les en-
cline à faire ce que il n'entendent point bien tous les termes dou
langage de France; ne on ne lor scet conment bouter en la teste,
se ce n'est tout dis à lor pourfit. Et encorcz eu avint adonc ensi-
Dont li signeur et li per de France, qui là estoient veau et asam-
blé pour celle matère, en furent trop fort esmervilUet ; et en
parlèrent especiaument ù mesire Jehan de Haiimau, et li remous-
trérent tous les poins et les articles dou dit honmage conmeot il se
de voit faire.
:,Goo»^lc
[1331] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, §§ *6. 48. 307
Messires Jehans de Haionau, qui estoît ensi que moiiens entre
ces parties , remnustra ce au consel le rot d'Engleterre , et les
paroles des François , et quel cose il disnient , conment il deuis-
sent estre là venu aullrement pourveu que il n'estoient. Il res-
pondinmt à ce et s'escusèrent que il apertient et couvient que as
(MirlemeDs qui sont ù la Saint Michiel a Wcsmoustier, où tous lî
consauls gencrauU d'Engleterre est, soient remoustrées tels coses,
car bonnement il ne le poroit faire saus le sceu de tout le pais ;
et se li rois fait l'avoit, il en seroit blâmés, et aussi semient tout
chil qui conselliet li aueroient t et n'en vodroient riens tenir en
Engleterre, et diroient que il aueroient esté decheu : si ques, sus
cel estât, messires Jehans de Hainnau en fist response à ceuls qui
cargiet l'en avoient. Et qant il veirent que soufrir leur couvenoit,
il le portèrent et passèrent courtoisement, et li rois de France
trop plus doucement encores que son consel, car il avoit en ima-
gination que d'enprendre la crois et aler au Saint Sépulcre et
délivrer des mescreans; ouquel voiage il en menroit avoecques lui,
ce disoit , son cousin le jone roi d'Engleterre ; si le voloit tenir en
amour et faire pour li tout che que il poroit. F* 27 v*.
P. 96, I. 23 : s'apertient. — Mis. ^. 1 à 6, 18 à 33 : s'a-
comparage. F* 25. — Mts. A i\ à 14 : ne fait à comparer.
F»24v«.
S 46, P. 96, 1. 31 : à Londres. — Ms. de Rome : au palais de
Wesmoustier. F* 27 v°.
S 48. P. tOO, 1. 9 : li homs. — Ms. d! Amiens ; Vous avés
bien oy cliy devant dire et recorder le trespas don roy Charlon
de Franche, et coumment li père et li hault baron del royaumme
de Franche eslisirent et couronnèrent à roy Phelippe , fil jadis
au comte de Vallois. Et sachiés que à celle élection faire mes-
sires Robiers d'Artois , ses serourges, qui adonc estoit li ungs
des plus grans et mieux oy en parlement del royaumme de Fran-
che , y mist et rendi grant painne. F° 19.
P. 100, 1. 20 : lui. — ' Ms. de faleneiennes ; entre le contesse
d'Artois et le duc de Bourgogne. F» 38.
P. IM , t. 21 : d'Artois. — Ms. d'Amiens : laquelle comté
messires Robiers callengoit et demandoit contre le duc de Bour-
goingne. F" 19 — Ms. de Rome : laquelle comt^ messires Ro-
bers d'Artois proposoit et calengoit comme ûenne, car il en
;vGoo»^lc
308 CHRO.MQUES DE J. FROISSART. [1331-34]
venmt d'estradon, mais (a maie roine de France, renme an m
Phelippe, aîdoit tr<^ fort son averse partie et tant que elle li
moustra et prouva mervilleuaentent à. fause une lettre, laquelle
ti dis messires RtJiers d'Artois mist avant , et s'en vnloit aidier.
Et fu celle lettre cmidaropn^e en parlement à Paris , el une da- ■
minselle d'Artois arse , que on clamoit la damoiselle Dtvion , <-t
Rwssîres Roberz d'Artois jugîés à morir honteusement, se on
l'euist tenu ; ne nuques li rois Phelippes ne le volt sousporter,
tant fn il dur enfourmés contre li, et tout par la roine de France.
F» 28 V».
P. 100, !. Ï6 : remède. — Mt. J 6 : Et à che avoit la nyne
de France grant eoup[>e, car le pluit estoit contre le duc Oede de
Bourgoigne, son frère. Sy y bouta sy fort que le roy le fisl bamr
publicquement. F» 60.
P. 100, 1. 29 : France. — Ms. ifJmieiu: 11 wuida leroyaumme
au plus tost qu'il peult, et s'en vint enHaynnau deviers le comte
Guillaume, qui adonc regnoit et se tenoit en l'ostel de Hollandes,
à Vallenchiennea, maladieus et travîlliés par heures de gouttes.
Et recorda au comte sen avenue, et cnumment li rois de France
l'avoit aqueilUet en grant haynne. Si l'en demanda à avoir cota-
seil. Li comtes de Haynnau, qui ses serourges estoit, car il avMent
deux serours espousées, fu durement esmervilliéz de ces nou-
velles, et li dist que voUenders pour l'amour de lui il envoiermt
deviers le roy de Frandie, et U aideroit à faire sa pais. Si em pria
monseigneur Jehan de Uaynnau, son frère, et l'evesque de Cam-
brai, qui estoit pour le temps, que il y volsissent aller. Cil li acor-
dèrent voUentiers el vinrent en Franche deviers le roy, pourveu
et avisé de lettres de par le comte de Haynnau, et de biel lan-
gaige pour excuser le dit monseigneur Robert, en lui priant que
il lui vosist pardonner son mautateut et li rendre ses enfans et sa
terre. Mes li roys n'y volt oncques de riens entendre, ains manda
au comte de Haynnau , par monsigneur Jehan de Haynnau son
frère que, se il soustenoit ne tenoit ne comfurtoit en riens le dit
messire Robert , il n'aroit pieur enncmit, ne plus grant de lui.
De quoy li comtes de Haynnau fu moult corouchi^s, quant il
oy ces nouvelles et si fors mandemens dou roy. Et s'en consseilta
as pluiseurs grans barons de son pays qu'il en estoit bon à faire,
car il amoit durement le dit monseigneur Robert; et bien disoit
que, se il fuJst hetiës et que il pewist chevauchier, il li cuiderait
bien faire se )ics, avoec l'ayde dou duc de Braihant. Dont dbsent
;vGoo»^lc
[1331-34] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 48. 309
li baron de Hayniuiu que il n'avoit que iâire d'entrer en haynne.
ne mettre son pays en guerre contre le toy de Franche pour
Dtiessire Robert d'Artois; mes, se il le voUoit aidier et comforter
de misse secrètement, (aire le pooit, et le laissas! pourcacher et
querre amis là où bon li sambloit, car il avoit bien des plus pro-
diains qu'il ne li fust. Li comtes crut son cousseil et fist délivrer
a messire Robert secrètement six mille vi^ escus pour paiier ses
frès ; et li donna draps, chevaux et jetiiaux au départir, et le re-
conmmanda à Dieu. Et s'en vint adonc le dit messires Robiers
d'Artois à Namur veoir sa soer la comtesse de Namur et le jouène
comte Jehan de Namur, son uepveult et les autrez, Guillaume,
R<^rt et Loeis, qui estoient adonc moût jone damoizel. Sa serour
le rechupt à joie, et ti fist feste ce qu'elle peult; che ne fu nient
iMigement, car U roys de Franche y mist remède.
Quant lî roys Phelippes oy dire que messires Robiers d'Artois
se tenoit à Namur dalés le jouèue comte son nepveult, si en fn
couroucbiéz et manda et couramanda outreement et très especia-
lement au comte que, se il ne li faisoit wuidier sa terre, il le coth-
rouceroit hastecment, et li torrnit tout ce que il tenoit de lui en
Franche, et li feroit ardoir et courir son pays de ses voisins rae^
mes. Quant li jouènes comtez de Namur et ses conssauz olrent che,
si ne vorent pas cnurnuchier le my, et obéirent à ses mandemens.
Lors se parti messires Robers et ^'en vint en Braibant deviers le
duc Jehan son cousin, qui Inrs se tenoit à le Leuvre et qui le re-
chupt à joie, à qui messires Robiers d'Artois dist toutte sen aven-
ture et coumment li roys le decachoit et FaLsoit decachier de pays
en pays, et ne savoit mes où aller, s'il li Talloit. Dont li dist It ducs
de Braibant i t Biaux cousins, ne vous esbahissiéz de riens, car
j'ai terre et mise assez pour vous conforter, ne je ne sui de riens
tenu de obéir au roy de Franche. Si vous tenës dallas moy, et je
regarderay et pensseray à vos besoingnes. »F° iH v",
' Ms. de Rome : Et couvint le dit messire Robert soudainnemeut
laissier fenme et enfans, des quels li rois de France estoit oncles,
et partir dou roîaulme et venir en l'Empire. Et se tint à Namur
un petit de temps, car la contesse estoit sa serour. Et de là il vint
en Braibant, et le quida li dus de Braibant apaiuer au roi de
France, mais il ne peut.
Adonc vint il en Hainnau, car U contes et li avoient deus se-
rours [espous^s]. Li contesse mist en painne de remettre à paix
messires Robers d'Artois au roi de France, et i envois sa feme,
;vGoo»^lc
310 CHRONIQUES DE S. FROISSART. [1331-34]
qui seroor estoit dou roi Mielippe, et messire Jehan de Haînnau,
son frère ; mais il retournèrent sans riens faire
Qant messîres Hoblers d'Artois se vei ensi aqaelliës don r<H
Phelippe et de la roine, et que à la priière dou duch de Brûbani,
dou conte de Hoinnau et dou conte de Blois, il ne pooit venir i
paix, et estoient sa fenme et si enfant enprisonne', il li deubt te-
nir et tourner à grant desplaisance, car encores n'aToit i) de
quoi vivre, se li signeur ne li aidoient. Si s'avisa, puis que ensi
estoit, il honniroit tout, et meteroit tel tourble et descort en
France que les traces i demorroient dens cens ans à venir. Il
prist congiet au conte de Hainnau et à la contesse. Ce fu li dar~
rains hostels adonc, dcmt it se parti. Li contes, qui fut moult
tuais et honnourables, et qui avoit grant jHté de li, et aussi
avoîent tout signeur et toutes dames de bien, li fist délivrer et
baillier or et argent pour paiier ses menus frès, car il s'en vo-
loit aler en Engleterre; mais il s'avisa que il iroit prendre con-
giet aussi au duch de Braibant, qui moultt'arooit, et li contes de
Hainnau li conseUa.
Si se départi de Valenchiennes et vint à Mons, et puis à Halle
et à Brouselles, et là trouva le duch de Braibant. Se li remous-
tra, quoi que li dus en seuist assés, toutes ses tribulations. Li
dus en ot pitë et li dist : t Biaus cousins, on vous fait tort, et li
rois de France est mal consilli^. Bien veons et entendons qu'il
est aoumés et pares de mauvab consel '. se l'en pora bien mes-
ceir. Nous avons terre et pais assës pour vous tenir à l'encontre
de tous vos nuisans. n De ces proumesses se resjoi messires
Robers d'Artois et se tint dalés le duch de Braibant, son cousin,
pour tant que il en pensoit mieuls à valoir, et que li dis dus,
qnî rices et poissans estoit, le deuist mettre à coron de tous ses
incouveniens, mais non fist ; car la poissance dou rai de France
est trop grande et avoit en trop grande haine encargié le dit
messire R<^rt d'Artois, ensi que il fu apparans. F~ 28 v* et 29.
P. 101, I. 27 : soustenroit. — Ms. B 6 : Sy le soustict le
pins longement le ducq Jehan de Brabant, qui ly presta son
chastcl d'Argentuelle. Mais le roy Phelîppes fist défiler le duc
de Brabant pour celle cause , et «iToia douze prinches qui ar-
dirent le pais. Et y furent les Lygois adonc jusqnes à [Hanut'].
F* 61.
I. tft. B 6 : huit. Mauraitt Ueon.
;vGoo»^lc
[Ï334] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 4fl. 3H
P. 102, I, î : poroit. — Ms. d'Amiens : là dus de Braibant
ne fist comte de ces manaces et remasda au roy, par ses mes-
sagiers mejsmex, que messires Robiers d'Artois estoit ses cou-
sins Uea prochainz et ung des plus nobles de saDcq du monde.
Si le devott aidier et conforter par linage. Et encoires li man-
doit il que il ne creoit mies que messires Robiers d'Artois euist
cause nulle à ce dont il l'amettoit, et que il faisoit mal et pe-
chiet, quant ainsst pour amise il le deshonneroit et tolloît son
hiretaige. F" 19 V.
P. '102, 1. 9 : tant — Ms. de Rome : par son or et par son
argent dez grans amis en Alemagne. F' 29.
P. 102, 1. 11 : Liège. — Ms. dAmienâ : messire Awous de
le Marce, qui estoit evesque pour le tamps. F" 19 V.
P. 102, t. 12 : Coulongue. — Lei mss. de Falenciennes et de
Rome ajoutent : l'arcevesque de Trièves. F* 40. — Le ms. d'A-
miens ajoute ; le arcevesque de Maience. F° 19 v*.
P. 102, 1. 12 : li dus. — Ms. de Rome : le conte de Gerlles.
F" 29.
P. 102, 1. 13 : Jullers. — Le ms. dAndens ajoute : le comte
de la Marche , le comte des Mons, messire Emoul de Bakehen.
F" 19 V. — Ms. de Falenciemes : conte de Jullers. F» 40.
P. 102, 1. 1S ; tout. — Mr. de Rome : sus un jour et à une
fms. F" 29.
P. 102, 1. 16 : roy. — Ms. ^Amiens : et leur donna grant
or et grant aident, affin que il vosissent defBier le duc de Brai-
bant et le gueriier ; et il s'i asentirent parmy les grans dons
qu'il en eurent. Encoires y vot mettre et bouter It roys le
JDuène comte de Namur, mais il s'en excusa bellement et dbt
qu'il serviroit le roy de France en touttes autrez manierez, fors
en ceste. F" 19 V.
P. 102, I. 18 : Hanut. — Ms. de Rome : et demorèrent deus
jours. F° 29.
§4». P. 103,1.16: Vousavés. — Mf . rf* A)me ; Vous sçaves,
si com il est contenu ichi desus en nostre histore, conment les
trieuwes lurent prisses et données entre Engleterre et Escoce,
et aussi conment li mariages Tu fais don jone roi David d'Es-
coce à la serour le roi d'Engleterre. De quoi li Escoçois en
quidièrent trop grandement mieuls valoir, mais li Englès ne
l'entendoient pas ensj, eul/ qui ne pueent amer les Escos, ne
;vGoo»^lc
342 CHRONIQUES DE I. FROISSART. [iWî]
ne fissent onques, ne jà ne feront. Qant les trieuwes forent
failies entre euls et les Ëscos, qui avoient duret trois ans, il
ne vodrenl point sousfrir par nulle voie que les trieuwes fuis-
sent reprisses, car il voloient avoir la guerre, car li sejouTneni
lor despluisoit trop grandement, Bnglès sont de celle nature :
il ne sèvent, ne pueent, ne voellent longement séjourner sans
euts ensonniier en gerre ; et demandent les armes, n'ont cure
à quel title, et trop grandement s'i diiitent et abilitenl. Encores
estoient les Escocois assés au desus de lors besongnes et tenoient
la chité de Bervic, que li rois Robers de Brus, qant il leva le
siège de Struvelin, avoit conquis sus le roi Edouwart, père au
jone roi Edouwart, dont il despkisoit grandement as Englès.
Et pour ce avoient li auqun parlé vîlainnemcnt en Engleterre
sus le conte de Qent, qant il acorda si tos sa cousine, Isabiel
d'Engleterre, par mariage, au roi d'Escoce, lor adversaire.
Qant les trieuves furent failles d'Engleterre et d'Escoce, li
Escocois, qui quïdièrent trouver auqune amour et aliancc deviers
le roi d'Engleterre et son consel, pour la cause de ce que lors "
sirez avoit à fenme la serour le roi d'Engleterre, envoiièrent
ambassadours d'Escoce, tels que l'evesque de Saint Ândrieu,
l'evesque d'Abredane, messire Robert de Versi, mesdre Arce-
baut Douglas, messire Simon Fresel et messire Alixandre de
Ramesai , deviers le roi d'Engleterre et son consel. Et vinrent
chii prélat et chil chevalier d'Escoce, sus bonnes asegurances,
en la chité de Londres. Pour lors, li rois d'Engleterre et la
roine Phelippe tenoient leur hostel, une fois à Eltem, et l'antre
fob à Windcsore. Pour ces jours que li Escocois vinrent, estoient
li rois et la roine à Eltem ; ù se traissent deviers euts tout pre-
mièrement, ensi' que pour mieuls valloir. Car au voir dire, il
avoient plus chier à entendre à unes longes trieuves ou avoir
paix que la guerre; car lor poissance en Escoce estott trop
afoiblie, tant dou roi Robert qui mors estoit, que de inesire
Guillaume Douglas et dou conte de Moret.
Li rois d'Engleterre et ta roine et li ctievalier d'oslel requel-
lièrent assez courtoisement ces signeurs d'Escoce, pour ta cause
de ce que li rois Davis, lors sires, avoit à fenme leur serour ;
et remoustrèrent au roi moult doucement ce pourquoi il estoient
là venu et envoiiet de par tout le pais. Li rois respondi à ce et
diat que il fuissent li bien venu, et que volentiers il meteroît
s<m consel ensamble et là seroit; et toute l'adrèce que il poroît
;vGoo»^lc
[1334] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § ■*»■ 313
faire, fiist de trieaves ou de paix, salve l'onnour de U et de
son roiaulme, il i meteroit. Geste response souffi ass^s as Esco-
qois, et retournèrent en la chite' de Londres. F* 29.
P. 104, i. 14 : barons. — Ms. dAmiens : Lors assambla
tout son conssei], les nobles et tes grans barons d'Escoce et
ossî les prelas. F° 14 v*. — Mt. de Valeaciennet : Lors assam-
bla tout son conseil, prelas. barons et citoiens. F* 30 v".
P. 105, l. 12 : conseil. — Afj. ifjmiens .■ qui desiroient à
avoir le guerre as Escos, et contrevengier le mort de lor prois-
mes, qui furent ochis devant Struvelin et eu le cache qui fu assés
dammagable et honteuse pour les Englès. F° 13.
P. iOS, t. 20 et 21 : décades. — Mss. J l à 6, ii i H i
de Braibant. F* 27.
P. lOS, I. 25 : l'Empire. — Mf. (tJrmeju : Enssi ne se peult
messires Robiers d'Artois tenir ne en France ne en l'Empire. Si
eull avis et consseil qu'il s'en yrolt en Engleterre veoirle jouène
roy Edouwart, et li raetteroit avant tel cose dont gaires ne se
dounnoit garde, qui coustèrent au royaumme de Franche. Si
prist congiet au duc de Braibant qui li fist au partir délivrer six
mille vies escus pour paiier ses Très, et se parti couvertement de
Braibant et vint en Anwerz. Là entra il en ung gros vaissiel et
toutte se mesnie, et fist tant et naga par mer qu'il ariva à Zan-
duch' en Engleterre, en ce tamps que U rois englès estoit en
Escoce, ensi que vous avés oy chy devant.
Quant messires Robiers d'Artois oy ces nouvelles que li roys
d'Engleterre estoit'en Escoce, qui gherioit là les Escos, si n'en
fil mie plus liés. Nonpourquant il prist ghides pour lui mener
celle part, et se parti de Zandvich o toutte se routte, et prist
l'adrèce pour venir vers Stanfort et vers Lincelle et tout le droit
chemio d'Escoche; et passa ces villes que je vous nomme et
pluiseurs autrez, et vint à Dancastre et de là à Yorch' c'on dist
Ebruich, où la roynne Phelippe d'Engleterre sa cousine et sa
niècbe estoit toutte enchainte du biau RI, qui depuis fu noumm^s
Edouwars et princhez de Galles*. Quant la roynne seul la venue
de monseigneur Robert d'Artois saa oncle, si en eult grant joie,
et le requeilli et festia grandement, enssi que bien le sent faire.
1. Ut. dt Vatmtitnatt : Eurewich. F* 40.
2. Ibid. : BerTJcli. F» HO v".
3. Ih'ti. : qui fu moult vailhin», dont tant iTez oj parier.
;vGoo»^lc
3U CHRONIQUES DE J. FROISSART. [I33(.l
et le retint dallez lui environ sit jours. En ce termine, vinrent
certainnes nouvelle/, à le roynne que li roys sez maris avoit pris
le castel de Haindebourch, et s'estoient chil dedens rendu an
roy, sauve leurz viez, par les enghiens qui nuit et jour jettoïent
à le fortrèche. Ensi eult la rojnne double joie.
Lors se parti messires Robîers d'Artois, et dist qœ il voHoit
aller deviers Escoce, et veoir le roy comment il s'i maintenoit.
Dont fist la roynne appareillier grans gens d'armes et bien trois
cens archiers, dont messires Henris de Bîaumont fu chiéi, pour
aconduire le plus sauvement jusques au roy monseigneur Robiert
son biel oncle, liqués chemina et esploita tant avoecq se route
qu'il vint à Bervich en Escoctie qui se tenoit de par le roy d'En-
gteterre. Et rechurent chil qui dedens esloient, par le congnis-
sance qu'il eurent de monseigneur Henry, le dit monseigneur
Robert et touttes ses gens à grant joie, et se rafreschirent en
Bervich trois jours. Là eurent il nouvelles que li roys estoit par-
tis de Haindebourdi, et avoit mis grant garnison ou castel, et
en estoit all^a devant Struvelin et l'avoit asegiet. Lors se parti
li dis messires Robiers d'Artois de Bervich, et chevaucha à es-
ploit celle part,
Tant esploita messires Robiers que il aj^rocha l'ost le roy. Et
quant il fu ensi que environ trois lieuwes englesces priés, mes-
sires Henris de Biaumont qui le conduiaoit, chevaucha devant,
et vint deviers le roy, et U dist les nouvelles de monseigneur
Robiert qui venoit. Liquelx roys fa moult lies, et fist monter au-
cuns de ses baroos et venir contre lui ; et l'amenèrent tout par-
lant et devisant en l'ost et en le tente dou roy, qui vint contre
li bien avant et le festia grandement et li demanda : « Kaux
cousins et oncles, quelz besoingnes vous amainnent maintenant en
ce pays ?» — a El non Dieu, sire, dist messires Robers, vous
le saréz, car c'est raisons, n Adonc li compta il toutte se (6r-
tunne et sen aventure, et coumment li roys Phel^pes, à qui il
avoit fait tant de biens, li avoit tollut sa terre et emprisonnet ses
deus lieux, Jehan et Carie, et bani publicquement du royaumme
de Franche. Plus avant il ne le laioit en nulle place delà le mer
demourer; ne il n'estoit comtes de Haynnau, ne duc de Brai-
bant, ne comtes de Namur, ne autrez sirez qui, pour le doub-
tance dou roy de France, le pewist ne osast conforter, ne tenir
dalésli.
De ces parolles et de pluiseurs autres que messires Robiers lî
;vGoo»^lc
[1334] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 49. 31K
recorda. Tu )i rois moult esmerviltîëE. Si recomlorta le dit mon-
seigneur Robiert et U dist : a Biaux oncles, nous avons assés
pour nous et pour vous. Ne vous sousii^s ne esbahissiés de riens,
car te li myammez de France vous est petis, li royaummes d'Ën-
gleterre vous sera grans ass^s. » — i Monsigneur, che dist
messires Robîers, toutte men espérance gist en Dieu et en vous,
et me confesse chî que, à tort et à pechiet, je consenti jadis
vostre deshiretance. Et* fis en partie celui roy dou noble
royaumme de Franche, qui nul gret ne m'en set, et qui pas n'y a
si graot droit comme vous advés. Car, par droit, et par prois-
metet de le sucessic»! monseigneur Carlon, roy de Franche, vos-
tre oncle, vous deveriés tenir l'iretaige et en estes saas cause
eslongiés; car cils qui l'est estoit phis lontains de vous ung
point : il n' estoit que cousins germains, et vous n^veus. > De
ces parolles fu li rois tous penssieux, et touttesfois il les oy vol-
lentiers; mes, tant qu'adonc, il n'en fist mies tropgrant compte,
car' bien savoit qn'il y retouroit quant il vouroit. Si fist le dit
messire Robert pourveyr de logeis et de toutte ordonnanche
qu'il li appertenoit. F" 20.
P. 105, I. 27 : RicenKHit. — 9fs. de Rome : De rechief, pour
. tant que tous li consaols d'Engleterre estoient là asambléa, li
clers meismes, liquels avoit parlé et remnustré les besongnes qui
touçoient au roi et au roiaulme par le conmandement et orde-
nance dou roi, parla là pour le asignation de mesire Robert
d'Artois avoir, qui estoit li uns des plus gentils homs de ce
monde. Et reooustra li dis clers tout au lonc conment Phelippes
de Valois l'avoit de fait et de pobsance banit et escachiet hors
dou roiaulme de France. Se avoit il sa serour espousée, laquelle
il tenoit en pnsoa et ses enfans. Or voloit li rois d'Engleterre,
qui l'avoit retenu et de son consel, puisque on li avoit mté et
pris le siea en France, que en Engleterre il euist terre et reve-
nue, pour lui déduire et tenir son estât.
A ceste requeste et ordenance descendirent et s'enclinèrent
tout li signeur legierement. Regardé fu que il î avoit une conté
en Engleterre qui estoit en la main dou roi; et pooit par an va-
Imr la revenue trois mille mars, et la conté est nonmée Bcte-
I. jttr. Jt VaUncitBoti : el fil pour celui roy plus que nulx. F* 41
3. /iid. ; car ii ee conTenoii grani eontcil et advi» de le laiuierpo
l'eve emy.
laiuier pour
jvGooi^lc
3]6 aiRONIQUES DG J. FROISSABT. [1333]
forde. Si fti dit et acord^ que il seroit contes de Beteforde, et en
lèverait tous les pourGs. Messires Robers d'Artob remercia le roi
de ce doa et tous les »gneurs, et devint U homs au roi d'En-
gleterre de la conté de Beteforde. F* 34 v*.
S 80. P, 1 06, 1. 8 : messages. — Mt. rtJmietu : Quant li roys
d'Engtelerre eut oy les hommes de bien qu'il avoit envoiiet en Esco-
che devers le roy son serourge, et les respoasses tellez que li rau
li avoit fait, se li samblèrent d'un lés assës darez contre l'onneur
de lui et de son royaumme , et ossi assés raisonnables tant qu'à
fraternité, car voirement estoit il tenus à souffrir de lui, pour le
cause de sa sereur que il avoit espousée ; et assés legierement s'en
fust souffers, sauve l'onneur de lui et de son pays. Mais cbil qui
dallés lui estoient, et par qui consseil en partie il ouvroit de ceste
besoingne, ne li laiièrent guairez longement endormir; ains lî
disent pour lui esmouvoir et escauffer : > Sire, vous avés jnrel
solempnelment, par dignité de roy, à tenir, maintenir, soustenir,
defiendre et garder et acroistre lez drois de vostre royaumme.
Dont , se vous laissiez celle bonne chité de Bervich et ce bel
caatel de ftosebourch, qui sont sus marce et cleb de vostre pays
à rencontre del royaumme d'Escoche, ens es mains des Bschos,
vous ne vos acquittés mies bien contre vo siennent , et en afi»-
blissiéz vostre honneur et vostre hiretaige; et mains en serét
doubtéz et honneréz , qui estes jnuène et en vo venir. Et poroitt
dire tout chil qui parler en oront , que faute de hardement et
faÎDtize de coer, che qui n'est pas bien seass en jourôe seigneur,
le vous vont faire. Encorres plus avant tous les jours , li Esco-
chois poevent, par l'entrée de Bervich et par le castel de Rose-
bourch, entrer et courir en vostre royaumme bien avant, ce que
pas ne feroient se chil hiretaige, qui jadis fuirent à vos predices-
seurs, estoient racquis à vous, enssi que de legier le pourés faire
se vous voilés, car li forche des Escos est moult amenrie et afin-
blie puis trois ans en enchà. Si sont il grant et orguilleui, et qui
petit arairent ne prisent vostre pays. Encorez tous les jours sas
marche, ensi que nous sommes enfourmet souFBssamment par
nos voisins qui les marchissent, chiaux dou Noef Castiel sur Tin,
de Branspes, de Persi, de Urcol et des autres castiaus voisins, li
Escocbois les manachent ' et dient qu'il chevaucheront encorres
1 . Ml. tU FaUmitiuiet : Car encore est le orgenl des Emoi h granit
;vGoo»^lc
[1333] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § SO. 317
plus avant en vostre pays que li roys Robiers ne fist oncques ,
mais que li rois David leur sires ait ung peu plus d'eage; et que
pour ce que voua voUiés nourir pès à yauï et tenir vostre terre
sans guerre, acordastez vous le mariaige de medamme vo soer à
yaux. Dont telx coses et plus assés que touttes ne poons mies
recorder, mes tous les jours en oons nouvelles par les marchis-
sans, ne font mies à souffrir ne àconssentir. Si aiiés sour ce bon
advis et hastîeu consseil, nous vous en prions. »
Quant Tu li rois Eldouwars d'Engleterre conseillés et enfourmés
contre les Escos que il fist criier une moult belle feste à Londrez,
et furent de trente chevaliers de dedens et ossi de trente escuyers,
et manda que tous nobles et prelas fuissent à Londres ou environ
à le Purification Nostre Damme qui fu l'an mil trois cens trente
et un, tout y furent ensi que ordoonnet estoit. Et fii la feste
moût noble , bien festiée et bien joustée ; et à celle feste fu loes-
sires Jehans' de Haynnau, lui douzime de chevaliers. £t eut
adonc, de chyaus de dehors , le pris des joustes li sires de Fa-
gnoellez , qui estoit de te compaignie monseigneur de Biaumont ;
et des escuyers de dehors, Francque de Halle qui encoires n' estoit
mies chevaliers, mes il le fu celle année ens es armées d'Escoce,
en le compaignie dou roy. Tout les huit jours, on jousta et festia
grandement à Lc»idrez ; et grant fuison de seigneurz, de dammes
et de damiDoiselles il y eut. Au chief des huit jours , sus le dé-
partement de le feste, li roys assambla tout son consseil, prelas,
comtes, barons, chevaliers et bourgois sagez et honnestes des
bonnes villei. Et là leur fist li roys remoustrer par ce vaillant
prélat le evesque de IJncoUe, coumment il avoil fait requerre au
roy d'Escoce son serourge que il volsist oster se main de le chité
de Bervich et dou castel de Rosebourch que il detenoit à tort, et
qu'il volsist faire hcMnmaige à lui de son royaumme d'Escoce, ensi
qu'il devoit, et ossi coumment li roys d'Escoce avoit respondu à
ses mesagcs. Si pria a tous li mis, par le bouche dou dessus dit
evesque, que chacuns le volsist sur chou si consiller que se hon-
neur y fubt gardée.
Adonc tout li baron, li chevalier, li conssaulx des chités et
.. ^ .X de cmlit de dehon. Et
rsloit ««ec le dit meuire Jeh»n le leigneur de FaigneuUe». F" 33.
;vGoo»^lc
318 UIROMQUËS DE J. FROISSART, [1333]
dez bonnes villez et tous U communs pays se consseillièrent sur
chou, et raportèreni leur consseil tout d'un acord. Liqueli cmis-
seils et rappiirs fu telx que il leur sambloit que lî roys ne pooil
plus porter par honneur les tara que li rois d'Escoche li faisoit :
■ car il est bien sceu et est tout cter que anchienncmcnt li rovs
d'Escoche faisoit houmage au roy d'Engleterre , car jà n'tmt il
en leur pays nulle pro\inse , mes sont enexé et coDclavc en le
provinse de Ëvruich , qui est archeresquiet et dou royaumme
d'Engleterre. Encoires avant il prendent le fourme de leur moD-
noie sus les communes: et ordonnuaches d'Engleterre , et ont
Uiuttez telx loix et tebc coustummez que li Englèz ont, et uag
ineysme langage. Dont il appert que li royaummes d'Escoche se
depent et desccnt dou royaumme d'Engleterre. £t troevent bieD
li Englèz que ychil doy pays furent jadis tout à img seigneur
roy d'Engleterre, liqueli rois eut deus filz. Si départi ens ou L't
de le mort, presens tous les noblez des deus pays qui à ce dé-
voient y estre appelle , les deus royaummes ; et donna l'ainel
Engleterre et au maisnet Escoce, panny tant qu'il le devoit teair
en fief et hoummaige de son frère le roy d'Engleterre. Or oat li
Escot, qui sont dur à entendre, tenu depuis une aultre opiniiHi,
liquelle ne fet mie à souffrir. Si conseillonz et voulions , chiers
sirez, qne ces coses soient encorrez remoustrées au roy d'Escoct
et à son consseil, et y metons cel loisir et grâce pour l'ouDeur
et amour de medamme vostre sereur qu'il a espousée; et s'il d^
vient à voie de congnissance des requestez que on li a failt^t
et fera , il soit defEiés ; et vous pourveés si efforchiemenl qm
|>our entrer ou royaumme d'Escoce aprics les deffianches faittei,
si poissamroent que pour ravoir et raquerre le bonne cilé de
Bcrvich, qui est de vostre hiretaige; et ayés tel par forche el
par constrainte le roy d'Escoce qu'il soït tous joians s'il puei ve-
nir à vous à hoummaige et faire satifation des tors et des outraiges
qu'il vous a fès ou li rois ses pères. Et enssi nous sommes tous
desirans d'aller avoecq vous à vostre commandement. »
Quant li rois d'Engleterre eut oy le responce de son consseil.
et il eut veut le bonne volenlé de ses hommes, si fu moult lies
et les en reroerchia grandement. Dont fu là regarda et avisé qui
3'roit en Escoce. La besotngnc et li voiaiges fa assis sus l'evcsqiK
de Durem et sus le seigneur de Persi et le seigneur de Mnutbf^)'
et te seigneur de Felleton. Chil prelas et chil troy hault bar«i>
qui là estoient presens, acordcrent , à le ]>riièrc et requeste <''"'
D,qit,zeabvG00»^lc
[1333] VAAIAMTES DU PREMIER LIVRE, g bO. 319
roy, ce voiaife. Eacores pria li roys à tous que il se volsissent
pourveir et appareillier à oag jour qui adonc fu nommés, chas-
cuDS seloncq son estât, à cstre au Noef Castel sur Tin ; et il li
disent qu'il y seroient bien et volentiers, et n'y aroit point de
deffuulte. Ensi se départi ]i conssaulx del roy, et s'en ralla cha-
cuns en son lieu. Et ossl messires Jehans de Haynnau prist con>
giel au roy, et se présenta à lui de bon coer et de grant vollenté.
De quoy li roys l'en seut grant gret, et li dist : o Biaux oncles,
très grant merchis à vous, et à vostre aye ne renunche jou pas;
et se besoings me croist ne touche, je vous manderay. » Sur che
se parti li db messires Jehans del roy et de le roynne, se niè-
che, qui moult doucement l'acoUa au partir, et li pria qu'il le
volsist recoumjnander à monseigneur son père et à madaimne se
mère, et saluer ses bêliez soers; et il li dist qu'il le feroit vol-
lentiers. Sour ce, se parti li dis messires Jehans et toutte se com-
paignie, et s'en revint en Haynnau. F* 13.
JItt. rie Rome : Depuis ne demorèrent point Ions jours que lî
rois d'Ëngleterre auna tous les barons et prelas d'Eogleterre qui
ordonné estoient à lui consellier, et les hommes des bonnes chi-
tés et villes, qui par druit estatut y dévoient estrc cunvoqiet, car
il estoit ensi acordé que riens ne se devoit ne pooit passer sans
culs. Qant tout furent venu à Londres, li parlement et li consel
conmenchièrent à Wesmoustier, et furent li ambassadeur d'Es-
coce apellé. 11 vinrent et entrèrent tout en la cambre dou con-
sel, et là estoit li rois d'Ëngleterre presens. Là lor fu demandé
quel besongne les amenoit pour ces jours en Engleterre. Li eves-
ques de Saint Andrieu d'Escoce, qui fu uns moult sages et dis-
crés homs, remoustra la parole pour tous, et bien le sceut faire.
Qant il ot parlé, on les fist issir de la cambre, pour euls consil-
lier et faire response. Il atèrent petiier le parvis et le clostre,
tant qu'il fuissent rapellé.
Or conmenchièrent chil dou ctmsel à parler et à proposer
pluisseurs coses, et ne peurent estr< d'acort, et furent li Esco-
çois appelle; il vinrent. Qant il furent venu, li archevesques de
Cantorble lor dist que il ne pooient estre si tos définitivement
respondu, mais il le seroient au plus tus que un jioroit, et que
lor demande ne requeroit pas si bricf conset. Il n'en purent aul-
tre cose avoir, et se départirent de là et retournèrent à lors hos-
tels. Et li consauz demorai et parlèrent d'aultres besongnes qui
lor louvoient, car il a'estoient pas asumblé tout pour une cose.
;vGoo»^lc
3Î0 CHBOXIQUES DE J. FROISS\RT. [1333]
Et li rois s'en vint à Cènes, usaés priés de Wesmoustier, un ho&-
tet roial qui sciet sus la Tamise. Chil Escoçois demorèrent plus
d'un mois à Londres et ne pooient estre respiHidu, car U con-
sauls ne voloit, et tant que il furent si hodé et si tané que il re-
quissent et priièrent que, fust pour euls ou contre eols, il fuis-
sent respondu.
La cause qui ntetoit detriance ou consel dnu roi, je le vous
dirai. Il cpnsideroient generaulment entre euls deus coses : li
une si estoit que lors sires li mis estoit joues et à faire, et ne le
voloient pas tenir ne nourir en viseuses. mais en painne et eo
travel^d'amies ; car, par les wiseusses que ses pères avoit eu,
estoit d'onneur li roiaulmes d'Engleterre requlés, à laquelle cose
il voloient retourner ou tout parperdre. Li sccons articles estMt
que li Escoçois tenoient la chité de Bervich et Struvelin, Dran*
bare, Dalquest, Haindebourch et tout le pais jusques à un pas
que on dist Quinnesferi, où la mer d'Escoce doit départir les
deus roiaulmes, et que li Escoçois l'aueroient trop bon parti, se
uns si grans hiretages lor demnroit paûeviement, et que ce ne
faisoit pas à rcquerre ne à sousfrir : ■ Voire, disoient li auqun
vaillant homme ou consel dou roi, li Escoçois sont bien fol et
ignorant, qui quident, pour une fenme qui est seroiur de nosire
roi, que nous doions cest, que est hiretages à la couronne d'En-
gleterre, quiter. Il nous tourueroit à grant blâme et reproce, et
aussi nous ne le poons faire. Nous avcms cause raisonnable de
re^xmdre as Escoçois et dire ensi : Il nous rendent Bervich et
tout le pais, ensi que li bons rois Edouwanc le tint en son temps;
et puis dou sourplus, nous entenderons à lors treties- ■
Ensi fu conclu ens ou consel d'Engleterre, et U Escoçois res-
pondu, qant il orent séjourna à Londres bien un mois. Qant 11
Escoçois olrent ceste response, il furent tout abus et veirent bien
que li Englès voloient la guerre. Toutes fois, il respondirent et
dissent que il n'estoient pas cargié de procéder sus tels trettiés,
et que les paroles, que il avoient oy et entendu, seroient repor-
ta au pais. Si issirent hors dou consel, et montèrent sus tors
cevaus, et se départirent dou palais de Wesmoustier. Et cevau-
chièrent au lonch de Londres, et vinrent à Saint Jehan Lane en
Griscerche, là où il estoient descendu. Et fissent par tout lors
hostels compter et paiier, et puis issirent de Londres; et cevau-
chièrent tant par lors journées que il retournèrent en Escocc.
On estoit trop esroervillië pourquoi il deUMn-inent tant. Qant it
;vGoo»^lc
[1333] VARIANTES DU PREMIER UVRE, $ SI. 321
furent revenu, li baron et li signeur d'Escoce vodrent savoir des
nouvelles. Ils ne les pubiiièrent pas sitns que il furent revenu,
mais fissent venir à Haindebourc tous ceuls qui toilliet estoient
d'en savoir. Qant tout furent venu en la présence dou roi meis-
mes, li evesques de Saint Andrieu parla et remoustra toute l'or-
denance de lor voiage, et quel et conment il avoient trouvé le
roi d'Engleterre et son consel, et que plus d'un mois il avoient
atendu à avoir response. En la fin il l'eurent tèle. Adonc lor re-
moustra li dis evesques toute t'ordenance des paroles que li con-
sauls d'Engleterre avoient respondu.
Qant chil qui là estoient entendirent que les besongnes se por-
toient ensi, si furent tout abus, et dissent li plus sage : « Nous
auerons lu gerre, il manque dou pourveir. A celle fois ichi, Il
^glès nous rueront jus, ou nous les mêlerons en ce parti. Ros-
tres rois est jones , et aussi est le leur. Il fault que il s'asaient.
Desous le solel , n'a plus orguilleus ne presomptieus jieuple que
le peuple d'Engleterre est. » Li jone chevalier et esquier d'Es-
coce, qui amoient les armes, et qui se desiroient à avanchier,
furent tout resjoy de ces nouvelles, car il avoient assés plus
chier la guerre que la paîs. F" 2fl V et 30.
§ 81. P. 107, I. 5 ; Li jours. — JUs. a Amiens : Or reven-
rons à le matère des Englès et des Escos. Li jours, qni dénom-
més estoit, aprocha ; et vint li noblez rois Eklouwars à tout son
ost au Noef Castiel sur Tin, et encoirez tondis li croissoient gens.
Et là se tint par l'espasse de huit jours, atteadans chiaux qu'il
avoit envoiiés en Escoche deviers le jouène roy David et son
consseil, liquel revinrent deviers lui au neuvième jour, comme
chil qui ne raportèrent aultre responsce que le premîerre. Et di-
sent bien au roy d'Engleterre que li Ëscot estoient tout appareil-
liet de lui recepvoir, puisque gueriier les voloit : ■ Dont, sire,
quant nous veysmes l'ordonnanche d'iaux et le afTection qu'il
ont de tenir leur oppinion, nous deffiamez le roy et les siens de
vous et des vostrez. Si poés d'ores en avant, et sans fourfet, en-
trer sur yaux. Or, regardés de quel costet. • Dist li roys : « J'en
aray avis. » Adonc, s'en consseilla, et on It dist que premiers
on alabt deviers Rosebourdi, et le assiegast on de tous lés, car
c'est ungs castiaus qui siet sus marche, et que li Escos tiennent
pour concquès. Ceste cose fu acordée.
Dont se parti li nobles roys Edouwars dou Noef Castiel , et list
;vGoo»^lc
32i CHRONIQUES DE J. FROISSABT. [1333;
ses marescaux chevauchier devant, le comte de Sufibrch et mon-
seigneur Thummas Waghe. Che premier jour, s'en vint li roù
jesîr à Urcol, uag castel et une ville qui est au seigneur de
Persi. Li ville estoit toutte gastée des Escos, mais li castiaui
n'avoit garde. L'mdemain, vint li roys dinuer à Persi, et se tint
là tout te jour, en atendant ses os et ses gens, qui enctùm
estoienl par derièi'e. F" 15 V.
JUs. de Borne: Environ la Saint Jehan Baptiste, que on compta
l'an de grasce mil trois cens trente et un, li jones rois Edouwars
d'Engleterre et la reine s'en vinrent à Evruich euls tenir et lor
estât, et cachier as cerfs, as dajns et as chevinteis. Et entrues
se ordonnoient les pourveances, et se fabsoient très grandes et
très grosses, pour aler ens ou roiaume d'Escoce. £t fîst li rois
faire un mandement que toutes gens tenans de li, portans aimes,
fuissent, le premier jour d'aoust, à Evruich. Li mandemeDs dou
roi s'estendi par toutes les parties d'Engleterre jusques ens ou
fons de Cornuaille, et tout vinrent à Evruich. Adonc se deslcça
li rois et vint à Durem; et ensi que il ceminoit, la roine sa
fenme le sievoit. Et vint li rois au Noef Chastîel et là s'aresta,
pour tant que tous ceuls des lonCainnes marces d'Engleterre
n'estoient point encores venu.
Ces nouvelles estoient bien sceues en Escoce, comnent li roi^
d'Engleterre, à poissance de gens d'armes et d'ai'cliiers, les ve-
fioit veoir. Les auquns en faisoient grant doubte, et li aultre
non. Toutes fois, ils pourveirent les villes et les chastiaus tena-
btes, et par especial la chité de Bervîc. Et i ordonnèrent li si-
gneur d'Escoce à chapitainne, mesire Aliiandre de Ramesai, un
treï vaillant et sage chevalier, et des aultres chevaliers et es-
quiers assés avoecques lui. Et li rois et la roine se tinrent en U
marce de Haindebourch. Et n'avoient pas li Escoçois entension
que d'atendre le roi d'Engleterre, et de combatre à lui poissance
contre poissance, car il n'avoient pas gens pour résister encontre
les Englois. 11 laisscroient bien perdre une parHe de lor pais et
puis le recouveroient; et aussi Û poursievroient les Englês sus
lors logeis, de nuit ou de joiu-, et lor poroient bien par ce parti
porter aucun damage. En ce consel s'arestèrent il. Et li roi*
d'Engleterre se tenoit au Noef Chastiel sur Jhia, et toutes ses
gens estoient logiet autour de li ; mais point n'avoient encores
passé la rivièie, pour la doubtance des Escos.
Enti-ues que li rois d'Engleterre estoit sus ce voiage, vint de-
q,t,7edbyG00»^lc
[1333] VAE.1ANTES DU PREMIER LIVRE, § Si. 323
viers lui messlres Robers d'Artois, ensi cornue uns chevaliers
tous desconfortez, et il le savoit bien où prendre. Li rois d'En-
gleterre et la ruine le requetlièrent moult doucement, car il lor
estoit moult procains de linage. Et li dist li rois : a Messires
Robert, biaus cousins, nous avons ass^s pour nous et pour vous.
Puis que vostre amie de delà la mer vous defiallent, nous ne
vous faudrons point à vostre besoing. » Et messires Robers li
avoît respondu et dit : « Monsigneur, grant merchis. s Li in-
tension dou roi et de son consel estoit tèle que, le roi retourné
de ce volage et venu en la marce de Londres, il [li] asigneroit
en Engleterre terre, rentes el revenues, pour vivre honnourable-
ment et tenir son estât.
Qant li rois ot séjourna au Noef Cliastiet sui- Thin environ
douse jourz, et toutes ses gens furent venu, moult i avoit grant
peuple. On nombra les hommez d'armes, cbevaliers et esquiers,
à siis mille hommes, et les archiers à chienqante mille. Si pas-
sèrent tout oultre la rivière dou Thin, sus le pont dou Noef
Cbastiel; ailleurs ne le pooient passer. Et passèrent chil de l'a-
vantgarde, laquelle li connestables d'Engleterre et li marescal
menoienti et s'en alèrent logier sus le pais encontre la frontière
de Northombrelande, et ne prissent pas le cemin pour aler viers
Bervich, mais viers Rosebourch ; et vinrent il Ânwich et en la
terre le signeur de Persi.
Ensi que li rois d'Engleterre estoit logiés en la ville de Anwich
et toutes ses gens là environ, uns hiraus d'Escoce, qui s'apelloit
Dondée, vint deviers le roi et deviers les sîgneurs, et pria que
il peuist estre oIs; il le fu. II dist au roi, presens ceuls qui le
peurent olr : i Très chlers sires , je sui chi envoiiés de par
aucuns prelasetbaronsd'Escoce, qui sont venujusques àla Mour-
lone, et là me doient il atendre tant que je soie retournés de-
viers euls ; et venroient volentiers parler à vous et à vostre con-
sel, sauf venant et sauf retournant. » Li rois regarda sus le
conte Henri de Lancastre, et sus auquns barons et prelas qui là
estoicnt. Adonc fiat on traire le hiraut arrière, tant que li i-ois
lu consilliés. Acordé fu que li hiraus les nonmast là par noms,
Uquel c'estoient, qui venir voloient i on lor acordoil volenliei-s
la venue et le retour. Li hiraus les nonma : il en i avoit sept,
deus prelas, et chevaliers jusques à chiencb. Tantos, une lettre
de sauf conduit fu escripte et seeMe et délivrée au hiraut, qui se
départi de là et retourna à ses mestres, et leur bailla le sauf conduit.
;vGoo»^lc
324 CHRONIQUES DE J.' FBOISSART. [1333]
Qanl il l'orent, il i ajouslèrent foi ; et se départirent de la Mour-
lane, et cevaacièrent tant que il vinrent à Anwich. Li rois d'Eu-
gleterre, à l'eure que li Escos vinrent, estoit aies logier ou chas-
tiel, et là tenoit son estât. Quant li Escoçois fureol venu et
descendu de lors chevaus, il furent logiet de par les nFficiiers
dou roi. Adonc vinrent auqun chevalier d'Englelcrre qui les re-
quellicrent, et qui à ce faire estnient connus ; et les enmenèrent
deviers le roi et les signeurs, qui atcndoient lor venue. Tout li
signeur d'Englcterre, qui là estoient en la présence dou roi, s'ou-
vrirent et laissièrent les Escoçois passer. Il cnclînèrent le roi, et
non plus avant. Li rois les requelli de une parole tant seulle-
ment, ce fu que il dîst en son langage : n Bien venant. > De
trop petit se disfèrent li uns langage de l'autre.
Or vous nonmerai les deus prelas et les chîenc chevaliers,
l'evesque de Saint Andrieu et l'evesque d'Abredane, messire Ja-
mes Douglas, frère à messire Guillaume qui porta te coer dou
roi Robert de Brus en Grenade et là morut, messîre Arcebaus
Douglas son fil, le conte de Qarrich, mcsire Robert de Versi et
mesire Simon Fresiel. Li evesques de Saint Andrieu Tu chils qui
remoustra la parole et dist : « Sire rois, et vous baron et prélat
d'Englcterre, qui chi estes, nous sonmes ichi envoii^s de par
toute la généralité dou roiaulme d'Escoce, et sonmes esmervelli^,
euls avoecques nous, et nous avoecquez euls, à quel title si son-
dainneroent apriès les trieuves fallies entre Escoce et Engleterre,
vous estes esmeu à nous (aire gerre, qant nostrcs sires U rois
d'Escoce a , sire rois d'Engleterre, espousé vostre soer. Nous i
adjoustions au dit mariage grans aliances, et (uioies generaul-
ment en toute Escoce moult resjoî , qant la dame nous demora
roine. El dous tome à grant mervelle celle dureté que vousavés
empris à faire à vostre frère, noslre roi, et vostre serour, nostre
roine, qant ce tant de petit hiretage que Dieus lor a donné, vous
volés destruire. Si vous prient, par nous, nostres sires li rois et
madame la roine que vous ne voelUés pas faire celle cruautté
que d'ardoir et cssillier lor hiretage; et retraiiés vous et faites
retraire vos hommes, et leur donné[s] congié çasqun de re-
tourner en son lieu. Et prenés trois ou quatre prelas des vostres
et otant des vostres barons d'Engleterre, et nostres sires li rois
en metera otretant à l'encontre; et ce que chil trouveront ou
decrë de lor disposition, il déposeront sus t'ordenance des deus
roiaulmes. Et sera tenu à ferme et à estable, pour tousjoun
DiqitizeabyG00»^lc
[i333] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g SI. 325
mes, ce que <lepose en sera ; et demorrés, vous et vostre frère,
en puix, et ensi vostre hiretage. C'est k parole que nous vous
remoustrons, et pour qoy nous snnmes venu, et sur ce nous de-
mandons à avoir response. n
Qant ti evesques de Saint Andrieu d'Ëscoce ot ensi parl^, H (u
moult bien ois et entendus. Donc Ai dit as Escoçois que il se
traissent arrière, on conscUeroit ior parole, et puis aueroient
response. Il le fissent; et s'en alèrent li Escoçois tout eusamble
en une aultre cambre qui estoit ordonnée pour euls. Encorcs fu
conmandë que tout vidassent de la cambre dou roi, réservé ceuls
dou consel. Il widièrent chil qui là n'avoient que Taire. 14 repli-
qièrent li signeur, en la présence dnu roi, toutes les paroles et
requestez des Escoçois, et demandèrent : « Or sus, qui fera la
response, et qui parlera à point susche que il ont dit et proposé?*
Donc parla messires Reoauls de Gobehen, uns moult sages et
vaillans chevaliers, pères ù mesire Renault, qui fu depuis anssi
uns moult preus et vaillans chevaliers, et dist : ■ A tout ce que
chiJ Escoçois reqièrent et demandent, ne fault pas trop grant
consel. Il seront respondu ensi, pour ce que il ont demandé à
quel title li rois nostres sires et nous Ior faissons gerre : c'est
por le mauvesté et rudèce de euls. Car jà sèvent il et ont sceu
leur père, passé sont L terme de cinq ans, que li rois d'Escoce
doit tenir et relever et faire honmage au roi d'Engleterre de
tout le roiaulme d'Escoce, réservé auquns isles qui marcissent à
rencontre d'Irlande et de Norvègue, les quels isles sont nonmé
les sauvages Gscos , et ont un signeur pour euls , qui se nonme
Jehans des Adultilles. Chils obeist au roi d'Escoce, et non à
nous. Et cesle raison, on Ior metera en termes tout premiers,
car elle est toute clère; et bien le scèvent, quoi que il en igno-
rent. Secondement, pour reconquerre ce qui est nostre, la chit^
de Bervich et tout le pais jusques à la mer c'on dist d'Escoce ;
et se ce il nous voellent rendre debonnairemcnt, et que li rois
viengne à honmage au roi nostre siro et recongnoise l'onmage à
estre lige, presens les barons d'Engleterre et ceuls d'Escoce, et
que de ce soient lettres escriptes et seelées dou roî d'Escoce et
des barons d'Escoce, il demorront en paix. > Adonc fii dit ù
messire Renault de Gobehen : « Sire, il plaist au roi que vous
fachiés la response, car avés la matère toute pourveue. a Donc
respondi messires Renauls et dist : » Je le ferai volentiers. »
Adonc furent appelle li Escot, Il vinrent avant et entrèrent
;vGoo»^lc
326 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1333}
dedens la cambre, et nuls fors euls. Li consauls dou roi se mUt
sus deus èles, et les Escoçois eoini euls. Qant il furent tout aquoi-
sié, messirez Renauls de Gobehein parla el dist : i Entre vous,
signeur d'Escoce, vous demandés à avoir response et non aiiltre
cose, et vous l'auerés, et bien briefment. Vous avés demandé à
quel title nous vous volons présentement faire guerre. Vous le
savés bien, quoi que vous ignorés ; mais puis que il faut que nous
renouvelions la parole, je parole pour nostre sire le roi et pour
tout le pais generaument d'Engleterre. Et dissons que vostres
rois est tenus, et ont esté tout si predicessour, roi d'Escoce, et
seront li successour, à faire honmage au roi d'Engleterre, à ceuls
qui furent et seront. Et cela avoech le calcnge nous volons tenir
en droit, et le demandons et requérons comme te bon hiretage
à la couronne d'Engleterre. Avoecques tout ce, nous disons, et
pour ce sonmee nous logiet sus les camps, que vous, qui estes
d'Escoce des plus grans et li consauls dou roi , tenés contre
l'onnour et majesté roial dou roi d'Engleterre et de ses hoirs,
ta chité de Bei^ch et grant pais qui s'estent jusques à bonnes
de la mer d'Escoce, et volés demorer en celle tenure par ma-
nière de conques. Sachiés que nostres sires li rois ne le puet
sonsfrir ne voelt. Et se il le voloit par auqune dissimulacion,
pour tant que avés mis en termes qne il deveroit tenir en pais
ce tant de petit hiretage que son frère le roi d'Escoce et sa se~
rour ont, et tient à présent, se ne le sousferroient pas si homme,
et sont tout conforté que toutes ces coses vous reraeterés arrière.
Et fera vostres stres li rois foi et hommage lige à nostre sire te
roi d'Engleterre, se il voelt demorer en pais. Et le feront aus^
tout chit qui sont enexsé et conclave ens es terres, qui sont et
dolent estre tenues et relevées de foi et d'onmage de nostre si-
gneur le roi d'Engleterre. Et se vous estez fort, de par vostre
roi et les vostres, de acorder toutes ces coses recordées, si ditez
oil; et nous entenderons à la paix. » Donc respondirent li Es-
coçois et dissent : a Nennîl, ne nous n'en sonmes ne cargié ne
introduit. » Donc respondi li chevaliers .englois et dist : « Vous
perdes aultrement vostre langage ; et puis que vous votés procé-
der dou contraire, retraités vous viers les vostres, et lor dites
ce que vous avés trouvé en nous , car vous n'enporterés aultre
Qant li Escoçois orent entendu messire Renault de Gobehem
enst parler et soustenir ta querelle des Englois par celle voie, si
;vGoo»^lc
[i333] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 51. 327
iureot tout abus et ne sceurent que dire, ne que repliqier, mais
il prissent congiet dou retraire ; on lor donna. Et issirent don
chastiel, et retournèrent là où lor cheval estoient ; et burent un
cop et mengièrent, car des biens de l'ostel dou roi on lor envoia
assés. Et puis montèrent sus lors chevaus, et partirent de An-
wich; et chevauchièrent tant que il trouvèrent le roi et auquns
des signeursd'Escoce,par lequel consel il estoient venu deviersle
roi d'Engleterre et son consel. Si lor recordèrent tout au lonch
quel cose il avoient trouva, et la response grande et orguilleuse
que il avoient eu des Englots. Et moustroi^it bien en lor parole
que li rois d'Engleterre n'avoit en toutes ces coses nulle pois-
sance, et que li pais et roiaulmes d'Engleterre faisoit fait et par-
tie dou calenge et dou procéder avant; et avoient bien entendu
que, se li rois d'Engleterre se voloit dissimuler, taire tous quois
et quiter l'onmage et le calenge, se ne le quiteroient pas ses
gens , Adonc dissent ils entre euls : a Confortons nous et faisons
dou mieuls que nous poons. Nous auerons la gerre, et ne
l'euimes onques si dure ne si folle que nous auerons poiu* le
Ensi demorèrent les coses en cel estât, ne depuis n'i ot tretti^ nul
quelccoiques, pour celle saison, entre Engleterre et Escoce; mais
se départi li rois d'Engleterre et toute sa poissance de Anwich et
de là environ, où ses gens estoient logiiîs. Cil avoient encores cent
mille chevaus ; et ensi que il ceminoient, pourveances les sie-
voient à esfort, as sonmiers et à charroi. Et prissent li Englois
pour celle fois le c«min de Rosebourch et de Miauros. Encore
s'esten toute Engleterre jusquez à là. Aliauros est une abbeie de
Saint Benoit; et là se départ, à une petite rivière qui i court, li
roiaulmes d'Escoce d'un lés, et li roiaulmes d'Engleterre d'auttre.
Lu première ville que on trueve en alant en Escoce, c'est la
Mourlane : là vinrent logier li connestables d'Engleterre, li contes
de Norhanton et li marescal, li sires de FeUeton et messires
Thomas Wage. Qant ce vint à l'endemain, toute li hoos fu logîe
en Escoce, et laièrent Bervich à la bonne main. Bien savoient
que il i retoumeroient qant il aueroient fait lor emprise ; mais
il voloient veotr se il trouveraient à qui parler, car il ne deman-
doient que la bataille. Si esploitièrcnt tant li rois d'Engleterre et
ses hoos que il foullèrent grandement la plainne Escoce, et ar-
dirent et essillièrent moult de villes et de hamiaus.
Moult petit de villes fremëes sont en Escoce ; ii r a grant fuis-
;vGoo»^lc
328 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1333]
son de chastiaus, et non pas tant de diis fois que il i a en Engle-
terre. Et ont li Escoçois celle manière et condition, qant il sentait
les Englois venir à poissanche telle que pour lors il avoient, il
tiennent les camps. Et ne s'encloent point li sigueur en Ion
diastiaus ; et dient que uns cKevaliers, qui là est enclos, ne puet
non plus faire que un aultre homme. Li Englois quidièrent trou-
ver le rot en Haindebourc, car c'est Paris en Escoce, mais non
fissent ; car II en estoit al^s oultre et meoe' sa fenme sus ta sau-
vage Escoce.Et li chevalier et esquier dou pais s'estoient requel-
liet et rais ensamble, et avoient fait mener tous lors meubles et
cachier lors bestail, dont il ont grant fuisson, ens es fores de
Gedours qui sont inhabitables ; et bien scèvent que les Englès ne
les iroient jamais là querre, car point ne c<Hignissoient les entr^
et les issues, et sont fortes à cevauchier.
Si vinrent li rois d'Engleterre et ses gens en la ville de Hain-
debourc, qui est grande et plentiveuse, et point n'est fremëe. Si
se loga li rois en l'abeie de Sainte Crois, et tout li signeur là où
le mieuls il peurent; et t furent quinse jours, pour tant que <m
entendi à prendre le chastiel, liquels se rendi, salve lors vies de
ceuls qui dedens estoient. Donc le fist li rois d'Engleterre too-
parer grandement et ravitaîllier et rafresqir de nouvelles pour-
veances; et i mist un chevalier à chapitainne, dou pais de Nor-
thombrelande. Et fu li entension dou roi et de son consel que il
le tenroient, et en feroient frontière contre les Escot^is. Aussi
prissent li Englois un aultre chastiel fort assés , à cinq petites
lieues englesces de Haindebourc, lequel aa clainme Dalquest, et
est hiretages à ceuls [de] Douglas ; et en fissent garnison, et de
pluisseurs aultres. Et ardirent li Englois toute l'Escoce jusques i
à la ville de Saint Jehan en Escoc«, ne nuls ne lor ala aa de-
vant; et ne savoient chil dou pais à dire où h rois et la roine
estoient.
Qant li rois d'Engleterre et ses gens orent chevauchié et couru
toute la plainne Escoce et ars, et exsilUé tout te plat pais, et
n'estait nulle nouvelles des Escos qui lor contredesissent lor
cemin, et il veîrent que li iviers aproçoit, et il orent pourveu et
rafresqi tous les chastiaus que il pensoient à tenir pour gueniier
et heriier le demorant dou pais, il se missent tout souef au re-
tour. Et fu li rois logiés en une moult belle petite ville , que on
apelle Donfremelin. Et là a une abbeie de noirs monnes , qui
est assës grande et belle ; et là dedens celle abbeie sont les se-
;vGoo»^lc
[133'i] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 32. 328
pultures conniunetinent des rois d'Escoce. La ville fu arse, mais
li rois desfeiidi à non ardoir l'abeie, pour tant cjue il i avoit esté
logîés. Puis se missent li rois et ses hoos au retour; et ne pris-
sent pas le cemin que il estoient venu.'Oiais celi desus la marine,
car ce fu lor intensiou que, de ce voiage, il meteroient le siège
devant Bervich. Et esploitièrent tant les Englois que i! vinrent
devant Dombare, qui sciet sus la mer. Et furent là et environ
chinq jours; et se missenfc^en grant painne de le prendre et de
l'avoir. Et i fissent li arclùer pluisseurs assaus, et ue le peurent
§ as. P. 109, 1. 14 : li rois. -~Mt. <f Amiens : Li roys d'En-
gteterre avoit bien en celle armée du mil hnmmez à cheval et
vingt mil à piet, archiers et gallois, sans le autre ribaudaille,
qui sieuvoieDt l'ost. Et esploita tant li os que il vim-ent devant
[Bervich']. Donc se logièrent que mieux mieus, et environnèrent
lecastel et assiegièrent de tous costés. Et envoiièrent lors foureurs
chevaucier, fourer et ardoir en Escoche, et prendre prisonniers
et bestez grant luison, et ramener en l'ost. Et fist li rois d'En^e-
terre drechier enghiens grans et haulx au pins priés dou castiel
qu'il peult, lîquel jetcoient sauvent nuit et jour sus lez tours du
castel et dedens ossi. Et ce durement les travilloit, car li enghien
leur abatirent les offechinnez de laiens et meysmes lez comblez
des saliez et des cambrez; et n'y avoit mes que deux grosses
tours où il se peuissent tenir. Moult furent chil qui le fortresse
gardoient et tenoient, bonne gent et bien deflendant ; mab enKn,
quant il parcburent qu'il estoient si cuvriiet dez enghiens, et que
longbement ne pooient souffrir tel assault, car lez grosses pièrez
que on leur jettoit desrompoient et froissoient trop durement
leur caslel, si eurent avis de tretier deviers le roy d'Engleterre.
El traitièrent une souffrance de quinze jours, et que li ungs de
1, Dans ce pasaage du mi. d'Amiens et dans plusieurs autres qui
■nitent, on lit : Soiehourch, sa lieu de ; Bvvich. C'est cependant de
Berticli qu'il s'agit : la fin de ce récit, où le nom mâme de Bervich ré-
parait, et tout le contexte, ne permettent pas d'en douter. Cette erreur,
qu'il faut «an» doute attribuer à une distraction du copiste, se trouve
reproduite dans les passages correspondants du lai, de Valencîennes ;
et la reproduction servile d'une erreur auss! grtMsière et purement ma-
térielle est un des faits qui donnent lieu de suopuser que ce dernier
ms, a é\.é fait d'après le ms. d'.^niiens, auquel il est (fiidemment pos-
jvGooi^lc
330 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1333]
chiaux dedeas peuist aller deviers le roy d'Escoche remonstrer
en quel parti il estoient ; et se, au seizième jour de le aouffrancbe
durant, li roys d'Escoche ne les avoit confortez et levet le siège,
il dévoient mettre et rendre le caste) en le voUenlé le roy d'&i-
gleterre, et cil s'en dévoient partir sauve yans et le leur. Li roys
leur acorda ceste besoingue, et fist cesser les engfaiens; et laissa
passer et paisivlemetit ung escuier des lors qui iJevolt Tère ce
Or dist li comtes que chilï escuyers, qui partis estoit de [Ber-
vich], esploita tant qu'il vint à Saint Jehans Tonne, une bonne
vile séant sus uog brach de mer, où li roys d'Escoce se tenoit et
li roynne, et li jouènes comte de Moret, et messires Guillaunmie
de Douglas qui estoit adono escuiers, nepveuz au bon messire
Guillaume de Douglas de qui vous av^s oy chy dessus, et mes-
sires Robiers de Versi, et messires Siraons Fresel, et grant fuison
de jouène bachelerie d'Escoche; car li roys avoit fet son especiat
mandement cocome chîl qui volloit chevauchier contre lez Englèï
et defiendre son pays. Lorsque li cscuyers fu venus, il s'enge-
nilla devant le roy. Et li dist, tout ensi que vous avés oychy de-
vant, en quel parti li castiaux de [Bervich] estoit; et se briefment
il n'estoit confortez dedens le terme qui mis y estoit, on le devoit
rendre. Dont dist li rois d'Escoche : a Oil, s'il plaist à Dieu,
nous chevaucherons celle part. > Âdonc renforcha il son mande-
moit, et se parti de Saint Jehans Tonne, et s'en vint deviers Hain-
debourch; et touttes ses gens le sieuwirent, qui mieux mieux et à
eflbrt. Lors se parti li roys de Haiadebourch , et se mtst as
champs o touttez ses os, pour venir deviers [Bervich]. Tant s'es-
ploita li roys d'Escoce que, l'endemaiu à heure de relevée qu'il se
fu partis de son castel [de] Haindebourch, il s'en vint à une grande
abbeie de noirs moinnez qui dou tempz le roy Artus estoit noum-
m^e li Noire Combe, pour ce que elle gist en ung val et sus une
noire rivierre qui départ anchiennement Escoce et Engleterre.
Et est celle abbeye crens de le guerre des deux pays, et de ces
ont il bien cartre et bien burle. Là se loga U roys d'Escoche et
ses gens tout sus ceste rivierre, qui est à neuf lieuwes englesses de
Rosebourch, à dix huit de Bervich.
Celle nuit, enssi c'a soleil esconssant, se parti li Jouènes mes-
sires Guillaume de Douglas et li jouènes comtes de Moret et mes-
sires Robers de Versi et messires Simons Fresel, a bien quatre
cens armurez de fer bien montez et bien abilli^s. Et chevauchi^-
DiqitizeabyG00»^lc
[1333] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S 52. 331
rent fort par voies couvertez et landez nient antéez ; et vinrent
environ mienuît ass^s priés de [Bervich], en ung biel prêt, envi-
ron une petite lieuwe englesce de l'ost. Là descendirent il et res-
traindirent leurs armures , et recenglèrent leurs chevaux et se
rabillièrent bien de tous poins; et puis montèrent et ordonnèrent
coumment il se maintenroient. Bien veolent les feux de l'ost et
chiaux que lî gait faisoient. St eurent advls que point D'yroient
celle part, mais s'adrecheroient i l'autre costct; et ne diroient
mot tant qu'il seroient ferut en l'ost. Et quant il seroient entré
dedens, il criroient t^ut d'une vois : u Douglas ! Douglas 1 »; et si
trestos qu'il veroient les pignonchiaux de Douglas et de Moret
retourner, il tes sieuwissent. Tout furent enfourmé de ceste be-
soingne, et chevauchièrent autour de l'ost englesce, et si coiement,
que oncques nulz ne s'en donna garde. Si furent li Escot entre
dedens, puis escriièrent d'une vois : « Douglas! DouglasI n et
disant : a Tout y morés, larron d'Engleterre 1 » Lors coummen-
chièrent à fcrir et à frapper, et à decopper et reverser tentez et
logies , et à abattre, navrer et tuer Englès et mettre en grani
mescief.
