IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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Photographie
Sciences
Corporation
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23 WEST MAIN STREET
WEiSTER.N.Y. MSSO
(716) S72-4503
CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CmiVI/ICMH
Collection de
microfiches.
Canadian Instituts for Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques
mm
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
The
tôt
The Institute has attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of this
copy which may be bibliographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or which may significantly change
the usual method of filming, are checked below.
D
D
Coloured covers/
Couverture de couleur
I I Covers damaged/
Couverture endommagée
Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
I I Cover title missing/
Le titre de couverture manque
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmago
sont indiqués ci-dessous.
□ Coloured pages/
Pages de couleur
□ Pages damaged/
Pages endommagées
□ Pages restored and/or laminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
0 Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
The
pos
of t
film
Ori(
beg
the
sior
othi
firsl
sior
or il
I I Coloured maps/
D
D
n
Cartes géographiques en couleur
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
I I Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
Additional comments:/
Commentaires supplémentaires:
□ Pages detached/
Pages détachées
0Showthrough/
Transparence
I I Quality of print varies/
D
Qualité inégale de l'impression
Includes supplementary matériel/
Comprend du matériel supplémentaire
Only édition available/
Seule édition disponible
The
shal
TIN
whi
Mai
diff(
enti
beg
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reqi
met
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
This item is filmed et the réduction ratio checked below/
Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous.
10X
14X
18X
22X
26X
30X
V
12X
16X
20X
24X
28X
32X
m
The copy filmed hère has been reproduced thanks
to the generosity off:
University of British Columbia Library
L'exemplaire filmé fut reproduit grflce à la
générosité de:
University of British Columbia Library
The images appearing hère are the beat quality
possible considering the condition and legibility
of the original copy and in keeping with the
filming contract spécifications.
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
f limage.
Original copies in printed paper covers are filmed
beginning with the front cove** and ending on
the lest page with a printed or illustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. AU
other original copies are filmed beginning on the
first page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the last page with a printed
or illustrated impression.
The last recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol -^ (meaning "CON-
TINUEO "), or the symbol V (meaning "END"),
whichever applies.
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole -^ signifie "A SUIVRE", le
symbole V signifie 'FIN ".
Maps, plates, charts, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many f rames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
1
i
t
4
8
«
I
ESSAI POLITIQUE
SUR LE ROYAUME
DE LA
NOUVELLE-ESPAGNE.
l
\
M
*Q
ESSAI POLITIQUE
SUR LE ROYAUME
D£ LA
NOUVELLE - E SPiVGNE.
i
<
,1'
PAR AL. DE HUMBOLDT.
TOME DEUXIÈME.
A PARIS,
Chez F. SCHOELL, Libkaire, rue des Fossés-
Saint- Germain -l'Auxerhois, a." u^.
1811.
/)-
I.
i
/-/ p.
fr; Il
A/?
^'V^<^>%,'^V^«<«
k<«i^'«'«/V^»/%/V%/«'^«<«'X/^«^/^v «'-V-»»
LIVRE IL
CHAPITRE VIL
Blancs , Créoles et Européens, — Leur
civilisation. — Inégalité de leurs fortunes. —
Nègres. — Mélange des Castes. — Rapport
des sexes entreux. — Longévité selon la
différence des races. — Sociabilité,
1 ARMi les habitans de race pure , les blancs
occuperoient le second rang , si on ne les
considéroit que sous le rapport de leur
nombre. On les divise en blancs nés en Eu-
rope, et en ;descendans des Européens nés
dans les colonies espagnoles de rAmérique
ou dans les îles asiatiques. Les premiers
portent lel nom de chapetones ou de gachu-
pines y les seconds celui de criollos. Les natifs
des îles Canaries , que l'on désigne géné-
ralement sous la dénomination à'islenos
( hommes des îles ) , et qui sont les gérans
n. 1
t ■
n.
Liviu: II
?
des plaiilalions; se considèrent comme Eu-
ropéens. Les lois ospagnolcs accordent Jcs
nicnics droits à tous les jMancs; mais ceux
qui sont î'.ppelcs à exécuter les lois cherchent
à détruire inie égalité qui blesse ror<>ueil
européen. Le gouvernement, tjui se méfie
des créoles, donne les grandes places exclu-
sivement aux natifs de l'ancieime Espagne.
Depuis quelques années , on disposoit même
à Madrid des plus petits emplois dans l'ad-
ministration des douanes ou dans la ré"'ie du
tabac. A une époque où tout tendoit vers
un relâchement général des ressorts de l'état,
le système de vénalité fit des progrès effrajans.
Le plus souvent, ce n'étoit point une poli-
tique soupçonneuse et méfiante , c'étoit l'in-
térêt pécuniaire seul qui faisoit passer tous
les emplois aux mains des Européens. Il en
est résulte des motifs de jalousie et de haine
perpétuelle entre les chapetones et les créoles.
L'Européen le plus misérable, sans éduca-
tion , sans culture intellectuelle , se croit
supérieur aux blancs nés dans le nouveau
continent ; il sait que , protégé par ses com-
patriotes , favorisé par des chances assez
communes dans des pays où les fortune»
flic Eu-
[ciît Jes
is ceux
crchent
oi'<>iieil
i nicfie
cxclu-
îpagiie.
\ iiiéiiie
s Tad-
égie du
it vers
î létal,
rajans.
î poli-
>it l'in-
:r tous
5. Il en
c haine
rcoles.
^duca-
î croit
)uveau
5 com-
assez
rtuixe»
CHAPITRE vif. 3
s'acquièrent aussi rapidement qu elles se dé-
truisent , il peut un jour parvenirà des places
dont l'accès est presque interdit aux natifs ,
même à ceux qui se distinguent par leurs
talens , par leurs connoissances et par leurs
qualités morales. Ces natifs préfèrent la dé-
nomination à'Jméncaifis à celle de créoles.
J3epuis la paix de Versailles , et surtout depuis
l'année 1789, on entend souvent dire avec
fierté : « Je ne suis point Espagnol, je suis
Américain » , mots qui décèlent l'effet d un
long ressentiment. Devant la loi, tout créole
l)lanc est Espagnol ; mais l'abus des lois , \qs
fausses mesures du gouvenement colonial,
l'exemple des états confédérés de l'Amérique'
septentrionale , l'influence des opinions du
siècle , ont relâché les liens qui unissoient
jadis plus intimement les Espagnols créoles
aux Espagnols européens. Une sage adminis-
tration pourra rétabHr l'harmonie, calmer
les passions et le ressentiment , conserver,
peut-être encore pendantlong-temps, l'union
entre les membres d'une même et grande
Qmiille éparse en Europe et en Amérique ,
depuis la côte des Patagons jusqu'au nord de
la Californie.
'T
4 LIVRE 11,
Le nombre des individus qui constituent la
race blanche ( casta de los Llancos au de los
EsptiTioles ) , s'élève probablement , dans
toute la Nouvelle-Espagne , à i ,200,000 d nt
près de la quatrième partie habite les w-
vincias internas. Dans la Nouvelle-Lisca) e ou
dans l'intendance de Durango , il n'existe
aucun individu sujet au trilnit. Piesqiie tous
les habitans de ces régions les plus septcn-
trionsles prélendent être de race pure euro-
péenne.
L'année 1 793, on compta, sur une population
totale ,
dans Tintendance de Gua-
naxuato ,
dans celle de Valladolid,
dans celle de Puebla,
dans celle d'Oaxaca,
âme.*. Eiip«(>noh.
398,000 100,000
290,000 80,000
638,000 63,000
4 11,000 26,000
Tel est le simple résultat > du dénombre-
raent, en n'y faisant' aucun des changemens
qu'exige l'imperfection de cette opération ,
que nous avons discutée dans le cinquième
chapitre. Par conséquent , dans les quatre
intendances voisines de la capitale , on
trouva 272,000 blancs, soit Européens ^ soit
CHAPITRE VU. 5
descendans d'Européens , sur une population
totale de 1,707,000 âmes. Sur centhabitans ,
il y avoit :
dans l'intendance de Valladolid , 27 blancs.
de Guanaxuato, 20
de Puebla , 9
d'Oaxaca, 6
Ces différences considérables indiquent le
degré de civilisation auquel éloient parvenus
les anciens Mexicains au sud de la capitale.
Ces régnons les plus australes étoient de tout
temps les plus habitées. Au nord, comme x
nous l'avons observé plusieurs fois dans le
courant de cet ouvrage , la population in-
dienne étoit plus clair-semée : l'agriculture
n'y a fait de progrès sensibles que depuis le
temps de la conquête.
Il est intéressant de comparer le nombre
des blancs dans les îles Antilles et au Mexique.
La partie françoise de Saint-Domingue avoit ,
même à l'époque la plus heureuse , en 1788,
sur une surface de 1 700 lieues carrées ( de
25 au degré ) , une population moindre de
celle qu'offre l'intendance de la Puebla. Pao-e »
* Vol. II , p. 5, En 1802 , ou ne compta plus, dans
ê\
I
r i
LIVRE II,
évalue la première à 620,000 habitans , parmi
lesquels il y avoit4o,ooo blancs, 28,000 affran-
cbis et 4«'^2,ooo esclaves. Il en résulte pour
Saint-Domingue , sur 100 âmes , 8 blancs , 6
hommes de couleur libres , et 86 esclaves
africains. La Jamaïque comptoit , en 1 ySy ,
sur 100 habitans, 10 blancs, 4 hommes de
couleur et 86 esclaves , et cependant cette
colonie angloise a un tiers de moins de po-
pulation que l'intendance d'Oaxaca. Il en
résulte que la disproportion entre les Euro-
péens ou leurs descendans et les caslcs de
sang indien ou africain , est encore plus grande
dans les parties méridionales de la Nouvelle-
Espagne qu'aux îles Antilles françoises et
angloises. L'île de Cuba , au contraire , offre
jusqu'à ce jour, dans la distribution des races,
une différence bien grande et bien conso-
toute l'ile de Saint-Domingue , que 376,000 habitans,
parmi lesquels 290,000 laboureurs , 47,700 domes-
tiques, manourrlers et matelots, et 37,000 soldats.
Jusqu'à quel point la population aura-t-eile diminué
dans les derniers six ans? A l'ile de la Barbade, le
nombre des blancs est plus considérable que dans le
reste des Antilles ; on y trouve , sur une population
totale de 80,000 habitans, i(),oqo blancs.
CHAPITLE VIT.
> , parmi
) a/Fran-
te pour
lancs , 6
?sclaves
1 1787,
mes de
ït cette
de po-
. Jl en
Kiiro-
>tcs de
Grande
uvelle-
ises et
, offre
races,
onso-
bitans,
lomes-
ioldats.
iniinué
de, le
lans le
ilation
lante. D'après des reclierclies stalisticpics très-
soignées, que j'ai eu occasion de Taire pendant
mon séjour à la Havane, en 1800 et en i8o4»
j'ai trouvé qu'à la dernière de ces époques,
la ])Oj)ulalion totale de l'ilc de (Juba éfcoit de
/|52,goo Ames , parmi Jescpiellcs il y a voit :
A. Hommes libres 02 '1,000
blancs , 2 5 '1,000
de couleiM'. 90,000
B. Esclaves 1 08,000
Total. .452,000
OU sur 100 habilans, 6/1 créoles et Européens,
21 hommes de couleur et 20 esclaves. Les
hommes libres y sont aux. esclaves comme 5
à 1 , tandis qu'ils sont à la Jamaïque comme
1 est à 6. Le nombre des blancs est , par
conséquent, de beaucoup plus grand à l'île
de Cuba qu'il ne l'est au Mexique, même
dans les régions où il y a le moins d'Indiens.
Le tableau suivant indique la prépondé-
rance moyenne des autres castes sur celle
des blancs dL>ns les différentes parties du
nouveau continent. Sui' 100 habitans , on
compte : • , .
4!!
. ,
i ;
■1
H
i
8 LIVRE II,
aux Etats-Unis de l'Amérique septentrio-
nale 85 blancs.
à rîle de Cuba 54
dans le royaume de la Nouvelle-
Espagne (sans y comprendre les
provincias internas ) i6
dans le royaume du Pérou 12
à l'île de la Jamaïque 10
Dans la capitale de Mexico , il existe ,
d'après le dénombrement du comte de Revil-
lagigedo , sur 100 habitans , 49 Espagnols
créoles, 2 Espagnols nés en Europe, 24 In-
diens aztèques et otomiles , et 25 individus de
sang mêlé. La connoissance exacte de ces
proportions est d'un grand intérêt politique
pour ceux qui sont appelés à surveiller la
tranquillité des colonies.
Il seroit difficile d'évaluer au juste combien
il y a d'Européens sur 1,200,000 blancs qui
habitent la Nouvelle-Espagne. Comme dans
la capitale de Mexico même , où le gouver-
nement réunit le plus d'Espagnols , sur une
population de plus de io5^ooo âmes, il n'y
a pas 25oo individus nés en Europe, il est
plus que probable que tout le royaume n'en
'iim
CHAPITRE VU.
contient pas au delà de 70 à 80,000. Ils ne
sont, par conséquent, que la soixante-dixième
partie de la population totale , et la propor-
tion des Européens aux créoles blancs est
comme 1 est à i4«
Les lois espagnoles défendent l'entrée dans
les possessions américaines , à tout Européen
qui n'est point né dans la péninsule. Les mots
d'Européens et d'Espagnols sont devenus
synonymes au Mexique et au Pérou ; aussi
les habitans des provinces éloignées ont de
la peine à concevoir qu'il y ait des Euro-
péens qui ne parlent pas leur langue : ils
considèrent cette ignorance comme une
marque de basse extraction , parce qu'autour
d'eux il n'y a que la dernière classe du peuple
qui ne sache pas l'espagnol. Connoissant plus
l'histoire du seizième siècle que celle de nos
temps , ils s'imaginent que l'Espagne con-
tinue à exercer une prépondérance prononcée
sur le reste de l'Europe. La péninsule leur
paroît le centre de la civilisation européenne.
Il n'en est point ainsi des Américains qui
habitent la capitale. Ceux qui ont lu des ou-
vrages de la littérature Françoise ou angloise
tombent lacilement dans le défaut contraire ;
i .1
i
'.I
I i'
TO
LIVJiE II
ils ont une idée plus défavorable de la mé-
tropole qu'on ne l'avoit en France à une
époque où les communications étoient moins
fréquentes entre TEspagne et le reste de
l'Europe. Us préfèrent aux Espagnols les
étrangers des autres pays ; ils aiment à croire
que la culture intellectuelle fait des progrès
plus rapides dans les colonies que dans la
péninsule.
Ces progrès sont en effet très-marquans à
Mexico , à la Havane , à Lima , à Santa-Fe ,
à Quito , à Popayan et à Caraccas. De toutes
ces grandes villes , la Havane ressemble le
plus à celles de l'Europe , sous le rapport
des usages , du raffinement du luxe et du ton
de la société. C'est à la Havane que l'on
connoît le mieux la situation des affaires po-
litiques et leur influence sur le commerce.
Cependant, malgré les efforts de la Société
patriotifiue de Vile de Cuba, qui encourage
les sciences avec le zèle le plus généreux ,
ces dernières prospèrent lentement dans un
pays où la culture et le prix des produits
coloniaux fixent toute l'attention des liabi-
tans. L'étude des mathématiques , de la chi-
mie , de la minéralogie et de la ])oUniq"e,
I
CHAriTUE VII.
I I
est plus répandue à Mexico , à Santa-Fe et à
Lima. Parlout aujourd'hui on observe un
grand mouvement intellectuel , une jeunesse
douce d'une rare facilité pour saisir les prin-
cipes des sciences. On prétend que cette
facilité est plus remarquable encore chez les
habitans de Quito et de Lima qu'à Mexico et
à Santa-Fe. Les premiers paroissent jouir
d'une plus grande mobiUté d'esprit , d'une
imagination plus vive ; tandis que les Mexi-
cains et les natifs de Santa-Fe ont la répu-
tation d'être plus persévérans à continuer les
éludes auxquelles ils ont commencé à se
vouer.
Aucune ville du nouveau continent, sans
en excepter celles des Etats-Unis , n'offre des
établissemens scientificpes aussi grands et aussi
solides que la capitale du Mexique. Je me
borne à nommer ici l'Ecole des mines , qui
est dirigée par le savant d'Elhuyar , et sur
laquelle nous reviendrons en parlant de l'ex-
ploitation métallique ; le Jardin des plantes .
et l'Académie de peinture et de sculpture.
Celte Académie porte le titre ^Academia de
los nobles artes de Mexico. Elle doit son
existence au patriotisme de plusieurs parlicu-
12
LIVRK II
w!
:t'
liers mexicains et à la protection du ministre
Galvez. Le gouvernement lui a assigné un
hôtel spacieux, dans lequel se trouve une
collection de plâtres plus belle et plus com-
plète qu'on n'en trouve dans aucune partie
de l'Allemagne. On est étonné de voir que
l'Apollon du Belvédère , le groupe du Lao-
coon et des statues plus colossales encore
aient pu passer par des chemins de monta-
gnes qui sont au moins aussi étroits que ceux:
du St. Gothard: on est surpris de trouver ces
chefs-d'œuvres de l'antiquité réunis sous la
zone torride , dans un plateau qui surpasse la
hauteur du couvent du grand St. Bernard. La
collection de plâtres transportée à Mexico , a
coûté au roi près de deux cent mille francs.
C'est dans l'édifice de l'Académie , ou plutôt
dans une des cours qui y appartiennent, qu'on
devroit réunir les restes de la sculpture mexi-
caine , des statues colossales de basalte et de
porphyre qui sont chargées d'hiéroglyphes
aztèques , et qui offrent souvent des rapports
avec le style égyptien et hindou. Il seroit
curieux de placer ces monumens de la pre-
mière culture de notre espèce , ces ouvrages
d'un peuple à demi barbare, habitant les
M
nmistre
•né un
ve une
s com-
partie
>ir que
1 Lao-
encore
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Vancs.
plutôt
qu'on
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et de
f^phes
ports
»eroit
pre-
ragea
it les
'M
CHAPITRE Vil. l3
Andes mexicaines, à coté des belles formes
qu'a vues naître le ciel de la Grèce et de
ritalie.
Les rentes de l'Académie des beaux-arts de
Mexico sont de i23,ooo francs , dont le gou-
vernement donne6o,ooo, le corps des mineurs
mexicains près de 26,000, le consiilado on
la réunion des négocians de la capitale plus
de 1 5,000. On ne sauroit nier l'influence que
cet établissement a exercée sur le goût de la
nation. C'est surtout dans l'ordonnance des
bâtimens , dans la perfection avec laquelle on
exécute la coupe des pierres, les oineniens
de? chapiteaux , les reliefs en stuc , que cette
influence est visible. Quels beaux édifices ne
trouve-t-on pas déjà à Mexico , et même dans
les villes de province, à Guanaxuato et à
Queretaro ! Ces monumens , qui souvent
coûtent un million à un million et demi de
francs, pourroient figure f dans les plus belles
rues de Paris , de Berlin ou de Pétersbourg.
M. Toisa, professeur de sculpture à Mexico ,
est même parvenu à y fondre une statue
équestre du roi Charles iv, ouvrage qui , à
l'exception du Marc-Aurèle à Rome, surpasse
en beauté et en pureté de style tout ce qui
«4
lIVhE 11
» ;
nous est rcsié de ce ^enre en Tîm^ope. A
l'Académie des beaiix-arls, reuseignernenl se
donne gratis : il ne se restreint ]).'is seulement
au dessin du pa\sa<;e et de la figure ; on a eu
le bon esprit d'employer d'autres moyens
par lesquels on peut vivifier l'industrie
nationale. L'Académie travaille avec* succès à
répandre parmi les artisans le goût de l'élé-
gance et des belles formes. De grandes salles ,
très-bien éclairées par des Lnnpes d'Argand ,
réunissent tous les soirs quelques centîiines de
jeunes gens , dont les uns dessinent d'après
la bosse ou le modèle vivant , tandis que
d'autres copient des dessins de meubles , de
candélabres ou d'autres ornemens en bronze.
Dans cette réunion ( et ceci est très-remar-
quable au milieu d'un pays où les préjugés
de la noblesse contre les castes sont invé-
térés ) , dans cette réunion , les rangs , les
couleurs , les races d'hommes se confondent ;
on y voit l'Indien ou le métis à côté du blanc ,
le fils d'un pauvre artisan rivalisant avec les
enfans des grands seigneurs du pays. Il est
consolant d'observer que , sous toutes les
zones , la culture des sciences et des arts
établit une certaine égalité purmi les hommes,
CHAPITRE VU.
IJ
ieuieineiit
; on a ou
Jï)o jens
industrie
succès à
de l'ôlé-
*s salies ,
itines de
d'après
iis
que
les, de
>ronze.
remar-
'é jugés
: invé-
s, les
dent;
>lanc ,
3c Jes
H est
s les
arts
mes,
en leur Taisant oublier, pour quelque tcnipiï
au moins, ces petites passions dont les eilels
entravent le bonheur social.
Depuis la fin du règne de Charles ni e|
depuis celui de Charles iv, l'étude des sciences
naturelles a l'ait de grands progrès non-seu-
lement au Mexique , mais en général dans
toutes les colonies espagnoles. Aucun gou-
vernement européen n'a sacrifié des sommer^
plus considérables pour avancer la connois-
sance des végétaux , que le gouvernement
espagnol. Trois expéditions botaniques^ celles
du Pérou, de la Nouvelle-Grenade et de la
Nouvelle-Espagne, dirigées par MM. Ruiz et
Pavon , par Don José Celestino Mutis , et par
MM. Sesse etMocino, ont coûté à l'état près
de deux millions de francs. En outre, des
jardins de botanique ont été établis à Manille
et aux îles Canaries. La commission destinée
à lever les pUns du canal de los Guines y fut
aussF chargée d'examiner les productions vé-
gétales de l'île de Cuba. Toutes ces recher-
ches, faites pendant vingt ans dans les régions
les plus fertiles du nouveau continent , n'ont
pas seulement enrichi le domaine de la science
de plus de quatre mille nouvelles espèces de
.1
' 1
1 1
16
LIVRE II
plantes , elles ont aussi contribué beaucoup à
répandre le goût de i'iiistoiie natuielle panai
les habitans du pays. La ville de Mexico pré-
sente un jardin de botanique très-intéressant
dans l'enceinte même du palais du vice-roi.
Le professeur Cervantes y fait annuellement
des cours qui sont très-suivis. Ce savant pos-
sède , outre ses herbiers , une riche collection
de minéraux mexicains. M. Mocino , que
nous venons de nommer comme un des col-
laborateurs de M. Sesse, et qui a poussé ses
excursions pénibles depuis le royaume de Gua-
timaia jusqu'à la côte nord-ouest ou jusqu'à
l'île de Vancouver et Quadra ; M. Echeveria ,
peintre de plantes et d'animaux , dont les
travaux peuvent rivaliser avec ce que l'Europe
a produit de plus ^' arfait en ce genre , sont
tous deux natifs de la Nouvelle-Espagne : ils
s'étoient élevés à un rang distingué parmi les
savans et les artistes avant d'avoir quitté leur
patrie '.
* Le public ne jouit encore que des découvertes
faites par l'expédition de botanique du Pérou et du
Chili. Les grands herbiers de M. Sesse , et l'immense
collection de dessins de plantes mexicaines faites sous
ses yeux, sont arrivés à Madrid depuis Tannée i8o5.
acoup à
e parmi
co p ré-
gressant
ice-roi.
tiement
nt pos-
lection
, que
les col-
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i8o3.
CHAPITRE VII. l'J
Les principes de la nouvelle chimie , que
l'on désigne dans les colonies espaj^noles par
le mol un peu équivoque de la nouvelle
philosophie ( niirvn Jllosojîn ) , sont plus
répandnsauMexiquequedans bien des parties
de la péninsule. Un voyageur européen seroit
surpris sans doute de rencontrer dans l'inté-
rieur du pays, sur les confins de la Californie,
de jeunes Mexicains qui raisonnent sur la
décomposition de l'eau dans le procédé de
ramal^ramation à l'air libre. L'Ecole des mines
renferme un laboratoire de chimie , une col-
lection géologique rangée d'après le système
•de Werner ; un cabinet de physique dans
lequel on trouve non-seulement des instru-
mens précieux de Ramsden , d'Adams, de
Le Noir et de Louis Berthoud, mais aussi des
modèles exécutés dans la capitale même avec
la plus grande précision et avec les plus beaux
bois du pays. C'est à Mexico qu'a été imprimé
le meilleur ouvrage minéralogique que pos-
On aUend avec impatience, et la publication de la
Flore de la Nouvelle-Espagne , et celle de la Flore de
Sanla-Fe de Bogota. La dernière est le fruit dequarante
ans de recherches et d'observations faites par un des
plus grands botanistes du siècle, par le célèbre iVIutis.
If. 2
i8
LIVHE II
! t i I
sède la littérature espagnole , le Manuel
d'oryctognosie , rédigé par M. Del Rio ,
d'après les principes de l'Ecole de Freiberg,
dani» laquelle l'auteur s'est formé. C'est à
Mexico qu'on a publié la première traduction
espagnole des Elémens de chimie de Lavoisier.
Je cite ces faits isolés, parce qu'ils nous don-
nent la mesure de l'ardeur avec laquelle on
commence à embrasser les sciences exactes
dans la capitale de la Nouvelle-Espagne. Cette
ardeur est bien plus grande que celle avec
laquelle on s'y livre à l'étude des langues et
de la littérature ancienne.
L'enseignement des mathématiques est moins
soigné à l'Université de Mexico qu'à l'Ecole
des mines : les élèves de ce dernier établis-
sement pénètrent plus avant dans l'analyse;
on les instruit dans le calcul intégral et dif-
férentiel. Lorsqu'avec le retour de la paix et
des libres communications avec l'Europe, les
instrumens astronomiques ( les chronomètres,
les sextans et les cercles répétiteurs de Borda )
deviendront plus communs, il se trouvera,
dans les parties les plus éloignées du royaume ,
des jeunes gens capables de faire des obser-
vations et de les calculer d'après les méthodej^
Manuel
el Rio,
reiberg",
C'est à
îduction
avoisier.
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hode^i
CHAPÏiRE VII. ig
les plus récentes. J'ai indicjuc plus haut, dans
l'Analyse de l'Atlas, le parti que le gouverne-
ment pourroit lirer de cette aptitude extraor-
dinaire, pour Taire lever la carte du pays.
D'ailleurs, le goût pour l'astronomie est assez
ancien au Mexique. Trois hommes distingués,
Vclasquez, Gama et Alzate, ont illustré leur
patrie vers la fin du dernier siècle. Tous les
trois ont fait un grand nombre d'observations
astronomiques , surtout des éclipses des satel-
lites de Jupiter. Le moins savant d'eux , Alzate,
étoit correspondant de l'Académie des sciences
de Paris» Observateur peu exact, d'une activité
souvent impétueuse, il se livroit à trop d'objets
à la fois. Nous avons discuté , dans l'Introduc-
tion géographique qui précède cet ouvrage ,
le mérite de ses travaux astronomiques. Il en
avoit un autre très-réel , celui d'avoir excité
ses compatriotes à l'étude des sciences phy-
siques. La Gazctta de Litteratura, qu'il publia
pendant long-temps à Mexico , contribua sin-
gulièrement à donner de l'encouragement et
de l'impulsion à la jeunesse mexicaine.
Le géomètre le plus marquant que la Nou-
velle - Espagne ait eu depuis l'époque àe
Siguenza, étoit Don Joacquin Velasquez Caç'
20
LIVRE II
: w
llf
il \
denas y Léon. Tous les travaux astronomiques
et géodésiquesde ce savant infatigable portent
le caraclère de la plus grande précision. Né
(le 21 juillet 1732 ) dans l'intérieur du pays,
à la métairie de Santiago Acebedocla , prè's
du village indien deTizicapan , il ne se forma,
pour ainsi dire, que par lui-même. A l'âge
de quatre ans , il communiqua la petite vérole
à son père qui en mourut. iJn oncle , curé de
Xaltocan , se chargea de son éducation et le
fît instruire par un Indien nommé Manuel
Asentzio , homme de beaucoup d'esprit na-
turel , et très-versé d;ms la connoissance de
l'histoire et de la mythologie mexicaine.
Velasquez apprit à Xaltocan plusieurs langues
indiennes et l'usage de l'écriture hiérogly-
phique des aztèques. Il est à regretter qu'il
n'ait rien publié sur celte branche intéressante
de l'antiquité. Placé à Mexico au collège
Tridentin, il n'y trouva presque ni professeur,
ni livres, ni instrumens. Avec le peu de secours
qu'il put obtenir , il se fortifia dans l'étude
des mathématiques et des langues anciennes.
Un heureux hasard fit tomber entre ses mains
les ouvrages de Newton et de Bacon : il puisa
dans les uns le goût pour l'astronomie , dan»
miques
sortent
on. Né
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înnes.
nains
puisa
dans
CHAPITRE VIT. 21
les autres la connoiss-jnce des vraies méthodes
philosophiques. Pauvre , ne trouvant aucun
instrument à Mexico même , il se mit avec son
ami, M* Guadalaxara ( aujourd'hui professeur
des mathématiques à l'Académie de peinture ),
à construire des lunettes et des quarts de
cercle. Il fit en même temps le métier d'avocat,
occupation qui , au Mexique comme partout
ailleurs , est plus lucrative que celle d'observer
les astres. Ce qu'il gagna par son travail fut
employé à acheter des instrumens en Angle-
terre. Nommé professeur à l'Université, il
accompagna le insùadorDon José de Gnhez '
dans son voyage à la Sonora. Envoyé en com-
mission à la Californie , il profita de la beauté
* Le comte Je Galvez , avant d'obtepir le ministère
des Indes, parcourut la partie septentrionale de la
Nouvelle-Espagne sous le titre de vidtador. On donne
ce nom à des personnes cliargées par la cour de prendre
des informations sur Tétat des colonies. Leur voyage
{visita) n'a généralement d'autre cflet que de contre-
balancer pour quelque temps le pouvoir des vice-rois
et des audiencias j de recevoir une infinité de mé-
moires, de pétitions et (le projets, et de signaler leur
séjour par l'introduction de quelque nouvel impôt. Le
peuple altL-n-l l'arrivée des visiUidores avec la même
impatience avec laquelle il désire leur départ.
23
LIVRE II
du ciel de cette péninsule pour y faire un
grand nombre d'observations astronomiques.
Il y observa le premier, que dans toutes les
cartes , depuis des siècles , par une énorme
erreur de longitude, cette partie du nouveau
continent avoit été marquée de plusieurs
degrés plus à l'ouest qu'elle ne l'est elTecti-
vement. Lorsque l'abbé Ghappe , plus célèbre
par son courage et son dévouement pour les
sciences que par l'exactitude de son travail ,
arriva en Californie, il y trouva déjà établi
l'astronome mexicain. Velasquez s'étoit fait
construire, en planches de mimosa, un ob-
servatoire à Ste. Anne. Ayant déjà déterminé
la position de ce village indien , il apprit à
Fabbé Ghappe que l'éclipsé de lune du 18
juin 1769 seroit visible en Galifornie. Le géo-
mètre françois douta de cette assertion jusqu'à
ce que l'éclipsé annoncée eut lieu. Velasquez
lui seul fit une très - bonne observation du
passage de Vénus sur le disque du soleil, le
3 juin 1769. Il en communiqua le résultat,
le lendemain même du passage , à l'abbé
Ghappe et aux astronomes espagnols Don
Vicente Doz et Don Salvador de Médina. Le
voyageur françois fut surpris de l'harmonie
'iL
CHAPITRE VIT.
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que présenta l'observation de Velasquez avec
la sienne. Il s'étonna sans doute de rencontrer
en Californie un Mexicain qui , sans appar-
tenir à aucune académie et sans être jamais
sorti de la Nouvelle-Espagne, faisoit autant
que les académiciens. En 1770 , V^elasquez
exécuta le grand travail géodésique dont nous
avons donné quelques résultats dans l'Analyse
de l'Atlas mexicain, et sur lequel nous re-
viendrons en parlant de la galerie d'écou-
lement des lacs de la vallée de Mexico. Le
service le plus essentiel que cet homme infa-
tigable a rendu à sa patrie , est l'établissement
du Tribunal et de l'Ecole des mines , dont
il présenta les projets à la cour. Il finit sa
carrière laborieuse le 6 mars 1786, étant le
premier directeur général du Tribunal de
mineria, en jouissant du titre ^alcalde del
corte honorario.
Après avoir cité les travaux d'Alzate et de
Velasquez , il seroit injuste de ne pas consi-
gner ici le nom de Gama, qui lut l'ami et le
collaborateur du dernier. Sans fortune , forcé
à soutenir une famille nombreuse par un
travail pénible et presque mécanique , mé-
connu , néLdiaré pendant sa vie uar ses conci-
pai
34 LIVRE ÏI,
toyens ', qui l'ont comblé de louanges après
sa mort , Gama devint par lui-même un astro-
nome habile et instruit. Il pul)lia plusieurs
mémoires sur des éclipses de lune , sur les
satellites de Jupiter , sur l'almauach et la
chronologie des anciens Mexicains, et sur le
climat de la Nouvelle - Espagne ; mémoires
qui annoncent tous une grande justesse dans
les idées et de la précision dans les obser-
vations. Si je me suis permis d'entrer dans ces
détails sur le mérite littéraire de trois savans
mexicains, ce n'est que pour prouver, par
leur exemple , que l'ignorance dont l'orgueil
européen se plaît à accuser les créoles, n'est
pas l'effet du climat ou d'un manque d'énergie
morale ; mais que cette ignorance , là où on
l'observe encore , est uniquement l'effet de
l'isolement et des défauts propres aux insti-
tutions sociales dans les colonies.
Si, dans l'étal actuel des choses, la caste
des blancs est celle parmi laquelle on trouve
4
* Le célèbre navigateur Malaspina , pendant son
séjour à Mexico , observa avec Gama : il le recom-
manda aussi avec beaucoup de chaleur à la cour,
comme le prouvent les leUres officielles de Malaspina,
conservées dans les archives du vice-roi»
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cour,
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CHAl'I'mE VII. 2 5
presque exclusivement du développement in-
tellectuel , c'est elle aussi qui presque seule
possède de grandes richesses. Ces richesses
sont malheureusement encore plus inéga-
lement distribuées au Mexique qu'elles ne le
sont dans la capitania gênerai de Caraccas ,
à la Havane, et surtout au Pérou. A Caraccas ,
les chefs de famille les plus riches ont 200,000
livres tournois de rentes : à l'île de Cuba, on
en trouve qui ont au delà de 6 à 700,000 francs.
Dans ces deux colonies industrieuses , l'agri-
culture a fondé des richesses plus considérables
que l'exploitation des mines n'en a accumulé
au Pérou. A Lima , un revenu annuel de
80,000 francs est déjà assez rare. Je ne connois
actuellement aucune famille péruvienne qui
jouisse d'une renie fixe et sûre de i3o,ooo fr.
Dans la Nouvelle-Espagne , au contraire , il
y a des indidividus qui ne possèdent aucune
mine , et dont le revenu annuel monte à un
million de francs. La famille du comte de la
Valenclana , par exemple, possède elle seule,
sur le dos de la Cordillère , pour plus de
vingt-cinq millions de francs en biens-fonds,
sans compter la mine de Valenciana , près de
Guanaxuato, qui, année commune, donne
i6
LIVRE II
un bénéiîce net d'un million et demi de livres
tournois. Cette l'amille, dont le chef ;ictuel,
le jeune comte de Valenciana , se dislinf^nie
par un caractère généreux et par un noble
désir de l'instruction , n'est partagée qu'en
trois branches : elles ont ensemble , même
dans des années où l'exploitation de la mine
n'est pas très-lucrative , au delà de 2, 200,000 fr.
de revenus. Le comte de Régla y dont le fils
cadet, le marquis de San Christobal ', s'est
distingué à Paris par ses connoissances en
physique et en physiologie , a fait construire
à la Havane , à ses frais , en bois d'acajou et
de cèdre ( cedrella ) , deux vaisseaux de ligne
de la première grandeur , dont il a fait hom-
mage à son souverain. C'est le filon de la jBis-
caina , près de Pachuca , qui a fondé la fortune
de la maison de Régla. La fiunille de Fagoaga,
connue par sa bienfaisance, par ses lumières
et son zèle pour le bien public , présente
l'exemple de la plus grande richesse qu'une
> M. Tareros (c'est le nom sous lequel ce savant
modeste est connu en France ) a préféré pendant loïig-
temps l'instruction que lui procuroit le séjour de Paris ,
à une grande fortune dont il ne pouvoit jouir que
viyant à Mexico mémo.
1
1
CIUPITRE VII.
Je livres
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jou et
li^ne
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l0»ig-
aris,
que
27
mine ait jamais offerte à ses propriétaires.
Un seul filon que la famille du marquis de
Fagoaga possède dans le district de Sombre-
rete, a laissé en cinq à six mois, tous les
frais étant déduits, un profit net de vingt
millions de francs.
D'après ces données , on devroit supposer,
dans les familles mexicaines , des capitaux
infiniment plus grands encore que ceux que
l'on y observe. Le défunt comte de la Valen-
ciana, le premier de ce titre , a eu quelquefois
de sa mine seule , dans une année , jusqu'à
six millions de livres de revenu net. Ce revenu
annuel , pendant les derniers vingt-cinq ans
de sa vie , n'a jamais été au-dessous de deux à
trois millions de livres tournois ; et cependant
cet homme extraordinaire, qui étoit venu
sam aucune fortune en Amérique , et qui
conlinuoit à vivre avec une grande simplicité,
ne laissa en mourant, outre sa mine, qui est
la plus riche du monde , que dix millions en
biens-fonds et en capitaux. Ce fait très-exact n'a
rien de surprenant pour ceux qui ont examiné
le régime intérieur des grandes maisons mexi-
caines. L'argent gagné rapidement se dépense
avec la même facilité. L'exploitation des mines
%
■i
fVRE II,
tlevient un jeu dans lequel on .Vn
«ne passion sans bornes L« . ^"^' "'"=
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trouve souvent o.êné «..„• -i ^ ^ ^*
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Les mines, sans doute, ont été U .„
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^ri-
isi-
ont
CHAPITRE VII. 39
jamais eu de mines très-lucratives à exploiter.
C'est à ces dernières qu'appartiennent les
riches descendans de Cortez ou du marquis
del Valle. Le duc de Monte Leone , seigneur
napolitain, qui possède aujourd'hui le ma-
jorât de Cortez , a de superbes terres dans la
province d'Oaxaca, près de Toluca , et à
Cuernavacca. Le produit net de ses rentes
n'est actuellement que de 55o,ooo francs, le
roi ayant ôté au duc la perception des alca-
valas et les droits du tabac : les irais ordinaires
de l'administration se montent à plus de
125,000 francs. En outre, plusieurs gouver-
neurs du rnarquesado se sont singulièrement
enrichis. Si les descendans du grand con-
quistador vouloient vivre au Mexique même ,
leur revenu monteroit bientôt à plus d'un
million et demi.
Pour compléter le tableau des immenses
richesses qui se trouvent entre les mains de
quelques particuliers de la Nouvelle-Espagne,
et qui peuvent rivaliser avec celles que pré-
sentent la Grande-Bretagne et les possessions
européennes dans l'Indoustan , j'ajouterai
quelques notions exactes et sur les revenus
du clergé mexicain, et sur les sacrifices pécu-
i
3o
LIV1\E II
niaires que fait annuellement le corps des
mineurs {ciierpo da mineria) pour le perl'cc-
lionnement de l'exploitation métallique. Ce
dernier corps, fornné par la réunion des pro-
priétaires des mines , et représenté par les
députés qui siègent dans le Tribunal de
mincria , a avancé en trois ans, depuis 1784
jusqu'à 1787, une somme de quatre millions
de francs à des individus qui manquoient de
fonds nécessaires pour exécuter de grands
travaux. On croit dans le pays que cet argent
n*a pas été très - utilement employé ( para
habilitar) ; mais sa distribution prouve la
générosité et l'opulence de ceux qui sont
capables de si grandes largesses. Un lecteur
européen sera plus surpris encore , si je
consigne ici le fait extraordinaire que la famille
respectable des Fagoaga a prêté , il y a peu
d'années , sans intérêts , une somme de plus de
trois millions et demi de francs à un ami dont
ils crurent fonder la fortune d'une manière
solide : cette somme énorme a été irrévoca-
blement perdue dans l'entreprise manquée
d'une nouvelle exploitation métallique. Les
travaux d'architecture qui s'exécutent à la
capitale de Mexico pour l'embellissement de
corps des
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CHAPITKE VII. 3l
la ville, sont si dispendieux que, malgré le
bas prix de la main-d'œuvre, le superbe
édifice que le Tribunal dd minvria fait cons-
truire pour l'Ecole des mines , coûtera au
moins trois millions de francs, dont près
des deux tiers ont été assignés dès qu'on a
commencé à jeter les l'ondemens. Pour accé-
lérer la construction, surtout pour faire jouir
bientôt les élèves d'un laboratoire propre à
faire des expériences métalliques sur l'amal-
gamation de grandes masses de minerais
( beneficio de patio ) , le corps des mineurs
mexicains avoit assigné par mois, dans la
seule année de i8o3, la somme de cinquante
mille francs. Telle est la facilité avec laquelle
de vastes projets peuvent s'exécuter dans un
pays où les richesses appartiennent à un petit
nombre d'individus.
Cette inégalité de fortune est plus frappante
encore parmi le clergé, dont une partie gémit
dans la dernière misère, tandis que certains
membres ont des rentes qui surpassent les
revenus de plusieurs souverains de l'Alle-
magne. Le clergé mexicain, moins nombreux
qu'on ne le croit en Europe, n'est composé
que de dix mille personnes , dont près de la
'1 '
32 LIVRE II,
moillé sont des ré«^iilicrs qui jiorlent le froc.
En y comprenant les i'rcres luis ou servans ,
les sœurs converses ( Icgos , donadosj criados
de los coiwevtos) , tous ceux qui ne sont point
destinés aux ordres sacrés , on peut évaluer
le clergé à treize ou quatorze mille individus'.
* LeuorabrcdcsmoiuesdcSl. François, en Espagne,
monte à i5,6oo : il csl plus grand quiî le nombre de
tous les ccclésiasliques du ro^ uuuie du Mexique. Dans
la péninsule , le clergé embrasse plus de 2148,000 indi-
vidus. 11 y a, sur 1000 bubilans, 20 ccclésiasliques,
tandis que dans la Nouvelle-Espagne on n'en compte
pas deux. Voici le tableau détaillé du clergé dans
quelques intendances , d'après le dénombrement fait
en 1793 :
Ecclésiastiques non réguliers ou clerigos.
Dans l'intendance de la Puebla , 667
Valladolid , agS
Guanaxuato , 225
Oaxaca, 3j6
Dans la ville de Mexico, 55o
Ecclésiastiques réguliers .
Dans l'iatendanc» de la Putbla , 881
Valladolid, 298
Guanaxualo, 197
Oaxaca, 342
Dans la ville de Mexico, i646
En comprenant dans le dénombrement les donados
snt le froc.
Lï servans ,
^'J' criados
sont point
Il évaluer
idividus'.
n Espagne,
nombre de
que. Dans
3,000 intli-
ilasliques ,
în compte
ergé dans
îment fait
CHAPITRE VII.
33
;os.
hnadi
os
«
m
Or, le revenu annuel de huit évéques mexi-
cains dont nou.n présentons le tableau suivant
monte à la somme totale de 2,696,000 francs'
Rentes de rarchevèque de Mexico,
l'ûvéque de la Puchia ,
- Valladolid,
> , ; Ouadalaxara,
Durango ,
Monterey ,
Yucatan,
• • . • . Oaxaca ,
' ' ' Sonora,
i3o,ooo
110,000
» 00,000
90,000
35,000
3o,ooo
ao,ooo
18,000
6,000
t'évêque de la Sonora, le moins riche de
tous, ne perçoit pas le revenu des dîmes-
t-omme celui de Panama, il est payé immé-
diaten.ent par le roi (de caxas reaies) ■ ses
rentes ne font que la vingtième partie de
cellesdel evêquede Yalladolid de Mechoacan •
et ce qu, est vraiment affligeant dans le dio-
me d un archevêque dont le revenu annuel
".onte à 65o,ooo francs, il y a des curés de
Villages indiens qui n'ont pas cinq à sî^ cents
francs par an! L'évê<iue et les chanoine, de
oufrères,e,.va„s,le.,couvensdel,capiulecomi;o„e«
plus de aSoo individus.
5
>\ I
34 LIVRE II,
Vallaçjolid ont envoyé successivement au roi ,
comme dons gratuits, surtout pendant la der-
nière g-uerre contre la France , une somme de
810,000 francs. Les biens- fonds du clergé
mexicîun {/jffrws raices) ne' monXent pas à
12 ou i5 millions de francs; mais ce même
clergé possède d'immenses richesses en capi-
taux hypothéqués sur les propriétés des
particuliers. Le total de ces capitaux (capitales
de capellanias j obvas pi'aSy fondas dotales
dei comutiidades religiosas ) , dont nous don-
nerons' le détail dans la suite ^ monte à la
sonvne.de 44 millions, et demi de piastres
fortQç,!, ou 353,625,000 francs \ Cortez, dè^
* J'ai suivi 1*."^ données contenues tlaiis la Represen-
tacioit de Ion ve'cinos de T'^alladolid at Exceltenlissimâ
Schor V'irey '^^"îi iUle du 24 octdBre 1 8o5 ) , mémoire
manuscH't 1 4s-^récieu\. Jecônipte^ clans le obtirS diJ
cet ôuviiagCyli^ piastre forte en raison de 5 livres 5 sous:
sa \a.l<\u,ï':iR'Tl'*?f^"^^ Ç^* il^ 5i)\^''<es S-, sous tournois.
Il m: faut d'ailljeups paacon fondre le^pe-w, <|ui s'appelle
aussi pezo sencillo ou piastre de commerce , el fini es»
une ïrionnoie fictive , avec \ai pia.stre forte d'Améri:iae^
(in'duro , 'àxi p>zo dura. La piastre forte à io rèâux
de vellon, ou mo quartes , ou G80 warauedia , tandis
que le /ïfesd ^c'wèliWo , f|iii Vtiut 3'-liv. i5 sous, nV que
i5 rcaux de vollon, ou 5io maràvedis.
', l'y ■ I » > 1" I "
il
lent au roi ,
Jant la der-
î somme de
du clergé
tent pas à
s ce même
es en capi-
►riétés des
i {capitales
les totales
nous don-
onte à la
le piastres
ortez , des
la Represen-
•- * \
'yellentissimô
> ) , mémoire
'* le cotirS diaf
ivres 5 sous r
us tournois.
luisSppelîe
e, el qui es»
i'Ainèriiiae^
' ' ■ j î ( • • • > '
a :Jo reaux
'fl^/'6\, tandis
ns,nV que
CHAPITRE VII.
35
les premiers temps de la conquête, crai-nit
la grande opulence du clergé dans un pays
ou la discipline ecclésiastique est difficile à
maintenir. Il dit très - naïvement, dans une
lettre à rempereur Charles -Onint, ce qu'il
« supplie sa majesté d'envoyer aux Indes des
« religieux, et non des chaiwitws , parce
« que les derniers déploient un luxe effréné ,
« laissent de grandes richesses àleursenPans
« naturels , et donnent du scanda.^e aux Indiens
« récemment converlis. » Ce conseil, dicté
par la franchise d'un vieux mihtaire, ne fut
pas suivi à Madrid. Nous avons transcrit ce
passage curieux d'un ouvrage qui a été publié,
il 7 a quelques années, par un cardinal ' : il
ne nous appartient pas d'accuser le conque-
ra it de la Nouvelle-Espagne de prédilection
pour les réguliers ou d'animosité envers les
chanoines !
Le bruif qui s'est répandu en Europe, de
la grandeur de ces richesses mexicaines ,V a
causé des idées très-exagérées sur l'abondance
d'or et d'argent que l'on voit employé dans
la Nouvelle-Espagne, en vaisselle, en meubles,
'L'archevêque Lorcnzana.
il'
36 LIVRE II ,
cri halfeiiestle cuisine, en harnois. Un voya-
geur dont l'imagination a été montée par ces
contes de ciels, de serrures et de gonds
d'argent massif, sera bien surpris, à son arrivée
à Mexico , en n'y voyant pas plus de métaux
précieux employés à l'usage de la vie domes-
tique qu'en Espagne , en Portugal et dans
d'autres parties de l'Europe australe; il sera
tout au plus iV'appé de voir au Mexique , au
Pérou ou à Santa-Fe , des gens du peuBle qui
ont les pieds nus garnis d'énorii i ^ . rons
d'argent, ou d'y trouver les gobelets et les
plats d'argent un peu plus communs qu'en
France et en Angleterre. La surprise du
voyageur cessera , s'il se souvient que la
porcelaine est très-rare en ces régions nou-
vellement civilisées ; que la nature des chemins
de montagnes en rend le tra'^.sport extrême-
ment difficile, et que, dans un pays où le,
commerce est peu actif, il est assez indifféren
de posséder quelques centaines de piastres en
espèces ou en meubles d'argent. D'ailleurs ,
richesses
uu
malgré l'énorme dilTérence
qu'offrent le Pérou et le Mexique, en con-
sidérant isolément les fortunes des grands
propriétaires, je serois tenté de ciboire cp: J
CHAPITRE VU.
3?
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par ces
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con-
rands
ru':]
I
y a eu plus de vraie aisance à Lima qu'à
Mexico : 1 inégalité des fortunes est beaucoup
moindre dans ^a première de ces deux capi-
tales. S'il est très-rare , comme nous l'avons
observé plus haut, d'y trouver des particuliers
qui jouissent de 5o à 6o,ooo lïancs de rentes ,
on y trouve, en échange, un grand nombre
d'artisans mulâtres et de Nègres affranchis, qui ,
par leur industrie, se procurent bien au delà
du nécessaire. Parmi cette classe, des capitaux
de lo à 1 5,000 piastres sont assez communs,
tandis que les rues de Mexico fourr.iillent de
vingt à trente mille malheureux {sara gâtes ,
guachinangos), dont la plupart passent la nuit
à la belle étoile, et s'étendent le jour au soleil ,
le corps tout nu , enveloppé dans une couver-
ture de flanelle. Cette lie du peuple, Indiens
et métis , présente beaucoup d'analogie avec
les lazaronis de Naples. Paresseux, insou-
cians , sobres comme eux , les guachinangos
n'ont cependant aucune férocité dans le carac-
tère ; ils ne demandent jamais l'aumône : s'ils
travaillent un ou deux jours par semaine , ils
gagnent ce qu'il leur faut pour acheter du
pulque , ou de ces canards qui couvrent les
lagunes mexicaines, et que l'on rôtit dans
if
Si
38
LIVRE II
leur propre graisse. La fortune des saragales
dépasse rarement deux ou trois réaux , tandis
que le peuple de Lima, plus adonné au luxe
etau plaisir, peul-étre même plus industrieux,
dépense souvent deux à trois piastres en un
seul jour. On diroit que partout le mélange
de l'Européen et du Nègre produit une race
d'hommes plus active, plus assidue au tra-
vail, que le mélange du blanc avec l'Indien
mexicain.
Le royaume de la Nouvelle-Espagne est ,
de toutes les colonies des Européens sous la
zone lorride, celle dans laquelle il y a le moins
de Nègres : on peut presque dire qu'il n'y a
point d'esclaves. On parcourt toute la ville
de Mexico sans trouver un visage noir : le
service d'aucune maison ne s't' fait avec des
esclaves. Sous ce point de vue surtout , le
Mexique offre un contraste bien grand avec
la Havane , avec Lima et Caraccas. D'après
des renseignemens exacts pris par des per-
sonnes employées au dénombrement fait
en 1795 , il paroît que dans toute la Nouvelle-
Espagne il n'y a pas six mille Nègres, et
tout au plus neuf à dix mille esclaves , dont
le plus grand nombre habite les ports
■M
Jaragales
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ports
CHAPITRE VII. Sq
d'Acapulco et de Vera-Cruz, ou la rcoion
chaude voisine des cotes {ticrms calicntes)\
Les esclaves sont quatre fois plus nombreux
dans la capitania générale de Garaccas , qui
pourtant n'a pas la sixième ])arlie des habitans
du Mexique. Les Nègres de la Jamaïque sont
à ceux de la Nouvelle-Espagne dans le rapport
de 200: 1. Aux Mes Antilles, au Pérou, et
même à Garaccas , les progrès de j'agriculture
et de l'industrie en général, dépendent, dans
l'état actuel des choses, de l'augmentation des
Nègres. Dans l'île de Guba, par exemple, où
l'exportation annuelle du sucre est montée ,
en douze ans, de 4oo,ooo quintaux à 1 ,000,000,
on a introduit, depuis 1792 jusqu'en i8o5,
près de 53,ooo esclaves '. Au Mexique, au
contraire, l'accroissement de la prospérité
coloniale n'est aucunement dû à une traite de
Nègres devenue plus active. Il y a vingt ans
que l'on ne connoissoit presque pas en Europe
du sucre mexicain : aujourd'hui la Vera-Cruz
seule en exporte plus de 120,000 quintaux,
» D'après les tableaux de la douane de la Havane ,
dont je possède la copie, l'introducllon des Kègres
fut , depuis 1799 jusqu en i8o3 , de 3f,5oo , desquels
meurent sept pour cent par an.
i»#>*'
I I
i
40 LIVRE II,
et cependant les progrès qu'a faits dans la
Nouvelle-Espagne, depuis la révolution de
Saint-Domingue, la culture de la canne à
sucre n'y ont heureusement pas augmenté d'une
manière sensible le nombre des esclaves. Parmi
les 74jOOO Nègres que l'Afrique ' fournit
annuellement aux régions équinoxiales de
l'Amérique et de l'Asie , et qui équivalent ,
dans les colonies mêmes, à une somme de
111,000,000 de francs, il n'y en a pas une
centaine qui aborde sur les côtes du Mexique.
D'après les lois , il n'existe point d'Indiens
esclaves dans les colonies espagnoles. Cepen-
dant, par un abus singulier , deux genres de
guerre , très-différens en apparence , donnent
lieu à un état qui ressemble beaucoup à celui
de l'esclave africain. Les moines missionnaires
de l'Amérique méridionale font de temps en
temps des incursions dans les pays occupés
par de paisibles tribus d'Indiens, que l'on
appelle sauvages ( Indios bravos ), parce qu'ils
n'ont pas encore appris à faire le signe de la
croix comme les Indiens également nus des
* D'après M. Norris , et d'après les renseignemens
donnés eu 1787 , au parlement d'Angleterre]^, par les
négocians de LiverpooU
^.trxn-^-.. ,-., .....■»,.■,.■
dans la
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smens
tar les
CHAPITRE VII. i\l
Missions ( Indios reducidos ). Dans ces incur-
sions nocturnes, dictées par le liinatbme le
plus coupable, on se saisit de tout ce que
i on peut surprendre, surtout des enfans, des
femmes et des vieillards : on sépare sans pitié
les enfans de leurs mères , pour éviter qu'ils
ne se concertent sur les moyens de s'enfuir.
Le moine qui est le chef de cette expédition,
distribue les jeunes gens aux Indiens de sa
Mission qui ont le plus contribué aux succès
des entradas, A l'Orénoque et aux bords du
Rio Negro portugais, ces prisonniers portent
le nom de poitosj ils sont traités comme des
esclaves jusqu'à ce qu'ils soient dans l'âge de
se marier. C'est le désir d'avoir des poitos et
de les faire travailler pendant huit ou dix ans ,
qui porte les Indiens des Missions à exciter
eux-mêmes les moines à ces incursions : les
évêques ont généralement eu la sagesse de les
blâmer , comme des moyens de rendre odieux
la religion et ses ministres. Au Mexique,
les prisonniers faits dans la petite guerre qui
est presque continuelle sur les frontières des
pwvincias internas^ éprouvent un sort bien
plus malheureux que les poitos : ces prison-
niers, qui sont généralement de la nation
42 LIVRE II,
indienne des Mecos ou ApacLes, sont traînés
à Mexico , où ils gémissent dans les cachots
d'une maison de force {la corddda)^ L'isole-
ment et le désespoir augmentent leur férocité :
déportés à la Vera-Cruz et à l'île de Cuba, ils
y périssent bientôt comme tout Indien sauvage
que l'on transporte du haut plateau central
dans les régions les plus basses , et par consé-
quent les plus chaudes. On a eu des exemples
récens que ces prisonniers mecos , échappés
des cachots, ont commis les cruautés les plus
atroces dans la campagne voisine. Il seroit
bien temps que le gouvernement s'occupât de
ces malheureux, dont le nombre est petit, et
dont il seroit d'autant plus facile d'améliorer
le sort.
Il paroît qu'au commencementdc la conquête,
on comptoit au Mexique un grand nombre
de ces prisonniers de guerre , que l'on traitoit
comme les esclaves du vainqueur. J'ai trouvé
à ce sujet un pn- sage très-remarquable dans
le testament de Hernan Corlez ', monument
* Testamento que otorgo el Excellenfiiislmo Senor
J^on Hernan Cortez,conquifiiadorde la N'uei^'a E.paha
hecJio en Sevilla ,elii del mes de octuhre iS^j. l/ori-
giaal de cette pièce très-curieuse , dont j'ai fait une
jtmnpiRnsai
lit traînés
s cachots
, L'isole-
' férocité :
Cuba, ils
n sauvage
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a E.paha
7. L'ori-
i fait une
4
riiAriTRE VII. 43
historique digne d'être arraché à l'oubli. Le
grand capitaine, qui, pendant le cours de ses
victoires, surtout dans sa conduite perfide
envers le nud heureux roi Montezuma 11 ,
n'avoit pas montré trop de délicatesse ' de
conscience , se fit , vers la fin de sa carrière ,
des scrupules sur la légitimité des titres
é
copie , existe dans les archives clé la maison del Estado
(du marquis del Valle ) , située sur la grande place de
Mexico : elle n'a jamais été imprimée. J'ai aussi trouvé
dans ces archives un mémoire rédigé par Cortez, peu
de temps après le siège de Ténochtitlan , et contenant
des instructions sur la coi.fection des chemins , sur
l'établissement des auberges le long des grandes routes,
et sur d'autres objets de police générale.
» Cortez , dans ses lellres datées de la Piica Villa de
Vera-Cruz , dépeint à l'empereur Charles-Quint la
ville de Ténochtitlan comme s'il parloit des merveilles
de la capitale du Durado. Après lui avoir transmis
tout ce qu'il a pu apprendre sur la richesse « de ce
pui.^sant seigneur Montezuma » , il assure à son sou-
verain que , mort ou vivant , le roi mexicain doit
tomber entre ses mains. (( CertifLqiu a VuestraAlteza
que lo hahria preso à inuerto o suhdito a la real corona
de Vue&tra Magestad. » ( Lorenzana , p. Sg. ) Il faut
observer que ce projet fut conçu lorsque le général
espagnol étoit encore sur les côtes, et n'avoit eu aucune
communication avec les aml^assadeurs de Montezuma.
I !l
l!
Il
lllili
;ij
II
44 LIVRE II,
auxquels il possédoit d'immenses biens au
Mexique : il ordonne à son fils de faire les
recherches les plus soignées sur les tributs
qu*av oient perçus les grands seigneurs mexi-
cains qui avoient été propriétaires de son
majorât avant l'arrivée des Espagnols à la
Vera-Cruz ; il veut même que la valeur des
tributs exigés en son nom, en sus des impôts
anciennement usités, soit restituée aux indi-
gènes. En parlant des esclaves, dans les trente-
neuvième et quarante-unième articles de son
testament, Gortez ajoute ces mots mémorables :
« Comme il est resté douteux si , en bonne
« conscience , un chrétien a pu se servir
« comme esclaves des indigènes qui ont été
« faits prisonniers de guerre, et comme jusqu'à
« ce jour on n'a pu tirer au clair ce point
<< important , j'ordonne à mon fils Don Martin,
« et à ceux de ses descendans qui posséderont
« mon majorât et mes fief: après lui , de
« prendre toutes les informations possibles
« sur les droits que l'on peut légitimement
» exercer sur les prisonniers. Les naturels
« qui , après m'avoir payé des tributs , ont
« été forcés à des services personnels , doivent
« être dédommagés , si dans la suite il étoit
î biens au
ie faire les
les tributs
eurs mexi-
•es de son
gnols à la
valeur des
les impôts
aux indi-
les trente-
îles de son
morables :
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ui ont été
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ce point
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sséderont
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its, ont
doivent
il étoit
CHAPITRE VII. 45
« décidé qu'on ne puisse pas demander de
« corvées. » Ces décisions sur des questions
aussi problématiques , de qui devoit-on les
attcndje, sinon du pape ou d'un concile?
Avouons que trois siècles plus tard , malgré les
lumières que répand une civilisation avancée,
les riches propriétaires en Amérique ont ,
même en mourant, la conscience moins ti-
morée. De nos jours , ce sont les philosophes ,
et non les dévots, qui agitent la question,
s'il est permis d'avoir des esclaves ! Mais le
peu d'étendue que de tout temps a eu l'empire
de la philosophie , fait croire qu'il auroil été
plus ulilè à l'humanité souffrante que ce genre
de scepûcisme se fût co:iservé parmi les
croyans.
D'ailleurs, les esclaves , qui heureusement
se trouvent en très-petit nombre au Mexique ,
y sont , comme dans toutes les possessions
espagnoles , un peu plus protégés par les lois
que les Nègres qui habitent les colonies des
autres nations européennes. Ces lois sont
toujours interprétées en faveur de la liberté.
Le gouvernement désire voir augmenter le
nombre des affranchis. Un esclave qui, par
son industrie, s'est procuré quelque argent,
1 1
i
4G LÎNUK H,
peut forcer son maître (Je ralFrauchir , en lui
payantla somme modique tie i5ooou 2oooliv.
La liherlé ne sa';roit èlre refusée au Nè^^c ,
sons prclexle qi'il a conU' le triple en l'aclie-
lant^ ou (ju'il possède nn talent particulier
pour exercer un métier lucratif. Un esclave
qui a été cruellement maltraité , acquiert par
là même son alTrancliissement d'après la loi,
si toutefois le ju^e end)rasse la cause de
l'opprimé. On conçoit que cette loi bienfai-
sante doit cire bien souvent éludée. J'ai vu
cependant à Mexico même, au mois de juillet
i8o5 , l'exemple de deux Négresses «à qui le
magistrat qui fait les fondions Icalde do
carte , donna la liberté, parce que leur maî-
tresse, une dame native des îles, les avoit
couvertes de blessures faites avec des ciseaux ,
des épingles et des canifs. Dans le cours de
ce procès affreux , la dame fut accusée d'avoir,
au moyen d'une clef, cassé les dents à ses
esclaves, lorsque celles-ci se plaignoient d'une
fluxion aux gencives qui lesempêchoit de tra-
vailler. Les matrones romaines n'étoient pas
plus raffinées dans leurs vengeances. La bar-
barie est la même dans tous les siècles, lorsque
les hommes peuvent laisser un libre cours à
•w
ichir , en lui
»ou 2oooliv.
au Nè;^''re ,
le en l'aclic-
parlioiilier
Un esclave
cquierl par
près la loi,
I cause (Je
loi bien (ai-
ée. J'ai vu
is de juillet
•es à qui le
le aide de
: leur lîiaî-
les avoit
s ciseaux ,
cours de
e d'avoir,
pnts à ses
ent d'une
>it de tra-
oient pas
La bar-
, lorsque
! cours à
i
cHAi'inu: VII. 1 7
leurs ])assions , et ((ne les gouverneniens
tolèrent un ordre de choses contraire au\ luis
de la nature , et par conséquent au bien-elre
de la société.
jNous venons de faire l'énuniéralion des
difleienles races d'honunes qui constituent
aujourd'hui la population de la Nouvelle-
Espagne. En jetant les yeux sur les tableaux
physiques contenus dans l'Atlas mexicain ,
on voit (pje la majeure partie d'une nation
de six millions d'iiabitans peut t-tre considérée
comme un peuple montagnard. Sur le plateau
d'Anahuac , dontl'élévîition surpasse au moins
deux fois la hauteur des gros nuages ((ui eri
été sont suspendus au dessus de nos tètes, se
trouvent réunis des hommes à teint cuivré,
veims de la partie nord-ouest de l'Amérique
septentrionale , des Euro[)éens et quchjucs
Nègres des côtes de Bonny, de Galabar et
de Melimbo. En considérant que ce que nous
appelons aujourd'hui Espagnols , est un mé-
lange d'Alains et d'autres hordes tartares rivec
les Visigothset les anciens habitans de l'Ibérie;
en se rappelant l'analogie frappante c]ui existe
entre la plupart des l^ingues européennes, le
samskrit et le persan ; en réfléchissant, enlîn ,
"A
I
ri^
48 LIVRE II,
sur l'origine asiatique des tribus nomades qui
ont pénétré au Mexique depuis le septième
siècle , on est tenté de croire sortie d'un même
centre, mais par des chemins diamétralement
opposés , une partie de ces peuples qui ,
long-temps errans, après avoir fait, pour
ainsi dire , le tour du globe , se ren^'ontrcnt
de nouveau sur le dos des Cordillères mexi-
caines.
' : Pour achever le tableau des élémens qui
composent la population mexicaine , il nous
reste à indiquer rapidement la différence des
cnstes qui naissent du mélange des races pures
les unes avec les autres. Ces castes con tituent
une masse presque aussi considérable que les
indigènes du Mexique. On peut évaluer le
total des individus à sang mêlé à près de
2,400,000. Par un raffinement de vanité, les
habitans des colonies ont enrichi leur langue,
en désignant les nuances les plus fines des
couleurs qui naissent de la dégénéralion de
la Couleur priiTjitive. Il sera d'autant plus
utile de faiie connoître ces dénominations
j :•.;(.■■
!P
.isrnTr.T ',
t
* Sobre el cliina de Lima^ por el Doctor Unahite\
p. 48, ouvrage ittiprimé a; Pérou même , l'année iSofr.
:ii
- V.
lomacîes.qui
le septième
d'un même
létralement
uples qui,
iait , pour
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3mens qui
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•ces pures
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langue,
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^ùon de
*nt plus
ations ',
ue,
V'nah
CliAPITUE VIL l^g
que plusieurs voyiigcurs les ont confondues,
et que cette confusion cause de l'embarras à
la lecture des ouvrages espagnols qui traitent
des possessions américaines.
Le fils d'un blanc ( créole ou Européen ) et
d'une indigène à teint cuivré est appelé métis
on iiiestizo. Sa couleur est presque d'un blanc
parfaJI;; sa peau est d'une transparence par-
ticulière. Le peu de barbe , la petitesse des
ïnains et des pieds ,et une certaine obliquité
des yeux, annoncent plus souvent le mélange
de sang indien que la eature des cheveux.
àSi une métisse épouse un blanc, la seconde
génération qui en résulte ne diffère presque
])lus de la jace européenne. Très - peu de
Nègies ayant été introduits dans la Nouvelle-
Espagne , les métis composent vraisembla-
blement les I de la totalité des castes. Ils sont
généralement repu tés d'un caractère beaucoup
plus doux que les mulâtres ( niulattos ) , fils de
blancs et de Négresses , qui se distinguent par
la violence de leurs péîssions, et par une
singulière volubilité de langue. Les descendans
<]e Nègres et d'Indiennes poitent à Mexico,
a Lima, et même à la Havane, le nom bizarre
<le Chitio , Chinois, Sur la cote de Caraccas ,
II. 4
I (
i;
m
\' 1
'Il
Hi
5o
LIVRE II
et, comme il paroîtpar les lois, à la Nouvelle-
Espagne même , on les appelle aussi zambos.
Aujourd'hui , cette dernière dénomination
est principalement restreinte aux descendans
d'un Nègre et d'une mulâtresse^, ou d'un Nègre
et d'une china. On distingue de ces zambos
communs, les zambos prietos y qui naissent
d'un Nègre et d'une zamba. Du mélange d'un
blanc avec une mulâtresse , provient la caste
des quarterons. Lorsqu'une quarteronne
épouse un Européen ou un créole, son fils
porte le nom de quinteron. Une nouvelle
alliance avec la race blanche fait tellement
perdre le reste de couleur , que l'en.rant d'un
blanc et d'une quinteronne est blanc aussi.
Les castes de sang indien ou africain conservent
l'odeur qui esj; propre à la transpiration cu-
tanée de ces deux races primitives. Les Indiens
péruviens qui , au milieu de la nuit , distinguent
les différentes races par la finesse de leur
odorat , ont formé trois mots pour l'odeur de
l'Européen , de l'indigène américain et du
Nègre : ils appellent la première pezuna , la
seconde posco ', et la troisième grajo, D'ail-
* Mot ancien de la langue qquicliua.
^uuBawaMA
laNouvelle-
issi zamùos,
nomination
descendans
d'un Nègre
^es zambos
ui naissent
Jlange d'un
îiit la caste
larteronne
e, son fils
! nouvelle
tellement
^-^ant d'un
anc aussi,
onservent
ation eu-
îs Indiens
stinguent
de leur
3deur de
n et du
zuna^ la
o. D'ail-
CHAPITRE VII.
5l
leurs, les mélanges dans lesquels la couleur
des enfans devient plus foncée que n'étoit celle
de leur mère , s'appellent salta-atras ^ ou sauts
en arrière.
Dans un pays gouverné par les blancs , les
familles qui sont censées être mêlées avec le
moins de sang nègre ou mulâtre, sont natu-
rellement aussi les plus honorées. En Espagne,
c'est pour ainsi dire un titre de noblesse de
ne descendre ni de Juifs , ni de Maures. En
Amérique, la peau plus ou moins blanche
décide du rang qu'occupe l'homme dans la
société. Un blanc qui monte pieds nus à cheval
s'imagine appartenir à la noblesse du pays. La
couleur établit même une certaine égalité
Cl Ire des hommes qui, comme partout où la
civilisation est ou p avancée ou dans un
mouvement rétrograde, se plaisent à raffiner
sur les prérogatives de race et d'ori^-iae.
Lorsqu'un homme du peuple se dispute avec
un des seigneurs titrés du pays , on entend
souvent dire au premier : « Seroit-il possible
« que vous crussiez être plus blanc que moi ? »
Ce mot caractérise très-bien l'état et la ^ arce
de l'arislocratie actuelle. Il y a , par consé-
quent , un grand intérêt de vanité et de
52
i.ïViiE i;
considération publique à évalu'^p au juste les
fractions de sang européen que l'on doit
assigner aux différentes castes. D'après les
principes sanctionnés parï'usage, on a adopte
les proportions suivantes :
Castes. Mélange du sang.
Quarterons, j nègre | blanc.
Quinterons, ^ nègre ^ blanc.
Zambos , ^ nègre j blanc.
Zambos prietos, ~ nègre \ bhaic.
Il arrive souvent que des familles qui sont
soupçonnées d'être de sang mclc, demandent
y la haute-cour de justice {V Audiencia) qu'on
les déclare appartenir aux blancs. Ces décla-
rations ne sont pas toujours conformes au
jugement desseï :. On voit des mulâtres très-
basanés qui ont eu l'adresse de se faire blanclùr
(c'est l'expression banale du peuple). Quand
la couleur de la peau est trop contraire au
jugement qui est sollicité , le pétitionnaire se
contente d'une expression un peu probléma-
tique. La sentence dit alors simplement « que
« tels ou tels individus peuvent se considérer
« eux-mêmes coinme blancs ( cjne se tengan
« por hlancos ). »>
Cil API TUE Vil.
au juste Jes
' i on doit
C^'cJprès les
jn a adopté
sang.
>Ianc.
flanc.
Jan<:.
>Ianc.
'S qui sont
emandent
ifi) qu'on
^es dccla-
Jrnies au
très ti'cs-
hlancliir
). Quand
traire au
maire se
obléma-
it a que
isidérer
■ tengan
•■:1i
Il seroil très- in le ressaut de pouvoir dis-
cuter à fond l'influence de la diversité des
castes sur le rapport des sexes entr'eux. J'ai
vu , parle dénombrement fait en 1790 , que
dans la ville de la Puebla et à Valladolid, il
y a parmi les Indiens plus d'iiojimies que de
lémmes , tandis crue parmi les Espagnols ou
dans la race des blancs on y trouve plus de
femmes que d'hommes. Les intendances de
Guanaxuato et d'Oaxac.j présentent, dans
les castes , le même excédant d'honnncs. Je
n'ai pu me procurer assez de matériaux pour
résoudre le problème de la diversité des sexes
selon la différence des races , selon la cha-
leur du climat ou la hauteur des régions
que l'homme habite : nous nous bornerons,
par conséquent, à offrir des résultats gé-
néraux.
En France , on a trouvé , par un dénom-
brement partiel ftiit avec le plus grand soiu ,
que sur 991,829 âmes, les femmes vivantes
sont aux hommes dans le rapport de 9 à S.
M. Peuchet ' paroît s'arrêter à la proportion
de 54 : 55. Il est certain qu'en France il
» Statistique élcmcnlaire de la Frauce, p. 242>
54 LIVRE II,
existe plus de femmes que d'hommes, et , ce
qui est très-remarquable , qu'il naît plus de
garçons dans les campagnes et dans le midi
que dans les villes et les départemens qui
sont compris entre le 47'"' et le Sa.""" degré
de latitude. - '
Dans la Nouvelle-Espagne , au contraire ,
ces calculs d'arithmétique politique donnent
un résultat tout-à-fait opposé. Les hommes
y sont , en général , plus nombreux que les
femmes , comme le prouve le tableau suivant
que j'ai dressé, et qui embrasse huit pro-
vinces ou une population de i, 3 5 2,000 ha-
bitans.
s, et, ce
plus de
le midi
lens qui
"" degré
«traire ,
lonnent
lommes
que les
suivant
it pro-
)0 ha-
CHAPlTRE VII.
DIVERSITE
DES RACES.
luXNAXUAïO...
IV'ALLAnOtlD DE
Mkchoacan
Oaxaca
DURANGO. . . .
SONORA • . . . .
CiNALOA
\uEVo Mexico]
Californie. ..,
Espag.'* 01' Blancs.
Indiens ou ind
gcues. . . .
Castes mêlées
Espagnols. .
diens. . . .
astes mêlées
Espagnols. .
Indiens. . . .
Castes mêlées
!' Es
In
Ca
Dans ces cinq pro-
vinces, on a compté
l'ensemblede toutes
les races.
Total.
proportion
des
hommes
aux Femmes.
9'
95
99
97
9*
98
99
99
95
98
87
98
94
«7
moyeTine ooinmr
100 à 95
> On pourroit supposer que l'excéilant des raâles ,
dans le nord du Mexique, devoit être attribué en
partie à l'existence des postes militaires , appelés/7re-
sidios , et dans lesquels ne vivent pas de femmes^
Mais nous verrons dans la suite que ces presidios
tous ensemble ne contiennent pas au delà de trois
mille hommes.
.,«)
î '
I »*
Jl
1
■
m
:
56
LIVRE II
II suit de mes oalciiJs, comparés à ceux
faits au luinislère de l'inlérieur à Paris, c]ue
les Ijoniîiu s sont aux femmes , dans la popu-
lation générale de la Nouvellc-Esjxigne , dans
la proportion de loo : gS ; dans l'empire
francois , dans la proportion de lOO : lOO.
Ces nombres paroissent indiquer le\éiilabie
état des choses ; car on ne conçoit pas pour-
quoi, dans le dénombrement fait par ordre
du compte de Revillagii^cdo , les femmes
mexicaines auroienl eu plus d'il 'érèl de se
soustraire que les hommes. Ce b> :pcon est
d'autant moins ])robable, que le Uiéme dé-
nombrement ofl're, dans les grandes villes,
un rapport des sexes tout à fait différent de
celui qui existe dans les campagnes.
C'est l'aspect de ce grandes villes qui vrai-
semblablement a i.-it naître la fausse idée
généralement répar ^ue dans les colonies, que
dans les climats chauds , et, par conséquent,
dans toutes les basses ré<^ions de la zone
torride, naissent plus de filles que de garçons.
Le peu de registres des paroisses que j'ai pu
examiner, donnent un résultat absolument
contraire. A la capitale de Mexico , il y a eu
en cinq ans, depuis 1797 jusqu'en 1802 ;
cil A PII m; VII.
irts à ceux
^^ns, cjue
lis Ja popii-
''gi»e , dans
s l'empire
1 00 ; j 00.
e \ élit jLie
pi^s pour-
par orche
■'> Te ru nies
l'èl de se
;pcon est
ièaie du-
es villes ,
forent de
•
qni vrai-
sse idée
lies, que
écjuent,
ïa zone
garçons.
j'"i pu
lu ment
J a eu
)2 :
Dans les paroisses
du Sagrario . . .
de Santa-Gruz.
Nui'iaiK et mAlt.v.
Ojoo
127D
•^7
'•«iM.inrr, remcll>:,î.
56o3
1167
A Panuco et à Yguala', deux endroits situes
dans un climat ardent et très-malsyin, sur
neuf années consécutives, i\ n'y en eut pas
une seule dans laquelle l'excédant ne fût du
coté des naissances maies. En général, le
rapportdecesdernièresauxnaissancesfemelles
nie paroît , dans la Nouvelle-Espagne , comme
100 : 97 ; ce qui indique un ejccédant de maies'
un peu plus grand qu'en France, où sur 100
I 1 1 >
garçons il naît 9G filles.
Quant au rapport des décès selon la dif-
férence des sexes , il jn'a été impossible d'y
reconnoîlie la loi établie par la nature. A
Panuco, il mourut, en dix ans, 479 hommes
sur 609 femmes. A Mexico, il y eut en cinq
ans, dans une seule i)arGisse, celle du Sa^n-ario.
59^ décès de femmes sur 1901 d'hommes.
} >.' I '
A Panuco, les registres de la paroisse donnent',
depuis 1793 jusqu'en 1802 , sur 6/4 naissances mâles,
55o naissances femelles. A Yguala , on comploit
17.38 garçons sur i635 filles.
Il
58
LIVRE II
D'après ces données , peu nombreuses il est
vrai , l'excédant des hommes vivans devroit
être plus grand encore que nous ne l'avons
trouvé. Mais il paroît qu'en d'autres contrées,
les décès d'hommes sont plus l'réquens que
les décès de femmes. A Yguala et à Calimaya,
les premiers furent aux derniers , en dix ans,
comme 1204^1191, et comme i33o à 1272.
M. de Pomelles a déjà observé qu'en France
même , la différence des sexes est bien plus
sensible dans les naissances que dans les décès :
il y naît ~ de mâles de plus que de femelles ,
et l'état paisible du campagnard n'offre que 7^
de plus de décès masculins que de décès fémi-
nins. Il résulte de l'enscjnble de ces données ,
qu'en Europe , ainsi que dans les régions
équinoxiales qui jouissent d'une longue tran-
quillité , on trouveroit un excédant d'hommes,
si la marine , les guerres et les travaux ian-
gereux auxquels notre sexe z^ livre , ne
tendoient sans cesse à en diininuer le nombre.
La population des grandes villes n'est pas
stable , et ne se conserve pas par elle-même
dans un état d'équilibre par rapport à la
différence de sexes. Les femmes des cam-
pagnes entrent dans les villes pour le service
CHAPITRE Vil.
%
uses il est
» devroit
e l'avons
contrées,
aens que
laJimaja,
dix ans,
à 1272.
i France
ien plus
!s décès :
îmelles ,
eque^
es fémi-
3nnées ,
réjtjâons
e Iran-
)mnies,
X Jan-
e
ne
3nibre.
est pas
-même
t à la
cam-
ervice
des maisons qui manquent d'esclaves ; un grand
nombre d'homrnes en sortent pour parcourir
le pays comme muletiers ( arrieros ) , ou pour
se fixer dans les endroits où existent des ex-
ploitations métalliques considérables. Quelle
que soit la cause de cette disproportion des
sexes dans les villes, il n'en est pas moins
certain qu'elle a lieu. Le tableau suivant , qui
n'embrasse que trois villes , offre un contraste
frappant avec le tableau que nous avons donné
I de la population générale de huit provinces
mexicaines :
6o
IIVRK H
(
i
tm
KOMS
DB3 VILLES.
DIVERSITE
DKS RACES.
Mexico.
M 1'
QUERETARO.
Valladoud.
Ëiirupéens '
Espagnols uu créo-
les blancs
[ndieus ou iudi-
gèiies
Mulâtres
Autres castes ou
sang mélc
Ë.spaguols
Indiens
castes mêlées
Espagnols. ......
Mulâtres
Indiens
Total
HOMMES,
2,1X8
2i,33«
11,2.52
2/j5d
7,852
2,207
5,394
4,639
2,207
1,445
2,410
05,789
FEMMBS.
_L
l'KUfORTlO.N
des
homraes
aux Teinmcs
217
29,053
14,371
4,i56
11,525
2,929
6,190
5,49w
2,929
1,924
2 276
81 ,020
100 : lu
100 : i36
100
100
100
JCO
100
100
100
100
100
128
i4o ,
»47
i33
n5
118
i53
i33
95
144,809
1110. enne roniiiu'i
100 ;"i 127 j
Aux Etats-Unis de l'Amérique septentrio-
nale, les dénombremens qui embrassent toute
la population indiquent, comme en Europe
et au Mexique, un excédant d'hommes vivans.
* Cette disproportion apparente provient du petit
nombre de femmes espagnoles qui quillent l'Europe
pour se fixer au Mexique.
1
11
IMSS,
217
>,o53
l'Uui'OHTIO.N
des
iiumnies
aux femmes
100 ; 10
100 : i56
,371 100 : 12S
,i56 100 : i4o
,525
'929
49» I
929
100
JtO
100
iOO
100 :
100 ;
100 :
147
i53
Ji5
118
i33
95
lou à 127
ptentrio-
ent toute
1 Europe
3s vivaus.
■j'*t
CHAPITRE VU.
C
t du pellt
ope
l'Eui.
M.
Cet excédant est très-inégal dans un pays où
l'émigration des blancs , l'introduction de
beaucoup d'esclaves niales et le commerce
mariliine tendent sans cesse à troubler l'ordre
prescrit par la nalure. Dans les états de
Vcnnont ', de Kentucky et de la Caroline
du Sud , il y a piesque ~ plus de mâles que
de lenicllcs, tandis qu'en Pensylvanie et dans
l'état de Nev\-Yorck, cette disproportion ne
monte pas à un 7 .
Lorsque le royaume de la Nouvelle-Es-
pagne jouira d'une administration qui favorise
les connoissances , l'arithmétique politique
pourra y fournir des données infiniment im-
])ortantcs, et pour la statistique en général,
et pour riiistoire physique de l'homme en
j)arliculier. Que de problèmes» à résoudre
dans un pays montagneux qui offre, sous une
même latitude^ les climats les plus variés, des
liitbitans de trois ou quatre races primitives,
et le mélange de ces races dans toutes les
combinaisons imaginables ! Que de recher-
ches à faire sur l'âge de la puberté, sur la
fécondité de l'espèce , sur la différence
' Samuel Blodget , p. 7»').
^\
il
t
62
LIVRE II
des sexes ,. et sur la longévité , qui est
plus ou moiis grande selon l'élévation et
la température des lieux , selon la variété
des races , selon l'époque à laquelle les colons
ont été transplantés dans telle ou telle région;
enfin selon la différence de nourriture dans des
provinces où , sur un espace étroit , croissent
à la fois le bananier, le jatropha, le riz, le
maïs , le froment et la pomme de terre !
Il n'est point donné à un voyageur de se
livrer à ces recherches , qui exigent beaucoup
de temps , l'intervention de l'autorité suprême^
et le concours d'un grand nombre de per-
sonnes intéressées à atteindre le mémo but.
Il suffît ici d'avoir indiqué ce qui reste à faire,
lorsque le gouvernement voudra profiter de
la position heureuse dans laquelle la nature a
placé ce pays extraordinaire.
Le travail fait en 1790 sur la population
de la capitale présente des résultats qui mé-
ritent d'être consignés à la fin de ce chapitre.
On a distingué dans cette partie du dénom-
brement, selon la différence des castes, les
individus au-dessous et au-dessus de cinquante
ans; on a trouvé que cette époque a été
dépassée :
CHAPITRE VII. 63
Par 41:28 Blancs créoles , sur une population totale
de 5o,3j 1 individus de méoie race.
Par 559 Mulâtres. . . 7,094
Par 1789 Indiens. . . . 25,6o3
Par 1278 sang mêlé. . 19,357
De sorte qu'il est parvenu au delà de cia-
quanle ans :
Sur 100 Blancs créoles (Espagnols) 8
Indiens 6 *
Mulâtres 7
individus d'autres castes mêlées . . 6
Ces calculs , en confirmant l'admirable
uniformité qui règne dans toutes les lois de
la nature , paroissent indiquer que la longé-
vité est un peu plus grande dans les races
mieux nourries, et dans lesquelles l'époque
de la puberté est plus tardive. Sur 2335 Eu-
ropéens qui existoient à Mexico en 1793, il
n'y en avoit pas moins de 4^2 qui avoient
atteint l'âge de cinquanlie ans ; ce qui ne
prouve guère que les américains aient trois
fois moins de probabilité de vieillir que les
Européens , car ces derniers ne passent géné-
ralement aux Indes qu'à un âge mûr.
