Skip to main content

Full text of "Voyages dans les contrées désertes de l'Amérique du Nord [microforme] : entrepris pour la fondation du comptoir d'Astoria sur la cô te nord-ouest"

See other formats


^ 


i^^.-t- 


IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


Â, 


</ 


y. 


A 


C/. 


l/. 


1.0 


1= 

11.25 


LÀ  128     |2.5 

■  50    ■^■"      ■■H 

Z   us,    12.0 


12.2 


JA  II  1.6 


"/a 


vl 


o^/ 


^;; 


V 


/À 


Photograobic 

Sciences 
Corporation 


iV 


iV 


ï>^ 


\ 


:\ 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  14580 

(716)  872-4503 


^ 
^ 


CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best 
original  copy  available  for  filming.  Features  of  this 
copy  which  may  be  bibliographically  unique, 
which  may  alter  any  of  the  images  in  the 
reproduction,  or  which  may  significantly  change 
the  usual  method  of  filming,  are  checked  below. 


D 


D 


D 
D 


D 


D 


Coloured  covers/ 
Couverture  de  couleur 


I      I    Covers  damaged/ 


Couverture  endommagée 

Covers  restored  and/or  laminated/ 
Couverture  restaurée  et/ou  pelliculée 


I      I    Cover  title  missing/ 


Le  titre  de  couverture  manque 


I      I    Coloured  maps/ 


Cartes  géographiques  en  couleur 

Coloured  ink  (i.e.  other  than  blue  or  black)/ 
Encre  de  couleur  (i.e.  autre  que  bleue  ou  noire) 


I      I    Coloured  plates  and/or  illustrations/ 


Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 

Bound  with  other  matériel/ 
Relié  avec  d'autres  documents 

Tight  binding  may  cause  shadows  or  distortion 
along  interior  margin/ 

La  re  liure  serrée  peut  causer  de  l'ombre  ou  de  la 
distortion  le  long  de  la  marge  intérieure 

Blank  leaves  added  during  restoration  may 
appear  within  the  text.  Whenever  possible,  thèse 
hâve  been  omitted  from  filming/ 
Il  se  peut  que  certaines  pages  blanches  ajoutées 
lors  d'une  restauration  apparaissent  dans  le  texte, 
mais,  lorsque  cela  était  possible,  ces  pages  n'ont 
pas  été  filmées. 

Additional  comments:/ 
Commentaires  supplémentaires: 


L'Institut  a  microfilmé  le  meilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
point  de  vue  bibliographique,  qui  peuvent  modifiec 
une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  exiger  une 
modification  dans  la  méthode  normale  de  filmage 
sont  indiqués  ci-dessous. 

n    Coloured  pages/ 
Pages  de  couleur 

□    Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

I      I    Pages  restored  and/or  laminated/ 


D 


Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 

Pages  discoloured,  stained  or  foxei 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 

Pages  detached/ 
Pages  détachées 

Showthrough/ 
Transparence 

Quality  of  prir 

Qualité  inégale  de  l'impression 

Includes  supplementary  materit 
Comprend  du  matériel  supplémentaire 

Only  édition  available/ 
Seule  édition  disponible 


I    ~V  Pages  discoloured,  stained  or  foxed/ 

I      I    Pages  detached/ 

r~^  Showthrough/ 

I      I    Quality  of  print  varies/ 

I      I    Includes  supplementary  matériel/ 

I      I    Only  édition  available/ 


Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
etc.,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  Image  possible. 


This  item  is  filmed  at  the  réduction  ratio  checked  below/ 

Ce  document  est  filmé  au  taux  de  réduction  indiqué  ci-dessous. 

10X  14X  18X  22X 


26X 


30X 


y 

12X 


16X 


20X 


24X 


28X 


32X 


Th«  copv  filmsd  har*  has  b««n  raproduccd  thanks 
to  tha  o*narosity  of: 

Library  Division 

Provincial  Archives  of  British  Columbia 

Tha  imagas  appaaring  hara  ara  tha  bast  quaSity 
posaibla  considaring  tha  condition  and  iagibility 
of  tha  original  copy  and  in  kaaping  with  tha 
filming  contract  spacifications. 


Original  copias  in  printad  papar  covars  ara  filmad 
baginning  with  tha  front  covar  and  anding  on 
tha  last  paga  with  a  printad  or  illustratad  impras- 
tion.  or  tha  back  covar  whan  appropriata.  AH 
othar  original  copias  ara  filmad  baginning  on  tha 
first  paga  with  a  printad  or  illustratad  impras- 
sion,  and  anding  on  tha  last  page  with  a  printad 
or  illustratad  imprassion. 


Tha  last  racordad  frama  on  each  microfiche 
shall  contain  the  symbol  — ^-  (meaning  "CON- 
TINUEO"),  or  the  symbol  V  (meaning  "END"), 
whichever  applies. 

Maps.  plates,  charts,  etc.,  may  be  filmed  at 
différent  réduction  ratios.  Those  too  large  to  be 
entirely  included  in  one  exposure  are  filmed 
beginning  in  the  upper  left  hand  corner,  left  to 
right  and  top  to  bottom,  as  many  frames  as 
required.  The  following  diagrams  illustrate  the 
method: 


L'exemplaire  filmé  fut  reproduit  grâce  à  la 
générosité  da: 

Library  Division 

Provincial  Archives  of  British  Columbia 

Las  imagaa  suivantes  ont  été  reproduites  avec  la 
plus  grand  soin,  compte  tenu  de  la  condition  et 
da  la  netteté  de  l'exemplaire  filmé,  et  en 
conformité  avec  les  conditions  du  contrat  de 
filmage. 

Les  exemplaires  originaux  dont  la  couverturr/  en 
papier  est  imprimée  sont  filmés  en  commen<;ant 
par  le  premier  plat  at  an  terminant  soit  par  la 
dernière  page  qui  comporte  un»  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration,  soit  par  le  second 
plat,  salon  le  cas.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration  et  en  terminant  par 
la  dernière  page  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 

Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  symbole  — ^  signifie  "A  SUIVRE",  le 
symbole  V  signifie  "FIN". 

Les  cartes,  planches,  tableaux,  etc.,  peuvent  être 
filmés  é  des  taux  de  réduction  différents. 
Lorsque  le  document  est  trop  grand  pour  être 
reproduit  en  un  seul  cliché,  il  est  filmé  é  partir 
de  l'angle  supérisur  gauche,  de  gauche  à  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


1 

2 

3 

32X 


4 


i 


I 


VOYAGES 


DANS 


LES    CONTRÉES   DÉSERTES 

DE  LAMÉUIQUE  DU  NORD. 


TOME   [ï. 


Il 

h 


1 1 

I  : 


l>E   L  IMPRIMERIE    DE   CHAPEKKI , 

RUE  DE  VAUGIIIABI»  ,    A"   ». 


VOYAGES 

nm  m  CONTRÉES  DéSERTCS 

DE  L'AMÉRIQUE  DU  NORD, 


,      ENTREPRIS 

rOLIV  LA  FO\DAriO.\  DU  COMPTOIR  D'ASTOIU.\ 

SUR   LA  CÔTE  NOUD-OUESl. 

PAU    WASHINGTON    IRVING, 

AUTEliR  DE  LA   VIE  DE  CHRISTOPHE   COLOMB,    LTC,  ,    ETC. 
TKAUl'lT   VU.   ;.'a>GLAIS   I'AR    l'.N.GnOLlLK. 

TOME   SECOND 


A    PARIS, 

r-UEZ    1».    DIFART,    LIBRAIRE, 

Itn.     DI.N    SAINIS-I'iui.s  ,     >"     j 


1 7  /  ./ 


t  t 


I  I 


ASTORIA. 


■•ncimi 


CHAFMTRE  XXX 


K 


Abondance  de  uibier      --   rin««/>ii..<:   «i      i 

<I  Hoback.  —  Rivière  Frintrôo         t^ 

niMtic  P-nragee.  —  Campenienr  près  des  l\fa- 
n.elons-P.lotes.  ^  DélibératioDS. 


MVieit' 


M.  HuNT   et  SCS  comp«g„ons  passèrent  oi.m 
jours  dans  les  vertes  prairies  arrosdes  par  la  petite 
nvere.  fraîche  et  claire,  ,f„i  allait  se  perdre  dans 
la  r,v.ere  Espagnole.   Tandis  que  les  chasseurs 
exterminaient  les  bisons  et  rapporlaientdes  quan- 
tités de  viande,  les  Voyageurs  soecupaie.it  au- 
tour des  feux  à  la  faire  bouillir  ou  rôtir  pour  le 
moment  présent,  ou  à  la  faire  sécher  pour  la  provi- 
sion  du  voyage  ;  les  chevaux  de  somme,  débar- 
rasses de  leurs  fardeaux,  se  roulaient  sur  l'herbe 
ou  paissaient  en  liberté  les  gras  pâturages  ;   le^ 
individus  dont  les  services  n'étaient  pas  néces' 
saires,  s'abandonnaient  aux  douceurs  du  repos 
tout  le  camp,   enfin,   présentait  c;  spectacle  dr 


II. 


1795B4 


\i 


t  r 


.'tti 


,  1. 
t 


'a  ASToniA. 

irjoiiiss.'mrcs  i^russirrcs,  tic  Inissor-allcr  inèlt*  d'ac- 
livilô,  qui  cnraclérise  une  halle  dans  un  pajs 
abondant  en  gibier. 

Dans  une  de  leurs  excursions,  quel({ues-uns 
des  hommes  ayant  rencontré  une  petite  troupe 
d'Indiens  qui  s'enfuit  à  leur  approche,  rappor- 
tiTcnt  immédiatemciît  au  camp  cette  nouvelle. 
Aussitôt  M.  Hunt  et  quatre  autres  sautèrent  sur 
leurs  chevaux,  et  sortirent  pour  la  ire  une  recon- 
naissance. Après  avoir  trotte  pendant  près  de 
trois  lieues,  ils  arrivèrent  à  l'entrée  d'une  petite 
vallée  entourée  de  hauteurs  escarpées.  Des  bisons 
la  parcouraient  en  galopant,  poursuivis  par  les 
flèches  d'une  troupe  de  cavaliers  sauvages.  L'ap- 
parition de  M.  llunt  et  de  ses  compagnons  ter- 
mina brusquement  le  conflit.  Les  bisons  s'échap- 
pèrent d'un  côté,  tandis  que  les  Indiens,  em- 
ployant vigoureusement  le  fouet,  s'enfuient 
dans  une  autre  direction,  de  toute  la  vitesse  de 
leurs  chevaux.  M.  Hunt  leur  donna  la  chasse,  et 
il  s'ensuivit  une  course  furieuse,  quoique  de  peu 
de  durée.  Deux  jeunes  Indiens,  qui  n'étaient  que 
médiocrement  montés ,  furent  bientôt  re>oinls. 
Ils  étaient  horriblement  eli'rayés,  et  se  regar- 
daient évidemment  comme  perdus.  Par  degrés, 
leurs  craintes  furent  apaisées  par  de  bons  trai- 
tements, mais  ils  continuaient  à  considérer  les 
étrangers  avec  un  mélange  d'élonnement  et  de 


i 


I 


n 

■if 


II" 


1 


eut 
de 
!,  et 
peu 
que 
lits. 
gar- 
iiës, 
trai- 
les 
t  de 


ASTOUIA.  3 

respect,  eai   e'clnit  l;i  première  l'ois  d("  leur  vie 
qu'ils  voyaient  «les  lionimes  hlaucs. 

Us  apparUnaient  à  une  troupe  de  Serpents  qui 
avaient  traversé  les  montagnes,  comme  c'est  leur 
usace  en  automne,  afin  de  se  procurer  pour  Tlii- 
ver  une  provision  de  viande  de  ]>ison.  Une  fois 
persuadés  des  intentions  paci(i((ues  de  M.  Hunt 
et  de  ses  compagnons ,  ils  les  conduisirent  vo- 
lontiers à  leur  camp  ,  (|ui  était  assis  dans  une 
étroite  vallée,  sur  le  hord  d'une  rivière.  Les 
tentes  étaient  en  peaux  préparées  ;  c[uelques-unes 
peintes  d'une  manière  fantastique.  Des  chevaux 
paissaient  à  l'entour.  L'approche  de  la  petite 
troupe  de  M.  Hunt  causa  une  alarme  passaiȏrc 
dans  le  camp ,  ces  pauvres  Indiens  étant  toujours 
sur  le  qui^vive  ,  à  cause  de  leurs  implacables 
ennemis.  Cependant,  aussitôt  qu'ils  eurent  re- 
connu le  costume  et  le  teint  de  leurs  visiteurs , 
leurs  appréhensions  se  changèrent  en  joie  ;  car 
(juelques-uns  d'entre  eux  aj'ant  trafiqué  avec  des 
hlancs ,  savaient  qu'ils  étaient  justes  et  qu'ils 
possédaient  des  objets  d'une  singulière  valeur.  Ils 
les  reçurent  donc  avec  empressement  dans  leurs 
tentes ,  placèrent  de  la  nourriture  devant  eux  ,  et 
les  traitèrent,  enfin  ,  le  mieux  qu'ils  purent. 

Ils  avaient  été  heureux  dans  leur  chasse,  et  leur 
camp  était  rempli  de  chair  de  bison  salée,  tous 
morceaux  choisis  et  extrêmement  gras.   M.  Hunt 


VJ 


I  " 


•i'i 


I;" 


MJIi 


I!   'I 


ill! 


/|  A.sroniv. 

leur  en  .'iclieta  assez  pour  conipléler  la  charge 
tle  tous  les  chevaux  «le  la  caravane,  excepte^  ceux 
fjul  étaient  léservés  pour  les  Partners  et  pour  la 
femme  de  Pierre  Dorion.  Il  trouva  aussi  plusieurs 
peaux  (le  castor,  qu'il  leur  paja  liliéralcment 
pour  les  eni^ai^er  à  en  recueillir  d'autres;  enfin,  il 
les  informa  que  quelques  hommes  de  sa  troupe 
se  proposaient  de  vi\re  dans  les  Montagnes,  et: 
de  trafiquer  avec  les  chasseurs  Indiens  pour  des 
pelleteries.  Les  pauvres  Serpents  comprirent 
promptement  les  avantages  qu'ils  en  retireraient, 
etpromirent  de  mettre  tous  leurs  soins  à  rassem- 
bler des  peaux  de  castor ,  pour  des  échanges  fu- 
turs. 

Se  trouvant  alors  bien  approvisionné,  M.  Ilunt 
leva  son  camp,  le  2/^  septembre,  et  continua  sa 
route  vers  l'ouest.  Une  marche  de  cinq  lieues  , 
par-dessus  une  ligne  de  hauteurs ,  l'amena  à  une 
petite  rivière,  large  d'une  cinquantaine  de  pieds. 
Hoback,  l'un  des  guides  ,  qui  avait  trappe  dans  le 
voisinage  quand  il  était  au  service  de  M.  Henry  , 
la  reconnut  pour  un  des  afïlurnts  de  laColombia. 
Nos  voyageurs  la  saluèrent  avec*  délices  ,  car 
c'était  le  premier  cours  d'eau  tendant  vers  leur 
but,  qu'ils  eussent  rencontré.  Pendant  deux  jours, 
ils  la  suivirent ,  et  la  virent  s'augmenter  peu  à 
peu ,  par  les  contributions  de  nombreux  ruis- 
seaux. Comme  elle  s'égarait  parmi  des  rochers  et 


■j 


i 


AMOIU  A. 


r> 


1 


«los  pircipiccs,  on  étail  rmjucmmcnt  ohligé  de 
la  traxTser,  vA  sa  rapidité  étail  si  f»rand(;  ([u'oii 
ris(|uait  d'être  entraiiié  par  le  courant.  Quelque- 
lois  ,  les  bei'i'es  s'avançaient  tellement  sur  la  ri- 
vière ,  qu'on  était  forcé  de  {jravir  leurs  rapides 
promonloii'es,  ou  de  suivre,  le  lon{^  d(î  leur  base, 
un  rebord  à  peine  assez  large  pour  poser  lo.  pied. 
Les  chevaux  (ii'tînt  de  dangereuses  rinites  dans 
ces  passatjes.  L'un  d'eux  roula  dans  la  rivière, 
avec  sa  charge  ,  d'une  hauteur  de  près  de  nno 
pieils  ,  mais  sans  se  blesser.  A  la  lin  on  soi'til 
de  ces  épouvantables  défilés,  et  l'on  continua  à 
marcher  pendant  plusieurs  milles  le  loni^  de;  la 
rivière  d'Hoback.  Klle  se  joif»nait  bieniol  avec 
rnie  autre  ri>ière  plus  i^rande  et  plus  rapide. 
Leui'S  eaux  réunies  roulaient  à  tra>ers  la  vallée  , 
avec  une  vitesses  el  un<;  tui'bulen(*e(|ui  leui  avaient 
fait  doinier  le  noui  de  rivièn;  lM»rniT(>(>  Ç  Miu\ 
river).  Nos  vojai»eurs  campèrent  au  eonlbuMil. 
Ils  avaient  obtenu  u!j  point  important  dans  leur 
pénible  vojaii[e,  car,  à  peu  de  milles  de  leur  camp, 
s'élevaient  les  trois  pics  neigeux  appelés  les  Ma- 
melons-Pilotes, ces  grands  phares  de  la  Colom- 
bia ,  sur  lesquels  ils  avaient  dirigé  leur  course  à 
travers  ces  déserts  montueux.  A  leurs  pieds  pas- 
sait la  rivière  Enragée  ,  dont  le  courant  rapide 
était  capable  de  porter  des  canots  ,  el  pouvait 
ptiut-élie  tiaiisportcr  la  caravane  jusqu'au  couii 


u 

-i 


6 


ASÏOIUA, 


n 

'M 
llil 


; 


principal  de  la  Golombia.  Les  Vojaf^eurs  cana- 
diens se  réjouissaient  à  l'idée  de  s'élancer  de  nou- 
veau sur  leur  élément  favori,  d'échanger  leurs 
chevaux  contre  des  barques ,  et  de  glisser  sur  les 
ondes  légères,  au  lieu  de  gravir  péniblement  les 
montagnes.  D'autres  membres  de  la  caravane , 
quoique  inexpérimentés  dans  cette  manière  de 
voyager  ,  croyaient  aussi  approcher  du  terme 
de  leurs  fatigues.  Ayant  surmonté  les  difficultés 
principales  de  celte  grande  barrière  rocheuse,  ils 
se  flattaient  que  le  reste  de  leur  voyage  s'accom- 
plirait avec  facilité;  car  ils  se  doutaient  peu  des 
fatigues  et  des  périls  qu'ils  auraient  à  subir  ,  sur 
l'eau  comme  sur  la  terre  ,  dans  l'effroyable  désert 
qui  se  trouvait  encore  entre  eux  et  les  côtes  de 
l'Océan  Pacifique. 


■îs 


;J 

<l 

[1,1 

il! 
liJi 


!t'H 


I    M 
! 


l 'Il 


"■î 

I 


CHAPITRE  XXXI 


Voyagera -t  ou  par  cm  ou  partcne?  -  Consliuclioii  «K-  c.\ 
iiols.  —  Explora Icuis.    -   Trappeuis  délachés,  —  Visile  «le 
tU'iix  Sci  penls.  —  On  abandonne  la  rivirio  Eniagéo.  —  On 
arrive  au  fort  Henry.—  On  détache  ,  pour  trapper  ,  Hobin 
son  ,   Hoback  et  liizner.  ~  M.  Miller  se  décide  à  les  acconi 
pagner.  —  Leur  départ. 


Sur  les  bords  de  la  rivière  Enragée  M.  Huiit 
tint  conseil  avec   les  autres  Partners,  relative- 
ment il  leurs  mouvements  futurs.   Le  caractère 
irrégulier  et  impétueux  du  courant  de  cette  ri- 
vière lui  faisait  penser  qu'elle  pouvait  être  ob- 
struée, plus  bas,  par  des  obstacles  capables  d'en 
rendre  la  navigation   lente  et  périlleuse,  sinon 
impraticable.  Les  chasseurs,  qui  avaient  servi  de 
guides  jusqu'en  cet  endroit,  ne  savaient  pas  quelle 
était  plus  loin  la  nature  de  la  rivière;  quels  ro- 
chers, quels  bancs  de  sable,  quels  rapides,  pou- 
vaient l'embarrasser  ;  à  travers  quelles  montagnes 
ou  quels  déserts  elle  pouvait  se  diriger.  Fallait-il 
donc  abandonner  les  chevaux  en  cet  endroit,  et 
se  lancer  dans  des  barques  fragiles,  sur  cette  ri- 
vière sauvage  et  inconnue  ?    Ou  bien  fallait-il 
continuer  le  vojage  par  la  route  de  leire,  plus 
lenle^  plus  faligantii,  mais  peut-êhr  plus  sure? 


I 

I 

Ibi 

•;.t 


i  il 


iili 

i.i  j 

l'iii 


il!: 
iiiii 

Iili 
iiiiî 


l'i'ii 


'f 


ii; 


8  ASÏORIA. 

Les  voix,  comme  on  pouvait  s'y  attendre,  fu- 
rent pres(jue  toutes  pour  qu'on  s'embarquât  ;  en 
effet,  clans  les  situations  difficiles,  les  hommes 
croient  toujours  gagner  au  changement.  Il  s'agis- 
sait alors  de  trouver  du  bois  d'une  grosseur  suf- 
fisante pour  construire  des  canots,  car  dans  ces 
régions  montueuses  il  n'y  a  que  des  arbres  ra- 
bougris. C'étaient  des  pins,  des  cèdres,  des  trem- 
bles, des  aubépines,  des  sorbiers,  et  une  petite 
espèce  de  cotonnier  dont  les  feuilles  ressemblent 
à  celles  du  saule.  11  y  avait  aussi  une  espère  de 
grands  sapins,  mais  tellement  remplis  de  nœuds, 
qu'ils  auraient  ébréché  les  haches.  Après  avoir 
cherché  longtemps ,  on  trouva ,  en  aval ,  sur  la 
rivière,  un  endroit  où  croissaient  des  bois  d'une 
plus  grande  taille.  Le  camp  y  fut  transporté. 

Les  hommes  se  mirent  alors  à  abattre  les  ar- 
bres, et  les  échos  des  montagnes  répétèrent  pour 
la  première  fois  le  bruit  des  haches.  Tandis  qu'on 
faisait  ainsi  les  préparatifs  nécessaires  pour  des- 
cendre la  rivière,  M.  Hunt,  qui  doutait  encore 
qu'elle  fût  navigable,  envoya  John  Reed,  le  Clerc, 
John  Day,  le  chasseur,  et  Pierre  Dorion,  l'inter- 
prète ,  avec  ordre  de  marcher  le  long  de  ses  bords 
pendant  quelques  jours ,  et  d'observer  son  cours 
et  son  régime. 

Après  leur  départ,  M.  Hunt  s'occupa  d'un  autre 
objet  important.  Il  était  arrivé  près  des  sources 


,Ji' 


ar- 

>our 

[u'oii 

des- 


i 


I 


ASTORIA.  () 

de  la  Colombia,  l'un  des  points  principaux  em- 
brassés par  l'entreprise  de  M.  Astor.  Ces  cours 
d'eaux  supérieurs,  qui  n'avaient  point  encore  été 
dépeuplés  par  les  trappeurs  blancs ,  étaient  re- 
gardés comme  abondants  en  castors;  et  en  effet 
les  nombreuses  pistes  de  ces  animaux  qu'on  avait 
rencontrées,  en  cherchant  du  bois  de  construc- 
tion, témoignaient  que  la  contrée  était  favorable 
pour  trapper.  Il  convenait  donc  de  commencer 
à  détacher,  en  cet  endroit,  ces  couples  de  hardis 
chasseurs,  qui  se  séparent  des  caravanes  marchan- 
des, au  centre  même  du  désert. 

Les  hommes  qu'on  abandonna  ainsi  étaient 
Alexandre  Carson ,  Louis  Saint  Michel,  Pierre 
Détaxé  et  Pierre  Delaunay.  Les  trappeurs  vont 
généralement  par  paire,  afin  de  pouvoir  s'assister 
et  se  protéger  mutuellement,  dans  leurs  occupa- 
tions pénibles  et  solitaires.  Carson  et  Saint-Michel 
formaient  donc  un  couple;  Detajé  et  Delaunay 
un  autre.  Bien  approvisionnés  de  trappes,  d'ar- 
mes, de  munitions,  de  chevaux,  et  de  toutes  les 
autres  choses  nécessaires,  ils  devaient  s'occuper 
à  trapper  pendant  quelques  mois,  sur  la  partie 
supérieure  de  la  rivière  Enragée,  et  parmi  les 
torrents  environnants.  Après  avoir  rassemblé  une 
quantité  suffisante  de  pelleteries,  ils  devaient  les 
empaqueter  sur  leurs  chevaux,  et  se  diriger  de 
leur  mieux  vers  l'embouchure  de  la  Colombia, 


H  tr 


.n^ 


lO  AMOUIV. 

OU  vers  un  (Uis  postcï.  intci'médiaiio  (|ui  poui- 
raient  cire  établis  par  la  Compagnie.  l*our  ceux 
ijui  ne  soûl  pas  initiés  à  la  vie  des  trappeurs,  ces 
croisades  solitaires  dans  des  déserts  inconnus  sem- 
blent équivaloir  à  être  abandonné  dans  une 
chaloupe,  au  milieu  de  l'Océan.  Cependant  nos 
aventuriers  prirent  conj^é  de  leuis  camarades,  et 
partirent  pour  leurs  destinations  respectives, 
avec  des  physionomies  joyeuses  et  des  couraiçes 
inébranlables. 

Le  lecteur  aura  une  preuve  suftisantedes  périls 
qui  environnent  les  trappeurs  solitaires,  quand 
il  rencontrera,  dans  la  suite  de  cet  ouvrage,  le 
récit  des  cruelles  aventures  de  ces  pauvres  gens, 
pendant  le(u-  sauvage  pérégrination. 

Il  ny  avait  pas  longtemps  (ju'ils  étaient  partis, 
lorsque  deux  Indiens  serpents  arrivèrent.  Quand 
ils  virent  que  les  étrangers  fabriquaient  des  ca- 
nots, ils  secouèrent  la  tête,  et  donnèrent  à  en- 
tendre que  la  rivière  n'était  pas  navigable.  Leurs 
observations  turent  d'abord  ridiculisées  par  (|uel- 
ques-uns  de  la  troupe,  qui  étaient  obstinément 
décidés  à  s'embarquer.  Mais  elles  furent  confir- 
mées bientôt  par  les  explorateurs,  ([ui  revinrent 
après  plusieurs  journées  d'absence.  Pendant  deux 
jours  ils  avaient  suivi,  avec  beaucoup  de  difficul- 
tés, le  bord  de  la  rivière,  et  avaient  trouvé  qu'elle 
était  étroite,  turbulente,  coupée  par  de  nombreux 


ï.|i 


1 


:■■% 
! 
f 


I 


3 


ASTOHIA.  1 t 

rapides  et  rent'erinëe  dans  un  canal  tlt;  rochers 
escarpés.  Du  sommet  d'un  de  ceux-ci,  ils  avaient 
pu  observer,  à  vol  d'oiseau,  sa  carrière  tourmen- 
tée, à  travers  le  centre  de  la  montagne,  au  milieu 
des  pierres  et  des  rocs.  Convaincus,  par  cette  vue, 
qu'il  était  impossible  de  suivre  son  cours,  soit 
par  eau,  soit  par  terre,  ils  avaient  renoncé  à 
toute  investigation  ultérieure.  Ces  rapports  con- 
cordants déterminèrent  M.  Ilunt  à  abandonner  la 
rivière  Enragée  ,  et  h  chercher  c[uelque  cours 
d'eau  plus  navigable.  Tous  les  Partners  se  réu- 
nirent à  cet  avis,  excepté  M.  Miller,  auquel  les 
fatigues  d'un  vojage  par  terre  étaient  devenues 
insupportables,  et  qui  voulait  s'embarquer  immé- 
diatement, à  tout  hasard.  Depuis  quelque  temps, 
en  effet,  son  esprit  était  assombri  et  irrité  par 
une  maladie  corporelle  qui  lui  rendait  extrême- 
ment pénible  de  voyager  à  cheval.  Il  était  d'ail- 
leurs mécontent  d'avoir  dans  l'entreprise  une 
plus  petite  part  que  ses  camarades.  Ses  objections 
déraisonnables  ne  furent  point  écoutées,  et  la 
caravane  se  prépara  à  partir. 

Robinson,  Hoback  et  Rizner,  les  trois  chas- 
seurs qui  avaient  servi  de  guides  parmi  les  Mon- 
tagnes, s'avancèrent  alors  et  engagèrent  M.  Huiil 
a  se  diriger  vers  le  poste  établi,  durant  l'hiver 
précédent,  par  M.  Henrj,  de  la  Compagnie  de 
fourrures  du  Missouri.    Ils  avaient  été  avec  lui. 


T 


u 

II 

i! 

i! 

;■.! 
i; 


1 


â 
"\ 

il 

i; 

!'' 

M 

À 

h 

il:! 

■f 

I 


iyt 


il. su 


li' 

■^rri 

il 
IM 


I  >i 


ASTOIIIA. 


i!l,  aulaiil  qirils  on  pouvaient  juger  par  la  coiili- 
i«uratlon  du  pays,  son  poste  ne  devait  pas  être  fort 
éloigné,  lis  présumaient  que  pour  y  arriver  il  n'y 
aurait  à  traverser  qu'une  rangée  de  montagnes 
peu  difliciles.  Le  Fort  Henry,  comme  on  l'appelait, 
se  trouvait  près  d'une  des  branches  supérieures 
de  la  Colombia>  sur  laquelle  ils  étaient  persuades 
qu'on  pouvait  descendre  en  canot. 

Les  deux  Indiens  serpents,  questionnés  à  ce 
sujet,  montrèrent  une  parfaite  connaissance  de 
la  situation  du  poste,  et  offrirent  avec  empresse- 
ment iVy  guider  nos  voyageurs.  Leur  olFre  l'ut 
acceptée,  au  grand  déplaisir  de  M.  Miller,  ([ui 
s'obstinait  à  vouloir  braver  les  périls  de  la  rivière 
Enragée. 

Depuis  quelques  jouis  le  temps  était  orageux; 
il  tombait  de  la  pluie  et  du  grésil.  Les  Montagnes 
Rocheuses  sont  exposées  à  des  vents  tempéteux 
de  l'ouest,  qui  vieinient  quelquefois  en  tourbillons 
et  ouvrent  dans  les  forêts  de  larges  chemins,  en- 
traînant à  de  grandes  distances  les  branchages  et 
les  troncs  d'arbres.  L'orage  en  question  s'apaisa 
le  5  octobre,  laissant  toutes  les  hauteurs  environ- 
nantes couvertes  de  neige;  car,  tandis  qu'il  était 
tombé  de  la  pluie  dans  la  vallée,  il  avait  neigé  sur 
le  sommet  des  monts. 

Le  4>  on  leva  le  camp  et  on  traversa  la  rivièie 
dont  l'eau  venait  jus([u'aux  sangles  de?^  chevaux. 


ice  ne 
jresse- 

1 

fro  l'ut 

1 

r,  (lui 

1 

i 


vK 


i 


ApW's  une  lieue  un  tiers  de  ninrelie,  on  c.impa  nu 
pied  de  la  montagne.  On  espérait  que  c  était  la 
dernière  qu'on  eût  à  traverser.  Au  bout  de  quatre 
jours  on  l'avait  passée,  aussi  bien  que  plusieurs 
plaines  arrosées  par  de  jolis  ruisseaux,  tributaires 
de  la  rivière  Enragée.  Auprès  d'un  des  campe- 
ments il  y  avait  une  source  chaude,  d'où  s'élevait 
continuellement  un  nuage  de  vapeurs.  Ces  plaines 
élevées,  qui  donnent  un  caractère  particulier  aux 
montagnes,  sont  fréquentées  par  de  grands  trou- 
peaux d'antilopes  aussi  légèies  que  le  vent. 

Dans  la  soirée  du  8  octobre,  après  une  froide 
journée,  attristée  par  des  bouffées  de  vent  d'ouest 
et  par  des  rafales  de  neige,  on  arriva  au  poste 
de  M.  Henry.  C'était  là  qu'il  s'était  fixé  après  avoir 
été  forcé  par  les  hostilités  des  Pieds-noirs  à  aban- 
donner les  eaux  supérieures  du  Missouri.  Cepen- 
dant le  poste  était  désert,  car  il  l'avait  quitté 
pendant  l'hiver  précédent.  On  apprit  dans  la  suite 
qu'il  avait  rencontré  M.  Lisa  au  village  des  Ari- 
caras,  sur  le  Missouri ,  quelque  temps  après  le  dé- 
part de  M.  Hunt  et  de  sa  troupe. 

Les  voyageurs  fatigués  prirent  joyeusement 
possession  des  huttes  de  troncs  d'arbres  qui  avaient 
formé  le  poste.  Elles  étaient  situées  sur  le  bord 
d'une  rivière  large  d'une  centaine  de  mètres,  et 
sur  laquelle  on  résolut  de  s'embarquer.  Beau- 
coup de  bois  convenable  se  trouvant  dans  le  voi- 


w 


!  I 


'/. 


Il 


11 

i 

;  "••r 

I 


uM 


■'1 

m 

H 

,,l 

I  i:'5 


■Ht 


'■'H 

lli 
II. 

ii 


;;:;ill 


\Sr()lUA. 

sillage,  M.  Iliml  s'occupa  imméclialemeiil  tie  toii- 
struiro  des  canots.  Comme  il  devait  laisser  en  cet 
endroit  ses  chevaux  et  leur  accoutrement,  il  ré- 
solut d'en  faire  un  poste  commercial  qui  servirait 
de  rendez-vous  aux  trappeurs  distribués  dans  le 
pays,  et  où  pourraient  toucher  les  marchands  qui 
traverseraient  les  Montagnes  pour  aller  à  l'éta- 
blissement situé  à  l'embouchure  de  la  Colombia, 
ou  pour  en  revenir.  11  informa  les  deux  Serpents 
de  celte  détermination ,  et  les  engagea  à  rester 
dans  le  voisinage  pour  prendre  soin  des  chevaux 
jusqu'au  retour  des  hommes  blancs,  leur  pro- 
mettant d'amples  récompenses  pour  leur  fidélité. 
On  regardera  peut-être  comme  une  chance  déses- 
pérée de  confier  tant  de  chevaux  h  l'honnêteté  de 
deux  vag.ibonds  semblables,  mais  puis(ju'il  fallait 
à  tout  événement  les  abandonner,  on  se  réservait 
au  moins  ainsi  la  possibilité  de  les  retrouver. 

Un  autre  détachement  de  chasseurs  se  prépara, 
en  cet  endroit,  à  quitter  la  caravane,  afin  d'aller 
trapper  le  castor.  Trois  d'entre  eux  avaient  été 
déjà  dans  le  voisinage;  c'étaient  le  vétéran  Robin- 
son,  et  ses  compagnons,  Hoback  et  Rizner,  qui 
avaient  accompagné  M.  Henry  à  travers  les  Mon- 
tagnes, et  qui  avaient  été  ramassés  par  M.  Hunt 
sur  le  Missouri ,  comme  ils  retournaient  chez  eux 
dans  le  Kentucky.  Suivant  les  conventions  faites 
iavec  eux,  ils  furent  pourvus  de  chevaux ,  de  trap- 


■I 


•à 


é 


i5 


VSTOIIIA. 

pcs,  de   munitions,  di;  lonles  hs  iliost-îi,  tMilin , 
néc(^;saires  pour  leur  entreprise,  lis  devaient  ap- 
porter les  pelleteries  qu'ils  rassembleraient,  soit  au 
nouveau  poste  eommercial ,  soit  à  l'établissement 
de  l'embouchure  de  la  Colombia.  Un  autre  clias- 
seur,  nommé  Cass,  leur  était  associé.  C'est  ainsi 
que  de  petites  troupes  de  trappeurs  et  de  chas- 
seurs, distribuées  dans  le  désert  par  les  Compa- 
gnies de  Fourrures,  hantent  les  cours  d'eau  soli- 
taires, comme  des  grues  ou  des  butors.  Robinson, 
le  vétéran  du  Terrain  Sanglant,  qui   avait  été 
scalpé  dans  sa  jeunesse  par  les  Indiens,  était  le 
chef  de  cette  petite  bande.   Lorsqu'elle   lut  sur 
le  point  de  partir,  M.  Miller  réunit  les  Partners, 
et  renonçant  à  sa  part  dans  l'association,  déclara 
qu'il  avait  l'intention  de  se  joindre  aux  trappeurs. 
Cette  déclaration  frappa  tout  Je  monde  d'éton- 
nement,  car  M.  Miller  avait  de  l'éducation,  des 
habitudes  sociales,  et  était  peu  propre  au  rude 
métier  de  chasseur.   D'ailleurs  les  profits  faibles 
et  incertains  de  ce  genre  de  vie,  étaient  bien  au- 
dessous  de  ce  que  pouvait  espérer  quelqu'un  qui 
avait  une  part  dans  l'entreprise  générale.  M.  Hunt, 
surtout,  était  mortifié  de  cette  détermination, 
parce  que  c'était  lui  qui  avait  décidé  M.  Miller  à 
entrer  dans  l'association.  Il  tâcha  donc  de  l'en 
dissuader  en  lui  représentant  à  quelles  fatigues  , 
à  quels  dangers  il  allait   s'exposer.   Il  l'engagea 


f 


w 


ir  I 


:       I 


ht 
I'  ; 

m 

|.( 
lit' 
ii 
!'1  . 


11'"! 

if 

îi"!l 


.     Kl  , 


l:'l 


il""!  I 


jjll! 


lifi 


f. 


ili 


I!'*!' 

i 


l6  ASTOIIIA. 

cliaiulcmeiit ,  (juelque  mécontent  qu'il  lui  de 
l'entreprise,  à  rester  du  moins  avec  la  caravane 
jusqu'à  l'embouchure  de  la  Colombia.  Lia,  on  de- 
vait rencontrer  l'expédition  venue  par  mer,  et 
s'il  n'avait  pas  changé  d'avis,  M.  Hunt  promet- 
tait de  lui  fournir  un  passage  dans  les  vaisseaux 
appartenant  à  la  Compagnie. 

A  tout  cela  M.  Miller  répondit  brusquement 
qu'il  était  inutile  de  discuter  «avec  lui ,  et  que  sa 
résolution  était  prise.  Les  associés  pouvaient  lui 
donner,  ou  non,  les  instruments  nécessaires; 
mais  il  était  déterminé  à  se  séparer  d'eux ,  en 
cet  endroit,  et  à  rester  avec  les  trappeurs.  Ajant 
fait  cette  déclaration  il  s'éloigna  à  grands  pas, 
sans  daigner  converser  plus  longuement. 

Malgré  l'anxiété  que  leur  causait  celte  con- 
duite fantasque,  les  Partners  virent  bien  qu'il 
était  inutile  de  lui  adresser  des  remontrances.  Ils 
firent,  du  moins,  tout  ce  qui  dépendait  d'eux 
afin  de  le  bien  équiper  pour  son  entreprise.  Ils  lui 
donnèrent  quatre  chevaux  et  tous  les  articles  qu'il 
demanda.  Les  deux  Serpents  se  chargèrent  de  le 
conduire ,  ainsi  que  ses  compagnons,  vers  un  cam- 
pement de  leur  Iribu  où  ils  devaient  obtenir  des 
renseignements  sur  les  endroits  les  plus  favorables 
pour  trapper.  Ensuite  les  doux  Indiens  devaient 
revenir  au  Fort  Henry,  afin  de  prendre  soin 
des   chevaux  dont  le  nombre  s'élèverait  encore 


H 


I 


lût  de 
îar.ivaiie 
I,  on  de- 
mer,  et 
îromet- 
aisseaux 

ueraent 
t  que  sa 
tient  lui 
ssaircs  ; 
ux ,  en 
.  Ajant 
ds  pas, 


ASTOniA.  ij 

à  soixante-scpl,  après  que  tous  les  chasseurs  en 
auraient  été  pourvus. 

Le  lo  octobre,  tout  étant  ainsi  convenu, 
M.  Miller  partit  avec  ses  compagnons,  sous  la 
conduite  des  deux  Serpents,  et  au  grand  regret 
de  ses  amis  qui  le  voyaient  ainsi  se  condamner, 
de  gaîté  de  cœur,  à  mener  une  vie  de  Sauvage. 
On  apprendra  dans  la  suite  comment  M.  Miller 
et  ses  compagnons  se  tirèrent  d'afTaire  dans  la 
solitude,  et  comment  les  deux  Indiens  s'acquit- 
tèrent de  la  mission  chevaline  qui  leur  fut  confiée. 


te  con- 
n  qu'il 
ces.  Ils 
t  d'eux 
.Ils  lui 
es  qu'il 
it  de  le 
m  cam- 
nir  des 
3i'ables 
avaient 
e  soin 
encore 


II. 


(,ll 

.lll! 


ii'ili 


.1 , 


■:til 


;*f!| 


.1 


j    et  II 


■(li^Si' 

i'Il} 

;::4|! 


'Il 


CHAPITRE  XXXÏI. 


Discltc. —  Mendiauls  serpents.  —  Einhaïqucmenl  sur  la  rivièir 
f Icnry.  —  Joie  des  Voyageurs.  —  Arrivée  à  la  rivière  des  Ser- 
pents.—  Rapides  et  brisants.  -  Commencement  d'infortunes. 
—  Campements  ser|)ents.  —  Pourparlers  avec  un  Sauvage. — 
Second  désastre.  —  Perte  d'un  batelier.  —  La  Chaudière 


Tandis  qu'on  construisait  des  canots,  les  chas- 
seiu's  parcouraient  assez  inutilement  les  environs. 
On  trouvait  dans  toutes  les  directions  des  pistes 
de  bison ,  mais  aucune  de  fraîche  date.  Les  élans, 
peu  nombreux,  étaient  si  sauvages  qu'on  n'en  put 
tuer  que  deux  :  quant  aux  antilopes  qu'on  aperçut, 
elles  étaient  si  légères  et  si  farouches  qu'il  fut  im- 
possible d'en  approcher.  A  la  vérité  on  prenait 
chaque  nuit  quelques  castors  ainsi  que  des  truites 
saumonées  d'une  petite  taille;  mais  malgré  cela 
la  caravane  était  obligée  de  subsister  principale- 
ment de  chair  de  bison  séchée. 

Le  i4  octobre  on  vit  venir  au  camp  un  pauvre 
Serpenta  moitié  nu,  de  cette  caste  misérable  dont 
les  membres  sont  appelés  Gratteurs.  11  sortait  de 
{[uelque  cachette  parmi  les  rochers,  et  paraissait 
épuisé  de  besoin.  Ajant  reçu  de  quoi  apaiser  sa 
faim,  il  di.spnrnt.  Au  bout  d'un  jour  ou  deux  il 


I 


iiitii 


pHii 


m 


l'Ti  : 
NI  I 


m 
m 


iVH'ir 
8  Ser- 
luncs. 

lère 


chas- 

irons. 

pistes 

élans , 

en  put 

)erçut, 
t  im- 
renait 
ruites 
é  cela 
îipale- 

)auvre 

le  dont 

liait  de 

'aissait 

iser  sa 

lieux  il 


ASTOniA.  I() 

revint,  amenant  avec  lui  un  jeune  garçon  en- 
core plus  nu  et  plus  misërahie  que  lui-même. 
On  leur  donna  quelque  nourriture,  mais  ils  con- 
tinuèrent à  roder  autour  du  camp  comme  des 
chiens  affames,  cherchant  quelque  chose  à  dé- 
vorer. On  avait  jclé  de  côté  les  pieds  et  les  en- 
trailles de  quelques  castors;  ils  les  trouvèrent  et 
les  emportèrent  dans  leur  antre  au  milieu  des 
rochers. 

Le  i8,  quinze  canots  furent  terminés.  Le 
jour  suivant,  nos  voyageurs  s'embarquèrent  avec 
leurs  elFets,  laissant  leurs  chevaux  sur  In  rive, 
et  se  confiant,  pour  les  recouvrer,  h  rhonnêtelé 
des  deux  Serpents,  et  surtout  à  la  fortune. 

Le  courant  emporta  rapidement  les  canots. 
L'esprit  léger  des  Voyageurs  canadiens^  qui  avait 
quelquefois  langui  sur  terre,  reprit  toute  son 
élasticité  lorsqu'ils  se  retrouvèrent  sur  l'eau.  Ils 
maniaient  la  rame  avec  leur  dextérité  habituelle, 
et  pour  la  première  fois  ils  firent  retentir  l'écho 
des  montagnes  de  leurs  chansons  favorites.  Dans 
le  cours  de  la  journée  l'escadrille  arriva  au  con- 
fluent de  la  rivière  Henri  et  de  la  rivière  En- 
ragée. Ainsi  réunies,  leurs  eaux  s'enflent  au  point 
de  devenir  navigables  pour  des  bateaux  de  toutes 
les  grandeurs,  et  prennent  le  nom  de  rivière  des 
Serpents.  Les  rives  étaient  çà  et  là  bordées  de 
saules  etde  petits  cotonniers.  F^e  tempsétait  frais; 


fii: 


if"' 


iiiil 

,.  t-i.' 

iftîli 

■  t' 

If 


il 


!!ifli 


'Si 

!l4 


kl ,  ; 


Itli; 


20  ASTORIA. 

il  neigea  toute  la  journée  ;  de  grandes  bandes 
d'oies  et  de  canards,  se  jouant  sur  les  eaux  ou 
cinglant  dans  les  airs,  annonçaient  que  l'hiver 
était  proche.  Cependant  nos  voyageurs,  en  glis- 
sant sur  la  rivière  qui  devait  être  pour  eux  si 
désastreuse,  étaient  remplis  d'espérance,  et  se 
flattaient  d'atteindre  bientôt  la  Golombia.  Après 
avoir  fait  dix  lieues  dans  une  direction  méridio- 
nale, ils  campèrent  pour  i"  nuit  dans  un  endroit 
qui  exigeait  quelque  vigilance ,  car  on  voyait 
parmi  les    buissons  des    traces  récentes   d'ours 


gris. 


Le  jour  suivant,  on  trouva  que  la  rivière  aug- 
mentait en  largeur  et  en  beauté.  Elle  coulait  pa- 
rallèlement et  à  droite  d'une  chaîne  de  monta- 
gnes, qui  étaient  quelquefois  gracieusement  réflé- 
chies par  ses  eaux,  d'un  vert  clair.  On  voyait 
encore  à  distance  les  trois  sommets  neigeux  des 
Mamelons-Pilotes.  Après  avoir  coulé  rapidement, 
mais  paisiblement  pendant  sept  lieues,  le  courant 
commença  à  écumer,  à  mugir,  et  à  prendre  le 
caractère  désordonné  commun  à  toutes  les  riviè- 
res à  l'ouest  des  Montagnes  Rocheuses.  En  effet, 
les  eaux  qui  descendent  de  ces  montagnes  vers 
l'Océan  Pacifique,  se  comportent  bien  autrement 
que  celles  qui  traversent  les  grandes  prairies 
situées  sur  leurs  pentes  orientales.  Ces  dernières 
rivières^  quoique  rapides  quelquefois,  sont  géné- 


.« 
* 


■  f 


I 


nides 
Lx  ou 
hiver 

glis- 
lux  si 

et  se 
Apres 
iridio- 
ndroit 
voyait 
d'ours 

e  aug- 
lit  pa- 
[lonta- 
t  réilé- 
Yoyait 
IX  des 
ement, 
ourant 
idre  le 
s  riviè- 
n  effet, 
es  vers 
rement 
prairies 
rnières 
fféiic- 


9 


t 


ASTORIA.  21 

ralemeiit  libres  d'obstruction,  et  la  navigation  en 
est  facile.  Mais  à  l'ouest  des  montagnes,  les  eaux 
coulent  plus  impétueusement,  et  forment  conti- 
nuellement des  cascades  et  des  rapides.  Ceux-ci 
abondaient  dans  la  partie  de  la  rivière  que  parcou- 
raient alors  nos  voyageurs.  Deux  des  canots  cou- 
lèrent parmi  les  brisants.  Les  hommes  qui  les 
montaient  furent  sauvés,  mais  une  grande  partie 
du  chargement  fut  perdue  ou  endommagée.  L'un 
des  canots,  entraîné  par  le  courant,  se  brisa 
parmi  les  rochers. 

Le  21  octobre,  on  arriva  à  un  dangereux  dé- 
troit où  la  rivière  était  comprimée ,  pendant 
un  bon  demi-quart  de  lieue,  entre  des  rochers 
escarpés  qui  la  réduisaient  à  vingt  mètres  de 
largeur,  et  augmentaient  en  proportion  sa  vio- 
lence. Là;^  du  haut  des  berges  perpendiculaires, 
il  fallut  conduire  avec  précaution  les  canots , 
au  moyen  d'un  cordeau.  Cela  consuma  une 
grande  partie  de  la  journée.  Après  s'être  reni- 
î)arqué,  on  rencontra  bientôt  d'autres  rapides  où 
il  fallut  décharger  les  canots  et  les  porter  sur 
la  rive  pendant  quelque  distance.  C'est  dans  ces 
endroits,  appelés  pointages,  que  le  Voyageur  cana- 
dien déploie  toutes  ses  qualités  ;  portant  de  pe- 
sants fardeaux  ;  travaillant  dans  l'eau  comme  sur 
la  terre,  parmi  les  rocs  et  les  précipices,  à  travers 
la  fougère  et  les  ronces,  non  seulement  il  ne  fait 


;    '  11» 


Iiihi 


22 


4STOR1A. 


Miii 


I  i«l 

11 


'M 


,i;tiiii 


!|lr 


i  i^i  ! 


m 
m: 


;•  ;ii 


i,  .Il 
,  .'ii.'  Il 

,;  4 

if 

i!  ni' 

i  lit  11: 


I 


Itl! 

il!!;; 


l«lj 

InH'hl 


entendre  aucun  murmure,  mais  toujours  de 
bonne  humeur,  il  plaisante ,  rit  et  chante  des 
fragments  de  vieux  refrains  français. 

Cependant  nos  aventuriers,  qui  d'abord  avaient 
été  séduits  par  cette  nouvelle  manière  de  voyager, 
avaient  perdu  quelque  peu  de  leur  confiance. 
Toutes  choses,  devant  eux,  étaient  enveloppées 
d'incertitude.  Ils  ne  connaissaient  aucunement 
la  rivière  sur  laquelle  ils  flottaient  ;  jamais  encore 
elle  n'avait  porté  un  homme  blanc,  et  ils  ne  ren- 
contraient aucun  Indien  pour  en  obtenir  des 
renseignements.  Elle  continuait  sa  course  entre 
des  montagnes,  à  travers  des  déserts  vastes  et  si- 
lencieux, sans  qu'on  aperçût  une  v\rigwam  sur  vses 
rives,  ni  une  barque  sur  ses  eaux.  Les  difficultés 
et  les  périls  qu'on  avait  surmontés  avec  tant  de 
peine,  donnaient  lieu  d'appréhender  qu'il  ne  s'en 
trouvât  d'autres  capables  de  barrer  entièrement 
le  passage.  Cependant,  h  mesure  que  nos  voya- 
geurs avançaient,  ils  reprenaient  courage  et 
espoir.  Le  courant  continuait  à  être  fort,  mais 
il  était  régulier;  et  quoiqu'on  rencontrât  de  fré- 
quents rapides,  aucun  n'était  par  trop  dangereux. 
On  voyait  continuellement  des  montagnes  dans 
toutes  les  directions,  mais  quelquefois  l'impé- 
tueuse rivière,  bordée  de  saules  et  de  petits  co- 
tonniers, glissait  à  travers  des  prairies  couvertes 
de  cactiers  en  raquette,  plante  qui  aime  cepen- 


2  > 


■tll 

I 

I 


ASTORIA. 

(tant  un  climat  plus  méridional.  Ces  prairies^ 
dans  certaines  saisons,  sont  fréquentées  par  des 
troupes  vagabondes  de  bisons,  dont  on  découvrait 
fréquemment  les  pistes  déjà  anciennes.  On  voyait 
sur  la  terre  de  grandes  bandes  de  rouges-gorges 
américains^  et  sur  la  rivière  naviguaient  des 
flottes  de  canards  et  d'oies  qui  s'envolaient  en 
longues  files  à  l'af^roche  des  canots  :  enfin,  les 
nombreux  établissements  des  castors  laborieux  et 
amateurs  de  tranquillité,  faisaient  voir  que  la 
solitude  de  ces  eaux  était  rarement  troublée, 
même  par  les  Sauvages  qui  se  répandent  par- 
tout. 

Depuis  que  nos  voyageurs  avaient  quille  le 
Fort  Henry,  ils  avaient  franchi  près  de  quatre- 
vingt-dix  lieues,  sans  avoir  aperçu  un  être  hu- 
main ni  une  habitation  humaine.  Des  deux  côtés 
de  la  rivière  s'étendait  une  vaste  et  sauvace  soli- 
tude,  presque  entièrement  dénuée  de  tout  signe 
de  vie.  A  la  fin,  le  24  octobre,  nos  aventuriers 
furent  réjouis  par  l'aspect  de  plusieurs  tentes 
indiennes.  Us  se  hâtèrent  de  descendre  à  terre 
pour  les  visiter,  car  ils  désiraient  vivement  se 
procurer  quelques  informations  sur  leur  route. 
A  leur  approche ,  cependant,  les  Indiens  s'enfui- 
rent avec  consternation  ;  c'était  une  bande  errante 
de  Shoshonics.  Il  y  avait  dans  leurs  tentes  une 
grande  quantilé   do   poissons,   longs   d'environ 


■A 


i;'!' 


Il 


»    i. 


ASTORIA. 

deux  pouces,  ainsi  que  des  racines  et  des  graines, 
qu'ils  faisaient  sécher  pour  leur  provision  d'hiver. 
Us  paraissaient  dépourvus  d'outils  de  toute  es- 
pcce.  Pourtant  ils  avaient  des  flèches  et  des  arcs 
très  bien  faits.  Les  arcs  étaient  fabriqués  de  pin, 
de  cèdre  ou  d'os ,  et  renforcés  avec  des  nerfs  ; 
les  flèches ,  faites  de  bois  de  rosier  ou  d'autres 
buissons,  étaient  armées,  à  la  pointe,  d'une  pierre 
de  couleur  verte. 

11  y  avait  encore^  dans  les  tentes,  des  paniers  de 
saule  et  d'herbe ,  tressés  d'une  manière  si  serrée 
qu'ils  contenaient  l'eau.  Il  y  avait  aussi  une  seine 
proprement  faite,  et  de  la  forme  ordinaire,  dont 
les  mailles  étaient  formées  avec  les  fibres  du  lin 
de  Virginie  ou  de  l'ortie.  Les  humbles  effets  de 
ces  pauvres  Sauvages  furent  respectés  par  les 
Blancs  ;  ils  laissèrent  même  dans  leur  camp 
quelques  colifichets ,  avec  un  ou  deux  couteaux 
qui  leur  parurent  sans  doute  d'inestimables  trou- 
vailles. 

Nos  voyageurs  s'étanl  rembarques  dans  leurs 
canots  rencontrèrent,  peu  de  temps  après,  trois 
Serpents.  Ils  étaient  montés  sur  un  radeau  trian- 
gulaire formé  de  joncs  et  de  roseaux  ,  car  tel  est 
leur  grossier  système  de  navigation.  Ils  n'avaient 
aucun  vêtement ,  excepté  de  petits  manteaux  de 
peau  de  loutre  jetés  sur  leurs  épaules.  Les  canots 
s'approchèrent  d'eux  assez  pour  les  voir  parfaite- 


I 

î 


il!  M 


I  ASTOBIA.  25 

I         ment ,  mais  on  ne  put  pas  les  décidei*  à  parle- 

I         raenter. 

I  Tout  progrès  ultérieur ,    pour  ce  jour-là  ,  se 

trouvant  barré  par  une  chute  perpendiculaire  de 
près  de  trente  pieds,  la  caravane  s'arrêta,  et  campa 
pour  la  nuit  au-dessus  de  la  cataracte. 

i  Le  lendemain  on  fit  peu  de  chemin,  avec  beau- 

'         coup  de  peine.    La  rivière  serpentait  h  travers 

j         une  contrée  rocailleuse  et  était  interrompue  par 

1         de  nombreux  rapides,  qui  firent  courir  de  grands 
périls  aux  canots. 

4  Le  jour  suivant,  on  visita  encore  un  camp  de 

Serpents;  mais  les  habitants  s'étaient  enfuis  avec 

f         terreur  en  voyant  descendre,  sur  leur  rivière  so- 

,         litaire,  une  flottille  de  canots  remplis  d'hommes 

I         blancs. 

Comme  M.  Hunt  désirait  extrêmement  obtenir 
quelques  renseignements  sur  sa  route,  il  fit  aux 
fugitifs  toutes  sortes  de  signes  amicaux  pour  les 
engager  à  revenir.  A  la  fin  l'un  d'eux,  qui  était 
à  cheval,  se  hasarda  à  s'approcher,  en  tremblant 
de  frajeur.  Il  était  mieux  vêtu  et  en  meilleur  état 
que  ceux  des  membres  de  sa  tribu  vagabonde  que 
M.  Hunt  avait  déjà  rencontrés.  Le  principal  objet 
de  son  retour  paraissait  être  d'intercéder,  pour 
une  certaine  quantité  de  viande  séchée  et  de  truites 
saumonées  (ju'il  avait  laissées  derrière  lui,  et  sur 
quoi  il  comptait  probablement  pour  sa  subsistance 


m 


i\0 


Sl| 


il   ii\'-' 

:|  m 

i  il''" 

'H 

•iiiii 


diiraiil  l'hiver.  Le  pauvre  misérable!  s'approcha 
avec  hësilalion,  la  crainte  de  la  famine  et  celle 
des  Blancs  opérant  alternativement  sm*  son  esprit. 
11  fit  les  sii»nes  les  plus  abjects  en  suppliant 
M.  Hunt  de  ne  point  emporter  sa  nourriture. 
Celui-ci  essaya,  autant  qu'il  put,  de  le  rassurer, 
et  lui  offrit  des  couteaux  en  échange  de  ses  pro- 
visions. Mais  quelque  grande  que  lût  la  tentation, 
le  pauvre  Serpent  ne  put  être  décidé  à  donner 
qu'une  partie  de  ses  vivres,  et  continua  à  veiller 
avec  anxiété  sur  le  reste,  de  peur  qu'on  ne  le  lui 
enlev.At.  M.  Hunt  lui  adressa  vainement  des  ques- 
tions concernant  sa  route  et  le  cours  de  la  rivière; 
l'Indien  était  trop  effrayé,  trop  égaré  pour  le 
comprendre  et  pour  lui  répondre.  Il  ne  faisait 
pas  autre  chose  que  de  se  recommander  à  la  pro- 
tection du  Grand-Esprit,  et  de  supplier,  alterna- 
tivement, M.  Hunt  de  ne  point  emporter  son 
poisson  ni  sa  viande  séchée.  On  le  laissa  dans  cette 
préoccupation,  tremblant  encore  pour  son  trésor. 

Dans  le  cours  de  ce  jour  et  du  suivant  on  fit 
près  de  vingt-sept  lieues.  La  rivière,  large  d'en- 
viron un  demi-quart  de  lieue,  inclinait  vers  le 
sud- ouest.  Elle  était  claire  et  belle  :  ses  rives 
étaient  peuplées  de  nombreuses  communautés  de 
castors. 

Le  28  octobre  fut  un  jour  de  désastre.  La  ri- 
vière redevint  agitée,  impétueuse,  et  coupée  par 


i 


iji'i 


piocha 
ît  collo 
esprit, 
ppliant 
•ri  tare, 
ssurer, 
es  pro- 
itation, 
donner 
veiller 
e  le  lui 
es  ques- 
rivicre; 
pour  le 
e  faisait 
,  la  pro- 
fil ter  na- 
•ter  son 
ms  cette 
1  trésor, 
t  on  fit 
e  d' en- 
vers le 
es  rives 
utés  de 

I.  La  ri- 
ipre  par 


AS i OUI A.  37 

de  nombreux  rapides.  Ces  rapid(!s  étaient  de  plus 
en  plus  dangereux,  (;t  il  fallait  beaucoup  d'adresse 
pour  y  naviguer.  M.  Crooks,  assis  dans  le  second 
canot  de  l'escadrille,  avait  en  tète  de  sa  burque, 
pour  la  diriger,  un  vieux  Canadien ,  nommé  An- 
toine Clappine,  l'un  des  Voyageurs  les  plus  esti- 
més et  les  plus  expérimentés.  Le  premier  canot 
avait  passé  sans  accident  au  milieu  des  Ilots  tur- 
bulents et  mugissants,  lorsque  M.  Crooks,  qui 
venait  ensuite,  s'aperçut  que  le  sien  se  dirigeait 
vers  un  rocher.  11  en  avertit  le  conducteur,  mais 
celui-ci  n'entendit  pas  son  observation,  ou  la  mé- 
prisa. L'instant  d'après  le  canot  se  heurta  sur 
recueil  et  fut  renversé.  11  portait  cinq  personnes. 
M.  Crooks  et  l'un  de  ses  compagnons  furent  jetés 
au  milieu  des  toui'billons  et  des  brisants;  mais, 
en  nageant  avec  force,  ils  parvinrent  à  atteindre 
le  bord.  Clappine  et  les  deux  autres  s'attachèrent 
aux  débris  de  la  barque,  et  furent  poussés  avec 
elle  vers  un  rocher.  Le  canot  s'y  heurta  d'un  bout  : 
l'autre  bout,  décrivant  un  cercle,  jeta  le  pauvre 
Clappine  au  milieu  d'un  courant  irrésistible.  11  y 
fut  emporté  et  périt.  Ses  camarades  parvinrent 
il  grimper  sur  le  roc,  d'où  ils  furent  retirés  au 
bout  de  quelque  temps. 

Cet  événement  désastreux  fit  faire  une  halte  à 
la  llotlille  et  jeta  l'elfroi  dans  tous  les  coeurs. 
On  était  arrivé  à  un  terrible  détroit  qui  empêchait 


'Wl'l 


PL 
I  ,,fi 


11 

■■'lllli 

■1  iïH 


I 

•II'!!'! 

11*1     ■ 

II 


il 


m 


■m 
m 

::  "il 

k     ..I  lin  i 

.^,  ,,.^1 


'■   W 


■■l«.    ■! 


lll  I 
«I  : 


:itll\ 


2^  ASTURIA. 

tout  progrès  ultérieur  dans  les  canots,  et  qui  dé- 
courageait les  Voyageurs  les  plus  expérimentés. 
Toute  la  masse  de  la  rivière  se  trouvant  compri- 
mée entre  deux  murailles  de  rocher,  distantes  de 
moins  de  trente  pieds  et  haute  peut-être  de  deux 
cents,  tourbillonnait,  et  bondissait,  et  mugissait 
si  épouvantablement  que  les  Voyageurs  appelè- 
rent cet  endroit  la  Chaudière  (Caldron  Linn.). 
Au-delà  de  cet  effroyable  abîme  le  courant  conti- 
nuait à  rugir  et  à  bouillonner  parmi  des  préci- 
pices, aussi  loin  que  la  vue  pouvait  s'étendre. 


^Hf 


?* 


Ilil  ! 


;|i^' 
'''%,\ 


itil 


% 


:il! 


m 


CHAPITRE   XXXIII. 

vSonibre  délibrralion.  —  Explorateurs.  —  Rapports  tlécoura- 
gcants.  —  Épreuve  désastreuse.  —  Détachements  en  quête  de 
secours.  —  Caches.  —  Retour  d'un  des  «létachenients. — 
Nouveaux  désappointenienls.  —  Le  Trou  du  Diable. 


<•? 


M.  Hunt  et  ses  eompagnous  campèrent  au  bord 
de  la  Chaudière,  et  tinrent  un  sombre  conseil  sur 
leur  conduite  future.  Le  récent  naufrage  avait  dé- 
couragé même  les  Voyageurs.  La  mort  du  pauvre 
Clappine,  l'un  de  leurs  camarades  les  plus  adroits 
et  les  plus  populaires,  avait  rempli  leur  coeur  de 
chagrin;  car,  malgré  toute  leur  légèreté,  ils  ont 
beaucoup  d'affection  les  uns  pour  les  autres. 

On  estimait  à  cent  trente-trois  lieues  la  distance 
entière  que  l'on  avait  franchie  par  eau  depuis  le 
Fort  Henry;  mais  on  craignait  alors  d'être  forcé 
par  des  obstacles  insurmontables,  à  abandonner 
les  canots.  On  décida  qu'on  enverrait  des  déta- 
chements de  chaque  côté  de  la  rivière,  pour  voir 
si  elle  ne  redevenait  pas  navigable.  En  consé- 
quence, le  lendemain  matin,  trois  hommes  furent 
dépéchés  le  long  de  la  rive  méridionale ,  tandis 
que  M.  Hunt,  avec  trois  autres,  allait  reconnaître 
la  rive  du  nord.  Après  une  roule  fatigante,  parmi 
des  marais,  des  rochers,  des  précipices,  les  deux 
détachements  rapportèrent  des  nouvelles  décou- 


■ ,   '1 


,..il?l 

!ii« 


In»! 

iliii 


â 


1'^ 


\' 


I 


'lil 


i'M»M 


»!■'« 


Kl 
1:1 


pi 

M      ■  Vi     , 

"tlll 

. .  li  ' 


'I  « 


■M'!| 


M 


iiîiij 


0. 
l|':H!|jj 

'  *  lilî  < 

liiîlu; 

•11. 