Celle nuit , faisoient le gait doi seigneur d'Engleterre , li sirez
de Felleton et li sirez de Moutbray, à cinq cens honunez d'ar-
mes et cinq cens archiers'. A le vois et à le huée et à l'aba-
teis des loges , et au meschiës de chiaux qui criotent où li Escot
estoient embatu , s'estourmy li os ; et s'armèrent par tout cou-
munaument qui mieux mieux. Meysmes li roys s'arma moult
vistement, et se mist devant se tente; et iist lever bannierres et pi-
gnons, et (a moult courchiés des Escos que ensi souspris l'avoient.
Là se rassamblèrent daUéz le roy et en son logeis li seigneur et li
baron d'Engleterre; et li gèz s'eBbrcha et avancha che qu'il peult
de venir celle part où li noise estoit. Mais ainchois qu'il y pewis-
sent parvenir, li Escochois qui avoient en partie achievet leur em-
prise, se retournèrent tout sagement et enmenèreat bien quarante*
prisonniers, dont il y eult sept* chevaliers et douze escuiers; et
entrèrent ens es bois saoz dammaige, comme chil qui n'avoient
garde puisque là estoient, car i) savoient tous lez chemins et adrè-
ches, che que li Englès ne savoient point. Quant che vint au ma-
tin, on regarda en l'ost quel dammaige li Escot y avoient fait. Si
1. Ml. dt faleneUnnei ; mais il estoient d'aiillre pan. F* 34.
a. lùU. ; toixBute. — 3. Hid. : huit.
DiqitizeabyG00»^lc
332 CHRONIQUES DE J. FR01SSA.RT. [1333]
fu trouvct qu'il avoicnt bien, qiia mors. que navr^, treize vmgt'
hommes et s'en menoient plus de quarante *. Moult en fu It roy»
courouchiës, mes ameniier ne le peut, tant que à celle foix. Si or-
donna que, d'orez en avant, il feroieQt deux ghais o^i grani t^-
cun que il avuient acoustummet de faire^ et aniient gettep et es-
cnuttes pour gettier et garder les chemins, afiin que il ne fuissent
plus ainssi sou sp ris. Tout ce fn ordonné 6t accordé de par le roy
et les mareschaun. .
Or vous paurai des Escos qui Uet et joiant revinrent l'ende-
main, environ heure de primmc, divers le roy et Içurf gens , k
qui il recordèrent leur aventure. Moult acquisent chil quatre
jouëne seigneur d'Escoche, de r.este première chevauchie, grant
grâce de leurs amis; et ossi Tissent il grant renoummée de leurs
ennemis, car depuis tnudis il en furent le plus doublet. Or eult
li rois David consseil de deilngier et d'aprochier lez ennemis. £t
chevauchièrent li Escot, le second soir que li Englèz avoient estet
resvilliet, et se partirent de leurs logeis apriès soleil esconssani;
et chevauchièrent tout secrètement devers [Bervicb], Et avoiept,
très dont qu'il se partirent de l'abbeie, ordounné coumment il se
maintenroicnt, comme chil quî congnissoient le pays. Il pooient y
estre tout complet environ seize mille hommes, et tout à cheval
seloncq leur usaige, chevaliers et escuyers montés sus bon cour-
siers et gros ronchins , le demourant sus haghenéeg bien apertei
et bien travillans. Et yaui venus en ung bois, à deus lieuwes en
glesces es preis de [Bervich], chil dévoient partir leurs gens eo
deus moitiés, le mendre part envoiier rcsvillier l'ost et escarmu-
chier, et leur plus grosse bataille retenir et mettre sus elle . et
venir, apriès ce que li os serolt esmeute, sur cnstet et ferir elis;
et chevauchoient en cel estât que je vous di. Or fa leur venue
sceue en l'ost par les escoutes et geltez que li Englès lenoieiit
sus les chemins de touttes pars ; et vinrent en l'ost moût hav
teement, eu disant : ■ Armés| vous! Armés vousl car It Escot
chevauchent à tout leur effort et seront, s'il voellent , tantosE_
chy. » Adonc s'estourmy li os de tous costéz. Et li doi get se mis-
sent enssamble, et se tinrent tout qnoiement sur les chans tant que
touttes lors gens fuissent armé, et pour requeillier lez Escos, s'il
fiùssent venut, enssi que dit leur estoit.
Si tost que li roys d'Engleterre fu armés et toutte li os, il se
1. Jtf/. Je rafcneiennw; deus cens. F» 34vo. — 2. /Wrf. .• »oiwoie.
:vGoo»^lc
[1333] VARIAMES DU PREMIER LIVRE, & Si. 333
partirent de leur logeis tout bellement sans criier et sans noisier,
et vinrent enssus, environ le'n-etie' de trois àrs. Et avoient or-
donné qu'il luiroient les Escot entrer en leur logeis, et j'aux en-
sonniier de prendre et de tourssev che que laissiet y avoient; et
puis tout à ung les venroient aconrant sur yaulx. Et enssi comme
il l'ordonnèrent, il le fisent. Et Ji Escot, d'autre part, prisent le
avantaige dou bos et d'une |>etltte 'montaigne dallés te bois; et
affin qu'il ne laissent decheu, il envouèrent trais escuiers, monteic
sur trois hongres chevaux trop appela, pour savoir se li gës es-
toit de ce Us là où il volloient entrer en l'oit. Ghil vinrent à
chevauchant jusqnes as loges des Englès, et si pries que droit
à l'entrée ; et ne virent se oircul, personne ; dont il furent tout
esmervilliet , car encoirez dedenS l'ost n'y avoit point de Inm-
mierre. Si disent entre jiauit ; u Ou il s'en sont fui et parti, ou
il sont tous endormy. a Ensù le rapbrt^rent il à leurs gens en
le montaingne où il estolenc , dont li pluiseur eurent assés grant
merveille.
Quant li rois d'Escoche et ses conssaux qui daléz lut estoit ,
eurent oy le rapport que li escuier eurent fet, si le cotuseilliè-
rent l'un par l'autre coumment il se maintenroient. fii disent H
plus anchien, et chil qtii le plos avoient uset les armes, au roy :
* Sire, ne penssés jà que » vaillant chevalier que li roys d'En-
gleterre a avoecques lui , s'en soient fui ne parti ea tel man-
nicre ; mes puet y estre qu'il ont sceu nostre affaire et venue. Si
se tiennent tout armé couvertement dedens leurs logeis, pour nous
atraire où il sont, à bataille rengie, mis sus les chans, et ont pris
leur avantaige. Si aiiés avis sur che. ■ Adonc demanda li roys à
ses mareschaux qu'il en estoit bon affaire. Il conseillièrent qu'il
se tenissent là tout quoy, tant que clers jours fuist venus et qu'il
veroient entour yaux; et mesissent tous lors chevaux dedens le
bois paistre. Enssi Usent il. Tout se misent à piet et chachièrent
lors chevaux et haghenées eus el bois, et tes fisent garder de leurs
variez ; et se rengièrent et misent tout en une bataille sus le mon-
taingne, qui n' estoit pas trop grande. Et estnit ceste montaigne,
d'un lés, si roste que nulx ne peuist de che costé venir à yaux ;
de l'autre part, elle eshrit plus plainne , et touttes voies y avoit
grant terre à monter. Au |^us plain par où on les pooit apro-
chier, il chnuchièrent grant foison d'arbres et de bois, dont trop
1. Ui. Je falmeUnutf ' bien de lonfoew de trais vais d'arch.
:vGoo»^lc
334 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1333]
bien se fortefiièrent.Etne les pooiton que par une entrée aprochier
ne venir à yaux ; et cestc entrée estoit bien gardée des marescaux
de leur ost.Ensi se tinrent il tout quoy, tant que !i jours fu venus
biaui et clers, et qu'il vcirent environ jaux, et les Englès tous
rengiés et ordonnés sus mig terne, cnsi que dit est chy devant.
Ossi li Englès les pooient bien perchevoir et avisser, si
comme il lisent. Lors eurent consseil entre yaux coument il se
maintenroient ; et envoiièrent ung ' hirault des leurs de par le
roy d'Englelerre deviers le roy d'Escochc, liqueli y vint et li dist
enai comme vous orés cnsuiwant : a Sire , li nobles roys d'En-
gleterre m'envoie devierz vous et vous mande que, se li journée
d'ui se part sans bataille, et que par Torche vous ne levés le siège
à le bonne cbité de Bervicli, n'alendés jammais riens, car elle sera
sienne toutte liège pour tousjours mes. Et pour tant que vous y
estes venus si avant que vous monstres que vous vocilliéz nostre
roy combattre, afin que vostre désir et emprise soient accompli,
voeilliés descendre de celle montaigne là ou vous estez et li vos-
tre : il vous laira tout paisieuvlement en ces biaui plains ordouD-
ner, et vous combatei'a sans avantaige. Et se che vous ne voullés
faire , eslisiés des vostres vingt * ou trente ou quarante ou cent
ou deux cens , li roys d'Engleterre otanl , et chil se coœbate-
ront iH>ur son droit et pour le vostre; et à qui li place dcmoura
il en ait l'onneur, et li chité li demeure. » A ces parollez res-
pondi bien briefment li consseil le roy d'Escoche et dist enssi :
a Hiraui, vous soîiés li bien venus, qui si biaux fais d'armes nous
aportéz. Mes vous direz à vostre roy de par le nostre, qu'il n'a
nul droit de séjourner en che pays; mais s'il nous voelt combat-
tre, il nous voit ù yeux : si viègne à nous, et nous le requeille-
rons. Car au descendre de cestc montaingne, nous n'en sommes
point maintenant bien conseilliet, ne des vingt', ne des trente,
ne des cent , ne des deux cens combattre ossi corps à corps, ne
de mettre le droit que li roys nos sirez [a] a le chité de Bervicb
en tel pareçon \ et serons chy tant qu'il nous plaira. Et quant boa
nous samblera, nous savons bien voie pour descendre et pour com-
battre, non à l'entente de nos anemis, mes de nos anus. » Che fu
toutte la responce que li hiraux eult adonc, et laquelle il raporta
an roy d'Engleterre et à son consseil.
;vGoo»^lc
[1333] VARIANTES DU PREftlIEft LIVRE, § 82. 335
Quant II roys englès vit et oy dire par son hîrault que li Escot
ne descenderoient point de !e mnntaingne se bon ne leur sanbloit,
si eut vollenté et coummanda que on lez alast veoir de plus priés
et escarmuchier, car il sont ctiault et boullant, si lez poroit on
bien par ceste matmière jus atraire. Li advis et commandement
dou roj ne fu point brisés; et furent ordené mil archiers', cinq
cens d'un les et cinq cens d'un autre, et cinq cens hommes d'ar-
mes enmy yaus, qui les vinreot escarmuchier. Et fist là li roys
pluiseurs nouviauz chevaUers : le seigneur de Willebi, le sei-
gneur de Brasetonne^, le fil le seigneur de le Ware, messire
Edouwart le Des]>enssier', fil au seigneur Despenssier darrain
mort, le seigneur de Gresop qui là leva banoierrc, et pluiseurs
autrez d'Englclerre. Ëncoires furent là fet chevalier messires
Gautiers de Mauny et messires Guillaumez de Montagut , qui
estoienl compaignon enssamble et très appert bacheler. Dont se
partirent chil seigneur englès et chil archier, et apixtchièrent tes
Escos moult vistement; et li roys et ses bataillez demourèrent là
où il estoient ordonne, sans yaux en riens desiviiier. Et fu coum-
mandé de par le roy, et suur le teste, que nulz ne se partesist de
le montaingne, ne se raesist devant lez bannierrez des marescaux.
Quant li Escot virrent aprocbier les Englès et venir de celle
part la où il estoient le plus ouviers, sachiés que il ne liirent pas
trop efireetj mais se misent apertement li plus hardit et li plus
bat^elercux à cel lés et ce qu'il eurent d'arciers devant yauï, et
fisent leur roy tenir tout quoy à ses bannierrez. Evous venus les
Englèz qui coummenchièrent à traire as Escos, et li Escos à yaux.
Là y cuit grant escarmuche et tomainte belle apperlise d'armes,
mainte aventureuse prise et mainte belle rescousce. Et avint ensi
que, sus le plus fort de l'assaut, li marescal d'Engleterre fisent
tout à ung fès retourner leurs pignons, pour yaux faire chachier
et les Escos jus atruire. Mais li Escot, et par especial leurs cap-
pittainnes, qui sont assés sage de guerre et de teLx fès, ne se
desroiièrent pour ce noiient; a in s se tinrent en leur parti, enssi
qu'il dévoient. Et quant li Englès virent qu'il n'en aroient autre
cose, si se sont retret devers leurs grosses bataillez, car à l'es-
carmucbier pooient il plus mettre que prendre, yaulx fouller et
faire navrer, et peu grever les Escos.
>vGoo»^lc
]
33» CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1333]
Enssi se tinrent lî Englès, tout le jour, leurs batailles ordoun-
niies, et li Escochois d'autre part. Et, sus le soir, li roys d"Engle-
terre se retraist à ses logeis; et soupèrent en grant hasie et tout
armet, et fisent celle nuit leur ost bien cscargaittcr et priés
garder. Quant ce vint environ mienuit, lî Esc<it, qui sont trop biel
resvilleur de gens, envouèrent leurs nouviaui chevaliers et au-
cuns comjinignons qui aventurer se vorent, devers l'ost as En-
glès, mais bien leur besoingna qu'il fuissent bien monté, car il
Turent cachiet et reboutet ; et en y eut des leurs pris, aînschois
que il se pewissent estre remis en leur mnntaigne. Depuis ceste
envaie n'y eut riens fet, car li Escnt se partirent assés tost apriès,
car il virent bien qu'il n'estoient mie fort pour combattre le roy
engtèz ne se puissance. Si eurent plus chier à perdre le chité
de Bervich' à ceste foix que yaux mettre en l'aventure de plus
perdre.
Quant ce vint au matin, li Englès regardèrent deviers le mon-
taingne où U Escot s'estoient tenu le jour devant, et n'en virent
nul; si le nonchièrent au roy. Adonc y envoya U rois veoir se
c'estoit vérité; et on trouva qu'il estoient parti et avoient laissiet
petit remannant, car il ne mainnent point de charoy. Si rapor-
tèrent ces nouvellez certainnez au roy, chil qui envoiiet y avoient
estet.
Et che jour devant, estoit close li trieuwe à chiaux de Ber-
vïch. Si envoya li roys deviers yaui' quatre chevaliers assavoir
quel cose il voUoîent faire, Chil respondirent qu'il tenroient leur
couvent, tel qu'il l'avoient au roy. Li couvens estoit que il dé-
voient rendre le chite et le castiel nu roy, et il s'en dévoient par-
tir tout chil et celles qui partir s'en volloient, salve leur corps
et le leur, enssi qu'il lisent; et* aportèrent les clefs au roy d'Kn-
gleterre, et entra en le ville et puis ou castiel, à grant joie, et
tout chil qui entrer y peurent; et qui n'y peult entrer, si se loga
dehors. Enssi concquist li roys d'Engleterre le chité et le castel
de Bervich, et y entra en l'an de grasce mil trob cens trente
trois, le septième jour de jullet. ¥^ iS v* kf tl v".
JUs, de Rome : Si passèrent oultre et ceminèrent tant que il
vinrent devant la chîté de Bervich. Si l'asiegièrent, et se logiè-
1. Ml. Je yaUncitnBti : et le chaai^l de Bosdjourcli. V° 36.
2. tbld. ! dpvers Je fort.
3. Ibid. : et rendirent le fonereMe.
DiqitizeabyG00»^lc
[1333] VARUNTES DU PREMIER LIVRE, $ 82. 337
rent au plus priés que il porent. Pour ces jours, ea estoit chapi-
tainne nus Taillans chevaliers d'Esco<%, qui se nonmoit Alizandres
de Hamesai. Et avoit avoecques lui des 'aultres «^evalîers d'Es-
Goce et esquiers, qui tout estoient vaillant homme. Si se logièrent
les Englois au lonc de la rivière de Taie, qui rentre en la mer
desons Bervich. Et est uns havenes de mer, et par là par mer
venoient moult de pourveancel au roi d'Engleterre et à ses gens,
dont il estoient tous les jours rafresqi. Et sciet Bervich en bon
pais et pourveu de bleds, d'avainnes et d'autres grains et de
bons fains; et i trueve on grant fuisson de venissons et de vo-
lilles. Et avoit là li rois d'Engleterre ses chiens et ses oiziaus où
il prendoit ses déduis ; ne nuls ne li aloit au devant, ne brisoit
ses esbatemens. Car tous les jours, qant il voloit faire ce mes-
tier, li connestables d'Engleterre, li contes de Norhanton, avoit
bien chinq cens lances et mille archiers, qui cxtsiioient les bois
et les rivières toute jour, tant que li rois retoumoit arrière.
Considérés conment les saisons s'i portent et difiêrent de l'une
à l'autre. Vous trouvés ichi desus en ceste hlstwe, le roi Robert
de Brus d'Escoce resgnant, père à ce roi David, que il donna
moult à faire as Englois; et se il euist resqu, et messires Guil-
laumes de Douglas qui iii ocis par sa vaillance en Grenade, et li
contes Jehans de Moret, li rois d'Engleterre n'euist osé avoir
ensi pris ses déduis de chiens ne d'oisiaus en Escoce, ne ohe-
vauchiet sans avoir eu des grans rencontres. Maïs les Escoçois
conmençoient à doubler ce roi Edowart. Et disoient li ancuea et
et li sage en Escoce que il feroit un vaillant homme, et en avait
bien la chière et la manière. Et en celle vaillance si homme
d'Engleterre l'introduisoient et nourissoient : si faissoient bien,
car uns rois, puisqu'il voelt tenir terre et signourir peuple, doit
estre de hardies et grandes emprises.
Encores disoient les Escoçois, liquel congnissoient assés parfet-
tement la nature des Englois, et l'un à l'autre, par manière de
(x^tion : « Et pensés vous pour ce, se nos rois a à fenme la-se-
rour don roi d'Engleterre, que nous en doions mieuls valoir et
estre déporté à non estre guerriiet, mais Dieus, nennil 1 II fault
que li rois d'Engleterre obeise à son peuple, et face tout ce
qu'il voellent. Et s'i[l] fait le contraire, et qu'il fuie, et bée les
armes et sent pre<^eus et endormis, et quière et demande ses dé-
duis, il ne le poront amer, mais le disfameront et querr<Hit sur
lui vues et adrèces obliques, jà smt il preudons en consience,
1—22
;vGoo»^lc
338 CHRONIQUES DE J. FfiOISSAKT. [1333]
par quoi il le destruiront. El tn^ grans périls est en Engleterre
d'nn roi qui vient en la ^session dou roiaulme, qant i auera eu
un vaillant predicesseur devant lui, car se il n'ensieut ses oevres,
il est tous les jours en péril et ea aventure d'estre mors de son
peuple meismes, ensi comme il en est esceu et pris au roi Edou-
vart, père de cesti qui resgne en présent, que si homme ont fait
morir de maie mort eus ou cfaastiel de Bercler, et ont son fil
couronné à roi. Ce sont grant exemple pour lui, et pour tous les
rois qui par succession pueeat avenir et venir à la couronne
d'Eogleterre. >
Ensi disoieiU II Escoçois, et non pas euls tant seullement, mais
toutes aultres nations, qui congnoissent la nature et condition
des Englois; car, desous le solel, ne sont gens plus peritlens ne
mervilleus à tenir, ne plus divers que sont Englois. 11 sont de
belles aquintises et de biau samblant; mais nulz qui sages est, n'i
doit avoir trop grant fiance.
Tant fist li rois Edouwars en celle saison, devant la chité de
Bervich, que par poissance il les constraindi et mena si avant
que messires Allxandres de Ramesai, qui chapitainne en esloit,
entra en trettiés deviers euls, c'est à entendre devicrs le roi et
son consel, car il vei que secours ue confors ne li apparoit de
nulle part; et estoient fort amenries lors pourveances et lors ar-
tellerie, pour les grans assaus que on lor avoit bailliet et livrés,
car priés que tous les jours i estoient avenu fait d'armes et escar-
mucez ; et en avoit parlé à ses compagnons, car sans l'acort et
consentement de euls, il n'en euist jamez riens fait. Si se [K>rta
tretiés que il av<»ent trieuves quiose jours, et dedeus ce terme,
il dévoient envoiier deus de lors cevaliers deviers le roi d'Escoce
et son consel pour compter lor estât; et se li rois d'Escoce vo-
irai là venir, si poissans que pour lever le siège, la chité de Ber-
vich li demoroit; et se dedens les quinse jours il ne venoit, il se
dévoient rendre au roi d'Engleterre, et de ce jour en avant de-
morer bon EUigloîs; et se pooient chevalier et esquier, qui de-
dens estoient, partir segurement sans riens perdre dou leur; et
dévoient li manant de Bervich demorer en bonne paix sans estre
foullé ne pressé, ne avoir auqune violense de lors corps et de
lors biens. Les trieuves furent bien tenues; ne onques, tous les
qoinse jours, il n'i eut assaut ne escarmuce. Et eovoia messires
âlixandres de Ramesai deviers le roi d'Escoce et sou consel, qui
se tenoît en Abredane, et là environ sus la sauvage Escoce, deus
DiqitizeabyG00»^lc
[1333] VABIANTES DU PREMIER LIVRE, § 53. 339
chevaliers. Je les vous nonmerai : messire GuUtaume de Glaudi-
guin et messire Robert Bourme. Chit chevalier se départirent de
û chité de Bervich, et cevauchièrent parmi l'Escoce ; et trou-
voient en cevançant tout le pais ars et destruit, et ne savoient à
qui parler. Tant esploitièrent que il vinrent en la chité d'Abre-
dane, et là trouvèrent le roi et la roioe et auquns chevaliers
d'KsGoce qui ior Ikisoient compagnie.
Qant li rois vei les chevaliers venus, î) senti tantos que il
aportoient nouvelles; si leur dist ; i Bien venant! Otmnent vous
portas vous dedens Bervich? > Adonc li recordèrent li chevalier
toute l'ordenance dou treti^ ensi que il se portait. Et qont li
rois l'ot entendu, si pensa un petit, et vei bien que il n'i pooit
pourveir, » dist : a II me fault Bervich perdre, la souverainne
chité de mon roiaulrae. A ce ne puis je aidier. i Et puis il dist
eocores ensi : « Se nous le perdons pour ce temps, uns aultres
retournera que nous le recouverons, n Et dist ensi as chevaliers :
B Messire Guillaume et vous messire Robert, je vous remerchie
grandemKil de ce que si vaîllanment vous vos estes tenu en Ber-
vich. Vous vees bien que il n'est pas en ma poissance que je
puisse amender à ce mUé. Il n'i a nului en Escoce, depuis la
mort de messire Guillaume de Douglas et dou conte Jehan de
Moret; il n'i a gaires de cevaliers qui se doient ne puissent re-
lever contre la poissance d'Engleterre. Englois sont maie gent.
Li baron de ce pais tretiièrent jadis, et n'i a pas encores chinq
ans, dou mariage de ma fenme et de moi, au conte de Qent qui
fu uns vaitlans preudons et à la roine^ Isabiel d'Engleterre, pour
tant que il quidoient que je et toute Escoce en deuissions mieub
valoir, mais nennil : nous avons plus forte guerre assés que de-
vant. Et chil qui s'acordèrent au mariage, la roine, la mèi'e ma
fenme, li contes de Qent et messires Rogiers de Mortemer en
sont venu à povre conclusion, et tout par envie et le mauvest^
des Englois, Robert et vous, Guillaume, vous retoumerës et fe-
rés dou mieuls que vous imrés ; je voi bien que il fault que je
perde Bervich. »
Depuis ceste response que li rois David d'Escoce fist à ses
chevaliers, il ne demorèroit que deus jours que il se missent
au retour, et cemiuèrent tant par lors journées que il vinrent à
Bervich, et passèrent tout parmi l'oost as EInglois paisieuvlement,
et rentrèrent en la ville. Buis revenus, il parlèrent au capitaione
et as tous ceuls de la ville, bourgois et autres, et Ior [recordè-
DiqitizeabyG00»^lc
340 CHRONIQUES DE J. FROISSAAT. [1333]
rent'] en gênerai tout ce que il avoient trouvé ou roi d'Escoce
et en sou consel, et ta response tèle que faite on lor avoili et
sur ce [orent] consel et avis. Donc dissent il l'un par l'autre :
c II n'i a auttre cose; il nous fault tenir le trettté tel que nous
l'avoQS deviers les Englès. Aultrement ne poons nous liner. Et à
tout considérer, voirement ne le puet li rois amender, car il n'a
pas à présent gens ne poîssance pour combatre les Engloîs. »
Les chevalierz d'Escoce retournes sus la fourme et estât que
je vous dt, li rois d'Engleterre et sez consaulz vorreat sçavoir
quel cose il avoient raporté. Il leur dissent que Bervich estoit lour,
parmi les couvenances acomplies. Li rois d'Engleterre lor tint
et acompli de point en point. Et s'en départirent tout chevalier
et esquier qui en garnison i avoient est^, et enportèrent tout che
qui leur estoit et sans rihote. Et li bourgnis de la ville demorè-
rent en paix, parmi tant que il jurèrent solempnement à estre
bons et loiaus Englois, à tous jours mes, et eussent li biglois U
posession. Et i entra li rois d'Engleterre à grant fuisson de
trompes et de trompètes et de menestrandies. Et i tint son tinel
et son estât, et la roine Phelippe sa feome avoecques lui, laqneUe
estoit enchainte, et ce fu de Edouwart son ainné fil, qui puis fu
princes de Galles et si vaillans homs, comme vous trouvères de-
dens ceste histore, qant temps et liens seront à parler de lui.
Avoecques la chtte de Bervich, ot li rois d'Engleterre le castiel
qui est biaus et fors et oevre sus les camps et en la ville. Et tout
(a mis ens un trctié dou rendage. Et furent la chit^ de Bervich
et li chasdaus ravitailliet et rafresqi de pourveances et de gens
d'armes et d'archiers et de bon chapitaîime. Et fu toute la marce
et la terre de là environ recargie et mise en garde, de la bouce
dou roi, au signeur de Persî qui resgnott pour ce temps.
Toutes ces coses faites et ordonni^es, li rois d'Engleterre corn*
mença à donner de sa gent congiet. Et se départirent It plus
lontain premièrement. Et ils meismes s'en retourna au Noef
Chastiel sur Thin, et i institua ù chapitainne le signeur de Noef-
ville; et puis s'en parti, et vint un jour disner en un chastiel
priés de là séant, et la roine ans». Et le castel on l'apelle
Bronzes, et est dou signeur de Persi. Et tiirent lit li rois et la
roine deus jours. Et entrues passoient ses gens, et se retraioimt
casquns en son lieu. Et oii que li rtùs et la roine aloient, mes-
'■' 1. Ki. dt Kome : records. F« 33.
DiqitizeabyG00»^lc
[1334] VARUNTES DU PREMIER LIVRE, g S3. 341
sires Robers d'Artois estoit tous jours en lor compagnie. Qant
li dis rois et la roine et ses gens, voires ceuls liquel estoient or-
donna pour aoa corps, eurent esté en Branspes deus jours, et
li sires de Persi et la dame les orent bien festoiids, il prissent
congiet et se départirent. £t vinrent à Durem, et là se tinrent
trois jours ; et puis s'en départirent, et vinrent à Evruich. Et là
furent li rois et la roine et tous li hostels un temps jusques à la
Pasque ensievant, que on compta l'an de grasce mille trois cens
trente deus. Et là fist la roine sa jesine de Edouwart, son pre-
mier fil, qui depuis fu nonmés prinches de Galles et dus d'Ac-
quitainoes, et qui tant fu preus et vaillans homs, ensi que vous
orés dire en l'istore. F" 33.
P. m, 1. *0 : au chief.— 3f«.^ 18 «19 : en la fin. F" 30
v'—Ufts. ^ ÎO à 36 : au bout. F" 50 v".
S 55. P. 112, I. 3 ; Ensi. — lUt. ctJmieTts : Apriès le
concquès de Bervich , li roys eult consseil et advîs qu'il yroit
devant le caslcl de Rosebourch, qui estoit à douze licuwes de
là, et qui est de ce costet li entrée d'Escoche et li departemcns
dou royaumme d'Engleterre et de Norhombrelande ; car en ce
«astiel pooient lî Escot mettre une grant garnison, et trop fort
grever Bervich , et yaux aidier à deffendre et garder le marce,
s'il estoit de leur accord. Dont fu crîiet et coummandet de par
le roy que on s'en allast de celle part, ainssi que on ûst. Et
sieuwirent touttes pourveanches l'ost; et s'en vinrent devant Ro-
sebourq , et l'asegièrent de tous costéit , car c'est ung castiau
sus une roce en plain pays. Et y a fossés assés profons, mes
peu d'aighe y descent ne se tient. Dedens ce casiel y avoit
UDg très bon escuier d'Escoce, que on clammoit Allxandre de
Ramesay, qui dou garder fist bien son devoir. Et avoit touz
les jours l'assautt, jnsquez as murs, de traire et de lanchieri et
il se deffendoit si bien qu'il en avoit le grâce de chiaux de de-
dens et de dehors ossi. Or vous dirons ung |>eu dou convenant
et de l'ordonnance le roy David d'Escoce et de son consseil, et
coumment il se maintinrent depuis le département, si comme
vous avés oy.
Quant li Escot se lurent parti de le montaigne, si comme il
est dit chy devant, il chevauchièrent ce jour tout à leur aise,
car bien sentirent que li Engiès n'avoient nul talent d'iaux pours-
suiwirj et se logièrent, de haulte nonne, sus une petite rivierre.
DiqitizeabyG00»^lc
3ii CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1334]
que on claimme ou pays la Boée '. Et là se traissent (ont ti sâ~
gneur d'Escoche ik consseil quel cose il feroient, et coumment le
plus hminerableoienl de ceste guère as Englès il se muinten-
roient. Là y eut pluiseur parotlez dittez, devisées et remoustrées.
Et ne sambloit pas bonne as aucuns ceste ordonnance d'ensi fuir
devant lez Englèz, et qu'il se metoient en parti de tout perdre,
,ear honneur et leur pays. Dont disoient li plus sages que nul-
lement il ne se veoient fort de combattre le roy englès, qui avoit
avoecq lui bien soisante mille hommes d'esUte, et que il leur val-
loil mieur ensi maintemr que tout aventurer et perdre. Dont eu-
rent consseil et pour le mieux que li jouènes roys leurs sirez s'en
alast à Dubretan, ung très fort castel sus le sauvaige Escoche,
et là se tenist , il y seroit tout aseor, et la roynne avoecq Inî ;
et li jouènes messires Guillaume de Douglas et li comtes de Mo-
ret et li comtez de Surlant' et messires Robiers de Verssi et mes-
sires Sîmons Fresel' et tel route de gens qu'il Toroient prendre,
se tenissent ens es forés de Gedours; et cosdaîssent lez Englès et
les heriaasent : par celle voie il les gueriroient sagement et leur
porteroient à le fois grant dammaige ; et li autre se maintenissent
au plus bel que il pewissent.
Chilz conssaux fu creus et tenus. Et se départirent leurs os,
et s'en ralla chacuns en son lieu , sans faire ne moustrer aultre
deffensce au pays, fors par le mannierre que j'ay dit chy de-
vant, fors tant qu'il envoiièrent grant garnison en Haindebourch,
en Saint Jehanston, en Abredane, en Dondier, en Oarquest, en
le ville de Saint Andrieu et ensi par les fortressez, et gastèrent
yaox meysmes tout le plain pays. Et se retraissent hommes et
femmez et enfans ens es montaingnez et ens es bois et ens è$
forés ; et là menèrent tout le leur et s'i amusèrent. Et li cheva-
lier et seigneur dessus dit , qui estoient estaubli et ordonné pour
gueriier lez Engles , messires Guillaumes de Douglas , li comtes
de Moret, )i comtez de Surlant, messires Simons Fresel et plui-
seur autre se retraissent devers le forest de Gedours qui est forte,
sauvaige et grande sans nombre , où nulle gens estranges ne se
oseroient ne poroient embattre, s'il ne voulloit y estre perdu da>
vantaige *. Et li roys et ii roynne d'Escoce s'en allèrent à Dubre-
1. Ut. de VaUnàtima : la Bethe. F" 36 t",
2. Ihld. ; Suriaitre. — 3. liid. : de Ver»el.
4. iM. .- Le» costiirent tonsioura par lei montaigne» et païuget où il
savoîent bien let chemin*, et leur faiioient gmnt donunage.
DiqitizeabyG00»^lc
[1334] VABIANTES DU PREMIER LIVUE, § S3. 3-t3
tan, ensi qu'il est dit chy devant, et laiièrent leur pays gueriier
en la mannierre comme vous orës.
Ensi seoit li roys d'Engleterre devant le fort castel de Rose-
bourch, en Escoche, et y fu ung grant temps ; et le fist par plui-
seurs fois assaillir. Mes li bons escuicrs Alixandres de Ramesay
s'aquitta très bien et loyaument dou garder et dou dépendre i et
vint avoecq ses compaignons par pluîseurs Fois à le barrière , et
escarmuchier et combattre as Englèz. Et y fissent li Escot pluî-
seurs belles appertisses d'armes , de tant que li roys y sist , qui
disoit qu'il ne s'en partiroit mes jusqu'à tant qu'il arott le castel
par deviers lui, et en seroit sirez. Et là eut devant le castel ung
fet d'armes d'un chevalier d'Engleterre, qui s'apelloit messires
Guillaumes de Montagut , et de cei Âlixandre de Ramesay, li-
quelx ne fait mîe à oubliier. Et pour ce ai Je che livre coum-
menchlct que j'en doie et voeil recorder lez bêliez avenues, et
à ce je me sui acouvenenchiëz. Si n'est pas chili tes d'armez
escrips ne contenus ens es oronicquez messire Jehan le Rel; mes
j'en fui enfourméz dez signent dou pays, quant je fui en Escoche.
Chits messires Guillaume de Montagut, qui puis fu comtes de
SaDebrin par le vasselage et proèce de lui, et qui estoit fês nou-
viaux chevaliers, queroîl les armes et lez aventurez che qu'il
pooit. Dont, le siège durant devant Rosebourch, à une escar-
muche qui estoit une foix à te barière dou castel , il estoit tout
devant , une glaive en son poing , et faisoît là moult de bêliez
appertises d'armes; et li cappitaumez de layens, Alixandres de
Ramesay, yssi contre li. Avint que li dis messires Guillaumez li
dist : s Âlixandre, Alixandre, nous nos haïrions chy tout le joiu-
au lanchier et au traire ; et nous mettons en aventure d'estre
ocb, et sans grant proèce. Si voeilliés faire une cose oue je vous
diray : armes vous demain, du mieux que vous poës, et jou ossi ;
et montés sus ung cheval, le milleur que vous aiiés. Et, se vous
n'en advés nul qui bon ne vous samble , je vous en fera; ung
prester, et prendés vostre targe et vostre glave. Si, vous venés
esprouver à moy, en ces biaux plains, devant le roy men sei-
gneur et les barons d'Engleterre, par couvent, se vous me con-
quérez par vostre proèche , ensi que bien faire poirés , vous en-
porteréz devant vous mil nobles; et se je vous conquiers, je vous
feray bonne compaignie. » — <r Par me foy, respondi li escuiers,
il ne seroit mies drois hommes d'armes, qui refuseroit che parti,
et je le vous accorde liement. u
;vGoo»^lc
Ui CHRONIQUES DE J. FROISSABT. [1334]
Ensi Tu li bataille fianchîe à l'endemain, et li escarmuche le»-
sie. Chacuns se (XKirvey en droit de lui, dou mieux qu'il |»eult.
Et pour l'amour de le bataille, li rois d'Engleterre doona triewez
à tous chiaux dou castel de Rosebourch, le jour entier, et l'en-
demain jusques à soleil levant. Quant ce vint au matin, messires
Guillaume de Monlagut s'arma très bien, fort et ablement, pour
estre plus legiers. Et tous armés it monta sus sou cheval, le
glave ou poing, l'espée au costet et le targe au col; et s'en vint,
ensi qu'il dcvoit, desus lez camps assës priés dou castel. Et là
estoit li roys et li plus des barons d'Engleterre. Assés tost apriès,
vint Alixandrez de Ramesay, armés fricement et geDtement de
toultez pièches seloncq sou usaige, montés sus nng bon courùer,
le bacJiinet en le teste, le glave ou poing, et acompaigniés de
chiaux dou castel. Quant il se virent sur les camps, oncques ne
parlementèrent de riens enssamble, ains abaissièrent les glaives
et coindirent les targes à leurs poitrinoes, et ferirent chevaux
des espérons, et s'en vinrent au plus droit l'un contre l'autre
qu'il peurent, sans yaux nient espargnier. Et s'asenèrent, de pre-
mier encontre, de leurs glaives si roidement que chacun rompt
le sienne en plus de troix pièces; et s' encontre rent de leurs
espaulles si dur que leur large en passant se desbouclèrent et
leur pendaient contre val assés ik malaise; mais chacuns à se
partie mist remède et aye. Et quant on leur eult rebouclé et re-
mis à leur droit, il sachièrent les espées et ferirent chevaux des
espérons; et vinrent l'un sus l'autre très fièrement, et se requi-
sent, sans yaux espargnier, de grant couraige. Et là moût vassau-
mcnt et longhement se combatirent, et donnèrent li ung à l'autre
sus leur bachinés à visière tamaint pesant horion. Et quant des
espées il se furent ung grant temps combatu, il les jetlèrent à
terre avoecq les fouriaux, et puis se prisent as bras, et Initièrent
sus leur chevaux ; et fourmenèrent en luitant tant yaux et leurs
chevaux que moult estoient afoibli de leur force. Dont dbt li
roys ■. « Chil doy bacheler se sont bien esprouvet, et fricement
et vassaument se sont gouverné en leurs armures. Pour riens je
ne vouroie qu'il mescheist à mon chevalier, et que ti Escot ewist
ossi trop grant dammaige de son corps. Dittez leur de par moy
que je voeil qu'il cessent, car leur esbatemens nous doit bien
souffire. » Dont vint celle part li sires de Gresop, li comtes de
Suflbrch, li sirez de Ferières ; et disent as champions cbe que li
rob leur mandoit, et qu'il volloit qu'il fesissent. Ensi se d^iarti
DiqitizeabyG00»^lc
[1334] VAHIANTES DU PREMIER LIVRE, g 53. 345
li bataiUe des deux bachelers qui vollentiers fu regardée, car
vassaument et bardieioeat il s'estoient requis et cornbatu. Li Es-
coctxùs en remenèrent leur cappittainne qui durement estoit tra-
viUiéz et tass^5; et li Englèz, monseigneur Guillaumme de Hon-
tagttt qui n'en avoit mies plentet mains.
Chilz jours passa, la nuit ossi; et l'endemain au matin, à so-
leil levant, fii la trienwe à chiaux de Rosebourch espîrée. Si re-
coummenchièrent li assault fort et fier au castiel, et chil de
dedens à yaux bien defiendre. Chilz sièges dura de l'entrée
d'aoust jusquez à le Toussaint. Adonc fu li castiaux rendus, car
plus ne le peorent chil qui s'en partirent, tenir. Et se sauvèrent
yaux et le leur seullement, et en peurent aller quel part qu'il
veurent, che fu deviers Dubretan li aucun, et li autre deviers le
forest de Gedours, là où li bon chevalier et escuicr d'Escoche se
tenoient, qui souvent resveilloient les Englèz, messires Guillaume
de Douglas, li comtez de Moréz et li autres.
Quant 11 roys d'Engleterre fu entrez ou castel de Rosebourch,
il se reposa ù grant joie ; et y tint se feste le jour de Tous les
Sains, et y donna grans dons as chevaliers cstranges, as hiraux
et as ménestrels'. Au huitième joiu-, il s'en parti et laissa bonne
cappittainne et aouffîssant ou castel, cent hommes d'annez et
deux cens arcbiers, puis chevaucha deviers Haindebourch, ung
très bel castel et fort, séant sus une haulte rocbe, pour vcoir le
pays tout environ, et pries de le mer; mes, ains qu'il y parvenis-
sent, il eurent mainte envaye des Escos et maint assault. Et ossi
fin-ent li E&cot par pluiseurs fois cachiez et reboutet de messire
Guillaumme de Montagut et de messire Gautier de Mauni, qui
estoient corapaignon enssamble, et qui grant paimie et grant
siûng mettoient et rendoient à yaux avanchir et aloser, et à
adanunagier lez Escos qui grant contraire leur portoient.
Aiochois que U roys englèz et ses os parvenissent devant le
fort castel de Haindebourch, li marescal de son ost coururent
toutte le coDté de Mare et contreval le marinne jusques à Don-
bare et à Ramesee, et tout contreval le marine jusques à le ville
de Saint Andrieu. Et puis reprissent ung bras de mer contre-
mont, et s'en vinrent à une ville sur cel bras de mer que on
appelle Kuinuesferri *, et robèrent et ardirent le ville, puis s'en
] . Wi. dt faiuMiauw* .■ et ai trompettei. I^ 38.
2- l^. .' Kinfer;.
;vGoo»^lc .
U6 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1334]
partirent; et montèrent contremont, et vinrent jusqnes à Donfre-
melin. Et là eut ung grant assault, car grant fuisson des gens
del pays d'Escoche s'i estoiettt retret, qui si bien gardèrent celle
ville, parmy l'ajde le seigneur de Lindesée et ses gens, que elle
n'eut garde. Et y fu là durement navrés li comtez de Suflbrch et
messires Edouwars li Despenssiers et mesures Thununas Bises et
messires Ostes de Pontchardon. Et s'en partirent' li Englèz
quant il virent qu'il n'y feroient riens, et s'en revinrent tout
autour par desaubs Haindebourcb ; et trouvèrent le roy à siège
devant Dalquest, ung castieP au seigneur de Douglas, qui siet à
cinq lieuwes de Haindebourch.
Chilx castianx de Dalquest n'est pas trop grans, mes il est bien
herbregiës de cambrer, et de edeffices qui sont edeflîiet en une
grosse tour quarte, vot^ deseures, qui ne crient nul assault
d'enghiens ne d'espringallez ; et siet sus une petitte roche bien
taillie, environnée d'une rivierre qui n'est pas trop grans, se ce
n'est par habundanche de pleuves. Et est li basse court ung peu
ens sus, laquelle chil de layens avoient toutte arse et mise par
terre, affin que elle ne leur portast point de dommage. Et avoit
dedeus le Tort de Dalquest mis messires Guillaumez de Douglas
bons compaignons et appers. Et estoicnt environ trente sii, bien
pourveu d'artillerie et de vivres, pour yaux tenir ung grant
temps. Et avoient une cappittaine qui s'appielloit Patris de Ho-
élève', qui estoit bons hommes d'armes et seurs; et s'armoit d'ar-
gent à trois clés de sablez, car par pluisseurs fois il fu à le bar-
rière dou castel armés de touttes pièches , escarmuchans as
Englès bien et vassaument; et tant y vint escarmuchier qu'il l'en
mesavint, si comme vous oréz.
Li rois d'Engleterre, qui seoit devant Dalquest, ne s'en volloit
nullement partir si ewjst pris le fortrèche ; et y fu tout l'iver
enssuivant. Dont il avint sur le printamps que les aighes se
coummenchent à retrairc, et plus une saison que une autre, et
que li coralge dez preux bacelers par nature se raverdissent et
resjnissent, adonc se fist ungs assaus des Englès à chiaus de de-
dens, grans et fiers et bien ordonnés; et avisèrent li seigneur
d'Engleterre coumment il poroient dechevoîr che chastelain.
Bien savoient que, à tous les assaus que on faisoit,- il s'abandon-
1. Jft, de VataicUimet s à grant perte. F» 38.
S. IhU. : â mewire Guillaume de Douglai. — 3. Ihid. : Honcleng.
DiqitizeabyG00»^lc
[133*1 VARIANTES DU PREMIER LIVRE. S «3- 3*7
noit moult avant; et entendoit toudis que îl pewist prendre et
retenir dez plus grans de t'ost par son advis, que il veoit devant
lui à l'assault. Si fisent yuux huit des plus grans de l'ost, armer
huit de leiurs varies en leurs propres tourniquiaus et parures
d'armes, pour mieux veoir. Et les fisent assés fotbiement acom-
paigniet de gens vemr devant le pont leveis du castiel, et ung
hiraut d'Engleterre, en une rice cote d'armes dou roy, vesti par
parement devant jaux, qui crioit à chiaux dedens : ■ 0 PatrisI
Patris! regarde le belle aventure d'armes qui vous vient. Vechi
ces seigneurs barons d'Engleterre, qui voèrent her soir après
vin qu'il volloient hui escarmuchier à vons, sans autre ayde
que de yaux meysmez. Se vous tes poyés par biau fait d'armes
prendre ne retenir, vous y ariés bien de prouiEt cent mil florins '.»
Et quant li castelains oy ces parolles et il recongnut les armes
au comte de Lancastre, au comte de Pennebrucq, au comte de
Herfort, au comte de Suflbrch, au comte de Warvicb, au sei-
gneur de Persi, au seigneur de Gresop, au seigneur de Nuefville
et au seigneur de Felleton, et il lez vit tant seulement yaux huit
à l'entrée dou pont, si quida bien que li hiraux li deist vérité,
et qu'il fuissent là venu par voie de veu. Si dîst à ses compai-
gnons : « Seigneur, qui troeve saint Pière à l'uis, il ne l'a que
faire d'aller querre à Romme. Vechy nostre recouvranche , se
eur et fortune y a venue, pour tousjours mes ; plus vassaument
ne nous poons nous combattre ne aventurer, que à ces noblez
seigneurs d'Engleterre, qm nous en requièrent. Il en y a tel
quatre qui paieroient deus cens mille florins, sans yaux grever.
AvaUons le pont, et nous basions d'yaux combattre, et de mettre
ceens par force d'ansez. Si ferons une des bêliez aventurez qui
avenist oncques mes en Escoche. » Et chacuns dist : a Che smt
fait. V Dont avaUèrent le pont vistement tous jus, rés à rés de
terre, et ouvrirent leur portes ; et vinrent de plain cours sur ces
variés, qu'il cuidoient grans seigneurs. Liquel se coummenchiè-
rent à deffendre faintement, et à reculer jusques à le jomture
dou pont, et yaux laissier tirer et abattre, et dire : * Rendes
vous n et respondre : « Non ferons. > Entroes qu'il s'enson-
nioient ainssi, Englèz, qui estoîent tous pourveu et avisé quel
cose il dévoient faire, vinrent à cours de cheval celle part ; et
montèrent sour le. pont si efforciement que oncques puis ne s'en
1. Ms. de Vahnàtmu» : noble*. P> 8S.
jvGooi^lc
348 CHRONIQUES DE J. FROISSART. |;t334-36]
partirent, et en furent maistre; et prisent Patris le cappittainne
et dii huit' de ses compaignons, et tuèrent tous les autrez. Et
eatrèreut en le porte qui estoit toutte ouverte, et se sajàrent le
castiel ; et en rendirent les clés au roy englès, qui en eult grant joie.
Tout ainssi comme vous m'avés oy compter, fn U castiaux de
Dalquest pris'. Et y mist li roys englès gamison, pour le tenir et
deffendre contre tous hommez, et le rafresqui de pourveanches.
Puis s'en parti li rois et tout sen ost, et s'en Tinrent en Haiode-
bourch. Et se loga li rois en une abbeie de noirs nirâmes, assés
priés de le ville, que li Escot avoient toutte arse, pour ce qu'il
ne volloieat point que li Englès s'i herbergalssent. Et environnè-
rent le castel, qui siet hault sus une roche de tous costcs. Et y
Gst li roys pluisseurs assauts grans et Ëers et mervQleux, mes
peu y Gonquist, car il y avoit dedcns bonne bachelerie qui bien
le deffendoient à tous venans. Lors eult cunsseil li roys qu'il le
feroit assaillir d'enghiens, enssi qu'il fist. Et fist deus grans en-
ghiens, baus et bien ordouanés, drechier devant le castel, qui
ouniement nuit et jour y jettoient; et rompirent et debrisièrent
chil engbien toutte te basse court. Ens! estoient cbil de Hainde-
bourcb assailli et travillie des Englès. Et li coureur et foureur
d'Engleterre, dont messires Guillaume de Montagut et messires
Gautiers de Mauny, qui nouvelcment estait devenu chevalier,
estoient cappittainne, coururent le plainne Escoche bien souvent
jusques à Struveliu* et jusques à Donfremelin ; mes noient ne
trouvèrent à fourer, car li Escot avoient yaui meysmes destruit
et ars tout leur plain pays, et reiret le leur et leur bestez ens es
foriès. Et euissent eu li Englès moût de malaise et de povreté de
faminne, se il ne leur fuissent venu vivre par mer; mes il leur
en venoit d'Engleterre assës et jwr raison, qui grandement re-
comfortoit leur ost. Or lairons ung peu à parler des gberrcs del
royaumme d'Escoche, et paurons des avenues de Franche....
F* 17 Va 19.
.... Or revenrons au roy d'Engleterre qui estoit devant Struve-
lin, en Escoche. Struvelin* si est ungs castiaux biaux et fors, seans
sus tuie roche et faaulte assés de tous costés, horsmis de l'un, et
est à vingt lieuwez de Haindebourg, à douze de Donfremelin, et
1. Ht. Je F'attneimaei : et tout ses hommes. F° 38.
3. ihid. : Si entra le roy dedeiu luj ralrescir à erant joie.
3. Ib'id. : Eilrumelin. — k. Oid. ; Stmmeliiu. F> 42.
DiqitizeabyG00»^lc
[1334-36] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § S3. 349
à trente lieuwes de le ville Saint Jehan. Et fu chilz castiaus an-
cbiennement, dou tamps le roy Artus, nnmmés Smandon. Et là
revenoient à le fois ii chevalier de le Reonde Table, si comme il
me fil dit quant g'i fui, car ens ou castiel je reposay par trois
jourz avoecq le roy David d'Escoche, si comme je poray bien
dire sour le lin de ce livre. Et estoit lî dis castiaux, pour le
temps que g'i hii, à messire Robert de Verssi, ung grant baron
d'Escoce, qui l'avoit aidiet à reconcquerre sus les Englès. Et vous
di que II roys d'Engleterre, de tant qu'il y sist, y (ist faire plui-
seurs assaulx grans et fors. Et chil de dedens se deSiendoïent
bien et loyaujnent, dont il annioit au roy que tant se.tenoient;
car messires Robiers d'Artois IL disoit souvent : « Sire, loissiés
che povre pays. Que mau feu l'arde, et entende's à vostre plus
grant prnufEt, le noble courounne de Franche, dont vous estes
drois hoirs, et de quoy on vous fait tort. Il n'est si grans perilx
que de gheriier povres gens. Chy poés vous bien perdre et nient
gaignier. b Li rois entendi vnllentiers à ses parollez, quoyqu'il
poursuiwist le guerre d'Escoche, car il l'avoit empris à toutte
destruire jusquez k le sauvage Escoche ; et euist fait, se chilx
soings ne li fuist crens.
Endementires que il seoit devant Struvelin, nouvelles li vin-
rent que la roynne sa femme estoit acouchie d'un biau fil, en le
chité de Ewnûch, et que il y voisist envoiier certains messages
et le nom qu'il porteroit à fons. Moût fu li rois joyans de ces
nouvellez ; et donna au chevalier, qui aportées h avoit, cent librez
d'estrelins et ung biau courssier. Et envoya celle part messire
Edouwart de Bailloel , ung bon chevalier qui le tint à fons, et
contre qui il eult à non Edouwars, te nom don roy sen père. Et
fu puis chils enfez prinche de Gallez, et très bons, hardis et en-
treprendans chevaliers, et qui durement et fièrement guerria tant
qu'il vesqui'; mes il mourut dès le vivant le roy son père, eosi
comme vous oréz en ceste histoire.
Tant sist li rois d'Engleterre devant Struvelin que li castîaux
fu M apress^s, grevés et démenés d'assaux de grans enghiens qui
nuit et jour y jettoient, que chil de dedens, qui loyaument s'es-
toient delFendu et tenu, ne se peurent plus tenir ; car il ne veoimt
apparant point de comfort de nuls costéz, ne nulle assamblée des
1. Ui, <U falenâtHnea : et fiit en France et aiUeur» moult de beauK
faî» d'armes, et morut josne da vivant Mn père. F* 42.
;vG00»^lt:
380 CHRONIQUES DE J. FROI^ABT. [1334-36]
Escos qoi se fesist pour combattre le roy ne lever le âège. Si
tretièrent unez trieawes deviers le roy à durer quinze jours*;
et se dedens ces quinze jours, antres comfors ne leur apparroit,
il dévoient rendre le fortrèce au roy, sauve leors corps et le
leur. Li rois s'i acorda, et tint le trieuve bien et paisiviement;
mes oncques n'apjtari homs vivans, pour combattre les Englès.
Quant li quinzième jours fu passés, li rois fist requeire à i^iiaui
dou castiel que il tenissent leur couvent, et ossi fissent il. Dont
se partirent dou castiel enssi qu'il dévoient ; et en portèrent tout
le leur, hors mis les vitailles et le artillerie dou castiel. Tout ce
estoit reservet en le devise. Et s'en allèrent li Escot là où bon leur
sambla. Et li rois prist le possession dou castel de Struveliu, et y
nûst bonne garnison de gens d'armes pour le garder et deffendre.
Quant li roys d'Engleterre eut pris le castel de Struv^ et
toute le plainne Escoche courut, et pris et ars pluiseurs villes
Ereméez de fossés et de palis, si demanda cimsseil à ses hommes
comment û se maintenroit, car riaifourmation que il avait de
monseigneur Bobert d'Artois li touchoit moult. Et souvent y
penssoit, et en avoit jà parlé as plus secrès de son consseil et à
ses plus prochains de linages, à tels comme au comte de Lanca&-
tre, au comte de le Marce, au comte de SufTorch, au comte de
Herfort, au comte de Worvich, au seigneur de Perssi et as pluis-
seurs autres. Si trouvoit en consseil U rois que il pourveist les
fortrèces que il avoit prises en Escoce, bien et souffissamment,
de bonne bachelerie apperte et legière*, pour les tenir et garder
contre les Escos ; et s'en revenist arrière viers le cité de Londres,
et fesbt là assambler son parlement des nobles, des prelas et
de ses bonnes villes; et leur remoustrast ou fesist remoustrtf
sen intention, et ce dont messires Robiers l'avoit enfourmet. Li
roys s'acorda à ce consseil, et Est de rediief pourveir et rafrescir'
Bervich, Dalquest, Rossebourch, Dondieu, Astrebourch, le bas*
tide de le Mare, le fort Saint Pierre, Haindebourch et Struvelin;
et mist en chacun de ces castiaux grant fuissoo de bonnes gens
d'armes et de archiers. Et fist souverains de tous ce paya cooc-
qois et de touttes gens d'armes' messire Guillaumme de Monta-
1. Kl. de VaUncitnnu : adfin qu'il emuent vivre». F» 42.
2. Ibid. ; de bonne cherKlerie et de bont archier». F» k2 v*-
3- liid. : les ville* et place* qu'il avoit prime*, jusque* au uosnbie
4. JbiJ. : pour garder toute la martbe.
;vGoo»^lc
[1334-36] VAKIAHTBS DU PREMIER LIVRE, § 53. 331
gut et mesure Cautier de Maimy. Puis se desloga et parti, et
s'en revint arrierre vers Rossebourc, et dounna ses gens congiet.
Et ordonna ung certain jour de parlement qui seroit à Londrez,
et pria et enjoindi à tous barons, prelas et chevaliers qu'il y
fuissent, et chacun 11 eut en couvent.
Tant s'esptoita li rois englès, apriès che que ses os furent de-
puti, qu'il rapassa le royaumme de NorhoD:J)relant,Urcol, Persî,
le Noef Chastiel sur Tm, Durem, et s'en vint à Ewruich. Si trouva
la roynne sa femme qui se devoit, dedcns cinq jours, relever de
sa gesinne. Là séjourna li rois tant que elle fii relevée; et y eut
au jour de se purification grant feste. Puis se parti U roys assés
luîeiinent, et la roynne et messires Robiers d'Artois et tout leur
arroy i et s'en revint trière deviers le chité de Londrez. Et se
tint à Wesmoustier, et à Cènes et à Ëltem, et là environ Londres;
et toudis messires Robiers d'Artois dallés lui, à qui il faisoit
grant feste et moustroit grant amour. El fist 11 rois faire as' Au-
gustins, à Londres, les obsèque et l'ofBsce de Monseigneur Jehan
de Eltem, son frère, qui nouvellement estoit trespass^s. Or vous
pam^DS ung peu des Escos, et de cbiaus que lî roys eoglès avoit
laissiet en Escoche.
Vous avés bien oy recorder chy devant coumment, à une as-
samblée des Escochois qui se fist devant Bervich, là où li roys
David d'Escoce fu presens et que venu y estoient pour lever le
^ège, que point ne fissent, car il n'cstoient mies fort pour le
faire, si ordonnèrent messire Guillaumme de Douglas et le jouène
comte de Moret à gberiier sus les frootierrez les Ënglès, et à
berner ce qu'il poroient. De quoy, tantost qu'il seurent le retour
dou roy d'Engleterre, il s'asamblèrent et couoimenchlèrent à
courre sus chiaux que li roys d'Engleterre avoit laissiet ou pays;
et leur portèrent souvent plidsseurs donmiaîges, car il congnis-
soîent leurs marches et leur pays. Si en avoient de tant plus
grant avantaige et mieux lieu de gherîier, et souvent resviUoient
les Englès et leur portoient doummaîge. Ossl à le fois il estoient
cachiet et racachiet moût avant; mes li Escos se tenaient et met-
ttnent en ù fort pays de mares et de crollères et de drus bois,
que, quant il estoient là retret, il estaient asses bien asseur. Et
vous di que, de ces chevauchies et puigneis qui adonc estoient et
se (alsoient en Escoce, en avoient toutte le huée et le plus grant
Ml. dt Faltneimnu : au siouttier des Angmtiiu. F" 43-
DiqitizeabyG00»^lc
3Sâ CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1336]
KQoamm^ des Escos quatre chevaliers d'Escoce, mesaire Gml-
lannune de Douglas, messires Robers de Versi, li comtes de Horet,
messires Sîmons Preseli et de le partie as Englès, messires Gsu-
tiers de Maun^ et messires Guillaumme de Hontagut, qui depuis
fu c»)nites de Sassebrin et en eut rnadanuDe Aelis à femme, qui
en estoit hoirs et de se jonèce de l'ostel le rojmie d'Engletem.
Et li domia li roys, pour le bien et le proèche de lui, car en ces
gherres il se porta très vassaument. Or lairoDS à parler des be-
soingnes d'Escoche, et paurons dou roy d'Engleteire, et coum-
ment il parsevera sus le infourmation qu'il avoit de nionseigneui'
Robert d'Artois. F" 20 T'et 21.
P. 112, I. 21 et 22 : Rosebourch. — jlf/. J. 6 : Et fist en che
tamps messire GuilUme de Montagu faire une fortresse contre les
Escochois qui se nome de Rosebourcq, qui n'estoit que devant
une bastille, qui siet sur les marches des deux royaUnes de l'une
partie d'Escoche. F>64.
S M. P. 114, I. 31 : Benedic. — Mt. ifJmiens : Encoms
envoya H roys de Franche dévotement devers le pappe Renedicq
en Awignon, en lui priant comme ses filx que le voiaige d'outre
mer et le croix il lï volsist confreomier, et le fesist preechter pann;
sainte Crestiennet^. Li papes li acorda doucement, et fa ceste
croix preschie panny le monde où li foj de Dieu 'est creoei et
prisent pluiseur vaillant homme et presdomme le croix, qui dévo-
tion avoient d'aller en ce saint voiaige. F° 20 v".
Xs. de Rome : En ce temps , vint il en devodotl an rm Pbe-
lippe d'aler en Avignon veoir le pape Benedich qui resgnoil pouf
ce temps, et de parler à lui, et par son consel entreprendre le
voiage d'outre mer et conquerre la Sainte Terre, car pour Ion il
n'avoient que faire et ne savoient à quoi entendre, fors as jousies
et as tournois et à tous aultres esbatemens. Et pour ce li rois Phe-
lippes avoit celle dévotion de convertir ces armes et esbatemens
à aler sus les Incrédules et conquerre la sainte chitë de Jhon-
salem et le roiaulme de Surîe, et tant faire par pmssancc que de
oster hors des mains dou Soudan et des Incrédules. P" 35 v*et 36.
P. 115, 1. 6 : grant arroi. — Ms. dAmieru ; Quant li rois
de Franche eut en partie acompli ses voUentés de mooseignenr
Robert d'Artois ', ensi comme vous avés oy, et que il se vit en
I. tft. de raUncitntiMi : avoir cnuehi^. F<> 41.
DiqitizeabyG00»^lc
[1336] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 54. 353
pès et en repos en ce noble royaumme de France, si en carga
grant estât*, et bien le pooit Taire. Et tenoit trois roys de son
hostel : le roy Carlon de Behaigoe, le roy Pbelippe de Navare et
le roy de Mayogrez, et dus et comtes et barons sans nombre; et
n'y ayoit cmcques mes eut roy en Franche dont il souvenist, qpi
euist tenu lestât pareil au dit roy Pbelippe. Et Taisoit faire festes,
joustes, tournois et esbatemens, et il meismes les devisoil et or-
dounnoit. £t estoit ungs rois plains de toutte honneur, et con-
gnissoit bien que c'estnit de bachelerie; car il avoit estet bache-
lers et saudoiîers en son venir en Lombardie, dou vivant le
comte de Vallois son père. Si en amoit encorrez mieux les petis
compaignons. Par especïal, il amoit et tenoit le plus dou tamps
dallez lui le gentil roy de Behaingne et le roy de Navarre, te
comie d'AlençoD, sen frère, monseigneur Jehan de France, duc
de Normendie, son aisne SI, le duc Oedon de Bnurgoîngne, le
comte Loeys de Flandrez, le comte Loys de Blois et messtre
Cbarle de Blois, car il estoient si nepveut, le comte de Bar, le
duc de Bourbon et le duc de Lorainne*. Et n'estoit oncque»
)i rois si priveement, fiist à Paris ou ou bois de Vicesnes, que
chil seigneur ne fuissent dallas lui, et tout de son hostel à dé-
livrance , et encoires grant fuisson d'autre baronnie et cheva-
lerie. Moult estoit li estas dou roy Pbelippes de Franche grans
et reDOummés en tous pays, et tousdis croissoit sans . amenrir.
P ÎO.
P. 113, I. 10 : Si chevauça. — Ms. de Rome : Pour ces jours,
estoit li rois Phelîppes jà avalés et venus à Lion sus le Rosne.
Qant on li dist que li rois Robers estoit en Prouvence, si se de-
parti tantos et vint tout contrevat la rivière dou Rosne en une
nef en Avignon, pour ceminer plus aise. Et li aultre, c'est à en-
tendre ses gens, vinrent pur terre une partie; et se logièrent
tout à Villenove dehors Avignon, et li rois de France ausi. Li
papes, li cardinal et toute li cours furent grandement resjoi de
la venue dou roi de France et dou roi Robert de Cecille, quant
il estoient là venu; et furent grâces ouvertes à tous clers qui
empêtrer vololent. Et donna U pa(»es par pluisseurs fois à diner
en son palais, liquels, pour le temps dont je parole, n'estoit pas
Ma. dt yaleacieanes : il tenoit plus noble «rtat que onques n'eu
(ttisl. F° 41.
lit d'auttres qu'il avoit à sa d^liiriuivc.
I — zA
fait roy que ou «ceuist. F° 41
2. IbiJ.! ■ ■■ ■
DiqitizeabyG00»^lc
334 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [133<i]
si biaus ue si raemplis de cambres et d'edefisces OHume il est
pour le preseol. F* 36.
P. as, I. 16 et 17 : d'Arragon. — Ms. de Rome : Et jà
en avoit li rois de Frimce escript au ini Robert de Cecille ,
son cousin, et priiet que il se vosist avaler en Prouvence dont i)
estoit sires, et que sans faute en tel temps, se li nonma, i) seroit
en Avignon. Les quelles nonvelles et segnefiances furent à ce
roi Robeit moult plaisans, car il s'escripsoit rois de Cecille et de
Naples et de Jherusulem, dus de Puille et de Calabre et conte;
de Prouvence. Si {lensoit à recouvrer son hiretagc de la Saincte
Terre par la poissance dnu roi de France et des Crestiiens, puis
que li voiages de la vermelle Crois seroit empris. Et se départi
de Sesiile et de Puille, et esploita tant par ses journées que il
vint en Prouvence. F* 36.
P. 115, 1. 30 : Si preeça. ~ Ms. de Xome : Et là furent faites
grandes prédications et belles devant les rois, et toutes touchans
à la Crois vermelle emprendre. Et l'emprisent ou nom de Dieu
et le jurèrent et voèrent à porter oultre mer en la Saincte Terre,
en la capelle dou pape, li doi roi desus nonmé, li contes d'Â-
Icnçon, frèi'es au mi de France, li contes de Savoie, li contes
d'Ermigoac, li dauilns de Viane, li daufins d'Auvergne, li dus de
Bourbon, li contes de Forois, li cardinauls de Naples, li cardi-
nauls d'Otuu , li cardinaus de Melans et li cardinaus d'Urgel. Et
tant que à ce jour, en issant dou palais, il furent plus de dens
cens grans signcurs qui tous emprisent le vermeUe Crois à por-
ter; et voèrent que, au plus tart dedens deus ans, il seroient en
l'ille de Rodes. F" 36.
P. 116, I. Ik : d'Arragon. — Le ms. B 6 ajoute : le roy de
Mayogres. F° 69.
P. 116, I. 36 : se partirent. — Ms. de Rome : Qant li doi roi
desus nonmé orent assés séjourné en Avignon , tant que bon lor
fu, il prissent congiet au pape et as cardinauls, et aussi li on
à l'autre, et se départirent. Et s'en retourna li rois RdKrs en
Cecille, et U rois Pbelippes en France. F" 36.
§ 88. P. 117, I. 22 : pors. — Ms. a Amiens : Et fist li roys,
sus le port de Marselle et de Aigue^mortes, appareillier ses vais-
siaux et ses gallées et pourveir de touttez pourveanches, qui ap-
pertcnoit à lui et pour trente mil combatans, parmy les giam
seignems qu'il en volloit mener de son hostel. Et estoi«it de
DiqitizeabyG00»^lc
[139S] VABIAMES DU PREMIER LIVRE. § SS. 3SÎI
toutte ceste navie souverain li comtes de [ Nerboone *] et mes-
sire Caries Grimaus, ungs GeneuoU*. F" 20 v".
P. il8, 1. 2: Hongerie. — Ms, i€ Amiens : ossi deviers le roy
d'AlIemaigne Loeys de Baivière, qui resgnoit pour le tamps, em-
perèrez de Homme, quoy que li Roiuamninli contredesissent , et
liquelx avoit sa nièche espousée, madamme Margherite, fille au
comte de Hayonau. Li quek rois d'AIcmaignc li accorda le voiaîge
et se terre à ouvrir jusquez en Hongrie, se par là volloit passer ;
et li amenisiroit vivrez , et pour tous ciaux qui le Croix porte-
raient, et qui lesIncreduUez voroient destruire et la foy crestienne
essauchier. F" 20.
Ms. de Rome: En ce temps, estoit avenu que messires Lois de
Baivière avoit tenu son siège devant la ville de Aix, en Alemagne,
quarante jours. Et l'avoicnt li eslisseur esleu à estre emperères
de Ronme ; mais li rois Phelippes et li signeor de France i mê-
laient un grant empecement, et voloient que Caries de Boesme,
fils au roi de Boesme et dus de Lucembourc, fust emperères. Li
Alemant se traioient au Baivier, et ne s'acordoient point à Carie
de Boesme. Et très donc se conmenchièrent à engendrer et nou-
rir haines entre les Alemans et les François ; car li uns voloit
d'un, et li aultres d'autre. Et faisoient partie avoecques le roi
de France et les François , ti Suins Pères Benedic et tout li
cardinal. Et ne pooit Lois de Baivière, rob d'Alemagne, finer
que U papes envoiast à Ronme on cardinal en légation et li
donnast poissance pour îi consacrer, et s'escusoit par voies
obliques.
Qant Loys de Baivière vei ce que il n'en aueroit aultre cose,
et que il estoit dez cardinaus et dou pape menés d'uiseuses et
de frivoles, et veoît tout clerement que li François s'cnclinoient
à Carie de Lucembourc, et non à lui , il i pourvei, je vous dirai
conment. 11 cevauca à poissance, et à grant fuisson de gens d'ar-
mes, parmi la Lombardie, et vint à Melans; et Est son devoir de
tout che que à roi d'Alemagne apcrtenoit à faire. Et institua
l'arcevesque de Melan, qui pour le temps resgnoit , à gouvrener
Metan et ta visconté, parmi une somme de florins que il en devoit
rendre tous les ans, et puis passa oultre. Et partout où il venoit,
il estoit courtoisement requelliés , et tenoit grant estât et estofé
.- Verbonne.
