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Full text of "Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne [microforme]"

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23  WEST  MAIN  STREET 

WEiSTER.N.Y.  MSSO 

(716)  S72-4503 


CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CmiVI/ICMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Instituts  for  Historical  Microreproductions  /  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


mm 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


The 
tôt 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best 
original  copy  available  for  filming.  Features  of  this 
copy  which  may  be  bibliographically  unique, 
which  may  alter  any  of  the  images  in  the 
reproduction,  or  which  may  significantly  change 
the  usual  method  of  filming,  are  checked  below. 


D 


D 


Coloured  covers/ 
Couverture  de  couleur 


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Couverture  endommagée 


Covers  restored  and/or  laminated/ 
Couverture  restaurée  et/ou  pelliculée 


I      I    Cover  title  missing/ 


Le  titre  de  couverture  manque 


L'Institut  a  microfilmé  le  meilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
point  de  vue  bibliographique,  qui  peuvent  modifier 
une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  exiger  une 
modification  dans  la  méthode  normale  de  filmago 
sont  indiqués  ci-dessous. 

□    Coloured  pages/ 
Pages  de  couleur 

□    Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

□    Pages  restored  and/or  laminated/ 
Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 

0    Pages  discoloured,  stained  or  foxed/ 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 


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I      I    Coloured  maps/ 


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Cartes  géographiques  en  couleur 


Coloured  ink  (i.e.  other  than  blue  or  black)/ 
Encre  de  couleur  (i.e.  autre  que  bleue  ou  noire) 


I      I    Coloured  plates  and/or  illustrations/ 


Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 

Bound  with  other  matériel/ 
Relié  avec  d'autres  documents 

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along  interior  margin/ 

La  reliure  serrée  peut  causer  de  l'ombre  ou  de  la 
distortion  le  long  de  la  marge  intérieure 

Blank  leaves  added  during  restoration  may 
appear  within  the  text.  Whenever  possible,  thèse 
hâve  been  omitted  from  filming/ 
Il  se  peut  que  certaines  pages  blanches  ajoutées 
lors  d'une  restauration  apparaissent  dans  le  texte, 
mais,  lorsque  cela  était  possible,  ces  pages  n'ont 
pas  été  filmées. 

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Pages  détachées 

0Showthrough/ 
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D 


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The 
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Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
etc.,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  image  possible. 


This  item  is  filmed  et  the  réduction  ratio  checked  below/ 

Ce  document  est  filmé  au  taux  de  réduction  indiqué  ci-dessous. 


10X 

14X 

18X 

22X 

26X 

30X 

V 

12X 


16X 


20X 


24X 


28X 


32X 


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The  copy  filmed  hère  has  been  reproduced  thanks 
to  the  generosity  off: 

University  of  British  Columbia  Library 


L'exemplaire  filmé  fut  reproduit  grflce  à  la 
générosité  de: 

University  of  British  Columbia  Library 


The  images  appearing  hère  are  the  beat  quality 
possible  considering  the  condition  and  legibility 
of  the  original  copy  and  in  keeping  with  the 
filming  contract  spécifications. 


Les  images  suivantes  ont  été  reproduites  avec  le 
plus  grand  soin,  compte  tenu  de  la  condition  et 
de  la  netteté  de  l'exemplaire  filmé,  et  en 
conformité  avec  les  conditions  du  contrat  de 
f  limage. 


Original  copies  in  printed  paper  covers  are  filmed 
beginning  with  the  front  cove**  and  ending  on 
the  lest  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, or  the  back  cover  when  appropriate.  AU 
other  original  copies  are  filmed  beginning  on  the 
first  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, and  ending  on  the  last  page  with  a  printed 
or  illustrated  impression. 


The  last  recorded  frame  on  each  microfiche 
shall  contain  the  symbol  -^  (meaning  "CON- 
TINUEO  "),  or  the  symbol  V  (meaning  "END"), 
whichever  applies. 


Les  exemplaires  originaux  dont  la  couverture  en 
papier  est  imprimée  sont  filmés  en  commençant 
par  le  premier  plat  et  en  terminant  soit  par  la 
dernière  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration,  soit  par  le  second 
plat,  selon  le  cas.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration  et  en  terminant  par 
la  dernière  page  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 

Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  symbole  -^  signifie  "A  SUIVRE",  le 
symbole  V  signifie  'FIN  ". 


Maps,  plates,  charts,  etc.,  may  be  filmed  at 
différent  réduction  ratios.  Those  too  large  to  be 
entirely  included  in  one  exposure  are  filmed 
beginning  in  the  upper  left  hand  corner,  left  to 
right  and  top  to  bottom,  as  many  f  rames  as 
required.  The  following  diagrams  illustrate  the 
method: 


Les  cartes,  planches,  tableaux,  etc.,  peuvent  être 
filmés  à  des  taux  de  réduction  différents. 
Lorsque  le  document  est  trop  grand  pour  être 
reproduit  en  un  seul  cliché,  il  est  filmé  à  partir 
de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  à  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


1 

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ESSAI  POLITIQUE 


SUR  LE  ROYAUME 


DE   LA 


NOUVELLE-ESPAGNE. 


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ESSAI  POLITIQUE 


SUR  LE   ROYAUME 


D£   LA 


NOUVELLE  -  E SPiVGNE. 


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PAR  AL.  DE  HUMBOLDT. 


TOME  DEUXIÈME. 


A     PARIS, 

Chez  F.  SCHOELL,    Libkaire,  rue    des    Fossés- 
Saint- Germain -l'Auxerhois,  a."  u^. 

1811. 


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LIVRE  IL 


CHAPITRE  VIL 

Blancs  ,  Créoles  et  Européens,  —  Leur 
civilisation.  —  Inégalité  de  leurs  fortunes. — 
Nègres.  —  Mélange  des  Castes.  —  Rapport 
des  sexes  entreux.  —  Longévité  selon  la 
différence  des  races.  —  Sociabilité, 


1  ARMi  les  habitans  de  race  pure  ,  les  blancs 
occuperoient  le  second  rang  ,  si  on  ne  les 
considéroit  que  sous  le  rapport  de  leur 
nombre.  On  les  divise  en  blancs  nés  en  Eu- 
rope, et  en  ;descendans  des  Européens  nés 
dans  les  colonies  espagnoles  de  rAmérique 
ou  dans  les  îles  asiatiques.  Les  premiers 
portent  lel  nom  de  chapetones  ou  de  gachu- 
pines  y  les  seconds  celui  de  criollos.  Les  natifs 
des  îles  Canaries  ,  que  l'on  désigne  géné- 
ralement sous  la  dénomination  à'islenos 
(  hommes  des  îles  ) ,  et  qui  sont  les  gérans 
n.  1 


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n. 


Liviu:  II 


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des  plaiilalions;  se  considèrent  comme  Eu- 
ropéens. Les  lois  ospagnolcs  accordent  Jcs 
nicnics  droits  à  tous  les  jMancs;  mais  ceux 
qui  sont  î'.ppelcs  à  exécuter  les  lois  cherchent 
à  détruire  inie  égalité  qui  blesse  ror<>ueil 
européen.  Le  gouvernement,  tjui  se  méfie 
des  créoles,  donne  les  grandes  places  exclu- 
sivement aux  natifs  de  l'ancieime  Espagne. 
Depuis  quelques  années  ,  on  disposoit  même 
à  Madrid  des  plus  petits  emplois  dans  l'ad- 
ministration des  douanes  ou  dans  la  ré"'ie  du 
tabac.  A  une  époque  où  tout  tendoit  vers 
un  relâchement  général  des  ressorts  de  l'état, 
le  système  de  vénalité  fit  des  progrès  effrajans. 
Le  plus  souvent,  ce  n'étoit  point  une  poli- 
tique soupçonneuse  et  méfiante  ,  c'étoit  l'in- 
térêt pécuniaire  seul  qui  faisoit  passer  tous 
les  emplois  aux  mains  des  Européens.  Il  en 
est  résulte  des  motifs  de  jalousie  et  de  haine 
perpétuelle  entre  les  chapetones  et  les  créoles. 
L'Européen  le  plus  misérable,  sans  éduca- 
tion ,  sans  culture  intellectuelle  ,  se  croit 
supérieur  aux  blancs  nés  dans  le  nouveau 
continent  ;  il  sait  que  ,  protégé  par  ses  com- 
patriotes ,  favorisé  par  des  chances  assez 
communes  dans  des  pays   où  les   fortune» 


flic  Eu- 
[ciît  Jes 
is  ceux 
crchent 
oi'<>iieil 
i  nicfie 

cxclu- 
îpagiie. 
\  iiiéiiie 
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>it  l'in- 
:r  tous 
5.  Il  en 
c  haine 
rcoles. 
^duca- 
î  croit 
)uveau 
5  com- 

assez 
rtuixe» 


CHAPITRE    vif.  3 

s'acquièrent  aussi  rapidement  qu  elles  se  dé- 
truisent ,  il  peut  un  jour  parvenirà  des  places 
dont  l'accès  est  presque  interdit  aux  natifs  , 
même  à  ceux  qui  se  distinguent  par  leurs 
talens ,  par  leurs  connoissances  et  par  leurs 
qualités  morales.  Ces  natifs  préfèrent  la  dé- 
nomination à'Jméncaifis  à  celle  de  créoles. 
J3epuis  la  paix  de  Versailles ,  et  surtout  depuis 
l'année  1789,  on  entend  souvent  dire  avec 
fierté  :  «  Je  ne  suis  point  Espagnol,  je  suis 
Américain  » ,  mots  qui  décèlent  l'effet  d  un 
long  ressentiment.  Devant  la  loi,  tout  créole 
l)lanc  est  Espagnol  ;  mais  l'abus  des  lois  ,  \qs 
fausses  mesures  du   gouvenement  colonial, 
l'exemple  des  états  confédérés  de  l'Amérique' 
septentrionale  ,  l'influence  des  opinions  du 
siècle ,  ont  relâché  les  liens   qui  unissoient 
jadis  plus  intimement  les  Espagnols  créoles 
aux  Espagnols  européens.  Une  sage  adminis- 
tration pourra  rétabHr  l'harmonie,  calmer 
les  passions  et  le  ressentiment  ,  conserver, 
peut-être  encore  pendantlong-temps,  l'union 
entre  les  membres  d'une  même  et  grande 
Qmiille  éparse  en  Europe  et  en  Amérique , 
depuis  la  côte  des  Patagons  jusqu'au  nord  de 
la  Californie. 


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4  LIVRE    11, 

Le  nombre  des  individus  qui  constituent  la 
race  blanche  (  casta  de  los  Llancos  au  de  los 
EsptiTioles  )  ,  s'élève  probablement  ,  dans 
toute  la  Nouvelle-Espagne ,  à  i  ,200,000  d  nt 
près  de  la  quatrième  partie  habite  les  w- 
vincias  internas.  Dans  la  Nouvelle-Lisca)  e  ou 
dans  l'intendance  de  Durango ,  il  n'existe 
aucun  individu  sujet  au  trilnit.  Piesqiie  tous 
les  habitans  de  ces  régions  les  plus  septcn- 
trionsles  prélendent  être  de  race  pure  euro- 
péenne. 

L'année  1 793,  on  compta,  sur  une  population 
totale , 

dans  Tintendance  de  Gua- 

naxuato , 
dans  celle  de  Valladolid, 
dans  celle  de  Puebla, 
dans  celle  d'Oaxaca, 


âme.*.  Eiip«(>noh. 

398,000  100,000 

290,000  80,000 

638,000  63,000 

4 11,000  26,000 


Tel  est  le  simple  résultat  >  du  dénombre- 
raent,  en  n'y  faisant' aucun  des  changemens 
qu'exige  l'imperfection  de  cette  opération  , 
que  nous  avons  discutée  dans  le  cinquième 
chapitre.  Par  conséquent  ,  dans  les  quatre 
intendances  voisines  de  la  capitale ,  on 
trouva  272,000  blancs,  soit  Européens  ^  soit 


CHAPITRE    VU.  5 

descendans  d'Européens  ,  sur  une  population 
totale  de  1,707,000  âmes.  Sur  centhabitans  , 
il  y  avoit  : 

dans  l'intendance  de  Valladolid  ,  27  blancs. 

de  Guanaxuato,  20 
de  Puebla ,  9 

d'Oaxaca,  6 

Ces  différences  considérables  indiquent  le 
degré  de  civilisation  auquel  éloient  parvenus 
les  anciens  Mexicains  au  sud  de  la  capitale. 
Ces  régnons  les  plus  australes  étoient  de  tout 
temps  les  plus  habitées.  Au  nord,  comme  x 
nous  l'avons  observé  plusieurs  fois  dans  le 
courant  de  cet  ouvrage  ,  la  population  in- 
dienne étoit  plus  clair-semée  :  l'agriculture 
n'y  a  fait  de  progrès  sensibles  que  depuis  le 
temps  de  la  conquête. 

Il  est  intéressant  de  comparer  le  nombre 
des  blancs  dans  les  îles  Antilles  et  au  Mexique. 
La  partie  françoise  de  Saint-Domingue  avoit , 
même  à  l'époque  la  plus  heureuse ,  en  1788, 
sur  une  surface  de  1 700  lieues  carrées  (  de 
25  au  degré  ) ,  une  population  moindre  de 
celle  qu'offre  l'intendance  de  la  Puebla.  Pao-e  » 

*  Vol.  II ,  p.  5,  En  1802 ,  ou  ne  compta  plus,  dans 


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LIVRE    II, 

évalue  la  première  à  620,000  habitans ,  parmi 
lesquels  il  y  avoit4o,ooo  blancs,  28,000  affran- 
cbis  et  4«'^2,ooo  esclaves.  Il  en  résulte  pour 
Saint-Domingue  ,  sur  100  âmes  ,  8  blancs  ,  6 
hommes  de  couleur  libres ,  et  86  esclaves 
africains.  La  Jamaïque  comptoit ,  en  1  ySy , 
sur  100  habitans,  10  blancs,  4  hommes  de 
couleur  et  86  esclaves ,  et  cependant  cette 
colonie  angloise  a  un  tiers  de  moins  de  po- 
pulation que  l'intendance  d'Oaxaca.  Il  en 
résulte  que  la  disproportion  entre  les  Euro- 
péens ou  leurs  descendans  et  les  caslcs  de 
sang  indien  ou  africain ,  est  encore  plus  grande 
dans  les  parties  méridionales  de  la  Nouvelle- 
Espagne  qu'aux  îles  Antilles  françoises  et 
angloises.  L'île  de  Cuba  ,  au  contraire  ,  offre 
jusqu'à  ce  jour,  dans  la  distribution  des  races, 
une  différence  bien  grande  et  bien  conso- 

toute  l'ile  de  Saint-Domingue ,  que  376,000  habitans, 
parmi  lesquels  290,000  laboureurs  ,  47,700  domes- 
tiques, manourrlers  et  matelots,  et  37,000  soldats. 
Jusqu'à  quel  point  la  population  aura-t-eile  diminué 
dans  les  derniers  six  ans?  A  l'ile  de  la  Barbade,  le 
nombre  des  blancs  est  plus  considérable  que  dans  le 
reste  des  Antilles  ;  on  y  trouve ,  sur  une  population 
totale  de  80,000  habitans,  i(),oqo  blancs. 


CHAPITLE    VIT. 


> ,  parmi 
)  a/Fran- 
te  pour 
lancs ,  6 
?sclaves 
1  1787, 
mes  de 
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de  po- 
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Kiiro- 
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races, 
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bitans, 

lomes- 

ioldats. 

iniinué 

de,  le 

lans  le 

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lante.  D'après  des  reclierclies  stalisticpics  très- 
soignées,  que  j'ai  eu  occasion  de  Taire  pendant 
mon  séjour  à  la  Havane,  en  1800  et  en  i8o4» 
j'ai  trouvé  qu'à  la  dernière  de  ces  époques, 
la  ])Oj)ulalion  totale  de  l'ilc  de  (Juba  éfcoit  de 
/|52,goo  Ames  ,  parmi  Jescpiellcs  il  y  a  voit  : 


A.  Hommes  libres 02 '1,000 

blancs  ,  2  5 '1,000 

de  couleiM'.     90,000 

B.  Esclaves 1 08,000 


Total. .452,000 

OU  sur  100  habilans,  6/1  créoles  et  Européens, 
21  hommes  de  couleur  et  20  esclaves.  Les 
hommes  libres  y  sont  aux.  esclaves  comme  5 
à  1  ,  tandis  qu'ils  sont  à  la  Jamaïque  comme 
1  est  à  6.  Le  nombre  des  blancs  est ,  par 
conséquent,  de  beaucoup  plus  grand  à  l'île 
de  Cuba  qu'il  ne  l'est  au  Mexique,  même 
dans  les  régions  où  il  y  a  le  moins  d'Indiens. 

Le  tableau  suivant  indique  la  prépondé- 
rance moyenne  des  autres  castes  sur  celle 
des  blancs  dL>ns  les  différentes  parties  du 
nouveau  continent.  Sui'  100  habitans  ,  on 
compte  :  •    ,    . 


4!! 


.    , 


i    ; 

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8  LIVRE    II, 

aux  Etats-Unis  de  l'Amérique  septentrio- 
nale   85  blancs. 

à  rîle  de  Cuba 54 

dans  le  royaume  de  la  Nouvelle- 
Espagne  (sans  y  comprendre  les 

provincias  internas  ) i6 

dans  le  royaume  du  Pérou 12 

à  l'île  de  la  Jamaïque 10 

Dans  la  capitale  de  Mexico  ,  il  existe , 
d'après  le  dénombrement  du  comte  de  Revil- 
lagigedo  ,  sur  100  habitans ,  49  Espagnols 
créoles,  2  Espagnols  nés  en  Europe,  24 In- 
diens aztèques  et  otomiles ,  et  25  individus  de 
sang  mêlé.  La  connoissance  exacte  de  ces 
proportions  est  d'un  grand  intérêt  politique 
pour  ceux  qui  sont  appelés  à  surveiller  la 
tranquillité  des  colonies. 

Il  seroit  difficile  d'évaluer  au  juste  combien 
il  y  a  d'Européens  sur  1,200,000  blancs  qui 
habitent  la  Nouvelle-Espagne.  Comme  dans 
la  capitale  de  Mexico  même ,  où  le  gouver- 
nement réunit  le  plus  d'Espagnols ,  sur  une 
population  de  plus  de  io5^ooo  âmes,  il  n'y 
a  pas  25oo  individus  nés  en  Europe,  il  est 
plus  que  probable  que  tout  le  royaume  n'en 


'iim 


CHAPITRE    VU. 

contient  pas  au  delà  de  70  à  80,000.  Ils  ne 
sont,  par  conséquent,  que  la  soixante-dixième 
partie  de  la  population  totale  ,  et  la  propor- 
tion des  Européens  aux  créoles  blancs  est 
comme  1  est  à  i4« 

Les  lois  espagnoles  défendent  l'entrée  dans 
les  possessions  américaines  ,  à  tout  Européen 
qui  n'est  point  né  dans  la  péninsule.  Les  mots 
d'Européens  et  d'Espagnols  sont  devenus 
synonymes  au  Mexique  et  au  Pérou  ;  aussi 
les  habitans  des  provinces  éloignées  ont  de 
la  peine  à  concevoir  qu'il  y  ait  des  Euro- 
péens qui  ne  parlent  pas  leur  langue  :  ils 
considèrent  cette  ignorance  comme  une 
marque  de  basse  extraction ,  parce  qu'autour 
d'eux  il  n'y  a  que  la  dernière  classe  du  peuple 
qui  ne  sache  pas  l'espagnol.  Connoissant  plus 
l'histoire  du  seizième  siècle  que  celle  de  nos 
temps  ,  ils  s'imaginent  que  l'Espagne  con- 
tinue à  exercer  une  prépondérance  prononcée 
sur  le  reste  de  l'Europe.  La  péninsule  leur 
paroît  le  centre  de  la  civilisation  européenne. 
Il  n'en  est  point  ainsi  des  Américains  qui 
habitent  la  capitale.  Ceux  qui  ont  lu  des  ou- 
vrages de  la  littérature  Françoise  ou  angloise 
tombent  lacilement  dans  le  défaut  contraire  ; 


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I      i' 


TO 


LIVJiE    II 


ils  ont  une  idée  plus  défavorable  de  la  mé- 
tropole qu'on  ne  l'avoit  en  France  à  une 
époque  où  les  communications  étoient  moins 
fréquentes  entre  TEspagne  et  le  reste  de 
l'Europe.  Us  préfèrent  aux  Espagnols  les 
étrangers  des  autres  pays  ;  ils  aiment  à  croire 
que  la  culture  intellectuelle  fait  des  progrès 
plus  rapides  dans  les  colonies  que  dans  la 
péninsule. 

Ces  progrès  sont  en  effet  très-marquans  à 
Mexico  ,  à  la  Havane ,  à  Lima ,  à  Santa-Fe  , 
à  Quito  ,  à  Popayan  et  à  Caraccas.  De  toutes 
ces  grandes  villes ,  la  Havane  ressemble  le 
plus  à  celles  de  l'Europe ,  sous  le  rapport 
des  usages ,  du  raffinement  du  luxe  et  du  ton 
de  la  société.  C'est  à  la  Havane  que  l'on 
connoît  le  mieux  la  situation  des  affaires  po- 
litiques et  leur  influence  sur  le  commerce. 
Cependant,  malgré  les  efforts  de  la  Société 
patriotifiue  de  Vile  de  Cuba,  qui  encourage 
les  sciences  avec  le  zèle  le  plus  généreux , 
ces  dernières  prospèrent  lentement  dans  un 
pays  où  la  culture  et  le  prix  des  produits 
coloniaux  fixent  toute  l'attention  des  liabi- 
tans.  L'étude  des  mathématiques  ,  de  la  chi- 
mie ,  de  la  minéralogie  et  de  la  ])oUniq"e, 


I 


CHAriTUE    VII. 


I  I 


est  plus  répandue  à  Mexico  ,  à  Santa-Fe  et  à 
Lima.  Parlout  aujourd'hui  on  observe  un 
grand  mouvement  intellectuel ,  une  jeunesse 
douce  d'une  rare  facilité  pour  saisir  les  prin- 
cipes des  sciences.  On  prétend  que  cette 
facilité  est  plus  remarquable  encore  chez  les 
habitans  de  Quito  et  de  Lima  qu'à  Mexico  et 
à  Santa-Fe.  Les  premiers  paroissent  jouir 
d'une  plus  grande  mobiUté  d'esprit ,  d'une 
imagination  plus  vive  ;  tandis  que  les  Mexi- 
cains et  les  natifs  de  Santa-Fe  ont  la  répu- 
tation d'être  plus  persévérans  à  continuer  les 
éludes  auxquelles  ils  ont  commencé  à  se 
vouer. 

Aucune  ville  du  nouveau  continent,  sans 
en  excepter  celles  des  Etats-Unis ,  n'offre  des 
établissemens  scientificpes  aussi  grands  et  aussi 
solides  que  la  capitale  du  Mexique.  Je  me 
borne  à  nommer  ici  l'Ecole  des  mines ,  qui 
est  dirigée  par  le  savant  d'Elhuyar ,  et  sur 
laquelle  nous  reviendrons  en  parlant  de  l'ex- 
ploitation métallique  ;  le  Jardin  des  plantes  . 
et  l'Académie  de  peinture  et  de  sculpture. 
Celte  Académie  porte  le  titre  ^Academia  de 
los  nobles  artes  de  Mexico.  Elle  doit  son 
existence  au  patriotisme  de  plusieurs  parlicu- 


12 


LIVRK    II 


w! 


:t' 


liers  mexicains  et  à  la  protection  du  ministre 
Galvez.  Le  gouvernement  lui  a  assigné  un 
hôtel  spacieux,  dans  lequel  se  trouve  une 
collection  de  plâtres  plus  belle  et  plus  com- 
plète qu'on  n'en  trouve  dans  aucune  partie 
de  l'Allemagne.  On  est  étonné  de  voir  que 
l'Apollon  du  Belvédère ,  le  groupe  du  Lao- 
coon  et  des  statues  plus  colossales  encore 
aient  pu  passer  par  des  chemins  de  monta- 
gnes qui  sont  au  moins  aussi  étroits  que  ceux: 
du  St.  Gothard:  on  est  surpris  de  trouver  ces 
chefs-d'œuvres  de  l'antiquité  réunis  sous  la 
zone  torride ,  dans  un  plateau  qui  surpasse  la 
hauteur  du  couvent  du  grand  St.  Bernard.  La 
collection  de  plâtres  transportée  à  Mexico ,  a 
coûté  au  roi  près  de  deux  cent  mille  francs. 
C'est  dans  l'édifice  de  l'Académie ,  ou  plutôt 
dans  une  des  cours  qui  y  appartiennent,  qu'on 
devroit  réunir  les  restes  de  la  sculpture  mexi- 
caine ,  des  statues  colossales  de  basalte  et  de 
porphyre  qui  sont  chargées  d'hiéroglyphes 
aztèques ,  et  qui  offrent  souvent  des  rapports 
avec  le  style  égyptien  et  hindou.  Il  seroit 
curieux  de  placer  ces  monumens  de  la  pre- 
mière culture  de  notre  espèce ,  ces  ouvrages 
d'un  peuple  à  demi  barbare,   habitant  les 


M 


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'M 


CHAPITRE    Vil.  l3 

Andes  mexicaines,  à  coté  des  belles  formes 
qu'a  vues  naître  le  ciel  de  la  Grèce  et  de 

ritalie. 

Les  rentes  de  l'Académie  des  beaux-arts  de 
Mexico  sont  de  i23,ooo  francs  ,  dont  le  gou- 
vernement  donne6o,ooo,  le  corps  des  mineurs 
mexicains  près  de  26,000,  le  consiilado  on 
la  réunion  des  négocians  de  la  capitale  plus 
de  1 5,000.  On  ne  sauroit  nier  l'influence  que 
cet  établissement  a  exercée  sur  le  goût  de  la 
nation.  C'est  surtout  dans  l'ordonnance  des 
bâtimens ,  dans  la  perfection  avec  laquelle  on 
exécute  la  coupe  des  pierres,  les  oineniens 
de?  chapiteaux  ,  les  reliefs  en  stuc  ,  que  cette 
influence  est  visible.  Quels  beaux  édifices  ne 
trouve-t-on  pas  déjà  à  Mexico  ,  et  même  dans 
les  villes  de  province,  à  Guanaxuato  et  à 
Queretaro  !   Ces  monumens  ,    qui    souvent 
coûtent  un  million  à  un  million  et  demi  de 
francs,  pourroient  figure f  dans  les  plus  belles 
rues  de  Paris ,  de  Berlin  ou  de  Pétersbourg. 
M.  Toisa,  professeur  de  sculpture  à  Mexico , 
est  même  parvenu  à  y  fondre   une  statue 
équestre  du  roi  Charles  iv,  ouvrage  qui ,  à 
l'exception  du  Marc-Aurèle  à  Rome,  surpasse 
en  beauté  et  en  pureté  de  style  tout  ce  qui 


«4 


lIVhE    11 


»  ; 


nous  est  rcsié  de  ce  ^enre  en  Tîm^ope.  A 
l'Académie  des  beaiix-arls,  reuseignernenl  se 
donne  gratis  :  il  ne  se  restreint  ]).'is  seulement 
au  dessin  du  pa\sa<;e  et  de  la  figure  ;  on  a  eu 
le  bon  esprit  d'employer  d'autres  moyens 
par  lesquels  on  peut  vivifier  l'industrie 
nationale.  L'Académie  travaille  avec*  succès  à 
répandre  parmi  les  artisans  le  goût  de  l'élé- 
gance et  des  belles  formes.  De  grandes  salles  , 
très-bien  éclairées  par  des  Lnnpes  d'Argand , 
réunissent  tous  les  soirs  quelques  centîiines  de 
jeunes  gens ,  dont  les  uns  dessinent  d'après 
la  bosse  ou  le  modèle  vivant  ,  tandis  que 
d'autres  copient  des  dessins  de  meubles  ,  de 
candélabres  ou  d'autres  ornemens  en  bronze. 
Dans  cette  réunion  (  et  ceci  est  très-remar- 
quable au  milieu  d'un  pays  où  les  préjugés 
de  la  noblesse  contre  les  castes  sont  invé- 
térés ) ,  dans  cette  réunion ,  les  rangs ,  les 
couleurs ,  les  races  d'hommes  se  confondent  ; 
on  y  voit  l'Indien  ou  le  métis  à  côté  du  blanc  , 
le  fils  d'un  pauvre  artisan  rivalisant  avec  les 
enfans  des  grands  seigneurs  du  pays.  Il  est 
consolant  d'observer  que  ,  sous  toutes  les 
zones  ,  la  culture  des  sciences  et  des  arts 
établit  une  certaine  égalité  purmi  les  hommes, 


CHAPITRE    VU. 


IJ 


ieuieineiit 
;  on  a  ou 
Jï)o  jens 
industrie 
succès  à 
de  l'ôlé- 
*s  salies , 

itines  de 
d'après 


iis 


que 


les,  de 
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remar- 
'é  jugés 
:  invé- 
s,  les 
dent; 
>lanc , 
3c  Jes 
H  est 
s  les 
arts 
mes, 


en  leur  Taisant  oublier,  pour  quelque  tcnipiï 
au  moins,  ces  petites  passions  dont  les  eilels 
entravent  le  bonheur  social. 

Depuis  la  fin  du  règne  de  Charles  ni  e| 
depuis  celui  de  Charles  iv,  l'étude  des  sciences 
naturelles  a  l'ait  de  grands  progrès  non-seu- 
lement au  Mexique ,  mais  en  général  dans 
toutes  les  colonies  espagnoles.  Aucun  gou- 
vernement européen  n'a  sacrifié  des  sommer^ 
plus  considérables  pour  avancer  la  connois- 
sance  des  végétaux ,  que  le  gouvernement 
espagnol. Trois  expéditions  botaniques^  celles 
du  Pérou,  de  la  Nouvelle-Grenade  et  de  la 
Nouvelle-Espagne,  dirigées  par  MM.  Ruiz  et 
Pavon ,  par  Don  José  Celestino  Mutis  ,  et  par 
MM.  Sesse  etMocino,  ont  coûté  à  l'état  près 
de  deux  millions  de  francs.  En  outre,  des 
jardins  de  botanique  ont  été  établis  à  Manille 
et  aux  îles  Canaries.  La  commission  destinée 
à  lever  les  pUns  du  canal  de  los  Guines  y  fut 
aussF  chargée  d'examiner  les  productions  vé- 
gétales de  l'île  de  Cuba.  Toutes  ces  recher- 
ches, faites  pendant  vingt  ans  dans  les  régions 
les  plus  fertiles  du  nouveau  continent ,  n'ont 
pas  seulement  enrichi  le  domaine  de  la  science 
de  plus  de  quatre  mille  nouvelles  espèces  de 


.1 


'   1 


1 1 


16 


LIVRE    II 


plantes ,  elles  ont  aussi  contribué  beaucoup  à 
répandre  le  goût  de  i'iiistoiie  natuielle  panai 
les  habitans  du  pays.  La  ville  de  Mexico  pré- 
sente un  jardin  de  botanique  très-intéressant 
dans  l'enceinte  même  du  palais  du  vice-roi. 
Le  professeur  Cervantes  y  fait  annuellement 
des  cours  qui  sont  très-suivis.  Ce  savant  pos- 
sède ,  outre  ses  herbiers  ,  une  riche  collection 
de  minéraux  mexicains.  M.  Mocino  ,  que 
nous  venons  de  nommer  comme  un  des  col- 
laborateurs de  M.  Sesse,  et  qui  a  poussé  ses 
excursions  pénibles  depuis  le  royaume  de  Gua- 
timaia  jusqu'à  la  côte  nord-ouest  ou  jusqu'à 
l'île  de  Vancouver  et  Quadra  ;  M.  Echeveria , 
peintre  de  plantes  et  d'animaux ,  dont  les 
travaux  peuvent  rivaliser  avec  ce  que  l'Europe 
a  produit  de  plus  ^'  arfait  en  ce  genre ,  sont 
tous  deux  natifs  de  la  Nouvelle-Espagne  :  ils 
s'étoient  élevés  à  un  rang  distingué  parmi  les 
savans  et  les  artistes  avant  d'avoir  quitté  leur 
patrie  '. 

*  Le  public  ne  jouit  encore  que  des  découvertes 
faites  par  l'expédition  de  botanique  du  Pérou  et  du 
Chili.  Les  grands  herbiers  de  M.  Sesse ,  et  l'immense 
collection  de  dessins  de  plantes  mexicaines  faites  sous 
ses  yeux,  sont  arrivés  à  Madrid  depuis  Tannée  i8o5. 


acoup  à 
e  parmi 
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gressant 
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ivcrtes 
et  du 
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s  sous 
i8o3. 


CHAPITRE    VII.  l'J 

Les  principes  de  la  nouvelle  chimie ,  que 
l'on  désigne  dans  les  colonies  espaj^noles  par 
le  mol  un  peu  équivoque  de  la  nouvelle 
philosophie  (  niirvn  Jllosojîn  )  ,  sont  plus 
répandnsauMexiquequedans  bien  des  parties 
de  la  péninsule.  Un  voyageur  européen  seroit 
surpris  sans  doute  de  rencontrer  dans  l'inté- 
rieur du  pays,  sur  les  confins  de  la  Californie, 
de  jeunes  Mexicains  qui  raisonnent  sur  la 
décomposition  de  l'eau  dans  le  procédé  de 
ramal^ramation  à  l'air  libre.  L'Ecole  des  mines 
renferme  un  laboratoire  de  chimie  ,  une  col- 
lection géologique  rangée  d'après  le  système 
•de  Werner  ;  un  cabinet  de  physique  dans 
lequel  on  trouve  non-seulement  des  instru- 
mens  précieux  de  Ramsden  ,  d'Adams,  de 
Le  Noir  et  de  Louis  Berthoud,  mais  aussi  des 
modèles  exécutés  dans  la  capitale  même  avec 
la  plus  grande  précision  et  avec  les  plus  beaux 
bois  du  pays.  C'est  à  Mexico  qu'a  été  imprimé 
le  meilleur  ouvrage  minéralogique  que  pos- 

On  aUend  avec  impatience,  et  la  publication  de  la 
Flore  de  la  Nouvelle-Espagne ,  et  celle  de  la  Flore  de 
Sanla-Fe  de  Bogota.  La  dernière  est  le  fruit  dequarante 
ans  de  recherches  et  d'observations  faites  par  un  des 
plus  grands  botanistes  du  siècle,  par  le  célèbre  iVIutis. 
If.  2 


i8 


LIVHE    II 


!  t   i  I 


sède  la  littérature  espagnole  ,  le  Manuel 
d'oryctognosie  ,  rédigé  par  M.  Del  Rio  , 
d'après  les  principes  de  l'Ecole  de  Freiberg, 
dani»  laquelle  l'auteur  s'est  formé.  C'est  à 
Mexico  qu'on  a  publié  la  première  traduction 
espagnole  des  Elémens  de  chimie  de  Lavoisier. 
Je  cite  ces  faits  isolés,  parce  qu'ils  nous  don- 
nent la  mesure  de  l'ardeur  avec  laquelle  on 
commence  à  embrasser  les  sciences  exactes 
dans  la  capitale  de  la  Nouvelle-Espagne.  Cette 
ardeur  est  bien  plus  grande  que  celle  avec 
laquelle  on  s'y  livre  à  l'étude  des  langues  et 
de  la  littérature  ancienne. 
L'enseignement  des  mathématiques  est  moins 
soigné  à  l'Université  de  Mexico  qu'à  l'Ecole 
des  mines  :  les  élèves  de  ce  dernier  établis- 
sement pénètrent  plus  avant  dans  l'analyse; 
on  les  instruit  dans  le  calcul  intégral  et  dif- 
férentiel. Lorsqu'avec  le  retour  de  la  paix  et 
des  libres  communications  avec  l'Europe,  les 
instrumens  astronomiques  (  les  chronomètres, 
les  sextans  et  les  cercles  répétiteurs  de  Borda  ) 
deviendront  plus  communs,  il  se  trouvera, 
dans  les  parties  les  plus  éloignées  du  royaume , 
des  jeunes  gens  capables  de  faire  des  obser- 
vations et  de  les  calculer  d'après  les  méthodej^ 


Manuel 
el  Rio, 
reiberg", 

C'est  à 
îduction 
avoisier. 
)us  don- 
lelle  on 

exactes 
ïe.  Cette 
lie  avec 
igues  et 

st  moins 

l'École 

établis- 

nalyse  ; 

et  dif- 

)aix  et 

3e ,  les 

nètres, 

Jorda  ) 

uvera , 

au  me, 

)bser- 

hode^i 


CHAPÏiRE    VII.  ig 

les  plus  récentes.  J'ai  indicjuc  plus  haut,  dans 
l'Analyse  de  l'Atlas,  le  parti  que  le  gouverne- 
ment pourroit  lirer  de  cette  aptitude  extraor- 
dinaire, pour  Taire  lever  la  carte  du  pays. 
D'ailleurs,  le  goût  pour  l'astronomie  est  assez 
ancien  au  Mexique.  Trois  hommes  distingués, 
Vclasquez,  Gama  et  Alzate,  ont  illustré  leur 
patrie  vers  la  fin  du  dernier  siècle.  Tous  les 
trois  ont  fait  un  grand  nombre  d'observations 
astronomiques ,  surtout  des  éclipses  des  satel- 
lites de  Jupiter. Le  moins  savant  d'eux ,  Alzate, 
étoit  correspondant  de  l'Académie  des  sciences 
de  Paris»  Observateur  peu  exact,  d'une  activité 
souvent  impétueuse,  il  se  livroit  à  trop  d'objets 
à  la  fois.  Nous  avons  discuté ,  dans  l'Introduc- 
tion géographique  qui  précède  cet  ouvrage , 
le  mérite  de  ses  travaux  astronomiques.  Il  en 
avoit  un  autre  très-réel ,  celui  d'avoir  excité 
ses  compatriotes  à  l'étude  des  sciences  phy- 
siques. La  Gazctta  de  Litteratura,  qu'il  publia 
pendant  long-temps  à  Mexico ,  contribua  sin- 
gulièrement à  donner  de  l'encouragement  et 
de  l'impulsion  à  la  jeunesse  mexicaine. 

Le  géomètre  le  plus  marquant  que  la  Nou- 
velle -  Espagne  ait  eu  depuis  l'époque  àe 
Siguenza,  étoit  Don  Joacquin  Velasquez  Caç' 


20 


LIVRE    II 


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il  \ 


denas  y  Léon.  Tous  les  travaux  astronomiques 
et  géodésiquesde  ce  savant  infatigable  portent 
le  caraclère  de  la  plus  grande  précision.  Né 
(le 21  juillet  1732  )  dans  l'intérieur  du  pays, 
à  la  métairie  de  Santiago  Acebedocla ,  prè's 
du  village  indien  deTizicapan ,  il  ne  se  forma, 
pour  ainsi  dire,  que  par  lui-même.  A  l'âge 
de  quatre  ans ,  il  communiqua  la  petite  vérole 
à  son  père  qui  en  mourut.  iJn  oncle  ,  curé  de 
Xaltocan ,  se  chargea  de  son  éducation  et  le 
fît  instruire  par  un  Indien  nommé  Manuel 
Asentzio ,  homme  de  beaucoup  d'esprit  na- 
turel ,  et  très-versé  d;ms  la  connoissance  de 
l'histoire  et  de  la  mythologie  mexicaine. 
Velasquez  apprit  à  Xaltocan  plusieurs  langues 
indiennes  et  l'usage  de  l'écriture  hiérogly- 
phique des  aztèques.  Il  est  à  regretter  qu'il 
n'ait  rien  publié  sur  celte  branche  intéressante 
de  l'antiquité.  Placé  à  Mexico  au  collège 
Tridentin,  il  n'y  trouva  presque  ni  professeur, 
ni  livres,  ni  instrumens.  Avec  le  peu  de  secours 
qu'il  put  obtenir ,  il  se  fortifia  dans  l'étude 
des  mathématiques  et  des  langues  anciennes. 
Un  heureux  hasard  fit  tomber  entre  ses  mains 
les  ouvrages  de  Newton  et  de  Bacon  :  il  puisa 
dans  les  uns  le  goût  pour  l'astronomie ,  dan» 


miques 

sortent 

on.  Né 

i  pays , 

,  prei 

forma, 

^.  l'âge 

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cours 

étude 

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nains 

puisa 

dans 


CHAPITRE    VIT.  21 

les  autres  la  connoiss-jnce  des  vraies  méthodes 
philosophiques.  Pauvre ,  ne  trouvant  aucun 
instrument  à  Mexico  même ,  il  se  mit  avec  son 
ami,  M*  Guadalaxara (  aujourd'hui  professeur 
des  mathématiques  à  l'Académie  de  peinture  ), 
à  construire  des  lunettes  et  des  quarts  de 
cercle.  Il  fit  en  même  temps  le  métier  d'avocat, 
occupation  qui ,  au  Mexique  comme  partout 
ailleurs ,  est  plus  lucrative  que  celle  d'observer 
les  astres.  Ce  qu'il  gagna  par  son  travail  fut 
employé  à  acheter  des  instrumens  en  Angle- 
terre. Nommé  professeur  à  l'Université,  il 
accompagna  le  insùadorDon  José  de  Gnhez  ' 
dans  son  voyage  à  la  Sonora.  Envoyé  en  com- 
mission à  la  Californie ,  il  profita  de  la  beauté 

*  Le  comte  Je  Galvez  ,  avant  d'obtepir  le  ministère 
des  Indes,  parcourut  la  partie  septentrionale  de  la 
Nouvelle-Espagne  sous  le  titre  de  vidtador.  On  donne 
ce  nom  à  des  personnes  cliargées  par  la  cour  de  prendre 
des  informations  sur  Tétat  des  colonies.  Leur  voyage 
{visita)  n'a  généralement  d'autre  cflet  que  de  contre- 
balancer pour  quelque  temps  le  pouvoir  des  vice-rois 
et  des  audiencias  j  de  recevoir  une  infinité  de  mé- 
moires, de  pétitions  et  (le  projets,  et  de  signaler  leur 
séjour  par  l'introduction  de  quelque  nouvel  impôt.  Le 
peuple  altL-n-l  l'arrivée  des  visiUidores  avec  la  même 
impatience  avec  laquelle  il  désire  leur  départ. 


23 


LIVRE    II 


du  ciel  de  cette  péninsule  pour  y  faire  un 
grand  nombre  d'observations  astronomiques. 
Il  y  observa  le  premier,  que  dans  toutes  les 
cartes ,  depuis  des  siècles ,  par  une  énorme 
erreur  de  longitude,  cette  partie  du  nouveau 
continent  avoit  été  marquée  de  plusieurs 
degrés  plus  à  l'ouest  qu'elle  ne  l'est  elTecti- 
vement.  Lorsque  l'abbé  Ghappe ,  plus  célèbre 
par  son  courage  et  son  dévouement  pour  les 
sciences  que  par  l'exactitude  de  son  travail , 
arriva  en  Californie,  il  y  trouva  déjà  établi 
l'astronome  mexicain.  Velasquez  s'étoit  fait 
construire,  en  planches  de  mimosa,  un  ob- 
servatoire à  Ste.  Anne.  Ayant  déjà  déterminé 
la  position  de  ce  village  indien ,  il  apprit  à 
Fabbé  Ghappe  que  l'éclipsé  de  lune  du  18 
juin  1769  seroit  visible  en  Galifornie.  Le  géo- 
mètre françois  douta  de  cette  assertion  jusqu'à 
ce  que  l'éclipsé  annoncée  eut  lieu.  Velasquez 
lui  seul  fit  une  très  -  bonne  observation  du 
passage  de  Vénus  sur  le  disque  du  soleil,  le 
3  juin  1769.  Il  en  communiqua  le  résultat, 
le  lendemain  même  du  passage  ,  à  l'abbé 
Ghappe  et  aux  astronomes  espagnols  Don 
Vicente  Doz  et  Don  Salvador  de  Médina.  Le 
voyageur  françois  fut  surpris  de  l'harmonie 


'iL 


CHAPITRE    VIT. 


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mltat, 
l'abbé 

Don 
la.  Le 
aonie 


que  présenta  l'observation  de  Velasquez  avec 
la  sienne.  Il  s'étonna  sans  doute  de  rencontrer 
en  Californie  un  Mexicain  qui ,  sans  appar- 
tenir à  aucune  académie  et  sans  être  jamais 
sorti  de  la  Nouvelle-Espagne,  faisoit  autant 
que  les  académiciens.  En  1770  ,  V^elasquez 
exécuta  le  grand  travail  géodésique  dont  nous 
avons  donné  quelques  résultats  dans  l'Analyse 
de  l'Atlas  mexicain,  et  sur  lequel  nous  re- 
viendrons en  parlant  de  la  galerie  d'écou- 
lement des  lacs  de  la  vallée  de  Mexico.  Le 
service  le  plus  essentiel  que  cet  homme  infa- 
tigable a  rendu  à  sa  patrie ,  est  l'établissement 
du  Tribunal  et  de  l'Ecole  des  mines ,  dont 
il  présenta  les  projets  à  la  cour.  Il  finit  sa 
carrière  laborieuse  le  6  mars  1786,  étant  le 
premier  directeur  général  du  Tribunal  de 
mineria,  en  jouissant  du  titre  ^alcalde  del 
corte  honorario. 

Après  avoir  cité  les  travaux  d'Alzate  et  de 
Velasquez ,  il  seroit  injuste  de  ne  pas  consi- 
gner ici  le  nom  de  Gama,  qui  lut  l'ami  et  le 
collaborateur  du  dernier.  Sans  fortune ,  forcé 
à  soutenir  une  famille  nombreuse  par  un 
travail  pénible  et  presque  mécanique  ,  mé- 
connu ,  néLdiaré  pendant  sa  vie  uar  ses  conci- 


pai 


34  LIVRE    ÏI, 

toyens  ',  qui  l'ont  comblé  de  louanges  après 
sa  mort ,  Gama  devint  par  lui-même  un  astro- 
nome habile  et  instruit.  Il  pul)lia  plusieurs 
mémoires  sur  des  éclipses  de  lune  ,  sur  les 
satellites  de  Jupiter  ,  sur  l'almauach  et  la 
chronologie  des  anciens  Mexicains,  et  sur  le 
climat  de  la  Nouvelle  -  Espagne  ;  mémoires 
qui  annoncent  tous  une  grande  justesse  dans 
les  idées  et  de  la  précision  dans  les  obser- 
vations. Si  je  me  suis  permis  d'entrer  dans  ces 
détails  sur  le  mérite  littéraire  de  trois  savans 
mexicains,  ce  n'est  que  pour  prouver,  par 
leur  exemple ,  que  l'ignorance  dont  l'orgueil 
européen  se  plaît  à  accuser  les  créoles,  n'est 
pas  l'effet  du  climat  ou  d'un  manque  d'énergie 
morale  ;  mais  que  cette  ignorance ,  là  où  on 
l'observe  encore ,  est  uniquement  l'effet  de 
l'isolement  et  des  défauts  propres  aux  insti- 
tutions sociales  dans  les  colonies. 

Si,  dans  l'étal  actuel  des  choses,  la  caste 
des  blancs  est  celle  parmi  laquelle  on  trouve 


4 


*  Le  célèbre  navigateur  Malaspina ,  pendant  son 
séjour  à  Mexico ,  observa  avec  Gama  :  il  le  recom- 
manda aussi  avec  beaucoup  de  chaleur  à  la  cour, 
comme  le  prouvent  les  leUres  officielles  de  Malaspina, 
conservées  dans  les  archives  du  vice-roi» 


I 


ges  après 
unfistro- 
plusieurs 
.  sur  les 
ich  el  la 
et  sur  le 
mémoires 
'Sse  dans 
obser- 
clans  ces 
i  savans 
er,  par 
orgueil 
■s,  n'est 
înergie 
où  on 
fTet  de 
:  insti- 

caste 
rouve 

nt  son 
ecom- 
cour, 
spina, 


CHAl'I'mE    VII.  2  5 

presque  exclusivement  du  développement  in- 
tellectuel ,  c'est  elle  aussi  qui  presque  seule 
possède  de  grandes  richesses.  Ces  richesses 
sont  malheureusement  encore  plus  inéga- 
lement distribuées  au  Mexique  qu'elles  ne  le 
sont  dans  la  capitania  gênerai  de  Caraccas , 
à  la  Havane,  et  surtout  au  Pérou.  A  Caraccas , 
les  chefs  de  famille  les  plus  riches  ont  200,000 
livres  tournois  de  rentes  :  à  l'île  de  Cuba,  on 
en  trouve  qui  ont  au  delà  de  6  à  700,000  francs. 
Dans  ces  deux  colonies  industrieuses ,  l'agri- 
culture a  fondé  des  richesses  plus  considérables 
que  l'exploitation  des  mines  n'en  a  accumulé 
au  Pérou.  A  Lima ,  un  revenu  annuel  de 
80,000  francs  est  déjà  assez  rare.  Je  ne  connois 
actuellement  aucune  famille  péruvienne  qui 
jouisse  d'une  renie  fixe  et  sûre  de  i3o,ooo  fr. 
Dans  la  Nouvelle-Espagne ,  au  contraire  ,  il 
y  a  des  indidividus  qui  ne  possèdent  aucune 
mine  ,  et  dont  le  revenu  annuel  monte  à  un 
million  de  francs.  La  famille  du  comte  de  la 
Valenclana  ,  par  exemple,  possède  elle  seule, 
sur  le  dos  de  la  Cordillère ,  pour  plus  de 
vingt-cinq  millions  de  francs  en  biens-fonds, 
sans  compter  la  mine  de  Valenciana ,  près  de 
Guanaxuato,  qui,  année  commune,  donne 


i6 


LIVRE    II 


un  bénéiîce  net  d'un  million  et  demi  de  livres 
tournois.  Cette  l'amille,  dont  le  chef  ;ictuel, 
le  jeune  comte  de  Valenciana  ,  se  dislinf^nie 
par  un  caractère  généreux  et  par  un  noble 
désir  de  l'instruction  ,  n'est  partagée  qu'en 
trois  branches  :  elles  ont  ensemble ,  même 
dans  des  années  où  l'exploitation  de  la  mine 
n'est  pas  très-lucrative ,  au  delà  de  2, 200,000  fr. 
de  revenus.  Le  comte  de  Régla  y  dont  le  fils 
cadet,  le  marquis  de  San  Christobal  ',  s'est 
distingué  à  Paris  par  ses  connoissances  en 
physique  et  en  physiologie ,  a  fait  construire 
à  la  Havane ,  à  ses  frais  ,  en  bois  d'acajou  et 
de  cèdre  (  cedrella  ) ,  deux  vaisseaux  de  ligne 
de  la  première  grandeur ,  dont  il  a  fait  hom- 
mage à  son  souverain.  C'est  le  filon  de  la  jBis- 
caina ,  près  de  Pachuca ,  qui  a  fondé  la  fortune 
de  la  maison  de  Régla.  La  fiunille  de  Fagoaga, 
connue  par  sa  bienfaisance,  par  ses  lumières 
et  son  zèle  pour  le  bien  public ,  présente 
l'exemple  de  la  plus  grande  richesse  qu'une 

>  M.  Tareros  (c'est  le  nom  sous  lequel  ce  savant 
modeste  est  connu  en  France  )  a  préféré  pendant  loïig- 
temps  l'instruction  que  lui  procuroit  le  séjour  de  Paris , 
à  une  grande  fortune  dont  il  ne  pouvoit  jouir  que 
viyant  à  Mexico  mémo. 


1 
1 


CIUPITRE    VII. 


Je  livres 

stingue 
î  noble 
"  qu'en 

même 
a  mine 
,000  fr. 

le  fils 

y  s'est 
'es  en 
»truire 
jou  et 

li^ne 
liom- 
a  Bis- 
rtune 

ières 
»ente 
'une 

ivant 

l0»ig- 

aris, 
que 


27 


mine  ait  jamais  offerte  à  ses  propriétaires. 
Un  seul  filon  que  la  famille  du  marquis  de 
Fagoaga  possède  dans  le  district  de  Sombre- 
rete,  a  laissé  en  cinq  à  six  mois,  tous  les 
frais  étant  déduits,  un  profit  net  de  vingt 
millions  de  francs. 

D'après  ces  données ,  on  devroit  supposer, 
dans  les  familles  mexicaines ,  des  capitaux 
infiniment  plus  grands  encore  que  ceux  que 
l'on  y  observe.  Le  défunt  comte  de  la  Valen- 
ciana,  le  premier  de  ce  titre ,  a  eu  quelquefois 
de  sa  mine  seule ,  dans  une  année ,  jusqu'à 
six  millions  de  livres  de  revenu  net.  Ce  revenu 
annuel ,  pendant  les  derniers  vingt-cinq  ans 
de  sa  vie ,  n'a  jamais  été  au-dessous  de  deux  à 
trois  millions  de  livres  tournois  ;  et  cependant 
cet  homme  extraordinaire,  qui  étoit  venu 
sam  aucune  fortune  en  Amérique  ,  et  qui 
conlinuoit  à  vivre  avec  une  grande  simplicité, 
ne  laissa  en  mourant,  outre  sa  mine,  qui  est 
la  plus  riche  du  monde ,  que  dix  millions  en 
biens-fonds  et  en  capitaux.  Ce  fait  très-exact  n'a 
rien  de  surprenant  pour  ceux  qui  ont  examiné 
le  régime  intérieur  des  grandes  maisons  mexi- 
caines. L'argent  gagné  rapidement  se  dépense 
avec  la  même  facilité.  L'exploitation  des  mines 


% 

■i 


fVRE    II, 

tlevient  un  jeu  dans  lequel  on  .Vn 

«ne  passion  sans  bornes   L«       .  ^"^'  "'"= 

--ense   à  T^llir^"'"''.  ^   — 

f  <^e  nouvelles  :,:^'^r^^^^^ 

les  plus  éloio-nées   Do  provinces 

-  L  teiieCni  ::: j  r  r  '  '"  '"^«"^ 

^-;e  -.  souve:r;„^,^>frr;;:; 

h-rpj:ri:r;::,t"^ 

qui  a  été  ffae-né  •.  IV     ,        ^       "^  ''""^**  ce 
plus  riches   iTI:     '-'P'""""°"  d«  «'ons  les 

ï-c.re:jH:r;°:r„  f '.7"^p-'e 

des  grandes  niaisoirde T  "  P'"P"''' 

Nouveiie-Espa,n:;\f:i7rL::i,r^ 

trouve  souvent  o.êné    «..„•     -i        ^       ^  ^* 

<''-de™i.„,,C'rZ' "',""''""*'' 
«étaler  d'autre  luxe'aue  c!!''?,"  ^"""'''^ 
attelages  de  muleï   '       ''"  '*'  '"''^^-"- 

Les  mines,  sans  doute,  ont  été  U  .„ 
des  grandes  fortunes  du  Mp  ,         "'""^ 

de  mineurs  ont  fl  „  ""T^  '  ^^«"'^«"P 

leurs  ricLesses    en      T  '"'P'°'  '^*="^«"''  de 

«adonnant  a"; Te".      ""*  '"  ''''''  ^'  - 
mui  a\ec  Je  plus  irrand  ypl»  ^  i'      • 

culture;  mais  il  y  a  ans,;  .,  ''^"- 

tamilles  tres-puissantes  qui  u'ont 


ige  avec 
)roprié~ 
sommes 
igagent 
ovin  ces 
travaux 
s  d'une 
francs 
projet 
ées  ce 
oiis  Jes 
par  le 
lupart 
de  Ja 
le  se 
rente 
'oisse 
reux 

urce 
oup 
:  de 
en 
^ri- 
isi- 
ont 


CHAPITRE    VII.  39 

jamais  eu  de  mines  très-lucratives  à  exploiter. 
C'est  à  ces  dernières  qu'appartiennent  les 
riches  descendans  de  Cortez  ou  du  marquis 
del  Valle.  Le  duc  de  Monte  Leone  ,  seigneur 
napolitain,  qui  possède  aujourd'hui  le  ma- 
jorât de  Cortez ,  a  de  superbes  terres  dans  la 
province  d'Oaxaca,  près  de  Toluca ,  et  à 
Cuernavacca.  Le  produit  net  de  ses  rentes 
n'est  actuellement  que  de  55o,ooo  francs,  le 
roi  ayant  ôté  au  duc  la  perception  des  alca- 
valas  et  les  droits  du  tabac  :  les  irais  ordinaires 
de  l'administration  se  montent  à  plus  de 
125,000  francs.  En  outre,  plusieurs  gouver- 
neurs du  rnarquesado  se  sont  singulièrement 
enrichis.  Si  les  descendans  du  grand  con- 
quistador vouloient  vivre  au  Mexique  même , 
leur  revenu  monteroit  bientôt  à  plus  d'un 
million  et  demi. 

Pour  compléter  le  tableau  des  immenses 
richesses  qui  se  trouvent  entre  les  mains  de 
quelques  particuliers  de  la  Nouvelle-Espagne, 
et  qui  peuvent  rivaliser  avec  celles  que  pré- 
sentent la  Grande-Bretagne  et  les  possessions 
européennes  dans  l'Indoustan  ,  j'ajouterai 
quelques  notions  exactes  et  sur  les  revenus 
du  clergé  mexicain,  et  sur  les  sacrifices  pécu- 


i 


3o 


LIV1\E     II 


niaires  que  fait  annuellement  le  corps  des 
mineurs  {ciierpo  da  mineria)  pour  le  perl'cc- 
lionnement  de  l'exploitation  métallique.  Ce 
dernier  corps,  fornné  par  la  réunion  des  pro- 
priétaires des  mines ,  et  représenté  par  les 
députés  qui  siègent  dans  le  Tribunal  de 
mincria ,  a  avancé  en  trois  ans,  depuis  1784 
jusqu'à  1787,  une  somme  de  quatre  millions 
de  francs  à  des  individus  qui  manquoient  de 
fonds  nécessaires  pour  exécuter  de  grands 
travaux.  On  croit  dans  le  pays  que  cet  argent 
n*a  pas  été  très  -  utilement  employé  (  para 
habilitar)  ;  mais  sa  distribution  prouve  la 
générosité  et  l'opulence  de  ceux  qui  sont 
capables  de  si  grandes  largesses.  Un  lecteur 
européen  sera  plus  surpris  encore  ,  si  je 
consigne  ici  le  fait  extraordinaire  que  la  famille 
respectable  des  Fagoaga  a  prêté ,  il  y  a  peu 
d'années ,  sans  intérêts ,  une  somme  de  plus  de 
trois  millions  et  demi  de  francs  à  un  ami  dont 
ils  crurent  fonder  la  fortune  d'une  manière 
solide  :  cette  somme  énorme  a  été  irrévoca- 
blement perdue  dans  l'entreprise  manquée 
d'une  nouvelle  exploitation  métallique.  Les 
travaux  d'architecture  qui  s'exécutent  à  la 
capitale  de  Mexico  pour  l'embellissement  de 


corps  des 
ie  perlcc- 
'jqiie.  Ce 
des  pro- 
î  par  les 
^mnal  de 
uis  17S/1. 
niilJions 
3ient  de 

grands 
t  argent 

(  para 
►uve   la 
ui  sont 
lecteur 
.    si  je 
fanaille 
'  a  peu 
3lus  de 
\\  dont 
anière 
îvoca- 
iqnëe 

à  la 
nt  de 


CHAPITKE    VII.  3l 

la  ville,  sont  si  dispendieux  que,  malgré  le 
bas  prix  de  la  main-d'œuvre,  le  superbe 
édifice  que  le  Tribunal  dd  minvria  fait  cons- 
truire pour  l'Ecole  des  mines  ,  coûtera  au 
moins  trois  millions  de  francs,  dont  près 
des  deux  tiers  ont  été  assignés  dès  qu'on  a 
commencé  à  jeter  les  l'ondemens.  Pour  accé- 
lérer la  construction,  surtout  pour  faire  jouir 
bientôt  les  élèves  d'un  laboratoire  propre  à 
faire  des  expériences  métalliques  sur  l'amal- 
gamation de  grandes  masses  de  minerais 
(  beneficio  de  patio  ) ,  le  corps  des  mineurs 
mexicains  avoit  assigné  par  mois,  dans  la 
seule  année  de  i8o3,  la  somme  de  cinquante 
mille  francs.  Telle  est  la  facilité  avec  laquelle 
de  vastes  projets  peuvent  s'exécuter  dans  un 
pays  où  les  richesses  appartiennent  à  un  petit 
nombre  d'individus. 

Cette  inégalité  de  fortune  est  plus  frappante 
encore  parmi  le  clergé,  dont  une  partie  gémit 
dans  la  dernière  misère,  tandis  que  certains 
membres  ont  des  rentes  qui  surpassent  les 
revenus  de  plusieurs  souverains  de  l'Alle- 
magne. Le  clergé  mexicain,  moins  nombreux 
qu'on  ne  le  croit  en  Europe,  n'est  composé 
que  de  dix  mille  personnes ,  dont  près  de  la 


'1  ' 


32  LIVRE    II, 

moillé  sont  des  ré«^iilicrs  qui  jiorlent  le  froc. 
En  y  comprenant  les  i'rcres  luis  ou  servans  , 
les  sœurs  converses  (  Icgos  ,  donadosj  criados 
de  los  coiwevtos) ,  tous  ceux  qui  ne  sont  point 
destinés  aux  ordres  sacrés ,  on  peut  évaluer 
le  clergé  à  treize  ou  quatorze  mille  individus'. 

*  LeuorabrcdcsmoiuesdcSl.  François,  en  Espagne, 
monte  à  i5,6oo  :  il  csl  plus  grand  quiî  le  nombre  de 
tous  les  ccclésiasliques  du  ro^  uuuie  du  Mexique.  Dans 
la  péninsule ,  le  clergé  embrasse  plus  de  2148,000  indi- 
vidus. 11  y  a,  sur  1000  bubilans,  20  ccclésiasliques, 
tandis  que  dans  la  Nouvelle-Espagne  on  n'en  compte 
pas  deux.  Voici  le  tableau  détaillé  du  clergé  dans 
quelques  intendances ,  d'après  le  dénombrement  fait 
en  1793  : 

Ecclésiastiques  non  réguliers  ou  clerigos. 
Dans  l'intendance  de  la  Puebla  ,         667 

Valladolid ,       agS 

Guanaxuato ,     225 

Oaxaca,  3j6 

Dans  la  ville  de  Mexico,  55o 

Ecclésiastiques  réguliers . 
Dans  l'iatendanc»  de  la  Putbla  ,         881 

Valladolid,       298 

Guanaxualo,     197 

Oaxaca,  342 

Dans  la  ville  de  Mexico,  i646 

En  comprenant  dans  le  dénombrement  les  donados 


snt  le  froc. 
Lï  servans  , 
^'J'  criados 
sont  point 
Il  évaluer 
idividus'. 

n  Espagne, 
nombre  de 
que.  Dans 
3,000  intli- 
ilasliques , 
în  compte 
ergé  dans 
îment  fait 


CHAPITRE    VII. 


33 


;os. 


hnadi 


os 


« 


m 


Or,  le  revenu  annuel  de  huit  évéques  mexi- 
cains dont  nou.n  présentons  le  tableau  suivant 
monte  à  la  somme  totale  de  2,696,000  francs' 


Rentes  de  rarchevèque  de  Mexico, 
l'ûvéque  de  la  Puchia  , 
-  Valladolid, 

>    ,        ;  Ouadalaxara, 

Durango , 
Monterey , 
Yucatan, 
•    •  .  •   .  Oaxaca  , 

'  '  '  Sonora, 


i3o,ooo 

110,000 

»  00,000 

90,000 

35,000 

3o,ooo 

ao,ooo 

18,000 

6,000 

t'évêque  de  la  Sonora,  le  moins  riche  de 
tous,  ne  perçoit  pas  le  revenu  des  dîmes- 
t-omme  celui  de  Panama,  il  est  payé  immé- 
diaten.ent  par  le  roi  (de  caxas reaies)  ■  ses 
rentes  ne  font  que  la  vingtième  partie  de 
cellesdel  evêquede  Yalladolid  de  Mechoacan  • 
et  ce  qu,  est  vraiment  affligeant  dans  le  dio- 
me  d  un  archevêque  dont  le  revenu  annuel 
".onte  à  65o,ooo  francs,  il  y  a  des  curés  de 
Villages  indiens  qui  n'ont  pas  cinq  à  sî^  cents 
francs  par  an!  L'évê<iue  et  les  chanoine,  de 

oufrères,e,.va„s,le.,couvensdel,capiulecomi;o„e« 
plus  de  aSoo  individus. 

5 


>\  I 


34  LIVRE  II, 

Vallaçjolid  ont  envoyé  successivement  au  roi , 
comme  dons  gratuits,  surtout  pendant  la  der- 
nière g-uerre  contre  la  France ,  une  somme  de 
810,000  francs.  Les  biens- fonds  du  clergé 
mexicîun  {/jffrws  raices)  ne'  monXent  pas  à 
12  ou  i5  millions  de  francs;  mais  ce  même 
clergé  possède  d'immenses  richesses  en  capi- 
taux hypothéqués  sur  les  propriétés  des 
particuliers.  Le  total  de  ces  capitaux  (capitales 
de  capellanias  j  obvas  pi'aSy  fondas  dotales 
dei  comutiidades  religiosas  ) ,  dont  nous  don- 
nerons' le  détail  dans  la  suite  ^  monte  à  la 
sonvne.de  44  millions,  et  demi  de  piastres 
fortQç,!,  ou  353,625,000  francs  \  Cortez,  dè^ 

*  J'ai  suivi  1*."^  données  contenues  tlaiis  la  Represen- 
tacioit  de  Ion  ve'cinos  de  T'^alladolid  at  Exceltenlissimâ 
Schor  V'irey  '^^"îi  iUle  du  24  octdBre  1 8o5  ) ,  mémoire 
manuscH't  1 4s-^récieu\.  Jecônipte^  clans  le  obtirS  diJ 
cet  ôuviiagCyli^  piastre  forte  en  raison  de  5  livres  5  sous: 
sa  \a.l<\u,ï':iR'Tl'*?f^"^^  Ç^*  il^  5i)\^''<es  S-,  sous  tournois. 
Il  m:  faut  d'ailljeups  paacon fondre  le^pe-w,  <|ui  s'appelle 
aussi  pezo  sencillo  ou  piastre  de  commerce ,  el  fini  es» 
une  ïrionnoie  fictive  ,  avec  \ai  pia.stre  forte  d'Améri:iae^ 
(in'duro  ,  'àxi  p>zo  dura.  La  piastre  forte  à  io  rèâux 
de  vellon,  ou  mo  quartes ,  ou  G80  warauedia ,  tandis 
que  le /ïfesd ^c'wèliWo  ,  f|iii  Vtiut  3'-liv.  i5  sous,  nV  que 
i5  rcaux  de  vollon,  ou  5io  maràvedis. 


',    l'y   ■  I  »  >  1"  I  " 


il 


lent  au  roi , 
Jant la  der- 
î  somme  de 
du   clergé 
tent  pas  à 
s  ce  même 
es  en  capi- 
►riétés    des 
i  {capitales 
les  totales 
nous  don- 
onte  à   la 
le  piastres 
ortez ,  des 

la  Represen- 

•-  *  \ 

'yellentissimô 
>  ) ,  mémoire 
'*  le  cotirS  diaf 
ivres  5  sous  r 
us  tournois. 
luisSppelîe 
e,  el  qui  es» 

i'Ainèriiiae^ 

'  '    ■  j  î  (  •  •  •  >  ' 
a  :Jo  reaux 

'fl^/'6\,   tandis 

ns,nV  que 


CHAPITRE    VII. 


35 


les  premiers  temps  de  la  conquête,  crai-nit 
la  grande  opulence  du  clergé  dans  un  pays 
ou  la  discipline  ecclésiastique  est  difficile   à 
maintenir.  Il  dit  très  -  naïvement,  dans  une 
lettre  à  rempereur  Charles -Onint,  ce  qu'il 
«  supplie  sa  majesté  d'envoyer  aux  Indes  des 
«   religieux,  et  non   des  chaiwitws ,    parce 
«  que  les  derniers  déploient  un  luxe  effréné , 
«   laissent  de  grandes  richesses  àleursenPans 
«   naturels ,  et  donnent  du  scanda.^e  aux  Indiens 
«   récemment  converlis.  »  Ce  conseil,  dicté 
par  la  franchise  d'un  vieux  mihtaire,  ne  fut 
pas  suivi  à  Madrid.  Nous  avons  transcrit  ce 
passage  curieux  d'un  ouvrage  qui  a  été  publié, 
il  7  a  quelques  années,  par  un  cardinal  '  :  il 
ne  nous  appartient  pas  d'accuser  le  conque- 
ra  it  de  la  Nouvelle-Espagne  de  prédilection 
pour  les  réguliers  ou  d'animosité  envers  les 
chanoines  ! 

Le  bruif  qui  s'est  répandu  en  Europe,  de 
la  grandeur  de  ces  richesses  mexicaines  ,V  a 
causé  des  idées  très-exagérées  sur  l'abondance 
d'or  et  d'argent  que  l'on  voit  employé  dans 
la  Nouvelle-Espagne,  en  vaisselle,  en  meubles, 

'L'archevêque  Lorcnzana. 


il' 


36  LIVRE    II  , 

cri  halfeiiestle  cuisine,  en  harnois.  Un  voya- 
geur dont  l'imagination  a  été  montée  par  ces 
contes  de  ciels,  de  serrures  et  de  gonds 
d'argent  massif,  sera  bien  surpris,  à  son  arrivée 
à  Mexico ,  en  n'y  voyant  pas  plus  de  métaux 
précieux  employés  à  l'usage  de  la  vie  domes- 
tique qu'en  Espagne ,  en  Portugal  et  dans 
d'autres  parties  de  l'Europe  australe;  il  sera 
tout  au  plus  iV'appé  de  voir  au  Mexique ,  au 
Pérou  ou  à  Santa-Fe ,  des  gens  du  peuBle  qui 
ont  les  pieds  nus  garnis  d'énorii  i  ^ .  rons 
d'argent,  ou  d'y  trouver  les  gobelets  et  les 
plats  d'argent  un  peu  plus  communs  qu'en 
France  et  en  Angleterre.  La  surprise  du 
voyageur  cessera  ,  s'il  se  souvient  que  la 
porcelaine  est  très-rare  en  ces  régions  nou- 
vellement civilisées  ;  que  la  nature  des  chemins 
de  montagnes  en  rend  le  tra'^.sport  extrême- 
ment difficile,  et  que,  dans  un  pays  où  le, 
commerce  est  peu  actif,  il  est  assez  indifféren 
de  posséder  quelques  centaines  de  piastres  en 
espèces  ou  en  meubles  d'argent.  D'ailleurs , 

richesses 


uu 


malgré  l'énorme  dilTérence 
qu'offrent  le  Pérou  et  le  Mexique,  en  con- 
sidérant isolément  les  fortunes  des  grands 
propriétaires,  je  serois  tenté  de  ciboire  cp:  J 


CHAPITRE    VU. 


3? 


1  vo>a- 
par  ces 

gonds 
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Tiétaux 
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con- 

rands 


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I 


y  a  eu  plus  de  vraie  aisance  à  Lima  qu'à 
Mexico  :  1  inégalité  des  fortunes  est  beaucoup 
moindre  dans  ^a  première  de  ces  deux  capi- 
tales. S'il  est  très-rare  ,  comme  nous  l'avons 
observé  plus  haut,  d'y  trouver  des  particuliers 
qui  jouissent  de  5o  à  6o,ooo  lïancs  de  rentes , 
on  y  trouve,  en  échange,  un  grand  nombre 
d'artisans  mulâtres  et  de  Nègres  affranchis,  qui , 
par  leur  industrie,  se  procurent  bien  au  delà 
du  nécessaire.  Parmi  cette  classe,  des  capitaux 
de  lo  à  1 5,000  piastres  sont  assez  communs, 
tandis  que  les  rues  de  Mexico  fourr.iillent  de 
vingt  à  trente  mille  malheureux  {sara gâtes  , 
guachinangos),  dont  la  plupart  passent  la  nuit 
à  la  belle  étoile,  et  s'étendent  le  jour  au  soleil , 
le  corps  tout  nu ,  enveloppé  dans  une  couver- 
ture de  flanelle.  Cette  lie  du  peuple,  Indiens 
et  métis ,  présente  beaucoup  d'analogie  avec 
les  lazaronis  de  Naples.  Paresseux,  insou- 
cians ,  sobres  comme  eux ,  les  guachinangos 
n'ont  cependant  aucune  férocité  dans  le  carac- 
tère ;  ils  ne  demandent  jamais  l'aumône  :  s'ils 
travaillent  un  ou  deux  jours  par  semaine ,  ils 
gagnent  ce  qu'il  leur  faut  pour  acheter  du 
pulque ,  ou  de  ces  canards  qui  couvrent  les 
lagunes  mexicaines,  et  que  l'on  rôtit  dans 


if 

Si 


38 


LIVRE    II 


leur  propre  graisse.  La  fortune  des  saragales 
dépasse  rarement  deux  ou  trois  réaux ,  tandis 
que  le  peuple  de  Lima,  plus  adonné  au  luxe 
etau  plaisir,  peul-étre  même  plus  industrieux, 
dépense  souvent  deux  à  trois  piastres  en  un 
seul  jour.  On  diroit  que  partout  le  mélange 
de  l'Européen  et  du  Nègre  produit  une  race 
d'hommes  plus  active,  plus  assidue  au  tra- 
vail, que  le  mélange  du  blanc  avec  l'Indien 
mexicain. 

Le  royaume  de  la  Nouvelle-Espagne  est , 
de  toutes  les  colonies  des  Européens  sous  la 
zone  lorride,  celle  dans  laquelle  il  y  a  le  moins 
de  Nègres  :  on  peut  presque  dire  qu'il  n'y  a 
point  d'esclaves.  On  parcourt  toute  la  ville 
de  Mexico  sans  trouver  un  visage  noir  :  le 
service  d'aucune  maison  ne  s't'  fait  avec  des 
esclaves.  Sous  ce  point  de  vue  surtout ,  le 
Mexique  offre  un  contraste  bien  grand  avec 
la  Havane ,  avec  Lima  et  Caraccas.  D'après 
des  renseignemens  exacts  pris  par  des  per- 
sonnes employées  au  dénombrement  fait 
en  1795 ,  il  paroît  que  dans  toute  la  Nouvelle- 
Espagne  il  n'y  a  pas  six  mille  Nègres,  et 
tout  au  plus  neuf  à  dix  mille  esclaves ,  dont 
le    plus    grand    nombre    habite    les   ports 


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Jaragales 
s ,  tandis 
î  au  Juxe 
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s  pér- 
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Jvelle- 
es,  et 
dont 
ports 


CHAPITRE    VII.  Sq 

d'Acapulco  et  de  Vera-Cruz,   ou  la  rcoion 

chaude  voisine  des  cotes  {ticrms  calicntes)\ 

Les  esclaves  sont  quatre  fois  plus  nombreux 

dans  la  capitania  générale  de  Garaccas ,  qui 

pourtant  n'a  pas  la  sixième  ])arlie  des  habitans 

du  Mexique.  Les  Nègres  de  la  Jamaïque  sont 

à  ceux  de  la  Nouvelle-Espagne  dans  le  rapport 

de  200:  1.  Aux  Mes  Antilles,  au  Pérou,  et 

même  à  Garaccas ,  les  progrès  de  j'agriculture 

et  de  l'industrie  en  général,  dépendent,  dans 

l'état  actuel  des  choses,  de  l'augmentation  des 

Nègres.  Dans  l'île  de  Guba,  par  exemple,  où 

l'exportation  annuelle  du  sucre  est  montée , 

en  douze  ans,  de  4oo,ooo  quintaux  à  1 ,000,000, 

on  a  introduit,  depuis  1792  jusqu'en  i8o5, 

près  de  53,ooo  esclaves  '.  Au  Mexique,  au 

contraire,  l'accroissement  de  la  prospérité 

coloniale  n'est  aucunement  dû  à  une  traite  de 

Nègres  devenue  plus  active.  Il  y  a  vingt  ans 

que  l'on  ne  connoissoit  presque  pas  en  Europe 

du  sucre  mexicain  :  aujourd'hui  la  Vera-Cruz 

seule  en  exporte  plus  de  120,000  quintaux, 

»  D'après  les  tableaux  de  la  douane  de  la  Havane , 
dont  je  possède  la  copie,  l'introducllon  des  Kègres 
fut ,  depuis  1799  jusqu  en  i8o3  ,  de  3f,5oo  ,  desquels 
meurent  sept  pour  cent  par  an. 


i»#>*' 


I  I 


i 


40  LIVRE    II, 

et  cependant  les  progrès  qu'a  faits  dans  la 
Nouvelle-Espagne,  depuis  la  révolution  de 
Saint-Domingue,  la  culture  de  la  canne  à 
sucre  n'y  ont  heureusement  pas  augmenté  d'une 
manière  sensible  le  nombre  des  esclaves.  Parmi 
les  74jOOO  Nègres  que  l'Afrique  '  fournit 
annuellement  aux  régions  équinoxiales  de 
l'Amérique  et  de  l'Asie ,  et  qui  équivalent , 
dans  les  colonies  mêmes,  à  une  somme  de 
111,000,000  de  francs,  il  n'y  en  a  pas  une 
centaine  qui  aborde  sur  les  côtes  du  Mexique. 
D'après  les  lois ,  il  n'existe  point  d'Indiens 
esclaves  dans  les  colonies  espagnoles.  Cepen- 
dant, par  un  abus  singulier ,  deux  genres  de 
guerre  ,  très-différens  en  apparence ,  donnent 
lieu  à  un  état  qui  ressemble  beaucoup  à  celui 
de  l'esclave  africain.  Les  moines  missionnaires 
de  l'Amérique  méridionale  font  de  temps  en 
temps  des  incursions  dans  les  pays  occupés 
par  de  paisibles  tribus  d'Indiens,  que  l'on 
appelle  sauvages  (  Indios  bravos  ),  parce  qu'ils 
n'ont  pas  encore  appris  à  faire  le  signe  de  la 
croix  comme  les  Indiens  également  nus  des 

*  D'après  M.  Norris ,  et  d'après  les  renseignemens 
donnés  eu  1787  ,  au  parlement  d'Angleterre]^,  par  les 
négocians  de  LiverpooU 


^.trxn-^-..    ,-., .....■»,.■,.■ 


dans  la 
Lition  de 
canne  à 
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fournit 
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Indiens 
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Cnaires 
ps  en 
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l'on 
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de  la 
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smens 
tar  les 


CHAPITRE    VII.  i\l 

Missions  (  Indios  reducidos  ).  Dans  ces  incur- 
sions nocturnes,  dictées  par  le  liinatbme  le 
plus  coupable,  on  se  saisit  de  tout  ce  que 
i  on  peut  surprendre,  surtout  des  enfans,  des 
femmes  et  des  vieillards  :  on  sépare  sans  pitié 
les  enfans  de  leurs  mères ,  pour  éviter  qu'ils 
ne  se  concertent  sur  les  moyens  de  s'enfuir. 
Le  moine  qui  est  le  chef  de  cette  expédition, 
distribue  les  jeunes  gens  aux  Indiens  de  sa 
Mission  qui  ont  le  plus  contribué  aux  succès 
des  entradas,  A  l'Orénoque  et  aux  bords  du 
Rio  Negro  portugais,  ces  prisonniers  portent 
le  nom  de  poitosj  ils  sont  traités  comme  des 
esclaves  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  dans  l'âge  de 
se  marier.  C'est  le  désir  d'avoir  des  poitos  et 
de  les  faire  travailler  pendant  huit  ou  dix  ans , 
qui  porte  les  Indiens  des  Missions  à  exciter 
eux-mêmes  les  moines  à  ces  incursions  :  les 
évêques  ont  généralement  eu  la  sagesse  de  les 
blâmer ,  comme  des  moyens  de  rendre  odieux 
la  religion  et  ses  ministres.  Au  Mexique, 
les  prisonniers  faits  dans  la  petite  guerre  qui 
est  presque  continuelle  sur  les  frontières  des 
pwvincias  internas^  éprouvent  un  sort  bien 
plus  malheureux  que  les  poitos  :  ces  prison- 
niers, qui  sont  généralement  de  la  nation 


42  LIVRE    II, 

indienne  des  Mecos  ou  ApacLes,  sont  traînés 
à  Mexico ,  où  ils  gémissent  dans  les  cachots 
d'une  maison  de  force  {la  corddda)^  L'isole- 
ment et  le  désespoir  augmentent  leur  férocité  : 
déportés  à  la  Vera-Cruz  et  à  l'île  de  Cuba,  ils 
y  périssent  bientôt  comme  tout  Indien  sauvage 
que  l'on  transporte  du  haut  plateau  central 
dans  les  régions  les  plus  basses ,  et  par  consé- 
quent les  plus  chaudes.  On  a  eu  des  exemples 
récens  que  ces  prisonniers  mecos ,  échappés 
des  cachots,  ont  commis  les  cruautés  les  plus 
atroces  dans  la  campagne  voisine.  Il  seroit 
bien  temps  que  le  gouvernement  s'occupât  de 
ces  malheureux,  dont  le  nombre  est  petit,  et 
dont  il  seroit  d'autant  plus  facile  d'améliorer 
le  sort. 

Il paroît  qu'au  commencementdc  la  conquête, 
on  comptoit  au  Mexique  un  grand  nombre 
de  ces  prisonniers  de  guerre ,  que  l'on  traitoit 
comme  les  esclaves  du  vainqueur.  J'ai  trouvé 
à  ce  sujet  un  pn-  sage  très-remarquable  dans 
le  testament  de  Hernan  Corlez  ',  monument 

*  Testamento  que  otorgo  el  Excellenfiiislmo  Senor 
J^on  Hernan  Cortez,conquifiiadorde  la  N'uei^'a  E.paha 
hecJio  en  Sevilla  ,elii  del  mes  de  octuhre  iS^j.  l/ori- 
giaal  de  cette  pièce  très-curieuse ,  dont  j'ai  fait  une 


jtmnpiRnsai 


lit  traînés 
s  cachots 
,  L'isole- 
'  férocité  : 
Cuba,  ils 
n  sauvage 
u  central 
ar  consé- 
exemples 
échappés 
!s  les  plus 

Il  seroit 
:cupat  de 

petit,  et 
améliorer 

enquête, 
nombre 
1  traitoit 
n  trouvé 
le  dans 
jnument 

mo  Senor 

a  E.paha 

7.  L'ori- 

i  fait  une 


4 


riiAriTRE  VII.  43 

historique  digne  d'être  arraché  à  l'oubli.  Le 
grand  capitaine,  qui,  pendant  le  cours  de  ses 
victoires,  surtout  dans  sa  conduite  perfide 
envers  le  nud heureux  roi  Montezuma  11  , 
n'avoit  pas  montré  trop  de  délicatesse  '  de 
conscience  ,  se  fit ,  vers  la  fin  de  sa  carrière , 
des  scrupules   sur   la  légitimité    des    titres 

é 

copie ,  existe  dans  les  archives  clé  la  maison  del  Estado 
(du  marquis  del  Valle  ) ,  située  sur  la  grande  place  de 
Mexico  :  elle  n'a  jamais  été  imprimée.  J'ai  aussi  trouvé 
dans  ces  archives  un  mémoire  rédigé  par  Cortez,  peu 
de  temps  après  le  siège  de  Ténochtitlan  ,  et  contenant 
des  instructions  sur  la  coi.fection  des  chemins  ,  sur 
l'établissement  des  auberges  le  long  des  grandes  routes, 
et  sur  d'autres  objets  de  police  générale. 

»  Cortez  ,  dans  ses  lellres  datées  de  la  Piica  Villa  de 
Vera-Cruz  ,  dépeint  à  l'empereur  Charles-Quint  la 
ville  de  Ténochtitlan  comme  s'il  parloit  des  merveilles 
de  la  capitale  du  Durado.  Après  lui  avoir  transmis 
tout  ce  qu'il  a  pu  apprendre  sur  la  richesse  «  de  ce 
pui.^sant  seigneur  Montezuma  »  ,  il  assure  à  son  sou- 
verain que  ,  mort  ou  vivant ,  le  roi  mexicain  doit 
tomber  entre  ses  mains.  ((  CertifLqiu  a  VuestraAlteza 
que  lo  hahria preso  à  inuerto  o  suhdito  a  la  real  corona 
de  Vue&tra  Magestad.  »  (  Lorenzana  ,  p.  Sg.  )  Il  faut 
observer  que  ce  projet  fut  conçu  lorsque  le  général 
espagnol  étoit  encore  sur  les  côtes,  et  n'avoit  eu  aucune 
communication  avec  les  aml^assadeurs  de  Montezuma. 


I  !l 


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Il 
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II 


44  LIVRE    II, 

auxquels  il  possédoit  d'immenses  biens  au 
Mexique  :  il  ordonne  à  son  fils  de  faire  les 
recherches  les  plus  soignées  sur  les  tributs 
qu*av oient  perçus  les  grands  seigneurs  mexi- 
cains qui  avoient  été  propriétaires  de  son 
majorât  avant  l'arrivée  des  Espagnols  à  la 
Vera-Cruz  ;  il  veut  même  que  la  valeur  des 
tributs  exigés  en  son  nom,  en  sus  des  impôts 
anciennement  usités,  soit  restituée  aux  indi- 
gènes. En  parlant  des  esclaves,  dans  les  trente- 
neuvième  et  quarante-unième  articles  de  son 
testament,  Gortez  ajoute  ces  mots  mémorables  : 
«  Comme  il  est  resté  douteux  si ,  en  bonne 
«  conscience  ,  un  chrétien  a  pu  se  servir 
«  comme  esclaves  des  indigènes  qui  ont  été 
«  faits  prisonniers  de  guerre,  et  comme  jusqu'à 
«  ce  jour  on  n'a  pu  tirer  au  clair  ce  point 
<<  important ,  j'ordonne  à  mon  fils  Don  Martin, 
«  et  à  ceux  de  ses  descendans  qui  posséderont 
«  mon  majorât  et  mes  fief:  après  lui ,  de 
«  prendre  toutes  les  informations  possibles 
«  sur  les  droits  que  l'on  peut  légitimement 
»  exercer  sur  les  prisonniers.  Les  naturels 
«  qui ,  après  m'avoir  payé  des  tributs ,  ont 
«  été  forcés  à  des  services  personnels ,  doivent 
«  être  dédommagés ,  si  dans  la  suite  il  étoit 


î  biens  au 
ie  faire  les 
les  tributs 
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•es  de  son 
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il  étoit 


CHAPITRE  VII.  45 

«   décidé  qu'on  ne  puisse  pas  demander  de 
«  corvées.  »  Ces  décisions  sur  des  questions 
aussi  problématiques ,  de  qui  devoit-on  les 
attcndje,   sinon  du  pape  ou  d'un  concile? 
Avouons  que  trois  siècles  plus  tard ,  malgré  les 
lumières  que  répand  une  civilisation  avancée, 
les  riches  propriétaires   en  Amérique  ont , 
même  en  mourant,  la  conscience  moins  ti- 
morée. De  nos  jours  ,  ce  sont  les  philosophes  , 
et  non  les  dévots,  qui  agitent  la  question, 
s'il  est  permis  d'avoir  des  esclaves  !  Mais  le 
peu  d'étendue  que  de  tout  temps  a  eu  l'empire 
de  la  philosophie ,  fait  croire  qu'il  auroil  été 
plus  ulilè  à  l'humanité  souffrante  que  ce  genre 
de  scepûcisme   se    fût   co:iservé  parmi  les 
croyans. 

D'ailleurs,  les  esclaves ,  qui  heureusement 
se  trouvent  en  très-petit  nombre  au  Mexique , 
y  sont ,  comme  dans  toutes  les  possessions 
espagnoles ,  un  peu  plus  protégés  par  les  lois 
que  les  Nègres  qui  habitent  les  colonies  des 
autres  nations  européennes.  Ces  lois  sont 
toujours  interprétées  en  faveur  de  la  liberté. 
Le  gouvernement  désire  voir  augmenter  le 
nombre  des  affranchis.  Un  esclave  qui,  par 
son  industrie,  s'est  procuré  quelque  argent, 


1 1 


i 


4G  LÎNUK    H, 

peut  forcer  son  maître  (Je  ralFrauchir  ,  en  lui 
payantla  somme  modique  tie  i5ooou  2oooliv. 
La  liherlé  ne  sa';roit  èlre  refusée  au  Nè^^c  , 
sons  prclexle  qi'il  a  conU'  le  triple  en  l'aclie- 
lant^  ou  (ju'il  possède  nn   talent  particulier 
pour  exercer  un  métier  lucratif.  Un  esclave 
qui  a  été  cruellement  maltraité  ,  acquiert  par 
là  même  son  alTrancliissement  d'après  la  loi, 
si   toutefois  le  ju^e  end)rasse    la  cause   de 
l'opprimé.  On  conçoit  que  cette  loi  bienfai- 
sante doit  cire  bien  souvent  éludée.  J'ai  vu 
cependant  à  Mexico  même,  au  mois  de  juillet 
i8o5  ,  l'exemple  de  deux  Négresses  «à  qui  le 
magistrat  qui  fait  les  fondions        Icalde  do 
carte  ,  donna  la  liberté,  parce  que  leur  maî- 
tresse, une  dame  native   des   îles,  les  avoit 
couvertes  de  blessures  faites  avec  des  ciseaux , 
des  épingles  et  des  canifs.  Dans  le  cours  de 
ce  procès  affreux ,  la  dame  fut  accusée  d'avoir, 
au  moyen  d'une  clef,   cassé  les  dents  à  ses 
esclaves,  lorsque  celles-ci  se  plaignoient  d'une 
fluxion  aux  gencives  qui  lesempêchoit  de  tra- 
vailler. Les  matrones  romaines  n'étoient  pas 
plus  raffinées  dans  leurs  vengeances.  La  bar- 
barie est  la  même  dans  tous  les  siècles,  lorsque 
les  hommes  peuvent  laisser  un  libre  cours  à 


•w 


ichir ,  en  lui 
»ou  2oooliv. 
au  Nè;^''re , 
le  en  l'aclic- 
parlioiilier 
Un  esclave 
cquierl  par 
près  la  loi, 
I  cause   (Je 
loi  bien  (ai- 
ée.  J'ai  vu 
is  de  juillet 
•es  à  qui  le 
le  aide  de 
:  leur  lîiaî- 
les  avoit 
s  ciseaux , 
cours  de 
e  d'avoir, 
pnts  à  ses 
ent  d'une 
>it  de  tra- 
oient  pas 
La  bar- 
,  lorsque 
!  cours  à 


i 


cHAi'inu:  VII.  1  7 

leurs  ])assions  ,  et  ((ne  les  gouverneniens 
tolèrent  un  ordre  de  choses  contraire  au\  luis 
de  la  nature  ,  et  par  conséquent  au  bien-elre 
de  la  société. 

jNous  venons  de  faire  l'énuniéralion  des 
difleienles  races  d'honunes  qui  constituent 
aujourd'hui  la  population  de  la  Nouvelle- 
Espagne.  En  jetant  les  yeux  sur  les  tableaux 
physiques  contenus  dans  l'Atlas  mexicain , 
on  voit  (pje  la  majeure  partie  d'une  nation 
de  six  millions  d'iiabitans  peut  t-tre  considérée 
comme  un  peuple  montagnard.  Sur  le  plateau 
d'Anahuac  ,  dontl'élévîition  surpasse  au  moins 
deux  fois  la  hauteur  des  gros  nuages  ((ui  eri 
été  sont  suspendus  au  dessus  de  nos  tètes,  se 
trouvent  réunis  des  hommes  à  teint  cuivré, 
veims  de  la  partie  nord-ouest  de  l'Amérique 
septentrionale ,  des  Euro[)éens  et  quchjucs 
Nègres  des  côtes  de  Bonny,  de  Galabar  et 
de  Melimbo.  En  considérant  que  ce  que  nous 
appelons  aujourd'hui  Espagnols  ,  est  un  mé- 
lange d'Alains  et  d'autres  hordes  tartares rivec 
les  Visigothset  les  anciens  habitans  de  l'Ibérie; 
en  se  rappelant  l'analogie  frappante  c]ui  existe 
entre  la  plupart  des  l^ingues  européennes,  le 
samskrit  et  le  persan  ;  en  réfléchissant,  enlîn  , 


"A 
I 


ri^ 


48  LIVRE    II, 

sur  l'origine  asiatique  des  tribus  nomades  qui 
ont  pénétré  au  Mexique  depuis  le  septième 
siècle  ,  on  est  tenté  de  croire  sortie  d'un  même 
centre,  mais  par  des  chemins  diamétralement 
opposés ,  une  partie  de  ces  peuples  qui , 
long-temps  errans,  après  avoir  fait,  pour 
ainsi  dire ,  le  tour  du  globe ,  se  ren^'ontrcnt 
de  nouveau  sur  le  dos  des  Cordillères  mexi- 
caines. 

'  :  Pour  achever  le  tableau  des  élémens  qui 
composent  la  population  mexicaine ,  il  nous 
reste  à  indiquer  rapidement  la  différence  des 
cnstes  qui  naissent  du  mélange  des  races  pures 
les  unes  avec  les  autres.  Ces  castes  con  tituent 
une  masse  presque  aussi  considérable  que  les 
indigènes  du  Mexique.  On  peut  évaluer  le 
total  des  individus  à  sang  mêlé  à  près  de 
2,400,000.  Par  un  raffinement  de  vanité,  les 
habitans  des  colonies  ont  enrichi  leur  langue, 
en  désignant  les  nuances  les  plus  fines  des 
couleurs  qui  naissent  de  la  dégénéralion  de 
la  Couleur  priiTjitive.  Il  sera  d'autant  plus 
utile  de  faiie  connoître  ces  dénominations 


j  :•.;(.■■ 


!P 


.isrnTr.T  ', 


t 


*  Sobre  el  cliina  de  Lima^  por  el  Doctor  Unahite\ 
p.  48,  ouvrage  ittiprimé  a;  Pérou  même ,  l'année  iSofr. 


:ii 


-  V. 


lomacîes.qui 
le  septième 
d'un  même 

létralement 
uples    qui, 
iait ,   pour 
eiH'ontrent 
ères  niexi- 

3mens  qui 
î ,  il  nous 
rence  des 
•ces  pures 
5n  tituent 
e  que  les 
virluer  le 

près  de 
tnité,  Jes 

langue, 
înes  des 
^ùon  de 
*nt  plus 
ations  ', 


ue, 


V'nah 


CliAPITUE    VIL  l^g 

que  plusieurs  voyiigcurs  les  ont  confondues, 
et  que  cette  confusion  cause  de  l'embarras  à 
la  lecture  des  ouvrages  espagnols  qui  traitent 
des  possessions  américaines. 

Le  fils  d'un  blanc  (  créole  ou  Européen  )  et 
d'une  indigène  à  teint  cuivré  est  appelé  métis 
on  iiiestizo.  Sa  couleur  est  presque  d'un  blanc 
parfaJI;;  sa  peau  est  d'une  transparence  par- 
ticulière. Le  peu  de  barbe  ,  la  petitesse  des 
ïnains  et  des  pieds  ,et  une  certaine  obliquité 
des  yeux,  annoncent  plus  souvent  le  mélange 
de  sang  indien  que  la   eature  des  cheveux. 
àSi  une  métisse  épouse  un  blanc,  la  seconde 
génération  qui  en  résulte  ne  diffère  presque 
])lus  de   la  jace  européenne.  Très  -  peu  de 
Nègies  ayant  été  introduits  dans  la  Nouvelle- 
Espagne  ,  les  métis  composent  vraisembla- 
blement les  I  de  la  totalité  des  castes.  Ils  sont 
généralement  repu  tés  d'un  caractère  beaucoup 
plus  doux  que  les  mulâtres  (  niulattos  ) ,  fils  de 
blancs  et  de  Négresses ,  qui  se  distinguent  par 
la   violence   de   leurs  péîssions,   et  par  une 
singulière  volubilité  de  langue.  Les  descendans 
<]e  Nègres  et  d'Indiennes  poitent  à  Mexico, 
a  Lima,  et  même  à  la  Havane,  le  nom  bizarre 
<le  Chitio  ,  Chinois,  Sur  la  cote  de  Caraccas , 
II.  4 


I  ( 


i; 


m 


\'  1 


'Il 


Hi 


5o 


LIVRE    II 


et,  comme  il  paroîtpar  les  lois,  à  la  Nouvelle- 
Espagne  même  ,  on  les  appelle  aussi  zambos. 
Aujourd'hui ,   cette   dernière  dénomination 
est  principalement  restreinte  aux  descendans 
d'un  Nègre  et  d'une  mulâtresse^,  ou  d'un  Nègre 
et  d'une  china.  On  distingue  de  ces  zambos 
communs,  les  zambos  prietos y  qui  naissent 
d'un  Nègre  et  d'une  zamba.  Du  mélange  d'un 
blanc  avec  une  mulâtresse ,  provient  la  caste 
des     quarterons.    Lorsqu'une     quarteronne 
épouse  un  Européen  ou  un  créole,  son  fils 
porte    le  nom  de  quinteron.    Une  nouvelle 
alliance  avec  la  race  blanche  fait  tellement 
perdre  le  reste  de  couleur ,  que  l'en.rant  d'un 
blanc  et  d'une  quinteronne  est  blanc  aussi. 
Les  castes  de  sang  indien  ou  africain  conservent 
l'odeur  qui  esj;  propre  à  la  transpiration  cu- 
tanée de  ces  deux  races  primitives.  Les  Indiens 
péruviens  qui ,  au  milieu  de  la  nuit ,  distinguent 
les  différentes  races  par  la  finesse  de  leur 
odorat ,  ont  formé  trois  mots  pour  l'odeur  de 
l'Européen ,  de  l'indigène  américain  et  du 
Nègre  :  ils  appellent  la  première  pezuna ,  la 
seconde  posco  ',  et  la  troisième  grajo,  D'ail- 

*  Mot  ancien  de  la  langue  qquicliua. 


^uuBawaMA 


laNouvelle- 
issi  zamùos, 
nomination 
descendans 
d'un  Nègre 
^es  zambos 
ui  naissent 
Jlange  d'un 
îiit  la  caste 
larteronne 
e,  son  fils 
!  nouvelle 

tellement 
^-^ant  d'un 
anc  aussi, 
onservent 
ation  eu- 
îs  Indiens 
stinguent 

de  leur 
3deur  de 
n  et  du 
zuna^  la 
o.  D'ail- 


CHAPITRE    VII. 


5l 


leurs,  les  mélanges  dans  lesquels  la  couleur 
des  enfans  devient  plus  foncée  que  n'étoit  celle 
de  leur  mère ,  s'appellent  salta-atras  ^  ou  sauts 
en  arrière. 

Dans  un  pays  gouverné  par  les  blancs ,  les 
familles  qui  sont  censées  être  mêlées  avec  le 
moins  de  sang  nègre  ou  mulâtre,  sont  natu- 
rellement aussi  les  plus  honorées.  En  Espagne, 
c'est  pour  ainsi  dire  un  titre  de  noblesse  de 
ne  descendre  ni  de  Juifs ,  ni  de  Maures.  En 
Amérique,  la  peau  plus  ou  moins  blanche 
décide  du  rang  qu'occupe  l'homme  dans  la 
société.  Un  blanc  qui  monte  pieds  nus  à  cheval 
s'imagine  appartenir  à  la  noblesse  du  pays.  La 
couleur  établit  même  une  certaine  égalité 
Cl  Ire  des  hommes  qui,  comme  partout  où  la 
civilisation  est  ou  p  avancée  ou  dans  un 
mouvement  rétrograde,  se  plaisent  à  raffiner 
sur  les  prérogatives  de  race  et  d'ori^-iae. 
Lorsqu'un  homme  du  peuple  se  dispute  avec 
un  des  seigneurs  titrés  du  pays ,  on  entend 
souvent  dire  au  premier  :  «  Seroit-il  possible 
«  que  vous  crussiez  être  plus  blanc  que  moi  ?  » 
Ce  mot  caractérise  très-bien  l'état  et  la  ^  arce 
de  l'arislocratie  actuelle.  Il  y  a  ,  par  consé- 
quent ,   un   grand    intérêt  de  vanité   et  de 


52 


i.ïViiE  i; 


considération  publique  à  évalu'^p  au  juste  les 
fractions  de  sang  européen  que  l'on  doit 
assigner  aux  différentes  castes.  D'après  les 
principes  sanctionnés  parï'usage,  on  a  adopte 
les  proportions  suivantes  : 

Castes.  Mélange  du  sang. 

Quarterons,  j  nègre  |  blanc. 
Quinterons,  ^  nègre  ^  blanc. 
Zambos  ,  ^  nègre  j  blanc. 

Zambos  prietos,  ~  nègre  \  bhaic. 


Il  arrive  souvent  que  des  familles  qui  sont 
soupçonnées  d'être  de  sang  mclc,  demandent 
y  la  haute-cour  de  justice  {V  Audiencia)  qu'on 
les  déclare  appartenir  aux  blancs.  Ces  décla- 
rations ne  sont  pas  toujours  conformes  au 
jugement  desseï  :.  On  voit  des  mulâtres  très- 
basanés  qui  ont  eu  l'adresse  de  se  faire  blanclùr 
(c'est  l'expression  banale  du  peuple).  Quand 
la  couleur  de  la  peau  est  trop  contraire  au 
jugement  qui  est  sollicité ,  le  pétitionnaire  se 
contente  d'une  expression  un  peu  probléma- 
tique. La  sentence  dit  alors  simplement  «  que 
«  tels  ou  tels  individus  peuvent  se  considérer 
«  eux-mêmes  coinme  blancs  (  cjne  se  tengan 
«  por  hlancos  ).  »> 


Cil  API  TUE    Vil. 


au  juste  Jes 
'  i  on  doit 
C^'cJprès  les 
jn  a  adopté 

sang. 
>Ianc. 
flanc. 
Jan<:. 
>Ianc. 

'S  qui  sont 
emandent 
ifi)  qu'on 
^es  dccla- 
Jrnies  au 
très  ti'cs- 
hlancliir 
).  Quand 
traire  au 
maire  se 
obléma- 
it  a  que 
isidérer 
■  tengan 


•■:1i 


Il  seroil  très- in  le  ressaut  de  pouvoir  dis- 
cuter à  fond  l'influence  de  la  diversité  des 
castes  sur  le  rapport  des  sexes  entr'eux.  J'ai 
vu  ,  parle  dénombrement  fait  en  1790  ,  que 
dans  la  ville  de  la  Puebla  et  à  Valladolid,  il 
y  a  parmi  les  Indiens  plus  d'iiojimies  que  de 
lémmes  ,  tandis  crue  parmi  les  Espagnols  ou 
dans  la  race  des  blancs  on  y  trouve  plus  de 
femmes  que  d'hommes.  Les  intendances  de 
Guanaxuato  et  d'Oaxac.j  présentent,  dans 
les  castes ,  le  même  excédant  d'honnncs.  Je 
n'ai  pu  me  procurer  assez  de  matériaux  pour 
résoudre  le  problème  de  la  diversité  des  sexes 
selon  la  différence  des  races ,  selon  la  cha- 
leur du  climat  ou  la  hauteur  des  régions 
que  l'homme  habite  :  nous  nous  bornerons, 
par  conséquent,  à  offrir  des  résultats  gé- 
néraux. 

En  France ,  on  a  trouvé ,  par  un  dénom- 
brement partiel  ftiit  avec  le  plus  grand  soiu  , 
que  sur  991,829  âmes,  les  femmes  vivantes 
sont  aux  hommes  dans  le  rapport  de  9  à  S. 
M.  Peuchet  '  paroît  s'arrêter  à  la  proportion 
de   54  :  55.   Il   est  certain  qu'en    France  il 


»  Statistique  élcmcnlaire  de  la  Frauce,  p.  242> 


54  LIVRE    II, 

existe  plus  de  femmes  que  d'hommes,  et ,  ce 
qui  est  très-remarquable ,  qu'il  naît  plus  de 
garçons  dans  les  campagnes  et  dans  le  midi 
que  dans  les  villes  et  les  départemens  qui 
sont  compris  entre  le  47'"'  et  le  Sa."""  degré 
de  latitude.       -  ' 

Dans  la  Nouvelle-Espagne ,  au  contraire , 
ces  calculs  d'arithmétique  politique  donnent 
un  résultat  tout-à-fait  opposé.  Les  hommes 
y  sont ,  en  général ,  plus  nombreux  que  les 
femmes ,  comme  le  prouve  le  tableau  suivant 
que  j'ai  dressé,  et  qui  embrasse  huit  pro- 
vinces ou  une  population  de  i, 3 5 2,000  ha- 
bitans. 


s,  et,  ce 

plus  de 

le  midi 

lens  qui 

""  degré 

«traire , 
lonnent 
lommes 
que  les 
suivant 
it  pro- 
)0  ha- 


CHAPlTRE    VII. 


DIVERSITE 
DES    RACES. 


luXNAXUAïO... 


IV'ALLAnOtlD  DE 

Mkchoacan 


Oaxaca 

DURANGO.  .  .  . 
SONORA  •  .  . .  . 
CiNALOA 

\uEVo  Mexico] 
Californie.  .., 


Espag.'*  01'  Blancs. 
Indiens    ou    ind 

gcues.  . . . 
Castes  mêlées 
Espagnols. . 
diens. . . . 
astes  mêlées 
Espagnols. . 
Indiens.  . . . 
Castes  mêlées 


!'  Es 
In 
Ca 


Dans  ces  cinq  pro- 
vinces, on  a  compté 
l'ensemblede  toutes 
les  races. 


Total. 


proportion 

des 

hommes 

aux  Femmes. 


9' 

95 

99 

97 

9* 
98 

99 

99 
95 

98 

87 
98 

94 
«7 


moyeTine   ooinmr 

100  à  95 


>  On  pourroit  supposer  que  l'excéilant  des  raâles , 
dans  le  nord  du  Mexique,  devoit  être  attribué  en 
partie  à  l'existence  des  postes  militaires  ,  appelés/7re- 
sidios ,  et  dans  lesquels  ne  vivent  pas  de  femmes^ 
Mais  nous  verrons  dans  la  suite  que  ces  presidios 
tous  ensemble  ne  contiennent  pas  au  delà  de  trois 
mille  hommes. 


.,«) 


î  ' 


I  »* 


Jl 

1 

■ 

m 


: 


56 


LIVRE    II 


II  suit  de  mes  oalciiJs,  comparés  à  ceux 
faits  au  luinislère  de  l'inlérieur  à  Paris,  c]ue 
les  Ijoniîiu  s  sont  aux  femmes  ,  dans  la  popu- 
lation générale  de  la  Nouvellc-Esjxigne  ,  dans 
la  proportion  de  loo  :  gS  ;  dans  l'empire 
francois ,  dans  la  proportion  de  lOO  :  lOO. 
Ces  nombres  paroissent  indiquer  le\éiilabie 
état  des  choses  ;  car  on  ne  conçoit  pas  pour- 
quoi, dans  le  dénombrement  fait  par  ordre 
du  compte  de  Revillagii^cdo  ,  les  femmes 
mexicaines  auroienl  eu  plus  d'il  'érèl  de  se 
soustraire  que  les  hommes.  Ce  b>  :pcon  est 
d'autant  moins  ])robable,  que  le  Uiéme  dé- 
nombrement ofl're,  dans  les  grandes  villes, 
un  rapport  des  sexes  tout  à  fait  différent  de 
celui  qui  existe  dans  les  campagnes. 

C'est  l'aspect  de  ce  grandes  villes  qui  vrai- 
semblablement a  i.-it  naître  la  fausse  idée 
généralement  répar  ^ue  dans  les  colonies,  que 
dans  les  climats  chauds  ,  et,  par  conséquent, 
dans  toutes  les  basses  ré<^ions  de  la  zone 
torride,  naissent  plus  de  filles  que  de  garçons. 
Le  peu  de  registres  des  paroisses  que  j'ai  pu 
examiner,  donnent  un  résultat  absolument 
contraire.  A  la  capitale  de  Mexico ,  il  y  a  eu 
en  cinq  ans,  depuis  1797  jusqu'en  1802  ; 


cil  A  PII  m;   VII. 


irts  à  ceux 
^^ns,  cjue 
lis  Ja  popii- 
''gi»e ,  dans 
s  l'empire 
1 00  ;  j  00. 
e  \  élit jLie 
pi^s  pour- 
par  orche 
■'>  Te  ru  nies 
l'èl   de  se 
;pcon  est 
ièaie  du- 
es villes , 
forent  de 

• 

qni  vrai- 
sse  idée 
lies,  que 
écjuent, 
ïa  zone 
garçons. 

j'"i  pu 
lu  ment 

J  a  eu 
)2  : 


Dans  les  paroisses 
du  Sagrario .  .  . 
de  Santa-Gruz. 


Nui'iaiK  et   mAlt.v. 


Ojoo 


127D 


•^7 

'•«iM.inrr,   remcll>:,î. 

56o3 
1167 


A  Panuco  et  à  Yguala',  deux  endroits  situes 
dans  un  climat  ardent  et  très-malsyin,  sur 
neuf  années  consécutives,  i\  n'y  en  eut  pas 
une  seule  dans  laquelle  l'excédant  ne  fût  du 
coté  des   naissances  maies.  En   général,  le 

rapportdecesdernièresauxnaissancesfemelles 
nie  paroît ,  dans  la  Nouvelle-Espagne ,  comme 
100  :  97  ;  ce  qui  indique  un  ejccédant  de  maies' 
un  peu  plus  grand  qu'en  France,  où  sur  100 


I  1 1  > 


garçons  il  naît  9G  filles. 

Quant  au  rapport  des  décès  selon  la  dif- 
férence des  sexes ,  il  jn'a  été  impossible  d'y 
reconnoîlie  la  loi  établie  par  la  nature.  A 
Panuco,  il  mourut,  en  dix  ans,  479  hommes 
sur  609  femmes.  A  Mexico,  il  y  eut  en  cinq 
ans,  dans  une  seule  i)arGisse,  celle  du  Sa^n-ario. 
59^  décès  de  femmes  sur  1901  d'hommes. 


}  >.'  I  ' 


A  Panuco,  les  registres  de  la  paroisse  donnent', 
depuis  1793  jusqu'en  1802  ,  sur  6/4  naissances  mâles, 
55o  naissances    femelles.    A  Yguala ,   on    comploit 

17.38  garçons  sur  i635  filles. 


Il 


58 


LIVRE    II 


D'après  ces  données ,  peu  nombreuses  il  est 
vrai ,  l'excédant  des  hommes  vivans  devroit 
être  plus  grand  encore  que  nous  ne  l'avons 
trouvé.  Mais  il  paroît  qu'en  d'autres  contrées, 
les  décès  d'hommes  sont  plus  l'réquens  que 
les  décès  de  femmes.  A  Yguala  et  à  Calimaya, 
les  premiers  furent  aux  derniers ,  en  dix  ans, 
comme  1204^1191,  et  comme  i33o  à  1272. 
M.  de  Pomelles  a  déjà  observé  qu'en  France 
même ,  la  différence  des  sexes  est  bien  plus 
sensible  dans  les  naissances  que  dans  les  décès  : 
il  y  naît  ~  de  mâles  de  plus  que  de  femelles , 
et  l'état  paisible  du  campagnard  n'offre  que  7^ 
de  plus  de  décès  masculins  que  de  décès  fémi- 
nins. Il  résulte  de  l'enscjnble  de  ces  données , 
qu'en  Europe ,  ainsi  que  dans  les  régions 
équinoxiales  qui  jouissent  d'une  longue  tran- 
quillité ,  on  trouveroit  un  excédant  d'hommes, 
si  la  marine ,  les  guerres  et  les  travaux  ian- 
gereux  auxquels  notre  sexe  z^  livre  ,  ne 
tendoient  sans  cesse  à  en  diininuer  le  nombre. 
La  population  des  grandes  villes  n'est  pas 
stable ,  et  ne  se  conserve  pas  par  elle-même 
dans  un  état  d'équilibre  par  rapport  à  la 
différence  de  sexes.  Les  femmes  des  cam- 
pagnes entrent  dans  les  villes  pour  le  service 


CHAPITRE    Vil. 


% 


uses  il  est 
»  devroit 
e  l'avons 
contrées, 
aens  que 
laJimaja, 
dix  ans, 
à  1272. 
i  France 
ien  plus 
!s  décès  : 
îmelles , 
eque^ 
es  fémi- 
3nnées , 
réjtjâons 
e  Iran- 
)mnies, 
X   Jan- 


e 


ne 


3nibre. 
est  pas 
-même 
t  à  la 
cam- 
ervice 


des  maisons  qui  manquent  d'esclaves  ;  un  grand 
nombre  d'homrnes  en  sortent  pour  parcourir 
le  pays  comme  muletiers  (  arrieros  )  ,  ou  pour 
se  fixer  dans  les  endroits  où  existent  des  ex- 
ploitations métalliques  considérables.  Quelle 
que  soit  la  cause  de  cette  disproportion  des 
sexes  dans  les  villes,  il  n'en  est  pas  moins 
certain  qu'elle  a  lieu.  Le  tableau  suivant ,  qui 
n'embrasse  que  trois  villes ,  offre  un  contraste 
frappant  avec  le  tableau  que  nous  avons  donné 
I  de  la  population  générale  de  huit  provinces 
mexicaines  : 


6o 


IIVRK    H 


( 


i 


tm 


KOMS 
DB3    VILLES. 


DIVERSITE 
DKS    RACES. 


Mexico. 


M     1' 


QUERETARO. 


Valladoud. 


Ëiirupéens  ' 

Espagnols  uu  créo- 
les blancs 

[ndieus  ou  iudi- 
gèiies 

Mulâtres 

Autres  castes  ou 
sang  mélc 

Ë.spaguols 

Indiens 

castes  mêlées 

Espagnols. ...... 

Mulâtres 

Indiens 

Total 


HOMMES, 


2,1X8 

2i,33« 

11,2.52 

2/j5d 

7,852 
2,207 
5,394 
4,639 
2,207 
1,445 

2,410 


05,789 


FEMMBS. 


_L 


l'KUfORTlO.N 

des 

homraes 

aux  Teinmcs 


217 

29,053 

14,371 
4,i56 

11,525 
2,929 
6,190 
5,49w 

2,929 
1,924 

2  276 


81 ,020 


100  :     lu 


100  :    i36 


100 
100 

100 

JCO 

100 
100 
100 
100 

100 


128 
i4o  , 

»47 
i33 

n5 

118 
i53 
i33 

95 


144,809 


1110. enne    roniiiu'i 


100  ;"i  127   j 


Aux  Etats-Unis  de  l'Amérique  septentrio- 
nale, les  dénombremens  qui  embrassent  toute 
la  population  indiquent,  comme  en  Europe 
et  au  Mexique,  un  excédant  d'hommes  vivans. 

*  Cette  disproportion  apparente  provient  du  petit 
nombre  de  femmes  espagnoles  qui  quillent  l'Europe 
pour  se  fixer  au  Mexique. 


1 


11 


IMSS, 


217 


>,o53 


l'Uui'OHTIO.N 

des 

iiumnies 

aux  femmes 

100  ;     10 
100  :    i56 


,371       100  :   12S 
,i56      100  :    i4o 


,525 
'929 

49»  I 
929 


100 

JtO 

100 

iOO 

100  : 
100  ; 
100  : 


147 
i53 
Ji5 
118 

i33 
95 


lou  à  127 


ptentrio- 
ent  toute 
1  Europe 
3s  vivaus. 


■j'*t 


CHAPITRE    VU. 


C 


t  du  pellt 
ope 


l'Eui. 


M. 