'i 


5o  \STORI\. 

rageantes.  Ils  avaient  exploita  la  rivière  pendant 
près  de  treize  lieues,  durant  lesquelles  elle  conti- 
nuait à  écumer  et  h  mugir,  dans  un  canal  large 
de  vingt  à  trente  mètres,  et  profondément  en- 
caissé entre  des  rochers  stériles,  qu'elle  avait  creu- 
sés dans  le  cours  des  siècles.  Les  escarpements, 
de  chaque  côté,  étaient  souvent  hauts  de  deux  h 
trois  cents  pieds,  quelquefois  perpendiculaires, 
quelquefois  surplombants,  de  sorte  qu'excepté  en 
deux  ou  trois  endroits,  on  ne  pouvait  pas  descen- 
dre sur  le  bord  de  l'eau.  Cet  effrayant  détroit 
était  rendu  plus  dangereux  encore  par  de  fréquents 
rapides  et  par  des  chutes  perpendiculaires  de  dix 
à  quarante  pieds  de  hauteur,  tellement  qu'il  pa- 
raissait presque  impossible  d'y  faire  passer  les 
canots.  Cependant  les  hommes  qui  avaient  exploré 
la  rive  méridionale,  avaient  trouvé  un  endroit, 
distant  du  camp  d'environ  deux  lieues,  où  ils  pen- 
saient que  les  canots  pourraient  être  descendus 
au  bord  de  la  rivière,  et  lancés  sur  le  courant. 
Ils  estimaient  qu'ensuite  ils  pourraient  continuer 
leur  chemin,  moyennant  quelques  portages.  Qua- 
tre des  meilleurs  canots ,  choisis  pour  en  faire 
l'expérience,  furent  transportés  à  cet  endroit  sur 
les  épaules  de  seize  hommes.  En  même  temps 
M.  Reed,  le  Clerc,  était  détaché,  avec  trois  hom- 
mes, pour  reconnaître  la  rivière  plus  bas  qu'on 
ne  l'avait  fait  la  première  fois,  et  pour  tâcher  de 


î 

i 


->2 


larj^c 


temps 
hom- 


ASToni\.  3i 

rencontrer  quel(|ues  Indiens,  île  qui  on  put  obte- 
nir des  provisions  et  des  chevaux,  s'il  devenait 
nécessaire  de  continuer  le  voyage  par  terre. 

Le  détachement  qui  avait  été  envoj'é  avec  les 
canots,  revint  le  jour  suivant,  fatigué  et  décou- 
ragé; l'un  des  canots,  tandis  qu'on  s'ellbrçait  de 
lui  faire  passer  un  rapide  au  moyen  d'un  cordeau, 
avait  été  emporté  avec  toutes  les  armes  et  les 
ellets  de  quatre  des  Voyageurs.  Les  trois  autres 
canots  s'étaient  pris  dans  des  rochers,  de  manière 
qu'il  avait  été  impossible  de  les  en  retirer.  Les 
hommes  revinrent  donc  démoralisés,  et  déclarè- 
rent que  la  rivière  n'était  pas  navigable. 

La  situation  de  nos  malheureux  aventuriers 
était  aussi  sombre  que  possible.  Us  se  trouvaient 
au  milieu  d'un  désert  inconnu,  qui  n'avait  jus- 
qu'alors été  traversé  par  aucun  Blanc.  Ils  ne  sa- 
vaient ni  quelle  route  ils  devaient  prendre,  ni  à 
quelle  distance  ils  étaient  du  but  de  leur  voyage, 
ni  s'ils  pourraient  rencontrer,  dans  ces  immenses 
solitudes,  un  être  humain  capable  de  leur  donner 
le  moindre  renseignement.  Les  accidents  répétés, 
arrivés  à  leurs  canots,  avaient  si  bien  réduit  leurs 
provisions,  qu'il  ne  leur  en  restait  plus  que  pour 
cinq  jours  ;  de  sorte  qu'ils  devaient  s'attendre  à 
voir  bientôt  la  famine  se  joindre  à  leurs  autres 
souffrances. 

Cette  dernière  circonstance  rendait  plus  dan- 


;,•,;,; 


Il  ., 


'i|ii 


Il       ■''' 
j!;  i!ii|:!' 

iK,;' ri 

lli'lftj 
i,;,tl|. 

I '.;»!:: 

m 

'1 , 
''il 


« 


II 


i;'i 


^,i 


■  H 


:'  >  iiill' 


l'i  i,i 


:      41 

II 
H 
r. 


lii 


il 


tii 


5a  ASTOIUA. 

gereux  de  rester  ensemble  que  de  se  sépnrei . 
Après  un  conseil  plein  d'anxiété,  il  fut  décidé 
que  plusieurs  brigades,  conduites  chacune  par  un 
Partner,  partiraient  dans  difFérentes  directions.  Si 
l'une  d'elles  rencontrait  des  Indiens  hospitaliers, 
à  une  distance;  raisonnable,  et  pouvait  se  procurer 
des  provisions  ou  des  chevaux,  elle  devait  revenir 
pour  aider  le  corps  principal.  Autrement,  cha- 
cune devait  se  tirer  d'alFaire  comme  elle  pourrait, 
et  modifier  sa  route  selon  les  circonstances,  en 
conservant  toujours  pour  but  l'embouchure  de  la 
Golombia. 

Trois  détachements  partirent  donc  du  camp 
de  la  Chaudière,  dans  des  directions  opposées. 
M.  Mac  Lellan,  avec  trois  hommes,  suivit  le  cours 
de  la  rivière;  M.  Crooks  la  remonta  avec  cinq  au- 
tres ,  pour  refaire ,  par  terre ,  le  même  chemin 
qu'on  avait  accompli  par  eau.  Il  devait  poursui- 
vre sa  route  jusqu'au  Fort  Henry,  s'il  ne  rencon- 
trait pas  de  secours  plus  proches.  On  espérait 
qu'il  y  trouverait  encore  les  chevaux  qui  y  avaient 
été  laissés,  et  qu'il  pourrait  les  ramener  à  la  ca- 
ravane. 

Le  troisième  détachement,  composé  de  cinq 
hommes,  était  conduit  par  M.  Mac  Kenzie,  qui 
se  dirigea  vers  le  nord,  à  travers  des  plaines  dé- 
sertes, espérant  rencontrer  de  ce  côté  le  cours 
principal  de  la  Golombia. 


•'«lit! 


I  ;  iilt 


'^il 


i^..!', 


!i^!:lill 


;> 


pnrei . 
(léciclr 
par  un 
ons.  Si 
tallers, 
'ocurcr 
revenir 
t ,  cha- 
mrrait, 
ces,  en 
ire  de  la 

u  camp 
3posées. 
le  cours 
cinq  au- 
chemin 
(oursui- 
rencon- 
,  espérait 
avaient: 
à  la  ca- 

|de  cinq 
je,  qui 
nés  dé- 
le  cours 


^ 


0 


 


ASTOin  A. 

A)anl  \u  partir  vv>>  trois  Iroupes  coura£[CUsr,s 
pour  leurs  aventureuses  expéditions,  M.  lïunt  ra- 
nuiia  ses  pensées  sur  les  moyens  de  pourvoir  à 
la  subsistance  et  au  transport  du  corps  principal, 
laissé  à  sa  charge.  11  restait  avec  lui  trente  et  un 
lioinines,  outrc^  la  femme  et  les  deux  enl'ants  dr 
Vierrc  Doiion.  On  ne  rencontrait  pas  de  £;ibier 
dans  le  voisina£;e;  seulement  on  trappait  (juelque- 
l'ois  des  castors  sur  le  bord  de  la  rivière,  et  l'on 
en  tirait  un  faible  supplément  de  nourriture.  En 
même  temps,  on  se  consolait  dans  la  pensée  (fU(; 
([uelques-uns  des  détachements  de  fourra£;eurs 
réussiraient  à  ramener  du  secours. 

M.  Ilunt  s'occupa  alors,  en  toute  diligence,  de 
préparer  d(îs  caches  pour  déposer  h;  bagage  et  les 
marchandises  dont  il  serait  nécessaire  de  se  dé- 
charger, avant  de  commencer  le  pénible  trajet 
par  terre.  Nous  donnerons  ici  une  courte  des- 
cription de  ces  magasins  si  connus  dans  le  désert. 

Cache  est  un  terme  employé  par  les  marchands 
et  par  les  chasseurs  pour  désigner  un  endroit  où 
sont  enfouies  des  provisions  et  des  marchandises. 
Ce  mot  est  dérivé  du  verbe  fiançais  cacher,  et 
provient  originairement  des  anciens  colons  du 
Canada  et  de  la  Louisiane;  mais  le  lieu  secret  qu'il 
<lésigne  était  en  usage  parmi  les  aborigènes,  long- 
temps avant  l'intrusion  des  Blancs.  C'est  en  eihl 
le  seul  moyen  que  les  hordes  errantes  puissent 

II.  5 


1  Ml '■■»'•: 


|i   ':■ 


■4\t 


1-1  ^ 


kh 


|lî;:;ii:fii 


1?^ 

■sa 


-1  ■iit:^ 
'1!  ff  II 

'  I-!*' 

m 

^1.11  ■•1 


i 


h4 


Vljlll 
.  (1  ■m'.f 


:li'liii 


11 


'.H  te 

■i'li||!| 

!  feil 

i'^' Il, 

I  rit 


:> 


à 


ASTOJIIA. 


'S 


avoir  de  conserver  leurs  effets  cluranl  les  lon£[U( 
absences  qu'exigent  leurs  lointaines  expéditions 
de  chasse  ou  de  i^uerre.  La  plus  grande  adresse, 
les    plus   grandes   précautions  sont   nécessaires 
pour  rendre  ces  cachettes  invisibles  aux  yeux  de 
lynx  des  Indiens.  Le  premier  soin  est  de  choisir 
une  situation  convenable  ;   c'est  ordinairement 
quelque  banc  d'argile  bien  sèche ,  sur  le  bord 
d'un  cours  d'eau.  Aussitôt  que  l'emplacement  est 
arrêté,  on  étend  sur  l'herbe  et  sur  les  buissons 
environnants  des  couvertures  et  tout  ce  qu'on  a 
d'étoffes ,  pour  empêcher  toute  trace  de  pas  et 
tout  autre  vestige;  d'ailleurs  on  emploie  le  moins 
de  monde  possible.  On  coupe,  aussi  proprement 
qu'on  le  peut,  un  cercle  de  gazon,  d'environ 
deux  pieds  de  diamètre^  et  on  l'emporte  soigneu- 
sement, pour  le  mettre  dan  i  un  lieu  où  rien  n'en 
pourra  changer  l'apparence  :  on  conserve  égale- 
ment la  terre  végétale  qui  se  trouvait  au-dessous. 
L'endroit  découvert  est  ensuite  creusé  perpen- 
diculairement, jusqu'à  la  profondeur  d'environ 
trois  pieds;  après  quoi,  on  élargit  graduellement 
le  trou,  de  manière  h  former  une  chambre  coni- 
que, profonde  de  six  h  sept  pieds.  Toute  la  terre 
déplacée  par  cette  opération  étant  d'une  couleur 
différente  de  celle  qui  se  trouve  à  la  surface,  en 
la  met  dans  une  peau,  ou  dans  une  forte  étoffe, 
et  on  va  la  jeter  au  milieu  du  coins  d'eau  voisin 


m 


Br> 


^ligues 
lltious 
Iresse , 
;ssaires 
eux  de 
ehoisir 
rement 
e  liord 
lent  est 
missons 
qu'on  a 
;  pas  et 
e  moins 
)rement 
environ 
oigneu- 
ien  n'en 
e  égale- 
dessous, 
jerpen- 
environ 
lement 
e  coni- 
la  terre 
couleur 
ace,  ou 
î  étoffe , 
i  voisin 


ASTOHIA. 

(le  manière  :»  ce  qu'elle  soit  (îutièrement  entrai- 
née.  SI  la  cache  n'était  pas  creusée  sur  le  bord  do 
l'eau,  il  faudrait  transporter  la  terre  à  une  cer- 
taine distance,  et  la  disperser,  de  façon  à  n'en  pas 
laisser  la  plus  légère  trace.  La  cave  étant  formée, 
on  la  garnit  d'herbe  sèche,  d'écorce,  de  bâtons, 
de  perches,  et  quelquefois  de  peaux  séchées.  Les 
objetsqu'on  veut  cachery  sont  alorsdéposés,  après 
qu'on  les  a  soigneusement  aérés.  On  pose  par- 
dessus nne  peau,  puis  de  l'herbe  sèche,  des  bran- 
chages, et  des  pierres,  que  l'on  foule  aux  pieds,  de 
manière  à  ce  que  le  trou  soit  rempli  jusqu'au  col. 
On  rapporte  alors  la  terre  végétale  qu'on  avait 
mise  de  coté,  on  la  bat  solidement  pour  l'empê- 
cher de  caver,  et  on  l'arrose  fréquemment  d'eau 
pour  détruire  toute  odeur  qui  pourrait  attirer  les 
loups  ou  les  ours,  et  leur  faire  déterrer  le  trésor 
enfoui.  Quand  le  col  de  la  cache  est  presque  de 
niveau  avec  la  surface  environnante,  le  gazon  est 
replacé  avec  la  plus  grande  exactitude;  et  s'il  se 
trouvait  originairement  sur  la  place  quelque  buis- 
son, quelque  souche,  quelque  pierre,  on  les  re- 
met dans  la  même  situation.  Les  couvertures  sont 
alors  retirées  de  dessus  l'herbe  envir  jnnante; 
toutes  les  traces  de  pas  sont  effacées;  l'herbe  est 
doucement  relevée,  avec  les  mains,  dans  sa  posi- 
tion naturelle,  et  le  plus  petit  copeau,  la  moindre 
paille,  sont  scrupuleusement  glanés  et  jetés  dans 


'if-' 

iiIlLil 


1'     |FI! 
,,  I  9'  i.» 

l/l'i:!.!: 

''*!  I»'  '' 

'M 

H 

Mil! 

;  ";.  ]i 
i;i  ;i: 


m 


M 

;[':'"  .III 
''iil!|i{ 

il 


m 


il, 


II! 

Il  ti 


Htii! 


i  I 


h' 
h, 


fil! 


I  n 


ïfi! 


i 

iKiN 

'«S 
I 


11 


:([ 


5()  ASTORIA. 

le  courant.  Lorsque  tout  cela  est  fait,  on  quitte  la 
place  pour  la  nuit,  et  si  tout  est  bien  en  ordre  le 
lendemain  matin ,  on  ne  la  revisite  plus  que 
quand  il  est  nécessaire  de  rouvrir  la  cache. 

Quatre  hommes  peuvent  de  la  sorte  cacher  j 
en  deux  jours,  trois  tonnes  pesant  de  provisions 
ou  de  marchandises.  Il  fallut  neuf  caches  pour 
contenir  les  marchandises  et  les  bagai»es  que 
M.  Hunt  trouva  nécessaire  de  laisser  dans  cet  en- 
droit. 

Trois  jours  avaient  été  ainsi  employés  depuis 
le  départ  des  diverses  brigades ,  quand  celle  de 
M.  Crooks  reparut  inopinément.  Une  joie  1.  vV 
mentanée  se  répandit  dans  le  camp,  car  on  sup- 
posait qu'il  avait  trouvé  du  secours.  Mais  elle  fut 
de  courte  durée.  M.  Crooks  et  ses  compagnons 
avaient  été  complètement  découragés  par  cette 
marche  rétrograde,  à  travers  une  Cj.itrée  froide 
et  stérile.  Ils  avaient  calculé,  d'après  leur  peu  de 
progrès ,  et  d'après  les  difficultés  qui  s'accumu- 
laient devant  eux  à  chaque  pas,  qu'il  leur  serait 
impossible  d'atteindre  le  Fort  Henry  et  de  rejoin- 
dre la  caravane  dans  le  courant  de  l'hiver;  ils 
s'étaient  donc  déterminés  à  revenir  vers  leurs 
camarades  ,  et  à  partager  leur  sort. 

Une  source  d'espérance  étant  ainsi  tarie  pour 
les  inquiets  habitants  de  la  Chaudière ,  leur  con-^ 
iiance  ne  s'appuyait  plus  que  sur  les  deux  expé-- 


Jl 


i 


■^ 


lilte  la 

à. 

[•dre  le 

-1 

is  que 

- 

• 

a cher , 

visions 

i' 

s  pour 

î 

es  que 

-~\ 

cet  en- 

''i'. 

depuis 
elle  de 

"1 

ie  îj  a- 
3n  sup- 
elle  fut 
►agnons 

1 

■;* 
•S 

r  cette 

froide 

peu  de 

cumu- 

r  serait 

rejoin- 

œr;  ils 

s  leurs 

ie  pour 
ur  con- 
K.  expé-' 


» 


ASTOIUA.  37 

ditions  qui  avaient  descendu  le  long  de  la  livière, 
sous  les  ordres  de  Reed  et  de  Mac  Lellan.  Quant 
au  détachement  de  M.  Mac  Kenzie,  qui  avait  pris 
à  travers  les  plaines,  on  pensait  qu'il  aurait  bien 
assez  de  diflicultés  à  surmonter  pour  son  propre 
compte,  dans  cette  solitude  sans  route. 

Durant  cinq  jours  ceux  qui  étaient  restés  à  la 
Chaudière  continuèrent  h  vivre  des  produitsde  leur 
trappe  et  de  leur  pêche.  On  harponnait  pendant 
la  nuit,  à  la  lumière  de  torches  de  cèdre,  quelques 
poissons  assez  gros  :  on  en  prenait  d'autres  très 
petits  dans  des  filets  à  mailles  serrées  :  mais  au 
total  les  produits  de  la  pèche  étaient  fort  médio- 
cres. Le  trappagc  était  aussi  très  peu  productif, 
ce  qui  n'empêchait  pas  de  faire  sécher  et  de  con- 
server, pour  le  voyage,  les  queues  et  les  panses 
des  castors. 

A  la  fin,  deux  des  compagnons  de  M.  Rced 
revinrent,  et  furent  interrogés  avec  une  impa- 
tience pleine  d'anxiélé.  Leur  rapport  ne  servit 
(ju'à  augmenter  le  découragement  général.  Ils 
avaient  suivi  M.  Reed  jusqu'à  quelque  distance 
au-dessous  du  point  où  s'était  terminée  l'explora- 
tion de  M,  Hunt.  Mais  ils  n'avaient  rencontré 
aucun  Indien ,  dont  ils  pussent  tirer  ni  renseigne- 
ments, ni  secours.  La  rivière  présentait  toujotns 
le  même  aspect  furieux  :  elle  continuait  à  bouil- 
lonner cl  à  gronder  dans  un  canal  étroit ,  entre 


1 


VA 


m 


l 


Wà 


3tS  ASTOIUA. 

(les  rocs  qui  s'élevaient  de  chaque  coté  coiiime  des 
murailles. 

Un  dernier  espoir  de  continuer  le  voyage  par 
eau  fut  alors  abandonné  par  ceux  qui  avaient 
pu  l'entretenir  jusqu'alors.  Le  long  et  terrible 
détroit  creusé  par  la  rivière  défiait  toute  espèce 
de  tentatives;  aussi,  dans  leur  colère  contre  cet 
endroit,  et  dans  l'amer  regret  des  pertes  qu'ils  y 
avaient  faites,  nos  voyageurs  lui  donnèrent  un 
nom  bien  mérité,  quoique  peu  orthodoxe,  et 
Fappc  .:t  :  Le  trou  du  Diable  (Dei'Us  scutlle 
hole  ) . 


1 


V  iWi 


tl  llli 


s 


i 


des 


M 


CHAPlTRi:    XXXIV. 


AftVeux  dëspil,  tnlrc  la  rivière  des  Serpents  et  la  Coloiuhia. — 
Sfjparalion.  —  Marche  fatigante  le  long  de  la  rivière  — Scènes 
sauvages.  — Shoslionies.  —  Leurs  alarmes.  — Achats  de  che- 
vaux. —  Souffrances  de  la  soif.  —  Cheval  réclamé.  —  Courage 
d'une  femme  indienne.  —  Disette.  —  Régal  de  chair  de 
chien.  —  JNouvelles  de  M.  Crooks  et  de  sa  troupe.  —  Marche 
pénible  dansles  Montagnes.  —  Orages  déneige.—  Nuit  glacée. 
--  Retour  au  bord  de  la  rivière. 


M.  HuNT  et  ses  compagnons  résolurent  alors 
(Je  se  mettre  immédiatement  en  route.  Il  y  avait 
peu  de  chances  de  voir  revenir  les  autres  déta- 
chements, qui  s'étaient  en  quelque  sorte  aban- 
donnés à  la  fortune,  et  il  était  probable  qu'ils 
franchiraient  de  leur  côté  le  désert.  En  tout  cas, 
rester  là  dans  le  vague  espoir  d'être  secouru  par 
eux,  c'était  courir  le  risque  de  périr  de  faim. 
L'hiver  s'avançait  rapidement  et  on  avait  un  long 
'Voyage  à  faire,  à  travers  une  contrée  inconnue, 
hérissée  probablement  de  toutes  sortes  de  périls. 
On  était,  en  réalité,  à  trois  cent  trente  lieues 
environ  d'Astoria;  mais  h  cette  époque,  bien  en- 
tendu, nos  voyageurs  n'en  savaient  rien.  Tout, 
autour  d'eux  et  devant  eux,  était  vague,  conjec- 


*l1 


.-■i' 


ii«i 


». 


f  •■III 


i 

llIlPlf 


.11    I 


■Il  II 


il 


i#iW'i 

m 

■•i'""i"l:,  I 


I 


M. 

I!t'i:(|r'i  I 


^'•^H 


t\ 


!:i.*ni; 


'    I';'"    r   ' 
fl  M, 


tu    ' 

l'Itl  I 


ailloli,; 


îi^ii 


,1, 1 

V»   'm>    I 

llril; 


/|0  AST(JUI/\. 

liiral ,  el  se  présciiUiil  sous  mi  aspect  tlécoiuiw 
t»eant. 

En  abandonnant  la  rivière  il  aurait  fallu  s'en- 
l'oncer  dans  des  plaines  vastes  et  sans  roules,  où 
l'on  était  exposé  à  périr  de  faim  et  de  soif.  Eu 
effet  depuis  la  Rivière  des  Serpents  jusqu'auprès 
(le  la  Colorabia,  s'étend  un  alfreux  désert  de  sable 
et  de  gravier,  revêtu  seulement  çà  et  là  d'une 
herbe  maigre  et  rare,  insuftisanle  pour  le  pâtu- 
rage des  chevaux  et  des  bivsons.  Ces  solitudes 
stériles  qui  se  trouvent  entre  les  Montagnes  Ko- 
cheuses  et  l'Océan  Pacifique  sont  encore  plus 
désolées  que  les  arides  prairies  supérieures,  situées 
du  côté  de  l'Atlantique.  Ce  ne  sont  que  d'im- 
menses plaines  dénuées  d'arbres ,  qui  défieront 
toujours  la  culture,  et  qui  formeront  éternelle- 
ment, entre  les  habitations  des  hommes,  d'af- 
freuses lacunes,  dépoiu  vues  d'eau,  où  le  voyageur 
sera  souvent  en  danger  de  perdre  la  vie. 

Voyant  le  caractère  formidal  'e  de  ces  déserts  , 
M.  Hunt  et  ses  compagnons  se  déterminèrent  à 
suivre  les  bords  de  la  rivière,  dans  l'espérance  de 
rencontrer  des  Indiens  dont  on  pourrait  obtenir 
quelques  provisions,  et  afin  d'avoir  toujours  de 
l'eau,  et  d'attrapper  quelquefois  du  poisson  et 
des  castors. 

Nos  voyageurs  firent  donc  leurs  derniers  pré- 
paratifs pour  la  marche.  Toutes  leurs  provisions 


ecourn- 

lu  s'en- 
iles,  où 
oif.  Eu 
l'aiiprt's 
de  sable 
là  d'une 
2  pàtu- 
îlitudes 
les  llo- 
le  plus 
situées 
î  d'im- 
jfieront 
!vnelle- 
,  d'af- 
jageur 

éserts , 
3rent  à 
lice  de 
btenir 
urs  de 
son  et 

s  prc- 
isions 


â 


ASTOHIA.  /|  I 

lestantes  consistaient  en  /^o  livres  de  maïs,  20 
livres  de  graisse,  environ  7  libres  de  soupe  por- 
tative, et  une  quantité  de  viande  séeliée  suffi- 
sante pour  accorder  à  chaque  homme  une  pitance 
de  5  livres  et  un  f[uart.  Ces  vivres  aj^ant  été  dis- 
tribués avec  justice,  on  déposa  dans  les  caches 
les  marchandises  et  les  objets  superflus,  afin  de 
n'emporter  que  ce  qui  était  d'une  indispensable 
nécessité  pour  le  voyage.   Malgré  tous  ces  mé- 
nagements chaque  homme  avait  à  porter  vingt 
livres   pesant,  outre   ses   propres  ellets   et  son 
équipement. 

Afin  d'avoir  plus  de  chances  de  se  procurer 
leur  nourriture  dans  les  stériles  régions  qu'ils 
allaient  avoir  à  traverser,  les  Partners  divisèrent 
leur  troupe  en  deux  bandes.  M.  Hunt,  avec  dix- 
huit  hommes,  outre  Pierre  Dorion  et  sa  famille, 
devait  suivre  le  coté  septentrional  de  la  rivière; 
tandis  que  M.  Crooks  ,  avec  dix-huit  autres  indi- 
vidus ,  devait  longer  le  côté  méridional . 

Dans  la  matinée  du  9  novembre  les  deux  trou- 
pes se  séparèrent,  et  partirent  chacune  de  son 
côté.  M.  Ilunt  et  ses  compagnons  suivirent  la 
br^rge  droite  de  la  rivière  qui  mugissait  au  pied 
d'une  muraille  de  rochers  perpendiculaires,  hauts 
de  deux  à  trois  cents  pieds.  Pendant  neuf  lieues, 
qu'ils  firent  ce  jour-là,  ils  trouvèrent  impossible 
de  descendre  sur  le  bord  de  l'eau.   Au  bout  de 


m  i'  I 


:ilî:f 


;ll,  Hi., 


'1'  "■■  ,<t|| 


f  kl* 

•    îi'"'  lîi 


!^fii!Hl, 

■''inlll:,!. 


^' 


•I III' 


iW 


I  !: 


i  'HI  „ 
■If  11' 


ri 
i;; 
II» 


..'H 


l'Iii; 

'i!  i" 
illl,.ij 

.4  11111 


!.st.ii".ii^; 

Il    'it'l 


:!!'':;  ^c(! 


fl2  ASroHIA. 

totte  tlislaïKM'  ils  campèrent,  pour  la  imlt ,  dans 
iiti  endroit  où  l'on  ne  pouvait  eneoio  descendre 
qu'avec  peine.  Aussi  fut-ce  avec  la  plus  grandi 
difliculté  qu'ils  parvinrent  à  amenei-  au  camp  un 
chaudière  d'eau.  Comme  il  pleuvait  depuis  l'après- 
midi,  ils  passèrent  la  nuit  à  l'abri  des  rochers. 

Le  jour  suivant  ils  firent  onze  lieues  vers  le 
nord-ouest,  en  suivant  toujours  la  rivière,  qui 
courait  encore  dans  un  canal  profondément  creu- 
se. Çh  et  là,  une  plaide  sablonneuse  ou  une  bande 
étroite  de  terre  bordée  de  saules  nains  ,  s'éten- 
dait pendant  une  courte  distance  au  pied  des  pré- 
cipices. Quelquefois  une  nappe  d'eau  tranquille 
brillait  comme  un  miroir  uni  entre  les  rapides 
écumants. 

De  même  que  le  jour  précédent,  nos  voyageurs 
avancèrent  sans  trouver  moyen  de  descendre  au 
J)ord  de  l'eau,  excepte  dans  un  seul  endroit.  Ils 
liuent  obligés  d'apaiser  la  soif  causée  par  leur 
marche  faticante  avec  l'eau  rassemblée  dans  le 
creux  des  rochers. 

Le  lendemain  matin  ils  rencontrèrent,  le  long 
de  la  rivière,  un  chemin  battu  par  des  pas  de  che- 
vaux :  ils  en  conclurent  que  quelque  village  ou 
campement  indien  se  trouvait  dans  les  environs. 
H  n'y  avait  pas  long-temps  qu'ils  suivaient  ce  che- 
min, ([uand  ils  virent  deux  Shoshonies  qui  s'ap- 
prochaient avec  timidité,  en  montrant  un  cou- 


-â 


""m 


II 
ijiti 


13 


!Î)[: 


é 


* 


,  clans 

cendio 

graiidr 

np  un 

l'apn's- 

ers. 

vers  le 


'e, 


lUl 


it  creu- 
3  bande 
s'éten- 
ies  pré- 
mquille 
rapides 

yageurs 
idre  au 
oit.  Ils 
►ar  leur 
dans   le 

le  long 
de  che- 
la"e  ou 
ivirons. 
ce  che- 
ui  s'ap- 
in  cou- 


\S|(Mtl\.  4T) 

Icau,  cl   Cl»  J'ai^aiil   tulcndic  ,    par  siii;iH\s,  (pTils 
lavaient   reçu   des   iiornincs   ])]nnrs    de    l'avant- 
qardo.  M.  Hunt  décida  a\ ce  peine  un  de  ces  Sau- 
vages à  le  conduire  vers  les  loges  de  son  peuple. 
Entrant  dans  un  s(  nliei"  f[ui  s'éloignait  de  la  ri- 
vière, l'Indien  mena  nos  aventuiiers  ii  (pieUjue 
distance  dans  la  prairie.  Ils  découvrirent  alors  un 
«•ertain  nomhn;  de  loges,  construites  en  paille, 
et  ajant  la  forme  de  meules  de  foin.  Comme  dans 
les   occasions  précédentes  l'approche  des  lilancs 
répandit  la  plus  \ive  terreur  parmi  les  Indiens. 
Les  femmes  cachèrent  sous  de  la  paille  ceux  ci(î 
leurs  enfants  (jui  étaient  trop  grands  pour  être 
emportés,   trop  petits  pour  prendie  soin  d'eux- 
mêmes,  et  serrant  dans  leurs  bras  leius  plus  jeunes 
marmots,    s'iMifiiirent  à    tiavers    la   prairie.   Les 
hommes   attendirent   1  approche    des   étrangers  , 
mais  évidemment  avec  beaucoup  d'alarmes. 

M.  Ilunt  entra  dans  les  loges,  et  en  regardant 
autour  de  lui  découvrit  l'endroit  où  les  eni'anls 
avaient  été  cachés  :  leurs  jeux  noirs  brillaient 
sous  la  paille  comme  des  jeux  de  serpents.  11  leva 
leur  abri  pour  les  voir  :  les  pauvres  petits  étaient 
horriblement  ell'rajés,  et  leurs  pères,  tout  trem- 
blants, contemplaient  les  étrangers  comme  ils 
auraient  legardé  quelque  bête  de  proie,  prêle  à 
s'élancer  sur  leui*  piogéniture. 

Les  manières  amicale^  de  J\L  Ilunt  dissipèrent 


mm 

Ir 
■■  IM 

1  '    »'' 

1      il' 

,;.i'Mîi 


11 

il 


ssii»! 


il'iriift 


ri  iK  ii>' 

ri'.-   ■'' 

I   I'»''  ■ 

'l!!  Il 


il 
Ml  ,1 


i 


s»! 


it 


:'!;!;;''■  ,|r. 


n 


;1  « 


»» 


"tlkl 


îllliit 

vm 


/|4  ASTOIMA. 

bieulot  CCS  npprchcMsions.  Il  réussit  ii  acheter 
(l'excellent  saumon  séché,  ainsi  (ju'un  chien,  ani- 
mal fort  estimé  comme  nourriture  par  les  Natu- 
rels. Quand  il  retourna  vers  la  rivière,  un  des 
Indiens  l'accompagna.  lîientut  on  arriva  dans 
une  région  où  on  rencontrait  fréquemment  des 
loges,  sur  le  bord  de  l'eau.  Après  une  journée  de 
neuf  lieues ,  vers  le  nord-ouest ,  on  campa  dans 
un  voisinage  populeux.  Quarante  ou  cinquante 
Indiens  vinrent  visiter  le  camp,  et  se  conduisirent 
de  la  manière  la  plus  amicale.  Ils  étaient  bien 
vêtus  et  avaient  tous  des  robes  de  bison,  qu'ils 
se  procuraient  de  quelque  tribu  chasseresse,  en 
échange  de  leur  saumon.  Leurs  habitations  étaient 
fort  comforlables.  Près  de  la  porte  de  chaque 
loge  s'élevait  une  pile  de  bois  d'absinthe  ,  destiné 
il  servir  de  combustible  :  en  dedans,  il  y  avait 
abondance  de  saumons,  quelques-uns  frais,  mais 
la  plupart  préparés.  Quand  les  Blancs  visitaient 
les  loges,  les  femmes  et  les  enfants  se  cachaient 
toujours  avec  frayeur.  Parmi  les  provisions  qu'on 
obtint,  en  cet  endroit,  se  trouvaient  deux  chiens, 
dont  nos  voyageurs  déjeunèrent,  et  qu'ils  trou- 
vèrent excellents. 

Pendant  les  trois  jours  suivants  ils  firent  envi- 
ron vingt-et-une  lieues,  dans  la  direction  du  nord- 
ouest.  Ils  rencontrèrent  beaucoup  d'Indiens,  qui 
l<îs  recurent  sans  alarme.  Autoui'  de  leurs  cabanes 


J 


A  s  loin  A. 


V' 


ichctor 
11,  ani- 
Natu- 
iin  des 
a    dans 
^nt  des 
née  de 
)a  dans 
iquante 
lisirent 
it  bien 
,   qu'ils 
îsse,  en 
étaient 
chaque 
destiné 
y  avait 
is,  mais 
sitaient 
ichaient 
is  qu'on 
chiens, 
s  trou- 

iit  envi- 
u  nord- 
ns,  qui 
cabanes 


^. 


â 


d(î  paille  étaient  amoncelées  d'immenses  quan- 
tités (le  tètes  et  de  peaux  de  saumon,  dont  les 
parties  les  meilleures  avaient  été  préparées  et 
cachées  sous  terre.  Les  femmes  étaient  mal  ha- 
billées; Jes  enfants  plus  mal  encore.  Leurs  vête- 
ments étaient  des  robes  de  peau  de  bison ,  de  re- 
naît! ,  de  loup,  de  lièvre,  de  blaireau ,  et  quelque- 
fois des  peaux  de  canard  cousues  ensemble,  avec 
les  plumes  en  dehors.  Beaucoup  de  ces  peaux  de- 
vaient avoir  été  obtenues  par  échange  avec  d'au- 
tres tribus,  ou  recueillies  dans  des  expéditions  de 
chasses  lointaines,  car  les  prairies  découvertes  du 
voisinage  ne  renfermaient  que  peu  d'animaux, 
excepté  des  chevaux  qui  y  paissaient  en  grand 
nombre.  On  y  voyait  aussi ,  cependant,  des  traces 
de  bisons,  mais  d'une  époque  déjà  ancienne. 

Le  i5  novembre,  nos  voyageurs  firent  neuf 
lieues  le  long  de  la  rivière,  alors  entièrement  dé- 
barrassée de  rapides.  Les  rives  étaient  couvertes 
de  saumons  morts,  et  l'air  en  était  infecté.  Les 
Naturels  qu'on  i^ncontra  donnèrent  des  nou- 
velles de  M.  Reed,  qui  avait  passé  dans  leur  voi- 
sinage. Dans  le  courant  de  la  journée,  M.  Huiit 
vit  quelques  chevaux,  mais  leurs  possesseurs  pri- 
rent soin  de  les  emmener  précipitamment.  Deux 
chiens  et  un  saumon  furent  toutes  les  provisions 
qu'on  put  se  procurer.  Le  jour  d'après  nos  voya- 
geurs furent  encore  plus  malheureux  ;  il  n'eurent 


'î'çir 


«^■ISf 


.  Il»  ««t 


it  :  : 


î  f, 


l^^>!i!iir'' 


I  11  I  \<i 


I  ^*  ' 


'    'îl 

El 


/|(j  vsronrv. 

pour  sul).sistc'i'  (|ii('  (lu  M(''  i^tillr  cL  |<>s  rcslcs  iU*. 
leur  Niaiidcî  .socIk'c.  I.a  rivière  avait  rcpiiv  son  ca- 
ractère turhiiK.'iil,  et,  st;  précipitant  dans  un  étroit 
canal,  entre  des  rocliers  élevés,  était  coupée  de 
violents  rapides.  Ce  joui-là  la  caravane  lit  sept 
lieues  sui'  une  route  ial)Oteus:*,  en  approchant 
i^raduellement  d'une  niontaj»ne  couverte  de  neipje 
<]u'on  aperce>ait  depuis  trois  jours  vers  le  nord- 
ouest. 

Le  12,  on  rencontra  plusieurs  Indiens,  l'un 
(lesquels  avait  un  cheval.  M.  Hunt  désirait  extrê- 
mement l'obtenir  pour  porter  le  l)agaç;e,  (;ar  ses 
hommes,  abattus  par  la  fatigue  et  par  la  faim, 
trouvaient  (pie  leur  char^^e  de  vini^t  livres  deve- 
nait de  jour  en  jour  plus  pesante.  Malheure'  *- 
ment  1(îs  Indiens  (jui  habitaient  hîs  bords  ' 
rivi(n'e  n'étaient  jamais  disposés  à  se-  séparer  de 
leurs  chevaux.  Le  propriétaire  du  coursier  en  (|ues- 
tion  semblait  à  l'épreuve  de  toutes  les  tentations. 
Des  articles  d'une  grande  valeur  aux  yeux  des 
SauvaiTes  avaient  été  olïérts  et  refusés  l'un  après 
l'autre,  lorscju'à  la  iin  les  charmes  d'une  vieille 
bouilloire  de  fer-blanc  se  trouvèrent  irrésistibles, 
et  firent  conclure  le  marché. 

Une  grande  partie  de  la  matinée  suivante  fut 
emplov(''e  à  alléger  les  pa(piels  des  hommes,  et  à 
arranger  la  charge  du  cheval.  Dans  ce  campement 
on  n'avait  pas  trou\é  de  combustible.   Le  bois 


4 


*    ;! 


s  les  (le 
son  ca- 
[K'troit 
ipL'c  de 
lit  sept 
•ocliani 
le  iieif»e 


(l- 


6  nor 


is,  l'un 
it  cxtiê- 
,  VÂxr  ses 
ia  faim, 
îs  tleve- 

ÎUIT'      *- 

Lis   • 

Darer  d(î 

en  ques- 

atlons. 

eux  des 

n  après 

viedie 

stlbles, 

m  te  fut 
es,  et  il 
pemenl 
Le  bois 


^ 


\SIOHlV.  /i" 

d'absinthe,  au(|uel  on  avait  souNenl  élé  réduil, 
avait  même  disparu.  lV'iid;nit  les  deux  dernières 
journécîs  on  a>ait  l'ait  dix  lieues  au  iiord-oiu>st. 

Le  M)  noveinbi'e,  iM.  Iluiit  eut  le  boidiein- 
d'aelicler  ini  autre  cheval,  pour'  son  piopn;  usai:;!'. 
Il  donna  en  éehani»e  un  tomahawk,  un  eouteaii, 
un  l)ii<juel,  queh[ues  verroteries,  et  ((uelques 
jarretières.  Malheureusement,  il  adopta  l'avis  des 
Indiens,  d'abandonner  la  rivière  et  de  suivre  une 
route,  ou  piste,  qui  conduisait  dans  la  prairie.  11 
eut  bientôt  lieu  de  s'en  repentir.  La  route  passail 
à  travers  un  allieux  désert,  dénué  de  toute  ver- 
dure, et  où  il  n'y  avait  ni  fontaine,  ni  mare,  ni 
ruisseau.  Les  tourments  de  la  oif  qu'éprou- 
vaient les  Voyageurs  canadiens  étaient  ac[gravés 
par  leur  iiourriture  habituelle  de  poisson  séché  : 
ils  eurent  recours  aux  moyens  les  plus  révoltants 
pour  r«j  iser.  Fendant  huit  lieues  nos  aventu- 
riers se  traînèrent  dans  cet  ellVoyable  désert,  et  le 
soir,  en  se  couchant  altérés  et  découragés  auprès 
de  leur  feu  d'absinthe ,  ils  avaient  encore  en  per- 
spective de  plus  grandes  souffrances  pour  le  jour 
suivant.  Heureusement  pour  eux  il  vint  à  pleu- 
voir dans  la  nuit^  et  l'eau  se  rassemblant  en  pe- 
tites mares  leur  fournit  une  boisson  délicieuse. 

Ainsi  rafraîchis  ils  reprirent  leur  voyage  aus- 
sitôt que  les  premières  clartés  de  l'anhe  leur  per- 
mirent dedislinguer  le  chemin,  l^a  pluie  cnntimi;i 


;  il 


If 


11 


iâ 


1     pli  fi 

,;,i"!'firi 


ttxf: . 


flth 


ti'..tlll''«l!' 


if'fii 


|i| 


«++ 
il  11»  '■ .  ' 

^  irl:ii.,|i. 

mit 


.i'ïi|l4 
-''if!  c, 


îiiilfiii 


(4 

m 


:  iîî;jîi»ii 


'Il 
II 


t 


I 


i|' 


■IV 


«fil 


i'ifiîl 
'tiiii 


«i 


51! 


'Il 


/|(S  ASTOIUA. 

tout  lo  jo.ir,  (1(;  sorlo  qu'ils  ne  soulfiirent;  plus  i\o 
la  soif;  mais  la  faim  en  prit  la  place,  eai',  après 
avoir  marché  onze  lieues,  ils  n'eurent  pour  tout 
souper  qu'un  peu  de  blé  i^rillé. 

Le  lendemain  les  amena  auprès  d'une  jolie 
petite  rivière,  coulant  à  l'ouest,  et  bordée  de  co- 
tonniers et  de  saules.  Sur  ses  bords  était  assis  un 
camp  indien,  autOJu-  duquel  paissaient  un  gran<! 
nombre  de  chevaux.  Les  habitants  paraissaient 
mieux  vêtus  qu'à  l'ordinaire-,  et  ce  spectricle 
semblait  tout-h-fait  réjouissant  pour  les  pauvres 
voyageurs  allâmes.  lisse  hâtèrent  d'atteindre  les 
loijes,  mais  en  y  arrivant  il  leur  advint  une  aven- 
ture qui  ralentit  tout  d'abord  leur  joie.  Un  Indien 
réclama  le  chevaldeM.  Hunt,  disantqu'il  lui  avait 
été  volé.  Il  n'y  avait  pas  à  nier  un  fait  prouvé  par 
de  nombreux  assistants,  et  que  l'habitude  des 
Indiens  de  voler  des  chevaux  ne  rendait  que  tro^> 
probable.  M.  Ilunt  abandonna  donc  son  coursier 
au  réclamant,  ne  pouvant  pas  le  racheter  une 
seconde  fois. 

Nos  aventuriers  campèrent  dans  cet  endroit 
pendant  la  nuit,  et  firent  un  somptueux  repas, 
i^râce  à  du  poisson  et  à  une  couple  de  chiens 
qu'ils  achetèrent  des  Sauvages.  Le  lendemain,  ils 
suivirent  le  cours  de  la  rivière,  mais  ils  furent 
obligés  de  s'arrêter  au  bout  de  trois  lieues  à  cause 
de  la  pluie.  Là,  ils  oblinrent  encore  des  Naliu'els 


plus  do 
,  nprôs 
ir  tout 

le  jolie 
!  (le  co- 
[\ssis  un 
Il  «ran«l 
lissaient 
peclficle 
pauvres 
ndi'C  les 
ne  aven- 
n  Indien 
lui  avait 
ouvé  par 
tude  des 
ue  tro^> 
coursier 
eter  une 

endroit 
IX  repas, 
chiens 
main,  ils 

s  furent 
^s  à  cause 

ISalurels 


i 


ASTOUIA.  49 

une  provision  de  poissons  et  de  chiens;  et  deux 
ties  hommes  fuient  assez  heureux  pour  se  pro- 
curer chaciu)  un  cheval  en  échange  d'une  robe  de 
bison.  L'un  de  ces  hommes  était  Pierre  Dorion, 
l'interprète  métis,  dont  la  famille  soufhante  avait 
grand  besoin  de  ce  secours.  A  cette  occasion, 
nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  remarquer  la 
patience,  la  persévérance  et  le  courage  étonnant 
des  femmes  indiennes,  dont  nous  voyons  un 
exemple  dans  la  conduite  de  la  pauvre  squaw  de 
l'interprète.  Elle  étaii  alors  fort  avancée  dans  sa 
grossesse,  et  avait  à  prendre  soin  de  deux  enfants, 
l'un  de  (|uatre  ans,  l'autre  de  deux.  Souvent 
obligée  de  porter  ce  dernier  sur  son  dos,  en  ad- 
dition au  fardeau  imposé  à  la  squp^v  suivant 
l'usage  indien  ,  elle  avait  souffert  sans  murmure 
toutes  les  fatigues  de  ce  pénible  voyage,  et  n'était 
pas  restée  en  arrière  des  meilleurs  marcheurs. 
Dans  différentes  occasions  elle  avait  déployé  une 
force  de  caractère  qui  lui  avait  valu  le  respect  et 
les  applaudissements  de  tuti*   la   troupe. 

M.  Hunt  s'efforça  d'obtenir  de  ces  Indiens  «quel- 
ques informations  concernant  le  pays  et  le  cours 
des  rivières.  Les  conversations  avec  eux  se  faisant 
par  signes,  et  à  l'aide  d'un  petit  nombre  de  mots 
qu'il  avait  appris  en  route,  étaient  nécessairement 
bien  vagues.  Tout  ce  qu'il  put  savoir  fut  (|ue  la 
grande  rivière,  la  Colombia ,  était  encore  fort 
II.  4 


^|.M"  fi'  <  '^ 
il  !!*."]lî! 


'}' 


"■  "l'hiii'i" 
■  i'.  1,:  ii*ii' 
'•'I  k-,;*-i,i 

ifr"» 


l'fifl^i 


H 


1^{A 


'   '-II!'! 


■'■«1 


i/!i;tii'(i'l 
'S. 

m 


il^r; 


iii'i'ii 


j:.4!ïi 


m 


4 


n». 

»lni|.j 

il 
«i'.  +  li 

;;J|''IM 


•wjbf 


If  'l''!;,t'ii 

;i.|îWll 


5u 


ASTOIUA. 

éloignée;  mais  il   ne  put  rien  recueillir  sur   le 
chemin  qu'il  devait  prendre  pour  y  arriver. 

Pendant  les  deux  jours  suivants ,  nos  voyageurs 
continuèrent  de  marcher  vers  l'ouest,  durant  plus 
de  treize  lieues,  le  long  de  la  petit  î  rivière.  Ils  la 
traversèrent  enfin ,  justement  avant  sa  jonction 
avec  la  rivière  des  Serpents^  dont  le  cours  était 
encore  diricé  vei's  le  nord.  Devant  eux  s'élevait 
une  montagne  couverte  de  neige. 

En  trois  autres  jours  ils  firent  cnviror  vingt- 
trois  lieues ,  passant  à  gué  deux  petites  rivières 
dont  les  eaux  étaient  extrêmement  froides.  Les 
provisions  étaient  fort  rares ,  et  leur  principale 
nourriture  cpnsista  en  soupe  portative ,  maigre 
régime  pour  des  piétons  fatigués. 

Le  27  novembre,  la  rivière  les  conduisit  dans 
les  montagnes,  h  travers  un  défilé  rocailleux,  oi!i 
il  y  .ivait  à  peine  de  la  place  pour  passer.  Ils  fu- 
rent fréquemment  obligés  de  décharger  les  che- 
vaux pour  leur  faire  franchir  des  passages  dange- 
reux, et  quelquefois  même  ils  se  virent  contraints 
h  nvu'cher  dans  l'eau,  pour  tourner  des  pro- 
montoires de  rochers.  Toute  leur  nourriture  ce 
jour-là  fut  un  castor,  qui  avait  été  pris  la  nuit 
précédente.  Le  soir,  leur  faim  était  si  aiguë  et 
l'espérance  de  trouver  dans  ces  montagnes  de 
quoi  l'apaiser,  si  faible,  qu'ils  furent  obligés  de 
tuer  un  dos  chevaux.  «  Les  hommes,  dit  M.  Ilunt 


sur  le 
er. 

yageurs 
111 1  plus 
e.  Ils  la 
onction 
irs  était 
s'élevait 

1  vingt- 
rivières 
des.  Les 
•incipale 
maigre 

lisit  dans 
eux,  où 
.  Ils  fu- 
ies che- 
i  dange- 
ntraints 
[es  pro- 
■iture  ce 

la  nuit 
laiguë  et 
Ignés  de 

liges  de 
.  Hunt 


ASTOIUA.  5l 

dans  son  journal ,  trouvent  celte  viande  tort 
bonne;  cl,  en  vérité,  je  serais  de  leur  avis,  sans 
l'attachement  que  j'ai  pour  ce  noble  animal.  » 

Le  jour  suivant,,  après  avoir  fait  trois  lieues 
vers  le  nord ,  on  arriva  près  de  deux  loges  de  Sho- 
shonies,  qui  semblaient  presqu'en  aussi  mauvaise 
passe  que  les  Blancs,  car  ils  venaient  de  tuer 
deux  chevaux  pour  les  manger.  Ils  n'avaient  pas 
d'autres  provisions ,  excepté  certaines  graines 
qu'ils  ramassent  en  grande  quantité  et  qu'ils  pi- 
lent de  manière  à  former  une  soi  te  de  farine. 
(]ette  craine  ressemble  à  celle  du  chanvre.  M.  Hunt 
en  acheta  un  sac  :  il  acheta  aussi  quelques  mor- 
ceaux de  chair  de  cheval^  qu'il  commençait  à 
aimer,  et  qu'il  trouva  «  grasse  et  tendre.  » 

Il  apprit  des  mêmes  Indiens  que  des  hommes 
blancs  avaient  descendu  la  rivière,  quelques-uns 
d'un  côté,  un  plus  grand  nombre  de  l'autre.  Ces 
derniers  devaient  être  M,  Croo  «*t  sa  troupe. 
M.  Hunt  fut  ainsi  soulagé  de  beaucoup  d'inquié- 
tudes relativement  à  leur  sûreté,  car,  suivant  le 
récit  des  Naturels^  M.  Crooks  avait  encore  un  de 
ses  chiens,  ce  qui  faisait  voir  que  sa  brigade  n'a- 
vait pas  gravement  souffert  de  la  famine. 

M.  Hunt  craignait  qu'il  ne  lui  fallût  plusieurs 
jours  pour  traverser  le  défilé,  et  redoutait  par 
«onséquent  la  disette.  11  établit  donc  son  camp 
près  de  ces  Indiens  dans  l'espoir  de  leur  arhetev 


ri'-  M  "• 


M'\ 


'm:    [il  lit. 


:'  !,:,■'  ■»•! 


h,|;^ 


flj'îlil!! 


Il 


|..i]i,r|ii«!" 


M    ;!,, 4.(111 
Jlfl'tifîlî 


mm 


Si  II  ni 

I  iliB  i       II 


lifflff 

'J  '  Il  l  f 


•M 


•  1'!  ilit . 


'I 


M; 

li!"r"' 
lu! 


r"î 


ili 

'îisi'inii 

•«•shmiji 

P^l  If-Mil 

bjff 

l3ii  :>4 1" 

'?if[!f" 


52 


ASTORIA. 

un  clieviil.  Le  soir  se  passa  en  teiUaliv(\s  inutiles  : 
il  oirrit  m\  fusil,  une  robode  bison,  et  plusieurs 
autn»s  articles;  mais,  comme  lui,  les  pauvres  gens 
avaient  probablement  devant  les  jeux  la  crainte 
de  la  famine.  /V  la  fin  les  femmes,  apprenant  l'ob- 
jet de  ses  pressantes  sollicitations  et  de  ses  offres- 
séduisantes,  se  mirent  à  pousser  des  cris  si  lamen- 
tables que  M.  Hunt  fut  obligé  de  quitter  la  place, 
et  de  s'en  retourner,  poursuivi  par  leurs  huées. 

Le  lendemain  matin,  ag  novembre,  les  Indiens, 
craignant  probablement  pour  la  sûreté  de  leurs 
chevaux,  semblaient  fort  empressés  de  se  débar- 
rasser de  leurs  hôtes.  En  réplique  aux  questions 
de  M.  Hunt,  concernant  les  montagnes,  ils  lui 
dirent  qu'il  n'aurait  plus  que  trois  nuits  à  y  dor- 
mir, et  que  six  jours  de  marche  le  conduiraient 
aux  chutes  de  la  Colombia.  Cependant  il  n'ac- 
corda aucune  foi  à  ces  renseignements,  persuadé 
qu'ils  ne  lui  étaient  donnés  que  pour  l'engagera 
pousser  en  avant.  Ces  Indiens  Serpents,  h  ce  qu'il 
apprit  encore,  étaient  les  derniers  de  cette  tribu 
qu'il  dut  rencontrer,  car  il  allait  arriver  bientôt 
chez  les  Scialogns. 

Nos  aventuriers  poursuivirent  donc  leur  long 
voyage,  qui,  à  chaque  pas,  devenait  plus  pénible. 
La  route  continua  pendant  deux  jours  h  serpenter 
dans  des  défilés  étroits,  où  on  était  fréquemment 
uldigé  de  décharger  les  chevaux.  Quelquefois  la 


:*? 


iiutiles  ; 
hisieurs 
res  gens 
crainte 
int  l'ob- 
es  ofFrcît 
1  lamen- 
la  placCy 
huées. 
Indiens, 
de  leur» 
R  débar- 
[uestions 
i,  ils  lui 
à  y  dor~ 
luiraient 
il  n'ac- 
persuadé 
ncacer  à 
ce  (|u'il 
Lte  tribu 
bientôt 

sur  long 
pénible, 
erpenter 
emment 
lefois  la 


t 


:^ 


ASTORIA.  53 

livicre  passait  t;nlre  des  escarpements  si  abrupts 
([u'on  était  obligé  d'en  abandonner  le  cours  ,  et 
de  gravir  avec  une  fatigue  excessive  des  monts 
immenses  ,  preîsque  impraticables  pour  les  che- 
vaux. Un  petit  nombre  de  pins  croissaient  sur 
(pielques  -uns  de  ces  monts  ,  dont  les  sommets 
étaient  couverts  de  neige.  Le  second  jour  de  cette 
ascension  ,  un  des  chasseurs  tua  un  daim  à  (|ueue 
noire ,  ((ui  fournit  aux  voyagetns  allâmes  un 
somptueux  rep;»s.  Leur  progrès,  durant  ces  deux 
jours,  fut  de  neuf  lieues  dans  la  direction  du 
nord -est. 

Le  mois  de  décembre  arrivait  tristement,  avec 
lie  la  pluie  dans  la  vallée,  de  la  neige  sur  les  hau- 
teurs. II  fallut  gravir  une  montagne  où  l'on  avait 
de  la  neige  jusqu'à  mi-jambe,  ce  qui  accroissait 
horriblement  les  fatigues  de  la  loute.  Un  p(Mit 
castor  fournit  aux  voyageurs  un  maigre  i-epns  , 
assaisonné  avec  des  fruits  gelés  (ju'ils  ren(!on- 
I raient  dans  leur  coui'sc  montagnarde.  C'étaient 
des  mûres,  des  cénelles  et  des  espèces  de  sorbes 
(fruit  du  pyrus  arbutifolia ,    L.).    Ce  jour- là  , 
<{Uoique  excessivement  fatigante,  leur  marche  ne 
fut  que  de  quatre  lieues.  Le  jour  suivant  ils  fu- 
rent obligés  de  rester  campés,  à  cause  d'un  orage 
de  neige,  qui  ne  leur  permettait  pas  de  voira  cinq 
cents  mètres  de  distance.  N'ayant  rien  à  manger 
ils  tuèrent  cncoie  un  cheval.   Le  lendemain  ils 


I'-. 


•'  ;'..i!'!!TF" 


itfl'S''* 


m 


ïmA 


liiS-f 


lui-  r; 

lirUTf 


lifiiiiti 


Hlf, 


lllliftlj* 


mm 


Wi^(:|,i- 

■..^.Hlt|,i 
II' 


•  i« 


liili 


i  m 


54  ASnJlUA. 

reprirent  leur  marche,  nonobstant  la  pluie  et  la 
neige  ;  mais  malgré  tous  leurs  elForts  ils  ne  purent 
faire  que  trois  lieues  ,  aj'ant  été  obligés  de  dé- 
charger les  chevaux  et  de  porter  eux-mêmes  leurs 
fardeaux  une  partie  du  chemin.  Dans  la  matinée 
suivante,  ils  furent  encore  contraints  de  quitter 
la  rivière  et  de  gravir  upe  montagne.  Arrivés  au 
sommet,  ils  aperçurent  au  loin  le  pays,  et  c'était 
un  spectacle  capable  de  leur  faire  perdre  courage* 
Dans  toutes  les  directions  ils  découvraient  des 
montagnes  neigeuses  ,  empilées  les  unes  sur  les 
autres,  et  où  croissaient  à  peine  quelques  pins 
rabougris.  Le  vent ,  qui  siillait  sur  ce  paysage 
triste  et  glacé  ,  semblait  pénétrer  dans  la  moelle 
de  leurs  os.  Cependant  ils  se  traînaient  à  travers 
la  neige  oii  ils  enfonçaient,  à  chaque  pas,  jus- 
qu'aux genoux. 

Après  avoir  marclié  de  la  sorte  durant  tout  le 
jour,  ils  eurent  la  mortification  de  reconnaître 
qu'ils  ne  se  trouvaient  qu'à  une  lieue  un  tiers 
de  leur  campement  de  la  nuit  précédente,  tant 
étaient  nombreux  les  détours  de  la  rivière,  parmi 
ces  montagnes  affreuses.  Tourmentés  par  la  faim , 
épuisés  de  faligue,  voyant  le  soir  s'approcher  et 
la  solitude  glacée  s'allonger  devant  eux  à  mesure 
qu'ils  avançaient,  ils  commençaient  à  réfléchir 
avec  d'horribles  pressentiments  sur  la  manière 
dont  ils  passeraient  la  nuit,  exposés  à  toutes  les 


e  et  la 
purent 
de  dé- 
s  leul's 
latinée 
quitter 
ivés  au 
c'était 
)urage* 
iiit  des 
sur  les 
les  pins 
wysage 
moelle 
travers 


s,  jus- 


tout  le 
nnaitre 
a  tiers 
f  tant 
parmi 
a  faim , 
cher  et 
mesure 
fléchir 
tianière 
ites  les 


AsiujiiA.  5;) 

mleuipéries  do  l'iiii",  dans  ce  désert  dénué  d'abri. 
Heureusement,  vers  le  coucher  du  soleil,  ils 
parvinrent  à  atteindre  un  bouquet  de  pins.  Ils  se 
mirent  jiussitot  à  l'ouvrage  avec  leurs  haches;  ils 
coupèrent  des  arbres;  ils  les  empilèrent  en  grand 
tas,  et  eurent  bientôt  d'énormes  feux  pour  ré- 
jouir leurs  coeiM's  glacés  par  le  froid  et  par  la  faim. 
Vers  trois  heures  du  matin  la  neige  reconnnença 
à  tomber,  et  au  point  du  jour  ils  se  trouvèrent 
comme  dans  un  nuage,  pouvant  à  peine  distin- 
guer les  objets  à  une  distance  de  cent  mètres. 
Cependant  ils  se  dirigèrent  vers  la  rivière,  en  se 
guidant  sur  le  bruit  de  l'eau  courante,  et  parvin- 
rent, quoique  avec  peine,  à  descendre  sur  la  rive. 
L'un  des  chevaux,  dont  le  pied  manqua,  roula 
en  bas  avec  sa  charge,  d'une  hauteur  de  plusieurs 
centaines  de  mètres;  mais  il  ne  se  blessa  point. 
Le  temps  était  moins  rigoureux  dans  la  vallée  (|ue 
sur  les  monts.  La  neige  ne  venait  qu'à  la  hauteur 
de  la  cheville,  et  il  tombait  alors  une  pluie  douce. 
Après  s'être  trainés  durant  deux  lieues  ils  cam- 
pèrent sur  le  bord  de  la  rivière.  Se  trouvant  tout- 
à-fait  sans  provisions  ils  furent  encore  obligés  de 
tuer  un  de  leurs  chevaux,  pour  apaiser  leur  faim 
dévorante. 


.  'i"«M"||l|'' 


ljJ!Î['';;|iit 
i:":ife''" 

r  ;"'ii'rrn 

"il*   1 

;  ;;i;i'l 

;;''..! Il'"»,  , 

ftlur    .111 
M;  lif  ii.M.1!, 

4 1""  ';  '  l'i 

miâ 

•.HlilLiMilil 


'!''iMl| 


'!  -i 


1;  ::-»tl 

''m 


i  1 


te:! 


;'<    ' 


'  ill  Ht 


1HI: 


«   *«'   iiUlll 

II-;* 


CHAPITRE   XXXV. 


Reiicontie  inattendue.  — Canot  de  peau.  —  Craintes  étrange  . 

—  Fatigues  de  M.  Crooks  et  de  ses  camarades.  —  Nouvelles 
de  M.  Mac  Lcllan. — Marche  rétrograde.  —  Radeau  de  saule. 

—  Maladie  de  M.  Crooks. — Impatience  de  quelques-uns  des 
hommes.  —  Nécessité  de  laisser  les  traînards  en  arrière. 


Depuis  que  nos  voyageurs  avaient  quitté  la 
Chaudière  ils  avaient  accompli  cent  cinquante 
lieues  de  leur  pénible  voyage.  Quel  espace  ils 
auraient  encore  h  franchir,  et  quels  dangers  il 
leur  faudrait  surmonter,  aucun  d'eux  ne  le  savait. 

Dans  la  matinée  du  6  décembie  ils  quittèrent 
leur  triste  campement,  mais  ils  avaient  à  peine 
commencé  leur  marche  quand,  à  leur  grande  sur- 
prise, ils  virent  une  troupe  d'hommes  blancs  qui 
remontaient  le  long  de  la  rivière,  de  l'autre  côté 
de  l'eau.  Quand  ces  individus,  qu'on  reconnut 
bientôt  pour  M.  Crooks  et  ses  compagnons, 
furent  arrivés  en  face  de  M.  Hunt  et  purent  se 
faire  entendre  par-dessus  le  murmure  de  la  ri- 
vière, leur  premier  cri  fut  pour  demander  des 
vivres,  car  ils  se  mouraient  de  faim.  M.  Hunt 
retourna  immédiatement  à  son  camp,  et  fit  faire 
un  canot  avec  la  peau  du  cheval  qui  avait  été  tué 


JP 


étrange  . 
Vouveiles 
de  saule. 
;s-uns  des 
ère. 


uilté  la 
iiquante 
pace  Ils 
mgers  il 
le  savait, 
littèrent 
à  peine 
nde  sur- 
ancs  qui 
lire  côté 
econnut 
►agnons , 
urent  se 
e  la  ri- 
der des 
IM.  Huut 
fit  faire 
t  été  tué 


ASTOHIA.  5^ 

le  soir  précédent.  On  le  fabriqua  à  la  manière  des 
Indiens,  en  étendant  la  peau  sur  des  hâtons,  et  en 
en  rattachant  les  bords  avec  des  courroies.  Dans 
cette  frêle  barque,  Sardepie,  l'un  des  Canadiens, 
transporta  de  l'autre  côté  delà  rivière  à  la  troupe 
alFamée,  une  partie  de  la  chair  du  cheval,  et  ra- 
mena avec  lui  M.  Crooks  et  le  Canadien  Leclerc. 
Les  visages  décharnés,  l'air  exténué  de  ces  deux 
hommes  jetèrent  le  désespoir  parmi  les  gens  de 
M.  Hunt.   Ils  s'étaient  habitués  par  degrés  à  ?a 
phj'sionomie  les  uns  des  autres,  et  au  résuHat 
graduel  de  la  faim  et  de  la  fatigue  sur  leur  per- 
sonne. Mais  les  changements  opérés  sur  la  figure 
de  leurs   compagnons  depuis  qu'ils   les   avaient 
quittés  étaient  un  signe  éclatant  de  la  désolation 
de  cette   terre.   Ils  commençaient  à   concevoir 
l'horrible  pressentiment  qu'ils  devaient  périr  de 
faim  tous  ensemble,  ou  être  réduits  à  l'eirroyable 
alternativede  tirer  au  sort  qui  se  dévouerait  pour 
le  salut  commun. 

Quand  M.  Crooks  eut  apaisé  sa  faim,  il  donna 
à  M.  Hunt  quelques  dîtnils  relativement  à  son 
vo)'age.  Sur  la  route  cu'il  avait  suivie  il  n'avait 
rencontré  que  peu  d'Indiens,  et  encore  étaient-ils 
trop  misérables  pour  lui  donner  beaucoup  d'as- 
sistance. Pendant  les  dix-huit  premiers  jours, 
après  avoir  quitté  la  Chaudière ,  ses  hommes  et 
lui    avaient   été   réduits  h    un    demi -repas     en 


'►1  'i 


;  ir  •  '  ''» 
''    1/  'MM 

lli  fil 


„  If! 


Il  II! 


liti' 


■,ii«ii;.ilfi 


WiMi 

m 
"iii'iiife 


m 


!»■ 


lllil-in 


Mi  il!::' 


il 


ni  II. 


H' 


i;l» 


PI  II' 


h*  *i»i 


Wl 


t'"5i!iiinii 


13 


ititi 
m* 


ml 

m  M» 


58 


ASIUKIA. 

viiit^l-([ualre  bt-iiies;  pendaiil  les  trois  jours 
suivants,  ils  avaient  subsiste  sur  un  seul  castor, 
({uelques  cerises  sauva£»es  {cerasus  virginiafia, 
Mx.)  cl  les  semelles  de  leurs  vieux  mocassins  : 
enfin,  durant  les  six  derniers  jour  la  carcasse 
d'un  chien  avait  été  toute  leur  nourriture  ani- 
male. Ils  avaient  été  trois  journées  plus  loin  que 
M.  Hunt ,  en  se  tenant  toujours  aussi  près  que 
possible  de  la  rivière,  et  en  grimpant  fréquem- 
ment par-dessus  des  rochers  escarpés,  qui  s'avan- 
çaient dans  le  courant.  A  la  fin  ils  étaient  arrivés 
dans  un  endroit  où  les  montagnes  augmentaient 
de  hauteur,  et,  s'approchant  davantage  de  la 
rivière,  l'encaissaient  dans  des  précipices  perpen- 
diculaires qui  rendaient  impossible  de  continuer 
le  long  du  bord  de  l'eau.  Là,  le  courant  se  préci- 
pitait avec  une  incroyable  vélocité,  à  travers  un 
défilé  qui  n'avait  pas  trente  mètres  de  largeur. 
Des  cascades  et  des  rapides  s'y  succédaient  sans 
interruption.  Quand  même,  par  conséquent,  la 
rive  opposée  aurait  été  praticable,  il  aurait  fallu 
être  fou  pour  essayer  de  traverser  ce  courant 
tumultueux,  soit  sur  des  radeaux,  soit  autre- 
ment. Cependant,  toujours  préoccupés  de  pousser 
en  a\ant,  ils  avaient  essayé  de  gravir  les  mon- 
tagnes et  avaient  fatigué  à  travers  la  neige,  pen- 
dant une  demi-journée,  jus([u'à  ce  que,  arrivés 
diniï»  un  endroit  où  ]■{  vue  pouvait  s'étendre,  ils 


^» 


jours 
;astor, 
liatia, 
isslns  : 
ii'casstî 
i-e  ani- 
iii  t[uc 
es   que 
jqiiein- 
s'avan- 
airivés 
niaient 
I   (le   la 
lerpeu- 
ntiiniev 
e  préci 
vers  un 
ameur. 
Int  sans 
ent,   la 
It  fallu 
ouranl 
aulre- 
[pousser 
s  mon- 
t ,  pen- 
aiTivés 
itUe,  ilîs 


rt'élaicnl  aperçus  qu'ils  n'élaieuL  qu'à  uioilié 
chemin  du  sommet,  et  que  montat;;nes  sur  mon- 
tajines  i>'entassaient  devant  eux ,  dans  toute  leur 
lilaciale  désolation.  Affamés  et  allàiblis  comme 
ils  l'étaient,  ils  ne  pouvaient  manquer  de  périr 
s'ils  continuaient  de  marcher  en  avant.  Leur 
seule  chance  de  salut  semblait  être  de  regaijner 
la  rivière  et  de  retourner  sur  leurs  pas  le  loni^ 
de  ses  bords.  C'étîiit  pendan^^  cette  marche  rétro- 
grade et  décourageante  qu'ils  avaient  rencontré 
M.  Hun  t. 