DiqitizeabyG00»^lc
3S6 CHRONIQUES DE t. FltOlSSART. [I3â8]
et poUsance de gens d'armes , |>ar quoi il estoit le plus doubles ;
et vint à Ronrae, et là fu recheus comme rois d'Alemagoe. Et
«voit envoiiet en Avignon, son cemia faissant, soufîssam mes-
sages pouv sonmer le pape et les cardinauls ; et lor segnefioit,
par ses lettres et par ses conmissaires, que ils vosissent envoiier
à Ronme un cardinal pour 11 consacrer à empereour; et de ce il
supplioit afiectueusement le pape et les cardinauls. Chil qui i fu-
rent envoiiet, fissent bien lor devoir de faire lor message, mais il
ne pooient avoir nulle response; avant estoient menet de paroles.
Et tout lor estât et convenant , il escripsoient songneusement à
lor signcur le roi Loys de Baivière. Qant il vei che que i! n'en
aueroit aultre cose , et que on li empecnit sa consacration , il i
jmurvei, car il Bst un pape et douse cardinauls, par l'acort des
Roumains; et se fist consacrer et couronner de ce paj>e et de ces
cardinauls , et prononchier à estre empcrères. Qant il ot redieu
celle dignité par la voie que je vous di, assés tos apriès, il se de-
j>arti de Bonme.
Li Alemant, qui servi l'avcâcnt sus tout son voiage, et as quels
il devoit grant finance, li demandèrent à estre paiiet : il s'escusa
et dbt que il n'avoit point d'argent là aporté, fors que pour ses
menus Très paiier. H U dissent de rechief, tout generaumeni, que,
se il n'estoient paiiet, il se paieroient. Il lor acorda ; et n'avoit
cure conment , mais que il demorast en paix et en lor grâce.
Silos que luoys li Baiviers fu issus de Bonme, li Alanant demo-
rèrent derrière. Il avaient ordonné à courir Ronme , ensi que il
fissent. Et jtillièrent et prissent li Alemant sus les Ronmains tant
et oullre ce que on lor devoit , et n'en porent avoir aultre cose ;
et retournèrent, tout fouci d'or et d'argent et de jeuiauls, devien
t'empereour de Baivière qui les atendoit à Viterbe. Si aquellièrent
U Roumain ce Baivier en grant haine, et dissent que il lor avoit
fait faire; ne nuques depuis il ne rentra à;.'Ronme. Et li papes et
li cardinaul, qui te consacrèrent, n'orent point de durée, et se
vinrent rendre au pape d'Avignon ; mais ce ne fu pas si tos.
Loys de Baivière qui s'escripsi, tant que il vesqi, rois d'Alema-
gne et empereour de Ronme , muugré tous ses malvocllans, s'en
retourna en Alemagne, et là se tint. Et avoit à fenme madame
Margerite, fille au conte Guillaume de Hainnau; et en ot de li un
grant mont de biaus enfans, fils et filles. P 36 v''.
P. 118, 1. 6 et 7 : recevoir. — Âfis. J H à lit : moult beni-
gnement son cousin. F* 29 v*.
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g S6. 357
P. 118, I. If : Cecille. — Mss. ^ II o 14 : son cousin.
F" 29 T".
P. 118, 1. 17 : Ossifisent. — Ms. ^Amiem: Et fist on farnir
et pourveir touttes les costières de mer de le rivière de Gennes*,
mouvant jusques en Napple/., et revenant en Venise et en l'ille de
Crette. Et fist ii roys de Franche pourveir l'ille de Rodes, et y
envoya le grant prieur de Franche à qui Ii Templier obéissent.
F° 20 V.
P. 118, I. 17 et 18 : Geneuoîs. — M$. iî 6 : Il avoil donné
à entendre qu'il paseroit, et par espesial as Geneuob, dont il avoit
trait avant sur les costes de Franche grant foison de gallées, de
nefs et de barges toutes apparillies. F* 70.
P. 118, I. 28 : voiage. — Ms. de f^alenciennes : Mab pau
greva aux Sarrasins, car le roy n'en fist riens. F° 41.
g 86. P. 119, 1. 4 : Engleterre.— Aff. de Borne : en la marce
deLondres.Unefois tenoit[li rois d'Engteterre) sonhostel à Eltem,
et l'autre à Windesore, Et vivoient Ii rois et la roîne en grans es-
batemens; et faisoient faire festes, joustes et behours en Ëngle-
terre, et passoient ensi le temps. F" 33 v".
P. H9, i. S : consilloit. — Ms. de Rome : Et dîsoit ensi et
moult souvent Ii dis messircs Robers d'Artois au roi d'Engte-
terre : a Monsigneur et biaus cousins , vous estes jones et à
venir : m ne vous devës pas rcfroidier de demander vostre droit
et de calengier. Voua avës deus ou trois coses qui grandement
vous i pueent aidier et valoir avoecques le droit. Vous avés mise
et cavance assés , et peuple de bonne volenté , qui désirent les
armes, et qui point ne voellent estre wiseus. Si avés très grant
conmencement de requérir et calengier ce qui est vostre. Et ai
vous di encores que vous trouvères dez bons amis par delà la
mer, qui vous aideront , conselleront et conforteront en vostre
calenge, si tretos que vous auerés conmenchié la guerre, se
guerriier vous en fault. Car il n'est riens, en ce monde, que Ii
Alemant désirent si que d'avoir auqune cause et title de guer-
riier le roiaurae de France, pour le grant orguel qui i est aba-
tre, et pour partir à la riçoise. Très chierz sires et biaus cousins,
soiiés tous segurs : quoi que Phelippes de Valois fust couronnés
à Pallea en
DiqitizeabyG00»^lc
388 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
k roy de France, et que li douse per de France l'eslisirent et
eslevèrent, si fustes vous bien mis en doubte; et se vous i'euis-
ûés debatu ou envoiiet debatre , jà on n'euist procédé ens on
couronnement. Vous en ferés ce que bon vous en samblera ;
mais se vous perdes vostre hiretage par estre trop mois, vous
qui estes à venir, vous en serés mains prisies et doubtés ; et se
sera à vostre grande confusion et condampnatÎDn de corps et
d'ame. A tout le mains, faites asambler vous honmes et vostre
consel ; et euls venu, soit chi à Eltem, ou ailleurs, je, en la pré-
sence de vous, leur remousterai et esclarchirai de point en point
le droit que vous avés à la couronne de France. Se orés quel
cose il en diront et rcsponderont, qant vous demaoderës à avoir
consel sur ce , par quoi il ne puissent dire ou temps à venir que
vous ne vws soiiés aquites de euls remoustrer le droit que vous
av^s au calenge de France. Ciir se vous cstiiës de vostre peuple
reprociés que, par dcfaute de enrage et par paour, voas aueriés
laissiet aler le vostre, et vous séries endurcfais en ce pechiet, H
le vous toumeroient en grant prejudisce et lasquetë de coer, et
diroient que vous ne sériés pas dignes de porter couronne ; et
demorriés tous jours, le demorant de vostre vie, soupeçonnables
deviers euls et en grant péril encores, se partant vous poiiés issir
de ce dangier. »
Tant dist, tant promeut et tant esploita messirex Robers d'Ar-
tois que li Jones rois d'Engleterre ouvri les orelles et se resvilla,
et entendi à ce que if li disoit et remoustroit. Et voellent bien li
auqun dire que il ne l'osa iaissier, car jà grande murmuratkin
se montoit en Engleterre des nobles et dou menu peuple, et di-
soient ; ■ Nostres sires, li rois, a trop grant droit à l'iretage et
couronne de France. Et messirez Robers d'Artois li a bien sceu
dire, remoustrer et esclarcir de point en point cotunent. par
droite succession et mcobrcs d'iretage, il deveroit estre rob de
France, dont on l'a arriéré à fraude et par cautèle, car il est
fils de la serour le roi Carie de France ; et celi que il eut cou-
ronna à roi, Phelippe de Valois, n'est que cousins germains.
Nous verons que il en vodra dire. Se le demande et calenge de-
meure en sa prnèce, et que il s'aherde à wlseusses, ensi que Sst
ses [lères, il vivera en péril et en haine deviers nous; et se il
aliert de bon corage son droit à [Miursievir, nous l'aiderons de
nostres corps et dou nostrc. » Si fu dit fiablemenl au roi :
« Sire, ensi dient li noble de ce pais et li j^uples ; il fault que
DiqitizeabyG00»^lc
[1331] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § S6. 359
vous aiiés avis. Conmime renoDoiee qeurt par toutes vos signou-
ries d'Engleterre que voua devés esire rois de France, se en
vous [proesse] ne demeure. Et soat toutes gens, asquels les pa-
roles viennent, esmerviUiet pourquoi vous detriies tant que vous
n'^i faites vostre devoir, puisque vous en estes souTissanment
enfourmés. s F° 34.
P. H9, 1. 8 : conseil. — Mi. ^Amiens : Li roys avoit or-
donné un^ grant parlement à estre à Londres', des barons, pre-
las et boimes villes d'Engleterre ; duquel {larlement tout chil, qui
priiet et semons en furent, y vinrent. Et là fu remoustré et par-
lementé quel droit et quel prochainnetet li roys Edouwars avoit
à rtiiretaige de France. Et leur remoustra messires Robiers
d'Artois, de point en point et de degret en degret, coumiueut et
par quelle ordounnanche ce ]>ooit estre. Là eut pluisseurs pa-
roles dittes, devisées et retournées; car de entreprendre ung si
grant fait que de volloir bouter le possessant de le courounne
de Fraocbe hors del possession dou royaumme, c'estoit fort
affaire, et y couvenmt grans sens, pourcach et advis. F" Si.
Ms. de Rome : Adonc li joues rois d'Engleterre, qui veoit le
bonne volenté de ses hommes, par ie bon cnnsel qu'il ot, Qst
une grande assamblée à Londres pour avoir un parlement, au
palnis de Wesmoustier, des prelas, des nobles et des cons;iul3
des bonnes villes d'Engleterre, cl pour avoir consel sur ce à sa-
voir que il en poroit et deveroit faire. Qant tout furent venu,
Londres fu moult fort garnie de peuple ; car encores avoecques
tous ceuls qui estoient escript et mandé, vinrent moult d'aultre
peuple pour aprendre des nouvelles, car la matère lor sambloit
moult grande.
Or se Est chils consauis ou palais de Wesmoustier; et fu toute
ta plus grant sale raempiie de prelas, des nobles et des consauis
des dûtes et des bonnes villes d'Engleterre. Et là fist on tout
homne seoir sus escamiaus, pour casqun veoir le roi plus aise,
liquels estoit assis en pontificalité, en draps roiians, et la cou-
ronne en chief, tenant un septre roial en sa main. Et plus bas
deus degrés, senient prélat, conte et baron; et encores en desous
avoit plus de siis cens chevaliers. Et de ce rieule seoient les
honmes des chienq pors d'Engleterre, et les consauis des chités
DiqitizeabyG00»^lc
360 CHRONIQUES DE S. FROISSART. [1337]
et bonnes villes don pais. Qant tout furent tvaé et assis par or-
denance, ensi qu» il dévoient estre, on fisi silense.
Adonc se leva uns clers d'Engleterre, licensii^s en droïs et en
lois, et moult lûen pourveus de trois langages, de ladn, de fran-
cs et dou langage englès ; et conmeDca à parler mottlt sage-
ment. Et estoil messires Robers d'Artois dalés lui, liquets l'avoît
enfourmé, trois ou quatre jours devant, de tout ce que il devoit
dire. Si parla atempreement et remoustra tout en hault, et [«a]
englois, à la fin que il fiist mieuls entendus de toutez gens, car
tous jours sçut on mieuls ce que oq vo^t dire et proposer eus
ou langage où on est d'enfance introduit qu'en un aultre, tous
les poins et les articles desquels messires Rcibers d'Artob les
avoit, le roi, le clerc et auquns signeurs, enfourmés; et con
proçains li rois, lors sires, en quelle istance il estcHent là venu
et asambU, estoit de l'iretage et de la couronne de France. Et
qant il ot remoustré la parole tout nu lonch, par grant avis et
par bon lobir, tant que tout l'avoient volentierz ol, il demanda
ens ou nom dou roi à avoir consel de toutes ces coses.
Li signeur et li prélat regardèrent l'on l'autre, et fissent si-
lense une espasse que nuls ne parloit, mais grande nturmuratioa
av<Ht entre euls. Il m'est avis, selonch ce que je fui enfonrmés,
que la response à faire fut cargie et tournée sus le conte HaiH
de Lancastre pour le plus proçain que !i rois euist là. Il qui fo
bien avises de respondre et tantes cansilliés, dist ensi, en bon-
nourant le roi et tOBs les signeurs, ce fij raison : « Je conselle
de ma partie que ceste besongne soit mise en sousfrance, tant
que li rois nostres sires ait soufissans hommes de son roianlme
envoilet par delà la mer powr parler au conte de Hainnau, qui
fille il a, qui pour le présent est nostre chière dame roine d'En-
gleterre, et à messire Jehan de Hainnau, son frère, qui sont doi
prince sage, vaillant et de bon consel ; et tout ce que chil doi
en conseil eront, les ambassadours retournes en ce pais, et nous
remis ensamble et la response et parole des desus dis oie, nous
procéderons sus sans nulle faute, n Qant li contes Henrb de
Lancastre au Tors Col ot parlé, il respondirent tout d'une vois :
« Il dist bien. ï F» 34 v".
P. 120, I. S et 6 : messages. — JUs. tï Amiens : as seigneurs
telz comme estoit \y comtez de Hainnau, messires Jeluins de
Haynnau ses frères, li ducs de Braibant ses cousins germains,
li ducs de Guerlez ses serourges, et que chil l'en volsissent con-
:,Goo»^lc
[1331] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § B6. 361
seillîer et adviser qnel cose en seroit bon affaire ; et les mesages
revenus et l'intoitioii des dessus dis sceue, il. fesisi de rechief
ordounner et aasambler ung parlement en ce meysme lieu, et nn
li donroit tel coDSseil qui li souffiroil. F* 21 .
P. 180, I. 7 : de Haynau. — Ms. B 6 ; lequelz estoit img
prÎDche sai^s et ymaginatif. F° 66.
P. 120, 1. 20 : Adouc pria, — Ms. dAmient : et fist li roys
d'Engleterre , si comme conssillies estoit, escripre et fourmer
toutte sen intention et demande par le imfourmation et advis de
monseigneur Robert d'Artois. Et ordonna et eslisi quatre cheva-
liers sages et preudommes pour venir en Haynnau, en Braibant
et en Guéries, tels que le seigneur de Biaucamp, le seigneur de
Persi, le seigneur de Stanfort et mtmseigneur Gobam < . F° 21 . —
JUt. de Some; Il m'est avis que li evesquea de Lincole î fu non-
mes et li esleus d'Asquesufort, clerc en drois et en lois, mestre
Robert Weston, avoecques euls mesires Reoauls de Gobehem et
mesires Richars de Stanfort. Chil quatre emprisent le voiage à
faire. F" 34 v». — Ms. S 6 : Adonc y envoia-t-on une esba-
sade; et y ala messire Thumas Wagbe, marisal de Engleterre, le
sire de Persy, le sire de Neufville, le sires de Maun^ et deus
clers en droit. P 66.
P. lîO, I. 27 et 28 : apparillièrent. — Mi. d'Amiens : Qaant
li baron dessus noummés et doy clercq de droit', avoecq yaux
envoiiés de par le roy d'&iglelerre , fureal arivet à l'Escluze en
Flandres, il eulrent consseil lequel chemin premiers des trois il
tenroient. Si s'acordèrent et pour le milleur que de venir' en
Haynnau ; si enquissent où li comtes se tenoit, et on leur dist à
Valenchieunes. Lors esploitièrent il tant par leurs journées qu'il
vinrent à Vallencbiennes, et descendirent sus le marchiet ; et eut
chacims des barons son bostel par lui. Et quant il se furent ap-
pareillié et de draps renouveliez, il s'en vinrent très ordonnee-
ment devicrs le comte de H.iinnau. qui adonc se tenoit en le
Salle à VoUenchiennes. Et leu; chei si bien que messires Jehans
ses frères estoit dalles lui, desquelx seigneurs il furent convigna-
blement recheu, cor bien le savoient faire.
Quant li baron d'Engleterre eurent le comte salué et encline,
et monseigneur Jehan son frère, li ungs pour yaux cnummencha
1. Ml. dt yabntUnnti : de Gobebem. F^ 43.
2, liiit. ! deux grans cler». — 3. lild. .■ prenicn.
^..
.Gooi^lc
36i CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
à parler, en iui tnui-iunt sus le C(»&te, et dist ; ■ Honsdgiwur,
vostre biau& filz li roys d'Eogleterre nous envoie par deviers
TOUS en grant e^kecUiiCe avoecq ces lettrez que balllies vou&
avons, pour avoir coQSseil et advis de ceste besoingne qui à son
honnetu* grandement li touche, si «Hnme les lettrez font men-
tion ; car it est emfuurmés, et de certain et par pluiseurs clères
voies et raisons on li maustre et a on remoustre, que li royaum-
mes de Franche deveroit de droite hoirie, et par le sucession
dou roy CharJon son oncle, estre siens. Or considère li rois les
perilx, les adventures, les haynncs et les fortunnes qui en pue-
vent naistre et descendre, car il ne vouroit pas cose esmouvmr
qui à sen deshoaneur U peuist venir. Ossi il ne vorroit mies qne,
par faute de coturaige, d'emprise et de voUenté, ses drois li fost
tollus ne ostés ; car il troeve en bonne vollente et en grant désir
tout son royaumme d'Eogleterre de lui aidier. Et bien li ont dit
que il ne se délaie mies de son droit à poursuiwir, pour double
d'avoir peu de gens et de chevauche, car il l'en feront assés
avoir. Or est li emprise si grande et si haulte que dou tout seul-
lement il ne se velt mies fonder ne orester sur lui, ne sur l'en-
vayssement de ses hommes. Si sommes cnvoiiet par deviers
vous, comme à son père, que de ces besoingnes vous en voeiU
liez dire vsstre entraite. n F° 21 v".
Ms. de Rome : Et montèrent en mer à Douvres, et vinrent
à Wissan, Et là issirent des vassiaiis, et cevauchièrent toute
l'Aleqîne; et vinreqf à Tieruane et puis à .4jre, et puis à Bie~
tune, à Lens et à Douai, et puis à Va len chiennes. 11 pooient
bien faire tout ce cemin sans péril ne reprise, car encores n'a-
voil entre France et Engleterre nul mautaleuti et joissoit ças-
quns de ce que il devoit tenir, c'est à entendre U rois d'Engle-
terre tenoit la amté de Pontieu et en levoit lez pourfis, et ensi
en Giane.
Qant cliil ambassadeur furent venu à Valenchiennez, il se lo-
gièrent sus te marchié à leur aise en trois hostels, au Qûne, a
le Bourse et ù l'ostel à la Clef. Four ces jours, estoit li contes de
Hainnau en l'ostel de Hollandes, et gissans au lit de la maladie
des goûtes. Tantos il fu segnefiiés que chil signeur d'Engleterre
estoient venu ; si envola deviers son frère qui estoit à l'ostel de
Biaumont, et là se tenoit aussi. Pour l'amour dou conte, mes-
ures Jehans de Hainnau vint tantos deviers son frère, qui li dist
la cause pour quoi il l'avoit maud^, et que il aueroient nou-
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 56. 363
velles, car là estoient venu ambassadeurs d'Engleterre de par le
roi son fil. Ensi que li contes le dist, en avint. Car 11 evesques de
Lincolle et li esleus d'Asquesuforch et li doi baron, qant il se
furent rafresqt et ^parilliet, ensi comme à euls apertenoit, il
a'eo vmrent en l'ostel de Hollandes. Si trouvèrent le conte de
Hainnau, et son frère, et madame la contesse, et des chevaliers
dou pais, qui les requelllèrent doucement, taû que bien le sceu-
rent faire. Et entrèrent chil signeur d'Engleterre en la cambre
dou conte, li quels estoit pour celle heure levés, vestis et parés
moult ricement ; et seoit sus une chaière moult bien aournée, car
il ne se pooit soustenir sus ses pies. Si rechut ces signeurs d'En-
gleterre l'un apriès l'autre moult humlement. Et aussi tout l'en-
clinèrent et li fissent la reverense, et. à la contesse aussi et à
mesire Jehan de Hainnau ; et puis moustrèrent les lettres de
créance que il avoient aporte. Li contes les fist lire devant li par
un sien clerc; et qant il ot oy la créance, il fist toutes gens
widier hors de la cambre, réservé son frère et les Ënglès. Et
qant il furent à lor requoî, il lor dist : u Or sus dites ce dont
vous estes cargiés, et vous serés oy. »
Li evesques de Lincolle conmenca à parler pour tous, et dist :
K Très chiers sires, nous sonmes chi envoiiet de par vostre fit
le roi d'Engleterre et son consel, à savoir que vous dires de une
nouvelleté qui est promeue en l'ostel d'Engleterre, et que vous
en consellerés à faire. Li rois, nostres sires, est enfourmés moult
avant et tout acertes de mesire Robert d'Art«is, qui pour le pré-
sent se dent et demeui^ datés le roi en Engleterre, que de la
couronne de France et de l'iretage, il deveroit estre escauciers,
qui droit et raison li feroit. Et les poins de la proimeté, il sont
tout cler, ensi que bien les savés, car U rois, vostres fils, est
fils de la serour au roi Carie de France, darrainnement mort.
Ensi par ce point est il son neveu, et plus proçains d'un degré
de la couronne de P'rance ne soit li rois Phehppes, fils au conte
de Valois ; car il n' estoit que cousins germains au roi Carie, ensi
que bien le savés. Et pour celi cause, nous sonmes envoiiet de-
viers vous, pour veoir et sçavoir que vous en responderés; car
vostres fils, nostres sires li rois, est consilliés et esmeus à mettre
avant le calenge de France. Tout si homme li offrent corps et
cavance, mais ils ne voelt pas emprendre si très grant cose que
de deffiter le roi de France, et de renvoiier son honmage de
terres que il a relevées à Phelippe de Valois comme ù roi de
DiqitizeabyG00»^lc
364 OHRO?ilQUES DE J. FROISS.VRT. [1337;
France, se vous ne le conseillés, car de ce et de toutes coses 3
voelt ouvrer par vostre consel. ■ F* 37.
§87. P. 121, ). 13 : Quant. —Mt. de Some : Qant H contes
de Hainnau ot oy l'evesque de Lincole ensi parler, si feri sa
main sua la poiie de la chaiière sus laquelle il seoit, et poisa un
petit, et puis respondi et dist : « Vous tout ensi que chi estes,
vous nous soiiés 1i bien venu. Vous demorrés dalffs noas, trois
ou quatre jours, et vous rafreschirés; et nous penserons sus ces
besongnes et regarderons, en considérant toutes coses, lequel en
est bon à faire, et adonc vous en ser^s respondu. ■ Il respmdi-
rent tout de une sieute : > Monsigneur, nous ferons vostre plai-
sir. > Apriès, il entrèrent en aultres paroles; et lor demanda li
contes de Testât de son fil le rni et de sa fdle, et des ordenances
d'Engleterre, et conment on s'i ordonnait. A toutes ses demandes
et paroles, li evesques de Lincole et li baron respondirent bien
et sagement, et tant que li dis contes s'en contenta. Adonc vint
là lu contessc, qui estoit retraite en ses cambres, qant li sigQEur
se missent ensamble pour parler de consel ; et honnoura moull
grandement ces signeurs d'Engleterre, et leur demanda de soa fil
et de sa fille, et à tout il respondirent bien et à point. Et demo-
rèrent ce jour au dbner datés la contesse et messire Jehan de
Hainnau, qui leur list là et ailleurs la milleur compagnie que il
peut; et lor donna deus disncrs et deus soupers moult solempnes,
sus chienq jours qae il furent là. Et tous les jours, il estdeni dt
disner et de souper nu avoech le conte, ou la contesse sa fenme,
ou messire Jehan de Hainnau.
Au chinquime jour, il furent respondu de la bouce dou conte,
qui leur dist apriès les requestes que fait avoient : " Biau û-
gneur, vous dires ensi à uostre fil d'Engleterre que nous li sa-
vons bon gré de ce que il a cnvoiiet deviers nous fiablernent
pour reraoustrcr l'entrée de son information ; et que il poise la
matère et fait doubte des avenues , car ce n'est pas petite cese
voirement à desfiier le roiaulmc de France. Hais, en venant au
fait, il est tout cler que mon fils li rois d'Engleterre est plus
proçains voirement un degré de la couronne de France et de
l'iretage ne soit Phelippes de Valois. Et plus chier auerions ce
pourlit pour nostre fil, qui a nostre fille, et pour ses enfans, que
nous ne ferions pour Phelippe de Valois ; et qui onques rieos
n'emprist, riens n'achieva. Vous dires ensi à nostre fil d'Engle-
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 57. 36S
terre, de par nous, et A soq consel, que tout le bon droit que
ils sent à avoir mi l'iretage et couronne de IVance, il le demande
et calenge. Nous le aiderons et conforterons en toutes coses.
Nous i sonmes tenu, et le volons faire ai avant que nostre pois-
sance se pora estendre; mais c'est petite cose, de nous et de
nostre pais, encontre la puissance dou roiaulme de France. Pour
ce fault il que vostres sires nostres fils, avant que il entreprende
si grant cose que de renvoiier son hÀnmage au roi de France et
li desfier, que il viengne par deçà la mer, acompagniés de sou
consel, et il auera avoecques li Jehan mon ^ère qui le adrecera
de ce que il pora ; et iront deviers le duch de Braibant, cousin
germain à mon fil d'Engleterre, et à son frère de par sa serour
le conte de Gerlles, et aussi au marqis de Jullers, et aquière
amour et aliance à euls. Et se il puet avoir le confort et l'aide
des Alemans avoecques la sienne, il pora bien adonc desfUer le
roi de France et demander son droit; mais toutes fois nous di-
sons et mettons avant que riens n'en face, si sace la volent^ de
cenls que je vous ai nonmés. Et velâ le consel et la response sus
vostre demande, que je vous donne, s Chil signeor d'Engleterre
generaument respondirent et dissent : s Grant merchis, et nous
ouverrons apriès vostre consel. n
Si prissent depuis congiet au conte et à la coatesse et à mes-
sire Jehan de Hainnau, et se départirent de Valenchiennes, et
retournèrent arrière à la mer par le cemin que il estoient venu ;
car on quidoit partout que li rois d'Engleterre les euist envoîiet
en Hainnau pour veoir le conte, liquels u'estoit pas bien hetiés.
Si vinrent à Wissan, et entrèrent là ens es vassiaus d'Engleterre
qui les atendoient; et puis se desancrèrent, et singlèrent viers
Engleterre, et furent tantos à Douvres. Et esploitièrent tant que
il vinrent deviers le roi et son consel ; et leur recordèreni tout
ce que il avoient oy, veu et trouvé ens ou conté de Hainnau.
F» 37 V».
P. 121, I. tk : grant joie. — *j. ^Amiens : Et escei si bien
à point adonc, pour le my d'Engleterre, que li dis comtes estoit
en grant haynne contre le roy Phelippe de Franche. Et je vous
dirai pour quoy, car je n'y voeil riens oubliier non qui à recor-
der face. Li comtez de Hannau avoit traitiel ung mariaige de
madamme Ysabiel, se fille, à l'ainnet fil le ducq de Braibant. Et
quant li roys de Franche le seult, U esploita tant que li mariaiges
Tu defiês; et le fiancha ailleurs, che fu à sa tille. Pour quoy, H
DiqitizeabyG00»^lc
i^
366 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
comtes Guîllaummes fu durement courrouchiés sus le roy Phe-
lippe.
Encoires, en ce me3snie temps, eschei en vendaîge li castianx
et li terre de Crievecoer. Et l'acata li comtes de Haynnau, el
en presta as vendeurs grans deniers. Et le quidoit tenir el
ajoustcr à le comté de Ha^imau, comme sen boa hiretaîge; et
en avoit granl joie, car cesle terre li cstoit trop bien scans, pour
estre ensi comme clés, sus les frontierres de Cambresis et le dé-
partement de Haynnau. Et quant li roys Phelippes sent che, il
en fu moult courouchiefs et manda le vendeur ; et 11 amenda son
marchiet, et li fist' renonchier le vendaigc. Et le [irist pour lui,
el le dounna le duc de Normcndie , son fil, liqueli s'en mist en
possession; el fu depuis atribués au royaummc de Franche,
comme de l'hiretaige. Et ensi, par tel mannierre, li fors castiaui
de Alues on Pailluel, sus le marce de Ostrevant et de Douay, fu
hostéz au comte de Haynnau, qui le cuidoit avoir acatet pour
acrnistre son pays et clore sus les frontières de France,
Ces trois coses estoient asscs nouvellement advenues entre le
roy de Franche et le comte de Ha^iinau, lîquelx en avoit bdi-
nation, et n'en amoil mies mieux le roy ne son consseil. Et disoit
bien que il li remousteroit, quant il venroit à point. F" 31 v'et Si.
JUs. de Rome : Pour ce temps, avoit li contes de Hainnau une
haine couverte moult grande deviers son serourge, le roi Plie-
lippe de France; je vous dirai quelle et pourquoi. La terre et
ùgnourie de Crievecoer, en Cambresis, avoit couru à vendage-
El qant elle i fu mise, les premières offres en furent doimées au
conte de Hainnau, et ensi de la terre et signourie dpu chasliel
c'on dist Alues en Pailluel, séant sus la rivière de la Sensée, sus
les frontières d'Artois et de Douai. Et quidoit bien 11 contes de
Hainnau ces deux terres avoir acatées ; et esloienl li denier tout
prest pour les paiier. Qant li rois Phcli|>pes fu eufourmés de
ceste marceandise. Jebans ses Tils, qui cstoit dus de Norraen-
die et daulîns de Viane, se traist avant et referi sus ce marchié
par le conmandement dou roi son père, et acata en l'Empire ces
terres desus dictes. Dont li contes de Hainnau fut trop grande-
ment courouchi^s ; et dist et jura que, de le vilennie que ses
serourges ti avoit fait, il l'en souvenroit et ti remousteroit dure-
ment qant il cheiroit à point.
1. Mt, de faleaeiennti ; par dcniere et par paroUes. F' kk f.
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 87. 367
Et eschei que les nouvelles de ces promotions dou roi d'En-
gleterre à calengier l'îretage de France se boutèrent avant;
et desquelles coses on li demandnit le consel, en l'année pro-
prement, qant li vendage et li achat des hiretages desus dis
furent fait. Si en estoit li contes plus tenres et plus enclins à
estre tos courouciés, et lors secrètement il remoustra son man-
talcnl. Car, se il euist aussi bien, ens ou commencement de ces
nouvelles, abatu les paroles et les oppinions des Englois que il
les esleva, pluisseurs gens dient que, de la guerre de France et
d'Engleterrc qui tant a duret et cousict, riens net n'euist est^;
mais, ensi que on puet dire et supposer, ce qui doit avenir, nuls
ne puet brisier ne oster. F» 38 v°.
P. 122, I. 17: respondi. — Mf. J 6 : Je luy conseille que il se
traie en AUemaigne, et s'acointe de mon filz le roy d'Allemaif ne,
et du marquis de JuUers et des barons de l'Empire. F" 67 et 68.
P. 122, 1. 21 : dus de Guéries. — Ms. d'Amiens : comte de
Guerlez. F" 21 v*.
P. 122, 1. 30 : volentiers. — Mt. d Amiens': Et vous revenu
en Engleterre, si dîttes enssi au roy de par my que, par priière
ou par constrainte, il fâche tant qu'il ait à acord et pour comfort
le pays de Flandrez : se li sera nngs très grans avantages. Ossi
il ne s'espargne mies d'aller ou d'envoiier devlers le roy d'Alle-
maingne, Loeys de Baivière, qui en ceste besoingne le poelt moût
aidier et par pluiseurs cas. F° 21 v".
P. 123, I. 3 : consaulz. — Ms. S Amiens .- Quant li baron
d'Englet«rre eurent oy les responscez dou comte de Haynnan et
le consseil qu'il leur dounnoit, si l'olrent volentiers ; et dirent que
grant merchis, et que par son advis il useroient. Depuis, furent
il avoecquez le comte et monseigneur Jehan son frère, cinq jours,
qui trop bien les festiièrent. Au sixième, il se partirent et s'en
vinrent en Braibanti et trouvèrent à le Leuwre le ducq Jehan de
Braibant qui courtoisement les rechupt, pour l'amour dou roy
leur seigneur 4 qui il estoit cousins germains, et à qui il contè-
rent tout leur messaigc. Li ducs en respondy que par linaige il
ne devoit mies faillir au roy d'Engleterre, et que il le comforte-
roit, aideroit et conseillerait en tous cas si avant que il vorroit
son droit reiioursuiwir, car il y estoit tenus et avoit bonne vol-
tenté de le faire. De ce furent li messagier tout joyant. Et vinrent
depuis en Guéries, et esploitièrent si bien que U comtez de Guér-
ies s'abandonna dou tout, son corps, ses hoioimes et son pays,
;vGoo»^lc
3I>8 - CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
ou service le roy eoglès. Lors retournèrent li baron d'Eogle-
terre arrière, et rapportèrent au roy et à son c<»i5seil tout che
que trouvât avoient.
Ainsi se [Kiurveoit li rois d'Eogleterre quoiement et secrète-
ment, et aqueroit amis en l'Empire cheUT que avoir en povoil.
Et souvent parloït à monseigneur Robert d'Artois, au comte de
Lancastre, au comte de le Marce, au comte de Pennebrucq, au
comte de Norlhautonne et à ses plus privés et e^iecîals amb,
GODinment de cesle haulte et grande entrepresure qu'il desiroil
et esperoit affaire, il se maintenroît. Si l'en conssdiloient loyau-
ment, chacun selimc son avis. F" 22.
P. 123, 1. 17 : France. ^ Mi. d Amiens : et coununent il le
proposoit à ghueriier, et que il acquerroit amis de tous tés en
l'Empire. Si se doubta ung peu U roys de Franche, Nnnpoor-
quant il n'en fist mies trop grant compte, car' ghaires n'amimit
à che donc les Englès ne leur puissanche. P 22 v".
P. 183, 1. 25 :. preecie. — Ms. d Aiment : Ossi li Sains Pères
li deffendi et dispenssa et tous chîaux qui le Crois avoient pris.
F» 22 V.
P. 123, I. 26 : pourveances. — Ms. dArmens ; Et furent les
pourveanches , qui à Marselle, à Aigreroortes, à Nerbonne et an
port de Lates estoiept, ailleurs emploiiées. F* 22 V.
P. 123, 1. 29 : li rois. — Mt. d'Amitm : Et quant li roys d'En-
gleterre vit entainet si grandement les coers de teli troii grans
seigneurs comtue diil estoient, en recomrortaut ses besningnes,
^ en fu plus liés et tous ses conssaus. Et se fondèrent en partie
sus les parollez et advis dou comte de Haynnau, et conseillièreDl
au roy que, s'il volsbt envoiier hasteement deviers le roy d'Ale-
maigne ung prélat et deus ou trois grans banins et sagez, pour
aidier à tretier ceste besoingne et pour savoir quel samblant li
dessus dis en feroit, il le fist. Et en fu cargiés especialmenl li
evesque de Lincolle', qui vollentiers et liemeni entrepris! le voîaige
pour l'amour dou roy. Et avoecques lui allèrent messires Richars
de Stamfort, li sire de le Ware et li sires de Mullonne*. Et mon-
tèrent en mer ou havene de Tamisse à Londres, et singlèreni
tant qu'il arivèrent en Hollandes à Dourdrech ; et fissent mettre
1. Ml. de- falacieBita .- Car II eitoit grans et plÛMaiu, et pan doob'
toit 1> puiHance de» Eoglè». F« lA v».
2. itid. : Nicolle. F« 45. — 3. Ihid. : Hîtonne.
DiqitizeabyG00»^lc
[i3;i7] VARIANTES DU PREMIER LIVRE. § SI. 369
lors chevaux et leur harnas hors des nefs, et se rafreschirent là
par deus jours. Au tierch, s'en partirent et chevaucièrent tant
par leurs journées qu'il vini'ent à 0>Dvalence, là où li Emperères
et li Empereb se tenoient, qui les messagiers le roy d'Ëngleterre
rechurent à grant joie.
Loeis de Baivière, rois d'Allemaigne et empereurs des Roum-
matDs pour le tamps, n'uvott raies adonc en trop grant chierete
le roy de France, ensi que li coer sont de divierses oppinions ;
et se acorda assés tas à comforter et cunseillier le roy d'Engle-
terre. Et respondi us messagiers englès, si tost comme il eurent
dit ei complet che pour quoy il estoient là venut, que, seloncq
l'ordounnanche d'Allemaigne', li roys d'Engleterre avoit graat
droit à le courounne de France; et, puisque li rois eoglès se re-
traioit deviers lui par liablete, et pour sen droit aidier à soustenii'
et à garder, il ne l'en devoit mes faillir : a Si dires, ce dist li
Emperères, au roy d'Engleterre que fiablement il me viègne veoir,
et juer et esbattre dalles moy ; si s'aquintera des AUemans qui
bien en ceste besoingne le polront aidier, et je l'en aideray à
aquintier. n Li evesque de Lincolle et li chevalier d'Engleterre
furent de ces responsoes tout joyant, et se partirent amiablement
de l'Empereur et de l'Ëmpereis madamme Margherite de Hayn-
nau, qui au partir en eurent biaux dons et gransjeuiaux'.Et s'en
revinrent arrière en Engleterre, et recordèrent au roy coumment
il avoient esploitié ; et donnèrent au roy lettres de par l'Empe-
reur et aucuns seigneurs de l'Empire, telz que le marchis de
Misse et d'Eurient, le marchis de BlanquebouTch et l'archevesque
de Maiienche et celi de Couloigne. Si trouva li roys en leurs es-
cripsious salus et amiste's et touttes proummesses de confort. De
quoy il fu moult resjays, et bien y eut cause
En. ce tamps, se tenoit li comte/. Loeys de Flandrez à Gand, et
tenoit à amour les Flammens ce qu'il pooit; car li roys de Fran-
che l'en priuit et li enjoindoit, et qu'il gardast bien les fron-
tières de le mer à che costet , par quoy li Englès n'y ewissent
nul avantaige, Chilic comtes de Flandres estoit bons Franchois
et loyaux, et moult amoit le roy Phelippe. Et bien y avoit rai-
son, car li roys avoit le comte remis en Flandres par puis-
sance, quant il desconiï les Flammens à Cassiel, sy comme vous
1 . JHi. dt yalentUniw : irlon les drois de riiini)ire. F" 45 "".
2. liai. : pour l'anour de »a >oer, lu royne d'Englelerrr,
D,qit,zeabvG00»^lc
370 CHRONIQUES DE J. FROISS.\RT. [1337]
ave's oy chy devant en Tystoire del couroanement le roy Phe-
lippe.
Li roys d'Engleterrc, qui aqueroit amis a tous lés pour ses be-
soingnes cnbellir, entendy que li comtes de Flandres tenoit cou-
vertement saudoiiers et escumeurs sur mer, qui costioient à le
foix ËDgleterre; et quant il veoient leur plus biel, si s'abandon-
noient à gaignier ung vaissiet ou deux, se il le trouvoient. Doot
mist li roys d'Engletcrre gens sur mer, pour son pays et les mar-
cheans deffendre et garder des periix as escumeurs de mer. En-
coires fist li roys englcs, par l'ordouonanche de son consseil et
pour constraindre les Fbmmens et mettre en son dangier, dore
tous les pas d'Engletcrre et detfendre que nuli ne envoiast, veo-
desist ue amcnast nulles lainnes englescez en Flandres, ne as
Flammens, alSn' que il n'ewissent de quoy drapper. Et les fist li
roys touttes en son non nchater et amener en certains lieux pour
lui et sur lui et ses gens paiier. Mais nulles n'en venoieut en
Flandres, dont li dt-apperie et li gaagne dou mestier commencha
moult à afoiblir et à amenrir et moult de menues gens à apovrir,
car on n'avoit en Flandres de quoy drapper, et sans le drapperie
c'est ungs pays qui petitement se puet déduire. Et wuidoient li
honnest homme del comté de Flandrez et venoicnt en Haynnau',
en Artois et en Cambresis, mendiant i>ar dcHaulte dou gaignage.
Et mandoit bien ti roys d'Engletcrre, tous les jours, as Flammens
que il leurtoroit leur prouffit et le marchandise, s'il n'estoient de
son accord. De quoy les bonnes villez de Flandres eurent par
pluiseura fois moult de parlemens enssanble, assavoir coumment
il s'en maintenroient. Et volsissent bien li aucun que il leoissent
à amour le roy d'Engletcrre, car plus de proufSt leur pooit venir
de ce costct que de Franche. Mes li comtes de Flandres leurs
sires estoit le plus à leurs conssaux et parlemens, et brisoit tous
les proupos qui bons estoîent au commun proufit dou pays, en
tant que d'estre contraire à le courounne de Franche.
Encorres n'y avoit entre les dcus roys ntillez deffianches, fors
que murmurations et suppisious de guerre. Et posessoît encoirez
li rois d'Engleterrc le comté de Pontieu, qu'il tenoit de par
medamme se mère, et pluiseurs terrez ailleurs en Gascuingne et
1. 3/i. de yaUncienntt ; affiii que le comiuua, qui D'uoient de quoy
ouvrer, se couroufaiMent. F° li& v,
2. iiid. ! en Hajiuiau, en Brabaut, eu Artois.
DiqitizeabyG00»^lc
[1337} VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 87. 371
en Nonnendie. Et vous di Inen pour certain que il avoit pluiseurs
jmiagiDasions &us ceste emprise, quoj'que messires Robiers
d'Artois !i consseillast et fust sus ie col qu'il y envoiust son
hoummaige au roy Phelîppe et le deffiast appcrtement, car li roy
d'Engleterre sentoil son royatimme petit ou regard del royaumme
de Franche : si voloit ceste cose faire par grant delibei'atinn et
bon advis de consseil, ainchots que il esmeuist cose où il pewist
recepvoir point de dounimage.
Or avint ensi que li papes Benedich et li collèges de Romme,
qui lors se tenoicnt en Aviguon, par le promotion et pourcach
d'aucuns bonnes gens, seigneurs et dummes, de quoy g'i oy
noununer le roy de Behaingne, le ducq de Lorainne, le comte de
Bar et le comte de Namur, et medamme Jehanne de Vallois,
comtesse de Haynnau, et madamme la comtesse de Soissons,
femme A monsieur Jehan de Haynnau, et medamme de Garanez,
soer au comte de Bar, qui estoît mariée en Engleterre au comte
de Pennebrucq, qui les perilz et les ghcrrez redoubtoicnt entre
leur prochains de France et d'Engleterre et les mcsavenucs qui
venir en pooient, envotièrent deus cardinaux à Paris pour tretier
deviers le roy Phelippe que il se volsîst acorder à che que uns
parlemens des deux roys se fesist et mesist enssamble de leurs
plus grans barons et plus sagez, et oyssent les Franchois les de-
mandez dou roi d'Engletei'i'e ; et se aucuns dr<)is avoient en l'ire-
taige de Franche, par le bon avis de chiaux qui cargiet en se-
roient, satifation et apaisemens l'en fuissent fais. Tant traitièrent
li cardinal au roy de Franche, avoecq leurs bons moiiens, que il
s'asenti ad ce que parlemens s'en fesist. Et fu ceste cose tant dé-
menée que li rois d'Engleterre s'i acorda ; et devoit cnvoïier à
Vallenchiennes gens souGBssans pour lui, à oyr et respondre as
ententes des Franchois. Et li rois de France devoit ossi là en-
voiier gens de pir lui, bien fondés et advisesde respondre as op-
pinions et demandes des Englès. Et dévoient chil y estre puissant
d'acorder les deus roys, pur l'avis et consseil dou comte Guil-
laumme de Haynnau, devant qui touttes les besoingnes seroient
|)roposées.
Adonc envoya li roys d'Engleterre par dechà le mer dix che-
valiers banerès de sen pays et dix autres et l'evcsque de Lïncolle
etcesti deDurem; et vinrent à Vallenchiennes, et se représentèrent
au comte qui les rechupt à joie. Et faisoient chil seigneur d'En-
gleterre grans très et grans despens, et tenoient bon estât et tant
DiqitizeabyG00»^lc
374 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
de larghèches qu'il en acquisent grant grasce. En ce meysme
temps, fisi li comtezde Il.iynnau Guillaumme son fil chevaliei^à
le Salle, à Vallcncliiennes. Et y eut grant Teste et grant joustes
des Englès et des Haynnuyers et des Braibenchons ; et fa à une
Pentecfluste, l'an mil trras cens trente et six. Assés tost apriès, fu
(es li mariaiges de ce jouène seigneur, le fil dou comte, à me-
damœe Jehanne, ainnée fille au duc Jehan de Braibant.
Ehissi se tenoient chil seigneur d'En^eterre en Vallen<^ieiuies
et aloient de l'un à l'autre, et suuvent visetant le comte Guil-
laume de Haynnau , qui par heures estoit maut agrev^ de le
maladie des gouttes, et se logait en l'ostel de Hollandes. Et atea-
doient chil signeui' les barons et seigneur de Franche que li rois
Phelippes y devoit envoiier et point ne venoient, dont il estoieni
durement esmervilliet à quoy ce tenoit qu'il ne venoient. Si en
parlementèrent par pluiseurs fois ensamble et devant le conile
auquel il priièrent que il volsist medamme la comtesse sa femme
et monseigneur Jehan de Haynnau son frère euviers le roy de
Franche envoiier, pour savoir à quoy il tendoit, ne que il esperoit
ne voltoit faire. Si empria li dis comtes madamme sa femme et
le seigneur de Biauraont, son frère, que il volsissent aller en cbe
voiaige; et il K acordèrent vollentiers.
Lors se partii'cnt de Haynnau medamuie Jehanne de Valloiset
messires Jehan de Biatmiout; et chevauchièrent en bon arroyde-
viers Franche , et tant esploitièrent par leurs journées qu'il vin-
rent k Paris. Et là trouvèrent il le roy qui lez rechupt à joie; el
festia et honnoura moult madamme sa soer et monseigneur Jehan
de Haynnau. Adonc disent il au roy le matère ijour quoy il es-
toient là venu; et que en partie, pour sen honneur escuzer et le
consseil d'Engleterre apaisier, qui à grans fret sejoumoient en
Vallenchiennes et là environ, li comtes de Haynnau tes avoil eo-
voiiés. Dont respondy li roys de France et dist^; b Ma belle soer
et vous, sires de Biaumont, voirs est que, par aucuns moiiens et
especialmeni des gens de l'église qui de ce se son! euscmniiel.
[je m'acorday*] ad ce que d'envoiier à Vallenchiennes aucuns
noble/. de mon royaumme, pour parlementer asEnglèz.Or me sool
depuis autres DOUvelleE revenues ; et ay eu pluiseurs parlemens de
mes plus es|)eciaulK amis sur ces besoingnes. De quoy, tout catt-
sideré et ymaginë lez affaires , j'ay trouvet en mon consseil que
1. Ms. de Vatenciennes, (" kS- — M*. d'Amiens (lacune).
D,qit,zeabvG00»^lc
[1337] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 37. 373
de là envoiier je ne sui en riens tenus; et que, se je le Taisoie ou
ewisse fet , cbe euist estet ou seroit à mon blamme et grande-
ment au prejudîsce de mon royaumme. Car li roys d'Engleterre
n'a nul droit de calenge , ne de partir à mon hiretaïge : j'en sui
en possession et y fui mis par Tassent et acord et le élection des
douze pères de Franche, des barons, et le consseil et acord des
prelas et bonnes villez. Si tenrav pour my, et te deHenderay à
mon pomr contre tout homme. Et ces raisons j'ay envoiies pro-
poser devant le Saint Père el le collège de Romme. qui asses bien
maintenatit s'en ctmtentent; et ne troeve, par nul clercq de droit,
que j'en doie autre cose faire, ■ A ces parolles respondi madamme
Jehanne de Vallois, qui les perilx dpubtoit entre son frère le roy
et son fil le roy d'Engleterre, et dist : « Monseigneur, je ne
tieng mies que 11 roys d'Engleterre tire ne voeil tendre ne
entendre dou tout entirement à le courounne de Franche. Mes
se, par proismete de medamme se mère, il y a aucuns drnix, et
qu'il n'ait point estet bien partis des hiretaigez, salve vostre lion-
near amenrir, vous feries bien se vous y voiliez regarder, par
quoy vous demorissiés bien amie enssamble. Car, se Dieux me
vaille , la gherre et la haynne entre vous, qui esteï li doi plus
grunt roy de tout le monde, y serf)it trop mal séant. Si vous pri
chieremcnt que vous voeilliés descendre ad ce que je soie oie; et
que vous envoiies vostre consseil à VallenchienaeSn pour aprochier
toutte bonne amour entre vous et le roy d'Engleterre. > Lors res-
pondi li roys de Franche qu'il en aroit advis.
Sus ceste darrainne responsce, se départirent del roy la com-
tesse de Haynnau et messires de Biaumont . et revinrent à leurs
hostelx; et laissièrent depuis 1c roy de Franche, par l'espasse de
trois jours, adviser et conseitlier. Liquelx fînablement ne trouva
point en son consseil que il y envoiast, car, se il le faisoit, il don-
roit à entendre au roy d'Engleterre que il aioit aucun droit en
ceste querelle; et tout ensi en respondi à sa soer et au seigneur
de Biaumont. Et quant il vii'ent qu'il n'en aroient autre cose, si
prissent congiet au roy et se partirent de lui ; et s'en repairièrent
arrière en Haynnau, et tout droit à Vallenchiennes. Et trouvèrent
le comte en l'ostel de Hollandes , à qui il disent et recordèrent
leurs nouveliez. Et quant li comtez les oy, il manda lez Englès
et fist, présent yaux , à madamme se femme et à monseigneur
Jehan son frère, dire et compter tout che qu'il avoient trouvet
en Franche. Si en furent li Englès bien esmer%'illiet et malcon-
DiqitizeabyG00»^lc
374 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
tent sus )e roy de France et son consseil , mais il ne te peurent
amender. Lors demandèrent consseil au comte de Haynnau qu'il
en estoit bon arfaire. Et li comtes leur respoodi qu'il savoient
bien sur quel estât il estoient parti dou roy leur seigneur et
que seloncq ce il s'avisasent, ou il desissent touttez leurs en-
tentions ou au plus priés que dire le poroient , il les en aîderoit
vollentiers à conseillicr. Adonc rcspondi li evesques de Lincollc
et dist ensi : a Sire, c'est li entention (tel roy nostre seigneur
et de son plus especial consseil de par delà que, se li roys de
Franche ewist chy envoiiet barons, prelas et son consseil de par
lui, et nous n'ewissicns estet d'acord, que nous seitissiens, pré-
sent vous, quel affection li seigneur de l'Empire, qui comfort et
ayde li ont proummis, ont de lui aîdier, par quoy il se pourvetst
seloncq che ; car, nous revenu en Engleterre, il ne vora point
picntet séjourner qu'il ne guérie. Or en i a chy aucuns de l'Em-
pire; et tout n'y sont mies chil que nous voulions avoir et veoir.
Si venions volentiers qu'il fuissent mandct au title de vous et de
nous ossi, et ewissiens parlement enssamblc, par quoy iiostre voie
fuist cmploiiée en aucunne raannière. ■ Lors respondi li comtez
de Haynnau et dist : a Vous parlés bien, et c'est une bonne voie;
si le ferons enssi, et sans séjour, s
Dont escripsirent et d'un acord li comtez de Haynnau et li
baron d'Engleterre, comme messgier de jiar le roy englès, à au-
cuns seigneurs de l'Empire et à telï comme au comte ' de Guér-
ies, au marchis de Jullers, à l'arcevesque de Couloigne, à mon-
seigneur Gallcrant son frère, au marchis de Blancquebourch, que
il volsissent venir en Haynnau et jusques à Vallenchiennes devant
le comte, à ung parlement qui eslre y devoit. Chil qui priiet en fu-
rent, ne se vorent point escuzer; et rescripsirent qu'il y seroient
bien et vollentiers, au jour qui ordounnes y estoit. F°* Î2 et 23.
Ms. lie Rome : Avisé fu, .telle fois fu, ou conmencement de lor
consel, (pie li rois d'Engleterre passeroit la mer à une qantitë des
nobles de son pais, et venroit en Hainnau et en Braibant, en Ger-
les et en Jullers. Et feroit ils meismes tous ces pourcas par le con-
sel que il aueroit de son grant signeur le conte de Hainnau. Et
puis fu chils consauls brissiés. Et regardèrent chil qui le (xmsC-
loient, que il n'i avoit encores que faire jusques à tant que on
aueroit tretic devicrs euls, et que on saueroit k volent^ des Ale-
1. »i. Je raUncieanei : duc de Guéries. V" liQ.
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARIAMES DU PREMIER LIVRE, g r.T. :i7r>
mans. Si furent ordonné li eve^^ues de LincoUe et li evesques de
Durem, li contes de Sasiabcri, li contes d'Arondiel, li contes de
Northantonet li contes de Warvich, messires Benauls de Gobehen,
messires Richars de Stanfort , li sires de Felleton et li sires de
Sulli, à passer la mer et venir à Valenchiennes et parler au conte,
et faire apriès son consel, et tretiier au duch de Braibant et à tous
ceuls desquels il poroient estre aidié et conforte.
Si ordonnèrent tout chil signeur lors besongnes, et cargièrent
lors vassiaus sus la rivière de la Tamise de tout ce que il lor be-
songnoil. Et esloit lor intension que de prendre terre en Anwiers,
car point ne voloient passer par France. Et en portoient chil si~
gneur, en deniers tous apparillés, cent mille florins, pour tenir
lor estât et pour donner des dons là où il aperlenrnient à faire,
car bien siivoient que Alemant sont durement convoiteus et ne
font riens, se ce n'est pour les deniers. Qant toutes lors beson-
gnes furent aparillics et li vassiel cai^iet, il entrèrent dedens et
esqipèrent en mer, et ancrèrent de ceste marée devant Grave-
saindes. Et qant la mer fu revenue , il desancrèrent et se dé-
partirent] et orent vent h volenté, et entrèrent en la mer et sin-
glèrent. Et ne furent depuis que deus jours sus mer que il vinrent
à Dourdresc, en Hollandes ; et là issirent il des vassiaus, et furent
li bien venu en la ville. On mistbors les chevaus petit à petit, et
se rafresqirent en la ville de Dourdresc quatre jours; et se pour-
veirent de chevaus chil qui nuls n'en avoient. Et qant toutes lors
besongnes furent prestes, il se départirent en grant arroi. Et
moustroient bien, à lestât que il tenoient, que il avoient or et ar-
gent assés ; et cevaucièrent à petites journées, et à grans despens.
Et ne s'arestèrent chil signeur nulle part, si furent venu à Valen-
chiennes; car de tout ce que il avoient à faire, il se voloient or-
donner de par le conte de llainnau.
Qant il furent venu à Valenchiennes, il se logièrent à leur aise
et i furent recheuà joie. Et les regardoicnt toutes gensà mervelles,
pour le grant estât que il tenoient; car il n'cspargnoient nulles
riens, non plus que argens lor apicuist des nues, et acatoient
toutes coses le pris que on lor faisoit. Dont il avint que, qant li
signeur qui la ville de Valenchiennes gouvrenoient pour ce temps,
en veirent la manière, il missent par ban et sus painne à toutes co-
ses fuer et pris raisonnable, et tant que li Enginis s'en contentèrent
grandement. Et estoit li evesques de Lincole logiés as Jacobins,
et li evesques de Durem as Frères Meneui-s.
DiqitizeabyG00»^lc
376 CHRONIQUES DE J. FRÛISSART. [1337]
Pour ces jours, estait de tous poîns alites li contes Guillaumes
de Hainnau de la maladie des goûtes, maïs il avoit tous ses sens
avoecques lui ; et aussi naturelment donnoit bon consel que onques
fait il avoit en devant sa maladie. Et Turent cliil signeur d'Engle-
terre requelliet moull doucement de li et de la contesse sa fenme,
et de Guillaume lor fil et de mcssire Jehan de Hainnau. Et aloient
li dit signeur, tant des prelas comme des barons, veoir le coate et
parler à lui des besongnes }>our lesquelles il estoient là envoiict. Et
li contes les en consilloit Iniaument à son pooir ; et à tous lors con-
sauls estoit apellés messires Jehans de Hainnau, c'estoit raisons,
conme honme de fief et d'onmage et de foi et sleremeot au rai
d'Engleterre. F* 38.
P. 124, 1. 24 : de Haynau. — Afs. de Rome : et de la con-
tesse et de son fd. F° 38 y'.
P. 124, 1. 27 : de Lincolle. — Ms. de Rome: et li contes
d'Arondiel et li contes de Norbantonne et messires Renauls de
Gobehen et messires Rlchars de Stanfort et des aultres signeurs
d'Engleterre. F" 38 V.
P. 124, I. 28 ; se traisent. — Mt. de Rame; à Louvaing, de-
viers le duch Jehan de Braibant. F" 38 V.
P. 128, I. 1 : faire. — Ms. de Rome : Et avoit adonc, entre li
et le roi Phelipjie de France, un grant disferent. F* 38 v°.
P. 128, I. 8 ; florins. — Ats. de Rome : que il devoit avoir
pour li et pour ses gens. F° 38 v».
P. 123, I. 12 : nommés. — JUs. de Rome : se en propre per-
sonne il ]>assoit la mer, à nulle hiaumes couronnés. F* 38 v*.
P. J23, I. 15 : l'ystore. — Ms. de Rome : Chil seigneur d'En-
gleterre, qui poissance avoient de tout ce faire, car li rois Ibrs
sires lor avoit donnet, escripsirent et seelèrent touttes ces con-
venances et ce que li dus de Braibant volt. Et retournèrent en
la ville de Valenchiennes, et recordèreni an conte de Hainnau
conment il avoient esploitié. Desquels esplois li comtes fii tous
resjois et lor dist : a Biau signeur, puisque vous avés d'acord le
duch de Braibant, c'est uns grans sires et sages, et bien amés de
tous ses voisins. Je cs|>oipe que vous auerés assés legierement le
conte de Gerlles, le marchis de JuUers, l'arcevesque de CouIoD-
gne, mesire Emoul de Baquehen, le signeur de Fauquemont et
tous les Alemans : il convient tretiior doviers euls. ■ F° 38 V.
S K8. P. 125, I. 19 et 20 : l'argent. — Itft. de Rome :
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 58. 377
car ce sont coses qui moult i valleat et pueent. F" 38 v*
et 39.
P. I2ff, I. 20 et 21 : dus Guéries. — Mi. WAmiem ; li
cnmtez de Guerlez. F" 23 V. — Ms. dé Rome : ii contes RenauU
de Gerles. F* 39.
P. 12R. I. 33 : Faubemont. — Le ms. <t Amiens ajoute : li
marchis de BlaDcquebourch, li sirez de Duvort. messires Ernoux
de Babehen', li comtes des Mons et li sirez de Kuk ou lieu dou
duc de Braibant. F» 23 v". — Ms. de Rome: et pluisseur aultre
chevalier desus le Rin et fort ruste. F° 39.
P. 125, 1, ïik : Valenciènes. — Ms. d Amiens : par l'espasse
de trois sepmainncz. F" 23 v". — Ms. de Kalenciennes : plui-
seurs jours. F" 50.
P. 125, I. 29 : France. — Ms. de Rome : silos que il saue-
roient que li rois d'Engleterrc l'aueroit deSiiet, ou au plus tart
un mois aprîès. F* 39.
P. 126, 1. 1 : couronnés. — Ms. de Rome : car pour lors on
ne parloit point de lances ne de bachînés, fors de hiaumez. Or
sont les coses transmuées aultremeat, 'et encores se transmue-
ront. F» 39.
P. 126, I. 11 : le pourquoi. — Ms. d Amient : Et disent li
Allemant que, ou non de Dieu, li consseil d'Engleterrc esmeuissent
leur roy à che que il passast le raer et venist en Anwers, tanL
que il le pewîssent veoir et oyr; car il en avoient grant désir, ^
ses besoingnes en vauroient mieux. F" 23 v°.
P. 126, J. 12 : pays. — Ms. de Rome : Vous devés sçavoir.
et c'est cose legière à croire, que de toutes ces besongoes, de
ces aliances des Alemans el des séjours que chil signeur d'En-
gleterre faisoient en Valenchienncs, et de lestât que il i tenoient,
li rois Phelippes estoit enfoiirmés. Mais il n'en faisoit compte,
réservé ce que il li desplaisoit trop grandement de ce que li
voiagcz d'outre mer en seroit retardés; et se contentoit moult
mal dou conte de Hainnau, son serouge, de ce que il soustenoit
en son pais ceuls qui 11 voloient porter damage, et disoit bien :
0 Mon frère de Hainnau marceande de avoir son pais de Hain-
nau ars et courut, i F* 39.
P. 126, 1, 29 : apriès. — Ms. d Amiens : Endementroes que
li roix d'Engleterre sejournolt à Wesmoustier dalé» Londrez, da-
l. Ml. Je Veltncirimfi : Emoutt de Bakem. V° 50.
;vGoo»^lc
378 CHRONIQUES DE J. FBOISSART. [1338]
lés lui son cousin le comte de Lancastra, messire Robert d'Ar-
tois, le cnmte de Pennebmcq, le comte de Kent et pluiseurs au-
tres, et par uns paskéres que on compta l'an mil trois cens trente'
et sept, le treizième jour i'nvril, et avoit ndonc tenut court ple-
nière ea son palais à Wesmoustier, le mardi de ceste Pasque as-
sés matin, vint ungs liiraux bien conncu dou roy et des baixHis;
et estoit cnglèz, et l'appellnit on Cardoeil, car li roys meysmez
r avoit jadis fa"it hiraut en ces voiaiges d'Escoce, et li avoit doun-
net ce non. Chilz hiraus avoit demouré hors d'Engleterre jà par
l'cspasse de cinq ans, travtllans le monde ; et avoit estet en
Prusse, en Ifflant, au Saint Sépulcre, et retourné par ces biaux
voiaiges en Barbarie et revenu en Espaingne. Et avoit demouret
dallez le roy d'Espaingne, ung grant temps, sus le!i voiaiges' de
Grenade, et raportoit lettres dou roy d'Espaingne au roy d'En-
gleterre. Si estoit revenus le droit chemin par Navare et par
Gascoingne, et le terre que li rois englès tient de sen hïretaige
en ce pays de Gascoingne : si avoit yllocc trouvât grans gherrez
et grant esmouvemens de castiaux dez ungs as autrez.
Et jà y cstoient, de par le roy de Franche, grant fuisson de
seigneurs, telz que le cnmte d'Ermignach, li comtez de Fols, li
comtes de Commines, li comtez dauffin d'Auvergne, li comtes de
Nerbonne, li senescaus de Toulouse, mcssires Floton de Reviel,
li sires de Biaugeu, li sirez de Toumon, ly sires de Bays *, li sirei
VB Calençon * et pluiseurs autre/. Et avoient fet deus sièges, dont
li ungs estoit devant une fortrèce c'on clamoit Penne ', et li au-
tres devant Slaves. Et constraind oient moult chiaux de Bour-
diauK par le rivierre de Gironde. Et disoicnt enssi li sïgneur de
France que chiU pays estoit fourfes et raquis au roy de Fran-
che, par sentense ajugie et rendue ou jialab à Paris, ensi comme
vous ort's chy aprics. Et n'y avoit adonc en Gascoingne nul
homme qui se meuist, ne fesist fct encontre les Franchois, car il
n'estoient mies fort asez pour résister contre yaux; mes se te-
noient les fortresses touttez closes, et se defTendoient à leur
pooir. Et avoient le dessus dit hirault cargiet et priiet que il
volsist faire bien hastiement ce message deviers le roy s<m sei-
gneur. Et li avoient li seigneur de Gascoingne, qui pour Englès
1 . 3fs. Je VaUncieantt : l'an TÎngl stpt. F» 50 "f". Wauc
a. ibid. : è» gueiT«i. P" 51, — 3. Itid. : le Baie.
4. Ibid. : Collenchw. — 5. Ibid. : Ppine.
;vGoo»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 58. 379
se teaoient, et li ville de Boordiaux, cargiet lettrez de créance et
eDfourniet de tout ce fel, ensi qu'il estoit avenus, et si comme je
vous diray. Liquelx hiraux avoit ^ bien esploitiet que il estoit
montez en mer en le ville de Baione, qui se tient englèce ; et
estoit venus, en cinq jours et en quatre nuis, ou havene de Han-
tonne, et puis tant chevauchiet par haghenées que en jour et
dem)' venus à Londres où li roys estoit, et iui remoustr^s et
tou^s ses lettres; et s'engenilla devant le roy, si comme vous
avés oy. Liquelx roys et tuit li baron orent au 'premiers grant
joie, car bien il savoîent qu'il aroient de lui pluiseurs nouvellez.
Quant li roys englès vit le hiraut devant lui que, grant temps
a, n'avoit veu, se dist : e A bien viengne, Cardoeil. Or nous
dittez de delà le mer et des lointains pays où vous aves estet,
depuis que nous ne vous veymes, car moult en desirons à sa-
voir, n — ■ Monseigneur, dist li hiraiiT, vous lires »u ferés lire,
s'il vous plest, ces lettrée ; et puis je vous en diray de pluiseurs,
car il en y a de tellez qui moût vous touchent. » Lors ouvri li
roys aucunez des leltrez et regarda ens ; et vit bien qu'il y avoit
autrez coses qui touttes ne pooient pas estre escriptez, et des-
quelles li hiraux portoit créance. Et vit bien li roys que les be-
soingnes par de delà, en Gascoingne, n'estoient mies trop bêliez
pour lui ; si en fu de tant plus hastieus dou demander. Et li hi-
raux li dist ensi ; a Chiers sirez, il est ungs chevaliers, par de
delà te mer, qui s'apeUe li sires de Noielles; et est chilz poite-
vins. Et dist et maintient que, pour pluiseurs services que chUz
fist à vostre signeur de père, dont on li doit le somme de trente
mille escus'. Et l'en fu bailliet en crand et en piège li ville et
castelerie de Condon*, dont, si comme il dist, il ne pooit avoir
nul paiement. Si s'en plaindl au roy de Franche, et moustra ses
lettres ; et lu remis et envoiiés par le cambre de Parlement. Et
li fu jugies qne vous estiés tenus en celle debte, et à rendre tous
frès et tous despens ; et fu enssi dit par sentence en plain Paris.
Dont, pour exécuter ces esplois et lui faire paiier, il eut une
commission generaule à lever, prendre et arester partout en
vostre terre de Gascoingne, tant qu'il seroît satisfès de le somme
dessus dicte, et des frès que fel y avoit. Et y estaubli U roys, à
le priière dou chevalier, ung procureur, liquels s'appielloit mais-
1. Vi. dt yiUtBcienrtt4 : florin*. F" 51 *".
DiqitizeabyG00»^lc
380 CHRONIQUES DE J. FR01SSA.RT. [1338]
très Raiemons* Fouchaus. Et esploitièreot tant qu'il vinrent à
Condon, et se veurent mettre en le possession et saisinne dou
dit castiel, par le vertu de le commission dessus dicte. Et en
parla li procureur dou chevalier au castelain si orguilleusemeiit
que mautalens y monta, car d'un baston gros il domia à ce mes-
tre Raymon ung tel horion, présent le seigneur de NcHielle, que
il li pnurfendi le teste ; et prist le chevalier et le roist en prison,
et dist qu'il estoit moût outrageux, quant en vostre hiretaige il
osoit faire teU esplois. De quoy li roys de France a eut grant
indination et despit; et dist que vostre terre par de delà est par
cestc advenue toutte fourfaite. Et y font si grant gherre chîl qui
y sont envoiiet de par le roy et si mortelle, qu'il ont pris Pru-
daire. Sainte Basille et Saint Malquaire. Et quant je me parti
dou pays , il seoient devant Penne * et devant Blaves. Si vous
prient li chevalier et les bonnes villes de Ghascoingne que vous
les confortez et secoures hasteement; autrement vous poréi
moult perdre, n
Quant li roys d'Englcterre eut oy les parollez de l'hirault et les
nouvellez qu'il li apportoit de Ghascoingne , et coumment ti
Franchois et à petitte raison li faisoient gherre, et y estoient si
efforchiement que nuls ne pooit reûsler à l' encontre, si fut
moût penssieux une longhe espasse. Et quant il leva le chîef,
si se retourna deviers ses barons, et demanda que ce estoit bon
affaire. « En nom Dieu, sire, che respondirent li plus espe-
cial, à cel lés là vous faut envoiier; car, seloDcq que vous avés
affaire et entendes à parfumir, li Gascon, qui sont borniez gens
d'armes, vous poroient grandement valloir ou nuire en vostre
gherre. Si advisés qui vous en voulez cargier de faire che
voiaige, « Dont respondi li roys : • Or y regardons l'un par
l'aube'. J'en priroie voUentiers monseigneur Robert d'Artois, et
le feroie chief de cesfe armée. Car en cel estct qui vient, je n'ay
nulle affection ne entention de deffiier le roy de Franche; mes
voray toutlez pourveanche?. adviser et ordonner par bon loisir, et
acquerre encoirez tous les amis que je pouray delà le mer, car
tnen me besongneront à gueriier si grant cose comme le
1. tfi. dt Foltnclennei : maiiU^ Remon, F° SI i^-
2. itid. : Peme. F° 52.