Cet  excédant  est  très-inégal  dans  un  pays  où 
l'émigration  des  blancs ,  l'introduction  de 
beaucoup  d'esclaves  niales  et  le  commerce 
mariliine  tendent  sans  cesse  à  troubler  l'ordre 
prescrit  par  la  nalure.  Dans  les  états  de 
Vcnnont  ',  de  Kentucky  et  de  la  Caroline 
du  Sud  ,  il  y  a  piesque  ~  plus  de  mâles  que 
de  lenicllcs,  tandis  qu'en  Pensylvanie  et  dans 
l'état  de  Nev\-Yorck,  cette  disproportion  ne 
monte  pas  à  un  7  . 

Lorsque  le  royaume  de  la  Nouvelle-Es- 
pagne jouira  d'une  administration  qui  favorise 
les  connoissances  ,  l'arithmétique  politique 
pourra  y  fournir  des  données  infiniment  im- 
])ortantcs,  et  pour  la  statistique  en  général, 
et  pour  riiistoire  physique  de  l'homme  en 
j)arliculier.  Que  de  problèmes»  à  résoudre 
dans  un  pays  montagneux  qui  offre,  sous  une 
même  latitude^  les  climats  les  plus  variés,  des 
liitbitans  de  trois  ou  quatre  races  primitives, 
et  le  mélange  de  ces  races  dans  toutes  les 
combinaisons  imaginables  !  Que  de  recher- 
ches à  faire  sur  l'âge  de  la  puberté,  sur  la 
fécondité    de    l'espèce  ,     sur  la    différence 

'  Samuel  Blodget ,  p.  7»'). 


^\ 


il 


t 


62 


LIVRE    II 


des  sexes  ,.  et  sur  la  longévité ,  qui  est 
plus  ou  moiis  grande  selon  l'élévation  et 
la  température  des  lieux  ,  selon  la  variété 
des  races ,  selon  l'époque  à  laquelle  les  colons 
ont  été  transplantés  dans  telle  ou  telle  région; 
enfin  selon  la  différence  de  nourriture  dans  des 
provinces  où ,  sur  un  espace  étroit ,  croissent 
à  la  fois  le  bananier,  le  jatropha,  le  riz,  le 
maïs ,  le  froment  et  la  pomme  de  terre  ! 

Il  n'est  point  donné  à  un  voyageur  de  se 
livrer  à  ces  recherches ,  qui  exigent  beaucoup 
de  temps ,  l'intervention  de  l'autorité  suprême^ 
et  le  concours  d'un  grand  nombre  de  per- 
sonnes intéressées  à  atteindre  le  mémo  but. 
Il  suffît  ici  d'avoir  indiqué  ce  qui  reste  à  faire, 
lorsque  le  gouvernement  voudra  profiter  de 
la  position  heureuse  dans  laquelle  la  nature  a 
placé  ce  pays  extraordinaire. 

Le  travail  fait  en  1790  sur  la  population 
de  la  capitale  présente  des  résultats  qui  mé- 
ritent d'être  consignés  à  la  fin  de  ce  chapitre. 
On  a  distingué  dans  cette  partie  du  dénom- 
brement, selon  la  différence  des  castes,  les 
individus  au-dessous  et  au-dessus  de  cinquante 
ans;  on  a  trouvé  que  cette  époque  a  été 
dépassée  : 


CHAPITRE    VII.  63 

Par  41:28  Blancs  créoles  ,  sur  une  population  totale 

de 5o,3j  1  individus  de  méoie  race. 

Par  559  Mulâtres. . .  7,094 
Par  1789  Indiens. . . .  25,6o3 
Par  1278  sang  mêlé. .    19,357 

De  sorte  qu'il  est  parvenu  au  delà  de  cia- 
quanle  ans  : 

Sur  100  Blancs  créoles  (Espagnols) 8 

Indiens 6  * 

Mulâtres 7 

individus  d'autres  castes  mêlées . .  6 

Ces  calculs ,  en  confirmant  l'admirable 
uniformité  qui  règne  dans  toutes  les  lois  de 
la  nature ,  paroissent  indiquer  que  la  longé- 
vité est  un  peu  plus  grande  dans  les  races 
mieux  nourries,  et  dans  lesquelles  l'époque 
de  la  puberté  est  plus  tardive.  Sur  2335  Eu- 
ropéens qui  existoient  à  Mexico  en  1793,  il 
n'y  en  avoit  pas  moins  de  4^2  qui  avoient 
atteint  l'âge  de  cinquanlie  ans  ;  ce  qui  ne 
prouve  guère  que  les  américains  aient  trois 
fois  moins  de  probabilité  de  vieillir  que  les 
Européens ,  car  ces  derniers  ne  passent  géné- 
ralement aux  Indes  qu'à  un  âge  mûr. 

Après  l'examen  de  l'état  ph vsique  et  moral 


li 


m 


Lîvrn-    II 


II 


des  dilTérenles  castes  qui  composent  la  popu- 
lation mexicaine ,  le  lecteur  désirera  sans 
doute  voir  aborder  la  cpeslion  ,  quelle  est 
Tinfluence  de  ce  mélange  de  races  sur  le 
bien-être  général  de  la  société  ?  quel  est  le 
degré  de  jouissance  et  de  bonheur  individuel 
que  ,  dans  l'état  actuel  du  pays  ,  l'homnie 
cultivé  peut  se  procurer  au  milieu  de  ce  conflit 
d'intérêts,  de  préjugés  et  de  ressentiniens? 

iNous  ne  parlons  point  ici  des  avantages 
qu'offrent  les  colonies  espagnoles  ,  par  la 
richesse  de  leurs  productions  naturelles^  par 
la  fertilité  de  leur  sol  ,  par  la  facilité  qu'y 
trouve  l'homme  ,  de  pouvoir  choisir  à  son 
gré ,  et  le  thermomètre  à  la  main  ,  sur  un 
espace  de  quelques  lieues  carrées ,  la  tempé- 
rature ou  le  climat  qu'il  croit  le  plus  favorable 
à  son  âge ,  à  sa  constitution  physique  ou  au 
genre  de  culture  auquel  il  veut  s'adonner. 
jNous  ne  retraçons  point  le  tableau  de  ces 
pays  délicieux  situés  à  mi-côte,  dans  la  région 
des  chênes  et  des  sapins,  entre  looo  et  i4oo 
mètres  de  hauteur,  où  règne  un  printemps 
perpétuel ,  où  les  fruits  les  plus  délicieux  des 
Indes  se  cultivent  auprès  de  ceux  de  l'Europe, 
et  où  ces  jouissances  ne  sont  tioublées  ni  par 


CHAPITRE    VII. 


65 


la 

par 


i4oo 


ope, 
par 


la  multitude  des  insectes ,  ni  par  la  crainte  de 
la  fièvre  jaune  (  vomito  ) ,  ni  par  la  fréquence 
des  tremblemens  de  terre.  Il  ne  s'agit  point 
ici  de  discuter  si ,  hors  des  tropiques  ,  il 
existe  une  région  dans  laquelle  l'homme , 
avec  moins  de  travail ,  puisse  subvenir  plus 
largement  aux  besoins  d'une  famille  nom- 
breuse. La  prospérité  physique  du  colon  ne 
modifie  pas  seule  son  existence  intellectuelle 
el  morale. 

Lorsqu'un  Européen ,  qui  a  joui  de  tout 
ce  qu'offre  d'attrayant  la  vie  sociale  des  pays 
les  plus  avancés  dans  la  civilisation  ,  se  trans- 
porte dans  ces  régions  lointaines  du  nouveau 
continent,  il  gémità  chaque  pas  de  l'influence 
que ,  depuis  des  siècles ,  le  gouvernement 
colonial  a  exercée  sur  le  moral  des  habitans. 
L'homme  instruit,  qui  ne  s'intéresse  qu'aU 
développement  intellectuel  de  l'espèce ,  y 
souffre  peut-être  moins  que  l'homme  doué 
d'une  grande  sensibilité  :  le  premier  se  met 
en  rapport  avec  la  métropole  ;  Jes  communi- 
cations maritimes  lui  procurent  des  livres , 
des  instruniCns;  il  voit  avec  ravissement  les 
progrès  que  l'étude  des  sciences  exactes  a 
lails  dans  ICvS  grandes   villes  de  l'Amérique 

ÏT.  6 


66 


Livi.i:  ir 


espagnole  ;  la  contemplation  d'une  nature 
grande  ,  merveilleuse ,  variée  dans  ses  pro- 
ductions, dédommage  son  esprit  des  privations 
auxquelles  sa  position  le  condamne  :  le  second 
ne  trouve  la  vie  agréable  dans  les  colonies 
espagnoles  qu'en  se  repliant  sur  lui  -  même. 
C'est  là  que  l'isolement  et  la  solitude  lui  pa- 
roissent  surtout  désirables,  s'il  veut  profiter 
paisiblement  des  avantages  que  préscnlenl  la 
beauté  de  ces  climats ,  l'aspect  d'une  verdure 
toujours  fraîche,  et  le  calme  politique  du 
Nouveau-Monde.  En  énonçant  ces  idées  avec 
franchise ,  je  n'accuse  pas  le  caractère  moral 
des  habitans  da  Mexique  ou  du  Pérou  ;  je 
ne  dis  pas  que  le  peuple  de  Lima  soit  moins 
bon  que  celui  de  Cadix  ;  j'inclinerois  plutôt 
à  croire  ce  que  beaucoup  d'autres  voyageurs 
ont  observé  avant  mpi,  que  les  Américains 
sont  doués  par  la  nature  d'une  aménité  et 
d*une  douceur  de  mœurs  qui  tendent  à  la 
molesse ,  comme  l'énergie  de  quelques  nations 
européennes  dégénère  facilement  en  dureté. 
Ce  manque  de  sociabihté,  qui  est  général  dans 
les  possessions  espagnoles ,  ces  haines  qui 
divisent  les  castes  les  plus  voisines,  et  dont 
les  effets  répandent  de  l'amertume  dans  la 


i  ■• 


CHAPITRE    VU.  67 

^  ie  des  colons ,  sont  uniquement  dûs  aux 
principes  de  politique  qui ,  depuis  le  seizième 
siècle ,  ont  gouverné  ces  régions.  Un  gouver- 
nement éclairé  sur  les  vrais  intérêts  de  Thu- 
manité  ,  pourra  propager  les  lumières  et 
l'instruction;  il  réussira  à  augmenter  le  bien- 
être  physique  des  colons ,  en  faisant  peu  à 
peu  disparoitre  cette  inégalité  monstrueuse 
des  droits  et  des  fortunes  :  mais  il  trouvera 
d'immenses  difficultés  à  vaincre  lorsqu'il 
voudra  rendre  les  habitans  sociables,  et  leur 
apprendre  à  se  regarder  mutuellement  comme 
concitoyens. 

N'oublions  pas  qu'aux  Etats-Unis,  la  société 
s'est  formée  d'une  manière  bien  différente 
qu'au  Mexique  et  dans  les  autres  régions 
continentales  des  colonies  espagnoles.  En 
pénétrant  dans  les  monts  AUéghanys  ,  les 
Européens  ont  trouvé  des  forets  immenses 
dans  lesquelles  erroient  quelques  tribus  de 
peuples  chasseurs  que  rien  n'attachoit  à  un 
sol  non  défriché.  A  l'approche  des  nouveaux 
colons ,  les  indigènes  se  retirèrent  peu  à  peu 
dans  les  savanes  occidentales  qui  avoisinent  le 
Mississipi  et  le  Missoury  :  ainsi  des  hommes 
libres,  d'une  même  race,  de  la  même  origine, 

5* 


68  LIVRE    II, 

devinrent  les  premiers  élémens  d'un  peuple 
naissant.  «  Dans  l'Amérique  septentrionale , 
«  dit  un  homme  d'état  célèbre ,  un  voyageur 
«  qui  part  d'une  ville  principale  où  l'état 
«  social  est  perfectionné,  traverse  successi- 
»c  vement  tous  les  degrés  de  civilisation  et 
«  d'industrie,  qui  vont  toujours  en  s'afFoi- 
«  blissant  jusqu'à  ce  qu'il  arrive ,  en  très-peu 
«  de  jours  ^  à  la  cabane  informe  et  grossière 
«  construite  de  troncs  d'arbres  nouvellement 
«  abattus.  Un  tel  voyage  est  une  sorte  d'ana- 
«  lyse  pratique  de  l'origine  des  peuples  et 
«  des  états.  On  part  de  l'ensemble  le  plus 
«  composé  pour  arriver  aux  données  les  plus 
«  simples;  on  voyage  en  arrière  dans  l'histoire 
«  des  progrès  de  l'esprit  humain;  on  retrouve 
"  dans  l'espace  ce  qui  n'est  du  qu'à  la  suc- 
M   cession  du  temps'.  » 

Dans  la  Nouvelle-Espagne  et  au  Pérou ,  si 
l'on  en  excepte  les  Missions,  les  colons  ne 
sont  nulle  part  rentrés  dans  l'état  de  nature. 
Se  fixant  au  milieu  de  peuples  agricoles,  qui 
vivoient  eux-mêmes  sous  des  gouvernemens 


*  M.  de  Talloyraiwl,  dans  son  Essai  sur  les  colonies 
nouvelles. 


lonies 


CHAPITRE    VII.  Dl) 

aussi  compliqués  que  despotiques,  les  Euro-- 
péens    ont  profité  des   avantages  que  leur 
ofFroient  la  prépondérance  de  leur  civilisation, 
leur  astuce  et  Tautorité  que  leur  donnoit  la 
conquête.  Cette  situation  particulière,,  et  le 
mélange  de  races  dont  les  intérêts  sont  dia- 
métralement opposés,  devinrent  une  source 
intarissable  de  haine  et  de  désunion.  A  mesure 
que  les  descendans  des  Européens  furent  plus 
nombreux  que  ceux  que  la  métropole  envova 
directement,  la  race  blanche  se  divisa  en  deux 
partis ,  dont  les  liens  du  sang  ne  peuvent 
calmer  les  ressentimens.    Le  gouvernement 
colonial,  par  une  fausse  politique ,  crut  pro- 
fiter de  ces  dissensions.  Plus  les  colonies  sont 
grandes,   et  plus  l'administration  prend  un 
caractère  de  méfiance.  D'après  des  idées  que 
malheureusement   on  a    suivies  depuis   des 
siècles,  ces  régions  lointaines  sont  considérées 
comme  tributaires  de  TEurope  :  on  y  distribue 
l'autorité ,  non  point  de  la  manière  que  l'in- 
térêt public  l'exige,  mais  ainsi  que  le  dicte 
la  crainte  de  voir  augmenter  trop  rapidement 
la  prospérité  des  habitans.  Cherchant  la  sécu- 
rité dans  les  dissensions  civiles  y  dans  la  balance 
du  pouvoir  et  dans  une  complication  de  tous 


70  LIVRE  n,    CHAPITRE  VII. 

les  ressorts  de  la  grande  machine  politique , 
la  métropole  travaille  sans  cesse  à  nourrir 
Tesprit  de  parti  et  à  augmenter  la  haine  que 
se  portent  mutuellement  les  castes  et  les 
autorités  constituées.  De  cet  état  de  choses 
nait  une  aigreur  qui  trouble  les  jouissances 
de  la  vie  sociale. 


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LIVRE   III. 

Statistique  particulière  des  Inten- 
fiances  qui  composent  le  royaume 
de  la  Nouvelle  -  Espagne,  —  Leur 
étendue  territoriale  et  leur  popu- 
lation. 


CHAPITRE    VIII. 


<, 


.  I     )       !     ■      •■'      •■ 


De  la  dmsion  politique  du  territoire  mexicain ^ 
et  du  rapport  de  la  population  des  Inlen^ 
dances  a  leur  étendue  territoriale,  —  Filles 
principales. 


^VAMT  de  présenter  le  tableau  qui  contient 
la  statistique  particulière  des  intendances  de 
la  Nouvelle -Espagne,  nous  discuterons  les 
principes  sur  lesquels  se  fondent  les  nouvelles 
divisions  territoriales.  Ces  divisions  sont  en- 
tièrement inconnuas  aux  géographes  les  plus 


72  LIVRE    m, 

modernes ,  et  nous  répétons  ici  ce  que  nous 
avons  déjà  indique  plus  haut  dans  Tlntroiluc- 
tion  de  cet  ouvrage,  que  notre  carte  générale, 
publiée  dans  l'Atlas  mexicain ,  est  la  seule  qui 
ofFre  les  lirtiitesdes  intendances  établies  depuis 
l'année  177O. 

M.  Pinkerton ,  dans  la  seconde  édition  de 
sa  Géographie  moderne  ' ,  a  essayé  de  donner 

'  On  anncyiicc  en  ce  moment  '(  Riljliolbéqiie  amé- 
ricaine ;  i8q8  ,  n.**  9)  qiic  M.  Piukerlon  assure  s'tirc 
servi  de  mes  tuanuscrits  pour  son  travail  sur  le  Mexique. 
J'ai  communiqué ,  avec  la  franchise  naturelle  à  mon 
caractère,  plusieurs  rotes  manuscrites  à  M.  Bourgoing, 
à  M.  Alexandre  Laborde,  et  à  quelques  autres  savans 
également  respectables:  je  n'en  ai  jamais  communiqué 
à  M.  Pinkerton  ;  et  la  manière  avec  laquelle  il  m'avoit 
traité  dans  sa  Géographie ^  avant  mon  retour  en  Eu- 
rope ,  ne  devoit  pas,  sans  doute,  m'engager  à  des 
relations  avec  lui.  Compilateur  aussi  inexact  qu'auda- 
cieux ,  M.  Pinkerton  ,  dans  le  style  qui  lui  est  propre  , 
trouve  «  ridicule,  dégoûtant  et  absurde  »  tout  ce  qui 
est  contraire  aux  idées  qu'il  s'est  formées  dans  son 
cabinet.  Ignorant  que  la  carte  de  La  Cruz  est  dressée 
sur  celle  du  père  Caulin ,  il  ne  permet  pas  d'autres 
cours  aux  rivières  que  ceux  qu'il  trouve  indiqués  par 
le  premier.  Il  pousse  le  scepticisme  si  loin,  que,  d'après 
lui,  l'auteur  du  Voyage  à  la  Terre-Ferme,  M.  Depons, 
ignore  jusqu'au  nom  du  pays  dans  lequel  il  a  séjourné 


ue  nous 
trocluc- 
nérale, 
;ule  qui 
i  depuis 

lion  de 
donner 

ue  a  mè- 
re s'êlre 
1  toxique. 
e  ù  uion 
Lirgoiiig, 
s  savans 
luniqué 
m'avoit 
eu  Eu- 
c  à  das 
u'auda- 
)ropre  , 
ce  qui 
ms  son 
dressée 
'autres 
*és  par 
d'après 
'epons, 
journé 


CHAPITRE    Vlll.  7.3 

une  description  détaillée  des  possessions  espa- 
gnoles dans  l'Amérique  du  nord  ;  il  y  a  mêlé 
plusieurs  notions  exactes  tirées  du  Viajvro 
inmersaly  à  des  données  vagues  que  lui  a 
fournies  le  dictionnaire  de  M.  Alcedo.  L'au- 
teur, qui  se  croit  sing-idiorenicnt  instruit  sur 
les  vraies  divisions  territoriales  de  la  Nouvelle- 
Espagne  ,  considère  les  provinces  de  Sonora , 
de  Cinaloa  et  de  la  Pimeria  comme  parties 
de  la  Nouvelle  -  Biscaye.  Il  divise  ce  qu'il 
appelle  le  domaine  de  Mexico  ,  dans  les 
districts  de  Nueva  Galicia,  de  Panuco ,  de 
Zacatula ,  etc. ,  etc.  D'après  le  même  prin- 
cipe ,  on  diroit  que  les  grandes  divisions  de 
l'Europe  sont  FEspagne,  le  Languedoc,  la 
Catalogne ,  les  arrondissemens  de  Cadix  et 
de  Bordeaux. 

Avant  que  la  nouvelle  administration  fût 
introduite  par  le  comte  Don  José  de  Galvez, 
ministre  des  Indes ,  la  Nouvelle-Espagne  em- 
brassoit,  i.^'le  Reyno  de  Mexico;  2.**  le  Rejno 
de  Nueva  Galicia  ;  3.**  le  Nuevo  Reyno  de 

quatre  ans.  Les  notes  surtout  qui  accompagnent  la 
nouvelle  édition  de  la  Géographie  de  M.  Pinkerton, 
contribuent  à  répandre  les  idées  les  plus  fausses  sur  la 
physique  et  l'histoire  naturelle  descriptive. 


74  LIVRE    m , 

Léon  ;  4*"  la  Colonia  del  Nnevo  Santander  ; 
5.*»  la  Provincia  de  Tnxas;  G.<*  la  Provincia  de 
Cohahiiila  ;  7."  la  Provincia  de  NuevaBiscaya; 
8.^  la  Provincia  de  la  Sonora;  9.'  la  Provincia 
de  Nuevo  Mexico ,  et  10."  Ambas  Californias  ^ 
ou  les  Provincias  de  la  Vieja  y  JNuevaCali- 
fornia.  Ces  anciennes  divisions  sont  encore 
Irès-iisitées  dans  le  pays.  La  même  limite  qui 
sépare  la  Nueva  Galicia  du  Reyno  de  Mexico, 
auquel  appartient  une  partie  de  l'ancien 
royaume  de  Mechoacan ,  est  aussi  la  ligne 
de  démarcation  entre  la  jurisdiction  des  deux 
audiences  de  Mexico  et  de  Guadalaxara.  Cette 
ligne ,  que  je  n*ai  pas  pu  tracer  sur  ma  carte 
générale ,  ne  suit  cependant  pas  exactement 
les  contours  des  nouvelles  intendances  :  elle 
commence  sur  les  côtes  du  golfe  du  Mexique , 
dix  lieues  au  nord  de  la  rivière  de  Panuco  et 
de  la  ville  d'Altamira ,  près  de  Bara  Ciega , 
et  traverse  l'intendance  de  S.  Luis  Potosi  jus- 
qu'aux mines  de  Potosi  et  de  Bernalejo  ;  de  là 
longeant  l'extrémité  méridionale  de  l'inten- 
dance de  Zacatecas  et  la  limite  occidentale 
de  l'intendance  de  Guanaxuato ,  elle  se  dirige 
à  travers  l'intendance  de  Guadalaxara ,  entre 
Zapotlan  et  Sayula,  entre  Ayotitan  et  la  ville 


tM 


\{-K 


CHAPITRE    VIII.  -JJ 

fie  la  Purification,  surGuatlan,  un  des  ports 
de  l'Océan  Pacifique.  Tout  ce  qui  est  au  nord 
de  cette  ligne  appartient  à  l'audience  de 
Guadalaxara  ;  tout  ce  qui  est  au  sud  à  l'au- 
dience de  Mexico. 

Dans  son  état  actuel,  la  Nouvelie-Espafj^ne 
est  divisée  en  douze  intendances ,  auxquelles 
il  faut  ajouter  trois  autres  districts,  très-éloignés 
delà  capitale,  qui  ont  conservé  la  simple  déno- 
mination de  provinces.  Ces  quinze  divisions 
sont  :  ,    , 


H 


L    SOUS  LA  ZONE  TEMPÉRÉE. 

82,000  1.  carrées,  avec  677,000 âmes 
ou  8  habitans  par  lieue  carrée. 

A.  Région  du  Nord^  région  intérieure. 

1.  Provincia  de  Nuevo  Mexico,  le  long 

du  Rio   del   Norte,    au   nord   du 
parallèle  de  3i  degrés. 

2.  Intendencia  de  Nueva  Biscaya,  au 

sud^ouèst  du  Rio  del  Norte ,   sur 
!    le    plateau    central    qui    s'abaisse 
rapidement   depuis  Durango  vers 
Chihuahud. 


i6 


LIVRE    III 


? 


B.  Région  du  Nord-  Ouest  ^   voisine    du 
Grand-Océan. 

3.  Provincia  de  la  Nue VI  California, 

ou  côte  nord-ouest  de  l'Amérique 
septentrionale,  occupée  par  les  Es- 
pagnols. 

4.  Provincia    de    la    Antigua   Cali- 

fornia. Son  extrémité  méridionale 
entre  déjà  dans  la  zone  torride. 

5.  Intendencia  de  la  Sonora.  La  partie 

la  plus  australe  de  Cinaloa ,  dans 
laquelle  sont  situées  les  mines  cé- 
lèbres de  Copala  et  du  Rosario , 
d-^passe  aussi  le  tropique  du  Cancer. 

C  Région  du  Nord-Est  j  voisine  du  golfe 
du  Mexique.  • 

6.  Intendencia    de   San  Luis  Potosi. 

Elle  comprend  les  pro"\dnccs  de 
Texas,  la  Colohia  de  Nuevo  San- 
tander  et  Cohahuila,  le  Nuevo  Reyno 
de  Léon ,  et  les  districts  de  Gharcas , 
Altamiia,  de  Catorce  et  Raiiios.  Ces 
demie  .s  districts  co'uposent  l'inten- 
dancc  de  Sun  Luis  profjrenieut  dite. 


vi 


CHAPIÏUK    VIII. 


77 


La  partie  australe ,  celle  qui  s'étend 
au  sud  de  la  Barra  de  Santander  et 
du  Real  de  Gatorce,  appartient  à 
la  zone  torride. 

IL    SOUS  LA   ZONE  TORRIDE. 

36,000 1.  carrées,  avec  5, 160,000  AniPs 
ou   i4i  habitans  par  lieue  carrée. 

D.  Région  centrale, 

7.  Intendencia  de  Zacateoas,  excepté 
la  partie  qui  s'étend  au  nord  dc^ 
mines  de  Fresnillo. 

8.    InTEM)ENC1A    de    GUADALAXAÏIA. 

9.  Inteadencia  de  Guanaxuato. 

10.  intendencia  de  Valladolid. 

11.  Intendencia  de  Mexico. 

12.  Intendencia  de  la  Puebla. 
10,  Intendencia  de  la  Vera-Gruz. 

E.  Région  du  Sud-Est. 

1/4.  Intendencia  de  Oaxaca. 
i5.  Intendencia  de  Merida. 

Los  divisions  qu'oflVe  ce  tableau  se  fondent 
sur  l'état  physique  du  pays,  .^ious  voyons  que 
pi'ès  des  sept  huiticines  des  habitans  vivent 
sous  iazoïîo  ton  ide.  La  population  est  d'autant 


8 


LIVRE    III 


plus clair-seniée  que  l'on  avance  vers  Duranoo 
et  Chihuahua.  Sous  ce  rapport,  la  Nouvelle- 
Espagne  présente  une  analogie  frappante  avec 
rindoustan,  qui  confine  aussi  au  nord  à  des 
1  égions  presque  incultes  et  inhabitées.  Parmi 
quatre  raillions  qui  occupent  la  partie  équi- 
jioxiale  du  Mexique,  il  y  en  a  quatre  cinquièmes 
qui  habitent  le  dos  de  la  Cordillère ,  ou  des 
plateaux  dont  Télévation  au-dessus  du  niveau 
de  rOcéan  égale  la  hauteur  du  passage  du 
Mont-Cenis. 

La  Nouvelle-Espagne ,  en  considérant  ses 
provinces  d'après  leurs  relations  commerciales 
ou  d'après  la  situation  des  côtes  auxquelles 
elles  touchent  immédiatement,  se  divise  en 
trois  régions. 

I.  PROVINCES  DE  L'INTÉRIEUR,   qui 

ne  s'étendent  pas  jusqu'aux  cotes  de 
l'Océan  : 


1.  NuEvo  Mexico. 
2m  Nueva  Biscaya. 

3.  Zacatecas. 

4.  Cuanaxuato. 


'urano'o 
mvelle- 
ite  avec 
i  à  des 
Parmi 
î  équi- 
uièmes 
3u  des 
niveau 
ge  du 

mt  ses 
relaies 
[uelles 

ise  en 


y    qui 
es  de 


• 


CHAPITRE    VIII. 


19 


IL    PROVINCES  MARITIMES  de  la  côte 
orientale  y  opposée  à  l'Europe  : 

5.  San  Luis  Potosi. 

6.  Vera-Cruz. 

7.  Merida  ou  Yucatan. 

III.  PROVINCES  MARITIMES  de  la  côte 
occidentale  y  opposée  à  l'Asie  : 

8.  Nouvelle  Californie. 

9.  Ancienne  Californie. 
10.  S0N0RA. 

ii.  guadalaxara. 
12.  Valladolid. 
i3.  Mexico. 

l/j.    PUEBLA. 

i5.  Oaxaca. 

Ces  divisions  seront  un  jOur  d'un  grand 
intérêt  politique,  quand  la  culture  du  Mexique 
sera  moins  concentrée  sur  le  plateau  central 
ou  sur  le  dos  de  la  Cordillère ,  et  quand  les 
côtes  commenceront  à  se  peupler.  Les  pro- 
vinces maritimes  occidentales  enverront  leurs 
vaisseaux  à  Noutka ,  à  la  Chine  et  aux  grandes 
Indes.  Les  îles  de  Sandwich ,  habitées  par 
un  peuple  féroce ,   indu>itrieux  et  entrepre-- 


8o  LIVRE    III, 

nant,  paroissent  plutôt  destinées  à  recevoir 
des  colons  mexicains,  queues  colons  euro- 
péens :  elles  oftrent  une  échelle  importante 
aux  nations  qui  se  livrent  au  commerce  d'en- 
trepôt dans  le  grand  Océan.  Les  habitans  de 
la  JNouvelle-Espagne  et  du  Pérou  n'ont  pas 
pu  profiter  jusqu'ici  des  avantages  de  leur 
position  sur  une  côte  opposée  à  l'Asie  et  à 
la  Nouvelle-Hollande  :  ils  ne  connoissent  pas 
même  les  productions  des  îles  de  la  mer 
Pacifique.  L'ari>re  à  pain  et  la  canne  à  sucre 
d'Otalieiti,  ce  roseau  précieux  dont  la  culture 
a  eu  l'influence  la  plus  heureuse  sur  le  com- 
merce des  Antilles ,  au  lieu  des  îles  les  plus 
voisines,  leur  parviendront  un  jour  de  la 
Jamaïque,  de  la  Havane  et  de  Caracas.  Que 
d'efforts  n'ont  pas  l'ait  depuis  dix  ans  les  états 
confédérés  de  l'Amérique  septentrionale,  pour 
s'ouvrir  un  chemin  vers  les  côtes  occidentales, 
vers  ces  mêmes  côtes  sur  lesquelles  les  Mexi- 
cains ont  les  ports  les  plus  beaux ,  mais  sans 
vie  et  sans  commerce! 

D'après  l'ancienne  division  du  pays,  le 
Reyno  de  Nuc^a  G  aile  la  a  voit  plus  de  qua- 
torze mille  lieues  carrées  et  près  d'un  million 
d'habitans;  il  embrassoit  les  intendances  de 


il 


CHAPIXI'.E    VUI. 


8i 


sans 


le 


Zacateccis  et  de  Guadalaxara' ,  ainsi  qu'une 
petite  partie  de  celle  de  San  Luis  Potosi.  Les 
régions  désignées  aujourd'hui  sous  la  dénomi- 
nation des  s^pt  intendances  de  Guanaxuato, 
Valladolid  ou  Mechoacan,  Mexico,  Puebla , 
Yera-Cruz,  Oaxaca  et  Merida,  formoient, 
avec  une  petite  portion  de  l'intendance  de  San 
LuisPolosi',  le  Rcjno  de  Mexico  vivo^veaiQïit 
dit.  Ce  royaume  avoit  par  conséquent  plus  de 
27,000  lieues  carrées,  et  près  de  quatre  mil- 
lions et  demi  d'habitans.  . 

Une  autre  division  de  la  Nouvelle-Espagne, 
également  ancienne  et  njoins  v:\^ue,  c^t  celle 
qui  distint^je  la  Nouvelle -Espagne  yropre- 
ment  dite ,  des  provincics  internas.  A  ces 
dernières  appartient ,  à  Tex^eption  des  deux 
Californies,  tout  ce  qui  est  au  nord  et  au 
nord-ouest  du  royaume  de  iNJueva  GalicJa; 
par  conséquent  ,  1.*^*  le  petit  royaume  de 
Léon;  2.''  la  colonie  du  Nouveau-Santander; 
3.<^  Texas;  4«°  la  Nouvelle-Biscaye  ;  5  •>  Sonora; 

*  A  l'exception  de  la  ban»i<^  la  plus  australe,  dans 
laquelle  se  trouvent  le  vulcau  de  Colima  et  le  village 
d'Ayolilan. 

'  La  partie  ^  plus  méridionale ,  qui  est  traversée  par 
la  rivière  de  Panuco. 

II.  6 


Il 


i   i 


8a 


LIVRf::    III 


6/'  Coliahuila,  et  7.»  le  Nuevo  Mexico.  On 
ilislingue  Xesproviiicias  internas  delVircjnato, 
qui  comprennent  7814  lieues  carrées  ,  des 
provincias  internas  de  la  comandancia  (  de 
Cliihuahua  )  ,  érigées  en  capitania  gênerai 
Tannée  1779.  Ces  dernières  ont  59,075  lieues 
carrées.  Des  douze  intendances  nouvelles,  il 
V  eu  a  trois  situées  dans  les  provinces  internes, 
celles  de  Durango ,  Sonora  et  San  LuisPotosi. 
Il  ne  faut  cependant  pas  oublier  que  l'inten- 
dant de  San  Luis  n'est  directement  soumis 
au  vice-roi  que  pour  Léon ,  Santander  et  les 
districts  qui  sont  voisins  de  sa  résidence ,  ceux 
de  Charcas ,  de  Catorce  et  d'Altamira.  Les 
gouvernemens  de  Gohaliuila  et  de  Texas  font 
aussi  partie  de  l'intendance  de  San  Luis  Potosi  ; 
mais  ils  appartiennent  directement  à  la  coman- 
dancia gênerai  de  Ghiliuahua.  Les  tableaux 
suivans  pourront  jeter  quelque  jour  sur  ces 
divisions  territoriales  assez  compliquées.  Il 
en  résulte  que  l'on  divise  toute  la  Nouvelle- 
Espagne,  en 

A.  Provincias  su  je  tas  al  Virey  de  Nueva 
EspaTia;  59,100  lieues  carrées  ,  avec 
5,477,900  âmes  :  .    .  . 


\ 


t  il 


ico.   On 
rcjnato, 
?es  ,   des 
'cia  (de 
gênerai 
•5  lieues 
elles,  il 
n  ternes, 
sPotosi. 
l'inlen- 
soumis 
er  et  les 
e , ceux 
ra.  Les 
Las  font 
Potosi  ; 
coman- 
bleaux 
sur  ces 
ees.   Il 
jvelle- 


ISlueva 
avec 


il 


CHAPITRE    VIII. 


83 


les  dix  intendances  de  Mexico  ,   Puebla, 

Vera-Gruz,  Oaxaca,  Merida,  Valladolid, 
Guadalaxara,  Zacatecas ,  Guanaxuatoet 
San    Luis  Potosi    (  sans  y  comprendre 
Cohahuila  et  Texas); 
les  deux  Californies. 

B.  PvoK>incias  su  jetas  al  comandante  gênerai 
cloprovincias  internas  s  69,575  lieues  car- 
rées, avec  559,200  habitans  : 

les  deux  intendances  de  Durangoet  Sonora; 

'a  province  de  Nuevo  Mexico  ; 

Gohaluila  et  Texas. 

TouLe  la  Nouvelle -Espagne,  118,478  lieues 
carrées,  avec  5,857,100  habitans. 

Ces  tableaux  offrent  la  surface  des  provinces 
calculée  en  l'oues  carrées  de  25  au  degré, 
d'après  la  carte  générale  contenue  dans  mon 
Atlas  m  exicain .  Les  premie  rs  calculs  a  voient  été 
faits  à  Mexico  mêiiie,  à  la  fin  de  l'année  i8o3 , 
par  M.  Oteyza  et  par  moi.  Mes  travaux  géo- 
graphiques a)  ant  atteint,  depuis  cette  époque, 
un  peu  plus  de  perfection,  M.  Oltmanns  a 
})ien  voulu  se  charger  de  recalculer  toutes 
les  su riaces  territoriales  :  il  a  exécuté  ce 
travail  avec  la  précision  qui  caractéri 


qui 


G 


84     ,  Livr.E  iir, 

ce  qu'il  entreprend,  ayant  formé  des  carrés 
iflonl  les  côtés  n'avoient  que  trois  minutes 
en  arc. 

La  population  indiquée  dans  mes  tableaux 
est  celle  que  l'on  peut  supposer  avoir  existé 
l'année  i8o3.  J'ai  développé  plus  haut,  dans 
le  quatrième  chapitre  (p.  02 15  et  3/fi),  les 
principes  sur  lesquels  se  fondent  les  change- 
mens  ffiits  dans  les  nombres  obtenus  par  le 
dénombrement  de  1 793.  Je  n'ignore  pas  que 
des  géographes  modernes  n'admettent  que 
deux  à  trois  millions  d'habitans  pour  le 
Mexique.  On  s'est  plu  de  tout  temps  à  exa- 
gérer la  population  de  l'Asie ,  et  à  rabaisser 
celle  des  possessions  espagnoles  en  Amérique: 
on  oublie  que  sous  un  beau  climat  et  sur  un 
sol  fertile,  la  population  fait  des  progrès 
rapides ,  même  dans  les  pays  les  moins  bien 
administrés  :  on  oublie  que  des  hommes  épars 
sur  un  terrain  immense ,  souffrent  moins  des 
imperfections  de  l'état  social,  que  lorsque  la 
population  est  très-concentrée,     f. 

L'on  est  incertain  sur  les  limites  que  l'on 
doit  assigner  à  la  Nouvelle-Espagne ,  au  nord 
et  à  l'est  :  il  ne  suffit  pas  qu'un  pays  ait  été 
parcouru  par  un   moine  missionnaire ,    ou 


'1 


CHAPITRE    Vm. 


85 


es  carres 
minutes 

tableaux 
ir  existé 
ut,  dans 
il),  les 
change- 
s  par  le 
pas  que 
3nt  que 
pour  le 

à  exa- 

abaisser 

érique: 

sur  un 
progrès 
ns  bien 
s  épars 
)ins  des 
sque  la 

le  l'on 
u  nord 
ait  été 
,    ou 


qu'une  côte  ait  été  vue  par  un  vaisseau  de  la 
marine  royale,  pour  les  considérer  comme 
appartenant  aux  colonies  espagnoles  de  l'Amé- 
rique. Le  cardinal  Lorenzana  a  fait  imprimer 
à  Mexico  même ,  l'année  1770,  que  la  Nou- 
velle-Espagne, par  Févêché  de  Durango, 
confinoit    peut-être  avec  la  Tartarie  et  le 
Grœnland  '  I  On  est  aujourd'hui  trop  instruit 
en  géographie  pour  se  livrer  à  des  suppositions 
si  extravagantes.  Un  vice-roi  du  Mexique  a 
fait  visiter ,  depuis  San  Blas ,  les  colonies  amé: 
ricaines  des  Russes  sur  la  péninsule  d'/Vlaska- 
L'attention  du  gouvernement  mexicain  a  été 
pendant  long-temps  fixée  sur  la  côte  nord- 
ouest,  surtout  lors  de  l'établissement  à  No utk  a, 
que  la  cour  de  Madrid  s'est  vue  forcée  d'aban- 
donner pour  éviter  une  guerre  avec  1  Angle-r 
terre.  Les  habitans  des  Etats  -  Unis  poussent 
leur  civilisation  vers  le  Missoury  :  ils  tendent 
à  s'approcher    des  côtes  du  gi^and  Océan, 
auxquelles  le  commerce   des  fourrures  les 

^  u  Y  aun  si  ignora  si  la  Nueva  Espaîia  por  lo 
(c  mas  remoto  de  la  diocèses  de  Durango  confina  con 
«  la  Tarfaria  y  Groelandia ,  per  las  Californias  con 
«  la  Tartaria  y  por  elle  Nilcvo  Mexico  con  la  Groi - 
«  landia.  »  Lorenzana  ,  p.  38. 


86 


LIVRE    m 


appelle.  Uépoque  approche  où  ,  par  les 
progrès  rapides  de  la  culture  humaine ,  les 
limiles  de  la  Nouvelle-Espagne  toucheront 
à  celles  de  l'empire  russe  et  de  la  grande 
confédération  des  républiques  américaines. 
Dans  l'état  actuel  des  choses ,  le  gouverne- 
ment mexicain  ne  s'étend ,  sur  les  côtes  occi- 
dentales ,  que  jusqu'à  la  Mission  do  S.  François, 
au  sud  du  cap  Mcndocin;  et  au  Nouveau- 
Mexique,  jusqu'au  village  de  Taos.  A  l'est, 
vers  l'état  de  la  Louisiane  ,  les  limites  de 
l'intendance  de  S.  Luis  Potosi  sont  peu  déter- 
minées :  le  congrès  de  Washington  tend  à 
les  restreindre  jusqu'à  la  rive  droite  du  Rio 
Bravo  del  Norte;  tandis  que  les  Espagnols 
comprennent,  sous  la  dénomination  de  pro- 
vince de  Texas,  les  savanes  qui  s'éi-  'idcnt 
jusqu'au  Rio  Mexicano  ou  Mermentas,  a  l'est 
du  Rio  Sabina. 

Le  tableau  suivant  offre  la  surface  et  la 
population  des  plus  grandes  associations  poli- 
tiques de  l'Europe  et  de  l'Asie  :  il  fournira 
des  comparaisons  curieuses  avec  l'état  actuel 
du  Mexique. 


i\ 


CHAPITRE    YIII. 


87 


fi 

f> 

i 

GRANDE» 

I.IF.l'K>  CMlRlil.> 

rOPULATION 

ll.ttITA.'. 

1 

ASSOCIATIO^S    l'OLITIQIES 

de 

!'•"■ 

J 

4.'tl     l8<)8. 

1 

sf)  an  degré. 

TOTAi.r. 

lii'iir  cnri/ 

l 

1 

'  'j  erïiuu'e   ru  >se 

y  12,  »ô:i 

^10,0(10,000 

1 
/j2 

i 

1 .  Partit  eiir<)|)peimc 

50, 100,000 

"1 

l 

'/.  Partie  tisiulifiue 

7z6,Gtt 

5,597,000 

Le  seul  guiivtriitmeiit  il  ii- 

%I 

tiiitzk 

55o,ooo 

68o,Goo 

2 

Le    :;tul    gouvtincnnan    dt 

I 

Tobolsl. 

200,000 

72, ,'147 
182,599.000 

1 

j 

Toute  l'Kiirupe 

470,111 

saj 

j 

Les  États-Unis  tle  rAniéiiqne 

j 

septenliionaic  ;  savoir  : 

E 

].  Avec  la  Louisiane 

31)0,540 

G,  800, 000 

22 

?..  Sans  la  Lunisiaiie 

ljG,2'lO 

G,7i5,ouo 

45 

5.  Sans  la    Loni^iune    et   le 

tpiritoirc  iiuiiin  {in  Crcr- 

1 

gia  and  li'e.'^ltrn  ïi'a- 

8 

ters  ) 

78,120 

C,G55,ooo 

85 

j 

L'Indoustun  en-deçà  du  Gange  ' . 

162,827 

1 

Teniloire  anglois  sur  lequel 

'. 

1 

1 

la    compagnie    des    Jndes 

( 

'         Orientales  a  acquis  la  sou- 

veraineté  

48,299 

2.5,8oG,ooo 

495 

^ 

Allies    et     tributaires    de   Ici 

'         compaguie  ansloise 

3a,647 

16,900,000 

5i8 

Ki»j.'ir.'    turc  ,  en    J-urope  ,   en 

'sie  et  en  Afi  «lue 

iSfi.iio 

25,53o,ooo 

186 

La  monarchie  autrii  lienne..  .  . 

55,258 

25,588,000 

769 

1 

i.^  France,  d'apr^-sM.  Peuchet. 

02,000 

,55,000,000 

100)4 

1 
1 

fc-jpagne,  d'après  M.  Laborde. 

25, 147 

10,409,000 

4i5 

1 

1 

''«0(f«clU>-hiSpaff>«- , 

1.    *           les   jM  w  incias    in- 

1 

t'          ...          

118,578 

5,857,100 

49 

P      2.  Sciws    les    pi*»' iiitias   in- 

î 

i          tertias    

.'îi,2-So 

5,4i5-noo 

io5 

^  D'à:  J  s  la  hfiïc  carte  d  Arrovysmilh  ,  Maj)  of 
India,  i8oJt.  (  J««riial  astronomique  de  MM.  Zach 
4A  Lindenau,  i%)7,  p.  3Gi.)  Le  reste  des  données 
d'aj.'ï-r.s  l'ouvra^;  cia.ss'*:ur  de  M.  ILis.sc]  ,  Tahleaa 
statffiiKifge  (J("i  Étals  de  l' Europe,  Caliicr  I  (iScS)^ 
Cil  ulieiuuuiL 


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TEST  TARGET  (MT-3) 


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Photographie 

Sciences 

Corporation 


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W£BSTER,N.Y.  t4SSP 

(71*".  «73-1503 


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1 


[i  II' 


88 


LIVRE  iir 


Nous  voyons  par  ce  tableau  ,  qui  peut  faire 
naître  des  considérations  très-curieuses  sur 
la  disproportion  de  la  culture  européenne , 
que  la  Nouvelle-Espagne  est  presque  quatre 
fois  aussi  grande  que  TEmpire  français  ,  avec 
une  population  qui,  jusqu'à  ce  jour,  est  sept 
fois  plus  petite.  Les  rapports  que  présente 
la  comparaison  des  Etats- Çnis  '  tt  du  Mexique 

*  L'étendue  du  terriloire  liis  llals-Unis  est  très- 
difficile  à  éTaiuer  en  liiucs  carréos  ,  surtout  depuis 
l'acquisition  de  la  Louisiane,  dont  les  limites  sont 
pour  ainsi  uire  incertaioes  k  l'ouest  et  au  nuid-oncst. 
Selon  M.  Hutchins ,  l'ancien  ^Jograj'lio  du  congrès, 
à  qui  l'on  doit  la  beii  carte  des  pays  situés  au-delà 
de  rOhio,  les  Etats-Unis  <  mbrassoicnt ,  Tannée  i7i»5, 
une  surface  de  64o  millions  o  'acrt-s.  ou  (en  décomptant 
les  lacs)  de  Sbg  millions.  Or,  64o  acn's  Tont  un  square- 
mile  }  par  conséquent  (en  renuisant  duos  la  proportion 
de  i44:35)  les  589  millions  éi  acres  équivalent  à 
169,000  lieues  carrées  de  '25  au  degré.  J'ai  suivi , 
dans  l'évaluation  du  territoire  présentée  dans  le  tableau 
précédent,  des  notes  mai.uscrites  qui  m'ont  été  lour- 
nies  par  un  homme  d'état  respectable,  par  M.  Gnllaiin, 
ministre  du  trésor  public  à  Washington.  D'après  ces 
notes,  les  États-Unis,  sans  la  Louisiane,  occupent 
900,000  square-miles  ,  ou  i56,24o  lieues  carrées.  Ce 
nombre  est  d'un  neuvième  plus  petit  que  celui  adopté 
généralement  par  les  géographes  américains  j   mais 


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mais 


^% 


I 


CHAPITRE    VIII.  89 

sont  surtout  très-frappans ,  si  Ton  regarde  la. 
Louisiane  et  le  territoire  occidental  comme 
les  provincias  internas  de  la  grande  confédé- 
ration des  républiques  américaines. 

J'ai  présenté  dans  ce  chapitre  l'état  de  ces 
provincias  internas ,  tel  qu'il  étoit  loi^que  je 
séjournai  au  Mexique.  Il  s'est  fait  depuis  un 
changement  dans  le  gouvernement  mihtaire 
de  ces  vastes  provinces ,  dont  la  surface  est 
presquele  double  de  celle  de  l'Empire  francois. 
L'année  1807,  deux  co/?}nndcintes  générales  ^ 
les  brigadiers  Don  Nemesio  Salcedo  et  Don 
Pedro  Grimarest,  gouvernoient  ces  régions 
septentrionales.  Voici  la  division  actuelle  du 

celte  différence  provient  de  calculs  plus  exacts  sur  la 
surfiicc  des  lacs  et  la  position  plus  orientale  du  Missis- 
sipi ,  déterraince  par  les  observations  de  M.  Ellicot. 
M.  Gallatin  croit  que  Terreur  de  son  évaluation  ne 
peut  pas  excéder  5o,ooo  square-miles.  La  moitié  de 
ces  i56,24o  lieues  carrées  appartient  aux  indigènes  , 
et  ne  peut  être  considérée  que  comme  un  pays  occupé 
par  des  peuples  alliés.  Je  crois  qu'en  ne  comptant  que 
les  régions  dans  lesquelles  les  blancs  ont  déjà  fait  des 
établissemens,  et  en  excluant  celles  qui  sont  ou  désertes 
ou  babitées  par  les  Indiens,  le  territoire  des  États- 
Unis,  au  lieu  de  a6o,34o,  ne  devroit  être  évalué  que 
de  100  à  120^000  lieues  carrées. 


go  LIVRE    III, 

gobierno   militari  qui  n'est    plus  entre  les 
seules  mains  du  gouverneur  de  Chihuahua  : 

PROVINCIAS  INTERNAS  DEL  REYNO 
DE  NUE  VA  ESPANA. 

A.  Provincias  internas  occidentales  : 

1.  SOTÎORA. 

2.  DURANGO  O  NUEVA  BiSCAYA. 

3.  NuEvo  Mexico. 
4-  Californias. 

B.  Provincias  internas  orientales  : 

1.  cohahuila. 

2.  Texas. 

3.  COLONIA  DEL  NuEVO  SaNTANDER. 

4.  Nuevo  Reyno  de  Léon. 

Les  nouveaux  comandantes  générales  des 
provinces  internes,  ainsi  que  l'ancien,  sont 
considérés  comme  chefs  de  l'administration 
des  finances  dans  les  deux  intendances  de 
Sonoraet  de  Durango,  dans  la  province  de 
Nuevo  Mexico ,  et  dans  cette  partie  de  l'in- 
tendance de  San  Luis  Potosi ,  qui  comprend 
Texas  et  Cohahuila.  Quant  au  petit  royaume 
de  Léon  et  au  Nouveau-Santander ,  ils  ne  sont 
soumis  au  commandant  que  sous  le  rapport 
de  la  défense  militaire. 


1 


I 


CHAPITRE    VIII.  gi 

Analyse  statistique  du  royaume  de  la  Nouvelle-Efpaf^ne. 


DIVISIONS  TERRITOniALES. 


SURFACB 

en 

de 

25  au  ilegrë. 


POPOLATIOsr 

réduite 

à  l'époque 

de  i8o3. 


MOAIBRE 

des 

lIABITANs 

|iHr 
lieiiL'cari'ri 


,\  0  y  V  l'X  L  li-  ES  P  A  G  N  E. 
(Étendue  de  toute  la  vice- 
ro)'auté,  sans  y  comprendre 
le  ruyaumc  de  Guatiinala  ). . 


118,4-78 


5,857,100 


A 


.  PROVINCIAS  fNTERNAS. 

a.  Immédiatement  soumises 
au  vice-roi.  (  Provincial 
internas  del  Vireynato  ). . 

1,  .NuF.vo  RiiYNo  ne.  Léon. 

2.  NUEVO  SAîrt«ANDER 

b.  Soumises  au  gouverneur 
(le  Chihuahua.  (Provincias 
internas  de  la  coinandancia 
gênerai ) 

1.  IntendenciadelaNueva 

BlSCAYA  O  DuRANGO 

2.  Intend,  de  la  Sojsora. 
0.  cohahuila 

4.  I'exas 

5.  Nuevo  Mexico 


67,189 


7.8i4 
2,621 
5,193 


%,."75 


4a3,200 


64,000 
29,000 
38,uou 


359,200 


i6,«73 

159,700 

ig,i45 

121,400 

fi.yoî 

i6,goo 

10,948 

2l,UOO 

5,709 

4o,20O 

B.  ^iOUVELLE  -  ESPAGNE 
proprement  dite  >  immé- 
diatement soumise  au  vice 
roi,  comprenant  los  Reynos 
de  Alexico  ,  IVlechoacan  y 
Nueva  Galicia,  et  les  deux 
Californies 

1.  Intendance  Dï Mexico. 

2.  Int.  de  Puebla 

3.  Int.  de  Vbra-Critz.  . . . 

4.  Intendance  d'Oaxaca.. 

5.  Jnt.  db  Merida  on  Yu- 
catan 

6.  Int.  de  Valladolid.  . . . 
7'  Int.  de  Guadalaxara. 

8.  Int.  de  Zacatecas 

9.  Int.  de  Guanaxuato.  . 

10.  Int.  de  San  Luis  Potosi 
(sans  compter  le  Nouveau- 
Santander ,  Texas  ,  Coha- 
huila  et  le  roy.  de  Léon  ). . 

11.  Vieille  Californie  (An- 
tigna  California  ) 

12.  Nouvelle  Californie 
(Nueva  California  ) 


51,289 

5,027 
2,69' 
4,i4i 
4,447 

5.977 
3,446 

9,612 

2,553 

911. 


3,557 

7.295 
a, 125 


5,4 13,900 

i,5i  1,900 

81 5,000 

i56,ooo 

554,800 

465 .800 
376,400 
65o,5oo 
i55,!?oo 
5i7,5oo 


200,000 

9,000 

i5.6oo 


/. 


19 


fi 


8 
10 

7 


10 
6 
2 
2 

7 


io5 

255 

5oi 

58 

120 

81 

109 

66 

65 
568 


98 
1 

7 


f)2  LIVRE    III, 

Le  tableau  statistique  que  nous  venons  de 
présenter  prouve  une  grande  imperfection 
dans  la  division  territoriale.  Il  paroît  qu'en 
confiant  à  des  intendans  Tadminislration  de 
la  police  et  des  finances ,  on  avoit  en  vue  de 
diviser  le  sol  mexicain  d'après  des  principes 
analogues  à  ceux  que  le  gouvernement  François 
avoit  suivis  jadis  en  partageant  le  royaume 
en  généralités.  Dans  la  Nouvelle-Espagne , 
chaque  intendance  comprend  plusieurs  5z«^- 
dclégations  :  de  la  même  manière ,  les  généra- 
lités, en  France,  étoient  gouvernées  par  des 
siihdélégués ,  qui  exerçoient  leurs  fonctions 
sousles  ordres  de  l'intendant.  Mais  en  formant 
les  intendances  mexicaines  on  a  eu  bien  peu 
égard  à  l'étendue  du  territoire  ou  à  l'état  de 
la  population  plus  ou  moins  concentrée.  Aussi 
cette  nouvelle  division  eut -elle  lieu  à  une 
époque  où  le  ministre  des  colonies,  le  conseil 
des  Indes  etlesvice-rois  étoient  dépourvus  de 
tous  les  matériaux  nécessaires  pour  un  travail 
si  important.  Et  comment  saisir  le  détail  de 
l'administration  d'un  pays  dont  on  n'a  pas 
tracé  la  carte ,  sur  lequel  on  n'a  pas  même 
tenté  les  calculs  les  plus  simples  de  l'arithmé- 
tique politique  ! 


« 


^ 


i^enons  de 

perfection 

roît  qu'en 

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en  vue  de 

principes 

lit  François 

royaume 

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CHAPiTRE  viii.  93 

En  comparant  l'étendue  de  la  surface  des 
intendances  mexicaines ,  on  en  trouve  plusieurs 
qui  sont  dix ,  vingt ,  même  trente  fois  plus 
grandes  que  d'autres.  L'intendance  de  San 
Luis  Potosi ,  par  exemple  ,  a  plus  d'étendue 
que  toute  l'Espagne  européenne  ,  tandis  que 
l'intendance  de  Guanaxuato  n'excède  pas  la 
grandeur  de  deux  ou  trois  départemens  de 
la  France.  Voici  le  tableau  exact  de  la  dispro- 
portion extraordinaire  qu'offrent  ces  inten- 
dances mexicaines  dans  leur  étendue  terri- 
toriale ;  nous  les  rangeons  dans  l'ordre  de 
leur  grandeur  : 

Intendance  de  S.  Luis  Potosi,  27,821  lieues  carrées. 
Int.  de  Sonura,  19,1 43. 
Int.  de  Durango  ,   ifi^SyS. 
.       *      Int.  de  Guadalaxara ,  9,612. 
Int.  de  Merida  ,   6,977.      j 
Int.  de  Mexico,  6,927. 
Int.  d' Oaxaca  ,  4,447 . 
Int.  de  Vera-Cruz ,  k,\^\. 
Int.  de  Valladolid ,  7i,k\'j, 
'  '  Int.  de  Piiehla  ,  2,696. 

Int.   de  Zacatecas  ,  2,355,  ' 
.'        ".'.:  *:;.•!  ^        <      Int.de  Guanaxuato,  911. 

A  l'exception  des  trois  intendances  de  San 
Lu^s  Potosi,  de  SonoraetdeDurango,  dont 


f)4  LIVRE    m, 

chacune  occupe  plus  de  terrain  que  l'empire 
réuni  de  la  Grande-Bretagne^  les  autres  inten- 
dances ont  une  surface  moyenne  de  trois  ou 
quatre  mille  lieues  carrées  :  on  peut  les  com- 
parer ,  quant  à  leur  étendue ,  au  roj'aume  de 
]N  aples  ou  à  celui  de  Bohême.  On  conçoit  que 
moins  un  pays  est  peuplé,  et  moins  son  admi- 
nistration exige  de  petites  divisions.  En  France, 
aucun  département  n'excède  l'étendue  de 
65o  lieues  carrées  :  la  grandeur  moyenne  des 
départemens  y  est  de  5oo.  Dans  la  Russie 
européenne  et  au  Mexique,  au  contraire,  les 
g'ouvernemens  et  les  intendances  ont  une 
étendue  près  de  dix  fois  plus  considérable. 

En  France ,  les  chefs  des  départemens ,  les 
préfets,  veillent  sur  lès  besoins  d'une  popu- 
lation qui  excède  rarement  4^o,ooo  âmes, 
et  qu'en  terme  moyen  on  peut  évaluer  à 
5oo,ooo.  Les  gouvernemens  dans  lesquels 
l'empire  russe  est  divisé ,  ainsi  que  les  inten- 
dances mexicaines  ,  embrassent ,  malgré  la 
différence  de  leur  état  de  civilisation  ,  un 
plus  grand  nombre  d'habitans.  Le  tableau 
suivant  fait  voir  la  disproportion  qui  existe 
dans  la  population  des  divisions  territoriales 
dt;  la  Nouvelle-Espagne;  il  commence  par 


CHAPITRE    VIII. 


9' 


l'empire 

es  inlen- 

trois  ou 

les  com- 

\ume  de 

coit  que 

m  adnii- 

France, 

duc   de 

îiine  des 

Russie 

aire,  les 

>nt    une 

rable. 

eus,  les 

!  popu- 

>  âmes, 

aluer  à 

esquels 

inten- 

Igré  la 

n  ,   un 

ableau 

existe 

oriales 

ce  par 


l'intendance  la  plus  peuplée,  et  finit  par  celle 
qui  est  la  plus  dépourvue  d'habitans. 

Intendance  de  Mexico,    1,5 11,800  habitans. 
Int.  de  Puebla,  8i3^3oo. 

Int.  de  Guadalaxara ,  63o,5oo. 
/»/.  d*Oaxaca,  534,8oo. 

Int.  de  Gitanaxuato ,  5i7,3(X>. 
Int.  de  Merida ,  465,70o. 
Int.  de  F'alladolid ,  376,400. 

Int.  de  San  Luis  Potosi,  334,000. 

Int,  de  Durango  ,    159,700. 

Int.  de  Vera-Cruz  y    i56,ooo. 

Int.  de  Zacatecas  ,  i53,3oo. 

Int.  de  Sonora  j  i2i,4oo. 

C'est  en  comparant  le  tableau  de  la  popula- 
tion des  douze  intendances  à  celui  de  l'étendue 
de  leur  surface ,  qu'on  est  surtout  frappé  de 
l'inégalité  avec  laquelle  la  population  mexi- 
caine est  distribuée ,  même  dans  la  partie  la 
plus  civilisée  du  royaume.  L'intendance  de 
la  Puebla ,  qui  ,  dans  le  second  tableau  , 
occupe  une  des  premières  places,  se  trouve 
presque  à  la  fin  du  premier.  Cependant,  nul 
principe  ne  devroit  plus  guider  ceux  qui 
assignent  des  limites  aux  divisions  territoriales, 
que  le  rapport  de  la  population  à  l'étendue 


(jG  LIVRE   ni, 

exprimée  en  lieues  carrées  ou  en  myriamèlres  : 
seulement  dans  les  états  qui,  comme  la  France, 
jouissent  du  bonheur  inappréciable  d'avoir 
une  population  presque  uniformément  répan- 
due sur  leur  surface,  les  divisions  peuvent 
être  à  peu  près  égales.  Un  troisième  tableau 
présente  l'état  de  la  population  que  l'on  pour- 
roit  appeler  l'elative.  Pour  parvenir  aux  résul- 
tais numériques  qui  indiquent  ce  rapport 
entre  le  nombre  des  habilans  et  l'étendue  du 
sol  habité ,  il  faut  diviser  la  population  absolue 
par  le  territoire  des  intendances.  Voici  les 
résultats  de  ce  travail  : 

Intendance  de  Guanaxuato,  568  hab.  par  lieue  carrée.. 
Int.   de  Puebla,  3oi,  , 

Int.  de  Mexico,  255.  ' 

Int.  d'Oaxaca,   120.  • 
Int.  de  Kalladolid ,  109. 

il" 

X'  Int.  deMerida,  81.      ^  '-* 

Int.  de  Guadalaxara,  ^Q. 
,       '.        Int,  de  Zacatecas  y  65» 

Int,  de  Vera-Cruz,  38. 
!  '         Int,  de  San  Luis  Potosi ,    12. 

Int.  de  Durango ,   10. 
Int,  de  Sonora  ^  6. 


u» 


I  '  ■  t  ■ 


\% 


*  » 

-  Ce  dernier  tableau  prouve  que,  dans  les 


îamètres  : 
a  France, 
;  d'avoir 
".t  rcpan- 

peuvent 
;  tableau 
on  pour- 
lux  rcsul- 

rapport 
îndue  du 
1  absolue 
Voici  les 


ue  carrée. 


tosi ,    12. 

lO. 

6. 

lans  les 


i 


{ 


CHAPITHE    VIII.  9^ 

intendances  où  la  culture  du  sol  a  fait  le 
moins  de  progrès  ,  la  population  relative 
est  5o  à  90  fois  moins  grande  que  dans  les 
ré^^ions  ancienncnicnt  civilisées  et  limitrophes 
de  la  capitale.  Cette  différence  extraordinaire 
diins  la  distribution  de  la  population  se  re- 
trouve aussi  dans  le  nord  et  le  nord-est  de 
l'Europe.  EnLaponie,  on  compte  à  peine 
ini  habitant  par  lieue  carrée,  tandis  que  dans 
d'autres  parties  de  la  Suède ,  par  exemple,  en 
Gothie,  il  y  en  a  au  delà  de  2^8.  Dans  les 
états  soumis  au  roi  de  Danemarck,  l'île  de 
Sélande  a  9/1.4  et  l'Islande  11  habitans  par 
lieue  carrée.  Dans  la  Russie  européenne), 
les  gouvernemens  d'Archangel ,  d'Olonez', 
de  Kalouga  et  de  Moscou ,  diffèrent  tellement, 
dans  le  rapport  de  la  population  à  l'étendue 
Aw  territoire,  que  les  deux  premiers  de  ces 
gouvernemens  ont  6  et  26,  les  deux  derniers 
8^2  et  974îi"ies  par  lieue  carrée.  Voilà  les 
différences  énormes  qui  indiquent  qu.',ime 
province  est  160  fois  plus  habitée  quel'autre. 
En  France,  où  le  total  de  la  population 
donne,  par  lieue  carrée,  1094  habitans,  les 
départemens  les  plus  peuplés  ,  ceux  de 
l'Escaut,  du  Nord  et  de  la  Ljs,  présentent 
II.  7 


m  ^  •■ 


C)8  LivRi:  m, 

une  popubtion  relative  de  ôSGq  ,  278G  et 
2274.  Le  département  le  moins  peuplé , 
celui  des  Hautes-Alpes,  formé  d'une  partie 
de  l'iuicien  Dauphiné,  n'a  que  /171  halntans 
par  lieue  carrée.  11  en  résulte  que  les 
extrêmes  sont  en  France  dans  le  rapport  de 
8:1,  et  que  l'intendance  du  Mexique  dans 
laquelle  la  population  est  la  plus  concentrée , 
celle  de  Guanaxuato ,  est  à  peine  plus  habitée 
que  le  département  de  la  France  continentale  ' 
le  plus  dépeuplé. 

...-  Je  me  flatte  que  les  trois  tableaux  que  j'ai 
dressés  sur  l'étendue,  la  population  absolue 
et  la  population  relative  des  intendances  de 
la  Nouvelle-Espagne,  prouveront  suflisam- 
ment  la  grande  imperfection  de  la  division 
territoriale  actuelle.  Un  pays  dans  lequel  la 

*  On  n'a  eu  égard,  <laiis  ces  coiuparaisons ,  ni  au 
département  du  Liamone,  formé  de  la  partie  méri- 
dionale de  la  Corse  ,  et  n'ayant  que  277  habitans  par 
lieue  carrée ,  ni  au  département  de  la  Seine.  Le  der- 
nier oiTre  ,  en  apparence,  une  population  relative  de 
26,165  iialNlans  :  il  seroit  inutile  d'exposer  les  causes 
qui  produisent  un  ordre  de  clioses  aussi  peu  naturel 
dans  un  déparlement  dont  lo  chef-lieu  est  la  capitale 
d'un  vaste  empire. 


m  A  PITRE    VIII. 


99 


2;8(>  et 
peuplé , 
le  partie 
hubituns 
que  les 
pport  tle 
[ue  dans 
centrée , 
s  habitée 
inentale  ' 

L  que  j'ai 

absolue 

ances  de 

puflisain- 

division 


equel  lu          | 

is  ,  ni  au            } 

'lie  méri' 

)itans  par             1 
.  Le  tler-            j 
elalive  de             i 

es  causes 
u  naturel 
a  capitale 

population  esf  dispersée  sur  une  vaste  étendue, 
cxi«^'e  que  radniinistration  provinciale  soit 
restreinte  à  des  portions  de  terrain  plus  petites 
<jue  celles  qui  forment  les  intendances  mexi- 
caines. Par-tout  où  la  population  a  été  trouvée 
au-dessous  de  cent  babitans  par  lieue  carrée, 
l'administration  d'une  intendance  ou  un  dé- 
partement ne  devroit  pas  s'étendre  sur  plus 
de  100,000  babitans:  on  pourroit assigner  un 
nombre  double  ou  triple  à  des  régions  dans 
lesquelles  la  population  est  plus  rapprochée. 

C'est  de  ce  rapprochement  sans  doute  que 
dépendent  le  degré  d'industrie,  l'activité  du 
connnerce ,  par  c  rséquent ,  et  le  nombre  des 
affaires  qui  doivent  fixer  l'attention  du  gou- 
vernement départemental.  Sous  ce  rapport, 
la  petite  intendance  de  Guanaxuato  donne 
plus  d'occupation  à  un  administrateur  que 
les  provinces  de  Texas,  de  Cohabuila  et  du 
Nouveau-iMexique ,  qui  ont  six  à  dix  fois  plus 
d'étendue.  Mais,  d'un  autre  côté,  comment 
un  intendant  de  San  Luis  Potosi  peut-il  jamais 
espérer  de  connoître  les  besoins  d'une  pro- 
vince qui  a  près  de  28,000  lieues  carrées? 
Comment  peut-il ,  même  en  se  dévouant  avec 
le  zèle  le  plus  patriotique  aux  devoirs  de  sa 

7 


100  LIVRE    III, 

place,  surveiller  les  suùdé légués ,  protéger 
l'Indien  contre  les  vexations  qui  s'exercent 
dans  les  communes? 

..  Ce  point  de  l'organisation  administrative 
Ijfe  su  r  oit  être  discuté  avec  assez  de  soin.  Un 
gouvernement  régénérateur  doit ,  avant  tout , 
s'occuper  à  changer  les  limites  actuelles  des 
intendances.  Ce  changement  politique  doit 
être  fondé  sur  la  connoissance  exacte  de 
l'état  physique  et  agricole  des  provinces  qui 
constituentle  royaume  de  la  Nouvelle-Espagne. 
La  France ,  sous  ce  rapport,  offre  un  exemple 
de  perfectionnement  digne  d'être  imité  dans 
le  Nouveau  -  Monde.  Les  hommes  éclairés 
qui  ont  formé  l'Assemblée  constituante,  ont 
prouvé,  dès  le  commencement  de  leurs  tra- 
vaux ,  quelle  grande  importance  ils  attachoient 
à  une  bonne  division  territoriale.  Cette  division 
est  bonne  lorsqu'elle  repose  sur  des  principes 
que  l'on  peut  considérer  comme  d'autant  plus 
sages,  qu'ils  sont  plus  simples  et  plus  naturels. 


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ANALYSE    STATISTIQUE 


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A.'.,. 


DU    ROYAUME 


DE    L.l 


NOUVELLE  -  ESPAGNE. 


Étendue  territoriale  :  118,478  lieues  carrée* 

(  2,339,4.00  myriares  ). 
Population  :  6,837,100  habitans, 

ou  49  habitans  par  lieue  carrée  (  ou  2  7  par 
myriare).         '        ■  i     «    •        .  '    « 


'r 


La  NOUVELLE-ESPAGNE  comprend  : 


A.  Le  Mexique  proprement  dit  {^ElRejno 
de  Mexico), 
Etendue  territoriale:  61,280  lieues  car- 
rées (1,01 5,640  mjriares). 
Population  :  5,4i3,9oo  habitans, 
ou  io5  habitans  par  lieue  carrée. 


,5 


B.   Las  Provincias  internas  orientales  y 
occidentales» 
Etendue  territoriale  :  67,189  lieues  car- 
rées (ou  i,384,8 12  myriiires). 
Population  :  423,ooo  habitans, 
ou  6  habitan8  par  lieue  carrée. 


^«l^'W«/%/%<«.'V/«^«/^^^%'V'^%/^.^'%/^%/«/%'«^'%.'W«/^-V 


NOUVELLE -ESPAGNE. 


I.    Intendance   de  Mexico.    , 

Population  en  1800:  i,5i  1,800. 

Étendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  :  5,927. 

Hahitans  par  lieue  carrée  :  255. 

Cette  intendance  toute  entière  est  située 
sous  la  zone  torrîde.  Elle  s'étend  depuis  les 
16034.'  jusqu*aux  2i«  57'  de  latitude  boréale. 
Elle  confine  au  nord  avec  l'intendance  de 
San  Luis  Potosi,  à  Fouest  avec  celles  de 
Guanaxuato  et  de  Valladolid,  à  Test  avec 
celles  de  Vera-Cruz  et  de  la  Puebla.  Vers  le 
sud,  les  eaux  de  la  mer  du  Sud  ou  du  Grand 
Océan  baignent  l'intendance  de  Mexico  sur 
une  longueur  de  côtes  de  82  lieues^  depuis 
Acapulco  jusqu'à  Zacatula. 

Sa  plus  grande  longueur,  depuis  ce  dernier 
port  jusqu'aux  mines  du  Doctor  ',  est  de 

>  Les  points  cxlrêraes  sont  propre^ient  situés,  au 
«uJ-est  trAcapulco ,  près  de  la  bouche  tUi  Rio  Nesp» , 


Io4    '  LIVRE   in, 

1 36 lieues;  sa  plus  «grande  largeur,  depuis 
Zacalula  jusqu'aux  montagnes  situées  à  l'est 
de  Chilpanzingo ,  est  de  92  lieues.  Dans  sa 
partie  boréale,  du  côlé  des  mines  célèbres 
de  Zimapan  et  du  Doctor ,  une  bande  étroite 
sépare  l'intendance  de  Mexico  du  golfe  du 
Mexique  ;  près  de  Mextitlan ,  cette  bande  n'a 
que  9  lieues  de  large. 

Plus  des  deux  tiers  de  l'intendance  de 
Mexico  sont  un  pajs  montagneux,  dans  lequel 
il  y  a  d'immenses  plateaux  éievés  de  2000  à 
2000  mètres  au-dessus  du  niveau  de  l'Océan, 
et  offrant ,  depuis  Chalco  à  Queretaro  , 
des  plaines  presque  non  interrompues  de 
60  lieues  de  long  et  de  8  à  10  de  large  :  dans 
la  partie  voisine  de  la  côte  occidentale,  le 
climat  est  brûlant  et  peu  salutaire.  Une  seule 
cime  ,  le  Nevado  de  Toluca  ,  située  dans  un 

et  au  nord  du  Real  del  Doctor ,  près  de  la  ville  de 
Vallès ,  qui  appartient  déjà  à  l'intendance  de  San 
Luis  Potosi.  Des  endroits  remarquables  étant  rarement 
situés  sur  les  confins  mêmes ,  on  a  préféré  de  nommer 
ceux  qui  eu  sont  les  plus  voisins.  Un  coup  d'œil  jeté 
sur  ma  carte  générale  de  la  Nouvelle-Esipagne  servira 
à  justifier  ce  mode  d'indiquer  les  limites  des  inten- 
dances. 


■  W. 


depuis 
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CITAPITRE    VIII. 


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plateau  fertile  qui  a  2700  mètres  de  hauteur, 
entre  dans  la  limite  inférieure  des  neiges  per- 
pétuelles. Cependantle  sommet  porphyritique 
de  cet  ancien  volcan,  dont  la  forme  ressemble 
beaucoup  à  celle  du  Pichincha,  près  de  Quito, 
et  qui  paroît  avoir  été  jadis  extrêmement 
élevé,  se  dépouille  aussi  de  neige  dans  les 
mois  pluvieux  cîe  septembre  et  d'octobre. 
L'élévation  du  Pico  del  Fraile  ou  de  la  plus 
haute  cime  du  Nevado  de  Toluca,  est  de 
4620  mètres  (  2370  toises).  Aucune  montagne 
de  cette  intendance  n'égale  le  Mont-Blanc 
en  hauteur. 

La  vallée  de  Mexico  ou  de  Ténochtitlan  , 
dont  je  publie  une  carte  très  -  détaillée  ,  est 
située  au  centre  de  la  Cordillère  d'Anahu;ic  , 
sur  le  dos  des  montagnes  porphyriliques  et 
d'amjgdaloide  basaltique  qui  se  prolongent 
du  sud-sud-est  au  nord-nord-ouest.  Cette 
vallée  est  d'une  forme  ovale.  D'après  mes 
observations  et  celles  d'un  minéralogiste 
distingué  ,  M.  Don  Luis  Martin  ,  elle  a,  depuis 
IVn.bouchure  du  Rio  Tenango,  dans  le  lac 
de  Chalco,  jusqu'au  pied  du  Gerro  de  Sin- 
eoque,  près  du  Desague  Real  de  Huehuetoca , 
18  Y  lieues  delongueur,  etdepuis  S. Gabriel, 


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LIVRE    III 


près  de  la  petite  ville  de  Tezcuco ,  jusqu'aux 
sources  du  Rio  de  Escapusalco ,  près  de  Guis- 
quiluca,  12  ^  lieues  de  largeur  '.  L'étendue 
territoriale  de  la  vallée  est  de  2/|4  7  lieues 
carrées ,  dont  les  lacs  n'occupent  que  2  2  lieues 
carrées;  ce  qui  n'est  pas  tout-à-fait  un  dixième 
de  toute  la  surface. 

La  circonférence  delà  vallée,  en  la  comptant 
sur  la  crête  des  montagnes  qui  l'entourent 
comme  un  mur  circulaire,  est  de  67  lieues. 
Cette  crête  est  la  plus  élevée  au  sud  ,  surtout 
au  sud-est ,  où  les  deux  grands  volcans  de  la 
Puebla ,  le  Popocatepell  et  l'Iztaccihuatl , 
bordent  la  vallée.  Un  des  chemins  qui  mènent 
de  la  vallée  de  Ténocbtitlan  à  celle  de  Cholula 
et  de  la  Puebla ,  passe  entre  les  deux  volcans 
mêmes ,  par  Tlamanalco ,  Ameca  ,  la  Gumbre 
et  laCruzdelCoreo.  C'est  par  ce  même  chemin 

*  Les  cartes  de  la  vallée  de  Mexico  que  l'on  a  publiées 
jusqu'ici  sont  si  fausses ,  que  sur  celle  de  M.  Mascaro  , 
répétée  annuellement  dans  l'almanach  de  Mexico ,  les 
dislances  marquées  ci-dessus  sont  de  25  et  17  au  lieu 
de  18  et  12  lieues.  C'est  sans  doute  d'après  celte  carte 
que  rarcheyêque  Lorenzana  donne  à  toute  la  vallée 
une  circonférence  de  plus  de  90  lieues ,  tandis  qu'elle 
en  a  presque  un  tiers  de  moins. 


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CHAPITRE    VIII. 


107 


sqn  aux 
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qu'a  passé  le  petit  corps  d'armée  de  Cortcz  , 
lors  de  sa  première  invasion. 

Six  grandes  routes  traversent  la  Cordillère 
qui  borne  la  vallée,  et  dont  la  hauteur  moyenne 
est  de  3ooo  mètres  au-dessus  du  niveau  de 
rOcéan  :  i.®  la  route  d'Acapulco ,  qui  va  à 
Guchilaque  et  Cuervaracca  par  la  haute  cime 
appelée  la  Gruz  del  Marques  '  ;  2.^  la  roule 
deToluca,  par  TianguilloetLerma,  chaussée 
magnifique ,  que  je  n'ai  pu  assez  admirer  , 
construite  avec  beaucoup  d'art ,  en  partie  sur 
des  arches  ;  3.<*  la  route  de  Queretaro  , 
Guanaxuato  et  Durango,  el  camino  de  tic rr a 
adentroy  qui  passe  par  Guautillan,  Huehuetoca 
et  le  Puerto  de  Reyes ,  près  de  Bâta ,  par  des 
collines  à  peine  élevées  de  quatre  -  vingts 
mètres  au-dessus  du  pavé  de  la  grande  place 

*  C'étoit  une  position  militaire  au  commencement 
de  la  conquête.  Lorsque  les  habitans  de  la  Nourellc- 
Espagne  prononcent  le  mot  de  marquis  sans  ajouter 
un  nom  de  famille,  ils  sous-entendent  le  nom  de  Hcrnan 
Cortez ,  marques  de  el  Vallc  de  Oaxaca.  De  même , 
l'expression  el  almirante  désigne  ,  dans  rAmérique 
espagnole  ,  Christophe  Colomb.  Cette  manière  naïve 
de  s'énoncer  prouve  le  respect  et  l'admiration  qui  se 
sont  conservés  pour  la  mémoire  de  ces  grands  hommes. 


io8 


LIVRE    III 


(le  Mexico  ;  4-"  la  roule  de  Pacliuca  ,  qui  se 
diriîje  aux  mines  célèbres  de  Real  del  Monte  , 
parle  Cerro  Ventoso,  couvert  de  chênes,  de 
ojprës  ,  et  de  rosiers  presque  constamment 
fleuris;  5."  l'ancien  clvemin  de  la  Puebla,  par 
S.  Bonaventura  et  les  Llanos  de  Apan  ;  enfin , 
6.^  le  nouveau  chemin  de  la  Puebla ,  par  Rio 
Frio  etTesmelucos,  au  sud-est  du  Cerro  del 
Telapon ,  dont  la  distance  à  là  Sierra  Nevada , 
ainsi  que  celle  de  la  Sierra  Nevada  (  Flztac- 
cihuatl  )  au  grand  volcan  (  le  Popocatepell  ) 
ont  servi  de  bases  aux  opérations  trigonomé- 
triques  de  MM.  Velasquez  et  Constanzo. 

Accoutumés  depuis  long-temps  à  entendre 
parler  de  la  capitale  de  Mexico  comme  d'une 
ville  bâtie  au  milieu  d'un  lac,  et  qui  ne  tient 
au  continent  que  par  des  digues ,  ceux  qui 
jettentles  yeux  sur  mon  Allas  mexicain  seront 
surpris  sans  doute  de  voir  que  le  centre  de 
la  ville  actuelle  est  éloigné  du  lac  de  Tezcuco 
de  4>^oo  mètres  ,  du  lac  de  Chalco  de  plus 
de  9,000  mètres.  Ils  seront  portés  ou  à  douter 
de  Texactitude  des  descriptions  données  dans 
l'histoire  des  découvertes  du  Nouveau-Monde, 
ou  bien  ils  croiront  que  la  capitale  du  Mexique 
n'est  pas  bâtie  sur  le  même  sol  que  l'ancienne 


4 


:a  ,  qui  se 
û  Monte , 
bénes,  de 
stamment 
lebla,  par 
m  ;  enfin , 
,  par  Rio 
Cerro  del 
Nevada, 
(  rizlac- 
catepell  ) 
igonomé- 
tanzo. 
entendre 
me  d'une 
i  ne  tient 
ceux  qui 
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Tezcuco 
'  de  plus 
à  douter 
lées  dans 
-Monde, 
Mexique 
mcienne 


CHAPITRE    VIII.  109 

résidence  de  Montezuma  '.  Mais  ce  n'est  cer- 
tainement pas  la  ville  qui  a  changé  de  place; 
la  cathédrale  de  Mexico  occupe  exactement 
le  même  endroit  où  se  trouvoit  le  temple 
de  Huitzilopochtli  ;  la  rue  actuelle  deTacul'u 
est  l'ancienne  rue  deTlacopan,  par  laquelle 
Cortez  fit  sa  fameuse  retraite,  le  i.^^  juillet 
de  l'année  1620,  dans  la  nuit  mélancolique , 
que  l'on  désigne  par  le  noîïi  de  noche  triste  : 
la  différence  de  situation  qu'indiquent  les 
cartes  anciennes  avec  celle  que  je  publie  , 
provient  uniquement  de  la  diminution  d'eau 
qu'a  soufferte  le  lac  de  Tezcuco. 

Il  sera  utile  de  rappeler  ici  le  passage  d'une 
lettre  que  Gortcz  adressa  '  à  l'empereur 
Charles  -  Quint ,  en  date  du  3o  octobre  de 
l'année  1620  ,  et  dans  laquelle  il  traça  le 
tableau  de  la  vallée  de  Mexico  :  ce  passage^ 
écrit  avec  une  grande  simplicité  de  stjle, 

»  Le  vrai  nom  mexicain  de  ce  roi  est  Moteuczorna. 
On  distingue  dans  la  généalogie  des  sultans  aztèques 
deux,  rois  de  ce  nom,  dont  le  premier  s'appelle  Huehua 
Moteiiczoma ;  le  second,  qui  mourut  prisonnier  de 
Cortçz  ,  Moteuczoma  Xooojotzin.  Les  adject,ii's  placés 
devant  et  après  le  noiu  propre ,  signifient  aine  ul  cadet. 

^  Lorejizana  ,  p.  101.  ^.    -  * 


f 


I  10 


LIVRE    m 


expose  en  même  temps  la  police  qui  rcgnoit 
dans  l'ancien  Ténochlillan.  «  La  province 
«  dans  laquelle  est  située  la  résidence  de  ce 
«  grand  seigneur  Muteczuma ,  dit  Gortez  , 
«  est  circulairenient  entourée  de  montagnes 
«  élevées  et  entrecoupées  de  précipices. 
«<  La  plaine  contient  près  de  70  lieues  de 
«  circonlérence  ,  et  dans  cette  plaine  se 
«  trouvent  deux  lacs  qui  remplissent  presque 
«  toute  la  vallée ,  car  à  plus  de  5o  lieues 
«  d'alentourles  habitans  naviguent  en  canots.  » 
(  Il  faut  observer  que  le  général  ne  parle  que 
de  deux  lacs,  parce  qu'il  ne  connoissoitqu'inv 
parfaitement  ceux  de  Zumpango  et  Xaltocan , 
entre  lesquels  il  passa  à  la  liate  dans  sa  fuite 
de  Mexico  à  Tlascala  ,  avant  la  bataille 
d'Otumba.  )  «  Des  deux  grands  lacs  de  la 
•<  vallée  de  Mexico  l'un  est  d'ean  douce  et 
«  l'autre  d'eau  salée.  Ils  sont  séparés  l'un  de 
«  l'autre  par  une  petite  rangée  de  montagnes 
«  (  les  collines  coniques  et  isolées  près  d'Izta- 
«f  palapan  )  ;  ces  montagnes  s'élèvent  au  milieu 
«  de  la  plaine ,  et  les  eaux  du  lac  se  mêlent 
«  ensemble  dans  un  détroit  qui  existe  entre 
«  les  collines  et  la  haute  Cordillère  (  sans 
•t  doute  la  pente   orientale    du    Cerro   de 


* 


-l 


CHAPITRE    VIII. 


111 


Il  rcgnoit 
province 
ce  de  ce 

Go  riez , 

ontagnes 

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lieues  de 

(laine  se 

presque 

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canots.  » 

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Santa-Fc.)  Les  villes  et  les  villages  nombreux 
construits  dans  l'ini  et  l'autre  des  deux  lacs 
l'ont  leur  commerce  par  des  canots,  sans 
passer  par  la  terre  ferme.  La  grande  ville 
de  Témixtitan  '  (  Ténochtitlan  )  est  fondée 
au  milieu  du  lac  salé ,  qui  a  ses  marées 
comme  la  mer  ;  depuis  la  ville  jusqu'à  la 
terre  ferme  il  y  a  deux  lieues,  de  quelque 
côté  qu'on  veuille  y  entrer.  Quatre  digues 
mènent  à  la  ville  ;  elles  sont  faites  à  mains 
d'hommes,  et  ont  la  largeur  de  deux  lances. 
La  ville  est  grande  comme  Séville  ou 
Gordoue.  Les  rues,  je  ne  parle  que  des 
principales,  sont  très-étroites  et  très-larges  ; 
quelques-unes  sont  moitié  à  sec  ,  et  moitié 
occupées  par  des  canaux  navigables,  garnis 
de  ponts  de  bois  très-bien  faits  ,  et  si  larges 
que  dix  hommes  à  cheval  y  peuvent  passer 
à  la  fois.  Le  marché,  deux  fois  grand 
comme  celui  de  Séville ,  est  entouré  d'un 
portique  immense  ,  sous  lequel  on  expose 


*  Témislltan,  Témixtitan,  Téûoxtitlan,  Témihtitlan, 
sont  des  changemens  vicieux  du  vrai  nom  de  Ténoch- 
titlan. Les  Aztèques  ou  Mexicains  s'appeloient  eux- 
mêmes  aussi  Ténochques,  d'où  dérive  la  dénomination 

de  2\inochlillan, 


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k 


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1  I!2 


IJVKE    lit 


l<>ulcs  sortes  de  marchandises,  des  comes- 
tibles ,  des  ornemens  en  or ,  en  argent , 
«  en  plomb,  en  étain ,  en  pierres  fines,  en 
c  os,  en  coquilles  et  en  plumes,  de  la  faïence, 

<  des  cuirs  et  du  coton  lîlé.  On  y  trouve  des 

<  pierres  coupées,  des  tuiles,  des  bois  de 
t  charpente.  11  y  a  des  ruelles  pour  le  gibier, 
t  d'autres  pour  les  légumes  et  les  objets  de 
t  jardinage  ;  il  y  u  des  maisons  où  des  barbiers 
t  (  avec  des  rasoirs  ftdts  en  obsidienne)  rasent 
«  la  lete  ;  il  J  a  des  maisons  qui  ressemblent 
«  à  nos  boutiques  de  pharmaciens ,  dans  les- 
f  quelles  se  vendent  les  médecines  déjà  laites , 
t  les  onguens  et  les  emplâtres.  11  y  a  des 
t  maisons  où  l'on  donne  à  manger  et  à  boire 

pour  de  l'argent.  Le  marché  olFre  un  si 
grand  nombre  de  choses ,  que  je  ne  les 
saurois  nommer  à  Votre  Altesse. Pour  éviter 
la  confusion ,  chaque *;enre  de  marchandises 
se  vend  dans  une  ruelle  séparée  ;  tout  se 
vend  à  l'aune  ,  mais  jusqu'ici  on  n'a  pas  vu 
peser  dans  le  marché.  Au  milieu  de  la 
grande  place  est  une  maison  ,  que  j'appel- 
leToisV a udiencîa y  dans  l'aquclle  sont  cons- 
tamment assises  dix  ou  douze  personnes 
qui  jugent  les  disputes  qui  ont  lieu  à  cause 


,^ 


CHAPITHE    VIII. 


Il3 


"  de  la  vente  des  marchandises.  Il  y  a  d'autres 
«  personnes  qui  se  tiennent  continuellement 
«  dans  la  l'oule  même ,  pour  voir  si  l'on  vend 
«  à  juste  prix  :  on  les  a  vues  briser  les  fausses 
«(  mesures  qu'elles  avoieiit  saisies  aux  raar- 
«  chands.  » 

Tel  étoil  l'état  de  Ténochtitlan  l'année  1 620, 
d'après  la  description  de  Cortez  même.  J'ai 
cherché  en  vain  dans  les  archives  de  sa  fa- 
mille, conservées  à  Mexico,  dans  la  casa  del 
Estado,  le  plan  que  ce  grand  capitaine  fit 
dresser  des  environs  de  la  capitale ,  et  qu'il 
envoya  à  l'empereur  ,  comme  il  le  dit  dans 
sa  troisième  lettre ,  publiée  par  le  cardinal 
Lorenzana.  L'abbé  Glavigero  a  hasardé  de 
donner  un  plan  du  lac  de  Tezcuco ,  tel  qu'il 
suppose  en  avoir  été  les  limites  au  seizième 
siècle.  Cette  esquisse  est  peu  exacte ,  quoique 
bien  préférable  à  celle  qu'ont  donnée  Ro- 
bertson  et  d'autres  auteurs  européens  égale- 
ment peu  versés  dans  la  géographie  du 
Mexique.  J'ai  tracé ,  sur  la  carte  de  la  vallée 
de  Ténochtitlan,  l'ancienne  étendue  du  lac 
salé ,  telle  que  j'ai  cru  la  reconnoître  dans 
la  relation  historique  de  Cortez  et  de  quelques- 
uns  de  ses  contemporains.  I^'année  1620,  et 
II.  8 


i 

h 
I 


,i4 


LIVRE    III 


encore  long-temps  après,  les  villages  d'Izta- 
palapan,  Coyohuacan  (  faussement  appelé 
Cuyacan  ) ,  Tacubaja  et  Tacuba  se  trouvoient 
tous  près  des  rives  du  lac  de  Tezcuco.  Cortez 
dit  expressément 'que  la  plupart  des  maisons 
de  Coyohuacan  ,  Cnluacan  ,  Chulubuzco  , 
Mexicaltzingo  ,  Iztapalapan  ,  Cuitaguaca  et 
Mizqueque  étoient  construites  dans  l'eau ,  sur 
pilotis  ,  de  sorte  que  souvent  les  canots 
pouVoient  entrer  par  une  porte  inférieure. 
La  petite  colline  de  Chapoltepec,  sur  laquelle 
Je  vice-roi  comte  de  Galvez  a  fait  construire 
un  château ,  ne  formoit  plus  une  île  dans  le 
lac  de  Tezcuco  du  temps  de  Cortez.  De  ce 
côté  ,  la  terre  ferme  se  rapprochoit  de  près 
de  3,000  mètres  de  la  ville  de  Ténochtitlan  ; 
par  conséquent  la  distance  de  2  lieues,indiquée 
par  Cortez,  dans  sa  lettre  à  Charles-Quint,  n'est 
pas  de  toute  exactitude.  Il  auroit  dû  la  res- 
treindre à  la  moitié,  en  en  exceptant  toutefois 
la  partie  de  la  côte  occidentale  sur  laquelle 
se  trouve  la  colline  porphyritique  de  Cha- 
poltepec. On  doit  croire  cependant  que  cette 
colUne,  quelques  siècles  plu  tôt,  a  été  aussi  un 

*  Lorenzana,  p.  229,  igS,  102, 


.i 


1 
1 


CHAPITRE    Vni. 


Il5 


)  d'Izta- 

appelé 
►uvoient 
.  Cortez 
maisons 
ibuzco  , 
juaca  et 
;aii ,  sur 

canots 
Sérieure. 
laquelle 
nstruire 
dans  le 
,  De  ce 
de  près 
htirian  ; 

diquée 
nt,  n'est 

la  res- 
juteibis 

aqueile 

e  Gha- 
ue  cette 

ussi  un 


-  -,  -->i 

I 


îlot  semblable  au  Prnol  del  Marques j  et  à 
celui  de  los  Banos.  Des  observations  géolo- 
giques rendent  très-probable,  que  les  lacs 
ont  été  en  diminuant  ,  long  -  temps  avant 
l'arrivée  desEsnass-nols,  et  avant  la  construction 
du  canal  de  Huebuetoca. 

Les  Aztèques  ou  Mexicains ,  avant  d'avoir 
fondé  sur  un  groupe  d'îlots,  l'an  i325,  la 
capitale  qui  subsiste  encore ,  avoient  déjà 
habité  pendant  62  ans  une  autre  partie  du  lac 
qui  est  plus  méridionale  ,  et  dont  les  Indiens 
n'ont  pas  pu  m'indiquer  exactement  le  site. 
Les  Mexicains  ,  sortis  d'Aztlan  vers  l'année 
1160,  n'arrivèrent  qu'après  une  migration 
de  56  ans  dans  la  vallée  de  Ténochtitlan  , 
par  Malinalco ,  dans  la  Cordillère  de  Toluca , 
et  par  Tula.  Ils  se  fixèrent  d'abord  à  Zum- 
panco,  puis  à  la  pente  méridionale  des  mon- 
tagnes de  Tepeyrcac,  où  est  situé  aujourd'hui 
le  temple  magnifique  dédié  à  Notre-Dame  de 
la  Guadeloupe.  L'an  1246  (suivant  la  chro- 
nologie de  l'abbé  Glavigero  ) ,  ils  arrivèrent 
à  Ghapoltepec.  Harcelés  par  les  petits  princes 
de  Xalcotan,  que  les  historiens  espagnols 
honorent  du  titre  de  rois ,  les  Aztèques ,  pour 
conserver  leur  indépendance,  se  réfugièrent 

S* 


■I 


t  I  6  LIVRE    m , 

sur  un  groupe  de  petites  îles  appelées  Aco- 
colco  ,  et  situées  vers  l'extrémité  méridionale 
du  lac  de  Tezcuco.  Ils  y  vécurent  pendant 
un  demi-siècle  dans  une  misère  affreuse,  forcés 
de  se  nourrir  de  racines  de  plantes  aquatiques, 
d'insectes  et  d'un  reptile  problématique,  ap- 
pelé axolotl,  que  M.  Cuvier  regarde  comme 
le  têtard  d'une  salamandre  inconnue  '.Tombés 
dans    l'esclavage    des  rois    de  Tezcuco  ou 
d'Acolhuacan ,    les  Mexicains  furent  forcés 
d'abandonner  leur  village ,  situé  au  milieu  de 
l'eau  ,  et  de  se  réfugier  sur  la  terre  ferme ,  à 
Tizapan.  Les  services  qu'ils  rendirent  à  leurs 
maîtres  dans  une  guerre  contre  les  habitans 
de  Xochimilco,  leur  procurèrent  de  nomeau 
la  liberté.  Us  se  fixèrent  d'abord  à  Acatzit- 
zintlan  (que ,  du  nom  de  leur  dieu  de  la  guerre 
Mexitli  ou  Huilzilopoclitli  %  ils  nommèrent 

*  M.  Cuvier  l'a  déc^  clans  mon  Recueil  d'obser- 
vations zoologiques  et  d'arutiomie  comparée,  p.  il 9. 
M.  Dumérîl  croit  que  l'axolotl,  dont  nous  avonsapporlé, 
M.  Bonpland  et  nioi^  des  individus  bien  conservés  > 
est  une  nouvelle  espèce  de  Prolée.  Zoologie  analytique,, 

^  Iluiiziliii  désigne  le  colibri  ^  et  opochtU  signifie 
gauche  ;  car  lo  dieu  étoit  peint  autant  des  plomes  de 


.  i 


CHAPITRE    VIII. 


I  17 


ées  Aco- 
ridionale 
pendant 
se ,  forcés 
uatiques, 
ique ,  ap- 
e  comme 
.Tombés 
:cuco  ou 
it  forcés 
nilieu  de 
ferme ,  à 
it  à  leurs 
habitans 
noweaii 
Acatzit- 
Ir  guerre 
ûûmèrent 

//  d'^obser" 
ï,  p.  119. 
is  apporté  > 
conservés , 
nalytique^ 

tU  signifie 
ilumes  de 


I 


Mexicalzingo  ) ,  puis  à  Iztacalco.  C'est  pour 
accomplir  l'ordre  donné  par  l'oracle  d'Aztlan , 
qu'ils  se  transportèrent  d'Iztacalco  aux  îlots 
qui  s'élevoient  alors  à  l'est  -  nord  -  est  de  la 
colline  deChapoltepec^  dans  la  partie  occi- 
dentale du  lac  de  Tezcuco.  Une  tradition 
antique  s'étoit  conservée  parmi  cette  horde, 
que  le  terme  fatal  de  leur  migration  devoit 
être  l'endroit  où  ils  trouveroient  un  aif^le  assis 
sur  la  cime  d'un  nopal  dont  les  racines  per- 
ceroient  à  travers  les  fentes  d'un  rocher.  Ce 
nopal  (  cactus  ) ,  désigné  par  l'oracle  ,  se 
montra  aux  Aztèques  l'année  io25,  ce  qui 
est  le  second  calli  '  de  l'ère  mexicaine ,  sur 
un  îlot  qui  servit  de  fondement  au  téocalli 
outéopan,  c'est-à-dire  à  la  maison  de  Dieu, 

colibri  sous  le  pied  gauche.  Les  Européens  ont  cor- 
rompu le  nom  de  Huitzilopochlli  en  Iluicliilobos  et 
Vizlipuzli.  Le  frère  de  ce  dieu,  qui  fut  surtout  révéré 
des  habitans  de  Tezcuco,  s'appeloit  Tlacaliucpan- 
Guexcolzin. 

*  Comme  le  premier  acatl  correspond  à  l'année 
vulgaire  i5i9,  le  second  calli,  dans  la  première 
moitié  du  quatorzième  siècle  ,  ne  peut  être  que 
l'année  i325  ,  et  non  i324,  1327  et  i3ii  ,  années 
auxquelles  l'iulerprcle  de  la  Raccolta  dl  Mendoza, 


ii8 


LIVRE   m 


appelée  depuis  par  les  Espagnols  le  grand 
temple  de  Mexilli. 

Le   premier  téocalli ,   autour  duquel  la 
nouvelle  ville  fut  construite ,  éloit  de  bois , 
tel  que  le  plus  ancien   temple  grec,  celui 
d'Apollon  à  Delphes  ,  décrit  par  Pausanias. 
L'édifice  en  pierre  dont  Cortez  et   Bernai 
Diaz    admirèrent   l'ordonnance  ,    avoit   été 
construit  au  même  endroit  par  le  roi  Ahuilzotl, 
l'année  i486:  c'étoitun  monument  pyramidal, 
situé  au  milieu  d'une  vaste  enceinte  de  mu- 
railles ,  et  élevé  de  07  mètres.  On  y  dislingnoit 
cinq  assises  ou  étages,  comme  dans  plusieurs 
pyramides  de  Sakharah  ,  surtout  dans  celle  de 
Meïdoiun.  Le  téocalli  de  Ténochtitlan,  exac- 
tement orienté  comme  toutes  les  pyramides 
égyptiennes,  asiatiques  et  mexicaines,  avoit 
97  mètres  de  base  :  il  formoit  une  pyramide 
si  tronquée  ^  que  vu  de  loin ,  le  monument 
paroissoit  un  cube  énorme,  surla  cime  duquel 
s'élevoient  de  petits  autels  couverts  de  cou- 
poles construites  en  bois.  La  pointe  par  laquelle 

ainsi  que  Sigucnza,  cité  par  Boliirînî,  et  Betancourt, 
cité  par  Torquenuula  ,  fixt^nt  la  fondation  de  Mexico. 
Voyez  la  DisserLatloji  chronologique  de  l'abbé  Cla^ 
vigero  ,  Storia  di.  Mensico ,  T.  IV,  p.  54. 


CHAPITRE    VIII. 


le  grand 

luquel  la 
de  bois, 
ec^  cehû 
^ausanias. 
t   Bernai 
ivoit   été 
Lhuitzotl, 
Tamidal, 
de  mii- 
slino-uoit 
yliisieurs 
»  celle  de 
n,  exac-  ' 
ramides 
s,  avoit 
^ramide 
nunient 
;  duquel 
le  cou- 
aquelle 

ancourt, 
Mexico. 


t'i 


ipoleî 


élevée  de 


se  ferminoient  ces  ( 

54  mètres  au-dessus  de  la  base  deTédilice  ou 
du  pavé  de  Tenceinte.  On  voit  par  ces  détails 
que  le  téocalli  avait  une  grande  analogie  de 
forme  avec  le  monument  antique  de  Babylone, 
que  Strabon  nomme  le  mausolée  de  Bélus  , 
et  qui  n'était  qu'une  pyramide  dédiée  à  Jupiter 
Bélus  '.  Ni  le  téocalli  ni  l'édifice  babylonien 
n'étoient  des  temples ,  dans  le  sens  que  nous 
attachons  à  ce  mot ,  d'après  les  idées  que  les 
Grecs  et  les  Romains  nous  ont  transmises. 
Tous  les  édifices  consacrés  aux  divinités  mexi- 
caines formoient  des  pyramides  tronquées  ; 
ies  grands  monumens  de  Téotihuacan ,  de 
Cholula  et  de  Papantla  qui  se  sont  conservés 
jusqu'à  nos  jours ,  confirment  cette  idée  :  ils 
indiquent  ce  qu'ont  été  les  temples  moins 
considérables ,  construits  dans  les  villes  de 
Ténochtitlan  et  deTezcuco.Des  autels  couverts 
étoient  placés  au  sommet  des  téocallis  :  ces 
édifices  rentrent  par  là  dans  une  même  classe 
avec  les  monumens  pyramidaux  de  l'Asie , 
dont  anciennement  on  trouvoit  des  traces 
jusqu'en  Arcadie;  car  le  mausolée  conique 

*  Zoega,  de  Obeliticis  ,  p.  5o. 


i 


i 


il  1 


1^0  LIVRE    IIÏ, 

de  Calistus  ',  un  vrai  twnuliis  couvert  trarbres 
fruitiers ,  servoit  de  base  à  un  petit  temple 
consacré  à  Diane. 

Nous  ignorons  de  quels  matériaux  étoit 
construit  le  téocalli  de  Ténochtillan  ;  les 
historiens  rapportent  seulement  que  ce  mo- 
nument étoit  couvert  d'une  pierre  dure  et 
polie.  Les  énormes  fragmens  que  de  temps 
en  temps  on  découvre  autour  de  la  cathédrale 
actuelle,  sont  de  porphyre  à  base  degrùnstein 
rempli  d'amphibole  et  de  feldspath  vitreux. 
Lorsqu'on  a  pavé  récemment  la  place  autour 
de  la  cathédrale,  des  pierres  sculptées  ont 
été  trouvées  jusqu'à  lo  et  12  mètres  de  pro- 
fondeur. Peu  de  nations  ont  remué  de  plus 
grandes  masses  que  les  Mexicains.  La  pierre 
calandaire  et  celle  des  sacrifices,  exposées  à  la 
vue  du  public  sur  la  grande  place,  ont  de 
8  à  10  mètres  cubes.  La  statue  colossale  de 
Teoyaomiqui  ,  chargée  d'hiéroglyphes ,  et 
couchée  dans  un  des  vestibules  de  l'université, 
a  2  mètres  de  long  sur  5  de  large.  M.  le 
chanoine  Gamboa  m'a  assuré  qu'en  fouillant 
vis-à-vis  de  la  chapelle  du  sagrario,  on  a 

'  Pausanias ,  Lib.  VIII ,  Cap.  XXXV. 


»     i. 


i 


CHAPITRE    Vin. 


121 


Yarhres 
temple 

X   étoit 

in  ;    les 

ce  mo- 

[lure  et 

B  temps 

hédrale 

unstein 

vitreux. 

;  autour 

ées  ont 

le  pro- 

de  plus 

pierre 

ées  à  la 

ont  de 

sale  de 

es ,   et 

ersité, 

M.  le 

>uillànt 

,  on  a 


!         ,< 


■;î 


trouvé  ,  parmi  une  immense  quantité  d'idoles 
appartenant  au  téocalli ,  une  roche  sculptée 
qui  avoit  7  mètres  de  long ,  6  de  large ,  et 
5  de  haut.  On  a  travaillé  en  vain  pour  la 
retirer. 

Le  téocalli  étoit  déjà  en  ruines  '  quelques 
années  ap  rès  le  siège  de  Ténochtitlan ,  qui . 
comme  celui  de  Troje ,  finit  par  une  des- 
truction presque  totale  de  la  ville  :  j'incline 
par  conséquent  à  croire  que  l'extérieur  de 
la  pyramide  tronquée  étoit  d'argile,  et  revêtu 
de  l'amygdaloïde  poreuse,  appelée  tctzontlL 
En  effet,  peu  avantla  construction  du  temple, 
sous  le  règne  du  roi  Ahuilzoll ,  les  carrières 
de  cette  roche  cellulaire  et  spongieuse  com- 
mencèrent à  ctre  exploitées.  Or ,  rien  n'étoit 
plus  facile  à  détruire  que  des  édifices  construits 

>  Un  des  manuscrils  des  plus  précieux  et  des  plus 
anciens  que  l'on  conserve  à  Mexico,  est  le  livre  de  la 
Municipal!,^  {lihro  de  el  Cahildu).  Un  religieux  res- 
pectable et  très-versé  dans  l'histoire  de  sa  patrie  ,  le 
père  Piebardo,  au  couvent  de  San  Felipe  Neri,  m'a 
montré  ce  manuscrit,  commencé  le  8  mars  i524,  ce 
qui  est  trois  ans  après  le  siège  :  il  y  est  parlé  delà  place 
où  avoit  été  le  grand  temple  (»  laplaza  adonde  estaba 
el  templo  mayor.  ») 


lu 


1^ 


: 


122 


LIVRE    III 


avec  des  nifitériaux  poreux  et  légers  comme 
la  pierre  ponce.  Malgré  la  conformité  '  d'un 
grand  nombre  de  témoignages,  il  se  pourroit 
cependant  que  les  dimensions  attribuées  au 
téocalli  fussent  un  peu  exagérées  ;  mais  la 
forme  pyramidale  de  cet  édifice  mexicain, 
sa  grande  analogie  avec  les  monumens  les 
plus  antiques  de  l'Asie  ,  doivent  bien  plus 
nous  intéresser  que  sa  masse  et  sa  grandeur. 
L'ancienne  ville  de  Mexico  communiquoit 
avec  le  continent  par  trois  grandes  digues , 

*  Si  ceux  qui  nous  ont  laisse  des  descriplions  et  des 
dessins  du  Itèocalli,  au  Heu  d'en  prendre  la  mesure 
eux-mêmes  ,  ne  nous  ont  rapporté  que  ce  que  les 
Indiens  leur  ont  dit,  la  conformité  des  témoignages 
prouve  moins  qu'on  ne  pourroit  le  croire  au  premier 
aspect.  Dans  tous  les  pays  il  existe  des  traditions  uni- 
formes sur  la  grandeur  des  édillceS;  la  hauteur  des 
tours,  la  largeur  des  cratères,  la  hauteur  des  cata- 
ractes. L'orgueil  national  se  plaît  à  exagérer  ces 
dimensions  ,  et  les  voyageurs  sont  en  harmonie  dans 
leurs  rapports ,  aussi  long-temps  qu'ils  puisent  à  la 
même  source.  D'ailleurs ,  dans  le  cas  particulier  qui 
nous  occupe  ,  l'exagération  de  la  hauteur  n'a  vraisem- 
blablement pas  été  très-grande ,  parce  qu'il  éloit  facile 
de  juger  de  l'élévation  du  monument  par  le  nombre 
des  gradins  qui  y  conduisoient. 


CHAPITRi:    VIII. 


i:.3 


comme 
:é  '  d'un 
)Ourroit 
uées  au 
mais  la 
îxicain , 
lens  les 
m  plus 
mdeur. 
niquoit 
ligues , 

is  et  des 
mesure 
que  les 
)jgnages 
premier 
ans  uni- 
eur  lies 
es  cata- 
rcr   ces 
lie  dans 
:nt  à  la 
lier  qui 
raisem- 
it  facile 
lombre 


celles  de  Tepejacac  (  Guadeloupe  ) ,  Tlacopnn 
(  Tacuba  ),  et  Iztapalapan.  Cortez  fait  mention 
de  quatre  digues,  parce  qu'il  compte  sans 
doute   aussi   la   chaussée    qui   conduisoit   à 
Chapollepec.    La   calzada   de   Iztapalapan , 
avoit  une  branche   qui  unissoit  Cojohuacan 
avec  le  petit  fort  appelé  Ao/ric ,  lo  même 
dans  lequel  les  Espagnols  ,  lors  ae^  leur  pre- 
mière entrée,  furent   complimentés   par  la 
noblesse  mexicaine.  Robertson  parle  d'ime 
digue  qui  conduisoit  à  Tezcuco  ;  mais  celte 
digue  n'a  jamais  existé ,  à  cause  de  la  distance 
du  lieu  et  de  la  grande  profondeur  de  la  partie 
orientale  du  lac. 

Dix-sept  ans  après  la  fondation  de  Ténoch- 
tillan,  l'année  i358 ,  dans  une  dissension 
civile ,  une  partie  des  habitans  se  sépara  des 
autres.  Ils  se  fixèrent  dans  des  îlots  situés  au 
nord-ouest  du  temple  de  Mexitli.  La  nouvelle 
ville,  qui  d'abord  prit  le  nom  de  Xallilolco  , 
et  puis  celui  de  Tlatelolco,  eut  un  roi  indé- 
pendant de  celui  de  Ténochtitlan.  Dans  le 
centre  d'Anahuac ,  comme  dans  le  Pélopon- 
nèse ,  dans  le  Latium^  et  partout  où  la  civi- 
lisation de  l'espèce  humaine  ne  fait  que 
commencer ,  chaque  ville  constituoit  pendant 


-,.-:,  "Ï 


124 


LIVRE    in 


long-lcmps  un  état  séparé.  Le  roi  mexicain 
Axajacall  '  fit  la  conquête  de  Tlatelolco  ,  qui 
dès-lors  fut  réuni  par  des. ponts  à  la  ville  de 
Ténochtillan.  J'ai  découvert  dans  les  manus- 
crits hiéroglyphiques  des  anciens  Mexicains  , 
conservés  dans  le  palais  du  vice  -  roi  ^  une 
peinture  curieuse  qui  représente  le  dernier 
roi  de  Tlatelolco ,  appelé  Moquihuix  ,  tué 
sur  la  cime  d'une  maison  de  Dieu  ou  d'une 
pyramide  tronquée ,  et  jeté  en  bas  des  escaliers 
qui  menoient  à  la  pierre  des  sacrifices.  Depuis 
cette  catastrophe ,  le  grand  marché  des 
Mexicains,  tenu  jusque-là  près  du  téocalli 
de  Mexilli ,  fut  transféré  à  Tlatelolco.  C'est 
à  celte  dernière  ville  que  se  rapporte  la 
description  que  nous  avons  donnée  du  marché 
mexicain  ,  d'après  le  récit  de  Gortez. 

Ce  que  l'on  appelle  aujourd'hui  le  Barrio 
de  Santiago,  n'occupe  qu'une  partie  de  l'ancien 
Tlatelolco.  C'est  sur  le  chemin  qui  mène  à 
Tanepantla  et  aux  Ahuahuetes  que  l'on  peut 
marcher  plus  d'une  heure  entre  les  ruines  de 
l'ancienne  ville.  On  y  reconnoît ,  ainsi  que 
sur  la  route    de   Tacuba  et   d'Iztapalapan , 

*  Clavigero,  I,  p.  25i.  Axajacatl régtva depuis  i464 
jusqu'à  14/7  (IV,  p.  58). 


CHAPITRE    VIII. 


125 


?xicain 
îo  ,  qui 
dlle  de 
sanus- 
icains , 
i  )  une 
lernier 
c ,  tué 
1  d'une 
icaliers 
Depuis 
ié  des 
éocalli 
».  C'est 
3rte  la 
larché 

Barrio 
ancien 
[lène  à 
n  peut 
nés  de 
si  que 
apan , 

is  i464 


combien  3Iexico  ,  rebâti  par  Gorlcz,  est  plus 
petit  que  l'étoit  Ténochtillan  sous  le  dernier 
des  Montezuma.  L'énorme  grandeur  du 
marché  de  Tlalelolco  ,  dont  on  rcconnoît 
encore  les  limites  ,  prouve  combien  la  popu- 
lation de  l'ancienne  ville  doit  avoir  été  consi- 
dérable. Les  Indiens  montrent  sur  cette  place 
uae  élévation  entourée  de  murs  ;  c'est  la 
même  qui  formoit  un  des  théâtres  mexicains , 
et  sur  laquelle  Gortez ,  peu  de  jours  avant 
la  fin  du  siège ,  avoil  établi  la  iameuse  catapulte 
(  trahiico  de  palo  )  '  dont  l'aspect  imposoit 
aux  assiégés,  sans  que  la  machine  pût  agir,  à 
cause  de  la  maladresse  des  artilleurs.  Cette 
élévation  est  aujourd'hui  comprise  dans  le 
porche  de  la  chapelle  de  Santiago. 

La  ville  de  Ténochtitlan  étoit  divisée  en 
quatre  quartiers,  îippelés  ïeopan  ou  Xochi- 
milca,  Atzacualco,  Moyotla  etTlaquechiuhcau 
ou  Cuepopan.  Cette  ancienne  division  s'est 
conservée  jusqu'à  nos  jours  dans  les  limites 
assignées  aux  quartiers  de  Saint-Paul ,  Saint- 
Sébastien,  Saint-Jean  et  Sainte-Marie.  Les 
rues  actuelles  ont  en  grande  partie  la  même 

*  Lorenzana  j  p.  2S9. 


1 
i 


126  LIVRE    III, 

direction  qu'elles  avoient  autrefois ,  à  peu 
près  (lu  nord  au  sud  et  de  l'est  à  l'ouest  '. 
Mais  ce  qui  donne  à  la  nouvelle  ville ,  comme 
lions  l'avons  observe  plus  haut,  un  caractère 
parliculierel  dislinclif,  c'est  qu'elle  se  trouve 
enlièremenl  sur  la  terre  ferme  ,  entre  les 
extrémités  des  deux  lacs  de  Tezcuco  et  de 
Xocliimilco,  et  qu'elle  ne  reçoit,  par  des 
canaux  navigables,  que  les  eaux  douces  de  ce 
dernier  lac. 