Après l'examen de l'état ph vsique et moral
li
m
Lîvrn- II
II
des dilTérenles castes qui composent la popu-
lation mexicaine , le lecteur désirera sans
doute voir aborder la cpeslion , quelle est
Tinfluence de ce mélange de races sur le
bien-être général de la société ? quel est le
degré de jouissance et de bonheur individuel
que , dans l'état actuel du pays , l'homnie
cultivé peut se procurer au milieu de ce conflit
d'intérêts, de préjugés et de ressentiniens?
iNous ne parlons point ici des avantages
qu'offrent les colonies espagnoles , par la
richesse de leurs productions naturelles^ par
la fertilité de leur sol , par la facilité qu'y
trouve l'homme , de pouvoir choisir à son
gré , et le thermomètre à la main , sur un
espace de quelques lieues carrées , la tempé-
rature ou le climat qu'il croit le plus favorable
à son âge , à sa constitution physique ou au
genre de culture auquel il veut s'adonner.
jNous ne retraçons point le tableau de ces
pays délicieux situés à mi-côte, dans la région
des chênes et des sapins, entre looo et i4oo
mètres de hauteur, où règne un printemps
perpétuel , où les fruits les plus délicieux des
Indes se cultivent auprès de ceux de l'Europe,
et où ces jouissances ne sont tioublées ni par
CHAPITRE VII.
65
la
par
i4oo
ope,
par
la multitude des insectes , ni par la crainte de
la fièvre jaune ( vomito ) , ni par la fréquence
des tremblemens de terre. Il ne s'agit point
ici de discuter si , hors des tropiques , il
existe une région dans laquelle l'homme ,
avec moins de travail , puisse subvenir plus
largement aux besoins d'une famille nom-
breuse. La prospérité physique du colon ne
modifie pas seule son existence intellectuelle
el morale.
Lorsqu'un Européen , qui a joui de tout
ce qu'offre d'attrayant la vie sociale des pays
les plus avancés dans la civilisation , se trans-
porte dans ces régions lointaines du nouveau
continent, il gémità chaque pas de l'influence
que , depuis des siècles , le gouvernement
colonial a exercée sur le moral des habitans.
L'homme instruit, qui ne s'intéresse qu'aU
développement intellectuel de l'espèce , y
souffre peut-être moins que l'homme doué
d'une grande sensibilité : le premier se met
en rapport avec la métropole ; Jes communi-
cations maritimes lui procurent des livres ,
des instruniCns; il voit avec ravissement les
progrès que l'étude des sciences exactes a
lails dans ICvS grandes villes de l'Amérique
ÏT. 6
66
Livi.i: ir
espagnole ; la contemplation d'une nature
grande , merveilleuse , variée dans ses pro-
ductions, dédommage son esprit des privations
auxquelles sa position le condamne : le second
ne trouve la vie agréable dans les colonies
espagnoles qu'en se repliant sur lui - même.
C'est là que l'isolement et la solitude lui pa-
roissent surtout désirables, s'il veut profiter
paisiblement des avantages que préscnlenl la
beauté de ces climats , l'aspect d'une verdure
toujours fraîche, et le calme politique du
Nouveau-Monde. En énonçant ces idées avec
franchise , je n'accuse pas le caractère moral
des habitans da Mexique ou du Pérou ; je
ne dis pas que le peuple de Lima soit moins
bon que celui de Cadix ; j'inclinerois plutôt
à croire ce que beaucoup d'autres voyageurs
ont observé avant mpi, que les Américains
sont doués par la nature d'une aménité et
d*une douceur de mœurs qui tendent à la
molesse , comme l'énergie de quelques nations
européennes dégénère facilement en dureté.
Ce manque de sociabihté, qui est général dans
les possessions espagnoles , ces haines qui
divisent les castes les plus voisines, et dont
les effets répandent de l'amertume dans la
i ■•
CHAPITRE VU. 67
^ ie des colons , sont uniquement dûs aux
principes de politique qui , depuis le seizième
siècle , ont gouverné ces régions. Un gouver-
nement éclairé sur les vrais intérêts de Thu-
manité , pourra propager les lumières et
l'instruction; il réussira à augmenter le bien-
être physique des colons , en faisant peu à
peu disparoitre cette inégalité monstrueuse
des droits et des fortunes : mais il trouvera
d'immenses difficultés à vaincre lorsqu'il
voudra rendre les habitans sociables, et leur
apprendre à se regarder mutuellement comme
concitoyens.
N'oublions pas qu'aux Etats-Unis, la société
s'est formée d'une manière bien différente
qu'au Mexique et dans les autres régions
continentales des colonies espagnoles. En
pénétrant dans les monts AUéghanys , les
Européens ont trouvé des forets immenses
dans lesquelles erroient quelques tribus de
peuples chasseurs que rien n'attachoit à un
sol non défriché. A l'approche des nouveaux
colons , les indigènes se retirèrent peu à peu
dans les savanes occidentales qui avoisinent le
Mississipi et le Missoury : ainsi des hommes
libres, d'une même race, de la même origine,
5*
68 LIVRE II,
devinrent les premiers élémens d'un peuple
naissant. « Dans l'Amérique septentrionale ,
« dit un homme d'état célèbre , un voyageur
« qui part d'une ville principale où l'état
« social est perfectionné, traverse successi-
»c vement tous les degrés de civilisation et
« d'industrie, qui vont toujours en s'afFoi-
« blissant jusqu'à ce qu'il arrive , en très-peu
« de jours ^ à la cabane informe et grossière
« construite de troncs d'arbres nouvellement
« abattus. Un tel voyage est une sorte d'ana-
« lyse pratique de l'origine des peuples et
« des états. On part de l'ensemble le plus
« composé pour arriver aux données les plus
« simples; on voyage en arrière dans l'histoire
« des progrès de l'esprit humain; on retrouve
" dans l'espace ce qui n'est du qu'à la suc-
M cession du temps'. »
Dans la Nouvelle-Espagne et au Pérou , si
l'on en excepte les Missions, les colons ne
sont nulle part rentrés dans l'état de nature.
Se fixant au milieu de peuples agricoles, qui
vivoient eux-mêmes sous des gouvernemens
* M. de Talloyraiwl, dans son Essai sur les colonies
nouvelles.
lonies
CHAPITRE VII. Dl)
aussi compliqués que despotiques, les Euro--
péens ont profité des avantages que leur
ofFroient la prépondérance de leur civilisation,
leur astuce et Tautorité que leur donnoit la
conquête. Cette situation particulière,, et le
mélange de races dont les intérêts sont dia-
métralement opposés, devinrent une source
intarissable de haine et de désunion. A mesure
que les descendans des Européens furent plus
nombreux que ceux que la métropole envova
directement, la race blanche se divisa en deux
partis , dont les liens du sang ne peuvent
calmer les ressentimens. Le gouvernement
colonial, par une fausse politique , crut pro-
fiter de ces dissensions. Plus les colonies sont
grandes, et plus l'administration prend un
caractère de méfiance. D'après des idées que
malheureusement on a suivies depuis des
siècles, ces régions lointaines sont considérées
comme tributaires de TEurope : on y distribue
l'autorité , non point de la manière que l'in-
térêt public l'exige, mais ainsi que le dicte
la crainte de voir augmenter trop rapidement
la prospérité des habitans. Cherchant la sécu-
rité dans les dissensions civiles y dans la balance
du pouvoir et dans une complication de tous
70 LIVRE n, CHAPITRE VII.
les ressorts de la grande machine politique ,
la métropole travaille sans cesse à nourrir
Tesprit de parti et à augmenter la haine que
se portent mutuellement les castes et les
autorités constituées. De cet état de choses
nait une aigreur qui trouble les jouissances
de la vie sociale.
; '.,. (
.1
('
, ( I •
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%/^/%^'m/^ik«%>'^^.«%/%,'^%/^^%^^/^-^ 1
h'%'^^'*.'^^^
LIVRE III.
Statistique particulière des Inten-
fiances qui composent le royaume
de la Nouvelle - Espagne, — Leur
étendue territoriale et leur popu-
lation.
CHAPITRE VIII.
<,
. I ) ! ■ •■' •■
De la dmsion politique du territoire mexicain ^
et du rapport de la population des Inlen^
dances a leur étendue territoriale, — Filles
principales.
^VAMT de présenter le tableau qui contient
la statistique particulière des intendances de
la Nouvelle -Espagne, nous discuterons les
principes sur lesquels se fondent les nouvelles
divisions territoriales. Ces divisions sont en-
tièrement inconnuas aux géographes les plus
72 LIVRE m,
modernes , et nous répétons ici ce que nous
avons déjà indique plus haut dans Tlntroiluc-
tion de cet ouvrage, que notre carte générale,
publiée dans l'Atlas mexicain , est la seule qui
ofFre les lirtiitesdes intendances établies depuis
l'année 177O.
M. Pinkerton , dans la seconde édition de
sa Géographie moderne ' , a essayé de donner
' On anncyiicc en ce moment '( Riljliolbéqiie amé-
ricaine ; i8q8 , n.** 9) qiic M. Piukerlon assure s'tirc
servi de mes tuanuscrits pour son travail sur le Mexique.
J'ai communiqué , avec la franchise naturelle à mon
caractère, plusieurs rotes manuscrites à M. Bourgoing,
à M. Alexandre Laborde, et à quelques autres savans
également respectables: je n'en ai jamais communiqué
à M. Pinkerton ; et la manière avec laquelle il m'avoit
traité dans sa Géographie ^ avant mon retour en Eu-
rope , ne devoit pas, sans doute, m'engager à des
relations avec lui. Compilateur aussi inexact qu'auda-
cieux , M. Pinkerton , dans le style qui lui est propre ,
trouve « ridicule, dégoûtant et absurde » tout ce qui
est contraire aux idées qu'il s'est formées dans son
cabinet. Ignorant que la carte de La Cruz est dressée
sur celle du père Caulin , il ne permet pas d'autres
cours aux rivières que ceux qu'il trouve indiqués par
le premier. Il pousse le scepticisme si loin, que, d'après
lui, l'auteur du Voyage à la Terre-Ferme, M. Depons,
ignore jusqu'au nom du pays dans lequel il a séjourné
ue nous
trocluc-
nérale,
;ule qui
i depuis
lion de
donner
ue a mè-
re s'êlre
1 toxique.
e ù uion
Lirgoiiig,
s savans
luniqué
m'avoit
eu Eu-
c à das
u'auda-
)ropre ,
ce qui
ms son
dressée
'autres
*és par
d'après
'epons,
journé
CHAPITRE Vlll. 7.3
une description détaillée des possessions espa-
gnoles dans l'Amérique du nord ; il y a mêlé
plusieurs notions exactes tirées du Viajvro
inmersaly à des données vagues que lui a
fournies le dictionnaire de M. Alcedo. L'au-
teur, qui se croit sing-idiorenicnt instruit sur
les vraies divisions territoriales de la Nouvelle-
Espagne , considère les provinces de Sonora ,
de Cinaloa et de la Pimeria comme parties
de la Nouvelle - Biscaye. Il divise ce qu'il
appelle le domaine de Mexico , dans les
districts de Nueva Galicia, de Panuco , de
Zacatula , etc. , etc. D'après le même prin-
cipe , on diroit que les grandes divisions de
l'Europe sont FEspagne, le Languedoc, la
Catalogne , les arrondissemens de Cadix et
de Bordeaux.
Avant que la nouvelle administration fût
introduite par le comte Don José de Galvez,
ministre des Indes , la Nouvelle-Espagne em-
brassoit, i.^'le Reyno de Mexico; 2.** le Rejno
de Nueva Galicia ; 3.** le Nuevo Reyno de
quatre ans. Les notes surtout qui accompagnent la
nouvelle édition de la Géographie de M. Pinkerton,
contribuent à répandre les idées les plus fausses sur la
physique et l'histoire naturelle descriptive.
74 LIVRE m ,
Léon ; 4*" la Colonia del Nnevo Santander ;
5.*» la Provincia de Tnxas; G.<* la Provincia de
Cohahiiila ; 7." la Provincia de NuevaBiscaya;
8.^ la Provincia de la Sonora; 9.' la Provincia
de Nuevo Mexico , et 10." Ambas Californias ^
ou les Provincias de la Vieja y JNuevaCali-
fornia. Ces anciennes divisions sont encore
Irès-iisitées dans le pays. La même limite qui
sépare la Nueva Galicia du Reyno de Mexico,
auquel appartient une partie de l'ancien
royaume de Mechoacan , est aussi la ligne
de démarcation entre la jurisdiction des deux
audiences de Mexico et de Guadalaxara. Cette
ligne , que je n*ai pas pu tracer sur ma carte
générale , ne suit cependant pas exactement
les contours des nouvelles intendances : elle
commence sur les côtes du golfe du Mexique ,
dix lieues au nord de la rivière de Panuco et
de la ville d'Altamira , près de Bara Ciega ,
et traverse l'intendance de S. Luis Potosi jus-
qu'aux mines de Potosi et de Bernalejo ; de là
longeant l'extrémité méridionale de l'inten-
dance de Zacatecas et la limite occidentale
de l'intendance de Guanaxuato , elle se dirige
à travers l'intendance de Guadalaxara , entre
Zapotlan et Sayula, entre Ayotitan et la ville
tM
\{-K
CHAPITRE VIII. -JJ
fie la Purification, surGuatlan, un des ports
de l'Océan Pacifique. Tout ce qui est au nord
de cette ligne appartient à l'audience de
Guadalaxara ; tout ce qui est au sud à l'au-
dience de Mexico.
Dans son état actuel, la Nouvelie-Espafj^ne
est divisée en douze intendances , auxquelles
il faut ajouter trois autres districts, très-éloignés
delà capitale, qui ont conservé la simple déno-
mination de provinces. Ces quinze divisions
sont : , ,
H
L SOUS LA ZONE TEMPÉRÉE.
82,000 1. carrées, avec 677,000 âmes
ou 8 habitans par lieue carrée.
A. Région du Nord^ région intérieure.
1. Provincia de Nuevo Mexico, le long
du Rio del Norte, au nord du
parallèle de 3i degrés.
2. Intendencia de Nueva Biscaya, au
sud^ouèst du Rio del Norte , sur
! le plateau central qui s'abaisse
rapidement depuis Durango vers
Chihuahud.
i6
LIVRE III
?
B. Région du Nord- Ouest ^ voisine du
Grand-Océan.
3. Provincia de la Nue VI California,
ou côte nord-ouest de l'Amérique
septentrionale, occupée par les Es-
pagnols.
4. Provincia de la Antigua Cali-
fornia. Son extrémité méridionale
entre déjà dans la zone torride.
5. Intendencia de la Sonora. La partie
la plus australe de Cinaloa , dans
laquelle sont situées les mines cé-
lèbres de Copala et du Rosario ,
d-^passe aussi le tropique du Cancer.
C Région du Nord-Est j voisine du golfe
du Mexique. •
6. Intendencia de San Luis Potosi.
Elle comprend les pro"\dnccs de
Texas, la Colohia de Nuevo San-
tander et Cohahuila, le Nuevo Reyno
de Léon , et les districts de Gharcas ,
Altamiia, de Catorce et Raiiios. Ces
demie .s districts co'uposent l'inten-
dancc de Sun Luis profjrenieut dite.
vi
CHAPIÏUK VIII.
77
La partie australe , celle qui s'étend
au sud de la Barra de Santander et
du Real de Gatorce, appartient à
la zone torride.
IL SOUS LA ZONE TORRIDE.
36,000 1. carrées, avec 5, 160,000 AniPs
ou i4i habitans par lieue carrée.
D. Région centrale,
7. Intendencia de Zacateoas, excepté
la partie qui s'étend au nord dc^
mines de Fresnillo.
8. InTEM)ENC1A de GUADALAXAÏIA.
9. Inteadencia de Guanaxuato.
10. intendencia de Valladolid.
11. Intendencia de Mexico.
12. Intendencia de la Puebla.
10, Intendencia de la Vera-Gruz.
E. Région du Sud-Est.
1/4. Intendencia de Oaxaca.
i5. Intendencia de Merida.
Los divisions qu'oflVe ce tableau se fondent
sur l'état physique du pays, .^ious voyons que
pi'ès des sept huiticines des habitans vivent
sous iazoïîo ton ide. La population est d'autant
8
LIVRE III
plus clair-seniée que l'on avance vers Duranoo
et Chihuahua. Sous ce rapport, la Nouvelle-
Espagne présente une analogie frappante avec
rindoustan, qui confine aussi au nord à des
1 égions presque incultes et inhabitées. Parmi
quatre raillions qui occupent la partie équi-
jioxiale du Mexique, il y en a quatre cinquièmes
qui habitent le dos de la Cordillère , ou des
plateaux dont Télévation au-dessus du niveau
de rOcéan égale la hauteur du passage du
Mont-Cenis.
La Nouvelle-Espagne , en considérant ses
provinces d'après leurs relations commerciales
ou d'après la situation des côtes auxquelles
elles touchent immédiatement, se divise en
trois régions.
I. PROVINCES DE L'INTÉRIEUR, qui
ne s'étendent pas jusqu'aux cotes de
l'Océan :
1. NuEvo Mexico.
2m Nueva Biscaya.
3. Zacatecas.
4. Cuanaxuato.
'urano'o
mvelle-
ite avec
i à des
Parmi
î équi-
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ge du
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relaies
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•
CHAPITRE VIII.
19
IL PROVINCES MARITIMES de la côte
orientale y opposée à l'Europe :
5. San Luis Potosi.
6. Vera-Cruz.
7. Merida ou Yucatan.
III. PROVINCES MARITIMES de la côte
occidentale y opposée à l'Asie :
8. Nouvelle Californie.
9. Ancienne Californie.
10. S0N0RA.
ii. guadalaxara.
12. Valladolid.
i3. Mexico.
l/j. PUEBLA.
i5. Oaxaca.
Ces divisions seront un jOur d'un grand
intérêt politique, quand la culture du Mexique
sera moins concentrée sur le plateau central
ou sur le dos de la Cordillère , et quand les
côtes commenceront à se peupler. Les pro-
vinces maritimes occidentales enverront leurs
vaisseaux à Noutka , à la Chine et aux grandes
Indes. Les îles de Sandwich , habitées par
un peuple féroce , indu>itrieux et entrepre--
8o LIVRE III,
nant, paroissent plutôt destinées à recevoir
des colons mexicains, queues colons euro-
péens : elles oftrent une échelle importante
aux nations qui se livrent au commerce d'en-
trepôt dans le grand Océan. Les habitans de
la JNouvelle-Espagne et du Pérou n'ont pas
pu profiter jusqu'ici des avantages de leur
position sur une côte opposée à l'Asie et à
la Nouvelle-Hollande : ils ne connoissent pas
même les productions des îles de la mer
Pacifique. L'ari>re à pain et la canne à sucre
d'Otalieiti, ce roseau précieux dont la culture
a eu l'influence la plus heureuse sur le com-
merce des Antilles , au lieu des îles les plus
voisines, leur parviendront un jour de la
Jamaïque, de la Havane et de Caracas. Que
d'efforts n'ont pas l'ait depuis dix ans les états
confédérés de l'Amérique septentrionale, pour
s'ouvrir un chemin vers les côtes occidentales,
vers ces mêmes côtes sur lesquelles les Mexi-
cains ont les ports les plus beaux , mais sans
vie et sans commerce!
D'après l'ancienne division du pays, le
Reyno de Nuc^a G aile la a voit plus de qua-
torze mille lieues carrées et près d'un million
d'habitans; il embrassoit les intendances de
il
CHAPIXI'.E VUI.
8i
sans
le
Zacateccis et de Guadalaxara' , ainsi qu'une
petite partie de celle de San Luis Potosi. Les
régions désignées aujourd'hui sous la dénomi-
nation des s^pt intendances de Guanaxuato,
Valladolid ou Mechoacan, Mexico, Puebla ,
Yera-Cruz, Oaxaca et Merida, formoient,
avec une petite portion de l'intendance de San
LuisPolosi', le Rcjno de Mexico vivo^veaiQïit
dit. Ce royaume avoit par conséquent plus de
27,000 lieues carrées, et près de quatre mil-
lions et demi d'habitans. .
Une autre division de la Nouvelle-Espagne,
également ancienne et njoins v:\^ue, c^t celle
qui distint^je la Nouvelle -Espagne yropre-
ment dite , des provincics internas. A ces
dernières appartient , à Tex^eption des deux
Californies, tout ce qui est au nord et au
nord-ouest du royaume de iNJueva GalicJa;
par conséquent , 1.*^* le petit royaume de
Léon; 2.'' la colonie du Nouveau-Santander;
3.<^ Texas; 4«° la Nouvelle-Biscaye ; 5 •> Sonora;
* A l'exception de la ban»i<^ la plus australe, dans
laquelle se trouvent le vulcau de Colima et le village
d'Ayolilan.
' La partie ^ plus méridionale , qui est traversée par
la rivière de Panuco.
II. 6
Il
i i
8a
LIVRf:: III
6/' Coliahuila, et 7.» le Nuevo Mexico. On
ilislingue Xesproviiicias internas delVircjnato,
qui comprennent 7814 lieues carrées , des
provincias internas de la comandancia ( de
Cliihuahua ) , érigées en capitania gênerai
Tannée 1779. Ces dernières ont 59,075 lieues
carrées. Des douze intendances nouvelles, il
V eu a trois situées dans les provinces internes,
celles de Durango , Sonora et San LuisPotosi.
Il ne faut cependant pas oublier que l'inten-
dant de San Luis n'est directement soumis
au vice-roi que pour Léon , Santander et les
districts qui sont voisins de sa résidence , ceux
de Charcas , de Catorce et d'Altamira. Les
gouvernemens de Gohaliuila et de Texas font
aussi partie de l'intendance de San Luis Potosi ;
mais ils appartiennent directement à la coman-
dancia gênerai de Ghiliuahua. Les tableaux
suivans pourront jeter quelque jour sur ces
divisions territoriales assez compliquées. Il
en résulte que l'on divise toute la Nouvelle-
Espagne, en
A. Provincias su je tas al Virey de Nueva
EspaTia; 59,100 lieues carrées , avec
5,477,900 âmes : . . .
\
t il
ico. On
rcjnato,
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gênerai
•5 lieues
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soumis
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e , ceux
ra. Les
Las font
Potosi ;
coman-
bleaux
sur ces
ees. Il
jvelle-
ISlueva
avec
il
CHAPITRE VIII.
83
les dix intendances de Mexico , Puebla,
Vera-Gruz, Oaxaca, Merida, Valladolid,
Guadalaxara, Zacatecas , Guanaxuatoet
San Luis Potosi ( sans y comprendre
Cohahuila et Texas);
les deux Californies.
B. PvoK>incias su jetas al comandante gênerai
cloprovincias internas s 69,575 lieues car-
rées, avec 559,200 habitans :
les deux intendances de Durangoet Sonora;
'a province de Nuevo Mexico ;
Gohaluila et Texas.
TouLe la Nouvelle -Espagne, 118,478 lieues
carrées, avec 5,857,100 habitans.
Ces tableaux offrent la surface des provinces
calculée en l'oues carrées de 25 au degré,
d'après la carte générale contenue dans mon
Atlas m exicain . Les premie rs calculs a voient été
faits à Mexico mêiiie, à la fin de l'année i8o3 ,
par M. Oteyza et par moi. Mes travaux géo-
graphiques a) ant atteint, depuis cette époque,
un peu plus de perfection, M. Oltmanns a
})ien voulu se charger de recalculer toutes
les su riaces territoriales : il a exécuté ce
travail avec la précision qui caractéri
qui
G
84 , Livr.E iir,
ce qu'il entreprend, ayant formé des carrés
iflonl les côtés n'avoient que trois minutes
en arc.
La population indiquée dans mes tableaux
est celle que l'on peut supposer avoir existé
l'année i8o3. J'ai développé plus haut, dans
le quatrième chapitre (p. 02 15 et 3/fi), les
principes sur lesquels se fondent les change-
mens ffiits dans les nombres obtenus par le
dénombrement de 1 793. Je n'ignore pas que
des géographes modernes n'admettent que
deux à trois millions d'habitans pour le
Mexique. On s'est plu de tout temps à exa-
gérer la population de l'Asie , et à rabaisser
celle des possessions espagnoles en Amérique:
on oublie que sous un beau climat et sur un
sol fertile, la population fait des progrès
rapides , même dans les pays les moins bien
administrés : on oublie que des hommes épars
sur un terrain immense , souffrent moins des
imperfections de l'état social, que lorsque la
population est très-concentrée, f.
L'on est incertain sur les limites que l'on
doit assigner à la Nouvelle-Espagne , au nord
et à l'est : il ne suffit pas qu'un pays ait été
parcouru par un moine missionnaire , ou
'1
CHAPITRE Vm.
85
es carres
minutes
tableaux
ir existé
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sque la
le l'on
u nord
ait été
, ou
qu'une côte ait été vue par un vaisseau de la
marine royale, pour les considérer comme
appartenant aux colonies espagnoles de l'Amé-
rique. Le cardinal Lorenzana a fait imprimer
à Mexico même , l'année 1770, que la Nou-
velle-Espagne, par Févêché de Durango,
confinoit peut-être avec la Tartarie et le
Grœnland ' I On est aujourd'hui trop instruit
en géographie pour se livrer à des suppositions
si extravagantes. Un vice-roi du Mexique a
fait visiter , depuis San Blas , les colonies amé:
ricaines des Russes sur la péninsule d'/Vlaska-
L'attention du gouvernement mexicain a été
pendant long-temps fixée sur la côte nord-
ouest, surtout lors de l'établissement à No utk a,
que la cour de Madrid s'est vue forcée d'aban-
donner pour éviter une guerre avec 1 Angle-r
terre. Les habitans des Etats - Unis poussent
leur civilisation vers le Missoury : ils tendent
à s'approcher des côtes du gi^and Océan,
auxquelles le commerce des fourrures les
^ u Y aun si ignora si la Nueva Espaîia por lo
(c mas remoto de la diocèses de Durango confina con
« la Tarfaria y Groelandia , per las Californias con
« la Tartaria y por elle Nilcvo Mexico con la Groi -
« landia. » Lorenzana , p. 38.
86
LIVRE m
appelle. Uépoque approche où , par les
progrès rapides de la culture humaine , les
limiles de la Nouvelle-Espagne toucheront
à celles de l'empire russe et de la grande
confédération des républiques américaines.
Dans l'état actuel des choses , le gouverne-
ment mexicain ne s'étend , sur les côtes occi-
dentales , que jusqu'à la Mission do S. François,
au sud du cap Mcndocin; et au Nouveau-
Mexique, jusqu'au village de Taos. A l'est,
vers l'état de la Louisiane , les limites de
l'intendance de S. Luis Potosi sont peu déter-
minées : le congrès de Washington tend à
les restreindre jusqu'à la rive droite du Rio
Bravo del Norte; tandis que les Espagnols
comprennent, sous la dénomination de pro-
vince de Texas, les savanes qui s'éi- 'idcnt
jusqu'au Rio Mexicano ou Mermentas, a l'est
du Rio Sabina.
Le tableau suivant offre la surface et la
population des plus grandes associations poli-
tiques de l'Europe et de l'Asie : il fournira
des comparaisons curieuses avec l'état actuel
du Mexique.
i\
CHAPITRE YIII.
87
fi
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i
GRANDE»
I.IF.l'K> CMlRlil.>
rOPULATION
ll.ttITA.'.
1
ASSOCIATIO^S l'OLITIQIES
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1
j
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saj
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Les États-Unis tle rAniéiiqne
j
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E
]. Avec la Louisiane
31)0,540
G, 800, 000
22
?.. Sans la Lunisiaiie
ljG,2'lO
G,7i5,ouo
45
5. Sans la Loni^iune et le
tpiritoirc iiuiiin {in Crcr-
1
gia and li'e.'^ltrn ïi'a-
8
ters )
78,120
C,G55,ooo
85
j
L'Indoustun en-deçà du Gange ' .
162,827
1
Teniloire anglois sur lequel
'.
1
1
la compagnie des Jndes
(
' Orientales a acquis la sou-
veraineté
48,299
2.5,8oG,ooo
495
^
Allies et tributaires de Ici
' compaguie ansloise
3a,647
16,900,000
5i8
Ki»j.'ir.' turc , en J-urope , en
'sie et en Afi «lue
iSfi.iio
25,53o,ooo
186
La monarchie autrii lienne.. . .
55,258
25,588,000
769
1
i.^ France, d'apr^-sM. Peuchet.
02,000
,55,000,000
100)4
1
1
fc-jpagne, d'après M. Laborde.
25, 147
10,409,000
4i5
1
1
''«0(f«clU>-hiSpaff>«- ,
1. * les jM w incias in-
1
t' ...
118,578
5,857,100
49
P 2. Sciws les pi*»' iiitias in-
î
i tertias
.'îi,2-So
5,4i5-noo
io5
^ D'à: J s la hfiïc carte d Arrovysmilh , Maj) of
India, i8oJt. ( J««riial astronomique de MM. Zach
4A Lindenau, i%)7, p. 3Gi.) Le reste des données
d'aj.'ï-r.s l'ouvra^; cia.ss'*:ur de M. ILis.sc] , Tahleaa
statffiiKifge (J("i Étals de l' Europe, Caliicr I (iScS)^
Cil ulieiuuuiL
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
(/ 'A4^^.
1.0
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(71*". «73-1503
'9>
1
[i II'
88
LIVRE iir
Nous voyons par ce tableau , qui peut faire
naître des considérations très-curieuses sur
la disproportion de la culture européenne ,
que la Nouvelle-Espagne est presque quatre
fois aussi grande que TEmpire français , avec
une population qui, jusqu'à ce jour, est sept
fois plus petite. Les rapports que présente
la comparaison des Etats- Çnis ' tt du Mexique
* L'étendue du terriloire liis llals-Unis est très-
difficile à éTaiuer en liiucs carréos , surtout depuis
l'acquisition de la Louisiane, dont les limites sont
pour ainsi uire incertaioes k l'ouest et au nuid-oncst.
Selon M. Hutchins , l'ancien ^Jograj'lio du congrès,
à qui l'on doit la beii carte des pays situés au-delà
de rOhio, les Etats-Unis < mbrassoicnt , Tannée i7i»5,
une surface de 64o millions o 'acrt-s. ou (en décomptant
les lacs) de Sbg millions. Or, 64o acn's Tont un square-
mile } par conséquent (en renuisant duos la proportion
de i44:35) les 589 millions éi acres équivalent à
169,000 lieues carrées de '25 au degré. J'ai suivi ,
dans l'évaluation du territoire présentée dans le tableau
précédent, des notes mai.uscrites qui m'ont été lour-
nies par un homme d'état respectable, par M. Gnllaiin,
ministre du trésor public à Washington. D'après ces
notes, les États-Unis, sans la Louisiane, occupent
900,000 square-miles , ou i56,24o lieues carrées. Ce
nombre est d'un neuvième plus petit que celui adopté
généralement par les géographes américains j mais
f
eut faire
uses sur
pccnne ,
e quatre
lis , avec
est sept
présente
^lexique
est très-
ut depuis
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)rd-ouesl.
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té lour-
Gnllaiin,
îrès CCS
>ccupent
ré es. Ce
i adopté
mais
^%
I
CHAPITRE VIII. 89
sont surtout très-frappans , si Ton regarde la.
Louisiane et le territoire occidental comme
les provincias internas de la grande confédé-
ration des républiques américaines.
J'ai présenté dans ce chapitre l'état de ces
provincias internas , tel qu'il étoit loi^que je
séjournai au Mexique. Il s'est fait depuis un
changement dans le gouvernement mihtaire
de ces vastes provinces , dont la surface est
presquele double de celle de l'Empire francois.
L'année 1807, deux co/?}nndcintes générales ^
les brigadiers Don Nemesio Salcedo et Don
Pedro Grimarest, gouvernoient ces régions
septentrionales. Voici la division actuelle du
celte différence provient de calculs plus exacts sur la
surfiicc des lacs et la position plus orientale du Missis-
sipi , déterraince par les observations de M. Ellicot.
M. Gallatin croit que Terreur de son évaluation ne
peut pas excéder 5o,ooo square-miles. La moitié de
ces i56,24o lieues carrées appartient aux indigènes ,
et ne peut être considérée que comme un pays occupé
par des peuples alliés. Je crois qu'en ne comptant que
les régions dans lesquelles les blancs ont déjà fait des
établissemens, et en excluant celles qui sont ou désertes
ou babitées par les Indiens, le territoire des États-
Unis, au lieu de a6o,34o, ne devroit être évalué que
de 100 à 120^000 lieues carrées.
go LIVRE III,
gobierno militari qui n'est plus entre les
seules mains du gouverneur de Chihuahua :
PROVINCIAS INTERNAS DEL REYNO
DE NUE VA ESPANA.
A. Provincias internas occidentales :
1. SOTÎORA.
2. DURANGO O NUEVA BiSCAYA.
3. NuEvo Mexico.
4- Californias.
B. Provincias internas orientales :
1. cohahuila.
2. Texas.
3. COLONIA DEL NuEVO SaNTANDER.
4. Nuevo Reyno de Léon.
Les nouveaux comandantes générales des
provinces internes, ainsi que l'ancien, sont
considérés comme chefs de l'administration
des finances dans les deux intendances de
Sonoraet de Durango, dans la province de
Nuevo Mexico , et dans cette partie de l'in-
tendance de San Luis Potosi , qui comprend
Texas et Cohahuila. Quant au petit royaume
de Léon et au Nouveau-Santander , ils ne sont
soumis au commandant que sous le rapport
de la défense militaire.
1
I
CHAPITRE VIII. gi
Analyse statistique du royaume de la Nouvelle-Efpaf^ne.
DIVISIONS TERRITOniALES.
SURFACB
en
de
25 au ilegrë.
POPOLATIOsr
réduite
à l'époque
de i8o3.
MOAIBRE
des
lIABITANs
|iHr
lieiiL'cari'ri
,\ 0 y V l'X L li- ES P A G N E.
(Étendue de toute la vice-
ro)'auté, sans y comprendre
le ruyaumc de Guatiinala ). .
118,4-78
5,857,100
A
. PROVINCIAS fNTERNAS.
a. Immédiatement soumises
au vice-roi. ( Provincial
internas del Vireynato ). .
1, .NuF.vo RiiYNo ne. Léon.
2. NUEVO SAîrt«ANDER
b. Soumises au gouverneur
(le Chihuahua. (Provincias
internas de la coinandancia
gênerai )
1. IntendenciadelaNueva
BlSCAYA O DuRANGO
2. Intend, de la Sojsora.
0. cohahuila
4. I'exas
5. Nuevo Mexico
67,189
7.8i4
2,621
5,193
%,."75
4a3,200
64,000
29,000
38,uou
359,200
i6,«73
159,700
ig,i45
121,400
fi.yoî
i6,goo
10,948
2l,UOO
5,709
4o,20O
B. ^iOUVELLE - ESPAGNE
proprement dite > immé-
diatement soumise au vice
roi, comprenant los Reynos
de Alexico , IVlechoacan y
Nueva Galicia, et les deux
Californies
1. Intendance Dï Mexico.
2. Int. de Puebla
3. Int. de Vbra-Critz. . . .
4. Intendance d'Oaxaca..
5. Jnt. db Merida on Yu-
catan
6. Int. de Valladolid. . . .
7' Int. de Guadalaxara.
8. Int. de Zacatecas
9. Int. de Guanaxuato. .
10. Int. de San Luis Potosi
(sans compter le Nouveau-
Santander , Texas , Coha-
huila et le roy. de Léon ). .
11. Vieille Californie (An-
tigna California )
12. Nouvelle Californie
(Nueva California )
51,289
5,027
2,69'
4,i4i
4,447
5.977
3,446
9,612
2,553
911.
3,557
7.295
a, 125
5,4 13,900
i,5i 1,900
81 5,000
i56,ooo
554,800
465 .800
376,400
65o,5oo
i55,!?oo
5i7,5oo
200,000
9,000
i5.6oo
/.
19
fi
8
10
7
10
6
2
2
7
io5
255
5oi
58
120
81
109
66
65
568
98
1
7
f)2 LIVRE III,
Le tableau statistique que nous venons de
présenter prouve une grande imperfection
dans la division territoriale. Il paroît qu'en
confiant à des intendans Tadminislration de
la police et des finances , on avoit en vue de
diviser le sol mexicain d'après des principes
analogues à ceux que le gouvernement François
avoit suivis jadis en partageant le royaume
en généralités. Dans la Nouvelle-Espagne ,
chaque intendance comprend plusieurs 5z«^-
dclégations : de la même manière , les généra-
lités, en France, étoient gouvernées par des
siihdélégués , qui exerçoient leurs fonctions
sousles ordres de l'intendant. Mais en formant
les intendances mexicaines on a eu bien peu
égard à l'étendue du territoire ou à l'état de
la population plus ou moins concentrée. Aussi
cette nouvelle division eut -elle lieu à une
époque où le ministre des colonies, le conseil
des Indes etlesvice-rois étoient dépourvus de
tous les matériaux nécessaires pour un travail
si important. Et comment saisir le détail de
l'administration d'un pays dont on n'a pas
tracé la carte , sur lequel on n'a pas même
tenté les calculs les plus simples de l'arithmé-
tique politique !
«
^
i^enons de
perfection
roît qu'en
-ration de
en vue de
principes
lit François
royaume
Espagne ,
leurs siiù-
es généra-
es par des
fonctions
n formant
bien peu
à l'état de
rée. Aussi
leu à une
le conseil
Durvus de
un travail
détail de
\ n'a pas
)as même
'arithmé-
CHAPiTRE viii. 93
En comparant l'étendue de la surface des
intendances mexicaines , on en trouve plusieurs
qui sont dix , vingt , même trente fois plus
grandes que d'autres. L'intendance de San
Luis Potosi , par exemple , a plus d'étendue
que toute l'Espagne européenne , tandis que
l'intendance de Guanaxuato n'excède pas la
grandeur de deux ou trois départemens de
la France. Voici le tableau exact de la dispro-
portion extraordinaire qu'offrent ces inten-
dances mexicaines dans leur étendue terri-
toriale ; nous les rangeons dans l'ordre de
leur grandeur :
Intendance de S. Luis Potosi, 27,821 lieues carrées.
Int. de Sonura, 19,1 43.
Int. de Durango , ifi^SyS.
. * Int. de Guadalaxara , 9,612.
Int. de Merida , 6,977. j
Int. de Mexico, 6,927.
Int. d' Oaxaca , 4,447 .
Int. de Vera-Cruz , k,\^\.
Int. de Valladolid , 7i,k\'j,
' ' Int. de Piiehla , 2,696.
Int. de Zacatecas , 2,355, '
.' ".'.: *:;.•! ^ < Int.de Guanaxuato, 911.
A l'exception des trois intendances de San
Lu^s Potosi, de SonoraetdeDurango, dont
f)4 LIVRE m,
chacune occupe plus de terrain que l'empire
réuni de la Grande-Bretagne^ les autres inten-
dances ont une surface moyenne de trois ou
quatre mille lieues carrées : on peut les com-
parer , quant à leur étendue , au roj'aume de
]N aples ou à celui de Bohême. On conçoit que
moins un pays est peuplé, et moins son admi-
nistration exige de petites divisions. En France,
aucun département n'excède l'étendue de
65o lieues carrées : la grandeur moyenne des
départemens y est de 5oo. Dans la Russie
européenne et au Mexique, au contraire, les
g'ouvernemens et les intendances ont une
étendue près de dix fois plus considérable.
En France , les chefs des départemens , les
préfets, veillent sur lès besoins d'une popu-
lation qui excède rarement 4^o,ooo âmes,
et qu'en terme moyen on peut évaluer à
5oo,ooo. Les gouvernemens dans lesquels
l'empire russe est divisé , ainsi que les inten-
dances mexicaines , embrassent , malgré la
différence de leur état de civilisation , un
plus grand nombre d'habitans. Le tableau
suivant fait voir la disproportion qui existe
dans la population des divisions territoriales
dt; la Nouvelle-Espagne; il commence par
CHAPITRE VIII.
9'
l'empire
es inlen-
trois ou
les com-
\ume de
coit que
m adnii-
France,
duc de
îiine des
Russie
aire, les
>nt une
rable.
eus, les
! popu-
> âmes,
aluer à
esquels
inten-
Igré la
n , un
ableau
existe
oriales
ce par
l'intendance la plus peuplée, et finit par celle
qui est la plus dépourvue d'habitans.
Intendance de Mexico, 1,5 11,800 habitans.
Int. de Puebla, 8i3^3oo.
Int. de Guadalaxara , 63o,5oo.
/»/. d*Oaxaca, 534,8oo.
Int. de Gitanaxuato , 5i7,3(X>.
Int. de Merida , 465,70o.
Int. de F'alladolid , 376,400.
Int. de San Luis Potosi, 334,000.
Int, de Durango , 159,700.
Int. de Vera-Cruz y i56,ooo.
Int. de Zacatecas , i53,3oo.
Int. de Sonora j i2i,4oo.
C'est en comparant le tableau de la popula-
tion des douze intendances à celui de l'étendue
de leur surface , qu'on est surtout frappé de
l'inégalité avec laquelle la population mexi-
caine est distribuée , même dans la partie la
plus civilisée du royaume. L'intendance de
la Puebla , qui , dans le second tableau ,
occupe une des premières places, se trouve
presque à la fin du premier. Cependant, nul
principe ne devroit plus guider ceux qui
assignent des limites aux divisions territoriales,
que le rapport de la population à l'étendue
(jG LIVRE ni,
exprimée en lieues carrées ou en myriamèlres :
seulement dans les états qui, comme la France,
jouissent du bonheur inappréciable d'avoir
une population presque uniformément répan-
due sur leur surface, les divisions peuvent
être à peu près égales. Un troisième tableau
présente l'état de la population que l'on pour-
roit appeler l'elative. Pour parvenir aux résul-
tais numériques qui indiquent ce rapport
entre le nombre des habilans et l'étendue du
sol habité , il faut diviser la population absolue
par le territoire des intendances. Voici les
résultats de ce travail :
Intendance de Guanaxuato, 568 hab. par lieue carrée..
Int. de Puebla, 3oi, ,
Int. de Mexico, 255. '
Int. d'Oaxaca, 120. •
Int. de Kalladolid , 109.
il"
X' Int. deMerida, 81. ^ '-*
Int. de Guadalaxara, ^Q.
, '. Int, de Zacatecas y 65»
Int, de Vera-Cruz, 38.
! ' Int, de San Luis Potosi , 12.
Int. de Durango , 10.
Int, de Sonora ^ 6.
u»
I ' ■ t ■
\%
* »
- Ce dernier tableau prouve que, dans les
îamètres :
a France,
; d'avoir
".t rcpan-
peuvent
; tableau
on pour-
lux rcsul-
rapport
îndue du
1 absolue
Voici les
ue carrée.
tosi , 12.
lO.
6.
lans les
i
{
CHAPITHE VIII. 9^
intendances où la culture du sol a fait le
moins de progrès , la population relative
est 5o à 90 fois moins grande que dans les
ré^^ions ancienncnicnt civilisées et limitrophes
de la capitale. Cette différence extraordinaire
diins la distribution de la population se re-
trouve aussi dans le nord et le nord-est de
l'Europe. EnLaponie, on compte à peine
ini habitant par lieue carrée, tandis que dans
d'autres parties de la Suède , par exemple, en
Gothie, il y en a au delà de 2^8. Dans les
états soumis au roi de Danemarck, l'île de
Sélande a 9/1.4 et l'Islande 11 habitans par
lieue carrée. Dans la Russie européenne),
les gouvernemens d'Archangel , d'Olonez',
de Kalouga et de Moscou , diffèrent tellement,
dans le rapport de la population à l'étendue
Aw territoire, que les deux premiers de ces
gouvernemens ont 6 et 26, les deux derniers
8^2 et 974îi"ies par lieue carrée. Voilà les
différences énormes qui indiquent qu.',ime
province est 160 fois plus habitée quel'autre.
En France, où le total de la population
donne, par lieue carrée, 1094 habitans, les
départemens les plus peuplés , ceux de
l'Escaut, du Nord et de la Ljs, présentent
II. 7
m ^ •■
C)8 LivRi: m,
une popubtion relative de ôSGq , 278G et
2274. Le département le moins peuplé ,
celui des Hautes-Alpes, formé d'une partie
de l'iuicien Dauphiné, n'a que /171 halntans
par lieue carrée. 11 en résulte que les
extrêmes sont en France dans le rapport de
8:1, et que l'intendance du Mexique dans
laquelle la population est la plus concentrée ,
celle de Guanaxuato , est à peine plus habitée
que le département de la France continentale '
le plus dépeuplé.
...- Je me flatte que les trois tableaux que j'ai
dressés sur l'étendue, la population absolue
et la population relative des intendances de
la Nouvelle-Espagne, prouveront suflisam-
ment la grande imperfection de la division
territoriale actuelle. Un pays dans lequel la
* On n'a eu égard, <laiis ces coiuparaisons , ni au
département du Liamone, formé de la partie méri-
dionale de la Corse , et n'ayant que 277 habitans par
lieue carrée , ni au département de la Seine. Le der-
nier oiTre , en apparence, une population relative de
26,165 iialNlans : il seroit inutile d'exposer les causes
qui produisent un ordre de clioses aussi peu naturel
dans un déparlement dont lo chef-lieu est la capitale
d'un vaste empire.
m A PITRE VIII.
99
2;8(> et
peuplé ,
le partie
hubituns
que les
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[ue dans
centrée ,
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L que j'ai
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division
equel lu |
is , ni au }
'lie méri'
)itans par 1
. Le tler- j
elalive de i
es causes
u naturel
a capitale
population esf dispersée sur une vaste étendue,
cxi«^'e que radniinistration provinciale soit
restreinte à des portions de terrain plus petites
<jue celles qui forment les intendances mexi-
caines. Par-tout où la population a été trouvée
au-dessous de cent babitans par lieue carrée,
l'administration d'une intendance ou un dé-
partement ne devroit pas s'étendre sur plus
de 100,000 babitans: on pourroit assigner un
nombre double ou triple à des régions dans
lesquelles la population est plus rapprochée.
C'est de ce rapprochement sans doute que
dépendent le degré d'industrie, l'activité du
connnerce , par c rséquent , et le nombre des
affaires qui doivent fixer l'attention du gou-
vernement départemental. Sous ce rapport,
la petite intendance de Guanaxuato donne
plus d'occupation à un administrateur que
les provinces de Texas, de Cohabuila et du
Nouveau-iMexique , qui ont six à dix fois plus
d'étendue. Mais, d'un autre côté, comment
un intendant de San Luis Potosi peut-il jamais
espérer de connoître les besoins d'une pro-
vince qui a près de 28,000 lieues carrées?
Comment peut-il , même en se dévouant avec
le zèle le plus patriotique aux devoirs de sa
7
100 LIVRE III,
place, surveiller les suùdé légués , protéger
l'Indien contre les vexations qui s'exercent
dans les communes?
.. Ce point de l'organisation administrative
Ijfe su r oit être discuté avec assez de soin. Un
gouvernement régénérateur doit , avant tout ,
s'occuper à changer les limites actuelles des
intendances. Ce changement politique doit
être fondé sur la connoissance exacte de
l'état physique et agricole des provinces qui
constituentle royaume de la Nouvelle-Espagne.
La France , sous ce rapport, offre un exemple
de perfectionnement digne d'être imité dans
le Nouveau - Monde. Les hommes éclairés
qui ont formé l'Assemblée constituante, ont
prouvé, dès le commencement de leurs tra-
vaux , quelle grande importance ils attachoient
à une bonne division territoriale. Cette division
est bonne lorsqu'elle repose sur des principes
que l'on peut considérer comme d'autant plus
sages, qu'ils sont plus simples et plus naturels.
« . ^. 1 1
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ANALYSE STATISTIQUE
.1 ' i I t
' ,» " ;»
A.'.,.
DU ROYAUME
DE L.l
NOUVELLE - ESPAGNE.
Étendue territoriale : 118,478 lieues carrée*
( 2,339,4.00 myriares ).
Population : 6,837,100 habitans,
ou 49 habitans par lieue carrée ( ou 2 7 par
myriare). ' ■ i « • . ' «
'r
La NOUVELLE-ESPAGNE comprend :
A. Le Mexique proprement dit {^ElRejno
de Mexico),
Etendue territoriale: 61,280 lieues car-
rées (1,01 5,640 mjriares).
Population : 5,4i3,9oo habitans,
ou io5 habitans par lieue carrée.
,5
B. Las Provincias internas orientales y
occidentales»
Etendue territoriale : 67,189 lieues car-
rées (ou i,384,8 12 myriiires).
Population : 423,ooo habitans,
ou 6 habitan8 par lieue carrée.
^«l^'W«/%/%<«.'V/«^«/^^^%'V'^%/^.^'%/^%/«/%'«^'%.'W«/^-V
NOUVELLE -ESPAGNE.
I. Intendance de Mexico. ,
Population en 1800: i,5i 1,800.
Étendue de la surface en lieues carrées : 5,927.
Hahitans par lieue carrée : 255.
Cette intendance toute entière est située
sous la zone torrîde. Elle s'étend depuis les
16034.' jusqu*aux 2i« 57' de latitude boréale.
Elle confine au nord avec l'intendance de
San Luis Potosi, à Fouest avec celles de
Guanaxuato et de Valladolid, à Test avec
celles de Vera-Cruz et de la Puebla. Vers le
sud, les eaux de la mer du Sud ou du Grand
Océan baignent l'intendance de Mexico sur
une longueur de côtes de 82 lieues^ depuis
Acapulco jusqu'à Zacatula.
Sa plus grande longueur, depuis ce dernier
port jusqu'aux mines du Doctor ', est de
> Les points cxlrêraes sont propre^ient situés, au
«uJ-est trAcapulco , près de la bouche tUi Rio Nesp» ,
Io4 ' LIVRE in,
1 36 lieues; sa plus «grande largeur, depuis
Zacalula jusqu'aux montagnes situées à l'est
de Chilpanzingo , est de 92 lieues. Dans sa
partie boréale, du côlé des mines célèbres
de Zimapan et du Doctor , une bande étroite
sépare l'intendance de Mexico du golfe du
Mexique ; près de Mextitlan , cette bande n'a
que 9 lieues de large.
Plus des deux tiers de l'intendance de
Mexico sont un pajs montagneux, dans lequel
il y a d'immenses plateaux éievés de 2000 à
2000 mètres au-dessus du niveau de l'Océan,
et offrant , depuis Chalco à Queretaro ,
des plaines presque non interrompues de
60 lieues de long et de 8 à 10 de large : dans
la partie voisine de la côte occidentale, le
climat est brûlant et peu salutaire. Une seule
cime , le Nevado de Toluca , située dans un
et au nord du Real del Doctor , près de la ville de
Vallès , qui appartient déjà à l'intendance de San
Luis Potosi. Des endroits remarquables étant rarement
situés sur les confins mêmes , on a préféré de nommer
ceux qui eu sont les plus voisins. Un coup d'œil jeté
sur ma carte générale de la Nouvelle-Esipagne servira
à justifier ce mode d'indiquer les limites des inten-
dances.
■ W.
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inten-
CITAPITRE VIII.
lOJ
I
m
plateau fertile qui a 2700 mètres de hauteur,
entre dans la limite inférieure des neiges per-
pétuelles. Cependantle sommet porphyritique
de cet ancien volcan, dont la forme ressemble
beaucoup à celle du Pichincha, près de Quito,
et qui paroît avoir été jadis extrêmement
élevé, se dépouille aussi de neige dans les
mois pluvieux cîe septembre et d'octobre.
L'élévation du Pico del Fraile ou de la plus
haute cime du Nevado de Toluca, est de
4620 mètres ( 2370 toises). Aucune montagne
de cette intendance n'égale le Mont-Blanc
en hauteur.
La vallée de Mexico ou de Ténochtitlan ,
dont je publie une carte très - détaillée , est
située au centre de la Cordillère d'Anahu;ic ,
sur le dos des montagnes porphyriliques et
d'amjgdaloide basaltique qui se prolongent
du sud-sud-est au nord-nord-ouest. Cette
vallée est d'une forme ovale. D'après mes
observations et celles d'un minéralogiste
distingué , M. Don Luis Martin , elle a, depuis
IVn.bouchure du Rio Tenango, dans le lac
de Chalco, jusqu'au pied du Gerro de Sin-
eoque, près du Desague Real de Huehuetoca ,
18 Y lieues delongueur, etdepuis S. Gabriel,
i '
î
i
io6
LIVRE III
près de la petite ville de Tezcuco , jusqu'aux
sources du Rio de Escapusalco , près de Guis-
quiluca, 12 ^ lieues de largeur '. L'étendue
territoriale de la vallée est de 2/|4 7 lieues
carrées , dont les lacs n'occupent que 2 2 lieues
carrées; ce qui n'est pas tout-à-fait un dixième
de toute la surface.
La circonférence delà vallée, en la comptant
sur la crête des montagnes qui l'entourent
comme un mur circulaire, est de 67 lieues.
Cette crête est la plus élevée au sud , surtout
au sud-est , où les deux grands volcans de la
Puebla , le Popocatepell et l'Iztaccihuatl ,
bordent la vallée. Un des chemins qui mènent
de la vallée de Ténocbtitlan à celle de Cholula
et de la Puebla , passe entre les deux volcans
mêmes , par Tlamanalco , Ameca , la Gumbre
et laCruzdelCoreo. C'est par ce même chemin
* Les cartes de la vallée de Mexico que l'on a publiées
jusqu'ici sont si fausses , que sur celle de M. Mascaro ,
répétée annuellement dans l'almanach de Mexico , les
dislances marquées ci-dessus sont de 25 et 17 au lieu
de 18 et 12 lieues. C'est sans doute d'après celte carte
que rarcheyêque Lorenzana donne à toute la vallée
une circonférence de plus de 90 lieues , tandis qu'elle
en a presque un tiers de moins.
* ^
i
iM
■ -Sî
CHAPITRE VIII.
107
sqn aux
le Guis-
étendue
7 lieues
! 2 lieues
dixième
)mptant
itourent
7 lieues,
surtout
ns de la
:ihuatl ,
mènent
Cholula
volcans
]umbre
chemin
publiées
/lascaro ,
ico, les
7 au lieu
le carte
i vallée
s qu'elle
f ;,5
qu'a passé le petit corps d'armée de Cortcz ,
lors de sa première invasion.
Six grandes routes traversent la Cordillère
qui borne la vallée, et dont la hauteur moyenne
est de 3ooo mètres au-dessus du niveau de
rOcéan : i.® la route d'Acapulco , qui va à
Guchilaque et Cuervaracca par la haute cime
appelée la Gruz del Marques ' ; 2.^ la roule
deToluca, par TianguilloetLerma, chaussée
magnifique , que je n'ai pu assez admirer ,
construite avec beaucoup d'art , en partie sur
des arches ; 3.<* la route de Queretaro ,
Guanaxuato et Durango, el camino de tic rr a
adentroy qui passe par Guautillan, Huehuetoca
et le Puerto de Reyes , près de Bâta , par des
collines à peine élevées de quatre - vingts
mètres au-dessus du pavé de la grande place
* C'étoit une position militaire au commencement
de la conquête. Lorsque les habitans de la Nourellc-
Espagne prononcent le mot de marquis sans ajouter
un nom de famille, ils sous-entendent le nom de Hcrnan
Cortez , marques de el Vallc de Oaxaca. De même ,
l'expression el almirante désigne , dans rAmérique
espagnole , Christophe Colomb. Cette manière naïve
de s'énoncer prouve le respect et l'admiration qui se
sont conservés pour la mémoire de ces grands hommes.
io8
LIVRE III
(le Mexico ; 4-" la roule de Pacliuca , qui se
diriîje aux mines célèbres de Real del Monte ,
parle Cerro Ventoso, couvert de chênes, de
ojprës , et de rosiers presque constamment
fleuris; 5." l'ancien clvemin de la Puebla, par
S. Bonaventura et les Llanos de Apan ; enfin ,
6.^ le nouveau chemin de la Puebla , par Rio
Frio etTesmelucos, au sud-est du Cerro del
Telapon , dont la distance à là Sierra Nevada ,
ainsi que celle de la Sierra Nevada ( Flztac-
cihuatl ) au grand volcan ( le Popocatepell )
ont servi de bases aux opérations trigonomé-
triques de MM. Velasquez et Constanzo.
Accoutumés depuis long-temps à entendre
parler de la capitale de Mexico comme d'une
ville bâtie au milieu d'un lac, et qui ne tient
au continent que par des digues , ceux qui
jettentles yeux sur mon Allas mexicain seront
surpris sans doute de voir que le centre de
la ville actuelle est éloigné du lac de Tezcuco
de 4>^oo mètres , du lac de Chalco de plus
de 9,000 mètres. Ils seront portés ou à douter
de Texactitude des descriptions données dans
l'histoire des découvertes du Nouveau-Monde,
ou bien ils croiront que la capitale du Mexique
n'est pas bâtie sur le même sol que l'ancienne
4
:a , qui se
û Monte ,
bénes, de
stamment
lebla, par
m ; enfin ,
, par Rio
Cerro del
Nevada,
( rizlac-
catepell )
igonomé-
tanzo.
entendre
me d'une
i ne tient
ceux qui
in seront
;entre de
Tezcuco
' de plus
à douter
lées dans
-Monde,
Mexique
mcienne
CHAPITRE VIII. 109
résidence de Montezuma '. Mais ce n'est cer-
tainement pas la ville qui a changé de place;
la cathédrale de Mexico occupe exactement
le même endroit où se trouvoit le temple
de Huitzilopochtli ; la rue actuelle deTacul'u
est l'ancienne rue deTlacopan, par laquelle
Cortez fit sa fameuse retraite, le i.^^ juillet
de l'année 1620, dans la nuit mélancolique ,
que l'on désigne par le noîïi de noche triste :
la différence de situation qu'indiquent les
cartes anciennes avec celle que je publie ,
provient uniquement de la diminution d'eau
qu'a soufferte le lac de Tezcuco.
Il sera utile de rappeler ici le passage d'une
lettre que Gortcz adressa ' à l'empereur
Charles - Quint , en date du 3o octobre de
l'année 1620 , et dans laquelle il traça le
tableau de la vallée de Mexico : ce passage^
écrit avec une grande simplicité de stjle,
» Le vrai nom mexicain de ce roi est Moteuczorna.
On distingue dans la généalogie des sultans aztèques
deux, rois de ce nom, dont le premier s'appelle Huehua
Moteiiczoma ; le second, qui mourut prisonnier de
Cortçz , Moteuczoma Xooojotzin. Les adject,ii's placés
devant et après le noiu propre , signifient aine ul cadet.
^ Lorejizana , p. 101. ^. - *
f
I 10
LIVRE m
expose en même temps la police qui rcgnoit
dans l'ancien Ténochlillan. « La province
« dans laquelle est située la résidence de ce
« grand seigneur Muteczuma , dit Gortez ,
« est circulairenient entourée de montagnes
« élevées et entrecoupées de précipices.
«< La plaine contient près de 70 lieues de
« circonlérence , et dans cette plaine se
« trouvent deux lacs qui remplissent presque
« toute la vallée , car à plus de 5o lieues
« d'alentourles habitans naviguent en canots. »
( Il faut observer que le général ne parle que
de deux lacs, parce qu'il ne connoissoitqu'inv
parfaitement ceux de Zumpango et Xaltocan ,
entre lesquels il passa à la liate dans sa fuite
de Mexico à Tlascala , avant la bataille
d'Otumba. ) « Des deux grands lacs de la
•< vallée de Mexico l'un est d'ean douce et
« l'autre d'eau salée. Ils sont séparés l'un de
« l'autre par une petite rangée de montagnes
« ( les collines coniques et isolées près d'Izta-
«f palapan ) ; ces montagnes s'élèvent au milieu
« de la plaine , et les eaux du lac se mêlent
« ensemble dans un détroit qui existe entre
« les collines et la haute Cordillère ( sans
•t doute la pente orientale du Cerro de
*
-l
CHAPITRE VIII.
111
Il rcgnoit
province
ce de ce
Go riez ,
ontagnes
'écipices.
lieues de
(laine se
presque
o lieues
canots. »
arle que
litqu'inir
altocan ,
sa fui le
bataille
i de la
uuce et
l'un de
n tannes
i d'Izta-
milieu
mêlent
3 entre
( sans
To de
I
'
t(
<(
«
ce
Santa-Fc.) Les villes et les villages nombreux
construits dans l'ini et l'autre des deux lacs
l'ont leur commerce par des canots, sans
passer par la terre ferme. La grande ville
de Témixtitan ' ( Ténochtitlan ) est fondée
au milieu du lac salé , qui a ses marées
comme la mer ; depuis la ville jusqu'à la
terre ferme il y a deux lieues, de quelque
côté qu'on veuille y entrer. Quatre digues
mènent à la ville ; elles sont faites à mains
d'hommes, et ont la largeur de deux lances.
La ville est grande comme Séville ou
Gordoue. Les rues, je ne parle que des
principales, sont très-étroites et très-larges ;
quelques-unes sont moitié à sec , et moitié
occupées par des canaux navigables, garnis
de ponts de bois très-bien faits , et si larges
que dix hommes à cheval y peuvent passer
à la fois. Le marché, deux fois grand
comme celui de Séville , est entouré d'un
portique immense , sous lequel on expose
* Témislltan, Témixtitan, Téûoxtitlan, Témihtitlan,
sont des changemens vicieux du vrai nom de Ténoch-
titlan. Les Aztèques ou Mexicains s'appeloient eux-
mêmes aussi Ténochques, d'où dérive la dénomination
de 2\inochlillan,
((
«
K
k
((
<c
1 I!2
IJVKE lit
l<>ulcs sortes de marchandises, des comes-
tibles , des ornemens en or , en argent ,
« en plomb, en étain , en pierres fines, en
c os, en coquilles et en plumes, de la faïence,
< des cuirs et du coton lîlé. On y trouve des
< pierres coupées, des tuiles, des bois de
t charpente. 11 y a des ruelles pour le gibier,
t d'autres pour les légumes et les objets de
t jardinage ; il y u des maisons où des barbiers
t ( avec des rasoirs ftdts en obsidienne) rasent
« la lete ; il J a des maisons qui ressemblent
« à nos boutiques de pharmaciens , dans les-
f quelles se vendent les médecines déjà laites ,
t les onguens et les emplâtres. 11 y a des
t maisons où l'on donne à manger et à boire
pour de l'argent. Le marché olFre un si
grand nombre de choses , que je ne les
saurois nommer à Votre Altesse. Pour éviter
la confusion , chaque *;enre de marchandises
se vend dans une ruelle séparée ; tout se
vend à l'aune , mais jusqu'ici on n'a pas vu
peser dans le marché. Au milieu de la
grande place est une maison , que j'appel-
leToisV a udiencîa y dans l'aquclle sont cons-
tamment assises dix ou douze personnes
qui jugent les disputes qui ont lieu à cause
,^
CHAPITHE VIII.
Il3
" de la vente des marchandises. Il y a d'autres
« personnes qui se tiennent continuellement
« dans la l'oule même , pour voir si l'on vend
« à juste prix : on les a vues briser les fausses
«( mesures qu'elles avoieiit saisies aux raar-
« chands. »
Tel étoil l'état de Ténochtitlan l'année 1 620,
d'après la description de Cortez même. J'ai
cherché en vain dans les archives de sa fa-
mille, conservées à Mexico, dans la casa del
Estado, le plan que ce grand capitaine fit
dresser des environs de la capitale , et qu'il
envoya à l'empereur , comme il le dit dans
sa troisième lettre , publiée par le cardinal
Lorenzana. L'abbé Glavigero a hasardé de
donner un plan du lac de Tezcuco , tel qu'il
suppose en avoir été les limites au seizième
siècle. Cette esquisse est peu exacte , quoique
bien préférable à celle qu'ont donnée Ro-
bertson et d'autres auteurs européens égale-
ment peu versés dans la géographie du
Mexique. J'ai tracé , sur la carte de la vallée
de Ténochtitlan, l'ancienne étendue du lac
salé , telle que j'ai cru la reconnoître dans
la relation historique de Cortez et de quelques-
uns de ses contemporains. I^'année 1620, et
II. 8
i
h
I
,i4
LIVRE III
encore long-temps après, les villages d'Izta-
palapan, Coyohuacan ( faussement appelé
Cuyacan ) , Tacubaja et Tacuba se trouvoient
tous près des rives du lac de Tezcuco. Cortez
dit expressément 'que la plupart des maisons
de Coyohuacan , Cnluacan , Chulubuzco ,
Mexicaltzingo , Iztapalapan , Cuitaguaca et
Mizqueque étoient construites dans l'eau , sur
pilotis , de sorte que souvent les canots
pouVoient entrer par une porte inférieure.
La petite colline de Chapoltepec, sur laquelle
Je vice-roi comte de Galvez a fait construire
un château , ne formoit plus une île dans le
lac de Tezcuco du temps de Cortez. De ce
côté , la terre ferme se rapprochoit de près
de 3,000 mètres de la ville de Ténochtitlan ;
par conséquent la distance de 2 lieues,indiquée
par Cortez, dans sa lettre à Charles-Quint, n'est
pas de toute exactitude. Il auroit dû la res-
treindre à la moitié, en en exceptant toutefois
la partie de la côte occidentale sur laquelle
se trouve la colline porphyritique de Cha-
poltepec. On doit croire cependant que cette
colUne, quelques siècles plu tôt, a été aussi un
* Lorenzana, p. 229, igS, 102,
.i
1
1
CHAPITRE Vni.
Il5
) d'Izta-
appelé
►uvoient
. Cortez
maisons
ibuzco ,
juaca et
;aii , sur
canots
Sérieure.
laquelle
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dans le
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de près
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diquée
nt, n'est
la res-
juteibis
aqueile
e Gha-
ue cette
ussi un
- -, -->i
I
îlot semblable au Prnol del Marques j et à
celui de los Banos. Des observations géolo-
giques rendent très-probable, que les lacs
ont été en diminuant , long - temps avant
l'arrivée desEsnass-nols, et avant la construction
du canal de Huebuetoca.
Les Aztèques ou Mexicains , avant d'avoir
fondé sur un groupe d'îlots, l'an i325, la
capitale qui subsiste encore , avoient déjà
habité pendant 62 ans une autre partie du lac
qui est plus méridionale , et dont les Indiens
n'ont pas pu m'indiquer exactement le site.
Les Mexicains , sortis d'Aztlan vers l'année
1160, n'arrivèrent qu'après une migration
de 56 ans dans la vallée de Ténochtitlan ,
par Malinalco , dans la Cordillère de Toluca ,
et par Tula. Ils se fixèrent d'abord à Zum-
panco, puis à la pente méridionale des mon-
tagnes de Tepeyrcac, où est situé aujourd'hui
le temple magnifique dédié à Notre-Dame de
la Guadeloupe. L'an 1246 (suivant la chro-
nologie de l'abbé Glavigero ) , ils arrivèrent
à Ghapoltepec. Harcelés par les petits princes
de Xalcotan, que les historiens espagnols
honorent du titre de rois , les Aztèques , pour
conserver leur indépendance, se réfugièrent
S*
■I
t I 6 LIVRE m ,
sur un groupe de petites îles appelées Aco-
colco , et situées vers l'extrémité méridionale
du lac de Tezcuco. Ils y vécurent pendant
un demi-siècle dans une misère affreuse, forcés
de se nourrir de racines de plantes aquatiques,
d'insectes et d'un reptile problématique, ap-
pelé axolotl, que M. Cuvier regarde comme
le têtard d'une salamandre inconnue '.Tombés
dans l'esclavage des rois de Tezcuco ou
d'Acolhuacan , les Mexicains furent forcés
d'abandonner leur village , situé au milieu de
l'eau , et de se réfugier sur la terre ferme , à
Tizapan. Les services qu'ils rendirent à leurs
maîtres dans une guerre contre les habitans
de Xochimilco, leur procurèrent de nomeau
la liberté. Us se fixèrent d'abord à Acatzit-
zintlan (que , du nom de leur dieu de la guerre
Mexitli ou Huilzilopoclitli % ils nommèrent
* M. Cuvier l'a déc^ clans mon Recueil d'obser-
vations zoologiques et d'arutiomie comparée, p. il 9.
M. Dumérîl croit que l'axolotl, dont nous avonsapporlé,
M. Bonpland et nioi^ des individus bien conservés >
est une nouvelle espèce de Prolée. Zoologie analytique,,
^ Iluiiziliii désigne le colibri ^ et opochtU signifie
gauche ; car lo dieu étoit peint autant des plomes de
. i
CHAPITRE VIII.
I 17
ées Aco-
ridionale
pendant
se , forcés
uatiques,
ique , ap-
e comme
.Tombés
:cuco ou
it forcés
nilieu de
ferme , à
it à leurs
habitans
noweaii
Acatzit-
Ir guerre
ûûmèrent
// d'^obser"
ï, p. 119.
is apporté >
conservés ,
nalytique^
tU signifie
ilumes de
I
Mexicalzingo ) , puis à Iztacalco. C'est pour
accomplir l'ordre donné par l'oracle d'Aztlan ,
qu'ils se transportèrent d'Iztacalco aux îlots
qui s'élevoient alors à l'est - nord - est de la
colline deChapoltepec^ dans la partie occi-
dentale du lac de Tezcuco. Une tradition
antique s'étoit conservée parmi cette horde,
que le terme fatal de leur migration devoit
être l'endroit où ils trouveroient un aif^le assis
sur la cime d'un nopal dont les racines per-
ceroient à travers les fentes d'un rocher. Ce
nopal ( cactus ) , désigné par l'oracle , se
montra aux Aztèques l'année io25, ce qui
est le second calli ' de l'ère mexicaine , sur
un îlot qui servit de fondement au téocalli
outéopan, c'est-à-dire à la maison de Dieu,
colibri sous le pied gauche. Les Européens ont cor-
rompu le nom de Huitzilopochlli en Iluicliilobos et
Vizlipuzli. Le frère de ce dieu, qui fut surtout révéré
des habitans de Tezcuco, s'appeloit Tlacaliucpan-
Guexcolzin.
* Comme le premier acatl correspond à l'année
vulgaire i5i9, le second calli, dans la première
moitié du quatorzième siècle , ne peut être que
l'année i325 , et non i324, 1327 et i3ii , années
auxquelles l'iulerprcle de la Raccolta dl Mendoza,
ii8
LIVRE m
appelée depuis par les Espagnols le grand
temple de Mexilli.
Le premier téocalli , autour duquel la
nouvelle ville fut construite , éloit de bois ,
tel que le plus ancien temple grec, celui
d'Apollon à Delphes , décrit par Pausanias.
L'édifice en pierre dont Cortez et Bernai
Diaz admirèrent l'ordonnance , avoit été
construit au même endroit par le roi Ahuilzotl,
l'année i486: c'étoitun monument pyramidal,
situé au milieu d'une vaste enceinte de mu-
railles , et élevé de 07 mètres. On y dislingnoit
cinq assises ou étages, comme dans plusieurs
pyramides de Sakharah , surtout dans celle de
Meïdoiun. Le téocalli de Ténochtitlan, exac-
tement orienté comme toutes les pyramides
égyptiennes, asiatiques et mexicaines, avoit
97 mètres de base : il formoit une pyramide
si tronquée ^ que vu de loin , le monument
paroissoit un cube énorme, surla cime duquel
s'élevoient de petits autels couverts de cou-
poles construites en bois. La pointe par laquelle
ainsi que Sigucnza, cité par Boliirînî, et Betancourt,
cité par Torquenuula , fixt^nt la fondation de Mexico.
Voyez la DisserLatloji chronologique de l'abbé Cla^
vigero , Storia di. Mensico , T. IV, p. 54.
CHAPITRE VIII.
le grand
luquel la
de bois,
ec^ cehû
^ausanias.
t Bernai
ivoit été
Lhuitzotl,
Tamidal,
de mii-
slino-uoit
yliisieurs
» celle de
n, exac- '
ramides
s, avoit
^ramide
nunient
; duquel
le cou-
aquelle
ancourt,
Mexico.
t'i
ipoleî
élevée de
se ferminoient ces (
54 mètres au-dessus de la base deTédilice ou
du pavé de Tenceinte. On voit par ces détails
que le téocalli avait une grande analogie de
forme avec le monument antique de Babylone,
que Strabon nomme le mausolée de Bélus ,
et qui n'était qu'une pyramide dédiée à Jupiter
Bélus '. Ni le téocalli ni l'édifice babylonien
n'étoient des temples , dans le sens que nous
attachons à ce mot , d'après les idées que les
Grecs et les Romains nous ont transmises.
Tous les édifices consacrés aux divinités mexi-
caines formoient des pyramides tronquées ;
ies grands monumens de Téotihuacan , de
Cholula et de Papantla qui se sont conservés
jusqu'à nos jours , confirment cette idée : ils
indiquent ce qu'ont été les temples moins
considérables , construits dans les villes de
Ténochtitlan et deTezcuco.Des autels couverts
étoient placés au sommet des téocallis : ces
édifices rentrent par là dans une même classe
avec les monumens pyramidaux de l'Asie ,
dont anciennement on trouvoit des traces
jusqu'en Arcadie; car le mausolée conique
* Zoega, de Obeliticis , p. 5o.
i
i
il 1
1^0 LIVRE IIÏ,
de Calistus ', un vrai twnuliis couvert trarbres
fruitiers , servoit de base à un petit temple
consacré à Diane.
Nous ignorons de quels matériaux étoit
construit le téocalli de Ténochtillan ; les
historiens rapportent seulement que ce mo-
nument étoit couvert d'une pierre dure et
polie. Les énormes fragmens que de temps
en temps on découvre autour de la cathédrale
actuelle, sont de porphyre à base degrùnstein
rempli d'amphibole et de feldspath vitreux.
Lorsqu'on a pavé récemment la place autour
de la cathédrale, des pierres sculptées ont
été trouvées jusqu'à lo et 12 mètres de pro-
fondeur. Peu de nations ont remué de plus
grandes masses que les Mexicains. La pierre
calandaire et celle des sacrifices, exposées à la
vue du public sur la grande place, ont de
8 à 10 mètres cubes. La statue colossale de
Teoyaomiqui , chargée d'hiéroglyphes , et
couchée dans un des vestibules de l'université,
a 2 mètres de long sur 5 de large. M. le
chanoine Gamboa m'a assuré qu'en fouillant
vis-à-vis de la chapelle du sagrario, on a
' Pausanias , Lib. VIII , Cap. XXXV.
» i.
i
CHAPITRE Vin.
121
Yarhres
temple
X étoit
in ; les
ce mo-
[lure et
B temps
hédrale
unstein
vitreux.
; autour
ées ont
le pro-
de plus
pierre
ées à la
ont de
sale de
es , et
ersité,
M. le
>uillànt
, on a
! ,<
■;î
trouvé , parmi une immense quantité d'idoles
appartenant au téocalli , une roche sculptée
qui avoit 7 mètres de long , 6 de large , et
5 de haut. On a travaillé en vain pour la
retirer.
Le téocalli étoit déjà en ruines ' quelques
années ap rès le siège de Ténochtitlan , qui .
comme celui de Troje , finit par une des-
truction presque totale de la ville : j'incline
par conséquent à croire que l'extérieur de
la pyramide tronquée étoit d'argile, et revêtu
de l'amygdaloïde poreuse, appelée tctzontlL
En effet, peu avantla construction du temple,
sous le règne du roi Ahuilzoll , les carrières
de cette roche cellulaire et spongieuse com-
mencèrent à ctre exploitées. Or , rien n'étoit
plus facile à détruire que des édifices construits
> Un des manuscrils des plus précieux et des plus
anciens que l'on conserve à Mexico, est le livre de la
Municipal!,^ {lihro de el Cahildu). Un religieux res-
pectable et très-versé dans l'histoire de sa patrie , le
père Piebardo, au couvent de San Felipe Neri, m'a
montré ce manuscrit, commencé le 8 mars i524, ce
qui est trois ans après le siège : il y est parlé delà place
où avoit été le grand temple (» laplaza adonde estaba
el templo mayor. »)
lu
1^
:
122
LIVRE III
avec des nifitériaux poreux et légers comme
la pierre ponce. Malgré la conformité ' d'un
grand nombre de témoignages, il se pourroit
cependant que les dimensions attribuées au
téocalli fussent un peu exagérées ; mais la
forme pyramidale de cet édifice mexicain,
sa grande analogie avec les monumens les
plus antiques de l'Asie , doivent bien plus
nous intéresser que sa masse et sa grandeur.
L'ancienne ville de Mexico communiquoit
avec le continent par trois grandes digues ,
* Si ceux qui nous ont laisse des descriplions et des
dessins du Itèocalli, au Heu d'en prendre la mesure
eux-mêmes , ne nous ont rapporté que ce que les
Indiens leur ont dit, la conformité des témoignages
prouve moins qu'on ne pourroit le croire au premier
aspect. Dans tous les pays il existe des traditions uni-
formes sur la grandeur des édillceS; la hauteur des
tours, la largeur des cratères, la hauteur des cata-
ractes. L'orgueil national se plaît à exagérer ces
dimensions , et les voyageurs sont en harmonie dans
leurs rapports , aussi long-temps qu'ils puisent à la
même source. D'ailleurs , dans le cas particulier qui
nous occupe , l'exagération de la hauteur n'a vraisem-
blablement pas été très-grande , parce qu'il éloit facile
de juger de l'élévation du monument par le nombre
des gradins qui y conduisoient.
CHAPITRi: VIII.
i:.3
comme
:é ' d'un
)Ourroit
uées au
mais la
îxicain ,
lens les
m plus
mdeur.
niquoit
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mesure
que les
)jgnages
premier
ans uni-
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es cata-
rcr ces
lie dans
:nt à la
lier qui
raisem-
it facile
lombre
celles de Tepejacac ( Guadeloupe ) , Tlacopnn
( Tacuba ), et Iztapalapan. Cortez fait mention
de quatre digues, parce qu'il compte sans
doute aussi la chaussée qui conduisoit à
Chapollepec. La calzada de Iztapalapan ,
avoit une branche qui unissoit Cojohuacan
avec le petit fort appelé Ao/ric , lo même
dans lequel les Espagnols , lors ae^ leur pre-
mière entrée, furent complimentés par la
noblesse mexicaine. Robertson parle d'ime
digue qui conduisoit à Tezcuco ; mais celte
digue n'a jamais existé , à cause de la distance
du lieu et de la grande profondeur de la partie
orientale du lac.
Dix-sept ans après la fondation de Ténoch-
tillan, l'année i358 , dans une dissension
civile , une partie des habitans se sépara des
autres. Ils se fixèrent dans des îlots situés au
nord-ouest du temple de Mexitli. La nouvelle
ville, qui d'abord prit le nom de Xallilolco ,
et puis celui de Tlatelolco, eut un roi indé-
pendant de celui de Ténochtitlan. Dans le
centre d'Anahuac , comme dans le Pélopon-
nèse , dans le Latium^ et partout où la civi-
lisation de l'espèce humaine ne fait que
commencer , chaque ville constituoit pendant
-,.-:, "Ï
124
LIVRE in
long-lcmps un état séparé. Le roi mexicain
Axajacall ' fit la conquête de Tlatelolco , qui
dès-lors fut réuni par des. ponts à la ville de
Ténochtillan. J'ai découvert dans les manus-
crits hiéroglyphiques des anciens Mexicains ,
conservés dans le palais du vice - roi ^ une
peinture curieuse qui représente le dernier
roi de Tlatelolco , appelé Moquihuix , tué
sur la cime d'une maison de Dieu ou d'une
pyramide tronquée , et jeté en bas des escaliers
qui menoient à la pierre des sacrifices. Depuis
cette catastrophe , le grand marché des
Mexicains, tenu jusque-là près du téocalli
de Mexilli , fut transféré à Tlatelolco. C'est
à celte dernière ville que se rapporte la
description que nous avons donnée du marché
mexicain , d'après le récit de Gortez.
Ce que l'on appelle aujourd'hui le Barrio
de Santiago, n'occupe qu'une partie de l'ancien
Tlatelolco. C'est sur le chemin qui mène à
Tanepantla et aux Ahuahuetes que l'on peut
marcher plus d'une heure entre les ruines de
l'ancienne ville. On y reconnoît , ainsi que
sur la route de Tacuba et d'Iztapalapan ,
* Clavigero, I, p. 25i. Axajacatl régtva depuis i464
jusqu'à 14/7 (IV, p. 58).
CHAPITRE VIII.
125
?xicain
îo , qui
dlle de
sanus-
icains ,
i ) une
lernier
c , tué
1 d'une
icaliers
Depuis
ié des
éocalli
». C'est
3rte la
larché
Barrio
ancien
[lène à
n peut
nés de
si que
apan ,
is i464
combien 3Iexico , rebâti par Gorlcz, est plus
petit que l'étoit Ténochtillan sous le dernier
des Montezuma. L'énorme grandeur du
marché de Tlalelolco , dont on rcconnoît
encore les limites , prouve combien la popu-
lation de l'ancienne ville doit avoir été consi-
dérable. Les Indiens montrent sur cette place
uae élévation entourée de murs ; c'est la
même qui formoit un des théâtres mexicains ,
et sur laquelle Gortez , peu de jours avant
la fin du siège , avoil établi la iameuse catapulte
( trahiico de palo ) ' dont l'aspect imposoit
aux assiégés, sans que la machine pût agir, à
cause de la maladresse des artilleurs. Cette
élévation est aujourd'hui comprise dans le
porche de la chapelle de Santiago.
La ville de Ténochtitlan étoit divisée en
quatre quartiers, îippelés ïeopan ou Xochi-
milca, Atzacualco, Moyotla etTlaquechiuhcau
ou Cuepopan. Cette ancienne division s'est
conservée jusqu'à nos jours dans les limites
assignées aux quartiers de Saint-Paul , Saint-
Sébastien, Saint-Jean et Sainte-Marie. Les
rues actuelles ont en grande partie la même
* Lorenzana j p. 2S9.
1
i
126 LIVRE III,
direction qu'elles avoient autrefois , à peu
près (lu nord au sud et de l'est à l'ouest '.
Mais ce qui donne à la nouvelle ville , comme
lions l'avons observe plus haut, un caractère
parliculierel dislinclif, c'est qu'elle se trouve
enlièremenl sur la terre ferme , entre les
extrémités des deux lacs de Tezcuco et de
Xocliimilco, et qu'elle ne reçoit, par des
canaux navigables, que les eaux douces de ce
dernier lac.
Plusieurs circonstances ont contribué à ce
nouvel ordre de choses. De tout temps la
partie du lac salé contenue entre les digues
australes et occidentales fut la moins profonde.
Cortez isc plaint déjà que sa flotille , les l)ri-
gantins qu'il avoit fait construire à Tezcuco ,
ne pouvoient pas, malgré les ouvertures dans
les digues , faire le tour entier de la ville
» Proprement du S. 16" O. à N. 74° E. , du moins
du côté du couvent de St. Auguslin, où j'ai pris des
ozimuts. Sans doute la direction des anciennes rues
éloit déterminée pnr celle t!es digues prlncipale& :
or, d'après la position des lit..dx auxquels ces digues
paroissent avoir abouti, il n'est guère propable que
les dernières puissent avoir représenté exactement des
méridiens et des parallèles. •
J
â
À
\, a peu
l'ouest '.
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oCondc.
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îzcuco ,
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u moins
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nés rues
cipalei :
î «ligues
ble que
lent des
i
CUAPITRE VIII. l'i^
assiégée. Ces flaques d'eau peu profondes
devinrent peu à peu des terrains marécageux;
ceux-ci , entrecoupés de rigoles ou de petits
canaux d'écoulement, se convertirent en chï-
nampas et en terres labourables. Le lac de
Tezcuco, que Valmoat de Bomare " supposoit
communiquer avec l'Océan , quoique d'après
mes mesures il se trouve à une élévation de
2,277 mètres , n'a pas de sources particulières,
comme on en observe au lac de Chalco. En
considérant d'un côté le petit volume d'eau
que dans les années sèches des rivières peu
considérables fournissent à ce lac , de l'autre
l'énorme rapidité de Tévaporalion qui a lieu
dane le plateau du Mexique , et sur laquelle
j'ai fait des expériences suivies , il faut ad-
mettre , ce que des observations géologiques
paroisseent aussi confirmer, que depuis des
siècles un manque d'équilibre entre la perte
d'eau évaporée et la masse d'eau alïluente a
restreint progressivement le lac de Tezcuco
dans des limites plus étroites. Les annales
mexicaines ' nous apprennent que sous le
et
* Dictionnaire d'histoire naturell
* Peintures conservées à la blh
tomoignage du père Acosla.
ih.
article Laç.
que du Vatican]
^-^ê^i
lii!!
i'2;
LIVRE III
règne du roi Aliiiitzotl ce lac salé éproii-
voit déjà un manque d'eau assez grand
pour interrompre la navigation , et qu'afin
d'obvier à ce mal et d'augmenter les affluens,
on construisit dès-lors un aqueduc depuis
Coyohuacan à Ténochtitlan. Cet aqueduc
conduisoit les sources d'Huitzilopochco à
plusieurs canaux de la ville , qui se trouvoient
à sec.