3. lèiJ, : Donc dist meuire Robert d'Artois : <c Sire, je m'en cbtrgp-
ray, s'il ïoiu ptaist. ■ — i Certes, diat le roy, je voui en pentoie pri*n
or Toui ponrrrez haitivemeut. ■
DiqitizeabyG00»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 58. 381
royaumme de Franche. * Lors respondi messires Robiers d'Ar-
tois liemenl au roy, et disl que ce voiaige il ferait très volen-
tiers. Et li roys li diat : ■ Gratis raerchis. n
Depuis ne deranura mies loing tamps que messires Robiei-s
d'Artois se parti d'Ëngleterre à cinq cens armures de lier et trois*
mille archiers; et montèrent ou haveoe de Hantonne, bien or-
donne et garny de touttez pourveanches. Et estoient adonc
avoecq le dit monseigneur Robiers d'Artois li comtes de Hesti-
donne, li comtez de SufTorch, li comteï de Cornuaille,
Thummas d'Aghourde, messires Thummas de Hollande,
Richart de Pennebrug, li sires Despenssiers, li sirez de Ferièrez
ses serourgez, li sirez de Multonne, li sirea de Brassetonne et li
sirez de Willebi, Si singlèrent tant par mer chil seigneur, à
l'ayde de Dieu et dou vent, qu'il arivèrent parmi le Geronde ou
havene de Bourdiaux, dont cil de le chiti! eurent grant joie et en
furent grandement réconforte. Et là estoient li doi frère de Fu-
miers, messires Helyes et messires Jehaiis, qui vinrent sus le sa-
belon contre lez nefs englesses; et ossi fisent> li plus grant partie
de chiauB de le ville, car ce secours il desiroient.
Dont yssirent messires Robiers d'Artois et chil de se route
hors des vaissiaux, et s'en vinrent tout à piet jusques à leurs
hosteli oii il fuirent cunvoiiet à joie. Et sus le soir, quant li
mers fu retraite, ont li varies mis hors leurs chevaux et leur
harnois et touttes autres pourvennces. Si se rafreschirent par
trois jours en le chilé de Bourdiaui, et puis se consellièrent quel
part il se trairoïent. Si eurent consseit et advis que il yroient
droit à Penne, pour lever le siège qui là estoit des Franchois. Si
s'ordonnèrent et abillièrent une matinée, et smmèrcnt les trom-
pettea et aroutèrent le charoy et leurs pourveances. Et fist là
messires Robiers d'Artois, marescal de tout son ost le comte de
SulToix;!). Dont çhevanchièrent dcviers le castiel de Penne, à huit
cens hommes d armes et trois mille archiers tout à cheval, et
quatre mille hommes de jiiet. <Jlic fu environ l'Assention, l'an mil
trois cens trente et sept.
Quant li comtes de Fois, tî comtes de Charmain, li comtes de
Keregorch , li mareschautx de Mirepoix, H comtes de Quersi,
1. Ui-de yaU»c.
>vGoo»^lc
CHRONIQUES DE J. FROISSVRT. [1338]
s Floton de Reviel et li autre seigneur, qui là estoient ei
qui le castiel de Pâme aasegiet avoient, olrent ces oonvellez que
Englès et Gascons assés eETorchiement venoient là pour lever le
siège, si eureat consseil coumment il se maintenrotent. Tout
conssiderë entr'iaux, il ne se sentirent mies ass^s fort que des
Englès atendre, car il estoîeut trop enssus de leur grosse ost qui
se tenoit devant Blaves, car li rivière de Dotu-donne estoit entre
yaux et leur ost : si ne pooient mies legierement passer. Si eu-
rent consseil que de yaux deslogier, cnsi qu'il fissent; et se par-
tirent dou aège de Penne, et s'en revinrent au plus droit qu'il
peurent vers Blaves. Et les trouvèrent tous partis li Englès et jà
esloignies plus de une grande journée. Et quant messires Rolûers
d'Artois fii là venus, il et li baron d'Engleterre entrèrent ou cas-
tiel où il fiirent rechupt à joie, et se rafrescierent là par deux
jours. Et au tierch, s'en partirent et chevaucbièrent ordeneemenC
(leviers Saint Malquaire, que li Franchois tenoient; et y avoient
nus une bonne et grosse garnison, et le castiel bien pourveu de
tout ce qu'il besongnoit, en voUenté que de tenir contre tout
homme. Là vint messires Hobiers d'Artois et toutte se route, et
i bastï le ûège fort et fier, et dist qu'il ne s'en partiroit Jammais,
se l'aroit à se voilent^.
Or dist li comtes cpie, quant messires Robiers d'Artois eult as-
segiet le castiel de Saint Malquaire et juret qu'il ne s'en parli-
roit se l'aroit à se vollenté, il le Cst assaillir vigbereusiement
d'enghiens et ossi de compaignons arcbîers, qui tampre et tart y
Uvroient mervilleusement grans assaux. Et chil dedens se def-
fendoient ablement et vistement, car bien leur besongnoit. Ung
jour entre les autres, il y eult ung si grant assaut et de si priés
l'aprochièi^nt li archier, qui si ensonnioient chiaux dou fort,
qu'il ne s'osoient apparoir as defTenscez. Et lisent U assallant ou
mur img tel traa qu'il y pooient bien entrer ^e froncq yau*
huit; et fisent lei mures rcvcrsser ens es fossés, et lantost jetè-
rent sus tant de bob, de terre et d'autre cose, que il peurent
bien entrer et sans dammaige dedens le ville, si comme il fisent;
et rompirent une |)orte par où li seigneur y entrèrent. Ensi fu
prise li fortresse. Et y tuèrent grant fuison de gens, et y pris-
sent deus chevaUers et sis escuyers gentils hommes, le seigneur
de Poupeestain et le seigneur de Zedulach ; et tout le demeurant
misent à l'espee, excepte femmez et enfans et vieilles hommes,
non tailliet d'iaux deBendre ne combattre.
>vGoo»^lc
[1339] VARIAHTES DU PREMIER LIVRE, § 38. 383
Apriès le prinse de Saint Malquaire, il eurent consseil et avis
qu'il yroient devant Sebilach', ung castel que bidau et Geneuob
tenoient; et y avoient mis en garoisua uog escuyer, qui s'apellait
Begos de Villafs. Bien estoit la fortrèce pourveue et rafreschïée
de touttez coses, et chil de dedens en vollente dou delTendre,
maugret que li manant de le ville en ewissent de le tenir. Là
vinrent messires Robiers d'Artois et ti seigneur d'Englelerre et
de Gnscoingne et touttez leur routtez ; et assegièrent le ville à
l'environ, et virent bien que elle estoit forte et mauvaise à pren-
dre. Nonpourquant il disent qu'il ne s'en partiroient nullement,
se l'ui'oient; et y ordonnèrent logez et bastidez et touttez coses
appertenans à ost. Et leur venoient souvent pourveancbes de
Bourdiaux, par terre et par aige, assés plentiveusement. Et tondis
se tcnoit li sièges, devant Blaves, des seigneurs de Franche dessus
nounuuL's : douquel siège je voeil ung petit parler, puis que g'i
sui, pour une aventure qui avint à ctiiaux de le ville, assés con-
traire pour yaux, et de quoy la ville fu gaegnie, enù comme vous
oréz.
Bien avoient mandés et certainement senefikt chil de Blaves à
chtaui de Bourdiaux que il estoîent ea grant destroit de faminne,
et que vivre leur aloient durement defallant, et que il fuissent
comforté, ou longement il ne se pootent tenir. Dont chil de Bour-
diaux en avoient jà escrïpt par pluiseurs fois à monseigneur Ro-
bert d'Artois qui estoit en ceste chevauchie, si comme vous avés
oy ; mes li dis meesire Robiers et ses conssaux tiroient à che
que il pewissent ravoir les forsconcquis et acquis en leur cemin;
et mandoieut et prioicnt à chiaux de Bourdlaus que il comfor-
taissent et aidaisseni cliiaux de Blaves, car bien briement il ven-
roient de celle port apriès le siège de Sebillach ; et chil de Bour-
diaux le SËgne&oient enssi à chiaux de Blaves. Or avint que li
seigneur de Franche, qui seoient devant Blaves et qui bien sa-
voient le destroit de faminne et le nécessite qui dedeus le ville
estoit, avisèrent coumtnent il poroient leur siège acourchier. Si
ordonnèrent une grant cantite de soummiers cargiés de vitaille, et
les fissent une matinée monter sus ung terne assés priés de Blaves,
afiin que chil de le vUleles veissent, etqueil assissent hors apriès
pour yaux avitaillier. £t lissent encoirez li Franchois aimer jus-
qu'à deus mille hommez de leur usti et les fissent eobuscier de-
1. Ut. <U f'aUaeimiut : Sektiach. F" 53 *<.
;vGoo»^lc
îïSià CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
den> ung val, entre vignes et haies, pour sousprendre les vssans.
Et de ceste embusche estoicnt souverain doy seigneur de Franche,
li comtes dauPins d'Auvergne et li mareschaux de MirepoÏK avnecq
leur routlei; et fiscnt dou' soir tout enssi comme ordounnet fu.
Et s'armèrent li seigneur et ti compaignon, et se misent en leur
embusce couvertement. Et droit au {xiint du jour, li soumnùer
furent tout arouté, dont il en y avoit plus de cent', cargiet de
touttes pnurveanches pour mengicr. Et vinrent troi homme vil-
lain devant, enssi comme marchant, à le porte de Blaves, et di-
sent : « Seigneur, faittez bonne chièrc, et vous mettes en arov ;
et venes requeillier le belle provision qui vous vient de Mîremont,
de Bourdiaus, de Coignach et des autrez fortrèches de vostre
Quant chil de Blaves entendirent ces parolles, si en eurent
grant jnie, car voîrement les veoient il approchier leur ville. Si
s'armèrent moult vistement, et yssirent de leur ville environ deus
mille hommes ; et se misent entre le porte et les cans. Et li souni-
mier coummenchièi'ent à aprochier, et jà en y avoit entrés en le
ville, ne say dis ou douze ; et s'enstmnioient moult et par couvre-
ture à l'entrée de le porte. Evous l'enbusce grande et grosse qui
vient en criant leur cry, li comtez Daulins et li sîrez de Merquel
criant : < Fois et Auvergne ! o bannierrez et pignons ventellans
par devant yaux. Et quant chil de Blaves lez perchurent, si fu-
rent tout esbaliit et se retraissent vers leur ville, et Franchois
apriès abatans gens, navrant et mehaignant. Et chil qui lez soum-
miers menoient, alfin que li porte fuist tenue et empeschie, effon-
drèrent et reversèrent trois de leurs raulés tous chargiez desoubs
le porte. Là y eut grant pestclit et grant encombrier; car chil
qui dedens esloient ne pooient jssir. Et ossi il n'en avoient mies
grant vollenté; mes rentroient en leurs maisons et prendoient
tout le milteur de leurs coses, et le portoîent sus le havene en
le Geronde. Et là entroient femmez et enfans en nefs, en barges
et en bacques; et s'en sauvèrent par celle mannierre pluiseurs.
entroes que li autres se combatoient devant le porte de le
Adonc s'estourmy li os as Franchois, et s'armèrent chacun qui
mieui mieu:(, et vinrent là moult ordonneement et par connes-
DiqitizeabyG00»^lc
[1339] VAKIA.NTES DU PREMIER LIVRE, g 58. 385
tabliez ; et se ferireot en chiaux de Blavez, qui assés bien se def-
fendirent et vendirent seloncq leur pooir. Mais quant li grosse
routte des Franchois fu venue, il ne durèrent point loDgement;
et fuient finaulement tout mort et tout pris, et li ville de Blave *
prise adonc et gaegnie. Si s'en partirent et sauvèrent pluiseurs
hommes, femmes et enfâns, par te Geronde, qui vinrent à Bour-
diaux avoecq le mar^e comme gens desconlis et desbarelés. Et
recordèrent leur mesavenue, dont Bourdelois furent moult cou-
rouchies ; et segnefiièrent ces nouvelles à monseigneur Robert
d'Artoex qui estoit devant Sebilacb, liquelx en fu moult courou-
chi^ï, mais amender ne le peult tant que à celle fois.
Quant li Franchois eurent pris et concquis le ^-ille de Blaves,
et li pillart l'eurent toutte robée dou demourant de ce que trou-
vet y avoient, si eurent cousseil li seigneur, tel fois (a, qu'il
l'arderoient. Et puis fu brisiës chilz conssaux, et disent qu'il le
tenroient, dont puis se repentirent, enssi comme vous orés; et
prissent coDsseil de mettre le siège devant Miremont, qui siet sur
le rivière de Dourdonne. Lors se partirent et deslogièrent de
devant Blaves, et vinrent à Miremont, et misent le siège. Et re-
coummandèrent le ville de Blaves à deus chevaliers, à messire
Jehan Fouquère et messire Guillaumme de Tyris*. Or vous di-
rons dou siège de Sebilach, et comment elle fii prise et par quelle
mamiierre.
En le ville de Sebilach, avoit adonc une cappittainne, que on
appielloit Begot de' Vîllars. Et estoit ungs fetis escuyers et de
linage, ables et hardis et très bons compains; mais trop vollen-
tiers jeuoit as dés, et par usaige moût felenès estoit, quant il y
perdoit. Li compaignons sauldoiiers et cbil de le ville jeuoient à
lui, et avoient souvent de son argent. Avint que, ung soir entre
les autres, il jeuoit à ung joue homme de le ville, qui s'appelloit
ornons Justins. Et avoit chils ung frère mainnet de lui, que on
clammoit Climent; et estoient chil doy li plus riche de le ville,
et des plus grans amis. Debas s'esmut entre che Simon et ce
Begot, par leur jeu de dés, et tant qu'il se desmentirent; et se
levèrent tout doy en pies, et sachièrent leurs espces. Et escar-
muchièrent U uns as autrez, et tant que Begos consievi che Simon
1. JU>. de yattneUwitt : Si j mirent tel gamiaon qu'il appartenoit.
F» 54 Y*.
2. l6iJ. ! fiegbot de Villains.
DiqitizeabyG00»^lc
386 CIIROXIQUES DE J. FROISSA.RT. [1339]
tellement qu'il li fendi toutte le teste et le jeta là mort. Li haros
moDtai saudoiier acoururent; gens y vinrent de tous lés.Climens
Justins i vint acompaignies d'aucuns de ses amis, qui son frère
• volloit contrevengier ; mais adonc il ne p«ult, car U saudoiier
estoicnt tout a.voecques Begot; et leur convint encorrez le place
wiûdier, ou il ewissent recheu plus grant doumaige. Tondis de-
puis, Begos n'aloit point si seuls acompaignies que il n'ewist
soissante ou douze vingt' comptûgaous avoecq lui, dont cbils
Gimens et ses linaiges avoicnt grant despit. Et regardèrent et
parlementèrent enssorable qu'il n'en poient estre point contreven-
giet à leur aise, fors par les Englèï. Si traitiièrcnt secrètement de-
viers monseigneur Robiert d'Artois et les Englès que il les mete-
roient en le ville, aUîu que tous les estraigniers il voUissent mettre
à l'espee '. On leur acorda liement che marcliiel, et souffrirent de
nuit li amie dou mort le ville à escicller. Et entrèrent ens bien
deus cens archiers englès, et furent maistrc de le porte; et le
ouvrirent de forche, avoecq l'ayde de Ctimenth Justin et des siens.
Et entrèrent ens li Englès, et furent tout U saudoiier mort et
Begos de Villars et li autre. Chili meschiës avint ecssi, et tout
par le jeu de dés : ce n'est point li premiers qui en est advenus,
ne li darrains qui encorres en' avenra. Maudis soit il, car dou jeu
de dés, c'est toutte ennemie cose.
Apriès le prise de Sebillacli, messires Robiers d'Artois le ra-
freschy de nouveUez gens et de pourveanches ; puis s'en parti et
s'en revint vers Bourdiaux, car li prise de Blaves li annoioit trop
fort. Et quant il fii revenus à Bourdiaus, il fist sus le havene as-
sambler touttes les nefs et les vaissiaui qui là dormoient à l'an-
cre ; et les fist hnsteement ordoimer et pourveir de toutte artil-
lerie. Et puis, sur ung soir, il fist entrer ens touttes mannières
de gens qui combattre se pooient , et parti dou havene de Bour-
diaux] et singla celle nuit avoecq le marée et vint, ung petit apriès*
mienuit, devant Blave. Et estoit adonc li flos de le mer si hauts
et si grans qu'il batoit as murs *. Âdonc fist il vistement mettre
avant eschielles et ordounner archiers, et aprocbier les murs et
sounner ses trompettes, et assaillir le ville où il n'eult mies grant
1. !Ut. J» VaUmiennus ; cinquante ou soixante. F" 55.
2. /èi4. .- et ceulx de la ville fuueat sauf
3. liid. ! devant. F" 55 v».
k. Ibid. : Et ne wvoicut riens de leur venue.
jyGoot^lc
L1339] VARIANTES DO PREMIER LIVRE, § S8. 387
deffensce, car elle estoit wuide de gens d'armes et de compai-
gQons, pour le deffendrc et garder contre tel ost. Nonporquant
U doy chevalier, qui dedens estoient, et leur route en fiscnt bien
leur devoir; et le defleadirent, tant qu'il peurent durer, Che ne
fil gaires, car archiers traioient si songneusement et si espes^e-
meot que chil de dedens n'osoient aprocbier as gantes ne à def-
Tenscez; et en y eut là du tret pluiseurs navrés. Que vous Teroie
je lonch compte ? Eschiellez furent drechies et apoiiées as murs à
grans graves de fier; et compaignon able et legier, et pour yaux
esprouver et honnourer, rampèrent et montèrent sus; et entrè-
rent ens, volsissent ou non li deflcndant. Enssi fu la ville gae-
gnie. Et avoit une église moulte forte à l'un des lés de le ville :
là se retrairent li doy chevalier et leurs gens, et contrebarèrent
les huis et lez feaestrez. Et se tinrent ung jour et une nuit
depuis le ville prise; et l'eadeinaii) il se rendirent, sauve lors
vies. Et furent prisomùer as compaignons à qui il fianchièrent
leurs fob.
Ensi et par le vasselaige de monseigneur Robiert d'Artois et
de ses aidans, fu li ville de Rlaves reprise. Dont li Franchois,
qui devant Miremont seoient, furent moult couroucfaiet ; et trop
se repentoient de ce qu'il ne l'avoient ars. Quant messires Ro-
biers d'Artois se vit en possession de Blavcs, si en fu moût liez
et alla au tour, et regarda se elle estoit à tenir ; et vit bien que
oil, mes que elle fuist bien pourveuwe et avitaillie. Si le Gst de
rechief pourveir et avitaillier de tout ce qu'il y besongnoit, et re-
fourbir les fossés, et drechter les murs et remaçonner, et de tous
poins rapareillier; et y fist revenir hommes, femmes en enfans,
qui parti s'en estoient, pour repeupler et mettre le ville en bon
estât.
Encorres que il se tenoit en Slaves, et que li comtez d'Ermi-
gnach et li comtes de Fois et li autre seigneurs seoient devant
.Miremont, doy evesque, c'est assavoir chilx de Saintez et chik
d'Anghouloime*, aloient de l'un lés à l'autre, traitant ung respit.
Et tant le parlementèrent que il se fist entre les pays et leurs ai-
dans, à durer jusques au premier jour d'avril que on atendoit, et
de ce jour en ung an. Parmy tant, se defGst li sièges de Mire-
mont; et chacuns se devoit tenir à ce qu'il tenoit, et que conc-
quis ou reconcquis arroit. Et se départirent les deus os, et s'en
1. m. Je l'aUnciamei : «i de Poitiers. V" 56-
DiqitizeabyG00»^lc
388 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
ralla chacuas en son lieu, li Franchnis en Franche et lî Gascon
en Gascoingne. Et retourna messîres Robiers d'Artois avoecq les
Englês arrière en Engleterre deviers le roy, à qui U recorda
coumment il avoit esploitiel. Li roys en eult grant joie et fu
moult lies quant il le vit dulléz lui, parce que il y Irouvoit et
avoit trouvet pluiseurs foix grant consseil de ses besoingnes.
F- Ï4 à Î8.
§ G9. P. 116, l. 31 : dissention.— M*. J 6 : Sy prirent tous
ceulx de Gant leur signeur en teUe hayne que depuis il ne s'osa
tenir clerement ne couvertement en la ville de Gant, mais s'en
vint tenir à Terrcraonde. F" 87. — Ms. de Home : En ce temps
dont je parole, avoit grande dissenlion entre le conte de Flan-
dres et les Flamens. Car cliils contes Lois, qui eut à fenme Mar-
gerite d'Artois, ne se sceut onques avoir ne dissimuler, ne estre
en paix entre ses gens en son pais; ne sex gens aussi ne le peu-
rent onques amer. Et le convint de rechief widier et partir de
Flandres et venir en France, et là amena sa fenme ; et se tenoient
à Paris dalés le roi, liquels les soustenoit de une partie de son
estât. Chils contes fu assés chevalerous ; mais ses gens disoient
que il estoit trop francois, et que jà nul bien ne lor feroit.
F" 39,
P. 127, 1. 3 : un homme à Gand. — Ms. itAnàem : Or re-
venrons à le matère des Flamens. Vous avés bien oy compter
chy devant coumment li roys d'Ëngleterre avoit clos tous les pas
de mer, et ne laissoit riens venir ne ariver en Flandres, et espe-
cialment lainnez ne agnelins. De quoy tous li pays de Klandrez
estoit tous esbahis, car la draperie est li plus principuuK mem-
brez de quoy il vivent; et en estoient jà trop de bonnes gens et
rices marchans apovris. Et couvenoit widier hors dou pays de
Flandres plniseurs hoonestez hommes et femmez, qui par le la-
beur de le draperie estoient devant ce bien aisiet; et venoient
quérir leur chevance en Haynnau et ailleurs là où il le pooient
avoir : dont grant murmuration estoient espars et semés par le
pays de Flandres, et especialment ens es bonnes villes . Et disment
bien qu'il comparoient amèrement et dolereusement l'amour que
li çomtez leur sirez avoit as Franchois*, car par lui et par ses
oeuvres estoient il en ce dangier esceut et en le haine dou roy
1. Mt. de faleacUnnei ■' si grande au roy de Fnmue. F" â6.
lJ.qit.2e0b,GoOl^lC
[1337] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g «9. 389
d'Engleterre ; et que ce seroit mieux li conuDuns proiiffis de tout
le pays de Ftandrez, de estre en l'acord et amour dou roi englès
que dou roy de France.
Voirs.' est que de Franche leur viennent bien phiiseur blés;
mes quant il ne l'ont de quoy acater ne de quoy paiier, et tout
par laute de gaignier, mal pour eux, car muy de bled a denier;
dolent celui qui ne l'a. Mes d'Engleterre leur viennent lainnes
et grans prouffis, qui tenir leur fait bons estas et vivre en joie.
Si ont il de bleds assés dou costé de Haynnau, puisque li pays
est de leur acord.
Ensi esmeut et de pluisetirs autres parolez pour le commun
prouHit, murmurnient souvent les gens par le pays de Flandres,
et especialment en le ville de Gand; car c'est li ville de tout le
pays de Flnndrez où on drappe le plus, et qui le mains puet
vivre sans draperie, et osai adouc à qui li contrairez estoit çlus
grans. Si s'asambloient par places, par mons et par fouquiaux,
et là en parloient et devisoient en tamainte diverse mannière; et
en parloient villa inuement, ensi que commune gens ont usage de
pledier et parler, sus le partie le comte Loeys, leur seigneur. Et
disoient entriam que ce ne faisoit mies à aoufirir et que, se
ceste povreté duroit longement, tous li plus grans et plus rices
s'en doleroit, et en yroit li pays de Flandres à destruction.
Bien savoît lï comtes de Flandres que ses gens coummuniment
murmuraient sur lui et contre se partie. Si les appaisoit il, et
faisoit appaisier ce qu'il pooit; et leur dïsoit et faisoit dire :
■ Me bonne gens, sachiés que ceste cose ne poet durer longe-
ment. car j'ay oy nouvelles certaiunes de par ancuns de mes
amis que j'ay en Engleterre. Et dient ensi que li Englès sont en
plus grant estrif contre le roy, affin que il puissent faire leur
proufBt de leurs lainnes, que vous ne soiies en désir de l'avoir.
Il ne les peuent vendre ne aloiier ailleurs que à vous, se ce
n'est à trop grandement leur dammage. Si vous appaisiés, car
g'i voy et sens plujseur biaux remèdes pour vous et dont vous
serez temprcment resjoys; et ne penss^s ne ne dictez nul con-
1. Ws. Je yolrneitnnti : n Vray est que dei Vrançol» nous Tiennmt
bledi, mais il convient avoir de quoy ù achater et païer; et mny de
bled a denier; dolanl celui qiiî ne Va. Mail d'Engleterre nous Tiennent
laine* et grans prnufïis pour avoir les vivres, et tenir grans eitas et
vivre en joie; et du jiay* de Haynnau nous venroit asie?. blei, nous à
euU d'accord. ■ F» 56.
DiqitizeabyG00»^lc
390 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1338]
traire ne nnlle maDTaistië de ce noble pays de Franche, d'où
tant de biens vous habondent. n
Ensi, pour yaux reconforter et apaisier, teur dîsoit ou faisoil
dire li comteE. Mais nientmains tout li pins estoient si batu de
celle disette et povrcté, et tous les jours leur recroissoit, qu'il ne
s'i pooient apaisier ; car, quoy que on leur desist, il ne reoieni
nul aj^iarrant de recomrort ne de prochain waîgnage. Pour quoy,
il s'esmouvoient et s'enmenconnoient de 'jour en jonr et de plus
en plus. Et si n'estoit entre yauz si hardis qui osast emprendre
le fet pour le cremeur dou comte.
Si demoura ce ung grant tempE et tant comme enssî qu'3 s'a-
sambloîent par fouquiaux, en places et en quarefours. Et ve-
noient enssamble parlementer de deviers lieux et de pluiscurs
rues, parmy le ville de Gand, aucun compaîgnon', qui oy avoient
tr<^ sagement parler à leur agrée ung bonr^is, qui s'apelloit
Jaquèmes d'Artevelle, et estoit brasserez de miéz. Si reprissent
chil compaîgnon dessus dit ses parolles entre les autrez; et dirent
que c'estoit ungs très sages homs, et que il U avoient oy dire
que, se il estoit oys et creus, il quideroit dedens brief temps tel-
lement remettre Flandrez en bon estât que il raroient tout leur
waignaige et seroient bien dou roy de Franche et dou roy d'En-
gteterre. Ces parollez coumroenchièrent à moutepliier, et tant al-
lèrent des ungs as autrez que bien li quars * de te ville en furent
enfourmet, especialment pedttes gens et communs asquelx li
meschiëz touchoit le plus. Lors se coummenchîèrent à rassam-
bler des rues et des quarefours, et leurs assamblées à remettre
enssamble.
Et avint que, ung jour' apriès disner, il s'en partirent pins de
cinq cens* sieowans l'un l'autre; et appelloient leur compaîgnon
de maison en maison, et disoient : a Alons, alons oTr le consseil
don saige homme, n Et vinrent enssi jusques à le maison Jakème
d'Artevelle, et le trouvèrent apoyant à son huis. De si loncq
qu'il le perchurent, il estèrent leurs capperons, et l'enclinèrent,
et li disent : v Ha ! chiers sirez, pom* EÙeu merchi, voeilliés nous
oyr. Nous venons deviers vous à consseil, car on nous dist que
1, Ml. Je yateaeUitaei : En ce temps stoiI une bourgoia à Gand.
braweur de mier, lequel par ptuiseurs fois pHrtoit bien sagement au
%ti de pluiieur». Si l'appelloîl on Jaquemon d'ArlcTelle. F° 56 v».
3. lo'td. : ly quars ou la moilÎL' de le ville, F° 57.
3. Ihid. ! une Teste. ~ i^. tl^d. : plus de mille.
DiqitizeabyG00»^lc
[i338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g ÏÏ9. 391
li grans biens de vous remetera le pais de Flandres en boin
point. Or nous voeilUés dire coumment : si ferés anmounne, car
il est bien mestiers que vous avës considère nostre povret^. ■
Lors s'avancha Jaquèntes d'Artevelle et dist' : « Seigneurs com-
paignon, bien est voirs que j'aj dît qae, se j'estoîe de tous oys
et creus, que je meteroîe Flandres en boin point, et se n'en se-
poit nos sires de riens grevés. » Dont l'acollèrent qui mieux
mieux, et l'enportèrent entre yaux, et disent : « Oil, vous serés
creus, ois, cremus et servis. » — o Signeur, seigneur, ce dist
d'Artevelle, il besoingne bien que au remoustrer touite li plus
sainne partie de le ville de Ghand soit et que vous me jur^s,
vous qui chy estei et tout chil qui de vostre acord sont ou se-
ront, que vous me conforterez et aideras en tous kas jusques à
morir. > Et il dient tout d'unne vois : s Oil. n Dont leur dist
que, l'endemain à prîrome, il fuissent en ung lieu que on apelle
le Biloke ; et le fesissent à savoir à tous parmy le ville de
Chand ; et que là, presens tous, il leur remousteroit publicque-
ment che dont toutte la ville seroit resjoie. Et il respondîrent
tout d'unne vois ; « Cest bien dit, c'est bien dit. »
Enssi ces nouvelles s'espardirent parmy le ville de Gand, et
en furent les trois pars de le ville tout sage. L'endemain à heure
de prime, toutte li place de le Biloke fu plainne de gens, et le
rue oiï il demouroit toutte plaine ossi. Et l'aportèrent mouvant
de se maison, entre leurs bras, et fendans touttcs mannières de
gens jusquez en te place de le Biloke; et li avaient ordounnet
ung biel escaufaut sus lequel il le misent. Et là couramencha il à
preschier si bellement et si sagement qu'il converti tous coers en
son oj^inion*. Et estoit sen entente que li pays de Flandrez se-
1 . Ml. Je FùleiKieaaa : n Seigneuro compaignons, je siii natif et bout-
gois Hp CMte tUIc, si y ay le mien. Sachi^ que de tout mon pooir \f
vous vorroic aidier et tout le pays. Et s'il estoït homme qui vosiat em-
preudre le fais, je vorroie exposer mon corps et biens a estre da)e/.
lui ; ou se tous aultros me raWés estre frère , amy el compaignon en
toutes choses pour demonrer dalez my, nonobstant que je n'en soy
mie dignes, je l'euprCDderois Tolcntïers, » Alors dirent iU, tout d'un
asseni et d'une voix : «Nous tous [irometons lealment à deraourer
Aa\é» vous en toutes choses, el d'y aTenturer corps el biens, car noua
suTona bien qu'en toute le cont^ de Flandres n'y a homme, se non
vous, oui soit dignes de ce faire. » F» 57.
2. Ibid. : Par plusieurs jours il fist grans consaalx et grondes as-
samblfez de gens, en remonstrant qu'il lenissent le partie des Englèi
, à rencontre de ceul\ de France; et que il savoii bien que le roy
>vGoo»^lc
392 CHRONIQUES DE J. FROISS\RT. [1338]
mit ouvers et appareilli^s pour reqnellier le roy d'Engleterre et
tous lez siens, se venir y volloîent, pour paiier tout ce qu'il y
prenderoient, car U gherre ne li haynne des Flamens as Englès
ne leur pooit pourfiter, mais trop couster. Et leur remouatra
voies et conditions, lesquelles ne puevent mies estre touttes
escriptez., car trop y fauroît de parollez. Mes la 6n fii telle que
il li eurent en couvent, et li jurèrent que de ce jour en avant il
le tenroient pour souverain; et se ordonnèrent tout par lui et
par son consseil. Et fu rammenés à son hostel si amiableineat
que à merveilles, et de jour en jour mouteplioit en grant hon-
neur. Che fa environ le Saint Michiel, l'an mil trois cens ti*eDte
et sept, que li grans parlemens devoit estre à Londres en Eugle-
terre, et dou quel nous vous compterons maintenant et coum-
ment il se porta....
Or revenrons as Flammens pour mieux entendre le elevatioa
Jaquemon d'Artevelle, qui gouvrena le comté de Flandrez par le
tienne de neuf ans et Hst en partie ses voUentéz, enssi que vous
orés chy apnès. Vous avës bien oy chy dessus coumment îl
preecha en le ville de Gand et eult l'acort de tontte le ville,
especialment de toutte le coummunalté, à faire ce qu'il voroit.
Quant li roys de France entendi lez nouvellez de lui, se li
despleurent durement. Car il suposa assés que, se li Flamencq
estoient contraire et ennentit à lui ne à son royaumme, que trop
leur poroit grever et mettre le roy d'Engleterre en son royaumme
par leur pais. Si manda au comte de Flandrez qut se tenait à
[Bapesmes'], que nullement il ne laiast resgner ne vivre ce Ja-
quemon d'Artevelle, car il estoit trop à son prejudisse, et que
par lui, se il duroît longement, il perderoit se terre.
De quoy lî comtez, qui bien sentoit tous ces mesciéz, acquist
n moult de manières qu'il n'avoit pooir
mai; et avec ce le roy d'Engleterre serait joieuz
;t autsi fcroit enfin celui de France. Et leur re-
it Haynnau, Brabanl, Hollandes et ZeUandes avec
eull. Et tant les mena de parollei que toute la communaltë et grant
plenté de la bourgoisie se tirèrent avec luy et habandonnèrenl de ton»
Eoins leur leigneur, sans rims plus convertir ne aler devere lui. Hais
: compaignoient à si graiit puissance que tous les jouis dornioïent en
sa maison, buvoient ei meneoieni mille ou douze cens penonnet; et
le compaignoient à aler par la rille ou ailleurs leur bon lui sambtoil.
F" 57-
1. afi. iTjImitttt ; Vipennea ou Bipennes. Maanaitt leçon.
DiqitizeabyG00»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LÏVRE, g 59. 393
amis des plus gratis de linage de le ville de Gand; et les juHs
avoit il pour lui, car il lî dévoient foy par sierement. Si fisent
pluiseurs aghès et erobuscez sus d'ArtevelIe; mes oncques ne le
peurent avoir à leur aise, car toutte 11 coummunaulté de Gand
estoit si appareillie pour lui que, qui li volsist mal faire, il cou-
venist estre plus Tort que de trente mille ou quarante mille hom-
mes. Et estoient touttes mamûèrez de gens wiseuz, pour lui
mieux servir à gré et li deffeudre, se mestiers fuist. F" 26 v»
et 27.
Mt. de VtàeiKiennei : Or avint que le conte de Flandres en
sot à parler. Si le manda qu'il alast parler à lui en son hostel ;
mais il y ala à si grant corapaignie que le conte n'avoit pooir de
résister encontre lui là présent. Le conte lui remoustra, par
pluiseiu*s poins, qu'il volsist tenir ta main à tenir le peuple en
l'amour et pour le roy de France, comme celuy qui en avoit plus
d'auctoritë que nul autre, et lui ofiry pluiseurs biens à faire ; et
entre deuls lui disoit paroUes de souppeçon de manaces. lequel
Jaqaeraon n'avoit nulles doubles de sa manace leur il estoit ; et
au surplus, en son corage, il amoit les Englès. Si respondi qu'il
feroit ce qu'il avoit promis au commun, comme celui qui n'avoit
point de peur, et au plaisir de Dieu il n'en venist bien à chief.
Et ainsi se parti dou conte.
Nientmains, le conte se conseilla à ses plus privez comment il
feroit de cesle besongne, lequel avoit avec luy aucuns des bour-
gois de la ville, qui avoient des grans amis et lingnages dedens
la ville. Si lui conseitlièrent de les laissier convenir, et il le tue-
roient secrètement ou aultrement. Et sur ce s'en misrent en
paine par pluiseurs fois, et firent pluiseui's agais sur le dit Ja-
quemon. Mais riens n'i valoit, car toute le communalté estoit
pour luy, tant que on ne lui pooit mal faire, qu'il ne convenist
estre puissant de conbattre contre toute la ville et le Franc.
F* S8.
Ms. £ 6 : Et le roy d'Engleterre, qui droit à atraire à amour
et à sa cordelle ceulx de Flandres, et qui bien savoit que le conte
n'y estoit point bien amés pour le grande justicbe que il y avoit
fait, et par especial en la ville de Gant, adonc manda à ceulx
de Gant que, se il voUoient estre de son acort, il leur renderoit
l'estaple et la marchandise des lainnes sans lequel il ne povoient
vivre, et que la conmunaulté de la ville de Gant estoit, pour la def-
faulte de wagoage, en grant dangier.
DiqitizeabyG00»^lc
394 CHROMQUES DE J. FROISSABT. [ï338]
Or se resveilla et leva ung bourgois de Gant , qui s'apelloit Ja-
ques d'Àrtevelle , saige homme et ymaginatif durement , et qai
tantost eult tout le comuaaulté de son acort , pour fure et def-
faire tout che que ordonner et entreprendre volloît. Cheluy Ja-
ques d'Artevelle estoit durement bien enlangaigiet. Sy fist plui-
seurs sermons, et sy s'y porta qne par lui fu le conte enehachiés
et boutés hors du pals de Flandres. Et disoit bien à son commen-
chement que plus proufitable leur estait estre de le partie des
Englès que de le partie de Franche, car tous proufis et toutes
bonnes marchandises , profitables et nécessaires pour eulx , leor
venolt d'Engleterre ou par le dangier d'Engleterre, tant qne lai-
nes pour drapper, dont tout le pais de Flandres estoit soiutenos,
car sans draperie et marchandise communaument il ne pouroient
vivre.
Che Jaques de Hartevelle, en peude temps, monta en sy grant
fortune et en telle grâce des Flamens, que c'estoit tout fait qnan-
ques il voUoit deviser et commander par toute Flandres. Et es-
toit sy bien enlangaigiet, et de sy saiges parolles et sy vives, (jue,
par sez langaiges et pour cbe que il moustroit vérité, che estoit
bien avis à ceux de Gant. Et le firent mestre et souverain pm-
mierement d'eux , et puis de tout le pais de Flandres ; car en
son commenchement ceux de Bruges, de Ypre et de Courtra*
furent rebelles à ses oppinions. Mais ceulx de Gant, qui tondis
ont esté mestre et souverain de toutes tes villes et les pays de
Flandres, de Torche les firent obéir et estre enclins et obéissant
à eulx , et à Jaques de Hartevelle , qui emprist le gouvernement
de Flandres. Et convint le conte Iiois widicr et partir ; et s'en vint
en Franche dallez leroy Phlippes, sonconsin, qui le rechut liement
et luy assîna rentes , pour luy et madame sa femme vivre et en-
tretenir leur estât; car en le conté de Flandres, le \-ivant de Jac-
ques de Hartevelle, eurent ilz moult petit. F" 87 et 89.
Ms. de Rome : Chil de Gand conmencièrent premièrement à
faire le mauvais, et à voloir suspediter tout le demorant dou pals
de Flandres; et avoienl de lor aliance Tenremonde, Aies et Gran-
mont. Pour ces jours dont je parole, et entrues que chil signeur
d'Engleterre se tenoient à Valenchiennez et faisoîent lors pourcas,
en^ que che chi desus est dit , avoit à Gant un bouffis qui se
nonmoit Jaquemon d'Artevelle, liauster honme, sage et soutil du-
rement; et fist tant par sa poissance que toute la ^ille de Gand fu
encline à lui et à ses volentés, Chil signeur d'Engleterre , qui se
DiqitizeabyG00»^lc
[13381 VARIANTES DU PBEMIER LIVRE, $ S9. 39S
tenoîent à Valencbiennez, jettèrent lor vis^e, par le consel et in-
troduction que il orent doa conte de Hainnau et de son (rtre ,
que il envoieroient deviers che Jaquemart d'ÂrtevelIe et tes bour-
gois de Gand , afin que il vosissent estre de l'aliance et acord
dou roi d'Engleterre : par quoi, se il li besongnoit, il peuist
avoir, ils et ses gens, entrée en Flandres. Sî i envcàièrent l'eves-
que de Dorem et le conte de Noriianton et messire Renault de
Gobehem.
Euls venu à Gand , il forent recheu très firandement, conjoi,
honnouré et festoiié. Et se portèrent ù bien )i tretd^, par le
moiien Jaquemon d'Arteyelle, qtù i rendi grant painne et qui
haioit le conte, que cbîl de Gand generaument s'acordèrent à
ce que, se li rois d'Engleterre passoit la tner et voloit prendre
son chemin parmi le pais de Flandres, fust à gens d'armes on
sans gens d'armes, lors deniers poians de toutes coses des quelles
on lor feroît anjinistration, il trouveroient le pais ouvert. Heque-
dent que chil de Bruges, d'Ippre et de Courtrai lor iuissent con-
traire et rebelle, il pensoient bien tant à esploitier, et dedens lunefs
jours, que li pais serait tous en une unité.
Ces aliances et concordances de Jaquemon d'ArtevelIe et de
ceuls de Gand plaisirent grandement bien à ces sîgneurs d'En-
gleterre qui là avoient esté envoiiet; et prisent de toutes ces con-
venances lettres seelëes dou seel à causes de la ville de Gant. Et
puis retournèrent à Valenchiennes , deviers le conte de Hainnau
et lors compagnons; et moustrèrent de parole, et par les let-
tres que il avoient, en quoi et conment chil de Gand estoient de
bonne volent^ oblîgiet. Donc dist li contes de Hainnau à ces si-
gneurs d'Engleterre : s Biaus signeurs, vostres besongnes s'avan-
cent grandement , se vous avés les pais de Flandres et de Brai-
bant d'acort. Dites à mon fi] d'Engleterre que ce li sera uns
grans confors, et que sa gerre en sera plus belle; mais il con-
vient que il passe la mer à la saison qui retourne, pour apren-
dre à congnoistre les signeurs et les pats qui le vodront aidier et
servir : si ques, vous revenu en Engleterre, esmouvë[s] le à ce
que, à une qantitë de gens d'armes et d'archiers, il viengne de-
çà la mer et face venir de la hnance; car Âlemant sont convoi-
tous et ne font riens, se li denier ne vont premièrement devant,
car ce sont gens moult convoitous. » F" 39.
P. 127, I. 11 : quatre vingt. — llfs. djémiens : six vingt ou
sept vingt variez armét , entre lesquels il y en avoit cinq ou six
DiqitizeabyG00»^lc
3»6 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1338]
especialment outrageui et ilont il faisoit se bourie, et qui sa-
voient ses secrèz et quel cose il voUoieot faire. F* 27 V.
P. 127, 1. 29 : au soupper. — Mt. d Amiens : et faisoient de
nuit bon gel devant son hostel ; car bien savoit qu'il n'esloit mies
bien amés de tous et especialment dou comte, car jà en avuit il
veu pluiseurs appairans, dont il ses toit bien sceu oster.
F* 27 V.
P. 127, I. 30 : quatre. — JM>. J 6 : six. F» 90.
P. 128, 1. 22 : iongement. — lUs. dJmieru : le tienne de
nenf ans ou envircra le pays de Flandres. F° 27 v*.
P. 128. 1. 26 et 27 : maletotes. — 3ff. S G : &y en de^>én-
doit la moitié à sa voUenté, et l'autre moitié metoit en trésor.
F» 92.
P. 130, I. 1 : prester. — Mi. dJmieat : Ënsî estoit il for-
tunés de ses besoingnes. F" 27 v°. — Jtfj, B 6 : tant estoit re-
doubtés par my le pais de Flandres. F" 92.
S 60. P. 129, I. 22 : des unes. — Ms. <f Amiens : Et le-
noient grant estât et faisoient grans frèz, et donnoient biaux
disners ens es bonnes villes où il venoient, afGn qu'il en fuissent
plus aloset, et li rois d'Engleterre mieui recoummandés. Et fai-
soient semer parolles parmy le pays et les bonnes villes que, s'il
estoient amie et acordant au roy d'Engleterre, il seroient très
riches et paisîeule, et aroient lanages et drapperie à grant fuison.
F" 23 V.
P. 130, I. 1 : le Cotirtrisien. — Mt. d Amiens : monseigneur
Simon le Courtrissien, ancbien homme et riche, et qui voUentiers
faisoit feste, honneur et compaignie à toutteE gens estraingiers,
especialment as barons et chevaliers d'onneur et de nom. F" 23 V.
— Ms. £ 6 : En che temps, fist justichicr le conte de Flandres
monseigneur Simon le Courtrisienj qui estoit de Gant; et le fist
roorir, sans cause de rayson, Et fiit pour ce que il avoit com-
paigniet les Ënglès en Bi-abant et en Ilaynau, et ossi en Flandres.
Dont ceulx de Gant furent durement ccurouchiés sur le conte,
car ehilz sires Simon Courtisien estoit bourgois de grant linage,
et durement vaiUans et saigcs homme, et de bonne renommée.
F» 87.
P. 130, 1. 19 : decolés. — Ms. dAmiens : li comtes de
Flandres le manda en ung certain lieu. Lui venut au mandem«it
dou comte, il fu pris et saisis et délivrés au connestable de Flan-
DiqitizeabyG00»^lc
[I337J VARIANIES DU Pfi£M(ER L1VR£, § 60. 397
drez, et depuis à celui de Franche ; et fu assés tost apriès deco-
lés. F" 23 v°. — Ms, de Rome : Li contes de Flandres, pour ce
temps, se tenoit à Compiengne, et la contesse sa (enme. Si en-
tend! que li Englois, U eve^ques de Durem et grant baron d'En-
gleterre avoient esté à Gand et moult bellement recheu; et par U
promotion et enort d'un bourgois de Gant qui s'apelloit Jaque-
mart d'Artevelle, toutes gens, en Gant et en pluisseurs villes de
Flandres, a'enclinoient assés à l'opinion des Englois ; et tant que
ses rentes et revenues en estoient esconsées, et cancetoient tous
les jours. Et encores en oultre, li contes de Flandres Tu cnfour-
més que uns chevaliers de Flandres, vaillans homs durement, et
lequel li contes avoït toujours tenu à toial homme et prudent,
qui se nonmoit le Courtrissien, avoit tousjours compagnie! et fait
feste et lionnour, en ta ville de Gant où sa rcsidense estoit, ces
signeurs d'Engleterre. Desquelles coses, li contes de Fliindi'es fu
durement courouchiés sus le chcvaUer, tant que il li remoustra, et
le manda couverteraent en France où il se tenoit. Li sires Cour-
trissiens ala deviers li, qui nul mal n'i pensait. Sitos que li contes
le tint, il li fist remoustrer en la présence de U ce pourquoi il
l'avoit mandet. Onques li chevaliers ne se peut esquser, mais le
list decoler, F" 40 v*.
P. 131, 1. 16 : à Valenciènes.~^j. tt Amiens : Depuis le
mort dou seigneur Giurtrissien, li chevalier d'Engleterre n'osèrent
mies si plainement aller ne venir par le pays de Flandres qu'il
faisoient; car ils se doubtèrent que soudainement il ne fuissent
pris ou de nuit à lors hostelx, et mort par le puissanche du roy
de Franche et dou comte, qui très loyaux Francbois estoit. Si se
tinrent en avant en Haynnau dallez le comte Guillaume, qui
bonne chière leur falsoit. F° 23 v°.
P. 131, 1. 22 : En ce temps. - JW*. £ 8 : En cel esté, en-
tretant que les Englès estoient à Vallenchiènes. F* 84.
P. 131,1. 22 : trespassa.—Mi. tT Amiens et ms. B G •■ en l'os-
tel de Hollandez, à Vallenchiennez. F° 24.
P. 131,1. 23 -. sept jours. — ^M. A iS à i^ : ]e sixième jour
de jning. F* 41 v°. — Ms. de Rome ; vingt jours ou mois de
jun, le jour de la Pentecoste, F' 40 v".
P. 131,1. 24 : trente sept. — Mu. ^ 1 à 6, 20 à 22 : trente
huit. F* 33 y.
P. 131, I. 26 : obsèque. — Xt. ttAmient : De le mort dou
comte furent |duiseur cocr courouchié, car il (ii larges, noblez.
DiqitizeabyG00»^lc
398 C11B0MQUB8 DE J. FROISSART. [133T]
preux, h&rdis, courtois, humbles, piteux et débonnaires â tootiet
gens. Si le plaindirent moult si enfaus, messires Guillaummez ses
tilz, li roynne d'AlIemaigne, li royune d'Engleterre, li comtesse
de JuUers, medamme Ysabîel, se maisuëe fille, qui depuis eut
monseigneur de Kamur espouset. Et trop le plaindi et regreia
messires Jehans de Haynnan ses biaus frèrez, car il y perdi grant
comfort et grant amour, car moult amoient t'uu l'autre. F*> 24
et 23.
Mt. de Rome : Qant li rois d'Engleterre et la roine furent se-
gnefiiet de la mort dou conte, lor signenr de père, si en furent
grandement couronchi^, mais passer lor couvinl. Et s'en vesii-
rent de noir; et li fissent faire son obsèque en Engleterre, ens ou
cbastiel de Windesore, là où il se tenoient. P ^1.
P. 131, 1. 29 : de tons. — Ms. S G : Et avait le conte ong
filz que on nomoit Gillame, lequel fut conte de Itaioau après son
père et régna poîssanment, tant qu'il vesquy. Et ot quatre filles,
dont le comte en avoit mariée[s] les trois. Li aisnée ot non Mar-
grite, et estoit potu" che tamps roynne d'AlIemaigne et eropereis
de Romme. Le seconde ot nom Jehanne, qui estoit cnntesse de
JuUers. Le tierche ot nom Phetippe, la bonne et noble rope
d'Eugletore, et le maisnée Yzabel qui estoit encores à marier,
et fu UDg grant tamps depuis le trcspas son père; et de piû
ot elle à roaiit messire Robert de Namur, et fu dame de Renais
en Flandres et de Bieaufort sur Meose. P* S4 et 85.
P. 131, I. 32 : de Braibant.— Mt. ^Amiens : Et li fissent li
noble des trois pays, li prélat et les bonnes villes, foy et siere-
ment et hoummaige; et il leur juraà tenir as us et as coustumiDes
anchiennes. F* 25.
P. 132, I. 4 : sus Escaut. — Ms. d Amiens : une abbeie de
daxumes dallez Valenchiennes, f 25.
S 61. P. 132, I. 29 : Gagant, — Mr. de Rome : Vous mes
conment li contes de Flandres avoit mis et establi garnison de
gens d'armes en l'ille de Gagant, liquel fissent pluisseurs des-
tourbiers et grans anois à ceuls qui voloîent par mer venir pren-
dre port à l'Escluse , et tant que tous li pais de Flandres s'en
contentoit malement. Car li pourfis de ta marceandise en estait
ensi que tous perdus , et especiaulment la draperie , car nulles
lainnes ne venoient ne issoient hors d'Engleterre. Jaquèmesd'Ar
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARIANTES DU PftEHlER LIVRE, g 61. 399
tevelle, liquels voloit aidier le roi d'Engleterre , et à che faire il
esloit obligiés et avoit fait obligier generaument la ville de Gand,
n'estoit pas courouchiés de ce que chil qui herioient la ville de
Brugez et le pab de Flandres se tenoient à Gagant; et fist se-
mer paroles à Bnighes , h Ippre et à Courtrai et ou Franch de
Bruges que , se on voloit entendre à ce que il conselleràt et tout
acertes, on en deliveroit le pais. La ville de Bruges et la «ille dou
Dan et la ville de l'Escluae, qui trop grandement perdoient, car
sans la marceandise de la mer il ne pueent avoir çavanc€ ne sè-
vent vivre, s' encline rent à entendre à ses paroles. Et envoiièreat
çasqune des dites villes de lors honunes par deviers li à Gant ,
en li priant que il i vosist pourveir et donner consel conment li
wagnages peuist retourner en Flandres. Il lor respondi qne aussi
feroit il bien et volentiers ; et celle response raportèrent à lors
gens, chil qui i furent envotiet. On s'apaisa pour veoir conment
se feroit ce que d'Artevelle oElroil.
Jaquèmes d'Artevelles, liquels fu moult soubtieus en son temps,
envoia messages et lettres deviers le roi d'Engleterre et son con-
sel; et lor segnefia que, se il voloient avoir l'amour dou pais de
Flandres et l'entrée generaulment , il envolassent délivrer le pas
et l'ille de Gagant, que les gens dou conte tenoient à l'encontre
de euls et desAlemans, et qui là roboieut la mer; et n'osoit nuls
aler ne venir , ne ariver à t'Escluse. Li rois d'Engleterre et
ses consauls regardèrent à ce, et sentirent assés que tout ce
esloit raisonnable, et que voirement i pourveroient il. Si fii or-
donnes U contes Berbi à estre chiés de cest« armée à tout six
cens lances, chevaliers et esquiers, et deus mille arcMers. Et
li fu dit que il s'en venist par la Tamise à toute sa carge à Ga-
gant, et delivrast l'Ule et le pas de ceuls qui le tendent.
F« 41.
P. 13Ï, I. 21 : garnison. — JUs. de f^aleaciemtet : jusques
au nombre de deux cens chevaliers et escuiers et bien quatre
mille combatans ; lesquels se misrent en l'ille de Gagant, où la
ville et toute l'ille leur obeissoit. Et sachiés qu'iiz firent mains
maulz et mainte destrousse sur les Englès. Et bien tenoient en
cremeui' toute le coste d'Engleterre, en monstrant qu'il estoient
bonne gent de guerre; et tim'ent grant temps le pays es grant
subjecdon. F* 88 V.
P. 13J, I, 23 : de le Tricf. — Le ms, tf^micnj ajoute : mes-
sire Guis, bostars de Flandres , frères au conte , messires Gilles
DiqitizeabyG00»^lc
à
400 CUftO.MQUES DE J. FttOISS.4RT. [1337]
de le Trief*, messires Jefaans et messircs Slmoos de Bnuinedeat*.
g 69. P. 133, 1. 17 et 18 : durement. — Mt. dJmieiu : et
bien enlangagiel. F° 30.
P. 134, I. 3 : Et quant. — Ms. B 6 : Quuil ces seigneurs
d'Bngleterre furent retournés arière en leur pais devers le roy,
il luy recordèrent de point en point coaunent ilz avoient es-
ploitieti et se escusèrent de che que il avoient tant demourel,
car en alant et en venant il avoient bien séjourné neuf m<MS,
mais trop séjournèrent : le» raisons y sont et longues à démener,
car vous les avés oyes. Mais à nng grant parlement qui se fist à
Londres, le roy fut consilli^s que il envoiast gens d'armes en Flan-
dres pour combatre aucuns chevaliers et esculers qui gardoioit
l'ille de Quagant , les quelz avoient rués jus pluiseurs Englès.
F" 83 et 84.
Ms. d Amiens : Quant li prélat et li baron d'En^eterre furent
retoumet en leur pays, il trouvèrent le roy leur seigneur qui les
rechupt à joie, monseigneur Robert d'Artois, le comte de Lan-
castre et les autres barons et seigneurs d'Bngleterre, à qui il re-
cordèrent touttes les avenues qui avenu leur estoient et coum-
ment il avoient séjournât à Vallenchiennes , atendans le coosseil
le loy de Franche, qui |>oiat n'estoit venus, et coumment et par
priière il envoitèrent monseigneur Jehan de Haynnau et ma-
damme de Valois parler au roy Phelij^, et les responsces tdles
qu'il eurent dd roy, et si comme il leur raportèrent : ■ Apriès,
quant nous veimes que U roys de Franche s'escusoit et que il
n'envoieroit point son consseil ne de ses hommes deviers nous,
nous eummes advis de mander tes seigneurs d'Alleœaigne, chiaux
qui par bonne alianche se sont mis et acordé à vous. Et vinrent
bien et liement; et nous ont juret qu'il vous aideront et conitH^
teront en tous kas , si avant ossi que vous leur tenrés leur cou-
vens. Et vous prient que vous voeilliés ordonner vos besoingnes
et passer le mer, par quoi il vous puissent veoir et olr. Si en
esploiteréz, che dient, le miés en touttes vos besoingnes. &i-
coires, sirez, vous disons nous et segnefiona que lî comtes de
Flandres tient convertement garnison eu l'ille de Gaiant, cheva-
I. Ut. dr raienciemet : Gille de le Triett. F° 58 v».
3. iiid. .- Ira deux frères de Bragriem.
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARLIMES DU PREMIER LIVRE. § 62. 401
liers et escuiers et gens d'aimés qui gardent te pays de ce costet ;
et ont jà fait pluisenrs de^s et contraires à vos gens, dont bien
il vous doit desplaire. >
Qoant li rojs d'Engleteire oy ces nouvellez, si fut moult pen»-
sieux , et n'en y eult nulles qui le peuissent resjoyr, fors celles
des Allemans qui li prioient que il volsist passer le mer. Si de-
manda consseil sus ces besoingnes. Dont respoadirent si plus es-
peciat amy que, seloncq ce que il pooient entendre et olr, li roys
de France ne quidoit mies que jà il l'osast geriier : « Si vous
conseillionz et mettons avant pour vostre honneur que vous voeii'
lies faire ung parlement, et que nuls parmy vostre royaumme ne
s'escnze qu'il ne soit à ceste Saint Mi<^iel à Londrez , prelas,
chevaliers et li conssaus des bonnes villez. Et adonc, seloncq
ce qu'il vous conseilleront, vous vous ordonnerez. > Li roys
s'acorda à che et manda et coummaoda à tous comtes, barons
et chevaliers, prebs et consaux des bonnes villes, qu'il finssent
à ceste Saint Uichiel à Londres , c'om comptera l'an mil trois
cens trente sept'. Tout obéirent au coummandement dou roy, car
ce fu raisons. Et pour ce que riens je n'oublie, car J'ay dit et
mis en terme ou coummencbement dou livre que je feray men-
tion de touttes les avenues petites et grandes qui sont avenues
où que soit, si vous en paray d'unes qui advinrent en Gascoigoe
auquel en ce tamps que je vous compte
A le Saint Michiel, comme dit est, furent li grant parlement
à Wesmoustier dehors Londrez. et durèrent troix sepmainnes.
Et là furent tout li plus grant et plus sage d'Engleterre, prélat,
comte, baiTon. chevalier et 11 conssaulx des bonnes villez. Là re-
moustrèrent li doi evesque. c'est assavoir de Lincelle et de Du-
rem, et li baron et chil qui à Valenchiennes avoient estet, com-
ment il s'estoient maintenu, atendans le consseil de Franche qui
oncques ne vol venir, et tout enssi de point en point com vous
avés chy dessus oy. Et quant li prélat eurent proposet tonttez
leurs parollez, li roys se leva en estant, et requist que on le vol-
sbt conseillicr si à point que ce fust à l'onneur de lui et de son
royaumme. Adonc respondirent li plus saige par avis et disent
que, tout considère! et imaginet les requests, les voies, les oSrez,
tez pourkas, les treti^s et lez parlemens que li roys avoit fais et
représentez, dont li Franchois ne faisoient nul compte, il ne
1. .tf». de yaltatiennri .- I'hh 'inft «epI. F° 50 v«, lUaureiie Itivn.
DiqitizeabyG00»^lc
402 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1337]
pooit nullement y estre ne demourer que il ne rendesist son
hommage au roy de Franche et le deffiast de lui et de tons ses
aidans. Chili conssaux fu tenus et arestës, et ti evesques de lin-
celle priiés que de passer !e mer et porter les deffianches, liqueb.
à le priière et ordounnanche dou roy et des seigneurs, dist que il
feroit ce voilentiers.
Encoires fu il dit et arestet que, pour aidier le roy à avoir
finance et ses-gherres à. parmaintenir, chacuns sas de lainoe
paieroit double imposlsion, et à durer tant que les gherrer dn-
[rejroicnt. Et fu là regarde de quel somme on li remforcheroit
se mise. Si eu respoodirent sii bourgois, lî doi de Londres, li
doi de Evruich et li autre doy de Conventre, que on li remfor-
ch[er]oit ceste coustumme de trois cens mille nobles par an, et que
six cens mille noblez en renderoient il chacun an à trois paiemens.
Encoires fu il consseilbet et arestet que on deffendesist, et sus
le teste, parmy le royaumrae d'Engleterre, que nuls ne jeuast ne
s'esbaniast fors que de l'arch à main et des saiettez, et que tout
ouvrier ouvrant ars et saiettes fuissent francq et quittez de
toultes debittez.
Encorres fu il ordounnet et aresté que tout chevalier et escuyer
et compaignons, servans le roy en se gherre, aroient les sau-
dées dou roy et chacun preûst de son paiement setoncq se quan-
tité de demi an; et que tout prisonnier et concquest qu'il po-
roient faire ne prendre, ce leur demourast à leur prouffit.
Encorres fu ordonné que, sus lez yllez telz que de Cornuaile,
de Gemesie, de Wisk, de Hantonne et de Copée, nullez gens
d'armes ne de defiensce ne se meuissent, pour semonsce ne man-
dement que h roys fesist, mais gardaissent leurs marchez et
leurs frontières, et prcsissent et abilitassent leurs enfans à ma-
niier armes et à traire de l'arch, parmy chacun deus estrelins le
jour qu'il aroient de pencion sus lez coustummez des lainnez de-
morans en leurs marchi^s.
Encorres fu il ordonné et aresté que tout seigneur, baron,
cbevaUer et honnestes hommes de bonnes villes mesissent cure
et chtUgence de estruire et aprendre leurs enfans le langhe Iran-
çoise, par quoy il en fuissent plus able et plus cousbunmier eus
leurs gberres,
Encoires fu il ordonna et deflendu que on ne laisast passer nul
cheval outre mer à nulz des lés d'Engleterre, sans le congiet
dou cancelier, sus à estre en le indignation dou roy.
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 62- 403
Encorres fu il ordonnet que de eavmer gens d'armes et ar-
chiers en l'ille de Gaiant à l'encontre des Flamens, qui là se te-
noient en garnison de par le comte de Flandrez, de quoy mes-
ures Guis, basurs de Flandrez, frères au comte, messires Ducrez
de Halluin, messires Jehans de Rodes, messires Gillez de le
Trief, messires Jehans et messires Simons de Bruquedent estoient
chief avoecq pluiseurs autrez. Si en fu priiés messires Henris de
Lancastre li jones, qui fu là fès comtes Derhi, cousins germains
dou roy, et li comtez de Sufiorch, li sires de Bercler, messires
(luillaummes Fils Warine, messires Loeis de Biaucamp, messires
Richars de Stanfort, messires Gautiers de Maoni qui nouvelle-
ment estoit revenus d'Escoce, où piuisseurs bêliez baceleries et
appertisses d'armes y avoit fait tant qu'il en avoit le grâce et
l'onnour dou roy et de tous les seigneurs d'Engleterre. Et le re-
tint là li comtez Henris Derbi pour son chevalier et le plus pro-
chain de lui, et fu mis et escrips à estre dou consseil dou roy.
Encoirres fu là ordounnës et confremmés li mariaiges de mon-
seigneur Guillaume de Montagut, qui loyaument avoit servi le
roy ens es gherres d'Escoche et tellement reboutet les Escos
avoecq l'ayde de monseigneur Gautier de Mauni, que il ne s'o-
soient mes apparoir clercment fors en fuiant et en cachant. Et
pour lui rémunérer ses bons services, li rois li donna le jone
coniesse de Sassebrin, madamme Aelis, dont il tenoit la terre en
se main et en garde, et estoit li une des plus belles jones dammes
del monde.
Encoirez y eut pluiseurs ordonnances faittez, devisées et acor-
dées, le parlement séant, qui touttes ne puevent pas estre regis-
trëes ne escriptez, et qui furent bien tenues, avoec celles dessus-
dittez. Fins de parlemens fu que tout seigneur, comte, prélat,
baron, chevalier et bonnes villez se départirent sur Testât que
de yaux poorveir et appareillier, quant requis et semons de par
te roy en seroient. Si se parti li evesques de Linceile pour por-
ter les deffianches par lettrez seellées au roy de Franche, et [fu]
enfourmés quel cose il devoit dire....
Or paurons de l'evesque de Linceile, coumment il vint deffîier
le roy de Franche de par le roy d'Engleterre ; et puis retourons
encore à le matère des Flamens, pour mieui ataindre nnstre his-
toire. Tant esploita li evesques de Linceile par ses journées que
il passa le naer, et chevaucha parmy le royaumme de Franche,
et vint à Paris. Et trouva te roy Phelippe bien accompaignies
:,Goo»^lc
404 CHRONIQUES UE J. FROISSABT. [IS»?]
<lou roy de Behaygne, dou roy de Navare, de ducs, de comtei
et de barc» graat fuison, car che fa à une solempnite de k
Toussaini, l'an mil trois cens trente sept. Et a'aleodoit li roys
de France de jour en jour autre cose que de ojr teli noUTelles,
seloncq le relation que il avoit oy d'aucuns de ses amis de l'Ent-
pire. Et entra li dis evesques de Lincelle en le cambre dou roy,
car on li fist voie. Si salua le roy et l'enclina, et tous lez autres
rois enssuiwant ; et bailla ses lettres au roy de France, liquels
les rechupt et brisa ung petit signet qui estoit deseure en avant.
Elles estoient à ung grant seel pendant, et en parchemin, touttes
ouvertei. Si lez regarda li rois ung petit et puis lez bailla à ong
sien clercq secrétaire ; et le fist là lire, lesquelles faisoient men-
tion enssi ou assés priés, si comme j'ay oy recorder depuis
chiaux qui aucune cose en dévoient savoir, et especialment le sei-
. gneur de Saint Venant qui y fu preseas :
< Bdouwars, par le grâce de Dieu roy d'Engleterre et d'Ir-
lande, à Plielippe de Vallois escripsons. Comme ensi soit que par
le sucession de nostre chier oncle monseigneur Charlon, roy de
France, nous soîions hiretier de l'hiretaige et couronne de Fran-
che par trop plus prochain degré que vous ne soiiés, qui en le
possession de nostre hiretaige vous estes mis et le tenes et tenir
vouliez de foroe, si le vous avons nous par pluiseurs fois mous-
tret et fet remoustrer par si digne et si especial avis comme
celui de l'Eglise et le saint collège de Romme, et à l'entente del
ni^le Empereour, chief de touttes juriditions ; asquels coses et
demandez vous n'aves mies vollut entendre, mais vous estes tenu
et tenés en vostre oppinion fondée sus tort. Pour quoy nous
vous certefions que le oestre hiretaige de Franche nous retjtier-
rons et concquerrons par le puissance de noiu et des nostrez i et
de ce jour en avant deffions vous et les vostrez de nous et des
nostrez, et vous rendons foy et hoununaige que sans raison vous
avons fait; et remetons le terre de Pontieu avoecq nostre autre
hiretaige en le garde de Dieu, non en le vostre, qui ennemy et
adverssaire vous tenons. Donné à nostre palais à Wesmoustier,
présent nostre gênerai consseil, le dix neuvième jour dou mois
de octembre. »
Et quant li rois PheUppes eut oy lire ces lettres, si se re-
tourna viers l'evesque de Lincelle ; et n'en fist par samblant mies
trop grant compte, et coummença à sourire et dist : ■ Evesque,
vous aves bien fet che pour quoy vous estiez chy venus. A ces
DiqitizeabyG00»^lc
[va-,] V.VRIANTES DU PREMIER LIVRE. $ 62. 40S
lettres ne couvient point rescripre. Voas vous pov^s partir quant
vous vouliez. > — « Sire, dist li evesque, grans merchist >
Dont prist congiet et retourna à son bostel, et se tint là lotit le
jour. Sus le soir, li roys li envoya ung bon sauf conduit pour lui
et pour tous lez siens, sus lequel sauf conduit il rapassa pamiy
le royaumme de Franche sans péril ; et revint en jE!ngleterre de-
viers le roy et les barons, à qui il recorda comment il avoit
esploitiet. Si en eurent li Englès grant joie.
Or vous dirons don roy de Francbe. Quant il eut veut les
deffianches dou roy d'Engleterre, il les fist coppiier et les en-
voya en pluiseors lieux par son royaumme et hors de son
royaumme, afBn que lî seigneur ewissent advis et considération
sus, et especialment au comte de Hajrnnau, son neveult, et au
duch de Braibant. Et leur manda estroîtement que il n' ewissent
nulle aliancbe au roy d'Engleterre : et se il l'avoient ou faisoient,
il leur arderoit leur pays, ensi au comte de Bar et an duch de
Lorainne; mes de dieux n'estoit il nulle double, car il estoient
bon FrancbcHs et loyal. Et envoya tantost li roix pourveir et
regarder en ses garnisons, sus lez frontières de l'&npîre, car
desAIlemans n'estoit il mies trop assenret. Et manda àcbiaux de
Toumay, de Lille, de Bietune, d'Arras et de Douay jpi'il fuis-
sent sus leur garde , et pourvussent et fortefiassent les villez ,
pour atendre siège ou assaut, se mestier faisoit; et ossi que il
presissent garde as castiaus et ens es casteleries d'entour yaux ,
et renouvellassent officUers, et les rafresquissent de touttez coses
nécessaires pour le gberre.