Plusieurs  circonstances  ont  contribué  à  ce 
nouvel  ordre  de  choses.  De  tout  temps  la 
partie  du  lac  salé  contenue  entre  les  digues 
australes  et  occidentales  fut  la  moins  profonde. 
Cortez  isc  plaint  déjà  que  sa  flotille ,  les  l)ri- 
gantins  qu'il  avoit  fait  construire  à  Tezcuco , 
ne  pouvoient  pas,  malgré  les  ouvertures  dans 
les  digues ,  faire  le  tour  entier  de  la  ville 

»  Proprement  du  S.  16"  O.  à  N.  74°  E. ,  du  moins 
du  côté  du  couvent  de  St.  Auguslin,  où  j'ai  pris  des 
ozimuts.  Sans  doute  la  direction  des  anciennes  rues 
éloit  déterminée  pnr  celle  t!es  digues  prlncipale&  : 
or,  d'après  la  position  des  lit..dx  auxquels  ces  digues 
paroissent  avoir  abouti,  il  n'est  guère  propable  que 
les  dernières  puissent  avoir  représenté  exactement  des 
méridiens  et  des  parallèles.  • 


J 


â 

À 


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l'ouest  '. 
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i 


CUAPITRE    VIII.  l'i^ 

assiégée.    Ces  flaques  d'eau  peu  profondes 
devinrent  peu  à  peu  des  terrains  marécageux; 
ceux-ci ,  entrecoupés  de  rigoles  ou  de  petits 
canaux  d'écoulement,  se  convertirent  en  chï- 
nampas  et  en  terres  labourables.  Le  lac  de 
Tezcuco,  que  Valmoat  de  Bomare  "  supposoit 
communiquer  avec  l'Océan ,  quoique  d'après 
mes  mesures  il  se  trouve  à  une  élévation  de 
2,277  mètres ,  n'a  pas  de  sources  particulières, 
comme  on  en  observe  au  lac  de  Chalco.  En 
considérant  d'un  côté  le  petit  volume  d'eau 
que  dans  les  années  sèches  des  rivières  peu 
considérables  fournissent  à  ce  lac  ,  de  l'autre 
l'énorme  rapidité  de  Tévaporalion  qui  a  lieu 
dane  le  plateau  du  Mexique ,  et  sur  laquelle 
j'ai  fait  des  expériences  suivies ,  il  faut  ad- 
mettre ,  ce  que  des  observations  géologiques 
paroisseent  aussi  confirmer,  que  depuis  des 
siècles  un  manque  d'équilibre  entre  la  perte 
d'eau  évaporée  et  la  masse  d'eau  alïluente  a 
restreint  progressivement  le  lac  de  Tezcuco 
dans   des  limites  plus  étroites.  Les  annales 
mexicaines  '  nous  apprennent   que   sous  le 


et 


*  Dictionnaire  d'histoire  naturell 

*  Peintures  conservées  à  la  blh 
tomoignage  du  père  Acosla. 


ih. 


article  Laç. 
que  du  Vatican] 


^-^ê^i 


lii!! 


i'2; 


LIVRE    III 


règne  du  roi  Aliiiitzotl  ce  lac  salé  éproii- 
voit  déjà  un  manque  d'eau  assez  grand 
pour  interrompre  la  navigation ,  et  qu'afin 
d'obvier  à  ce  mal  et  d'augmenter  les  affluens, 
on  construisit  dès-lors  un  aqueduc  depuis 
Coyohuacan  à  Ténochtitlan.  Cet  aqueduc 
conduisoit  les  sources  d'Huitzilopochco  à 
plusieurs  canaux  de  la  ville ,  qui  se  trouvoient 
à  sec. 

Cette  diminution  d'eau ,  éprouvée  avant 
l'arrivée  des  Espagnols,  n'aiiroit  été  sans 
doute  que  très-lente  et  peu  sensible  ,  si,  depuis 
l'époque  de  la  conquête ,  la  main  de  l'homme 
n'avoit  pas  contribué  à  intervertir  l'ordre  de 
la  nature.  Ceux  qui  ont  parcouru  la  péninsule 
savent  combien,  en  Europe  même,  le  peuple 
espagnol  est  ennemi  des  plantations  qui  don- 
nent de  l'ombre  autour  des  villes  et  des 
villages.  Il  paroît  que  les  premiers  conquérans 
ont  voulu  que  la  belle  vallée  de  Ténochtitlan 
ressemblât  en  tout  au  liol  castillan ,  aride  et 
dénué  de  végétation.  Depuis  le  seizième  siè(  le, 
on  a  coupé  inconsidérément  les  arbres  tant 
dans  le  plateau  sur  lequel  est  située  la  capitale, 
que  sur  les  monti-gnes  qui  l'entourent.  La 
conslructioa  de  la  nouvelle  ville ,  conmiencée 


.;j 


e  épren- 
ez grand 
ît  qu'afin 
i  aflluens, 
c  depuis 
aqueduc 
)Ochco  à 
•ou  voient 

'ée  avant 

été    sans 

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ordre  de 

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e  peuple 

qui  don- 

et  des 

quérans 

)chlitlan 

aride  et 

le  siè(  le, 

>res  tant 

apitaîe , 

ent.  La 

mencée 


,.  ,| 


CHAPITRE    VIII.  129 

en    1624,  a  exigé  une  grande  quantité  de 
bois  de  charpente  et  de  pilotis.  On  a  détruit 
et  on  détruit  encore  journellement  sans  re- 
planter, si  ce  n'est  tout  autour  de  la  capitale  , 
où  les  dernier^  vice-rois  ont  perpétué  leur 
mémoire   par  des   promenades  '    (paseos  ^ 
ala/fiedas)  c^ui  portent  leurs  noms.  Le  manque 
de  végétation  expose  le  sol  à  l'influence  directe 
des  rayons  du  soleil ,  et  l'humidité  qui  ne 
s'est  pas  perdue  en  filtrant  à  travers  la  roche 
amygdaloïde  basaltique  et  spongieuse,  s'éva- 
pore rapidement;  elle   se  dissout  dans  l'air 
partout  où  le  feuillage  des  arbres  ou  un  gazon 
toufFu  ne  défend  pas  le  sol  de  l'influence  du 
soleil  et  des  vents  secs  du  midi. 
'    Cette  cause  étant  la  même  dans  toute  la 
vallée ,  l'abondancu  et  la  circulation  des  eaux 
y  ont  sensiblement  diminué.  Le  lac  de  Tez- 
cuco ,  le  plus  beau  des  cinq  lacs,  que  Cortez, 
dans  ses  lettres ,  riomme  habituellement  une 
mer  intérieare ,  reçoit  de  nos  jours  beaucoup 
moins  d'eau   par  infiltration  qu'au  seizième 
siècle  :  partout  les  défrichemens  et  la  des- 
truction des  forets  ont  les  mêmes  suites.  Le 

*  Paseode  Buccarelli,  de  Revillaglgedo  ^  de  Galvez, 
de  Asanza. 


II. 


l'^O 


LIVRE    m 


^  l§ 


l' 


général  Andréossi,  dans  son  ouvrage  classique 
sur  le  canal  du  midi,  a  prouvé  que  les  sources 
ont  diminué  autour  du  réservoir  de  S.  Feriéol, 
simplement  par  un  faux  système  introduit 
dans  l'aménagement  des  forets.  Dans  la  pro  • 
vince  de  Caracas  ,  le  lac  pittoresque  de 
Tacarigua  '  se  dessèche  peu  à  peu ,  depuis 
que  le  soleil  darde  librement  ses  rayons  sur 
le  sol  défriché  des  vaUées  d'Aragua. 

Mais  la  circonstance  qui  a  le  plus  contribué 
à  la  diminution  du  lac  de  Tezcuco  est  la 
fameuse  percée  à  ciel  ouvert ^  connue  sous  le 
nom  du  Desague  reul  de  Huehuetoca ,  et 
dont  nous  traiterons  dans  '  la  suite  de  cet 
ouvrage.  Cette  coupure  de  montagne  ,  com- 
mencée d'abord  l'année  1607,  en  forme  de 
percement  souterrain  ,  n'î'.  pas  séuleiL^iit 
réduit  à  des  limites  très-étroites  les  deux  lacs 
situés  dans  la  partie  boréale  de  la  vallée, 
ceux  de  Zumpango  (  Tzompango  )  et  de 
San  Christobal  ;  elle  les  a  aussi  einpêchés , 

^  '.  ;■    .  'H  ;  ■  .  ,  t. -Il;  :  1 1      iiv.»  j»     h' 

*  La  dimiuutioii  des  eaux  y  fait  niquie  naître  de 
temps  en  temps  de  nouvelles  îles  [las  aparecidas). 
I.e  lac  de  Tacarigua  ou  de  Nueva  Yalcncia  est  élev  » 
de  474  mètres  au-dessus  de  la  surface  de  la  mer. 
(Voyez  mes  Tableaux  de  la  ]Nature,ï,  1,  p.  72,) 


CHAPITRE    VIII. 


l3l 


■I 


Jors  des  teitips  pluvieux,  de  verser  leurs  eaux 
dans  le  bassin  du  lac  de  Tezcuco.  Ces  eaux 
inondoient  jadis  les  plaines  et  lessivoient  des 
terres  fortement  chargées  de  carbonate  et 
de  muriate  de  soude.  Aujourd'hui  ,  sans 
séjourner  dans  des  mares  et  sans  augmenter 
par  là  l'humidité  de  l'atmosphère  mexicaine , 
elles  découlent  par  un  canal  artificiel  dans  la 
rivière  de  Panuco  ,  et  par  conséquent  dans 
l'Océan  Atlantique.    .    ,  j;    , 

Cet  état  de  choses  a  été  amené  par  le  désir 
de  convertir  l'ancienne  ville  de  Mexica  en 
une  capitale  qui  seroit  à  la  fois  propre  à  la 
circulation  des  voitures,  et  moins  exposée 
au  danger  des  inondations.  En  effet,  Teau 
et  la  végétation  ont  diminué  avec  la  même 
rapidité  avec  laquelle  le  tequesquite  (  ou 
carbonate  de  soude  )  a  augmenté.  Du  temps 
de  Montezuma  ,  et  encore  long- temps  après  , 
le  faubourg  de  Tlatelolco,  les  barrios  de  Saint- 
Sebastien  ,  de  San  Juan  et  de  Santa-Cruz 
/  i o.ccl  célèbres  à  cause  de  la  belle  verdure 
qui  opTioit  leurs  jardins.  Aujourd'hui  ces 
mêmes  endroits ,  et  surtout  les  plaines  de  San 
Lazaro  ,  i  'offrent  plus  qu'une  croûte  de  sels 
efflorescens.  La  fertilité  du  plateau ,  quoique 

9' 


i3: 


LIVRE  m 


considérable  encore  dans  la  partie  méridio- 
nale,  n'est  plus   aussi   grande  qu'elle  étoit 
lorsque  la   ville  s'élevoit  au  milieu  du  lac. 
Une   sage   économie   de  l'eau  ,  surtout   de 
petits  canaux  d'irrigation  ,  pourroient  rendre 
son  ancienne  fécondité  au  sol ,  et  sa  richesse 
à  une  vallée  que  la  nature  paroît  avoir  des- 
tinée à  être  la  capitale  d'un  grand  empire. 
'-    Les  limites  actuelles  du  lac  de  Tezcuco 
sont  peu  déterminées ,  le  sol  étant  glaiseux 
et  si  uni  <  (Vie  sur  un  mille  d'étendue ,  il  ne 
présente  pa.       ux   décimètres  de  diffërence 
de  niveau.  Lorsque  les  vents  d'est  soufflent 
avec  force ,  l'eau  se  retire  vers  le  bord  occi- 
dental du  lac^  et  laisse  quelquefois  à  sec  une 
étendue  de   plus   de   600  mètres  de   long. 
Peut-être  qu'un  jeu  périodique  de  ces  vents 
a  fait  naître  à  Gortez  l'idée  de  marées  régu- 
lières ',  dont  l'existence  n'a  pas  été  vérifiée 
par   de   nouveUes  observations.   Le  lac  de 
Tezcuco    n'a  généralement  que  trois  à  cin,^ 
mètres  de  profondeur.  Dans  quelques  endroits 


•f 


*  Journal  des  Savans,  pour  l'année  1676  ,  p.  34. 
Le  lac  de  Genève  manifeste  aussi  un  mouvement  d'eau 
assez  régulier  ,  que  Saussure  attribue  à  des  vents  qui 
SQufilent  périodiquement. 


CHAPITRE    Vin. 


i33 


i  sec  une 


ces  vents 


le  fond  se  trouve  même  déjà  à  moins  d'un 
mètre.  Aussi  le  commerce  des  habitans  de 
la  petite  ville  de  Tezcuco  sou ffre-t-il  beaucoup 
dans  les  mois  très-secs  de  janvier  et  de  février. 
Le  man^nie  d'eau  les  empêche  alors  d'aller 
en  canots  à  la  capitale.  (Jet  inconvénient  n'a 
pas  lieu  au  lac  de  Xochimilcoj  car  depuis 
Chalco  ,  Mesquic  et  Tlahuac  la  navigation 
n'est  jamais  interrompue  ,  et  Mexico  reçoit 
journellement ,  par  le  canal  d'Iztapalapan  , 
des  légumes  ,  des  fruits  et  des  fleurs  en 
abondance. 

Des  cinq  lacs  de  la  vallée  de  Mexico ,  celui 
de  Tezcuco  a  l'eau  la  plus  chargée  de  muriate 
et  de  carbonate  de  soude.  Le  nitrate  de  baryte 
prouve  que  cette  eau  ne  tient  aucun  sulfate 
en  dissolution.  L'eau  la  plus  pure ,  la  plus 
limpide  est  celle  du  lac  de  Xochimilco  ;  j'en 
ai  trouvé  la  pesanteur  spécifique  de  1,0009  > 
quand  celle  de  l'eau  distillée  à  la  température 
de  18**  centigrade  est  de  1,000  ,  et  quand 
celle  de  Feau  du  lac  de  Tezcuco  est  de  1,021 5. 
Par  conséquent  cette  dernière  eau  est  plus 
pesante  que  l'eau  de  la  mer  Baltique  ;  elle 
l'est  moins  que  l'eau  de  l'Océan ,  qui ,  sous 
différentes  latitudes  ,    a  été  trouvée   entre 


i34  LIVRE  m, 

1,0269  et  1,0285.  La  quantité  d'hydrogène 
sulfuré  qui  se  dégage  de  la  surface  de  tous 
les  lacs  mexicains ,  et  que  l'acétate  de  plomb 
indique  en  grande  abondance  dans  les  lacs 
de  Tezcuco  et  de  Ghalco ,  contribue  sans 
doute  en  certaines  saisons  à  l'insalubrité  de 
l'air  de  la  vallée.  Cependant,  et  ce  fait  est 
curieux,  les  fièvres  intermittentes  sont  très- 
rares  sur  les  bords  de  ces  mêmes  lacs ,  dont  la 
surface  est  en  partie  cachée  par  des  joncs  et 
des  herbes  aquatiques. 

Orné  de  nombreux  téocallis  qui  s'élevoient 
en  forme  de  minarets ,  entouré  d'eau  et  de 
digues,  fondé  sur  des  îles  couvertes  de  ver- 
dure ,  recevant  dans  ses  rues ,  à  chaque  heure , 
des  milliers  de  bateaux  qui  vivifioient  le  lac , 
l'ancien  Ténochtitlan ,  d'après  le  récit  des 
premiers  conquérans,  devoit  ressembler  à 
quelques  tilles  de  la  Hollande,  de  la  Chine 
ou  du  Delta  inondé  de  la  Basse-Egypte.  La 
capitale  ,  reconstruite  par  les  Espagnols, 
offre  un  aspect  moins  riant  peut-être ,  mais 
d'autant  plus  imposant  et  plus  majestueux. 
Mexico  est  sans  doute  au  nonibre  des  plus 
belles  villes  que  les  Européens  aient  fondées 
dans    les  deux  hémisphères.  A  l'exception 


CHAPITRE    VIll. 


i3j 


tîe  Pétersbour*,%  de  Berlin  ,  de  Philadelphie 
et  de  quelques  quartiers  de  Westminster  ,  il 
existe  à  peine  une  ville  de  la  même  étendue  ^ 
qui ,  pour  le  niveau  uniforme  du  sol  qu'elle 
occupe ,  pour  la  régularité  et  la  largeur  des 
rues  ,  pour  la  grandeur  des  places  publiques , 
puisse   être    comparée   à  la  capitale  de  la 
Nouvelle-Espagne.  L'architecture  y  est  géné- 
ralement d'un  style  assez  pur;  il  y  a  même 
des  édifices  dont  l'ordonnance  est  très-belle. 
L'extérieur  des  maisons  n'est  par  surchargé 
d'ornemens.  Deux  sortes  de  pierres  de  taille , 
l'amygdaloïde  poreuse ,  appelée  tetzontli ,  et 
surtout  un  porphyre  à  feldspath  vitreux  et 
dépourvu   de   quartz ,    donnent   aux  cons- 
tructions mexicaines   un  air  de  solidité,  et 
quelquefois  même  de  magnificence.  On  n'y 
connoît  pas  ces  balcons  et  ces  galeries  de 
bois  qui ,  dans  les  deux  Indes ,  défigurent 
toutes  les  villes  européennes.  Les  balustrades 
et  les  grilles  y  sont  en  fer  de  Biscaye,   et 
ornées  de  bronzes.  Les  maisons  y  ont  des 
terrasses  au  lieu  de  toits ,  comme  les  maisons 
d'Italie  et  de  tous  les  pays  méridionaux. 

Mexico  a  été  singulièrement  embelli  depuis 
le  séjour  que  l'abbé  Chappe  y  a  fait  en  1769, 


i36 


LIVRE    III 


L'édifice  destiné  à  l'École  des  mines,  et  pour 
lequel  les  plus  riches  particuliers  du  pajs  ont 
fourni  une  somme  de  plus  de  trois  millions 
de  francs  ',  orneroit  les  places  principales  de 
Paris  etde  Londres.  Des  architectes  mexicains^ 
élèves  de  l'Académie  des  beaux-arts  de  la  ca- 
pitale, ont  construit  récemment  deux  grands 
Lôlels  ,  dont  l'un,  dans  le  quartier  de  la 
Traspana  y  offre  dans  l'intérieur  de  la  cour 
un  très-beau  péristyle  de  forme  ovale ,  et  à 
colonnes  accouplées.  Le  voyageur  admire 
avec  raison ,  au  milieu  de  la  plaza  major  de 
Mexico,  vis-à-vis  la  cathédrale  et  le  palais 
des  vice-rois,  une  vaste  enceinte  pavée  en 
carreaux  de  porphyre  ,  formée  par  des  grilles 
richement  garnies  de  bronzes ,  et  renfermant 
la  statue  équestre  '  du  roi  Charles  iv,  placée 


^  Voyez  ci-dessus  ,   Chap.  VII,  p.  3i. 

3  Cette  statue  colossale,  dont  il  a  été  parlé  plus 
haut,  p.  i3,  a  été  exécutée  aux  frais  du  marquis  de 
Branciforle ,  ci-devant  vice-roi  du  Mexique ,  beau- 
frère  du  prince  de  la  Paix  :  elle  pèse  45o  quintaux  : 
elle  a  été  modelée,  fondue  et  placée  par  le  même 
artiste ,  M.  Toha ,  dont  le  nom  mérite  une  place 
distinguée  dans  l'histoire  de  la  sculpture  espagnole. 
Le   mérite  de  cet  homme  de   génie  ne  peut  être 


CHAPITRE    VIII. 


i37 


sur  un  piédestal  de  marbre  mexicain.  Ce- 
pendant ,  il  faut  en  convenir ,  malgré  les 
progrès  que  les  arts  ont  faits  depuis  trente  ans, 
c'est  bien  moins  par  la  ^^randeur  et  par  la 
beauté  des  monumens  que  par  la  largeur  et 
l'alignement  des  rues;  c'est  moins  par  ses 
édifices  que  par  l'ensemble  de  sa  régularité , 
de  son  étendue  et  de  sa  position ,  que  la  ca- 
pitale de  la  Nouvelle- Espagne  impose  aux 
Européens.  Par  un  concours  de  circonstances 
peu  communes,  j'ai  vu  de  suite,  et  dans  un 
très-court  espace  de  temps ,  Lima ,  Mexico , 
Philadelphie,  Washington  ',  Paris,  Rome, 


dignement  apprécié  que  par  ceux  qui  connoissent  les 
âiilicultés  que  présente ,  dans  l'Europe  civilisée  même, 
l'exécution  de  ces  grands  ouvrages  de  Pari. 

*  D'après  le  plan  tracé  pour  la  ville  de  Washington , 
et  d'après  la  magnificence  de  son  Capitole ,  dont  je 
n'ai  vu  achevée  qu'une  partie  ,  Fédéral  City  sera  un 
jour,  sans  contredit,  une  ville  beaucoup  plus  belle 
que  Mexico.  Phila  lelphie  aussi  a  la  même  régularité 
de  construction  :  les  allées  de  platanes ,  d'aeacias  et 
de  populus  heterophylla ,  qui  ornent  ses  rues ,  '  n 
donnent  une  beauté  presque  champêtre.  La  végétation 
des  rives  du  Putomac  et  du  Delaware  est  plus  riche 
que  celle  qu'à  plus  de  aSoo  mètres  d'élévation  on 
trouve  sur  le  dos  des  Cordillères  mexicaines.   Mais 


i38 


LIVRE    III 


Ndples  et  les  plus  grandes  villes  de  l'Alle- 
magne. En  comparant  entre  elles  des  im- 
pressions qui  se  suivent  rapidement,  on  est 
à  même  de  rectifier  une  opinion  à  laquelle 
on  s'est  peut  -  être  livré  trop  légèrement. 
Malgré  des  comparaisons ,  dont  plusieurs 
auroient  pu  paroître  désavantageuses  pour  la 
capitale  du  Mexique,  cette  dernière  m'a  laissé 
unsouveriir  de  grandeur  que  j'attribue  surtout 
au  caractère  imposant  de  son  site  et  de  la 
nature  environnante. 

En  effet ,  rien  de  plus  riche  et  de  plus 
varié  que  le  tableau  que  présente  la  vallée, 
lorsque ,  dans  une  belle  matinée  d'été ,  le 
ciel  étant  sans  nuages  et  de  cet  azur  foncé 
qui  est  propre  à  l'air  sec  et  raréfié  des  hautes 
montagnes,  on  se  transporte  sur  une  des  tours 
de  la  cathédrale  de  Mexico  ^  ou  au  haut  de  la 

Washington  et  Philadelphie  ressembleront  toujours 
à  de  belles  yilles  européennes.  Ils  ne  frapperont  pan 
les  yeux  du  voyageur  par  ce  caractère  particulier, 
j'ose  dire  exotique,  qui  appartient  à  Mexico  ,  à  Santa-Fe 
de  Bogota ,  à  Quito  et  a  toutes  les  capitales  qui ,  sous 
les  tropiques  ,  sont  construites  à  la  hauteur  du  passage 
du  Grand  Saint-Bernard,  ou  même  à  de  plus  grandes 
élévations. 


le  l'Aile- 

des  iin- 

,  on  est 

laquelle 

èrement. 

plusieurs 

s  pour  la 

m'a  laissé 

e surtout 

et  de  la 

de  plus 
a  vallée, 
l'été ,  le 
ur  foncé 
îs  hautes 
les  tours 
ciut  de  la 

toujours 
cront  pa» 
rticulier, 

Santa-Fe 
qui ,  sous 
u  passade 
s  grandes 


CIIAriTRE    VIII.  iSq 

colline  de  Chapoltepec.  Une  belle  végétation 
entoure  cette  colline.  Des  troncs  antiques  de 
cyprès  ',  de  plus  de  quinze  à  seize  mètres 
de  circonférence,  élèvent  leurs  cimes  dénuées 
de  feuillage  au-dessus  de  celles  desschinus, 
qui ,  par  leur  port ,  ressemblent  aux  saules 
plureurs  de  l'Orient.  Du  fond  de  cette  soli- 
tude, du  sommet  du  rocher  porphyritiquede 
Chapoltepec,  l'œil  domine  une  vaste  plaine  , 
c'es  champs  soigneusement  labourés,  qui 
s  étendent  jusqu'au  pied  des  montagnes  co- 
lossales couvertes  de  glaces  perpétuelles.  La 
ville  paroît  baignée  des  eaux  du  lac  de  Tez- 
cuco ,  dont  le  bassin  ,  entouré  de  villages  et 
de  hameaux ,  rappelle  les  plus  beaux  lacs  des 
montagnes  de  la  Suisse.  De  grandes  avenues 
d'ormes  et  de  peupliers  conduisent  de  tout 
côté  à  la  capitide;  deux  aqueducs  construits 
sur  des  arches  très  -  élevées  ,  traversent  la 
plaine,  et  offrent  un  aspect  aussi  agréable 
qu'intéressant.  Au  nord  se  présente  le  couvent 
magnifique  de  Notre-Dame  de  la  Guadeloupe , 
adossé  aux  montagnes  de  Tepeyacac ,  entre 
des  ravins  qui  abritent  quelques  datiers  et  des 

*  Los  aliuahuetes.  Cuprcssus  disticha.  L. 


l/iO 


MVRi:  ni 


yuccas  arborcscciis.  Au  sud,  lodt  le  terrain 
entre  San  Angcl,  Tacuba)'a  cl  San  Au^^uslin 
de  las  Cuevas  ,  paroît  un  immense  jardin 
d'oran<jers ,  de  pêchers,  de  pommiers,  de 
cerisiers  et  d'autres  arbres  fruitiersde  l'Europe. 
Celle  belle  culture  contraste  avec  l'aspect 
sauvage  des  montagnes  pelées  cpii  Torment 
l'enccinle  de  la  vallée ,  et  parmi  lesquelles 
se  distinguent  les  l'ameux  volcans  de  la  Puebla, 
le  Popocatepetl  et  l'I/tacciliuatl.  Le  premier 
fonnc  un. cône  énorme ,  dont  le  cratère  cons- 
tamment enllammé  ,  jetant  de  la  luniée  et 
des  cendres ,  s'ouvre  au  milieu  des  neiges 
éternelles. 

La  ville  de  Mexico  est  remartpiable  aussi 
à  cause  delà  bonne  police  qui  y  règne.  La 
plupart  des  rues  ont  des  trottoirs  très-larges  ; 
elles  sont  propres,  et  très-bien  éclairées  par 
des  réverbères  à  mèches  plates  en  forme  de 
rubans.  Ces  avantages  sont  dus  à  l'activité  du 
comte  de  Revillagigedo  ,  qui ,  lors  de  son 
arrivée ,  trouva  la  capitale  d'une  malpropreté 
extrême. 

L'eau  se  rencontre  partout  dans  le  sol  de 
Mexico  ,  à  très-peu  de  profondeur;  mais  elle 
est  saumatrc  comme  celle  du  lac  de  Tezcuco. 


l 


î 


CHAPITRE    VllI. 


lit 


1 


Les  deux  aqueducs  par  lesquels  la  ville  reçoit 
l'eau  douce ,  et  dont  nous  avons  parle  plus 
haut ,  sont  des   nionumens   de  construction 
moderne,  dignes  de  l'altention  des  voyageurs. 
Les  sources  d'eau  potable  sont  à  Test  de  la 
ville ,  l'une  datis  le  monticule  isole  de  Clia- 
potltepec,  l'autre  dans  le  Gerro  de  Sanla-Fe, 
auprès  de  la  Cordillère  qui  sépare  la  vallée 
de  Ténochtitlan   de  celle   de  Lerina  et  de 
Toluca.  Les   arches   de  l'aquéduc  de  Glia- 
potltepec  occupent  une  longueur  de  plus  de 
33oo  mètres.  Ûeau   de  Chapodtcpec  entre 
par  la  partie  méridionale  de  la  ville,  au  Salto 
del  agua  :  elle  n'est  pas  très-pure,  d  on  ne 
la  boit  que  dans  les  faubourgs  de  Mexico. 
L'eau  la  moins  chargée  de  carbonate  de  chaux 
est  celle  de  1  aqueduc  de  Santa-Fe ,  qui ,  en 
longeant  TAlameda,  aboutit  à  la  Traspana  , 
au  pont  de  la  Marescala.  Cet  aqueduc  a  près 
de  10,200  mètres  de  long;  mais  la  pente  du 
terrain  n'a  permis  que  dans  un  tiers  de  cet 
espace ,  que  l'eau  fut  conduite  sur  des#rches. 
L'ancienne  ville  de  Ténochtitlan   avoit  des 
aqueducs  non  moins  considérables  '.  Au  com- 


»  Clavigero ,  III  ,  p.  igS.  Solis  j  1^  p.  4o6. 


I  p  LIVRE    III, 

mencement  Ju  sié,re,  les  deux  capitaines 
Alvaraclo  et  Olid  détruisirent  celui  de  Gha- 
potltepec.  Cortez,  dans  sa  première  lettre 
à  Charles-Quint,  parie  aussi  de  la  source 
d*Amilco ,  près  de  Ghurubusco ,  dont  les  eaux 
forent  conduites  à  la  ville  par  des  tuyaux  de 
terre  cuile.  Cette  source  est  voisine  de  celle 
de  Santa-Fe.  On  reconnoît  encore  les  restes 
de  ce  grand  aqueduc,  qui  étoit  consiruit  à 
doubles  tujaux,  dont  l'un  recevoit  Teau, 
tandis  qu'on  étoit  occupé  à  nettoyer  l'autre  '. 
Cette  eau  étoit  vendue  dans  des  canots  qui 

*  Lorenzana,  p.  108.  La  plus  grande  et  la  plus  belle 
construction  que  les.  indigènes  ont  faite  en  ce  genre, 
est  l'acquéduc  Je  la  ville  de  Tezcuco.  On  y  admire 
encore  les  traces  d'une  grande  digue  qui  fut  élevée 
pour  augmenter  le  niveau  de  Teau.  En  général  y  com- 
ment ne  pas  admirer  l'industrie  et  l'activité  qu'ont 
déployées  les  anciens  Mexicains  et  les  Péruviens  dans 
l'irrigatioii  des  terres  arides  !  Dans  la  partie  maritime 
du  Pérou ,  j'ai  vu  des  reste?;  de  murs  sur  lesquels 
on  ronduisoit  l'eau  par  un  espace  de  j»lus  de  5  à 
Çooo  litres,  depuis  le  pied  de  la  Cordillère  jusqu'aux 
côtes.  Les  conquérans  du  seizième  Fiècle  ont  détruit 
ces  aqueducs;  et  cette  partie  du  Vérou,  comme  la 
Perse ,  est  redevenue  un  désert  dénué  de  végétation. 
Telle  est  la  civilisation  que  les  Européens  ont  portée 
vh&z  des  peuples  qu'ils  se  sont  plu  ù  nomuiei  Larbaree. 


I 


capitaines 
de  Gha- 
re  lettre 
L  source 
les  eaux 
lyaux  de 
de  celle 
Ds  restes 
nsiruit  à 
it  leau, 
l'autre  '. 
lots  qui 

plus  belle 
:e  genre, 
y  admire 
'ut  élevée 
rai ,  coni- 
é  qu'ont 
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ruarltirae 
lesquels 
i  de  5  à 
usqu'aux 
1  détruit 
^ninie  la 
Relation, 
t  portée 
arbares. 


CHAPITRE    VIII.  143 

traversoient  les  rues  de  Ténochtitlan.  Les 
sources  de  S.  Augustin  de  las  Cuevas  sont 
les  plus  belles  et  les  pif  is  pures  ;  aussi  j'ai  cru 
reconnoître  sur  le  chemin  qui  mène  de  ce 
charmant  village  à  Mexico ,  des  traces  d'un 
ancien  aqueduc. 

Nous  avons  nommé  plus  haut  (  page  i23) 
les  trois  digues  principales  par  lesquelles 
l'ancienne  ville  tenoit  à  la  terre  ferme.  Ces 
dignes  existent  en  partie,  et  on  en  a  même 
augmenté  le  nombre.  Ce  sont  aujourd'hui 
de  grandes  chaussées  pavées  qui  traversent 
des  terrains  marécageux,  et  qui,  étant  très- 
élevées,  onl  le  double  avantage  de  servir  au 
roulage  des  voitures  et  de  contenir  les  eaux 
débordées  des  lacs.  La  calzada  d'Iztapalapan 
est  fondée  sur  cette  même  digue  ancienne, 
sur  laquelle  Gortez  fit  des  prodiges  de  valeur 
dans  ses  rencontres  avec  les  assiégés.  La 
*^nlzadade  San  Antonio  se  distingue  encore  de 
nos  jours  par  ce  grand  nombre  de  petits  ponts 
que  les  Espagnols  et  les  Tlascaltèques  y.  trou- 
vèrent, lorsque  le  compagnon  d'armes  de 
Gortez,  Sandoval,  fut  blessé  près  de  Goyo- 
huacan  '.  Ges  calzadasde  San  Antonio  Abad  , 

*  Lurenzana,  p.  229 ,  24^.  "       . 


l44  LIVRE    III, 

de  la  Piedad,  de  San  Christobal  et  de  Gua- 
deloupe (  anciennement  appelée  la  digue  de 
Tepejacac),  furent  reconstruites  à  neuf  après 
la  grande  inondation  de  l'année  i6o4.,  sous 
1 .  vice-roi  Don  Juan  de  Mendoza  y  Luna , 
marquis  de  Montesclaros.  Les  seuls  savans  de 
ce  temps ,  les  pères  Torquemada  et  Geronimo 
de  Zarate ,  exécutèrent  le  nivellement  et 
Falignement  des  chaussées.  C'est  à  cette  époque 
aussi  que  fut  pavée  pour  la  première  fois  la 
ville  de  Mexico  ;  car  avant  le  comte  de  Re- 
villagigedo ,  aucmi  autre  vice-roi  ne  s'étoit 
occupé  avec  plus  de  succès  de  la  bonne  police, 
que  le  marquis  de  Montesclaros. 

Les  objets  qui  attirent  généralement  l'atten- 
tion du  voyageur  sont ,  ' 

1.®  La  Cathédrale  y  dont  une  petite  partie 
est  dans  le  style  vulgairement  appelé  gothique: 
l'édifice  principal,  qui  a  deux  tours  ornées 
de  pilastres  et  de  statues ,  est  d'une  ordonnance 
assez  belle  et  de  construction  très-récente. 

2.*»  La  Monnoic  y  attenant  au  palais  des 
vice-rois ,  bâtiment  d'où  sont  sortis ,  depuis 
le  commencement  du  seizième  siècle,  plus 
de  six  milliards  et  demi  en  or  et  en  argent 
mon  noyés. 


K» 


de  Gua- 
iigue  de 
îufiiprès 
►4 ,  sous 
y  Luna , 
avans  de 
eronimo 
ment  et 
e époque 
•e  fois  la 
de  Re- 
e  s'étoit 
e  police, 

t  l'atten- 

e  partie 
éthique: 

ornées 
mnance 
ente, 
ais   des 

depuis 
e,  plus 

argent 


CHAPITRE    VIII.  145 

S.**  Les  Couvens,  parmi  lesquels  $e  distingue 
surtout  le  grand  couvent  de  Saint-François , 
qui,  simplement  en  aumônes,  a  une  rente 
annuelle  d'un  demi-million  de  francs.  Ce  vaste 
édifice  devoit  d'abord  se  construire  sur  les 
ruines  du  temple  de  Huitzilopochtli;  mais  ces 
ruines  mêmes  ayant  été  destinées  aux  fon- 
demens  de  la  cathédrale ,  on  commença ,  en 
i53i,  le  couvent  dans  son  local  actuel.  Il 
doit  son  existence  à  la  grande  activité  d'un 
frère  servant  ou  moine  lai ,  Fray  Pedro  de 
Gante,  homme  extraordinaire,  que  Ton  dit 
avoir  été  fils  naturel  de  l'empereur  Charles  - 
Quint,  et  qui  devint  le  bienfaiteur  des  Indiens, 
auxquels  ils  enseigna  le  premier  les  arts  mé- 
caniques les  plus  utiles  de  TEurope. 

4.**  JJHospice  ,  ou  plutôt  les  deux  hospices 
réunis,  dont  Tun  entretient  600 ,  l'autre  800 
en  fans  et  vieillards.  Cet  établissem<  '  dans 
lequel  règne  assez  d'ordre  et  de  propreté  , 
mais  peu  d'industrie,  a  25o,ooo  fr.  de  rentes. 
Un  riche  négociant  lui  a  légué  récemment, 
par  son  testament,  six  millions  de  francs , 
capital  qui  a  été  pris  par  la  trésorerie  royale , 
avec  promesse  d'en  payer  un  intérêt  de  cinq 
pour  cent.  ^ 


i[. 


10 


l4G  LIVRF    îll, 

5.®  \1  Acordada  ,  bel  édifice  ,  dont  kî 
prisons  sont  généralement  spacieuses  et  bien 
aérées.  On  compte  dans  cette  maison  et  dan'^ 
les  autres  prisons  de  Tacordada  qui  en  'dé- 
pendent ,  plus  de  douze  cents  personnes , 
parmi  lesquelles  se  trouve  un  grand  nombre 
de  contrebandiers,  et  les  malheureux  pri- 
sonniers indiens  traînés  à  Mexico  depuis  les 
provincias  internas  (  Indios  Mecos  ) ,  dont  il 
a  été  question  plus  haut  dais  les  6.*  et  7.' 
chapitres  '. 

6.**  JJ Ecole  des  mines  y  le  nouvel  édifice 
commencé  etl'ancien  établissement  provisoire, 
avec  ses  belles  collections  de  physique ,  de 
mécanique  et  de  minéralogie  '. 

7.**  Le  Jardin  de  botanique ,  dans  une  des 
cours  du  palais  du  vice-roi ,  très-petit ,  mais 
extrêmement  riche  en  produf 'ions  végétales 

*  Vol.  I,  p.  419,  et  p.  42  (le  ce  volume. 

*  Deux  autres  collections  oryctognosliqucK  et  géo- 
logiques très-remarquables  ,  sont  celles  du  professeur 
Cervanlefc  et  de  Voidor  M.  Caravajal.  Ce  magistrat 
respectable  possède  aussi  un  superbe  cabinet  de 
coquilles ,  formé  pendant  son  séjour  aux  îles  Philip- 
pines, où  déjà  il  avoit  déployé  le  môme  zèle  pour 
les  sciences  naturelles,  qui  le  dislingue  si  honora- 
blement au  Mexique. 


CHAPITRE    VIII.      '^  147 

rares  ou  intéressantes  pour  l'industrie  et  le 
commerce.  - 

8.°  Les  Edifices  de  V  Université,  et  laBiblio' 
théque  publique ,  qui  est  peu  digne  d'un  si 
grand  et  si  ancien  établissement. 
.    Q.**  ]J Académie  des  heaux-arts ,  avec  une 
collection  de  plâtres  antiques  '. 

10.°  La  Statue  équestre  du  roi  Charles  IV , 
sur  la  plaza  maycr ,  et  le  monument  sépulcral 
que  le  duc  de  Monte  Leone  a  consacré  au  grand 
Oortez ,  dans  une  chapelle  de  l'hôpital  de  los 
Naturales.  C'est  un  simple  monument  de 
famille  ,  orné  d'un  buste  en  bronze ,  repré- 
sentant le  héros  dans  un  âge  mûr ,  et  exécuté 
par  M.  Toisa.  Qu'on  traverse  l'Amérique 
espagnole  depuis  Buenos-Ajres  jusqu'à  Mon- 
terey,  depuis  la  Trinité  et  Porto  Rico  jusqu'à 
Pan-^ma  et  Veragua,  et  nulle  part  on  ne 
rencontrera  un  monument  national  que  la 
reconnoissance  publique  ait  élevé  à  la  gloire 
de  Christophe  Colomb  et  de  Hernan  Cortez  ! 

Ceux  qui  se  livrent  à  l'étude  de  l'histoire 
et  à  la  recherche  des  antiquités  américaines  , 
ne  trouveront  pas  dans  l'enceinte  de  la  capitale 


*  Voye*  plus  haut,  p.  12.  ' 


iO 


i48 


LIVRE   ni, 


ces  grands  restes  de  constructions  que  Ton 
voit  au  Pérou,  dans  les  environs  de  Cusco 
et  de  Guamachuco ,  à  Pachacamac ,  près  de 
Lima ,  ou  à  Mansiche ,  près  de  Truxillo  ;  dans 
la  province  de  Quito ,  au  Gaiîar  et  au  Cajo  ; 
au  Mexique ,  près  de  Milla  et  de  Cholula  , 
dans  les  intendances  d'Oaxaca  et  de  Puebla. 
Il  paroît  que  les  seuls  monumens  des  Aztèques 
étoient  les  téocallis,  dont  nous  avons  indiqué 
plus  haut  la  forme  bizarre.  Or ,  le  fanatisme 
chrétien  n'avoitpas  seulement  un  grand  intérêt 
à  les  détruire;  mais  aussi  la  sûreté  du  vainqueur 
rendit  cette  destruction  nécessaire.  Elle  se  fît 
en  partie  pendant  le  siège  même;  car  ces 
pyramides  tronquées,  construites  par  assises , 
servoient  de  refuge  aux  combattans ,  comme 
le  temple  de   Baal  Berith  aux  peuples  de 
Chanaan  :  c'étoient  autant  de  châteaux  dont  il 
falloit  déloger  l'ennemi. 

Quant  aux  maisons  des  particuliers ,  que  les 
Historiens  espagnols  nous  dépeignent  comme 
très-basses,  nous  devons  être  peu  surpris  de 
n  on  trouver  que  les  fondemens  ou  des  ma- 
sures peu  élevées ,  telles  qu'on  les  découvre 
dans  le  Barrio  de  Tlatelolco  et  vers  le  canal 
d'Istacalco.   Dans  la  plupart  de   nos   villes 


CHAPITRE    Vlli. 


i49 


d'Europe  même  ,  quel  petit  nombre  de 
maisons  peut-on  compter  dont  la  construction 
remonte  au  commencement  du  seizième  siècle? 
Cependant  les  édifices  de  Mexico  ne  sont  pas 
tombés  en  ruines  par  vétusté.  Animés  de  ce 
même  esprit  de  destruction  que  les  Romains 
montrèrent  à  Syracuse ,  à  Carthage  et  en 
Grèce  ,  les  conquérans  espagnols  ne  crurent 
avoir  achevé  le  siège  d'une  ville  mexicaine 
qu'après  en  avoir  rasé  les  bâtimens.  Cortez , 
dans  sa  troisième  lettre  '  à  l'empereur  Charles- 
Quint,  énonce  lui-même  le  système  effrayant 
qu'il  suivit  dans  ses  opérations  militaires. 
«  Malgré  tous  ces  avantages,  dit-il ,  que  nous 
«  avions  remportés ,  je  vis  bien  que  its  ha- 

bitans  de  la  ville  de  Témixtitan  (  Ténoch- 
«  titlan  )  étoient  si  rebelles  et  si  opiniâtres , 

qu'ils  désiroient  tous  périr  plutôt  que  de 
«  se  rendre  ;  je  ne  savois  plus  quel  moyen 
«  employer  pour  nous  épargner  tant  de 
«  dahgers  et  de  fatigues,  et  pour  ne  pas 
«  achever  la  ruine  totale  de  la  capitale ,  qui 
«  étoit  la  plus  belle  chose  du  monde  {  a  la 
«  ciudad  p  porcjue  era  la  mas  hermosa  cosa 


(C 


(( 


*     1 M 


*  Lorenzana ,  p.  278. 


l5o  LIVRE    HT, 

«  del  miindo  ).  J'avois  beau  leur  dire  que  je 

«  ne  leverois  pas  mon  camp,  que  je  ne  reti- 

«  rerois  pas  ma  flotille  de  brigantins ,  que  je 

«  ne  cesserois  pas  de  leur  faire  la  guerre  par 

«  terre  et  par  eau ,  avant  que  je  ne  Tusse 

«c  maître  de  Témixtitan  ;  je  leur  observai  en 

«  vain  qu'ils  n'avoient  aucun  secours  à  at- 

«  tendre,  et  qu'il  n'y  avoit  pas  un  coin  de  terre 

«  dont  ik  pussent  espérer  tirer  du  maïs ,  de 

«  la  viande ,  des  fruits  et  de  l'eau.  Plus  nous 

«  leur  fîmes  ces  exhortations  ,  et  plus  il  nous 

«  prouvèrent  qu'ils  étoient  loin  d'être  décou- 

«  rages.  Ils  n'avoient  d'autre  désir  que  celui 

«  de  combattre.  Dans  cet  état  de  choses , 

«  considérant  que  déjà  plus  de  l^o  à  5o  jours 

«  s'étoient  écoulés  depuis  que  nou"  avions 

«  investi  la  place,  je  résolus  enfin  -"^    prendre 

«  un  moyen  par  lequel,  en  pourvoyant  à 

«  notre  sûreté,  nous  étions  à  même  de  serrer 

«  de  plus  près  n*^:,  ennemis  :  je  formai  le 

«  dessein  de  démolir  d'un  côté  et  de  Vautre 

«  toutes  les  maisons  a  mesure  que  nous  nous 

<c  rendrions  maîtres  des  rues  j  de  sorte  que 

K  nous  n'avancerions  pas  d'un  pied  sans  avoir 

«  tout  détruit  et  abattu  derrière  nous  j  con- 

«  vertissant  en  terre  ferme  tout  ce  qui  étoit 


CHAPITRE    VIII. 


l5l 


;  que  je 
ne  reti- 
que je 
Tre  par 
le  fusse 
îrvai  en 
rs  à  ai- 
de terre 
laïs,  de 
us  nous 
il  nous 
décou- 
le celui 
choses, 
>o  jours 
avions 
^rendre 
)jant  à 
;  serrer 
mai  le 
Vautre 
LS  nous 
'te  que 
is  avoir 
j  con- 
à  étoit 


«  eau  y  quelle  que  pût  être  la  lenteur  de  ce 
«  travail  et  le  retard  auquel  nous  nous  expo- 
«  serions  '.  Pour  cet  effet,  je  réunis  les 
«  seigneurs  et  les  chefs  de  nos  alliés ,  et  je 
u  leur  expliquai  la  résolution  que  j'avois 
«c  prise.  Je  les  engageai  à  faire  venir  un  grand 
«  nombre  de  laboureurs  avec  leurs  coar,  j 
tt  qui  sont  semblables  aux  houes  dont  on  te 
€<  sert  en  Espagne  pour  faire  des  excavations  ; 
«  et  nos  alliés  et  nos  amis  approuvèrent  mon 
«  projet,  car  ils  espéroient  que  la  ville  seroit 
€c  détruite  de  fond  en  comble  ,  ce  qu'ils 
«  désiroient  ardemment  depuis  long-temps. 
«  Trois  à  quatre  jours  se  passèrent  san^ 
<f  combat ,  car  nous  attendîmes  l'arrivée  des 
€<  gens  de  la  campagne  qui  dévoient  nous 
<€  aider  à  démolir.  » 

Après  avoir  lu  ce  récit  naïf  que  le  général 

*  Accordé  de  tomaf'  un  mediopara  nuestra  seguridad 
y  para  pode  'ç  estrechar  a  Los  enemigos;  y  fue  que 
como  fu<iHsei,,<jù  ganando  por  las  calles  de  laciudad, 
que  fuessen  derocando  todas  las  casas  de  ellas  ,  de  un 
ladoy  del  otro ;  por  manera  que  no  fuessemos  un  passa 
adelante  sin  la  dejar  todo  asolado  y  que  lo  que  era 
agua  hacerlo  tierra  firme  ;  aunque  hohiesse  toda  la 
dilacian  que  se  pudiesse  sagitir.  Lorenzana ,  n.  34. 


. 


iSa  LIVRE  m, 

en  chei  fait  à  son  souverain ,  dans  sa  troisième 
lettre,  on  ne  doit  plus  être  surpris  de  ne 
trouver  presque  aucun  vestige  des  anciens 
édifices  mexicains.  Cortez  raconte  que  les 
indigènes  ,  pour  se  venger  des  vexations 
qu'ils  avoient  éprouvées  sous  la  domination 
des  rois  aztèques ,  accoururent  en  grand 
nombre ,  et  des  provinces  les  plus  éloignées , 
dès  qu'ils  apprirent  qu'on  travailloit  à  la 
destruction  de  la  capitale.  Les  décombres  des 
maisons  démolies  servirent  à  combler  les 
canaux.  On  mit  les  rues  à  sec  pour  faire  agir 
la  cavalerie  espagnole.  Les  maisons  basses  y 
comme  celles  de  Pékin ,  en  Chine ,  étoient 
construites  en  partie  en  bois,  en  partie  en 
tetzontli ,  pierre  spongieuse ,  légère  et  facile 
à  briser.  «  Plus  de  cinquante  mille  Indiens 
«  nous  aidèrent,  dit  Cortez,  le  jour  que, 
«  marchant  sur  des  monceaux  de  cadavres  , 
«  nous  gagnâmes  enfin  la  grande  rue  de 
et  Tacuba,  et  que  nous  brûlâmes  la  maison 
«  du  roi  Guatimucin  *.  Aussi  ne  fit-on  autre 

*  Le  vrai  nom  de  ce  roi  malheure uj. ,  le  dernier  de 
la  dynastie  aztèque,  est  QuauJitemotzin.  C'est  le  même 
auquel  Cortez  fit  brûler  peu  à  peu  la  plante  des  pieds , 
après  les  avoir  fait  tremper  dans  l'huile.  Ce  tourment 


CHAPITHE   VIII. 


53 


)isièmc 

de  ne 
anciens 
;|ue  les 
xalions 
ination 

granil 
ignées , 
it  à  la 
>res  des 
1er  les 
re  agir 
basses  y 
étoient 
rtie  en 

facile 
ndiens 

que  , 
avres  , 
ue  de 
maison 

autre 

nier  de 
même 
pieds , 
irment 


«  chose  que  brûler  et  raser  des  maisons. 
«f  Ceux  de  la  ville  disoient  à  nos  alliés  (  les 
«  Tlascaltèques  ) ,  qu'ils  avoient  tort  de  nous 
«  aider  à  détruire  ,  parce  qu'ils  auroient  un 
«  jour  à  reconstruire  de  leurs  mains  ces 
K  mêmes  édifices ,  soit  pour  les  assiégés ,  si 
H  ceux-ci  restoient  vainqueurs,  soit  pour 
«  nous  autres  Espagnols  ,  qui  effectivement 
«  déjà  les  forçons  à  rebâtir  ce  qui  a  été  dé- 
«  moli  \  "En  parcourant  le  libro  delcabildoy 

ne  porta  pas  le  roi  à  déclarer  dans  quel  endroit  ses 
trésors  avoient  été  cachés.  Sa  fin  fut  la  même  que  celle 
du  roi  d'Acolhucan  (Tezcuco)  et  de  Tellepanguet- 
zallzin  ,  roi  de  Tlacopar  (Tacuba).  Ces  trois  princes 
furent  pendi;?  à  un  ?rîjre  ,  et,  comme  je  l'ai  vu  repré- 
senté dans  une  peinture  hiéroglyphique  que  possède 
le  père  Pichardo  (au  couvent  de  San  Felipe  Neri  ) , 
ils  furent  pendus  par  les  pieds  ,  pour  prolonger  leurs 
tourmens.  Cet  acte  de  cruauté  de  Corlez,  que  des 
historiens  récens  ont  eu  la  lâcheté  de  dépeindre  comme 
FeiFet  d'une  politique  prévoyante,  causa  des  murmures 
dans  l'armée  même.  <(  La  mort  du  jeune  roi ,  »  dit 
Bernai  Diaz  del  Castillo  (vieux  soldat  plein  de  droiture 
et  de  naïveté  dans  l'expression  ) ,  «  étoit  chose  bien 
«  injuste  :  aussi  fut-elle  blâmée  de  nous  tous  autant 
((  que  nous  étions  dans  la  suite  du  capitaine ,  dans  sa 
«  marche  vers  Comaj ah ua.  » 
*  Lorenzana,  p.  286» 


l54  UVRl-     III, 

manuscrit  dont  nous  avons  déjà  parlé,  et  qui 
contient  l'histoire  de  la  nouvelle  ville  de 
Mexico  depuis  l'année  1624  jusqu'en  1529, 
je  n'y  ai  trouvé  sur  ton  les  les  pages  que  des 
noms  de  personnes  qui  comparoissent  devant 
les  alguasils,  «pour  demander  remplacement 
ti  (solar)  sur  lequel  étoit  autrefois  la  maison 
«  de  tel  ou  tel  seigneur  mexicain.  »  Même 
encore  aujourd'hui  on  est  occupé  à  combler 
et  dessécher  les  canaux  anciens  qui  traversent 
plusieurs  rues  de  la  capitale.  Le  nombre  de 
ces  canaux  a  surtout  diminué  depuis  le  gou- 
vernement du  comte  de  Galvez  ,  quoiqu'à 
cause  de  l'extrême  largeur  des  rues  de  Mexico, 
les  canaux  y  soient  encore  moins  contraires 
à  la  circulation  des  voitures  que  dans  la  plupart 
des  villes  de  Hollande. 

On  peut  compter ,  parmi  les  foibles  restes 
des  antiquités  mexicaines  qui  intéressent  le 
voyageur  instruit ,  soit  dans  l'enceinte  de  la 
ville  de  Mexico ,  soit  dans  ses  environs ,  les 
ruines  des  digues  (  albaradones  )  et  des  aque- 
ducs aztèques;  la  pierre  dite  des  sacrifices, 
ornée  d'un  relief  qui  représente  le  triomphe 
d'un  roi  mexicain  ;  le  grand  monument  calan- 
daire  (expose  avec  le  précédent  à  la^plaza 


CHAPITRE    VIII. 


i55 


! ,  et  qui 
r'illc   de 
I  1629, 
r[ue  des 
t  devant 
icement 
maison 
«  Même 
combler 
aversent 
mbre  de 
s  le  gou- 
quoiqu'à 
Mexico, 
entrai res 
1  plupart 

es  restes 
3ssent  le 
te  de  la 
'ons,  les 
es  aqué- 
icrifices , 
riomphe 
nt  calan- 
la  «plaza 


mayor);   la  statue  colossale    de    la    déesse 
Téoyaomiqui,  couchée  sur  le  dos,  dans  une 
des  galeries  de  Tédifice  de  l'Université,  et 
hubiluellement  couverte  de  trois  ou  quatre 
pouces  de  terre;  les  manuscrits  ou  tableaux 
hiérog'l)'phiques aztèques,  peints  sur  du  papier 
d'agave,  sur  des  peaux  de  cerfs  et  des  toiles 
de  coton  (collection  précieuse  enlevée  injus- 
tement  au   chevalier  Boturini  '  ,   très- mal 
conservée  dans  les  archives   du  palais  des 
\ice-rois,    et  attestant  dans  chaque  figure 
l'imagination  égarée  d'un  peuple  qui  seplaisoit 
à  voir  offrir  le  cœur  palpitant  des  victimes 
humaines  à  des  idoles  gigantesques  et  mons- 
trueuses); les  (ondemens  du  palais  des  rois 
d  Acolhuacan ,  à  Tezcuco  ;  le  relief  colossal 
tracé  sur  la  face  occidentale  du  rocher  por- 
phyritique   appelé  le   Penol  de  los  Banos, 
et  plusieurs   autres  objets  qui  rappellent  à 
l'observateur  instruit  les  inslititutions  et  les 
ouvrages  de  peuples    de  la  race  mongole, 
et  dont  la  description  tet  les  dessins  seront 
donnés  dans  la  relation  historique  de  mon 

.  *  L'auteur  de  l'ouvrage  ingénieux  :  Ydea  de  urji,a 
nuei^a  Historia  général  de  la  America  SejjCentrional , 
for  el  cdballero  Boturini,  •  ,-    ;  ^ 


i 


'i-i 


iS6 


LIVRE    m 


Voyage  aux  régions  équinoxiales  du  nouveau 
continent. 

Les  seuls  monumens  anciens  oui ,  dans  la 
vallée  mexicaine ,  peuvent  imposer  par  leur 
giandeur  et  leurs  masses  aux  yeux  des  Euro- 
péens^ sont  les  restes  des  deux  pyramides  de 
San  Juan  de  Téotihuacan ,  situées  au  nord-est 
du  lac  de  Tezcuco ,  consacrées  au  soleil  et  à 
la  lune,  appelées  par  les  indigènes  Tonatiuh 
Ytza([ual,  maison  du  Soleil,  et  Meztli  Ytza- 
qual ,  mait:oîi  de  la  Lune.  D'après  les  mesures 
faites  en  1 8c  5,  par  un  jeune  savant  mexicain , 
le  docteur  Oteyza,  la  première  pyramide, 
qui  est  la  plus  australe,  a,  dans  son  état 
actuel,  une  base  de  208  mètres  (645  pieds) 
de  long^  et  55 mètres  (66vares  mexicaines' 
ou  171  pieds)  d'élévation  perpendiculaire. 
La  seconde ,  la  pyramide  de  la  lune ,  est  de 
1 1  mètres  (  3o  pieds  )  plus  basse ,  et  sa  base 
est  beaucoup  moins  grande.  Ces  monumens , 
d  après  le  récit  des  premiers  voyageurs ,  et 
d'après   la  forme    qu'ils  présentent  encore 

*  Velasquez  a  trouvé  que  la  vare  mexicaitie  a  exac- 
tement 3i  pouces  de  l'ancien  pied  de  roi  (de  Paris). 
La  façade  septentrionale  de  l'hôtel  des  Ir: valides,  h 
Paris  ;  n'a  que  600  pieds  de  longueur. 


louveau 

dans  la 
►ar  leur 
s  Euro- 
ides  de 
nord-est 
eil  et  à 
'onatiuh 
li  Ytza- 
mesures 
exicain , 
ramide , 
ion   état 

pieds  ) 
icaines  ' 
culaire. 
,  est  de 

sa  base 
umens , 

urs ,  et 

encore 

3  a  exac- 
e  Paris  ). 
alides ,  à 


CHAPITRE    VIII. 


lf>7 


aujourd'hui,  ont  servi  de  modèle  aux  téo- 
callis  aztèques.  Les  peuples  que  les  Espagnols 
trouvèrent  établis  dans  la  Nouvelle-Espagne, 
attribuèrent  les  pyramides  de  Téolihuacan  '  à 
la  nation  toltèque  :  leur  construction  remonte 
par  conséquent  au  huitième  ou  au  neuvième 
siècle  ;  car  le  royaume  de  ToUan  dura  depuis 
66j  jusqu'en  io3i.  Les  laces  de  ces  édifices 
sont,  à  62'  près,  exactement  orientées  du 
nord  au  sud  et  de  Test  à  l'ouest  :  leur  intérieur 
est  de  l'argile  mêlé  de  petites  pierres.  Ce 
noyau  est  revêtu  d'un  mur  épais  d'amyg-da- 
loïde  poreuse  :  on  y  reconnoît ,  en  outre , 
des  traces  d'une  couche  de  chaux  qui  enduit 
les  pierres  (le  tetzontli)  par  dehors.  Quelques 
auteurs  du  seizième  siècle  prétendent,  d'après 

*  Cependant  Siguenza^  dans  ses  notes  manuscrites, 
les  croit  un  ouvrage  de  la  nation  olmèque ,  qui  habitoit 
autour  de  la  Sierra  de  TIascala,  appelée  Mallacueje. 
Si  cette  hypothèse,  dont  nous  ignorons  les  foudemens 
liiiUoriques,  étoit  vraie,  ces  raonumens serolent  plus 
anciens  encore  ;  car  les  Olnièques  appartiennent  aux 
premiers  peuples  dont  la  chronologie  aztèque  fait 
mention  dans  la  Nouvelle-Espagne.  On  prétend  même 
:^ue  c'est  la  seule  niation  dont  la  migration  s'est  faite, 
non  depub  le  nord  et  le  nord  ;iest  (  l'Asie  Mongole  ) , 
niais  de])uls  l'Orient  (l'Europe). 


i38 


LIVr.E    III 


une  tradition  indienne ,  que  l'intérieur  de  ces 
pyramides  est  creux.  Le  chevalier  Boturini 
dit  que  le  géomètre  mexicain  Siguenza  avoit 
vainement  essayé  de  percer  ces  édifices  par 
une  galerie.  Ils  formoienl  quatre  assises,  dont 
on  ne  reconnoît  aujourd'hui  que  trois ,  les 
injures  du  temps  et  la  végétation  des  cactus  et 
des  agaves  ayant  exercé  leur  influence  des- 
tructive sur  l'extérieur  de  ces  monumens.  Un 
escalier,  construit  en  grandes  pierres  de 
taille ,  conduisoit  jadis  à  leur  cime  :  c'est  là 
que,  d'après  le  récit  des  premiers  voyageurs, 
se  trouvoient  des  statues  couvertes  de  lames 
d'or  très-minces.  Chacune  des  quatre  assises 
principales  étoit  subdivisée  en  petits  gradins 
d'un  mètre  de  haut,  dont  on  distingue  encore 
les  arêtes  :  ces  gradins  sont  couverts  de  frag- 
mens  d'obsidienne,  qui,  sans  doute,  étoient 
les  instrumens  tranchans  avec  lesquels ,  dans 
leurs  sacrifices  barbares ,  les  prêtres  toltèques 
et  aztèques  {papahua  tlemacazque  ou  teo- 
pixqui)  ouvroient  la  poitrine  aux  victimes 
humaines.  On  sait  que  l'obsidienne  {Itztli) 
étoit  l'objet  des  grandes  exploitations  dont 
on  voit  encore  les  traces  dans  une  innom- 
brable quantité  de  puits ,  entre  les  mines  de 


•e  assises 


CHAPITRE    VIII.  ifjiQ 

Moran  et  le  village  d'Atotonilco  el  Grande , 
dans  les  montagnes  porhyritiques  d'Oyamcl 
et  du  Jâcal ,  région  que  les  Espagnols  appellent 
la  montagne  des  Couteaux,  el  Cerro  de  las 
Navajas  '. 

On  désireroit  sans  doute  voir  résolue  la 
question  si  ces  édifices  curieux,  dont  l'un 
(  le  Tonatiuh  Ytzaquâl  ) ,  d'après  les  mesures 
exactes  de  mon  ami,  M.  Otejza,  a  une  masse 
de  128,970  toises  cubes,  ont  été  entièrement 
construits  à  mains  d'hommes,  ou  si  les  Tol- 
tèques  ont  profité  de  quelque  colline  naturelle, 
qu'ils  ont  revêtue  de  pierre  et  de  chaux?  Cette 
même  question  a  été  récemment  agitée  par 
rapport  à  plusieurs  pyramides  deDjyzcli  et  de 
Sakhiirah  :  elle  est  devenue  doublement  inté- 
ressante par  les  hypothèses  Tanlastiques  que 
M.  Witte  a  hasardées  sur  l'origine  des  monu- 
mens  de  forme  colossale  de  l'Egypte,  de 
Persépolis  et  de  Palmyre.  Comme  ni  les  py- 
ramides de  Téotihuacan ,  ni  celle  de  Cholula , 
dont  nous  parlerons  dans  la  suite,  n'ont  pas 

*  J'ai  trouvé  la  cime  du  Jacal  élevée  de  3i  2'i  mètres  j 
la  Rocca  de  las  Ventanas,  au  pied  du  Cerro  de  las 
Navajas ,  élevée  de  2960  mètres  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer. 


i6o 


LIVRE  m 


été  percées  diamétralement,  il  est  impossible 
de  parler  avec  certitude  de  leur  structure 
intérieure.  Les  traditions  indiennes  d'après 
lesquelles  on  les  croit  creuses,  sont  vagues 
et  contradictoires  :  leur  situation  dans  des 
plaines  où  l'on  ne  trouve  aucune  autre  colline, 
rend  même  assez  probable  qu'aucun  rocher 
naturel  ne  sert  de  noyau  à  ces  monumens. 
Ce  qui  est  très-remarquable  aussi  (  surtout  si 
l'on  se  rappelle  les  assertions  de  Pococke  sur 
la  position  symétrique  des  petites  pyramides 
d'Egypte  ) ,  c'est  que  tout  à  l'entour  des 
maisons  du  soleil  et  de  la  lune  de  Téo- 
tihuacan ,  on  trouve  un  groupe ,  j'ose  dire 
un  système  de  pyramides  qui  ont  à  peine 
neuf  à  dix  mètres  d'élévation.  Ces  monumens, 
dont  il  y  a  plusieurs  centaines,  sont  disposés 
dans  des  rues  très-larges,  qui  suivent  exacte- 
ment la  direction  des  parallèles  et  des  méri- 
diens, et  qui  aboutissent  aux  quatre  laces 
des  deux  grandes  pyramides.  Les  petites 
pyramides  sont  plus  fréquentes  vers  le  côté 
austral  du  temple  de  la  lune  que  vers  le 
temple  du  soleil  :  aussi  étoient-elles,  d'après 
la  tradition  du  pays,  dédiées  aux  étoiles.  Il 
paroît    assez    certain    qu'elles  servoient    de 


CHAPITRE    Vin. 


i6 


jossjblc 
ructure 
d'après 
vagues 
ans  des 
colline, 
rocher 
lumens, 
irtout  si 
»cke  sur 
ramides 
our  des 
e   Téo- 
ose  dire 
là  peine 
lumens, 
disposés 
exacte- 
;s  méri- 
te laces 
petites 
lie  côté 
Ivers   le 
d'après 
loiles.  Il 
ient    de 


sépulture  aux  chefs  des  tribus.  Toute  cette 
plaine,  que  les  Espagnols,  d'après  un  mot 
de  la  langue  de  l'île  de  Cuba,  appellent  Llano 
de  los  Cuesy  porta  jadis,  dtns  les  langues 
aztèque  et  toltèque ,  le  nom  de  Micoatl,  ou 
Chemin  des  Morts.  Que  d'analogies  avec  les 
monumens  de  l'ancien  continent!  Et  ce  peuple 
toltèque,  qui,  en  arrivant  au  septième  siècle 
sur  le  sol  mexicain ,  construisit ,  d'après  un 
plan  uniforme,  plusieurs  de  ces  monumens 
de  forme  colossale,  ces  pyramides  tronquées 
et  divisées  par  assises  comme  le  temple  de 
Bélus  à  Babylone ,  d'où  avoit-il  pris  le  type 
de  ces  édifices?  Etoit-il  de  race  monopole? 
descendoit-il  d'une  souche  commune  '  avec 
les  Chinois,  les  Hiong-nu  et  les  Japonois? 

Un  autre  monument  ancien ,  très-digne  de 
l'attention  du  voyageur,  c'est  le  retranche- 
ment militaire  de  Xochicalco  ,  situé  au  sud- 
sud- ouest  de  la  ville  de  Cuernavaca,  près 
de  Tetlama ,  appartenant  à   la  paroisse  de 

*  Voyez  l'ouvrage  de  M.  Herder  :  Idée  d'une 
Histoire  philosophique  de  l'espèce  humaine ,  T.  Il , 
p.  59  ;  T.  III ,  p.  11  (en  allemand  )  ;  et  Essai  d'une 
Histoire  universelle  de  M.  Gatterer ,  p.  489  (  en 
allemand  ). 

n.  1 1 


l62 


LIVRE    III  ,> 


Xochilepèque.  C'est  une  colline  isolée ,  de 
117  mètres  d'élévation,  entourée  de  fossés, 
et  divisée  à  main  d'homme  en  cinq  assises 
ou  terrasses  qui  sont  revêtues  de  maçonnerie. 
Le  tout  forme  une  pyramide  tronquée,  dont 
les  quatre  faces  sont  exactement  orientées 
selon  les  quatre  points  cardinaux.  Les  pierres 
de  porphyre  à  base  basaltique  sont  d'une 
coupe  très-régulière,  et  ornées  de  figures 
hiéroglyphiques,  parmi  lesquelles  on  distingue 
des  crocodiles  jetant  de  l'eau ,  et ,  ce  qui  est 
très  -  curieux  ,  des  hommes  assis  les  jambes 
croisées  à  la  manière  asiatique.  La  plate-foime 
de  ce  monument  extraordinaire  '  a  près  de 
9000  mètres  carrés,  et  présente  les  ruines  d'un 
petit  édifice  carré  qui  servit  sans  doute  de 
dernière  retraite  aux  assiégés. 

-  Je  finirai  ce  tableau  rapide  des  antiquités 
aztèques,  en  désignant  queh  ues  endroits  que 
l'on .  peut  nommer  classiques  ,  à  cause  de 
l'intérêt  qu'ils  inspirent  à  ceux  qui  ont  étudié 

■■'■'-•■•■'  ■/ 

*  Descripcion  de  las  antiguedades  de  Xochicalco , 
dcdicada  a  los  Senores  de  la  Expedicion  maritiwa 
baxo  las  ordenes  de  Don  Alexandre  Mcdaspina ,  par 
Don  Jase  Antonio  Jtlzate.  Mexico^  '•ZQ*  >  P-  12. 


CHAPITRE    VIII. 


i63 


iée ,  (le 
fosses , 

:  assises 

i 

Dnnerie. 
îc,  dont 
►rienlées 
5  pierres 
it   d'une 

figures 
listingue 
e  qui  est 
5  jambes 
ite-forme 

près  de 
ines  d'un 
ioute  de 

mtiquités 
roits  que 
cause  de 
►nt  étudie 

iochlcalco , 
Ttinritima 
spina,  par 
p.    12. 


l'histoire  de  la  conquête  du  Mexique  par  les 
Espagnols.  '  - 

Le  palais  de  Montezuma  étoit  placé  dans  le 
même  site  où  se  trouve  aujourd'hui  l'hôtel  du 
duc  de  Monte  Leone,  vulgairement  appelé  casa 
del  Estado ,  à  la  plaza  mayor ,  au  sud-ouest 
de  la  cathédrale.  Ce  palais ,  comme  ceux  de 
l'empereur  de  la  Chine,  dont  sir  George 
Staunton  et  M.  Barrow  nous  ont  donné  des 
descriptions  exactes,  étoit  composé  d'un  grand 
nombre  de  maisons  spacieuses  mais  très-peu 
élevées  :  elles  occupoient  tout  le  terrain  con- 
tenu entre  l'Empedradillo ,  la  grande  rue  de 
Tacuba  et  le  couvent  de  la  Professa.  Cortez, 
après  la  prise  de  la  ville  ,  fixa  sa  demeure 
vis-à-vis  les  ruines  de  ce  palais  des  rois 
aztèques,  là  où  est  placé  aujourd'hui  le  palais 
des  vice-rois  :  mais  on  jugea  bientôt  que  la 
maison  de  Cortez  convenoit  davantage  aux 
assemblées  de  l'Audiencia;  par  conséquent,  le 
gouvernement  se  fit  céder  la  casa  del  Estado, 
ou  Tancien  hôtel  appartenant  à  la  famille  de 
Cortez.  Cette  famille,  qui  porte  le  titre  du 
marquesado  del  Valle  de  Oaxaca,  reçut  en 
échange  remplacement  de  l'ancien  palais  de 
Montezuma  :  c'est  là  qu'elle  contruisit  le  bel 

11* 


l64  LÏVRE    III, 

édifice  dans  lequel  se  trouvent  les  archives 
delEstado,  et  qui  est  passé,  avec  tout  l'héri- 
tage ,  au  duc  napolitain  de  Monte  Leone. 

Lorsque  Gortez  fit  sa  première  entrée  à 
Ténochtitlan ,  le  8  novembre  1619,  lui  et  son 
petit  corps  d'armée  furent  logés  non  au  palais 
de  Montezuma ,  mais  dans  un  édifice  qu'avoit 
habité  jadis  le  roi  Axajacatl.  C'est  dans  cet 
.édifice  que  les  Espagnols  et  leurs  alliés  les 
Tlascaltèques ,  soutinrent  l'assaut  des  Mexi- 
cains ;  c'est  là  que  périt  le  malheureux  roi 
•Montezuma  ' ,  des  suites  d'une  blessure  qu'il 
avoit  reçue  en  haranguant  son  peuple.  On 
reconnoît  encore  *  de  foibles  restes  de  ce 

*  C'est  d'un  de  ses  fils,  appelé  Tohiialicaliuatzin , 
et  après  le  baptême,  Don  Pedro  Motezuma  ,  que 
descendent  les  comtes  de  Motczuma  et  ïula  ,  en 
Espagne.  Les  Cano  Motezuma  ,  les  Andrade  Mole- 
zuma  ,  et ,  si  je  ne  nie  trompe  ,  même  les  comtes  de 
Miravalle  ,  à  Mexico  ,  font  remonter  leur  origine  à  la 
belle  princesse  Tecuichpoizin  ,{^\q  cadette  du  dernier 
roi  Motezuma  11 ,  au  Moteuczoma  Xvcojolzin,  Les 
descendans  de  ce  roi  ne  mêlèrent  leur  sang  à  celui 
des  blancs  que  dans  la  seconde  génération.  '  "  '^ 

*  Les  preuves  de  cette  assertion  sont  contenues 
dans  les  manuscrits  de  M.  Gama,  qui  se  trouvent 
au  couvent  de  San  Felipe  Neri,  entre  les  mains  du 


CHAPITRE    VUI. 


6.Î 


archives 
ut  l'héri- 
one. 

entrée  à 
lui  et  son 
an  palais 
!  qu'avoit 
dans  cet 
alliés  les 
es  Mexi- 
reux  roi 
ure  qu'il 
uple.  On 
es  de  ce 

ahuatzin  , 
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ïula ,  en 
ade  Mole- 
comtes  de 
>rigine  à  la 
du  dernier 
olzin.   Les 
ng  à  celui 

contenues 
e  trouvent 
mains  du 


quartier  des  Espagnols ,  dans  des  masure» 
situées  derrière  le  couvent  de  Ste.-Thcrèse , 
au  coin  des  rues  de  Tacuba  et  del  Indio 
Triste.  '  . 

Un  petit  pont  près  de  Bonavista  a  conservé 
le  nom  desaut  d'Alvarado  (salto  deAlvarado), 
en  mémoire  du  saut  prodigieux  que  fit  le 
valeureux  Pedro  deAlvarado,  lorsque,  dans 
la  fameuse  nuit  mélancolique  ',  la  digue  de 
Tlacopan  ayant  été  coupée  en  plusieurs 
endroits  par  les  Mexicains ,  les  Espagnols  se 
retirèrent  de  la  ville  sur  les  montagnes  de 
Tepeyacac.  Il  paroît  que  déjà  du  temps  de 
Cortez,  on  disputa  sur  la  vérité  historique 
de  ce  fait,  qui,  par  une  tradition  populaire,  a 
été  transmis  à  toutes  les  classes  des  habitans 

père  Pichardo.  Cortez  ,  dans  ses  lettres,  nomme  son 
quartier  lafurtaleza ,  la  forteresse.  Le  palais  d'Axa- 
jacatl  étoit  probablement  une  ^asle  enceinte  qui 
contenoit  plusieurs  édifices,  car  on  y  caserna  près  de 
sept  mille  hommes.  {Clauigero,  III ,  p.  79.)  Les  ruines 
de  la  ville  de  Mansiche,  au  Pérou,  nous  donnent  une 
idée  très-claire  de  ce  genre  de  construction  améri- 
caine. Chaque  habitation  d'un  grand  seigneur  y  formoit 
un  quartier  séparé,  dans  lequel  on  distinguoit  des 
cours,  des  rues ,  des  murailles  et  des  fossés. 
>  Noche  triiite,  le  i."*"  juillet  lôao. 


il 


l66  LIVBE    III, 

de  Mexico.  Bernai  Diaz  regarde  Thistoire  dw 
saut  comme  une  simple  fanfaronnade  de  son 
compagnon  d'armes,  dont  il  vante  d'ailleurs 
le  courage  et  la  présence  d'esprit.  Il  assure 
que  le  fossé  étoit  beaucoup  trop  large  pour 
le  passer  au  saut.  Je  dois  observer  cependant 
que  cette  anecdote  est  rapportée  avec  beau- 
coup de  détail  dans  le  manuscrit  d'un  noble 
métis  de  la  république  de  Tlascala,  Diego 
Munoz  Camargo  ;  manuscrit  que  j'ai  consulté 
au  couvent  de  San  Felipe  Neri ,  et  dont  le 
père  ïorquemada  '   paroît   aussi   avoir   eu 

'  Monarquia  indiana  ,  Lib.  IV  ,  Cap.  LXXX. 
Clavigero,  I,  p.  lo.  11  existe  encore  n  Mexique  et  en 
Espagne  plusieurs  manuscrits  historiques  composés  au 
seizième  siècle,  et  dont  la  publication  par  extrait 
jeteroit  beaucoup  tle  jour  sur  l'histoire  d'Anahuac  : 
tels  sont  les  rrianuscrits  de  Sahagun ,  de  Motolinia , 
d'Andréa  de  Olmos ,  de  Zurita  ,  de  Josef  Tobar,  de 
Fernando  PiraentelIxtlilxochill,d'AntonioMotezuma, 
d'Antonio  Pimentel  Ixtlilxochitl,  de  Taddeo  de  ISiza  , 
Gabriel  d'Ay  al  a ,  Zapata^  Ponce,  Christophe  de  Cas- 
tillo ,  Fernando  Alba  Ixtlilxochitl,  Pomar ,  Chimalpaïn, 
Alvarado  Tezozomoc  et  de  Gulleriez.  Tous  ces  auteurs, 
à  l'exception  des  cinq  premiers ,  étoient  des  Indiens 
baptisés,  natifs  de  Tlascala,  de  Tezxuco,  de  Cholula 
et  de  Mexico.  Les  Ixtlilxochitl  descendoient  de  la 
famille  royale  d'AcoIhuacan. 


'M 


)ire  du 
de  son 
ûUeurs 

assure 
B  pour 
endant 
;  beau- 

noWe 
Diego 
)nsullé 
lont  le 
Dir  eu 

LXXX. 

lie  et  en 
posés  au 
extrait 
laliuac  : 
tolinia, 
bar,  de 
tezunia, 
le  ISiza , 
de  Cas- 
Lai  pain, 
luteurs, 
Indiens 
Cliolula 
it  de  la 


CHAPITRE    VIII.  1G7 

connoissance.  Cet  bislorien  métis  étoit  con- 
temporain de .  Ilernan  Corlez.  Il  raconte 
l'histoire  du  saut  d'Alvarado  avec  beaucoup 
de  simplicité ,  sans  apparence  d'exagération , 
et  sans  énoncer  la  largeur  du  fossé.  On  croit 
reconnoître  dans  son  récit  naïf  un  héros  de 
l'antiquité  qui ,  appuyant  l'épaule  et  le  bras 
sur  sa  lance  ,  fait  un  élan  énorme  pour  se 
sauver  des  mains  de  l'ennemi.  Camargo 
ajoute  que  d'autres  Espagnols  voulurent  suivre 
l'exemple  d'Alvarado ,  mais  qu'ayant  moins 
d'agilité  que  lui ,  ils  tombèrent  dans  le  fossé 
(  azequia  ).  «c  Les  Mexicains ,  dit-il ,  furent  si 
«  étonnés  de  l'adresse  d'Alvarado ,  qu'en  le 
«  voyant  sauvé  ilsmangèrent  la  terre  »  (expres- 
sion figurée  que  l'auteur  tlascaltèque  emprunte 
de  sa  langue,  et  qui  signifie  être  stupéfait 
d'admiration  ).  «  Les  en  fans  d'Alvarado  ,  qui 
«  fut  appelé  le  Capitaine  du  saut  ^  prou- 
«  vèrent  par  des  témoins,  devant  les  juges 
<{  de  Tezcuco,  la  prouesse  de  leur  père.  Ils 
«  y  furent  forcés  par  un  procès  dans  lequel 
«  ils  exposèrent  les  exploits  qu^luarado  de 
«  el  S  alto ,  leur  père ,  avoit  faits  lors  de  la 
V.  conquête  du  Mexique.  » 

On  montre  aux  étrangers  le  pont  du  Cle- 


r 


l! 


i68  LIVRE  iir, 

rigo  ,  près  de  la  plaza  mayor  de  Tlatelolco  , 
comme  Tendroit  mémorable  où  fut  pris  le 
dernier  ro:  aztèque  Quauhtemotzin  ,  neveu 
de  son  prédécesseur,  le  roi  Cuillahualzin  % 
et  gendre  de  Montezuma  ii.  Mais  il  résulte 
des  recherches  soignées  que  j'ai  faites  avec 
le  père  Pichardo  ^  que  le  jeune  roi  tomba 
entre  les  mains  de  Garci  Holguin  '  dans  un 
grand  bassin  d'eau  qu'il  y  avoit  autrefois  entre 
la  Garita  del  Peralvillo ,  la  place  de  Santiago 
de  Tlatelolco  et  le  pont  d'Amaxac.  Cortez  se 
trouva  sur  la  terrasse  d'une  maison  de  Tlate- 

^  Ce  roi  Guillahuatzin  (  que  Solis  et  d'autres 
historiens  européens,  qui  confondent  tous  les  noms 
mexicains  y  nomment  Quetlabaca  )  étoit  frère  et  suc- 
cesseur de  Motezuma  ii.  C'est  le  même  prince  qui 
montra  tant  de  goût  pour  les  jardins,  et  qui,  d'après 
le  récit  de  Cortez  ,  avoit  fait  la  collection  des  plantes 
rares  que  l'on  adniiroit  encore  long-temps  après  sa 
mort  à  Iztapalapan. 

^  Le  3i  août  iâ2i,  le  soixante-quinzième  jour  du 
siège  de  Ténochtillan  ,  jour  de  Saint-Hippolyte.  Le 
même  jour  est  encore  célébré  tous  les  ans  par  un  tour 
que  le  vice-roi  et  les  oidorea  font  à  cheval  par  la  ville  , 
en  suivant  l'étendard  de  l'armée  victorieuse  de  Cortez , 
porté  par  Talferez-major  de  la  très -noble  ville  de 
Mexico. 


CHAPITRE    VIII.  l6() 

lolco,  lorsqu'on  lui  amena  le  roi  prisonnier: 
«  Je  le  fis  asseoir,  dit  le  vainqueur,  clans  sa 
«  troisiènie  lettre  à  l'empereur  Charles-Quint, 
«  je  le  traitai  avec  confiance ,  mais  le  jeune 
u  homme  mit  la  main  sur  un  poignard  que 
«  je  portois  à  la  ceinture ,  et  m'exiiorta  de 
«  le  tuer,  parce  qu'après  avoir  fait  ce  qu'il 
«  devoit  à  lui-même  et  à  son  peuple ,  il  ne 
«<  lui  restoit  d'autre  désir  que  la  mort.  »  Ce 
trait  est  digne  du  plus  beau  temps  de  la  Grèce 
et  de  Rome.  Sous  toutes  les  zones ,  quelle 
que  soit  la  couleur  des  hommes,  le  langage 
des  âmes  fortes  est  le  même  lorsqu'elles  luttent 
contre  le  malheur.  Nous  avons  vu  plus  haut 
quelle  fut  la  fin  tragique  de  cet  infortuné 
Quauhtemotziu  ! 

Après  la  destruction  totale  de  l'ancien 
Ténochtitlan  ,  Cortez  resta  avec  les  siens 
pendant  quatre  ou  cinq  mois  à  Gojohuaciin  ', 
endroit  pour  lequel  il  a  constamment  montré 
une  grande  prédilection.  Il  l'ut  d'abord  in- 
certain s'il  devoit  reconstruire  la  capitale  dans 
quelque  autre  endroit  autour  des  lacs.  Il  se 
détermina  pour  le  site  ancien ,  «  parce  que  la 


*  Lorenzana,  p.  307. 


1  70  LIVRE    IIÎ  . 

«  ville  de  Témixtitan  étoit  devenue  céièbVe  ; 
«  que  sa  position  est  merveilleuse,  el  qac 
«  de  tout  temps  on  l'avoit  considérée  comme 
«  le  chef- lieu  des  provinces  mexicaines 
«  (conio  principal  f  senora  do  todas  estas 
«f  provincias),  »  Il  n'est  pas  douteux  cependant 
qu'à  cause  des  fréquentes  inondations  qu'on* 
souffertes  l'ancien  et  le  nouveau  Mexique  , 
on  miroit  mieux  fait  de  nlacer  la  ville  à  l'est 
de  Tezcuco,  ou  sur  les  hauteurs  entre  Tacuba 
et  Tacubaya '.C'est,  en  effet,  à  ces  hauteurs 


'  Cisneros ,  Descripcion  del  silio  en  el  quai  se  halla 
Jl/exLro.  jilzate  ,TopogrnJia  de  Mexico.  (GazeUa  de 
IjUcraliira,  1790,  p.  3^.)  La  plupart  des  grrndos 
villes  des  colonies  espagnole*,  quelque  neuves  qu'elles 
paroisscnt  être,  se  trouvent  dans  des  sites  désavan- 
tageux. Je  ne  parle  pas  ici  de  remplacement  de 
Caracas,  de  Quito,  de  Pasto  et  de  plusieurs  autres 
villes  de  l'Amérique  méridionale  ,  mais  seulement  des 
Tilîes  mexicaines,  par  exemple ,  de  Valladolid ,  qiw 
Ton  auîoit  pu  construire  dans  la  belle  vallée  de  Tepare; 
de  Guadalaxara  ,  qui  se  trouve  tout  près  de  la  pîaino 
riante  du  Rio  Chieonahuatenco  ou  San  Pedro;  de 
Pazcuaro,  que  l'on  désireroit  voir  i)àti  h  Tzintzcntzn. 
On  diroit  que  partout  les  nonvcmx  colons  de  deux 
lieux  voisins  ont  choisi  celui  qui  est  le  plus  monlagnoux 
ou  le   plus  exposé  aux  inondations.   Mais  aufbi  les 


CHAPITRE    VtlI. 


1^1 


ebre  ; 
;l  qiie 
oniine 
Lcaines 
estas 
311  dan  t 
qu'ont 
siqiie  , 
à  l'est 
^acuba 
uiteiirs 

se  h  a  lia 
zella  tle 
grrndos 
qu'elles 
lésavan  - 
netit  «1c 
s  autres 
fient  des 
id ,  qm^> 
Tepare  ; 
a  plaine 
:lro  ;   de 

Je   deux 


la£;neux 


iiUPBI 


les 


que  la  capitale  dut  être  transférée  ,  par  uu 
ordre  formel  du  roi  Philippe  m ,  lors  de  la 
grande  inondation  de  l'année  1607.  \]Ajun- 
faniento,  ouïe  magistrat  de  la  ville,  repré- 
senta à  la  cour  que  la  valeur  des  maisons 
dont  on  ordonnoit  La  destruction,  étoit  de 
io5  millions  de  francs.  On  paroissoit  ignorer 
à  Madrid  que  la  capitale  d'un  royaume 
construit  depuis  quatre-vingt-huit  ans,  n'est 
pas  un  camp  volant  que  l'on  chaii^e  de  place 
à  volonté  I 

Il  esr  impossible  de  déterminer  avec  quel- 
que certitude  le  noii'^bre  des  habitans  de 
l'ancien  TénocLtitlan,  A  en  juger  d'après 
le?^  masures  des  maisons  ruinées  ,  d'après  le 
récit  des  premiers  conquéraiis ,  et  surtout 
d'après  le  nombre  des  combattans  que  les 
rois  Guitlahuatzin  et  Quauhtimotzin  oppo- 
sèrent aux  Tlascaltèques  et  aux  Espagnols  , 
la  V  -pulation  de  Ténochtitlan  paroît  avoir 
été  au  moins  trois  fois  plus  grande  que  ne 
Test  de  nos  jours  celle  de  3Iexico.  Cortez 
assure  qu'après  le  siège  ,  le  concours  des 

Espagnols  n'ont  presque  pas  construit  de  nouvcllos 
Tilles  ;  ils  n'ont  fait  qu'habiter  ou  agrandir  celles  qui 
avoient  été  fondées  par  les  indigènes. 


1^2  lèivRE  m, 

artisans  mexicains  qui  travailloient  pour  les 
Kspai^nols  ,  comme  charpentiers  ,  maçons  , 
tisserands  et  fondeurs  ,  étoit  si  énorme,  qu'en 
i52/f  la  nouvelle  ville  de  Mexico  compta 
déjà  trente  mille  liabitans.  Les  auteurs  mo- 
dernes ont  mis  en  avant  les  idées  les  plus 
contradictoires  sur  la  population  de  la  capitale. 
L'abbé  Clavigero,  dans  son  excellent  ouvrage 
sur  l'histoire  ancienne  de  la  Nouvelle- Espagne, 
prouve  que  ces  évaluations  vont  de  soixante 
mille  jusqu'à  un  million  et  demid'habilans'.  Ce? 
contradictions  ne  doivent  pas  nous  étonner, 
en  considérant  combien  les  recherches  statis- 
tiques sont  neuves ,  même  dans  la  partie  la  plus 
cultivée  de  l'Europe. 

D  après  les  données  les  plus  récentes  et  les 
moins  incertaines,  la  population  actuelle  de  la 
capitale  du  Mexique  paroît  être  (  en  y  com- 
prenant les  troupes  ) ,  de  i  oo  à  i/|0,ooo  âmes. 
Le  dénombrement  fait  en  1790,  par  ordre 
du  comte  de  Revillagigedo  ,  ne  donna 
pour  la  ville  qu'un  résultat'  de  112,926  lia- 
bilans;  lïiais  on  sait  que  ce  résultat  est  de  plus 
d'un  sixième  trop  petit.  La  troupe  réglée  et 

*■  Clavigero,  W ,  p.  278  ,  noie  y>. 

^  Voj't'z  la  noie  c  à  !a  fin  de  l'ouvrag'i 


Il  ; 


CHAPITRE    VHI.  Iji 

la  milice  en  garnison  dans  la  capitale,  sont 
composées  de  5  à  6000  hommes  sous  les  armes. 
Onpeutadmeltreavec  une  grande  probabilité 
que  la  population  actuelle  consiste  en 

2;5oo  blancs  européens. 
60,000  blancs  créoles. 
55,000  indigènes  (  Indiens  cuivrés  ). 
26,500  métis,  mélange  de  blancs  et  d'Indiens. 
10,000  mulâtres. 


157,000  habitans. 


Il  existe  par  conséquent  à  Mexico  69,^00 
hommes  de  couleurs,  et  67,500  blancs  ;  mais 
un  grand  nombre  de  métis  (  mvstizos  )  sont 
presque  aussi  blancs  que  les  Européens  et  les 
Espagnols  créoles. 

Dans  les  vingt-trois  couvens  d'hommes  que 
lenlerine  la  capitale,  il  y  a  à  peu  près  1200 
individus,  parmi  lesquels  on  compte  près  de 
58o  prêtres  et  choristes.  Dans  les  quinze 
Gouvens  de  Cennnes,  il  y  a  2100  individus, 
dont  près  de  900  sont  religieuses  professes. 

Le  clergé  de  la  ville  de  Mexico  est  extrê- 
mement   nombreux  ,    quoique    d'un   quart 


;:' 


1^4  LIVRE    III, 

moins  nombreux  que  celui  de  Madrid.  Le 

dénombrement  de  1790  indiquoit: 

^       I  /^573  prêtres  et  choristes.  \ 

Dans  les  couvensj    '     ^  I 

,  .  {    5q  novices )ooj 

de  mornes .  . .  I      *^     ,  I 

'235  frères  servans ^ 

Dans  les  couvensj  888  religieuses  professes.) 

de religieuses.\  35  novices j^ 

Prébendes ^6 

Curés 16 

Vicaires 43 

Ecclésiastiques  séculiers. 5 1 7 

Total 2,39^!  indiv. 

Et  sans  les  frères  servans  et  les  novices. .  .  2,oG3 

Le  clergé  de  Madrid  est  composé ,  d'^tprès 
l'excellent  ouvrage  de  M.  de  Laborde  ,  de 
3470  personnes  ;  par  conséquent ,  le  cIcï  gé 
est  à  la  population  entière,  à  Mexico,  comme 
1  -^  à  100,  et  à  Madrid  comme  2  à  100. 

Nous  avons  donné  plus  haut  (  pag.  53  )  le 
tableau  des  revenus  du  clergé  mexicaiii. 
L'archevêque  de  Mexico  a  682,600  livres 
tournois  de  rente.  Cette  somme  est  un  peu 
moindre  que  le  revenu  du  couvent  des  Jéro- 
nimites  de  l'Escurial.  Un  archevêque  de 
Mexico  est  par  conséquent  de  beaucon;> 
moins  riche  que  les  archevêques  de  Tolttij  ? 


coniine 


iuco!i;> 


CHAPITRE    VIII.  1^5 

de  Valence ,  de  Séville  et  de  Santiago.  Celui 
de  Tolède  a  3  millions  de  livres  tournois  de 
revenus.  Cependant  M.  deLaborde  a  prouvé, 
et  ce  fait  est  très-peu  connu,  qu'avant  la 
révolution  le  clergé  de  France  étoit  plus 
nombreux  ,  en  le  comparant  à  la  population 
totale ,  et  plus  riche  comme  corps  que  le 
clergé  espagnol.  Les  revenus  du  tribunal  de 
l'inquisition  de  Mexico,  tribunal  qui  s'étend 
sur  tout  le  royaume  de  la  Nouvelle-Espagne , 
sur  celui  de  Guatimala  et  sur  les  îles  Philip- 
pines, son^  de  200,000  livres  tournois. 

Le  nombre  des  naissances  est  à  Mexico , 
en  prenant  un  terme  moyen  de  cent  ans  ,  de 
5900  ;   le  nombre  des  décès  est  de    5o5o. 
L'année  1802  il  y  eut  même  61 55  naissances^ 
et  5 166  décès;    ce  qui  donneroit ,  en  sup- 
posant une  population  de  117,000  âmes,  sur 
22  7  individus,  une  naissance  ,  et  sur  26  j 
individus,  un  décès.  Nous  avons  vu  plus  haut, 
dans  le  quatrième  chapitre  (\  ol.  1 ,  p.  35  8),  qu'à 
la  campagne  on  compte  en  général ,  dans  la 
Nouvelle-Espagne ,  le  rapport  des  naissances 
à  la  population  '  comme  1  à  17  ;  et  le  rapport 

*  E:   France,  le  rapport  des  naissances  aux  morts 
est  Ujl,  que  sur  la  totalilc  t-«r  la  populaliou,  il  n'eu 


i-\ 


■À 


,1 
•!  ! 


176 


LIVRE    III 


des  décès  à  la  population  comme  1  à  3o.  Par 
conséquent ,  il  j  a  en  apparence  une  très- 
grande  mortalité  et  un  très-petit  nombre  de 
naissances  dans  la  capitale.  L'affluence  des 
malades  y  est  considérable ,  non-seulement 
pour  la  classe  du  peuple  la  plus  indigente , 
qui  cherche  des  secours  dans  les  hôpitaux  , 
dont  le  nombre  des  lits  monte  à  1100,  mais 
aussi  pour  les  personnes  aisées  qui  se  laissent 
transporter  à  Mexico  ,  parce  qu'ils  ne  trou- 
vent ni  médecins  ni  remèdes  à  la  campagne. 
Cette  circonstance  explique  le  grand  nombre 
de  décès  que  manifestent  les  registres  des 
paroisses.  D'un  autre  coté,  les  couvens,  le 
célibat  du  clergé  séculier,  les  progrès  du 
Juxe,  la  milice  et  l'indigence  des  saragates 
indiens,  qui  vivent  dans  la  fainéantise  comme 
les  lazaronis  de  Naples ,  sont  les  causes  prin- 
cipales qui  influent  sur  le  rapport  désavan- 
tageux des  naissances  au  total  de  la  population. 

mcnrt  anndrllemrnt  qu'an  trenlième  ,  taïkclis  qu'il  en 
naît  un  vingt-huilicme.  {^1* l'iichet, Statistique ,^.  25 i.) 
Dans  les  villes,  ce  rapport  (lépeiul  d'un  concours  de 
circonstances  locales  et  variables.  On  coniploit,  en 
1786,  à  Londres,  18,1 19  naissances  et  2o/*54 décès; 
en  180a,  à  Paris;  :.>i,8i8  naissances  et  20,.'^90  décès. 


CHAPITRE    VIII. 


177 


MM.  Alzate  et  Clavigero  ',  en  comparant  les 
registres  des  paroisses  de  Mexico  à  ceux  de 
plusieurs  villes  d'Europe ,  ont  tenté  de  prouver 
que  la  capitale  de  la  Nouvelle-Espagne  doit 
avoir  plus  de  200,000  hahitans  ;  mais  comment 
supposer  que,  dans  le  dénombrement  de  1790, 
on  se  soit  trompé  de  87,000  âmes  ,  ce  qui  est 
plus  de  deux  cinquièmes  de  la  population 
totale  ?    En    outre ,  les  comparaisons  faites 
par  les  deux  savans   mexicains  ne  peuvent 
guère,  par  leur  nature,  conduire  à  des  résultats 
certains ,  parce  que  les  villes  dont  ils  offrent 
les  registres  mortuaires  ,  sont  situées  à  des 
hauteurs  et  sous  des  climats  très-différens ,  et 
parce  que  l'état  de  civilisation  et  d'aisance 
de  la  grande  masse  des  habitans  présente  les 
contrastes   les  plus  frappans.  A  Madrid  ,  on 


^  L'abbé  Clavigero  est  dar««;  Terreur  quand  il  dit 
qu'un  dénombreiucnt  a  donné  plus  de  200,000  âmes  à 
la  ville  de  Mexico,  11  avance  d'ailleurs ,  et  avec  raison, 
que  cette  ville  compte  généralement  un  quart  de  plus 
de  naissances  et  de  décès  que  Madrid.  En  effet ,  à 
Madrid,  en  1788,  le  nombre  des  naissances  étoit 
de  4897,  celui  des  morts  de  SgiDj  en  1797,  il  y 
avoit  444;  morts  et  4911  naissances.  [Alexandre  de 
Lahorde,  II,  p.  102.) 

U.  '  12 


:: 


il 


1^8  LIM\E   *III  , 

compte  une  naissance  sur  54.;  à  Berlin,  une 
sur  28  individus.  L'un  de  ces  rapports  est , 
aussi  peu  que  l'autre ,  applicable  aux  calculs 
que  l'on  voudroit  hasarder  sur  la  population 
des  villes  de  l'Amérique  cquinoxiale.  Leur 
différence  est  en  outre  si  grande,  qu'elle  seule 
augmenteroit  ou  diminueroit  de  56,ooo  âmes 
la  population  de  Mexico ,  en  y  supposant  un 
nombre  annuel  de  6000  naissances.  Le  moyen 
de  déterminer  le  nombre  des  habitans  d'un 
district  ou  d'une  province  par  le  nombre  des 
décès  ou  des  naissances ,  est  peut  -  être  le 
meilleur  de  tous ,  quand  l'arithmétique  poli- 
tique a  fixé  avec  soin  ,  dans  un  pays  donné , 
les  nombres  qui  expriment  les  rapports  des 
naissances  et  des  décès  à  la  population  totale  ; 
mais  ces  mêmes  nombres  ,  résultats  d'une 
longue  induction ,  ne  peuvent  pas  être  ap- 
pliqués à  des  pays  dont  la  situation  physique 
et  morale  est  totfilement  différente  :  ils  dé- 
signent l'état  moyen  de  prospérité  d'une 
masse  de  population  dont  la  plus  grande 
partie  habite  la  campagne  ;  on  ne  peut  par 
conséquent  pas  se  servir  de  ces  mêmes  rap- 
ports pour  trouver  le  nombre  des  habitans 
d'une  capitale. 


CHAPITRE    VIII.  179 

La  ville  de  Mexico  est  la  plus  peuplée  des 
villes  du*nouveau  continent.  Elle  a  près  de 
quarante  mille  habitans  de  moins  que  Madrid': 
comme  elle  forme  un  grand  carré  dqnt  chaque 
côté  a  près  de  2760  mètres,  sa  population 
est  éparse  sur  un  grand  espace  de  terrain. 
Les  rues  étant  très-larges  ,  elles  paroissent 
en  général  assez  désertes  :  elles  le  sont  d'autant 
plus  que  dans  un  climat  que  les  habitans  des 
tropiques  considèrent  comme  froid ,  le  peuple 
s'expose  moins  à  l'air  libre  que  dans  les  villes 
situées  au  pied  de  la  Cordillère.  Aussi  ces 
dernières  (  ciudades  de  tierra  caliente  )  pa- 
roissent constamment  plus  populeuses  que 
les  villes  des  régions  tempérées  ou  froides 
(  ciudades  de  tierra  fria  ).  Si  Mexico  a  plus 
d'habitans  que  les  villes  de  la  Grande-Bre- 
tagne et  de  la  France  ,  à  l'exception  de 
Londres,  de  Dublin  et  de  Paris  j  d'un  autre 


^  ((  La  population  de  Madrid  (dit  M.  de  Laborde) 
«  est  de  1 56,272  habitans.  Cependant,  avec  la  gar- 
«  nison  les  ulrangcrs  et  les  Espagnols  qui  accourent 
<(  àG&  provinces  ,  la  population  peut  être  portée  à 
((  2CO,GOO  aines.  »  La  plus  grande  longueur  de 
Mexico  est  de  près  de  3goo  mètres  ;  celle  de  Paris, 
de  8000  mètres, 

13* 


l8o  •     LIVRE   m, 

cotô,  la  population  est  de  beaucoup  moindre 
que  celle  des  grandes  villes  du  Levant  et  des 
Indes  Orientaks.  Calcutta,  Surate,  Madras, 
Haleb  et  Damas  ,  comptent  toutes  au-delà 
de  deux,  quatre  et  même  six  cent  mille 
habitans. 

Le  comte  de  Revillagigedo  a  fait  faire  des 
recherches  exactes  sur  la  consommation  de 
Mexico.  Le  tableau  suivant,  dressé  en  1791 , 
offrira  quelque  intérêt  à  ceux  qui  connoissent 
les  travaux  importans  que  MM.  Lavoisier  et 
Arnould  ont  faits  sur  la  consonmiation  de  Paris 
et  de  la  France  entière.      '       .... 

U -i         --/j'  !  -    •      .      ■       ■'.  ,'     •'/,■■..,.     1       "  -  ■       . 

,     "consommation     de     MEXICO. 

'  .  •  /.  Comestibles.      .     • 

Bœufs 16,000 

Veaux "       4^0 

Moutons. 278,925 

Porcs 50,676 

Chevreaux  et  lapins 24.1O00 

Poules i,255,5/|0 

Canards 1 25,ooo 

Dindons 2o5,ooo 

Pigeons 65,3oo 

Perdrix i4o,ooo 


noindre 
it  et  des 
Madras, 
au-delà 
[)t  mille 

Liire  des 
ition  de 

n  1791 ' 
noissent 

oisier  et 

de  Paris 

c  o. 


i6,3oo 

278,923 
60,676 
24,000 
2  55,54  0 
126,000 
206,000 

66,3oo 
i4o,ooo 


CHAPITRE    VIII.  l8l 

//.  Graines.      '  • 

Mais  ou  blé  de  Turquie  ,  cargas  à  ?. 

3  fanègues 1 17,224 

Orge,  cargas 40,219 

Farine  de  froment ,  cargas  «  1 2  ar-  , 

robes i3o,ooo 

III.  Liquides.       ^  » 

Pulque,  suc  fermenté  de  l'agave,  .... 

cargas 294,790 

Vin  et  vinaigre,  barils  «  4t  arrobes.         4*^07 

Eau-de-vie,   barils j 2,000 

Huile  d'Espagne,  arrobes  ^26  lii>res.         6,685 
•  •  .■      >  "1  > 

En  supfiosant,  avec  M.  Peuchet,  la  popu- 
lation de  Paris  quatre  fois  plus  grande  que 
celle  de  Mexico,  on  observera  que  la  con- 
somm-itioa  en  viande  dt  bœuf,  t^t  à  peu  près 
proportionnelle  au  nombre  des  habita  us  des 
deu.^  villes;  mais  que  celle  <ja  \iande  de 
mouton  et  de  porc  est  excessivement  plus 
grande  à  Mexico.  Voici  k  diff^îrence  :    ,^. 


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l82 


LIVRE   m. 


Bœufs 

Moutons. . . 
Cochons. . . 


CONSOMMATION 


DE  MEXICO.         DE   PARIS. 


1 6,3o{) 

273,000 

5o,ioo 


70,000 

35o,ooo 

35,000 


QUADRUPLE 

de  ia 
Consomma  lion 

DE    MEXICO. 


65,200 
1^116,000 

300,400 


M.  Lavoisier  a  trouvé  par  ses  calculs ,  que  les 
habitans  de  Paris  consommoient  de  son  temps 
annuellement  90  millions  de  livres  pesant  de 
viandes  de  toutes  sortes ,  ce  qui  fait  160  livres 
(79  TB  kilogrammes  )  par  individu.  En  éva- 
luant la  viande  comestible  que  donnent  les 
animaux  désignés  dans  le  tableau  précédent 
d'après  les  principes  de  M.  Lavoisier,  mo- 
difiés selon  les  localités ,  la  consommation  de 
Mexico ,  en  toutes  sortes  de  viandes ,  est  de 
26  millions  de  livres  pesant ,  ou  de  189  livres 
(92  -p-  kilogrammes)  par  individu.  Cette  diffé- 
rence est  d'autant  plus  frappante  que  la 
population  de  Mexico  embrasse  33,ooo  In- 
diens qui  ne  mangent  tous  que  très-peu  de 
viande. 

La  consommation  du  vin  a  beaucoup  aug- 
menté depuis  1791 9  surtout  depui:»  Tinlro- 


CHAPITRE    VUI. 


S3 


iluclion  du  système  brownien  dans  la  pratique 
des  médecins  mexicains.  L'enthousiasme  i^é- 
néral  avec  lequel  ce  système  a  été  reçu  dans 
un  pays  où  les  remèdes  asthéniques  ou  débi- 
litans  avoient  été  employés  avec  excès  depuis 
des  siècles,  a  eu,  selon  le  témoig-na^e  de 
tous  les  négocians  de  Vera-Cruz ,  l'effet  le 
plus  marquant  sur  le  commerce  des  vins 
liquoreux  d'Espagne.  Mais  ces  vins  ne  sont 
bus  que  par  la  classe  aisée  des  habitans.  Les 
Indiens  ,  les  métis ,  les  mulâtres ,  et  même 
le  plus  grand  nombre  des  blancs  créoles 
préfèrent  le  jus  lérmenté  de  l'agave  ,  appelé 
pulque ,  dont  il  se  consomme  annuellement 
rénorme  quantité  de  4^  millions  de  bouteilles 
(  chacune  à  Ifi  pouces  cubes  ).  La  grande 
population  de  Paris  ne  consommoit  annuel- 
lement ,  du  temps  de  M.  Lavoisier  ,  que 
281,000  muids  en  vin,  eau-de-vie,  cidre  et 
bière  ,  ce  qui  fait  80,928,000  bouteilles. 

La  consommation  du  pain ,  à  Mexico ,  est 
égale  à  celle  des  villes  d'Europe.  Ce  fait  est 
d'autant  plus  frappant ,  qu'à  Caracas ,  à 
Cumana ,  à  Carlhagène  des  Indes,  et  dans 
toutes  les  villes  d'Amérique  qui  sont  situées 
sous  la  zone  torride,  mais  au  niveau  de  lu 


l84  LIVRE    111, 

mer  ,  ou  à  de  petites  hauteurs  ,  les  liabitans 
créoles  ne  se  nourrissent  presque  que  de  pain 
de  mais,  et  du  jatroplia  manihot.  Si  Ton 
suppose,  avec  M.  Arnould ,  que  025  livres 
de  farine  donnent  4i6  livres  pesant  de  pain, 
on  trouve  que  les  100,000  cliart>es  de  l'arine 
consommées  à  Mexico ,  pouvoieul  fournir 
49,900,000  livres  de  pain ,  ce  qui  Fuit  une 
consommation  de  060  livres  par  indi\idu  de 
tout  âge.  En  évaluant  la  population  habituelle 
de  Paris  à  6/17^000  habitans^  et  la  consom- 
mation en  pain  à  206,788,000 livres,  on  trouve 
pour  Paris  577  livres  par  individu*  A  Mexico , 
la  consommation  en  maïs  est  presque  égale  à 
celle  en  froment  :  aussi  le  blé  turc  est  la 
nourriture  la  pins  recherchée  par  les  indigènes. 
On  peut  lui  appliquer  la  dénomination  que 
Pline  donne  à  l'orge  (  le  xpi^vi  d'Homère  ) , 
aiitiquissinium  frumentiun  j  carie  zea  maïs 
est  la  seule  graminée  à  graines  farineuses  que 
cultivoient  les  Américains  avant  l'arrivée  des 
Européens. 

Le  marché  de  Mexico  est  richement  fourni 
en  comestibles ,  surtout  en  légumes  et  en 
fruits  de  toute  espèce.  C'est  un  spectacle 
intéressant  dont  ou  peut  jouir  tous  les  matins 


îi 


CHAPITRE    Vni. 


i85 


que 


au  Jever  du  soleil ,  que  de  voir  entrer  ces 
provisions  et  une  grande  quantité  de  fleurs , 
sur  des  bateaux  plats  conduits  par  des  Indiens , 
descendantlcs  canaux  d'Istacalco et  de  Chalco. 
La  majeure  partie  de  ces  légumes  est  cultivée 
sur  les  cliinampas j  que  les  Européens  dési- 
gnent par  le  nom  de  jardins  flottans.  11  y  en 
a  deux  sortes  ,  dont  les  uns  sont  mobiles  , 
poussés  çà  et  là  par  le  vent,  les  autres  fixés 
et  unis  au  rivage.  Les  premiers  seuls  méritent 
la  dénomination  de  jardins  flottans,  mais  leur 
nombre  diminue  de  jour  en  jour.  .    . 

L'invention  ingénieuse  des  cliinampasparoît 
remonter  à  la  fin  du  quatorzième  siècle.  Elle 
tient  à  la  situation  extraordinaire  d'un  peuple 
qui,  entouré  d'ennemis,  forcé  de  vivre  au 
milieu  d'un  lac  peu  poissonneux ,  ralfinoit  sur 
les  moyens  de  pourvoir  à  sa  subsistance.  Il 
est  probable  que  la  nature  même  a  suggéré 
aux  Aztèques  la  première  idée  des  jardins 
flottans.  Sur  les  rivages  marécageux  des  lacs 
de  Xochimilco  et  de  Chalco ,  l'eau  agitée  dans 
la  saison  des  grandes  crues,  enlève  des  mottes 
de  terre  couvertes  d'herbes ,  et  entrelacées 
de  racines.  Ces  mottes ,  voguant  long-temps 
çàet  là  au  gré  des  vents,  se  réunissent  quel- 


r8f> 


Livnr:  m 


'  p 
1 1 


lî 


quefois  en  petits  îlots.  Une  tribu  (rhonimcs 
trop  foibles  pour  se  maintenir  sur  le  continent, 
crut  devoir  profiter  de  ces  portions  de  terrain 
que  le  hasard  leur  offroit ,  et  dont  aucun 
ennemi  ne  leur  disputoit  )a  propriété.  Les 
plus  anciens  cliinampas  n'étoient  que  des 
mottes  de  gazon  réunies  artificiellement  , 
piochées  et  ensemencées  par  les  Aztèques.  Ces 
îles  flottantes  se  forment  sous  toutes  les  zones  : 
j'en  ai  vu  dans  le  royaume  de  Quito ,  dans 
la  rivière  de  Guajaquil ,  ayant  8  à  9  mètres 
de  long,  nageant  au  milieu  du  courant,  et 
portant  de  jeunes  tiges  de  bambusa ,  de  pistia 
slratiotes,  de  pontederia,  et  une  foule  d'autres 
végétaux  dont  les  racines  s'entrelacent  faci- 
lement. J'en  ai  trouvé  aussi  en  Italie  ^  dans 
le  petit  lago  di  aqua  solfa  de  Tivoli ,  près  des 
thermes  d'Agrippa  ;  petites  îles  qui  sont 
formées  de  soufre ,  de  carbonate  de  chaux 
et  des  feuilles  de  l'idva  thermalis,  et  qui 
changent  de  place  au  moindre  soufle  de  vent. 
De  simples  mottes  de  terre  enlevées  au 
rivage  ont  donné  lieu  à  l'invention  des  chi- 
nampas;  mais  l'industrie  de  la  nation  aztèque 
a  peu  à  peu  perfectionné  ce  système  de  culture. 
Les  jardins  flottans ,  que  les  Espagnols  trou- 


CHAPITRE    VIH.  187 

vcrcnt  ' i es- multipliés  ,  et  dont  plusicms 
existent  encore  dans  le  laede  Chalco,  étoient 
des  radeaux  formés  de  roseaux  (  lotora  ) ,  de 
joncs,  de  racines,  et  de  branches  de  brous- 
sailles. Les  Indiens  couvrent  ces  matières 
légères  et  enlacées  les  unes  dans  les  autres  , 
de  terreau  noir ,  qui  est  naturellement  im- 
prégné de  muriate  de  soude.  On  enlève  peu 
à  peu  ce  sel  en  arrosant  le  sol  avec  l'eau  du 
lac  :  le  terrain  devient  d'autant  plus  fertile 
que  l'on  répète  plus  souvent  cette  lixiviation. 
Ce  procédé  réussit  même  avec  l'eau  salée  du 
lac  deTezcuco,  parce  que,  très-éloignée  du 
point  de  sa  saturation,  cette  eau  est  encore 
propre  à  dissoudre  du  sel ,  à  mesure  qu'elle 
filtre  à  travers  le  terreau.  Les  chinampas 
renferment  quelquefois  jusqu'à  la  cabane  de 
l'Indien  qui  sert  de  garde  pour  un  groupe 
de  jardins  flottans.  On  les  toue  ou  on  les 
pousse  avec  de  longues  perches  pour  les 
transporter  à  volonté  d'un  rivage  à  l'autre. 

A  mesure  que  le  lac  d'eau  douce  s'est 
éloigné  du  lac  salé ,  les  chinampas  mobiles 
se  sont  fixés.  On  en  voit  de  cette  dernière 
classe  tout  le  long  du  canal  de  la  Viga, 
dans  le  terrain  marécageux  contenu  entre  le 


l88  LIVRE    HT, 

lac  de  Chalco  et  le  lac  de  Tezcuco.  Chaque 
cbinampas  forme  un  parallélogramme  de 
loo  nictrcs  de  loiiir ,  cl  de  5  à  6  mètres  de 
large.  Des  fossés  étroits  et  communicant  symé- 
triquement entr'eux  ,  séparent  ces  carrés. 
Le  terreau  propre  à  la  culture ,  désalé  par  de 
fréquentes  irrigations  ,  s'élève  de  près  d'un 
mètre  au-dessus  de  la  surface  de  l'eau  envi- 
ronnante. C'est  sur  ces  cliinampas  que  se 
cultivent  les  fèves ,  les  petits  pois ,  le  piment 
(  chile ,  capsicum  )  ,  les  pommes  de  terre , 
les  artichaux ,  les  choux-fleurs ,  et  une  grande 
variété  d'autres  légumes.  Les  bords  de  ces 
carrés  sont  généralement  garnis  de  fleurs, 
quelquefois  même  d'une  haie  de  rosiers.  La 
promenade  que  l'on  fait  en  bateaux  autour 
des  cliinampas  d'Istacalco ,  est  une  des  plus 
agréables  dont  on  puisse  jouir  dans  les  en- 
virons de  Mexico.  La  végétation  est  très-vi- 
gourcuse  sur  un  sol  constamment  arrosé. 

La  vallée  de  Ténochtitlan  offre  à  l'examen 
des  physiciens  deux  sources  d'eaux  thermales, 
celle  de  Notre-Dame  de  la  Guadeloupe ,  et 
celle  du  Penon  de  los  Banos  (rocher  des 
bains  ).  Ces  sources  contiennent  de  l'acide 
carbonique  ,  du  sulfate  de  chaux  et  de  soude , 


CHAPITRE    VIII.  189 

et  du  muriate  de  soude.  Celle  du  Pcîion  a 
une  température  assez  élevée.  On  y  a  élabli 
des  bains  très-salutaires  et  assez  eouiniodes. 
C'est  aussi  auprès  du  Penon  de  los  Banos, 
que  les  Indiens  fabriquent  le  sel.  Ils  lessivent 
des  terres  art^ileuses  chargées  de  jnuriale  de 
soude  ,  et  concentrent  des  eaux  qui  n'ont  que 
12  à  iSpour  100  de  sel.  Les  chaudières,  qui 
Sont  très-mal  construites ,  n'ont  que  six  pieds 
carrés  de  surface  ,  et  deux  à  trois  pouces  de 
profondeur.  On  n'y  emploie  d'autre  combus- 
tible que  la  fiente  de  mulets  et  de  vaches.  Le 
feu  est  si  mal  dirigé ,  que  pour  produire  douze 
livres  de  sel,  qui  se  vendent  55  sous  (  monnoie 
de  France  )  on  consume  pour  1 2  sous  de 
combustible  !  Cette  saline  exisloit  déjà  du 
temps  de  Motezuma  ,  et  il  n'y  a  eu  d'autre 
changement  dans  le  procédé  technique  que 
la  substitution  de  chaudières  de  cuivre  battu 
aux  cuves  en  poterie  de  terre. 