M.  Crooks  ajouta  à  son  récit  des  nouvelles  de 
quelques-uns  de  leuis  compagnons  de  fortune.  Plu- 
sieurs jours  auparavant  il  avait  parlé,  avec  Reed 
et  Mac  Kenzie,  qui  se  trouvaient  avec  leurs  hom- 
mes, de  l'autre  côté  de  la  rivière,  c'est-à-dire  sur 
le  bord  que  suivait  M.  Hunt.  M.  Crooks  ne  pou- 
vait donc  pas  les  rejoindre,  mais  il  avait  appris 
d'eux,  à  travers  le  courant,  que  M.  Mac  Lellan  , 
espérant  rencontrer  quelqu'une  des  tribus  île 
Tèt.îs-plates  qui  habitent  la  base  occidentale  des 
Montagnes  Rocheuses,  s'était  enfoncé  dans  les 
terres,  à  la  hauteur  de  la  petite  rivière  qui  coule 
en  amont  des  montagnes.  Comme  les  compagnons 
de  Reed  et  de  Mac  Kenzie  étaient  des  hommes  choi- 
sis, et  avaient  trouve  des  provisions  plus  abon- 
danfeîj  de  leur  côté  de  la  rivière,  ils  étaient  en 
meilleure  condition  cpie  ceux  de  M.  Crooks,  et 


;fjji,.^K 


.Il 


m 


»l';!:! 


mm 

|i|f!  "  ■'1 

'  ■iiH"T,:, 


II- 


m  m 


il 


[  I  w! 

ri»! 


■ii.„, 
«I  ' 

■"  i;iii 

fi 

-  t  ^"tl'"'• 
:  i"lllll!i!||l 


iii 


lil 


ril! 


le 


,  p.  1,11 

II»  ';" 

irv-'il! 


■HK! 


»hi,:  |.| 

m 

iill'inilf 


ii'  '-11] 


li 


(jil  \SlOlllA. 

])lus  capables  de  liittei*  avec  les  difHcullés  du  pays. 
Aussi,  (piond  celui-ci  les  perdit  de  vue,  conti- 
nuaient-ils résolument  à  suivre  le  cours  de  la  ri- 
vière. 

M.  Hunt  prit  une  nuit  pour  rëHéchir  sur  sa 
situation  critique,  et  pour  déterminer  ce  qu'il  y 
avait  il  faire.  Il  ne  fidiait  pas  (ju'il  perdît  de  temps; 
il  avait  à  pourvoir  aux  besoins  de  vingt  personnes 
de  son  détachement,  et  à  secourir  M.  Crooks  et 
ses  hommes.  S'arrêter  là,  c'était  mourir  de  faim. 
L'idée  de  revenir  sur  ses  pas  était  insupportable, 
et  malgré  tous  les  récits  décourageants  qu'on  lui 
avait  faits  sur  les  difïicultés  des  montagnes  qui  en- 
caissaient plus  loin  la  rivière,  il  aurait  été  disposé 
à  en  tenter  le  passage;  mais  la  profondeur  de  la 
neige  qui  les  couvrait  l'en  empêcha,  car  il  avait 
déjà  éprouvé  l'impossibilité  de  surmonter  cet 
obstacle. 

Le  seul  parti  adoptable  paraissait  donc  éti-c  de 
retourner,  et  de  chercher  les  bandes  indiennes 
répandues  au  bord  des  petites  rivières  et  au  pied 
des  montagnes.  Peut-être  pouirait-on  oblenii" 
de  quelqu'une  de  celles-ci  assez  de  chevaux  pour 
suffire  aux  besoins  de  la  caravane  jusqu'à  la  Co- 
lombia.  M.  Hunt  chérissait  encore  l'espoir  d'at- 
teindre cette  rivière  dans  le  cours  de  l'hiver,  quoi- 
qu'il vît  bien  que  peu  d'hommes  du  détachement 
de  M.  Crooks  seraient  assez  forts  pour  le  suivre, 


lu  pays. 
,  couti- 
ile  la  ri- 

r  sur  sa 
e  qu'il  y 
le  temps; 
orsoniH's 
]rooks  et 
•de  faim, 
portable, 
pi'ou  lui 
es  qui  en- 
te dispose 
leur  de  la 
ar  il  avait 
oiiter   cet 

uc  être  de 
indiennes 
et  au  pied 
•n  obtcnii' 
vaux  pour 
)'à  lu  Co- 
spoir  d'al- 

er,  quoi- 
tachement 

le  suivre ■ 


ASTOIMA.  <)I 

Même  en  adoptant  ertle  marche,  il  fallail  se  ré- 
soudre à  endurer  plusieurs  jours  de  famine,  au 
tlépart,  puisque  ce  temps-là  était  nécessaire  pour 
rejoindre  les  derrières  loges  indiennes  qu'on  avait 
rencontrées.  Jusque-là  on  n'aurait  pour  subsister 
que  des  cénelles  et  d'auties  haies  sauvages,  outre 
un  misérable  cheval,  qui  n'avait  guères  que  la 
peau  et  les  os. 

Après  une  nuit  sans  sommeil,  et  remplie  d'in- 
quiètes rétlexions,  M.  Hunt  annonça  à  sa  brigade 
la  triste  alternative  qu'il  avait  adoptée.  Comme 
les  hommes  de  M.  Crooks  devaient  remonter  l'au- 
tre rive,  M.  Ilunt  fit  faire  les  préparatifs  néces- 
saires pour  l'y  remener,  avec  Leclerc  et  le  reste  de 
la  viande.  Malheureusement,  le  canot  de  peau 
avait  été  perdu  pendant  la  nuit.  On  construisit 
un  radeau  avec  des  fagots  de  saule,  à  la  mode  des 
Naturels;  mais  on  ne  put  lui  faire  traverser  le 
courant  impétueux.  Les  hommes  de  M.  Crooks 
reçurent  alors  l'ordre  de  remonter  le  long  de  la 
rivière,  tandis  que  M.  Crooks  et  Leclerc  chemi- 
neraient avec  M.  Hunt.  Tout  le  monde  recom- 
mença avec  découragement  cette  marche  rétro- 


grade. 


Au  bout  de  peu  de  temps  on  s'aperçut  que 
M.  Crooks  et  Leclerc  étaient  si  faibles  qu'ils  ne 
ni'uchaient  qu'avec  difficulté,  de  sorte  que  M.  Hunt 
fut  obligé  de  ralentir  le  pas  de  sa  troupe  pour 


'\^'  in  'î 

I   ■-■  iM 
'<    '.  !■■'  >1 

I-'»:'  iil"». 
1  ,ii'i.f'"''* 


■,;,-' rijTfr 
'  ,iiïW 

llifïiiiï 
■m 


.rr'ii,i 


mû 


'  1  •■»  ! 

> 


îllî 


i* 


'"  'l'tk'; 


:  ) 


lu]  i; 


ÏiTnif 


t. 


'*F^ 


il  il 


\r 


If 


6:;>  ASTOHIA. 

qu'ils  pussent  h  suivre.  Ses  hommes  devinrent 
impatients  de  ce  déîai.  Ils  disaient,  en  murmu- 
rant, qu'ils  avaient  un  lonj^  désert  à  traverser 
avant  d'arriver  à  l'endroit  où  l'on  pouvait  s'at- 
tendre à  trouver  des  chevaux;  qu'il  était  impos- 
sible ([ue  M.  Crooks  et  Leclerc  pussent  le  fran- 
chir, dans  l'état  de  faiblesse  où  ils  étaient,  et  que, 
rester  avec  eux .  c'était  vouloir  mourir  de  faim  en 
compagnie.  Ils  importunèrent  donc  M.  Hunt  pour 
qu'il  abandonnât  ces  deux  malheureux  à  leur  des- 
tin, et  ne  s'occup!*t  que  de  son  ^  '-^^re  salut  et 
de  celui  de  sa  troupe.  Voyant  qu'il  ne  se  laissait 
ébranler  ni  par  leurs  prières,  ni  par  leurs  cla- 
meurs, ils  commencèrent  à  raai'cher  en  avant , 
seuls  ou  en  petits  groupes.  Parmi  ceux  qui  s'en 
allèrent  ainsi ,  était  Pierre  Dorion,  l'interprète, 
pierre  possédait  le  seul  cheval  restant,  et  c'était 
pour  lors  un  véritable  squelette.  Dans  leur  extré- 
mité, M.  Hunt  avait  témoigné  le  désir  de  le  faire 
tuer,  pour  le  manger,  mais  le  Métis  avait  refusé 
positivement  d'y  consentir,  et ,  fouettant  le  mi- 
sérable animal,  était  parti  en  avant,  avec  î'ai 
sombre  d'un  homme  décidé  »  soutenir  obstiné- 
ment son  droit.  Me  Hunt  vit  donc  ses  hommes 
s'en  aller  ainsi  l'ini  après  l'autre,  jusqu'à  ce  qu'il 
n'en  re.  ta  plus  que  cinq  avec  lui. 

Le  lendemain  matin  on  fit  un  autre  radeau  sur 
lefjuel  M.  Crooks  rt  Leclerc  essayèrent  encore  de 


i 


ev  lurent 
murmu- 
•raverser 
Mit  s'at- 
L  impos- 
le  fran- 
,  et  que, 
î  faim  en 
iint  pour 
leur  des- 
!  saliît  et 
e  laissait 
;urs  cla- 
1  avant , 
qui  s'en 
;er  prête, 
t  c'était 
[ir  extré- 
;  le  faire 
it  refusé 
it  le  mi- 
vec  î'ai 
obstiné- 
hommes 
ce  qu'il 


ASToniA.  f)5 

traverseï'  la  rivière;  mais,  après  ties  cHorts  répé- 
tés, ils  désespérèrent  tVy  réussir.  Cela  avait  causé 
de  nouveaux  délais,  après  quoi  ils  continuèrent  à 
se  traîner  d'un  pas  de  tortue.  Quelques-uns  des 
hommes  qui  étaient  restés  avec  M.  Hunt  devin- 
rent, à  leur  tour,  impatients  de  ce  retard,  et  le 
pressèrent  vivement  de  pousser  en  avant,  pour 
ne  pas  mourir  de  faim.  La  nuit  qui  succéda  h  cette 
journée  ajant  été  extrêmement  froide,  l'un  des 
hommes  fut  cruellement   atteint   par   la  gelée. 
M.  Crooks  se  sentit  aussi  incommodé,  et,  dans  la 
matinée  suivante,  il  se  trouva  encore  plus  inca- 
pable de  marcher.  La  situation  était  alors  déses- 
pérée, car  les  provisions  étaient  réduites  à  trois 
peaux  de  castor.  M.  Hunt  se  décida  donc  à  rejoin- 
dre son  monde,  et  à  insister  pour  faire  sacrifier  au 
salut  commun  le  cheval  de  Pierre  Dorion.  En 
conséquence,  il  laissa  deux  de  ses  hommes  pour 
aider  Crooks  et  Leclerc,  leur  donnant  deux  des 
peaux  de  castor  pour  les  sustenter,  et  gardant 
seulement  la  troisième  pour  lui-même  et  pour  les 
trois  hommes  qu'il  emmenait. 


[leau  sur 
i(  ore  de 


m^ 


CHAPITRE   XXXVI. 


m 


m 

':*i  lit 


iilii 


I 


ml 

.ï|l3i»».;:-. 


Km 


M.  Hunt  rejoint  l'avant-garde.  —  Pierre  Dorion  et  sa  rossi- 
nante. —  Camp  de  Shoshonies.  — Vol  excusable.  —  Festin 
de  chair  de  cheval.  — M.  Crooks  arrive  au  camp.  —  Il  entre- 
prend de  secourir  ses  hommes.  —  Bateau  de  peau.  —  Frénésie 
de  Provost.  —  Sa  fin  malheureuse.  —  Etat  de  faiblesse  de  John 
Day.  —  M.  Crooks  est  encore  laissé  en  arrière.  —  La  brigade 
sort  des  montagnes.  —  Entrevue  avec  les  Shoshonies.  —  On 
obtient  un  guide. —  On  traverse  la  rivière  des  Serpents. — 
On  rejoint  les  hommes  de  M.  Crooks. 


Durant  tout  le  jour  M.  Hunt  et  ses  trois  cnma- 
rades  marchèrent  sans  manger.  Le  soir  ils  firent, 
de  leur  peau  de  castor,  un  repas  de  Tantale,  et  se 
couchèrent  presque  morts  de  faim  et  de  froid.  Le 
jour  suivant,  lo  décembre,  ils  rejoignirent  l'a- 
vant-garde, qui  était  presque  aussi  affamée  qu'eux, 
quelques  hommes  n'ajant  rien  mangé  depuis  la 
matinée  du  j.  M.  Hunt  proposa  alors  de  sacrifier 
le  maigre  cheval  de  Pierre  Dorion  ;  mais  il  éprou- 
va encore  un  refus  positif  de  la  part  du  Métis, 
que  l'en  était  obligé  de  ménager  à  cause  de  son 
humeur  farouche  et  vindicative.  Ce  qu'il  y  a  de 
singulier,  c'est  qiuî  les  hommes,  qui  souffraient 
si  affreusement  de  la  faim,  intercédèrent  en  fa- 
veur du  cheval.   Ils  représentèrent  qu'il   valait 


-# 


sa  rossi- 

—  Festin 
-Il  entre- 

-  Frénésie 
se  de  John 
La  brigade 
lies.  -  On 
erpents.  — 


)is  cama- 
Is  firent , 
[taie,  et  se 
froid.  Le 
irent  Va- 
e  qu'eux, 
depuis  la 
^  sacrifier 
il  éprou- 
u  Mélis, 
se  de  sou 
'il  y  a  de 
utfraient 
it  en  fa- 
'il   valait 


ASTOHIA.  <)  > 

ïnicux  niarclier  on  avant,  autant  (jue  possiblt; , 
sans  lecoiiiir  à  colle  dernière  ressource.  Peut- 
être  les  Indiens  qu'on  cliercliait  auraient-ils  chan- 
<i^é  le  lieu  de  leur  campement;  auquel  cas  il  serait 
assez  temps  de  tuer  le  cheval  pour  échapper  à  la 
famine.  M.  Hunt  se  laissa  décider  par  ces  raisons 
à  accorder  un  sursis  au  coursier  de  l'interprète. 

Heureusement,   à  peu  de  distance  de  là,   on 
aperçut  une  loge  de  Shoshonies,  autour  de  la- 
([uelle  paissaient  un  certain  nombre  de  chevaux. 
C'était  un  spectacle  inattendu  autant  que  joyeux, 
car  on  n'avait  jjas  vu  d'Indiens  en  cet  endroit 
lorsqu'on  y  avait  passé.  Ils  étaient  apparemment 
venus  des  montagnes.  M.  Hunt,  qui  les  découvrit 
le  premier,  contint  l'impatience  de  ses  compa- 
gnons. Il  savait  combien  ces  Sauvages  tenaient  à 
leurs  chevaux,  et  avec  quelle  facilité  ils  pouvaient 
h's  emmener  et  les  cacher  en  cas  d'alarme.  Ce 
n'était  pas  le  temps  de  courir  le  i"isqu(;  d'un  sem- 
blable désappointement.  S'élant  donc  approchés 
silencieusement  et  avec  précaution ,  les  Blancs  ap- 
parurent tout  à  coup  aux  yeux  des  Indiens,  qui 
s'enfuirent  épouvantés.   Cinq  de  leurs   chevaux 
furent  saisis.  On  en  tua  un ,  on  le  dépeça  sur-le- 
champ,  et,  à  peine  cuit,  on  le  dévora  avidement. 
Un  homme  fut  alors  envoyé,  à  cheval,  avec  une 
provision  de  viande  pour  M.  Crooks  et  pour  ses 
compagnons.  La  nuit  élail   londxr  quand  il  les 
il.  5 


1 


K'iri 


ilH'h 


i 


['M  <!)] 


I  -11»! 
!;;.;"!'•  ri-,; 

iiiïiii?Ë!:;| 

||,.f||i(((j,ii'hl 
|;,rf!""  'li 

^i^;iii;iî 

il  ««M* 


1*" 


!|f 


IIP  li'H»»; 

l'i  lNl'l:li 


^^r'- 


;  '':..|l;1|!l'iv 

.  ,tilli;i 


iii 


lll 


■Il  .11 

:  1  II-  . .  1 1'"  I 
;;,'!lii'"iMfr  1 


1 1| 


''4 


11!  H^  ' 


■■d»'. 


lUIl-  i 

Si' 


l"'i!f 


()()  \ST(>RI\. 

ien(!Oiilr.'i.  Ils  étaimit  si  nlïhmés  fjiie  ce  ravilaille- 
ment  ne  semblait  qu'ai^£»raver  encore  leur  {'aiiii, 
et  qu'ils  furent  prescjue  tentés  de  tuer  et  de  man- 
i^er  le  cheval  qui  avait  apporté  le  messaj^er.  Ils 
le  respectèrent  toutefois  ,  et  s'en  servirent  pour 
lejoindre  le  camp  oVi  ils  parvinrent  le  lendemain 
de  bonne  heure. 

En  y  arrivant  M.  Crooks  vit  avec  douleur  que 
sa  brigade,  qui  se  trouvait  de  l'autre  côté  de  la 
rivière ,  n'avait  reçu  aucune  provision  ,  tandis 
qu'on  en  avait  au  camp  en  abondance.  11  fit  im- 
médiatement construire  un  canot  de  peau,  et 
cria  h  ses  gens  de  remplir  d'eau  leurs  chaudières 
et  de  les  mettre  sur  le  feu,  afin  de  ne  pas  perdre 
un  moment  pour  faire  cuire  leur  viande,  aussitôt 
qu'ils  la  recevraient.  Quoique  profonde ,  la  rivière 
était  assez  étroite  pour  qu'on  pûl  voir  et  enten- 
dre distinctement  d'un  bord  à  l'autre.  Les  chau- 
dières furent  placées  sur  le  feu  et  l'eau  bouillait 
au  moment  où  les  canots  furent  terminés.  Quand 
tout  fut  prêt,  cependant,  personne  ne  voulut 
entreprendre  de  transporter  la  viande  de  l'autre 
côté  de  l'eau.  Une  crainte  vague,  et  presque  su- 
perstitieuse, démoralisait  les  gens  de  M.  Hunt. 
Leur  esprit  affaibli  par  les  souffrances  et  par  les 
scènes  horribles  qu'ils  avaient  traversées,  n'ima- 
ginait que  des  horreurs.  Les  pauvres  gens,  hâves 
et  décharnés,  qu'ils  voyaient  errer  comme  des 


■'f 


Vaim , 
e  man- 
rer.  ll!> 
it  poiu' 
demain 


eur  qne 
lé  de  la 
,  landis 
Il  fit  im- 
peau,  et 
laudières 
as  perdre 
,  aussitôt 
la  rivière 

et  enten- 
,es  chau- 
bouillait 

is.  Quand 
e   \oulut 

|de  l'autre 

-esque  su- 
.  Hunt. 
et  par  les 
|es,  n'ima- 
;ns,  hâves 
mme  fies 


•^ 


n 


ASTOlîlA.  f*)7 

spectres  sur  la  rive  opposée,  leur  inspiraient  un 
snitiinent  indéfini  de  teiTeur,  comme  si  Ton  avait 
du  craindre  de  leur  part  (pieNjue  action   déses- 

])érée. 

M.  Crooks  s'elTorcn  en  vain  de  les  arraisonner 
ou  de  les  £5uérir  par  la  honte  de  cette  singulière 
situation  d'esprit.  Il  essaya  ensuite  de  diiiger  lui- 
même  le  canot,  mais  ses  forces  n'étaient  pas  suf- 
fisantes pour  vaincre  l'impétuosité  du  courant. 
Les  lions  sentiments  de  Ben  Jones ,  le  Kentuckien, 
surmontèrent  à  la  fin  ses  terreurs,  et  il  s'aventura 
sur  l'autre  rive.  Les  provisions  furent  reçues  avec 
avidité  et  transports.  Pourtant,  apiès  fjue  Jones 
fut  reparti ,  un  pauvre  Canadien,  nommé  Jean- 
Bîiptiste  Prévost^  exaspéré  par  la  faim,  se  mit  à 
courir  comme  un  fou  sur  la  rive,  en  criant  à 
M.  Hunt  de  lui  renvoyer  le  canot  pour  le  tirer 
de  cette  horrible  région  de  famine;  déclarant 
qu'autrement  il  ne  voulait  plus  marcher  un  seul 
pas,  mais  qu'il  se  coucherait  là  pour  y  mourir. 

Le  canot  fut  bientôt  lenvoyé  avec  d'autres 
provisions,  sous  la  conduite  de  Joseph  Delaunay. 
Prévost  s'avança  pour  s'y  embar(|uer,  mais  De- 
launay refusa  de  l'admettre,  lui  disant  qu'il  y 
avait  maintenant  une  quantité  suffisante  de  viande 
de  son  côté  de  la  rivière.  Le  pauvre  diable  répli- 
qua qu'elle  n'était  pas  cuite,  t|u'll  serait  mort 
avant  qu'elle  frit  apprêtée,  et  II  supplia  Delaunay 


f 


« 
■^ 


fi''  **    * 

mmf 

iKrlIlïl 
<■■■ :ti..ii 

■'  '(  h  ,  "  • 

::.|i|iri.tif"''  ' 
I*"'  il';: 

nm  : 
!'i^fi'iiH!il"f: 

St  II»    .:  'ii    I 

'»' w  '''H'iiii'l 


I.' ,-  ' . 
ihijf''' 


Jiii 


•il'^'ilfif'i' 

r;  iiii  lift:;: 


!r!i    t;l' 
J'    ll"|■ 


'PlilHlii 

,.'fci 


'4 


ilrîi 


t? 


lï'iiii 


71 


liiilt'l; 


II 


IM 


■h 


I 

I 


iiî!*: 


1li|f 


(>H  ASTOHIA. 

(le  remmener  où  il  trouverait  quelque  chose  pour 
satisfaire  immédiatement  son  appétit.  Enfin , 
voyant  que  le  canot  allait  s'éloigner  sans  lui ,  il  y 
entra  de  force.  En  approchant  du  bord  désiré  et 
en  apercevant  la  viande  qui  rôtissait  devant  le  feu, 
il  se  leva  sur  ses  pieds;  il  se  mit  à  crier,  à  frapper 
des  mains,  à  danser,  dans  un  délire  de  joie,  jus- 
qu'à ce  qu'il  eût  renversé  le  canot.  Le  pauvre 
malheureux,  entraîné  par  le  courant,  se  noya; 
et  ce  fut  avec  beaucoup  de  peine  que  Delaunay 
atteignit  le  rivage. 

Après  le  repas  si  nécessaire,  M.  Hunt  fit  partir 
en  avant  tous  ses  hommes,  excepté  deux  ou  trois. 
Dans  la  soirée,  il  fît  tuer  un  autre  cheval  et  fit 
faire  de  sa  peau  un  nouveau  canot,  dans  lequel 
il  envoya  sur  l'autre  rive  un  supplément  de  viande. 
Le  canot  ramena  John  Day,  le  chasseur  virginien, 
qui  venait  rejoindre  son  ancien  patron,  M.  Crooks. 
Le  pauvre  Day,  autrefois  si  actif  et  si  vigoureux, 
était  alors  plus  maigre  et  plus  affaibli  que  ses 
compagnons  mêmes.  M.  Crooks  avait  tant  d'es- 
time pour  cet  homme  h  cause  de  sa  fidélité  et  de 
ses  anciens  services,  qu'il  se  détermina  à  ne  pas 
le  quitter.  Il  engagea  cependant  M.  Hunt  à  pous- 
ser en  avant  et  à  rejoindre  sa  troupe,  car  sa  pré- 
sence était  de  toute  importance  à  la  conduite  de 
l'expédition.  L'un  des  Canadiens,  Jean-Baptiste 
Dubreuil,  resta  avec  M.  Crooks  et  John  Day. 


'} 


e  pour 
£ntin  , 
m,ily 
îsiré  et 
le  feu, 
frapper 
)ie,  jus- 
pauvre 
!  noya  ; 
elaunay 

it  partir 
m  trois, 
al  et  fit 
s  lequel 
p  viande. 
r£»inien, 
Crooks. 
oureux, 
que  ses 
nt  cVes- 
Ité  et  de 
ne  pas 
à  pous- 
sa pré- 
[uite  de 
[Baptiste 


ASIOI'.IA.  C)(J 

M.  lltiiil  lenr  laissa  diiix  chevaux  et  une  pai  lio 
(le  la  C'iiair  ilu  rJcrnier  (jui  ax.nt  clé  lue.  Il  espé- 
rait (jue  eela  serait  suflisanl  pour  les  sustenter  jus- 
«[u'à  (m;  (pi'ils  alteii^nissent  IcMMnipeinent  indien. 

Un  <les  piineipaux  daui^ers,  résultant  de  la  fai- 
J)le.ss(  (le  M.  Crooks  et  de  ses  compai^nons,  élail 
(|u'il!s  fussent  altcinls  par  les  Naturels  dont  les 
elie>.iMx  a\aient  été  saisis.  Cependant  INl.  Hunl 
se  llaUail  d'avoir  prévenu  lein-  resseiiliuient  en 
laissant  dans  lenr  loge  dilïci-enls  ohjcls  ,  plus  que 
suflisants  pour  compense)'  le  tort  (|u'il  avait  été 
forcé  de  leur  faire. 

INl.  Ifunt  rejoignit  son  monde  vers  le  soir.  Le 
lendemain,  i  5  décembre,  il  aperçut  sur  le  bord 
opposé  de  la  rivière  plusieurs  Indiens  ,  avec  trois 
chevaux.  Quelque  temps  après  il  arriva  aux  deux 
loges  (pi'il  a\ait  \ues  en  descendant.  Là  il  s'edoiça 
en  \ain  d'échani»er  une  carabine  contre  un  che 
val;  mais  il  réussit  (encore  à  en  obtenir  n\]  ,  an 
moyen  d'une  \ieille  bouilloire  en  fei-blanc  et  de 
?juel([ues  verroteries. 

Les  deux  jouis  suivants  furent  froids  et  ora- 
gcMix.  La  neige  augmentait  de  profondeur  et  la 
rivière  chai'riaït  beaucoup  de  glaces.  La  roule, 
cependant ,    devenait  pins  facile.   On  était  enfin 


lois  tles  montaiines  et  on  se  r<»trouvait  dans  un 


pays  ouvert ,  après  vingt  jours  ( 


le  fat 


mues,  ( 


le  fa- 


m 


ine  ,  de  périls  de  tons  les  genres,  occasioiniés 


lu.:'"' -Il     ''" 


IRi 


ti'fi' 


H 


rsi  'itl 


|ifl';:l.n;|.ir 

s'flBii;,  :::;■ 
l»?  .|irfi 


„i,i  ■] 


i 


M' 


srniF 


fli'j. 


'■"■■'■h' 


ir:''"  ; 
IIP'iH "1 


!:  i!'.. 


m 

Wllll!  lift! 

iviin'  ■ 


êT"" 


fl 


yO  ASTORIA. 

par  i'iÉiduchieuse  IrMtalivi"  tir  Irouver  im  passiit^t* 
\o  loiiii;  (lo  l;<  rivirre  des  S('r|ioiil». 

Enlin  nos  vojni»riirs  dressèrent  leur  enmp  près 
tl(î  la  pelile  rivière  £»arnic  de  saules  et  vennnl  de 
l'est,  qu'ils  avaient  traversée  le  26  novembre.  Il 
y  avait  auprès  une  douzaine  de  loges  de  Shoslio- 
nies,  qui  j  étaient  récemment  arrivés.  On  apprit 
d'eux  que  si  Ton  avait  persévéré  à  suivre  la  ri- 
vière, on  aurait  vu  les  difïicultés  s'augmenter,  et 
devenir  à  la  lin  absolument  insurmontables.  Celte 
itjformation  ajouta  h  l'anxiété  que  M.  Hunt  éprou- 
vait sur  le  destin  de  M.  Mac  Kenzic  et  de  ses  gens, 
qui  avaient  continué  à  marclier  en  avant. 

M.  Hunt  suivit  la  petite  rivière  et  campa  près 
de  quel([Ues  loges  de  Slioshonies,  dont  il  acheta 
une  couple  de  chevaux,  un  chien,  un  peu  de  pois- 
son séché,  quelques  racines  et  des  cerises  séchées. 
Deux  ou  trois  jours  se  consumèrent  à  prendre  des 
renseignements  sur  la  route  et  sur  le  temps  né- 
cessaire pour  arriver  parmi  les  Sciatogas  ,  tribu 
hospitalière  qui  habitait  à  l'ouest  des  montagnes, 
et  qui  passait  pour  avoir  beaucoup  de  chevaux. 
Quoique  diliérentes,  les  répliques  s'accordaient  à 
dire  que  la  distance  était  grande,  et  qu'elle  exige- 
rait entre  dix-sept  et  vingt-et-une  nuits.  M.  Hunt 
essaya  alors  de  se  procurer  un  guide,  mais  quoi- 
qu'il envoyât  dans  différentes  loges,  vers  le  haut 
et  vers  le  bas  de  la  rivière,   quoiqu'il  offrît  des 


f 


iip  près 
iinnl  clf 
Tibrr.  It 
^lioslio- 
n  npprit 
c  In  ri- 
iiter,  ef 
îs.  Celte 
t  éproii- 
jesgens, 

• 

ipa  près 
il  aclieta 
de  pois- 
séchées. 
iidre  (les 
nps  11  é- 
trlhii 
itagiies, 
hevaux. 
aient  à 
e  exige- 
I.  Hiint 


i 


is 


quel- 
le haut 
Ht  des 


\SKJlllA.  71 

objt'U  d  uu<;  i^raiide  \aleiir  aux  ycn\  des  Indiens, 
aueun  d'eux  ne  voulut  s'a>eiituier.  «  La  neige  », 
«lisaient-ils,  u  viendia  jusqu'à  la  teinture  dans  les 
monlai^nes  »  j  et  à  loutes  ses  oilics  ils  répon- 
<laient,  en  secouant  la  tête  et  en  frissonnant: 
u  Nous  gcMerons,  nous  gèlerons;);  enfin  ils  le  pres- 
saient de  rester  parmi  eux  et  d'y  passer  l'hiver. 

M.  Ilunl  était  dans  un  cruel  embarras.  Essayei 
sans  guide  de  franchir  les  montagnes,  c'était  s'ex- 
j)Osei',  avec  tous  ses  gens,  à  une  mort  certaine. 
Demeurer  là  après  être  resté  déjà  si  long-temps  en 
route,  et  avec  de  telles  dépenses,  c'était  pour  lui, 
disait-il,  ((  pire  que  deux  morts;).  U  changea 
alors  de  ton  avec  les  Indiens,  et  les  accusa  de 
l'avoir  trompé  relativement  aux  montagnes,  de. 
lui  avoir  parlé  avec  une  langue  fourchue  y  ou,  en 
d'autres  termes,  de  lui  avoir  fait  des  mensonges. 
Il  leur  reprocha  leur  manque  de  courage  et  leui- 
dit  qu'ils  étaient  apparemment  des  fenunes,  pour 
avoir  peur  de  faire  un  voyage.  A  la  iin,  l'un  d'eux, 
piqué  par  ses  railleries  ou  tenté  par  ses  offres, 
consentit  à  être  son  guide,  moyennant  un  fusil, 
un  pistolet,  trois  couteaux,  deux  chevaux,  et  une 
petite  quantité  de  chaque  article  qui  se  trouvait 
encore  en  possession  de  la  caravane.  Cette  récom- 
pense était  suffisante  pour  faire  du  pauvre  Indien 
l(^  plus  grand  richard  de  sa  vagabonde  nation. 

On  se  remit  ilonc  en  loule,  le  21   décembre. 


j-«'i  i  :■ 


>"    !:!*' 


rîjiSf'ili'"'-  i 


^'!!;||;;|â^' 

'"I  '  -liH'  t 

■'•tilLliJ^  |, 
Ui   .it-;'  ril.. 

l'kHiiihiit: 


ft 


^a  AsroniA. 

avec  lin  iioinnui  coma.^c.  Ta*  f»iiid<'  élalt  accoin- 
pai»i)('  (le  deux  autres  Indiens.  Il  se  dirif*ea  linmc- 
dintement  vers  la  rivière  des  Serpents.   On  en 
suivit  le  cours  pendant  un  peu  de  temps,  dans 
l'espérance  de  trouver,  pour  la  traverser,  quelque 
radeau  indien,   fait  de  roseaux.  N'en  ajant  pas 
rencontré,  M.  Hunl  lit  tuer  un  cheval  pour  con- 
struire lui  canot  de  sa  peau.  Sur  ces  entrefaites 
on    aperçut  de   l'autre   coté   de   l'eau  les  treize 
liommesde  M.  Crooks,  lesquels  étaient  restés  près 
de  la  rivière  des  Serpents.  Ils  dirent  à  M.  Ilunt, 
à  travers  le  courant,  qu'ils  n'avaient  point  vu 
M.  Crooks  ni  les  deux  hommes  ([ui  étaient  restés 
avec   lui ,  depuis  le  jour  on   M.  Hunt  les  avait 
quittés.  Le  canot  s'étanl      ouvé  trop  petit,  un  se- 
cond cheval  fut  tué  et  la  peau  en  fut  jointe  à 
celle  du  premier.  La  nuit  vint  avant  que  la  petite 
barque  eût  fait  plus  de  deux  voyat^es.  Comme 
elle  était  mal  construite,  elle  fut  défaite  et   re- 
montée, à  la  lumière  du  feu.  La  nuit  élait  froide, 
les  hommes  étaient  épuisés  et  démoralisés  par  des 
fatigues,  par  des  dangers  si  variés  et  si  incessants. 
Ils  s'étendirent,  tristes  et  découragés,  autour  de 
leur  feu.  Beaucoup  d'entre  eux  commencèrent  à 
exprimer  le  désir  de  rester,  pour  l'hiver,  où  ils 
étaient.  Dans  leur  présent  état  de  faiblesse  et  d'a- 
battement, plusieurs  étaient  elFrayés  par  la  néces- 
sité même  de  traverser  la  rivière  :  car  ils  se  rap- 


I4>vi  'A 

(••''tu!!' 
i'<  i 


iccoin- 
linmc- 
On  en 
s,  clans 
[uelque 
mt  pns 
ir  con- 
refailes 
»  treize 
tés  près 
.  II mit, 
aint  \ii 
t  restés 
i^s  avait 
,  un  sc- 
ioinle  à 
a  petite 
Comme 
el  re- 
froide, 
par  des 
ssants. 
our  de 
èrent  à 
où  ils 
et  d'a- 
néces- 
»e  rap- 


Asinun.  'J^ 

pelaient  (pie  deuxdel<'urs  eamaïades  a\ai«'nt  déjà 
jKM'i  dans  ses  eaux,  dont  le  courant  rapides  et  tur- 
bulent elianiait  maintenant  beaucoup  de  glaeons  ; 
cidin  ils  pensaient,  avec  décourai^enient,  aux  lon- 
gues ctpéinhlcs  journées  ([u'il  leur  faudrait  sou- 
tenir dans  des  réi^ions  désert(\s,  iorscpTils  ainaient 
passé  ecMle  l'a  la  le  rivière. 

De  boinie  heure,  dans  la  maliné(;  du  ■j.'5  dé- 
cembre, ils  eommenecreiit  à  la  traverser.  Beau- 
coup de  i^lace  s'était  formée  pendant  la  nuit,  et 
ils  furent  oblii^és  de  la  briser  jusqu'à  quelque  dis- 
lance de  chaque  rive.  A  la  (in,  ils  se  trouvèrent 
tous  transportés,  en  sûreté,  sur  leboril occidental, 
et  la  réussite  de  ce  périlleux  passage  releva  leui- 
coiuage  abattu.  Us  furent  rejoints  de  ce  coté  de 
l'eau  par  les  hommes  de  M.  Crooks.  Quoicpie  (;es 
pauvres  gens  eussent  av(;c  eux  un  cheval  et  un 
chien  qu'ils  s'étaient  récemment  procurés,  ils 
étaient  dans  un  état  d'amaicrissemcnt  et  de  mal- 
propreté  elfrojable.  Trois  d'entre  eux  étaient  si 
complètement  dénués  de  force  et  de  courage, 
(fu'ils  exprimèrent  le  désir  de  rester  parmi  les  Ser- 
pents. M.  Ilunt  leur  donna  donc  le  canot  pour 
traverser  la  rivière.  Il  y  joignit  queh[ues  mar- 
chandises pour  se  procurer  le  nécessaire  jusqu'à 
ce  qu'ils  rencontrassent  M.  Crooks.  Il  y  avait  un 
autre  homme,  nommé  Mi(;hael  Carrièn^,  rpii 
était    presque  en   aussi   mauvais  ('lat,   mais  ([ui 


»p  |; 


II 


.^ 


il' !■  il  if 

;!Îii;ii:i.47: 

■:  ;  I,  i  ni.  ' 


7/1  VSIOIUA. 

[)Ourt.'iiit  se  ([c'icnniiia  à  contiinicr  avec  ses  cairiii- 
rades,  iiieorpoiés  de  nouveau  dans  la  briijade  de 
M.  llunt.  Après  les  f'atii^ues  de  la  journée,  ils 
eampèrcnt  tous  ensemble  sur  le  i)ord  de  la  rivière 
des  Serpents.  Ce  fut  la  dernière  nuit  ({u'ils  pas- 
sèrent auprès.  Elle  leur  avait  coûté  bien  des  jour- 
nées de  i'alii^ucs,  et  plus  de  deux  cent  soixantt; 
lieues  de  chemin  ;  aussi  les  soufl'rances  qu'ils  y 
avaient  éprouvées  la  leur  rendaient-elles  odieuse. 
Les  Voyageurs  canadiens,  quand  ils  en  parlaient, 
l'appelaient  toujours  la  maudite  rivière  Enra- 
i^ée,  accouplant  ainsi  une  malédiction  avec  son 
nom. 


•'3 


■.!iflllljir;|. 


l3 


m  !  i 


l3 


m 


,m 


m'-' 


iill'Hi 


l-.i;iiir  -'^'n 


fl 


*► 


fii i 


F'I.  lin  f 


w 


:1    '!■ 


^ 


.;^ 


mm 


 


SCS  cain.i- 
riiîadc  de 
irnc'e,  ils 
la  rivière 
[u'ils  pas- 
des  joui - 
soixanli; 
>  qu'ils  y 
i  odieuse, 
jarlaient, 
re  Enra- 
avec  son 


CIIAPITRi:    XXXVJI 


hcpart  (le  la  i  ivirn;  des  Scrpnils.-  Accroissrnicnl  »lo  la  (aiiiilli- 
Doii,,,,.  ~  Camp  <l(;  Slioslionies.  -    Marche  ^lacc-c  dans  les 
iiioiitagncs.  -  Cliinalplusdoiix.  — Camp  (le  Scialogas.  —  . Foie 
«les  voyageurs.  —  1M(„1  de  Micliael  Canièie.  -  i/Umalalla 
-  An  ivée  aux  bords  de  la  Colond)ia.  -   Nouvelles  d'Astoria 

-  Le  village  de  VVish-ram.—  liécit  du  massacre  du  Toncpiin 

—  r.es  voleurs  désappointés.  —  Arrivée  à  Astoria.  —  Aven- 
Mires  de  Reed,  de  iMac  Ix'llau  el  de  Mac  Kcnzie, 


Lk  24  décemhre,  tous  les  préliminaires  étant 
.n  I  nni,M\s,  M.  Hunt  quitta  les  rives  désastreuses  de 
la  rivière  des  Serpents,  et  dirigea  sa  course  vers 
l'ouest,  pour  gagner  les  montagnes.  Sa  troupe, 
augmentée  du  détachement  de  M.  Crooks,  com- 
prenait alors  trente-deux  Blancs,  trois  Indiens, 
et  la  famille  de  Pierre  Dorion.  Cinq  chevaux  sur- 
menés et  à  moitié  affamés,  étaient  chargés  du 
bagage;  en  cas  de  besoin  ils  devaient  servir  de 
provisions.  On  faisait  environ  cinq  lieues  par 
jour,  h  travers  des  plaines  ou  des  collines  ren- 
<lues  plus  fatigantes  par  la  neige  et  par  la  pluie. 
Pour  toute  subsistance,  on  avait  une  fois  par  jour 
un  maigre  repas  de  viande  de  cheval. 


ijIf'Sf-  . 


.:::lîlilâ 


si!!*!; 


yt)  A.STOlUV. 

L(^  trol.sicinc  jour,  l('(j!ina(liou  C;ii'rlî*r(,',  l'un  de.s 
lioiiimcs  épuises  de  M.  (Jrooks,  fui  pris  tic  déses- 
poir, et  se  eoucliaiit  sur  la  lerre,  déclara  «jn'il  lui 
était  impossible  d'alUr  plus  loin.  On  s'elForea  (\c 
Ve\n\ouY',)^jOT,  mais  on  reconnut  que  le  pauvre 
diable  était  absolument  exténué  et  ne  pouvait  plus 
se  tenir  sur  ses  jambes.  Il  fut  donc  monté  sur 
l'un  des  chevaux,  quoique  le  malheureux  animal 
ne  se  trouvât  i^uère  en  meilleur  état  que  lui. 

FiC  28,   iios  voyageurs   arrivèrent   près  d'une  . 
petite  rivière  qui  coulait  vers  le  nord^  à  traveis 
une  jolie  vallée.  Les  Indiens  leur  montrèient^  sur 
la  i^auche,  une  chaîne  de  montagnes  boisées,  cou- 
vertes de  neige,  qui  s'étendaient  du  nord  au  sud, 
et  (ju'il  leur  fallait  traverser.  Le  29,  ils  saivirenl 
la  vallée  durant  sept  lieues,  ils  soullriient  beau- 
coup de  la  neige  et  de  la  pluie;  ([ui  tombaient  con- 
linuelloment,  cl  furent  obligé'  de  traveiser  deux 
fois  la  petite  riv  ière,  dont  Ijs  (;aux  étaient  glacx'cs. 
J)e  bonne  heure,  le  jour  suivant,  la    femme  de 
Pierre  Dorion,  qui  jusqu'alors  a\ait  toujours  che- 
miné* sans  murmur(  r  et  sans  se  décourager,  se 
trouva  soudainement  en  travail,  vt  enritdwt  son 
époux  d'un  troisième  enfant,  (.omme  le  eouiagt" 
et  la   bonne   conduite   de    la   pauvre  Omiuic    lui 
avaient  gagni'  l.t  bienvcilhiu'e  d<^  toute  la  lr(>:q)e, 
sa  situation  causa  beaucoup  d  in((uiélii(h'.  (ji^pcn- 
dant    ri(ire    traita    la  chose  comme   umv    alfairc 


,;llir 


f 


fiiili;;; 


,  l'un  (le> 
(le  (lèses - 
I  (ju'il  lui 
1  Força  (le 

î  pauvre 
Lvaii  plus 

:)ntc  siii- 
X  animal 
lui. 

('S    d'iUH^  , 

t  Iraveis 
eiit^  sm 

X'S,   COd- 

I  au  àU(i, 
uiivirenl 
iil  beau- 
enl  coti- 
ser deux 
i»la(X'es. 
niuu^  (1(; 
)urs  clie- 
l'ai^cr,  se 
DÏùl  son 


couia^e 


nie    I 


ui 


li'oMpe, 
.  Cepen- 
'    aKairc 


ASTORIA.  nn 

l'aelle  h  arranger  et  qui  ne  devait  pas  occasionner 
de  délais.  Il  resta  dans  le  camp,  auprès  de  sa 
femme,  avec  ses  autres  enfants  et  son  cheval, 
promettant  de  rejoindre  bientôt  le  corps  prin- 
cipal, qui  poursuivit  sa  marche. 

Voyant  que  la  petite  rivière  entrait  dans  les 
montagnes,  nos  voyageurs  l'abandonnèrent,  et 
marchèrent  durant  quelques  milles  parmi  des 
coteaux.  Là  un  autre  Canadien,  nommé  La  Bonté, 
refusa  d'avancer,  et  il  fallu!  le  monter  sur  un 
cheval.  Le  pauvre  animal  étant  trop  faible  pour 
porter  en  même  temps  un  cavalier  et  son  fard(îau, 
M.  Hunt  prit  le  paquet  sur  ses  propres  épaules. 
C'est  ainsi  qu'ils  poursuivaient,  parmi  les  hau- 
teurs, leur  pénible  route,  dont  ils  voyaient  s'aug- 
menter à  chaque  pas  les  diflicultés.  IL  étaient  dé- 
(30uragés  et  à  moitié  morts  de  faim,  lorsqu'ils 
arrivèrent  dans  une  belle  vallée  qui  s'étendait  au 
loin  devant  eux.  Elle  était  large  de  plusieurs 
lieues,  et  au  milieu  serpentait  une  jolie  petite 
rivière.  Un  climat  plus  fempéré  semblait  y  do- 
miner, car  quoiqu'il  y  eut  de  la  neige  sur  toutes 
les  montagnes  environnantes,  on  n'en  vovait 
point  dans  la  vallée.  Nos  voyageurs  contem- 
plaient avec  délices  ce  paysage  riant  et  éclaiié  par 
le  soleil  :  mais  leur  joie  fut  complète,  lorsqu'ils 
aperçurent  six  loges  de  Shoshonies  dressées  sur 
le  bord  de  la  rivière  (>t  envirotmées  do  chevaux  el 


H   •■<fl   1',.    ■'■: 


:'"*!?: 


li  I    . 


■'■lîl!" 


['■«lin    ' 


'«■-il,:!;- 


rUTI'l'l  ■ 

«'■;i.iii  l'iM 


i|.|H..  »... 


:4IS'|ll'l 


'ifi 


■■■lit:  si' 


;jihi 


l,i;tok 


il'îl:  :, 


1 1 


"78  ASTORIA. 

(lo  ohions.  Ils  prcssi'rcnt  tous  le  pns  et  .'itteigiii- 
reiil  bienlôt  le  campement.  Ll\,  leur  premier  soin 
Alt  d'acheter  des  provisions.  Une  carabine,  un 
vieux  mous([uet,  un  tomahawk,  une  bouilloire 
de  f(T-blanc,  et  une  petite  quantité  de  munitions, 
leur  procurèrent  bientôt  quatre  chevaux,  trois 
chiens,  et  quelques  racines.  Une  partie  de  ces 
animaux  furent  immédiatement  tués,  préparés  et 
dévorés.  Cet  excellent  repas  remit  tout  le  monde 
en  bonne  humeur.  Dans  le  cours  de  la  matinée 
suivante  la  famille  Dorion  fit  son  apparition. 
Pierre  venait  en  avant,  donnant  la  main  à  son 
aîné,  et  suivi  du  coursier  qu'il  estimait  tant,  quoi- 
que ce  ne  fut  plus  cru'un  squelette.  Sur  cette 
noble  bête  était  montée  la  squaw,  portant  son 
enfant  nouveau-né  dans  ses  bras,  et  ajant  son 
i^arçon  de  deux  ans  pendu  à  son  coté,  dans  une 
couverture.  La  mère  avait  l'air  aussi  paisible  que 
si  rien  ne  lui  était  arrivé  :  tant  la  nature  acit 
avec  facilité  dans  le  désert,  lorsqu'elle  n'est  point 
contrecarrée  par  lies  entraves  de  la  coquetterie, 
par  les  délicatesses  amollissantes  du  luxe  et  par  les 
remèdes  intempestifs  de  l'art. 

Le  lendemain  amena  la  nouvelle  année  (1812). 

M.  Ilunt  allait  recommencer  sa  marche,  quand 

SCS  hommes  lui   demandèrent  la   permission  de 

•élébrer  cette  journée.  Cette  requéfe  était  parti- 

j'ulièrement  appuyée  par  l(\s  Voyageurs  caiKuliens 


,f* 


II"       If 'Il 
■  il»  1, , 


;S 


ntteigiii- 

niersoin 

bine,  un 

ouilloinî 

initions, 

iix,  trois 

s  de  ces 

cparés  et 

e  mond(> 

matinée 

pari  t  ion. 

in  à  son 

nt,  quoi- 

ur   cette 

tant  son 

^ant  son 

lans  une 

ble  que 

ure  ai^it 

st  point 

letterie, 

t  par  les 

(.812). 
,  quand 
sion  de 
t  parti- 
iiadiens 


\sT()in\.  'ji) 

pour  f[ui  le  premier  jour  de  l'an  est  une  fête 
favorite,  et  qui,  dans  toutes  les  situations,  ont 
bien  de  la  peine  à  sacrifier  une  occasion  de  se 
réjouir.  11  était  impossible  de  résister  à  une  telle 
deip-'»nde.  Le  jour  se  passa  donc  dans  le  repos  et 
dans  les  plaisirs.  Les  pauvres  Canadiens  trouvè- 
rent moyen  de  chanter  et  de  danser,  en  dépit  de 
toutes  leurs  fatigues,  et  de  faire  un  somptueux 
repas  avec  de  la  clnii'  de  chien  et  de  cheval. 

Après  deux  jours  d'un  repos  fort  utile,  nos 
aventuriers  se  remirent  en  route.  Les  Indiens 
des  loges  leur  montrèrent  une  gorge  lointaine, 
par  laquelle  il  fallait  passer  pour  traverser  la 
chaîne  des  montagnes.  Ils  les  assm^Tcnt  qnc  la 
neige  les  incommoderait  peu,  et  que  trois  jour- 
nées les  amèneraient  parmi  les  Sciatogas.  Cepen- 
dant, M.  Hunt  avait  été  si  fréquemment  déçu 
par  ies  avis  des  Indiens  relativement  aux  routes 
et  aux  distances,  qu'il  n'ajouta  que  peu  de  foi  à 


ces  renseisinements. 


Pendant  cinq  jours  ,  nos  voyageurs  continuè- 
rent à  marcher  vers  l'ouest.  Après  avoir  traversé 
la  vallée,  ils  entrèrent  dans  les  montagnes,  où  le 
chemin,  embarrassé  de  rochers  et  de  troncs  d'ar- 
bres tombés,  devint  excessivement  fatigant.  Ils 
avaient  de  la  neige  jusqu'aux  genoux,  et  quelque- 
fois, dans  les  creux,  ils  enfonçaient  jusqu'à  la 
ceinture.  L'atmosphère  était  extrêmement  froide. 


1 

•r 


*>■■■■•  'II.;,"  ' . 

^•iPii:  li,|■!,. 
^,HI'!i^■'W■;■*; 


l'É!: 


Vf 

y 


f;r::  # 

itihi!''  .'!.: 


'» 

^i,"l 


iii'lIlTI'p! 


si. 


i'îrf 


;:!|!||i::if':: 

■  f'=",j|:i'''    : 


M:t  : 


'tii.H|'Liii  E 
■ ..,  Il ,  Il .,, 

i, 


lUil: 


(. 


■*l!y!liS''i:i, 


riB  h 


I  •i\f>  i 


'Wt 


LM.!':! 


itll|i 


t»!! 


lljHI*...»    i.|:h. 


1"     Mil    ""li 

"I'  ^ll  fil' 

ii;'iiii!fhili!:!'i 


il 


Ho  ASTUR[\. 

cl  le  lirjiiament  couvert  de  iiuai^es,  de  sorte  que, 
durant  plusieurs  jours ,  ds  îi'aperçurent  point  le 
soleil.  En  traversant  la  cliaine  la  plus  haute ,  leur 
vue  s'étendit  sur  un  immense  panorama  de  moula - 
i^nes  neigeuses  empilées  les  un^s  sur  les  autres. 

Le  G  janvier,  cependant,  ils  avaient  franchi  les 
sommets  qui  divisent  les  eaux,  et  ils  se  trou- 
vaient évidemment  sous  l'iniluence  d'un  climat 
plus  doux.  La  neige  commençait  h  décroître;  le 
soleil,  se  dégageant  de  son  voile  épais  de  nuages, 
brillait  gaiement  sur  leur  tète  :  enfin,  ils  crurent 
apercevoir,  au  loin  vers  l'ouest,  une  plaine  ou- 
verte. Se  flattant  que  ce  pouvait  être  la  grande 
plaine  de  la  Colombia,  et  que,  par  conséquent, 
leur  long  pèlerinage  tirait  à  sa  lin  ,  ils  la  saluèrent 
comme  ies  pauvres  Israélites  saluèrent  la  terre 
promise  quand  ils  la  découvrirent  pour  la  pre- 
mière fois. 

Il  y  avait  alors  cinq  jours  qu'ils  avaient  quitté 
les  loiïes  des  Shoshonies.  Ils  avaient  fait  vinct 
lieues,  et  leur  guide  les  assura  qu'ils  rencontre- 
raient les  Sciatogas  dans  le  courant  de  la  journée 
suivante. 

Le  lendemain  ils  poussèrent  donc  en  avant  avec 
un  nouveau  courage.  Ils  rencontrèrent  bientôt 
une  petite  rivière  et  la  suivirent  à  travers  un  dé- 
tilé  étroit,  profondément  encaissé  entre  d'énor- 
mes montagnes,  lia,  parmi  les  rocs  et  les  préci- 


iN 


1 1  B , 


l'i: 


i,     ^ 

mm 

' ijii- 

i 


te  que, 
point  le 
te ,  leur 
;  moula - 
litres, 
inclii  les 
se  Iroii- 
11  ellmat 
oitre  ;  le 
!  nuages, 
s  crurent 
laine  ou- 
,a  crancle 
isé({uent , 
saluèrent 
la  terre 
ir  la  pre- 

nt  quitté 
"ait  vingt 
Il  contre- 
journée 

ant  avec 
bientôt 
irs  un  clé- 
e  d'énor- 

«>s  préci- 


ASTORIA.  ^it 

pices,   ils  ap«^rçurenl  des   tionpeaux   de  daims  à 
(jueue  noire.   Ils  aii  ivèrent  ensuite  dans  un  en- 

.  droit  on  des  chasseurs  indiens  avaient  laissé  de 
nombreuses  pistes  d(;  cliev.d,  c[ui  sV-eaitaient  dans 
toutes  les  directions. 

É  La  neige  avait  entièrement  disparu.  L'espoir 
de  rencontrer  bientôt  quelque  campement  des 
Naluiels,  engagea  M.  Ilunt  à  doubler  le  pas. 
Beaucoup  d'iiommes,  cependant,  étaient  si  aiFai- 
blis  qu'ils  ne  pouvaient  plus  aller  de  Iront  avec; 
le  corps  principal,  et  qu'ils  restaient  en  arrière 
à  de  grands  intervalles;  quelques-uns  même  n'ar- 
rivèrent pas  le  soir  au  campement.  Pendant  la 
marche  de  ce  jour-là,  l'enfant  nouveau-né  de 
Pierre  Dorion  mourut. 

On  se  remit  en  route  le  lendemain  matin,  sans 
attendre  les  ti'ainards.  Le  cours  d'eau,  qu'on  avait 
suivi  le  jour  précédent,  était  maintenant  enllé 
par  la  jonction  d'une  autre  rivière.  Les  pentes  des 
coteaux  et  des  vallées  étaient  revêtues  d'herb(?. 
A  la  fin,  un  cri  joyeux  se  fit  entendre  :  u  Un  camp 
indien!  »  Il  était  encore  éloigné,  mais  on  pou- 
vait déjà  voir  qu'il  était  composé  de  beaucoup 
de  loges,  et  que  des  centaines  de  chevaux  pais- 
saient alentour,  au  sein  d'une  vallée  verdoyante. 
L'espoir  d'avoir  bientôt  de  la  chair  de  che- 
\A  en  abondance,  inspiia  unc^  joie  universelle  ; 
{'■\v  à  cette  épofjue  toutes   les   provisions  étaient 

M      II.  t) 


5 

i 


rilH*  .f{^ 

I",..  ■'::    ■■'■ 

■r'  '     '  "  '    ,     ,  • 


H: 


ii''!;'iI['r'H'»' 


i|3iif!1 


^,f»ll 


kh-' 


'ii'r.ilfi|H';, 
irf!i!!f  •■•'"'  'ij 


['l)!li|l!t'j'il" 


m 


,.;:■' if  If  ii 

Ml;  I 


^ 


l'élis  i?« 


M''^ 


il   !• 


;  it!i 


i^i: 


«Il  ■ 


iijii 


82  ASTOniA. 

l'éduites  au  cheval  squelette  de  Pierre  Dorion  ,  et 
à  un  autre  animal ,  également  décharné,  qui  avait 
obtenu  des  sursis  répétés  durant  le  voyage.  Une 
marche  forcée  amena  bientôt  nos  voyageurs  fati- 
gués et  affamés  auprès  du  camp.  Il  élait  composé 
de  trente-quatre  loges  couvertes  de  nattes,  et  ap- 
partenait à  un  fort  parti  de  Sciatogas  et  de  Tus- 
che-pas.  Ces  Indiens  étaient  mieux  vêtus  qu'au- 
cune des  bandes  errantes  qu'on  eût  jusque-là  ren- 
contrées, de  ce  côté  des  Montagnes  Rocheuses. 
Ils  étaient  même  aussi  bien  mis  que  la  généralité 
des  tribus  chasseresses.  Chacun  d'eux  avait  une 
bonne  robe  de  peau  de  bison,  avec  une  chemise 
et  des  guêtres  de  peau  de  daim.  Plus  de  deux  mille 
chevaux  erraient  dans  les  pâturages  autour  du 
camp.  Mais  ce  qui  charma  M.  Hunt,  en  entrant 
dans  les  loges,  ce  fut  d'y  voir  des  chaudières  de 
cuivre,  des  haches,  des  bouilloires,  et  différents 
autres  usl ensiles  de  manufacture  européenne  : 
cela  prouvait  que  ces  Indiens  avaient  des  commu- 
nications indirectes  avec  les  Blancs.  Ayant  fait 
avec  empressement  une  enquête  parmi  les  Sciato- 
gas, M.  Hunt  apprit  d'eux  que  la  grande  rivière, 
la  Colorr.bia^  n'était  plus  qu'à  deux  journées  de 
distance,  et  que  plusieurs  Blancs  l'avaient  récem- 
ment descendue.  M.  Hunt  se  flatta  que  c'étaient 
Mac  Lellan  ,  Mac  Kenzie  et  leurs  compagnons.  Il 
éprouvait  alors  la  plus  grande  joie  et  la  plus  pro- 


'CM-; 


:1  . 


!>.[' 


ri  on ,  et 
[jui  avait 
ige.  Une 
urs  fali- 
composc 
îs,  et  ap- 

de  Tus- 
is  qu'au- 
le-là  ren- 
ocheuses. 
Tcnér  alité 
avait  une 
(3  chemise 
leux  mille 
lutour  du 
n  entrant 
Lidières  de 

dififérents 

-opéenne  : 
s  commu- 
^yant  fait 
les  Sciato- 
c  rivière, 
)urnées  de 
îiit  récem- 
e  c'étaient 
agnons.  11 
plus  pro- 


AS  roui  \,  8^ 

fonde  i^ratitudo  cnvcis  le  Ciel,  d'avoir  ainsi  heu- 
reusement conduit  sa  troupe  alfamée,  exténuée, 
hojs  de  hi  partie  la  plus  périlleuse  de  ce  lonp; 
voyai^e,  et  en  vue,  pour  ainsi  dire,  du  ferme  de 
tant  de  maux.  Tous  les  traînards  avaient  rejoint, 
l'un  après  l'autre,  excepté  le  pauvre  Voyageur 
canadien  Carrière,"  mais  on  l'avait  aperçu  le  soir 
précédent,  monté  en  croupe  derrière  un  Indien 
serpent,  auprès  de  ([uelques  loges  de  celte  nation, 
et  à  peu  de  milles  du  dernier  campement.  On  s'at- 
tendait à  le  voir  brentôt  reparaître. 

Le  premier  soin  de  M.  Hunt  fut  de  se  procurer 
des  pi'ovisions  pour  ses  hommes.  Un  peu  de  ve- 
naison, d'une  qualité  médiocre,  et  ([uelques  ra- 
cines, furent  tout  ce  qu'il  put  obtenir  ce  soir-là. 
Le  lendemain  matin  il  réussit  à  acheter  une  ju- 
ment avec  son  poulain.  On  les  immola  immédia- 
tement, et  ils  assouvirent,  en  partie,  la  faim  tou- 
jours renaissante  de  nos  voyageurs. 

Ils  lestèrent  durant  plusieuis  jours  dans  le  voi- 
sinage de  ces  Indiens,  se  reposant  après  toutes 
leurs  fatigues,  et  se  régalant  de  chair  de  cheval  et 
de  racines,  acquises  par  de  nouveaux  échanges. 
Beaucoup  des  hommes  mangèrent  avec  tant  d'ex- 
cès qu'ils  se  rendirent  malades;  d'autres  étaient 
encore  boiteux  des  suites  de  leur  voyage.  Cepen- 
dant tous  se  restaurèrent  graduellement  dans  le 
j-epos  et  dans  l'abondance  de  la  vallée.  On  obte- 


'<)  '  n  ' 


:'<iii 


jillHII'! 


ilfl!i|«r    i 


'!■  I  . 


îl''i!f!i|ii:i;ïi 


,1 


i;:' 


■II'  nni„5 


iMlr'-'fi^'' 


'lilflS 


:Pllf(*P 


■n* 


«t  ml  tu  1,11   "iH 

stl'-i''"      l 


8/|  ASTOHIA. 

liait  iii  (It's  che\nux  beaucoup  pins  facilement  et  à 
meilleur  marclic  que  parmi  Jes  Serpents,  Une 
couverture,  un  couteau,  ou  une  demi-livre  tic 
£[rains  de  verre  bleu  suflisaicnt  pour  pajer  un 
cheval  :  h  ce  taux ,  beaucoup  des  hommes  en  ache- 
tèrent pour  leur  usage  personnel. 

Ces  Indiens,  qu'on  nous  représente  comme  étant 
d'une  race  orgueilleuse,  sont  extraordinairement 
propres,  ne  mangent  ni  chevaux,  ni  chiens,  et  ne 
voulaient  pas  permettre  que  la  chair  crue  en  fût 
portée  dans  leurs  loges.  Chacun  d'eux  avait  une 
petite  quantité  de  venaison,  mais  ils  y  mettaient 
un  si  haut  prix  que  les  Blancs,  dans  leur  état 
d'appauvrissement,  n'en  pouvaient  point  acheter. 
C'est  à  cheval  qu'ils  chassaient  le  daim,  en  for- 
mant autour  de  lui  un  vaste  ceiclc  qu  ils  resser- 
raient giaduellement.  Leurs  armes  étaient  des  arcs 
et  des  ilcches,  dont  ils  se  servaient  avec  une 
grande  adresse.  Leurs  habitudes  entièrement  pri- 
mitives semblaient  s'attacher  aux  usaijes  de  la  vie 
sauvage  et  dédaigner  les  ressources  de  la  civilisa- 
tion. Par  exemple,  ils  ne  manquaient  point  de 
haches,  et  cependant,  pour  fendre  leur  bois,  ils 
faisaient  généralement  usage  de  coins  de  corne 
d'élan,  et  de  maillets  de  pierre,  de  la  forme  d'une 
bouteille.  Quoiqu'ils  eussent  parfois  deux  ou  trois 
chaudières  de  cuivre  pendues  dans  leurs  loges,  ils 
se  servaient    fréquemment  de   panieis  de  saulr 


eut  cl  a 
Is.  Une 
livre  tic 
ayer  un 
eu  ache- 

me  étant 
lirement 
ins,  et  ne 
le  en  fut 
naît  inu' 
ncttaient 
leur  état 
tacheter, 
i,  en  for- 
Is  resser- 
it  des  arcs 
avec   une 
ment  pri- 
de  la  vie 
a  civilisa- 
point  de 
bois,  ils 
de  corne 
rme  d'une 
X  ou  trois 
s  loges,  ils 
de  saul<' 


AsroiUA.  85 

pour  porter  leur  eau ,  et  ni«:me  pour  la  taire 
houillii"  au  moyen  de  pierres  brûlantes.  Les  fem- 
mes av.'iiciit  des  cliapeauv  de  saule  ,  proprement 
travailles  et  ornés  de  diliérentcs  (ii^in-cs. 

Le  traînard  canadien,  Carrière,  n'ayant  pas  re- 
paiu  au  bout  de  deux  ou  trois  jours,  deux  hom- 
mes lurent  envoy('*s  à  cheval,  pour  le  chercher, 
mais  ils  revinrent  seuls.  Les  lonvs  des  Indiens 
serpents,  auprès  desquelles  il  avait  été  \u,  n'é- 
taient plus  au  même  endroit,  et  les  deux  envoyés 
n'avaient  trouvé  nulle  trace  de  leur  cnmarade. 
Plusieurs  jours  s'écoulèrent  encore  sans  qu'on  en 
reçut  aucune  nouvelle,  non  plus  que  du  cavalier 
serpent  derrière  lequel  il  avait  été  aperçu  pour  la 
<lernière  fois.  On  craignit  donc  qu'il  n'eût  péri  de 
faim  et  de  fatigue,  ou  qu'il  n'eût  été  assassiné  par 
les  Indiens,  ou  que,  al)andonné  à  lui-même,  il 
n'eût  pris  quelques  pistes  de  chasse  pour  celles 
de  la  caravane,  et  ne  se  fût  perdu  en  les  suivant. 