Et envoya li roys à Saint Ommer, k Gines, à Kalais, à Boa-
longne et là environ gens d'armes , pour garder les fronderez ,
ossi à Abeville*, au Crotoi, à Saint Waleri, à Eus, à Dieppe, à
Harflues , à Honneflues et en toutte le Normendie , jusques en
Bretaigne et Pontorson et mouvant de le Bretaingne jusquez en
le Rocelle , et [de] le Rocelle à Saintongle et tout le Poitau en
revenant en Limoun, eu Roherge, en Aginois et en Thoulousain
et tout le Nerbonnœs, le diarcasonncns, Bedarioiz, Aigemortes,
Biaukaire, Montpellier et Nimes, et jusques as portes d'Avignon
1. «t. Jt f
revenant jniquei à Ilarfl«a, et en le Rocelle, niant tout autour juique*
en Avignon et toute la rivière du RoHie, Et pour bien abrt^ier ce
compte, il Git pourveir 1 toui coMei. F° 59 v
DiqitizeabyG00»^lc
406 CHRONIQUES DE I. FROISSiRT. [1337]
et toutle lé rivière de Rosne , le Pont Saint Esperit, Viviers,
Toumon, Salière, le bourch d'Argental, Viane, Lions et toutte
le comt^ de Foriest, le terre le seigneur de Biaugeu, le comté de
Mascons, Tournus et tout jusqu'à Challoa sus le Sone, et toutte
le comté et leduchié de Bourgoingne, costiant l'AlemaigDe, l'Au-
say et le terre de Montbliart jusques eu l'evesquet de Leogres, et
toutte le Campaigne costiant le Lorraine ; l'evesquet de Thoul et
l'evesquet de Miéz , revenans jusques à Raios et à Chaalons et
toutte le comté de Relhers, Doncheri et Massièrez et ces fors
castiaux sour le rivière de Meuse, costiant l'Ardenne, l'evesquet
de Liège et Flimain et le Haynsau et le terre monseigneur Jehan
deHaynnau et toutte le comté de Roussi, de Porsiien, de Brainne
' et l'evesquet de Laon.
Et escripsi ammiablement et fiablement à ciaus de Cambray
que il li fuissent amie et bon voisin en tous cas, et il leur se-
roit, se mestiers en avoienti et envoya messire Godemar dou Fai
à Toumay demourcr et séjourner, pour regarder à le chité et
ou pays d'environ; et mist le seigneur de Biaugeu en Mortaigne
sus estant, pour garder ctie passaige. Et mist encoîres sour
mer grant cantitet de Normans et de Geneuois , de quoy mes-
sires Hues Rierés, messires Pières Bahucés et Barbevaire es-
toient cappitainne ; et leur coummanda et enjoindi que il ar-
dissent en Englelerre , au plus tost qu'il poroient. Et dounna à
son chier cousin monseigneur Jaquemon * de Bourbon, le comté
de Pontfaieu et touttes les appendances , en foi et en houunaige
et à tenir de lui; liquebi en prist le possession, et y amena qie-
damrne sa femme.
Quant li r(»s de France eut ensi ordonnet et fet pourveir, ra-
pareillier et rafrescir touttez les frontières de son royauinme ,
tant sur mer comme par terre, si escripsi î) et manda fiablement
au comte de Flandre sen cousin que il ratresist et tenist à amour
ses gens, par quoy li Englès n'ewîssent nulle aliance à yauz; et
y envoya de par lui le comte de Vendôme et le seigneur de MoiU-
roorensi, pour tretier à yanx qu'il fuissent amie et bon voisin
au royaumme de Franche, et il leur tenroit toudîs les pas ouviers
de Toumay, de Bietune, d'Aire, de Saint Orner et dou Wameston
sus le Lis*, et aroient à leur vollcnté bleds et tous grains pour
t . Mf. di Valemâenatt : Jaque de Bourbon. F° 60.
2. ibid. .' et par toute la rivi^ de l'Kicanlt,
DiqitizeabyG00»^lc
[1337] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g G2. 401
(XHnforter leur pays. Et allèrent chil seigneur de bonne ville ea
bonne ville remoustrer touttes ces coses, de par le roy de Frait-
che. Li aucun s'i asentoient , mes li plus non ; car li waignages
de le drapperie leur touchoit plus au ravoir avoecq les lainnes
d'Engkterre, que il ne fesissent adonc bleds ne avainnes*, carde
tout ce avoient il assés et à grant niarchiet. Touttes fois fisent
tant chil seigneur de Franche que, quant il se partirent de Flan-
dres , il laiièrent le comte Loeys à Gand as&és amiablement da-
tés Jakemon d'Artevelle et chtaux de Gand; mes depuis n'y de-
moura il mies longement, ensi comme vous oréz. F" 24, 27 et 28.
P. iZk, 1. S -. Valenciènes. — Mi, de Home : Chil signeur
d'Engleterre s^oumoient en Valcnchiennes si honneur abletnent
que vous avés oy. Et qant il veirent que il avoient en partie -
achieré ce pour quoi il estoit venu à Valcnchiennes , car il ne
faisoient riens que ce ne fust par le consel dou comte et de sou
frère, qaot il orent esté à Valenchiennes plus de demi an et des-
pendut biau cop d'argent, tant en dons pour avoir l'amour des
signeurs de l'Empire que en lors menus frès, il jirissent congiet
au comte et à son frère , et se missent au retour et vinrent à
Louvuin. Et là trouvèrent le duch [de Braibant] qui lor fist très
bonne chière, et les tint ung jour tout aise dales li ; et parlèrent
ensamble de biau cop de coses. Et puis s'en partirent, et vinrent
en Anvers; et trouvèrent vassiaus d'Engleterre tous près pour
euts, qui là tes atendoient. Li pluz de ces signeurs laissièrent
lors cevaus au séjour en Anwiers , car bien savoient que il en
aueroient encores à faire; et li auqun passèrent les lours, et li
aultre les vendirent. Si entrèrent tout ens es vassiaus , qui es-
toient ordonné pour euls ; et retournèrent sanz perïl et sans da-
mage en Engleterrc, et trouvèrent le roi à Windesore et la roine.
Si lor recordèrent comnent il avoient csploitié, et les bons amis
que il avoient delà la mer.
A toutes ces paroles et remoustrances estoit et fu toutdis roes-
sires Kobers d'Artois, qui trop grandement fu resjois de ces nou-
velles, et dist ensi au roi : s Monsigneiu', je le vous ai bien tous
jours dit : vous trouvères plus d'amis et de bon confort delà la
mer que vous ne quidie's, car onques Alemant ne peurent amer
1 . Ml. dt ^altncltnnei : or il amoient mienlx la maTcbaudiie d'En-
glel«Te. Si ne Ici pooit on rapaiiier-, et oiiy Jaquemon d'Artevelle
ne *'i acordoit point, Fo 60.
DiqitizeabyG00»^lc
*08 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [13S7]
les François ; il vous feront roi de France , car chlU qui l'est ,
n'i a nulle juste cause. Et les poins et les articles com prochains
vous estes de la couronne, je vous ai pluisseurs fois r^noustrë i
se les calengiés et mettes oultre. Puis que on vous voelt aidier
à esclarcir vostre droit , ne soiiés pas négligeas , mais diligens à
demander ce qui est vostre; si en ser^s priu^s et amës de vos-
tre peuple , car il demandent la guerre. A ce que je puis veoir
et percevoir, en Engteterre il ne désirent que la gerre. Et vous
av^s biau et graut conmencement pour vous , car jà avés vous
si sousmis les Escoçois que il ne se poront aidier ne relever en
grant temps. Ce sont segnefiances de tous biens, et que les bonnes
fortunes seront pour vous. F» 3fl v*.
P. 134, 1. 12 : disoit. — Ms. de Faleneiennet : pour double
d'estre ruez jus des escumeurs, qui estoient là de par le conte
de Flandres. F* 50.
P. 133, 1. 4 : Si ot>donna. — Ms. ^JmittK .- Si en fii priiés
messires Henris de Lancastre ti jones, qui Tu U (es contes Derfaî,
cousins germains dou roy, et U comtes de Sufibrdi, li sires de
Bercler, messires Guillaummes F^b Warioe, messires Loeis de
Biaucamp, messires Richars de Stanfort, messires Gantiers de
Hauni qui nouvellement estoit revenus d'Escoce où pluisseurs
bêliez baceleries et appertisses d'armes y avoit fait, tant qu'il en
avoit le grâce et l'onnour dou roy et de tous les seigneurs d'En-
gleterre. Et le retint là li comtez Henris Derbi pour son cheva-
lier et le plus prochain de lui; et fu mis et escrips à estre doti
consseil dou roy. F* 17 v*. — itf ms. de Rome ajoute à ces
noms : messires Renaals de Gobehen, messires Rogiers de Biau-
camp. F" 41 .
P. 13S, 1. 12 : à Londres. — Mt. S 6 : Sy se partirent de
Gravesaindes, sur le Tamise, là où il avoient fait toute leur pour-
veanche et leur asamblëe. F° 8S.
P. 135, 1. 13 : cinq cens. — Ms. de Valenciennet : huit cens.
F« 60 V». — Afj. J 6 1 miUe hommes d'armes. F" 85. — M*, de
Rome: six cens. F» 41.
P, 135, I. 18 : Gravesaindes. — Mt. if Amiens : derant
Gravesande*, bien pourveus et abillies de naves, de vaissiaus, de
bourses, de seules et de bokebos armées et frètes. F° 28 v*.
P. 135, 1. 19 : devant Mergate. — Ms. ^ Amiens : De le se-
1, Ml. dt Fakneimatt : Gavres. ¥" 60 t«.
DiqitizeabyG00»^lc
{1337] VARIANTES DU PRHMIER LIVRE, $ 63. 409
conde marée, U vinrent devant He^te et furent là un soir; et,
le nuit et environ mienuit, il se desancrèrent et tendirent leurs
v<nllez au plaîn, car il avoient vent à soubet; et se boutèrent en
mer et singkrmt tout jour, et vinrent aasés priés de Gaiant à
heure de ntHue. F* 28 V. — Hft. de Rome .- A l'endemain, il
s'en depairtirent qant la mer fit revenue, et vinrent devant Mer-
gate et là ancrèrent et furent deus jours, car il avoient vent trop
contraire pour entrer en la mer. Au tierch jour, H veos lor re-
vint; si desancrèrent et se boutèrent en la mer et prissent le
cbemin de Flandres. F> 41 .
P. 13S, I. IS : trente sept. — Mt. 4 1 : trente huit. F* 34 v°.
— Mil. ^ ÎO à 22 : trente neuf. F' 58 v".
% 65. P. 13S, 1. 4 et 5 : en Gagant. -~ Mt. iT Amiens ; et
sur le mer estoient. F* 28 v*.
P. 136, I, 10 : jnsqnes à seize. — Mt. de Faleneieimes : bien
dix huit. F» 60 v*.
P. 136, 1. 10 et 11 : doq mil. — Mt. de FalencienTies et
m*. B % : quatre mille. F* 60 v*.
P. 136, 1. 16 : de Hallain. — Jtfj. de Rome : mesures Jehans
ncHunés Ducres de Halluin. F* 41 V.
P. 136, I. 20 : Pières. — Jfw. .^ 20 à 2* : Jehans. F* 39.
— £e ms. de Rome a/oute à ces noms : messire Pière d'Ippre,
messires Lois Vilains, messire Bauduin Bamage, mesire Robert
Marescal, messire Emoul de Vors. F* 41 -f.
P. 136, 1. 2S : des Englès. — Ms. de Rome : Evous venus
les Bnglois en ordenance de bataille, les urchiers tous devant.
Qant li vassiel aprochièrent, li chevalier qui dedens Gagant se
tenoient, conneurent que chil qui les venolent combatre, c'es-
toient Englob, car il veirent les banières, les pennoas et les
estramières des lupars d'Engleterre qui voloient amont sus ces
nefs et baulioient au vent. Qant li Englèa aprochièrent, il i ot
grant noise de tronpètes et de claronchiaus. Donc UHunenchïè-
rent archler à traire de grant randon et ensonniier gens, et gens
d'armes entre enls à aprochier pour prendre terre. Là ot fort
hustin et dur, et traioient arbalestrier à pooir, mes Englès n'ea
faisoîent compte, car archier sont trop plus isniel au traire ne
sont arbalestrier. Et furent en cel estât un grant temps, et tant
que la mer fu toute retraite, et que les vassiaus d'Engleterre
demorèrent tout aresté sus le sabeltHi. F° 41 v*.
D,qit,zeabvG00»^lc
410 CHRONIQUES DE J. FROISSIRT. [1337]
S 64. P. 137, 1.31 lûhVimne. — Jlîtt.JHd 14 : fil Vas-
tier. F° 34. — Editiont de Férard et de D. Sauvage : fils an
comte de Warvich. £d. deSaiwagede 1559, p. 41.
P. 13S, 1. 5 -. main à main. — Ms. de Rome: An voir dire,
lî archier eosoauioient trop grandement les asallans et desfeu-
dans Fbunens; et furent en cel estât bien quatre heures, tous-
jours desfendans et asallans. F* 41 v*.
P. 138, I. 8 et 9 : plus de trob mille. — JVj. de Valeit-
ciennet : de deux à trois mille. F« 61 . — JUti. jt iQ à H et
mt. £ S : trois mille. F> 59 v". — Mts. A S ei 9, ^S à 11 :
plus de quatre mille. F* 33.
P. 138, 1. 13 : Gilles de le Trief. — Mts. ^ 11 à 14 : Guil-
laume de Lestrief. F* 3i. — JUm. ^ 15 à 17 ; Jehan de le
Trief. F° 36. — Ms. de Faîeneiemas : Gille de le Triest.
F" 61.
P. 138, 1. 14 : vingt six. — Jlfo. i 6 ; dix huit. F* 86. —
M', de Rome : jusques à douse chevaliers et bien trente esquiera,
tous gentils hommes, que de Flandres, que d'Artois. Et i ot
grande occision des aultres hommes ) et les caçoimt. les Engloù
jusques à la mer et les faisoient sallir dedeos, et plus chier ils
avoient à noiier que à morir de glave. F° 41 v".
P. 138, 1. 18 : Et retournèrent. — JUs. de Rome : Qant les
Englois furent signeur de l'ille et de la ville de Gagant. ii le
fustèrent et coururent toute et puis boutèrent le feu dedens,
qant il s'en deurent partir; et rentrèrent en lors vassiaus, et
dormirent là à l'ancre tant et si longement que vens lor revînt.
£t bien le savoient cbil de Bruges, dou Dan et de l'Esduse,
mda il estoient tout resjoy de che que on lor avoit délivré le
pasage de ceub qui trop longement l'avoient tenu. Qant 11 En-
glois orent vent pour ceminer, il se desancrèreot de là et retour-
nèrent viers Engleterre, et emnenèreot lor butin et lors prisoa-
niers. Et fissent tant par l'esploit dou vent que il entrèrent a\ la
rivière de )a Tamise, et prissent terre au kai à Londrez. Et
acquist Ii Jones contes Henri Derbi en sa nouvelle chevalerie
grant grasce et grant renoumec de celle besongne. Et aussi fis-
sent tout cfail qui avoecques Ii avoient esté, et par especial mes-
sirez Gautelés de Mauni. F° 4î.
P. 138, I. 19 : en Engleterre. — Sfj. de Faieneieimes ; à
tout leur gaignage, nonobsbtnt que ce ne fu point sans perdre
de leur gens. F* 61.
DiqitizeabyG00»^lc
[1338] VARIANTES DU PRSHIER UVRE, S ^S. 411
P. 138, I. 20 : au roy. — Mi. £ 6 : en ou pakis de Wes-
moiislier. F* 86.
P. 138, I. 23 : prison.— Ms, B 6 -. et l'onitoura assés selooc
son estât, et le l^ss» aler panny Londres recreu sur sa foy.
F* 86.
P. 138, I. 23 : li queb. — Mt. de f'altncie/mes : par les pro-
messes que tes Englès Ini firent. F" 61.
P. 138, I. 24 et 2S : d'Ëngleterre. — JUs. de f^aieneieniKt i
par convoitise. P 61.
§ B6. P. 138, 1. 27 : Apriès. — Mt. d'Jmiens ; Apriès
le desconfitnre de Galant, ces nouvelles s'espardirent en pluis-
seurs lieux. Si en furent chil de le partie le comte courou-
chiet, et chil de le partie le roy d'Eagleterre tout joiant. Et
disoient bien [cil de Flandres] que, sans raison ne leur voleatë,
U comtes les avoit là mis. Et eurent advis en Flandrei li cons-
saulx des bonnes villex, par le pourkac et enort de Jaquemou
d'Artevelle, que il envoieroient douze boungoîs des six meilleurs
villes de Flandres déviera Le roy d'Engleterre, escuzer le pays de
ceste besoingne de Galant, et que nullement il ne se consentirent
oncques que là il se tenissent de leur acord. Et plus avant, se il
plest au roy d'Engleterre ariver en Flandrez, ou que soit, il en
seront tout Joiant ; et il presteront et ouveront le pays pour pas-
ser, séjourner, demourer, partir et retourner par paiier touttes
coses, dont il en seront servi et aisiet. Chil douze bourgois par-
tirent enformet et adviset sus le mamiière que j'ay dit: et vinrent
en Engleterre et trouvèrent le roy adonc à Eltem , liquelx les
rechupt assés hement, car il en quidoit grandement mieux val-
loir, ensi qu'il fist. Et li dissent comment Jacquèmes d'Artevelle
et tons li especialz conssaulx de Flandres se recommandoient h
lui, et s'escusoient de le ville de Gaiant et des gens d'armes qui
trouvet y avoieut estet, que ce n'avoit estet point li fais ne li
acors àmi pays de Flandres, mes dou comte seuUement et dou
roy de Franche.
Que vous feroie je loing compte ? Tant parlèrent, et si belle-
ment et si sagement remoustrèrent leur messaige, que li rois s'en
contenta. Et leur respondi que, dedens le jour dou Noël prochain
venant, il seroit en Anwers, car là faisoit on ses pourveanches :
si y amenaissent le comte leur seigneur deviers lui, pour savoir
quel cose il vollolt faire ) ou que li pays de Flandrez fust telle-
DiqitizeabyG00»^lc
Mî CHRONIQUES DE J. FR01SS\RT. [1338]
ment advisés et consettliëz , se li comtes n'y rolloit estre , que
jà pour ce ne demoratt que il ne fuist leurs boÎDS amis. Et il
donnoit parmy tant respit à tous allans et à tous venans, jnsqnes
au premier jour de jenvier. Ensi le raportèrent li douze bonr-
gois h Jaquemon d'Artevelle, et au consseil des bonnes yillei
de Flandres, en le vitle de Gand. Si en furvnt tout liet,
quant il seurent que li roys d'Engleterre passermt , et soppo-
sèrent ass^s que il le trouveroient tretable et aimable; mes, qui
qui en fuist lies, li comtes de Flandres n'en eult point de joie.
F"».
JUi. B $ : Tantost après (l'affaire de Cadzand), le roy d'En-
gteterre fist clore tous les pas de mer, afin que nulles laines ne
venissent en Flandres. Adonc le pais de Flandres fut en grant
tribulacion, et la draperie toute perdue.... F* 86 et 87.
Cheluy Jaques d'Artevelle avoit le cuer plus englès que fran-
çois, et pressa tant la querelle du roy d'Engleterre par my Flan-
dres que tout le pais fut englèz. Et manda et escripsy au roy
d'Engleterre, par mygrans consauls et traitiers qui furent entre
tes Flamens et les Englès, que il venist seurement en Flandres
ensy que il luy plaisoit ; les Flameos le verroïent moult volten-
tiers, et moult le desiroient à veoir. Le roy d'Engleterre, qm
moult desiroit que par moien de aquerre en Flandres, en Hay-
nau, en Brabant des amis, adonc fui moult re^*ois de l'aliance
que il avoit en Flandres; et tint Jaques de Hartevelle en grant
amour, car bien savait que c'estoit par le dit Hartevelle. Sy fist
le roy d'Engleteterre rendre a Flameus tout les droitures de
mer, et laissa courir toute marchandise par my leur pays, et re-
mist l'estaple de laignes à Bruges quy eslongîet leur estrat. Dont
les Flamens en eurent grant joie.
Assés tos après, le dit roy d'Engleterre s'avisa, par my le
consail et enhort qu'il eut de messire Robert d'Artois, que il
vendroient prendre port en Flandres ou en Brabant, auquel lés
il plairtNt au duc de Brabant son cousin, au duc de Gberdres,
au conte de Hons, au marquis de Julers, au seigneur de Faul-
qnemont et à Jaques de Hartevelle et à ceulx qui dévoient ay-
dier à faire sa guerre. F" 92 et 93.
lit. de Rame : Or s'espardirent ces nouvelles en Flandres, en
France et ailleurs, que chil qui en garnison s'estoient toiu un
grant temps en l'ille de Gaant, estoient tout desconfi, et la ville
tellement arse que on ne savoit où retraire : li contes de Flan-
DiqitizeabyG00»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § «»• 413
dres en fii durement couroachie's, et Jaquèmes d'Artevelle et tout
chil de sa sexsteresjoy.
Pour ce, se fille de Gaant ta délivrée des Flamens, chevaliers
et esquiers, qui gardé l'avoîent un lonch temps au conmandement
dou comte de Flandres, ne se retonrna pas ù tos U «agoages ne
la marceandise ou pais de Flandres, car Jaquèmes d'Artevelle i
mist empecement, je vous dirai conroent. Vnirg est que li englols
marceant, liquel avoient sus le qai à Londres et ailleurs pluîs-
seurs n<Hnbres de sas de lainnes, en desiroieot à avoir Ich" delï-
vroDche, pour atraire à euls les deniers. Aussi li marceant de
Flandres et de Braibant et li drapier lez desiroient à avoir et à
acater, pour faire, ouvrer et mettre en la draperie, ensi que
usages est que tout pais vivent et s'estofent et gouvernent l'un
de l'autre. Et tout ce sentoit et savoit bien de la nécessité Ja-
quèmes d'Artevelle. Et tantos apriès la bataille de Gaiant, il
escripsi au roi d'Engleterre et son consel que point ne se has-
tassent de envoiier en Flandres ne à l'Ëscluse les marceandises
d'Engleterre; et les tenist encores closes, jusques à tant que on
aueroit aultres nouvelles de li. Li rois d'Engleterre et ses con-
sauls, qui se voloient rieuter de tous poins' par sen ordenance,
entendirent à ces lettres et segoefiances dou dit d'Artevelle, pour
vetHT quel cose il vodroit dire et faire.
Qanl chil de Bruges, dou Dan, de l'Ëscluse, d'Ipre et de Cour-
trai et dou tieroit dou Franc veirent que la mer n'estoit non plus
ouverte apriès la bataille de Gaiant comme en devant, si con-
menchièrent à murmurer generaulment, et à dire li uns à l'autre,
eus es villes : ■ Jaques d'Artevelle nous donnoit anten à entendre
que il avoit le wagne de la draperie en la main, elle nous feroit
avoir toutes fois qantes fois que il vodroit. Nous quidions que la
maladie iessist dou lés deviers Gaiant, et par ceulz qui là se te-
Doient en garnison. Or en est U pas délivrés, et se ne retourne
point la marceandise en Flandres. Ce seroit bon que on alast à
Gaind parler à lui, et savoir à quoi il perist. >
Sus cel estât, tout s'acordèrent. Et se quettièrent des bonnes
villes de Flandres auquns notables honmes, et vinrent k Gaind ;
et parlèrent à d'Artevelle, et proposèrent toutes les paroles desus
dittes. Il respondi à celles et dist : ■ Il est venté que je di ensi
et encores le dis je. Se vous volez que li proufis et li wagnages
vous retoume, il fault que vous aiiés aliances grandes et fortes
au rcH d'Engleteire , dont li proufis vous puet venir, et qui vous
DiqitizeabyG00»^lc
4U CHRONIQUES DE J. FROISSART. [ISSS]
a, des emiemis de la mer qui se tenoient à (îaiant, deliTré le
pais. Par celle voie, l'ai je toutdis ensi entendu et non aultrement.
Et se vous, qui chi estes cnToiiet de par ta grignour partie des
bonnez villes de Flandres, voles venir avoecques moi en Engle-
terre parler au roi et à son consel, nous esploiterons tellemenl
que nous remeterons le wagnage et le pourfit ou pais de Flan-
dres. > Donc respondireut li plus sage de la compagnie et «lis-
sent : I Sire, nous ne sonmes pas cargiet si avant que nous vous
acordoDS le voiage. Nous retournerons casquns en sa ville, et
mêlerons les bonnes gens ensamble, et leur recordcrons ce qw
nous avons oy de vous ; et ce que il en vodront faire, on le tous
segnefiera et bien briefment. » — i À la bonne heure, > respondi
d'Artevelle.
Il prissent congiet; il se départirent de Gaind, et retouroèrent
casquns en lors lieus. Et missent les consauls des bonnes villes
ensamble, et remoustrèrent tout ce que vous avés oy. Euls can-
silbcs bien et par grande délibération et pour le comnun pourfit
de Flandres, avoecques ce que U contes esloit trop grandemenl
hais ou pais, tant pour l'amour dou signenr Courtrissim leqnd
il avoit fait decoler que pour aultrex soufEssans honmes, ens es
bonnes villes acordé et ordonné fu que, avoecques Jaquemnn
d'Artevelle, de toutes tes bonnes villes de Flandres, iroient en
Engleterre deus honmes ; et chil qui là seroient envoiiet prie-
roient au roi d'Engleterre que les marceandises des lainnes, 1«
quelles lor sont moult nécessaires, il vossist consentir que elle?
retournassent en Flandres, tant que il en fuissent aisiet et seni,
ensi que dou temps passe' avoient este'; et il tenroient generaD-
ment par toute Flandres l'ordenance et le treltie que cbil At
Gaiud avoient juret à tenir et proumis par lettres et seelés à l'e-
vesque de Durem et à ses connus, qant darrainnement il for^ *
Gaind.
Sus cet estât, s'ordonnèrent chil qui cslcu furent, d'ater en
Engleterre avoecques Jaquemon d'Artevelle. Et li dis d'Artevelle
estoit jà tous pourvcus de son estai, grant et estofë aussi bien
conme uns contes; et s'en vint à Bruges, et fu là requelliés
ensi conme uns sires dou pais. Tout li aultre bourgois des
bonnes villes de Flandres vinrent à Bruges, et là s'asamblèrenl.
Et qant tout furent venu, il vinrent à l'EscIuse; et trouvèrent
deus vassiaus tous pr&s, pour euls porter, et deus hoquebos pour
lors pourv'cances. Si entrèrent ens es dis vassiaus, et se desan-
DiqitizeabyG00»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 6S. 413
crèrent et se départirent de l'Esclnse; et esploitièrent tant, &
l'aide de Dien et don vent, que il entrèrent en la Tamise, et
vinrent à Londres. Et issirent sus le qai hors de lors vassiaus,
et se logièrent tout à lor aise en la rue de la Riole.
Pour ces jours, se tenoient li rois et la roine à Eltem, à sept
tienes englesces de Londres, liquel furent tantos enfourm^ de la
venue des Flamens. Li rois, qui desiroit à savoir lor entente et
pourquoi il estoient venu, leur segnefia que il venissent parler à
lui; et si escripsi et envoia ses lettres et ses messages deviers
son consel, et lor manda que tantos et sans délai il venissent à
Londres. Jaquèmes d'Artevelle et li Flamench vinrent à Eltem
toat preraierement veoir le roi et la roine, liquel les requelliè-
rent moult courtoisement. Et là lor remoustra li dis Jaques, en
la presence de tous ses compagnons, ce pour quoi il estoient
venu et là envoiiet. Et prioient les conmunaut^s des bonnes
villes de Flandres que ce fusl la plaisance et l'acort dou roi que
l'estaple et la marceandise des lainnes peuist venir en Flandres,
ensi que aulti'e fois avoit fait. Li rois respondi à ce et dist que
il en aueroit avis et consel, et en seroient de lor demande et re-
queste respondu dedens un jour que il lor nonma, et seroit la
response faite ens ou palais de Wesmoustier. De cez paroles il
se contentèrent assés.
Si disnèrest ce jour tout chil Flamenc en la cambre dou roi
et de la roine. Et lor fu moustrëe la plus grant amour conme
on pot, et par espectal à Jaqucmon d'Artevelle, car bien sen-
toient li rois et la roine que il estoit tous souverains des aultres,
et aussi que de bonne amour il les amoit. Et parla aussi li rois
à li, à part, de pluisseurs coses. Et d'Artevelle, qui voloit l'aug-
mentation dou roi d'Engleterre, li remouslra tout bellement la
voie et la manière conment il poroit entrer en la grasce dou pais
de Flandres, avoech ce que il i rendoit et renderoit grant
painne. Qant il orent assés parlé ensamble, li Flamenc prissent
congiet pour celle heure j et retournèrent à Londres, et atendi-
rent que li rois vint à Wesmoustier, et que tous ses consauls fu
venus à Londres.
Adonc furent li Flamenc mande au palais; il vinrent. Là fu-
rent oy de tout ce que il vodrent dire; il furent respondu si
courtoisement que il s'en contentèrent, car il empêtrèrent tout
ce que il vodrent avoir. Et aussi il proumissent au roi là, ou cas
que il vodroit passer la mer à une qantité de gens d'armes et
DiqitizeabyG00»^lc
416 CHRONIQUES DE J. FHOiSSART. [1338]
d'archicrs, il seroit requelliës en Flandres bellement et douce-
ment. Et se li dus de Braibant, son cousin, et li contes de Geriles
son serouge et ti marqis de JuUers et les Ajemans qui avoecques
lui s'estoient aliiet, voloient desfiier le roy de France, il trouve-
roit les conmimautés de Flandres tout apparilliet pour aler, fiist
devant Tournai ou Cambrai, là oili il les vodroit mener. Li roi$
d'Engleterre, qui très grant désir avoit de faire sen emprise, les
ny volentiers parler, et les remercia ; et lor dist que sans faute,
^edens la Saint Jehan Baptiste, il seroit oultre la mer.
Ensi se portèrent ces ordeoances. Li Flamenc eurent dou roi
tout ce que ils desiroient à avoir, et retournèrent arrière en
Flandres et i raportèrent le wagnage, car la mer fu ouverte. Et
vinrent les lainnae en Flandres, à l'Eseluse, au Dam et à Bruges;
et là les venoient querre et acater li marceant drapier de Brai-
bant, et tout chil qui les voloient avoir, F* 42.
P. ISn, 1. 17 : grosses. — lUt. d Amiens: Et jà estoient ses
pourveances faitez en Anwiers, car il desiroit à là venir pour
savoir bien parfaitement l'entention dou duch de Braibant, son
cousin, don duch de GerlIcs et de celt de Jullers et des Atte-
mans. F° Î9. — Ms. de Rome : Tout cel ivier, ordonna li rois
d'Engleterre ses pourveances grandes et grosses. Et, qant ce
vint à l'esté que on compta en l'an de grasce Nostre Signeor
mil trois cens trente et huit, environ la Saint Jehan Baptiste, il
prist congiet à la roine Pbelippe sa fenme ; et h ot en couvenaul
par sa foi que, se il veoit que séjourner le couvenist longemeot
par deçà la mer, que il le remandcroit. La bonne dame s'a-
paissa sur ce et demora à Windesore, et là tint son hostel, et jà
avoit son fil qui portoit le nom dou père, £douwart, et fu puis
princes de Galles. Et demora la roine ençainte et priés que sus
ses jours : ce fu de une fille, qui ot nom Issabiel, et puis fa
dame de Couci, ensi que vous orés recorder avant en l'istore.
Qant tout chil que li rois voloit mener avoecquez liù furoit
venu à Londres, et la navic toute preste, et chil ordonné qui
garderoient le pais et la frontière d'Escoce, U rois entra en sm
vassiel; et tout li aultre entrèrent ens es vassiaus, qiû estoient or-
donné pour euls, sus la rivière de la Tamise. Si levèrent li ma-
ronnier les voiliez, et sachicrent les ancres à mont, et se dépar-
tirent dou havene de Londres; et entrèrent dedens la mer, et
avoient le vent et la merée pour etits. F* 43.
P. 139, t. 19 : acompagniés. — JHî. d Amiens : le roynne
;vGoo»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 6»- 417
avoecq lui, qui toutte enchainte estoit, messires Roblers d'Ar-
tois, li comteï Derbi, ti comtez de Warvich, ti camtez de Penne-
bnicq, li comten de Sufforch, 11 comtez d'Arondiel, ii comtes de
Reut, li evesques de lincolle', li evesques de Durem, messires
Regnart de ûobehen, messires Richars de Sbimfort, li slrez de
le Ware, messires Guillaummcs Filz Warine, li sirez de Biau-
camp, messires Gautiers de Mauni, li sirea de t'erières, messires
Phelippes de Hastingez, li sirez de Basset, li slrez de Willebi, li
sirez de Brasseton et pluiseur autres ; et eurent vent à souhet et
arrivèreut ou havene de Ajiwiers, environ le Saint Obert et
Sainte Luce. F° 99. — Mi. £ 6 : En sa compaignie fu ma-
damme sa femme, avecques luy messire Robert d'Artois, quy s'a-
l>elloit conte de Ricbemont. F* 04. — Ms. de Rome : En la
compagnie dou roi, avoit grant fuison de barons et de chevaliers
d'Engleterre. Et i estoit messires Robers d'Artois, qui toutes ces
coses avoit atisies et eslev^es. Et esploita tant ceste navie que,
sans péril et damage, il arivèrent en Anwiers, la nuit Saint
Jaque et Saint Cristofle. F* 43.
P. 139, 1. 33 ; gens vinrent, — Jtti. dJmiens: Ensi se de-
tria ceste cose ung grant temps, et tant que li roys d'Engleterre
assambla ung grant parlement à estre à Anwers. Et y furent li
dus de Braibant, li comtez' de Gerllez, ses serourges, li marchis
de JuUers, ti comtez de Clèves, ti comtez de Saumcs, li marchis
de Blancquebourc, li sirez do Fauquemont', messires Jehans de
Haynnau; mes li comtez de Haynnau n'i fu point, car il dist que
i) n'y avoit que faire, de quoy li toys de Franche li seult grant
gret de ceste excusanche. F° 30.
Ms. B 6 : Quant le duc de Brabant sceut la venue de son
cousin le roy d'Engleterre, sy envoia devers luy de ses cheva-
liers, à cause de les bien vignier. Et ly jones conte de Haynan,
ses Serouges, le vint veoir. Et osy fist Jaques de Hartcvelle.
Entre les quelz et le roy il eult grans alianches et aprochemens
d'amours. Depuis, vinrent ces seigneurs d'Alcmaignes les uns
après les autres, qui moult le desiroient à veoir. Sy eult là grant
parlement ensemble, as tpielz le jone conte de Haynnau ne vol-
loit point estre ; mais disoit à che commencbement qu'il demou-
roit franchois et delés le roy son oncle. F° 94.
1. Vj. d« fale/Kunnu : NicoUe. I^ 62.
2. liid. ! le dnc de Gnerlei. F° 64. — 3. iiiJ. : Franquemont.^
I— Î7
;vGoo»^lc
418 CHRONIQUES DE J. PROISSART. [1338]
Afj. de Home : Et chîb qui premieremenl i vint, ce fu me»-
sires Jehans de Haionau, dont U rob li sceut grant gret, car par
U et par son consel en partie il se voloit ordonner. Apriès, vint
li dus de Braibant, son cousin germain, et puis li contes de Gér-
iez et li marchis de Jullers. F° 43.
P. 140, I. 1 ; Anwiers. — Ms. d Amiens : Assés toat apriès
che que li ra}-s englès fu arîvéz en Anviers, la roinne sa femme
ajut d'un fil qui fu appelez Lions*, et y eut grant feste à le re-
lever. Et y fut li comtez de Haynnau, frères à le roynne, mes-
sires Jehans de Haynnau, oncle/, de la dammc et que li roys en
ce tamps amoit moût, et grant plenté de chevalerie de Haynnaa
qui estoient aie veoir le roy et le roynne et qu'il n'avoient veut,
trop grant temps avoii,
Endementroes, treloît Jaquèmes d'Arteveile enviers le conte de
Flandrcz que il se volsist aviser et aler avoec son plus especîal
consseil «leviers le roy d'Engleterre, et fesist tant que il demou-
raist ses amis. Mais li comtes n'y avoit nulle plaisanche ne affec-
tion de venir ne d'aller, et disoit bien que, pour aperdre tontte
le revenue de Flandrez, il ne s'acouvenencheroit jà ne aloieroit
au roy d'Engleterre, pour gheriier le roy de Franche son cousin
ne le royaunuse. Et se doubla li comtez que de forche on' ne l'î
raenast, et li fesist on faire cose dont il fuist courouci^s apriès.
Si se parti' de Flandrez, et enmena le comtesse madamme Mar-
gherite sa femme et Loeis leur Gl ; et s'en vint en France* dallez
te roy Phelippe, qui très vollentiers le rechupt, et le* asigna
d'une somme de florins tous les mois à recepvoir, pour son estât
tenir et aidier à parmaintenir.
Quant chil de Flandrez virent que li contez leurs ûrtz estoit
secrètement partis et widiéz le comtet et trèz deviers te roy de
Franche, et que il n' avoit nulle volentë de y estre de l'alîanche
des Englès, si se conseillièrent enssamble coumment il poroient
parseverer. Et eurent consseil par l'acord de d'Arteveile, qui au
voir dire estoit plus favourables au roy englès que il ne fuist au
roy de Franche, que il s'en yroît, bien acorapaigniés des pins
1. Ml. B 6 : et fu de puii duc de CtarenK, ly comme vou» or^t chy
avant en ce» cronique», F» 96.
2. Ml. Je VaUnciennet .- de nuyt. F* 62 v»
3. Ibid. .- ± Parîi.
it. Ibid. : et lear auena leur ili prenderoient finances, pour leur
«Jtat n ■ ■ ■
;vGoo»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 6S. 419
richez et honnerablez bourjoîs de Flandrez, deviers le roy d'En-
gleterre qni estoit en Anwiers, et saroient une partie de sen en-
tente.
Et s'en vint adonc d'Artevelle, lui acompaigni^s de soissante
bourgoU des plus ^ans de Flandrez, en Anviers deviers le roy,
qui liement rechapt d'Artevelle et tous les autres pour l'amour
de lui, car on li avoit bien dit qu'il estoit souverains en Flan-
dres, et que deseure lui n'y avoit nul plus grant. Pour ce le
festia et requcUi li roys amiabtement ; et li dist que, pour l'amour
de lui, toutte Flandrez en vauroit mieux. Et rendi là adonc U
roys d'Engleterre as Flammens l'cslaple et le marchandise dez
lainnez que jà leur avoit tolut plus de trois ans, parmy tant que .
il pooit et tout li sien aller, armet et desarmet, parmy le comté
de Flandre, et ariver où qu'il li plairait. Et de ce furent faittez
lettres seellées dou roy et des bonnes villes de Flandres.
Encorres requist li roys as Flammens que il volsissent avoecq
lui gheriier le royaumme, et entrer en Tournesls et en le caste-
terie de Lille et de Douay et ardoir ; mes li Flammens s'escusè-
rent à ce donc au roy d'Engleterre. Et dissent que il estoient
si fortement obligiet enviers le roy de Franche que il ne le
pocnent grever, ne entrer de fet en son royaumme, que il ne
fuissent ataint d'une si grant somme de florins que à malaise en
poroient il finer. Et li priièrent que ce li volsist souffire, jusques
à une autre fois, qu'il y aroient mieux cause. Et li roys s'en ap-
paisa, et leur donna au partir grans dons et biaux jeuîaux; et
ossi fist li roine.
Si se partirent li Flammencq, et s'en rallèrent cbacuns en
letu's lieux. Et Jaquèmes d'Artevelle revint à Gand, qui souvent
alloit et venoit jusquez en Anwiers viseter le roy Edouwart; et
li proummctoit qu'il le ferait seigneur de Flandrez. Et quoyque
li Flammencq dcsissent maintenant, se l'en feroit il avoir cent
mille tous armes, quant il vorrcnt, pour ardoir sus le royaumme
auquel l^s qu'il li plairait. De quoy li rois d'Engleterre avoit
grant joie; et atendcùt de loi grant confort, et ossi de tout le
pays de Flandres.
Monlt estoit cbilz Jaquèmes d'Artevelle prochains et amis dou
roy d'Engleterre, cremus et doutés par toutte Flandrez. Car,
depuis que li comtei en fu partis, enssi comme vous avés oyt, il
y resgna comme sires; et n'y avoit avant lui nul plus grant sei-
gneur, et tenoit grant estât et puissant entre le ville de Gand....
;vGoo»^lc
bSO CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1338]
Vous xvés oy chy dessus recorder coumment li roys de Fran-
che avoit mandet et escript au comte de Haynnau et au duch de
Braibant que nulles alianches il n'ewissent au roy d'Engletem ;
et se il les y avoïent, il leur arderoit leur pays. Nonobstant ce
que cil seigneur s'escusaissent déviera le roy de Franche, si es-
toient il as parlemens le roy d'Engleterre, et par especiat li ducs
de Braibant, car il s'estoit jà aconvenenchiés au roy d'Engte-
terre, mais li Jones contes de Haynnau non, et disoit bien que il
ne gkeriroit jà le roy de Franche son cher ODcle, se il ne li faî-
soit desplaisir devant. F* 29 v" et 30.
P. 140, I. 5 : humlement. — Ms. de Faienciennes : doul-
cement. P 64.
P. 140, 1. 14 : par sambtant. — Mi. JJmient : Si estoit cbe
(U dus de Braibant) li ungs de ciaus pour quoy li roys d'Englfr-
terre avoit adonc le plus assemblé seo parlement. P 30.
P. 141, I. 3 : Saint Bernard. — Ms. dJmieoM ; Li roys
d'Engielerre demoura tous quoys en Anwers, en l'abbele Saint
Bemart', et la roynne sa femme avoecq lui, qui nouvellement
estoit relevée d'enfant d'un biau fil, que on clamoit Lion; et fu
puisedi ducs de Clarence et mariés en Lombardie, ensi comme
vous orés avant en l'istoire. Li comtez Guillaummes de Baynuau
et messires Jehans de Haynnau venoient à le foix veoir le roy et
le roynne ; et se tenoient dallez lui deux jours ou trois, et puis
s'en retournoient. F° 30.
P. 141, I. 9 : bonnes villes. — Ms. d Amiens : à Brouielles,
à Malinnez, à Gand, à Brugez et partout où il leur plaisoit à
aler. P 30.
P. 141 , I. 10 : de Braibant. — Ms. d Amiens : Vous avés
bien oy aucunes fois dire et compter que on saut bien si avant
dont on ne poett recuUer. Ossi on se oblège bien et acouve-
nenche teUement que par honneur on ne s'en poet partir. A ce
pourpos, li dus Jehans de Braibant s'estoit acouveuenchiés, jurés
et obUgiéz si avant et si expresseement au roy d'Eugleterre que il
ne pooit reculler, ne enfraindre ce que proummis li avoit; et, an
voir dire, c'estoit set cousins germains i si le devoit par linaige
aidier.
Or avoit à ce donc U dus de Braibant en son pays ancuns ba-
1 . Mt. de Valmàeimts : Et là demoura le roy et la roynne en l'al»-
bttie Saiut Michicl cd Ampven. P° 64 «*-
jvGooi^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 66- Ml
roiu et chevaliers qui estoient plus eDcUn, li ung as Euglès, et li
autre as FVanchois, enssi que li coers sont de divierses conditions.
Et touttes fois, li plus estoient favourable au roi d'Engleterre, et
espedalment les bonnes villes de Beaibaut. Et volsissent bien li
plus que, sans arricst, li rois d'Engleterre fust autrement comfor-
tét qu'il n'estoit. Mes li dus , qui estoit sages et avisas , ne se
volloit mies mettre en gherre contre le roy de Franche, sans
délibération de plus grant consseil , car il resongnoit les périls à
quoy il en pooit venir ; et disoit biea en son secret que il ne se-
roit jà Englès, se Haynuyers et Flamens ne l'estoient ossi avant
comme il.
De legier, Flammencq ' s'i accordoient, car, au voir dire, d'Àr-
tevelle, qui estoit adonc tout en Flandrez, estoit plus enclins et
favourablez au roi englèz sans coniparisoD que il ne fust as Fran-
chois. Si prechoit tous les jours chiaux de Gand , de Brugez , de
Ippre, de Courtray et de Audenarde et des bonnes villez de Flan-
dres; et leur remoustroit tant de si bêliez raisons que il estoient
enssi que tout appareilliet , au coummandement d'Artevelle, que
de servir le roy d'Engleterre en ceste besoingne.
Ossi eus es bonnez vilIez de Hayimau , estoit U rois d'Engle-
terre trop plus recoummandéz , loës, amez et honnourëz que ne
fust U roys de France. Et volsissent bien les coummunanltéz que
li cocDtes de Haynnau , leurs sirez , ewist aliancbe et faveur au
roy d'Engleterre ; mes il n'en avoit nul désir et disoit que li
roys de France, ses biaux onclez , li estoit plus prochains , et li
royaummez de Franche plus amis*, que U roys d'Engleterre ne
ses pays. Et à che premiers li roys de Franche l'en savoit très
bon gret, et disoit que il s'en portoit bêlement et sagement,
F* 30 V».
S 66. P. 141 , 1. 17 : escuser. — Ms. de Home : Li contes
de Gerles, li marqis de JuUers, U sirez de Fauqaemont, li arce-
vesques de Coulmgne, messire ErnoiUs de Baquehera et U Ale-
mant envoiièreni, casquns endroit de soi, à la journée euls escuser
soufBssanment. F" 43.
1. Us. de FaUneit/ina ; Tant que do Flindra, avoit beau coranen-
cement le roy d'avoir l'accord, c*r tous li communs otoïi pour Iut;
et auui Arterelle les presçoit sonrent, et remonitroit lant de belles
raisoiu ipie il estaient auque* tout pm!. F° 65.
3. /iik, : plus voisins et amis.
;vGoo»^lc
4» CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1338]
P. 141 , 1. 20 : plus proçains. — Mi. d Amiens : de liiuige
et de conseil ào\x roy, et à qui tout li autre se atendoieut et re-
gardoient. P* 30 v°.
P. 141, 1. 26 : responses. — Mi. d Amiens : Et quant U roya
englès oy ces nouvelles, û fu plus pensùeuz que devant. Si s'en
conseilla à monseigneur Robert d'Artois son cousin et au comte
Derbi quel cose il estoit bon à faire de ceste be'swigne. Il U di-
sent que il mandaist le duc de Braibant et )î remoustrast touttea
ces escusances. Adonc te manda U rois : il vint en Anviers par-
ler à lui. F» 30 V».
P. 142 , 1. 6 : consiilies. — Mt. de FaUncieimes : il dist au
roy : i Sire , je n'ay mte conseil que , ainchois que je vous en
aye plus avant en couvent, je feray aiachois reparler à ces sei-
gneurs d' Alemaigne , et adonc je vous feray response finable. s
— 3fr. de Rnme : Li dus de Braibant respondi et dist : a Sires
et biaus consîns, il ne sont que faire d'esquser par mi , car je
sui tout prés; et faites que une journée de parlement soit à
Halle, et que tout i viengnent. Et je serai là; et, qant nous se-
rons tout l'un devant l'autre , et vous nous requerrës que nous
façons ce en quoi nous sonmes obligiet deviers vous , vous
verés adonc ceuls qui ont ta plus grande affection à la beson-
gne. » F» 43.
P. 142, 1. 8 ; signeurs. — Ms. de Futenciennes : d' Alemai-
gne. V 65 v«.
P. 142, 1. 15 : qu'il fuissent. — Mt. d Amiens : à Halle ou
à Destre* encontre lui, au jour de Nostre Damme my aoust, s'il
ne volloient venir plus priés de lui pour acorder avant de leur
emprisse , et pria an duch que il y volsist y estre et que il se
pourveist et appareillast dedens ce jour si sDufHssamment que
chil seigneur ne se pewissent excuzer parmy lui. F" 30 v*.
P. 142, 1. 21 : à Halle. — Afj. d Amiens : à Diestre, le jour
Nostre Dame mi aonst, l'an mil trois cens trente et huit. F* 30
v*. — JUs. de Rome : à Halle, à un parlement qui là se tenroit.
Tout obéirent et i vinrent, et se logièrent dedens la ville ou ens
es fourbours. Qant- tout furent venu , li rois d'Engleterre les re-
merchia de lor diligense. Et estoit li dis rois d'Engleterre logiés
à Dieat, à rencontre de loi et dn duc de
;vGoo»^lc
il338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S 67. 423
ou chastiel de Halle que li jones contes de Haiimau, son serourge,
li avoit preste. F° 43 V.
S 67. P. 142, I. 26 : Halle. — Ms. £ ^ : EntreuU que
madame la roj'ne d'Bngleterre gisoit, s'ea ala Je roy de Engle-
teire à Gant, et fu là environ quinze jours. Et là eult ung
parlement. Se i fu le duc de Brabant , le conte de Ilaynau , ses
oncles , le duc de Gueldres , le marquis de Julers , le seigneur
de Fauquemont et messires Walleraus de Ligny. Là ne savoient
les seigneiurs tant consiltier ne trouver ^oie ne manière comment
il peuissent avoir cause de guerrier le roy de France ne aydier
le roy d'Engleterre, quant uns clers du duc de Brabant, quy s'a-
pelloit Jehan de le Maiière, y trouva voie.
Et fu ses coDsail creus et ois, car il dist ensy ; s Mes sei-
gneurs, je vous voy trestous arester et abuser sur ung estât que
je vous escla[r]chiray vollentiers, se vous voiles, et je vous le de-
clarray, Vechy le roy d'Engleterre, qui chy est en vostre pre-
senche, et demande avoir le confort et ayde de vous. Et vous
ne luy povës bonnement donner ne acorder pour guerrier le
roy de Franche, se che n'est par ung point que je vous diray :
il s'en voist par devers le roy d'AlIemaigne, lequel est empereur
de Ronmie, et faiche tant envers luy qu'il le estabhse es parties
de chà vicaire ou envolez. Sou vicaire [a] par deçà et devers
vous, ou non de l'Empereur, toute obéissance, et il vous menra
là où il luy plaira, i Les seigneurs regardèrent adonc l'un l'au-
tre, et puis dirent : « H dist vérité. »
Ensy fut l'avis et consail de Jehan le Maiière. Alors s'arestè-
rent tout ces seigneurs de l'Empire qui là estoïent ; et ordonnè-
rent que le roy d'Engleterre s'en yroit devers le roy d'AlIemaigne
et espleteroit tant que, par decfaà le Rin, serdt vicaires de l'Em-
pereur. F" 96 et 97.
P. 143, 1. 7 : de par lui. — Jtf*. tle Falenciennes : pour
vostre cause. F" 66.
P. 143, 1. 20 : Alues. — .Ms. djmiens : et toutte le terre et
le eastiel de Aluez en Pailluel. F" 31.
P. 143, 1. 23 : France. — Ms. Ai: et l'Empereur ne l'a mie
attribuée au royaume de France. F° 38.
P. 144, 1. 2 : detricmens. — Mm. A i à 6, 11 ^14, 18, 19:
ung detriement pourpensé et venu du duc de Braibant plus que
de nul autre. F" 36 v".
;vGoo»^lc
424 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1338]
P. ikk, 1. 8 : ûgneur. — Mst. ^ 11 à 14 : quant je vins cî.
1*35 V".
S «8. P. 144, 1. 19 : de Jullers. — Mt. d^miais : Li mar-
chis de Jullers s'esmeut o toute se compaignie pour aller vers
l'empereur de Romme. Si le trouvèrent à Norenbergh', et ii
comptèrent tout ce pour quoy il estoient là venu. IJ Emperères,
qui moût estoit amis au vay d'Engleteire , les rechupt liemeot
et les fesda, et leur accorda touttes lors requestes. Et les fist de-
mourer et séjourner li Emperères avoecq iuy, ung grant temps.
Endementroes , manda il les eslisseurs de l'Empire et plus hauls
barons, tels que le duc de Sassoingne, le marchis de Blancque-
bouTch , le marchis de Misse et d'Eurient , l'arcevesque de Cou-
kungne , l'arcevesque de Trêves et l'arcevesque de Maîence.
Encorre/ manda il le comte de Gerllez et le ducq de Brai-
bant, mes il s'escuza et y envoya le seigneur de Kuk en son
lieu. F" 31.
Ms. de Rome : Donc furent là esleu et ordonne li contes de
Gerles et li marquis de Jullers, de par ceub de l'Empire ; et li
evesque de Lincolle et messires Renauls de Gobehen et messire
Hichart de Stanfort, de par le roi d'Engleterre, Et furent cargîet
chil signeur esleu de tant esploitier et faire deviers l'Empereur,
par priière et par tretiez , que li Emperères ordonneroit le roi
Edouwart d'Engleterre à estre soc vicaire ; et cbils vicaire» à
l'Empereour requerroit ces signours de l'Empire, sus la foi et
honmage que il ont à l'Empereour, que tout li fesissent service.
F" 43 y".
P. 144, I. 23 et 24 : envoiief . — Ms. dAmient : Mais li ducs
de Braibant n'y devoit pomt envoiier, car il souffissoit assés des
dessus dis. P> 31.
P. 144, I. 25 : l'estet. — Sîs. dJmiem : l'ivier enssuivant.
F* 31.
P. 144, 1. 27 ; en Engleterre. — Mi. ttAmieiu : si aroit fait
aucune chevauclùe en Franche. F* 31 .
P. 14S, 1. 13 : Floreberg. — Chronique de Jehan le BiU .-
Norumberch. Ed. Polain, t. I, p. 144. — Ms. .ff 6 : Le roy
d'Engleterre s'en ala devers l'Empereur, et pria son serouge, le
) , On prut lirt auai : WorrborfiU
;vGoo»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S «8- 42»
marquis de Jullers, qu'il yohîst aller en sa conquignie, et il luy
acorda vollentiers, Sy se party le roy d'Engleteire de Gant, et
en mena aucuns barons d'Engleteire avec luy et messire Robert
d'Artois ; et passa tout parmy Rrabant et Hazebain , et vint
à Tret et à Jullers ) là trouva le marquis qui se mist en sa
route. Et s'y esploitèrent tant par leur journées que il vinrent à
CoDvalencbe, là où l'Empereur estoit, qui le rechut liement.
F» 98.
P. 14S, I. 21 : Jullers. — Ma. M i à Ç, H à 14, 20 à 28 :
Et furent adoncques le marquis de JuUiers, et le duc de Guéries,
qui adonc estoit conte, fait duc de Guéries; et le marquis, qui
paravant estoit marquis, fut fait conte. F° 36 v*,
P. 14S, I. 26 : commission. — JUi. dJmiens : Quant chil sei-
gneur furent venut et assamblé à Norenbergh au mandement de
l'Empereur, il fist une feste moult solempnelle, et tint court ou-
verte par trois jours. Et sist en siège impérial, vestis de draps
imperiaU; et là renouvella i! les estatus de l'Empire, et lesquels
on doit tenir. Et là ordonna il et fist le roy d'Engleterre son vi-
caire ; et li dounna puissance impérial et congiet de forgier
parmy l'Empire touttes maimières de florins et de autres moun-
noies. Et commanda à tous ses subgès que il obeyssent à lui
comme à son propre corps meysmez, et que tout fuissent appa-
reilliet à se semonse sans delay, et pour deGGier le roy de
France. Et fist de ce certains procureurs et commissairez, pour
renouveller le roy d'Engleterre ces estatus, et lui assir en siège
impérial. De quoy li dus de Gerlles, qui devant ce jour estoit
noummés comtes, fu li uns, et li comtes de Jullers, qui devant
ce estoit noummés marchis, fu li seconds, et li comtes de War-
vich et messircs Richars de Stanfort et doy clercq de droit. Et
avoient chil six coummission, par instrumment publicque, de
faire et aemphr tout ce qui dessus est dit. Et enssi se départi-
rent il de l'Empereur, et revinrent au roy d'Engleterre qui lei
rechupt à jde. Or vous conterons d'aucunes coses qui ayinrent
sus mer en Franche et ailleurs , entroex que cil parlement et
pourkas se faisoient, qui durèrent plus d'un an, afBn que riens
je n'y oublie. F° 31.
M$. de ValenciaOKs : En l'an dessns dit, le samedi devant le
Noslre Dame en septembre, comme empereur de Romme, Loys
de Raivière, en cel jour assis en Convelence en siège impérial,
sur ung escafaut de douze pies de hault, vestis de drap de soie
;vGoo»^lc
4Î6 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [4338]
cangfant, par dessus ces draps d'un daumatique, en ses bras |^-
noDS, et estolle devant croisie, à manière de prestre, tout estoffé
des armes de l'Empire ; et avoit ses pies d'otel drap comme le
corps, et avoit son chief atoumé de mittre rconde; et sur celle
mittre il avoit couronne d'or moult riclio ; en ses mains avoit
deux blancs wans de soie, et en ses dois aneaux moult riches. Si
tenoit en sa main destre une pomme d'or, une crois vermeille
dessus. En l'autre main, tenoit il le septrc. Dalcz l'Empereur, à
désire, seoit le marquis de Hisse, auquel l'Emperenr bailla à te-
nir le pomme d'or. Et assez près seoit le roy d'Englcterre, vestis
d'un drap vermeil d'esquerlatte, à ung chastel de broudure en
le poitrine. Et au senestre des empereurs, seoit le marquis de
Jullers, à qui l'Empereur bailla à tenir le septre. Et environ deux
degrez plus bas de l'Empereur, seoicnt li esliseur. Et dcseur de
l'Empereur seoit le sire de Cuk, ou lieu du duc de Brabant, ea
préséance de tous, en se main une espée toute nue.
Donc parla l'Empereur ensi : « Je demande à vous se ung roy
d'Alemaingne, esleus et promeus à Empereur, peut amenistrer
aucuns des biens de l'Empire sans le confirmadon du pappe. v
Ce jugement fu tournez sur l'arcevesque de Coulongne. Lui con-
seillié de ses pers dist par jugement que oyl. Le seconde de-
mande fu ; se ung fievé d'Alemaingne fourfaisoït en l'Empire ea
amenrissani l'Empire, à quelle amende il doit estre. Ce juge-
ment fu tournez sur le duc de Sasongne. Lui conseillié respondi
que celui estoit en le volentë de l'Empereur, de corps et d'avoir.
Le tierce demande si fu que ■. se robeurs estoient sur cbemins
d'Alemaingne, à quelle amende et à quelle penance il doivent
estre. Ce jugement fu tournez snr l'arcevesque de Trièves. Lui
conseillié dist qu'ilz estoient il te volenté de l'Empereur, de corps
et d'avoir, et tous ceulx qui les soustenoicnt. Le quarte de-
mande fu : comment tous ceulx qui tenojent de l'Empire, le dé-
voient servir. Ce jugement fu tournez sur l'arcevesque de
Malence. Lui conseïllict de ses pers dist que tous les honmies
de l'Empire doivent servir l'Empereur de leurs corps et de leurs
biens, et doivent aler partout où l'Empereur les vorra mener, ou
ses lieuxtenans, pour les drois de l'Empire garder. Et la quinte
demande fu : comment le tenable de l'Empire doivent defBer
l'un l'autre en cas de guerre. Ce jugement fu tournez sur le
marquis de Brandebourc. Lui conseiltet dist que celui qui deEBe,
ne peut ne doit porter dommage au dellié dedens trois jours ; et
;vGoo»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S 68. 427
où il feroit du cootrairc, il doit estre deshonourez et niis hors
de toutes lois.
Après ces choses ainsi faictes, tantoat t'Ein{>ereur dist, oyaat
tous : « J'ay esté couronnez roy d'Alemaigne grant temps, et
à Empereur, comme tous savez. Et croy que je n'ay sur nulles
de mes gens mespris, ne envers sainte Eglise ne ses menistres ;
et se nulx pooit faire apparoir que fait l'euisse, je le volroie
rendre jusques raison. Si vous dy que je me sui aloiez avec plui-
seurs prelas et barons d'Alemaingne au roy d'Engletcrre qui cy
est, et l'ay fait pour le mieulx faire que laisster. Et cy, en vostre
présence, je fay et estabti le roy d'Engleterre mon vicaire et
lieutenant, partout et en toutes causes. Si veul que tous tenans
voisent, aydent et confortent ce roy comme vicaire, partout où
mener les voira, > Après ces jngemens ainsi fais, l'Empereur ap-
pella tabellions publiques, et leur commanda à faire instrumens,
et que toutes ces choses fussent mises es drois des Empereurs,
tenues fermes et estables en temps advenir. Et aussi lui donna
puissance impereai de forgier parmi l'Empire toutes manières de
florins et aultres monnoies ; et commanda à tous subgès qu'ilz y
obeyssent comme à son propre corp, et que tous fuissent appa^
rïlliés, à sa sommonsse, sans delay, de deffier le roy de France.
Et fist de ce certains procureurs et commissaires, pour renou-
vetler le roy d'Engleterre tous estas, et lui i assir en siège im-
périal. De quoy le duc de Guéries, que paravant on appelloit
conte, fu nommez et fais duc, et le conte de Jullers, qui para-
vant estoit nonunez marquis. Ainsi ces choses faictes, prinrent
congiet, et en râla chascnn en son Ueu; et le roy d'Engleterre
revint en Brabant. F" 67 et 68.
IHt. de Rome : Li rois d'Engleterre s'en revint à Anwiers dalés
ses gens, et là atendî tant que chil qui furent envoiiet deviers
l'Empereour retournèrent, liquel k trouvèrent en Alemagne en
une ville que on appelle Florenberghe. Lesquels signeurs il re-
quella moult liement, et fist à tous feste et honnour, tant pour
l'amour dou roy d'Engleterre que pour ce que chil de l'Empire
estoient si honme. Il esploitièrent sus ce voiage si bien que me-
sires Lois de Baivière, rois d'Alemagne et emperadour de
Ronme, ordonna et institua à estre son vicaire le roi Edouwart
d'Engleterre par tout l'Empire \ et conmanda à tous signeurs,
soubjès à lui, que tout obeisissent à lui conme à son vicaire. Et
de ceste ordenance et institution furent ordonnées et levées let~
D,qit,zeabvG00»^lc
UiS aiRONlQUES DE J. FROISS&RT. [4338]
très autentiques, seelees des seaula dou roi d'Alemagne et des
eslis«urs de l'Empire qui là furent présent, et avoech tout ce
instrument publique tabellioonet û fort et à bien conme faire se
pooient. Et retournèrent avoech toutes ces coses, chil ^gneur
qui en légation avoient est^ envouet, de^ders le roi d'Gngleterre
qui se tenoit pour ces jours à Malignez ; et moustrèrent cod-
ment il avoient esploitié. li rois d'Engleterre, messires Roben
d'Artois, messires Jehans de Hainnau et tous li consauls en fu-
rent grandement resjoy, et disent que il avoient bien esploitié.
Or s'espardirent ces nouvelles partout que li roîs d'Alemagne
imtituoit et ordonnoit le roi d'Engleterre à estre son vicaire.
Qant chil de la chit^ de Cambrai entendirent ce, pour tant que
Cambrai est la cambre à l'Empereour et est terre de l'Empire, il
furent tout abus; et envoiièrent de lors bonmes deviers le roi
de France pour recorder ces nouvelles. Pour ces jours, est<»t li
evesques de Cambrai à Paris, liquels s'apelloit Guillaumes d'Au-
sonne; et estoit de nation de Berri et de la Salongne, et bons
françois. Si se représenta et ces bonmes de Cambrai au roi; et
recordèrent les besongnes, ensi que par renonmëe elles se por-
toient en l'Empire, et dou roi d'Engleterre que li rois d'Ale-
magne avoit ordonné à estre son vicaire; et faisoient doubte que,
par ceste institution, il ne vosist venir à Cambrai et saisir la
chité, pour faire ent frontière et garnison sus le roiaulme de
France. Donc lor fu demandé, en la présence dou mi, se îl
avoient bonne volenté de requellier en lor ville le roî d'Engle-
terre conme vicaire à l'Empereur. Il respondirent que nennil, et
que, se il vosissent ou se il voloient faire ce tretié, il ne fuissent
point là venus ; mais il remoustroient ce au roi conme loial et
bon François que il sont et voellent estre; et aussi, se li cas
cbeoit que il fuissent oppresset des Englois et Alemans, que il
fuissent secouru et conforté des François. Li rois de France lor
ot en convenant et bien lor tint, ensi que vous orés recorder
avant en l'istore.
Quant li sîgneur de l'Empire furent retourné deviers le roi
d'Engleterre qui pour ces jours se tenoit en la ville de Malignes,
uns parlemens fu couvoqiés à estre là en la dite viUe, de tous
les signeurs qui convenance et aliance avoient au roi d'Engle-
terre. Et tout i vinrent, et aussi Jaqucmes d'Artevelle no s'i ou-
blia point à estre, tant pour veoir le roi d'Engleterre, que point
il n'avoit encores veu par deçà la mer, que pour sçavcùr de l'or-
;vGoo»^lc
[1332] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 69. 429
denance des signeurs, ne quelle la conclusion dou parlement
seroît, F" 43 V el 44,
S «9. P. 146, 1. 5 : En ce. — Ms. d Amiens : Or vous par-
lerons dou roy David d'Escoche et de son consseil coumment il
se maintinrent en celle meysme saison. Vous avës bien oy ch;
devant coumment li rois d'Engleterre avoit tellement menet et
ghueriiet Escoche et les Escos que ars et perdut toutte le
pUinne Escoce et pris et saisi touttes les fortrèces ; et encoires
les faismt il de jour en jour gueriier. Et leur portoit messires
Guillaumez de Hontagut, contez de Sallebrin, trop de contrairez
et de dammaige, et se tenoit en Haindebourcq. Et quant il sen-
toit les Escos chevauchier, il assambloit ctiiaux des garnisons
environ, dont li Englès estoient signeur, et reboutoient trop du-
rement lez Escos. Si se tenoicnt li roys d'Escoce, li comtes de
Horet, messires Guillaummez de Douglas, messires Robers de
Verssi, messires Simons Fresie), messires Âlixandres de Bamessay
et pluiseurs autrez ens es foriès de Gedours; et estoit leur sou-
verainne garnison et resors, li fors castiauz de Dubretan. Là es-
toit li roys d'Escoce onniement et le roynne d'Escoce sa femme
avoecq lui.
Or seurent chil seigneur que li roys englès avoit deGiet le
roy de Franche et le voUoit gueriier. Si eurent avis et consseil
l'un par l'autre que messires Guillaumes de Douglas, li comtes
de Surlant' et messire Robiers de Versi amenroient le roy leur
seigneur en France deviers le roy, et remousteroient le guerre
que li Englès leur font ; et s'aloieroient à lui et U roys de Fran-
che à yaux, parmy tant qu'il en seroient aidiet et comfortet. Chili
conssauE fu tenus , nefs furent appareillies. Et vinrent li roys
d'Escoce et la royiine et li seigneur dessus dit à Abredaime. Et
là pourveirent il et cargièrent leurs vaissiaus, et entrèrent en
mer; et singlèrent tant, par l'ayde de Dieu et dou vent, que il
vinrent à l'Escluse. Mes point ne se nommèrent; ains disent que
il estuent pellerin, qui s'en alloient à Saint Jaquème de Galisce,
et marchans de Norvèghe avoecq yaux. Sur ce, il ne furent nient
plentet examînet. Osù il ne descendirent point à terre , ains se
partirent, quant il se furent rafresqui, et la marée leur re-
1. iti. de FaUneltimu .■ le conte de Houret. F» 69 t<>.
;vGoo»^lc
430 CHRONIQUES DE J. FKOISSA.RT. [1332]
vinti et singlèrent, et prisent le parfont, pour aller deviers Boa-
Ensi comme li Escochois nagoicnt pnr mer, nns Teos d'amont
si fors et si ounis les prist et les bouta , volsissent ou non , à
l'entrée de le Tamisse , encontre Mergate en Engleterre ; et ad
ce dont estoient li Kormant et li Geneuois, waucrant par mer, à
savoir se il trouverroient nul Ënglcs ; et quant il virent les nefs
escoçoisses, si furent tout joiant, et quidièrent que ce fuissent
nefs englesses. Si misent hors leurs bamiièreE et leurs pignons,
et coummenchièrent à cachier forment vers yaui. Et quant U
Escot les virent, si furent tout esbahi, car il quidièrent que ce
ftiissent Englès. Si ne seurent que dire, et n'y avoit à hardi qui
ne volsist estre en Jherusalem. Et demandèrent coosseil li ungs à
l'autre qu'il feroient; car il n' estoient que quatre vaissiaux, et il
en veoicnt bien soîssante et quinze. Si n'y avoit nulle parchon,
fors que d'iaux bien vendre. Lors s'armèrent il vistement et dis-
sent que il n'y aroit nul d'iaus qui jà se rendesbt prisonniers,
mais du[reJroient tant que durer poroîent; et enssiVeut là li roys
en couvent. Lors se misent k l'ancre, car fuir ne leur valloit
Doiient ; et boutèrent hors , comme bonnes gens , tes bannierrez
d'Escoce et leurs pignons.