Cette diminution d'eau , éprouvée avant
l'arrivée des Espagnols, n'aiiroit été sans
doute que très-lente et peu sensible , si, depuis
l'époque de la conquête , la main de l'homme
n'avoit pas contribué à intervertir l'ordre de
la nature. Ceux qui ont parcouru la péninsule
savent combien, en Europe même, le peuple
espagnol est ennemi des plantations qui don-
nent de l'ombre autour des villes et des
villages. Il paroît que les premiers conquérans
ont voulu que la belle vallée de Ténochtitlan
ressemblât en tout au liol castillan , aride et
dénué de végétation. Depuis le seizième siè( le,
on a coupé inconsidérément les arbres tant
dans le plateau sur lequel est située la capitale,
que sur les monti-gnes qui l'entourent. La
conslructioa de la nouvelle ville , conmiencée
.;j
e épren-
ez grand
ît qu'afin
i aflluens,
c depuis
aqueduc
)Ochco à
•ou voient
'ée avant
été sans
ii, depuis
rhomnie
ordre de
)éiiinsuie
e peuple
qui don-
et des
quérans
)chlitlan
aride et
le siè( le,
>res tant
apitaîe ,
ent. La
mencée
,. ,|
CHAPITRE VIII. 129
en 1624, a exigé une grande quantité de
bois de charpente et de pilotis. On a détruit
et on détruit encore journellement sans re-
planter, si ce n'est tout autour de la capitale ,
où les dernier^ vice-rois ont perpétué leur
mémoire par des promenades ' (paseos ^
ala/fiedas) c^ui portent leurs noms. Le manque
de végétation expose le sol à l'influence directe
des rayons du soleil , et l'humidité qui ne
s'est pas perdue en filtrant à travers la roche
amygdaloïde basaltique et spongieuse, s'éva-
pore rapidement; elle se dissout dans l'air
partout où le feuillage des arbres ou un gazon
toufFu ne défend pas le sol de l'influence du
soleil et des vents secs du midi.
' Cette cause étant la même dans toute la
vallée , l'abondancu et la circulation des eaux
y ont sensiblement diminué. Le lac de Tez-
cuco , le plus beau des cinq lacs, que Cortez,
dans ses lettres , riomme habituellement une
mer intérieare , reçoit de nos jours beaucoup
moins d'eau par infiltration qu'au seizième
siècle : partout les défrichemens et la des-
truction des forets ont les mêmes suites. Le
* Paseode Buccarelli, de Revillaglgedo ^ de Galvez,
de Asanza.
II.
l'^O
LIVRE m
^ l§
l'
général Andréossi, dans son ouvrage classique
sur le canal du midi, a prouvé que les sources
ont diminué autour du réservoir de S. Feriéol,
simplement par un faux système introduit
dans l'aménagement des forets. Dans la pro •
vince de Caracas , le lac pittoresque de
Tacarigua ' se dessèche peu à peu , depuis
que le soleil darde librement ses rayons sur
le sol défriché des vaUées d'Aragua.
Mais la circonstance qui a le plus contribué
à la diminution du lac de Tezcuco est la
fameuse percée à ciel ouvert ^ connue sous le
nom du Desague reul de Huehuetoca , et
dont nous traiterons dans ' la suite de cet
ouvrage. Cette coupure de montagne , com-
mencée d'abord l'année 1607, en forme de
percement souterrain , n'î'. pas séuleiL^iit
réduit à des limites très-étroites les deux lacs
situés dans la partie boréale de la vallée,
ceux de Zumpango ( Tzompango ) et de
San Christobal ; elle les a aussi einpêchés ,
^ '. ;■ . 'H ; ■ . , t. -Il; : 1 1 iiv.» j» h'
* La dimiuutioii des eaux y fait niquie naître de
temps en temps de nouvelles îles [las aparecidas).
I.e lac de Tacarigua ou de Nueva Yalcncia est élev »
de 474 mètres au-dessus de la surface de la mer.
(Voyez mes Tableaux de la ]Nature,ï, 1, p. 72,)
CHAPITRE VIII.
l3l
■I
Jors des teitips pluvieux, de verser leurs eaux
dans le bassin du lac de Tezcuco. Ces eaux
inondoient jadis les plaines et lessivoient des
terres fortement chargées de carbonate et
de muriate de soude. Aujourd'hui , sans
séjourner dans des mares et sans augmenter
par là l'humidité de l'atmosphère mexicaine ,
elles découlent par un canal artificiel dans la
rivière de Panuco , et par conséquent dans
l'Océan Atlantique. . , j; ,
Cet état de choses a été amené par le désir
de convertir l'ancienne ville de Mexica en
une capitale qui seroit à la fois propre à la
circulation des voitures, et moins exposée
au danger des inondations. En effet, Teau
et la végétation ont diminué avec la même
rapidité avec laquelle le tequesquite ( ou
carbonate de soude ) a augmenté. Du temps
de Montezuma , et encore long- temps après ,
le faubourg de Tlatelolco, les barrios de Saint-
Sebastien , de San Juan et de Santa-Cruz
/ i o.ccl célèbres à cause de la belle verdure
qui opTioit leurs jardins. Aujourd'hui ces
mêmes endroits , et surtout les plaines de San
Lazaro , i 'offrent plus qu'une croûte de sels
efflorescens. La fertilité du plateau , quoique
9'
i3:
LIVRE m
considérable encore dans la partie méridio-
nale, n'est plus aussi grande qu'elle étoit
lorsque la ville s'élevoit au milieu du lac.
Une sage économie de l'eau , surtout de
petits canaux d'irrigation , pourroient rendre
son ancienne fécondité au sol , et sa richesse
à une vallée que la nature paroît avoir des-
tinée à être la capitale d'un grand empire.
'- Les limites actuelles du lac de Tezcuco
sont peu déterminées , le sol étant glaiseux
et si uni < (Vie sur un mille d'étendue , il ne
présente pa. ux décimètres de diffërence
de niveau. Lorsque les vents d'est soufflent
avec force , l'eau se retire vers le bord occi-
dental du lac^ et laisse quelquefois à sec une
étendue de plus de 600 mètres de long.
Peut-être qu'un jeu périodique de ces vents
a fait naître à Gortez l'idée de marées régu-
lières ', dont l'existence n'a pas été vérifiée
par de nouveUes observations. Le lac de
Tezcuco n'a généralement que trois à cin,^
mètres de profondeur. Dans quelques endroits
•f
* Journal des Savans, pour l'année 1676 , p. 34.
Le lac de Genève manifeste aussi un mouvement d'eau
assez régulier , que Saussure attribue à des vents qui
SQufilent périodiquement.
CHAPITRE Vin.
i33
i sec une
ces vents
le fond se trouve même déjà à moins d'un
mètre. Aussi le commerce des habitans de
la petite ville de Tezcuco sou ffre-t-il beaucoup
dans les mois très-secs de janvier et de février.
Le man^nie d'eau les empêche alors d'aller
en canots à la capitale. (Jet inconvénient n'a
pas lieu au lac de Xochimilcoj car depuis
Chalco , Mesquic et Tlahuac la navigation
n'est jamais interrompue , et Mexico reçoit
journellement , par le canal d'Iztapalapan ,
des légumes , des fruits et des fleurs en
abondance.
Des cinq lacs de la vallée de Mexico , celui
de Tezcuco a l'eau la plus chargée de muriate
et de carbonate de soude. Le nitrate de baryte
prouve que cette eau ne tient aucun sulfate
en dissolution. L'eau la plus pure , la plus
limpide est celle du lac de Xochimilco ; j'en
ai trouvé la pesanteur spécifique de 1,0009 >
quand celle de l'eau distillée à la température
de 18** centigrade est de 1,000 , et quand
celle de Feau du lac de Tezcuco est de 1,021 5.
Par conséquent cette dernière eau est plus
pesante que l'eau de la mer Baltique ; elle
l'est moins que l'eau de l'Océan , qui , sous
différentes latitudes , a été trouvée entre
i34 LIVRE m,
1,0269 et 1,0285. La quantité d'hydrogène
sulfuré qui se dégage de la surface de tous
les lacs mexicains , et que l'acétate de plomb
indique en grande abondance dans les lacs
de Tezcuco et de Ghalco , contribue sans
doute en certaines saisons à l'insalubrité de
l'air de la vallée. Cependant, et ce fait est
curieux, les fièvres intermittentes sont très-
rares sur les bords de ces mêmes lacs , dont la
surface est en partie cachée par des joncs et
des herbes aquatiques.
Orné de nombreux téocallis qui s'élevoient
en forme de minarets , entouré d'eau et de
digues, fondé sur des îles couvertes de ver-
dure , recevant dans ses rues , à chaque heure ,
des milliers de bateaux qui vivifioient le lac ,
l'ancien Ténochtitlan , d'après le récit des
premiers conquérans, devoit ressembler à
quelques tilles de la Hollande, de la Chine
ou du Delta inondé de la Basse-Egypte. La
capitale , reconstruite par les Espagnols,
offre un aspect moins riant peut-être , mais
d'autant plus imposant et plus majestueux.
Mexico est sans doute au nonibre des plus
belles villes que les Européens aient fondées
dans les deux hémisphères. A l'exception
CHAPITRE VIll.
i3j
tîe Pétersbour*,% de Berlin , de Philadelphie
et de quelques quartiers de Westminster , il
existe à peine une ville de la même étendue ^
qui , pour le niveau uniforme du sol qu'elle
occupe , pour la régularité et la largeur des
rues , pour la grandeur des places publiques ,
puisse être comparée à la capitale de la
Nouvelle-Espagne. L'architecture y est géné-
ralement d'un style assez pur; il y a même
des édifices dont l'ordonnance est très-belle.
L'extérieur des maisons n'est par surchargé
d'ornemens. Deux sortes de pierres de taille ,
l'amygdaloïde poreuse , appelée tetzontli , et
surtout un porphyre à feldspath vitreux et
dépourvu de quartz , donnent aux cons-
tructions mexicaines un air de solidité, et
quelquefois même de magnificence. On n'y
connoît pas ces balcons et ces galeries de
bois qui , dans les deux Indes , défigurent
toutes les villes européennes. Les balustrades
et les grilles y sont en fer de Biscaye, et
ornées de bronzes. Les maisons y ont des
terrasses au lieu de toits , comme les maisons
d'Italie et de tous les pays méridionaux.
Mexico a été singulièrement embelli depuis
le séjour que l'abbé Chappe y a fait en 1769,
i36
LIVRE III
L'édifice destiné à l'École des mines, et pour
lequel les plus riches particuliers du pajs ont
fourni une somme de plus de trois millions
de francs ', orneroit les places principales de
Paris etde Londres. Des architectes mexicains^
élèves de l'Académie des beaux-arts de la ca-
pitale, ont construit récemment deux grands
Lôlels , dont l'un, dans le quartier de la
Traspana y offre dans l'intérieur de la cour
un très-beau péristyle de forme ovale , et à
colonnes accouplées. Le voyageur admire
avec raison , au milieu de la plaza major de
Mexico, vis-à-vis la cathédrale et le palais
des vice-rois, une vaste enceinte pavée en
carreaux de porphyre , formée par des grilles
richement garnies de bronzes , et renfermant
la statue équestre ' du roi Charles iv, placée
^ Voyez ci-dessus , Chap. VII, p. 3i.
3 Cette statue colossale, dont il a été parlé plus
haut, p. i3, a été exécutée aux frais du marquis de
Branciforle , ci-devant vice-roi du Mexique , beau-
frère du prince de la Paix : elle pèse 45o quintaux :
elle a été modelée, fondue et placée par le même
artiste , M. Toha , dont le nom mérite une place
distinguée dans l'histoire de la sculpture espagnole.
Le mérite de cet homme de génie ne peut être
CHAPITRE VIII.
i37
sur un piédestal de marbre mexicain. Ce-
pendant , il faut en convenir , malgré les
progrès que les arts ont faits depuis trente ans,
c'est bien moins par la ^^randeur et par la
beauté des monumens que par la largeur et
l'alignement des rues; c'est moins par ses
édifices que par l'ensemble de sa régularité ,
de son étendue et de sa position , que la ca-
pitale de la Nouvelle- Espagne impose aux
Européens. Par un concours de circonstances
peu communes, j'ai vu de suite, et dans un
très-court espace de temps , Lima , Mexico ,
Philadelphie, Washington ', Paris, Rome,
dignement apprécié que par ceux qui connoissent les
âiilicultés que présente , dans l'Europe civilisée même,
l'exécution de ces grands ouvrages de Pari.
* D'après le plan tracé pour la ville de Washington ,
et d'après la magnificence de son Capitole , dont je
n'ai vu achevée qu'une partie , Fédéral City sera un
jour, sans contredit, une ville beaucoup plus belle
que Mexico. Phila lelphie aussi a la même régularité
de construction : les allées de platanes , d'aeacias et
de populus heterophylla , qui ornent ses rues , ' n
donnent une beauté presque champêtre. La végétation
des rives du Putomac et du Delaware est plus riche
que celle qu'à plus de aSoo mètres d'élévation on
trouve sur le dos des Cordillères mexicaines. Mais
i38
LIVRE III
Ndples et les plus grandes villes de l'Alle-
magne. En comparant entre elles des im-
pressions qui se suivent rapidement, on est
à même de rectifier une opinion à laquelle
on s'est peut - être livré trop légèrement.
Malgré des comparaisons , dont plusieurs
auroient pu paroître désavantageuses pour la
capitale du Mexique, cette dernière m'a laissé
unsouveriir de grandeur que j'attribue surtout
au caractère imposant de son site et de la
nature environnante.
En effet , rien de plus riche et de plus
varié que le tableau que présente la vallée,
lorsque , dans une belle matinée d'été , le
ciel étant sans nuages et de cet azur foncé
qui est propre à l'air sec et raréfié des hautes
montagnes, on se transporte sur une des tours
de la cathédrale de Mexico ^ ou au haut de la
Washington et Philadelphie ressembleront toujours
à de belles yilles européennes. Ils ne frapperont pan
les yeux du voyageur par ce caractère particulier,
j'ose dire exotique, qui appartient à Mexico , à Santa-Fe
de Bogota , à Quito et a toutes les capitales qui , sous
les tropiques , sont construites à la hauteur du passage
du Grand Saint-Bernard, ou même à de plus grandes
élévations.
le l'Aile-
des iin-
, on est
laquelle
èrement.
plusieurs
s pour la
m'a laissé
e surtout
et de la
de plus
a vallée,
l'été , le
ur foncé
îs hautes
les tours
ciut de la
toujours
cront pa»
rticulier,
Santa-Fe
qui , sous
u passade
s grandes
CIIAriTRE VIII. iSq
colline de Chapoltepec. Une belle végétation
entoure cette colline. Des troncs antiques de
cyprès ', de plus de quinze à seize mètres
de circonférence, élèvent leurs cimes dénuées
de feuillage au-dessus de celles desschinus,
qui , par leur port , ressemblent aux saules
plureurs de l'Orient. Du fond de cette soli-
tude, du sommet du rocher porphyritiquede
Chapoltepec, l'œil domine une vaste plaine ,
c'es champs soigneusement labourés, qui
s étendent jusqu'au pied des montagnes co-
lossales couvertes de glaces perpétuelles. La
ville paroît baignée des eaux du lac de Tez-
cuco , dont le bassin , entouré de villages et
de hameaux , rappelle les plus beaux lacs des
montagnes de la Suisse. De grandes avenues
d'ormes et de peupliers conduisent de tout
côté à la capitide; deux aqueducs construits
sur des arches très - élevées , traversent la
plaine, et offrent un aspect aussi agréable
qu'intéressant. Au nord se présente le couvent
magnifique de Notre-Dame de la Guadeloupe ,
adossé aux montagnes de Tepeyacac , entre
des ravins qui abritent quelques datiers et des
* Los aliuahuetes. Cuprcssus disticha. L.
l/iO
MVRi: ni
yuccas arborcscciis. Au sud, lodt le terrain
entre San Angcl, Tacuba)'a cl San Au^^uslin
de las Cuevas , paroît un immense jardin
d'oran<jers , de pêchers, de pommiers, de
cerisiers et d'autres arbres fruitiersde l'Europe.
Celle belle culture contraste avec l'aspect
sauvage des montagnes pelées cpii Torment
l'enccinle de la vallée , et parmi lesquelles
se distinguent les l'ameux volcans de la Puebla,
le Popocatepetl et l'I/tacciliuatl. Le premier
fonnc un. cône énorme , dont le cratère cons-
tamment enllammé , jetant de la luniée et
des cendres , s'ouvre au milieu des neiges
éternelles.
La ville de Mexico est remartpiable aussi
à cause delà bonne police qui y règne. La
plupart des rues ont des trottoirs très-larges ;
elles sont propres, et très-bien éclairées par
des réverbères à mèches plates en forme de
rubans. Ces avantages sont dus à l'activité du
comte de Revillagigedo , qui , lors de son
arrivée , trouva la capitale d'une malpropreté
extrême.
L'eau se rencontre partout dans le sol de
Mexico , à très-peu de profondeur; mais elle
est saumatrc comme celle du lac de Tezcuco.
l
î
CHAPITRE VllI.
lit
1
Les deux aqueducs par lesquels la ville reçoit
l'eau douce , et dont nous avons parle plus
haut , sont des nionumens de construction
moderne, dignes de l'altention des voyageurs.
Les sources d'eau potable sont à Test de la
ville , l'une datis le monticule isole de Clia-
potltepec, l'autre dans le Gerro de Sanla-Fe,
auprès de la Cordillère qui sépare la vallée
de Ténochtitlan de celle de Lerina et de
Toluca. Les arches de l'aquéduc de Glia-
potltepec occupent une longueur de plus de
33oo mètres. Ûeau de Chapodtcpec entre
par la partie méridionale de la ville, au Salto
del agua : elle n'est pas très-pure, d on ne
la boit que dans les faubourgs de Mexico.
L'eau la moins chargée de carbonate de chaux
est celle de 1 aqueduc de Santa-Fe , qui , en
longeant TAlameda, aboutit à la Traspana ,
au pont de la Marescala. Cet aqueduc a près
de 10,200 mètres de long; mais la pente du
terrain n'a permis que dans un tiers de cet
espace , que l'eau fut conduite sur des#rches.
L'ancienne ville de Ténochtitlan avoit des
aqueducs non moins considérables '. Au com-
» Clavigero , III , p. igS. Solis j 1^ p. 4o6.
I p LIVRE III,
mencement Ju sié,re, les deux capitaines
Alvaraclo et Olid détruisirent celui de Gha-
potltepec. Cortez, dans sa première lettre
à Charles-Quint, parie aussi de la source
d*Amilco , près de Ghurubusco , dont les eaux
forent conduites à la ville par des tuyaux de
terre cuile. Cette source est voisine de celle
de Santa-Fe. On reconnoît encore les restes
de ce grand aqueduc, qui étoit consiruit à
doubles tujaux, dont l'un recevoit Teau,
tandis qu'on étoit occupé à nettoyer l'autre '.
Cette eau étoit vendue dans des canots qui
* Lorenzana, p. 108. La plus grande et la plus belle
construction que les. indigènes ont faite en ce genre,
est l'acquéduc Je la ville de Tezcuco. On y admire
encore les traces d'une grande digue qui fut élevée
pour augmenter le niveau de Teau. En général y com-
ment ne pas admirer l'industrie et l'activité qu'ont
déployées les anciens Mexicains et les Péruviens dans
l'irrigatioii des terres arides ! Dans la partie maritime
du Pérou , j'ai vu des reste?; de murs sur lesquels
on ronduisoit l'eau par un espace de j»lus de 5 à
Çooo litres, depuis le pied de la Cordillère jusqu'aux
côtes. Les conquérans du seizième Fiècle ont détruit
ces aqueducs; et cette partie du Vérou, comme la
Perse , est redevenue un désert dénué de végétation.
Telle est la civilisation que les Européens ont portée
vh&z des peuples qu'ils se sont plu ù nomuiei Larbaree.
I
capitaines
de Gha-
re lettre
L source
les eaux
lyaux de
de celle
Ds restes
nsiruit à
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l'autre '.
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rai , coni-
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ruarltirae
lesquels
i de 5 à
usqu'aux
1 détruit
^ninie la
Relation,
t portée
arbares.
CHAPITRE VIII. 143
traversoient les rues de Ténochtitlan. Les
sources de S. Augustin de las Cuevas sont
les plus belles et les pif is pures ; aussi j'ai cru
reconnoître sur le chemin qui mène de ce
charmant village à Mexico , des traces d'un
ancien aqueduc.
Nous avons nommé plus haut ( page i23)
les trois digues principales par lesquelles
l'ancienne ville tenoit à la terre ferme. Ces
dignes existent en partie, et on en a même
augmenté le nombre. Ce sont aujourd'hui
de grandes chaussées pavées qui traversent
des terrains marécageux, et qui, étant très-
élevées, onl le double avantage de servir au
roulage des voitures et de contenir les eaux
débordées des lacs. La calzada d'Iztapalapan
est fondée sur cette même digue ancienne,
sur laquelle Gortez fit des prodiges de valeur
dans ses rencontres avec les assiégés. La
*^nlzadade San Antonio se distingue encore de
nos jours par ce grand nombre de petits ponts
que les Espagnols et les Tlascaltèques y. trou-
vèrent, lorsque le compagnon d'armes de
Gortez, Sandoval, fut blessé près de Goyo-
huacan '. Ges calzadasde San Antonio Abad ,
* Lurenzana, p. 229 , 24^. " .
l44 LIVRE III,
de la Piedad, de San Christobal et de Gua-
deloupe ( anciennement appelée la digue de
Tepejacac), furent reconstruites à neuf après
la grande inondation de l'année i6o4., sous
1 . vice-roi Don Juan de Mendoza y Luna ,
marquis de Montesclaros. Les seuls savans de
ce temps , les pères Torquemada et Geronimo
de Zarate , exécutèrent le nivellement et
Falignement des chaussées. C'est à cette époque
aussi que fut pavée pour la première fois la
ville de Mexico ; car avant le comte de Re-
villagigedo , aucmi autre vice-roi ne s'étoit
occupé avec plus de succès de la bonne police,
que le marquis de Montesclaros.
Les objets qui attirent généralement l'atten-
tion du voyageur sont , '
1.® La Cathédrale y dont une petite partie
est dans le style vulgairement appelé gothique:
l'édifice principal, qui a deux tours ornées
de pilastres et de statues , est d'une ordonnance
assez belle et de construction très-récente.
2.*» La Monnoic y attenant au palais des
vice-rois , bâtiment d'où sont sortis , depuis
le commencement du seizième siècle, plus
de six milliards et demi en or et en argent
mon noyés.
K»
de Gua-
iigue de
îufiiprès
►4 , sous
y Luna ,
avans de
eronimo
ment et
e époque
•e fois la
de Re-
e s'étoit
e police,
t l'atten-
e partie
éthique:
ornées
mnance
ente,
ais des
depuis
e, plus
argent
CHAPITRE VIII. 145
S.** Les Couvens, parmi lesquels $e distingue
surtout le grand couvent de Saint-François ,
qui, simplement en aumônes, a une rente
annuelle d'un demi-million de francs. Ce vaste
édifice devoit d'abord se construire sur les
ruines du temple de Huitzilopochtli; mais ces
ruines mêmes ayant été destinées aux fon-
demens de la cathédrale , on commença , en
i53i, le couvent dans son local actuel. Il
doit son existence à la grande activité d'un
frère servant ou moine lai , Fray Pedro de
Gante, homme extraordinaire, que Ton dit
avoir été fils naturel de l'empereur Charles -
Quint, et qui devint le bienfaiteur des Indiens,
auxquels ils enseigna le premier les arts mé-
caniques les plus utiles de TEurope.
4.** JJHospice , ou plutôt les deux hospices
réunis, dont Tun entretient 600 , l'autre 800
en fans et vieillards. Cet établissem< ' dans
lequel règne assez d'ordre et de propreté ,
mais peu d'industrie, a 25o,ooo fr. de rentes.
Un riche négociant lui a légué récemment,
par son testament, six millions de francs ,
capital qui a été pris par la trésorerie royale ,
avec promesse d'en payer un intérêt de cinq
pour cent. ^
i[.
10
l4G LIVRF îll,
5.® \1 Acordada , bel édifice , dont kî
prisons sont généralement spacieuses et bien
aérées. On compte dans cette maison et dan'^
les autres prisons de Tacordada qui en 'dé-
pendent , plus de douze cents personnes ,
parmi lesquelles se trouve un grand nombre
de contrebandiers, et les malheureux pri-
sonniers indiens traînés à Mexico depuis les
provincias internas ( Indios Mecos ) , dont il
a été question plus haut dais les 6.* et 7.'
chapitres '.
6.** JJ Ecole des mines y le nouvel édifice
commencé etl'ancien établissement provisoire,
avec ses belles collections de physique , de
mécanique et de minéralogie '.
7.** Le Jardin de botanique , dans une des
cours du palais du vice-roi , très-petit , mais
extrêmement riche en produf 'ions végétales
* Vol. I, p. 419, et p. 42 (le ce volume.
* Deux autres collections oryctognosliqucK et géo-
logiques très-remarquables , sont celles du professeur
Cervanlefc et de Voidor M. Caravajal. Ce magistrat
respectable possède aussi un superbe cabinet de
coquilles , formé pendant son séjour aux îles Philip-
pines, où déjà il avoit déployé le môme zèle pour
les sciences naturelles, qui le dislingue si honora-
blement au Mexique.
CHAPITRE VIII. '^ 147
rares ou intéressantes pour l'industrie et le
commerce. -
8.° Les Edifices de V Université, et laBiblio'
théque publique , qui est peu digne d'un si
grand et si ancien établissement.
. Q.** ]J Académie des heaux-arts , avec une
collection de plâtres antiques '.
10.° La Statue équestre du roi Charles IV ,
sur la plaza maycr , et le monument sépulcral
que le duc de Monte Leone a consacré au grand
Oortez , dans une chapelle de l'hôpital de los
Naturales. C'est un simple monument de
famille , orné d'un buste en bronze , repré-
sentant le héros dans un âge mûr , et exécuté
par M. Toisa. Qu'on traverse l'Amérique
espagnole depuis Buenos-Ajres jusqu'à Mon-
terey, depuis la Trinité et Porto Rico jusqu'à
Pan-^ma et Veragua, et nulle part on ne
rencontrera un monument national que la
reconnoissance publique ait élevé à la gloire
de Christophe Colomb et de Hernan Cortez !
Ceux qui se livrent à l'étude de l'histoire
et à la recherche des antiquités américaines ,
ne trouveront pas dans l'enceinte de la capitale
* Voye* plus haut, p. 12. '
iO
i48
LIVRE ni,
ces grands restes de constructions que Ton
voit au Pérou, dans les environs de Cusco
et de Guamachuco , à Pachacamac , près de
Lima , ou à Mansiche , près de Truxillo ; dans
la province de Quito , au Gaiîar et au Cajo ;
au Mexique , près de Milla et de Cholula ,
dans les intendances d'Oaxaca et de Puebla.
Il paroît que les seuls monumens des Aztèques
étoient les téocallis, dont nous avons indiqué
plus haut la forme bizarre. Or , le fanatisme
chrétien n'avoitpas seulement un grand intérêt
à les détruire; mais aussi la sûreté du vainqueur
rendit cette destruction nécessaire. Elle se fît
en partie pendant le siège même; car ces
pyramides tronquées, construites par assises ,
servoient de refuge aux combattans , comme
le temple de Baal Berith aux peuples de
Chanaan : c'étoient autant de châteaux dont il
falloit déloger l'ennemi.
Quant aux maisons des particuliers , que les
Historiens espagnols nous dépeignent comme
très-basses, nous devons être peu surpris de
n on trouver que les fondemens ou des ma-
sures peu élevées , telles qu'on les découvre
dans le Barrio de Tlatelolco et vers le canal
d'Istacalco. Dans la plupart de nos villes
CHAPITRE Vlli.
i49
d'Europe même , quel petit nombre de
maisons peut-on compter dont la construction
remonte au commencement du seizième siècle?
Cependant les édifices de Mexico ne sont pas
tombés en ruines par vétusté. Animés de ce
même esprit de destruction que les Romains
montrèrent à Syracuse , à Carthage et en
Grèce , les conquérans espagnols ne crurent
avoir achevé le siège d'une ville mexicaine
qu'après en avoir rasé les bâtimens. Cortez ,
dans sa troisième lettre ' à l'empereur Charles-
Quint, énonce lui-même le système effrayant
qu'il suivit dans ses opérations militaires.
« Malgré tous ces avantages, dit-il , que nous
« avions remportés , je vis bien que its ha-
bitans de la ville de Témixtitan ( Ténoch-
« titlan ) étoient si rebelles et si opiniâtres ,
qu'ils désiroient tous périr plutôt que de
« se rendre ; je ne savois plus quel moyen
« employer pour nous épargner tant de
« dahgers et de fatigues, et pour ne pas
« achever la ruine totale de la capitale , qui
« étoit la plus belle chose du monde { a la
« ciudad p porcjue era la mas hermosa cosa
(C
((
* 1 M
* Lorenzana , p. 278.
l5o LIVRE HT,
« del miindo ). J'avois beau leur dire que je
« ne leverois pas mon camp, que je ne reti-
« rerois pas ma flotille de brigantins , que je
« ne cesserois pas de leur faire la guerre par
« terre et par eau , avant que je ne Tusse
«c maître de Témixtitan ; je leur observai en
« vain qu'ils n'avoient aucun secours à at-
« tendre, et qu'il n'y avoit pas un coin de terre
« dont ik pussent espérer tirer du maïs , de
« la viande , des fruits et de l'eau. Plus nous
« leur fîmes ces exhortations , et plus il nous
« prouvèrent qu'ils étoient loin d'être décou-
« rages. Ils n'avoient d'autre désir que celui
« de combattre. Dans cet état de choses ,
« considérant que déjà plus de l^o à 5o jours
« s'étoient écoulés depuis que nou" avions
« investi la place, je résolus enfin -"^ prendre
« un moyen par lequel, en pourvoyant à
« notre sûreté, nous étions à même de serrer
« de plus près n*^:, ennemis : je formai le
« dessein de démolir d'un côté et de Vautre
« toutes les maisons a mesure que nous nous
<c rendrions maîtres des rues j de sorte que
K nous n'avancerions pas d'un pied sans avoir
« tout détruit et abattu derrière nous j con-
« vertissant en terre ferme tout ce qui étoit
CHAPITRE VIII.
l5l
; que je
ne reti-
que je
Tre par
le fusse
îrvai en
rs à ai-
de terre
laïs, de
us nous
il nous
décou-
le celui
choses,
>o jours
avions
^rendre
)jant à
; serrer
mai le
Vautre
LS nous
'te que
is avoir
j con-
à étoit
« eau y quelle que pût être la lenteur de ce
« travail et le retard auquel nous nous expo-
« serions '. Pour cet effet, je réunis les
« seigneurs et les chefs de nos alliés , et je
u leur expliquai la résolution que j'avois
«c prise. Je les engageai à faire venir un grand
« nombre de laboureurs avec leurs coar, j
tt qui sont semblables aux houes dont on te
€< sert en Espagne pour faire des excavations ;
« et nos alliés et nos amis approuvèrent mon
« projet, car ils espéroient que la ville seroit
€c détruite de fond en comble , ce qu'ils
« désiroient ardemment depuis long-temps.
« Trois à quatre jours se passèrent san^
<f combat , car nous attendîmes l'arrivée des
€< gens de la campagne qui dévoient nous
<€ aider à démolir. »
Après avoir lu ce récit naïf que le général
* Accordé de tomaf' un mediopara nuestra seguridad
y para pode 'ç estrechar a Los enemigos; y fue que
como fu<iHsei,,<jù ganando por las calles de laciudad,
que fuessen derocando todas las casas de ellas , de un
ladoy del otro ; por manera que no fuessemos un passa
adelante sin la dejar todo asolado y que lo que era
agua hacerlo tierra firme ; aunque hohiesse toda la
dilacian que se pudiesse sagitir. Lorenzana , n. 34.
.
iSa LIVRE m,
en chei fait à son souverain , dans sa troisième
lettre, on ne doit plus être surpris de ne
trouver presque aucun vestige des anciens
édifices mexicains. Cortez raconte que les
indigènes , pour se venger des vexations
qu'ils avoient éprouvées sous la domination
des rois aztèques , accoururent en grand
nombre , et des provinces les plus éloignées ,
dès qu'ils apprirent qu'on travailloit à la
destruction de la capitale. Les décombres des
maisons démolies servirent à combler les
canaux. On mit les rues à sec pour faire agir
la cavalerie espagnole. Les maisons basses y
comme celles de Pékin , en Chine , étoient
construites en partie en bois, en partie en
tetzontli , pierre spongieuse , légère et facile
à briser. « Plus de cinquante mille Indiens
« nous aidèrent, dit Cortez, le jour que,
« marchant sur des monceaux de cadavres ,
« nous gagnâmes enfin la grande rue de
et Tacuba, et que nous brûlâmes la maison
« du roi Guatimucin *. Aussi ne fit-on autre
* Le vrai nom de ce roi malheure uj. , le dernier de
la dynastie aztèque, est QuauJitemotzin. C'est le même
auquel Cortez fit brûler peu à peu la plante des pieds ,
après les avoir fait tremper dans l'huile. Ce tourment
CHAPITHE VIII.
53
)isièmc
de ne
anciens
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autre
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pieds ,
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« chose que brûler et raser des maisons.
«f Ceux de la ville disoient à nos alliés ( les
« Tlascaltèques ) , qu'ils avoient tort de nous
« aider à détruire , parce qu'ils auroient un
« jour à reconstruire de leurs mains ces
K mêmes édifices , soit pour les assiégés , si
H ceux-ci restoient vainqueurs, soit pour
« nous autres Espagnols , qui effectivement
« déjà les forçons à rebâtir ce qui a été dé-
« moli \ "En parcourant le libro delcabildoy
ne porta pas le roi à déclarer dans quel endroit ses
trésors avoient été cachés. Sa fin fut la même que celle
du roi d'Acolhucan (Tezcuco) et de Tellepanguet-
zallzin , roi de Tlacopar (Tacuba). Ces trois princes
furent pendi;? à un ?rîjre , et, comme je l'ai vu repré-
senté dans une peinture hiéroglyphique que possède
le père Pichardo (au couvent de San Felipe Neri ) ,
ils furent pendus par les pieds , pour prolonger leurs
tourmens. Cet acte de cruauté de Corlez, que des
historiens récens ont eu la lâcheté de dépeindre comme
FeiFet d'une politique prévoyante, causa des murmures
dans l'armée même. <( La mort du jeune roi , » dit
Bernai Diaz del Castillo (vieux soldat plein de droiture
et de naïveté dans l'expression ) , « étoit chose bien
« injuste : aussi fut-elle blâmée de nous tous autant
(( que nous étions dans la suite du capitaine , dans sa
« marche vers Comaj ah ua. »
* Lorenzana, p. 286»
l54 UVRl- III,
manuscrit dont nous avons déjà parlé, et qui
contient l'histoire de la nouvelle ville de
Mexico depuis l'année 1624 jusqu'en 1529,
je n'y ai trouvé sur ton les les pages que des
noms de personnes qui comparoissent devant
les alguasils, «pour demander remplacement
ti (solar) sur lequel étoit autrefois la maison
« de tel ou tel seigneur mexicain. » Même
encore aujourd'hui on est occupé à combler
et dessécher les canaux anciens qui traversent
plusieurs rues de la capitale. Le nombre de
ces canaux a surtout diminué depuis le gou-
vernement du comte de Galvez , quoiqu'à
cause de l'extrême largeur des rues de Mexico,
les canaux y soient encore moins contraires
à la circulation des voitures que dans la plupart
des villes de Hollande.
On peut compter , parmi les foibles restes
des antiquités mexicaines qui intéressent le
voyageur instruit , soit dans l'enceinte de la
ville de Mexico , soit dans ses environs , les
ruines des digues ( albaradones ) et des aque-
ducs aztèques; la pierre dite des sacrifices,
ornée d'un relief qui représente le triomphe
d'un roi mexicain ; le grand monument calan-
daire (expose avec le précédent à la^plaza
CHAPITRE VIII.
i55
! , et qui
r'illc de
I 1629,
r[ue des
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« Même
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Mexico,
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1 plupart
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te de la
'ons, les
es aqué-
icrifices ,
riomphe
nt calan-
la «plaza
mayor); la statue colossale de la déesse
Téoyaomiqui, couchée sur le dos, dans une
des galeries de Tédifice de l'Université, et
hubiluellement couverte de trois ou quatre
pouces de terre; les manuscrits ou tableaux
hiérog'l)'phiques aztèques, peints sur du papier
d'agave, sur des peaux de cerfs et des toiles
de coton (collection précieuse enlevée injus-
tement au chevalier Boturini ' , très- mal
conservée dans les archives du palais des
\ice-rois, et attestant dans chaque figure
l'imagination égarée d'un peuple qui seplaisoit
à voir offrir le cœur palpitant des victimes
humaines à des idoles gigantesques et mons-
trueuses); les (ondemens du palais des rois
d Acolhuacan , à Tezcuco ; le relief colossal
tracé sur la face occidentale du rocher por-
phyritique appelé le Penol de los Banos,
et plusieurs autres objets qui rappellent à
l'observateur instruit les inslititutions et les
ouvrages de peuples de la race mongole,
et dont la description tet les dessins seront
donnés dans la relation historique de mon
. * L'auteur de l'ouvrage ingénieux : Ydea de urji,a
nuei^a Historia général de la America SejjCentrional ,
for el cdballero Boturini, • ,- ; ^
i
'i-i
iS6
LIVRE m
Voyage aux régions équinoxiales du nouveau
continent.
Les seuls monumens anciens oui , dans la
vallée mexicaine , peuvent imposer par leur
giandeur et leurs masses aux yeux des Euro-
péens^ sont les restes des deux pyramides de
San Juan de Téotihuacan , situées au nord-est
du lac de Tezcuco , consacrées au soleil et à
la lune, appelées par les indigènes Tonatiuh
Ytza([ual, maison du Soleil, et Meztli Ytza-
qual , mait:oîi de la Lune. D'après les mesures
faites en 1 8c 5, par un jeune savant mexicain ,
le docteur Oteyza, la première pyramide,
qui est la plus australe, a, dans son état
actuel, une base de 208 mètres (645 pieds)
de long^ et 55 mètres (66vares mexicaines'
ou 171 pieds) d'élévation perpendiculaire.
La seconde , la pyramide de la lune , est de
1 1 mètres ( 3o pieds ) plus basse , et sa base
est beaucoup moins grande. Ces monumens ,
d après le récit des premiers voyageurs , et
d'après la forme qu'ils présentent encore
* Velasquez a trouvé que la vare mexicaitie a exac-
tement 3i pouces de l'ancien pied de roi (de Paris).
La façade septentrionale de l'hôtel des Ir: valides, h
Paris ; n'a que 600 pieds de longueur.
louveau
dans la
►ar leur
s Euro-
ides de
nord-est
eil et à
'onatiuh
li Ytza-
mesures
exicain ,
ramide ,
ion état
pieds )
icaines '
culaire.
, est de
sa base
umens ,
urs , et
encore
3 a exac-
e Paris ).
alides , à
CHAPITRE VIII.
lf>7
aujourd'hui, ont servi de modèle aux téo-
callis aztèques. Les peuples que les Espagnols
trouvèrent établis dans la Nouvelle-Espagne,
attribuèrent les pyramides de Téolihuacan ' à
la nation toltèque : leur construction remonte
par conséquent au huitième ou au neuvième
siècle ; car le royaume de ToUan dura depuis
66j jusqu'en io3i. Les laces de ces édifices
sont, à 62' près, exactement orientées du
nord au sud et de Test à l'ouest : leur intérieur
est de l'argile mêlé de petites pierres. Ce
noyau est revêtu d'un mur épais d'amyg-da-
loïde poreuse : on y reconnoît , en outre ,
des traces d'une couche de chaux qui enduit
les pierres (le tetzontli) par dehors. Quelques
auteurs du seizième siècle prétendent, d'après
* Cependant Siguenza^ dans ses notes manuscrites,
les croit un ouvrage de la nation olmèque , qui habitoit
autour de la Sierra de TIascala, appelée Mallacueje.
Si cette hypothèse, dont nous ignorons les foudemens
liiiUoriques, étoit vraie, ces raonumens serolent plus
anciens encore ; car les Olnièques appartiennent aux
premiers peuples dont la chronologie aztèque fait
mention dans la Nouvelle-Espagne. On prétend même
:^ue c'est la seule niation dont la migration s'est faite,
non depub le nord et le nord ;iest ( l'Asie Mongole ) ,
niais de])uls l'Orient (l'Europe).
i38
LIVr.E III
une tradition indienne , que l'intérieur de ces
pyramides est creux. Le chevalier Boturini
dit que le géomètre mexicain Siguenza avoit
vainement essayé de percer ces édifices par
une galerie. Ils formoienl quatre assises, dont
on ne reconnoît aujourd'hui que trois , les
injures du temps et la végétation des cactus et
des agaves ayant exercé leur influence des-
tructive sur l'extérieur de ces monumens. Un
escalier, construit en grandes pierres de
taille , conduisoit jadis à leur cime : c'est là
que, d'après le récit des premiers voyageurs,
se trouvoient des statues couvertes de lames
d'or très-minces. Chacune des quatre assises
principales étoit subdivisée en petits gradins
d'un mètre de haut, dont on distingue encore
les arêtes : ces gradins sont couverts de frag-
mens d'obsidienne, qui, sans doute, étoient
les instrumens tranchans avec lesquels , dans
leurs sacrifices barbares , les prêtres toltèques
et aztèques {papahua tlemacazque ou teo-
pixqui) ouvroient la poitrine aux victimes
humaines. On sait que l'obsidienne {Itztli)
étoit l'objet des grandes exploitations dont
on voit encore les traces dans une innom-
brable quantité de puits , entre les mines de
•e assises
CHAPITRE VIII. ifjiQ
Moran et le village d'Atotonilco el Grande ,
dans les montagnes porhyritiques d'Oyamcl
et du Jâcal , région que les Espagnols appellent
la montagne des Couteaux, el Cerro de las
Navajas '.
On désireroit sans doute voir résolue la
question si ces édifices curieux, dont l'un
( le Tonatiuh Ytzaquâl ) , d'après les mesures
exactes de mon ami, M. Otejza, a une masse
de 128,970 toises cubes, ont été entièrement
construits à mains d'hommes, ou si les Tol-
tèques ont profité de quelque colline naturelle,
qu'ils ont revêtue de pierre et de chaux? Cette
même question a été récemment agitée par
rapport à plusieurs pyramides deDjyzcli et de
Sakhiirah : elle est devenue doublement inté-
ressante par les hypothèses Tanlastiques que
M. Witte a hasardées sur l'origine des monu-
mens de forme colossale de l'Egypte, de
Persépolis et de Palmyre. Comme ni les py-
ramides de Téotihuacan , ni celle de Cholula ,
dont nous parlerons dans la suite, n'ont pas
* J'ai trouvé la cime du Jacal élevée de 3i 2'i mètres j
la Rocca de las Ventanas, au pied du Cerro de las
Navajas , élevée de 2960 mètres au-dessus du niveau
de la mer.
i6o
LIVRE m
été percées diamétralement, il est impossible
de parler avec certitude de leur structure
intérieure. Les traditions indiennes d'après
lesquelles on les croit creuses, sont vagues
et contradictoires : leur situation dans des
plaines où l'on ne trouve aucune autre colline,
rend même assez probable qu'aucun rocher
naturel ne sert de noyau à ces monumens.
Ce qui est très-remarquable aussi ( surtout si
l'on se rappelle les assertions de Pococke sur
la position symétrique des petites pyramides
d'Egypte ) , c'est que tout à l'entour des
maisons du soleil et de la lune de Téo-
tihuacan , on trouve un groupe , j'ose dire
un système de pyramides qui ont à peine
neuf à dix mètres d'élévation. Ces monumens,
dont il y a plusieurs centaines, sont disposés
dans des rues très-larges, qui suivent exacte-
ment la direction des parallèles et des méri-
diens, et qui aboutissent aux quatre laces
des deux grandes pyramides. Les petites
pyramides sont plus fréquentes vers le côté
austral du temple de la lune que vers le
temple du soleil : aussi étoient-elles, d'après
la tradition du pays, dédiées aux étoiles. Il
paroît assez certain qu'elles servoient de
CHAPITRE Vin.
i6
jossjblc
ructure
d'après
vagues
ans des
colline,
rocher
lumens,
irtout si
»cke sur
ramides
our des
e Téo-
ose dire
là peine
lumens,
disposés
exacte-
;s méri-
te laces
petites
lie côté
Ivers le
d'après
loiles. Il
ient de
sépulture aux chefs des tribus. Toute cette
plaine, que les Espagnols, d'après un mot
de la langue de l'île de Cuba, appellent Llano
de los Cuesy porta jadis, dtns les langues
aztèque et toltèque , le nom de Micoatl, ou
Chemin des Morts. Que d'analogies avec les
monumens de l'ancien continent! Et ce peuple
toltèque, qui, en arrivant au septième siècle
sur le sol mexicain , construisit , d'après un
plan uniforme, plusieurs de ces monumens
de forme colossale, ces pyramides tronquées
et divisées par assises comme le temple de
Bélus à Babylone , d'où avoit-il pris le type
de ces édifices? Etoit-il de race monopole?
descendoit-il d'une souche commune ' avec
les Chinois, les Hiong-nu et les Japonois?
Un autre monument ancien , très-digne de
l'attention du voyageur, c'est le retranche-
ment militaire de Xochicalco , situé au sud-
sud- ouest de la ville de Cuernavaca, près
de Tetlama , appartenant à la paroisse de
* Voyez l'ouvrage de M. Herder : Idée d'une
Histoire philosophique de l'espèce humaine , T. Il ,
p. 59 ; T. III , p. 11 (en allemand ) ; et Essai d'une
Histoire universelle de M. Gatterer , p. 489 ( en
allemand ).
n. 1 1
l62
LIVRE III ,>
Xochilepèque. C'est une colline isolée , de
117 mètres d'élévation, entourée de fossés,
et divisée à main d'homme en cinq assises
ou terrasses qui sont revêtues de maçonnerie.
Le tout forme une pyramide tronquée, dont
les quatre faces sont exactement orientées
selon les quatre points cardinaux. Les pierres
de porphyre à base basaltique sont d'une
coupe très-régulière, et ornées de figures
hiéroglyphiques, parmi lesquelles on distingue
des crocodiles jetant de l'eau , et , ce qui est
très - curieux , des hommes assis les jambes
croisées à la manière asiatique. La plate-foime
de ce monument extraordinaire ' a près de
9000 mètres carrés, et présente les ruines d'un
petit édifice carré qui servit sans doute de
dernière retraite aux assiégés.
- Je finirai ce tableau rapide des antiquités
aztèques, en désignant queh ues endroits que
l'on . peut nommer classiques , à cause de
l'intérêt qu'ils inspirent à ceux qui ont étudié
■■'■'-•■•■' ■/
* Descripcion de las antiguedades de Xochicalco ,
dcdicada a los Senores de la Expedicion maritiwa
baxo las ordenes de Don Alexandre Mcdaspina , par
Don Jase Antonio Jtlzate. Mexico^ '•ZQ* > P- 12.
CHAPITRE VIII.
i63
iée , (le
fosses ,
: assises
i
Dnnerie.
îc, dont
►rienlées
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►nt étudie
iochlcalco ,
Ttinritima
spina, par
p. 12.
l'histoire de la conquête du Mexique par les
Espagnols. ' -
Le palais de Montezuma étoit placé dans le
même site où se trouve aujourd'hui l'hôtel du
duc de Monte Leone, vulgairement appelé casa
del Estado , à la plaza mayor , au sud-ouest
de la cathédrale. Ce palais , comme ceux de
l'empereur de la Chine, dont sir George
Staunton et M. Barrow nous ont donné des
descriptions exactes, étoit composé d'un grand
nombre de maisons spacieuses mais très-peu
élevées : elles occupoient tout le terrain con-
tenu entre l'Empedradillo , la grande rue de
Tacuba et le couvent de la Professa. Cortez,
après la prise de la ville , fixa sa demeure
vis-à-vis les ruines de ce palais des rois
aztèques, là où est placé aujourd'hui le palais
des vice-rois : mais on jugea bientôt que la
maison de Cortez convenoit davantage aux
assemblées de l'Audiencia; par conséquent, le
gouvernement se fit céder la casa del Estado,
ou Tancien hôtel appartenant à la famille de
Cortez. Cette famille, qui porte le titre du
marquesado del Valle de Oaxaca, reçut en
échange remplacement de l'ancien palais de
Montezuma : c'est là qu'elle contruisit le bel
11*
l64 LÏVRE III,
édifice dans lequel se trouvent les archives
delEstado, et qui est passé, avec tout l'héri-
tage , au duc napolitain de Monte Leone.
Lorsque Gortez fit sa première entrée à
Ténochtitlan , le 8 novembre 1619, lui et son
petit corps d'armée furent logés non au palais
de Montezuma , mais dans un édifice qu'avoit
habité jadis le roi Axajacatl. C'est dans cet
.édifice que les Espagnols et leurs alliés les
Tlascaltèques , soutinrent l'assaut des Mexi-
cains ; c'est là que périt le malheureux roi
•Montezuma ' , des suites d'une blessure qu'il
avoit reçue en haranguant son peuple. On
reconnoît encore * de foibles restes de ce
* C'est d'un de ses fils, appelé Tohiialicaliuatzin ,
et après le baptême, Don Pedro Motezuma , que
descendent les comtes de Motczuma et ïula , en
Espagne. Les Cano Motezuma , les Andrade Mole-
zuma , et , si je ne nie trompe , même les comtes de
Miravalle , à Mexico , font remonter leur origine à la
belle princesse Tecuichpoizin ,{^\q cadette du dernier
roi Motezuma 11 , au Moteuczoma Xvcojolzin, Les
descendans de ce roi ne mêlèrent leur sang à celui
des blancs que dans la seconde génération. ' " '^
* Les preuves de cette assertion sont contenues
dans les manuscrits de M. Gama, qui se trouvent
au couvent de San Felipe Neri, entre les mains du
CHAPITRE VUI.
6.Î
archives
ut l'héri-
one.
entrée à
lui et son
an palais
! qu'avoit
dans cet
alliés les
es Mexi-
reux roi
ure qu'il
uple. On
es de ce
ahuatzin ,
\una y que
ïula , en
ade Mole-
comtes de
>rigine à la
du dernier
olzin. Les
ng à celui
contenues
e trouvent
mains du
quartier des Espagnols , dans des masure»
situées derrière le couvent de Ste.-Thcrèse ,
au coin des rues de Tacuba et del Indio
Triste. ' .
Un petit pont près de Bonavista a conservé
le nom desaut d'Alvarado (salto deAlvarado),
en mémoire du saut prodigieux que fit le
valeureux Pedro deAlvarado, lorsque, dans
la fameuse nuit mélancolique ', la digue de
Tlacopan ayant été coupée en plusieurs
endroits par les Mexicains , les Espagnols se
retirèrent de la ville sur les montagnes de
Tepeyacac. Il paroît que déjà du temps de
Cortez, on disputa sur la vérité historique
de ce fait, qui, par une tradition populaire, a
été transmis à toutes les classes des habitans
père Pichardo. Cortez , dans ses lettres, nomme son
quartier lafurtaleza , la forteresse. Le palais d'Axa-
jacatl étoit probablement une ^asle enceinte qui
contenoit plusieurs édifices, car on y caserna près de
sept mille hommes. {Clauigero, III , p. 79.) Les ruines
de la ville de Mansiche, au Pérou, nous donnent une
idée très-claire de ce genre de construction améri-
caine. Chaque habitation d'un grand seigneur y formoit
un quartier séparé, dans lequel on distinguoit des
cours, des rues , des murailles et des fossés.
> Noche triiite, le i."*" juillet lôao.
il
l66 LIVBE III,
de Mexico. Bernai Diaz regarde Thistoire dw
saut comme une simple fanfaronnade de son
compagnon d'armes, dont il vante d'ailleurs
le courage et la présence d'esprit. Il assure
que le fossé étoit beaucoup trop large pour
le passer au saut. Je dois observer cependant
que cette anecdote est rapportée avec beau-
coup de détail dans le manuscrit d'un noble
métis de la république de Tlascala, Diego
Munoz Camargo ; manuscrit que j'ai consulté
au couvent de San Felipe Neri , et dont le
père ïorquemada ' paroît aussi avoir eu
' Monarquia indiana , Lib. IV , Cap. LXXX.
Clavigero, I, p. lo. 11 existe encore n Mexique et en
Espagne plusieurs manuscrits historiques composés au
seizième siècle, et dont la publication par extrait
jeteroit beaucoup tle jour sur l'histoire d'Anahuac :
tels sont les rrianuscrits de Sahagun , de Motolinia ,
d'Andréa de Olmos , de Zurita , de Josef Tobar, de
Fernando PiraentelIxtlilxochill,d'AntonioMotezuma,
d'Antonio Pimentel Ixtlilxochitl, de Taddeo de ISiza ,
Gabriel d'Ay al a , Zapata^ Ponce, Christophe de Cas-
tillo , Fernando Alba Ixtlilxochitl, Pomar , Chimalpaïn,
Alvarado Tezozomoc et de Gulleriez. Tous ces auteurs,
à l'exception des cinq premiers , étoient des Indiens
baptisés, natifs de Tlascala, de Tezxuco, de Cholula
et de Mexico. Les Ixtlilxochitl descendoient de la
famille royale d'AcoIhuacan.
'M
)ire du
de son
ûUeurs
assure
B pour
endant
; beau-
noWe
Diego
)nsullé
lont le
Dir eu
LXXX.
lie et en
posés au
extrait
laliuac :
tolinia,
bar, de
tezunia,
le ISiza ,
de Cas-
Lai pain,
luteurs,
Indiens
Cliolula
it de la
CHAPITRE VIII. 1G7
connoissance. Cet bislorien métis étoit con-
temporain de . Ilernan Corlez. Il raconte
l'histoire du saut d'Alvarado avec beaucoup
de simplicité , sans apparence d'exagération ,
et sans énoncer la largeur du fossé. On croit
reconnoître dans son récit naïf un héros de
l'antiquité qui , appuyant l'épaule et le bras
sur sa lance , fait un élan énorme pour se
sauver des mains de l'ennemi. Camargo
ajoute que d'autres Espagnols voulurent suivre
l'exemple d'Alvarado , mais qu'ayant moins
d'agilité que lui , ils tombèrent dans le fossé
( azequia ). «c Les Mexicains , dit-il , furent si
« étonnés de l'adresse d'Alvarado , qu'en le
« voyant sauvé ilsmangèrent la terre » (expres-
sion figurée que l'auteur tlascaltèque emprunte
de sa langue, et qui signifie être stupéfait
d'admiration ). « Les en fans d'Alvarado , qui
« fut appelé le Capitaine du saut ^ prou-
« vèrent par des témoins, devant les juges
<{ de Tezcuco, la prouesse de leur père. Ils
« y furent forcés par un procès dans lequel
« ils exposèrent les exploits qu^luarado de
« el S alto , leur père , avoit faits lors de la
V. conquête du Mexique. »
On montre aux étrangers le pont du Cle-
r
l!
i68 LIVRE iir,
rigo , près de la plaza mayor de Tlatelolco ,
comme Tendroit mémorable où fut pris le
dernier ro: aztèque Quauhtemotzin , neveu
de son prédécesseur, le roi Cuillahualzin %
et gendre de Montezuma ii. Mais il résulte
des recherches soignées que j'ai faites avec
le père Pichardo ^ que le jeune roi tomba
entre les mains de Garci Holguin ' dans un
grand bassin d'eau qu'il y avoit autrefois entre
la Garita del Peralvillo , la place de Santiago
de Tlatelolco et le pont d'Amaxac. Cortez se
trouva sur la terrasse d'une maison de Tlate-
^ Ce roi Guillahuatzin ( que Solis et d'autres
historiens européens, qui confondent tous les noms
mexicains y nomment Quetlabaca ) étoit frère et suc-
cesseur de Motezuma ii. C'est le même prince qui
montra tant de goût pour les jardins, et qui, d'après
le récit de Cortez , avoit fait la collection des plantes
rares que l'on adniiroit encore long-temps après sa
mort à Iztapalapan.
^ Le 3i août iâ2i, le soixante-quinzième jour du
siège de Ténochtillan , jour de Saint-Hippolyte. Le
même jour est encore célébré tous les ans par un tour
que le vice-roi et les oidorea font à cheval par la ville ,
en suivant l'étendard de l'armée victorieuse de Cortez ,
porté par Talferez-major de la très -noble ville de
Mexico.
CHAPITRE VIII. l6()
lolco, lorsqu'on lui amena le roi prisonnier:
« Je le fis asseoir, dit le vainqueur, clans sa
« troisiènie lettre à l'empereur Charles-Quint,
« je le traitai avec confiance , mais le jeune
u homme mit la main sur un poignard que
« je portois à la ceinture , et m'exiiorta de
« le tuer, parce qu'après avoir fait ce qu'il
« devoit à lui-même et à son peuple , il ne
«< lui restoit d'autre désir que la mort. » Ce
trait est digne du plus beau temps de la Grèce
et de Rome. Sous toutes les zones , quelle
que soit la couleur des hommes, le langage
des âmes fortes est le même lorsqu'elles luttent
contre le malheur. Nous avons vu plus haut
quelle fut la fin tragique de cet infortuné
Quauhtemotziu !
Après la destruction totale de l'ancien
Ténochtitlan , Cortez resta avec les siens
pendant quatre ou cinq mois à Gojohuaciin ',
endroit pour lequel il a constamment montré
une grande prédilection. Il l'ut d'abord in-
certain s'il devoit reconstruire la capitale dans
quelque autre endroit autour des lacs. Il se
détermina pour le site ancien , « parce que la
* Lorenzana, p. 307.
1 70 LIVRE IIÎ .
« ville de Témixtitan étoit devenue céièbVe ;
« que sa position est merveilleuse, el qac
« de tout temps on l'avoit considérée comme
« le chef- lieu des provinces mexicaines
« (conio principal f senora do todas estas
«f provincias), » Il n'est pas douteux cependant
qu'à cause des fréquentes inondations qu'on*
souffertes l'ancien et le nouveau Mexique ,
on miroit mieux fait de nlacer la ville à l'est
de Tezcuco, ou sur les hauteurs entre Tacuba
et Tacubaya '.C'est, en effet, à ces hauteurs
' Cisneros , Descripcion del silio en el quai se halla
Jl/exLro. jilzate ,TopogrnJia de Mexico. (GazeUa de
IjUcraliira, 1790, p. 3^.) La plupart des grrndos
villes des colonies espagnole*, quelque neuves qu'elles
paroisscnt être, se trouvent dans des sites désavan-
tageux. Je ne parle pas ici de remplacement de
Caracas, de Quito, de Pasto et de plusieurs autres
villes de l'Amérique méridionale , mais seulement des
Tilîes mexicaines, par exemple , de Valladolid , qiw
Ton auîoit pu construire dans la belle vallée de Tepare;
de Guadalaxara , qui se trouve tout près de la pîaino
riante du Rio Chieonahuatenco ou San Pedro; de
Pazcuaro, que l'on désireroit voir i)àti h Tzintzcntzn.
On diroit que partout les nonvcmx colons de deux
lieux voisins ont choisi celui qui est le plus monlagnoux
ou le plus exposé aux inondations. Mais aufbi les
CHAPITRE VtlI.
1^1
ebre ;
;l qiie
oniine
Lcaines
estas
311 dan t
qu'ont
siqiie ,
à l'est
^acuba
uiteiirs
se h a lia
zella tle
grrndos
qu'elles
lésavan -
netit «1c
s autres
fient des
id , qm^>
Tepare ;
a plaine
:lro ; de
Je deux
la£;neux
iiUPBI
les
que la capitale dut être transférée , par uu
ordre formel du roi Philippe m , lors de la
grande inondation de l'année 1607. \]Ajun-
faniento, ouïe magistrat de la ville, repré-
senta à la cour que la valeur des maisons
dont on ordonnoit La destruction, étoit de
io5 millions de francs. On paroissoit ignorer
à Madrid que la capitale d'un royaume
construit depuis quatre-vingt-huit ans, n'est
pas un camp volant que l'on chaii^e de place
à volonté I
Il esr impossible de déterminer avec quel-
que certitude le noii'^bre des habitans de
l'ancien TénocLtitlan, A en juger d'après
le?^ masures des maisons ruinées , d'après le
récit des premiers conquéraiis , et surtout
d'après le nombre des combattans que les
rois Guitlahuatzin et Quauhtimotzin oppo-
sèrent aux Tlascaltèques et aux Espagnols ,
la V -pulation de Ténochtitlan paroît avoir
été au moins trois fois plus grande que ne
Test de nos jours celle de 3Iexico. Cortez
assure qu'après le siège , le concours des
Espagnols n'ont presque pas construit de nouvcllos
Tilles ; ils n'ont fait qu'habiter ou agrandir celles qui
avoient été fondées par les indigènes.
1^2 lèivRE m,
artisans mexicains qui travailloient pour les
Kspai^nols , comme charpentiers , maçons ,
tisserands et fondeurs , étoit si énorme, qu'en
i52/f la nouvelle ville de Mexico compta
déjà trente mille liabitans. Les auteurs mo-
dernes ont mis en avant les idées les plus
contradictoires sur la population de la capitale.
L'abbé Clavigero, dans son excellent ouvrage
sur l'histoire ancienne de la Nouvelle- Espagne,
prouve que ces évaluations vont de soixante
mille jusqu'à un million et demid'habilans'. Ce?
contradictions ne doivent pas nous étonner,
en considérant combien les recherches statis-
tiques sont neuves , même dans la partie la plus
cultivée de l'Europe.
D après les données les plus récentes et les
moins incertaines, la population actuelle de la
capitale du Mexique paroît être ( en y com-
prenant les troupes ) , de i oo à i/|0,ooo âmes.
Le dénombrement fait en 1790, par ordre
du comte de Revillagigedo , ne donna
pour la ville qu'un résultat' de 112,926 lia-
bilans; lïiais on sait que ce résultat est de plus
d'un sixième trop petit. La troupe réglée et
*■ Clavigero, W , p. 278 , noie y>.
^ Voj't'z la noie c à !a fin de l'ouvrag'i
Il ;
CHAPITRE VHI. Iji
la milice en garnison dans la capitale, sont
composées de 5 à 6000 hommes sous les armes.
Onpeutadmeltreavec une grande probabilité
que la population actuelle consiste en
2;5oo blancs européens.
60,000 blancs créoles.
55,000 indigènes ( Indiens cuivrés ).
26,500 métis, mélange de blancs et d'Indiens.
10,000 mulâtres.
157,000 habitans.
Il existe par conséquent à Mexico 69,^00
hommes de couleurs, et 67,500 blancs ; mais
un grand nombre de métis ( mvstizos ) sont
presque aussi blancs que les Européens et les
Espagnols créoles.
Dans les vingt-trois couvens d'hommes que
lenlerine la capitale, il y a à peu près 1200
individus, parmi lesquels on compte près de
58o prêtres et choristes. Dans les quinze
Gouvens de Cennnes, il y a 2100 individus,
dont près de 900 sont religieuses professes.
Le clergé de la ville de Mexico est extrê-
mement nombreux , quoique d'un quart
;:'
1^4 LIVRE III,
moins nombreux que celui de Madrid. Le
dénombrement de 1790 indiquoit:
^ I /^573 prêtres et choristes. \
Dans les couvensj ' ^ I
, . { 5q novices )ooj
de mornes . . . I *^ , I
'235 frères servans ^
Dans les couvensj 888 religieuses professes.)
de religieuses.\ 35 novices j^
Prébendes ^6
Curés 16
Vicaires 43
Ecclésiastiques séculiers. 5 1 7
Total 2,39^! indiv.
Et sans les frères servans et les novices. . . 2,oG3
Le clergé de Madrid est composé , d'^tprès
l'excellent ouvrage de M. de Laborde , de
3470 personnes ; par conséquent , le cIcï gé
est à la population entière, à Mexico, comme
1 -^ à 100, et à Madrid comme 2 à 100.
Nous avons donné plus haut ( pag. 53 ) le
tableau des revenus du clergé mexicaiii.
L'archevêque de Mexico a 682,600 livres
tournois de rente. Cette somme est un peu
moindre que le revenu du couvent des Jéro-
nimites de l'Escurial. Un archevêque de
Mexico est par conséquent de beaucon;>
moins riche que les archevêques de Tolttij ?
coniine
iuco!i;>
CHAPITRE VIII. 1^5
de Valence , de Séville et de Santiago. Celui
de Tolède a 3 millions de livres tournois de
revenus. Cependant M. deLaborde a prouvé,
et ce fait est très-peu connu, qu'avant la
révolution le clergé de France étoit plus
nombreux , en le comparant à la population
totale , et plus riche comme corps que le
clergé espagnol. Les revenus du tribunal de
l'inquisition de Mexico, tribunal qui s'étend
sur tout le royaume de la Nouvelle-Espagne ,
sur celui de Guatimala et sur les îles Philip-
pines, son^ de 200,000 livres tournois.
Le nombre des naissances est à Mexico ,
en prenant un terme moyen de cent ans , de
5900 ; le nombre des décès est de 5o5o.
L'année 1802 il y eut même 61 55 naissances^
et 5 166 décès; ce qui donneroit , en sup-
posant une population de 117,000 âmes, sur
22 7 individus, une naissance , et sur 26 j
individus, un décès. Nous avons vu plus haut,
dans le quatrième chapitre (\ ol. 1 , p. 35 8), qu'à
la campagne on compte en général , dans la
Nouvelle-Espagne , le rapport des naissances
à la population ' comme 1 à 17 ; et le rapport
* E: France, le rapport des naissances aux morts
est Ujl, que sur la totalilc t-«r la populaliou, il n'eu
i-\
■À
,1
•! !
176
LIVRE III
des décès à la population comme 1 à 3o. Par
conséquent , il j a en apparence une très-
grande mortalité et un très-petit nombre de
naissances dans la capitale. L'affluence des
malades y est considérable , non-seulement
pour la classe du peuple la plus indigente ,
qui cherche des secours dans les hôpitaux ,
dont le nombre des lits monte à 1100, mais
aussi pour les personnes aisées qui se laissent
transporter à Mexico , parce qu'ils ne trou-
vent ni médecins ni remèdes à la campagne.
Cette circonstance explique le grand nombre
de décès que manifestent les registres des
paroisses. D'un autre coté, les couvens, le
célibat du clergé séculier, les progrès du
Juxe, la milice et l'indigence des saragates
indiens, qui vivent dans la fainéantise comme
les lazaronis de Naples , sont les causes prin-
cipales qui influent sur le rapport désavan-
tageux des naissances au total de la population.
mcnrt anndrllemrnt qu'an trenlième , taïkclis qu'il en
naît un vingt-huilicme. {^1* l'iichet, Statistique ,^. 25 i.)
Dans les villes, ce rapport (lépeiul d'un concours de
circonstances locales et variables. On coniploit, en
1786, à Londres, 18,1 19 naissances et 2o/*54 décès;
en 180a, à Paris; :.>i,8i8 naissances et 20,.'^90 décès.
CHAPITRE VIII.
177
MM. Alzate et Clavigero ', en comparant les
registres des paroisses de Mexico à ceux de
plusieurs villes d'Europe , ont tenté de prouver
que la capitale de la Nouvelle-Espagne doit
avoir plus de 200,000 hahitans ; mais comment
supposer que, dans le dénombrement de 1790,
on se soit trompé de 87,000 âmes , ce qui est
plus de deux cinquièmes de la population
totale ? En outre , les comparaisons faites
par les deux savans mexicains ne peuvent
guère, par leur nature, conduire à des résultats
certains , parce que les villes dont ils offrent
les registres mortuaires , sont situées à des
hauteurs et sous des climats très-différens , et
parce que l'état de civilisation et d'aisance
de la grande masse des habitans présente les
contrastes les plus frappans. A Madrid , on
^ L'abbé Clavigero est dar««; Terreur quand il dit
qu'un dénombreiucnt a donné plus de 200,000 âmes à
la ville de Mexico, 11 avance d'ailleurs , et avec raison,
que cette ville compte généralement un quart de plus
de naissances et de décès que Madrid. En effet , à
Madrid, en 1788, le nombre des naissances étoit
de 4897, celui des morts de SgiDj en 1797, il y
avoit 444; morts et 4911 naissances. [Alexandre de
Lahorde, II, p. 102.)
U. ' 12
::
il
1^8 LIM\E *III ,
compte une naissance sur 54.; à Berlin, une
sur 28 individus. L'un de ces rapports est ,
aussi peu que l'autre , applicable aux calculs
que l'on voudroit hasarder sur la population
des villes de l'Amérique cquinoxiale. Leur
différence est en outre si grande, qu'elle seule
augmenteroit ou diminueroit de 56,ooo âmes
la population de Mexico , en y supposant un
nombre annuel de 6000 naissances. Le moyen
de déterminer le nombre des habitans d'un
district ou d'une province par le nombre des
décès ou des naissances , est peut - être le
meilleur de tous , quand l'arithmétique poli-
tique a fixé avec soin , dans un pays donné ,
les nombres qui expriment les rapports des
naissances et des décès à la population totale ;
mais ces mêmes nombres , résultats d'une
longue induction , ne peuvent pas être ap-
pliqués à des pays dont la situation physique
et morale est totfilement différente : ils dé-
signent l'état moyen de prospérité d'une
masse de population dont la plus grande
partie habite la campagne ; on ne peut par
conséquent pas se servir de ces mêmes rap-
ports pour trouver le nombre des habitans
d'une capitale.
CHAPITRE VIII. 179
La ville de Mexico est la plus peuplée des
villes du*nouveau continent. Elle a près de
quarante mille habitans de moins que Madrid':
comme elle forme un grand carré dqnt chaque
côté a près de 2760 mètres, sa population
est éparse sur un grand espace de terrain.
Les rues étant très-larges , elles paroissent
en général assez désertes : elles le sont d'autant
plus que dans un climat que les habitans des
tropiques considèrent comme froid , le peuple
s'expose moins à l'air libre que dans les villes
situées au pied de la Cordillère. Aussi ces
dernières ( ciudades de tierra caliente ) pa-
roissent constamment plus populeuses que
les villes des régions tempérées ou froides
( ciudades de tierra fria ). Si Mexico a plus
d'habitans que les villes de la Grande-Bre-
tagne et de la France , à l'exception de
Londres, de Dublin et de Paris j d'un autre
^ (( La population de Madrid (dit M. de Laborde)
« est de 1 56,272 habitans. Cependant, avec la gar-
« nison les ulrangcrs et les Espagnols qui accourent
<( àG& provinces , la population peut être portée à
(( 2CO,GOO aines. » La plus grande longueur de
Mexico est de près de 3goo mètres ; celle de Paris,
de 8000 mètres,
13*
l8o • LIVRE m,
cotô, la population est de beaucoup moindre
que celle des grandes villes du Levant et des
Indes Orientaks. Calcutta, Surate, Madras,
Haleb et Damas , comptent toutes au-delà
de deux, quatre et même six cent mille
habitans.
Le comte de Revillagigedo a fait faire des
recherches exactes sur la consommation de
Mexico. Le tableau suivant, dressé en 1791 ,
offrira quelque intérêt à ceux qui connoissent
les travaux importans que MM. Lavoisier et
Arnould ont faits sur la consonmiation de Paris
et de la France entière. ' ....
U -i --/j' ! - • . ■ ■'. ,' •'/,■■..,. 1 " - ■ .
, "consommation de MEXICO.
' . • /. Comestibles. . •
Bœufs 16,000
Veaux " 4^0
Moutons. 278,925
Porcs 50,676
Chevreaux et lapins 24.1O00
Poules i,255,5/|0
Canards 1 25,ooo
Dindons 2o5,ooo
Pigeons 65,3oo
Perdrix i4o,ooo
noindre
it et des
Madras,
au-delà
[)t mille
Liire des
ition de
n 1791 '
noissent
oisier et
de Paris
c o.
i6,3oo
278,923
60,676
24,000
2 55,54 0
126,000
206,000
66,3oo
i4o,ooo
CHAPITRE VIII. l8l
//. Graines. ' •
Mais ou blé de Turquie , cargas à ?.
3 fanègues 1 17,224
Orge, cargas 40,219
Farine de froment , cargas « 1 2 ar- ,
robes i3o,ooo
III. Liquides. ^ »
Pulque, suc fermenté de l'agave, ....
cargas 294,790
Vin et vinaigre, barils « 4t arrobes. 4*^07
Eau-de-vie, barils j 2,000
Huile d'Espagne, arrobes ^26 lii>res. 6,685
• • .■ > "1 >
En supfiosant, avec M. Peuchet, la popu-
lation de Paris quatre fois plus grande que
celle de Mexico, on observera que la con-
somm-itioa en viande dt bœuf, t^t à peu près
proportionnelle au nombre des habita us des
deu.^ villes; mais que celle <ja \iande de
mouton et de porc est excessivement plus
grande à Mexico. Voici k diff^îrence : ,^.
PI
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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WEBSTER, N. Y. 14580
(716)873-4503
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S
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'9,''
s
>
l82
LIVRE m.
Bœufs
Moutons. . .
Cochons. . .
CONSOMMATION
DE MEXICO. DE PARIS.
1 6,3o{)
273,000
5o,ioo
70,000
35o,ooo
35,000
QUADRUPLE
de ia
Consomma lion
DE MEXICO.
65,200
1^116,000
300,400
M. Lavoisier a trouvé par ses calculs , que les
habitans de Paris consommoient de son temps
annuellement 90 millions de livres pesant de
viandes de toutes sortes , ce qui fait 160 livres
(79 TB kilogrammes ) par individu. En éva-
luant la viande comestible que donnent les
animaux désignés dans le tableau précédent
d'après les principes de M. Lavoisier, mo-
difiés selon les localités , la consommation de
Mexico , en toutes sortes de viandes , est de
26 millions de livres pesant , ou de 189 livres
(92 -p- kilogrammes) par individu. Cette diffé-
rence est d'autant plus frappante que la
population de Mexico embrasse 33,ooo In-
diens qui ne mangent tous que très-peu de
viande.
La consommation du vin a beaucoup aug-
menté depuis 1791 9 surtout depui:» Tinlro-
CHAPITRE VUI.
S3
iluclion du système brownien dans la pratique
des médecins mexicains. L'enthousiasme i^é-
néral avec lequel ce système a été reçu dans
un pays où les remèdes asthéniques ou débi-
litans avoient été employés avec excès depuis
des siècles, a eu, selon le témoig-na^e de
tous les négocians de Vera-Cruz , l'effet le
plus marquant sur le commerce des vins
liquoreux d'Espagne. Mais ces vins ne sont
bus que par la classe aisée des habitans. Les
Indiens , les métis , les mulâtres , et même
le plus grand nombre des blancs créoles
préfèrent le jus lérmenté de l'agave , appelé
pulque , dont il se consomme annuellement
rénorme quantité de 4^ millions de bouteilles
( chacune à Ifi pouces cubes ). La grande
population de Paris ne consommoit annuel-
lement , du temps de M. Lavoisier , que
281,000 muids en vin, eau-de-vie, cidre et
bière , ce qui fait 80,928,000 bouteilles.
La consommation du pain , à Mexico , est
égale à celle des villes d'Europe. Ce fait est
d'autant plus frappant , qu'à Caracas , à
Cumana , à Carlhagène des Indes, et dans
toutes les villes d'Amérique qui sont situées
sous la zone torride, mais au niveau de lu
l84 LIVRE 111,
mer , ou à de petites hauteurs , les liabitans
créoles ne se nourrissent presque que de pain
de mais, et du jatroplia manihot. Si Ton
suppose, avec M. Arnould , que 025 livres
de farine donnent 4i6 livres pesant de pain,
on trouve que les 100,000 cliart>es de l'arine
consommées à Mexico , pouvoieul fournir
49,900,000 livres de pain , ce qui Fuit une
consommation de 060 livres par indi\idu de
tout âge. En évaluant la population habituelle
de Paris à 6/17^000 habitans^ et la consom-
mation en pain à 206,788,000 livres, on trouve
pour Paris 577 livres par individu* A Mexico ,
la consommation en maïs est presque égale à
celle en froment : aussi le blé turc est la
nourriture la pins recherchée par les indigènes.
On peut lui appliquer la dénomination que
Pline donne à l'orge ( le xpi^vi d'Homère ) ,
aiitiquissinium frumentiun j carie zea maïs
est la seule graminée à graines farineuses que
cultivoient les Américains avant l'arrivée des
Européens.
Le marché de Mexico est richement fourni
en comestibles , surtout en légumes et en
fruits de toute espèce. C'est un spectacle
intéressant dont ou peut jouir tous les matins
îi
CHAPITRE Vni.
i85
que
au Jever du soleil , que de voir entrer ces
provisions et une grande quantité de fleurs ,
sur des bateaux plats conduits par des Indiens ,
descendantlcs canaux d'Istacalco et de Chalco.
La majeure partie de ces légumes est cultivée
sur les cliinampas j que les Européens dési-
gnent par le nom de jardins flottans. 11 y en
a deux sortes , dont les uns sont mobiles ,
poussés çà et là par le vent, les autres fixés
et unis au rivage. Les premiers seuls méritent
la dénomination de jardins flottans, mais leur
nombre diminue de jour en jour. . .
L'invention ingénieuse des cliinampasparoît
remonter à la fin du quatorzième siècle. Elle
tient à la situation extraordinaire d'un peuple
qui, entouré d'ennemis, forcé de vivre au
milieu d'un lac peu poissonneux , ralfinoit sur
les moyens de pourvoir à sa subsistance. Il
est probable que la nature même a suggéré
aux Aztèques la première idée des jardins
flottans. Sur les rivages marécageux des lacs
de Xochimilco et de Chalco , l'eau agitée dans
la saison des grandes crues, enlève des mottes
de terre couvertes d'herbes , et entrelacées
de racines. Ces mottes , voguant long-temps
çàet là au gré des vents, se réunissent quel-
r8f>
Livnr: m
' p
1 1
lî
quefois en petits îlots. Une tribu (rhonimcs
trop foibles pour se maintenir sur le continent,
crut devoir profiter de ces portions de terrain
que le hasard leur offroit , et dont aucun
ennemi ne leur disputoit )a propriété. Les
plus anciens cliinampas n'étoient que des
mottes de gazon réunies artificiellement ,
piochées et ensemencées par les Aztèques. Ces
îles flottantes se forment sous toutes les zones :
j'en ai vu dans le royaume de Quito , dans
la rivière de Guajaquil , ayant 8 à 9 mètres
de long, nageant au milieu du courant, et
portant de jeunes tiges de bambusa , de pistia
slratiotes, de pontederia, et une foule d'autres
végétaux dont les racines s'entrelacent faci-
lement. J'en ai trouvé aussi en Italie ^ dans
le petit lago di aqua solfa de Tivoli , près des
thermes d'Agrippa ; petites îles qui sont
formées de soufre , de carbonate de chaux
et des feuilles de l'idva thermalis, et qui
changent de place au moindre soufle de vent.
De simples mottes de terre enlevées au
rivage ont donné lieu à l'invention des chi-
nampas; mais l'industrie de la nation aztèque
a peu à peu perfectionné ce système de culture.
Les jardins flottans , que les Espagnols trou-
CHAPITRE VIH. 187
vcrcnt ' i es- multipliés , et dont plusicms
existent encore dans le laede Chalco, étoient
des radeaux formés de roseaux ( lotora ) , de
joncs, de racines, et de branches de brous-
sailles. Les Indiens couvrent ces matières
légères et enlacées les unes dans les autres ,
de terreau noir , qui est naturellement im-
prégné de muriate de soude. On enlève peu
à peu ce sel en arrosant le sol avec l'eau du
lac : le terrain devient d'autant plus fertile
que l'on répète plus souvent cette lixiviation.
Ce procédé réussit même avec l'eau salée du
lac deTezcuco, parce que, très-éloignée du
point de sa saturation, cette eau est encore
propre à dissoudre du sel , à mesure qu'elle
filtre à travers le terreau. Les chinampas
renferment quelquefois jusqu'à la cabane de
l'Indien qui sert de garde pour un groupe
de jardins flottans. On les toue ou on les
pousse avec de longues perches pour les
transporter à volonté d'un rivage à l'autre.
A mesure que le lac d'eau douce s'est
éloigné du lac salé , les chinampas mobiles
se sont fixés. On en voit de cette dernière
classe tout le long du canal de la Viga,
dans le terrain marécageux contenu entre le
l88 LIVRE HT,
lac de Chalco et le lac de Tezcuco. Chaque
cbinampas forme un parallélogramme de
loo nictrcs de loiiir , cl de 5 à 6 mètres de
large. Des fossés étroits et communicant symé-
triquement entr'eux , séparent ces carrés.
Le terreau propre à la culture , désalé par de
fréquentes irrigations , s'élève de près d'un
mètre au-dessus de la surface de l'eau envi-
ronnante. C'est sur ces cliinampas que se
cultivent les fèves , les petits pois , le piment
( chile , capsicum ) , les pommes de terre ,
les artichaux , les choux-fleurs , et une grande
variété d'autres légumes. Les bords de ces
carrés sont généralement garnis de fleurs,
quelquefois même d'une haie de rosiers. La
promenade que l'on fait en bateaux autour
des cliinampas d'Istacalco , est une des plus
agréables dont on puisse jouir dans les en-
virons de Mexico. La végétation est très-vi-
gourcuse sur un sol constamment arrosé.
La vallée de Ténochtitlan offre à l'examen
des physiciens deux sources d'eaux thermales,
celle de Notre-Dame de la Guadeloupe , et
celle du Penon de los Banos (rocher des
bains ). Ces sources contiennent de l'acide
carbonique , du sulfate de chaux et de soude ,
CHAPITRE VIII. 189
et du muriate de soude. Celle du Pcîion a
une température assez élevée. On y a élabli
des bains très-salutaires et assez eouiniodes.
C'est aussi auprès du Penon de los Banos,
que les Indiens fabriquent le sel. Ils lessivent
des terres art^ileuses chargées de jnuriale de
soude , et concentrent des eaux qui n'ont que
12 à iSpour 100 de sel. Les chaudières, qui
Sont très-mal construites , n'ont que six pieds
carrés de surface , et deux à trois pouces de
profondeur. On n'y emploie d'autre combus-
tible que la fiente de mulets et de vaches. Le
feu est si mal dirigé , que pour produire douze
livres de sel, qui se vendent 55 sous ( monnoie
de France ) on consume pour 1 2 sous de
combustible ! Cette saline exisloit déjà du
temps de Motezuma , et il n'y a eu d'autre
changement dans le procédé technique que
la substitution de chaudières de cuivre battu
aux cuves en poterie de terre.
Le monticule de Chapoltepec avoit été
choisi par le jeune vice-roi Galvez, pour y
construire un château de plaisance pour lui
et se3 successeurs. Le château a été terminé
extérieurement, mais les appartemens n'ont
point été meublés. Cette construction a coûté
;'
lOo
LIVRE III
au roi piès d'un million et demi de livre»
tournois. La cour de Madrid désapprouva la
dépense , mais , comme à l'ordinaire , après
qu'elle avoit été faite. L'ordonnance de cet
édifice est très-singulière. Il est fortifié du
coté de la ville de Mexico. On y reconnoît
des murs saillans et des parapets propres à
placer des canons , quoiqu'on ail donné à ces
parties l'apparence de simples ornemens d'ar-
chitecture. Du côté du nord il y a des fossés
et de vastes souterrains , capables de contenir
des provisions pour plusieurs mois. C'est une
opinion populaire à Mexico de regarder cette
maison des vice-rois à Chapoltepee comme
un cliateau-fort masqué. On accusa le comte
Bernardo de Galvez d'avoir eu le projet de
rendre la Nouvelle-Espagne indépendante de
la péninsule. On suppose que le rocher de
Chapoltepee étoit destiné pour lui servir
d'asile et de défense au cas d'une attaque par
des troupes européennes. J'ai vu des hommes
respectables et occupant les premières places,
qui partagent ce soupçon contre le jeune
vice-roi. Il est du devoir de l'historien de ne
pas se livrer légèrement à des accusations
d'une nature grave. Le comte de Gabt^
CHAPITRE VIII. 191
appirlcnoit à une famille que le roiChailesiii
avoil élevée rapidement à un degré de ri-
chesses et de puissance extraordinaires. Jeune,
aimable , adonné aux plaisirs et au l'astc , il
avoil obtenu de la munificence de son sou-
verain une des premières places à laquelle un
particulier puisse s'élever : par consé([uent, il
ne paroissoit pas lui convenir de briser les
lions qui , depuis trois siècles , unissent le»
colonies à la métropole. Le comte de Calvez,
iiijilgrésa conduite , propre à gagner la laveur
de la populace de Mexico , malgré l'influence
d'une vice-reine aussi belle que généralement
aimée , auroit éprouvé le sort qu'aura tout
vice-roi européen ' qui tend à l'indépendance.
