"^J^
INSTITUT CANADIEN DE QUEBEC
CONCOURS D'ÉLOQUENCE
SUR
L'AGRICULTURE
(ÉLOGE DE l'agriculture — CE QU'EST L'aRT AGRICOLE
AU CANADA — DES MOYENS DE L'Y FAIRE
progresser)
SOMMAIRE.
Avant-propoa.
Rapport du docteur HUBBRT LaUub.
Rapport de M. S. LeSaob.
Eloge de l'agriculture— Ce qu'est l'art agricole au Canada— Des moyens 4e l'y Mn
progresser. Par M. R A. Babnard.
Eloge de l'agriculture— Ce qu'est l'art aerlcole au Canada— Des moyens de l'y taire
progresser. Far l'aboô Pbovamchbb.
, i_i-ikMi''ul.
S 159
157
QUÉBEC
imPrimbrib a. coté bt o»
1879
liiiwiânMWiÉiiBîi
m
CANADA
NATIONAL LIBRARY
BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
CONCOURS D'ÉLOQUENCE
AVANT-PROPOS.
En 1875, l'Institut-Canadien de Québec ouvrait un-
premier concours d'éloquence, grâce à la généreuse ini-
tiative de Monsieur Théophile LeDroit. L'année der-
nière. Monsieur L.-J.-C. Fiset, notre président honoraire,
entrait libéralement dan» cette voie en mettant à la dis-
position de l'Institut, la somme de $100 pour un deux-
ième concours sur le sujet suivant: " Eloge de l'Agri-
culture. Ce qu'est l'art agricole au Canada. Des
MOYENS DE l'y FAIRE PROGRESSER. Le choix ne pouvait
être meilleur. Il est vrai qu'un pareil sujet n'ouvrait le
champ qu'à un nombre limité de jouteurs préparés par
des études spéciales. Aussi, n'avions-nous pas l'ambi-
tion do voir beîvucoup de concurrents répondre à notre
appel, mais nous espérion'*, qu'avec un sujet aussi inté-
ressant pour notre pays, nous ferions produire de bons
et utiles travaux. Et sous ce rapport l'ïnstitut-Cana-
dien de Québec, peut se flatter d'avoir obtenu un succès
complet. Deux concurrents se sont présentés: Mons
B. A. Barnard, directeur d'agriculture pour la Province
de Québec, et Mons. l'abbé Provencher, rédacteur du
Naturaliste Canadien.
— 2 —
Le jury, composé de l'honorable Mons. Joly, de Mous.
LeSage, assistant-commissaire des travaux publics et de
l'agriculture, et de Mons. le Dr. LaRue, a jugé les deux
études dignes d'être couronnées. Le premier prix, de
$75, a été décerné à Mons. K. A. Barnard, le second de
$25, à Mons. l'abbé Provencher, et le 19 décembre der.
nier, avait lieu, dans la salle de l'Institut-Canadien, la
présentation do cen prix aux heureux lauréats.
En publiant dans l'Annuaire de cette année les diffé-
rents travaux du concours, nous croyons faire une œuvre
utile et rendre plus féconde la pensée patriotique de M.
Fiset. Faire connaître et aimer celte grande question
de l'art agricole, c'est là le but que nous cherchons.
. Heureux si nos efforts peuvent faire naître quelques
vocations.
Qu'il nous soit permis en fiiiissant, d'offrir, au nom de
l'Institut, l'expression de notre très-vive reconnaissance
à M. L. J. C. Fiset. Nous espéions que le bel exemple
qu'il vient de donner ne restera pas sans imitateur. Que
les favoris de hi fortune nous aideat dans notre tâche et
bientôt, sous cette généreuse impulsion, nous pourrons
voir nos arts et notre littérature prendre un nouvel et
plus vif essor.
RAPPORT
SUR LB
CONCOURS D'AGRICULTURE
Rapport du docteur HUBERT La RUE.
Séance du 19 décembre 1878.
Messieurs,
A une réunion du comité de direction de l'Institut
Canadien, un an passé, il fut décidé de proposer commo
sujet de concours la question suivante :
" Eloge de l'agriculture ; de l'état de l'agrioulturt»
dans la province de Québec ; des meilleurs moyens l
prendre pour en activer le progrès. "
Une somme de cent piastres était patriotiquement
fhiso à la disposition de ITEnstitut par K. L. J. C. Fiset,
protonotaire de cette ville, et M. Fiset dictait lui-même
le thème du concours.
Le choix du sujet, avouons-le, ne pouvait être plus
heureux; car s'il est une question importante pour le
Dominion en général et pour la province de Québec spé-
cialement, c'est bien la question de l'agriculture.
Deux concuiTents sont entrés en lice, et ont répondu
à l'Appel de l'Institut, Le ncunbre des concuiTents aurait
_4 —
pu, aurait dû être pins considérable. Mais on se consolera
aisément de cotte pénurie à la lecture des deux corapo-
Bitions qui sont l'objet do ce rapport. Toutes les deux
sont vraiment remarquables à tous les points de vue; ot
mes auditeurs s'en convaincront aisément lorsqu'ils
• pourront les lire ot les étudier dans V Annuaire de l'Ins-
titut.
En tête de la composition de M. Barnard, on lit cet
axiome bien connu qui a été formulé la première fois, si
je ne me trompe, par le bonhomme Franklin :
« Celui qui fait croître trois brins d'herbe là où il n'en
poussait qu'un auparavant, est un véritable bienfaiteur
do son pays. »
En tête de la dissertation de l'abbé Provancher, on lit
le vers suivant du jardinier de Mantouo :
« O fortunatos nimiùm sua si bona norint
Âgricolas ! i
Dans l'étude de pareilles questions où il s'agit exclu-
sivement d'économie agricole— la première de toutes nos
questions d'économie politique — il fallait de la clarté, de
la précision dans le style, et absence complète do toutes
fleurs de rhétorique.
Des retours sur le passé, dos observations sur le pré-
sent, des prévisions pour l'avenir, c'est là ce qu'on devait
attendre, rien de plus, mais rien do moins.
Sur tous ces points les membres du jury d'examen n'ont
que des éloges à adresser aux deux concurrents. Tous
deux ont été sobres de style, à ce point que les juges du
concours ont pu comprendre leurs pensées, interpréter
leurs idées à une première lecture.
(A la mite de ce préambule, le rapporteur a reproduit,
avec éloge, de nombreux extraits des travaux des concur-
rents, et a continué dans les termes suivants) :
Je crois avoir rendu justice aux deux concurrents; je
crois avoir signalé suffisamment les qualités qui distin-
guent leurs compositions ; mais le cadre du sujet mis au
concours était si vaste que, pour le remplir convenable-
— 6 —
ment, il aurait fallu faire un traité complet, écrire un
volume entier.
Dans cette deuxième partie de mon rapport je vais
essayer de combler, quoique très-imparfaitement, cer-
taines lacunes que les limites réservées à de semblables
travaux rendent inévitables.
Ainsi, à propos de l'éloge de l'agriculture, les concur-
rents auraient pu serrer de plus près le nœud de la ques-
tion, et particulariser davantage, en mottîit)t sous nos
yeux un petit tableau des mœurs douces et paisibles, de
la vie si pleine do félicités du cultivateur canadien mo-
dèle ; modèle comme eux et moi nous voudrions qu'il fût.
Je me le représente comme suit :
40 ans. Jeune encore ; dans toute la vigueur de l'âge,
dans toute la puissance de sa virilité.
Epoux d'une femme de 35 ans, — belle comme toutes les
canadiennes; pleine de force et de santé; toujours do
bonne humeur comme son mari ; mère de douze ou de
quinze enfants — pas moins de douze 1—11 faut, messieurs,
conserver intactes les saines traditions de nos pères !
120 arpeats de terre sous les pieds ; pas d'hypothèques.
Grange de 100 pieds de longueur, nouveau modèle.
Trente bêtes à cornes, 25 moutons, six chevaux, 8 co-
chons berkshire, petite race, 250 voyages de foin, avoine,
blé, pois, pommes de terre, laine, beurre, saindoux, œufs,
lX)ulets, dindons, étoffe du pays, toile canadienne ; cela à
profusion.
Pas de procès. Bonne dîme pour le curé de la paroisse,
mesure française. Un des meilleurs bancs dans l'église.
Marguillier — ancien ou nouveau, ou les deux à la fois. —
Pas juge de paix, mais conseiller do la municipalité sco-
laire ou membre de lu société d'agriculture. Pas chef de
cabale électorale ; électeur seulement, suivant sa con-
science. Pour surcroit de bonheur, un des meilleurs lots
dans le cimetière: tel est l'aspect sous lequel se pré-
sente à mon esprit le cultivateur canadien modèle.
Si j'étais cultivateur— hélas, pourquoi no le suis-je
pas ! — si j'étais cultivateur, les honneurs que confère une
mairie de paroisse, une préfecture de comté, m'ennuie-
raient beaucoup. Ce sont là des espèces de domination
universelle qui donnent naissance à une foule d'inquié^
— 6 —
tudeB, créent des soucis innombrables, toutes choses qui
ine sont profondément antipathiques.
Pourtant, je ne serais pas insensible à l'aiguillon de la
gloire ; mais, entre tous les honneurs qui pourraient
s'oifrir ù ma convoitise, nuls ne conviendraient mieux à
mes goûts que ceux do secrétaire de la municipalité
scolaire, ou de secrétaire de la société d'agriculture de
mon comté.
A vrai dire, cumuler les deux postes serait le comble
de mes vœux.
Supposons que je sois l'un ou l'autre, ou l'un et l'autre.
Alors, je parviendrais sans peine à convoquer une assem-
blée conjointe des officiers de la municipalité scolaire et
des membres de la société d'agriculture ; à cette réunion
seraient invités spécialement M. le curé, le médecin, le
notaire, le maître d'école, les marguilliers «i autres
notables du comté.
Le président, homme d'esprit, trouverait facilement
moyen d'amener sur le tapis un sujet de débat quel-
conque. Une heure durant, des orateurs émérites, habitués
aux luttes de hustings, épuiseraient le sujet de la discus-
sion avec un art merveilleux, c'est-à-dire, en parlant de
toute autre chose que de ce qui aurait trait à la question.
Enfin, lorsque tout le monde serait à bout d'haleine, le
président, avec une condescendance qui me ferait infini-
ment d'honneur, demanderait ro])inion du secrétaire sur
les diverses questions en litige.
Lors, avec beaucoup de gravité, je commencerais par
féliciter les discoureurs sur leurs brillants efforts d'élo-
quence, et sur la lumière nouvelle qu'ils aui'aient pro-
jetée sur le sujet. Je me concilierais les deux partis —
car il y aurait au moins deux partis— en leur affirmant
que tous deux ont raison.
Armé de toutes pièces, grâce à ces précautions ora-
toires, je ferais le discours suivant, on termes bien sim-
ples, et ians un langage qui serait à la portée de mes
auditeurs :
Monsieur le Président, Messieurs, — Si j'a^ bien com-
pris les éloquents discoars que je viens d'entendre, le
sujet de la discussion serait le suivant, savoir : de l'édu-
cation de nos enfants, et des meilleurs moyens à prendre
— 7 —
pour développer et activer le progrès de l'agriculture on
cotte paroisse et dans ce comté.
Suivant moi, ces deux sujets sont liés l'un à l'autre in-
timement, à tel point que l'un ne peut pas aller sans
l'autre.
Mais le commencement de tout progrès, en cela comme
en une foule d'autres choses, c'est la maison d'école.
Or, en premier lieu, certaines gens de mon ar-
rondissement sont à se demander — cela peut paraître
étrange — s'il n'y a pas trop d'écoles dans nos paroisses,
et si l'on donne bien à ces écoles des dénominations con-
venables.
Voici comme ils raisonnent : nos instituteurs reçoivent-
ils une rémunération suflSsante ? Non; et pourquoi ? —
Parce qu'il y a trop d'écoles 1
Une certaine somme est votée annuellement par la
législature locale et par les municipalités pour la sub-
vention des maisons d'éducation. Mais cette somme
est répartie sur un trop grand nombre de ces maisons,
et il arrive que les bons instituteurs, ne recevant qu'un
maigre salaire, abandonnent bientôt la carrière de l'en-
seignement pour en embrasser une autre qui leur offre
une position plus brillante, un avenir mieux assuré.
Ceux qui raisonnent ainsi ont-ils raison, ont-ils tort ?
Je ne me prononce pas là-dessus, Monsieur le Président,
et Messieurs (iu comité ; je soumets la question à votre
examen.
Dans notre temps, M. le Président — car, tous deux,
fils d'habitants, et à peu près du même âge, nous avons
fréquenté les mêmes écoles— dans notre temps, dis-je, il
n'y avait que trois écoles dans la paroisse, savoir : une
école modèle N» 1, une autre écolo modèle No 2, et une
école dite élémentaire. Dans cette dernière nous avons
appris l'épellation de l'Alphabet et la lettre du Petit
Catéchisme.
Le salaii-e des maîtres d'école modèle était de 70 à 30
louis, salaire considérable pour cette époque; celui de
la maîtresse d'école élémentaire était de vingt-cinq
louis.
' De l'école élémentaire, ou de la petite école, comme
nous l'appelons, nous passions dans l'une ou dans
l'autre des deux écoles-modèles. Quelle joie! quel con-
— 8 —
tentomont ! on un jour nous étions devenus hommes ; en
un jour nous avions grandi do cent coudées.
Dans ces écoles modèles nous apprenions peu, mais
bien. On nous enseignait lagrammaire française, l'arith-
métique, la comptauilité, fort peu de géographie : le
dépôt de livres était à l'état do mythe, il n'y avait pas
do cartes; de l'histoire du Canada, rien; Garnoau no
l'avait pas encore découverte.
Nos pères, nos mères assistaient aux examens que
présidait M. le Curé.
Pay do piano !
Le théâtre, improvisé, était orné de sapins, décoré
do verdure et d'une foule do plantes et do bouquets aux
couleurs variées. Toutes ces couleurs se mariaient en-
semble harmonieueement, m^me le rougo et le bleu 1
Le premier de la première classe débitait un petit
boniment littéraire, — une fable de Lafontaino ordinaire-
mont.
C'est chose fort remarquable comme les animaux de
Lafontaino— nonobstant l'opinion contraire de Chateau-
briand,— ont toujours eu le privilège d'enseigner une
foule do bonnes choses aux hommes de bonne volonté
sur la terre.
La cérémonie se terminait par la disti'ibution des
prix; et le premier prix, le prix d'excellence, était une
petite image do saint Pierre, de saint Joseph, de sainte
Marguerite, — de saint Patrice quand le maitro était un
irlandais. — Cette image était ornée de toutes les couleurs
do l'arc-en-ciol.
Que si, de ces temps-là, on passe aux temps d'aujour-
d'hui, on trouve, M. le Président, que les choses sont
bien changées. Au lieu d'une école élémentaire, et do
doux écoles modèles par paroisse, nous voyons des
écoles commerciales, des écolos académiques, dos acadé-
mies pour les garçons, des académies pour les filles, et
juBqu à des séminaires pour ces dernières.
Or, au dire de quelques-uns, le qualificatif comnureialf
accolé au mot école, aurait un effet pernicieux sur
l'esprit de nos enfants. Au sortir do ces écoles dites
commerciales, nos enfants s'imaginent, croient sincère-
ment qu'il serait au-dessous do leur dignité^ d orabrasser
une autre carrière que celle du négoce.
Les mômes prétondent qu'il y déjà, en ce pays, beau-
coup trop de marchands, de trafiquants, et surtout
beaucoup trop de commis-marchands.
Avec ces écoles dites ctynimercialesy on détourne de la
carrière de l'agriculture une foule de jeunes gens do la
campagne ; et on ne se doute guère de l'influence qno
peut avoir un qualificatif de ce genre pour décider,
comme on dit, une vocation. Je n'ai nulle objection au
qualificatif coynmercial, pourvu qu'on y ajoute le quali-
ficatif agricole.
Alors, ces écoles seraient désignées sous la dénomina-
tion de : Ecole de Commerce et d' Agriculture, ou mieux,
celle-ci : Ecole d'Agriculture et de Commerce ; car, on
ce pays, plus qu'en aucun autre, l'agriculture doit avoir
préséance sur le négoce, et sur toute autre profession.
Il y a une chose que l'on paraît méconnaître ou oublier;
c'est que l'enseignement qui se donne dans les écoles
commerciales convient également au négociant^ à l'agri-
culteur et à l'industriel. Tous trois doivent savoir lire,
écrire, connaître les secrets de la comptabilité ; tous
trois doivent avoir quelques notions de littérature, d'his-
toire, de dessin, de géographie, et aussi posséder les élé-
ments de la physique, de la chimie, de l'aatronomio, de
la philosophie.
Voilà, M. le Président, ce que disent certaines gens
bien renseignées dans notre comté.
J'en ai consulté d'autres en dehors, qui se sont exprimé
dans les tei'mes suivants :
La dernière fin do l'homme, ont-ils dit, en ce bas-
monde comme dans l'autre, ne doit pas être de mesurer
do l'indionne oudu calicot, derrière un comptoir, sempi-
ternellemeTit, ni d'aligner dos chiffres ingrats, on partie
simple ou double, pendant les siècles des siècles.
Les plaisirs intellectuels, on ce monde, doivent compter
pour quelque chose, même pour le négociant.
Le négociant qui a fait fortune doit avoir d'autres as-
pirations que celles d'un vénal trafic ; à l'industriel il
faut une autre ambition que celle de vendre, à largos
bénéfices, les produits de sa fabrique. Au négociant, à
l'industriel, il faut des jouissances plus nobles, plus rele-
« vées; et nulle part mieux que' dans l'étudo et dans la
— 10 —
pratique de l'agriculture ils ne trouveront des plaisirs
sans mélange, dos jouissances sans amertume. ,
Qui, mieux que le négociant enrichi, peut faire pousser
trois brins d'herbe là où il n'en poussait qu'un aupara-
vant. Ce négociant-agriculteur serait un bienfaiteur de
son pays, il serait un héros. Tous les honneurs que peut
conférer le Dominion du Canada devraient s'accumuler
sur sa tête. On devrait le faire député, sénateur, au
besoin même conseiller législatif.
Pour arriver au résultat que je désire, il faut pou de
chose. Que dans toutes nos écoles normales de filles et
de garçons, que dans toutes nos écoles modèles, acadé-
miques, commerciales, l'on donne un petit cours élémen-
taire d'agriculture de 20 leçons d'une demi-heure ou d'une
heure dans le cours de l'année, et le point sera gagné.
Des études ainsi commencées se continueraient plus
tard; il en resterait toujours quelque chose, ne serait-ce
qu'un germe qui finirait par se développer et porter des
fruits abondants.
Je vais plus loin, M. le Président, et j'afl[irme que dans
tous nos collèges classiques, le complément des études
devrait être un petit ccai'S de physique et de chimie ap-
pliquée à l'agriculture.
j3e cette manière, le curé, le médecin, le notaire, de-
viendraient des engins puissants, comme on dit, pour la
dissémination dos saines notions agricoles.
L'idée que j'émets aujourd'hui, M. le Président, je n©
l'émets pas pour lu première fois. Dès 1869, neuf ans
passés, j'écrivais les lignes suivantes dans lin journal de
Québec :
" Dans nos collèges, dans ceux au moins qui sont
affiliés à l'Université- Laval, l'étude de la physique, celle
de la chimie, de la botanique, est très-approfondie. A
l'Université, ces cours sont aussi développés que dans
n'importe quelle université européenne. Après des études
aussi fortes, l'étude de la science agricole n'est plus, à
Ï)roprement parler, une étude ; c'est une récréation, uno
ecture à la fois instructive et amusante. A la suite du
cours de chimie générale on devrait donner, dans tous
nos collèges, quelques leçons de physique et de chimie
appliquées à l'agriculture. Cela est d'autant plus aisé
qu'une fois la chimie générale bien comprise, la chiniie
. _ 11 — - .
et la physique agricoles se résument en quelques appli-
cations spéciales que les élèves saisissent à un simple
énoncé, et sans le moindre effort
*' Parmi les jeunes ^ens qui complètent leurs études
dans nos collèges, (je continue à citer) quelques-uns em-
brassent l'état ecclésiastique ; plusieurs étudient la méde-
cine, d'autres, le droit. Ce sont ceux qui embrassent l'ttat
ecclésiastique et ceux qui se livrent à l'étude do la
médecine qui devront propager le plus et le mieux les
connaissances qu'ils auront puisées dans le cours de leurs
études classiques.
*' Le jeune curé, s'il a puisé au collège de saines no-
tions d'économie agricole, ne manquera pas, ne serait-ce
que par délassement, de continuer ce genre d'études
qui, vraiment, offre des attraits incomparables. Qu'où
juge de l'influence que pourrait exercer sur la population
d'une paroisse un exemple parti de si haut ; si, surtout,
ce curé agronome avait le soin, dans ses corversatioiis
avec les habitants, comme par ses conseils mûris par
l'étude, par l'observation, par l'expérience, de les encou-
rager dans la voie des améliorations et du progrès.
" Je résume ma pensée en deux mots :
" Le curé canadien doit être 1° curé; 2^ curé agricul-
teur ; 3^ curé colonisateur; c'est assez.
" Sur cent médecins, quatre-vingt-dix, au moins, exer-
cent leur art à la campagne; et c'est chose vraiment l'e-
marquable de voir combien est grand ie nombre de ceux
qui s'adon nent par goût à l'étude et à la pratique de l'agri-
Oifilture. L'esprit du médecin, façonné d'avance à l'étude
des sciences positives, est très-bien préparé à l'étude do
la science agricole ; et aux mille tracasseries du métier
de la médecine les paisibles jouissances de l'agriculture
font une salutaire diversion. L'exemple du médecin se
joindrait à celui donné par le curé; et de cette manière,
il y aurait bientôt, dispersés dans nos campagnes, une
foule de fermiers modèles recrutés parmi la partie la plus
intelligente et la mieux instruite de notre population.
*' Ou je me trompe fort, ou ce serait là un des effets
bientôt perceptible de l'enseignement de l'agriculture
dans nos collèges."
Telles étaient, M. le Président, les lignes que j'écri-
— 12 —
vais en 1869 ; je n'y trouve pas nn mot à reprendre
aujourd'hui, pas un mot à retrancher.
Mais ce n'est pas tout de développer le goût et les
saines notions de l'agriculture dans les écoles de garçons ;
il faut, de plus, que dans nos écoles de filles, dans nos
couvents de la campagne, une sage direction soit impri-
mée de ce côté.
En effet, sur cent jeunes filles nées et élevées dans nos
paroisses, 90, au moins, deviendront plus tard les épouses
de cultivateurs.
A ces jeunes filles, on devrait donner une éducation
appropriée à leurs besoins futurs ; on devrait leur don-;
ner des leçons d'horticulture, d'économie domestique,
les premiers éléments de l'art culinaire.
On l'a dit avant moi, et on ne saurait trop le répéter,
rien ne contribue à calmer la mauvaise humeur d'un
mari ployant sous le faix du jour et de la fatigue comme
le fumet d'un plat aimé ou la vue d'une salade convena-
blement apprêtée. La connaissance de la couture, du
raccommodage, du rapiécetage devrait être le ti^mplé-
ment de l'éducation do toute jeune canadienne bien née;
et s'il fallait sacrifier pour cela plusieurs heures de pia-
notage par semaine, des mois entiers de broderies, je les
sacrifierais volontiers.
Eevenons au jeune agriculteur.
Au sortir de l'école, il n'a qu'à perfectionner ses
études ; et pour cela, son père ne saurait faire trop de sa-
crifices pour mettre à sa disposition autant de livres et
de journaux d'agriculture que possible.
De plus, il devrait y avoir, dans chaque paroisse, unfe
bibliothèque paroissiale. Le choix des livres devrait
être soumis au jugement d'une commission spéciale
nommée par le département de l'instruction publique.
Mais, dans ce choix, M. le Président, on ne saurait
être trop scrupuleux ; il n'est rien comme un mauvais
livre, un mauvais roman surtout, pour gâter le cœur et
l'esprit d'une jeune personne.
Les rayons d'honneur de ces bibliothèques devraient
être ornés de journaux d'agriculture et do petits ou-
vrages ayant trait à cet art.
Il faudrait aussi que l'excellente idée de l'établisse-
ment de cercles agricoles reçût son développement
— 13 —
complot. Aux réunions de ces cercles, on lirait des
conférences sur l'agriculture ; on y discuterait une foule
de questions ayant trait à l'amélioration de nos terres, à
celle des chemins, des voies de communication, etc,
Avant tout, pas de politique dans ces cercles.
Enfin, parvenu à l'âge de 21 ou de 22 ans, le jeune cul-
tivateur, grâce aux sages économies de son père, de sa
mère, et de toute la famille, deviendrait le propriétaire
d'un bi.en quelconque ; supposons que ce soit le bien du
voisin : lequel voisin se serait ruiné par ignorance, ou
par incurie, par luxe et par vanité.
A ce moment il entre dans la vie, et, avant de rien
entreprendre, — car toute expérience nouvelle est hasar-
deuse,— il doit se rendre un compte exact de ce qu'il a
à. faire, non-seulement pour la première année, mais
pour dix années à venir.
C'est tout un plan de bataille qu'il lui faut concerter
contre des ennemis nombreux, puissants. Voici l'énumé-
ration do quelques-uns de ces ennemis : Fossoyage mal
fait ; raies, rigoles imperceptibles n'aboutissant ])a8 aux
fossés ; planches mal conditionnées, les unes de trois pieds
de largeur, les autres de quinze pieds. De la mousse, de
la marguerite, de la moutarde, une foule de jjlantes aqua-
tiques au lieu de mil et de trèfle, de l'ivraie partout ;
clôtures en désordre, maison, grange délabrées.
Ah I c'est alors. Messieurs, qu'il faut chez le débutant
du courage, et surtout du jugement et de la science.
Mais s'il a puisé de saines notions d'agriculture à l'école ;
si son jugement a mûri par l'étude dos livres de la biblio-
thèque paroissiale ; s'il a suivi avec attention les bons
enseignements prônés par nos journaux d'agriculture, sa
tâche est bien simplifiée ; car, avec cette science, avec
ces connaissances, c'est la tête qui dirige les bras, et non
les bras la tête.
La tète qui dirige les bras 1 voilà ce qui manque au
cultivateur canadien. Il travaille au jour le jour, ma-
chinalement, sans raisonnement, sans aucune connais-
sance de son art : on appelle cela, en ce pays, un homme
pratique. Et comme conséquence inévitable, le fruit de
tant de pénibles labeurs est perdu.
Le printemps arrivé, quand la neige a disparu, quand
la terre est ressuyée, réchauffée, le cultivateur laboure,
— 14 —
herso, ensemence) en partant derrière la grango, ot va
ainsi, sans réflexion, jusqu'au haut du clos.
Il sème des pois, des pommes de terre, do froment, do
l'orge, de l'avoine, du mil et du trèfle, là où il n'en de-
vrait pas semer. Pis que cela, en maints endroits du
district de Québec, et dans d'autres districts, quoi qu'on
dise,»il y a des pièces à pois, des pièces à blé, à orge, à
avoine, que l'on ensemence avec les mêmes graines de-
puis un temps immémorial.
Que si quelqu'un se permet de faire certaines observa-
tions au sujet d'une routine aussi vicieuse, on vous répond:
•' Mon père a bien vécu de même I "
C'est triste. i '
Lorsque le jeune agriculteur s'est bien rendu compte
de tous les défauts que présente son bien, il doit com-
pléter cet inventaire par l'énumération des fautes qu'a
commises son prédécesseur, et cette énumération sera
comme suit;
Pas d'engraifîj ni de fumiers, ou engrais mal préparés ;
ignorance complète des bons effets d'un amendement
convenable, de l'usage des engrais verts, (trèfle et
sarrazin), do l'emploi duchaulage, des cendres, du plâtre,
des composts, des engrais chimiques, de l'égouttement,
etc.
Ignorance do l'espèce de graines de semence qu'il
fallait confier à toi ou tel sol.
Ignorancu des rotations, des assolements ; mots qui
lui étaient inconnue;, parce oa*il n'en avait jamais en-
tendu parler, ni à l'école, ni ailleurs.
Alors, qu'il se mette à l'œvvre, et qu'il ait toujours
devant les yeux le précepte suivant que j'ai formulé,
plusieurs années déjà, dans les termes suivants :
" Le cultivateur canadien doit adopter pour système
de culture celui de convertir le plus promptement possi--
ble, et aussi parfaitement que le temps et ses moyens le
lui permettront, la plu» crrande étendue do sa terre en
prairies et en bons pacages. Car, ce système permet do
récolter beaucoup de foin; or, avec beaucoup do :bin on
.peut entretenir un grand nombre d'animaux en bon
ordre. Ces animaux donnent beaucoup de produits qui
rapportent de grands profits et une grande quantité do
fumier. Le fumier est tellement la base do toute bonne
— 15 —
flgriculturo qu'on a dit, et avec raison, que le fumier est
le capital du cultivateur."
Après trois ou quatre années de cette culture conduite
avec intelligence, le jeune agriculteur se trouve, comme
on dit, M. le Président, au-dessus de ses affaires. Et
après? — Après? Eh bieLl il doit se marier, ce qui est
la chose la plus naturelle du monde. Il n'aura que l'em-
barras du choix, dans sa paroisse, ou dans les paroisses
voisines.
Il y a des célibataires jeunes et vieux, — ^j'en connais,
j'en vois même dans cette salle, — qui s'imaginent que le
mariage est une espèce de révolution dans l'édifice
social, une sorte de cataclysme dans le cours do la vie
humaine. Erreur fatale I Le mariage est chose toute
simple. Une fois qu'on a été marié, on s'imagine qu'on
l'a été toujours 1 Bientôt, au bout de neuf mois de ma-»
riage, de dix au plus, surviennent les soucis bienfaisants
de la famille : un rejeton, un héritier a vu le jour. De
quinze mois en quinze mois, souvent plus tôt, pareil pbé*
nomène se renouvelle dans chaque famille de nos bons
cultivateurs canadiens.
C'est là le véritable progrès! Dans les pays constitu-
tionnels, M. le Président, la force, c'est le nombre ; et
nous, Canadiens- Français, nous avons besoin do recruter
nos forces, et de multiplier notre nombre. De cette
dernière tâche nous nous acquit'ons bien sans l'aide des
gouvernements j mais je me demande si ces gouverne"
ments, le fédéral comme le local, ont toujours fail, font
aujourd'hui ce qu'ils auraient dû et devraient faire pour
retenir notre nombre chez nous ?
A ce propos, M. le Président, voici quelques lignes que
j'écrivais il y a une dizaine d'années.