Evous les Normans venus qui demandent quel gens. Che res-
pondi messires Guillaumes de Douglas : <c flous sommes Esco-
chois et au roy d'Escoce ; et vous, qui estes, qui le demandez ? s
Adonc vint avant messires Hue Kierés et dist : « Et quelx gens estes
vous d'Escoce ? Noummés vous : autrement vous estes tout mort,
car nous mescreons que vous ne soiiés Englès. » Et quant U sei-
gneur d'Escoce olrent ceste parolle, si furent auques aseuret, car
il congnurent bien, par le langaige et à leurs bannierres, qu'il n'es-
toient mies Englès. Si disent : u Nous sommes telz et telz et li roys
meysmes, et en allons en France veoir le roy de Franche. Si nous
avis fait grant esmay, car nous quidions ores que vous fms&jés li
Englès, nostre ennemy. i
Et quant messires Hues Kiercs et si compaignon entendirent et
congnurent qu'il disoient voir, si furent mnult joyant, et les fis-
sent desancrer; et disent que il les conduiroient jusques à Calais
ou à Bouloingne, car il estoient leur amy, et saudoiier au roy de
Franche. Lors se desancrèrent et singlèrent tout enssamble , et
1. Ml. dt raltncieanci : on à Calaix. V^ 69 t».
;vGoo»^lc
[1332] VARIANTES DU PREMIER LITRE, g 69. 431
vinrent ce soir ou havene de Calais. Là ancrèrent li Escot, et li
Normant non. Si entra li roys d'Escoche en le ville de Callais et
toutte se routte , et y fii rechupt à joie , et s'i rafresci par deus
jours; et au tierch, il s'en parti, et priit le chemin pour venir à
Tieruanne. Si passa à Tieruanne, Arras, Bapaununes, Peronoe en
Vermcndoig ; et Gst tant par ses journées qu'il vint à Paris, où il
trouva le roy de Franche et grant fuison de dus, de contes et de
barons avocc lui, car il y avoit ung grant parlement. Pour ce, y
avoil estet faite ceste assamblee.
Moult iii li rois de le venue le roy David d'Escoce resjoys,
et envoya contre lui des barons et des chevaliers qui l'ame-
nèrent au palais là où li roys se tenoit adonc et li dist : i A
bien viègne li rois d'Escoce et toute sa compaignie pour l'a-
mour de lui. 9 Li roys d'Escoce li respondi : « Gbiers sires,
vostre bonne merchy. » Lors parlementèrent enssamble de plui-
seurs coses, et furent moult tost aquinté et privet l'un de l'au-
tre. Car li roys de France desiroit bien à avoir l'amour et
l'aquintance de lui , pour ce qu'il se veoit defSiés dou roy d'En-
gleterre et le sentoit dechà le mer en l'Empire, procurans et ac-
querans seigneurs et amis à tous lés ; et entendoit bien que il
enteroit temprement en son royaumme. Se li sambloit graos
[conjfors, se [i roys d'Escoce et li seigneur d'Escoce qui mar-
cissent ù Engleterre, le voUoient tellement aidier que ensonniier
les Englès et ardoir leur pays : se gherre en seroit plus belle. Si
ofTri et délivra li roys de France au roy d'Escoce chastiaux* et
'argent, pour son estât parmaintenir, à celle fin que il n'evist
nulle pès ne-trieuwes ne respit au roy englès, fors que par lui
et par sa vollenté. Ensi li jura li roys d'Escoche, presens ducs,
comtes, prelas, barons et chevaliers. Se le retint li roys de Fran-
che de ses draps et son compaîgnon, et ses chevaliers de son hos-
tel ; et la roynne de France , ensi la roynne d'Escoche , qui estoit
soer germaine au roy englès. Et leur fist li roys délivrer tout quant
qu'il leur besongnoit.
Et fu renvoyez assés briefinent apriès ce, de par ces deux rois,
messires Robiers de Versi, en Escoce. Chils y reporta les alianches
comfremmëes et seelléez des roys dessus dis. De quoy li seigneur
d'Escoce et tons li pays fu moult joyant; et coramencièrent à
gueriier plus fort et plus asprement que devant. Et quant li roys
1. Ms. de f'aieneitiinti .- forterHcet sur marches. F° 69 v*
D,qit,zeabvG00»^lc
43S CHRONIQUES DE J. FROISSART. [133ÎJ
d'Engleteire le seul, si renvoya l'evesque de Durem et le seî-
gtteur de Lussi et le seigneur de Moutbray; et leur pria que il
deùssent au comte de Sallesebrin, au seigneur de Persi, au
seigneur de Noerville, au seigneur de Grisop, à messire Edou-
vart de Bailloel, cappittainne de Bervich*, que il entendesissent
bien à gi^'der lez fh)ntière3 contre les Escos et le pays coac-
quis. Chil seigneur dessus dit revinrent en Engleteire et che-
vaucièrent deviers lorch, pour Taire ce que 1i roys leur avoit en-
joint. F* 32.
JUs, de Borne ; Aprics ce que li rois d'Engleterre eùst couru
tout ou en partie te roiaulme d'Escoce et pris et saisis dedens le
pais pluisseurs chastiaus et mis en garnisons pour gueiriier le
demorant, et que il se fu partis de la chité de Bervich, laquelle
il avoit conquis par lonch siège, et que il l'ot rafresquie et ravi-
tallie de gens d'armes et de pourveances, et que il fu retrais en
Engleterre, li rois David d'Escoce, qui se tenoit en la chité
d'Abredane et là sus la sauvage Escoce, demora tous esbahis et
considéra que de sa poissance singulière il ne porait amender
les damages que li Englois li avoient fais. Et jà avoit il entendu,
euM que renomnée court et vole moult tos de pais en aultre,
que messires Robers d'Artois enortoit le roi d'Engleterre à ca-
lengier la couronne de France, et li metoît en l'orelle par ses
informabons que li roiaulmes de France li estoit dévolus par la
mort dou son chier onde le roi Carie darrain trespasset, et que
Pbelippes de Valois qui en tenoit la possession, n'avoit pas juste
cause à l'iretage de France, selonc ce que messires Robers d'Ar-
tois disoit. Si n'estoit pas cose pour le roi d'Engleterre et les
Englois legière à esclarcir, car jamais li rois Phelippes, pour
lors paroles, demandes ne menaces, ne s'en dclairoit dou non
tenir et remetre arrière ; ne li per et baron de France, qui cou-
ronné l'avoient et qui estoient si homme devenu, ne le souffer-
roient point. Li rois d'Escoce, imaginans ces cases, pensoit bien
que, ou temps à venir, se li rois d'Engleterre voloit procéder en
ces demandes, guerre s'esmouveroit entre France et Engleterre :
pour quoi, de li et de son roiaulrae, se bonnes aliances estoient
faites entre les Escos et les François, îb et ses pais en seroient
grandement reconfortés; et aussi ceste ordenance venrcùt bien à
point au roi de France et as Françob, car par le roiaulme d'Es-
1. Ml. de FelaKicmiti : Ewruicli. P> 70.
;vGoo»^lc
[1333] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 69. 433
coce poroient li François aisiement entrer en Engleterre et f^dre
lor gerre.
Sus ceste imagination, li rois d'Escoce, com jones que il ^st,
fist asambler auquns prelaa et barons d'Escoce et venir en Abre-
<lane, là où il se tenoit et sa fenme ; et lor remoostra, qant chil
furent venu lesquels il avoit mandas, moult sagement de point
en point, les articles de ses imaginations. Qant il l'eurent ol et
entendu, euls, qui sont de nature et ont esté tousjours plus en-
clins à estre François que Englols, respondirent et dissent au
roi ; o Sire, à toutes vos paroles nous ne veons que tout bien ;
car, ou cas que les Euglois nous voellent suspediter par la ma-
nière et fourme qu'il moustrent, il nous fault pourveir à ren-
contre de euls. Et créons proprement que Dieu vous a envoiiet
ceste inspiration pour nous oster dou dangier des Englois ; car
jà n'avenra, pour retourner toute Escoce ce que desus est au
desous, que qous aions roi qui soit hommes au roi d'Eugleterre,
ne le tiengne à signeur souverain, ne reliève de li j car la cou-
ronne d'Escoce et 11 roiaulmes est de si noble condition que il
est tenus de Dieu et de l'Eglise saint Pierre. Si ne vous volons
pas brisier vostre imagination et pourpos de aler en France
veoir le roi et les estas. Vous estes Jones et à venir. Si vous
aquointen!s des barons et chevaliers de France, et euls de vous ;
et tousjours ferons nous, à nostre pooir, gerre as Englois. Il ne
tenront jà journée paisieuvlement, en ce pais, ce qu'il i tiennent.
Se nous l'avons perdu onques, nous le recouverrons, uns temps
venra. Onques nous ne pusmes amer les Englois, ne euls, nous;
et ont tousjours esté les terres en différent, et les hommes, l'un
contre l'autre, très le premier temps que elles furent abitées. »
Moult fu pour ces jours li rois d'Escoce resjois, qant il vei
ses hommes concordans à son pourpos. Et ordonna ses beson-
gnes au plus bellement et quoiement qu'il peut; et fist au port
de Morois en Escoce cargier et apparillier ung vassiel de ce que
besongnier lor pooit à lui et à sa fenme et à lor estât. Et qant
il furent tout près, il vinrent là et entrèrent dedens, ils et la
roine et messires Guillaumes Douglas, neveus au bon messire
Guillaume. Et enmena avoecques lui vingt siis chevaliers et es-
quiers, tout de son eage ; et ta roine aussi, des jones dames et
damoiselles d'Escoce. Et demorèrent ou pais pour le garder,
messires Arcebaus Douglas, messires Robers de Versi, messires
Alixandres de Ramesai et messires Simons Fressiel. Et nagiérent
i — Î8
;vGoo»^lc
WAi* CHRONIQUES DE J. FROISSABT. [1332]
)i rois et la roine et lor compagnie, et orent vent à volenté, «t
costUèrent Frise et Hollandes: et eslongièrent toutdis de Engle-
terre, dou plus qu'il poreat. £t s'en vinrent ferir ou havene de
t'Escluse, et là issirent de lor vassiel; et ne dissent pas que ce
fnsl li rois d'Escoce ne la roiae, mais pèlerins et pèlerines qm
aloient à Saint Mor des Fosses. Et ne séjournèrent pas longement
à l'Escluse, mab vinrent à Bruges et tout par algue j et furent 11
tant que lors chevaus furent amené, car il les avoient estppës
avoecques euls eu lor vassiel, tous ou en partie; et ce que il lor
besongna, tant de monteures que d'abU, il s'en pourveimit à
Bruges. Et puis si s'en départirent, et vinrent à Lille et de là à
Arras, et puis à Esclusiers et à Lihons en Santhers et à Roie et
à Qanni et à Beson, et puis à Crai et à Luserches, et là s'ares-
lèrent. Et envola 11 rois d'Escoce deus de ses chevaliers, pour
segneliîier sa venue au roi de France, et pour sçavoir et veoir
quel samblont 11 rois en feroit. Li chevalier furent messires Guil'
laumes Douglas et messires David de Lindesëe; et s'en vinrent i
Paris, et passèrent oultre jusques au bois de Vicènes, car pour
ces jours s'i tenoient li rois et la roine et li dus de Nonnendie
leur fils. Et trouvèrent des chevaliers don roi qui les requelliè-
rent moult doucement, pour tant que il les vùrent estraugiers;
et les menèrent deviers le roi, auquel il comptèrent tout l'afaire,
et conment li rois d'Escoce et la roine le venoieut vecnr, et
avoient pris ombre et escusance de venir à Saint Hor.
De ces nouvelles fu li rob de France trop grandement re^is;
et dist as chevaliers d'Escoce que il fuissent li bien venu, et que
moult volentiers les veroit et tenroît avoecques li. Li chevalin
d'Esà)ce disnèrcnt à l'ostel dou Bois. Et tantos apriès di»ier, 3
fist monter le signeur de Montmorensi et le signeur de Garen-
dères, el dist : « Chevauchiés avoecques ces chevaliers d'Escoce,
et aies à Luserces querre le roi et la roine d'Escoce qui nous
viennent veoir ; et les amenés ichi, sans entrer en Paris. ■ Li
chevalier respondirent : a Volentiers. « Si se départirent tout
quatre dou Bois, et cevauchièrent ensamble, et vinrent à La-
serces. Et trouvèrent là le rni d'Escoce et toute lor compagnie,
laquelle n'estoit pas trop grande; el leur dissent ce que K rois
de France avoit ordonne. Sus les paroles des chevaliers de
France, li rois et la roine d'Escoce se partirent de Luserces et
cevauchièrent; et vinrent ce jour jeâr à Saint Denis. Et à Ven-
demain. devant la messe dou roi. il furent venu au Bois, et
;vGoo»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 70. 43S
mené devîers le roi et puis deviers la roine, qui grandement fu-
rent resjoi de ior venue. Là furent les aquointances de ces deus
rois et de ces dcus roines motdt grandes. Et depuis, demorèrent
en France, sus le point de neuf ans. Et leur fist li rois délivrer
la ville et le chastiel de Ncmouses, pour tenir Ior estât. Et estoît
ordonnd de par le roi de France que, de mois en mois, il au-
roient mille esqus et bien paiiés, pour paiier lors menus frès. Et
venoit à le fois li rois d'Escoce vcoir le roi Phelippe, fusl à Paris
ou ailloursj et se tenoit dates li trois ou quatre jours, et se devi-
soient de lors be.<iongnes. Et s'énamoura li rois de France dou
roi d'Escoce, et li rois d'Escoce de lui. Encores n'estoit il nulles
nouvelles en France que li rois d'Engleterre vosist renvoiier son
honmage au roi de France ne li desfiier, pour faire calenge de *
la couronne de France. F" 34 et 35.
S 70. P. 148, I. 10 : parlement. — Xs. de FaUneiermes ;
l'Empereur. P 70 v».
P. 148, I. 12 : manda. — JIft, d^Andens : et y fist venir
la roynne et tout son hostel. P 32 v".
P. 149, 1. 4 : de Jullers. — Ms. J'Jmie/u: li ducs de Gériez,
li comtez de Jullers et chil que li rojs avoit envoiiës deviers
l'Empereur. F" 32 v".
P. 149, I. 9 : Saint Martin. — lUs. d'Amiera : en yvier, en
Braibanl. P 32 v".
P. 149, 1. IS : à Tret. — Ms. JJmiem : Tret sur Meuse, où
li Allemant l'avoient adviset. F* 32 V.
P. 149, I. 18 : à Herkes*. — Mi. de Rmw .- En la ville de
Malignes vinrent biau cop de sîgneurs, pour tant qut U rois
d'Engleterre i estoit. Or s'avisa li dus de Braîbant, qui se voloit
dissimuler de ces besongnes, et ordonna et i trouva une cautelle
nouvelle ; et dist que li parlemens ne se pooit tenir, pour celle
fois, à Malignes ne à Trcc. Se euist il est^ là moult bien, et pour
l'aise des signeurs de l'Empire. 11 li fu demande dou roi et don
conte de Gerles où il votoit donc que il se tenist. Il respondi :
à Herkes en Basbain, qui sciet priés de son pais. P 44.
P. 140, 1. 24 : vinrent. — Ms. de Morne : Et vinrent là tout
li signeur, tant de l'Empire conme d'autre pais, qui alianœ
1 . Mt. de raUncieniiti : Horles en le conte de Lo*. F» 70 \"
DiqitizeabyG00»^lc
436 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1338]
avoient au roi d'Eagleterre, et pliù&senr de la conté de Hûnnan
qui n'i avoient que faire, fors que pour veoir l'estat. F" kk.
P. 149, I. 27 ; plaiime de signeura. — Mt. de Rome : et se
logièrent moult de signeurs a nu chiel, ou desous fuellies, et
contre les haies et les buissons et ens es jardins au dehco^ de la
YiUe. F» 44.
P. 149, 1. 29 : halle. — Itfs. de falerKienaes : grande vielle
halle. F» 70 v«.
P. ISÛ, 1. 1 : cinq pies. — Ms. dAmiem : pins haols ung
piet que nuls dez autres. P 32 v".
P. 130, 1. 29 : li signeur. — Ms. de Rome : en aucgmentadoD
de title et de nom le conte de Gerles fu transmués en duc, et li
marquis de Jullers en conte, et puis grant temps apriès fu il
nonmés dus de Jullers. Donc descendi li dis rois d'Engteterre,
nonmés vicaires à l'Empereour. Et ausù fissent tout li signeur,
et issirent de la halle; et vinrent en une aultre place moult
grande, laquelle on avoit appariUie pour euls, et là disnèrent en-
samble. Et fu ordonne que de là on se departiroit casquns en
son lieu ; et, cel ivier passet, sus l'estet, qant li vicaires de l'Em-
pereour semondroit ses honmes, tout se remeteroient eosanible
et le venroient servir, et irotent partout où il les menroit. F» 44.
P. 150, 1. 30 : creantèrenl. — Ms. de Falenciennes : là où >Iz
se trairoient à l'esté pour guerroier. F* 70 v°.
§ 71. P. ISl, I. S : à Louvaing. — Ms. dJmiens : Adixic
s'en revînt li roys englès à Louvaing dalés le roynne se femme ;
et se tint là tout l'ivier, et à grant fret; et se faisoit partout ap-
peller vicaire de l'Empereur. Et manda au comte de Hayuoaa
que ses pays li fuist ouvers et appareilli^s, pour rccepvoir lui el
ses gens, et passer parmy comme vicairez de l'Empire. U com-
tez, qui bien vôlloit obéir à l'Empereur si avant que tenus y
estoit, et garder ossi sen honneur au roy de Franche, respoodi
qu'il en armt avis. Si mist va Mons en Haynnau ung grant par-
lement enssamble des barons et des chevaliers et des hommes de
se terre. Et fu trouvet que il ne pooit contredire à l'Empereur,
ne à son vicaire, que' il ne le servesîstetouvresistsepays, pour
lui et ses g^is recevoir. Et enssi le raportèrent au roy d'Engle-
terre chit qui par lui chargiet en estotent, liquelx roys en fu
1. Mt. de yaUneUniut : qu'il ne meiïeiist. F" 71.
;vGoo»^lc
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 71. 437
tons joians et se dut à Louvaing, ensi que je tous ay dit, toudis
acquerans amis en l'Empire. F» 32 v*.
P. ISl, I. 6 : venue. — Ms. de Rome : Si se départirent chil
BÏ^ear et prissent congiet an toi d'Engleteire, et li rois à euls,
sus Testât et ordenance que de retourner à l'estet. Et vint li rois
d'Engleterre â Louvaing et se loga ou chastiel, car li dus son
cousin Ji presta. Et inanda li dis rois d'Engleterre la roine Phe-
lippe sa Tenme en Engleterre, laquelle fu moult resjoie de ces
nouvelles; et se apparilla don plus tos conme elle pot. Et se
mist en la mer, et monta eus son vassiel au palais de Wesmous-
der, et tout chil et toutes celles qui de sa route furent. Et estoit
la roine bien acompagnie de daines et de damoiselles d'Engle-
terre, de chevaliers et d'esquiers. Et nagièrent tant li marounier,
à l'aide de Dieu et dou vent, que il vinrent en Anwiers \ et là
issirent des vassiaus, et se missent en la ville. Si Tu la roine re-
quelloite moult honourablement de ceuls de la ville.
Les nouvelles s'espardirent tantos sus le pais que la roine
d'Engleterre estoit venue. Si vinrent contre li, et pour acompa-
gnier et amener à Louvaing deviers le roi, pluisseurs barons et
chevaliers d'Engleterre qui estoient espars sus le pais de Brai-
hant; et entra la roine en Louvaing à plus de dens mille che-
vaus. Se vint li rois contre lî et le rechut liement. Si furent
moult belles et moult amoureuses les aquintances dou rai et de
la roine i et se logièrent ou chasliei de Louvaing tout cel ivier,
et tinrent lor estât. Assés tos apriès ce que la roine fu venue À
Louvaing, le vinrent veoir li joues contes Guillaumes de Hainnau
son frère, et la jone contesse sa fenme. Et aussi fist madame de
Valois sa mère, car elle l'amoit de tout son coer plus tenrement
que nulles de ses filles. Si fu la rome visete'e des chevaliers et
des dames de Hainnau et de Br.iibant; et elle qui estoit pour-
veue toute sus, les requelloit liement et doucement, et les re-
mercioil de lor bonne Visitation. Vous devës sçavair et croire
legierement que li rois d'Engleterre gissoit à grans fnès et as
grana coustages deçà la mer; car il tenoït plus de deus mille
chevaliers et esquiers, et environ huit mille archiers. Et tous les
mois estoient paîiet de lors gages, sans les grans coustages et
frès qui li venoient de costë, à tenir ces signeurs d'Alemagne à
amour, car il n'en fesissent riens, ne pour linage ne aultrement,
se li denier n'alaissent toutdis devant. F* 44 V.
P. ISl, I. 13 : de Cranehen. — A/i. £ 6 : Le roy d'Engle-
;vGoo»^lc
438 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1338]
terre giaoit en la ville d'Anvers à gnmt frait et y fii plus d'un
an, car le duc de Brabant son cousin le deffi%oit cfae qu'il poroit,
et nooit entre deus yawe , car il donooit à entendre bien souvent
au roy d'Engieterre qu'il luy aideroit, et au roy de France que
jà ne serait fors que bon Franchois. Et pour luy escuser et tenir
en onwur le roy de Franche, il envoia en Franche ung sien che-
valier, le plus secret qu'il euist, messire Loys de Granchon, et
l'ordonna là demourer et estrc tous quoy delës le roy de Fraiw
che : lequel chevalier s'en aquita lealment. Car, quant il venoit
nouvelles en la court, et le roy Phelippes estoit eofourmés que
le duc de Braibant son cpusin estoit à tous les parlemens du roy
d'Engieterre, et qu'il voHoit soustenir la querelle du roy d'Eb-
gleterre, le dit chevalier Loys l'escusoit et aloit au devant et di-
soit : t Ha! chier sire et nobles roy, ne creés nulles parolles,
car le duc de Brabant vous est leal, car jà ne sera Englès, quel
samblant que il moustre au roy d'Engieterre. Et se il se tient
delez luy, c'est pour brisier son opinion; et se luy est sy proçain
de sanc et de linage qu'il convient à le fois que il luy faiche coat-
paignie. » F» 85 et 86.
JUs. de Rome : Benonmée couroit en Flandres et ailleurs,
quoique lî dus Jehans de Braibant fust cousins germains au roi
d'Engieterre, si se faindolt ils de li aidier, ensi que faire deuist,
et estoit moult pesans à csmouvoïr. Et disoient auqunez gens que
les secrès de ces parlemens estoient par lui sccu en France , car
il avoit un sien chevalier le plus secrc de tous les aultres et que
le plus il amoit , lequel on nonmoît messire Lois de Craneheo ,
envoiiet à Paris, et là se tenoit tous quoia dalés le roi et les si-
gneurs. Et estbit li dis messires Loys cargiés de par le duc,
que de li esquser au roi de toute[s] informations senestres qui
poraient venir. Et grandement bien s'en aquita li chevaliers. Et
tous les jours venoient lettres et nouvelles dou duch de Braibant
au (Jievalier, par quoi il sçavoit tous les secrès qui se faisoient
en Braibant
Encores se dissimuloit ce qu'il pooit li dus de Braibant , quel
amour ne compagnie que il fesist ne moustrast au roi d'Engie-
terre son cousin. Et faisait tout quoi tenir son chevalier, messire
Lois de Cranehen , à Paris , dalés le roi , qui tousjours esqusoit
le duch de toutes imformations senestres qui venoient en la pre-
sence dou roi, et disoit au roi : i Sire, n'en créez riens, car
monsigneur de Bnûbant , quel samblant que il moustre ne face
;vGoo»^lc
[1339] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 72. ■ 439
k son cousin le roi d'Eogleterre, ne vous Terajà guerre pour lui.»
Et li rois de France le creoit , et crei tant que oa en vei tout le
contraire. De quoi li dis chevaliers prist si très grande meran-
colie , qant li rois Phelippes li dist que il estoit mençonnables,
et li dus de Braibant ses mestres aussi, que il en morat d'anoi;
ne onques depuis ne retourna en Braibant. F° 44 r* et v°.
S 7â. P. 132, I. 10 : à Vilvort. — Ms. cTJmleiu : Or re-
venons au roy d'Engleterre , qui très grant désir avolt que ti
saisons venist que il pewist faire se emprise. Et se teuoit à Lou-
vaing, et parloit souvent de son voiaige au duc de Braibant son
cousin, au duc de Guéries son serourge, au comte de Jullers et
it monseigneur Jehan de Haynnau , qui le visetoient. Et quant li
estes fu venus , li Pasques et li Pentecouste passée et li Sains
Jebans Baptiste ossi, et li aoust aprocha, il s'en vint à Vilvort et
se loga en la ville. Et là s'asambloient li Englès, qui le mer
avoient rappasset j et se logoient en le ville , qui logier s'i
pooient, ou ens es mares sour le nvierre. F° 33.
Ms. de Borne ; Li rois d'Engleterre, toute celle saison, petit à
petit, fist par deçà la mer et par de delà appariltîer ses pourvean-
ces. Et qant la Pentecouste fu passée, il se départi de Louvaingj
et laissa là ta roine sa fenme. Et s'en vint logier à Vîllevort, à
une lieue priés de BrousseUes; et remanda toutes ses gens, qui
esloient espars en Hainnau et en Braibant. Et là furent tendu,
en ces biaus prés qui sont grant et large, au lonc de la rivière,
tentes, trefs, auqubes et pavillons, et toutes ordenances de lo-
geis. Et escripsi deviers ces signeurs d'Alemagne; et leur manda
conme vicaires de l'Empire, et les semonst, sus lors fois, que
tout venissent. Chil sigaeur s'ordonnoient tout par grant loisir,
et ne se delivroient point ensi que li rois d'Engleterre vosîst;
et prendoîent piet sus le duch de Brùbant. Et de ces detriances
li rois d'Engleterre estoit tous merancolieus , et Gouvenoit que il
portast ce dangier, F°' 44 v» et 45.
P. 132, 1. 19 -. s'attendoient. — Ms. itJmiens : Lors manda
il estroitement à tous ces seigneurs d'ÂlIemaigne que il venissent
et avalaissent , ensi que juret et prouramis li avoient ; et il li re-
mandèrent que il estoient tout appareilliet , mes que b dus de
Braibant s'esmeuist. Encorrez detria li dus de Braibant , de le
Madclainne à li mouvoir jusque en septembre ; et avoit renvoiiet
en France monseigneur Loeys de Cranehen , le plus secret che-
D,qit,zeabvG00»^lc
440 CHRONIQUES DE J. FROISSART. (1339]
valier qu'il ewist, liquelï chevaliers escnzoit toudis le duc de
Braibant envers le roy contre touttes imrourmatioiis qui pooieni
venir. Nonobstant ce , si fatsoit U dus de Braibant son mande-
ment , et retenoit chevaliers et escuiers là où il les pooit avoir.
Et le detriance qu'il y metoit, elle estoît assés raisonnable, car
il veist vollentier& que entre ces deux roys aucuns bons tretiés
d'acort se fust fais, aiochois que gherre ne arsinà s'en fust es-
meus ne commeochie's. Et bien disoit que, se li comtez Guillaum-
ines de Haynnau, qui nouvellement estoit trespassés, vesquesist, il
les ewist appaisidz et mis à acord. Et se li estoient chil doy roy
si prochain que à envis s'en mesloit et à envis s'en demoroit ;
mes il s'estoit jà si avant acouvenenchiéz que par honneur il ne
pooit reculler. Ossi H plus gr«it partie de tous ses chevaliers es-
toient en coer Engtès, qui bien avanchoient et aidoient le roy en-
glès en ses besoingnes. F° 33.
P. 1S3, I. 29 : seize cens. — Mss. jt H à ik : da. huit cens.
F" 38. — IH1.B6: deux mille. F» 104.
P. 1S2, !. 31 : dix mille. ~ JUs. ifJmiens .-huit mille. F* 33.
— JBj. JB 6 : quatre mille. F" 104.
P. 1S3, I. 9 : les passais. — Mss. ^ 11 à 14 : contre les
Anglois qu'ilz n'apassassent d'Angleterre par de^ la mer pour
venir en France. F* 38.
P. 153, I. 13 : France. — Mts. -^ 11 à 14 : avecques ses
allez d'AUemalngne. F* 38.
S 73. P. 1S3, I. 16 : Quant cil signenr. — Ms. de Rome :
Bien sentoient et congnissoient 11 sîgneur d'AIemagne que li dus
de Braibant se dissimuloit et se portoit de ces besongncs assés
froidement. Et se savoient bien li pluïsseur que il avoit envotiet
son chevalier, mesire Lois de Cranchen, à Paris, de^'iers le roi
de France , et le faisoit là tenir tout quoi , pour li escuser de
toutes informations senestres qui pooient venir. Nequedent, too-
tes CCS coses misses avant, il se départirent de lors iieus, qant
il orent pourveu lors gens ; et s'en vinrent à Villevort deviers le
roi d'Engleterre et vicaire à l'Emperenur. Et ensi que il vcnoient,
il se logoient sus celles belles praieries qui sont entre Brouselles
et Villevort; et s'estendoient lors logeis et comprendoient bien
avant joîndant Brouselles. Et vinrent tout premièrement li dus de
Gerlles, serouges dou dit roi, li contes de Jullers, li contes des
Mons, li contes de Saumcs en Saumnis, li archevesques de Cou-
D,qit,zeabvG00»^lc
[1339] VARIANTES DU PBEMIER LIVRE, § 73. 441
loDgne ei messires Gallerans ses frères , ti sires de Fanquemont ,
messires Ernouls de Baquehen, et pluisseur chevalier et tout ruste
d'Alemagne. Messires Jehaas de Haimiau estoit tous jours dalés le
roi et son consel.
Qant il furent venu , li rois d'Engleterre tor requist que il vo-
sissent escrire et seeler avoecques lui lettres de desfiances à Phe-
lippe de Valois, qui se nonmoit rois de France. Chil signeur
d'Alemagne respondirent generaument que il estoient tout prcst,
mais que li dus de Braibant vosist ce faire; et bien apertenoit que
il le fesist, car il estoit 11 plus proçains de sanc et de lioage qui
fust là au roi d'Engleterre. Adonc requist li rois d'Engleterre
an duch de Braibant , par honmage et par tiaage, qne il vosist
seeler. Li dus de Braibant fu consiUics de respondre : si rea-
pondi et dist que point pour l'eure il ne escriroït ne seeleroit
nulles desGances avoecques euls, et pas ne s'escusoit que il ne le
deuist faire ; mais ce que fait en seroit, il le feroit de soi meismes,
sans nului mettre en sa lettre.
Donc regarda li rois d'Engleterre sus les signeurs d'Alemagne,
et leur dist : « Biau signeur, je me tieng ass^s contens de ce
que mon cousin de Braibant en fera. Nous sonmes en son pais;
et qant nous serons dehors , il ancra mieuls cause de escrire et
seeler les desfiances que il n'ait présentement. Si vous pri chie-
rement que vous ne vos voelliës pas arcster sus ce , et seeMs
avoecqnes moi. > 11 regardèrent tout l'un l'autre. Donc dist li dus
de Gerlles : ■ Contes de JuUers, et vous, contes des Mons, biaus
cousins, nous i metons trop de detrls sans raison : il le nous fault
faire, et à ce nous sonmes aloiiet et obligiet de trop grant temps, n
Donc respondirent li Alcmant tout de une vois : s Dus de Gerles,
vous dittes vérité. »
Là fu conclu et acordé que tout seeleroient avoecqnes le roi
d'Engleterre les desfiances à Phclippe de Valois , ensî que il fis-
sent. Li rois d'Engleterre en chief escripsi et seela , pour lui et
pour tous ses tenaules d'Engleterre ; et puis seelêrent tout li aul-
tre , reserve le duch de Braibant. Qiils volt faire son fait à par
lui. Les desBances escriptes et seelécs, li evesques de Lincole (îi
cargii^s de la porter et faire le message. Il l'emprist avoecques
un hiraut d'Engleterre, liquels cevauça tout devant pour impe-
trer un sauf conduit pour le dit evesque alant et retournant, et
l'atendi à Valenchlennes. Li hiraus qui chevauca devant, esploita
SI bien que il ot le sauf conduit pour l' evesque de Lincolle et toute
;vGoo»^lc
44Î CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
sa famille alaiis et retournons, et l'aporta à TaleQchieDnes là où U
evesques l'ateadoit.
Qant li dû evesques l'ot, il se départi de Taloichiennes et
vint au Cbastiel en Cambresis et puis à Saint QuetUÎa et à Hem
et puis à NoioD ; et Gst tant par ses journées que il vint à Paris
et se loga au Chastiel Festu , eu la rue don Tiroi , derrière les
Innocens. Pour ces jours, estoit li rois Phelippes à Itistd c'on
dist de Neelle , oultre la rivière de Saiime. Et là ala li evesques
de LincoUe faire son message et parla au roi, car on li fist voie,
et li rois le volt veoir et olr. Si mist les desfiances avant : adcmc
regarda li rois la lettre et les seauls qui i pendoient. Si fist dire à
l'evesque que il pooit bien partir qant il voloit, car il se tenait
pour tous desfiiés. Et aussi li evesques de Lincole , pour plus
deuement faire les desfîances, avott rendu au roi de France, avant
ce que il moustrast ses lettres, l'onmage tout entier et tel qne 0
le tenoit de li, et li rois l'avoit repria. C'estoit la conti! de Pontieo,
et en Gîane auqunes terres, qui s'estendent entre la rivière de la
Dourdonne et la Geronde; car ce qui est par de delà, les rois
d'Engleterre ont tous jours tenu quitement et liegement, et ensi
conme l'iretage d'Eugleterre.
Qant H evesques de Lincole ot fait ce pour quoi Q estoit venus,
il se départi et retourna arrière. Et tantos li rois Phelippes envoia
saisir la conte de Pontieu et la conté de Moustruel et toutes les
terres que li rois d'Engleterre avoit relevé de la couronne de
France , et qu'il tenoit au jour que les desfiances vinrent. Et
transmuèrent li oflïciier, qui connus i furent de par le roi, tous
officiiers, et i remissent aultres selonch les ordenances des lieus;
mais il ne tint pas longement la contd de Pontieu, qant il le donna
à mesire Jaquème de Bourbon , un sien cousin moult proçain , et
liquels estoit issus, et li dus Pières de Bourbon, ses frères, de U
droite coste dou roi saint Lois de France. Et ne tenoit pas li dis
messires Jaquèmes de Bourbon , au jour que li rois li donna )a
conté de Pontieu, trop grant terre, et pour ce li augmenta il son
biretage; et bien l'emploia, car li gentils chevaliers fu ausi pour-
veus de nobles conditions que nuls chevaliers peut estre. Or se tint
li rois Phelippes pour destics dou roi d'Engleterre et des conjoins
et aiiers avoecques H en celle gerre. F" 45.
F. 1S4, 1. 8 : Jehan de Braibant. — Ms. S 6 : Quant toutes
ces choses furent faites et du consail et consentement de l'Em-
pereur, et osy des aliés qui là estoient presens et qui tout y fu-
;vGoo»^lc
[1339] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S ^^■ 443
rent appelles ; alors le roy d'Engleterre prist coogiet et s'en re-
tourna arière en ia vUle d'Anvers où madamme sa femme estoit
encore. De là eult de recbief à sa revenue uug grant parlement,
et nus ne s'y oublia de y venir. Et Jaques de Hartevelle, qui
sousteuoit grandement le partie du roy d'Engleterre, là y fu, le
duc de Brabant, le conte de Haynau, messire Jehan de Haynau,
le duc de Gueidre, le conte de Jullers, le sire de Fauqueiuont et
tout ly alUe's. Et là remoustra le roy d'Engleterre ses lettres et
tout che que il avoit cnpietr^ devers l'Empereur, Et requist le
dit roy à tous ses seigneurs que il le volsissent servir, ensy que
ses lettres contenoicnt.
Là n'en y eult nul qui se peuiat escDser ne volùst. Tors le duc
de Brabant : mais encore conchela il ung petit et dist : < Sire,
nous serons tous aparetlié pour aller là où il vous plaira en
l'Empire au commandement de l'Empereur, mais nomes où vous
voilés aller 7 » Et dit le roy de Engleterre : k Devant la cité de
Cambray, car elle est de l'Empire, dont elle deuist obéir à l'Em-
pereur; et elle est contraire et obeist au roy de France. Et là
vous voel jou là mener, et le conquerrons, sy plest à Dieu, se
nous poons. » Che fu bien l'acort de tous. Lors respondj le duo
de Brabant et dist encores, qui envis se tournoit Englès et envîs
le laissoit; mais il avoit là parlet et agambc sy avant que il ne
povoil recullér, et avoit tant recheu d'or et d'argent du roy
d'Engleterre que il ne s'en povoit escuser; lor dist : a. Chier
cousin, puis que ensy est que là vous nous voilés mener, sy def-
tiiés le roy de France bien hastivcment et vous traies celle part.
Et sy trestost que je saray que vous serés devant Cambray, je
vous y v[e]nr3y servir à douze cens lanches. i Le roy d'Engle-
terre, qui veist voUentiers que ses fwsoingnes fuissent avanchies,
dist : a Je le feray vollentiers. >
E^sy se departy le parlement sur cest estât. Et s'en vint adonc
le dit roy à Brouselles, avec le duc son cousin, où il fu recheus
joicusement. Et s'acointa sy bien de Brnsselois et des chevaliers
et escuiers de Brabant que tout se mirent à son commandement,
mais que leur syre le volsist. Quant le roy d'Engleterre eult là
esté bien ung mob, il s'en departy et s'en retourna vers Gant,
sur cel estât que pour esmouvoir ses gens et pour aller avant et
venir devant Cambray, ensy que l'ordoonancbe portoit. Lui venu
à Gant, il y trouva la royne sa femme, en l'abeie de Saint Pière,
que jà y estoit venue, et là tinrent leur ostel. Sy estoit souvent
;vGoo»^lc
Â
444 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
vissetés de Jaques de Martevelle et des bourgob de Gant, et
madame la royoe des bonrgoises.
En che temps, envoia defEier le roy d'Engleterre le roy de
France par l'evesque de Lincelle, qui fist bien son messaige en
la ville de Paris, et fist que le roy de Franche se Uni bien pour
deSiet. Et retourna arière à Gant vers le roy son seigneur, qui
le vey vollentiera, et ly demanda au retour quel santblant le roy
Phelippe avoit dit ne fait. « Certes, dist l'evesque, il n'en Bst
^ue rire, et dist que vous avés songiet qile cuidiés estre roy de
Franche. . F" 99 à lOï.
P. 1S4, 1. n : à Malignes. — Ms. S 6 : Or r«viens au roy
d'Engleterre qui se tenoi[ en la ville de Gant. Osy tost que il
eult deffiiet le roy Phelippe, et que le roy Pbelippe se tint pour
deffiiet, et qu'il eult fait saysir le conte de Poitau par son coones-
table et le conte de Ghines, le dit roy d'Engleterre cuida tantost
partir et venir devant Cambray ; mais il n'eut mie ses gens sy
tost prest, espesialment le duc de Brabant, et detria tes Allemans
à venir de le Saint Jeban Baptiste jusques en my aoust et plus
avant. En che detriement, list ung grant envaisement mesire
Gautier de Mauny, car il se party de Gant du roy d'Engle-
terre.... F" 102 et 103.
P. 154, I. 19 : Gantiers de Mauni. — JUt. li^Àmiens : qui
Bvoecquez le roy d'Engleterre estoit apassés le mer par dechà et
qui en Anwiers se tenoit. F" 31 v*. — Ms. de Rome : uns bace-
lers et chevaliers de la conté de Hainnau et tousjours vrais et
loiaus Englois. F* 4S v°.
P. 154, 1. 20 : fu deffiiés. — JUs. de Valenciennes : Or
estoit le roy d'Engleterre revenus en Ampvers. Si vint messire
Gautier de Maugny devant le roy; et prist congié de luy et au-
cuns compaignons, d'aler faire aucune appertise. F" 69. —
Mt. de Rome : le roi d'Engleterre et ses boos cstans à Ville-
vort. P 45 V.
P. 154, 1. 23 : quarante. — Afs. <t Amiens : environ soixante.
F" 31 V».
P. 1S4, 1. 33 et 24 : compagnons. — Mt. de Rome : h^n-
nuiers et englois. F" 45 v».
P. 1S4, I. 26 : filaton. — Ms. <f Amiens : dallés Condet sus
Escaut. F* 31 v», — Ms. de Rome : et se boutèrent eus es bos
de Blaton. Li gentils chevaliers avoit voé en Engleterre, oant
dames et signeurs, et dit ensi : a Se la guerre s'esmuet entre le
;vGoo»^lc
[i33»l VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 73. kki
roi d'Eagleterre, mon signeur, et Pbelippe de Valois qui se dist
rois de Franche, je serai li premiers qui s'en armera et qui
prendera chasticl ou ville sus le roiaume de France. * Et de ce
Teu point il n'en defaUi, car il s'en vint de nuit bouter ens es
bois de Wières, moult priés de Mortagne. F* 43 v».
P. ISS, i. 7 : levant. — Mt. B ti : k Mortaigne sus l'Escaut,
à quatre lieues de Toumay. F° 103.
P. 135. 1. 8 : à Mortagne. — Ms. de Borne : La ville de
Mortagne sus la rivière d'Escaut, quoi que elle soit moult priés
gard^, pour ce jour fu en très grande aventure de estre prise,
car messires Gantiers de Mauni et sa route vint sus l'ajournée
si priés que il se boutèrent en enbusqe ens es haies et buissons
dal^ Mortagne. Et orent pourveu cotes et abis de fenmes, les
quelles il prissent en un village sus lor cemin, et grans crétins
plas, là où ces fenmea qui vont au marchiet mettent bures, oefs
et fronmages. Et abituèrent quatre de lors honmes âe Tabit de
ces fenmes et loiièrent entours lors testes belles blances loiures
de toille; et prissent ces crétins couvers de blances napes, et
moustroient que elles venissent au marchiet vendre lors bures et
froumages. Et vinrent sus l'eure de solel levant à la porte, et la
trouvèrent dose et le guichet entre ouvert, et un homme qui le
gardoit ; et quida véritablement {fie ce fuissent fenmes d'un vil-
lage là priés, qui venissent au marchiet, et ouvri le guichet tout
arrière, pour elles entrer et lors crétins. Qant chil honme en abit
de fenmes furent dedens, il se saisirent dou portier et traissent
Ions coutiaus que il portoîent desous lors gonnes, et li dissent :
a Se tu sonnes mot, tu seras mors. » L'ome fu moult effraé et
doubta la mort, et se tint tous quois àsiês euls.
Evous messire Gautier de Mauni venu et ses compagnwis, qui
les poursievoient de lonch; et avaient laissiet lors chevaus, ea
haies et en buissons, assés priés de Mortagne, en la garde de
lors variés. Et veirent que lor compagnon estoient signeur de la
porte; si se hastèrent dou plus qu'il porent, et entrèrent dedens
le guichet tout à lor aise. Et s'en vinrent deviers la tour et le
dongnon, et le quidièrent trouver mal gardée; mais non fissent,
car elle estoit fremée. Adone se tinrent euls tout quoi, et veirent
bien que il avoient fali à leur entente, et que la ville, sans le
chastiel, ne lor valloit noient à tenir. Si se retraissent tout le pas
là par où il estoient venu, et ne portèrent aultre damage à la
ville de Mortagne que il boutèrent le feu en deus ou trois mai-
;vGoo»^lc
kk6 CHRONIQUES DE J. FR01SSA.RT. ■ [1339]
SODS; et puis Usirent et montèrent sus leurs cbevaus, et se dépar-
tirent snns aultre cose faire. Moult de gens de la ville de Morta-
gne estoient encores en lors lis, et ne sceurent riens de ceUe
aventure. F" kS V et 46.
P. 15S, 1. 8 : guicet. — Âfs. de Vaienciames : le viquet de
la porte ouvert. Si rompirent le flaiel, et ea furent maistre.
p-es.
P. ISS, 1. 20 : bouter le feu. — Ms. tPAmient : affin que il
souventst chiaus de le ville que il y avoit estet, et que une autre
fois il fuissent plus songneux de garder leur ville. F" 31 V.
P. 156, 1. 12 : Thun l'Evesque. — Ms. d Amiens : Dont se
parti messires Gautiers et toutte se routte, et vint passer l'Es-
cault et le Haynne à Condet; et cevaucha encorres plus avant
deviers Cambresis, ensi comme vous orés. Encorres ne se doub-
toit on de riens, ens ou pays de Cambresis. Bien supposoît li
evesques de Cambrai que li roys d'Engleterre feroit en France
se premier voiaige par là ; mais il leur estoit encorrez si lontains
que ses pays n'en estoit de riens effraés ne pourveus. Or che-
vaucha li sires de Mauni en celle entente que pour faire y au-
cune envaye, car bien savoit que li pays de Cambresis estoit et
seroît ennemis à yaux. Touttesfois en ceste chevauchie, il s'avisa
que il envoieroit defGier souffissanunent l'evcsque de Cambray.
afin que il ne futst repris de villain fet. Li evesques n'en fist nul
compte, car il ne le cuidoit mie si priés de lui qu'il estoit. Os^
chilz qui porta les deffianchcs ne li dist mies. Si chevauça li
sirez de Mauni, à le couverte, deseure Valenchiennes ; et vint à
Denaing où il disna, car l'abessc estoit sa cousinne. Et viat à
Bouchain et passa là l'Escaut, et ne dist mies à chiaux de Bou-
chain quel cose il voltoit faire ; et vint une matinée si à point à
Thun l'Evesque, ung castiel séant sour l'Escaut, qui se lient de
Cambresis, que de venue, parmy l'ayde de ses gens, il prist le
pont, le porte et le castiel et le castelain dedens. F° 31 v*.
Ms. de Rome: Messires Gautiers de Mauni, pour acomplir
son emprise, il et si compagnon, chevaucièrent et rentrèrent en
Hainnau; et passèrent l'Escaut à un ponton au desous de Con-
det. Et vinrent ce jour disner en l'abeie de Vicongne; et là ra-
fresqircnt lors chevaus, et s'i tinrent jusques à la nuit. Encores
n'estoit li pais de riens effraés. Et montèrent sus lors cevaus à
ta vesprée, et cevauchièreni amont; et passèrent les bois de
Walers, et entrèrent en Ostrevant. Et avoient gides qui les me-
D,qit,zeabvG00»^lc
[1339] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 74. 447
noient; et vinrent, entre Douai et Cambrai, passer la rivière de
la Sensée, qui rentre en l'Escaut à Bouchain. Et cevauchièrent
tant que, sus l'eure de solel levant, il vinrent à un chastiel, que
on dist Thuu l'Evesque, séant sus la rivière d'Escaut; et si à
point que les mesnies don dit chastiel mettoient hors le bestail,
pour pasturer ens es prées qui sont priés de là, et encores estoit
li chastellains en son lit. F" 46.
P. 156, I. 19 : GiUes. — Mt. de Ftdeaciennes : Willame.
P 69.
P. 1S6, I. 21 : destourblers. — Mss. ^ 11 à 14 : Et faisoit
ses courses, trois ou quatre fob la scpmaine, jusques devant la
bonne cite de Cambra;; et venoît escarmouchier jusques aux
barrières, où il faisoit moult grandes et belles appertises d'armes.
P 39. — JW*. dÂmient: Or furent chil de Cambray couron-
chiet et e^iecialment U evesques ; et manda au roy de Franche
le fet, et coumment ses castiaus lî estoit tolus et emblés. Si en
fu li roys courouchîés, et bien y eut cause. P* 31 v°.
P. 196, 1. 24 et 25 : en Braibant. — Ms. .fi 6 : Et puis s'en
retourna le dit Gautier à Gant devers le roy son seigneur, qui
le vey vollentier et qui jà avoit oit parler de ses adventures : se
luy eu savoit bon gré, et le tenott pour nng des plus aventureus
de son ostet et vaillans. F° 104.
P. 1S6, 1. 25 : le roy englès. — Mi. ^Amiens ! qui encorres
estoit en Anwiers. F° 31.
P. 1S6, 1. 26 : à .Malignes. — Mt, de Borne: et i avoit tu
parlement. F* 46.
S 7-1. P, 187, 1. 8 : et envoia. — Mi. dJmiens : Si y en-
voya gnms pourreatK^es de gens d'armes pour le garder et
deBendre contre tous venans, premiers monseigneur Loeys de
Savoie, monseigneur le Galois de le Baume, le seigneur de
Groulée, le seigneur de Biauges, messire [Mille*] de Noyers; le
seigneur de Saint Venant, le seigneur d'Aubegny, lé seigneur de
BasentuQ et le seigneur de Roye, et avoecq cbeui bonne bache-
lerie et grant fuison de Geneuois et d'autres saudoiiers. Cliil y
fissent tons vivres d'environ amener et akariîer , et emplir les
greniers de bleds et d'avainnes. Et fisent chil seigneur entierer
trois des portes de Cambray, (joi point n'estoient nécessaires à
1. Mt. de raltncitnati, ?> 72 »". — Mt. d'Amleat : Cille.
;vGoo»^lc ■
kk» CttRONlQUES DE J. FROISSART. [1339]
l'ouvrir. Encorres eavoya li roys de France au Castel en Cam-
bresis messîre Thieubaut de MoreîT, le marescal de Mîrepois et le
seigneur de Rainneval. Et fîst li roys bien garnir Bohaing, le
Maie Maison, Crievccoer, Aloes et Oizi en Cambresis ; et Est son
mandement par tout le royaumme de Franclic à estre à Peromie
en Vermendois, à Bapaimimes' et ù Arras. F° 33.
P. 1S7, I. 11 : de Roie. — Le rm. £ 6 ajoute : le sire de
Neurchastel,... le sire de Coucy, le sire de Raiaeval. F' 102.
P. 157, 1. 12 : deux cens. — Ms. B 6 : cinq cens. P 102.
P. Ift7, I. IS : manda. — Ms. B t : Or avint que, quant le
roy Phelippe se vit defïïiet du roy d'Engleterre, il n'en fist mie
grant conte. Et fist coppiier tantost les lettres de déhanche, et
les envoya par tout les hauls seigneurs qu'il pensait avoir à cnde
et confort, est à savoir devers le roy de Behaigne, l'evesque de
Liège, le duc de Loraine, le conte de Bar et ensy deviers les
autres. F" 102.
S 7S. P. 1S8, 1. 26 :Lirois. — Jf4. de Rome: Li rois d'Engle-
terre estoit venus k Malignes à un parlement qtit là se tint, car
li Alemant, qui le roi d'Engleterre voloient servir, et qui defBet
avoient le rot de France, s'esmervilloient grandement entre euls,
de ce que li dus de firaibant no se apparilloît aultrement pour
aidier son cousin germain, le roi d'Engleterre. Et fu là dit, a-
resté et consellié que tout se departiroient de Villevorl, où logiel
il estoient, et cemineroient oultre et passeroient parmi Haînnau.
Tout ce ne pooit deveer 11 contes de Uainnau : puis que il en
estait l'equis dou' vicaire à l'Empereour, il couvenoit que il fust
en obéissance. Et fu remoustrë au roi d'Engleterre que il s'adrc-
ceroit parmi Brousselles et iroit parler au duch son cousin, pub
que il a' estoit venus au parlement à Malignes, et li remousteroît
ces desPautes el aultres, desquelles on estoit tout esmervilliet.
Ensi se conclut ii parlcmens. Et retournèrent li sigoeur à Vil-
levort, et se conmenchièrent à deslogier et à tourser tentes et
très, auqubes et pavillons et toutes 'manières de logeis portatis,
et à mètre sus chars et sus cbarettes. Tout fu deslogiet et mis
à voie et à chemin; et passèrent au dehors de Brousselles. Li
rois d'Engleterre, li dus de Gcrllcs, li contes de Jullers, li arce-
vesques de Coulongne , li marqis de Misse et d'Eurient, meures
1. 2fj. Je faUnc'uaHtt ; Compiengne. P° 73 v"'
;vGoo»^lc
[1339] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 75. 449
Robers d'Artois, messires Jehaas de Hainnau et li sires de Fau-
queiDont entrèrent en Brousselles, et i disnèrent et jurent une
nuit; et entrues lors gens passèrent oultre. F° 46 v".
P. 158, l. 26 : de Malignes. — Mu. ^ H à 14 : où il avoit
longuement séjourné à grans fraiz et despens, en attendant de jour
en jour ces grans seigneurs d'Allenlaingne qui point ne venoient,
ainsi que promis lui avoient, dont moult lui ennuioit, mais passer
il lui en convenoit. F* 39. — JUs. ^Amiens: de Vilvort. F" 33.
P.1S8, 1. 27 : a Brousselles.— Aff. B 6 : à Willevort. F» 104.
P. 158, 1. 30 : marcis de Jullers. — Ms. d Amiens : duc de
Jnliers. F" 33.
P. 1S9, 1. 1 ! de Saumes. — - Les nus. A \\ à 14 ajotueni:
le conte de Los. F» 39. — Mt. Aiiàe Sannes. F" 40. — Mi. de
Valenciennes: de Salmes. F" 72 v».
P. 159. 1. 2 : Bakehen. — Ms. A i : Brakehen. F* 40. —
Ms. de ValencUnnes : Blanqaenhem. F" 72 v*.
P. 159, 1. 7 : son neveut. — Ms. tf^miew .' qui estoit semons
que d'estre en celle chevauchie devant Cambray. F. 33. — Ms.
de Falenciennes : qui faisoit son mandement à Valenchiennes.
F» 72 v«.
P. 159, 1. 14 : douze cens. — Msi. A U à tk i deux cens.
F* 36 v". — Ms. de Rome : doose cens hiaumes et vint mille
hommes des villes de Braibant, F. 46.
P. 1S9, 1. 23: seize ou vint.— ilfj'.r.^S et 9 : quinze ou vingt.
F" 38 V. — Mis. Ai à 6, 18 et 19 : seize. F» 40. — Mss.
AU àik : vingt. F" 39 v».
P. 130, 1. 30 : festiiés. — Ms. de Rome : pour deux raisons:
la première estoit pour che que il avoit sa serour espousée ; et
l'autre raison : faire li couvenoit, car li rois d'Engleterre estoit
vicaires à l'Empereour, ensi que vous savés ; se le devOit rece-
voir, pub que requis en estoit, conme son signeur et faire toute
homiour, reverense et obeisance. Si se rafresqirent li rois d'En-
gleterre et li signeur qui avoecques lui estoient, deus jours en la
ville de Mous; et entrues passèrent lors gens et li charois. Ce fn
mois de septembre, et avoit on partout mièssonné. Et s'avalèrent
toutes ces gens d'armes en la marce de Valenchiennes ; et se lo-
gièrent eus ces villages, et trouvoient des biens assés, Li auqun
paioient moult volentiers ce que il prendoient, et li aultre non ;
car Alemant ne sont pas trop bon paieur, là où il le pueent
amender.
:,Got)'^lc
480 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
Li rois d'Engleterre, lui trentime de signeurs d'Engleterre et
d'Alemagne, entra en Valenchlennes ; et avoit, la nuit devant,
jeu à Saint Sauve en la priorié. Et là vinrent ti contes de Hain-
nau et mesires Jehuns de Hainnau, son oncle, et pluisseur baron
et chevalier de Haionao, en la compagnie don conte. Et le jour
encores que il entra à Valenchiemies, ii rois avoit disn^ à Saint
Sauve, à demi lieue de Valenciennes. Et entrèrent li rois et lï
ugneur en la ditte ville, par la porte Montoise. Et amena li
contes le roi en son hostel que on dîst en la Salle ; laquelle Salle
et hostel on avoit ordonuet et apparilliet très ricement, ensî que
pour le corps le roi.
Et aviut que, en montant les degrés de la Salle, li evesques de
lincole, qui là estoit presens, esleva sa vois et dist : « GuiJ-
laumes d'Âusone, evesques de Cambrai, je vous amoneste, comme
procureur de par le vicaire au rgi d'Alemague et à l'empereour
de Ronme, que vous voelliés ouvrir la chité de Cambrai, et re-
quellier dedens le roi d'Engleterre, vicaire à l'empereour. » A
ceste requeste et parole ne respondi nub. Apriès, tourna li dis
evesque sa parole sus le conte de Hainnau, et dist : « Contes de
Hainnau, je evesques de Lincolles,procurères dou roi d'Engleterre,
vous amoneste de par le vicaire de l'Empereour, que vous le ve-
nés servir, là partout sus l'Empire, là où il vous menra, pour lui
aidier à corrigier les rebelles. > Li contes respondi et dist : a Je
obéirai volentiers si avant que je sui tenus, b Donc respondi li
rois d'Engleterre qui estoit d'encosie li : s il nous «ouGst. >
Apriès ces monitions et requestes, il montèrent les degre's de
la Salle. Et fu menés dou conte de Hainnau H rois d'Engleterre
en sa cambre, et ensi tout li aultre signeur en lors cambres. Et
fu li ostez de la Sale de Valenchiennes ordonnés seuUement pour
le roi d'Engleterre et son tinel. Et li contes de Hainnau et la
contesse furent logiet à l'ostel de Hollandes, El vint la jone con-
tesse de Hainnau, bien acompagnie de dames et de damoiselles
de son pais, veoir le roi d'Engleterre ; et li rois le rechut moult
doucement, ensi que chils qui bien le sceut faire. Si fu li soupers
grans et biaus et bien estofés, et li rois d'Engleterre grandement
bien requetliés et hoimourés du conte, son serouge, et des cheva~
liers dou pais.
A l'endemain apriès disncr , il se départi de Valenchiennes ; et
vmt a Fontenelles l'abeie , veoir madame de Valois sa grande
dame. Et fu avoecques lui li dis rois bien deus heures, et là aussi
;vGoo»^lc
[1339} VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 76. 4SI
estoit li contes de Hainnau. Si prist li rois d'Engleterre congiet
à la bonne dame, et puis s'en départi ; et vint ce soir, au souper
et à la giste, à Haspre. Et li contes de Hainnau retourna à Va-
lenchienues ; et jà avoit fait tous ses conmandemens et semons
ses honmes, pour venir ao serviche le roi d'Engleterre devant
Cambrai. P" 46 v" et 47.
P. 160. 1. 7 : li donzime. — Mss. ^ 11 â 14 : à tout vint
chevaliers et trente escuiers tant seulement. F" 39 V. — Ms.
.S 6 : lui quarandème tant seuUement. Et toute ses gens prirent
le chemin de Haspre, et se logèrent sur la rivière d'Escaillon.
F«105.
P. 160, 1. 17 : d'Ausonne. — Ms. B 6 : d'Ausoire. F» 105.
P. 160, 1. 19 : vicaire. ^ Ms. £ 6 : de par monseigneur
Lois de Baivière, roy d'Alemaigne et empereur de Romme.
F" lOS.
P. 160, I. 23 : presens. — Mi. B 6 : Ensy fu il requis et
amonnest^ par trois fois. T' 106.
P. 160, 1. 27 : Cambrai. — Ms. B 6 : comme homs de l'Em-
pereur, pour aydier et constraindre le dit evesque, qui est en
desobeissanche, et tous les rebelles d'icelluy pays. F" 106.
P. 160, 1. 32 : ordonnas. — Ms. SAmient : et passèrent le
nnit en joie. F* .33 — Ms. 2t 6 : et soupa le roy cbe soir en la
Salle du Conte, et y jut celle nuit. Et l'endemain s'en par^, et
fu acoQvoiiés jusques à Haspres où ses gens l'atendoient. Adonc
prist congiet le conte de Haynau au roy et de son oncle ; et au
prendre congiet luy dirent que il fust tout prest, dedens trois
iours, et venist devers luy à tout cinq cens lanches. P> 106.
P. 161, 1. 4 : grant fuison. — Ms. ttJmrens.'Et devés savoir
que tout chil signeur de l'Empire avoient fait suffisamment defBier
le roy de Franche, horsmis li dus de Braibant, qui encorrez
estoit derière, et li comtez de Haymiau qui disoit que il serviroit
le roy englèz à cinq cens armurez de fier tant qu'il seroit en
l'Empire; mais si tost qu'O passeroit sus le royaumme, il yroit
deviers le roy de Franche, son oncle, pour lui servir. F' 33.
P. 161, I. S : d'Alemagne. — Bîss. ^ 11 à 14 : de Hainault
et Braibant. F« 40.
S 76. P. 161, 1. 6 : Quant. — JW*. de Borne : Vous savés, si
conme il est contenu ichi desus en nostre histore, que cliil de la
chité de Cambrai avoient esté deviers le roi Phelippe, pour li
;vGoo»^lc
CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
remoustrer conment il avoieat entendu que li rois d'En^eterre,
ranme vicaires à Loys de Baivière, roi d'Alemagne et empereonr
de Ronme, venroit à poissance mettre le siège devant lor ville ;
et avoient priiet au dit roi, oomue chil qui se voloient de tous
poins tenir avuecques lui, pour tant que il ne se sentoieot pas
pourveu assés de gens d'armes, que ils lor en vosbt eovoiier. Li
rois esloit descendus à ceste priière et avait envoiiet en garnison
en la chité de Cambrai mesure Amë de Genève, le Galois de la
Baume, savoiien, messire Jehan de Groulée, le signeur de Vinaî,
messire Loys de Chaloo, mesire Tiebaut de Moruel, le signeur
de Roie, le signeur de Fosseur, le signeur de Biausaut, et bien
deus cens lances de bonnes gens d'armes, chevaUers et esquiers ;
et avoit fait pourveir et rafresqir tous les castiaus de Cambresis
de bonnes gens d'armes, à la fin que il ne fuissent souspris de
nulle roale aventure. Li sires de Coud avoit envoiiet à Oisi en
Cambresis environ quarante lances de bons compagnons, desquels
li sires de Qari estoit cbiés. Li pais estoit tous pourveus sus les
frontières d'Artois, de Cambresis et de Vermendois. Avoecques
tout ce, ti rois Phelippes faisoit un mandement très granl par
tout son roiaulme et hors, et prioît ses amis et conmandoit à
ses subjets, car li intension de li estoit telle que il venroit com-
batre le roi d'Engleterre , fust devant Cambrai ou ailleurs , et
que jamais ne retoumeroit à Paris, ù l'aueroit combatu, car
pour lors il se tenoit à Compien^e et faisoit là son mandement.
F» 47.
P. 161, I. 7 : Haspre. — Ms. ttjmie/is .■ et que moult de ses
gens furent passe et venu à Avenue et là environ. F° 33 v°.
P. 161 , 1. 8 : à Nave. — Le ms. de Rome ajoute : à Cacongle
F» 47.
P. 161,1. 9 : à Yvuîs. — Mt. de Rome:k Iwîs en Cambresis.
Tout chil signeur d'Alemagne par ordenance passèrent oultre, et
vinrent mettre le siège devant Cambrai. F° 47.
P. 16i, I. H : Là vint. — Ms. de Rome: Le second jour
apriès. F* 47.
P. 161, I. 12 : arroy. — Ms. de Rome: à grant compagnie
et belle de Hainnuîers. Et estoient plos de cinq cens lances,
chevaliers et esquiers, et s'en vinrent logier devant Cambrai.
F» 47.
P. 161,1. IS.apriès. — Let mss.J Hà ikometleni:li conta
<les Mons, et ih ajoutent : les comtes de Vaudemont et de Los.
;vGoo»^lc
[1339] VARIANTES PU PREMIER LIVRE, § 76. 453
F* 40. — Le nu. S 6 omet : It marcis de Blankebourch, li contes
de Saumes, etilajoute: te sire Duvort. P 107.
P. 161, I. 14 : marchis de Jtdlers. Mu. dAmient et B 6 :
comtez de JuUers. F" 33 v".
P. 161, 1. 22 : de Braibant. — Mt. B & : Et encores n'estoit
point le duc de Bf abanl, de qiioy tous les autres seigneurs s'esmer-
villoient pour quoy il demouroit tant, quant il avoît jarés et en
convenent par sa foy que il y v[e]nroil sy losl que les seigneurs
seroient venus devant Cambray. Adonc renvoia le roi d'Engleterre
devers luy, et luy mandant qu'il tenist che qu'il avoit promis et
juré. Quant le duc de Brabant vey que c'estoit acertes que aller
devant Cambray luy convenoit, ou aultrement il seroit trop repro-
chiés de son honneur, lors fist son mandement que tous chevaliers
et escuiers de son pais venissent à Brouselles ; et envoîa devant
son compaignon le sire de Kuck, pour aviser placbe devant Cam-
lioray et là où le duc se trairoit et ossy ses gens. F"* 107 et 108.
P. 161 , I. 23 : neuf cens. — Mi. de Valenciennes : huit cens.
P» 73.— Mt. B 6 : douze cens. F" 108.
P. 161, 1. 27 : deffiier. — Mt. de Rome.-Si environnèrent ces
gens d'armes englois, alemans, hainnnîers, tiessons, la chité de
Cambrai. Assés tos apriès ce que li dus de Braibant fu venus à
hoost devant Cambrai , il fu priiés et requis dou roi d'Engle-
terre que il envoiast defiiier le roi de France. Li dus respoudi
à ce et dist que il le feroit tout à temps; et n'en volt encores
pour lors riens faire , jusques adonc que il veroit que on vodroit
chevauchier sus le roiaume de France. Et demora la cose en cel
estât , mais li intensiou dou roi d'Engleterre estoit bien telle que
jamais ne retoilmeroit arrière si aueroit ars et brui ou roiaume
de France. F» 47.
P. 161, 1. 28 : à Compiègne. — JHi. dJmiens : à Peronne.
F" 33 V".
P. 161, 1. 29 : Cranehen. — Ms. de Kaleneiennes : Caren-
nem. F' 73.
P. 162 , I. 2 : et paletis. — Ms. de Rome : Et avoient chil
de l'oost fait un pont sus la rivière d'Esqut, pour aler de l'un
en l'autre. Et couroient tous les jours les Englois et les Alemans
ens ou Cambresïs et jusques à Bapaumes. Tous li pais estoit avi-
sas, avant ce que li sièges Tenist devant Cambrai. Si avoient
retrait U plus dou peuple lors biens ens es forterèces, et lor
bestail cachiet devant euls Uen avant en Artois et en Vermen-
;vGoo»^lc
4S4 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
dois, car ce qui estoit trouvé sus le plat pais estoit perdu.
F«47v".
P. 162, 1. là : Fauipiemont. — Le ms. dAnùem ajoute : li
sirez de Mauni. F" 33 v*. — Ms. de Borne: et auquns chevaliers
de Gertes et de JuUers. F* 47 v".
P. 162, !■ 12 : damage. — Ms, de Falenciennes : mii& si bien
fti deSendus par les gens le seigneur de Couchy qui dedens
estoient qu'ils n'y gaingnèrent c'un pau ; mais y perdirent assez
de bonne gent, car on ne peut assalir et retraire sans perte.
F* 73 V.
g 77. P. 162, I. 16 : samedi. — Ms. de FtdemienMS : biaa
matin. F» 73 v».
P. 162, 1. IS : porte de Saint Quentin. — Mt. de Btme ■
et descendirent ils et ses gens à piet. La porte desus nonmée
estoit gardée des Savoiiens, desquels messires Amé de Genève et
U Galois de la Baume eetoient souverain. F* 47 v*.
P. 163, I. 24 et 2S : Jehans de Saint Digier. — Ms. dAmieTu:
et se combati vallamment au seigneur de Bîaugeu.
P. 162, 1. 29 : Gerars de Wercin. — Ms. ^Amiens : et ii
sirez de IJgne, li sires de Gommignies, li sirez de BriSbeil, li
ùrez de le Hammaide , li sirez de Mastain , li sirez de Roysin ,
messires Henris de Hufalise, li «rei de Berlaimont. F" 33 V. —
Mis. a \ à 6, 11 à 14, 18 à 19 : aussi estoient ses mares-
chaulx appeliez messire Erart de Werchin et messire Henry d'An-
toing. P 41.
P. 163, 1. 1 : estoient. — Ms. de Rome .* aussi en armes li
dus de JuUers et li dus de Gerles et lors gens. En la garde de
la porte, estoient ti sires de Tinai et messires Lois de Chalon et
lors gens, et fissent contre ces Alemans à la deflense tamainte
appertisse d'armes. A la porte de Douay, estoient li sires de
Roie et messires Tiebaus de Moruel ; et eurent l'asaut de mesire
Jehan de Hainnau et dou signettr de Fauquemont et de messire
Weri de Wallecourt. Et furent ce jour trez vaillans gens li assal-
lant et U desfendant, et tant que point ne prissent de damage.
Li hoos dou roi d'Engleterre et des signeurs qui là estoient,
n'avoient nulle defaute de vivres ne de pourveances ; car il lor en
venoit grant fuisson pour euls rafresquir, et tous les jours, de
la conté de Hainnau et de Braibant, car chil pas là lor estoient
ouvert. F° 47 V.