La  rivière  sur  les  bords  de  laquelle  on  était 
alors  campé ,  débouche  dans  la  Colombie  et  est 
appelée  par  les  Naturels  :  Eu-o-tal-ht,  ou  Unia- 
falla.  Elle  est  bien  peuplée  de  castors.  Pendant 
le  séjour  de  nos  voyageurs  dans  la  vallée  qu'elle 
arrose,  ils  changèrent  deux  fois  leur  camp,  en 
suivant  son  cours  vers  l'ouest  durant  environ 
dix  lieues.  Une  violente  pluie  qui  (It  déborder  la 
rivière,  les  déloi^ea  de  leur  campement  et  noya 


m: 


m' h 


^.jijiiiji. 


llêîl'n  Mil     .'i. 


i,.«r      ''1,1  '  1»; 
':^»'       '  :'■ 


1 

\i  mi  ht  I 


hi'r 


i,"".     i'    i.W    ',1  ''■■ 


l,'  Il 


Kiiir!*îl'i'|'':i 


m 


■Hf 


llll  i^«, 


"Wr. 


■likf 


Jll 


;JI|i.|k|    M|i:t. 

m^k  1:5- 

•;,:!ik(,îif^' 
îkii-iji,  '■  ". 

Sliîi'lit!'    "■ 


iil 


'li;;, 


m- 


''îiiîi*!.:: 
'i„'i'i«i(.,.«  .,„• 

''Nii;i|i.i|;;:, 


■!<►•, 


IL'!  Hï'.fflt 


II 


i!»^' 


:-.  .i-i'ifiiji- 

'i''%;!iHi'ï' 


m 


'H' 


>)(j  A.STOllI\. 

trois  tic  leurs  cht'vaiix,  altnclit'sdimsuu  Icnaiiibjis. 

D(î  iiou\cll(.;s  conversations  avec  les  Indiens 
convainquirent  nos  voyai^eurs  (|u'ils  n'élaient 
pas  loin  de  la  Colomhin.  Le  nombre  d'hommes 
blancs  qui  avaient  passe  tians  le  voisinage,  s'ac- 
cordait avec  celui  de  Mac  Lellan ,  de  Mac  Keiizie 
et  de  leurs  compagnons,  ce  qui  donnait  à  M.  Hunt 
J'espoir  qu'ils  pouvaient  avoir  traversé  le  désert 
vA\  sûreté. 

Les  Indiens  lui  avaient  aussi  raconté  une  vagu(; 
histoire  d'hommes  blancs  qui  venaient  trafiquer 
parmi  eux.  Ils  parlaient  surtout  de  deux  grands 
personnages  Ke-Kosh  elJacquean,  qui  leur  don- 
naient du  tabac  et  qui  fumaient  avec  eux.  Jac- 
quean  ,  disaient  -  ils  ,  avait  une  maison  sur  la 
grande  rivière.  Quelques-uns  des  Canadiens  sup- 
posèrent qu'il  s'agissait  d'un  certain  Jacquean 
Finlay,  Clerc  de  la  Compagnie  du  Nord -ouest, 
et  en  conclurent  qu;^  la  maison  en  question  de- 
vait être  quel([ue  comptoir  établi  sur  un  de^  cours 
d'eau  tributaiies  de  la  Colombia.  Les  Indiens  fu- 
rent enchantés  quand  ils  apprirent  que  leurs  nou- 
veaux hôtes  se  proposaient  de  revenir  et  de  com- 
mercer avec  eux.  Ils  promirent  d'employer  tous 
leurs  soins  à  recueillir  une  quantité  de  peaux  de 
castor,  et  sans  aucun  doute  commencèrent  à  faire 
une  guerre  mortelle  à  cet  animal  intelligent,  mais 
infortuné,  qui  vivait  dans  une  paisible  insigni- 


5* 


lalnbas. 
Indiens 
l'étaient 
homines 
ge,  s'ac- 
c  Kenzie 
M.Hunt 
le  désert 

me  vogiHi 
trafiquer 
IX  grands 
leur  don- 
eux.  Jac- 
on  sur  la 
liens  sup- 
Jacquean 
rd-ouest , 
estion  de- 

de.s  cours 
ndiens  fu- 
eurs  nou- 

t  de  com- 
oyer  tous 

peaux  de 
ent  à  faire 
jent,  mais 
c  insijTjni- 


ASTOniA.  87 

fiance  parmi  ses  sauvages  voisins  avant   l'intru- 
sion des  marchands  hlanes. 

Le  20  janvier,  après  avoir  pris  congé  de  ces 
Indiens  liospitaliers,  M.  Hunt  s'éloigna  de  la  ri- 
vière sur  la(juelle  ils  étaient  campés,  et  continua 
sa  route  veis  l'ouest. 

Le  jour  sui>ant  nos  pauvres  voyageurs  virent 
:'i  la  fin  devant  eux  les  eaux  si  long-temps  cher- 
chées de  la  Colombia.  Ils  les  saluèrent  avec  au- 
tant de  transports  (|ue  s'ils  avaient  déjà  atteint  le 
tel  ine  de  leur  pèlerinage.  Leur  joie  ne  doit  pas 
surprendre.  Depuis  qu'ils  avaient  quitté  la  rivièn* 
des  Serpents,  ils  avaient  marché  ([uatre- vingts 
lieues  parmi  des  déserts  glacés,  a  travers  d'après 
montagnes,  et  il  y  avait  six  mois  qu'ils  étaient- 
partis  du  village  aricara,  sur  le  Missouri.  Depuis 
là,  suivant  leur  calcul,  ils  avaient  fait,  par  terre  et 
par  eau,  cinq  cent  c[uatre-vingt-quatrc  lieues, 
dans  le  cours  desqu'dles  ils  avaient  été  exposés  à 
toutes  sortes  de  péi  .^  et  de  fitigues.  Enfin  leur 
route  s'était  trouvée  allongée  par  le  grand  dé- 
tour qu'ils  avaient  été  obligés  de  faire  pour  éviter 
la  dangereuse  contrée  des  Pieds-noirs. 

L'endroit  où  ils  rencontrèrent  la  'Colombia 
est  à  quelque  distance  au-dessous  de  la  jonction 
de  ses  deux  grandes  branches,  les  rivières  Lewis 
et  Clarke  ,  et  non  loin  de  l'embouchure  de  la 
VVallah- VVali;  h.   La  rivière  forme  là  une  belle 


vm 


^>. 


^^.€> 


IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  {MT-3) 


1.0 

m  m 

tut 

|U 

■12 
1^ 

l.l 

m 

1.6 

1.25 

^ 

6"     — 

<^ 


^ 


/i 


Photographie 

Sciences 
Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

V'EBSTER,  N.Y.  14580 

(716)  872-4503 


^ 


lit: 


*JiikiV 


'  iM  . 


88 


,\si<n;i  \ 


M;ipp<' ,  \.\iL}r  (I  iiii  (jiKut  il(î  iiouc ,  dont  les  iInc 


bord 


fc  en 


sont  (IcnucL's  d  arbres  et  qui  sv.  trouve 
<juel([iuîs  eiidi'oils  de  rochers  escarpés,  en  d'autre: 


de  plac;es  caillouteuses. 

Nos  vojnçjeurs  trouvèrent  sur  les  bords  de  la 
(jolombia,  de  pauvres  Indiens  appelés  Akai-ehies, 
<pn  n'avaient  d'autre  vêtement  (pi'un  court  man- 
teau de  peau,  et  quelipielois  une  [)air(î  de  man- 
elies  :ie  fourrure  de  loup.  L{'urs  loi^es ,  couvertes 
d<'  nattes  de  jonc,  avaient  la  (orme  fl'une  tente, 
et  étaient  léjjères  etciiaudes.  Outre  ces  tentes,  ils 
avaient  des  espèces  d(;  caves  creusées  dans  la  terre 
et  revêtues  de  nattes  ;  c'est  là  qu'habitaient  les 
femmes  (jui  étaient  encore  plus  léij;èj'ement  vêtues 
que  les  hommes  eux-mêmes.  Ces  Sauvages  subsis- 
taient principalement  de  leur  pêche.  Leurs  ca- 
nots, grossièrement  construits,  n  étaient  que  des 
troncs  d'arbres  fendus  et  ci-eusés  au  moyen  du 
feu.  Cependant  leuis  loges  étaient  bien  appro- 
visionnées de  saumon  séché,  et  ils  avaient  une 
grande  quantité  de  truites  saumonnécs  fraîches, 
d'un  excellent  goût,  (pi'ils  avaient  prises  h  l'em- 
bouchure de  rUmatalla.  Nos  voyageurs  en  ob- 
tinrent- une  pro\ision  fort  utile. 

Voyant  i[\ui  la  route  suivait  le  côté  septentrio- 
nal de  la  Colombia ,  M.  Hunt  la  traversa  et  con- 
tinua, duiant  cinq  ou  six  jours,  à  marcher  le 
lonfj  de  ses  bords.  On  avançait  assez  lentement, 


^ 


«ar  on  vl.ui  irl.iiilc'  p.u-  hi  iw-i'cisilé  iUi  rc- 
cliciclicr  les  chevaux  (jiii  .s'é^ariiicnl  ,  et  par  Its 
cllbrls  (jne  l'aisaicnt  les  Indiens  pour  les  dérobt-r. 
i)\\  passai I  Irrcpjcmincnt  niprrs  de  loi^cs  où  on 
obtenait  du  poisson  et  des  (;hlen.s.  Dans  un  endroit 
les  Naturels  revenaicnit  justement  de  la  chasse  et 
avaient  rapporté  une  quantité  de  viande  d'élan 
et  de  daim;  mais  ils  en  demandaient  un  prix  si 
élevé  que  nos  voyageurs  ii'j  pouvaient  atteindre. 
Il  leur  l'allut  se  contenter  de  chair  de  chien.  Il 
j'st  vrai  (ju'à  cette  épcxpu^,  ils  en  étaient  venus  à 
la  considérer  comme  une  très  boinie  nourriture, 
supérieure  à  la  viande  de  cheval.  Les  journaux 
de  l'expédition  parlent  de  temps  en  temps,  trun 
ton  satisfait,  des  jcuneux  repas  qu'on  faisait,  là 
où  la  chair  de  chien  se  trouvait  plus  abondante 
qu'à  l'ordinaire. 

Sur  les  boi'ds  de  la  Coloml)ia  nos  voyageurs 
eurent  encore  des  nouvelles  des  membres  dis- 
persés de  l'expédition.  Des  hommes  blancs,  qu'ils 
supposèrent  être  Mae  Kenzic;  et  Mac  Leilan  , 
avaient,  leur  dit-on  ,  descendu  la  rivière  avant 
eux  :  on  ajoutait  niéuKî  qu'un  de  leius  canots 
s'était  renversé,  C(i  (pu  leur  avait  l'ait  perdre 
beaucoup  d'ellèts.  Tous  ces  renseii^nements  sur 
les  compagnons  d  aventure  qu'ils  avaient  rpnttés 
au  milieu  du  désert ,  étaient  reçus  avec  le  plus 
N  ir  intérêt. 


go  XSTORIA. 

Le  temps,  qui  coiitiiiuail  à  èlie  Icmpéié,  iiiar- 
(juîiit   la  douceur   supérleun;   du  climat,   de  ce 
coté  des  montagnes.   L'atmospluVe   était   ordi- 
nairement  douce    et   claire ,     comme   dans    les 
jours  sereins  du  mois   d'octoI)re  sur  les  bords 
américains  de  l'Atlantique.  En  général,  de  clia- 
(pac  coté  de   la  rivière  s'étendaient  des  plaines 
continuelles,   basses  auprès  de  l'eau,   mais  qui 
s'élevaient  graduellement.  Elles  étaient  dépour- 
vues d'arbres  et  presque  sans  arbrisseaux ,  sans 
plantes  d'aucune  espèce ,  si  l'on  en  excepte  quel- 
(jues  J)uissons  de  saules.  Après  avoir  fait  environ 
vingt  lieues,  la  caravane  arriva  dans  un  endroit 
où  le  pays  devenait  très  montueux  et  où  la  rivière, 
<'0upée  de  nombreux  rapides,  passait  entre  des 
l)ords  l'ocailleux.  Les  Indiens  du  voisinage  étaient 
mieux  vêtus,  et,  sous  tons  les  rapports,  dans  un 
état  plus   prospère  que  ceux  (pii   vivaient  plus 
haut.  M.  llunt  crut  reconnaître  dans  leurs  ma- 
nières une  certaine  arrogance  produite  par   la 
conscience  de  leurs  richesses;  car  la  prospérité 
inspire  l'orgueil  dans  la  vie  sauvage  aussi  bien 
(pie  dans  la  vie  civilisée. 

Pour  la  première  fois  M.  llunt  reçut  de  cette 
tribu  des  nouvelles  vagues,  mais  bien  intéres- 
santes, concernant  la  partie  de  l'expédition  qui 
s'était  rendue  par  mer  à  l'embouchure  de  la 
Lulombia.  Les  Indiens  parlaient  dune  nombreuse 


ilfîî  b  «• 

hiii 


1i 


ASKtiUA.  ()\ 

lioupe  d'hommes  l)lanc.s  ([iii  avniciil  hall  à  l'ciii- 
])ouchuie  de  h\  jurande;  rivière  iiiii'  vaste  maison, 
et  (jui  l'avaient  enloiirée  de  palissades.  Aucun 
d'eux  n'avait  été  en  personne  à  Astoria,  mais  les 
nouvelles  s(î  répandent  rapidement  de  bouche 
en  bouche,  parmi  les  tribus  indiennes,  et  sont 
portées  jusque  dans  l'intériiiur  par  des  troupes 
de  chasseurs  ,  et  par  des  hordes  émij^rantes. 

L'établissement  d'un  comptoir  dans  cet  endroit 
devait,  d'ailleuis,  causer  une  vive  sensation  dans 
les  parties  les  plus  reculées  de  l'immense  solitude 
(pii  s'étend  à  l'ouest  des  Montai:»nes.  Il  frappait, 
pour  ainsi  dire,  la  grande  artère  vitale  de  ces  pnjs, 
et  faisait  palpiter  tous  ses  cours  d'eau  tributaires. 

On  est  surpris  de  voir  jusf[u'à  (piel  point  cette 
peuplade  lointaine  était  instruite  des  allalres  d'As- 
loria.  Cela  montre  que  les  Indiens  ne  sont  ni 
aussi  peu  curieux,  ni  aussi  mauvais  observateurs 
([u'on  l'a  avancé.  Ils  dirent  à  M.  Ilunt  que  les 
hommes  blancs  de  la  grande  maison  avaient  at- 
tendu avec  anxiété  leurs  amis  qui  devaient  des- 
cendre la  Jurande  rivière  ;  qu'ils  avalent  été 
plongés  dans  raifliction  par  la  crainte;  que  leurs 
l'rères  ne  fussent  perdus,  mais  que  l'ariivée  de  sa 
troupe  et  de  lui-même  sécherait  leurs  larmes,  et 
les  ferait  danser  et  chanter  de  joie. 

Le3i  janvier,  M.  Ilunt  parvint  aux  chutes  de 
la  Colombia.    Il  eanq)a  au  village  de  \  ish-ram  , 


Liîj 


'f' 


1  If' 

0  i'2' 


.1 


Kl  *?!>'' 


y'   -«( 


i 


SI 


.te 


(y2  ASTOIUA. 

(iiii  sellait  de  marché  cominmi  aux  liilms  de  l;r 
cote  cl  (les  mon  laitues,  et  dont  les  hahitanls  Ira- 
{i(jiiaient  avec  les  productions  de  leurs  pêcheries. 
M.  Ilunt  les  Irouva  plus  suhtils  et  plus  intelli- 
i»enls  que  les  Indiens  ([u'il  avait  nMiconlrés  jus- 
(ju'alors.  Le  commerce  avait  aiguisé  leur  esprit, 
mais   n'avait   point  développé    leur    honnêteté. 
C'était  une  communauté  d'ellrontés  fripons  et  de 
maraudeurs.  Leurs  demeures  répondaient  à  leur 
fortune  :   elles  étaient  supérieuies  à  tontes  celles 
([ue  nos  voyageurs  eussent  vues  à  l'ouest  des  Mon- 
tagnes Iiocheuses.  En  "énéral,  les  habitations  des 
Sauvages,  sur  le  côté  occidental  de  cette  grande 
bai'rière,  étaient  de  simples  lentes  et  des  cabanes 
couvertes  de  peaux,  de  nattes  ou  de  paille,  car  le 
paj^s  est    dénué  d'arbres.    Dans  Wish-rnm  ,   au 
contraire,  les  maisons  étaient  bâties  de  bois,  et 
couvertes  de  grands  toits  inclinés.  Le  planchei- 
se  trouvait  enfoncé  d'environ  six  pieds  au-dessous 
de  la  surface  du  terrain  ;   la  porte,  ouverte  à  une 
des  extrémités ,    était    extrêmement    étroite   et 
basse  ,    de  sorte  (ju'aprcs  l'avoir  fianchie   avec 
quelque  dilliculté  il  fallait  descendre  une  courte 
échelle.  Cette  entiée  incommode  était  apparem- 
ment employée  comme  moyen  défensif ,  et  il  y 
avait,  sans  doute  pour  le  même  motif,  des  espèces 
de  meurtrières  ouvertes  au-dessous  du  toit,  et  par 
lesquelles  on  pouvait  lancer  des  (lèches.  Les  mai - 


4^ 


pouv; 


s 


vm  ' 


Hlf 


sons  ('laicn!  >sr/.  oinndcs,  cl conlcniiieiil  «iéïKMa- 
U^mriil  deux  ou  Mois  ianiillos.  L'un  des  colrs  (in 
Ijàlimcnt  ctail  i^nrni  de  lits  de  i»nlk'.s;  raulrc 
roté  servait  à  emmai^asiner  le  poisson  séelié. 

T.es  opérations  commercial;  des  lial)itanls  de 
Wisli-ram  leur  avaient  donné  des  moyens  d'in- 
formation étendus,  et  avaient  fait  de  leur  villaijfe 
une  sorte  d(;  quartier-f«;énéral  pour  les  nouvelles. 
INI.  Hunt  y  recueillit  donc  des  détails  plus  dis- 
tincts sur  l'établissement  et  sur  les  alïaires  d'As- 
toria.  L'un  des  habitants  avait  été  au  comptoii- 
établi  par  David  Stuirt  sur  rOakinac;an,  et  y  avait 
appris  quelques  mots  d'aiii^iais.  D'autres  répé- 
taient le  nom  de  Mac  Kaj,  le  Partner  qui  avait 
péri  dans  le  massacre  du  Tonquin,  et  donnaient 
quelques  détails  sur  cette  malheureuse  allhire.  Ils 
disaient  qu('  Mac  Kay  était  un  chef  parmi  les 
hommes  blancs  ;  qu'il  avait  bâti  une  £»rande  mai- 
son à  l'embouchure  tie  la  rivière,  mais  ([u'il 
l'avait  quittée  et  s'était  rendu  dans  un  grand  vais- 
seau vers  le  nord,  où  il  avait  été  attaqué  par  de 
méchants  Indiens ,  montés  dans  des  canots. 
M.  Hunt  fut  rempli  d'inquiétude  par  cette  nou- 
velle et  chercha  à  l'approfondir.  On  lui  répondit 
que  les  Indiens  avaient  attaché  leurs  canots  au 
vaisseau  ,  et  qu'ils  avaient  combattu  jusqu'à  ce 
au'ils  eussent  tue  le  chef  et  tout  son  peuple.  C'est 


1; 


i  un  autre  exem 


pie  de  1 


exae 


titud 


e  avee 


la(|:Uelh 


\>\ 


\h) 


m'!:'  ^ 


:>;-\ 


vsrnniA. 

Irs  nouvelles  sonl  Irniismises  de  hoiiclK*  en  hoii- 
clie  p.irnii  les  hihus  indiennes.  (Jiioi(jue  ]\î.  Ilmit 
ne  ernt  ces  réeits  ((n'en  pnrlie  ,  ils  remplirent 
son  esprit  de  som])i'e8  pi-esseiilinienls. 

Il  désirait  se  pro(Mn-ei' des  eanols  pour  d«'S(  ;'n- 
dre  la  Colomhia,  mais  il  n'y  en  avait  pas  de  con- 
venaM(îs  au-dessus  du  détroit.  Il  continua  donc 
à  marelicr  ptMidant  ([ualre  lieiîes,  et  eampa  sur  le 
hoi'd  de  la  rivière.  Le  camp  l'ut  bientôt  environné 
de  Sau\ai»es  maraudeurs  (fui  cherchaient  à  (i(''rol)or 
(pu^hpie  chose.  Déconcert('s  par  la  vii:;ilance  des 
sentinelles,  ils  essayc'renf  d'en  venir  à  hîurs  fins 
par  d'autres  moyens,  \ei-s  le  soir  une  dizaine  de 
iTUcrriers  entrc'rent  dans  le  camp  d'un  air  fanfa- 
ron. Peints  et  (X]uip(''s  comme  pour  livrer  ba- 
taille, ils  étaient  armés  de  lances,  d'arcs,  de  llè- 
clies  et  de  couteaux  à  scalper.  Ils  informèrent 
M.  Ilunt  (pi'une  troupe  de  trente  à  fpiarante 
bravc^s  devait  venir  d'un  villaire  situé  plus  bas 
sur  la  rivière,  pour  attaf]uer  le  camp  et  em- 
mener les  chevaux,  mais  (pi'ils  s'étaient  détermi- 
nés à  rester  avec  lui  pour  h^  défendre.  M.  Hujit 
les  reçut  avec  £;rande  froideur.  Cependant,  quand 
ils  eurent  fini  leur  histoire,  il  leur  donna  une 
pipe  à  fumer.  Il  appela  alors  tout  son  monde  et 
posta  d(^s  sentinelles  dans  différents  endroits, 
mais  en  les  prévenant  de  faire  attention  à  l'inté- 
rieur du  camp  autant  ([u'à  l'extérieur. 


•1 


VSKUtlA.  ()"» 

L<\s  i^ncnlcrs  «'liiicnl  ('\  idcmniciil  déroulés  par 
ces  précautions,  aussi  |  rirent-ils  conij;é,  après 
avoir  fume  Icjr  pipe  cl  évaporé  leur  valeur.  (Ce- 
pendant la  farce  n'cîu  rcsla  pas  là.  Au  hout  de 
quehjue  temps  ils  revinrent  et  inti'oduisirent  un 
aulre  Sauvage,  arrangé  d'uiu^  manière  foi't  lié- 
roïquc.  Us  l'annoncèrent  comme  le  cliefdu  vil- 
lnj;c  belliqueux,  mais  comme;  élant,  de  sa  per- 
sonne, un  grand  pacificateur.  Son  peuple  avait 
une  furieuse  envie  d'attaquer  les  Blancs,  et  les 
aujait  malmenés,  sans  aucun  doute,  si  ce  vaillanl 
chef  ne  s'était  pas  déclaré  leur  ami ,  et  n'avait  pas 
dispersé  les  guerriers  par  son  autorité  et  par  ses 
prouesses.  A^ant  ainsi  vanté  ces  l)ons  oflices,  nos 
comédiens  firent  une  pause  significative.  Us  at- 
tendaient évidemment  une  récompense  propor- 
tionnée à  la  Grandeur  du  service.  M.  Iluntaveiiinit 
encore  sa  pipe,  et  fuma  avec  le  chef  de  ces  dignes 
compères,  mais  ne  fit  pas  d'autre  démonstration 
de  gratitude.  Ils  restèrent  dans  le  camp  toute  la 
uuit.  Au  point  du  jour  ils  s'en  retournèrent  chez 
eux,  déjoués,  l'oreille  basse,  et  n'ayant  eu  que 
de  la  fumée  pour  leur  peine. 

M.  Hunt  tacha  alors  de  se  procurer  des  canots, 
il  y  en  avait,  aux  environs,  plusieurs  qui  étaient 
fort  bien  faits  et  capables  de  porter  trois  mille 
livres  pesant;  mais  M.  Hujit  trou\a  très  diflieile 


1 


(l  en  négocier  r acquisition  avec  un 


peupl 


e  aussi 


p.r-  *'^ . 


!«!' 3  '•' 


m  • 


»I.     !*.. 


^Nt' 


■  vj^^"* 


ilHlJiC' 


jitJii 


1)1)  ASIORIA. 

(I('li(',  «i  <|iii  ,s(fnl>l;iil  Ixmiicouj)  pins  (Mitlinii  no- 
Icr  (|irà  trntujnor.  Muliçrr  In  strich*  i^;ir(le(|iie  l'on 
l'îiisait  nntour  tlii  ciimp,  (lill<''i('nls  ustensiles  (nroil. 
esenmotés  et  plusieurs  cliev.'iux  emnn'ués.  Pnnui 
ceux-ri  se  IrouMiit  la  rnonliuc  cliéiie  de  l*i(M're 
Dorion.  l*oussé  pai*  que  Upie  e.ipriee,  ce  (li£;iie  ]ier- 
soniiage  avait  planté  sa  tente  ii  une  petite  dislaiiee 
(lu  corps  principal;  son  inestimable  coursier  pais- 
sait auprès,  avec  des  entraves.  Cependant  (piand 
l'aurore  se  leva  l'animal  était  disparu,  à  la  .grande 
mystification  de  l'interprète  métis. 

Après  plusieurs  jours  fie  né^^oeiations,  iNf.  îî.iiit 
parvint  à  se  procunn-  le  nond)ie  de  oanols  n»'*- 
ecssaires.  Il  aurait  aouIu  quitter  aussitôt  ce  pnys 
de  larrons,  mais  il  y  l'ut  retenu  juscju'au  5  l'évriei- 
par  des  vents  d'ouest  accompas^nés  de  neipje  et  de 
pluie.  Lorsqu'il  lui  fut  enfin  possible  de  démar- 
rer, il  fut  encore  retardé  par  des  vents  contraires 
et  par  des  temps  orageux.  Cependant  le  c^ouranl 
était  en  sa  faveur  :  le  grand  rapide  fut  passé  au 
moyen  d'un  porlage,  et  les  canots  ne  rencontrè- 
rent plus  d'obstructions.  Enfin,  le  i5  février, 
ayant  fait  le  tour  d'un  promontoire,  nos  aven- 
turiers arrivèrent  en  vue  du  fort  d'AsIoria. 

Après  onze  mois  d'un  pénible  voyage  accompli 
en  grande  partie  dans  des  déserts  dépourvus  de 
routes,  où  la  vue  d'une  Avigvvam  était  une  i'aret('', 
on  peut  imaginer  avec  quelles  délices  les  pauvres 


i 


i  l'on 
ircnl. 
*nrini 
*l(>n<' 
e  \w\" 

•pnls- 
juand 
rande 

iliiiil 

(•  pays 

Ë  et  do 
lémar- 

aires 
:)uranl 
issé  au 
ontiv- 
évrior, 

avcn- 

'oni|)li 
vus  de 
larolr, 
>au\  r(\s 


AMtilUV.  97 

voyageurs   exténuis    aperrurcnl    r<''taf)lisseinrnl 
naissant,  assis  sur  unt;  liaulcur,  aM-e  .ses  magasins, 
SCS  l)aslions,  ses  boulevards  de  paliss.idr's,  eldonii- 
nant  une  belle  petite  l)aie,oùseljalaneait  lran(|uil~ 
K'iiient  à  l'anere  une  i'iaeieusc;  einbareation.  Un 
eri  de  joie  s'éehappa  de  ehacpie  eanot  à  ec^le  vue 
long-temps  souhaitée.  On  traversa  la  l)aic,  on 
poussa  promptement  au  rivage.  Tous  les  Astoriens 
s'étaient  empressés  d'y  deseendre  pour  reeevoir 
et  pour  félieilcr  leurs   compaliioles.  Tarnii   les 
premiers  à  les  eomplimentcr  sur  leur  débarcpu'- 
nient,  se  trouvaient  (piekpies-uns  de  leurs  anciens 
camarades  de  souHraîJce,  qui   s'étaient   séparés 
(l'eux  à  la  Chaudière.  C(!ux-ci,  sous  la  conduite  de 
Reed,  de  Mac  Leilan  et  de  Mac  Kenzie,  avaient 
atteint  Asloria  près  d'un  mois  auparavant.  Con- 
naissant par  leur  propre  expérience  tous  les  dan- 
gers qu'avaient  dii  courir  M.  Ilunt  et  ses  com- 
pagnons, ils  les  avaient  regardés  comme  perdus. 
Leurs  salutations  en  furent  d'autant  plus  chaudes 
ei,  plus  cordiales.  Quant  aux  Canadiens,  leurs  fé- 
licitations mutuelles  étaient,  comme  à  l'ordinaire, 
bruyantes  et  exagérées.  Il  était  presque  ridicule 
de  voir  ces  anciens  confrères  s'embrasstu*  et  se 
baiser  l'un  l'autre,  avec  des  éclats  de  joie. 

Quand  les  premiers  compliments  furent  pas- 
sés ,  les  didërentes  bandes  échangèrent  le  récit  de 
leurs  aventures  muluelles  depuis  ([u'elles  s'étaient 


H. 


fc'«fl 


'^•lii., 


1». .' 


11."'  ' 


(^K  \.ST()iU\. 

s(^nan'C.s  à  la  rlviôrt'  cirs  Scrprnts.  Nous  en  inp- 
porterons  l)rièv<MnoMt  les  princijxilcs  circonstan- 
ces. Le  lecteur  se  rapp("llera  ((ii'un  petit  détache- 
ment avait  suivi  le  cours  de  la  rivière,  sous  la 
conduite  de  John  Heed  ,  l'un  des  clercs  de  la  Com- 
pat^nie;  cpie  peu  de  temps  après  un  autre  était 
parti  sous  les  ordres  de  M.  MacLellan;  un  autre 
enfin  dans  une  dillérente  direction,  sous  ceux  de 
M.  Mac  Kcnzie.  Après  avoir  erré  pendant  plu- 
sieurs jours  sans  voir  dlndiens  et  sans  pouvoir 
se  procurer  aucune  provision,  ces  trois  détache- 
ments s'étaient  rencontrés  fortuitement  parmi 
les  montai»nes  de  la  rivière  des  Serpents,  à  quel- 
que distance  au-dessous  du  détroit  désastreux  qui 
avait  été  nommé  le  Trou  du  Diable. 

Quand  ils  furent  ainsi  réunis  leur  troupe  com- 
prenait Mac  Kenzie,  Mac  Leiian,  Reed  et  huit 
hommes,  principalement  Canadiens.  Se  trouvant 
tous  dans  la  même  situation,  sans  chevaux,  sans 
renseignements  d'aucune  espèce,  ils  convinrent 
qu'il  était  plus  qu'inutile  de  retourner  auprès  de 
M.  Hunt  pour  l'embarrasser  de  tant  de  bouches 
affamées,  et  que  leur  seule  ressource  était  de  sor- 
tir aussi  vite  que  possible  de  cette  région  désolée, 
afin  de  se  diriger  de  leur  mieux  vers  la  Colombia. 
Ils  continuèrent  en  conséquence  à  suivre  le  cours 
de  la  rivière  des  Serpents,  gravissant  les  rocs  et 
les  montagnes,  et  surmontant  toutes  les  difïicul- 


P41 


np- 

:hc- 
s  la 

oin- 
plait 
ulrc 
IX  de 
plu- 
ivoir 
[\che- 
wrmi 
quel- 
,x  qui 

1  com- 
huit 
uvaiit 

SB  11» 

nrent 
rès  de 
mches 
e  sor- 
fsolée, 
mbia . 
cours 
;ocs  et 
Iflicul- 


U'*»  (les  (It'lih'vs  ,  (|ul,  après  l.i  cliiile  dos  neii^cs  , 
lureul  trouvés  imprntic.iMes  par  MM.  Hiint  et 
Crooks. 

Quoi({ue  coiislamnu'iit  auprès  des  bords  de  la 
rivière,  et  pendant  une  grande  partie  du  temps 
en  vue  de  ses  eaux,  l'une  de  leurs  plus  grandes 
soullranees  était  la  soif.  La  rivière  s'ctant  creusé 
un  profond  chenal  entre  des  montagnes  rocheuses 
d('"pourvucs  de  ruisseaux  et  de  sources,  ses  berges 
étaient  si  hautes  et  si  abruptes  ((u'il  s'y  trouvait 
rarement  un  endroit  où  nos  voyagems  pussent 
desetîndrc  sui-  la  plage.  Ils  souffraient   fréquem- 
ment, durant  des  journées  entières,  les  tourments 
de  Tantale,  voyant  constamment  de  feau  cou- 
rante, et  cependant  dévorés  par  la  soif  la  plus 
cruelle.  Çà  et  là  ils  rencontraient  de  l'eau  de  pluie 
rassemblée  dans  le  creux  des  rochers;  mais  plus 
d'une  fois  ils  furent  réduits  par  la  soif  à  toute 
extrémité,  et  quelques-uns  des  hommes  eurent 
recours  aux  derniers  expédients  poiu*  éviter  de 
périr. 

Ils  soulfraient  éfjalement  de  la  faim,  ne  ren- 
contrant aucun  gibier,  et  ne  subsistant  que  de  la- 
nières de  peaux  de  castor,  grillées  sur  du  char- 
bon. Ces  lanières  leur  étaient  distribuées  en  pe- 
tites portions  à  peine  suffisantes  pour  supporter 
leur  existence,  et  qui,  à  la  fin,  leur  manquèrent 

ils  continuaient  à  avancer 


tout- 


Cependi 


\\l^ 


4'ii'-iê-' 


i',"i 


'r'^'i 


ik'^^ 


Ml  », 

ti'i 


I 


m'  ' 


iOO  ASTORIA. 

lentement  el  en  pouvant  à  peine  se  traîner,  jus- 
qu'au moment  où  un  violent  orage  de  neii^c  les 
força  de  faire  une  pause.  Dans  leur  état  d'épuise- 
ment il  leur  était  Impossible  de  lutter  contre  un 
semblable  obstacle.  Ils  se  serrèrent  donc  l'un 
contre  l'autre ,  à  l'abri  d'un  rocher  surplombant, 
et  se  préparèrent  à  subir  leur  cruelle  destinée. 
Dans  cette  situation  critique,  quand  la  famine 
semblait  se  dresser  comme  un  spectre  devant  eux, 
Mac  Lellan ,  en  levant  les  yeux  ,  aperçut  une 
Longue-corne  qui  s'abritait  aussi  sous  un  ro- 
cher, au  penchant  du  mont.  Comme  il  était 
encore  plus  actif  qu'aucun  des  ses  camarades ,  et 
de  plus  excellent  tireur,  il  partit  pour  arriver  à 
portée  de  l'animal.  Ses  compagnons  épiaient  ses 
mouvements  avec  anxiété ,  car  leur  vie  dépendait 
du  succès.  Il  fit  un  prudent  circuit,  gravit  la 
montagne  dans  le  plus  profond  silence,  et,  à 
la  fin ,  arriva  à  une  dislance  convenable  sans 
avoir  été  aperçu  de  l'animal.  Il  le  coucha  en  joue 
d'une  main  sûre,  et  le  jeta  mort  sur  la  place; 
circonstance  fortunée,  car  s'il  n'avait  été  que 
blessé,  Mac  Lellan  n'aurait  pas  eu  la  force  de  le 
poursuivre.  La  pente  du  mont  lui  permit  de 
rouler  le  corps  à  ses  compagnons,  qui  étaient  trop 
faibles  pour  gravir  les  rochers.  Us  se  mirent  aus- 
sitôt à  le  dépecer,  mais  ils  montrèrent  une  singu- 
lière force  de  laison  pour  des  hommes  affamés 


.; 


VSTOlUA.  loi 

autant  qu'ils  relaient,  car  ils  se  conlentèrenl , 
pour  le  moment,  d'une  soupe  faite  avec  les  os 
de  l'animal,  et  en  réservèrent  la  viande  pour  de 
futurs  repas.  Ce  secours  providentiel  leur  donna 
la  force  de  poursuivre  leur  voyai^e  dans  cette 
ré£*ion  désolée,  où  ils  subirent  encore  des  épreuves 
presque  aussi  cruelles,  et  dont  ils  ne  sortirent 
enfin,  avec  la  vie  sauve,  que  grâce  h  leur  petit 
nombre. 

A  la  lin  ,  après  vingt  et  un  jours  de  fatigues 
et  de  souffrances,  ils  se  trouvèrent  hors  des  mon- 
tagnes ,  et  arrivèrent  à  un  affluent  de  la  rivière 
Lewis.  Là  ils  rencontrèrent  des  chevaux  sau- 
vages, les  premiers  qu'ils  eussent  vus  ii  l'ouest 
lies  Montagnes  Rocheuses.  S  étant  ensuite  diri- 
gés vers  la  rivière  Lewis ,  ils  trouvèrent  sur  ses 
bords  une  tribu  d'Indiens  hospitaliers  qui  satis- 
firent libéralement  à  leurs  besoins.  Ils  achetèrent 
deux  canots  dans  lesquels  ils  descendirent  cetl<; 
rivière  jusqu'à  son  coniluent  avec  la  Colombia. 
Une  fois  sur  celle-ci  ils  s'abandonnèrent  au 
courant,  qui  les  amena  à  Astoria,  pales,  décharnés, 
et  complètement  déguenillés. 

Tous  les  chefs  de  l'expédition  se  liouvaient 
ainsi  réunis,  excepté  M.  Crooks;  mais  on  con- 
servait peu  d'espérance  de  son  salut,  vu  l'état 
de  faiblesse  dans  lequel  on  avait  élé  obligé  de 
l'abandonner,  .m  milieu  du  d<''sert. 


179i>i)4 


■  !•('■ 


•«•4 


102  ASTOIUA. 

Les  Astoriens  organisèrent  une  fête  pour  célé- 
brer l'arrivée  de  M.  Hunt  et  la  joyeuse  réunion 
des  aventuriers  dispersés.  Les  couleurs  nationales 
furent  arborées;  les  canons,  grands  et  petits, 
rententirent  :  on  fit  un  somptueux  repas  de 
poisson ,  de  castor  et  de  venaison ,  fameuse  chère 
pour  des  hommes  qui  avaient  été  si  longtemps 
enchantés  de  festoyer  avec  de  la  viande  de  cheval 
et  de  chien.  Une  libérale  distribution  de  grog 
augmenta  la  joie  générale ,  et  comme  à  l'ordinaire 
la  fête  se  termina  par  une  grande  danse ,  exécutée 
le  soir  par  les  Voyageurs  canadiens  '  ; 

'  La  distance  de  Saiiit-Louis  à  Astoria,  jiar  la  route  que 
suivit  M.  Hunt,  est  d'au  moins  1,170  lieues,  quoique  en  ligne 
directe  elle  n'exci.'de  pas  600  lieues. 

L'expédition  était  partie  de  Mackinaw  le  12  août  1810. 
De  Saint-Louis,  le  21  octobre  de  la  même  année. 
Des  quartiers  d'hiver  de  la  Nodowa  en  avril  181 1. 
D'Aricara  ,  le  18  juillet  de  la  même  année. 
Elle  arriva  à  Astoria  le  5  février  1812^ 
Le  Tonquin ,  parti  de  INcw-Yoïk   le  8  septembre  i8io, 
était  airi\é  à  renibouthnif  do  la  T.olouïbia  le  22  mars  181 1 


ii'îlii 


^. 


^ 


CHAPITRE  XXXVIII. 


Disolle  (Iiiraiit  l'hiver.  —  Mauvais  territoire  <lo  chasse.  -  Re- 
tour (le  la  saison  de  pèche.  —  I/iithIccan  ou  éperlan.  — 
I/estur^ron.  —  Le  saumon.  Nature  ^\^\  pavs  le  long  «le  la 
<-ùle. —  Plantes.  --  Quadrupèdes.  —  Oiseaux.  —  Ueptiles.  — 
(]liinat  à  l'ouest  des  Montagnes.  —  Houceu»- de  la  tempéra - 
lure.  —  Sol. 


L'hiver  se  passn  tranquillement  i\  Asloria. 
Ijes  craintes  qu'on  y  avait  eues  d'être  attaqué  par 
les  Natmels  s'étaient  dissipées.  Au  contraire, 
à  mesui-e  que  la  saison  avançait,  la  plupart  des 
Indiens  avaient  quitlc  \^  voisinage  de  la  mer,  de 
.sorte  que  faute  de  leur  secours  les  colons  étaient 
cpielquefois  fort  à  court  de  provisions.  Les  chas- 
seurs de  l'établissement  faisaient,  avec  peu  de 
succès,  de  fréquentes  et  lon£»ues  excursions.  Il 
y  avait  bien  dans  le  voisinage  quelques  daims, 
quelques  ours,  et  des  élans  en  grand  nombre; 
mais  le  pays  était  si  difficile,  les  bois  si  épais  et 
si  impénétrables,  qu'il  était  presque  impossible 
d'atteindre  le  gibier.  D'ailleurs  les  pluies  habi- 
tuelles de  l'hiver  empêchaient  les  chasseurs  de 
tenir  leurs  armes  en  bon  état.  Les  provisions 
qu'ils  rapportaient  n'étaient  donc  pas  bien  consi- 
dérables, et  l'on  fut  fréquemment  obligé  de  ré- 


1 

9 

» 


*•!»«        -^    ■■ 


!<»'; 


m» 

if 

il '? 


iO|  VSKMUA. 

claire  les  lalioiis.  \  cis  le  priiileiiips ,  ccpendaiiL, 
commença  la  saison  de  la  péelie;  c'est  la  saison  de 
l'abondance  sur  la  Colomhia.  Dans  les  premiers 
jours  de  février,  on  vit  arriver  à  l'embouchure  de 
la  rivière  de  petits  poissons,  loni^s  d'environ  six 
pouces,   appelés  par  les  Naturels  ulhlecaiis ,  et 
f[ui  ressemblent  à  l'éperlan  de  mer.  On  dit  que 
le  goût  en  est  délicieux,  qu'ils  brûlent  comme 
une   chandelle,   tant   ils  sont   gras,  et  que  les 
Indiens  en  font  souvent  usage  pour  s'éclairer. 
Ils  entrent  dans  la  rivière  par  colonnes  immenses 
et  serrées,  qui  ont  souvent  plus  de  cinq  pieds 
d'épaisseui".   Les  Naturels  les  prennent  dans  de 
petits  filets,  attachés  au  bout  de  grandes  perches. 
De  cette  manière  ils  en  ont  bientôt  rempli  leurs 
canots,  ou  bien  ils  en  forment  de  grands  tas  sur  le 
bord  de  la  rivière.  Leurs  femmes  les  font  sécher 
en  les  suspendant  à  drs  cordes,   et  ces  petits 
poissons  deviennent  ainsi  un  des  articles  impor- 
tants de  leur  nourriture. 

Comme  l'uthlecan  ne  remonte  pas  loin  au- 
dessus  de  l'embouchure  de  la  rivière ,  son  arrivée 
ramena  bientôt  les  Indiens  sur  la  côte.  Ils  ne 
manquèrent  pas  de  venir  commercer  à  la  facto- 
terie,  et  depuis  ce  temps  ils  l'approvisionnèrent 
de  poisson  en  abondance. 

L'esturgeon  fait  son  apparition  dans  la  rivière 
peu  de  temps  après  l'uthlecan.  Les  Naturels  le 


% 
'^' 


^.  Il 


I 

1 


\sioi;iA.  lo") 

jneinienl  de  (lillrrcults  inuniciTs.  Qnehiuefois  ils 
le  liaiporineiil,  mais  plus  souvent  ils  se  ser>eul 
(le  la  iii^ne  et  du  (ilet.  D'autres  fois  ils  jettent 
dans  l'eau  une  corde  dont  un  hout  est  allachc  à 
une  bouée  qui  surnage,  tandis  que  l'autre  extié- 
niitë  est  chaigce  d'un  gros  poids.  Des  hameçons 
sont  fixés  à  cetle  corde  et  amorcés  avec  de  petits 
poissons.  On  la  pose  ordinaiiement  vers  le  soir, 
et  le  lendemain  matin  on  y  trouve  souvent  plu- 
sieurs esturgeons  accrochés;  car,  quoique  ce  soit 
un  poisson  grand  et  fort,  il  ne  fait  que  peu  de 
résistance  quand  il  se  sent  pris.- 

Le  saumon,  qui  est  aussi  important  pour  les 
tribus  pêcheuses  de  la  Colombia  que  le  bison  pour 
les  chasseurs  des  Prairies,  n'entre  dans  la  rivière 
que  vers  la  fin  de  mai.  Depuis  lors  jusqu'au  mi- 
lieu d'août  il  est  très  abondant.  On  le  prend  en 
grande  quantité,  soit  :ivec  le  harpon,  soit  avec 
la  seine,  et  principalement  dans  les  endroits  oii 
l'eau  est  profonde.  Une  espèce  inférieure  arrive 
ensuite  et  continue  à  abonder  depuis  le  mois 
d'août  jusqu'à  celui  de  décembre.  Cette  espèce 
se  fait  remarquer  par  une  double  rangée  de  dents, 
extrêmement  aiguës,  qui  lui  ont  valu  le  nom  de 
saumon  à  dents  de  chien.  On  le  tue  céné- 
ralement  avec  le  harpon  dans  les  petites  rivières; 
et  on  le  fume  pour  l'hiver.  Nous  avons  déjà  rap- 
porté, dans  le  cliapilre  X,  k\v  quelle  manièrcî  les 


\ 


I 


!f'' 


m .  >i 


■('6 


*';it 


hîla,   . 


>'♦■ 


»''* 


io()  \.SIOI«l\. 

saumons  sont  pris  et  pr(^parës  aux  rluitt's  de  la 
Colombia,  puis  divisés  en  paquets  destinés  h  l'ex- 
portation. L'établissement  d'Astoria  lirait  en 
grande  partie  ses  ressources  précaires  de  ces  difFé- 
rentes  pêcheries  des  Sauvages. 

Une  année  de  résidence  à  l'embouchure  de  la 
Colombia  et  plusieurs  expéditions  dans  l'inté- 
rieur, avaient  alors  valu  aux  Astoriens  cpielque 
connaissance  du  pnjs.  Toute  la  côte  est  extrê- 
mement inégale  et  montueuse.  Elle  est  couverte 
d'épaisses  forêts  de  pins  (pinus  canadensis,  L.), 
de  cèdres  blancs  (cupressus  thuyoïdes,  L.),  de 
cèdres  rouges  (juniperus  virginiana,  L.),  de  coton- 
niers, de  chênes  blancs,  de  f'ênes  blancs  (fraxi- 
nus  acuminata,  Lamarck),  de  frênes  des  marais 
(Swamp  ash),  de  saules  et  de  quelques  noyers. 
Sous  ces  arbres  végètent  des  arbrisseaux  aroma- 
tiques, des  vignes  vierges,  des  vignes  et  d'autres 
plantes  grimpantes  qui  rendent  les  forêts  presque 
impénétrables.  Enfin,  on  y  trouve  des  baies  de 
différentes  espèces,  telles  que  des  groseilles,  des 
groseilles  à  maquereau^  des  fraises,  des  framboises 
rouges  et  blanches,  des  sorbes,  des  migres,  des 
ronces,  des  prunelles  et  des  airelles.  (Oxycoccus 
macrocai'pus,  Pursh.; — amclanchier  botrjapium, 
Lindl.;  —  pyrus  arbutlfolia,  L.  ; 


cerasus  vn'- 


gnnana. 


armi 


les  li 


vaccniium  uiicnïosum 


')• 


ta  nés  il  en  est  une  (|ui  mcrUc  une 


^ 


^ 


ASTOIUA.  107 

mention  particulière.  Cliarfuc  Heur  est  composée 
de  six  pétales  qui  ont  environ  trois  pouces  de 
loni^  et  sont  d'un  beau  cramoisi,  avec  des  taches 
blanches  à  l'intérieur.  Les  feuilles,  d'un  beau 
vert,  sont  ovales  et  disposées  trois  à  trois.  Cette 
plante  grimpe  sur  les  arbres  sans  s'y  attacher  : 
quand  elle  a  atteint  les  branches  supérieures  elle 
redescend  perpendiculairement,  et,  continuant 
de  croître,  elle  s'étend  d'arbre  en  arbre,  et  s'en- 
trelace dans  les  branches  comme  les  agrès  d'un 

::à  vaisseau.  Les  tiges  de  cette  plante  sont  plus  fortes 
et  plus  flexibles  que  le  saule,  et  ont  depuis  cin- 
quante jusqu'à  cent  brasses  de  longueur.  Avec  ses 
libres,  les  Indiens  fabriquent  des  paniers  telle- 
ment serrés  qu'ils  peuvent  contenir  de  l'eau. 

Les  principaux  quadrupèdes  remarqués  par  les 
Astoriens  dans  leurs  expéditions  sont  le  cerf,  le 
daim,  l'ours  noir  et  l'ours  gris,  l'antilope,  la 
Longue-corne,  le  castor,  la  loutre  de  mer,  la 
loutre  de  rivière,  le  rat  mus({ué,  le  renard,  le 
loup  et  la  panthère.  Mais  celle-ci  est  extrême- 
ment rare.  Les  seuls  animaux  domestiques  des 
îNaturels  étaient  le  cheval  et  le  chien. 

Le  pays  est  abondamment  peuplé  d'oiseaux  de 
terre  et  «l'oiscaux  aquatiques,  tels  que  le  cygne, 
l'oie  sauvage,  le  brandt^  les  canards  de  toutes  es- 

l|  pèces,  le  pélican,  le  héron,  la  mouette,  la  bécas- 
sine, le  courlieu,  l'aigle,  le  vauloin,  la  coi  neille, 


4 


Ijffflw   1. 


■H 


h   II 


oS 


.\ST()I«I  A 


frvf 


le  corbean,  la  pie,  le  i^rimpereau,  le  pii^eoii,  la 
perdrix,  le  faisan,  le  IVaiicolin,  et  une  <»raiule 
(juantitë  d'oistîanx  chanteurs. 

Il  se  trouve  aux  environs  peu  de  reptiles  :  les 
seules  espèces  dangereuses  sont  le  serpent  à  son- 
nettes, et  un  autre  serpent,  long  d'environ  quatre 
pieds,  dont  la  cuirasse  est  rayée  de  noir,  de  jaune 
et  de  blanc. 

Parmi  les  lézards,  il  y  en  a  un  dont  le  corps 
a  neuf  ou  dix  pouces  de  longueur,  et  trois  pouces 
de  circonférence.  Sa  (pieue  est  ronde  et  de  la 
même  longueur  que  son  corps  ;  sa  tête  est  trian- 
gulaire, et  couverte  de  petites  écailles  carrées.  La 
partie  supérieure  de  son  corps  est  pareillement 
armée  de  petites  écailles  vertes,  jaunes,  noires  et 
bleues.  Chaque  pied,  composé  de  cinq  doigts,  est 
garni  d'ongles  Irèsforts  dont  l'animal  se  sert  poui- 
creuser  la  terre,  car  il  habite  des  terriers  dans 
la  plaine. 

Un  fait  remarquable  ,  et  qui  caractérise  les 
contrées  situées  à  l'ouest  des  Montagnes  Ro- 
cheuses ,  c'est  la  douceur  et  l'égalité  de  la  tempé- 
rature. Cette  grande  barrière  montagneuse  di- 
vise le  Continent  en  ditïérents  climats,  sous  les 
mêmes  degrés  de  latitude.  Les  hivers  rigoureux, 
les  étés  étoulfanls,  et  toutes  les  capricieuses  iné- 
galités de  température  (jui  piévalent  du  côté  de 
l'Atlantique,  se  font  peu  i  csscntir  sur  les  pentes 


M 


Life»  K 


I 

i 


'4 


vsroiuA.  i(i<) 

occideiUalesilos  Moiit;j£i;nos.  I^rs  pn^s  silurseiilic 
«Ih's  et  rOccan  Pncifiqur,  sont  favorisés  (riinc 
température  douce  et  striJîle  qui  resseml)le  à  celle 
(les  mêmes  latitudes  en  Europe.  Dans  les  plaines 
et  dans  les  vallées,  il  ne  lonihe  que  peu  de  neii^e 
pendant  l'hiver.  Elle  fond  ordinairement  en  tom- 
bant, et  rarement  elle  reste  sur  la  terre  plus  de 
deux  jours  de  suite,  excepté  dans  les  montagnes. 
Les  hivers  sont  pluvieux  plutôt  que  froids.  Durant 
cinq  mois,  depuis  le  milieu  d'octobre  jusqu'au 
milieu  de  mars,  les  pluies  sont  presque  conti- 
nuelles, et  souvent  accompagnées  d'éclairs  et  d'et- 
froyables  coups  de  tonnerre.  Les  vents  dominants 
en  cette  saison  sont  ceux  du  sud  et  du  sud-est;  ils 
amènent  généralement  de  la  pluie.  Ceux  du  nordet 
du  sud-ouest  sont  les  présages  du  beau  temps.  Du 
milieu  de  mars  au  milieu  d'octobre,  c'est-à-dire 
durant  sept  mois ,  l'atmosphère  est  sereine  et 
délicieuse.  11  ne  tombe  presque  jamais  de  pluie 
pendant  cet  intervalle,  mais  la  verdure  est  rafraî- 
chie par  les  rosées  de  la  nuit,  et  quelquefois  par 
des  brouillards  humides,  le  matin.  Ces  brouillards 
ne  paraissent  pas  être  nuisibles  à  la  santé,  car  les 
Blancs,  aussi  bien  que  les  Naturels,  dorment  im- 
punément en  plein  air.  Tandis  que  cette  tempé- 
rature douce  et  égale  prévaut  dans  le  bas  pays, 
les  cimes  des  vastes  montagnes  qui  le  dominent 
sont  couvertes  de  neiges  perpétuelles.  Elles  s'a- 


Kl 

1» 


•-•1 


m- 


IIO  ASTOUIA. 

periîoiveut  ainsi  à  de  très  i^randes  distances ^  et, 
comme  de  brillants  nuages  d'été,  se  parent  sou- 
vent de  couleurs  aériennes.  Elles  forment  tou- 
jours un  des  traits  les  plus  frappants  de  ces  vastes 
paysages. 

La  douceur  habituelle  de  la  température  est 
attribuée  aux  vents  qui  viennent  de  l'Océan  Paci- 
fique. Du  20"  degré  de  latitude  nord  jusqu'au 
5o^  degré,  au  moins,  ce  sont  eux  qui  tempèrent 
les  chaleurs  de  l'été ,  de  sorte  qu'à  l'ombre  on 
n'est  point  incommodé  par  la  transpiration.  Ce 
sont  eux  qui  adoucissent  aussi  les  rigueurs  de 
l'hiver,  produisant  ainsi  un  climat  si  modéré,  que 
les  habitants  peuvent  porter  les  mêmes  vêtements 
durant  toute  l'année. 

Dans  le  voisinage  de  la  côte  ,  le  sol  est  d'une 
couleur  brune  tirant  un  peu  sur  le  rouge.  Il 
est  généralement  pauvre  et  formé  d'un  mélange 
d'argile  et  de  gravier.  Dans  l'intérieur,  et  prin- 
cipalement dans  les  vallées  des  Montagnes  Ro- 
cheuses, il  est  ordinairement  noirâtre,  et  quel- 
quefois jaune  ;  il  est  souvent  mêlé  de  marne  et 
de  substances  marines  en  état  de  décomposition. 
Cette  espèce  de  sol  a  une  épaisseur  considéraîîle , 
comme  on  peut  le  remarquer  dans  les  profondes 
coupures  formées  par  le  cours  des  eaux.  La  végé- 
tation est  beaucoup  plus  riche  dans  ces  vallées 
qu'au  bord  de  la  côte  :  et  c'est  dans  ces  inter^ 


N 


Hii* 


|ij 


I  ■■« 


vsroni V.  i i  | 

valles  i'erlilcî»  ,  cnlermrs  enlre  tics  cliaîiies  ro- 
cheuses, ou  creusés  thms.tles  plateaux  stériles, 
que  la  population  doit  s'éteiulrc  et  se  ramifier,  si 
jamais  les  réj^ions  situées  au  delà  des  Montagnes 
deviennent  civilisées. 


\  f: 


Ml 


H: 


CIIAPITUE   XXXIX. 


Nalun-ls  des  environs.  —  Leurs  niffuis.  —  Leurs  armes.  — 
L^sage  d'aplatir  la  tèle.  —  (iruvauces  rdij^'ieuses.  —  Prêtres 
nu  nu'decins.  —  Les  idoles  ri\ales.  -  Poivra mi<' ,  eaiise  de 
grandeur.  — (luerre  iiiiioeent»'.  -  IMiisir|ne,  <larise  .  jeu. 
Voleurs  vertueux.  —  llorreiu'  de  l'ivrognerie.  --  Indigualion 
de  Coincond} . 


1 


ti 


Nous  avons  drjà  doniio  (|ii('l(|iics  lU'lnil.s  sur  \cs 
tribus  ([ui  existaient  vers  la  partie;  inférieure  de 
la  Colombia,  au  temps  de  l'établissement.  Nous 
ferons  bien,  peut-être,  d'y  ajouter  de  nouvelles 
particularités.  Les  quatre  tribus  les  plus  proches 
d'Asloria,  et  avec  lesquelles  les  marchands  avaient 
le  plus  de  rapports,  étaient,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit,  les  Chiuooks,  les  Clatsops,  les  Wahkia- 
cuuis  et  les  Cathlamels.  Les  Chinooks  habitaient 
principalement  les  bords  d'une  rivière  qui  por- 
tait le  même  nom  qu'eux.  Cette  rivière  se  je! le 
dans  la  baie  de  Baker,  à  peu  de  milles  du  cap 
Désappointement,  après  avoir  coulé  parallèlement 
au  bord  de  la  mer,  à  travers  une  terre  basse  et 
remplie  de  marais  stai^nanls.  C'était  la  tribu  sur 
laquelle  réi^nait  le  chef  borgne  Comcomlj  :  elle 
s'enorgueillissait  de  compter deux-ccnt-quatoize 


A.STORU.  1  I  •) 

j»n('rrl<'rs.  La  subsistance  de  cette  tribu  ^tait  prin- 
cipalement composée  de  poisson,  mais  elle  se  ré- 
i;alait  rpielcpicfois  de  la  chair  de  l'élan,  du  daim 
et  des  oiseaux  sauvacjes  des  marais  voisins. 

Les  Cialsops  résidaient  des  deux  côtés  de  la 
Point<;-A(lam.  Cen'étaientplus  quelles  restes  d'une 
tribu  (|ui  avait  été  presque  entièrement  détruite 
par  la  petite  vérole.  Elle  ne  comptait  i^uère  qu<* 
cent  quatre-vingts  combattants. 

LesWahkiacums,  ou  Waak-i-cums  habitaient 
le  côté  septentrional  de  la  Golombià ,  et  comp- 
taient soixante-six  i^uerriers.  Ils  ne  formaient 
nrii^inairement  (jii'une  tribu  avec  les  Chinooks; 
mais,  deux  f^éncrations  avant  l'arrivée  d<'s  colons, 
ïuie  dispute  s'ctant  élevée  entre  le  chef"  répnant 
et  son  frère  Wahkiacum,  celui-ci  s'était  séparé, 
avec  ses  adhérents,  et  avait  formé  la  horde  qui 
continue  à  porter  son  nom.  C'est  ainsi  que  de 
nouvelles  tribus  surprissent  chez  les  Sauvages,  et 
qu'il  s'engendre  continuellement  des  causes  ca- 
chées d'hostilités. 

Les  Cathiamets  habitaient  en  face  du  village  le 
plus  bas  des  Wahkiacums.  Ils  comptaient  quatre- 
vingt-quatorze  guerriers. 

Ces  quatre  tribus  paraissent  avoir  toutes  la 
même  origine,  car  ceux  qui  les  composent  se  res- 
semblent de  figure,  d'habit,  de  langage  et  de 
manières,  ils  ont  communément  moins  de  cinq" 

n.  8 


■H 
■'■   \ 


m 


£'••  -I 


kl*. 


ft. 


% 


1  l/|  ASTORIA. 

pieds  un  pouce.  Leurs  jambes  sont  cagneuses  et 
leurs  chevilles  épaisses.  CiCla  provient  de  la  quan- 
tité de  temps  qu'ils  passent  dans  leurs  canols, 
assis,  ou  plutôt  accroupis  sur  leurs  mollets  et  sur 
leurs  talons,  lis  conservent  même  à  terre  cette 
posture  favorite.  Les  femmes  augmentent  cette 
difformité  en  portant  autour  des  chevilles  des 
bandages  serrés,  qui  empêchent  la  circulation  du 
sang  et  qui  font  enfler  les  m^iscles  de  In  jambe. 

Ni  l'un  ni  l'autre  sexe  ne  peuvent  avoir  de  pré- 
tentions à  la  beauté.  I^ur  visage  est  rond,  leurs 
yeux  petits,  mais  animés.  Leur  nez  est  large 
et  plat  au  sommet  :  le  bout  en  est  gros  et  les 
narines  sont  grandes.  Ils  ont  la  bouche  grande, 
les  lèvres  épaisses,  les  dents  petites,  irrégulières 
et  sales.  A  l'oue&t  des  Montagnes  Rocheuses ,  on 
voit  rarement  de  bonnes  dents  parmi  les  Sau- 
vages, qui  vivent  principalement  de  poisson. 

Dans  le  commencement  de  leurs  rapports  avec 
les  Blancs,  les  Naturels  n'avaient  que  des  vête- 
ments fort  insuffisants.  Pendant  l'été,  les  hommes 
étaient  entièrement  nus;  pendant  l'hiver,  ils  por- 
taient une  petite  robe  faite  de  peaux,  ou  de  la 
laine  du  mouton  de  montagne  (mountain  sheep). 
Quelquefois  ils  se  couvraient  d'un  manteau  de 
natte  pour  encarter  la  pluie,  mais  ayant  ainsi  pror- 
tégé  leur  dos  et  leurs  épaules,  ils  laissaient  nu 
le  reste  de  leur  corps. 


^i 


' 
j 


i'it ,.' 


.\5roiUA, 


1  I  :.» 


Les  femmes  portaient  des  robes  semblables  à 
celles  des  hommes,  mais  plus  comtes,  et  qui  ne 
descendaient  pas  au-dessous  de  la  taille.  De  la 
ceinture  aux  ij;cnoux  elles  avaient  une  espèce  de 
frange,  formée  des  libres  de  l'écorce  du  cèdre;  ou 
bien  une  sorte  de  jupon,  fabriqué  avec  des  fila- 
ments de  jucca  (silk  grass,  jucca  filamentosa, 
Lam.),  entrelacés  et  noués  aux  extrémités.  C'était 
là  leur  vêtement  ordinaire  dans  l'été.  Si  le  temps 
devenait  froid,  elles  y  ajoutaient  une  vesttî  de  peau 
pareille  à  la  robe 

Les  hommes  s'enlevaient  soiii;iieusemenl  tous 
les  poils  de  la  barbe,  car  ils  la  considèrent  comme 
une  grande  dilformité.  Ils  regardaic  nt  avec  dé- 
i:oùt  les  moustaches  et  les  mentons  bi<'n  fournis 
des  Blancs^  qu'ils  appelaient,  par  dérision,  les 
Loi)  gués -barbes.  Au  contraire  les  deux  sexes 
étaient  orgueilleux  de  leur  chevelure,  qui  est  or- 
dinaii*^ment  noire  et  assez  rude.  Ils  la  laissaient 
pousser  de  toute  sa  longueur,  et  en  étaient  fort  soi- 
gneux. Quelquefois  ils  la  portaient  nattée;  quel- 
quefois ils  la  roulaient  autour  de  leur  tête  d'une 
manière  fantasque.  On  ne  pouvait  leur  faire  de 
plus  grand  alFront  que  de  couper  leurs  bouchs 
chéries.  ' 

Li?urs  chapeaux  étaient  coniques  et  proprement 
tressés  des  tiges  de  l'herbe  aux  ours  (bear  grass), 
ou  des  libres  de  l'écorce  du  cèdre.  Us  étaient  or- 


i 


w 


iiir 


tiV. 


la 


[i  r; 


1  l6  ASTOnU. 

Iles  (le  dessins  de  rlitfëreiites  formes  et  de  dittë- 
rentes  couleurs.  Quelquefois  c'étaient  simplement 
des  carres  et  des  triangles  ;  d'autres  fois  des  re- 
présentations grossières  de  canots,  avec  des  hom- 
mes péchant  et  harponnant.  Ces  chapeaux  étaient 
extrêmement  durables  et  presque  à  l'épreuve  de 
l'eau. 

Les  hommes  portaient,  pour  ornement  favori  , 
des  colliers  de  griffes  d'ours,  orgueilleux  trophées 
de  leurs  exploits  de  chasse;  les  femmes  avaient 
des  colliers  de  dents  d'élan. 

L'arrivée  des  marchands  blancs  opéra  bientôt  un 
changement  dans  la  toilette  des  deux  sexes.  Ils  de- 
vinrent passionnés  pour  tous  les  objets  de  costume 
européen  qu'ils  pouvaient  se  procurer,  et  avec 
lesquels  ils  avaient  souvent  la  figure  la  plus  gro- 
tesque. Us  adaptèrent,  d'ailleurs,  h  leurs  anciens 
goûts,  beaucoup  d'objets  qu'ils  achetaient  des 
Américains.  Hommes  et  femmes  étaient  enchan- 
tés quand  ils  pouvaient  se  parer  de  bracelets  de 
fer  ou  de  cuivre.  Ils  étaient  charmés  aussi  des 
grains  de  verroterie  blancs  et  surtout  des  bleus  : 
ils  en  portaient  de  larges  bandes  serrées  autour 
de  leur  taille  et  de  leurs  chevilles,  de  grands  col- 
liers sur  leur  poitrine,  et  ils  en  mettaient  encore 
d'^i  pendeloques  à  leurs  oreilles.  Dans  l'état  sau- 
vage, les  hommes  portent  plus  loin  que  les  fem- 
mes la  passion  pour  la  parure  ;  nos  Indiens  ne  pen- 


i 


ASTORIA,  117 

saient  pas  que  leur  équipeuient  de  gala  fut  com- 
plet, s'ils  n'avaient  pas  un  joyau  de  haiqua,  ou 
de  wampun^  dansant  à  leur  nez.  Ainsi  arrangés, 
leurs  cheveux  pouacrés  d'huile  de  poisson,  et  leur 
corps  barbouillé  d'argile  rouge,  ils  se  regardaient 
comme  irrésistibles. 