" L'émigration de notre population aux Etats-Unis est
due à trois causes principales : 1** amour du changement
parmi un certain nombre; 2<* misère et pauvreté dues
au défaut d'établissements industriels et manufacturiers
dans nos villes; 'S^ misère et pauvreté occasionnées par
un système de culture des plus vicieux dans nos campa*
gnes.
" Le seul moyen d'empêcher l'émigration de nos cam-
pagnes est d'enseigner à nos cultivateurs comment ils
peuvent trouver l'aisance, la richesse chea eux. Pour
— 18 —
cela, que faut-il? Leur enseigner à cultiver. De cette
manière, l'agriculture prend toutes les proportions d'une
question religieuse, ex; qui mérite l'attention spéciale de
notre clergé, celle de nos cures de la campagne particu*
lièrtment."
Quelques mois plus tard je m'exprimais dans les termes
suivants au sujet de l'imn^igration :
" On parle beaucoup a immigration par le temps qui
court.
" On envoie des agents on Europe pour inviter les
étrangers à venir partager notre bonheur; on a des
agents aux Etats-Unis chargés de prier les nôtres de
revenir au milieu de nous.
" Tout cela est fort bien.
"Maisil ya moyen, à monavis, de simplifier la besogne
de ces agents, tout en assurant le succès de leur mission.
" Développons nott-e agriculture, et, pour cela, instrui-
sons nos cultivateurs, enseignons-leur des méthodes sim-
ples, faciles, peu dispendieuses qui les mettent en état de
réaliser de 150 à 200 louis de bénéfice par année, avec la
vente de leurs produits, au lieu de ne réaliser que trente
ou quarante louis comme cela a lieu aujourd'hui.
" Alors, l'étranger voyant les rives du Saint-Laurent
bordées de riches villas habitées par des cultivateurs, se
dira: "Il fait bon de -ivre ici: dressons-y nos tentes."
*' Alors l«s nôti'cs «jui sont aux Etats-Unis se diront:
Il fait meilleur chez nou-^ qu'aux Etats-Unis ; retournons
chez nous.
" De cett© manière les agents d'immigration seront
siars du succès et feront une riche et abondante moisson
d'immigrants."
I Le temps presse, M. le Président, et j'abrège.
Parvenu à ce degré d'avancement dans la voie du pro-
grès, le cultivateur doit veiller soigneusement à l'entre-
tien de ses animaux, à leur nourriture, et soumettre à
une étude approfondie les problèmes suivants d'écono-
mie agricole, dont je me contenterai de faire l'énuméra-
tion :
1" De l'emploi des soupes pour la nourriture du bé-
tail ; je crois sincèrement qu'on sauverait par là une
bonne moitié du fourrage. Une nourriture sèche ne
— 17 —
ronviont pas plus à rostomac do l'animal qu'à celui de
l'homme: ceci est entièrement conforme aux données
de la physiologie.
2o Du traitement dos fumiers. Dans des écrits antéf
rieurs j'ai émis l'opiniotj que dans certaines circonstan-
ces, et pour certains genres de culture, il valait mieux
recourir à l'emploi des fumiers verts. Sur ce point je
crois avoir fait erreur, à l'exemple de bien d'autres, et
je no recommando, aujourd'hui, pour la grande culture
que les fumiers qui ont subi au moins un commence-
ment do fermentation. Do là la nécessité d'avoir des
caves ou appentis dans lesquels le fumier doit être con-
servé assez longtemps, et à une température modérée,
])Our que cette fermentation se produise ;
3o. De l'emploi des engrais artificiels, et, surtout, da
j>hosphate de chaux dont on a découvert depuis deux
ans, des mines d'une richesse extrême dans les environs
d'Ottawa. Ce sujet seul exigerait la publication d'un
volume. Dès 1869, un agronome fiançais, M. Ville, par-
tisan des engrais artiticiels, annonçait, dans une confé-
rence faite à la Sorbonne, à Paris, que le Canada renfer-
mait des mines inépuisables de sdus-phosphate de chaux
(ou apatite). Qui s'en doutait alors dans le Dominion?
J'ai fait l'analyse chimique de quelques-uns do ces
échantillons, et j'ai trouvé qu'ils contenaient jusqu'à 92
pour cent de phosphate ;
4o. Du mélange du sulfate d'ammoniaque (résidu du
gaz d'éclairage), qu'on n'utilise pas aujourd'hui, au Ca-
nada, avec le sullate de chaux et le superphosphate
comme guanos artiticiels, pour les besoins de ce pays,
et comme objet d'exportation.
S'il est un pays au monde où le besoin des engrais
artificiels se fait sentir, c'est le Canada.
Quant à l'exportation, tous les engrais entrent en
franchise aux Etats-Unis.
5o. De l'à-propos d'établir la confection do ces engrais
artificiels à Lévis où il y a déjà une fabrique d'acide
sulfurique qui chôme depuis une dizaine d'années.
6o. Quel parti cette fabrique de superphosphate à
Lévis pourrait-elle tirer des pyrites do cuivre de Len-
noxville, après grillage, on les expédiant à Swansea,
2
— 18 —
South- Wulea, Angleterre. Alors, on forait d'une pierre
deux cou|)S.
7o. Des ftssolements. Cette question capitale est telle-
ment môconmio dans la Pi-ovirice de Québec, qu'on
maints endroits — le Sagucnay, entre autres— on rccolto
céréales sur céréales pendant douze et quinze ans sans
interruption.
On ruine le Saguenay. On a suivi la même pratique à
la côte de Beaupré et à l'Ilo d'Orléans pondant 150 et
200 ans, et le résultat final ? C'est qu'aujourd'hui le blé
n'y vient plus. Pourquoi ? Parce que le sol ne ren-
ferme plus les éléments qui entrent dans la composition
de ces plantes ; parce que ces éléments ont été soustraits
au f-ol par la cultui'e inintelligente de nos pères et do
leurs filî-.
8o. Du chaulage. Question très-importante. Des terri-
toires entiers, en France, depuis cinq ans, sont redevonus
fertiles, et produisent du blé en abondance aujourd'hui,
grâce au chaulage. Beau sujet d'étude pour ce pays où le
calcaire est si abondant.
9o. Expositions d'agriculture provinciales annuelles.
Trop fréiiuemment renouvelées. Tous les trois ans suffi-
rait On y voit toujours les mêmes choses.
lOo. Expositions de comtés. Ne vaudrait-il pas mieux
les remplacer par des expositions de district, àdes inter-
valles de deux ou trois ans ?
llo. Importance des concours de labour, de hersage,
do roulage, à chacune de ces expositions de districts.
Poui' un objet d'aussi grande importance, le conseil de
l'agriculture et le ministère de l'agriculture ne devraient
pas être économes. Ils devraient avoir à leur disjiosition
cinq ou six laboureurs émérites largement payes, et tou-
jours prêts à se ti-ansporter, avec charrues, herses, rou-
leaux, et attelage modèles, là où leurs services seraient
requis. Il y aurait concours entre le premier laboureur
de la ])aroisse et le laboureur du gouvernement. Prix du
concours $1.00 pour le laboureur du gouvernement, s'il
gagne le premier prix ; dix ou vingt piastres pour le
premier laboureur du district, s'il bât le laboureur du
gduvernement.
12o. Drainage. Cotte question seule pourrait faire le
sujet d'un concours. M. Barnard et l'abbé Provancher
— ig-
né sont paa d'accord sur ce point. Jo les roots d'accord
en affirmant que tous deux ont raison.
Quels matériaux fiuit-il employer pour ce drainage?
Mon opinion est qu'il faut employer du bois là où il y a
du bois, de la pierre lu où il y a de la pierre, des tuiles
là où il n'y a ni piorro ni bois.
Le drainage seul triplerait le rendomontde nos terres;
et la saison agricole, qu'on me pardonne le mot, serait au
moinn d'un mois plus longue dans la province de Québec:
quinze jours le printemps, quinze jours l'automne ;
13o. Importance do la comptabilité. Nos cultivateurs
vivent au jour le jour, sans tenir compte de leurs recettes
et de leurs dépenses. De cette manière ils se ruinent
sans s'en apercevoir.
14o. Luxe, vanité. Petit traité sur l'art du bon goût
dans la toilette, à l'usage des hommes, un peu aussi à
l'usage des tilles et des femmes. Ce sujet devrait être
traite légèrement.
15o. Du choix des races d'animaux. Quelques hommes
com|iétents, éleveurs émérltes depuis plus de 20 ans, et
auxquels je me suis adressé pour avoir leur opinion, m'ont
répondu dans les termes suivants. J'attire spécialement
votre attention sur ce point.
Je reprodnis textuellement leur réponse à ma ques-
tion.
" ■ "'■' lo. CHEVAUX.
Les chevaux canadiens purs ont disparu depuis bien
des années ; ils sont perdus dans des croisements sans fin.
Les principales races avec lesquelles ils ont été croisés
sont : le pur sang, le clydesdale, le cleveland bay, le
suiïblk punch, le percheron, le normand.
Parmi les chevaux écossais, anglais, irlandais, le fa-
vori, Qprès le pur sang, a été le clyde. Dans le district
do Montréal on s'en est servi pour faire des croisements
sans nombre, avec plus ou moins de discernement, avoo
des juments de toutes races, de toutes tailles.
Par ces croisements injudicieux, on a gâté beaucoup
la régularité des formes de nos chevaux canadiens, eu
leur donnant plus de taille. A première vue on recon-
naît ces choisis, à leurs jarrets courts et trop épais.
— 20 —
Si l'on veut élever dos chevaux pour lo commerce, on
ftrii bien do croiner nos juments canadiennes avec de»
chevaux pur san/j^, ou trois quarts sang.
Avec un peu de soin on pourrait crééer en quelques
années une bonne sous-raco do chevaux, on état de
rendre aux cultivateurs canadiens tous les services dont
ils peuvent avoir besoin, et qui en même temps seraient
très-propres pour l'exportation en Angleterre et aux
Etats-Unis.
2o. VACHES.
Il faut viser avant tout, à en obtenir, on même temps,
lo plus do lait et lo plus do viande possible. Lo mélung»
du canadien avec l'ayrshiro est ce qui convient le mieux.
La durham exige beaucoup de frais d'entretien. Pas
du tout rustique ; donne beaucoup do lait, à la condition
qu'elle vêle à doux ans, avant qu'elle ait contracté uno
trop fi)Pte disponition à l'engraissement. Beaucoup de
viande.
Le taureau durham améliore les dispositions lactifèro»
des vaches communes avec lesquelles il est croisé.
/ . • ■" V : ; 30. JIOUTONS.
Le leicester a uno laine plus fine, a plus do chair, et
tjno chaire plus tendre. Dégénère vite ; ne vit pas long-
temps sous notre climat.
Lo cotswold a une laine plus longue, plus grosse, mais
il en fournit moins que le leicester, chair bonne quoi-
que inférieure à celle du leicester. Eace plus rustique.
Se conserve bien en-ce pays, vit longtemps. Croisé avec
le canadien forme do bons moutons.
Les moutons et les porcs sont les animaux qui dégé-
nèrent le plus vite, par le croisement de consanguins.
Enfin, M. lo Président, après avoir fait tout co quo
je viens de dire, après avoir résolu tous les problêmes
que je viens de poser, le jeune agriculteur qui aurait
Âtit ses débuts à l'école de sa paroisse, qui aurait con-
tinué si-8 études plus tard, de la manière que je l'ai dit,
serait parvenu à un Age très-mûr, disons 75 ou 78 ans.
— 21 —
Alors, il est voisin de deux autres voisins fort incom-
modes: rinflammution do poumon et l'apoplexie. Co
sont !o>s doux maladies qui moissonnent le plus de
vieillards en ee pays.
Pourtant la vie doit être douce et paisible à cet âge
patriarcal ; il me semble que c'est alors qu'op. commence
h, vivre, et à jouir do la vie ; on n'a qu'à se laisser vivre,
ou à s'empêcher de mourir.
Entouré d'une famille nombreuse, — aïeul, bisaïeul de-
puis longtemps, — ayant célébré ses noces d'argent, ses
noces d'or, il aurait eu soin, je le présume, dans le coure
de isa longue carrière, de mêler l'agréable à l'utile.
Or, rien d'agréable, rien d'amusant comme de petites
fêtes de familles canadiennes à la maison du père ou ù
celle du giand-pôre.
A ces réunions, il y aurait eu des bonbons, parmi les-
quels aurait figuré en première ligne la tire ! La tire est
d'institution nationale.
Jamais de boissons alcooliques ou enivrantes. Tout au
plus aurait-on rais sur la table de la petite bière d'épi-
nette ou du vin de gadelles fabriqué par les grandes
filles de la maison. Nulle addition de brand}' dans ces
liqueurs de tempérance. J'ai connu des mécréants qui
poussaient jusqu'à ce point l'astuce et la supercherie.
Que Dieu ait pitié do leurs âmes !
A ces fêtos on aurait toléré quelques danses innocentes
et hygiéniques, avec accompagnement do violon et de
chansons populaires. Je recommande, avant tout, le
" JVicque du Lièvre, " et le " Clairon du roi. Mesdames, "
moins les gages obligés d'autrefois, que nos mœurs puri-
taines et épurées no sauraient tolérer aujourd'hui.
Voilà, M. le Président, ce que votre secrétaire avait à
vous dire au sujet des meilleurs moyens à prendre pour
activer le progrès de l'éducation, et, par là même, le
progrès de l'agriculture en ce pays.
'kviy
;;,■><.»(( >';■■'• fi'^i)
'm;
'M'
-/;;«■ r^'.i ;, •.■\i< --.\
■■'■ (1.;-
■ kVU' '■,' '
i,,,'„,.,v.,j,,
(t
RAPPORT DE MONSIEUR S. LESAGE.
Sur uno question do la noture do collo qui fait le
sujet do eo coticourH, il est tout naturel, dans la position
que j'occupe, que je ne donne pas un vote silencieux.
Aussi quoique la soirée soit déjà fort avancée, je demande
à dire quelque mots sur les reformes proposées ))ar les
deux* concurrents pour activer le progrès de l'agriculture
dans notre province.
Tous deux s'accordent a recommander la création d'un
bureau d'agriculture présidé par un surintendant, dont
les pouvoirs seraient analogues à ceux du surintendant
de 1 éducation, et qui serait également étranger à la po-
litique. Cet officier présiderait le conseil d'agriculture,
et aurait la direction et le contrôle de toute l'organixa-
tion agricole, c'est-à-dire qu'il aurait tous les pouvoirs
administratifs aujourd'hui conférés au commisaire de
ragi'iculture.
Il estpossiîj'o qu'une pareille réforme soit jugée avan-
tageuse et tinisse par s'imposer, aussi ne voudrais-je pas
prendre sur moi do la repousser tout-à-fait. Je tiens à
dire à ce propos, qu'en concourant dans le jugement qui
a été rendu j'ai voulu rendre hommage au talent déployé
par les deux écrivains, à l'esprit vraiment patriotique
dont ils ont fait preuve, aux utiles vérités qu'ils ont ex-
posées, enfin au mérite réel et vi*aiment remarquable
dos deux écrits considérés dans leur ensemble; mais je
no suis pas prêt à admettre que la création d'un bureau
d'agriculture, sur le modèle do celui de l'instruction pu-
blique, soit d'une absolue nécessité.
Le but principal de la loi dagriculture de 1869, qui
nous régit aujourd'hui, a été de ramener l'urganisation
agricole sous la sui «oillanco do la législature, en substi-
_24 —
tuant un conseil nommé par l'Exécutif à l'ancienne
chambre d'agriculture composée en majorité do membres
élus par les bociétés d'agriculture. Cette chambre d'agri-
culture, à laquelle on avait à dessein donné beaucoup de
latitude, afin de lui assurer une plus grande liberté d'ac-
tion, avait fini par échapper tout-ù-lait au contrôle du
gouvernement, qui do son côté semblait vouloir dégager
sa responsabilité de tout ce qui tenait à l'organisation
agricole et à son fonctionnement. Sous le régime qui a
précédé la Confédération, autantou mieux valait peut-être
qu'il y eût une chambre d'agriculture pour le Bas-Canada
et une autre pour le Haut-Canada, et que ces chambres
fussent à peu près indépendantes de l'Exécutif d'alors.
Mais avenant la constitution do 1867, qui remettait à
chaque province la gestion de ses affaires locales, on
trouva que l'organisation agricole était chose assez im-
portante en elle-même, pour ne plus en laisser le contrôle
à un corps à peu près irresponsable comme l'était l'an-
cienne chambre. Aussi, dès la seconde session de notre
législature locale, adopta-t-on la loi qui nous régit actuel-
lement. I.a principale raison qu'on a fait valoir, pour
substituer la loi actuelle à l'ancienne, a été que le chef
du département de l'agriculture serait désormais directe-
ment responsable à la législature du fonctionnement do
la nouvelle organisation agricole, et je no suis pas prêt à
dire que la législature a eu tort de prendre ainsi 1 1 haute
main dans cette sphère importante de l'administration.
Le but qu'on s'est projiosé en créant le conseil d'agri-
culture a été uniquement d'entourer le ministre des
agronomes et des agriculteurs les plus distinguas de la
province pour aviser avec lui aux meilleurs moyens de
faire progresser l'agriculture dans toutes ses branches ;
le ministre est resté seul chargé par la loi de l'adminis-
tration et du contrôle de toute l'organisation agricole et
par là même directement est responsable.
Pour nous la question agricole doit primer toutes les
autres, et je verrais avec peine notre législature s'en
remettre à un seul homme du soin do diriger l'organisa-
tion agricole, cet homme fût-il à la hauteur de la tâche
que lui tracent MM. Barnard et Provencher. Il importe
quo nos députés locaux restent assujettis au ('evoir
do s'occuper eux mômes de ce grand intérêt. A chaque
— 25 —
session depuis 1867, lea députés locaux qui ont faiit
partie du comité permanent do l'agriculture ont élaboré
avec profit une masse de questions du plus haut intérêt.
A plusieurs do ces questions il n'a manque, pour faire
beaucoup de bien et amener des résultats f-érieux, que
la dit-cussion on pleine chambre. Qu'on ne s'y méprenne
pas davantage, .et que les questions agricoles soient
pondes hardiment en chambre, et l'on verra bien vite
qu'elles l'emportent en importance et surtout en bons
résultats sur bien d'autres qui occupent le haut du pavé
dans nos discussions parlementaires. Ma grande, mon
unique objection pour ainsi dire à la création d'un surin-
tendant d'îigriculture, vient donc de ce que cet officier
ne pourrait pas avoir un siège en chambre, et répondre
de son administration sur son portefeuille; car avant
tous cet officier dans la pensée de nos lauréats devrait
être inamovible durant bonne conduite.
Ce n'est pas à dire pour cela que je sois hostile à toute
réforme, je reconnais au contraire la nécessité de veiller
plus strictement à l'observance de la loi telle qu'elle
existe, et ici je fiais mon 7neâ culpa pour ce qui me concerne.
C'est un abus ])ar exem|»le que de ne par avoir le bureau
du conseil d'agriculture au siège du gouvernement, puis-
que son secrétaire est un officier du département do
l'agriculture. Je suis porté à croire qu'il résulterait
beaucoup do bien et une grande simplification adminis-
trative de ce seul changement. Il m'a toujours semblé
aussi qu'un officier })ermanentdu département do l'agri-
culluro devrait avoir un siège dans le conseil. Quant
aux abus qui ont pu se glisser dans l'administration
agricole, je les livrerais en toute confiance à M. le direc-
teur de l'agriculture; il a su trop bien les signaler pour
ne pas les faire disparaître dès que l'occasion lui en sera
fournie.
Pour ce qui est des progrès à réaliser au moyen des me-
sures do détail si heureusementsuggéréesparM. Barnard,
je connais trop bien le zèle éclairé de notre premier minis-
tre ])our toutcequi touche à l'agriculture, je connais trop
bien aussi la passion dominante do l'assistant commissaire
do l'agriculture, pour croiroque M. Iedire<îteurde l'agri-
culture aura ses coudées tout aussi franches que pourrait
les avoir un surintendant. A l'aide de son journal d'agri-
— 26 —
culttire, qui va reparaître avec la nouvelle année, il va
pouvoir continuer sa croisade, et si^ comme jo n'en ai
aucun doute, il y met l'élan chaleui'eux, la foi agricole
dont il a donné de si belles preuves dans son csijai cou-
ronné, il réussira à inspirer le goût de la bonne culture
mieux que toutes les mesures législatives ne le sauraient
faire.
J'aurais bien, moi aussi, tout comme mon savant col-
lègue, l«i Dr. LaRue, un petit progamme à développer
pour faire arriver bien vite à la prospérité le plus grand
nombre possible do nos compatriotes. Le conseil que je
donne aux cultivateurs se réduit à ceci : Fuites du beurre,
faites du bon beurre et faites-en beaucoup ; je réponds du
reste, vous êtes dans la bonne voie. Avec cela si vous no
mourez pas riche et considéré c'est que vous mourrez
jeune. Voilà pour moi le principe général, le principe
qui opère seul ctsurement. Maintenant, il y a les moyens
violents, révolutionnaires, si vous voulez, tels que la cul-
ture de la betterave à sucre, pour la fabrication du sucre,
et l'emploi des engrais chimiques, du superphosphate, par
exemple; j'en suis encore de ceux-là, et le jour où je les
verrai introduits sérieusement dans notre province je
dirai que nous pouvons nous passer désormais d'organi-
sation agricole, et dépenser 1 argent qu'elle nous coûte à
faire ouvrir de bons chemins de colonisation, car aloi's il
n'y aurait plus assez de terre ]x>ur tous ceux qui en vou-
draient avoir. C'est à peine s'il resterait un homme de
lettres pour remporter le prix qu'un noble imitateur de M.
Fiset offrirait alors pour un essai " sur le meilleur
moyen de faire progresser la colonisation,"
Pour terminer, je dirai aus^^i moi, honorons l'agricul-
ture, regardons toujours l'habitant comme la pierre an-
gulaire do notre nationalité; que l'agriculture soit le pre-
mier article de notre catéchisme national, ha nature a
été prodigue de beautés pour notre province de Québec,
nous l'aimons telle qu'elle est, mais comme elle serait
belle si, à tout le pittoresque de nos riantes campagnes,
nous pouvions ajouter le charme de l'aisance et le rayon
doré de la prospérité l
ELOGE DE L'AGEICULTUEE.
CE QU'EST L'ART AGRICOLE AU CA]^4DA.
DES MOYENS DE L'Y FAIRE PEOGEESSER.
Par Ed. A* BARNARO. (i)
" Celui qui/ait croître deux Irinê
â'heibe où il n'en {Kuasuit qu'un seul,
. , , est, sans aucun doute, un bievfuittur
■ \ '' public."
I. ÉLOQE DE l'agriculture.
L'âgricultnro est, pour les individus, une occupation
des plus utiles, des plus morales, des plus nobles : pour
les nations c'est la seule base solide de prospérité géné-
rale.
L'agriculture bien comprise ne demande pas seule-
ment le travail du corps: elle offre un immense champ
d'études à l'esprit.
(1) Le trafailauqnellepremier prix a été décerné portait seulement an
Hom de plume. L'Institut-Can&dien ayant insisté pour que le lauréat don-
nât son nom véritable, ce dernier, tout en se faisant connaître, demanda
avec instance que son travail fut soumis au public sans nom d'auteur,
afin que l'étude des importantes questions y soulevées et des fait» très-
regrettables qui y sont signalés fût détachée de toute question person-
nelle. Il fit valoir de plus sa position officielle, qui semblait lui inter-
dire la publication de ses nom et prénoms.
Là-dessus, M. le président de l'Institut jugea à propos de consulter
l'honorable M. Joly, commissaire de l'agriculture et l'un des juges du
concours, qui permit gracieusement à l'auteur de faire connaître son
nom, conforniément à un des règlements du concours.
Sous ces circonstances, M. Barnard, directeur de l'agriculture au dé-
partement de' l'agriculture et des travaux publics, crût ne pas devoir ser
lefuser plus longtemps au désir de l'InstitutCanadien.
— 28 —
L'agriculture est d'institution divine. Le travail
qu'ello exige fut enseigné par Dieu lui-même, dans le
Paradis terrestre, et dès l'origine. Elle fut ordonnée au
premier homme comme occupation principale, au mo-
ment où, sortant de la création, il était fait pour jouir
du bonheur le plus complet : Posuit in paradiso volupta-
tis, ut operaretur eum. (Gren. 2) Le travail do la terre
fut donc pour l'homme un commandement do Dieu, et
une condition de son bonheur, de sa dignité, de son
existence avant que la chute originelle eût rendu tout
travail pénible et ingrat.
De tous temps, parmi les peuples les plus renommés,
l'agriculture a été considérée comme le premier des arts,
celui qui doit être le plus honoré. Ainsi, dans l'histoire
ancienne, les Chaldéens, les Egyptiens et les Romains,
aussi bien que le peuple de Dieu, furent des peuples
éminemment agricoles. Et, depuis l'ère chrétienne jus-
qu'à nos jours, les nations les plus puissantes et les plus
Ïtrospères doivent à l'agriculture la principale source de
eur force et de leur richesse. On l'a répété de tous
temps, et personne ne saurait le nier: " l'agriculture est
le fondement même de la vie humaine; elle est la nour-
rice du genre humain. " Or, si l'homme est véritable-
ment noble et grand en autant qu'il se rend utile à ses
semblables, quelle occupation, en dehors du sacerdoce,
est plus noble et plus utile que celle du cultivateur?
La magistrature, les professions libérales, le commerce
et l'industrie nous sont d'un grand secours. Depuis la
chute do l'homme, plus le monde s'est peuplé, plus il a
fallu de force, de courage, de sagesse et de science pour
défendre, contrôler, diriger et guérir la société; plus il
a fallu d'énergie pour tirer du soin de la terre et de la
profondeur dos eaux, pour utiliser et pour répandre en
touM lieux les richesses sans bornes que Dieu a mises au
Bcrvice do l'humanité. Mais que seraient toutes ces choses
sans la vie du corps? Or, c'est l'agriculture seule qui
fournit à l'homme et la nourriture indispensable A la vie,
et tous ces fruits, ces produits de toute nature qui flattent
notre appétit, réjouissent notre cœur. (1)
(1) Voir le magnifiqno ^loge de l'agriculture par Mgr. Dupnnloup :
"De la haute éducation intelÎRutuelle/'tume III, pages 418 et suivantes.
— 29 —
Lo travail des champs est essentiellement moralisaleur'.
I)ati8 ses divers travaux, le cultivateur se sent hous la
dépendance immédiate de Dieu. L'homme devient l'ins-
trument docile dont se sort le Créateur dans la continua-
tion do la création. Le cultivateur remue la teri'o, il lui
confie la semence; il l'arrose de ses sueure», puis son
(euvro est faite ; pour le reste, il s'en remet à Dieu, qui
donne le soleil, la .chaleur, la rosée rafraîchissante, la
pluie nécessaire. C'est Dieu seul qui fait fructifier et
rendre au centuple.
Toutes les vertus fortes et viriles, — la sobriété, l'éco-
nomie, l'oi-dre, l'activité, la persévérance, la prévoyance,
sont l'npanage du bon cultivateur. Aussi trouve-t-on,
en général, dans la classe agricole, un jugement plus
sain et mieux exercé, des mœurs plus pures, dos races
plus fortes, une foi plus ferme, des dévouements plus
nombreux. C'est d'ailleurs ce qu'ont dû reconnaître les
philosophes païens eux mêmes. " La vie des champs, '*
disait Columelle, "est voisine, sinon p:irente do la sa-
gesse.'* Le " sage " Caton affirme que : " c'est parmi les
cultivateurs que naissent les meilleurs citoyens et les
îneiileurs soldats. " Cîcéron donne à son tour un témoi-
gnage vieux de vingt siècles, mais qui comporte un
enseignement plein d'actualité. Il dit: "C'est dans les
villes que se crée lo luxe. Le luxe produit la cupidité ;
la cupidité fait naître l'audace. Do là toute espèce de
crimes qui ne peuvent prendre origine dans les habitudes
sobres et laborieuses de la vie agricole. L'agriculture
enseigne l'économie, lo travail, la justice." Cicéroà
ajoutait : " L'amour de la ])atrie, source de tant de vertus,
existe au plus haut degj-é dans les populations agricoles
qui se perpétuent sur l'héritage de leurs Uïeux. C'est
parmi elles que naissent les plus braves soldats.''
Voilà le témoignage bien flatteur que les païens eux-
mêmes ont rendu à l'agriculture. De quel respect et de
quels hommages les nations chrétiennes ne doivent-elles
donc pas entourer cette profession si noble et si utile f
Lo cultivateur ne se sent-il pas, chaque jour, et plus
directement que tout autre, sous l'œil de Dieu? I*eut-il
oublier Paction bienfaisante du Tout-Puissant dans lo
résultat de ses divers travaux ? Qui éprouve, autant que
l'homme des champs, la nécessité presque journalière do
— 30 —
demander, avec foi et humilité, la chaleur, la pluie, ou
le temps serein î Qui, ])lu8 qtie lui, peut jouir con><tam-
mont do toutes le» beautés de la création? Et, sous ces
circonstances, quel cœur bien né, quel esprit droit, ne
saurait aimer, adorer et bénir l'auteur de tous biens.
Quelle est donc l'occupation qui offio des jouissances
plus pures, une jeunesse plus vertueuse, une vie mieux
remplie, une vieillesse plus tranquille et plus heureuse 1
*
* *
' Tel est, sans aucun doute, le bonheur dos classes agri-
coles. Et cependant, que voyons-nous de nos jours ? Des
hommes instruits qui dédaignent l'agriculture; des en-
fants de cultivateurs à qui l'instruction semble avoir
servi à déprécier l'occupation de leurs ancêtres ; une
multitude de jioisonnes, plus ou moins marquantes, qui
ne voient dans les rudes mais honorables labeurs des
champs qu'un travail avilissant, indigne d'hommes ins-
truits et, pour tout dire, un travail d'esclave. Ne voit-on
pas trop souvent des cultivateurs à l'aise, dont la plus
grande ambition, pour leurs fils, est de les pousser dans
les carrières dites libérales; ne voit-on pas également, et
en grand nombre, des femmes do cultivateurs qui croient
travailler au bonheur de leurs ailles en leur cherchant
un avenir en dehors de l'agriculture ?
Les parents qui agissent ainsi, par faiblesse et sans
une dure nécessité, qui veulent par là rendre la vie ])lu8
agroîible et plus facile à leurs enfants, ont-ils bien réflé-
chi ? Ont-ils songé qu'en envoyant ces enfants à la ville,
ils les déclassent trop souvent sans utilité ni pour eux-
mêmes ni pour la société; qu'ils encombrent «îavantago
les professions, le commerce ou l'industrie, déjà trop en-
combrés ; qu ils exposent ces jeunes gens à une existence
presque toujours précaire, souvent bien pénible et parfois
intiniment malheureuse ? Ces déclassés, sans avenir
et sans espoir, malgré leur éducation plus ou moins com-
plète, sont comme entraînés à abréger leur existence et
à se consoler de leurs désillusions amères, en s'adonnant
aux habitudes les plus regrettables.