Dans un grand mouvement révolutionnaire
on ne lui auroit pas pardonné de ne pas être
Américain !
» Parmi les cinquanle vice-rois qui ont gouverne le
Mexique, depuis Tannée i535 jusqu'en 1808, il n'y
en a eu qu'un seul né en Amérique, le péruvien
Don Juan de Âcuna, marquis de Casa Fuerte ( 1722 —
1734), homme désintéressé et bon administrateur.
Quelques-uns de mes lecteurs apprendront peut-être
aussi avec intérêt qu'un descendant de Christophe
Colvwb et un descendant du roi Motazurna ont été
/
I
ir)'>. Livr.E ni,
Le cliAleau de Ghapoltcpec doit cire vendu
au profit du :,^ouvcriicincnt. Comme dans tout
pajs il est diffirile de trouver des personnes
qui achètent des jdaees fortes, quelques mi-
nistres de la llciU Ifftcinida oui eounneueé
par vendre à l'enclière les vitres et les cliassis
des fenêtres. Ce vand.ilisme, que Von dési«^nc
|)ar le nom d'j'^eonomie, a déjà beaucoup
contribué à dégrader un édifice (jui se lrou\c
à 20213 mètres de hauteur, et qui, sous un
climat assez rude, est exposé à toute l'impé-
tuosité des vents. Il seroil peut-être prudent
de conserver ce château , comme la seuFc
place dans laquelle on pourroit placer les
archives, déposer les barres d'argent de la
monnoie, et sauver la personne du vice-roi,
dans les premiers momens d'une émeute po-
pulaire. On conserve à Mexico la mémoire
des émeutes ( motinos) du 12 février 1008,
du i5 janvier 1624 et du 8 juin 1692. Dans
la dernière , les Indiens manquant de maïs ,
vice-rois de la Nouvelle-Espagne. Don Pedro Nuno
Colon , duc de Yeraguas , fit son entrée à Mexico en
1673, et mourut six jours après. Le vice-roi Don Joseph
SarmicnloYaliadarcs^ comte de Motezuma; gouverna
depuis i()97 jusquVn 1701.
CHAPITRE VÎII. I(j3
luùliMOnl ]c p.ijijis (lu vice-roi Don Gaspar
de Saiifloval , ronilc do Oalvtî , qui se Tt';[u«^ia
i'hez le ^ardiou du couvent de Sl.-Francois.
Mais ee n'est qu'à celte époque que la pro-
tection «les moines valoil la sûreté d'un
chAleau fortifié.
J'our terminer la description de la vallée
de Mexico , il nous reste à tracer rapidement
le tableau hydrograpliique de cette contrée,
entrecoupée de lacs et de petites rivières.
Ce tableau , j'ose m'en flatter , intéressera
autant le physicien que l'ingénieur-construc-
Icur. Nous avons dit plus haut que la surface
(1rs quatre lacs principaux occupe près d'un
dixième de la vallée , ou vinj^t-deux lieues
carrées. En effet , le lac de Xochimilco ( et
Chalco) a 6 f, le lac de Tezcuco lo 7';,
celui de San ChrLstobal 3 -^■- , celui de
Zumpango 1 7- lieues carrées (de 25 au degré
équatorial ). La vallée de Ténochtitlan ou
de Mexico est un bassin entouré d'un mur
circulaire de montagnes porphyritiques très-
élevées. Ce bassin , dont le fond est à une
hauteur de 2277 mètres au-dessus du niveau
de rOcéan , ressemble en petit au vaste bassin
de la Bohême (et si la comparaison n'est
ir. 1 3
ï9'l
LIVUE III
pas trop hasardée ), aux vallées des montagnes
de la Lune , décrites par MM. JTerschel et
Schrœter. Toute l'humidité que fournissent
les Cordillères qui environnent le plateau de
Ténoclititlan , se réunit dans la vallée. Aucune
rivière n'en sort, à l'exception du petit ruisseau
( aroyo ) de Tequisquiac , qui , dans un ravin
de peu de largeur , traverse la chaîne boréale
des montagnes , pour se jeter dans le Rio de
Tula ou de Moteuczoma.
Les afUuens principaux de la vallée de
Ténochtitlan sont : i.** les rivières de Papa-
lotla , de Tezcuco , de Téotihuacan et de
Tepeyacac ( Guadalupe ) , qui versent leurs
eaux dans le lac de Tezcuco ; 2.** celles de
Pachucaet deGuaulitlan ( Quaiihtitlau ) , qui
débouchent dans le lac de Zumpango. La
dernière de ces rivières (le Rio de Guautitlan)
a le cours le plus long; son volume d'eau est
plus considérable que celui de tous les autres
affluens pris ensemble.
Les lacs mexicains , qui sont autant de ré-
cipiens naturels dans lesquels les torrens
déposent l'eau des montagnes environnantes,
s'élèvent par étage , à mesure qu'ils s'éloi-
gnent du centre de la vallée ou du site où
CHAPITRE VIII. igS
esl placée la capitale. Après le lac de Tezcuco,
la ville de Mexico est le point le moins élevé
de toute la vallée. Selon le nivellement très-
exact de MM. Velasquez et Castera , la plaza
major de Mexico , au coin australe du palais
du vice-roi, est de i vare mexicaine i pied
et 1 pouce » plus élevée que le niveau moyen
des eaux du lac de Tezcuco ^ Ce dernier lac
est de 4 vares o pied 8 pouces plus bas que le
' D'après l'ouvrage classique de M. Ciscar {Sobre los
niievos penos y rnedidas décimales) la vare castillane est
à la toise --o,5i3o : 1,1963, et une toise— 2,33 16 vares.
Don Jorge Juan éyaluoit une vare castillane à trois
pieds de Burgos , et chaque pied de Rurgos à 1 23 lignes
deux tiers du pied de roi. La cour de Madrid avoit
ordonné, en 1783, que le corps des artilleurs de mer
se servît de la mesure des vares , et le corps des artil-
leurs de terre de la toise Françoise , diflerence dont il
scroit difficile d'indiquer l'utilité. Compendiode Mate-
maticas de Don Francisco Xavier Ravira, T. IV, p. 5/
et 63. La vare mexicaine est égale à o"* ,839.
' Les matériaux manuscrits que j'ai suivis dans la
rédaction de cette notice sur le desague j sont :
1.** Les plans détaillés dressés en 1802 , par ordre
du doyen de la haute-cour de justice ( decano de la
Real Audiencia de Mexico ) , Don Cosrae de Mier y
Trespalacios ;
a."* Le mémoire que Don Juan Diaz de la Galle ,
l3*
I()(3 LIVRE III 5
lac de San Cliristobal , dont la partie septen-
trionale s'appelle lac de Xaltocan. C'est dans
celle partie que se trouvent , sur deux îlots , les
villajj^es de Xaltocan et de Tonanilla. Lelac
de San Cliristohal pro|)reinent dit, est séparé
dt; celui de Xaltocan par une digue très-an-
cienne qui va aux villages de San Pablo et
second oITicier du secrétariat d'étal à Madrid , pré-
senta, l'an i6'if> , au roi Philippe iv;
3." L'instruction que le vénérable Palafox , évc^que
de la Puebla et vice-roi de la Nouvelle -Espagne,
transmit, on ifi42 , à son successeur, le vice-roi comte
de Salvalicrra (marquis de Sobroso);
4.** Un mémoire que le cardinal Lorenzana , alors
arcbevêque de Mexico, présenta au vice-roi Buccarellij
5." Une notice rédigée par le tribunal de Cucntas
de Mexico;
6." Un mémoire dressé par ordre du comte de
Revillagigcdo ;
7." U Informe de Kelasqiwz.
Je dois nommer aussi l'ouvrage curieux de Zepeda,
Historiadel Desague, imprimé à Mexico. J'ai examiné
moi-même deux fois le canal de ïlueliuetoca , une fois
au mois d'août 180^, et la seconde fois depuis le 9
jusqu'au 12 janvier i8o4, en accompagnant le vice-roi
Don José <le Iturrigaray , dont je ue puis trop vanter
la bienveillance et la loyauté dans ses rapports envers
moi. — (Voyez la noie û? à la fin de cet ouvrage. )
\\)
CHAPITRE VÎÎI. IQ'J
lie San Tliomas deCliironaiilla. Le lac le pins
septentrional de la vallée de Mexico, celui
de Zumpango ( Tzotnpango) est de lo vares
1 pied G pouces pins élevé cpie le niveau
moyen des eaux du lac de Tezcuco. Une
digue ( la cnlzada de la Criiz dcl Roy ) divise
le lac de Zumpango en deux bassins, dont le
plus occidental porte le nom de Laguna de Zit-
laltepec , et le plus oriental, le nom de Laguna
de Coyotepec. A l'extrémité méridionale de la
vallée se trouve le lac de Glialco. Il renferme
le joli pelit village de Xico , fondé sur une île :
il est séparé du lac de Xochimilco par la
calzada de San Pedro de 'Jlahua, disfue
étroite qui va de Tuliagualco à San Francisco
Tlaltengo. Le niveau des lacs d'eau douce
de Chalco et de Xochimilco n'est cpie de
1 vare et 1 1 pouces plus élevé que la plaza
major de la capitale. J'ai cru que ces détails
pouvoient être intéressans pour les ingé-
nieurs hydrographes qui veulent se former
une idée exacle du grand canal [desague)
de Huehuetoca.
La différence de hauteur à laquelle se
trouvent, dans la vallée de Ténochlitlan ,
les quatre principaux réservoirs d'eau, s'est
198 LIVRE III,'
fait sentir dans les grandes inondations aux-
quelles, depuis une longue série de siècles,
a été exposée la ville de Mexico. Dans toutes,
la suite des phénomènes a constamment été
la même. Le lac de Zumpango, grossi par la
crue extraordinaire du Rio de Guautitlan et
des afïluens de Pachuca, verse ses eaux dans
le lac de San Christobal^ auquel conduisent
les cienegas de Tepejuelo et de Tlapanahui-
loya. Le lac de San Christobal rompt la digue
qui le sépare du lac de Tezcuco. Enfin les
eaux débordées àe ce dernier bassin élèvent
leur niveau de plus d'un mètre , et refluent
impétueusement, en traversant les terrains
salins de San Lazaro , dans les rues de Mexico.
Telle est la marche ffénérale des inondations :
elles viennent du nord et du nord-ouest. Le
canal d'écoulement, qu'on appelle desague
real de Huehuetoca , est destiné à en éloigner
le danger : il est sûr, cependant, que y par une
réunion de plusieurs circonstances, les affluens
du sud ( avenidas dcl sur ) sur lesquels le
desague n'a malheureusement aucune in-
fluence, pourmienl devenir tout aussi funestes
à la capitale. Les lacs de Chalco et de Xochi-
milco déborderoient^si, dans une forte érup-
niAPiTriE VIII. i(j()
tion du volcan Popocalepell , celte montagne
colossale se dépouilloit soudainement de ses
neiges. Pendant que j'étois à Guayaquil , sur
les côtes de la province de Quito, en 1802 , le
cône de Cotopaxi fut tellement chauffé par
l'effet du feu volcanique , que presque dans
une seule nuit il perdit l'énorme calotte de
neige qui le couvre. Dans le nouveau conti-
nent, les éruptions et les grands tremblement
de terre sont souvent suivis d'averses qui
durent des mois entiers. De quels dangers la
capitale ne seroit-elle pas menacée, si ces
phénomènes avoient lieu dans la vallée de
Mexico , sous une zone où , dans des années
peu humides , il tombe jusqu'à 1 5 décimètres
de pluie '!
Les habitans de la Nouvelle-Espagne croient
reconnoître une période constante dans Ip
nombre des années qui s'écoulent entre les
grandes inondations. L'expérience prouve en
effet que les crues d'eau extraordinaires se
sont suivies dans la vallée de Mexico , à peu
près tous les vingt-cinq ans ^ Depuis Farrivce
» Voyez plus haut, Chap. IIÎ, T. I, p. 3o.
» Toalcio prétend pouvoir conclure d'un grainl
200 XA\X\E ni,
des Espagnols, la capitale a éprouvé cinq
grandes inondations; savoir : eu i553, sous
le vice-roi Don Lnis Yelas(^o ( el viejo ) , con-
nétable de Caslille ; en liSHo, sous le vice-roi
Don Martin Enriquez de Alnianza ; en i()o/|. ,
sous le vice -roi marquis de Montesclaros;
en i()07,sousIe vice-roi Don Luis de Velasco
(el secundo) n»a?qnis de Salinas; <;t en i()2(),
sous le vice-roi niarcpiis <le (]eralvo. Cette
dernièrt! inondation est la seule <]ui ait en
lieu depuis l'ouverture <lu canal d'cj)uiseinent
de llucInK.'toca, et nous viurons dans la suite
quelles ctoient les circonstances qui l'ont
anience. Depuis l'annce i()2(), il y a encore
eu, dans la vallée de Mexico, sept crues
d'eau très-alaiinantes , mais la ville en a été
préservée piu* U; dcsai^in'. (]es sept années
Ij'ès- pluvieuses ont été les suivantes : 16^8,
iGjT), 1707, 1702, 17/18, 1772, 1795. En
comparant entr'elles les onze époques que
nous venons d'indiquer, < ■ trouve, poui le
retour du terme fatal, les nombres de 27,
nombre d'observations, que les années très-pluvieuses ,
et par conséquent les grandes inondations, reviennent
tous les dix-neuf ans, selon les ternies du cycle de
Saros. i^Rozicr , Journal de physique , 1783.)
w
CHAÎ'ITnr VHT.
SOI
2>1,.", 26, 19, 27, 3-2, 2;), if), 2/, et 25 ans,
srrio (le nombres qui marque sans clonle nn
peu pins de n'^nlarité rpie relie que l'on pré-
lend re((mn()îlre à IJma, dans le retour des
grands tremhlemens de lerrc.
La situation de la eapitale du ]Vlexi(ine est
d'autant plus dangereuse que la difr<Men(e de
niveau qui cxisie entre la snrfaee du lae de
Tezeueo el le sol sur lequel les maisons sont
eonstruiles, diminue d'année en année. Ce sol
est nn ])lan fixe, surtout depuis que toutes les
rues de Mexieo ont été pavées sons le j^ou-
vernement du eomle de Pievillao-ifredo. Le
no
fond du lae de Tezeueo^, au contraire, s'élève
prot^n^essivement par les Irnublcs que <'liarient
les petits lorrens, et qui font naître des atter-
rissemens dans les réservoirs où ils se rendent.
C'est pour éviter nn inconvénient semblable ,
que les Véniliens ont détourné de leurs la-
gunes la I5rent;i, la Piave , la Livenza , et
d'antres rivii-n^s qui y ibrmoient des dépots '.
Si l'on pouvoit compter sur Ions les résultais
d'un nivellement fait au sei/iéme siècle, on y
reconnoîtroit sans doule cpie la plaza niayor
de Mexico étoit jadis élevée de plus de
' Andreof-fi! , sur le canal ilu Midi, j). 19.
202
LIVRE III
5
onze décimètres aii-dessns du niveau du lac
de Tezcuco , et que ce niveau moyen du lac
est variable d'année en année. Si, d'un coté,
par la destruction des forêts, l'humidité de
l'atmosphère et les sources ont diminué dans
les montagnes qui environnent la vallée, d'un
autre côté les défrichemens ont auscmenté
l'effet des atterrissemens et la rapidité des
inondations. Le général Andreossi , dans son
excellent ouvrage sur le canal du Languedoc,
a beaucoup insisté sur ces causes , qui sont les
mêmes sous tous les climats. Les eaux qui
glissent sur des pentes couvertes de pelouse,
forment moins d'atter rissemens que celles qui
parcourent des teri^es meubles. Or , cette
pelouse, qu'elle soit formée par des graminées
comme en Europe , ou par de petites plantes
alpines comme au Mexique , ne se conserve
qu'à l'ombre des forêts. D'un autre côté, les
broussailles et les bois sur pied opposent des
obstacles aux eaux de neiges qui coulent sur
la pente des montagnes. Lorsque ces pentes
"sont dénuées de végétation , les filets d'eau y
sont moins retenus , et se réunissent plus rapi-
dement aux torrens , dont les crues font gon-
fler les lacs voisins de la ville de Mexico.
CHAPiTr.r viii.
203
Il est assez naturel que , dans l'ordre djs
travaux hydrauliques entrepris pour préserver
la capitale du danger des inondations, le sys-
tème des dignes ait précédé celui des canaux
d'écoulement. Lorsque, l'année 1446, la ville
de Ténochûtlan fut lellement inondée qu'au-
cune de ses rues ne resioit à sec , Montezuma i
(Tluehue Moteiiczoma) , guidé par les conseils
de Nezahualcojotl , roi de Tezcuco, fit cons-
truire une digue de plus de 12,000 mètres de
long et de 20 de large. Cette digue , en partie
élevée dans le lac , consistoit en un mur formé
de pierres et d'argile, et fraisé de chaque coté
d'une rangée de palissades. On en voit encore
les restes très-considérables dans les plaines de
San Lazaro. Celte digue de Montezuma t PmI;
agrandie et réparée après la grande inon-
dation de l'année 1498 , causée par l'impru-
dence du roi Ahuitzotl. Ce prince, comme
nous l'avons observé plus haut , avoit fait
conduire les sources abondantes de Iluitzilo-
pochco au lac de Tezcuco. Il oublia que ce
jnénie lac , dépourvu d'eau dans les temps secs,
devient plus dangereux dans les années plu-
vieuses, à mesure que l'on augmente le nombre
de SCS affluens. Ahuitzotl avoit fait périr
il
m
:2o4 iJvr.E m,
Tzol/uniatzin , cilo^cii de Coyoliuacan, parce
qu'il avoit ose lui prédire le danger auquel le
nouvel aqueduc de Iluitzilopochco cxpose-
roil la capitale. Peu de temps après, le jeune
roi mexicain manqua d'être noyé dans son
palais. La crue d'eau vint avec une rapidité
si grande , que le prince l'ut blessé griève-
ment à la tcte, en se sauvant par une porte qui
menoit des appartemens du rez-de-cliaussée
à la rue.
Les Aztèques avoient ainsi construit les
digues (calzadas) de Tlaliua et de IMexicall-
zingo , et l'albaradon qui se prolonge depuis
Iztapalapan à Tepcvacac ( Guadalupe ), et
dont les ruines, dans leur état actuel, ne
laissent pas d'être encore très-utiles à la ville
de Mexico. Ce système des digues , que les
Espagnols ont continué à suivre jusqu'au com-
mencement du dix-septiè le siècle, présentoit
des moyens de défense qui étoient, sinon
très-surs, du moins à peu près suiïîsans à une
époque où les habilans de Ténoclhtitlan ,
naviguant en canols, étoient plus indifférens
aux effets des petites inondations. L'abon-
dance des forets et des plantations facilitoit
alors les constructions sur pilotis. Une nation
CHAPITRE MU.
2o:>
friîfçale se contentoit du produit des jardins
floilans {chinnmpas). Elle ii'avoit besoin que
d'un petit espace de terres labourables. Le
débordement du lac de Tezcuco étoit moins
à craindre pj^ur des bommes cpii vivoient dans
des maisons dont plusieurs ctoient traversées
par des canaux.
Lorsque la nouvelle ville de Mexico, re-
construite par Hernan Cortez , éprouva la
première inondation, l'année 1 555, le vice-roi
Velasco i.^^ fit construire Falbaradon de San
Lazaro. Cet ouvrage, exécuté d'ap'èsle modèle
des digues indiennes, souffrit beaucoup dans
la seconde inondation de l'année 1 58o. Dans
la troisième, en 160/1, il lallut le rétablir en
entier. Le vice-roi Montesclaros y ajouta alors,
pour la sûreté de la capitale, la prise d'eau
( presa ) d'Oculma, et les trois cahadas de
Notre-Dame de la Guadalupe , de San Cbris-
tobal et de San Antonio Abad.
A peine ces grandes constructions étoient-
elles achevées , que , par une réunion de cir-
constances extraordinaires , la capitale fut
inondée de nouveau en 1607. Jamais avant,
deux inondations ne s'étoient suivies de si
près; jamais depuis, le cjcle fatal de ces cala^
lîuG LINRK III,
miles n'a clé plus court que de seize ou dix-
sepl ans. Las de l'aire des digues ( albaradones )
que les eaux détruisoient périodiquement, on
s'aperçut à la fin qu'il ctoit temps d'aban-
donner l'ancien système hydraulique des
Indiens , et d'embrasser celui des canaux
d'écoulement. Ce changement paroissoit d'au-
tant plus nécessaire , que la ville , habitée par
les Espagnols, ne ressembloit plus à la capitale
de l'empire aztèque. Déjà le rez-de-chaussée
des maisons étoit habité; on ne pouvoit par-
courir que peu de rues en bateaux : les incon-
véniens et les pertes réelles qu'entraînoient les
inondations éloient par conséquent devenus
plus grands qu'ils ne l'étoient du temps de
Montezuma.
Les crues extraordinaires do la rivière de
Guautillan et de ses afîduens étant regardées
comme la cause principale des inondations,
l'idée se présenta naturellement d'empêcher
cette rivière de se jeter dans le lac de Zum-
pango, dont les eaux moyennes sont à leur
surface de 7 7 mètres plus élevées que le sol de
le grande place de Mexico. Dans une vallée
qui se trouve circulairement entourée de
hautes montagnes , on ne pouvoit donner
CHAPITRE VIII.
207
(l'is»uc au Rio de Guuutitlan que par mit'
^ralerie souterraine, ou par un canal creusé à
ciel ouvert, à travers ces montagnes mêmes.
En effet, déjà en i58o, à l'épocpje de la grande
inondation, deux hommes intelli«jens, le iiccn-
ciado Obregon et le macstm Arciidega, avoient
proposé au gouvernement de faire percer une
galerie entre le Cerro de Sincoque et la Loma
de Nochistongo. Ce jyoint, plus que tout autre,
tievoit fixer l'atlenlion de ceux qui avoient
étudié la confij^uration du sol mexicain. Il est
le plus rapproché du Rio de Guautitlan , con-
sidéré avec raison comme l'ennemi le plus
«dangereux de la capitale. Nulle part les mon-
tagnes qui entourent le plateau ne sont moins
élevées, et ne présentent moins de masse
qu'au nord-nord-ouest de Huehuetoca , près
des colines de Nochistongo. On diroit, en
examinant attentivement ce terrain marneux,
dont les couches horizontales remplissent une
gorge porphyritique, que c'est là que la vallée
de Ténochtitlan communiquoit jadis avec
celle de Tula.
L'année 1607, le vice-roi, marquis de Sa-
linas, chargea Enrico (Henri) Martine z de
l'épuisement artificiel des l^cs mexicains. G»
>.oS
T.IVRE TII
croit commiinéniont, dans la Noiivelle-Es-
pagne, quo cet ingénieur célèbre, auleiir du
dcsai^uc do Jjfucluictocdy étoil HoUandois ou
Allemand. Son nom indique sans doute qu'il
descendoit de quelque famille étrangère; il
paroît cependant avoir été élevé en Espagne
même. Le roi lui a voit conféré le dire de cos-
mograpbe. II existe de lui un traité de trigo-
nométrie, imprimé à Mexico, qui est devenu
très-rareaujourd'liui. Enrico Martinez, Alonzo
Martinez , Damian Davilla et Juan de Ysla ,
firent un nivellement général de la vallée,
dont l'exactitude a été prouvée par les tra-
vaux exécutés en 1 774 p^n' le savant géomètre
don Joaquin Velasquez. Le cosmographe
royal, Enrico Martinez, présent.i deux projets
de canaux, l'un pour l'épuisement des trois
lacs de ïezcuco , Zumpango et San Chris-
tobal; l'autre pour celui du lac de Zumpango
seul. Conformément aux deux projets, l'écou-
lement des eaux devoit se fiiire par la galerie
souterraine de Nochistongo , proposée en
i58o, par Obregon et Arciniega. Mais la dis-
lance du lac de Tezcuco à l'embouchure du
KiodeGuautillao étant de près de 02,000 mè-
tres, le gouvernement préféra de se borner au
CHAPITRE VIII. 209
canal cle Zuttipango. Ce canal fut commencé
de manière à recevoir en même temps les eaux
(lu lac de ce nom, et celles de la rivière de
Guautitlan. Il est faux, par conséquent^ que le
desagiie projeté par Martinez, i\y\ négatif àdiïis
son principe, c'est-à-dire, qa*il empêchât sim-
plement le Rio de Guautitlan de se jeter dans
le lac de Zumpango. La branche du canal qui
coiiduisoit les eaux du lac à la galerie, se
(.oinbla par des atterrissemens ; le desague
dôs-lors ne servit que pour la rivière de Guau-
lillan, que l'on détourna dans son cours. Aujssi
(|uand M. Mier entreprit récemment Tépuise-
iiicnt direct des lacs de San Christobal et
de Zumpango, on se souvenoit à peine à
Mexico que, 188 années plutôt, le même
ouvrage avoit déjà été exécuté pour le pre
aiier de ces grands bassins.
La fiimeuse galerie souterraine de Nochis-
tongo fut commencée le 28 novembre 1607.
Le vice -roi, en présence de VÂudiencia ,
donna le premier coup de pioche. Quinze
mille Indiens étoient occupés à cet ouvrage,
qui fut terminé avec une célérité extraordi-
naire , parce qu'on travailloit dans un grand
nombre de puits à la fois. Les malheureux
2 ro
LIVKE III
iiifligcnes furent traités avec la plus grande
dureté. L'emploi de la pioche et de la pelle
suffisoit pour percer une terre meuble et
ébouleuse. Après onze mois de travaux con-
tinuels, la galerie [el socahon) étoit achevée,
ajant plus de 6600 mètres ( ou 1 -^-j- lieues
communes ' ) de long, et 5'"',5 de large sur
4'", 2 de haut. Au mois de décembre de
Tannée 1608, le vice-roi et l'archevêque de
Mexico furent invités par l'ingénieur Mar-
tinez, à se rendre à Huehuetoca pour voir
couler les eaux ' du lac de Zumpango et du
Rio de Guautitlan à travers la galerie. Le
vice-roi marquis de Salinas, au rapport de
Zepeda, fit plus de 2000 mètres à cheval dans
ce passage souterrain. Au revers de la colline
de Nochistonijo se trouve le Rio de Mocte-
suma ( ou deTula ) , qui se jette dans celui de
Panuco. Depuis l'extrémité septentrionale du
socabon, appelée la Bocca de San Gregorio,
Marlinez a voit pratiqué une rigole à ciel
ouvert , qui , dans une distance directe de
* De 25 au degré sexagésimal , de 4443 mètres
chacune.
^ Les premières cauxavoieuL coulé depuis le 17 sep-
tembre 1608.
I
CHAPITRE VIII.
21 I
8600 mètres, conduisoit les eaux de la «galerie
à la petite cascade ( salto ) du Rio de Tula.
Depuis cette cascade les mêmes eaux ont
encore à descendre, d'après mes mesures,
jusqu'au golfe du Mexique, près delà barre
de Tampico , une hauteur de 21 53 mètres, ce
qui donne, pour une longueur de 320,000 mè-
tres , une pente moyenne de 6 | mètres
sur 1000.
Un passage souterrain, servant de canal
d'épuisement, achevé en moins d'un an, ayant
6600 mètres de long, avec un ouverture de
107 mètres carrés en profil, est un ouvrage
hydraulique qui, de nos temps, et même en
Europe, fixeroit l'attention des ingénieurs.
Ce n'est , en effet, que depuis la fin du dix-
septième siècle, depuis l'exemple que l'illustre
François Andreossi a donné au canal du Midi ^
par le passage de Malpas , que ces percées
souterraines sont devenues plus communes.
Le canal qui réunit la Tamise à la Saverne
passe, près de Sapperton, sur une longueur
de plus de 4000 mètres, par une chaîne de
montagnes très-elevées. Le grand canal sou-
terrain de Bridgwater, qui, près de Worsiey,
dans les environs de Manchester, sert au
i4*
212
LIVRE iir
transport des houilles, a, en y comprenant
ses diverses ramifications, une ëlenduc de
ig,2oo mètres, ou de 4 t3 lieues communes.
Le canal de Picardie , auquel on travaille en ce
moment, devoit, d'après le premier projet,
avoir un passage souterrain et navigable de
15,700 mètres de longueur sur 7 mètres de
large , et 8 mètres de haut '.
A peine une partie de l'eau de la vallée de
Mexico avoit-elle commencé à couler vers
rOcéan Atlantique, que l'on reprocha à Enrico
Ma rtinez d'avoir creusé une galerie qui n'étoit
ni assez large , ni assez durable , ni assez pro-
fonde pour recevoir l'eau des grandes crues.
L'ingénieur en chef {maestro del desagiœ)
répondit qu'il avoit présenté plusieurs projets,
mais que le gouvernement avoit préféré le
remède le plus prompt dans l'exécution. En
* Millar and f^azic on chanals , 1807. Le Georg-
Stollen, au Harz , galerie commencée en 1777 et
finie en 1800, a io,438 mètres de long, et a coulé
1 ,600,000 francs. Près de Fortli , on travaille dans les
mines de houille , à plus de 3ooo mètres de distance
sous la mer , sans être exposé à des infiltrations. Le
canal souterrain de Bridgwaltr a une longueur qui
vgale les deux tiers de la lî\rgf;nr du Vas-de- Calais.
CHAPITRE VIII.
^1
effet , les fîUrations el les érosions causées par
des alternatives d'humidité et de sécheresse ,
produisirent des éboulemens fréquens dans
une terre meuble. On se vit bientôt forcé de
soutenir le plafond, qui n'est formé que de
couches alternantes de marne et d'ar^^ile
dndurcie , appelée tepetate. On se servit
d'abord de boisage y en \A'àCixni des soiivettes
à corniche sur des piliers. Mais le bois résineux
n'étant pas très-commun dans cette partie de
la vallée , Martinez substitua le miimUlement
au boisage : ce muraillemcnt, à en juger
d'après les restes que l'on en découvre dans
la obra del considado y étoit très-bien exé-
cuté, mais il pécha par le principe môme.
L'ingénieur , au lieu d'avoir revêtu la galerie ,
depuis le plafond jusqu'à la rigole du plancher ,.
d'une voûle entière à coupe elliptique (comme
on les emploie dans les mines, chaque fois
qu'une galerie de traverse est creusée dans
un sable mouvant ) , n'avoit construit que des
arcs qui reposoient sur un terrain peu solide.
Les eaux , auxquelles on avoit donné trop de
chute, minèrent peu à peu les murs latéraux.
Elles déposèrent une énorme quantité de terre
et de gravier dans la rigole de la galerie ,
2l4 LIVRE III,
parce qu'on n'avoit employé aucun moyen
de les lîltrer, par exemple, en les faisant passer
préalablement à travers des tissus de petatc
faits par les Indiens avec les filamens des pé-
tioles de palmiers. Martinez, pour obvier à
ces inconvéniens , construisit dans la «>alerie,
de distance en distance, des espèces de batar-
deaux ou de petites écluses, qui, en s'ouvrant
rapidement, dévoient servir à nettoyer le pas-
sage. Ce moyen fut insuffisant, et la galerie se
boucha par les atterrissemens continuels.
Dès l'année 1608, les ingénieurs mexicains
se disputèrent pour savoir s'il falloitou élargir
le socahon de Nochistongo , ou en achever le
niuraillement, ou faire une percée à ciel ou-
vert, en enlevant le cerveau de la voûte;
ou enfin entreprendre une nouvelle galerie
d'épuisement dans un point plus bas, et ca-
pable de recevoir , outre les eaux du Rio de
Guautitlan et du lac de Zumpango , celles du
lac de Tezcuco. Le vice-roi archevêque Don
Garcia Ou erra , religieux dominicain, fît faire
de nouveaux nivellemens en 1611, par Alonso
de Arias, surintendant de l'arsenal du roi
( armero major ) , et inspecteur des fortifi-
cations ( maestro major de forlificaciones ) ,
CHAPITRE VIII.
2lS
homme probe , et qui jouissoit d'une grande
réputation à celle époque. Arias parut ap-
prouver les travaux de Marlinez , mais le
vice -roi ne sut prendre aucune résolution
définitive. La cour de Madrid, ennuyée des
disputes des ingénieurs, envoya à Mexico, en
1614., un Hollandois, Adrien Boot, dont les
connoissances dansFarcbitecture hydraulique
sont vantées dans les mémoires de ce temps,
conservés duns les archives de la vice-royauté.
Cet étranger, recommandé à Philippe m,
par son ambassadeur à la cour de France ,
prêcha de nouveau en fa\eur du système
indien : il conseilla de construire autour de la
capitale de grandes digues et des levées de
terre revêtues. Il ne parvint cependant à faire
abandonner entièrement la galerie de Nocliis-
tongo que l'année 1620. Un nouveau vice-roi,
le marquis de Guelves, ne faisoit qu'arriver
au Mexique : il n'avoit par conséquent point
encore été témoin des inondations causées par
les débordemens de la rivière de Guautitlan ;
il eut la téurérilé d'ordonner à l'ingénieur
Marlinez de boucher le passage souterrain^
et de faire entrer les eaux de Zumpango et de
San Christobal dans le lac de Tezcuco , pour
%
2l6 LIVRE IIIj
voir si en effet le danger seroit aussi grand
qu'on le lui avoit dépeint. Ce dernier lac
gonfla d'une manière extraordinaire. Les
ordres furent révoqués. Martinez reprit le
travail de la galerie jusqu'au 20 juin * 1629,
où il arriva un événement dont les vraies
causes sont restées secrètes. ^
Les pluies avoient été très - abondantes :
l'ingénieur boucha le passage souterrain ; la
ville de Mexico se trouva le matin inondée à
un mètre de hauteur :1a plaza mayor, celle
du Volador, et le faubourg de Santiago de
Tlalelolca restèrent seuls à sec ; on alla en
bateau dans le reste des rues. Martinez fut
jeté au cachot. On prétendoit qu'il avoit fermé
la galerie d'écoulement pour donner aux
incrédules une preuve manifeste et négative
de l'utilité de son ouvrage. L'ingénieur dé-
clara au contraire que , voyant une masse
d'eau beaucoup trop considérable pour être
reçue dans sa galerie étroite, il avoit mieux
aimé exposer la capitale au danger passager
d'une inondation , que de voir détruire dans
un jour, par l'impétuosité des eaux, les
' D'après quelques mémoires monuscrhs , le 20 sep-
tembre.
CIIAI'ITIVE VIII.
'2\
travauxde tant d'années. Mexico , contre tonte
attente, resta inondé pendant cinq ans, depuis
l'année 1629 jusqu'en iG.li". On traversa les
rues en canots, comme on avoit fait avant la
conquête, dansrancien Ténochtitlan. On cons-
tiMjisit le long- des maisons des ponts en bois
qui servirent de quais aux piétons.
Dans celte intervalle, quatre projets dilFérens
furent présentés et discutés^ par le vice-roi
marquis de Ceralvo. Un habitant de Valla-
dolid de Mechoacan , Simon Mendez , exposa
déjns un mémoire, que le sol du plateau de
Ténochtitlan s'élève considérablement du
coté du nord-ouest, vers Huehuetoca et la
colline de Nochistongo ; que le point où
Marlinez avoit attaqué la chaîne de montagnes
qui ferme circulairementla vallée, correspond
au niveau moyen du lac le plus élevé ( celui
de Zumpango ) et non au niveau du lac le
plus bas, celui de Tezcuco; qu'au contraire,
le sol de la vallée s'abaisse considérablement
au nord du village de Carpio , à l'est des lacs
de Zumpango et de San Ghristobal. Mendez
* Plusieurs mémoires marquent que l'inondation
ne dura que jusqu'en i63i , mais qu'elle recoin-
mtnça vers la fin de l'année i633.
1218
LivRi: m
proposa (le dessécher le lac de Tezciiro pDi>
une «galerie d'ccoiilemenl qui passeroit entre
Xallocan et Santa Lucia , en déboncliant
dans le ruisscui ( ///rojo ) de Tequiscpâae ,
qui, conune il a été observé plus haut, se
jette dans le iUo de Moctesunia ou de Tula.
Mendez conmienea ce desa^ue projeté par
le point le ydus bas : quatre puils d'aiia^e
( lunihreras ) étoicnl déjà aclievés, lorsque le
gouvernement, irrésolu et vacillant sans cesse,
abandonna l'entreprise comme trop longue
et trop coûteuse. D'ini autre côté, Antonio
Roman et Juan Alvarez de Tolède propo-
sèrent, en i65o,le dessèchement de la vallée
par un point intermédiaire , par le lac de
San Christobal , en conduisant les eaux au
ravin ( hnrranca ) de lluipulztla , au nord du
village de SanMaleo, et quatre lieues à l'ouest
de la pelile ville de Pachuca. Le vice-roi et
l'audience iirent aussi peu d'attention à ce
projet qu'à celui du maire d'Oculma , Chris-
tobal de Padilla, qui, ayant découvert trois
cavernes perpendiculaires , ou trois gouffres
naturels ( boqiicvoj es ) , situés dans l'enceinte
de la petite ville d'Oculma même , voulut se
servir de ces Irous pour épuiser les lacs. La
fiiArirnE vîii.
219
nelife rivière de Tcolihiiacan se perd dans
CCS hoquernnes. Padiila ]>roposa d'y Faire
entrer aussi les eaux du lac de Tèzoïico , en
les conduisant à Oculnia par la métairie de
Tezcpiilillan.
Celte idée de se servir des cavernes natu-
relles qu'o/Trent les couches d'aniy*>daloïde
poreuse , fit naître un projet analogue , et
non moins gitranlesque, dans la télé du jésuite
Francisco Galderon. Ce relij^ieux prélendoit
(|u'l!U fond du lac de Tezcuco , tout près du
Pcnol de los Bafios , il exisloit \\\\ trou
{siunulero)(\\\\, élargi, pouvoit engloutir toutes
les eaux. 11 cherchoil à appuyer cette asserliou
sur le témoignage des indigènes les plus in-
tclligens , et sur celui d'anciennes caries
indiennes. Le vice-roi chargea les prélats de
tous les ordres religieux ( qui sans doute
dévoient être les plus instruits en malières
hydrauliques) de l'examen de ce projet. Les
moines et le jésuite sondèrent en vain pendant
trois mois, depuis septembre jusqu'en dé-
cembre i635 : le sumidero ne fut pas trouvé,
quoique aujourd'hui meure encore beaucoup
d'Indiens croient à son existence , avec la
même opiniâtreté que le père Calderon. Quelle
2^.0 itM'i: ni,
que soit l'opiiiiuii ^C'olo;^icjut3 que l'on s«*
(orme de l'orij^iiie volcanique ou neplunieuiie
des îimyj^daloïdes poreuses ( ùlasiger man^
dolstciii ) de la vallée de Mexico, il n'est
f;-uère probable que cette roche probléina-
lique puisse présenter des creux assez consi-
dérables pour recevoir- les eaux du lac de
Tezcuco , qui , même dans des temps de sé-
cheresse , doivent être évaluées à plus de
251,700,000 mètres cubes. Ce n'est que dans
des couches de gypse secondaire , comme
en Thuringe, qu'on peut hasarder quelquefois
de conduire des masses d'eau peu considé-
rables dans des cavernes naturelles ( fijjts-
schiotUm ) : on y laisse aboutir des galeries
d'écoulement commencées depuis l'intérieur
d'une mine de schiste cuivreux, sans s'eui-
barasser des chemins ultérieurs que prennent
les eaux qui gênent les travaux métalli(jues.
Mais comment compter sur l'emploi de ce
moyen local , lorsqu'il s'agit d'un grand
travail hydraulique ?
Pendant l'in.*ndation de Mexico , qui dura
cinq années de suite , la misère du bas-peuple
au^ï-menta singulièrement. Le commerce cessa;
beaucoup de maisons s'écroulèrent; d'aut^res
CHVPITHE \ lîî.
Xll
furent ronducs iuliabilables. Dans ces temps
iii;illicurcux, rarohev«}([iie Francisco Manzo y
Ziiniga se distingua par sa hienCaisAncc. Il
sortit journellement en canot pour distribuer
du pain aux pauvres dans les rues inondées.
La cour de Madrid ordonna en iOj.) , pour
la seconde fois , de transférer la ville dans
les plaines entre Tacuba et Tacubaya ; mais
le magistrat ( cabildo ) représenta que la
valeur des édifices {Jincas) , qu'en 1G07 ^^
avoit portée à i5o millions île livres tournois,
et qu'on proposoit d'abandonner, montoit
déjà à plus de 200 millions. Au milieu de ces
jiiallieurs, le vice-roi fit venir à Mexico l'image
de la Sainte-Vierge de la Guadalupe '. Elle
^ Dans les calamités publiques, les huhitans de
Mexico recoururent aux deux images célèbres de
Notre - Dame de la Gu.uUliipe et de celle des
Remedlos. La première est regardée comme indi-
gène, ayant apparu entre des Heurs dans le mouchoir
d'un Indien ; la seconde a été apportée d'Espagne
du temps de la conquête. L'esprit de parti qui existe
entre les créoles et les Européens ( Gachupines )
donne une nuance particulière à la diivolion. Le
bas-peuple aréole et indien voit à regret que , lors
des grandes sécheresses , l'archevêque fasse venir
de préférence à Mexico l'image de la Viefge dei
Sins'i
LIVRE II r
séjourna long* - temps dans la ville inondée ;
mais les eaux ne se retirèrent qu'en i634. ,
où , par des tremblemens do terre très-forts
et très-fréquens , la terre se crevassa dans la
vallée , phénomène qui (au dire des incré-
dules) favorisa beaucoup le miracle de limage
révérée.
Le vice-roi marquis de Geralvo remit l'in-
génieur Martinez en liberté. Il fit construire
Hemedios. De là ce proverbe qui caraclérise si bien la
haine mutuelle des castes: tout, même l'eau, doit
nous venir d'Europe ( hasta el agna nos debe venir
de la Gachupina). Si , malgré le séjour de la Sainte-
Vierge de los Remedios , la sécheresse continue ,
comme on prétend en avoir eu quelques exemples
assez rares, l'archevêque permet aux Indiens d'aller
chercher Timage de Notre-Dame de la Guadalupe.
Cette permission répand l'allégresse parmi le peuple
mexicain , surtout l'^rsque de longues sécheresses
finissent (comme partout ailleurs) par des pluies
abondantes. J'ai vu des ouvrages de trigonométrie
imprimés à la Nouvelle -Espcgne, et dédiés à la
Sainte-Vierge de la C uadalupe. C'est sur la colline de
Tcpeyacac, au pied de laquelle est construit son riche
sanctuaire , que se trouva jadis le temple de la Cérès
mexicaine , appelée Tonantzin ( notre mère ) , ou
Csnteotl ( déesse du maïs ) , ou l\inteotl ( déesse
génératrice ).
CHAPITRE VHI.
'2 2.J
la cnhada ( digue ) clc San Christobnl , à
peu près telle que nous la voyons aujourd'hui.
Des écluses ( coinpertuas ) , permettent la
connnunication du lac de San Ghiistobal
avec le lac de Tezcuco , dont le bief est
généralement plus bas de ooào^ décimètres.
Martinez , depuis l'année 1G09, avoit déjà
commencé à convertir une petile partie de
la galerie souterraine de Nochistongo en une
percée à ciel ouvert. Après l'inondation de
1634, on lui ordonna d'abandonner ce travail,
comme trop long et trop dispendieux , et
d'achever le desague en élargissant son an-
cienne galerie. Le produit d'une imposition
particulière sur la consommation des denrées
( devecho de sisas ) avoit été destiné , par le
marquis de Sahnas , pour l'entretien des
travaux hydrauliques de Martinez. Le marquis
de Gaderejta augmenta les revenus de la
caisse du desague, par une nouvelle impo-
sition de 25 piastres sirr l'importation de
chaque pipe de vin d'Espagne. Ces droits de
i^isa et de boissons subsistent encore de nos
jours , mais une loible partie des deniers est
au profit du desague. Au commencement
du dix - huitiènje siècle , la cour destina la
•'t
ir^-4 LIVRE IIIj
moitij de l'accise des vins à rentrctien* des
grandes fortifications du château de San Juan
d'Llua. Depuis 1779, la caisse des travaux
hydrauliques de la vallée de Mexico ne perçoit
même plus que 5 francs des droits payés pour
chaque baril de vin d'Europe importé à la
Vera-Cruz.
Le travail du. desagiie fut continué avec
peu d'énergie depuis 1604 jusqu'en 1657, où
le vice-roi marquis de Villcna (ducd'Esca-
lona ) en chargea le père Luis Flores ,
commissaire général de Tordre de Saint-
François. On vante beaucoup l'activité le
ce religieux, sous l'administration duq .jI va
changea pour la troisième fois le système de
dessèchement. On résolut définitivement
d'abandonner la galerie {socahon) , d'enlever
le cerveau de Ja voûte, et de faire une im-
mense coupure de montagne (^tajo abierto) j
dont l'ancien passage souterrain ne formeroife
que la rigole.
Les moines de Saint - François surent se
conserver la direction des travaux hydrau-
liques. Ils y réussirent d'autant mieux qu'à cette
époque ' la vice-royauté se trouva presque
* Popuisle 9 juin i64i iusqu'au i3 décembre 16"!^.
CHAPITRE VIII.
2^5
^5:
consécutivement entre les mains d'un évêque
de la Puebla , Palafox ; d un évêque de
Yucatan, Torres; d'un comte de Banos, qui
finit une carrière brillante en se faisant carme
déchaussé j et d'un arcLevcque de Mexico,
moine de St.-Augustin , Enriquez de Rihera.
Ennuyé de l'ignorance et de la lenteur mo-
nastique , un homme de loi , le fiscal Martin
de Solis, obtint en 1676, de la cour de Madrid,
l'administration du desague. Il promit de
finir à couper la chaîne des montagnes en
deux mois. Son entreprise réussit si bien, que
80 ans ont à peine suffi pour réparer le mal
qu'il a causé en peu de jours. Le fiscal, con-
seillé par l'ingénieur Francisco Posuelo de
Espinosa , fit jeter à la fois plus déterre dans
la rigole que le choc des eaux ne pouvoit en
emporter. Le passage fut bouché. En 17G0,
on reconnut encore des restes des ébou-
lemens causés par l'imprudence de Solis. Le
vice-roi comte de Mo.iclova crut, et avec
raison , que la lenteur des moines de Saint-
François étoit moins nuisible que l'activité
téméraire du jurisconsulte. Le père Fray
Manuel Cabrcia fut réintégré en 1687 ^^^^
sa place de surintendant [super intendente
II. i5
2iO
LIVRE m,
de la real obva del desague de Iluehitetoca).
Il se vengea du fiscal , en publiant un livre
qui porte le titre ' bizarre : « Vérités éclaircies,
« ou impostures combattues , par lesquelles
« «ne plume puissante et envenimée a tenté
« de prouver , dans un rapport mal conçu ,
« que Touvrage du desague a été achevé
t< en 1676. >>
Le passage souterrain avoit été percé et
revêtu de maçonnerie en très-peu d'années.
11 i jl^if deux siècles pour achever la coupure
à cit avert , dans un terrain meuble, et
dans des profils de 8oà 100 mètres de largeur,
sur 4o à 5o de proi'ondeur perpendiculaire.
On négligea le travail dans les années de
sécheresse ; on le reprit avec une énergie
extraordinaire pendant le peu de mois qui
suivoient l'époque des grandes crues ou un
débordement de la rivière de Guaulitlan.
L'inondation dont fut menacée la capitale
en 1747» engagea le comte de G'^mes de
* f^erdad aclarada y desvanecidas impos/uras , cou
quelo ardiente y envenenado de una pluma poderosa en
ëfita Nuexfa Espana, en un dictamen mal insiruido ,
quisà persuadir auerse acahado y perfecvionado e/
aho de 1676, lafabrica del mal dojtague de Mexiou.
CHAPITRE Vm.
227
s'occuper du clesagàe : mais nouvelle lenteur
jusqu'en 1762, où, après un hiver Irès-pluvieux
il y eut de fortes apparences de débordement.
Il restoit encore^ à l'extrémité boréale de la
nercée souterraine de Martinez, 23io vares
mexicaines, ou 1938 mètres, qui n'avoient
pas été converties en tranchée à ciel ouvert
(faj'o aUerto). Cette galerie étant trop étroite,
il arrivoit fréquemment que les eaux de la
vallée ne pouvoient couler librement vers le
salto de Tulu.
Enfin en 1767, sous l'administration d'un
vice-roi flamand, le marquis de Croix, le
corps des négocians de Mexico, formant le
tribunal du consulado de la capitale , se
chargea d'achever le desague , sous la con-
dition qu'on lui feroit percevoir les droits
de sisa et de vins , pour l'indemniser de ses
avances. L'ouvrage avoit été évalué par les
ingénieurs à 6 millions de francs. Le consu-
lado l'exécuta en effet avec une dépense de
4 millions; mais aussi, au lieu de terminer la
coupe en 5 ans ( comme il avoit été stipulé ) ,
et au lieu de donner à la rigole 8 mètres de
largeur, le canal ne fut achevé qu'en 1789,
ei encore en ne lui conservant que l'ancienne
i5*
•2-l\
LIVRE III ,
largeur de la galerie de Marlinez. Depuis
cette époque, on n'a cessé de perleclionner
ce travail, en élargissant le Coud do la coupe
et surtout en rendant les pentes plus douces.
Il s'en faut de beaucoup cependant que le
canal soit aujourd'hui dans un état tel qu'on
n'ait plus à craindre des ébouleniens. Ceux-ci
sont d'autant pins dangereux que les érosions
latérales augmentent en raison des empêclie-
niens qui ralenlissent le cours des eaux.
En étudiant , dans les arcliives de Mexico ,
l'histoire des travaux hydrauli([ues de No-
chistongo , on rcconnoît une irrésolution
continuelle de la part des gouvernans , une
fluctuation d'opinions et d'idées .^ ^i augmente
le danger an lieu de l'éloigner. On j trou\ e
des visites faites par le vice-roi , accompagné
de l'Audience et des chanoines ; des pièces
dressées par le fiscal et d'autres gen^ de
loi; des juntes j des conseils donnés par les
moines de Saint-François: une activité im-
pétueuse tous les i5 ou 20 ans, chaque fois
que les lacs menacent de déborder : au
contraire , de la lenteur et une coupable
insouciance lorsque le danger est passé.
Vingt-cinq millions de livres tournois furent
CHA-P/TRE VIII. 21C)
dépensés, parce qu'on n'eut jamaisle couruge
de suivre le mcaie plan ; parce qu'on ba-
lançoit pendant deux siècles entre le système
indien des digues, et cjlui des canaux d'épui-
sement , entre le projet d'une galerie souter-
raine {socabon) , et celui d'une coupure de
montagne à ciel ouvert ( lajn ahicrto ). On
laissa écrouler la galerie deMartinez, parce
qu'on voulut en percer une plus grande et
plus profonde; on négligea d'achever la coupe
{tajo) àc. Nochislongo , parce qu'on se dis-
puta sur le projet d'un canal de Tezcuco, qui
ne lut jamais exécuté.
Le desague , dans son état actuel , appar-
tient sans doute aux ouvrages hydrauliques
les plus gigantesques que les hommes aient
exécutés. On le regarde avec une sorte
d'admiration , surtout en considérant la na-
ture du terrain, l'énorme largeur, la pro-
fondeur et la longueur de la fosse. Si cette
fosse étoit remplie d'eau à une profondeur
de dix mètres , les plus grands vaisseaux de
guorre passeroient à travers la rangée de
montagnes qui bordent le plateau de Mexico
au nord-est. L'admiration qu'inspire cet ou-
vrage est cependant mêlée d'idées affligeantes.
23o
LIVRE III
On se rappelle , à la vue de la coupe de
Nocliistongo , combien d'Indiens y ont péri,
soit par l'ignorance des ingénieurs , soit par
l'excès d^s fatigues auxquelles on les exposoit
dans des siècles de barbarie et de cruauté.
On examine si, pour faire sortir d'une vallée
fermée de toutes parts , une masse d'eau peu
considérable , il eût fallu se servir d'un mojen
si lent et si coûteux? On regrette que tant
de forces réunies n'aient pas été employées
pour un but plus grand et plus utile ; par
exemple, pour ouvrir, non un canal, mais
une passe à travers quelque isthme qui en-
trave la navigation.
Le projet de Henri Martinezétoit sagement
conçu , et a été exécuté avec une rapidité
étonnante. La nature du sol , la forme de la
vallée, rendoient nécessaire un percement
souterrain. Le problème auroit été résolu
d'une manière complète et durable, i.*» si
la galerie avoit été commencée dans un point
plus bas , c'est-à-dire , qui correspondît au
niveau du lac inférieur ; et 2." si cette galerie
avoit été percée en coupe elliptique , et qu'on
l'eût revêtue entièrement d'un mur solide ,
à voûte également elliptique. Le passage
CHAPlTRi: VIII.
33i
souterrain exécuté par Martinez, n'avoitquc
i5 mètres carrés en profil , comnfe nous
l'avons observé plus haut. Pour juger des
dimensions qu'il auroit fallu donner à une
galerie d'écoulement, il faudroit connoître
exactement la masse d'eau que charient la
rivière de Guautitlan et le lac de Zumpango ,
lors des grandes crues. Je n'en ai trouvé
aucune évaluation dans les mémoires dressés
par Zepeda Cabrera , Velasquez , et par
M. Gastera. Mai^. , d'après les rechereW-'^jue
j'ai faites moi-même sur les lieux, dans la
partie de la coupure de montagne {elcorte
o tajo ) y appelée la obra del CGnsulado , il
m'a paru, qu'à l'époque des pluies ordinaires,
les eaux présentent un profil de huit à dix
mètres carrés, et que cette quantité augmente,
dans les débordemens extraordinaires de la
rivière de Guautitlan, jusqu'à oo ou 4o mètres'
carrés. Les Indiens m'ont assuré que dans ce
demie? cas la rigole qui forme le fond du
\
* L'ingénieur Iniesta ararça même '• le, lors Hcs
grandes crues, l'eau monte jusqu'à 20 ou 25 mètres
de hauteur dans le canal, près de la Boveda Keal: mais
Velasquez assure que ces évaluations sontéiiorméroeiit
4;xagérées. {Declaracion del Maestro Iniesta et Informa
i'i Velasquez, tous deux manuscrits. )
232 LIVRE III,
tajo se remplit tellement que les ruines de
Tancieluie voûte de Marlinez restent cachées
sous la surface des eaux. Les inc^ciiicurs
eussent-ils trouvé de grandes difficultés dans
l'exécution d'une galerie elliptique de plus
de quatre à cinq mètres de largeur, il auroit
sans doute mieux valu soutenir la voûte par
un pilier au centre, ou creuser deux galeries
à la fois, que de faire une tranclée à ciel
ouvert. Ces tranchées ne deviennent avanta-
gej.'>^es que lorsque les collines sont peu
élevées , peu larges , et qu'elles renferment
des couches moins sujettes aux ébouleinens.
Pour faire passer à travers la montagne de
Nochistongo un volume d'eau qui a commu-
nément 8, quelquefois i5à 20 mètres carrés
en profil , on a cru devoir creuser une fosse
dont le profil, sur des distances considérables,
est de 1800 à 3ooo mètres carrés î . r, ; , ' .
Dans son état actuel, le canal d'écoulement
( desogue ) de Huehuetoca a , d'après les
mesures de M. Velasquez ' ,
* Informe y exposicion de las operaciones hecha^
para examinar la possibilidad del desague gênerai
de la laguna de Mexico y otros fines a el condu-
cientes , 1774. ( Mémoire manuscrit; fol. 5.)
CH\PITRE VIII.
Depuis recluse de Vertideros ^"«'"«"""^
jusqu'au pont de Ilueliuc-
toca 4870 ou
Depuis le pont de Huehuetooa
à l'écluse de Sainte-Marie.. 2GG0 '
Depuis la Compuerla de Santa
r Maria à l'éclnse de Valderas. i^oo
Depuis la Gonipuei îa de Val-
deras à Boveda Real 3290
De la Boveda Real aux restes
de l'ancienne galerie sou-
terraine , appelée Teclio
Baxo 65o
De Techo Baxo à la galerie
des vice-rois 1 270
Depuis leCanon de losVirreyes :
àla Boccade SanGregorio. 610
De la Bocca de San Gregorio
à recluse démolie i^oo
Depuis la Presa demolida au
pont de la Cascade 7960
Depuis la Puente del Salto à
la Cascade même (Salto
del Rio de Tula ) /,3o
Longueur du canal , depuis ^ :
Vert ideros au Salto 2453o
233
4087
22^2
1176
2761
1066
■I "- +- ■+'* j'*
5l2
1175
.';ti ï,
6671
!'"-"^X'
56
2o385
^34 LIVRE III,
Danscetle longueur de 4 - lieues coniniunos
il y en a un quart sur lequel la chaîne des
collines de Nochislongo ( à l'est du Cerro de
Sincoque , a été coupée à une profondeur
extraordinaire. Au point où Tarête est la
plus élevée, près de l'ancien puits de Juan
Garcia , sur plus de 800 mètres de long , la
coupure de montagne offre une profondeur
perpendiculaire de 4^ à 60 mètres. D'un
talus à l'autre , vers la cime , sa largeur est
de 85 à 110 mètnes '. Dans une longueur de
plus de 35oo mètres la prol'ondeur de la
coupe est de 00 à 5o mètres. La rigole dans
laquelle coule l'eau n'a généralement que
5 à 4 mètres de large ; mais dans une g de
partie du desague, tel qu'on le voit dau» les
profils que j'ai ajoutés à la 1 5.^ planche de
mon Atlas mexicain , la partie supérieure de
la coupe n'a pas ime largeur proportionnée
à sa profondeur ; de sorte que les parties
* Pour se former une idée plus neUe de l'énorme
largeur de ceUe fosse dans la obra del consulado^ on
n'a qu'à se souvenir que la largeur de la Seine , à
Paris, est, au port Bonaparte, de 102 înètrrs-, au
Pont-Royal , de i36 mètres; au pont d'Auslerlitz , près
du Jardin dus Plantes , de 1/5 nictrcs.
CHAPITRE VIII.
23:
latérales , au lieu d'avoir ^o*' ou 4^^ d'incli-
naison , sont beaucoup trop rapides , et
causent des éboulemens continuels. C'est
surtout dans la ohra del cnnsulado que l'on
voit l'énorme accumulalion des terrains de
transport que la naturo a déposés sur les
porphjres basaltiques de la vallée de Mexico.
En descendant X escalier des vice-rois , j'ai
compté 25 couches d'argile endurcies, alter-
nantes avec autant de couches marneuses
qui renferment des boules de calcaire
fibreux à surface cellulaire. C'est aussi en
creusant la fosse du desaguc , que l'on a dé-
couvert les ossemens d'éléphans fossiles, dont
j'ai parlé dans un autre ouvrage '.
Des deux côtés de la coupure de la mon-
tagne , on voit des collines considérables qui
sont formées par les déblais . et qui com-
mencent peu à peu à se couvrir de végétaux.
L'extraction de ces décombres ayant été un
travail infiniment pénible et lent , on s'est
servi, dans ces derniers temps, de la méthode
déjà employée par Enrico Martinez. On a
élevé le niveau des eaux par de petites écluses,
* Dans le Recueil de mes Observations de Zoolome
o
et d'Anatomie comparée. - i* , . a.
2^6 LIVRE III,
fie soi'le que la fcice du courant a emporté
les iléblais jetés dans la rigole. Pendant ce
travail, 20 à 5o Indiens ont quelquefois péri
à la fois. On les attaclioit à des cordes , en
les forçant de travailler suspendus pour réunir
les décombres au milieu du courant ; et
souvent il arrivoit que l'Impétuosité de ce
dernier, les jetoit contre des masses de rochers
détachées, et les écrasoit.
Nous avons observé plus haut que depuis
l'année 1 620 la bran/jhe du canal de Martinez,
dirigée vers le lac de Zumpango , s'étoit
bouchée , et que par-là ( pour me servir de
l'expression des ingénieurs mexicains de nos
jours ) le desaguc étoit devenu simplement
négatif j c'est-à-dire, qu'il empéclioit la liviè rc
de Guautitlaii de se jeter dans le lac. A
l'époque des grandes crues , on éprouva les
désavantages qui résultoient de cet état de
choses pour la ville de Mexico :en débordant,
le Rio de Guautitlan veisa une partie de ses
eaux dans le bassin de Zumpango ; ce dernier,
gonflé Cil outre par les alfluens de San Mateo
et de Pachuca , i'unissoit au lac de San
Christobal. Il auroit été très - dispendieux
d'élargir le lit de la ri\ ièrc de Guuulitlan ,
CHAPITRE VIII. 2.37
de couper ses sinuosités et de rectifier son
cours; ce remède ii'auroit pas même éloigné
tout le danger de l'inondation : par conséquent
on a pris, à la fin du dernier siècle, sous la
direction de Don Gosnie de i>Iier y Trespa-
lacios, surintendant général du dcsague, la
résolution très-sage d'ouvrir deux canaux qui
conduisent les eaux des lacs de Zumpangoet
(le San Ghristobal à la coupure de montagne
de Nochistongo. Le premier de ces canaux
a été commencé en 1796, le second en 1798:
l'un a 8900 _, l'autre i3,ooo mètres de lon-
o'ueur. Le canal d'épuisement de San Chris-
tobiil se réunit à celui de Zumpango , au
sud-est de Huehuetoca, à 5ooo mètres de
distance de son entrée dans le desague de
Martinez. Ces deux ouvrages ont coûté plus
d'un million de livres tournois. Ce sont des
rigoles dans lesquelles le niveau de l'eau est
de 8 à 12 mètres plus bas que le sol voisin.
Ils ont en petit les mêmes défauts que la
grande tranchée de Nochistongo. Leurs pentes
sont beaucoup trop rapides ; en plusieurs
endroits elles sont presque perpendiculaires :
aussi les éboulemens des terres meubles y
soût si fréquens que l'entretien de ces deux
238
Livitt: m
I
canaux lîe M. Mier 'coule annuellement plus
de i(> à 20,000 francs. Lorsque les vice-rois
font rinspeclion ou la i^isita du desajLçno
(voyage de deux jours, qui jadis leur valoil
un cadeau de 5ooo piastres fortes ), ils s'em-
barquent près de leur palais ', au bord austral
du iac de San Christobal , et vont en bateau
jusqu'au delà deHuehuetoca,surune dislance
de sept lieues communes.
D'après un mémoire manuscrit de Don
Ignacio Gastera , inspecteur actuel (///^/6\s7/y>
major) des ouvrages lijdrauliques dans la
vallée de Mexico , le desagiie a coûté , eu
y comprenant les réparations des digues
( alùaradones) y depuis l'année 1G07 jusqucu
1789,1a sonmie de 5,547,670 piastres (orles.
Si l'on ajoute à celte somme énorme G à
700,000 piastres dépensées dans les quinze
années suivantes , on trouve ([ue rensem])le
de ces travaux ( la coupure tie la montagne
de ÎNocbistongo , les digues et les deux canaux
* Ce soi-d'issini pa lac io de los Kirrryes, tlaiis IjmjucI
on jouit d'une vue niaguifique sur le lac de Tezciico
et le voIcân Popocutcpcc , couvert de neij^es éter-
nelles , ressemble plutôt à une grande maisou de
fcruiC c^u'à un pabis.
L canaux
CHAPITRE Vlir. •2l]i)
(les lacs supérieurs ) a coûté plus de trente-
un millions de livres tournois. Le devis des
frais du canal du Midi, dont k longueur est
de 208,64.8 mètres , n a été ( malgré la cons-
truction de 62 écluses , et du magnifique réser-
voir de Saint-Ferréol) que de4>897,0oo francs:
mais l'entretien de ce dernier canal a coûté ,
depuis l'année 1686 jusqu'en 1791 , la somme
de 22,999,000 francs '.
En i>ésumant ce que nous venons d'énoncer
sur les travaux hydrauliques exécutée dans les
plaines de Mexico , nous voyons que la sûreté
de lu capitale repose actuellement, 1." sur
les (ligues de pierre qui empêchent les eaux
de Zumpi;ngo de se jeter dans le lac de Sau
Christobal^ et les eaux de ce dernier lac d'entrer
dans le lac de Tezcuco; 2." sur les digues et
les écluses de Tlahuac et Mexicaltsingo , qui
s'opposent au débordement d<>s lac s de Ghalco
et de Xochiinilco ; 3." sur le m igiie d'Riirico
Martinez, par lequel la rivière de Cuautitlau
franchit les montagnes pour passer à la vallée
de Tuîa ; 4-** sur les deux canaux de M. Mier ,
par lesquels on peut épuiser à volonté les la« s
(le Zumpango et de San Ghiistobal.
* Aiulruossi, Hlxtoire du canal du Midi , p. aJJj.
:tf\0 LIVRE in 5
Cependant ces moyens multiplias ne ga-
rantissent pas la capitale des inondations qui
viennent du nord et du nord-ouest. Lialgré
toutes les dépenses qu'on a faite , la ville
continuera à courir de grand*^ risques aussi
long-temps qu'aucun canal ne sera dirigé
immédiatement sur le lac de Tezcuco. Les
eaux de ce lac peuvent se gonfler , sans que
celles de San Ghristobal rompent la digue
qui les retient. La grande iuondatioît de
Mexico, sous le règne d'Ahuitzotl, ne fut
due qu'à des pluies fréquentes ' , et au débor-
dement des lacs les plus méridionaux , ceux
de Chalco et de Xocliimilco. L'eau monla
à 5 ca 6 mètres de hauteur au - dessus du
niveau du sol dans les rues. En 1763, et au
commencement de l'année 1764., on vit de
même la capitale dans le plus grand danger.
Inondée de toutes parts, elle forma une île
* Les historiens indiens racontent qu'à cette époque
on vit sortir, sur les pentes des montagnes , de l'inté-
rieur de la terre , de grandes masses d'eau qui conlc-
noient des poi.'-sons qu'on ne trouve que dans les rivières
des régions chaudes {^pescados de tierra caliente) ,
phénomène physique difficile à expliquer à cause de
l'élévation du plateau mexicain.
CHAPITRE VIII. 241
pendant plusieurs mois, sans qu'une goutte
d'eau de la rivière de Guautitlan vînt se jeter
dans le lac de Tezeuco. Ce débordement ne
fut donc causé que par les petits aIHuens qui
viennent de l'est, Je l'ouest et du sud. Partout
on vit l'eau sourdre de la terre , sans doute
par la pression hydrostatique qu'elle éprouve
en s'infiltrant dans les montagnes environ-
nantes. Le 6 septembre de l'année 1772^ il
to.^iba ' dans la vallée de Mexico une averse
si abondante et si subite , qu'elle eut toute
l'apparence d'une trombe {man^a de agiia).
Heureusement ce phénomène eut lieu dans
la partie nord et nord-ouest de la valhje. Le
canal de Huehuetoca produisit alors l'e ffet le
plus bienfaisant , quoiqu'une grande portion
de terrain entre San Ghristobal , Ecatepec ,
San Mateo, Santa lâès et Guautitlan fût tel-
lement inondée , que beaucoup d'édifices y
tombèrent en ruines. Si cette nuée eût crevé
au-dessus du bassin du lac de Tezeuco , la
capitale auroit été exposée au danger le plus
inmiinent. Ces circonstances , et plusieurs
autres encore que nous avons exposées plus
* Informe de Felasquez. (Manuscrit, fol. 25.)
II. 16
:>.]/}.
LIVRE
m
'
haut % prouvent sufïisaniment comhieh il de-
vient indispensable au gouvernement de s'oc-
cuper de l'épuisement des lacs qui sont les
plus proches de la ville de Mexico. Cette
nécessité augmente de jour en jour, parce
que les atterrissemens rehaussent le fond des
bassins de Tezcuco et de Chalco.
En effet, pendant mon séjour à Huehue-
toca, au mois de janvier de l'année i8o4,
le vice-roi Yturigarraj ordonna la construc-
tion du canal de Tezcuco, projeté déjà par
Martinez, et nivelé récemment par Velasqucz.
Ce canal, dont le devis des dépenses est porte
à 3 millions de livres tournois, commencera
à l'extrémité nord-ouest du lac de Tezcuco,
dans un point situé depuis la première écluse
de la calzada de San Christobal , S. 36» E. ,
à la distance de 4^9^ mètres. Il passera
d'abord par la grande plaine aride dans
laquelle se trouvent les montagnes isolées
de las Crucesde Ecatepecei de Chiconautla^ ;
» P. 197 — 202.
*La première de cesciraesa, d'après les mesures
géodésiques de M. Velasquez , 4o4 j la seconde ,
3/8 varcs mexicaines (^jy et 3 17 luèlres) de tiaiilcur
au-dessus du niveau moyen des eaux de Tezcuco.
CHAPITRE VIII. 243
puis il se dirigera par la métairie de Saiila
lues, vers le canal de Iliiehiietoca. Sa lon-
<rueur totale sera, jusqu'à Técluse de Ver-
tideros , de 37,978 vares mexicaines , ou
51,901 mètres: mais ce qui rendra l'exécutioa
tie ce projet plus dispendieuse*, c'est la néces-
sité dans laquelle on se trouvera d'approfondir
la rigole de l'ancien c'=?sague, depuis Verti-
(leros jusqu'au delà de la Boveda Real , le
premier de ces deux points étant de 9"" ,078
plus élevé; le second, de 9", 181 plus basque
le niveau moyen des eaux du lac de Tezcuco'.
1 Pour compléter la descriplion de ce grand
ouvrage hytiraulique , et pour donner en même
temps plus d'inttrèt à la planche qt'i présente le
profil de la coupure de montagne , nous consigne-
rons ici les résultats principaux du nivellement <ie
M. Velasquez. Ces résultats, corrigés de l^erreur de la
réfraction , et par la réduction du niveau apparent au
niveau vrai, se trouvent assez d'accord avec ceux
obtenus par Enrico Marlinez et Arias, au commence-
ment du dix-septième siècle-, mais ils prouvent la
fausseté des nivelleniens exécutés en 1764, par Don
YldefousoYniesla, d'après lesquels l'épuisement du lac
de Tezcuco se présenta comme un problème bien plus
difficile à résoudre qu'il ne l'est en effet. Nous dési-
gnerons par -f les points qui sont plus élevés, par —
iG*
LIVRE III
Leur distance est presque de 10,200 mètres.
Pour éviter d'approfondir le lit du desague
actuel , dans une longueur encore plus con-
les points qui sont moins élevés que le niveau moyen
des eaux de Tezcuco en 1773 et 1774, ou le signal
placé près de son bord S. 3G" E. de la première
écluse de la calzada de San Christobal , à la distanee
de 5475 vares mexicaines.
var. palai. ded. - grin.
Le fond de la rivière de Guau-
titlan , près de l'écluse de
Vertideros + 10 3 2 3
Le fond du desague ^ sous le port
de Huehueloca -f- 8 o 2 1
/c?. près de l'écluse de Santa Maria. -f- 4 3 8 3
Ici. au-dessous de l'écluse de Val-
deras -f- 2 1 11 2
Id. sous la Boveda Real — 10 3 9 3
/c?. souslaBovedadeTecho.B» . — i5 o 61
Id. au-dessous de la Bocca o. San
Gregorio — 23 1 11 2
Id. au-dessus du Salto del Rio. . . — 90 1 9 o
/</. au-dessous du Salto del Rio. . — 107 2 90
Il faut observe? que la vare se divise en 4 palmes ,
48 doigts et 192 granos ; qu'une toise est égale à
3,32258 vares mexicaines, et une vare mexicaine à
0^839169 mètres^ d'après les expériences faites sur
une vare conservée dans la casa del Cabildo de
Mexico, depuis le temps du roi Philippe 11.
CHAPITRE VIII.
2 15
îiidérable, on ne comple donner au nouveau
canal, sur looo mètres, que o'" ,2 de clvute. En
1607, le projet de l'ingémeur Marlinez fut
rejeté, simplement parce qu'on supposoit que
les eaux courantes dévoient avoir une chute
d'un demi -mètre sur cent. Alonso de Arias
prouva alors, par l'autorité de Vitruve (L. viîi,
c. 7) , que, pour faire entrer les eaur. du lac de
Tezcuco dans le Rio de Tula , il faudroit
donner au nouveau canal une profondeur
prodigieuse , et que même av. pied de la cas-
cade , près de l'Hacienda dei Salto, le niveau
de ses eaux seroit inférieur de 200 mètres au
biez de la rivière. Martinez dut céder à l'em-
pire des préjugés et à ^autorité des anciens!
Nous pensons que s'il est prudent de donner
peu de pente aux canaux de navigation , il est
utile en général d'en donner beaucoup aux
canaux de dessèchement. Mais il est des cas
particuliers où la nature du terrain ne permet
pas de réunir dans les ouvrages hydrauliques ,
t( ^'^s avantages que la théorie a prescrits.
En considérant les dépenses qu'exigeront
les excavations nécessaires dans le Rio del
Desague, depuis l'écluse de Vertidcros ou
celle de Valderas jusqu'à la Boveda Real, ou
est tenté de croire qu'il seroit peut-être pins
facile de fij-arcintir la capitale des danpfers dont
la menace encore le lac de Tezcuco, en re-
venant sur le projet que Simon Mendcz '
commença à mettre en exécution pendant la
grande inondation de 1629 à 1604. M. V e-
lasquez a examiné de nouveau ce projet eu
1 774. Après avoir nivelé le terrain, cegéomèlre
assure que 28 puits d'airage, et une galerie
souterraine de i3,ooo mètres de long , qui
conduiroit les eaux de Tezcuco à travers la
montagne de Sitlaltepec, vers la rivière de
Tequixquiac , s'acheveroit et à moins de Irais
et plus rapidement que Télargissement de la
fosse du desague, Taugmentation de son fond
sur une longueur de plus de 9000 mètres , et
un canal creusé depuis le lac de Tezcuco
•jusqu'à l'écluse de Vertideros, près de Hue-
huetoca. J'ai assisté aux conférences qui ,
en i8o4, ont précf'dé la résolution de faire
écouler le dernier lac par l'ancienne cou-
pure de montagne de Nochistongo. Les
avantagea et les désavantages du projet de
Mendez n'ont point été discutés dans ces
conférences.
» Voyez p!ushaut,p. 217.
CHAPITRE Vrii. 2'|7
Il faut espérer qu'en creusant le nouveau
canal de Tezcuco on s'occupera plus sérieu-
sement du sort des Indiens qu'on ne l'a fait
jusqu'ici, même en traçant, en 17966! 1798,
les rigoles de Zumpango et de San Cbristobal.
Les indigènes ont la haine la plus prononcée
contre le desague de Iluehuetoca. Une en-
treprise hydraulique est regardée par eux
comme une calamité publique, non-seule-
ment parce qu'un grand nombre d'individus
ont péri par des accidens funestes, dans la
coupure de montagne de Marlinez, mais sur-
tout parce que, forcés au travail, et négligeant
leurs affaires domestiques , ils sont tombés
dans la plus grande indigence pendant qu'on
achevoit l'épuisement des lacs. Plusieurs mil-
liers de laboureurs indiens y ont été presque
constamment occupés depuis deux siècles. Le
desague peut être considéré comme une cause
principale de la misère des indigènes dans la
vallée de Mexico. La grande humidité à
laquelle ils ont été exposés dans la fosse de
Nochistongo , a causé des maladies mortelles
parmi eux. 11 n'y a que peu d'années encore
qu'on a eu la cruauté d'attacher les Indiens
à des cordes, et de les faire travailler conuiKi^
248 LIVRE ni,
des forçats, quelquefois malades et expirans
sur les lieux mêmes. Par un abus des lois,
surtout par un abus des principes introduits
depuis l'organisation des intendances, le tra-
vail au desague de Huehuetoca est regardé
comme une corvée extraordinaire. C'est une
journée de corps que l'on exige de l'Indien ,
un reste de mita ' que l'on ne s'attendroit pas
à trouver dans un pays où l'exploitation des
mines est aujourd'hui un travail entièrement
libre, et où l'indigène jouit de plus de li-
berté personnelle que le paysan dans la partie
nord-est de l'Europe. En fixant l'attention du
vice-roi sur ces considérations importantes,
j'ai pu m'appuyer sur les témoignages nom-
breux contenus dans Y Informe de Zepeda,
On y lit sur toutes les pages , « que le desaguc
« a diminué la population et le bien-être des
« Indiens, et que l'on n'ose pas mettre tel ou
* "Voyez plushautjChap. V, T. Ip. 359. L'Indien est
payé au desague à raison de 2 réaux de plata ou de
26 sous par jour. Au dix-septième siècle , du temps de
Martinez , on ne payoit aux indigènes que 5 réaux
ou 3 francs par semaine , mais en leur donnant ,
en outre, une certaine quantité, de maïs pour leur
nourriture.
CHAPITRE Vlir. 9J\()
« tel projet hydraulique en exécution , part e
« que les inoriiieurs ne j)euvent plus disposer
« d'un aussi ^^rand nombre d'Indiens que du
« temps du vice-roi Don Luis de Velasco ii. »
Il est consolant au moins d'observer, comme
nous avons taché de le développer au com-
mencement du quatrième chapitre, que cette
dépopulation progressive n'a eu lieu que dans
la partie centrale de l'ancien Anahuac.
Dans les travaux hydrauliques de la vallée
de Mexico , l'eau n'a été regardée que comme
un ennemi contre lequel il faut se défendre,
soit par des digues , soit par le moyen des ca-
naux d'épuisement. Nous avons prouvé plus
haut (p. i28-i3/|) que ce mode d'agir, surtout
le système européen d'un dessèchement arti-
ficiel , ont détruit le germe de la fertilité dans
une grande partie du plateau de Ténochtitlan.
Les efflorescences de carbonate de soude
(tequesquite) ont augmenté à mesure que
l'humidité de l'atmosphère et la niasse des
eaux courantes ont diminué. De belles sa-
vanes ont pris peu à peu l'aspect d'un steppe
aride. Dans de grands espaces, le sol de la
vallée n'offre plus qu'une croûte d'argile
endurcie {Update), dénuée de végétaux, et
\
25(
Livur. III
«^
crevassée au contact de l'air. Il eut été bien
facile, cependant, de profiter des avantages
naturels du tercain , en se servant à volonté
des mêmes canaux pour 1 écoulement des lacs ,
pour Varmsement des plaiiies arides, et pour
la navigation intérieure. De grands bassins
d'eau, rangés comme par étages, les uns au-
dessus des autres, facilitent le tracé des ca-
naux d'irrigation. Au sud-est de Muehuetoca
se trouvent trois écluses que l'on appelle los
?'e,'UderoSy et qu'on ouvre chaque fois que l'on
veut faire décharger la rivière de Guautillan
dans le lac de Zunipango , ou que l'oq veut
mettre à sec le Rio del Desague (la coupure
de montagne ) , pour en déblajer ou appro-
fondir la rigole. La trace de l'ancienne eni-
bouchure du Rio de Guaulitlan, celle qui
existoit en 1607 _, s'étant perdue peu à peu ,
on a creusé un nouveau canal depuis Verù-
deros au lac de Zumpango. Au lieu de faire
découler continuellement les eaux depuis ce
lac, et depuis celui de San Christobal, hors
de la vallée, vers l'Océan Atlantique, on auroit
pu , dans l'intervalle de dix-huit ou vingt ans,
pendant lesquels les crues extraordinaires
n'ont souvent pas lieu ^ distribuer les eaux
ciiAriir.E MU.
2:»i
clii desagiie au profit de ragricullure dans les
parties les plus basses de la vallée. On auroit pu
construire des réser\oirs d'eau pour l'époque
des sécheresses : mais on préféra de sui» re
aveuglément l'ordre émané anciennement de
Madrid , et qui porte « qu'aucune goutte
« d'eau ne doit entrer du lac de San Gliris-
« tobal dans celui de Tezcuco, à moins que ce
« ne soit une fois par an, lorsqu'en ouvrant
« les écluses (las mnipucrtas de la calzada)
« on l'ait la pêche ' dans le premier de ces
« bassins. » Le commerce des Indiens de
Tezcuco languit pendant des mois entiers, à
cause du manque d'eau dans le lac salé qui
les sépare de la capitak ; des terrains arides
s'étendent au-dessous du niveau moyen des
eaux de Guautitlan, et de ce!ui des lacs septen-
trionaux; et pourtant depuis des siècles on
n'a pas songé à subvenir aux besoins de l'agri-
* Cette pêche est pour les liabitaus de la capitale iint;
(les plus grandes fêtes champêtres. Les Indiens cons-
truisent des cabanes sur les bords du lac de ijaii
Cliristobal , qui est presque mis à sec pendant la
pêche: cela rappelle la pêche qu'au récit d'Hcrodolo
les Egyptiens faisaient ilnyxJ. fois par an au lac Mcjc» i.s ,
à l<)U\cii.iu"o tlcij cclu-Cà c'i'irrifraliou.
#
afïa LIVRE m,
culture et de la navigation intérieure. Ilexis-
toit depuis long-temps un petit canal {sanja)
depuis le lac de Tezcuco au lac de San Cliris-
tobal. Un sas d'écluse de 4 mètres de cluile
auroit pu faire remonter les canots depuis la
capitale jusqu'à ce dernier lac. Les canaux de
M. Mier les auroient même conduits jusqu'au
village de Huehuetoca. De cette manière,
une communication d'eau se seroit établie
depuis le bord austral du lac de Ghalco
jusqu'à la limite septentrionale de la vallée ,
sur une étendue de plus de 80.000 mètres.
Des hommes instruits et animés d'un grand
zèle patriotique, ont osé élever la voix ' en
faveur de ces idées ; mais le gouvernement ,
en rejetant pendant long-temps les projets les
mieux conçus , n'a voulu reconnoître dans
l'eau des lacs mexicains qu'un élément nui-
sible dont il faut débarrasser les environs de la
capitale, et auquel il ne Aiut permettre d'autre
cours que celui vers les côtes de l'Océan.
Aujourd'hui que, par ordre du vice -roi
Don Josef de Yturiiïarrav , le canal de Tez-
cuco doit être ouvert , rien ne s'opposera à la
* Par exemple M. Velasquez , à la fin de son Informe
sobre el desagu?. ( Manuscrit. )
CHAPITRE YIH.
w ri
libre navigation à travers la grande et belle
vallée de ïénocbtitlan. Le blé et les autres pro-
ductions des districts de Tulaetde Guautillan
viendront par eau à la capitale. La charge d'un
mulet, qui est évaluée à 3oo livres pesant ,
coûte en frais de transport , depuis Huehue-
toca jusqu'à Mexico, 5 réaux ' ou 4 francs.
On compte que lorsque la navigation sera
établie , le fret d'un canot indien de i5,ooo liv.
de port ne sera que de 4 ou 5 piastres ; de
sorte que le transport de 3oo livres ( qui font
un carga ) ne coûtera que neuf sous. Mexico
aura par exemple la chaux à 6 ou 7 piastres la
charretée ( carretada ) , tandis qu'aujourd'hui
elle y coûte 10 à 1?.
Mais l'efFet le plus bienfaisant d'un canal
navigable depuis Ghalco à Huehuetoca , sera
celui qu'en éprouvera le commerce de l'inté-
rieur de la Nouvelle-Espagne , qu'on désigne
par le nom de comercio de tierra adentro , et
qui va en ligne droite depuis la capitale à
DurangOjChihuahua etSanta-Fe du Nouveau-
* Une piastre forte a 8 réaux de plata , et tlans les
ouvrages qui Irailont des colonies espagnoles en Amé-
rique, il n'est qiestion que de pesos fuertea et do
rêalea de plata. (Voyez la note, p. 34. )
" f
LIVRE III
Mexique. Hneluietoca pourra devenir doré-
navant le lieu d'entrepôt pour ce commerce
important, dans lequel en emploie plus de
cinquante à soixante mille betes de somme
( ivciins ). Les midetiers ( arriéras ) de la
Nouvelle-Biscaye etdeSanla-Fe ne craignent,
sur une route de 5oo lieues, aucune journée
autant que celle de Huehuetoca à Mexico. Les
chemins, dans la partie nord-ouest de la vallée
où l'amygdaloïde basaltique est couverte d'une
^osse couche d'argile, deviennent presque
impraticables dans la saison des pluies. Beau-
coup de mulets y périssent. Les autres ne
peuvent se remettre de leurs fatigues dans les
environs de la capitale, qui n'offrent ni les
bons pâturages , ni les grandes communes
( eocidos) qu'ils trouveroient en séjournant à
Huehuetoca. Ce n'est qu'après avoir demeuré
long-temps dans des pays où tout le com-
merce se fait par caravanes, soit de cha-
meaux , soit de mulets, que l'on peut apprécier
l'influence des objets que nous venons de
discuter ^ sur le bien-être des habitans.