Quand  ils  se  préparaient  à  des  expéditions 
guerrières,  ils  peignaient  leur  visage  et  leur  corps 
de  la  manière  la  plus  hideuse  et  la  plus  grotes- 
que, suivant  la  pratique  universelle  des  Sauvages 
américains.  Leurs  armes  étaient  des  arcs  et  des 
ilèches,  des  lances  et  des  massues.  Quelques-uns 
portaient  un  corselet  formé  de  pièces  de  bois  dur, 
réunies  avec  les  fibres  de  l'herbe  aux  ours,  de 
manière  à  former  une  cotte  de  mailles  légère  et 
flexible.  Ils  avaient  aussi  une  espèce  de  casque 
composé  de  cuir,  d'écorce  de  cèdre,  d'herbe  aux 
ours,  et  suflisant  pour  protéger  la  tête  contre  une 
llèche  ou  contre  un  coup  de  massue.  Une  armure 
défensive  plus  complète  encore  était  une  jaquette 
de  peau  d'élan  doublée  plusieurs  fois.  Elle  descen- 
dait jusqu'aux  pieds,  et  des  trous  servaient  pour 
passer  la  tête  et  les  bras.  Ce  vêtement  était  tout- 
à-fait  il  l'épreuve  de  la  tlèche ,  et  souvent,  en 
outre,  il  était  doué  de  vertus  magiques  par  les 
enchantements  des  jongleurs. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  la  coutume,  particu- 
lière à  ces  peuples,  d'aplatir  la  tctc  de  leurs  enfants. 


i 


à'. 


ri 


fl:  3* 


Jl8  ASTORIA. 

Comme  la  mutilation  qu'on  pratique  sur  les  pieds 
des  femmes  chinoises,  c'est  un  des  capiices  hu- 
mains les  plus  incompréhensibles.  Cet  usage  pré- 
vaut principalement  parmi  les  tribus  oui  habitent 
aux  environs  de  l'embouchure  de  la  Colombia, 
sans  que  nous  ayons  pu  savoir  à  quelle  distance 
il  s'étend  le  long  de  la  côte.  Quelques  unes  des 
tribus  qui  habitent  au  nord  et  au  sud  de  la  rivière 
s'y  soumettent  aussi,  mais  elles  parlent  toutes  le 
langage  chinook,  et  sont  probablement  sorties  de 
la  même  souche.  Autant  que  nous  avons  pu  l'ap- 
prendre, les  tribus  reculées  et  dont  la  langue  est 
entièrement  différente  n'ont  pas  cette  absurde 
coutume.  Elle  devient  éi»alement  moins  com- 
raune  quand  on  s'éloigne  des  boids  de  l'Océan 
Pacifique  :  on  en  trouve  peu  de  traces  parmi  les 
tribus  des  Montagnes  Rocheuses,  et  au-delà  elle 
disparait  complètement.  Certains  Indiens,  qui 
habitent  les  eaux  supérieures  de  la  Colombia  et 
les  régions  solitaires  des  montagnes,  sont  sou- 
vent appelés  Tétes-plates  ;  mais  ils  ne  sont  pas 
réellement  caractérisés  par  cette  difformité. 
C'est  u^jC  appellation  abusivement  donnée  par 
tes  chasseurs  de  l'est  des  Montagnes  à  tous  les 
Indiens  de  l'ouest,  autres  que  les  Serpents. 

Les  croyances  religieuses  de  ces  peuples  étaient 
extrêmement  simples  et  bornées,  ou  plutôt,  sui- 
vant toutes  les  probabilités,    leurs  explications 


\4 


Mi 


>^^'^' 


liT  11 


kl';'  •  !» 
P  ■ 


I 


I  > 

I 

1 


ASroKIA.  1  HJ 

n'élaient  que  peu  comprises  par  leurs  hôtes.  Ils 
avaient  l'idée  d'un  esprit  bienveillant  et  puissant, 
créateur  de  toutes  choses.  Ils  le  représentaient 
comme  prenant  à  volonté  toutes  les  formes,  et 
plus  habituellement  celle  d'un  énorme  oiseau. 
Il  habite  ordinairement  le  soleil,  mais  il  vole  par 
toutes  les  régions  de  l'air  et  voit  tout  ce  qui  se 
passe  siu'  la  terre.  Si  quebjue  chose  lui  déplaît, 
il  exhale  sa  rage  par  des  teropéles  horribles  ;  l'éclat 
de  ses  yeux  en  courroux  produit  les  éclairs;  le 
retentissement  de  ses  ailes  le  tonnerre.  Pour  ob- 
tenir ses  faveurs  les  Indiens  lui  otïrent  annuelle- 
raenl  en  sacrifice  les  premiers  fruits  de  leur  pêche 
et  de  leur  chasse. 

Outre  cet  esprit  aérien  ils  croient  qu'il  y  en  a 
un  autre  moins  puissant,  qui  habite  le  feu,  et 
qui  leur  inspire  des  transes  perpétuelles;  car, 
quoiqu'il  puisse  faire  le  bien  de  même  que  le  mal, 
il  se  complaît  davantage  dans  celui-ci.  Nos  Sau- 
vages s'etïorcent  donc  de  le  maintenir  en  bonne 
humeur  par  de  fréquentes  olfiandes.  Ils  suppo- 
sent, d'ailleurs,  qu'il  a  une  grande  influence  sur 
l'esprit  ailé,  leur  souverain  bienfaiteur,  et  le  sup- 
plient d'être  l'interprète  de  leurs  vœux,  et  de 
leur  faire  obtenir  tout  ce  qu'ils  désirent,  comme 
par  exemple  du  succès  dans  leur  pêche  et  dans 
leur  chasse,  desciievauv  légers,  des  femmes  obéis- 
santes et  des  enlants  mâles. 


■  'i 


m 


■.f 


13^ 


\i  i^ 


It 


l»i   » 


i 


J  SiO  ASIOHIA. 

Nos  Indiens  ont  des  prêtres,  magiciens  et  méde- 
cins, cjiii  prétendent  être  dans  la  confidence  des 
divinités,  et  être  chargés  d'exposer  et  de  faire 
exécuter  leurs  ordres.  Chacun  de  ces  jongleurs  a 
ses  idoles,  taillées  en  bois,  et  représentant  les 
deux  esprits  de  l'air  et  du  feu,  sous  quelque  forme 
grotesque  de  cheval,  d'ours,  de  castor,  ou  de 
tout  autre  animal.  Elles  sont  ornées  d'amulettes 
et  d'olï'randes,  telles  que  des  dents  de  castor,  des 
griiies  d'ours  et  des  serres  d'aigles. 

Quand  quelque  personnage  important  est  sur 
son  lit  de  mort,  ou  dangereusement  malade,  on 
envoie  chercher  les  jongleurs.  Ils  apportent  leurs 
idoles,  avec  lesquelles  ils  se  retirent  dans  un  canot 
pour  faire  une  consultation.  De  même  que  nos 
docteurs  sont  souvent  de  différents  avis,  ainsi  ces 
médecins  ont  de  temps  en  temps  de  violentes  al- 
tercations, quand  il  s'agit  de  définir  la  maladie  du 
patient  ou  le  traitement  qui  lui  convient.  Pour 
accommoder  les  opinions  on  frappe  vigoureuse- 
ment les  idoles  l'une  contre  l'autre.  Celle  qui 
perd  la  première  une  dent  ou  une  griffe  est  re- 
gardée comme  réfutée,  et  ses  partisans  cèdent  la 
place  aux  autres. 

Non  seulement  la  polygamie  est  permise,  mais 
elle  est  honorable.  Plus  un  homme  peut  entre- 
tenir de  femmes,  plus  il  a  d'importance  aux  jeux 
de  sa  tribu.  La  première  femme  prend  le  pas  sur 


I 


-, 


ASTOJUA.  1^1 

toutes  les  autres ,  et  est  considérée  comme  la 
maîtresse  du  loi^is.  Cependant  riiarraonie  do- 
mestique est  souvent  troublée  par  des  jalousies, 
par  des  cahaies,  et  le  maître  de  la  maison  a  par- 
fois beaucoup  de  peine  à  apaiser  les  querelles  de 
sa  famille. 

Nous  lisons  dans  le  manuscrit  dont  nous  tirons 
ces  particularités,  que  celui  qui  a  le  plus  grand 
nombre  de  femmes,  d'enfants  mâles  et  d'esclaves, 
est  élu  chef  du  village  ;  singulière  condition  d'éli- 
gibilité, et  que  nous  ne  nous  rappelons  pas  d'avoir 
lencontrée  ailleurs. 

Les  querelles  sont  fréquentes  entre  ces  diffé- 
rents peuples,  mais  elles  ne  sont  pas  bien  meur- 
trières. Ils  se  livrent  quelquefois  des  batailles  ran- 
gées, à  des  jours  désignés,  et  dans  des  endroits 
choisis  d'avance.  C'est  ordinairement  sur  les 
bords  d'un  ruisseau.  Les  partis  ennemis  se  pos- 
tent sur  les  rives  opposées,  et  à  une  telle  di- 
stance, que  la  bataille  dure  souvent  fort  long- 
temps avant  qu'il  y  ait  du  sang  répandu.  Le 
nombre  des  tués  et  des  blessés  excède  rarement 
une  demi-douzaine.  Si  le  dommage  est  égal  des 
deux  côtés,  la  guerre  est  considérée  comme  hono- 
rablement terminée;  si  l'un  des  partis  a  soulïert 
plus  que  l'autre,  il  obtient  une  compensation  en 
esclaves,  ou  en  toute  autre  espèce  de  propriété. 
Sans  (rette  compensation,  les  hostilités  pouri-aient 


■'h 


&' 


m^i 


■iii 


W^ 


> 


#11 


■'f' 


:} 


I  2'i  AS  I  OKI  A. 

c'irc  renouvelées  un  autre  jour.  Ces  Indiens  l'onl 
souvent  des  ineursion^  de  maraude  sur  le  terri- 
loire  de  leurs  ennemis,  et  quelquefois  sur  celui  de 
leurs  amis.  S'ils  rencontrent  une  bande  moins 
forte  que  la  leur,  ou  s'ils  tombent  sur  un  villa4*e 
faiblement  défendu,  ils  se  comportent  avec  la 
l'érocité  de  véritables  poltrons,  tuent  tous  les 
hommes,  et  emmènent  en  esclavage  les  femme» 
et  les  enfants.  Quant  aux  meubles,  ils  sontempa- 
([uetés  sur  des  chevaux,  amenés  exprès  pour  cet 
usage.  Au  reste,  ce  sont  de  pauvres  guerriers, 
tout-à-fait  inférieurs  en  prouesses  aux  Sauvages 
chasseurs  de  bisons,  qui  habitent  les  plaines  à 
l'orient  des  Montagnes. 

Us  passent  une  grande  partie  de  leur  temps  à 
jouer,  à  danser,  et  à  faire  de  la  musique.  Leur 
musique  en  mérite  à  peine  le  nom  ,  et  leurs  in- 
struments sont  de  l'espèce  la  plus  grossière.  Leur 
chant  est  dur  et  discordant.  Les  chansons  sont 
ordinairement  improvisées  au  sujet  de  quelque 
circonstance  qui  vient  d'ari-iver,  de  quelque  per- 
sonne présente  ,  ou  de  tout  objet  frivole  qui 
frappe  l'attention  du  chanteur.  Ils  ont  plusieurs 
espèces  de  danses  ;  quelques-unes  gaies  et  agréa- 
bles. Les  femmes  obtiennent  rarement  la  permis- 
sion de  danser  avec  les  hommes,  mais  elles  for- 
ment des  groupes  séparés,  dirigés  par  les  mêmes 
instruments  et  par  les  mêmes  chansons. 


i 


Us  onl  dos  [(Ml. \  lie  beniiioup  d'espèces  et  s'y 
livrent  avec  passion.  Ils  se  laissent  quelcfuefois 
tnliainer  à  un  tel  point  d'excitation  qu'ils  jouent 
tout  re  (pi'ils  possèdent,  même  leurs  femmes  et 
leurs  enfants.  Ce  sont  des  voleurs  avoués,  et  ils 
se  i»lorifient  de  leur  dextérité.  Celui  cpii  est  fié- 
quemment  lieuieux  obtient  beaucoup  d'applau- 
dissements et  de  popularité  ;  mais  le  voleur 
maladroit  surpris  dans  (piel(|ue  tentative  est  ri- 
diculisé, méprisé,  et  quelquefois  même  cruelle- 
ment puni. 

Tels  sont  les  principaux  traits  qui  caractéri- 
sent les  Naturels  des  environs  d'Astoria.  Us  nous 
paraissent  inférieurs,  sous  beaucoup  de  rapports, 
aux  hardis  chasseurs  des  Prairies,  qui  habitent  à 
l'est  des  Montagnes  Rocheuses,  et  nous  semblent 
avoir  beaucoup  de  ressemblance  avec  les  Esqui- 
maux, quoique  leur  nature  soit  relevée  en  ([uehpui 
façon  pai-  un  climat  plus  t<*mpéré ,  et  par  une 
manière  de  vivre  plus  variée. 

Les  habitudes  de  trafic  engendrées  aux  cata- 
ractes de  la  Colonil)ia  ont  étendu  leur  influence 
le  long  de  la  côte.  Les  Chinoolcs,  et  les  autres 
Indiens  de  l'embouchure  de  la  rivière,  je  signa- 
lèrent comme  de  rusés  marchands  dès  leurs  pre- 
miers échanges  avec  les  Astoriens,  et  n'Iiésitèrent 
jamais  ii  demandei-  trois  fois  plus  (pu;  ce  qu'ils 
rcirnrdaient  comme  la  \aleur  réelle  d'ini  de  h^n-s 


ti 


1 


ia/|  ASTORIA. 

Miticles.  [Isétaienty  d'ailleurs,  curieux  à  rextréme, 
importuns  jusqu'à  l'impertinence;  et  fort  disposés 
à  tourner  les  étrangers  en  ridicule. 

Sous  un  rapport,  ils  se  montrèrent  supérieurs 
à  la  plupart  des  Sauvages  :  ce  fut  en  s'abstenant 
déboire  desspiritueux.  Ils  regardaient  un  ivrogne 
avec  horreur  et  dégoût.  Une  fois,  le  fils  de  Com- 
comly  ayant  été  engagé  à  boire  à  la  factorerie , 
retourna  chez  lui  complètement  ivre  ^  et  faisant 
toutes  sortes  d'extravagances,  jusqu'au  moment 
où  il  tomba  dans  une  stupeur  qui  dura  deux  jours. 
Le  vieux  chef  se  rendit  auprès  de  son  ami ,  Mac 
Dougal.  Son  \isage  était  e;dlammé  d'indignation, 
et  il  lui  reprocha  amèrement  d'avoir  permis  à 
son  lils  de  se  ravaler  au  rang  d'une  béte,  et  de  s<; 
rendre  un  objet  d'amusement  et  de  mépris  pour 
ses  propres  esclaves. 


•Ht 


I 


' 


CHAPITRE    XL. 


Occupations  prinlanières  à  Astoria.  —  Départ  de  diversesi 
expéditions.  —  Indiens  pillards.  —  Voleurs  de  Wish-rani.  — 
Portage  des  cataractes.  —  Portage  au  clair  de  lune.  —  At- 
taque ,  défaite  ,  pillage.  —  Remède  indien  contre  la  poltron- 
nerie. —  Pourparlers  et  compromis.  —  Retour  de  la  brigade. 

—  Elle  rencontre  Crooks  et  John  Day.  —  Leurs  souffrances. 

—  Perfidie  indienne.  —  Arrivée  à  Astoria. 


i 


Au  commencement  du  printemps  le  petit  éta- 
blissement d'Astoria  fut  rempli  d'agitation  ,  et  se 
prépara  à  envoyer  did'érentes  expéditions.  II  y 
avait  plusieurs  choses  importantes  à  faire.  H  fal- 
lait transmettre  un  supplément  de  marchandises 
au  comptoir  de  M.  David  Stuart,  établi,  l'automne 
précédent,  sur  l'Oakinagan.  11  fallait  visiter  les 
caches  faites  à  la  Chaudière  par  M.  Ilunt,  afin 
d'en  rapporter  à  Astoria  les  objets  qui  y  avaient 
été  laissés.  Enfin,  il  était  nécessaire  d'envoyer, 
par  terre,  des  dépêches  à  New^-York,  pour  infor- 
mer M.  Astor  de  l'état  des  affaires,  et  du  succès 
des  différentes  expéditions. 

La  tache  de  ravitailler  le  poste  de  l'Oakinagan 
fut  attribuée  à  M.  Robert  Stuart ,  jeune  homme 
intelligent  et  courageux,  neveu  de  celui  qui  avait 


'/4 


■'».  '  f 

fi  ■      1 

"1**: 


1-* 


f  t 


M 

1 


I  if)  .\  s  loin  A. 

<''lal)li  vr.  poslc.  Deux  des  (Vicies,  nomiiu's  Iliis.scl 
r.iriiliaiii  et  Donald  iMac  (iillrs  ,  l'iirnil  cliari^rs 
d'aller  avec  un  i^iiidccl  linil  lioinincs  cIicicIh  r  les 
niarcliandiscs  laissées  dans  les  ea<'lirs. 

Quant  aux  d(''pèelie.s  ,  elles  lurent  eonliécîs  à 
M.  John  Kced ,  !<>  Clerc  (]ni  avait  conduit  un  des 
dctaelicmenls  exploialeurs  de  la  riv'cK"  des  S(>1- 
pents.  Il  devait  relravers(;r  les  Monlaj^nes  par  la 
même  route  qu'il  avait  suivie  pour  venir ,  mais 
sans  avoir,  cette  fois,  d'autres  compai^nons  (pie 
Ben  Jones,  le  chasseur  du  Kentuclvy,  et  deux  Ca- 
nadiens. Comme  on  espuMait  encore  (pw  Al.  Crooks 
n'aurait  pas  péri,  et  comme  M.  Reetl  et  sa  biigade 
pouvaient  le  rencontrer  dans  leur  chemin  ,  ils 
étaient  chargés  d'un  petit  approvisionnement  de 
vivres  et  de  mai'chandises,  pour  l'aidera  se  rendre 
à  Astoria. 

Quand  l'expédition  de  Reed  l'ut  ori];anisée, 
M.  Mac  Leilan  annonça  (pi'il  était  déterminé  à 
raccompagner.  Il  était  mécontent,  depuis  long- 
temps, de  la  petitesse  de  son  intérêt  dans  l'asso- 
ciation, et  avait  demandé  un  certain  nombre  de 
parts  additionnelles.  Sa  recpiête  ayant  été  refusée, 
il  se  détermina  à  abandonner  la  Compagnie.  Mac 
T.ellan  était  un  homme  d'un  caractère  singulière- 
ment opiniâtre,  sur  lequel  la  persuasion  n'avait 
aucun  pouvoir.  On  lui  laissa  donc  prendre,  sans 
aucune  opposition,  le  parti  qu'il  voulait. 


U  IV 


M 

'■I  ^ 

é 


H  t;- 


(Jnant  ii  Krrd,  il  sv.  prrpaia  pour  son  li.isîinlcux 
v(>)'ai;e,  avrc  le  zèle  d'un  \riil.<l)l<'  Irlaiulnis.  H  lit 
t'aii'Cunel)oil('(lci'er-I)l<inr,(lans  laqut'lic  lesItMlirs 
.ndrrssresà  M.AstorruiTDl  soii^iHMJsr'niciit  soiulrcs. 
Il  devait  atlaclier  cette  boite  sur  ses  épaules,  alin 
de  la  poitcr  partout  avec  lui,  dormant  ou  éveillé, 
par  terre  ou  par  eau,  dans  toutes  les  situations, 
à  traveis  tontes  les  cireonslanees,  se  prometlant 
bien  de  ne  la  cpiitter  qu'avec  sa  vie. 

La  loute  de  ces  dilïérentes  brii?ades  devait  être 
la  même  pendant  près  de  cent  trente  lieues,  en 
remontant  la  Colombia.  Or,  c'est  dans  e(ît  inter- 
valle que  se  tiouve  le  passai^e  des  rapifles  et  de?  en- 
droits de  la  rivière  infestés  par  des  tribus  pillar- 
des. On  s'arrangea  doix'  de  manière  à  faire  partir 
ensemble  tous  les  détacbements.  En  consé([uenee, 
le  22  mars  i8i  2,  ils  se  mirent  en  route  dans  deux 
canots,  au  nombre  de  dix-sept  hommes.  Ici  nous 
ne  pouvons  nous  empêcher  de  nous  arrêter,  pour 
remarquer  la  hardiesse  de  ces  diverses  expédi- 
tions, si  faibles  numériquement,  et  destinées  à 
traverser  d'immenses  solitudesoîi  des  troupes  plus 
nombreuses  avalent  éprouvé  tant  de  désastres. 
L'année  précédente,  quand  M.  Hunt  cherchait 
des  recrues  parmi  les  chasseurs  et  les  Voyageurs 
expérimentés  de  Montréal  et  de  Saint-Louis,  on 
regardait  comme  dangereux  d'essayer  de  traverser 
le  Montagnes  Rocheuses  avec  moins  de  soixante 


3.  ' 


i 


J28 


ASTUIUA. 


*i^ 


l*^''  J 


w 


rr  ".'■  "VU 


liomiTies,  et  voilà  que  nous  trouvons  heed  prêt  à 
fiaiiehir  les  mêmes  l);nTlères  avec  seulement  trois 
compagnons.  Telle  est  rinclliïërencc  du  danger 
que  l'homme  acquiert  par  l'habitude  de  courir 
des  risques  constants.  L'esprit,  comme  le  corps, 
s'endurcit  à  force  d'être  exposé. 

La  petite  bande  associée  remonta  la  rivière, 
sous  le  commandement  de  M.  Robert  Sluart,  et 
arriva  de  bonne  heure,  dans  le  mois  d'avril,  au 
Long  Détroit,  ce  repaire  d'insignes  pirates.  Les 
Blancs,  trop  peu  nombreux  pour  faire  eux-mêmes 
le  portage  de  leurs  marchandises,  empruntèrent 
l'assistance  des  Indiens  cathiascos,  qui  s'engagè- 
rent à  transporter  les  bagages  sur  leurs  coursiers. 
Le  premier  convoi  partit  sous  l'escorte  de  Reed 
et  de  cinq  hommes  bien  armés.  Le  courageux 
Irlandais  marchait  en  tête,  portant  sur  son  dos 
ses  dépêches,  dont  la  boîte  de  fer-blanc  reluisait 
au  loin  ;  les  Indiens  conduisaient  leurs  bêtes  de 
somme.  En  passant  par  un  défilé  diflicile,  quel- 
ques-uns des  sauvages  voleurs  détournèrent  leurs 
chevaux  dans  un  étroit  sentier,  et  s'enfuirent  au 
galop,  emmenant  avec  eux  deux  ballots  de  mar- 
chandises et  une  certaine  quantité  de  petits  ar- 
ticles. Il  aurait  été  inutiie  de  les  poursuivre,  et 
ce  fut  même  avec  beaucoup  de  peine  qu'on  put 
amener  le  reste  du  convoi  à  bon  port.  Quelques- 
uns  des  gardes  eux-mêmes  ne  retrouvèrent  plus 


! 


t'i 


m 


d'I^ 


et 
au 


AsroKiA.  irn) 

leurs  coufenux  ni  leuis  moiulioirs  dt^  po^ïie,  et 
l:i  hrillante  I)oilo  de  fer-I)hui('  de  John  Fieed  eou- 
nit  un  d.'uii^er  émineiit. 

M.  Stuait,  nj^ant  appris  ces  déprédations,  se 
hâta  d'arriver  au  secours  du  convoi,  mais  ii  fai- 
sait déjà  brune  quatre!  il  l'atteignit  auprès  du 
viHagede  Wish-rani,  célèbre  par  ses  pêcheries  et 
par  les  dispositions  pillardes  de  ses  habitants.  Là 
no,>  voyageurs  se  trouvaient  dans  un  pavs  étran- 
ger, au  milieu  de  Sauvages  empressés  à  dérober, 
si  ce  n'est  à  piller  ouvertement.  Ne  sachant  pas 
([uelles  mesures  prendre,  ils  restèrent  sous  les  ar- 
mes loute  la  nuit,  sans  fermer  l'oeil;  puis,  aux 
premières  lueurs  de  l'aube,  ils  embarquèrent  pré- 
cipitamment leurs  eHets ,  sans  chercher  à  l'ccou- 
Arer  ceux  qui  avaient  été  volés,  et  s'éloignèrent 
du  rivage,  «  charmés,  selon  leurs  propres  expres- 
sions, de  dire  adieu  à  cet  abomi  lable  nid  de  mé- 
créants. )) 

Cependant  les  honnêtes  gens  de  Wish-ram  n'é- 
taient pas  disposés  à  se  séparer  si  aisément  de 
leurs  hôtes.  Leur  cupidité  avait  été  excitée  par 
le  butin  qu'ils  avaient  déjà  fait,  et  leur  confiance 
augmentée  par  l'impunité.  Ils  résolurent  de  lever 
encore  quelques  droits  sur  les  voyageurs,  et  d(» 
capturer,  s'il  était  possible,  la  boîte  aux  dépé- 
thes,  car  elle  brillait  au  loin  si  glorieusement,  et 
file  était  gardée  avec  tant  de  soin  par  John  Keed, 


kl 


H, 


9 


01 


i 


vm 


;,f«-. 


•3^ 


■■«.  • 
■■■♦<  f 

4:  ♦ 


l..*tM 


^•fi 


l'ïO  ASTOIUV. 

«ju'elle  devait  toiitenir,  suivant  eux,  «  une  grandi 
médecine.  » 

M.  Stuart  et  ses  camarades  n'étaient  donc  pas 
encore  hier  loin  dans  leurs  canots,  lorsqu'ils 
aperçurent  toute  la  canaille  de  Wish-rara  courant 
par  troupes  sur  la  rive,  en  poussant  des  cris  et 
des  hurlements.  Quand  nos  voyageurs  débarquè- 
rent au-dessous  des  chutes,  ils  se  virent  entourés 
de  plus  de  quatre  cents  de  ces  brigands,  armés 
d'arcs  et  de  flèches,  de  massues  et  d'autres  armes 
sauvages.  Ils  s'offrirent  avec  insistance  à  trans- 
porter les  canots  et  les  effets  jusqu'au  haut  du 
portage.  M.  Stuart  refusa  de  leur  confier  les  r  •  r 
chandises ,  alléguant  qu'il  était  trop  tard;  mais 
pour  les  maintenir  en  bonne  humeur,  il  les 
informa  que,  s'ils  se  conduisaient  bien,  il  ac- 
cepterait probablement  leurs  offres  le  lende- 
main matin.  En  même  temps,  il  les  engagea  à 
porter  toujours  les  embarcations.  Ils  se  mirent 
donc  en  route  avec  les  deux  canots  sur  leurs 
épaules,  et  accompagnés  par  une  garde  de  huit 
hommes  bien  armés. 

Quand  ils  furent  arrivés  au  fiaut  des  chutes, 
leur  mauvais  vouloir  éclata  ,  et  ils  se  disposèrent 
à  détruire  les  canots,  sans  doute  pour  empêcher 
les  Blancs  d'emporter  leurs  biens,  et  pour  les 
assujettir  h  de  nouveaux  pillages.  Un  vieillard , 
qui  paraissais  avoir  quelque  autorité  parmi  eux  . 


ïÀi'i^ 


\STORI\, 


ir»i 


iiuf 


( 


:  pas 
ju'ils 
irant 
ris  et 
rquè- 
ourés 
armés 
armes 
tr  ans- 
ut  du 
s  r:':v 
;  mais 
il   les 
il  ac - 
lencle- 
.agea  à 
mirent 
lems 


e 


huit 


chutes , 
osèrent 
pêcher 
bour  les 
eillard , 
ni  eux. 


parvint  cependant  ii  les  en  empêcher.  Gr»1ce  à  sa 
harangue  la  bande  hostile  ,  à  l'exception  d'une 
cinquantaine ,  passa  du  côté  septentrional  de  la 
rivière,  et  y  resta  en  embuscade,  prête  à  commet- 
tre de  nouveaux  ou  traces. 

Pendant  ce  temps  M.  Stuart,  qui  était  resté  au 
bas  des  chutes  avec  les  marchandises,  et  qui  savait 
que  les  Sauvages  ne  lui  avaient  offert  lenr  assis- 
tance que  pour  avoir  une  occasion  de  le  piller, 
se  détermina  a  essayer  de  leur  dérober  une  mar- 
che ,  afin  de  déjouer  leurs  machinations.  Vers 
une  heure  du  malin,  et  tandis  que  la  lune  brillait 
silencieusement,  il  réveilla  ses  gens  et  leur  pro- 
posa de  transporter  eux-mêmes  leurs  marchan- 
dises au-dessus  des  chutes  ,  avant  que  les  Indiens 
endormis  pussent  s'en  apercevoir.  Tout  le  monde 
se  mit  à  l'ouirage  avec  zèle  et  empressement , 
dans  l'espérance  d'avoir  tout  emporté  avant  le 
point  du  jour.  M.  Stuart  partit  devant,  avec  les 
premières  charges ,  et  prit  sa  station  au  haut  du 
portage,  tandis  que  MM.  Reed  el  Mac  Lellan  res- 
taient au  bas  pour  expédier  le  reste  des  marchan- 
dises. 

Le  jour  ayant  paru  avant  que  le  transport  fût 
achevé  ,  quelques-uns  des  Indiens  qui  étaient 
restés  sur  le  côté  méridional  de  la  rivièie  s'aper- 
çurent de  ce  qui  se. passait,  et  se  sentant  trop 
faibles  pour  s'y  opposer,   donnèrent  l'alarme  à 


m 


m 


'"H 


■  m 


1  î)'Jt  ASTOJUA. 

ceux  du  cùtc'  opposé.  Plus  d'une  ceiitaiui;  âv. 
ceux-là  s'embarquèrent  précipitamment  dans  plu- 
sieurs canots.  Deux  charges  de  marchandises 
restaient  encore  à  porter.  M.  Stuart  dépéchxi 
quelques-uns  de  ses  gens  pour  en  prendre  une, 
et  fit  dire  h  M.  Reed  de  retenir  avec  lui  le  nom- 
bre d'hommes  qu'il  jugerait  nécessaire  pour  pro- 
téger la  charge  suivante;  car  il  soupçonnait  Icvs 
Indiens  d'avoir  des  intentions  hostiles.  M.  Reed, 
cepe''Hlant,  refusa  de  garder  personne,  disai>t 
que  iJ  .  îllan  et  lui-même  suffisaient  à  défendre 
la  petite  x.^uantilé  de  marchandises  qui  restaient 
encore.  Les  hommes  partirent  donc  avec  leur 
charge ,  tandis  que  Reed  et  Mac  Lellan  conti- 
nuaient à  monter  la  garde  auprès  du  résidu.  Pen- 
dant ce  temps  une  partie  des  Sauvages  arrivaient 
du  bord  opposé.  La  malheureuse  boîte  de  fer- 
blanc  de  John  Reed ,  resplendissant  au  loin 
comme  le  casque  brillant  d'Euryale ,  attira  les 
regards  de  chacun  d'eux.  Aussitôt  que  les  embar- 
cations eurent  touché  la  rive ,  ils  sautèrent  sur 
les  rochers ,  poussèrent  leur  cri  de  guerre  et  se 
précipitèrent  pour  s'assurer  de  cette  conquête 
étincelante.  Mac  Lellan,  qui  était  sur  le  bord  de 
l'eau,  s'approchait  des  marchandises  pour  les  gar- 
der quand  un  Sauvage  essaya  de  lui  jeter,  d'une 
main,  sa  robe  de  bison  sur  la  tête,  et  de  ie  percer 
de  l'autre.  Mac  Lellan  sauta  en  arrière ,  juste  à 


ASTOIUA.  l55 

temps  pour  éviter  le  coup  ,  et  couchant  le  Sau- 
vage en  joue,  le  jela  roideniort  à  ses  pieds. 

Cependant  John  Reed,  avec  l'imprévoyance 
d'un  Irlandais,  avait  négligé  d'oter  l'enveloppe  de 
cuir  qui  entourait  la  batterie  de  son  fusil.  Taudis 
qu'il  en  tiraillait  les  cordons,  il  reçut  sur  la  tête 
un  coup  de  massue,  qui  i'étendit  parterre  sans 
connaissance.  En  un  clin  d'œil  sa  carabine  et  ses 
pistolets  lui  furent  enlevés,  et  la  boîte  de  fer- 
blanc,  cause  de  celte  attaque,  fut  emportée  en 
triomphe. 

Dans  ce  moment  critique,  M.  Sluart,  qui  avait 
cnlcndu  le  cri  de  guerre  des  Sauvages,  arrivait 
sur  le  champ  de  bataille  avec  Ben  Jones  et  sept 
auhesde  ses  hommes.  Reed  était  baigné  dans  son 
sang,  et  un  Indien,  penché  sur  lui.  Fallait  dépécher 
avec  son  tomahawk.  Stuart  donna  le  signal,  et 
Ben  Jones,  épaulant  sa  carabine,  étendit  le  Sau- 
vage sur  la  place.  Les  Blancs  poussèrent  alors  un 
grand  cri  en  chargeant  le  corps  principal  des 
Indiens,  qui  prirent  immédiatement  la-  fuite^ 
Reed  fut  ensuite  relevé  et  transporté,  saignant  et 
sans  connaissance,  au  bout  supérieur  du  portage. 
On  se  préparait  à  lancer  les  canots  et  à  s'embar- 
quer en  toute  hâte,  (juandon  s'aperçut  qu'ils  fa i- 
sMt  eau  de  tous  les  côtés,  et  qu'on  avoit  oublié 
les  rames  au  bas  du  portage.  Cependant  les 
Indiens   couraicnl    çà   cf    là,    crijint    cl   hurlant 


S' 


5if 

II 

wt 

ni 

ËIJK-ii'r] 

Srai 

M^ 

'M 

Ë 


;:  i 


^m 


il*  ■'  î 


'4: 


M'-'  ; 


i 


J  54  4SIOKIA. 

comme  des  tléinoiis.  Une  scène  de  confusion  s'en- 
suivit. Quelques-uns  des  Canadiens  perdirent 
courage,  etdeuxjeunes  gens  s'évanouirent  même 
tout-à-fait.  Aussitôt  qu'ils  eurent  repris  connais- 
sance, M.  Stuart  ordonna  qu'on  leur  ôtiit  leurs 
armes,  et  qu'après  les  avoir  dépouillés  de  leurs 
pantalons,  on  attachât  autour  de  leurs  reins  une 
pièce  d'étoffe,  en  imitation  du  costume  d'une 
squaw.  Telle  est  la  manière  indienne  de  punir 
la  poltronnerie.  Ainsi  équipés,  ils  furent  placés 
dans  l'un  des  canots,  au  milieu  des  marchandises. 
Cette  farce  excita  la  gaieté  des  plus  courageux, 
même  au  milieu  de  leurs  périls,  et  ranima  l'or- 
gueil des  incertains.  Les  Indiens  ayant  repassé  de 
nouveau  sur  la  rive  septentrionale,  l'ordre  se  ré- 
tablit. Quelques  hommes  furent  envoyés  à  la 
recherche  des  rames;  d'autres  se  mirent  à  cal- 
fater et  à  lancer  les  canots  ;  enfin,  au  bout  de 
peu  de  temps,  tous  nos  voyageurs  étaient  embar- 
qués, et  continuaient  leur  vrynge  le  long  de  la 
rive  méridionale. 

A  peine  étaient-ils  partis,  quand  les  Indiens 
revinrent  sur  le  lieu  de  la  scène,  emportèrent 
leurs  camarades,  dont  l'un  vivait  encore,  et  re- 
tournèrent à  leur  village.  Là,  ils  tuèrent  deux 
chevaux  et  burent  leur  sang  tout  chaud  pour 
exalter  leur  courage.  Ils  se  peignirent  et  s'équi- 
pèrent d'une  manière  hideuse,  dansèrent  la  danse 


eut 


ASTORIA.  l55 

de  mort  autour  du  cadavre  de  leur  camarade, 
et  entonnèrent  leur  chanson  de  guerre.  Enfui, 
sautant  sur  leurs  chevaux  et  brandissant  leurs 
armes,  ils  remontèrent  la  rive  septentrionale  de 
la  rivière,  au  nombre  d'environ  quatre  cent  cin- 
quante, afin  de  devancer  les  canots,  de  les  atten- 
dre dans  une  embuscade  et  de  tirer  une  terrible 
vengeance  des  Blancs. 

Ils  parvinrent  h  quelque  distance  au-dessus  des 
canots  sans  être  découverts,  et  ils  traversaient  la 
rivière  pour  se  poster  le  long  du  bord  que  cô- 
toyaient nos  voyageurs,  lorsqu'ils  furent  heureu- 
sement aperçus.  En  approchant  de  l'endroit  où 
ils  avaient  passé  l'eau,  M.  Stuart  et  ses  compa- 
gnons virent  qu'ils  étaient  postés  parmi  des  rocs 
élevés  et  surplombant,  au-dessous  desquels  les 
canots  devaient  être  obligés  de  passer.  Reconnais- 
sant donc  que  l'ennemi  avait  l'avantage  de  la 
position,  les  Blancs  s'arrêtèrent  à  cinq  cents 
mètres  de  l'embuscade,  déchargèient  leurs  fusils 
et  les  rechargèrent.  Ensuite  ils  firent  du  feu,  et 
mirent  un  appareil  aux  blessures  de  M.  Reed,  qui 
avait  reçu  cinq  cruelles  balafres  dans  la  tête. 
Cela  fait,  ils  attachèrent  les  canots  ensemble,  les 
nmarrèrent  à  un  roc  situé  à  peu  de  distance  du 
rivage,  et  attendirent  l'attaque  dont  ils  étaienf 
menacés. 

11  n'y  avait  pas  long-temps  qu'ils  étaient  postés 


-.^t: 


i5<> 


ASTOniA. 


?'l 


il  (' 


ni  t 


(le  celte  mîinièrc,  lorsqu'ils  virent  un  canot  s'ap- 
proclier.  Il  contenait  le  chef  de  guerre  de  la 
trihu,  avec  ses  trois  principaux  i^uerriers.  Il  s'ap- 
procha et  lit  une  longue  harangue,  dans  laquelle 
il    informa    les    Blancs    qu'ils    avaient    tué    un 


ibre  de 


itioii,  et 


\h 


itbl 


esse 


niemi 

un  autre;  que  les  parents  du  mort  demandaient 
vengeance,  et  qu'il  avait  été  obligé  de  les  mener 
au  combat.  Cependant,  il  désirait  encore  épar- 
gner un  carnage  inutile,  et  proposait  en  consé- 
quence que  M.  Recd,  qui,  observait-il,  ne  valait 
guère  mieux  qu'un  homme  mort,   lui  fut  livré 
pour  être  sacrifié  aux  mânes  du  guerrier  décédé. 
Cela  devait  apaiser  la  furie  de  ses  amis  ;  la  hache 
de  guerre  serait  alors  enterrée,  et  dorénavant  les 
deux  nations  seraient  amies.  La  réponse  fut  un 
refus  positif,  et  le  chef  de  guerre  vit  que  les  ca- 
nots étaient  préparés  h  faire  une  vigoureuse  dé- 
fense. Il  se  retira  donc,  et  ayant  été  retrouver  ses 
guerriers  parmi  les  rochers,    tint  avec  eux  un 
long  conseil.    Sang  pour  sang  est   un  principe 
d'équité    indienne  et    d'honneur  indien  ;    mais 
quoique  les  habitants  de  Wish-ram  fussent  guer- 
riers, ils  étaient  également  marchands.  Ils  ima- 
ginèrent que  l'honneur,  pour  une  fois,  pourrait 
bien  céder  au  profit.   Une  négociation  s'ouvrit 
donc,  et  après  quelques  protocoles  l'affaire  fut  ar- 
rangée, moyennant  une  couvert urc  pour  abriter 


1^7 


ia 


ASTOIIIA. 

\c  movlf  t't  ilu  talj.'u:  pour  léi^aUr  les  vivants. 
Cela  accordé  les  licros  tie  Wisli-ram  iclraversc- 
lent  encore  une  fois  la  rivière,  et,  tantlisque  nos 
voyageurs  continuaient  leur  roule,  retournèrent 
dans  leur  village  festoyer  de  la  chair  des  chevaux 
dont  ils  avaient  si  glorieusement  hu  le  sang. 

Cependant  la  boîte  de  fer-blanc  contenant  les 
importantes  dépèches  pour  New- York  était  irré- 
parablement perdue;  la  précaution  même  piise 
par  le  digne  Irlandais  pour  la  sûreté  de  ses  mis- 
sives avait  causé  leur  perte,  en  appelant  sur  elles 
l'attention  des  Sauvages.  L'objet  de  son  voyage 
étant  ainsi  anéanti,  il  renonça  à  l'expédition. 
Toute  la  troupe  se  rendit  donc,  avec  M.  Robert 
Sluart,  à  l'établissement  de  M.  David  Stuart,  sur 
la  rivière  Oakinagan.  Après  y  être  resté  deux  ou 
trois  jours,  nos  voyageurs  se  remirent  en  route 
pour  Astoria.  M.  IKnid  Stuart  revint  avec  eux. 
II  avait  une  grande  quantité  de  peaux  de  castors 
à  son  établissement,  mais  craignant  la  levée  d'un 
b/ack-mailaux  cataractes,  il  ne  jugea  pas  prudent 
de  les  amener  avec  lui. 

Ils  étaient  arrivés  au-dessous  des  fourches  de  la 
Colombia,  lors([u'un  jour  ils  furent  hélés  du 
rivage,  en  anglais.  Ils  regardèrent,  et  aperçurent 
deux  misérables  hommes  entièrement  nus.  Ils 
poussèrent  vers  eiix.  Ces  hommes  s'avancèrent 


m 


l 


a 


1^8  ASTOHIA. 

Cl  se  firent  couiiaitre:  <M*laieiit  jM.  Ci  ooks  et  son 

lidèle  John  Day. 

Le  lecteur  se  rappellera  que  M.  Crooks,  John 

Day  et  quatre  Canadiens  avaient  été  si  épuisés  par 
les  Fatigues  et  par  la  famine  que  M.  Hunt  s'était  vu 
forcé  de  les  laisser,  au  mois  de  décembre,  sur 
le  bord  de  la  rivière  des  Serpents.  Leur  situation 
semblait  d'autant  plus  critique  qu'ils  se  trouvaient 
dans  le  voisinage  d'une  bande  de  Shoshoniesdonl 
les  chevaux  avaient  été  enlevés  par  M.  Hunt , 
pour  servir  de  provisions  h  ses  gens.  Durant 
^ingt  jours ,  M.  Crooks  demeura  au  même  endroit, 
retenu  par  l'état  d'épuisement  de  John  Day,  qui 
était  absolument  incapable  de  voyager.  Il  ne 
voulait  pas  l'abandonner,  car  Day  avait  été  em- 
ployé par  lui  sur  le  Missouri ,  et  s'était  toujours 
montré  parfaitement  fidèle.  Heureusement  les 
Shoshonies  ne  les  molestèrent  point.  Ils  n'avaient 
jamais  vu  d'hommes  blancs ,  et  semblaient  en- 
tretenir quelque  superstition  à  leur  égard,  car, 
quoiqu'ils  vinssent  camper  auprès  d'eux  pendant 
le  jour,  ils  avaient  soin  d'en  éloigner  leurs  tentes 
durant  la  nuit.  A  la  fin  ils  disparurent  sans  pren- 
dre congé. 

Quand  John  Day  eut  repris  assez  de  forces 
pour  voyajjer,  M.  Ciooks  se  remit  en  route  avec 
lui  et  les  quatre  Cajiadiens.  Ils  vivaient  en   che- 


^'.. 


iiiiii  de  ce  que  leur  envoynit  le  li.isiu'd.  Dans  Ir 
mois  de  février  trois  des  Canadiens,  eraii^nant  de 
périr  de  besoin,  (juittèrent  M.  Crooks  sur  le 
liord  d'une  petite  rivière ,  près  de  laquelle 
M.  Hunt  avait  passé  en  allant  ii  la  recherehe  des 
Indiens.  Durant  plusieurs  jours  M.  Crooks  suivit 
encore  ,  sur  la  neige ,  les  traces  du  passage  de 
M.  Hunt,  dormant,  comme  à  l'ordinaire,  en 
plein  air,  et  souilVant  toute  sorte  de  fatigues. 
A  la  lin,  arrivé  dans  une  prairie  basse,  il  perdit 
toute  apparence  de  piste.  Durant  le  reste  de 
l'hiver  il  erra  dans  les  montagnes,  subsistant 
quelquefois  de  chair  de  cheval ,  quelquefois  de 
chair  et  de  peau  de  castor ,  et  quelquefois  ,  enfin , 
de  racines. 

Vers  la  fin  de  mars,  l'autre  Canadien  se  trouva 
à  son  tour  épuisé ,  et  fut  laissé  dans  une  loge  de 
Shoshoiïies.  M.  Crooks  et  John  Daj  continuèrent 
à  avancer,  et,  voyant  que  la  neige  était  sulFisam- 
raent  diminuée,  entreprirent  de  traverser  la  der- 
nière chaîne  de  montagnes,  d'après  les  renseigne- 
ments qui  leur avalentété  fournis  par  les  Naturels. 
Ils  y  réussirent  heureusement  et  arrivèrent  en- 
suite chez  les  Wallah-Wallahs ,  cpii  habitent  les 
bords  de  la  rivière  du  même  nom,  et  qui  passent 
pour  honnêtes  et  hospitaliers.  Ces  Indiens  se  mon- 
trèrent dignes  de  leur  jépulation  :  ils  reeurent 
avec  bonté  les  pauvres  voyageurs  exténués,   tuè- 


n 


m 


l^in 


m 

'«  f.   . 


I/JO  AS'IoniA. 

rcnt  iiii  ('li(!v;il  pour  leur  servir  de  nourriture,  el 
leur  indiquèrent  le  chemin  de  la  Colombia.  Nos 
deux  pèlerins  s'étnnt  remis  en  route  atteigni- 
rent la  rivière  vers  le  milieu  d'avril ,  et  suivirent 
son  cours  pendant  une  trentaine  de  lieues,  jusqu'à 
un  endroit  situé  h  environ  sept  lieues  au-dessus 
des  cataractes. 

Là,  ils  rencontrèrent  quelques  membres  de  la 
chevalerie  de  cette  célèbre  passe.  Ceux-ci  les  reçu- 
rent amicalement  et  leur  offrirent  des  vivres  ; 
mais  tandis  que  nos  voyai»eurs  satisfaisaient  leur 
faim,  les  Indiens  s'emparèrent  traîtreusement  de 
leurs  fusils;  ensuite  ils  les  dépouillèrent  de  tous 
leurs  vêtements  et  les  chassèrent,  en  refusant  aux 
instances  de  M.  Crooks  un  briquet  et  une  pierre 
à  fusil  qu'ils  lui  avaient  pris,  et  en  menaçar  de 
le  tuer  s'il  ne  partait  pas  à  l'instant. 

Dans  ce  triste  état,  plus  misérables  que  jamais, 
nos  deux  aventuriers  recommencèrent  leur  vaga- 
bondage. Ils  résolurent  de  retourner  chez  la  tribu 
hospitalière  des  Wallah-Wallahs  ,  et  ils  avaient 
déjà  fait  vingt  sept  lieues  le  long  de  la  Colombia 
quand ,  dans  la  matinée  même  où  ils  allaient  la 
quitter  pour  s'enfoncer  dans  les  terres,  les  canots 
de  M.  Stuart  s'offrirent   heureusement  à  leurs 


ye 


ux. 


Il  est  inutile  de  décrire  la  joie  de  ces  pauvre.* 
i:!ens  ,  cpiand  ils  se  reirouvèrent  loul-à-coup  a 


u 


7m 


la 


de 


ASIOIUV.  l'if 

milieu  i\c  Irurs  concitoyens  et  île  leurs  amis,  ni 
l'honnête  et  cordiale  réception  (|ue  leur  (iicnt 
leurs  compagnons  d'aventures.  Toute  la  troupe 
continua  ensuite  à  descendre  la  ri\icrc,  passa 
sans  interruption  les  endroits  dangereux,  et  ar- 
riva saine  et  sauve  à  Asloria  ,  le  i  i  mai. 


\''..' 


■^.^-' 


ï^^ 


»!!"»'ï 


I 


Ll;1. 


E*ii' 


^:.5| 


''(«if 

ri.,!  i 


CTlAPITUi:    XLÎ. 


Vue  (renseinble.  —  Agent  envoyé  en  Hussie.  —  Armement  du 
Castor. —  Instructions  au  Capitaine. —  Les  îles  Sandwich. — 
Bruits  relatifs  au  Tonquin.  —  Précautions  prises  en  attei- 
gnant l'embouchure  de  la  Colombia. 

Ayant  raconté  les  aventures  des  deux  expé- 
ditions par  mer  et  par  terre  jusqu'à  i'embou- 
chure  de  la  Colombia,  et  donné  une  idée  de  l'état 
des  aflaires  à  la  factorerie,  nous  allons  retourner 
pour  un  moment  auprès  de  l'homme  de  génie 
qui,  de  sa  résidence  à  New-Yoïk,  dirigeait  tous 
les  ressorts  de  l'entreprise. 

On  se  rappellera  qu'il  entrait  dans  le  plan  de 
M.  Astor  de  ravitailler  d'une  manière  régulière 
le  grand  comptoir  de  foirrrures,  établi  par  les 
Russes  sur  la  côte  du  Nord-ouest,  afin  de  le 
rendre  indépendant  des  vaisseaux  interlopes,  qui 
ruinaient  le  commerce  et  fournissaient  des  armes 
aux  Naturels.  Ce  projet  avait  été  approuvé  par 
le  Gouvernement  américain,  ainsi  quepar  le  comte 
Pahlen,  ministre  russe  à  Washington.  Cependant 
M.  Astor,  le  regardant  comme  fort  important  et 
comme  pouvant  iniluer  un  jour  sur  un  vaste 
commerce,  désirait  beaucoup  établir  un  arrange- 


ASTOr.IA.  l'i"» 

ment  complet  l\  ce  sujet  avec;  la  Compagnie  de 
i'ourrures  russe-américaine,  sous  la  sanction  du 
Gouvernement  russe.  Dans  ce  dessein ,  en  mars 
1811,  il  dépêcha  à  Sainl-Pét.ersI)ourg  un  agent 
confidentiel  avec  les  pouvoirs  nécessaiies  pour 
cette  négociation.  Le  Gouvernement  des  États- 
Unis  donna  passage  à  cet  envoyé ,  dans  le  John 
Adams,  vaisseau  de  guerre  destiné  pour  un  port 
européen. 

Le  second  soin  de  M.  Astor  fut  d'expédier  Je 
vaisseau  annuel  projeté  dans  son  plan  général.  11 
ne  savait  rien  encore  du  résultat  des  expéditions 
précédentes,  et  devait  procéder  sur  la  présomp- 
tion que  toutes  choses  s'étaient  accomplies  con- 
formément à  ses  instructions.  11  équipa  donc  un 
beau  navire  de  quatre  cent  quatre-vingt  dix- 
neuf  tonneaux ,  ;iommé  le  Castor,  et  le  chargea 
d'une  ample  cargaison  pour  ravitailler  la  facto- 
rerie de  l'embouchure  de  la  Colombia  ainsi  que 
l'établissement  russe,  et  pour  trafiquer  le  long 
des  côtes.  Il  embarqua  dans  ce  vaisseau  un  renfort 
composé  d'un  Partner,  de  cinq  Clercs,  de  quinze 
ouvriers  américains  et  de  six  Voyageurs  canadiens. 
En  choisissant  ses  agents  pour  la  première  expé- 
dition, M.  Astor  avait  été  obligé  d'avoir  recours 
à  des  sujets  anglais,  expérimentés  dans  le  com- 
merce canadien  des  fourrures.  Dorénavant,  c'é- 
tait son  intention  d'employer  autant  que  possible 


^ 


i 


'^*^ 


t/j/i  \SrORIA. 

(Icîs  Américains  ,  aliii  d'assurer  rinHiience  amé- 
ricaine dans  les  affaires  de  la  Compagnie,  et  de 
rendre  son  entreprise  toiit-à-fait  nationale. 

En  conséquence,  M.  John  Clarke,  le  Partner 
chargé  de  diriger  la  présente  expédition,  était 
natif  des  États-Unis;  cependant  il  avait  passé  une 
grande  partie  de  sa  vie  dans  le  Nord-ouest,  ayant 
été  employé  dans  le  commerce  des  fourrures  de- 
puis l'âge  de  seize  ans.  La  plupart  des  niercs 
étaient  des  jeunes  gens  de  bonne  famille  des  cités 
américaines,  les  uns  attirés  par  l'espoir  du  ^/'»in, 
les  autres  poussés  par  l'esprit  aventureux  ordi- 
naire h  la  jeunesse. 

Les  instructions  données  par  M.  Astor  au  ca- 
pitaine Sowle,  commandant  du  Castor,  étaient  à 
quelques  égards  hypothétiques,  à  cause  de  l'in- 
certitude qui  régnait  sur  les  précédentes  opéra- 
tions de  Tentreprise.  11  devait  loucher  aux  lies 
Sandwich ,  s'enquérir  de  la  fortune  du  Tonquin, 
et  savoir  si  un  établissement  avait  été  formé  à 
l'embouchure  de  la  Colombia.  S'il  en  était«ainsi, 
il  devait  s'y  rendre  après  avoir  pris  à  son  bord 
autant,  d'insulaires  ([ue  son  vaisseau  en  pourrait 
contenir.  En  airivant  à  l'embouchure  de  la  ri- 
vière, il  devait  observer  les  plus  grandes  précau- 
tions, car  même  si  un  établissement  y  avait  été 
formé,  il  pouvait  être  tombé  entre  des  mains  en- 
nemies. Le  capitaine  Sowle  devait  donc  pénétrer 


ASrORIA.  l/|'î 

ilans  \v.  Iiaviv  coin  me  par  hasard  du  par  délresse, 
SL*  l'aire  passer  poui  iiii  mareiiaiRl  eolier,  et  ne 
pas  dire  cpie  son  vaisseau  appartenait  à  M,  Asior 
avant  de  s'être  assuré  que  tout  était  parl'aitement 
en  ordre.  Dans  ce  dernier  cas,  il  devait  débarquer 
la  partie  de  sa  cargaison  nécessaire  à  l'établisse- 
ment, puis  continuer  jusqu'à  New-Archangel  avec 
les  provisions  destinées  au  poste  des  Russes,  dont 
il  devait  recevoir  des  pelleteries  en  paiement.  11 
devait  retourner  avec  celles-ci  h  Astoria,  prendre; 
les  fourrures  qui  y  auraient  été  recueillies,  et 
ayant  complété  sa  cargaison  en  trafiquant  le  long 
de  la  cote,  se  rendre  à  Canton.  Enfin  il  était  iu- 
vité,  comme  le  capitaine  Thorn  l'avait  été^  à  user 
de  la  plus  grande  circonspection  envers  les  Na- 
turels, et  à  ne  pas  permettre  à  plus  de  deux  ou 
trois  de  se  trouver  en  même  temps  sur  son  bord. 

Le  Castor  fit  voile  de  New- York  le  lo  octobre 
1811  et  atteignit  les  îles  Sandwich  sans  aucun  évé- 
nement remarquable.  Des  rumeurs  y  circulaient 
sur  le  destin  désastreux  du  Toiiquin.  Tous  ceux 
qui  montaient  le  Castor  ressentirent,  en  les  en- 
tendant, une  profonde  inquiétude  sur  le  si/ildes 
deux  expéditions  maritime  et  terrestre.  On  dou- 
tait s'il  avait  été  formé  aucun  établissement  • 
l'embouchure  de  la  Colombia,  et  si  l'on  y  trou- 
verait aucun  membre  de  la  Compagnie.  Après 
beaucoup  de  délibérations,  leCapitaine  prit  à  bord 

II.  10 


m 


!'.(> 


AsroniA 


m 


*^  " 


%1^ 

m 


■H 

m- 


douze  Saiiclwichiens  pour  le  serviee  de  la  f'aclo- 
rerie,  s'il  ia  trouvait  exislante,  et  continua  en- 
suite son  voyage. 

Le  6  mai,  il  arriva  à  l'embouchure  de  la  Co- 
lombia,  et  rangeant  la  côte  aussi  près  que  possi- 
ble, il  tira  deux  coups  de  canon.  Aucune  réponse 
ny  fut  faitC;  et  l'on  n'aperçut  sur  le  rivage  aucun 
signal.  La  nuit  venant,  le  vaisseau  retourna  vers 
la  pleine  mer,  et  toutes  les  espérances  s'évanoui- 
rent à  mesure  que  la  terre  s'elFaçait.  Le  lendemain 
matin,  le  Castor  revint  enccre  à  une  lieue  du  ri- 
vage, et  tira  d'autres  signaux,  mais  sans  obtenir 
plus  de  réponse.  Un  bateau  fut  alors  dépêche 
pour  sonder  le  chenal  et  tâcher  de  trouver  une 
entrée;  mais  il  revint  sans  succès  à  cause  des 
brisants  et  de  la  houle  qui  était  épouvantable.  Des 
coups  de  canon  furent  de  nouveau  tirés  dans  la 
soirée,  mais  également  en  vain  ,  et  le  vaisseau  re- 
gagna encore  inie  fois  la  haute  mer  pour  la 
nuit.  Le  Capitaine  renonça  alors  à  tout  espoir  de 
trouver  aucun  établissement,  et  s'abandonna  aux 
plus  sombres  appréhensions.  Il  craignait  que  ses 
prédécesseurs  n'eussent  été  massacrés  avant  d'a- 
voir atteint  le  lieu  de  leur  destination;  ou,  s'ils 
avaient  élevé  un  comptoir,  qu'il  n'eût  été  surpris 
et  détruit  par  les  Naturels.  .    /  . 

Dans  ce  moment  d'incertitude  et  de  crainte, 
M.  Clorke  annonça  qu'en  mettant  les  choses  au 


s 


pis,  il  t'Mait  tlétcjmiiié  à  fonder  un  élahlissement 
avcr  son  monde  et  ses  ressources  présentes. 
(  liacun  s'engagea  courageusement  à  le  seconder 
dans  cette  entreprise.  Le  lendemain  matin,  le 
vaisseau  s'approcha  du  bord  pour  la  troisième 
l'ois  ,  et  tira  trois  coups  de  canon  ,  mais  avec 
peu  d'espoir  de  recevoir  une  l'éponse.  A  la 
grande  joie  des  passagers,  on  entendit  peu  après 
trois  coups  de  canon  distincts  -venant  du  rivage. 
Les  appr€"Iiensions  de  tout  le  monde ,  excepté 
celles  du  capitaine  Sowle,  furent  alors  calmées  : 
mais  ce  prudent  commandant,  se  rappelant  les  in- 
slructlovis  qui  lui  avaient  été  données  par  M.  As- 
lor,  ne  voulut  procéder  qu'avec  la  plus  grande 
circonspection.  11  connaissait  bien  l'esprit  de  inisc^ 
(  t  de  perfidie  des  Indiens.  Il  n'était  pas  impos- 
sible, ôbserva-t-il,  qu'ils  eussent  eux-mêmes  tiré 
ces  canons.  Ils  pouvaient  avoir  surpris  le  fort, 
massacré  les  Américains,  et  ces  signaux  pouvaient 
n'être  que  des  leUi-res  pour  attirer  le  vaisseau  au 
delà  de  la  barre;  afin  d'îivoir  une  chance  de  s'en 
emparer.  '        ■  !    •  -    ' 

A  la  fin  on  aperçut  un  pavillon  blanc,  élevé 
comme  signal  sur  le  cap  Désappointement.  Les 
Passagers  le  montrèrent  en  triomphe  ;  mais  les 
doutes  du  Capitaine  n'étaient  point  encore  dissi- 
pés. Durant  la  nuit,  un  grand  feu  brilla  comme  un 
phare  a  la  même  place;  mais  le  Capitaine  observa 


î  /f8  A  StOR  I  A 

que  tous  ces    signaux  pouvaient  être   perfides. 
Dans  la  matinée  suivante  ,  9  mai  181  2,  on  jeta 
l'ancre  près  du  cap  Désappointement,  en  dehors 
de  la  barre.  Vers  midi ,  on  aperçut  uil  canot  in- 
dien se  dirigeant  vers  le  vaisseau,  et  tout  le  monde 
reçut  ordre  de  se  tenir  alerte.  Peu  d'instants  après 
on  découvrit  une  barge  qui  suivait  le  canot.  Les 
Passagers,  agités  de  crainte  et  d'espérance  ,  res- 
taient immobiles ,  lies  yeux  fixés  sur  celte  barque 
qui  devait  leur  faire  connaître  le  destin  de  l'en- 
treprise et  le  sort  de  leurs  prédécesseurs.  Cepen- 
dant le  Capitaine >  toujours  défiant,  ne  laissa  pais 
sa  curiosité  l'emporter  àur  sa  prudence.  Il  or- 
donna h  une  partie  de  ses  hommes  de  prendre  les 
armes  pour  recevoir  les  étrangers.  Le  canot  vint 
le  premier  le  long  du  boi'd  :  il  portait  Comcomly 
avec  six  Indiens.  Dans  la  barge  étaient  Mac  Dougai, 
Mac  Leilan  et  huit  Canadiens.  Une  courte  con- 
versation avec  ces  messieurs  ayant  dissipé  toutes 
les  craintes  du  Cc'fpitaine ,   le  Castor  traversa  la 
barre  sous  leur  pilotage  ,  et  jeta  l'ancre  en  sûreté 
dans  la  baie  de  Baker. 


^\'- 


GHAPlTIiE    XLII. 


Uà 


Nouvelles  cxpcdilions  préparées  à  Asloiia.  —  Robert  Stuarl  cl 
ses  compagnons  parlent  pour  ]\ew-York.  —  Singulière  con- 
duite tie  John  Day.  —  Sa  folie  et  sa  mort.  —  Portage  dunge 
reux.  —  Serpents  à  sonnette.  —  Arrivée  painii  les  Wallali- 
Wallahs.  —  Achat  do  chevaux.  —  Départ  de  Stuarl  cl  de  sa 
handc  pour  les  Montagnes. 

L'arrivée  du  Castor  avec  un  renfort  et  des 
provisions  donna  inie  nouvelle  vie  aux  afFaires 
d'Astoria.  On  se  trouvait  ainsi  en  mesure  d'éten- 
dre les  opérations  de  rétablissement,  et  de  fonder 
des  comptoirs  intérieurs.  Deux  détachements 
furent  immédiatement  organisés  sous  le  comman- 
dement de  MM.  Mac  Kenzie  et  Clarke,  pour  aller 
établir  des  postes  au-dessus  des  fourches  dv  !<> 
Colombia  ,  dans  les  endroits  où  il  y  avait  à  crain- 
dre le  plus  de  concurrence  de  la  part  de  la  Com- 
pagnie du  NorcUouest. 

Une  troisième  brigade,  dirigée  par  M.  Havid 
Sluart,  devait  aller  ravitailler  le  poste  (juc  lui 
même  avait  établi  sur  l'Oakinagan.  Enfin  une 
fjuatricme  expédition  était  nécessaire  pour  porlei 
des  dépêches  à  M.  Astor,  en  place  de  celles  (|ui 
avaient  été  mallicincnsenn^nf  perdues  par  John 
l\c(xl.   Le  lianspoil  de  ces  flépèrhcs  éliùl  de  h 


I 


il 


I 


WÈf. 


n^- 


M'- 


IDO  ASTOUIA. 

plus  haute  iinporlaiice,  cnr  c^'cst  par  elles  (ine 
M.  Astor  devait  apprendre  la  situation  de  la  fac- 
torerie, et  réi^lei'  en  conséquence  l'envoi  des  ren- 
forts et  des  ravitaillements.  C'était  une  mission 
pleine  de  périls  et  de  fatigues,  et  qui  exigeait  un 
homme  sur  lequel  on  put  compter.  Elle  fut  con- 
fiée h  M.  Robert  Stuart.  Quoiqu'il  fût  bienjeune 
et  qu'il  n'eût  jamais  traversé  les  Monlagnes,  puis- 
qu'il était  venu  dans  le  Tonquin  ,  il  avait  l'ait 
preuve  de  capacité.  Quatre  hommes  fidèles  el 
bien  éprouvés,  qui  étaient  venus  par  terre  avec 
l'expédition  de  M.  Hunt ,  lui  furent  donnés 
comme  guides  et  comme  chasseurs.  C'étaient  lien 
Jones  le  Kentuckien,  et  John  Day  le  Virginiei», 
avec  Andri  Vallar  et  Francis  Leclerc,  Canadiens. 

M.  Mac  Lellan  exprima  de  nouveau  sa  déter- 
mination de  retourner  dans  les  Etals  atlan- 
tiques par  cette  occasion.  M.  Crooks  en  fit  au- 
tant. Malgré  tout  c(;  qu'il  avait  souffert  dans 
son  horrible  voyage  de  l'hiver  précédent ,  il 
était  prêt  à  revenir  sur  ses  pas,  et  h  braver  tous 
les  dangers,  toutes  les  fatigues,  plutôt  que  de 
rester  à  Astoria.  INous  nous  proposons  d'accom- 
pagner cette  poignée  d'aventuriers  dans  leur  lon- 
gue et  périlleuse  pérégrination. 

Les  divers  détachements  que  nous  venons  de 
mentionner,  partirent  tous  en  compagnie,  le  ^n) 
juin  i8i?, ,  au  l>ruit  d'une  salve  de  canons.  Ils  de- 


.:v.-. . 


ASTURIA.  l6l 

\aiei)t  icatcr  ensemble,  ulin  de  se  protég(;r  inu- 
luelieiïient  l\  tiavcrs  les  passages  dangereux  de  la 
rivière,  et  se  séparer  aux  fourelies  de  la  Coloinbia 
pour  se  rendre  à  leurs  dillëreiites  destinations. 
Leur  nombre  total  élail  de  piès  de  soixante  hom- 
mes, consistant  en  Partners ,  Clercs ,  Voj^^agenrs 
canadiens,  insulaires  sandwichiens,  et  chasseurs 
américains.  Us  s'embarquèrent  dans  deux  baiges 
et  dans  dix  canots. 

lis  étaient  à  peine  en  route  lorsque  John  Da^', 
le  chasseur  viiginien,  devint  mécontent,  tu!  bu- 
lent  et  extrêmement  fantasque.  Cela  causa  beau- 
coup de  surprise,  car  en  général  il  élait  remar- 
quable par  sa  bonr»e  humeur  aussi  bien  que  pai 
sa  conduite  courageuse.  On  supposa  que  le  sou- 
venir de  ses  soulTran ces  passées  tourmentait  sou 
esprit,  au  moment  de  repasser  par  les  lieux  où  il 
les  avait  éprouvées.  A  mesure  que  l'expédition 
avançait,  son  agitation  allait  en  augmentant. 
Enfin ,  il  commença  à  parler  d'une  manière 
étrange,  incohérente,  et  à  montrer  des  sj'mp- 
tômes  manifestes  do  folie.  M.  Crooks  informa 
alors  ses  compagnon  >,  que  l'hiver  précédent,  pen- 
dant l'alfieux  voja4,e  où  il  était  accompagné  par 
JohnDay,  l'esprit  du  pauvre  diable  avait  été  pai- 
li(îllement  dérangé  par  les  soulirances  horribles 


qu  n  avait  emlurees  aux  envnons 


de    i: 


i   rivicre 


des  Serpents.  M.  Crooks  doutait  (ju'il  eût  jamai." 


f  '  ! 


l[>-J. 