Ces jeunes gens, que l'on a rendus malheureux pour la
vie, n'auraient-ils pas pu devenir, dès leur entrée en car-
— 31 —
riôro, sinon des propriétaires dans l'aisance, au moins dos
fermiers intelligents, des colons vigoureux et pleins d'es-
poir, des spécialistes agricoles marquants, des agro-
nomes instruits, enfin, des citoyens utiles, en état do
rendre des services signalés et do tout gt'nre à leurs
compatriotes? Les filles qui laissent la campagne, à la
recherche d'un établissement plus commode et plus at-
trayant, sont-elles plus heiireu>es dans leur famille; leurs
cnfiints seront-ils mieux élevés, plus dociles, plus utiles à
la isociété et plus heureux à leur tour ?
"■ , *
Ce concours sur l'agriculture dont on a eu la géné-
reuse et patriotique pensée, me doime l'occasion de sou-
mettre ici quelques réflexions qui m'ont occupé bien
souvent au milieu des travaux constants et si multiples
d'un cultivateur.
Je serai heureux d'attirer l'attention do mes compa-
triotes sur notre position agricole. Je voudrais faire
appel à tous les hommes d'esprit et do cœur qui sont
attaches à notre chère patiio ; à cette fertile et incompa-
rable vallée du Saint-Laurent, cette belle province do
Québec, si essentiellement agricole, et dont les richesses,
cependant, sont à peine exploitées. Je désire m'adrefeser
surtout r.ux hommes intelligents qui habitent la cam-
pagne, à ces nombreux jeunes gens qui cherchent une
carrière profitable et utile. Je leur demande à tous d'ho-
norer l'agriculture autant qu'elle le mérite et de ne point
fermer les yeux Kur ses titres de noblesse et sur son
utilité éminento. Nos hommes d'état et tous ceux qui
sont chargés do veiller à la chose publique trojiveront cer-
tainement que c'est dans ravan<ement de notre agricul-
ture que réside la question d'économie politique la plus
importante pour nous dans le moment actuel. Je le dis
avec regret, mais je l'affirme avec une conviction pro-
fonde : cette question de notre progrès agricole semble
avoir été presque entièrement oubliée, à la suite de ces
luttes gigantesques qu'il nous a fallu subir pour le main-
tien de notre nationalité. Grâce à Dieu nous sommes
aujourd'hui les seuls maîtres do notre destinée. Mais no
serions-nous pas infiniment coupables si nous négligions
— 32 —
j»lu3 longtemps l'art qui a toujours été, depuis rétablis-
sement do ce pays, ot qui est encore notre principale
source do prospérité etde Imnheur? Je dirai plus : l'agri-
rulturo«era, après la religion, la sauvegarde de notre na-
tionalité dans l'avenir.
Qu'il me soit donc permis de faire appel à tous, mais
principalement à notre clergé ot aux personnes qui diri-
gent les maisons d'éducation dans notre province. Que
tous se fassent un devoir de rendre hommage à l'agri-
culture ; qu'ils ne manquent point l'occasion do montrer
la haute noblesse de cet art, le seul qui fut enseigné à
la terre pur le Trô^-IIaut lui-même ; que tous j)rCchent,
«le parole ou d'exemple, la dignité et l'utilité du travail
manuel, celte jouissance donnée à nos premiers parents
comme occupation principale dans le Jardin de délices.
Oui, quoi qu'on en dise : pour l'homme sensé, qui réflé-
chit le travail manuel a été de tous temps une satis-
faction immense. Voilà une vérité que ne sauront pas
apprécier, peut-être, l'habitué de bureau, l'homme de
piofossion, les gens de lettres, et tous ceux dont les
forces s'étiolent et se perdent tout-à-fait, avant l'âge,
faute do travail manuel. Que ceux-là fassent l'essai du
travail manuel, et ils y trouveront bientôt, avec le repos
de l'esprit et la tratiquillité do l'âme, une robuste santé,
le plus inestimable des dons de Dieu sur la terre.
No serait-il pas également désirable que le principe
d'économie sociale que je viens de rappeler, l'amélioration
de l'ûgriculture, engageât le surplus do notre population
à se diriger vers la colonisation de nos immenses forêts,
ces sources incalculables de richesses encore inexploitées,
richesses qui peuvent incontestablement apporter ia paix
ot le bien-élro à des milliers de familles aujourd'hui sans
ressources ?
Que rfîtat protégo l'agriculture; que nos législateurs
ot les hommes publics, plus spécialement chargés de cette
mission, encouragent, comme ils le doivent, les cultiva-
rours à étudier et à observer les lois d'une bonne agri-
culture, et ce pays, qui est déjà reconnu pour un dos plus
paisibles et des plus heureux, redeviendra, comme par
le passé, un des plus productifs du monde entier.
Le Canada, jo le répète, comparé aux autres piays dans
notre siècle^ est prôspèlfe, paisible et heureux. Cotte paix,
— 33 —
co bonheur, cetto prospéritë étonnante, au milieu do
nos vicisf^iiudos bi nombrousot", à quoi les devons-nous, si
ce n'est en grande partie A l'agriculture? La nationalité
canadienne-tranjjaise existerait-elle aujourd'hui si la popu-
lation catholique et fran(;aiHedecepays,entourde comme
elle le fut, il y a un siècle, de ces armées nombreuses d'en-
nemis de nos croyances et de notre nationalité, n'était
])as restée, après la conquête, comme cachée à l'orabro et
sous la protection du clocher de nos paroisses agricoles ?
Et, dans l'avenir comme par le passé, notre seul es-
poir de salut comme peuple n'est-il pas dans la posses-
sion du sol, dans la colonisation do nos forêts, dans le
développement de nos richesses et de notre population
par le progrès régulier et iiitelligent de notre agriculture ?
Si nous allions l'oublier, si nous négligions plus long-
temps l'agriculture, ne voirions-nous pas reprendre, au
premier moment et avec une intensité désastreuse, le
fléau de l'émigration, qui déjà nous a fait tant de mal,
qui nous a enlevé, en quelques années, une partie notable
de la population de toutes nos anciennes paroisses; fléau
qui a dévasté, dans ces années dernières, jusqu'à, nos
colonies les plus nouvelles et les plus prospères, au profit
de l'industrie étrangère du peuple voisin ? N'avons-nous
pas eu la douleur de voir, dans plus d'un endroit, des
cultivateurs, propriétaires du sol, abandonner avec leurs
familles entières, et sans nécessité pressante, la maison
paternelle, où les ancêtres avaient vécu, dans une modeste
aisance, et prendre le chemin do l'exil, dans l'espoir
d'amasser, plus rapidement peut-être, quelques pièces
d'or? Trop souvent, pour satisfaire au luxe sans cesse
croissant de la famille, on a cédé à l'attrait d'un travail
moins long, dont le salaire pourrait être plus facilement
réalisable, mais d'un travail d'esclave et d'esclave exilé
de son pays !
J'espère que l'on voudra bien me pardonner ces re-
marques. Elles se rattachent assez naturellement au
sujet qui nous occupe et me paraissent pleines d'à-propos
dans la situation particulière do notre province. D'ail-
leurs, elles font l'éloge do l'agriculture, puisque nous
y rattachons sûrement notre bonheur national dans
Je passé et notre salut dans l'avenir. Oui, nous ne sau-
rions le taire, après Dieu, c'est à l'agriculture que le
3
— 34 —
Canada français doit d'être ce qu'il est; c'est dans
l'agriculturo que réside sa force et sa principale sauve-
garde pour les dangers do l'avenir. Or, quoi plus bel
éloge un patriote pourrait-il faire de cet art divin, do
quelle couronne plus brillante et plus glorieuse un Cana-
dien pourrait-il ceindre le front de cotte " mère " aussi
aimable que noble et utile : '• la nourricière du genre
humain. "
***
Mais les Canadiens ne sont pas les seuls qui doivent
principalement à l'agriculture leur force et leur conser-
vation comme peuple. Pour celui qui étudie l'histoire,
il est un fait qui ne peut manquer do frapper l'esprit :
c'est rabaissement progressif et la disparition presque
complète de ces nombreuses nations qui, à leur épo-
que, ont rempli le monde du bruit de leur nom, de
leur gloire et de leurs conquêtes. Tous ces peuples,
avant de se distinguer comme guerriers, étaient devenus
prospères par les développements donnés à l'agricul-
ture. Et quel fut le principal sinon l'unique écueil
sur lequel ils vinrent se briser, les uns après les
autres, si ce n'est l'abandon graduel et le dépérissement
de l'agriculture, pour faire place à la recherche immo-
dérée des conquêtes, du butin, des jouissances illicites ?
N'est-ce pas là l'histoire dos Babyloniens, des Egyp-
tiens, des Grecs et des Romains? Et les Juifs, — ce
peuple privilégié, conduit, dans ses beaux jours, par
Dieu lui-même, — quelles furent toujours leurs époques
de grandeur et de bonheur, si ce n'est celles où, obéis-
sant aux préceptes divins, ils cultivaient la terre? Quelles
furent leurs époques de malheur et d'abaissement, sinon
celles qui suivaient leurs grandes prospérités, lorsque
les greniers juifs regorgeaient, que les caves étaient
remplies de vin, que le peuple entier s'était enrichi?
Alors, en effet, sourde à la voix divine et immuable du
travail, négligeant les durs mais salutaires labeurs dos
champs, la nation se livrait aux plaisirs défendus, à la
recherche des conquêtes injustes mais faciles, et s'atti-
rait par là les châtiments de Dieu.
Si nous recherchons maintenant le secret de la force
do certaines nations modernes, de cette vitalité mer-
veilleuse qui permet à certains peuples detraversoi* sans
— 35 —
encombre les époques los plus tourmentées, do renverser
tous los obstuclos qui s'opposent à leur niftrcho.otd'appa-
raitro, au sortir dos toinpôtos les plus terribles, aussi fortrt
et plus unis que jamais, — nous trouvons co secrot dans le
progrès et le porfoetionnomont do leur agriculture.
Ainhi, (-ans les trésors incalculables do l'agriculturo
française, la Fiance aurai t^ello pu écbappor au joug do
fer du Prussien qui lui demandait, au nom do sa brutale
victoire, une rançon que le monde entier jugeait impos-
sible à payer ?
Et comment les pays flamands, co petit coin do sablo
sorti do la mer, co territoire presque imperceptible sur
la carte de l'Europe, ont-ils pu se conserver intacts au
milieu dos diverses puissances qui se les arrachaient los
unes après los autres, lu co n'est grâce à la frugalité, à
l'activité et à l'intolligimce do leur population agricole,
la plus dense et la plus laborieuse do l'Europe. Et
l'Angleterre, notre nouvelle mère-patrie, cet autre petit
pays couvert en grande partie do montagnes, de bruyères,
de sable et d'un sol aride, cette vaillante et industrieuse
Angleterre pour laquelle les anciens Komaitis n'euronu
que des louanges, ne so distinguait-elle pasdéjà, dès cette
é])oque reculée, par ses richesses agricoles ?
Ce peuple anglais si fier, à juste titi'O, do ce que
le soleil ne so couche jamais sur son drapeau qui flotte
sur tous les points du monde, co peuple distingué entre
tous les autres par ses conquêtes innombrables, dues
plus souvent aux arts de la paix qu'à ceux de la guerre, co
peuple éminemment commerçant et industriel, no doit-il
rien à l'agriculture ? Ai-jo besoin de dire que, de tous los
pays du monde, c'est l'Angleterre qui occupe le premier
rang au point de vue agricole ? C'est l'Angleterre qui
obtient les récoltes moyennes los plus élevées dans
l'univers entier ; ce sont les Anglais qui ont doté lé
monde do ces améliorations prodigieuses dans les diverses
races de bétail dont los produits ont une valeur qui parait
fabuleuse. C'est encore à l'Angleterre que nous devons
les plus grands perfectionnements agricoles de l'âge mo-
derne, entre autres le drainage, l'emploi économique do
la vapeur dans la culture do la j,orre et dans la transfor-
mation des récoltes en produits marchands. Et, de toutes
les nations de la terre, c'est la nation anglaise qui porte
■ - se-
rt l'agriculturo le plus grand intérêt, qui a l'agriculture
en plus hante estime.
Jl est bon de rappeler les faits suivants à ces hom-
mes trop nombreux parmi nous qui n'ont que des
dédains pour l'agriculture, i\ ces fils de cultivateurs
qui rougissent de leur origine et de l'occupation de leurs
ancêtres. S'il est un gentilhomme qui tienne avant tout
à sa dignité, au respect et à la considération dus à son
rang, c'est bien le gentilhomme anglais. Or il croirait
s'abaisser grandement en se livrant à la pratique des pro-
fessions libérales, du commerce, de l'industrie, et, selon
lui, il n'y a que quatre carrières qui soient dignes d'occu-
per sa vie : le sacerdoce, la diplomatie, les armes, l'agri-
culture. On a vu de tout temps les plus grands seigneurs
anglais, et, encore aujourd'hui, les membres de la famille
royale elle-même, se livrer avec persévérance à l'étude et
:ï la pratique de l'agronomie la plus avancée. Notre
gracieuse souveraine, la reine d'Angleterre, ainsi que le
prince de Galles, se font un devoir et un honneur de
diriger per.*onnellement de grandes exploitations agri-
coles. Ils ne dédaignont pas même d'entrer en lice avec
le ])lus humble de leurs sujets dans les grands concours
nationaux d'agriculture, dont l'Angleterre s'honore à
juste titre. Notre mère-patrie se fait un devoir de répéter
ces concours^ chaque année, dans plusieurs parties du
]>ays à la fois, afin de porter partout les meilleures prati-
ques agricoles.
Pour finir, qu'est-ce qui fait le caractère distinctif
de la Chine, cotte nation, la ])lu8 ancienne du monde,
dont l'origine se perd dans la nuit d • temps, si Ce
n'est ses lois agricoles si sages qui, '-'■ tompa immé-
morial, ont accordé à l'agriculture le hr .• rang qu'elle
mérite ; lois qui ont fait que le sol a pu suffire aux
besoins d'une popidation innombrable sans jamais perdre
do sa fertilité première, et qui peuvent se résumer
dans ces quelques mots : rendre scrupuleusement à la
terre, mais sous uno autre forme, ce que l'agriculture lui
enlère.
— 37 —
«
Envisageons maintenant, pour un instant seulement,
l'agriculture au point de vue du développement intellec-
tuel qu'elle exige dans son perfectionnement.
Outre lo travail du corps et les qualités de l'esprit
indispensables au succès do toute occupation humaine,
l'agriculture demande, plus que toute autre carrière,
dans la solution des divers problèmes que soulève cet art
vi'aiment merveilleux, le concours et l'appui des con-
naissances les plus profondes et des sciences les plus va-
riées. Je ne saurais mieux compléter l'éloge de l'agri-
culture qu'en démontrant cette vérité incontestable et
d'un intérêt pratique dans les conditions actuelles de
notre pays.
En etîet, l'agronome qui voudrait approfondir les nom-
breuses questions qui se rattachent à son art et qui in-
fluent directement sur ses résultats, ne saurait embrasser
pendant sa vie toutes ces études, tant elles sont vastes
et variées. Ainsi les mathématiques servent d'introduc-
tion indispensable à l'étude des autres scioïK-es qui ont
rapport à l'agronomie; laphysiqiie nous explique d'abord
la mécanique, science nécessaire à l'étude des diverses
machines et outils dont s'entoure l'agriculture moderne;
puis la pneumatique qui, traitant de l'air et des lois qui
le gouvernent, nous fait connaître l'action du baromètre,
des diverses pompes, du syphon, le pouvoir du vent, la
ventilation, etc. ; l'hydrostatique, loi des fluides, qui sert
l'agi-iculturo dans ses presses et ses béliers hydrauliques,
nés pouvoirs d'eau, qui indique la résistance à apporter
aux rives do nos cours d'eau, de nos ruisseaux, etc. ; Velec-
tricité, fluide étonnant, que l'agriculture ne connaissait
autrefois- que par ses fureurs et ses désastre-", et que les
savants étudient aujourd'hui avec une grande curiosité,
dans ses rap])orts étranges mais intimes avec la crois-
sance des plantes, leur décomposition, etc. ; le magnétisme,
autre puissance, en rapport avec la lumière, la chaleur et
l'électricité, qui fait depuis quelque temps la base de tout
un sj'stèmo étrange de culture ; la chaleur, force impon-
dérable, mais d'un oft'et constant et merveilleux, qui
nous entraîne dans une foule d'études et de recherches,
sur la vapeur et ses pouvoirs, les divers combustibles et
leur valeur comparative, la rosée, etc. ; la lumière, prin-
cipe actif et indispensable dans la croissance et la matu-
— 38 —
rite des plantes. La chimie, cette science anx mille faces,
qui malgré ses progrès^ incontestés dans notre siècle, fait
(souvent le désespoir des savants qui s'y livrent, a d(\jà
enrichi d'une manière étonnante l'agriculture moderne.
Elle tend à révolutionner complètement les divers systè-
mes de culture connus jusqu'à nos jours ; c'est elle qui nous
permet de tirer de la terre et d'utiliser ces engrais mi-
néraux, d'une telle valeur qu'ils surpassent en bons effets
tous les engrais animaux les plus précieux; c'est elle
encore qui nous apprend à décomposer les corps pour en
former do nouveaux, qui nous explique les effets des ma-
tières ferî^ilisantes, qui nous indique ce qui manque à la
fertilité du sol et nous enseigne à y suppléer ; elle nous
montre également avec précision, la valeur nutritive des
divers produits agricoles et nous fait connaître le moyen
de les convertir avec profit en graisse, en chair et en os.
Cette énumération est déjà bien longue ; j'y ajouterai
cependant encore la météorologie, la géologie, la botanique,
la zoologie. Voilà quelques-unes des nombreuses sciences
qui viennent apporter leur hommage et leur tribut à
l'agriculture.
Dans tous les pays où la cultui-e est en honneur, les
fils intelligents et instruits des cultivateurs, cultivateurs
eux-mêmes, se livrent souvent avec ardeur à l'étude do
ces diverses sciences, dans le butde les faire servir à l'agri-
culture. Comme conséquence de leurs efforts on a vu la
mécanique produire ces instruments perfectionnés qui
remplacent des milliers de bras, la chimie donner la ré-
putation, les honneurs et la fortune à des milliers d'indi-
vidus, la zoologie et l'anatomie permettre de transformer
les diverses races de bétail, transformation qui a eu pour
résultat de faire surgir des fortunes considérables et do
donner en même temps la renommée et les distinctions
à quelques-uns de ces heureux transformateurs. Combien
d'autres carrières spéciales ne se rattachent-elles pas à
l'agriculture quand celle-ci est raisonnée et bien faite?
Et quel avenir pour nos enfants, si nous savions diriger
leur intelligence vers l'étude de cette science agricole
qui fait présentement la richesse et la force de plusieurs
nations I
Je voudrais pouvoir parler, dans cet essai, de ces indus-
tries connexes, qui ont transformé des contrées entières,
qui ont fait marcher de pair l'industrie la plus active,
I
— 39 —
l'étude des sciences la plus profonde et l'agriculture la
îhis parfaite, assurant par -là aux individus, comme à
"i'jtat, la richesse la plus solide et la prospérité la plus
durable. On peut dire avec certitude que les industries
connexes à l'agriculture sont à cet art sa plus riche
couronne, son dernier perfectionnement.
* *
Je m'arrête ici. Je crois avoir démontré que l'agri-
culture est d'o/igne divine, qu'elle a été enseignée à
l'homme par Dieu lui-même, au temps où il devait jouir
d'un immortel bonheur sur cette terre ; que le travail
manuel qu'elle exige est encore pour l'homme une source
de force et de jouissance ; que l'agriculture est également
la sauvegarde des familles et des nations; qu'enfin elle
offre une carrière noble, féconde, intellev'îtuelle et scien-
tifique, digne d'occuper les meilleurs et les plus solides
esprits.
II. — CE qu'est l'art aoricole.au canada.
L'art agricole, dans tout pays, se résume ainsi : faire
produire à la terre les plus gros revenus nets sans
l'épuiser. Afin d'arriver à ce résultat, il faut: lo Faire
disparaître tout ce qui pourrait nuire à la culture : les
arbres, les souches, les broussailles, les pierres; 2o En-
lever du sol l'excédant d'eau qu'il peut contenir et
qui pourrait nuire à la croissance des plantes utiles ;
3o Arpeublir la terre, afin qu'elle couvre convenable-
ment la semence et que celle-ci puisse y trouver la
nourriture nécessaire à. son complet développement;
4o Détruire, autant que possible, les plantes adventices
et inutiles qui nuisent à la production que le cultiva-
teur veut obtenir; 5o Enrichir le sol en lui renc .t
les matières fertilisantes que les l'écoltes lui ont enle-
vées et en y ajoutant ce qui pourrait manquer à la
nourriture des plantes que l'on cultive; Go Semer dans
des conditions favorables, api'ès avoir fait le choix des
semonces qui devront donner au cultivateur les meH-
leurs résultats ; 7o Tirer le meilleur parti possible des
récoltes obtenues, soit en les vendant en nature, soit en
/
— 40 —
les transformant en d'autres produits étçalement du res-
sort de l'agriculture, mais de plus do valeur.
Ce court résumé do rincipes, d'application univer-
selle, nous aidera à établir plus clairement ce qu'est l'art
agricole au Canada. Il pourra nous servir également
dans nos recherches sur les moyens -\ prendre pour faire
progresser l'agriculture dans notre pays.
Depuis cinquante ans, surtout, l'agriculture a fait de
bien grands progrè."*. Ainsi, au moyen du drainage, qui
consiste en des canaux souterrains suffisamment pro-
fonds pour enlever toute l'eau surabondante retenue à
trois ou quatre pieds de la surface du sol, on est arrivé
à augmenter les récoltes du double et du triple do ce
qu'elles étaient aupai-avant, tout en rendant la culture
plus facile, plus i-apido et moins coûteuse. Par le drai-
iiagc, les terres humides, compactes et difficiles à façon-
ner, deviennent l('gères, friables et assez riches pour se
travailler même dans les saisons "les plus pluvieuses. Le
sous-sol, au lieu de rester froid, mouillé et aussi im-
propre à toute v«?gétation que le serait le roc, devient, à
la .suite du drainage, parfaitement ameubli ; l'eau, en se
retirant, laisse de nombi-cux inierslices par lesquels
entrent l'air, la pluie, la chaleur, et toutes les sources
de fertilité qu'ils contiennent. Le sous-sol, devenant
spongieux, re t'en t riiuiuiditd pour la rendre au sol à me-
sure que la grande séchei-esso en ilessèche la surface. La
masse entière qui roccmvre les drains, devient comme
un immense laboratoire où se prépare toute la nourri-
ture néceesaire aux récoltes que porte le sol. De plus, le
drainage, en forçant l'excès d'eau de s'écouler eu toute
saison, l'hiver comme r«^té, permet à la chaleur de j>éné-
trer profondément la terre dès le ])rintemps; ])His la
chaleur se concentrant dans le sous-sol pendant l'été,
réchauffe la surface pendant l'automne; c'est ainsi que
le drainage allonge de plusieurs semaines la saison de
végétation : avantage incalculable dans notre climat
rigoureux.
A la suite, et comme coiïséquence du drainage, sont
venus les labours sous- sol, qui doublent la quantité de
terre dans laquelle vivent les plantes, et augmentent
ainsi les récoltes d'une manière notable.
Dans notre siècle, on est également arrivé à transfor-
— 41 —
mer les races d'animaux domestiques, do façon à leur
faire produire plus vite et en plus grande abondance, le
bœuf, le mouton, la laine, le lard, et cela, tout en éco-
nomisant la nourriture le plus possible. C'est éifalement
dans ces dernières années que la science s'est livrée plus
particulièrement à l'étude pratique des questions agri-
coles. Comme nous l'avons dit plus haut, nous lui de-
vons, entre autres bienfaits, les engrais artificiels, les
découvertes dans la théorie de l'alimentation, qui ren-
dent beaucoup plus économique l'élevage des bestiaux
et la production de viandes, du fromage et du beurre.
C'est également depuis la même époque que la science
nous donne ces machines et ces outils amélioiés, de tous
genres, qui faciiiient nos divers travaux et remplacent
si économiquement les bras qui manquent.
Toutes ces grandes découvertes, même les plus récen-
tes, sont connues dans notre pays. Elles y sont utilisées
par un certain nombre do bons cultivateurs. Le Canada
possède des agronomes distingués dont quelques-uns,
les Cochrane, les Beatty, les Snell et d'autres, se sont
fait une réputation enviable, comme éleveurs, en Euro-
pe et aux Etats-Unis. Notre province a produit les
])lu8 beaux types de la race " Durham. " Les journaux
d'Europe rapportent que, dernièrement, M. Cochrane,
cultivateur à Compton, dans nos cantons do l'Est, .-i
vendu en Angieterro plusieurs animaux do cette race ;i
des prix presque fabuleux. 11 aurait obtenu, })arait-il,
l'énorme somme de $21,525 pour une seule génisse, de
six mois, vendue à l'encan. Cette génisse est, au dire
des connaisseurs, le type le plus ])arfait qui existe de
cette lace Durham si universellement estimée.
De même, dans l'élevage des races chevalines, le Ca-
nada s'est distingué depuis longtemps. Dci* exporta-
tions récentes et nombreuses nous font espérer que le
marché européen absorbera bientôt, à des prix rémune-
ratifs, tons les bons chevaux que nous pourrons expédier.
Depuis doux ans l'exportation des animaux de bou-
cherie devient une des exploitation.s commerciales les
pins iniportnriles. L'élevage du bétail promet de deve-
nir une de nos principales sources de richesse. Mais,
bien qu'un certain nombre de nos compatriotes se dis-
tinguent déjà dans l'élcvago du bétail et disputent aux
— 42 —
éleveurs d'origine anglaise les prix ofiferts, dans nos con-
cours provinciaux, aux différentes races de bétail, il
nous reste encore de grands progrès à faire si nous
voulons tirer un bon parti de l'exportation en Europe
des produits de nos animaux domestiques.
Ija fabrication et l'exportation du fromage canadien
ont également pris un dévelojipement extraordinaire
dans ces dernières années. Cette exploitation mérite
toute l'attention du cultivateur. Elle peut s'augmenter
encore et prendre des proportions incalculables si l'on
s'applique à ne fabriquer et à n'exporter que du fromage
de première qualité.
Il on serait do même du beurre si nous savions le pro-
duire d'une qualité supérieure et uniforme. On constate
que le beurre impoité en Angleterre, de la Normandie,
du Danemark, do la Suède et de la Norvège se vend ré-
gulièrement le double du prix que l'on obtient pour le
bourre du Canada sur le même marché. Ce fait remar-
quable est dû uniquement au grand soin que l'on apporte ,
dans la fabrication du beurre dans les pays en premier
lieu nommésv et au peu de soin au contraire que l'on
donne généralement à celui du Canada.
L'on voit dans les diverses provinces de notre pays,
mais surtout dans Ontario, un bon nombre de cultures bien
faites. Elles sont assez souvent citées comme modèles
dans les meilleurs journaux d'agriculture des Etats-Unis.
Quelques-unes de ces cultures feraient honneur aux
agronomes les plus distingués dans n'importe quel pays.
Dans la province de Québec, dont nous devons nous
occuper ici 4'une manière toute spéciale, on constate
depuis quelques années des améliorations notables en
agriculture. Dans plusieurs paroisses, bon nombre de
cultivateurs ont l'ambition d'améliorer leur culture et
do faire mieux que leurs voisins. On trouve partout,
même parmi les familles les plus à l'aise, des cultiva-
teurs qui ont acquis eux-mêmes tout ce qu'ils possè-
dent, et cela par leur travail opiniâti'o et leur stricto
économie. Je pourrais nommer quelques ])aroi8ses où des
progrès remarquables de tout genre se généralisent parmi
la masse des cultivateurs, à la suite de l'heureuse initia-
tive d'un ou de deux hommes intelligents et désireux do
faire progresser l'agriculture.
— 43 —
Malheureusement, à côté do ces succès partiels, il faut
également reconnaître que la masse de nos cultivateurs
d'origine française n'est pas encore entrée dans la voie
du progrès ; que la plupart de nos terres ne produisent
plus que le tiers de ce qu'elles produisaient autrefois,
qu'un grand nombre de familles s'appauvrissent de plus
en plus, et qu'elles devront tôt ou lard, à moins d'un
changement complet dans leur culture, abandonner la
propriété que leurs ancêtres leur ont léguée après y
avoir vécu dans l'abondance pendant des générations.
11 est facile d'établir qu'autrefois nos terres donnaient
de 25 à 40 minots de blé par arpent. Aujourd'hui, la
moyenne du rendement en blé est d'environ 9 minots ;
il n'est plus que de 4 à 5 minots dans les endroits où l'on
suit encore l'ancien système, qui consiste à cultiver du
blé tous les deux ans, sur la même terre, eans engrais, et
aussi longtemps que le blé ne vient pas à manquer tout-à-
fait, comme dans les plus anciennes paroisses du Sague-
nay, par exemple. La production, dans toutes les cul-
tures, a également diminué dans des proportions ex-
trêmement regrettables.
Il importe de constater la cause de cette diminution si
grande dans le rendement du sol. Or, nous ne craignons
pas de l'affirmer, cette cause réside uniquement dans
l'ignorance ou l'oubli presque général des principes élé-
mentaires de l'agriculture parmi la population cana-
dienne-française. JVlais cette ignorance, que nous sommes
forcés d'admettre, n'est nullement due au manque d'in
telligence chez notre population rurale. Il est facile
de prouver qu'aucun peuple- au monde ne surpasse le
nôtre quant au sens juatique, au jugement et aux
qualités intellectuelles. Malheureusement notre popu-'
lation agricole n'a jamais eu l'occasion d'apprendre les
])rin(i[es d'une bonne agriculture, et elle ne le pourra
pas sans un grand eft'ort de la part de ceux qui ont mis-
sion de l'éclairer.