Les lacs situés dans la partie méridionale de
la vallée de Ténochtitlan dégagent de leur
surface dips miasmes d'hydrogène sulfuré, que
CHAPITRE VIII.
1i):j
lale de
leur
, que
Ton sent dans les rues de Mexico, chaque
fois que le vent du sud souffle. Aussi regarde-
t-on dans le pays ce \ent comme très-malsain.
Les Aztèques , dans leur écriture hiérogly-
phique, le désignoient jadis par une tète de
mort. Le lac de Xochimilco est en partie
rempli de plantes de la famille des Joncacées
et des Gjpéroïdes, qui végètent à peu de pro-
fondeur, sous une couche d'eau croupissante.
On a proposé ' récemment au gouvernement
de creuser en lionne droite un canal navijîable
de la petite ville de Chalco à Mexico , canal
qui sera d'un tiers plus court que celui qui
existe actuellement. On projeté en même
temps de dessécher les bassins des lacs de
Xochimilco e\ de Chalco , et d'en vendre les
terres , qui , lessivées depuis des siècles par des
eaux douces, sont devenues très-fertiles. Le
lac de Chalco ayant à son centre un peu plus
<le profondeur que le lac de Tezcuco, son
('puisement ne sera pas complet. L'agriculture
et la salubrité de l'air gagneront également à
l'excoulion de ce projet de M. Castera ; car
l'extrémité australe de la vallée offre en général
* fnfor/nc de Don Ignacio Castera. ( Matiuiiciit ,
fui. ri.)
256
LIVKE III
le sol le plus propre à la culture. Le carbonate
et le muriate de soude y abondent moins, à
cause des fiitrations continuelles entretenues
par les filets d'eau qui descendent des hauteurs
du Cerro d'Axusco, du Guarda et des vol-
cans. Il ne faut pas oublier cependant que
l'épuisement des deux lacs tendra encore à
augmenter la sécheresse de l'atmosphère dans
une vallée où l'hygromètre de Deluc ' des-
cend souvent à i5^. Ce mal sera inévitable,
si on ne s'occupe pas à lier ces travaux
hydrauliques à un système général; si l'on
n'entreprend pas en même temps de mulliplier
les canaux d'arrosement, de former des ré-
servoirs d'eau pour les temps de sécheresse,
et de construire des écluses qui, propres à
contre -balancer les différentes pressions de
biez inégaux , s'ouvrent pour recevoir et pour
retenir les crues des rivières. Ces réservoirs
d'eau , distribués à des hauteurs convenables;
' La température de l'air étant à 23° centigrades,
les i5" de l'hygromètre à baleine de Deluc équivalent
à 4^8" de l'hygromètre à cheveu de Saussure. J'ai
discute les causes de celte sécheresse extrême dans le
Tableau physique des régions équinoxiales , annexé à
mon Essai sur la Géographie des plantas , p. 98.
CHAPITRE VIII.
257
pourroient même servir à nettoyer et à laver
périodiquement les rues de la capitale.
A l'époque d'une civilisation naissante les
conceptions hardies, les projets gigantesques
ont quelque chose de plus séduisant que les
idées les plus simples et les plus faciles à
exécuter. Au lieu d'établir un système de
petits canaux pour la navigation intérieure
de la vallée , on s'est égaré, du temps du
vice -roi comte de Revillagigedo , dans de
vagues spéculations sur la possibilité d'une
communication par eau entre la capitale et le
port de Tampico. En voyant descendre les
eaux des lacs à travers la montagne de No-
chistongo par le Rio de Tula ( appelé aussi
Rio de Moclezuma) et par celui de Panuco
au golfe du Mexique , on a conçu l'espoir de
pouvoir ouvrir la même route au commerce
de la Vera-Gruz. Des marchandises dont la
valeur s'élève au delà de 100 millions de
livres tournois, sont transportées annuelle-
ment à dos de mulets , depuis la côte opposée
à l'Europe , sur le plateau de l'intérieur. Les
farines, le cuir et les richesses métalliques
descendent au contraire du plateau central à
h Vera-Cruz. La capitale est l'entrepôt de ce
II.
17
2:j\
LIVRE ur
commerce immense. Le chemin de terrp ,
qu'au défaut d'un canal on doit construire
depuis la cote à Perote, coûtera plusieurs
millions de piastres. L*air du port de Tam-
pico paroît jusqu'ici moins funeste aux
Européens et aux habitans des régions froides
du Mexique , que le climat de la Vera-Crnz.
Si la barre empêche le premier de ces ports
de recevoir des bâtimens qui tirent 4^ à 60 dé-
cimètres d'eau, il pourroit, cj'ailleurs, être
préférable au mouillage dangereux qu'offrent
les bas-fonds de la Vera-Cruz. Par la réunion
de ces circonstances, une navigation depuis
la capitale jusqu'à Tampico deviendroit dési-
rable, quelque grande que fut la dépense
qu'exigeroit l'exécution d'un projet si hrardi.
Mais ce n'est point la dépense que l'on peut
craindre dans un pays dans lequel un simple
particulier , le comte de Valenciana , a creusé,
dans une seule mine ' , trois puits qui lui ont
coûté plus de huit millions et demi de francs.
On ne doit pas non plus nier la possibilité de
l'exécution d'un canal depuis la vallée de Té-
nochtitlan jusqu'à Tampico. Dans l'état actuel
^ Près d<' Guanaïuato.
CHAPITRE Vni. 2^9
de rarcliitecture hydraulique, on peut faire
passer des bateaux sur des chaînes de mon-
tagnes élevées, chaque fois que la nature y
présente des points de partage qui font la
communication entre deux récipiens princi-
paux. Le général Andreossi a indiqué plu-
sieurs de ces points dans les Vosges, et en
d'autres parties de la France *. M. de Prony a
calculé le temps que mettroit un bateau pour
passer les Alpes , si , en profitant des lacs
situés près de l'hospice du Mont-Genis, on
établissoit une communication par eau entre
Lans-le-Bourg et la vallée de Suze. Cet illustre
ingénieur a prouvé, par son calcul même,
combien, en ce cas particulier, le transport de
terre étoit préférable à la lenteur des écluses.
Les plans inclinés , inventés par Reynolds , et
perfectionnés par Fulton , les écluses à plon-
ireur de MM. Huldleston et Betancourt , deux
conceptions également applicables au système
des petits canaux, ont multiplié avantageuse-
ment les moyens que l'art fournit à la naviga-
tion dans les pays montagneux. Mais quelque
grande que soit l'épargne des eaux et du temps
Andreossi , sur le canal du Midij p. 45.
17
•Go
LIVRE III
à laquelle on puisse parvenir, il est de certaine
maximum de hauteur du point culminant, au
delà desquelles canaux ne l'emportent pi ns sur
l'usage des routes. Les eaux du lac de Tezcuco,
à l'est de la capitale de Mexico , sont élevées
de 2276 mètres au-dessus des eaux de la mer,
près du port de Tampico. Même en emplo} aut
des sas accollés, il faudroit près de deux cents
écluses pour élever des bateaux jusqu'à une
hauteur si énorme. Si, dans le canal mexicain,
les biez dévoient être distribués comme dans le
' canal du Midi, dont le point de partage (à Nau .
rouse) n'a qu'une élévation perpendiculaire de
189 mètres , le nombre des écluses monteroit à
33oou34o. Jeneconiioispas lelitde la rivière
de Moctezuma , au delà de la vallée de Tula
(l'ancien Tollan ) ; j'ignore quelle est sa chute
partielle jusqu'aux environs de Zimapan et du
Doctor ; je me rappelle que , sans écluses , par
les grandes rivières de l'Amérique méridio-
nale, par des distances de 180 lieues, les
pirogues remontent , ou louées ou à la rame ,
contre le courant, à des hauteurs de 5oo mètres;
mais malgré cette analogie, et celles qu'offrent
les grands travaux exécutés en Europe , j'ai de
la peine à me persuader qu'un canal de navi-
CHAPITRE flll.
2G1
frailon. (lopiiis lo plulean crAnaluiac jusqu'aux
cotes de la uier des Antilles, soit un ouvrage hy-
draulique donton jruisse conseiller l'entreprise.
Les villes remarquables ( r/Wr/r/<^^.v y lullns)
de l'intendance de Mexico , sont les suivantes :
Mr^xico , capitale du royaume de la Nouvelle-
Espagne. Hauteur, 2277 mètres. Popula-
tion , 107,000.
Tezcuco, avec des manufactures en coton ,
jadis très-considérables, mais qui ont beau-
coup souffert par la concurrence de celles
de Querelaro. Population , 5,ooo,
CuYOACAN, avec un couvent de religieuses,
fondé par Hernan Cortez, couvent dans
lequel , d'après son testament , le grand ca-
pitaine voulut être enterré, « quelque fût
la partie du monde où il fîniroit ses jours. »
Nous avons vu plus haut que cette clause
du testament n'a pas été remplie.
Tacubaya, à l'ouest de la capitale, avec un
palais de rarchevêque et une belle plan-
tation d'oliviers d'Europe.
Tacuba, l'ancien Tlacopan , capitale d'un
petit royaume des Tepanëques.
202 LIVRE III,
CuERNAViccA, l*ancien Quauhnahuac , à la
pente méridionale de la Cordillère de Gu-
ohilaque , sous nn climat tempéré, des plus
délicieux et des plus propres à la culture
des arbres fruitiers d'Europe. Hauteur ' ,
i655 mètres.
CniLPAKsiKGO ( Chilpantzinco ), entouré de
champs fertiles en froment. Hauteur ,
i3^o mètres.
Tasco (Tlachco), avec une belle église pa-
roissiale , construite et dotée vers le milieu
du dix-huitième siècle, par un François,
Joseph de Laborde^ qui avoit gagné en
* M. Alzate assure , dans la Gazette de Littérature
publiée à Mexico (i 760 ^ p. 320), que dans la Nouvelle'
Espagne la hauteur absolue des lieux influe très-peu
sur leur température. Il cite pour exemple la ville de
Cuernavacca , qui , selon lui , est à la même hauteur
au-dessusdu niveau de la mer que la capitale de Mexico,
et qui ne doit son climat délicieux qu'à sa position au
sud d'une Jiaute chaîne de montagnes : mais M. Alzate
s'est trompé de plus de 600 mètres sur l'élévation de
la ville de Cuernavacca. Gortez, qui altère tous les
noms de la langue aztèque , nomme cette ville Coocl-
nahacedj mot dans lequel il est diilicile de reconnoîlre
Quauhnahuac. ( Caria de Relacion al emperador Don
Carlos j §. XIX.)
CUMlIRIi Mil.
?.r)3
très-peu (le loinps cl«!s licîiosses iinmciiseï»
par l'exploitalion des mines ine\icaines. La
seule construction de l'église coûta à ce
particulier plus de deux millions de francs.
Réduit à une «^^aiide pauvreté vers la fin
de sa carrière , il obtint de rarclievèrpie de
Mexico la permission de vendre àson profit,
à la métropole de la capitale, le magnifique
soleil {custodia) enrichi de diamans, f|uc,
dans des temps plus heureux , il avoit olFert
par dévotion au tabernacle de l'éghse pa-
roissiale de Tasco. Hauteur de la ville,
1780 mètres. - -
AcAPULCo ( Acapolco ) , adossé à une chaîne
de montagnes granitiques , qui , par la ré-
verbération du calorique rayonnant , aug-
mente la chaleur étouffante du climat. On
a récemment fini , près de la baie de
la Langosta , la liuiieuse coupure de mon-
tagne ( obra de San Nicolas ) , destinée à
donner accès aux vents de mer. La popu-
lation de cette misérable ville, habilée
presque exclusivement par des gens de cou-
leur, s'élève à 9000, à l'époque de l'arrivée
du galion de Mandle (iVV/o de C/una)^Sj
population liabituclic n'est que de /|OOo.
1 ■ 'I.J
■' V W\
ï'
1?i
V r
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1
• •M
264 LIVRE III,
Zacatula , petit port de la mer du Sud , sur
les frontières de l'intendance de Valladolid,
entre les ports de Siguantanejo et de Co-
lima.
Lerma , à l'entrée de la vallée de Tolaca, dans
un terrain marécageux.
ToLUCA (Tolocan ) , au pied de la montagne
porphyritique de San Miguel de Tutucuit-
lalpilco , dans une vallée abondante en
maïs et en maguey ( agave ). Hauteur ,
2687 mètres.
Pachuca, avec Tasco, l'endroit de mines le
plus ancien du rojaume , comme le village
voisin , Pachliquillo, est censé avoir été le
premier village chrétien fordé par les
Espagnols. Hauteur ,2482 mètres.
Cadereita , avec de belles carrières de por-
phyre à base d'argile {thonporphjr),
San Juan del Rio, entouré de jardins qui
sont ornés de vignes et d'ananas. Hauteur ,
1978 mètres.
QuERETARO , célèbrc à cause de ]a beauté de
ses édifices , de son aqueduc et de ses manu-
factures de draps. Hauteur, xy^^^ i^ètres.
Population haLi'iielle , 35,ooo.
La ville renferme 1 1 ,600 Indiens , 85 ce-
CHAPITRE VIII.
rlésiastiqiies séculiers , 181 moines, i^T) re-
ligieuses. La consommation de Queretaro
monta, en 1793, à i3,6i8 cargasde fiirine
de froment , 69,44^ fanegas de maïs ,
656 cfl/g-fl^ de chile (capsicum), 1770 barils
d'eau -de -vie, 1682 bœufs et vaches,
14,949 moutons, 8869 cochons».
Les mines les plus importantes de cette inten-
dance, er ne les cor sidérant que sous le
t*apport de leur richesse actuelle , sont :
La F^eta Biscaina de Real dcl Monte , près
de Pachuca;Z//7:tï/?«/î, el Doctor et Tehui-
lotepecy près de Tasco.
* N'oticia del Doctor Don Juan Ignacio Briones.
(Manuscrit.)
Pi
m
1,
Il if
206 LIVRE III,
IL Intendance de Puebla.
Population en iSo'ô : Si5,ùoo.
Etendue de la surface en lieues carrées : 2696 .
Habitans par lieue carrée ; 3o 1 .
Cette intendance , qui n'est baignée par les
eaux du grand Océan que sur une cole de
26 lieues de long, s'étend depuis les 16** 07'
jusqu'aux 20^ 4o' de latitude boréale. Elle est
par conséquent entièrement située sous la zone
torride, confinant, au nord-est, à l'intendance
delà Vera-Cruz; à l'est, à celle d'Oaxaca ; au
sud, à l'Océan ; et à l'ouest, à l'intendance de
Mexico. Sa plus grande longueur, depuis
l'embouchure de la petite rivière de Tecojame
jusque vers Mextitlan, est de 118 lieues; sa
plus grande largeur, depuis Tecbuacan jus-
qu'à Mecameca, est de 5o.
La majeure partie de l'intendance de la
Puebla est traversée par les hautes Cordil-
lères d'Anahuac. Au delà du dix-huitiènio
degré de latitude, tout le pays offre un plateau
éminemment fertile en froment , en mais , en
agave et en arbres fruitiers; plateau qui a
fiHAPirnr viii.
'iC)
dix-huit cents à deux mille mètres de hauteur
au-dessus du niveau de TOcéan. C'est dans
cette intendance aussi que se trouve la mon-
tagne la plus élevée de toute la Nouvelle-
Espagne , le Popocalepell. Ce volcan, que j'ai
mesuré le premier, est constamment enflammé;
mais depuis plusieurs siècles on ne voit sortir
de son cratère que de la fumée et des cendres.
Il est de 600 mètres plus élevé que toutes les
hautes cimes de l'ancien continent. Depuis
l'isthme de Panama jusqu'au détroit de Bering,
qui sépare l'Asie de l'Amérique , nous ne
connoissons qu'une seule hauteur, le mont
Saint-Klie, qui soit plus considérable que
celle du grand volcan de la Puehla.
La population de celte intendance est
encore plus inégalement distribuée que celle
de l'inlendance de Mexico. Elle se trouve
concentrée sur le plateau qui se prolonge
depuis la pente orientale des nevados ' jus-
* Les mots tieuado et sierra neuada désignent en
espagnol , non des montagnes qui de temps en temps
se couvrent déneige en été, mais dos cimes qui entrent
dans la région des neiges éternelles. Je préfère ce mot
étranger à la longueur des périplirases ou ù l'exprès-
sioit imjiropre de montagnes neigeuses ^ employée
s68
LIVRE III
qu'aux environs de Perote, surlout dans les
hautes et belles plaines entre Cholula, la
Puebla et Tlascala. Presque tout le pays qui
s'étend depuis le plateau central vers San Luis
et Y^ualapa, près des côtes de la mer du Sud,
est désert, quoique très-propre à la culture
du sucre , du coton , et des autres productions
les plus précieuses des Tropiques.
Le plateau de la Puebla offre des vestiges
remarquables de la plus ancienne civilisation
mexicaine. Les fortifications de Tluscallan
sont d'une construction postérieure à celle de
la grande pyramide de Cholula, monument
curieux dont je donnerai le dessin et la des-
cription détaillée dans la Relation historique
de mes voyages dans l'intérieur du nouveau
continent. Il suffit d'énoncer ici que cette pyra-
mide , sur la cime de laquelle j'ai fait un grand
nombre d'observations astronomiques, con-
siste en quatre assises; qu'elle n'a, dans son
quelquefois par les aoûilémiclens envoyés au Pérou.
D'ailleuitt, le mot de neuado , lorsqu'il se trouve joint
au nom d'une montagne , donne une idée du minimum
de hauteur que l'on doit attribuer à sa cime. (Voyez le
Recueil de mes Observations astronomiques , Vol. I ,
p. i34.) .
11
CHAPITRE VIII. a(]()
état acliiel, que 54 mètres d'élévation per-
pendiculaire, mais 4^9 mètres de largeur
horizontale à sa base ; que ses cotés sont très-
exactement orientés, d'après la direction des
méridiens et des parallèles, et qu'elle est
conslruile ( à en juger d'après le percement
l'ait , il y a peu d'années , du coté du nord )
de couches de briques qui alternent avec des
couches d'argile. Ces données suffisent })Our
reconnoître , dans la construction de cet
édifice, le même type qu'offre la forme
des pyramides de Téotihuacan , dont nous
avons pûrlé plus haut. Elles suffisent pour
propver la grande analogie ' qui existe entre
ces monumens en i riques élevés par les plus
anciens habitans d'Anahuac , le temple de
Bélus à Babyloue, et les pyamides de Meïdoùm
et Dahchoùr, près de Sakharah, en Kgyple.
La plate-forme de la pyramide tronquée
de Cholula a une surface de 4 200 mètres
carres. Au milieu d'elle s'élève une ci^-lise
dédiée à Notre-Dame de los Remédies . qui
^ Zoega , de Obeligcis , p. 38o. Vovages de Pvcocke
(«dit. de ISeuchâtel) , 1 762, T, I , p. i S6 et 1 67. f^oyag'
deDcnon, édlt. in-4." , p. 86, 19 ^ et 2.37. Grobert ,
Deacriptiuii den pyramides , p. (>et 12.
1
'2'^0
LIVRE m
est entourée de evprès, et clans laquelle la
messe est célébrée tous les matins par un
ecclésiaslique de race indienne , dont le séjour
habituel est la cime de ce monument. C'est
de cette plate-forme que Ton jouit d'une vue
délicieuse et imposante sur le volcan de la
Puebla , sur le pic d'Orizaba , et sur la pelite
Cordillère de Matlacue je ' , qui sépara jadis le
territoire des Cholulains de celui des républi-
cains tlascaltèques.
La pyramide ou le téocalli de Cholula a
exactement la même hauteur que le Tonatiuh
Ytzaqual de Téotihuacan , que nous avons
décrit plus haut (p. 1 56 ) : elle est de trois
mètres plus élevée que le Mjcerinus, ou
la troisième des grandes pyramides égyp-
tiennes du groupe de Djyzeh. Quant à la
longueur apparente de sa base, elle excède
celle de tous les édifices de ce genre que des
voyageurs aient trouvés dans l'ancien conti*
nent : cette base est presque double de celle
de la grande pyramide connue sous le nom
* Appelée itiinsi i;» Sierra Mal! iiche o\\ I)ona Mario .
MaliiU'he paroît «.I( river de Malinizin , mot qui
(j'ignore pourquoi) désitjne aujourd'hui le nom de
la SaintG-Vierge.
i ;
CHAPITRE VIII.
de Chéops. Ceux qui, par la comparaison à
des objets plus connus , veulent se former
une idée nette de la masse considérable de ce
monument mexicain , s'imagineront un carré
quatre fois^ plus grand quelapbce Vendôme,
couvert d'un monceau de briques qui s'élève
k la double hauteur du Louvre. Peut-être tout
l'intérieur de la pyramide de Cholula n'est
pas de briques; peut-être celles-ci, comme
l'a déjà soupçonné un antiquaire célèbre,
M. Zoega, à Rome, ne forment-elles que le
revêtement d'un amas de cailloux et de
ciment, à l'instar de plusieurs pyramides de
Sakharah, visitées par Pococke, et récem-
ment encore par M. Grobert ^ Le chemin de
Puebla à Mecameca, creuse à travers une
partie de la première assise du téocalli, est
cependant contraire à cette supposition.
Nous ignorons l'ancienne hauteur de ce
monument extraordinaire. Dans son état ac-
tuel , la longueur de sa base "" est à «a hauteur
* Voyez la note £ à la fin de cet ouvrage.
' Je consignerai ici les véritables dimensions des
trois grandes pyramides de Djyzch , d'après l'inté-
ressant ouvrage de M. Grobert. Jt placerai à côté les
dimensions des monumens pyramidaux en briques de
272 Livni: m,
perpendiculaire comme 8 à 1, tandis que,
dans les trois grandes pyramides de Djjzeh ,
cette proportion se trouve comme 1 ,4 et 1 ---
à 1 , à peu près comme 8 à 5. Nous avons
Sakharah , en Egypte, et de Tcotihuacan et Cholula ,
au Mexique. Les nombres sont des pieds de roi.
Hauteur.
l
Longueur de la
base
[ PVnAMIDES EN TIERRES.
Ciiëopf.
448 p.
728
Cephren.
J98 p.
655
Mycerinus.
162 p.
58o
PIRAMtDES EJS «RIQUES.
ù 5 assises ,
e« Égypie ,
pri'^1 df Sakhtrali
à 4 assises , au Mexique.
Tt'otihuacan.
Cliulula.
Hauteur.
OOgUf
base.
Longueur de ht
i5o p.
210
171 p
645
172 p.
i
i555
Il est curieux d'observer, 1." que les pcuplrs
J'Aqabuac ont eu l'Intention de donner à la pyramide
'V\\
CHAPITRE VIII.
273
observé plus haut que les maisons du soleil
et (le la lune, ou les inonumens pyramidaux
de Téoliliuacau , au nord-est de Mexico , sont
entourés d'un système de petites pyramides
symétriquement rang-ées. M. Grobertapublié
un dessin très-curieux de la disposition égale-
ment régulière des petites pyramides qui envi-
ronnent le Ghéops et le Mycerinus à Djyzeh.
Le léocaliideCholula, si toutefois il est permis
de le comparer à ces grands monumens de
de Cliolula la même hauteur et la double base du
Tonatiuh Ilzaqual , et 2.^ que la plus grande de touteà
It-S pyramides égyptiennes, celle d'Asychis, dont la
base a 800 pieds de longueur, n'est pas en pierres,
mais en briques. ( Grohert , p. 6. ) La cathédrale de
Strasbourg est de huit pieds, la croix de Saint-Pierre ,
à Rome , est de quarante-un pieds plus basse que le
Chéops. Il existe au Mexique des pyramides à plusieurs
étages , dans les forêts de Papantla , à une petite élé-
vation au-<lessus du niveau de l'Océan, sur les plateaux
de Cholula et de Téotihuacan , à des hauteurs qui
surpassent celles de nos passages des Alpes. Nous
voyons avec étonnement, que dans les régions les plus
éloignées les unes des autres, sous les climats les plus
différens, l'homme suive le même type dans ses cons-
tructions , dans ses ornemens , dans ses habitudes ,
et jusque dans la forme de ses institutions politiquefr.
II. 18
■ml
•) ^ '
-'I LIVRE III,
riilgyple, paroît avoir été construit sur un plan
analogue. On découvre encore , du côté occi-
dental , vis-à-vis du Cerro de Tccaxete et de
Zapoleca, deux masses parfaitement prisma-
tiques. L'une de ces masses porte aujourd'imi
le nom d'Alcosac ou d'Islenenctl ; l'autre celui
du Cerro de la Cruz : la dernière, construile
en pisé , n'est élevée que de i5 mètres.
L'intendance de la Puebla offre aussi à la
curiosité du voyageur un des plus anciens
monumens de la végétation. Le famenv
ahahuete ' , ou cyprès du village d'Atlixeo ,
a 25"', 5 ou 70 pieds de circonférence: mesuré
intérieurement (car son tronc est creux) , on
lui trouve i5 pieds de diamètre. Ce cyprès
d'Atlixeo a par conséquent; à quelques j)ie(Js
près , la même grosseur " que le baobab (adan-
sonia digitata) du Sénégal.
Le district de l'ancienne république de
Tlascala, habité par des Indiens jak x de
leurs privilèges, et très -enclins aux dissen-
sions civiles , a formé depuis long-lemps un
* Cuprcssus dlsticha. Linn.
^ Voyez , sur l'aiiliquilé des espèces TCgt'lale?! , mou
Mémoire sur la physionomie des plantes, «lans mes
Tahleaux de la Namre , T. II , p. 108 et iS/.
CHAPITRE VIII.
'2r'J
gouvernement particulier. Je l'ai indiqué dans
ma carte «générale de la Nouvelle-Espagne,
comme appartenant encore à l'intendance de
la Pue])la ; mais par un changement récent
dans l'administration financière , Tlascala et
Guaulla de las Hamilpas ont été réunis à
l'intendance de Mexico, tandis que Tlapa
et Ygualapa en ont été séparés.
On comptoit, en 1793, dans l'intendance
de la Puebla , sans y comprendre les quatre
districts de Tlascala, de Guautla, d'Ygualapa
et de Tlapa :
Indiens 187,501 âmes.
Indiennes 186,221
25,617
Ti 1 T>i fm/des. . .
JiiSpagrnols ouolancs'
TV . , imales. . .
De race mixte ......
1 iémelles .
Errlè*rfastiques '«^culiers ....
Miunes
Reli^aeuses
29,393
37,318
40,590
585
446
427
I
^i:.
Résultat du <i<*'nombr. total. 5o8,i28
distribués en 6 villes, i33 paroisses, 607 \ il-
luges, 425 fermes {haciendas), 886 maisons
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(716) 872-4503
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isolées [rnnclios) i cl Socuuvcns, doil di •;'^:
tiers de iiiuiiies.
Le fï-ouvernemerif de Tlaseala conlonoit,
en i79«>^ une population de 5(), ly-^ iunes ,
parmi lesquelles ou désiguoit 21,8^9 Indiens
et 2 1 ,o2() Indiennes , distribués en 22 paroisses,
iio villages et lOy fermes. Les privilèges
vantés des eitoyens de Tlaseala se réduisent
aux trois points suivans : 1." la ville est gou-
vei'née par un caeique, quatre aleades indiens
qui représentent les aneiens chefs des quatre
quartiers appelés encore aujourd'hui Tecpec-
tipac, Oeotelolco, Quiahutztlan etTizatlan:
ces alcades dépendent d'un gouverneur in-
dien , qui lui-même est sujet à l'intendant
espagnol ; 2.** les blancs ne peuvent pas siéger
dans la municipalité de Tlaseala, en vertu
d'une reV////*? royale du 16 avril i585; et o.^le
cacique, ou gouverneur indien , jouit des hon-
neurs d'un alfercz real.
Le district de Cholularenfermoit, en 179^,
une population de 2 2,420 âmes : onycomptoit
42 villages et 4^ fermes. Cholula, Tlaseala
et Huetxocingo sont les trois républiques qui
résistèrent pendant des siècles à l'empire
mexicain , quoique la malheureuse aristocratie
cnApnuF viTi.
9."
77
«le leur conslifiilioii eùl laisse à peine plfis
(le liberté au bas ^jeiiple ([u'il n'eu auroit eu
sous le régime léotlal des rois aztèques.
Les profères de rinduslrie uationale et du
bien-être des habitans de cette pio>inee ont
été très-lents , nivil^i é le zèle actil d'un inten-
dant aussi éclairé que respectable. Don IManuel
de Flou , qui vient d bériter du titre de comte
de la CadiMia. Le commerce des farines ,
jadis très-llorissant, a soudért beaucoup par
l'énorme cberlé du transport dcpuisle plateau
mexicain jusqu'à la Havane , surtout par le
manque de bètes de sonniie. Le commerce
que la ville de la Pucbla lit jusqu'en 1710
avec le Pérou, en chapeaux et en faïence, a
cessé entièrement ; mais le plus grand mal qui
s'oppose à la prospérité publique, consiste
en ce que les quatre cinquièuics de toutes les
propriétés {Jincas) appartiennent à des gens
de main-morte , c'est-à-dire , à des commu-
nautés de moines, aux chapitres, aux con-
fréries et aux hôpitaux.
L'intendance de Puebla a des salines assez
considérables , près de Chila , Xicollan et
Ocollan (dans le district de Chiautla ), comme
aussi près de Znpolillan. Le beau marbre
2^8 LIVRE III,
connu sous le nom de marbre de Puel)la , et
préférable à celui deBizarou , Real dei Dortor,
s'exploite dans les carrières de Totamehuacan
et de Tecali, à deux et à sept lieues de la capi-
tale de l'intendance. Le carbonate de chaux
de Tecali est transparent, comme l'albalre
gypseux de Volterra et le phengile des anciens.
Les indigènes de celte province parlent
trois langues tout-ù-fait difféienles, le mexi-
cain, le totonaque et le tlapanèque. La pre-
mière langue est propre aux habilans de
Puebla, de Cliolula et de ïlascala; la se-
conde à ceux de Zacatlan; la troisième s'est
conservée dans les environs de Tlapa.
Les villes les plus remarquables de l'inten-
dance de Puebla sont:
La Puebla de los Aingeles , capitale de
l'intendance, plus peuplée que Lima, Quito,
Santa-Fe et Caracas : après Mexico , G ua-
naxuato et la Havane , c'est la ville la plus
considérable dans les colonies espagnoles
du nouveau continent. La Puebla appar-
tient au très-petit nombre de villes améri-
caines qui ont été fondées par les colons
CHAPITRE VIJI. '>70
européens : car dans la plaine d'Acaxolc
ou (le Cuillaxroapan, au site où se trou\e
aujourdhui la capitale de la province, il
n'y avoit , au comrn^ncenienl du seizième
siècle , que quelques cabanes habitées par
des Indiens de Cholula. Le privilège de la
ville de la Puebla est du 28 septembre i55i.
En 1802 , la consommation des liabitans
montoit, en farine de froment, 1162,951 car-
gas (chacune de 5oo livres pesant) ; en maïs,
à 06,000 cargas. Hauteur du sol , à la plaza
major, 2 196 mètres. Population ^ 67,800.
Tlascala est tellement déchu de son an-
cienne grandeur, qu^on n'y compte plus
que 3400 habitans , parmi lesquels il n'y a
d'Indiens de race pure que 900 : cependant
Hernan Cortez y trouva une population qui
lui parut plus considérable que celle de
Grenade. Population ^ 04.00.
Cholula, appelé Churultecal par Cortez ' ,
* Ce grand conquistador , avec la sImpHcité de slylc
'qui caractérise ses écrits, trace un tableau curieux de
l'ancienne ville de Cholula. « Les habitans de cette
<( ville , dit-il dans sa troisième letXre à l'empereur
n Charles-Quint , sont mieux vêtus que ceux que nous
« avons vus jusqu'ici. Les gens aisés perlent dcs>
280 LIVRE III,
environné de belles plantations d'agave.
Population, 16,000.
Atlixco, justement célèbre par la beauté de
son climat, la grande fertilité de ses champs
u manteaux {albornoces) au-dessus de leurs lialiits :
« ces manteaux diffèrent de ceux d'Afrique , car ils
u ont des poches, quoique la coupe, le tissu et les
« franges soient les mêmes. Les environs de la ville
« sont très-fertiles et bien cultivés : presque tous les
« cliumps peuvent être arrosés^ et la ville est plus
« belle que toutes celles d'Espagne , car elle est bien
« fortifiée et bâtie sur un sol très-uni. Je puis assurer
« à Votre Altesse , que , du liaut d'une mosquée ( mez-
« quitaj c'est le mot par lequel Cortez désigne les
i( téocaUis ) , je comptai quatre cents et tant de tours ,
« et toutes sont des mosquées. Le nombre des liabi^
<( tans est si considérable, qu'il n'y a pas un pouce de
« terre qui ne soit cultivé ; et cependant , en plusieurs
« endroits , les Indiens éprouvent les effets de la
(f famine, et il y a beaucoup de gens pauvres qui
i( demandent l'aumône aux riches dans les rues , dans
(( les maisons et au marché , comme font les mendians
« en Espagne et en d'autres pays civilisés. » ( Cartas
de Cortez , p. 69. ) Il est assez curieux d'observer que
le général espagnol regarde la mendicité dans les rues
comme un signe de civilisation. Il dit : <( Gente que
«( piclen como liay en Eapana y en otras partes que hay
« gente de razon. n
QIAPITRE VJII. -xHl
et labondancc des fruits savoureux, sur-
tout deFanona cheriniolia, Linn.(r///7/>//r;;v/)
et de plusieurs passiflores (purchas) que
produisent les environs.
Téiiuacan de las Gha^'vdas, l'ancien Tco-
liiinacan de la Mizleca, un des sanctuaires
les plus visites par les 31exicains avant
rarri\ ée des Espagnols.
Tepeaca Ou Tepejacac, appartenant au mar-
quisat de Cortez. C'est la ville appelée, au
commencement de la conquête, Scgura delà
Fronieva (Carias de ITernan Cortez, p. i55).
Dans le district de Tepeaca , se trouve le
joli village indien appelé aujourd'hui Hua-
cachula ) l'ancien Quauhquechollan ) , situe
dans une vallée riche en arbres fruitiers.
HuAJociNGO ou Huetxocingo , jadis le chef-
lieu d'une petite république de ce nom ,
ennemie de celles de Tlascala et de
Cholula.
Quelque dépeuplée que soit l'intendance
de la Puebla, sa population relative ' est
cependant quatre fois plus grande que celle
du rovaume de Suède, et à peu près égale
à celle du royaume d'Aragon.
* Voyez plus haut, p. 96.
282 LIVRE ni,
L'intluslrie des habitans de celle province
est peu dirigée vers rexploitation des minm
d'or et d'argent : celles à' Yxtacmaztitlan y de
Temeztla et ôi* Alatlaiiquitepec y dans le Par-
tido de San Juan de los Llanos; celles de la
Canada, près de Telela de Xonotla, et celles
de San Miguel Tenango, près de Zacallan ,
sont presque abandonnées ou du moins foi-
blement travaillées.
ajAPirni: viii.
28.3
ni. Intendanci: dk Guanaxuato.
Population en 1800 : 5] 7,000.
/: tendue de la surface en lieues carrées ; 01 1
Habitans par lieue carrée : 586.
Cette province, enlièreincnt sidiôc sur le
cJos (le la haute Cordillère d'Analiuac, est la
plus peuplée de la Nouvelle-Espao-ne; c'est
celle aussi dans laquelle la poj)ulalioii est la
plus également distribuée. Sa longueur,
depuis le lac de Chapala jusqu'au nord-est
de San Felipe, est de 62 lieues; sa largeur,
depuis la Villa de Léon jusqu'à Celaja, est
de 01 lieues. Son étendue territoriale est
presque la même que celle du royaume de
Murcie : sa population relative excède celle
du rojaume des Asturies; elle est même plus
forte que la population relative des dcpar-
temens des Hautes-Alpes des Basses- Alpes,
des Pyrénées -Orientales et des Landes. Le
pomt le plus élevé de ce pajs montagneux
paroît être la montagne de los Llanitos, dans
la Sierra de Santa Rosa. J'ai trouvé sa hauteur
au-dessus du niveau de la mer, de 281 5 mètres.
11
384 LIVRE m,
La ciilliire de celle l)ello n^ovince, partie
de rancicii royaume de Ifechoacan , esl pres-
que eulicrenieiit di.e i.ux Européens '^ju au
sei/if'ine siècle, y ont p:irlé le pterniergei v;-;
de i • ri\i]is..!.iun. G'esl d:ms ces retirions sep-
leiiti ionales , rur les bords du Rio de Lernia ,
appelé jadis TolololLiii , que furent combattus
les peuples nomades et chasseurs que les his-
toriens dési;^nient par la dénomination vague
de Cliieliimcques, et qui appartenoient aux
tribus des Indiens Pâmes , C;j puces , Samues ,
Mayolias , Guamanes et Guachiehiles. A
mesure que le pays tut abandonné par ces
nations vagabondes et guerrières, les con-
que rans espagnols y transplantèrent des
colonies d'Indiens mexicains ou aztèques.
Pendant long-temps les progrès de l'agricul-
ture y furent plus considérables que ceux de
l'exploitation des mines. Ges mines, peu
célèbres au commencement de la conquête ,
furent presque abandonnées pendant le dix-
septième et le dix-huitième siècle. Elles ne se
sont élevées, par leurs richesses, au-dessus
des mines de Pachiica, de Zacatecas et de
Bolanos, que depuis trente à quarante ans.
Leur produit métallique, comme nous le
CMAPITJiE Mil. ,^g/J
développerons plus bas, est aujourd'hui plus
grand que n'a jamais été le produit du Potosi,
ou celui d'aucune autre mine dans les deux
conlinens.
On compte, dans l'intendance de Gu i-
naxuato3 ciudades , (savoir, Guanaxuato,
Celap et Salvatierra ) , 4 villas (savoir , San
Miguel el Grande, Léon, San Felipe et
Salamanca), 5; villa^-es ou pueblos , 53 pa-
roisses {paroquias ) , 4^8 fermes ou haciendas,
225 mdividus du clergé séculier, 170 moines,
ûo rehoieuses ; et sur une population de plus
de 180,000 Indiens, 62,000 tributaires.
i
m
Les villes les plus remarquables de cette
intendance sont les suivantes :
Guanaxuato, ou Santa-Fe de Goanajoalo.
La construction de cette ville fut com-
mencée par les Espagnols en i554. Elle
reçut le privilège rojal de villa en 1619;
celui de ciudad, le 8 décembre 1741. Sa'
population actuelle est :
Q.86 LIVRE III,
dansTanceinle de la ville (en cicascn dt*
la ciiidad) l\i,ooiy
dans les mines qui environnent
la ville, et dont les édifices y
sont contigus, à Marfîl , Santa
Ana, Santa Rosa , Valenciana,
Rayas et Mellado 29,600
70,600
parmi lesquels il y a /|.5oo Indiens. Hauteur
delà ville, à la plaza mayor, 2084. mètres.
Hauteur de Valenciana , au bord du puits
nouveau (tiro niievo) , 23i3 mètres. Hauteur
de Rayas, à la bouche de lagalerie, 2 1 57 mè-
tres. Population , 70,600.
Salamanca, jolie petite ville, située dans
une plaine qui s'élève insensiblement par
Temascatio , Burras et Guevas , vers
Guanaxuato. Hauteur, 1767 mètres.
Celaya. Ou a récemment élevé des édifices
somptueux à Celaya, à Queretaro et à
Guanaxuato. L'église des Carmes, àCelavii.
est d'une belle ordonnance, ornée de
colonnes d'ordre corinthien et ionique.
Hauteur, i835 mètres.
Villa de Léon, dans une plaine éminemment
CHAPITRE VIII.
87
fertile en blé. C'esl depuis celle ville jusqu'à
San Juan del Rio que l'on trouve les plus
I>ellesculturesenfromen.,enorgeclenn.aï.s.
ï>AN SIicuEL EL GftAM.E, célèbre par Tin-
dustrie de ses babitans, qui labriqueut des
toiles de colon.
On Irouvc dans celte province les eaux
dmudes de San José rie Co.nangillas , qui
sortent d'une brèche basaltique , et dont la
température ( solo,, u.es expériences faites
çon,o.ntement avec M. Roxas ) est de 960,5
du thermomètre centigrade.
2SS
LIVRE III
7
IV. Intendance de Valladolid.
Population en i8o3 : 376,400.
Etendue de la surface en lieues carrées : 544G.
Habitans par lieue carrée : 10g.
Cette intendance, du temps de la conquête
des Espagnols, l'aisoit partie du royaume de
Michuacan (Mechoacan) , qui s'ctendoit depuis
le Rio de Zacatula jusqu'au port de la Na-
vidad, et depuis les montagnes de Xala et de
Colima jusqu'à la rivière de Lerma et au lac
de Chapala. La capitale de ce royaume de
Michuacan, qui de tout temps (comme les
républiques de Tlascallan , Huetxocingo et
Cholollan ) fut indépendant de l'empire
mexicain, étoit Tzintzontzan, ville située sur
les bords d'un lac infiniment pittoresque ,
appelé lac de Patzquaro. Tzintzontzan, que les
Aztèques, habitans de Ténoclilitlan, nom-
mèrent Huitzitzila, n'est aujourd'hui qu'un
pauvre village indien , quoiqu'il ait conservé
le titre fastueux de cité (ciudud).
L'intendance de Valladolid, que, dans le
pays, on appelle vulgairement celle de
D.
544^3.
quêle
lie de
lepuis
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ne de
ne les
^o et
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lans le
le de
3S
CHAPITRE VIII. 289
Michuacan , est limitée au nord par le Rio de
Lerma , qui, plus à l'est, prend le nom de Rio
Grande de Santiago. Elle touche , à l'est et au
nord-est , à l'intendance de Mexico ; au nord,
à celle de Guanaxuato; à l'ouest, à celle de
Guadalaxara. La plus grande longueur de la
province de Valladolid est de 78 lieues ,
depuis le port de Zacatula jusqu'aux mon-
tagnes basaltiques de Palangeo; par consé-
quent dans la direction du sud-sud-est au
nord-nord-est : elle est baignée par les eaux
de la mer du Sud , sur une étendue de côtes
de plus de 38 lieues.
Située sur la pente occidentale de la Gordil-
lère d'Anahuac, entrecoupée de collines et de
vallées charmantes , offrant à l'œil du voyageur
un aspect peu commun sous la zone torride ,
celui de prairies étendues et arrosées de ruis-
seaux, la province de Valladolid jouit, en
général , d'un climat doux , tempéré et
extrêmement favorable à lasaiîté des habitans.
Ce n'est qu'en descendant le plateau d'Ario,
en approchant de la cote, que l'on trouve
des terrains dans lesquels les nouveaux colons^
et souvent même les indigènes, sont exposés
au fléau des fièvres intermittentes et putrides.
II. 19
U)0 MVRE m,
La cime de monlagne la plus élevée de
riiilendance de Valladolid est le \nv. de 7\tn^
cittd'o, à l'est de Tuspan. Je n'ai pas pu le
voir d'assez près pour en faire une mesure
exacte ; mais il est certain qu'il est plus haut
que le volcan de Colina, et qu'il se couvre
plus souvent de neif^e. A l'est du pic de Tan-
citaro, s'est formé, dans la nuit du 29 sep-
tembre 175^9, le volcan de Jorulhi (XoruUo
ou Juniyo ) , dont nous avons parlé plus haut ',
et dans le cratère duquel nous sommes par-
venus, M. Bonpland et moi, le 19 septembre
de l'année i8o3. La grande catastrophe dans
laquelle cette montagne est sortie de terre , et
par laquelle un terrain d'une étendue consi-
^ Cliap. Ht, T. J/' , p. 3o3, et Géographie des
plantes, p. i3o, étlil. iii-'i.*' Les hauteurs que j'indique
au'iourd'hui se TuiKleiit sur la tbrniulc hnromc trique
de M. Laplacc : elles sont le résultat du dernier travail
de M. Oltmanns; elles dillèrent quelquefois de 20 «i
3() mètres de celles consignées dans la Géographie des
plantes, qui a été rédigée peu de mois après mon
retour eu Europe, à une époque où il éloit impossible
dt; donner à un si grand nombre de calculs toute la
précision dont ils sont susceptibles. ( Yojez la noie
écrite au mois de nivôse de l'an i3, à la fin de la
Géographie des plantes , p. 14/.) .
de
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CHAPITRE Vm. 291
dérahlc a lolaleinent chanj^é de face, est
]>eul-étre une des révolutions physiques les
plus extraordinaires que nous présentent les
annales de Thistoire de notre planète '. La
géolof»ie désigne les parages de l'Océan où,
à des époques récentes, depuis deux uiille ans,
près des Aeores, dans la nier Egée, et au sud
de l'Islande, des îlots volcaniques se sont
élevés au-dessus de la surface des eaux : mais
elle ne nous offre aucun exeuiple où, dans
l'iiiiérieur d'un continent , à 36 lieues de
dislance des cotes , à plus de 42 lieues d'éloi-
gnenient de tout autre volcan actiF, il se soit
formé soudainement, au centre d'un millier
de petits cônes enflammés, une montagne de
scories et de cendres, haute de 617 mètres,
en ne la comparant qu'au niveau ancien des
* Slrabon rapporte [édit. Âlnt. , T. I.*"", p. 10a) que",
dans les plaines voisines de Methone , au bord du
{^olie d'Hermione , une explosion volcanique fit naître
une montagne de scories ( un monte nouo ) à laquelle
il attribue la hauteur énorme de sept stades-, ce qui^
dans la supposition des stades olympiques ( Voyage d&
Néarque , par M. "Vincent , p. 56), feroit 1249 mètres.
Quelque exagérée que soit cette assertion , le iait
{géologique mérite sans doute de fixer l'attention des
voyageurs.
292 LIVRE in,
plaines voisines. Ce phénomène remarquable
a été chanté en hexamètres latins, par un père
jésuite, Raphaël Landivar, natif de Guatiniala.
L'abbé Glavigero * en a fait mention dans
l'histoire ancienne de sa patrie ; et cependant
il est resté inconnu aux minéralo«^istes et aux
physiciens de l'Europe, quoiqu'il n'ait encore
que cinquante années de date , et qu'il ait eu
lieu à six journées de distance de la capitale de
Mexico, en descendant du plateau central
vers les côtes de la mer du Sud.
Une vaste plaine se prolonge depuis les
collines d'Aguasarco jusque vers les villages
de Teipa et de Petatlan , également célèbres
par leurs belles cultures de coton. Entre les
Picachos del Mortero y les Cerros de las
Ciievas et de Cuiche ^ cette plaine n'a que
760 à 800 mètres de hauteur au-dessus du
niveau de l'Océan. Des cônes basaltiques
s'élèvent au milieu d'un terrain dans lequel
domine le porphyre à base de griinstein.
Leurs cimes sont couronnées de chênes tou-
jours verts , à feuillage de lauriers et d'oliviers ,
* Storia aniica di Messico , Vol. I , p. 42 , et
Rusticatio Mexicana ( poëme du père Landirar , dont
]a seconde édition a paru à Bologae f en 1 78a ) ^ p. 17.
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CHAPITRE VIII. 293
entremêlés parmi de petits palmiers à feuilles
flabelliformes. Cette belle végétation contraste
singulièrement avec l'aridité de la plaine , qui
a été dévastée par l'effet du feu volcanique.
Jusqu'au milieu du dix-huitième siècle , des
champs cultivés en canne à sucre et en idigo
s'étendoient entre deux ruisseaux appelés
Cuitimba et San Pedro. Ils étoient bordes par
des montagnes basaltiques , dont la structure
semble indiquer que tout ce pays, à une
époque très-reculée, avoit déjà été bouleversé
plusieurs fois par des volcans. Ces champs ,
arrosés avec art , appartenoient à l'habitation
( hacienda ) de San Pedro de Jorullo , une
des plus grandes et des plus riches du pays.
Au mois de juin de l'année ly^Q un bruit
souterrain s'y fit entendre; des mugissemcns
épouvantables ( bramidos ) fuient accom-
pagnés de fréquens tremble mens de terre :
ils se succédèrent pendant 5o à 60 jours , et
plongèrent les habitans de Y hacienda dans la
plus gi^ande consternation. Depuis le com-
mencement du mois de septembre tout
sembloit annoncer une tranquillité parfaite ,
lorsque, dansla nuit du 28 au 29, un horrible
fracas souterrain se manifesta de nouveau.
294 LIVRE III,
Les Indiens épouvantés se sauvèrent sur les
montagnes d'Aguasarco. Un terrain de 5 à
4 milles carrés , que l'on désigne par le nom
de Malpajs, se souleva en forme de vessie.
On distingue encore aujourd'hui , dans des
couches fracturées, les limites de ce soulève-
ment. Le Malpajs , vers ses bords, n'a que
12 mètres de hauteur au-dessus du niveau
ancien de la plaine, appelée las Play as de
Jorullo. Mais la convexité du terrain aug-
mente progressivement vers le centre jusqu'à
i6o mètres d'élévation.
Ceux qui, de la cime d'Aguasarco , ont été
témoins de cette grande catastrophe, assurent
que l'on vit sortir des flammes sur une étendue
de plus d'une demi -lieue carrée^ que des
fragmens de rochers incandescens furentlancés
à des hauteurs prodigieuses, et qu'à travers
une nuée épaisse de cendres, éclairée par le
feu volcanique , semblable à la mer agitée ,
on crut voir se gonfler la croûte ramollie de
la terre. Dès-lors les rivières de Cuitimba et
de San Pedro se précipitèrent dans les cre-
vasses enflammées. La décomposition de l'eau
contribuoit à ranimer les flammes : on les dis-
tingua à la ville de Pascuaro , quoique située
CHAPITRE Mil.
3(j;>
juir un plaleau 1res -laitue, et élevée de
i^oo mètres au-dessus des plaines de las
Plajas de Jorullo. Des éi'uptions boueuses ,
surtout des couches d'argile rpii enveloppent
des boules de basalte décomposées, à couches
concentriques , semblent indirpier que des
eaux souterraines ont joue un rôle très-im-
portant dans celle révolution extraordinaire.
Des milliers de petits cônes ^ qui n'ont que
2 à 5 mètres de hauteur, et que les indigènes
appellent des Jours ( hornitos ) , sortirent de la
voûte soulevée du Malpajs. Quoique, depuis
quinze ans, d'après le témoignage des Indiens,
la chaleur de ces Tours volcaniques ait beau-
coup diminué , j'y ai encore vu monter le
thermomètre à 96**, en le plongeant dans des
crevasses qui exhalent une vapeur aqueuse.
Chaque petit cône est unefitmarole de laquelle
s'élève une fumée épaisse jusqu'à 10 ou 1 5 mè-
tres de hauteur. Dans plusieurs on entend un
bruit souterrain qui paroît annoncer la proxi-
mité d'un fluide en ébullition.
Au milieu des fours, sur une crevasse qui
se dirige du nord-nord-est au sud-sud-est,
sont sorties de terre six grandes buttes toutes
élevées de 4 à 5oo mètres au-dessus de l'an-
296 LIVRE III,
cien niveau des plaines. C'est le phénomène
du Monte Novo de Naples , répété plusieurs
fois dans une rangée de collines volcaniques.
La plus élevée de ces buttes énormes, qui rap-
pellent les pnjs de l'Auvergne , est le grand
volcan de Jorullo. Il est constamment en-
flammé, et il a vomi, du côté du nord, une
immense quantité de laves scorifiées et basal-
tiques qui renferment des l'ragmens de roches
primitives. Ces grandes éruptions du volcan
central ont continué jusqu'au mois de février
de l'année 1760. Dans les années suivantes
elles sont devenues progressivement plus rares.
Les Indiens , épouvantés du fracas horrible
causé par le nouveau volcan , avoient d'abord
abandonné les villages situés à sept ou huit
lieues de distance des Playas de Jorullo. Ils
s'accoutumèrent en peu de mois à ce spectacle
effrayant. Retournés dans leurs chaumières,
ils descendirent vers les montagnes d'Agua-
sarco et de Santa Inès, pour admirer les
gerbes de feu lancées par une infinité de
grandes et de petites bouches volcaniques.
Les cendres alors couvroient les toits des
maisons deQueretaro , à plus de Lfi lieues de
distance en ligne droite du lieu de l'explosion.
CHAPITRE VIII. 297
Quoique le feu souterrain paroisse peu aclif *
en ce nnoinent, et que le Malpays et le grand
volcan commencent à se couvrir de végétaux ,
nous trouvâmes pourtant l'air ambiant telle-
ment échauffé par l'action des petits fours
* Nous trouvâmes, «lans le fond du cralëre, l'air Ji
47°; en quelques endroits à 5W* et 60". Nous eûmes h
passer sur des crrvass«'s qui exlialoient des vapeurs
sulfureuses j et dans lesquelles le Uiermomètre raootoit
à 85". Le passage de ces crevasses et les amas de
scories qui couvrent des creux considérables, rendent
la descente dans le cratère asst^z dangereuse. Je réserve
le détail de mes recherches géologiques sur le volcan
de Jorullo, pour la Relation historique de mon voyage.
L'Atlas qui accompagnera cette Relation contiendra
trois planches : 1 .^ la vue pittoresque du nouveau
volcan , qui est trois fois plus élevé que le Monte Novo
de Pouzzole, sorti de terre en i538, presque sur les
bords de la Méditerranée j 2." la coupe verticale ou le
profil du Malpajs et de toute la partie soulevée ; 3.° la
carte géographique des plaines de Jorullo , dressée au
moyen du sextant, et en employant la méthode des
bases perpendiculaires et des angles de hauteur. Les
productions volcaniques de ce terrain bouleversé se
trouvent dans le cabinet de l'Ecole des mines à Berlin.
Les plantes cueillies dans les environs font partie des
herbiers que )'ai déposés au Muséum d'histoire natu-
relle à Paris.
m^
•>AjH LIVRK m,
(hnriutos)y que, Irès-éloigné du sol, et à
l'ombre, le iherniomëtre monta à 45<^. Ce lait
pnroit prouver qu'il n'y a pas d'exagération
dans le témoignage de quelques vieux Indiens
qui rapportent que , plusieurs années après la
première éruption , même à de grandes dis-
tances du terrain soulevé, les plaines de
.lorulloétoient inhabitables à cause de l'exces-
sive chaleur qui y régnoit.
On montre encore au voyageur, auprès du
Cerro de Santa lîïès, les rivières de Guitimbu
et de San Pedro , dont les eaux limpides arru-
soient jadis la canne à sucre cultivée dans
riiabitation de Don André Pimenlel. Ces
sources se sont perdues dans la nuit du 29 sep-
tembre 1759; mais plus à l'ouest, à une dis-
tance de 2000 mètres , d.ms le terrain soulevé
même, on voit au je x^d'hui deux rivières qui
brisent la voûte argileuse des hornitos y et se
présentent comme des eaux thermales dans
lesquelles le thermomètre monte à 52*^,7. Les
Indiens leur ont conservé les noms de San
Pedro et de Cuitimba , parce que , dans plu-
sieurs parties du Malpays , on croit entendre
couler de grandes masses (l'eau dans la direc-
tion de l'est à l'ouest, depuis les montagnes de
CHAPITUE VIII. 9A)()
Santa Inès, vers Vhacicncla de la Prosrnh,-
cion. Près de cette habitation il y a un ruisseau
qui dégage de l'hydrogène sulfureux. Il a
plus de 7 mètres de large , et c'est la source
hydrosulfureuse la plus abondante que j'aie
jamais observée.
Selon l'opinion des indigènes, ces change-
mens extraonlinaires que nous venons de
décrire, cette croûte de la terre soulevée et
crevassée par le l'eu volcanique , ces mon-
tagnes de scories et de cendres amoncelées,
sont l'ouvrage des moines , le plus grand sans
doute qu'ils aient produit dans les deux hémi-
sphères! Aux Play as de Jorullo , dans la
chaumière que nous habitions , notre holc
intlien nous rac'onta qu'en 17% des capucins
en mission prêchèrent à l'habitation de San
Pedro , mais que n'ayant pas trouvé un accueil
favorable ( ayant dîné peut-être moins bien
qu'ils ne s'y attendoient) , ils chargèrent cette
plaine, alors si belle et si fertile, des impré-
cations les plus horribles et les plus com-
pliquées ; ils prophétisèrent que d'abord
l'habitation seroit engloutie par des flammes
qui sortiroient de terre, et que plus tard l'air
ambiant se réfroidiroit à tel point que les
H
3oo
LIVRE m
montagnes voisines resteroient clerncllement
couvertes de neiges et de glaces. La première
de ces malédictions ayant eu des suites si
funestes, le bas-peu[)le indien voit déjà dans
le rérroidissement progessif du volcan, le
présage sinistre d'un hiver perpétuel. J'ai cru
devoir citer cette tradition vulgaire , digne
de figurer dans le poëme épique du jésuite
Landivar, parce qu'elle ajoute un trait assez
piquant au tableau des mœurs et des préjugés
de ces pays éloignés. Elle prouve l'industrie
active d'une classe d'hommes qui, abusant
trop souvent de la crédulité du peuple , et
feignant de suspendre par leur influence les
lois immuables de la nature, savent profiter
de tout pour fonder leur empire par la crainte
des maux physiques.
La position du nouveau volcan de Jorullo
donne lieu à une observation géologique
très-curieuse. Nous avons déjà remarqué plus
haut , dans le troisième chapitre , qu'il existe
à la Nouvelle-Espagne xmpamllèle des grandes
élévations j ou une zone étroite contcime entre
les 18" 69', et les 19" 12' de latitude, dans
laquelle sont situées toutes les cimes d'Anahuac
qui s'élèvent au-dessus de la région des neiges
CHAPITRE Vin.
3o
perpétuelles. Ces cimes sont ou des voici) ns
encore actuellement enflummés , ou des mon-
tagnes dont la forme ainsi que la nature de
leurs roches rendent infiniment probable
qu'elles ont recelé jadis un feu souterrain.
En partant des cotes de la mer des Antilles ,
nous trouvons de Test à Touesl le pic d'Ori-
zaba , les deux volcans de la Pue bla , le Ne vado
de Toluca , le pic de Tancitaro et le volcan de
Golima. Ces grandes hauteurs, au lieu de
former la crête de la Cordillière d'Anahuac
et de suivre sa direction , qui est du sud-est
au nord-ouest, sont, au contraire, placées
sur une ligne qui est perpendiculaire à l'axe
de la grande chaîne de montagnes. Il est
sans doute très-digne d'être observé que ,
Tannée lySg, le nouveau volcan de JoruUo
se soit formé dans le prolongement de cette
ligne, sur ce même parallèle des anciens
volcans mexicains.
Un coup d'œil jeté sur mon plan des en-
virons de JoruUo prouve que les six grandes
buttes sont sorties de terre sur un filon qui
traverse la plaine depuis le Gerro de las Cuevas
au Picacho del Mortero : les boche no^>e du
Vésuve se trouvent aussi rangées sur le
rangées
3o2
LIVRli iir
prolongement d'une crevasse. Ces analogies ne
nous donnent-elles pas le droit de supposer
qu'il existe dans cette partie du Mexique , à
une grande profondeur dans l'intérieur de la
terre, une crevasse dirigée de l'est à l'ouest,
sur une longueur de 107 lieues, et à travers
laquelle, en rompant la croûte extérieure des
roches porphyritiques , le feu volcanique s'est
fait jour, à différentes époques, depuis les
côtes du golfe du Mexique jusqu'à la mer du
Sud? Cette crevasse se prolongeroit-elle jus-
qu'au petit groupe d'îlesjappelé par M. Collnet
l'Archipel de Revillagigedo, et autour des-
quelles , sur le même parallèle des 7)olcans
mexicains y on a vu nager de la pierre ponce?
Desnaturalistes quidistinguent les faits qu'offre
la géologie descriptive, des rêveries théoriques
sur l'état primitif de notre planète, nous par-
donneront d'avoir consigné ces observations
sur la carte générale de la Nouvelle-Espagne
contenue dans l'Atlas mexicain. D'ailleurs ,
depuis le lac de Cuiseo, qui est chargé de
muriate de soude , et qui exhale de l'hydro-
gène sulfuré, jusqu'à la ville de Valladolid,
sur une étendue de terrain de 4o lieues car-
rées , il y a une grande quantité de sources
CHAPITRE VIII.
3o3
cbaiules qui ne contiennent généralement que
de l'acide aiuriatique , sans vestiges de sulfates
terreux ou de sels métalliques : telles sont les
eaux thermales de Chucandiro, de Cuinclie,
de San Sébastian et de San Juan Tararamco.
L'étendue de l'intendance de Valladolid
est d'un cinquième plus petite que celle de
l'Irlande; mais sa population relative est deux
fois plus grande que celle de la Finlande. On
compte dans cette proyinceiy ciudades (Valla-
dolid , Tzintzontzan et Pascuaro), 3 in/Zas
( Citaquaro , Zamora et Charo ) , 263 villages ,
2o5 paroisses et 326 métairies. Le dénombre-
ment imparfait de lygS donna une population
totale de 289,014 âmes, parmi lesquelles se
trouvèrent 4oj^99 blancs mâles, 09,081 blancs
femelles, 6i,352 Indiens, 58,oi6 Indiennes,
i54 religieux, i38 religieuses, et 295 indi-
vidus du clergé séculier.
Les Indiens qui habitent la province de
\ alladolid forment trois peuples d'une origine
différente : les Tarasques , célèbres au seizième
siècle par la douceur de leurs mœurs , par
leur industrie dans les arts mécaniques, et
par l'harmonie de leur Jangue riche en
voyelles; les Otomites, tribu encore aujour-
3o/| LIV«1£ III,
d'hui très - arriérée dans la civilisation , et
parlant une langue pleine d'aspirations nasales
et gutturales; les Chichimèques, qui, comme
les Tlascaltèques , les Nahuatlaques et les
Aztèques , ont conservé la langue mexicaine.
Toute la partie méridionale de Tintendance
de Valladolid est habitée par des Indiens : on
n'y rencontre dans les villages d'autre figure
blanche que celle du curé , qui souvent aussi
est Indien ou mulâtre. Les bénéfices y sont si
pauvres , que l'évêque de Michoacan a la phis
grande difficulté de trouver des ecclésiastiques
qui veuillent se fixer dans un pays où Ton
n'entend presque jamais parler l'espagnol , et
où, le long de la côte du grand Océan, les
curés atteints par les miasmes contagieux des
fièvres malignes, périssent souvent après un
séjour de sept ou huit mois.
. La population de l'intendance de Valladolid
a diminué dans les années de disette de 1786
et 1790 : elle auroit bien plus souffert encore,
si l'évêque respectable dont nous avons parlé
au sixième chapitre , n'avoit fait des sacrifices
extraordinaires pour soulager les Indiens :
il perdit volontairement, eu peu de mois,
la somme de 260,000 francs , en achetant
CHAPITRE vnr. 3o5
5o,ooo fancgues de maïs, qu'il revendit à vil
prix pour contenir l'avarice sordide de plu-
sieurs riches propriétaires qui, à l'époque
des calamités publiques, cherchoient à pro-
fiter de la misère du peuple.
Les endroits les plus remarquables de la
province de Valladolid sont les suivans :
Valladolid de Migtioacan, capitale de
l'intendance , siège d'un évéque, jouissant
d'un climat délicieux. Sa hauteur au-dessus
du niveau de la mer est de igSo mètres, et
cependant, à cette hauteur si médiocre, et
sous les 19042' de latitude, on a vu tomber
de la neige dans les rues de Valladolid. Cet
exemple d'un refroidissement ' subit de
l'atmosphère, causé sans doute par un vent
du nord, est bien plus frappant que la nelo-e
tombée dans les rues de Mexico , la veifle
de l'enlèvement des pères jésuites. Le nouvel
aqueduc par lequel la ville reçoit l'eau do-
table , a été construit aux frais du dernier
* Voyez T. I.", p. 299, et ma Géographie de9
plantes, p. ii3, éclil. iii-4.*
II.
20
3oG
LIVRE III
évêque, Fray Antonio de San Miguel; il
lui a coûté près d'un demi-million de francs.
Population f 18,000.
pAscuARo, sur les bords du lac pittoresque
de ce nom , vis-à-vis du village indien de
Janicho , situé à une petite lieue de dis-
tance^ sur un îlot charmant au milieu du
lac. C'est à Pascuaro que reposent les
cendres d'un homme très-remarquable , et
dont la mémoire, depuis deux siècles et
demi, est vénérée parles Indiens, du fa-
meux Vasco de Quiroga , premier évéque
de Miclioacan , mort en i556, au villaire
d'Uruapa. Ce prélat zélé , que les indigènes
■ appellent encore aujourd'hui leur père
( Tata Don Vasco) , a eu plus de succès
en protégeant les malheureux habitans du
Mexique , que le vertueux évéque de
Chiapa, Bartholomée de las Casas. Quiroga
devint surtout le bienfaiteur des Indiens
tarasques, dont il encouragea l'industrie:
il prescrivit à chaque village indien une
branche de commerce particulière. Ces
institutions utiles se sont conservées en
grande partie jusqu'à nos jours. Hauteur de
Pascuaro, 3200 mètres. Population , 6000.
CHAPITRE vni. 3o^
Tzi^TzoNTZAN OU HuiTziTziLLA , l'ancienne
capitale du royaume de Michoacan, dont
nous avons parlé plus haut. Popul, 2600.
L'intendance de Valladolid contient les
mines de Zitaciuaro , d'Jngangueo , de
Tlapuxahua, du Real dal Oro et d'Inguaran
i\
20*
3o8
Livr.E m,
V. Intendance de Guadalaxara.
Population en i8o3 : 65o,5oo.
Etendue de la surface en lieues carrées: 961 2.
Habitans par lieue carrée : 66.
Cette province , partie du royaume de
Nueva GiJicia , a presque deux fois plus
d'étendue que le Portugal, avec une popu-
lation qui est cinq fois plus petite : elle
confine au nord , aux intendances de Sonora
et de Durango ; à l'est , à celles de Zacatecas
et de Guanaxuato ; au sud , à la province de
Valladolid ; et à l'ouest, sur une longueur de
côte de 123 lieues, à l'Océan Pacifique : sa
plus grande largeur est de 100 lieues, depuis
le port de San Blas jusqu'à la ville de Lagos ;
sa plus grande longueur est, du sud au nord,
depuis le volcan de Golima jusqu'à San Andres
Teul, de 118 lieues.
L'intendance de Guadalaxara est traversée,
de l'est à l'ouest, par le Rio de Santiago,
rivière considérable qui communique ivec
le lac de Chapala , et qui un jour ( lorsque
la civilisation aura augmenté dans ces pays).
CHAPITRE VIIT. 3o()
pourra devenir intéressante pour la naviga-
tion intérieure, depuis Salanianca et Zelaya,
jusqu'au port de San Blas.
Toute la partie orientale de cetle province
occupe le plateau et la pente occidentale des
Cordillères d'Anahuac. Les régions maritimes,
surtout celles qui s'étendent du coté de la
grande baie de Bayonne, sont couvertes de
forêts, et fournissent de superbes bois de
construction : mais les habitans y sont exposés
à un air malsain et excessivement chaud. L'in-
térieur du pays jouit d'un climat tempéré et
favorable à la santé.
Le volcan de Colima , dont la position n'a
point encore été déterminée par des observa-
tions astronomiques , est le plus occidental
des volcans de la Nouvelle-Espagne , qui sont
placés sur une même ligne , dans la direction
d'un parallèle : il jette souvent des cendres et
de la fumée. Un ecclésiastique éclairé , qui ,
long-temps avant mon arrivée au Mexique ,
jj avoit fait plusieurs mesures barométriques
très-exactes, Don Manuel Ahad y grand-
vicaire de Tévêché de Michoacan , évalue
l'élévation du volcan de Colima au-dessus du
niveau de TOcéan, à 2800 mètres. « Cette
M
h
3io tivi\E ni,
* montagne isolée, observe M. Abad, ne
" paroît que d'une hauteur médiocre , en
« comparant sa cime au sol de Zapotilli et
w Zapotlan , deux villages élevés de 2000 vares
« au-dessus des côtes. C'est depuis la petite
« ville de Colima que le volcan se présente
tt dans toute sa grandeur: il ne se couvre de
« neige que lorsque, par l'elFet des vents du
« nord, il en tombe dans la cLiiine des mon-
« tagnes voisines. Le 8 décemhre 1788, le
<t volcan fut couvert de neige presque à
« deux tiers de sa hauteur ' ; mais cette neige
« ne se conserva pendant deux mois que sur
« la pente septentrionale de la montagne, du
« côté de Zapotlan. Au commencement de
l'année 1791 , j'ai fait le tour du volcan par
Saluya, Tuspan et Columa , sans qu'il y
*< eût la moindre trace de neige à sa cime. »
D'après un mémoire manuscrit commu-
u
tt
* Supposons que la neige ne couvrît le volcan qu'à
la moitié de sa hauteur : or , il tombe quelquefois de
la neige dans la partie occidentale de la IS'ouvelle*
Espagne , sous la latitude de 18 à 20 degrés , à
1600 mètres dVlévalion. Ces considérations météoro-
logiques donneroient à peu près 320o mètres pour ]a
hauteur du volcan de Colima.
riïApiir;E \iri.
3ii
nique au tribunal du consulaclo de Vcra-
Ciuz par l'intendant de Guadalaxara, h
valeur des produits de l'agriculture de cette
intendance monta, en 1802 , à 2,699,000 p-
(près de i3 millions de francs), parmi les-
quels on comptoit i,()07,oooy^//ze^y/^dc maïs,
4û,ooo cai'gas de froment, 17,000 tardas de
coton (letercio à 5 piastres) et 20,000 livres
de cochenille d'Autlan (à 5 francs la livre).
La valeur de l'industrie manufacturière fut
évaluée à 5, 002, 200 piastres, ou à 16 millions
et demi de francs.
La province de Guadalaxara a 2 ciudades^
6 villas et 022 villages. Les mines les plus
célèbres sont celles de Bolanos, d'Asientos
d'Ibarra, d'Hostotipaquillo , de Copola et
de Guichichila , près de Tepic.
Les villes les plus remarquables sont :
Guadalaxara, sur la rive gauche du Rio
de Santiago, résidence de l'intendant, de
l'évêque, et de la haute-cour de justice
{Âudlencia). Population, 19,600*
San Blas, port, résidence ^m DcparlemeaUs
3l2 LIVRE III,
de marina y à l'embouchure du Rio de San-
tiago. Les employés ( ojjiciales realcs) sont
à Tepic , petite ville dont le climat est moins
ardent et plus salubre. On a depuis dix
ans agile la question s'il seroit utile de
transporter les chantiers ^ les magasins et
tout le département de la marine, de San
Blas à Acapulco. Ce dernier port manque
de bois de construction : l'air y est sans
doute aussi malsain qu'à San Blas; mais le
changement projeté, en favorisant la con-
centration des forces navales, laciliteroit
au gouvernement et la connoissance des
besoins de la marine, et les moyens d'y
subvenir.
CoMPo?T'T3LA , au sud de Tepic. C'est au
nord-oue.'.t de Compostela, comme dans
les parlidos d'Autlan , Ahuxcatlan et Aca-
poneta , que l'on cultivoit jadis un tabac
d'une qualité supérieure,
Aguas Calientes, au sud des mines de
los Asientos d'Ibarra, petite ville très-
peuplée.
Villa de la Purificacion, au nord -ouest
du port de Guatlan, appelée jadis Santiago
de Buena Ësperanza^ et célèbre par le
CHAPITRE VIII,
3i3
voyage de découvertes, fait en i532 par
Diego Hurtado de Mendoza.
Lagos , au nord de la ville de Léon, sur un
plaleau lertile en froment, sur les frontières
de l'intendance de Gnanaxuato.
CoLiMA , à deux lieues au sud du volcan de
Golima.
3i4
LIVr.K III
A'I. ÏNTENDAKCE DE Za GATE CAS.
J^npn /(/f ton rn iSoô: i55,3oo.
lùcnduc du la suri ace on lieues carrées : 225îJ,
liai ila/ts par lieue carrée : 6j.
Cet j r: province , sint^ulicremcntcKîpciiplôe,
oc.rnptMin Icrniin montagneux, aride, exposé
à nne inlenipéric conlinuelle de l'air : ses
liiuilos sont , au nord , l'intendance de Du-
rango; à l'est, celle de San Luis Potosi ; au
sud , la province de Guanaxuato , et à l'ouest,
celle de Guadalaxara : sa plus grande lon-
gueur est de 85 lieues ; sii plus grande
largeur , depuis Sonibrerete jusqu'au Ileal
de lianios , est de 5i lieues.
L'intendance *de Zacatecas a à peu près la
même étendue que la Suisse, à laquelle elle
ressemble sous plusieurs rapports gétdogiqucs.
La population relative est à peine aussi gTande
que celle de la Suède.
Le plateau qui forme le centre de l'inten-
dance de Zacatecas, et qui s'élève à plus de
aooo mètres de hauteur, est lonné de sicnile ,
roche si
valions (
de scliisi
{chlnrith
des moni
trapéen.
trouvent
et surlou
bornate ,
f('(/uU(jUi
f/uite , es
ïJes mûri,
iivocat de
ment fixé
^^ tcqnesq
entre Valli
<ie San IPr
à Acusquii
» Don Vie
1 Ecole des
très- intéressa
Mexico , T. 3
" Don Jo
hams taies d
(ouvrage qu
îivs-solùles)
ciiAPfrnr: viir.
roclie sur lacjuello, d'apirs les belles ohscM-
valiuns de M. lulmcia ', reposrnl deseoiKlus
(le schiste primilil' et de ehlorilo selnsleii e
[cJtlnrith-svhit'frr). Le seliisie foniie la hase
des inoiila«^"nes {\g ^ntiiw'tirhc v\ dtî j)()r|)lijr('
trapécn. Au nord de la m'IIo do /;i«\ileeas se
trouvent neurj)elits lacs ahondanscn nuniale
et surtout en carbonate de soude -. fie car-
bornate , que , de l'ancien mot ^mexicain
liujiiixqiiilit y on d('\si<^ne par h; nom teques-
quite , est d'un i;r;;nd emploi dans la lonle
des inuriates et des sulfures d'ar<''ent. Vjï\
avocat de Zacatecas , M. Garces ^ a récem-
ment fixé l'attention de ses compatriotes sur
le tequesquile , qui se trouve aussi à Zacualco ,
entre Valladolid et Guadalaxara ; dans la vallée
de San Francisco , près de San Luis Polt)si ;
àAcusquiico, près des mines de I3olanos; au
* Do7i Vîcente Valcnvia , élève (îo M. del Rio »;l <lt*
l'Jlcole des mines tic Mexico , a composé une d(;.scri|)lioii
très-intéressante des mines de Zucatecas. ( Guzclta cU
Mexico , T. XI , p. 4i 7 . )
^ Don Joseph Garces y Egiiia , del benejlvio de
hanis taies de oro y plata. Mexico, 1802, p. il et \<.^
(ouvrage qui annonce des connaissances chimiques
très-solides).
3x6 LIVRE III,
Chorro , près de Durango , et dans les cinq
lacs autour de la ville de Chihuahua. Le
plateau central de l'Asie n'est pas plus riche
en soude que le Mexique.
Les endroits les plus remarquables de cette
province sont :
Zacatecas, aujourd'hui, après Guanaxuato,
l'endroit de mines le plus célèbre de la
Nouvelle-Espagne. Sa population est au
moins de 33,ooo habitans.
Fresnillo , sur le chemin de Zacatecas à
Durango.
SoMBRERETE , chcf-licu , résidencc d'une Di-
putacion de mine ri a.
En outre des trois endroits nommés, l'in-
tendance de Zacatecas offre encore des filons
métallifères intéressans près de Sierra de
Pinos , Chalchiguitec , San Miguel del Mez-
quital et Mazapil. C'est cette province aussi
qui , dans la mine de la veta negra de
Soinbrerete y a offert l'exemple de la plus
grande richesse que jamais filon ait montré
dans les deux hémisphères.
CHAPITRE VIII. 3l
VIL Intendance d'Oaxaca.
7
Population en i8o3 : 534,8oo.
Étendue de la surf ace en lieues carrées : 4447*
Habitans par lieue carrée ; 120.
Le nom de cette province , que d'autres
géographes appellent moins correclement
Guaxaca , dérive dn nom mexicain de la
ville et de la vallée d*Huaxjacac, un des
chefs-lieux du pays des Zapotèques, et qui
étoit presque aussi considérable que leur capi-
tale de Teotzapotlan. L'intendance d'Oaxaca
est un de^î pays les plus délicieux de cette
partîedu globe. Beauté et salubrité du climat,
fertilité du sol , richesse et variété des pro-
ductions , tout y concourt pour le bien-être
des iiabitans. Aussi cette piovince a-t-elle été,
depuis les temps les plus reculés, le centre
d'une civilisation avancée.
Elle confiiie au nord , à l'in tendance de
Vera-Cruz ; à l'est, au royaume de Guatimala ;
à l'ouest, à la province de Puebla , et au sud ,
sur une longueur de côte de 1 1 1 lieues , au
grand Océan. Son étendue excède celle de
8
Livr.i: m
la Bohême et de la Moravie prises ensemble ;
sa population absolue est neui'ibis plus petite.
Sa population relative égale par conséquent
celle de la Russie européenne.
Le sol montaaneuxde l'intendance d'Oaxaca
contraste singulièrement avec celui des pro-
vinces de Puebla, de Mexico et de Valladolid.
Au lieu de ces couches de basalte, d'amygda-
loïde et de porphyre à base de griinslein ,
qui couvrent le sol d'Anahuac depuis les 18"
aux 22^^ de latitude , on ne voit dans les
montagnes de la Mixteca et de la Zc^^>oleoa
que du granité et du gneiss. La ^uauic de
montagnes de la formation de tr&pp ne re-
commence qu'au sud-est , sur les côtes occi-
dentales du royriuiiie de Guatemala. Nous ne
connoissoi^à la hauteur d'aucune des cimes
granitiques de l'intendance d'Oaxaca. Les
habitans de ce beau pays regardent comme
une des plus élevées le Cerro ae Senpualtepec,
près de Villalta , duquel on voit les deux mer«^
Cette étendue de l'horizon n'indiquerait c^
pendant qu'une hauteur de 255o mètres '. On
' Lliorizon \îsuel tVune monlagne de 255o mètres
«l'élévation a 3" ao' dt; diaiuèljc;. On a agrié la qucslion
CHAPITRE VllI. 3j9
prétend qu'on jouit du même spectacle im-
posant à la Ginetta , sur les limites des
évéchés d'Oaxaca et de Ghiapa , à 12 lieues
de dislance du port de Tehuantepec , sur
la grande route qui mène de Guatimala à
Mexico.
La végétation est belle et vigoureuse dans
toute la province d'Oaxaca , surtout à mi-
cote , dans la région tempérée , dans laquelle
les pluies sont très-abondantes depuis le mois
de mai jusqu'au mois d'octobre. Au village
de Santa Maria del Tule , à trois lieues de la
capitale , à l'est, entre Santa Lucia et Tlaco-
chiguaya , se trouve un énorme tronc de
cupressus dislicha ( sabino ) , qui a 06 mètres
de circonférence. Cet arbre antique est
par
conséquent plus gros que le cyprès d'At-
lisco, dont
le drat
nous avons
ronmer des îles <
pa
•lé
nus
haut
^ananes, et
que
que
tous
* -1
si tle la cime du Nevaùo de Toluca les deux mers
pourroicutêlre visibles. L'horizon visuel de ceUe mon-
tagne a 2° 21 ' ou 58 lieues de rayon , en ne supposant
cju'une réfraction ordinaire. Les deux côtes du Mexique,
qui se rapprochent le plus du Nevado , celles de Coyuca
et de Tuspan, s'en trouvent à une dislance de 54 et
fii licutw '
320
LIVRE m
les boababs ( adausoniae ) de l'Afrique. Mais
en rexaminant de près , M. Anza a observé
que ce qui excite l'admiralion des voyageurs
n'est pas un seul individu , et que trois troncs
réunis forment le fameux sabino de Santa
Maria del Tule.
L'intendance d'Oaxaca comprend deux
pays montagneux que , dès les temps les plus
reculés , on désigne sous les noms de Mixteca
et Tzapotcca, Ces dénominations, qui se sont
n^nservées jusqu'à nos jours , indiquent une
^ mde différence d'origine entre les indi-
gènes. L'ancien Mixtecapan se divise aujour-
d'hui dans la haute et basse Mialeca {Mixteca
alta j baxa). La limite orientale de la pre-
mière , qui est voisine de l'intendance de la
Puebla , se dirige depuis Ticomabacca , sur
Quaxiniquilapa , vers la mer du Sud. Elle
passe entre Colotepèque et Tamasulapa. Les
Indiens de la Mixteca sont un peuple actif,
intelligent et industrieux.
Si la province d'Oaxaca ne renferme pas
des monumens de l'ancienne architecture
aztèque aussi étonnans par leurs dimensions
que les maisons des dieux ( téocallis ) de Cho-
lula, de Papantla et de Téotihuacan , elle offre
les
avoii
faut
leszd
dans
plu à
ir.
GIIAPITHE VIII.
321
(lesruines d'édifices qui sontplus remarquables
à cause de leur ordonnance et de l'éléii'ance
de leurs orneraens. Les murs du palais de
Mitla sont décorés de grecques et de labj-
rintlies formés en mosaïque de petites pierres
porphyritiques. On y reconnoît le même
dessin que l'on admire sur les vases faussement
appelés étrusques , ou dans la frise du vieux
temple du Deus redicolus , près de la grotte
de la nymphe Egérie , à Rome. J'ai fait graver
une partie de ces ruines américaines , qui ont
été dessinées avec beaucoup de soin par le
colonel Don Pedro de la Laguna , et par un
architecte habile , Don Luis Martin. Si l'on
est justement frappé de la grande analogie
qu'offrent les ornemens du palais de Mitla ,
avec ceux employés par les Grecs et les
Romains , on ne doit pas pour cela se livrer
légèrement à des hypothèses historiques sur
les anciennes communications qui pourroient
avoir existé entre les deux continens. Il ne
faut point oublier que presque sous toutes
les zones ( comme j'ai tâché de le développer
dans un autre endroit ) les hommes se sont
plu à une répétition rhythmique des mêmes
formes qui constituent le caractère principal
iT. ai
333
LIVRE 111
de tout ce que nous appelons grecques ',
méandres, labyrinthes et arabesques.
Le village deMillas'appeloit jadis Mîguitlany
mot qui , en langue mexicaine , désigne un
lieu sombre , un lieu de tristesse. Les Indiens
Tzapotëques, le nomment Leoha , ce qui
signifie tombeau. En effet, le palais de Mitla ,
dont on ignore l'ancienneté , étoit , selon la
tradition des indigènes, et comme le mani-
feste aussi la distribution de toutes ses parties,
un palais construit au-dessus des tombeaux
des rois. G'étoit un édifice dans lequel le
souverain se reliroit pour quelque temps,
lors de la mort d'un fils, d'une épouse on
d'une mère. En comparant la grandeur de
ces tombeaux à la petitesse des maisons qui
servoient de demeure aux vivans , on diroit ,
avec Diodore de Sicile ( lib. I , c. 5i. ) , qu'il
y a des peuples qui érigent des monumens
somptueux pour les morts, parce que , regar-
dant cette vie comme courte et passagère.
* Le connoisseur le plus profond tles antiquités
égyptiennes, M. Zoega, a fait l'observation curieuse
que les Egyptiens n'ont jamais employé ce genre
<â'ornement.
. \
CHAPITKE Vin,
3a3
ils s'imaginent qu'il ne vaut pas la peine d'en
construire pour les vivans.
Le palais , ou plutôt les tombeaux de Mitla
forment trois édifices placés symétriquement
dans un site extrêmement romantique. L'édi-
fice principal est le mieux conservé , il a près
de 4o mètres de long. Un escalier pratiqué
dans un puits conduit à un appartement
souterrain qui a 27 mètres de long et 8 de
large. Cet appartement lugubre , destiné aux
tombeaux, est couvert des mêmes grecques
qui ornent les murs extérieurs de l'édifice.
Mais ce qui distingue les ruines de Mitla
de tous les autres restes de l'architecture
mexicaine , ce sont six colonnes de porphyre
placées au milieu d'une vaste salle, et soutenant
le plafond. Ces colonnes , presque les seules
trouvées dans le nouveau continent , mani-
festent l'enfance de l'art : elles n'ont ni bases
ni chapiteaux ; on n'y remarque qu'un simple
rétrécissement à la partie supérieure. Leur
hauteur totale est de cinq mètres; cependant
le fût en est d'une seule pièce de porphyre
amphiboîique. Des décombres amoncelés
pendant des siècles , cachent ces colonnes à
l)lus d'un tiers de leur hauteur. En les
31*
324 LIVKE m 5
découvrant , M. Martin a trouvé que cette
hauteur est égale à 6 diamètres ou à 12
modules. Il en résulteroit une ordonnance
qui seroit encore moins légère que celle de
l'ordre toscan, si le diamètre inférieur des
colonnes de Mitla n'étoit pas à leur diamètre
supérieur en raison de 3 à 2.