;vGoo»^lc
[i33fl] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 78. 455
P. 163, 1. 3 : Gantiers de Hauni. — Les mss. A ajouient :
li sires d'Anghien. — Le ms. d Amiens ajoute : li sircE d'En-
ghien et messires Ernouls de Batehen'. P" 33 v".
P. 163, I. 6 : envoii^. — MJ. d'Amiem ,- Et endementroes
c'on asailjoit, vînt li comtez Baoux d'Eux à tout deux cens*
tanches , et entra en le chité par le porte deviers Bapaumez , et
recomforta et rafreschi durement chiaux de Cambray, Si dura
chilz assaux jusques à basses vespres', que li assallant se retray-
rent à lenr logeis. F° 33 v».
P. 163, 1. lï : par priière. — Mss. ^ 11 ^ 14 : sanz prier»
qui lui en eust esté faicte, mais seulement par la grant amour
qu'il avoit à lui. F" 40 V. — Ms. é Amiens : à deux cens lan-
cbes. F" 33 V.
P. 163, 1. Ifl ; France. — M*. d'Amiens : et s'envoya ex-
cozer par le seigneur d'Antoing et le seigneur de Faignuellez
au roy de France sèn onde, qui estoit à Peronne en Vermendois,
li quelx roys prist bien en gré l'escuzancbe et oy voUentiers les
messaigez. F" 33 v".
P. 163, 1. 21 : à bien quarante mille. — S/s. de Fatenciermet :
à plus de quarante nulle hommes bien armez. F" 74.
S 78. P. 163, I. 30 : consilla. — Ms. ^Amiens : Or eult
ti roys englès consseil de chyaux où plus fl s'alioit, de mon-
seigneur Bobiert d'Artois, de monseigneur Jehan de Haymtau,
dou comte Derbi son consin et des baz^ns d'Engleterre. F* 33 v*.
P. 164 , l. 6 : Li signeur. — Ms. de Rome : Qant li signeur
veirent que riens il ne faisoient devant Cambrai et que h iviers
aproçoit et les longes nuis, si se avisèrent que il se depardroient
de là et cèvauceroient en France, et bonteroîent le duch de Braî-
bant en la guerre qui encores n' avoit desfiiet le roi de France ; et
puis que it estoit si avant venus, blâme trop grant li serait, se il
ne faisoit ensi que li aultre. Toutes ces coses furent remoustr^es
à part au roi d'Engleterre et à mcsire Bobert d'Artois et à me-
sire Jehan de Hainnau, par lesquels consauls il s'ordonnoit le plus.
Et tout respondirent que ce seroit bon de faire ensi ,' mais tout
considère, il apertenoit que li dus de Braibant en fust segnefiiés,
1. JHV. Je faUncimnei : Blanquenhem. F^ 74,
3. liiii. ■■ à deux mille armures de fer.
3, Ity. ■• du matin jiuque« à Ip nuyt.
;vGoo»^lc
(tS6 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [133d]
afin que il euist pourveance de desfiier.Ie roi : à tout le mains on
oroît sa respome, et veroit on quelle chïère il en feroit.
Si manda li rois d'Engleterre en sa tente tous les chiës des sî-
gneurs, et leur fist dire que il voloit avoir parlement à enls.
Tout i vinrent. Qant tout furent venu , li dis rob d'Engleterre
les remercia des services que il li faisoient ; et puis entra en la
matère moult sagement , et leur dist : « Biau signeur, je ne sui
pas venus en ce pais et faire les frès et les coustages si grans
que TOUS veés que je fac et ai fais jusques à chi , pour tenir le
siège devant Cambrai. C'est li intension de moi et de ceuls qui
ont desfiiet te roi de France que nous nos départirons de cbî
dedens quatre jours , et chevaucerons en France , et verons se
nostre adversaire Pbelippe de Valois venra sus les camps à ren-
contre de nous; si ques, biau cousins de Braibant. vous n'avés
pas encore desfiiet le roi de France , et tous jours avés vous dit
que vous )e desfierës tout à temps. Je le vous remoustre , car
il est heure que vous te desfiés, se le desfiier le devés. > Li
dus de Braibant se vei pris en parole ; et couventùt que il res-
pondesist, ne plus ne pooit requler, ne faire nulle disimulation;
te si esloit li plus proçains que li rois d'Engleterre eubt là. Et li
fu avis trop grant blâme li serait de dire non; si rcspondi etdist
si bault que tout l'olrent : n Che que je me sui sousfers jusques
à chi à non deffiief le roi de France , la cause principaus estait
tèle que je quidoie et supposoie tous les jours que auquns bons
moiiens se deuissent ensonniier de ceste guerre apparant entre
France et Engleterre, par quoi casquns des rois euist eu stm
droit. Et puis que li contraires est , et que vous , biaus couûns
d'Engleterre, volés procéder en la guerre, je escrira! et penderai
à mes lettres mon seet et ferai pendre les seaus de tous les ba-
rons de ma tère, certefians la desfiance qui s'adrecera à Phelqtpe
de Valois qui se dist rois de France. » Tout respondirent :
a C'est bien dit et bien parlé , et nous demorrons tout avecques
vous. »
Ensi s'espardi diils parlemens , liquels fu en la tente don roi
d'Engleterre devant Cambrai. Et escripsi li dus de Braibant unes
lettres de desfiances au roi de France, et seela et fist seeler avec-
ques lut le signeur de Quq, le signeur de Bergbes, le signeur de
Baudresem , te signeur de Pietresen et tous les barons de sod
pais. Et furent ces lettres, escriptes et données devant Cam-
brai , aportées A Pieronne en Vermendois où li rois de France
;vGoo»^lc
[4339] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 79. 4S7
se tenoit, et faisoit là son mandement de toutes parties de son
roiaulme.
Qant la congnisance des desGances vinrent au roi de France,
il D'en fist nulle compte et dist que il n'en atendoit aultre cose;
mez ij demanda : « Où est li chevaliers de mon cousin de Brai-
bant qui tous jours l'a si loiaument escusé, Loys de Cranehen ? ■
On li dist : • Sire, il est demorés à Paris, n Adonc ordonna 11
roU un de ses cevauceours et dist : u Va à Paris et porte ces
lettres à Lob de Cranehen. ■ Li variés les prist et monta à ce-
val et ne cessa, si vint à Paris et trouva le chevalier à son hos-
tel. Si fist son mesage bien et à point, ensi que cargiet li estoît.
Qant mesires Lois de Crenehen vei che, si fu si confus que il en
entra en merancolie et maladie et en morut. En si grant virgon-
gne priât il ce que son signeur li dus de Braibant l'avoil fait
mençonnable.
Or retournons au siège de Cambrai et comptons coiunent, de-
puis les desfiances faites et envoiies au duc de Braibant, le troi-
sime joor apriès, tout se deslogièrent et requelUèrent tentes et
trefs, et mist on tout à charoi et à voiture. Et s'en vint li rob
d'Engleterre logier au Mont Saint Martin, une abbeie de blans
monnes, laquelle est moult belle et moult bien edefiie. F** 47 v*
et 48.
P. 164, I. iS i frait. — JUs. £ 6 : Sy fu là le siège devant
Cambray environ cinq sepmaines, et près que tous les jours il y
avoit escannuche ou assanlt. Et travilloient les Haynuiers plus
cheulx de Cambray que tous les autres. F> lOS.
P. J64, 1. 17 : royaume. — Ms. B S : ea requérant bataille,
se avoir le povoit, à son adversaire le roy Phelippe. Sy se des-
logèrent de devant Cambray. Et donna à Jaques de Hartevelle
congiet et as Flamens de retourner en Flandres. Et les remer-
cbya grandement de che que tant s'estoient travilliet de là venir
à sa prière. F° 110.
S 79. P. 16S, 1. 4 : congiet. ~ lUt. £ 6 : Le jone conte de
Haynau dit au roy d'Engleterre que, sy avant que l'Empire le
porteroit, il yroit. Et quant il dent entrer en Franche, il luy
dist : a Sire roy d'Engleterre et bieau frères, je cfoy que je me
suis bien acquittas devers vous du commandement de l'Empereur.
Vechy delà ceste rivière le royalme de Franche, et le roy est
mes oncles, et est à neuf lieties près de chy, et a fait son man-
;vGoo»^lc
I
4»8 CHRONIQUES DE J. FROISSAKT. [133«]
dément, et m'a jà mandet et escript que je luy doy serriche et
homage : se l'yray servir. » — u Bieau frère, respondy le roy
d'Engleterre, vostre compaignie me plaisoit graDdement j mais je
ne voel pas que vous vos desloyautës pour mon serviche : adieu
vous dy jusques au revoir, n Ensy se départirent li uns de l'au-
tre. Le conte de Uaynau prist congiet et prist le cbemin de Pe-
ronne en Vermendois, et le roy d'Engleterre chcluy du Hont
Saint Martin. Et osy tost que il furent passez ta rivière, ilz en-
trèrent en Franche. F" HO et HI.
P. 16S, 1, 9 : l'Empire. — Ms. de Rome ; car il esloit boms
au roi de France, voirement estoit de la terre d'Ostrevant, de
laquelle madame sa mère estoit do^, se ne li voloit faire point
de gerre. F° 48.
P. 165, I. 13 : congiet. — Ms. de Borne : et rentra en son
pais et s'en vint à Valenchienncs dalés madame sa fenme. F" 48.
P. 165, 1, 21 : de Flandres. — 3fj. fl 6 r de Mauny. F° Hl.
P. 163, I. 24 : en Engleterre. — Ms. B ^ . en. Flandres.
F» 111.
P. 165, 1. 26 : deux. — Ms. S 6 : quatre. P 111.
P. 165, 1. 26 : jours. : jtfj. dJmieni : et li dus de Braibant
dallés lui, penssans et ymaginans lequel chemin il tenroient pour
entrer en Franche. F* 34.
P. 166, 1. 2 ; à Saint Quentin. — lUs. d'Jmiens : Quant chil
de Cambray se sentirent dessegiet, si en furent tout joL-mt et re-
merciièrcnt grandement le comte Raoul [d'Eu*] et de Ghinnes
qui comfortés les avoit. Liquelx cotntez, assés tost apriès le des-
logement, s'en parti et toutte se routte, et s'en vint à Peronne,
et compta au roy de France des nouvellez, et couroment Englèz
et Allemans estoient entré el royaumme et prendoient leur c«min
pour entrer en Vermendois, Adonc envoya li roys de France le
comte de Blois, sen neveut, à deux cens lanches, à Saint Quentin,
pour garder le ville et le frontière contre les Englès; et envoya
monseigneur Carlon de Blois à Laon, pour garder le cité et le
pays d'environ, et le terre de Guise qui est de leur hîretaige.
F" 34.
P. 166, 1. 4 : terre. — Ms. d'Amiens : pour regarder à ses
fortrèches. F* 34.
1. Mi, Je ratene'unnti, f« 75. — Mt. tTJmieiu : de Dfui. Mammte
;vGoo»^lc
[1399] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, $ 80. kH
P. 166, I. 4 : de Hen. — Aft. dAmiem : et envoya le si-
gneuT de Roye à Hem, en Vermendois, à tout quarante tanches,
pour garder le yille. F" 34,
P. 166, I. 6 : à Rohain. — Ms. J Amiens : et envoya mon-
seigneur Moreau de Fiennes à Bohaiu, pour garder le fortrèche;
et renvoya moaseigneur Ustasse de Ribeumont à Ribeumont, pour
garder le fortrèce. F* 34.
S 80. P. 166, 1. 24 : de Berghes. — Le ms. d'Amiens omet :
li sires de Rergbes, et il ajoute : messires Gantiers de Manni et
li sires de Vauselare'. F* 34,
P. 166, I. iS : Baudresen. — Ms. d'Amiens : Bodresse. —
jift. de Fatenelennes : Bodrehem. — Ms. de Rome ; messires
Gerars de Baudresem. F" 48.
P. 166, I. 26 : combatans. — Mss. d Amiens et B S : lanches.
V 34. — Ms. de Rome : anneures de fier. F" 48.
P. 166, 1. 27 et 28 : Hoimecourt. — Ms. B 6 r Honnencourt,
une ville non pas trop grande, mais bien frumée. F* 112. —
Mt. d Amiens : Et là eut ung très fort et très grant assaolt, et
dura priés ung jour toutte jour. [Là estoient'] li sirez de Hon-
cotirt et li sires de Jocourt* et li sirez de Wallaincourt et li
sires d'Estnimiel et moût bonne bachelerîe avoecq yaux, qm trop
bien le dépendirent et trop vassaument. Et bien leur estràt mes-
tier, car il furent si dur et si roit assallît qu'il pardirent leurs
bailles et furent [ramponnet] * jusques as portes et as murs. F* 34.
— Ms, de Borne : c'est une abbeie, mais il i a une petite ville
bien fremée de portes, de murs et de fossés; et dedens la ville
de Honnecourt estoient requelliet moult de gens dou plat pais,
et avoient mis et bouté le leur. F" 48.
P. 167, 1. 7 et 8 : apparut. — Ms. de Rome : Li abbes avoit
fait armer tous ses honmes, voires ceuls dont on se pooit aidier;
et avoit mandé à Saint Quentin des arbalestriers à ses deniers,
pour aidier à garder la ville. F* 48 r» et v*.
P. 168, I. 31 : trettai, — Mss. A : escrisi. — Ms. A 7,
("■39 V.
1. Mi. dt FtdtaeUmts : le aire de Volclore. F> 75-
2. liid., f> 75. — Ms. d'Amiem (Iwnuie).
3. Us. dt faUneiaoïti : le >iiv d'Alaiocourt.
4. liid. : rampoicDl.
jvGooi^lc
4
460 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
$Si. P. 169, 1. 3 : Ce jour. — Ms. d Amiens : Ens» toutte
jour dura li assaut à Honnecourt. Et tous di, se ce n'euîssent
estet U gentil homme qui dedens estoieot, li ville ewist estet
prise. Si y avoit dedens grant avoir, car tous li pays d'environ
s'i estoit requeilliëï. Et quant che vint au soir, li assallant s'en
partirent tout lasset et pluiseurs navras, et s'en revinrent arrière
logier vers Goy en Aruwaise. Et l'endemaîn, se desloga ii roys
englès dou Mont Saint Martin , et prist le chemin deviers l'abeie
de Vaucelles', et pour venir sus le Mont Samt Quentin. Et mes-
sires Jehans de Haynnau et h dessus Doummet qui faistûent leur
routte à par yaux, chevauchoient le pays et vinrent bouter les
feux jusques bien priés de Saint Quentin, tant que les flamescet
en volloient en le ville. Et vinrent passer le Somme desous l'ab-
beie de Vermans de blans moinnez, et ardirent moût de paj's de
delà, qui estoit cras et drus; et se logièrent ung soir sus celle
mej-sme rivierre. Et l'endemaîn vinrent à Oregni, et y livrèrent
grant assault et moult felenès. Chil de dedens se deS'endirent ce
qu'il j>eurent ; mais ce ne fu gairez, car il n'y avoit que vilains
et hommes nient acoustumméz de combattre. Dont che fu leur
dammaiges, car la ville fu' prise d'assault et toutte robée et l'ab-
beie moult amenrée et violée* par les Al^nans et lez gens le sei^
gncur de Fauquemont. De quoy meswre Jehan de Haynnau fu
mont courouchiéz ; mes il ne le peult amender, car i) deETendott
et gardoit les eglisez à son pooir.
Apriès la destruction de Oregny Sainte Benoite, li Englès che-
vauchièrent le chemin de le Tieraisse. Et s'en vint li roys englès
logier à Behories', kttendans que il ewist nouvelles dou roy de
Franche quel part il se trairoit, car il avoit entention que dou
combattre. Liquels roys de Franche se parti de Peroone et s'en
vint à Saint Quentin, à si grant gent que li douzième partie des
seigneurs ne se peurent mies logier en le ville. Et toudis U ve-
noient gens; et disoit que, se U plaisoit à Dieu, il combateroit le
roy englès. Dont se desloga U roys englès de Behories, et vint à
. Farvaques et vers Moustroeil les Dammes, et li evesquez de lin-
colle et messires Renaus de Gobehem et messires Guillaume Filz-
Warine et U sirez de le Ware et li sires de Felleton et messires
1. tft. dt VaUnâianei : Vacellet l'abbaye. F« 75.
3. Ih'ià. ! et le» femoiet Tioléez par let Almaïu.
3. lh\d. ! Borgnin. P» 76.
;vGoo»^lc
[1339] VARIANTES DU PBEMIER LIVRE, § 81. 481
Richars de Stmfort, à deus cens lanchez et trois cens' archiers.
Et tout à ceval passèrent Oise, et entrèrent en le terre le sei-
gneur de Gouchy; et ardîrent Saint Goubaîn, hors mis le fortrèce,
et tons li anuniaui d'environ. Et vinrent vers Nisi et vers Saint
Lambert, et passèrent outre jusques desoubs Laon ; et fisent en
Laonnois moult de destourbiers. Et vinrent à Cresci sus Selle',
qui estoit une bonne grosse ville sans fremure; et le prissent
et pillièrent de tout ce qu'il y trouvèrent, et ptûs l'ardîrent.
F> 34 v».
Ms. de Rome : Chils assaus dura bien trob heures, et n'i fis-
sent riens li assallant fors euls travillier. Qant il veirent ce, il
sonnèrent la retrète, et se départirent de l'assaut; et retournèrent
à lors chevaus et montèrent sus, et s'en vinrent en lors logeis.
Aussi ot en ce jour un grant assaut au chastiel de Ronsoit, lî-
quels est à l'entrée de Vermendois et sus le pasage de Saint
Quentin en biau plain pais, dou conte de Warvich, connestable
d'Engleterre. Et est li dis chastîaus an signeur de Fosseur,
voires estoit pour le temps ; et i eut des bleciés des Englois asal-
lans, et aussi ot de chtaus de dedens. Et s'en départirent li En-
glois, sans riens faire, et retournèrent à lors logeis.
Tous les jours ooit nouvelles li rois de France, qui se tenoit à
Keronne en Vermendois, dou convenant des Englois; et avoit in-
tension très grande et afTection que il tes combateroit, ne jamais
ne retoumeroient sans estre combatu. Et sus cel espmr, li rois
avoit fait estendre ses mandemens par tout son roiaulme, et
asambloit grant gens d'armes. Et en estoieat li camp tout cargiet
entre Saint Quentin et Pieronne, et entre Bapaumes et Lihoms
en Santhers; et tout au lonch de la rivière de Somne, li rob
d'Engleterre. Se deslogièrent dou Mont Saint Martin ils et toutes
ses gens et de là environ, et cevauchièrent en trois batailles
moult ordonneement, la bataille des mareschaus première, et
puis le roi et le duch de Bralbant et messire Robert d'Artois,
après, le duch de Gerlles, le conte de Jullers, l'arcevesque de
Coulongne el mesire Callerant son frère. En l'arrière garde es-
toient li marqis de Misse et d'Eurient, U marqis de Blanque-
bonrc, U contes de Mons, li contes des Éles, U contes de Mours,
li contez de Saumes, messires Jehans de Hainnau, li sires de
I. Ml. dt yattHcUnna ; qjatre cens. Fo 76.
3. liid. : Cnt^j.
;vGoo»^lc
464 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
S 88. P. 17i , I- 1 ; Jehan de Haynau. — Mt. d Amiens :
Et d'autre part, messires Jehans de Uajnanau, à tout dens cens
lanches, couroit le pays; et avoit pris un autre chemin, et vint à
Marie et anJi le ville et tout, hors mis les fortrèces, et ardi les
viUiaus d'envirou sus le rivierre d'Oise. Et prist son tour, et ra-
passa Oize à Guize, où madamme de Blois sa fille estràt; mes
pour ce ne laissa 11 mies la ville à ardoir, et les moulius à abat-
tre. £t d'autre part, lî sirez de Fauquemout chevauchoit à six
vingt' lanches, et autres compaignona, qui environ Ribeumont fis-
sent moult de doununaiges; et s'en vint autour, costiant leur grosse
ost qui aprochoit Buironfosse . Et emendi que li homme * dou Lou-
vion en Tieraisse estoient retret ens es bois, et i avoient là mis et
atrait le leur, et s' estoient asséa bien fortefiés, en tant que de rouil-
lies et de bois. Si chevaucièrent li Alemant celle part. Et y soar-
vint messires Emous de Bakehcm chiaux dou Louvion* qui e& le
forest dou Louvion s'estoient boutet , liquel se deffeudirent ce
qu'il peureut. Che ne fu nient granunent, car il ne peurent à
le longhe durer contre tant de bonnes gent d'armes. Si furent
ouvers, et leurs fors concquis et mis à cache; et en y eut bien
mors que navrés quarante, et perdirent tout ce que là aport^
avoient.
Ensi esloit et fu chils pays adonc courus et sans déport. Et
li roys d'Engleterre et toutte se grosse os, où bien avoit plus de
quarante mil* hommes, estoient parti de Parvaques et venu logier
à Moustroel les Dames ; et l'endemain il chevauchièrent tout souef,
et vinrent à le Flammengherie. Et là eut li roys englès consseil
qu'il se logeroit et atenderoit le roy Phelippe, qui vistement et de
grant volenté le sieuwoit à plus* de cent mil hommes; et tondis
li croissoient gens à forche. F" 34 v^.
Ms. de Rome : Le roi d'Engleterre estant à Behories, li avant
garde estoit logie oultrc le roi une grande lieue; si s'en vinrent
à Guise. Et là en celle cevauchie estoient messires Jehans de Hain-
uau, li sires de Fauquemont, li sires de Quq et mesires Bmouls
de Baquehem. Four lors la ville de Cuisse , réservé le chastiel ,
1. Ms. d» VaUnciennti : deux ccDS lancet. F> 76-
3. Ibid. : lei bons hommes.
3. liid. ! Nouvion, groHc ville taa» frumuT«, fors qu'il» l'avoient
fortifia de bairière* et de hajn.
4. liU. : à quarante mille hammei armez. V" 76 v*.
5. ibiJ. ! û bien cent mille bommet.
jvGooi^lc
[133fij VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 82. 465
n'estoit fremée' que de palis et de bailles. Et se confioient chil de
la ville sus lor dame la contese de BloU, pour tant tjue elle estoit
fille àmessireJehftndeHainnau, queil ne deuissent point estre as-
salli, mais si ftirent. Car qant chil de l'avant garde et U chevalier
desus nonmé fiireat venu devant les barrières, il missent tout piet
à terre et prissent les lances, et s'en vinrent asallir à ceuls qui as
barrières estoient ; et tantos furent conquisses , car la force des
desfendans n'estoit point parelle as asallans ; et toutes fois il s'i
portèrent assés bien, et se retraissent petit à petit dedens le fort,
et ne prissent pomt trop grant damage. Tant que de lors honnies,
fenmes, enfans et tous tors meubles, il avoient tout retrait ou fort,
et tout le bestail cachiet oultre viers Saint Goubain et en la terre
de Couchi.
ha contesse de Blois entoidi que son signeur de père estoit
eu celle cevancliie ; si quida trop bien besongnier, et que pour
l'amour de li , son père deuist respiter de non ardoir la ville
de Guise. Si descendi aval dou chastiel, et vint à la première
porte i et fist tant par priières et par paroles que messires Jefaans
de Hainnaa son père vint parler à lui, et li demanda tout ireu-
sement : « Que voes tu, aitnjsigneur, que ceste ville soit déportée
de non estre arse? cela poës vous bien faire, et tout pour l'amour
de naoi qui suï vostre fille. » — t Et pour ce que tu es ma fille,
respondi mesires JeTians de Hainnau , sera elle arse ; et remonte
là sus ou dongnoD, que la fumière ne te face mal. i La contesse
de Blois u'ea pot aultre cose avoir, car la ville de Guise fu arse.
D'autre part, li evesques de Lincolle et li marescal d'Ëngleterre
et messiies Gantiers de Mauni, à bien cinq cens lances, entrues
que K rois d'Ëngleterre estoit à Behories, cevauchièrent oultre
viers Venduel et ardkent Clari, sus la rivière d'Oise, Moy et
Vendue) , le Fère et un grant moût de villages là environ ,' et la
ville de Saint Goubain , mais au chastiel ne portèrent il nul da-
mage. Et s'en vinrent corir jusques à Vaus desous Laon, et t'ar-
dirent et Bruières , car pour lors il n'i avoit nulle fremeté , et
s'en retournèrent par Cresci sus Sèle et l'ardirent, et le Pont au
Nouvion, et tous les hamiaus de là environ, et la ville de Marie.
El li rois d'Ëngleterre et toute li hoos , celle cevauchie faisant ,
se départirent de Waudaincourt et de Behories et de l'Esqielle, et
s'en vinrent viers Femi l'Abeie et viers la, Capielle en la Tierasse
el la Flamengrie. V 49.
P. 172, 1. 2 : à Gnise. — Mt. .fi 6 : Et s'en revinrent à Guise.
1 — 30
;vGoo»^lc
466 CHRONIQUES DE J. FfiOISSART. [13»}
et là trouvèrent il monseigneur Jehan de Haynas et le seigncur
de FaoquenxiDt à tout ses gens. Et alors se combatoient à aul-
cuns Franchois qui gardoient le pont et la. rivière de par moa-
seigneur Qiartes de Blois à qui la ville estoit : si ques, quant ces
Englès vinrent de l'autre costé, les François se retrairent ou
castel. Et passèrent adonc l'evesques de LincoUe et leur route
au pont. F^ 114 et 115.
P. 172, 1. 4 : sa fille. — Ms. .£ 6 : qui seur estoit à atessire
Jehan de Haynau, qui là estmt présent. F* IIS.
P. 17Î. 1. 13 ; Femi. — Mts. Jiàl,\\à 14, 18 à 39, et
ms. S 6: Farvaques. F> 43. — Mtt. J S et 9, iS à iT : Feny.
F» 41.
P. 172, 1. 15 : d'Alenians. — JUs, de Rome : Une route d'A»-
lemans, desquels li sires de Fauquemont estoit <iûéa et condui-
siries, chevauchièrent devant hors de l'avant garde, car il ne
trouvoient nuluî qiù lor contredesist lor cemin ; et vinrent sus on
vilage que on apeUe Irçon, et le pillièrent et ardireut, et pois
Bonires. Et chevauchièrent oultre jusques au Louvion en Tierasse,
car on lor avoit dit que il i avoit un gros village et rïce, liquels
estMt biretages au conte de Blois. Qant il furent venu jusques à
là, il ne trouvèrent à qui parler, car toutes gens estaient retrait
en la haie dou Louvion et avoient là mène à sauveté, et copé et
haiiet le bois de tel manière que on ne pooit venir à euls fiws à
grant malaise; mais quoi que il se finssent ensi forteBiet, pour
ce ne se abstinrent pas les Alemans que il ne les alaissent v«i»r,
ensi que gens convoiteus qui sont tous jours enclin au gaegnier.
Messires Ernouls de Baquehem et sa route avoient chevauchiet
d'un aultre lés. Si trouvèrent le signeur de Fauquemont et ses
gens en la ville dou Louvion qui mengoient et bnvoient, car des
vins et des pourveances il avoient trouvé assés; n que* par
acord il dissent que il iroient ens ou bois, et escarmuceroient
cbeuls qui i estoient retrait, et lor torroient ce que il i avoient
porte. Tant fissent que il trouvèrent le trace et vinrent jusques à
eols i et costiièrent tant le bois haiiet et abatu, que il trouvèrent
la voie par quoi il vinrent à euls. Qant il furent U venu, il asal-
lirent ces honmes dou Louvion qui se missent à desTense tant
que il porent, mais plenté ne fu ce pas. Si en i ot biau cop de
navrés et de bleciés, et s'enfuirent et s'espardirent parmi le
ixm, li uns cbà et U aultres là. Chil Alemant ne les poursievi-
rent point plenté, mais prisent et toursèrent tout ce de bon que
;vGoo»^lc
[1339] VARIAHTIS DU PREMIER UVRE, gS «3, Bi. «7
dou lour U trouvèrent; et retournèrent arrière et poursievirent
l'oost le roi d'Engleterre qui estoit logiés à la Flamengrie.
F» 4fl T».
P. 172, i. ï» : quarante. — Mst. A U à ik : quarante
quatre. F» 43.
P. 173, 1. 4 : le Flamengrie. — Ms. d'Jmitiu:k le Chapelle
ea Tlerasse et à le Flamengherie. Fo 34 v. — Ms, de Faien-
eieane* : i le Cappelle et à le Flamengerie en Teraice. F" 76 v.
P. 173, 1. S : quarmte mille. — Mts, A li à ik : quarante
qnatre mille. F° A3.
g 83. P. 173, 1. 12 : effort. — Ms. de Ihme : et avoit plus
de cent niiBe hommes. F" 49 v°.
P. 173, 1. 18 : deus liewes. — JUs. ttJmiens .- deux petitez
iieuvez. F» 3ù v».
P. 173, I. 19 ; Si tretost. — JUs. ^Amiens : ce meysme soir
(que le roi de France vint à Buironfosse), vint en l'ost de Franche
)i oomtez Guillaume de Haynuau. F° 34 v°.
P. 173, 1. 24: lances*.— ilf«. de Some : de Hainmiiers et de
Hollandois. F" 49 v«.
§ 84. P. 174, 1. 7 -. Or sont. — Ms. dJmien, : Moût desi-
roîf lî roys englès à avoir le bataille, car messire Robert d'Artois
et messires Jehans da Haynnau et li contez Derbi li consseilloient,
ossi li dus de Braibant, li dus deGerllez, li dus de Ju]le[r]s et li
seigneur d'Âllemaigne. Et disoieut bien entre yaux que ce seroît
grans dammaigez et grans confusions que se si bêliez gens d'ar-
mes, qui làestwentdeïdeuxcostéz, sedepartoientsans riens faire.
Ossi li roys de Franche n'avoit autre entension que dou com-
battre et que de vengier l'arsain et le doummaige que li [rois]
englès et li aloiîés avoec lui li avoient fait. Si demanda à son
connestable Raous le comte d'Eu et de Gui[n]e et à ses mares-
eaux, le marescal Bertran et le marescol de Trie, quel nombre de
gens il pooit bien avoir ; et il li respondirent que il en avoit bien
six vingt mille, et tout adrcchiet pour combattre. F° 34 v*.
Mt. B 6 -. Tant esploita le roy d'Engleterre et tout son ost
où bien avoit quarante mille hommes , et s'en vint à la Cappelle
;vGoo»^lc
468 CHRONIQUES DE J. FKOISSART. [1339J
en Terrache; et ardirent s£s gens toute la ville du Luvio[iiJ, qui
esuiit au coQte de Blois. Et osy ardirent )a ville de la Caiq>eUe,
et puis s'en vinrent à le Flamengherie. Entre le Flamcngrie et
Buierfosse, s'ei vint logier le roy d'Engleterre. Et dist qne il n'y-
roit plus avant, sy aroit veu ses ennemis et combatu le roy de
Franche et sa puissance, qui le sievoîent monlt efforcbiemcnt. Bt
s'en vint che soir logier le roy de France eptre le Cappelle en
Terrasse et Buironfosse. F" l^^ ei 116.
P, 174, I. 16 : nombre. — Au. 4e Borne : li rois Phelippes
de France avoit là tout le monde de gentils homes ; et Airent
nombres les banières en son hooet à deus ceas et soUsante ba-
rons. F' SQ.
P. 174, 1. 18 : le Capelle. — Ms. de Borne : k la Flamengrie
et à la Capelle en Tierasse. F> SO.
, P. 174 , I, 21 : petites liewes. — Ms. de Borne : et tout plain
pais. F° 50. — Ms. S 6 : k mains de deus Iteuwes. F° 116.
P, 174, I, 24 : de JuUers. — Ze ms. rfJmiens ty'oaie : le
marquis de Mbse et d'Eurient.... , le comte Derbi,,... le aei-
gneur de Fauquemont, messire Guillaume de Duvort, le comte
de Saumes. F° 34 y". — Les mss, ^ 11 à 14 lyoutent : le conte
de Los. F» 43 v".
P. 174, I. 26 : Bobert d'Artois. — Mu. ^ 11 à 14 r conte
de Aichemont en Angleterre, que le roy Edouart lui avoit donnée.
F»43v*.
§ 8S. P. 17S, I. 29 : doi chevalier. — Ms. de Rome : deus
Jones chevaliers et de grant volenté. F° SO.
P. 176, 1. 14 : prisoniûers. — Ms. tPJmtens : et la retint li
sirez de Horsteberch* comme sen prisonnier. F" 33.
P. 176, I. 14 : sis. — Ms, de Borne : et fu pritooniv* à euls
siis; çasquns i clama part. F> SO.
P. 176, ). IS : rançonnèrent. — M*, ttjmiens : Dont furent
il d'acort qu'il se mist à finanche parmy mil vies esous que il
devoit porter ou envoyer, dedens le jour don Noet prochain ve-
nant, à Tret sus Meuse, ou ià venir tenir prison. Ensi le jurs li
sirez de Faignuellez. F* 3S. — Ms. de Borne : et se rançonna à
douse cens florins et le cheval perdu. F° 50.
1. ,1/i. Je fûlateianui ; de Hotebereh. F" 77 *".
;vGoo»^lc
[1339] VAHIANTES DU PREMIER LIVRE, g 86. 460
P. 175, I. 16 et 17 r de Haynau. Ms. de B^me : de France
et de Hainnau. F° KO.
P. 176, 1. 24 : messe. — Mt. de Borne : et le trouvèrent que
il s'aparilloit pour aler deviers le roi d'Engleterre. F* SO.
P. 176, I. 28 : Byaumont. — ifs. tfJmient : Si fiât disner le
seigneur de Fatgnuellei et le chevalier allemant dallés lui; et
apriàs disner encorrez parlèrent il de la raencbon. Et dist li sirez
de Biaumout à t'Alemant : e Sire, sire de Hosteberch, soiiés ung
petit plus doulz au seigneur de Faignuelles , car vous savés en
quel convention vous l'avés pris, » Adonc fu li -chevaliers d'Ale-
maigno tous honteux et dist : « Monseigneur , se Dieux le m'a-
mena, j'en avoie bien mestier; car er soirj'avoie perdu tout mon
argent as déz. > Dont coumenchièrent li chevalier à rire , et
meysmement messires de Biaufnont. Lors coummenchîèrent li che-
valier à «llei entre deux, et à brisier le premierre marchandise ; et
tellement amoiienèrent le besoingne que il le dubt quiter de foy et j
de prison parmy six cens vies escus que messires de Biaumont li
devoit paiier tantost, lesquelx il li fîst deliTrer dedens le viespre,
et les presta au seigneur de Faignuellez. F" 35.
P. 177, 1. 4 : courouciet. — Ms. d'jimient : et especial-
ment li comtes, car mouh l'amoit. F" 3S.
P. 177, I. 8 : renvoiiet. — M*, de Borne : et le fist racon-
voiier par ses gens meismes jusques bien priés de l'ost as Fran-
çois. F" 50.
P. 177, I. 10 ; coursiers. — Mt. de B/,me : lequel li Alemant
ne 11 voloient rendre; et disoient que il l'avoient gaegnié.
S 8». P. 177, 1. 2» : contes de JuUers. — Mi. de Faleit-
ciennes : duc de JuUera. F" 78 v*
P. 177, I. 26 : Blankebourch. — lUst. J 11 à 14 : Fran-
kebourc. F" 44.
P. 177, I, 27 : des Mons. — Les mst. jI M à \k ajoutent :
li contes de Los. F* 44.
P. 177, 1. 28 et 29 : Guillaumes. — Ms. de FtUencienuM :
Gilles. F" 78 V.
P. 177, ï. 29 : de Duvort. — «i*. A U à ik : du North.
F" 44.
P. 177, I. 29 : Emoulz de Bakehen. — Mss. ^ 11 à 14 :
Guillaume de Kakehan. F° 44.
;vGoo»^lc
470 CHRONIQUES DE J. PROISSART. [1889]
P. 177, I. 30 : bataille. — Mt. itAmietu : et avoit en cèle
route vingt cinq bannières et quinze pignons , et estoient bien
huit mille hommes et de bonne estofie. P 3S.
P. 177, I. 31 ; soissante. — Mss. J \ à 6 : quarante. F*
44 v«. — Mss, J a à M i s<nssante deus. F* 46 v*.
P. 178, 1. S ; son pays. — Lems. SAndeta aioiue : U comtes
des Mons. F- 35.
P. 178, 1. 5 ; Kuk. — Ms. de Falenciemtes : Buck. F» 78.
P. 17S, 1. 6 : Bergfaes. — Mis. ^ 11 à 14 : Berguettes.
F" 44.
P. 178, 1. 7 : Vauselare. — jtft. ^Amiens : Wasenare^ F" 35.
— Ms. de ralenciennes : Voscler. F» 78 V.
P. 178, 1. 8 : Sconnevort. — 3tts. .^ 11 à 14 : Stonumordi.
P 44.
P. 178, 1. 9 : Boukehort. — Mss. A H à ik : Bourquen-
bourch. F" 44. — Mss. A i à 6, id à i9 -. Boukebourc.
p> 44 v».
P. 178, I. lî : Gilles. — Mss. A ii à ik : Jehan. V 44.
P. 178, ). 14 : Gaatiers. — Mss. A H à ik : Jehan. P 44.
P. 178, I. 18 et 19 : Halluin. — lUss. ^ 11 à 14 : Jehan de
Halluin. F« 44.
P. 178, 1. 21 : Strates. — Mss. ^ 11 à 14 : Trasces. F»
44 V*.
P. 178, 1. 23 : vint et quatre. — Mi. d Amiens : vingt et
deux. F» 35.
P. 178, I. 24 : quatre vint. — Ms. dJmiem : dix sept.
F«35.
P. 178, I. 24 : sept mille. — Mss. A i à6, 11 à 14, 20 à
2* et ms. il Amiens : huit mille. F" 44 v».
P. 178, I. 30 : Lincolle. — Le ms. ^Amiens omet : lieves-
ques de Durem,... li sires de Persi,... li sires de Montbm,... Ii
sires de Lantonne,... li sires de Basset,... messircs Jehans de
Lille; — et il ajoute : li coens de,Warvich...., li comtes de le
Marche, li comtes de Pennebrucq, monseigneur Richart de Stan-
fort, messires Jehans viscontez de Biaumont...., li sirez de Sa-
lich *, li sirez de Felleton '..,., li sires de Ferierres*, li sirez de
Brasseton *..•., li sires de Multonnc, F" 3S.
;vGoo»^lc
[ISSfl] VARIANTES DU PREMIER LIVRE. § 86. 471
P. 178, 1. 31 : Sallebrid. — Mi. ttJmiens : qui estait nu-
rescamt de Tost. F" 38.
P. 178, ). 32 : ClocMtre. — Mss.J 1 à6, SO A SS: le conte
de Norhantonne et de Lancastre. F* 44 V.
P. 179, 1. 1 : Keofort. — Mss. .^ 11 «ï 14 : Kainforth. F* 44
V*. — Xs.Ji: Kerfort F* 46 v*. — Mit. feAmieia et de Vtdm-
cUnnes : Herfort. F* 3K.
P. 179, I. 2 : Ricemont. — Mst. ^ 11 à 14 : en Angle-
terre, oar Toirement la lui avoit le roy aiigtoU dtumëe. F" 44 v*.
P. 179, 1. 3 ■. de Ros. — Ms. d Amiens : de Nortluxibrelant
qui fu là fês chevalier et leva bannière. F° 3S.
P. 179, 1. 5 ; Lantonne. — jtfw. AU à I4, 20 à 22 : Han-
tonse. F» 44 v'.
P. 179, 1. 6 : li sires de Filwatier. — Ms. d'Amiens : Gdl-
laumnes Filz Warine'. F* 3S.
P. 179, I. 10 : nouviaus. — Mi. de Rome ; Hais je Froissan
et actères de ces croniques, ol dire plus de une fois le gentil che-
valier messire Jehan Caindos que il fu fais nonviaus chevaliers de
la main le roi Edouvart d'Engleterre ce venredi que li assanJdée
fu à Buironfosse ; et pour tant que il fu pins vaillans que nnls
aultres quiconque» s'armast de la partie des Englois, j'en fac
enarradon. F° KO.
P. 179, 1. H : Chandos. — Ms. de Vaienciennes : qui fu l'un
des bons hommes d'armes des deux royalmei. F* 79.
P. 179, 1. 15 : vint et huit banières. — Ms. tf Amiens: Et a,'voit
li roys trente deux bannierrez et bien otant de pignons. F* 3S v.
P. 179, I. IS; quatre vint et dix. — Afjj. ^ 13 A 17 : quatre
vint et douze. F* 46 V.
P. 179, I. 16 : six mille. — Mst. A i à e, iO à ii : environ
huit mille. F" 45. — Ms. de Faleneiennes : dix mille. F" 79.
P. 179, 1. 17 : six mille. — Mss. ^ 20 i 22 : huit rniHe.
F" 73 V».
P. 179, I. 18 : batai&e.— 3/f. d Amiens : Et fu là ordounn^s
à tenir sus destre en une bataille, pour réconforter sus elle lez
plus las5& , messires Robiers d'Artois. Et avoit dallez lui mon-
seigneur Gautier de Mauny *, monseigneur de Bercler, le seigneur
1 . Xi. Jt ralmeitniui : Fil Warnier. F* 79.
3. Le ms, dt VaUaàatnu ajoule : monKignenr fl
e «ire de NeafTille.
;vGoo»^lc
471 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [133»]
de CLfort, messire Richart de Pensebruge*, messîr« Bietremies
de Bruech*. Et estoient* trois mil hommes d'armes, douze ban-
nières et deas mille archiers. F* 39 v°.
P. 179, 1. 23 : trois mille. — Mst. .^ 11 ^ 14 : enviroo qua-
tre mille hommes d'armes et deux mille archiers. F* 44 v*. —
Mts. J ^b àil : environ deux mille. F- 46 v*.
S 87. P. 180, l. 5 : honneur. — JUs. tFJmiens .- car il rete-
noit sus sen ame que il se ccHnhatoit sus son droit. F" 3S v*.
P. 180, I. 8 : apertenoit. — Ms. d'Jmient : ainsi se tinrent
il toute le madnée, attendant les Franchoîs. F» 35 v*.
P. 160, I. IS : avisèrent. — Ms. d'Amiens : les hiranz (pu
eurent en escript tous les bannerèz. F* 3S v*.
P. 180, 1. 16 : il y eut. — Mi. ^Jmieni : onze vii^ et sept
hanièrez, quatre roys, cinq dus, trente six comtes et vingt sept
cens et cinq* chevaliers, quatre vingt mil hommes d'annes, sans
les communes dont il y avoit plus de soixante mille F^ 39 v*.
P. 180, 1. 18 et 17 : ohm vint et sept.— ^«r. J S et 9, ii
à 33 : onze vingt bannières. F* 43. — A(fs, .^ 11 à 14 : <Mue
vingt et dix huit. F* 45. — Mts. .^ 1 â 6 : six vingt et sept.
F» 49. — lUs. S 6 : onze vingt et quinze. F" 118.
P. ISO, 1. 17 : dnq cens. — JVst. A i àQ, H à 14, 18 à
tt : six cens. F» 49.
P. 180, ). 17 : et soissante. — Mss.J 11 à 14 : et quatorze.
F» 45.
P. 180, I. 19 : quatre mille. — Mu. J 1 à 6, 20 À 22 :
quatre cens. F* 49. — Mi. it 6 : dix sept cens. F" H8.
P. 180, ). 20 : plus de soixante mille. — Mt. .8 6 : Le roy
de Franche, à ce que on disoit, avoit bien deus cent mille hom-
mes, que à piet, que à cheval. F* 117.
P. 180, l. 27 : de Bar. — Le ms. <tJmiens omet : ti contes
de Valentinois,... li contes de Genève, li contes de Dreux; — et
il ajoute ; li comtez de Pontieu, .... li comtez de Tankarville, li
comtez de Waudimont, .... li comtes de Jeni', .... li contez de
Porsiicn*, li comtez de firainne li comtez de Biaumont, li
1. Ml. dt T'aUnciamu : Penebniach. F" 79.
3. IhiJ. : Bertremieu de BruTei — 3. Itid. : e
4. liid. ! ùx. — 5. Ibid. ! Joingnj'. F. 79 y.
6. Wid. : de Poitiert.
;vGoo»^lc
[iS&ff] VAUANTBS Dtr PREMIER LIVRE,. $ 87. 473
comtes de H<»itfort, H cooitez de Nerltoime, li comtes de JPkre-
gart, licomtes de Villemiir, li comtes de Coomignes, .... li coiytei
de Mnrendon*, li comtez Douglas d'Escoce et H craitez de Mo-
ret.... F" 3S v". — £es ma. A H à ik afoùtent ; le conte de
Namar, ... le cobte de Joingny. F° 4S.
P. 181, 1. K : à recorder. — Afo. ^Amens : Environ hei»e
de tiercbe, vint lî dus Oedes de Bourgoingoe à plus de cinq cens
lanches *, et se miat d'un l^z sour les camps ; et avoit dix neuf ba-
nerèi, tous de Bourgonpie et de le comtet de Bourgoingne, Là
cBtoient 11 jonez comtes GuiUaanunes da Haynnau en très bon ar-
roy ef forche, et faisoit se bataille ù par lui ; et aVoit dii huit ba-
nerès, tous à bannierre de son pays dalles lui. F' 35 V.
P. 181, I. S et 6 : biaidés. ^- M*, d Amiens ; Moult Tu œste
journée belle et clerre «t sans bruine; et rfsplenditoit b solaux
en ces armoiriez, tant que c'estoît grans depors de l'imaginer et
veoir. P 3B v».
P. 181, 1. 7 ; couvers- — Mn eFAmiens : jusifiau fallon.
P. i81, I. 10 : quinze mille. — Jlfss. A i à 6 ■ seize miUe.
P" i» v°. — Mm. a iO à ii : seize mille hommes à chenal et
trente mille hommes à pi^. F° 74.
P. iSÎ, 1. 11 : don lièvre. — Ms, tfAmt'e/u : Apriès ceste
avenue, les nouvelles vinrent au ro^ de France comment uns
lièvres avoit estourmy ses geqp et estoit passes parm; sen ost.
Dont li pluiaeur eurent sus gtant ymagination et dissent que ce
n'estoit pas ungs bons signes quanl uns lièvres, qui est encfintrëz
'fje povce estrinne , les avoit ensi estourmis et courut par devant
*yauxi et quoy que fuist dou samedi, chc venredi on ne li cons-
seilloit niens à lui combatti'e. Ensi parlans et ymaginans plui-
seurs paroles et diviers oppinions , s'avancha moût li jours tant
que nonne fn passée. P* 36.
P. 183, I. 8 : detriiés. — Ms. B. 6 : Ensy furent ches sei-
gneurs tant englès comme francljois. et aloient l'un devant l'au-
tre par ung venredy, et point ne se combatirent. Dont on s'en
peult moult esmervilUer pour quoy il le laissèrent, car il y avoit
de toutes parties grans foison de gens d'armes. Et à che que j'ay
depuis ouit recorder, il tint plus en la partie du roy de Franche
que en chelui du roy d'Engleterre, car il y avoit tant de fouré
1. Vf. dv ValtncUnnti : Mirendon.
;vGoo»^lc
474 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1899]
cbapi^'ons qui estoient du conseil du roy de Franche, les qneb
brtssèrent la jouniëe. Car qui euist crut le roi Phelippe, on se
fiist combattis sans faulte, et ne desiroit anitre chose. Sy se de-
party ensj celle joam^ sans riens fairs, qui fu à Buiroofosse l'an
mil trois cens trente neuf, le vingt dnquièate Jour du mois d'oc-
tobre. F» 118 et 119.
P. 183, 1. 10 : Haynau. — 3fr. d Amiens : Quant li contes
GoillaummedeHaymiau, qui estoit sus les camps cil bon arroyet
friche, vit que nosne passoil et que nnlx ne s'aprochoit pour
combattre, si aj^Ua le seignenr d'EogbÏM et monsîgnenr Hestry
d'ÂBtoing et leur à'at : « AJl^z deviers monseigneur mon oscle,
et li demandez quel cose il Toelt que je fâche. » Il respondirent :
« Vollaitîers. » Dont partirent li doy baron et vinrent devins
le roy de ^ance qui j à se retraioit, et i avoit une si espesse
route dfi seigneurs que jammais ne l'ewissent brisïet. Si trouvè-
rent monseigneur d'Alençw à qui il adrecliièreut leur messaîge.
Et il respoudi : s Ditez à mon nepveut qu'il s'en voist, de par
Dieu, car nous n'arous point de bataille. > Bnsi le raportèrent
li seigneur dessus dit au comte de Haynnan qui se parti de le
place et toutte se routte, w tost qu'il oy ces nouvelles; et s'en
revint cevauchier' vers le Kesnoy. F" 36.
P. 183, i. 12 : englès. ■•- Ms. d Amiens : Quant lî roys d'En-
gleterre et si aloiiet, qui avotent estet rengi^ .enmy les camps
tout à pict, dou matin jusque} à nonne, sans boire et tans meu-
gler, veyrent bien que li roys de Franche ne ses gens ne des-
cenderoient point jusqu'à yaux pour c<»nbattre, si se traîsent
enssamble pour avoir avis et consseil coumment il se mainien-
roieut. Pluîseurs oppinions et grant estoient eut entre yaulx osa
bien comme entre les Franchois. Et volloient li roys et li baron
d'Engleterre, messires Robers d'Artois, messires Jehans de Hayn-
nau et U sires de Fauquemont, chevauchier encorres avant sour
le royaumme et nient partir sans combattre. Li ducs de Braî-
bant et pluîseurs de son accord disoient ensi que il ne pooieut
avoir blasme ne reprochement del partir à tous bons entendeurs ;
car il avoient offert, à t'entra del royaume, le bataille au roy de
Franche qui leur avoit acordé. Avoecq tout ce, il s'estoient Iti
tenu, enssi que gens d'armes se doient tenir, attendans leurs en-
nemis qui point n'estoient venus j et se passoit U heure et li tier-
1. ttt. Je faUndtanei : yi»que» eaR»yaaui.'F° Sï. —
;vGoo»^lc
[1339] VABIANTES DU PH&MIER LIVBE, $ 87. 47S
mes de combattre os». D'autre part, vitaille leur coummenchiè-
rmt à defallir; et ne savoîent mies bonnement, s'il chevauchoient
plus avant, coumment il en seroient ponrveu : si ques d'iaux en-
clore ne bouter trop avant et sus l'ivîer ou royaume de Franche,
il n'y veoient point de bon, car mieux leur en valloit partir à
honneur qne d'atendre nulle aveoture à leur déshonneur. Tout
comsideret et regardet l'un oontre l'autre, li darrains acors fu
que d'iaux départir. Si se deslogièrent et vinrent la nuit geùr
^en tart environ Avesnes à tout leur caroy et leur concquès. P> 36.
Ml. de Bome : Ce venradi au soir, il fîi ordimn^ en l'oost le
roi d'EDgleterre que on se deslogeroit sus le point de mie Doit, et
se retratroit on tout bellement en Hainnau et en Braibant, et que
pour celle saison on en avnit Tait assës ; car au voir dire, tant que
pour la bataille, la pareçon n'estoit pas parelle, car li François
estcnent tr<^ plus fort et plus poissant sus les camps ne fuissent
les Englois. CeUe doubte et nulle aultre, ensi qne il fu supposé et
considéré d^uis, i igissent li dus de Braibant, li dus de Gerles et
li contes de Jullers et auquns aultres de tor aliance ; non li rois
d'Engleterre et les Englois. car il se fuissent votentiers combatu
et pris l'aventure et se tenoient à tout conforte, mais là pour
celle fois il les couvint croire consel, car il n'estoient pas signeur
des Alemans et des estrangiers. Sus le pomt de mienuit, sans
faire trop grant npise, toutes gens en l'ost le roi d'Engleterre se
deslogièrent, et cargièrent chars et charètes, tentes, très, auqu-
bes et pavillons. F" 50 v°.
P. 183, 1. 13 : de Braibant. ~ Ms. £ 6 : A minuit, le roy
d'Engleterre mist tout son consai! ensamble pour savoir que)
chose il feroit, et commeat il se maintenrott. Le duc de Braibant,
qui estoit là ses cousins germains, et qui estoït le plus grant de
tout son consail, dist et conseUla que on se retrairoit, et que pour
celle saison on avoit assés ghuerniet, car l'yvier aprochoit, et que
le roy d'Engleterre avoit fait bien son devoir, et allé et chevau-
chiet ou royalme de Franche et ars et moult gasté le p.iis et
atendu ses ennemis, et puis avoir este tous rengiés et ordonnés et
mb en bataille, l'un devant l'autre ; et point ne furent ses ennemis
sy hardis de les venir combatre. Pour laquelle cose, on doit tenir
à grant honneur l'emprise d'un roy d'Engleterre. Adonc fut creut
le consail du duc de Brabant. F° 119 et ISO.
P. 183, 1. IS : ce venredi. — lUs. B S et nu. de Home : le
semmedi au matin. F* 120.
;vGoo»^lc
476 .CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1339]
P. 183, I. 15 : d'Avesnes. — Jtfi. S. 6 : ht roy d'Engleterre
et toute sa compaîgnie passèrent devers Avennes, et tout à tra-
vers le pays de Haynau, et deaoubz BîeaumoQt et le Samive, et
au pont à Avesne. F" 120.
P. 183, I. i9 : en BraibaHt. — lits. S 6 : k Brouselles d'en-
près son cousin le duc de Brabant, et là séjourna quinze jours.
F* lïO. — Ml. de Rome : Et s'en vint li rois à Louvaing, et là
trouva la roioe sa femnci et s'espardirent chil signeur d'Ëigle-
terre aval Braibant, ensi que fait avoient en devant celle ccv«u-
chie. Et murmuroient li auqun Englois l'un i l'autre et disoient :
■ On fait bien le roi nostro sire despendre et alever sou argent
pour noient et perdre le temps ; il uous fault faire moult de tèles
cevauchies avant que nous aions conqub le roiaulme de France. ■
I>50 V».
S 88. P. 183, I. Î2 : venredi. — Sti. A 1 : samedi. B* 43.
P. 183, 1. 24 : Phelq>pes. — Ms. tPAmieM : Quant li roys
de Franche, ensi que vous avés oy, se fu tenus tout le jour jus-
quez à basse nunne sus lez camps en divierses oppinions, parlans
et devisans à ses plus haus et grans amis et barons, et il vit que
on ne lui consseilloit nient de combattre, tous mautalens et en-
flammés d'air, il retourna vers Buironfosse ; et avait entention qme
l'endemain, coumment qu'il fust, il se donkateroit. Si appella ses
deux marescaus , monseigneur Robert Bertran et le seigneur de
Trie, et leur dtst : « Ordonnes et coummandés de par nous que
nulz ne se parte, et que chacuns se loge, car demain nous dos
combaterons, coumment qu'il soit, s Et li marescal le fissent
ensi. Et quant il ne trouvèrent le comte de Haynnau, se le disent
au roy, afiin que il ne fuissent repris.
Adonc regarda li roys sus te comte d'Allencbon son frère et li
dtst : a De nostre nepveut de Haynnau savcs nulles nouvelles ? >
— « En nom Dieu, monseigneur, oyi, che respondi li comtes
d'Allencbon, [car] il [envoia *] oroins le seigneur d'Enghten et
le seigneur d'Antoing assavoir quel cose volliéE qu'il fesist. Il ne
peurent parler à vous ; si me trouvèrent d'aventure. Et quant je
les euch ois, je leur dis que il n'estoit appairant de combattre,
et qu'il s'en atlast de par Dieu, b Adonc penssa li rois ung petit
et puis dist : a Or le mandez apertement, car demain nous dos
1 Ml. Ji raUnel,nae$, p> 81 ^. — «i. d'Ami
;vGoo»^lc
[13M] VARIANTES DU PREMIER UVRE, § 88. 477
combaterons. > Xiors fist on monter ung sergant d'armes et venir
vers le KesDoy, et y vint si k point que li comtes se desannoit.
Et jà estoienl tout li baron et li «hevalier retrait as hostelx, et lî
autre partit et rullet vers leurs maisons. Si vint li messoigez dou
roy deviers le comte, qui estoit ou castiel, et li dist : a Sire, li
roys vous sallue et vous mande que, dem^ à soleil levant, vous
soiiés à Buironfosse, car on se eombatera as Eoglèz. >
fit quant li comtes oy ces nouvelles, si fist sounner ses trom-
pattes et reuviOier chevaliers , et renseller chevaux , et mdzider
aprièe chiaux que il cuMoit le mieux ravoir. Et se parti en grant
haste dou Quesnoy environ mienuit, et chevaucha tant avoecq ses
gens que, la samedi au watin, il fu sus les c«mps et ou lieu ou
auques pri^ dont il estoit partis le venredi. Et quidoit bien li
comtes que ou se dewist combattre; mais li roys ses dndes et li
Franchois avoient oy autres nouvelles, car le venredi au soir lî
coin^ur et li foureur de Franche estoient revenus en leur ost et
avoient dit pour certain que ti Englès estoient party et jà retret
en l'Empire et en le comté de Haynnau, et s'en ralloient arrière;
et n" estoit mies apparans que il en fe&issent plus ceste saison'.
Dont disent lî baron de France au roy : « Sire, il faora le roy
d'Engleten-e , faire moût de telx chcvauchies, ainchob qu'il ait
concquis le royaumme de Franche » r si ques li roys avoit jà or-
dounné et coummandé à deslogier et de raller chacun en son lieu.
Ces nouvelles vinrent jusques au comte de Haynnau qui se te-
noit sour les camps , que li roys de Franche se devoit partir, et
ji avoit dounnet congiet à touttes mannières de gens, car li En-
glès estment esloingiet. Adonc s'en vint li comtes de Haynnau et
toutte se rôutte où bien avoit quatre cens tanches*, sus ung cer-
tain pas où li roys de Franche devoit passer. Et quant li roys
vînt là et iJ le vît ensi ordonnet, il demanda à chiaux d'entours
lui dou comte qui c'e^tôtt, et on li dist que c'estoit U comtes de
Haynnau. Lors l'enclina h comtes en passant, et li roys U dist :
■ Biaux niés, rallés vous ent^ vous vous estes bien acqtùtéz. »
Dont se parti li comtes et prist congiet au roy et à sen oncle
d'Allençt» et au roy de Behaîngne, et à ses cousins germains
monseigneur le comte de Blois et monseigneur Charlon de Bloîs ;
et retourna arrierre avoecq se cevaucie, et s'en revint disner à Lan-
drechies et jesir au Kesnoy. Or paurons dou roy d'Engleterre et
I. Ml, dt faltaeitnmi : arnuim de fer. P° 83.
jvGooi^lc
h78 CHaOXlQUBS DE I. FftOISSAILT. [1339]
des aloiiës qu'il fissent et qu'il devinrent i car li roys de Franche
ne les sieuwi plus avant; ains s'en revint à Saint Quentin, et là
donna touttes ses os congiet. SI s'en rallèrent chacuns en ieun
lieus et en leur garnisons, ensi que ordonné eatoient.
Le samedi' au matin, se misent li seigneur enssamble et sé con-
seiUièrent quel cose il feroient, car il leur sambloit que ceste ce-
vaucfaie estoit parfaite. Si trouvèrent en consseil que il doonais-
sent touttes leur gens congiet, et il s'en alaissent avoecq le roy
d'Engleterre jusquez à Brouxelles. Ensi le fiseut. F* 36.
Mt. de Rome : Qant ce vint le samedi an matio, nouvelles vio'
rent en l'oost ie roi de France que les Bngloisestoient départi et
fuioil lor voie ; ne on ne savoit que il estoient devenu, De ces
nouvelles fu li roîs Phelippes trt^ durement courouchi^Si et dist
que on l'avoit trahi, qact U n'avoit combatue ses ennemis, et que
tout volentiers on lor avoit fait voie. 14 plus hault baron et ai-
gneur de l'oost le rapaisicrent et h dissent : o Sire, sousCrés Yous :
on Tera ce povre roi d'Engleterre outrequidiet tout despendre et
alever le sien, et li tellement eudebter deviers ces Alemans, que
jamais n'en se vera délivrés. Li dus de Braibant en scet bien jiis-
qnez à lik; et oultre il le m'ainne et pourmainne, et suesfre que
ses gens amendent trop grandement de ce roi d'Engleterre. Il ne
le soustient pour aultre cose que pour le pourht. Il fault ce roi
d'Engleterre faire moult de tels cevauchies, avant que il ait cmi-
quis le roiaulme de France. Le quide il donc conquerre par feus
et par fumières? mes Dieusl nennil. Mais que il soit retournés
oultre la mer, vous ne le verés mes en grant temps revenir. Où,
diable, prenderoit il la finance pour seeler ces Alemans ? II a esté
mauconsUUés de vous avoir desfiiet et de renvoiierHonhonmage.
Jà a il plus perdu que il ne gagnera en toute sa vie. Les terres
que il tenoit deçà la mer li estoient bien aperteiums ; elles sont
fourfaites à tous jours mais''. Jamais n'i rdloumera, ne hoirs qui
de li isse. s
Ensi apaisoient ii signeur de France le roi Phelqipe. Mais,
nonobstant toutes ces paroles, il vosist bien avoir combatu le roi
d'Engleterre et ses Alemans; car, ensi que il disoit, il avoit geos
assés pour ce faire. Qant il vei que il n'en auercit aultre cote, il
donna toutes ses gens congiet de retourner casqun en son lieu.
Li contes de Hainnau, sou neveu, vint prendre congiet à hû sus
1. Ml. de Velaiclainu : L'eadenuiit, au nutin. F° 63 y'.
jvGooi^lc
[1339] VAIANTES DU PREMIER LIVRE, § 88. ' 479
tes cavps, et li rois li donna ; et aussi fist li contes d'Alençon,
son onde : si s'en retourna li contes en son pais. Et li rois de
France prist le cemin de Saint Quentin. Ensi se dearonyiirent ces
grandes ceraudûes et ces assambl^. F" j50 v" et SI .
P. 183, ). 2S : courouciés. — Ms, £ 6 : et dist, sy comme
je ojr compter depuis, que il solleroit tous ses amis pour ung
denier de pain, F" liO et 121 .
P. 184, I. 8 : Sûnt Quentin. — Mss. A\ à1,\\ à 14, 18
h 33 : Saint Omer. F" 46. — M». J 6 : et là se tint plus de
quinze jours. F" 131.
P. 184, I. 13 : don Fay. — Ms. B 6 : ung moult 'salge che-
valier, devers la cité de Tournay, pour gatder le paisj car très
adonc se doubtwt il des Flamcns. F° 121.
P'. 184, I. 1S : Mortagne. ~ Mi. B 6 : dedans le casU) tt
ville de Mortaîgne sur l'Escault. F° 131.
P. 184, 1. 18 : Paris..— jlfrf...^llàl4 : ofi il trouva la loine
sa femme qui ^donc le reseupt à moult grant joîe . F" 46 .
P. 184, I. 2i : en Braibant. — Ms. de Some : Tous jours
avoit il dal^s li messire Bobert d'Artois et l'evesque de Lincole
et son consel. Considéré lu et avisé enfre euls que, se U roiï
d'Engleten^ pofflt tant faire et esploitier que il eui»t plainneraent
l'aide et le confort des Flalnens poar nener là où il les vodroit
avoir, sa gerre en seroit plus forte et plus belle, et jà avoit il
l'amour et la grâce de Jacpiemon d'Arlevelle et de ceuls de
Gaind; si ques, pour omoiener tqiiles ces besongnes etsçavoir la
pure intention de ceuls de Bruges, d'Ippae, de Courtrai, dou
Dui, de l'Esclitfc et dou tieroit dou Eranch, uns parlemens fu
assis et ordojuiés à estre à Brouseltes devant le duch de Braibant
en son hostel à. CoUeberghe. Et ot li dus en couvent au roi d'En-
gleterre, pour tant que il estoit graqs tretiière^ et bien enknga-
giés , qae de euls remoustrer et attraire U feroit son plain pooir.
Chik parlemens fu eacrips et mandas à estre à BrouseUes et
priiés Jaquèmes d'ArtevelIe' que il i vosist venir et estre; et
aussi en fu)*ent prijet les consauls des bonnes villes de Flandres.
Jaquèmes d'ArtevelIe, qui jamais n'i eust defalli, i rendi grant
painuQ que les consauls des bonnes villes de Flandres i fuissent i
et i vinrent et ils meismes tout premiers avoecques ceuls de Gran*
mont et de Gant en grant arroi. F° 51 .
P. 184, 1. 32 ; Brousselles. — Mr. d'Amieiu. Dont se dé-
partirent les os; et s'en rallèrent U Allemant, li Braibenchon , li
;vGoo»^lc
480 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
Guerllois «t tout li autre, chacun en l«urs lieux. Et li roys d'Ea-
gleterre, li dus de Braibant et li cief des seigneurs chevaucbièrent
à petites journées et rappassèrent la rivière de Sambre; et esploi-
tièreot tant .qu'il vinrent en Bmibant et à Brouxelles où it furent
bien requdlliet. F" 36 v*.
P. 184, 1. 98 : raconvoiièrent. — Les nus. J \ à 6, ISA 17,
|a à 2i a/oiuent : le duc de Braibaat. F" 46.
P. 184, I. 23 : li contes. — Atss. J i à 6, U à 14, 18 À M :
le marquis. F* 4fi.
P. 184, 1. 23 : Jullers. — Les mu. A W à Ift ajoutent : le
coMe de Los. F" 46.
P. 184, I. 30 : BnMssdIes.. — Ms. S 6 : Après ce que le
roy d'Engleterre eult fait celle armée en Franche, sy comme ch,v
dessuA est dit, et que toutes ses gens se fureat departy et chacun
ralë à son lieu , il s'en vint eu la ville da Gant où madamme sa
femme se tenait , et là eult pluiseurs coosaub; et parleueus as
Flamens. Et toudis contoit i[l^ ses afaires à Jaques de Uartevelle
quy estoit son compère et grans amis, et qui avait en la main
tous les Ramens pour faire sa vollentë. Le roy d'Engleterre avoit
intencion de retourner chel yver en son pais, et sur l'esté retour-
ner à tout grant foison de gens d'armes et d'ujvhiés, et de venir
asegier la cité de Tourna^. Et tout che diet il à Jaques d'Aite-
veUe qui bien esUHt de son acort. F* 123.
P. <84, I. 31 : d'Artevelle. — Ms. dJmiem : Et y furent li
consaux de Flandres des bonus villes, especialment Jaquèmes
d'Artevelle; et puisqi^il y est^t, c' estoit Assis. F" 36 v*.
P. 188, 1. 10 : Bietun*. — Ms. d'Amieiu : (|ui jadis forent
de Flandres. F° 36 V.
P. 18S, I. 11 : li Flanench. — JUs. £ 6 : qui par samUant
amoient moult te vpy d'Engleterre. F° 123,
S 89. P. 186, I. 5 : avis. — Jf^j'. JI 6 : et dit'que dsdens
trois jours il en respond^roit. F° 124.
P. 186, I. 12 : ctHite de Jullers.' — Mss. A\ à 6, 11 àlfc,
18 à 22 : marquis, de JuiUiers. F" 48 v*'.
P. 186, I. 23 : d'Engleterre. — Mt. ^Amiens : U ducs de
Gerlles, li dus de Braibant', li comtes de Jullers, li marqms de
1. Ml. de yaUneienntt : et tow les prîrchei et les leigneun atman»
qui enoieut k* «lin. F" 83.
;vGoo»^lc
[1340] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, § 90. 481
Misse et d'Eurient, 11 marquis de Rlancquebourg, messires Jehans
de Hajnoau, li sires de Fauquemont , messires Robiers d'Artois
et moût d'autres seigneurs. Et d'autre part, là fu tous li plus
espacialx conseils de Flandres de touttes les bonnes villes et dou
R'ancq de Rmges. F° 36 v*. — Le mi, de Rome ajoute à ces
noms : li contes des Mons, li archevesques de Coulongne. F° SI V.
P. 186, 1. 26 : de Flandres. — Mtt. J 11 à 14. 18 et 19 :
d'Angleterre. F» 46 V.
P. 186,. 1. 39 et 30 : les armes. — Ms. £ 6 : les aeur[s] de
lis. Adonc furent les Flamens tous resjois et dirent que il yroient
par tout avec luy, là où il volroît. F" 124.
S 90. P. 187, 1. 6 : seigneurs. — Mit. A : que sur l'estë qui
revendroit , flz fertMeut très grande guerre en France, Mt. À 1 ,
f46 T*.
P. 187, t. 17 : acord. — Ms. ^ Amieiu : Ossi li Flammencq
et li Rraibeochon , qui estoient tout aloiiet et acordë enssamble,
tiroient trop fort que il ewissent le pays de Haynnau d'acord
avoecq yauz : si en sercât leur guerre plus belle. F<> 37.
P. 187, 1. 19 : s'escusa. — Mt. <£ Amiens : s'escuzoit et disoit
que jà il ne feroit cose qui fust contraire au roy de Franche son
oncle, se li Franchois ne coununenchoient premiers. F" 37.