Le  monticule  de  Chapoltepec  avoit  été 
choisi  par  le  jeune  vice-roi  Galvez,  pour  y 
construire  un  château  de  plaisance  pour  lui 
et  se3  successeurs.  Le  château  a  été  terminé 
extérieurement,  mais  les  appartemens  n'ont 
point  été  meublés.  Cette  construction  a  coûté 


;' 


lOo 


LIVRE    III 


au  roi  piès  d'un  million  et  demi  de  livre» 
tournois.  La  cour  de  Madrid  désapprouva  la 
dépense ,  mais  ,  comme  à  l'ordinaire  ,  après 
qu'elle  avoit  été  faite.  L'ordonnance  de  cet 
édifice  est  très-singulière.  Il  est  fortifié  du 
coté  de  la  ville  de  Mexico.  On  y  reconnoît 
des  murs  saillans  et  des  parapets  propres  à 
placer  des  canons ,  quoiqu'on  ail  donné  à  ces 
parties  l'apparence  de  simples  ornemens  d'ar- 
chitecture. Du  côté  du  nord  il  y  a  des  fossés 
et  de  vastes  souterrains ,  capables  de  contenir 
des  provisions  pour  plusieurs  mois.  C'est  une 
opinion  populaire  à  Mexico  de  regarder  cette 
maison  des  vice-rois  à  Chapoltepee  comme 
un  cliateau-fort  masqué.  On  accusa  le  comte 
Bernardo  de  Galvez  d'avoir  eu  le  projet  de 
rendre  la  Nouvelle-Espagne  indépendante  de 
la  péninsule.  On  suppose  que  le  rocher  de 
Chapoltepee   étoit    destiné    pour   lui   servir 
d'asile  et  de  défense  au  cas  d'une  attaque  par 
des  troupes  européennes.  J'ai  vu  des  hommes 
respectables  et  occupant  les  premières  places, 
qui  partagent  ce  soupçon   contre  le  jeune 
vice-roi.  Il  est  du  devoir  de  l'historien  de  ne 
pas  se  livrer  légèrement   à   des  accusations 
d'une  nature   grave.    Le  comte  de  Gabt^ 


CHAPITRE    VIII.  191 

appirlcnoit  à  une  famille  que  le  roiChailesiii 
avoil  élevée  rapidement  à  un  degré  de  ri- 
chesses et  de  puissance  extraordinaires.  Jeune, 
aimable  ,  adonné  aux  plaisirs  et  au  l'astc ,  il 
avoil  obtenu  de  la  munificence  de  son  sou- 
verain une  des  premières  places  à  laquelle  un 
particulier  puisse  s'élever  :  par  consé([uent,  il 
ne  paroissoit  pas  lui  convenir  de  briser  les 
lions  qui ,  depuis  trois  siècles  ,  unissent  le» 
colonies  à  la  métropole.  Le  comte  de  Calvez, 
iiijilgrésa  conduite ,  propre  à  gagner  la  laveur 
de  la  populace  de  Mexico ,  malgré  l'influence 
d'une  vice-reine  aussi  belle  que  généralement 
aimée ,  auroit  éprouvé  le  sort  qu'aura  tout 
vice-roi  européen  '  qui  tend  à  l'indépendance. 
Dans  un  grand  mouvement  révolutionnaire 
on  ne  lui  auroit  pas  pardonné  de  ne  pas  être 
Américain  ! 

»  Parmi  les  cinquanle  vice-rois  qui  ont  gouverne  le 
Mexique,  depuis  Tannée  i535  jusqu'en  1808,  il  n'y 
en  a  eu  qu'un  seul  né  en  Amérique,  le  péruvien 
Don  Juan  de  Âcuna, marquis  de  Casa  Fuerte  (  1722 — 
1734),  homme  désintéressé  et  bon  administrateur. 
Quelques-uns  de  mes  lecteurs  apprendront  peut-être 
aussi  avec  intérêt  qu'un  descendant  de  Christophe 
Colvwb  et  un  descendant  du  roi  Motazurna  ont  été 


/ 


I 


ir)'>.  Livr.E  ni, 

Le  cliAleau  de  Ghapoltcpec  doit  cire  vendu 
au  profit  du  :,^ouvcriicincnt.  Comme  dans  tout 
pajs  il  est  diffirile  de  trouver  des  personnes 
qui  achètent  des  jdaees  fortes,  quelques  mi- 
nistres de  la  llciU  Ifftcinida  oui  eounneueé 
par  vendre  à  l'enclière  les  vitres  et  les  cliassis 
des  fenêtres.  Ce  vand.ilisme,  que  Von  dési«^nc 
|)ar  le  nom  d'j'^eonomie,  a  déjà  beaucoup 
contribué  à  dégrader  un  édifice  (jui  se  lrou\c 
à  20213  mètres  de  hauteur,  et  qui,  sous  un 
climat  assez  rude,  est  exposé  à  toute  l'impé- 
tuosité des  vents.  Il  seroil  peut-être  prudent 
de  conserver  ce  château ,  comme  la  seuFc 
place  dans  laquelle  on  pourroit  placer  les 
archives,  déposer  les  barres  d'argent  de  la 
monnoie,  et  sauver  la  personne  du  vice-roi, 
dans  les  premiers  momens  d'une  émeute  po- 
pulaire. On  conserve  à  Mexico  la  mémoire 
des  émeutes  (  motinos)  du  12  février  1008, 
du  i5  janvier  1624  et  du  8  juin  1692.  Dans 
la  dernière  ,  les  Indiens  manquant  de  maïs , 

vice-rois  de  la  Nouvelle-Espagne.  Don  Pedro  Nuno 
Colon  ,  duc  de  Yeraguas ,  fit  son  entrée  à  Mexico  en 
1673,  et  mourut  six  jours  après.  Le  vice-roi  Don  Joseph 
SarmicnloYaliadarcs^  comte  de  Motezuma;  gouverna 
depuis  i()97  jusquVn  1701. 


CHAPITRE    VÎII.  I(j3 

luùliMOnl  ]c  p.ijijis  (lu  vice-roi  Don  Gaspar 
de  Saiifloval ,  ronilc  do  Oalvtî ,  qui  se  Tt';[u«^ia 
i'hez  le  ^ardiou  du  couvent  de  Sl.-Francois. 
Mais  ee  n'est  qu'à  celte  époque  que  la  pro- 
tection «les  moines  valoil  la  sûreté  d'un 
chAleau  fortifié. 

J'our  terminer  la  description  de  la  vallée 
de  Mexico  ,  il  nous  reste  à  tracer  rapidement 
le  tableau  hydrograpliique  de  cette  contrée, 
entrecoupée  de  lacs  et  de  petites  rivières. 
Ce  tableau  ,  j'ose  m'en  flatter  ,  intéressera 
autant  le  physicien  que  l'ingénieur-construc- 
Icur.  Nous  avons  dit  plus  haut  que  la  surface 
(1rs  quatre  lacs  principaux  occupe  près  d'un 
dixième  de  la  vallée ,  ou  vinj^t-deux  lieues 
carrées.  En  effet ,  le  lac  de  Xochimilco  (  et 
Chalco)  a  6  f,  le  lac  de  Tezcuco  lo  7';, 
celui  de  San  ChrLstobal  3  -^■-  ,  celui  de 
Zumpango  1  7-  lieues  carrées  (de  25 au  degré 
équatorial  ).  La  vallée  de  Ténochtitlan  ou 
de  Mexico  est  un  bassin  entouré  d'un  mur 
circulaire  de  montagnes  porphyritiques  très- 
élevées.  Ce  bassin ,  dont  le  fond  est  à  une 
hauteur  de  2277  mètres  au-dessus  du  niveau 
de  rOcéan ,  ressemble  en  petit  au  vaste  bassin 
de  la  Bohême  (et  si  la  comparaison  n'est 
ir.  1 3 


ï9'l 


LIVUE    III 


pas  trop  hasardée  ),  aux  vallées  des  montagnes 
de  la  Lune  ,  décrites  par  MM.  JTerschel  et 
Schrœter.  Toute  l'humidité  que  fournissent 
les  Cordillères  qui  environnent  le  plateau  de 
Ténoclititlan ,  se  réunit  dans  la  vallée.  Aucune 
rivière  n'en  sort,  à  l'exception  du  petit  ruisseau 
(  aroyo  )  de  Tequisquiac  ,  qui ,  dans  un  ravin 
de  peu  de  largeur ,  traverse  la  chaîne  boréale 
des  montagnes ,  pour  se  jeter  dans  le  Rio  de 
Tula  ou  de  Moteuczoma. 

Les  afUuens  principaux  de  la  vallée  de 
Ténochtitlan  sont  :  i.**  les  rivières  de  Papa- 
lotla  ,  de  Tezcuco ,  de  Téotihuacan  et  de 
Tepeyacac  (  Guadalupe  )  ,  qui  versent  leurs 
eaux  dans  le  lac  de  Tezcuco  ;  2.**  celles  de 
Pachucaet  deGuaulitlan  (  Quaiihtitlau  ) ,  qui 
débouchent  dans  le  lac  de  Zumpango.  La 
dernière  de  ces  rivières  (le  Rio  de  Guautitlan) 
a  le  cours  le  plus  long;  son  volume  d'eau  est 
plus  considérable  que  celui  de  tous  les  autres 
affluens  pris  ensemble. 

Les  lacs  mexicains ,  qui  sont  autant  de  ré- 
cipiens  naturels  dans  lesquels  les  torrens 
déposent  l'eau  des  montagnes  environnantes, 
s'élèvent  par  étage ,  à  mesure  qu'ils  s'éloi- 
gnent du  centre  de  la  vallée  ou  du  site  où 


CHAPITRE    VIII.  igS 

esl  placée  la  capitale.  Après  le  lac  de  Tezcuco, 
la  ville  de  Mexico  est  le  point  le  moins  élevé 
de  toute  la  vallée.  Selon  le  nivellement  très- 
exact  de  MM.  Velasquez  et  Castera ,  la  plaza 
major  de  Mexico ,  au  coin  australe  du  palais 
du  vice-roi,  est  de  i  vare  mexicaine  i  pied 
et  1  pouce  »  plus  élevée  que  le  niveau  moyen 
des  eaux  du  lac  de  Tezcuco  ^  Ce  dernier  lac 
est  de  4  vares  o  pied  8  pouces  plus  bas  que  le 

'  D'après  l'ouvrage  classique  de  M.  Ciscar  {Sobre  los 
niievos penos y  rnedidas décimales)  la  vare  castillane  est 
à  la  toise --o,5i3o  :  1,1963, et  une  toise— 2,33 16  vares. 
Don  Jorge  Juan  éyaluoit  une  vare  castillane  à  trois 
pieds  de  Burgos ,  et  chaque  pied  de  Rurgos  à  1 23  lignes 
deux  tiers  du  pied  de  roi.  La  cour  de  Madrid  avoit 
ordonné,  en  1783,  que  le  corps  des  artilleurs  de  mer 
se  servît  de  la  mesure  des  vares ,  et  le  corps  des  artil- 
leurs de  terre  de  la  toise  Françoise  ,  diflerence  dont  il 
scroit  difficile  d'indiquer  l'utilité.  Compendiode  Mate- 
maticas  de  Don  Francisco  Xavier  Ravira,  T.  IV,  p.  5/ 
et  63.  La  vare  mexicaine  est  égale  à  o"*  ,839. 

'  Les  matériaux  manuscrits  que  j'ai  suivis  dans  la 
rédaction  de  cette  notice  sur  le  desague  j  sont  : 

1.**  Les  plans  détaillés  dressés  en  1802  ,  par  ordre 
du  doyen  de  la  haute-cour  de  justice  (  decano  de  la 
Real  Audiencia  de  Mexico  ) ,  Don  Cosrae  de  Mier  y 
Trespalacios  ; 

a."*  Le  mémoire  que  Don  Juan  Diaz  de  la  Galle , 

l3* 


I()(3  LIVRE    III 5 

lac  de  San  Cliristobal ,  dont  la  partie  septen- 
trionale s'appelle  lac  de  Xaltocan.  C'est  dans 
celle  partie  que  se  trouvent ,  sur  deux  îlots ,  les 
villajj^es  de  Xaltocan  et  de  Tonanilla.  Lelac 
de  San  Cliristohal  pro|)reinent  dit,  est  séparé 
dt;  celui  de  Xaltocan  par  une  digue  très-an- 
cienne qui  va  aux  villages  de  San  Pablo  et 

second  oITicier  du  secrétariat  d'étal  à  Madrid ,  pré- 
senta,  l'an  i6'if> ,  au  roi  Philippe  iv; 

3."  L'instruction  que  le  vénérable  Palafox ,  évc^que 
de  la  Puebla  et  vice-roi  de  la  Nouvelle -Espagne, 
transmit,  on  ifi42  ,  à  son  successeur,  le  vice-roi  comte 
de  Salvalicrra  (marquis  de  Sobroso); 

4.**  Un  mémoire  que  le  cardinal  Lorenzana  ,  alors 
arcbevêque  de  Mexico,  présenta  au  vice-roi  Buccarellij 

5."  Une  notice  rédigée  par  le  tribunal  de  Cucntas 
de  Mexico; 

6."  Un  mémoire  dressé  par  ordre  du  comte  de 
Revillagigcdo  ; 

7."  U Informe  de   Kelasqiwz. 

Je  dois  nommer  aussi  l'ouvrage  curieux  de  Zepeda, 
Historiadel  Desague,  imprimé  à  Mexico.  J'ai  examiné 
moi-même  deux  fois  le  canal  de  ïlueliuetoca  ,  une  fois 
au  mois  d'août  180^,  et  la  seconde  fois  depuis  le  9 
jusqu'au  12  janvier  i8o4,  en  accompagnant  le  vice-roi 
Don  José  <le  Iturrigaray  ,  dont  je  ue  puis  trop  vanter 
la  bienveillance  et  la  loyauté  dans  ses  rapports  envers 
moi.  —  (Voyez  la  noie  û?  à  la  fin  de  cet  ouvrage.  ) 


\\) 


CHAPITRE    VÎÎI.  IQ'J 

lie  San  Tliomas  deCliironaiilla.  Le  lac  le  pins 
septentrional  de  la  vallée  de  Mexico,  celui 
de  Zumpango  (  Tzotnpango)  est  de  lo  vares 
1  pied  G  pouces  pins  élevé  cpie  le  niveau 
moyen  des  eaux  du  lac  de  Tezcuco.  Une 
digue  (  la  cnlzada  de  la  Criiz  dcl  Roy  )  divise 
le  lac  de  Zumpango  en  deux  bassins,  dont  le 
plus  occidental  porte  le  nom  de  Laguna  de  Zit- 
laltepec ,  et  le  plus  oriental,  le  nom  de  Laguna 
de  Coyotepec.  A  l'extrémité  méridionale  de  la 
vallée  se  trouve  le  lac  de  Glialco.  Il  renferme 
le  joli  pelit  village  de  Xico ,  fondé  sur  une  île  : 
il  est  séparé  du  lac  de  Xochimilco  par  la 
calzada  de  San  Pedro  de  'Jlahua,  disfue 
étroite  qui  va  de  Tuliagualco  à  San  Francisco 
Tlaltengo.  Le  niveau  des  lacs  d'eau  douce 
de  Chalco  et  de  Xochimilco  n'est  cpie  de 
1  vare  et  1 1  pouces  plus  élevé  que  la  plaza 
major  de  la  capitale.  J'ai  cru  que  ces  détails 
pouvoient  être  intéressans  pour  les  ingé- 
nieurs hydrographes  qui  veulent  se  former 
une  idée  exacle  du  grand  canal  [desague) 
de  Huehuetoca. 

La  différence  de  hauteur  à  laquelle  se 
trouvent,  dans  la  vallée  de  Ténochlitlan  , 
les  quatre  principaux  réservoirs  d'eau,  s'est 


198  LIVRE    III,' 

fait  sentir  dans  les  grandes  inondations  aux- 
quelles, depuis  une  longue  série  de  siècles, 
a  été  exposée  la  ville  de  Mexico.  Dans  toutes, 
la  suite  des  phénomènes  a  constamment  été 
la  même.  Le  lac  de  Zumpango,  grossi  par  la 
crue  extraordinaire  du  Rio  de  Guautitlan  et 
des  afïluens  de  Pachuca,  verse  ses  eaux  dans 
le  lac  de  San  Christobal^  auquel  conduisent 
les  cienegas  de  Tepejuelo  et  de  Tlapanahui- 
loya.  Le  lac  de  San  Christobal  rompt  la  digue 
qui  le  sépare  du  lac  de  Tezcuco.  Enfin  les 
eaux  débordées  àe  ce  dernier  bassin  élèvent 
leur  niveau  de  plus  d'un  mètre ,  et  refluent 
impétueusement,  en  traversant  les  terrains 
salins  de  San  Lazaro ,  dans  les  rues  de  Mexico. 
Telle  est  la  marche  ffénérale  des  inondations  : 
elles  viennent  du  nord  et  du  nord-ouest.  Le 
canal  d'écoulement,  qu'on  appelle  desague 
real  de  Huehuetoca ,  est  destiné  à  en  éloigner 
le  danger  :  il  est  sûr,  cependant,  que  y  par  une 
réunion  de  plusieurs  circonstances,  les  affluens 
du  sud  (  avenidas  dcl  sur  )  sur  lesquels  le 
desague  n'a  malheureusement  aucune  in- 
fluence, pourmienl  devenir  tout  aussi  funestes 
à  la  capitale.  Les  lacs  de  Chalco  et  de  Xochi- 
milco  déborderoient^si,  dans  une  forte  érup- 


niAPiTriE  VIII.  i(j() 

tion  du  volcan  Popocalepell ,  celte  montagne 
colossale  se  dépouilloit  soudainement  de  ses 
neiges.  Pendant  que  j'étois  à  Guayaquil ,  sur 
les  côtes  de  la  province  de  Quito,  en  1802 ,  le 
cône  de  Cotopaxi  fut  tellement  chauffé  par 
l'effet  du  feu  volcanique ,  que  presque  dans 
une  seule  nuit  il  perdit  l'énorme  calotte  de 
neige  qui  le  couvre.  Dans  le  nouveau  conti- 
nent, les  éruptions  et  les  grands  tremblement 
de  terre  sont  souvent  suivis  d'averses  qui 
durent  des  mois  entiers.  De  quels  dangers  la 
capitale  ne  seroit-elle  pas  menacée,  si  ces 
phénomènes  avoient  lieu  dans  la  vallée  de 
Mexico ,  sous  une  zone  où ,  dans  des  années 
peu  humides ,  il  tombe  jusqu'à  1 5  décimètres 
de  pluie  '! 

Les  habitans  de  la  Nouvelle-Espagne  croient 
reconnoître  une  période  constante  dans  Ip 
nombre  des  années  qui  s'écoulent  entre  les 
grandes  inondations.  L'expérience  prouve  en 
effet  que  les  crues  d'eau  extraordinaires  se 
sont  suivies  dans  la  vallée  de  Mexico ,  à  peu 
près  tous  les  vingt-cinq  ans  ^  Depuis  Farrivce 


»  Voyez  plus  haut,  Chap.  IIÎ,  T.  I,  p.  3o. 

»  Toalcio   prétend   pouvoir  conclure  d'un  grainl 


200  XA\X\E   ni, 

des  Espagnols,  la  capitale  a  éprouvé  cinq 
grandes  inondations;  savoir  :  eu  i553,  sous 
le  vice-roi  Don  Lnis  Yelas(^o  (  el  viejo  ) ,  con- 
nétable de  Caslille  ;  en  liSHo,  sous  le  vice-roi 
Don  Martin  Enriquez  de  Alnianza  ;  en  i()o/|. , 
sous  le  vice -roi  marquis  de  Montesclaros; 
en  i()07,sousIe  vice-roi  Don  Luis  de  Velasco 
(el  secundo)  n»a?qnis  de  Salinas;  <;t  en  i()2(), 
sous  le  vice-roi  niarcpiis  <le  (]eralvo.  Cette 
dernièrt!  inondation  est  la  seule  <]ui  ait  en 
lieu  depuis  l'ouverture  <lu  canal  d'cj)uiseinent 
de  llucInK.'toca,  et  nous  viurons  dans  la  suite 
quelles  ctoient  les  circonstances  qui  l'ont 
anience.  Depuis  l'annce  i()2(),  il  y  a  encore 
eu,  dans  la  vallée  de  Mexico,  sept  crues 
d'eau  très-alaiinantes ,  mais  la  ville  en  a  été 
préservée  piu*  U;  dcsai^in'.  (]es  sept  années 
Ij'ès- pluvieuses  ont  été  les  suivantes  :  16^8, 
iGjT),  1707,  1702,  17/18,  1772,  1795.  En 
comparant  entr'elles  les  onze  époques  que 
nous  venons  d'indiquer,  <  ■  trouve,  poui  le 
retour  du  terme  fatal,  les  nombres  de  27, 

nombre  d'observations,  que  les  années  très-pluvieuses , 
et  par  conséquent  les  grandes  inondations,  reviennent 
tous  les  dix-neuf  ans,  selon  les  ternies  du  cycle  de 
Saros.  i^Rozicr  ,  Journal  de  physique ,  1783.) 


w 


CHAÎ'ITnr    VHT. 


SOI 


2>1,.",  26,  19,  27,  3-2,  2;),  if),  2/,  et  25  ans, 
srrio  (le  nombres  qui  marque  sans  clonle  nn 
peu  pins  de  n'^nlarité  rpie  relie  que  l'on  pré- 
lend  re((mn()îlre  à  IJma,  dans  le  retour  des 
grands  tremhlemens  de  lerrc. 

La  situation  de  la  eapitale  du  ]Vlexi(ine  est 
d'autant  plus  dangereuse  que  la  difr<Men(e  de 
niveau  qui  cxisie  entre  la  snrfaee  du  lae  de 
Tezeueo  el  le  sol  sur  lequel  les  maisons  sont 
eonstruiles,  diminue  d'année  en  année.  Ce  sol 
est  nn  ])lan  fixe,  surtout  depuis  que  toutes  les 
rues  de  Mexieo  ont  été  pavées  sons  le  j^ou- 
vernement  du   eomle   de  Pievillao-ifredo.  Le 

no 
fond  du  lae  de  Tezeueo^,  au  contraire,  s'élève 

prot^n^essivement  par  les  Irnublcs  que  <'liarient 
les  petits  lorrens,  et  qui  font  naître  des  atter- 
rissemens  dans  les  réservoirs  où  ils  se  rendent. 
C'est  pour  éviter  nn  inconvénient  semblable , 
que  les  Véniliens  ont  détourné  de  leurs  la- 
gunes la  I5rent;i,  la  Piave  ,  la  Livenza ,  et 
d'antres  rivii-n^s  qui  y  ibrmoient  des  dépots  '. 
Si  l'on  pouvoit  compter  sur  Ions  les  résultais 
d'un  nivellement  fait  au  sei/iéme  siècle,  on  y 
reconnoîtroit  sans  doule  cpie  la  plaza  niayor 
de  Mexico  étoit  jadis  élevée  de  plus  de 
'  Andreof-fi! ,  sur  le  canal  ilu  Midi,  j).  19. 


202 


LIVRE    III 


5 


onze  décimètres  aii-dessns  du  niveau  du  lac 
de  Tezcuco ,  et  que  ce  niveau  moyen  du  lac 
est  variable  d'année  en  année.  Si,  d'un  coté, 
par  la  destruction  des  forêts,  l'humidité  de 
l'atmosphère  et  les  sources  ont  diminué  dans 
les  montagnes  qui  environnent  la  vallée,  d'un 
autre  côté  les  défrichemens   ont  auscmenté 
l'effet  des  atterrissemens  et  la  rapidité  des 
inondations.  Le  général  Andreossi ,  dans  son 
excellent  ouvrage  sur  le  canal  du  Languedoc, 
a  beaucoup  insisté  sur  ces  causes ,  qui  sont  les 
mêmes  sous  tous  les  climats.    Les  eaux  qui 
glissent  sur  des  pentes  couvertes  de  pelouse, 
forment  moins  d'atter  rissemens  que  celles  qui 
parcourent  des  teri^es   meubles.    Or ,   cette 
pelouse,  qu'elle  soit  formée  par  des  graminées 
comme  en  Europe ,  ou  par  de  petites  plantes 
alpines  comme  au  Mexique ,  ne  se  conserve 
qu'à  l'ombre  des  forêts.  D'un  autre  côté,  les 
broussailles  et  les  bois  sur  pied  opposent  des 
obstacles  aux  eaux  de  neiges  qui  coulent  sur 
la  pente  des  montagnes.  Lorsque  ces  pentes 
"sont  dénuées  de  végétation  ,  les  filets  d'eau  y 
sont  moins  retenus ,  et  se  réunissent  plus  rapi- 
dement aux  torrens ,  dont  les  crues  font  gon- 
fler les  lacs  voisins  de  la  ville  de  Mexico. 


CHAPiTr.r  viii. 


203 


Il  est  assez  naturel  que ,  dans  l'ordre  djs 
travaux  hydrauliques  entrepris  pour  préserver 
la  capitale  du  danger  des  inondations,  le  sys- 
tème des  dignes  ait  précédé  celui  des  canaux 
d'écoulement.  Lorsque,  l'année  1446,  la  ville 
de  Ténochûtlan  fut  lellement  inondée  qu'au- 
cune de  ses  rues  ne  resioit  à  sec ,  Montezuma  i 
(Tluehue  Moteiiczoma)  ,  guidé  par  les  conseils 
de  Nezahualcojotl ,  roi  de  Tezcuco,  fit  cons- 
truire une  digue  de  plus  de  12,000  mètres  de 
long  et  de  20  de  large.  Cette  digue ,  en  partie 
élevée  dans  le  lac ,  consistoit  en  un  mur  formé 
de  pierres  et  d'argile,  et  fraisé  de  chaque  coté 
d'une  rangée  de  palissades.  On  en  voit  encore 
les  restes  très-considérables  dans  les  plaines  de 
San  Lazaro.  Celte  digue  de  Montezuma  t  PmI; 
agrandie  et  réparée  après  la  grande  inon- 
dation de  l'année  1498 ,  causée  par  l'impru- 
dence du  roi  Ahuitzotl.  Ce  prince,  comme 
nous  l'avons  observé  plus  haut ,  avoit  fait 
conduire  les  sources  abondantes  de  Iluitzilo- 
pochco  au  lac  de  Tezcuco.  Il  oublia  que  ce 
jnénie  lac ,  dépourvu  d'eau  dans  les  temps  secs, 
devient  plus  dangereux  dans  les  années  plu- 
vieuses, à  mesure  que  l'on  augmente  le  nombre 
de  SCS    affluens.   Ahuitzotl   avoit    fait   périr 


il 


m 


:2o4  iJvr.E  m, 

Tzol/uniatzin ,  cilo^cii  de  Coyoliuacan,  parce 
qu'il  avoit  ose  lui  prédire  le  danger  auquel  le 
nouvel  aqueduc  de  Iluitzilopochco  cxpose- 
roil  la  capitale.  Peu  de  temps  après,  le  jeune 
roi  mexicain  manqua  d'être  noyé  dans  son 
palais.  La  crue  d'eau  vint  avec  une  rapidité 
si  grande ,  que  le  prince  l'ut  blessé  griève- 
ment à  la  tcte,  en  se  sauvant  par  une  porte  qui 
menoit  des  appartemens  du  rez-de-cliaussée 
à  la  rue. 

Les  Aztèques  avoient  ainsi  construit  les 
digues  (calzadas)  de  Tlaliua  et  de  IMexicall- 
zingo ,  et  l'albaradon  qui  se  prolonge  depuis 
Iztapalapan  à  Tepcvacac  (  Guadalupe  ),  et 
dont  les  ruines,  dans  leur  état  actuel,  ne 
laissent  pas  d'être  encore  très-utiles  à  la  ville 
de  Mexico.  Ce  système  des  digues ,  que  les 
Espagnols  ont  continué  à  suivre  jusqu'au  com- 
mencement du  dix-septiè  le siècle,  présentoit 
des  moyens  de  défense  qui  étoient,  sinon 
très-surs,  du  moins  à  peu  près  suiïîsans  à  une 
époque  où  les  habilans  de  Ténoclhtitlan , 
naviguant  en  canols,  étoient  plus  indifférens 
aux  effets  des  petites  inondations.  L'abon- 
dance des  forets  et  des  plantations  facilitoit 
alors  les  constructions  sur  pilotis.  Une  nation 


CHAPITRE    MU. 


2o:> 


friîfçale  se  contentoit  du  produit  des  jardins 
floilans {chinnmpas).  Elle  ii'avoit  besoin  que 
d'un  petit  espace  de  terres  labourables.  Le 
débordement  du  lac  de  Tezcuco  étoit  moins 
à  craindre  pj^ur  des  bommes  cpii  vivoient  dans 
des  maisons  dont  plusieurs  ctoient  traversées 
par  des  canaux. 

Lorsque  la  nouvelle  ville  de  Mexico,  re- 
construite par  Hernan  Cortez  ,  éprouva  la 
première  inondation, l'année  1 555, le  vice-roi 
Velasco  i.^^  fit  construire  Falbaradon  de  San 
Lazaro.  Cet  ouvrage,  exécuté  d'ap'èsle  modèle 
des  digues  indiennes,  souffrit  beaucoup  dans 
la  seconde  inondation  de  l'année  1 58o.  Dans 
la  troisième,  en  160/1,  il  lallut  le  rétablir  en 
entier.  Le  vice-roi  Montesclaros  y  ajouta  alors, 
pour  la  sûreté  de  la  capitale,  la  prise  d'eau 
(  presa  )  d'Oculma,  et  les  trois  cahadas  de 
Notre-Dame  de  la  Guadalupe ,  de  San  Cbris- 
tobal  et  de  San  Antonio  Abad. 

A  peine  ces  grandes  constructions  étoient- 
elles  achevées ,  que ,  par  une  réunion  de  cir- 
constances extraordinaires ,  la  capitale  fut 
inondée  de  nouveau  en  1607.  Jamais  avant, 
deux  inondations  ne  s'étoient  suivies  de  si 
près;  jamais  depuis,  le  cjcle  fatal  de  ces  cala^ 


lîuG  LINRK    III, 

miles  n'a  clé  plus  court  que  de  seize  ou  dix- 
sepl  ans.  Las  de  l'aire  des  digues  (  albaradones  ) 
que  les  eaux  détruisoient  périodiquement,  on 
s'aperçut  à  la  fin  qu'il  ctoit  temps  d'aban- 
donner l'ancien  système  hydraulique  des 
Indiens ,  et  d'embrasser  celui  des  canaux 
d'écoulement.  Ce  changement  paroissoit  d'au- 
tant plus  nécessaire ,  que  la  ville ,  habitée  par 
les  Espagnols,  ne  ressembloit  plus  à  la  capitale 
de  l'empire  aztèque.  Déjà  le  rez-de-chaussée 
des  maisons  étoit  habité;  on  ne  pouvoit  par- 
courir que  peu  de  rues  en  bateaux  :  les  incon- 
véniens  et  les  pertes  réelles  qu'entraînoient  les 
inondations  éloient  par  conséquent  devenus 
plus  grands  qu'ils  ne  l'étoient  du  temps  de 
Montezuma. 

Les  crues  extraordinaires  do  la  rivière  de 
Guautillan  et  de  ses  afîduens  étant  regardées 
comme  la  cause  principale  des  inondations, 
l'idée  se  présenta  naturellement  d'empêcher 
cette  rivière  de  se  jeter  dans  le  lac  de  Zum- 
pango,  dont  les  eaux  moyennes  sont  à  leur 
surface  de  7  7  mètres  plus  élevées  que  le  sol  de 
le  grande  place  de  Mexico.  Dans  une  vallée 
qui  se  trouve  circulairement  entourée  de 
hautes  montagnes ,   on   ne  pouvoit  donner 


CHAPITRE    VIII. 


207 


(l'is»uc  au  Rio  de  Guuutitlan  que  par  mit' 
^ralerie  souterraine,  ou  par  un  canal  creusé  à 
ciel  ouvert,  à  travers  ces  montagnes  mêmes. 
En  effet,  déjà  en  i58o,  à  l'épocpje  de  la  grande 
inondation,  deux  hommes intelli«jens,  le  iiccn- 
ciado  Obregon  et  le  macstm  Arciidega,  avoient 
proposé  au  gouvernement  de  faire  percer  une 
galerie  entre  le  Cerro  de  Sincoque  et  la  Loma 
de  Nochistongo.  Ce  jyoint,  plus  que  tout  autre, 
tievoit  fixer  l'atlenlion  de  ceux  qui  avoient 
étudié  la  confij^uration  du  sol  mexicain.  Il  est 
le  plus  rapproché  du  Rio  de  Guautitlan ,  con- 
sidéré avec  raison  comme  l'ennemi  le  plus 
«dangereux  de  la  capitale.  Nulle  part  les  mon- 
tagnes qui  entourent  le  plateau  ne  sont  moins 
élevées,  et  ne  présentent  moins  de  masse 
qu'au  nord-nord-ouest  de  Huehuetoca ,  près 
des  colines  de  Nochistongo.  On  diroit,  en 
examinant  attentivement  ce  terrain  marneux, 
dont  les  couches  horizontales  remplissent  une 
gorge  porphyritique,  que  c'est  là  que  la  vallée 
de  Ténochtitlan  communiquoit  jadis  avec 
celle  de  Tula. 

L'année  1607,  le  vice-roi,  marquis  de  Sa- 
linas,  chargea  Enrico  (Henri)  Martine z  de 
l'épuisement  artificiel  des  l^cs  mexicains.  G» 


>.oS 


T.IVRE    TII 


croit  commiinéniont,  dans  la  Noiivelle-Es- 
pagne,  quo  cet  ingénieur  célèbre,  auleiir  du 
dcsai^uc  do  Jjfucluictocdy  étoil  HoUandois  ou 
Allemand.  Son  nom  indique  sans  doute  qu'il 
descendoit  de  quelque  famille  étrangère;  il 
paroît  cependant  avoir  été  élevé  en  Espagne 
même.  Le  roi  lui  a  voit  conféré  le  dire  de  cos- 
mograpbe.  II  existe  de  lui  un  traité  de  trigo- 
nométrie,  imprimé  à  Mexico,  qui  est  devenu 
très-rareaujourd'liui.  Enrico  Martinez,  Alonzo 
Martinez ,  Damian  Davilla  et  Juan  de  Ysla , 
firent  un  nivellement  général  de  la  vallée, 
dont  l'exactitude  a  été  prouvée  par  les  tra- 
vaux exécutés  en  1 774  p^n'  le  savant  géomètre 
don  Joaquin  Velasquez.  Le  cosmographe 
royal,  Enrico  Martinez,  présent.i  deux  projets 
de  canaux,  l'un  pour  l'épuisement  des  trois 
lacs  de  ïezcuco ,  Zumpango  et  San  Chris- 
tobal;  l'autre  pour  celui  du  lac  de  Zumpango 
seul.  Conformément  aux  deux  projets,  l'écou- 
lement des  eaux  devoit  se  fiiire  par  la  galerie 
souterraine  de  Nochistongo  ,  proposée  en 
i58o,  par  Obregon  et  Arciniega.  Mais  la  dis- 
lance du  lac  de  Tezcuco  à  l'embouchure  du 
KiodeGuautillao  étant  de  près  de  02,000  mè- 
tres, le  gouvernement  préféra  de  se  borner  au 


CHAPITRE    VIII.  209 

canal  cle  Zuttipango.  Ce  canal  fut  commencé 
de  manière  à  recevoir  en  même  temps  les  eaux 
(lu  lac  de  ce  nom,  et  celles  de  la  rivière  de 
Guautitlan.  Il  est  faux,  par  conséquent^  que  le 
desagiie  projeté  par  Martinez,  i\y\  négatif  àdiïis 
son  principe,  c'est-à-dire,  qa*il  empêchât  sim- 
plement le  Rio  de  Guautitlan  de  se  jeter  dans 
le  lac  de  Zumpango.  La  branche  du  canal  qui 
coiiduisoit  les  eaux  du  lac  à  la  galerie,  se 
(.oinbla  par  des  atterrissemens  ;  le  desague 
dôs-lors  ne  servit  que  pour  la  rivière  de  Guau- 
lillan,  que  l'on  détourna  dans  son  cours.  Aujssi 
(|uand  M.  Mier  entreprit  récemment  Tépuise- 
iiicnt  direct  des  lacs  de  San  Christobal  et 
de  Zumpango,  on  se  souvenoit  à  peine  à 
Mexico  que,  188  années  plutôt,  le  même 
ouvrage  avoit  déjà  été  exécuté  pour  le  pre 
aiier  de  ces  grands  bassins. 

La  fiimeuse  galerie  souterraine  de  Nochis- 
tongo  fut  commencée  le  28  novembre  1607. 
Le  vice -roi,  en  présence  de  VÂudiencia , 
donna  le  premier  coup  de  pioche.  Quinze 
mille  Indiens  étoient  occupés  à  cet  ouvrage, 
qui  fut  terminé  avec  une  célérité  extraordi- 
naire ,  parce  qu'on  travailloit  dans  un  grand 
nombre  de  puits  à  la  fois.  Les  malheureux 


2  ro 


LIVKE    III 


iiifligcnes  furent  traités  avec  la  plus  grande 
dureté.  L'emploi  de  la  pioche  et  de  la  pelle 
suffisoit  pour  percer  une  terre  meuble  et 
ébouleuse.  Après  onze  mois  de  travaux  con- 
tinuels, la  galerie  [el socahon)  étoit  achevée, 
ajant  plus  de  6600  mètres  (  ou  1  -^-j-  lieues 
communes  '  )  de  long,  et  5'"',5  de  large  sur 
4'", 2  de  haut.  Au  mois  de  décembre  de 
Tannée  1608,  le  vice-roi  et  l'archevêque  de 
Mexico  furent  invités  par  l'ingénieur  Mar- 
tinez,  à  se  rendre  à  Huehuetoca  pour  voir 
couler  les  eaux  '  du  lac  de  Zumpango  et  du 
Rio  de  Guautitlan  à  travers  la  galerie.  Le 
vice-roi  marquis  de  Salinas,  au  rapport  de 
Zepeda,  fit  plus  de  2000  mètres  à  cheval  dans 
ce  passage  souterrain.  Au  revers  de  la  colline 
de  Nochistonijo  se  trouve  le  Rio  de  Mocte- 
suma  (  ou  deTula  )  ,  qui  se  jette  dans  celui  de 
Panuco.  Depuis  l'extrémité  septentrionale  du 
socabon,  appelée  la  Bocca  de  San  Gregorio, 
Marlinez  a  voit  pratiqué  une  rigole  à  ciel 
ouvert ,  qui ,  dans  une  distance  directe  de 

*  De  25  au  degré  sexagésimal ,  de  4443  mètres 
chacune. 

^  Les  premières  cauxavoieuL  coulé  depuis  le  17  sep- 
tembre 1608. 


I 


CHAPITRE    VIII. 


21  I 


8600  mètres,  conduisoit  les  eaux  de  la  «galerie 
à  la  petite  cascade  (  salto  )  du  Rio  de  Tula. 
Depuis  cette  cascade  les  mêmes  eaux  ont 
encore  à  descendre,  d'après  mes  mesures, 
jusqu'au  golfe  du  Mexique,  près  delà  barre 
de  Tampico  ,  une  hauteur  de  21 53  mètres,  ce 
qui  donne,  pour  une  longueur  de  320,000  mè- 
tres ,  une  pente  moyenne  de  6  |  mètres 
sur  1000. 

Un  passage  souterrain,  servant  de  canal 
d'épuisement,  achevé  en  moins  d'un  an,  ayant 
6600  mètres  de  long,  avec  un  ouverture  de 
107  mètres  carrés  en  profil,  est  un  ouvrage 
hydraulique  qui,  de  nos  temps,  et  même  en 
Europe,  fixeroit  l'attention  des  ingénieurs. 
Ce  n'est ,  en  effet,  que  depuis  la  fin  du  dix- 
septième  siècle,  depuis  l'exemple  que  l'illustre 
François  Andreossi  a  donné  au  canal  du  Midi  ^ 
par  le  passage  de  Malpas ,  que  ces  percées 
souterraines  sont  devenues  plus  communes. 
Le  canal  qui  réunit  la  Tamise  à  la  Saverne 
passe,  près  de  Sapperton,  sur  une  longueur 
de  plus  de  4000  mètres,  par  une  chaîne  de 
montagnes  très-elevées.  Le  grand  canal  sou- 
terrain de  Bridgwater,  qui,  près  de  Worsiey, 
dans   les  environs  de  Manchester,  sert   au 

i4* 


212 


LIVRE   iir 


transport  des  houilles,  a,  en  y  comprenant 
ses  diverses  ramifications,  une  ëlenduc  de 
ig,2oo  mètres,  ou  de  4  t3  lieues  communes. 
Le  canal  de  Picardie ,  auquel  on  travaille  en  ce 
moment,  devoit,  d'après  le  premier  projet, 
avoir  un  passage  souterrain  et  navigable  de 
15,700  mètres  de  longueur  sur  7  mètres  de 
large ,  et  8  mètres  de  haut  '. 

A  peine  une  partie  de  l'eau  de  la  vallée  de 
Mexico  avoit-elle  commencé  à  couler  vers 
rOcéan  Atlantique,  que  l'on  reprocha  à  Enrico 
Ma rtinez  d'avoir  creusé  une  galerie  qui  n'étoit 
ni  assez  large ,  ni  assez  durable ,  ni  assez  pro- 
fonde pour  recevoir  l'eau  des  grandes  crues. 
L'ingénieur  en  chef  {maestro  del  desagiœ) 
répondit  qu'il  avoit  présenté  plusieurs  projets, 
mais  que  le  gouvernement  avoit  préféré  le 
remède  le  plus  prompt  dans  l'exécution.  En 

*  Millar  and  f^azic  on  chanals ,  1807.  Le  Georg- 
Stollen,  au  Harz  ,  galerie  commencée  en  1777  et 
finie  en  1800,  a  io,438  mètres  de  long,  et  a  coulé 
1 ,600,000  francs.  Près  de  Fortli ,  on  travaille  dans  les 
mines  de  houille ,  à  plus  de  3ooo  mètres  de  distance 
sous  la  mer  ,  sans  être  exposé  à  des  infiltrations.  Le 
canal  souterrain  de  Bridgwaltr  a  une  longueur  qui 
vgale  les  deux  tiers  de  la  lî\rgf;nr  du  Vas-de- Calais. 


CHAPITRE    VIII. 


^1 


effet ,  les  fîUrations  el  les  érosions  causées  par 
des  alternatives  d'humidité  et  de  sécheresse  , 
produisirent  des  éboulemens  fréquens  dans 
une  terre  meuble.  On  se  vit  bientôt  forcé  de 
soutenir  le  plafond,  qui  n'est  formé  que  de 
couches  alternantes  de  marne  et  d'ar^^ile 
dndurcie  ,  appelée  tepetate.  On  se  servit 
d'abord  de  boisage  y  en  \A'àCixni  des  soiivettes 
à  corniche  sur  des  piliers.  Mais  le  bois  résineux 
n'étant  pas  très-commun  dans  cette  partie  de 
la  vallée ,  Martinez  substitua  le  miimUlement 
au  boisage  :  ce  muraillemcnt,  à  en  juger 
d'après  les  restes  que  l'on  en  découvre  dans 
la  obra  del  considado  y  étoit  très-bien  exé- 
cuté, mais  il  pécha  par  le  principe  môme. 
L'ingénieur ,  au  lieu  d'avoir  revêtu  la  galerie  , 
depuis  le  plafond  jusqu'à  la  rigole  du  plancher ,. 
d'une  voûle  entière  à  coupe  elliptique  (comme 
on  les  emploie  dans  les  mines,  chaque  fois 
qu'une  galerie  de  traverse  est  creusée  dans 
un  sable  mouvant  ) ,  n'avoit  construit  que  des 
arcs  qui  reposoient  sur  un  terrain  peu  solide. 
Les  eaux ,  auxquelles  on  avoit  donné  trop  de 
chute,  minèrent  peu  à  peu  les  murs  latéraux. 
Elles  déposèrent  une  énorme  quantité  de  terre 
et  de  gravier  dans  la  rigole  de  la  galerie , 


2l4  LIVRE    III, 

parce  qu'on  n'avoit  employé  aucun  moyen 
de  les  lîltrer,  par  exemple,  en  les  faisant  passer 
préalablement  à  travers  des  tissus  de  petatc 
faits  par  les  Indiens  avec  les  filamens  des  pé- 
tioles de  palmiers.  Martinez,  pour  obvier  à 
ces  inconvéniens ,  construisit  dans  la  «>alerie, 
de  distance  en  distance,  des  espèces  de  batar- 
deaux  ou  de  petites  écluses,  qui,  en  s'ouvrant 
rapidement,  dévoient  servir  à  nettoyer  le  pas- 
sage. Ce  moyen  fut  insuffisant,  et  la  galerie  se 
boucha  par  les  atterrissemens  continuels. 

Dès  l'année  1608,  les  ingénieurs  mexicains 
se  disputèrent  pour  savoir  s'il  falloitou  élargir 
le  socahon  de  Nochistongo ,  ou  en  achever  le 
niuraillement,  ou  faire  une  percée  à  ciel  ou- 
vert, en  enlevant  le  cerveau  de  la  voûte; 
ou  enfin  entreprendre  une  nouvelle  galerie 
d'épuisement  dans  un  point  plus  bas,  et  ca- 
pable de  recevoir ,  outre  les  eaux  du  Rio  de 
Guautitlan  et  du  lac  de  Zumpango ,  celles  du 
lac  de  Tezcuco.  Le  vice-roi  archevêque  Don 
Garcia  Ou  erra ,  religieux  dominicain,  fît  faire 
de  nouveaux  nivellemens  en  1611,  par  Alonso 
de  Arias,  surintendant  de  l'arsenal  du  roi 
(  armero  major  ) ,  et  inspecteur  des  fortifi- 
cations (  maestro  major  de  forlificaciones  ) , 


CHAPITRE    VIII. 


2lS 


homme  probe  ,  et  qui  jouissoit  d'une  grande 
réputation  à  celle  époque.  Arias  parut  ap- 
prouver les  travaux  de  Marlinez ,   mais  le 
vice -roi  ne  sut  prendre  aucune   résolution 
définitive.  La  cour  de  Madrid,  ennuyée  des 
disputes  des  ingénieurs,  envoya  à  Mexico,  en 
1614.,  un  Hollandois,  Adrien  Boot,  dont  les 
connoissances  dansFarcbitecture  hydraulique 
sont  vantées  dans  les  mémoires  de  ce  temps, 
conservés  duns  les  archives  de  la  vice-royauté. 
Cet  étranger,   recommandé  à  Philippe  m, 
par  son  ambassadeur  à  la  cour  de  France  , 
prêcha   de  nouveau    en  fa\eur  du   système 
indien  :  il  conseilla  de  construire  autour  de  la 
capitale  de  grandes  digues  et  des  levées  de 
terre  revêtues.  Il  ne  parvint  cependant  à  faire 
abandonner  entièrement  la  galerie  de  Nocliis- 
tongo  que  l'année  1620.  Un  nouveau  vice-roi, 
le  marquis  de  Guelves,  ne  faisoit  qu'arriver 
au  Mexique  :  il  n'avoit  par  conséquent  point 
encore  été  témoin  des  inondations  causées  par 
les  débordemens  de  la  rivière  de  Guautitlan  ; 
il  eut  la  téurérilé  d'ordonner   à  l'ingénieur 
Marlinez  de  boucher  le  passage  souterrain^ 
et  de  faire  entrer  les  eaux  de  Zumpango  et  de 
San  Christobal  dans  le  lac  de  Tezcuco ,  pour 


% 


2l6  LIVRE    IIIj 

voir  si  en  effet  le  danger  seroit  aussi  grand 
qu'on  le  lui  avoit  dépeint.  Ce  dernier  lac 
gonfla  d'une  manière  extraordinaire.  Les 
ordres  furent  révoqués.  Martinez  reprit  le 
travail  de  la  galerie  jusqu'au  20  juin  *  1629, 
où  il  arriva  un  événement  dont  les  vraies 
causes  sont  restées  secrètes.  ^ 

Les  pluies   avoient  été   très  -  abondantes  : 
l'ingénieur  boucha  le  passage  souterrain  ;  la 
ville  de  Mexico  se  trouva  le  matin  inondée  à 
un  mètre  de  hauteur  :1a  plaza  mayor,  celle 
du  Volador,  et  le  faubourg  de  Santiago  de 
Tlalelolca  restèrent  seuls  à  sec  ;  on  alla  en 
bateau  dans  le  reste  des  rues.  Martinez  fut 
jeté  au  cachot.  On  prétendoit  qu'il  avoit  fermé 
la  galerie  d'écoulement  pour  donner  aux 
incrédules  une  preuve  manifeste  et  négative 
de  l'utilité  de  son  ouvrage.  L'ingénieur  dé- 
clara au  contraire  que ,  voyant  une  masse 
d'eau  beaucoup  trop  considérable  pour  être 
reçue  dans  sa  galerie  étroite,  il  avoit  mieux 
aimé  exposer  la  capitale  au  danger  passager 
d'une  inondation ,  que  de  voir  détruire  dans 
un    jour,   par    l'impétuosité   des  eaux,    les 

'  D'après  quelques  mémoires  monuscrhs ,  le  20  sep- 
tembre. 


CIIAI'ITIVE    VIII. 


'2\ 


travauxde  tant  d'années.  Mexico ,  contre  tonte 
attente,  resta  inondé  pendant  cinq  ans,  depuis 
l'année  1629  jusqu'en  iG.li".  On  traversa  les 
rues  en  canots,  comme  on  avoit  fait  avant  la 
conquête,  dansrancien  Ténochtitlan.  On  cons- 
tiMjisit  le  long-  des  maisons  des  ponts  en  bois 
qui  servirent  de  quais  aux  piétons. 

Dans  celte  intervalle,  quatre  projets  dilFérens 
furent  présentés  et  discutés^ par  le  vice-roi 
marquis  de  Ceralvo.  Un  habitant  de  Valla- 
dolid  de  Mechoacan  ,  Simon  Mendez ,  exposa 
déjns  un  mémoire,  que  le  sol  du  plateau  de 
Ténochtitlan  s'élève  considérablement  du 
coté  du  nord-ouest,  vers  Huehuetoca  et  la 
colline  de  Nochistongo  ;  que  le  point  où 
Marlinez  avoit  attaqué  la  chaîne  de  montagnes 
qui  ferme  circulairementla  vallée,  correspond 
au  niveau  moyen  du  lac  le  plus  élevé  (  celui 
de  Zumpango  )  et  non  au  niveau  du  lac  le 
plus  bas,  celui  de  Tezcuco;  qu'au  contraire, 
le  sol  de  la  vallée  s'abaisse  considérablement 
au  nord  du  village  de  Carpio  ,  à  l'est  des  lacs 
de  Zumpango  et  de  San  Ghristobal.  Mendez 

*  Plusieurs  mémoires  marquent  que  l'inondation 
ne  dura  que  jusqu'en  i63i  ,  mais  qu'elle  recoin- 
mtnça  vers  la  fin  de  l'année  i633. 


1218 


LivRi:  m 


proposa  (le  dessécher  le  lac  de  Tezciiro  pDi> 
une  «galerie  d'ccoiilemenl  qui  passeroit  entre 
Xallocan  et  Santa  Lucia  ,  en  déboncliant 
dans  le  ruisscui  ( ///rojo  )  de  Tequiscpâae , 
qui,  conune  il  a  été  observé  plus  haut,  se 
jette  dans  le  iUo  de  Moctesunia  ou  de  Tula. 
Mendez  conmienea  ce  desa^ue  projeté  par 
le  point  le  ydus  bas  :  quatre  puils  d'aiia^e 
(  lunihreras  )  étoicnl  déjà  aclievés,  lorsque  le 
gouvernement,  irrésolu  et  vacillant  sans  cesse, 
abandonna  l'entreprise  comme  trop  longue 
et  trop  coûteuse.  D'ini  autre  côté,  Antonio 
Roman  et  Juan  Alvarez  de  Tolède  propo- 
sèrent, en  i65o,le  dessèchement  de  la  vallée 
par  un  point  intermédiaire  ,  par  le  lac  de 
San  Christobal ,  en  conduisant  les  eaux  au 
ravin  (  hnrranca  )  de  lluipulztla  ,  au  nord  du 
village  de  SanMaleo,  et  quatre  lieues  à  l'ouest 
de  la  pelile  ville  de  Pachuca.  Le  vice-roi  et 
l'audience  iirent  aussi  peu  d'attention  à  ce 
projet  qu'à  celui  du  maire  d'Oculma ,  Chris- 
tobal de  Padilla,  qui,  ayant  découvert  trois 
cavernes  perpendiculaires ,  ou  trois  gouffres 
naturels  (  boqiicvoj  es  ) ,  situés  dans  l'enceinte 
de  la  petite  ville  d'Oculma  même ,  voulut  se 
servir  de  ces  Irous  pour  épuiser  les  lacs.  La 


fiiArirnE  vîii. 


219 


nelife  rivière  de  Tcolihiiacan  se  perd  dans 
CCS  hoquernnes.  Padiila  ]>roposa  d'y  Faire 
entrer  aussi  les  eaux  du  lac  de  Tèzoïico ,  en 
les  conduisant  à  Oculnia  par  la  métairie  de 
Tezcpiilillan. 

Celte  idée  de  se  servir  des  cavernes  natu- 
relles qu'o/Trent  les  couches  d'aniy*>daloïde 
poreuse ,  fit  naître  un  projet  analogue ,  et 
non  moins  gitranlesque,  dans  la  télé  du  jésuite 
Francisco  Galderon.  Ce  relij^ieux  prélendoit 
(|u'l!U  fond  du  lac  de  Tezcuco  ,  tout  près  du 
Pcnol  de  los  Bafios  ,  il  exisloit  \\\\  trou 
{siunulero)(\\\\,  élargi,  pouvoit  engloutir  toutes 
les  eaux.  11  cherchoil  à  appuyer  cette  asserliou 
sur  le  témoignage  des  indigènes  les  plus  in- 
tclligens  ,  et  sur  celui  d'anciennes  caries 
indiennes.  Le  vice-roi  chargea  les  prélats  de 
tous  les  ordres  religieux  (  qui  sans  doute 
dévoient  être  les  plus  instruits  en  malières 
hydrauliques)  de  l'examen  de  ce  projet.  Les 
moines  et  le  jésuite  sondèrent  en  vain  pendant 
trois  mois,  depuis  septembre  jusqu'en  dé- 
cembre i635  :  le  sumidero  ne  fut  pas  trouvé, 
quoique  aujourd'hui  meure  encore  beaucoup 
d'Indiens  croient  à  son  existence ,  avec  la 
même  opiniâtreté  que  le  père  Calderon.  Quelle 


2^.0  itM'i:  ni, 

que  soit  l'opiiiiuii  ^C'olo;^icjut3  que  l'on  s«* 
(orme  de  l'orij^iiie  volcanique  ou  neplunieuiie 
des  îimyj^daloïdes  poreuses  (  ùlasiger  man^ 
dolstciii  )  de  la  vallée  de  Mexico,  il  n'est 
f;-uère  probable  que  cette  roche  probléina- 
lique  puisse  présenter  des  creux  assez  consi- 
dérables pour  recevoir-  les  eaux  du  lac  de 
Tezcuco  ,  qui ,  même  dans  des  temps  de  sé- 
cheresse ,  doivent  être  évaluées  à  plus  de 
251,700,000  mètres  cubes.  Ce  n'est  que  dans 
des  couches  de  gypse  secondaire ,  comme 
en  Thuringe,  qu'on  peut  hasarder  quelquefois 
de  conduire  des  masses  d'eau  peu  considé- 
rables dans  des  cavernes  naturelles  (  fijjts- 
schiotUm  )  :  on  y  laisse  aboutir  des  galeries 
d'écoulement  commencées  depuis  l'intérieur 
d'une  mine  de  schiste  cuivreux,  sans  s'eui- 
barasser  des  chemins  ultérieurs  que  prennent 
les  eaux  qui  gênent  les  travaux  métalli(jues. 
Mais  comment  compter  sur  l'emploi  de  ce 
moyen  local  ,  lorsqu'il  s'agit  d'un  grand 
travail  hydraulique  ? 

Pendant  l'in.*ndation  de  Mexico  ,  qui  dura 
cinq  années  de  suite ,  la  misère  du  bas-peuple 
au^ï-menta  singulièrement.  Le  commerce  cessa; 
beaucoup  de  maisons  s'écroulèrent;  d'aut^res 


CHVPITHE    \  lîî. 


Xll 


furent  ronducs  iuliabilables.  Dans  ces  temps 
iii;illicurcux,  rarohev«}([iie  Francisco  Manzo  y 
Ziiniga  se  distingua  par  sa  hienCaisAncc.  Il 
sortit  journellement  en  canot  pour  distribuer 
du  pain  aux  pauvres  dans  les  rues  inondées. 
La  cour  de  Madrid  ordonna  en  iOj.)  ,  pour 
la  seconde  fois ,  de  transférer  la  ville  dans 
les  plaines  entre  Tacuba  et  Tacubaya  ;  mais 
le  magistrat  (  cabildo  )  représenta  que  la 
valeur  des  édifices  {Jincas) ,  qu'en  1G07  ^^ 
avoit  portée  à  i5o  millions  île  livres  tournois, 
et  qu'on  proposoit  d'abandonner,  montoit 
déjà  à  plus  de  200  millions.  Au  milieu  de  ces 
jiiallieurs,  le  vice-roi  fit  venir  à  Mexico  l'image 
de  la  Sainte-Vierge  de  la  Guadalupe  '.  Elle 

^  Dans  les  calamités  publiques,  les  huhitans  de 
Mexico  recoururent  aux  deux  images  célèbres  de 
Notre  -  Dame  de  la  Gu.uUliipe  et  de  celle  des 
Remedlos.  La  première  est  regardée  comme  indi- 
gène, ayant  apparu  entre  des  Heurs  dans  le  mouchoir 
d'un  Indien  ;  la  seconde  a  été  apportée  d'Espagne 
du  temps  de  la  conquête.  L'esprit  de  parti  qui  existe 
entre  les  créoles  et  les  Européens  (  Gachupines  ) 
donne  une  nuance  particulière  à  la  diivolion.  Le 
bas-peuple  aréole  et  indien  voit  à  regret  que  ,  lors 
des  grandes  sécheresses  ,  l'archevêque  fasse  venir 
de   préférence   à  Mexico  l'image   de   la  Viefge  dei 


Sins'i 


LIVRE    II  r 


séjourna  long*  -  temps  dans  la  ville  inondée  ; 
mais  les  eaux  ne  se  retirèrent  qu'en  i634. , 
où  ,  par  des  tremblemens  do  terre  très-forts 
et  très-fréquens  ,  la  terre  se  crevassa  dans  la 
vallée  ,  phénomène  qui  (au  dire  des  incré- 
dules) favorisa  beaucoup  le  miracle  de  limage 
révérée. 

Le  vice-roi  marquis  de  Geralvo  remit  l'in- 
génieur Martinez  en  liberté.  Il  fit  construire 

Hemedios.  De  là  ce  proverbe  qui  caraclérise  si  bien  la 
haine  mutuelle  des  castes:  tout,  même  l'eau,  doit 
nous  venir  d'Europe  (  hasta  el  agna  nos  debe  venir 
de  la  Gachupina).  Si ,  malgré  le  séjour  de  la  Sainte- 
Vierge  de  los  Remedios  ,  la  sécheresse  continue  , 
comme  on  prétend  en  avoir  eu  quelques  exemples 
assez  rares,  l'archevêque  permet  aux  Indiens  d'aller 
chercher  Timage  de  Notre-Dame  de  la  Guadalupe. 
Cette  permission  répand  l'allégresse  parmi  le  peuple 
mexicain ,  surtout  l'^rsque  de  longues  sécheresses 
finissent  (comme  partout  ailleurs)  par  des  pluies 
abondantes.  J'ai  vu  des  ouvrages  de  trigonométrie 
imprimés  à  la  Nouvelle -Espcgne,  et  dédiés  à  la 
Sainte-Vierge  de  la  C  uadalupe.  C'est  sur  la  colline  de 
Tcpeyacac,  au  pied  de  laquelle  est  construit  son  riche 
sanctuaire  ,  que  se  trouva  jadis  le  temple  de  la  Cérès 
mexicaine  ,  appelée  Tonantzin  (  notre  mère  )  ,  ou 
Csnteotl  (  déesse  du  maïs  )  ,  ou  l\inteotl  (  déesse 
génératrice  ). 


CHAPITRE    VHI. 


'2  2.J 


la  cnhada  (  digue  )  clc  San  Christobnl  ,  à 
peu  près  telle  que  nous  la  voyons  aujourd'hui. 
Des  écluses  (  coinpertuas  )  ,  permettent  la 
connnunication  du  lac  de  San  Ghiistobal 
avec  le  lac  de  Tezcuco ,  dont  le  bief  est 
généralement  plus  bas  de  ooào^  décimètres. 
Martinez  ,  depuis  l'année  1G09,  avoit  déjà 
commencé  à  convertir  une  petile  partie  de 
la  galerie  souterraine  de  Nochistongo  en  une 
percée  à  ciel  ouvert.  Après  l'inondation  de 
1634,  on  lui  ordonna  d'abandonner  ce  travail, 
comme  trop  long  et  trop  dispendieux  ,  et 
d'achever  le  desague  en  élargissant  son  an- 
cienne galerie.  Le  produit  d'une  imposition 
particulière  sur  la  consommation  des  denrées 
(  devecho  de  sisas  )  avoit  été  destiné  ,  par  le 
marquis  de  Sahnas  ,  pour  l'entretien  des 
travaux  hydrauliques  de  Martinez.  Le  marquis 
de  Gaderejta  augmenta  les  revenus  de  la 
caisse  du  desague,  par  une  nouvelle  impo- 
sition de  25  piastres  sirr  l'importation  de 
chaque  pipe  de  vin  d'Espagne.  Ces  droits  de 
i^isa  et  de  boissons  subsistent  encore  de  nos 
jours ,  mais  une  loible  partie  des  deniers  est 
au  profit  du  desague.  Au  commencement 
du  dix  -  huitiènje  siècle ,  la  cour  destina  la 


•'t 


ir^-4  LIVRE    IIIj 

moitij  de  l'accise  des  vins  à  rentrctien*  des 
grandes  fortifications  du  château  de  San  Juan 
d'Llua.  Depuis  1779,  la  caisse  des  travaux 
hydrauliques  de  la  vallée  de  Mexico  ne  perçoit 
même  plus  que  5  francs  des  droits  payés  pour 
chaque  baril  de  vin  d'Europe  importé  à  la 
Vera-Cruz. 

Le  travail  du.  desagiie  fut  continué  avec 
peu  d'énergie  depuis  1604  jusqu'en  1657,  où 
le  vice-roi  marquis  de  Villcna  (ducd'Esca- 
lona  )  en  chargea  le  père  Luis  Flores  , 
commissaire  général  de  Tordre  de  Saint- 
François.  On  vante  beaucoup  l'activité  le 
ce  religieux,  sous  l'administration  duq  .jI  va 
changea  pour  la  troisième  fois  le  système  de 
dessèchement.  On  résolut  définitivement 
d'abandonner  la  galerie  {socahon)  ,  d'enlever 
le  cerveau  de  Ja  voûte,  et  de  faire  une  im- 
mense coupure  de  montagne  (^tajo  abierto) j 
dont  l'ancien  passage  souterrain  ne  formeroife 
que  la  rigole. 

Les  moines  de  Saint  -  François  surent  se 
conserver  la  direction  des  travaux  hydrau- 
liques. Ils  y  réussirent  d'autant  mieux  qu'à  cette 
époque  '  la  vice-royauté  se  trouva  presque 

*  Popuisle  9  juin  i64i  iusqu'au  i3  décembre  16"!^. 


CHAPITRE    VIII. 


2^5 


^5: 


consécutivement  entre  les  mains  d'un  évêque 
de  la  Puebla ,  Palafox  ;  d  un  évêque  de 
Yucatan,  Torres;  d'un  comte  de  Banos,  qui 
finit  une  carrière  brillante  en  se  faisant  carme 
déchaussé j  et  d'un  arcLevcque  de  Mexico, 
moine  de  St.-Augustin  ,  Enriquez  de  Rihera. 
Ennuyé  de  l'ignorance  et  de  la  lenteur  mo- 
nastique ,  un  homme  de  loi ,  le  fiscal  Martin 
de  Solis,  obtint  en  1676,  de  la  cour  de  Madrid, 
l'administration  du  desague.  Il  promit  de 
finir  à  couper  la  chaîne  des  montagnes  en 
deux  mois.  Son  entreprise  réussit  si  bien,  que 
80  ans  ont  à  peine  suffi  pour  réparer  le  mal 
qu'il  a  causé  en  peu  de  jours.  Le  fiscal,  con- 
seillé par  l'ingénieur  Francisco  Posuelo  de 
Espinosa  ,  fit  jeter  à  la  fois  plus  déterre  dans 
la  rigole  que  le  choc  des  eaux  ne  pouvoit  en 
emporter.  Le  passage  fut  bouché.  En  17G0, 
on  reconnut  encore  des  restes  des  ébou- 
lemens  causés  par  l'imprudence  de  Solis.  Le 
vice-roi  comte  de  Mo.iclova  crut,  et  avec 
raison ,  que  la  lenteur  des  moines  de  Saint- 
François  étoit  moins  nuisible  que  l'activité 
téméraire  du  jurisconsulte.  Le  père  Fray 
Manuel  Cabrcia  fut  réintégré  en  1687  ^^^^ 
sa  place  de  surintendant  [super  intendente 
II.  i5 


2iO 


LIVRE    m, 

de  la  real obva  del  desague  de  Iluehitetoca). 
Il  se  vengea  du  fiscal ,  en  publiant  un  livre 
qui  porte  le  titre  '  bizarre  :  «  Vérités  éclaircies, 
«  ou  impostures  combattues  ,  par  lesquelles 
«  «ne  plume  puissante  et  envenimée  a  tenté 
«  de  prouver ,  dans  un  rapport  mal  conçu , 
«  que  Touvrage  du  desague  a  été  achevé 
t<  en  1676.  >> 

Le  passage  souterrain  avoit  été  percé  et 
revêtu  de  maçonnerie  en  très-peu  d'années. 
11  i  jl^if  deux  siècles  pour  achever  la  coupure 
à  cit  avert ,  dans  un  terrain  meuble,  et 
dans  des  profils  de  8oà  100  mètres  de  largeur, 
sur  4o  à  5o  de  proi'ondeur  perpendiculaire. 
On  négligea  le  travail  dans  les  années  de 
sécheresse  ;  on  le  reprit  avec  une  énergie 
extraordinaire  pendant  le  peu  de  mois  qui 
suivoient  l'époque  des  grandes  crues  ou  un 
débordement  de  la  rivière  de  Guaulitlan. 
L'inondation  dont  fut  menacée  la  capitale 
en  1747»  engagea  le  comte  de  G'^mes  de 

*  f^erdad  aclarada  y  desvanecidas  impos/uras ,  cou 
quelo  ardiente  y  envenenado  de  una  pluma  poderosa  en 
ëfita  Nuexfa  Espana,  en  un  dictamen  mal  insiruido , 
quisà  persuadir  auerse  acahado  y  perfecvionado  e/ 
aho  de  1676,  lafabrica  del  mal  dojtague  de  Mexiou. 


CHAPITRE    Vm. 


227 


s'occuper  du  clesagàe  :  mais  nouvelle  lenteur 
jusqu'en  1762,  où,  après  un  hiver  Irès-pluvieux 
il  y  eut  de  fortes  apparences  de  débordement. 
Il  restoit  encore^  à  l'extrémité  boréale  de  la 
nercée  souterraine  de  Martinez,  23io  vares 
mexicaines,  ou  1938  mètres,  qui  n'avoient 
pas  été  converties  en  tranchée  à  ciel  ouvert 
(faj'o  aUerto).  Cette  galerie  étant  trop  étroite, 
il  arrivoit  fréquemment  que  les  eaux  de  la 
vallée  ne  pouvoient  couler  librement  vers  le 
salto  de  Tulu. 

Enfin  en  1767,  sous  l'administration  d'un 
vice-roi  flamand,  le  marquis  de  Croix,  le 
corps  des  négocians  de  Mexico,  formant  le 
tribunal  du  consulado  de  la  capitale  ,  se 
chargea  d'achever  le  desague  ,  sous  la  con- 
dition qu'on  lui  feroit  percevoir  les  droits 
de  sisa  et  de  vins  ,  pour  l'indemniser  de  ses 
avances.  L'ouvrage  avoit  été  évalué  par  les 
ingénieurs  à  6  millions  de  francs.  Le  consu- 
lado l'exécuta  en  effet  avec  une  dépense  de 
4 millions;  mais  aussi,  au  lieu  de  terminer  la 
coupe  en  5  ans  (  comme  il  avoit  été  stipulé  ) , 
et  au  lieu  de  donner  à  la  rigole  8  mètres  de 
largeur,  le  canal  ne  fut  achevé  qu'en  1789, 
ei  encore  en  ne  lui  conservant  que  l'ancienne 

i5* 


•2-l\ 


LIVRE    III  , 


largeur  de  la  galerie  de  Marlinez.  Depuis 
cette  époque,  on  n'a  cessé  de  perleclionner 
ce  travail,  en  élargissant  le  Coud  do  la  coupe 
et  surtout  en  rendant  les  pentes  plus  douces. 
Il  s'en  faut  de  beaucoup  cependant  que  le 
canal  soit  aujourd'hui  dans  un  état  tel  qu'on 
n'ait  plus  à  craindre  des  ébouleniens.  Ceux-ci 
sont  d'autant  pins  dangereux  que  les  érosions 
latérales  augmentent  en  raison  des  empêclie- 
niens  qui  ralenlissent  le  cours  des  eaux. 

En  étudiant ,  dans  les  arcliives  de  Mexico  , 
l'histoire  des  travaux  hydrauli([ues  de  No- 
chistongo ,  on  rcconnoît  une  irrésolution 
continuelle  de  la  part  des  gouvernans  ,  une 
fluctuation  d'opinions  et  d'idées  .^  ^i  augmente 
le  danger  an  lieu  de  l'éloigner.  On  j  trou\  e 
des  visites  faites  par  le  vice-roi ,  accompagné 
de  l'Audience  et  des  chanoines  ;  des  pièces 
dressées  par  le  fiscal  et  d'autres  gen^  de 
loi;  des  juntes  j  des  conseils  donnés  par  les 
moines  de  Saint-François:  une  activité  im- 
pétueuse  tous  les  i5  ou  20  ans,  chaque  fois 
que  les  lacs  menacent  de  déborder  :  au 
contraire ,  de  la  lenteur  et  une  coupable 
insouciance  lorsque  le  danger  est  passé. 
Vingt-cinq  millions  de  livres  tournois  furent 


CHA-P/TRE    VIII.  21C) 

dépensés,  parce  qu'on  n'eut  jamaisle  couruge 
de  suivre  le  mcaie  plan  ;  parce  qu'on  ba- 
lançoit  pendant  deux  siècles  entre  le  système 
indien  des  digues,  et  cjlui  des  canaux  d'épui- 
sement ,  entre  le  projet  d'une  galerie  souter- 
raine {socabon) ,  et  celui  d'une  coupure  de 
montagne  à  ciel  ouvert  (  lajn  ahicrto  ).  On 
laissa  écrouler  la  galerie  deMartinez,  parce 
qu'on  voulut  en  percer  une  plus  grande  et 
plus  profonde;  on  négligea  d'achever  la  coupe 
{tajo)  àc.  Nochislongo ,  parce  qu'on  se  dis- 
puta sur  le  projet  d'un  canal  de  Tezcuco,  qui 
ne  lut  jamais  exécuté. 

Le  desague  ,  dans  son  état  actuel ,  appar- 
tient sans  doute  aux  ouvrages  hydrauliques 
les  plus  gigantesques  que  les  hommes  aient 
exécutés.  On  le  regarde  avec  une  sorte 
d'admiration  ,  surtout  en  considérant  la  na- 
ture du  terrain,  l'énorme  largeur,  la  pro- 
fondeur et  la  longueur  de  la  fosse.  Si  cette 
fosse  étoit  remplie  d'eau  à  une  profondeur 
de  dix  mètres ,  les  plus  grands  vaisseaux  de 
guorre  passeroient  à  travers  la  rangée  de 
montagnes  qui  bordent  le  plateau  de  Mexico 
au  nord-est.  L'admiration  qu'inspire  cet  ou- 
vrage est  cependant  mêlée  d'idées  affligeantes. 


23o 


LIVRE    III 


On  se  rappelle  ,  à  la  vue  de  la  coupe  de 
Nocliistongo  ,  combien  d'Indiens  y  ont  péri, 
soit  par  l'ignorance  des  ingénieurs ,  soit  par 
l'excès  d^s  fatigues  auxquelles  on  les  exposoit 
dans  des  siècles  de  barbarie  et  de  cruauté. 
On  examine  si,  pour  faire  sortir  d'une  vallée 
fermée  de  toutes  parts ,  une  masse  d'eau  peu 
considérable ,  il  eût  fallu  se  servir  d'un  mojen 
si  lent  et  si  coûteux?  On  regrette  que  tant 
de  forces  réunies  n'aient  pas  été  employées 
pour  un  but  plus  grand  et  plus  utile  ;  par 
exemple,  pour  ouvrir,  non  un  canal,  mais 
une  passe  à  travers  quelque  isthme  qui  en- 
trave la  navigation. 

Le  projet  de  Henri  Martinezétoit  sagement 
conçu  ,  et  a  été  exécuté  avec  une  rapidité 
étonnante.  La  nature  du  sol ,  la  forme  de  la 
vallée,  rendoient  nécessaire  un  percement 
souterrain.  Le  problème  auroit  été  résolu 
d'une  manière  complète  et  durable,  i.*»  si 
la  galerie  avoit  été  commencée  dans  un  point 
plus  bas  ,  c'est-à-dire  ,  qui  correspondît  au 
niveau  du  lac  inférieur  ;  et  2."  si  cette  galerie 
avoit  été  percée  en  coupe  elliptique ,  et  qu'on 
l'eût  revêtue  entièrement  d'un  mur  solide , 
à    voûte   également    elliptique.   Le  passage 


CHAPlTRi:    VIII. 


33i 


souterrain  exécuté  par  Martinez,  n'avoitquc 
i5  mètres  carrés  en  profil  ,  comnfe  nous 
l'avons  observé  plus  haut.  Pour  juger  des 
dimensions  qu'il  auroit  fallu  donner  à  une 
galerie  d'écoulement,  il  faudroit  connoître 
exactement  la  masse  d'eau  que  charient  la 
rivière  de  Guautitlan  et  le  lac  de  Zumpango , 
lors  des  grandes  crues.  Je  n'en  ai  trouvé 
aucune  évaluation  dans  les  mémoires  dressés 
par  Zepeda  Cabrera  ,  Velasquez ,  et  par 
M.  Gastera.  Mai^. ,  d'après  les  rechereW-'^jue 
j'ai  faites  moi-même  sur  les  lieux,  dans  la 
partie  de  la  coupure  de  montagne  {elcorte 
o  tajo  )  y  appelée  la  obra  del  CGnsulado ,  il 
m'a  paru,  qu'à  l'époque  des  pluies  ordinaires, 
les  eaux  présentent  un  profil  de  huit  à  dix 
mètres  carrés,  et  que  cette  quantité  augmente, 
dans  les  débordemens  extraordinaires  de  la 
rivière  de  Guautitlan,  jusqu'à  oo  ou  4o  mètres' 
carrés.  Les  Indiens  m'ont  assuré  que  dans  ce 
demie?  cas  la  rigole  qui  forme  le  fond  du 


\ 


*  L'ingénieur  Iniesta  ararça  même  '•  le,  lors  Hcs 
grandes  crues,  l'eau  monte  jusqu'à  20  ou  25  mètres 
de  hauteur  dans  le  canal,  près  de  la  Boveda  Keal:  mais 
Velasquez  assure  que  ces  évaluations  sontéiiorméroeiit 
4;xagérées.  {Declaracion  del  Maestro  Iniesta  et  Informa 
i'i  Velasquez,  tous  deux  manuscrits.  ) 


232  LIVRE    III, 

tajo  se  remplit  tellement  que  les  ruines  de 
Tancieluie  voûte  de  Marlinez  restent  cachées 
sous  la  surface  des  eaux.  Les  inc^ciiicurs 
eussent-ils  trouvé  de  grandes  difficultés  dans 
l'exécution  d'une  galerie  elliptique  de  plus 
de  quatre  à  cinq  mètres  de  largeur,  il  auroit 
sans  doute  mieux  valu  soutenir  la  voûte  par 
un  pilier  au  centre,  ou  creuser  deux  galeries 
à  la  fois,  que  de  faire  une  tranclée  à  ciel 
ouvert.  Ces  tranchées  ne  deviennent  avanta- 
gej.'>^es  que  lorsque  les  collines  sont  peu 
élevées ,  peu  larges ,  et  qu'elles  renferment 
des  couches  moins  sujettes  aux  ébouleinens. 
Pour  faire  passer  à  travers  la  montagne  de 
Nochistongo  un  volume  d'eau  qui  a  commu- 
nément 8,  quelquefois  i5à  20  mètres  carrés 
en  profil ,  on  a  cru  devoir  creuser  une  fosse 
dont  le  profil,  sur  des  distances  considérables, 
est  de  1800  à  3ooo  mètres  carrés  î      .  r,  ; ,  ' . 

Dans  son  état  actuel,  le  canal  d'écoulement 
(  desogue  )  de  Huehuetoca  a  ,  d'après  les 
mesures  de  M.  Velasquez  ' , 

*  Informe  y  exposicion  de  las  operaciones  hecha^ 
para  examinar  la  possibilidad  del  desague  gênerai 
de  la  laguna  de  Mexico  y  otros  fines  a  el  condu- 
cientes ,  1774.  (  Mémoire  manuscrit;  fol.  5.) 


CH\PITRE    VIII. 

Depuis  recluse  de  Vertideros  ^"«'"«"""^ 
jusqu'au  pont  de  Ilueliuc- 
toca 4870  ou 

Depuis  le  pont  de  Huehuetooa 

à  l'écluse  de  Sainte-Marie..  2GG0  ' 

Depuis  la  Compuerla  de  Santa 

r   Maria  à  l'éclnse  de  Valderas.   i^oo 

Depuis  la  Gonipuei  îa  de  Val- 
deras à  Boveda  Real 3290 

De  la  Boveda  Real  aux  restes 
de  l'ancienne  galerie  sou- 
terraine ,  appelée  Teclio 
Baxo 65o 

De  Techo  Baxo  à  la  galerie 
des  vice-rois 1 270 

Depuis  leCanon  de  losVirreyes       : 
àla  Boccade  SanGregorio.     610 

De  la  Bocca  de  San  Gregorio 
à  recluse  démolie i^oo 

Depuis  la  Presa  demolida  au 

pont  de  la   Cascade 7960 

Depuis  la  Puente  del  Salto  à 
la  Cascade  même  (Salto 
del  Rio  de  Tula  ) /,3o 

Longueur  du  canal ,  depuis         ^  : 
Vert  ideros  au  Salto 2453o 


233 

4087 

22^2 
1176 
2761 


1066 

■I  "-  +-  ■+'*  j'* 

5l2 

1175 

.';ti  ï, 

6671 


!'"-"^X' 


56 


2o385 


^34  LIVRE    III, 

Danscetle  longueur  de  4  -  lieues  coniniunos 
il  y  en  a  un  quart  sur  lequel  la  chaîne  des 
collines  de  Nochislongo  (  à  l'est  du  Cerro  de 
Sincoque ,  a  été  coupée  à  une  profondeur 
extraordinaire.  Au  point  où  Tarête  est  la 
plus  élevée,  près  de  l'ancien  puits  de  Juan 
Garcia  ,  sur  plus  de  800  mètres  de  long ,  la 
coupure  de  montagne  offre  une  profondeur 
perpendiculaire  de  4^  à  60  mètres.  D'un 
talus  à  l'autre  ,  vers  la  cime  ,  sa  largeur  est 
de  85  à  110  mètnes  '.  Dans  une  longueur  de 
plus  de  35oo  mètres  la  prol'ondeur  de  la 
coupe  est  de  00  à  5o  mètres.  La  rigole  dans 
laquelle  coule  l'eau  n'a  généralement  que 
5  à  4  mètres  de  large  ;  mais  dans  une  g  de 
partie  du  desague,  tel  qu'on  le  voit  dau»  les 
profils  que  j'ai  ajoutés  à  la  1 5.^  planche  de 
mon  Atlas  mexicain ,  la  partie  supérieure  de 
la  coupe  n'a  pas  ime  largeur  proportionnée 
à  sa  profondeur  ;    de   sorte  que   les  parties 


*  Pour  se  former  une  idée  plus  neUe  de  l'énorme 
largeur  de  ceUe  fosse  dans  la  obra  del  consulado^  on 
n'a  qu'à  se  souvenir  que  la  largeur  de  la  Seine ,  à 
Paris,  est,  au  port  Bonaparte,  de  102  înètrrs-,  au 
Pont-Royal ,  de  i36  mètres;  au  pont  d'Auslerlitz ,  près 
du  Jardin  dus  Plantes ,  de  1/5  nictrcs. 


CHAPITRE    VIII. 


23: 


latérales  ,  au  lieu  d'avoir  ^o*'  ou  4^^  d'incli- 
naison ,  sont  beaucoup  trop  rapides  ,  et 
causent  des  éboulemens  continuels.  C'est 
surtout  dans  la  ohra  del  cnnsulado  que  l'on 
voit  l'énorme  accumulalion  des  terrains  de 
transport  que  la  naturo  a  déposés  sur  les 
porphjres  basaltiques  de  la  vallée  de  Mexico. 
En  descendant  X escalier  des  vice-rois  ,  j'ai 
compté  25  couches  d'argile  endurcies,  alter- 
nantes avec  autant  de  couches  marneuses 
qui  renferment  des  boules  de  calcaire 
fibreux  à  surface  cellulaire.  C'est  aussi  en 
creusant  la  fosse  du  desaguc  ,  que  l'on  a  dé- 
couvert les  ossemens  d'éléphans  fossiles,  dont 
j'ai  parlé  dans  un  autre  ouvrage  '. 

Des  deux  côtés  de  la  coupure  de  la  mon- 
tagne ,  on  voit  des  collines  considérables  qui 
sont  formées  par  les  déblais  .  et  qui  com- 
mencent peu  à  peu  à  se  couvrir  de  végétaux. 
L'extraction  de  ces  décombres  ayant  été  un 
travail  infiniment  pénible  et  lent ,  on  s'est 
servi,  dans  ces  derniers  temps,  de  la  méthode 
déjà  employée  par  Enrico  Martinez.  On  a 
élevé  le  niveau  des  eaux  par  de  petites  écluses, 

*  Dans  le  Recueil  de  mes  Observations  de  Zoolome 

o 

et  d'Anatomie  comparée.  -       i*    ,  .  a. 


2^6  LIVRE    III, 

fie  soi'le  que  la  fcice  du  courant  a  emporté 
les  iléblais  jetés  dans  la  rigole.  Pendant  ce 
travail,  20  à  5o  Indiens  ont  quelquefois  péri 
à  la  fois.  On  les  attaclioit  à  des  cordes ,  en 
les  forçant  de  travailler  suspendus  pour  réunir 
les  décombres  au  milieu  du  courant  ;  et 
souvent  il  arrivoit  que  l'Impétuosité  de  ce 
dernier,  les  jetoit  contre  des  masses  de  rochers 
détachées,  et  les  écrasoit. 

Nous  avons  observé  plus  haut  que  depuis 
l'année  1 620  la  bran/jhe  du  canal  de  Martinez, 
dirigée  vers  le  lac  de  Zumpango ,  s'étoit 
bouchée  ,  et  que  par-là  (  pour  me  servir  de 
l'expression  des  ingénieurs  mexicains  de  nos 
jours  )  le  desaguc  étoit  devenu  simplement 
négatif j  c'est-à-dire,  qu'il  empéclioit  la  liviè  rc 
de  Guautitlaii  de  se  jeter  dans  le  lac.  A 
l'époque  des  grandes  crues  ,  on  éprouva  les 
désavantages  qui  résultoient  de  cet  état  de 
choses  pour  la  ville  de  Mexico  :en  débordant, 
le  Rio  de  Guautitlan  veisa  une  partie  de  ses 
eaux  dans  le  bassin  de  Zumpango  ;  ce  dernier, 
gonflé  Cil  outre  par  les  alfluens  de  San  Mateo 
et  de  Pachuca  ,  i'unissoit  au  lac  de  San 
Christobal.  Il  auroit  été  très  -  dispendieux 
d'élargir  le  lit  de  la  ri\  ièrc  de  Guuulitlan , 


CHAPITRE    VIII.  2.37 

de  couper  ses  sinuosités  et  de  rectifier  son 
cours;  ce  remède  ii'auroit  pas  même  éloigné 
tout  le  danger  de  l'inondation  :  par  conséquent 
on  a  pris,  à  la  fin  du  dernier  siècle,  sous  la 
direction  de  Don  Gosnie  de  i>Iier  y  Trespa- 
lacios,  surintendant  général  du  dcsague,  la 
résolution  très-sage  d'ouvrir  deux  canaux  qui 
conduisent  les  eaux  des  lacs  de  Zumpangoet 
(le  San  Ghristobal  à  la  coupure  de  montagne 
de  Nochistongo.  Le  premier  de  ces  canaux 
a  été  commencé  en  1796,  le  second  en  1798: 
l'un  a  8900  _,  l'autre  i3,ooo  mètres  de  lon- 
o'ueur.  Le  canal  d'épuisement  de  San  Chris- 
tobiil  se  réunit  à  celui  de  Zumpango  ,  au 
sud-est  de  Huehuetoca,  à  5ooo  mètres  de 
distance  de  son  entrée  dans  le  desague  de 
Martinez.  Ces  deux  ouvrages  ont  coûté  plus 
d'un  million  de  livres  tournois.  Ce  sont  des 
rigoles  dans  lesquelles  le  niveau  de  l'eau  est 
de  8  à  12  mètres  plus  bas  que  le  sol  voisin. 
Ils  ont  en  petit  les  mêmes  défauts  que  la 
grande  tranchée  de  Nochistongo.  Leurs  pentes 
sont  beaucoup  trop  rapides  ;  en  plusieurs 
endroits  elles  sont  presque  perpendiculaires  : 
aussi  les  éboulemens  des  terres  meubles  y 
soût  si  fréquens  que  l'entretien  de  ces  deux 


238 


Livitt:  m 


I 


canaux  lîe  M.  Mier  'coule  annuellement  plus 
de  i(>  à  20,000  francs.  Lorsque  les  vice-rois 
font  rinspeclion  ou  la  i^isita  du  desajLçno 
(voyage  de  deux  jours,  qui  jadis  leur  valoil 
un  cadeau  de  5ooo  piastres  fortes  ),  ils  s'em- 
barquent près  de  leur  palais  ',  au  bord  austral 
du  iac  de  San  Christobal ,  et  vont  en  bateau 
jusqu'au  delà  deHuehuetoca,surune  dislance 
de  sept  lieues  communes. 

D'après  un  mémoire  manuscrit  de  Don 
Ignacio  Gastera  ,  inspecteur  actuel  (///^/6\s7/y> 
major)  des  ouvrages  lijdrauliques  dans  la 
vallée  de  Mexico  ,  le  desagiie  a  coûté ,  eu 
y  comprenant  les  réparations  des  digues 
(  alùaradones)  y  depuis  l'année  1G07  jusqucu 
1789,1a  sonmie  de  5,547,670  piastres  (orles. 
Si  l'on  ajoute  à  celte  somme  énorme  G  à 
700,000  piastres  dépensées  dans  les  quinze 
années  suivantes ,  on  trouve  ([ue  rensem])le 
de  ces  travaux  (  la  coupure  tie  la  montagne 
de  ÎNocbistongo  ,  les  digues  et  les  deux  canaux 

*  Ce  soi-d'issini  pa lac io  de  los  Kirrryes,  tlaiis  IjmjucI 
on  jouit  d'une  vue  niaguifique  sur  le  lac  de  Tezciico 
et  le  voIcân  Popocutcpcc  ,  couvert  de  neij^es  éter- 
nelles ,  ressemble  plutôt  à  une  grande  maisou  de 
fcruiC  c^u'à  un  pabis. 


L canaux 


CHAPITRE    Vlir.  •2l]i) 

(les  lacs  supérieurs  )  a  coûté  plus  de  trente- 
un  millions  de  livres  tournois.  Le  devis  des 
frais  du  canal  du  Midi,  dont  k  longueur  est 
de  208,64.8  mètres  ,  n  a  été  (  malgré  la  cons- 
truction de  62  écluses ,  et  du  magnifique  réser- 
voir de  Saint-Ferréol)  que  de4>897,0oo  francs: 
mais  l'entretien  de  ce  dernier  canal  a  coûté , 
depuis  l'année  1686  jusqu'en  1791 ,  la  somme 
de  22,999,000  francs  '. 

En  i>ésumant  ce  que  nous  venons  d'énoncer 
sur  les  travaux  hydrauliques  exécutée  dans  les 
plaines  de  Mexico  ,  nous  voyons  que  la  sûreté 
de  lu  capitale  repose  actuellement,  1."  sur 
les  (ligues  de  pierre  qui  empêchent  les  eaux 
de  Zumpi;ngo  de  se  jeter  dans  le  lac  de  Sau 
Christobal^  et  les  eaux  de  ce  dernier  lac  d'entrer 
dans  le  lac  de  Tezcuco;  2."  sur  les  digues  et 
les  écluses  de  Tlahuac  et  Mexicaltsingo  ,  qui 
s'opposent  au  débordement  d<>s  lac  s  de  Ghalco 
et  de  Xochiinilco  ;  3."  sur  le  m  igiie  d'Riirico 
Martinez,  par  lequel  la  rivière  de  Cuautitlau 
franchit  les  montagnes  pour  passer  à  la  vallée 
de  Tuîa  ;  4-**  sur  les  deux  canaux  de  M.  Mier , 
par  lesquels  on  peut  épuiser  à  volonté  les  la«  s 
(le  Zumpango  et  de  San  Ghiistobal. 

*  Aiulruossi,  Hlxtoire  du  canal  du  Midi ,  p.  aJJj. 


:tf\0  LIVRE  in 5 

Cependant  ces  moyens  multiplias  ne  ga- 
rantissent pas  la  capitale  des  inondations  qui 
viennent  du  nord  et  du  nord-ouest.  Lialgré 
toutes  les  dépenses  qu'on  a  faite  ,  la  ville 
continuera  à  courir  de  grand*^  risques  aussi 
long-temps  qu'aucun  canal  ne  sera  dirigé 
immédiatement  sur  le  lac  de  Tezcuco.  Les 
eaux  de  ce  lac  peuvent  se  gonfler ,  sans  que 
celles  de  San  Ghristobal  rompent  la  digue 
qui  les  retient.  La  grande  iuondatioît  de 
Mexico,  sous  le  règne  d'Ahuitzotl,  ne  fut 
due  qu'à  des  pluies  fréquentes  ' ,  et  au  débor- 
dement des  lacs  les  plus  méridionaux ,  ceux 
de  Chalco  et  de  Xocliimilco.  L'eau  monla 
à  5  ca  6  mètres  de  hauteur  au  -  dessus  du 
niveau  du  sol  dans  les  rues.  En  1763,  et  au 
commencement  de  l'année  1764.,  on  vit  de 
même  la  capitale  dans  le  plus  grand  danger. 
Inondée  de  toutes  parts,  elle  forma  une  île 


*  Les  historiens  indiens  racontent  qu'à  cette  époque 
on  vit  sortir,  sur  les  pentes  des  montagnes  ,  de  l'inté- 
rieur de  la  terre  ,  de  grandes  masses  d'eau  qui  conlc- 
noient  des  poi.'-sons  qu'on  ne  trouve  que  dans  les  rivières 
des  régions  chaudes  {^pescados  de  tierra  caliente)  , 
phénomène  physique  difficile  à  expliquer  à  cause  de 
l'élévation  du  plateau  mexicain. 


CHAPITRE    VIII.  241 

pendant  plusieurs  mois,  sans  qu'une  goutte 
d'eau  de  la  rivière  de  Guautitlan  vînt  se  jeter 
dans  le  lac  de  Tezeuco.  Ce  débordement  ne 
fut  donc  causé  que  par  les  petits  aIHuens  qui 
viennent  de  l'est,  Je  l'ouest  et  du  sud.  Partout 
on  vit  l'eau  sourdre  de  la  terre ,  sans  doute 
par  la  pression  hydrostatique  qu'elle  éprouve 
en  s'infiltrant  dans  les  montagnes  environ- 
nantes. Le  6  septembre  de  l'année  1772^  il 
to.^iba  '  dans  la  vallée  de  Mexico  une  averse 
si  abondante  et  si  subite ,  qu'elle  eut  toute 
l'apparence  d'une  trombe  {man^a  de  agiia). 
Heureusement  ce  phénomène  eut  lieu  dans 
la  partie  nord  et  nord-ouest  de  la  valhje.  Le 
canal  de  Huehuetoca  produisit  alors  l'e  ffet  le 
plus  bienfaisant ,  quoiqu'une  grande  portion 
de  terrain  entre  San  Ghristobal ,  Ecatepec , 
San  Mateo,  Santa  lâès  et  Guautitlan  fût  tel- 
lement inondée ,  que  beaucoup  d'édifices  y 
tombèrent  en  ruines.  Si  cette  nuée  eût  crevé 
au-dessus  du  bassin  du  lac  de  Tezeuco ,  la 
capitale  auroit  été  exposée  au  danger  le  plus 
inmiinent.  Ces  circonstances  ,  et  plusieurs 
autres  encore  que  nous  avons  exposées  plus 


*  Informe  de  Felasquez.  (Manuscrit,  fol.  25.) 
II.  16 


:>.]/}. 


LIVRE 


m 


' 


haut  %  prouvent  sufïisaniment  comhieh  il  de- 
vient indispensable  au  gouvernement  de  s'oc- 
cuper de  l'épuisement  des  lacs  qui  sont  les 
plus  proches  de  la  ville  de  Mexico.  Cette 
nécessité  augmente  de  jour  en  jour,  parce 
que  les  atterrissemens  rehaussent  le  fond  des 
bassins  de  Tezcuco  et  de  Chalco. 

En  effet,  pendant  mon  séjour  à  Huehue- 
toca,  au  mois  de  janvier  de  l'année  i8o4, 
le  vice-roi  Yturigarraj  ordonna  la  construc- 
tion du  canal  de  Tezcuco,  projeté  déjà  par 
Martinez,  et  nivelé  récemment  par  Velasqucz. 
Ce  canal,  dont  le  devis  des  dépenses  est  porte 
à  3  millions  de  livres  tournois,  commencera 
à  l'extrémité  nord-ouest  du  lac  de  Tezcuco, 
dans  un  point  situé  depuis  la  première  écluse 
de  la  calzada  de  San  Christobal ,  S.  36»  E. , 
à  la  distance  de  4^9^  mètres.  Il  passera 
d'abord  par  la  grande  plaine  aride  dans 
laquelle  se  trouvent  les  montagnes  isolées 
de  las  Crucesde  Ecatepecei  de  Chiconautla^ ; 

»  P.  197 — 202. 

*La  première  de  cesciraesa,  d'après  les  mesures 
géodésiques  de  M.  Velasquez  ,  4o4  j  la  seconde  , 
3/8  varcs  mexicaines  (^jy  et  3 17  luèlres)  de  tiaiilcur 
au-dessus  du  niveau  moyen  des  eaux  de  Tezcuco. 


CHAPITRE    VIII.  243 

puis  il  se  dirigera  par  la  métairie  de  Saiila 
lues,  vers  le  canal  de  Iliiehiietoca.  Sa  lon- 
<rueur  totale  sera,  jusqu'à  Técluse  de  Ver- 
tideros  ,  de  37,978  vares  mexicaines  ,  ou 
51,901  mètres:  mais  ce  qui  rendra  l'exécutioa 
tie  ce  projet  plus  dispendieuse*,  c'est  la  néces- 
sité dans  laquelle  on  se  trouvera  d'approfondir 
la  rigole  de  l'ancien  c'=?sague,  depuis  Verti- 
(leros  jusqu'au  delà  de  la  Boveda  Real ,  le 
premier  de  ces  deux  points  étant  de  9""  ,078 
plus  élevé;  le  second,  de 9",  181  plus  basque 
le  niveau  moyen  des  eaux  du  lac  de  Tezcuco'. 


1  Pour  compléter  la  descriplion  de  ce  grand 
ouvrage  hytiraulique  ,  et  pour  donner  en  même 
temps  plus  d'inttrèt  à  la  planche  qt'i  présente  le 
profil  de  la  coupure  de  montagne  ,  nous  consigne- 
rons ici  les  résultats  principaux  du  nivellement  <ie 
M.  Velasquez.  Ces  résultats,  corrigés  de  l^erreur  de  la 
réfraction  ,  et  par  la  réduction  du  niveau  apparent  au 
niveau  vrai,  se  trouvent  assez  d'accord  avec  ceux 
obtenus  par  Enrico  Marlinez  et  Arias,  au  commence- 
ment du  dix-septième  siècle-,  mais  ils  prouvent  la 
fausseté  des  nivelleniens  exécutés  en  1764,  par  Don 
YldefousoYniesla,  d'après  lesquels  l'épuisement  du  lac 
de  Tezcuco  se  présenta  comme  un  problème  bien  plus 
difficile  à  résoudre  qu'il  ne  l'est  en  effet.  Nous  dési- 
gnerons par  -f  les  points  qui  sont  plus  élevés,  par  — 

iG* 


LIVRE    III 


Leur  distance  est  presque  de  10,200  mètres. 
Pour  éviter  d'approfondir  le  lit  du  desague 
actuel ,  dans  une  longueur  encore  plus  con- 


les  points  qui  sont  moins  élevés  que  le  niveau  moyen 
des  eaux  de  Tezcuco  en  1773  et  1774,  ou  le  signal 
placé  près  de  son  bord  S.  3G"  E.  de  la  première 
écluse  de  la  calzada  de  San  Christobal ,  à  la  distanee 
de  5475  vares  mexicaines. 

var.    palai.     ded.  -  grin. 

Le  fond  de  la  rivière  de  Guau- 

titlan  ,    près   de    l'écluse    de 

Vertideros +   10    3       2     3 

Le  fond  du  desague  ^  sous  le  port 

de  Huehueloca -f-     8    o      2     1 

/c?.  près  de  l'écluse  de  Santa  Maria. -f-     4    3      8     3 
Ici.  au-dessous  de  l'écluse  de  Val- 

deras -f-     2     1     11     2 

Id.  sous  la  Boveda  Real —  10    3       9     3 

/c?.  souslaBovedadeTecho.B»     . —  i5     o       61 
Id.  au-dessous  de  la  Bocca  o.  San 

Gregorio —  23     1     11     2 

Id.  au-dessus  du  Salto  del  Rio. . . —  90     1       9     o 
/</.  au-dessous  du  Salto  del  Rio. . — 107     2       90 

Il  faut  observe?  que  la  vare  se  divise  en  4  palmes , 
48  doigts  et  192  granos  ;  qu'une  toise  est  égale  à 
3,32258  vares  mexicaines,  et  une  vare  mexicaine  à 
0^839169  mètres^  d'après  les  expériences  faites  sur 
une  vare  conservée  dans  la  casa  del  Cabildo  de 
Mexico,  depuis  le  temps  du  roi  Philippe  11. 


CHAPITRE    VIII. 


2  15 


îiidérable,  on  ne  comple  donner  au  nouveau 
canal,  sur  looo  mètres,  que  o'"  ,2  de  clvute.  En 
1607,  le  projet  de  l'ingémeur  Marlinez  fut 
rejeté,  simplement  parce  qu'on  supposoit  que 
les  eaux  courantes  dévoient  avoir  une  chute 
d'un  demi -mètre  sur  cent.  Alonso  de  Arias 
prouva  alors,  par  l'autorité  de  Vitruve  (L.  viîi, 
c.  7) ,  que,  pour  faire  entrer  les  eaur.  du  lac  de 
Tezcuco  dans  le  Rio   de  Tula ,  il   faudroit 
donner  au  nouveau  canal  une   profondeur 
prodigieuse ,  et  que  même  av.  pied  de  la  cas- 
cade ,  près  de  l'Hacienda  dei  Salto,  le  niveau 
de  ses  eaux  seroit  inférieur  de  200  mètres  au 
biez  de  la  rivière.  Martinez  dut  céder  à  l'em- 
pire des  préjugés  et  à  ^autorité  des  anciens! 
Nous  pensons  que  s'il  est  prudent  de  donner 
peu  de  pente  aux  canaux  de  navigation ,  il  est 
utile  en  général  d'en  donner  beaucoup  aux 
canaux  de  dessèchement.  Mais  il  est  des  cas 
particuliers  où  la  nature  du  terrain  ne  permet 
pas  de  réunir  dans  les  ouvrages  hydrauliques , 
t(      ^'^s  avantages  que  la  théorie  a  prescrits. 
En  considérant  les  dépenses  qu'exigeront 
les  excavations  nécessaires  dans  le  Rio   del 
Desague,  depuis  l'écluse  de  Vertidcros  ou 
celle  de  Valderas  jusqu'à  la  Boveda  Real,  ou 


est  tenté  de  croire  qu'il  seroit  peut-être  pins 
facile  de  fij-arcintir  la  capitale  des  danpfers  dont 
la  menace  encore  le  lac  de  Tezcuco,  en  re- 
venant sur  le  projet  que  Simon  Mendcz  ' 
commença  à  mettre  en  exécution  pendant  la 
grande  inondation  de  1629  à  1604.  M.  V  e- 
lasquez  a  examiné  de  nouveau  ce  projet  eu 
1 774.  Après  avoir  nivelé  le  terrain,  cegéomèlre 
assure  que  28  puits  d'airage,  et  une  galerie 
souterraine  de  i3,ooo  mètres  de  long  ,  qui 
conduiroit  les  eaux  de  Tezcuco  à  travers  la 
montagne  de  Sitlaltepec,  vers  la  rivière  de 
Tequixquiac ,  s'acheveroit  et  à  moins  de  Irais 
et  plus  rapidement  que  Télargissement  de  la 
fosse  du  desague,  Taugmentation  de  son  fond 
sur  une  longueur  de  plus  de  9000  mètres ,  et 
un  canal  creusé  depuis  le  lac  de  Tezcuco 
•jusqu'à  l'écluse  de  Vertideros,  près  de  Hue- 
huetoca.  J'ai  assisté  aux  conférences  qui , 
en  i8o4,  ont  précf'dé  la  résolution  de  faire 
écouler  le  dernier  lac  par  l'ancienne  cou- 
pure de  montagne  de  Nochistongo.  Les 
avantagea  et  les  désavantages  du  projet  de 
Mendez  n'ont  point  été  discutés  dans  ces 
conférences. 

»  Voyez  p!ushaut,p.  217. 


CHAPITRE    Vrii.  2'|7 

Il  faut  espérer  qu'en  creusant  le  nouveau 
canal  de  Tezcuco  on  s'occupera  plus  sérieu- 
sement du  sort  des  Indiens  qu'on  ne  l'a  fait 
jusqu'ici,  même  en  traçant,  en  17966!  1798, 
les  rigoles  de  Zumpango  et  de  San  Cbristobal. 
Les  indigènes  ont  la  haine  la  plus  prononcée 
contre  le  desague  de  Iluehuetoca.  Une  en- 
treprise hydraulique  est  regardée   par  eux 
comme  une  calamité  publique,   non-seule- 
ment parce  qu'un  grand  nombre  d'individus 
ont  péri  par  des  accidens  funestes,  dans  la 
coupure  de  montagne  de  Marlinez,  mais  sur- 
tout parce  que,  forcés  au  travail,  et  négligeant 
leurs  affaires  domestiques ,  ils  sont   tombés 
dans  la  plus  grande  indigence  pendant  qu'on 
achevoit  l'épuisement  des  lacs.  Plusieurs  mil- 
liers de  laboureurs  indiens  y  ont  été  presque 
constamment  occupés  depuis  deux  siècles.  Le 
desague  peut  être  considéré  comme  une  cause 
principale  de  la  misère  des  indigènes  dans  la 
vallée  de  Mexico.   La    grande   humidité    à 
laquelle  ils  ont  été  exposés  dans  la  fosse  de 
Nochistongo ,  a  causé  des  maladies  mortelles 
parmi  eux.  11  n'y  a  que  peu  d'années  encore 
qu'on  a  eu  la  cruauté  d'attacher  les  Indiens 
à  des  cordes,  et  de  les  faire  travailler  conuiKi^ 


248  LIVRE   ni, 

des  forçats,  quelquefois  malades  et  expirans 
sur  les  lieux  mêmes.  Par  un  abus  des  lois, 
surtout  par  un  abus  des  principes  introduits 
depuis  l'organisation  des  intendances,  le  tra- 
vail au  desague  de  Huehuetoca  est  regardé 
comme  une  corvée  extraordinaire.  C'est  une 
journée  de  corps  que  l'on  exige  de  l'Indien , 
un  reste  de  mita  '  que  l'on  ne  s'attendroit  pas 
à  trouver  dans  un  pays  où  l'exploitation  des 
mines  est  aujourd'hui  un  travail  entièrement 
libre,  et  où  l'indigène  jouit  de  plus  de  li- 
berté personnelle  que  le  paysan  dans  la  partie 
nord-est  de  l'Europe.  En  fixant  l'attention  du 
vice-roi  sur  ces  considérations  importantes, 
j'ai  pu  m'appuyer  sur  les  témoignages  nom- 
breux contenus  dans  Y  Informe  de  Zepeda, 
On  y  lit  sur  toutes  les  pages ,  «  que  le  desaguc 
«  a  diminué  la  population  et  le  bien-être  des 
«  Indiens,  et  que  l'on  n'ose  pas  mettre  tel  ou 


*  "Voyez  plushautjChap.  V,  T.  Ip.  359.  L'Indien  est 
payé  au  desague  à  raison  de  2  réaux  de  plata  ou  de 
26  sous  par  jour.  Au  dix-septième  siècle  ,  du  temps  de 
Martinez ,  on  ne  payoit  aux  indigènes  que  5  réaux 
ou  3  francs  par  semaine ,  mais  en  leur  donnant , 
en  outre,  une  certaine  quantité,  de  maïs  pour  leur 
nourriture. 


CHAPITRE    Vlir.  9J\() 

«  tel  projet  hydraulique  en  exécution ,  part  e 
«  que  les  inoriiieurs  ne  j)euvent  plus  disposer 
«  d'un  aussi  ^^rand  nombre  d'Indiens  que  du 
«  temps  du  vice-roi  Don  Luis  de  Velasco  ii.  » 
Il  est  consolant  au  moins  d'observer,  comme 
nous  avons  taché  de  le  développer  au  com- 
mencement du  quatrième  chapitre,  que  cette 
dépopulation  progressive  n'a  eu  lieu  que  dans 
la  partie  centrale  de  l'ancien  Anahuac. 

Dans  les  travaux  hydrauliques  de  la  vallée 
de  Mexico ,  l'eau  n'a  été  regardée  que  comme 
un  ennemi  contre  lequel  il  faut  se  défendre, 
soit  par  des  digues ,  soit  par  le  moyen  des  ca- 
naux d'épuisement.  Nous  avons  prouvé  plus 
haut  (p.  i28-i3/|)  que  ce  mode  d'agir,  surtout 
le  système  européen  d'un  dessèchement  arti- 
ficiel ,  ont  détruit  le  germe  de  la  fertilité  dans 
une  grande  partie  du  plateau  de  Ténochtitlan. 
Les  efflorescences  de  carbonate  de  soude 
(tequesquite)  ont  augmenté  à  mesure  que 
l'humidité  de  l'atmosphère  et  la  niasse  des 
eaux  courantes  ont  diminué.  De  belles  sa- 
vanes ont  pris  peu  à  peu  l'aspect  d'un  steppe 
aride.  Dans  de  grands  espaces,  le  sol  de  la 
vallée  n'offre  plus  qu'une  croûte  d'argile 
endurcie  {Update),  dénuée  de  végétaux,  et 


\ 


25( 


Livur.  III 


«^ 


crevassée  au  contact  de  l'air.  Il  eut  été  bien 
facile,  cependant,  de  profiter  des  avantages 
naturels  du  tercain ,  en  se  servant  à  volonté 
des  mêmes  canaux  pour  1  écoulement  des  lacs , 
pour  Varmsement  des  plaiiies  arides,  et  pour 
la  navigation  intérieure.  De  grands  bassins 
d'eau,  rangés  comme  par  étages,  les  uns  au- 
dessus  des  autres,  facilitent  le  tracé  des  ca- 
naux d'irrigation.  Au  sud-est  de  Muehuetoca 
se  trouvent  trois  écluses  que  l'on  appelle  los 
?'e,'UderoSy  et  qu'on  ouvre  chaque  fois  que  l'on 
veut  faire  décharger  la  rivière  de  Guautillan 
dans  le  lac  de  Zunipango  ,  ou  que  l'oq  veut 
mettre  à  sec  le  Rio  del Desague  (la  coupure 
de  montagne  ) ,  pour  en  déblajer  ou  appro- 
fondir la  rigole.  La  trace  de  l'ancienne  eni- 
bouchure  du  Rio  de  Guaulitlan,  celle  qui 
existoit  en  1607  _,  s'étant  perdue  peu  à  peu  , 
on  a  creusé  un  nouveau  canal  depuis  Verù- 
deros  au  lac  de  Zumpango.  Au  lieu  de  faire 
découler  continuellement  les  eaux  depuis  ce 
lac,  et  depuis  celui  de  San  Christobal,  hors 
de  la  vallée,  vers  l'Océan  Atlantique,  on  auroit 
pu ,  dans  l'intervalle  de  dix-huit  ou  vingt  ans, 
pendant  lesquels  les  crues  extraordinaires 
n'ont  souvent  pas  lieu  ^  distribuer  les  eaux 


ciiAriir.E  MU. 


2:»i 


clii  desagiie  au  profit  de  ragricullure  dans  les 
parties  les  plus  basses  de  la  vallée.  On  auroit  pu 
construire  des  réser\oirs  d'eau  pour  l'époque 
des  sécheresses  :  mais  on  préféra  de  sui»  re 
aveuglément  l'ordre  émané  anciennement  de 
Madrid ,  et  qui  porte  «  qu'aucune  goutte 
«  d'eau  ne  doit  entrer  du  lac  de  San  Gliris- 
«  tobal  dans  celui  de  Tezcuco,  à  moins  que  ce 
«  ne  soit  une  fois  par  an,  lorsqu'en  ouvrant 
«  les  écluses  (las  mnipucrtas  de  la  calzada) 
«  on  l'ait  la  pêche  '  dans  le  premier  de  ces 
«  bassins.  »  Le  commerce  des  Indiens  de 
Tezcuco  languit  pendant  des  mois  entiers,  à 
cause  du  manque  d'eau  dans  le  lac  salé  qui 
les  sépare  de  la  capitak  ;  des  terrains  arides 
s'étendent  au-dessous  du  niveau  moyen  des 
eaux  de  Guautitlan,  et  de  ce!ui  des  lacs  septen- 
trionaux; et  pourtant  depuis  des  siècles  on 
n'a  pas  songé  à  subvenir  aux  besoins  de  l'agri- 


*  Cette  pêche  est  pour  les  liabitaus  de  la  capitale  iint; 
(les  plus  grandes  fêtes  champêtres.  Les  Indiens  cons- 
truisent des  cabanes  sur  les  bords  du  lac  de  ijaii 
Cliristobal  ,  qui  est  presque  mis  à  sec  pendant  la 
pêche:  cela  rappelle  la  pêche  qu'au  récit  d'Hcrodolo 
les  Egyptiens  faisaient  ilnyxJ.  fois  par  an  au  lac  Mcjc»  i.s  , 
à  l<)U\cii.iu"o  tlcij  cclu-Cà  c'i'irrifraliou. 


# 


afïa  LIVRE  m, 

culture  et  de  la  navigation  intérieure.  Ilexis- 
toit  depuis  long-temps  un  petit  canal  {sanja) 
depuis  le  lac  de  Tezcuco  au  lac  de  San  Cliris- 
tobal.  Un  sas  d'écluse  de  4  mètres  de  cluile 
auroit  pu  faire  remonter  les  canots  depuis  la 
capitale  jusqu'à  ce  dernier  lac.  Les  canaux  de 
M.  Mier  les  auroient  même  conduits  jusqu'au 
village  de  Huehuetoca.  De  cette  manière, 
une  communication  d'eau  se  seroit  établie 
depuis  le  bord  austral  du  lac  de  Ghalco 
jusqu'à  la  limite  septentrionale  de  la  vallée  , 
sur  une  étendue  de  plus  de  80.000  mètres. 
Des  hommes  instruits  et  animés  d'un  grand 
zèle  patriotique,  ont  osé  élever  la  voix  '  en 
faveur  de  ces  idées  ;  mais  le  gouvernement , 
en  rejetant  pendant  long-temps  les  projets  les 
mieux  conçus ,  n'a  voulu  reconnoître  dans 
l'eau  des  lacs  mexicains  qu'un  élément  nui- 
sible dont  il  faut  débarrasser  les  environs  de  la 
capitale,  et  auquel  il  ne  Aiut  permettre  d'autre 
cours  que  celui  vers  les  côtes  de  l'Océan. 

Aujourd'hui  que,  par  ordre  du  vice -roi 
Don  Josef  de  Yturiiïarrav ,  le  canal  de  Tez- 
cuco  doit  être  ouvert ,  rien  ne  s'opposera  à  la 

*  Par  exemple  M.  Velasquez ,  à  la  fin  de  son  Informe 
sobre  el  desagu?.  (  Manuscrit.  ) 


CHAPITRE    YIH. 


w  ri 


libre  navigation  à  travers  la  grande  et  belle 
vallée  de  ïénocbtitlan.  Le  blé  et  les  autres  pro- 
ductions des  districts  de  Tulaetde  Guautillan 
viendront  par  eau  à  la  capitale.  La  charge  d'un 
mulet,  qui  est  évaluée  à  3oo  livres  pesant , 
coûte  en  frais  de  transport ,  depuis  Huehue- 
toca  jusqu'à  Mexico,  5  réaux  '  ou  4  francs. 
On  compte  que  lorsque  la  navigation  sera 
établie ,  le  fret  d'un  canot  indien  de  i5,ooo  liv. 
de  port  ne  sera  que  de  4  ou  5  piastres  ;  de 
sorte  que  le  transport  de  3oo  livres  (  qui  font 
un  carga  )  ne  coûtera  que  neuf  sous.  Mexico 
aura  par  exemple  la  chaux  à  6  ou  7  piastres  la 
charretée  (  carretada  ) ,  tandis  qu'aujourd'hui 
elle  y  coûte  10  à  1?. 