!'iif 


„;|. 


u 


»! 


jlti 


AS'IORIA. 

rl«^  <'iilicremeiil  irInMi.  On  rs|H'rjiil  poiirlaiil  en- 
core que  l'agitation  de  Di\y  pourrait  se  passer  à 
mesure  qu'on  avancerait  :  mais  au  contraire,  elle 
devint  de  plus  en  plus  violente.  On  s'efforçait  de 
le  distraire  et  de  l'engager  dans  des  conversations 
rationnelles,  mais  il  n'en  devenait  que  plus  exas- 
péré, et  se  livrait  à  de  sauvagfes  rêveries.  La  vue 
des  Naturels  le  mettait  dans  une  fureur  complète, 
et  il  les  accablait  des  épithètes  les  plus  inju- 
rieuses, se  rappelant,  sans  aucun  doute,  ce(|u'il 
avait  souffert  de  la  part  des  voleurs  indiens. 

Dans  la  soirée  du  2  juillet,  il  devint  absolu- 
ment frénétique  et  essaya  de  se  détruire.  Ayant 
été  désarmé,  il  s'apaisa  et  exprima  les  plus  grands 
remords  du  crime  ({u'il  avait  médité.  Il  fit  ensuite 
semblant  de  dormir,  et  ayant  ainsi  calmé  les 
soupçons,  il  se  leva  un  peu  avant  le  point  du 
jour,  saisit  tout-à-coup  une  paire  de  pistolets 
chargés,  et  voulut  se  brider  la  cervelle;  mais,  dans 
sa  précipitation^  il  tira  trop  haut,  et  la  balle  passa 
par  dessus  sa  léte.  On  s'assura  de  lui  à  l'instant, 
et  il  fut  placé  avec  une  garde  dans  un  des  bateaux. 
On  s'occupa  alors  de  savoir  ce  qu'on  ferait  de 
*ui,  car  il  était  impossible  de  l'emmener  avec 
l'expédition.  Heureusement  M.  Stuart  renconi»i< 
quelques  indiens  accoutumés  à  commercer  à 
Astoria.  Ils  se  chargèrent  de  conduire  John  Day 
à   la   factorerie  ,  et    de  l'y  livrer  sain  et  sauf. 


1  .^>  I 


a 


ASTOin  A. 

Los  cainnrndrs  de  i  c  n.uivicdi.ihle  le  virent  pmiir 
nvec  le  plus  i»j;md  ('li;ii:;iiii,  cnr,  iiidépeiidaiii- 
ineiit  de  SCS  ineslimahles  services  coiiiine  cliasseur 
de  première  force,  sa  rrancliise  et  sa  lo)'auté  v\\ 
avaient  fait  un  favori  universel.  Nous  ajouterons 
immcdiatcmcnt,  que  les  Indiens  exécutèrent  lidc 
lement  leur  tî\che,  et  débarquèrent  Jolin  Day 
parmi  ses  amis,  à  Asioria  ;  mais  sa  constitution 
était  complètement  détruite  par  les  fatigues  qu'il 
avait  soulFertes,  et  il  mourut  dans  l'année. 

Dans  la  soirée  du  G  juillet,  la  caravane  ariiva 
aux  passages  dangereux  de  la  rivière,  et  campa  au 
pied  du  premier  rapide.  Le  lendemain ,  avant  le 
commencement  du  portage ,  on  prit  les  plus 
grandes  précautions  pour  se  défendre  de  la  trahi- 
son des  Naturels,  ou  de  leurs  attaques  ouvertes. 
Les  armes  de  tous  les  hommes  furent  mises  en  or- 
dre, et  chaque  boîte  à  cartouche  fut  remplie. 
Chacun  portait  une  espèce  de  surtout  de  |Xîau 
d'élan  ,  descendant  du  cou  jus({u'au  genou ,  et  qui 
faisait  l'eiïèt  d'une  cotte  de  mai  Iles  j  cette  arn}Hre 
était  à  l'épreuve  des  flèches,  et,  h  la  distance  de 
(jualre-vingls  mètres,  pouvait  même  résister  ;i  une 
balle  de  mousquet.  Ainsi  é(|uipés,  nos  gens  postè- 
rent leurs  forces  d'une  manière  militaire.  Cin([ 
oHiciers  prirent  leur  station  à  rhaqu<^  bout  du 
portage,  (\n\  iw-ùt  nu  peu  plus  d'une  lieue  de 
longueur.  Un  ecilaiii  nombic  d  lionunes   nion- 


m 

i 


1 


m 


1  ^-' 


i 


Si.,. 


km 


AMOHI  A. 

I.iieiil  lu  i^ai'dt;  ii  des  clisUniccs  lapprucliéo,  sur  \v> 
iiiiuteurs  ([ui  dominaient  la  rivièri;,  pendant  (pic 
les  autres,  ainsi  prolc^'és  contre  une;  surprise  , 
s'cMiiplo^aient  en  bas  à  tirer  les  embarcations  et 
(I  transpoiter  les  marciumdises  \v,  lonf;  dv,  la  rive 
étroite  et  raboteusr\  Grâce  ii  ces  précautions  tout 
se  passa  sans  encoiidjre.  Le  seul  événement  qui 
arriva  fut  que  l'un  des  canots  chavira,  et  qu'une 
partie  des  marchandises  coulèrent  ii  fond,  tandis 
que  le  reste  élait  entraîné  par  le  courant.  Cet  ac- 
cident fit  voir  alors  que  les  Indiens  rapaces  <|ui 
infestent  ces  lapides  étalent  aux  aguets.  Ils  se 
précipitèrent  sur  les  objet  ilottants  ,  avec  toute 
l'habileté  de  ^ans  exercés  au  sauvetai^e.  Une 
balle  de  marchandises,  qui  échoua  sur  une  des 
îles,  fut  immédiatement  ouverte,  et  les  capteurs 
se  partagèrent  i\nv.  moitié  de  ce  ([u'clle  conte- 
nait; l'autre  moitié  fut  cachée  dans  une  huHe 
solitaire,  au  fond  d'un  profond  ravin.  Cepen- 
dant M.  Ilobeit  Stuart  monta  dans  un  canot 
avec  cinq  hommes  et  ini  interprète,  déterra  les 
sauvetcm*s  dans  leur  retiaite,  et  parvint  à  leur  ar- 
racher leur  butin. 

Des  précautions  semblables,  et  déplus  giandes 
cuicore,  furent  observées  en  passant  le  Long-dé- 
troit et  les  cataractes,  lieux  infestés  par  la  che- 
>aleri(î  de  Wish-Kani  et  des  environs.  Un  soir,  on 
avait  à  peine  commencé  la  première  veille,  lors- 


ASTOIUA.  I    »'» 

(|ir<)ii  riil('ii<iil  le  i*ri  (r.'iliiinic  :  «  les  liitliiMi^  !  » 
—  «  Aux  .'irincsl  »  K-poiidit-on  <!(»  loiilcs  p;irls; 
et  en  un  iiist.int  (>Iki({U('  liounuc  lut  à  son  poste. 
On  .'ipprit  Mcntot  la  cnuscdc  rnlcrlr.  lin  parti  de 
i^uerriers  shoshonics  ayant  surpris  un  canot  dr 
Naturels,  jusic  au-di'ssous  du  campcinenf,  avaient 
massacré  (jualre  hommes  et  doux  femmes.  On 
craignait  (pi'ils  ne  voulussent  atta([uer  le  camp. 
Les  bateaux  et  les  canots  furent  immédiatement 
jialés  sur  le  ri\age.  On  les  disposa  avec  les  pa- 
(piets  de  marchandises  pour  servir  de  parapets  sur 
trois  cotés  d!un  cari'é  dont  la  rivière  formait  le 
(piatrième.  La  (caravane  resta  ainsi  fortifiée  et 
sur  ses  cardes  durant  toute  la  nuit. 

Cependant  l'ain-ore  dissipa  les  alarmes  :  le  por- 
tage s'accomplit  pacificpienuMit.  Les  guerriers  va- 
gabonds du  voisinage  rôdaient  bi(;n  à  l'entour  des 
travailleurs  ,  mais  ils  étaient  maintenus  à  vuie  dis- 
tance respectueuse.  Ils  regardaient  les  paquets  de 
marchandises  d'un  œil  de  convoitise;  mais  trou- 
vant les  Longues-barbes  si  nombreux  vX  si  bien 
préparés  au  combat ,  ils  n'essayèrent  ni  par 
adresse  ni  pai*  foi'ce,  de  lever  leurs  droits  habi- 
tuels. Leur  conduite  pacifu[ue  fut  récompensée 
par  un  présent  de  tabac. 

Quinze  jours  furent  employés  li  monter  du  bas 
tlu  premier  lapide  nu  somnu't  de  la  cataracte  » 
dislance  d'en>iron  vingt-sept  lieues,  mais  rempli<> 


'i*^i! 


*J 


J'-c    ■•»'V 


1    > 


m 


9K 


fie  l<;)ules  sorles  d'obslarles.  A)'ant  licurcubc- 
mcnt  accompli  ce  ('iflicilc  porla£>c,  nos  vo)'ai»eiii\s 
anivcreiit  le  u)  jullleJ  ,  à  l'eiulioit  où  la  rivière 
icdevicnt  Irauquille,  et  pouisui virent  leur  route 
en  remontant  le  courant  avec  plus  de  vitesse  et 
moins  de  fati<^ae. 

On  se  trouvait  alors  aux  environs  du  lieu  où 
M.  Crooks  et  John  Day  avaient  été  si  traîtreuse- 
ment dépouillés, quelques  mois  auparavant,  quand 
ils  s'étaiiMit  confiés  à  l'hospitalité  que  leur  ollVait 
une  bande  de  scélérats.  On  eut  es.  •  soin,  en  dé- 
barquant le  soir,  d'établir  une  garde  vigilante 
autour  du  camp.  Le  lendemain  matin,  pendant  \v 
déjeuner,  un  certain  nombre  d'Indiens  parurent, 
et  vinrent  rôder  autour  de  la  troupe  A  sa  grande 
satisfaction,  M.  Crooks  reconnut  parmi  eux  deux 
des  mécréants  qui  l'avaient  volé.  Ils  furent  à  l'in- 
stant saisis  et  jetés,  pieds  et  poings  liés,  dans  un 
des  canots.  Là,  i!s  gisaient  en  grande  terreur, 
s'attendant  à  une  -ixécution  sommaire.  Cepen- 
dant M.  Crooks  n'était  pas  d'inie  disposition  vin- 
dicative. Il  consentit  à  relâcher  les  coupables  si 
on  lui  rendait  ce  qui  lui  avait  été  enlevé.  Plu- 
sieurs Sauvages  parurent  immédiatement  dans 
diirérentes  directions  :  avant  la  nuit  les  fusils  de 
Crooks  el  de  John  Day  lurent  rapportés,  mais 
plusieurs   des  pi^lits  objets    (pii    leur  avaieïil  r\r 


rléroh 


le.s  ne  purent  etie  neouvres. 


ASTORIA. 


i  ^■ 


CUSCt 

ivièif 
routt' 

ssc  cl 

eu  où 
reuse- 
juaiul 
ofïVail 
eu  clé- 
gilaiitc 
cUuit  \v 
nirenl, 
nrando 
IX  deux 
t  à  l'in 
lans  un 
.erreur, 
Cepeu- 
lon  viii- 
lahles  ^\. 
vé.  Plu- 
nt   ilaus 
(us ils  dr 
l's,  mais 
lieiil  (Hr 


On  6la  alors  les  liens  des  coupables  ,  et  ils  lu' 
perdirent  pas  un  instant  poui-  s'enfuir.  Remplis 
(le  la  terreur  la  plus  abjecle,  ils  paraissaient  ne 
pas  pouvoir  croire  à  leur  délivrance. 

De  chaque  etkéde  la  rivière  le  pays  commençait 
à  prendre  un  caractère  nouveau.  Les  monts ,  les 
rochers  et  les  forêts  disparaissaient.  De  vastes 
plaines  salîlonneuses,  h  peine  couvertes  çà-et-là 
d'une  d'herbe  courte  et  brûlée  par  le  soleil  d'été, 
s'étendaient  au  loin  vers  le  sud  et  vers  le  nord. 
La  rivière  était  quekpiefois  obstruée  de  ro- 
chers et  de  rapides,  mais  souvent  il  y  avait  des 
espaces  tranquilles  où  le  courant  était  peu  fort,  et 
où  les  bateliers  pouvaient  alléger  leur  travail  par 
l'assistance  de  la  voile. 

Les  Naturels  de  cette  partie  de  la  Colombia 
résidaient  tous  sur  la  rive  septentrionale.  Ils 
étaient  chasseurs  aussi  bien  que  pêcheurs ,  et 
avaient  des  chevaux  en  abondance.  Quelques-uns 
de  ceux-ci  furent  achetés  et  tués  sur  la  place, 
pour  servir  de  vivres;  mais  on  eut  de  la  peine  à 
se  procurer  du  combustible  pour  les  faire  cuire. 
Un  des  plus  grands  dangers  pour  nos  voyageurs , 
<Ians  cette  partie  de  leur  expédition  ,  provenait 
du  grand  nombre  de  serpents  à  sonnettes  (pii  in- 
festaient les  rocs  et  les  portages,  et  sur  Ics- 
<|uels  on  lisquait  de  marcher.  On  on  trouvait 
souvent  une  multitude  autour  des  rampemcnis. 


1  Vf', 


ASTOHIA. 


L* 


l);ms  iiii  endroit  on  npcrcut  un  nitl  de  ces  dini- 
:;(;reux  reptiles,  qui ,  roulés  enseni])le  ,  st;  ehaul- 
l'aient  aux  rajons  du  soleil.  On  leur  tira  plusieurs 
eoups  de  fusil,  eliari,'és  à  ploinh,  et  on  en  tua 
ou  blessa  trente-sept.  Tour  éviter  durant  la  nuil 
leurs  visites,  nos  voj'ageurs  semaient  (pieltpiefoi s 
autour  de  leurs  tentes  du  tabac ,  plante  pour 
lacjuelle  ces  serpents  ont  une  aversion  très  pro- 
noncée. •'       • 

Le  28  juillet  nos  voyaiçeurs  arrivèrent  à  l'em- 
bouchure de  laWallah-Wallali. Cette  rivière,  belle 
et  claire,  profonde  d'à  peu  près  six  pieds,  large 
d'environ  cent  cinquante,  coule  rapidement  sur 
un  lit  de  sable  et  dei^ravier  ;  elle  se  jette  dans  la 
Colombia,  à  peu  de  milles  au-dessous  de  la  rivière 
Lewis.  C'est  là  que  les  divers  détachements  qui 
avaient  si  long-temps  voyagé  ensemble ,  devaient 
se  séparer  pour  se  rendre  chacun  à  sa  destination 
particulière. 

Sur  les  bords  de  la  Wallah-Wallah  vivait  la 
tribu  hospitalière  qui  avait  secouru  M.  Crooks  et 
John  Day  dans  le  temps  de  leur  misère.  Aussitôt 
que  ces  bons  Indiens  apprirent  l'airivée  de  la 
(Caravane,  ils  se  hiUèrent  d'aller  leur  donner  la 
bien-venue.  11  linnit  devant  le  camp  un  grand  feu 
de  joie  autour  duquel  ils  se  mirent  tous  à  danser. 
Les  Wallah-VYallahs  sont  cavaliers,  mais  l'équi- 
pement de  leurs  chevaux  est  lourd  et  incommode. 


Leurs  selles  élevées,  i^rossièreinenl  failes  de  pe;Mi 
(le  daim  et  iç.nnies  de  crin  ,  érliaiiOènt  le  dos  du 
clievnl  et  le  mettent  à  vif;  leurs  élrieis  sont  de 
bois  et  entourés  d'une  courroie  de  cuir  cru  ; 
pour  brides  ils  ont  des  cordes  de  crin  tressé, 
qu'ils  attachent  autour  de  la  mâchoire  inférieure. 

Cavaliers  hardis,  mais  durs,  comme  la  plupart 
des  Indiens,  ils  font  galoper  leurs  chevaux  dans 
les  endroits  les  plus  dangereux,  sans  pitié  pour 
leurs  montures  et  sans  craintes  pour  eux-mêmes. 

M.  Stuart  leur  acheta  vin2[t  chevaux,  destinés 
en  partie  à  la  selle,  en  partie  à  porter  les  bagages. 
Il  eut  le  bonheur  de  se  procurer,  pour  son  propre 
usage,  un  noble  animal  qui  était  extrêmement 
estimé  par  les  Indiens  à  cause  de  sa  grande  vitesse 
et  de  sa  vigueur  remar({uable.  Personne  n'entend 
la  valeur  des  chevaux  mieux  que  ces  Sauvages 
équestres,  et  nulle  part  la  vitesse  n'est  plus  re- 
cherchée, car  ils  vont  souvent  à  la  chasse  de  l'an- 
tilope, l'un  des  animaux  les  plus  rapides.  Même 
après  avoir  conclu  son  marché,  l'Indien  qui  avait 
vendu  à  M.  Stuart  ce  bon  coursier,  resta  long- 
temps près  de  l'animal,  et  ne  s'en  sépara  qu'avec 
le  plus  vif  regret. 

M.  Stuart  employa  un  jour  ou  deux  à  arranger 
des  paquets,  des  bats,  et  à  faire  divers  préparatifs 
pour  son  dangereux  voyage.  Pni-  la  perte  de  John 
Oay,  sa  troupe  était  réduite  à  six  hommes,  nom- 


iGo 


ASTOlilA 


f% 


lue  bien  |>elil  poui  une  Iclle  cxpôdilion.  (lepeii- 
daiil  c'claieiil  des  jouncs  i^ons  pleins  trautlace^  île 
saille,  de  bonne  humeur,  et  stimulés  philol  que 
découragés  par  les  périls. 

Dans  la  matinée  du  5i  juillet,  tous  les  prépa- 
ratifs étant  terminés,  M.  Stuart  et  sa  petite 
troupe  montèrent  sur  leurs  coursiers  et  prirent 
<;ongé  de  leurs  camnrades ,  (|ui  les  saluèrent  tle 
trois  cordiales  acclamations.  La  route  qu'ils  pri- 
rent se  dirigeait  au  sud-ouest,  vers  la  région  ma- 
lencontreuse de  la  rivière  des  Serpents.  A  une 
immense  distance  s'élevait  une  rancée  île  mon- 
tagnes  chenues  qu'ils  devaient  avoir  à  traverser, 
et  qui,  d'après  leurs  teintes  azurées,  quand  on  les 
voit  de  loin,  avaient  reçu  le  nom  de  Monta- 
gnes Bleues  ;  c'étaient  celles  où  l'expédition  de 
M.  Hunt  avait  tant  soullert  du  froid. 


i-    ,-*<! 


l'a 


ClIAPITRL    XLIII 


iU)iile  (le  M.  Sluart.  —  Désoits  arides.  —  Les  montagnes  Bleues. 
—  Source  sulfureuse.  —  Bruits  concernant  des  hommes 
t)lancs.  —  Le  Serpent  et  son  clieval.  —  Un  guide  serpent.  — 
Départ  nocturne. —  llencontre  inattendue.  —  Histoire  des 
trappeurs.  —  Chute  des  saumons.  —  Grande  pêcherie.  — 
Ariivée  à  la  Chaudière.  —  État  des  caches.  —  Nouvelle  réso- 
lution des  trois  trappeurs  kentuckiens. 


En  reprenant  la  route  qui  avait  été  si  désas- 
treuse à  la  caravane  de  M.  llunt  pendant  l'hiver 
précédent,  M,  Stuart  avait  compté  qu'il  la  trou- 
verait facile  et  garnie  de  provisions  ,  à  cause  d<; 
la  saison  favorable  où  l'on  était.  Mais,  dans  ces 
i!;rands  déserts,  chaque  saison  a  ses  inconvé- 
nients particuliers.  Nos  voyageurs  n'avaient  pas 
encore  fait  beaucoup  de  chemin  lorsqu'ils  se  trou- 
vèrent au  milieu  de  collines  nues  et  arides.  Le 
sol,  composé  d'argile,  était  sec,  friable,  et  avait 
l'air  de  n'avoir  jamais  été  visité  par  la  rosée  thi 
ciel.  On  n'apercevait  ni  un  ruisseau ,  ni  une 
source,  ni  une  marc.  La  terre,  desséchée;  par 
le  soleil  ,  était  sillotniée  de  ravins  secs,  lits  des 
lorrents  dtiiant  l'Iiixer,  mais  (|ui  ne  .servaieni 
11.  II 


m 


H 


lyfe 


m 


i()j,  Asrofdv. 

nlors  (|u'à  tromper  les  cspriances  (.les  lioiuines  t\ 
ties  chevaux  ,  car  on  uy  liouvait  plus  (|ii'mu 
mille  poussière. 

Durant  une  lonf^ue  journée  d'été  nos  voyageurs 
poussèrent  en  avant  sans  s'arrêter.  Le  soleil  étin- 
celait  sur  leurs  têtes  ;  le  désert  desséché  s'étendait 
sous  leurs  pieds  :  il  faisait  juste  assez  de  vent  pour 
soulever  le  sable  lin  des  dunes ,  et  pour  envelop- 
per bétes  et  gens  d'un  nuage  étoutïànt  de  pous- 
sière. Les  souffrances  de  la  soil'devinrent  cruelles. 
Un  beau  et  jeune  chien,  leur  seul  compagnon  de 
cette  espèce,  se  coucha  sur  la  terre  et  expira.  Le 
soir  s'approchait  sans  aucune  apparence  de  sou- 
lagement ,  et  ils  étaient  presque  réduits  au  déses- 
poir, cpiand  ils  crurent  apercevoir  à  l'horizon 
une  rangée  d'arbres.  Celte  vue  les  remplit  tous 
d'espérance  :  ils  savaient  que,  dans  ces  arides 
déserts,  il  n'y  a  jamais  d'arbres  que  dans  le  voi- 
sinage de  l'eau. 

Us  hâtèrent  le  pas.  Les  chevaux  semblaient 
comprendre  leurs  motifs  et  partager  leur  espoir, 
car^  quoiqu'ils  eussent  paru  prêts  à  tomber  de 
fatigue,  on  n'avait  plus  besoin  de  les  exciter. 
Malgré  tous  leurs  efforts  il  était  lard  dans  la  nuit 
avant  qu'ils  fussent  arrivés  au  lieu  désiré.  En 
approchant  ils  entendirent,  avec  transport,  le 
murmure  d'un  ruisseau.  Aussitôt  que  ce  bruit 
rafraîchissant  atleignil  les  oreilles  des  chevaux  , 


il 
m 


iuLlii 


:t:^--^- 


inef 


ASToniv.  i(>5 

les  pauvres  l)ètes  renitlèreiit ,  se  précipitèrent  on 
avant  avec  une  vitesse  qu'il  était  impossible  tic 
réprimer ,  et  plongeant  leurs  naseaux  clans  l'eau 
en  burent  presque  jusqu'à  crever.  Les  cavaliers 
ne  montrèrent  guère  plus  de  discrétion,  et  il  leur 
fallut  boire  à  plusieurs  reprises  pour  apaiser  leiu- 
soif  excessive.  Cette  fatigante  journée  avait  été  de 
quinze  lieues,  dans  un  désert  qui  pouvait  rivali- 
ser, pour  l'aridité,  avec  ceux  de  l'Afrique.  Sou- 
vent, enelFet,  les  souffrances  des  voj'ageurs  sont 
plus  grandes  dans  ces  déserts  américains  que  dans 
ceux  d'Afrique  ou  d'Asie,  parce  qu'on  est  moins 
habitué  et  moins  préparé  à  lutter  contre  des  dif- 
ficultés de  cette  nature. 

Nos  voyageurs  campèrent  pour  la  nuit  auprès 
de  ce  ruisseau  bienheureux,  et  leur  fatigue  avait 
été  si  grande,  leur  sommeil  était  si  profond  et  si 
doux,  qu'ils  ne  s'éveillèrent  le  lendemain  que  fort 
tard.  Ils  reconnurent  alors  que  cette  petite  rivière 
était  rUmatalla^  sur  les  bords  de  laquelle  M.  Hunt 
et  ses  compagnons  étaient  arrivés  après  leur  pé- 
nible marche  à  travers  les  montagnes  Bleues  ,  et 
où  ils  avaient  reçu  des  secours  si  empressés  dans 
le  camp  hospitalier  des  Sciatogas.  C'est  parmi  ces 
montagnes  que  le  pauvre  Michael  Carrière  avait 
péri . 

Bornant  au  sud-est  la  grande  plaine  de  la  Colom- 
bia,  elles  divisent  les  eaux  du  cours  principal  de 


'^:M  - 


i 


t 


'.h  -«11, 

4n* 


m 


I. 


ZJ< 


(•eUei'ivit'rc  et  (Mîllosdc  In  rivièrt; Lewis.  Elles  l'uni. 
jjarlic  d'une  longue  chaîne  qui  s'élend  sur  une 
vaste  étendu(î  de  pays ,  et  (jui  comprend  dans  ses 
anneaux  les  montagnes  de  la  rivière  des  Serpents. 
Le  jour  était  déjà  avancé  (juand  nos  aventuriers 
([uittèrcnt  les  bords  ombreux  de  l'Umatalla.  Leur 
route  les  amenait  graduellement  parmi  les  Mon- 
tagnes Bleues,  qui  prenaient  un  aspect  de  plus  en 
plus  sauvage  à  mesure  qu'on  en  tpp'ochait.  Elles 
étaient  ombragées  de  forêls  épaisses,  et  coupées 
de  ravins  escarpés  extrêmement  fatigants  pour 
les  chevaux.  Quelquefois  les  voyageurs  étaient 
obligés  de  suivre  le  cours  d'un  torrent  mugissant 
(jue  les  rochers  abrupts  des  deux  rives  les  for- 
çaient souvent  à  traverser  et  il  retraverser.  De- 
puis plusieurs  milles  ils  parcouraient  pénible- 
ment ces  sombres  défilés,  quand  tout-à-coup  le 
paysage  entier  changea  comme  par  magie.  Les 
âpres  montagnes,  les  ravins  raboteux,  s'adou- 
cirent en  charmants  coleaux,  séparés  par  des  prai- 
ries verdoyantes,  où  des  ruisseaux  serpentaient  en 
étincelant  et  en  murmurant  sur  un  lit  de  sable  : 
spectacle  enchanté  de  fraîcheur  pastorale ,  qui 
paraissait  avoir  encore  plus  de  charmes  quand 
on  le  contemplait  du  sein  d'une  région  si  alfreu- 
sement  sauvage. 

En  sortant  de  la  chaîne  des  Montagnes  Bleues, 
on  descendit  dans  une  vaste  plaine  presque  entic- 


'm 


il"',  •  ■•. 


ASKMSIA.  iGf) 

remoiil  philo,  <'t  (jui  pouvîiit  avoii*  vini^t  liciics 
tl(!  circonIV'iciKC.  Lr  sol  (n  ('lait  cxccllt'ul,  et  do 
jolis  ruisseaux  la  traveisaient  chnis  tous  les  sens. 
Jjeue  (îours  était  iiiarf|ué,  dans  le  vaste  paysa£»e, 
par  des  liijjnes  serpentantes  de  cotonnieis  et  de 
saules  fjui  en  bordaient  les  rives,  et  (jui  servaient 
de  provisions  à  un  i»rand  nombre  de  çastorsi  cl  de 
loutres. 

En  traversant  eette  plaine,  on  rencontra,  au 
pied  des  coteaux,  une  grande  mare  d'eau,  de  deux 
cent  soixante-dix  mètres  de  cireonlérence.  Elle 
était  alimentée  par  une  source  sulfureuse,  d'en- 
viron dix  pieds  de  diamètre,  qui  bouillait  dans 
l'un  des  coins  de  la  mare.  Les  vapeurs  qui  s'en 
élevaient  étaient  extrêmement  désagréables  et 
empestaient  l'air  à  une  (grande  distance.  Cet  en- 
<lroit  était  très-fréquenté  par  les  élans,  dont  les 
montagnes  adjacentes  renferment  un  nombre  con- 
sidérable. Leurs  cornes,  c[ui  tombent  au  prin- 
temps ,  étaient  semées  autour  de  la  mare  dans 
toutes  les  directions. 

Le  lo  août  ,  on  atteignit  le  cours  principal 
de  Wood-pile-creek ,  cette  petite  rivière  que 
M.  Hunt  avait  remontée  l'aïuiée  précédente,  peu 
de  temps  après  avoir  quitté  M.  Crooks. 

Sur  le  bord  de  celle  rivière,  on  aperçut  un 
iroupcau  de  dix-neuf  antilopes  ,  mic  si  peu  ordi- 
naire diuis  cette  légion,  que  nos   voyngeurs  mi- 


r, 


1i 


■;/.>  '•^'v 


:"^: 


ipiit  en  «loiiU;  l'évidence  tie  leuis  sens.  Ils  essayè- 
rent, par  toute  sorte  de  moyens,  de  s'en  approcher 
à  portée  :  mais  ces  animaux  étaient  trop  farouches 
et  trop  légers  pour  qu'on  pût  y  réussir.  Après 
avoir  alternativement  bondi  jusqu'à  une  certaine 
distance,  et  s'être  arrêtés  à  regarder  les  chassern's 
avec  une  curiosité  capricieuse,  ils  décampèrent  et 
s'enfuirent  à  perte  de  vue. 

Le  12  août,  on  arriva  sur  le  bord  de  la  rivière 
des  Serpents,  scène  de  tant  d'épreuves  et  de  mi- 
sère pour  tous  les  membres  de  la  troupe,  M.  Stuart 
excepté.  On  rencontra  celte  rivière  au-dessus 
de  l'endroit  où  elle  entre  dans  les  montagnes ,  à 
travers  lesquelles  MM.  Hunt  et  Crooks  s'étaient 
en  vain  efforcés  de  trouver  un  passage.  A  cette 
place,  la  rivière  a  t.iiviron  trois  cent  soixante 
mètres  de  largeur.  Elle  coule  rapidement  entre 
des  bords  élevés  et  sablonneux ,  qui  sont  garnis 
çà  et  là  de  saules  rabougris.  Nos  aventuriers  re- 
montèrent la  rive  méridionale,  afin  d'aller  visiter 
les  caches  faites  par  M.  Hunt  à  la  Chaudière. 

Dans  la  seconde  soirée  un  Indien  serpent  visita 
le  camp,  h  une  heure  avancée,  et  informa  M.  Stuart 
qu'un  homme  blanc  résidait  dans  l'un  des  cam- 
pements de  sa  tribu,  à  environ  une  journée  plus 
haut  sur  la  rivière.  On  conclut  immédiatement 
que  ce  devait  èlvc  un  des  pauvres  diables  qui, 
épuisés  de  fatigue  et  de  faim,  n\airn(   renoncé. 


fi 

(iiiti 


vsioiUA.  l6y 

l'hiver  prccécltiil  ,  ;i  suivre  lii  caravane  «le 
IVI.  Hnul.  Tous  les  iiommes  de  M.  vSluart  ayant 
pris  leui'  part  tics  souHianees  (K;  celte  époque, 
étaient  maintenant  empressés  il'aller  secourir  un 
l'amarade  perdu.  En  conséquence,  le  lendemain 
matin,  on  poussa  en  avant  avec  une  activité  plus 
qii'ordinaiie.  Cependant,  toute  la  journée  se 
passa  sans  qu'on  découvrît  la  moindre  trace 
«l'aucun  traînard. 

Vers  le  soir  du  second  jour,  on  arriva  dans  un 
endroit  où  coulait,  de  l'est  ii  l'ouest,  une  larpii^ 
rivière,  renommée  parmi  toutes  les  tribus  er- 
rantes des  Serpents,  à  cause  des  saumons  qu'on  y 
prend  en  quantité  incroyable.  Durant  la  saison 
de  la  pêche  les  Indiens  y  arrivent  de  tous  les 
côtés  pour  faire  piovision  de  poisson,  qui  foinie 
leur  principale  nourriture  avec  quelques  racines 
alimentaires. 

Sur  le  bord  d'un  ruisseau  qui  déijouche  en  cet 
endroit  dans  la  rivière  des  Serpenls,  M.  Stuart 
trouva  un  camp  de  Shoshonies.  Il  y  lit  l'enquête 
ordinaire  concernant  l'homme  blanc  dont  on  lui 
avait  parlé.  Il  n'y  avait  personne  de  cette  couleui 
parmi  eux  ;  mais  ils  répondirent  tpie  des  hommes 
blancs  résidaient  avec  quelques  membres  de  leur 
nalion  de  l'autre  côté  de  la  rivière.  C'était  une  in- 
Tormation  encore  plus  encourai^eanle.  M.  (Irooks 
espéra  alors  que  ce  pouvaient  êlie  les  hommes  de 


^ 


I 


m 


|G8  VMOUIA. 

s;i  troupe  cjui,  dcrnoralisôs  par  les  l'alii^iics  cl  par 
les  pi'iils,  avaient  picCéié  rester  parmi  les  In 
(liens.  D'autn.'s  pensaient  (pie  c'étaient  peut-être 
M.  Miller  et  les  cliasseurs  qui  avaient  cjuitté  la 
caravane  au  Fort  Henri,  pour  trappcr  parmi  les 
rivières  des  monlai^nes.  M.  Stuart  fit  halle  dans 
le  voisinage  des  loi^es  des  Shoshonics,  et  envoya 
un  Indien  de  l'autre  côté  de  la  rivière,  pour  cher- 
cher les  hommes  hiancs  en  question,  et  les  ame- 
ner au  camp. 

Nos  vo)'af^eurs  passèrent  une  nuit  ai^ilée  et 
sans  repos.  La  place  fourmillait  de  moustiques, 
dont  les  aiguillons  et  le  bourdonnement  inter- 
disaient tout  sommeil.  L'aurore  les  trouva  dans 
une  disposition  fiévreuse,  irrit.'ïble,  et  leur  bile 
s'échauffa  tout-à-fait  au  letour  de  l'Indien,  qui 
ne  rapportait  aucune  nouvelle  des  hommes  blancs. 

Ils  se  regardèrent  alors  comme  dupes  de  la 
fausseté  indienne,  et  résolurent  de  ne  plus  accor- 
der de  confiance  à  aucun  Serpent.  Cependant  ils 
oublièrent  bientôt  cette  résolution.  Dans  le  cou- 
rant de  la  matinée,  un  Indien  courut  au  galop 
après  eux.  M.  Stuart  s'arrêta  pour  l'attendre.  A 
peine  l'Indien  l'eut-il  joint  que,  sautant  à  bas  de 
son  cheval  et  jelant  ses  bras  autour  du  cou  de 
celui  de  M.  Stuart,  il  commença  à  baiser  et  à 
caresser  l'animal,  qui,  de  son  côté,  ne  paraissait 
aucunement  surpris  ni  IWché.  IVI.  Stuart  estimait 


■ar#*- 


■i-.-: 


licaucoup  s;i  nioiilnr*'  (  l  sr  scnlil  (|ii('l(jiio  prii 
coulrarit'  de  ers  )im  >|)()rls.  \a\  CiUisc  en  lui  ]>'\v\\- 
tot  explitjiH'c.  Le  Sorpciil  (lôrlnr.i  cpic  le  ('Ih'>mI 
lui  avait  apparlcmi,  (pic  c'clail  \c  incilliMir  (pj'il 
possédât,  et  (pi'il  lui  avait  élé  volé  pai*  les  \N  allali- 
Wallalis.  iM.Stiiart,  peu  satisfait  fie  cette  ireoii- 
naissanee,  n'clait  nullement  disposé  à  ailinellre 
les  droits  de  l'ancien  possesseur.  Kn  ellet  e(^  che- 
val était  un  nohie  animal,  doux  et  ij;énéren\' , 
admirablement  conformé ,  graiMcux  dans  tous 
ses  mouvements  ,  et  léi^er  comme  une  antilope. 
M.  Sluart  se  pi'oposait  de  le  mener,  s'il  était 
possible,  à  New- York ,  et  d'en  faiic  présent  à 
M.  Astor. 

Cependant  (|uelcpies  hommes  de  la  I)riii[a(le  , 
arrivant  sur  le  lieu  de  la  scène,  reconnurent  im- 
médiatement dans  le  Serpent  un  ancien  allié  et 
ami.  C'était  un  tle  ces  deux  guides  <{ui  avaient 
conduit  la  caravane  à  travers  les  monlai>[nes  de 
la  rivière  Enragée  jusqu'au  fort  Henry,  et  (pii 
ensuite  étaient  partis  ;ivec  M.  Miller  et  les  trap- 
peurs, ses  camarades,  pour  les  conduire  dans  un 
endroit  abondant  en  castors.  Le  lecteur  se  rap- 
pellera que  ces  deux  fidèles  Serpents  avaient  été 
engagés  par  M.  Hunt  à  revenir  et  à  prendie  soin 
des  chevaux  (pi'il  se  proposait  de  laisser  au  fort 
Henry,  en  s'embanpjant  sur  la  rivièiv  du  mêmr 
nom. 


M 


'4 


m 


m 


Les  liominrs  (le  IVJ.  Stuart  oiilomcreiil  alors 
le  Seipciit  <ji  commcncèicnt  à  le  f|uesliomier 
avee  eiupressemeiil.  Ses  réponses  étaient  assez 
vagues  et  n'étalent  comprises  qu'en  partie.  II  ra- 
conta sur  les  chevaux  une  longue  histoire,  dont 
il  paraissait  résulter  qu'ils  avaient  été  volés  par 
(liilérentes  baniles  vagabondes,  et  dispersés  dans 
diverses  directions.  Les  caches  du  Fort  Henry 
avaient  aussi  été  pillées,  et  l'on  avait  emporté 
les  selles  avec  les  autres  objets  d'équipement.  Le 
récit  du  Serpent  concernant  M.  Miller  et  ses  ca- 
marades n'était  pas  plus  satisfaisant.  Ils  avaient 
Irappé  pendant  quelque  temps  sur  les  rivières 
supérieures,  mais  ils  étaient  tombés  entn?  les 
mains  d'une  troupe  de  maraudeurs  coi  neilles , 
(|ui  les  avaient  dépouillés  de  leurs  chevaux  ,  de 
leurs  armes  et  de  tout  ce  qu'ils  possédaient. 

De  nouvelles  questions  amen-;rent  d«î  nouveaux 
détails  tous  d'une  nature   désastreuse.   Environ 
dix  jours  auparavant,    l'honnête  Serpent   avail 
rencontré  trois  aulies  hommes  blancs,  dans  un 
étal    très  miséral»le.    Ils  avaient  chacun  un  che- 
val ,   mais   une  seule   carabine   ;i    eux  tiois.    Ils 
avaient  été  également  pillés  par   les  Corneilles, 
ces  brigands   universels.    Le   Serpent  (  ssaya  de 
pronoiicej'  les  noms  de  ces  liois  honnnei ,  et  au- 
tant que  se.>  sons  impai  lails  purent  être  enten- 
dus, Oii   supposa  (pu'  (éiairiil   liois  des   (juahc 


I 


le 


A.SKUilA.  1  -  I 

(  hasscurs,  C;irsoii,  Siiiiil-iVIicliael ,  Dolayo  et  Dc- 
laniiay,  (jui  avaient  clé  détachés  de  la  caravane 
(le  M.  Ilunl  le  2cS  septembre,  poui*  Irapper  le 
castor  sur  les  eaux  supérieures  de  la  Colomhia. 
Dans  le  cours  de  la  conversation,  l'Indien  in- 
l'orma  M.  Stuartquc  la  route  par  laquelle  M.  Hunl 
avait  traverse  les  iVlontai»nes  ïloclieuses  était  fori 
pénible,  fort  détournée,  et  qu'il  en  connaissait 
une  beaucoup  plus  courte  et  beaucoup  plus  fa- 
cile. M.  Stuarl  le  pressa  de  lui  servir  de  i^uide, 
promettant  de  le  récompenser  avec  un  pistolet, 
(le  la  poudre  et  des  balles,  un  couteau,  une  alène, 
(juelques  i»rains  de  verre  bleus,  une  couverture 
vt  un  miroir.  Un  tel  catalogue  de  richesses  était 
trop  tentant  pour  qu'on  put  y  lésisler:  d'ailleuis 
h;  pauvre  Serpent  soupirait  après  les  piairies.  Il 
('tait  fatii^ué  de  saumon;  il  mourait  d'envie  de 
l'aire  une  ijrande  chasse  au  delà  des  Monlaiines  cl 
(le  manger  de  la  chair  de  bison.  Il  alla  donc  en 
dilii^ence  chercher  ses  armes  et  son  équipemenl 
pour  le  voyage,  piomcttant  de  rejoindre  les  Blaïu's 
le  lendemain.  Il  fint  parole,  et  comme  il  ne  dit 
plus  rien  à  M.  Stuarl  au  sujet  de  son  cheval  chéri, 
ils  voyagèrent  ensemble  en  bonne  haimonie, 
(|Uoi(|ue  de  temps  en  temps  h;  Seipenl    j(;làt  un 


reiiard  de  counoiIisc  sui-  son  ci-devanl  (  omsiei 


-d( 


Ils  n'a\  aient   \r.is  eiicoi  (; 
ri  d 


laii    I 


leaucoup  ( 


le 


omi  (piand  dsarriMienl  a  une  grande  «oui 


lie  cl 
be  (h 


iiio' 


I 


11-, 


li 


'4 


•  ' 


V^ 


ASIOlll  A 


ia    rivici'C.    Lii  ,    le    Srrprnl,    les    informîi    ((u'cii 


r()ii|)nnl  a  travcis  l(\s  collmrs  ils  raccomcirauMil 
Ix'ancoiip  leur  roule.  Cependant,  coinme  il  (allail 


nuv.  i)onne  journée  (h;  maiclieponi 


'h 


les  t 


ravei'scr 


I  oniiacea    M.  wSliinrl  à   en 


•^"t? 


m 


per 


en   cet  cn( 


Iroil 


poni 


r  la  nuit  et  à   partir  le  lendemain  de   boinie 


pa 


lieuie.  On  suivit  son  avis,  (pioifju  on  n  eut  laii 


(\\w.  hois  lieues  ce  jour-la. 

Le  lendemain   on  se  leva  "aiement  et  de  bon 
inatiii  pour  i:;iavir  les  collines.   Quand  la  petite 


troupe  se  reunil,  le  içuide  n  était  pas  présent.  On 
supposa  ([u'il  était  (juelcpie  part  dans  le  voisinat^e, 
et  on  s'occupa  de  rassembIcM'  les  chevaux.  Mais 
rexcellent  coursier  de  M.  Stiiart  ne  se  trouvait 


oas  non 


plus.  IJ 


n  sou 


pçoi 


n  s'chîva  dans  son  esprit, 


il  s'é(M'ia  :  a  Cherclu'z  le  cheval  du  Serpent!  »  Il 
('lait  (^i^alement  parti.  Bientôt  on  trouva  les  traces 
de  deux  chevaux  <{ui  s'étaient  éloii^nés  du  camp 
li  la  suite  l'un  de  l'autre.  Il  semblait  (pie  l'un 
d'eux  fui  monté,  l'autre  mené.  On  suivit  ces 
pistes  pendant  (piel((ues  milles,  jusqu'à  l'endioit 
où  toutes  deux  entraient  dans  la  rivière.  Il  était 
clair  cpie  le  Serpent  avait  employé  un  moyen 
indien  de  recouvr<>r  son  cheval  ,  en  décampant 
tranquillement  avec  lui  pendant  la  nuit. 

On  lit  ,  de  nouveau  ,  le  vomi  de  ne  se  lier 
jamais  aux  Serpents,  ni  à  aucun  autre  Indien. 
On  se  détermina  aussi  à   :»ii(lei    dorénavant    les 


A.S'IOIHA.  17» 

chevaux  avec  la  plus  i^inndi"  vigilance,  il  à  diviser 
la  nuit  en  trois  veilles  durant  lesfjuelles  eliacun 
monterait  la  garde  à  son  tour.  On  résolu!  , 
cnlin  ,  de  marcher  le  long  d(î  la  rivière,  au  lieu 
de  couper  court  comme  l'avait  recommandé  le 
vSerpent  fugitif,  car  on  n'ajoutait  plus  foi  ii 
aucune  de  ses  paroles.  La  chaleur  élait  accablante 
et  les  chevaux  devenaient  quehjuefois  prcscjucî 
frénétiques,  sous  les  aiguillons  des  mouches  de  la 
prairie.  Le^  luiits  étaient  suffocantes,  et  l'on  ne 
pouvait  dormh'  à  cause  du  grand  nombre  l\v 
moustiques.  Le  ^.oaofit,  on  continua  à  avancei- 
dans  la  prairie,  parallèlement  à  la  livière  des 
Sei'penls.  Le  temps  était  lourd,  et  quehjues 
hommes  de  la  Iroupe,  mourant  de  soif,  quittèrent 
la  ligne  de  marche  cl  se  laissèrent  dégringoler  le 
long  de  la  berge  de  la  rivière  pour  aller  boire, 
lia  berge  était  couverte  de  saules  sous  lesquels, 
à  leur  grande  surprise,  ils  virent  un  homme  en 
train  de  pécher.  A  peine  les  eut-il  aperçus,  qu'il 
poussa  une  exclamation  de  joie.  C'était  John  Ilo- 
back,  un  de  leurs  anciens  camarades.  Ils  avaient 
à  peine  échangé  leurs  salulations  ([uand  trois  au- 
tres hommes  s'avancèrent  tlu  milieu  des  saules. 
C'étaient  Joseph  Miller,  Jacob  llizner  et  Robin- 
son,  le  Kentuckien  scalpé,  le  vétéran  du  Terrain 
Sanclant. 

Le    lecteur    se    rappelle    peut-élre    de    ([uelh 


r 


'.'  1...  :  •< 


1!" 

Hi 

'Si 


m 

■  '.'Ma 


<i9.i 


"•l. 


lAi. 


m 


l'?^i 


j^i 


^J/^  ASTt)inA. 

manier*'  inalleiulue  et  capricieuse  M.  iMill<M 
avait  l'cnoncé  à  son  intérêt,  comme  partner  de 
la  Compagnie,  et  s'en  était  allé  du  Fort  Heniy, 
avec  ces  trois  chasseurs,  et  avec  un  quatrième 
nommé  Cass.  On  peut  pareillement  reconnaître 
dans  Robinson ,  Rizner  et  lïoback  le  trio  de  chas- 
seurs kentuckiens  qui  avaient  été  originairement 
au  service  de  M.  Henry,  et  qui,  flottant  sur  h* 
iMissouri ,  pour  retourner  chez  eux,  avaient  él('' 
rencontrés  par  M.  Hunt  et  décidés  par  lui  à 
l'accompagner  et  à  traverser  encore  une  fois  les 
Monlaûues.  Les  haillons,  les  visaees  hai;ajds  de 
ces  pauvres  gens,  prouvaient  combien  ils  avaient 
soulFert.  Après  avoir  quitté  la  caravane  de 
M.  Hunt  ils  avaient  fait  environ  soixante-six 
lieues  vers  le  sud-ouest.  I.à  ils  avaient  trappe  le 
castor  sur  une  rivière  qui,  suivant  leur  récit, 
déboucherait  dans  l'Océan  au  sud  de  la  Colombia , 
mais  que  nous  supposons  être  la  rivière  de  l'Ours. 
Cette  rivière  se  décharge  dans  le  lac  Bonncville, 
immense  réservoir  d'eau  salée,  situé  à  l'ouest  des 
Montagnes  Rocheuses. 

Ajart  rassemblé  une  quantité  considérable  de 
peaux  de  castor,  ils  en  firent  des  paquets,  chargè- 
rent leurs  chevaux,  et  se  dirigèrent  vers  l'est 
pendant  soixante-huit  lieues.  Alors  ils  rencon- 
trèrent uji  camp  de  soixante  loges  d'Arapahays. 
Ces  brigands  ,  tombant  sur  les  pauvres  tiappeurs. 


<J^' 


llle, 
>t  des 


tic 
largè- 
IVst 
icon- 
Iin3/s. 
iMirs, 


\.sr<»Hi\.  i7;S 

leur  prlrcul  Icui.s  piîMcleries ,  la  plus  i>i  audr 
parlio  (le  leurs  liabils,  et  plusieins  de  leurs  elie- 
\aux.  S'estimant  heureux  de  s'échapper  avec  la  yw 
sauve  ,  et  de  n'être  point  entièrement  dépouilles, 
nos  aventuriers  avancèrent  encore  pendant  seize 
lieues,  et  firent  leur  lialte  pour  l'hiver. 

De  bonne  heure,  au  printemps,  ils  recommen- 
cèrent leur  péréi^rination  ;  mais  ils  fin-ent  mal- 
heureusement rattrapés  par  la  même  J)nnde  de 
voleurs,  qui  leur  firent  payer  une  nouvelle  con- 
Irilnition  et  enlevèrent  le  reste  de  leurs  chevaux  , 
excepté  deux.  Us  continuèrent  à  avancer  avec 
ceux-ci,  en  proie  à  de  grandes  souffrances.  Us 
avaient  encore  leurs  carabines  et  des  munitions, 
mais  Ils  étaient  dans  un  pays  désert,  où  l'on  ne 
pouvait  trouver  ni  oiseaux  ni  quadrupèdes.  Leur 
seule  chance  de  salut  était  de  -uivre  la  rivière,  et 
de  subsister  de  leur  pêche.  Quelquefois  ils  ne 
pouvaient  prendre  aucun  poisson ,  et  leurs  souf- 
frances étaient  horribles.  Un  de  leurs  chevaux 
leur  fut  volé  dans  les  montagne*  par  les  Indiens 
serpents.  L'autre  fut  emmené  par  Cass ,  qui , 
d'après  leur  récit,  »  les  abandonna  vilainement 
dans  leur  misère.  »  Certains  soupçons  d'une  som- 
bre nature  circulèrent  ensuite  rclativem.ent  au 
destin  dece  pauvrediable;s'ilsétaientbien  fondés, 
cela  prouverait  à  ([uel  état  désespéré  de  famine 
ses  camarades  avaient  «Hé  réduits. 


"M 


m 


m 


1^- 


M, 


'H. 


1. 1 


F-i 


\nC)  ASTOIIIA. 

Se  trouvaiiL  alors  coinplclomnit  (lémoiih'vs  , 
M,  Milleret  .s(!s  Iroiscompagiioiisei  irrcnl  encore 
«liuant  uiK' centaiiiLMh;  lieues,  soiillinnl  la  l'aiiii  , 
la  soif,  la  fallgne,  en  traversant  les  solitudes  stéi'iles 
<[ui  sY'tendent  à  Toucst  des  Montagnes  Jloelieuses. 
Lors''Ue  la  troupe  de  M.  Stnart  les  rencontra  ils 
étaient  presqu'alFamés  ,  et  péchaient  pour  se  pro- 
curer un  misérable  repas.  Si  M.  Stuart  avait  coupé 
au  plus  courte  à  travers  les  collines,  pour  éviter 
la  courbe  de  la  rivière,  ou  si  quelqu'un  de  sa 
troupe  n'était  pas  accidentellement  descendu  sur 
le  bord  de  l'eau,  ces  pauvres  gens  n'auraient  point 
été  découverts  et  auraient  probablement  péri  dans 
la  solitude.  Rien  ne  peut  peindre  la  joie  qu'ils 
ressentirent  en  rencontrant  ainsi  d'anciens  cama- 
rades; rien  ne  peut  surpasser  la  cordialité  avec 
la((uelle  ils  furent  reçus.  On  campa  immédiate- 
ment, et  les  maigres  provisions  de  la  brigade 
furent  mises  à  contribution  pour  fournir  un 
régal  convenable. 

Le  lendemain,  tous  nos  aventuriers  partirent 
ensemble,  M.  Miller  et  ses  camarades  aj'ant 
résolu  de  renoncer  à  la  vie  de  trappeur,  et  d'ac- 
compagner M.  Stuart  dans  son  voj/age  à  Saint- 
Louis. 

Pendant  plusieurs  jours  ils  cotojèienl  la  ri- 
xière  des  Serpents,  en  coupant  (|uel()uefois  à  tra- 
vers les  collines,  dans  les  endioits  où  la  rixière 


ni' 


1.; 


^i:"^v^ 


llul- 

ira- 
ièic 


\si(nn  \ .  lyy 

taisait  des  courbes.  Ils  reii^^ontièrent  clans  cet 
intervalle  plusieurs  camps  de  Shoshonies,  qui  pu- 
rent à  peine  leur  fournir  quelques  saumons,  tant 
ils  étaient  misérables  eux-mêmes.  M.  Stuart  dési- 
rait vivement  acheter  des  chevaux  pour  ses  nou- 
velles recrues,  mais  les  Indiens  ne  se  laissèrent 
pas  décider  à  lui  en  vendre,  alléguant  qu'ils  n'en 
avaient  pas  assez  pour  leur  propre  usaj^e. 

f.e  'i5  août,   nos  voyageurs  atteignirent  une 
i^rande  pêcherie  à  laquelle  ils  donnèrent  le  nom 
de  Chutes  du  saumon.  Là,  dans  la  partie  septen- 
trionale de  la  rivière  se  trouve  une  chute  perpen- 
diculaire de  près  de  vingt  pieds,  tandis  ([ue  du 
côté  méridional  il  y  a  une  succession  de  rapides. 
On  prend,  en  cet  endroit,  une  incroyable  quan- 
tité de  saumons,  lorsqu'ils  essaient  de  franchir  la 
cataracte.  C'était  alors  la  saison  favorable,  et  il 
y  avait  aux  environs  une  centaine  de  loges  de 
Shoshonies,  qui  s'occupaient  activement  de  tuer 
et  de  sécher  le  poisson.  Le  saumon  commence  à 
sauter  peu  après  le  lever  du  soleil.  A  cette  époque, 
les  Indiens  arrivent  en  nageant  au   milieu  des 
chutes.  Quelques-uns  se  placent  sur  des  rochers, 
d'autres  restent  debout  dans  l'eau  jusqu'à  la  cein- 
tm'e,  et  tous,  armés  de  lances,  harponnent  les 
sîuimons  lorsqu'ils  essayent  de  sauter,  ou  lors- 
(ju'ils  retombent  en  arrière.  C'est  un  massacre 
continuel,  tant  le  poisson  arrive  en  abondance. 

II.  l'2 


^iO/.  .. 


•il"."* 


M 


II' 


/ 


ASIOlil  A. 

Lj»  coiisliuctioii  dv.  \'c\  Uwu'v.  (Icslinr*;  à  (;ef 
iisai^o  est  toute  particulière.  Elle  est  aimce  d'un 
morceau  de  corne  d'élan,  droit,  et  loui^  d'environ 
sept  pouces,  sur  la  pointe  duquel  une  barbe  arti- 
ficiel le  est  fixée  avec  du  fil  bien  gommé.  Ce  ter 
est  attaché  par  une  forte  corde,  de  (|U6l(jues  pou- 
ces de  longueur,  à  une  grande  perche  de  saule. 
Quand  le  pécheur  frappe  juste,  le  fer  de  la  lance 
traverse  souvent  le  corps  du  poisson.  Il  se  dé- 
tache ensuite  facilement,  et  laisse  le  saumon  sj' 
débalti'e  a\ec  la  corde  dans  son  corps,  tandis  ((ue 
le  pécheur  tient  la  perche.  Sans  cet  arrangement, 
la  baguette  de  saule  serait  cassée  par  le  poids  et 
par  les  secousses  du  poisson.  M.  Miller,  pendant 
ses  courses  vagabondes,  avait  déjà  visité  cette  ca- 
taracte, et  y  avait  vu  prendre  plusieurs  milliers 
de  saumons  dans  une  seale  après-midi.  Il  déclara 
avoir  vu  un  saumon  faire  un  saut  de  près  de  trente 
pieds,  depuis  l'endroit  où  l'eau  commence  à  écu- 
mer  jusqu'au  sommet  de  la  chute. 

Ayant  acheté  aux  pécheurs  une  bonne  provi- 
sion de  saumon  ,  nos  voyageurs  poursuivirent 
leur  route,  et,  le  29  aoùtr,  arrivèrent  à  la  Chau- 
dière, théâtre  mémorable  des  malheurs  de  l'au- 
tomne précédent.  Là,  le  premier  objet  qui  frappa 
leurs  regards  fut  la  carcasse  d'un  canot,  logée; 
entre  deux  rochers,  ils  essayèrent  de  descendre 
sur  le  bord  de  la   rivière  pour   en   approcher , 


logée; 
iidre 
lier , 


\.sToinA.  ly.) 

mais  la  berge  rtail  trop  haute  et  trop  esearp<*e. 

Ils  se  rendirent  «niors  dans  l'endroit  où  étaient 
situées  les  caches,  afin  iVy  prendre  les  objets  qui 
appartenaient  h  M.  Crooks,  à  M.  MacLellan  et  aux 
(Canadiens.  En  y  arrivant,  ils  lurent  étonnés  de 
trouver  que  six  des  caches  avaient  été  ouvertes  et 
vidées.  Quelques  livres  étaient  encore  éparpillés 
aux  environs.  D'après  les  apparences,  elles  sem- 
blaient avoir  été  pillées  dans  le  courant  de  l'été, 
l!  y  avait  dans  toutes  les  directions  des  pistes  de 
loup,  ce  qui  fit  croire  à  M.  Stuart  que  ces  ani- 
maux avaientété  attirés  par  l'odeur  des  peaux  con- 
tenues dans  les  caches,  qu'ils  les  avaient  déterrées, 
et  que  leurs  traces  en  avaient  fait  connaître  le 
secret  aux  Indiens. 

Les  trois  caches  restantes  n'avaient  point  été 
visitées.  Elles  contenaient  quelques  marchandises 
sèches,  quelques  munitions,  et  un  certain  nom- 
bre de  trappes  à  castors.  M.  Stuart  y  piit  tout  ce 
qui  pouvait  être  utile  à  sa  troupe,  y  déposa  le 
superflu  de  son  bagage,  et  y  remit  les  livres  et  les 
papiers  qui  avaient  été  éparpillés  aux  environs. 
Cela  fait,  les  ouvertures  furent  soigneusement 
rebouchées. 

Ici  nous  avons  à  rapporter  un  autre  exemple 
de  l'esprit  indomptable  des  trappeurs  occiden- 

trio  des  chasseurs  kentuckicns  , 


H>, 


taux. 


penie 


H 


'm 


m 

.1  ÏZ 


I 


«1 


i 


iii*.i 


llobinson,  Rizner  el  Hoback,  virent-ils  à  leur  dis- 


■*  V 


",1'; 


i<So  AsioriiA. 

position  les  objets  nécessaires  pour  inie  ("ain- 
p.igne  de  lrappai»e,  (ju'ils  oublièrent  tout  ce  qu'ils 
avaient  déjà  souH'ert,  et  se  déterraincrentà  tenter 
encore  une  fois  la  foitune.  Ils  préféraient  courir 
les  chances  de  la  solitude  plutôt  (jue  de  retourner 
dans  leur  pays  en  haillons  et  sans  argent.  Quant 
h  M.  Miller,  il  déclora  que  sa  curiosité  et  son  désir 
de  voyager  dans  le  pays  indien  étaient  complè- 
tement satisfaits.  11  persista  donc  dans  sa  détermi- 
nation d'accompagner  l'expédition  jusqu'à  Saint- 
Louis,  et  de  rentrer  dans  le  sein  de  la  société 
civilisée. 

Les  tiois  chasseurs,  Robinson,  Rizner  et  Ho- 
havkf  reçurent,  autant  (jue  le  permettait  l'état  des 
caches  et  des  moyens  de  M.  Stuart,  les  munitions 
et  les  objets  nécessaii-es  «  pviur  une  chasse  de  deux 
ans  ».  Mais  comme  leur  équipement  était  encore 
incomplet ,,  ils  résolurent  d'attendre  dans  le  voi- 
sinage l'arrivée  de  M.  Rééd.  Ils  espéraient  qu'il 
ne  tarderait  point ,  car  il  devait  se  mettre  n  route 
pour  les  caches,  vingt  jours  après  avoir  quitté 
M.  Stuart,  sur  les  bords  de  la  Wallah-Wallah. 

M.  Stuart  chargea  Robinson  de  remettre  à 
M.  Reed  une  lettre,  pour  lui  apprendre  son  heu- 
reuse arrivée  en  cet  endioit ,  et  l'état  dans  lequel 
il  avait  trouvé  les  caches.  Un  duplicata  de  cette 
lettre  fut  élevé  sur  une  perche,  et  placé  près  iht 
lieu  de  dépôt. 


'fi* 


\sroinA,  i8i 

Toutes  choses  étant  ainsi  arrani^ées,  M.  Stiurt 
K't  sa  petite  bande,  réduite  au  nombre  de  sept,  pri- 
rent congé  des  trois  hardis  trappeurs,  leur  souliai- 
tant  toutes  sortes  de  succès  dans  leur  séjour  péril- 
leux au  sein  de  la  solitude.  Nous  les  abalidonne- 
lons  éf^alement  à  leur  fortune,  promettant  au 
lecteur  de  les  lui  faire  retrouver  dans  quelque 
page  future,  et  de  clore  le  récit  de  leur  peisévé- 
raute  et  malheureuse  entrepiise. 


'■'il 


:!4 


M 


IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


!kr 


V^'^^ 


V^ 


1.0 


l.l 


ï^  lis  IIIIIM 


IIJI  11114    IIIIII.6 


V] 


<^ 


/^ 


^;j 


'^>i 


^.»1>'' 


^\ 


ê 


'/ 


Photographir; 

Sciences 
Corporation 


23  We^T  MAIN  STREET 

WËBSVER.N.V.  14580 

(716)  872-4503 


L1>' 


iV 


\\ 


4^ 


O^^ 


^ 


i/.x 


CHVPITKK  XLIV. 


Dcst'i'J  dv  la  rivière  des  Serpents.  —  Disette.  —  Voyageurs 
égarés.  —  Rôdeurs  indiens.  —  Le  Chef  gigantesque  des  ('f>r- 
neiilcs-  --  Le  fanfaron  intimidé.  —  Signaux  indiens.  — La 
rivière  Enragée.  —  Alarme.  —  Vol  des  chevaux.  —  P  aisan- 
trrie  indienne      -  Beau  coup  manqué. 


.  «1 

^• 

\â 

•*"«»,.- 

..^^: 


Lf  i"'  septembre,  M.  Stuart  et  ses  compai^nons 
repr  rent  leur  voyage,  en  dirigeant  leur  course 
vers  l'cist,  le  long  de  la  rivière  des  Serpents.  A 
mesure  ({u'ils  avançaient,  le  pays  devenait  plus 
ouvert.  Les  collines,  qui  d'abord  venaient  joindre 
la  rivière,  s'écartaient  des  deux  côtés,  et  de  gran- 
des plaines  sablonneuses  s'étendaient  devant  les 
voyageurs.  De  temps  en  temps,  il  y  avait  des  in- 
tervalles de  pâturages,  et  les  berges  de  la  rivière 
étaient  bordées  de  saules  et  de  cotonniers,  de  sorte 
<]ue  du  sommet  des  collines  on  pouvait  suivre  son 
cours,  serpentant  sous  l'ombrage  à  travers  un 
vaste  paysage  brillé  par  le  soleil.  Le  sol  était  gé- 
néralement pauvre.  II  y  avait,  en  quelques  en- 
«Iroits,  une  misérable  crue  d'absinthe  (J/iernisi 
ahsintliiiim  et  de  salicorne  Ç'iah  sveed,  salicornîa 
heihacea,  Linn.),  plante  (jui  ressemble  au  pou- 
liol  {^lledeonid  piilegùndc.s,  Pkrs.)  ;  mais  la  oha- 


VSTORIA.  18" 

Jeur  clc;  i'élé  axait  Jcssôclié  les  plaines  el  laissé  peu 
«le  pàluraijjes.  Le  i»ihier  avait  aussi  disparu.  Les 
chasseurs  examinaient  xainement  un  paysai»esans 
\  ie;  de  temps  en  temps  ils  y  apercevaient  queUpies 
antiloptîs,  mais  non  pas  à  portée  de  la  carabine. 
Nous  nous  dispenserons  de  suivre  les  vojaf»eurs 
dans  leur  roule  d'un  semaine,  parmi  ces  solitudes 
stéi'iles,  où  ils  soulTrirent  beaucoup  de  la  faim. 
Leur  subsistance  dépendait  de  rjuelques  poissons 
(pi'ils  péchaient,  el,  de  temps  en  temps,  d'un  peu 
de  saumon  séché,  ou  d'un  chien  acheté  dans  quel- 
que misérable  loge  de  Shoshonies. 

Le  7  septembre,  fatigués  de  ces  tristes  solitu- 
des, ils  quittèrent  h's  J)ords  de  la  rivière  des  Ser - 
pe\ils,  sous  la  conduite  de  M.  Miller.  Celui-ci, 
ayant  ac((uis  quelque  connaissance  du  paysciurant 
s(îs  campagnes  de  trappage,  s(^  cliaigea  de  les  con- 
duire h  travers  les  nionlagnes  par  une  route  meil- 
leure (pie  celle  du  Fort  Henry,  et  moins  «^xposée 
aux  déprédations  des  Pieds-noirs.  Cependant  il  ne 
se  montra  pas  l'ort  bon  guide,  et  la  brigade  fut 
bientôt  égarée  parmi  des  collines  difficiles,  des 
cours  d'eau  inconnus  el  des  plaines  desséchées. 

A  la  fin  nos  aventuriers  arrivèrent  près  d'une 
rivière  sur  laquelle  M.  Miller  avait  trappe,  et  à 
lacpielle  ils  donnèrent  son  nom.  Comme  nous 
l'avons  déjà  observé  ,  nous  présumons  (jue  c'est 
celle  (pic    Ton  appelle   rixièic   de  l'Oins,  «t  (pii 


î 


1        >» 


i8/» 


ASrOKIA. 