Nos ancêtres furent, pour le plus grand nombre, des
artihians, des navigateurs et des soldats. Pour les attacher
à la culture de la terre, il fallut des encouragements
considérables de la part des gouvernants, puis des lois qui
rendaient très-onéreuses les commutations de propriété,
puis enfin des règlements qui retenaient, forcément en
— 44 —
quoique sorte, Ips colons au pays. Notre histoire no
nous parie nulle ])artdefforts individuels ou autres pour
l'amélioration de l'af^ricultiire, si ce n'est dos soins intel-
ligents do Louis XIV el de Colbert, au début do la
colonie, soins qui furent tout à fait négligés après eux. (1)
A la suite des premiers défrichements, laterre produisait
avec une telle abondance que personne ne ])ouvait songer ù
lui demander davantage. Les richesses accum^ulees dans
le sol. depuis la création, purent suffire aux b.'soins d'une
végétation luxuriante pendant plusieurs années consécu-
tives. Kt lorsque vinrent les années de diminution, de
1830 à 1850, on pensa que les mauvaises récoltes étaient
dues plutôt à des causes atmosphériques ou inconnues qu'à
l'appauvrissement graduel du sol. C'est ainsi qu'aujour-
d'hui encore, un grand nombre de personnes attribuent
la production minime de nos terres à la rigueur du
climat, oubliant que le climat n'a guère changé en
ce pays depuis deux cents ans, mais que deux siècles de
culture, sans engrais et sans soins, ont nécessairement
appauvri la icrre.
Malheureustment, fort pou de personnes, dans notre
j)rovince, se rendent un compte exact du dépérissement
graduel de notre agriculture et des causes qui l'ont
amené ; fort peu de cultivateurs mettent en pratique les
principes si élémentaires que nous avons rappelés, au
commencement de ce chapitre. Il est pénible do l'avouer,
mais il faut l'admettre : la masse des cultivateurs cana-
diens-français ignore les premiers principes d'une bonne
agriculture. Dans le plus grand nombre de nos paroisses,
il n'y a guère une seule terre qui ait été engraissée d'un
bout à l'autre, depuis son déboisement.
On voit presque partoutdes brouissailles ou des ))ierre8
qui couvrent une partie des terres en culture. L'assainis- -
sèment superficiel des sols humides, à quelque excep-
(1) C'est à Louis XIV que notre province doit la n3agni6que raoe do
chevaux dits canadiens. l)e nombreux et très-beaux types nous furent
envoyés à diverses reprises, de France, par ordre do Colbert. Ils furent
distribués aux meilleurs colons, dans toutes les parties du pays, à des
conditions très-favorables. C'est ainsi que l'on a vu partout, en ce i>ay8,
jusqu'à ces dernières années, une mémo race d'excellente qualité. Voir
l'abbé Fuillon. — " Histoire de la colonie française on Canada. "
- 45 —
lion pr^s, est pratiqué do la manière la plus primitivo
et laisse énormément à déHiror. On peut dire également
qu'aucun etïort n'a été fait jusqu'ici, par la mjisse des
cultivateurs, pour arriver à la destruction dos mauvai.ses
herbes. On en voit partout ; elles so sont emparées du
meilleur de nos terres, et elles menacent de tout envahir.
L'ameublissement nécessaire à la bonne production do la
terre fait généralement défaut ; les labours se font eans
précaution et à la hâte; ils sont le plus souvent très-mau-
vais. La terre est si mal hersée que, presque partout,
les effets du hersage sont à peine visibles. Les labours
en travers, dont l'effet serait d'ameublir et de nettoyer
la terre, sont presque inconnus. On laboure tellement à
la hâte et une si grande partie de sa terre, qu'on no
saurait songer à labourer quelques pièces une seconde
fois la même année.
Le scarificateur et le rouleau brise^mottes, jiourtant si
utiles, no sont presque pas connus. Le choix do bonnes
semences est l'exception ; rensemoneement de grains
chétift:!, mélangés et remplis de graines nuiï«ibles est la
règle. Quelques maigres animaux, nourris uniquement à
la paille, pendant l'hiver, sont, en généi-al, les seules
smirces d'engrais ])0ur clia(iue terre; et encore laisse-t-
cm poi-dre une partie notable do ces pauvres fumiers
avant d'utiliser ce qui reste. On fait du beurre ; mais
la plupart des fei-miers le font avec si peu de soin, les
vaches sont si peu tiombreuses, si maigres et si chéliveSj
les pâturages si mauvais, que le beurre est rarement do
première qualité. Aussi n'en obtient-on que le plus bas
l»rix sur nos grands marchés. Pour une tinette de bon
beurre, l'on en compte cinquante do qualité très-infé-
rieure. En Angleterre, comme je l'ai dit plus haut, lo
beurre canadien ne se vend, en moyetme, que la moitié
du prix qu'obtiennent nos cousins de la Normandie. En-
fin, d'un bout à l'autre de la province de Québec, quelles
que soit la diversité des circonstances et les différences
de sol, de climat, de marchés, on cultive partout les
mêmes produits, et presqu*exclusivemont les mêmes
grains, au risque d'inonder un marché déjà trop res*
treint. On cherche trop rarement à transformer ces pro*
duits sur la terre, en bonne viande de boucherie, entfro'
mage ou en beurre de première qualité, tels qu'on lan
— 46 —
domando pour l'exportation en Europe. C'est ainsi que
l'on appauvrit la terre et que l'on s'appauvrit soi-môme I
Il nous faut bien avouer que, depuis l'abrogation du
traité de réciprocité avec les Etats-Unis, nos noiarchés
sont facilement encombrés, et que la crise financière et
la ruine de nos principales industries nationales n'ont pas
pou contribué à rendre de plus en plus pénible la position
du cultivateur. Mîiis ces derniers malheurs n'ont fait
qu'empirer un état de choses déjà très-critique dont la
cause principale réside, je le répète, dans l'ignorance pres-
que générale, chez nos compatriotes d'origine française,
des principes élémentaires d'une bonne et saine agri-
culture.
Voilà un tableau bien sombre et fort désagréable à
contempler pour tout homme qui aime son pays. Et
cependant, qui oserait dire, consciencieusement, qu'il
est surchargé ? (1)
m. DES MOYENS DE PAIRE PROGRESSER L'AGRICULTURE
DANS NOTRE PROVINCE. , , > ,
On ne s'attendra pas, sana doute, à trouver dans côtto
étude, dont le cadre est d'ailleurs clairement défini par
les règlements du concours de l'Institut Canadien de
Québec, un traité sur l'art de cultiver la terre avec
profit. Tout travail de ce genre serait ici un hors-d'œuvre.
On demande quels sont les moyens à prendre pour faire
progresser l'agriculture dans toufr le pays.
Ces moyens, je vais les indiquer dans cette troisième
partie. On les trouvera peut-être d'un caractère un peu
radical, mais, en définitive, les changements d'organisa-
tion que je propose sont faciles à opérer.
(1) Tableau de la production du blé par acre dans différentes con^
Iréos (minots de 64 Ibs.)
Angleterre, 29 minots.
Prusse (Poméranie seulement), 26
Belgique,
24
Hollande,
19
France,
16i
Etat-Unis,
11
Canada,
lOi
" Nouvelle-Ecosse,
ni
•' Nouveau-Brunsvick,
m
" Ontario,
m
" Québec 11
8*
1
I
1-
J
d'après le recensement do
1877.
-4T-
La législatuie du Canada a constaté, dès 1850, d'une
manière officielle et très-exactement, les défaut*^ de
l'agriculture dans la province do Québec. Dana la suite,
au milieu des luttes si vives de la politique, et des ques-
tions si ardues qu'il a fallu résoudre, le Parlement s'est
eftorcé de remédier au mal signalé par l'enquête légis-
lative. C'est ainsi que les octrois en faveur de l'agri-
culture furent doublés; que les sociétés d'agriculture
furent partout encouragées ; qu'on organisa à grands
frais des expositions provinciales ; qu'on établit dos écoles
d'agriculture, et qu'enfin, on créa, dans l'administration
locale de Québec, lors de la Confédération, un département
spécial, ayant pour chef un ministre dont la mission est
de diriger l'agriculture et les travaux publics. En 1869,
on créa le conseil d'agriculture, dans l'espoir de remplacer
avantageusement l'ancienne chambre d'agriculture du
Bas-Canada. Depuis 40 ans on a encouragé plus ou
moins, de temps à autre, la publication de journaux
agricoles et on a fait donner, dans ces dernières années,
mais pendant quelques mois seulement, des causeries sur
l'agriculture, dans plusieurs paroisses du pays. On peut
évaluera 670,000, environ, les dépenses annuelles que le
gouvernement de cette province s'impose, sous une forme
ou sous une autre, en faveur de l'agriculture. La somme
totale ainsi dépensée dans cette province, depuis trente
ans, doit approcher $2,000,000 (deux millions do pias-
tres).
On le voit, des efforts considérables ont déjà été faits
dans le but d'améliorer l'agriculture dans cette province.
Avant donc de songer à de nouveaux moyens, il est bon
d'établir ce qu'est notre organisation agricole, et d'en
signaler le côté faible.
La loi d'agriculture qui nous régit depuis 1869, donne
au commissaire d'agriculture et des travaux publics la
direction complète et le contrôle absolu du conseil
d'agriculture, des écoles et des sociétés d'agriculture.
C'est en définitive le commissaire qui porte seul la res-
ponsabilité du bon ou du mauvais fonctionnement de
toute notre organisation agricole.
Cependant, il appert par les rapports officiels publiés
BOUS l'autorité du commissaire, que jusqu'à 1875 la loi
d'agriculture était restée lettre morte, quant à la direc-
— 48 —
tioii qito doit donner lo commissaire. Il y Jijiport <lo
)»lus que l'étttt des sociétés d'iigriciilturo est trù^-pcu
>atisfUi.siint. Ces documents ottit-iols Komblent niGnio
tidmuttro que les résultats obtenus no sont nuUomcut en
rap|K)rt avec les dépenses faites pour l'amélioration do
l'ii-^ricullure. On va jusqu'à s'y demander si les progrès
obtenus no se seraient pas égab^mont opérés sans l'inler-
vention et les allocations du gouvernement.
Voici d'ailleurs ce qu'on peut lire à la première page
du rajjport du commissaire d'agriculture pour l'année
1874: " En dehors de la routine administrative, notre
département exerce peu dinfluence directe sur l'organi-
sation agricole: c'est au conseil d'agriculture qu'est
léservéo la direction du mouvement agricole."
On le voit, le commissaire d'agriculture avoue no
point diriger la partie agricole de son département: il
laisse cette direction au conseil d'agriculture. Or ceci
semble directement contre la loi. (l)
(1) Voici oe que dit l'acte d'agriculture à ce gujet (32 Viot., ch. IL'
186i), clause 40) :
" Tous lo8 pouvoirs et devoirs administratifs ayant trait au contrôle
et à la r<5gie dos soo.i(<t(<g d'agriculture et des institutions d'enseigne-
ment agricole sont par le présent conférés au coMMtssAïUK qui recevra
leurs rapports annuels, leur paiera l'octroi provincial établi en leur
faveur et leur donnera des instructions propres à assurer l'entiflt accom-
plissement dos règlements généraux ou spéciaux adoptés à leur égard
par la conseil d'ngrioulturi', et il aura le pouvoir, en cas de contraven-
tion, de suspendre le paiement de la subvention à ces sociétés ou insti-
tutions et, avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, do la
supprimer. "
Et la clause précédente dit : " Tout règlement passé par le conseil
d'agriculture, toute résolution ou mesure adoptée par le dit conseil,
DEVRONT ÊTRK SOUMIS A L'APPROBATION DU LIEUTENAXT-GOUVEKNKUR EN
CONSRIL AVANT DK POUVOIR ÊTRE MIS A EXÉCUTION."
Par ces clauses, il appert clairement que le commissaire doit diriger
le conseil d'agriculture comme les sociétés, et qu'aucun acte du conseil
ne doit être mis à exécution avant d'avoir été approuvé.
Cependant, que lit-on, à la page 29 du rapport général du déparle-
ment de l'agriculture pour l'année 1875 7 On ne le croirait pas, si oe
n'était là,, en toutes lettres: pendant les six premières années du fonc-
tionnement du conseil d'agriculture, pas une seuie des résolutions du
conseil n'a été approuvée 1 Et cependant on a a'^beté des terrains consi-
dérables, on y a érigé des bâtisses pour les expositions provinciales, on
a fait des règlements obligatoire» (?) pour les sociétés d'agriculture, et
que 8ais-je encore.
Voici ce que dit M. Browning dans le rapport auquel je fais allusion :
" DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL. — Avant de terminer, il est de mon devoii*
«l'aitii«r l'Attention du conseil, bien que j'hésite à le faire, sur un sujet
— 49 —
Quant au fonctionnomont dos sociétés d'ngricuUoro,
AI. Lesngf, assisjtant-comtnissairo, dit (voir mémo rap-
port do 1874):
" Suivant , otro décision (du commissairo) nous n'a-
vons pas inscjé ici les rapports financiers dos sociétés
d'agriculture, à cause dos irrégularités qui s'y ron-
contront." Il ajoute plus loin: " Il ost à regretter quo
les concours (pour los torros les mieux tenues) do même
<ltio los partis de labours no soient pas on plus grande
laveur auprès do la majorité dos cultivateurs. Au lieu
de les con^idéror comme les ])lus sûrs moyens de géné-
raliser les améliorations agricoles, un grand nombre do
sociétés cheichent à en être exe /nptéos. "
Il est encore établi à la page olvi du mémo rapport,
quo bien que los concours de labours soient obligatoires,
et quo si los sociétés les négligent elles doivent perdre
l'octroi du gouvernement, il n'y a quo 19 sociétés sur 80
([ui se soient conformées ù. ce règlement obligatoire. Do
fait, pour qui lit attentivement les divers rapports oflS-
ciels publiés par le commissaire d'agriculture, il est
évident quo la surveillance exercée sur los sociétés
d'agriculture est à peu j)rès nulle, quo des portes d'ar-
gent considérables en sont résultées et qu'il s'est glissé
bien des abus. Et cependant toutes los sociétés, indis-
tinctement, reçoivent chaque année leur octroi, tout
comme si elles se conformaient à la loi !
do la plus grinde importance : il s'agit de la 39e clause de l'aote d'agri-
culture, qui te lit comme suit :
" Tout règlement passé par le conseil d'agriculture, et toute résolution
ou mesure adoptée par le dit conseil, devront être soumis à l'approbation
du lieutenant-gouverneur en conseil, avant de pouvoir être mis à exécu-
tion. "
" Maintenant, quand j'aurai informé le conseil qu'aucun de ses actes
ou procédés n'a été approuvé, nonobstant toutes les démarches qui ont
été faites dans ce sens, en vue de se conformer à la loi, et bien que
copie des délibérations du conseil ait été régulièrement transmise à
Québec, après chaque réunion, dans le but d'obtenir cette approbation,
je laisserai au conseil à décider s'il ne serait pas à propos d'essayer
d'obtenir la révocation de cette clause, ou, du moins, de la faire amender
à la prochaine session du Parlement de Québec, puisqu'il est évident
que, d'après le mode suivi jusqu'à présent, nous procédons de la manière
la plus irrégulière et que nous nous trouverons, tdt ou tard, en face de
sérieux embarras en raison de ce que nos actes peuvent être à tout mo-
-ment attaqué» de nullité, par le fait de cette absence d'approbation."
Signé : J. M. Browning, Président C. A. P. Q.
4
- 50 —
Do son coté, M. Browning, ci-dovant prÔHidcnt du
conseil d'ajL^ricultiiio, admet, (lanH sen rapports atinuels,
que l'état deH choses est loin d'être satisfaisant. Voici co
qu'il dit à la page 28 du rapport gon<5ral dudépartoinenl
do l'agriculture do 1875.
" On n'a ])îi8 donné jusqu'à présent aux raj)port8
annuels des sociétés d'agriculture toute l'attention que
mérite cet imj)ortant sujet, |)lusicurs rapports ayant été
reçus, bien que sous une forme des plus incomjdéles et
des ])luH inexactes, tandis que d'autres sociétés n'en ont
transmis aucun."
M. Browning s'étend ensuite longuement sur les in-
convénients qui s'en suivent, et demande que la loi boit
mise à exécution, ou qu'elle soit amendée.
En voilîV assez pour prouver que iasurvcillancesur les
sociétés, soit par le commissuii-o de l'agriculture, soit
par le conseil, n'est pîis effic . et mémo que la loi
d'agriculture est lettre morto quant à la direction à
donner au:r sociétés.
Voyons mfiintenant ce qu'ont été les résultats obtenus,
au prix de $2,000,000 e'nviron, dépenséos depuis trente
ans, en vue de l'amélioration do l'agriculture. Voici ce
quo M. l'assislant-commissaire écrit à co sujet dans son
rapport de 1874, (pngo 1).
" Sous forme d'introduction au compte-rendu des oj)é
rations qu'il diiige, le Itév. M. Butcau, " do son vivant,
supérieur de l'école d'agriculture do 8ainte-Anno, " so
demande si los subventions accoîdéos depuis vingt ans
aux sociétés d'agriculture ont produit un résultat propor-
tionné au montant d'argent qu'elles ont absorbé ; et il
arrive à la conclusion quo la masse des cultivateurs n'en
a guère j)rofité, et que tes progrès qui se sont accomplis
durant cette période de temps auraient pu s'accomplir sans
t intervention des sociétés d' atjriculture et sans les octrois qui
leur ont été distribués. C'est là une assertion hardie, et»jui
mérite d'être prise en considération par notre législature,
attendu quo le savant directeur de yainte-Anne n'a pas
dfila faire à la légère."
On lo voit, M. l'assistantcommissairo lui -mémo, qui
connaît tout aussi bien quo personne notre organisation
agricole, et qui, certes, fait de son mieux pour l'amé-
liorer, n'oso pas aHirmcr io contraire de ce quo disait
— 51 —
M. Bitteaii ; il va jusqti'à attirer l'attention do la lôgis-
latnre Hur ce sujet si sérieux.
Si nous remontonH maintenant à 1850, et ni nou.s cher-
chon.s ce (}U*«>tait alors ragriculturc et quelle était l'ac-
tion des sociétés d'n^M'iculture à cette époque, il sera
facile d'étalilir «pm le ))ro<^rù-< a!;'rieol(>, depuis trente ans,
n'est guôriî dû ;i notre organisiition ollicielle ni aux onor-
tnes ponimes dénetisces par le gouvernement cUns l'es-
poir d'amoliorei ragricu'liiro Voici un extraitdu rapport
du comité sp<5(ial nomme, en 1850, )>our s'enquérir do
l'état de l'iigriculture dans lo J3a^-C tiada, des moyens do
l'améliorer et de faciliter l'établissement des tei-res in-
cultes, qui prouve notre avancé. (1)
On lit flans ce rapport: *' (pie lesetudesque le comité
a été oblige de fiiro l'ont mis à même do ])Ouvoir affir-
mer que ragl'iculture a fait beaucoup de progrès depuis
un cei'tain nombre d'années " que l'élan est donné,
l'apathie passée (2j." Le comité ajoute: "C'estsur-
tout dans ce moment quo les bonnes récoltes semblent
revenir, qu'il importo de profiter do l'expérience récente
qu'à donnée le malheur, afin d'engager la poj)ulation
des campagues à employer tous Ic-i mo^'ons qu'une nou-
velle prospérité jiourra leur fournir, et prévenir de nou-
velles misères,"
On voit par ces extraits qu'il y avait, en 1850, un
commencement do progrès ussoîî marqué, (-'os jtrogrès se
«ont continués depuis, mais il n'y a rien pour démontrer
quo l'amélioration que l'on constate de nos jours ne se
Herait pas faite sans l'organisation actuelle. Au contraire,
nous n'avons qu'à voir ce qu'étaietU alor^ les sociétés d'a-
gricidture, pourétabiirclaii'oment que nos sociétés actuel-
les, en général, no sotit jias meilleures qu'elles étaient
11 y a trente ans. Nous jjouvoiih dire que la plupart vii-
loiit moins, car depuis ce temps on acotttiniié lesen-jïurs
graves qui étaient signalées à cette époque déjà reculée
Et aujourd'hui, le mal ost devenu tel (|u'il faudra ur
effort bien grand et bien persévérant pour le detriuro
un
(1"^ Voiif appendice T. T. Documentu do laS-ssion M50, No. 2, vol. 9.
(2) Je crois devoir citer, en appendico, plusionrK cxtmits de ce rap-
tort important. On ▼ verra que les oonRoils qui y ront donn^'R parles
otniiies les plus marquants de notre province, s'appliquent aujourd'hui
tout ootnnie si cette «nquéte agricoli; venait d'être faite.
— 62 —
Au sujet do 008 sociétés d'agriculture, voici co que
constate l'enquête déjà citée : " Les sociétés d'agricuN
turo, telles qu'elles existent et qu'elles sont conduites
aujourd'hui (1850) ont fait du bien, il n'y a pas à en
douter, mais il est certain qu'elles n'ont pas produit tous
les résultats qu'on en attendait. Dans bien des cas, les
dépenses contingentes et les frais de gestion se sont
montés à des sommes exorbitantes, eu égard aux moyens
de ces sociétés."
Un autre défaut est signalé dans le rapport de la
société du Bas Canada jwur celte année (1850) :
•» Les bienfaits des expositions," dit le rapport, *' sont
pénéralement retirés par nos vieiUeui's cultivateurs, capi-
talistes et autres personnes possédant des terres en bon
ordre, tandis que ceux qui ont réellement besoin d'instruc-
tion et d'encouragement sont virtuellemer* exclus.''
J'ai souligné ces dernières lignée qui indiquent claire-
ment le mal d'aujourd'hui comme celui d'alors. La
législature toute entière a reconnu ce mal, il y a déjA
vingt- huit ans; quelles mesures avons-nous prises pour
le taire disparaître? Je réponds: nous avons dépens '
deux millions do piastres, sans presque aucun résultat
utile, et, par notre apathie et notre négligence, ce mal
s'est enraciné plus profondément que jamais !
Quant à nos expositions provinciales, elles nous coûtent
près de $20,000 chacune. Elles nous laissent presque
toujours un déficit de $12,000 à $15,000, que la législature
et les cités intéressées ont à combler. Ain>i, en IST"?,
la ville de Québec, tout endettée qu'elle soit, a voté
$6,000 on faveur de la dernière exposition provinciale,
et cependant la législature s'est vue dans l'ouligation do
voter, à la dernière session, une somme additionnelle de
$8,000 environ, pour combler le dé.ficit. Et combien de
cultivateurs pratiques, et surtout de cultivateurs d'origine
françoise, ont participé à cette exposition ? Les expo-
sants d'origine française étaient peu nombreux ; les races
d'animaux étrangères au paj'^s ont seules été primées, et
un petit nombre do grands éleveurs, qui pour la plupart
ont fait leur fortune dans le commerce et l'industrie, ont
enlevé la masse dos prix. L'exposition d'animaux et do
produits agricoles provenant des districts do Québec et
de Trois-Rivièros était à peu près nulle. Et pourquoi ?
— 53 —
parce que Ton n'a pas su cncour ^er nos cultivateurs à
améliorer leurs cultures et leurs produits, et qu on no
prend ))as les moyens de les attirer à ces expositions.
L'extrait du rapport do la chambre d'agriculture du
Bas-Canada pour 1850, que je viens de rcpro(.'uire, s'ap-
plique encore aujourd'hui et à la letti'o à provoque toutes
les expositions de comtés. Personne n osera affirmer le
contraire, j'en suis bien sûr. On le saii, moyennant une
souscription, bonâ fide,ào $266, le gouvernement donne
tous les ans un octroi de $666 à chaque société d'agricul-
ture de comté. Je ne parierai pas de la bonne foi qui
rogne dans certains comtés, au sujet de ces souscriptions.
Malgré les affidavits si positifs qu'il faut faire, les initiés
savent quelle espèce do bonne foi on apporte assez com-
munément à ces souscriptions! Puis on fait chaque
année, ou à peu près, des expositions. Or quel en est
généralement le résultat? La plupart des hommes im-
partiaux seront forcés d'admettre que d'ordinaire ces
expositions servent uniquement à distribuer, le plus
également possible, sous forme de prix, le gros de l'oc-
troi du gouvernement entre trente ou quarante personnes
tout au plus, de manière à encourager ces mêmes per-
sonnes à souscrire de nouveau, l'année suivante, environ
un dixième de ce qu'elles ont reçu. Le reste de la sous-
cription s'obtiendra, là où il n'y a pas do fraude, en don-
nant gratuitement, à même l'octroi du gouvernement,
<lcs graines fourragères qui sont distribuées aux frais do
la société. Puis si la souscription n'est pas complète,
on supposant toujours l'absence de fraude, on quêtera do
porte en porto, chez les deux députés du comte, le séna-
teur, les curés, les marchands. Il va ^ans dire qu'on
n'oublie pas do faire souscrire l'aubergiste chez lequel se
donne le grand diner que les directeurs do la société et
Usurs amis se payent annuellement, mais toujours sur les
octrois du gouvernement à la société ! Voilà, personne no
l'ignore, comment soixante sociétés d'agriculture sur
quatre-vingts font les choses dans cette province ! II est
Juste d'ajouter que depuis quelques années les sociétés
d'agriculture, en général, entretiennent aux frais de la
société quoique:^ animaux reproducteurs, plus ou moins
bien choisis, dont l'usage est donné aux membres presque
gratuitement. Cet encouragement qui tend à l'amclio-
— 5-1 —
ration du bétail, ainsi que la distribution des graines
fourragères, là où cette distribution se fait bon nète ment,
est de beaucoup la partie la plus utile des dépenses faites
par nos sociétés d'agriculture.
Afin de bien connaître toute l'action des sociétés
d'agriculture de comté, il faut dire qu'en 18G9 elles ne
comptaient dans toute la province qu'environ 7,000
membres d'origine française. Depuis cette époque, les
efforts qui furent faits pour répandre gratuitement les
journaux agricoles parmi les membres ont eu ])our effet
d'en doubler le nombre ou à j)eu près. Malgré tout, il
appert par le dernier rapport du comité d'agriculture de
l'assemblée législative, en date du 28 février 1878, (1)
qu'il y a environ un tiers des paroisses du pays qui ne
comptent pas un seul membre dans les sociétés d'agri-
culture, et qu'un grand nombre d'autres paroisses en
comptent moins de dix. Ce rapport ajoute : '' La plupart
de ces paroisses ne bénéticient donc aucunement, ni des
argents votés pour les sociétés d'agriculture, ni du jour-
nal d'agriculture. Comme ces paroisses sont, pour la
plu]>art, parmi les moins avancées, elles auraient besoin,
plus que toutes autres, de l'aide accordé si généreuse-
ment, chaque année, par la législature, atin d'avancer lo
dévelojipement de l'agriculture. "
.le crois avoir démontré que la plupart de nos sociétés
n'ont guère progressé depuis 1850, bien que de fortes
sommes leur aient été octroyées chaque année. Cepen-
dant, il ne faudrait pas en conclure que les sociétés
d'agriculture sont inutiles et qu'elles doivent être sup-
primées. Il y a dans cette province un certain nombre
de sociétés qui, depuis quelques années surtout, font un
bien incalculable. Ainsi, dans plusieurs comté.-*, on offre
tous les deux ans, dans chaque paroisse du comté, des
prix pour les terres les mieux tenues dans la paroisse,
pour les meilleurs dix arpents de labours d'automne,
pour les meilleurs prairies et pâturages, pour la con-
servation des engrais, pour la confection des fosses à
fumier, la plantation d'arbres fruitiers, etc. On y faci-
lite également ! achat de bonnes semences et l'usage de
bons reproducteurs dans chaque paroisse. Et quel est
(1) Voir " Jonnua d'Agricaltan " 1878, p»ge 146.
_ 55 —
lo résultat? D'abord les membres de lu société d'aiçri-
(•ulturo se comptent par 500, 600 et 700 dan^ chacun do
ces comtés. Les touscriplious sont plus élevées. Celles-
ci. jointes aux ressources que ra|)porteiit les reproduc-
teurs ajjpartenant à la s< ciété et à l'octroi du _<i;ouverno-
mont, j)ermettent de faire, tous les deux ans, dos exposi-
tions de produits agricoles dont l'importance est suffi-
sante pour attirer des acheteurs étrangers. De sorte
que ces ex])Ositions, tout en excitant l'émulation parmi
les cultivateurs, deviennent comme une f(Mre pour la
vente des produits agricoles. Voilà ce qu'ont fait plu-
sieurs sociétés à la suite de quelques conseils qui leur
ont été donnés, quand ces conseils ont été entendus par
des hojumes intelligents, patriotiques et désintéressés.
Or, ne pouirait-on pas es))érer des résultats analogues,
dans presque tous les comtés de cette province, si toutes
les sociétés d'agriculture étaient surveillées de prés et
dirigées par une organisation dans laquelle le j)ublic
aurait confianca, dont le chef serait un homme entendu
en agriculture, au fait de ses besoins et à la hauteur de sa
mission. Et (jue ne pourrait pas accomplir un tel hom-
me, ayant le pouvoir comme le désir de faire du dévelop-
pement, de l'agriculture dans cette province sa seule
occupation, e*. dont le bien être de la classe agricole se-
rait la ])lus grande ambition !
Il faut l'aifirmer bien haut : ce qui manque t nos
sociétés d'agriculture, comme à tout le reste de notre
organisation agricole d'ailleurs, c'est une sage direction,
donnée avec suite, et qui, touten ayant à répondre direc-
tement de sa conduite à la législature, ne serait pas en-
travée par toute espèce d'obstacles, entre autres ])ar co
qu'on est convenu d'appeler les nécessités de la poli-
tique.
*
Le commissaire d'agriculturo ot des tiavaux publics
pourrait-il, dans les circonstances actuelles, diriger effica-
cement l'organisation agricole de cette ]>rovince ? Il
suffit do so rappeler les exigences do la ]iolitique pour
roconnaitre qu'on ne saurait attendre do la plu})art des
hommes d'Etat appelés à ce ministère, dans notre pays,
les qualités spéciales qui sont indispensables à celui qui
devra diriger avec succès cette organisation.