Mais  l'efFet  le  plus  bienfaisant  d'un  canal 
navigable  depuis  Ghalco  à  Huehuetoca ,  sera 
celui  qu'en  éprouvera  le  commerce  de  l'inté- 
rieur de  la  Nouvelle-Espagne ,  qu'on  désigne 
par  le  nom  de  comercio  de  tierra  adentro ,  et 
qui  va  en  ligne  droite  depuis  la  capitale  à 
DurangOjChihuahua  etSanta-Fe  du  Nouveau- 

*  Une  piastre  forte  a  8  réaux  de  plata  ,  et  tlans  les 
ouvrages  qui  Irailont  des  colonies  espagnoles  en  Amé- 
rique, il  n'est  qiestion  que  de  pesos  fuertea  et  do 
rêalea  de  plata.  (Voyez  la  note,  p.  34.  ) 


"  f 


LIVRE    III 


Mexique.  Hneluietoca  pourra  devenir  doré- 
navant le  lieu  d'entrepôt  pour  ce  commerce 
important,  dans  lequel  en  emploie  plus  de 
cinquante  à  soixante  mille  betes  de  somme 
(  ivciins  ).  Les  midetiers  (  arriéras  )  de  la 
Nouvelle-Biscaye  etdeSanla-Fe  ne  craignent, 
sur  une  route  de  5oo  lieues,  aucune  journée 
autant  que  celle  de  Huehuetoca  à  Mexico.  Les 
chemins,  dans  la  partie  nord-ouest  de  la  vallée 
où  l'amygdaloïde  basaltique  est  couverte  d'une 
^osse  couche  d'argile,  deviennent  presque 
impraticables  dans  la  saison  des  pluies.  Beau- 
coup de  mulets  y  périssent.  Les  autres  ne 
peuvent  se  remettre  de  leurs  fatigues  dans  les 
environs  de  la  capitale,  qui  n'offrent  ni  les 
bons  pâturages  ,  ni  les  grandes  communes 
(  eocidos)  qu'ils  trouveroient  en  séjournant  à 
Huehuetoca.  Ce  n'est  qu'après  avoir  demeuré 
long-temps  dans  des  pays  où  tout  le  com- 
merce se  fait  par  caravanes,  soit  de  cha- 
meaux ,  soit  de  mulets,  que  l'on  peut  apprécier 
l'influence  des  objets  que  nous  venons  de 
discuter  ^  sur  le  bien-être  des  habitans. 

Les  lacs  situés  dans  la  partie  méridionale  de 
la  vallée  de  Ténochtitlan  dégagent  de  leur 
surface  dips  miasmes  d'hydrogène  sulfuré,  que 


CHAPITRE    VIII. 


1i):j 


lale  de 
leur 
,  que 


Ton  sent  dans  les  rues  de  Mexico,  chaque 
fois  que  le  vent  du  sud  souffle.  Aussi  regarde- 
t-on  dans  le  pays  ce  \ent  comme  très-malsain. 
Les  Aztèques ,  dans  leur  écriture  hiérogly- 
phique, le  désignoient  jadis  par  une  tète  de 
mort.  Le  lac   de  Xochimilco  est  en  partie 
rempli  de  plantes  de  la  famille  des  Joncacées 
et  des  Gjpéroïdes,  qui  végètent  à  peu  de  pro- 
fondeur,  sous  une  couche  d'eau  croupissante. 
On  a  proposé  '  récemment  au  gouvernement 
de  creuser  en  lionne  droite  un  canal  navijîable 
de  la  petite  ville  de  Chalco  à  Mexico ,  canal 
qui  sera  d'un  tiers  plus  court  que  celui  qui 
existe  actuellement.  On  projeté   en    même 
temps  de  dessécher  les  bassins  des  lacs  de 
Xochimilco  e\  de  Chalco ,  et  d'en  vendre  les 
terres ,  qui ,  lessivées  depuis  des  siècles  par  des 
eaux  douces,  sont  devenues  très-fertiles.  Le 
lac  de  Chalco  ayant  à  son  centre  un  peu  plus 
<le  profondeur  que  le  lac  de  Tezcuco,  son 
('puisement  ne  sera  pas  complet.  L'agriculture 
et  la  salubrité  de  l'air  gagneront  également  à 
l'excoulion  de  ce  projet  de  M.  Castera  ;  car 
l'extrémité  australe  de  la  vallée  offre  en  général 

*  fnfor/nc  de    Don  Ignacio  Castera.    (  Matiuiiciit , 
fui.  ri.) 


256 


LIVKE    III 


le  sol  le  plus  propre  à  la  culture.  Le  carbonate 
et  le  muriate  de  soude  y  abondent  moins,  à 
cause  des  fiitrations  continuelles  entretenues 
par  les  filets  d'eau  qui  descendent  des  hauteurs 
du  Cerro  d'Axusco,  du  Guarda  et  des  vol- 
cans. Il  ne  faut  pas  oublier  cependant  que 
l'épuisement  des  deux  lacs  tendra  encore  à 
augmenter  la  sécheresse  de  l'atmosphère  dans 
une  vallée  où  l'hygromètre  de  Deluc  '  des- 
cend souvent  à  i5^.  Ce  mal  sera  inévitable, 
si  on  ne  s'occupe  pas  à  lier  ces  travaux 
hydrauliques  à  un  système  général;  si  l'on 
n'entreprend  pas  en  même  temps  de  mulliplier 
les  canaux  d'arrosement,  de  former  des  ré- 
servoirs d'eau  pour  les  temps  de  sécheresse, 
et  de  construire  des  écluses  qui,  propres  à 
contre -balancer  les  différentes  pressions  de 
biez  inégaux ,  s'ouvrent  pour  recevoir  et  pour 
retenir  les  crues  des  rivières.  Ces  réservoirs 
d'eau ,  distribués  à  des  hauteurs  convenables; 


'  La  température  de  l'air  étant  à  23°  centigrades, 
les  i5"  de  l'hygromètre  à  baleine  de  Deluc  équivalent 
à  4^8"  de  l'hygromètre  à  cheveu  de  Saussure.  J'ai 
discute  les  causes  de  celte  sécheresse  extrême  dans  le 
Tableau  physique  des  régions  équinoxiales  ,  annexé  à 
mon  Essai  sur  la  Géographie  des  plantas ,  p.  98. 


CHAPITRE    VIII. 


257 


pourroient  même  servir  à  nettoyer  et  à  laver 
périodiquement  les  rues  de  la  capitale. 

A  l'époque  d'une  civilisation  naissante  les 
conceptions  hardies,  les  projets  gigantesques 
ont  quelque  chose  de  plus  séduisant  que  les 
idées  les  plus  simples  et  les  plus  faciles  à 
exécuter.  Au  lieu  d'établir  un  système  de 
petits  canaux  pour  la  navigation  intérieure 
de  la  vallée ,  on  s'est  égaré,  du  temps  du 
vice -roi  comte  de  Revillagigedo ,  dans  de 
vagues  spéculations  sur  la  possibilité  d'une 
communication  par  eau  entre  la  capitale  et  le 
port  de  Tampico.  En  voyant  descendre  les 
eaux  des  lacs  à  travers  la  montagne  de  No- 
chistongo  par  le  Rio  de  Tula  (  appelé  aussi 
Rio  de  Moclezuma)  et  par  celui  de  Panuco 
au  golfe  du  Mexique ,  on  a  conçu  l'espoir  de 
pouvoir  ouvrir  la  même  route  au  commerce 
de  la  Vera-Gruz.  Des  marchandises  dont  la 
valeur  s'élève  au  delà  de  100  millions  de 
livres  tournois,  sont  transportées  annuelle- 
ment à  dos  de  mulets ,  depuis  la  côte  opposée 
à  l'Europe ,  sur  le  plateau  de  l'intérieur.  Les 
farines,  le  cuir  et  les  richesses  métalliques 
descendent  au  contraire  du  plateau  central  à 
h  Vera-Cruz.  La  capitale  est  l'entrepôt  de  ce 


II. 


17 


2:j\ 


LIVRE  ur 


commerce  immense.  Le  chemin  de  terrp , 
qu'au  défaut  d'un  canal  on  doit  construire 
depuis  la  cote  à  Perote,  coûtera  plusieurs 
millions  de  piastres.  L*air  du  port  de  Tam- 
pico paroît  jusqu'ici  moins  funeste  aux 
Européens  et  aux  habitans  des  régions  froides 
du  Mexique  ,  que  le  climat  de  la  Vera-Crnz. 
Si  la  barre  empêche  le  premier  de  ces  ports 
de  recevoir  des  bâtimens  qui  tirent  4^  à  60  dé- 
cimètres d'eau,  il  pourroit,  cj'ailleurs,  être 
préférable  au  mouillage  dangereux  qu'offrent 
les  bas-fonds  de  la  Vera-Cruz.  Par  la  réunion 
de  ces  circonstances,  une  navigation  depuis 
la  capitale  jusqu'à  Tampico  deviendroit  dési- 
rable, quelque  grande  que  fut  la  dépense 
qu'exigeroit  l'exécution  d'un  projet  si  hrardi. 

Mais  ce  n'est  point  la  dépense  que  l'on  peut 
craindre  dans  un  pays  dans  lequel  un  simple 
particulier ,  le  comte  de  Valenciana ,  a  creusé, 
dans  une  seule  mine  ' ,  trois  puits  qui  lui  ont 
coûté  plus  de  huit  millions  et  demi  de  francs. 
On  ne  doit  pas  non  plus  nier  la  possibilité  de 
l'exécution  d'un  canal  depuis  la  vallée  de  Té- 
nochtitlan  jusqu'à  Tampico.  Dans  l'état  actuel 

^  Près  d<'  Guanaïuato. 


CHAPITRE    Vni.  2^9 

de  rarcliitecture  hydraulique,  on  peut  faire 
passer  des  bateaux  sur  des  chaînes  de  mon- 
tagnes élevées,  chaque  fois  que  la  nature  y 
présente  des  points  de  partage  qui  font  la 
communication  entre  deux  récipiens  princi- 
paux. Le  général  Andreossi  a  indiqué  plu- 
sieurs de  ces  points  dans  les  Vosges,  et  en 
d'autres  parties  de  la  France  *.  M.  de  Prony  a 
calculé  le  temps  que  mettroit  un  bateau  pour 
passer  les  Alpes ,  si ,  en  profitant  des  lacs 
situés  près  de  l'hospice  du  Mont-Genis,  on 
établissoit  une  communication  par  eau  entre 
Lans-le-Bourg  et  la  vallée  de  Suze.  Cet  illustre 
ingénieur  a  prouvé,  par  son  calcul  même, 
combien,  en  ce  cas  particulier,  le  transport  de 
terre  étoit  préférable  à  la  lenteur  des  écluses. 
Les  plans  inclinés ,  inventés  par  Reynolds  ,  et 
perfectionnés  par  Fulton ,  les  écluses  à  plon- 
ireur  de  MM.  Huldleston  et  Betancourt ,  deux 
conceptions  également  applicables  au  système 
des  petits  canaux,  ont  multiplié  avantageuse- 
ment les  moyens  que  l'art  fournit  à  la  naviga- 
tion dans  les  pays  montagneux.  Mais  quelque 
grande  que  soit  l'épargne  des  eaux  et  du  temps 


Andreossi ,  sur  le  canal  du  Midij  p.  45. 

17 


•Go 


LIVRE    III 


à  laquelle  on  puisse  parvenir,  il  est  de  certaine 
maximum  de  hauteur  du  point  culminant,  au 
delà  desquelles  canaux  ne  l'emportent  pi  ns  sur 
l'usage  des  routes.  Les  eaux  du  lac  de  Tezcuco, 
à  l'est  de  la  capitale  de  Mexico ,  sont  élevées 
de  2276  mètres  au-dessus  des  eaux  de  la  mer, 
près  du  port  de  Tampico.  Même  en  emplo}  aut 
des  sas  accollés,  il  faudroit  près  de  deux  cents 
écluses  pour  élever  des  bateaux  jusqu'à  une 
hauteur  si  énorme.  Si,  dans  le  canal  mexicain, 
les  biez  dévoient  être  distribués  comme  dans  le 
'  canal  du  Midi,  dont  le  point  de  partage  (à  Nau . 
rouse)  n'a  qu'une  élévation  perpendiculaire  de 
189  mètres ,  le  nombre  des  écluses  monteroit  à 
33oou34o.  Jeneconiioispas  lelitde  la  rivière 
de  Moctezuma  ,  au  delà  de  la  vallée  de  Tula 
(l'ancien  Tollan  )  ;  j'ignore  quelle  est  sa  chute 
partielle  jusqu'aux  environs  de  Zimapan  et  du 
Doctor  ;  je  me  rappelle  que ,  sans  écluses ,  par 
les  grandes  rivières  de  l'Amérique  méridio- 
nale, par  des  distances  de  180  lieues,  les 
pirogues  remontent ,  ou  louées  ou  à  la  rame , 
contre  le  courant,  à  des  hauteurs  de  5oo  mètres; 
mais  malgré  cette  analogie,  et  celles  qu'offrent 
les  grands  travaux  exécutés  en  Europe ,  j'ai  de 
la  peine  à  me  persuader  qu'un  canal  de  navi- 


CHAPITRE    flll. 


2G1 


frailon.  (lopiiis  lo  plulean  crAnaluiac  jusqu'aux 
cotes  de  la  uier  des  Antilles,  soit  un  ouvrage  hy- 
draulique donton  jruisse  conseiller  l'entreprise. 


Les  villes  remarquables  (  r/Wr/r/<^^.v  y  lullns) 
de  l'intendance  de  Mexico ,  sont  les  suivantes  : 

Mr^xico ,  capitale  du  royaume  de  la  Nouvelle- 
Espagne.  Hauteur,  2277  mètres.  Popula- 
tion ,   107,000. 

Tezcuco,  avec  des  manufactures  en  coton  , 
jadis  très-considérables,  mais  qui  ont  beau- 
coup souffert  par  la  concurrence  de  celles 
de  Querelaro.  Population ,  5,ooo, 

CuYOACAN,  avec  un  couvent  de  religieuses, 
fondé  par  Hernan  Cortez,  couvent  dans 
lequel ,  d'après  son  testament ,  le  grand  ca- 
pitaine voulut  être  enterré,  «  quelque  fût 
la  partie  du  monde  où  il  fîniroit  ses  jours.  » 
Nous  avons  vu  plus  haut  que  cette  clause 
du  testament  n'a  pas  été  remplie. 

Tacubaya,  à  l'ouest  de  la  capitale,  avec  un 
palais  de  rarchevêque  et  une  belle  plan- 
tation d'oliviers  d'Europe. 

Tacuba,  l'ancien  Tlacopan ,  capitale  d'un 
petit  royaume  des  Tepanëques. 


202  LIVRE    III, 

CuERNAViccA,  l*ancien  Quauhnahuac ,  à  la 
pente  méridionale  de  la  Cordillère  de  Gu- 
ohilaque  ,  sous  nn  climat  tempéré,  des  plus 
délicieux  et  des  plus  propres  à  la  culture 
des  arbres  fruitiers  d'Europe.  Hauteur  ' , 
i655  mètres. 

CniLPAKsiKGO  (  Chilpantzinco  ),  entouré  de 
champs  fertiles  en  froment.  Hauteur  , 
i3^o  mètres. 

Tasco  (Tlachco),  avec  une  belle  église  pa- 
roissiale ,  construite  et  dotée  vers  le  milieu 
du  dix-huitième  siècle,  par  un  François, 
Joseph  de  Laborde^  qui  avoit  gagné  en 

*  M.  Alzate  assure ,  dans  la  Gazette  de  Littérature 
publiée  à  Mexico  (i  760  ^  p.  320),  que  dans  la  Nouvelle' 
Espagne  la  hauteur  absolue  des  lieux  influe  très-peu 
sur  leur  température.  Il  cite  pour  exemple  la  ville  de 
Cuernavacca ,  qui ,  selon  lui ,  est  à  la  même  hauteur 
au-dessusdu  niveau  de  la  mer  que  la  capitale  de  Mexico, 
et  qui  ne  doit  son  climat  délicieux  qu'à  sa  position  au 
sud  d'une  Jiaute  chaîne  de  montagnes  :  mais  M.  Alzate 
s'est  trompé  de  plus  de  600  mètres  sur  l'élévation  de 
la  ville  de  Cuernavacca.  Gortez,  qui  altère  tous  les 
noms  de  la  langue  aztèque ,  nomme  cette  ville  Coocl- 
nahacedj  mot  dans  lequel  il  est  diilicile  de  reconnoîlre 
Quauhnahuac.  (  Caria  de  Relacion  al  emperador  Don 
Carlos  j  §.  XIX.) 


CUMlIRIi    Mil. 


?.r)3 


très-peu  (le  loinps  cl«!s  licîiosses  iinmciiseï» 
par  l'exploitalion  des  mines  ine\icaines.  La 
seule  construction  de  l'église  coûta  à  ce 
particulier  plus  de  deux  millions  de  francs. 
Réduit  à  une  «^^aiide  pauvreté  vers  la  fin 
de  sa  carrière ,  il  obtint  de  rarclievèrpie  de 
Mexico  la  permission  de  vendre  àson  profit, 
à  la  métropole  de  la  capitale,  le  magnifique 
soleil  {custodia)  enrichi  de  diamans,  f|uc, 
dans  des  temps  plus  heureux ,  il  avoit  olFert 
par  dévotion  au  tabernacle  de  l'éghse  pa- 
roissiale de  Tasco.  Hauteur  de  la  ville, 
1780  mètres.  -   - 

AcAPULCo  (  Acapolco  ) ,  adossé  à  une  chaîne 
de  montagnes  granitiques  ,  qui ,  par  la  ré- 
verbération du  calorique  rayonnant ,  aug- 
mente la  chaleur  étouffante  du  climat.  On 
a  récemment  fini ,  près  de  la  baie  de 
la  Langosta ,  la  liuiieuse  coupure  de  mon- 
tagne (  obra  de  San  Nicolas  )  ,  destinée  à 
donner  accès  aux  vents  de  mer.  La  popu- 
lation de  cette  misérable  ville,  habilée 
presque  exclusivement  par  des  gens  de  cou- 
leur, s'élève  à  9000,  à  l'époque  de  l'arrivée 
du  galion  de  Mandle  (iVV/o  de  C/una)^Sj 
population  liabituclic  n'est  que  de  /|OOo. 


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264  LIVRE    III, 

Zacatula  ,  petit  port  de  la  mer  du  Sud ,  sur 
les  frontières  de  l'intendance  de  Valladolid, 
entre  les  ports  de  Siguantanejo  et  de  Co- 
lima. 

Lerma  ,  à  l'entrée  de  la  vallée  de  Tolaca,  dans 
un  terrain  marécageux. 

ToLUCA  (Tolocan  ) ,  au  pied  de  la  montagne 
porphyritique  de  San  Miguel  de  Tutucuit- 
lalpilco  ,  dans  une  vallée  abondante  en 
maïs  et  en  maguey  (  agave  ).  Hauteur , 
2687  mètres. 

Pachuca,  avec  Tasco,  l'endroit  de  mines  le 
plus  ancien  du  rojaume  ,  comme  le  village 
voisin  ,  Pachliquillo,  est  censé  avoir  été  le 
premier  village  chrétien  fordé  par  les 
Espagnols.  Hauteur  ,2482  mètres. 

Cadereita  ,  avec  de  belles  carrières  de  por- 
phyre à  base  d'argile  {thonporphjr), 

San  Juan  del  Rio,  entouré  de  jardins  qui 
sont  ornés  de  vignes  et  d'ananas.  Hauteur , 
1978  mètres. 

QuERETARO ,  célèbrc  à  cause  de  ]a  beauté  de 
ses  édifices ,  de  son  aqueduc  et  de  ses  manu- 
factures de  draps.  Hauteur,  xy^^^  i^ètres. 
Population  haLi'iielle ,  35,ooo. 

La  ville  renferme  1 1 ,600  Indiens ,  85  ce- 


CHAPITRE    VIII. 


rlésiastiqiies séculiers ,  181  moines,  i^T)  re- 
ligieuses. La  consommation  de  Queretaro 
monta,  en  1793,  à  i3,6i8  cargasde  fiirine 
de  froment ,  69,44^  fanegas  de  maïs  , 
656  cfl/g-fl^  de  chile  (capsicum),  1770  barils 
d'eau -de -vie,  1682  bœufs  et  vaches, 
14,949  moutons,  8869  cochons». 

Les  mines  les  plus  importantes  de  cette  inten- 
dance, er  ne  les  cor  sidérant  que  sous  le 
t*apport  de  leur  richesse  actuelle ,  sont  : 

La  F^eta  Biscaina  de  Real  dcl  Monte ,  près 
de  Pachuca;Z//7:tï/?«/î,  el  Doctor  et  Tehui- 
lotepecy  près  de  Tasco. 

*  N'oticia  del  Doctor  Don  Juan  Ignacio  Briones. 
(Manuscrit.) 


Pi 

m 


1, 

Il  if 


206  LIVRE    III, 

IL   Intendance   de   Puebla. 

Population  en  iSo'ô  :  Si5,ùoo. 

Etendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  :  2696 . 

Habitans  par  lieue  carrée  ;  3o  1 . 

Cette  intendance ,  qui  n'est  baignée  par  les 
eaux  du  grand  Océan  que  sur  une  cole  de 
26  lieues  de  long,  s'étend  depuis  les  16**  07' 
jusqu'aux  20^  4o'  de  latitude  boréale.  Elle  est 
par  conséquent  entièrement  située  sous  la  zone 
torride,  confinant,  au  nord-est,  à  l'intendance 
delà  Vera-Cruz;  à  l'est,  à  celle  d'Oaxaca  ;  au 
sud,  à  l'Océan  ;  et  à  l'ouest,  à  l'intendance  de 
Mexico.  Sa  plus  grande  longueur,  depuis 
l'embouchure  de  la  petite  rivière  de  Tecojame 
jusque  vers  Mextitlan,  est  de  118  lieues;  sa 
plus  grande  largeur,  depuis  Tecbuacan  jus- 
qu'à Mecameca,  est  de  5o. 

La  majeure  partie  de  l'intendance  de  la 
Puebla  est  traversée  par  les  hautes  Cordil- 
lères d'Anahuac.  Au  delà  du  dix-huitiènio 
degré  de  latitude,  tout  le  pays  offre  un  plateau 
éminemment  fertile  en  froment ,  en  mais ,  en 
agave  et  en  arbres  fruitiers;  plateau   qui  a 


fiHAPirnr  viii. 


'iC) 


dix-huit  cents  à  deux  mille  mètres  de  hauteur 
au-dessus  du  niveau  de  TOcéan.  C'est  dans 
cette  intendance  aussi  que  se  trouve  la  mon- 
tagne la  plus  élevée  de  toute  la  Nouvelle- 
Espagne  ,  le  Popocalepell.  Ce  volcan,  que  j'ai 
mesuré  le  premier,  est  constamment  enflammé; 
mais  depuis  plusieurs  siècles  on  ne  voit  sortir 
de  son  cratère  que  de  la  fumée  et  des  cendres. 
Il  est  de  600  mètres  plus  élevé  que  toutes  les 
hautes  cimes  de  l'ancien  continent.  Depuis 
l'isthme  de  Panama  jusqu'au  détroit  de  Bering, 
qui  sépare  l'Asie  de  l'Amérique ,  nous  ne 
connoissons  qu'une  seule  hauteur,  le  mont 
Saint-Klie,  qui  soit  plus  considérable  que 
celle  du  grand  volcan  de  la  Puehla. 

La  population  de  celte  intendance  est 
encore  plus  inégalement  distribuée  que  celle 
de  l'inlendance  de  Mexico.  Elle  se  trouve 
concentrée  sur  le  plateau  qui  se  prolonge 
depuis  la  pente  orientale  des  nevados  '  jus- 


*  Les  mots  tieuado  et  sierra  neuada  désignent  en 
espagnol ,  non  des  montagnes  qui  de  temps  en  temps 
se  couvrent  déneige  en  été,  mais  dos  cimes  qui  entrent 
dans  la  région  des  neiges  éternelles.  Je  préfère  ce  mot 
étranger  à  la  longueur  des  périplirases  ou  ù  l'exprès- 
sioit   imjiropre  de   montagnes  neigeuses  ^    employée 


s68 


LIVRE    III 


qu'aux  environs  de  Perote,  surlout  dans  les 
hautes  et  belles  plaines  entre  Cholula,  la 
Puebla  et  Tlascala.  Presque  tout  le  pays  qui 
s'étend  depuis  le  plateau  central  vers  San  Luis 
et  Y^ualapa,  près  des  côtes  de  la  mer  du  Sud, 
est  désert,  quoique  très-propre  à  la  culture 
du  sucre ,  du  coton ,  et  des  autres  productions 
les  plus  précieuses  des  Tropiques. 

Le  plateau  de  la  Puebla  offre  des  vestiges 
remarquables  de  la  plus  ancienne  civilisation 
mexicaine.  Les  fortifications  de  Tluscallan 
sont  d'une  construction  postérieure  à  celle  de 
la  grande  pyramide  de  Cholula,  monument 
curieux  dont  je  donnerai  le  dessin  et  la  des- 
cription détaillée  dans  la  Relation  historique 
de  mes  voyages  dans  l'intérieur  du  nouveau 
continent.  Il  suffit  d'énoncer  ici  que  cette  pyra- 
mide ,  sur  la  cime  de  laquelle  j'ai  fait  un  grand 
nombre  d'observations  astronomiques,  con- 
siste en  quatre  assises;  qu'elle  n'a,  dans  son 

quelquefois  par  les  aoûilémiclens  envoyés  au  Pérou. 
D'ailleuitt,  le  mot  de  neuado ,  lorsqu'il  se  trouve  joint 
au  nom  d'une  montagne ,  donne  une  idée  du  minimum 
de  hauteur  que  l'on  doit  attribuer  à  sa  cime.  (Voyez  le 
Recueil  de  mes  Observations  astronomiques ,  Vol.  I , 
p.  i34.)     . 


11 


CHAPITRE    VIII.  a(]() 

état  acliiel,  que  54  mètres  d'élévation  per- 
pendiculaire, mais  4^9  mètres  de  largeur 
horizontale  à  sa  base  ;  que  ses  cotés  sont  très- 
exactement  orientés,  d'après  la  direction  des 
méridiens  et  des  parallèles,  et  qu'elle  est 
conslruile  (  à  en  juger  d'après  le  percement 
l'ait ,  il  y  a  peu  d'années ,  du  coté  du  nord  ) 
de  couches  de  briques  qui  alternent  avec  des 
couches  d'argile.  Ces  données  suffisent  })Our 
reconnoître ,  dans  la  construction  de  cet 
édifice,  le  même  type  qu'offre  la  forme 
des  pyramides  de  Téotihuacan  ,  dont  nous 
avons  pûrlé  plus  haut.  Elles  suffisent  pour 
propver  la  grande  analogie  '  qui  existe  entre 
ces  monumens  en  i  riques  élevés  par  les  plus 
anciens  habitans  d'Anahuac  ,  le  temple  de 
Bélus  à  Babyloue,  et  les  pyamides  de  Meïdoùm 
et  Dahchoùr,  près  de  Sakharah,  en  Kgyple. 
La  plate-forme  de  la  pyramide  tronquée 
de  Cholula  a  une  surface  de  4 200  mètres 
carres.  Au  milieu  d'elle  s'élève  une  ci^-lise 
dédiée  à   Notre-Dame  de  los  Remédies .  qui 

^  Zoega  ,  de  Obeligcis ,  p.  38o.  Vovages  de  Pvcocke 
(«dit.  de  ISeuchâtel) ,  1 762,  T,  I ,  p.  i  S6  et  1 67.  f^oyag' 
deDcnon,  édlt.  in-4." ,  p.  86,  19  ^  et  2.37.  Grobert , 
Deacriptiuii  den  pyramides ,  p.  (>et  12. 


1 


'2'^0 


LIVRE    m 


est  entourée  de  evprès,  et  clans  laquelle  la 
messe  est  célébrée  tous  les  matins  par  un 
ecclésiaslique  de  race  indienne ,  dont  le  séjour 
habituel  est  la  cime  de  ce  monument.  C'est 
de  cette  plate-forme  que  Ton  jouit  d'une  vue 
délicieuse  et  imposante  sur  le  volcan  de  la 
Puebla ,  sur  le  pic  d'Orizaba ,  et  sur  la  pelite 
Cordillère  de  Matlacue je  ' ,  qui  sépara  jadis  le 
territoire  des  Cholulains  de  celui  des  républi- 
cains tlascaltèques. 

La  pyramide  ou  le  téocalli  de  Cholula  a 
exactement  la  même  hauteur  que  le  Tonatiuh 
Ytzaqual  de  Téotihuacan  ,  que  nous  avons 
décrit  plus  haut  (p.  1 56 )  :  elle  est  de  trois 
mètres  plus  élevée  que  le  Mjcerinus,  ou 
la  troisième  des  grandes  pyramides  égyp- 
tiennes du  groupe  de  Djyzeh.  Quant  à  la 
longueur  apparente  de  sa  base,  elle  excède 
celle  de  tous  les  édifices  de  ce  genre  que  des 
voyageurs  aient  trouvés  dans  l'ancien  conti* 
nent  :  cette  base  est  presque  double  de  celle 
de  la  grande  pyramide  connue  sous  le  nom 

*  Appelée  itiinsi  i;»  Sierra  Mal! iiche  o\\  I)ona  Mario . 
MaliiU'he  paroît  «.I(  river  de  Malinizin  ,  mot  qui 
(j'ignore  pourquoi)  désitjne  aujourd'hui  le  nom  de 
la   SaintG-Vierge. 


i  ; 


CHAPITRE    VIII. 


de  Chéops.  Ceux  qui,  par  la  comparaison  à 
des  objets  plus  connus ,  veulent  se  former 
une  idée  nette  de  la  masse  considérable  de  ce 
monument  mexicain ,  s'imagineront  un  carré 
quatre fois^ plus  grand  quelapbce  Vendôme, 
couvert  d'un  monceau  de  briques  qui  s'élève 
k  la  double  hauteur  du  Louvre.  Peut-être  tout 
l'intérieur  de  la  pyramide  de  Cholula  n'est 
pas  de  briques;  peut-être  celles-ci,  comme 
l'a  déjà  soupçonné  un  antiquaire  célèbre, 
M.  Zoega,  à  Rome,  ne  forment-elles  que  le 
revêtement  d'un  amas  de  cailloux  et  de 
ciment,  à  l'instar  de  plusieurs  pyramides  de 
Sakharah,  visitées  par  Pococke,  et  récem- 
ment encore  par  M.  Grobert  ^  Le  chemin  de 
Puebla  à  Mecameca,  creuse  à  travers  une 
partie  de  la  première  assise  du  téocalli,  est 
cependant  contraire  à  cette  supposition. 

Nous  ignorons  l'ancienne  hauteur  de  ce 
monument  extraordinaire.  Dans  son  état  ac- 
tuel ,  la  longueur  de  sa  base  ""  est  à  «a  hauteur 

*  Voyez  la  note  £  à  la  fin  de  cet  ouvrage. 

'  Je  consignerai  ici  les  véritables  dimensions  des 
trois  grandes  pyramides  de  Djyzch  ,  d'après  l'inté- 
ressant ouvrage  de  M.  Grobert.  Jt  placerai  à  côté  les 
dimensions  des  monumens  pyramidaux  en  briques  de 


272  Livni:  m, 

perpendiculaire  comme  8  à  1,  tandis  que, 
dans  les  trois  grandes  pyramides  de  Djjzeh , 
cette  proportion  se  trouve  comme  1  ,4  et  1  --- 
à  1 ,  à  peu  près  comme  8  à  5.  Nous  avons 

Sakharah ,  en  Egypte,  et  de  Tcotihuacan  et  Cholula  , 
au  Mexique.  Les  nombres  sont  des  pieds  de  roi. 


Hauteur. 


l 


Longueur  de  la 
base 


[  PVnAMIDES   EN    TIERRES. 


Ciiëopf. 


448  p. 


728 


Cephren. 


J98  p. 


655 


Mycerinus. 


162  p. 


58o 


PIRAMtDES    EJS    «RIQUES. 


ù  5  assises , 
e«  Égypie , 

pri'^1  df  Sakhtrali 


à  4  assises  ,  au  Mexique. 


Tt'otihuacan. 


Cliulula. 


Hauteur. 

OOgUf 

base. 


Longueur  de  ht 


i5o  p. 


210 


171   p 


645 


172  p. 

i 
i555 


Il   est  curieux  d'observer,    1."  que  les  pcuplrs 
J'Aqabuac  ont  eu  l'Intention  de  donner  à  la  pyramide 


'V\\ 


CHAPITRE    VIII. 


273 


observé  plus  haut  que  les  maisons  du  soleil 
et  (le  la  lune,  ou  les  inonumens  pyramidaux 
de  Téoliliuacau ,  au  nord-est  de  Mexico ,  sont 
entourés  d'un  système  de  petites  pyramides 
symétriquement  rang-ées.  M.  Grobertapublié 
un  dessin  très-curieux  de  la  disposition  égale- 
ment régulière  des  petites  pyramides  qui  envi- 
ronnent le  Ghéops  et  le  Mycerinus  à  Djyzeh. 
Le  léocaliideCholula,  si  toutefois  il  est  permis 
de  le  comparer  à  ces  grands  monumens  de 


de  Cliolula  la  même  hauteur  et  la  double  base  du 
Tonatiuh  Ilzaqual ,  et  2.^  que  la  plus  grande  de  touteà 
It-S  pyramides  égyptiennes,  celle  d'Asychis,  dont  la 
base  a  800  pieds  de  longueur,  n'est  pas  en  pierres, 
mais  en  briques.  (  Grohert ,  p.  6.  )  La  cathédrale  de 
Strasbourg  est  de  huit  pieds,  la  croix  de  Saint-Pierre , 
à  Rome  ,  est  de  quarante-un  pieds  plus  basse  que  le 
Chéops.  Il  existe  au  Mexique  des  pyramides  à  plusieurs 
étages ,  dans  les  forêts  de  Papantla ,  à  une  petite  élé- 
vation au-<lessus  du  niveau  de  l'Océan,  sur  les  plateaux 
de  Cholula  et  de  Téotihuacan  ,  à  des  hauteurs  qui 
surpassent  celles  de  nos  passages  des  Alpes.  Nous 
voyons  avec  étonnement,  que  dans  les  régions  les  plus 
éloignées  les  unes  des  autres,  sous  les  climats  les  plus 
différens,  l'homme  suive  le  même  type  dans  ses  cons- 
tructions ,  dans  ses  ornemens ,  dans  ses  habitudes , 
et  jusque  dans  la  forme  de  ses  institutions  politiquefr. 
II.  18 


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•)  ^  ' 


-'I  LIVRE    III, 

riilgyple,  paroît  avoir  été  construit  sur  un  plan 
analogue.  On  découvre  encore ,  du  côté  occi- 
dental ,  vis-à-vis  du  Cerro  de  Tccaxete  et  de 
Zapoleca,  deux  masses  parfaitement  prisma- 
tiques. L'une  de  ces  masses  porte  aujourd'imi 
le  nom  d'Alcosac  ou  d'Islenenctl  ;  l'autre  celui 
du  Cerro  de  la  Cruz  :  la  dernière,  construile 
en  pisé ,  n'est  élevée  que  de  i5  mètres. 

L'intendance  de  la  Puebla  offre  aussi  à  la 
curiosité  du  voyageur  un  des  plus  anciens 
monumens  de  la  végétation.  Le  famenv 
ahahuete  ' ,  ou  cyprès  du  village  d'Atlixeo , 
a  25"', 5  ou  70 pieds  de  circonférence:  mesuré 
intérieurement  (car  son  tronc  est  creux) ,  on 
lui  trouve  i5  pieds  de  diamètre.  Ce  cyprès 
d'Atlixeo  a  par  conséquent;  à  quelques  j)ie(Js 
près ,  la  même  grosseur  "  que  le  baobab  (adan- 
sonia  digitata)  du  Sénégal. 

Le  district  de  l'ancienne  république  de 
Tlascala,  habité  par  des  Indiens  jak  x  de 
leurs  privilèges,  et  très -enclins  aux  dissen- 
sions civiles ,  a  formé  depuis  long-lemps  un 

*  Cuprcssus  dlsticha.  Linn. 

^  Voyez  ,  sur  l'aiiliquilé  des  espèces  TCgt'lale?! ,  mou 
Mémoire  sur  la  physionomie  des  plantes,  «lans  mes 
Tahleaux  de  la  Namre  ,  T.  II ,  p.  108  et  iS/. 


CHAPITRE    VIII. 


'2r'J 


gouvernement  particulier.  Je  l'ai  indiqué  dans 
ma  carte  «générale  de  la  Nouvelle-Espagne, 
comme  appartenant  encore  à  l'intendance  de 
la  Pue])la  ;  mais  par  un  changement  récent 
dans  l'administration  financière ,  Tlascala  et 
Guaulla  de  las  Hamilpas  ont  été  réunis  à 
l'intendance  de  Mexico,  tandis  que  Tlapa 
et  Ygualapa  en  ont  été  séparés. 

On  comptoit,  en  1793,  dans  l'intendance 
de  la  Puebla ,  sans  y  comprendre  les  quatre 
districts  de  Tlascala,  de  Guautla,  d'Ygualapa 
et  de  Tlapa  : 

Indiens 187,501  âmes. 

Indiennes 186,221 

25,617 


Ti  1        T>i         fm/des.  . . 

JiiSpagrnols  ouolancs' 

TV  .  ,  imales.  .  . 

De  race  mixte ...... 

1  iémelles . 
Errlè*rfastiques   '«^culiers    .... 

Miunes 

Reli^aeuses 


29,393 

37,318 

40,590 

585 

446 

427 


I 


^i:. 


Résultat  du  <i<*'nombr.  total.    5o8,i28 


distribués  en  6  villes,  i33  paroisses,  607  \ il- 
luges, 425  fermes  {haciendas),  886  maisons 

18* 


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1.1 


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23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  USSO 

(716)  872-4503 


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?"()  LIVRE    m, 

isolées  [rnnclios)  i  cl  Socuuvcns,  doil  di  •;'^: 
tiers  de  iiiuiiies. 

Le  fï-ouvernemerif  de  Tlaseala  conlonoit, 
en  i79«>^  une  population  de  5(),  ly-^  iunes , 
parmi  lesquelles  ou  désiguoit  21,8^9  Indiens 
et  2 1  ,o2()  Indiennes ,  distribués  en  22  paroisses, 
iio  villages  et  lOy  fermes.  Les  privilèges 
vantés  des  eitoyens  de  Tlaseala  se  réduisent 
aux  trois  points  suivans  :  1."  la  ville  est  gou- 
vei'née  par  un  caeique,  quatre  aleades  indiens 
qui  représentent  les  aneiens  chefs  des  quatre 
quartiers  appelés  encore  aujourd'hui Tecpec- 
tipac,  Oeotelolco,  Quiahutztlan  etTizatlan: 
ces  alcades  dépendent  d'un  gouverneur  in- 
dien ,  qui  lui-même  est  sujet  à  l'intendant 
espagnol  ;  2.**  les  blancs  ne  peuvent  pas  siéger 
dans  la  municipalité  de  Tlaseala,  en  vertu 
d'une  reV////*?  royale  du  16  avril  i585;  et  o.^le 
cacique,  ou  gouverneur  indien ,  jouit  des  hon- 
neurs d'un  alfercz  real. 

Le  district  de  Cholularenfermoit,  en  179^, 
une  population  de  2 2,420 âmes  :  onycomptoit 
42  villages  et  4^  fermes.  Cholula,  Tlaseala 
et  Huetxocingo  sont  les  trois  républiques  qui 
résistèrent  pendant  des  siècles  à  l'empire 
mexicain ,  quoique  la  malheureuse  aristocratie 


cnApnuF  viTi. 


9." 


77 

«le  leur  conslifiilioii  eùl  laisse  à  peine  plfis 
(le  liberté  au  bas  ^jeiiple  ([u'il  n'eu  auroit  eu 
sous  le  régime  léotlal  des  rois  aztèques. 

Les  profères  de  rinduslrie  uationale  et  du 
bien-être  des  habitans  de  cette  pio>inee  ont 
été  très-lents  ,  nivil^i  é  le  zèle  actil  d'un  inten- 
dant aussi  éclairé  que  respectable.  Don  IManuel 
de  Flou  ,  qui  vient  d  bériter  du  titre  de  comte 
de    la   CadiMia.   Le  commerce   des  farines , 
jadis  très-llorissant,  a  soudért  beaucoup  par 
l'énorme  cberlé  du  transport  dcpuisle  plateau 
mexicain  jusqu'à  la  Havane  ,    surtout  par  le 
manque   de  bètes  de  sonniie.  Le  commerce 
que  la  ville  de  la  Pucbla  lit  jusqu'en   1710 
avec  le  Pérou,  en  chapeaux  et  en  faïence,  a 
cessé  entièrement  ;  mais  le  plus  grand  mal  qui 
s'oppose  à   la  prospérité  publique,  consiste 
en  ce  que  les  quatre  cinquièuics  de  toutes  les 
propriétés  {Jincas)  appartiennent  à  des  gens 
de  main-morte  ,  c'est-à-dire  ,  à  des  commu- 
nautés de  moines,  aux  chapitres,  aux  con- 
fréries et  aux  hôpitaux. 

L'intendance  de  Puebla  a  des  salines  assez 
considérables ,  près  de  Chila  ,  Xicollan  et 
Ocollan  (dans  le  district  de Chiautla  ),  comme 
aussi  près  de  Znpolillan.   Le  beau    marbre 


2^8  LIVRE    III, 

connu  sous  le  nom  de  marbre  de  Puel)la  ,  et 
préférable  à  celui  deBizarou ,  Real  dei  Dortor, 
s'exploite  dans  les  carrières  de  Totamehuacan 
et  de  Tecali,  à  deux  et  à  sept  lieues  de  la  capi- 
tale de  l'intendance.  Le  carbonate  de  chaux 
de  Tecali  est  transparent,  comme  l'albalre 
gypseux  de  Volterra  et  le  phengile  des  anciens. 
Les  indigènes  de  celte  province  parlent 
trois  langues  tout-ù-fait  difféienles,  le  mexi- 
cain, le  totonaque  et  le  tlapanèque.  La  pre- 
mière langue  est  propre  aux  habilans  de 
Puebla,  de  Cliolula  et  de  ïlascala;  la  se- 
conde à  ceux  de  Zacatlan;  la  troisième  s'est 
conservée  dans  les  environs  de  Tlapa. 


Les  villes  les  plus  remarquables  de  l'inten- 
dance de  Puebla  sont: 

La  Puebla  de  los  Aingeles  ,  capitale  de 
l'intendance,  plus  peuplée  que  Lima,  Quito, 
Santa-Fe  et  Caracas  :  après  Mexico ,  G  ua- 
naxuato  et  la  Havane ,  c'est  la  ville  la  plus 
considérable  dans  les  colonies  espagnoles 
du  nouveau  continent.  La  Puebla  appar- 
tient au  très-petit  nombre  de  villes  améri- 
caines qui  ont  été  fondées  par  les  colons 


CHAPITRE    VIJI.  '>70 

européens  :  car  dans  la  plaine  d'Acaxolc 
ou  (le  Cuillaxroapan,  au  site  où  se  trou\e 
aujourdhui  la  capitale  de  la  province,  il 
n'y  avoit ,  au  comrn^ncenienl  du  seizième 
siècle ,  que  quelques  cabanes  habitées  par 
des  Indiens  de  Cholula.  Le  privilège  de  la 
ville  de  la  Puebla  est  du  28  septembre  i55i. 
En  1802  ,  la  consommation  des  liabitans 
montoit,  en  farine  de  froment,  1162,951  car- 
gas  (chacune  de  5oo  livres  pesant)  ;  en  maïs, 
à  06,000  cargas.  Hauteur  du  sol ,  à  la  plaza 
major,  2 196 mètres.  Population ^  67,800. 

Tlascala  est  tellement  déchu  de  son  an- 
cienne grandeur,  qu^on  n'y  compte  plus 
que  3400  habitans ,  parmi  lesquels  il  n'y  a 
d'Indiens  de  race  pure  que  900  :  cependant 
Hernan  Cortez  y  trouva  une  population  qui 
lui  parut  plus  considérable  que  celle  de 
Grenade.  Population  ^  04.00. 

Cholula,  appelé  Churultecal  par  Cortez  ' , 


*  Ce  grand  conquistador ,  avec  la  sImpHcité  de  slylc 
'qui  caractérise  ses  écrits,  trace  un  tableau  curieux  de 
l'ancienne  ville  de  Cholula.  «  Les  habitans  de  cette 
<(  ville  ,  dit-il  dans  sa  troisième  letXre  à  l'empereur 
n  Charles-Quint ,  sont  mieux  vêtus  que  ceux  que  nous 
«  avons  vus    jusqu'ici.   Les  gens  aisés   perlent    dcs> 


280  LIVRE    III, 

environné  de  belles  plantations  d'agave. 
Population,  16,000. 
Atlixco,  justement  célèbre  par  la  beauté  de 
son  climat,  la  grande  fertilité  de  ses  champs 


u  manteaux  {albornoces)  au-dessus  de  leurs  lialiits  : 
«  ces  manteaux  diffèrent  de  ceux  d'Afrique ,  car  ils 
u  ont  des  poches,  quoique  la  coupe,  le  tissu  et  les 
«  franges  soient  les  mêmes.  Les  environs  de  la  ville 
«  sont  très-fertiles  et  bien  cultivés  :  presque  tous  les 
«  cliumps  peuvent  être  arrosés^  et  la  ville  est  plus 
«  belle  que  toutes  celles  d'Espagne  ,  car  elle  est  bien 
«  fortifiée  et  bâtie  sur  un  sol  très-uni.  Je  puis  assurer 
«  à  Votre  Altesse ,  que ,  du  liaut  d'une  mosquée  (  mez- 
«  quitaj  c'est  le  mot  par  lequel  Cortez  désigne  les 
i(  téocaUis  ) ,  je  comptai  quatre  cents  et  tant  de  tours , 
«  et  toutes  sont  des  mosquées.  Le  nombre  des  liabi^ 
<(  tans  est  si  considérable,  qu'il  n'y  a  pas  un  pouce  de 
«  terre  qui  ne  soit  cultivé  ;  et  cependant ,  en  plusieurs 
«  endroits  ,  les  Indiens  éprouvent  les  effets  de  la 
(f  famine,  et  il  y  a  beaucoup  de  gens  pauvres  qui 
i(  demandent  l'aumône  aux  riches  dans  les  rues ,  dans 
((  les  maisons  et  au  marché  ,  comme  font  les  mendians 
«  en  Espagne  et  en  d'autres  pays  civilisés.  »  (  Cartas 
de  Cortez ,  p.  69.  )  Il  est  assez  curieux  d'observer  que 
le  général  espagnol  regarde  la  mendicité  dans  les  rues 
comme  un  signe  de  civilisation.  Il  dit  :  <(  Gente  que 
«(  piclen  como  liay  en  Eapana  y  en  otras  partes  que  hay 
«  gente  de  razon.  n 


QIAPITRE    VJII.  -xHl 

et  labondancc  des  fruits  savoureux,  sur- 
tout deFanona  cheriniolia,  Linn.(r///7/>//r;;v/) 
et  de  plusieurs  passiflores  (purchas)  que 
produisent  les  environs. 
Téiiuacan  de  las  Gha^'vdas,  l'ancien  Tco- 
liiinacan  de  la  Mizleca,  un  des  sanctuaires 
les  plus  visites  par  les  31exicains  avant 
rarri\  ée  des  Espagnols. 

Tepeaca  Ou  Tepejacac,  appartenant  au  mar- 
quisat  de  Cortez.  C'est  la  ville  appelée,  au 
commencement  de  la  conquête,  Scgura  delà 
Fronieva  (Carias  de  ITernan  Cortez,  p.  i55). 
Dans  le  district  de  Tepeaca ,  se  trouve  le 
joli  village  indien  appelé  aujourd'hui  Hua- 
cachula  )  l'ancien  Quauhquechollan  ) ,  situe 
dans  une  vallée  riche  en  arbres  fruitiers. 

HuAJociNGO  ou  Huetxocingo ,  jadis  le  chef- 
lieu  d'une  petite  république  de  ce  nom , 
ennemie  de  celles  de  Tlascala  et  de 
Cholula. 

Quelque  dépeuplée  que  soit  l'intendance 
de  la  Puebla,  sa  population  relative  '  est 
cependant  quatre  fois  plus  grande  que  celle 
du  rovaume  de  Suède,  et  à  peu  près  égale 
à  celle  du  royaume  d'Aragon. 
*  Voyez  plus  haut,  p.  96. 


282  LIVRE    ni, 

L'intluslrie  des  habitans  de  celle  province 
est  peu  dirigée  vers  rexploitation  des  minm 
d'or  et  d'argent  :  celles  à'  Yxtacmaztitlan  y  de 
Temeztla  et  ôi* Alatlaiiquitepec  y  dans  le  Par- 
tido  de  San  Juan  de  los  Llanos;  celles  de  la 
Canada,  près  de  Telela  de  Xonotla,  et  celles 
de  San  Miguel  Tenango,  près  de  Zacallan  , 
sont  presque  abandonnées  ou  du  moins  foi- 
blement  travaillées. 


ajAPirni:  viii. 


28.3 


ni.  Intendanci:  dk  Guanaxuato. 

Population  en  1800  :  5]  7,000. 

/:  tendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  ;  01 1 

Habitans  par  lieue  carrée  :  586. 


Cette  province,  enlièreincnt  sidiôc  sur  le 
cJos  (le  la  haute  Cordillère  d'Analiuac,  est  la 
plus  peuplée  de  la  Nouvelle-Espao-ne;  c'est 
celle  aussi  dans  laquelle  la  poj)ulalioii  est  la 
plus    également    distribuée.    Sa    longueur, 
depuis  le  lac  de  Chapala  jusqu'au    nord-est 
de  San  Felipe,  est  de  62  lieues;  sa  largeur, 
depuis  la  Villa  de  Léon  jusqu'à  Celaja,  est 
de  01  lieues.   Son  étendue   territoriale   est 
presque  la  même  que  celle  du  royaume  de 
Murcie  :  sa  population  relative  excède  celle 
du  rojaume  des  Asturies;  elle  est  même  plus 
forte  que  la  population  relative  des  dcpar- 
temens  des  Hautes-Alpes  des  Basses- Alpes, 
des  Pyrénées -Orientales  et  des  Landes.  Le 
pomt  le  plus  élevé  de  ce  pajs  montagneux 
paroît  être  la  montagne  de  los  Llanitos,  dans 
la  Sierra  de  Santa  Rosa.  J'ai  trouvé  sa  hauteur 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  de  281 5  mètres. 


11 


384  LIVRE    m, 

La  ciilliire  de  celle  l)ello  n^ovince,  partie 
de  rancicii  royaume  de  Ifechoacan  ,  esl  pres- 
que eulicrenieiit  di.e  i.ux  Européens  '^ju  au 
sei/if'ine  siècle,  y  ont  p:irlé  le  pterniergei  v;-; 
de  i  •  ri\i]is..!.iun.  G'esl  d:ms  ces  retirions  sep- 
leiiti  ionales ,  rur  les  bords  du  Rio  de  Lernia , 
appelé  jadis  TolololLiii ,  que  furent  combattus 
les  peuples  nomades  et  chasseurs  que  les  his- 
toriens dési;^nient  par  la  dénomination  vague 
de  Cliieliimcques,  et  qui  appartenoient  aux 
tribus  des  Indiens  Pâmes ,  C;j puces  ,  Samues , 
Mayolias  ,  Guamanes  et  Guachiehiles.  A 
mesure  que  le  pays  tut  abandonné  par  ces 
nations  vagabondes  et  guerrières,  les  con- 
que rans  espagnols  y  transplantèrent  des 
colonies  d'Indiens  mexicains  ou  aztèques. 
Pendant  long-temps  les  progrès  de  l'agricul- 
ture y  furent  plus  considérables  que  ceux  de 
l'exploitation  des  mines.  Ges  mines,  peu 
célèbres  au  commencement  de  la  conquête , 
furent  presque  abandonnées  pendant  le  dix- 
septième  et  le  dix-huitième  siècle.  Elles  ne  se 
sont  élevées,  par  leurs  richesses,  au-dessus 
des  mines  de  Pachiica,  de  Zacatecas  et  de 
Bolanos,  que  depuis  trente  à  quarante  ans. 
Leur  produit   métallique,    comme   nous  le 


CMAPITJiE    Mil.  ,^g/J 

développerons  plus  bas,  est  aujourd'hui  plus 
grand  que  n'a  jamais  été  le  produit  du  Potosi, 
ou  celui  d'aucune  autre  mine  dans  les  deux 
conlinens. 

On  compte,  dans  l'intendance  de  Gu  i- 
naxuato3  ciudades ,  (savoir,  Guanaxuato, 
Celap  et  Salvatierra  ) ,  4  villas  (savoir  ,  San 
Miguel  el  Grande,  Léon,  San  Felipe  et 
Salamanca),  5;  villa^-es  ou  pueblos ,  53  pa- 
roisses {paroquias  ) ,  4^8  fermes  ou  haciendas, 
225  mdividus  du  clergé  séculier,  170  moines, 
ûo  rehoieuses  ;  et  sur  une  population  de  plus 
de  180,000  Indiens,  62,000  tributaires. 


i 


m 


Les  villes  les  plus  remarquables  de  cette 
intendance  sont  les  suivantes  : 

Guanaxuato,  ou  Santa-Fe  de  Goanajoalo. 
La  construction  de  cette  ville  fut  com- 
mencée par  les  Espagnols  en  i554.  Elle 
reçut  le  privilège  rojal  de  villa  en  1619; 
celui  de  ciudad,  le  8  décembre  1741.  Sa' 
population  actuelle  est  : 


Q.86  LIVRE    III, 

dansTanceinle  de  la  ville  (en  cicascn  dt* 
la  ciiidad) l\i,ooiy 

dans  les  mines  qui  environnent 
la  ville,  et  dont  les  édifices  y 
sont  contigus,  à  Marfîl ,  Santa 
Ana,  Santa  Rosa ,  Valenciana, 
Rayas  et  Mellado 29,600 


70,600 

parmi  lesquels  il  y  a  /|.5oo  Indiens.  Hauteur 
delà  ville,  à  la  plaza  mayor,  2084. mètres. 
Hauteur  de  Valenciana ,  au  bord  du  puits 
nouveau  (tiro niievo) ,  23i3  mètres.  Hauteur 
de  Rayas,  à  la  bouche  de  lagalerie,  2 1 57  mè- 
tres. Population ,  70,600. 

Salamanca,  jolie  petite  ville,  située  dans 
une  plaine  qui  s'élève  insensiblement  par 
Temascatio  ,  Burras  et  Guevas  ,  vers 
Guanaxuato.  Hauteur,  1767  mètres. 

Celaya.  Ou  a  récemment  élevé  des  édifices 
somptueux  à  Celaya,  à  Queretaro  et  à 
Guanaxuato.  L'église  des  Carmes,  àCelavii. 
est  d'une  belle  ordonnance,  ornée  de 
colonnes  d'ordre  corinthien  et  ionique. 
Hauteur,  i835  mètres. 

Villa  de  Léon,  dans  une  plaine  éminemment 


CHAPITRE    VIII. 


87 


fertile  en  blé.  C'esl  depuis  celle  ville  jusqu'à 
San  Juan  del  Rio  que  l'on  trouve  les  plus 

I>ellesculturesenfromen.,enorgeclenn.aï.s. 
ï>AN  SIicuEL  EL  GftAM.E,  célèbre  par  Tin- 
dustrie  de  ses  babitans,  qui  labriqueut  des 
toiles  de  colon. 

On  Irouvc  dans  celte  province  les  eaux 
dmudes  de  San  José  rie  Co.nangillas ,  qui 
sortent  d'une  brèche  basaltique ,  et  dont  la 
température  (  solo,,  u.es  expériences  faites 
çon,o.ntement  avec  M.  Roxas  )  est  de  960,5 
du  thermomètre  centigrade. 


2SS 


LIVRE  III 


7 


IV.  Intendance  de  Valladolid. 

Population  en  i8o3  :  376,400. 

Etendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  :  544G. 

Habitans  par  lieue  carrée  :  10g. 


Cette  intendance,  du  temps  de  la  conquête 
des  Espagnols,  l'aisoit  partie  du  royaume  de 
Michuacan  (Mechoacan) ,  qui  s'ctendoit  depuis 
le  Rio  de  Zacatula  jusqu'au  port  de  la  Na- 
vidad,  et  depuis  les  montagnes  de  Xala  et  de 
Colima  jusqu'à  la  rivière  de  Lerma  et  au  lac 
de  Chapala.  La  capitale  de  ce  royaume  de 
Michuacan,  qui  de  tout  temps  (comme  les 
républiques  de  Tlascallan  ,  Huetxocingo  et 
Cholollan  )  fut  indépendant  de  l'empire 
mexicain,  étoit  Tzintzontzan,  ville  située  sur 
les  bords  d'un  lac  infiniment  pittoresque , 
appelé  lac  de  Patzquaro.  Tzintzontzan,  que  les 
Aztèques,  habitans  de  Ténoclilitlan,  nom- 
mèrent Huitzitzila,  n'est  aujourd'hui  qu'un 
pauvre  village  indien ,  quoiqu'il  ait  conservé 
le  titre  fastueux  de  cité  (ciudud). 

L'intendance  de  Valladolid,  que,  dans  le 
pays,    on    appelle    vulgairement    celle    de 


D. 


544^3. 


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3S 


CHAPITRE    VIII.  289 

Michuacan ,  est  limitée  au  nord  par  le  Rio  de 
Lerma ,  qui,  plus  à  l'est,  prend  le  nom  de  Rio 
Grande  de  Santiago.  Elle  touche ,  à  l'est  et  au 
nord-est ,  à  l'intendance  de  Mexico  ;  au  nord, 
à  celle  de  Guanaxuato;  à  l'ouest,  à  celle  de 
Guadalaxara.  La  plus  grande  longueur  de  la 
province  de  Valladolid  est  de  78  lieues , 
depuis  le  port  de  Zacatula  jusqu'aux  mon- 
tagnes basaltiques  de  Palangeo;  par  consé- 
quent dans  la  direction  du  sud-sud-est  au 
nord-nord-est  :  elle  est  baignée  par  les  eaux 
de  la  mer  du  Sud ,  sur  une  étendue  de  côtes 
de  plus  de  38  lieues. 

Située  sur  la  pente  occidentale  de  la  Gordil- 
lère  d'Anahuac,  entrecoupée  de  collines  et  de 
vallées  charmantes ,  offrant  à  l'œil  du  voyageur 
un  aspect  peu  commun  sous  la  zone  torride , 
celui  de  prairies  étendues  et  arrosées  de  ruis- 
seaux, la  province  de  Valladolid  jouit,  en 
général ,  d'un  climat  doux ,  tempéré  et 
extrêmement  favorable  à  lasaiîté  des  habitans. 
Ce  n'est  qu'en  descendant  le  plateau  d'Ario, 
en  approchant  de  la  cote,  que  l'on  trouve 
des  terrains  dans  lesquels  les  nouveaux  colons^ 
et  souvent  même  les  indigènes,  sont  exposés 
au  fléau  des  fièvres  intermittentes  et  putrides. 
II.  19 


U)0  MVRE   m, 

La  cime  de  monlagne  la  plus  élevée  de 
riiilendance  de  Valladolid  est  le  \nv.  de  7\tn^ 
cittd'o,  à  l'est  de  Tuspan.  Je  n'ai  pas  pu  le 
voir  d'assez  près  pour  en  faire  une  mesure 
exacte  ;  mais  il  est  certain  qu'il  est  plus  haut 
que  le  volcan  de  Colina,  et  qu'il  se  couvre 
plus  souvent  de  neif^e.  A  l'est  du  pic  de  Tan- 
citaro,  s'est  formé,  dans  la  nuit  du  29  sep- 
tembre 175^9,  le  volcan  de  Jorulhi  (XoruUo 
ou  Juniyo  ) ,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  ', 
et  dans  le  cratère  duquel  nous  sommes  par- 
venus, M.  Bonpland  et  moi,  le  19  septembre 
de  l'année  i8o3.  La  grande  catastrophe  dans 
laquelle  cette  montagne  est  sortie  de  terre ,  et 
par  laquelle  un  terrain  d'une  étendue  consi- 

^  Cliap.  Ht,  T.  J/'  ,  p.  3o3,  et  Géographie  des 
plantes,  p.  i3o,  étlil.  iii-'i.*'  Les  hauteurs  que  j'indique 
au'iourd'hui  se  TuiKleiit  sur  la  tbrniulc  hnromc trique 
de  M.  Laplacc  :  elles  sont  le  résultat  du  dernier  travail 
de  M.  Oltmanns;  elles  dillèrent  quelquefois  de  20  «i 
3()  mètres  de  celles  consignées  dans  la  Géographie  des 
plantes,  qui  a  été  rédigée  peu  de  mois  après  mon 
retour  eu  Europe,  à  une  époque  où  il  éloit  impossible 
dt;  donner  à  un  si  grand  nombre  de  calculs  toute  la 
précision  dont  ils  sont  susceptibles.  (  Yojez  la  noie 
écrite  au  mois  de  nivôse  de  l'an  i3,  à  la  fin  de  la 
Géographie  des  plantes  ,  p.  14/.)    . 


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CHAPITRE    Vm.  291 

dérahlc  a  lolaleinent  chanj^é  de  face,  est 
]>eul-étre  une  des  révolutions  physiques  les 
plus  extraordinaires  que  nous  présentent  les 
annales  de  Thistoire  de  notre  planète  '.  La 
géolof»ie  désigne  les  parages  de  l'Océan  où, 
à  des  époques  récentes,  depuis  deux  uiille  ans, 
près  des  Aeores,  dans  la  nier  Egée,  et  au  sud 
de  l'Islande,  des  îlots  volcaniques  se  sont 
élevés  au-dessus  de  la  surface  des  eaux  :  mais 
elle  ne  nous  offre  aucun  exeuiple  où,  dans 
l'iiiiérieur  d'un  continent ,  à  36  lieues  de 
dislance  des  cotes  ,  à  plus  de  42  lieues  d'éloi- 
gnenient  de  tout  autre  volcan  actiF,  il  se  soit 
formé  soudainement,  au  centre  d'un  millier 
de  petits  cônes  enflammés,  une  montagne  de 
scories  et  de  cendres,  haute  de  617  mètres, 
en  ne  la  comparant  qu'au  niveau  ancien  des 

*  Slrabon  rapporte  [édit.  Âlnt. ,  T.  I.*"",  p.  10a)  que", 
dans  les  plaines  voisines  de  Methone  ,  au  bord  du 
{^olie  d'Hermione ,  une  explosion  volcanique  fit  naître 
une  montagne  de  scories  (  un  monte  nouo  )  à  laquelle 
il  attribue  la  hauteur  énorme  de  sept  stades-,  ce  qui^ 
dans  la  supposition  des  stades  olympiques  (  Voyage  d& 
Néarque ,  par  M.  "Vincent ,  p.  56),  feroit  1249  mètres. 
Quelque  exagérée  que  soit  cette  assertion  ,  le  iait 
{géologique  mérite  sans  doute  de  fixer  l'attention  des 
voyageurs. 


292  LIVRE   in, 

plaines  voisines.  Ce  phénomène  remarquable 
a  été  chanté  en  hexamètres  latins,  par  un  père 
jésuite,  Raphaël  Landivar,  natif  de  Guatiniala. 
L'abbé  Glavigero  *  en  a  fait  mention  dans 
l'histoire  ancienne  de  sa  patrie  ;  et  cependant 
il  est  resté  inconnu  aux  minéralo«^istes  et  aux 
physiciens  de  l'Europe,  quoiqu'il  n'ait  encore 
que  cinquante  années  de  date ,  et  qu'il  ait  eu 
lieu  à  six  journées  de  distance  de  la  capitale  de 
Mexico,  en  descendant  du  plateau  central 
vers  les  côtes  de  la  mer  du  Sud. 

Une  vaste  plaine  se  prolonge  depuis  les 
collines  d'Aguasarco  jusque  vers  les  villages 
de  Teipa  et  de  Petatlan ,  également  célèbres 
par  leurs  belles  cultures  de  coton.  Entre  les 
Picachos  del  Mortero  y  les  Cerros  de  las 
Ciievas  et  de  Cuiche  ^  cette  plaine  n'a  que 
760  à  800  mètres  de  hauteur  au-dessus  du 
niveau  de  l'Océan.  Des  cônes  basaltiques 
s'élèvent  au  milieu  d'un  terrain  dans  lequel 
domine  le  porphyre  à  base  de  griinstein. 
Leurs  cimes  sont  couronnées  de  chênes  tou- 
jours verts ,  à  feuillage  de  lauriers  et  d'oliviers , 

*  Storia  aniica  di  Messico  ,  Vol.  I ,  p.  42 ,  et 
Rusticatio  Mexicana  (  poëme  du  père  Landirar ,  dont 
]a  seconde  édition  a  paru  à  Bologae  f  en  1 78a  )  ^  p.  17. 


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42,   et 

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|),p.i7- 


CHAPITRE    VIII.  293 

entremêlés  parmi  de  petits  palmiers  à  feuilles 
flabelliformes.  Cette  belle  végétation  contraste 
singulièrement  avec  l'aridité  de  la  plaine ,  qui 
a  été  dévastée  par  l'effet  du  feu  volcanique. 

Jusqu'au  milieu  du  dix-huitième  siècle  ,  des 
champs  cultivés  en  canne  à  sucre  et  en  idigo 
s'étendoient  entre  deux  ruisseaux  appelés 
Cuitimba  et  San  Pedro.  Ils  étoient  bordes  par 
des  montagnes  basaltiques ,  dont  la  structure 
semble  indiquer  que  tout  ce  pays,  à  une 
époque  très-reculée,  avoit  déjà  été  bouleversé 
plusieurs  fois  par  des  volcans.  Ces  champs , 
arrosés  avec  art ,  appartenoient  à  l'habitation 
(  hacienda  )  de  San  Pedro  de  Jorullo ,  une 
des  plus  grandes  et  des  plus  riches  du  pays. 
Au  mois  de  juin  de  l'année  ly^Q  un  bruit 
souterrain  s'y  fit  entendre;  des  mugissemcns 
épouvantables  (  bramidos  )  fuient  accom- 
pagnés de  fréquens  tremble  mens  de  terre  : 
ils  se  succédèrent  pendant  5o  à  60  jours ,  et 
plongèrent  les  habitans  de  Y  hacienda  dans  la 
plus  gi^ande  consternation.  Depuis  le  com- 
mencement du  mois  de  septembre  tout 
sembloit  annoncer  une  tranquillité  parfaite , 
lorsque,  dansla  nuit  du  28  au  29,  un  horrible 
fracas  souterrain  se  manifesta  de  nouveau. 


294  LIVRE    III, 

Les  Indiens  épouvantés  se  sauvèrent  sur  les 
montagnes  d'Aguasarco.  Un  terrain  de  5  à 
4  milles  carrés ,  que  l'on  désigne  par  le  nom 
de  Malpajs,  se  souleva  en  forme  de  vessie. 
On  distingue  encore  aujourd'hui  ,  dans  des 
couches  fracturées,  les  limites  de  ce  soulève- 
ment. Le  Malpajs ,  vers  ses  bords,  n'a  que 
12  mètres  de  hauteur  au-dessus  du  niveau 
ancien  de  la  plaine,  appelée  las  Play  as  de 
Jorullo.  Mais  la  convexité  du  terrain  aug- 
mente progressivement  vers  le  centre  jusqu'à 
i6o  mètres  d'élévation. 

Ceux  qui,  de  la  cime  d'Aguasarco ,  ont  été 
témoins  de  cette  grande  catastrophe,  assurent 
que  l'on  vit  sortir  des  flammes  sur  une  étendue 
de  plus  d'une  demi -lieue  carrée^  que  des 
fragmens  de  rochers  incandescens  furentlancés 
à  des  hauteurs  prodigieuses,  et  qu'à  travers 
une  nuée  épaisse  de  cendres,  éclairée  par  le 
feu  volcanique ,  semblable  à  la  mer  agitée , 
on  crut  voir  se  gonfler  la  croûte  ramollie  de 
la  terre.  Dès-lors  les  rivières  de  Cuitimba  et 
de  San  Pedro  se  précipitèrent  dans  les  cre- 
vasses enflammées.  La  décomposition  de  l'eau 
contribuoit  à  ranimer  les  flammes  :  on  les  dis- 
tingua à  la  ville  de  Pascuaro ,  quoique  située 


CHAPITRE    Mil. 


3(j;> 


juir  un  plaleau  1res -laitue,  et  élevée  de 
i^oo  mètres  au-dessus  des  plaines  de  las 
Plajas  de  Jorullo.  Des  éi'uptions  boueuses , 
surtout  des  couches  d'argile  rpii  enveloppent 
des  boules  de  basalte  décomposées,  à  couches 
concentriques ,  semblent  indirpier  que  des 
eaux  souterraines  ont  joue  un  rôle  très-im- 
portant dans  celle  révolution  extraordinaire. 
Des  milliers  de  petits  cônes ^  qui  n'ont  que 
2  à  5  mètres  de  hauteur,  et  que  les  indigènes 
appellent  des  Jours  (  hornitos  ) ,  sortirent  de  la 
voûte  soulevée  du  Malpajs.  Quoique,  depuis 
quinze  ans,  d'après  le  témoignage  des  Indiens, 
la  chaleur  de  ces  Tours  volcaniques  ait  beau- 
coup diminué ,  j'y  ai  encore  vu  monter  le 
thermomètre  à  96**,  en  le  plongeant  dans  des 
crevasses  qui  exhalent  une  vapeur  aqueuse. 
Chaque  petit  cône  est  unefitmarole  de  laquelle 
s'élève  une  fumée  épaisse  jusqu'à  10  ou  1 5  mè- 
tres de  hauteur.  Dans  plusieurs  on  entend  un 
bruit  souterrain  qui  paroît  annoncer  la  proxi- 
mité d'un  fluide  en  ébullition. 

Au  milieu  des  fours,  sur  une  crevasse  qui 
se  dirige  du  nord-nord-est  au  sud-sud-est, 
sont  sorties  de  terre  six  grandes  buttes  toutes 
élevées  de  4  à  5oo  mètres  au-dessus  de  l'an- 


296  LIVRE    III, 

cien  niveau  des  plaines.  C'est  le  phénomène 
du  Monte  Novo  de  Naples ,  répété  plusieurs 
fois  dans  une  rangée  de  collines  volcaniques. 
La  plus  élevée  de  ces  buttes  énormes,  qui  rap- 
pellent les  pnjs  de  l'Auvergne ,  est  le  grand 
volcan  de  Jorullo.  Il  est  constamment  en- 
flammé, et  il  a  vomi,  du  côté  du  nord,  une 
immense  quantité  de  laves  scorifiées  et  basal- 
tiques qui  renferment  des  l'ragmens  de  roches 
primitives.  Ces  grandes  éruptions  du  volcan 
central  ont  continué  jusqu'au  mois  de  février 
de  l'année  1760.  Dans  les  années  suivantes 
elles  sont  devenues  progressivement  plus  rares. 
Les  Indiens ,  épouvantés  du  fracas  horrible 
causé  par  le  nouveau  volcan ,  avoient  d'abord 
abandonné  les  villages  situés  à  sept  ou  huit 
lieues  de  distance  des  Playas  de  Jorullo.  Ils 
s'accoutumèrent  en  peu  de  mois  à  ce  spectacle 
effrayant.  Retournés  dans  leurs  chaumières, 
ils  descendirent  vers  les  montagnes  d'Agua- 
sarco  et  de  Santa  Inès,  pour  admirer  les 
gerbes  de  feu  lancées  par  une  infinité  de 
grandes  et  de  petites  bouches  volcaniques. 
Les  cendres  alors  couvroient  les  toits  des 
maisons  deQueretaro ,  à  plus  de  Lfi  lieues  de 
distance  en  ligne  droite  du  lieu  de  l'explosion. 


CHAPITRE    VIII.  297 

Quoique  le  feu  souterrain  paroisse  peu  aclif  * 
en  ce  nnoinent,  et  que  le  Malpays  et  le  grand 
volcan  commencent  à  se  couvrir  de  végétaux , 
nous  trouvâmes  pourtant  l'air  ambiant  telle- 
ment échauffé  par  l'action  des  petits  fours 


*  Nous  trouvâmes,  «lans  le  fond  du  cralëre,  l'air  Ji 
47°;  en  quelques  endroits  à  5W*  et  60".  Nous  eûmes  h 
passer  sur  des  crrvass«'s  qui  exlialoient  des  vapeurs 
sulfureuses  j  et  dans  lesquelles  le  Uiermomètre  raootoit 
à  85".  Le  passage  de  ces  crevasses  et  les  amas  de 
scories  qui  couvrent  des  creux  considérables,  rendent 
la  descente  dans  le  cratère  asst^z  dangereuse.  Je  réserve 
le  détail  de  mes  recherches  géologiques  sur  le  volcan 
de  Jorullo,  pour  la  Relation  historique  de  mon  voyage. 
L'Atlas  qui  accompagnera  cette  Relation  contiendra 
trois  planches  :  1  .^  la  vue  pittoresque  du  nouveau 
volcan ,  qui  est  trois  fois  plus  élevé  que  le  Monte  Novo 
de  Pouzzole,  sorti  de  terre  en  i538,  presque  sur  les 
bords  de  la  Méditerranée  j  2."  la  coupe  verticale  ou  le 
profil  du  Malpajs  et  de  toute  la  partie  soulevée  ;  3.°  la 
carte  géographique  des  plaines  de  Jorullo ,  dressée  au 
moyen  du  sextant,  et  en  employant  la  méthode  des 
bases  perpendiculaires  et  des  angles  de  hauteur.  Les 
productions  volcaniques  de  ce  terrain  bouleversé  se 
trouvent  dans  le  cabinet  de  l'Ecole  des  mines  à  Berlin. 
Les  plantes  cueillies  dans  les  environs  font  partie  des 
herbiers  que  )'ai  déposés  au  Muséum  d'histoire  natu- 
relle à  Paris. 


m^ 


•>AjH  LIVRK    m, 

(hnriutos)y  que,  Irès-éloigné  du  sol,  et  à 
l'ombre,  le  iherniomëtre  monta  à  45<^.  Ce  lait 
pnroit  prouver  qu'il  n'y  a  pas  d'exagération 
dans  le  témoignage  de  quelques  vieux  Indiens 
qui  rapportent  que ,  plusieurs  années  après  la 
première  éruption ,  même  à  de  grandes  dis- 
tances du  terrain  soulevé,  les  plaines  de 
.lorulloétoient  inhabitables  à  cause  de  l'exces- 
sive chaleur  qui  y  régnoit. 

On  montre  encore  au  voyageur,  auprès  du 
Cerro  de  Santa  lîïès,  les  rivières  de  Guitimbu 
et  de  San  Pedro ,  dont  les  eaux  limpides  arru- 
soient  jadis  la  canne  à  sucre  cultivée  dans 
riiabitation  de  Don  André  Pimenlel.  Ces 
sources  se  sont  perdues  dans  la  nuit  du  29 sep- 
tembre 1759;  mais  plus  à  l'ouest,  à  une  dis- 
tance de  2000  mètres ,  d.ms  le  terrain  soulevé 
même,  on  voit  au  je  x^d'hui  deux  rivières  qui 
brisent  la  voûte  argileuse  des  hornitos y  et  se 
présentent  comme  des  eaux  thermales  dans 
lesquelles  le  thermomètre  monte  à  52*^,7.  Les 
Indiens  leur  ont  conservé  les  noms  de  San 
Pedro  et  de  Cuitimba ,  parce  que ,  dans  plu- 
sieurs parties  du  Malpays ,  on  croit  entendre 
couler  de  grandes  masses  (l'eau  dans  la  direc- 
tion de  l'est  à  l'ouest,  depuis  les  montagnes  de 


CHAPITUE    VIII.  9A)() 

Santa  Inès,  vers  Vhacicncla  de  la  Prosrnh,- 
cion.  Près  de  cette  habitation  il  y  a  un  ruisseau 
qui  dégage  de  l'hydrogène  sulfureux.  Il  a 
plus  de  7  mètres  de  large ,  et  c'est  la  source 
hydrosulfureuse  la  plus  abondante  que  j'aie 
jamais  observée. 

Selon  l'opinion  des  indigènes,  ces  change- 
mens  extraonlinaires  que  nous  venons  de 
décrire,  cette  croûte  de  la  terre  soulevée  et 
crevassée  par  le  l'eu  volcanique ,  ces  mon- 
tagnes de  scories  et  de  cendres  amoncelées, 
sont  l'ouvrage  des  moines ,  le  plus  grand  sans 
doute  qu'ils  aient  produit  dans  les  deux  hémi- 
sphères! Aux  Play  as  de  Jorullo ,  dans  la 
chaumière  que  nous  habitions ,  notre  holc 
intlien  nous  rac'onta  qu'en  17%  des  capucins 
en  mission  prêchèrent  à  l'habitation  de  San 
Pedro ,  mais  que  n'ayant  pas  trouvé  un  accueil 
favorable  (  ayant  dîné  peut-être  moins  bien 
qu'ils  ne  s'y  attendoient) ,  ils  chargèrent  cette 
plaine,  alors  si  belle  et  si  fertile,  des  impré- 
cations les  plus  horribles  et  les  plus  com- 
pliquées ;  ils  prophétisèrent  que  d'abord 
l'habitation  seroit  engloutie  par  des  flammes 
qui  sortiroient  de  terre,  et  que  plus  tard  l'air 
ambiant  se  réfroidiroit  à  tel  point  que  les 


H 


3oo 


LIVRE    m 


montagnes  voisines  resteroient  clerncllement 
couvertes  de  neiges  et  de  glaces.  La  première 
de  ces  malédictions  ayant  eu  des  suites  si 
funestes,  le  bas-peu[)le  indien  voit  déjà  dans 
le  rérroidissement  progessif  du  volcan,  le 
présage  sinistre  d'un  hiver  perpétuel.  J'ai  cru 
devoir  citer  cette  tradition  vulgaire ,  digne 
de  figurer  dans  le  poëme  épique  du  jésuite 
Landivar,  parce  qu'elle  ajoute  un  trait  assez 
piquant  au  tableau  des  mœurs  et  des  préjugés 
de  ces  pays  éloignés.  Elle  prouve  l'industrie 
active  d'une  classe  d'hommes  qui,  abusant 
trop  souvent  de  la  crédulité  du  peuple ,  et 
feignant  de  suspendre  par  leur  influence  les 
lois  immuables  de  la  nature,  savent  profiter 
de  tout  pour  fonder  leur  empire  par  la  crainte 
des  maux  physiques. 

La  position  du  nouveau  volcan  de  Jorullo 
donne  lieu  à  une  observation  géologique 
très-curieuse.  Nous  avons  déjà  remarqué  plus 
haut ,  dans  le  troisième  chapitre ,  qu'il  existe 
à  la  Nouvelle-Espagne  xmpamllèle des  grandes 
élévations j  ou  une  zone  étroite  contcime  entre 
les  18"  69',  et  les  19"  12'  de  latitude,  dans 
laquelle  sont  situées  toutes  les  cimes  d'Anahuac 
qui  s'élèvent  au-dessus  de  la  région  des  neiges 


CHAPITRE    Vin. 


3o 


perpétuelles.  Ces  cimes  sont  ou  des  voici) ns 
encore  actuellement  enflummés ,  ou  des  mon- 
tagnes dont  la  forme  ainsi  que  la  nature  de 
leurs   roches    rendent    infiniment  probable 
qu'elles   ont  recelé  jadis  un  feu  souterrain. 
En  partant  des  cotes  de  la  mer  des  Antilles , 
nous  trouvons  de  Test  à  Touesl  le  pic  d'Ori- 
zaba ,  les  deux  volcans  de  la  Pue  bla ,  le  Ne vado 
de  Toluca  ,  le  pic  de  Tancitaro  et  le  volcan  de 
Golima.   Ces  grandes  hauteurs,   au  lieu  de 
former  la  crête  de  la  Cordillière  d'Anahuac 
et  de  suivre  sa  direction ,  qui  est  du  sud-est 
au  nord-ouest,   sont,  au  contraire,  placées 
sur  une  ligne  qui  est  perpendiculaire  à  l'axe 
de  la  grande  chaîne  de  montagnes.   Il  est 
sans  doute   très-digne  d'être  observé  que , 
Tannée  lySg,  le  nouveau  volcan  de  JoruUo 
se  soit  formé  dans  le  prolongement  de  cette 
ligne,   sur  ce  même   parallèle  des   anciens 
volcans  mexicains. 

Un  coup  d'œil  jeté  sur  mon  plan  des  en- 
virons de  JoruUo  prouve  que  les  six  grandes 
buttes  sont  sorties  de  terre  sur  un  filon  qui 
traverse  la  plaine  depuis  le  Gerro  de  las  Cuevas 
au  Picacho  del  Mortero  :  les  boche  no^>e  du 
Vésuve   se  trouvent   aussi  rangées   sur   le 


rangées 


3o2 


LIVRli    iir 


prolongement  d'une  crevasse.  Ces  analogies  ne 
nous  donnent-elles  pas  le  droit  de  supposer 
qu'il  existe  dans  cette  partie  du  Mexique ,  à 
une  grande  profondeur  dans  l'intérieur  de  la 
terre,  une  crevasse  dirigée  de  l'est  à  l'ouest, 
sur  une  longueur  de  107  lieues,  et  à  travers 
laquelle,  en  rompant  la  croûte  extérieure  des 
roches  porphyritiques ,  le  feu  volcanique  s'est 
fait  jour,  à  différentes  époques,  depuis  les 
côtes  du  golfe  du  Mexique  jusqu'à  la  mer  du 
Sud?  Cette  crevasse  se  prolongeroit-elle  jus- 
qu'au petit  groupe  d'îlesjappelé  par  M.  Collnet 
l'Archipel  de  Revillagigedo,  et  autour  des- 
quelles ,  sur  le  même  parallèle  des  7)olcans 
mexicains  y  on  a  vu  nager  de  la  pierre  ponce? 
Desnaturalistes  quidistinguent  les  faits  qu'offre 
la  géologie  descriptive,  des  rêveries  théoriques 
sur  l'état  primitif  de  notre  planète,  nous  par- 
donneront d'avoir  consigné  ces  observations 
sur  la  carte  générale  de  la  Nouvelle-Espagne 
contenue  dans  l'Atlas  mexicain.  D'ailleurs , 
depuis  le  lac  de  Cuiseo,  qui  est  chargé  de 
muriate  de  soude ,  et  qui  exhale  de  l'hydro- 
gène sulfuré,  jusqu'à  la  ville  de  Valladolid, 
sur  une  étendue  de  terrain  de  4o  lieues  car- 
rées ,  il  y  a  une  grande  quantité  de  sources 


CHAPITRE    VIII. 


3o3 


cbaiules  qui  ne  contiennent  généralement  que 
de  l'acide  aiuriatique ,  sans  vestiges  de  sulfates 
terreux  ou  de  sels  métalliques  :  telles  sont  les 
eaux  thermales  de  Chucandiro,  de  Cuinclie, 
de  San  Sébastian  et  de  San  Juan  Tararamco. 

L'étendue  de  l'intendance  de  Valladolid 
est  d'un  cinquième  plus  petite  que  celle  de 
l'Irlande;  mais  sa  population  relative  est  deux 
fois  plus  grande  que  celle  de  la  Finlande.  On 
compte  dans  cette  proyinceiy  ciudades  (Valla- 
dolid ,  Tzintzontzan  et  Pascuaro),  3  in/Zas 
(  Citaquaro ,  Zamora  et  Charo  ) ,  263  villages , 
2o5  paroisses  et  326  métairies.  Le  dénombre- 
ment imparfait  de  lygS  donna  une  population 
totale  de  289,014  âmes,  parmi  lesquelles  se 
trouvèrent  4oj^99  blancs  mâles,  09,081  blancs 
femelles,  6i,352  Indiens,  58,oi6  Indiennes, 
i54  religieux,  i38  religieuses,  et  295  indi- 
vidus du  clergé  séculier. 

Les  Indiens  qui  habitent  la  province  de 
\  alladolid  forment  trois  peuples  d'une  origine 
différente  :  les  Tarasques ,  célèbres  au  seizième 
siècle  par  la  douceur  de  leurs  mœurs ,  par 
leur  industrie  dans  les  arts  mécaniques,  et 
par  l'harmonie  de  leur  Jangue  riche  en 
voyelles;  les  Otomites,  tribu  encore  aujour- 


3o/|  LIV«1£    III, 

d'hui  très  -  arriérée  dans  la   civilisation  ,  et 
parlant  une  langue  pleine  d'aspirations  nasales 
et  gutturales;  les  Chichimèques,  qui,  comme 
les  Tlascaltèques  ,   les  Nahuatlaques   et  les 
Aztèques ,  ont  conservé  la  langue  mexicaine. 
Toute  la  partie  méridionale  de  Tintendance 
de  Valladolid  est  habitée  par  des  Indiens  :  on 
n'y  rencontre  dans  les  villages  d'autre  figure 
blanche  que  celle  du  curé ,  qui  souvent  aussi 
est  Indien  ou  mulâtre.  Les  bénéfices  y  sont  si 
pauvres ,  que  l'évêque  de  Michoacan  a  la  phis 
grande  difficulté  de  trouver  des  ecclésiastiques 
qui  veuillent  se  fixer  dans  un  pays  où  Ton 
n'entend  presque  jamais  parler  l'espagnol ,  et 
où,  le  long  de  la  côte  du  grand  Océan,  les 
curés  atteints  par  les  miasmes  contagieux  des 
fièvres  malignes,  périssent  souvent  après  un 
séjour  de  sept  ou  huit  mois. 
.  La  population  de  l'intendance  de  Valladolid 
a  diminué  dans  les  années  de  disette  de  1786 
et  1790  :  elle  auroit  bien  plus  souffert  encore, 
si  l'évêque  respectable  dont  nous  avons  parlé 
au  sixième  chapitre ,  n'avoit  fait  des  sacrifices 
extraordinaires  pour  soulager   les  Indiens  : 
il  perdit  volontairement,   eu  peu  de  mois, 
la  somme  de   260,000  francs ,  en  achetant 


CHAPITRE  vnr.  3o5 

5o,ooo  fancgues  de  maïs,  qu'il  revendit  à  vil 
prix  pour  contenir  l'avarice  sordide  de  plu- 
sieurs riches  propriétaires  qui,  à  l'époque 
des  calamités  publiques,  cherchoient  à  pro- 
fiter de  la  misère  du  peuple. 


Les  endroits  les  plus  remarquables  de  la 
province  de  Valladolid  sont  les  suivans  : 

Valladolid  de  Migtioacan,  capitale  de 
l'intendance ,  siège  d'un  évéque,  jouissant 
d'un  climat  délicieux.  Sa  hauteur  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer  est  de  igSo  mètres,  et 
cependant,  à  cette  hauteur  si  médiocre,  et 
sous  les  19042'  de  latitude,  on  a  vu  tomber 
de  la  neige  dans  les  rues  de  Valladolid.  Cet 
exemple  d'un  refroidissement  '  subit  de 
l'atmosphère,  causé  sans  doute  par  un  vent 
du  nord,  est  bien  plus  frappant  que  la  nelo-e 
tombée  dans  les  rues  de  Mexico ,  la  veifle 
de  l'enlèvement  des  pères  jésuites.  Le  nouvel 
aqueduc  par  lequel  la  ville  reçoit  l'eau  do- 
table ,  a  été  construit  aux  frais  du  dernier 

*  Voyez  T.  I.",  p.  299,    et  ma  Géographie  de9 
plantes,  p.  ii3,  éclil.  iii-4.* 


II. 


20 


3oG 


LIVRE    III 


évêque,  Fray  Antonio  de  San  Miguel;  il 
lui  a  coûté  près  d'un  demi-million  de  francs. 
Population  f  18,000. 

pAscuARo,  sur  les  bords  du  lac  pittoresque 
de  ce  nom ,  vis-à-vis  du  village  indien  de 
Janicho ,  situé  à  une  petite  lieue  de  dis- 
tance^ sur  un  îlot  charmant  au  milieu  du 
lac.  C'est  à  Pascuaro  que  reposent  les 
cendres  d'un  homme  très-remarquable ,  et 
dont  la  mémoire,  depuis  deux  siècles  et 
demi,  est  vénérée  parles  Indiens,  du  fa- 
meux Vasco  de  Quiroga ,  premier  évéque 
de  Miclioacan ,  mort  en  i556,  au  villaire 
d'Uruapa.  Ce  prélat  zélé ,  que  les  indigènes 

■  appellent  encore  aujourd'hui  leur  père 
(  Tata  Don  Vasco) ,  a  eu  plus  de  succès 
en  protégeant  les  malheureux  habitans  du 
Mexique  ,  que  le  vertueux  évéque  de 
Chiapa,  Bartholomée  de  las  Casas.  Quiroga 
devint  surtout  le  bienfaiteur  des  Indiens 
tarasques,  dont  il  encouragea  l'industrie: 
il  prescrivit  à  chaque  village  indien  une 
branche  de  commerce  particulière.  Ces 
institutions  utiles  se  sont  conservées  en 
grande  partie  jusqu'à  nos  jours.  Hauteur  de 
Pascuaro,  3200 mètres.  Population ,  6000. 


CHAPITRE  vni.  3o^ 

Tzi^TzoNTZAN  OU  HuiTziTziLLA ,  l'ancienne 
capitale  du  royaume  de  Michoacan,  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut.  Popul,  2600. 

L'intendance  de  Valladolid  contient  les 
mines  de  Zitaciuaro ,  d'Jngangueo ,  de 
Tlapuxahua,  du  Real  dal  Oro  et  d'Inguaran 


i\ 


20* 


3o8 


Livr.E  m, 


V.  Intendance  de  Guadalaxara. 

Population  en  i8o3  :  65o,5oo. 

Etendue  de  la  surface  en  lieues  carrées:  961 2. 

Habitans  par  lieue  carrée  :  66. 


Cette  province  ,  partie  du  royaume  de 
Nueva  GiJicia ,  a  presque  deux  fois  plus 
d'étendue  que  le  Portugal,  avec  une  popu- 
lation qui  est  cinq  fois  plus  petite  :  elle 
confine  au  nord ,  aux  intendances  de  Sonora 
et  de  Durango  ;  à  l'est ,  à  celles  de  Zacatecas 
et  de  Guanaxuato  ;  au  sud ,  à  la  province  de 
Valladolid  ;  et  à  l'ouest,  sur  une  longueur  de 
côte  de  123  lieues,  à  l'Océan  Pacifique  :  sa 
plus  grande  largeur  est  de  100 lieues,  depuis 
le  port  de  San  Blas  jusqu'à  la  ville  de  Lagos  ; 
sa  plus  grande  longueur  est,  du  sud  au  nord, 
depuis  le  volcan  de  Golima  jusqu'à  San  Andres 
Teul,  de  118  lieues. 

L'intendance  de  Guadalaxara  est  traversée, 
de  l'est  à  l'ouest,  par  le  Rio  de  Santiago, 
rivière  considérable  qui  communique  ivec 
le  lac  de  Chapala ,  et  qui  un  jour  (  lorsque 
la  civilisation  aura  augmenté  dans  ces  pays). 


CHAPITRE    VIIT.  3o() 

pourra  devenir  intéressante  pour  la  naviga- 
tion intérieure,  depuis  Salanianca  et  Zelaya, 
jusqu'au  port  de  San  Blas. 

Toute  la  partie  orientale  de  cetle  province 
occupe  le  plateau  et  la  pente  occidentale  des 
Cordillères d'Anahuac.  Les  régions  maritimes, 
surtout  celles  qui  s'étendent  du  coté  de  la 
grande  baie  de  Bayonne,  sont  couvertes  de 
forêts,  et  fournissent  de  superbes  bois  de 
construction  :  mais  les  habitans  y  sont  exposés 
à  un  air  malsain  et  excessivement  chaud.  L'in- 
térieur du  pays  jouit  d'un  climat  tempéré  et 
favorable  à  la  santé. 

Le  volcan  de  Colima ,  dont  la  position  n'a 
point  encore  été  déterminée  par  des  observa- 
tions astronomiques  ,  est  le  plus  occidental 
des  volcans  de  la  Nouvelle-Espagne ,  qui  sont 
placés  sur  une  même  ligne  ,  dans  la  direction 
d'un  parallèle  :  il  jette  souvent  des  cendres  et 
de  la  fumée.  Un  ecclésiastique  éclairé ,  qui , 
long-temps  avant  mon  arrivée  au  Mexique  , 
jj  avoit  fait  plusieurs  mesures  barométriques 
très-exactes,  Don  Manuel  Ahad y  grand- 
vicaire  de  Tévêché  de  Michoacan ,  évalue 
l'élévation  du  volcan  de  Colima  au-dessus  du 
niveau  de  TOcéan,  à  2800  mètres.  «  Cette 


M 


h 


3io  tivi\E  ni, 

*  montagne  isolée,  observe  M.  Abad,  ne 
"  paroît  que  d'une  hauteur  médiocre ,  en 
«  comparant  sa  cime  au  sol  de  Zapotilli  et 
w  Zapotlan ,  deux  villages  élevés  de  2000  vares 
«  au-dessus  des  côtes.  C'est  depuis  la  petite 
«  ville  de  Colima  que  le  volcan  se  présente 
tt  dans  toute  sa  grandeur:  il  ne  se  couvre  de 
«  neige  que  lorsque,  par  l'elFet  des  vents  du 
«  nord,  il  en  tombe  dans  la  cLiiine  des  mon- 
«  tagnes  voisines.  Le  8  décemhre  1788,  le 
<t  volcan  fut  couvert  de  neige  presque  à 
«  deux  tiers  de  sa  hauteur  '  ;  mais  cette  neige 
«  ne  se  conserva  pendant  deux  mois  que  sur 
«  la  pente  septentrionale  de  la  montagne,  du 
«  côté  de  Zapotlan.  Au  commencement  de 
l'année  1791 ,  j'ai  fait  le  tour  du  volcan  par 
Saluya,  Tuspan  et  Columa ,  sans  qu'il  y 
*<  eût  la  moindre  trace  de  neige  à  sa  cime.  » 
D'après  un   mémoire  manuscrit  commu- 


u 


tt 


*  Supposons  que  la  neige  ne  couvrît  le  volcan  qu'à 
la  moitié  de  sa  hauteur  :  or ,  il  tombe  quelquefois  de 
la  neige  dans  la  partie  occidentale  de  la  IS'ouvelle* 
Espagne ,  sous  la  latitude  de  18  à  20  degrés ,  à 
1600  mètres  dVlévalion.  Ces  considérations  météoro- 
logiques donneroient  à  peu  près  320o  mètres  pour  ]a 
hauteur  du  volcan  de  Colima. 


riïApiir;E   \iri. 


3ii 


nique  au  tribunal  du  consulaclo  de  Vcra- 
Ciuz  par  l'intendant  de  Guadalaxara,  h 
valeur  des  produits  de  l'agriculture  de  cette 
intendance  monta,  en  1802  ,  à  2,699,000  p- 
(près  de  i3  millions  de  francs),  parmi  les- 
quels on  comptoit  i,()07,oooy^//ze^y/^dc  maïs, 
4û,ooo  cai'gas  de  froment,  17,000  tardas  de 
coton  (letercio  à  5  piastres)  et  20,000  livres 
de  cochenille  d'Autlan  (à  5  francs  la  livre). 
La  valeur  de  l'industrie  manufacturière  fut 
évaluée  à  5, 002, 200  piastres,  ou  à  16  millions 
et  demi  de  francs. 

La  province  de  Guadalaxara  a  2  ciudades^ 
6  villas  et  022  villages.  Les  mines  les  plus 
célèbres  sont  celles  de  Bolanos,  d'Asientos 
d'Ibarra,  d'Hostotipaquillo  ,  de  Copola  et 
de  Guichichila ,  près  de  Tepic. 


Les  villes  les  plus  remarquables  sont  : 

Guadalaxara,  sur  la  rive  gauche  du  Rio 
de  Santiago,  résidence  de  l'intendant,  de 
l'évêque,  et  de  la  haute-cour  de  justice 
{Âudlencia).  Population,  19,600* 

San  Blas,  port,  résidence  ^m  DcparlemeaUs 


3l2  LIVRE    III, 

de  marina  y  à  l'embouchure  du  Rio  de  San- 
tiago. Les  employés  (  ojjiciales  realcs)  sont 
à  Tepic ,  petite  ville  dont  le  climat  est  moins 
ardent  et  plus  salubre.  On  a  depuis  dix 
ans   agile  la  question   s'il   seroit  utile  de 
transporter  les  chantiers  ^  les  magasins  et 
tout  le  département  de  la  marine,  de  San 
Blas  à  Acapulco.  Ce  dernier  port  manque 
de  bois  de  construction  :  l'air  y  est  sans 
doute  aussi  malsain  qu'à  San  Blas;  mais  le 
changement  projeté,  en  favorisant  la  con- 
centration des  forces  navales,   laciliteroit 
au  gouvernement  et  la  connoissance  des 
besoins  de  la  marine,   et  les  moyens  d'y 
subvenir. 

CoMPo?T'T3LA ,  au  sud  de  Tepic.  C'est  au 
nord-oue.'.t  de  Compostela,  comme  dans 
les  parlidos  d'Autlan ,  Ahuxcatlan  et  Aca- 
poneta ,  que  l'on  cultivoit  jadis  un  tabac 
d'une  qualité  supérieure, 

Aguas  Calientes,  au  sud  des  mines  de 
los  Asientos  d'Ibarra,  petite  ville  très- 
peuplée. 

Villa  de  la  Purificacion,  au  nord -ouest 
du  port  de  Guatlan,  appelée  jadis  Santiago 
de  Buena  Ësperanza^  et  célèbre  par  le 


CHAPITRE    VIII, 


3i3 


voyage  de  découvertes,  fait  en  i532  par 

Diego  Hurtado  de  Mendoza. 
Lagos  ,  au  nord  de  la  ville  de  Léon,  sur  un 

plaleau  lertile  en  froment,  sur  les  frontières 

de  l'intendance  de  Gnanaxuato. 
CoLiMA ,  à  deux  lieues  au  sud  du  volcan  de 

Golima. 


3i4 


LIVr.K    III 


A'I.     ÏNTENDAKCE    DE    Za  GATE  CAS. 

J^npn /(/f ton  rn  iSoô:  i55,3oo. 

lùcnduc  du  la  suri  ace  on  lieues  carrées  :  225îJ, 

liai  ila/ts  par  lieue  carrée  :  6j. 

Cet  j  r:  province ,  sint^ulicremcntcKîpciiplôe, 
oc.rnptMin  Icrniin montagneux,  aride,  exposé 
à  nne  inlenipéric  conlinuelle  de  l'air  :  ses 
liiuilos  sont ,  au  nord  ,  l'intendance  de  Du- 
rango;  à  l'est,  celle  de  San  Luis  Potosi  ;  au 
sud  ,  la  province  de  Guanaxuato ,  et  à  l'ouest, 
celle  de  Guadalaxara  :  sa  plus  grande  lon- 
gueur est  de  85  lieues  ;  sii  plus  grande 
largeur ,  depuis  Sonibrerete  jusqu'au  Ileal 
de  lianios ,  est  de  5i  lieues. 

L'intendance  *de  Zacatecas  a  à  peu  près  la 
même  étendue  que  la  Suisse,  à  laquelle  elle 
ressemble  sous  plusieurs  rapports  gétdogiqucs. 
La  population  relative  est  à  peine  aussi  gTande 
que  celle  de  la  Suède. 

Le  plateau  qui  forme  le  centre  de  l'inten- 
dance de  Zacatecas,  et  qui  s'élève  à  plus  de 
aooo  mètres  de  hauteur,  est  lonné  de  sicnile , 


roche  si 

valions  ( 

de  scliisi 

{chlnrith 

des  moni 

trapéen. 

trouvent 

et  surlou 

bornate  , 

f('(/uU(jUi 

f/uite  ,  es 

ïJes  mûri, 

iivocat  de 

ment  fixé 

^^  tcqnesq 

entre  Valli 

<ie  San  IPr 

à  Acusquii 

»  Don  Vie 
1  Ecole  des 

très- intéressa 
Mexico ,  T.  3 
"  Don  Jo 
hams  taies  d 
(ouvrage  qu 
îivs-solùles) 


ciiAPfrnr:  viir. 


roclie  sur  lacjuello,  d'apirs  les  belles  ohscM- 
valiuns  de  M.  lulmcia  ',  reposrnl  deseoiKlus 
(le  schiste  primilil'  et  de  ehlorilo  selnsleii  e 
[cJtlnrith-svhit'frr).  Le  seliisie  foniie  la  hase 
des  inoiila«^"nes  {\g  ^ntiiw'tirhc  v\  dtî  j)()r|)lijr(' 
trapécn.  Au  nord  de  la  m'IIo  do  /;i«\ileeas  se 
trouvent  neurj)elits  lacs  ahondanscn  nuniale 
et  surtout  en  carbonate  de  soude  -.  fie  car- 
bornate  ,  que ,  de  l'ancien  mot  ^mexicain 
liujiiixqiiilit y  on  d('\si<^ne  par  h;  nom  teques- 
quite  ,  est  d'un  i;r;;nd  emploi  dans  la  lonle 
des  inuriates  et  des  sulfures  d'ar<''ent.  Vjï\ 
avocat  de  Zacatecas ,  M.  Garces  ^  a  récem- 
ment fixé  l'attention  de  ses  compatriotes  sur 
le  tequesquile ,  qui  se  trouve  aussi  à  Zacualco , 
entre  Valladolid  et  Guadalaxara  ;  dans  la  vallée 
de  San  Francisco ,  près  de  San  Luis  Polt)si  ; 
àAcusquiico,  près  des  mines  de  I3olanos;  au 


*  Do7i  Vîcente  Valcnvia ,  élève  (îo  M.  del  Rio  »;l  <lt* 
l'Jlcole  des  mines  tic  Mexico  ,  a  composé  une  d(;.scri|)lioii 
très-intéressante  des  mines  de  Zucatecas.  (  Guzclta  cU 
Mexico  ,  T.  XI ,  p.  4i  7 .  ) 

^  Don  Joseph  Garces  y  Egiiia ,  del  benejlvio  de 
hanis  taies  de  oro  y  plata.  Mexico,  1802,  p.  il  et  \<.^ 
(ouvrage  qui  annonce  des  connaissances  chimiques 
très-solides). 


3x6  LIVRE    III, 

Chorro ,  près  de  Durango ,  et  dans  les  cinq 
lacs  autour  de  la  ville  de  Chihuahua.  Le 
plateau  central  de  l'Asie  n'est  pas  plus  riche 
en  soude  que  le  Mexique. 


Les  endroits  les  plus  remarquables  de  cette 
province  sont  : 

Zacatecas,  aujourd'hui,  après  Guanaxuato, 
l'endroit  de  mines  le  plus  célèbre  de  la 
Nouvelle-Espagne.  Sa  population  est  au 
moins  de  33,ooo  habitans. 

Fresnillo  ,  sur  le  chemin  de  Zacatecas  à 
Durango. 

SoMBRERETE ,  chcf-licu ,  résidencc  d'une  Di- 
putacion  de  mine  ri  a. 

En  outre  des  trois  endroits  nommés,  l'in- 
tendance de  Zacatecas  offre  encore  des  filons 
métallifères  intéressans  près  de  Sierra  de 
Pinos  ,  Chalchiguitec  ,  San  Miguel  del  Mez- 
quital  et  Mazapil.  C'est  cette  province  aussi 
qui ,  dans  la  mine  de  la  veta  negra  de 
Soinbrerete  y  a  offert  l'exemple  de  la  plus 
grande  richesse  que  jamais  filon  ait  montré 
dans  les  deux  hémisphères. 


CHAPITRE    VIII.  3l 


VIL  Intendance  d'Oaxaca. 


7 


Population  en  i8o3  :  534,8oo. 

Étendue  de  la  surf  ace  en  lieues  carrées  :  4447* 

Habitans  par  lieue  carrée  ;  120. 

Le  nom  de  cette  province ,  que  d'autres 
géographes  appellent    moins   correclement 
Guaxaca ,  dérive  dn   nom  mexicain   de  la 
ville  et  de  la  vallée  d*Huaxjacac,  un  des 
chefs-lieux  du  pays  des  Zapotèques,  et  qui 
étoit  presque  aussi  considérable  que  leur  capi- 
tale de  Teotzapotlan.  L'intendance  d'Oaxaca 
est  un  de^î  pays  les  plus  délicieux  de  cette 
partîedu  globe.  Beauté  et  salubrité  du  climat, 
fertilité  du  sol ,  richesse  et  variété  des  pro- 
ductions ,  tout  y  concourt  pour  le  bien-être 
des  iiabitans.  Aussi  cette  piovince  a-t-elle  été, 
depuis  les  temps  les  plus  reculés,  le  centre 
d'une  civilisation  avancée. 

Elle  confiiie  au  nord ,  à  l'in tendance  de 
Vera-Cruz  ;  à  l'est,  au  royaume  de  Guatimala  ; 
à  l'ouest,  à  la  province  de  Puebla ,  et  au  sud  , 
sur  une  longueur  de  côte  de  1 1 1  lieues ,  au 
grand  Océan.  Son  étendue  excède  celle  de 


8 


Livr.i:  m 


la  Bohême  et  de  la  Moravie  prises  ensemble  ; 
sa  population  absolue  est  neui'ibis  plus  petite. 
Sa  population  relative  égale  par  conséquent 
celle  de  la  Russie  européenne. 

Le  sol  montaaneuxde  l'intendance  d'Oaxaca 
contraste  singulièrement  avec  celui  des  pro- 
vinces de  Puebla,  de  Mexico  et  de  Valladolid. 
Au  lieu  de  ces  couches  de  basalte,  d'amygda- 
loïde  et  de  porphyre  à  base  de  griinslein , 
qui  couvrent  le  sol  d'Anahuac  depuis  les  18" 
aux  22^^  de  latitude  ,  on  ne  voit  dans  les 
montagnes  de  la  Mixteca  et  de  la  Zc^^>oleoa 
que  du  granité  et  du  gneiss.  La  ^uauic  de 
montagnes  de  la  formation  de  tr&pp  ne  re- 
commence qu'au  sud-est ,  sur  les  côtes  occi- 
dentales du  royriuiiie  de  Guatemala.  Nous  ne 
connoissoi^à  la  hauteur  d'aucune  des  cimes 
granitiques  de  l'intendance  d'Oaxaca.  Les 
habitans  de  ce  beau  pays  regardent  comme 
une  des  plus  élevées  le  Cerro  ae  Senpualtepec, 
près  de  Villalta ,  duquel  on  voit  les  deux  mer«^ 
Cette  étendue  de  l'horizon  n'indiquerait  c^ 
pendant  qu'une  hauteur  de  255o  mètres  '.  On 


'  Lliorizon  \îsuel  tVune  monlagne  de  255o mètres 
«l'élévation  a 3"  ao'  dt;  diaiuèljc;.  On  a  agrié  la  qucslion 


CHAPITRE    VllI.  3j9 

prétend  qu'on  jouit  du  même  spectacle  im- 
posant à  la  Ginetta ,  sur  les  limites  des 
évéchés  d'Oaxaca  et  de  Ghiapa  ,  à  12  lieues 
de  dislance  du  port  de  Tehuantepec  ,  sur 
la  grande  route  qui  mène  de  Guatimala  à 
Mexico. 

La  végétation  est  belle  et  vigoureuse  dans 
toute  la  province  d'Oaxaca  ,  surtout  à  mi- 
cote  ,  dans  la  région  tempérée ,  dans  laquelle 
les  pluies  sont  très-abondantes  depuis  le  mois 
de  mai  jusqu'au  mois  d'octobre.  Au  village 
de  Santa  Maria  del  Tule ,  à  trois  lieues  de  la 
capitale ,  à  l'est,  entre  Santa  Lucia  et  Tlaco- 
chiguaya ,  se  trouve  un  énorme  tronc  de 
cupressus  dislicha  (  sabino  ) ,  qui  a  06  mètres 
de  circonférence.  Cet  arbre  antique  est 


par 


conséquent  plus  gros  que   le  cyprès   d'At- 


lisco,  dont 
le  drat 


nous  avons 
ronmer  des  îles  < 


pa 


•lé 


nus 


haut 


^ananes,  et 


que 


que 
tous 


*     -1 


si  tle  la  cime  du  Nevaùo  de  Toluca  les  deux  mers 
pourroicutêlre  visibles.  L'horizon  visuel  de  ceUe  mon- 
tagne a  2°  21  '  ou  58  lieues  de  rayon  ,  en  ne  supposant 
cju'une  réfraction  ordinaire.  Les  deux  côtes  du  Mexique, 
qui  se  rapprochent  le  plus  du  Nevado ,  celles  de  Coyuca 
et  de  Tuspan,  s'en  trouvent  à  une  dislance  de  54  et 
fii  licutw  ' 


320 


LIVRE  m 


les  boababs  (  adausoniae  )  de  l'Afrique.  Mais 
en  rexaminant  de  près ,  M.  Anza  a  observé 
que  ce  qui  excite  l'admiralion  des  voyageurs 
n'est  pas  un  seul  individu  ,  et  que  trois  troncs 
réunis  forment  le  fameux  sabino  de  Santa 
Maria  del  Tule. 

L'intendance  d'Oaxaca  comprend  deux 
pays  montagneux  que  ,  dès  les  temps  les  plus 
reculés ,  on  désigne  sous  les  noms  de  Mixteca 
et  Tzapotcca,  Ces  dénominations,  qui  se  sont 
n^nservées  jusqu'à  nos  jours ,  indiquent  une 
^  mde  différence  d'origine  entre  les  indi- 
gènes. L'ancien  Mixtecapan  se  divise  aujour- 
d'hui dans  la  haute  et  basse  Mialeca  {Mixteca 
alta  j  baxa).  La  limite  orientale  de  la  pre- 
mière ,  qui  est  voisine  de  l'intendance  de  la 
Puebla ,  se  dirige  depuis  Ticomabacca ,  sur 
Quaxiniquilapa ,  vers  la  mer  du  Sud.  Elle 
passe  entre  Colotepèque  et  Tamasulapa.  Les 
Indiens  de  la  Mixteca  sont  un  peuple  actif, 
intelligent  et  industrieux. 

Si  la  province  d'Oaxaca  ne  renferme  pas 
des  monumens  de  l'ancienne  architecture 
aztèque  aussi  étonnans  par  leurs  dimensions 
que  les  maisons  des  dieux  (  téocallis  )  de  Cho- 
lula,  de  Papantla  et  de  Téotihuacan ,  elle  offre 


les 

avoii 

faut 

leszd 

dans 

plu  à 


ir. 


GIIAPITHE    VIII. 


321 


(lesruines  d'édifices  qui  sontplus  remarquables 
à  cause  de  leur  ordonnance  et  de  l'éléii'ance 
de  leurs  orneraens.  Les  murs  du  palais  de 
Mitla  sont  décorés  de  grecques  et  de  labj- 
rintlies  formés  en  mosaïque  de  petites  pierres 
porphyritiques.  On  y  reconnoît  le  même 
dessin  que  l'on  admire  sur  les  vases  faussement 
appelés  étrusques ,  ou  dans  la  frise  du  vieux 
temple  du  Deus  redicolus ,  près  de  la  grotte 
de  la  nymphe  Egérie ,  à  Rome.  J'ai  fait  graver 
une  partie  de  ces  ruines  américaines ,  qui  ont 
été  dessinées  avec  beaucoup  de  soin  par  le 
colonel  Don  Pedro  de  la  Laguna  ,  et  par  un 
architecte  habile  ,  Don  Luis  Martin.  Si  l'on 
est  justement  frappé  de  la  grande  analogie 
qu'offrent  les  ornemens  du  palais  de  Mitla , 
avec  ceux  employés  par  les  Grecs  et  les 
Romains ,  on  ne  doit  pas  pour  cela  se  livrer 
légèrement  à  des  hypothèses  historiques  sur 
les  anciennes  communications  qui  pourroient 
avoir  existé  entre  les  deux  continens.  Il  ne 
faut  point  oublier  que  presque  sous  toutes 
les  zones  (  comme  j'ai  tâché  de  le  développer 
dans  un  autre  endroit  )  les  hommes  se  sont 
plu  à  une  répétition  rhythmique  des  mêmes 
formes  qui  constituent  le  caractère  principal 
iT.  ai 


333 


LIVRE    111 


de   tout  ce  que  nous  appelons  grecques  ', 
méandres,  labyrinthes  et  arabesques. 

Le  village  deMillas'appeloit  jadis  Mîguitlany 
mot  qui  ,  en  langue  mexicaine ,  désigne  un 
lieu  sombre ,  un  lieu  de  tristesse.  Les  Indiens 
Tzapotëques,  le  nomment  Leoha ,  ce  qui 
signifie  tombeau.  En  effet,  le  palais  de  Mitla , 
dont  on  ignore  l'ancienneté ,  étoit ,  selon  la 
tradition  des  indigènes,  et  comme  le  mani- 
feste aussi  la  distribution  de  toutes  ses  parties, 
un  palais  construit  au-dessus  des  tombeaux 
des  rois.  G'étoit  un  édifice  dans  lequel  le 
souverain  se  reliroit  pour  quelque  temps, 
lors  de  la  mort  d'un  fils,  d'une  épouse  on 
d'une  mère.  En  comparant  la  grandeur  de 
ces  tombeaux  à  la  petitesse  des  maisons  qui 
servoient  de  demeure  aux  vivans  ,  on  diroit , 
avec  Diodore  de  Sicile  (  lib.  I ,  c.  5i.  ) ,  qu'il 
y  a  des  peuples  qui  érigent  des  monumens 
somptueux  pour  les  morts,  parce  que ,  regar- 
dant cette  vie  comme  courte  et  passagère. 


*  Le  connoisseur  le  plus  profond  tles  antiquités 
égyptiennes,  M.  Zoega,  a  fait  l'observation  curieuse 
que  les  Egyptiens  n'ont  jamais  employé  ce  genre 
<â'ornement. 


.  \ 


CHAPITKE    Vin, 


3a3 


ils  s'imaginent  qu'il  ne  vaut  pas  la  peine  d'en 
construire  pour  les  vivans. 

Le  palais  ,  ou  plutôt  les  tombeaux  de  Mitla 
forment  trois  édifices  placés  symétriquement 
dans  un  site  extrêmement  romantique.  L'édi- 
fice principal  est  le  mieux  conservé ,  il  a  près 
de  4o  mètres  de  long.  Un  escalier  pratiqué 
dans  un  puits  conduit  à  un  appartement 
souterrain  qui  a  27  mètres  de  long  et  8  de 
large.  Cet  appartement  lugubre ,  destiné  aux 
tombeaux,  est  couvert  des  mêmes  grecques 
qui  ornent  les  murs  extérieurs  de  l'édifice. 