P. 187, I. 2S : Anwiers. — Ms. dAmieru : Encorres depuis
ces departemens, se tint li rois d'Bngleterre en Flandres ung grant
terme , chevauchans de bonne vUle en bonne ville, pour aprendr^
les gens et congnoistre, et yaux lui. Et fist venir à Gand, par le
conseil Jaquemon d'Artevelie et le priière de chiaux de Gand,
madamme la roynne Phelippe sa femme, et tinrent leur hostel en
l'abbeie de Saint Pière. Et la estoit souvent visitée dez danunes
et des bourgoises de Gand.... '
Quant li roys d'Eugleterre eut ensî ordonne! touttes ses be-
soingikes, il prist congiet à d'Artevelie et as Flammens et à le
roynne sa femme, et laissa dallés lui monseigneur Robert d'Ar-
tois; et se mist en mer pour revenir en Engleterre et prendre
garde à son pays où il n'avoit estet bien par l'espasse de priés de
deus ans , et especialment pour regarder sus lez marches d'Es-
coce, car il doubtoit plus ce costet là que nulz des autres. Si
rapassa le mer li comtes Derbi avoecq lui, li comtes de Norhan-
tonne et de Clocestre, li comtes de Warvich, li comtes de Peone-
bnicq, li comtes de Herfort, messires Rénaux de Gobehem, le
1 — 31
D,qit,zeabvG00»^lc
482 CHRONIQUES DE J. PR0I6SART. [f340]
baron de Stamfort, l'evesque de Linct^le, mMsires Gautiers de
Haiiny, messires Jehans Camdos et tout U autre. Et passèrent le
mer et arivèreot à Londres où il furent rechen à joie, en le ve-
gille Saint Andrieu l'apostle, l'an mil trob c«ns trente neuf. F* 37.
Ms. de Rome : Et là prist li rois d'Engleterre congiet à ces
signeurs de retourner en son pais, car il n'i avoit esté puis priés
d'un an. Si apertenoit que il ï alast, pocr veoir coament les coses
s'i portoient, et pour remoustrer ses besongnes et empêtrer de
la finance. Tout che li acordèrent li signeur legierement, et
dissent que ce serait bien fait. Donc li requissent li Flamenc qae
il establesist en Flandres, de par lui et ou nom de li, deus on
trois vaillans honmes et gens d'armes et archiers, qui li aidai»-
sent à garder la frontière et euls consillier , se il beaongnoit. Et
li rois d'Engleterre leur respondi que aussi feroit il. Et en oultre
ildist à Jaquemon d'Artevelle et à ceuls de Gand conme ses bons
amis, que il lor lairoil la roine sa fenme, jusques à son retour,
et tout son hostel. De ce furent li Gantois tout resjoy.
Donc se départirent chil signeur et s'en retournèrent çasquns
en lors lîeus. Et la roine d'Engleterre vînt à Gant, et esloil poor
ces jours ençainte ; et avoit un fil, liquels avoit esté nés en An-
wiers, que on nonmoit Lion. Qant li rois d'Engleterre se départi
de Gand, à la requeste des Flamens, il institua le conte de Sasle-
beri et le conte de Siifforch à demorer en Flandres, à deus cens
lances et cinq cens archiers. Et puis prist congiet à la roine sa
femne, et s'en vint en Anwiers ; et trouva tous près ses honmes,
les quels il en voloit mener , et sa navie toute preste. Si entrè-
rent en lors vassiaus, et issirent dou havene d' Anwiers, et entrè-
rent dedens la mer; et nagièrent tant Tiers Engleterre que il vin-
rent à OrveUe, et là issirent des vassiaus. Et fissent tant li
signeur, par haguenées et chevaus, que il vinrent en la chité de
Londres. Si furent li Englès par toutes les parties d'Engleterre
moult grandement resjoi de la venue dou roi , car moult li desi-
roient. Et enst que prélat, signeur et consauls des chités et bon-
nes villes le venoient veoir et conjoir , ensi que on doit faire son
signeur, il leur recordoit doucement et bellement toutes ses aven-
tures, et conment ils avoit esploitié , et les amis et alliés que il
avoit acquis oultre la mer ; et par especial des Flamens il faisoit
très grant compte, et aussi faisoient ses gens. F* 51 v*.
P. 187, 1. 26 : à Gand. — 3fr. £ 6 : de lés les Flamens et
Jaques de HarteveHe qui souvent la visetoit. Aussy faisdt le
D,qit,zeàbvG00»^l"C
[1338] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 9]. 483
conte de Hainau son frère et ma daoune la contesse sa femme,
fille au duc de Brabant , et madame de Vallob sa mère qui se
tenoit en l'abeie de Fontenelles de lés Valenchiènes. Et ossy fa-
soient les dammes et demoyselles et bourgoises de Gand. Sy ad-
vint que la dite royne d'Engleterre, en celle saison, s'ajut d'un
bieau fil en l'abbeye de Saint Pière de Gant qui ot à non Jehan.
Contre {sir) le duc de Brabant le leva ; et fut de puis duc de Len-
ciastre, pour che qu'il eut à mariage le fille au bon duc Henry de
Lenclaïlre et de madame Blanche. F** 12S.
P. 188, I. 12 et 13 : à Londres. — Mt. £ 6 : au quay sur le
Tamis». F° 124.
5 91. P. 188, 1. 29 : souverain. — Ms. de Rome: car il avmt
entendu que li rois ses adversaires estoit retrais en Engleterre. Et
fist li rois de France moult fort garder la mer, car il voloit don-
•jieret mettre empecement sus le retour dou roi d'Engleterre. Et
se rafresqissoient chil e&qumeur de mer normant, geneuois et
piqart, qant il voloient, une fois à Calais, l'autre à Wban, et
puis à Boulogne, auCrotoi, à Saint Walleri , à Dièpe, à MarQues,
et là partout où il voloient, F" 81 v° et 52.
P.189, 1.3 : là environ. —,^j.ff6:Etalèrent ung jo'ur courir
en Engleterre et prirent [terre] ou havre de Hantone , et furent
seigneurs de ta ville ung jour, et le coururent toute et ardirent ;
et ochîrcnt grant fuison d'ommes et de femmes et d'enfans , et
puis se retrairent en la mer, F° 122. — Ms. de Rome : devant
Plumude, Wesmude, Dardemude. Et ne lor aloit encores nuls au
devant, mais on gardoit par tout les pors et les havenes d'Engle-
terre. Et ardirent chU esqumeur en l'ille de Wisque. F" 52.
P. 189, I. 4 : li Englès. — Ms. d'Amiens : une heure per-
doient, et l'autre gaegnoiant. En ce meysme temps, rapassèrent le
mer en^Escoce li comtes de Moret et messires GuUlaumes de Dou-
glas, pour tant qu'il savoient que li roys englès estoit râpasses.
Se ne savoient qu'il aw>ient enpensset. Et passèrent avoecq yaux
deus cens compaignons franchoix, pour querre lez aventures et
par le congiet dou rcy de France, de quoy li sires d'Aubegny et
messires EmouU 'd'Andrchen estcAent cappittainne. F' 37.
P. 189, I. S : quarante mille. — Ms. B 6 : soixante mille.
F» 122.
P. 189, I. 8 : à borl. — Ms. de Rome : et amenèrent les lainnes
à Calais. Là estoit lors souverains retours. F'SÎ.
;vGoo»^lc
484 CHROMQUES DE J. FIIOISSART. [1340]
P. 189. 1. 10 : pillage. — Mi. S & -.Et firent moult de des-
tourbiez à marchans allans et venans en Flandres. F* 122.
P. 189, 1. 15 : Normans. — Mti. ^ 11 à 14 : et fiil ponse
par les Normans, Picars et Espa^ols : dont les François fireot de-
puis assez de parlement. F° 47.
P. 189, 1. 13 : à bort. — Mr. ^ 24 : à mort. F» S9 v".
P. 1S9, I. IS : Encores. — Ws. de Rome : Qant li cevalier,
voisin à celle Tierasse , sceurent et entendirent que ces gens
d'armes englois et alemans estoient retrait , tels que li sires de
Couchi, li sires de Vervins, li visdames de Caalons, li sires de
Presegni, li sires de Lore, li sires de Qari, li sires de la Bove,
li sires de Loques , et chil liquel avoient eu lors villes arses dee
Englois et des Alemans ; et messires Jehans de Hainau avoit aussi
esté en auquues de ces cevauchies, il nen s'en pooit escuser De
voloit, car il li couvenoîl servir le roi d'Engteterre , puis que il
prendoit ses deniers : ces gens d'armes fissent lor quelloite de
compagnons , et tant que il furent anriron mille armeures de
fier. Et plus en euissent eu , se il vosissent ; mais il lor sambla
que il estoient gens assés , pour brisier la terre mesire Jehan
de Hainau. Li sires de Couchi i envoia auquns de ses bon-
mes, mais il n'i volt point estre pour une ù petite contreven-
gance.
Ces gens d'armes fissent lor assamblt^e secrètement, et pas-
sèrent de nuit les bos que -on dist la Tîeraesc; et vinrent, sus le
point de solel levant, ou sart de Chimai. Les bonnes gens n'es-
toient encores de riens en doubte, et ne quidoient point comparer
les chevauchies que lors aires, messires Jehans d« Hainnau, avoit
fait en France, en servant le roi d'Engteterre ; mes si fissent. Car,
qant il orent passé les bois de Tierasse etla haie de Cimaï, il
entrèrent on plain pais, et s'en vinrent courir devant Chimai.
Tantos la ville fu esfraée. Si cloirent les bonnes gens lors portes,
et montèrent as desfenses. Pour le temps d'adonc, les Murbours
de Cernai estoient grant ; et moult de rices gens et de grans nou-
reqiers i demoroient : il furent pris en fors lis, ewireus quî se
peut sauver. Ces gens d'armes françois aquellièrent grant proie,
tant que ens es fourbours de Cimai que ailleurs environ Chimai ,
ens es villages de là priés ; et levèrent ce jour plus de douse mille
blances bestes, mille jiors et cinq cens vaces et buefs, car c'est une
marce moult raemplie de bestail et de aoureçons.
Et qant il orent tout levet et requelfiet et mis ensamble, il con-
;vGoo»^lc
[1340] VARIANTE DU PREMIER LIVRE, $ 91. 48S
meRcliièrent ù ardoir. Et premièrement il ardirent tous les four-
bours de diimai'; et abatirent les moulins, qui lors estoient hors
de la fremeté. Et coururent tout le pais de eaviron , et ardirent
Virelle, Lonqiret, Vaus, Bailleus, Bourlers, Forges, Pos, Villers,
Biaurieu, Saint Rémi, Sainte Genevière, Salles, Ballèvres, Wa-
lers , Ebrètres et Montmegnies , et toutes les villes dou sart de
Cbimai ; et se requcltièrent à Selongne. Et qant il s'en départi-
rent, il boutèrent le feu dedcns; riens n'i ot déporté. Et en me-
nèrent, avoecques la proie, bîaucop de prisonniers, que depuis
il rançonnèrent bien et acerles. Ce despît et contrevengance fis-
sent il à messire Jehan de Hainnau , et s'en retournèrent à Au- .
benton. Et là départirent il lor butin, et puis s'en rata çascuns
en son lieu.
Hessires Jehans de Hainnau se tenoît pour lors à Mons en
Hainnau, dalés son cousin le conte, Qant ces nouvelles li vinrent
qne les François avoient ars[e] et robée toute sa terre de Chî-
maî, réservé la forterèce, si en fu durement courouchiés, et à
bonne cause. Et en parla à son cousin le conte, liquels li respondi
et consilla que son damage il le portast au plus bellement que il
peuist, car pour lors il n'en aueroit autre cose. F" 52.
P. 189, 1. 20 et 21 : ennemb. — Ms. i Amiens : telz que le
duc de Braibant et monseigneur Jehan de Haynnau. F° 37.'
P. 189, 1. 26 ; de Beaumont. — Jlfii. A 1, 4, S, 6, H à 14,
20 à ZS : à monseigneur de Brennes. F° 47 v*. — Mss. A % ei
3 t au conte de Brennes. F* 49 v*.
P. 189, I. 28 : de Lore. — Mm. ..4 7, 8, 9 : à monseigneur
Jehan et à monseigneur Gerart de Lore. F* 44 v*.
P. 190, 1. 6 : de Oiymay. — Ms. JAmieru : Uni que les fla-
maisses en volloient en le ville. Et dont chil de Chimay furent
moût eSraet, et sonnèrent leur cloche*; et s'armèrent vistement
et vinrent as portes et à gharittes, et moustrèreni bonne vollenté
de yauz deffendre. Mes li Franchois n'avoient nul talent de l'as-
saillir; et se retournèrent arrière, quant il eurent fet leur em-
prise. F" 37.
P. 190, I. 14 : se retrabent. — 9fi. dAmieni : sans dam-
maige et sans nul encontre, à Vrevins et à Aubenton. F" 37. —
JUs. de KaUTuiennfs : jusques à Vreving en Therasse. F" 84.
P.l»0,I.17:enMons.— Jlfc.rf'^miew.-àVallenchiennes.F«37.
1. M*, d» foiraciennet : lenn doquei. F^ 84-
;vGôo»^lc
4S6 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
P. 190, 1. 19 : li contes. — Ms. £ 6 : Adonc se part; le
coDte de son pais, et s'en ala en Brabant. Et conta au duc, saa
grant seigneur, les despis que les Franchoîs lity ayoient fait. Le
duc luy dist : « Bieau filz , quant vous volr&, je vous presteray
gens assés pour voua aydier à contrevengier. » Le conte dist :
■ Grant merchy. « Et tout ensy luy dist Jaques de Uartevelle
que le duc de Brabant avoit fait. F° 130.
P. 190, I. 20 : de lui. — Ms. d'Amiens ; en foy et en houm-
raage. F" 37.
P. 190, 1. 20 : Nompourqoant. — Âfs, il Amiens : à le priière
dou comte, li sires de Biaumonl s'en soufiri tant que à cèle fois,
et s'en vint à Biaumont et puis h Chimay reconforter ses gens, et
leur proumist bien que chils fourfès seroit temprement amendés.
1*37.
P. 190, 1. 43 ; saudoiier. — Ms. de Borne : françoîs. P" 52.
P. 190, 1. 26 : Relenghes. — 3fs. de Rome .-le castelet de Re-
lenghes. P«S2.
P. 190, i. 29 : le Bastart, — Aft. de Rome : et estoit cheva-
liers. F> m.
P. 191, 1, 1 : vint et cinq. — Mi. ttAmiens : environ trente
armures de fier. P> 37 v*. — 3£s. de Borne : quarante com-
pagnons. F" 92,
P. 191, 1. S : disent bien. — Ms. dJmteni : que l'endemain
il revenroient si fort qu'il lez aroient. F* 37 v,
■P. 191, 1. 8 : le nuit. — Ms. B 6 : quant che vint à minuit.
F- 127.
P. 191, 1. 9 : contre. — Ms. de Fcdenciermes.: une telle
bonne ville. F* 84 v*.
P. 191, 1. 14 : toursèrent. — Ms. de Faienciennes : et prin-
rent leurs baghes. F" 84 v.
P. 191, 1. 17 : abatre. — Ms. d Amiens : et en fissent mener
le pière à Cambray. F' 37 v".
P. 191, 1. 19 : vinrent. — Ms. cCAmiens : k Bouchain oîi il
furent requeilliet, et lendemain à Vallenchiennes. F* 37 v*.
P. 191, 1. 20 : en son lieu. —Mss. ^ 11 Â 14 : Et enà ala il
de la maison monseigneur Jehan de Hainault qui en fut dure-
ment courrouctë. F" 47 v", — Ms. de Borne : Et de tous ces da-
mages fu enfounnés mesires Jehans de Hainnau, et les porta une
espasse au plus bellement qu'il pot, ensi que il fault faire à le
(bis. F" 82 V.
;vGoo»^lc
[Ï3ftO] VARIANTE DU PRBHIER LIVRE, S M- 487
S 9H- Ce paragn^he eonunenee ainsi dans le nu. B 6 : Nous
retovirnerons à aucunes besongnes et incidenses que il advinrent
w Haynau cel ivier et l'estet ensievant, entreus que le roy d'En-
gleterre estmt eo son pays. F° iS5.
P. 191, I. ÎS : de Mauni. — Ms.iï J miens : a'Sehaa et Thieri
de Mauny, ses deux autres frères, car lî roys d'Engleterre lî avoît
domiet le castiel et les appendonces, comme vicaires de l'Emigré.
p 32 yo. Mti. ^ 11 ^ 14 : et certain nombre de boDSCom-
paingnons aventureux avecques lui. F» VI V.
P. 192, 1. 5 ": s'armèrent. — Ms. d'Jmiens ; car il y avoît
layens des saudoiiers franchoiset autres. P 32 v* — Ms. de Rome:
Pour ce jour, estoit renforcbie la garnison des Cambrissîens, si
ques, qant il veirent ces compagnons, les quels il nonmoient les
BaioBuiers, qui si Tort les adaioient et herioient, il se quellièrent
et se trouvèrent environ deus cens armeures de fier. Si se armè-
rent et montèrent as chevaus, et fissent ouvrir la porte c'<hi dist
Robert et avaler le pont, et se missent sus les camps. F» Sî v».
P. 192, 1. 11 : j'one. — Mi. de Rome : baceler gentilhonme
et chanonne de Cambrai. P* 32 v*.
P. 192, 1. 13 : Gascons. — Ms. d Amiens : et conseil* de
l'evesque de Cambray, F" 32 v*. — Ms. B 6 : neveu de l'eves-
qne. F* 126.
P. 19», I. 14 : Marchant. — Ms. J 6 : Rollans. F" 126.
P. 192, 1. 24 : le large. — Ms. d Amiens : fendi le large et
rompi les plattes et passa l'auqueton. F* 32 v, — Ms. de Rome :
percha l'esqut et le cote de fier et la plate d'achier. F" 52 v*.
P. 193, 1. '3 : cacièrent. — Ms. de Rome .• et en i eut des
pris et des retenus jusques à neuf; et li aultre se sauvèrent et se
boutèrent dedens Thun l'Evesque. F* 82 v*.
P. 193, 1. 12 : ses deus frères. — Ms. d'Amiens : Ces nou-
velles vinrent ad seigneur de Mauni son frère, qui trop durement
en fil courouchies, mes il ne le peult amender tant qu'adonc; et
ossi fu 11 roys d'Engleterre et y envoya ung très bon chevalier
englès, qui s'api»eIIoit messires Richars de Limosin, qui vaillam-
ment tint le forterèce puisedi. F" 33. — Ms. de Rome : Si doi
frère Jehans et Terris tretiièrent viers ceuls de Cambrai pour ra-
voir le corps. Il furent consillié dou renvoiier; et l'alèrent re-
querre en Cambrai doi frère cordelier de Valenchiennes. On lor
l. Ut. i* FaUncUaut : couib. P> 71 t».
;vGoo»^lc
4Sg CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
délivra. Si fu li corps mis sus Un kar vesti de ncnr, et aportës à
Valenchiennes , et ensepvelis en t'eglise de Saint François, et là
gist. Eosi vont les aventures d'armes. F* S2 v".
g 93. P. 193, I. 36 : Vous devés. ~ Mj. de Home : Cbil de
la garnison de Cambrai procurèrent tant deviers k baiUieu de
Vermandob que il orent congiet d'entrer et ardoir en Hainnaa.
et de faire bonne gerre. £t avoient proposet ensi li Cambrisi«n
que H Hainnuier leur avoient fait et porté plus de damages que li
Englois ne Alemant n'euissent; et s'esmervilloient pourquoi oa ks
deportoit à non estre en la gerre.
El fu ce rcmoustrë au consel don roi de France que li contes
de Hainnau, li pères et li fils, avoient tous jours fait partie à
rencontre don roîaulme de Franche, et porté à lor pooir con-
traire et damage, et avoient sousienu tous jours convertement les
Englois ; et , se il euissent abatu otant les errederies , demandes,
requestes, calenges et oppiniMts don roi d'Engleterre que il les
ont eslevé, de la gerre n'euist riens esté; et estaient tenu en
Hainnau de comparer tous ces cas, car trop bien l'avoient li
Hainnuier acquis. Tant fu parlé, proposé et remoustré à ren-
contre dou conte de Hainnau et de son pais, sans ce que li dis
contes fust mandés, pour olr ses escmances, que il fu acordé et
ordonné que li compagnon saudoîier françois, qui en la chité
de Cambrai se tenoieni, venroient en Hainnau et î bouteraient le
feu, et conmenceroient la gerre, car il ne desiroient aultre case.
Si se ordonnèrent à ce faire, et issirent de la cliité de Cambrai
un samedi, par nuit, environ soissante lances. Et les conduisaient
mesires Tiebauz de Moruel, messires Renauls de Trie, mesires
Drues de Roie et li sires de Mellincourt. Et grant gent ne lor
couvenoit point pour faire lor emprise , car li pals de Haionan
n'estoit en nulle doubte , ne point desfiies. Et vinrent ces gens
d'armes et biau cop de campagnons de piet de Cambrai, environ
deus heures en la nuit, en la ville de Haspre, laquelle estoit tout
desfremée et est encores; et prissent les gens en lors lis. Et.
pour esbahir ceuls de la ville, il fissent bouter, par ces bonmes
de piet qui les sievoient, en cincq ou en siïs liens, le feu en la
ville.
Li haros et li cris s'esleva. Tantos gens, lionmes, fenmes et
enfans s'esfreèrent, et veirent bien que il estoient atrapé; et que
c'estoient lor voisin, li saudoiier de Cambrai, qui les resvilloient.
;vGoo»^lc
[1340] VARIA\TES DU PREMIER LIVRE, $ 93. 489
el qui ce damage lor portoient. Si se conmenchièreot toutes gens
à demuchier et à fuir chà et là. Toutes fois il en i eut grant
fnisson de pris et de ocis, et eacores en i euist plus eu, se il
voûssent; maïs il entendirent au pillier la ville, et à rompre
escrins, et à cargier cbaK et a)iarètes et chevaus que il avoient
fait venir avoecques euls ; et meismes chil de piet estoient si car-
giet de draps et de jeuiaus que plus ne pooient.
En l'église de Haspre, on aoure de saint Ac|iiire , liquels est
uns moult crueuls sains, et que on doit resongnier; et dou dit
saint if ont là dedans l'église, qui est une prouvost^, et gouvre-
nëe pKr les monnes de Saint Vast d'Arras. Li dis provos , pour
ces jours, n'i esloit point ; et avoit esté si avisés que la fiertre de
saint Aqaire et le reliqaire et les plus rices aoumemens de l'é-
glise , il avoit fait venir et amener avoecques li à Valenchiennes.
Cela ta sauve ; aultrement tout euist esté perdu , car la ville et
l'abei» et tout fu si netement ' pilliet et robet que riens n'i de-
roora, dont on peuist faire argent, et la ville toute arse, et les
moulins ars et abatus. F* S3.
P. 194, I. S : li sires de Villars. -^ Mst. ^ 1 Â S, 9 â 14, 30
à 22 : le seigneur de riUiers. P 48 V.
P. 194, 1. 3 : Maruel.— Jlfj. de Fakmiennes i Martel. F^SS.
P. 194, I. 4 : Cambray. — Ms. B B : et de la cité de Cam-
bray messire Mille de Mirepois, le Gallois de le Baume, savoiiens,
et le sire de Vilters et de Rousillon et ossy messire Ubau de Mo-
ruel. ¥* 128.
P. 194, 1. 4 et 3 : saud<nier. — Ms. B B : de Cambray et chil
dou Castiel en Cambresis. F* 37 v», — JUs. de Faleneiennet : de
Cambray et de Cambresis. F° 8S.
P. 194, 1. 6 : pour pillier. — Ms. B 6 : pour contrevengier
les despia que les Hayniàers, sy comme il dtsoieat , leur avoient
fait au siège de Cambray. F" 128.
P. 194, 1. 7 : evesques. — Mi, B 6 : En che tamps estoîtious
cob à Paris delés le roy de Franche le evesque de Cambray, qui
rendoit grant paine au coosail du roy que on peuist de Cambre-
sis courir en Ilaynau. Et se complendoit trop amèrement du conte
de Haynau , et disoit que c'estoit lui , du siège estant devant
Cambray, qui pis les avoit fait et porté de damaiges. Encore plus
avant il disoit que tout couvertement le conte de Haynau estoit
bons englès, car il avoit esté au parlement du roy d'Engleterre
en Brabant et Flandres , et savoit tout leurs secret, et avoit en-
;vGoo»^lc
490 GH&ONIQUBS DE J. FROISSART. [13U>]
cores ^ant alianches as Englei. Tant dist et tant procura et tant
esploita che dit evesque que le consail du roy se contourna à che
que on fesîM aucuns despis au conte de Haynau, non nie au nom
du roy de Franche, mais soubz ombre du duc de Normendie qui
estoit bauls de Cambresb, F* 129.
P. 194, I. 22 : cinq cens. — lUst. .4 1 A 10, IS à 39 : sit
cens, r* 48 V. — Mm. jiH à ik: sept cens. P 46 V.
P. 194. I. 22 et 23 : wmedi. — Mt. B 6 : àfS Brandons.
F» 129.
P. 194, 1. 26 : vinrent. — M*. d'Amiens : de nuit. F* 37 y*.
P. 19S, 1. 2 : ardirent. — JUs. dAmitm : et violèrent l'ab-
beie*. F- 37 V.
P. 19S, 1. 4 : prevosté. — lUss. .^ 1 à 6, 11 à 14, 20 â 29 :
prioré. F* 48 V.
P. 19ï, I. 13 : vinrent, — Ms. ifjmie/u: environ mienuit.
F< 37 V«, — Ms. de Rame : dmt plus tost c'on pot, à cours de
chevaua. F* 33.
P. 195, I. 14 : se donboit. — Ms. de Rome .■ et la contesse.
F* 53.
P. 19S, I. 18 : Wercin, — Ms. de rateneiesmes : Vertiin.
F" 85.
P. 195, 1. 21 : de Floion. — Le ms. rf Amiens omet .-... mon-
sùgneur Thieri de WaUecourt, . . . le signeur de Floicm; et il
(tfMte :... ti sires de Roisin, li sires de Gommegnies...., li sires
de Mastain, li ûres de Vendegies , li sires de Hartain , li ures
de Sars...., li sires de Berlaimont, li sires de Wargny, li sires
de Boussut. F* 37 v*. — Le mt, de Rome omet : monseigneur
Thieri de Wallecourt, le signeur de Potielles, le signeur de
Floion; et il q/oute :... lî sires de Wargni,... li sires de Gon-
mefnies, li sires de Vertain. F* 53.
P. 195, 1. 27 : Valencièies. — Ms. d'Amiens : et dist à chianx
qui le bellefroit gardoient : c 0 vous maie gent qui là estes, qui
veés le dammaige de vos voisins , pourquoy ne sonnéi vous II
Gloce'?Si s'emouverontetesvilleroutchil de la ville, ■ Alerequeste
don comte fn la cloche sonn^. Lors s'esvillîèrent touttes man-
nierres de gens et s'armèrent, et s'en vinrent viera le marchiet.
1. Jfi.Jé raltmimiut .- l'egU«e. F" 8S.
2. lUJ. : t pour qnoy nr «onirn too» le clocijDr? Si i'MTÎlIeronl
ceux de la TÎlle. >
;vGoo»^lc
[1340] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, S A*- ^9*
Mes li comtes ne vot pas aiendre lez darrains; aîns se parti et
disl : € Qui m'aime, se me sieuwècc. » F» 37 v*.
P. J93, 1. 29 : sievirent. — Ms. d Amiens : Et li prevos pour
le temps de Vallenchîennes , qui s'apelloit Jehan de Hausû, fist
monter et ordonner pluiseurs de chîaux de le ville et sievir le
comte. F" 37 V.
P. 193, 1. 30 : hors. — M*, de Rome : par la porte cambri-
nenne. F* S3.
P. 19S, I. 32 : chevauciet. — Ms. ttAmimt ; jusquez à Main,
F* 37 T*. — Ms. de Rome : et passa F'>ntenelles ; et droit i Mon-
Ghiaus nouvelles li vinrent. F" 33.
P. 106, I. 1 : lieuwe. — Ms. J ^ : une heure. F" 46 v*.
■p. *96 , I. ï : li François. — Ms. de Rome : et li Cambris-
sien. F* 53.
P. 196, 1. 2 : retrait. — JKt, dAmiera : vers Cambray. F» 87 v*.
P. f 96, I. 3 : rapaisier. — Mf. dAmieni : et li dist que elle
ne quidoit mies que ce fuist li fês dou roy de Franche, mes de
l'evesque de Cambray et de chiauz de Cambresb : « Si vous prî,
biaux fllz, ainchois que vous esmouvés nulle gherre contre le roy
de Franche vostre oncle , que vous vos voeilh^ aviser et avoir
bon consseil, cor trop vous poroil couster et à vostre pays ossi. »
P" 37 V*.
P. 196, I. 14 : une espasse. ^ Mt. de Home : environ une
heure. F* S3.
P. 196, 1. 17 : lettres escrire. — Âfs. de Borne ; il mist clercs
et messagiers en oevre. F* 33.
§94. P. 197,1.12: briefment. — j|f.r. if^fflfemr.-Làeutavia li
comtes, par l'ordonnanche de son oncle, dou senescal de Uajrn-
nau, de monseigneur Hetu-y d'Antoing et d'aucuns chevaliers qui
là estoient , que il assignast ung parlement à estre à Mons en
Haynnaii; et que là fuissent tout chil de son pays, qui tailliet y
estoient de y estre, baron, abbet, chevalier et coossaux des bon-
nes villes. Lettres riu*enl escriptes et seigneur mandet. Endemen-
troes li comtes de Haynnau s'en ala en Braibant compter au duc
de Braibant, qui fille il avolt, quel desplaisir les Fcanchois li
avoient fait. Se li respondi li dus que lui et ses pays estoient
tout appareilliet pour lui aidier à contrevengier. Encoires che-
vaucha li comtes plus avant, et vint à Gand ; et se complaindi à
d'Artevelle dou despil que li Franchois li avoient fait. Liquelx li
;vGoo»^lc
49Î CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
r«spoDdi que, dou despît esloit il courouchiés, mes non pas que
pour ce en avant il seroit avoecq yaux des alou^s, et ti dist ;
« Comtes de Haynnau, soués tous reixmfonés que, quant tous
VOTIEZ bien adcertes, je vous menray soixante mil Flammens as
coustages de Flandres, là où vous nous manderés. > Et li comtes
dist : « Grant mcrchis 1 »
A che parlement, qui ordonnés et assignée estoit en le ville de
Hons, furent baron, abbet, chevalier et consseil des bonnes vil-
les dez trois pays de Haynnau, de Hollande et de Zellande. Kt
là remoustra li comtes à tous le despit et le villonnie que U
Franchois li avoient fait; et pria et requîat que sour ce on le
conssillast si à point que il n'y ewist point de blamme en ses
pays. Là ot mainte parolle retournée et maint proupos aviset,
car li sires d'Enghien et li sires de Barbenchon et li sires de Li-
gne voloient que li comtes envoyas! deux ou troix chevaliers et
deux ou trob clercq de droit de son pays deviers le roi de Fran-
die, assavoir de certain se de ceste fourfaiture li rois se voroît
point excuser, ne amender le fourfet. Mes cbilz conssaux ne chîlz
avis ne peut oncque estre oys, car li ûres de Biaumont, qui le
plus grans i estoit de trop apriès le comte, brisoit tout et disoit :
« Ne plaise jà à Dieu que nous nos abaissons de tant que, sus
deus grans despis que on a fait en nostre pays de Haynnau,
nous requérons nul moUen. Nous sommes gens assés pour nous
c«H)trevengier ; et si poons entrer el royanmme, de quel lés qu'il
noos plest. ■ Là estoit li comtes qui ooit tous ces debas, qui plus
s'enclinoit à le gherre que à le pais, car li arssins de le terre de
Chimay li touchoit moult et chilz de Haspre. F* 38.
P. 197, I. il : contrevengast. — JUs. de Jtome : Et fii dit :
■ Nulle gerre couverte ne vault riens. Messires Jebans de Hain-
nau a desfiiet le roi de France, et li a fait gcrre avoecques le roi
d'Englelerre, etausi ferés vous, sire. Vous le desfiierés, et nous
tout qui sonmes vostre honme ; et puis li ferons bonne gerre, car
nous ne volons point porter ce despit paisieuvle. » P* 53 v*.
P. 198, 1. 8 : Crespia. — JUts. ^ 1 à 6, 8 à 10, IS à 17, SO
à ii : Saint Crespin. F° 49 v°. — Mss. ^ 23 à 33 : Thibault de
Crespin. F« 89 v». — Wsi. ^ 11 à 14 : Cr«spy. F» 49 v".
P. 198, 1. 11 : dou pays. — lUtf. j^ 11 à 14 : des trois pais
dessus dicts. F" 49 v°. — Ms. S Q : Et sellèrent tous les ba-
rons de la conté de Haynau et tous cheulx qui rien ne tencùent
du roy de Franche. Et renvoièrent leur hommages, excepte le
;vGoo»^lc
[1340] VARIANTES DU PREMIER LIVRE, g 9S. 493
sire de Naste. Cheluy se party de eulx, et ne veult oncques def-
fiier le roy de Franche. De quoy le conte saisy toutes ses terres
de Haynau, ne oncques de puis ne luy volt rendre. F» 131.
P. 198, I. 17 : n'en fist. — Ms. £ 6 : que rire. F» 13t.
P. 198, 1. 20 : son pays. ~ Ms. £ 6 : Le conte de Blois, qui
estoit là présent, et qui teooit grant hiretaige en Haynau, la
terre d'Avesne et de Landrechie, et qui cousins germains estoit
an conte de Haynau deux fois de père et de mère, renvoya ses
honunaiges au dit conte et demoura franchois et delés le roy
Phelippe son oncle. Cbe fu rayson, car il estoit ung des pers de
France. F» 131.
P. 19S, 1. 23 : faites. — Ms. iÀmient : Apriès ces deffianees
faittes dou roy de Franche et l'abbet de Crespin retournet, il ne
denonra nient granunent que li comtes de Haj'nnau fist son man-
dement et semonse de tous barons chevaliers et hommes de fief,
à estre à Hons en Haynnau. Ht envoya saisir et prendre Avesnes
et Landrcchies, qui estoient dou comte de Blois, ossi le castiel
de Sassoigne * i et y nrfst partout garnison pot^r lui et ou nom de
lui. D'autre part, messires Jehans de Haynnau fist se aemonsce
à Rianmoot et là environ, et eut bien trois cens lanches. Adanc
se parti li comtes de le ville de Mons en grant arroy. Et fissent
Il marescal et li offisciier, qui à ce estoient ordonnet, le charroy
aroutter, et prendre le chemin de Merbes' le Castiel, pour passer
le Sambre. Et passèrent là le rivière, et s'en vinrent à esptoit
vers Biaumont, et puis vers Chîmay ; car c' estoit leur entente
que d'entrer en la Tieraisse, et de venir à Aubanton et en le
terre le seigneur de Vrevins et de Bieumont, qui courut avoit le
terre de Chimay. El passèrent li Haynuier Fagne et les bos de
Chimai, et se hdiregièrent ung soir à Chimay et là environ ; et
l'endemain s'aroutèrent deviers Aubenton. F° 3S.
P. 198, 1. 26 : Flandres, — I^s mss. .^ IS à 17 ajoaieni : et
en Zellande et Hollande. F° M V.
P. 198, 1. 32 : Vrevins. — JKf. de Borne : et de mesire Je-
han de Beumont qui avoient ars la terre de Chimai. F? 53 V*.—
Aftj. ^ H li ik: la terre du seigneur de Brenne. F' 49 v",
g 9tt. P. 199, I. S : palis. — Ms. dJmieiu : et de peds
fossés. F" 38 V.
;vGoo»^lc
b94 CHRONIQUES DE J. FAOISSAUT. [IMO]
P. 199,1. 11 : deCh^ons. — Ms. BG : ung moult vaillant che-
valier et ses deus filz, joaes escuiers, et le sire de Vrevîn. F* 13Z.
P. 199, 1. 11 : de Beaumont. — Le nu. de Bûme ajoate : au
signenr de Craaié. F° S3 v*.
P. 199, 1. 14 : trou cens. — Ms. J 6 : Là avoît bien cinq
cens lances de Brabant que le duc y avoit envoiet pour conforter
ioa fili. Sy firent ces gens d'anaes trois assauls grans de gens
tnen estoffiis. F- 131.
P. 199, 1. 16 : Hayuuiers. — Ms. ^Âmient •* Non pourquant
il disoient et asseuroient bien à chiaux de le ville qu'il la deffen-
deroient bien et loyaument ce qu'il poroient', eosî qu'il fiaent;
car vraiment il s'en acquitèreut à leur pooir. F* 38 V>.
P. 199, 1. 31 ; à MuDs. — Ms. de Rnme : Li contes de Hain-
nau fist son aisamblée et son amas de gens d'armes à Hdds en
Haûmau ; et escripsi et pria à auquus cbevxliers , en Braibast et
en Habehain, que il le vosissent venir veoir et servir, pour con-
trevengier les despb que li François li avaient fait. Pluisseurs
chevaliers vinrent et ne se vodreot pas esquser. Et par espedal
li sires de Fauquemont, qui fu moult bacelereus, vint servir
le conte à deus cens armeures de fier, li sires d'Augimont à
grant gent, li sires de Mon^'ardin et moult de aultres , et tant
que il se trouvèrent, qant il furent tout assambie, bien diis mOle
armeures de fier. Si cargièrent cbarS ^t charettes de pourveances
et d'artellerie, de tentes et de très et de ce que il lor besongnoit.
Et se départirent de Mons eu Hainnau , et cevauchièrent viers
Maiibuege ; et esploitièrent tant que il passèrent les bos de la Tie-
rasse, et entrèrent en France. Et avdii'cqt li coureur, qui cevau-
^ient devant à destre et il senestre, Segni le Grant, Segni le Petit,
Harcellies, Renierwès, Maubert Fontainnes et tout le plat pais de là
environ, sans nul déport. Et s'en vinrent devant Aubeuton, et l'en-
vironnèrent tout autour, car bien estoient getts pour ce faire.
F- 83 v" et 34.
P. 199, 1. 24 : un venredi. —Ms. J Amiens : au matin.P 38 V.
P. 199, I. 26 et 27 ; draperie. — Ms. de Falenciennes :
grosse ville et bien drappicre> F° 87 V.
P. 300, I. 9 : aultre. — Ms. d Amiens : Quant chil de dedens,
chevalier et escuier, veirent le convenant dez Haynuyers, et que
ceulx.
;vGoo»^lc
[(340] VARIAMTES DU PREMIER LIVRE, § 96. 49S
en trois lieux il seroient assailli, il se partirent ossî en trotx lieux.
F"38 V.
P. 200, 1. 32 : de la Bove. — Wt. dAnOau : que il D'amoit
mies gramment , car il leur estott au devapt et il tî avoient ars
se terre ; si desiroit à avoir le bataille à yaux , et les assailli fie-
remeat et durement. A l'autre porte, estoient Alemant et Braibeu-
çon, dont li sires de Fauquemout estoit chiés. Et là estoient li sires
de Lore ' et pluiseur autre qui vassaument se defiendirent. Li fu
tret, lancbi^, ferut et fet mainte apertise d'armes. Là crioit on :
s Hajnnau 1 » F» 38 v«.
P. 300, 1. 32 : Là eut. — Ms. de Borne ; Si ot & Âubenton,
en cinq jours que li Uainnuier furent là, pluisseurs assaus et es-
uumucAS, et des navras et blecîés de une part et d'aultre. Et se
portèrent moult vaiUanment à tous les assaus li chevalier et ea-
quier trançois qui dedens estoient; et se la ville d' Aubenton eulst
est^ Cremée d'aultre cose que de palis , elle n'euist eu point de
damage ; mais contre tant de bonnes gens d'armes que U Hain-
nuier estoient, mervelles fut conment elle se peut tant tenir que
elle fist. F° Sk.
P. 201 ,1.8: paveschiet. — Mi. JAmletu : Là en y «voit
pluiseurs eus es fossée qui montoient et rampoieni contremont,
large, pavais et escus sus leurs testes , et haches et c»ignies en
leurs mams, pour effondrer les palis. F° 38 v>.
P. 201, I. \\ : de fiiaufort. — Ms. de Rome : Entre tes as-
saus qui furent fait et livret à Aubenton , il en i ot un le sa-
medi que on dist des Brandons , m^V^uicot ^rant ; et i furent
moult d'onmes bleci^ de ceuls dedens par le tret des arbalestres.
Et fu ce jour Bauduias de Siaufort, uns esquiers de Hainnau et de
la terre de Btnch , moult vaillans.... F* Sk.
S 06. P. 201, 1. 19 : AubentiH).— jtfn.^20 à 22 : Aubettfu.
F»80t».
P. 202, 1. 6 : moustier. — JUs. d Amiens : Et là eut dure
bataille et felenesse, car messiras Jehans de Haynnau y vint
très bien aootnpaignîot. Et là furent pris li sires de Lore et li
sires de Vendoel et li sires de Saint Martin..., Li visdames se
sauva , car il monta à cheval ; et osa lisent messires Jebaoa de
Beumont et messires Jehans de la Bove F° 38 V.
1. ail. <U raUMitnim .■ Loi. F» 87 f.
DiqitizeabyG00»^lc
iW CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
P. 303, I. 6 : de Chaalons. — Ms. de Home : et uns siens
fils^nes, qui fu là fais clievaliers. F° S4 v°.
P. 202. 1. 7 : banières. ^ Mi. S 6 -. Et là fist le vidâmes de
Chalon ses deux &f chevaliers. F* i32.
P. 202, 1. 13 et 14 : r&eacoa. — JUt. S 6 : tant t<at le lutycHt,
pour ce qu'il &voit ars ses terres. F* 133.
P. 202, I. IS : les camps. — JUs. B 6 : prist le chemin de
Vervài , vint à soit chastet.
P. 202, 1. 18 : Adonc. — Mt. dAmiea* : Et quant li sires
de Biaumont entendi que si ennemi s'enfuioient, chiaux qu'il dé-
croît le plus à avoir, si dist : < A chevalt à chevalt ■ et monta
et feri chevaux des espérons apriès, e( toultes ses gens apriès.
Itri, et chevaucha et cacha sez uinemis jnsquex es portes de Vre-
vins. F° 38 v". — jtfj: £ S : Entre Aubenton et Vrevin a dtus
liens près. Sy vous dy que. sur le chemin de Vervin, avoit plui-
seurs gens d' Aubenton ; mais tous ceulx qui fureat trouW s&r
les chemins eurent dur encontre, car les Haynuiers les abatoient
et les ochioient sans pité. Sy dura ceste chasse jusques as portes
de Vervin. Et se sauva le sire de Vervin par le bonté de son
coursier, ne oncques ne fu rrtuns. F° 1 33. — Mi. de Borne :
Tantos messires Jehans de Hainnau demanda son coursier ; OD li
amena dou plus tos que on pot. Qant il fu montes, il dist à ses
gens : « Or tos, sievons ce chevaher : il le me fault à avoir mort
ou vif. C'est cils qui plus a porté de contraire et de damage à
ma terre de Cimai. s Donc veissiés chevaliers et esquiers monter
apertement et sievir lor signeur et sa banière, laquelle messires
Thiciis de Senselles portok, et prissent les camps. Li sires de
Vrevins estoit bien montés et sus flour de coursier, et avmt bien
demi lieue d'avantage. Ses gens le eievoient 4 l'e^ron , que
nûeuls, mieuls. Si en i avoit en la compagnie des mauls montée.
QUI furent rataint, qui ne peurent aler avant. Si en i ot des mors
et des pris sus le chemin. F* t(4 v*.
P. 202, 1. 38 : troi.— M*s. ^ 1 â 7, 11 ^ 14. 18, 19, 23
à 33 : deux. P* 80 v-.
P. 203, i. 11 : deus de ses nevaus. — Mi. ^Âmieia : et
mort doi' nouvel chevalier, seveult au visdamme, et li tien
prb. F* 38 v». — Mm. ^ 1 d 22 :' deux de ses filz. F" SO v«.
1. lit. de falenàainei .' Et y moururent deux de« nouveaux cbeva'~
li^, nepvenx au viidamme, et le ti«s fu prini. V" 88.
;vGoo»^lc
[1340] VARIANTES DU PREMIER UVRE, S 97. 497
— Mst. .^ 33 à 33 : ses deus filz. F° 6{ . — Mi. £ 6 : et ses
deus filz ochb et plus de deux cens d'aatres. P> 133. — Mt. de
Borne : le visdame deChaalons pris et un sieo filjone chevalier,
et deos cxiis et moult d'aultres. P> S4 v*.
P. 203, !■ 16 '. deux cens. — Édit. de Verard et de D. Sau-
çage : deux mille. — Édii. deD. Sauvage de 1SS9, p. S7.
P. 303, 1. 16 : le ville. — Mt. B 6 : qui estoit grande et
grosse et bien marchande et remplie- de drapperie. P* 133 et
134.
P. 303, I. 17 : grans avoirs. — JUs. d^mieiu ; li drap et les
lainnes. F» 38 \*.
P. 203, 1. 19 : arse. ~ Ms. d Amiem : de cbief en cor, que
oncqoes n'y demoora maison, ne une seule, que toutie ne fiiist
arst F* 38 V*.
S 87. P. 303, 1. 22 et 33 : Aubenton.— Jf/. de Borne ! Enù
avint ce jour à Aubenton. La viUe fu prise par b manière que
je vous di, et toute pillie et robëe et puis arse. Et quant li Hain-
nuier orent ensi esptoidë, il s'en départirent et s'en retournèrent
viers Chimai, et là demora messires Jefaans de Hainnau. Li ûres
de Fauquemont et li sires d'Augimont s'en alèrent viers Dîgnant.
Et li contes de Hainnau et li sires d'Enghien et li aultre cheva-
lier retournèrent avoecques le conte à Mons. F° 34 v°,
P. 303, 1. 28 : le Petit. — Mr. S G : et livra au chastel ung
assault. Et laiens Bauduin de Beaufort, ung escuiers d'onneur et
appert homme d'armes durement, eult le bras rompus. Et le
convint depuis chcvauchier en litière. F* 134.
P. 203, 1. 30 : quarante. — Mtt. ^ 11 A 14 : quarante huit.
F° 51 . — Mt. d^mieiu : et puis s'en retournèrent en Haynnau,
le charoi tout chargiet de draps, dejeuiaux et d'autre avoir.
F» 39.
P. 304, 1. 4 : Mous. — Mt. B 6 : chergiés pluiseurs cars de
draps et jojaulz. F* 134.
P. 304 , 1. 12 : sa guerre. — Mt. dAmiem : pour aquerre
amis à tous léz et pour faire une bonne gerre et forte en Franche,
sus l'estet qui proçainement revenoit. F* 39.
P. 304, I. IS : plus fors. — Mt. de Borne. -lA contes de Hain-
nau fu consilliés que d'aler en Engleterre et remouatrer au roi
son serouge ses bcsongnes, et de faire aliauces à lui, et d'avoir
conmanderoent de par li, coome vicaires à l'Empereour, que H
1—32
;vGoo»^lc
498 CHRONIQUES DE J. FROISSART. [13»]
n^eur d'Alemagne , qui tout lî dévoient obéissance et qui ser*
vice ti avoient fait devant Cambrai , fuissent apparilliet de ai^o-
le dit conte à pannaintenir sa gerre, car il esB)it en très bonne et
grande volent^ de gerriier le roiaume de France , sans li point
refroidier. Sus ce pourpos et consel il persévéra, et fiât une asam-
b\ée de nobles de son paîs et des consauls des bonnes villes, à
Hons en Hainnau. Et 1& institua il et ordonna, en la présence de
tous , messire Jehan de Hainnau, son oncle, à estre bauls et re-
gars en Hainnau et gouvrenères, jnsques à tant que il retourne-
roit ; et pria à tous que çasquns vosist obéir à lui conme à soi
meismes, se il estoit presens. Tout li orent en couvenant de bonite
volent^, car il sentment et congnissoient le dît messire Jehan de
Hainnau si vaillant et si prudent que il ne lor requerroit cose qtû
ne lor fust raisonnable.
Qant li jooes contes de HainDaii ot ordonna tontes ses besco-
gnes, et pns congiet à sa dame de mère et à la contesse sa
fenroe, il parti dou Kesnoi où il tenait son hostel ; et Tint à Mous
en Hainnau , et là trouva son oncle. Si fu encore» un jour dalés
li, pour nûeuls estre avisas et enfouîmes de ses besongnes; et
puis s'en parti, et vint à Haie, et à Brouselles. Et là trouva le
duch de Braibant qni fiUe il avoit à fenme, qui U fist très benne
chière ; car li dus l'amoit de tout son coer, otant que nuls de ses
enfans. Li contes se complaindi à lui des despis et damages que li
François li avoient fais : * Aussi, biaus fils, respondi li dus, lor
en avës vous faitj vous vos estes contrevengiés. La cose ne de-
morra pas en ce point , car li François sont grans et orguilleus,
et marcissent à vous. Tous les jours pueent il entrer en vostre
pais et porter damage : il vous en fault attendre l'aventure. Si
TOUS tieng pour bien consillié et avise de ce que vous fortffiiés à
rencontre de vostres eimemis ; car plus grant et plus fort de li,
OD doit doubler. Soiiés tous confortes que je demorrai dalés
vous. » là contes respondi et dist : n Grant merchis 1 v
Qant li contes de Hainnau ot esté avoecques le duch de Brai-
bant un jour et plus, et li ot remoustré toutes ses besongnes et
recargiea, il prîst congiet et se départi de li et de Brousselles;
et se mist au cemin, et vint à Gaind veoir sa serour, la ràat
d'Engleterre. Se li remoustra te volage que il avoit empris de
faire, d'aler en.Engleterre. La roine en fu grandement contente,
et li dist que il faisoit bien. Si escripsi la ditte roine , par son
frère le coûte, à son »gneur le roi d'Engleterre. Avoecques tout
;i-Goo»^lc
[1340] VâBIâNTES du PREMIER LITRE, g 98. &99
ce, li contes de Haînnan parla à Jacquemon d'Aitevelle, qid estoît
pour lors en la cont^ de Flandres li plus grans qui 1 liisti et li
remoustra toutes ses besougnes, ensi que il avait fait an duch de
Braibaot, son grant signeur. Jaquèmes d'ÂrtevelIe i entendi de
bon coer, et dist au conte ; a Sire, tenës vous pour tous confor-
tés que li pais de Flandres vous sera ouvers et apparilliës ; et dites
an râ d'Angleterre, vostre biau frère et mon compère, que il se
délivre de mettre à point et ordonner ses besongnes par de delà
la mer, et se mète au retour don plus tos que il puet. Car li re<
venu par de^, sus la fourme et estât que nous estions, et que
Dous, les Flamens, les Âlemans et li, fumes à'ziSoit, nous ferons
une très belle et forte gerre, et tant que il nous devera bien soua-
fire et à vous, à qui on a feit contraire et damage. »
li contes de Haimiau respondi et dist : ■ Jaquemart, je ne li
oublierai riens à dire. » Àdonc prist il congiet et se départi de
la roine, sa serour, de d'ÂrtevelIe et la ville de Gant; et s'en vint
en la ville d'Anvers, et trouva sa navie toute preste et ses gens
aussi. Si entra en son vassiel, et cesquQs de ses honmes en ceuls
oà fl dévoient entrer par ordeoance. Si se desancrèrent et passè-
rent le havene d'Anviers , et entrèrent dedens la mer, et single
rent viers Engleterre ; et orent vent à volent^, et vinrent à Or-
veUe. P- S4 V» et B5.
P. 204, 1. 21 : se parti. — Mt. ftÂmient : Assés-tost apriès,
se départi U comtes Gnillaummes et s'en vint deviers l'Empereur
qui se tenoit à Couloingne, qui le rechupt à grant joie; et ossi
fist madamme Margberite, soer au dit comte, et femme à l'Em-
pereur. F" 39.
P. 204, 1. 35 : parlerons. — M$. £ 6 : du duc de Normendie
qui mist sus une grant armée pour venir en Haynau, en instanche
de ardoir tout te pais et asigier Vallenchienne et contreven^er
les despis que les Haynuyers luy avoient fait enterrasse. F* 13S.
% 98. P. 205, 1. S : quatre chevaliers. — Mt. dJndem :
Premièrement li comtes de Haynnau ' , par l'avis de messire
Jehan de Haynnau son oncle, mist en Vallenchiennes quatre
chevaliers. F" 39.
1. Ui. da Valenciamet : Et tûnehoii qu'il le putiet da pavi, il or-
donna et garni les fors et le« homiei TÏllei. Et par etpeoial il mïM
monaeigneur Jehan de Hajnnau, ion oncle, alant et Tenant par le
terre, avec quatre cheralien. P» eS t".
;vGoo»^lc
SOO CHRONIQUES DE J. FROISSART. [1340]
P. 205, 1. 8 : Wargni.— Jlfw. ^ U à ik : Jrfian de Wai^.
P 31 V.— JlfM. ^ 1 à 6, 20 i 22 : le sire deWaitaing. P>51,
— Mit. ^ 23 à 29 ; le sire de Vergy. P* 61 v».
P. 205, 1. 8 : li sires de Gommegnies. — Msf. ^ 11 à U :
Jehan de Gommegnies. F" 51 v". — Ms. itAmtem : le seigoenr
de Hartaing. F* 39.
P. 205, 1. H : Maubuege. — JUs. ^Amiens : Apriès, il mist
 Hauboege monseigneur Tieri de Walecourt, marescal de H>;ih
DBu, et cent lances ' de bonnes gens. F° 39.
P. 205, 1. 13 : Kesnoi. — Ms. ttAmiens : il mist au Kesnoy
le seigneur de Fauquemont à cent armures de fier. F* 30.
P. 205, I. 17 : Sassegnies. — Âttt. A H à Ik : Fassegores.
F» 51 v'.~-Mu.A\8, 19 : Sassegoies. F» S4.— Af«. ^ 20à Sï:
Sassoingne. F* 82.
P. 205, 1. 18 : Avesnes. — Mt. if Amiens : le seigneur de
Montegni Saint Christophle. F" 39.
P. 205, 1, 19 : forterèces. — JKr. ^Amiens : Apriès, il nùsl
en Thun l'Evesque monseigneur Richart de Limozin, ung boa
chevalier englès, et avoecq lui le* deux frères de Hauni, lehan
et Thîeri. Apriès, il mist ou castiel de Rieutay le seigneur de
Remme* et le seigneur de GuelesinV Apriès, il mist à Condetsus
Escaut le seigneur de Blicquî et le seigneur de Buri, et les autres
forterèches sus les frontières de Franche, as chevaliers et as com-
paignons de son pays. B leur pria et enjoindi que il en fuissent
songneu» et pour leur honneur; et envoya son senescal monsei-
gneur Gerart de Werchln en son castel de Werchin, pour faire
frontière sur les Cambresiens. F° 30.
1. Ml. Je Falmdenaei : à cent honunei d'armes. T>> gg.
W DU TAaiUTH D
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ADDENDA.
P. 3S4, ajoutes: P. IJS, 1. 16 : li cardinaulz Blans. — Msi. A
\\ h \lk : le cardinal d'Albane.
P. Uk%, ajoutez : P. 138, l. 11 : Eantùnrte.— m. ^Amiens:
Tous avez bien oy compter comneDt lî roys de Franche avoït
ans te mer mis et estabU Geneuois, Nonnans et escumeurs pour
gerriier les Englès qui le mer volloient passer ou repasser, des-
quels messires Hues Kierès, Bahucès et Barbevaire estoient sou-
verain. Si se tenoient chil sus mer et estaient souvent devant
Douvres ou Winnescesée ou en la Tamise ou devant Mergate,
et faisment moult de contraires à touttes gens, especîalment as
Englès et as Flammens. Avint que chil escumeur, qui bien es-
toient trente mille Geneuois, bidaus et Normans et Pickars, vin-
rent par ung dimenche devant Hantonne, à heure de messe que
les gens estoient au moustier. Et prisent le marée si à point que
il entrèrent ou havène de Hantonne, et furent mestre et seigneur
de toutte le ville et des gens, et le prisent et robèrent; et moult
de bonnes gens y tuèrent, de femmes et d'enfans, dont che fu
pit^. Et se tinrent là tout le jour, et cfaargièrent leurs vaissiaux
de tout ce qu'il trouvèrent. Et envoiièrent ardoir par aucuns de
leurs courreurs aucuns hammiaux dallés Hantonne ; de qui^
tous li pays fii moult effraés et esmeus, et en vinrent les nou-
velles à Wincester et à Sasldn'i et à Gilleforde et jusques à Lon-
dres. Lors s'esmurent touttes mannîères de gens et vinrent à che-
val au plus bastivement qu'il peurent en le cont^ de Hanthonne
et en le ville ; mes il trouvèrent que lî Franchois estoient retret,
qui le ville avoient toute arse et reubëe : dont il furent couroa-
chiet et li roys de France tous joiians, et dist que Barbevaîres
et li sien avoient fait ung biel exploit à che caunuuenchement sour
les Englès. Che fu environ le Nostre-Damme en septembre, l'an
de grasce nul CCCLXXYIH. F" 31.
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jjGooi^lc
ERRATA.
Englèi, page 6, ligne 23,
coTuerr^, p. 7, I- 1,
Valencliieiie*, p. 7, I. 13,
avoeh, p. 10, I. 39.
Valenchienei, p. 31, 1. 13 et 13,
aToiea, p. 31, 1. 38,
e, p. 33, ). 39,
Valencienei, p, 35, 1. 13,
Engless», p. 58, 1. 4,
Valenchienes, p. 74, 1. 6, 7, 30,
Valencienei, p, 75, 1. S8,
A, p. 89, 1. 10,
çtL mainte, p. 95, 1. 18,
Valencienes, p. 121, 1. I,
Valcncienei, p. 134, 1. 4, 9, 10, S
Valencieoes, p. 135, 1. 16, 19, 34,
nonme, p. 319,
noDinë, p. 323,
foin ne eslongien, ne leur eitoit, p. 243,
HotebooTch, p. 321, an bai de la page,
rmiana, p. 359,
eitant, p. 406,
d'Eiqnt, p. 453,
ce, p. 456,
Vilenchiène*.
Valenchi^et.
avoient.
et.
Valenciènei.
englewei.
Valenchîène*.
Valeociène*.
tamainte.
Valenciène*.
3, 37, Valenciène*.
Valenciènes.
nonmë.
fuiri ne eiloagiera a
lor eitoit.
[Berïich].
d'Etqant.
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TABLE.
battamanoM, page i à tnuxir.
pBOLOeoB. — Smmuûre, p. cxkztii i cxui. — Ttxté, p, 1 i 7. ^ Ft-
riaattt, p. 309 à 313.
CHAPITRE I.
G^aéralitës sur le* dix^uit premièrM ann^a du i^gne d'Edotuuil II.—
Sommaire, p. cxui et Ciuii, — Tacle, p. 11 i lu, — FariaiUei, p. 313
à 330.
CHAPITRE n.
Séjour d'Itobelle en Frtmce et en Hainaut. — SoKmalrt, p. cuiu et
CTLW, — rei/ï, p. 15i37. — ^arJanrM, p, aaOà241.
CHAPITRE m.
Déposition d'Edouard II et avénemeiit d'Edouard III. ^ Sommaire,
p. cxuT et czLT. — Texlt, p. 37 à ^0. — yarUmtet, p. 341 i 3SS.
CHAPITHE IV.
Prëliminaires de la première campagne d'Edouard III contre tes Écoi-
laîi. — 5ommairt,p. cxi.t i oxltu. — Ttilt,p. W k dl.~ farimutl,
p. 3^)6 a 368.
CHAPITRE V.
Praoiire campagne d'Edouard UE contre le* Écosmù». — Sommairi,
p. CU.TIIBCXLIZ. — Texii, p. 51 à 74. — Fariantet, p. 268 à 382.
CHAPITRE VI.
Mari«ge d'Edouard III arec Pliiljppe de Hainaut. — Sommaire, p. cixiz
et CL. — Texte, p, 74 i 77. — F'ariaaUt, p. 283 à 388.
CHAPITRE VU.
Mort de Robert Bruce , roi d'Écoue , et exp^tion de Jacques de Dou-
gla» en Eapagne. Av^emenc de Darid Bruce, et mariage de ce prince
avec Jeanne, kbut du roi d'Angleterre. — Sommaire, p, eu et cui. —
TtxU, p. 77 i 89. — farlaniei, p. 288 i 395.
CHAPITRE VUI.
Avènement de Philippe de Valois au tnlne de France, et TÎctoit» de
CbmcI remporta par ce prince contre lea Flamand». — Sommaire,
p. CiLO « CX.TI. — TtMe, p. 83 i 87. — ^«rioalw, p. 395 à 303.
33
;vGoo»^lc
CHAPITRE IX.
Ex^ution du comle de Kenl, suivie du supplice de Roger de Hotti-
mer et r^lusion de U rebe Uabelle, mère d'Edouard IIl. — Som-
maire, p. cLTi et cLTii. — Texte, p. 87 à 90- — yariaatei, p. 303
à 305.
CHAPITRE X.
Ambassade envoya eu Angleterre par Philippe de VaJoi» ; voyage d'É-
dooard III en France et entrevue d'Amiens. — Samntain, p. cLTm *
CLX. — Tixli, p. 90 à 96. — yariantea, p. 306 et 307.
CHAPITRE XI.
Nonveiie ambattade eovoyi'e à Londres par Philippe de Valois, el pres-
tation de foi et hommage a - —
— Sommaire, p. eut et ta.
p. 307.
CHAPITRE XH-
Bannisicment de Robert d'Artois qui, après avoir s^joun^ en Rratxmt
et dans le marquisat de Namnr, se réfugie en Angleterre. — Sùm-
maire, p. otM à cutT. — Texte, p. 100 à 105. — Variantet, p. 307 ■
316.
CHAPITRE Xin.
Préliminaires de la reprise des hostilités entre les Anglais et tes txxa-
sais. — Sommaire, p. clxv à cxivin, — Texte, p. 103 à 107. — f'-
riantel, p. 311 à 331.
CHAPITRE XIV.
Guerre d'Ecosse^ cuapagtie de 1333 : «i^e et prise de Brrwiek. —
Sommaire, p. CLXTIII a clxxti. — Texte, p. 107 à 113. — rariaulrt,
p. 331 ik S'il.
CHAPITRE XV.
Guerre d'Ecosse; compagnes de 1334 à 1336 : siège et prise de Ro^-
bnrgh, de Dalkeith et de Stirling. — Sommaire, p. cuxvi à ci.xxxl.—
Tai; p. 113 a lU. — rertaaies, p. 341 à 352.
CHAPITRE XVI.
Voyage de Philippe de Valois à Avignon et préparatiA d'une croisade
projetée par ce prince. — Sommairt, p. ci,xxxi à cuuxm. — Ttiie,
p. IHà 118.— '^•irûnfH, p. 353 à 357.
CHAPIIRE XVn.
Edouard 1(1 envoie des ambassadeurs sur le continent char^ de né-
gocier une aLiince contre la France nvec le comte de Hainaut, le dnc
de Brabant et les seigneurs des marches d'Allemagne. — Sommùirt,
p. CLXXXUi à Gxcni. — Texl», p. 118 à 136. — FariaiUet, p. 357 i
,vGoo»^lc
CHAPITRE XVin.
Guerre en Gascogne entre les Français et les Anglais. Si^ge et prise de
Saint-Hacaire, de Civrac el de Blaje par les Anglais. — Sonanairt,
p, cxcmicxcpt. — Varitmlet, p. 377 à 388.
CHAPITRE XEÎ.
Rérolte des Flamands contre leur comte; influence de Jacques d'Arle-
Teld. — Sommaire, p, cncH à coni. — Ttxle, p. 136 à 129. — fa-
rianiei, p. 388 à 396.
CHAPITRE XX.
ArrestatioD el exécution de Sohier de Courtrai ; mort de Guillaume 1°^,
comte de Hainaut. — Sommaire, p. ccvii à ccix. — Texte, p. 129 à 133.
farianta, f. 396 k 398.
CHAPIXaE XXI.
Retour des eoTojés auglais dans leur pa^s; prëparatlfs de gueire et
Change de diSi entre les roiii de Frajice et d'Angleterre, -r Som-
niaire, p. ocix i ccxui. — Texte, p. 133 k 135. — fariarUei, p. 400
i409.
CHAPITRE XXn.
Victoire de Càdsand remporta par les Anglais sur les Flamands. —
Sommaire, p. ccxni i «cxt. — Texte, p. 133 et 133, 135 à 138. —
Farianttt, p. 398 jk 400, 409 â 411.
CHAPITRE XXIU.
Voyage d'Edouard lU à AnTers et pourparlers de ce prince et de ses
alliés. — Sommairt, p. ccxt i aoxx. — Texte, p. 138 à 144. — fariantei,
p. 411 à 424.
CHAPITRE XXIV.
Voyage* et séjour de David Bruce, roi d'Ecosse, en France.— Sommaire,
p. conji kaanm.— Texte, p. 146 à 148. — ^'arian/a, p. 4S9 à 435.
CHAPITRE XXV.
Institution d'Edouard III en qualité de vicaire de l'Empire. — Som-
maire, p. ccxxin i GCKXTi. — Texte, p. 144 à 146, 148 à 151. — fa-
riantei, p. 434 à 429, 435 à 439.
CHAPITRE XXVI.
Croisières et iocursions des Normands sur les cfttes d'Angleterre ; sac
de Southampton; préparatifs de guerre du roi de FVanee , sur terre
el sur mer. — Sommaire, p, ocxKru à. caxxtx. — Texte, p. 152 et 153,
156 à 158. — yarianiei, p. 439 et 440, 447 et 448.
CHAPITRE XXVII.
Déclaration de guerre et ouverture des hostilités entre la France et
;vGoo»^lc
l'Angleterre : uieabiée» de Vilvorde « de Maline»; chevauchée de
Ganiier de Haunj en Cambréù» et pri»e de Thun-l'Év^que par 1«
Anglaii.— Somaiaire, p. ccxxfx à ocxxxn. — Texta, p. 152 à 156.—
FariaaM, p. 439 à kkl.
CHAPITRE XXVm.
Si^e de Cambrai par Edouard III et ses aUift. — Sommaire, p. ccxi^i
i ccxixT. — TexU, p. 158 à 163. — farianlet, p. k<i% à 455.
CHAPITRE XXIX.
Chetauchée de l'aima anglaiie en Vennandoii , en Latuinois et en
Thiérache ; âége d'Honnecourt et prîie de Guise par Jean de Hai-
nant; sac de NouTion par les Allemands. —Sommalrt, p. couxt à
CCM.I. — Texte, p. 163 à ni. — yar'uutiei, p. 454 i 467.
CHAPimE XXX.
Préparatirg d'nne grande bataille à Buironfosse, luivia de la retraite det
deux armëei anglaise et française. — Sommaire, p. ccjcti à ccxx.t. —
Texte, p. 174 à 186. — Variante*, p. 467 à 480.
CHAPITRE XXXI.
Aïscmbl^ea de Bruxelle» et de Gand à la «nite desquelles Edouard ID
prend le titre de roi de France, et retour de ce prince en Angleterre.
— Sommaire, p. coxtyi et (KXl.Tli.-^rei«, p. 184 à 188.— fariaalei,
p. 480 à 483.
CHAPITRE XXXn.
Cotirses maritimes des Normands. — Hostilité des Français contre
Jean de Ilainaut ; incursions dans la seignem-ie de Chimay; prise et
destruction du châleau de Relenghes. — Escarmouche entre les Fran-
çais de la garnison de Cambra! et les Anglais ou Hainujera de Thun-
l'Eïêque; mort de Gilles de Maonj. — Sommaire, p. ccu.Tii à ou..
— Texte, p. 188 à 193. — Variaiitet, p. 483 4 488.
CHAPITRE XXXm. '
Déclaration de guerre et ouverture des hostilités entre la FVance et le
Hainaul ; sac d'Haspres par les Français et d'Aubenton par les Hii-
nuyers ; départ du comte de Hainaut pour l'Anglelerre.
p. (M^L à CCLTI. — Texte, p. 193 â 305. — fariantei, p.
ImpiÙMTie ginénia da Cb. Labnn, ra» dt Flauw, *, k Pun.
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AxT. 14. Le conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit
les personnes les plus capables d'eo préparer et d'en suivre la
publication,
11 noDune, pour chaque ouvrage à puhlier, un Commissaire
responsable, chargé d'en surveiller l'exécution.
'Le nom de l'éditeur sera placé en (ëte de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraître sous te nom de la Société
sans l'autorisation du Conseil, et s'il n'est accompagné d'une dé-
claration du Commissaire responsable, portant que le travail lui
a paru mériter d'Être publié.
Le Commissaire responsable soussigné déclare que
CÉdition des Chrohiqubs de J. Fhoissabt, préparée par
M. SiHÉoiT Ldce , lui a paru digne (titre publiée par la
Sociiri DK l'Histoieb db Feance.
Fait à Paris, le V mai 1869.
Signé h. DELISLE.
CtriifU,
Le Secrétaire de la Société de rHittoïre de France,
i. DE^OYERS.
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