— 56 -
En y réfléchissant, il faut admettre que le commissaire
d'agriculture et des travaux publics est tellement sur-
chargé d'occupation qu'il lui est tout à fait inijjossiblede
bien remplir les devoirs trop multiples qui lui sont dé-
volus. Ainsi, voyons un peu: Ce ministre do la couronne
est aujourd'hui le seul commissaire chargédc la construc-
tion du chemin do fer provincial de Québec, Montréal,
Ottawa et Occidental. lia la responsabilité, la direction
et le contrôle absolu de toutes les aftaires qui s'y ratta-
chent. Cette entreprise, qui va coûter onze ou douze
millions de piastres, demande, dans la position finan
cière actuelle de notre pays, un travail extraordinaire de
surveillance et de soin. Le commissaire d'agriculture
et des travaux publics fait également construire, sous sa
direction immédiate, les nouveaux édifices des départe-
ments publics, — construction monumentale qui fera sans
doute honneur au pays, mais qui coûtera suffisamment
pour qu'on y regarde de près. Le même commissaire*
doit do plus surveiller directement la construction, l'en-
tretien et les réparations de toutes les prisons, des cours
de justice, et généralement de tous les édifices publics qui
sont disséminés sur tous les points do la province. Il a
encore la direction générale et toute la responbilité de
rom])loi des octrois en faveur de la colonisation, et la sur-
veillance immédiate do la confeclion et de la réparation
de tous les chemins de colonisation. Or, les ti-avaux du
département de la colonisation h'étendent depuis l'extré-
mité du comté do Pontiac à l'ouest jusqu'aux profondeurs
du Snguenay au nord — depuis l'extrémitésud du comté de
Compton, jusqu'aux confins do l'immense territoire do
la Gaspésie, et ce dernier territoire est aussi étendu que
la plupart des états d'Europe ! Il reste au même commis-
saire la direction et le contrôle do diverses agences
d'immigration, en Europe et dans cette province, ainsi
que la repartition des subventions accordées à sci)t ou huit
compagniosde chemin de fer,— subventions qui se montent
à plus do trois millions de piastres? Et qiie sais-je en-
core ? Voilà ])Our ce qui a rapport plus particulièrement
à l'administration des travaux publics, indépendanimcnl
de l'agriculture. N'est-ce pas déjà demander beaucoup trop
à un seul homme, même en supposant qu'il n'aurait abso-
lument rien à. faire ni à l'agriculture, ni à la politique
— 57 —
générale. Et cependant ce fonctionnaire, 8urchari.^é
(l'un fardeau qu'Hercule lui-même aurait peine à porter
est en même temps ministre de la couronne. Do lait, et
depuis plusieura années, c'est le premier rnini.stro do la
province qui a eu la direction de ce vaste département.
Or, un ministre de la couronne et surtout un premier
ministre doit donner, en détinitive, la plu» grande et la
meilleure partie de son temps aux affaires générales de la
province. De fait les occupations d'un ministre consti-
tutionnel prennent trop souvent le pas sur les affaires de
son département.
Est-il nécessaire d'en dire davantage pour démontrer
que le commissaire des travaux publics ne peut pas et
ne doit pas entreprendre la direction du mouvement
agricole dans cette province ?
' * . ''
* *
Mais on dira peut-être : Puisque le commissaire d'agri-
culture est dans l'impossibilité de bien diriger le mouve-
ment agricole de cette province, pourquoi nepointdonner
cette direction au conseil d'agriculture ?
Kous avons vu qu'en réalité cette i^'reciion a été lais!>ée
au conseil d'agriculture, depuis 1869. Avant cette époque,
«•.'est l'ancienne chambre du Bas-Canada qui avait dirige,
seule et sans conteste, pendant au-delà do trente ans,
toute l'organisation officielle de l'airriculture. Lors de la
confédération, la chambre d'agriculture ayant étéjugce
insuffisante, le conseil d'agriculture fut organisé pour la
remplacer. Mais il n'apporta aucune amélioration à l'état
de choses préexistant, l.e système actuel est donc virtu-
ellement on opération depuis quarante ans. Nous venons
de voir quel a été le résultat. Nous avons cité plus haut
le témoignage de M. l'assistant-commissaire lui-même.
Nous avons vu ce qu'a dit M. Browning, un des prési-
dents les plus actifs et les plus dévoués qu'ait eu le con-
seil d'agriculture, au sujet du peu d'influence que ce
conseil exerce sur les sociétés d'agriculture. Nous avons
constaté que le progrès agricole qui s'est ojwé dans
cette province depuis trente ans, n'est guère du à l'an-
cienne chambre d'agriculture, ni aux sociétés, ni au
conseil d'agriculture.
— 58 —
Voyons muintcnunt co qu'est lo conseil d'agriciiltnro;
nous ))()un'on.s mieux ju^or s'il ewt en ineHiiro do donner
hidircction eilicaco dont notre or^anitiution agricole a
besoin.
JiOrt membres du conseil d'agriculture, par la loi, sont
au nombre de vingt-troiM ; ils sont nommés par le lieu-
tenant-tfouvcrneur erj conseil, et ils sont censés repré-
sentur, ou à peu i)rè8, les diverses divisions territoriales
de la |>rovince. En réalité ils ne représentent aucunement
ces divisions ; sept membres sur les vingt-trois, résident
dans les environs immédiats de Montréal ; six autres
membres, dans les environs do (Québec, un seul (1), M.
Cîauvreau, notaire et grofKer de la cour do circuit à l'Ile-
Verte, représente maintenant tout le bas du fleuve, au
nord et au sud, à partir tie (Québec.
Les membres du conseil d'agriculture no sont payés
que pour leurs fiais de voyages. Ils se réunisseiii trois
ou (piatre lois |)ar année, pendant quel(|ues beures cliiM|ue
fois. I\)ur qui lit attontivesnent les rapj)Orts des délibé-
rations du conseil d'agriculture, il me semble que c'est à
peine si les membres de ce conseil se rappellent d'une
réunion à l'autre des décisions (pii ont été prises précé-
demment (2).
Je dois lo dire: le conseil d'agriculture me fait l'eiïet
(1) Jo cnnipto l'hon. M. Prico au nombre doa résidants de Québec.
D'ailleurs M. Prico n'asMisto presque jauinis aux réunions du conseil.
Fou l'hon. M. Boaubicn et M. Landry, tous deux do Montmnnny, repré-
sentaient lu partie aud du fleure, mais ils n'ont pas été rouiplaués dans
lo conseil.
(2) Il o."t facile d'établir qu'il rôgno chez plusieurs tncinbres du
conseil un discouru Renient profond dont ils n»* se cachent jioint. Quel-
ques-uns d'entre eux, pnrrni les plus connus et les plus actif», n'assiftont
plus que très-rnrenient aux réunions. Il faut rononnaltro égalouicnt que,
dans le conseil d'agriculture, il y a des huiuiues dont les pratiques agri-
coles ne peuvent ))ns servir do modèle, inônie aux plus hunible.s cultiva-
teurs de leurs paroisFOS. Il suffît de passer sur leurs propriétés ) our j
voir des chemins en mauvais état, même dans la belle saison, des pâtu-
rages qui sont nus, ou couverts de chiendent et d'autres plantes do ce
genre. Leurs prairies et leurs champs de grain sont complètement envahis
)>nr les plantes nuisibles, don; les graines mûrissent librement et sont
transpori.é(!B par lo vent dans toutes les directions, parfois au grand
détriment des voisins.
Il y a sans doute, dans le conseil d'agriculture des agronomes distin-
gués et des hommes tout à fuit dévoués au progrès de l'agriculture, mais
c'est précisémdiit parmi ces hommes que l'on o nstats le plus grand
découragement.
— 59 —
d'un corps composé do vingl-trois niombrcs ii'aynnt
niiciin nipport itiliine onlrouux, d'un (;orp.s (pii hu meut,
mais auquel il mmiquo et la léte et l'âme, d'un corps en-
fin, qui eht tout-à-f'ait incapable de mener seul à bonne tin,
une organisation comme il la l'aucJrjiit ])Our arriver à f'airo
Kortirnolro aj^riculture de l'ornière administrative danti
lac^uelle elle eut restée dppuis «i longlemps.
* *
Je lo dis sans hésitation: si nous voulons faire pro-
gresser l'agriculture, co qu'il nous faut, c'est un "surin-
tendant," un homme qui soit à lu hauteur do sa mission,
qui ait l'autorité et toutes les qualités nécessaires j)()ur
mener à bonno tin les améliorations indispensables an
bon fonctionnement du département do l'af^riculturo ot
qui no soit j)a8 cx))Osô à laisser sa place, d'un moment ù
l'i^utre, suivant les caprices do la politique.
Il faut do ])lus que le surintendi.nt de l'agriculture
soit en ines\iro de donner une direction cHictaco aux
sociétés d'aiîriculturo, aux expositions provinciales, aux
écoles sj)éciales d'afjfricultnre, etc., afin (jue l'octroi con-
sidérable voté chaque année j)ai" la législature porto tous
les fruits qu'on a droit d'en attendre. Comme aviseur
du surintendant de l'a/^riculturo, il faut un conseil d'a-
f^riculturo choisi, autant que possible, parmi les rési-
dants de chacune «les divisions sénatoriales do i;etto
province; un conseil composé d'hommes dévoués au pro-
grèsdc l'agriculture, et capable d'aviser le surintendant
ot do l'aider efficacomonl à faire pro^i'cssor l'agricul-
ture, d'abord dans leurs divisions respective-, puis dans
la province tout entière.
Il faut, entin, pouvoir répandio, par toute la ])rovince,
un enseignement éminemment ]irali(juo, pour le bien de
tous, ntais îî la portée dos plus humbles culiivateurs.
Voilà, en ))eu do mots, ce quo tloit être notre organi-
satiori otïlcielïo on faveur de l'agriculture.
*^* • .
Kn proposant do donner à un surintendant do l'agri-
culture la direction du mouvement agricole dans cotto
1:
— GO —
province, jo n'émets pas une idée nouvelle. Depuis trente
an» cette proposition a été souvent répétée par les agro-
nomes les plus distingués et par les hommes les mieux
pensants. Un jirincipo analogue a été admis par lu
égislaturo du Canada-uni, et plus tard par celle do notre
province, relativement au département de l'Instruction
publique. A la suite de lu Confédération, on a bien tenté
de donni^' la direction de ce département à un ministre
de la couronne, mais bientôt l'expérience est venue dé-
montrer que cette branche importante du service public
demandait, en permanence, un chef expérimenté, tout-à-
fait détaché des considérations politiques, et chargé uni-
quement de la direction de son département; et la légis-
lature sut pourvoir au besoin qui se faisait sentir. Pour-
quoi n'en serait-il })a8 de même pour l'agriculture?
Certes, on ne saurait donner trop d'attention au déve-
loppement do l'instruction publique dans notre province;
mais l'amélioration de l'agriculture est-elle moins impor-
tante? L'instruction publique, quelque pratique qu'elle
Îiuisse être, no saurait donner du pain à notre population,
îllo n'a pas pu empêcher d'émigrer aux Etats-Unis un
demi million do nos compatriotes. L'instruction pu-
blique seule no pourra pas arrêter un nouveau courant
d'éuiigration, peut-être plus accentué que jamais, vers lo
pa3'8 voisin, du moment où les industriels américains
jugeront à propos d'allécher de nouveau notre population
pai- l'attrait de salaires tant soit peu élevés.
Tout dernièrement encore, on le sait, nos campagnes
se dépeuplaient à vue dœil à l'appel des industriels amé-
ricains. La seule cfiguo qui puisse retenir la popula-
tion au sein de nos campagnes est la colonisation des
terres incultes et le relèvement de notre agriculture. Et
les moyens de retirer l'agriculture de l'ornière pi-ofondo
dans laquelle elle est restée si longtemps consistent
d'abord : dans un enseignement pratique et frappant, si
J3 puis parler ainsi, des éléments de l'agriculture. Cet
enseignement, il faut chercher à le donner, non pas aux
enfants seulement, mais surtout et avant tout, aux culti-
vateurs eux- mêmes, dans chacune de leurs paroisses
respectives, si c'est possible. Il faut aussi que l'Etat
^OCCUPE DAVANTAGE DES INTÉRÊTS AGRICOLES DE LA
NATION.
— 01 —
Donc, il faut à ragricuituro uno direction liabile; il
faut répandre partoutu in province ronsoigncmentd'unc
bonne agriculture, et pour arriver, avec le temps, à
mener »V bonne tin cotte entrcpriHC, il faut choisir un
isurintcnduiit qui 8oit à la hauteur do sa mission, lui
donner l'autorité ncces-sairo, et mettre à sa diisposition
les aviiseurs et les aides qui conviennent.
Le choix des membres du conseil d'agriculture, dans
chacune des divisions représentées au sénat, deviaitètro
laissé aux jjroKidents des diverbcs sociétés d'agriculture
dans cette diviyion plutôt qu'au gouvernement. On
obtiendrait ainsi une meilleure représentation dans le
conseil, chaque membre devant être dans les meilleurs
rapports avec les sociétés d'agriculture do ha division. Les
membres actuels du conseil d'agriculture qui se sont le
plus distingués par leurs aptitudes et leur dévouement au
progrès de l'agricultui-e, no manqueraient pas d'étro
choisis pour leurs divisions respectives.
On lira sans doute avec intérêt ce que disait, dès 1850,
au sujet de la nomination d'un surintendant de l'agri^
culture, le comité d'enquête déjà cité :
•' Votre comité est d o|)inion que la nomination de deux
surintendants d' agriculture , un pour les di-tricts de Mont-
réal, St.-Fran{;ois et de l'Ottawa, et l'autre pour les dis-
tricts de Québec, Gaspé et Kamouraska, est indispensable.
Le surintendant formel a l'administratif do tout le sys-
tèmo, et joint aux professeurs dans les collèges, cons-
tituera le corps enseignant : ses devoirs tels que conçus
par votre comité, seraient la visite annuelle des districts
sous sa jurisdiction ; la publication d'un rapport annuel
contenant autant que possible la description des diffé-
rents sols, de leur exposition, des moyensd'amélioration,
le signalement des succès de culture et l'indication des
moyens d'y remédier ; en un mot, ce rapport serait le
modo dont se servirait le surintendant pour faire con-
naître au public le résultat do ses recherches, et de ses
études. "
Voici maintenant ce que disait, à pareille époque et
sur le mémo sujet, le regretté major Campbell, président
delà chambre d'agriculture du Bas-Canada:
" Si l'on veut réaliser quelque grand plan pour le
poifcotionnement de l'agriculture, jo suis d'avis qu'il
— 62 —
fûu Ira nomtnor Rpécinlement pour coin quelqn'individn
qui y coriHJicroi'a tout sou temps ot sou attention. On
pourrait l'appeler le Hurintondant ou le comminsairo
d'agriculture; cet officier, avec le maire du comte ot
les présidents des eociétéB d'agriculture du comté, de-
vraieritôtre les ayndicsà qui Bcraient confiées les fermes-
modèles dont j'ai parlé.
" 11 aurait la direction de la ferme expérimentale du
gouvernement, ot serait tenu do voilier à ce que les
fermes-modèles soient bien conduites et à oo que toutes
ex'wrionces faites à la forme du gouvernement soient
régulièrement notées ot publiées. Je n'ai pas besoin
d'ajouter que le succès do ce projet dépondra entière-
ment du choix de la personne qui sera nommée à cette
«liargo importante."
Il me semble qu'un seul surintendant pour la province
sjifïiiait ; mais il faudrait qu'il eût, en sus du conseil
d'agriculture, des aides actifs et expérimentés, chargés,
BOUS sa direction, de la surveillance et de la visite
d'une partie de la province. Ces aides, du moment qu'ils
pourraient le faire avec intelligence, inspecteraient ot
dirigeraient les sociétés d'agriculture ; ils visiteraient
les diverses paroisses dans leurs districts respectifs,
constateraient les besoins de l'agricidture, et donneraient
sur les lieux aux cultivateurs eux-mêmes, dans des con-
férences familières, les conseils qui leur seraient utiles.
***
Je crois avoir démontré d'une manière convainquante
que la bonne administration de notre organisai ion agri-
cole demande impérieusement la nomination d'un surin-
tendant d'agriculture. "Voyons maintenant quelle direc-
tion le surintendant devrait donner aux sociétés d'agri-
culture pour que le public retire tous les avantages que
ces sociétés sont susceptibles de donner.
Bien que les sociétés d'agriculture, du moins pour lo
grand nombre, aient circonscrit leur action dans un cadre
très -restreint, il est admis de toute part que leurs avan-
tages devraient s'étendre, le plus également possible, 8\
toutes les paroisses du pays. Or, le moyen pour les sociétés
de généraliser leur action et, en même temps, de faire lo
plus grand bien, c'est d'offrir des prix dans chaque
— 63 —
pnroisso ])onr les nméliomtions les plus utiles, puis d'offrir
quelquoM prix do comté pour les mêmes objets, afin de
Btimuler les meilleurs cultiviiteurs do cluujue paroisse et
de les encourager à 80 montrer éjiçnlemeiit les meilleurs
oultivatours do leur comté. Les prix do paroisse qui
feront le pluH do bien sont d'abord les prixpour les tcrroH
les mieux tenues dans leur ensemble. JjOs concours ))our
l'obtention des prix doivent so faire sur toutes les parties
de lu culture à la fois; ils feront voir quels sont vrainient
les meilleurs cultivateurs ; et, si la ili.>iribution des ])rix
est ruisonnée, si les juges, en rendant leur jugement,
établissent, au moyen de points pour chaque partie do
l'administration de la terre, l'état comparatif d'avance-
ment au(iuel chaipie cultivateur est arrive, les juge»
donneront à toute la paroisse, la meilleure des leçons
agricoles, puisque leur jugement établira ce qui est j)ar'
fait et ce qu'il reste à jierfectionner.
l^irtoiit où ce système a été ]>ratiqué avec intelli-
gence, il a produit des effets merveilleux. On a vu des
paroisses ot des comtes où les cultivateurs se sont pré-
parés deux ans d'avance à ces concours, en améliorant
tout, de leur mieux, sur leur terre, et en faisant dispa-
raître les défauts qui leur étaient apparents. Il suffit
d'avoir do bons juges pour que ces concours de parois-oa
deviennent très-populaires. Personne n'ignore que nos
meilleurs cultivateurs ne manquent pas d 'amour-propre.
11 y en a quinze ou vingt au moins, parmi les plus mar-
quants dans chaque paroisse, auxquels il répugnerait
infini in(înt d'admettre leur infériorité en agriculture et
de se laisser surpasser par des co-paroissiens. J)u mo-
ment qu'un concours pour les terres les mieux tenues
sera ouvert dans la paioisso, il y aura plusieurs cultiva-
teurs qui ambitionneront l'obtention des prix offerts et
qui feront des efforts sérieux pour les mériter. Et si les
juges ont fait leur devoir, on peut dire que le cultivateur
qui aura reçu le premier prix offrira à ses voisins un
véritable modèle tî suivre, modèle d'autant ])lus utile
• que le rapport des juges montrera ce qu'il reste à faire
pour arriver à une plus grande perfection.
En suivant le même système do points, les juges arri-
veront facilement à établir quels sont les meilleurs cul-
tivateurs du comté ; on aura donc signalé la terre mo-
dèle dans chaque paroisse ot celle qui est modèle pour
— 64 —
tout lo comté. Des fermes modèles ! Donnez-nous des
Icnnos modôloa, dans chaque comté. Voilà ce que de-
mandent, dupuifj cinquante ans, les hommes les mieux
pensants du pays. Or quel moyen plus pratique avons-
nous d'arriver à l'établissement de fermes vraiment mo-
dèles, sans faire des dépenses que l'état des finances do
celte province nous interdit, ot sans courir des risque.-*
s rieux d'insuccès, qu'en encourageant les meilleures
cultures i)ar les prix de paroisse et de comté dont je
viens do parler?
Mais pour arriver à quelques succès par co système,
il faut nécessairement s'assurer des juges honorables et
assez éclairés pour faire ressortir les défauts mtMne dans
les cultures pour lesquelles on aura accordé des prix.
Les juges devront indiquer quels sont h^s points qui
rendent certaines cultures meilleures que d'autres moins
bien notées. Ils devront également rédiger des rapports
soignés, qui feront connaître à tous les cultivateurs les
raisons qui les ont guidés dans le jugement prononcé. Si
les juges pouvaient eux-mêmes commenter leur juge-
mont en public, dans chaque paroisf»e du comté, ils
donneraient ainsi une leçon pratique de la plus haute
valeur et que les cultivateurs eux-mêmes no manque-
raient j)as d'apprécier hautement.
Il est facile d'établir une échelle de points qui guide-
rait HÙroment les juges. Le plus ou moins do points,
dans chacune dos améliorations agricoles, ferait voir aux
cultivateurs en quoi ils excellent, ce que leurs compéti-
teurs font mieux (ju'eux, et, partant, ce qui reste à faire
pour arriver à la culture la plus parfaite.
Le surintendiint devrait pouvoir accorder des diplômes
ot des médailles do différentes valeurs, selon le degré do
mérite auquel les concurrents heureux seraient arrivés.
Un pareil sy.stèmo ne pourrait pas manquer do créer,
parmi notre population agricole, une émulation des plus
utiles.
Je viens d'insister sur les primes pour les terres les
mieux tenues, parce que ce sont les plus importantes;
mais on concevra qu'avec l'organisation et le développe-
ment d'un pareil système, il sera facile d'encourager,
dans chaque paroisse, toutes les améliorations agricoles,
et surtout celles qui seront jugées les plus opportunes et
les plus pressantes.
— 65 —
Le système que je propose n'^.nppchcia pas les expo-
sitions provinciales ni les expositions do comté d'avoir
lieu comme par le passé. Mais il vaudrait mieux que
ces expositions fussent moins fréquentes, tant qu'elles
ne couvriront pas leurs propres frais, atin d'employer
tous les ans une partie plus considérable des octrois aux
concours pour les terres les mieux tenues, pour les la-
bours, etc., dans chaque paroisse, chaque comté etmôme
dans chaque distiict. Car, il faut bien l'admettre, ces
concours feront faire si l'agriculture des })rogrès intini-
mont supérieurs à ceux que l'on peut attendre des
meilleures expositions.
Quant aux concours des terres, une des plus grandes
difficultés de leur organisation réside dans le choix des
juges et dans les dépenses que ces concours occasionnent.
En eft'et, il sera toujours difficile de trouver un juge,
ayant parfaitement qualité pour cette charge, dans cha-
cun des comtes de cette province, et qui se donnera la
peine de visiter avec soin toutes les paroisses de son
comté. Par le passé on a tenu à avoir trois juges : c'est
multiplier les déi^enses, et s'exposer à avoir deux juges
peu éclairés sur trois. A mon avis un seul juge bien
choisi suffirait, et donnerait beaucoup plus de satisfac-
tion, surtout si l'on donne le droit d'appel au surinten-
dant. 11 est nécessaire que celui-ci surveille de bien près
le travail des juges, puisque le succès du système de ces
concours dépendra entièrement du plus ou moins d'in-
telligence et d'activité que les juges apporteront dans
l'exécution des devoirs de leur charge. En donnant le
droit d'appel, on satisfera les cultivateurs et on engagera
les juges a faire de leur mieu ., atin d'être bien notés
par le surintendant.
***
Mais quelque parfaite que soit la direction donnée ù,
nos sociétés d'agriculture et aux expositions, tant pro-
vinciales que locales, il est incontestable que notre orga-
nisation agricole serait incomplète sans un bon s^'stème
d'enseignement agricole.
A mon avis, ce système d'enseignement comporte :
io Ij'\ publication d'un patit traité ékknoDtaire,, mais
6
— 66 —
essontiellement pratique ; 2o. La publication d'un bon
journal d'agriculture, illustré; 3o L'enseignement élé-
mentaire do l'agriculture dans toutes les écoles et maisons
d'éducation aidées par le gouvernement; 4o Le dévelop-
pement de nos écoles spéciales d'agriculture, auxquelles
1^ devraient être annexées des fermes vraiment modèles,
dont les rendements et les profits nets seraient publiés
tous les ans, en détail ; 5o La visite annuelle, si c'est
possible, par le surintendant lui-môme, ou par un délégué
ayant toutes les qualités requises, de chacune des pa-
roisses du pays, aussi bien que des sociétés et des écoles
spéciales d'agriculture, afin que la surveillance la plus
complote soit donnée partout. C'est surtout par ces ins-
pections que l'on arrivera à diriger, encouragei", instruire,
et aussi à reprendre là où la réprimande sera jugée
indispensable.
La publication et la distribution à peu près gratuite
do brochures claires et précises, donnant, dans un lan-
gage que chacun peut comprendre, des leçons positives
sur la manière de cultiver une terre avec profit, est
indispensable. Il faut que tout bon cultivateur puisse
trouver sous sa main des données qui le guideront avec
'jùreté dans les améliorations qu'il désire faire. Un sem-
blable tra'té élémentaire d'agriculture n'a pas besoin
d'excéder cent pages. On devrait en encourager la dis-
tribution lé plus possible, par tous les moyens.
Il doit en être de même du Journal <ï Agriculture, qui
mettrait le surintendant en rapport direct avec chacun
des souscripteurs aux sociétés d'agriculture. Ceux-
ci devraient tous recevoir !o journal, qui leur serait dis-
tribué à titre de prime par le gouvernement. Avec les
avantages qu'offrirait notre organisation agricole telle
que proposée ci-haut, oti aurait lieu d'espérer qu'avant
longtemps, tous les cultivateurs tant soit peu intelligents
du pays, trouveraient avantageux de souscrire à leur so-
ciété d'agriculture de comté. Le journal arriverait donc
partout. Il devrait s'a])pliquer à dével'^pper les divers
sujets touchés dans le traité élémentaire u ..griculture, et
à donner des réponses précises à toutes les questions
d'intérêt général posées par les lecteurs du journal, tant
sur l'agriculture, l'horticulture et l'arboriculture que sur
ïes divers sujets qui se rattachent directement à l'agri'
culture, tels que l'en tomolo^po, l'art vétérinaire, etc. il
va sans dire que le surintendant devrait avoir le contrôle
absolu du Journal <V Agriculture-.
La visite régulière, par le surintendant ou ses délé-
guées, do nos poctétés d'agriculture, l'examen minu-
tieux do leurs livi-e» et comptes, qui devront être com-
parés avec les rapports annuels, et des entreliens
familiers avec les officiers et directeurs de ch:icuno do
ces sociétés, sont indispensables à leur bonne régie.
C'est par ces visites et ces entretiens, et non pas uni-
quement par des correspondances officiolles, nécessaire-
ment rares d'ailleurs, qu'on arrivera a l'aii-e dans ehaqao
paroisse tout le bien désirable.
Lors de ces visites au chef-lieu d'un comté, qui devraient
€tre annuelles, il serait facile au surintundant do t'itgri-
culture ou à ses aides de visiter les différentes paroisscH
de ce même comté, afin de voirdc leurs ycuxet d'apprendre
sur les lieux mômes quelles sont les ditlicultes qui restent
à surmonter, ot les améliorations qui sont les plus pres-
santes. Ces visites donneraient l'occasion de rencontrer
les meilleurs cultivateurs de chaque paroisse et do leur
donner des conférences agricoles dont ils sauraient biei.
tirer parti si elles étaient aussi pratiques qu'elles de-
vraient l'êtrt^ De plus, ces visites ne pourraient manquer
de donner au journal d'agriculture beaucoup de matiéi-o
éminemment instructive. A bien dire, ces conférences
sur -l'agriculture données aux cultivateurs eux-mêmes
semblent être comme le complément de toute bonne
organisation agricole.
Je ne m'étendrai pas sur l'avantage de l'enseignement
élémentaire do l'agriculture dans toutes les écoles; colle
question est jugée I Déjà le public comprend la nece.ssité
d'encourager les efforts perse\'érants que le surintendant
du département de l'instruction publique, l'honorable M.
Ouimet, ne cesse de faire en faveur de cet enseignement
dans toutes les écoles do la province. Kspéronsque ren-
seignement do l'agriculture deviendra bientôt général,
dans n«>s écoles primaires, et qu'il s'étendra, mais d'une
manière plus ro lovée, à nos collèges, tant commerciaux
que classiques, et à tous les couvents de la campagne. Il
est utile, il est même nécessaire que toute la jeunesse du
— 68 —
pays qui s'instruit, connaisse au moins les éléments de
cet art qui donne la vie à tous, qui promet aux familles
l'avenir le plus tranquiî! et le plus certain, et qui est,
pour toute nation, la seule base solide de prosjiérité gé-
nérale. Quant à l'enseignement de l'agriculture dans nos
couvents, il ne faut ))as oublier que, dans notre province
surtout, c'est par la femme que l'éducation se genénilisc
le plus. C'est donc aussi au.\ futures nièrus de famille qu'il
faut enseigner ce qji'est l'ai't agricole, ce qu'il doit être
et ce que l)ieu veut qu'il soit, c'est-à-dire la base de toute
bonne organir^ation sociale. Ceci est d'autant plus néces'
saire qu'on remarque généralement, chez nos tilles et nos
femmes instruites, les plus grands préjugés contre l'agri-
culture. C'est au |K)iiit que bien des tdlesde cultivateurs
qui sortent de nos couvents semblent préférer une alliance
avec un artisan et même un journalier à l'alliance que
))eut lui otfrir nigriculteur. L) ailleurs, il suffit d'ensei-
gner à la femme les ])rincipcs de l'horticulture et les
soins à donner à 1» laiterie, à la basse-cour, au verger,
aux abeilles: cela est utile partout. L'horticulture étant
l'application parfaite des principes de l'agricultuie, on
ne jieut enseigner les matières que j'ai nommées sans
connaître tout ce qu'une femme a besoin de savoir en
agriculture. Cet enseignement devrait entrer dans le
programme des études de tous les couvents de campagne.
Partout où l'oïi a un jardin, on a, ou l'on peut avoir faci-
lement une laiterie, une basse-cour, quelques arbres
fruitiers, quelques ruches. Voilà tout ce qu'il faut, avec
des connaissances pratiques, de l'intelligenee et de la
bonne volonté, pour donner un enseignement des plus
précieux qui peut devenir d'un service incalculable dans
l'état actuel de notre société.
En France, dans ces dernières années surtout, de bons
curés ont senti rim|)ortance de procurer aux fvmmes
chrétiennes cette instruction pratique, plus particnliéi*e-
ment du département de la femme, en agriculture, et ils
ont fondé dos maisons sjiéciales où toute l'instruction a
pour objet de former de bonnes femmes de cultivateur.
Les frères de la doctrine chrétienne ont également établi
plusieurs maisons où l'on enseigne aux jeunes garçons
ia pratique aussi bien que la théorie de l'agriculture.
Leur maison de Bcauvais, en France, qui so soutient pat'
— 69 -
soH jropres ressources, est, do l'aveu de tous, une des
meilleures écoles d'agriculture de l'Europe. Voilà ce qui
se fait ailleurs; espérons que le dévouement si connu, au
Canada, do notre clergé, de nos religieux et do nos reli-
gieuses, on faveur de toutes les bonnes œuvres, nous
dotera bientôt do cet enseignement pratique de l'agri-
culture comme lo dévouement seul peut le donner î
■ Après quinze ans do tâtonnements et de luttes i)our
leur existence, il est maintenant admis que nos écoles
spéciales d'agriculture commencent à faire un bien réel.
Cependant, malgré les avantages certains et considérables
qui sont offerts, les rapports publics constatent que les
élèves qui fréquentent ces écoles sont peu ne '^breux.