Mais  ce  qui  distingue  les  ruines  de  Mitla 
de  tous  les  autres  restes  de  l'architecture 
mexicaine ,  ce  sont  six  colonnes  de  porphyre 
placées  au  milieu  d'une  vaste  salle,  et  soutenant 
le  plafond.  Ces  colonnes ,  presque  les  seules 
trouvées  dans  le  nouveau  continent ,  mani- 
festent l'enfance  de  l'art  :  elles  n'ont  ni  bases 
ni  chapiteaux  ;  on  n'y  remarque  qu'un  simple 
rétrécissement  à  la  partie  supérieure.  Leur 
hauteur  totale  est  de  cinq  mètres;  cependant 
le  fût  en  est  d'une  seule  pièce  de  porphyre 
amphiboîique.  Des  décombres  amoncelés 
pendant  des  siècles ,  cachent  ces  colonnes  à 
l)lus  d'un   tiers   de  leur  hauteur.    En   les 

31* 


324  LIVKE    m  5 

découvrant ,  M.  Martin  a  trouvé  que  cette 
hauteur  est  égale  à  6  diamètres  ou  à  12 
modules.  Il  en  résulteroit  une  ordonnance 
qui  seroit  encore  moins  légère  que  celle  de 
l'ordre  toscan,  si  le  diamètre  inférieur  des 
colonnes  de  Mitla  n'étoit  pas  à  leur  diamètre 
supérieur  en  raison  de  3  à  2. 

La  distribution  des  appartemens  dans  l'in- 
térieur de  cet  édifice  singulier ,  offre  des  rap- 
ports frappans  avec  celle  que  Ton  remarque 
dans  les  monumens  de  la  Haute  -  Egypte  , 
figurés  par  M.  Denon  et  par  les  savans  qui 
composent  l'Institut  du  Caire.  M.  de  Laguna 
a  trouvé  dans  les  ruines  du  Mitla  des  pein- 
tures cuiieuses  représentant  des  trophées  de 
guerre  d  des  sacrifices.  J'aurai  lieu  de  revenir, 
dans  un  autre  endroit  (  dans  la  Relation  histo- 
rique de  mon  voyage  ) ,  sur  ces  restes  d'une 
ancienne  civilisation. 

L'intendance  d'Oaxaca  est  la  seule  qui  ait 
conservé  la  culture  de  la  cochenille  (  coccus 
cacti  ) ,  branche  d'industrie  qu'elle  partageoit 
autrefois  avec  la  province  de  la  Puebla  et 
celle  de  la  Nouvelle-Galice. 
'  La  famille  de  Hernan  Cortez  porte  le 
titre  da  marqub  de  la  vallée  d'Oaxaca.  Son 


CHAPlTPvE    VIII. 


2;) 


majorât  est  composé  des  quatre  villas  dal 
marqiiesado,  et  de  49  ^iUages,  qui  reûfermeiit 
une  population  de  17,700  habitans. 


'•':     iMiv^: 


Les  endroits  les  plus  remarquables  de  cette 
province  sont  : 

Oaxaca  ou  Guaxaca,  l'ancien  Huaxyacac, 
appelé  Antequera  au  commencement  de  la 
conquête.  Tbiéry  de  Menonville  ne  lui 
donne  que  6000  habitans;  mais  par  le 
dénombrement  fait  en  ^792  ,  on  en  a 
trouvé  24400. 

Tehuantepeg  ou  Teguantepèque ,  port  situé 
au  fond  d'une  anse  que  l'Océan  forme  entre 
les  petits  villages  de  San  Francisco ,  San 
Dionisio ,  et  Santa  TMaria  de  la  Mar.  Ce 
port,  défendu  par  une  barre  assez  dange- 
reuse, deviendra  très-important  un  jour, 
lorsque  la  navigation  en  général  ,  et 
surtout  le  transport  de  l'indigo  de  Gua- 
timala  seront  plus  fréquens  par  le  Rio 
Guasacualco. 

San  Antonio  de  los  Cues  ,   endroit  très- 
peuplé  sur  le  chemin  J'Orizaba  à  Oaxaca  ^ 


326  LIVRE    III, 

célèbre  par  les  restes  d'anciennes  fortifi- 


cations mexicaines. 


Les  mines  de  cotte  intendance  que  Ion 
exploite  avec  le  plus  de  soin ,  sont  celles  de 
Villalta ,  Zolaga  ,  Yxlepexi  et  Totomostla, 


'*  -^_ 


CHAPITRE    VIIT. 


3'?.7 


VIII.     I  N  T  E  N  D  A  N  C  E    DE    IM  E  R  I  D  A. 


Population  en  i8o3  :  4C5,8oo. 

Etendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  :  S977. 

Hahitans  par  lieue  carrée  ;  81. 

Cette  intendance,  sur  laquelle  M.  Gilbert  ' 
nous  a  fourni  des  rensci;^neniens  piérieux, 
comprend  la  grande  péninsule  de  Yucatan  , 
située  entre  la  baie  de  Canjpéclie  et  celle 
d'Honduras.  C'est  par  le  cap  Caloche,  éloigné 
de  cinquante-une  lieues  des  collines  calcaires 
du  cap  Sainl-Anloiiie ,  qu'avant  l'irruption 
de  la  mer  des  Antilles,  le  Mexique  paroît  avoir 
été  contigu  à  l'île  de  Cuba 

'  Cet  observateur  éclairé  a  parcouru  une  grande 
partie  des  colonies  espagnoles  :  il  a  eu  le  malheut 
de  perdre  dans  un  naufrage,  au  sud  de  l'île  de  Cuba  , 
entre  les  bas-fonds  âes  Jardins  du  roi,  dont  j'ai  déter- 
miné la  position  astronomique  ,  les  matériaux  statis- 
tiques qu'il  avoit  recueillis.  Il  est  utile  d'observer  ici 
que  ,  sans  connoîlre  les  données  que  je  me  suis  procu- 
rées, en  évaluant  lui- même  le  nombre  des  villages  et 
leur  population,  M.  Gilbert  avoit  trouvé  que  le  Yucataa 
devoit  contenir,  en  1801,  près  d'un  demi-millioa 
d'habitans  de  toutes  castes  et  de  toutes  couleurs. 


3a8 


LIVRi:    III 


Ln  pro\inrc  cle  Merida  confine  au  sud  ,  au 
royaume  de  Guntimala,  et  à  l'est,  à  l'inten- 
dance de  Vera-Gruz,  dont  elle  est  séparée 
par  le  JUo  13uraderas,  appelé  aussi  la  rivière 
des  Crocodiles  (  Lagarlos  )  ;  à  l'ouest ,  les 
établissemens  anglois  s'étendent  jusqu'à  l'em- 
boMchure  du  Rio  Honda  ,  au  nord  de  la  baie 
d'Hanovre  ,  vis-à-vis  l'ile  d'Ubero  (  Amber- 
greese  Key  ).  Dans  cette  partie ,  Salamanca , 
ou  le  petit  fort  de  San  Felipe  de  Bacalar  est 
le  point  le  plus  austral  de  la  côte  habité  par 
les  Espagnols. 

La  péninsule  de  Yucatan,  dont  la  côte 
septentrionale  ,  depuis  le  cap  Catoche ,  près 
de  l'île  du  Gontoy,  jusqu'à  la  Punta  de     edras 

(sur  une  longueur  de  quatre-vingt-ur ..ues) 

suit  exactement  la  direction  du  courant  de 
rotation  ,  est  une  vaste  plaine  traversée ,  dans 
son  intérieur ,  du  nord-ouest  au  sud-ouest , 
par  une  chaîne  de  collines  peu  élevées.  Les 
pays  qui» s'étendent  à  l'est  de  ces  collines, 
vers  les  baies  de  l'Ascension  et  du  Saint- 
Esprit,  paroissent  être  les  plus  fertiles  ;  aussi 
ont-ils  été  jadis  les  plus  habités.  Les  ruines 
4'édifices  européens  que  l'on  découvre  dans 
l'île  Cosuniel ,   au  milieu  d'un  bosquet  de 


oiApiTT\r.  vni.  3^9 

palmiers,  indiquent  qu'au  rommrncenient 
de  la  conqnwlo  mcmc  ,  celle  île  ,  qui  est 
déserte  aujourd'hui ,  fut  pcu[)lée  par  des 
colons  espagnols.  Depuis  fjue  les  Anglois  se 
sont  établis  entre  Ouio  et  Uio  Uondo ,  le 
gouvernement^  pour  diminuer  le  eommerce 
de  contrebande  ,  a  concentré  la  population 
espagnc)le  et  indienne  dans  la  partie  de  la 
péninsule  qui  est  à  l'ouest  des  montagnes  du 
Yucatan.  Il  n'est  point  permis  aux  colons  de 
se  fixer  sur  la  côte  occidentale  ,  sur  les  bords 
du  Rio  Bacalar  et  sur  Rio  Hondo.  Toute 
cette  vaste  contrée  est  restée  dépeuplée  :  on 
n'y  trouve  que  le  poste  militaire  (presidio) 
de  Salamanca. 

L'intendance  de  Merida  est  un  des  pays  les 
plus  chauds  et  cependant  un  des  plus  sains 
de  l'Amérique  équinoxiale.  Cette  salubrité  du 
climat  doit  sans  doute  être  attribuée ,  dans  le 
Yucatan,  comme  à  Goro,  à  Cumana  et  dans 
l'île  de  la  Marguerite  ,  à  l'extrême  sécheresse 
du  sol  et  de  l'atmosphère.  Sur  toute  la  côte, 
depuis  Campeche ,  ou  depuis  l'embouchure 
du  Rio  de  San  Francisco  jusqu'au  cap  Catoche, 
le  navigateur  ne  trouve  pas  une  seule  source 
d'eau  douce,  Prèsdece  dernier  cap ,  la  nature 


33o  LIVRE  m, 

a  répété  le  même  phénomène  qui  se  présent* 
au  sud  de  File  de  Cuba,  dans  la  baie  de 
Xaj^ua,  et  que  j'ai  décrit  dans  un  autre  en- 
droit 'Sur  îacôte  septentrionale  de  Yucatan, 
à  Tembouchure  du  Rio  Lagartos ,  à  quatre 
cents  mètres  du  rivage,  des  sources  d'eau 
douce  jaillissent  au  milieu  des  eaux  salées. 
On  appelle  ces  sources  remarquables  les 
Bouches  (  Boccas  )  de  Coiiil.  Il  est  probixble 
que ,  par  une  forte  pression  hydrostatique , 
les  eaux  douces,  après  avoir  brisé  les  bancs 
de  roche  calcaire  entre  les  fentes  desquels 
c^^es  ont  coulé ,  s'élèvent  au-dessus  du  niveau 
des  eaux  salées. 

Les  Indiens  de  cette  intendance  parlen  la 
langue  maja,  qui  est  très-gutturale,  et  de 
laquelle  il  existe  quatre  dictionnaires  asse*. 
complets,  rédigés  par  Pedro Beltran ,  Andrès 
de  Avendaiïo  ,  Fray  Antonio  de  Ciudad 
Real  et  Luis  de  Villalpando.  La  péninsule  de 
Yucatan  ne  fut  Mmais  soumise  aux  rois 
mexicains  ou  £  ztèques  :  cependant  les  premiers 
conquérans ,  Bernai  Diaz ,  Hernandez  de 
Cordova  et  le  valeureux  Juan  de  Grixalva  , 

^  Dam  mes  Tableaux  de  la  Nature,  Vol.  II ,  p>  1/4 
«t  235. 


\ 


iv>« 


CHAPITRE    VIII. 


33 1 


furent  frappés  de  la  civilisation  avancée  des 
habitans  de  cette  péninsule.  Ils  y  trouvèrent 
des  maisons  construites  en  pierres  cimentées 
avec  de  la  chaux ,  des  édifices  pyramidaux 
(  téocallis  )  qu'ils  comparèrent  aux  mosquées 
des  Maures ,  des  champs  enclos  de  haies ,  un 
peuple  vêtu  ,  policé  ,  et  très  -  différent  des 
indigènes  deFilc  deCuba.  On  découvre  encore 
aujourd'hui  beaucoup  de  ruines ,  surtout  de 
monumens  sépulcraux  (giiacas  )  à  l'est  de  la 
petite  chaîne  centrale  des  montagnes.  Quelques 
tribus  d'Indiens  ont  conservé  leur  indépen- 
dance dans  la  partie  méridionale  de  ce  terrain 
montueux,  que  l'épaisseur  des  forets  et  la 
force  de  la  végétation  rendent  presque  inac- 
cessible. 

La  province  de  Merida ,  comme  tous  les 
pays  de  la  zone  torride  dont  le  sol  ne  s'élève 
pas  à  i3oo  mètres  de  hauteur  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer,  ne  produit,  pour  la  nour- 
riture de  ses  habitans  ,  que  du  mais  et  des 
racines  de  jatropha  et  de  dioscorea,  mais 
point  de  blé  d'Europe,  l  es  arbres  qui  four- 
nissent le  fameux  bois  de  Gampêche  (  Hœma" 
toxjlon  campechianum  ^  L.  )  croissent  en 
abondance  dans  plusieurs  districts  de  cette 


332 


LIVRE    III 


intendance.  Les  coupes  (  cortes  de  paîo  Cam- 
pcclw)  se  font  iinnuellement  sur  les  rives  du 
Rio  Chainpoton,  dont  Tenibouchure  est  au 
sud  de  la  ville  de  Gampôche  ,  à  quatre  lieues 
du  petit  village  de  Lerma.  Ce  n'est  qu'avec 
une  permission  extraordinaire  de  l'intendant 
de  Merida ,  qui  porte  le  titre  de  gouverneur 
capitaine  général,  que  les  négocians  peuvent, 
de  temps  en  temps,  faire  des  coupes  du  bois 
de  Campée  he  à  l'est  des  montagnes ,  près  des 
baies  de  l'Ascension ,  de  Todos  los  Santos  , 
et  del  Espirito  Santo.  C'est  dans  ces  anses  de 
la  cote  orientale  que  les  Anglois  entretiennent 
un  commerce  de  contrebande  aussi  considé- 
rable que  lucratif.  Le  bois  de  Campêche , 
après  avoir  été  coupé ,  doit  sécher  pendant 
un  an  avant  qu'on  l'envoie  à  Vera-Cruz,  à 
la  Havane  ou  à  Cadix.  Le  quintal  de  ce  bois 
sec  (  palo  de  tinta  )  se  vend  à  Campêche  à 
raison  de  2  piastres  ou  2  piastres  et  demi 
(  10  fr.  5o  c.  à  '1-2  fr.  88  c.  ).  L'haematoxylon  , 
très-abondant  dans  le  Yiiratan  et  sur  la  côte 
d'IJonds^ras,  se  trouve  d'ailleurs  épars  dans 
toutes  les  forets  de  l'Amérique  équinoxiale  , 
partout  où  la  température  moyenne  de  l'air 
n'est  pas  au-dessous  de  22°  du  thermomètre 


B 


mmmi'im^ 


CHAPITRE    VIII. 


333 


centigrade. La  cote  deParia,  dansla province 
de  la  Nouvelle-Andalousie,  pourra  un  jour 
faire  un  commerce  considérable  avec  les  bois 
de  Campèche  et  de  Brésil  (  Cœsalpinia  )  , 
qu'elle  produit  en  grande  quantité. 


Les  endroits  les  plus  remarquables  de  l'in- 
tendance de  Merida  sont  : 

Merida  de  Yucatan,  capitale,  à  lo  lieues 
dans  l'intérieur  des  terres,  dans  une  plaine 
aride.  Le  petit  port  de  Merida  s'appelle 
Sizal,  à  l'ouest  de  Chaboana  ,  vis-à-vis  un 
banc  de  sable  qui  après  de  12  lieues  de 
long.  Population,  10,000. 

Campèche  ,  sur  le  Rio  de  San  Francisco  , 
a\ec  un  port  qiû  n'est  pus  très-sur.  Les 
vaisseaux  sont  obi i'jf^c  de  uiouiller  loin  du 
rivat^e.  En  lanif-ue  mava  ,  cam  siii^niQe 
serpent,  et  pécheXa  petit  insecte  (acarus) 
appelé  par  les  Espagnols.  ,i,'v//v//^«7^/ ^  qui 
perce  la  peau  et  cause  des  douleurs  cui- 
santes. Entre  Campêclie  et  Merida  se  trou- 
vent deux  villages  indiens  très-considérables, 
appelés  Xampolan  et  Equetchecan.  T  '  x* 
portation  de  la  cire  de  Yucatan  est  une  des 


334  ^^"^^^^  "'' 

branches  de  conuiiertx'  les  plus  lucratives. 
La  population   habituelle  de   la  vî?-e  est 

de  (),o^^^^' 
Y/LLADOLTD,  peûle  \ille  dont  Les  environs 
produisent  beaucoup  de  coton  ,  et  d  une 
exccllenle  qualité.  Ce  coton  se  vend  ce- 
pendant à  l)as  prix  ,  parce  qu'il  a  le  grand 
déiaul  d'èlrc  tics-adhérent  à  la  graine.  On 
ne  sait  ])as  le  ne^over  (  despepitnr  ou 
desmnlar)  dans  ie  pays.  Le  fret  absorbe 
les  de:ix  tiers  de  sa  valeur,  à  cause  du  poids 
de  la  foraine. 


CHAPITRE    VIII. 


335 


IX.  Inteîtdance  de  Vera-Gruz. 

Population  en  180^  :  lï^e^ooo, 

JK tendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  ;  4i4i. 

Habitans par  lieue  carrée  :  ZS, 


Cette  province ,  située  sous  le  ciel  brûlant 
des  tropiques ,    s'étend    le  Ion-    du   golfe 
mexicain,  depuis  le  Rio  Baraderas  (ou  de 
los  Lagartos  )    jusqu'à  la  grande  rivière  de 
Panrco ,  qui  prend  sa  source  dans  les  mon- 
tagnes métallifères  de  San  Luis  Potosi  :  elle 
embrasse  par   conséquent  une  partie   très- 
considérable  de  la  cote  orientale  de  la  Nou. 
vellc-Espagne.  Sa  longueur,  depuis  la  baie 
de  Termmos,  près  de  File  delCarmen,  jusqu'au 
petit  port   de  Tampico,  est  de  ,210  lieues, 
tandis  que  sa  largeur  n'est  généralement  que 
de  25  à  28  lieues.  Elle  confine  à  l'est ,  à  la 
péninsule  de  Merida  ;  à  l'ouest,  aux  inten- 
dances  d'Oaxaca  ,  de  Puebla  et  de  Mexico  • 
ûu  nord,  à  la  colonie  du  Nouveau-Santander! 
Un  coup  d'œil  jeté  sur  la  neuvième  et  la 
douzième  planche  de  mon  Atlas  mexicain 


336 


LIVRE    III 


fera  voir  la  conformation  extraordinaire  de 
ce  pajs  ,  qui  jadis  fut  compris  sous  la  déno- 
mination de  Cuetlachtlan.  Uy  a  peu  de  régions 
du  nouveau  continent  ,  dans  lesquelles  le 
voyageur  soit  plus  frappé  du  rapprochement 
des  climats  les  plus  opposés.  Toute  la  partie 
occidentale  de  l'intendance  de  Vera  -  Cruz 
occupe  la  pente  des  Cordillères  d'Anahuac. 
Dans  l'espace  d'un  jour  les  habitans  y  des- 
cendent de  la  zone  des  neiges  éternelles  à  ces 
plaines  voisines  de  la  mer  dans  lesquelles 
régnent  des  chaleurs  suffocantes.  Nulle  part 
on  ne  reconnoît  mieux  Tordre  admirable 
avec  lequel  les  différentes  tribus  de  végétaux 
se  suivent  comme  par  couches  les  unes  au- 
dessus  des  autres ,  qu'en  montant  depuis  le 
port  de  la  Vera-Cruz  vers  le  plateau  de  Per ote. 
C'est  là  qu'à  chaque  pas  on  voit  changer  la 
physionomie  du  pays,  l'aspect  du  ciel ,  le 
port  des  plantes ,  la  ligure  des  animaux ,  les 
mœurs  des  habitans ,  et  le  genre  de  culture 
auquel  ils  se  livrent. 

A  mesure  que  l'on  s'élève ,  la  nature  paroît 
moins  animée  ,  la  beauté  des  formes  végétales 
diminue ,  les  tiges  sont  moins  succulentes  , 
les  fleurs  moins   grandes  ,   moins  colorées. 


es  au- 
îuis  le 
?erote. 
ger  la 
lel ,  le 
ux ,  les 
culture 

e  paroît 
évrétales 
ilentes  , 
olorées. 


CHAPITRE    VIÏI.  33^ 

L'aspect  du  chêne  mexicain  rassure  le  voya- 
geur débarqué  à  la  Vera-Cruz.  Sa  présence 
lui  indique  qu'il  a  quitté  cette  zone  justement 
redoutée  par  les  peuples  du  nord  ,  sous 
laquelle  la  fièvre  jaune  exerce  ses  ravages 
dans  la  Nouvelle-Espagne.  Cette  même  limite 
inférieure  des  chênes  avertit  le  colon  habitant 
du  plateau  central ,  jusqu'où  il  peut  descendre 
vers  les  cotes  ,  sans  craindre  la  maladie 
mortelle  du  t;om/^o.  Près  de  Xalapa  ,  des  forêts 
de  liquidambar  annoncent ,  par  la  fraîcheur 
de  leur  verdure ,  que  cette  hauteur  est  celle 
à  laquelle  les  nuages  suspendus  au-dessus  de 
l'Océan,  viennent  toucher  les  cimes  basaltiques 
de  la  Cordillère.  Plus  haut  er«' ore,  près  de 
la  Banderilla,  le  fruit  nourrissant  du  bananier 
ne  vient  plus  à  maturité.  Aussi,  dans  cette 
région  brumeuse  et  froide  ,  le  besoin  excite 
l'Indien  au  travail ,  et  réveille  son  industrie. 
A  la  hauteur  de  San  Miguel ,  les  sapins  com* 
mencent  à  s'entremêler  aux  chênes ,  et  le 
voyageur  les  trouve  jusqu'aux  plaines  élevées 
de  Perote ,  qui  lui  offrent  l'aspect  riant  de 
champs  semés  en  froment.  Huit  cents  mètres 
plus  h^ut ,  le  climat  devient  déjà  trop  froid 
pour  que  les  chênes  puissent  y  végéter;  les 


II. 


22 


338  LIVRE    III  , 

sapiiis  seuls  y  couvrent  les  rochers,  dont  les 
cimes  entrent  dans  la  zone  des  neig-es  éter- 
nelles. C'est  ainsi  qu'en  peu  d'heures,  dans  ce 
pays  merveilleux ,  le  physicien  parcourt  toute 
l'échelle  de  la  végétation,  depuis  l'héliconia 
et  le  bananier,  dont  les  feuilles  lustrées  se 
développent  dans  des  dimensions  extraordi- 
naires, jusqu'au  parenchyme  rétréci  des  arbres 
résineux. 

La  province  de  Vera-Cruz  est  enrichie, 
par  la  nature ,  des  productions  les  plus  pré- 
cieuses. Au  pied  de  la  Cordillère,  d.  s  les 
forêts  toujours  vertes  de  Papantla,  deNaulIa 
et  de  Saint -André  TuxtLi  ,  croît  la  liane 
(epidendrum  vanilla),  dont  le  fruit  odori- 
iérant  est  employé  po*Ur  parfumerie  chocolat. 
Près  des  villages  indi(;n  Je  Colipa  et  de 
Misantla  se  trouve  la  jelle  convolvulact  e 
(  convolvulus  jalapaî  ) .  lont  la  racine  tubé- 
reuse fournit  le  jalap ,  un  des  purgatifs  les 
plus  énergiques  et  les  plus  bienfaisans.  Dans 
la  partie  orientale  de  l'intendance  de  Vera- 
Cruz,  les  forets  qui  s'étendent  vers  la  rivière 
de  Baraderas  produisent  le  myrte  (myrlus 
pimenta),  dont  la  graine  est  une  épice  agréable, 
et  connue  dans  le  commerce  sous  le  nom  du 


CHAPITRE    VIII.  339 

pimicnta  de  Tahasco.  Le  cucao  d'Acnjucan 
seroit  recherché ,  si  les  indigènes  se  livroient 
plus  assidûment  à  la  culture  des  cocao^ers. 
A  la  pente  orientale  et  australe  du  pic  d'Oii- 
laba,  dans  les  vallées  qui  se  prolongent  vers 
la  petite  ville  de  Gordoba  ,  se  cultive  du  tabac 
d'une  qualité  excellente,  et  qui  iournit  à  la 
couronne  un  revenu  annuel  de  plus  de  18  mil- 
lions de  francs.  Le  smilax,  dont  la  racine  est 
la  vraie  salsepareille ,  végète  dans  les  ravins 
humides  et  ombragés  de  la  Cordillère.  Le 
coton  des  cotes  de  V  eia-Gruz  est  célèbre  à 
cause  de  sa  finesse  et  de  sa  blancheur.  La 
canne  y  est  presque  aussi  abondante  en  sucre 
qu'à  l'ile  de  Cuba ,  et  plus  que  dans  les  plan- 
tations de  Saint-Domingue. 

Cette  intendance  seule  suffiroit  pour  vivi- 
fier le  commerce  du  port  de  Verà-Cruz ,  si 
le  nombre  des  colons  étoit  plus  considérable, 
cl  si  leur  paresse  ,  effet  de  la  bienfaisance  de 
la  r  "'ne  et  de  la  facilité  de  pourvoir  sans 
travail  aux  premiers  besoins  de  la  vie ,  n'en- 
travoit  les  progrès  del'industrie.  La  population 
ancienne  du  Mexique  étoit  concentrée  dans 
l'intérieur  du  pays ,  sur  le  plateau  même  :  les 
peuples  mexicains,  originaires  de  contrées 


o  o 


34o  LIVRE    III, 

septentrionales  ,  comme  nous  l'avons  exposé 
plus  huut,  préférèrent  dans  leurs  migrations 
le  dos  des  Cordillères,  parce  qu'il  leur  oiïnjit 
un  climat  analogue  à  celui  de  leur  pajs  natal. 
Sans  doute,  lors  de  la  première  arrivée  des 
Espagnols  sur  la  plage  de  Ghalcliiuhcuecan 
(Vera-Cruz),  toute  celte  côte,  depuis  la 
rivière  de  Papaloapan  (  Alvarado  )  jusqu'à 
Huaxtecapan,  étoit  plus  habitée  et  mieux 
cultivée  qu'elle  ne  Test  aujourd'hui.  Cepen- 
dant ,  à  mesure  que  les  conquérans  montèrent 
au  plateau ,  ils  trouvèrent  les  villages  plus 
rapprochés  les  T.ins  des  autres,  les  champs 
divisés  en  portions  plus  petites,  le  peuple  plus 
policé.  Les  Espagnols ,  qui  croyoient  fonder 
de  nouvelles  villes  quand  ils  donnoient  des 
noms  européens  à  des  villes  construites  par 
les  Aztèques ,  suivirent  les  traces  de  la  civili- 
sation des  indigènes  :  ils  eurent  des  motifs 
bien  puissans  d'habiter  le  plateau  d'Anahuac; 
ils  craign oient  la  chaleur  et  les  maladies  qui 
régnent  dans  les  plaines.  La  recherche  des 
métaux  précieux,  la  culture  du  blé  et  des 
arbres  fruitiers  d'Europe ,  l'analogie  du  climat 
avec  celui  des  Castilles,  et  d'autres  causes 
indiquées  dans  le  quatrième  chapitre  de  cet 


CHAPiTBf:  vm. 


S'il 


oiivra<ve ,  les  engagèrent  à  se  fixer  sur  le  dos 
des  Cordillères.  Aussi  long- temps  que  les 
encomenderos j  abusant  des  droits  qui  leur 
avoient  été  accordés  par  les  lois ,  traitèrent  les 
Indiens  comme  serfs ,  un  icrand  nombre  de 
ceux-ci  furent  transplantés  des  régions  voi- 
sines des  côtes  au  plateau  de  l'intérieur,  soit 
pour  travailler  dans  les  mines,  soit  seulement 
pour  les  rapprocher  de  l'habitation  de  leurs 
maîtres.  Pendant  deux  siècles,  le  commerce 
de  l'indigo ,  du  sucre  et  du  coton  américains 
étoit  presque  nul  :  rien  n'excitoit  les  blancs  à 
s'établir  dans  les  plaines,  qui  ont  le  véritable 
climat  des  Indes.  On  pourroit  dire  que  les 
Européens  ne  venoient  sous  les  tropiques  que 
pour  y  habiter  la  zone  tempérée. 

Depuis  que  la  consommation  du  sucre  a 
considérablement  augmenté,  et  que  le  com- 
merce du  nouveau  continent  fournit  beaucoup 
de  productions  que  l'Europe  tiroit  jadis  de 
l'Asie  et  de  l'Afrique  seules,  les  phiines  {tic iras 
calientes  )  offrent  sans  doute  plus  d'appât  à  la 
colonisation  :  aussi  les  plantations  de  la  canne 
à  sucre  et  des  cotonniers  se  sont  multipliées 
dans  la  province  de  Vera-Crux ,  surtout  depuis 
les  événemens  funestes  qui  ont  eu  lieu  à  Saint- 


34?.  LIVRE  m, 

Domingiie,  et  qui  Ont  donné  un  grand  essor 
a  l'induslrie  dans  les  eoionies  espagnoles.  Ces 
progrès ,  cependant ,  ne  sont  pas  encore  très- 
marques  sur  les  eûtes  mexicaines  :  il  faudra 
des  siècles  pour  repeupler  ces  déserts.  Aujour- 
d'hui, des  espaces  de  plusieurs  lieues  carrées 
sont  occupés  par  deux  ou  trois  cabanes  {hatlos 
degnnndo),  autourdesquelles  errent  des  bœufs 
à  demi  sauvages.  Un  petit  nombre  de  familles 
puissantes,  et  qui  viventsur  le  plateau  central , 
possèdent  la  plus  grande  partie  du  littoral  des 
intendances  de  Vera-Cruz  et  de  San  Luis 
Potosi.  Aucune  loi  agraire  ne  force  ces  riches 
propriétaires  de  vendre  leurs  majorais  (fiuiyo- 
razgos)  ,  s'ils  persistent  à  ne  pas  vouloir 
défricher  eux-mêmes  les  terres  iumienses  qui 
en  dépendent  :  ils  vexent  leurs  fermiers  et  les 
chassent  à  leur  gré. 

A  ce  mal,  que  les  côtes  du  golfe  du  Mexique 
ont  de  commun  avec  l'Andalousie  et  avec 
une  grande  partie  de  TEspagne ,  se  joignent 
d'autres  causes  de  dépopulation.  L'intendance 
de  Vera-Cruz  a  une  milice  trop  nombreuse 
pour  un  pays  si  peu  habité.  Le  service  mili- 
taire pèse  sur  le  laboureur  ;  il  fuit  la  côte  pour 
n«  pas  être  forcé  d'entrer  dans  les  corps  des 


CHAPITRE    MU.  .V|  ' 

lanceras  et  dos  milicianns  :  aussi  les  le\  t'cs 
laites  pour  fournir  des  matelots  à  la  marine 
royale  se  répètent-elles  troj)  souvent,  et  s'exé- 
cutenl-elles  d'une  manière  trop  arbitraire.  Le 
«youvernement  a  n(  ;^''ligé  jus((u'iri  tons  les 
moyens  par  lesquels  il  pourroit  au^inenter  la 
population  de  cette  cote  déserle.  Il  résulte  de 
cet  état  de  choses  un  manque  de  bras  et  une 
cherté  de  vivres  qui  contrastent  avec  la  grande 
fertilité  du  pays.  Au  port  de  Yera-Cruz  la 
journée  d'un  ouvrier  ordinaire  est  de  5  à  6  fr. 
Un  maître  maçon  et  tout  homme  (jui  exerce 
un  art  particulier,  y  gagne  ii5  à  20  francs  par 
jour,  c'est-à-dire,  trois  à  quatre  fois  autant 
que  sur  le  plateau  central. 

L'intendance  de  Vera-Grux  renferme  dans 
ses  limites  deux  cimes  colossales,  dont  la  pre- 
mière, le  volcan  iVOrizahay  est,  après  le 
Popocatepetl ,  la  montagne  la  plus  élevée  de 
la  Nouvelle-Espagne.  Le  sommet  de  ce  cône 
tronqué  est  incliné  au  sud-est  :  l'échancrure 
qu'il  présente  rend  le  cratère  visible  de  très- 
loin  ,  même  depuis  la  ville  de  Xalapa.  La 
seconde  cime,  le  Coffre  de  P  croie,  est,  d'après 
mes  mesures,  de  près  de  4oo  mètres  plus  élevé 
que  l€  pic  deTénérifle  :  il  sert  de  signal  aux 


3\n^  LIVRE  m, 

navigateurs  îors  de  leur  atterrage  s«r  Tera- 
Cruz.  Coiiime  retle  circonstance  rend  très- 
importante  la  déterminf  lion  de  sa  position 
astronomique ,  j'ai  observé ,  sur  le  Coffre 
même,  des  hauteurs  circum-méridiennes  du 
soleil.  Une  couche  épaisse  de  pierre  ponce 
environne  cette  montagne  porphjrilique  : 
rien  n'y  annonce  un  cratère  au  sommet ,  mais 
les  courans  de  laves  que  l'on  observe  entre  le 
|>elit  village  de  las  Vigas  et  de  Hoya ,  paroisscnt 
êJre  î^^s  effets  d'une  explosion  latérale  très- 
ancienne.  Le  ^ç\\\  volcan  de  Tuxtla  y  adossé 
à  la  Sierra  de  San  Martin ,  est  situé  à  4  lieues 
de  la  côte ,  au  sud-est  du  port  de  Vera-Gruz, 
près  du  village  indien  de  Santiago  de  Tuxlla: 
il  se  trouve ,  par  conséquent ,  hors  de  la  ligne 
que  nous  avons  indiquée  plus  haut  comme  le 
parallèle  des  volcans  enflammés  du  Mexique. 
Sa  dernière  éruption  très-considérable  a  eu 
lieu  le  2  mars,  l'an  179^:  les  cendres  volca- 
niques couvrirent  alors  les  toits  des  maisons  à 
Oaxaca ,  à  Vera-Cruz  et  à  Perote.  Dans  ce 
dernier  endroit ,  qui  est  éloigné  du  volcan  de 
Tuxtla  de  67  lieues  »  en  ligne  droite ,  le  bruit 

*  Celte  distance  est  plus  grani^.;  que  celle  de  Naples 
à  Rome ,  et  cependtint  le  Vésuve  ne  se  fait  pas  mêiiie 


CHAPITRE    VIII. 


345 


souterrain  ressembloit  à  des  décharges  de 
grosse  artillerie. 

Dans  la  partie  septentrionale  de  l'inten- 
dance de  Vera-Cruz,  à  l'ouest  de  l'embou- 
chure du  Rio  Tecolulla ,  à  deux  lieues  de 
dislance  du  grand  village  indien  de  Papantla, 
se  trouve  un  édifice  pyramidal  d'une  haute 
antiquité.  La  pjramide  de  Papantla  étoit  restée 
inconnue  aux  premiers  conquérans  :  elle  est 
située  au  milieu  d'une  foret  épaisse,  appelée 
Tajin  en  langue  totonaque.  Les  indigènes, 
pendant  des  siècles,  ont  caché  aux  Espagnols 
ce  monument ,  objet  d'une  antique  vénération  : 
ce  n'est  que  depuis  trenle  ans  que  le  hasard 
l'a  fait  découvrir  à  des  chasseurs.  Un  ob- 
servateur aussi  modeste  qu'éclairé,  et  qui 
depuis  long-temps  se  livre  à  des  recherches 
très-curieuses  sur  l'architecture  et  les  idoles 


entendre  an  delà  de  Gaëta.  Nous  avons,  M.  Bonpland 
et  moi ,  entendu  distinctement  ies  mugissemens  du 
Cotopaxi ,  lors  de  son  explosion  en  1802,  dans  la  mer 
du  Sud,  à  l'ouest  de  Tîlc  de  la  Puna,  à  72  lieues  de 
dislance  du  cratère.  En  1744^  ce  mcmt>  volcan  fut 
entendu  à  Honda  et  à  Morapox,  sur  les  bords  de  la 
rivière  de  la  Madeleine.  (Voyvz  ma  Géographie  <IeS 
plantes ,  p.  53  ,  édit.  in-4.°  ) 


346  LIVRE    III, 

mexicaines,  M.  Dupé  ',  a  visité  la  pyramide 
(le  Papanlla  :  il  a  examiné  avec  soin  la  coupe 
des  pierres  dont  elle  est  construite  ;  il  a  des- 
siné les  hiéroglyphes  dont  ces  pierres  énormes 
sont  couvertes.  Il  seroit  à  désirer  qu'il  voulut 
se  résoudre  à  publier  la  description  de  ce 
monument  intéressant.  La  figure  '  publiée  en 
1786,  dans  la  gazette  de  Mexico,  est  très- 
imparfaite. 

La  pyramide  de  Papantla  n'est  point  cons- 
truite en  briques  ou  en  argile  nièlée  de  cailloux 
et  revêtue  d'un  mur  d'amygdaloïde,  comme 
les  pyramides  de  Choiula  et  de  Téotihuacan  : 
les  seuls  matériaux  qui  y  ont  été  employés  sont 
d'immenses  pierres  de  taille  porphyritiques  ; 
on  distingue  du  mortier  dans  les  joints.  L'édi- 
fice est  cependant  moins  remarquable  pur  sa 


*  Cipitalne  au  service  du  roi  d'Espagne.  C'est 
jVI.  Dupé  qui  possède  le  busle  en  basalte  d'une 
prêtresse  mexicaine,  que  j'ai  fait  graver  par  M.  Mas- 
sard ,  et  qui  offre  de  grandes  ressemblances  avec  lo 
calamihica  des  têtes  d'Isis.  On  trouvo  cette  figure 
dans  mes  Vuen  des  Cordillères  ,  et  Moniimena  des 
peuples  indigènes  de  l'Aviérîque ,  J-l.  1  et  ïî. 

^  Voyez  aussi  Momimenti  di  Arehibettura  Messicana 
dl  Pietro  Marquez  f  Roma,  i8o4  ,  ïab.  I. 


CHAPITÎ\E    VIII. 


3^ 


17 

grandeur  que  par  son  ordonnance ,  par  le 
poli  des  pierres,  et  parla  grande  régularité 
de  leur  coupe.  La  base  de  la  pyramide  est 
exactement  carrée ,  chaque  côté  ayant  20  mè- 
tres de  long:  la  hauteur  perpendiculaire  paroît 
être  à  peine  de  i6  à  20  mètres.  Ce  monument, 
comme  tous  les  téocallis  mexicains  .  se  com- 
pose de  plusieurs  assises  :  on  en  distingue 
encore  six,  et  l'on  croit  rpie  la  septième  est 
cachée  par  la  végétation  c[ui  couvre  tout  le 
flanc  de  la  pyramide.  Un  grand  escalier  de 
57  gradins  mène  à  la  cime  tronquée  du  téo- 
calli ,  à  l'endroit  où  se  faisoit  le  sacrifice  des 
victimes  humaines  :  un  petit  escalier  se  trouve 
à  côté  du  grand.  Le  revêlement  des  assises  est 
orné  d'hiéroglyphes,  dans  lesquels  on  recon- 
noît  des  serpens  et  des  crocodiles  sculptés  en 
relief:  chaque  assise  offre  un  grand  nombre 
de  niches  carrées ,  et  symétriquement  distri- 
buées :  dans  le  premier  étage  on  en  compte 
de  chaque  côté  2^;  dans  le  second,  20;  dais 
le  troisième  ,16.  Le  nombre  de  ces  niches  est 
de  566  dans  le  corps  de  la  pyramide,  et  de  1 2 
dans  l'escalier  que  l'on  distingue  vers  l'est. 
L'abbé  Marquez  Svippose  que  ce  nombre  de 
078  niches  fait  allusion  au  système  calendaire 


34B  LIVRE    III, 

des  Mexicains  ;  il  croit  même  que  dans  clia- 
cune  d'elles  étoit  répétée  une  des  vingt  figures 
qui,  dans  le  langage  hiéroglyphique  des  Tol- 
lèques ,  servoienl  de  symbole  pour  désigner 
le  jour  de  Tannée  commune,  et  les  jours 
intercalaires  à  la  fin  des  cycles.  En  effet, 
l'année  étant  composée  de  18  mois  ,  dont 
chacun  a  20  jours,  il  en  résultoit  56o  jours, 
auxquels ,  conformément  à  l'usage  égyptien , 
on  ajoutoit  les  6  jours  complémentaires  ap- 
pelés jwmontemi,  L'inlercalation  se  faisoit 
tous  les  62  ans,  en  augmentant  le  cycle  de 
i3  jours,  ce  qui  donne  36o  +  5  f  i5  =  578, 
signes  simples  ou  composés  des  jours  du  calen- 
drier civil ,  qu'on  nomma  compohualilhuitl 
ou  tonalpohuaUi ,  pour  le  distinguer  du 
comilliuitlapohualliztll ,  ou  du  calendrier 
rituel  usité  par  les  prêtres  pour  indiquer  le 
retour  des  sacrifices.  Je  n'entreprendrai  pas 
ici  d'examiner  l'hypothèse  de  l'ahbé  Marquez, 
qui  rappelle  d'ailleurs  les  explications  astro- 
nomiques qu'un  historien  célèbre,  M.  Gatterer, 
a  données  du  nombre  des  appartemens  et  des 
gradins  que  l'on  irouvoit  dans  le  grand  laby- 
rinthe égyptien. 


CHAPITRE    VIII.  349 

Les  villes  les  plus  remarquables  de  cette 
province  sont  : 

Vera  -  Gauz ,  résidence  de  l'intendant ,  et 
centre  du  commerce  avec  l'Europe  et  les 
îles  Antilles.  La  ville  est  jolie  et  trcs-régu- 
lièrement  construite ,  habitée  par  des  né- 
gocians  éclairés ,  actifs  et  zélés  pour  le  bien 
de  leur  patrie  :  elle  a  beaucoup  gagné  dans 
les  dernières  années,  sous  le  rapport  de  la 
police  intérieure.  La  plage  dans  laquelle 
Vera-Gruz  est  située ,  s'appeloit  jadis  Ghal- 
chiuhcuecan.  L'île  sur  laquelle  ,  à  frais 
énormes  (  selon  la  tradition  vulgaire,  avec 
une  dépense  de  200  millions  de  francs),  on 
est  parvenu  à  construire  la  forteresse  de 
San  Juan  de  Ulua  ,  fut  déjà  visitée  par 
Juan  de  Grixalva  ,  l'année  i5i8.  Il  lui 
donna  le  nom  d'Ulua  ,  parce  que  ,  y  ayant 
trouvé  les  restes  de  deux  malheureuses 
victimes  ',  et  ayant  demandé  aux  indigènes 
pourquoi  ils  sacrifioient  des  hommes,  on 

*  Il  paroît  que  ces  sacrifices  se  falsoient  sur  plusieurs 
petits  îlots  qui  entourent  le  port  de  Vera-Cruz.  Un 
de  ces  îlots ,  redouté  par  les  navigateurs  ,  porte  encore 
aujourd'hui  le  nom  à^L^la  de  Sacrificios. 


')  ^ 


M\i\i:   m 


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m 


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m  l'cnoiH 


(lil 


inc  c'cloil  yiw  onirc  des  rois 


iY .lri)llin<i  ou  <lu  lM(.î\i(ni('.  Ltrs  Ivspa^^nols, 
(|iii  u'cuioul  «raiilios  iiiU'rj)it'lrs  iyw  des 
Iiulioiisdo  Yiicalan, saisirent  mal  lairpousr, 
et  crmiMil  (|iri)liia  vUnV  le  nom  «le  l'île. 
Costa  (le  s(MnI)lal>lcs  m(''|>riscsquc  le  INmoii, 
la  cote  tic  J*aiia  cl  hcaiicoiip  d'aiihcs 
provinces  ,  doivent  leurs  noms  actuels, 
lia  ville  de  ViM\'i-(jru/  est  souvent  appehr 
Irnt  -  Cruz  Ar/<V(i,  pour  la  tlislini^ncr 
de  la  /  rni'Cruz  /  irja  ,  située  près  de  I  em- 
bouchure du  Kio  Anlii;'ua  ,  et  que  j>res(nio 
tous  les  bistorieus  re<j;'ardenl  comme  1 1 
première  colonie  londée  par  (sortez.  I  j'ahlx' 
Clavi«''ero  a    jnouvé  la   l'iîusscté    <le  vv\w. 


\ 


I 


opmiou.  tja  ville,  connncncce  I  année  i  •>!<), 
et  nommée  lillavica^  on  la  Villa  Kica  ck; 
la  Vera-(Jruz  ,  éloit  située  à  lr<is  lieues  de 
(,]empoalla  ,  clier-lieu  des  'r(»lona(]ues , 
près  du  pelit  ])ort  de  CJùahuilzLi  y  «pu'. 
ilans  l'ouvrage  de  Robertson,  on  a  de  l.i 
>eine  à  reconnoîlre  sous  le  nom  t 


de  O 


IIKI- 


I 

l)islan.  Trois   ans    plus   lard,  la    Villarica 
resta  déserte,  elles  l^)aij;'nols  ioudèreiil, 


au   sud,  une  aulre  ville  (pji  a  conser\e  l( 
nom  de  YJfitii^ua.  On   Cioil  dans  le  pay 


<:iiAi>iTni':  viii. 


:{." 


que  relie  seconde  rolcmie  fut  abandoiiiice 
(k)  nouveau  à  cause  de  la  maladie  du  voniilo  , 
4|ui ,  <léjà  à  celte  é|>ocjue  ,  nioissonnoil  plus 
des  d(;ux  tiers   dtîs  Kuro|>éens  dél)arc[ués 
dans   la  saison    d(îs  j»'randes   chaleurs.   Le 
vice-roi  comie  de  JVloiilerey  ,  c]ui  t»"ouverna 
le  JVlexicjue  à  la  fin  du  seizième  siècle,  (il 
jelei' les  rondcmensde  la  ]Nucva  Veia-CJruz 
ou  de   la  \ille  aclu(^lle  ,  vis-à-vis  I'jIoI  de 
San  ,luan  dX'lua  ,  dans  la  pla^e  de  (ilial- 
cliiulicuecan ,  à  l'cMidroit  même  oii  (iorlez 
avoit  dél)arf|ué  le  21  avril  de  l'année  ii)i<). 
Celle  Iroisième  ville  <le   Vera-Ciuz  n'a  eu 
ses  piiviléjjies  «le  ville  (jiie  sous  le  roi  Phi- 
lij>j>e  iif,  en  j(»il3.  EWv  eslsiluée  dans  une 
plaine  aride,  dépourvue  d'eaux  courantes, 
cl  sur  la<]uellc  les  vents  du  nord,  quisourilent 
impélueusemenl  depuis  le  mois  d'octobre 
jus(ju'au  mois  d'avril ,  ont  Formé  des  collines 
de  sable  mouvant.  Ces  dunes  {mc^nnos  lic 
arcim)  i'han<^ent  tous  les  ans  et  di;  foruie 
et  de  lieu  :  elles  ont  de  8  à  ^'l  mètres  de 
hauteur,    cl  elles  contribuent  sini^ulière- 
ment,  j)ar  la  réverbération  des  ravons  du 
soleil  et  par  la  haute  température  (m'ellcs 
ac([uiciciil  cUcs-moiues  pendant  les  moi'» 


' 


( 


t 


032 


LIVRE    III 


d'été ,  à  augmenter  la  chaleur  suffocante 
de  l'air  de  la  Yera-Gruz.  Entre  la  ville  et 
TAroyo  Gavilan  se  trouvent,  au  milieu  des 
dunes,  des  terrains  marécageux  couverts 
de  mangliers  et  d'autres  broussailles.  Les 
eaux  stagnantes  du  Baxio  de  la  Temhla- 
dera,  et  les  petites  lagunes  de  l'Horniiga, 
du  Rancho  de  la  Hortalizaet  d'Arjona,  font 
naître  des  fièvres  intermittentes  parmi  les 
indigènes  :  elles  jouent  probablement  aussi 
un  rôle  important  parmi  les  causes  funestes 
qui  produisent  le  fléau  du  voi?uto  prieto  ^ 
et  que  nous  examinerons  dans  la  suite  de 
cet  ouvrage.  Tous  les  édifices  de  Vera-Gruz 
et  du  château  d'Ulua  sont  construits  avec 
des  matériaux  tirés  du  fond  de  l'Océan,  et 
qui  sont  l'habitation  pierreuse  des  madré- 
pores (piedras  de  mue  ara)]  car  dans  les 
environs  de  la  ville  on  ne  trouve  aucune 
roche.  Les  sables  couvrent  les  formations 
secondaires  qui  reposent  sur  le  porphyre 
de  l'Encero ,  et  qui  ne  viennent  au  jour 
que  près  d'Acazonica,  métairie  des  jésuites, 
célèbre  à  cause  de  ses  carrières  de  beau 
gypse  feuilleté.  En  creusant  dans  le  sol 
sablonneux  de  Vera-Gruz,  on  trouve  de 


CHAPITRE    VJII. 


353 


Teau  douce  à  un  mètre  de  profondeur; 
mais  cette  eau  provient  de  la  filtration  des 
mares  ou  lagunes  formées  entre  les  dunes. 
C'est  de  Teau  de  pluie  qui  a  été  en  contact 
avec   les  racines   des  végétaux  ;   elle  est 
d'une  très  -  mauvaise  qualité^  et  ne  sert 
qu'au  lavage.    Le  bas-peuple  (  et  ce  fait 
est  important  pour  la  topographie  médicale 
de  la  Vera-Cruz  )  est  obligé  d'avoir  recours 
à  l'eau  d'un  fossé  (  zanja  )  qui  vient  des 
Meganos ,  et  qui  est  un  peu  meilleure  que 
celle  des  puits ,  ou  que  l'eau  du  ruisseau  de 
Tenoja.Les  gens  aisés,  au  contraire^  boivent 
l'eau  de  pluie  recueillie  dans  des  citernes 
dont  la  construction  est  assez  vicieuse,  à 
l'exception  des  belles  citernes  (  algibes  ) 
du  château  de  San  Juan  d'Ulua,  dont  l'eau 
trèsr-pure  et  très-salutaire  n'est  distribuée 
qu'aux    employés  militaires.    Depuis  des 
siècles  on  a  regardé  ce  manque  de  bonne 
eau  potable  comme  une  des  nombreuses 
causes  des  maladies  des  habitans.  L'année 
1704,  on  forma  le  projet  de  conduire  une 
partie  de  la  belle  rivière  de  Xamapa  au 
port  de  la  Vera-Cruz.  Le  roi  Philippe  v 
envoya  un  ingénieur  françois   pour  exa- 


354 


LIMIE    III 


miner  le  terrain.  L'ing,'énieur,  sans  doute 
peu  content  de  son  séjour  dans  un  pays  si 
chaud  et  si  désagréable  à  habiter ,  déclara 
l'exécution  du  projet  impossible.  L'année 
1766  ,  les  débats  recommencèrent  entre 
les  ingénieurs ,  la  municipalité ,  le  gou- 
verneur ,  Tassesseur  du  \ice-roi  et  le  fiscal. 
On  a  dépensé  jusqu'ici  en  visites  d'experts 
et  en  frais  judiciaires  (  car  tout  devient 
procès  dans  les  colonies  espagnoles  ) ,  Ja 
somme  de  2,260,000  francs.  Avant  d'avoir 
nivelé  le  sol,  on  a  construit,  à  1 100  mètres 
au-dessus  du  village  deXamapa,  une  digue 
(  levée)  qui  déj  est  à  moitié  détruite  ,  et 
qui  a  coûté  un  million  et  demi  de  francs.  Le 
gouvernement,  depuis  plus  de  douze  ans, 
foit  payer  au  public  un  droit  sur  les  h- 
rines ,  qui  rapporte  annuellement  plus  de 
i5o,ooo  francs.  Un  aqueduc  maçonné 
(  atarxca  ),qui  peut  fournir  un  profil  d'eau 
de  116  centimètres  carrés,  est  déjà  construit 
à  plus  de  900  mètres  de  longueur  ;  et  malgré 
tous  ces  frais ,  magré  le  fatras  de  mémoires 
et  d'informations  amoncelés  dans  les  ar- 
chives ,  les  eaux  du  Rio  Xamapasont  encore 
à  plus  de  23,000  mètres  de  distance  de  lu 


Dans 

chesse 

la  gra 

gouve 

qu'on 

ternes 

ceinte 

que  70 

popula 

citerne 


CHAPITRE    VIII. 


355 


ville  de  Vera-Cruz.  En  1 796 ,  on  a  fini  par 
où  l'on  auroit  dû  commencer  :  on  a  nivelé 
le  terrain ,  et  l'on  a  trouvé  que  les  eaux 
moyennes  du  Xamapa  sont  élevées  de 
8", 83  (10  vares mexicaines,  et  22  -J- pouces) 
au-dessus  du  niveau  des  rues  de  Vera-Cruz. 
On  a  reconnu  que  la  grande  digue  devoit 
être  placée  à  Medellin,  et  que,  par  igno- 
rance ,  elle  a  été  construite  dans  un  point 
non  -  seulement  trop  élevé ,  mais  encore 
de  7600  mètres  plus  éloigné  du  port  que 
ne  l'exige  la  chute  nécessaire  pour  la  con- 
duite des  eaux.  Dans  l'état  actuel  des 
choses  ,  la  construction  de  l'aquéduc  , 
depuis  leRio  Xamapa  jusqu'à  Vera-Cruz , 
est  évaluée  à  cinq  ou  six  millions  de  francs. 
Dans  un  pays  dans  lequel  il  existe  des  ri- 
chesses métalliques  immenses ,  ce  n'est  pas 
la  grandeur  de  cette  somme  qui  effraye  le 
gouvernement.  Le  projet  est  ajourné,  parce 
qu'on  a  calculé  depuis  peu,  que  dix  ci- 
ternes publiques  ,  placées  hors  de  l'en- 
ceinte de  la  ville,  ne  coûteroient  ensemble 
que  700,000  francs ,  et  suffîroient  pour  une 
population  de  16,000  âmes  ,  si  chaque 
citerne    contenoit  un    volume  d'eau    de 

20* 


350 


LIVftE    III 


670  mètres  cubes.  «  Pourquoi ,  dit-on  dans 
«  le  rapport  au  vice-roi ,  chercher  si  loin 
«  ce  que  la  nature  offre  si  près?  pourquoi 
«  ne  pas  profiler  de  ces  pluies  aussi  régu- 
«  lières  qu'abondantes,  et  qui,  selon  les  ex- 
«<  périences  exactes  du  colonel  Constanzo , 
(c  fournissent  annuellement  trois  fois  autant 
«  d*eau  qu'il  en  tombe  en  France  et  en 
«  Allemagne.  »  La  population  habituelle 
de  Vera-Cruz,  sans  compter  la  milice  et 
les  gens  de  mer ,  est  de  16,000. 
Xalapa  (  Xalapan  ) ,  ville  au  pied  de  la  mon- 
tagne basaltique  de  Macultepec ,  dans  une 
situation  très-romantique.  Le  couvent  de 
S.-François ,  comme  tous  ceux  qui  ont 
été  fondés  par  Cortez ,  ressemble  de  loin 
à  une  forteresse  ;  car ,  dans  les  premiers 
temps  de  la  conquête ,  on  construisit  les 
couvens  et  les  églises  de  manière  à  pouvoir 
servir  de  défense  au  cas  d'une  insurrection 
de  la  part  des  indigènes.  C'est  à  ce  même 
couvent  de  S.-François ,  à  Xalapa  ,  que 
Ton  jouit  d'une  vue  magnifique  sur  les 
cimes  colossales  du  Coffre  et  du  Pic  d'Ori- 
zaba ,  sur  la  pente  de  la  Cordillère  (  vers 
l'Encero ,  Otates  et  Apazapa  ),  sur  la  rivière 


petitl 
tenc 


cnAPiTAK  Vin.  3j>7 

de  rAntijjiia  et  même  sur  l'Océan.  Les 
Ibréls  épaisses  de  styrax  ,  de  piper,  de 
melastomes  et  de  fougères  en  arbres ,  celles 
surtout  que  traverse  le  chemin  de  Paclio 
et  de  San  Andres,  les  bords  du  petit  lac 
de  los  Berrios ,  et  les  hauteurs  qui  con- 
duisent au  village  d'Huastepec,  offrent  des 
promenades  infiniment  agréables.  Le  ciel 
de  Xalapa  ,  beau  et  serein  en  été,  inspire 
de  la  mélancolie  depuis  le  mois  de  dé- 
cembre jusqu'au  mois  de  février.  Chaque 
fois  que  le  vent  du  nord  souffle  à  Vera- 
Cruz,  une  brume  épaisse  enveloppe  les 
habitans  de  Xalapa.  Le  thermomètre  y 
descend  alors  jusqu'à  12  ou  16  degrés.  A 
cette  époque  (  estacioii  de  los  novtes  ) ,  on 
passe  souvent  3  ou  0  semaines  sans  voir  le 
soleil  6t  les  étoiles.  Les  négocians  les  plus 
riches  de  Vera-Cruz  ont  des  maisons  de 
campagne  à  Xalapa  ,  dans  lesquelles  ils 
jouissent  d'une  agréable  fraîcheur ,  tandis 
que  les  moustiques ,  les  grandes  chaleurs 
et  la  fièvre  jaune  rendent  la  côte  désa- 
gréable à  habiler.  On  trouve  dans  celte 
petite  ville ,  un  établissement  dont  l'exis- 
tence confirme  ce  que  j'ai  avancé  plus  haut , 


Ï'H 


îlt 


M'- 


3.^8  LIVRE  m, 

sur  les  progrès  de  la  culture  intellectuelle 
du  Mexique  ;  c'est  une  excellente  école  de 
dessin  ,  fondée  depuis  pou  d'années  ,  et 
dans  laquelle  les  enfans  des  pauvres  artisans 
'  sont  instruits  aux  frais  des  citoyens  les  plus 
aisés.  La  liauleur  de  Xalapa  au-dessus  du 
niveau  de  l'Océan  est  de  iS*:,©  mètres.  Sa 
population  est  évaluée  à  i3,ooo. 

Perote  (  l'ancien  Pinahuizapan  ).  La  petite 
forteresse  de  San  Carlos  de  Perote  est 
située  au  nord  du  grand  bouig  de  Perote. 
C'est  plutôt  une  place  d'armes  qu'une  for- 
teresse. Les  plaines  environnantes  sont 
très-steriles  et  couvertes  d^  pierre  ponce: 
pas  d'arbres ,  à  l'exception  de  quelques 
troncs  isolés  de  cyprès  et  de  molina.  Hau- 
teur de  Perote ,  2353  mètres. 

CoRDOBA,  ville,  à  la  pente  orientale  du  pic 
d'Orizaba,  dans  un  clinia*  beaucoup  plus 
chaud  que  celui  de  Xalapa.  Les  environs 
de  Cordoba  et  d'Orizaba  produisent  tout 
le  tabac  qui  se  consomme  dans  la  Nouvelle- 
Espagne. 

Orizaba  ,  à  l'est  de  Cordoba ,  un  peu  au  nord 
du  Rio  Blanco ,  qui  se  jette  dans  la  la^nina 
d'Aivarado.  On  a  disputé  pendant  long- 


CHAPITIIE    VIII.  3jC) 

temps  si  la  nouvelle  route  de  Mexico  à 
Vera-Ciuz  tlevoit  aller  par  Xalapa  ou  par 
Orizaba.  Ces  deux  villes  ayant  un  grand 
inlt3rct  à  la  direction  de  cette  route,  elles 
ont ,  dans  leur  rivalité ,  employé  tous  les 
moyens  pour  faire  valoir  leurs  droits  auprès 
des  autorités  constituées.  Il  en  est  résulté 
que  les  vice-rois  ont  alternativement  em- 
brassé l'un  et  l'autre  parti ,  et  que ,  pendant 
cette  incertitude ,  aucune  route  n'a  été 
construite.  Enfin,  depuis  quelques  années 
une  bdle  chaussée  a  été  commencée  depuis 
la  forteresse  de  Pcrote  à  Xalapa,  et  depuis 
Xalapa  à  l'Eiiccro. 
Tlacotlalpan  ,  chef-lieu  de  l'ancienne  pro- 
vince de  Tabasco.  Plus  au  nord  se  trouvent 
les  petites  villes  de  V^ictoria  et  de  Villa 
llermosa,  dont  la  première  est  une  des 
plus  anciennes  de  la  Nouvelle-Espagne. 

L'intendance  de  \  era-Cruz  n'offre  aucune 
exploitation  niétallique  qui  soit  de  quelque 
imporLmco.  Les  mines  de  Zomelahuacan , 
près  de  Jalacingo,  sont  presque  abandonnées. 


36o 


LIVRE    III 


X.  Intendance  de  San  Luis  Potosi. 

Population  en  i8o5  :  334.,900. 

Etendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  ; 

27,821. 
Jlabitans  par  lieue  carrée  :  1 2. 


Cette  intendance  comprend  toute  la  partie 
nord-est  du  royaume  de  la  Nouvelle-Espagne. 
Comme  elle  touche  à  des  pays  déserts  ou  ha- 
bités par  des  Indiens  indépendans  et  nomades, 
on  peut  dire  que  ses  limites  septentrionales 
ne  sont  presque  pas  déterminées.  Le  terrain 
montagneux ,  appelé  le  Bolson  de  Mapimi^ 
embrasse  plus  de  0000  lieues  carrées  :  c'est 
de  là  que  sortent  les  Apachcs  ,  qui  attaquent 
les  colons  de  Gohahuila  et  de  la  Nouvelle- 
Biscaye.  Enclavé  dans  ces  deux  provinces, 
limité  au  nord  par  le  grand  Rio  del  Norte , 
le  Bolson  de  Mapimi  est  considéré  tantôt 
comme  un  pays  non  conquis  par  les  Espagnols, 
tantôt  comme  faisant  partie  de  l'intendance 
de  Durango.  J'ai  tracé  les  limites  de  Goha- 
huila et  de  Texas,  près  de  l'embouchure  du 
Bio  Puerco,  et  vers  les  sources  du  Rio  de 


A) 


CHAPITRE    VJII.  36 1 

San  Saba ,  telles  que  je  les  ai  trouvées  indi- 
quées  dans  les   cartes  spéciales  conservées 
dans  les  archives  de  la  vice-royauté,  et  dressées 
par  des  ingénieurs  au  service  du  roi  d'Espagne. 
Mais  comment  déterminer  des  limites  terri- 
toriales  dans  des  savanes  inunenses  où  les 
métairies  sont  éloi^-nées  les  unes  des  autres  de 
i5  à  20  lieues,  et  où  l'on  ne  trouve  presque 
aucune  trace  de  défrichement  ou  de  culture  ? 
L'intendance  de  San  Luis  Potosi  comprend 
des  parties  très-hétérogènes,  et  dont  les  dif- 
férentes dénominations  ont    donné    lieu  à 
beaucoup  de   méprises  géographiques.  Elle 
est   composée  de   provinces  dont  les  unes 
appartiennent  aux  provincias  internas  y    les 
autres  au  rojaume  de  la  Nouvelle-Espagne 
proprement  dit.  De  ces  premières,  il  y  en 
a  deux  qui   dépendent  immédiatement  du 
commandant  des  provincias  internas j  les  deux 
autres   sont    considérées   comme  provincias 
internas  del  Virrejnato,  Voici  le  tableau  de 
ces  divisions  compliquées  et  peu  naturelles. 

Linlendant  de  San  Luis  Potosi  grouverne  : 


A)  Dans  le  Mexique  proprement  dit  : 
La  province  de  Sun  Luis,  qui  s'étend 


362 


LIVRE    m 


depuis  le  Rio  de  Paniuo  jusqu'au  Rio  de 
Santander ,  et  qui  comprend  les  mines 
importantes  deChareas,  Potosi,  Ramps 
et  Gatorce. 

B)  Dans  les  Provincias  internas  del  Vivrey- 
nato  : 

i)  Le  nouveau  royaume  de  Léon. 
2  )  La  colonie  du  Nouveau- Santander. 

C  )  Dans  les  Provincias  internas  de  la  Co~ 
mandancia  gênerai  oriental. 
1  )  Ija  province  de  Cohahuila. 
2)  La  province  de  Texas. 

Il  résulte  de  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut 
(  p.  90  )  sur  les  derniers  changemens  qui  ont 
eu  lieu  dans  l'organisation  de  la  comandancia 
gênerai  de  Chihuahua,  que  l'intendance  de 
San  Luis  renferme  aujourd'hui  ,  outre  la 
province  de  Potosi ,  tout  ce  que  l'on  désigne 
sous  la  dénomination  de  provincias  internas 
orientales.  Un  seul  intendant  est  par  consé- 
quent à  la  tête  d'une  administration  qui  em- 
brasse plus  de  terrain  sur  le  globe  que  toute 
l'Espagne  européenne.  Mais  aussi  ce  pays 
immense,  doué  par  la  nature  des  productions 


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et   sans 
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CHAPITRE    VIII. 


363 


les  plus  précieuses ,  situé  sous  un  beau  ciel, 
dans  la  zone  tempérée ,  vers  le  bord  du 
tropique,  est,  pour  sa  plus  grande  partie, 
un  désert  sauvage  et  encore  plus  dépeuplé 
que  les  gouvcrnemens  de  la  Russie  asiatique. 
Sa  position  sur  les  limites  orientales  de  la 
Nouvelle-Espagne,  la  proximité  des  Etats- 
Unis  ,  la  fréquence  des  communications  avec 
les  colons  de  la  Louisiane ,  et  un  grand 
nombre  de  circonstances  que  je  n'entre- 
prendrai pas  de  développer  ici ,  favoriseront 
probablement  bienlOv  les  progrès  de  la  civi- 
lisation et  de  la  prospérité  des  citoyens  dans 
ces  vastes  et  fertiles  régions. 

L'intendance  de  San  Luis  comprend  près 
de  200  lieues  de  côte,  étendue  égale  à  celle 
qu'il  y  a  depuis  Gènes  jusqu'à  Rcggio,  ea 
Cîilabre.  Mais  y  à  l'exception  de  quelques  petits 
bâtimens  qui  viennent  des  Antilles  charger 
des  viandes ,  soit  à  la  barre  de  Tampico ,  près 
de  Panuco,  soit  au  mouillage  du  Nouveau- 
Santander ,  toute  cette  cote  est  sans  comimerce 
et  sans  vie.  La  partie  qui  s'étend  depuis 
l'embouchure  de  la  grande  rivière  del  Norle 
jusqu'au  Rio  Sabina  ,  est  presque  encore 
inconnue.  Elle  n'a  jamais  été  examinée  par 


364  LIVRE    III, 

des  navigateurs.  Il  seroit  cependant  très-im- 
portant de  découvrir  un  bon  port  dans  cette 
extrémité  boréale  du  golfe  du  Mexique. 
Malheureusement  les  côtes  orientales  de  la 
Nouvelle-Espagne  offrent  partout  les  mêmes 
obstacles  ,  un  manque  de  fond  pour  les 
vaisseaux  qui  tirent  plus  de  38  décimètres 
d'eau,  des  barres  à  l'embouchure  des  rivières, 
des  langues  de  terre  et  de  longs  îlots ,  dont  la 
direction  est  parallèle  à  celle  du  continent , 
et  qui  défendent  l'entrée  du  bi»ssin  intérieur. 
Le  littoral  des  provinces  de  Santander  et  de 
Texas  ,  depuis  les  21  jusqu'aux  29  degrés  de 
latitude  ,  est  singulièrement  festonné,  et  pré- 
sente une  suite  de  bassins  intérieurs  qui  ont 
4  à  5  lieues  de  large ,  et  4o  à  5o  de  long. 
On  leur  donne  le  nom  de  lagunas ,  ou  lacs 
salés.  Quelques-uns  (  par  exemple  la  laguna 
de  Tamiaq-ua)  r.ont  de  vrais  impasses.  D'autres 
comme  la  laguna  Madré  et  celle  de  San  Ber- 
nardo ,  communiquent  par  plusieurs  canaux 
avec  rOréan.  Les  derniers  favorisent  le  ca- 
botage ,  les  barques  colières  s'y  trouvant  à 
l'abri  des  grosses  lames  de  la  mer.  Il  seroit 
intéressant  pour  la  géologie  d'examiner  sur 
les  lieux,  si  des  couraus  ont  formé  ces  laguneSy 


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publiq 


CH\PITRE    VIII. 


365 


en  pcnélrant  par  des  irruptions  fort  avant  dans 
les  terres,  ou  si  ces  îlots  lont^s  et  étroits, 
rangés  parallèlement  à  la  cote ,  sont  des  barres 
qui  se  sont  élevées  peu  à  peu  au-dessus  du 
niveau  moyen  des  eaux. 

De  toute  l'intendince  de  San  Luis  Potosi^ 
il  ny  a  que  la  partie  qui  avoisine  la  province 
deZacatecas,  et  dans  laquelle  se  trouvent  les 
riches  mines  de  Cliarcas,  de  Guadalcaaar  et 
deCatorce,  qui  soit  un  pays  froid  et  mon- 
tagneux. L'évêclié  de  IMonterey,  qui  porte 
le  titre  ]>ompeux:  de  nouveau  royaume  de 
Léon  ,  Cohaliuila,  Santander  et  Texas,  sont 
des  régions  très-basses  :  elles  présentent  peu 
de  mouvement  de  terrain  ,  et  le  sol  y  est 
couvert  de  formations  secondaires  et  d'allu- 
vions.  Elles  jouissent  d'un  climat  assez  inégal , 
excessivement  chaud  en  été,  et  d'une  fraîcheur 
extraordinaire  en  hiver,  lorsque  If  s  vents  du 
nord  chassent  des  colonnes  d'air  froid  du 
Canada  vers  la  zone  torride. 

Depuis  la  cession  delà  Louisiane  aux  Etats- 
Unis  ,  les  limites  entre  la  province  de  Texas 
et  le  comté  de  Natchitoches  (  comté  qui  fait 
partie  intégrante  de  la  confédération  des  ré- 
publiques américaines  )  s^ut  devenues  l'objet 


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366 


LIVRE    ni 


II 


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d'une  discussion  politique  aussi  longue  qu'in- 
fructueuse. Plusieurs  membres  du  cont^rès  de 
Washington  ontpensé  qu'on  pouvoit  étendre 
le  territoire  de  la  Louisiane  jusqu'à  la  rive 
gauche  du  Rio  Bravo  del  Norte.  Selon  eux  , 
«  tout  le  pays  que  les  Mexicains  appellent  la 
«  province  de  Texas ,  appartenoit  ancien- 
«  nemenl  à  la  Louisiane  :  or ,  les  Etats-Unis 
«  doivent  posséder  cette  dernicre  province 
«<  dans  toute  l'étendue  des  droits  avec  lesquels 
»c  elle  a  été  possédée  par  la  France  avant  sa 
K  cession  à  l'Espagne  ;  et  ni  les  nouvelles 
«  dénominations  introduites  par  les  vice-rois 
cf  du  Mexique  ,  ni  le  mouvement  de  la  popu- 
«  lation  de  Texas  vers  l'est ,  ne  peuvent 
tf  déroger  aux  titres  légitimes  du  congrès.  » 
Pendant  le  cours  de  ces  débats ,  le  gouver- 
nement américain  n'a  pas  manqué  de  citer 
souvent  rétablissement  qu'un  François,  M.  de 
Lasale  ,  avoit  formé  vers  l'année  i685  ,  près 
de  la  baie  de  Saint-Bernard ,  et  sans  avoir 
paru  empiéter  sur  les  droits  de  la  couronne 
d'Espagne. 

Mais  en  examinant  attentivement  la  carte 
générale  que  j'ai  donnée  du  Mexique  et  des 
pays  qui  en  sont  limitrophes  à  l'est ,  on  verra 


CHAPITRE    VIII.  367 

qu'il  y  a  l)ien  loin  encore  de  la  baie  de  St.- 
Bernard  à  l'embouchure  du  Rio  del  Norte  : 
aussi  les  Mexicains  allèguent ,  et  avec  raison , 
en  leur  laveur  ,  que  la  population  espagnole 
de  Texas  est  très-ancienne ,  qu'elle  est  venue, 
dès  les  premiers  temps  de  la  conquête,  par 
Linares ,  Revilla  et  Camargo ,  de  l'intérieur 
de  la  Nouvelle-Espagne,  et  que  M.  de  Lasale , 
en  débarquant  à  l'ouest  du  Mississipi ,  dont 
il  avoit  manqué  l'embouchure,  trouva  déjà 
des  Espagnols  parmi  les  sauvages  qu'il  essaya 
de  combattre.  Dans  le  moment  actuel,  l'in- 
tendant de  San  Luis  Potosi  regarde  comme 
la  limite  orientale  de  la  province  de  Texas , 
et  par  conséquent  de  toute  son  intendance , 
le  Rio  Mermentasou  Mexicana,  qui  débouche 
dans  le  golfe  du  Mexique ,  à  l'est  du  Rio  de 
la  Sabina. 

Il  est  utile  d'observer  ici  que  cette  dispute 
sur  les  véritables  confins  de  la  Nouvelle- 
Espagne  ne  deviendra  importante  que  lorsque 
des  terrains  défrichés  par  des  colons  de  la 
Louisiane ,  toucheront  immédiatement  à  des 
terrains  habités  par  des  colons  mexicains  ; 
lorsqu'un  village  de  la  province  de  Texas 
sera  construit  près  d'un  village  du  comté  des 


368  LIVBE    III, 

Opeloussas.  Le  fort  Clayl^orne ,  situé  près 
de  l'ancienne  mission  espagnole  des  Adayes 
(  Adaes  ou  Adaisses  ) ,  sur  la  Rivicre-Rouye , 
est  l'établissement  de  la  Louisiane  qui  au- 
jourd'hui se  rapproche  le  phjs  des  postes 
militaires  {prcsidios)  de  la  province  de  Texas; 
et  cependant  il  y  a  encore  près  de  68  lieues 
dupresidiode  Nacogdoch  au  fort  Glajborne. 
De  vastes  steppes  couvertes  de  graminées 
servent  de  bornes  communes  au  territoire  de 
la  confédération  américaine  et  au  territoire 
mexicain.  Tout  le  pays  à  l'ouest  du  Mississipi, 
depuis  la  rivière  des  Bœufs  jusqu'au  Rio 
Colorado  de  Texas ,  est  inhabité.  Ces  steppes, 
en  partie  marécageuses ,  offrent  des  obstacles 
faciles  à  vaincre.  On  peut  les  considéier 
comme  un  bras  de  mer  qui  sépare  des  cole$ 
voisines ,  mais  que  l'industrie  de  nouveaux 
colons  ne  tardera  pas  à  franchir.  Aux  Étals- 
Unis  ,  les  provinces  atlantiques  ont  u  refluer 
leur  population  d'abord  vers  l'Ohio  et  le 
Tenessée ,  puis  vers  la  Louisiane.  Une  partie 
de  cette  population  mobile  se  portera  plus 
loin  \ers  l'ouest.  Le  nom  seul  du  territoire 
mexicain  fera  naître  l'idée  de  la  proximitt- 
des  mines.  Sur  les  bords  du  Rio  Mërmcntas, 


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II. 


chapitrt:  vth.  369 

le  colon  américain  croiia  tl'jà  toiiclicr  un  sul 
qui  recèle  des  richesses  niélaliiqnes.  Cette 
erreur,  répandue  parnn' le  bas  peuple,  occa- 
sionnera de  nouvelles  éiMi«;i allons  ,  et  l'on 
n'apprendra  que  très-tard  que  les  fameuses 
niinesde  Calorce ,  qui  sont  les  mines  les  plus 
rapproi'liées  de  la  Louisiane,  gii  sont  encore 
éloignées  de  près  de  000  lieues. 

Plusieurs  de  mes  amis  mexicains  ont  suivi 
le  cliemlu  de  terre  de  la  Nouvelle-Orléans  à 
la  capitale  de  la  Nouvelle  -  Espat^ne.  Cette 
route,  frayée  parles habitans  de  la  Louisiane, 
qui  viennent  acheter  des  chevaux  dans  les 
provincias  internas ,  est  de  plus  de  640  lieues  ; 
salonj^ueur  est  par  conséquent  presque  égale 
à  la  distance  qu'il  y  a  de  Madrid  à  V  arsovie. 
On  dit  cette  route  très-pénible,  à  c^use  du 
jrranque  d'eau  et  d'habitations;  mais  il  s'en 
faut  de  l>eaucoup  qu'elle  ofTre  les  mêmes 
flilfir'dtés  naturelles  que  l'on  a  à  surmonter 
t.  IIS  les  sentiers  tracés  sur  le  dos  des  Cor- 
dilJrf^res,  depuis  Santa -Fe  de  la  Nouvelle- 
Grenade  jusqu  a  Quito  ,  ou  de  Quito  au 
Cusco.  C'est  au^si  par  cette  rouL»^  de  Texas 
quun  voyageur  intrépide  ,  M.  Pages,  caj)i~- 
taine  de  vaisseau  au  service  de  France,  est 
II.  24 


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3 70  LIVRE    III, 

venu,  en  17G7,  de  la  Louisiane  à  A^apiilco. 
Les  détails  qu'il  donne  sur  l'intendiince  de 
San  Luis  Potosi ,  et  sur  le  chemin  de  Quc- 
retaro  à  Acapulco ,  chemin  que  j'ai  fait  5o  ans 
après  lui ,  annoncent  un  esprit  juste  et  animé 
de  l'amour  de  la  vérité  ;  mais  ce  voyageur  est 
malheureusement  si  peu  correct  dans  Fortlio- 
gr;q)he  des  noms  mexicains  et  espagnols, 
qu'on  a  de  la  peine  à  reconnoître  dans  ses 
descriptions  les  endroits  par  lesquels  il  a 
passé  '.  La  roule  qui  mène  de  la  Louisiane  à 
Mexico  ne  présente  que  très-peu  d'obstacles 
jusqu'au  Rio  del  Norte,  et  ce  n'est  que  depuis 
le  Saltillo  que  l'on  commence  à  monter  vers 
le  plateau  d'Anahuac.  La  pente  de  la  Cor- 
dillère y  est  peu  rapide,  et  on  ne  peut  douter, 
en  considérant  les  progrès  de  la  civilisation 
dans  le  nouveau  continent,  que  les  commu- 
nications de  terre  deviendront  peu  à  peu 
très- fréquentes  entre  les  Etats-Unis  et  la 
Nouvelle -Espagne.  Des  voitures  publiques 
rouleront  un  jour  depuis  Philadelphie  et 
Washington  jusqu'à  Mexico  et  Acapulco. 

*  M.  Pages  nomme  Xorerfo,  la  Rheda;  le  fort  de 
la  Bahia  del  Espiritu  Santo  ,  Labadia  ;  Orquoquissas , 
Acoquissa-  Saltillo,  leSartille;  Cohahuila ,  Cumlh' 


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CH-VPITRK    VIII. 


37 


Les  trois  comtés  de  l'état  de  la  Louisiane, 
ou  de  laNouvelle-Orléans ,  qui  se  rapprochent 
le  plus  du  pays  désert  considéré  comme  la 
limite  orientale  de  la  province   de  Texas , 
sont ,  en  comptant  du  sud  au  nord  ,  le  comté 
des  Attacappas ,    celui  des   Opeloussas ,  et 
celui  de  Natchitoches.  Les  derniers  établis- 
semens  de  la  Louisiane  sont  placés  sur  un 
méridien  qui  est  de  25  lieues  à  l'est  de  l'em- 
bouchure du  Rio  Mermentas.  Le  boury  le  plus 
septentrional  est  le  fort  Clajborne  de  Nat- 
chitoches, à  sept  lieues  à  l'est  du  vieil  empla- 
cement de  la  mission  des  Adajes.  Au  nord-ouest 
de  Clavborne  se  trouve  le  lac  espagnol,  au 
milieu  duquel  s'élève  un  grand  rocher  couvert 
de  stalactites  :  en  suivant,  depuis  ce  lac  au 
sud-sud-cst ,  on  rencontre ,   aux  extrémités 
de  ce  beau  pays  défriché  par  des  colons  d'ori- 
gine francoisc ,   d'abord  le  petit  village  de 
St.-Landry,  à  trois  lieues  au  nord  des  sources 
du    Rio   Mermentas  ;    puis    l'habitation   de 
Saint-Martin  ,  et  enfin   la  Nouvelle-Ibérie  , 
sur  la  rivière  Teche,  près  du  canal  Boutet, 
qui  conduit  au  lac  du  Tase.  Comme  il  n'y  a 
aucun  établissement  mexicain  au  delà  de  la 
rive  orientale   du  Rio  Sabina,  il  en  résulte 

24* 


LIVRE    lil 


? 


3712 

que  le  pajs  iiih.ibilé  qui  sépare  les  villa^'cs 
de  la  Louisiane  des  missions  de  Texas,  est 
de  plus  de  1600  lieues  cariées.  La  partie  la 
plus  méridionale   de  ces  prairies,  entre  la 
baie  de  Carcusiu  cl  celle  delà  Sabine  ,  n'oftre 
que  des  marais  impraticables.  Aussi  le  chemin 
qui  mène  de  la  Louisiane  à  Mexico  va  plus 
au  nord  ,  et  suit  la  parallèle  du  02.°"  degré. 
De  Natcliez  les  voyageurs  se  dirigent  au  nord 
du  lac  Cataouillou^  sur  le  fort  Clay borne  de 
Natcliitoclies  ;  de  là  ils  passent,  par  l'ancien 
enqilacement  des  Adayes,  à  Chichi  et  à  la 
fontaine  du  père  Gama.  Un  ingénieur  habile, 
M.  Lafond ,  dont  la  carte  jette  beaucoup  de 
jour  sur  ces  contrées,  observe  qu'à  8  lieues 
au  nord  du  posle  de  Chichi,  s'élèvent  des 
collines  riches  en  charbon  de  terre,  et  qui 
font  entendre  au   loin  un  bruit  souterrain , 
semblable  à  des  coups  de  canons.  Ce  phéno- 
mène curieux  annonceroit-il  un  dégagement 
d'hydrogène ,  effet  d'une  couche  de  houille 
enflammée  ?  Depuis  les  Adayes ,  la  route  de 
Mexico  va,  par  San  Antonio  de  Bejar,  Loredo 
(sur  les  bords  du  Rio  grande  del  Norte), 
Saltillo,  Charcas  ,  San  Luis  Potosi  et  Que- 
retaro ,  à  la  capitale  de  la  Nouvelle-Espagne. 


CHAPITRE    VIII. 


3-3 


Il  faut  deux  mois  et  demi  pour  parcourir 
cette  vaste  étendue  de  pays,  dans  laquelle, 
depuis  la  rive  tj^auche  du  Rio  jurande  del 
Norte  jusqu'à  Natcliitoches,  on  couche  pres- 
que toujours  à  la  belle  étoile. 


Les  endroits  les  plus  remarquables  de  l'in- 
tendance de  San  Luis  sont  : 

San  Luis  Potosi  ,  résidence  de  l'intendant , 
situé  sur  la  pente  orientale  du  plateau 
d'Anahuac,  à  l'ouest  des  sources  du  Rio  de 
Panuco.  La  population  Labituelle  de  celle 
ville  est  de  12,000. 

NuEvo  Santander  ,  capitale  de  la  province 
de  ce  nom.  La  barre  de  Santander  ne  permet 
pas  l'entrée  à  des  batimens  qui  tirent  plus 
de  8  à  10  palmes  d'eau.  Le  village  de  Soltct 
la  Marina  j  à  l'est  de  Santander  ,  pourroit 
devenir  trcs-intéressant  pour  le  commerce 
de  cette  cote^  si  l'on  parvenoit  à  curer  le 
port.  Aujourd'hui  la  province  de  Santander 
est  tellement  déserte  ,  que  l'on  y  a  >endu  , 
en  1 802,  des  terrains  fertilesde  10  à  1 2  lieues 
carrées,  pour  2  à  3  Irancs. 


374  LIVRE  m, 

CiiARCAs,  OU  Santa  Maria  de  las  Charcas , 
bourgade  trcs-considérable ,  siège  d'une 
Dipuladon  de  minas. 

Catorce,  ou  la  Purissinia  Concepcion  de 
Alamos  de  Catorce  ,  une  des  mines  les 
plus  riches  de  la  Nouvelle  -  Espagne.  Le 
Real  de  Catorce  n'existe  cependant  que 
depuis  l'année  1770,  où  Don  Sébastian 
Coronado  et  Don  Bernabe  Antonio  de 
Zepcda  découvrirent  ces  liions  célèbres 
qui  produisent  annuellement  pour  la  valeur 
de  plus  de  18  à  20  millions  de  francs. 

MoNTEREY,  siège  d'un  évêché,  dans  le  petit 
royaume  de  Léon. 

Lin  ARES,  dans  ce  même  royaume,  entre  le 
Rio  Tiiïre  et  le  ^rand  Rio  Bravo  del  Norte. 

MoNCLO VA,  poste  militaire  (presidio) ,  capitale 
de  la  province  de  Cohahuila ,  résidence 
d'un  gouverneur. 

San  Antonio  de  Bejar,  capitale  de  la  pro- 
vince de  Texas,  entre  le  Rio  de  los  Nogales 
et  le  Rio  de  San  Antonio. 


X] 

Popula 
E ter  du 

16,87 

Habitah 

Cett; 
nom  de 
comme 
nous  res 
occident 
terrain p 
réunis  d( 
sa  popul, 
deux  vill 
prises  enj 
depuis  le 
qu'aux   I 
nord -01 
232  lieue; 
du  Parra 
La  pr( 
Biscaya, 


CHAPITRE    VIII. 


3-5 


XL   Intendance  de  Durango. 

Population  en  i8o5  :  169,700. 

Eterdue  de  la  surface   en  lieues  carrées  : 

16,873. 
Habitans  par  lieue  carrée  :  10. 


Cette  intendance ,  pins  connue  sous  le 
nom  de  la  Nouvelle  -  Biscaye  ,  appartient, 
comme  la  Sonora  et  le  Nuevo  Mexico  (  qu'il 
nous  reste  à  décrire),  aux  provincias  internas 
occidentales.  Elle  occupe  une  étendue  de 
terrain  plus  considérable  que  les  trois  royaumes 
réunis  de  la  Grande-Bretagne;  et  cependant 
sa  population  totale  excède  à  peine  celles  des 
deux  villes  de  Birmingham  et  de  Manchester, 
prises  ensemble.  Sa  longueur,  du  sud  au  nord, 
depuis  les  célèbres  mines  de  Guarisamey  jus- 
qu'aux montagnes  de  Carcay,  situées  au 
nord -ouest  du  presidio  de  Yanos,  est  de 
232  lieues  :  sa  largeur  est  très-inégale,  et,  près 
du  Parral ,  à  peine  de  58  lieues. 

La  province  de  Durango  ou  de  Nueva 
Biscaya ,  confine  ,  au  sud ,  à  la  JNueva  Galicia, 


376  LIVRE    III, 

c'est-à-dire,  aux  deux  intendances  de  Zacatecaî; 
et  de  Cuadalaxara;  au  sud-est,  à  une  petite 
partie  de  l'intendance  de  San  Luis  Potosi  ; 
à  l'ouest ,  à  celle  de  la  Sonora  :  mais  au  nord , 
et  surtout  à  l'est,  sur  une  lisière  de  plus  de 
200  lieues ,  elle  est  limitrophe  d'un  pays  in- 
culte, habité  par  des  Indiens  guerriers  et 
indépendans.  Les  Acoclames ,  les  Cocoyames 
et  les  Apaches  Mescaleros  et  Faraones  occu- 
pent le  Bolson  de  Mapimi ,  les  montagnes 
de  Chanate ,  et  celles  de  los  Organos ,  sur 
la  rive  gauche  du  Rio  grande  del  Norte.  Les 
Apachés  Mimbrenos  se  tiennent  plus  à  l'ouest, 
dans  les  ravins  sauvages  de  la  Sierra  de  Acha. 
Les  Cumanches  et  les  tribus  nanibreuses  des 
Chichimèques  ,  que  les  Espagnols  com- 
prennent sous  le  nom  vague  de  Mecos , 
inquiètent  les  habitans  de  la  Nouvelle-Biscaye, 
et  les  forcent  à  ne  voyager  que  bien  armés 
et  en  caravanes.Les  postes  militaires(/?/'e*/V//o5) 
dont  on  a  garni  les  vastes  frontières  des  pro^ 
vincias  internas  ^  sont  trop  éloignés  les  uns 
des  autres  pour  pouvoir  empêcher  les  in- 
cursions de  ces  sauvages ,  qui ,  semblables 
aux  Bédouins  du  désert,  connoissent  toutes 
les  ruses  de  la  petite  guerre.  Les  Indiens 


Ciiman 

dont  [] 

les  colo 

aux  ha] 

Nouvea 

détroit 

les  chev; 

depuis  1' 

instruits 

des  cava: 

Indiens  ( 

les  derni 

entrecou 

facilité  d 

prendre 

presque 

savanes , 

ont  des  t 

chargent 

chiens   q 

Cette  cir< 

nianuscril 

*  Diario 
Sehor  Tamc 
1760.   (Mai 


CHAPITRE    Vîll.  377 

Cumancbes,  ennemis  mortels  des  Apaches, 
dont  plusieurs  hordes  vivent  en  pîiix  avec 
les  colons  espagnols ,  sont  les  plus  redoutables 
aux  habitans  de  la  Nouvelle-Biscaye  et  du 
Nouveau-Mexique.  Coninjc  les  Pata«(ons  du 
détroit  de  Magellan  ,  ils  ont  appris  à  dompter 
les  chevaux, devenus  sauvages  dans  ces  régions, 
depuis  Tarrivée  des  Européens.  Des  voyageurs 
instruits  assurent  que  les  Arabes  ne  sont  pas 
des  cavaliers  plus  agiles  et  plus  lestes  que  les 
Indiens  Cumanches.  Aussi ,  depuis  des  siècles , 
les  derniers  parcourent-ils  des  plaines  qui, 
entrecoupées  de  montagnes,  leur  offrent  la 
facilité  de  se  mettre  en  embuscade  pour  sur- 
prendre les  passans.  Les  Cumanches ,  comme 
presque  tous  les  sauvages  errans  dans  les 
savanes^  ignorent  leur  patrie  primitive.  Ils 
ont  des  tentes  de  cuir  de  buflle,  dont  ils  ne 
chargent  pas  leurs  chevaux ,  mais  de  grands 
chiens  qui  accompagnent  la  tribu  errante. 
Cette  circonstance ,  déjà  citée  dans  le  journal 
manuscrit  du  voyage  de  l'évêque  Tamaron  ', 


'  Diario  de  la  visita  diocesana  del  Illustrissimo 
Sehor  Tamaron  j  obispo  de  Durango ,hecha  en  ijSç^y 
1760.  (Manuscrit.) 


378  LIVRE    III, 

est  Ircs-rcmarquable  ;  elle  rappelle  des  habi- 
tudes analogues  parmi  plusieurs  peuplades 
de  l'Asie  boréale.  Les  Cuinanclies  se  l'ont 
d'autant  pins  craindre  par  les  Espagnols , 
qu'ils  tuent  tous  les  prisonniers  adultes,  et 
ne  laissent  vivre  que  les  enfkns ,  qu'ils  élèvent 
avec  soin  pour  s'en  servir  comme  d'esclaves. 
Le  nombre  des  Indiens  guerriers  et  sau- 
vages (Iridios  bravos)  qui  infestent  les  fron- 
tières de  la  Nouvelle  -  Biscaye ,  a  un  peu 
diminué  depuis  la  fin  du  dernier  siècle.  Ils 
tentent  moins  souvent  de  pénétrer  dans  Tin- 
térieur  du  pays  habité  pour  piller  et  pour 
détruire  les  villages  espagnols.  Cependant 
leur  acharnement  contre  les  blancs  est  resté 
constamment  le  même  ;  il  est  Teffet  d'une 
guerre  d'extermination  entreprise  par  une 
politique  barbare  ,  et  soutenue  avec  plus  de 
courage  que  de  succès.  Les  Indiens  se  sont 
concentrés  vers  le  nord,  dans  le  Moqui  et 
dans  les  montagnes  de  Nabajoa ,  où  ib  ont 
reconquis  un  terrain  considérable  sur  les 
habitans  du  Nouveau-Mexique.  Cet  état  de 
choses  a  eu  des  suites  funestes  qui  se  feront 
sentir  pendant  des  siècles ,  et  qui  sont  bien 
dignes  d'être   examinées.  Ces  guerres  ont. 


CHAPITRE    Vin.  379 

sinon  détruit ,  du  nioiiis  éloi^j^né  l'espoir 
d'amener  ces  hordes  sau>  âges  à  la  vie  sociale 
par  la  voie  de  la  douceur.  L'esprit  de  ven- 
geance et  une  haine  invétérée  ont  élevé 
une  barrière  presque  insurmontable  entre  les 
Indiens  et  les  blancs.  Beaucoup  de  tribus 
d'Apaches ,  de  Moquis  et  de  Yutas ,  désignés 
sous  la  dénomination  d'Indiens  de  paix 
(Indios  depaz)  ,  sont  fixées  au  sol,  réunissent 
leurs  cabanes  _,  et  cullivent  du  maïs.Ilsauroient 
moins  d'éloignement  peut-être  à  se  réunir 
aux  colons  espagnols,  si  parmi  ceux-ci  ils 
trouvoient  des  Indiens  mexicains.  L'analogie 
de  mœurs  et  d'habitudes ,  la  ressemblance 
qui  existe  non  dans  les  sons ,  mais  dans  le 
mécanisme  et  dans  la  structure  générale  des 
langues  américaines  ,  peuvent  devenir  des 
liens  puissans  entre  des  peuples  d'une  même 
origine.  Une  sage  législation  parviendroit 
peut-être  à  eflacer  le  souvenir  de  ces  tenips 
barbares  où,  dans  lesprovincùis  internas ,  un 
caporal  ou  un  sergent  faisoit  avec  ses  braves 
la  chasse  des  Indiens ,  comme  on  fait  une 
battue  de  bêles  fauves.  Il  est  probable  que 
l'homme  à  teint  cuivré  se  résoudroit  plutôt 
à  vivre  dans  un  village  habité  par  des  indi- 


38o 


LIVRE    HT 


vidus  de  sa  race  ,  qu'à  se  réunir  aux  I)lanrs 
qui  le  mailriseiil  avec  liaulcur.  3Liis  nous 
avons  vu  plus  liaut,  dans  le  sixième  ilKipiire, 
que  nii'.llicurcusenient  ,  dans  la  Fomcllc- 
Biscaye  connue  dans  le  Nouveau-Mexique, 
il  ny  a  presque  p;«s  d'Indiens  cultivulcursde 
race  aztèque.  Dans  la  première  de  ces  pro- 
vinces, il  n'existe  pu:  un  seul  individu  tri- 
butaire; tous  les  habitans  sont  blancs  j  ou 
du  moins  se  considèrent  coîti.ne  tels.  Tous 
croient  a>oir  le  droit  de  placer  le  titre  de 
Don  devant  leur  nom  de  baptême ,  ne 
fussent-ils  que  ce  que,  dans  les  îles  françoises, 
par  un  raffinement  d'aristocratie  qui  enrichit 
les  langues ,  on  nommoit  de  petits  blancs  ou 
des  messieurs  passables. 

Celte  lutte  contre  les  indigènes  ,  qui  a  duré 
pendant  des  siècles;  la  nécessité  dans  laquelle 
se  trouve  le  colon  retiré  dans  une  ferme 
isolée,  ou  voyageant  par  des  déserts  arides , 
de  veiller  sans  cesse  à  sa  propre  sûreté  y  de 
défendre  son  troupeau ,  ses  foyers ,  sa  femme, 
ses  en  fans  même  contre  les  incursions  des 
Indiens  nomades;  en  un  mot,  cet  état  de 
nature,  conservé  au  milieu  des  apparences 
d'une  ancienne  civilisation,  donne  au  caractère 


des  liai): 
une  cm 
culière. 
la  natur 
émineni 
dans  un 
n)anque 
blancs  r 
inipunén 
les  provif, 
forces   p 
singulier! 
grande  j 
les  soins 
de  bêtes 
errent  du 
corps  saii 
ame  et 
intellectu 
semens  d' 
ont  obser 
gens  qui 
rapides  < 
en  grande 
les  plus  s 
pagne. 


CIIAPITHE    VIII. 


38 1 


des  îiabitans  du  nord  de  la  Nouvclle-Espaoïie 
une  énergie ,  j'ose  dire  une  Irempe  parli- 
culière.  A  ces  causes  se  jui«^nenl  sans  doule 
la  nature  du  climat,  qui  est  tempère,  un  air 
éniiîiemment  sidubre ,  la  nécessité  du  travail 
dans  un  sol  moins  riche  et  moins  ferlde ,  le 
manque  total  d  Indiens  et  d'esclaves  que  les 
blancs  ponrroient  employer  pour  se  livrer 
impuné-ment  à  l'oisiveté  et  à  la  paresse.  Dans 
les provincùts  intcnuis,  le  développement  des 
forces  physiques  est  l'avoiisc  par  une  \ie 
singulièrement  active,  et  qui  se  passe  en 
grande  partie  à  cheval.  Il  l'est  surtout  par 
les  soins  qu'exigent  les  nombreux  troupeaux 
de  bêtes  à  cornes  ,  qui ,  presque  sauvages , 
errent  dans  les  savanes.  A  cette  force  d'un 
corps  sain  et  robuste  se  joignent  la  force  de 
l'Ame  et  une  heureuse  disposition  des  facultés 
intellectuelles.  Ceux  qui  dirigent  les  établis- 
semens  d'éducation  dans  la  ville  de  Mexico  , 
ont  observé  depuis  long-temps  que  les  jeunes 
gens  qui  se  sont  distingués  par  des  progrès 
rapides  dans  les  sciences  exactes  ,  étoient 
en  grande  partie  originaires  des  provinces 
les  plus  septentrionales  de  la  Nouvelle-Es- 
pagne. 


38- 


LIVRE    III 


L'iiilcnd.'incc  de  Durango  occupe  l'exlré- 
mitc  septentrionale  du  <,rrand  plateau  d'Ana- 
huac  ,  qui  s'abaisse  au  nord-est  vers  les  bords 
du  Rio  grande  del  Norte.  Les  environs  de  la 
ville,  de  Durango  ont  cependant  encore , 
d'après  les  mesures  barométriques  de  Don 
Jiiiin  José  de  Oteyza,  plus  de  2000  mètres 
de  hauteur  au-dessus  du  niveau  de  l'Océan. 
Le  sol  paroît  même  conserver  cette  grande 
élévation  jusque  vers  Chihualina  ;  car  c'est 
la  chaîne  centrale  de  la  Sierra  JMadre ,  qui 
(comme  nous  l'avons  indiqué  dans  le  tableau 
physique  général  du  pays') ,  près  de  San  José 
dcl  Parral,  se  dirige  au  nord-nord-ouest  vers 
la  Sierra  Verde  et  la   Sierra  de  las  Grulhis. 

On  compte,  dans  laNuevaBiscaya,  une  cité 
ou  ciiidad  (Durango) ,  six  villas  (Chihuahua, 
San  Juan  del  Rio  ,  Nombre  de  Dios  ,  Papas- 
qiîiaro,  Saltillo  et  Mapimi),  199  villages  ou 
piieblos,  76  paroisses  ou  y»«/'o<7z//V?5, 162  fermes 
ou  haciendas  ^  o-j  missions  et  4.00  cabanes  ou 
ranchos. 

»  Voyez  dans  le  troisième  Chapitre ,  T.  I ,  p.  283. 


DURANC 

tenda 

plus  ] 

à  17c 

de  la 

tance 

la  vill 

vent  d 

les  24 

au-dei 

Entre 

et  del  I 

deDi< 

très-ui 

de  sec 

de  for 

sud,  1: 

6  lieue 

de  fixe 

rocher 

d*amy|£ 

soulève 

a  exam 

tout  ce 


CHAPITRE   VIII.  383 

Les  endroits  les  plus  remarquables  sont: 

DuRANGO  ou  Guadiana,  résidence  d'un  in- 
tendant et  d'un  évéque,  dans  la  partie  la 
plus  méridionale  de  la  Nouvelle-Biscaje , 
à  170  lieues  de  distance,  en  ligne  droite  , 
de  la  ville  de  Mexico  ;  à  298  lieues  de  dis- 
tance delà  ville  de  Santa-Fe.  La  hauteur  de 
la  ville  est  de  2087  mètres.  Il  y  tombe  sou- 
vent de  la  neige ,  et  le  thermomètre  (  sous 
les  24"  25 'de  latitude)  y  descend  jusqu'à  8® 
au-dessous  du   point   de  la   congélation. 
Entre  la  capitale ,  les  habitations  del  Ojo 
et  del  Chorro ,  et  la  petite  ville  de  Nombre 
de  Dios ,  s'élève ,  au  milieu  d'un  plateau 
très-uni,  un  groupe  de  rochers  couverts 
de  scories ,  appelé  la  Brcna»  Ce  groupe, 
de  forme  grotesque ,    qui  a  ,  du  nord  au 
sud,  12  lieues  de  long,  et  de  l'est  à  l'ouest, 
6  lieues  de  large  ,  mérite  particulièrement 
de  fixer  l'attention  des  minéralogistes.  Les 
rochers    qui    constituent   la    Brena    sont 
d'amygdaloïde  basaltique  ,    et  paroissent 
soulevés  par  le  feu  volcanique.  M.  Oteyza 
a  examiné  les  montagnes  voisines ,  et  sur- 
tout celle  du  Frayle,  près  de  l'hacienda 


384  llVRE    III, 

de  rOjo.  Il  a  trouvé  sur  sa  cime  un  cratère 
de  près  de  loo  mètres  de  oirconlérence,  et 
de  plus  de.lo  mètres  de  profondeur  perpen- 
diculaire. C'est  aussi  dans  les  environs  de 
Durante)  que    se    trouve  ,   isolée  dans  la 
plaine,  eetle  énorme  masse  de  fer  malléable 
et  de  niekel ,  qui,  dans  sa  composition  ,  est 
identique  avec  l'aérolithe  tombé  en  lyln  à 
Hrascbina,  près  d'Agram,  eu  Hongrie.  Le 
savant  directeur  du  Tribunal  de  Mineria  de 
Meaicn,  Don  Fausto    d'Elliuyar ,  m'en  a 
communiqué  des  échanlillons  que  j'ai  dé- 
posés dans  diflerens  cabinets  d'Europe ,  et 
dont  MM.  Vauquelin  et  Klaproth  ont  publié 
l'analyse.  On   assure   que   cette  masse  de 
Durango  pèse  près  de  1900  myriagrammes, 
ce   qui  est   4<^>o    de  plus   que    l'aérolillie 
découvert  à  Olumpa ,  dans  le  Tucuman , 
par  M.  Rubin  de  Celis.  Un  minéralogisle 
distingué  ,  M.   Frédéric  Sonnesclimidt  ' , 
qui  a  parcouru  une  beaucoup  plus  grande 
partie  du  Mexique  que  moi,  a  aussi  reconnu, 
en    1792,  dans  l'intérieur  de  la  ville  de 
Zacatecas,  une  masse  de  fer  malléable,  d'un 

»  Gazeia  de  Mexico,  Tt  V,  p.  5g, 


j 
î 


pOK 

danj 

entii 

par 

Dun 

Chihu;* 

desp 

consi 

San  la 

de  1] 

San  Jvi 

Parra 

avec  1 

l'inten 

l'est  d 

iVoMBIlE 

cliemi 
à  Dur, 

PAPASyu 

Nasas. 
Saltillc 
Cohah 
Cette  % 
dans  Je 
coup  d 
sur  Jec 


CHAPITRE    VIII. 


385 


: 


poids  de  97  myriagraniines.  11  Ta  trouvée, 
dans  ses  caractères  cxlérieurs  et  pli)^siques, 
entièrement  analogtie  au  fer  malléable  décrit 
par  le  célèbre  Palhis.  La  Population  de 
Dnrango  est  de  12,000. 

Chihuagua  ,  résidence  du  capitaine  général 
desprovincias  internas,  entourée  de  mines 
considérables  ,  à  l'est  du  grand  Real  de 
Santa  Rosa  de  Gosiquiàaclii.  Population 
de  11,600. 

San  Juan  del  Rio  ,  au  sud-ouest  du  lac  de 
Parras.  Il  ne  faut  pas  confondre  cette  ville 
avec  l'endroit  qui  porte  le  même  nom  dans 
l'intendance  de  Mexico,  et  qui  est  situé  à 
Test  de  Queretaro.  Population  de  10,200. 

Nombre  de  Dios  ,  ville  considérable  sur  le 
chemin  des  fameuses  mines  de  Sombrerete 
î\  Durango.  Population  de  6800. 

pAPAsyuiARO,  petite  ville  au  sud  du  Rio  de 
Nasas.  Population  de  56oo. 

Saltillo,  sur  les  confins  de  la  province  de 
Cohahuila  et  du  petit  royaume  de  Léon. 
Cette  ville  est  entourée  de  plaines  arides, 
dans  lesquelles  le  voyageur  souffre  beau- 
coup du  manque  de  sources.  Le  plateau 
sur  lequel  le  Saltillo  est  situé,  descend 
H.  25 


386 


LIVRE  m 


•  vers  Monclova ,  le  Rio  del  Norte  et  la 
province  de  Texas,  où ,  au  lien  dvi  blé 
d'Europe ,  on  ne  trouve  que  des  champs 
couverts  de  cactus.  Population  de  6000. 

Mapimis  ,  avec  un  poste  militaire  (presidio), 
à  Test  du  Cerro  de  la  Cadena ,  sur  la  lisière 
"du  terrain  inculte  appelé  Bolson  de  Mapimi. 
Population  de  24oo. 

Parras  ,  près  d'un  lac  de  ce  nohi ,  à  l'ouest 
du  Sallillo.  Une  espèce  de  vi^iie  trouvée 
sauvage  dans  ce  beau  site,  lui  a  fait  donner, 
par  les  Espagnols,  le  nom  de  Pnrras.  Les 
conquérans  j  ont  transplanté  la  vilis  vinifera 
de  l'Asie,  et  cette  nouvelle  branche  d'in- 
dustrie y  a  très-bien  réussi,  malgré  la  haine 
que  les  monopolistes  de  Cadix  ont  jurée 
depuis  des  siècles  à  la  culture  de  l'olivier , 
de  la  vigne  et  du  mûrier  dans  les  provinces 
de  l'Amérique  espagnole. 

San  Pedro  de  Batopilas,  jadis  très-célèbre 
par  la  grande  richesse  de  ses  mines ,  à 
l'ouest  du  Rio  de  Gonchos.  Population 
de  8000. 

San  José  del  Parral,  résidence  d'une  Di- 
piitacion  de  minas.  Le  nom  de  ce  Real 
dérive,  comme  celui  de  la  ville  de  Parras, 


du  ^ 
qui 
prer 
de  5 
Santa 
mine 

los]v; 

de  Vi 
la  pc 

10,70 

GuARiSi! 

chemi 
de  58 


'-.■■iS.Vt-.-r^l'taïkii^'LC'iAMit'S'  ■ 


CHAPITRE    Vm.  387 

du  grand  nombre  de  ceps  de  vigne  sauvage 
qui  convroient  la  campagne  lors  de  la 
première  arrivée  des  Espagnols.  Population 
de  5ooo. 

Santa  Rosa  de  Cosiguirtachi  ,  entourée  de 
mines  d'argent ,  au  pied  de  la  Sierra  de 
los  Metates.  J'ai  vu  un  mémoire  très-récent 
de  l'intendant  de  Durango ,  dans  lequel 
la  population  de  ce  Real  étoit  portée  à 
10,700.  . 

GuARisAMEY ,  miucs  très- anciennes,  sur  le 
chemin  de  Durango  à  Gopala.  Population 
de  38oo. 


20 


388 


LIVRE    III, 


XII.    IlCTENDAlSCE    DE    LaSoNORA. 

Population  en  i8o3  :  121,400. 

Étendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  : 

19,143. 
Hahitans  par  lieue  carrée  :  6. 

Cette  intendance ,  qui  est  encore  plus  dé- 
peuplée que  celle  de  Durango  ,  s'étend  le 
long  du  golfe  de  Californie ,  appelé  aussi  la 
mer  de  Cortez.  Son  littoral  a  plus  de  280 
lieues  de  longueur  depuis  la  grande  baie  de 
Bayona ,  ou  le  Rio  del  Rosario ,  jusque  vers 
l'embouchure  du  Rio  Colorado ,  jadis  nommé 
Rio  de  Balzas ,  sur  les  bords  duquel ,  au 
seizième  siècle  ,  les  moines  missionnaires, 
Pedro  Nadal  et  Marcos  de  Niza  firent  des 
observations  astronomiques.  La  largeur  de 
l'intendance  est  peu  uniforme.  Depuis  le  tro- 
pique du  Cancer  jusque  vers  le*^  27  degrés 
de  latitude  ,  cette  largeur  excède  à  peine 
5o  lieues  ;  mais  plus  au  nord ,  vers  le  Rio 
Gila ,  elle  augmente  si  considérablement  que, 
sur  le  parallèle  d'Arispe ,  elle  est  de  plus  de 
128  lieues. 


\ 
'k 


ijin 
étendu 
sur  (ace 
popula 
celle  cU 
empire, 
d'Aiispi 
Potosi , 
vinces  c 
qu'elles 
de  la  Se 
trois    pi 
d' H  os  tin 
dite,  La 
Rosario 
depuis  "C 
Majo.  L 
ciennes 
de  la  Ne 
trémité 
Le  petit 
jourd'hui 
de  Cinalo 
à  l'ouest, 
laxara  ;  à 
Nouvelle- 


CHAPITRE    VIII.  389 

L'intendance  de  la  Sonora  occupe  une 
étendue  de  terrain  montueiix  qui  a  plus  de 
surlace  que  la  moitié  de  la  France;  mais  sa 
population  absolue  n'arrive  pas  au  quart  de 
celle  des  départeriiens  les  plus  peuples  de  cet 
empire.  L'intendant ,  qui  réside  dans  la  ville 
d'Arispe,  est  chargé ,  comme  celui  de  San  Luis 
Potosi ,  de  l'administration  de  plusieurs  pro- 
vinces qui  ont  conservé  les  noms  particuliers 
qu'elles  avoient  avant  la  réunion. L'intendance 
de  la  Sonora  comprend  par  conséquent  les 
trois  provinces  de  Cinaloa  ou  Sinaloa  , 
d'Nostimiiri  et  de  la  Sonora  proprement 
dite.  La  première  s'étend  depuis  le  Rio  dcl 
Rosario  jusqu'au  Rio  del  Fuerte  ;  la  seconde, 
depuis  -cette  dernière  rivière  jusqu'à  celle  de 
Mayo.  La  province  de  la  Sonora,  que  d'an- 
ciennes cartes  désignent  aussi  sous  le  nojii 
de  la  Nouvelle-Navarre ,  occupe  toute  l'ex- 
trémité septentrionale  de  cette  intendance» 
Le  petit  district  d'Hostimuri  est  regardé  au- 
jourd'hui comme  enclavé  dans  la  province 
de  Cinaloa.  Lintendance  de  la  Sonora  confine 
à  l'ouest,  à  la  mer;  au  sud,  à  celle  de  Guada- 
laxara  ;  à  l'est,  à  une  partie  très-inculte  de  la 
Nouvelle- Biscaye  ;  ses  limites  au  nord  sont 


390  LIVRE   m, 

peu  déterminées.  Les  villages  de  la  Pimeria 
Alla  sont  séparés  des  rives  du  Rio  Gila  par 
une  région  habitée  par  des  Indiens  indé- 
pendans ,  et  dont*  ni  les  soldats  stationnes 
dans  les  presidios  ,  ni  les  moines  postés  dans 
les  missions  voisincsn'ontréussijusqu'àpréscnt 
à  faire  la  conquête  '. 

Les  trois  rivières  les  plus  considérables  de 
la  Sonora  sont  celles  de  Guliacan ,  de  Mayo 
et  de  Yaqui  ou  de  Sonora.  C'est  à  l'embou- 
chure du  Rio  Mayo ,  au  port  de  Guitivis , 
appelé  aussi  Santa-Cruz  de  Ma jo  ,  que  s'em- 
barque pour  la  Californie  le  courrier  chargé 
des  dépêches  du  gouvernement  et  de  la  cor- 
respondance du  publicCe  courriervaà  cheval, 
de  Guatimala  à  la  ville  de  Mexico ,  et  de  là,  par 
Guadalaxara  et  le  Rosario,  à  Guitivis.  Après 
avoir  traversé  ,  dans  une  lancJia ,  la  mer  de 
Cortez  ,  il  débarque  au  village  de  Loreto  , 
dans  la  Vieille-Californie.  Depuis  ce  village ♦ 

'  Aller  à  la  conquistt,  conc^vnérw  [consquistar)  ^  sont 
les  termes  teclmiques  dont  Ks missionnaires  se  servent 
en  Amérique  pour  désigner  qu'ils  ont  planté  des  croix 
aiitour  desquelles  les  Indiens  ont  construit  quelques 
cabanes;  mais  par  malheur  pour  les  indigènes  les 
mots  de  conquérir  et  de  civiliser  ne  sont  pas  sytionymes. 


*i     ■*     I^W 


CHAPITRE    VIII.  39 1 

les  lettres  sont  envoyées  de  mission  en  mission 
jusqu'à  Monterey,  et  au  port  de  San  Fran- 
cisco, situé  d»ms  L»  Nouvelle-Californie ,  sous 
les  37"  48'  de  latitude  boréale.  Elles  par- 
courent sur  celle  roule  de  postes  plus  de 
920  lieues ,  c'est-à-dire  une  dislance  qui  égale 
celle  qu'il  y  a  de  Lisbonne  à  Glicrson.  La 
rivière  de  Yaqui  ou  Sonora  a  un  cours  d'une 
longueur  considériible.  Elle  prend  sa  source 
à  la  pente  occidentale  de  la  Sierra  Madré  ^ 
dont  la  crête  peu  élevée,  pssse  entre  Arispe 
et  le  presidio  de  Fronteras.  Près  de  son  em- 
bouchure est  situé  le  petit  port  de  Guaymas. 

La  partie  la  plus  septentrionale  de  l'inten- 
dance de  la  Sonora  porte  le  nom  de  la 
Pimerla  ,  à  cause  d'une  tribu  nombreuse 
d'Indiens  Piinas  qui  l'habitent.  Ces  Indiens, 
pour  la  plus  grande  partie ,  vivent  sous  la 
domination  des  moines  missionnaires  ,  et 
suivent  le  rite  catholique.  On  distingue  la 
Pimeria  ÂltaàcX'A  Pimeria  Baxa.  La  dernière 
renferme  le  presidio  de  Buenavisla.  La  pre- 
mière s'étend  depuis  le  poste  militaire  (/y /y/^/V/Zo) 
de  Ternate  jusque  vers  le  Rio  Gila.  Ce  terrain 
montueux  de  la  Pimeria  Alla  est  le  Choco  de 
l'Améi'ique  septenlrionale.   Tous  les  ravins, 


s 


Sq^  livre  m, 

et  même  des  plaines  y  contiennent  de  For 
'  de  lavn»e  disséminé  dans  des  terrains  d*allu- 
vion.  On  y  a  trouvé  des  pépites  d'or  pur  d*un 
poids  de  deux  à  trois  kilogrammes  :  mais  ces 
lavaderos  sont  foiblement  exploités  à  cause 
des  incursions  fréquentes  des  Indiens  indé- 
pendans ,  et  surtout  à  cause  de  la  cherté  des 
vivres  qu'il  faut  transporter  de  très-loin  dans 
ce  pays  iiKîulte.  Plus  au  nord ,  sur  la  rive 
droite  du  Rio  de  la  Ascencion,  vivent  des 
Indiens  très-belliqueux ,  les  Seris ,  auxquels 
plusieurs  savans  mexicains  attribuent  une 
origine  asiatique ,  à  cause  de  Tanalogie  qu'offre 
leur  nom  avec  celui  des  Seri ,  placés  par  les 
géographes  anciens  au  pied  des  montagnes 
d'Ottorocorras ,  à  l'est  de  la  Scjthia  extra 
Imaum. 