La distribution des appartemens dans l'in-
térieur de cet édifice singulier , offre des rap-
ports frappans avec celle que Ton remarque
dans les monumens de la Haute - Egypte ,
figurés par M. Denon et par les savans qui
composent l'Institut du Caire. M. de Laguna
a trouvé dans les ruines du Mitla des pein-
tures cuiieuses représentant des trophées de
guerre d des sacrifices. J'aurai lieu de revenir,
dans un autre endroit ( dans la Relation histo-
rique de mon voyage ) , sur ces restes d'une
ancienne civilisation.
L'intendance d'Oaxaca est la seule qui ait
conservé la culture de la cochenille ( coccus
cacti ) , branche d'industrie qu'elle partageoit
autrefois avec la province de la Puebla et
celle de la Nouvelle-Galice.
' La famille de Hernan Cortez porte le
titre da marqub de la vallée d'Oaxaca. Son
CHAPlTPvE VIII.
2;)
majorât est composé des quatre villas dal
marqiiesado, et de 49 ^iUages, qui reûfermeiit
une population de 17,700 habitans.
'•': iMiv^:
Les endroits les plus remarquables de cette
province sont :
Oaxaca ou Guaxaca, l'ancien Huaxyacac,
appelé Antequera au commencement de la
conquête. Tbiéry de Menonville ne lui
donne que 6000 habitans; mais par le
dénombrement fait en ^792 , on en a
trouvé 24400.
Tehuantepeg ou Teguantepèque , port situé
au fond d'une anse que l'Océan forme entre
les petits villages de San Francisco , San
Dionisio , et Santa TMaria de la Mar. Ce
port, défendu par une barre assez dange-
reuse, deviendra très-important un jour,
lorsque la navigation en général , et
surtout le transport de l'indigo de Gua-
timala seront plus fréquens par le Rio
Guasacualco.
San Antonio de los Cues , endroit très-
peuplé sur le chemin J'Orizaba à Oaxaca ^
326 LIVRE III,
célèbre par les restes d'anciennes fortifi-
cations mexicaines.
Les mines de cotte intendance que Ion
exploite avec le plus de soin , sont celles de
Villalta , Zolaga , Yxlepexi et Totomostla,
'* -^_
CHAPITRE VIIT.
3'?.7
VIII. I N T E N D A N C E DE IM E R I D A.
Population en i8o3 : 4C5,8oo.
Etendue de la surface en lieues carrées : S977.
Hahitans par lieue carrée ; 81.
Cette intendance, sur laquelle M. Gilbert '
nous a fourni des rensci;^neniens piérieux,
comprend la grande péninsule de Yucatan ,
située entre la baie de Canjpéclie et celle
d'Honduras. C'est par le cap Caloche, éloigné
de cinquante-une lieues des collines calcaires
du cap Sainl-Anloiiie , qu'avant l'irruption
de la mer des Antilles, le Mexique paroît avoir
été contigu à l'île de Cuba
' Cet observateur éclairé a parcouru une grande
partie des colonies espagnoles : il a eu le malheut
de perdre dans un naufrage, au sud de l'île de Cuba ,
entre les bas-fonds âes Jardins du roi, dont j'ai déter-
miné la position astronomique , les matériaux statis-
tiques qu'il avoit recueillis. Il est utile d'observer ici
que , sans connoîlre les données que je me suis procu-
rées, en évaluant lui- même le nombre des villages et
leur population, M. Gilbert avoit trouvé que le Yucataa
devoit contenir, en 1801, près d'un demi-millioa
d'habitans de toutes castes et de toutes couleurs.
3a8
LIVRi: III
Ln pro\inrc cle Merida confine au sud , au
royaume de Guntimala, et à l'est, à l'inten-
dance de Vera-Gruz, dont elle est séparée
par le JUo 13uraderas, appelé aussi la rivière
des Crocodiles ( Lagarlos ) ; à l'ouest , les
établissemens anglois s'étendent jusqu'à l'em-
boMchure du Rio Honda , au nord de la baie
d'Hanovre , vis-à-vis l'ile d'Ubero ( Amber-
greese Key ). Dans cette partie , Salamanca ,
ou le petit fort de San Felipe de Bacalar est
le point le plus austral de la côte habité par
les Espagnols.
La péninsule de Yucatan, dont la côte
septentrionale , depuis le cap Catoche , près
de l'île du Gontoy, jusqu'à la Punta de edras
(sur une longueur de quatre-vingt-ur ..ues)
suit exactement la direction du courant de
rotation , est une vaste plaine traversée , dans
son intérieur , du nord-ouest au sud-ouest ,
par une chaîne de collines peu élevées. Les
pays qui» s'étendent à l'est de ces collines,
vers les baies de l'Ascension et du Saint-
Esprit, paroissent être les plus fertiles ; aussi
ont-ils été jadis les plus habités. Les ruines
4'édifices européens que l'on découvre dans
l'île Cosuniel , au milieu d'un bosquet de
oiApiTT\r. vni. 3^9
palmiers, indiquent qu'au rommrncenient
de la conqnwlo mcmc , celle île , qui est
déserte aujourd'hui , fut pcu[)lée par des
colons espagnols. Depuis fjue les Anglois se
sont établis entre Ouio et Uio Uondo , le
gouvernement^ pour diminuer le eommerce
de contrebande , a concentré la population
espagnc)le et indienne dans la partie de la
péninsule qui est à l'ouest des montagnes du
Yucatan. Il n'est point permis aux colons de
se fixer sur la côte occidentale , sur les bords
du Rio Bacalar et sur Rio Hondo. Toute
cette vaste contrée est restée dépeuplée : on
n'y trouve que le poste militaire (presidio)
de Salamanca.
L'intendance de Merida est un des pays les
plus chauds et cependant un des plus sains
de l'Amérique équinoxiale. Cette salubrité du
climat doit sans doute être attribuée , dans le
Yucatan, comme à Goro, à Cumana et dans
l'île de la Marguerite , à l'extrême sécheresse
du sol et de l'atmosphère. Sur toute la côte,
depuis Campeche , ou depuis l'embouchure
du Rio de San Francisco jusqu'au cap Catoche,
le navigateur ne trouve pas une seule source
d'eau douce, Prèsdece dernier cap , la nature
33o LIVRE m,
a répété le même phénomène qui se présent*
au sud de File de Cuba, dans la baie de
Xaj^ua, et que j'ai décrit dans un autre en-
droit 'Sur îacôte septentrionale de Yucatan,
à Tembouchure du Rio Lagartos , à quatre
cents mètres du rivage, des sources d'eau
douce jaillissent au milieu des eaux salées.
On appelle ces sources remarquables les
Bouches ( Boccas ) de Coiiil. Il est probixble
que , par une forte pression hydrostatique ,
les eaux douces, après avoir brisé les bancs
de roche calcaire entre les fentes desquels
c^^es ont coulé , s'élèvent au-dessus du niveau
des eaux salées.
Les Indiens de cette intendance parlen la
langue maja, qui est très-gutturale, et de
laquelle il existe quatre dictionnaires asse*.
complets, rédigés par Pedro Beltran , Andrès
de Avendaiïo , Fray Antonio de Ciudad
Real et Luis de Villalpando. La péninsule de
Yucatan ne fut Mmais soumise aux rois
mexicains ou £ ztèques : cependant les premiers
conquérans , Bernai Diaz , Hernandez de
Cordova et le valeureux Juan de Grixalva ,
^ Dam mes Tableaux de la Nature, Vol. II , p> 1/4
«t 235.
\
iv>«
CHAPITRE VIII.
33 1
furent frappés de la civilisation avancée des
habitans de cette péninsule. Ils y trouvèrent
des maisons construites en pierres cimentées
avec de la chaux , des édifices pyramidaux
( téocallis ) qu'ils comparèrent aux mosquées
des Maures , des champs enclos de haies , un
peuple vêtu , policé , et très - différent des
indigènes deFilc deCuba. On découvre encore
aujourd'hui beaucoup de ruines , surtout de
monumens sépulcraux (giiacas ) à l'est de la
petite chaîne centrale des montagnes. Quelques
tribus d'Indiens ont conservé leur indépen-
dance dans la partie méridionale de ce terrain
montueux, que l'épaisseur des forets et la
force de la végétation rendent presque inac-
cessible.
La province de Merida , comme tous les
pays de la zone torride dont le sol ne s'élève
pas à i3oo mètres de hauteur au-dessus du
niveau de la mer, ne produit, pour la nour-
riture de ses habitans , que du mais et des
racines de jatropha et de dioscorea, mais
point de blé d'Europe, l es arbres qui four-
nissent le fameux bois de Gampêche ( Hœma"
toxjlon campechianum ^ L. ) croissent en
abondance dans plusieurs districts de cette
332
LIVRE III
intendance. Les coupes ( cortes de paîo Cam-
pcclw) se font iinnuellement sur les rives du
Rio Chainpoton, dont Tenibouchure est au
sud de la ville de Gampôche , à quatre lieues
du petit village de Lerma. Ce n'est qu'avec
une permission extraordinaire de l'intendant
de Merida , qui porte le titre de gouverneur
capitaine général, que les négocians peuvent,
de temps en temps, faire des coupes du bois
de Campée he à l'est des montagnes , près des
baies de l'Ascension , de Todos los Santos ,
et del Espirito Santo. C'est dans ces anses de
la cote orientale que les Anglois entretiennent
un commerce de contrebande aussi considé-
rable que lucratif. Le bois de Campêche ,
après avoir été coupé , doit sécher pendant
un an avant qu'on l'envoie à Vera-Cruz, à
la Havane ou à Cadix. Le quintal de ce bois
sec ( palo de tinta ) se vend à Campêche à
raison de 2 piastres ou 2 piastres et demi
( 10 fr. 5o c. à '1-2 fr. 88 c. ). L'haematoxylon ,
très-abondant dans le Yiiratan et sur la côte
d'IJonds^ras, se trouve d'ailleurs épars dans
toutes les forets de l'Amérique équinoxiale ,
partout où la température moyenne de l'air
n'est pas au-dessous de 22° du thermomètre
B
mmmi'im^
CHAPITRE VIII.
333
centigrade. La cote deParia, dansla province
de la Nouvelle-Andalousie, pourra un jour
faire un commerce considérable avec les bois
de Campèche et de Brésil ( Cœsalpinia ) ,
qu'elle produit en grande quantité.
Les endroits les plus remarquables de l'in-
tendance de Merida sont :
Merida de Yucatan, capitale, à lo lieues
dans l'intérieur des terres, dans une plaine
aride. Le petit port de Merida s'appelle
Sizal, à l'ouest de Chaboana , vis-à-vis un
banc de sable qui après de 12 lieues de
long. Population, 10,000.
Campèche , sur le Rio de San Francisco ,
a\ec un port qiû n'est pus très-sur. Les
vaisseaux sont obi i'jf^c de uiouiller loin du
rivat^e. En lanif-ue mava , cam siii^niQe
serpent, et pécheXa petit insecte (acarus)
appelé par les Espagnols. ,i,'v//v//^«7^/ ^ qui
perce la peau et cause des douleurs cui-
santes. Entre Campêclie et Merida se trou-
vent deux villages indiens très-considérables,
appelés Xampolan et Equetchecan. T ' x*
portation de la cire de Yucatan est une des
334 ^^"^^^^ "''
branches de conuiiertx' les plus lucratives.
La population habituelle de la vî?-e est
de (),o^^^^'
Y/LLADOLTD, peûle \ille dont Les environs
produisent beaucoup de coton , et d une
exccllenle qualité. Ce coton se vend ce-
pendant à l)as prix , parce qu'il a le grand
déiaul d'èlrc tics-adhérent à la graine. On
ne sait ])as le ne^over ( despepitnr ou
desmnlar) dans ie pays. Le fret absorbe
les de:ix tiers de sa valeur, à cause du poids
de la foraine.
CHAPITRE VIII.
335
IX. Inteîtdance de Vera-Gruz.
Population en 180^ : lï^e^ooo,
JK tendue de la surface en lieues carrées ; 4i4i.
Habitans par lieue carrée : ZS,
Cette province , située sous le ciel brûlant
des tropiques , s'étend le Ion- du golfe
mexicain, depuis le Rio Baraderas (ou de
los Lagartos ) jusqu'à la grande rivière de
Panrco , qui prend sa source dans les mon-
tagnes métallifères de San Luis Potosi : elle
embrasse par conséquent une partie très-
considérable de la cote orientale de la Nou.
vellc-Espagne. Sa longueur, depuis la baie
de Termmos, près de File delCarmen, jusqu'au
petit port de Tampico, est de ,210 lieues,
tandis que sa largeur n'est généralement que
de 25 à 28 lieues. Elle confine à l'est , à la
péninsule de Merida ; à l'ouest, aux inten-
dances d'Oaxaca , de Puebla et de Mexico •
ûu nord, à la colonie du Nouveau-Santander!
Un coup d'œil jeté sur la neuvième et la
douzième planche de mon Atlas mexicain
336
LIVRE III
fera voir la conformation extraordinaire de
ce pajs , qui jadis fut compris sous la déno-
mination de Cuetlachtlan. Uy a peu de régions
du nouveau continent , dans lesquelles le
voyageur soit plus frappé du rapprochement
des climats les plus opposés. Toute la partie
occidentale de l'intendance de Vera - Cruz
occupe la pente des Cordillères d'Anahuac.
Dans l'espace d'un jour les habitans y des-
cendent de la zone des neiges éternelles à ces
plaines voisines de la mer dans lesquelles
régnent des chaleurs suffocantes. Nulle part
on ne reconnoît mieux Tordre admirable
avec lequel les différentes tribus de végétaux
se suivent comme par couches les unes au-
dessus des autres , qu'en montant depuis le
port de la Vera-Cruz vers le plateau de Per ote.
C'est là qu'à chaque pas on voit changer la
physionomie du pays, l'aspect du ciel , le
port des plantes , la ligure des animaux , les
mœurs des habitans , et le genre de culture
auquel ils se livrent.
A mesure que l'on s'élève , la nature paroît
moins animée , la beauté des formes végétales
diminue , les tiges sont moins succulentes ,
les fleurs moins grandes , moins colorées.
es au-
îuis le
?erote.
ger la
lel , le
ux , les
culture
e paroît
évrétales
ilentes ,
olorées.
CHAPITRE VIÏI. 33^
L'aspect du chêne mexicain rassure le voya-
geur débarqué à la Vera-Cruz. Sa présence
lui indique qu'il a quitté cette zone justement
redoutée par les peuples du nord , sous
laquelle la fièvre jaune exerce ses ravages
dans la Nouvelle-Espagne. Cette même limite
inférieure des chênes avertit le colon habitant
du plateau central , jusqu'où il peut descendre
vers les cotes , sans craindre la maladie
mortelle du t;om/^o. Près de Xalapa , des forêts
de liquidambar annoncent , par la fraîcheur
de leur verdure , que cette hauteur est celle
à laquelle les nuages suspendus au-dessus de
l'Océan, viennent toucher les cimes basaltiques
de la Cordillère. Plus haut er«' ore, près de
la Banderilla, le fruit nourrissant du bananier
ne vient plus à maturité. Aussi, dans cette
région brumeuse et froide , le besoin excite
l'Indien au travail , et réveille son industrie.
A la hauteur de San Miguel , les sapins com*
mencent à s'entremêler aux chênes , et le
voyageur les trouve jusqu'aux plaines élevées
de Perote , qui lui offrent l'aspect riant de
champs semés en froment. Huit cents mètres
plus h^ut , le climat devient déjà trop froid
pour que les chênes puissent y végéter; les
II.
22
338 LIVRE III ,
sapiiis seuls y couvrent les rochers, dont les
cimes entrent dans la zone des neig-es éter-
nelles. C'est ainsi qu'en peu d'heures, dans ce
pays merveilleux , le physicien parcourt toute
l'échelle de la végétation, depuis l'héliconia
et le bananier, dont les feuilles lustrées se
développent dans des dimensions extraordi-
naires, jusqu'au parenchyme rétréci des arbres
résineux.
La province de Vera-Cruz est enrichie,
par la nature , des productions les plus pré-
cieuses. Au pied de la Cordillère, d. s les
forêts toujours vertes de Papantla, deNaulIa
et de Saint -André TuxtLi , croît la liane
(epidendrum vanilla), dont le fruit odori-
iérant est employé po*Ur parfumerie chocolat.
Près des villages indi(;n Je Colipa et de
Misantla se trouve la jelle convolvulact e
( convolvulus jalapaî ) . lont la racine tubé-
reuse fournit le jalap , un des purgatifs les
plus énergiques et les plus bienfaisans. Dans
la partie orientale de l'intendance de Vera-
Cruz, les forets qui s'étendent vers la rivière
de Baraderas produisent le myrte (myrlus
pimenta), dont la graine est une épice agréable,
et connue dans le commerce sous le nom du
CHAPITRE VIII. 339
pimicnta de Tahasco. Le cucao d'Acnjucan
seroit recherché , si les indigènes se livroient
plus assidûment à la culture des cocao^ers.
A la pente orientale et australe du pic d'Oii-
laba, dans les vallées qui se prolongent vers
la petite ville de Gordoba , se cultive du tabac
d'une qualité excellente, et qui iournit à la
couronne un revenu annuel de plus de 18 mil-
lions de francs. Le smilax, dont la racine est
la vraie salsepareille , végète dans les ravins
humides et ombragés de la Cordillère. Le
coton des cotes de V eia-Gruz est célèbre à
cause de sa finesse et de sa blancheur. La
canne y est presque aussi abondante en sucre
qu'à l'ile de Cuba , et plus que dans les plan-
tations de Saint-Domingue.
Cette intendance seule suffiroit pour vivi-
fier le commerce du port de Verà-Cruz , si
le nombre des colons étoit plus considérable,
cl si leur paresse , effet de la bienfaisance de
la r "'ne et de la facilité de pourvoir sans
travail aux premiers besoins de la vie , n'en-
travoit les progrès del'industrie. La population
ancienne du Mexique étoit concentrée dans
l'intérieur du pays , sur le plateau même : les
peuples mexicains, originaires de contrées
o o
34o LIVRE III,
septentrionales , comme nous l'avons exposé
plus huut, préférèrent dans leurs migrations
le dos des Cordillères, parce qu'il leur oiïnjit
un climat analogue à celui de leur pajs natal.
Sans doute, lors de la première arrivée des
Espagnols sur la plage de Ghalcliiuhcuecan
(Vera-Cruz), toute celte côte, depuis la
rivière de Papaloapan ( Alvarado ) jusqu'à
Huaxtecapan, étoit plus habitée et mieux
cultivée qu'elle ne Test aujourd'hui. Cepen-
dant , à mesure que les conquérans montèrent
au plateau , ils trouvèrent les villages plus
rapprochés les T.ins des autres, les champs
divisés en portions plus petites, le peuple plus
policé. Les Espagnols , qui croyoient fonder
de nouvelles villes quand ils donnoient des
noms européens à des villes construites par
les Aztèques , suivirent les traces de la civili-
sation des indigènes : ils eurent des motifs
bien puissans d'habiter le plateau d'Anahuac;
ils craign oient la chaleur et les maladies qui
régnent dans les plaines. La recherche des
métaux précieux, la culture du blé et des
arbres fruitiers d'Europe , l'analogie du climat
avec celui des Castilles, et d'autres causes
indiquées dans le quatrième chapitre de cet
CHAPiTBf: vm.
S'il
oiivra<ve , les engagèrent à se fixer sur le dos
des Cordillères. Aussi long- temps que les
encomenderos j abusant des droits qui leur
avoient été accordés par les lois , traitèrent les
Indiens comme serfs , un icrand nombre de
ceux-ci furent transplantés des régions voi-
sines des côtes au plateau de l'intérieur, soit
pour travailler dans les mines, soit seulement
pour les rapprocher de l'habitation de leurs
maîtres. Pendant deux siècles, le commerce
de l'indigo , du sucre et du coton américains
étoit presque nul : rien n'excitoit les blancs à
s'établir dans les plaines, qui ont le véritable
climat des Indes. On pourroit dire que les
Européens ne venoient sous les tropiques que
pour y habiter la zone tempérée.
Depuis que la consommation du sucre a
considérablement augmenté, et que le com-
merce du nouveau continent fournit beaucoup
de productions que l'Europe tiroit jadis de
l'Asie et de l'Afrique seules, les phiines {tic iras
calientes ) offrent sans doute plus d'appât à la
colonisation : aussi les plantations de la canne
à sucre et des cotonniers se sont multipliées
dans la province de Vera-Crux , surtout depuis
les événemens funestes qui ont eu lieu à Saint-
34?. LIVRE m,
Domingiie, et qui Ont donné un grand essor
a l'induslrie dans les eoionies espagnoles. Ces
progrès , cependant , ne sont pas encore très-
marques sur les eûtes mexicaines : il faudra
des siècles pour repeupler ces déserts. Aujour-
d'hui, des espaces de plusieurs lieues carrées
sont occupés par deux ou trois cabanes {hatlos
degnnndo), autourdesquelles errent des bœufs
à demi sauvages. Un petit nombre de familles
puissantes, et qui viventsur le plateau central ,
possèdent la plus grande partie du littoral des
intendances de Vera-Cruz et de San Luis
Potosi. Aucune loi agraire ne force ces riches
propriétaires de vendre leurs majorais (fiuiyo-
razgos) , s'ils persistent à ne pas vouloir
défricher eux-mêmes les terres iumienses qui
en dépendent : ils vexent leurs fermiers et les
chassent à leur gré.
A ce mal, que les côtes du golfe du Mexique
ont de commun avec l'Andalousie et avec
une grande partie de TEspagne , se joignent
d'autres causes de dépopulation. L'intendance
de Vera-Cruz a une milice trop nombreuse
pour un pays si peu habité. Le service mili-
taire pèse sur le laboureur ; il fuit la côte pour
n« pas être forcé d'entrer dans les corps des
CHAPITRE MU. .V| '
lanceras et dos milicianns : aussi les le\ t'cs
laites pour fournir des matelots à la marine
royale se répètent-elles troj) souvent, et s'exé-
cutenl-elles d'une manière trop arbitraire. Le
«youvernement a n( ;^''ligé jus((u'iri tons les
moyens par lesquels il pourroit au^inenter la
population de cette cote déserle. Il résulte de
cet état de choses un manque de bras et une
cherté de vivres qui contrastent avec la grande
fertilité du pays. Au port de Yera-Cruz la
journée d'un ouvrier ordinaire est de 5 à 6 fr.
Un maître maçon et tout homme (jui exerce
un art particulier, y gagne ii5 à 20 francs par
jour, c'est-à-dire, trois à quatre fois autant
que sur le plateau central.
L'intendance de Vera-Grux renferme dans
ses limites deux cimes colossales, dont la pre-
mière, le volcan iVOrizahay est, après le
Popocatepetl , la montagne la plus élevée de
la Nouvelle-Espagne. Le sommet de ce cône
tronqué est incliné au sud-est : l'échancrure
qu'il présente rend le cratère visible de très-
loin , même depuis la ville de Xalapa. La
seconde cime, le Coffre de P croie, est, d'après
mes mesures, de près de 4oo mètres plus élevé
que l€ pic deTénérifle : il sert de signal aux
3\n^ LIVRE m,
navigateurs îors de leur atterrage s«r Tera-
Cruz. Coiiime retle circonstance rend très-
importante la déterminf lion de sa position
astronomique , j'ai observé , sur le Coffre
même, des hauteurs circum-méridiennes du
soleil. Une couche épaisse de pierre ponce
environne cette montagne porphjrilique :
rien n'y annonce un cratère au sommet , mais
les courans de laves que l'on observe entre le
|>elit village de las Vigas et de Hoya , paroisscnt
êJre î^^s effets d'une explosion latérale très-
ancienne. Le ^ç\\\ volcan de Tuxtla y adossé
à la Sierra de San Martin , est situé à 4 lieues
de la côte , au sud-est du port de Vera-Gruz,
près du village indien de Santiago de Tuxlla:
il se trouve , par conséquent , hors de la ligne
que nous avons indiquée plus haut comme le
parallèle des volcans enflammés du Mexique.
Sa dernière éruption très-considérable a eu
lieu le 2 mars, l'an 179^: les cendres volca-
niques couvrirent alors les toits des maisons à
Oaxaca , à Vera-Cruz et à Perote. Dans ce
dernier endroit , qui est éloigné du volcan de
Tuxtla de 67 lieues » en ligne droite , le bruit
* Celte distance est plus grani^.; que celle de Naples
à Rome , et cependtint le Vésuve ne se fait pas mêiiie
CHAPITRE VIII.
345
souterrain ressembloit à des décharges de
grosse artillerie.
Dans la partie septentrionale de l'inten-
dance de Vera-Cruz, à l'ouest de l'embou-
chure du Rio Tecolulla , à deux lieues de
dislance du grand village indien de Papantla,
se trouve un édifice pyramidal d'une haute
antiquité. La pjramide de Papantla étoit restée
inconnue aux premiers conquérans : elle est
située au milieu d'une foret épaisse, appelée
Tajin en langue totonaque. Les indigènes,
pendant des siècles, ont caché aux Espagnols
ce monument , objet d'une antique vénération :
ce n'est que depuis trenle ans que le hasard
l'a fait découvrir à des chasseurs. Un ob-
servateur aussi modeste qu'éclairé, et qui
depuis long-temps se livre à des recherches
très-curieuses sur l'architecture et les idoles
entendre an delà de Gaëta. Nous avons, M. Bonpland
et moi , entendu distinctement ies mugissemens du
Cotopaxi , lors de son explosion en 1802, dans la mer
du Sud, à l'ouest de Tîlc de la Puna, à 72 lieues de
dislance du cratère. En 1744^ ce mcmt> volcan fut
entendu à Honda et à Morapox, sur les bords de la
rivière de la Madeleine. (Voyvz ma Géographie <IeS
plantes , p. 53 , édit. in-4.° )
346 LIVRE III,
mexicaines, M. Dupé ', a visité la pyramide
(le Papanlla : il a examiné avec soin la coupe
des pierres dont elle est construite ; il a des-
siné les hiéroglyphes dont ces pierres énormes
sont couvertes. Il seroit à désirer qu'il voulut
se résoudre à publier la description de ce
monument intéressant. La figure ' publiée en
1786, dans la gazette de Mexico, est très-
imparfaite.
La pyramide de Papantla n'est point cons-
truite en briques ou en argile nièlée de cailloux
et revêtue d'un mur d'amygdaloïde, comme
les pyramides de Choiula et de Téotihuacan :
les seuls matériaux qui y ont été employés sont
d'immenses pierres de taille porphyritiques ;
on distingue du mortier dans les joints. L'édi-
fice est cependant moins remarquable pur sa
* Cipitalne au service du roi d'Espagne. C'est
jVI. Dupé qui possède le busle en basalte d'une
prêtresse mexicaine, que j'ai fait graver par M. Mas-
sard , et qui offre de grandes ressemblances avec lo
calamihica des têtes d'Isis. On trouvo cette figure
dans mes Vuen des Cordillères , et Moniimena des
peuples indigènes de l'Aviérîque , J-l. 1 et ïî.
^ Voyez aussi Momimenti di Arehibettura Messicana
dl Pietro Marquez f Roma, i8o4 , ïab. I.
CHAPITÎ\E VIII.
3^
17
grandeur que par son ordonnance , par le
poli des pierres, et parla grande régularité
de leur coupe. La base de la pyramide est
exactement carrée , chaque côté ayant 20 mè-
tres de long: la hauteur perpendiculaire paroît
être à peine de i6 à 20 mètres. Ce monument,
comme tous les téocallis mexicains . se com-
pose de plusieurs assises : on en distingue
encore six, et l'on croit rpie la septième est
cachée par la végétation c[ui couvre tout le
flanc de la pyramide. Un grand escalier de
57 gradins mène à la cime tronquée du téo-
calli , à l'endroit où se faisoit le sacrifice des
victimes humaines : un petit escalier se trouve
à côté du grand. Le revêlement des assises est
orné d'hiéroglyphes, dans lesquels on recon-
noît des serpens et des crocodiles sculptés en
relief: chaque assise offre un grand nombre
de niches carrées , et symétriquement distri-
buées : dans le premier étage on en compte
de chaque côté 2^; dans le second, 20; dais
le troisième ,16. Le nombre de ces niches est
de 566 dans le corps de la pyramide, et de 1 2
dans l'escalier que l'on distingue vers l'est.
L'abbé Marquez Svippose que ce nombre de
078 niches fait allusion au système calendaire
34B LIVRE III,
des Mexicains ; il croit même que dans clia-
cune d'elles étoit répétée une des vingt figures
qui, dans le langage hiéroglyphique des Tol-
lèques , servoienl de symbole pour désigner
le jour de Tannée commune, et les jours
intercalaires à la fin des cycles. En effet,
l'année étant composée de 18 mois , dont
chacun a 20 jours, il en résultoit 56o jours,
auxquels , conformément à l'usage égyptien ,
on ajoutoit les 6 jours complémentaires ap-
pelés jwmontemi, L'inlercalation se faisoit
tous les 62 ans, en augmentant le cycle de
i3 jours, ce qui donne 36o + 5 f i5 = 578,
signes simples ou composés des jours du calen-
drier civil , qu'on nomma compohualilhuitl
ou tonalpohuaUi , pour le distinguer du
comilliuitlapohualliztll , ou du calendrier
rituel usité par les prêtres pour indiquer le
retour des sacrifices. Je n'entreprendrai pas
ici d'examiner l'hypothèse de l'ahbé Marquez,
qui rappelle d'ailleurs les explications astro-
nomiques qu'un historien célèbre, M. Gatterer,
a données du nombre des appartemens et des
gradins que l'on irouvoit dans le grand laby-
rinthe égyptien.
CHAPITRE VIII. 349
Les villes les plus remarquables de cette
province sont :
Vera - Gauz , résidence de l'intendant , et
centre du commerce avec l'Europe et les
îles Antilles. La ville est jolie et trcs-régu-
lièrement construite , habitée par des né-
gocians éclairés , actifs et zélés pour le bien
de leur patrie : elle a beaucoup gagné dans
les dernières années, sous le rapport de la
police intérieure. La plage dans laquelle
Vera-Gruz est située , s'appeloit jadis Ghal-
chiuhcuecan. L'île sur laquelle , à frais
énormes ( selon la tradition vulgaire, avec
une dépense de 200 millions de francs), on
est parvenu à construire la forteresse de
San Juan de Ulua , fut déjà visitée par
Juan de Grixalva , l'année i5i8. Il lui
donna le nom d'Ulua , parce que , y ayant
trouvé les restes de deux malheureuses
victimes ', et ayant demandé aux indigènes
pourquoi ils sacrifioient des hommes, on
* Il paroît que ces sacrifices se falsoient sur plusieurs
petits îlots qui entourent le port de Vera-Cruz. Un
de ces îlots , redouté par les navigateurs , porte encore
aujourd'hui le nom à^L^la de Sacrificios.
') ^
M\i\i: m
I
P
m
J
m l'cnoiH
(lil
inc c'cloil yiw onirc des rois
iY .lri)llin<i ou <lu lM(.î\i(ni('. Ltrs Ivspa^^nols,
(|iii u'cuioul «raiilios iiiU'rj)it'lrs iyw des
Iiulioiisdo Yiicalan, saisirent mal lairpousr,
et crmiMil (|iri)liia vUnV le nom «le l'île.
Costa (le s(MnI)lal>lcs m(''|>riscsquc le INmoii,
la cote tic J*aiia cl hcaiicoiip d'aiihcs
provinces , doivent leurs noms actuels,
lia ville de ViM\'i-(jru/ est souvent appehr
Irnt - Cruz Ar/<V(i, pour la tlislini^ncr
de la / rni'Cruz / irja , située près de I em-
bouchure du Kio Anlii;'ua , et que j>res(nio
tous les bistorieus re<j;'ardenl comme 1 1
première colonie londée par (sortez. I j'ahlx'
Clavi«''ero a jnouvé la l'iîusscté <le vv\w.
\
I
opmiou. tja ville, connncncce I année i •>!<),
et nommée lillavica^ on la Villa Kica ck;
la Vera-(Jruz , éloit située à lr<is lieues de
(,]empoalla , clier-lieu des 'r(»lona(]ues ,
près du pelit ])ort de CJùahuilzLi y «pu'.
ilans l'ouvrage de Robertson, on a de l.i
>eine à reconnoîlre sous le nom t
de O
IIKI-
I
l)islan. Trois ans plus lard, la Villarica
resta déserte, elles l^)aij;'nols ioudèreiil,
au sud, une aulre ville (pji a conser\e l(
nom de YJfitii^ua. On Cioil dans le pay
<:iiAi>iTni': viii.
:{."
que relie seconde rolcmie fut abandoiiiice
(k) nouveau à cause de la maladie du voniilo ,
4|ui , <léjà à celte é|>ocjue , nioissonnoil plus
des d(;ux tiers dtîs Kuro|>éens dél)arc[ués
dans la saison d(îs j»'randes chaleurs. Le
vice-roi comie de JVloiilerey , c]ui t»"ouverna
le JVlexicjue à la fin du seizième siècle, (il
jelei' les rondcmensde la ]Nucva Veia-CJruz
ou de la \ille aclu(^lle , vis-à-vis I'jIoI de
San ,luan dX'lua , dans la pla^e de (ilial-
cliiulicuecan , à l'cMidroit même oii (iorlez
avoit dél)arf|ué le 21 avril de l'année ii)i<).
Celle Iroisième ville <le Vera-Ciuz n'a eu
ses piiviléjjies «le ville (jiie sous le roi Phi-
lij>j>e iif, en j(»il3. EWv eslsiluée dans une
plaine aride, dépourvue d'eaux courantes,
cl sur la<]uellc les vents du nord, quisourilent
impélueusemenl depuis le mois d'octobre
jus(ju'au mois d'avril , ont Formé des collines
de sable mouvant. Ces dunes {mc^nnos lic
arcim) i'han<^ent tous les ans et di; foruie
et de lieu : elles ont de 8 à ^'l mètres de
hauteur, cl elles contribuent sini^ulière-
ment, j)ar la réverbération des ravons du
soleil et par la haute température (m'ellcs
ac([uiciciil cUcs-moiues pendant les moi'»
'
(
t
032
LIVRE III
d'été , à augmenter la chaleur suffocante
de l'air de la Yera-Gruz. Entre la ville et
TAroyo Gavilan se trouvent, au milieu des
dunes, des terrains marécageux couverts
de mangliers et d'autres broussailles. Les
eaux stagnantes du Baxio de la Temhla-
dera, et les petites lagunes de l'Horniiga,
du Rancho de la Hortalizaet d'Arjona, font
naître des fièvres intermittentes parmi les
indigènes : elles jouent probablement aussi
un rôle important parmi les causes funestes
qui produisent le fléau du voi?uto prieto ^
et que nous examinerons dans la suite de
cet ouvrage. Tous les édifices de Vera-Gruz
et du château d'Ulua sont construits avec
des matériaux tirés du fond de l'Océan, et
qui sont l'habitation pierreuse des madré-
pores (piedras de mue ara)] car dans les
environs de la ville on ne trouve aucune
roche. Les sables couvrent les formations
secondaires qui reposent sur le porphyre
de l'Encero , et qui ne viennent au jour
que près d'Acazonica, métairie des jésuites,
célèbre à cause de ses carrières de beau
gypse feuilleté. En creusant dans le sol
sablonneux de Vera-Gruz, on trouve de
CHAPITRE VJII.
353
Teau douce à un mètre de profondeur;
mais cette eau provient de la filtration des
mares ou lagunes formées entre les dunes.
C'est de Teau de pluie qui a été en contact
avec les racines des végétaux ; elle est
d'une très - mauvaise qualité^ et ne sert
qu'au lavage. Le bas-peuple ( et ce fait
est important pour la topographie médicale
de la Vera-Cruz ) est obligé d'avoir recours
à l'eau d'un fossé ( zanja ) qui vient des
Meganos , et qui est un peu meilleure que
celle des puits , ou que l'eau du ruisseau de
Tenoja.Les gens aisés, au contraire^ boivent
l'eau de pluie recueillie dans des citernes
dont la construction est assez vicieuse, à
l'exception des belles citernes ( algibes )
du château de San Juan d'Ulua, dont l'eau
trèsr-pure et très-salutaire n'est distribuée
qu'aux employés militaires. Depuis des
siècles on a regardé ce manque de bonne
eau potable comme une des nombreuses
causes des maladies des habitans. L'année
1704, on forma le projet de conduire une
partie de la belle rivière de Xamapa au
port de la Vera-Cruz. Le roi Philippe v
envoya un ingénieur françois pour exa-
354
LIMIE III
miner le terrain. L'ing,'énieur, sans doute
peu content de son séjour dans un pays si
chaud et si désagréable à habiter , déclara
l'exécution du projet impossible. L'année
1766 , les débats recommencèrent entre
les ingénieurs , la municipalité , le gou-
verneur , Tassesseur du \ice-roi et le fiscal.
On a dépensé jusqu'ici en visites d'experts
et en frais judiciaires ( car tout devient
procès dans les colonies espagnoles ) , Ja
somme de 2,260,000 francs. Avant d'avoir
nivelé le sol, on a construit, à 1 100 mètres
au-dessus du village deXamapa, une digue
( levée) qui déj est à moitié détruite , et
qui a coûté un million et demi de francs. Le
gouvernement, depuis plus de douze ans,
foit payer au public un droit sur les h-
rines , qui rapporte annuellement plus de
i5o,ooo francs. Un aqueduc maçonné
( atarxca ),qui peut fournir un profil d'eau
de 116 centimètres carrés, est déjà construit
à plus de 900 mètres de longueur ; et malgré
tous ces frais , magré le fatras de mémoires
et d'informations amoncelés dans les ar-
chives , les eaux du Rio Xamapasont encore
à plus de 23,000 mètres de distance de lu
Dans
chesse
la gra
gouve
qu'on
ternes
ceinte
que 70
popula
citerne
CHAPITRE VIII.
355
ville de Vera-Cruz. En 1 796 , on a fini par
où l'on auroit dû commencer : on a nivelé
le terrain , et l'on a trouvé que les eaux
moyennes du Xamapa sont élevées de
8", 83 (10 vares mexicaines, et 22 -J- pouces)
au-dessus du niveau des rues de Vera-Cruz.
On a reconnu que la grande digue devoit
être placée à Medellin, et que, par igno-
rance , elle a été construite dans un point
non - seulement trop élevé , mais encore
de 7600 mètres plus éloigné du port que
ne l'exige la chute nécessaire pour la con-
duite des eaux. Dans l'état actuel des
choses , la construction de l'aquéduc ,
depuis leRio Xamapa jusqu'à Vera-Cruz ,
est évaluée à cinq ou six millions de francs.
Dans un pays dans lequel il existe des ri-
chesses métalliques immenses , ce n'est pas
la grandeur de cette somme qui effraye le
gouvernement. Le projet est ajourné, parce
qu'on a calculé depuis peu, que dix ci-
ternes publiques , placées hors de l'en-
ceinte de la ville, ne coûteroient ensemble
que 700,000 francs , et suffîroient pour une
population de 16,000 âmes , si chaque
citerne contenoit un volume d'eau de
20*
350
LIVftE III
670 mètres cubes. « Pourquoi , dit-on dans
« le rapport au vice-roi , chercher si loin
« ce que la nature offre si près? pourquoi
« ne pas profiler de ces pluies aussi régu-
« lières qu'abondantes, et qui, selon les ex-
«< périences exactes du colonel Constanzo ,
(c fournissent annuellement trois fois autant
« d*eau qu'il en tombe en France et en
« Allemagne. » La population habituelle
de Vera-Cruz, sans compter la milice et
les gens de mer , est de 16,000.
Xalapa ( Xalapan ) , ville au pied de la mon-
tagne basaltique de Macultepec , dans une
situation très-romantique. Le couvent de
S.-François , comme tous ceux qui ont
été fondés par Cortez , ressemble de loin
à une forteresse ; car , dans les premiers
temps de la conquête , on construisit les
couvens et les églises de manière à pouvoir
servir de défense au cas d'une insurrection
de la part des indigènes. C'est à ce même
couvent de S.-François , à Xalapa , que
Ton jouit d'une vue magnifique sur les
cimes colossales du Coffre et du Pic d'Ori-
zaba , sur la pente de la Cordillère ( vers
l'Encero , Otates et Apazapa ), sur la rivière
petitl
tenc
cnAPiTAK Vin. 3j>7
de rAntijjiia et même sur l'Océan. Les
Ibréls épaisses de styrax , de piper, de
melastomes et de fougères en arbres , celles
surtout que traverse le chemin de Paclio
et de San Andres, les bords du petit lac
de los Berrios , et les hauteurs qui con-
duisent au village d'Huastepec, offrent des
promenades infiniment agréables. Le ciel
de Xalapa , beau et serein en été, inspire
de la mélancolie depuis le mois de dé-
cembre jusqu'au mois de février. Chaque
fois que le vent du nord souffle à Vera-
Cruz, une brume épaisse enveloppe les
habitans de Xalapa. Le thermomètre y
descend alors jusqu'à 12 ou 16 degrés. A
cette époque ( estacioii de los novtes ) , on
passe souvent 3 ou 0 semaines sans voir le
soleil 6t les étoiles. Les négocians les plus
riches de Vera-Cruz ont des maisons de
campagne à Xalapa , dans lesquelles ils
jouissent d'une agréable fraîcheur , tandis
que les moustiques , les grandes chaleurs
et la fièvre jaune rendent la côte désa-
gréable à habiler. On trouve dans celte
petite ville , un établissement dont l'exis-
tence confirme ce que j'ai avancé plus haut ,
Ï'H
îlt
M'-
3.^8 LIVRE m,
sur les progrès de la culture intellectuelle
du Mexique ; c'est une excellente école de
dessin , fondée depuis pou d'années , et
dans laquelle les enfans des pauvres artisans
' sont instruits aux frais des citoyens les plus
aisés. La liauleur de Xalapa au-dessus du
niveau de l'Océan est de iS*:,© mètres. Sa
population est évaluée à i3,ooo.
Perote ( l'ancien Pinahuizapan ). La petite
forteresse de San Carlos de Perote est
située au nord du grand bouig de Perote.
C'est plutôt une place d'armes qu'une for-
teresse. Les plaines environnantes sont
très-steriles et couvertes d^ pierre ponce:
pas d'arbres , à l'exception de quelques
troncs isolés de cyprès et de molina. Hau-
teur de Perote , 2353 mètres.
CoRDOBA, ville, à la pente orientale du pic
d'Orizaba, dans un clinia* beaucoup plus
chaud que celui de Xalapa. Les environs
de Cordoba et d'Orizaba produisent tout
le tabac qui se consomme dans la Nouvelle-
Espagne.
Orizaba , à l'est de Cordoba , un peu au nord
du Rio Blanco , qui se jette dans la la^nina
d'Aivarado. On a disputé pendant long-
CHAPITIIE VIII. 3jC)
temps si la nouvelle route de Mexico à
Vera-Ciuz tlevoit aller par Xalapa ou par
Orizaba. Ces deux villes ayant un grand
inlt3rct à la direction de cette route, elles
ont , dans leur rivalité , employé tous les
moyens pour faire valoir leurs droits auprès
des autorités constituées. Il en est résulté
que les vice-rois ont alternativement em-
brassé l'un et l'autre parti , et que , pendant
cette incertitude , aucune route n'a été
construite. Enfin, depuis quelques années
une bdle chaussée a été commencée depuis
la forteresse de Pcrote à Xalapa, et depuis
Xalapa à l'Eiiccro.
Tlacotlalpan , chef-lieu de l'ancienne pro-
vince de Tabasco. Plus au nord se trouvent
les petites villes de V^ictoria et de Villa
llermosa, dont la première est une des
plus anciennes de la Nouvelle-Espagne.
L'intendance de \ era-Cruz n'offre aucune
exploitation niétallique qui soit de quelque
imporLmco. Les mines de Zomelahuacan ,
près de Jalacingo, sont presque abandonnées.
36o
LIVRE III
X. Intendance de San Luis Potosi.
Population en i8o5 : 334.,900.
Etendue de la surface en lieues carrées ;
27,821.
Jlabitans par lieue carrée : 1 2.
Cette intendance comprend toute la partie
nord-est du royaume de la Nouvelle-Espagne.
Comme elle touche à des pays déserts ou ha-
bités par des Indiens indépendans et nomades,
on peut dire que ses limites septentrionales
ne sont presque pas déterminées. Le terrain
montagneux , appelé le Bolson de Mapimi^
embrasse plus de 0000 lieues carrées : c'est
de là que sortent les Apachcs , qui attaquent
les colons de Gohahuila et de la Nouvelle-
Biscaye. Enclavé dans ces deux provinces,
limité au nord par le grand Rio del Norte ,
le Bolson de Mapimi est considéré tantôt
comme un pays non conquis par les Espagnols,
tantôt comme faisant partie de l'intendance
de Durango. J'ai tracé les limites de Goha-
huila et de Texas, près de l'embouchure du
Bio Puerco, et vers les sources du Rio de
A)
CHAPITRE VJII. 36 1
San Saba , telles que je les ai trouvées indi-
quées dans les cartes spéciales conservées
dans les archives de la vice-royauté, et dressées
par des ingénieurs au service du roi d'Espagne.
Mais comment déterminer des limites terri-
toriales dans des savanes inunenses où les
métairies sont éloi^-nées les unes des autres de
i5 à 20 lieues, et où l'on ne trouve presque
aucune trace de défrichement ou de culture ?
L'intendance de San Luis Potosi comprend
des parties très-hétérogènes, et dont les dif-
férentes dénominations ont donné lieu à
beaucoup de méprises géographiques. Elle
est composée de provinces dont les unes
appartiennent aux provincias internas y les
autres au rojaume de la Nouvelle-Espagne
proprement dit. De ces premières, il y en
a deux qui dépendent immédiatement du
commandant des provincias internas j les deux
autres sont considérées comme provincias
internas del Virrejnato, Voici le tableau de
ces divisions compliquées et peu naturelles.
Linlendant de San Luis Potosi grouverne :
A) Dans le Mexique proprement dit :
La province de Sun Luis, qui s'étend
362
LIVRE m
depuis le Rio de Paniuo jusqu'au Rio de
Santander , et qui comprend les mines
importantes deChareas, Potosi, Ramps
et Gatorce.
B) Dans les Provincias internas del Vivrey-
nato :
i) Le nouveau royaume de Léon.
2 ) La colonie du Nouveau- Santander.
C ) Dans les Provincias internas de la Co~
mandancia gênerai oriental.
1 ) Ija province de Cohahuila.
2) La province de Texas.
Il résulte de ce que nous avons dit plus haut
( p. 90 ) sur les derniers changemens qui ont
eu lieu dans l'organisation de la comandancia
gênerai de Chihuahua, que l'intendance de
San Luis renferme aujourd'hui , outre la
province de Potosi , tout ce que l'on désigne
sous la dénomination de provincias internas
orientales. Un seul intendant est par consé-
quent à la tête d'une administration qui em-
brasse plus de terrain sur le globe que toute
l'Espagne européenne. Mais aussi ce pays
immense, doué par la nature des productions
les i
dans
tropi
un d
que ]
Sa p
Nouv
Unis,
les c(
nomb
prend
proba]
Jisalior
ces vaî
L'in
de 23c
qu'il y
Galabn
batime
des via
de Pan
Santanc
et sans
l'emboi
jusqu'aï
inconni
CHAPITRE VIII.
363
les plus précieuses , situé sous un beau ciel,
dans la zone tempérée , vers le bord du
tropique, est, pour sa plus grande partie,
un désert sauvage et encore plus dépeuplé
que les gouvcrnemens de la Russie asiatique.
Sa position sur les limites orientales de la
Nouvelle-Espagne, la proximité des Etats-
Unis , la fréquence des communications avec
les colons de la Louisiane , et un grand
nombre de circonstances que je n'entre-
prendrai pas de développer ici , favoriseront
probablement bienlOv les progrès de la civi-
lisation et de la prospérité des citoyens dans
ces vastes et fertiles régions.
L'intendance de San Luis comprend près
de 200 lieues de côte, étendue égale à celle
qu'il y a depuis Gènes jusqu'à Rcggio, ea
Cîilabre. Mais y à l'exception de quelques petits
bâtimens qui viennent des Antilles charger
des viandes , soit à la barre de Tampico , près
de Panuco, soit au mouillage du Nouveau-
Santander , toute cette cote est sans comimerce
et sans vie. La partie qui s'étend depuis
l'embouchure de la grande rivière del Norle
jusqu'au Rio Sabina , est presque encore
inconnue. Elle n'a jamais été examinée par
364 LIVRE III,
des navigateurs. Il seroit cependant très-im-
portant de découvrir un bon port dans cette
extrémité boréale du golfe du Mexique.
Malheureusement les côtes orientales de la
Nouvelle-Espagne offrent partout les mêmes
obstacles , un manque de fond pour les
vaisseaux qui tirent plus de 38 décimètres
d'eau, des barres à l'embouchure des rivières,
des langues de terre et de longs îlots , dont la
direction est parallèle à celle du continent ,
et qui défendent l'entrée du bi»ssin intérieur.
Le littoral des provinces de Santander et de
Texas , depuis les 21 jusqu'aux 29 degrés de
latitude , est singulièrement festonné, et pré-
sente une suite de bassins intérieurs qui ont
4 à 5 lieues de large , et 4o à 5o de long.
On leur donne le nom de lagunas , ou lacs
salés. Quelques-uns ( par exemple la laguna
de Tamiaq-ua) r.ont de vrais impasses. D'autres
comme la laguna Madré et celle de San Ber-
nardo , communiquent par plusieurs canaux
avec rOréan. Les derniers favorisent le ca-
botage , les barques colières s'y trouvant à
l'abri des grosses lames de la mer. Il seroit
intéressant pour la géologie d'examiner sur
les lieux, si des couraus ont formé ces laguneSy
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CH\PITRE VIII.
365
en pcnélrant par des irruptions fort avant dans
les terres, ou si ces îlots lont^s et étroits,
rangés parallèlement à la cote , sont des barres
qui se sont élevées peu à peu au-dessus du
niveau moyen des eaux.
De toute l'intendince de San Luis Potosi^
il ny a que la partie qui avoisine la province
deZacatecas, et dans laquelle se trouvent les
riches mines de Cliarcas, de Guadalcaaar et
deCatorce, qui soit un pays froid et mon-
tagneux. L'évêclié de IMonterey, qui porte
le titre ]>ompeux: de nouveau royaume de
Léon , Cohaliuila, Santander et Texas, sont
des régions très-basses : elles présentent peu
de mouvement de terrain , et le sol y est
couvert de formations secondaires et d'allu-
vions. Elles jouissent d'un climat assez inégal ,
excessivement chaud en été, et d'une fraîcheur
extraordinaire en hiver, lorsque If s vents du
nord chassent des colonnes d'air froid du
Canada vers la zone torride.
Depuis la cession delà Louisiane aux Etats-
Unis , les limites entre la province de Texas
et le comté de Natchitoches ( comté qui fait
partie intégrante de la confédération des ré-
publiques américaines ) s^ut devenues l'objet
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366
LIVRE ni
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d'une discussion politique aussi longue qu'in-
fructueuse. Plusieurs membres du cont^rès de
Washington ontpensé qu'on pouvoit étendre
le territoire de la Louisiane jusqu'à la rive
gauche du Rio Bravo del Norte. Selon eux ,
« tout le pays que les Mexicains appellent la
« province de Texas , appartenoit ancien-
« nemenl à la Louisiane : or , les Etats-Unis
« doivent posséder cette dernicre province
«< dans toute l'étendue des droits avec lesquels
»c elle a été possédée par la France avant sa
K cession à l'Espagne ; et ni les nouvelles
« dénominations introduites par les vice-rois
cf du Mexique , ni le mouvement de la popu-
« lation de Texas vers l'est , ne peuvent
tf déroger aux titres légitimes du congrès. »
Pendant le cours de ces débats , le gouver-
nement américain n'a pas manqué de citer
souvent rétablissement qu'un François, M. de
Lasale , avoit formé vers l'année i685 , près
de la baie de Saint-Bernard , et sans avoir
paru empiéter sur les droits de la couronne
d'Espagne.
Mais en examinant attentivement la carte
générale que j'ai donnée du Mexique et des
pays qui en sont limitrophes à l'est , on verra
CHAPITRE VIII. 367
qu'il y a l)ien loin encore de la baie de St.-
Bernard à l'embouchure du Rio del Norte :
aussi les Mexicains allèguent , et avec raison ,
en leur laveur , que la population espagnole
de Texas est très-ancienne , qu'elle est venue,
dès les premiers temps de la conquête, par
Linares , Revilla et Camargo , de l'intérieur
de la Nouvelle-Espagne, et que M. de Lasale ,
en débarquant à l'ouest du Mississipi , dont
il avoit manqué l'embouchure, trouva déjà
des Espagnols parmi les sauvages qu'il essaya
de combattre. Dans le moment actuel, l'in-
tendant de San Luis Potosi regarde comme
la limite orientale de la province de Texas ,
et par conséquent de toute son intendance ,
le Rio Mermentasou Mexicana, qui débouche
dans le golfe du Mexique , à l'est du Rio de
la Sabina.
Il est utile d'observer ici que cette dispute
sur les véritables confins de la Nouvelle-
Espagne ne deviendra importante que lorsque
des terrains défrichés par des colons de la
Louisiane , toucheront immédiatement à des
terrains habités par des colons mexicains ;
lorsqu'un village de la province de Texas
sera construit près d'un village du comté des
368 LIVBE III,
Opeloussas. Le fort Clayl^orne , situé près
de l'ancienne mission espagnole des Adayes
( Adaes ou Adaisses ) , sur la Rivicre-Rouye ,
est l'établissement de la Louisiane qui au-
jourd'hui se rapproche le phjs des postes
militaires {prcsidios) de la province de Texas;
et cependant il y a encore près de 68 lieues
dupresidiode Nacogdoch au fort Glajborne.
De vastes steppes couvertes de graminées
servent de bornes communes au territoire de
la confédération américaine et au territoire
mexicain. Tout le pays à l'ouest du Mississipi,
depuis la rivière des Bœufs jusqu'au Rio
Colorado de Texas , est inhabité. Ces steppes,
en partie marécageuses , offrent des obstacles
faciles à vaincre. On peut les considéier
comme un bras de mer qui sépare des cole$
voisines , mais que l'industrie de nouveaux
colons ne tardera pas à franchir. Aux Étals-
Unis , les provinces atlantiques ont u refluer
leur population d'abord vers l'Ohio et le
Tenessée , puis vers la Louisiane. Une partie
de cette population mobile se portera plus
loin \ers l'ouest. Le nom seul du territoire
mexicain fera naître l'idée de la proximitt-
des mines. Sur les bords du Rio Mërmcntas,
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II.
chapitrt: vth. 369
le colon américain croiia tl'jà toiiclicr un sul
qui recèle des richesses niélaliiqnes. Cette
erreur, répandue parnn' le bas peuple, occa-
sionnera de nouvelles éiMi«;i allons , et l'on
n'apprendra que très-tard que les fameuses
niinesde Calorce , qui sont les mines les plus
rapproi'liées de la Louisiane, gii sont encore
éloignées de près de 000 lieues.
Plusieurs de mes amis mexicains ont suivi
le cliemlu de terre de la Nouvelle-Orléans à
la capitale de la Nouvelle - Espat^ne. Cette
route, frayée parles habitans de la Louisiane,
qui viennent acheter des chevaux dans les
provincias internas , est de plus de 640 lieues ;
salonj^ueur est par conséquent presque égale
à la distance qu'il y a de Madrid à V arsovie.
On dit cette route très-pénible, à c^use du
jrranque d'eau et d'habitations; mais il s'en
faut de l>eaucoup qu'elle ofTre les mêmes
flilfir'dtés naturelles que l'on a à surmonter
t. IIS les sentiers tracés sur le dos des Cor-
dilJrf^res, depuis Santa -Fe de la Nouvelle-
Grenade jusqu a Quito , ou de Quito au
Cusco. C'est au^si par cette rouL»^ de Texas
quun voyageur intrépide , M. Pages, caj)i~-
taine de vaisseau au service de France, est
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3 70 LIVRE III,
venu, en 17G7, de la Louisiane à A^apiilco.
Les détails qu'il donne sur l'intendiince de
San Luis Potosi , et sur le chemin de Quc-
retaro à Acapulco , chemin que j'ai fait 5o ans
après lui , annoncent un esprit juste et animé
de l'amour de la vérité ; mais ce voyageur est
malheureusement si peu correct dans Fortlio-
gr;q)he des noms mexicains et espagnols,
qu'on a de la peine à reconnoître dans ses
descriptions les endroits par lesquels il a
passé '. La roule qui mène de la Louisiane à
Mexico ne présente que très-peu d'obstacles
jusqu'au Rio del Norte, et ce n'est que depuis
le Saltillo que l'on commence à monter vers
le plateau d'Anahuac. La pente de la Cor-
dillère y est peu rapide, et on ne peut douter,
en considérant les progrès de la civilisation
dans le nouveau continent, que les commu-
nications de terre deviendront peu à peu
très- fréquentes entre les Etats-Unis et la
Nouvelle -Espagne. Des voitures publiques
rouleront un jour depuis Philadelphie et
Washington jusqu'à Mexico et Acapulco.
* M. Pages nomme Xorerfo, la Rheda; le fort de
la Bahia del Espiritu Santo , Labadia ; Orquoquissas ,
Acoquissa- Saltillo, leSartille; Cohahuila , Cumlh'
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CH-VPITRK VIII.
37
Les trois comtés de l'état de la Louisiane,
ou de laNouvelle-Orléans , qui se rapprochent
le plus du pays désert considéré comme la
limite orientale de la province de Texas ,
sont , en comptant du sud au nord , le comté
des Attacappas , celui des Opeloussas , et
celui de Natchitoches. Les derniers établis-
semens de la Louisiane sont placés sur un
méridien qui est de 25 lieues à l'est de l'em-
bouchure du Rio Mermentas. Le boury le plus
septentrional est le fort Clajborne de Nat-
chitoches, à sept lieues à l'est du vieil empla-
cement de la mission des Adajes. Au nord-ouest
de Clavborne se trouve le lac espagnol, au
milieu duquel s'élève un grand rocher couvert
de stalactites : en suivant, depuis ce lac au
sud-sud-cst , on rencontre , aux extrémités
de ce beau pays défriché par des colons d'ori-
gine francoisc , d'abord le petit village de
St.-Landry, à trois lieues au nord des sources
du Rio Mermentas ; puis l'habitation de
Saint-Martin , et enfin la Nouvelle-Ibérie ,
sur la rivière Teche, près du canal Boutet,
qui conduit au lac du Tase. Comme il n'y a
aucun établissement mexicain au delà de la
rive orientale du Rio Sabina, il en résulte
24*
LIVRE lil
?
3712
que le pajs iiih.ibilé qui sépare les villa^'cs
de la Louisiane des missions de Texas, est
de plus de 1600 lieues cariées. La partie la
plus méridionale de ces prairies, entre la
baie de Carcusiu cl celle delà Sabine , n'oftre
que des marais impraticables. Aussi le chemin
qui mène de la Louisiane à Mexico va plus
au nord , et suit la parallèle du 02.°" degré.
De Natcliez les voyageurs se dirigent au nord
du lac Cataouillou^ sur le fort Clay borne de
Natcliitoclies ; de là ils passent, par l'ancien
enqilacement des Adayes, à Chichi et à la
fontaine du père Gama. Un ingénieur habile,
M. Lafond , dont la carte jette beaucoup de
jour sur ces contrées, observe qu'à 8 lieues
au nord du posle de Chichi, s'élèvent des
collines riches en charbon de terre, et qui
font entendre au loin un bruit souterrain ,
semblable à des coups de canons. Ce phéno-
mène curieux annonceroit-il un dégagement
d'hydrogène , effet d'une couche de houille
enflammée ? Depuis les Adayes , la route de
Mexico va, par San Antonio de Bejar, Loredo
(sur les bords du Rio grande del Norte),
Saltillo, Charcas , San Luis Potosi et Que-
retaro , à la capitale de la Nouvelle-Espagne.
CHAPITRE VIII.
3-3
Il faut deux mois et demi pour parcourir
cette vaste étendue de pays, dans laquelle,
depuis la rive tj^auche du Rio jurande del
Norte jusqu'à Natcliitoches, on couche pres-
que toujours à la belle étoile.
Les endroits les plus remarquables de l'in-
tendance de San Luis sont :
San Luis Potosi , résidence de l'intendant ,
situé sur la pente orientale du plateau
d'Anahuac, à l'ouest des sources du Rio de
Panuco. La population Labituelle de celle
ville est de 12,000.
NuEvo Santander , capitale de la province
de ce nom. La barre de Santander ne permet
pas l'entrée à des batimens qui tirent plus
de 8 à 10 palmes d'eau. Le village de Soltct
la Marina j à l'est de Santander , pourroit
devenir trcs-intéressant pour le commerce
de cette cote^ si l'on parvenoit à curer le
port. Aujourd'hui la province de Santander
est tellement déserte , que l'on y a >endu ,
en 1 802, des terrains fertilesde 10 à 1 2 lieues
carrées, pour 2 à 3 Irancs.
374 LIVRE m,
CiiARCAs, OU Santa Maria de las Charcas ,
bourgade trcs-considérable , siège d'une
Dipuladon de minas.
Catorce, ou la Purissinia Concepcion de
Alamos de Catorce , une des mines les
plus riches de la Nouvelle - Espagne. Le
Real de Catorce n'existe cependant que
depuis l'année 1770, où Don Sébastian
Coronado et Don Bernabe Antonio de
Zepcda découvrirent ces liions célèbres
qui produisent annuellement pour la valeur
de plus de 18 à 20 millions de francs.
MoNTEREY, siège d'un évêché, dans le petit
royaume de Léon.
Lin ARES, dans ce même royaume, entre le
Rio Tiiïre et le ^rand Rio Bravo del Norte.
MoNCLO VA, poste militaire (presidio) , capitale
de la province de Cohahuila , résidence
d'un gouverneur.
San Antonio de Bejar, capitale de la pro-
vince de Texas, entre le Rio de los Nogales
et le Rio de San Antonio.
X]
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16,87
Habitah
Cett;
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réunis d(
sa popul,
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depuis le
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nord -01
232 lieue;
du Parra
La pr(
Biscaya,
CHAPITRE VIII.
3-5
XL Intendance de Durango.
Population en i8o5 : 169,700.
Eterdue de la surface en lieues carrées :
16,873.
Habitans par lieue carrée : 10.
Cette intendance , pins connue sous le
nom de la Nouvelle - Biscaye , appartient,
comme la Sonora et le Nuevo Mexico ( qu'il
nous reste à décrire), aux provincias internas
occidentales. Elle occupe une étendue de
terrain plus considérable que les trois royaumes
réunis de la Grande-Bretagne; et cependant
sa population totale excède à peine celles des
deux villes de Birmingham et de Manchester,
prises ensemble. Sa longueur, du sud au nord,
depuis les célèbres mines de Guarisamey jus-
qu'aux montagnes de Carcay, situées au
nord -ouest du presidio de Yanos, est de
232 lieues : sa largeur est très-inégale, et, près
du Parral , à peine de 58 lieues.
La province de Durango ou de Nueva
Biscaya , confine , au sud , à la JNueva Galicia,
376 LIVRE III,
c'est-à-dire, aux deux intendances de Zacatecaî;
et de Cuadalaxara; au sud-est, à une petite
partie de l'intendance de San Luis Potosi ;
à l'ouest , à celle de la Sonora : mais au nord ,
et surtout à l'est, sur une lisière de plus de
200 lieues , elle est limitrophe d'un pays in-
culte, habité par des Indiens guerriers et
indépendans. Les Acoclames , les Cocoyames
et les Apaches Mescaleros et Faraones occu-
pent le Bolson de Mapimi , les montagnes
de Chanate , et celles de los Organos , sur
la rive gauche du Rio grande del Norte. Les
Apachés Mimbrenos se tiennent plus à l'ouest,
dans les ravins sauvages de la Sierra de Acha.
Les Cumanches et les tribus nanibreuses des
Chichimèques , que les Espagnols com-
prennent sous le nom vague de Mecos ,
inquiètent les habitans de la Nouvelle-Biscaye,
et les forcent à ne voyager que bien armés
et en caravanes.Les postes militaires(/?/'e*/V//o5)
dont on a garni les vastes frontières des pro^
vincias internas ^ sont trop éloignés les uns
des autres pour pouvoir empêcher les in-
cursions de ces sauvages , qui , semblables
aux Bédouins du désert, connoissent toutes
les ruses de la petite guerre. Les Indiens
Ciiman
dont []
les colo
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Nouvea
détroit
les chev;
depuis 1'
instruits
des cava:
Indiens (
les derni
entrecou
facilité d
prendre
presque
savanes ,
ont des t
chargent
chiens q
Cette cir<
nianuscril
* Diario
Sehor Tamc
1760. (Mai
CHAPITRE Vîll. 377
Cumancbes, ennemis mortels des Apaches,
dont plusieurs hordes vivent en pîiix avec
les colons espagnols , sont les plus redoutables
aux habitans de la Nouvelle-Biscaye et du
Nouveau-Mexique. Coninjc les Pata«(ons du
détroit de Magellan , ils ont appris à dompter
les chevaux, devenus sauvages dans ces régions,
depuis Tarrivée des Européens. Des voyageurs
instruits assurent que les Arabes ne sont pas
des cavaliers plus agiles et plus lestes que les
Indiens Cumanches. Aussi , depuis des siècles ,
les derniers parcourent-ils des plaines qui,
entrecoupées de montagnes, leur offrent la
facilité de se mettre en embuscade pour sur-
prendre les passans. Les Cumanches , comme
presque tous les sauvages errans dans les
savanes^ ignorent leur patrie primitive. Ils
ont des tentes de cuir de buflle, dont ils ne
chargent pas leurs chevaux , mais de grands
chiens qui accompagnent la tribu errante.
Cette circonstance , déjà citée dans le journal
manuscrit du voyage de l'évêque Tamaron ',
' Diario de la visita diocesana del Illustrissimo
Sehor Tamaron j obispo de Durango ,hecha en ijSç^y
1760. (Manuscrit.)
378 LIVRE III,
est Ircs-rcmarquable ; elle rappelle des habi-
tudes analogues parmi plusieurs peuplades
de l'Asie boréale. Les Cuinanclies se l'ont
d'autant pins craindre par les Espagnols ,
qu'ils tuent tous les prisonniers adultes, et
ne laissent vivre que les enfkns , qu'ils élèvent
avec soin pour s'en servir comme d'esclaves.
Le nombre des Indiens guerriers et sau-
vages (Iridios bravos) qui infestent les fron-
tières de la Nouvelle - Biscaye , a un peu
diminué depuis la fin du dernier siècle. Ils
tentent moins souvent de pénétrer dans Tin-
térieur du pays habité pour piller et pour
détruire les villages espagnols. Cependant
leur acharnement contre les blancs est resté
constamment le même ; il est Teffet d'une
guerre d'extermination entreprise par une
politique barbare , et soutenue avec plus de
courage que de succès. Les Indiens se sont
concentrés vers le nord, dans le Moqui et
dans les montagnes de Nabajoa , où ib ont
reconquis un terrain considérable sur les
habitans du Nouveau-Mexique. Cet état de
choses a eu des suites funestes qui se feront
sentir pendant des siècles , et qui sont bien
dignes d'être examinées. Ces guerres ont.
CHAPITRE Vin. 379
sinon détruit , du nioiiis éloi^j^né l'espoir
d'amener ces hordes sau> âges à la vie sociale
par la voie de la douceur. L'esprit de ven-
geance et une haine invétérée ont élevé
une barrière presque insurmontable entre les
Indiens et les blancs. Beaucoup de tribus
d'Apaches , de Moquis et de Yutas , désignés
sous la dénomination d'Indiens de paix
(Indios depaz) , sont fixées au sol, réunissent
leurs cabanes _, et cullivent du maïs.Ilsauroient
moins d'éloignement peut-être à se réunir
aux colons espagnols, si parmi ceux-ci ils
trouvoient des Indiens mexicains. L'analogie
de mœurs et d'habitudes , la ressemblance
qui existe non dans les sons , mais dans le
mécanisme et dans la structure générale des
langues américaines , peuvent devenir des
liens puissans entre des peuples d'une même
origine. Une sage législation parviendroit
peut-être à eflacer le souvenir de ces tenips
barbares où, dans lesprovincùis internas , un
caporal ou un sergent faisoit avec ses braves
la chasse des Indiens , comme on fait une
battue de bêles fauves. Il est probable que
l'homme à teint cuivré se résoudroit plutôt
à vivre dans un village habité par des indi-
38o
LIVRE HT
vidus de sa race , qu'à se réunir aux I)lanrs
qui le mailriseiil avec liaulcur. 3Liis nous
avons vu plus liaut, dans le sixième ilKipiire,
que nii'.llicurcusenient , dans la Fomcllc-
Biscaye connue dans le Nouveau-Mexique,
il ny a presque p;«s d'Indiens cultivulcursde
race aztèque. Dans la première de ces pro-
vinces, il n'existe pu: un seul individu tri-
butaire; tous les habitans sont blancs j ou
du moins se considèrent coîti.ne tels. Tous
croient a>oir le droit de placer le titre de
Don devant leur nom de baptême , ne
fussent-ils que ce que, dans les îles françoises,
par un raffinement d'aristocratie qui enrichit
les langues , on nommoit de petits blancs ou
des messieurs passables.
Celte lutte contre les indigènes , qui a duré
pendant des siècles; la nécessité dans laquelle
se trouve le colon retiré dans une ferme
isolée, ou voyageant par des déserts arides ,
de veiller sans cesse à sa propre sûreté y de
défendre son troupeau , ses foyers , sa femme,
ses en fans même contre les incursions des
Indiens nomades; en un mot, cet état de
nature, conservé au milieu des apparences
d'une ancienne civilisation, donne au caractère
des liai):
une cm
culière.
la natur
émineni
dans un
n)anque
blancs r
inipunén
les provif,
forces p
singulier!
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les soins
de bêtes
errent du
corps saii
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les plus s
pagne.
CIIAPITHE VIII.
38 1
des îiabitans du nord de la Nouvclle-Espaoïie
une énergie , j'ose dire une Irempe parli-
culière. A ces causes se jui«^nenl sans doule
la nature du climat, qui est tempère, un air
éniiîiemment sidubre , la nécessité du travail
dans un sol moins riche et moins ferlde , le
manque total d Indiens et d'esclaves que les
blancs ponrroient employer pour se livrer
impuné-ment à l'oisiveté et à la paresse. Dans
les provincùts intcnuis, le développement des
forces physiques est l'avoiisc par une \ie
singulièrement active, et qui se passe en
grande partie à cheval. Il l'est surtout par
les soins qu'exigent les nombreux troupeaux
de bêtes à cornes , qui , presque sauvages ,
errent dans les savanes. A cette force d'un
corps sain et robuste se joignent la force de
l'Ame et une heureuse disposition des facultés
intellectuelles. Ceux qui dirigent les établis-
semens d'éducation dans la ville de Mexico ,
ont observé depuis long-temps que les jeunes
gens qui se sont distingués par des progrès
rapides dans les sciences exactes , étoient
en grande partie originaires des provinces
les plus septentrionales de la Nouvelle-Es-
pagne.
38-
LIVRE III
L'iiilcnd.'incc de Durango occupe l'exlré-
mitc septentrionale du <,rrand plateau d'Ana-
huac , qui s'abaisse au nord-est vers les bords
du Rio grande del Norte. Les environs de la
ville, de Durango ont cependant encore ,
d'après les mesures barométriques de Don
Jiiiin José de Oteyza, plus de 2000 mètres
de hauteur au-dessus du niveau de l'Océan.
Le sol paroît même conserver cette grande
élévation jusque vers Chihualina ; car c'est
la chaîne centrale de la Sierra JMadre , qui
(comme nous l'avons indiqué dans le tableau
physique général du pays') , près de San José
dcl Parral, se dirige au nord-nord-ouest vers
la Sierra Verde et la Sierra de las Grulhis.
On compte, dans laNuevaBiscaya, une cité
ou ciiidad (Durango) , six villas (Chihuahua,
San Juan del Rio , Nombre de Dios , Papas-
qiîiaro, Saltillo et Mapimi), 199 villages ou
piieblos, 76 paroisses ou y»«/'o<7z//V?5, 162 fermes
ou haciendas ^ o-j missions et 4.00 cabanes ou
ranchos.
» Voyez dans le troisième Chapitre , T. I , p. 283.
DURANC
tenda
plus ]
à 17c
de la
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la vill
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Entre
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deDi<
très-ui
de sec
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sud, 1:
6 lieue
de fixe
rocher
d*amy|£
soulève
a exam
tout ce
CHAPITRE VIII. 383
Les endroits les plus remarquables sont:
DuRANGO ou Guadiana, résidence d'un in-
tendant et d'un évéque, dans la partie la
plus méridionale de la Nouvelle-Biscaje ,
à 170 lieues de distance, en ligne droite ,
de la ville de Mexico ; à 298 lieues de dis-
tance delà ville de Santa-Fe. La hauteur de
la ville est de 2087 mètres. Il y tombe sou-
vent de la neige , et le thermomètre ( sous
les 24" 25 'de latitude) y descend jusqu'à 8®
au-dessous du point de la congélation.
Entre la capitale , les habitations del Ojo
et del Chorro , et la petite ville de Nombre
de Dios , s'élève , au milieu d'un plateau
très-uni, un groupe de rochers couverts
de scories , appelé la Brcna» Ce groupe,
de forme grotesque , qui a , du nord au
sud, 12 lieues de long, et de l'est à l'ouest,
6 lieues de large , mérite particulièrement
de fixer l'attention des minéralogistes. Les
rochers qui constituent la Brena sont
d'amygdaloïde basaltique , et paroissent
soulevés par le feu volcanique. M. Oteyza
a examiné les montagnes voisines , et sur-
tout celle du Frayle, près de l'hacienda
384 llVRE III,
de rOjo. Il a trouvé sur sa cime un cratère
de près de loo mètres de oirconlérence, et
de plus de.lo mètres de profondeur perpen-
diculaire. C'est aussi dans les environs de
Durante) que se trouve , isolée dans la
plaine, eetle énorme masse de fer malléable
et de niekel , qui, dans sa composition , est
identique avec l'aérolithe tombé en lyln à
Hrascbina, près d'Agram, eu Hongrie. Le
savant directeur du Tribunal de Mineria de
Meaicn, Don Fausto d'Elliuyar , m'en a
communiqué des échanlillons que j'ai dé-
posés dans diflerens cabinets d'Europe , et
dont MM. Vauquelin et Klaproth ont publié
l'analyse. On assure que cette masse de
Durango pèse près de 1900 myriagrammes,
ce qui est 4<^>o de plus que l'aérolillie
découvert à Olumpa , dans le Tucuman ,
par M. Rubin de Celis. Un minéralogisle
distingué , M. Frédéric Sonnesclimidt ' ,
qui a parcouru une beaucoup plus grande
partie du Mexique que moi, a aussi reconnu,
en 1792, dans l'intérieur de la ville de
Zacatecas, une masse de fer malléable, d'un
» Gazeia de Mexico, Tt V, p. 5g,
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CHAPITRE VIII.
385
:
poids de 97 myriagraniines. 11 Ta trouvée,
dans ses caractères cxlérieurs et pli)^siques,
entièrement analogtie au fer malléable décrit
par le célèbre Palhis. La Population de
Dnrango est de 12,000.
Chihuagua , résidence du capitaine général
desprovincias internas, entourée de mines
considérables , à l'est du grand Real de
Santa Rosa de Gosiquiàaclii. Population
de 11,600.
San Juan del Rio , au sud-ouest du lac de
Parras. Il ne faut pas confondre cette ville
avec l'endroit qui porte le même nom dans
l'intendance de Mexico, et qui est situé à
Test de Queretaro. Population de 10,200.
Nombre de Dios , ville considérable sur le
chemin des fameuses mines de Sombrerete
î\ Durango. Population de 6800.
pAPAsyuiARO, petite ville au sud du Rio de
Nasas. Population de 56oo.
Saltillo, sur les confins de la province de
Cohahuila et du petit royaume de Léon.
Cette ville est entourée de plaines arides,
dans lesquelles le voyageur souffre beau-
coup du manque de sources. Le plateau
sur lequel le Saltillo est situé, descend
H. 25
386
LIVRE m
• vers Monclova , le Rio del Norte et la
province de Texas, où , au lien dvi blé
d'Europe , on ne trouve que des champs
couverts de cactus. Population de 6000.
Mapimis , avec un poste militaire (presidio),
à Test du Cerro de la Cadena , sur la lisière
"du terrain inculte appelé Bolson de Mapimi.
Population de 24oo.
Parras , près d'un lac de ce nohi , à l'ouest
du Sallillo. Une espèce de vi^iie trouvée
sauvage dans ce beau site, lui a fait donner,
par les Espagnols, le nom de Pnrras. Les
conquérans j ont transplanté la vilis vinifera
de l'Asie, et cette nouvelle branche d'in-
dustrie y a très-bien réussi, malgré la haine
que les monopolistes de Cadix ont jurée
depuis des siècles à la culture de l'olivier ,
de la vigne et du mûrier dans les provinces
de l'Amérique espagnole.
San Pedro de Batopilas, jadis très-célèbre
par la grande richesse de ses mines , à
l'ouest du Rio de Gonchos. Population
de 8000.
San José del Parral, résidence d'une Di-
piitacion de minas. Le nom de ce Real
dérive, comme celui de la ville de Parras,
du ^
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mine
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10,70
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'-.■■iS.Vt-.-r^l'taïkii^'LC'iAMit'S' ■
CHAPITRE Vm. 387
du grand nombre de ceps de vigne sauvage
qui convroient la campagne lors de la
première arrivée des Espagnols. Population
de 5ooo.
Santa Rosa de Cosiguirtachi , entourée de
mines d'argent , au pied de la Sierra de
los Metates. J'ai vu un mémoire très-récent
de l'intendant de Durango , dans lequel
la population de ce Real étoit portée à
10,700. .
GuARisAMEY , miucs très- anciennes, sur le
chemin de Durango à Gopala. Population
de 38oo.
20
388
LIVRE III,
XII. IlCTENDAlSCE DE LaSoNORA.
Population en i8o3 : 121,400.
Étendue de la surface en lieues carrées :
19,143.
Hahitans par lieue carrée : 6.
Cette intendance , qui est encore plus dé-
peuplée que celle de Durango , s'étend le
long du golfe de Californie , appelé aussi la
mer de Cortez. Son littoral a plus de 280
lieues de longueur depuis la grande baie de
Bayona , ou le Rio del Rosario , jusque vers
l'embouchure du Rio Colorado , jadis nommé
Rio de Balzas , sur les bords duquel , au
seizième siècle , les moines missionnaires,
Pedro Nadal et Marcos de Niza firent des
observations astronomiques. La largeur de
l'intendance est peu uniforme. Depuis le tro-
pique du Cancer jusque vers le*^ 27 degrés
de latitude , cette largeur excède à peine
5o lieues ; mais plus au nord , vers le Rio
Gila , elle augmente si considérablement que,
sur le parallèle d'Arispe , elle est de plus de
128 lieues.
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de Cinalo
à l'ouest,
laxara ; à
Nouvelle-
CHAPITRE VIII. 389
L'intendance de la Sonora occupe une
étendue de terrain montueiix qui a plus de
surlace que la moitié de la France; mais sa
population absolue n'arrive pas au quart de
celle des départeriiens les plus peuples de cet
empire. L'intendant , qui réside dans la ville
d'Arispe, est chargé , comme celui de San Luis
Potosi , de l'administration de plusieurs pro-
vinces qui ont conservé les noms particuliers
qu'elles avoient avant la réunion. L'intendance
de la Sonora comprend par conséquent les
trois provinces de Cinaloa ou Sinaloa ,
d'Nostimiiri et de la Sonora proprement
dite. La première s'étend depuis le Rio dcl
Rosario jusqu'au Rio del Fuerte ; la seconde,
depuis -cette dernière rivière jusqu'à celle de
Mayo. La province de la Sonora, que d'an-
ciennes cartes désignent aussi sous le nojii
de la Nouvelle-Navarre , occupe toute l'ex-
trémité septentrionale de cette intendance»
Le petit district d'Hostimuri est regardé au-
jourd'hui comme enclavé dans la province
de Cinaloa. Lintendance de la Sonora confine
à l'ouest, à la mer; au sud, à celle de Guada-
laxara ; à l'est, à une partie très-inculte de la
Nouvelle- Biscaye ; ses limites au nord sont
390 LIVRE m,
peu déterminées. Les villages de la Pimeria
Alla sont séparés des rives du Rio Gila par
une région habitée par des Indiens indé-
pendans , et dont* ni les soldats stationnes
dans les presidios , ni les moines postés dans
les missions voisincsn'ontréussijusqu'àpréscnt
à faire la conquête '.
Les trois rivières les plus considérables de
la Sonora sont celles de Guliacan , de Mayo
et de Yaqui ou de Sonora. C'est à l'embou-
chure du Rio Mayo , au port de Guitivis ,
appelé aussi Santa-Cruz de Ma jo , que s'em-
barque pour la Californie le courrier chargé
des dépêches du gouvernement et de la cor-
respondance du publicCe courriervaà cheval,
de Guatimala à la ville de Mexico , et de là, par
Guadalaxara et le Rosario, à Guitivis. Après
avoir traversé , dans une lancJia , la mer de
Cortez , il débarque au village de Loreto ,
dans la Vieille-Californie. Depuis ce village ♦
' Aller à la conquistt, conc^vnérw [consquistar) ^ sont
les termes teclmiques dont Ks missionnaires se servent
en Amérique pour désigner qu'ils ont planté des croix
aiitour desquelles les Indiens ont construit quelques
cabanes; mais par malheur pour les indigènes les
mots de conquérir et de civiliser ne sont pas sytionymes.
*i ■* I^W
CHAPITRE VIII. 39 1
les lettres sont envoyées de mission en mission
jusqu'à Monterey, et au port de San Fran-
cisco, situé d»ms L» Nouvelle-Californie , sous
les 37" 48' de latitude boréale. Elles par-
courent sur celle roule de postes plus de
920 lieues , c'est-à-dire une dislance qui égale
celle qu'il y a de Lisbonne à Glicrson. La
rivière de Yaqui ou Sonora a un cours d'une
longueur considériible. Elle prend sa source
à la pente occidentale de la Sierra Madré ^
dont la crête peu élevée, pssse entre Arispe
et le presidio de Fronteras. Près de son em-
bouchure est situé le petit port de Guaymas.
La partie la plus septentrionale de l'inten-
dance de la Sonora porte le nom de la
Pimerla , à cause d'une tribu nombreuse
d'Indiens Piinas qui l'habitent. Ces Indiens,
pour la plus grande partie , vivent sous la
domination des moines missionnaires , et
suivent le rite catholique. On distingue la
Pimeria ÂltaàcX'A Pimeria Baxa. La dernière
renferme le presidio de Buenavisla. La pre-
mière s'étend depuis le poste militaire (/y /y/^/V/Zo)
de Ternate jusque vers le Rio Gila. Ce terrain
montueux de la Pimeria Alla est le Choco de
l'Améi'ique septenlrionale. Tous les ravins,
s
Sq^ livre m,
et même des plaines y contiennent de For
' de lavn»e disséminé dans des terrains d*allu-
vion. On y a trouvé des pépites d'or pur d*un
poids de deux à trois kilogrammes : mais ces
lavaderos sont foiblement exploités à cause
des incursions fréquentes des Indiens indé-
pendans , et surtout à cause de la cherté des
vivres qu'il faut transporter de très-loin dans
ce pays iiKîulte. Plus au nord , sur la rive
droite du Rio de la Ascencion, vivent des
Indiens très-belliqueux , les Seris , auxquels
plusieurs savans mexicains attribuent une
origine asiatique , à cause de Tanalogie qu'offre
leur nom avec celui des Seri , placés par les
géographes anciens au pied des montagnes
d'Ottorocorras , à l'est de la Scjthia extra
Imaum.
Il n'existe jusqu'ici aucune communication
permanente entre la Sonora , le Nouveau-
Mexique et la Nouvelle-Californie , quoique
la cour de Madrid ait souvent ordonné que
l'on formât des presidios et des missions entre
le Rio Gila et le Rio Colorado. L'extravagante
expédition militaire de Don Joseph Galvez
n'a point servi à étendre d'une manière stable
les limites septentrionales de l'intendance de
la Sor
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(Mexico,
chronique
600 pages
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pw^p
I
CHAPITRE VIII. 393
la Sonora. Deux moines courageux et enlre-
prenans , les pères Garces et Font , sont
cependant parvenus parterre, sans piisserla
mer de Cortez et sans toucher la péninsule
de l'ancienne Californie , en traversant des
pays habités par des Indiens indépendans,
depuis les missions de la Pinieria Alta jusqu'à
Monterey , et jusqu'au port de San Francisco.