Comme on tient à les avoir, ils sont exigeants, et .'on ne
peut obtenir d'eux ce que l'on voudrait. De fait, si ces
élèves ne recevaient pas la pension gratuite aussi bien
que l'instruction, il est probable que nos écoles d'agri-
culture se videraient complètement. On admettra facile-
ment que cet état de choses est fort regrettable. Mais il
démontre à l'évidence la nécessité pour le gouvernement
de travailler davantage à faire avancer l'agriculture dans
notre province. Quand nous aurons réussi à faire aimer
l'agriculture, que nous en aurons popularisé l'enseigne-
ment élémentaire, les élèves à la recherche du haut
enseignement agricole deviendront nombreux, et nous
pourrons nous flatter alors, mais alors seulement, d'avoir
fait un grand pas dans la régénération do noiro agricul-
ture.
J'en suis convaincu, la généralisation de l'enseignement
agricole est la condition nécessaire de l'amélioration de
l'état actuel do notre agriculture. Tant que nous n'aurons
pas fait aimer et rechercher cet enseignement, nous
travaillerons en vain ; ot tous les octrois imaginables
seront donnés en pure perte! C'est donc par renseigne-
ment pratique do 1 agriculture qu'il faut commencer. Cet
enseignement est l'objet principal du système que je viens
d'exposer, de même que la nomination d'un surintendant
en est la clef de voûte, si je puis ainsi parler.
En voilà assez pour montrer combien est importante la
tâche que l'honorable M. Ouimet a été le premier à
entrepi'endre, ot combien il importe de l'aider à mener à
bonne fin les réformes qu'il s'cflForce d'introduire. Je
— 70 —
dirai ici qu'un des moyens qui me semblent de nature À
populariKor renseignement ugricolo, serait la distribution,
sous forme de prix, dans nos écoles, collèges et couvents,
du plus grand nombre possible de livres bien faits, sur
l'agriculture. Un autre moyen, plus utile encore, peut-
être, serait d'offrir, dans chaque district scolaire, des
primes on argent, et des distinctions aux instituteurs
qui donneraient le meilleur enseignement agricole et
dont les élèves passeraient les meilleurs examens sur celte
matière. Des prix on argent devraient être offerts égale-
ment aux instituteurs et institutrices qui cultiveraient,
avec le plus de profit et au point de vue des be:>oins
d'une famille rurale, les légumes, les fruits de tous
genres, et même les abeilles, qui bont à leur place dans
un jardin.
* *
A tout ce qui précède on m'objectera peut-être que
j'expose un système qui pèche par la base. De fait, en
lisant avec attention les divers rapports publiés ])ar le
commissaire de l'agriculture, comme j'ai dû le faire pour
co travail, j'y ai vu avec étonnement l'affirmation d'un
employé (1)— duquel a dépendu, plus que de tout autre,
depuis une vingtaine d'années, le fonctionnement
de toute notre organisation agricole, — laquelle tond
& dire que le conseil d'agriculture, et la chambre d'agri-
culture, avant le conseil, n'ont pas pu trouver, dans vingt
ans, et que nous n'avons pas même dans le pays un
8t l homme capable do faire un bon journal d'agriculture l
0 trouverions-nous donc un surintendant do l'agriculture
eo des aides compétents? Je réponds que, pour qui veut
ôtre juste et ouvrir les j'eux, les hommes ne manquent
pas qui pourront contribuer i^ mettre à exécution le
projet que j'ai soumis; et je pourrais en nommer un bon
nombre en état de rendre les services les plus précieux.
N'avons-nous pas, en effet, les LeSage, les Joly, les Tassé,
les Caeavant, les Browning, les Schmouth, les Marsan, les
(1) Voir : rapport da M. Georges Leolerc, aeorétaire du oonieil d'agri-
culture ; Rapport général du département de l'agrioulture de 18(1-72,
pagea 3 et 4.
— 71 -
Landry, les Benoît, les Blackwood, les Pilote, les Beau-
bien, les RoHS, les Gaudut, les DeBlois? El combien
d'autres encore, moins en vue peut-être, mais d'un savoir
incontcHtablo, qui n'attendent qu'une bonne organisa-
tion et le mot d'ordre pour rendre d'éminents services !
***
La plupart des choses que jo viens de suggérer n'ont
pas même le mérite de la nouveauté. On les trouve,
souvent en toutes lettres, dans un bon nombre de docu-
ments publics, et on particulier dans l'excellent rapport
do M. J. C. Taché, le député-ministre do l'agriculture, k
Ottawa, et sans contredit un des amis les plus sincères et
les plus dévoués de l'agriculture et de son pays. Jo me suis
plu à citer d'autant plus souvent ce rapport que les bons
avis qu'il renferme, donnés il y a près de trente ans,
semblent avoir été plus ou moins oubliés.
Je puis donc soumettre mon travail en toute confiance
aux hommes éclairés qui ont eu l'heureuse idée du con-
cours ouvert, par l'Institut Canadien de Québec, dans le
but d'étudier et de faire étudier une des questions d'in-
térêt public les plus pleines d'actualité.
En terminant, j'aimerais à rappeler à tous mes compa-
triotes les i)afoles si sages que Féuélon adressait aux
hommes d'Etat de la France, i'uisscnt-elles nous être
aussi utiles qu'elles nous t^ont bien appropriées. L'illustre
évoque do Cambrai disait: " La force et !e bonheur d'un
Etat consistent non ù avoir beaucoup de ))rovincos mal
cultivées, mais à tirer de la terre qu'on })OHsèdo tout ce
qu'il faut j>our nourrir un peuple nombreux." Or, dans
un pays aussi vaste et aussi éminemment agricole que le
Canada, nous ne nourrissons plus notre ])opulation, il s'en
manque do beaucoup! Un auire évoque do France, Mgr
Dupanloup, dont la mort soudaine et imprévue vient de
jeter dans le deuil le monde catholique, s'exprimait ainsi*:
" Qu'on l'entende donc bien, il n'y a personne, ni homme,
ni femme, si grand soigneur, si grande dame qu'ils soient,
qui doive craindre do se rabaisser en s'occupant d'un
labeur aussi noble, aussi utile que celui de l'agriculture,
et jo l'ajoute, d'une importance sociale si grande, au point
do vue des mœurs comme au point do vue de la richesse
nationale."
-72-
Le remède à Télat do choses qui ruine surtout notre
province est dans l'étude et la pratique intelligente de
l'agriculture par les classes instruites, afin que le bon
exemple, le raeillfur de tous les encouragements, parte
d'en haut. Mais ])ouvon8-nous l'espérer encore cet ex
cmple, sans un changement complet dans les habitudes
actuelles de notre société ? Je le dis avec amertume et
non sans un profond découragement: je ne verrai pas ce
changement. Je me demande souvent si l'on reverra
jamais au Canada, ces temps si heureux pour rotro pays
où nos ancêtres, riches ou pauvres, les habitants de nos
riantes et autrefois si fertiles campagnes, formaient tous,
au dire de nos ennemis même, " un peuple de gentils-
hommes " ; ces temps où l'aristocratie canadienne toute
entière se faisait un bonheur d'habiter la campagne et de
cultiver la terre ; où notre population agricole savait se
suffire H elle-même ; quand mères et tilles cardaient,
filaient, tissaient, avec joie et bonheur, habits, linge et
tapis, se faisaient un devoir et une gloire de fabriquer de
leurs mains tout ce dont la famille entière pouvait avoir
besoin durant l'année, et en telle quantité que les pau-
vres avaient, eux aussi, une part généreuse et abondante.
Je le crains, ces temps heureux ne reviendront plus.
Quant èk moi, courbé tout le jour sous le rude travail
des champs, j'ai blanchi, mais avec bonheur, ai^ service
de l'agriculture. Il y a bientôt trente ans, — plus ardent
et plus optimiste qu'aujourd'hui, j'ai applaudi des deux
mains lorsque je lus, pour la première fois, le rapport de
l'enquête agricole que j'ai cité souvent dans ce travail.
Je me flattais alors que les snges avis qui y sont donnés
allaient porter leurs fruits sans retai-d. J'ai vu disparaître,
depuis, un grand nombre des bons patriotes qui ont ]>ris
part à cette enquête, en 1850, et qui comptaient comme
moi, sans doute, sur une direction plus sage et, en con-
séquence, sur un avenir plus prospère et plus brillant
pour notre agricuUm*e. Plusieurs de ceux qui restent ont
probablement perdu, depuis longtemps, tout espoir do
voir de leure yeux les améliorations qu'ils ont été les
premiers à indiquer.
Je suis maintenant trop vieux pour qu'il me soit
donné do voir une organisation dégagée de favoritisme
Gt faite uniquement en faveur de l'avancement do l'agri-
— 73— .
culture dans cotto province. Trop peu d'hommee, dans
notre pays, et surtout d'hommes politiques, s'occupent
aujourd'hui do cette question.
Mais je crois fermement à la vérité des paroles que j'ai
écrites en épigraphe, au commencement do ce travail, et
qui m'ont servi de devise toute ma vie : "Celui qui fait
croître doux brins d'herbe où il n'en poussait qu'un seul
auparavant, et, sans aucun doute, un bienfaiteur publie."
Ces paroles ont frappé mon esprit quand j'étais encore
bien jeune. Je me flatte maintenant d'avoir fait produire,
autrefois, trois brins d'herbe partout sur ma terre où il
n'en poussait qu'un seul. Je puis affirmer, avec assu-
rance, que, s'ils en avaient la volonté, presque tous mes
compatriotes iK)urraient en faire autant.
Et si ce travail, que je voudrais pouvoir adresser à
tous les cultivateurs do notre province, avait pour effet
d'ouvrir les yeux à quelques jeunes gens d'éducation, do
talent et d'avenir ; si je réussissais à les convaincre du
bonheur terrestre qui s'attache, d'ordinaire, au cultiva-
teur aimant et servant Dieu; si je pouvais contribuer ù
faire adopter cette noble et utile carrière de l'agricul-
ture à quelques bons patriotes, et surtout à quelque
futur homme d'état, je mourrais convaincu de n'avoir
pas été tout- à-fait inutile à mon pays.
APPENDICE.
Extraits du rapport du comité spécial sur Vétat de
V agriculture du Bas-Canada (1850).
Votre comité pose & l'abord la proposition incontestable
que peu de pays ont été plus favorisés quo le Bas-Canada, sous le
rapport de la qualité du sol, et que la position qu'il occupe, relati-
vement au climat, n'est nullement désavantageuse. Plus on exa-
mine avec les veux de l'ohservatour pratique le climat du Bas-
CiMiada, plus on se convainc du fait qu'il n'est rien moins que
déravorable. Il résulte, d'une enquête faite dans le Nouveau-
Brunswick (dont le climat est le môme que lu nôtre), que c'est un
fait admis que le Troid et la neige de nos hivers ont une action
fertilisante sur le sol et produisent naturellement un état d'ameu-
hliss>'menl qui ailleurs ne peut être obtenu qu'à force de travail.
La durabilité de la faculté productive de nos terres est telle qu'au-
jourd'hui môme nos prairies donnent sans soins le double de ce
qu'elles donnent en Angleterre et sur le continent. A ceux qui se
plaignent de la brièveté de nos saisons des champs, on peut ré-
pondre quo la rapidité de croissance de la végétation qui ne laisse
pas de transition entre la blanche couverture de nos joyeux hivers
et la riche verdure de nos proiries. A ceux qui prétendent que
l'hivernement de nos bestiaux entraîne le cultivateur dans d'é-
normes dépenses, on peut répondre que c'est encore un problème,
môme pour des pays plus méridionaux, de savoir si ce n'est pas un
immense avantage de tenir le bétail enfermé la plus grande partie
de l'année. Olte objection futile et sans fondement soulevée contre
le climiit du Bas-Canada est un de ces préjugés qui disparaîtra
comme bien d'autres préjugés qui, créant des maux imaginaires,
empochent les peuples de jouir avec tranquillité d"S biens que la
provid<'nce leur a dispensée, et mettent sur le compte de la* nature
tous les malheurs que le découragement a produits. Si le Bas-
Canada ne prospère pas, ce ne sera ni le fait de sa position géogra-
])hiqu*>, ni le résultat de l'infériorité de son sol et des désavantages
de son climat. Pour démontrer une proposition semblable, et en
parlant de l'étal présent de l'Ecosse comme pays agricole comparé
a sa position passée, le savant Ecossais déjà cité (M. Johnson),
dit : " Son climat a été dompté et dépouillé de toutes ses horreurs.
•' Les portions les plus stériles du territoire dans Caithnoss, et
" môme dans les lies Orcades, ont été amenées à produire le blé.
•' Ses laboureurs sont comptés parmi les meilleurs du monde, et
— 75 —
'< sa manière de cultiver les légumes a obtenu une répulation uni-
" verselle. "
A cent vingt milles en bas do Québec, on produit des pommes
fameuses, inférieures à celles de Montréal, mais égales en saveur
à celles du Haut-Canada, et on on produira de semblables partout
où on saura choisir le terrein ot donner de l'abri aux arbres frui-
tiers au moyen de hautes futaies.
Le peuple du Bas-Canada, pris comme un tout et sans distinction
d'oriitine, ne le cède à aucun autre sous le rapport de l'intelli-
gence, de la santé, de l'adressn et de la force ; plus qu'aucun autre,
peut-ôtre, il possède cette amabilité et cette gaieté qui contribuent
plus qu'on ne pense h la santé et au bonheur, mais il le cède à
plusieurs sous le rapport de l'éducation politique et agricole sur-
tout. Votre comité insiste sur ces faits pour démontrer que le pays
a tous les avantages propres à faire du B.is-Canada ce que sa
population voudra qu'il soit. Rien do plus faible ({ue l'homme qui
dit : " c'est im|)Ossible " ; rien de plus fort que celui qui dit : " jo
veux".
Si l'on voulait juger de l'état présent de l'agriculture dans le
Bas Canada d'après l'aisance avec laquelle vivent la majorité de
nos agriculteurs, et surtout par la comparaison des produits av(>c
le produit des autres pays, parliculièremont îles pays européens,
eu égard h la population, on serait tenté de prendre l'agriculture
pour beaucoup plus avancée qu'elle n'est eifectlvement.
Votre comité, en l'absence de statistiques propres à d'-terminer
la capacité productive du sol, admet ce qui est l'opinion générale,
que le sol ne produit certes pas ce que l'on a droit d'en attendre,
vu sa qualité.
Votre comité nM'ère en cela aux lettres attachées à ce rapport, ot
surtout à la lettre de M. William Patlon. de Saint-Thomas, qui
détaille le produit de 50 arpents de terre cultivés sous ses soins, et
ajoute: ".lo ne fais mention de ce résultat que dans le but de
*• prouver que notre sol peut produire autant qu'aucun autre sur
" le continent, pourvu qu'il soit bien cultivé. "
Voici ce que dit M Fatton :
(Le domaine que je possède maintenant était dans un tel état
quand je l'ai acheté, quoique vnnlé par tous les cultivateurs
comme étant le plus productif du d strict, qu'il ne produisait pas
assez pour payer la culture Je l'ai depuis dix ans pendant lesquels
je l'ai cultivé d'aprôs le système d»^ rotation des récolles; et ma
récolte de l'année dernière a été comme suit :
Il y avait cinquante arpents en culture, et j'en ai retiré 390
minois de blé, 400 minots d'avoine, 300 minois de nav-^t», iOO
minois de navets de Suède, 3Gn minois de patates, 10 minots d'orge
et 2000 bottes de foin de prairie sèche.
I^ blé a rapporté en moyenne 17^ minots par minot de semence,
35 minois par l'arpent, ))esant 62 Ibs. ; l'avoine a rapporté 13 pour
1, ou 45 minots par arpent, et -a pesé 43 Ibs. au minot. Je men-
— 76 —
tionno ceci p )ur Taire voir que nos terres peuvent produire autant
que les ineiileureâ terre» de ce continent, si elles sont bien cuU
tivt'es.)
Puis le rapport continue:
" GéuHralement, " dit le major Campbell, dans sa réponse au
comiti', " la terre ne produit guère plus (juo le quart do eu qu'elle
«• produirait si on introduisait un meilleur système de culture. "
" L'état prés(3nt de l'agricullure dans les townships, " dit M. Gus-
tin, " est g>>néralcment déplorable, surtout parmi la classu des
" a^jriculteurs dont l'existence dépend immédiatement ut unique-
" ment du travail des champs. "
Indépendamment de tous auires défauts, trois vic>'S 3ap:taux
existent dans le système généralement suivi dans le fias-Caiiad;i,
l'un relatif aux engrais, l'autre h la rotation des semences, et lo
t oisième à l'élève des bestiaux Ces trois maux viennent de la
même cause énoncée plus haut. Le sol primitif possédant par lui-
môme une richesse extraordinaire, produisant sans entrais, ou
plulùl produisant par les engrais que d-'S siècles y avaient dép.isés,
des récoltes abondantes, rendait en ce sens le travail de l'hommo
inutil-j ou d(^ moindre utilité ; la Virginité du sol et sa durabilité
permeltaiont que pendant dus années on put retirer de la terre la
même récolte. Le blé étant le plus prolltablo des grains, on ne
semait que du blé et on semait toute la terre, no gardant de bét;iil
que juste pour la nécessité, et ne calculant pas dans ce que pro-
duisent les animaux, l'engrais qu'ils fourniss-mt. C'est ainsi que
notre sol s'en est allé s'appauvrissant jusqu'à ce qu'épuisé il a
cessé di) produire le blé, ou n'a plus produit qu'un grain maladif
et sans la force de résister aux accidents Le mal a surgi si à
coup, il était si |ieu attendu de la classe agricole qui jouissait sans
souci des biens du présent, que le découragement a saisi bien des
cœurs qui se sont résignés avec l'apathie du désespoir à un mal
qu'ils ont cru au-dessus do leur pouvoir de faire cesser. Il n'est
pas inutile de signaler en passant que l'abondance des récoltes a
produit chez )m grand nombro le goût du luxe, qui a fait que
grand» partie de notre population se trouve auj'^urd'hui endettée à
un fort montant.
Les autres défauts de notre système actuel signalés dans la plu-
part des communications reçues, tiennent au manque d'instruments
perfectionnés, à l'insufllsance des assèchements dans certains dis-
tricts, à la destruction complète de nos forêts, dont punie devrait
être conservée comme abri, et partie comme sucreries. On signale
encore le oeu d'allenlion parlée par la législature sur le sujet, le
manque u'éducation agricole et le manque de marché.
MOYENS SUGGÉHÉS POUH l'aVANCEMBNT DE L'aGRICULTDRR
Votre comité, dans li recommandation de moyens à employer
pour l'avancement de l'agriculture dans le Bas-Canada, n'a pris,
de tous ceux qui se sont présentés ou qui ont été suggéiés, que
ceux d'une pralicabilitô inconlestable et (l>>jà mis en opératL^tf
avt'C succès dans d'autres pajs. LVnsemblo des nioyons reconi*
mandés n'ontralnera |)as la province dans la dépense d'une somme
plus gr.'inde que celle pour laquelle le cndit public est engagé
uujourd'liui un vertu de la I i existante, en y.joi);nant le don voté
chaque année à la socit^té d'agriculture dans le Das-Cinada ] ar la
l(*gislature.
Lm moyens r.'commandi'S, cl dont votre comité a cru devoir
s'occuper, sont d -s sociélés d'ugrioiillure dans le genre de celU-g
qui eXHlent déjà ; des fermes-modèl-'S avec écoles d'agriculture,
la publication <1e traités élémentaires à ôlre répandus gratuit< ment
au sein de la population des cam[)agnes et dans iesecules; la
publication M'iin journal et la création de deux surintendants.
Quant à la formaiion d'un syslème de créd t agriroie recommandé
par 11) révtrend M. l'ilote, du collège de Uainte-Aiine ; h lu constsre
vation et uux plantât ons d'arbres comme abri, recommandés par
M. Langevin, et à beaucoup d'autres suggestions importantes et
dignes d'atliror l'utleniion des amis de l'agriculture, elles ne sont
pas du ressort de la lé^^islaluro. D'ailleu s, toutes ces chos s entre-
ront dans les attributions des surintendants, dont pirlie des
devoirs sera d'enseigner.
Votre comité va entrer dans l'ixamen d< ces divers modes
d'avancements et des résultais cju'il croit avoir droit d'en attendre ;
\ioiidra ensuite l'e.xposé de la paitie llnancièro du systè.ue pris
comme un tout.
En adoptant la détermination de recommander l'emploi simul-
tané des divers moyens ci-dessus énonces, vnne comité a eu en
vue de se conformer aux ditF rentes suggestions (|ui lui ont éié
faite'', et ett oontirmé dans la propriété de lu mise en pratique de
c»-s «iitlérents modes, par l'cxpt'rience fournie par des pays elran*
gers où un [lareil système a ojjeré nierv» illeusoment. Votre comité
n'a pns perdu de vue la remarque si juste «le M. Watts, M. P. I' .
qui dit: ■' La population du Bas-( anada n*est pas une population
'• vo\ageu«e, en conséqueii» e les moyens d'instruction doivent être
" placés à la porte de l'agriculteur. " Car la cond>inaison de plu-
si- urd moyens, l'attention de la classe agricole sera attirée de
(fuelquo côté «ju'ello tourne s^'S regardai; et une fois convaincu,
une fuis entraîné, nul n'ira plus loin dans la voie des améliorations
que l'agricuiteur du Uas-C<inada, car nul plus que lui ne possède
ij'intelligenco, de courage, de force et dVlres.'e.
Les sociétés d'agricultiire, telles qu'elles existent et qu'elles sont
conduites aujourd'hui, ont fait du bien, il n'y a pas à en douter, et
le fait est constaté dans la plupart des lettres annexées à ce rap-
por! ; mais en môme teir.ps, il est certain qu'elles n'ont pas produit
tous les résultats qu'on (n attendait. Dans bleu des cas, les
<léponses contingentes et les frais de gestion se sont montés à des
sommes exorbitantee, eu égard aux moyens pécuniaires de ces
sociétés; | arexemplo, dans les rapports mis devant votre bonorable
chambre cette année, il appert qu'une de ces sociétés a dépensé
£31 pour gérer un budget do £209 ; une autre a dépensé £24 pour
— 78-
h^ft Conilngents, quand I^ revenu de la société no se monlftil quà
£153 C'est ce qui, rians bien des localités, a cn^é parmi la j» jm-
laiion agricol)! un sentiment de malveillance et (lu soupijon. Il
tiuvrait se truuver flans chaque comté (et. il y en a dans chaque
comté) un nombre suffisant d'hommes capables et asseie amis de
leur pays pour conduire ces a-sociation» sans recevoir d'émolu-
ments. Ur appel de ce genre à la classe instruite ne restera t^ans
écho dans aucun comté du Has-(Janada. Un autre défaut de ces
ïociéles est signalé par MM. i'insonnuult et Kvans, dans leur rap-
port de la société d'agriculture du BaS'Caiiada pour cette annéu.
" Les bienfaits des exijositinns, " dit le rapport, " sont générale*
" ment retirés par nos meilleurs cultivateurs, capit:i!i<-tes et autres
" personnes possédant des terres en bon onlje, tandis que ceux
•' qui ont réellement besoin d'instruction et d'encouragement sont
*•' virtuellement exclus. "
Par la loi actuelle, chaque comté a droit de recevoir nés fonds
consolidés de la province une somme triple d'aucune somme sous-
crite dans le comté, pourvu que lu somme* octroyée n'excède pas
£150. Los seul? uomtésninsi bénéliciés sont ceux où une souscrip-
tion se l'ait, et en cela il arrive d'ordinaire, ou du moins il est rai-
sonnable de le supposer, il arrive «|uo ceux (jui prolltent de ces
dispositions sont justement ceux qui en ont le moins besoin ; tel
n'était pas le but de la législature qui avait moins en vue de
récompenser les agriculteurs avances (jue d'éclairer ceux qui sont
en arrière, et ibrcer po«ir ainsi dire, ceux-c à améliorer leur sys*
tème par l'appiU do récompenses honoraoles en même temps
qu'elles sont protltubles. Sous ce rapport donc l'octroi pour de
telles Sociétés d'expositions doit ^^lre genènil et s'appliquer à cluiquo
comté ou division de comte indépendamment d'aucune consid(;ra-
lion.
Une des causes qui ont (ait quts les sociétés actuelles n'ont pas
produit les résultais attendu», c'est ({ue généralement on a perdu
île vue ti.'S d"fauts do noire système qi''il faut faire disparaître,
et qu'on s'est t;énéralement borné à accorder dos récomjienses pour
les plus beaux animaux et les plus beaux échantillons des produits
en légumes et cénNiles. Lohjei de cts espèces de comices ii(fiicnlr.s
tsl Ue (/wérir les maux du .iijslrme précalenl, el d'rngayer, par
l'espoir de distinclions honornblis et d'un gain rationnel, le culiica'
teur à tntreprendre des amélioralions qui, surpas.i<ées um autre
cnniie fiur un nouveau compétiteur, aee une n»ble émulation fi
répand de proche en pi oche les bons effets dfS i>rogrès pra iques H
importe donc, dans l'nijtention de ce but, que la plupart des récom-
penses accordées le soient en faveur d'a...élioratiuns tendant à utta-
i]wr au cœur tes vices principaux de notre mode actuel; votre
vomilé a déjà signalé cts défauts.
Votre comité recommande donc l'emploi d'une partie de l'octroi
en faveur des sociétés d'exposition, le montaift à <itre distribu". eu
fgard à la population d'abord, puis à la superiicie occupée, deux
considérations qu'il est désirable d'avoir en vue dans la distribution
tic tommes dettinié<*s à l'agriculture, le Bol et le travail ayant une
-79 —
égale part dans cette industrio. Dans la distribution des prix, on
devrait prH\ oir à ce f|ue parmi les prix accordés il t-n soil donno
pour les objets suivants, et autres analogues, savoir: pour la m>'il-
ifure ri'^colle de légumes |)our bétail ; pour la plus grande quantité
d'engrais, naturel ou artiliciel, employé sur la terre rt^laliveinent à
son t-tendue , pour la plus grande quantité do compost ou d'en*
grais créé par le travail ; pour la prairie la plus productive, par
arpent ; pour le plus nombreux troupeau nourri de produits réi:ol*
tés sur la terre, eu égard à son étendue. Le but de ces diiïéroiits
prix est évident. L'engrais manque à la terre, mais il se trouve
sous la main dans le poisson et les varechs du bas du (leuve, dans
les tourbes de nos savanes, dans l'application des différents amen'
déments naturels ; ces prix ont pour but d'engager le cultivateur
à donner à la terre ces engrais qui le mettront à môniK de pouvoir
nourrir un brtuil plus nombreux qui, à son tour, fournira ù la terre
tous les sucs dont elle a besoin.
Votre comité doit se borner à un exposé général et succinct des
différents moyens qu'il prend la liberté de recommander à voire
honorable chambre ; mais no peut laisser le sujet de ces sociétés
sins exprimer l'opinion que, dans tous les cas, les récompenses ne
devraient être adjugées qu'à des agriculteurs vivant exclusivement
de l'industrie agricole, tous autres comixHiteurs n'ayant droit qu'à
une mention honorable.
Votre comité en vient maintenant aux écoles d'agriculture et aux
fermes-modèles. Il est impossible, à moins de dépens''S énormes,
d'établir des écoles si^M'ciales d'agriculture accompagnées de fermes'
modèles sur un grand pied, l'ar des calculs dont l'exactitude n'est
pas le moins du monde révoquée en doute par votre comité, il
appert que chacune de ces fermes-écoles ne colletaient pus moins
de £3,000, et peut-être ne seraient-elles fnvpienlées que pur quel-
ques élèves appartenant i la claase qui, par sa position, en a le
moins besoin ; c'est donc dans les institutions maintenant IW-quen-
lées par la jeunesse qu'il faut aller chercher l>'S moyens d'établir
de pareilles ecoK'S. Votre comité a le plaisir de citer, eiitr'autre
autorité à l'appui de son opinion, celle si puissante de M..lolinston,
exprimée par lui dans le rapport qu'il a fait de son exploration
dans le Nouv>^au-Biunswick.
Heureusement que de telles institutions e;{i!'tent dans le Bas'
Cdnadi, comparables ù celles des pays les mieux favorisas ; heu-
reus*:ment que nous avons une classe d'hommes dans ces institu-
tions à qui de pelis moyens sullisent pour ojiérer de grand'>s
choses, (|ui, ayant dit un éternel adieu & toutes les jouis-ianc< s de
la terre, excei lé celle de faire du bien, ne se trouvent ni dans la
nécessité ni dans la position d'exiger de salaires : mais consument
toute leu: vie à l'éducation de la jeunesse, avec la seule condition
de la nourriture et du vêlement.
Votre comité suggère tlonc un octroi spécial et annuel à chacun
des collHgHS de Saint-Hyacinthe, L'Assomption, Nicolet et Sainte*
Anne, à lia condition d'ouvrir à leurs élèves une ciiaire agronc
mitiue, et de cultiver comme fermes-modèles une terre dans le
— 80 —
Voisinage immédiat de rinslitutlon. Voire comité n'a pas consulté
les directeurs de ces difrérentes institutions, mais nu nourrit aucun
ilouto sur leurs dispositions, et ne craint pas de se porter garant
(le leur bon vouloir ; un octroi semblable pourrait être fuit dans
i s townsbips pour le môme objet, ù l'une des académies où une
partie de la jeunesse de langue anglaise reroit son éducation ; pur
ce moyen et avec une dépense moindre que celle nécessaire à l'éla*
blissoinent d'une e^culn institution séparée, avec des garunlii-s
centuples do su.'cès, on ollrirail au pays cini] institutions où touti;
la jeunesse du pays irait prendre des connaiss'anceâ sur le noblo
ori de l'a^'riculture, connaisi<ances que tous les ans des centaines
du jxunes gens iraient mettre en pratique pour hnir compte, ou
enseigner ù leurs compat* iotes sur tous les points du pays. Votre
comité est teiltMuent convaincu du l'importance d'une telle dispo-
sition, qu'il exprime sans crainte la conviction que cela seul ost
(Ifsliné a faire faire à l'af^ricullure du Bas-dunada plus du progrès
qu'il n'ost physiquement possible de toute autre manière. Votre
comité en ne recuinniandant ({u'un certain nombre du collèges et
une académie, n'a pas eu l'intention de dépn-cier lus autres, mais
n'a té mu en cela (fue par la petitesse dt s moyens sur lesquels il
uvait à compter.
Le moyt^n suivant do nipandre l'éducation, moyen que voire
coinitK ne saurait trop recommander, est la publicaiion d'un traite
elt-menlaire irugriculture pratique, à ôtre imprimé sous forme du
pamphlot, et répandu gratis dans toutes les écoles et au sein do
chaque ÎHmi le d'agriculteur.