^^■^t. 


se  (Iccli.'irgc  dans  le  lac  Bonneville.  Us  remontè- 
rent, pendant  deux  ou  trois  jours,  cette  rivière 
et  ses  affluents,  sans  avoir  autre  chose  h  manj^er 
que  quelques  poissons.  Mais  bientôt  ils  s'aperçu- 
rent qu'ils  se  trouvaient  dans  un  danj^ereux  voi- 
sina^^e.  Le  1 2  septembre,  a^ant  campé  de  bonne 
heure,  ils  sortirent  avec  leurs  licjnes  afin  de  pê- 
cher leur  souper.  A  leur  retour  ils  virent  plusieurs 
Indiens  qui  rodaient  autour  de  leur  camp,  et  re- 
connurent, avec  inquiétude,  que  c'étaient  des 
Corneilles.  Leur  chef  vint  d'un  air  impudent  au- 
devant  de  nos  aventuriers.  Il  avait  une  physiono- 
mie farouche,  des  formes  herculéennes ,  et  près 
de  six  pieds  de  haut.  Toute  sa  personne  offrait  un 
aimable  mélange  du  brigand  et  du  filou.  Il  se  con- 
duisit cependant  d'une  manière  pacifique,  et  dé- 
pécha quelques-uns  de  ses  gens  vers  son  camp 
pour  en  rapporter  une  provision  de  chair  de  bi- 
sou ;  cadeau  fort  agréable  pour  nos  voyageurs.  Il 
dit  à  M.  Stuart  qu'il  était  en  route  pour  aller  tra- 
fiquer avec  les  Serpents  qui  habitent  la  base  occi- 
dentale des  Mo ntag nés, 'au-dessous  du  Fort  Henry, 
et  qui  cultivent  une  excellente  espèce  de  tal)ac, 
fort  recherché'par  les  tribus  montagnardes.  Mal- 
gré les  discours  pacifiques  de  cet  Indien  »  il  y  avait 
dans  ses  regards  quelque  chose  de  sinistre  qui  in- 
spirait la  méfiance.  Par  degrés  le  nombre  de  ses 
guerriei's  augmenta.  A  minuit  ils  étaient  vingt-et- 


ASTor.iA.  i85 

nn  ,  nulour  du  camp,  et  commençaient  à  devenir 
impudents  et  incommodes.  On  ressentit  alors  la 
plus  grande  inquiétude  pour  la  sûreté  des  chevaux 
et  des  autres  elTels,  et  tout  le  monde  monta  la 
garde  avec  vigilance  durant  la  iniil. 

Le  matin  reparut,  cependant,  sans  aucune  aven- 
tine  déplaisante,  et  M.  Stuart  ayant  acheté  toute 
la  chair  de  hison  dont  les  Corneilles  pouvaient 
disposer,  se  prépara  à  partir.  Cependant  ses  nou- 
velles connaissances  voulaient  trafiquer  encoie, 
et  désiraient  pardessus  tout  obtenir  une  pro- 
vision de  poudre  à  fusil,  pour  laqut^lle  ils  of- 
fraient de  donner  des  chevaiix.  IVI.  Stuart  s'ex- 
cusant  de  les  approvisionner  de  cette  dange- 
reuse marchandise,  leurs  sollicitations  devinrent 
plus  importunes,  jusqu'à  ce  qu'enfin  il  les  refusa 
net. 

Le  Chef  gigantesque  s'avança  alors  d'un  air  fan- 
faron ,  et,  se  frappant  la  poitrine,  do.sna  à  enten- 
dre à  M.  Crooks  qu'il  était  un  chef  d'un  grand 
pouvoir  et  d'une  grande  importance.  Il  lui  signi- 
fia, en  outre,  qu'il  était  d'usage  pour  les  grands 
chefs  de  se  faire  mutuellement  des  présents 
quand  ils  se  rencontraient.  Il  demandait  donc  que 
M.  Stuart  descendit^  et  lui  donnai  le  che\al  sur 
le({uel  il  était  monté.  C'était  un  bel  animal ,  de  la 
race  sauvage  des  Prairies,  et  M.  Stuart  y  mettait 
beaucoup  de  prix.  Il  secoua  la  tète  à  la  recjucte  du 


m^: 


i-^'^^. 


I 


fS^ 


:.>* 


1(S()  A  SI  OUI  A. 

noble  Conieille.  Aussitôt  celui-ci ,  marchant  vers 
lui ,  le  saisit  par  le  corps  et  le  fit  plier  sur  sa  selle, 
en  avant  et  en  arrière,  comme  pour  lui  faire  sen- 
tir (^u'il  n'était  (ju'un  enfant  entre  ses  mains. 
M.  Stuart  coUvServa  son  sang-froid,  et  continua  à 
secouer  la  tête.  Toul-à-coup  le  Clicf,  empoignant 
la  brille,  lui  doinia  une  secousse  qui  surprit  le 
cheval  et  désarçonna  presque  le  cavalier.  IVl.  Stuart 
tira  vivement  un  pistolet,  et  le  présenta  à  la  tête 
du  Rodomont.  En  lui  clin  d'oeil,  sa  vaillance  fut 
anéantie,  et  il  alla  se  mettre  h  l'abri  denière  son 
cheval  pour  éviter  le  coup  au(juel  il  s'attendait. 
Comme  ses  sujets  regardaient  la  rixe,  d'une  cer- 
taine distance,  M.  Stuart  ordonna  à  ses  hommes 
de  les  coucher  en  joue,  mais  de  ne  pas  tirer.  A 
l'instant  toute  la  troupe  gagna  les  buissons  voi- 
sins, se  jeta  à  plat  ventre,  et  disparut  à  la  vue. 

Le  Chef,  ainsi  laissé  seul,  fut  confondu  pour 
un  instant.  Cependant  se  remettant  avec  une 
adresse  véritablement  indienne,  il  éclata  de  rire, 
affectant  de  regarder  toute  cette  scène  comme 
une  excellente  plaisanterie.  M.  Stuart  n'aimait 
aucunement  une  farce  aussi  équivoque,  mais  la 
politi(|ue  ne  voulait  pas  qu'il  cherchât  une  que- 
relle. Il  se  joignit  donc,  de  la  meilleure  grâce 
qu'il  put,  à  la  gaieté  du  jovial  géant,  et,  pour  le 
consolei'  du  refus  du  cheval ,  lui  Ht  présent  de 
vingt  charges  de  poudre.  Ils  s(î  séparèrent  ensuite 


"l^^^ 


s 


V.MOlil  \.  I  87 

les  meilleurs  amis  du  moiuio  en  apj)i«r<*iHe,  mais 
il  était  évident  que  la  vii»ilance  martiale  desBIaiics 
el  le  petit  nombre  des  Corneilles  avaient  seuls 
empéehé  leur  chef  de  tenter  une  al  jue  ouverte. 
Cependant,  dînant  cette  courte  entrevue,  ses 
dignes  partisans  avaient  trouvé  mojen  de  voler 
un  sac  qui  contenait  presque  tous  les  ustensiles 
culinaires  de  leurs  alliés. 

Nos  voyageurs  se  dirigèrent  vers  l'est  par-des- 
sus une  chaint;  de  collines.  La  rencontre  qu'ils 
venaient  de  faire  leur  montrait  (ju'ils  se  trou- 
vaient alors  dans  une  terre  de  danger,  exposée 
aux  incursions  d'une  tribu  pillarde.  En  etïét,  ils 
n'avaient  point  encore  fait  beaucoup  de  chemin, 
quand  ils  virent  un  spectacle  bien  capable  L\r  les 
alarmer.  Du  sommet  des  montagnes  les  pins  hau- 
tes et  dans  difTérentes  directions,  des  colonnes  de 
fumée  commençaient  à  s'élever.  C'étaient  sans 
doute  des  signaux  faits  pnr  les  coureurs  du  chef 
corneille,  pour  rappeler  les  traînards  de  sa  bande, 
afin  de  poursuivre  les  Blancs  avec  plus  de  force. 
Des  signaux  de  cette  sorte,  allumés  dans  un  point 
central,  embrassent  un  vaste circuitde  montagnes 
dans  un  espace  de  temps  singulièrement  court,  et 
ramènent  promptement  sous  l'étendard  de  leur 
chef  les  ciierriers  et  les  chasseurs  errants. 

Vonv  se  tenir  autant  que  possible  hors  de  la 
route  de  ces   maïaudeurs,  M.  Stunii   dirigea  sa 


•'!„ 


m 


1 


mi 


!fj 


m 


1-  >* 


l8y  AS  1  OUI  A. 

rourse  vers  le  nord,  et,  quiltant  le  cours  prin- 
cipal de  la  rivière  Miller,  en  suivit  un  lari»e  at- 
ilucnt  qui  venait  des  montagnes.  Après  huit  lieues 
d'une  marche  f'atii>;ante  il  s'arrêla  pour  camper. 
La  nuit  approchait  et  ks  chevaux  furent  entravés 
auprès  du  camp.  De  plus,  on  monta  soif»neuse- 
ment  la  garde  jusqu'au  lendemain  matin,  et  tout 
le  monde  se  coucha  avec  sa  carabine  sous  son  bras. 

Au  lever  du  soleil  on  recommença  à  marcher, 
en  se  dirigeant  toujours  vers  le  nord.  Il  fallut 
bientôt  gravir  les  montagnes.  De  temps  en  temps 
on  apercevait  au  loin  le  pays  environnant.  On  ne 
découvrait  pas  le  moindre  signe  d'un  Corneille; 
mais  cela  ne  suffisait  pas  pour  rassurer  nos  yoya- 
geurs ,  car  ils  savaient  avec  quelle  persévérance 
ces  Sauvages  épient  une  troupe  qu'ils  ont  envie 
de  voler,  et  avec  quelle  habileté  ils  lui  cachent 
leurs  mouvements  en  se  tenant  dans  des  ravins 
et  dans  des  défilés.  Après  avoir  fatigué  dans  les 
montagnes  durant  sept  lieues,  on  campa  sur  le 
bord  d'une  rivière  qui  coulait  au  nord. 

Dans  la  soirée,  le  cri  d'alarme  :  «  Les  Indiens  !  » 
se  fit  entendre,  et  tout  le  monde  fut  à  l'instant 
sur  pied.  Il  se  trouva  que  c'étaient  trois  misérables 
Serpents,  qui  s'enfuirent  avec  des  signes  de  grande 
consternation  aussitôt  qu'ils  furent  informés 
qu'une  bande  de  Corneilles  rôdaient  dans  les  en- 
virons. 


Il 


,\ST()MI\.  I(Si) 

Une  couple  fie  jouinées  pénibles  et  de  nuits  vi- 
i^ilantes  amenèrent  nos  nvenluriers  auprès  d'une 
rivière  forte  et  rapide,  (jui  eour.iit  en  plein  au 
nord,  et  fju'ils  regardèrent  comme  un  des  af- 
fluents supérieurs  de  la  rivière  des  Serpents.  C'é- 
tait probablement  la  même  ((ui  a  été  nommée 
depuis  la  rivière  du  Sel  (Sait  river  i.  Ils  se  déter- 
minèrent à  en  suivre  le  cours,  afin  de  s'éloigner 
davanlatje  du  voisinage  dangereux  des  Corneilles. 
Ils  devaient  ainsi  retrouver  la  route  prise  par 
M.  Hunt,  l'automne  précédent,  et  la  suivre  à  tra- 
vers les  Montagnes.  L'espérance  de  découvrir  un 
meilleur  chemin  sous  la  conduite  de  M.  Miller 
leur  avait  coûté  un  lonc  détour  vers  le  sud.  En 
regagnant  la  piste  de  M.  Hunt,  ils  avaient  au 
moins  l'avantage  d'^Hre  sûrs  de  leur  route.  Ils 
suivirent  donc  le  cours  de  la  rivière  du  Sel,  et, 
au  bout  de  trois  jours,  ai'rivèrent  dans  un  endroit 
où  elle  se  mêle  avec  une  autre  rivière  plus  large. 
Les  deux  cours  d'eau  réunis,  prenant  un  carac- 

bouillonnent  à  travers  des 


ph 


ipctueu 


rocs  et  des  précipices.  C'est  alors  la  rivière  En- 
ragée,  célèbre  dans  l'expédition  de  M.  Hunt; 
nos  voyageurs  campèrent  sur  ses  bords  le  18  sep- 
tembre. 

Six  jours  s'étaient  écoulés  depuis  leur  entrevue 
avec  les  Corneilles,  et  durant  ce  temps  ils  avaient 
fait  près  de  cinqu.inle  lieues  au  nord-ouest,  sans 


'3 


W  '■ 


-i-  ,>v 


t? 


I 


(3Ért>^ 


\^^'. 


\{)()  vsioiiiv. 

nper(M;\oir  aiicim  si<»in!  de  ces  maraudimrs.  Ils  se 
vvoyiùcul  (Univ.  hors  de  tout  dniii^cr  de  leui*  pari, 
et  eommenraieiit  à  se  relàehee  d(î  leur  vigdance. 
Us  s'arrêtaient  (lueUjiu.'fols,  une  partie  du  jour, 
dans  les  endroits  où  il  y  avait  de  bons  paturaû;es; 
car  les  pauvres  chevaux  avaient  besoin  de  repos 
après  avoir  fait  des  marches  forcées  sur  des  hau- 
teurs rocailh'uses,  obstruées  par  des  troncs  d'ar- 
bres renversés,  et  dans  des  vallées  rendues  maré- 
cai»euses  par  les  travaux  des  castors.  Ces  indus- 
trieux animaux  abondaient  auprès  des  ruisseaux 
et  des  petites  rivières  des  monta£;nes,  où  ils  trou- 
vaient des  saules  pour  leur  subsistance.  Ils  avaient 
si  complètement  barré  I)eaucoup  de  ces  cours 
d'e  îu,  que  les  terrains  bas  environnants  en  étaient 
inondés,  et  formaient  ainsi  de  vastes  marécages 
par  les((uels  la  route  des  voyageurs  était  souvckit 
embarrassée. 

Le  19  septembre  nos  aventuriers  se  levèrent  de 
bonne  heure.  Quelques-uns  commençaient  à  pré- 
parer le  déjeuner,  d'autres  arrangeaient  les  pa- 
quets pour  la  marche.  On  avait  mis  aux  chevaux 
des  entraves,  mais  on  les  avait  laissés  paitre  à 
leur  aise  dans  les  pâturages  adjacents.  M.  Stuart 
était  sur  le  bord  de  la  rivière,  à  une  petite  di- 
stance du  camp,  lorsqu'il  entendit  le  cri  d'alarme  : 
((  Les  Indiens!  les  Indiens!  aux  armes!  aux  ar- 
mes !  »  Il  se  retourna  et  vit  un  Corneille  passer 


\,STnni\.  l})l 

an  ^r<iiiii£;:ilop  pît's  du  camp.  Le  Sanvjit»»' arrèla 
son  cheval  sur  le  sommet  d'un  mamelon  voisin, 
et  agita  un  diapeaii  rou£»e  (ju'il  portait.  En  même 
lemps,  un  hurlement  ellroyahle  s'éleva  de  l'autre 
coté  du  camp,  au  (h'Ià  de  l'endroit  où  paissaient 
les  chevaux,  <  t  M.  Sfuart  vit  paraitre  une  petite 
troupe  de  Sauvai»es  (jui  galopaient  en  poussant 
des  clameuis  épouvantables.  Les  chevaux ,  saisis 
d'une  pani(|ue,  se  précipitèrent  à  ti'avers  le  cnmp 
dans  la  direction  du  porte-drapeau,  dont  l'éten- 
dard éclatant  les  attirait.  Aussitôt  il  serra  les  ta- 
lons et  décampa,  suivi  par  tous  les  chevaux,  dont 
l'elFroi  était  augmenté  par  le  tapage  que  les  Sau- 
vaces  faisaient  derrière  eux. 

A  la  première  alarme  M.  Stuart  et  ses  cama- 
rades avaient  saisi  leurs  carabines ,  et  avaient 
essayé  d'arrêter  les  Indiens  rpii  poursuivaient  les 
chevaux  ;  mais  leur  attention  fut  aussitôt  distiaile 
par  <^.es  hurlements  poussés  dans  mie  direction 
difFerente.  Ils  einent  peur  alors  qu'une  troupe 
de  réserve  n'enlevât  leur  bagage,  et  coururent 
pour  le  défendre.  Les  Sauvages  passèrent  auprès 
d'eux,  au  galop,  avec  des  cris  de  tj-iomphe  et  de 
dérision.  Le  dernier  de  la  bande  était  le  Chef  ar- 
rogant, le  farceur  gigantesque,  à  qui  le  pistolet 
de  M.  Stuart  avait  fait  si  grand'peur.  Il  n'était 
pas  jeté  dans  le  monle  sévère  et  fashionable  d(? 
l'héroïsme  indien,  mais  au  contraire,  il  était  mal- 


><!■ 


m 
I, 


liiMii't^Minieiit  cMclin  à  une  \ul^.'iire  joviulilr.  Kn 
passant  aupr('S(l(î  M.  Shiarl  et  tie  ses  compagnons 
i)  arrêta  son  clieval,  se  (Iressa  sur  sa  selle,  et  frap- 
pant ses  deux  mains  sur  la  partie  la  plus  insul- 
tante de  son  corps,  pioféra  (piehpies  mots  rail- 
leurs que  nos  voyageurs  ne  purent  comprendre, 
heureusement  pour  leur  délicatesse.  A  Tinstant 
Ben  Jones  le  coucha  en  joue ,  et  il  était  prêt  à 
mettre  une  balle  dans  le  but  étalé  d'une  manière 
si  provocante.  «  ^\ri*ètez  !  arrêtez  !  »  s'écria 
M.  Stuart,  h  vous  causeriez  notre  mort  à  tous,  n 

H  était  dur  de  retenir  l'honnête  Ben,  quand 
le  but  était  si  séduisant  ,  et  l'insulte  si  palpable. 
((  Oh  !  M.  Stuart,  s'écria-t-il,  laissez-moi  saler  cet 
infernal  coquin  ,  et  vous  pouvez  garder  toute  la 
paie  qui  m'est  due  !  » 

((  Par  le  ciel  !  si  vous  tirez,  je  vous  brûlerai  la 
cervelle,  »  cria  M.  Stuart. 

Pendant  ce  dialogue  l'Indien  se  trouvait  hors 
de  portée.  Il  rejoignit  ses  hommes,  et  toute  la 
bande  enragée  décampa  avec  les  chevaux  capturés, 
le  drapeau  rouge  ilollant  sur  leurs  têtes ,  et  les 
rochers  retentissant  de  leurs  hurlements  et  de 
leurs  bruyants  éclats  de  rire. 

Les  voyageurs  démontés  les  contemplaient  avec 
un  sombre  désespoir.  M.  Stuart,  cependant,  ne 
pouvait  s'empêcher  d'admirer  la  manière  intelli- 
gente dont  cet  exploit  avait  été  conduit.  Il  déclara 


■tr*é' 


VSIOlilV.  U)"» 

(|iu'  (-'(iiiil  l'iii'lioii  1,1  plii.s  ;iii(liu-ir(is('  doiil  il  rùl 
(•nt(ii(lii  pinlir  parmi  les  liidicDs  ,  rar  \vs  Co\~ 
iH'ilIfs  ir(''lni('ijl  pns  en  loiit  plus  de  vini^l.  (i'cst 
ainsi  (piuiK;  jicliti'  I).'uul(^  (U;  inaraudcnrscnIrvcMit 
souvent  les  nionluirs  d'un  i»ros  paiii  do  i^un- 
ricrs  ;  car  rpiand  «nie  l'ois  une  troupe  de  elievaux 
est  saisies  d'inie  panicjuc  ,  ils  dcîviennonl  fVénéli- 
(jues,  et  rien  ne  peut  plus  les  ai  rèler. 

Persoinie  ne  i\i[  plus  eonharié  (pie  lîen  Jones 
de  celte  fâcheuse  aventure.  Il  déclara  (pi'il  aurait 
réelleiTient  donné  tous  s(\s  anéraiijes  de  paie , 
inonlant  à  plus  de  deux  années,  pour  n'êtie  pas 
privé  d'i\n  si  J)eau  coup.  Cependant  M.  Stuart 
lui  représenta  (pu'lles  auiaient  pu  être  les  consé- 
quences de  cet  acte'  impiudent.  Vi(;pour  vie  est  la 
maxime  indienne.  Toutes  les  tribus  auraient  fait 
canse  commune  pour  veni^er  la  mort  d'un  de 
l(!urs  ijuerriers.  Les  Blancs  n'étaient  que  sept 
hommes  démontés,  ayant  à  traverseï'  une  vaste 
rét;ion  montai^neuse,  infestée  par  les  Corneilles, 
(jui  pouvaient  être  tous  appelés  par  (h's  signaux 
<lc  feu.  La  conduite  même  de  la  l)and(>  de  mai-au- 
deurs  en  question  montrait  la  persévéian(;e  des 
Sauvages  (piand  une  fois  ils  ont  adopté  un  projet. 
Durant  toute  la  semaine,  ceux-ci  avaient  épié 
silencieusement  et  secrètement  la  troupe  de 
M.  Stuart.  Ils  l'avaient  suivie  pendant  eincpianle 
lieues,  se  tenant  hors  (h-  vue  durant   le  joui-,  rê)- 

II.  i3 


1 


D 


m 


.t'-x. 


jq/j  ASIORIA. 

dant  autour  du  camp  pendaiil  la  nuit,  gueUant 
tous  les  mouvements  des  Blancs ,  et  attendant 
l'instant  idvorable  pour  les  surprendre.  Le  pis- 
tolet présenté  par  M.  Stuart  à  la  tète  du  Chef 
ijéant,  dans^  la  première  entrevue,  l'eiFroi  causé 
parmi  ses  guerriers  par  le  mouvement  des  cara- 
bines, avaient  probablement  piqué  leur  amour- 
propre,  et  ajouté  un  stimulant  h  leur  pen- 
chant naturel  au  vol  des  chevaux.  Dans  cette  dis- 
position d'esprit,  ils  auraient  sans  doute  suivi  la 
brigade  pendant  toute  sa  route  à  travers  les 
Montagnes  Rocheuses,  plutôt  que  de  renoncer 
à  leur  projet. 


\:  :yi^ 


"ifiit^ 


CHAPITRE   XLV. 


m-~ 


l.es  Voy;igt'urs  ihinioiités.  -  PrùpaiiUifs  d'un  voyage  pédeslro. 
—  Los  ospioiis.  -  brûlure  dos  bagagos.  —  Marche  à  pied.  - 
Los  radeaux.  —  L'élau  blessé.  —  Lt-s  pistes  indiennes.  -- 
Conduite  obstinée  de  Mac  L(;llan.  — l^anornnia  — Cratères 
lointains. —  Maladie  do  Crooks. 


Il  y  a,  dans  ce  monde  changeant,  peu  de  rever.s 
de  forliuic  plus  décourageants  que  celui  qu'é- 
prouve un  voyageur  soudainement  démonté  au 
milieu  de  la  solitude.  Pendant  quelque  temps  nos 
malheureux  aventuriers  contemplèrent  leur  si- 
tuation avec  un  entier  abattement.  Ils  avaient  à 
faire  une  longue  route  à  travers  d'âpres  monta- 
gnes, parmi  des  plaines  immenses,  et  ils  étaient 
réduits  à  se  traîner  péniblement  à  pied,  obligés 
de  porter  sur  leius  épaules  toutes  les  choses  néces- 
saires pour  leur  défense  et  pour  leur  subsistance. 
Leur  découragement  cependant  ne  fut  (jue  passa- 
ger. Avec  la  proniplilude  d'expédients  que  l'on 
acquiei't  datis  le  désert,  ils  s'oiganisèrent  bient<')t 
selon  leur  nouvelle  condition. 

Lein'  première  attention  fut  de  choisir-  dans 
leur  bagage  les  objets  f[ui  leur  étaient  indispen- 
sables, de  les  arranger  en  pa(jnels  ifun  poids  con- 


fr 

.: 

,'Nj 

[;li? 

■;  't 

V 

K» 

iv 

'«i 

K 

4' 

f 

•n 

r 

hu 

•" 

"«Hf, 

II 

,,; 

■it- 

t*  W 

i*'. 

S^ 


•f  f  1^  i 


i 


»4 


^i' 


i(jl>  AsrcmiA. 

vcnalilr,   vl  <Il'  iléposcM'  le  rvalv  il;ms  iltis  ciclics. 
Tout  un  jour  Cul  employé  à  ces  occupations.  Le 
soir  ils  firent  un  innigre  repas  du  reste  de  leurs 
provisions,  et  se  couchèrent  tristement.  Le  len- 
demain matin  ils  se  levèrent  tous  de  bonne  heure, 
et  préparèrent  leurs  havre-sacs  pour  la  marche, 
tandis  que   Ben   vïones  allait   visiter  une  vieille; 
trappe  à  castor  ([u'il  avait  placée  sur  le  bord  de  la 
rivière,  à  mie  petite  dislance  du  camp.  Il  eut  la 
satisfaction    d'y   trouver  un    castor  d'une  taille 
mojHMine,  mais  sufïisant  pour  le  déjeuner  de  ses 
camarades  affamés.   Comme  il  revenait  avec  sa 
prise,  il  remar([ua  deux  tètes  qui  s'avançaient  sur 
le  bord  d'un  rocher  perpendiculaire  haut  de  plu- 
sieurs centaines  de  pieds.  Il  supposa  que  c'était 
une  couple  de  loups.   Tout  en  continuant  sou 
chemin,  il  levait  de  temps  en  temps  les  yeux  :  les 
têtes  restaient  toujours  au  même  endroit,  regar- 
dant en  bas  avec  une  attention  soutenue.  Il  pensa 
alors  que  ce  pouvaient  être  des  éclaireurs  indiens, 
et  s'ils  n'avaient  pas  été  hors  de  portée  de  sa  cara- 
bine, ils  les  aurait,  sans  aucun  doute,  régalés  de 
quelques  balles. 

En  arrivant  au  camp  il  dirigea  les  regards  de 
ses  camarades  vers  ces  observateurs  aériens.  On 
crut  d'abord,  comme  lui,  que  c'étaient  des  loups; 
mais  leur  immobile  vigilance  convainquit  bientôt 
tout  le  monde  que  c'étaient  des  Indiens,  On  en 


ASTORIA.  197 

i:GiU'lut  qu'ils  obst  ta  aient  les  inouvemoiits  des 
Blancs  pour  découvrir  l'endroil  où  ils  cacheraient 
les  objets  qu'ils  seraient  obligés  de  laissci'  derrière 
eux.  I!  ii'j  avait  point  d'apparence  que  les  caches 
pussent  échapper  aux  yeux  de  lynx  de  ces  habiles 
fureteurs,  et  il  était  insupportable  de  penser  qu'ils 
allaient  encore  gagner  du  butin.  Afin  donc  de  les 
désappointer,  nos  voyageurs  retirèrent  des  cac^hes 
ce  (ju'ils  y  avaient  déposé,  rassemblèrent  tout  ce 
(ju'ils  ne  pouvaient  pas  emporter,  firent  un  feu 
de  joie  des  objets  combustibles,  et  jetèrent  les  au- 
tres dans  la  rivière.  Ils  éprouvaient  une  sorte  de 
satisfaction  à  déjouer  ainsi  les  Corneilles,  par  la 
destruction  de  leurs  propres  biens.  S'élant  donné 
ce  triste  plaisir,  ils  mirer.^  l'^.urs  paquets  sur  leurs 
épaules,  vers  dix  heures  du  matin,  et  commen- 
cèrent leur  voyage  pédestre. 

Ils  prirent  leur  route  le  lonj^  de  la  rivière  En- 
ragée, (pii  s'ouvre  un  passage  à  travers  les  défih's 
des  montagnes,  jusque  dans  la  plaine,  au-dessous 
du  Fort  Henry  :  là  elle  débouche  dans  la  rivière 
des  Serpents.  M.  Stuart  espérait  rencontrer,  dans 
la  plaine,  quelque  campement  de  Serpents,  et  se 
procurer  une  couple  de  chevaux  pour  transporter 
les  bagages.  Dans  ce  cas  il  se  proposait  de  repren- 
dre sa  course  vers  l'est,  et  d'essayer  d'atteindre  la 
rivière  Clieycnne  avant  l'hiver.  S'il  ne  pou\ail 
pas  oblenii  de  (chevaux,   il  dovail   probablement 


luH 


i*m 


1()S  ASiOlilA. 

clrc  forcé  illiixeiiKir  sur  lo  colô  occiileiilal  iIcn 
JVIoulagucs,  vers  les  vm\\  supérieures  de  la  rivièic 
Espagnole,  autrement  nommée  Rio  Colorado. 

Malgré  tout  le  soin  qu'ils  avaient  eu  de  ne  rien 
prendre  ([ui  ne  fut  absolument  nécessaire,  les  pau- 
vres piétons  étaient  pesamment  cliai'gés,  et  leurs 
fardeaux  ajoutaient  aux  fatigues  d'une  loute  dif- 
iicile. 

Ils  soiillrirent  aussi  beaucoup  de  la  faim.  Us 
prenaient  bien  quelques  truites,  mais  elles  étaient 
trop  petites  pour  leur  donner  beaucoup  de  nour- 
riture. Leur  principale  ressource  était  donc  une 
"vieille  trappe  à  castor  qu'ils  avaient  gardée  provi- 
dentiellement. Chaque  fois  qu'ils  étaient  assez 
heureux  pour  altrapper  un  de  ces  utiles  animaux, 
ilsle  dépeçaient  et  le  distribuaient  immédiatement, 
afin  que  chaque  homme  en  pût  porter  sa  part. 

Après  deux  journées  fatigantes,  durant  lesquel- 
les ils  ne  firent  que  six  lieues,  ils  s'arrêtèrent, 
le  21,  pour  construire  deux  radeaux ,  afin  de  pas- 
ser sur  la  rive  opposée.  Ils  s'embarquèrent  le  len- 
demain matin,  quatre  sur  un  radeau,  trois  sur 
l'autre.  Mais  s'apercevant  que  leurs  embarcations 
étaient  assez  solides  pour  résister  à  la  violence  du 
courant,  ils  changèrent  de  pensée,  et,  au  lieu  d<i 
traverser  la  rivière,  s'aventurèrent  à  la  descen- 
dre. Elle  était  en  général  fort  rapide,  et  avait  de 
cent  h  deux  cents   mètres  de  largeur.  Elle  ser- 


■sr  ■<*;*' 


w«<r '■''>  1 


\STORIA.  199 

pentait  dans  toutes  les  directions ,  à  travers  des 
montagnes  de  roche  noire  et  dure,  couvertes  de 
pins  et  de  cèdres.  Les  montagnes,  à  l'est  de  la  ri- 
vière, étaient  d'immenses  contre-forts  de  la  chaîne 
Rocheuse;  celles  de  l'ouest  n'étaient  guères  que 
des  collines  stériles,  à  peine  couvertes  d'une  herbe 
rabougrie. 

La  rivière  Enragée,  quoique  méritant  ce  nom 
à  cause  de  la  violence  de  son  courant ,  était  libre 
de  rapides  et  de  cascades,  et  coulait  dans  un  seul 
chenal,  entre  des  berges  de  gravier,  souvent  gar- 
nies de  cotonniers  et  de  saules  nains.  Ces  arbres 
nourrissaient  une  immense  quantité  de  castors,  de 
sorte  qu'on  ne  trouvait  point  de  difficulté  à  se 
procurer  de  la  nourriture.  D'ailleurs  Ben  Jones 
tua  un  daim  et  un  ours  (ursus  hircus).  Nos  voya- 
geurs en  chargèrent  leurs  radeaux _,  et  leur  garde- 
manger  se  trouva  bien  approvisionné.  Ils  auraient 
pu  de  temps  en  temps  tirer  des  castors  qui  na- 
geaient dans  la  rivière  non  loin  de  leurs  embar- 
cations,  mais  n'ayant  pas  besoin  de  nourriture, 
il  cette  époque,  ils  les  épargnèrent  humainement. 
Durant  trois  jours  ils  suivirent  ainsi  le  courant  de 
la  rivière,  campant  la  nuit  sur  le  rivage,  après  y 
nvoir  tiré  les  radeaux.  Vers  le  soir  du  troisième 
jour,  ils  arrivèrent  à  une  petite  île  où  ils  aperçu- 
if^nt  une  troupe  d'élans.  Ben  Jones  débarcjua  ini- 
mi dialement  et  fut  assez  lieureux  pour  en  blesser 


*'3 

^2 


t-x.' 


aoo  ASTOin\. 

un.  L'animal  se  piéciplta  dans  l'ctiu,  mais  n'ayanl 
pas  h  foroti  de  vaincre  le  courant,  il  dériva  pen- 
dant plus  d'un  mille.  On  l'atteignit  alors  et  ou  le 
lira  sur  le  rivatje.  Un  orage  se  formant,  nos  aven- 
turiers campèrent  sur  le  bord  de  la  rivière.  Ils  y 
restèrent  tout  le  jour  suivant,  s'ahritant  le  mieux 
qu'ils  pouvaient  contre  la  pluie ,    la  grêle  et  la 
neige,  cruels  avant-goùls  de  l'hiver  qui  s'appro- 
chait. Durant  cette  pause  forcée,  ils  s'occupèrent 
à  saler  une  partie  de  1  clan  pour  leurs  provisions 
futures.  En  dépeçant  la  carcasse,  ils  reconnurent 
que  l'animal  avait  été  blessé  par  des  chasseurs, 
environ  une  semaine  auparavant.  Un  fer  de  tlèche 
et  une  balle  de  mous([UCt  étaient  restés  dans  ses 
blessures.  Au  sein  du  désert  les  circonstances  les 
plus  triviales  deviennent  la  matière  des  plus  séî- 
rieuscs  spéculations.   Les  Indiens  serpents  n'ont 
pas  de  fusils  :  l'élan  ne  pouvait  donc  pas  avoir  été 
blessé  par  eux.  On  se  trouvait  sur  la  frontière  du 
pays  infesté  par  les  Pieds-noirs,  qui  portent  des 
armes  à  feu.  On  en  conclut  que  l'élan  avait  été 
chassé  par  quelques  membres  de  cette  tribu  hos- 
tile et  vagabonde,  qui,  par  conséquent,  devait  se 
trouver  dans  le  voisinage.  Cette  idée  mil  fin  à  la 
joie  passagère  que  nos  aventuriers  avaient  éprou- 
vée, dans  le  lepos  et  l'abondance  comparative  de 
la  rivière. 

Ils  continuel ent  à  naviguer  sui-  leurs  ladeaux 


t  se 
la 

ou- 
clo 

aux 


A. MO  m  \.  2l>  1 

pendant  trois  jouis  cncoip ,  durant  lesquels  le 
lenips  lut  extrêmement  froid.  Ils  avaient  alors 
descendu  sur  la  rivière  environ  trenle  lieues. 
S'apercevant  que  les  mont;ii^nes,  à  leur  droite, 
étaient  réduites  à  la  taille  de  collines  médiocres  , 
ils  débarquèrent,  et  se  préparèrent  à  poursuivre 
leur  vojai»e  à  pied.  Ils  passèrent  une  journée 
à  faire  des  mocassins,  et  à  diviser  leur  viande 
salée  en  paquets  de  vingt  livres,  pour  chaque 
lionnne;  puis  tournant  le  dos  à  la  ri\ière,  le 
29  septembre,  ils  sediricçèrent  vers  le  nord-ouest, 
en  suivant  la  base  méridionale  de  la  montacne 
sur  laquelle  le  Fort  Menry  est  situé. 

Leur  marche  était  lente  et  pénible,  tantôt  à 
travers  un  terrain  d'alluvion  couvert  de  coton- 
niers, d'aubépines  et  de  saules,  tantôt  par-dessus 
des  collines  raboteuses.  Trois  antilopes  vinrent  à 
portée,  mais  les  chasseurs  n'osèrent  pas  les  tirei'de 
peur  d'être  découverts  aux  Picds-noii'spar  le  bruit 
de  leurs  carabines.  Dans  le  couiant  de  la  journée 
on  arriva  sur  une  Iiavo^g  piste  de  chevaux,  qui 
paraissait  être  faite  depuis  trois  semaines.  Le  soir, 
on  campa  au  bord  d'un  ruisseau ,  et  à  l'endroit 
même  où  avait  campé  la  bande  qui  avait  laissé 
ces  traces. 

Le  lendemain  matin,  nos  voyageurs  observè- 
rent encore  la  piste  indienne;  mais  au  bout  de 
quelque   temps    ils  ariivèrent  à   un   endroit-  on 


^r-viV 


•202  ASTOIUA. 

elle  rayonnait  dans  toutes  les  directions ,  et  se 
perdait  entièrement.  Cela  indiquait  que  la  bande 
s'était  dispersée  en  divers  groupes  de  chasseurs 
([ui,  suivant  toutes  les  probabilités,  étaient  encore 
dans  le  voisinage.  Il  était  donc  nécessaire  de 
procéder  avec  la  plus  grande  prudence.  Tout  en 
marchant,  nos  voyageurs  observaient,  d'un  œil 
vigilant,  chaque  hauteur  où  une  vedette  pouvait 
être  postée,  et  cherchaient  dans  le  paysage  soli- 
taire s'ils  ne  voyaient  point  s'élever  quelque  co- 
lonne de  fumée;  cependant  rien  de  la  sorte  ne 
se  montrait;  tout  était  au  loin  silencieux,  ina- 
nimé. 

Vers  le  soir  on  arriva  dans  un  endroit  où  il  y 
avait  plusieurs  sources  chaudes ,  fortement  im- 
prégnées de  fer  et  de  soufre.  Il  en  sortait  un 
nuage  de  vapeur  qui  infectait  l'atmosphère  envi- 
ronnante, et  qui  pouvait  être  aperçu  h  la  dislance 
d'une  demi-lieue. 

Nos  voyageurs  campèrent  près  de  ces  sources, 
dans  une  profonde  ravine  qui  pouvait  en  quel- 
que façon  les  cacher.  A  leur  grand  embarras , 
M.  Crooks,  qui  était  indisposé  depuis  deux  jours, 
eut  une  violente  fièvre  pendant  la  nuit. 

Peu  de  temps  après  le  lever  du  soleil,  ils  re- 
commencèrent leur  marche.  En  sortant  de  la 
ravine,  ils  se  consultèrent  sur  la  loute  qu'ils 
devaient  suivre.  S'ils  continuairnl  à  eoloyer  les 


VSTOHIA.  .H)"» 

inoiiliifçiics  ,  ils  coiiraicnl  \v  daii^'cr  de  rciuonlrer 
les  délaihemciUs  ('parpillés  des  Ficds-noiis ,  ({iii 
("hassaient  probablement  dans  la  plaine,  lis  troii- 
vèrent  donc  plus  sage  de  traveiser  directement 
les  hauteurs,  puisque  la  route,  (juoicjue  lude  et 
diflicile,  serait  plus  sine.  Mac  Leilan  seul  rejeta 
avec  indignation  ce  parti,  comme  pusillanime. 
Impatient  et  mauvaise  tète,  dans  tous  les  temps  , 
il  avait  été  rendu   irascible  pm*  les  fatigues   du 
voyage,   et  par  l'état  de  ses  pieds,  cpii  élaienl 
échaudés  et  douloureux.  Il  ne  pouvait  endurer 
l'idée  de  lutter  contre  les  dillicullés  de  la  monta- 
gne, et  jurait  qu'il  aimerait  mieux  faire  l'ace  à 
tous  les  Pieds-noirs  du  pays.  Cependant  il  ne  fut 
pas  écouté,  et   les    voyageurs    commencèrent  à 
gravir,  luttant,  avec  l'ardeur  et  l'émulation  de 
jeunes  hommes  ,  à  qui  serait  arrivé  le  premier  au 
sommet  de  la  hauteur.  Mac  Leilan,  qui  avait  h; 
double  d'âge  de  quelques-uns  de  ses  compagnons, 
perdit  bientôt  haleine  et  resta  en  arrière.  Dans  la 
distribution  des  fardeaux,  c'était  son  tour  de  por- 
ter la  vieille  trappe  à  castor.  Piqué  et  irrité,  il 
s'arrêta  soudainement,  jura  qu'il  ne  la  porterait 
pas  plus  loin,  et  la  jetant  par  terre,  lui  lit  redes- 
cendre une  partie  de  la  pente.  On  lui  offrit  à  la 
place  un  paquet  de  viande  séchée,  mais  il  le  re- 
jeta également  en  disant  que  ceux  ([ui  en  a> aient 
besoin  pouvaient  le  porler.  QunnI  à  lui,  avec  sa 


Vf 


M 


vl-u,*»-" 


m 


ciiiabiin*,  il  sa\ail  se  piocmcr  sa   nourri liuv  tic 
chaque  jouf.   Enfin,   il  déclara  ^[u'il  n'irait  pas 
plus  loin  avec  la  troupe,  et  qu'il  poursuivrait  sou 
elicmin  en  côtoyant  la  montagne,  laissant  gravir 
les  rochers  à  ceux  cpii  avaient  peur  de  faire  face 
aux  Indiens.  Ce  fut  en  vain  que  M.  Stuart  lui  re- 
présenta l'imprudence  de;  sa  conduite  et  les  dan- 
gers auxquels  il  s'exposait.  Il  rejeta  ces  conseils 
comme  trop  timorés  pour  lui.  Il  fut  également 
inutile  de  lui  montrer  les  périls  qu'il  appelait  sur 
ses  compagnons;  car  dans  ces  plaines  nues  il  pou- 
vait être  découvert  ;i  une  grande  distance,  et  les 
Indiens,  en  le  voyant,  sauraient  qu'il  devait  y 
avoir  d'autres  hommes  blancs  aux  environs.  Mac 
Lellan  fit  la  sourde  oreille  à  toutes  ces  remon- 
trances, et  poursuivit  sa  marche  avec  obstination. 
On  serait  volontiers  porté  à  regarder  comme 
une  insigne  folie  l'action  de  cet  homme,  qui  s'en 
allait  ainsi,  seul,  dans  une  région  sauvage,  où  la 
solitude  est  horrible  ,   mais  où  chaque  rencontre 
avec  les  hommes  est  encore  plus  formidable.  Telle 
est,  cependant ,  l'espèce  d'héroïsme  que  l'on  ac- 
quiert dans  le  désert.  D'ailleurs,  Mac  Lellan  était 
un  homme  d'un  tempérament  particulier  :  sa  vo- 
lonté était  absolument  immuable;  son  esprit  ne 
connaissait  aucune  crainte;  il  était  même  quelque 
peu  fanfaron  ,    et  s'enorgueillissait  de  faire  des 
actions  périllrusos.  M.  Sluart  et  sa  troupe  tiou- 


V 


«:;. 


vsroiuA.  jm!] 

\vn'Ul  le  p.'iss.ii^'c  (le  lu  moiil.'ii^iM'  ii.ssc/ clilliciU',  à 
l'jMisr  tl(;  i;i  iicii^o,  ((ui  ('l.iit  l'ovl  (-paisse  m  lu'nii- 
lOiip  (reiidioils,  (|uoi(|ifoi)  ne  fùl  encore  (pi'au 
i*"  octobre.  Dans  l'après-midi ,  ils  franchirent  le 
sommet  des  hauteurs  et  virent  au-dessous  d'eux 
une  plaint!  d'environ  sept  lieues  de  large.  Elle 
était  bornée  du  côté  opposé  par  leins  vieilles 
connaissances,  les  INIamelons  Pilotes,  ces  monta- 
gnes pyramidales  qui  avaient  servi  de  phare  i« 
Me  Hunt,  dans  une  partie  de  sa  route  de  l'année 
précédente.  Une  rivière,  large  d'environ  quarante- 
cinq  mètres,  serpentait  à  tiaveis  la  plaine  inter- 
médiaire ;  quelquefois  elle  hiillait  à  découvert , 
mais  le  plus  souvent  elle  s  enfonçait  dans  un  ber- 
ceau sinueux  de  saules. 

Ceux  de  la  troupe  qui  avaient  déjà  traversé  ces 
montagnes  indiquèrent  à  M.  Stuart  le  gisement 
des  dilférents  lieux  remarquables.  Ils  lui  mon- 
trèrent dans  quelle  direction  devait  se  trouver  le 
poste  abandonné,  nommé  Fort  Henry,  où  la  ca- 
ravane avait  laissé  ses  chevaux  et  s'était  embarquée 
sur  des  canots.  Ils  lui  apprirent  également  (jue 
la  rivière  ([ui  coulait  dans  |a  plaine  tombait  dans 
la  rivière  Henry,  à  moitié  chemin  entre  le  Fort 
et  la  rivière  Enracée.  Le  caractère  de  cette  récion 
montueuse  était  tout-à-fait  volcanique.  Au  nord- 
ouest,  entre  le  Fort  Henry  et  les  sources  du  Mis- 
souri ,  M.  Stuai't  observa  plusieurs  pics  très  éle- 


Vijir» 


>.(»(»  AS  roui  V. 

MS  et  couverls  de  ik^i^c;  dnix  (''iioriTKî.s  coloniics 
(le  l'iiméc  (Ml  soiliiicnl,  provcnimt  .ipp.'ir«'mmi'ul 
dt'  rralciTS  en  rlat  (l'éruption. 

Eli  redescoiidaiit  In  montagne,  nos  voya£»<;ui.s 
apcîrciirenl  Mac  Leilan,  (pii  traversait  la  plaine  à 
(juelque  distance  en  avant;  soit  qu'il  les  vit  ou 
non ,  il  ne  montra  aucune  disposition  à  les  re- 
joindre, mais  poursuivit  sa  maicrlie  sombre  et  so- 
litaire. 

Après  (}trc  descendus  dans  la  plaine,  ils  con- 
tinucTcnt  à  marcher  environ  deux  lieues,  jus- 
qu'au moment  où  ils  atleii^nii'ciit  une  petite  ri- 
vii're  (pii  pouvait  avoir  un  pied  .et  demi  de 
profcmdcur,  et  qui  citait  £;arnie  de  saules  épais. 
Là  ils  campèrent  pour  la  nuit.  Omis  ce  hivouac; 
la  fièvre  de  M.  Crooks  s'accrut  à  un  tel  point 
(ju'il  lui  devint  impossible  de  voyager.  Alors quel- 
([ues-uns  des  hommes  pressèrent  instamment 
M.  Stuart  de  continuer  sa  route  sans  le  malade , 
lui  représentant  le  danger  imminent  auquel  ou 
serait  exposé  par  un  plus  long  séjour  dans  une  ré- 
i^ion  stérile  et  inconnue,  infestée  par  les  ennemis 
les  plus  perfides  et  les  plus  acharnés.  Ils  ajou- 
taient que  la  saison  s'avançait  rapidement;  que  h; 
temps,  depuis  plusieurs  jours,  devenait  extrême- 
ment froid;  (jue  les  montagnes  étaient  déjà  pres- 
que impraticables  à  cause  de  la  neige,  et  devien- 
draient bient(jt  d'insurmontables  barrières;  enfin 


AS'H)HI\.  '^07 

(|iu;  Irurs  provisions  ('liiirnl  ôpiiiscM.'s  ;  «iiToii  iT;»- 
pei'ccvait  point  lU)  gihirr,  vt  i[uv  (r:iill(>nrs  on 
n'osail  pas  s(>  servir  des  carabines,  iU)  peur  d'al- 
lircr  les  Pieds-noirs. 

Ce  sombre  tableau  était  liop  vrai  pour  ([ui; 
M.  Stuart  put  le  eontredire,  et  il  fit  une  pro- 
fonde impression  sur  son  esprit.  Mais  l'idée  d'a- 
bandonner un  de  ses  camarades  dans  une  telle 
situation  lui  répugnait  trop  pour  qu'il  l'admit 
un  seul  instant. 

Il  représenta  à  ses  hommes  que  la  maladie  de 
M.  Crooks  ne  pouvait  être  de  loni'ue  durée,  et 
({ue ,  selon  toutes  les  probabilités,  il  serait  ca- 
pable de  voyager  dans  très  peu  de  jours.  TMalgi  (' 
cela,  il  eut  la  plus  grande  peine  à  les  déterminer 
à  attendre  l'événement. 


^uia 


:'Bi 


1  ^r   .  K^ 


CIIAPITUE    XLVÏ. 


lîen  Jours  et  l'ours  gris.  —  Montagnes  cl  torrents.  —  'l'racos  ^\^ 
IMac  Lolian.  —  Substances  volcaui(|ues.  —  iMisérahlc  état  de 
Mac  Lellan.  —  l'^imiiic.  —  lloirihle  pioposition  d'un  lioininc 
aiVanié.  —  Prodigieux  festin.  —  Tondx's  indiennes.  —  Sei- 
l)ents  hospitaliers.  —  Alliance  éventuelle. 


V*l 


CoMMK  nos  aventuriers  se  Irotivaient  alors  dans 
un  dangereux  voisniage,  où  l'explosion  d'un  fusil 
pouvait  attirer  sur  eux  les  Indiens,  lein*  subsis- 
tance dépendait  de  leur  vieille  trappe  à  castor. 
La  petite  rivière  sur  lacjuelle  ils  étaient  campés 
montrait  beaucoup  de  signes  de  castor  ;  et  lîen 
Tones  partit,  au  point  du  jotir,  afin  de  trouver  un 
endroit  favora])le  pour  poser  sa  trappe  Comme  il 
marchait  le  long  des  berges  garnies  de  saules^  il 
entendit  du  bruit  derrit're  lui;  et,  se  retournant,  il 
aperçut  un  énorme  ours  gris  f(ui  s'avançait  avec  un 
grognement  épouvantable.  Le  solide  KentuckicMi 
ne  se  laissait  intimider  ni  par  hommes  ni  par 
bêtes.  Epaulant  sa  carabine,  il  tira  la  gâchette: 
l'ours  fut  blessé,  mais  non  pas  mortellement. 
Cependant,  au  lieu  de  se  précipiter  sur  son  ad- 
versaire,   comme   c'est   l'usage   de   celte    espèce 


-ar*!*- 


\STORIA,  209 

d'ours,  il  h.atit  en  retraite  dans  les  buissons. 
Jones  le  suivit  pendant  ((uelque  temps  a\ec  les 
précautions  convenables,  mais  Martin  l'ours  lui 
échappa. 

Comme  il  était  fort  probable  qu'il  faudrait  res- 
ter plusieurs  jours  dans  cet  endroit,  et  comme  les 
produits  de  la  trappe  à  castor  étaient  trop  pré- 
caires pour  qu'on  put  s'en  cont(;nter,  il  devint 
absolument  indispensable  de  chasser  dans  le  voi- 
sinage, au  risque  d'être  découvert.  Ben  Jones  ob- 
tint donc  la  permission  d'explorer  les  environs 
du  camp  avec  sa  carabine.  11  partit  pour  battre 
les  bords  de  la  rivière  à  la  barbe  des  ours  et  des 
Pieds-noirs.  Au  bout  de  quelques  heures  il  re- 
vint fort  satisfait.  Aj'ant  rencontré,  à  deux  lieues 
environ,  un  troupeau  d'élans,  il  en  avait  tué 
cinq.  Ce  fut  un-e  joyeuse  nouvelle,  et  toute  la 
troupe  le  suivit  immédiatement  jusqu'à  l'endroit 
où  il  avait  laissé  leurs  corps.  11  fallut  supporter 
M.  Crooks  tout  le  loni^  du  chemin,  car  il  était  in- 
capable de  marcher.  Nos  ^  oyageurs  restèrent  dans 
ce  lieu  pendant  deux  ou  trois  jours,  festoj'ant 
de  bon  cœui*  sur  la  chair  d'élan,  et  faisant  sécher 
tout  ce  cju'il  leur  était  possi])le  d'en  emporter. 

Le  5  octobre,  quelques  simples  lemèdes  joints 
à   une  sueur  indieinie  '  avaient  si    bien   profité 


^.'?j 


ni'' 


'   Ksproo  de  bain  de  vapeur ,  que  Ton  obtient  en  jetant  «le 

1 1 .  1 4 


hi 


y  )  ()  \sroiuA. 

à  iVl.  Crooks,  cjn'il  ôtait  on  état  (l(^  marcher.  Nos 
vojageiirs  se  mirent  donc  en  route,  après  avoir 
divisé  entre  eux  son  paquet  et  son  équipement. 
Ils  firent  une  courlt;  journée  de  trois  lieues  vers 
le  midi.  Leur  route,  la  plupart  du  temps,  passait 
h  travers  des  marais,  foi-més  par  les  travaux  in- 
dustrieux du  castor  :  car  ce  petit  animal  avait 
barré  de  nombreux  ruisseaux  qui  sortent  des 
Mamelons  Pilotes,  de  sorte  que  les  terrains  bas 
où  ils  coulent  éfaient  entièrement  inondés.  Pen- 
dant cette  marche,  nos  aventuriers  tuèrent  un  ours 
i^ris  ,  dont  les  lianes  étaient  f^arnis  d'une  couche 
de  graisse  de  plus  de  trois  pouces  d'épaisseur.  C'é- 
tait Vu  une  addition  fort  agréable  à  leur  provi- 
sion de  chair  d'élan.  Le  lendemain,  M.  Crooks 
avait  repris  assez  de  force  pour  porter  sa  cara- 
bine et  ses  pistolets.  Le  trajet  de  ce  jour-là  fut 
de  six  lieues  sur  le  bord  de  la  plaine.  Leur  voyage 
devenait  de  jour  en  jour  plus  pénible  et  leurs 
souffrances  plus  cruelles.  Enfin  ,  en  suivant  le 
cours  d'une  rivière,  ils  traversèrent  les  âpres 
sommets  des  Mamelons  Pilotes,  où  il  y  avait  huit 
ou  neuf  pouces  de  neige. 

Pendant  plusi(!urs  jours,  ils  continuèrent  à 
franchir  une  succession  de  hauteurs  formidables, 
de  rapides  torrents  et  de  pi'ofondes  vallées;  ils 

l'eau  sur  dos  pierres  chaudes,  au-dessus  desquelles  se  lient 
le  patient ,  env(!lop]>é  d'une  couverture. 


ASiOlUA. 


21  I 


dirif>;oairnt  toujours  leur  course  vers  l'est  autant 
qu'il  leur  était  possible.  Quelquefois  un  étroit 
sentier  suivait  le  bord  de  précipices  effrayants, 
et  un  seul  faux  pas  aurait  pu  les  précipiter  dans  le 
lit  rocailleux  d'un  torrent  qui  mugissait  au  des- 
sous d'eux.  Enfin,  une  des  parties  les  plus  péni- 
bles de  leur  tâche  fatigante  était  de  traverser  à 
eue  les  nombreux  détours  des  rivières  placées. 

La  faim  s'ajoutait  à  leurs  antres  soulFrances,  et 
devint  bientôt  la  plus  vive.  La  petite  provision  de 
<!hair  d'ours  et  d'élan  qu'ils  avaient  pu  emporter 
en  outre  de  leurs  autres  fardeaux  ne  leur  servit 
que  peu  de  temps.  Dans  leur  impatience  d'a- 
vancer, ils  ne  pouvaient  guère  chasser,  et  ils  ne 
trouvaient  presque  pas  de  gibier  sur  leur  chemin. 
Pendant  trois  jours,  ils  n'eurent  à  manger  qu'un 
petit  canard  et  quelques  misérables  truites.  Ils 
voyaient  de  temps  en  temps  un  assez  grand  nom- 
bre d'antilopes,  et  ils  essayèrent  tous  les  moyens 
d'en  approcher  :  mais  ces  timides  animaux  étaient 
encore  plus  sauvages  qu'à  l'ordinaire.  Après  avoir 
tenté  pendant  c[uelque  temps  les  chasseurs  atïhmés, 
ils  bondissaient  bien  au-delà  de  toute  chance  de 
poursuite. 

A  la  fin,  nos  aventuriers  furent  assez  heureux 
pour  en  tuer  un.  Il  était  extrêmement  maigre, 
mais  cependant  ils  en  subsistèrent  pendant  plu- 
sieurs jouis. 


^ 


^ 


•Jl 


■Ti^i 


"TiK;'^-' 


..---**.;:. 


■^^^ 


2  I  y.  ASTORtA. 

Le  I  I  octobre,  ils  campèrent  sur  le  bord  truii 
ruisseau ,  nu  pied  de  la  montagne  de  la  rivière 
Espagnole.  Là,  ils  virent  des  traces  de  Mac 
Lellan,  cet  être  solitaire  et  capricieux,  qui  les  de- 
vançait toujours  à  travers  les  monts  déserts.  Il 
avait  campé  la  nuit  précédente  près  de  ce  même 
ruisseau.  Ils  trouvèrent  encore  les  cendres  chau- 
tles  de  son  feu,  et  les  restes  d'un  misérable  loup 
dont  il  avait  soupe.  Il  était  évident  qu'il  avait  sou(- 
l'ort  comme;  eux  des  tortures  de  la  faim,  mais  à  ce 
campement  ils  étaient  moins  heureiixque  lui,  puis- 
qu'ils n'avaient  pas  une  seule  bouchée  à  manger. 

Le  lendemain  matin  ils  se  levèrent  allâmes,  et 
partirent  avec  l'aurore  pour  gravir  la  montagne, 
((ui  étoit  roide  et  difficile.  Des  traces  de  volcans  se 
voyaient  dans  toutes  les  directions.  11  y  avait 
aussi  une  espèce  d'argile  avec  laquelle  les  Indiens 
font  des  pots,  des  jarres  et  des  plats.  Elle  est  très 
fine,  très  légère,  d'une  odeur  agréable,  d'une 
couleur  brune  tachée  de  jaune,  et  elle  se  délaie 
facilement  dans  la  bouche.  Les  vases  fabriqués 
avec  cette  argilecommuniquent,  dit-on,  une  odeur 
et  un  goût  agréables  aux  liqueurs  qu'ils  contien- 
nent. Ces  montagnes  abondent  aussi  en  craies  de 
diverses  couleurs.  On  j  trouveprincipalement  deux 
espèces  d'otre,  l'une  d'un  rouge  pâle,  l'autre  d'un 
rouge  brillant  comme  le  vermillon.  Les  Indiens 
s'en  servent  beaucoup  pour  se  peindre  le  corps. 


^rdn'" 


ASIORIA.  :ir> 

Vers  mltli  ,  nos  voyageurs  nlteigiilreiil  les 
ruisseaux  qui  forment  les  eaux  supérieures  de  la 
rivière  Espai»uole.  Plus  tard,  dans  la  journée, 
ils  descendirent  dans  la  vallée  entourée  tle  mon- 
tagnes où  se  précipite  la  branche  principale  de 
cette  rivière.  Elle  est  peu  profonde,  mais  lar<j;e 
d'environ  cent-cinquante^nètres.  Là,  les  pauvres 
voyageurs  exténués  avaient  espéré  trouver  des 
bisons  en  abondance ,  et  durant  leur  pénible 
trajet  avaient  nourri  leur  imagination  de  côtes 
rôties,  de  bosses  juteuses  et  de  moelle  grillée.  A 
leur  grand  désappointeuient ,  les  bords  de  la 
rivière  étaient  déserts.  Quelques  pistes  Indi- 
({uaient  les  endroits  où  avait  passé ,  peu  de 
temps  auparavant,  un  troupeau  de  bisons;  mais 
pas  une  corne,  pas  une  bosse,  ne  s'apercevait 
sur  la  stérile  étendue;  seulement  quelques  anti- 
lopes regardaient  les  chasseurs ,  du  haut  des  ro- 
chers ,  et  décampaient  hors  de  vue  aussitôt  qu'on 
s'efforçait  d'en  approcher. 

Nos  aventuriers  faméliques  continuèrent  de 
marcher  pendant  plusieurs  milles  le  long  de  la 
rivière,  cherchant  des  pistes  de  castor.  En  ayant 
trouvé  quelques-unes,  ils  campèrent  dans  le  voisi- 
nage, et  Ben  Jones  s'occupa  immédiatement  de 
poser  la  trappe.  Il  n'y  avait  que  peu  de  temps 
qu'ils  avaient  fait  halte,  lorsqu'ils  aperçurent  une 
grande  fumée  au  sud-ouest.  Cette  vue  les  rempîii 


fXj 


"2l/|  ASTOHIA. 

(lu  joie,  ih  pciisciTiil  que  celle  fumée  pouvait 
venir  d'un  camp  indien  où  il  leur  serait  possible 
«le  se  procurer  quelques  vivres,  car  la  crainte  de 
la  famine  avait  alors  surmonté  celle  des  Pieds- 
noirs.  Leclerc,  un  des  Canadiens,  fut  à  l'instant 
dépéché  par  M.  Stuart  pour  faire  une  reconnais- 
sance. Le  reste  de  la*troupe  resta  sur  pied  une 
partie  de  la  nuit,  écoutant  s'il  revenait,  et  espé- 
rant qu'il  pourrait  rapporter  de  la  nourriture. 
Minuit  arriva,  mais  Leclerc  ne  reparut  point,  et 
nos  gens  se  couchèrent  pour  dormir,  en  se  con- 
solant par  l'espérance  que  leur  vieille  trappe  pour- 
rait leur  fournir  un  castor  pour  déjeûner.         ». 

Au  point  du  jour  ils  allèrent  visiter  la  trappe  , 
avec  toute  l'impatience  de  gens  à  jeun.  Us  y  trou- 
vèrent la  patte  de  devant  d'un  castor,  dont  la  vue 
ne  fit  qu'irriter  leur  faim  et  redoubler  leur  abat- 
tement. Ils  reprirent  leur  voyage  d'un  pas  décou- 
ragé. Bientôt  ils  aperçurent  Leclerc  qui  revenait 
vers  eux.  Us  se  hAtèrent  de  le  joindre,  dans  l'es- 
pérance d'apprendre  quelque  chose  d'heureux.  Il 
n'avait  rien  de  tel  à  leur  dire;  seulement,  il  leur 
donna  des  nouvelles  de  Mac  Lellan,  cet  étrange 
vagabond.  La  fumée  venait  de  son  campement,qui 
avait  pris  feu  pendant  qu'il  était  h  une  petite  di- 
stance occupé  à  pécher.  Leclerc  le  trouva  dans  un 
triste  état  :  sa  pêche  avait  été  malheureuse.  Du- 
lant  douzejoms,  qu'il  avait  erré  seul  à  travers  ces 


"■'^■à 


2\  5 


ASTOHIA. 

iTioiita£];nes  saiivai^es,  il  avait  à  peine  tioiivé  de 
quoi  manger.  Il  avait  élc  indisposé,  éreinté , 
abattu;  cependant  il  avait  continué  d'aller  en 
avant  :  mais  maintenant  ses  forces  et  son  obstina- 
tion étaient  épuisées.  11  exprima  sa  satisfaction 
d'apprendre  que  M.  Stuart  et  sa  troupe  n'étaient 
pas  loin,  et  dit  qu'il  attendrait  leur  arrivée  dans 
son  campement,  espérant  qu'ils  pourraient  lui 
doiHier  quelque  chose  à  manger,  car,  sans  nourri- 
ture, il  déclara  qu'il  ne  serait  pas  capable  d'aller 
plus  loin. 

Quand  la  brigade  atteignit  cet  endroit,  elle 
trpuva  le  pauvre  diable  étendu  sur  un  peu  d'herbe 
desséchée.  Il  était  maigre  comme  un  squelette,  et 
si  faible  qu'il  pouvait  à  peine  lever  la  tête,  ni 
parler.  La  présence  de  ses  vieux  camarades  sembla 
le  ranimer,  mais  ils  n'avaient  pas  de  vivres  à  lui 
donner,  car  eux-mêmes  étaient  presque  morts  de 
faim.  Us  le  pressèrent  de  se  lever  et  de  les  accom 
pagner.  Il  secoua  sa  tête,  «  A  (juoi  bon!  répon- 
dit-il ;  il  n'y  a  point  d'apparence  de  trouver  de 
prompts  secours  ,  et  sans  cela  je  dois  périr  en 
route.  Autant  vaut  donc  rester  où  je  suis.  »  A  la 
fin,  après  beaucoup  d'instances,  ils  le  mirent  sur 
ses  pieds;  ils  partagèrent  entre  eux  sa  carabine 
et  ses  autres  elfets ,  et  l'aidèrent  à  marcher  en 
l'encourigeant.   Us  firent  de   la   soj  le  six  lieues 


m 


'm 


h 


UlC)  ASIOKIA. 

sur  iiin'  plaine  de  sable ,  jusciii'à  ce  que  voj'aiil 
quelques  antilopes  à  distance,  ils  campèrent  sur 
le  bord  d'un  ruisseau.  Tous  ceux  qui  étaient  ca- 
pables de  se  traîner  sortirent  alors  pour  chasser, 
mais  leurs  eiForts  furent  inutiles,  et  la  nuit  venue 
ils  rentrèrent  au  camp  désespères. 

Comme  ils  se  préparaient  pour  la  troisième  fois 
à  s'étendre  par  terre  pour  dormir,  sans  avoir  une 
bouchée  à  manger,  Leclerc,  l'un  des  Canadiens, 
décharné  et  enragé  par  la  faim ,  s'approcha  de 
M.  Stuart  avec  son  fusil  dans  sa  main.  Ce  n'était 
pas  la  peine,  dit-il,  d'essayer  d'aller  plus  loin  sans 
nourriture.  Ils  avaient  devant  eux  une  plaii:)e 
stérile,  dans  laquelle  on  ne  pourrait  rien  se  pro- 
curer pendant  trois  ou  quatre  journées.  Ils  se- 
raient morts  de  faim  avant  d'en  avoir  atteint  le 
bout;  il  valait  mieux  que  l'un  d'eux  mourût  pour 
sauver  les  autres.  Il  proposa  donc  de  tirer  au 
sort  celui  qui  devait  être  sacrifié;  ajoutant,  pour 
engager  M.  Stuart  à  y  consentir,  qu'il  serait 
exempté  de  toute  chance ,  en  sa  qualité  de  chef 
de  la  bande. 

M.  Stuart  frissonna  h  cette  horrible  proposi- 
tion, et  essaya  vainement  de  raisonner  avec  le 
malheureux.  A  la  fin,  saisissant  son  fusil,  il  le 
menaça  de  le  tuer  sur  la  place  s'il  persistait  ilans 
son  dessein,    l-c  misérable  alFamé  tomba  sur  ses 


AsroKiA.  1».  17 

i»enoiix,  lui  ilemnndn  pardon  dans  les  termes  les 
plus  abjects,  et  lui  promit  de  ne  plus  jamais  l'of- 
fenser par  une  semblable  proposition. 