Cette entreprise hardie , sur laquelle le col-
lège de la Propagande à Queretaro a publié
une notice intéressante, a aussi fourni de
nouveaux renseignemens sur les ruines de la
Casa grande , que les historiens mexicains \
regardent comme la demeure des Aztèques ,
arrivés au Rio Gila vers la fin du douzième
siècle.
Le père Francisco Garces, accompagné
du père Font ^, qui étoit chargé de faire les
' Clavigero, I , p. iSq.
^ Chronica serîjica de el Colegio de Propaganda
Fede de Queretaro, por Fray Domingo Arricivita
(Mexico, 1792, T. II, p. 396, 426 et 462). Celte
chronique , qui forme un gros volume in-fol. de
600 pages , mériteroit bien qu'on en fît un extrait :
elle contient des notions géographiques très-exactes
sur les tribus indiennes qui habitent la Californie , lu
I
Sgî- LIVRE m,
observations de latitude , partit du presidio
dUorcasitas le 20 avril de l'année 1770.
Apres onze jours de chemin , il arriva dans
une belle et vaste pluine à une lieue de dis-
tance de la rive nnuidionale du Rio Gila. Il
y reconnut les ruines d'une ancienne ^ille
aztèque, au milieu desquelles s'élève l'édifice
qu'on appelle la Casa grande. Ces ruines
occupent un terrain de près d'une lieue carrée.
La grande maison est exactement orientée
d'après les quatre points cardinaux, ayant,
du nord au sud , i36 mètres de long , et de
Test à l'ouest 8/|. mètres de large. Elle est
construite en torchis (tapia). Les pisés sont
d'une grandeur inégale, mais symétriquement
placés. Les murs ont 1 2 décimètres d'épaisseur.
On reconnoît que cet édiiice avoil trois étages
et une terrasse. L'escalier étoit extérieur et
probablement de bois. Ce même genre de
construction se trouve encore dans tous les
villages des Indiens indépendans du Moqui,
Sonnra, le Moqui, Nabajoa et les rives du Rio Gila.
Je n'ai pas pu apprendre de quels iiistrumciis astro-
noniiqucH le père Fout s'est servi dans les excursions
qu'il fil au Rio Colorado , depuis 1771 iusqu'en 1776.
Je cruias que ce ne soit d'un anueau solaire.
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-.^^.rfa..
CHAPITHE VIII. 3ij5
à Toiiest du Nouveau-Mexique. On rcconnoît
dans Ja Casa grande cinq pièces, dont chacune
a 8", 3 de long, 5", 3 de large, et 5 ",5 de
haut. Une muraille interrompue par de grosses
tours ceint l'édifice principal, et paroît lui
avoir servi de défense. Le père Garces dé-
couvrit les vestiges d'un canal artificiel qui
conduiijoit les eaux du Rio Gila à la ville.
Toute la plaine environnante est couverte de
cruches et de pots de terre cassés , joliment
peints en blanc, en rouge et en bleu. On
trouve aussi parmi ces débris de l'aïence
mexicaine des pièces d'obsidienne ( itztli ) ,
phénomène assez curieux, parce qu'il prouve
que les Aztèques avoicnt passé par quelque
contrée septentrionale inconnue qui recèle
cette substance volcanique , et que ce n'est
pas l'abondance d'obsidienne que renlerme
la Nouvelle-Espagne, qui a fait naître l'idée
des rasoirs et des armes d'itztli. Il ne faut
d'ailleurs pas confondre les ruines de cetto
ville du Gila, centre d'une ancienne civili-
sation des peuples américains , avec les Casas
grandes delà Nouvelle-Biscaye, situées entre
le presidio de Yanos et celui de San Buena-
venlura. Ces dernières sont désignées par les
mm
396 LIVRE III,
indigènes comme la troisième demeure des
Aztèques, dans la supposition très- vague que
la nation aztèque , dans sa migration depuis
Aztlan jusqu'à Tula et la vallée de Tcnoch-
titlan , fit trois stations : la première près du
lac ïeguyo ( au sud de la ville fabuleuse de
Quivira , le Dorado mexicain ) ; la seconde
au Rio Gila , et la troisième aux environs de
Yanos.
Les Indiens qui vivent dans les plaines voi-
sines des Casas grandes du Rio Gila, et qui
n'ont jamais eu la moindre communication
avec les habitans de la Sonora , ne méritent
aucunement le nom dUndios brai^os. Leur
culture sociale contraste singulièrement avec
l'état des sauvages qui errent sur les rives
du Missoury et en d'autres parties du Canada.
Les pères Garces et Font trouvèrent les
Indiens au sud de la rivière de Gila , vêtus ,
cultivateurs paisibles , réunis au nombre de
deux ou trois mille dans des villages qu'ils
appellent Uturicut et Sutaquisan. Ils virent
des champs semés en maïs , en coton et en
calebasses. Les missionnaires , pour tenter la
conversion de ces Indiens , leur montrèrent
un tableau peint sur une grande pièce de
toile d
condan
fît peu]
Garces
parler
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doux et
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les missj
adminisi
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« néces
« Ions j
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lorsqu'o
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latitude
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l'histoin
mcxicaii
On co
une cité
( inllas) ;
lao-es [p
CHAPITRE VIII. 397
toile (le coton , et représentant un pécheur
condamné aux flanjmes de l'enfer. Le tableau
fit peur aux Indiens ; ils engagèrent le pèr«
Garces de ne plus le dérouler , ni de leuF
parler de ce qu'il croyoit leur arriver après
la mort. Ces indigènes sont d'un caractère
doux et loyal. Le père Font leur fit expliquer,
par ses interprètes , la sûreté qui régnoit dan»
les missions chrétiennes , où un alcade indien
administroit la justice. Le chef d'Uturicut lui
répondit : « Cet ordre de choses peut être
« nécessaire pour vous autres : nous ne vo-
« Ions pas , nous disputons rarement ; donc
« à quoi bon un alcade parmi nous? » La
civilisation que l'on trouve chez les indigènes,
lorsqu'on se rapproche de la côte nord-ouest
de l'Amérique, depuis les 33<» aux 54.** de
latitude , est un phénomène bien frappant ,
et qui ne laisse pas de jeter quelque jour sur
l'histoire des premières migrations des peuples
mexicains.
On compte , dans la province delaSonora,
une cité [ciudad) , celle d'Arispe ; deux villes
( villas) ; savoir : Sonora et Hostimuri ; 46 vil-
lages (pueùlos) , i5 parois^ses {paroquias)
SgS LIVRE III,
43 missions , 20 métairies ( haciendas ) , et
25 ïevmes {ranchos).
La province de Cinaloa renferme 5 villes
(Culiacan, Cinaloa, el Rosario , el Fuerte,
et los Alamos ) ^ 92 villages , 5o paroisses ,
i4 haciendas et 4^0 ranchos.
En 1795, le nombre d'Indiens tributaires
étoit, dans la province delà Sonora, seulement
de 261, tandis que, dansla province deCinaloa,
il montoit à j85i. Aussi la dernière de ces
provinces est-elle plus anciennement peuplée
que la première.
Les endroits les plus remarquables de l'in-
tendance de la Sonora sont :
Arispe , résidence de l'intendant , au sud et
à l'ouest des presidios de Bacuachi et de
Bavispe. Des personnes • qui ont accom-
pagné M. Galvez dans son expédition de
la Sonora , assurent que la mission d'Ures ,
près de Pitic , auroit été plus propre
qu'Arispe pour devenir la capitale de Fin-
tendance. Population de 7600.
Sonora
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popul
Cinaloa
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Rio M
mineri
CHAPITRE VIII. 399
SoNORA , au sud d'Arispe , au nord-est du
presidio d'Horcasitas. Population de 6/400.
HosTiMURi, petite ville très-peuplée, envi-
ronnée de mines considérables.
CuLiACAN, célèbre dans l'histoire mexicaine-
sous le nom d'Hueicolhuacan. On estime la
population de 10,800.
CiNALOA , appelé aussi la Villa de San Felipe
j Santiago , à l'est du port de Ste.-Marie
d'Aome. Population de gSoo.
El Rosario , près des riches mines de Copala.
Population de 56oo.
Villa del Fuerte , ou Montesclaros , au
nord de Cinaloa. Population de 7900.
Los Alamos , entre le Rio del Fuerte et le
Rio Mayo , résidence d'une Diputacion de
mineria. Population de 7900.
4oo
LIVRE III
XIIT. La Province du Nuevo Mexico.
Population en i8o5 : 4o,20o.
Étendue de la surface en lieuescarrées : 5700.
Habitans par lieue carrée : 7.
Plusieurs géographesparoissent confondre
le Nouveau-Mexique avec les provincias in-
ternas : ils en parlent comme d'un pays riche
en mines, et d'une vaste étendue. L'auterr
célèbre de l'Histoire philosophique des éta-
blissemens européens dans les deux Indes a
contribué à propager cette erreur. Ce qu'il
appelle l'empire du Nouveau-Mexique n'est
qu'un rivage habité par de pauvres colons.
C'est un terrain fertile , mais dépeuplé , dé-
pourvu , à ce que l'on croit jusqu'ici, de toutes
richesses métalliques, et qui s'étend le long
du Rio delNor te, depuis les5i" jusqu'aux 58®
de latitude boréale. Cette province a, du sud
au nord, 176 lieues de longueur, et de l'est
à l'ouest, 5o à 5o lieues de largeur.Son étendue
territoriale est par conséquent bien moindre
que des personnes peu instruites en matières
géographiques, ne la supposent dans le pays
w
%■
h
même.
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Indiens. C
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II.
CHAPITRE VÎII. 4^1
même. La vanilé nalionale se plaît même à
agrandir les espaces , à reculer , sinon dans
la réalité , du moins dans rirnagination , les
limites du pays occupé par les Espagnols.
Dans des mémoires qui m'ont été fournis sur
la position des mines mexicaines , on évalue
l'éloignement d'Arispe au Rosario, àoooj
d'Aiispe à Copala , à /it>o lieues marines, sans
compter que toute l'intendance de Sonora
n'en a pas 280 en longueur. Par la même
cause , et surtout pour se concilier la faveur
de la, cour, les conijuistadores , les moines
missionnaires et les premiers colons ont donné
de grands noms à de petites choses. Nous
avons décrit plus haut un royaume , celui de
Léon , dont toute la population n'égale pas
le nombre des moines franciscains en Espagne.
Quelques cabanes réunies prennent souvent
le titre pompeux de villes. Une croix plantée
dans les forêts de la Guayane figure sur les
cartes des missions envoyées à Madrid et à
Rome , comme im village habité par des
Indiens. Ce n'est qu'après avoir vécu long-
temps dans les colonies espagnoles , après
avoir reconnu de près ces fictions de royaumes,
de villes et de villages, que le voyageur se
n. 26
/jOH MVni, TÎI,
forme une éeliellc propre à réduire les objets
à Jeur juste vjileur.
Les conquérans espagriols, peu d'années
après la destruction de l'empire aztèque,
firent des élablissemens stables dans le nord
d'Anabuac. La ville de Durango fui fondée
sous l'administration du second vice-roi de la
Nou>elle - Espao^ne , f elasco cl Primero ,
l'année i5ocj. Cétoit alors un poste militaire
contre les incursions des Indiens Cbiclû-
irièques. Vers la fin du Seizième siècle , le
vice-roi comte de Monterey envoya le va-
leureux o/^^«'« de Ouate au Nouveau-Mexique.
C'est ce g-énéral qui, après avoir chassé les
tribus d'indigènes nomades, peupla les rives
du grand Rio del Norte.
Depuis la ville de Cbihuahua on peut aller
en voiture jusqu'à Santa-Fe du Nouveau-
Mexique. On s'y sert communément d'une
sorte de calèche que les Catalans appellent
volantes. Le chemin est beau et uni; illonj^ela
rive orientale du Grand Fleuve (Rio Grande) ,
que l'on traverse au Passo del Norte. Les
bords du fleuve sont très-pittoresques ; ils sont
ornés de beaux peupliers et d'autres arbres de
la zone tempérée.
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7\" IS ' " 7^'- ■
CHAPITRE VIII. l^o3
Il est assez frappant de voir qu'après deux
siècles de colonisation , la province du Nou-
veau-Mexique ne soit point encore conliguë
à l'intendance de la Nouvelle - Bisca^'e. Un
désert dans lequel les voyageurs sont quel-
quefois attaques par les Indiens Cumancbes ,
sépare les deux piovinces. Il se prolonge
depuis le Passo del Norte vers la ville d'Albu-
querque. Avant l'année 1680 , époque à
laquelle il j eut une révolte générale des
Indiens du Nouveau-Mexique , cette étendue
de terrain inculte et inhabité étoit cependant
moins considérable qu'elle ne l'est aujour-
d'hui. Il existoit alors trois villages , San
Pascual, Semillete , et Socorro , qui étoient
situés entre le marais du Muerto et la ville de
Santa-Fe. L'évêque Tamaron en vit encore
les mines en 1760. Il trouva dans des champs
des abricotiers devenus sauvages, et indiquant
l'ancienne culture de ce pays. Les deux points
les plus dangereux pour les voyageurs sont
le défilé de Robledo , à l'ouest du Rio del
Norte, vis-à-vis la Sierra de Doua Ana, et
le désert du Muerto. Beaucoup de blancs y
ont été assassinés par les Indiens nomades;.
Le désert du Muerto est une plaine de
26*
4o4 LIVRE III,
trente lieues de long, sans eau. En général,
tout ce pays est d'une sécheresse effrayanle ;
car les montagnes de los Mansos , situées à
Fest du chemin qui mène de Durango à
Santa -Fe, ne donnent pas naissance à un
seul ruisseau. Malgré la douceur du climat ,
et les progrès de l'industrie, une grande partie
de ce pays , de même que la Vieille-Californie ,
et plusieurs districts de la Nouvelle-Biscaye
et de Tintendance de Guadalaxara , ne seront
jamais susceptibles de renfermer une popu-
lation considérable.
Le Nouveau- Mexique , quoique place sous
la même latitude que la Syrie et la Perse
centrale , a un climat éminemment froid. Il y
gèle ûu milieu du mois de mai. Près de
Santa-Fe , et un peu plus au nord ( sous le
parallèle de la Morée) le Rio del Norte se
couvre quelquefois plusieurs années de suite
de glaces si épaisses qu'on le passe à cheval
et en voiture. Nous ne connoissons pas la
hauteur du sol de la province du Nouveau-
Mexique ; mais je doute que , sous le trente-
septième degré de latitude, le lit du fleuve
ait plus de sept ou huit cents mètres d'élé-
vation au-dessus du niveau de l'Océan. Les
est au n
elles ba
de juin,
de l'été
très-peti
à gué ,
extraorc
appelés
sonnes y
prend p
on appel
til lio à -3
Les ea
. _. .!,_
CHApiT[\i: vin.
/,o.^>
montagnes qui bordent la \ allée du Rio dcl
Norte , même celles au pied desquelles est
situé le village de Taos, perdent leur neige
déjà vers le commencement du mois de juin.
Le Grand Fleuve du ISord , comme nous
l'avons observé plus haut , prend sa source
dans la Sierra Verde , qui est un point de
partage entre lesallluens du golfe du Mexique
et ceux de la mer du Sud. Il a ses crues pério-
diques [crecîcntes) comme l'Orénoque , le
Mississipi, et un grand nombre de rivières des
deux conlinens. Les eaux du Rio del Norte
augmentent depuis le mois d'avril ; leur crue
est au maximum au commencement de mai:
elles baissent surtout depuis la fin du mois
de juin. Ce n'est qu'à Tépoque des sécheresses
de l'été, et quand la force du courant est
très-petite, que les habitans passent le fleuve
à gué , montés sur des chevaux d'une taille
extraordinaire. Au Pérou, ces chevaux sont
appelés cavallos chlmbadores. Plusieurs per-
sonnes y montent à la fois , et si le cheval
prend pied de temps en temps en nageant ,
on appelle ce mode de passer le fleuve , passai-
til lia a volaplé.
Les eaux du Rio del Norte , comme celles
4o6 LIV1\E III,
de rOrciloqiie et de toutes les grandes rivières
de l'Amérique méridionale , sont extrêmement
troubles. Dans la Nouvelle-Biscaye on re-
garde comme la cause de ce phénomène une
petite rivière appelée Rio Puerco (Jleuve sale)^
et dont l'embouchure est au sud de la ville
d*Albuquerque, prèsde Valencia. M.Tamaron
a observé cependant que leseauxsont troubles
bien au-dessus de Santa-Fe et de la ville de
Taos. Les habitans du Passo del Norte ont
conservé la mémoire d'un événement très-
extraordinaiie qui eut lieu l'année 1762. Ils
virent tout d'un coup rester à sec tout le lit
de la rivière , Irentc lieues au-dessus , et plus
de vingt lieues au-dessous du Passo : l'eau du
fleuve se précipita dans une crevasse nouvel-
lement lormée , et ne ressortit de terre que
près du presidio de San Eleazario. QeXXepcrte
du Rio del Noi'le dura assez long-temps. Les
belles campagnes qui entourent le Passo , et
c[ui sont traversées par de petits canaux d'irri-
gation , restèrent sans arrosernent ; les habitans
creusèrent des puits dans le sable , dont le lit
delà rivière est comblé. Enfin , après plusieurs
semaines , on vit l'eau prendre son ancien
cours , sans doute parce que la crevasse et les
l.llAPITUi: VIII.
407
conduits soulerrains s'ctoicMil bouches. Le
pliéiioincne que je viens de citer a (jnel(|ue
analogie avec un l'ait que les Indiens de la
province de Jaen de Htacaniorros m'ont
rapporté pendant mon séjour à Tomependii.
C'est au commencement ilu dix - huitième
siècle que les habitans du vilhijL,^e de Puyaya
virent avec effroi se dessécher presque entiè-
rement, et pendant plusieurs heures, le lit
du fleuve des Amazones. Près de la cataracte
(po/igo) de Rentema une partie desrocheis
de grès s'étoient écroulés par l'eflèt d'un
tremblement de terre , et les eaux du Ma-
raîîon furent retenues dans leur cours jusqu'à
ce qu'elles eussent pu franchir la digue qui
s'étoit formée. Dans la partie septentrionale
du Nouveau-Mexique , près de Taos , et au
nord de cette ville , naissent des rivières dont
les eaux se mêlent à celles du Mississipi. Le
Rio de Pecos est probablement identique
avec la rivière rouge de Natchitoches , et le
Rio Napestla est peut-être le même fleuve qui,
plus à l'est , prend le nom d'Arkansas.
Les colons de cette province, connus par
la grande énergie de leur caractère , vivent
dans un état de guerre perpétuelle avec les
4o8 LIVRE iir,
Indiens voisins. C'est à cause tlu manque de
siirelé qu'offre la vie des champs, que les
villes sont plus peuplées qu'on ne devroit
s'y attendre dans un pays aussi désert. La
situation des habilans du Nouveau-Mexique
ressemble, sous plusieurs rapports, à celle
des peuples d'Europe au mojen Age. Aussi
long-temps que l'isolement expose l'homme
à des dangers personnels, aucun équilibre ne
peut s'établir entre la population des villes et
celle de la campagne.
Il s'en faut de beaucoup cependant que ces
Indiens, qui vivent en inimitié avec les colons
espagnols , soient tous également barbares.
Ceux de l'est sont nomades et guerriers. S'ils
font le commerce avec les blancs , c'est
souvent sans se voir , et d'après des principes
dont on retrouve des traces chez plusieurs
peuples de l'Afrique. Les sauvages , dans
leurs excursions au nord du Bolson de Ma-
pimi , plantent, le long du chemin qui mène
de Chihuahua à Santa-Fe, de petites croix
auxquelles ils suspendent une poche de cuir
avec un peu de viande de cerf; au pied de
la croix se trouve étendue une peau debulïle:
rindien indi ^ue ^xir ces signes , qu'il veut
i*-'.
établir un a
qui adorent
«hrétien une
dont il ne fu
àcsp/esicliosj
gïjphique dej
huille, et Jai
viande salée \
qui indique i
bonne foi et <
Avec les In
errent dans le
Mexique, con
à J'ouest du R
Gila et CoIorJ
derniers missio
le pavs des M
Yaquesila. Il fi
indienne avec
maisons à plusi
alignées et pan
peuple s j asse
terrasses qui f(
' l>/arh dd nia
CHAPITRi: VIII. 409
établir un comniercc créchanfrc avec ceux
qui adorent la croix ; il oflre au voyageur
chrétien une peau pour avoir des comestibles
dont il ne lixe pas la quantité. Les soldats
âcspresidios , qui entendent le langage hiéro-
glyphique des Indiens , prennent la peau de
buiïle, et laissent au pied delà croix de la
viande salée ^ Voilà un système de commerce
qui indique un mélange extraordinaire de
bonne foi et de méfiance.
Avec les Indiens nomades et méfians qui
errent dans les savanes , à l'est du Nouveau-
Mexique , contrastent ceux que l'on trouve
à l'ouest du Rio del Norlc , entre les fleuves
Gila et Colorado. Le père Garces est un des
derniers missionnaires qui, en lyy^, ont visité
le pays des Morjir' , traversé par le Rio de
Yaquesila. Il fut étonné d'y trouver une ville
indienne avec deux grandes places , des
maisons à plusieurs étages , et des rues bien
alignées et parallèles les unes aux autres. Le
peuple s'y assembloit tous les soirs sur les
terrasses qui forment les toits des maisons.
> Dtarh dd Illunlr, Senor Tamaron, ( Manuscrit. )
1^-
4lO LIVRE III,
La conslTiiction des é(Vilîces duMoqui est la
même que celle des Casas grandes ^ aux
bords du Rio Gila , dont nous avons parlé
plus haut. Les Indiens qui habitent la partie
septentrionale du Nouveau-Mexique donnent
aussi une hauteur considérable à leurs maisons,
pour découvrir l'approche de leurs ennemis.
Toutparoît annoncer, dans ces contrées, des
traces de la culture des anciens Mexicains.
Les traditions indiennes nous apprennent
même que vingt lieues au nord du Moqui,
près de Tembouchure du Rio Zaguananas,
les rives du Napajoa étoient la première de-
meure des Aztèques, aprèsleur sortie d'Aztlan.
En considérant la civilisation qui existe sur
plusieurs points de la cote nord-ouest de
rAmérique , au Moqui et sur les bords du
Gila, on seroit tenté de croire (et j'ose le
répéter ici ) que , lors de la migration des
ïoltèques , des Acolhues et des Aztèques,
plusieurs tribus se sont séparées de la grande
masse du peuple pour se fixer dans ces
contrées boréales. Cependant la langue qre
parlent les Indiens du Moqui, les Yabipa's,
qui portent de longues barbes ; et ceux qui
mm
. -1
'■'' i
CHAPITRE VIII. 4^1
habitent les plaines voisines du Rio Colorado,
diifcre ' essentiellement de la langue mexi-
caine.
Au dix-septième siècle , plusieurs mission-
naires de l'ordre de Saint-François s'éloicnt
établis parmi les Indiens du Moqui et de
Nabajoa. Ils furent massacrés dans la grande
révolte des Indiens , qui eut lieu en 1680.
J'ai vu sur des cartes manuscrites, dressées
avant cette époque, le nom de la provincict
del Moqui.
La province du Nouveau-Mexique a trois
villas ( Santa-Fe, Santa-Cruz de la Canada y
Taos , Albuquerque y Alameda) , 'iGpiwùlos
ou villages , 5 parroquias ou paroisses , 19
missions , et aucune ferme ( lancho ) isolée.
Santa-Fe , capitale , à l'est du Cran Rio del
Ncrte. Population de 0600.
Albiiquerque , vis-à-vis du village d'Atrisco ,
à l'ouest de la Sierra obscura. Population
de 6000.
* Voyez le témoignage de plusieurs moines mission-
naires qui étoient 1res- versés dans lu connoissance de
la langue aztèque. ( C/ironica serajlcu, del Collegio de
Queretaro, p, ^loS.)
w^mF
4l2 LIVRE III,
Taos, que les anciennes cartes plaooienl de
62 lieues trop au nord , sous les 4o degrés
de latitude. Population de 8900.
Passo delNorte, presidio ou poste militaire
sur la rive droite du Rio del Norte , séparé
de la ville de Santa-Fe par un pays inculte
de plus de 60 lieues de long. Il ne faut
point confondre cette bourg^ide , que quel-
ques cartes manuscrites conservées dans
les archives de Mexico considèrent comme
dépendante de la Nouvelle-Biscaye , avec
le Presidio ciel Nortc y ou dr lai 'un tas,
placé plus au sud, à l'embouchure du Rio .
Conchos. C'est au Passo deJ Norte que
s'arrêtent les voyageurs pour réunir les
provisions récessaires, a' nt de continuer
leur route jusqu'à Santa-Fe. Les environs
du Passo sont un pays délicieux, qui res-
semble aux plus belles parties de l'Anda-
lousie. Les champs sont cultivés en maïs cl
en froment; les vignobles produisent ; '-^
vins liquoreux et excellens, que l'on prtk' c
même aux vins de Parras , de la Nouvelle-
Biscaye ; les jardins rcnfc ent en abon-
dance tous les arbres fruitiers de l'Europe,
des figuiers , des pêchers , des pomhiiers et
«za:iZ.r.:l.^:,
^.-^^ -'jty*..^..:. _ — _..
wm
wrn^
11
«
CHAPITRE VIII. 4^3
des poiriers. Gomme le pays est très-sec , un
canal d'irrigation conduit les eaux du Rio
dcl Nortc au Passo. Les habitans du Pre-
sidio ont beaucoup de peine à conserver
le batardeau qui force les eaux des fleuves,
lorsqu'elles sont très-basses , d'entrer dans
le canal [azequia). Pendant les grandes
crues du Rio del Norte la force du courant
détruit ce batiirdeau presque tous les ans -,
aux mois de mai et de juin. La manière
de rétablir et de renforcer la digue est assez
ingénieuse : les habitans forment des paniers
de pieux réunis par des branches d'arbres
et remplis de terre et de pierres. Ces
gabions (cestones) sont abandonnés à la
force du courant, qui, dans son remous,
les dépose au point où le canal se sépare
de la rivière.
I ifl
nw 1
44
LIVRE III,
XIV. Proviîjce de la Vieille-Californie.
Population en i8o3 : 9000. • '
Etendue de la surface en lieues carrées : 72g5.
Habitans par lieue carrée : i.
L'histoire de la géographie offre plusieurs
exemples de pays dont la position a été connue
aux premiers navigateurs, et queFon a regardés
* ïig - temps comme n'ayant été découverts
qu'à des époques très-récentes. Telles sont
les îles Sandwich ; la côte occidentale de la
Nouvelle - Hollande ; les grandes Cyclades ,
nommées jadis , par Quiros , l'archipel dal
Espiritu Santoj la terre des Arsacides , vue
par Mendana , et surtout les côtes de la Cali-
fornie. Ce dernier pays avoit été reconnu
comme une péninsule, avant l'année i54.i ;
et cependant cent soixante a^^ ^ plus tard on
attribuoit au père Kiihn (Kino) le mérite
d'avoir prouvé le premier que la Californie
u'étoit pas une île , mais qu'elle tenoit au
continent du Mexique.
Cortez , après avoir étonné le monde par
ses exploits sur la Terre-Ferme, déploya une
CHAPITRE Vin. l[l^
ëner<^ie de caractère non moins admirable
dans ses entreprises marilinies. Inquiet, am-
bitieux , tourmenté de l'idée de voir le pays
que son courage avoit conquis , administré
tantôt par un corrégidor de Tolède , tantôt
par un président de l'audience , ou par un
évêque de Saint-DominT-ue ', il se livra tout
entier aux ex]:>éditions de découvertes dans
la mer du Sud. Il paroissoit oublier que les
ennemis puissans qu'il avuit à la cour lui
avoient été suscités par la grandeur et la
rapidité de ses succès , et il se flattoit de les
forcer au silence par l'éclat de la nouvelle
carrière qui s'ouvroit à son activité. D'un
autre côté, le gouvernement^ qui se méfîoit
d'un homme aussi extraordinaire, l'encou-
ragea dans son dessein de parcourir l'Océan.
Croyant , depuis la prise de Mexico , n'avoir
plus besoin du talent militaire de Cortez,
Tempereur étoit content de le voir lancé dans
des entreprises hasardeuses. Il désiroit surtout
éloigner le héros du théâtre sur lequel avoient
brillé son courage et son audace.
* Le corrégidor Luis Ponce de Léon , le président
Nuno de Guzmaa, et l'évêque Sébastian Ramirez de
Fuenleal.
wmf^
4l6 LIVRE III,
Déjà en i525, Charles-Quint, dans une
lettre datée de Valladolid, avoit recommandé
à Cortez de chercher , sur les côtes orientales
et occidentales de la Nouvelle - Espagne , le
secret d'un détroit ( el secreto del eslrecho ) ,
qui racourciroit de deux tiers la navigation
de Cadix aux Indes Orientales , appelées alors
le Pajsdes épiceries, Corlez , dans sa réponse
à Tempereur , parle avec le plus grand en-
thousiasme de la probabilité de cette décou-
verte « qui (ajoute - t- il) rendra Vôtre
« Majesté maîtresse de tant de royaumes ,
•c qu'elle pourra se regarder comme le mo-
« narque du monde entier '. » C'est dans Je
cours d'une de ces navigations, entreprises
aux frais particuliers de Cortez, que les côtes
de la Californie furent découvertes par Her-
nando de Grixalva, au mois de février i534 '.
» Cartas de Cortez, p. 374, 382, 385.
* J'ai trouvé , dans un manuscrit conservé dans Ips
archives de la vice-royauté de Mexico, que la Cali-
fornie avoit été découverte en 1626. J'ignore sur quoi
se fonde cette assertion. Cortez , dans ses lettres à
l'empereur, écrites jusqu'en i524, parle souvent des
perles qu'on trouve près des îles de la mer du Sud;
cependant les extraits que l'auteur de la Helacion del
CHAPITRE VIII. 4^7
iSon pilote, Fortim Xiinenez, fut tué par le»
Californiens , dans la baie de Santa-Gruz ,
appelée dans la suite le port de la Paz , ou
du marquis del Valle. Mécontent delà lenteur
et du peu de succès des découvertes dans la
mer du Sud , Corlez s*embarqua lui-même ,
en i535 , avec 4(>o Espagnols, et avec trois
cents nègres esclaves j au port de Ghiametlan
( Chametla ). Il longea les deux côtes du golfe
que l'on désigna dcs-lors par le nom de la
Mer de Cortez , et que l'historien Gomara ,
en 1657, compara très- judicieusement à la
mer Adriatique. C'est pendant son séjour à
la baie de Santa-Cruz que parvint à Cortez
la nouvelle afdigeante que le premier vice-roi
venoit d'arriver à la Nouvelle-Espagne. Ce
i;rand conquérant poursuivit sans relâche ses
découvertes en Californie , lorsque le bruit
de sa mort se répandit à Mexico. Son épouse,
.luana deZuniga, équipa deux vaisseaux et
une carcwèle pour approfondir la vérité de
Viage al Estrccho «le Fuca (p. 7-22) a faits tles manus-
crits prôcieux conservés à l'Académie (rhisloire de
IMadrid , paroisscnl prouver que la Californie n'a pas
iiicme élé vue dans l'expédition de Diego Hurtado de
Mciidoza , en 16.^2.
ir. 27
4l8 LIVIIE IIT,
celle nouvelle alarmanle. Cortez^ après avoir
couru mille danj^ers , mouilla heureusement
au port d'Acapulco. Il fit poursuivre , et
«oujours à ses frais, par Francisco de LHloa,
la carrière qu'il venoit d'ouvrir si glorieuse-
ment. Ulloa , dans le cours d'une navigation
de deux ans, reconnut les côtes du golfe de
Californie jusque vers l'emboucliure du Rio
Colorado.
La carte que le pilote Caslillo construisit
à Mexico, en i54i , et que nous avons citée
plusieurs fois, représente la direction des
côtes de la presqu'île de Californie, telle à
peu près que nous la connoissons aujourd'hui.
Maigre ces progrès de la géographie , dus
au génie et à f'aclivité de Cortez , plusieurs
écrivains, sous le foîble règne du roi Charles ir,
commencèrent à regarder la Californie comme
un archipel de grandes îles , appelées Islas
Carolinas, La pèche des perles n'j attiroit
que de temps en temps quelques balimens
expédiés des ports de Xalisco , d'Acapulco
ou de Cliacalaj et lorsque trois jésuites, les
pères Kiihn, Salvatierra et Ugarte, visitèrent
dans le plus grand détail , depuis l'année 1701
jusqu'en 1721 , les côtes qui environnent la
situé au n
CHAPITRE VlII. 419
mer cle Cortez ( mar roxo o lyermcjo ) , on crut
en Europe avoir appris pour la première fois,
que la Californie est une péninsule.
Plus imparfaitement un pajs est connu,
plus il est éloigné des colonies européennes
les mieux peuplées , et plus facilement il
acquiert une réputation de grandes richesses
métalliques. L'imagination des hommes se
plaît aux récits des merveilles que la crédulité
ou souvent k ruse des premiers voyageurs
sait répandre d'un ton mystérieux. Sur les
cotes de Garaccas, on s'extasie sur les richesses
des pays situés entre l'Orénoque et le Rio
Ne^fro : à Santa-Fe , on entend vanter sans
cesse les missions des Andaquies ; à Quito ,
les provinces de Macas et de Maynas. La
presqu'île de la Californie a été pendant
long-tempsle Doradode la Nouvelle-Espagne.
Un pays riche en perles doit , selon la logique
du peuple , produire en abondance de For,
des diamans et d'autres pierres précieuses.
Un moine voyageur , Fray Mar • vs de Nizza,
exalta la tête des Mexicains par les nouvelles
fabuleuses qu'il donna de la beauté du pays
situé au nord du golfe de Californie , de la
27'
i
4'JtO IIVRE III,
magnificence de la ville de Cibola ', de son
immense population, de sa police et de la civi-
lisation de ses liabitans. Cortez et le vice-roi
Mendozase disputèrent d'avance la conquête
* L'ancienne carte manuscrite tle Castlllo place la
ville labulcuse cle Cibola ouCibora , sous les 37** tle
latitude. Mais en réduisant sa position à ceîle de
l'embouchure du Rio Colorado , on est tenté de croire
que les ruines des Casas gi-andes du Gila, dont il a été
question dans la description de l'intendance de la
Sonora, pourroient avoir donné occasion aux contes
débités par le bon père Marcos de Nizza : cependant
la grande civilisation que ce religieux assure avoir
trouvée parmi les hahitans de ces contrées seplcnlrio-
nalcs , me pdroît un fait assez important , et qui se lie
à ce que nous avons exposé en parlant des Indiens du
Rio Gila et du Moqui. Les auteurs du seizième siècle
plaçoient nn second Doraclo au nord de Cibora , sous
les 4i** de latitude. C'cst-là que se trouvoit, selon eux,
le royaume de Tatarrax et une immense ville appelée
Quivira , sur les bords du lac de Teguayo , assez près
du Rio du Aguilar. Celle tradition, si elle se fonde
sur l'assertion des Indiens d'Analiuac, est assez remar-
quable -, car les bords du lac de Teguayo , qui est
peut-être identique avec le lac de Timpanogos , sont
indiqués , par les historiens aztèques, comme la patrie
des Mexicains, «- . '
de ce
semen
Califoj
occasi(
ce paj
Le pei
l'on ej\
cap Pu
lequel
talliqiie
et la Iji
naître I
jeux di
l^ermoit
Ces cor
Don Jo
resque
contre
Calil'orr
sans 1er
et des VL
les leute
et large
tiré du
reconnu
industrie
ciiAPiTUi': viii. .\:>.i
de ce Tombouctou mexicain. Les éUiblis-
semcns que les jésuites Hient dans la VieilU-
Californie , depuis l'année 1680, donnèrent
occasion de reconnoître la grande aridité de
ce pays, et l'extrême dilïlcullé de le culli>er.
Le peu de succès qu'eurent les mines que
l'on exploita à Sainte -Anne, au nord du
capPulmo , diminuèrent /enthousiasme avec
lequel on avoit préconisé les richesses mé-
talliques de la presqu'île. Mais la malveillance
et la haine qu'on portait aux jésuites firent
naître le soupçon que cet ordre cachoit aux:
jeux du gouvernement les trésors que ren-
fermoit une terre si anciennement vantée.
Ces considérations déterminèrent le visitador
Don José de Galvez, que z^n esprit chevale-
resque avoit engagé dans une expédition
contre les Indiens de la Sonora , à passer en
Calii'ornie. Il y trouva des montagnes nues ,
sans terre végétale et sans eau : des raquettes
et des mimoses arborescentes naissoient dans
les lentes des rochers ; rien n'annoncoit l'or
et l'argent que l'on accusoit les jésuites d'avoir
tiré du sein de la terre : mais partout on
reconnut les traces de leur activité , de leur
industrie , et du zèle louable avec lequel ils
l\').}. L1VT\F III,
avi)itînl travailh' à ciilli^rr nii pays «li'srrl et
aricJo. C'est dans le eoms de eelle e\|)é(lili(m
(le Californie que le visilador (ialvez lut
aecompajTcné i\\\\\ houinic aussi renianpinhlc
par son talent que par les jurandes vieissitudes
qu'il a éprouvées dans sa fortune ; le chevalier
d'yVsanza fit les fonelions de seerélairc auprès
de M. Galvez. 11 énonça avec franchise ce
que les opéra lions de lu j)elile année ]>rou-
voient bien mieux encore que les médecins
de Pitié; il osa dire que le visitador avoit
l'esprit aliéné. M. d'Asanza fut arrête et en-
fermé pendant cinq mois dans une prison dans
levilla<:;c deTepozolIan ,où, trente "nsaprcs,
il fit son entrée solennelle comme -roi de
la ]Nouvclle-l^spa<;ne. .
La presqu'île de Californie , qui, sur une
étendue de terrain égale à celle de l'Angle-
terre , n'a pas la population des petites villes
d'Ipswich ou de Deptford , est placée sous
le même parallèle que le Bengale et les îles
Canaries. Le ciel j est constamment serein ,
d'un bleu loncé cl sans nuages : si ces
derniers paroissent momentanément au cou-
cher du soleil , c'csl en brillant des plus belles
nuances de violet , de pourpre et de vert.
CHAIMI l\E Vllî.
/|7..1
Tontes les pcrsoiiiics <|iil ont séjourné en
Oalilomic ( rt j'en ni vn pInsuMirs cl.ins la
Nonvclle-I']spîi«:^no), ont conservé le souvenir
<lc la beauté extraordinaire <Ie ee phénomène,
qui lient à un élat pailienlier <l(» la vjipcop
vésieulairc , et à la pureté <le l'air dans ee»
eliiuats. lin aslrtmonic ne trouvcroit pas un
séjour plus délieieux que celui de (Juniana,
de (]oro, de l'île de la Mar^çuerile , et des
eot(;sdela Californie. Mais mallieureuseîncnl,
dans cette péninside, le ciel est plus beau
que la terre : le sol est poudreux e't aride ,
conmic dans le littoral de la Provence ; la
végétation y est aussi pauvre que la pluie y
est rare. - r »
Le centre de la presqu'île est traversé par
une chaîne de montagnes , dont la plus élevée ,
le Cerro de la Giganta , a (juatorze ou quinze
cents mètres d'élévation , et paroît d'origine
volcanique. Cette Cordillère est habitée par
des animaux qui, par leur l'orme et leurs
mœurs , se rappro(!lienl du moufJUm ( ovis
ammon ) de la Sardaigne , et que le père
Consag n'a (ait connoître qu'impari'aitement.
Les Espagnols les appellent des brebis waw.-
\SLgGs{carnejvii ciinaroiics). Ils sautent comme
424 LIVRE m,
le bouquetin , la tête en bas. Leurs cornes
sont recourbées sur elles-mêmes en spirale.
Selon les observations de M. Gonstanzo ', cet
animai diffère essentiellement des chèvres,
sam>af^es , qui sont d'un blanc cendré , d'une
taille beaucoup plus grande, et propres à la
Nouvelle-Californie , surtout à la Sierra de
Santa Lucia , près de Monterey. Aussi ces
chèvres, qui appartiennent peut-être aj genre
des antilopes, sont désignées dans le pays
par le nom de bemidos. Elles ont, comme
les chamois, des cornes recourbées en ar-
rière.
Au pied des montagnes de la Californie
on ne voit que des sables, ou une couche
pierreuse sur laquelle s'élèvent des cactus
cylindriques ( Organos del 2\inal) , à des
* Journal d'un voyago à l'ancienne Californie et au
port de San Diego, rédigé en 17^9. {Manuscrit.) Ce
journal intéressant avoit déjà été imprimé à Mexico,
lorsque , par un ordre du ministre , tous les exein-
plaires en furent confisqués. II est à dée' er , pour lc8
progrès de la zoologie, que l'on parvienne bientôt
à connoître, par le soin des voyagi;urs, les vrais
caractères spécifiques qui distinguent les carneros
cimarones de la Vieille - Californie des bennUos de
Monlerey. " V '
^iw^3^8£i«»aûiliie»- \r.iie(â;^^
CHAPITRE VIll. 4^^
hauteurs exlraorclin.-dies. Ou y découvre
très-peu de sources , et , par une fatalité bien
grande, on remarque que là où les sources
jaillissent, le rocher est nu, tandis qu'il n'y
a pas d'eau dans les endroits où le rochv r
est couvert de terre végélale. Partout où les
sources et la terre se trouvent ensemble , la
fertilité du sol est immense. C'est dans ces
points peu nombreux , mais favorisés par la
nature, que les jésuites ont établi leurs pre-
mières missions. Le mais , le jatropha et le
dicscorea y végètent vigoureusement ; la
vigne y donne un raisin excellent , et dont
le vin ressemble à celui des îles Canaries :
mais en général la Vieille-Californie , à cause
de la nature aride de son sol , et du manque
d'eau et de terre végétale que l'on observe
dans l'intérieur du pays, ne sera jamais propre
à entretenir une grande population , non plus
que la partie la plus septentrionale de la
Sonora, qui est presque également sèche et
sablonneuse. « •
De toutes les productit ns naturelles de la
Californie, les perles sont celles qui, depuis
le seizième siècle , ont le plus engagé les navi-
gateurs à visiter la côte de ce pays désert :
4^6 , LIVRE m ,
elles abondent surtout dans la partie méri-
dionale de la presqu'île. Depuis que la pêche
des perles a cessé près de l'île de la Margue-
rite , vis-à-vis la côte d'Araya , les golfes de
Panama et de Californie sont, dans les co-
lonies espagnoles , les seuls parages qui
fournissent des perles au commerce d'Eu-
rope. Celles de Californie ont une eau très-
belle : elles sont grandes, mais souvent d'une
figure irrégulière et peu agréable à l'œil.
La coquille qui produit la perle se trouve
surtout dans la baie de Ceralvo, et autour
des îles de Santa-Cruz et de San José. Les
perles les plus précieuses que possède la cour
d'Espagne, ont été trouvées, en 1616 et en
i665, dans les expéditions de JuanYturbiet
de Bernai de Piîiadero. Pendant le séjour
que fit en Californie le visitador Galvez , en
1768 et 1769 , un simple soldat du pre-
sidio de Loreto , Juan Ocio ^ s'enrichit en
peu de temps par la pêche des perles sur
les côtes de Ceralvo. Depuis cette époque,
le nombre des perles de Californie qui
viennent annuellement dans le commerce ,
est réduit presque à rien. Les Indiens et les
nègres qui s'adonnent au pénible métier de
v»i>;-ii»-j»lWWlW» -Mo-
cHAPiTia vtri. 4^7
plongeurs, sont si mal payés par les blancs ,
que la pêche est regardée couime aba ndonnée.
Cette branche d'industrie languit par les
mêmes causes qui, dans l'Amérique méri-
dionale, renchérissent les peaux de vigogne,
le caoutchouc^ et même l'écorce fébrifuge
du quinquina.
Quoique Hernan Cortez , dans ses expé-
ditions de Californie , eût dépensé de son
patrimoine plus de deux cent mille ducats ,
et que Sébastien Viscaino , qui mérite d'être
placé au premier rang des navigateurs de
son siècle , eût pris formellement possession
de îa presqu'île, ce ne fut qu'en 1642 que
les jésuites parvinrent à y former des éta-
blissemens stables. Jaloux de leur pouvoir,
ils luttèrent avec succès contre les efforts des
moines de Saint-Frar'^nis, qui cherchoient
de temps en temps a .^ introduire chez les
Indiens. Ils eurent des enneiiiL> plus diffidles
à combattre, les soldais des postes militaires;
car, aux extrémités des possessions espa^rnoles
du nouveau continent , sur les limite::, de la
civilisation européenne , les pouvoirs légis-
latif et exécutif se trouvent distribués <!' ne
manière bien étrange. Le pauvre Indien n'y
m
m^m
428 LIVKE III,
connoît d'autre maître qu'un caporal, ou uu
missionnaire.
En Californie, les jésuites emportèrent
une victoire complète sur les aulitaiies postés
dans les presidios. La cour décida , par une
cer/i//t' ro^'ale, que tous, nicme le capitaine
du détachernent de Loreto, seroient sous les
ordres du père président des missions. Les
voyages iiiléressans de trois jésuites , Eusebc
Kiihn , Maria Saivatierra^ et Juan Ugart;;,
firent connoître la situation physique du pays.
Le village de Loreto avoit déjà été fondé
sous le nom de presidio de San Dionisio , en
1697. Sous le règne de Philippe v, surtout
depuis l'année i744> les établissemens espa-
gnols en Californie devinrent très-considé-
rables. Les pères jésuites y déployèrent celle-
industrie commerciale et cette activité aux-
quelles ils oïïk, ilu tant de succès , et qui les
ont exposés à tant de calomnies dans les
deux Lides. En très-peu d'années ils cons-
truisirent seize villages dans l'intérieur de la
presqu'île. IV^puis leur expulsion, en 17O7,
la Californie a été conliée aux moines des
couvens de Saint-Dominique de la ville de
Mexico. Il paroît que ceux-ci ont été moins
Jieur
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IPPIP
CIIAPITRE VIIT. /pO
lieiireiTx dans les établisseniens de la Yieille-
Califoniie que les franciscains Tont été sur
les cotes de la Nouvelle-Californie.
Les naturels de la péninsule , c^ui ne vivent
point dans les missions, sont peut-être de
tous les sauvages ceux qui sont le plus près
<le l'état qu'on e:>t convenu dénommer l'état
de nature. Ils passent des journées entières
couchés sur le ventre, étendus dans le sable
lorsqu'il est échauffé par la réverbération
des rayons solaires. Ils ont, de même que
plusieurs tribus que nous avons vues àl'Oré-
noque, les vétemens en horreir. Un sin^e
habillé , dit le père Vene«;as , paroît moins
risible au peuple , en Europe , qu'un homme
vêtu ne le paroît aux Indiens de la Cali-
fornie. Mal;,^i'é cet état de stupidité apparente,
IcS' premiers missionnaires dislint^uèrent dif-
férentes sectes religieuses parmi les indigènes.
Trois divinités, qui se faisoient une guerre
d'extermination, étoient des objets de terreur
chez trois peuplades californiennes. Les Pe-
ricues craignoient la puissance de Niparaya;
les Mcnquis et les Vehilies , celle de Wactu-
puran et de Sumongo. Je dis que ces hordes
redouloient, non qu'elles adoroient des être*
43o LIVKE m,
invisibles ; car le culte do Thomme sauvasre
n'est qu'un saisissement de crainte : c'est le
sentiment d'une horreur secrète et religieuse.
D'après les renseignemens que j'ai obtenus
des moines qui g^ouvernent aujourd'hui les
deux Galit'ornies , la population de la Vieille-
Californie a tellement diminué depuis trente
ans , qu'il n'y existe plus que quatre à cinq
mille naturels cultivateurs ( Iridios reducidos )
dans les villages des missions. Le nombre de
ces missions est aussi réduit à seize. Celles
de Santiago et de Guad^lupe sont restées
désertes faute d'habitans. La petite vérole,
et un autre mal, que les peuples d'Europe
ont voulu se persuader avoir reçu de ce
même continent auquel ils l'ont porté les
premiers , et qui exerce d'horribles ravages
dans les îles de la mer du Sud, sont cités
comme les causes principales de cette dépo-
pulation de la Californie. Il est à supposer
qu'il j en a d'autres qui tiennent aux insti-
tutions politiques mêmes ; et il seroit temps
que le gouvernement mexicain s'occupât
sérieusement de lever les entraves qui s'oppo-
sent au bien-être des habitans de la presqu'île.
Le nombre des sauvages y est à peine de
."iiavro
CHAPITRE VIII. 43 1
quatre mille. On observe que ceux qui
habitent le nord de la Californie sont un peu
plus civilisés et plus doux que les naturels de
la partie australe. ,. ,
Les villages principaux de cette province
sont :
LoRETo, presidio et chef-lieu de toutes les
missions de la Vieille-Californie , fondé à
la lin d u dix-seplième siècle, par l'astronome
d'Ingolstadt , le père Kiihn.
Sais TA An a, mission et Real de minas ^cè-
lèbre par les observations astronomiques
de Velasquez.
San Joseph , mission dans laquelle périt
l'abbé Ghappe, victime de son zèle et de
son dévouement pour les sciences '.
* Des personnes qui ont séjourné long -temps eu
Californie , m'ont assuré que la Notùia du père
Venegas , contre laquelle des ennemis de l'ordre
supprimé , et même le cardinal Lorenzana , ont élevé
des doutes, est très-exacte. [Cartas de Cortez, p. Sa/.)
11 existe encore dans les archives de Mexico lasmanua-
m/« suivaus , dont le père Barcos, dans sa Storiu di
432
LIVRE TH
Cdlffornia , îinprinu'tî à Rome , ne s'est pas servi :
1." Chronica hhtorica de la prov'nwia de Mcvhoacan ,
con varias mapas de la California; 2." Carias origi-
nales del padre Juan Maria de Snlvatierra; 3." Diario
del capitan Juan Mateo Mangi , que acconipano a los
padres apostolicos Kinos y Kappus.
i f'i'v
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FXir:rai^uM@ <«^»-
CHAPITRE VIII.
433
XV. PuOViaCE DE LA NoUV liLLC-CALIFORNIE.
Population en iHoo : i5j6oo.
JE tendue de la surface en lieues carrées : 2125.
Hahilans par lieue carrée : 7.
La partie des coles du Graid Océan, qui
s'étend depuis l'isthnic de la Vieille-Californie,
ou depuis la baie de Todos lus Santés (au
sud du port de San Diego ) jusqu'au cap
Mendocino , porte , sur les cartes espa^rnoles ,
le nom de Nouvelle-Californie ( Nueva Gali-»
fornia ). C'est une étendue de terrain longue
et étroite , sur laquelle , depuis quarante ans,
le gouvernement mexicain a établi des mis-
sions et des postes militaires. Aucun village ,
aucune métairie ne se trouvent au nord du
port de Saint-François, qui est éloigné du
cap Mendocino de plus de 78 lieues. La
province de la Nouvelle-Californie, dans son
actuel, n'a que 197 lieues de long sur
9 à 10 de large. La ville de Mexico se trouve
en ligne droite à la même distance de Phila-
delphie que de Monterey , qui est le chef-lieu
des missions de la Nouvelle Californie , et
n.
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'*.
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LIVRE HT
dont lalalilude, à quatre nûniilcs prcs^ est
celle de Cadix.
Nous avons cité plus hîiut les vovagos do
plusieurs religieux qui, an coinniencenientdii
dernier siècle , en passant par Icrrc de la
presqu'île delà Vieille-Californie à la Sonora ,
ont fait à pied le tour de la nier de Cortez.
Du temps de l'expédition de M. Galvez , des
délachemens militaires sont venus depuis
Loreto au port de San Diego. La poste aux
lettres va encore aujourd'hui de ce port, le
long de la côte nord - ouest , jusqu'à San
Francisco. Ce dernier établissement , le plus
septentrional de toutes les possessions espa-
gnoles du nouveau continent , est presqr'e
sous le même parallèle ' que la petite ville
de Tao» du Nouveau - Mexique. Il n'en est
éloigné que de 5o lieues , et quoique le père
Escalante , dans ses excursions apostoliques
faites en 1777, se soit avancé jusque sur la
rive occidentale du fleuve Zaguananas , vers
les montagnes de los Guacaros , aucuii voya-
geur n'est venu jusqu'ici du Nouveau-Mexique
à la cote de la Nouvelle -Californie. Ce iait
* Voyr» le premier cliapîire de cet ouvrage.
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aussi gran
par le ca
Mississipi
du fleuve
* Ce voya
«"nlrepris soi
CHAPITRi; VIII.
435
doit frapper ceux qui conrioisscnt, par l'his-
loirc de la conquêle de l'Amcrique , l'esprit
d'entreprise et le courage admirable dont les
Espagnols furent animés au seizième siècle.
Hernan Corlez débarqua la première fois sur
les cotes du Mexique, à la plage de Chal-
chiubcnecan , en 1^19 , et quatre ans plus
tard, il fît déjà construire des vaisseaux sur
les cotes de la mer du Sud , à Zacatula et à
Tehuantepec. En i55j, Alvar Nuilez Cabeza
de Vaca , parut a> ec deux de ses compagnons,
excé(]é de fatigues, nu ^ meurtri de blessures,
sur les coles de Guliacan , qui sont opposées
à la péninsule de la Californie. Il avoit dé-
barqué avec Panfdo Narvaez, dans la Floride,
et après deux ans de courses, après avoir
traversé toute la Louisiane et la partie
septentrionale du Mexique , il parvint au
bord du Grand Océan , dans la Sonora. Cette
distance , parcourue par Nunez, est presque
aussi grande que celle qu'offre la route suivie
par le capitcine Lewis, depuis les rives du
Mississipi jusqu'à Noutka, et à rembouchure
du fleuve Colombia '. En considérant les
* Ce voyage admirnble du capitaine Lewis a é|.é
entrepris sous les au-^piccs de M. Jefferson, qui, par
28*
/|36 rivRE III,
voyages hardis des premiers conqiiérans es-
pa«^iiols au Mexique, au Pérou, et sur lu
rivière des An k> zones, on est étonné devoir
que depuis deux siècles ectlc même nation
n'a pas su lroii>er un eliemin de terre dans
Ja INouvelic -Kspa;^ne, depuis Taos au port
de Monteiev; dans la JNouvelle - Grenade,
depuis San ta-Fe c\(Jartliagène,ou depuis Quito
à Panama ; dans la Guayane , depuis l'Esme-
ralda à S-unt-Thomas de l'Angostura.
A l'exemple des cartes a ngloises, plusieurs
géographes donnent à la Nouvelle-Californie
le nom de Nouvelle - Albion, Cette dénonii-
Dation se fonde sur l'opinion peu exacte que
le navigateur Drake , en 1678^ a découvert
le premier la cote nord-ouest de l'Amérique ,
comprise entre les 38" et les 48" de latitude.
Le célèbre voyage de Sébastien Yicaino est
sans doute de vingt-quatre fins postérieur aux
découvertes de François Dridve: mais Knox ',
et d'autres historiens paroissent oublier que
Cabrillo av oit déjà examiné , en i542,lescotes
' ■ . " ^ '
ce service important rernlu aux sciences , a ajouté de
nouveaux motifs à la recuhnoissauce cjue lui doivent
les savans de toutes les nations.
* Knox' a Collection of Koya^es , B. III, p. 18.
* Voyes
du Via
^e
p. o4 , 36
K- iM JULtmiÊais
CHAPrinE vni. 4^7
(le la Nouvelle-Californie jusqu'au parallèle
des 43*», terme de sa navi^•ation , comme il
résulte de la comparaison des anciennes ob-
servations de latitude avec celles faites de nos
jours. D'après des données historiques cer-
taines, la dénomination de Nouvallc-Jlbion
devroit être rcstieinle à la partie de la côte
qui s'étend depuis les 43« aux 48", ou du Cap
Blanc de Martin de Àgudar j a \ entrée de
Juan de Fiica ', D'ailleurs, depuis les missions
des prêtres catholiques jusqu'à celles t!es
prêtres grecs , c'est-à-dire, depuis le village
espagnol de San Francisco , dans la Nouvelle-
Californie, jusqu'aux établissemens russes sur
la rivière de Cook , à la baie du prince
Guillaume, et aux îles de Kodiac et d'Una-
laska, il y a plus de mille lieue . de côtes
habitées par des hommes liJjres , et peuplées
d'une grande quantité de loutres et de pho-
ques : par conséquent , les discussions sur
l'étendue de la Nouvelle-Albion de Drake ,
et sur les soi - disant droits que les peuples
européens croient acquérir en plantant d©
* Voyez les savantes recherches clans l'introduction
du F'iage de las Galetas SiUU y Mexicana, 1802,
p. 34, ZQ , 5j.
LIVRE III
438 ^....^ ...,
petites croix , en laissant des inscriptions atta-
chées aux troncs des arbres , ou en enferrant
des bouteJlljs , peuvent être considérées
comme oiseuses.
Quoique tout le liltoral de ia Nouvelle-
Californie eût été reconnu avec beaucoup de
soin par le grand navigateur Sébastien Yis-
caino ( comme le prouvent les plans qu'il
dressa lui-même en 1602 ) , ce beaxi pays ne
fut cependant occupé par les Espagnols que
cent soixante-sept ans plus tard. La cour de
Madrid Ci'aignant que d'autres puissances
maritimes de l'Europe ne formassent sur la
côte nord-ouest de l'Amérique des établis-
semeus qui pourroient devenir dangereux
aux anciennes colonies espagnoles, donna
ordre au vice-roi chevalier de Croix , et au
visitador Galvez de fonder des missions et
des présides dans les ports de San Diego et
de Monterey. Pour cet effet, deux paquet-bots
sortirent du port de SanBlas,et mouillèrent
à San Diego , au mois d'avril 1763. Une autre
expédition arriva par terre par la Vieille-
Californie. Depuis Viscaino, aucun Européen
n*avoit débarqué sur ces côtes éloignées.
Les Lidicns parurent étonnés de voir des
'^.: jî»*vj*(BSBii|(asïrie' :aiàa^i,Sêi^-0tdm^iié^'l
CHAPITRE VIII. 4^9
liommes velus , quoiqu'ils sussent f^ue plus à
l'est vivoient des peuples dont la couleur
n'étoit pas cuivrée. On trouva même entre
leurs mains quelques pièces d'argent , qui
sans doute leur étoient venues dii Nouveau-
Mexique. Les premiers colons espagnols soul-
iVirent beaucoup par la disetle de vivres et
par une maladie cpidémique qui tut la suite
des mauvais alimens, des fatigues et du manque
d'abri : presque tous tombèrent malades , et
huit individus seuls restèrent sur pied. Parmi
ces derniers se trouvoient deux hommes
respectables y un religieux connu par ses
voyages, Fray Junipero Serra , et le chel
des ingénieurs , M. Gostanzo , dont nous
avons eu souvent occasion de parler avec
éloge daiiis le courant de cet ouvrage. Ils
étoient occupés de creuser avec leurs mains
les fosses qui dévoient recevoir les cadavres
de leurs compagnons. L'expédition de terre
ne porta que très-tard des secours à celte
malheureuse colonie naissante. Les Indiens ,
en annonçant l'arrivée des Espagnols , se
mirent sur des tonneaux , les bras en l'air ,
pour faire comprendre qu'ils avoient vu les
blancs ù cheval.
.."■ la
44o LIVRE III ,
Autant le sol de la Vieille-Californie est
aride et pierreux, autant celm de la nou-
velle est arrosé et fertile. C'est un des pays
les plus pittoresques que Ton puisse voir.
Le climat y est beaucoup plus doux qu'à
égale latitude sur les côtes orientales du
nouveau continent. Le ciel est brumeux ,
mais les brouillards fréquens qui rendent
difficile Tattérage sur les côtes de Monterey
et de San Francisco , donnent de la vigueur
à la végétation , et fertilisent le sol , qui est
couvert d'un terreau noir et spongieux. On
cultive y dans les dix-huit missions qui existent
aujourd'hui dans la Nouvelle-Californie , du
froment , du maïs et des haricots (frisoles)
en abondance. L'orge , les fèves , les lentilles
et les pois chiches ou garbanzos , viennent
très-bien dans la plus grande partie de la
province , au milieu des champs. Comme les
trente-six religieux de Saint - François qui
gouvernent ces missions sont tous Européens,
ils ont introduit avec un soin particulier,
dans les jardins des Indiens , la plupart des
légumes et des arbres fruitiers qui se cultivent
en Espagne. Les premiers colons arrivés en
1769, trouvèrent déjà dans l'intérieur du
M,
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pays
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T.jt. i,iH!)W,*t«g. • ^i'-tSf:
pppp
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III iiriB'ilf (Tl trli ■' iriiiiirÉfcîi'-fi""-""- - '■
CHAPITRE Vni. 44 ï
pays des ceps de vigne sauvage , qui donnoient
des grappes de raisin assez grandes, mais
très-aigres. G'étoit peut-eîre une de ces es-
pèces nombreuses de ?'/V/.ç propres au Canada,
à la Louisiane et à la Nouvelle-Biscaye , et
que les botanistes ne connoissent encore
qu'imp.ufaitement. Les missionnaires ont in-
troduit en CaJifornie la vigne {vitisvinifera) ,
dont les Grecs et les Koinains ont répandu
la culture dans toute l'Europe, et qui est
certainement étrangère au nouveau continent.
On fait du bon vin dans les villages de San
Diego, San Juan Capistrano, San Gabriel,
San Buenaventura, Santa Barbara, San Luis
Obispo , Santa Clara et San José ; par con-
séquent, tout le long de la cote au sud et au
nord de Monterey jusqu'au delà des 37** de
latitude. L'olivier d'Europe se cultive avec
succès près du canal de Santa Barbara , sur-
tout près de San Diego , où l'on tut une
huile qui est aussi bonne que celle delà vallée
de Mexico , ou que les huiles de l'Andalousie.
Les vents très-Iroids qui soufflent impétueu-
sement du nord et du nord-ouest, empêchent
quelquefois les fruits de mûrir le long de la
côte ; au. si le petit village de Santa Clara,
!\!\1 LIVRE III,
situé à neuf lieues de distance de Saiita-Cruz,
et abrité par une chaîne de montagnes , a des
vergers mieux plantés, et des récoltes de
fruits plus abondantes que le préside de
Monterey. Dans ce dernier endroit les re-
ligieux montrent aux voyageurs avec satis-
faction plusieurs végétaux utiles , venus des
graines que M. Thouin avoit confiées au
malheureux Lapérouse.
De toutes les missions de la Nouvelle-Es-
pagne, celles de la côte clu nord-ouest oflrent
les progrès de civilisation les plus rapides et
les plus marquans. Le public ayant lu avec
intérêt les détails que Lapérouse , Vancouver,
et récemment encore deux navigateurs espa*
gnols, MM. de Galiano et Valdès ', ont publiés
sur Fétat de ces régions lointaines, j'ai tâché
de me procurer, pendant mon séjour à Mexico,
les tableaux statistiques formés en 1802 sur
les lieux mêmes ( à San Carlos de Monterey ),
par le président actuel des missions de la
Nouvelle-Californie, le père Firmin Lasuen ~.
Il résulte de la comparaison que j'ai faite des
la
* Viage de la Sulil , p. i<>7.
'•Voyez l'extrait que j'ai donné de ces laLlcaux, dajAs
note Z>j à la tin de cet ouvrage.
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WT'
♦ CHAPITRE VIII. 443
pièces officielles conservées dans les archives
de l'archevêché de Mexico, qu'en 1776 il
n'y avoit que huit, et en 1790 , onze villages;
tandis que leur nombre, en 1802, s'éle voit
à dix-huit. La population de la Nouvelle-
Californie , en ne comptant que les Indiens
qui, fixés au sol , ont commencé à s'adonner
à la culture des champs , étoit ,
en 1790, de 7,748 âmes.
1801 , de i5,668
1802, de 1 5,662
Le nombre des habilans a donc doublé
en douze ans. Depuis la fondation de ces
missions, ou depuis l'année 1769 jusqu'en 1802,
il y a eu , selon les registres des paroisses, en
tout, 55,717 baptêmes, 8009 ri^*ïriages , et
16,984 morts. Il ne faut pas vouloir déduire
de ces données la proportion qui existe entre
les naissances et les décès ^ parce que , dans
le nombre des baptêmes , les Indiens adultes
( los neofuos) sont confondus avec les enfans.
L'évaluation des produits du sol, ou l'esti-
mation des récoltes, fournit aussi des preuves
convaincantes de l'accroissement d'industrie
iri«^l.;ji-.:
444 LIVRE III,
et de prospérité qn'oflPre la Nouvelle-Cali-
fornie. En 1791 , d'après les tableaux publiés
par M. de Galiano, les Indiens ne semèrent
dans toute la province que Sjl\. fancgas de
froment , qui donnèrent une récolte de
i5,ig7 fanegas. En 1802, la culture avoit
doublé , car la quantité de froment semé fut
de 20^^ fanegas, et la récolte de 03,576
fanegas.
Le tableau suivant indique le nombre des
bestiaux qui existoient en 1802.
Bœufs 67,782
Brebis 107,172
Cochons i,o4o
Chevaux 2,187
Mulets 877
L'année 1791, on ne comptoit encore dans
tous les villages indiens que 24?9^8 têtes de
gros bétail (ganach major).
Ces progrès de l'agriculture , ces conquêtes
paisibles de l'industrie sont d'autant plus
intéressans que les naturels de cette côte ,
bien dilï'érens de ceux de Noutka et de la
baie de Norfolk, u'étoient encore, ily a trente
:.mj-i>tmtmin '■^-
ivpp
■iMta
CHAPITRE VIII. 44-^
ans , qu'un peuple nomade, vivant de la pêche
et de la chasse , et ne cultivant aucune sorte
de végétaux. Les Indiens de la baie de San
Francisco étoient alors aussi misérables que
le sont les habitans de Tile de Diemen. Ce
n'est que dans le canal de Santa Barbara
qu'on trouvoit, en 1769, les indigènes un peu
plus avancés dans la culture. Ils construi-
soient de grandes maisons de forme pyra-
midale, et rapprochées les unes des autres.
Bons et hospitaliers , ils offroient aux Espa-
gnols des vases artistement tissés de tiges de
joncs. Ces paniers, dont M.Bonpland possède
plpsieurs dans ses collections , sont enduits
en dedans d'une couche d'asphalte très-mince,
ce qui les rend impénétrables à l'eau et aux
liqueurs fermentées qu'ils peuvent contenir.
La partie septentrionale de la Nouvelle-
Californie est habitée par les deux nations
des Rumsen et Escelen '. Elles parlent des
langues entièrement différentes , et elles
forment la population du préside et du village
de Monterey. Dans la baie de San Francisco ,
on distingue les tribus des Matalans, Salseu
* Manuscrit du P. Lasuen. M. de Galiano les
nomme Rumsieu et Eslen,
iiii
il
l'fi'
il
PW
l\\6 LIVRE III,
et Quiroles, dont les langues dérivent d'une
souche commune. Plusieurs voyageurs que
j'.'îi entendu parler de l'analogie de la langue
mexicaine ou aztèque avec les idiomes que
l'on trouve sur la cote du nord-ouest du
nouveau continent , m'ont paru exagérer la
ressemblance que présentent ces langues
américaines. En examinant avec soin des
vocabulaires formés à Noutka et à Monte rej,
j'ai été frappé de l'homotonie et des dési-
nences mexicaines de plusieurs mots , comme,
par exemple, dans la langue desNoulkiens :
opquixitl ( embrasser ) j temextixitl ( baiser ),
vocotl (loutre) , hitltzitl (soupirer) , tzitzimhz
(terre), et inicoatzimitl (nom d'un mois).
Cependant , en général , les langues de la
Nouvelle-Californie et de l'île de Quadra ,
diffèrent essentiellement de l'aztèque, comme
on le verra dans les nombres cardinaux que
je réunis dans le tableau suivant :
■MMiMMadtaM
JS.
ciiAPirnc viiî.
447
MEXICAIN.
L A N a V F.
LANGUE
LANGUE
ESCELEM.
RUMSEN.
DE NOUTKA.
1 •
1
Ce.
l»ek.
[^DJala.
Saluiac.
2
Orne.
Ulhai.
Uhis.
Alla.
3
lei. ^
Jiilep.
Kappes.
Caiza.
4
Nahui.
Jamajus.
UUizim.
Nu.
5
Mncuiili.
Pamiijuia.
rialiizu.
Sutclia.
! r.
Chicuace.
Pegualanai.
llalishakcm.
Nupu.
7
Chicome.
Julajualanai.
Kapkamaishakem.
Atlipu.
8
Chicuei.
Julepiualanai.
Ultumaisliakem.
Atlcual.
y
Cliiucnahui.
Jamajasjitalanai.
Pakke.
Tzahuacuatl.
10
MatlaciM.
Tomoila.
Tamchaigt.
.\yo.
Les mots nontkiens sont tirés d'un manus-
' crit de M. Mozino , et non du vocabulaire de
Cook , dans lequel ayo est confondu avec
baecoo , nu avec mo, etc., etc.
Le j3ëre Lasnen observa que, sur les cotes
de la Nouvelle-Californie , sur une étendud
de i8o lieues, depuis San Diego , San Fran-
cisco , on entend parler dix-sept langues qui
ne peuvent guère être considérées comme
des dialectes d'un petit nombre de langues-
mères. Cette assertion ne doit pas étonner
ceux qui connoissent les recherches curieuses
fe
448 tIVRE III,
que MM. Jeflcrson , Volnoy, Barton, Hervas,
Guillaume de Huiubohll , Va ter et Ficdéric
Schle'j^el ' ont laites i.iir les langues amé-
ricaines.
La population de la Nouvelle-Californie
auroit augmenté beaucoup plus rapidement
encore, si les lois d'après lesquelles les pré-
sides espagnols sont gouvernés depuis des
siècles, n'éloient pas diamétralement opposées
aux vrais intérêts de la métropole et des
colonies. D'après ces lois , il n'est point permis
aux soldats stationnés à Monterey, de vivre
hors de leurs casernes , et de se fixer comme
colons. Les moines sont généralement con-
traires à cet L blissement des colons de la
caste des blancs , parce que ces derniers ,
comme gens qui raisonnent (génie de razon"),
' Voyez l'ouvrage classique de M. Schlcgcl , sur
îa langue, la philosophie et la poésie dos Hindous,
dans lequel on trouve de grandes vues sur le méca-
nisme, j'osa dire sur l'organisation des langues dans
les deux continens.
3 Dans les villages indiens , on dislingue les naturels
de la gente de razon. Les blancs, les mulâtres, les
nègres , toutes 1^ castes non indiennes sont désignées
par le nom à^gens doués do raison , expression humi-
cuAPiTni: viij.
449
ne se Liissent pas assujôlir à une obéissance
aussi aveugle que les Indiens. « Il est bien
« affligeant , dit un navigateur espagnol
« instruit et éclairé ' , que les militaires qui
« passent une vie pénible et laborieuse, ne
« puissent pas, dans leur vieillesse, se fixer
« dans le puys , et s'adonner à l'agricul-
« ture. Cette déH^nse de construire des
« maisons dans les environs du presidio , est
« contraire à tout ce que dicte une saine
« politique. Si on pernicttoit aux blancs de
« s'occuper de la culture du sol et de l'édu-
« cation des bestiaux; si les militaires, en
« établissant leurs femmes et leurs enfans
« dans des fermes isolées , pouvoient se
« préparer un asjle contre l'indigence à
« laquelle ils ne sont que trop souvent e.\-
M posés dans leur vieillesse, la Nouvelle-
« Californie deviendroit en peu de temps
« une colonie florissante , une relâche inlî-
« iiiment utile pour les navigateurs espagnols
« qui font le commerce entre le Pérou , le
« Mexique et les îles Philippines. » En levant
liante pour les indigènes, et dont l'origine remonte
ù des siècles de barbarie.
* Journal de Don Dionisio Gallano.
II. 29
V 11
I . Il
b:
f*
45o ' LIVRE III,
les entraves que uuus venons d'indiquer, le*
îles Mille mines , les missions du Rio Ne«^ro,
et les cotes de S;ni Francisco et de Monterev,
sepeupleroicnl d'un «•rantl nombre de blancs.
Mi'is quel contraste rra])paMt entre les prin-
cipes de colonisation suivis parles Espagnols,
et ceux par lesquels la Grande-Bretagne a
créé en peu d'aimées des villages sur la côte
orientale de la Nouvelle-Hollande !
Les Indiens Rumsen et Escelcn partagent,
avec les peuples de la race aztèque et avec
plusieurs tribus de l'Asie septentrionale, le
goût prononce pour les bains chauds. Les
temazcalli que l'on trouve encore à Mexico ,
et dont l'abbé CLnioero a donné une fi;iure
exacte ', sont de vrais bains de vapeurs.
L'Indien aztèque reste étendu dans un four
chaud, dont le pavé est constamment arrosé
avec de l'eau. Les naturels de la Nouvelle-
Calii'ornie , au contraire, prennent le bain
que le célèbre Francklin recommandoit jadis
sous le nom de bain d'air chaud : aussi
trouve - t - on dans les missions , auprès de
chaque cabane, un petit édîQce voûté en
forme
travail
lequel
éteint.
et Jors(
lis se je
voisin ,
Ce pass
suppress
qwe TEu
des sens;
^^^ jouit
fortemen
sur son s^
• Clavigero, II ^ p. 21 4.
t :
CHAPITRE Vin. 45 1
forme de temazcalli. En revenant de leur
travail , îes Indiens entrent dans le Tour dans
lequel , peu de moniens avant , le feu a été
éteint. Ils y restent pendant un quart-d'heure,
et lorsqu'ils se sentent tout trempés de sueur.
Lis se jettent dans l'eau froide d'un ruisseau
voisin, ou bien ils se vautrent dans le saJjle.
Ce passage rapide du chaud au froid, cette
suppression subite de la transpiration cutanée,
que TEuropéen redouteroit avec raison , cause
des sensations agréables à l'homme sauvage,
qui jouit de tout ce qui le saisit ou l'excite
fortement , de tout ce qui réagit avec violence
sur son système nerveux.
Les Indiens qui habitent les villages de la
Nouvelle-Californie s'occupent, depuis quel-
ques années, à tisser les étoffes grossières de
laine 'd\}Y*^\ées frisadasj mais leur occupation
principale , celle dont le produit pourroit
devenir une branche de commerce intéres-
sante , est la préparation des cuirs de cerfs.
Il me paroît intéressant de consigner ici ce
que j'a pu recueillir dans les journaux ma-
nuscrits du colonel Gonstanzo, sur les animaux
qui habitent les montagnes entre San Diego
et Monterey , et sur l'adresse particulière
29*
m !l
ï*. :
4;r2 riviu-: iit ,
avec laquelle les Indiens savent prendre les
cerfs.
Dans la Cordillère p^u élevée qui loni:;-e
la cote, tle même (|ue dans les savanes q.ii
l'avoisin^nt, on ne trouve ni bnlïle ni élan.
Sur la crête des iiionta;,'nes qui se couvrent
de neige au mois de lu*' embre , paissent
seuls les hci-eiulos à petites cornes de chamois ,
dont nous avons parlé plus haut : mais toutes
les forêts, toutes les plaines couvertes de
^Tanûnées sont remplies de troupeaux de
cerfs à taille gigantesque , à bois rond et ex-
trêmement grand.On en voit souvent quarante
ou cinquante à la fois; ils sont d'une couleur
brune , unie et sans tacbe. Leurs bois, d.>nl
les empaumures ne sont pas aplaties, ont près
de quinze décimètres ( quatre pieds et demi )
de long. Tous les voyageurs assurent que ce
grand cerf de la INouvtile-Californie est un
des plus beaux animaux de l'Amérique esr;
gnole. Il diffère probal)lenient du i\'c(va/{/yh
de M. Ilearne , ou de ïcl/t des habitans des
Etats-Unis, dont les natuialistes ont fait mal
à propos les deux espèces de cer> us cana-
densis etdecervus stron^vlooei'os'. Ces cerfs
* Il r( gne encore beaucoup tl'imvrliluile sur les
caracld
h's vvr\
CH.\P1T!\E VIII. 4"^^
lie la Nouvelle-Califoriûc , que l'on ne Irome
pus dans l'ancienne, avoicnt dc\ii frappé le
naA igalcur Sébastien Biseayno , quand il re-
lâcha au port de Monlerey, le i5 décend)ie
1G02. Il assure « en avoir vu dont les l)ois
«< avoient trois mclres (près de neuf pieds)
« de lou»^iieur. » Ces renados courent a^ ce
nne ra])idilé extraordinaire , en jetarât 1 j col
en arrière, et cîi appuyant leur bois sur le
dos. Les clievaux de la jNouvelle-Biscave ,
réputés excellens coureurs, sont incapa]>les
de les suivre de près; ils ne les é^-alent di'iis
la course qu'au nioinent où l'animal, qui ne
boit que très-rarement^ Aient d étanclier sa
soif : c'est alois que , trop lourd pour déployer
toute l'énergie de ses forces musculaires, il
est atteint facilement. Le cavalier qui le pour-
suit, l'abat en lui jetant un lacs, comme on
fait , dans toutes les colonies espagnoles ,
avec les chevaux et les bœufs sauvages. Les
Indiens usentd'un autre artifice très-ingénieux
caraclèrns spécifiques qui distinguent los grands et îcs
pet ils cerfs {^peiiadon^ du nouveau continent. Voyez
1( s reelierches intéressantes de M. Cuvier, contenues
dans son mémoir»' sur les os fossiles des rumiuans.
{^AniialeH du AI naeuisi , auaée Vi ; p. ZiS'5.)
454 LIVRE III 5
pour s'approcher des cerfs et pour les luer.
Ils coupent la tête à un vcnado dont les bois
sonttrès-lon<^s;ils en vident le col, et le placent
sur leur propre léte : masques de celle ma-
nière , mais en même temps armés d'arcs et
de llèclies , ils se cachent dans un bocage ou
dans l'herbe haute et touiFue ; en imitant les
mouvemens du cerf qui paît , ils attirent le
troupeau , qui se laisse tromper par la ruse
de l'homme. M. Gonstanzo a vu celte chasse
extraordinaire sur les côtes du canal de Santa
Barbara : les officiers embarqués dans les
goélettes Sulil etMexicana, l'ont observée
vingt-quatre ans plus tard , dans les savanes
qui environnent Monlerc} '. Les énormes
Lois de cerfs que Montezuma montroit comme
des objets de curiosilé aux compagnons de
Cortez, provenoieiit peut-être des vcnados
de la Nouvelle-Californie. J'en ai vu deux,
trouvés dans l'ancieri monument de Xochi-
calco y et que l'on conserve dans le palais
du \ice-roi. Mak'ic le ucude communicatio;!
intérieure qui existoit au cjuinzicme siècle
dans le royaume d'An:;huac, il ne seroit pas
en 1
suiv
* Via^e a Fucu , p. if)4.
CHAPITRE VIIT. 4^^
extraordinaire que ces I)ois de cerfs fussent
venus, de mains en mains, dcpnis les 55 aux
20 degrés de latitude, de même que nous
trouvons les beaux jades néphritiqnes du
Brésil {jjwdras de Maluigini) chez les Caribes
qui avoisincnt les bouches de l'Orénoqne.
Les établisseniens russes et espagnols élant
jusqu'ici les seules colonies européennes qui
existent sur la cote du nord-ouest de l'Amé-
rique , je crois qu'il sera utile de faire
rénuméralion de toutes les missions de la
Nouvelle - Californie , qui ont été fondées
jusqu'au commencement de l'année 1800.
Cette notice détaillée devient surtout inté-
ressante à une époque où les habitans des
Etats - Unis manifestent le désir d'un mou-
vement vers l'ouest, vers ces côtes du Grand
Océan , qui , opposées à la Chine , abondent
en belles fourrures de loutres marines.
■lui
Les missions de la Nouvelle - Californie
suivent, du sud au nord, dans l'ordre dans
lequel nous les indiquons ici.
San Diego , villa^ie fondé en 1769, à quinze
lieues de distance de la mission la plus
45iG LIVRE III,
septentrionale de laVieillc-Calirornie. Popu-
lation , en 1802, de i56o.
San Luis Rey de Fraincia, -village l'ondé en
1798. Population de 600.
Sain Juan Gapistrako y village fondé en
1776. Population de 1000^
San Gabriel, village fondé en 1771. Popu-
lation de io5o.
San Fernando, village fondé en 1797. Popu-
lation de 600.
San Buenaventura, village fondé en 1782.
Population de 9^0.
Santa Barbara , village fondé en 1786. Po-
pulation de 1100.
La Purissima Concepcion , village fondé en
1787. Population de 1000.
San Luis Obispo, village fondé en 1772.
Population de 700.
San Miguel, village fondé en 1797. Popu-
lation de 600.
SoLEDAD^ village fondé eu 1791. Population
de 670.
San Antonio de Padua, village fondé en
1771. Population de io5o.
San Carlos de Monterey , capitale de la
Nouvelle-Californie, fondée en 1770, pu
V
c
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La
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San J
Pop
Sant \
latio
CHAPITRE VÎII.
457
pied de la Cordillère de Santa Liicia , qui
est couverte de chênes, de pins [foliis
ternis ) et de rosiers. Le villas-e est cloiii'né
de deux lieues du presidio qui porte le
même nom. Il paroît que Cahnllo avoit
déjà reconnu la baie de Monterey , le
i5 novembre i542 , et qu'à cause desbeau^t
pins dont sont couronnées les montagnes
voisines , il la nomma la Bahin de Los Pinos,
Son nom actuel lui fut donné, soixante ans
plus tard, p'^r P^iscaino ^ en honneur du
vice-roi de Mexico, Gaspar de Zuniga,
comte de Monterey, homme actif, auquel
on doit l'entreprise de «jurandes ex])éditions
maritimes, et qui engagea Juan de Onate à
la conquête du Nouveau -Mexique. Les
côtes voisines de San Carlos produisent le
fameux ormier de Monterey, qui, reciiereîié
par les habitans de Noutka, est emjdoyé
dans le conmicrce des fourrures de loutres.
La population du village de San Carlos est
de 700.
San Juaiv Baptista , village fondé en 1797.
Population de 960.
Santa Ckuz , village fondé en 1794. Popu-
lation <Be 44c>.
tiAx l.'l
45'8 LIVRE III,
Santa Clara, village fondé en 1777. Popu-
lation de i3oo.
San José, village fondé en 1797. Population
de 65o.
San Francisco , village fondé en 1776, avec
un beau port. Les géographes coiiiondcnt
souvent ce port avec le Port du Drake , qui
est plus au nord, sous les 58*^ 10' de lati-
tude, et que les Espagnols appellent le
Puerto de Bodega. Population de San
Francisco ,820.
On ignore le nombre des blancs j métis
et mulâtres qui vivent dans la Nouvelle-Cali-
fornie, soit dans les /^/Y/ÀvV/d^ç^ soit au service
des religieux de Sainl-Francois. Je crois que
leur nombre s'élève à plus de i5oo j car, dans
les deux années de 1801 et de 1802 , il j eut,
dans la cavité des blancs et des sang-mélé y
55 mariages, 182 baptêmes et 82 décès. Ce
TivM que sur cette partie delà population que
le gouvernement pourroit compter pour la
défense dcj cûlos, au cas d'une attaque mili-
taire qui seroit tentée par quelque puissance
maritime de l'Europe.
mm
riM
CHAPITRE VIII. 4^9
Récapitulation de la population totale
DE LA Nouvelle-Espagne.
Indigènes ou Indiens :-',5oo,ooo
T)i T- 1 (Créoles, i,oii5,ooo) r-
lîlancs ou Espagnols^ > 1,090,000
(Europ. , 70,000)
Nègres Africains 6,100
Castes de sang-mêlé 1, 23 1,000
Total 4,832,100
Ces nomferes ne sont que le ri'sultat d'un
caleul par approximation. On a cru devoir
s'arrêter à la somme totale énoncée plus
haut, p. îoi.
46o
LIVRE III
h. '%«%^'%<^' «.'^^''«^
Après avoir tracé le tableau des provinces
qui composent le vaste empire du MeAif[ue,
il nous resîe à jeter un coup d'œil rapide sur
les cotes du Grand Océan , qui , depuis le port
de San Francisco , et-*depuis le cap Mendo-
cino, s'étendent jusqu'aux établisseniens russes
fondés dans la baie du prince Guillaume
(^Prince WilUiuits Sound),
Ces cotes, dès la fin du seizième siècle , ont
été visitées par des navigateurs espagnols ;
mais ce n'est que depuis l'année ijji <l"c les
vice-rois de la Nouvelle-Espagne les ont fait
examiner avec soin. De nombreuses expédi-
tions de découvertes faites depuis les ports
d'Acapulco, de San Blas et de Monterej,
se sont suivies jusqu'en 1792. La colonie que
les Espagnols ont tenté de former à Noutka,
a fixé pendant quelque temps l'attention de
toutes les puissances maritimes de l'Europe.