Un pareil traite, pour être util'; et obtenir tout le but désiré
coniniu le font remarquer le Dr. Uubé et le révérend M. Farland,
devra ôtre court, précis et clair, dubarrassi* do tous termi'S scienli-
tl({ues et de IuuIhh idées spéculatives ; se réduire en un mot à
en^eigniT au cu.tivateur les moyens d'amender son syslème par
une rotation appropriée de semences, par la production ut l'appli-
tiulio 1 des engrais, et pur l'augmentation et l'amélioration du
bétail, ( l cela avec le seul capital que représente son travail et
celui <le su fu-nille. Votre comité recommande donc un concours à
ùlru ouvert el un ; rix à are accordé au meilleur traité iUmenlaire
(Cagriculliire pralique, réunissant les dil^rentes qualités qui
viennent d'être signalées. Un ^A livre, de quelque;* pages seule-
ment, répandu avec profusion dans les campagnes, sera 1*^ sujet de
discussions et d'étuaes pratiques qui ne peuvent manquer d'attirer
l'altention du cultivateur, et produire de suite un tres-grund bien.
On sait l'inHuonce immense que des pamphlets ainsi distribues
ont eu sur les moeurs et sur la politique des peuples. On devrait
dans les écoU-s faire de cet opuscule un livre de lecture ; l'enfant
i>ans travail se remplira l'idée des améliorations qui y sont indi-
<|uees, et les mettra plus tard en pratique, il n'y a pas ù en douter.
Votre comité suggère encore de continuer, avec unu augmenta-
lion, l'octroi annuel accordé à la société d'agriculture du Bas-
Canada, à la condition de continuer la publication du Journal
d^VgricuUure en français et en anglais, et de travailler à augiuen*
— SI —
ter sa bibliothèque, et do tenir, comme elld Tait aujourd'hui, ua
grenier pour semences.
Votre comité est d'opinion que la nomination de deux surinlea-
dants d'agriculture, un pour les districts do &Sonti-éal. Saint»
Fraii^tois et de l'Uttawa, et l'autre pour les districts de Québec,
Gaspe et Kamouraska, est indi^^pen^able Le surintendant formera
l'administratir de tout le système, et, joint aux professeurs d'agri»
culture dans les colli-ges, constituera le corps enseignant ; ses
devoirs, tels que conçus par votre comité, seraient la visite annu-
elle des districts souâ sa jurisdiclion ; la publication d'un rapport
annuel contenant autant que possible la description des difTerents
sols, d'i leur exposition, des moyens d'umeliorations, le signalement
des vices de culture et l'indicHtion des moyens d'y rem--dier ; en
un mot, co rapport sérail le mode dont se servirait le surintendant
]K)ur faire connaître au public le résultat de ses recherches et de
ses études.
Le surintendant devrait se mettr') en rapport avec le géologue
provincial et le chimiste sous ses ordres, alin do pouvoir tirer pa:tie
des lumières que la géologie et la chimie j -ttent sur l'industrie
agricole. Il serait en outre d'ofDce un des directeurs de toutes les
sociétés d'expositions et de la société d'agriculture du Bas-Canada,
et visiteur des écoles agricoles dans les séminaires et académies.
Voilà l'ensemble des moyens que votre comité croit devoir
recommander ù votre honorable chambre, et dont la dépense col-
lective ne dépasse pas le montant aujourd'hui appropri>>, comme
le comité va le démontrer plus loin. t<i votre honorable chambre
croyait devoir augmenter la somme aujourd'hui appliquée & l'en-
nouragement de l'agriculture, somme bien minime, si l'on tient
compte de l'immense impcrtance de cette branche de l'économie
Ïublique, et si on la compare aux sommes dépensées et promises
d'autres genres d'industries bien dignes d occuper l'attention,
sans doute, mais dont l'importance est loin de celle de l'agricul-
ture. 8i denc votre honorable chambre était disposée à augmenter
de quelques centaines d-3 louis le montant de l'octroi, alors votre
comité recommanderait co qui suit. Augmenter le nombre dea
écoles d'agriculture attachées aux collèges et académies, et accor-
der, dans diiïérentes parties du Bas-Canada, une somme annuelle
■de £200, à quelque bon cultivateur possédant une bonne terre et
un nombre sufllsant d'animaux, joints à l'avantage d'une éducation
élémentaire, à la condition de cultiver, sous la direction immédiate
du surintendant do son district, sa propre terre sur un pie<l modèle,
avtfc Tobligalon de montrer et d'expliquer h tout visiteur les
<létails do sa culture. (>-tte somme do £200, jointe aux moyens
déjà posséd'S par tel cultivateur, le mettrait à môme d'améliorer
sa culture, la race de ces animaux, et de se procurer des instru-
ments supérieurs, en mô ne temps i|u'elle lui permettrait de dis-
poser d'une partie de son tenq>s à expliquer les détails de son art i
ses visiteurs. C'est le seul moyen que votre comité voit d'établir,
de dislance en distance, des fermes-modèles de nature à rencontrer
les besoins et à être à li portée du commun des cultivateurs, qae
6
— 82 -
les fermes tenues sur un grand pied et à gros frais tendraient
plutôt i décourager qu'à instruire.
Votre comité se résume ainsi : le sol et le climat du Bas-Canada
sont favorables à l'exploitation agricole. — le peuple est laborieux,
intelligent, et cependant ce peuple ne retire pks de la terre plus
du quart de ce qu'elle peut produire. La cause, c'est que le sytème
de cultive)* est mauvais. Les défauts principaux de ce système,
sont: lo. le manque de rotation appropriée dans les semences :
2o. le manque ou la mauvaise application des engrais ; 3o. le peu
de soin donné à l'élève et à la tenue du bétail ; 4o. le défaut d'as-
sèchement dans certains endroits ; 5o. le peu d'attention donnée
aux prairies et à ta production des légumes pour la nourriture des
troupeaux ; 60. la rareté des instruments perfectionnés d'agricul-
ture.
Les moyens recommandés sont : lo. des sociétés de comté ; 2o. le
choix de& |>rix à accorder dans les différentes expositions: 3o.
rétablissement d'écoles d'agriculture et de fermes-modèles dans
nos collèges et académies; 4o. la publication de traités élémen-
taires d'agriculture ; 5o. la publication d'un journal, avec et en-
semble l'établissement d'une bibliothèque et d'un grenier public ;
60. la nomination de surintendants de l'agriculture.
Votre comité croit avoir recommandé à votre honorable cham-
bra un sy>tèmc complet et praticable, et est appuyé en cela sur
l'opinion de savants étrangers, sur les recommandations à lui
faites par les persotînes cuiisuitées sur le sujet et sur rexf>érience
de pareils moyens employés en Europe et dans plusieurs états de
l'union américaine.
Votre comité, en conformité à l'ordre de votre honorable cham-
bre, s'est encore occupé des moyens à prendre pour faciliter l'éta-
blissement des terres incultes, seul espoir d'arrêter cette lièvre de
l'émigration qui. depuis Quelques années, a fait des ravages parmi
U jeunesse du Bas-Canada.
Votre comité ne fera aue quelques remarques sur ce sujet qui.
l'an ilemier, a occupé i'attentioD d'un comité nommé par votre
honorable chambre, pour s'enquérir des causes de l'émigration
Soi. du Bas-Canada, se dirige vers les Btats-Unis, sur le rapport
uquel votre comité prend la liberté d'attirer l'attentjon de votre-
honorable chambre.
Les moyens principaux d'engager la jeunesse du pays à s'établir
sur les terres de la couronne sont : «l'abord, l'arpentage de ces
terres et l'ouverture de chemins qui puissent permettre au pauvre
défncheur de se rendre avec facilité sur le lieu où il doit commen-
cer, seul et sans secoure, une des conquêtes les plus difficiles, mais
U plus noble de toutes.
Qu'il soit permis à votre comité de faire remarquer i votre hono-
rable chambre que chaque somme dépensée pour l'objet dont il
est question, est un prêt avantageux pour l'état par la vente des
terres de la couronne et l'augmentation de la population, dont
chaque individu, même le plus pauvre, est une source de revenu
— 83 -
qui, par plusieurs canaux, vient fournir au trésor public, indt'pen-
(lamm-^nt de celle considération qui ne peut qu'èlre une réponse A
certaines objections que l'on élève contre ces améliorations (jui,
par elks-môme ne donnent point de revenus, il est du devoir
d'un bon gouvernement de pourvoir aux premiers besoins de son
peujile; or l'ouverture de chemins et l'arpentage des terres de la
couronne sont les deux jtremiers besoins d'un nouveau pays, et
c'est le ht'soin urgent du moment pour le B;is-(îaiiiida.
Voire comité recomm;inde donc à vo're honoreble chambre
d'obtempérer aux nombreuses demandes que le peuple du Bas*
Canada lui fail depuis plusieurs années. Si l'état financier du pays
ne permettait pas d'entreprendre ces divers chemins et ces arpen-
tages par les moyens ordinaires, voire comité prendrait la liberté
de suggérer à votre honorable chambre le moyen suivant, savoir :
l'émission de débentures portant intérêt, et rachetables à une
époque voisine de l'échéance rlu paiement des terres vendues En
émettant pour un dixième de la valeur d'un nouveau township, il
n'y a aucun doute qu'on pourrait pourvoir à tous les besoins «les
colons de ce township, et que le rachat des débentures ne soit
chose facile au bout de i|uelques Années, la vente des terres lais*
tant un résidu dont le montant collectif sera certainement double
de ce quest aujourd'hui le revenu territorial, sous un sy.^lènii' qui,
au lieu de faciliter rétablissement de la jeunesse du pays sur les
terres incultes, semble leur opposer toutes eapècfs d'obsiaclfs.
Quant aux autres moyens de faciliter le défriolienwnl des (erres
incultes, votre comité réfère votre honorable . hambro au\ lettres
qui constituent l'aitpendice du rapport de ce comité, et particuliè»
rement à celles des révérends MM Farland et Héhert, Mais avant
de iwi'minor sur le sujet, votre comité croit devoir remoniuer ([uon
devrait toujours avoir en vue l'intention de coloniser par grands
établissements, et dans ce but, rien ne senti mieux que dn favo-
riser ces associations de colons qui se forment, et encountger le
peuple à en former d'autres, soit en leur donnant les moyens de
f&\r^' des chemins et autres améliorations né.:essair.'8 dans de nou-
veaux établissements, soil en faisant ù rassociation remise d'une
proportion sullisante au prix des terres pour fournir aux dépenses
de CHS travaux.
Le tout respectueusement soumis,
J -C. Tach*.
Président.
L'AGRICULTURE.
L'KTAT OU EN EST L'ART EN NOTRE PROVINCE.
LES MOYENS DE LE FAIRE PROGRESSER.
Pu l'abbé PROVANCHER.
Ofortanktot niminm, «naiibona norint
AirricolMl — Virgile. Utorgiqur», Ut. II.
() beareux AttriculUura, s'iU coun»i»-
Mient ton* les «TMitaget de leur position !
L'homme, lo pi as bel ouvnige sorti dos mains do In
toute-puissance incréée, avait été constitué roi de ce
monde, c'est-à-dire jouissant d'un domaine absolu sur
tous les êtres de la nature, et n'étant dominé par aucun
d'eux.
Mais égaré par son orgueil, l'homme dévia de la justice
otdu devoir, il se révolta contre son seul maître, et
Ncella par pa désobéissance la porte de sa royauté.
AsHUJéti auparavant à nulle créature ; il les vit toutes
à In fois se soulever contre lui pour le dominer, et la
nature entière se déclarer son ennemie.
Frappé par la main toute-puissante qui l'avait tiré du
néant, mis à lu porte de cet FÀlcn où il avait été placé,
et où toutes les délices se réanissAient pour lo rendre
heureux, condamné au travail et à toutes sortes de
misères, il se rappelle encore, dans son exil, le bonheur do
6tts premiera jours, et fait do continuels efforts pour lo
— 80 —
resaihir. Et comme ontro toutes les prérogatives dont il a
été dépouillé, collo de son indépendance lui a é,té la plus
sensible, c'est contre cet assujétissement de la ])art de
tout ce qui l'environne, qu'il lutte aussi «ans cosse avec
le plus d'efforts.
Qu'est-ce que cette liberté que toutes les nations ont
si fort estimée, jusqu'au point souvent de préférer l'a-
néantissement comme peuple à sa soustraction ? Si non,
un aflranchissemcnt partiel des mille sujétions qui nouH
dominent.
Qu'est-ce que cette indépendance que tout individu
convoite et pour laquelle il travaille sans relâche ? Si
non, une réacquisition partielle du domaine perdu par
notre premier père.
Voyez chaque nation, chaque tribu, chaque individu
dans le trouble, les soucis, le mouvement; pourquoi s'agi-
tent-ils? Dans quel but se tourmentent-ils? Interrogez-les;
les uns et les autres vous feront tous la même réponse :
" C'est pour la liberté, pour l'indépendance."
L'homme le plus heureux sur la terre est donc celui
qui jouit le plus de liberté, qui possède la jplus grande
somme d'indépendance, qui s'est ait'ranchi d'un plus
grand nombre des lions qui ca)>tivaiont ses désirs. Tous
le proclament, etlaplus saine philosophie n'est en aucune
façon opposée à ce principe.
Entendez les moralistes chrétiens nous dire quelaplus
grande somme de bonheur sur la terre, se trouve dans
celui qui, par un généreux et sublime effort, a renoncé à
sa propre volonté, pour se soumettre A un code de règles
connu d'avance, ou à la direction, dans toutes ses actions,
d'un supérieur qu'il s'est librement donné. Aussi les
livres sacrés proclament-ils que ce juste verrait le monde
s'ébranler iusque dans ses fondements, qu'il n'en serait
point troublé ! Pourquoi? Parce qu'il n'a plus de volonté
propre.
Un jour, un grand génie des temps anciens fut ren-
contré dans les rues d'une ville avec une chandelle allumée
en plein jour. Interrogé sur une conduite si étrange, il
répondit qu'il cherchait un homme. Eh ! qu'entendait-ii
donc par cet homme qu'il ne pouvait trouver ? Il vou-
lait un homme qui, comme lui, s'était affranchi, le plus
possible, des liens qui gênaient sa liberté. Diogène, car
— 87 —
c'e»t de lui qu'il s'agit ici, roulant un tonneau devant lui,
pour s'assurer un gite contre les intempéries de l'air, et
portant une ccuollc à la main, pour ctancher sa soif au
premier ruisseau venu, vit une lois, un jeune homme
prendre do l'eau dans le creux de sa main pour se dé-
8altéi*cr. ** En voici un plus sage que moi, s'écria- t-il ; je
veux, à son exemple, me débarrasser encore d'une autre
sujétion." Puis il jeta son écuello au loin.
Le philosophe grec oubliait sans doute, que dans notre
condition actuelle, l'indépendance absolue est impossi-
ble ; qu'en paraissant se défaire do lions d'un côté, il s'en
créait par cela même d'un autre ; que le dénuraont au-
quel il s'astreignait, l'as^ujétissait à de nombreux besoins
que la seule conservation de la vie nous rend nécessaires;
mais il n'en avait pas moins trouvé, par les seules lu-
mières de la raison, le principe, le fondement, la base de
la véritable liberté.
Pour nous, plus éclairés que Diogène, et plus sages
aussi, pour avoir pu puiser aux sources de la véritaolo
sagesse, modifiant un peu le principe qui constituait sa
règle do vie, nous dirons que: assujétis dans notre con-
dition actuelle à une foule do devoirs et de nécessités,
l'homme le plus heureux est celui qui a le plus petit
nombre de devoirs à remplir, et la moindre somme de
nécessités pour le gêner dans ses allures. Or, parmi tous
les états de la sociétéé civile actuelle, nous n'hésitons
pas à proclamer que l'homme des champs, le cultivateur
qui vit de son travail, est celui qui possède, avant tous
les autres, ces deux conditions.
Oui ! le cultivateur est partout le citoyen le plus indé-
pendant. Seul il tire du sol do quoi fournir à ses besoins
et à ses nécessités ; seul il peut, pour ainsi dire, se pa:'ser
du secours d'autrui, tandis que nul autre ne peut se
passer de lui. Les savants, avec toute leur science, les
chefs dos peuples, avec toute leur autorité, les Crésus,
avec leurs monceaux d'or, périraient tous misérablement
sans le secours du cultivateur. Renfermé dans sa mé-
tairie, il peut, jusqu'à un certain point, se constituer lui-
même son maître, son seigneur et son roi. Contraire-
ment à toutes les autres conditions, plus il se prive du
commerce de ses semblables, et plus la vie lui devient
douce et facile. Plus que tout autre, il peut se passer
— 88 —
du notairci, do l'ftvocQt, du médecin ; pour bob propre»
besoinH, il trouve diifirtsa t'amillo m6mo non mccanioion,
son indu8triul, Hon tisserand, Bon tnillour. Et que dovion-
draiont «anH lui l'avocal avec hob doBBiorH, lo notaire avec
BOB irinutes, lo moducin avec hONpilluicB? Toub con-
vor/ifont vers lui, B'adroHhont à lui, po re])08ent Hur lui
pour en obtenir qui Hon pain, qui bu viande et Hon beurre,
qui MOH v6tementB et Ich aliment» nécuMBaircB A bob ani-
maux de Borvico. Confiné dauB Mon domaine, HaiiB mémo
avoir imité la )>révoy»noo du norvitour du roi ancien, il
est le JoHoph qui fournit les proviniouH, non Beulemont
à touB IcB nubitantH do l'Kgypto, maiH encore i\ ceux dos
payM mêmes Iob plus éloignes. Il voit tout le monde
accourir à lui, | our lui oiVrir Iob mille produitH de leur
induHtrie en échange dcB productionn do hob champs.
Et quelle protection n'a pas l'agriculteur contre l'ad-
verBÎté, contre cette multitude d'nccidontB innépiirabloB
do notre fkiblo et ]iériBsable humanité I Tandisque dans
toutOB les autroB condition^:, le travail de chaque jour
semble être l'unique canal qui ])ourv<>it aux bo.«oinH, et
dont le cours se tmuve interrompu du moment que Iob
bras B'arrètent, le cultivateur a uarm («on fondH une roB-
Bource toujourn etficace contre Ioh reverB. Une récolte
vient-elle à manquer? Sa propriété lui otfre un eré<lit
pour résister à cet accident. Une blossuro, une maladie
vîonnont-olloH le confiner dans sa demeure, le forcer à
l'inaction durant des semaines et des mois? Ses champs
n'en continuent pas moins è. pousser, la laine de ses
brebis à so refaire pour b(>s liMltitH, ses troupeaux à lui
livror leur lait et & prendre de lu ;;iaisse pour sa nour-
riture. Son fonds est tout à la fois pour lui, sa btin(]ue
d'épargne et do prévoyance, son assurance contre les
accidents, ot sa caution toujours prête pour lui obtenir
loB crédits nécessaires.
Sans doute, qu'au point de vue où en eBt la civilisa-
tion aujourd'hui, et relativement au degré do prospérité
où l'on veut amener un état, les difiérentes positionM
sociales ne sont pas moins nécossaires les unes que les
autres, ot que toutes doivent se prêter un mutuel se-
cours, s'harmonise v' ensemble pour tendre au but com-
mun ; mais il n'en est pas moin» vrai que l'ugriculture
est le pivot Bur lequel doivent s'appuyer tous los roua-
— 89 —
g08 qui peuvent contribuer nu blen-ôtro général ; que
Bans ollo la prospérité duns un état ne |)eut-C-tre qu éphé-
mère, ou du moins fort inconMtanto, par co qu'elle nuin-
que de base Holido ; et que c'est par conséquent vers
elle, que doivent tout d'ubord se tourner les regai-ds do
l'autorité, hI elle veut s'assurer une marche constante
et sfiro dans la voie du progrès, si elle veut parvenir à
l'état do prospérité auquel elle vise.
Mais, si l'agriculteur est ce citoyen nécessaire, indis-
pensable, vers lequel doivent se tourner tous les regards,
comment se fait-il donc qu'il soit généralement si peu
(•<uisid<n>, qu'on le relègue, pour ainsi dire, dans les
derniers rangs de la société ?
Peu considéré? par des esprits aveugles ou faux, peut-
être, mais non par les patriotes sincères, par les esprits
éclairés, par les intelligences supérieures. Je no nio
pas que très-souvent le cultivateur occupe les derniers
rangs dans les préséances; mais cette infériorité appa-
rente n'a rien (l'outrageant ])Our lui, rien qui le blesse;
par ce que, peu habitué d'ordinaire A figurer dans la so-
ciété, il ])réfère l'obscurité à la mise en scène; son
ambition ne le i)orte pas à désirer un rang que iaculture
de son esprit lui intordit en quelque sorte. Il sait que
les dons de la Providence ont été diversement distribués
aux hommes, ot il est satisfait du lot qui lui est échu en
partage. La vigueur do ses muscles, son adresse dans
les (litT'èrontes manipulations du sol, no sont pas moins
utiles que lu science du savant qui pénètre les secrets do
la nature, que le génie des inventeurs qui trouvent tous
les jours de nouveaux moyens d'utiliser la matière.
Humble dans ses goûts comme dans scg aspirations, il
ne recherche nulle part les jiremières pinces, et voit,
sans dépit, briller à côté do lui, des talents dans cer-
taine carrière, qui feraient la plus triste figure s'ils en-
treprenaient devenir lutter dans la sienne.
Pour le dire en un mot, c'est la culture do l'intelli-
gence, c'est l'éducation qui lui manque, qui retient le
cultivateur dans cette infériorité apparente. Aussi, mon-
trez-moi un cultivateur instruit, et je le proclame de
suite lo premier citoyen de son pays; car si t>a culture
intclloctuollo peut le rendre l'égal des chefs dans les
autres carrières, il peut réclamer des avantages do pre-
— 90 —
mier ordre qui n'appartiennent qu'à la sienne propre.
N'est-ce pas lui, eu effet, qui tient au boI qu'il habite
par les plus profondes racines? N'est-ce pas lui qui
forme ce peuple qui, avant tous, constitue l'Etat? Quelle
autre condition dans la société peut aflScher comme lui
autant d'indépendance? Au médecin il peut dire : pour
les provisions que mes bras savent tirer du sol, ne
puis-je pas vous forcer à vous acquitter à mon égard
d'offices aussi vils que répugnants? n'est-ce pas à ces
services que tient votre existence ? Ne constitue-t-il pas
l'avocat, le notaire, ses véritables serviteurs pour se
faire rendre justice, pour reconnaître ses droits, assurer
par des actes en bonne forme l'avenir de sa famille ? Le
mécanicien, l'industriel, ne reçoivon^ils pas ses ordres
pour confectionner ses instruments, ses outils, ses habits,
comme il le veut et de la manière qu'il prescrit? Et ne
peut- il pas, sans compromettre son avenir, se passer
, j-igoureusement de leurs services, en substituant son
adresse à leur habileté, en confectionnant lui-même les
outils qui lui sont nécessaires ?
Mais non-seulement l'agriculteur est le plus indépen-
dant dans la société, c'est encore celui qui jouit de la
plus grande somme de paix et de tranquillité, et qui, par
conséquent, peut se dire le plus heureux.
L'idéal du plus parfait bonheur dans le monde, est de
s'assurer, avec un confort convenable, des jours de repos,
de paix, de tranquillité, exempts de ces mille soucis et
inquiétudes qui accablent l'homme d'affaires, en autant
plus grand nombre que ses affaires sont plu-s nombreuses
et plus importantes, que son attention se > rte sur un
plus grand nombre de points. Or, parmi i s ceux qui
s'agitent pour assurer leur avenir, il n'en est point dont
les soucis soient moins nombreux, dont les inquiétudes
soient plus légères, dont l'attention soit moins partagée,
que l'homme des champs, que le cultivateur du sol. Vivant
de lui-même retiré sur sa ferme, son commerce avec ses
semblables est des plus restreints ; faisant peu d'affaires,
il est exempt des mille tracasseries qu'elles amènent
nécessairement ; s'occupant peu de ce qui se passe au
dehors, les soucis, les inquiétudes pour l'avenir, qui pour
tous les autres reposent sur la bonne ou mauvaise volonté
des hommes, se bornent pour lui, uniquement pour ainsi
— 91 —
dire, à ses divers travaux et aux soins qu'il doit à sa
famille. Les grands événements mêmes qui font leur
marque dans la vie des nations, et qui préoccupent si
fortement ceux qui suivent assidûment les évolutions de
l'histoire, ou qui jouent un certain rôle dans la politique,
ne l'émeuvent que faiblement ; car souvent ces événe-
ments ne parviennent à sa connaisGance, que l'orsqu'il
sont déjà modifiés parles accidents qui les ont accompa-
gnés.
Son travail est rude, il est vrai, ses labeurs sont pour
ainsi dire continuels ; mais ces travaux sont de ceux que
l'on supporte le plus allègrement, qui portent avec eux
un certain charme qu'ont reconnu tous ceux qui s'y sont
livrés.
Il lui faut, sans doute, dépenser une grande somme de
force musculaire ; ne tenir à peu près aucun compte des
accidents de température, quand il s'agitdo ses travaux;
s'exposer également aux chaleurs excessives, do même
qu'aux froids les plus piquants ; se laisser parfois pénétrer
par la pluie ou aveugler par la neige ; soutenir quelquefois
de son bras le courage de ses oêtes succombant sous
l'excès du fardeau, etc. ; majs le grand air au milieu
duquel il vit, la nourriture substantielle dont il use,
l'exercice continu auquel il se livrent, donnent à tous
ses membres une surabondance de vie, pour ainsi dire,
si bien que le travail continu, un déploiement habituel
d'efforts, loin de lui être pénibles, lui deviennent presque
un besoin, une condition de bien être, et qu'il éprouve
un véritable malaise dès qu'il en est privé.
Voyez-le, au temps de la moisson, péniblement courbé
sur sa faulx ou penché sur ses javelles, au soleil le plus
ardent ; ce n'est plus en perlant que la sueur se montre
sur son front, elle ruisselle de toutes parts, et pénètre
même ses habits; tous ses traits sont tuméfiés, injectés
par un sang qu'on dirait lui bouillonner dans les veines ;
on croirait à le voir qu'il touche à l'épuisement, et que
pour le moins il va abréger sa journée ; et c'est précisé-
ment alors qu'il empiète sur la nuit pour prolonger ce
travail excessif. Cependant, entendez-le faire éclater son
contentement. C'est lorsque déjà les étoiles brillent au
firmament, que, monté sur sa charge de gerbes, il s'en
revient au logis ea faisant retentir les échos d'alentour
— 92 —
de ses chants joyeux. Il a travaillé avec ardeur, il s'est
ëpuibé de lassitude, il a accompli courageusement sa
tâche ; la joie déborde de son cœur !
Dieu, sans doute, a imposé le travail à l'homme comme
une pénitence. iAa'iB comme il a attaché à la satisfaction
de tous nos besoins un plaisir nécessaire, il a de même,
dans sa bonté infinie, attaché aux travaux du corps un
sentiment de satisfaction qui semble destiné à faire ou-
blier tout ce qu'ils ont de pénible.
Ne vous est-il jamais arrivé de mettre, pour quelques
instants, la main aux travaux des champs ? do prendre,
par exemple, une fourche ou un râteau pour ramasser le
foin épars dans un pré ou réunir des épis en gerbes ? Et
bien, dites, si après votre tâche accomplie, lorsque vous
sentiez la sueur l'uisselant sur votre front, vos muscles
comme distendus par les efforts inaccoutumés auxquels
vous les aviez soumis, et tous vos membres saisis par la
fatigue, dites, si alors vous n'avez pas éprouvé un véri-
table sentiment de satisfaction? si vous ne vous êtes
pas, pour ainsi dire, senti plus homme qu'auparavant ?
si un mouvement d'orgueil ne vous a pas donné l'idée
d'une certaine supériorité^sur un grand nombre d'autres
que vous jugiez incapables d'en faire autant?
Oui! les travaux des champs ont un certain charme
inhérent que ne possède le travail d'aucune autre occu-
pation. Quel labeur ardu et pénible que celui de l'homme
de loi, obligé de fouiller dans de nombreux documents,
de chercher longtemps dans des auteurs des textes dont
peut-être il n'aura jamais plus à se servir plus tard ; de
s'identifier en quelque sorte avec le mécontentement,
d'épouser les chicaVies et les rancunes d'individus et de •
partis à lui complètement étrangers; de déployer conti-
nuellement tout son zèle et ses efforts pour assurer le
succès de litiges auxquels ils no s'intéresse que pour quel-
ques écus qu'ils amèneront dans son escarcelle! Et le
médecin qui se dépouille de toute sensiblité naturelle
pour torturer, par ses opérations et ses drogues, des êtres
déjà souffrants et des plus propres à exister les sym-
f)aihies et la compassion ! Quelle resposabilité aussi dans
es actes des uns et des autres 1 L'inhabilité, l'incurie, la
négligence, le défaut d'études, peuvent, dans le pre-
mier compromettre, à chaque instant, l'avenir du client
— 93 —
et celui de sa famille; et dans le second, faire perdre ta
vie même au patient. En est-il ainsi avec l'agriculteur?
Il ne travaille, en quelque façon, que pour lui-même ; sa
responsabilité ne dépasse pas le cercle de sa famille, qui,
par chacun de ses membres, la partage avec lui. La
pierre qu'il enlève aujourd'hui de son champ, la souche
qu'il fait disparaître, il ne les verra plus là l'année pro-
chaine ; les sillons qu'il trace de sa charrue, ne seront
plus détournés par l'obstacle, et l'aire sur lequel il répand
ses semences, se sera agrandi d'autant.
Ajoutons que son travail est un travail qui requiert
continuellement l'exercice de son jugement, qui demande
à chaque point d'être confirmé par le raisonnement. Ce
n'est plus ici cet homme-machine qui, dans une manu-
facture, doit faire mouvoir, en véritable automate, un
levier quelconque ; ce n'est plus même cet industriel
qui, cent fois et mille fois répétera la même opération
sans rien changer, pour livrer ses instruments au com-
merce par centaines et par milliers; c'est un véritable
mécanicien, qui à chaque opération, devra compter
avec son intelligence et son jugement, pour décider des
moyens do l'exécution le plus facilement possible. Voyez-
le abattant ses arbres, arrachant ses souches, exécutant
ses labours, etc. ; à chaque opération qu'il fait, il a ilk
compter avec les règles de la mécanique, de l'équilibre
des forces, etc.; que s'il n'est pas capable d'en démon-
trer scientifiquement la théorie, il doit cependant les
connaître assez pour en exécuter la pratique à chaque
instant. Aussi nul travail plus raisonné, moins ennuyeux,
et plus intéressant que celui de l'homme des champs I
Oh! heureux, et mille fois heureux l'agriculteur, s'il
savait apprécier tous les avantages de sa position. O
fortuAatoa nimium sua si bona norint agricolas, répéterai-jo
avec le poète latin ; et heureux surtout le cultivateur de
nos riches et fertiles campagnes du Canada I Fidèle à son
Dieu, à son devoir et à sa conscience, il est en paix avec
tout le monde dans son isolement sur sa ferme ; sa bonne
conduite lui mérite la protection du ciel; et ne comptant
que sur la force de ses bras soutenue par la Providence
{)0ur assurer sa vie, il est, pour ainsi dire, sans souci
pour l'avenir, et consume ses jours dans une paix, une
tranquillité, un contentement qu'aucune antre position
nç saurait lui offrir.