Il  n'existe  jusqu'ici  aucune  communication 
permanente  entre  la  Sonora  ,  le  Nouveau- 
Mexique  et  la  Nouvelle-Californie ,  quoique 
la  cour  de  Madrid  ait  souvent  ordonné  que 
l'on  formât  des  presidios  et  des  missions  entre 
le  Rio  Gila  et  le  Rio  Colorado.  L'extravagante 
expédition  militaire  de  Don  Joseph  Galvez 
n'a  point  servi  à  étendre  d'une  manière  stable 
les  limites  septentrionales  de  l'intendance  de 


la  Sor 

prenai 

cepen< 

mer  d 

de  l'an 

pays  hi 

depuis 

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Cette  ei 

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nouveai 

Casa  gr 

regarde! 

arrivés 

siècle. 

Le  p( 
du  père 

"  C/iron, 
Fede  de   ( 

(Mexico, 
chronique 
600  pages 
elle  contie 
«ur  les  trib 


pw^p 


I 


CHAPITRE    VIII.  393 

la  Sonora.  Deux  moines  courageux  et  enlre- 
prenans  ,  les  pères  Garces  et  Font  ,  sont 
cependant  parvenus  parterre,  sans  piisserla 
mer  de  Cortez  et  sans  toucher  la  péninsule 
de  l'ancienne  Californie ,  en  traversant  des 
pays  habités  par  des  Indiens  indépendans, 
depuis  les  missions  de  la  Pinieria  Alta  jusqu'à 
Monterey ,  et  jusqu'au  port  de  San  Francisco. 
Cette  entreprise  hardie ,  sur  laquelle  le  col- 
lège de  la  Propagande  à  Queretaro  a  publié 
une  notice  intéressante,  a  aussi  fourni  de 
nouveaux  renseignemens  sur  les  ruines  de  la 
Casa  grande ,  que  les  historiens  mexicains  \ 
regardent  comme  la  demeure  des  Aztèques , 
arrivés  au  Rio  Gila  vers  la  fin  du  douzième 
siècle. 

Le  père  Francisco  Garces,  accompagné 
du  père  Font  ^,  qui  étoit  chargé  de  faire  les 

'  Clavigero,  I ,  p.  iSq. 

^  Chronica  serîjica  de  el  Colegio  de  Propaganda 
Fede  de  Queretaro,  por  Fray  Domingo  Arricivita 
(Mexico,  1792,  T.  II,  p.  396,  426  et  462).  Celte 
chronique ,  qui  forme  un  gros  volume  in-fol.  de 
600  pages  ,  mériteroit  bien  qu'on  en  fît  un  extrait  : 
elle  contient  des  notions  géographiques  très-exactes 
sur  les  tribus  indiennes  qui  habitent  la  Californie ,  lu 


I 


Sgî-  LIVRE  m, 

observations  de  latitude  ,  partit  du  presidio 
dUorcasitas  le  20  avril  de  l'année  1770. 
Apres  onze  jours  de  chemin  ,  il  arriva  dans 
une  belle  et  vaste  pluine  à  une  lieue  de  dis- 
tance de  la  rive  nnuidionale  du  Rio  Gila.  Il 
y  reconnut  les  ruines  d'une  ancienne  ^ille 
aztèque,  au  milieu  desquelles  s'élève  l'édifice 
qu'on  appelle  la  Casa  grande.  Ces  ruines 
occupent  un  terrain  de  près  d'une  lieue  carrée. 
La  grande  maison  est  exactement  orientée 
d'après  les  quatre  points  cardinaux,  ayant, 
du  nord  au  sud  ,  i36  mètres  de  long  ,  et  de 
Test  à  l'ouest  8/|.  mètres  de  large.  Elle  est 
construite  en  torchis  (tapia).  Les  pisés  sont 
d'une  grandeur  inégale,  mais  symétriquement 
placés.  Les  murs  ont  1 2  décimètres  d'épaisseur. 
On  reconnoît  que  cet  édiiice  avoil  trois  étages 
et  une  terrasse.  L'escalier  étoit  extérieur  et 
probablement  de  bois.  Ce  même  genre  de 
construction  se  trouve  encore  dans  tous  les 
villages  des  Indiens  indépendans  du  Moqui, 

Sonnra,  le  Moqui,  Nabajoa  et  les  rives  du  Rio  Gila. 
Je  n'ai  pas  pu  apprendre  de  quels  iiistrumciis  astro- 
noniiqucH  le  père  Fout  s'est  servi  dans  les  excursions 
qu'il  fil  au  Rio  Colorado  ,  depuis  1771  iusqu'en  1776. 
Je  cruias  que  ce  ne  soit  d'un  anueau  solaire. 


h  l'ouc 
dans  h 
a  8" ,3 
haut.  U 
tours  < 
avoir  s( 
couvrit 
conduii 
Toute  1 
cruches 
peints  ( 
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mexicai 
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que  les 
contrée 
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pas  l'abc 
la  Nouvi 
des  rase 
d'ailleur 
ville  du 
sation  de 
grandes 
le  presid 
Ventura. 


-.^^.rfa.. 


CHAPITHE    VIII.  3ij5 

à  Toiiest  du  Nouveau-Mexique.  On  rcconnoît 
dans  Ja  Casa  grande  cinq  pièces,  dont  chacune 
a  8", 3  de  long,  5", 3  de  large,  et  5  ",5  de 
haut.  Une  muraille  interrompue  par  de  grosses 
tours  ceint  l'édifice  principal,  et  paroît  lui 
avoir  servi  de  défense.  Le  père  Garces  dé- 
couvrit les  vestiges  d'un  canal  artificiel  qui 
conduiijoit  les  eaux  du  Rio  Gila  à  la  ville. 
Toute  la  plaine  environnante  est  couverte  de 
cruches  et  de  pots  de  terre  cassés  ,  joliment 
peints  en   blanc,  en  rouge  et  en  bleu.  On 
trouve  aussi   parmi    ces  débris   de  l'aïence 
mexicaine  des  pièces  d'obsidienne  (  itztli  ) , 
phénomène  assez  curieux,  parce  qu'il  prouve 
que  les  Aztèques  avoicnt  passé  par  quelque 
contrée  septentrionale  inconnue  qui   recèle 
cette  substance  volcanique ,  et  que  ce   n'est 
pas  l'abondance  d'obsidienne  que  renlerme 
la  Nouvelle-Espagne,  qui  a  fait  naître  l'idée 
des  rasoirs  et  des  armes  d'itztli.  Il  ne  faut 
d'ailleurs  pas  confondre  les  ruines  de  cetto 
ville  du  Gila,  centre  d'une  ancienne  civili- 
sation des  peuples  américains ,  avec  les  Casas 
grandes  delà  Nouvelle-Biscaye,  situées  entre 
le  presidio  de  Yanos  et  celui  de  San  Buena- 
venlura.  Ces  dernières  sont  désignées  par  les 


mm 


396  LIVRE    III, 

indigènes  comme  la  troisième  demeure  des 
Aztèques,  dans  la  supposition  très- vague  que 
la  nation  aztèque  ,  dans  sa  migration  depuis 
Aztlan  jusqu'à  Tula  et  la  vallée  de  Tcnoch- 
titlan ,  fit  trois  stations  :  la  première  près  du 
lac  ïeguyo  (  au  sud  de  la  ville  fabuleuse  de 
Quivira ,  le  Dorado  mexicain  )  ;  la  seconde 
au  Rio  Gila ,  et  la  troisième  aux  environs  de 
Yanos. 

Les  Indiens  qui  vivent  dans  les  plaines  voi- 
sines des  Casas  grandes  du  Rio  Gila,  et  qui 
n'ont  jamais  eu  la  moindre  communication 
avec  les  habitans  de  la  Sonora ,  ne  méritent 
aucunement  le  nom  dUndios  brai^os.  Leur 
culture  sociale  contraste  singulièrement  avec 
l'état  des  sauvages  qui  errent  sur  les  rives 
du  Missoury  et  en  d'autres  parties  du  Canada. 
Les  pères  Garces  et  Font  trouvèrent  les 
Indiens  au  sud  de  la  rivière  de  Gila ,  vêtus , 
cultivateurs  paisibles ,  réunis  au  nombre  de 
deux  ou  trois  mille  dans  des  villages  qu'ils 
appellent  Uturicut  et  Sutaquisan.  Ils  virent 
des  champs  semés  en  maïs ,  en  coton  et  en 
calebasses.  Les  missionnaires ,  pour  tenter  la 
conversion  de  ces  Indiens ,  leur  montrèrent 
un  tableau  peint  sur  une  grande  pièce  de 


toile  d 

condan 

fît  peu] 

Garces 

parler 

la  mori 

doux  et 

par  ses  i 

les  missj 

adminisi 

répondi 

«  néces 

«  Ions  j 

«  à  que 

civilisati( 

lorsqu'o 

de  l'Am 

latitude 

et  qui  n 

l'histoin 

mcxicaii 

On  co 

une  cité 

(  inllas)  ; 

lao-es  [p 


CHAPITRE    VIII.  397 

toile  (le  coton ,  et  représentant  un  pécheur 
condamné  aux  flanjmes  de  l'enfer.  Le  tableau 
fit  peur  aux  Indiens  ;  ils  engagèrent  le  pèr« 
Garces  de  ne  plus  le  dérouler ,  ni  de  leuF 
parler  de  ce  qu'il  croyoit  leur  arriver  après 
la  mort.  Ces  indigènes  sont  d'un  caractère 
doux  et  loyal.  Le  père  Font  leur  fit  expliquer, 
par  ses  interprètes ,  la  sûreté  qui  régnoit  dan» 
les  missions  chrétiennes ,  où  un  alcade  indien 
administroit  la  justice.  Le  chef  d'Uturicut  lui 
répondit  :  «  Cet  ordre  de  choses  peut  être 
«  nécessaire  pour  vous  autres  :  nous  ne  vo- 
«  Ions  pas ,  nous  disputons  rarement  ;  donc 
«  à  quoi  bon  un  alcade  parmi  nous?  »  La 
civilisation  que  l'on  trouve  chez  les  indigènes, 
lorsqu'on  se  rapproche  de  la  côte  nord-ouest 
de  l'Amérique,  depuis  les  33<»  aux  54.**  de 
latitude ,  est  un  phénomène  bien  frappant , 
et  qui  ne  laisse  pas  de  jeter  quelque  jour  sur 
l'histoire  des  premières  migrations  des  peuples 
mexicains. 

On  compte ,  dans  la  province  delaSonora, 
une  cité  [ciudad) ,  celle  d'Arispe  ;  deux  villes 
(  villas)  ;  savoir  :  Sonora  et  Hostimuri  ;  46  vil- 
lages (pueùlos)  ,   i5  parois^ses  {paroquias) 


SgS  LIVRE    III, 

43  missions ,   20  métairies  (  haciendas  ) ,  et 
25  ïevmes  {ranchos). 

La  province  de  Cinaloa  renferme  5  villes 
(Culiacan,  Cinaloa,  el  Rosario ,  el  Fuerte, 
et  los  Alamos  )  ^  92  villages ,  5o  paroisses , 
i4  haciendas  et  4^0  ranchos. 

En  1795,  le  nombre  d'Indiens  tributaires 
étoit,  dans  la  province  delà  Sonora,  seulement 
de  261,  tandis  que,  dansla  province  deCinaloa, 
il  montoit  à  j85i.  Aussi  la  dernière  de  ces 
provinces  est-elle  plus  anciennement  peuplée 
que  la  première. 


Les  endroits  les  plus  remarquables  de  l'in- 
tendance de  la  Sonora  sont  : 

Arispe  ,  résidence  de  l'intendant ,  au  sud  et 
à  l'ouest  des  presidios  de  Bacuachi  et  de 
Bavispe.  Des  personnes  •  qui  ont  accom- 
pagné M.  Galvez  dans  son  expédition  de 
la  Sonora ,  assurent  que  la  mission  d'Ures , 
près  de  Pitic  ,  auroit  été  plus  propre 
qu'Arispe  pour  devenir  la  capitale  de  Fin- 
tendance.  Population  de  7600. 


Sonora 
presid 

HOSTIMI 

ronné 

CULIACA 
SOUS  1( 

popul 
Cinaloa 

j"  Saii 

d'Aon 
El  Rosa 

Popul 
Villa  d 

nord  ( 
Los  Ala 

Rio  M 

mineri 


CHAPITRE    VIII.  399 

SoNORA  ,  au  sud  d'Arispe ,  au  nord-est  du 
presidio  d'Horcasitas.  Population  de  6/400. 

HosTiMURi,  petite  ville  très-peuplée,  envi- 
ronnée de  mines  considérables. 

CuLiACAN,  célèbre  dans  l'histoire  mexicaine- 
sous  le  nom  d'Hueicolhuacan.  On  estime  la 
population  de  10,800. 

CiNALOA ,  appelé  aussi  la  Villa  de  San  Felipe 
j  Santiago ,  à  l'est  du  port  de  Ste.-Marie 
d'Aome.  Population  de  gSoo. 

El  Rosario  ,  près  des  riches  mines  de  Copala. 
Population  de  56oo. 

Villa  del  Fuerte  ,  ou  Montesclaros ,  au 
nord  de  Cinaloa.  Population  de  7900. 

Los  Alamos  ,  entre  le  Rio  del  Fuerte  et  le 
Rio  Mayo ,  résidence  d'une  Diputacion  de 
mineria.  Population  de  7900. 


4oo 


LIVRE    III 


XIIT.  La  Province  du  Nuevo  Mexico. 

Population  en  i8o5  :  4o,20o. 

Étendue  de  la  surface  en  lieuescarrées  :  5700. 

Habitans  par  lieue  carrée  :  7. 

Plusieurs  géographesparoissent  confondre 
le  Nouveau-Mexique  avec  les  provincias  in- 
ternas :  ils  en  parlent  comme  d'un  pays  riche 
en  mines,  et  d'une  vaste  étendue.  L'auterr 
célèbre  de  l'Histoire  philosophique  des  éta- 
blissemens  européens  dans  les  deux  Indes  a 
contribué  à  propager  cette  erreur.  Ce  qu'il 
appelle  l'empire  du  Nouveau-Mexique  n'est 
qu'un  rivage  habité  par  de  pauvres  colons. 
C'est  un  terrain  fertile ,  mais  dépeuplé  ,  dé- 
pourvu ,  à  ce  que  l'on  croit  jusqu'ici,  de  toutes 
richesses  métalliques,  et  qui  s'étend  le  long 
du  Rio  delNor te,  depuis  les5i"  jusqu'aux  58® 
de  latitude  boréale.  Cette  province  a,  du  sud 
au  nord,  176  lieues  de  longueur,  et  de  l'est 
à  l'ouest,  5o  à  5o  lieues  de  largeur.Son  étendue 
territoriale  est  par  conséquent  bien  moindre 
que  des  personnes  peu  instruites  en  matières 
géographiques,  ne  la  supposent  dans  le  pays 


w 


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même. 

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Indiens.  C 

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de  villes  et 

II. 


CHAPITRE    VÎII.  4^1 

même.  La  vanilé  nalionale  se  plaît  même  à 
agrandir  les  espaces ,  à  reculer  ,  sinon  dans 
la  réalité  ,  du  moins  dans  rirnagination  ,  les 
limites  du  pays  occupé  par  les  Espagnols. 
Dans  des  mémoires  qui  m'ont  été  fournis  sur 
la  position  des  mines  mexicaines ,  on  évalue 
l'éloignement  d'Arispe  au  Rosario,  àoooj 
d'Aiispe  à  Copala  ,  à  /it>o  lieues  marines,  sans 
compter  que  toute  l'intendance  de  Sonora 
n'en  a  pas  280  en  longueur.  Par  la  même 
cause  ,  et  surtout  pour  se  concilier  la  faveur 
de  la,  cour,  les  conijuistadores ,  les  moines 
missionnaires  et  les  premiers  colons  ont  donné 
de  grands  noms  à  de  petites  choses.  Nous 
avons  décrit  plus  haut  un  royaume ,  celui  de 
Léon  ,  dont  toute  la  population  n'égale  pas 
le  nombre  des  moines  franciscains  en  Espagne. 
Quelques  cabanes  réunies  prennent  souvent 
le  titre  pompeux  de  villes.  Une  croix  plantée 
dans  les  forêts  de  la  Guayane  figure  sur  les 
cartes  des  missions  envoyées  à  Madrid  et  à 
Rome ,  comme  im  village  habité  par  des 
Indiens.  Ce  n'est  qu'après  avoir  vécu  long- 
temps dans  les  colonies  espagnoles ,  après 
avoir  reconnu  de  près  ces  fictions  de  royaumes, 
de  villes  et  de  villages,  que  le  voyageur  se 
n.  26 


/jOH  MVni,    TÎI, 

forme  une  éeliellc  propre  à  réduire  les  objets 
à  Jeur  juste  vjileur. 

Les  conquérans  espagriols,  peu  d'années 
après  la  destruction  de  l'empire  aztèque, 
firent  des  élablissemens  stables  dans  le  nord 
d'Anabuac.  La  ville  de  Durango  fui  fondée 
sous  l'administration  du  second  vice-roi  de  la 
Nou>elle  -  Espao^ne  ,  f  elasco  cl  Primero  , 
l'année  i5ocj.  Cétoit  alors  un  poste  militaire 
contre  les  incursions  des  Indiens  Cbiclû- 
irièques.  Vers  la  fin  du  Seizième  siècle ,  le 
vice-roi  comte  de  Monterey  envoya  le  va- 
leureux o/^^«'«  de  Ouate  au  Nouveau-Mexique. 
C'est  ce  g-énéral  qui,  après  avoir  chassé  les 
tribus  d'indigènes  nomades,  peupla  les  rives 
du  grand  Rio  del  Norte. 

Depuis  la  ville  de  Cbihuahua  on  peut  aller 
en  voiture  jusqu'à  Santa-Fe  du  Nouveau- 
Mexique.  On  s'y  sert  communément  d'une 
sorte  de  calèche  que  les  Catalans  appellent 
volantes.  Le  chemin  est  beau  et  uni;  illonj^ela 
rive  orientale  du  Grand  Fleuve  (Rio  Grande) , 
que  l'on  traverse  au  Passo  del  Norte.  Les 
bords  du  fleuve  sont  très-pittoresques  ;  ils  sont 
ornés  de  beaux  peupliers  et  d'autres  arbres  de 
la  zone  tempérée. 


i 


t 


lie 
siècles 
veau-f 
à  finie 
désert 
<Iuefois 
sépare 
depuis  1 
querquc 
laquelle 
Indiens 
de  terrai 
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d'hui.   Il 
I*ascnal, 
situés  ent 
Santa-Fe. 
les  ruines 
^esabrico 
1  ancienne 
^es  plus  d; 
ie  défîJé  d 
iVorte,   viî 
le  désert  c 
<^"t  été  ass 
^e  désc] 


7\"   IS    '      "     7^'- ■ 


CHAPITRE    VIII.  l^o3 

Il  est  assez  frappant  de  voir  qu'après  deux 
siècles  de  colonisation ,  la  province  du  Nou- 
veau-Mexique ne  soit  point  encore  conliguë 
à  l'intendance  de  la  Nouvelle  -  Bisca^'e.  Un 
désert  dans  lequel  les  voyageurs  sont  quel- 
quefois attaques  par  les  Indiens  Cumancbes , 
sépare  les  deux  piovinces.  Il  se  prolonge 
depuis  le  Passo  del  Norte  vers  la  ville  d'Albu- 
querque.  Avant  l'année  1680  ,  époque  à 
laquelle  il  j  eut  une  révolte  générale  des 
Indiens  du  Nouveau-Mexique  ,  cette  étendue 
de  terrain  inculte  et  inhabité  étoit  cependant 
moins  considérable  qu'elle  ne  l'est  aujour- 
d'hui. Il  existoit  alors  trois  villages  ,  San 
Pascual,  Semillete  ,  et  Socorro  ,  qui  étoient 
situés  entre  le  marais  du  Muerto  et  la  ville  de 
Santa-Fe.  L'évêque  Tamaron  en  vit  encore 
les  mines  en  1760.  Il  trouva  dans  des  champs 
des  abricotiers  devenus  sauvages,  et  indiquant 
l'ancienne  culture  de  ce  pays.  Les  deux  points 
les  plus  dangereux  pour  les  voyageurs  sont 
le  défilé  de  Robledo  ,  à  l'ouest  du  Rio  del 
Norte,  vis-à-vis  la  Sierra  de  Doua  Ana,  et 
le  désert  du  Muerto.  Beaucoup  de  blancs  y 
ont  été  assassinés  par  les  Indiens  nomades;. 

Le  désert   du  Muerto  est  une  plaine  de 

26* 


4o4  LIVRE    III, 

trente  lieues  de  long,  sans  eau.  En  général, 
tout  ce  pays  est  d'une  sécheresse  effrayanle  ; 
car  les  montagnes  de  los  Mansos ,  situées  à 
Fest  du  chemin  qui  mène  de  Durango  à 
Santa -Fe,  ne  donnent  pas  naissance  à  un 
seul  ruisseau.  Malgré  la  douceur  du  climat , 
et  les  progrès  de  l'industrie,  une  grande  partie 
de  ce  pays ,  de  même  que  la  Vieille-Californie , 
et  plusieurs  districts  de  la  Nouvelle-Biscaye 
et  de  Tintendance  de  Guadalaxara ,  ne  seront 
jamais  susceptibles  de  renfermer  une  popu- 
lation considérable. 

Le  Nouveau- Mexique ,  quoique  place  sous 
la  même  latitude  que  la  Syrie  et  la  Perse 
centrale  ,  a  un  climat  éminemment  froid.  Il  y 
gèle  ûu  milieu  du  mois  de  mai.  Près  de 
Santa-Fe  ,  et  un  peu  plus  au  nord  (  sous  le 
parallèle  de  la  Morée)  le  Rio  del  Norte  se 
couvre  quelquefois  plusieurs  années  de  suite 
de  glaces  si  épaisses  qu'on  le  passe  à  cheval 
et  en  voiture.  Nous  ne  connoissons  pas  la 
hauteur  du  sol  de  la  province  du  Nouveau- 
Mexique  ;  mais  je  doute  que ,  sous  le  trente- 
septième  degré  de  latitude,  le  lit  du  fleuve 
ait  plus  de  sept  ou  huit  cents  mètres  d'élé- 
vation au-dessus  du  niveau  de  l'Océan.  Les 


est  au  n 
elles  ba 
de  juin, 
de  l'été 
très-peti 
à  gué , 
extraorc 
appelés 
sonnes  y 
prend  p 
on  appel 
til  lio  à  -3 
Les  ea 


.  _. .!,_ 


CHApiT[\i:  vin. 


/,o.^> 


montagnes  qui  bordent  la  \  allée  du  Rio  dcl 
Norte ,  même  celles  au  pied  desquelles  est 
situé  le  village  de  Taos,  perdent  leur  neige 
déjà  vers  le  commencement  du  mois  de  juin. 

Le  Grand  Fleuve  du  ISord ,  comme  nous 
l'avons  observé  plus  haut ,  prend  sa  source 
dans  la  Sierra  Verde  ,  qui  est  un  point  de 
partage  entre  lesallluens  du  golfe  du  Mexique 
et  ceux  de  la  mer  du  Sud.  Il  a  ses  crues  pério- 
diques [crecîcntes)  comme  l'Orénoque ,  le 
Mississipi,  et  un  grand  nombre  de  rivières  des 
deux  conlinens.  Les  eaux  du  Rio  del  Norte 
augmentent  depuis  le  mois  d'avril  ;  leur  crue 
est  au  maximum  au  commencement  de  mai: 
elles  baissent  surtout  depuis  la  fin  du  mois 
de  juin.  Ce  n'est  qu'à  Tépoque  des  sécheresses 
de  l'été,  et  quand  la  force  du  courant  est 
très-petite,  que  les  habitans  passent  le  fleuve 
à  gué  ,  montés  sur  des  chevaux  d'une  taille 
extraordinaire.  Au  Pérou,  ces  chevaux  sont 
appelés  cavallos  chlmbadores.  Plusieurs  per- 
sonnes y  montent  à  la  fois ,  et  si  le  cheval 
prend  pied  de  temps  en  temps  en  nageant , 
on  appelle  ce  mode  de  passer  le  fleuve ,  passai- 
til  lia  a  volaplé. 

Les  eaux  du  Rio  del  Norte ,  comme  celles 


4o6  LIV1\E    III, 

de  rOrciloqiie  et  de  toutes  les  grandes  rivières 
de  l'Amérique  méridionale ,  sont  extrêmement 
troubles.  Dans  la  Nouvelle-Biscaye  on  re- 
garde comme  la  cause  de  ce  phénomène  une 
petite  rivière  appelée  Rio  Puerco  (Jleuve  sale)^ 
et  dont  l'embouchure  est  au  sud  de  la  ville 
d*Albuquerque,  prèsde  Valencia.  M.Tamaron 
a  observé  cependant  que  leseauxsont  troubles 
bien  au-dessus  de  Santa-Fe  et  de  la  ville  de 
Taos.  Les  habitans  du  Passo  del  Norte  ont 
conservé  la  mémoire  d'un  événement  très- 
extraordinaiie  qui  eut  lieu  l'année  1762.  Ils 
virent  tout  d'un  coup  rester  à  sec  tout  le  lit 
de  la  rivière  ,  Irentc  lieues  au-dessus  ,  et  plus 
de  vingt  lieues  au-dessous  du  Passo  :  l'eau  du 
fleuve  se  précipita  dans  une  crevasse  nouvel- 
lement lormée  ,  et  ne  ressortit  de  terre  que 
près  du  presidio  de  San  Eleazario.  QeXXepcrte 
du  Rio  del  Noi'le  dura  assez  long-temps.  Les 
belles  campagnes  qui  entourent  le  Passo  ,  et 
c[ui  sont  traversées  par  de  petits  canaux  d'irri- 
gation ,  restèrent  sans  arrosernent  ;  les  habitans 
creusèrent  des  puits  dans  le  sable  ,  dont  le  lit 
delà  rivière  est  comblé.  Enfin ,  après  plusieurs 
semaines ,  on  vit  l'eau  prendre  son  ancien 
cours ,  sans  doute  parce  que  la  crevasse  et  les 


l.llAPITUi:     VIII. 


407 


conduits  soulerrains  s'ctoicMil  bouches.  Le 
pliéiioincne  que  je  viens  de  citer  a  (jnel(|ue 
analogie  avec  un  l'ait  que  les  Indiens  de  la 
province  de  Jaen  de  Htacaniorros  m'ont 
rapporté  pendant  mon  séjour  à  Tomependii. 
C'est  au  commencement  ilu  dix  -  huitième 
siècle  que  les  habitans  du  vilhijL,^e  de  Puyaya 
virent  avec  effroi  se  dessécher  presque  entiè- 
rement, et  pendant  plusieurs  heures,  le  lit 
du  fleuve  des  Amazones.  Près  de  la  cataracte 
(po/igo)  de  Rentema  une  partie  desrocheis 
de  grès  s'étoient  écroulés  par  l'eflèt  d'un 
tremblement  de  terre ,  et  les  eaux  du  Ma- 
raîîon  furent  retenues  dans  leur  cours  jusqu'à 
ce  qu'elles  eussent  pu  franchir  la  digue  qui 
s'étoit  formée.  Dans  la  partie  septentrionale 
du  Nouveau-Mexique  ,  près  de  Taos  ,  et  au 
nord  de  cette  ville  ,  naissent  des  rivières  dont 
les  eaux  se  mêlent  à  celles  du  Mississipi.  Le 
Rio  de  Pecos  est  probablement  identique 
avec  la  rivière  rouge  de  Natchitoches ,  et  le 
Rio  Napestla  est  peut-être  le  même  fleuve  qui, 
plus  à  l'est ,  prend  le  nom  d'Arkansas. 

Les  colons  de  cette  province,  connus  par 
la  grande  énergie  de  leur  caractère ,  vivent 
dans  un  état  de  guerre  perpétuelle  avec  les 


4o8  LIVRE   iir, 

Indiens  voisins.  C'est  à  cause  tlu  manque  de 
siirelé  qu'offre  la  vie  des  champs,  que  les 
villes  sont  plus  peuplées  qu'on  ne  devroit 
s'y  attendre  dans  un  pays  aussi  désert.  La 
situation  des  habilans  du  Nouveau-Mexique 
ressemble,  sous  plusieurs  rapports,  à  celle 
des  peuples  d'Europe  au  mojen  Age.  Aussi 
long-temps  que  l'isolement  expose  l'homme 
à  des  dangers  personnels,  aucun  équilibre  ne 
peut  s'établir  entre  la  population  des  villes  et 
celle  de  la  campagne. 

Il  s'en  faut  de  beaucoup  cependant  que  ces 
Indiens,  qui  vivent  en  inimitié  avec  les  colons 
espagnols ,  soient  tous  également  barbares. 
Ceux  de  l'est  sont  nomades  et  guerriers.  S'ils 
font  le  commerce  avec  les  blancs ,  c'est 
souvent  sans  se  voir ,  et  d'après  des  principes 
dont  on  retrouve  des  traces  chez  plusieurs 
peuples  de  l'Afrique.  Les  sauvages  ,  dans 
leurs  excursions  au  nord  du  Bolson  de  Ma- 
pimi ,  plantent,  le  long  du  chemin  qui  mène 
de  Chihuahua  à  Santa-Fe,  de  petites  croix 
auxquelles  ils  suspendent  une  poche  de  cuir 
avec  un  peu  de  viande  de  cerf;  au  pied  de 
la  croix  se  trouve  étendue  une  peau  debulïle: 
rindien  indi  ^ue  ^xir  ces  signes ,  qu'il   veut 


i*-'. 


établir  un  a 

qui  adorent 

«hrétien  une 

dont  il  ne  fu 

àcsp/esicliosj 

gïjphique  dej 

huille,  et  Jai 

viande  salée  \ 

qui  indique  i 

bonne  foi  et  < 

Avec  les  In 

errent  dans  le 

Mexique,  con 

à  J'ouest  du  R 

Gila  et  CoIorJ 

derniers  missio 

le  pavs  des  M 

Yaquesila.  Il  fi 

indienne    avec 

maisons  à  plusi 

alignées  et  pan 

peuple  s  j  asse 

terrasses  qui  f( 

'  l>/arh  dd  nia 


CHAPITRi:    VIII.  409 

établir  un  comniercc  créchanfrc  avec  ceux 
qui  adorent  la  croix  ;  il  oflre  au  voyageur 
chrétien  une  peau  pour  avoir  des  comestibles 
dont  il  ne  lixe  pas  la  quantité.  Les  soldats 
âcspresidios ,  qui  entendent  le  langage  hiéro- 
glyphique des  Indiens ,  prennent  la  peau  de 
buiïle,  et  laissent  au  pied  delà  croix  de  la 
viande  salée  ^  Voilà  un  système  de  commerce 
qui  indique  un  mélange  extraordinaire  de 
bonne  foi  et  de  méfiance. 

Avec  les  Indiens  nomades  et  méfians  qui 
errent  dans  les  savanes ,  à  l'est  du  Nouveau- 
Mexique  ,  contrastent  ceux  que  l'on  trouve 
à  l'ouest  du  Rio  del  Norlc  ,  entre  les  fleuves 
Gila  et  Colorado.  Le  père  Garces  est  un  des 
derniers  missionnaires  qui,  en  lyy^,  ont  visité 
le  pays  des  Morjir' ,  traversé  par  le  Rio  de 
Yaquesila.  Il  fut  étonné  d'y  trouver  une  ville 
indienne  avec  deux  grandes  places  ,  des 
maisons  à  plusieurs  étages ,  et  des  rues  bien 
alignées  et  parallèles  les  unes  aux  autres.  Le 
peuple  s'y  assembloit  tous  les  soirs  sur  les 
terrasses  qui  forment  les  toits  des  maisons. 

>  Dtarh  dd  Illunlr,  Senor  Tamaron,  (  Manuscrit.  ) 


1^- 


4lO  LIVRE    III, 

La  conslTiiction  des  é(Vilîces  duMoqui  est  la 
même  que  celle  des  Casas  grandes  ^  aux 
bords  du  Rio  Gila ,  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut.  Les  Indiens  qui  habitent  la  partie 
septentrionale  du  Nouveau-Mexique  donnent 
aussi  une  hauteur  considérable  à  leurs  maisons, 
pour  découvrir  l'approche  de  leurs  ennemis. 
Toutparoît  annoncer,  dans  ces  contrées,  des 
traces  de  la  culture  des  anciens  Mexicains. 
Les  traditions  indiennes  nous  apprennent 
même  que  vingt  lieues  au  nord  du  Moqui, 
près  de  Tembouchure  du  Rio  Zaguananas, 
les  rives  du  Napajoa  étoient  la  première  de- 
meure des  Aztèques,  aprèsleur  sortie  d'Aztlan. 
En  considérant  la  civilisation  qui  existe  sur 
plusieurs  points  de  la  cote  nord-ouest  de 
rAmérique  ,  au  Moqui  et  sur  les  bords  du 
Gila,  on  seroit  tenté  de  croire  (et  j'ose  le 
répéter  ici  )  que ,  lors  de  la  migration  des 
ïoltèques ,  des  Acolhues  et  des  Aztèques, 
plusieurs  tribus  se  sont  séparées  de  la  grande 
masse  du  peuple  pour  se  fixer  dans  ces 
contrées  boréales.  Cependant  la  langue  qre 
parlent  les  Indiens  du  Moqui,  les  Yabipa's, 
qui  portent  de  longues  barbes  ;  et  ceux  qui 


mm 

.  -1 


'■''  i 


CHAPITRE    VIII.  4^1 

habitent  les  plaines  voisines  du  Rio  Colorado, 
diifcre  '  essentiellement  de  la  langue  mexi- 
caine. 

Au  dix-septième  siècle  ,  plusieurs  mission- 
naires de  l'ordre  de  Saint-François  s'éloicnt 
établis  parmi  les  Indiens  du  Moqui  et  de 
Nabajoa.  Ils  furent  massacrés  dans  la  grande 
révolte  des  Indiens ,  qui  eut  lieu  en  1680. 
J'ai  vu  sur  des  cartes  manuscrites,  dressées 
avant  cette  époque,  le  nom  de  la  provincict 
del  Moqui. 


La  province  du  Nouveau-Mexique  a  trois 
villas  (  Santa-Fe,  Santa-Cruz  de  la  Canada  y 
Taos ,  Albuquerque  y  Alameda) ,  'iGpiwùlos 
ou  villages ,  5  parroquias  ou  paroisses ,  19 
missions ,  et  aucune  ferme  (  lancho  )  isolée. 
Santa-Fe  ,  capitale ,  à  l'est  du  Cran  Rio  del 

Ncrte.  Population  de  0600. 
Albiiquerque  ,  vis-à-vis  du  village  d'Atrisco , 

à  l'ouest  de  la  Sierra  obscura.  Population 

de  6000. 

*  Voyez  le  témoignage  de  plusieurs  moines  mission- 
naires qui  étoient  1res- versés  dans  lu  connoissance  de 
la  langue  aztèque.  (  C/ironica  serajlcu,  del  Collegio  de 
Queretaro,  p,  ^loS.) 


w^mF 


4l2  LIVRE    III, 

Taos,  que  les  anciennes  cartes  plaooienl  de 
62  lieues  trop  au  nord  ,  sous  les  4o  degrés 
de  latitude.  Population  de  8900. 

Passo  delNorte,  presidio  ou  poste  militaire 
sur  la  rive  droite  du  Rio  del  Norte ,  séparé 
de  la  ville  de  Santa-Fe  par  un  pays  inculte 
de  plus  de  60  lieues  de  long.  Il  ne  faut 
point  confondre  cette  bourg^ide ,  que  quel- 
ques cartes  manuscrites  conservées  dans 
les  archives  de  Mexico  considèrent  comme 
dépendante  de  la  Nouvelle-Biscaye  ,  avec 
le  Presidio  ciel  Nortc  y  ou  dr  lai  'un tas, 
placé  plus  au  sud,  à  l'embouchure  du  Rio  . 
Conchos.  C'est  au  Passo  deJ  Norte  que 
s'arrêtent  les  voyageurs  pour  réunir  les 
provisions  récessaires,  a'  nt  de  continuer 
leur  route  jusqu'à  Santa-Fe.  Les  environs 
du  Passo  sont  un  pays  délicieux,  qui  res- 
semble aux  plus  belles  parties  de  l'Anda- 
lousie. Les  champs  sont  cultivés  en  maïs  cl 
en  froment;  les  vignobles  produisent  ; '-^ 
vins  liquoreux  et  excellens,  que  l'on  prtk'  c 
même  aux  vins  de  Parras  ,  de  la  Nouvelle- 
Biscaye  ;  les  jardins  rcnfc  ent  en  abon- 
dance tous  les  arbres  fruitiers  de  l'Europe, 
des  figuiers ,  des  pêchers ,  des  pomhiiers  et 


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11 


« 


CHAPITRE    VIII.  4^3 

des  poiriers.  Gomme  le  pays  est  très-sec ,  un 
canal  d'irrigation  conduit  les  eaux  du  Rio 
dcl   Nortc  au  Passo.  Les  habitans  du  Pre- 
sidio  ont  beaucoup  de  peine  à  conserver 
le  batardeau  qui  force  les  eaux  des  fleuves, 
lorsqu'elles  sont  très-basses  ,  d'entrer  dans 
le  canal  [azequia).  Pendant  les    grandes 
crues  du  Rio  del  Norte  la  force  du  courant 
détruit  ce  batiirdeau  presque  tous  les  ans  -, 
aux  mois  de  mai  et  de  juin.  La  manière 
de  rétablir  et  de  renforcer  la  digue  est  assez 
ingénieuse  :  les  habitans  forment  des  paniers 
de  pieux  réunis  par  des  branches  d'arbres 
et  remplis    de   terre   et  de   pierres.   Ces 
gabions   (cestones)  sont  abandonnés  à  la 
force  du  courant,  qui,  dans  son  remous, 
les  dépose  au  point  où  le  canal  se  sépare 
de  la  rivière. 


I    ifl 


nw  1 


44 


LIVRE    III, 


XIV.  Proviîjce  de  la  Vieille-Californie. 


Population  en  i8o3  :  9000.   •  ' 

Etendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  :  72g5. 
Habitans  par  lieue  carrée  :  i. 

L'histoire  de  la  géographie  offre  plusieurs 
exemples  de  pays  dont  la  position  a  été  connue 
aux  premiers  navigateurs,  et  queFon  a  regardés 
*  ïig  -  temps  comme  n'ayant  été  découverts 
qu'à  des  époques  très-récentes.  Telles  sont 
les  îles  Sandwich  ;  la  côte  occidentale  de  la 
Nouvelle  -  Hollande  ;  les  grandes  Cyclades , 
nommées  jadis  ,  par  Quiros ,  l'archipel  dal 
Espiritu  Santoj  la  terre  des  Arsacides ,  vue 
par  Mendana ,  et  surtout  les  côtes  de  la  Cali- 
fornie. Ce  dernier  pays  avoit  été  reconnu 
comme  une  péninsule,  avant  l'année  i54.i  ; 
et  cependant  cent  soixante  a^^  ^  plus  tard  on 
attribuoit  au  père  Kiihn  (Kino)  le  mérite 
d'avoir  prouvé  le  premier  que  la  Californie 
u'étoit  pas  une  île ,  mais  qu'elle  tenoit  au 
continent  du  Mexique. 

Cortez ,  après  avoir  étonné  le  monde  par 
ses  exploits  sur  la  Terre-Ferme,  déploya  une 


CHAPITRE    Vin.  l[l^ 

ëner<^ie  de  caractère  non  moins  admirable 
dans  ses  entreprises  marilinies.  Inquiet,  am- 
bitieux ,  tourmenté  de  l'idée  de  voir  le  pays 
que  son  courage  avoit  conquis  ,  administré 
tantôt  par  un  corrégidor  de  Tolède  ,  tantôt 
par  un  président  de  l'audience  ,  ou  par  un 
évêque  de  Saint-DominT-ue  ',  il  se  livra  tout 
entier  aux  ex]:>éditions  de  découvertes  dans 
la  mer  du  Sud.  Il  paroissoit  oublier  que  les 
ennemis  puissans  qu'il  avuit  à  la  cour  lui 
avoient  été  suscités  par  la  grandeur  et  la 
rapidité  de  ses  succès ,  et  il  se  flattoit  de  les 
forcer  au  silence  par  l'éclat  de  la  nouvelle 
carrière  qui  s'ouvroit  à  son  activité.  D'un 
autre  côté,  le  gouvernement^  qui  se  méfîoit 
d'un  homme  aussi  extraordinaire,  l'encou- 
ragea dans  son  dessein  de  parcourir  l'Océan. 
Croyant ,  depuis  la  prise  de  Mexico ,  n'avoir 
plus  besoin  du  talent  militaire  de  Cortez, 
Tempereur  étoit  content  de  le  voir  lancé  dans 
des  entreprises  hasardeuses.  Il  désiroit  surtout 
éloigner  le  héros  du  théâtre  sur  lequel  avoient 
brillé  son  courage  et  son  audace. 

*  Le  corrégidor  Luis  Ponce  de  Léon ,  le  président 
Nuno  de  Guzmaa,  et  l'évêque  Sébastian  Ramirez  de 
Fuenleal. 


wmf^ 


4l6  LIVRE    III, 

Déjà  en  i525,  Charles-Quint,  dans  une 
lettre  datée  de  Valladolid,  avoit  recommandé 
à  Cortez  de  chercher ,  sur  les  côtes  orientales 
et  occidentales  de  la  Nouvelle  -  Espagne ,  le 
secret  d'un  détroit  (  el  secreto  del  eslrecho  ) , 
qui  racourciroit  de  deux  tiers  la  navigation 
de  Cadix  aux  Indes  Orientales ,  appelées  alors 
le  Pajsdes  épiceries,  Corlez  ,  dans  sa  réponse 
à  Tempereur  ,  parle  avec  le  plus  grand  en- 
thousiasme de  la  probabilité  de  cette  décou- 
verte «  qui  (ajoute  -  t- il)  rendra  Vôtre 
«  Majesté  maîtresse  de  tant  de  royaumes , 
•c  qu'elle  pourra  se  regarder  comme  le  mo- 
«  narque  du  monde  entier  '.  »  C'est  dans  Je 
cours  d'une  de  ces  navigations,  entreprises 
aux  frais  particuliers  de  Cortez,  que  les  côtes 
de  la  Californie  furent  découvertes  par  Her- 
nando  de  Grixalva,  au  mois  de  février  i534  '. 


»  Cartas  de  Cortez,  p.  374,  382,  385. 

*  J'ai  trouvé  ,  dans  un  manuscrit  conservé  dans  Ips 
archives  de  la  vice-royauté  de  Mexico,  que  la  Cali- 
fornie avoit  été  découverte  en  1626.  J'ignore  sur  quoi 
se  fonde  cette  assertion.  Cortez ,  dans  ses  lettres  à 
l'empereur,  écrites  jusqu'en  i524,  parle  souvent  des 
perles  qu'on  trouve  près  des  îles  de  la  mer  du  Sud; 
cependant  les  extraits  que  l'auteur  de  la  Helacion  del 


CHAPITRE    VIII.  4^7 

iSon  pilote,  Fortim  Xiinenez,  fut  tué  par  le» 
Californiens ,  dans  la  baie  de  Santa-Gruz , 
appelée  dans  la  suite  le  port  de  la  Paz  ,  ou 
du  marquis  del  Valle.  Mécontent  delà  lenteur 
et  du  peu  de  succès  des  découvertes  dans  la 
mer  du  Sud ,  Corlez  s*embarqua  lui-même  , 
en  i535  ,  avec  4(>o  Espagnols,  et  avec  trois 
cents  nègres  esclaves  j  au  port  de  Ghiametlan 
(  Chametla  ).  Il  longea  les  deux  côtes  du  golfe 
que  l'on  désigna  dcs-lors  par  le  nom  de  la 
Mer  de  Cortez  ,  et  que  l'historien  Gomara , 
en  1657,  compara  très- judicieusement  à  la 
mer  Adriatique.  C'est  pendant  son  séjour  à 
la  baie  de  Santa-Cruz  que  parvint  à  Cortez 
la  nouvelle  afdigeante  que  le  premier  vice-roi 
venoit  d'arriver  à  la  Nouvelle-Espagne.  Ce 
i;rand  conquérant  poursuivit  sans  relâche  ses 
découvertes  en  Californie ,  lorsque  le  bruit 
de  sa  mort  se  répandit  à  Mexico.  Son  épouse, 
.luana  deZuniga,  équipa  deux  vaisseaux  et 
une  carcwèle  pour  approfondir  la  vérité  de 

Viage  al  Estrccho  «le  Fuca  (p.  7-22)  a  faits  tles  manus- 
crits prôcieux  conservés  à  l'Académie  (rhisloire  de 
IMadrid  ,  paroisscnl  prouver  que  la  Californie  n'a  pas 
iiicme  élé  vue  dans  l'expédition  de  Diego  Hurtado  de 
Mciidoza  ,  en  16.^2. 

ir.  27 


4l8  LIVIIE    IIT, 

celle  nouvelle  alarmanle.  Cortez^  après  avoir 
couru  mille  danj^ers ,  mouilla  heureusement 
au  port  d'Acapulco.  Il  fit  poursuivre  ,  et 
«oujours  à  ses  frais,  par  Francisco  de  LHloa, 
la  carrière  qu'il  venoit  d'ouvrir  si  glorieuse- 
ment. Ulloa ,  dans  le  cours  d'une  navigation 
de  deux  ans,  reconnut  les  côtes  du  golfe  de 
Californie  jusque  vers  l'emboucliure  du  Rio 
Colorado. 

La  carte  que  le  pilote  Caslillo  construisit 
à  Mexico,  en  i54i ,  et  que  nous  avons  citée 
plusieurs  fois,  représente  la  direction  des 
côtes  de  la  presqu'île  de  Californie,  telle  à 
peu  près  que  nous  la  connoissons  aujourd'hui. 
Maigre  ces  progrès  de  la  géographie ,  dus 
au  génie  et  à  f'aclivité  de  Cortez ,  plusieurs 
écrivains,  sous  le  foîble  règne  du  roi  Charles  ir, 
commencèrent  à  regarder  la  Californie  comme 
un  archipel  de  grandes  îles ,  appelées  Islas 
Carolinas,  La  pèche  des  perles  n'j  attiroit 
que  de  temps  en  temps  quelques  balimens 
expédiés  des  ports  de  Xalisco ,  d'Acapulco 
ou  de  Cliacalaj  et  lorsque  trois  jésuites,  les 
pères  Kiihn,  Salvatierra  et  Ugarte,  visitèrent 
dans  le  plus  grand  détail ,  depuis  l'année  1701 
jusqu'en  1721 ,  les  côtes  qui  environnent  la 


situé  au  n 


CHAPITRE    VlII.  419 

mer  cle  Cortez  (  mar  roxo  o  lyermcjo  ) ,  on  crut 
en  Europe  avoir  appris  pour  la  première  fois, 
que  la  Californie  est  une  péninsule. 

Plus  imparfaitement  un  pajs  est  connu, 
plus  il  est  éloigné  des  colonies  européennes 
les  mieux  peuplées  ,  et  plus  facilement  il 
acquiert  une  réputation  de  grandes  richesses 
métalliques.  L'imagination  des  hommes  se 
plaît  aux  récits  des  merveilles  que  la  crédulité 
ou  souvent  k  ruse  des  premiers  voyageurs 
sait  répandre  d'un  ton  mystérieux.  Sur  les 
cotes  de  Garaccas,  on  s'extasie  sur  les  richesses 
des  pays  situés  entre  l'Orénoque  et  le  Rio 
Ne^fro  :  à  Santa-Fe ,  on  entend  vanter  sans 
cesse  les  missions  des  Andaquies  ;  à  Quito , 
les  provinces  de  Macas  et  de  Maynas.  La 
presqu'île  de  la  Californie  a  été  pendant 
long-tempsle  Doradode  la  Nouvelle-Espagne. 
Un  pays  riche  en  perles  doit ,  selon  la  logique 
du  peuple ,  produire  en  abondance  de  For, 
des  diamans  et  d'autres  pierres  précieuses. 
Un  moine  voyageur  ,  Fray  Mar  •  vs  de  Nizza, 
exalta  la  tête  des  Mexicains  par  les  nouvelles 
fabuleuses  qu'il  donna  de  la  beauté  du  pays 
situé  au  nord  du  golfe  de  Californie ,  de  la 

27' 


i 


4'JtO  IIVRE    III, 

magnificence  de  la  ville  de  Cibola  ',  de  son 
immense  population,  de  sa  police  et  de  la  civi- 
lisation de  ses  liabitans.  Cortez  et  le  vice-roi 
Mendozase  disputèrent  d'avance  la  conquête 

*  L'ancienne  carte  manuscrite  tle  Castlllo  place  la 
ville  labulcuse  cle  Cibola  ouCibora  ,  sous  les  37**  tle 
latitude.  Mais  en  réduisant  sa  position  à  ceîle  de 
l'embouchure  du  Rio  Colorado  ,  on  est  tenté  de  croire 
que  les  ruines  des  Casas  gi-andes  du  Gila,  dont  il  a  été 
question  dans  la  description  de  l'intendance  de  la 
Sonora,  pourroient  avoir  donné  occasion  aux  contes 
débités  par  le  bon  père  Marcos  de  Nizza  :  cependant 
la  grande  civilisation  que  ce  religieux  assure  avoir 
trouvée  parmi  les  hahitans  de  ces  contrées  seplcnlrio- 
nalcs ,  me  pdroît  un  fait  assez  important ,  et  qui  se  lie 
à  ce  que  nous  avons  exposé  en  parlant  des  Indiens  du 
Rio  Gila  et  du  Moqui.  Les  auteurs  du  seizième  siècle 
plaçoient  nn  second  Doraclo  au  nord  de  Cibora  ,  sous 
les  4i**  de  latitude.  C'cst-là  que  se  trouvoit,  selon  eux, 
le  royaume  de  Tatarrax  et  une  immense  ville  appelée 
Quivira ,  sur  les  bords  du  lac  de  Teguayo ,  assez  près 
du  Rio  du  Aguilar.  Celle  tradition,  si  elle  se  fonde 
sur  l'assertion  des  Indiens  d'Analiuac,  est  assez  remar- 
quable -,  car  les  bords  du  lac  de  Teguayo  ,  qui  est 
peut-être  identique  avec  le  lac  de  Timpanogos  ,  sont 
indiqués ,  par  les  historiens  aztèques,  comme  la  patrie 
des  Mexicains,  «-    .       ' 


de  ce 

semen 

Califoj 

occasi( 

ce  paj 

Le  pei 

l'on  ej\ 

cap  Pu 

lequel 

talliqiie 

et  la  Iji 

naître  I 

jeux  di 

l^ermoit 

Ces  cor 

Don  Jo 

resque 

contre 

Calil'orr 

sans  1er 

et  des  VL 

les  leute 

et  large 

tiré  du 

reconnu 

industrie 


ciiAPiTUi':   viii.  .\:>.i 

de  ce    Tombouctou  mexicain.   Les    éUiblis- 
semcns  que  les  jésuites  Hient  dans  la  VieilU- 
Californie  ,  depuis  l'année  1680,  donnèrent 
occasion  de  reconnoître  la  grande  aridité  de 
ce  pays,  et  l'extrême  dilïlcullé  de  le  culli>er. 
Le  peu   de  succès  qu'eurent  les  mines  que 
l'on  exploita   à   Sainte -Anne,    au  nord  du 
capPulmo  ,  diminuèrent  /enthousiasme  avec 
lequel  on  avoit  préconisé  les  richesses  mé- 
talliques de  la  presqu'île.  Mais  la  malveillance 
et  la  haine  qu'on  portait  aux  jésuites  firent 
naître  le  soupçon  que  cet  ordre  cachoit  aux: 
jeux  du  gouvernement  les  trésors  que  ren- 
fermoit  une   terre   si  anciennement  vantée. 
Ces  considérations  déterminèrent  le  visitador 
Don  José  de  Galvez,  que  z^n  esprit  chevale- 
resque avoit   engagé  dans  une  expédition 
contre  les  Indiens  de  la  Sonora ,  à  passer  en 
Calii'ornie.  Il  y  trouva  des  montagnes  nues  , 
sans  terre  végétale  et  sans  eau  :  des  raquettes 
et  des  mimoses  arborescentes  naissoient  dans 
les  lentes  des  rochers  ;  rien  n'annoncoit  l'or 
et  l'argent  que  l'on  accusoit  les  jésuites  d'avoir 
tiré  du  sein  de  la  terre  :  mais  partout  on 
reconnut  les  traces  de  leur  activité  ,  de  leur 
industrie ,  et  du  zèle  louable  avec  lequel  ils 


l\').}.  L1VT\F    III, 

avi)itînl  travailh'  à  ciilli^rr  nii  pays  «li'srrl  et 
aricJo.  C'est  dans  le  eoms  de  eelle  e\|)é(lili(m 
(le  Californie  que  le  visilador  (ialvez  lut 
aecompajTcné  i\\\\\  houinic  aussi  renianpinhlc 
par  son  talent  que  par  les  jurandes  vieissitudes 
qu'il  a  éprouvées  dans  sa  fortune  ;  le  chevalier 
d'yVsanza  fit  les  fonelions  de  seerélairc  auprès 
de  M.  Galvez.  11  énonça  avec  franchise  ce 
que  les  opéra  lions  de  lu  j)elile  année  ]>rou- 
voient  bien  mieux  encore  que  les  médecins 
de  Pitié;  il  osa  dire  que  le  visitador  avoit 
l'esprit  aliéné.  M.  d'Asanza  fut  arrête  et  en- 
fermé pendant  cinq  mois  dans  une  prison  dans 
levilla<:;c  deTepozolIan  ,où,  trente  "nsaprcs, 
il  fit  son  entrée  solennelle  comme  -roi  de 
la  ]Nouvclle-l^spa<;ne.     . 

La  presqu'île  de  Californie  ,  qui,  sur  une 
étendue  de  terrain  égale  à  celle  de  l'Angle- 
terre ,  n'a  pas  la  population  des  petites  villes 
d'Ipswich  ou  de  Deptford ,  est  placée  sous 
le  même  parallèle  que  le  Bengale  et  les  îles 
Canaries.  Le  ciel  j  est  constamment  serein  , 
d'un  bleu  loncé  cl  sans  nuages  :  si  ces 
derniers  paroissent  momentanément  au  cou- 
cher du  soleil ,  c'csl  en  brillant  des  plus  belles 
nuances  de  violet ,  de  pourpre  et  de  vert. 


CHAIMI  l\E    Vllî. 


/|7..1 


Tontes  les  pcrsoiiiics  <|iil  ont  séjourné  en 
Oalilomic  (  rt  j'en  ni  vn  pInsuMirs  cl.ins  la 
Nonvclle-I']spîi«:^no),  ont  conservé  le  souvenir 
<lc  la  beauté  extraordinaire  <Ie  ee  phénomène, 
qui  lient  à  un  élat  pailienlier  <l(»  la  vjipcop 
vésieulairc  ,  et  à  la  pureté  <le  l'air  dans  ee» 
eliiuats.  lin  aslrtmonic  ne  trouvcroit  pas  un 
séjour  plus  délieieux  que  celui  de  (Juniana, 
de  (]oro,  de  l'île  de  la  Mar^çuerile ,  et  des 
eot(;sdela  Californie.  Mais  mallieureuseîncnl, 
dans  cette  péninside,  le  ciel  est  plus  beau 
que  la  terre  :  le  sol  est  poudreux  e't  aride  , 
conmic  dans  le  littoral  de  la  Provence  ;  la 
végétation  y  est  aussi  pauvre  que  la  pluie  y 
est  rare.  -     r  » 

Le  centre  de  la  presqu'île  est  traversé  par 
une  chaîne  de  montagnes ,  dont  la  plus  élevée , 
le  Cerro  de  la  Giganta  ,  a  (juatorze  ou  quinze 
cents  mètres  d'élévation  ,  et  paroît  d'origine 
volcanique.  Cette  Cordillère  est  habitée  par 
des  animaux  qui,  par  leur  l'orme  et  leurs 
mœurs ,  se  rappro(!lienl  du  moufJUm  (  ovis 
ammon  )  de  la  Sardaigne ,  et  que  le  père 
Consag  n'a  (ait  connoître  qu'impari'aitement. 
Les  Espagnols  les  appellent  des  brebis  waw.- 
\SLgGs{carnejvii  ciinaroiics).  Ils  sautent  comme 


424  LIVRE    m, 

le  bouquetin  ,  la  tête  en  bas.  Leurs  cornes 
sont  recourbées  sur  elles-mêmes  en  spirale. 
Selon  les  observations  de  M.  Gonstanzo  ',  cet 
animai  diffère  essentiellement  des  chèvres, 
sam>af^es ,  qui  sont  d'un  blanc  cendré ,  d'une 
taille  beaucoup  plus  grande,  et  propres  à  la 
Nouvelle-Californie  ,  surtout  à  la  Sierra  de 
Santa  Lucia  ,  près  de  Monterey.  Aussi  ces 
chèvres,  qui  appartiennent  peut-être  aj  genre 
des  antilopes,  sont  désignées  dans  le  pays 
par  le  nom  de  bemidos.  Elles  ont,  comme 
les  chamois,  des  cornes  recourbées  en  ar- 
rière. 

Au  pied  des  montagnes  de  la  Californie 
on  ne  voit  que  des  sables,  ou  une  couche 
pierreuse  sur  laquelle  s'élèvent  des  cactus 
cylindriques  (  Organos  del  2\inal)  ,  à  des 

*  Journal  d'un  voyago  à  l'ancienne  Californie  et  au 
port  de  San  Diego,  rédigé  en  17^9.  {Manuscrit.)  Ce 
journal  intéressant  avoit  déjà  été  imprimé  à  Mexico, 
lorsque  ,  par  un  ordre  du  ministre  ,  tous  les  exein- 
plaires  en  furent  confisqués.  II  est  à  dée'  er ,  pour  lc8 
progrès  de  la  zoologie,  que  l'on  parvienne  bientôt 
à  connoître,  par  le  soin  des  voyagi;urs,  les  vrais 
caractères  spécifiques  qui  distinguent  les  carneros 
cimarones  de  la  Vieille  -  Californie  des  bennUos  de 
Monlerey.  "      V  ' 


^iw^3^8£i«»aûiliie»- \r.iie(â;^^ 


CHAPITRE    VIll.  4^^ 

hauteurs  exlraorclin.-dies.  Ou  y  découvre 
très-peu  de  sources  ,  et ,  par  une  fatalité  bien 
grande,  on  remarque  que  là  où  les  sources 
jaillissent,  le  rocher  est  nu,  tandis  qu'il  n'y 
a  pas  d'eau  dans  les  endroits  où  le  rochv  r 
est  couvert  de  terre  végélale.  Partout  où  les 
sources  et  la  terre  se  trouvent  ensemble  ,  la 
fertilité  du  sol  est  immense.  C'est  dans  ces 
points  peu  nombreux ,  mais  favorisés  par  la 
nature,  que  les  jésuites  ont  établi  leurs  pre- 
mières missions.  Le  mais ,  le  jatropha  et  le 
dicscorea  y  végètent  vigoureusement  ;  la 
vigne  y  donne  un  raisin  excellent ,  et  dont 
le  vin  ressemble  à  celui  des  îles  Canaries  : 
mais  en  général  la  Vieille-Californie ,  à  cause 
de  la  nature  aride  de  son  sol ,  et  du  manque 
d'eau  et  de  terre  végétale  que  l'on  observe 
dans  l'intérieur  du  pays,  ne  sera  jamais  propre 
à  entretenir  une  grande  population ,  non  plus 
que  la  partie  la  plus  septentrionale  de  la 
Sonora,  qui  est  presque  également  sèche  et 
sablonneuse.  «         • 

De  toutes  les  productit  ns  naturelles  de  la 
Californie,  les  perles  sont  celles  qui,  depuis 
le  seizième  siècle ,  ont  le  plus  engagé  les  navi- 
gateurs à  visiter  la  côte  de  ce  pays  désert  : 


4^6  ,    LIVRE    m , 

elles  abondent  surtout  dans  la  partie  méri- 
dionale de  la  presqu'île.  Depuis  que  la  pêche 
des  perles  a  cessé  près  de  l'île  de  la  Margue- 
rite ,  vis-à-vis  la  côte  d'Araya ,  les  golfes  de 
Panama  et  de  Californie  sont,  dans  les  co- 
lonies espagnoles  ,  les  seuls  parages  qui 
fournissent  des  perles  au  commerce  d'Eu- 
rope. Celles  de  Californie  ont  une  eau  très- 
belle  :  elles  sont  grandes,  mais  souvent  d'une 
figure  irrégulière  et  peu  agréable  à  l'œil. 
La  coquille  qui  produit  la  perle  se  trouve 
surtout  dans  la  baie  de  Ceralvo,  et  autour 
des  îles  de  Santa-Cruz  et  de  San  José.  Les 
perles  les  plus  précieuses  que  possède  la  cour 
d'Espagne,  ont  été  trouvées,  en  1616  et  en 
i665,  dans  les  expéditions  de  JuanYturbiet 
de  Bernai  de  Piîiadero.  Pendant  le  séjour 
que  fit  en  Californie  le  visitador  Galvez ,  en 
1768  et  1769  ,  un  simple  soldat  du  pre- 
sidio  de  Loreto  ,  Juan  Ocio  ^  s'enrichit  en 
peu  de  temps  par  la  pêche  des  perles  sur 
les  côtes  de  Ceralvo.  Depuis  cette  époque, 
le  nombre  des  perles  de  Californie  qui 
viennent  annuellement  dans  le  commerce  , 
est  réduit  presque  à  rien.  Les  Indiens  et  les 
nègres  qui  s'adonnent  au  pénible  métier  de 


v»i>;-ii»-j»lWWlW»  -Mo- 


cHAPiTia   vtri.  4^7 

plongeurs,  sont  si  mal  payés  par  les  blancs  , 
que  la  pêche  est  regardée  couime  aba  ndonnée. 
Cette  branche  d'industrie  languit  par  les 
mêmes  causes  qui,  dans  l'Amérique  méri- 
dionale, renchérissent  les  peaux  de  vigogne, 
le  caoutchouc^  et  même  l'écorce  fébrifuge 
du  quinquina. 

Quoique  Hernan  Cortez ,  dans  ses  expé- 
ditions de  Californie ,  eût  dépensé  de  son 
patrimoine  plus  de  deux  cent  mille  ducats , 
et  que  Sébastien  Viscaino  ,  qui  mérite  d'être 
placé  au  premier  rang  des  navigateurs  de 
son  siècle ,  eût  pris  formellement  possession 
de  îa  presqu'île,  ce  ne  fut  qu'en  1642  que 
les  jésuites  parvinrent  à  y  former  des  éta- 
blissemens  stables.  Jaloux  de  leur  pouvoir, 
ils  luttèrent  avec  succès  contre  les  efforts  des 
moines  de  Saint-Frar'^nis,  qui  cherchoient 
de  temps  en  temps  a  .^  introduire  chez  les 
Indiens.  Ils  eurent  des  enneiiiL>  plus  diffidles 
à  combattre,  les  soldais  des  postes  militaires; 
car,  aux  extrémités  des  possessions  espa^rnoles 
du  nouveau  continent ,  sur  les  limite::,  de  la 
civilisation  européenne  ,  les  pouvoirs  légis- 
latif et  exécutif  se  trouvent  distribués  <!'  ne 
manière  bien  étrange.  Le  pauvre  Indien  n'y 


m 


m^m 


428  LIVKE    III, 

connoît  d'autre  maître  qu'un  caporal,  ou  uu 
missionnaire. 

En  Californie,  les  jésuites  emportèrent 
une  victoire  complète  sur  les  aulitaiies  postés 
dans  les  presidios.  La  cour  décida ,  par  une 
cer/i//t' ro^'ale,  que  tous,  nicme  le  capitaine 
du  détachernent  de  Loreto,  seroient  sous  les 
ordres  du  père  président  des  missions.  Les 
voyages  iiiléressans  de  trois  jésuites ,  Eusebc 
Kiihn  ,  Maria  Saivatierra^  et  Juan  Ugart;;, 
firent  connoître  la  situation  physique  du  pays. 
Le  village  de  Loreto  avoit  déjà  été  fondé 
sous  le  nom  de  presidio  de  San  Dionisio  ,  en 
1697.  Sous  le  règne  de  Philippe  v,  surtout 
depuis  l'année  i744>  les  établissemens  espa- 
gnols en  Californie  devinrent  très-considé- 
rables. Les  pères  jésuites  y  déployèrent  celle- 
industrie  commerciale  et  cette  activité  aux- 
quelles ils  oïïk,  ilu  tant  de  succès ,  et  qui  les 
ont  exposés  à  tant  de  calomnies  dans  les 
deux  Lides.  En  très-peu  d'années  ils  cons- 
truisirent seize  villages  dans  l'intérieur  de  la 
presqu'île.  IV^puis  leur  expulsion,  en  17O7, 
la  Californie  a  été  conliée  aux  moines  des 
couvens  de  Saint-Dominique  de  la  ville  de 
Mexico.  Il  paroît  que  ceux-ci  ont  été  moins 


Jieur 

ies  c( 
Le 

point 

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de  na 

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irois  < 

d'exter 
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ricues  < 
les  Men 
puran  e 
i'edoule 


mm 


IPPIP 


CIIAPITRE    VIIT.  /pO 

lieiireiTx  dans  les  établisseniens  de  la  Yieille- 
Califoniie  que  les  franciscains  Tont  été  sur 
les  cotes  de  la  Nouvelle-Californie. 

Les  naturels  de  la  péninsule ,  c^ui  ne  vivent 
point  dans  les  missions,    sont   peut-être  de 
tous  les  sauvages  ceux  qui  sont  le  plus  près 
<le  l'état  qu'on  e:>t  convenu  dénommer  l'état 
de  nature.   Ils  passent  des  journées  entières 
couchés  sur  le  ventre,  étendus  dans  le  sable 
lorsqu'il  est   échauffé  par   la    réverbération 
des  rayons  solaires.  Ils  ont,  de  même  que 
plusieurs  tribus  que  nous  avons  vues  àl'Oré- 
noque,  les  vétemens  en   horreir.  Un  sin^e 
habillé ,  dit  le  père  Vene«;as ,  paroît  moins 
risible  au  peuple  ,  en  Europe  ,  qu'un  homme 
vêtu  ne   le  paroît  aux   Indiens  de  la  Cali- 
fornie. Mal;,^i'é  cet  état  de  stupidité  apparente, 
IcS' premiers  missionnaires  dislint^uèrent  dif- 
férentes sectes  religieuses  parmi  les  indigènes. 
Trois  divinités,  qui  se  faisoient  une  guerre 
d'extermination,  étoient  des  objets  de  terreur 
chez  trois  peuplades  californiennes.  Les  Pe- 
ricues  craignoient  la  puissance  de  Niparaya; 
les  Mcnquis  et  les  Vehilies  ,  celle  de  Wactu- 
puran  et  de  Sumongo.  Je  dis  que  ces  hordes 
redouloient,  non  qu'elles  adoroient  des  être* 


43o  LIVKE    m, 

invisibles  ;  car  le  culte  do  Thomme  sauvasre 
n'est  qu'un  saisissement  de  crainte  :  c'est  le 
sentiment  d'une  horreur  secrète  et  religieuse. 
D'après  les  renseignemens  que  j'ai  obtenus 
des  moines  qui  g^ouvernent  aujourd'hui  les 
deux  Galit'ornies ,  la  population  de  la  Vieille- 
Californie  a  tellement  diminué  depuis  trente 
ans ,  qu'il  n'y  existe  plus  que  quatre  à  cinq 
mille  naturels  cultivateurs  (  Iridios  reducidos  ) 
dans  les  villages  des  missions.  Le  nombre  de 
ces  missions  est  aussi  réduit  à  seize.  Celles 
de  Santiago  et   de   Guad^lupe  sont  restées 
désertes  faute  d'habitans.  La  petite  vérole, 
et  un  autre  mal,  que  les  peuples  d'Europe 
ont   voulu   se  persuader  avoir  reçu   de  ce 
même  continent   auquel  ils  l'ont  porté  les 
premiers  ,  et  qui  exerce  d'horribles  ravages 
dans  les  îles  de  la  mer  du  Sud,  sont  cités 
comme  les  causes  principales  de  cette  dépo- 
pulation de  la  Californie.  Il  est  à  supposer 
qu'il  j  en  a  d'autres  qui  tiennent  aux  insti- 
tutions politiques  mêmes  ;  et  il  seroit  temps 
que   le   gouvernement   mexicain    s'occupât 
sérieusement  de  lever  les  entraves  qui  s'oppo- 
sent au  bien-être  des  habitans  de  la  presqu'île. 
Le  nombre  des  sauvages  y  est  à  peine  de 


."iiavro 


CHAPITRE    VIII.  43 1 

quatre  mille.  On  observe  que  ceux  qui 
habitent  le  nord  de  la  Californie  sont  un  peu 
plus  civilisés  et  plus  doux  que  les  naturels  de 
la  partie  australe.    ,.    , 


Les  villages  principaux  de  cette  province 
sont  : 

LoRETo,  presidio  et  chef-lieu  de  toutes  les 
missions  de  la  Vieille-Californie ,  fondé  à 
la  lin  d  u  dix-seplième  siècle,  par  l'astronome 
d'Ingolstadt ,  le  père  Kiihn. 

Sais  TA  An  a,  mission  et  Real  de  minas  ^cè- 
lèbre  par  les  observations  astronomiques 
de  Velasquez. 

San  Joseph  ,  mission  dans  laquelle  périt 
l'abbé  Ghappe,  victime  de  son  zèle  et  de 
son  dévouement  pour  les  sciences  '. 

*  Des  personnes  qui  ont  séjourné  long -temps  eu 
Californie ,  m'ont  assuré  que  la  Notùia  du  père 
Venegas ,  contre  laquelle  des  ennemis  de  l'ordre 
supprimé  ,  et  même  le  cardinal  Lorenzana  ,  ont  élevé 
des  doutes,  est  très-exacte.  [Cartas  de  Cortez,  p.  Sa/.) 
11  existe  encore  dans  les  archives  de  Mexico  lasmanua- 
m/«  suivaus ,  dont  le  père  Barcos,  dans  sa  Storiu  di 


432 


LIVRE    TH 


Cdlffornia ,  îinprinu'tî  à  Rome  ,  ne  s'est  pas  servi  : 
1."  Chronica  hhtorica  de  la  prov'nwia  de  Mcvhoacan , 
con  varias  mapas  de  la  California;  2."  Carias  origi- 
nales del  padre  Juan  Maria  de  Snlvatierra;  3."  Diario 
del  capitan  Juan  Mateo  Mangi ,  que  acconipano  a  los 
padres  apostolicos  Kinos  y  Kappus. 


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s'étend  c 

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FXir:rai^uM@  <«^»- 


CHAPITRE    VIII. 


433 


XV.  PuOViaCE  DE  LA  NoUV  liLLC-CALIFORNIE. 


Population  en  iHoo  :  i5j6oo. 

JE  tendue  de  la  surface  en  lieues  carrées  :  2125. 

Hahilans  par  lieue  carrée  :  7. 

La  partie  des  coles  du  Graid  Océan,  qui 
s'étend  depuis  l'isthnic  de  la  Vieille-Californie, 
ou  depuis  la  baie  de  Todos  lus  Santés  (au 
sud  du  port  de  San  Diego  )  jusqu'au  cap 
Mendocino ,  porte ,  sur  les  cartes  espa^rnoles , 
le  nom  de  Nouvelle-Californie  (  Nueva  Gali-» 
fornia  ).  C'est  une  étendue  de  terrain  longue 
et  étroite  ,  sur  laquelle ,  depuis  quarante  ans, 
le  gouvernement  mexicain  a  établi  des  mis- 
sions et  des  postes  militaires.  Aucun  village , 
aucune  métairie  ne  se  trouvent  au  nord  du 
port  de  Saint-François,  qui  est  éloigné  du 
cap  Mendocino  de  plus  de  78  lieues.  La 
province  de  la  Nouvelle-Californie,  dans  son 
actuel,  n'a  que  197  lieues  de  long  sur 
9  à  10  de  large.  La  ville  de  Mexico  se  trouve 
en  ligne  droite  à  la  même  distance  de  Phila- 
delphie que  de  Monterey ,  qui  est  le  chef-lieu 
des   missions  de  la  Nouvelle  Californie ,  et 


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28 


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LIVRE    HT 


dont  lalalilude,  à  quatre  nûniilcs  prcs^  est 
celle  de  Cadix. 

Nous  avons  cité  plus  hîiut  les  vovagos  do 
plusieurs  religieux  qui,  an  coinniencenientdii 
dernier  siècle  ,  en  passant  par  Icrrc  de  la 
presqu'île  delà  Vieille-Californie  à  la  Sonora , 
ont  fait  à  pied  le  tour  de  la  nier  de  Cortez. 
Du  temps  de  l'expédition  de  M.  Galvez ,  des 
délachemens  militaires  sont  venus  depuis 
Loreto  au  port  de  San  Diego.  La  poste  aux 
lettres  va  encore  aujourd'hui  de  ce  port,  le 
long  de  la  côte  nord  -  ouest  ,  jusqu'à  San 
Francisco.  Ce  dernier  établissement ,  le  plus 
septentrional  de  toutes  les  possessions  espa- 
gnoles du  nouveau  continent  ,  est  presqr'e 
sous  le  même  parallèle  '  que  la  petite  ville 
de  Tao»  du  Nouveau  -  Mexique.  Il  n'en  est 
éloigné  que  de  5o  lieues ,  et  quoique  le  père 
Escalante ,  dans  ses  excursions  apostoliques 
faites  en  1777,  se  soit  avancé  jusque  sur  la 
rive  occidentale  du  fleuve  Zaguananas ,  vers 
les  montagnes  de  los  Guacaros ,  aucuii  voya- 
geur n'est  venu  jusqu'ici  du  Nouveau-Mexique 
à  la  cote  de  la  Nouvelle -Californie.  Ce  iait 

*  Voyr»  le  premier  cliapîire  de  cet  ouvrage. 


doit  fi 
toire  i 
d'entre 
Espagi 
Hernar 
les  côf< 
cliiuhci 
tard,  i 
les  côte 
TehuanI 
de  Vaca 
excccîé  ( 
sur  les  c 
*'»  la  péni 
barque  a 
et  après 
traversé 
septentri( 
bord  du  ( 
distance , 
aussi  gran 
par  le  ca 
Mississipi 
du   fleuve 

*  Ce  voya 
«"nlrepris  soi 


CHAPITRi;    VIII. 


435 


doit  frapper  ceux  qui  conrioisscnt,  par  l'his- 
loirc  de  la  conquêle  de  l'Amcrique ,  l'esprit 
d'entreprise  et  le  courage  admirable  dont  les 
Espagnols  furent  animés  au  seizième  siècle. 
Hernan  Corlez  débarqua  la  première  fois  sur 
les  cotes  du  Mexique,  à  la  plage  de  Chal- 
chiubcnecan ,  en  1^19 ,  et  quatre  ans  plus 
tard,  il  fît  déjà  construire  des  vaisseaux  sur 
les  cotes  de  la  mer  du  Sud  ,  à  Zacatula  et  à 
Tehuantepec.  En  i55j,  Alvar  Nuilez  Cabeza 
de  Vaca ,  parut  a>  ec  deux  de  ses  compagnons, 
excé(]é  de  fatigues,  nu  ^  meurtri  de  blessures, 
sur  les  coles  de  Guliacan  ,  qui  sont  opposées 
à  la  péninsule  de  la  Californie.  Il  avoit  dé- 
barqué avec  Panfdo  Narvaez,  dans  la  Floride, 
et  après  deux  ans  de  courses,  après  avoir 
traversé  toute  la  Louisiane  et  la  partie 
septentrionale  du  Mexique  ,  il  parvint  au 
bord  du  Grand  Océan  ,  dans  la  Sonora.  Cette 
distance  ,  parcourue  par  Nunez,  est  presque 
aussi  grande  que  celle  qu'offre  la  route  suivie 
par  le  capitcine  Lewis,  depuis  les  rives  du 
Mississipi  jusqu'à  Noutka,  et  à  rembouchure 
du   fleuve   Colombia  '.  En   considérant  les 

*  Ce  voyage  admirnble  du  capitaine  Lewis  a  é|.é 
entrepris  sous  les  au-^piccs  de  M.  Jefferson,  qui,  par 

28* 


/|36  rivRE  III, 

voyages  hardis  des  premiers  conqiiérans  es- 
pa«^iiols  au  Mexique,  au  Pérou,  et  sur  lu 
rivière  des  An  k>  zones,  on  est  étonné  devoir 
que  depuis  deux  siècles  ectlc  même  nation 
n'a  pas  su  lroii>er  un  eliemin  de  terre  dans 
Ja  INouvelic -Kspa;^ne,  depuis  Taos  au  port 
de  Monteiev;  dans  la  JNouvelle  -  Grenade, 
depuis  San ta-Fe  c\(Jartliagène,ou  depuis  Quito 
à  Panama  ;  dans  la  Guayane  ,  depuis  l'Esme- 
ralda  à  S-unt-Thomas  de  l'Angostura. 

A  l'exemple  des  cartes  a ngloises,  plusieurs 
géographes  donnent  à  la  Nouvelle-Californie 
le  nom  de  Nouvelle  -  Albion,  Cette  dénonii- 
Dation  se  fonde  sur  l'opinion  peu  exacte  que 
le  navigateur  Drake ,  en  1678^  a  découvert 
le  premier  la  cote  nord-ouest  de  l'Amérique , 
comprise  entre  les  38"  et  les  48"  de  latitude. 
Le  célèbre  voyage  de  Sébastien  Yicaino  est 
sans  doute  de  vingt-quatre  fins  postérieur  aux 
découvertes  de  François  Dridve:  mais  Knox  ', 
et  d'autres  historiens  paroissent  oublier  que 
Cabrillo  av  oit  déjà  examiné  ,  en  i542,lescotes 

'      ■  .  "  ^  ' 

ce  service  important  rernlu  aux  sciences ,  a  ajouté  de 
nouveaux  motifs  à  la  recuhnoissauce  cjue  lui  doivent 
les  savans  de  toutes  les  nations. 

*  Knox' a  Collection  of  Koya^es  ,  B.  III,  p.  18. 


*  Voyes 
du  Via 


^e 


p.  o4 ,  36 


K-  iM  JULtmiÊais 


CHAPrinE  vni.  4^7 

(le  la  Nouvelle-Californie  jusqu'au  parallèle 
des  43*»,  terme  de  sa  navi^•ation  ,  comme  il 
résulte  de  la  comparaison  des  anciennes  ob- 
servations de  latitude  avec  celles  faites  de  nos 
jours.  D'après  des  données  historiques  cer- 
taines, la  dénomination  de  Nouvallc-Jlbion 
devroit  être  rcstieinle  à  la  partie  de  la  côte 
qui  s'étend  depuis  les  43«  aux  48",  ou  du  Cap 
Blanc  de  Martin  de  Àgudar  j  a  \ entrée  de 
Juan  de  Fiica  ',  D'ailleurs,  depuis  les  missions 
des  prêtres  catholiques  jusqu'à  celles  t!es 
prêtres  grecs ,  c'est-à-dire,  depuis  le  village 
espagnol  de  San  Francisco ,  dans  la  Nouvelle- 
Californie,  jusqu'aux  établissemens  russes  sur 
la  rivière  de  Cook  ,  à  la  baie  du  prince 
Guillaume,  et  aux  îles  de  Kodiac  et  d'Una- 
laska,  il  y  a  plus  de  mille  lieue  .  de  côtes 
habitées  par  des  hommes  liJjres ,  et  peuplées 
d'une  grande  quantité  de  loutres  et  de  pho- 
ques :  par  conséquent ,  les  discussions  sur 
l'étendue  de  la  Nouvelle-Albion  de  Drake  , 
et  sur  les  soi  -  disant  droits  que  les  peuples 
européens  croient  acquérir  en  plantant  d© 

*  Voyez  les  savantes  recherches  clans  l'introduction 
du  F'iage  de  las  Galetas  SiUU  y  Mexicana,  1802, 
p.  34,  ZQ ,  5j. 


LIVRE    III 


438  ^....^  ..., 

petites  croix  ,  en  laissant  des  inscriptions  atta- 
chées aux  troncs  des  arbres ,  ou  en  enferrant 
des  bouteJlljs  ,  peuvent  être  considérées 
comme  oiseuses. 

Quoique  tout  le  liltoral  de  ia  Nouvelle- 
Californie  eût  été  reconnu  avec  beaucoup  de 
soin  par  le  grand  navigateur  Sébastien  Yis- 
caino  (  comme  le  prouvent  les  plans  qu'il 
dressa  lui-même  en  1602  ) ,  ce  beaxi  pays  ne 
fut  cependant  occupé  par  les  Espagnols  que 
cent  soixante-sept  ans  plus  tard.  La  cour  de 
Madrid  Ci'aignant  que  d'autres  puissances 
maritimes  de  l'Europe  ne  formassent  sur  la 
côte  nord-ouest  de  l'Amérique  des  établis- 
semeus  qui  pourroient  devenir  dangereux 
aux  anciennes  colonies  espagnoles,  donna 
ordre  au  vice-roi  chevalier  de  Croix  ,  et  au 
visitador  Galvez  de  fonder  des  missions  et 
des  présides  dans  les  ports  de  San  Diego  et 
de  Monterey.  Pour  cet  effet,  deux  paquet-bots 
sortirent  du  port  de  SanBlas,et  mouillèrent 
à  San  Diego  ,  au  mois  d'avril  1763.  Une  autre 
expédition  arriva  par  terre  par  la  Vieille- 
Californie.  Depuis  Viscaino,  aucun  Européen 
n*avoit  débarqué  sur  ces  côtes  éloignées. 
Les  Lidicns  parurent   étonnés   de  voir  des 


'^.:  jî»*vj*(BSBii|(asïrie'  :aiàa^i,Sêi^-0tdm^iié^'l 


CHAPITRE    VIII.  4^9 

liommes  velus ,  quoiqu'ils  sussent  f^ue  plus  à 
l'est  vivoient  des  peuples  dont  la  couleur 
n'étoit  pas  cuivrée.  On  trouva  même  entre 
leurs  mains  quelques  pièces  d'argent ,  qui 
sans  doute  leur  étoient  venues  dii  Nouveau- 
Mexique.  Les  premiers  colons  espagnols  soul- 
iVirent  beaucoup  par  la  disetle  de  vivres  et 
par  une  maladie  cpidémique  qui  tut  la  suite 
des  mauvais  alimens,  des  fatigues  et  du  manque 
d'abri  :  presque  tous  tombèrent  malades  ,  et 
huit  individus  seuls  restèrent  sur  pied.  Parmi 
ces  derniers  se  trouvoient  deux  hommes 
respectables  y  un  religieux  connu  par  ses 
voyages,  Fray  Junipero  Serra  ,  et  le  chel 
des  ingénieurs ,  M.  Gostanzo  ,  dont  nous 
avons  eu  souvent  occasion  de  parler  avec 
éloge  daiiis  le  courant  de  cet  ouvrage.  Ils 
étoient  occupés  de  creuser  avec  leurs  mains 
les  fosses  qui  dévoient  recevoir  les  cadavres 
de  leurs  compagnons.  L'expédition  de  terre 
ne  porta  que  très-tard  des  secours  à  celte 
malheureuse  colonie  naissante.  Les  Indiens , 
en  annonçant  l'arrivée  des  Espagnols  ,  se 
mirent  sur  des  tonneaux ,  les  bras  en  l'air , 
pour  faire  comprendre  qu'ils  avoient  vu  les 
blancs  ù  cheval. 


.."■      la 


44o  LIVRE    III  , 

Autant  le  sol  de  la  Vieille-Californie  est 
aride  et  pierreux,  autant  celm  de  la  nou- 
velle est  arrosé  et  fertile.  C'est  un  des  pays 
les  plus  pittoresques  que  Ton  puisse  voir. 
Le  climat  y  est  beaucoup  plus  doux  qu'à 
égale  latitude  sur  les  côtes  orientales  du 
nouveau  continent.  Le  ciel  est  brumeux , 
mais  les  brouillards  fréquens  qui  rendent 
difficile  Tattérage  sur  les  côtes  de  Monterey 
et  de  San  Francisco  ,  donnent  de  la  vigueur 
à  la  végétation  ,  et  fertilisent  le  sol ,  qui  est 
couvert  d'un  terreau  noir  et  spongieux.  On 
cultive  y  dans  les  dix-huit  missions  qui  existent 
aujourd'hui  dans  la  Nouvelle-Californie ,  du 
froment ,  du  maïs  et  des  haricots  (frisoles) 
en  abondance.  L'orge ,  les  fèves ,  les  lentilles 
et  les  pois  chiches  ou  garbanzos ,  viennent 
très-bien  dans  la  plus  grande  partie  de  la 
province  ,  au  milieu  des  champs.  Comme  les 
trente-six  religieux  de  Saint  -  François  qui 
gouvernent  ces  missions  sont  tous  Européens, 
ils  ont  introduit  avec  un  soin  particulier, 
dans  les  jardins  des  Indiens ,  la  plupart  des 
légumes  et  des  arbres  fruitiers  qui  se  cultivent 
en  Espagne.  Les  premiers  colons  arrivés  en 
1769,   trouvèrent  déjà  dans  l'intérieur  du 


M, 

•V 


pays 

des  ^ 

très-ii 

pèces 

à  Ja  . 

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de  Mex 

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sèment  < 

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côte  ;  a 


T.jt.  i,iH!)W,*t«g.  •  ^i'-tSf: 


pppp 


pp^ 


III     iiriB'ilf    (Tl  trli  ■' iriiiiirÉfcîi'-fi""-""-  -     '■ 


CHAPITRE    Vni.  44  ï 

pays  des  ceps  de  vigne  sauvage ,  qui  donnoient 
des  grappes  de  raisin  assez  grandes,  mais 
très-aigres.  G'étoit  peut-eîre  une  de  ces  es- 
pèces nombreuses  de  ?'/V/.ç  propres  au  Canada, 
à  la  Louisiane  et  à  la  Nouvelle-Biscaye  ,  et 
que  les  botanistes  ne  connoissent  encore 
qu'imp.ufaitement.  Les  missionnaires  ont  in- 
troduit en  CaJifornie  la  vigne  {vitisvinifera)  , 
dont  les  Grecs  et  les  Koinains  ont  répandu 
la  culture  dans  toute  l'Europe,  et  qui  est 
certainement  étrangère  au  nouveau  continent. 
On  fait  du  bon  vin  dans  les  villages  de  San 
Diego,  San  Juan  Capistrano,  San  Gabriel, 
San  Buenaventura,  Santa  Barbara,  San  Luis 
Obispo ,  Santa  Clara  et  San  José  ;  par  con- 
séquent, tout  le  long  de  la  cote  au  sud  et  au 
nord  de  Monterey  jusqu'au  delà  des  37**  de 
latitude.  L'olivier  d'Europe  se  cultive  avec 
succès  près  du  canal  de  Santa  Barbara  ,  sur- 
tout près  de  San  Diego ,  où  l'on  tut  une 
huile  qui  est  aussi  bonne  que  celle  delà  vallée 
de  Mexico  ,  ou  que  les  huiles  de  l'Andalousie. 
Les  vents  très-Iroids  qui  soufflent  impétueu- 
sement du  nord  et  du  nord-ouest,  empêchent 
quelquefois  les  fruits  de  mûrir  le  long  de  la 
côte  ;  au.  si  le  petit  village  de  Santa  Clara, 


!\!\1  LIVRE    III, 

situé  à  neuf  lieues  de  distance  de  Saiita-Cruz, 
et  abrité  par  une  chaîne  de  montagnes ,  a  des 
vergers  mieux  plantés,  et  des  récoltes  de 
fruits  plus  abondantes  que  le  préside  de 
Monterey.  Dans  ce  dernier  endroit  les  re- 
ligieux montrent  aux  voyageurs  avec  satis- 
faction plusieurs  végétaux  utiles ,  venus  des 
graines  que  M.  Thouin  avoit  confiées  au 
malheureux  Lapérouse. 

De  toutes  les  missions  de  la  Nouvelle-Es- 
pagne, celles  de  la  côte  clu  nord-ouest  oflrent 
les  progrès  de  civilisation  les  plus  rapides  et 
les  plus  marquans.  Le  public  ayant  lu  avec 
intérêt  les  détails  que  Lapérouse ,  Vancouver, 
et  récemment  encore  deux  navigateurs  espa* 
gnols,  MM.  de  Galiano  et  Valdès  ',  ont  publiés 
sur  Fétat  de  ces  régions  lointaines,  j'ai  tâché 
de  me  procurer,  pendant  mon  séjour  à  Mexico, 
les  tableaux  statistiques  formés  en  1802  sur 
les  lieux  mêmes  (  à  San  Carlos  de  Monterey  ), 
par  le  président  actuel  des  missions  de  la 
Nouvelle-Californie,  le  père  Firmin  Lasuen  ~. 
Il  résulte  de  la  comparaison  que  j'ai  faite  des 


la 


*  Viage  de  la  Sulil ,  p.  i<>7. 

'•Voyez  l'extrait  que  j'ai  donné  de  ces  laLlcaux,  dajAs 

note  Z>j  à  la  tin  de  cet  ouvrage. 


n  y  av( 
tandis 
à  dix-j 
Califor 
qui,  fij 
à  la  eu 

ei 


Le  ne 

en  douz 

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il  J  a  eu 

tout,  5a 

16,984  n 

de  ces  dt 

les  naissa 

le  nombr 

(  los  neoji 

L'évalu 

mation  de 

convaincu 


WT' 


♦  CHAPITRE    VIII.  443 

pièces  officielles  conservées  dans  les  archives 
de  l'archevêché  de  Mexico,  qu'en  1776  il 
n'y  avoit  que  huit,  et  en  1790 ,  onze  villages; 
tandis  que  leur  nombre,  en  1802,  s'éle voit 
à  dix-huit.  La  population  de  la  Nouvelle- 
Californie  ,  en  ne  comptant  que  les  Indiens 
qui,  fixés  au  sol ,  ont  commencé  à  s'adonner 
à  la  culture  des  champs  ,  étoit , 

en  1790,  de     7,748  âmes. 

1801 ,  de  i5,668 

1802,  de   1 5,662 

Le  nombre  des  habilans  a  donc  doublé 
en  douze  ans.  Depuis  la  fondation  de  ces 
missions,  ou  depuis  l'année  1769  jusqu'en  1802, 
il  y  a  eu  ,  selon  les  registres  des  paroisses,  en 
tout,  55,717  baptêmes,  8009  ri^*ïriages ,  et 
16,984  morts.  Il  ne  faut  pas  vouloir  déduire 
de  ces  données  la  proportion  qui  existe  entre 
les  naissances  et  les  décès  ^  parce  que  ,  dans 
le  nombre  des  baptêmes ,  les  Indiens  adultes 
(  los  neofuos)  sont  confondus  avec  les  enfans. 

L'évaluation  des  produits  du  sol,  ou  l'esti- 
mation des  récoltes,  fournit  aussi  des  preuves 
convaincantes  de  l'accroissement  d'industrie 


iri«^l.;ji-.: 


444  LIVRE    III, 

et  de  prospérité  qn'oflPre  la  Nouvelle-Cali- 
fornie. En  1791 ,  d'après  les  tableaux  publiés 
par  M.  de  Galiano,  les  Indiens  ne  semèrent 
dans  toute  la  province  que  Sjl\.  fancgas  de 
froment  ,  qui  donnèrent  une  récolte  de 
i5,ig7  fanegas.  En  1802,  la  culture  avoit 
doublé ,  car  la  quantité  de  froment  semé  fut 
de  20^^  fanegas,  et  la  récolte  de  03,576 
fanegas. 

Le  tableau  suivant  indique  le  nombre  des 
bestiaux  qui  existoient  en  1802. 

Bœufs 67,782 

Brebis 107,172 

Cochons i,o4o 

Chevaux 2,187 

Mulets 877 

L'année  1791,  on  ne  comptoit  encore  dans 
tous  les  villages  indiens  que  24?9^8  têtes  de 
gros  bétail  (ganach  major). 

Ces  progrès  de  l'agriculture ,  ces  conquêtes 
paisibles  de  l'industrie  sont  d'autant  plus 
intéressans  que  les  naturels  de  cette  côte , 
bien  dilï'érens  de  ceux  de  Noutka  et  de  la 
baie  de  Norfolk,  u'étoient  encore,  ily  a  trente 


:.mj-i>tmtmin  '■^- 


ivpp 


■iMta 


CHAPITRE    VIII.  44-^ 

ans ,  qu'un  peuple  nomade,  vivant  de  la  pêche 
et  de  la  chasse ,  et  ne  cultivant  aucune  sorte 
de  végétaux.  Les  Indiens  de  la  baie  de  San 
Francisco  étoient  alors  aussi  misérables  que 
le  sont  les  habitans  de  Tile  de  Diemen.  Ce 
n'est  que  dans  le  canal  de  Santa  Barbara 
qu'on  trouvoit,  en  1769,  les  indigènes  un  peu 
plus  avancés  dans  la  culture.  Ils  construi- 
soient  de  grandes  maisons  de  forme  pyra- 
midale, et  rapprochées  les  unes  des  autres. 
Bons  et  hospitaliers ,  ils  offroient  aux  Espa- 
gnols des  vases  artistement  tissés  de  tiges  de 
joncs.  Ces  paniers,  dont  M.Bonpland  possède 
plpsieurs  dans  ses  collections ,  sont  enduits 
en  dedans  d'une  couche  d'asphalte  très-mince, 
ce  qui  les  rend  impénétrables  à  l'eau  et  aux 
liqueurs  fermentées  qu'ils  peuvent  contenir. 
La  partie  septentrionale  de  la  Nouvelle- 
Californie  est  habitée  par  les  deux  nations 
des  Rumsen  et  Escelen  '.  Elles  parlent  des 
langues  entièrement  différentes  ,  et  elles 
forment  la  population  du  préside  et  du  village 
de  Monterey.  Dans  la  baie  de  San  Francisco , 
on  distingue  les  tribus  des  Matalans,  Salseu 

*  Manuscrit  du  P.  Lasuen.    M.   de    Galiano   les 
nomme  Rumsieu  et  Eslen, 


iiii 


il 


l'fi' 


il 


PW 


l\\6  LIVRE    III, 

et  Quiroles,  dont  les  langues  dérivent  d'une 
souche  commune.  Plusieurs  voyageurs  que 
j'.'îi  entendu  parler  de  l'analogie  de  la  langue 
mexicaine  ou  aztèque  avec  les  idiomes  que 
l'on  trouve  sur  la  cote  du  nord-ouest  du 
nouveau  continent ,  m'ont  paru  exagérer  la 
ressemblance  que  présentent  ces  langues 
américaines.  En  examinant  avec  soin  des 
vocabulaires  formés  à  Noutka  et  à  Monte rej, 
j'ai  été  frappé  de  l'homotonie  et  des  dési- 
nences mexicaines  de  plusieurs  mots ,  comme, 
par  exemple,  dans  la  langue  desNoulkiens  : 
opquixitl  (  embrasser  )  j  temextixitl  (  baiser  ), 
vocotl  (loutre)  ,  hitltzitl  (soupirer) ,  tzitzimhz 
(terre),  et  inicoatzimitl  (nom  d'un  mois). 
Cependant ,  en  général ,  les  langues  de  la 
Nouvelle-Californie  et  de  l'île  de  Quadra  , 
diffèrent  essentiellement  de  l'aztèque,  comme 
on  le  verra  dans  les  nombres  cardinaux  que 
je  réunis  dans  le  tableau  suivant  : 


■MMiMMadtaM 


JS. 


ciiAPirnc  viiî. 


447 


MEXICAIN. 

L  A  N  a  V  F. 

LANGUE 

LANGUE 

ESCELEM. 

RUMSEN. 

DE    NOUTKA. 

1    • 

1 

Ce. 

l»ek. 

[^DJala. 

Saluiac. 

2 

Orne. 

Ulhai. 

Uhis. 

Alla. 

3 

lei.        ^ 

Jiilep. 

Kappes. 

Caiza. 

4 

Nahui. 

Jamajus. 

UUizim. 

Nu. 

5 

Mncuiili. 

Pamiijuia. 

rialiizu. 

Sutclia. 

!  r. 

Chicuace. 

Pegualanai. 

llalishakcm. 

Nupu. 

7 

Chicome. 

Julajualanai. 

Kapkamaishakem. 

Atlipu. 

8 

Chicuei. 

Julepiualanai. 

Ultumaisliakem. 

Atlcual. 

y 

Cliiucnahui. 

Jamajasjitalanai. 

Pakke. 

Tzahuacuatl. 

10 

MatlaciM. 

Tomoila. 

Tamchaigt. 

.\yo. 

Les  mots  nontkiens  sont  tirés  d'un  manus- 
'  crit  de  M.  Mozino ,  et  non  du  vocabulaire  de 
Cook  ,  dans  lequel  ayo  est  confondu  avec 
baecoo ,  nu  avec  mo,  etc.,  etc. 

Le  j3ëre  Lasnen  observa  que,  sur  les  cotes 
de  la  Nouvelle-Californie ,  sur  une  étendud 
de  i8o  lieues,  depuis  San  Diego ,  San  Fran- 
cisco ,  on  entend  parler  dix-sept  langues  qui 
ne  peuvent  guère  être  considérées  comme 
des  dialectes  d'un  petit  nombre  de  langues- 
mères.  Cette  assertion  ne  doit  pas  étonner 
ceux  qui  connoissent  les  recherches  curieuses 


fe 


448  tIVRE    III, 

que  MM.  Jeflcrson  ,  Volnoy,  Barton,  Hervas, 
Guillaume  de  Huiubohll  ,  Va  ter  et  Ficdéric 
Schle'j^el  '  ont  laites  i.iir  les  langues  amé- 
ricaines. 

La  population  de  la  Nouvelle-Californie 
auroit  augmenté  beaucoup  plus  rapidement 
encore,  si  les  lois  d'après  lesquelles  les  pré- 
sides espagnols  sont  gouvernés  depuis  des 
siècles,  n'éloient  pas  diamétralement  opposées 
aux  vrais  intérêts  de  la  métropole  et  des 
colonies.  D'après  ces  lois ,  il  n'est  point  permis 
aux  soldats  stationnés  à  Monterey,  de  vivre 
hors  de  leurs  casernes ,  et  de  se  fixer  comme 
colons.  Les  moines  sont  généralement  con- 
traires à  cet  L  blissement  des  colons  de  la 
caste  des  blancs ,  parce  que  ces  derniers  , 
comme  gens  qui  raisonnent  (génie  de  razon"), 


'  Voyez  l'ouvrage  classique  de  M.  Schlcgcl ,  sur 
îa  langue,  la  philosophie  et  la  poésie  dos  Hindous, 
dans  lequel  on  trouve  de  grandes  vues  sur  le  méca- 
nisme, j'osa  dire  sur  l'organisation  des  langues  dans 
les  deux  continens. 

3  Dans  les  villages  indiens ,  on  dislingue  les  naturels 
de  la  gente  de  razon.  Les  blancs,  les  mulâtres,  les 
nègres ,  toutes  1^  castes  non  indiennes  sont  désignées 
par  le  nom  à^gens  doués  do  raison ,  expression  humi- 


cuAPiTni:  viij. 


449 

ne  se  Liissent  pas  assujôlir  à  une  obéissance 
aussi  aveugle  que  les  Indiens.  «   Il  est  bien 

«  affligeant  ,    dit   un    navigateur   espagnol 

«  instruit  et  éclairé  ' ,  que  les  militaires  qui 

«  passent  une  vie  pénible  et  laborieuse,  ne 

«  puissent  pas,  dans  leur  vieillesse,  se  fixer 

«  dans    le  puys  ,    et  s'adonner  à  l'agricul- 

«  ture.    Cette    déH^nse    de    construire   des 

«  maisons  dans  les  environs  du  presidio  ,  est 

«  contraire   à  tout  ce   que   dicte  une   saine 

«  politique.  Si  on  pernicttoit  aux  blancs  de 

«  s'occuper  de  la  culture  du  sol  et  de  l'édu- 

«  cation  des   bestiaux;  si  les  militaires,  en 

«  établissant  leurs  femmes  et   leurs  enfans 

«  dans    des   fermes   isolées ,    pouvoient   se 

«  préparer    un    asjle  contre    l'indigence  à 

«  laquelle  ils  ne  sont  que  trop  souvent  e.\- 

M  posés  dans    leur  vieillesse,   la  Nouvelle- 

«  Californie  deviendroit    en  peu  de  temps 

«  une  colonie  florissante ,  une  relâche  inlî- 

«  iiiment  utile  pour  les  navigateurs  espagnols 

«  qui  font  le  commerce  entre  le  Pérou ,  le 

«  Mexique  et  les  îles  Philippines.  »  En  levant 

liante  pour  les  indigènes,  et  dont  l'origine  remonte 
ù  des  siècles  de  barbarie. 

*  Journal  de  Don  Dionisio  Gallano. 
II.  29 


V  11 


I  .   Il 


b: 
f* 


45o  '  LIVRE    III, 

les  entraves  que  uuus  venons  d'indiquer,  le* 
îles  Mille  mines ,  les  missions  du  Rio  Ne«^ro, 
et  les  cotes  de  S;ni  Francisco  et  de  Monterev, 
sepeupleroicnl  d'un  «•rantl  nombre  de  blancs. 
Mi'is  quel  contraste  rra])paMt  entre  les  prin- 
cipes de  colonisation  suivis  parles  Espagnols, 
et  ceux  par  lesquels  la  Grande-Bretagne  a 
créé  en  peu  d'aimées  des  villages  sur  la  côte 
orientale  de  la  Nouvelle-Hollande  ! 

Les  Indiens  Rumsen  et  Escelcn  partagent, 
avec  les  peuples  de  la  race  aztèque  et  avec 
plusieurs  tribus  de  l'Asie  septentrionale,  le 
goût  prononce  pour  les  bains  chauds.  Les 
temazcalli  que  l'on  trouve  encore  à  Mexico , 
et  dont  l'abbé  CLnioero  a  donné  une  fi;iure 
exacte  ',  sont  de  vrais  bains  de  vapeurs. 
L'Indien  aztèque  reste  étendu  dans  un  four 
chaud,  dont  le  pavé  est  constamment  arrosé 
avec  de  l'eau.  Les  naturels  de  la  Nouvelle- 
Calii'ornie  ,  au  contraire,  prennent  le  bain 
que  le  célèbre  Francklin  recommandoit  jadis 
sous  le  nom  de  bain  d'air  chaud  :  aussi 
trouve  -  t  -  on  dans  les  missions  ,  auprès  de 
chaque  cabane,  un   petit   édîQce  voûté  en 


forme 

travail 

lequel 

éteint. 

et  Jors( 

lis  se  je 

voisin , 

Ce  pass 

suppress 

qwe  TEu 

des  sens; 

^^^  jouit 

fortemen 

sur  son  s^ 


•  Clavigero,  II  ^  p.  21 4. 


t  : 


CHAPITRE    Vin.  45 1 

forme  de  temazcalli.  En  revenant  de  leur 
travail ,  îes  Indiens  entrent  dans  le  Tour  dans 
lequel ,  peu  de  moniens  avant ,  le  feu  a  été 
éteint.  Ils  y  restent  pendant  un  quart-d'heure, 
et  lorsqu'ils  se  sentent  tout  trempés  de  sueur. 
Lis  se  jettent  dans  l'eau  froide  d'un  ruisseau 
voisin,  ou  bien  ils  se  vautrent  dans  le  saJjle. 
Ce  passage  rapide  du  chaud  au  froid,  cette 
suppression  subite  de  la  transpiration  cutanée, 
que  TEuropéen  redouteroit  avec  raison ,  cause 
des  sensations  agréables  à  l'homme  sauvage, 
qui  jouit  de  tout  ce  qui  le  saisit  ou  l'excite 
fortement ,  de  tout  ce  qui  réagit  avec  violence 
sur  son  système  nerveux. 

Les  Indiens  qui  habitent  les  villages  de  la 
Nouvelle-Californie  s'occupent,  depuis  quel- 
ques années,  à  tisser  les  étoffes  grossières  de 
laine  'd\}Y*^\ées  frisadasj  mais  leur  occupation 
principale ,  celle  dont  le  produit  pourroit 
devenir  une  branche  de  commerce  intéres- 
sante ,  est  la  préparation  des  cuirs  de  cerfs. 
Il  me  paroît  intéressant  de  consigner  ici  ce 
que  j'a  pu  recueillir  dans  les  journaux  ma- 
nuscrits du  colonel  Gonstanzo,  sur  les  animaux 
qui  habitent  les  montagnes  entre  San  Diego 
et  Monterey  ,   et  sur  l'adresse  particulière 

29* 


m  !l 


ï*.    : 


4;r2  riviu-:  iit , 

avec  laquelle  les  Indiens  savent  prendre  les 
cerfs. 

Dans  la  Cordillère  p^u  élevée  qui  loni:;-e 
la  cote,  tle  même  (|ue  dans  les  savanes  q.ii 
l'avoisin^nt,  on  ne  trouve  ni  bnlïle  ni  élan. 
Sur  la  crête  des  iiionta;,'nes  qui  se  couvrent 
de  neige  au  mois  de  lu*' embre ,  paissent 
seuls  les  hci-eiulos  à  petites  cornes  de  chamois , 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut  :  mais  toutes 
les  forêts,  toutes  les  plaines  couvertes  de 
^Tanûnées  sont  remplies  de  troupeaux  de 
cerfs  à  taille  gigantesque  ,  à  bois  rond  et  ex- 
trêmement grand.On  en  voit  souvent  quarante 
ou  cinquante  à  la  fois;  ils  sont  d'une  couleur 
brune  ,  unie  et  sans  tacbe.  Leurs  bois,  d.>nl 
les  empaumures  ne  sont  pas  aplaties,  ont  près 
de  quinze  décimètres  (  quatre  pieds  et  demi  ) 
de  long.  Tous  les  voyageurs  assurent  que  ce 
grand  cerf  de  la  INouvtile-Californie  est  un 
des  plus  beaux  animaux  de  l'Amérique  esr; 
gnole.  Il  diffère  probal)lenient  du  i\'c(va/{/yh 
de  M.  Ilearne ,  ou  de  ïcl/t  des  habitans  des 
Etats-Unis,  dont  les  natuialistes  ont  fait  mal 
à  propos  les  deux  espèces  de  cer>  us  cana- 
densis  etdecervus  stron^vlooei'os'.  Ces  cerfs 

*  Il  r(  gne  encore  beaucoup  tl'imvrliluile  sur  les 


caracld 
h's  vvr\ 


CH.\P1T!\E    VIII.  4"^^ 

lie  la  Nouvelle-Califoriûc ,  que  l'on  ne  Irome 
pus  dans  l'ancienne,  avoicnt  dc\ii  frappé  le 
naA  igalcur  Sébastien  Biseayno  ,  quand  il  re- 
lâcha au  port  de  Monlerey,  le  i5  décend)ie 
1G02.  Il  assure  «  en  avoir  vu  dont  les  l)ois 
«<  avoient  trois  mclres  (près  de  neuf  pieds) 
«  de  lou»^iieur.  »  Ces  renados  courent  a^  ce 
nne  ra])idilé  extraordinaire  ,  en  jetarât  1  j  col 
en  arrière,  et  cîi  appuyant  leur  bois  sur  le 
dos.  Les  clievaux  de  la  jNouvelle-Biscave  , 
réputés  excellens  coureurs,  sont  incapa]>les 
de  les  suivre  de  près;  ils  ne  les  é^-alent  di'iis 
la  course  qu'au  nioinent  où  l'animal,  qui  ne 
boit  que  très-rarement^  Aient  d  étanclier  sa 
soif  :  c'est  alois  que ,  trop  lourd  pour  déployer 
toute  l'énergie  de  ses  forces  musculaires,  il 
est  atteint  facilement. Le  cavalier  qui  le  pour- 
suit, l'abat  en  lui  jetant  un  lacs,  comme  on 
fait  ,  dans  toutes  les  colonies  espagnoles , 
avec  les  chevaux  et  les  bœufs  sauvages.  Les 
Indiens  usentd'un  autre  artifice  très-ingénieux 


caraclèrns  spécifiques  qui  distinguent  los  grands  et  îcs 
pet  ils  cerfs  {^peiiadon^  du  nouveau  continent.  Voyez 
1(  s  reelierches  intéressantes  de  M.  Cuvier,  contenues 
dans  son  mémoir»'  sur  les  os  fossiles  des  rumiuans. 
{^AniialeH  du  AI  naeuisi ,  auaée  Vi  ;  p.  ZiS'5.) 


454  LIVRE    III  5 

pour  s'approcher  des  cerfs  et  pour  les  luer. 
Ils  coupent  la  tête  à  un  vcnado  dont  les  bois 
sonttrès-lon<^s;ils  en  vident  le  col,  et  le  placent 
sur  leur  propre  léte  :  masques  de  celle  ma- 
nière ,  mais  en  même  temps  armés  d'arcs  et 
de  llèclies  ,  ils  se  cachent  dans  un  bocage  ou 
dans  l'herbe  haute  et  touiFue  ;  en  imitant  les 
mouvemens  du  cerf  qui  paît ,  ils  attirent  le 
troupeau ,  qui  se  laisse  tromper  par  la  ruse 
de  l'homme.  M.  Gonstanzo  a  vu  celte  chasse 
extraordinaire  sur  les  côtes  du  canal  de  Santa 
Barbara  :  les  officiers  embarqués  dans  les 
goélettes  Sulil  etMexicana,  l'ont  observée 
vingt-quatre  ans  plus  tard ,  dans  les  savanes 
qui  environnent  Monlerc}  '.  Les  énormes 
Lois  de  cerfs  que  Montezuma  montroit  comme 
des  objets  de  curiosilé  aux  compagnons  de 
Cortez,  provenoieiit  peut-être  des  vcnados 
de  la  Nouvelle-Californie.  J'en  ai  vu  deux, 
trouvés  dans  l'ancieri  monument  de  Xochi- 
calco  y  et  que  l'on  conserve  dans  le  palais 
du  \ice-roi.  Mak'ic  le  ucude  communicatio;! 
intérieure  qui  existoit  au  cjuinzicme  siècle 
dans  le  royaume  d'An:;huac,  il  ne  seroit  pas 


en  1 


suiv 


*  Via^e  a  Fucu ,  p.  if)4. 


CHAPITRE    VIIT.  4^^ 

extraordinaire  que  ces  I)ois  de  cerfs  fussent 
venus,  de  mains  en  mains,  dcpnis  les  55  aux 
20  degrés  de  latitude,  de  même  que  nous 
trouvons  les  beaux  jades  néphritiqnes  du 
Brésil  {jjwdras  de  Maluigini)  chez  les  Caribes 
qui  avoisincnt  les  bouches  de  l'Orénoqne. 

Les  établisseniens  russes  et  espagnols  élant 
jusqu'ici  les  seules  colonies  européennes  qui 
existent  sur  la  cote  du  nord-ouest  de  l'Amé- 
rique ,  je  crois  qu'il  sera  utile  de  faire 
rénuméralion  de  toutes  les  missions  de  la 
Nouvelle  -  Californie ,  qui  ont  été  fondées 
jusqu'au  commencement  de  l'année  1800. 
Cette  notice  détaillée  devient  surtout  inté- 
ressante à  une  époque  où  les  habitans  des 
Etats  -  Unis  manifestent  le  désir  d'un  mou- 
vement vers  l'ouest,  vers  ces  côtes  du  Grand 
Océan ,  qui ,  opposées  à  la  Chine ,  abondent 
en  belles  fourrures  de  loutres  marines. 


■lui 


Les  missions  de  la  Nouvelle  -  Californie 
suivent,  du  sud  au  nord,  dans  l'ordre  dans 
lequel  nous  les  indiquons  ici. 


San  Diego  ,  villa^ie  fondé  en  1769,  à  quinze 
lieues  de  distance  de  la  mission  la  plus 


45iG  LIVRE    III, 

septentrionale  de  laVieillc-Calirornie.  Popu- 
lation ,  en  1802,  de  i56o. 

San  Luis  Rey  de  Fraincia,  -village  l'ondé  en 
1798.  Population  de  600. 

Sain   Juan    Gapistrako  y   village    fondé  en 
1776.  Population  de  1000^ 

San  Gabriel,  village  fondé  en  1771.  Popu- 
lation de  io5o. 

San  Fernando,  village  fondé  en  1797.  Popu- 
lation de  600. 

San  Buenaventura,  village  fondé  en  1782. 
Population  de  9^0. 

Santa  Barbara  ,  village  fondé  en  1786.  Po- 
pulation de  1100. 

La  Purissima  Concepcion  ,  village  fondé  en 
1787.  Population  de  1000. 

San  Luis  Obispo,  village  fondé  en  1772. 
Population  de  700. 

San  Miguel,  village  fondé  en  1797.  Popu- 
lation de  600. 

SoLEDAD^  village  fondé  eu  1791.  Population 
de  670. 

San  Antonio  de  Padua,  village  fondé  en 
1771.  Population  de  io5o. 

San  Carlos  de  Monterey  ,    capitale  de  la 
Nouvelle-Californie,  fondée   en  1770,  pu 


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latio 


CHAPITRE    VÎII. 


457 

pied  de  la  Cordillère  de  Santa  Liicia ,  qui 
est  couverte  de  chênes,  de  pins  [foliis 
ternis  )  et  de  rosiers.  Le  villas-e  est  cloiii'né 
de  deux  lieues  du  presidio  qui  porte  le 
même  nom.  Il  paroît  que  Cahnllo  avoit 
déjà  reconnu  la  baie  de  Monterey ,  le 
i5  novembre  i542 ,  et  qu'à  cause  desbeau^t 
pins  dont  sont  couronnées  les  montagnes 
voisines ,  il  la  nomma  la  Bahin  de  Los  Pinos, 
Son  nom  actuel  lui  fut  donné,  soixante  ans 
plus  tard,  p'^r  P^iscaino ^  en  honneur  du 
vice-roi  de  Mexico,  Gaspar  de  Zuniga, 
comte  de  Monterey,  homme  actif,  auquel 
on  doit  l'entreprise  de  «jurandes  ex])éditions 
maritimes,  et  qui  engagea  Juan  de  Onate  à 
la  conquête  du  Nouveau -Mexique.  Les 
côtes  voisines  de  San  Carlos  produisent  le 
fameux  ormier  de  Monterey,  qui,  reciiereîié 
par  les  habitans  de  Noutka,  est  emjdoyé 
dans  le  conmicrce  des  fourrures  de  loutres. 
La  population  du  village  de  San  Carlos  est 
de  700. 

San  Juaiv  Baptista  ,  village  fondé  en  1797. 
Population  de  960. 

Santa  Ckuz  ,  village  fondé  en  1794.  Popu- 
lation <Be  44c>. 


tiAx  l.'l 


45'8  LIVRE    III, 

Santa  Clara,  village  fondé  en  1777.  Popu- 
lation de  i3oo. 

San  José,  village  fondé  en  1797.  Population 
de  65o. 