Quelques hangars construits sur la plage, un
misérable bastion défendu par des pierriers,
quelques choux plantés dans un enclos, oirt
manqué d'exciter une guerre sanglante cnlre
CHAPITRE VIII. 4^*
l'Espagne et l'Angleterre, et ce n'est que par
la destruction de l'établissement fondé à Vile
de Quadra t't de fancouver ^ que le tays ou
prince de JNoutka, Macuina, a conser\éson
indépendance. Depuis l'anné».* 1786, plusieurs
nations de l'Europe ont fréquenté ces parages
pour y faire le commerce des fourrures de
loutres marines ; mais leur concurrence a eu
des suites désavantageuses pour eux-mêmes
et pour les naturels du pays. Le prix des
fourrures , en renchérissant sur les cotes de
l'Amérique, a énormément baissé à la Chine.
La corruption des mœurs a augmenté parmi
les Indiens. En suivant la même politique qui
a ensanglanté les côtes africaines , les Euro-
péens ont cherché à tirer parti de la discorde
des taj's : plusieurs matelots, et les plus dé-
bauchés, ont déserté leurs vaisseaux pour
s'établir parmi les naturels du pa^'s. A Noutka,
comme aux îles Sandwich , on observe déjà
im mélange affreux de la barbarie primitive
avec les vices de l'Europe policée. Il est difiî-
cilt de croire que ces maux réels aient été
compensés par quelques espèces de légumes
de l'ancien continent, que les voyageurs ont
transplantées dans ces régions fertiles , et qui
! !
46a iAVT\r, HT,
figurent dans la liste des bienfaits dont les
Européens se vantent d'avoir comblé les liabi-
tans des îles du Grand Océan.
Au seizième siècle , à celte époque glorieuse
où la nation espagnole, favorisée par une réu-
nion de circonstances extraordinaires, déploya
librement les ressources de son génie et la force
de son caractère , le problème d'un passage
au nord-ouest y celui d'un chemin direct aux
Grandes Indes, occupa l'esprit des Castillans
avec la même ardeur avec laquelle d'autres
nations s y sont livrées depuis trente à qua-
rante ans. Nous ne citons point les voyages
apocryphes de Ferrer Maldonado y de Juati
de Fuca Qi (}lq Bartohmiè Fonte y auxquels,
pendant long-temps , on n'a donné que trop
d'importance. La plupart des injpostures débi-
tées sous le nom de ces trois navigateurs , ont
été détruites par les recherches pénibles et les
savantes discussions de plusieurs oflîcie ^ de la
marine espagnole ". Au lieu d'alléguer des
* Mémoire de Von Ciriaco Ctvalljs. Recherches
faites dans les archives de Séville , par Don Augustin
Cean. Introduction historiqne au Voyage de Galiano
et Valdes , p. 4g-56 , et p. y6-S5. Malgré toutes mes
recherches, je n ai pas pu découvrir dans la Nouvelle-
!■&■
CHAPITHE VTIt.
AfiS
p
t ^
noms presque fahiileiix , et de nous pcrtlie
dans 1 incertitude des lij j)(»tlièscs, nous nous
contenterons d indl(|uer rt; cpii est ineonlcsta-
blenienl prouvé par des doounieiis liistoiiqucs.
Les notices suivantes, qui sont liiées en partie
des mémoires nianusciits de Don Antonio
Bouilli et de M. Gasasola, conservés dans
les archives de lu vice-royauté de i\Iexico ,
présentent des ("ails dont le ra])proehement
pourra fixer l'attention des lecteurs. Dé-
ployant, pour ainsi dire, le table;ni varié de
l'activité nationide , tantôt réveillée , tantôt
assoupie, ces notices oQViront de l'intérêt à
ceux même qui ne croient pas qu'un pays
habité par des hommes li!)res appartient à la
nation européenne qui l'a vu la première.
Les noms de Cahrillo et de Gali sont
devenus moips célèbres que ceux de l^'ucji
et de Fonte. La vérité , dans le récit d'un
ttsivigateiir modes re , n'a ni le charme ni Iq
pouvoir* qni acco m patinent Tillusion. Juan
Rodri^iwz Cahrillit Aisila les cotes de la
^ouvt-'lW -GaliCornie jusqu'aux 07*^ lo', ou
jiKqu'à b Punta del Alio Nucvn , au nord
Espagne un srttl document <lans Irqual le pilote Fuca
ou 1 mirai Font»; fussent nomnu';».
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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wnsTSR.N.y, usso
(7'«) 17Î-4503
'^
,.<1^,
ï
o^
"7
4^>i MVRi: HT ,
de Montcroy. II périt (le 5 janvier lo.pj) à
l'île de San Bernai do , près du eau i de
Santa Barl)ara ; mais son pilole, Barti^lomè
Ferrelo, eonliniia ses déeoa\ertes au nord,
juscjn'aux 45" de latitude, où il \it les eoles
du Cap Blane^ que Vancouver appelle le Ca.p
Orford.
Francisco Gall , dans son voyage de
Maeao à Ae^puleo, découvrit, en 1^82, la
Oolc du nord-onest de rAniérique , sons ks
67" ^n'. 11 admira, ainsi que lois ceux (]«ji
api es lui ont >isité la iS ouvclic-ContoiKullc ^
la bcanlé de ces nionta;^ncs colossales dont
la cime est couveile de nei-jcs éternelles ,
tandis que leur pied est orné d'une belle
végétation. En corrigeant " les anciennes oh-
Nervations par les nouvelles, dans des endroits
dont l'identité est reconnne , on trouve que
Cali côtoya une partie del'Arcliipel du prince
de Galles ou de celui du roi George. Sir
* Sutvanlle niamiscrll conservé ({AXXsWirchwo rrcueral
de Iiulias , à Madrid.
" Ces corrcclloiis ont déjîi été appliquions dans cet
ouvrage , partout où Ton cite les latitudes auxquelles
les anciccKs navigateurs se sont élevés. ( Viage de la
Siitil f, p. 7>\.)
&
Pra
JUSC]
Gre
D
cajj
6CuI(
Galii
Mex]
prou
plus
pilote
tle so
la rici'i
o
cepen
SébasI
peu a
seul h,
la fréiJ
^épassi
les 4^'*
rivière
connue
de Agu
*Iie m<
«"n traçan
II.
p
CHVPiTnE vtn.
i63
Francis Drakc, en i-ijS, n't'ioit parvenu que
jusqu'auv 48" de lulilu<lc au nord du cap
Grenville , dans la iNouvolle-Géorgie.
Des deux expédition': (\\w. Séhustien Vis-
cayno entreprit en i5()6et 1G02 , la dernière
seule lut diii«^ce aux cotes de la Nouvelle-
Caliroruie. Trente - deux cartes rédig-ées à
Mexico, par le cosniograplielIonriMai linez',
prouvent que Viscayno releva ces cotes avec
plus de soin et plus d'intelligence que jamais
pilote ne Ta voit Tiiit avant lui. Les maladies
Je son équipage, le manque de vivres, et
la rigueur extrénu.' de la saison, rempéclièrent
cependant de s'élever au delà du cap Saint-
Sébastien , situé sous les [y^^ de latitude , un
peu au nord de la baie de la Trinité. Un
seul bâtiment de l'expédition de Viscayno,
la frégate commandée par Antonio Florez,
dépassa le cap Mendocino. Elle parvint sous
les 4^" de latitude , à l'embouchure d'une
rivière qie Gabrillo paroît déjà avoir re-
connue en 1543, et que l'enseigne Martin
de Aguilar crut être l'extrémité occidentale
Le même don t. nous avons parlé plus haut (p. 207),
traçant l'histoire du Denague Healde flue/iuetuca»^
H. 3o
^C)G Li\ p.i: Tfî ,
tlu dôlroit crAiiiùii '. 11 ne l'auL p:i.s coiif,jnclre
Cille enti(''e ou rivière d'ALiiiilar, que Von
n'a pu retiou^er de nos temps, avec l'eni-
Loueliure du IVio Colojid^ia ( lat. /|G«» lo' ) ,
qui est devenue célèbre par les V(>^a;;es de
Vancouver, de Gray cl du capitaine Lewis.
Avec Gali cl Viseajno, finit l'époque bril-
lanle des découvertes que les Espa«^nols ont
l'ailes anciennement sur la cote du nord-ouest
de l'Amérique. L'histoire des navigations
exécutées dans le courant du dix-septième
sii'cle y et dans la première moitié du dix-
liuilième , ne présente aucune expédition
ûlrî"ée des cô:"S •! a .Mexique vers ce littoral
innnense , qui se prolonge depuis le cap
Mendocino juscpi'aux conHns de l'Asie orien-
tale. Au lieu du pavillon espagnol ^ on ne
vit flotter dans ces parages que le pavillon
russe, arboré en ij/^i , sur les vaisseaux que
» Le déU'oit d'Aiilan , que plusieurs géographes
confuutlonl avec le «.léU'oil tlo Btring , tlésigaoil au
sci/iciue siècle le déU'oil de nu<!son. Il prit soii nom
d'au des deux frères endjarqués sur le vaisseau du
Gaspar de Corlereal. Voyez I» s ivtherclics savantes
<uie M. de l'ieurieu a cunsiguées dans rintroduclion
lïisloriquu du y^oya^a de Marchand , T. 1, p. 5.
CHAPITRE VIIT. L\6n
conimaiuloiciit (lcu\ inlrépUes iK-vigaleurb ,
Beriiii»' et Tscîiiricow.
Enfin, après une interruption de près de
cent soixante-dix ans , la cour de Madrid
fixa de nouveau ses regards sur les eûtes du
Grand Océan : mais ce n'étoit pas le désir seul
de faire des découvertes utiles aux sciences!
qjii réveilla le gouvernement de sa léthargie;
c'étoit plutôt l'inrpiiétude d'être attaqué dans
ses possessions les plus septentrionales de la
]SiOuvelle-î']spagne ; c'étoil la crainte de voir
naître des étal)lissemens européens rappro-
chés de ceux de la Calirornie. De toutes les
expéditions espagnoles ^ entreprises depuis
l'année 177 4 jusqu'en 179'i, il n'y a que les
detix dernières qui aient porté le vrai ca-
ractère d'expéditions de découvertes : elles
ont été conuiiandées par des oniciers dont
les travaux annoncent des connoissances
étendues dans l'astronomie nautique. Les
noms d'Alexandre Malaspina , de Galiano ,
Espinosa , Valdes V^ernaci , tiendront à jamais
une place honorahle dans la liste des navi-
gateurs instruits et intrépides auxquels nous
devons des notions exactes sur la cote du
nord-ouest du nouveau continent. Si leurs
5o*
l3!,,
wmm
4G8 LIVRE III,
prédécesseurs n'ont pu donner la nit^inc
perfcclion à leurs opérations , c'est que ,
parlant des porlsdeSan Blas ou de 3louterey,
ils se sont trouvés dépourvus d inslriuneus
et d'autres moyens que fournit l'Europe
civilisée.
La preuiière expédition importante qui
fut faile depuis le voyage de Visea)^no , est
celle de Jitrfn Pc/vz y qui conimandoit la
corvette Santiago, appelévO jadis la ISitwa
Gulicin. Comme ni Cook , ni Ikirrington, ni
M. de Fleurieu , ne paroissent avoir eu con-
noissance de ce voyage important , je
consignerai ici plusieurs faits , tirés d'un
journal * manuscrit que je dois aux bontés
de Don Guillermo Aguirre , membre de
l'audience de Mexico. Ferez , et son pilote
Esteban José Martinez , sortirent du port de
San Blas le 24 janvier 1774- Ws avoient
l'ordre de reconnoître toute la cote, depuis le
port de Saint-Charles de Monterey jusqu'aux
* Ce journal a élé tenu par Jeux religieux , Fray
Juan Crcspi et Fray Tonias de ta Pona , embarqués
sur la corvetle Sanliago. On peut compléter par ces
détails ce qui a élé publié dans le Voyage de la Sulil ,
p. 92.
CTIVT'ITT^E VIIT.
Go" de lalitiule. Av.-mi louché à "Nïonlc'.cy,
ils iiiiient de nouveau à la voile le 7 juin.
Ils dccouviircnl , le 20 juillel , l ilo de la
Marguerite (fjni est la pointe nord-ouest de
l'île de la reine rjlKiilolle), et le délroit '
qui sépaie celle ile de celle du prime de
Galles. Le q août, ils niouillcrenl, les prcniicrs
de tous les navii^atciirs cnmpec/is , tians la
rade de Noulka, tpi'ils appcKrenl le port
de San Loiviizo , et que l'illustre Cook,
quatre ans plus tard , nonuna Kiiig (Jcnr^e's
Sound. Ils firent un commerce d échange
avec les Indiens , parmi lesquels ils virenl du
fer et du cuivre. Ils leur donnèrent des
haches et des couteaux pour acquérir des
peaux et des fourrures de loutres. Perez ne
put point aller à terre; le mauvais temps et
une mer grosse et clapoteuse l'en empêchèrent;
sa chaloupe manqua même de se perdre en
essayant d'atlérer : la corvette fut ohli^-ée de
couper ses cahles et d'al^andonner ses ancres
pour 2f«'ï2'ner le lar-jfc. Les indi;'ènes volèrent
plusieurs objets apparfenans à M. Perez et
à son équipage , et celle circonstance , rap-
* La Entrada de Perez , des caries espagnoles.
470 II VUE HT,
portée dans le journal du ric^re Crespi . sert
à résoudre le f.imeux problème des euillères
d'argent de fabrique européenne , que le
capitaine Cook y trouva en 1778, entre les
mains des Indiens de Noulka. La corvelle
Santifif^o retourna à Monterey , le 27 août
1774, après avoir fait une campagne de
huit mois.
L'année suivante , une seconde expédition
sortit de San Blas , sous les ordres de Don
Bruno Ilccela , Don Juan de Ajala j et
Don Juan de la Bode^a j Quadra. Ce voyage,
qui a singulièrement avancé la découverte de
la côte du nord-ouest, est connu par le journal
du pilote Maujvllc, publié par M. Barrington ,
et joint aux instructions que reçut l'infortuné
Lapeyrouse. Quadra découvrit l'embouchure
du Rio Colombia, qui fut appelée enivée de
Heceta , le pic de San Jacinto ( Mount Edge-
cumbe), près de la baie de Norfolk, et le
beau port de Bucarcli (lat. 55<* 2/i' ), que,
par les recherches de Vancouver , nous
savons appartenir à la cote occidetitale de la
grande île de l'Archipel du prince de Galles.
Ce port est environné de sept volcans, dont
les cimes, couvertes de neiges perpétuelles,
f-'
rii\piTnf: vtît.
17'
jt'Kcnl (1rs flammes cl (îcscondros. ^\. On.ulra
V lr()^^a un jjrand nombre de cliiens donl les
Indiens se scrvoienl ponr la eliasse. Je possède
deux petites cartes ' assez enrienses, j^ravccs,
en J78(S, à la ville de Mexico, et rpii pn^-
senlent le ;j;'isenjcnt des cotes , dcpnis les 17'»
jnsrpi'anv ;)S" de lalitnde, tel rpj'il a^oil élt»
reconnn d;tns rcM)(''dilion deOnadra.
La cour de 31adrîd ordonna, en 177G, au
* Caria i^eor^rafra de la rosfa orcicîcvtal de la dili^
forv'a siti'oda al norledc la licrta sohre cd marAsIatim,
<iuc se disciihrio m los anns de 17 69 y 1775, por el
ii'niimle de ria\}o Don Jiiau J^ranc/.fco de Bodega y
Quadra, y par el al ferez de f ravala Don José Cahizares,
d'sde luH 17 ha- ta Ion ôSgrados. Sur cette carte., la
côle |>aroîl presque sans eiUrécs et sans îles. On y
r»;raarque rEiiscnnda de Ezeta (Rio ColomMa) et
rentrée de Juan Penîz , mais pas le nom du port de
San liOrenzo (^Voullta), vu par le même Perez , m
1 774. — I^lan del gran Puerto de San Fraucinco, dis( U'
hierto por Don Jase de Cahizares en el mar rtsiatiio.
Vancouver distiii^^ue les ports de Saiiil-fVnnrois , de
Sir Francis Drake et de liodcga , comme trois ports
dillenîtis. M. de Fleurieu les n j;arde comme i<ieii-
tiqut.'S ( l^oyage de Marchand , Vol. I , p. ^^ ). Qua<lia
croit , comme nous l'avons observé plus haut , q'ie
Drake mouilla au port de la Bodega.
!-l'
472 LIVBK III,
\'k'C-roi duMcxi(|iuîde|)r('[)ar(*r une nouvelle
expédition pou rrct'on I iDÎtro Jl's cotes (le l'A nic-
rique jusqu'aux 70" dc^^rés de latitude boréale.
On construisit, à cet ellét, à Ciuayaquil, deux
corvettes, la P vin cessa cl la Favori la j mais
celle construction éprouva tant de retard, que
l'expédition commandée parQuadra et Don
Ifiacio Arteagîi , ne put mettre à la voile au
port de San Dlascjuele 11 février 1779. Pen-
dant cet intervalle, Gook avoit visité ces mêmes
côtes. Quadra et le pilote Don Francisco
Maurellc reconnurent avec soin le port de
Bucareli ,1e mont Saint-Elie, l'île delà Magda-
lena, appelée par Vancouver l'île Hincliin-
brook (lat. 60" 26' ), située à l'entrée de la
baie du prince Guillaume , et l'île de Régla ,
qui est une des îles stériles dans la rivière de
Gook. L'expédition retourna à San Blas , le
21 novembre 1779. Je trouve dans un manus-
crit que je me suis procuré à Mexico, que les
roches schisteuses cjui avoisinent le port de
Bucareli , dans l'île du prince de Galles , con-
tiennent des filons métallifères.
La guerre mémorable qui donna la liberté
à une grande partie de l'Amérique septen-
trionale, empêcha les vice-rois du Mexique
CHAPITRE VIII. 473
de poursuivre les eiilrrpriscs de déeoinerlcs
aiinord du eijpMendoeiiK). La eour de Madrid
ordonna de suspendre Jes exj)édili()ns aussi
lonj^-teni])s cpie d»ireroient les lioslililés qui
avoienl éelalé entre ri'^spjione cl rAn«;lelerre.
Celte interruplion se ])rulon;^ea uierne lon^^-
temps après la ]>Ki\: de Versailles, et ce n'est
qu'en ij88que deux haliniens espagnols, les
frégales la Priiiccssa et le paquet-bot S<in
Carlos , commandés par Don Tlsloban Mar-
tiiii'z oXDon Gonzalo Lopcz de ffaro , soilirent
du port de San Blas, dans le dessein d'examiner
la position et l'état des établissemens russes
sur la cote du nord-ouest de l'Amérique.
L'existence de ces établissemens, dont on ne
paroît avoir eu connoissance à Madrid que
depuis la publication du troisième voyage de
l'illustre Cook, inquiétoit vivement le gou-
vernement espagnol : il vit avec peine que le
commerce des pelleteries attiroit des vaisseaux
anglois, l'raneois et américains, sur une cote
qui
avant le retour du lieutenant Kin"* à
Londres, avoit été aussi peu fréquentée par
les Européens que la terre de Nujts ou celle
d'Endracht, dans la Nouvelle-Hollande.
L'expédition de Martinez et de Iliuo dura
\m
/|74 iiviŒ 11 r,
depuis le 8 mars jusqu'au 'S clccenibre 1788.
Ces na>i;^a leurs firent clireelemeiil roule de
San nias à l'entrée du piinee Gnill.iMue. cjue
Jes llusses a|)[)ellent le i^o/Jr Tscliui^dtslydjd ;
ils >isilèrcnt la rivière de Cook , les îles
Kiclitnh (Kodiak), Sr/n/f/tn^in y LniDiiik et
llnalitschka (Onalaska): ils furent traités
très-aniiealenient dans les differenles f'aetore-
ries russes qu'ils trouvèrent établies dans la
rivière de Cook et à Unalaselika , et ils eurent
même eommunieation de plusieurs eartes que
Jes Russes avoitnt dressées de ces parafes.
.T'ai trouvé danslesareliivesde la vice-rovauté
ml
de Mexico, un jjfros volume in-folio, portant
le titre de Rcconocimieutn da los quatro esta-
blacimwnlns riissns al norte de la Calljorniaj
Itccho en 1 788. Le précis historique du ^ oyage
de Martinez , que présente ce manuscrit , ne
fournit cependant que très-peu de données
sur les colonies russes dans le nouveau conti-
nent. Aucun homme de Téquipage ne possé-
dant un mot de la langue russe , on ne \m\ so
faire entendre que par des sigres. On Avoit
oublié, en entreprenant cetle expédi^i(>n VAn-
taine, de faire venir un interprète d'Euroj)e.
Le mal qui en résultoil étoit sans remède :
cHArimn vin. /j-^.'»
iV.'Mllcurs, M. Marliiicz îmroil ru tinlanl <lo
peine à trouver un llnssc cl.ins tonic l'Anu-
ii([nc espagnole, (pi'euinoil en 8ir (jeort^c
Slaunlon pour th'eouM'ir \in (Jliinois en An-
gleterre ou en Franee.
Depuis les voyages de Cook , Dixon ,
Porllock , Mears el Dnncan , les Muroptcns
comniencërenl à eonsidércr le porl de Noulka
roniiue le uiarehé prineipal des pelleteries de
la eôle du nord-ouest de l'Ainéricjue. Celle
considération engagea la eour de Ma(«rid à
faire, en i/iSj}, ce fpi'elle auroit exéeulé
plus fjeilenient cpiinze ans plus lot, inimé-
dialenient après le voyage de .Juan Ferez.
M. Miirtincz y fjui venoit de \isiter les l'aelo-
reries russes , reeut l'ordre de faire un éta-
blisseuienl stable à Noulka , et d'exanûner
avee soin la partie de la cote qui est comprise
entre les 5o''etles 'SïV* de latitude, et que le
capitaine Cook n'avoit pas pu relever dans le
cours de sa navigation.
Le port de Noulka se trouve sur la cote
orientale d'une île qui , d'après la reconnois-
sance faite en 1791, par MM. Esjfinosa et
Cevnihsy ix vingt milles marins de largeur,
et qui est séparé par le canal de Tasis de
¥
4;^ LIVRE HT,
la grande île appelée aujoiircrhui \Isle de
Qundra et de V unconvev. Il est par consé-
quent a»?ssi faux d'avancer que le port de
Noutka, désigné par les indigènes sous le
nom de Yucuatl , appartient à la grande île
de Quadra, qu'il est peu exact de dire que le
cap de Horn est l'extréniilé de lu Terre-de-Feu.
Nous ignorons par quel malentendu l'illustre
Cook a converti le nom de Yucuatl dans celui
de Noutka , ce dernier mot étant inconnu aux
naturels du pays, et n'oftrant même aucune
analogie avec les mots » î leur langue, sinon
avec celui de noutcliiy qui si^m^ie montagne '.
* Mé7noire de Don Francisco Mozino. L'auteur
estimable éltàt un des botanistes de l'expédition de
M. Sesse, et séjourna à Noutka avec M. Quadra,
en 1792. Cherchant à me procurer le plus de rensei-
gnemens possibles sur la côte du nord-ouest de l'Amé-
rique septentrionale , je fis , en i8o3 , des extraits du
manuscrit de M. Mozino , que je devois h Taraitié du
professeur Cervantes , directeur du jardin botanique
à Mexico. J'ai vu, depuis , que le même mémoire a
fourni des matériaux au savant rédacteur du Viage de
la Sutil, p. 123. Malgré les renseignemens exacts que
l'on doit aux navigateurs anglois et françois , il seroit
encore très- intéressant de publier en françois les
observations que M. Mozino a faites sur les mœurs des
D
gâte
mou
Il fui
Maci
vu a\
indige
grand
du poi
princei
roauvai
Quautz
une ép(
sans ai]
iicnsj
de YucI
belle p
homme,
coquille
de Noui;
élevé dti
même di
pinpula ]
cadets dt
qui repos
d'été, su
vingt jou
cataires q
m
I
CHAPITRE VIII. 4 "J'y
Don Esleban Martinez, commandant la fré-
gate la Priiicessa et le paquet-bot Sun Carlos,
mouilla clansle portdeNoutka, le 5 mai 1789.
Il fut reçu avec beaucoup d'auiilié parle chef
Macuina , qui se souvenoit très-bien de l'avoir
vu avec M. Ferez, en 1774» et qui montra
indigènes de Noutka. Ces obserralions emhrasst^nt un
grand nombre îl'objels curieux; savoir: la réunion
du pouvoir civil et sacerdotal dans la personne des
princes ou i^ys; la luUe qui existe entre le bon et le
mauvais principe qui gonvornent le monde , entre
Quautz et Matiox -, l'origiric de l'espèce humaine à
une époque où les cerfs étoient sans bois , les oiseaux
sans ailes et les cbitns sans queue ; l'Eve des Nout-
kiens,qui vivoit solitairement dans un bosquet fleuri
de Yucuatl , lorsque le dieu Quautz la visita dans une
belle pirogue de cuivre ; l'édupalion du premier
homme, qui à mesure qu'il grandît , passa d'une petite
coquille à une plus grande ; la généalogie de la noblesse
de Noutka , qui descend du fils aîné de cet homme
élevé dans une coquille, tandis que le peuple (qui
même dans l'autre monde a un paradis à part , appelé
pinpula) n'ose faire remonter sou origine qu'à des
cadets de famille; le système calendaire desNoutkiens,
qui repose sur un commencemenl de l'année au solstice
d'été , sur une division de l'année eu quatorze mois de
vingt jours , et sur un grand norab: a de jours inter-
calaires qui s'ajoutent à la fin de plusieurs mois, etQ., ete.
478 LIVRE III,
même les l)elles eoqnilles de Monterey, dont
on lui avoit luit présent à celte époque.
Macuina , le tnjs de File de Yucuatl , a un
pouvoir absolu; c'est le Montezuma de ces
contrées, et son nom est devenu célèbre parmi
toutes les nations qui font le conniierce des
pelleteries de loutres marines. J ignore si ?Ia-
cuina vit encore ; mais nous sûmes à Mexico ,
à la fin de l'année i8o3, par des lettres de
Monterey , que plus jaloux de son indé-
pendance que le roi des îles Sandwich , ({ui
s'est déclaré vassal de l'Angleterre , il cher-
choit à acquérir des armes à feu et de la poudre
pour se défendre contre les insultes auxquelles
il etoit souvent exposé de la part des naviga-
teurs européens.
Le port de Santa-Cruz deJSoutka (appelé
Puerto de S an Loreiizo par Ferez, elFrie/id/}-
coi^e par Cook) a sept ou huit brasses de fond :
il est presque fermé au sud-est par des îlots,
S'arlun desquels Marlincz établit la ballerie
de San Miguel. Les montagnes, duns Im-
térieur de l'île, paroissent composées de
thonschlefer et d'autres roches priniilives.
M. Mozino y découvrit des liions de cuivre et
de plomb sulfurés. A un quart de lieue du
CHAPITRE VIII.
4:9
S' ■
I.
port j près d'un lac , il crut reconnoître , dans
iHie ainygdaluïde poreuse , les cllets du l'eu
volcaniaue. Le climat de Noulka est si doux ,
que sous une latitude plus septentrionale que
celle de Québec et de Paris, les plus peliles
rivières ne grêlent pas avant le mois de janvier.
Ce phénomène curieux confirme les observa-
tions de IVlackenzie * , qui assure que la cote
du nord-ouest du nouveau continent a une
Icnqîérature beaucoup plus élevée que les
cotes orientales de l'Amérique et tle l'Asie
situées sous les mêmes parallèles. Les liabi-
tans de Noutka , comme ceux de la cote sep-
tentrionale de la Norwège, ne connoissent
presque pas le bruit du tonnerre. Les explo-
sions électriques y sont infiniment rares". Les
* f^oyftge de Mitchenzle ,iva.dn'ii l^^irCi^^inu. Vol. llt^
p. 33n. I-es Iwilkiis c|ui avoislnent la côt«î du iioal-
ouost , ont uièinè cru observer que d'année en auuée
les Invers y deviennent plus doux. CeUe douceur du
climat paroît être l'effet des vents d'ouest qui passent
au-dessus d'une étendue de merconsidérahle. M. ivlac-
keiizie croit d'ailleurs, comme moi , que le elianj^oment
de climat observé dans toute FAmériqu*! septentrio-
nale , ne peut pas être attribué à de petites causeaj
locales , par exemple à la deslructiou des iorcli».
* Vol. II; p. 33S.
j
48o LIVRE TU,
collines sont couvertes de pins, de chênes,
de cyprès et de belles touffes de rosiers, de
vaccinium et d'andromèdes. Le joli arbuste
qui porte le nom de Linné n'a été découvert
par les jardiniers de Texpédition de Van-
couver , que dans des latitudes plus élevées.
John Mears , et surtout un officier espagnol ,
Don Pedro Alberni, ont réussi à Noutka dans
la culture de tous les légumes d'Europe : le
maïs et le froment n'y donnèrent cependant
jamais de graines miires; une trop grande force
de végétation paroissoit être la cause de ce
phénomène. On a observé parmi les oiseaux
de l'île de Quadra et de Vancouver, de vrais
colibris. Ce fait, important pour la géographie
des animaux, doit frapper ceux qui ignorent
que M. Mackenzie a vu des colibris aux sources
de la rivière de la Paix, àous les 54*^ 2l\' de
latitude , et que M. Galiano en vit à peu près
sous le même parallèle austral , dans le détroit
de Magellan.
Marti nez ne poussa pas ses recherches au
delà des 5o" de latitude. Deux mois après
son entrée au port de Noutka , il vit arriver
un vaisseau anglois , l'Argonaute , commandé
par James Golnet, connu par ses observations
I
CHAPITRE VITI. 4^'
faites aux îles Gal;«pa;j;os. Coliict manilosla
au navigateur espaguul loi dre ([ue son gou-
vernement lui avoit dv)nné , d établir une
factorerie à JNoutka, d'y construire une fré-
gate et une goélette , et d'empêcher toute
autre nation européenne de prendre part
au commerce des pelleteries '. M.irtinez ré-
pliqua en vain ([ue, lotig-^'^nps avant Gook ,
Juan Ferez avoit mouillé dans ces parages.
La dispute qui s'éleva entre les commandans
de Vyirgnnaitte et de la Pvincessa , manqua
de causer une rupture entre les cours de
Londres et de Madiid. Marlinez, pour faire
valoir la priorité de ses droits , employa ua
moyen violent et peu légitime : il arrêta
M. Golnet , et l'envoya , par San Blas , à la
ville de Mixico. Le véritable propriétaire
du terrain de Noutka , le tays Macuina , se
déclara prudemment pour le parti vainqueur;
mais le vice-roi , qui crut devoir lialer le
rappel de Martinez, exj)édia, au commen-
* Il s'étoit formé en Angleterre, dès 1 anné»^ 1^85,
\ compagnie dr ISoiUka , s us le nom the King
Geurge's Sound Company; on avoit même le projet
de former à Woulka une colonie angloise semblable à
celle de la NouYclle-Hoilande.
II. 3i
1 1
/,8_>.
MVT.E HT
remcnt de l'année 1790. trois autres hati-
nieiis armés vers la cote nord - ouest de
l'Amérique.
Don Francisco FAlsa et Don Sahador
Fiihil^o , frère de l'astronome qui a relevé
les cotes de l'Amérique méridionale ', depuis
la 15ouclie du Dragon jusqu'à Portobello,
commandèrent celte nouvelle expédition.
M. Fidalo'O visita l'entrée de Cook et la baie
du prince Guillaume ; il compléta la recon-
noissance de ces parages, que l'intrépide
Vancouver a examinés plus tard. Sous les
60" 54/ de latitude , à l'extrémité septentrio-
nale de Prince William' s Sound, M. Fidalii'O
fut témoin d'un phénomène probablement
volcanique, et des plus extraordinaires. Les
indigènes le conduisirent dans une plaine
couverte de neige , où il vit de grandes
masses de glaces et de pierres s'élancer à des
hauteurs prodigieuses , et avec un fracas
épouvantable. Don Francisco Elisa resta à
Noutka pour agrandir et pour fortifier l'éta-
blissement que Martinez avoit fondé l'année
» Yo-^ei mon Recueild' Obsenations astrotioîniques ,
•oi, 1 , Liv. I.
1^
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et
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ciiAPrTR,.: vnr.
■ . ■ .. ' "- •^o octobre jrno l'p
» etou désistée de ses nrétPn,-^ ' P'''"<^
porta l'ordre rV ^"'^'"^ ^'"^"^"^- , ^jui
1 iuiaie a Vancouver Jp ,..11
J exécution de ce fr..^ ' > ^'^^^''' '^"^
» «ne époque Où PidaJ.o loit 79^ '
donner un second élal.l;. "^"P*^ *
~-, situé sous les S: tTi::f"~
' entrée de Juan de Fuc, '''^ ''"""de , à
L'expédition du cnpita/ne Elis, fut • •
de deux autres , q„i „„,.. r '"' ""'^'^
favaux .-.stron;.» "'ef" "T'"'""'^' '^'^^
'Jonué lieu, pour ;r:;o;^""^^^
dont elles Lent ".^r te""'"™"'*
-™paréesauxexpéditio:;'drc::rr
Lapejrouse et de Vancouver Je ! . ' .
^^oyage de l'illustre .IW..; ^J" ^^ f '^« ^"
deceluii;utp,rr;«&,„,,'^;r;^^"'79..et
Les opérations exécutées Zm, ''^"
et par les offî,.,» • ^ ^ua/aspiua
P ol/iciers qu, travaiUoient soits ses
484 LIVRE Ht 5
ordres , embrassent une étendue de cote
immense, depuis l'embouchure du Rio de la
Pluta jusqu'à l'entrée du prince Guillaume:
mais cet habile na>i<,''aleur est devenu encore
pliis célèbre par ses malheurs que par ses
découvertes. Après avoir parcouru les deux
hémisphères , après avoir échappé à tous les
dangers d'une mer orageuse , il en a trouvé
de plus grands <lans une cour dont la faveur
lui est devenue funeste. Victime d'une intrigue
politique, il a gémi pendant six ans dans un
cachot. Le gouvernement françois a obtenu
sa liberté. Alexandre Mahispina est retourné
dans sa patrie : c'est là, sur les bords de XAviio,
qu'il jouit dans la solitude , des profondes
îjupressionsque laissent dans une Ame sensible
et éprouvée par le malheur, la contemplation
de la nature , et Tétude de l'homme sous les
climats divers.
Les travaux de Malaspina sont restés en-
sevelis dans les archives , non parce que le
gouvernement redoutoit de voir révéler des
secrets qu'il pou voit croire utile de cacher ,
mais parce que le nom de cet intrépide na-
vigateur de voit être livré à un oubli éternel.
Heureusement la direcliou des travaux hj-
1
CHAPITRE VIII.
485
drographiqiies ( Dcposito hiclro^vaficn de
Madri(l') a l'ait jouir le piihlic des prînripiiix
résultats qu'ont fournis les ohservnlions asiro-
noniiques laites pendant le eours de l'expé-
dition de 3Ialaspina. Les caries niarines qui
ont paru à Madrid depuis l'année i79<), se
fondent en grande parlie sur ces résultats
iniportans; mais au lieu du nom du chef,
on y trouve seulement celui des corvettes,
la Dcscubierta et la Atttviila , que iMalaspina
a commandées.
Son expédition % qui étoit partie de Cadix
le 5o juillet 1789, n'arriva au port d'Aca-
pulco que le 2 février 1791. A celte époque
la cour de Madrid hxa de nouveau son
attention sur un objet qui avoit été débattu
au commencement du dix-septième siècle,
sur le soi-disant détroit par lequel Lorenzo
!!«
* Ce dépôt a été établi par un ordre royal , le
6 août 1 797.
" Extrait d'un journal tenu à hord de la A t revida ,
manuscrit conservé dans les archives de Mexico.
( Viage de la Sutil , p. i i3-i a"^. ) M. Malaspina , avant
l'expédition entreprise en 1789, avoit déjà fuit le tour
du globe, dans la frégate V Adirée j destinée pouï'
Mauille.
48(5 LIVRE III,
Ferrer Maklon.'ulo prétcndoit avoir passé ,
en jr)88, des eùles du Labrador au Cir;:iid
Oecan. Un niénioiic que M. Buaelic \('uoit
de lire à l'Aradéniie des seienees , aM)il Tait
renaître l'espoir de l'exislenee de ee passa;^e.
Les eorA elles la Deseul)ierla el l'Alrcvida
reeurenl l'urdre de s'élever à de liaules
latitudes sur la eùle nord-ouest de l'Amérique,
et d'examiner tontes les passes et enirées qui
interrompaient la continuité du litloial entre
les 58*^ el Go" de latitude. Malaspina , ae-
compagné des botanistes liaL'nke et Née /
mit à la voile à Acapuleo , le i.*^ mai de
l'année 1791. Après trois semaines de navi-
gation, il altéril sur le cap de Sainl-Bartho-
lomé , qui avoit déjà été reconnu en 1776
par Quadra ; en 1778, par Cook ; et en
1786 , par Dixon. Il releva la côte, depi is la
montagne de San Jacinto ^ pièc. A\\ cap
Edgecumbe ( Cabo Encauo ^ lat. 07*' 1 ' 5o'')
jusqu'à l'île Monlagu, vis-à-vis l'entrée du
Prince Guillaume. Pendant le cours de cette
expédition, la longueur du pendule, Tincli-
naison et la déclinaison magnétiques lurent
déterminées sur plusieurs points de la côte.
On mesura avec beaucoup de soin l'élévation
f:iiAi>n!\i^ virr.
l'V
•■ /
<los inonla^mrs de Sl.-I^lic et du Pxmm- Tnips
( C'crm de fincn 'DcntfX} , ou Mail lit l')iir-
ivndt/icr) , qui sont les cimes pi'iii('i|);iles cliî
la (iordillère (Ju Noiixcau-iMoirolIv. La «on-
noissanco {\c leur liauleur ' et celle «le leur
]»i>silion ])euvent être d'un ;^i'aii<l secoiiis
aux na\i:^alenis , lorsque, peiuLuil d(\s se-
in;iines eulirres , le niau\ais leinps les eni-
pèclie d'obseiNer le soleil ; car à l.i vue de
ces pics, à So ou H)o milles de distance , ils
peuNcnt fixer le lieu de leurs vaisseaux- j)ar
de simj)les relèvcmens , el par des angles de
lia u leur.
Après avoir clicrclié inutilement le détroit
indiqué dans la relation du voya«^c apocryphe
de Maldonado; après avoir séjourné au port
de Mulgrave, dans la baie de Bering" ( lali-
tude 69" 54.' 20'') , Alexandre 3Ialaspina lit
* L'expédition do M.nlaspina trouva la liajiJ.^iir du
Mont Sdhit-Elte de 544 1 mètivs((î5o7,^i vaiM s); rrllc
di' MouiiL Fairi.v(>ather , de 4484) m( trrs (5.'?^)8,.'5 varos) :
par conséquent, l'élévation de la preiriière tie ces deux
montagnes se rapproche de celle du (^oiopaxi ; l'élé-
vation de la seconde égale presque celle du Mont Rose.
Voyez T I , p. 28*? y et ma Géograp/iie den i^lauleH ,
p. i53, édil. in-*.".
f
488 LIVRE III,
roule vers Je sud. Il monilla an port de
INcmlka, le i3 aoiit , sonda Jcs canaux c[ui
entourent l'île de Yncnall , et délenriina ,
par des ohservalions purement célestes, les
posilions de Noulka, de Monlerej, de l'île
de la (Juadaloupe , sur li!(|uclle le galion
des J'iiilippines {lu J\ an de Cliiiia) a coutume
d'atlérir , et du cap San Lucas. La corvette
la yïtiv\'i<hi cxxXvA à Acapulco , la corvelte la
Descuhicrta à San Blas , au mois d'octobre
de Tanuée 1791.
Lue campagne de cinq mois n'étoit pas
suffisante sans doute pour reconnoître et
pour relever une cote tlendue, avec ce soin
niinulieux cjue nous admiions dans le voyage
de Vancouver, qui a duré trois ans. Ce-
pendant rexpt'dilion de Malaspina a un
mérite particulier , qui consiste non-seule-
ment d.ins le nombre des observations
astronomiques, mais surtout dans la méthode
judicieuse ([ui a été eiiiplc>yée pour parvenir
à des résultats certains. On a fixé d'une
manière absolue la longitude et la latitude
de quatre points de la cote, du cap San
Lucas, de i\ionlerey, de Noutka et du port
Mulgravç, Les points intermédiaires ont été
CHAPITRF, VIII. f\^Ç)
rapportés à ces points fixf^s, par le n>,»yon de
qu.ilro niunhes matines cl'Arnoiild. Celte
njolliode, employée par les ol'iieiers crii-
banjnés Kms les eor\eltes de 31alaspina ,
MM. lisptnosa y Ccvallits vX fcrudci y est
bien préférable aux correolions partielles
que l'on se permet de faire aux longiliittv?s
clironomélri(piesparles résultats de distances
lunaires.
A peine le célèbre Malaspina fut-il de
retour sur les cotes du Mexique , que mé-
content de n'avoir pas vu «l'assez près la cote
qui s'étend depuis l'île de Noulka jusqu'au
cap Mendocino , il engagea le vice - roi
comte de Re^illagigedo à préparer une
nou\elle expédition de découvertes vers la
cote du nord-ouest de l'Amérique. Le vice-
roi , doué d'un esprit actif et entreprenant,
céd.1 d'autant ])lus facilement à ce désir,
que de nouveaux ronseignemens donnés par
des officiers stationnés à Noulka senddoient
rendre prob.ible l'existence d'un canal dont
on altrihuoit la découverte au pilote gtec
Juan de Fuca , depuis la fin du seizième
siècle. Eu effet, M.irtiuez, en 177^, avoit
reconnu une entrée très-large sous les Ifi"^ 20'
/|90 LIVRE III,
de latilirclcLc pilole delà gocletle Ccrtiudis,
renseigne Don Manuel Quimper, ([ui com-
mandoit la bélandre la Princesse Royale ,
et, en 1791 , le capitaine Tllisa , a voient
visité siiccessivenienL celle enliée ; ils y
avoient nicnic décou^erl des ports surs et
spacieux, (l'éloil pour aclicver celle recon-
iioissance , que sortirent d'Acapiilco, le 8
mars 1 792 , les g-oclctles S util et Mexicana ,
coinmandces par Don Dionisio Galiano, et
Don Cayelano Valdès.
Ces astronomes hahiles et expérimentes ,
accompagnés de MM. Salamanca et Vernaci,
firent le tour de la grande île qui porte au-
jourd'hui le nom de Quadra et Vancouver,
et ils employèrent quatre mois à cette navi-
gation pénible et dangereuse. Après avoir
passé le détroit de Fuca et celui de Haro ,
ils rencontrèrent , dans le canal du Rosario ,
appelé par les Anglois le golfe de Géor-
gie, les navigateurs anglois Vancouver et
BrougJitoji y occupés des mêmes leclierches
qui étoient le but de leur voyage. Les deux
expéditions se communiquèrent sans réserve
les résultais de leurs travaux; elles seii-
tr'aidèrent mutuellement dans leurs opé-
CHAPITRE VIII. 49^
Talions, et il subsista enlr'elles, jusqu'au
moment de leur scpaialion , une bonne
iiilelligence et une harmonie parfaite , dont
les astronomes, à une autre époque , n'avoient
pas donné Texeuiple sur le dos des Cor-
dillères.
Galiano et Yaldès, dans leur retour ^c
NoutkaàMonlerey, reconnurent de nouveau
l'entrée de la Ascencmn , que Don Bruno
Ecetn avoit découverte le 17 août iJJ^^ t t*t
que l'iiabile navi«^ateur américain, M. Cray,
avoit nommée la rivière de Golond)ia, d'après
le nom du sloop qu'il coinmandoit. Celle
reconnoissanccétoit d'autant plusinq)ortanle,
que Vancouver , qui avoit ^.déjà suivi celte
côte de très-près , n'avoit pu apercevoir au-
cune entrée depuis les 4'^** de latitude jusqu'au
canal de Fuca, et que ce savant naviij;ateur
doutoit même alors de l'existence du llio
de Colond^ia ', ou de VEntrada de Eceta,
* J'ai tlcjà parlé plus haut (T. I , p. 229) de la
facilité qu'auroicnl les Européens de fonder une
colonie sur les rives fertiles du ileuve Colorabia , et
des douies qu'on a élevés contre l'identité de ee fleuve
et du Ïacoutché-Tessé, ou Orègan de Mackenzie -,
j'ignore si cet Orégan enlre dans im des grands lac*
492 LIVBE III,
Dès l'année 1 797, le gouvernement espagnol
ordonna qne les cartes dressées dans le conrs
de l'expédition de MM. Galiano et Yaldès
fussent publiées , « afin qu'elles pussent être
« entre les mains du public avant celles de
sales que , d'après les rrnseîgnemens donnés par le
père Escalante, j'ai figuics sur ma carte du Mexique ,
sous les 39" et 4i° de latitude. Je ne décide pas si
l'Orégaa , semblable à plusieurs grandes rivières de
l'Amérique mériilionale , se fraye un passage à travers
une cliaînr de monlagnc^s élevées, et si son embou-
cbure se trouve dans une des anses peu connues qui
existent cuire le port de la Bodega et le Cap Orford i
mais j'aurois désiré qu'un géograplie ,<railleurs savant
et judicieux, n'eût pas tenté de rcconnoître le nom
d'Orégan dans celui d'Origcu , qu'il croit désigner un
fleuve sur la carte du Mexique publiée par Don An-
tonio Alzate. ( Géographie Tnaihématique ^ physique et
politique , Vol. XV ,p. iiGetiiy.) Il a confondu le
mol espagnol origen^ source ou principe d'une cliose,
avec le mot indien origan. La carte d'Alzate ne
marque que le Rio Colorado, qui reçoit les eaux du Rio
Gila. Près de la jonction , ou lit les mots suivans : Rio
Colorado , 6 del Aorte , cuyo origen se igjiora , dont
on ignore l'origine. La négligence avec laquelle ces
mots espagnols sont divisés (on a gravé INortecuio et
Siiignora ) est sans doute la cause d'une méprise aussi
extraordinaire.
ssm
n
m
CHAPITRE VIII. 49'^
« Vancouver. » Cette publication n'a eu lieu
cepeiRlant qu'en 1802 , et les gco;^a\q)hes
jouissent aujourd'hui Je l'avantage de pouvoir
comparer les cartes de Vancouver , celles des
navigateurs espagnols, rédijj'ées par le /Ja-
posilo Jiidrnqrajlcn de Madrid , et la carte
russe, publiée à Pétersbourg en 1802, au
dépôt des cartes de l'empereur. Cette com-
paraison est d'autant plus nécessaire, tpie les
mêmes caps, les mêmes passes et les mêmes
îlots portent souvent trois et quatre noms
dilTérens, et que la synonymie géographique
est devenue par là aussi confuse que Test ,
par une cause analogue , la synonymie des
plantes cryptogames.
A la même époque à laquelle les goélettes
Sutll et Mexicaiia étoient occupées à exa-
miner dans le plus grand détail le littoral
contenu entre les parallèles des 45" et 51*^»,
le vice-roi comte de Revillagigedo destina
une autre expédition pour des latitudes plus
élevées. On avoit cherché inutilement l'em-
bouchure de la rivière de Martin de Aguilury
dans les environs du cap Ortbrd et du ca[>
Gregory. Alexandre Malaspina , au lieu du
fameux canal de Maldonado y u'avoit trouvé
{:! !
49 j LTV RE III,
que des cuh-(h;-sac ou des impasses, Galiano
et Yaldès s'éloient assurés que l'entrée de
Fuca n'étoit qu'un bras de mer qui sépare
une île de plus de 1700 lieues carrées ', celle
de Quadra et Vancouver , de la cole mon-
tueuse de la Nouvelle ~ Géorgie. Il restoit
encore des doutes sur l'exislence du détroit
dont la découverte a été attril^uée à l'amiral
Fuentes ou Fonte y et que l'on supposoit se
trouver sous les 53" de latitude. Gook avoit
regretté de n'avoir pu examiner celte partie
du continent de la Nouvelle-Hanovre , et les
assertions d'un habile navigateur , du c.pi-
taine Colnet , rendoient probable que la
continuité de la cote étoit interrompue dans
ces parages. C'est pour résoudre un pro-
blème aussi important, que le vice-roi de la
Nouvelle-Espagne donna ordre au lieutenant
de vaisseau Don Jacinto Caamano y com-
mandant la frégate l'Aranzazu, d'examiner
avec le plus grand soin le littoral qui s'étend
* L'c'temlue de Vile de Quadra et Vancouver ^
calculée d'après les caries de Vancouver , est de
i73o lieues carrées, de 25 au degré sexagésimal.
C'est Tile la plus grande que l'on Iroiiye sur ce*
côtes occidentales de rAuiérifjue.
«^
CHAPITFvE VIII.
/i
W'
depuis les 51^' jusqu'aux 5(W de lalilude
boréale. M. Caauiano , que j'ai eu le plaisir
de voir sou\enl à 3Iexieo , mit à la \oile au
port de San Blas , le 20 mars 1792 ; il lit uue
campagne de six mois. 11 reconnut scrupu-
leusement la partie septentrionale de l'île de
la reine Charlotte . la cote australe de l'île
du Prince de Galles , qu'il appela Isia de
Ulloa y les îles de Revillagi;^^edo , de Banks
(ou delix Cil la fnùlad) et d'Aristizabal, et la
grande entrée ( Inict ) de Monino , qui a
son embouchure vis-à-vis l'Archipel de Pitt.
Le nombre considérable de dénominations
espagnoles que Vancouver a conservé dans
ses cartes, prouve que les expéditions dont
nous venons de donner le précis , n'ont pas
peu contribué à l'aire connoître une côte qui ,
depuis les 4 6^ de latitude jusqu'au cap Douglas,
à l'est de l'entrée de Cook, se trouve aujour-
d'hui plus exactement relevée que la plupart
des cotes de l'Europe.
Jô me suis borné à réunir à la fin de ce
chapitre toutes les notices que j'ai pu me
procurer sur les voyages que les Espagnols
ont laits depuis Tannée i545 jusqu'à nos
jours, vers les côtes occidentales de la iXou-
49^ LtVÎ\E lîT,
vt'lle-Espogne , au nord de la NouvelIe-CiiU-
fornie. La réunion de ces matériiiux m'a
paru nécessaire dans un ouvrage qui embrasse
tout ce qui a rapj)ort aux relations politiques
et commerciales du Mexique.
Les géographes, qui se Latent départager
le monde pour faciliter l'étude de leur science,
distinguent sur la côte nord-ouest une partie
angloise, une partie espagnole et neutre, et
une partie russe. Ces divisions ont été laites
sans consulter les chefs des di\ erses tribus qui
habitent ces contrées. Si les cérémonies pué-
riles que les Européens nomment des prises
de possession ; si les observations astrono-
miques faites sur une côte récemment dé-
couverte , pouvoient donner des droits de
propriélé, cette portion du nouveau continent
seroit singulièrement morcelée, et répartie
entre les Espagnols , les Anglois, les Russes,
les François et les Américains des Etats-Unis.
Un même îlot lomberoit quelquefois en par-
tage à deux ou trois nations à la fois , parce
que chacune pourroit prouver eîi avoir dé-
couvert un cap différent. La grande sinuosité
que forme la cote entre les parallèles de 55<>
et de 60^ , embrasse des découvertes faites
CHAPITP.E VIIT. /|Qy
successivement par Gali , Bering et Tsclii-
rikow, Quadra , Gook , Lapeyrouse , Malas-
pina et V ancouver.
Aucune nation européenne n'a formé jus-
qu'ici un établissement stable sur l'immense
étendue de côtes qui se prolonge depuis le
cap Mendocino jusqu'aux 6cf^ de latitude.
Au delà de cette limite commencent les facto-
reries russes , dont la plupart sont éparses et
éloignées les unes des autres, comme les
factoreries que les nations européennes ont
établies depuis trois siècles sur les cotes
d'Afrique. La plupart de ces petites colonies
russes ne communiquent ensemble que par
mer, et les nouvelles dénominations d'^we'-
rique russe ou de possessions russes dans le
nouveau continent y ne doivent pas nous porter
à croire que la côte du bassin de Bering , la
presqu'île Alaska , ou le pays des T'schu-
gatschiy sont devenues des provinces russes ,
dans le sens que l'on donne à ce mot en par-
lant des provinces espagnoles de la Sonora ou
de la Nouvelle-Biscaye.
La côte occidentale de l'Amérique présente
l'exemple unique d'un littoral de 1900 lieues
de longueur , habité par un même peuple
II.
32
4(j8 LTVT.K ITt,
cnropc'on. LcsEspa«^nols, comme nousTavons
indicjuc jiii commencement de cet ouvrage ' ,
ont forme'; des élablissemcns depuis le fort
Maullin, au Chili, jusqu'à Saint -François,
dans la Nouvelle - Californie. Au nord du
pandlèle de 38" suivent des tnl)us d'Indiens
indépendans. Il est probable que ces tribus
seront subju<^uées peu à peu parles colons
russes, qui, depuis la fin du dernier siècle,
de l'extrémité orientale de l'Asie , ont passé
au continent de l'Amérique. Les progrès de
ces Russes -Sibériens vers le sud, 'doivent
naturellement être plus rapides que ceux que
font les Espagnols-Mexicains vers le nord. Un
peuple chasseur, accoutumé à vivre sous un ciel
brumeux, dans un climat excessivement froid,
trouve agréable la température qui règne
sur la côte de la Nouvelle-Cornouaille. Cette
même cote , au contraire , paroît un pays
inhabitable, une région polaire , aux colons
qui viennent d'un climat tempéré, des plaines
fertiles et délicieuses de la Sonera et de la
Nouvelle-Californie.
Le gouvernement espagnol, depuis 1788,
Voyez T. I, p. 210.
n
CTIAPlTRn VITI. /|r)g
n niarqiK' de riiKjiiic'liidL' sur l'jipparitiîm dos
Jiiisses sur les rôles du nord-ouesl du nouveau
continent. Gonsidt'rant tonte nalion euro-
péenne eojnme un voisin dangereux, il a (ait
explorer la situation des faeloreiies russes. La
crainte aeessédès que l'on a su à 3Iadri(l que
ces factoreries ne s'élcndoicnl pas , \cvs Test,
au delà de Vcf.'f/vc de Cook, Loisqu'en 1799,
l'empereur Paul déclara la t>ueri'e à l'Espagne,
on s'occupa pendant quelque tenqis, au
Mexiijue , du projet hardi de préparer, dans
les ports de San î3las et de Montere) , une
expédition maritime contre les colonies russes
en Amérique. Si ce projet avoit été exécuté,
on auroit vu aux piises deux nations qui,
occupant les extrémités opposées de l'Jilurope,
se trouvent rapprochées dans l'autre hémi-
sphère, sur les limites orientales et occidentales
de leurs vastes empires.
L'intervalle qui sépare ces limites devient
progressivement plus petit; et il est de l'in-
térêt politique de la A ouvel le- Espagne, de
connoître exactement le parallèle jusqu 'auquel
la nation russe est déjà avancée à l'est et au
sud. Un manuscrit qui existe aTix archives de
la vice-royauté à Mexico , et que j'ai cité plus
32*
OT
/jOO IJVRE III,
liaiil, ne m'a donné que des notions vn^iics cl
iuconiplèlc'S. Il dccrit J'élat des élablisscnicns
Hisses tels qu'ils ctoient il y a vingt ans.
M. Malte-Brnn , dans sa Céo<^rapliie iniiver-
selle, a donné un ailiele intéiessant sur la
cote du nord-ouest de l'Amérique : il a fait
connoîlre le premier la relation du voyage de
Billings ' , publiée par M. SarytscJiew y et qui
est prélérable à celle de M. Saiier. Je me
llatte de pouvoir donner , d'après des rensei-
gnemens très-récens , et tirés d'une pièce
officielle % la position des factoreries russes,
qn
de
d'e
' Account of the geographical and ostronomical
expédition uiidertaken for explorhig the coast of the
Jvy sea , the land of the Tshiitakl , and the ialandt;
ùetufeen Asia and Arm^rwa , under the conirnand of
t'upiain Billiugs , beti.çeen the years 1786 aini I7y4.
By Martin Sauer , secretary to the expédition. —
PutetcheHtwie jlota-hapitana SarytscJiet-ra po sere-
rou?ostochnoi tschaMi Sibiri , ledoit^itaira niora , i
trostochnos^o okeana. i8o4.
^ Carte des découuertcfi fûtes successivement par des
tiauigateiirs russes dans l'Océan Pacifique et dans la
mer Glaciale, corrigée d'aj^rè h lt\s ohseri^ations astro-
nomiques les plus récentes de plusieurs navigateurs
étrangers , gravée au dépôt des cartes de sa majesté
l'empereur de toutes les Russies , en 1802. Cette bclU
i
il w.
c:ii\prmK vu t.
:)()!
qui , pour lîipliiparl, ne sont qno (Icsrcnnions
do han<;j)rs el do cahanos , mais qui sorvont
d*enlrc|)ùls pour lo coniMiercc dos lonmiros.
Sur la oolo la ])Ius rapproclice de l'Asie , le
long du canal de Bcrinf»-, on trouve , depuis
les 67" jusqu'aux 64" 10' de latitude , sous les
parallèles de la La])onie et de ITsIande , un
fçrand noudjre de cabanes, frcqutmtéos par
les chasseurs sibériens. Les principaux p(^ste5,
en les comptant du noi'd au sud , sont :
Kii^iltacJiy Lc^lelacJitoly Tiif^utcn, Netschichf
TcJuncs^riun , Chibalccli , Topar, Pinfcpata ,
Àgulicliariy C']iavant\ et Ni/gniny près du cap
Rodni (cap du Parent). Ces habitations des
naturels de r^/we/'/V/?/^? russe ne sont éloignées
que de trente à quarante lieues ' des huttes
carte , que je dois à l'obligeante bonté tle M. de Saut-
jéignan, a i"'-,23i tle long, et o'"*. 7122 de large , ft
embrasse l'étendue de côtes et de mers comprise
entre les 4o* et 72** de latitude, et 1< s 12.)** et 224"*
de longitude occidentale de Paris. Les noms sont
écrits en caractères russes.
* Comme il est plus que probable que des peuplades
asiatiques et américaines ont passé l'Oct'an , il est
curieux d'examiner la largeur du bras de mer qui
sépare les deux continens sous les f)5" 5o' de latitu<lti
boréale. D'uprès ks découvertes les plus récente*..
f 1
5o:î
LIVRE ut
des Ti'lioiilskis do V .isic russe. Le dôh'oîl de
Bel'ill«,^ qui les sépare, esl rempli «rilotsdéseils^
dont le plus seplenlriondl s'i»p[)elle Iuiii«^lin.
faites par des navigateurs russrs ^ l'Auiériqur est, plus
que partout ailleurs, rapprochre tic la Sibérie, sur une
ligne qui traverse lu détroit de Bering dans une direc-
tion du sud-est au nord-ouest , du vnp du Prince do
CalU'H au cap Tsclioukotahoy . La distance de ces deux
caps est de 44' en arc , ou de i8 — lieues, de 25 au
degré. L'île d'Imaglin se trouve presque au milieu du
canal j elle est d'un cinquième plus rapprochée du
cap d'Asie. II paroît d'ailleurs que, pour concevoir
comment des tribus asiatiques fixées sur le plateau
de la Tartarie chinoise ont pu passer de l'ancien au
nouveau continent , on n'a pas besoin de recourir à
une transmigration faite à des latitudes aussi élevées.
Une chaîne d'ilols voisins les uns des autres, se pro-
longe de la Corée et du Japon au cap méridional de la
presqu'île de Kamtschalka , entre les 33* et les ^x" de
latitude. La grande ilc de Tchoka , réunie au conti-
nent par un immense banc de sable (sous les v5a** de
latitude), facilite la communication entre les bouches
de l'Amour et les îles Kuriles. Un autre archipel
d'îlots , que ferme au sud le grand bassin de Bering ,
s'avance depuis la presqu'île Al.ista , 4oo lieues vers
l'ouest. La plus occidentale des îles Aleutienncs n'est
éloignée de la côte orientale de Kamtschalka que de
i44 lieues , et cctle distance est encore divisée en deux
parties presque égales par les îles. Bering et Mednoi,
1
CHAiMnii: Mil. 50.3
lA'xlrcinilô noid-osi de I \sit* roriiic imo
presquilo qui ne lit'iil à hi grande lUitssc du
conlincMt qyw. |);ir iiii isdimo liiuil ciilic los
(Iciix jjullcs Alilsclii<'MM'ii l'I Kidlsrliiii. Lu c'ohî
asiali((n(.' ([ui hoidc lo (hlroil de Imi iii;^ os|,
ha!)iu''c par un ;^raiid nombre do niainniirciis
tvlac'(!'S.GVslsnr celle ('olc(jn(vlos'l\lionL>>kis,
qui \iveiit dans nne ;;nene eonlinuelle iwt'c
les Aniérieains, onl des liahitalions réunies:
leurs petits villa^^es s'ajipcilenl iSnlmn , Tni^tt-
lan et Tsckii^in.
En suivant la rote du eontincnt de 1' Vnié-
situées sous les 55" tle lullUidc. Cf.t exposé rupidtî
prouve sulljsutuiiient que tics Irlhus asiatiques ont pu
parvenir, d'îlot eu îlot , d'un rouiiiienl à raiilie , fians
s'élewr, fiur le continent de l'jlsi, , ou delà du iHirulU !o
</es 55" , sans tourner la mer d Ochotsk à l'ouest, <t
sans faire au large un ir.tjct de plus de vin}^l-qualr«' ou
de trente-six heures. Les vents nord-ouest , cjui , j» u-
dant une grande partie de Tannée , .souilieul daiii> ca
parages , favorisent la navigation d'Asii: vn Aiiiciiqur ,
entre les oo" et Go" de latitude 11 ne s'agit ])oinl dans
cette note d'étahlir de nouvelles liypolhè'sts lii.ito-
riques , ou de diseuU-r e^elK'S tjue ion a r<b.tnu<s
depuis ([uarante ans; on se contente d'avoir présenté
des notions exactes sur lu proximité dis ùcui^ cou-
tincr.s.
5o4 LIVRE III,
rique, depuis le cap Rodni, et Tentrée de
Norton jusqu'au cap Malowodnoy ( cap à
peu d'eau) , on ne trouve aucun établissement
russe ; mais les naturels ont un grand nombre
de cabanes réunies sur le littoral qui s'étend
entre les 63*» 20' et 60*» 5' de latitude. Les
plus septentrionales de leurs habitations sont :
jégibaniach et Chaliniagnii', les plus méri-
dionales, Kuynegach et Kuymin,
La baie de Bristol , au nord de la presqu'île
Alaska ( ou Aliaska ) , est appelée , par les
Russes, le golfe Kaniischezkaiu. Ils ne con-
servent en général sur leurs cartes aucun des
noms anglois imposés par le capitaine Cook
et par Vancouver , au nord des 55» de latitude.
Ils préfèrent même ne pas donner de noms
aux deux grandes îles dans lesquelles se
trouvent le pic Truhizin ( Mount Edgecumbe
de Vancouver, Cerro de San Jacinlho de
Quadra) et le cap 7TvcAim;r//' ( cap San Bar-
tholomè), plutôt que d'adopter les dénomi-
nations ai Archipel du roi George et Archipel
du prince de Galles.
La côte qui s'étend depuis le golfe Kamis-
cliezkaja jusqu'à la Nouvelle-Cornouaille , est
kabitée par cinq peuplades qui foniient autant
n
CHAPITRE \ni.
5oj
cîe grandes divisions territoriales dans les
colonies de la Russie américaine. Leurs noms
sont : Koniagi j Kenajzi , Tschugatschi ,
UgalachmiuticiKoUugi.
A la division Koniagi appartient la partie
la plus septentrionale de l'Alaska, et l'île de
Kodiak , que les Russes appellent vulgaire-
ment Kiclitak y quoique, dans la langue des»
naturels , le mot Kightak ne désigne en
général qu'une île. Un grand lac intérieur, de
pi ïis de 26 lieues de long et 1 2 de large, commu-
nique par la rivière d'Igtschiagik avec la baie
de Bristol. Il y a deux forts et plusieurs facto-
reries sur l'île Kodiak ( Kadiak ) et les petites
îles adjacentes. Les forts établis par Sclielikoff
portent le iiorn de Karluk et des Irais
Sanctificateurs. M.Malte-Brun rapporte que,
d'après les dernières nouvelles, l'archipel
Kichtak étoit destiné à renfermer le chef-lieu
de tous les établissemens russes. Sarytschevv
assure qu'il existe à l'île d'Umanak (Umnak) ,
un évêque et un monastère russes. J'ignore si
on les a établis autre part , car la carte pubhée
en 1802 n'indique aucune factorerie , ni à
Umnak , nia Unimak, ni à Unalaschka. J'ai lu
cependant à 3îcxico, dans le jounud manuscrit
I il
I •
£o6
LIVRE m
du voyage de Martinez, que les Espagnols trou-
vèrent en 1 788, à l'ile de Unalaschka, plusieurs
maisons russes et une centaine de petites
embarcations. Les naturels de la péninsule
Alaska se nomment eux-mêmes les hommes de
r Orient (Kagataya-Koung'ns).
Les Kenajzi habitent la côte occidentale
de l'entrée de Cook ou du golfe Kenayskaja.
La factorerie Rada, visitée par Vancouver ,
y est située sous les Gi*' 8'. Le gouverneur
de l'île de Kodiak , le Grec Iwanitsch Delareff,
assura à M.Sauer , qnc , malgré la rudesse du
climat , le blé viendroit bien snr les bords de
la rivière de Cook. Il avoit introduit la culture
des choux et de la pomme de terre dans les
jardins formés à Kodiak.
Les Tschiigatschi occupent le pays qui
s'étend depuis l'extrémité septentrionale de
l'entrée de Cook jusqu'à l'est de la baie du
prince Guillaume ( golfe ïschugatskaja). il y
a dans ce district plusieurs factoreries et trois
petites for'.eresses : le fort d'Alexandre , cons-
truit près du port Chatham, et les forts des
îles Tuk (L Green de Vancouver) et Tchalchi
(L Hinchiid^rook ).
Les igalachmiuti^^ciQnàQïii depuis le golfe
.■.V
i.ji<B*iHkiiiÉia
CHAPITRE VIIÎ.
5o7
$
-S-
du prince Guillaume jusqu'à la If die de Jahutat,
que Vancouver appelle la baie de Bering '.
Près du cap Suckling ( cap Élie des Russes) ,
se trouve la f'aclorerie de 8.-Sinion. Il paroît
que la chaîne ceulrale des (Jurdillères duNou-
veau-Norfolk est considérablement éloignée
de la cote depuis le pic de S.-lClie ; car les
naturels ont appris à M. Barrow , qui a
remonté le fleuve Mednaja (rivière de cuivre) ,
à une distance de cinq cents wevst ( 1 20 lieues),
qu'il n'a ttein droit la haute chaîne des monta-
gnes qu'à deux journées de cheinin au nord.
Les Koliiigi habitent le ])ays montueux du
Nouveau-Norfolk et la partie septentrionale
delà Nouvellc-Cornouaille. Les Russes mar-
quent sur leurs cartes la baie Burrough
' Il ne faut pas confondre la baie Je B(^ring de
Vancouver , sliuée au pied de la monléigne Saint-
Elie , avec la baie de Bering des caries espagnoles ,
qui se trouve près de la montagne de Fairwe: Ver
( Nevado de Buenlimpo ). Sans une connoi^sance
xacte de la synonymie géograpbique, les ouvrages
Oi,pagnols, anglois, russes et françois qui traitent de
la côte du nord - ouest de l'Amérique deviennent
presque ininloUigibles , et ce n'ost que par une com-
paraison miiuilicusc des cartes que cette synonymie
poLit èlrc lixJc.
5o8
LIVRi: III
(lat. 55** 00') vis-à-vis l'île Revillagigedo
de Vancouver ( Isla de Gravina des ••aîles
espajj'noles), coiniiie la limite la plus australe
et la plus orientale de réleiidue de pays dont
ils réclament la propriété : aussi la grande
île de l'archipel du roi George paroît-clle
avoir été examinée avec plus de soin , et dans
un plus grand détail , par les navigateurs
russes que par Vancouver. Il est aisé de s'en
convaincre, en comparant aHentivemenl la
côte occidc' ^'U^ de cette île, surtout les
environs du ca^ l'rubizin ( cap Edgecumbe)
et du port de l'archange S. Michel, dans la
baie Sitka (Norlolk-Sound des Anglois , baie
de Tchinkitané de Marchand) , sur la carte
publiée à Pétersboug, au dépôt impérial,
en 1802, et sur les cartes de Vancouver.
L'établissement russe le plus méridional de
ce district des Koliugi, est une petite for-
teresse ( crepost ) , construite dans hi baie de
Jakulal, au pied de la Cordillère, qni réunit
le mont du Beau-Temps au mont 8.-Elie,
près du port Mulgrave , par les Scf"" 27' de
latitude. La proximité des montagnes cou-
vertes de neisics éternelles , et la «grande
largeur du continent, depuis les 58** de
t
I
CrtAPlTBE VITÎ. ^Of)
lalitiidc, doniicnl à celle cole du Nouveau-
Norlolk et au pays des Uj^alachuiiuli , un
diniat exeessivenicut froid et conlrairc au
dévelo])pcnient des productions vé^^étales.
Lorsque les chaloupes de l'expédilion de
Malaspina jiénétrèrent dans l'intérieur de la
baie de Jakulal jusqu'au port de Desenfi^ano ,
elles trouvèrent, au mois de juillet, sous les
%** %' ^^' latitude, rextrémilé septenuio-
nale du port couverte d'une masse solide de
glaces. On pourroit croire que celte masse
apparkenoit à un glacier ' qui aboutit à de
liaules Alpes maritimes ; mais Mackenzie rap-
porte que, visitant, 25o lieues à l'est, sous
les 6i** de latitude, les bords du lac des
Esclaves, il trouva tout ce lac gelé au mois
de juin. En général , la diflcrence de tempé-
rature que l'on observe sur les cotes orientales
et occidentales du nouveau continent, et <lout
nous avons parlé plus haut, ne paroît être
bien sensible qu'au sud du parallèle de 53*^
qui passe par la Nouvelle -Hanovre et par
la grande île de la reine Charlotte. '
» Vancouver , T. V , p. 67.
5io
LIVRE ITT
Il y a à peu près la incine distance absolue
de Péteishoui'o' à la factorerie russe la plus
orientale sur le continent de l'Amérique , que
de Madrid au port de San Francisco, dans
la Nouvcllc-Calii'ornie. La largeur de l'empire
russe embrasse , sous les 60*^ de latitude , une
étendue de pays de presque 2400 lieues;
cependant le petit fort de la baie de Jakutid
ejt encore éloigné de plus de six cents lieues
des limites septentrionales des possessions
mexicaines. Les naturels de ces régions sep-
tentrionales ont été pendant long - temps
cruellement vexés par les chasseurs sibériens :
des femmes , des enfans furent retenus comme
otages dans les factoreries russes. Les instruc-
tions données au capitaine Billings, par Tim-
pératrice Catherine, et rédigées par l'illustre
Pallas, respirent la philantropie et une noble
sensibilité. Le f^ouvernement actuel s'est oc-
Cupé sérieusement à diminuer les abus et à
réprimer les vexations : mais il est difiicile
d'empêcher le mal aux extrémités d'un vaste
empire , et l'Américain se ressent à chaque
instant de l'éloignement de la capitale. Il
paroît d'ailleurs plus que probable qu'avant
g
chapixue viir.
5ii
qne les Russe, „.. . ' ^"
««■•valle quilT P""''^"r"' '" '■^«"^''ir l'in-
<J -établir des' r„ , ^"'-P'--'e .e'.era
J« Nouvel,eWo°r;2' ^f '« côtes de
mil" Vr. ' . '^"'5*6, SOU sur Jes fl«c r i
* :
li.'»h,ir A ,Atf.rf,. ,.,
H.ivU<te ->;. ».-•' A(.i>t,-
//".,•..../ (6* A. /-• /rtf.v.//;.
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'l'iiif in/'ifri,'Ur. ,/r. i/f.r.
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Km) a .\li'\i<'u, c'( (k> MoMto a \ cm acriix
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11.-,..- .I.l.amol.l.- jjll,. -. „,. , i.l,. I"...<.,, 1
1
EXPLICATION DE LA PLANCHE
Qui représente le Tableau physique de la
Nomelle-Espagtie.
•L'an s l'Atlas qui accompagne la grande
édition de cet ouvrage, les Planches 12 , i3,
i4 et i5 offrent des coupes géologiquel des
pentes orientales et occidentales des Cor-
diUères d'Anahuac , de Tintérieur du pajs
ou du plateau central et de la vallée de
Mexico. Pour réunir dans un même tableau
ce que ces coupes renferment de plus in-
téressant, on a fait réduire au tiers les
Planches 12 et i3, et on les a jointes de
manière que le dessin représente , dans une
projection verticale, le profil de la Nouvelle-
Espagne , sous les 170 et 19" de latitude,
depuis les coles de l'Océan Pacifique jusqu'à
celles de la mer des Antilles. Les avantages
et les désavantages de cette réunion des deux
profils 12 et 1 3 ont été discutés plus haut,
dans l'Introduction géographique , T. I ,
p. 161. Les flèches a et h, que l'on trouve
II.
o3
♦^
5i4
PLAINCHE
1.
iiKuqiices yers !» oau±e, indiquent les élë-
valionsque l'on auroit dii donner au Chim-
borazo et à la Aille de Mexico, si 1 échelle
des hauteurs étoit égale à l'échelle des dis-
tances '.
Toutes les linuteurs que présentent les
Planches i*:^ et i5 du grand Allas, n'ont pas
pu être marquées sur le profil réduit : en
accumulant ^s noms , on auroit nui à la fois
à l'effet et à la clarté. Nous croyons rendre
un service aux physiciens en réunissant ici une
partie des obserA ations de M. de FIundDoldt ,
indiquées sur ies différentes cartes que ren-
ferme l'Atlas géographique et physique de
la Nouvelle-Espagne.
Chemin d' Acapulco à Mexico.
Alto del Cnmaron. La ciine 2o5 toises au-dossus du
. niveau de la mer. Syénile porpliy ri tique super-
posé sur le granlle d Acapi^'co.
Vallée du Peregrino , au sud d'une montagne de
calcaire alpin blcu-grisatre. 82 t »iscs, entre
TAlto de Poziieîcà et la cime du Peregrino.
Vallée du Papagallo. Granité avec des filons d'am-
pliihole schisteuse. 97 toises.
Voyrz l'Introducliuri géographique, T. I, p. i5i.
DE LA NOUVELLE-FSPA(.NE.
Venta de TIerraColorada, au suil de la Moxonera.
2o4 toises.
Acaguisotla , au nord de Caxones. 5o4 toises. Le
granité reparoît sous le poipljyre , et se cache
sous une formation d'amjgdaloïde.
Masatlan, village. 65i toises. Calcaire secondaire
poreux, reposant sur du porphyre.
Vallée de Sjpiiote, entre Sumpango et Mescala.
5j7 toises. Près de Sumpango, un grès à
ciment calcaire repose sur le calcaire poreux
de Masatlan et de Chilpansiugo : puis repii-
roissent sous le grès, le porpliyre , et sous le
porphyre le granité : enfin , ce dernier se
cache de nouveau dans la vallée de Sopilote ,
sous le calcaire secondaire , qui est recouvert
dug}pse de Sochipala.
Guasinllan , village au sud du Pont d'ïstla. 538 t.
Chemin de Mexico à la Vera-Cruz :
Venta de Cordoba , à l'est de Chalco. i36o toises.
Porphyre trapéen.
Sierra de Cordoba , le point le plus élevé du nou-
veau chemin de la Puebla. i655 toises.
Venta del Agua. Porphyre à base basaltique.
i48i toises.
Cocosingo au sud-est de la Sierra de Tlaxcallan.
1189 toises. Calcaire secondaire sous lequel
reparoît le porphyre tl'Acaxete.
WSKOp"!
i
i
5l6 PLANCHE
Portezuelaou Porlachuelo. la^Gloiser,. Le calcaire
secondaire reparoît au jour.
Cuesla de Cruz Blanca, au nord-est de Peroie.
i2o4 toises.
Rio Frio , ferme située à Vexlrémité orientale du
plateau de Perote. 1198 lois^^.
El ManzaniUo ou Baranca Honda. i232 toises.
Tarage de Carros, à l'est de las Vigas , et de
l'ancien courant de laves, appelé Loma de
Tablas, 11 56 toises.
Tochtacuaya , ou Tochiilagueigue , ou Canoas , à
l'est de l'ancien courant de laves du Malpais.
iii3 toises.
LaHoya, .Mage dans un ravin profond, à V-.est
de la cime porphjrilique appelée Cumbre de
la Hoya. 1072 toises.
Cuesla del Solda.lo, à l'est de la Cumbre de la
Hoya. 982 toises.
San Miguel el Soldado. Village. 901 toises.
La Pileta. 790 toises.
La BanderiUa , i. l'ouest de Xalapa. 7*9 •»■'«=»•
Cime de la montagne basaltique de Maeultepec ,
près de Xalapa. 788 toises.
Entre Xalapa el l'Encero : Las Animas. 6=3 toise».
LasTrancas. 598 toises.
Le plateau au-dessus de l'auberge del Encero a
496 toises de hauteur absolue.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.
Si,
LiC calcaire
de Peroie.
rientale du
2 toises.
igas , et de
é Loma de
u Canoas, à
du Malpaïs.
)nd , à l'ouest
:e Cunabre de
umbre de la
Il toises. ^
. 749 loises.
e Macultepec ,
mas. 623 toises.
5 dcl Encero a
I
lios Miradores, à l'est du Cerro Gordo, 48o toises.
El Plan del Rio j à l'est de la Rinconada. 139 toises*
Chemin de Mexico à Guanaxuato.
Colline de Barrientos. 1211 toises. Porphyre
trapéen qui repose sur l'amygdaloïde poreuse
de la vallée de Mexico.
' Hueliuetoca. 1178 toises.
Puerto de Reyes, colline qui fait le prolongement
du Cerro de Sincoq , ou de Nochistongo.
1208 toises.
Tula. io53 toises. Calcaire secondaire.
Cuesta de San Antonio. ii25 toises. Brèche à
ciment calcaire qui repose sur le calcaire du
Jura.
Hacienda de San Antonio. 1121 toises.
3aa Miguelito. i3o5 toises. Sous le calcaire du
Jura, reparoisscT!* du mandelstein et du
porphyre.
Montagne de Capulalpam. iS/g loises. Amygda-
loïde poreuse.
Aroyozarco. 1296 toises. Amygdaloïde basaltique
San Juan del Rio. 101 4 toises.
Hacienda de Lira. 996 toises.
Cuesta de la Noria. io83 toises. Thonsr^'efer
qui rcnlxîrmc des couches de kieselschiefer ,
peut- cire de la formation de transition.
\
5i8
PLANCHE
. Queretaro. ggS toises. ^
• Zelaya. 941 toises. I^e calcaire secondaîr. reparoît,
il repose sur du gypse, et est -ecouvert de
grès. .
' El Molino de Sarabia. 91 fi toises.
Salamanca, dans les belles plaines qui s'étendent
depuis Queretaro jusqu'à la Villa de Léon.
901 toises. ^
- Temascatio. 929 toises.
Guanaxualo. 1069 tO'ses. Thonscliiefer sur lequel
reposent les roches porpbyritiques de la Bufia,
et le basalte du Cubiicte.
Cheinir d> la Puehîa à la Verur-Cruz et à la pente
du Cvjfrc de Perote.
Limite supérieure des pins. 2023 toises.
Limite supérieure des a nés mexicains. 1751 toises.
Limite supérieure de l'Arbulus (Madrono). 1682 tois.
Limite supérieure des chênes mexicains, décrits
• par M. Bonpland , dans sa description des
Plantes équinoxialefi (1^A\). 1619 toises.
Limite inférieure dos pins mexicains , entre Perole
et Xalapa. i^'Si toises.
Limite supérieure des bananiers (Musa paradisiaca),
, donnant des fruits mûrs, près de la Pileta.
796 toises.
Limite iaférieure des ch'^nes mexicains, entre
"T
i
u reparoît ,
couvert de
s'étendent
L de Léon.
sur lequel
le la Bufia,
■ à la pentQ
ÎS.
1761 toises.
d). 1682 tois.
ins, décrits
;riptlon des
9 toises.
între Perote
Si
DE LA NOUèTELLE -ESPAGNE. t)ï()
Perote et la Vera-Cruz. ^96 toises. A la
pente occidenlale des Cordillères, en moif-
tant d'Acapulco à Mexico , nous avons trouvé
les premiers chênes près de la Venta de la
Moxonera, k la hauteur de 388 toises.
La limite inférieure des neigesperpétuelles se trouve,
sous l'équateur , à 246o toises ; sous les 20° de
latitude boréale, à 235o toises; sous le parallèle
de 45" , à i35o toises ; sous le parallèle de
62**, en Suède , à 810 toises -, sous le parallèle
de 65", en Norwège, à 700 toises. Les deux
derniers nombres sont les résultats ties belles
observations que M. de Buch a publiées dans
son Voyage eu Laponie. Sous les 65** de
latitude nord, eu Islande, MM. Ohlsen et
Vetlafsen ont vu descendre les neiges per-
pétuelles jusqu'à 48o toises de hauteur absolue.
Ce nombre se trouve indiqué sur plusieurs
cartes de l'A lias mexicain. M. de Buch
observe , avec raison, que les neiges se con-
servent à de moindres hauteurs en Islande
que dans l'intérieur de la Norwège , parce
que , dans le premier de ces pays , la tetiipé-
rature moyenne des mois d'été est diminuée
par la proximité de la mer.
paradlsiaca),
le la Pileta.
■??
Obstinations diverses.
Mexico: au mois de décembre i8o3, inclinaison
maguélique, 42" 10' j déclinaisou magnétique
lains , entre
^
■>
^
^fe
520 PLANCHE DE LA NOUV.-ESPAGNE.
de 8* 8' au nord-est. L'intensité des forces
magnétiques fut exprimée par a42 oscillations,
lorsqu'à Paris , la même aiguille d'inclinaison
faisoit 245, et sous l'équateur magnétique,
211 oscillations en dix minutes de temps.
Acapulco : au mois de mars i8o3 , inclinaison
magnétique , 38" 53' j inlensilé exprimée par
24o oscillations.
L
des forces
scillations,
DclinaisoQ
ignétique ,
temps.
Inclinaison
irlmée par
%/^^/%i%r'%^%/^*^%/%^^
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME.
J-JivRE II. Suite.
Chap. Vil. Blancs, Créoles et Européens. —
Leur civilisation. — Inégalité de leurs for-
lunes. — Nègres. — Mélange des Castes —
Eapport des sexes entr'eux. — Longévité
selon la différence des r^ :es, — Sociabilité.
Livré III. Statistique particulière des Inten-
danc.es qui composent le royaume de la
Nouvelle-Espagne. — Leur étendue territo-
riale et leur population.
CiiAP. VIII. De la division politique du terri-
toire mexicain, et du rapport de la population
des Intendances à leur étendue territoriale.
— Villes principales.
Analyse statistique du royaume de la
Nouvelle-Espagne.
I. Intendance de Mexico.
II. Intendance de Puebla.
III. Intendance de Guanaxuato.
TV. Intendance de Valladolid.
^ If. " .^ ^4 ■
Fa^,
ICI
io3
283
a83
r
1
/
S21
TABLE PES MATlÈr.ES.
ê
Pag,
V. Intendance de Guadalaxara. 3o8
VI. Intendance de Zacatccas. 5i4
TH. Intendance d'Oaxaca. 3ij
TlII. Intendance de Merida. 327
iX. Intendance de la V( ra-Ciuz. 3,55
X. Intendance de San Luis Polosi. 36o
XI. Intendance de Durango. 5j5
XII. Intendance de la Sonora. ^ 388
XJII. Province du Nuevo-Mexico. 4oo
XIV. Province delà Yieillc-Californie. 4i4
XV.ProvincedelaJNouvelle-Caiifon . 4.'^3
Récapitulation de la population totale de la
Nouvelle-Espagne. 45q
Cotes du Grand Océan, depuis le port de
San Francisco , et depuis le cap Mcndo-
cino jusqu'aux établissemen.s russes dans I
la baie du prince Gu"^lV ■ ma. 4()o
Explication do la planche qui présente le
tableau plijsique de la Nouvelle -Es-
pagne. 5i3
riN DU DEUXIEME VOLUJlï.
î"'":.'
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_' - ê '1 -7 ■;
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