— 94 —
Ces prémisses posées, examinons maintenant à quel
point en est l'art agricole dans notre province.
Lorsque, au commencement du XVIIe siècle, nos pères
foulèrent de leurs pieds, pour la première fois, cette terre
d'Amérique, l'art agricole, tenant encore plus du métier
et de la routine que de l'ai't véritable, de cet art surtout
que guide et gouverne la science, pouvait à peine dès lors
être considéré comme sorti de l'enfance. Les méthodes
les plus avantageuses n'étaient encore, à cette époque,
que des routines plus ou moins raisonnées.
Partis des campagnes de la Bretagne et de la Nor-
mandie, qu'une culture peu rationnelle et de fort longue
date avait en partie épuisées, ils crurent, en voyant le
sol vierge et si fertile de notre continent, avoir de suite
à leur disposition un champ d'exploitation d'urie richesse
sans pareille et inépuisable. Encouragés par les récoltes
abondantes qu'ils retirèrent d'abord dans les nouveaux
défrichements, ils s'imaginèrent de suite pouvoir ee passer
de toute règle dans leur manière do traiter le sol. Et
lorsque plus tard, ce sol débarrassé de ses souches, fut
soumis à la charrue, la couche de détritus végétaux qui
s'amoncelaient depuis des siècles, n'étant pas encore
épuisée, et la surface enrichie en outre par les cendres de
la luxuriante végétation dont ils l'avaient dépouillée,
leur permirent de faire des récoltes tellement abondantes
qu'ils se confirmèrent dans leur première erreur. De là,
sans doute, la cause de ces routines vicieuses qui domi-
nent encore aujourd'hui.
Une vigueur de végétation sans pareille permettant
aux moissons do résister à des défauts de culture consi-
dérables ; on négligea l'égouttage, ou on ne l'exécuta que
d'une manière fort imparfaite.
Une fertilité du sol incomparable laissa croire qu'on
pouvait sans fin tirer de la terre, sans jamais rien lui
rendre ; et on négligea les engrais, les laissant se perdre
en grande partie.
Les mauvaises herbes envahirent peu-à-peu les champs ;
et on ne se donna aucun trouble pour les combattre,
pour restreindre leur difi'usion.
On ne tint pas compte du long établement des ani-
maux durant la saison rigoureuse, et on en vint bientôt
à no les traiter qu'autant qu'il lo fallait pour no pas les
— 95 —
laisser crever de misère durant l'hiver, attendant au
printemps pour qu'ils pusbent se refaire d'eux-mêmes
avec l'herbe tendre de la nouvelle végétation.
Tels furent les défauts qui prévalurent dès l'origine
dans notre agriculture, et tels sont ceux qui prédominent
encore de nos jours, défauts qu'on peut résumer dans les
chefs suivants, savoir : absence d'engrais, égouttage
imparfait, labours défectueux, animaux insuffisants, ab-
sence de comptabilité.
lo Absence d'engrais.— Il y a une règle en agriculture
qu'on oublie généralement, c'est qu'il faut rendre au sol,
en proportion de ce qu'on lui enlève. Les plantes tirent
du sol les principes nécessaires à leur nutrition, il faut
restituer, par des engrais convenables, ces principes
ainsi enlevés. Si on ne voit, la plupart du temps, qu'un
sol épuisé dans nos anciennes paroisses, qui ne produit
plus qiiedes mauvaises herbes, c'est qu'on l'a ainsi ruiné
en semant grain sur grain, pendant des années, sans
jamais appliquer d'engrais. Il n'est pas rare de trouver
des pièces de terre où l'on a enlevé jusqu'à douze et
quinze récoltes consécutives sans aucune application
d'engrais. Il faut réellement une fertilité, une richesse
do sol tout exceptionnelles, pour avoir pu résister à une
telle méthode. Et souvent on peut voir sur les mêmes
fermes, des tas des plus riches fumiers se consumer inu-
tilement à l'air aux portes des bâtiments, ou encombrer
même les logements intérieurs.
Le cultivateur intelligent recueille avec soin tous ses
fumiers, n'en laisse pas même perdre la plus petite por-
tion, s'ingénie à confectionner des engrais artificiels, et
délie même souvent les cordons de sa bourse à cette fin,
lorsque les produits de ses étables ne suffisent pas; par
ce qu'il est convaincu que nul fonds ne peut lui rappor-
ter de meilleurs intérêts que les engrais qu'il répand sur
ses champs ; que nul capital ne peut être plus avanta-
geusement placé. Dans les pays d'Europe, comme la
Belgique, par exemple, où les règles de l'agriculture
sont mieux comprises, et où la division de la propriété
forceà retirer du sol autant qu'il peut produire, les cul-
tivateurs mettent leur orgueil à montrer la plus grande
quantité d'engrais possible amoncelée à leur porte. Les
déchets de la cuisine, les déjections des animaux dans
— ge-
lés chorains, les mauvaises herbes, tout est recueilli
avec soin et porté sur le tas. La quantité d'engrais
recueillie chaque année, est l'enjeu de rigueur pour la
récolte de l'année suivante. On ne moissonnera qu'on
raison de la quantité des engrais que l'on aura appliquée.
Si ces cultivateurs étaient témoins du peu de cas que nos
habitants des campagnes font généralement des engrais,
ne diraient-il pas, avec raison, que ces gens courent vo-
lontairement à leur ruine I
Pendant des années et des années, dans' la plupart do
nos anciennes paroisses, on a fait alterner des récoltes
avec dos pâturages dans les mêmes champs. Il faut re-
connaître que c'est là une méthode tout à fait ruineuse ;
le repos d'une année, sans addition d'engrais, n'est pas
suffisant pour permettre au sol de se refaire de lui-même,
après une récolte de céréales. Aussi on peut voir par les
recensements quels faibles rendements à l'arpent donne
notre province : huit A neuf minots de blé, 20 minots
d'avoine, etc. ; tandis que pour rémunérer convenable-
ment, il faudrait au moins le double de ces quantités.
Qu'on amène les engrais, et qu'on cultive avec soin, on
les obtiendra sans peine et même bien au-delà.
2"» Egouttage imparfait. — Un égouttage soigné est de
rigueur dans toute bonne culture et grand nombre de
nos cultivateurs paraissent ignorer ce principe. Il y a
bien peu de fermes où l'on ne pourrait montrer, chaque
année, plusieurs pièces de culture, perdues par défaut
d'égouttago. On s'habitue tellement à laisser les eaux s'en
aller d'elles-mêmes en imbibant Iç sol, qu'on n'égoutto
pas même les chemins ; delà bris de voitures et de har-
nais, fatigue des bêtes, et roulage des plus fatiguants.
On a fait à grands frais, dernièrement, des essais de
drainage, et sans succès. Ce n'est pas que la chose fut
sans à propos, ni d'exécution trop difficile ; mais c'est
que notre peuple manque encore des connaissances
suffisantes pour apprécier un mode si avantageux, un
moyen si puissant de communiquer au sol une nouvelle
activité. Tant que nos cultivateurs ne seront pas con-
vaincus de l'importance d'égoutter parfaitement, ce sera
prêcher dans le désert, que d'aller les engager à prati-
quer le drainage. Il n'y a pas beaucoup à espérer que
des gens qui no veulent seulement pas sedonner la peine
— 97-
dWnir des fossés et des rigoles à découvert, consenti-
ront à pratiquer à plus grands frais des égouttages sOa-
terrains. Je suis d'avis que c'était là une amélioration
prématurée, et qu'il y en aurait beaucoup d'autres pluis
faciles et moins dispendieuses à faire adopter d^abord.
3° Labours défectueux. — Je comprends ici avec les
labours proprement dits, les différentes façons que l'on
donne au sol pour le pulvériser, telles que hersages,
emploi des scarificateurs, des brise-mottes, etc. On sait
que les plantes tirent du sol par leurs racines, les sucs
nourriciers qui leur conviennent. Or, plus le sol sera
pulvérisé, et plus les plantes seront à même de profiter
de tous ses sucs ; car si le sol n'est que divisé en mottes,
ces mottes pourront renfermer des sucs abondants, que
n'atteindront pas les racines qui passeront entre elles
sans les pénétrer.
Dans beaucoup d'endroits aussi, on exécute des
labours bien trop superficiels, n'ayant pas assez de pro-
fondeur. Plus la couche de terre que vous enlevez
avec la charrue et soumettez aux influences atmosphé-
riques est épaisse, et plus abondantes seront les sources
que vous offrirez aux racines des plantes pour leur nour-
riture ; car les racines des plantes cultivées pénètrent
peu ou point, d'ordinaire, au-delà de la couche attaquée
par la charrue. Ajoutons qu'il n'y a rien de plus efficace
pour épuiser une terre promptement que ces labours
superficiels.
4° Animaux insuffisants. — Dans une ferme bien orga-
nisée, les différentes parties doivent conserver entre
elles un certain équilibre. Les animaux, par exemple,
doivent être en proportion de la surface que l'on a en
rapport. Avec Beaucoup d'animaux, on aura beaucoup
d'engrais ; avec beaucoup d'engrais, on aura beaucoup
de céréales et de fourrages: et c'est ainsi que l'équilibre
se maintiendra. Mais, généralement, les animaux sont
trop peu nombreux chez nos cultivateurs, et ce qui est
encore plus blâmable, on les néglige trop, et beaucoup
trop, sous le rapport de la nourriture et des soins.
Ayez de bons animaux, entretenez les convenablement,
et vous en retirerez de forts profits ; au contraire, quel-
ques animaux -que vous ayiez, si vous les négligez, si
TOUS les privez d'une nourriture suMsante, ils ne vous
irapporteront rien et vous mineront
— 98 —
Qaant aux races à choisir, ce n'est pas généralement
sous ce rapport que pèchent le plus nos cultivateurs, car
comme je viens de le dire, se sont les bons soins, la nour-
riture convenable et abondante, qui font les bons ani-
maux. Les meilleures races sans les soins convenables,
dégénèrent bientôt et ne donnent aucun profit.
Il est cependant des races tellement défectueuses,
qu'elles doivent être sans examen proscrites, par ce
qu'elles ne peuvent rémunérer des soins qu'on leur
donne. Telles sont ces moutons à poils plutôt qu'à laine,
ces cochons dits canadiens qu'on voit encore en si grand
nombre dans le comté de Charlevoix et dans le Sague-
nay. Ces cochons, cornus, osseux, mangent beaucoup et
Bont très-difficiles à prendre la graisse. On devrait sans
délai les remplacer par d'autres beaucoup plus avanta*
geux sous tous les rapports.
5*^ Absence de comptabilité. — Tout commerçant, tout
industriel, en un mot tout homme sage et prudent fai-
sant des affaires, ne manque pas de se rendre compte de
temps à autres de chacune de ses opérations, pour con-
stater le profit réalisé, et quelquefois, par contre^ la
perte encourue, afin d'en tirer dos conséquences pour sa
conduite ultérieure. C'est aussi ce que fait le cultivateur
intelligent et soucieux. Chaque année, il alligne en dé-
penseu et en recottes ses diverses opérations de culture,
pour voir jusqu'à quel point telle ou telle lui a été rému-
nérative, ou peut-être désavantageuse.
Il n'est aucun cultivateur, sans doute, qui ne se rende
un compte quelconque de ses opérations. Chacun peut
se dire à la fin de l'année : j'ai eu une bonne récolte cette
année, j'ai été bien payé de mes travaux ; ou peut-être
malheureusement: je n'ai pas eu de succès, j'ai travaillé
pour rien. Voilà ce qae chacun peut se dire ; mais ce compte
rendu superficiel ne suffit pas pour une comptabilité
rigoureuse et efficace. Il faut pouvoir se rendre compte
de chaque opération, de chaque culture en particulier,
Lfin de voir sur quel point porter spécialement son
attention ; noter, pour les éviter, les défauts qui ont pu
amener l'insuccès ; reconnaître les opérations qui ont été
les plus rémunératives, pour s'étendre davantage sur
celles-ci.
C'est parce que la plupart des cultivateurs négligent'
— 99 —
la comptabilité, no se rendent ainsi compta que superfi-
ciellement, qu'un si grand nombre courent à leur perte,
sans presque s'en apercevoir, reconnaissant le gouffre
qu'ils ont agrandi chaque année sous leurs jms, lorsque
déjà, il n'est plus possible de l'éviter. C'est aussi pour la
même raison que tant de cultivateurs, qui d'ailleurs ne
reculent pas devant le travail, perdent si facilement et
sans cause légitime, un temps que les soins de leur cul-
ture réclament souvent sans délai. Une séance de con-
seil municipal, où aucun intérêt particulier n'est en jeu,
nme course de chevaux, une séance de cours de com-
missaires, etc., viennent-elles à avoir lieu, aussitôt les
travaux des champs sont laissés là; un jour, deux jours
sont ainsi souvent perdus inutilement, lorsque peut-être
le succès de leur récolte dépendra entièrement de cette
négligence. Car il n'est pas de situation qui réclame
une vigilance plus assidue, plus attentive, que celle du
cultivateur. Pour peu qu'il manque sous ce rapport, il
court infailliblement à sa ruine.
La perte du temps est irréparable pour tout le monde,
mais pour l'agriculteur, une seule journée suffit quel-
quefois pour amener sa ruine. Telle pièce de terre est
aujouM'hui en condition suffisante pour être labourée,
ensemencée, etc., on attend au lendemain, et ce lende-
main amènera peut-être un changement de temps qui
rendra l'opération impossible pour la saison. Telle pièce
de foin ou de grain est prête à être moissonnée ou en-
grangée ; on ratarde, et peut-être qu'on ne sauvera pas
même la moitié ou le quart de la belle récolte qu'on
avait déjà sous la main.
Le cultivateur soigneux, vigilant, intelligent, donne
donc une attention toute particulière à la comptabilité
dans ses diverses cultures ; tout est réduit en recettes et
en dépenses, afin de pouvoir en appliquer le résultat à
profit ou à perte. Le temps que l'on met à labourer,
herser, égoutter, clôturer chaque pièce, avec le coût de
la semence, puis le moissonnage, le battage, vannage,
etc., sont entrés à la dépense ; et vis-à-vis, le rapport,de
cette pièce en grain, paille, etc., avec estimation aux
Erix courants pour l'année, sont apposés comme recette.
;'on voit ainsi d'un coup d'oeil jusqu'à quel point l'opé-
ration a été avantageuse ou non, afin d'en tirer des con-
.100 —
séq^uences pour la suite. Les rappc^H de oes diverses
opérations sont conservés chaque année, pour servir de
termes de comparaison plus tard. Le cultivateur qui en
agit ainsi, ne marche pas en aveugle, et à chaque tran-
saction qu'on lui propose, il connaît de suite sur quelles
ressonrices il peut raisonnablement compter pour lui
permettre de l'accepter, ou s'il ne doit pas plutôt la
refuser absolument, quelque avantageuse qu'elle puisse
paraître à certains égards.
Il est facile de voir par ce qui vient d'être exposé que
l'art agricole, dans notre province, n'est pas encore sorti
de l'enfance, si toutefois il ne se confond pas avec la
routine. Je dois ajouter cependant que depuis à peu près
une quinzaine d'années, depuis surtout l'établissement
de nos écoles d'agriculture, on peut constater que des
progrès, quoique lents encore et non généralisés, se sont
opérés en fait d'améliorations. On commenne à com-
prendre, en plus d'un endroit, la valeur des engrais, la
proportion des animaux qu'il faut tenir dans une ferme
pour conserver l'équilibre, l'importance de semer des
graines fourragères pour s'assurer de bons pacages et
i|iieux traiter le bétail, la nécessité d'égoutter avec plus
de soin, de faire de meilleurs labours, etc. Les quelques
élèves qui sortent chaque année de nos écoles d'agricul-
ture ne contribuent pas peu, par leurs remarques dans
l'occasion, et aussi par leurs exemples, à faire comprendre
la nécessité de ces réformes. Espérons que, leur nombre
augmentant, ces améliorations se généraliseront de plus
e|i plus, et qu'on verra, chaque année, la routine vioieuflô
qui prévaut encore aujourd'hui, remplacée peu à peu
par une méthode plus rationnelle et plus praticable.
Los moyens d'activer ce progrès, est ce qui me rest©
à examiner.
Ces moyens, quels qu'ils puissent être, ne pourront,
dans tous les cas, agir que fort lentem^t, car on ne
ohange. pas d'un coup les habitudes d'un peuple. Quelque
peu rationnelle que soit la méthode que ce peuple suit,
quelque ruineuse même qu'elle soit reconnue, ea défec-
tuosité uc peut jamais être admise sans hésitation par
tout le monde; il s'en trouve tot^ours qui tiennent
obstinément à l'ancienne pratique. D'un autre côté, les
iiUGGèB en agricultq^e tiennent àtant de oausM di^ér^ntcug,
l
u'il faut souvent attendre loDgtompa pour que lesdrc^
e la science soient généi-alement admis, et Qi^e lea
in»accès ne lui soient pas imputés, lors même qu'ils dé-
pendent de la négligence ou de l'ignorance des règles
les mieux établies.
Pour parer aux défauts que j'ai signalés, pour activer
le progrès dans la réforme, pour assurer une marche plus
constante dans la bonne voie, je réduis à quatre cne&
principaux les mesures qu'il conviendrait d adopter: 1»
Réorganisation du département de l'agriculture ; 2o
Maintien d'un bon journal agricole ; 3° Un plus grand
encouragement aux écoles d'agriculture ; et 4° B^lis^
sèment d'un musée agricole.
10 Le département de l'agriculture, tel qu'organisé
aujourd'hui avec le conseil qui lui est adjoint, est-ilbien
propre à promouvoir le progrès de la science agricole ?
Quant à moi, je ne le crois pas. Je vois surtout dans
le conseil une complication de rouages qui, iQin 4^ con*
tribuer au progrès, lui est plutôt un obstacle, une entrave ;
et je m'appuie, pour lu juger ainsi, tant sur son orgapi*
sation propre, que sur ses actes passés.
Ce qui est l'affaire de iout le monde, devient ipuvent
l'ai&ire de personne, surtout dans une organisation
comme celle du conseil d'agriculture, où les meml»*es ne
sont personnellement responsables à personne, et pariai
lesquels des divergences d'opinion, suite souvent d'inté-
rêts particuliers ou de vues politiques pour favoriser un
parti, viennent mettre obstacle aux mesures les plus
avantageuses et paralyser les efforts les mieux dirigés.
Comme dans tous les oorps ou réunions d'hommes, il
n'y a d'ordinaire que quelques chefe— et souvent un
seul — qui conduisent; que les autres ne servent qu'à
appuyer, éclairer, prêter main-forte dans l'oocaeioa à ces
chefs; je voudrai de même une autorité ooiiataate et
permanente dans le département de l'pgricHlture, dans
fa personne, par exemple, d'un surintendant entendu, à
la hauteur de sa tâche, sous la responsabilité du ministre,
mais qui ne serait paB:CQmmie lui exposé à des change-
ments avec les partis politiques. Ji'unité d'action d^d
tpnte association est une condition essentielle de succès.
Ce surintendant ou assistant-commisfsaire aurait pour
9ttnl>atiQ03 spéoiAtoa jefoaQtiannemGiitdo 1a loi d'/^l-
— 102 —
onlttii^e, la surveillance des écoles de cet art, la surinten-
dance des musées, etc. Il aurait pour s'éclairer dans sa
marche, les comités d'agriculture de la chambre d'as-
sembléoj la tenue des expositions, sa correspondance avec
les différentes sociétés d'agriculture de comtés, avec les
directeurs des écoles d'agriculture, les visites qu'il serait
tenu de faire à ces dernières, etc. Il serait, en un mot,
Sour l'agriculture, à peu près ce qu'est le surintendant
es écoles pour l'instruction publique.
C'est parce que cette unité d'action à fait défaut dans
le département de l'agriculture, qu'on a vu plus d'une
mesure émaner du conseil que l'intérêt du bien public
serait impuissant à justifier. J'en citerai quelques-unes.
On conçut, il y a quelques années, le louable projet
d'établir un musée agricole. De suite on décida d'envoyer
le secrétaire du conseil aux Etats-Unis, pour voir com-
ment on pratiquait la chose là. M. le Secrétaire alla
donc, aux frais de la province, faire une visite à Albany
et à Washington. Il revint enchanté de son voyage ;
fit un rapport soigné de tout ce qu'il avait vu ; et tout
demeura là. C'était une dépense de 91000 à $1200 au
profit d'un seul homme !
Plus tard, voilà qu'on s'enthousiasme tout-à-coup pour
le drainage. On veut porter nos cultivateurs à fouiller
jusque dans la profondeur du sol, avant même de l^iur
avoir appris à en gratter convenablement la surface. On
accorde un bonus de $4000 (si je ne me trompe) à un fabri-
quant de tuyaux de Montréal, qu'il en vende beaucoup,
Eeu ou point, et l'on fait venir, à grands frai^, un jeune
omme d'Ecosse, pour diriger les débutants dans cette
opération nouvelle pour la plupart. Le bonus fut payé
au fabriquant, le voyage du jeune homme de même ;
mais ses services n'étant requis par personne, on fUt
obligé de lui payer de plus son retour en Europe. C'étaient
encore quelques milliers de piastres gaspillées, parce que
ceux qui avaient obtenu cette dépense, n'ét^àenil respon-
sables à personne.
Plus tard encore, on ouvrit un concours pour un traité
d'agriculture. Une médaille d'or avec $300 en argent
devaient être la récompense du lauréat. Mais la chose
est à peine croyable ; on accorda le prix à un ouvrage
incomplet, non encore terminé, à condition que l'auteur
-103-
le terminerait plus tard. Cet auteur a reçu, je pense bien,
et somme et médaille ; mais l'ouvrage a-t-il été terminé î
Je l'ignore ; tout ce que je sais, o'est que le publie n'a
jamais vu cet ouvrage. A quoi bon payer pour des traités
qui demeurent enfouis dans les archives du conseil t
Citons encore un exemple pour faire resortir davan-
tage les défectuosités du rouage administratif dans les
anaires d'agriculture.
Pendant plus de cinq ans, nous avons été sans avoir
un journal d'agriculture, lorsque cependant le oouseil
avait à sa disposition, ou du moins pouvait l'avoir, l'ar-
gent nécessaire pour une telle publication. Quelle était
donc alors la cause du reiai'd ? Uniquement les diver-
gences d'opinion des membres du conseil. Celui-ci vou-»
lait avoir le journal à Montréal, cet autre à St.- Hyacinthe,
un autre à Québec, un autre enfin à 8te.-Anne. Quand
on en venait à prendre des votes sur le sujet, du moment
qu'on apercevait qu'une localité allait l'emporter sur
lautre, on proposait de suite un délai de trois mois, et
la motion était aussitôt emportée. Cette comédie se répéta
pendant plus de cinq ans, et le public était toujours-là à
attendre son journal. N'est-il pas évident qu'avec une
direction unique, doux ou trois mois au plus auraient
suffi pour mettre la publication sur pied ?
Mais, pourra-t-on dire, est-ce que le ministre n'est pas
directement responsable à la chambre de touti les actes de
de son département ? Oui, sans aucun doute ; mais quelle
excuse pour ce ministre, quand il peut dire qu'il n'a
sanctionné telle mesure, que parce qu'elle lui avait été
soumise par un corps aussi compétent, aussi honorable
que le conseil d'agriculture.
2o. Maintien d'un bon journal d'agriculture. — Les ré*
formes en agricultures, comme je l'ai fait observer plus
haut, ne s'opèrent que difficilement et^fort lentement. Ce
n'est qu'en obsédant le peuple, pour ainsi dire, qu'en le
prêchant à temps et à contretemps, qu'on parvient à le dé-
cider à changer ses habitudes. Mais quel sera le mis-
sionnaire de cette utile prédication ? Ce sera le journal,
la publication périodique.
Quelque efficace que puissent être les lectures a«
peuple, les coursdansles institutions agricoles, ces|moyena
SQ borneront toiyours à un nombre asses restreint d'audit
-Ié4
iémtê; 0^ ne potunra se fhir« entendre die tdns, et snrtûtti
nrodaii^e U couviétk» ches le pitis grftnd nombre. Mais le
^umal, lui, sahi^, pour ainsi dire^ ragticnheur pas à
paa poar \m faire la leçon dans l'occasion, pour lai
signaler le» déflaut à corriger, lui rappeler les préceptes
mis en onbli. Le jdurnal pénétrera dans les chaumières,)
prendra place au fbyer dé la famille, et sera, toUjou}rs
prêt à livrer à tous ses recettes économiques, sa direction
dans les opérations nouvelles, l'expérience des devanciers
dans les essais de tout genre, etc. Il fera encore con-
naître )e mouvement dé hausse et de baisse âQR produits
agricoles sur les marchés, les articles les plus en de-
mande dans le moment, les prévisions de 1 avenir pour
bftse de ealoals, etc., etc. ; il tiendra, en un mot, le culti-
vateur constamment au courant du mouvement agricole
en monde entier, pour qu'il puisse ju^er par lui-même
si; réellement, il smt la bonne méthode, s'il marche dans
la voie dm progrès, on au contraire peut-être, s'il ne
s'obstine pas à courir à sa ruine en persévérant danâ
«ne pratique vicieuse et généralement condamnée.
Un bon journal est donc de rigueur pour le progrèe
en agriculture. Mais pour le rendre plus efficace, je
viE^ndraifl qu'il fàt la propriété d'un particulier, avec
allocation suffisante pour rencontrer les vues du dépar-
tetnent. Il n'y a rien do tel qu'un propriétaire pour sur-
vùilter convenablement une publication ] tandis <^u'un
joarnal aux fixais du gouvernement manque souvent
d'intérêt et d'éflleacité, parce qu'on ne tient qu'indirec-
tement à son succès et ^u'on n'a rien à craindre pour
Btm maintien.
3o. Encouragement aux écoles d*agriculture. — Après
1r réforme du département et la tenue d'un bon journal,
Je considère les écoles d'agriculture comme le moyen le
plus effîeace d'activer le progrès dans l'art agricole.
La pratique en agriculture vaut certainement beau-
eeupi mais la pratique seule est impuissante pour la
réforme des abus; d'un autre côté, l'agriculture bien
•wtondue, et entendue tel qu'elle doit l'être dans des sols
depuis longtemps exploités, et pour répondre aux besoins
tietuels delà civilisation, est un art véritable. Or, cet art
A'sea préeeptes et sa théorie qu'il ftiut apprendre poxu*
1m «OBiMtilsr»^ et e^wt daas h» ^oies spéoiiues de oef art
ii.106 —
qu'on les apprendra. Nos écoles uctuelles exigent donc
pne surveillance toute particulière de la part du dépar-
tement et une protection des plus libérales.
Comme toutes les institutions nouvelles, nos écoles
d'agriculture, pou comprises quant à leur but et à leur
eflacacité, ont eu à lutter conti-e des difficultés et des
entrav.eb de tout içenre dans leur aébut. Mais aiiiourd'hui
qu'elles ont survécu à ect âge critique, il ne faut pae
leur ménager l'encouragement, afin que chaque année,
a'écbappent de leur sein des essaims de jeunes agricul-
teurs, parfaitement au fait de la théorie de l'art, pour
aller répandre leurs connaissances dans les dififei-entee
contrées de la province. C'est surtout pour la direction
de ces écoles qu'un surintendant serait nécessaire. Les
différentes visites qu'il leur ferait le mettrait en état dé
contrôler efficacement leur enseignement, d'établir des
points de comparaison entre les unes et les autres, de
faire faire le profit ici, des expériences qui auraient été
faites là, de susciter une émulation entre les unes et les
autres pour marcher dans la voie du progrès d'une mar
nière plus sûre et plus efficace, en un mot, d'assurer
davantage leur succès en en faisant en mêqae temps
bénéficier la province.
4o. Etablissement d'un musée agricole. — Enfin les
musées que l'on joint au département de l'agriculture
dans presque tous les anciens états, ne servent pas peu à
éclairer le cultivateur dans uno foule de pointe pour la
pratique de son art. Ces musées sont non-seulement des
salles oià l'on tient exposés, pour l'inspection des culti-
vateurs, les machine» et instruments perfectionnés les
S lus recommandables, des spécimens des grains et pro-
uits des meilleures espèces, les matières brutes et tra-
vaillées qui sont l'objet de la culture ; mais encore des
spécimens des oiseaux insectivores, pour faire connaître
à l'homme des champs ses auxiliaires les plus effectifs ;
des collections d'insectes nuisibles, pour qu'il puisse
distinguer et combattre efficacement ces redoutables
ennemis, qui le soumettent chaque année à une rançon
si considérable, et font parfois périr ses récoites entières,
etc.
Ces musées, par l'étalage constant qu'ils offrent des
productions du pays, en outre du témoignage qu'ils
rendent au visiteur des richesses naturelles de la contrée
8
— 106 —
et des ressources qu'elles peuvent offrir à l'exploitation,
servent encore à démontrer le degré de civilisation qu'on
a atteint, et deviennent, pour les savants, des sanctuaires
où ils vont poursuivre leurs recherches, ou déposer les
trophées de leurs victoires sur l'inconnu.
J'ajoute que l'établissement de tels musées est des plus
faciles et fort peu dispendieux. Comme les spécimens
abondent partout, il ne s'agit que de les recueillir pour
les déposer dans des appartements spéciaux. Un seul
homme de science suffit pour les ranger dans un ordre
méthodique et conforme aux règles des classifications.
Les espèces s'ajoutant chaque jour aux espèces, on par-
viendrait, en peu d'années, à posséder un ensemble des
plus complets des productions naturelles du pays.
Et quant aux machines d'agriculture, rien de plus
facile aussi ; chaque fabricant s'empresserait d'offrir au
musée des spécimens de sa manufacture. Il y trouverait
un avantage tout particulier ; car ce serait une enseigne
de ses produits déposée dans le lieu le plus exposé aux
visites des chalands et le plus propre, par conséquent,
à lui assurer un prompt débit.
Si des particuliers, presque sans ressources, parvien-
nent petit à petit, en assez peu de temps, à se former
des musées considérables; il n'y a pas de doute que le
gouvernement, en portant son attention de ce coté là,
ne parvînt, en bien moins de temps encore, à atteindre
le même résultat.
Que le gouvernement donne à l'agriculture l'attention
«t la protection qu'elle est en droit d'exiger, et l'on
verra bientôt l'industrie se raviver, le commerce prendre
un nouvel essor, la colonisation prendre de jour en jour
une plus grande expansion, et le pays en entier marcher
à grands pas dans la voie de la prospérité et du progrès.