San  Francisco  ,  village  fondé  en  1776,  avec 
un  beau  port.  Les  géographes  coiiiondcnt 
souvent  ce  port  avec  le  Port  du  Drake ,  qui 
est  plus  au  nord,  sous  les  58*^  10'  de  lati- 
tude, et  que  les  Espagnols  appellent  le 
Puerto  de  Bodega.  Population  de  San 
Francisco  ,820. 


On  ignore  le  nombre  des  blancs j  métis 
et  mulâtres  qui  vivent  dans  la  Nouvelle-Cali- 
fornie, soit  dans  les /^/Y/ÀvV/d^ç^  soit  au  service 
des  religieux  de  Sainl-Francois.  Je  crois  que 
leur  nombre  s'élève  à  plus  de  i5oo  j  car,  dans 
les  deux  années  de  1801  et  de  1802  ,  il  j  eut, 
dans  la  cavité  des  blancs  et  des  sang-mélé y 
55  mariages,  182  baptêmes  et  82  décès.  Ce 
TivM  que  sur  cette  partie  delà  population  que 
le  gouvernement  pourroit  compter  pour  la 
défense  dcj  cûlos,  au  cas  d'une  attaque  mili- 
taire qui  seroit  tentée  par  quelque  puissance 
maritime  de  l'Europe. 


mm 


riM 


CHAPITRE    VIII.  4^9 

Récapitulation  de  la  population  totale 
DE  LA  Nouvelle-Espagne. 

Indigènes  ou  Indiens :-',5oo,ooo 

T)i  T-  1  (Créoles,  i,oii5,ooo)  r- 

lîlancs  ou  Espagnols^  >  1,090,000 

(Europ.  ,        70,000) 

Nègres  Africains 6,100 

Castes  de  sang-mêlé 1, 23 1,000 

Total 4,832,100 

Ces  nomferes  ne  sont  que  le  ri'sultat  d'un 
caleul  par  approximation.  On  a  cru  devoir 
s'arrêter  à  la  somme  totale  énoncée  plus 
haut,  p.  îoi. 


46o 


LIVRE    III 


h. '%«%^'%<^' «.'^^''«^ 


Après  avoir  tracé  le  tableau  des  provinces 
qui  composent  le  vaste  empire  du  MeAif[ue, 
il  nous  resîe  à  jeter  un  coup  d'œil  rapide  sur 
les  cotes  du  Grand  Océan ,  qui ,  depuis  le  port 
de  San  Francisco ,  et-*depuis  le  cap  Mendo- 
cino,  s'étendent  jusqu'aux  établisseniens  russes 
fondés  dans  la  baie  du  prince  Guillaume 
(^Prince  WilUiuits   Sound), 

Ces  cotes,  dès  la  fin  du  seizième  siècle ,  ont 
été  visitées  par  des  navigateurs  espagnols  ; 
mais  ce  n'est  que  depuis  l'année  ijji  <l"c  les 
vice-rois  de  la  Nouvelle-Espagne  les  ont  fait 
examiner  avec  soin.  De  nombreuses  expédi- 
tions de  découvertes  faites  depuis  les  ports 
d'Acapulco,  de  San  Blas  et  de  Monterej, 
se  sont  suivies  jusqu'en  1792.  La  colonie  que 
les  Espagnols  ont  tenté  de  former  à  Noutka, 
a  fixé  pendant  quelque  temps  l'attention  de 
toutes  les  puissances  maritimes  de  l'Europe. 
Quelques  hangars  construits  sur  la  plage,  un 
misérable  bastion  défendu  par  des  pierriers, 
quelques  choux  plantés  dans  un  enclos,  oirt 
manqué  d'exciter  une  guerre  sanglante  cnlre 


CHAPITRE    VIII.  4^* 

l'Espagne  et  l'Angleterre,  et  ce  n'est  que  par 
la  destruction  de  l'établissement  fondé  à  Vile 
de  Quadra  t't  de  fancouver ^  que  le  tays  ou 
prince  de  JNoutka,  Macuina,  a  conser\éson 
indépendance.  Depuis l'anné».*  1786,  plusieurs 
nations  de  l'Europe  ont  fréquenté  ces  parages 
pour  y  faire  le  commerce  des  fourrures  de 
loutres  marines  ;  mais  leur  concurrence  a  eu 
des  suites  désavantageuses  pour  eux-mêmes 
et  pour  les  naturels   du  pays.  Le  prix  des 
fourrures ,  en  renchérissant  sur  les  cotes  de 
l'Amérique,  a  énormément  baissé  à  la  Chine. 
La  corruption  des  mœurs  a  augmenté  parmi 
les  Indiens.  En  suivant  la  même  politique  qui 
a  ensanglanté  les  côtes  africaines  ,  les  Euro- 
péens  ont  cherché  à  tirer  parti  de  la  discorde 
des  taj's  :  plusieurs  matelots,  et  les  plus  dé- 
bauchés, ont   déserté   leurs  vaisseaux  pour 
s'établir  parmi  les  naturels  du  pa^'s.  A  Noutka, 
comme  aux  îles  Sandwich ,  on  observe  déjà 
im  mélange  affreux  de  la  barbarie  primitive 
avec  les  vices  de  l'Europe  policée.  Il  est  difiî- 
cilt  de  croire  que  ces  maux  réels  aient  été 
compensés  par  quelques  espèces  de  légumes 
de  l'ancien  continent,  que  les  voyageurs  ont 
transplantées  dans  ces  régions  fertiles ,  et  qui 


!     ! 


46a  iAVT\r,  HT, 

figurent  dans  la  liste  des  bienfaits  dont  les 
Européens  se  vantent  d'avoir  comblé  les  liabi- 
tans  des  îles  du  Grand  Océan. 

Au  seizième  siècle ,  à  celte  époque  glorieuse 
où  la  nation  espagnole,  favorisée  par  une  réu- 
nion de  circonstances  extraordinaires,  déploya 
librement  les  ressources  de  son  génie  et  la  force 
de  son  caractère ,  le  problème  d'un  passage 
au  nord-ouest  y  celui  d'un  chemin  direct  aux 
Grandes  Indes,  occupa  l'esprit  des  Castillans 
avec  la  même  ardeur  avec  laquelle  d'autres 
nations  s  y  sont  livrées  depuis  trente  à  qua- 
rante ans.  Nous  ne  citons  point  les  voyages 
apocryphes  de  Ferrer  Maldonado  y  de  Juati 
de  Fuca  Qi  (}lq  Bartohmiè  Fonte  y  auxquels, 
pendant  long-temps  ,  on  n'a  donné  que  trop 
d'importance.  La  plupart  des  injpostures  débi- 
tées sous  le  nom  de  ces  trois  navigateurs  ,  ont 
été  détruites  par  les  recherches  pénibles  et  les 
savantes  discussions  de  plusieurs  oflîcie  ^  de  la 
marine  espagnole  ".  Au  lieu  d'alléguer  des 

*  Mémoire  de  Von  Ciriaco  Ctvalljs.  Recherches 
faites  dans  les  archives  de  Séville ,  par  Don  Augustin 
Cean.  Introduction  historiqne  au  Voyage  de  Galiano 
et  Valdes  ,  p.  4g-56  ,  et  p.  y6-S5.  Malgré  toutes  mes 
recherches,  je  n  ai  pas  pu  découvrir  dans  la  Nouvelle- 


!■&■ 


CHAPITHE    VTIt. 


AfiS 


p 


t  ^ 


noms  presque  fahiileiix  ,  et  de  nous  pcrtlie 
dans  1  incertitude  des  lij  j)(»tlièscs,  nous  nous 
contenterons  d  indl(|uer  rt;  cpii  est  ineonlcsta- 
blenienl  prouvé  par  des  doounieiis  liistoiiqucs. 
Les  notices  suivantes,  qui  sont  liiées  en  partie 
des  mémoires  nianusciits  de  Don  Antonio 
Bouilli  et  de  M.  Gasasola,  conservés  dans 
les  archives  de  lu  vice-royauté  de  i\Iexico , 
présentent  des  ("ails  dont  le  ra])proehement 
pourra  fixer  l'attention  des  lecteurs.  Dé- 
ployant, pour  ainsi  dire,  le  table;ni  varié  de 
l'activité  nationide ,  tantôt  réveillée  ,  tantôt 
assoupie,  ces  notices  oQViront  de  l'intérêt  à 
ceux  même  qui  ne  croient  pas  qu'un  pays 
habité  par  des  hommes  li!)res  appartient  à  la 
nation  européenne  qui  l'a  vu  la  première. 

Les  noms  de  Cahrillo  et  de  Gali  sont 
devenus  moips  célèbres  que  ceux  de  l^'ucji 
et  de  Fonte.  La  vérité  ,  dans  le  récit  d'un 
ttsivigateiir  modes re  ,  n'a  ni  le  charme  ni  Iq 
pouvoir*  qni  acco  m  patinent  Tillusion.  Juan 
Rodri^iwz  Cahrillit  Aisila  les  cotes  de  la 
^ouvt-'lW -GaliCornie  jusqu'aux  07*^  lo',  ou 
jiKqu'à  b  Punta  del  Alio   Nucvn  ,  au  nord 

Espagne  un  srttl  document  <lans  Irqual  le  pilote  Fuca 
ou  1    mirai  Font»;  fussent  nomnu';». 


IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


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1.0 


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1.25  II  1.4 

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33  WEST  MAIN  STMET 

wnsTSR.N.y,  usso 

(7'«)  17Î-4503 


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,.<1^, 


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"7 


4^>i  MVRi:   HT , 

de  Montcroy.  II  périt  (le  5  janvier  lo.pj)  à 
l'île  de  San  Bernai  do  ,  près  du  eau  i  de 
Santa  Barl)ara  ;  mais  son  pilole,  Barti^lomè 
Ferrelo,  eonliniia  ses  déeoa\ertes  au  nord, 
juscjn'aux  45"  de  latitude,  où  il  \it  les  eoles 
du  Cap  Blane^  que  Vancouver  appelle  le  Ca.p 
Orford. 

Francisco  Gall  ,  dans  son  voyage  de 
Maeao  à  Ae^puleo,  découvrit,  en  1^82,  la 
Oolc  du  nord-onest  de  rAniérique ,  sons  ks 
67"  ^n'.  11  admira,  ainsi  que  lois  ceux  (]«ji 
api  es  lui  ont  >isité  la  iS  ouvclic-ContoiKullc  ^ 
la  bcanlé  de  ces  nionta;^ncs  colossales  dont 
la  cime  est  couveile  de  nei-jcs  éternelles , 
tandis  que  leur  pied  est  orné  d'une  belle 
végétation.  En  corrigeant  "  les  anciennes  oh- 
Nervations  par  les  nouvelles,  dans  des  endroits 
dont  l'identité  est  reconnne  ,  on  trouve  que 
Cali  côtoya  une  partie  del'Arcliipel  du  prince 
de  Galles  ou  de  celui   du  roi  George.    Sir 

*  Sutvanlle  niamiscrll conservé  ({AXXsWirchwo  rrcueral 
de  Iiulias ,  à  Madrid. 

"  Ces  corrcclloiis  ont  déjîi  été  appliquions  dans  cet 
ouvrage  ,  partout  où  Ton  cite  les  latitudes  auxquelles 
les  anciccKs  navigateurs  se  sont  élevés.  (  Viage  de  la 
Siitil f,  p.  7>\.) 


& 


Pra 

JUSC] 

Gre 
D 

cajj 

6CuI( 

Galii 

Mex] 

prou 

plus 

pilote 

tle  so 

la  rici'i 

o 

cepen 

SébasI 

peu  a 

seul  h, 

la  fréiJ 

^épassi 

les  4^'* 

rivière 

connue 

de  Agu 

*Iie  m< 

«"n  traçan 
II. 


p 


CHVPiTnE  vtn. 


i63 


Francis  Drakc,  en  i-ijS,  n't'ioit  parvenu  que 
jusqu'auv  48"  de  lulilu<lc  au  nord  du  cap 
Grenville  ,  dans  la  iNouvolle-Géorgie. 

Des  deux  expédition':  (\\w.  Séhustien  Vis- 
cayno  entreprit  en  i5()6et  1G02 ,  la  dernière 
seule  lut  diii«^ce  aux  cotes  de  la  Nouvelle- 
Caliroruie.  Trente  -  deux  cartes  rédig-ées  à 
Mexico,  par  le  cosniograplielIonriMai  linez', 
prouvent  que  Viscayno  releva  ces  cotes  avec 
plus  de  soin  et  plus  d'intelligence  que  jamais 
pilote  ne  Ta  voit  Tiiit  avant  lui.  Les  maladies 
Je  son  équipage,  le  manque  de  vivres,  et 
la  rigueur  extrénu.' de  la  saison,  rempéclièrent 
cependant  de  s'élever  au  delà  du  cap  Saint- 
Sébastien  ,  situé  sous  les  [y^^  de  latitude ,  un 
peu  au  nord  de  la  baie  de  la  Trinité.  Un 
seul  bâtiment  de  l'expédition  de  Viscayno, 
la  frégate  commandée  par  Antonio  Florez, 
dépassa  le  cap  Mendocino.  Elle  parvint  sous 
les  4^"  de  latitude  ,  à  l'embouchure  d'une 
rivière  qie  Gabrillo  paroît  déjà  avoir  re- 
connue en  1543,  et  que  l'enseigne  Martin 
de  Aguilar  crut  être  l'extrémité  occidentale 


Le  même  don  t. nous  avons  parlé  plus  haut  (p.  207), 
traçant  l'histoire  du  Denague  Healde  flue/iuetuca»^ 
H.  3o 


^C)G  Li\  p.i:   Tfî , 

tlu  dôlroit  crAiiiùii  '.  11  ne  l'auL  p:i.s  coiif,jnclre 
Cille  enti(''e  ou  rivière  d'ALiiiilar,  que  Von 
n'a  pu  retiou^er  de  nos  temps,  avec  l'eni- 
Loueliure  du  IVio  Colojid^ia  (  lat.  /|G«»  lo'  ) , 
qui  est  devenue  célèbre  par  les  V(>^a;;es  de 
Vancouver,  de  Gray  cl  du  capitaine  Lewis. 
Avec  Gali  cl  Viseajno,  finit  l'époque  bril- 
lanle  des  découvertes  que  les  Espa«^nols  ont 
l'ailes  anciennement  sur  la  cote  du  nord-ouest 
de  l'Amérique.  L'histoire  des  navigations 
exécutées  dans  le  courant  du  dix-septième 
sii'cle  y  et  dans  la  première  moitié  du  dix- 
liuilième ,  ne  présente  aucune  expédition 
ûlrî"ée  des  cô:"S  •! a  .Mexique  vers  ce  littoral 
innnense  ,  qui  se  prolonge  depuis  le  cap 
Mendocino  juscpi'aux  conHns  de  l'Asie  orien- 
tale. Au  lieu  du  pavillon  espagnol  ^  on  ne 
vit  flotter  dans  ces  parages  que  le  pavillon 
russe,  arboré  en  ij/^i ,  sur  les  vaisseaux  que 


»  Le  déU'oit  d'Aiilan  ,  que  plusieurs  géographes 
confuutlonl  avec  le  «.léU'oil  tlo  Btring  ,  tlésigaoil  au 
sci/iciue  siècle  le  déU'oil  de  nu<!son.  Il  prit  soii  nom 
d'au  des  deux  frères  endjarqués  sur  le  vaisseau  du 
Gaspar  de  Corlereal.  Voyez  I»  s  ivtherclics  savantes 
<uie  M.  de  l'ieurieu  a  cunsiguées  dans  rintroduclion 
lïisloriquu  du  y^oya^a  de  Marchand ,  T.  1,  p.  5. 


CHAPITRE    VIIT.  L\6n 

conimaiuloiciit  (lcu\  inlrépUes  iK-vigaleurb , 
Beriiii»'  et  Tscîiiricow. 

Enfin,  après  une  interruption  de  près  de 
cent  soixante-dix  ans  ,  la  cour  de  Madrid 
fixa  de  nouveau  ses  regards  sur  les  eûtes  du 
Grand  Océan  :  mais  ce  n'étoit  pas  le  désir  seul 
de  faire  des  découvertes  utiles  aux  sciences! 
qjii  réveilla  le  gouvernement  de  sa  léthargie; 
c'étoit  plutôt  l'inrpiiétude  d'être  attaqué  dans 
ses  possessions  les  plus  septentrionales  de  la 
]SiOuvelle-î']spagne  ;  c'étoil  la  crainte  de  voir 
naître  des  étal)lissemens  européens  rappro- 
chés de  ceux  de  la  Calirornie.  De  toutes  les 
expéditions  espagnoles  ^  entreprises  depuis 
l'année  177 4  jusqu'en  179'i,  il  n'y  a  que  les 
detix  dernières  qui  aient  porté  le  vrai  ca- 
ractère d'expéditions  de  découvertes  :  elles 
ont  été  conuiiandées  par  des  oniciers  dont 
les  travaux  annoncent  des  connoissances 
étendues  dans  l'astronomie  nautique.  Les 
noms  d'Alexandre  Malaspina ,  de  Galiano , 
Espinosa ,  Valdes  V^ernaci ,  tiendront  à  jamais 
une  place  honorahle  dans  la  liste  des  navi- 
gateurs instruits  et  intrépides  auxquels  nous 
devons  des  notions  exactes  sur  la  cote  du 
nord-ouest  du   nouveau  continent.  Si  leurs 

5o* 


l3!,, 


wmm 


4G8  LIVRE    III, 

prédécesseurs  n'ont  pu  donner  la  nit^inc 
perfcclion  à  leurs  opérations  ,  c'est  que , 
parlant  des  porlsdeSan  Blas  ou  de  3louterey, 
ils  se  sont  trouvés  dépourvus  d  inslriuneus 
et  d'autres  moyens  que  fournit  l'Europe 
civilisée. 

La   preuiière   expédition    importante  qui 
fut  faile  depuis  le  voyage  de  Visea)^no ,  est 
celle   de    Jitrfn   Pc/vz  y  qui  conimandoit  la 
corvette  Santiago,  appelévO  jadis  la    ISitwa 
Gulicin.  Comme  ni  Cook  ,  ni  Ikirrington,  ni 
M.  de  Fleurieu  ,  ne  paroissent  avoir  eu  con- 
noissance    de    ce    voyage     important  ,     je 
consignerai   ici   plusieurs  faits  ,    tirés    d'un 
journal  *  manuscrit    que    je  dois  aux  bontés 
de    Don  Guillermo   Aguirre  ,    membre  de 
l'audience  de  Mexico.  Ferez  ,  et  son  pilote 
Esteban  José  Martinez  ,  sortirent  du  port  de 
San   Blas    le    24   janvier    1774-    Ws   avoient 
l'ordre  de  reconnoître  toute  la  cote,  depuis  le 
port  de  Saint-Charles  de  Monterey  jusqu'aux 

*  Ce  journal  a  élé  tenu  par  Jeux  religieux  ,  Fray 
Juan  Crcspi  et  Fray  Tonias  de  ta  Pona  ,  embarqués 
sur  la  corvetle  Sanliago.  On  peut  compléter  par  ces 
détails  ce  qui  a  élé  publié  dans  le  Voyage  de  la  Sulil , 
p.  92. 


CTIVT'ITT^E    VIIT. 

Go"  de  lalitiule.  Av.-mi  louché  à  "Nïonlc'.cy, 
ils  iiiiient  de  nouveau  à  la  voile  le  7  juin. 
Ils  dccouviircnl ,  le  20  juillel  ,  l  ilo  de  la 
Marguerite  (fjni  est  la  pointe  nord-ouest  de 
l'île  de  la  reine  rjlKiilolle),  et  le  délroit  ' 
qui  sépaie  celle  ile  de  celle  du  prime  de 
Galles.  Le  q  août,  ils  niouillcrenl,  les  prcniicrs 
de  tous  les  navii^atciirs  cnmpec/is ,  tians  la 
rade  de  Noulka,  tpi'ils  appcKrenl  le  port 
de  San  Loiviizo  ,  et  que  l'illustre  Cook, 
quatre  ans  plus  tard ,  nonuna  Kiiig  (Jcnr^e's 
Sound.  Ils  firent  un  commerce  d  échange 
avec  les  Indiens ,  parmi  lesquels  ils  virenl  du 
fer  et  du  cuivre.  Ils  leur  donnèrent  des 
haches  et  des  couteaux  pour  acquérir  des 
peaux  et  des  fourrures  de  loutres.  Perez  ne 
put  point  aller  à  terre;  le  mauvais  temps  et 
une  mer  grosse  et  clapoteuse  l'en  empêchèrent; 
sa  chaloupe  manqua  même  de  se  perdre  en 
essayant  d'atlérer  :  la  corvette  fut  ohli^-ée  de 
couper  ses  cahles  et  d'al^andonner  ses  ancres 
pour  2f«'ï2'ner  le  lar-jfc.  Les  indi;'ènes  volèrent 
plusieurs  objets  apparfenans  à  M.  Perez  et 
à  son  équipage  ,  et  celle  circonstance  ,  rap- 

*  La  Entrada  de  Perez  ,  des  caries  espagnoles. 


470  II  VUE    HT, 

portée  dans  le  journal  du  ric^re  Crespi .  sert 
à  résoudre  le  f.imeux  problème  des  euillères 
d'argent  de  fabrique  européenne  ,  que  le 
capitaine  Cook  y  trouva  en  1778,  entre  les 
mains  des  Indiens  de  Noulka.  La  corvelle 
Santifif^o  retourna  à  Monterey ,  le  27  août 
1774,  après  avoir  fait  une  campagne  de 
huit  mois. 

L'année  suivante  ,  une  seconde  expédition 
sortit  de  San  Blas ,  sous  les  ordres  de  Don 
Bruno  Ilccela  ,  Don  Juan  de  Ajala  j  et 
Don  Juan  de  la  Bode^a  j  Quadra.  Ce  voyage, 
qui  a  singulièrement  avancé  la  découverte  de 
la  côte  du  nord-ouest,  est  connu  par  le  journal 
du  pilote  Maujvllc,  publié  par  M.  Barrington , 
et  joint  aux  instructions  que  reçut  l'infortuné 
Lapeyrouse.  Quadra  découvrit  l'embouchure 
du  Rio  Colombia,  qui  fut  appelée  enivée  de 
Heceta ,  le  pic  de  San  Jacinto  (  Mount  Edge- 
cumbe),  près  de  la  baie  de  Norfolk,  et  le 
beau  port  de  Bucarcli  (lat.  55<*  2/i'  ),  que, 
par  les  recherches  de  Vancouver ,  nous 
savons  appartenir  à  la  cote  occidetitale  de  la 
grande  île  de  l'Archipel  du  prince  de  Galles. 
Ce  port  est  environné  de  sept  volcans,  dont 
les  cimes,  couvertes  de  neiges  perpétuelles, 


f-' 


rii\piTnf:  vtît. 


17' 


jt'Kcnl  (1rs  flammes  cl  (îcscondros.  ^\.  On.ulra 
V  lr()^^a  un  jjrand  nombre  de  cliiens  donl  les 
Indiens  se  scrvoienl  ponr  la  eliasse.  Je  possède 
deux  petites  cartes  '  assez  enrienses,  j^ravccs, 
en  J78(S,  à  la  ville  de  Mexico,  et  rpii  pn^- 
senlent  le  ;j;'isenjcnt  des  cotes  ,  dcpnis  les  17'» 
jnsrpi'anv  ;)S"  de  lalitnde,  tel  rpj'il  a^oil  élt» 
reconnn  d;tns  rcM)(''dilion  deOnadra. 

La  cour  de  31adrîd  ordonna,  en  177G,  au 


*  Caria  i^eor^rafra  de  la  rosfa  orcicîcvtal  de  la  dili^ 
forv'a  siti'oda  al  norledc  la  licrta  sohre  cd  marAsIatim, 
<iuc  se  disciihrio  m  los  anns  de  17  69  y  1775,  por  el 
ii'niimle  de  ria\}o  Don  Jiiau  J^ranc/.fco  de  Bodega  y 
Quadra,  y  par  el  al  ferez  de  f ravala  Don  José  Cahizares, 
d'sde  luH  17  ha- ta  Ion  ôSgrados.  Sur  cette  carte.,  la 
côle  |>aroîl  presque  sans  eiUrécs  et  sans  îles.  On  y 
r»;raarque  rEiiscnnda  de  Ezeta  (Rio  ColomMa)  et 
rentrée  de  Juan  Penîz ,  mais  pas  le  nom  du  port  de 
San  liOrenzo  (^Voullta),  vu  par  le  même  Perez  ,  m 
1  774. — I^lan  del  gran  Puerto  de  San  Fraucinco,  dis(  U' 
hierto  por  Don  Jase  de  Cahizares  en  el  mar rtsiatiio. 
Vancouver  distiii^^ue  les  ports  de  Saiiil-fVnnrois  ,  de 
Sir  Francis  Drake  et  de  liodcga  ,  comme  trois  ports 
dillenîtis.  M.  de  Fleurieu  les  n  j;arde  comme  i<ieii- 
tiqut.'S  (  l^oyage  de  Marchand ,  Vol.  I  ,  p.  ^^  ).  Qua<lia 
croit ,  comme  nous  l'avons  observé  plus  haut ,  q'ie 
Drake  mouilla  au  port  de  la  Bodega. 


!-l' 


472  LIVBK    III, 

\'k'C-roi  duMcxi(|iuîde|)r('[)ar(*r  une  nouvelle 
expédition  pou  rrct'on  I iDÎtro  Jl's  cotes  (le  l'A  nic- 
rique  jusqu'aux  70"  dc^^rés  de  latitude  boréale. 
On  construisit,  à  cet  ellét,  à  Ciuayaquil,  deux 
corvettes,  la  P  vin  cessa  cl  la  Favori  la  j  mais 
celle  construction  éprouva  tant  de  retard,  que 
l'expédition  commandée  parQuadra  et  Don 
Ifiacio  Arteagîi ,  ne  put  mettre  à  la  voile  au 
port  de  San  Dlascjuele  11  février  1779.  Pen- 
dant cet  intervalle,  Gook  avoit  visité  ces  mêmes 
côtes.  Quadra  et  le  pilote  Don  Francisco 
Maurellc  reconnurent  avec  soin  le  port  de 
Bucareli  ,1e mont Saint-Elie,  l'île  delà  Magda- 
lena,  appelée  par  Vancouver  l'île  Hincliin- 
brook  (lat.  60"  26'  ),  située  à  l'entrée  de  la 
baie  du  prince  Guillaume  ,  et  l'île  de  Régla  , 
qui  est  une  des  îles  stériles  dans  la  rivière  de 
Gook.  L'expédition  retourna  à  San  Blas ,  le 
21  novembre  1779.  Je  trouve  dans  un  manus- 
crit que  je  me  suis  procuré  à  Mexico,  que  les 
roches  schisteuses  cjui  avoisinent  le  port  de 
Bucareli ,  dans  l'île  du  prince  de  Galles ,  con- 
tiennent des  filons  métallifères. 

La  guerre  mémorable  qui  donna  la  liberté 
à  une  grande  partie  de  l'Amérique  septen- 
trionale, empêcha  les  vice-rois  du  Mexique 


CHAPITRE     VIII.  473 

de  poursuivre  les  eiilrrpriscs  de  déeoinerlcs 
aiinord  du  eijpMendoeiiK).  La  eour  de  Madrid 
ordonna   de  suspendre  Jes  exj)édili()ns  aussi 
lonj^-teni])s  cpie  d»ireroient  les  lioslililés  qui 
avoienl  éelalé  entre  ri'^spjione  cl  rAn«;lelerre. 
Celte  interruplion  se  ])rulon;^ea  uierne  lon^^- 
temps  après  la  ]>Ki\:  de  Versailles,  et  ce  n'est 
qu'en  ij88que  deux  haliniens  espagnols,  les 
frégales   la  Priiiccssa  et  le  paquet-bot  S<in 
Carlos  ,  commandés  par  Don  Tlsloban  Mar- 
tiiii'z oXDon  Gonzalo  Lopcz de  ffaro , soilirent 
du  port  de  San  Blas,  dans  le  dessein  d'examiner 
la  position  et  l'état  des  établissemens  russes 
sur  la  cote    du   nord-ouest  de    l'Amérique. 
L'existence  de  ces  établissemens,  dont  on  ne 
paroît  avoir  eu  connoissance  à  Madrid  que 
depuis  la  publication  du  troisième  voyage  de 
l'illustre  Cook,  inquiétoit  vivement  le  gou- 
vernement espagnol  :  il  vit  avec  peine  que  le 
commerce  des  pelleteries  attiroit  des  vaisseaux 
anglois,  l'raneois  et  américains,  sur  une  cote 


qui 


avant  le  retour  du   lieutenant  Kin"*  à 


Londres,  avoit  été  aussi  peu  fréquentée  par 
les  Européens  que  la  terre  de  Nujts  ou  celle 
d'Endracht,  dans  la  Nouvelle-Hollande. 
L'expédition  de  Martinez  et  de  Iliuo  dura 


\m 


/|74  iiviΠ 11  r, 

depuis  le  8  mars  jusqu'au  'S  clccenibre  1788. 
Ces  na>i;^a leurs  firent  clireelemeiil  roule  de 
San  nias  à  l'entrée  du  piinee  Gnill.iMue.  cjue 
Jes  llusses  a|)[)ellent  le  i^o/Jr  Tscliui^dtslydjd  ; 
ils  >isilèrcnt  la  rivière  de  Cook  ,  les  îles 
Kiclitnh  (Kodiak),  Sr/n/f/tn^in  y  LniDiiik  et 
llnalitschka  (Onalaska):  ils  furent  traités 
très-aniiealenient  dans  les  differenles  f'aetore- 
ries  russes  qu'ils  trouvèrent  établies  dans  la 
rivière  de  Cook  et  à  Unalaselika ,  et  ils  eurent 
même  eommunieation  de  plusieurs  eartes  que 
Jes  Russes  avoitnt  dressées  de  ces  parafes. 
.T'ai  trouvé  danslesareliivesde  la  vice-rovauté 

ml 

de  Mexico,  un  jjfros  volume  in-folio,  portant 
le  titre  de  Rcconocimieutn  da  los  quatro  esta- 
blacimwnlns  riissns  al  norte  de  la  Calljorniaj 
Itccho  en  1 788.  Le  précis  historique  du  ^  oyage 
de  Martinez ,  que  présente  ce  manuscrit ,  ne 
fournit  cependant  que  très-peu  de  données 
sur  les  colonies  russes  dans  le  nouveau  conti- 
nent. Aucun  homme  de  Téquipage  ne  possé- 
dant un  mot  de  la  langue  russe ,  on  ne  \m\  so 
faire  entendre  que  par  des  sigres.  On  Avoit 
oublié,  en  entreprenant  cetle  expédi^i(>n  VAn- 
taine,  de  faire  venir  un  interprète  d'Euroj)e. 
Le  mal  qui  en  résultoil  étoit  sans  remède  : 


cHArimn  vin.  /j-^.'» 

iV.'Mllcurs,  M.  Marliiicz  îmroil  ru  tinlanl  <lo 
peine  à  trouver  un  llnssc  cl.ins  tonic  l'Anu- 
ii([nc  espagnole,  (pi'euinoil  en  8ir  (jeort^c 
Slaunlon  pour  th'eouM'ir  \in  (Jliinois  en  An- 
gleterre ou  en  Franee. 

Depuis  les  voyages  de  Cook  ,  Dixon  , 
Porllock  ,  Mears  el  Dnncan ,  les  Muroptcns 
comniencërenl  à  eonsidércr  le  porl  de  Noulka 
roniiue  le  uiarehé  prineipal  des  pelleteries  de 
la  eôle  du  nord-ouest  de  l'Ainéricjue.  Celle 
considération  engagea  la  eour  de  Ma(«rid  à 
faire,  en  i/iSj},  ce  fpi'elle  auroit  exéeulé 
plus  fjeilenient  cpiinze  ans  plus  lot,  inimé- 
dialenient  après  le  voyage  de  .Juan  Ferez. 
M.  Miirtincz  y  fjui  venoit  de  \isiter  les  l'aelo- 
reries  russes  ,  reeut  l'ordre  de  faire  un  éta- 
blisseuienl  stable  à  Noulka ,  et  d'exanûner 
avee  soin  la  partie  de  la  cote  qui  est  comprise 
entre  les  5o''etles  'SïV*  de  latitude,  et  que  le 
capitaine  Cook  n'avoit  pas  pu  relever  dans  le 
cours  de  sa  navigation. 

Le  port  de  Noulka  se  trouve  sur  la  cote 
orientale  d'une  île  qui ,  d'après  la  reconnois- 
sance  faite  en  1791,  par  MM.  Esjfinosa  et 
Cevnihsy  ix  vingt  milles  marins  de  largeur, 
et  qui  est  séparé  par  le  canal  de  Tasis  de 


¥ 


4;^  LIVRE    HT, 

la  grande  île  appelée  aujoiircrhui  \Isle  de 
Qundra  et  de  V unconvev.  Il  est  par  consé- 
quent a»?ssi  faux  d'avancer  que  le  port  de 
Noutka,  désigné  par  les  indigènes  sous  le 
nom  de  Yucuatl ,  appartient  à  la  grande  île 
de  Quadra,  qu'il  est  peu  exact  de  dire  que  le 
cap  de  Horn  est  l'extréniilé  de  lu  Terre-de-Feu. 
Nous  ignorons  par  quel  malentendu  l'illustre 
Cook  a  converti  le  nom  de  Yucuatl  dans  celui 
de  Noutka ,  ce  dernier  mot  étant  inconnu  aux 
naturels  du  pays,  et  n'oftrant  même  aucune 
analogie  avec  les  mots  »  î  leur  langue,  sinon 
avec  celui  de  noutcliiy  qui  si^m^ie  montagne  '. 

*  Mé7noire  de  Don  Francisco  Mozino.  L'auteur 
estimable  éltàt  un  des  botanistes  de  l'expédition  de 
M.  Sesse,  et  séjourna  à  Noutka  avec  M.  Quadra, 
en  1792.  Cherchant  à  me  procurer  le  plus  de  rensei- 
gnemens  possibles  sur  la  côte  du  nord-ouest  de  l'Amé- 
rique septentrionale ,  je  fis  ,  en  i8o3  ,  des  extraits  du 
manuscrit  de  M.  Mozino  ,  que  je  devois  h  Taraitié  du 
professeur  Cervantes  ,  directeur  du  jardin  botanique 
à  Mexico.  J'ai  vu,  depuis  ,  que  le  même  mémoire  a 
fourni  des  matériaux  au  savant  rédacteur  du  Viage  de 
la  Sutil,  p.  123.  Malgré  les  renseignemens  exacts  que 
l'on  doit  aux  navigateurs  anglois  et  françois  ,  il  seroit 
encore  très- intéressant  de  publier  en  françois  les 
observations  que  M.  Mozino  a  faites  sur  les  mœurs  des 


D 

gâte 
mou 
Il  fui 
Maci 
vu  a\ 

indige 

grand 

du  poi 

princei 

roauvai 

Quautz 

une  ép( 

sans  ai] 

iicnsj 

de  YucI 

belle    p 

homme, 

coquille 

de  Noui; 

élevé  dti 

même  di 

pinpula  ] 

cadets  dt 

qui  repos 

d'été,  su 

vingt  jou 

cataires  q 


m 


I 


CHAPITRE    VIII.  4 "J'y 

Don  Esleban  Martinez,  commandant  la  fré- 
gate la  Priiicessa  et  le  paquet-bot  Sun  Carlos, 
mouilla clansle  portdeNoutka,  le  5  mai  1789. 
Il  fut  reçu  avec  beaucoup  d'auiilié  parle  chef 
Macuina ,  qui  se  souvenoit  très-bien  de  l'avoir 
vu  avec  M.  Ferez,  en  1774»  et  qui  montra 

indigènes  de  Noutka.  Ces  obserralions  emhrasst^nt  un 
grand  nombre  îl'objels  curieux;  savoir:  la  réunion 
du  pouvoir  civil  et  sacerdotal  dans  la  personne  des 
princes  ou  i^ys;  la  luUe  qui  existe  entre  le  bon  et  le 
mauvais  principe  qui  gonvornent  le  monde ,  entre 
Quautz  et  Matiox -,   l'origiric  de  l'espèce  humaine  à 
une  époque  où  les  cerfs  étoient  sans  bois  ,  les  oiseaux 
sans  ailes  et  les  cbitns  sans  queue  ;  l'Eve  des  Nout- 
kiens,qui  vivoit  solitairement  dans  un  bosquet  fleuri 
de  Yucuatl ,  lorsque  le  dieu  Quautz  la  visita  dans  une 
belle    pirogue  de    cuivre  ;    l'édupalion    du   premier 
homme,  qui  à  mesure  qu'il  grandît ,  passa  d'une  petite 
coquille  à  une  plus  grande  ;  la  généalogie  de  la  noblesse 
de  Noutka ,  qui  descend  du  fils  aîné  de  cet  homme 
élevé  dans  une  coquille,  tandis  que  le  peuple  (qui 
même  dans  l'autre  monde  a  un  paradis  à  part ,  appelé 
pinpula)  n'ose  faire  remonter  sou  origine  qu'à  des 
cadets  de  famille;  le  système  calendaire  desNoutkiens, 
qui  repose  sur  un  commencemenl  de  l'année  au  solstice 
d'été ,  sur  une  division  de  l'année  eu  quatorze  mois  de 
vingt  jours ,  et  sur  un  grand  norab:  a  de  jours  inter- 
calaires qui  s'ajoutent  à  la  fin  de  plusieurs  mois,  etQ.,  ete. 


478  LIVRE    III, 

même  les  l)elles  eoqnilles  de  Monterey,  dont 
on  lui  avoit  luit  présent  à  celte  époque. 
Macuina ,  le  tnjs  de  File  de  Yucuatl ,  a  un 
pouvoir  absolu;  c'est  le  Montezuma  de  ces 
contrées,  et  son  nom  est  devenu  célèbre  parmi 
toutes  les  nations  qui  font  le  conniierce  des 
pelleteries  de  loutres  marines.  J  ignore  si  ?Ia- 
cuina  vit  encore  ;  mais  nous  sûmes  à  Mexico , 
à  la  fin  de  l'année  i8o3,  par  des  lettres  de 
Monterey  ,  que  plus  jaloux  de  son  indé- 
pendance que  le  roi  des  îles  Sandwich ,  ({ui 
s'est  déclaré  vassal  de  l'Angleterre ,  il  cher- 
choit  à  acquérir  des  armes  à  feu  et  de  la  poudre 
pour  se  défendre  contre  les  insultes  auxquelles 
il  etoit  souvent  exposé  de  la  part  des  naviga- 
teurs européens. 

Le  port  de  Santa-Cruz  deJSoutka  (appelé 
Puerto  de  S  an  Loreiizo  par  Ferez,  elFrie/id/}- 
coi^e  par  Cook)  a  sept  ou  huit  brasses  de  fond  : 
il  est  presque  fermé  au  sud-est  par  des  îlots, 
S'arlun  desquels  Marlincz  établit  la  ballerie 
de  San  Miguel.  Les  montagnes,  duns  Im- 
térieur  de  l'île,  paroissent  composées  de 
thonschlefer  et  d'autres  roches  priniilives. 
M.  Mozino  y  découvrit  des  liions  de  cuivre  et 
de  plomb  sulfurés.  A  un  quart  de  lieue  du 


CHAPITRE    VIII. 


4:9 


S'  ■ 

I. 


port  j  près  d'un  lac ,  il  crut  reconnoître ,  dans 
iHie  ainygdaluïde  poreuse ,  les  cllets  du  l'eu 
volcaniaue.  Le  climat  de  Noulka  est  si  doux , 
que  sous  une  latitude  plus  septentrionale  que 
celle  de  Québec  et  de  Paris,  les  plus  peliles 
rivières  ne  grêlent  pas  avant  le  mois  de  janvier. 
Ce  phénomène  curieux  confirme  les  observa- 
tions de  IVlackenzie  * ,  qui  assure  que  la  cote 
du  nord-ouest  du  nouveau  continent  a  une 
Icnqîérature  beaucoup  plus  élevée  que  les 
cotes  orientales  de  l'Amérique  et  tle  l'Asie 
situées  sous  les  mêmes  parallèles.  Les  liabi- 
tans  de  Noutka  ,  comme  ceux  de  la  cote  sep- 
tentrionale de  la  Norwège,  ne  connoissent 
presque  pas  le  bruit  du  tonnerre.  Les  explo- 
sions électriques  y  sont  infiniment  rares".  Les 

*  f^oyftge de Mitchenzle ,iva.dn'ii  l^^irCi^^inu.  Vol.  llt^ 
p.  33n.  I-es  Iwilkiis  c|ui  avoislnent  la  côt«î  du  iioal- 
ouost ,  ont  uièinè  cru  observer  que  d'année  en  auuée 
les  Invers  y  deviennent  plus  doux.  CeUe  douceur  du 
climat  paroît  être  l'effet  des  vents  d'ouest  qui  passent 
au-dessus  d'une  étendue  de  merconsidérahle.  M.  ivlac- 
keiizie  croit  d'ailleurs,  comme  moi ,  que  le  elianj^oment 
de  climat  observé  dans  toute  FAmériqu*!  septentrio- 
nale ,  ne  peut  pas  être  attribué  à  de  petites  causeaj 
locales  ,  par  exemple  à  la  deslructiou  des  iorcli». 

*  Vol.  II;  p.  33S. 


j 


48o  LIVRE    TU, 

collines  sont  couvertes  de  pins,  de  chênes, 
de  cyprès  et  de  belles  touffes  de  rosiers,  de 
vaccinium  et  d'andromèdes.  Le  joli  arbuste 
qui  porte  le  nom  de  Linné  n'a  été  découvert 
par  les  jardiniers  de  Texpédition  de  Van- 
couver ,  que  dans  des  latitudes  plus  élevées. 
John  Mears ,  et  surtout  un  officier  espagnol , 
Don  Pedro  Alberni,  ont  réussi  à  Noutka  dans 
la  culture  de  tous  les  légumes  d'Europe  :  le 
maïs  et  le  froment  n'y  donnèrent  cependant 
jamais  de  graines  miires;  une  trop  grande  force 
de  végétation  paroissoit  être  la  cause  de  ce 
phénomène.  On  a  observé  parmi  les  oiseaux 
de  l'île  de  Quadra  et  de  Vancouver,  de  vrais 
colibris.  Ce  fait,  important  pour  la  géographie 
des  animaux,  doit  frapper  ceux  qui  ignorent 
que  M.  Mackenzie  a  vu  des  colibris  aux  sources 
de  la  rivière  de  la  Paix,  àous  les  54*^  2l\'  de 
latitude ,  et  que  M.  Galiano  en  vit  à  peu  près 
sous  le  même  parallèle  austral ,  dans  le  détroit 
de  Magellan. 

Marti  nez  ne  poussa  pas  ses  recherches  au 
delà  des  5o"  de  latitude.  Deux  mois  après 
son  entrée  au  port  de  Noutka ,  il  vit  arriver 
un  vaisseau  anglois ,  l'Argonaute  ,  commandé 
par  James  Golnet,  connu  par  ses  observations 


I 


CHAPITRE    VITI.  4^' 

faites  aux  îles  Gal;«pa;j;os.  Coliict  manilosla 
au  navigateur  espaguul  loi dre  ([ue  son  gou- 
vernement lui  avoit  dv)nné  ,  d  établir  une 
factorerie  à  JNoutka,  d'y  construire  une  fré- 
gate et  une  goélette  ,  et  d'empêcher  toute 
autre  nation  européenne  de  prendre  part 
au  commerce  des  pelleteries  '.  M.irtinez  ré- 
pliqua en  vain  ([ue,  lotig-^'^nps  avant  Gook  , 
Juan  Ferez  avoit  mouillé  dans  ces  parages. 
La  dispute  qui  s'éleva  entre  les  commandans 
de  Vyirgnnaitte  et  de  la  Pvincessa ,  manqua 
de  causer  une  rupture  entre  les  cours  de 
Londres  et  de  Madiid.  Marlinez,  pour  faire 
valoir  la  priorité  de  ses  droits  ,  employa  ua 
moyen  violent  et  peu  légitime  :  il  arrêta 
M.  Golnet ,  et  l'envoya ,  par  San  Blas ,  à  la 
ville  de  Mixico.  Le  véritable  propriétaire 
du  terrain  de  Noutka  ,  le  tays  Macuina  ,  se 
déclara  prudemment  pour  le  parti  vainqueur; 
mais  le  vice-roi ,  qui  crut  devoir  lialer  le 
rappel  de  Martinez,  exj)édia,  au  commen- 

*  Il  s'étoit  formé  en  Angleterre,  dès  1  anné»^  1^85, 
\  compagnie  dr  ISoiUka  ,  s  us  le  nom  the  King 
Geurge's  Sound  Company;  on  avoit  même  le  projet 
de  former  à  Woulka  une  colonie  angloise  semblable  à 
celle  de  la  NouYclle-Hoilande. 

II.  3i 


1     1 


/,8_>. 


MVT.E    HT 


remcnt  de  l'année  1790.  trois  autres  hati- 
nieiis  armés  vers  la  cote  nord  -  ouest  de 
l'Amérique. 

Don  Francisco  FAlsa  et  Don  Sahador 
Fiihil^o ,  frère  de  l'astronome  qui  a  relevé 
les  cotes  de  l'Amérique  méridionale  ',  depuis 
la  15ouclie  du  Dragon  jusqu'à  Portobello, 
commandèrent  celte  nouvelle  expédition. 
M.  Fidalo'O  visita  l'entrée  de  Cook  et  la  baie 
du  prince  Guillaume  ;  il  compléta  la  recon- 
noissance  de  ces  parages,  que  l'intrépide 
Vancouver  a  examinés  plus  tard.  Sous  les 
60"  54/  de  latitude  ,  à  l'extrémité  septentrio- 
nale de  Prince  William' s  Sound,  M.  Fidalii'O 
fut  témoin  d'un  phénomène  probablement 
volcanique,  et  des  plus  extraordinaires.  Les 
indigènes  le  conduisirent  dans  une  plaine 
couverte  de  neige  ,  où  il  vit  de  grandes 
masses  de  glaces  et  de  pierres  s'élancer  à  des 
hauteurs  prodigieuses ,  et  avec  un  fracas 
épouvantable.  Don  Francisco  Elisa  resta  à 
Noutka  pour  agrandir  et  pour  fortifier  l'éta- 
blissement que  Martinez  avoit  fondé  l'année 


»  Yo-^ei  mon  Recueild' Obsenations astrotioîniques , 
•oi,  1 ,  Liv.  I. 


1^ 


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ciiAPrTR,.:  vnr. 

■  .   ■     ..      '  "-  •^o  octobre  jrno     l'p 
»  etou  désistée  de  ses  nrétPn,-^    '        P'''"<^ 

porta    l'ordre   rV       ^"'^'"^  ^'"^"^"^- ,  ^jui 
1  iuiaie  a    Vancouver  Jp   ,..11 

J  exécution  de  ce  fr..^  '       >  ^'^^^'''  '^"^ 

»  «ne  époque  Où  PidaJ.o loit  79^  ' 

donner  un  second  élal.l;.  "^"P*^   * 

~-,  situé  sous  les  S: tTi::f"~ 

'  entrée  de  Juan  de  Fuc,  '''^ ''"""de ,  à 

L'expédition  du  cnpita/ne  Elis,  fut      •  • 
de  deux  autres ,  q„i    „„,..  r  '"'  ""'^'^ 

favaux    .-.stron;.»  "'ef"       "T'"'""'^'  '^'^^ 

'Jonué  lieu,  pour  ;r:;o;^""^^^ 

dont    elles    Lent  ".^r  te""'"™"'* 

-™paréesauxexpéditio:;'drc::rr 

Lapejrouse  et  de    Vancouver   Je  !    .  '  . 
^^oyage  de  l'illustre  .IW..;  ^J"  ^^  f '^«  ^" 
deceluii;utp,rr;«&,„,,'^;r;^^"'79..et 

Les  opérations   exécutées  Zm,  ''^" 

et  par  les  offî,.,»  •  ^      ^ua/aspiua 

P  ol/iciers  qu,  travaiUoient  soits  ses 


484  LIVRE    Ht  5 

ordres  ,  embrassent  une  étendue  de  cote 
immense,  depuis  l'embouchure  du  Rio  de  la 
Pluta  jusqu'à  l'entrée  du  prince  Guillaume: 
mais  cet  habile  na>i<,''aleur  est  devenu  encore 
pliis  célèbre  par  ses  malheurs  que  par  ses 
découvertes.  Après  avoir  parcouru  les  deux 
hémisphères ,  après  avoir  échappé  à  tous  les 
dangers  d'une  mer  orageuse  ,  il  en  a  trouvé 
de  plus  grands  <lans  une  cour  dont  la  faveur 
lui  est  devenue  funeste.  Victime  d'une  intrigue 
politique,  il  a  gémi  pendant  six  ans  dans  un 
cachot.  Le  gouvernement  françois  a  obtenu 
sa  liberté.  Alexandre  Mahispina  est  retourné 
dans  sa  patrie  :  c'est  là,  sur  les  bords  de  XAviio, 
qu'il  jouit  dans  la  solitude ,  des  profondes 
îjupressionsque  laissent  dans  une  Ame  sensible 
et  éprouvée  par  le  malheur,  la  contemplation 
de  la  nature ,  et  Tétude  de  l'homme  sous  les 
climats  divers. 

Les  travaux  de  Malaspina  sont  restés  en- 
sevelis dans  les  archives ,  non  parce  que  le 
gouvernement  redoutoit  de  voir  révéler  des 
secrets  qu'il  pou  voit  croire  utile  de  cacher , 
mais  parce  que  le  nom  de  cet  intrépide  na- 
vigateur de  voit  être  livré  à  un  oubli  éternel. 
Heureusement  la  direcliou  des  travaux  hj- 


1 


CHAPITRE    VIII. 


485 


drographiqiies  (  Dcposito  hiclro^vaficn  de 
Madri(l')  a  l'ait  jouir  le  piihlic  des  prînripiiix 
résultats  qu'ont  fournis  les  ohservnlions  asiro- 
noniiques  laites  pendant  le  eours  de  l'expé- 
dition de  3Ialaspina.  Les  caries  niarines  qui 
ont  paru  à  Madrid  depuis  l'année  i79<),  se 
fondent  en  grande  parlie  sur  ces  résultats 
iniportans;  mais  au  lieu  du  nom  du  chef, 
on  y  trouve  seulement  celui  des  corvettes, 
la  Dcscubierta  et  la  Atttviila ,  que  iMalaspina 
a  commandées. 

Son  expédition  %  qui  étoit  partie  de  Cadix 
le  5o  juillet  1789,  n'arriva  au  port  d'Aca- 
pulco  que  le  2  février  1791.  A  celte  époque 
la  cour  de  Madrid  hxa  de  nouveau  son 
attention  sur  un  objet  qui  avoit  été  débattu 
au  commencement  du  dix-septième  siècle, 
sur  le  soi-disant  détroit  par  lequel  Lorenzo 


!!« 


*  Ce  dépôt  a  été  établi  par  un  ordre  royal ,  le 
6  août  1  797. 

"  Extrait  d'un  journal  tenu  à  hord  de  la  A t  revida  , 
manuscrit  conservé  dans  les  archives  de  Mexico. 
(  Viage  de  la  Sutil ,  p.  i  i3-i  a"^.  )  M.  Malaspina ,  avant 
l'expédition  entreprise  en  1789,  avoit  déjà  fuit  le  tour 
du  globe,  dans  la  frégate  V Adirée j  destinée  pouï' 
Mauille. 


48(5  LIVRE    III, 

Ferrer  Maklon.'ulo  prétcndoit  avoir  passé  , 
en  jr)88,  des  eùles  du  Labrador  au  Cir;:iid 
Oecan.  Un  niénioiic  que  M.  Buaelic  \('uoit 
de  lire  à  l'Aradéniie  des  seienees ,  aM)il  Tait 
renaître  l'espoir  de  l'exislenee  de  ee  passa;^e. 
Les  eorA  elles  la  Deseul)ierla  el  l'Alrcvida 
reeurenl  l'urdre  de  s'élever  à  de  liaules 
latitudes  sur  la  eùle  nord-ouest  de  l'Amérique, 
et  d'examiner  tontes  les  passes  et  enirées  qui 
interrompaient  la  continuité  du  litloial entre 
les  58*^  el  Go"  de  latitude.  Malaspina  ,  ae- 
compagné  des  botanistes  liaL'nke  et  Née  / 
mit  à  la  voile  à  Acapuleo ,  le  i.*^  mai  de 
l'année  1791.  Après  trois  semaines  de  navi- 
gation, il  altéril  sur  le  cap  de  Sainl-Bartho- 
lomé  ,  qui  avoit  déjà  été  reconnu  en  1776 
par  Quadra  ;  en  1778,  par  Cook  ;  et  en 
1786  ,  par  Dixon.  Il  releva  la  côte,  depi  is  la 
montagne  de  San  Jacinto  ^  pièc.  A\\  cap 
Edgecumbe  (  Cabo  Encauo  ^  lat.  07*'  1  '  5o'') 
jusqu'à  l'île  Monlagu,  vis-à-vis  l'entrée  du 
Prince  Guillaume.  Pendant  le  cours  de  cette 
expédition,  la  longueur  du  pendule,  Tincli- 
naison  et  la  déclinaison  magnétiques  lurent 
déterminées  sur  plusieurs  points  de  la  côte. 
On  mesura  avec  beaucoup  de  soin  l'élévation 


f:iiAi>n!\i^  virr. 


l'V 


•■  / 


<los  inonla^mrs  de  Sl.-I^lic  et  du  Pxmm- Tnips 
(  C'crm  de  fincn  'DcntfX}  ,  ou  Mail  lit  l')iir- 
ivndt/icr)  ,  qui  sont  les  cimes  pi'iii('i|);iles  cliî 
la  (iordillère  (Ju  Noiixcau-iMoirolIv.  La  «on- 
noissanco  {\c  leur  liauleur  '  et  celle  «le  leur 
]»i>silion  ])euvent  être  d'un  ;^i'aii<l  secoiiis 
aux  na\i:^alenis ,  lorsque,  peiuLuil  d(\s  se- 
in;iines  eulirres  ,  le  niau\ais  leinps  les  eni- 
pèclie  d'obseiNer  le  soleil  ;  car  à  l.i  vue  de 
ces  pics,  à  So  ou  H)o  milles  de  distance ,  ils 
peuNcnt  fixer  le  lieu  de  leurs  vaisseaux-  j)ar 
de  simj)les  relèvcmens  ,  el  par  des  angles  de 
lia  u  leur. 

Après  avoir  clicrclié  inutilement  le  détroit 
indiqué  dans  la  relation  du  voya«^c  apocryphe 
de  Maldonado;  après  avoir  séjourné  au  port 
de  Mulgrave,  dans  la  baie  de  Bering"  (  lali- 
tude  69"  54.'  20'')  ,  Alexandre  3Ialaspina  lit 


*  L'expédition  do  M.nlaspina  trouva  la  liajiJ.^iir  du 
Mont  Sdhit-Elte  de  544 1  mètivs((î5o7,^i  vaiM  s);  rrllc 
di'  MouiiL  Fairi.v(>ather ,  de  4484)  m(  trrs  (5.'?^)8,.'5  varos)  : 
par  conséquent,  l'élévation  de  la  preiriière  tie  ces  deux 
montagnes  se  rapproche  de  celle  du  (^oiopaxi  ;  l'élé- 
vation de  la  seconde  égale  presque  celle  du  Mont  Rose. 
Voyez  T  I  ,  p.  28*?  y  et  ma  Géograp/iie  den  i^lauleH  , 
p.  i53,  édil.  in-*.". 


f 


488  LIVRE    III, 

roule  vers  Je  sud.  Il  monilla  an  port  de 
INcmlka,  le  i3  aoiit ,  sonda  Jcs  canaux  c[ui 
entourent  l'île  de  Yncnall ,  et  délenriina , 
par  des  ohservalions  purement  célestes,  les 
posilions  de  Noulka,  de  Monlerej,  de  l'île 
de  la  (Juadaloupe  ,  sur  li!(|uclle  le  galion 
des  J'iiilippines  {lu  J\  an  de  Cliiiia)  a  coutume 
d'atlérir ,  et  du  cap  San  Lucas.  La  corvette 
la  yïtiv\'i<hi  cxxXvA  à  Acapulco  ,  la  corvelte  la 
Descuhicrta  à  San  Blas ,  au  mois  d'octobre 
de  Tanuée  1791. 

Lue  campagne  de  cinq  mois  n'étoit  pas 
suffisante  sans  doute  pour  reconnoître  et 
pour  relever  une  cote  tlendue,  avec  ce  soin 
niinulieux  cjue  nous  admiions  dans  le  voyage 
de  Vancouver,  qui  a  duré  trois  ans.  Ce- 
pendant rexpt'dilion  de  Malaspina  a  un 
mérite  particulier  ,  qui  consiste  non-seule- 
ment d.ins  le  nombre  des  observations 
astronomiques,  mais  surtout  dans  la  méthode 
judicieuse  ([ui  a  été  eiiiplc>yée  pour  parvenir 
à  des  résultats  certains.  On  a  fixé  d'une 
manière  absolue  la  longitude  et  la  latitude 
de  quatre  points  de  la  cote,  du  cap  San 
Lucas,  de  i\ionlerey,  de  Noutka  et  du  port 
Mulgravç,  Les  points  intermédiaires  ont  été 


CHAPITRF,    VIII.  f\^Ç) 

rapportés  à  ces  points  fixf^s,  par  le  n>,»yon  de 
qu.ilro  niunhes  matines  cl'Arnoiild.  Celte 
njolliode,  employée  par  les  ol'iieiers  crii- 
banjnés  Kms  les  eor\eltes  de  31alaspina  , 
MM.  lisptnosa  y  Ccvallits  vX  fcrudci  y  est 
bien  préférable  aux  correolions  partielles 
que  l'on  se  permet  de  faire  aux  longiliittv?s 
clironomélri(piesparles  résultats  de  distances 
lunaires. 

A  peine  le    célèbre  Malaspina   fut-il  de 
retour  sur  les  cotes  du  Mexique  ,   que  mé- 
content de  n'avoir  pas  vu  «l'assez  près  la  cote 
qui  s'étend  depuis  l'île  de  Noulka  jusqu'au 
cap    Mendocino  ,    il    engagea  le    vice  -  roi 
comte    de    Re^illagigedo    à   préparer    une 
nou\elle  expédition  de  découvertes  vers  la 
cote  du  nord-ouest  de  l'Amérique.  Le  vice- 
roi  ,  doué  d'un  esprit  actif  et  entreprenant, 
céd.1    d'autant  ])lus    facilement   à   ce  désir, 
que  de  nouveaux  ronseignemens  donnés  par 
des  officiers  stationnés  à  Noulka  senddoient 
rendre  prob.ible  l'existence  d'un  canal  dont 
on  altrihuoit    la  découverte  au  pilote  gtec 
Juan    de    Fuca  ,    depuis  la   fin  du  seizième 
siècle.  Eu  effet,    M.irtiuez,    en   177^,  avoit 
reconnu  une  entrée  très-large  sous  les  Ifi"^  20' 


/|90  LIVRE    III, 

de  latilirclcLc  pilole  delà  gocletle  Ccrtiudis, 
renseigne  Don  Manuel  Quimper,  ([ui  com- 
mandoit  la  bélandre  la  Princesse  Royale , 
et,  en  1791  ,  le  capitaine  Tllisa ,  a  voient 
visité  siiccessivenienL  celle  enliée  ;  ils  y 
avoient  nicnic  décou^erl  des  ports  surs  et 
spacieux,  (l'éloil  pour  aclicver  celle  recon- 
iioissance  ,  que  sortirent  d'Acapiilco,  le  8 
mars  1 792  ,  les  g-oclctles  S  util  et  Mexicana  , 
coinmandces  par  Don  Dionisio  Galiano,  et 
Don  Cayelano  Valdès. 

Ces  astronomes  hahiles  et  expérimentes  , 
accompagnés  de  MM.  Salamanca  et  Vernaci, 
firent  le  tour  de  la  grande  île  qui  porte  au- 
jourd'hui le  nom  de  Quadra  et  Vancouver, 
et  ils  employèrent  quatre  mois  à  cette  navi- 
gation pénible  et  dangereuse.  Après  avoir 
passé  le  détroit  de  Fuca  et  celui  de  Haro  , 
ils  rencontrèrent ,  dans  le  canal  du  Rosario , 
appelé  par  les  Anglois  le  golfe  de  Géor- 
gie, les  navigateurs  anglois  Vancouver  et 
BrougJitoji  y  occupés  des  mêmes  leclierches 
qui  étoient  le  but  de  leur  voyage.  Les  deux 
expéditions  se  communiquèrent  sans  réserve 
les  résultais  de  leurs  travaux;  elles  seii- 
tr'aidèrent    mutuellement   dans  leurs    opé- 


CHAPITRE    VIII.  49^ 

Talions,  et  il  subsista  enlr'elles,  jusqu'au 
moment  de  leur  scpaialion  ,  une  bonne 
iiilelligence  et  une  harmonie  parfaite  ,  dont 
les  astronomes,  à  une  autre  époque ,  n'avoient 
pas  donné  Texeuiple  sur  le  dos  des  Cor- 
dillères. 

Galiano  et  Yaldès,  dans  leur  retour  ^c 
NoutkaàMonlerey,  reconnurent  de  nouveau 
l'entrée  de  la  Ascencmn  ,  que  Don  Bruno 
Ecetn  avoit  découverte  le  17  août  iJJ^^  t  t*t 
que  l'iiabile  navi«^ateur  américain,  M.  Cray, 
avoit  nommée  la  rivière  de  Golond)ia,  d'après 
le  nom  du  sloop  qu'il  coinmandoit.  Celle 
reconnoissanccétoit  d'autant  plusinq)ortanle, 
que  Vancouver  ,  qui  avoit  ^.déjà  suivi  celte 
côte  de  très-près ,  n'avoit  pu  apercevoir  au- 
cune entrée  depuis  les  4'^**  de  latitude  jusqu'au 
canal  de  Fuca,  et  que  ce  savant  naviij;ateur 
doutoit  même  alors  de  l'existence  du  llio 
de  Colond^ia  ',   ou  de  VEntrada  de  Eceta, 


*  J'ai  tlcjà  parlé  plus  haut  (T.  I ,  p.  229)  de  la 
facilité  qu'auroicnl  les  Européens  de  fonder  une 
colonie  sur  les  rives  fertiles  du  ileuve  Colorabia  ,  et 
des  douies  qu'on  a  élevés  contre  l'identité  de  ee  fleuve 
et  du  Ïacoutché-Tessé,  ou  Orègan  de  Mackenzie -, 
j'ignore  si  cet  Orégan  enlre  dans  im  des  grands  lac* 


492  LIVBE    III, 

Dès  l'année  1 797,  le  gouvernement  espagnol 
ordonna  qne  les  cartes  dressées  dans  le  conrs 
de  l'expédition  de  MM.  Galiano  et  Yaldès 
fussent  publiées  ,  «  afin  qu'elles  pussent  être 
«  entre  les  mains  du  public  avant  celles  de 


sales  que ,  d'après  les  rrnseîgnemens  donnés  par  le 
père  Escalante,  j'ai  figuics  sur  ma  carte  du  Mexique  , 
sous  les  39"  et  4i°  de  latitude.  Je  ne  décide  pas  si 
l'Orégaa ,  semblable  à  plusieurs  grandes  rivières  de 
l'Amérique  mériilionale  ,  se  fraye  un  passage  à  travers 
une  cliaînr  de  monlagnc^s  élevées,  et  si  son  embou- 
cbure  se  trouve  dans  une  des  anses  peu  connues  qui 
existent  cuire  le  port  de  la  Bodega  et  le  Cap  Orford  i 
mais  j'aurois  désiré  qu'un  géograplie  ,<railleurs  savant 
et  judicieux,  n'eût  pas  tenté  de  rcconnoître  le  nom 
d'Orégan  dans  celui  d'Origcu  ,  qu'il  croit  désigner  un 
fleuve  sur  la  carte  du  Mexique  publiée  par  Don  An- 
tonio Alzate.  (  Géographie  Tnaihématique  ^  physique  et 
politique ,  Vol.  XV ,p.  iiGetiiy.)  Il  a  confondu  le 
mol  espagnol  origen^  source  ou  principe  d'une  cliose, 
avec  le  mot  indien  origan.  La  carte  d'Alzate  ne 
marque  que  le  Rio  Colorado,  qui  reçoit  les  eaux  du  Rio 
Gila.  Près  de  la  jonction ,  ou  lit  les  mots  suivans  :  Rio 
Colorado  ,  6  del  Aorte  ,  cuyo  origen  se  igjiora ,  dont 
on  ignore  l'origine.  La  négligence  avec  laquelle  ces 
mots  espagnols  sont  divisés  (on  a  gravé  INortecuio  et 
Siiignora  )  est  sans  doute  la  cause  d'une  méprise  aussi 
extraordinaire. 


ssm 


n 


m 


CHAPITRE    VIII.  49'^ 

«   Vancouver.  »  Cette  publication  n'a  eu  lieu 
cepeiRlant  qu'en    1802  ,    et  les  gco;^a\q)hes 
jouissent  aujourd'hui  Je  l'avantage  de  pouvoir 
comparer  les  cartes  de  Vancouver ,  celles  des 
navigateurs  espagnols,  rédijj'ées  par  le  /Ja- 
posilo  Jiidrnqrajlcn    de  Madrid  ,  et   la  carte 
russe,   publiée  à  Pétersbourg  en    1802,  au 
dépôt  des  cartes  de  l'empereur.  Cette   com- 
paraison est  d'autant  plus  nécessaire,  tpie  les 
mêmes  caps,  les  mêmes  passes  et  les  mêmes 
îlots  portent  souvent   trois  et  quatre  noms 
dilTérens,  et  que  la  synonymie  géographique 
est  devenue  par   là  aussi  confuse  que   Test , 
par  une  cause  analogue ,  la  synonymie  des 
plantes  cryptogames. 

A  la  même  époque  à  laquelle  les  goélettes 
Sutll  et  Mexicaiia  étoient  occupées  à  exa- 
miner dans  le  plus  grand  détail  le  littoral 
contenu  entre  les  parallèles  des  45"  et  51*^», 
le  vice-roi  comte  de  Revillagigedo  destina 
une  autre  expédition  pour  des  latitudes  plus 
élevées.  On  avoit  cherché  inutilement  l'em- 
bouchure de  la  rivière  de  Martin  de  Aguilury 
dans  les  environs  du  cap  Ortbrd  et  du  ca[> 
Gregory.  Alexandre  Malaspina ,  au  lieu  du 
fameux  canal  de  Maldonado  y  u'avoit  trouvé 


{:!  ! 


49  j  LTV  RE    III, 

que  des  cuh-(h;-sac  ou  des  impasses,  Galiano 
et  Yaldès  s'éloient  assurés  que  l'entrée  de 
Fuca  n'étoit  qu'un  bras  de  mer  qui  sépare 
une  île  de  plus  de  1700  lieues  carrées  ',  celle 
de  Quadra  et  Vancouver ,  de  la  cole  mon- 
tueuse  de  la  Nouvelle  ~  Géorgie.  Il  restoit 
encore  des  doutes  sur  l'exislence  du  détroit 
dont  la  découverte  a  été  attril^uée  à  l'amiral 
Fuentes  ou  Fonte  y  et  que  l'on  supposoit  se 
trouver  sous  les  53"  de  latitude.  Gook  avoit 
regretté  de  n'avoir  pu  examiner  celte  partie 
du  continent  de  la  Nouvelle-Hanovre ,  et  les 
assertions  d'un  habile  navigateur ,  du  c.pi- 
taine  Colnet ,  rendoient  probable  que  la 
continuité  de  la  cote  étoit  interrompue  dans 
ces  parages.  C'est  pour  résoudre  un  pro- 
blème aussi  important,  que  le  vice-roi  de  la 
Nouvelle-Espagne  donna  ordre  au  lieutenant 
de  vaisseau  Don  Jacinto  Caamano  y  com- 
mandant la  frégate  l'Aranzazu,  d'examiner 
avec  le  plus  grand  soin  le  littoral  qui  s'étend 

*  L'c'temlue  de  Vile  de  Quadra  et  Vancouver  ^ 
calculée  d'après  les  caries  de  Vancouver  ,  est  de 
i73o  lieues  carrées,  de  25  au  degré  sexagésimal. 
C'est  Tile  la  plus  grande  que  l'on  Iroiiye  sur  ce* 
côtes  occidentales  de  rAuiérifjue. 


«^ 


CHAPITFvE    VIII. 


/i 


W' 


depuis  les  51^'  jusqu'aux  5(W  de  lalilude 
boréale.  M.  Caauiano ,  que  j'ai  eu  le  plaisir 
de  voir  sou\enl  à  3Iexieo  ,  mit  à  la  \oile  au 
port  de  San  Blas  ,  le  20  mars  1792  ;  il  lit  uue 
campagne  de  six  mois.  11  reconnut  scrupu- 
leusement la  partie  septentrionale  de  l'île  de 
la  reine  Charlotte  .  la  cote  australe  de  l'île 
du  Prince  de  Galles ,  qu'il  appela  Isia  de 
Ulloa  y  les  îles  de  Revillagi;^^edo ,  de  Banks 
(ou  delix  Cil  la  fnùlad)  et  d'Aristizabal,  et  la 
grande  entrée  (  Inict  )  de  Monino  ,  qui  a 
son  embouchure  vis-à-vis  l'Archipel  de  Pitt. 
Le  nombre  considérable  de  dénominations 
espagnoles  que  Vancouver  a  conservé  dans 
ses  cartes,  prouve  que  les  expéditions  dont 
nous  venons  de  donner  le  précis  ,  n'ont  pas 
peu  contribué  à  l'aire  connoître  une  côte  qui , 
depuis  les  4  6^  de  latitude  jusqu'au  cap  Douglas, 
à  l'est  de  l'entrée  de  Cook,  se  trouve  aujour- 
d'hui plus  exactement  relevée  que  la  plupart 
des  cotes  de  l'Europe. 

Jô  me  suis  borné  à  réunir  à  la  fin  de  ce 
chapitre  toutes  les  notices  que  j'ai  pu  me 
procurer  sur  les  voyages  que  les  Espagnols 
ont  laits  depuis  Tannée  i545  jusqu'à  nos 
jours,  vers  les  côtes  occidentales  de  la  iXou- 


49^  LtVÎ\E    lîT, 

vt'lle-Espogne ,  au  nord  de  la  NouvelIe-CiiU- 
fornie.  La  réunion  de  ces  matériiiux  m'a 
paru  nécessaire  dans  un  ouvrage  qui  embrasse 
tout  ce  qui  a  rapj)ort  aux  relations  politiques 
et  commerciales  du  Mexique. 

Les  géographes,  qui  se  Latent  départager 
le  monde  pour  faciliter  l'étude  de  leur  science, 
distinguent  sur  la  côte  nord-ouest  une  partie 
angloise,  une  partie  espagnole  et  neutre,  et 
une  partie  russe.  Ces  divisions  ont  été  laites 
sans  consulter  les  chefs  des  di\  erses  tribus  qui 
habitent  ces  contrées.  Si  les  cérémonies  pué- 
riles que  les  Européens  nomment  des  prises 
de  possession  ;  si  les  observations  astrono- 
miques faites  sur  une  côte  récemment  dé- 
couverte ,  pouvoient  donner  des  droits  de 
propriélé,  cette  portion  du  nouveau  continent 
seroit  singulièrement  morcelée,  et  répartie 
entre  les  Espagnols ,  les  Anglois,  les  Russes, 
les  François  et  les  Américains  des  Etats-Unis. 
Un  même  îlot  lomberoit  quelquefois  en  par- 
tage à  deux  ou  trois  nations  à  la  fois ,  parce 
que  chacune  pourroit  prouver  eîi  avoir  dé- 
couvert un  cap  différent.  La  grande  sinuosité 
que  forme  la  cote  entre  les  parallèles  de  55<> 
et  de  60^  ,  embrasse  des  découvertes  faites 


CHAPITP.E    VIIT.  /|Qy 

successivement  par  Gali  ,  Bering  et  Tsclii- 
rikow,  Quadra ,  Gook  ,  Lapeyrouse  ,  Malas- 
pina  et  V  ancouver. 

Aucune  nation  européenne  n'a  formé  jus- 
qu'ici un  établissement  stable  sur  l'immense 
étendue  de  côtes  qui  se  prolonge  depuis  le 
cap  Mendocino  jusqu'aux   6cf^  de  latitude. 
Au  delà  de  cette  limite  commencent  les  facto- 
reries russes  ,  dont  la  plupart  sont  éparses  et 
éloignées   les  unes  des  autres,    comme  les 
factoreries  que  les  nations  européennes  ont 
établies   depuis    trois  siècles   sur   les    cotes 
d'Afrique.  La  plupart  de  ces  petites  colonies 
russes  ne  communiquent  ensemble  que  par 
mer,  et  les  nouvelles  dénominations  d'^we'- 
rique  russe  ou  de  possessions  russes  dans  le 
nouveau  continent  y  ne  doivent  pas  nous  porter 
à  croire  que  la  côte  du  bassin  de  Bering ,  la 
presqu'île  Alaska  ,  ou  le  pays  des  T'schu- 
gatschiy  sont  devenues  des  provinces  russes , 
dans  le  sens  que  l'on  donne  à  ce  mot  en  par- 
lant des  provinces  espagnoles  de  la  Sonora  ou 
de  la  Nouvelle-Biscaye. 

La  côte  occidentale  de  l'Amérique  présente 
l'exemple  unique  d'un  littoral  de  1900  lieues 
de  longueur ,  habité  par  un  même  peuple 


II. 


32 


4(j8  LTVT.K    ITt, 

cnropc'on.  LcsEspa«^nols,  comme nousTavons 
indicjuc  jiii  commencement  de  cet  ouvrage  ' , 
ont  forme';  des  élablissemcns  depuis  le  fort 
Maullin,  au  Chili,  jusqu'à  Saint -François, 
dans  la  Nouvelle  -  Californie.  Au  nord  du 
pandlèle  de  38"  suivent  des  tnl)us  d'Indiens 
indépendans.  Il  est  probable  que  ces  tribus 
seront  subju<^uées  peu  à  peu  parles  colons 
russes,  qui,  depuis  la  fin  du  dernier  siècle, 
de  l'extrémité  orientale  de  l'Asie  ,  ont  passé 
au  continent  de  l'Amérique.  Les  progrès  de 
ces  Russes -Sibériens  vers  le  sud,  'doivent 
naturellement  être  plus  rapides  que  ceux  que 
font  les  Espagnols-Mexicains  vers  le  nord.  Un 
peuple  chasseur,  accoutumé  à  vivre  sous  un  ciel 
brumeux,  dans  un  climat  excessivement  froid, 
trouve  agréable  la  température  qui  règne 
sur  la  côte  de  la  Nouvelle-Cornouaille.  Cette 
même  cote ,  au  contraire  ,  paroît  un  pays 
inhabitable,  une  région  polaire ,  aux  colons 
qui  viennent  d'un  climat  tempéré,  des  plaines 
fertiles  et  délicieuses  de  la  Sonera  et  de  la 
Nouvelle-Californie. 

Le  gouvernement  espagnol,  depuis  1788, 


Voyez  T.  I,  p.  210. 


n 


CTIAPlTRn    VITI.  /|r)g 

n  niarqiK'  de  riiKjiiic'liidL'  sur  l'jipparitiîm  dos 
Jiiisses  sur  les  rôles  du  nord-ouesl  du  nouveau 
continent.  Gonsidt'rant  tonte  nalion  euro- 
péenne eojnme  un  voisin  dangereux,  il  a  (ait 
explorer  la  situation  des  faeloreiies  russes.  La 
crainte  aeessédès  que  l'on  a  su  à  3Iadri(l  que 
ces  factoreries  ne  s'élcndoicnl  pas ,  \cvs  Test, 
au  delà  de  Vcf.'f/vc  de  Cook,  Loisqu'en  1799, 
l'empereur  Paul  déclara  la  t>ueri'e  à  l'Espagne, 
on  s'occupa  pendant  quelque  tenqis,  au 
Mexiijue ,  du  projet  hardi  de  préparer,  dans 
les  ports  de  San  î3las  et  de  Montere)  ,  une 
expédition  maritime  contre  les  colonies  russes 
en  Amérique.  Si  ce  projet  avoit  été  exécuté, 
on  auroit  vu  aux  piises  deux  nations  qui, 
occupant  les  extrémités  opposées  de  l'Jilurope, 
se  trouvent  rapprochées  dans  l'autre  hémi- 
sphère, sur  les  limites  orientales  et  occidentales 
de  leurs  vastes  empires. 

L'intervalle  qui  sépare  ces  limites  devient 
progressivement  plus  petit;  et  il  est  de  l'in- 
térêt politique  de  la  A ouvel le- Espagne,  de 
connoître  exactement  le  parallèle  jusqu 'auquel 
la  nation  russe  est  déjà  avancée  à  l'est  et  au 
sud.  Un  manuscrit  qui  existe  aTix  archives  de 
la  vice-royauté  à  Mexico  ,  et  que  j'ai  cité  plus 

32* 


OT 


/jOO  IJVRE    III, 

liaiil,  ne  m'a  donné  que  des  notions  vn^iics  cl 
iuconiplèlc'S.  Il  dccrit  J'élat  des  élablisscnicns 
Hisses  tels  qu'ils  ctoient  il  y  a  vingt  ans. 
M.  Malte-Brnn  ,  dans  sa  Céo<^rapliie  iniiver- 
selle,  a  donné  un  ailiele  intéiessant  sur  la 
cote  du  nord-ouest  de  l'Amérique  :  il  a  fait 
connoîlre  le  premier  la  relation  du  voyage  de 
Billings  ' ,  publiée  par  M.  SarytscJiew  y  et  qui 
est  prélérable  à  celle  de  M.  Saiier.  Je  me 
llatte  de  pouvoir  donner  ,  d'après  des  rensei- 
gnemens  très-récens ,  et  tirés  d'une  pièce 
officielle  %  la  position  des  factoreries  russes, 


qn 
de 
d'e 


'  Account  of  the  geographical  and  ostronomical 
expédition  uiidertaken  for  explorhig  the  coast  of  the 
Jvy  sea ,  the  land  of  the  Tshiitakl ,  and  the  ialandt; 
ùetufeen  Asia  and  Arm^rwa ,  under  the  conirnand  of 
t'upiain  Billiugs ,  beti.çeen  the  years  1786  aini  I7y4. 
By  Martin  Sauer ,  secretary  to  the  expédition.  — 
PutetcheHtwie  jlota-hapitana  SarytscJiet-ra  po  sere- 
rou?ostochnoi  tschaMi  Sibiri  ,  ledoit^itaira  niora ,  i 
trostochnos^o  okeana.   i8o4. 

^  Carte  des  découuertcfi  fûtes  successivement  par  des 
tiauigateiirs  russes  dans  l'Océan  Pacifique  et  dans  la 
mer  Glaciale,  corrigée  d'aj^rè h  lt\s  ohseri^ations  astro- 
nomiques les  plus  récentes  de  plusieurs  navigateurs 
étrangers ,  gravée  au  dépôt  des  cartes  de  sa  majesté 
l'empereur  de  toutes  les  Russies ,  en  1802.  Cette  bclU 


i 


il  w. 


c:ii\prmK   vu  t. 


:)()! 


qui ,  pour  lîipliiparl,  ne  sont  qno  (Icsrcnnions 
do  han<;j)rs  el  do  cahanos ,  mais  qui  sorvont 
d*enlrc|)ùls  pour  lo  coniMiercc  dos  lonmiros. 
Sur  la  oolo  la  ])Ius  rapproclice  de  l'Asie ,  le 
long  du  canal  de  Bcrinf»-,  on  trouve  ,  depuis 
les  67"  jusqu'aux  64"  10'  de  latitude  ,  sous  les 
parallèles  de  la  La])onie  et  de  ITsIande  ,  un 
fçrand  noudjre  de  cabanes,  frcqutmtéos  par 
les  chasseurs  sibériens.  Les  principaux  p(^ste5, 
en  les  comptant  du  noi'd  au  sud  ,  sont  : 
Kii^iltacJiy  Lc^lelacJitoly  Tiif^utcn,  Netschichf 
TcJuncs^riun  ,  Chibalccli ,  Topar,  Pinfcpata , 
Àgulicliariy  C']iavant\  et  Ni/gniny  près  du  cap 
Rodni  (cap  du  Parent).  Ces  habitations  des 
naturels  de  r^/we/'/V/?/^?  russe  ne  sont  éloignées 
que  de  trente  à  quarante  lieues  '  des  huttes 

carte ,  que  je  dois  à  l'obligeante  bonté  tle  M.  de  Saut- 
jéignan,  a  i"'-,23i  tle  long,  et  o'"*. 7122  de  large ,  ft 
embrasse  l'étendue  de  côtes  et  de  mers  comprise 
entre  les  4o*  et  72**  de  latitude,  et  1<  s  12.)**  et  224"* 
de  longitude  occidentale  de  Paris.  Les  noms  sont 
écrits  en  caractères  russes. 

*  Comme  il  est  plus  que  probable  que  des  peuplades 
asiatiques  et  américaines  ont  passé  l'Oct'an  ,  il  est 
curieux  d'examiner  la  largeur  du  bras  de  mer  qui 
sépare  les  deux  continens  sous  les  f)5"  5o'  de  latitu<lti 
boréale.  D'uprès  ks  découvertes  les  plus  récente*.. 


f  1 


5o:î 


LIVRE    ut 


des  Ti'lioiilskis  do  V .isic  russe.  Le  dôh'oîl  de 
Bel'ill«,^  qui  les  sépare,  esl  rempli  «rilotsdéseils^ 
dont  le  plus  seplenlriondl  s'i»p[)elle  Iuiii«^lin. 

faites  par  des  navigateurs  russrs  ^  l'Auiériqur  est,  plus 
que  partout  ailleurs,  rapprochre  tic  la  Sibérie,  sur  une 
ligne  qui  traverse  lu  détroit  de  Bering  dans  une  direc- 
tion du  sud-est  au  nord-ouest ,  du  vnp  du  Prince  do 
CalU'H  au  cap  Tsclioukotahoy .  La  distance  de  ces  deux 
caps  est  de  44'  en  arc ,  ou  de  i8  —  lieues,  de   25  au 
degré.  L'île  d'Imaglin  se  trouve  presque  au  milieu  du 
canal  j  elle  est  d'un  cinquième  plus  rapprochée  du 
cap  d'Asie.   II  paroît  d'ailleurs  que,  pour  concevoir 
comment  des  tribus  asiatiques  fixées  sur  le  plateau 
de  la  Tartarie  chinoise  ont  pu  passer  de  l'ancien  au 
nouveau  continent ,  on  n'a   pas  besoin  de  recourir  à 
une  transmigration  faite  à  des  latitudes  aussi  élevées. 
Une  chaîne  d'ilols  voisins  les  uns  des  autres,  se  pro- 
longe de  la  Corée  et  du  Japon  au  cap  méridional  de  la 
presqu'île  de  Kamtschalka  ,  entre  les  33*  et  les  ^x"  de 
latitude.  La  grande  ilc  de  Tchoka  ,  réunie  au  conti- 
nent par  un  immense  banc  de  sable  (sous  les  v5a**  de 
latitude),  facilite  la  communication  entre  les  bouches 
de   l'Amour   et  les  îles  Kuriles.   Un  autre  archipel 
d'îlots  ,  que  ferme  au  sud  le  grand  bassin  de  Bering  , 
s'avance  depuis  la  presqu'île  Al.ista  ,  4oo  lieues  vers 
l'ouest.  La  plus  occidentale  des  îles  Aleutienncs  n'est 
éloignée  de  la  côte  orientale  de  Kamtschalka  que  de 
i44  lieues  ,  et  cctle  distance  est  encore  divisée  en  deux 
parties  presque  égales  par  les  îles. Bering  et  Mednoi, 


1 


CHAiMnii:  Mil.  50.3 

lA'xlrcinilô  noid-osi  de  I  \sit*  roriiic  imo 
presquilo  qui  ne  lit'iil  à  hi  grande  lUitssc  du 
conlincMt  qyw.  |);ir  iiii  isdimo  liiuil  ciilic  los 
(Iciix  jjullcs  Alilsclii<'MM'ii  l'I  Kidlsrliiii.  Lu  c'ohî 
asiali((n(.'  ([ui  hoidc  lo  (hlroil  de  Imi  iii;^  os|, 
ha!)iu''c  par  un  ;^raiid  nombre  do  niainniirciis 
tvlac'(!'S.GVslsnr  celle  ('olc(jn(vlos'l\lionL>>kis, 
qui  \iveiit  dans  nne  ;;nene  eonlinuelle  iwt'c 
les  Aniérieains,  onl  des  liahitalions  réunies: 
leurs  petits  villa^^es  s'ajipcilenl  iSnlmn ,  Tni^tt- 
lan  et  Tsckii^in. 

En  suivant  la  rote  du  eontincnt  de  1'  Vnié- 

situées  sous  les  55"  tle   lullUidc.    Cf.t  exposé  rupidtî 
prouve  sulljsutuiiient  que  tics  Irlhus  asiatiques  ont  pu 
parvenir,  d'îlot  eu  îlot ,  d'un  rouiiiienl  à  raiilie  ,  fians 
s'élewr,  fiur  le  continent  de  l'jlsi,  ,  ou  delà  du  iHirulU  !o 
</es  55"  ,  sans  tourner  la  mer  d Ochotsk  à  l'ouest,    <t 
sans  faire  au  large  un  ir.tjct  de  plus  de  vin}^l-qualr«'  ou 
de  trente-six  heures.  Les  vents  nord-ouest ,  cjui  ,  j»  u- 
dant  une  grande  partie  de  Tannée  ,  .souilieul  daiii>  ca 
parages  ,  favorisent  la  navigation  d'Asii:  vn  Aiiiciiqur  , 
entre  les  oo"  et  Go"  de  latitude    11  ne  s'agit  ])oinl  dans 
cette  note  d'étahlir   de    nouvelles   liypolhè'sts  lii.ito- 
riques ,    ou  de   diseuU-r  e^elK'S   tjue    ion    a   r<b.tnu<s 
depuis  ([uarante  ans;  on  se  contente  d'avoir  présenté 
des  notions  exactes  sur  lu  proximité  dis  ùcui^  cou- 
tincr.s. 


5o4  LIVRE    III, 

rique,  depuis  le  cap  Rodni,  et  Tentrée  de 
Norton  jusqu'au  cap  Malowodnoy  (  cap  à 
peu  d'eau) ,  on  ne  trouve  aucun  établissement 
russe  ;  mais  les  naturels  ont  un  grand  nombre 
de  cabanes  réunies  sur  le  littoral  qui  s'étend 
entre  les  63*»  20'  et  60*»  5'  de  latitude.  Les 
plus  septentrionales  de  leurs  habitations  sont  : 
jégibaniach  et  Chaliniagnii',  les  plus  méri- 
dionales, Kuynegach  et  Kuymin, 

La  baie  de  Bristol ,  au  nord  de  la  presqu'île 
Alaska  (  ou  Aliaska  ) ,  est  appelée  ,  par  les 
Russes,  le  golfe  Kaniischezkaiu.  Ils  ne  con- 
servent en  général  sur  leurs  cartes  aucun  des 
noms  anglois  imposés  par  le  capitaine  Cook 
et  par  Vancouver ,  au  nord  des  55»  de  latitude. 
Ils  préfèrent  même  ne  pas  donner  de  noms 
aux  deux  grandes  îles  dans  lesquelles  se 
trouvent  le  pic  Truhizin  (  Mount  Edgecumbe 
de  Vancouver,  Cerro  de  San  Jacinlho  de 
Quadra)  et  le  cap  7TvcAim;r//' (  cap  San  Bar- 
tholomè),  plutôt  que  d'adopter  les  dénomi- 
nations ai  Archipel  du  roi  George  et  Archipel 
du  prince  de  Galles. 

La  côte  qui  s'étend  depuis  le  golfe  Kamis- 
cliezkaja  jusqu'à  la  Nouvelle-Cornouaille ,  est 
kabitée  par  cinq  peuplades  qui  foniient  autant 


n 


CHAPITRE    \ni. 


5oj 


cîe  grandes  divisions  territoriales  dans  les 
colonies  de  la  Russie  américaine.  Leurs  noms 
sont  :  Koniagi  j  Kenajzi ,  Tschugatschi , 
UgalachmiuticiKoUugi. 

A  la  division  Koniagi  appartient  la  partie 
la  plus  septentrionale  de  l'Alaska,  et  l'île  de 
Kodiak ,  que  les  Russes  appellent  vulgaire- 
ment Kiclitak y  quoique,  dans  la  langue  des» 
naturels ,  le  mot  Kightak  ne  désigne  en 
général  qu'une  île.  Un  grand  lac  intérieur,  de 
pi  ïis  de  26  lieues  de  long  et  1 2  de  large,  commu- 
nique par  la  rivière  d'Igtschiagik  avec  la  baie 
de  Bristol.  Il  y  a  deux  forts  et  plusieurs  facto- 
reries sur  l'île  Kodiak  (  Kadiak  )  et  les  petites 
îles  adjacentes.  Les  forts  établis  par  Sclielikoff 
portent  le  iiorn  de  Karluk  et  des  Irais 
Sanctificateurs.  M.Malte-Brun  rapporte  que, 
d'après  les  dernières  nouvelles,  l'archipel 
Kichtak  étoit  destiné  à  renfermer  le  chef-lieu 
de  tous  les  établissemens  russes.  Sarytschevv 
assure  qu'il  existe  à  l'île  d'Umanak  (Umnak) , 
un  évêque  et  un  monastère  russes.  J'ignore  si 
on  les  a  établis  autre  part ,  car  la  carte  pubhée 
en  1802  n'indique  aucune  factorerie  ,  ni  à 
Umnak  ,  nia  Unimak,  ni  à  Unalaschka.  J'ai  lu 
cependant  à  3îcxico,  dans  le  jounud manuscrit 


I      il 


I  • 


£o6 


LIVRE    m 


du  voyage  de  Martinez,  que  les  Espagnols  trou- 
vèrent en  1 788,  à  l'ile  de  Unalaschka,  plusieurs 
maisons  russes  et  une  centaine  de  petites 
embarcations.  Les  naturels  de  la  péninsule 
Alaska  se  nomment  eux-mêmes  les  hommes  de 
r Orient  (Kagataya-Koung'ns). 

Les  Kenajzi  habitent  la  côte  occidentale 
de  l'entrée  de  Cook  ou  du  golfe  Kenayskaja. 
La  factorerie  Rada,  visitée  par  Vancouver , 
y  est  située  sous  les  Gi*'  8'.  Le  gouverneur 
de  l'île  de  Kodiak ,  le  Grec  Iwanitsch  Delareff, 
assura  à  M.Sauer ,  qnc ,  malgré  la  rudesse  du 
climat ,  le  blé  viendroit  bien  snr  les  bords  de 
la  rivière  de  Cook.  Il  avoit  introduit  la  culture 
des  choux  et  de  la  pomme  de  terre  dans  les 
jardins  formés  à  Kodiak. 

Les  Tschiigatschi  occupent  le  pays  qui 
s'étend  depuis  l'extrémité  septentrionale  de 
l'entrée  de  Cook  jusqu'à  l'est  de  la  baie  du 
prince  Guillaume  (  golfe  ïschugatskaja).  il  y 
a  dans  ce  district  plusieurs  factoreries  et  trois 
petites  for'.eresses  :  le  fort  d'Alexandre ,  cons- 
truit près  du  port  Chatham,  et  les  forts  des 
îles  Tuk  (L  Green  de  Vancouver)  et  Tchalchi 
(L  Hinchiid^rook  ). 

Les  igalachmiuti^^ciQnàQïii  depuis  le  golfe 


.■.V 


i.ji<B*iHkiiiÉia 


CHAPITRE    VIIÎ. 


5o7 


$ 


-S- 


du  prince  Guillaume  jusqu'à  la  If  die  de  Jahutat, 
que  Vancouver  appelle  la  baie  de  Bering  '. 
Près  du  cap  Suckling  (  cap  Élie  des  Russes) , 
se  trouve  la  f'aclorerie  de  8.-Sinion.  Il  paroît 
que  la  chaîne  ceulrale  des  (Jurdillères  duNou- 
veau-Norfolk  est  considérablement  éloignée 
de  la  cote  depuis  le  pic  de  S.-lClie  ;  car  les 
naturels  ont  appris  à  M.  Barrow  ,  qui  a 
remonté  le  fleuve  Mednaja  (rivière  de  cuivre) , 
à  une  distance  de  cinq  cents  wevst  (  1 20  lieues), 
qu'il  n'a ttein droit  la  haute  chaîne  des  monta- 
gnes qu'à  deux  journées  de  cheinin  au  nord. 
Les  Koliiigi  habitent  le  ])ays  montueux  du 
Nouveau-Norfolk  et  la  partie  septentrionale 
delà  Nouvellc-Cornouaille.  Les  Russes  mar- 
quent sur  leurs    cartes    la    baie    Burrough 

'  Il  ne  faut  pas  confondre  la  baie  Je  B(^ring  de 
Vancouver  ,  sliuée  au  pied  de  la  monléigne  Saint- 
Elie ,  avec  la  baie  de  Bering  des  caries  espagnoles  , 
qui  se  trouve  près  de  la  montagne  de  Fairwe:  Ver 
(  Nevado  de  Buenlimpo  ).  Sans  une  connoi^sance 
xacte  de  la  synonymie  géograpbique,  les  ouvrages 
Oi,pagnols,  anglois,  russes  et  françois  qui  traitent  de 
la  côte  du  nord  -  ouest  de  l'Amérique  deviennent 
presque  ininloUigibles  ,  et  ce  n'ost  que  par  une  com- 
paraison miiuilicusc  des  cartes  que  cette  synonymie 
poLit  èlrc  lixJc. 


5o8 


LIVRi:    III 


(lat.  55**  00')    vis-à-vis  l'île  Revillagigedo 
de  Vancouver  (  Isla  de   Gravina  des   ••aîles 
espajj'noles),  coiniiie  la  limite  la  plus  australe 
et  la  plus  orientale  de  réleiidue  de  pays  dont 
ils  réclament  la  propriété  :  aussi    la   grande 
île  de  l'archipel  du  roi  George  paroît-clle 
avoir  été  examinée  avec  plus  de  soin ,  et  dans 
un  plus   grand  détail  ,    par   les  navigateurs 
russes  que  par  Vancouver.  Il  est  aisé  de  s'en 
convaincre,  en  comparant  aHentivemenl  la 
côte  occidc' ^'U^    de   cette  île,   surtout  les 
environs  du  ca^    l'rubizin  (  cap  Edgecumbe) 
et  du  port  de  l'archange  S.  Michel,  dans  la 
baie  Sitka  (Norlolk-Sound  des  Anglois ,  baie 
de  Tchinkitané  de  Marchand) ,  sur  la  carte 
publiée  à  Pétersboug,   au  dépôt  impérial, 
en    1802,  et  sur  les  cartes  de    Vancouver. 
L'établissement  russe  le  plus  méridional  de 
ce  district  des  Koliugi,  est  une  petite  for- 
teresse (  crepost  ) ,  construite  dans  hi  baie  de 
Jakulal,  au  pied  de  la  Cordillère,  qni  réunit 
le  mont  du  Beau-Temps  au  mont  8.-Elie, 
près  du  port  Mulgrave ,  par  les  Scf""  27'  de 
latitude.  La  proximité  des  montagnes  cou- 
vertes  de   neisics    éternelles ,   et  la   «grande 
largeur    du   continent,    depuis   les    58**   de 


t 

I 


CrtAPlTBE    VITÎ.  ^Of) 

lalitiidc,  doniicnl  à  celle  cole  du  Nouveau- 
Norlolk  et  au  pays  des  Uj^alachuiiuli  ,  un 
diniat  exeessivenicut  froid  et  conlrairc  au 
dévelo])pcnient  des  productions  vé^^étales. 

Lorsque  les  chaloupes  de  l'expédilion  de 
Malaspina  jiénétrèrent  dans  l'intérieur  de  la 
baie  de  Jakulal  jusqu'au  port  de  Desenfi^ano , 
elles  trouvèrent,  au  mois  de  juillet,  sous  les 
%**  %'  ^^'  latitude,  rextrémilé  septenuio- 
nale  du  port  couverte  d'une  masse  solide  de 
glaces.  On  pourroit  croire  que  celte  masse 
apparkenoit  à  un  glacier  '    qui  aboutit  à  de 
liaules  Alpes  maritimes  ;  mais  Mackenzie  rap- 
porte que,  visitant,  25o  lieues  à  l'est,  sous 
les  6i**  de   latitude,   les  bords   du  lac   des 
Esclaves,  il  trouva  tout  ce  lac  gelé  au  mois 
de  juin.  En  général ,  la  diflcrence  de  tempé- 
rature que  l'on  observe  sur  les  cotes  orientales 
et  occidentales  du  nouveau  continent,  et  <lout 
nous  avons  parlé  plus  haut,  ne  paroît  être 
bien  sensible  qu'au  sud  du  parallèle  de  53*^ 
qui  passe  par  la  Nouvelle -Hanovre  et  par 
la  grande  île  de  la  reine  Charlotte.  ' 


»  Vancouver ,  T.  V ,  p.  67. 


5io 


LIVRE    ITT 


Il  y  a  à  peu  près  la  incine  distance  absolue 
de  Péteishoui'o'  à  la  factorerie  russe  la  plus 
orientale  sur  le  continent  de  l'Amérique ,  que 
de  Madrid  au  port  de  San  Francisco,  dans 
la  Nouvcllc-Calii'ornie.  La  largeur  de  l'empire 
russe  embrasse ,  sous  les  60*^  de  latitude  ,  une 
étendue  de  pays  de  presque  2400   lieues; 
cependant  le  petit  fort  de  la  baie  de  Jakutid 
ejt  encore  éloigné  de  plus  de  six  cents  lieues 
des    limites  septentrionales  des    possessions 
mexicaines.  Les  naturels  de  ces  régions  sep- 
tentrionales ont    été    pendant   long  -  temps 
cruellement  vexés  par  les  chasseurs  sibériens  : 
des  femmes ,  des  enfans  furent  retenus  comme 
otages  dans  les  factoreries  russes.  Les  instruc- 
tions données  au  capitaine  Billings,  par  Tim- 
pératrice  Catherine,  et  rédigées  par  l'illustre 
Pallas,  respirent  la  philantropie  et  une  noble 
sensibilité.  Le  f^ouvernement  actuel  s'est  oc- 
Cupé  sérieusement  à  diminuer  les  abus  et  à 
réprimer  les  vexations  :  mais  il  est  difiicile 
d'empêcher  le  mal  aux  extrémités  d'un  vaste 
empire ,  et  l'Américain  se  ressent  à  chaque 
instant  de  l'éloignement    de  la  capitale.  Il 
paroît  d'ailleurs  plus  que  probable  qu'avant 


g 


chapixue  viir. 


5ii 


qne  les  Russe,  „..     .  '  ^" 

««■•valle  quilT  P""''^"r"'  '"  '■^«"^''ir  l'in- 

<J -établir  des'   r„    ,  ^"'-P'--'e   .e'.era 

J«  Nouvel,eWo°r;2'  ^f  '«  côtes  de 
mil"  Vr.     '  .        '^"'5*6,  SOU  sur  Jes  fl«c  r      i 


*       : 


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H.ivU<te  ->;.    ».-•'    A(.i>t,- 


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'l'iiif  in/'ifri,'Ur.    ,/r.     i/f.r. 


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Prodl   (Iti   (KMiiin   (I  .\ciij)iilo()  ;t    Mexico,  c(  (i( 

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Kr„r.    M^l'lllr.   l.lr    J»;...    X   lolM'.  m.   U'Ir  J-x'-W'I.mI    , 


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1 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE 

Qui  représente  le   Tableau  physique  de  la 
Nomelle-Espagtie. 

•L'an s  l'Atlas  qui  accompagne  la  grande 
édition  de  cet  ouvrage,  les  Planches  12  ,  i3, 
i4  et  i5  offrent  des  coupes  géologiquel  des 
pentes  orientales  et  occidentales  des  Cor- 
diUères  d'Anahuac ,    de  Tintérieur  du  pajs 
ou  du  plateau   central   et   de  la  vallée  de 
Mexico.  Pour  réunir  dans  un  même  tableau 
ce  que  ces  coupes  renferment  de  plus  in- 
téressant,    on    a  fait    réduire   au   tiers   les 
Planches  12  et  i3,  et  on  les   a  jointes  de 
manière  que  le  dessin  représente ,  dans  une 
projection  verticale,  le  profil  de  la  Nouvelle- 
Espagne  ,    sous  les  170  et  19"  de  latitude, 
depuis  les  coles  de  l'Océan  Pacifique  jusqu'à 
celles  de  la  mer  des  Antilles.  Les  avantages 
et  les  désavantages  de  cette  réunion  des  deux 
profils  12  et  1 3  ont  été  discutés  plus  haut, 
dans    l'Introduction    géographique  ,   T.  I , 
p.  161.  Les  flèches  a  et  h,  que  l'on  trouve 


II. 


o3 


♦^ 


5i4 


PLAINCHE 


1. 


iiKuqiices  yers  !»  oau±e,  indiquent  les  élë- 
valionsque  l'on  auroit  dii  donner  au  Chim- 
borazo  et  à  la  Aille  de  Mexico,  si  1  échelle 
des  hauteurs  étoit  égale  à  l'échelle  des  dis- 
tances '. 

Toutes  les  linuteurs  que  présentent  les 
Planches  i*:^  et  i5  du  grand  Allas,  n'ont  pas 
pu  être  marquées  sur  le  profil  réduit  :  en 
accumulant  ^s  noms ,  on  auroit  nui  à  la  fois 
à  l'effet  et  à  la  clarté.  Nous  croyons  rendre 
un  service  aux  physiciens  en  réunissant  ici  une 
partie  des  obserA  ations  de  M.  de  FIundDoldt , 
indiquées  sur  ies  différentes  cartes  que  ren- 
ferme l'Atlas  géographique  et  physique  de 
la  Nouvelle-Espagne. 

Chemin  d' Acapulco  à  Mexico. 

Alto  del  Cnmaron.    La  ciine  2o5  toises  au-dossus  du 
.  niveau  de  la  mer.  Syénile  porpliy  ri  tique  super- 
posé sur  le  granlle  d  Acapi^'co. 

Vallée  du  Peregrino ,  au  sud  d'une  montagne  de 
calcaire  alpin  blcu-grisatre.  82  t  »iscs,  entre 
TAlto  de  Poziieîcà  et  la  cime  du  Peregrino. 

Vallée  du  Papagallo.  Granité  avec  des  filons  d'am- 
pliihole  schisteuse.   97  toises. 


Voyrz  l'Introducliuri  géographique,  T.  I,  p.  i5i. 


DE    LA    NOUVELLE-FSPA(.NE. 


Venta  de  TIerraColorada,  au  suil  de  la  Moxonera. 
2o4  toises. 

Acaguisotla  ,  au  nord  de  Caxones.  5o4  toises.  Le 
granité  reparoît sous  le  poipljyre ,  et  se  cache 
sous  une  formation  d'amjgdaloïde. 

Masatlan,  village.  65i  toises.  Calcaire  secondaire 
poreux,  reposant  sur  du  porphyre. 

Vallée  de  Sjpiiote,  entre  Sumpango  et  Mescala. 
5j7  toises.  Près  de  Sumpango,  un  grès  à 
ciment  calcaire  repose  sur  le  calcaire  poreux 
de  Masatlan  et  de  Chilpansiugo  :  puis  repii- 
roissent  sous  le  grès,  le  porpliyre ,  et  sous  le 
porphyre  le  granité  :  enfin ,  ce  dernier  se 
cache  de  nouveau  dans  la  vallée  de  Sopilote  , 
sous  le  calcaire  secondaire ,  qui  est  recouvert 
dug}pse  de  Sochipala. 

Guasinllan ,  village  au  sud  du  Pont  d'ïstla.  538  t. 

Chemin  de  Mexico  à  la  Vera-Cruz  : 

Venta  de  Cordoba ,  à  l'est  de  Chalco.  i36o  toises. 
Porphyre  trapéen. 

Sierra  de  Cordoba ,  le  point  le  plus  élevé  du  nou- 
veau chemin  de  la  Puebla.    i655  toises. 

Venta  del  Agua.  Porphyre  à  base  basaltique. 
i48i  toises. 

Cocosingo  au  sud-est  de  la  Sierra  de  Tlaxcallan. 
1189  toises.  Calcaire  secondaire  sous  lequel 
reparoît  le  porphyre  tl'Acaxete. 


WSKOp"! 


i 


i 


5l6  PLANCHE 

Portezuelaou  Porlachuelo.  la^Gloiser,.  Le  calcaire 

secondaire  reparoît  au  jour. 
Cuesla  de  Cruz  Blanca,  au  nord-est  de  Peroie. 

i2o4  toises. 
Rio  Frio ,  ferme  située  à  Vexlrémité  orientale  du 

plateau  de  Perote.  1198  lois^^. 
El  ManzaniUo  ou  Baranca  Honda.  i232  toises. 
Tarage  de  Carros,   à  l'est  de  las  Vigas ,  et  de 
l'ancien  courant  de  laves,  appelé  Loma   de 
Tablas,   11 56  toises. 
Tochtacuaya  ,  ou  Tochiilagueigue ,  ou  Canoas ,  à 
l'est  de  l'ancien  courant  de  laves  du  Malpais. 
iii3  toises. 
LaHoya,  .Mage  dans  un  ravin  profond,  à  V-.est 
de  la  cime  porphjrilique  appelée  Cumbre  de 
la  Hoya.  1072  toises. 
Cuesla  del  Solda.lo,  à  l'est  de  la  Cumbre   de   la 

Hoya.   982  toises. 
San  Miguel  el  Soldado.  Village.  901  toises. 
La  Pileta.  790  toises. 

La  BanderiUa ,  i.  l'ouest  de  Xalapa.  7*9  •»■'«=»• 
Cime  de  la  montagne  basaltique  de  Maeultepec , 

près  de  Xalapa.  788  toises. 
Entre  Xalapa  el  l'Encero  :  Las  Animas.  6=3  toise». 

LasTrancas.  598  toises. 
Le  plateau  au-dessus   de  l'auberge  del  Encero  a 
496  toises  de  hauteur  absolue. 


DE    LA   NOUVELLE-ESPAGNE. 


Si, 


LiC  calcaire 
de  Peroie. 
rientale  du 

2  toises. 

igas ,  et  de 
é  Loma   de 

u  Canoas,  à 
du  Malpaïs. 

)nd ,  à  l'ouest 
:e  Cunabre  de 

umbre   de  la 
Il  toises.  ^ 

.  749  loises. 
e  Macultepec , 

mas.  623  toises. 
5  dcl  Encero  a 


I 


lios  Miradores,  à  l'est  du  Cerro  Gordo,  48o  toises. 
El  Plan  del  Rio  j  à  l'est  de  la  Rinconada.  139  toises* 

Chemin  de  Mexico  à  Guanaxuato. 

Colline  de  Barrientos.  1211  toises.  Porphyre 
trapéen  qui  repose  sur  l'amygdaloïde  poreuse 
de  la  vallée  de  Mexico. 

'     Hueliuetoca.  1178  toises. 

Puerto  de  Reyes,  colline  qui  fait  le  prolongement 
du  Cerro  de  Sincoq  ,  ou  de  Nochistongo. 
1208  toises. 

Tula.  io53  toises.  Calcaire  secondaire. 

Cuesta  de  San  Antonio.  ii25  toises.  Brèche  à 
ciment  calcaire  qui  repose  sur  le  calcaire  du 
Jura. 

Hacienda  de  San  Antonio.  1121  toises. 

3aa  Miguelito.  i3o5  toises.  Sous  le  calcaire  du 
Jura,  reparoisscT!*  du  mandelstein  et  du 
porphyre. 

Montagne  de  Capulalpam.  iS/g  loises.  Amygda- 

loïde  poreuse. 
Aroyozarco.   1296  toises.  Amygdaloïde  basaltique 
San  Juan  del  Rio.  101 4  toises. 
Hacienda  de  Lira.  996  toises. 

Cuesta  de  la  Noria.  io83  toises.  Thonsr^'efer 
qui  rcnlxîrmc  des  couches  de  kieselschiefer , 
peut- cire  de  la  formation  de  transition. 


\ 


5i8 


PLANCHE 


.  Queretaro.  ggS  toises.         ^ 

•  Zelaya.  941  toises.  I^e  calcaire  secondaîr.  reparoît, 
il  repose  sur  du  gypse,  et  est  -ecouvert  de 
grès.  . 

'   El  Molino  de  Sarabia.  91  fi  toises. 
Salamanca,  dans  les  belles  plaines  qui  s'étendent 
depuis  Queretaro  jusqu'à  la   Villa  de   Léon. 
901  toises.  ^ 

-    Temascatio.  929  toises. 

Guanaxualo.  1069  tO'ses.  Thonscliiefer  sur  lequel 
reposent  les  roches  porpbyritiques  de  la  Bufia, 
et  le  basalte  du  Cubiicte. 

Cheinir  d>  la  Puehîa  à   la  Verur-Cruz  et  à  la  pente 
du  Cvjfrc  de  Perote. 

Limite  supérieure  des  pins.  2023  toises. 

Limite  supérieure  des  a  nés  mexicains.    1751  toises. 

Limite  supérieure  de  l'Arbulus  (Madrono).  1682  tois. 

Limite  supérieure   des  chênes  mexicains,    décrits 
•    par    M.  Bonpland  ,   dans  sa   description   des 

Plantes  équinoxialefi  (1^A\).  1619  toises. 

Limite  inférieure  dos  pins  mexicains  ,  entre  Perole 

et  Xalapa.  i^'Si  toises. 
Limite  supérieure  des  bananiers  (Musa  paradisiaca), 
,      donnant  des  fruits  mûrs,   près  de  la  Pileta. 

796  toises. 
Limite   iaférieure   des  ch'^nes  mexicains,    entre 


"T 

i 


u  reparoît , 
couvert  de 


s'étendent 
L  de  Léon. 


sur  lequel 
le  la  Bufia, 


■  à  la  pentQ 

ÎS. 

1761  toises. 

d).  1682  tois. 

ins,  décrits 
;riptlon  des 
9  toises. 

între  Perote 


Si 


DE    LA    NOUèTELLE -ESPAGNE.  t)ï() 

Perote  et  la  Vera-Cruz.  ^96  toises.  A  la 
pente  occidenlale  des  Cordillères,  en  moif- 
tant  d'Acapulco  à  Mexico  ,  nous  avons  trouvé 
les  premiers  chênes  près  de  la  Venta  de  la 
Moxonera,  k  la  hauteur  de  388  toises. 

La  limite  inférieure  des  neigesperpétuelles  se  trouve, 
sous  l'équateur  ,  à  246o  toises  ;  sous  les  20°  de 
latitude  boréale,  à  235o  toises;  sous  le  parallèle 
de  45"  ,  à  i35o  toises  ;  sous  le  parallèle  de 
62**,  en  Suède  ,  à  810  toises  -,  sous  le  parallèle 
de  65",  en  Norwège,  à  700  toises.  Les  deux 
derniers  nombres  sont  les  résultats  ties  belles 
observations  que  M.  de  Buch  a  publiées  dans 
son  Voyage  eu  Laponie.  Sous  les  65**  de 
latitude  nord,  eu  Islande,  MM.  Ohlsen  et 
Vetlafsen  ont  vu  descendre  les  neiges  per- 
pétuelles jusqu'à  48o  toises  de  hauteur  absolue. 
Ce  nombre  se  trouve  indiqué  sur  plusieurs 
cartes  de  l'A  lias  mexicain.  M.  de  Buch 
observe  ,  avec  raison,  que  les  neiges  se  con- 
servent à  de  moindres  hauteurs  en  Islande 
que  dans  l'intérieur  de  la  Norwège  ,  parce 
que  ,  dans  le  premier  de  ces  pays ,  la  tetiipé- 
rature  moyenne  des  mois  d'été  est  diminuée 
par  la  proximité  de  la  mer. 


paradlsiaca), 
le  la  Pileta. 


■?? 


Obstinations  diverses. 

Mexico:   au   mois  de  décembre  i8o3,  inclinaison 
maguélique,  42"  10'  j  déclinaisou  magnétique 


lains ,    entre 


^ 

■> 


^ 

^fe 


520     PLANCHE  DE  LA  NOUV.-ESPAGNE. 

de  8*  8'  au  nord-est.  L'intensité  des  forces 
magnétiques  fut  exprimée  par  a42  oscillations, 
lorsqu'à  Paris ,  la  même  aiguille  d'inclinaison 
faisoit  245,  et  sous  l'équateur  magnétique, 
211  oscillations  en  dix  minutes  de  temps. 

Acapulco  :  au  mois  de  mars  i8o3 ,  inclinaison 
magnétique  ,  38"  53'  j  inlensilé  exprimée  par 
24o  oscillations. 


L 


des  forces 
scillations, 
DclinaisoQ 
ignétique , 
temps. 

Inclinaison 
irlmée  par 


%/^^/%i%r'%^%/^*^%/%^^ 


TABLE   DES   MATIÈRES 


CONTENUES    DANS    CE    VOLUME. 


J-JivRE  II.  Suite. 

Chap.  Vil.  Blancs,  Créoles  et  Européens. — 
Leur  civilisation.  —  Inégalité  de  leurs  for- 
lunes.  —  Nègres.  —  Mélange  des  Castes  — 
Eapport  des  sexes  entr'eux.  —  Longévité 
selon  la  différence  des  r^  :es, — Sociabilité. 

Livré  III.  Statistique  particulière  des  Inten- 
danc.es  qui  composent  le  royaume  de  la 
Nouvelle-Espagne.  —  Leur  étendue  territo- 
riale et  leur  population. 

CiiAP.  VIII.  De  la  division  politique  du  terri- 
toire mexicain,  et  du  rapport  de  la  population 
des  Intendances  à  leur  étendue  territoriale. 
—  Villes  principales. 

Analyse    statistique    du    royaume  de  la 
Nouvelle-Espagne. 

I.  Intendance  de  Mexico. 

II.  Intendance  de  Puebla. 

III.  Intendance  de  Guanaxuato. 
TV.  Intendance  de  Valladolid. 

^     If.  "   .^       ^4    ■ 


Fa^, 


ICI 

io3 

283 
a83 


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S21 


TABLE    PES    MATlÈr.ES. 


ê 


Pag, 

V.  Intendance  de  Guadalaxara.  3o8 

VI.  Intendance  de  Zacatccas.  5i4 
TH.  Intendance  d'Oaxaca.  3ij 
TlII.  Intendance  de  Merida.  327 
iX.  Intendance  de  la  V(  ra-Ciuz.         3,55 

X.  Intendance  de  San  Luis  Polosi.     36o 

XI.  Intendance  de  Durango.  5j5 

XII.  Intendance  de  la  Sonora.  ^  388 
XJII.  Province  du  Nuevo-Mexico.  4oo 
XIV.  Province  delà  Yieillc-Californie.  4i4 
XV.ProvincedelaJNouvelle-Caiifon     .  4.'^3 

Récapitulation  de  la  population  totale  de  la 
Nouvelle-Espagne.  45q 

Cotes  du  Grand  Océan,  depuis  le  port  de 
San  Francisco ,  et  depuis  le  cap  Mcndo- 
cino  jusqu'aux  établissemen.s  russes  dans       I 
la  baie  du  prince  Gu"^lV  ■  ma.  4()o 

Explication  do  la  planche  qui  présente  le 
tableau  plijsique  de  la  Nouvelle -Es- 
pagne. 5i3 


riN    DU    DEUXIEME    VOLUJlï. 


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