La  paix  étant  rétablie  dans  le  misérable  bi- 
vouac, chacun  chercha  le  repos.  M.  Stuart  était 
si  épuisé  par  Ta^^itation  de  cette  scène,  qu'il  eut 
à  peine  la  force  de  se  traîner  sur  sa  misérable 
couche.  Mal£j;ré  ses  fatii^ues,  il  passa  une  nuil  sans 
sommeil,  réfléchissant  sur  l'afli'euse  situation  où 
ses  compagnons  et  lui  se  trouvaient. 

Le  lendemain  matin,  avant  le  jour,  ils  étaient 
debout  et  en  route.  Ils  n'étaient  point  retardés 
par  le  soin  de  préparer  leur  dcjeuner,  et  rester 
en  place,  c'était  périr.  Cependant  ils  n'avançaient 
que  lentement,  car  ils  étaient  tous  épuisés.  Çà  et 
là,  ils  apercevaient  des  cr.1nes  et  des  os  de  bisons, 
indices  des  grandes  chasses  qui  avaient  eu  lieu 
dans  la  saison  précédente  ;  mais  la  vue  de  ces  os- 
sements semblait  insulter  à  leur  misère.  Après 
avoir  fait  trois  lieues  dans  la  plaine,  nos  aventu- 
riers montèrent  une  rangée  de  collines  et  avaient 
à  p( 'ne  poussé  une  demi-lieue  plus  loin,  quand, 
à  leur  grande  joie,  ils  découvrirent  «un  vieux 
bison  éreinté.  »  C'était  probablement  un  traînard 
de  quelque  troupeau  qui  avait  été  chassé  et  harassé 
dans  les  montagnes.  Ils  se  séparèrent  tous  aussitôt 
pour  entourer  l'animal  solitaire  et  pour  s'assurei- 
de  lui  ,  car  leur  vie  dépendait  du  succès.  Après 


C 


\&\ 


iw  -»f!': 


'>M 


7\H  ASTOniA. 

hejiucoup  de  peines  et  d'anxiétés  ,  ils  réussirent 
enfin  à  le  tuer.  Ils  réeorchèrent,  le  dépecèrent  à 
rinslanty  et  leur  faim  était  si  violente,  ((u'ils dé- 
vorèrent une  partie  de  sa  chair  toute  crue.  Ils 
portèrent  le  reste  auprès  d'un  ruisseau  voisin, 
y  campèrent,  allumèrent  un  l'eu,  et  se  mirent 
à   cuisiner. 

M.  Stuart  craignait  que  dans  leur  état  de  jeûne 
ils  ne  mangeassent  avec  excès  et  ne  se  rendissent 
malades.  Il  fit  faire  une  soupe  avec  une  partie  de 
la  viande,  et  leur  en  fit  prendre  à  cliacnn  une 
certaine  quantité,  pour  servir  de  prélude.  Grâce 
à  cette  précaution,  peut-être,  ils  purent  manger 
durant  une  bonne  partie  de  la  nuit,  sans  qu'au- 
cun d'eux  en  fût  incommodé. 

Le  lendemain  matin,  le  festin  recommença. 
Vers  midi,  se  sentant  rafraîchis  et  restaurés,  ils 
reprirent  leur  voyage  avec  une  nouvelle  vigueur. 
Us  dirigèrent  leur  course  vers  une  montagne 
dont  ils  voyaient  le  sommet  pyramider  à  l'est, 
et  près  de  laquelle  ils  s'attendaient  à  trouver  les 
eaux  supérieures  du  Missouri. 

Ils  continuaient  à  rencontrer  des  squelettes  de 
bisons,  répandus  sur  la  terre  dans  toutes  les  di- 
rections, et  qui  prouvaient  que  les  Indiens  avaient 
été  heureux  dans  leurs  chasses  de  la  saison  pré- 
cédente. Plus  loin  ils  croisèrent  une  large  pist<î 
indienne,  vieille  d'ciîvii'on  (juinze  joins,  el    for- 


ASIOISIA.  •>.  I() 

niant  un  sentier  piot'ond,  f[ui  se  dirigeait  vers  le 
nonl.  Ils  <!Onelnr(Mit  qu'elle  (levait  avoir  été  laite 
par  une  bande  nombreuse  de  Corneilles,  «pli,  sans 
doute,  avaient  chassé  aux  environs  durant  la  plus 
ij;rande  partie  de  l'été. 

Le  jour  suivant,  nos  voyag<;urs  traversèrent  une 
rivière  considérable,  dont  les  bords  étaient  garnis 
de  pins.  Ils  trouvèrent  parmi  ceux-ci  les  traces 
d'un  vaste  camp  indien,  qui  avait  été  évidem- 
ment le  quarti(U'-général  des  chasseurs,  comme  le 
témoignait  la  grande  (piantité  d'os  de  bisons  ré- 
pandus dans  le  voisinage.  Ce  camp,  suivant  les 
apparences,  était  abandonné  depuis  un  mois. 

Dans  le  centre  se  trouvait  une  loge  singulière. 
Elle  était  composée  de  vingt  troncs  d'arbres,  d'en- 
viron un  pied  de  diamètre  et  quarante  de  hau- 
teur, plantés  de  manière  à  former  une  circonfé- 
rence de  cent  quarante  pieds.  Des  branches  de 
pins  et  de  saules  étaient  entrelacées  dans  ces  ar- 
bres, et  fournissaient  un  abri  suffisant.  A  l'extré- 
mité occidentale,  en  face  de  la  poite,  trois  corps 
étaient  enterrés ,  les  pieds  tournés  vers  l'est. 
A  la  tête  de  chaque  tombe,  il  y  avait  une  branche 
de  cèdre  roiige  (Juniperus  r^irginirina,  L.),  so- 
lidement plantée  en  terre  :  au  pied,  se  trouvait 
un  énorme  crâne  de  bison,  peint  en  noir.  Des 
ornements  sauvages  étaient  suspendus- dans  dilïé- 
rentes  parties  de  l'édifice,  ainsi  qu'un  grand  nom- 


y 


■•«Cl 


•i'M)  AsroniA, 

lire  (\u  mocassins  d'enfants.  D'apirs  la  i^randeiu 
(le  VA1  l)nllni(;nt,  d'après  le  temps  et  le  ti'avnil  qu'il 
avait  fallu  pour  le  construire,  on  put  conclure 
(jue  les  corps  qu'il  contenait  devaient  être  ceux 
d(î  i^ueniers  et  de  chasseurs  remarquables. 

Le  jour  suivant,  17  octobre,  on  traveri,u  deux 
larii;es  affluents  de  la  rivière  Espagnole.  Ils  pre- 
naient naissance  dans  les  montagnes  de  la  rivière 
du  Vent,  masses  énormes  et  abruptes  de  rochei's 
noirs  qui  s'étendaient  vers  l'est,  presque  entière- 
ment dénués  de  bois  vX  en  bcnuicoup  d'endroits 
couverts  de  neige.  Dans  cette  jouinée  on  vit  quel- 
ques bisons  maies  et  quelques  antilopes,  mais  on 
n'en  put  tuer  aucun ,  et  les  vivres  commencèrent 
encore  à  devenir  rares. 

Le  18,  après  avoir  traversé  une  rangée  de  moji- 
tagnes  et  une  plaine,  on  passa  à  gué  une  des  bran- 
ches de  la  rivière  Espagnole.  En  remontant  sur 
la  berge,  on  se  trouva  vis-à-vis  d'environ  cent 
trente  Indiens  serpents.  Ils  traitèrent  nos  \oyn- 
i»eurs  d'une  manière  aniicale  et  les  conduisirent 
à  leur  campement  distant  d'environ  une  lieue. 
Il  se  composait  d'une  (piarantaine  de  wigw^ams, 
construites  principalervjent  avec  des  branches  de 
pin.  Ces  Serpents,  comme  la  plupart  de  ceux  de 
leur  tribu,  étaient  fort  pauvres.  Les  maraudeurs 
Corneilles^  dans  leur  dernière  excursion  h  travers 
le  pays,  l^^s  avaient  complètement  dépouillés,  em- 


AM'OIUA.  J.At 

mcnniit  iturs  elievnux  ,  pliisioiirs  dv  leurs  fiminrs 
et  la  plupart  de  leurs  ellefs.  Mais  en  ({«'•pil  de  leur 
pauvreté  ils  (^taieiiJ  extréniemei»t  liospilaiiers,  et 
les  voyaj»eurs  atramés  furent  bien  venus  dans  leurs 
eabanes.  Ils  s(;  proeurèrent ,  pour  (piel([ues  hatça- 
telles,  de  la  viande  de  bison  et  du  cuir  pour  faire 
des  mocassins,  dont  ils  avaient  grand  besoin.  Ce- 
pendant ce  qu'ils  obtinrent  de  plus  précieux,  ce 
fut  un  cheval.  C'était  à  la  vérité  une  vieille  rosse, 
mais  c'était  le  seul  c[ui  restât  aux  pauvres  Serpents, 
après  la  rafle  faite  par  les  Corneilles.  Ils  consen- 
tirent cependant  à  1'^  donner  à  leurs  hôtes  pour 
un  pistolet,  une  hache,  un  couteau,  et  quelques 
autres  objets  de  peu  de  valeur. 

Ils  avaient  de  tristes  histoires  à  raconter  tou- 
chant les  Corneilles,  qui  étaient  campés  près  d'une 
rivière,  à  peu  de  distance  vers  l'est,  et  étaient  si 
nombreux  que  les  Serpents  n'osaient  pas  chercher 
à  se  venger  de  leurs  outrages,  ni  essayer  de  re- 
prendre un  seul  cheval  ou  une  squaw.  lis  s'elfor- 
cèrent  d'exciter  l'nidi^nation  de  leurs  visiteurs 
par  le  récit  des  vols  et  des  meurtres  commis  par 
les  Corneilles  et  par  les  Pieds-noirs  sur  les  chas- 
seurs et  les  trappeui's  blancs.  Plusieurs  de  ces 
histoires  n'étaient  que  le  récit  exagéré  des  vio- 
lences souffertes  par  quelques-uns  des  membres 
éparpillés  de  l'expédition  de  M.  Hunl;  d'autres 
étaient,  suivant  toutes  les  probabilités,  de  pures 


l! 


m-'^ 


'*.i 


'» 


m 

.h 


^■•^:'^- 1 


.^'  i  -. 


2  2/  ASroiUA. 

iii\eiitioiis,  poui  Icstiiielles  les  Serpents  sembleiil 
avoir  eu  des  dispositions  assez  remarquables. 
M.  Stuart  les  assura  que  le  jour  n'était  pas  loin 
où  les  Blancs  feraient  sentir  leur  puissance  à  tra- 
vers tout  le  pajs,  et  tireraient  un?  vengeance  si- 
gnalée des  auteurs  de  ces  crimes.  Les  Serpents 
exprimèrent  beaucoup  de  joie  à  cette  assurance, 
et  otiiirent  leurs  services  pour  le  soutien  de  la 
bonne  cause.  Ils  se  réjouissaient  à  la  pensée  d'en- 
trer en  campagne  avec  de  si  puissants  auxiliaires, 
et  rêvaient  sans  doute,  à  leur  tour,  le  vol  des  che- 
vaux et  l'enlèvement  des  femmes.  Leurs  offres, 
bien  entendu,  furent  acceptées;  le  calumet  de 
paix  fut  apporté,  et  l(;s  deux  puissances  humiliées 
fumèrent  une  éternelle  amitié  entre  elles  et  une 
vengeance  terrible  sur  leurs  ennemis  communs, 
les  Corneilles. 


'>;-H 


CHAPnnr:  xlvii. 


La  rivière  Espagnole.  —  Piste  d'IiKliens  corneilles.  —  Orage 
de  neige.  —Festin  de  chair  de  ^iîon.  -  Plaine  de  sel.  - 
Montagne  à  gravir.  —  Cime  volcanique.  —  Cratère  éteint. 

—  Coquillages  marins.  -  Clampcment  dans  une  ])rairie.  — 
Chasse  heureuse.  —  Bonne  cher*;.  —  Paysage  romanli(|ue. 

—  Défilé    rocailleux.  —  Torrent   écumant.    —   le  Déiroil 
Enflammé. 


a: 


Au  lever  du  soleil,  le  jour  suivant  (ig  octobre), 
îios  vo)'ai»eurs  avaient  charité  leur  vieux  cheval 
d'une  provision  de  viande  de  bison,  suflisante 
pour  cinq  jours.  Prenant  congé  de  leurs  nou- 
veaux alliés,  les  pauvres,  mais  honnêtes  Serpents, 
ils  se  mirent  en  route  d'assez  bonne  humeur, 
quoique  la  vue  des  montagnes  qu'iia  avaient  à 
traverser,  et  le  froid  qui  augmentait  toujours, 
fussent  suffisants  pour  les  geler  jusqu'au  fond  du 
cœur.  Autant  qu'ils  purent  en  juger,  le  pays,  le 
long  de  cette  branche  de  la  rivière  Espagnole, 
était  parfaitement  plat ,  et  borné  à  l'est  et  ;• 
louest  par  des  chaînes  de  hautes  montagnes. 
Après  avoir  marchéenviron  une  lieue  vers  lemidi, 
ils  retrouvèrent  encore  la  large  piste  d'Indiens 
orneilles  qu'ils  avaient  croisée  quatre  jours  au- 


L'îi? 


n 


•).'}. /\ 


ASTOlîl  \. 


paraviMit.  Elle  pioveiialt  sîiiis  doute  de  la  bande 
qui  a>ait  pillé  les  Serpents,  et  qui,  selon  le  rëeit 
de  ces  derniers,  était  alois  campée  sur  un  fleuve 
vers  l'est.  Elle  se  continuait  vers  le  sud-est,  et 
était  si  bien  battue  par  les  pieds  des  chevaux  et 
des  hommes,  qu'une  centaine  de  loges,  au  moins, 
devait  y  avoir  passé.  Comme  elle  formait  une 
route  commode  et  dans  une  direction  conve- 
nable, nos  voyageurs  y  entrèrent,  déterminés  à 
la  suivre  autant  qu'ils  le  pourraient  avec  sûreté. 
Les  Corneilles  devaient  être  à  une  certaine  di- 
stance en  avant,  et  il  n'était  pas  probable  qu'aucun 
d'eux  l'evînt  sur  ses  pas.  Nos  gens  marchèrent 
donc  tout  le  jour  sur  les  traces  de  leurs  dangereux 
prédécesseurs ,  les  suivant  à  travers  les  torrents, 
le  long  des  plateaux,  parmi  les  vallées  étroites,  et 
toujours  généralement  dans  la  direction  du  sud- 
esl.  Un  vent  frais,  accompagné  parfois  de  neige, 
venant  à  souffler  du  nord-est,  ils  se  déterminèrent 
à  camper  de  bonne  heure  sur  le  bord  d'un  ruis- 
seiiu.  Les  deux  Canadiens,  Vallée  et  Leclerc,  tuè- 
rent dans  la  soirée  un  jeune  bison  qui  était  en 
bon  élat,  et  qui  leur  fournit  une  abondante  pro- 
vision de  bœuf  frais.  Ils  chargèrent  donc  leurs 
broches  ,  ils  emplirent  leur  chaudière  de  viande, 
et  tandis  que  le  vent  sifflait,  tandis  que  les  nuages 
tourbillonnaient  autour  d'eux,  serrés  autour  d'un 
feu  pétillant,  ils  se  pénétraient  de  sa  douce  cha- 


d'un 
cha- 


ASTor.  lA.  ,  'A-.Vt 

leur,  cl.  reprenaient  des  lorees,  du  eonrai^e,  de  la 
honne  humeur,  autour  d'un  repas  sueculent.  Nul 
plaisir  n'est  plus  doux  ([ue  ceux  (juc  l'on  goule 
ainsi  au  milieu  des  périls,  et  probablement  nos 
pauAM'es  pèlerins  exténués  jouissaient  doublement 
d(î  ces  ])iens  terrestres,  à  cause  de  la  désolation 
([ui  les  environnait,  et  delà  dangereuse  proximité 
des  Corneilles. 

La  neige  qui  avait  tombé  pendant  la  nuit  fut 
cause  t|ue  nos  gens  ne  chargèrent  leur  unic[ue 
cheval,  et  ne  se  remirent  en  marche,  qu'assez 
tard  le  lendemain.  Il  n'y  avait  pas  long-temps 
qu'ils  étaient  en  route  lors([u'ils  virent  la  piste 
qu'ils  suivaient  changer  de  direction  et  tourner 
\ers  le  nord -e si.  Ils  avaient  déjà  commencé  à 
sentir  ([u'ils  marchaient  sur  un  dangereux  ter- 
lain,  car  ils  pouvaient  élre  aperçus  par  quelque 
vedette  de  cette  lace  de  maraudeurs  tjue  leurs  ha- 
bitudes de  pillage  obligent  à  élre  constamment 
alerles.  Voyant  ([ue  leur  trace  se  détournait  tant 
vessie  nord,  nos  voyageuis  l'abandonnèrent 
ri  ronlinuèient  à  se  diriger  vers  le  sud-est,  à  tra- 

s>  in  beau  pays  ondulé,  ayant  à  main  gauche 
la  J.1  neipale  chaîne  de  montagnes,  et  une  autre 
chaîne  très  élevée  à  main  droite.  Au  bout  de  six 
lieues,  la  chaîne  qui  divise  les  eaux  de  la  rivière 
(lu  Vent  de  celles  de  la  Coloud)ia  et  de  la  rivière; 
Espagnole,  s(^  ti  rinine  brus([uemenl,  et  tournant 

II.  i5 


m 


m 

-.L*. 


'27.6  ASTORIA. 

\evs  le  nord-est,  devient  la  limite  de  séparation 
entre  deux  branches  des  rivières  Longues-Cornes 
et  Chejenne,  et  les  eaux  supérieures  qui  aiiïuent 
dans  le  Missouri,  au-dessous  de  la  contrée  des 
Sioux. 

La  chaîne  qui  s'étendait  sur  la  droite  de  nos 
voyageurs  étant  alors  devenue  très  basse,  ils  pas- 
sèrent par-dessns  et  arrivèrent  dans  une  plaine 
unie  qui  avait  environ  trois  lieues  de  circonfé- 
rence. Le  sol  en  était  incrusté,  à  la  profondeur 
d'un  pied  v  ^  '';  dix-huit  pouces,  d'un  sel  aussi 
blanc  que  la  ige,  provenant  de  nombreuses 
sources  d'eau  limpide,  qui  jaillissent  continuelle- 
ment, se  répandent  par-dessus  leurs  bords,  et 
forment  de  superbes  cristallisations.  Les  Indiens 
de  l'intérieur  aiment  beaucoup  cette  espèce  de 
sel ,  et  se  rendent  dans  cette  vallée  pour  en  re- 
cueillir; mais  les  tribus  de  la  cote  ne  peuvent  le 
soulfrir.  et  ne  veulent  rien  mancer  des  choses 
qu'il  a  servi  à  préparer. 

Dans  la  soirée,  nos  voyageurs  campèrent  sur  le 
bord  d'une  petite  rivière,  au  milieu  de  la  plaine 
découverte.  Le  vent  du  nord-est  était  glacial ,  et 
ils  n'avaient  rien  pour  faire  du  feu ,  excepté  de 
misérables  pousses  de  sauge  ou  d'absinthe.  Ils  fu- 
rent obligés  de  s'envelopper  dans  leurs  couver- 
tures, et  de  s'entasser,  de  bonne  heure,  «dans 
leur  nid.  »  Vers  le  soir,  M.  Mac  Leilan,  (jui  était 


\SToniA.  'Jt'^.y 

alors  remis  a\ait  tué  un  bison  ;  mais  c'était  à 
(|uelque  distance  du  camp,  et  l'on  attendit  le  len- 
demain pom^  en  tirer  parti. 

Le  jour  suivant  (2 1  octobre),  le  froid  continua 
et  il  tomba  de  la  neige.  Cependant  nos  aventu- 
riers poursuivirent  leur  fatiguant  Tojage,  en  se 
dii'igeant  du  côté  dv  l'est-nordest,  vers  la  cime 
d'une  montagne  élevée  qu'il  leur  fallait  traverser. 
Avant  d'en  atteindre  la  base,  ils  passèrent  encore 
une  large  piste  qui  se  dirigeait  un  peu  vers  la 
droite  de  la  montagne.  Ils  présumèrent  qu'elle 
a^vait  été  faite  par  une  autre  bande  de  Corneilles, 
({ui  probablement  avaient  été  chasser  plus  bas  sur 
la  rivière  Espagnole. 

La  rigueur  de  la  saison  força  les  piétons  h  cam- 
per au  pied  de  la  montagne,  après  avoir  fait  cinq 
lieues.  Us  trouvèrent  assez  de  bois  de  tremble  sec 
pour  faire  du  feu,  mais  ils  cherchèrent  en  vain 
un  fdet  d'eau. 

Au  point  du  jour  ils  se  remirent  en  marche, 
et  gravirent  les  montagnes  pendant  trois  péni- 
bles lieues.  D'après  les  remarques  accidentelles 
qui  se  trouvent  dans  le  journal  de  M.  Stuart, 
cette  montagne  paraît  offrir  un  riche  champ  de 
spéculations  pour  un  géologiste.  On  y  voyait  un 
plateau  d'une  lieue  de  diamètre,  qui  était  semé  de 
pierres  ponce  et  d'autres  reliques  volcaniques. 
Un  lac  on  occupait   le  cenlre;  c'était  probable- 


C 


m 


1 


'^:k 


228  ASToniA. 

ment  autrefois  un  cratère.  Il  y  avait  aussi,  dans 
([uelques  endroits,  des  dépôts  de  coquilles  ma- 
rines, indiquant  qu'à  une  époque  éloignée,  les 
ilôts  avaient  couvert  ce  qui  était  maintenant  la 
cime  d'une  montagne. 

Après  s'être  arrêtés  pour  se  reposer  et  pour 
jouir  de  ce  spectacle  sauvage  et  grandiose ,  nos 
pèlerins  commencèrent  à  descendre  le  côté  orien- 
tal de  la  montagne.  Leur  route  «accidentée  et  ro- 
mantique passait  dans  de  profonds  ravins,  dans 
des  défilés  encaissés  entre  des  rochers  perpendi- 
culaires. Ils  apercevaient  beaucoup  de  Longues- 
cornes  bondissant  audacieusement  de  roc  en 
roc;  ils  parvinrent  même  à  en  abattre  deux,  qui 
les  regardaient  sans  crainte  du  bord  des  escarpe- 
ments. 

'  Arrivés  au  pied  de  la  montagne,  ils  trouvèrent 
un  ruisseau  qui  jaillissait  de  la  terre,  et  qui  res- 
semblait, pour  là  couleur  et  pour  le  goût,  aux 
eaux  du  Missouri.  Ils  campèrent  aupi.s  pendant 
la  nuit  et  soupèrent  somptueusement  d'un  excel- 
lent mouton  de  montagne. 

La  matinée  suivante  fut  claire  et  extrêmement 
froide.  Us  arrivèrent  de  bonne  heure  auprès 
d'une  rivière,  courant  à  l'est,  entre  des  collines 
basses  d'une  couleur  bleuâtre  et  fortement  im- 
prégnées de  couperose.  M.  Stuart  supposa  que 
c'était   une  des    branches    supérieures  du  Mrs- 


t  ■,  .■:H 


\STOUIA.  :>.H) 

aoiiri,  v\  se  dctcrniina  à  en  suivre  les  rives.  Ce- 
pendant,  après  une  marelie  de  neuf  lieues,  il  ar- 
riva au  sommet  d'uutnoiit,  et  le  tableau  qu'il 
eut  alors  sous  les  yeux  le  détermina  à  modifier 
.ses  projets.  Devant  lui  s'étendait  une  vaste  plaine 
rjui,  du  côté  du  sud,  n'avait  d'autres  bornes  que 
l'horizon.  La  rivière  en  question  la  sillonnait 
dans  une  direction  sud-sud-est.  Par  conséquent 
elle  ne  pouvait  pas  être  une  branche  du  Mis- 
souri, et  M.  Stuart  renonça  à  la  prendre  pour 
guide.  11  dirigea  sa  course  vers  une  chaîne  de 
montagnes  éloignées  d'environ  vingt  lieues  vers 
l'est,  et  près  desquelles  il  espérait  trouver  un 
îîutre  cours  d'eau. 

Le  temps  était  alors  si  froid,  et  la  fatigue  du 
voyage,  si  grande,  que  nos  aventuriers  résolurent 
de  faire  halte  pour  l'hiver  au  premier  endroit 
l'avorable.  Cette  iiuit-lh  il  leur  fallut  camper  dans 
la  plaine  ouverte,  auprès  d'une  petite  mare  d'eau, 
sans  aucun  bois  pour  faire  du  feu.  Le  vent  du 
nord-est  soufflait  avec  rigueur  à  travers  cette  so- 
litude nue,  et  nos  malheureux  voyageurs  furent 
obligés,  par  le  froid,  de  quitter  avant  le  point 
du  jour  leur  bivouac  inhospitalier. 

Pendant  deux  jours,  il  continuèrent  à  marcher 
dans  une  direction  orientale  ,  luttant  contre  des 
brises  glaciales  et  queh[uefois  (contre  des  tourbil- 
lons de  neige.  Durant  er  lomps,  ils  souIlVireuL 


il 


rai 


m 


frM 


i\ 


2:)o 


ASTOIIIA. 


aussi  (le  la  rareté  ilc  l'eau,  et  furent  (|uel(juefois 
oblifjcs  de  faire  usa£»c  de  neii^e  fondue,  ce  (|ui , 
joint  au  manque  de  pâturages,  fatif^ua  cruelle- 
ment leur  vieux  cheval.  Ils  virent  beaucoup  de 
traces  de  bisons,  et  même  quelques-uns  rie  ces 
animaux ,  mais  qui  gagnèrent  le  vent  et  décam- 
pèrent. 

Le  26  octobre,  ils  se  dirigèrent  à  l'est-nord- 
est  ,  vers  un  ravin  boisé  qu'ils  apercevaient 
dans  une  montagne  à  une  petite  distance.  Arrivés 
au  pied  de  la  montagne,  il  découvrirent,  à  leur 
grande  joie,  une  rivière  abondante  courant  entre 
des  berges  garnies  de  saules.  Il  firent  halte  au- 
près pour  la  nuit.  Ben  Jones  ajant  heureusement 
trappe  un  castor  et  tué  deux  bisons  raales ,  ils 
restèrent  campés  le  jour  suivant,  festoyant,  se 
reposant,  et  laissant  leur  cheval  surmené  se  re- 
mettre de  ses  fatigues. 

La  petite  rivière  auprès  de  laquelle  ils  étaient 
campés  était  la  branche  septentrionale  de  la  ri- 
vière Flatte,  qui  se  jette  dans  le  Missouri.  Mais  nos 
voyageurs  n'apprirent  cela  que  long-temps  après. 
Ayant  suivi  le  cours  de  cette  rivière  pendant  en- 
viron sept  lieues,  ils  arrivèrent  à  un  endroit  où 
elle  s'ouvrait  un  passage  à  travers  une  chaîne  de 
hautes  collines  couvertes  de  cèdres ,  et  pénétrait 
dans  une  vaste  plaine.  De  nombreux  troupeaux 
de  bisons  y  paissaient  un  excellent  pâturage.  Nos 


ASTOIUA.  25 1 

nvenluiicis  luùtnt  trois  femelles  de  ces  ani- 
maux; c'étaient  les  premières  qu'ils  eussciit  pu 
atteindre.  Jusque  là  ils  avaient  clé  obligés  de  se 
contenter  de  la  chair  des  mâles  (jui  sont  1res 
maigres  dans  cette  saison  ;  les  bosses  de  ces  fe- 
melles leur  fournirent  un  repas  digne  d'un  épi- 
curien. 

Assez  tard  dans  l'api cs-midi  du  5o,  on  arriva 
dans  un  endroit  où  la  rivière,  devenue  fort  con- 
sidérable, se  précipitait  dans  un  ravin,  entre  des 
murailles  de  pierre  rouge,  hautes  de  près  de  deux 
cents  pieds.  Eile  s'y  biisaiten  écume  sur  d'énor- 
mes masses  de  rochers,  comme  si  elle  avait  été 
exaspérée  de  se  trouver  comprimée  dans  un  canal 
si  étroit.  A  la  fin  elle  tombait  dans  un  précipice, 
dont  la  profonde  obscurité  paraissait  eff'ravante  à 
la  lueur  ^u  crépuscule. 

Pendant  une  partie  du  jour  suivant,  la  sauvage 
rivière,  dans  ses  détours  vagabonds,  mena  nos 
voyageurs  à  travers  une  série  de  tableaux  va- 
riés. Quelquefois  ils  se  trouvaient  dans  des  plai- 
nes élevées  comme  des  plates-formes,  et  où  mu- 
gissaient des  troupeaux  de  bisons  :  d'autres  foi.s, 
parmi  d'alfreux  défilés  encaissés  entre  des  rochers 
escarpés,  sur  lesquels  le  daim  à  queue  noire  bon- 
dissait légèrement,  tandis  que  la  Longue-corne  so 
reposait  au  soleil  près  du  bord  du  précipi  *^. 

Dans  l'après-midi ,  nos  aventuriers  découvri- 


•j.  r)  :>. 


AS  roui  A 


rcnl  toul-à-t'oiip  un  iioiivcaii  lal)lo;in  (jiii  surpas- 
snit  cil  sau^ai>c  i^raiuleur  tous  les  précrdcnls.  Ils 
avaient  voyage  pendant  quelque  temps  à  t^a^crs 
une  gori^e  de  montagne,  en  marchant  paiallèle- 
mcnt  au  cours  de  la  rivière,  qui  mugissait  hors 
de  la  vue  dans  un  profond  lavin.  Quelquefois 
le  sentier  tortueux  s'approchait  du  bord  des 
rochers,  au  bas  desquels  l'onde  turbulente  tour- 
billonnait en  ccumant,  parmi  les  masses  de  rocs 
(jui  avaient  rovilc  dans  son  lit.  Ils  marchaient 
avec  précaution  le  long  de  ces  hauteurs  étour- 
tlissantes,  quand  ils  arrivèrent  tout  à-coup  dans 
un  endroit  où  la  rivière  tout  entière  tombait, 
avec  un  épouvantable  fracas,  de  précipice  en  pré- 
cipice, au  milieu  d'un  nuage  épais  de  vapeurs. 
Durant  quelque  temps  ils  s'arrêtèrent  pour  regar- 
der, avec  un  mélange  de  terreur  et  de  plaisir, 
cette  furieuse  calaracle.  D'après  la  couleur  des 
rochers  environnants,  M.  Sluart  nomma  cet  en- 
droit le  Détroit  Enllammé  {Fiery  narrows). 


!r^"i, />■■»>'*■ 


k 


CIIAI'IIISE    Xl.VHI. 


"(•nips  j;Iacial, —  Halte  cX  dclibéialion.  —  Canloniioincnl  pour 
l'hiver.  —  Cliiassc  liciiicuse.  --  IM.   Crooks  ot  l'ours  j^iis.  -- 

—  La  Wij^wain.  —  I.ongiuîs  cornes  et  daims  à  (jiiciie  noire. 

—  B(eiif  ("t  venaison.  —  iJons  (piai-liers   et  bonne   chère. — 
Une  ahîrte.  —  IIospilaHlc!  forcée.-  l'illaj^e  (hi  t;ar<le-niani;<'r. 

—  Jîepas  héroifiues   «.les  Sauvages.  -    Abandon  des  ([uailiers 
d'hiver. 


Nos  voyageurs  campèrent  pendant  la  nuit  vSiir 
le  bord  de  l'eau  au-dessous  de  la  cataracte.  Le 
temps  était  froid ,  et  il  tombait  lantot  de  la  pluie, 
tantôt  du  grésil.  Le  malin  se  leva  tristement  :  le 
ciel,  sombre  et  couvert,  menaçait  de  déchaîner 
tic  nouveaux  orages.  Cependant  la  petite  troupe 
se  remit  en  marche,  en  dépit  des  éléments;  mais 
enfin  les  rigueurs  croissantes  de  l'hiver,  qui  se 
foi?*;  sentir  de  bonne  heure  dans  ces  régions  mon- 
tagneuses et  sur  ces  plaines  nues  et  élevées,  firent 
faire  une  halte  à  nos  aventuriers,  lorsfju'ils  eurent 
descendu  environ  dix  lieues  de  plus,  le  long  de  la 
rivière ,  et  les  forcèrent  à  délibérer  d'une  manière 
sérieuse. 

Ils  convinrent  unanimement  qu'ils  cherehe- 
l'iiient  en  vain  à  pouisuivre  letu'  voyage  ii  pied  , 
dans  cette  saison   rigoureuse.   Ils  a> aient  encore 


m 


m 


>.v, 


ASMilll  \, 


^>l,^•~^► 


plnsioms  ccnlaiiirsili^  lit;ucs;i  i'iHreav.iiil  triillciii- 
«li-c  le  cours   principal  du   Missouri.   Leur  roule 
passait  par  d'iiniTienses  plaii)(;s  stériles  et  dépour- 
vues d(;  cotid)ustil)Ios.  La  ([uestion  était  donc  de 
savoir  où  ils  établiraient  leurs  (piarticrs  d'hiver, 
et  s'il  fallait  ou  non  avancer  encore  le  long  de  lu 
rivière.   Ils  l'avaient  prise  d'abord  pour  une  des 
branches  supérieures  du  Missouri.  Ensuite  ils  s'é- 
taient imaginé  que  c'était  la  rivière  Quicoin't,  et 
en  c(îla  ils  n'étaient  pas  plus  près  de  la  vérité. 
KnHn,  voyant  ([u'elle  inclinait  un  peu  au  nord- 
est,   ils  étaient  alors  persuadés,  et  avec  aussi  peu 
de  raison,  que  c'était  la  Cheyeniie.  S'il  en  était 
ainsi,  en  continuant  à  la  suivre,  ils  devaient  arri- 
ver chez  les  huliens  qui  portent  le  nom  de  cett(> 
rivière.  Parmi  eux,    ils  ne  manqueraient  pas  de 
î'cncontrer  quelques  Sioux.  Ceux-ci  instruiraieni 
leurs  camarades,  les  Sioux  pi  raies  du  Missouri , 
de  l'approche  d'une  troupe  de  marchands  blancs  : 
de  sorte  qu'au  printemps  nos  voyageurs  pouvaient 
s'attendre,  loisqu'ils  descendraient  la  rivière,  à 
être  attaqués  et  pillés  par  quelque  parti  embusqué 
sur  ses  bords. 

Même  s'ils  se  trouvaient  sur  la  rivière  Qui- 
court ,  il  n'était  pas  prudent  d  hiverner  beaucoup 
plus  loin;  car  quoiqu'ils  pussent  être  alors  hors 
de  la  portée  des  Sioux ,  ils  se  seraient  trouvés^dans 
le  voisinage  des  Ponças,  tribu  presque  aussi  dan- 


'^;    ' 


i;('rons<\  Il  fui  donc  (|('ri(l('',  piii.s(|ii'il  r:illail  Isi- 
vnn(M'(jucl(|iH'  pari  de  vv  colc  du  Missouri,  (ju'oii 
no  descendrait  pas  plus  hns,  mais  (ju'ou  resterait 
dans  ces  régions  solitaires,  où  il  n'y  avait  point 
lie  danijjer  d'èlrc;  moleste. 

On  prit  cette  tiécision  d'aulant  plus  prompte- 
incnt  et  plus  unaninieincnt  qu'on  l'cncontra 
bientôt  une  position  excellente  pour  liiverner. 
C'était  dans  une  agréable  courbe  de  la  rivière , 
précisément  au-dessous  d(^  l'encb-oit  où  elle  sort 
d'une  chaîne  de  montagnes ,  et  commence  à  incli- 
ner vers  le  nord-est.  Là  se  trouve  une  pointe  de 
terre  basse,  couverte  de  cotonniers  et  entouré(^ 
de  saules  épais,  de  minière  à  fournir  à  la  fois  un 
abri,  du  combustible,  et  des  matériaux  tie  cons- 
truction. La  rivière,  large  d'environ  trente-cinq 
mètres,  loule  rapidement  auprès.  Au  sud-est  se 
trouvent  des  montagnes  d'une  hauteui"  modérée, 
dont  les  plus  rapprochées  sont  à  environ  deux  tiers 
de  lieue;  mais  toute  la  chaîne  se  développe  à  l'est, 
au  sud  et  au  sud-est,  aussi  loin  quela  vue  peu  s'éten- 
dre. La  cime  de  ces  montagnes  est  couronnée  de 
sombres  forêts  de  pins  de  Virginie  (pinns  rigidci, 
Marsh.),  où  se  détachent  de  petits  bouquets  de 
Irembles,  au  clair  feuillage.  Plus  bas  se  trouvent 
des  bois  épais  de  sapins  et  de  cèdres  rouges  (jii- 
niperus  vir^inianiij  L.),  qui  croissent  ,  en  beau- 
coup d'endroits  dans  les  fentes  mêmes  des  lochers. 


4 


iG 


ASHMU  \. 


D'éiioiines  mamelons  saillentciumillcMidcs  forcis, 
(.'t  les  formes  tics  montagnes  sont  abruptes.  Leui\s 
j'etraites  rocailleuses,  leurs  rochers  escarpés,  ren- 
ferment d'innombrables  troupeaux  de  Longues- 
cornes^  tandis  que  leurs  sommets  et  leurs  ravins 
boisés  abondent  en  ours  et  en  daims  à  queue  noire. 
Ceux-ci ,  avec  de  nombreux  troupeaux  de  bisons, 
qui  paissaient  plus  bas  auprès  de  la  rivière,  pro- 
mettaient à  nos  aventuriers  d'abondantes  provi- 
sions. 

Le  2  novembre,  ils  établirent  donc  leurs  quar- 
tiers  d'hiver  sur  la  pente  boisée  en  question,  et 
b'iH'  première  pensée  fut  de  se  procurer  des  vi- 
vres. Ben  Jones  et  quatre  autres  sortirent  en 
(!Oiiséqiiience,  une  seule  personne  restant  à  la  garde 
du  camp.  Leur  chasse  fut  heureuse.  En  deux 
jours  ils  tuèrent  trente-deux  bisons  et  rassemblè- 
rent leur  chair  sur  le  bord  d'un  petit  ruisseau, 
distant  d'environ  un  tiers  de  lieue.  Une  forte  gelée 
ajant  bien  à  propos  glacé  la  rivière,  ils  transpor- 
tèrent aisément  leurs  provisions  au  camp.  Le  joui 
.suivant,  un  troupeau  de  bisons  étant  venu  à  tra- 
vers la  pente  boisée  pour  descendre  au  bord  de 
l'eau,  on  parvint  à  en  tuer  quinze  autres. 

Cependant  on  découvrit  bientôt  que,  dans  le 
voisinage,  il  y  a\ait  du  gibior  d'une  plus  dange- 
reuse nature.  Un  certain  jour,  M.  Crooks  s'étail 
<'loigné  du  camp  d'un  liers  de  lieue,  environ,  el 


aya 
dan 


ASToniA.  2^y 

était  monté  sur  une  petite  eolliiie,  qui  tloniiiinit 
la  rivière.  H  n'avait  pas  sa  carabine,  circonstance 
rare  dans  ees  réf»ions  sauvages»  où  l'on  a  l'habi- 
tude de  ne  point  sortir  sans  armes,  car  on  peut 
rencontrer  à  chaque  pas  une  bète  farouche^  ou 
un  Indien,  plus  farouche  encore.  La  colline  sur 
laquelle  se  trouvait  M.  Crooks  dominait  l'endroit 
où  s'était  passé  le  massacre  des  bisons.  Tout  en 
regardant  le  paysage,  il  aperçut,  en  bas,  quelque 
chose  qui  se  dirigeait  directement  vers  lui.  A  son 
grand  effroi  il  découvrit  que  c'était  une  ourse 
grise  avec  ses  deux  petits.  H  n'y  avait  pas  aux  en- 
virons d'r.rbre  sur  lequel  il  put  grimper.  S'enfuir, 
c'était  seulement  provo([uer  une  poursuite,  et  il 
aurait  bientôt  été  atteint.  Il  se  jeta  donc  sur  la 
terre,  et  y  resta  sans  bouger,  examinant  avec  une 
cruelle  anxiété  les  mouvements  de  l'animal.  Celui- 
ci,  qui  s'était  probablement  i^orgé  de  chair  de  bi- 
son, continua  à  s'avancer  jusqu'au  pied  de  la  col- 
line; mais,  arrivé  là,  il  se  détourna  et  s'enfonça 
dans  le  bois.  M.  Crooks,  enchanté  d'être  hors 
d'affaire,  se  hâta  de  retourner  au  camp,  bien  dé- 
terminé à  ne  plus  en  sortir  sans  sa  carabine. 
Quelques  jours  après  celte  aventure  un  ours  gris 
fut  tué  dans  le  voisinage  par  M.  Miller. 

Le  massacre  d'un  si  grand  nombre  de  bisons 
ayant  pourvu  nos  gens  de  bœuf  pour  l'hiver, 
dans  le  cas  où  ils  ne  rencontre]  aient  pas  de  venai- 


iilà 


1 
ml 


m 


m 

,:  •  il 


■jZS  astoria. 

son,  ils  se  mirent  alors  vii^ourcusoment  à  Toii- 
VI âge,  iiiin  d'élever  une  wigwnm  comt'oi  table. 
En  peu  de  temps  le  promontoire  boisé  retentit chi 
son  inusité  de  la  hache.  Quelques-uns  des  arbres 
les  plus  élevés  furent  abattus,  et  dès  la  seconde 
soirée  la  cabane  fut  complètement  bâtie.  Elle 
avait  huit  pieds  de  large  sur  dix-sept  de  long.  Les 
murs  avaient  six  pieds  de  haut,  et  le  tout  était  cou- 
vert de  peaux  de  bisons.  Le  foyer  se  trouvait  ai; 
centre,  et  la  fumée  s'échappait  par  une  ouvertui  •? 
faite  dans  le  toit. 

Les  chasseurs  fiu'ent  ensuite  envoyés  dehors, 
afin  de  se  procurer  des  peaux  de  daim  pour  faire 
des  vêtements,  des  mocassins  et  diverses  choses  à 
leur  usa^e.  Ils  firent  retentir  l'écho  des  monta- 

n 

gnes  du  bruit  de  leurs  carabines,  et  en  deux  jours 
de  chasse  tuèrent  vingt-huit  Longues-cornes  ou 
daims  à  queues  noires. 

Nos  aventuriers  se  délectaient  alors  dans  l'a- 
bondance. Après  tout  ce  qu'ils  avaient  soulFerlde 
faim,  de  froid,  de  fatigues,  de  veilles  ;  après  tous 
les  périls  auxquels  les  avait  exposés  la  perfidie  des 
Sauvages  ,  ils  se  réjouissaient  du  comfort  et  de  la 
sécurité  de  leur  cabane  isolée,  bien  garnie  de  pro- 
visions, et  cachée,  à  ce  qu'ils  croyaient,  même  à 
l'œil  pénétrant  des  éclaireu.^s  indiens.  Ils  se  for- 
geaient d'avance  un  hiver  de  paix  et  de  tranquil- 
lité. Ils  s'imaginaient  déjà  n  avoir  plus  rien  autre 


d'i 

S  e 


ASTOIIIA.  9.  M) 

chose  il  penser  qu'à  faire  rôtir,  griller  et  bouillir 
le  gibier;  (jii'à  festiner  tie  mouton  de  montagne, 
(le  chair  d'ours,  de  bosses  de  bison,  de  moelle  et 
d'autres  délicatesses  de  chasseurs;  qu'à  se  reposer 
et  à  se  dorloter  autour  de  leur  feu,  tout  en  racon- 
tant de  longues  histoires  de  chasse  et  de  dangers 
passés.  Cet  intervalle  de  jubilation  devait  durer, 
à  ce  qu'ils  pensaient,  jusqu'au  retour  dtr  prin- 
temps, époque  à  laquelle  ils  construiraient  des 
canots  de  peaux  de  bison,  et  se  laisseraient  glis- 
ser au  courant  de  la  rivière. 

Au  milieu  de  ces  rêves  enchanteurs,  ils  furent 
réveillés  un  matin,  au  point  du  jour,  par  un  hur- 
lement sauvage,  lis  tressaillirent  et  saisirent  leurs 
carabines.  Le  cri  fut  répété  par  deux  ou  trois 
voix.  Regardant  avec  précaution  hors  de  la  ca- 
bane, ils  virent  parmi  les  arbres,  à  leur  grande 
consternation  ,  plusieurs  Indiens  armés  et  points 
d'une  manière  guerrière,  et  qui,  évidemment, 
s'étaient  mis  en  route  dansquelque  des^    m  hostile. 

Miller  changea  de  couleur  en  les  rt^  idant. 
((  Nous  sommes  en  danger,  dit-il,  voilà  les  «  u- 
quins  d'Arapahajs  qui  m'ont  volé  l'année  der- 
nière. »  Ses  camarades  ne  dirent  pas  un  mot , 
mais  ils  ceignirent  leurs  poudrières,  leurs  poches 
à  balles,  et  se  préparèrent  pour  le  combat.  Mac 
Lellan ,  qui  avait  démonté  son  fusil  la  veille  au 
soir,  le  remontait  précipilamment.  Il  proposa 


M 


m 


l*il 


2\o 


VSTOIUA. 

(le  porc'ci'  r.'ui^ik' pincée  entre  les  Iroiies  (rarhr(>, 
iiliu  de  pouvoir  faire  ("eu  sur  l'ennemi. 

((  Pas  encore,  répliqua  Stuart;  il  ne  faut  mon- 
trer ni  crainte,  ni  tléliance.  Nous  ferons  bien 
d'avoir  d'abord  une  conférence.  Il  faut  que  cpiel- 
qu'un  sorte  et  les  aliorde  comme  des  amis.  » 

11  s'agissait  de  savoir  qui  se  chargerait  de  cette 
tâche,  car  elle  était  pleine  de  périls,  et  l'envojé 
pouvait  être  percé  de  flèches  sur  le  pas  de  la  porte. 

«  Le  chef  d'une  troupe,  dit  Miller,  se  met 
toujours  en  avant.  » 

((  C'est  bien ,  répliqua  Stuart,  je  suis  prêt.  »  Il 
sortit  immédiatement:  le  reste  de  la  brigade  resta 
en  garnison  afin  d  imposer  aux  Sauvages. 

Stuart  s'avança ,  tenant  sa  carabine  d'une  main  , 
et  tendant  l'autre  à  l'Indien  qui  paraissait  être  le 
chef.  Celui-ci  s'avança  et  la  prit;  ses  hommes 
suivirent  son  exemple,  et  tous  secouèrent  la  main 
de  M.  Stuart  en  signe  d'amitié.  Ils  expliquèrent 
alors  leur  apparition.  Ils  appartenaient  h  un  parti 
guerrier  de  braves  Arapahays.  Leur  village  était 
situé  près  d'un  ruisseau,  à  plusieurs  journées  do 
marche  vers  l'est.  Pendant  qu'ils  étaient  absents, 
il  avait  été  attaqué  et  ravagé  par  une  bande  de 
Corneilles ,  (jui  avaient  emmené  plusieurs  de 
leurs  femmes  et  la  plupart  de  leuis  chevaux.  Ils 
allaient  en  tirer  vengeance.  Pendant  seize  jours  , 
ils  avalent  tra([ué  les  Corneilles  parmi  les  mon- 


,-f>' 


\STOltlA.  y/|  I 

t;igi)es,  nuiis  ils  n'uvaieiit  pas  [m  1rs  ivjoiiuliv. 
Duinnt  ce  temps,  ils  n'avaient  pres(|ne  pas  reu - 
eoulré  de  gibier  et  étaient  à  inoilié  morts  de  faim. 
Environ  deux  jours  auparavant,  ils  avaient 
entendu  le  bruit  d'armes  à  feu  dans  les  montagnes, 
et  en  chereliaiit  dans  ia  direction  du  son,  ils 
étaient  arrivés  h  l'endroit  où  un  daim  avait  été 
tué.  Ils  s'étaient  mis  immédiatement  sur  les  traces 
des  chasseurs,  et,  en  les  suivant,  ils  avaient  trouvé 
la  cabane. 

M.  Stuart  invita  alors  le  Chef  et  un  autre  Sain 
vage,  qui  paraissait  son  lieutenant,  à  entrer  dans 
la  hutte,  mais  ii  tit  signe  aux  autres  tle  rester  en 
dehors.  Ceux-ci  s'arrêtèrent  en  elTet  à  la  porte. 
Peuàpeu  ils  furent  rejoints  par  d'autres  guerriers, 
jusqu'à  ce  qu'enfin  toute  la  troupe,  au  nombre; 
de  vingt-trois,  fut  rassemblée  autour  de  la  loge. 
Ils  étaient  armés  d'ares  et  de  flèches,  de  toma- 
hawks, de  couteaux  à  scalper,  et  (|uelques-uns, 
de  fusils.  Tous  étaient  peints  et  équipés  pour  la 
guerre,  et  leur  apparence  était  singulièrement 
farouche.  ]M.  Miller  reconnut  parmi  eux  plusieurs 
des  brigands  qui  l'avaient  pillé,  et  prévint  ses 
compagnons  de  se  tenir  sur  leurs  gardes.  Chacun 
de  ceux-ci  était  donc  préparé  à  repousseï'  le  pre- 
mier acte  d'hostilité.  Cependant  les  Sauvages  se 
conduisirent  paisiblement ,  et.  ne  iiionlrèrent 
11.  iG 


'« 


1!^ 


Ht* 


if.<.j 


2/^-2  ASTOniA. 

point  celte  arrogance  l'anlaronno  dont  un  parti  de 
iïuerre  s'en  lie  souvent. 

En  entrant  dans  la  hntle,  le  Ciief'etson  lieu- 
tenant jetèrent  un  reqard  d'envie  sur  les  solives 
chargées  de  venaison  et  de  viande  de  bison . 
M.  Stuart  fit  de  nécessité  vertu,  et  les  invita  à 
prendre  ce  qui  leur  conviendrait.  Ils  ne  se  firent 
pas  presser.  Les  solives  furent  bientôt  allégées  de 
leur  poids;  la  venaison  et  le  boeuf  furent  passés 
à  la  troupe  qui  était  devant  la  porte,  et  il  s'en- 
suivit une  scène  de  gourmandise  dont  ne  peu- 
vent avoir  aucune  idée  ceux  qui  n'ont  pas  été  lé- 
moins  des  exploits  gastronomiques  des  Indiens, 
après  un  intervalle  de  jeûne.  Cela  dura  tout  lo 
jour.  T.es  convives  ,  il  est  vrai ,  s'arrêtaient  de 
temps  en  temps,  mais  c'était  pour  un  court  in- 
tervalle, et  ils  revenaient  ensuite  à  la  charge  avec 
une  nouvelle  ardeur.  Le  Chef  et  le  Lieutenant 
surpassaient  tous  les  autres  dans  la  vigueur  et  la 
persévérance  de  leurs  attaques,  comme  si,  à  cause 
de  leur  rang,  ils  étaient  obligés  de  se  signaler 
dans  tous  les  genres  d'exploits.  M.  Stuart  avait 
soin  de  leur  fournir  toujours  des  morceaux  choi- 
sis, car  la  politique  voulait  qu'il  les  empiffiat  et 
les  empêchât  de  quitter  la  loge,  où  ils  servaient 
d'otages  pour  la  bonne  conduite  de  leurs  gens. 
Une  fois  seulement,  dans  le  courant  de  la  journée. 


t,   "^m-fi 


ASTOHIA.  a/p 

le  Chef  sortit.  j\ï.  Stuart  et  un  de  ses  liorames 
raccompagnèrent,  armés  de  leurs  carabines,  mais 
sans  marquer  de  défiance.  Le  Chef  revint  bientôt 
et  recommença  ses  attaques  sur  les  provisions. 
En  un  mot,  lui  et  son  digne  coadjuteur,  le  Lieu- 
tenant, mangèrent  jusqu'à  ce  que  l'un  et  l'autre 
en  fussent  devenus  stupides. 

Vers  le  soir,  les  Indiens  firent  leurs  prépara-, 
tifs  pour  la  nuit,  suivant  la  coutume  des  partis 
guerriers.  Ceux  qui  se  trouvaient  en  dehors  de  la 
hutte  construisirent  deux  parapets,  entre  lesquels 
ils  se  retirèrent  d'assez  bonne  heure  et  s'endor- 
mirent, comme  une  meute  gorgée  de  viande. 
Quant  au  Chef  et  à  son  lieutenant,  ils  passèrent  la 
nuit  dans  la  hutte,  et  se  réveillèrent  deux  ou  trois 
fois  pour  manger.  Nos  voyageurs  montèrent  la 
garde  jusqu'au  matin,  en  se  relevant  successive- 
ment. 

Le  jour  avait  à  peine  paru  quand  la  scène  de 
iïioutonnerie  recommença.  Elle  continua  avec 
une  vigueur  surprenante  jusqu'à  dix  heures,  c'est- 
ii-dire  jusqu'au  moment  où  tous  les  Indiens  se 
préparèrent  à  partir.  Ils  avaient  encore,  dirent- 
ils,  six  jours  de  route  à  faire  avant  de  pouvoir  re- 
joindre les  Corneilles,  qui  devaient  être  campés 
rivière  au  septentrion.  Leur  chemin 
térile  où  il  n'y  avait  point 


au  pi  es  a  une 
traversait  une  rémon  s 


-egi 
de  gibier;   ils  auraient  d'ailleurs  pou   de  temps 


>%i 


É 


il 


ëi 


m 
m 


pour  chasser;  ils  demandaieiil  donc  une  pelile 
provision  pour  leur  vojai»e.  M.  Stuart  les  invita 
encore  à  se  servir,  lis  le  firent  avec  ])eaucoup  de 
prévoyance,  choisissant  les  meilleurs  morceaux, 
et  hiissant  le  garde-manger  dans  un  état  de  con- 
somption fort  alai'mant.  Ils  demandèrent  ensuite» 
des  munitions,  car  ils  avaient  des  fusils,  mais  pas 
,  de  poudre  ni  de  balles.  Ils  promettaient  de  les 
payer  magnifiquement  du  produit  de  leur  incur- 
sion. ((Nous  sommes  pauvrcîs  maintenant,  di- 
saient-ils, et  nous  sommes  obligés  d'aller  à  pied, 
mais  nous  reviendrons  bientôt  chargés  de  butin, 
montés  sur  des  chevaux,  et  avec  des  chevelures 
pendues  à  nos  brides.  Nous  donnerons  à  chacun 
de  vous  un  cheval,  pour  que  vous  ne  soyez  pas 
fatigués  dans  votre  voyage.  » 

<(  Eh  bien!  répondit  M.  Stuart,  quand  vous 
amènerez  les  chevaux  vous  aurez  les  muni- 
tions, mais  pas  auparavant.  »  Les  Indiens  virent 
par  son  ton  déterminé  que  toute  requête  ulté- 
rieure serait  inutile.  Ils  y  renoncèrent  donc 
avec  un  rire  de  bonne  humeur,  et  s'en  allèrent 
extrêmement  bien  approvisionnés  tant  en  dedans 
qu'en  dehors;  avant  de  partir  ils  eurent  soin  de 
promettre  qu'ils  reviendraient  dans  une  quin- 
zaine. 

A  peine  étaient-ils  hors  de  la  portée  de  la  voix, 
(pie  nos  malheureux  aventuriers  tinrent  un  autre 


K 


Conseil.  Laséciiritéde  leur  Ctibaneétaitancantie,  et 
avec  elle  loiis  leurs  rêves  d'un  hiver  tranquille  et 
ooinforlable.  Ils  se  trouvaient  entre  deux  feux, 
d'un  côte  les  Corneilles,  leurs  anciens  ennemis;  de 
l'autre  les  Arapaliays,  maraudeurs  non  moins 
dangereux.  Quant  îi  la  modération  de  cette 
troupe  guerrière,  ils  la  regardaient  comme  alliiM'- 
tce,  afin  de  les  mettre  hors  de  leurs  gardes,  et  de 
saisir  quelque  occasion  plus  favorable  de  les  sur- 
prendre. Ils  se  déterminèrent  donc  à  n'en  pns 
attendre  le  retour,  mais  h  abandonner  au  plus 
vite  ce  dangereux  voisinage.  D'après  les  discours  de 
leurs  hôtes,  ils  s'étaient  confirmés,  quoique  à  torl, 
dans  l'opinion  qu'ils  se  trouvaient  sur  la  rivière 
Quicourt.  Ils  résolurent  donc  de  la  suivre  jusqu'à 
son  contluent  avec  le  Missouri,  ou,  si  la  rigueur 
de  la  saison  les  empêchait  d'aller  si  loin,  d'at- 
teindre au  moins  un  endroit  de  cetle  rivièr»; 
où  il  leur  serait  possible  de  construire  des  canols 
plus  forts  et  plus  durables  quj  ceux  de  peau  de 
bison. 

En  conséquence,  le  i5  décembre,  ils  dirent 
adieu,  avec  beaucoup  de  regf  els,  à  leur  comfor- 
lable  retraite,  où,  pendan  cinq  semaines,  ils 
avaient  joui  des  douceurs  du  repos,  de  l'abon- 
dance et  d'une  sécurité  imaginaire.  Ils  étaient  en- 
core  accompagnés  de  leur  cheval    vétéran  ,    les 


1 


il 


'I 


141 1 


:^!« 

.r;' 


i 

.fil 


"41 

;*</!| 


li 


■i*^J 


i 


Arapaliaj's  iTayinil  pas  tiouvé  coiivcMiable  de 
l'emmener,  soit  qu'ils  se  proposassent  de  le  volei* 
au.  retour,  soit  qu'ils  ne  le  jugeassent  pas  dii»ne 
d'être  volé. 


;f^i-  ••' 


»*w" 


CflAPlTUr    XLIX 


a 


%i' 


iMiUclies  pénil)l('s.  —  ]\'('ij,Mi  et  glace.  -  IJisparilion  tlii  yibicr. 
—  Plaine  slcrilo.  —  Sccondo  liaUo  pour  l'hiver.  —  Antre 
wif^wain.  —  Retour  du  piiulenips.  —  Les  canots  ne  peuvent 
llolter.  —  IVIarche  pédestre.  —  Vastes  prairies.  —  Camps 
déserts.  —  S(iua\vs  Pavvnees. —  Indien  Otto.  —  iXouvelles  de 
la  guerre.  —  Navigation  sur  la  Platte  et  sur  le  Missouri.  — 
Héception  au  fort  Osagc.  —  Arrivée  à  Saint-Lonis. 

L'intervalle  de  luxe  et  de  repos  dont  nos 
aventuriers  avaient  joui  dans  leur  wigwam  leiii 
rendit  le  renouvellement  de  leurs  travaux  intolé- 
rable pendant  les  deux  ou  trois  premiers  jours, 
F^a  terre  était  couverte  d'une  neii^e  épaisse  dotjt 
la  surface  était  gelée,  mais  pas  assez  pour  les  sup- 
porter. Leurs  pieds  devenaient  douloureux  h  force 
de  briser  cette  croûte,  et  leurs  membres  étaient 
fatigués  de  marcher  sur  ce  terrain  mouvant.  Ils 
étaient  si  épuisés,  si  découragés,  qu'ils  connnen- 
çaient  k  penser  que  pour  se  traîner  ainsi  péni- 
blement, avec  la  probabilité  de  périr  en  route, 
autant  aurait  valu  rester  dans  leur  cabane,  au  ris- 
que d'être  tués  par  les  Indiens.  Leur  misérable 
cheval  n'était  pas  plus  heureux  qu'eux.  Durant 
les  deux  premiers  jours,  il  n'eut  pas  d'autre  four- 
rage que  l'extrémité  des  branches  de  saule  et 
l'écorce  des  cotonniers. 


lis 


1 


I 


m 


^;Sr: 


CcjX'iMliml,  l\  nicsnic  <|irils  ;i\;iin;,;ii(Mil,  ils  i.\;\- 
i^iiîncnt  l()us(l(î  lii  palicnciî  fttlii  coiii^iiçc.  Durant 
(jiinlorzc  jours    ils   poussrriMil,   ohslinôninil    en 
.uant,  fît  iireiil  environ  cent  dix  lieuos,  Pcndanl 
It's  piMMnicrs  jours,  la  cliainc  clcinoiita^ucs  près  tic 
laquelle  leur  wii»\varn  était  liàllc,   continuait  ;t 
s'allonger  parallMcuKMit  à  la  rivière,  et  à  une  pe- 
tite distance,  mais  à  la  fin  elle  s'abaissa  en  eol- 
linc^s.  Quelquefois  le  pajs  environnant  élait  nii 
et  stérile;  quelfjuefois  la  rivière  était  hordéed'un 
terrain    d'alluvion   planté  de    cotonniers   (;t   de 
saules.  Eu  certains  endroits  elle  parcourait  une 
distance  considérable  entre  des  collines  rocail- 
leuses, couvertes  de  cèdies  et  de  pins  de  Viri^i- 
nie,  peuplées  de  Longues-cornes  et  de  daims  à 
queue  noire.  Ailleurs,  elle  serpentait  à  travers  des 
prairies  bien  garnies  di;  bisons  et  d'antilopes.  En 
descendant  plus  bas  sur  la  rivière,  on  commença 
à  apercevoir  ça  et  \l\,  parmi  les  cotonniers  et  les 
saules,  des  frênes  et  des  chênes  blancs  Çquercus 
albay  L.).   A   la  lin  on  découvrit  quelques  che- 
vaux sauvages  sur  les  prairies  lointaines. 

Le  temps  était  variable;  tantôt  il  tombait  beau- 
coup de  neige;  tantôt  il  arrivait  un  jour  ou  deux 
d'une  température  sereine  et  douce  ;  puis  la  gelée 
reprenait  si  vivement ,  que  la  glace  de  la  rivière 
était  assez  forte  pour  porter. 

Mais,  pendant  les  trois  dernières  journées,  la 


Asroiu  \.  '/  \q 

iiWfi  (lu  pnjs  (•Ii.'m{;(\'i.  I.rs  hois  (lisp;»iurrnt  peu  ii 
peu,  il  tri  poinl  (pi'oij  \w  Iroinail  (prjivrc  dilli- 
cullé   assez  (le  coinhiistiMr  pour  f'iiro   cuire  les 
vepns.  Loî^ihier  devcnnil de  plus  eu  plus  i.iie,  cl 
linaleinent  ou  n'eu  apei'eiit  plus  du  tout ,   si  ee 
n'est  quelques  miséinhles  hisons,  vieux  et  ruinés, 
qui  ne  valaient  pas  la  peine  d'êlre  lues.  La  neiiije 
était    épaisse  de    (pialorze    poue<'S  ,    et    rendait 
la  marche  extrêmement  péniMe.   A   la   (in   nos 
Aoyageurs  arrivèrent  dans  une  immense  plaine, 
où  l'on  n'apercevait  ni  le  moindre  veslii^e  d'arhie 
ni  un  seul  quadrupède  capable  d  éi^ayer  un  peu  le 
pajsai^e  désv>lé.  Là,  enfin,  le  cœur  leur  manrpia, 
et  ils  tinient  un  autre  Conseil.  La  largeur  dcî  la 
rivière  ,  qui  était  de  près  d'une  demi-lieue  ,   son 
peu  de  profondem' ,    la   mulliplicilé  des   sables 
lîïouvants,  et  dillërenls  autres  signes  cniactéristi- 
([ues  les  avaient  enfin  tirés  d'erreur,  et  ils  étaient 
airivés  à  la  conclusion  correcte  qu'ils  se  trouvaient 
sur  le  bord  de  la  rivière  Plattc,  Que  devaient-ils 
faire?  Poursuivre  leur  course  jusqu'au  Missouri? 
Le  trajet,  dans  cette  saison,   était  extrêmement 
dangereux;  car  on  devait  s'attendre  à  ne  trouver 
ni   nourriture,    ni   combustible.   Le  pays   était 
dénué  d'arbres;  et  quoiqu'il  put  y  avoir  du  bois 
Hotte  sur  les  bords  de  la  rivière,  il  était  trop  pro- 
fondément enterré  sous  la  neige  pour  (piil  leur 
IVit  possible  tie  le  trouver. 


m 


1 

>iti 


r 


■t*?-:-' 


ASTORIA. 

Lv  temps  menaçai I   d'im   cliaiii^emciil,    et  un 
or.'ii»e  (le  neii^e,  dans  ces  solitiules  sans  abri ,  pou- 
vait  leur   être   aussi    fatal  (pi'un    tourbillon  de 
sable  dans  les  déserts  de  rAral)ie.  Après  bien  des 
délibérations  ils  se  déter.minèrent  enfin  à  rcvenii 
sur  leurs  pas,  et  à  refaire  les  vint^t-six  lieues  qui 
avaient  employé  leurs  trois  dernières  journées 
D'après  ce  (ju'ils  avaient  remarqué  ,  ils  devaien. 
alors  retrouver  un  endroit  où  il  y  avait  du  gibiei 
vu  abondance,  et  une  forêt  pour  leur  servir  d'a- 
bri. Là  ils  pourraient  établir  de  nouveaux    ''lar- 
tiers  d'hiver,  et  attendre  1  ouvcilure  de  la  iidvi- 
i^ation,  pour  se  lancer  dans  des  canots. 

En  conséquence,  le  27  décembre  ils  retournè- 
I  (lit  en  arrièie,  et  i»agncrent ,  le  5o,  la  partie  de 
la  rivière  en  question.  Le  terrain  d'albivion  3^ 
[)0uvait  avoir  une  demi-lieue  de  laigeur,  et  était 
couvert  d'une  épaisse  forêt  de  cotonniers.  Des 
troupeaux  de  bisons  paissaient  aux  environs  , 
dans  la  prairie,  et  plusieuis  de  ces  animaux  tom- 
bèrent bientôt  sous  les  carabines  des  chasseurs. 

Ils  campèrent  sv.v  le  bord  de  la  rivière,  dans 
un  bois  où  il  se  trouviîit  des  arbres  assez  i^ros 
pour  faire  des  canots.  Ils  y  élevèrent  un  hangar 
pour  s'abriter  immédiatement ,  et  s'occupèrent 
aussitôt  de  construire  une  hutte.  Le  premier  jour 
de  l'année  i(Si 5  arriva  comme  il  ny  avriit  encoie 
(ju'uiu"  mrraille  de  leur  cabinic  de  terminée.  Ce- 


îT'»'^  . 


.♦ 
"■f-' 


9/)\ 


pendant  le  joui*  de  jul)llation  ne  s(;  passa  pas  sans 
être  célcfjré,  même  par  cette  troupe  vat^abonde 
et  misérable.  Tout  travail  lut  suspendu,  exceplé 
eeUii  de  bouiHir  et  de  i'(>tir.  Les  morceaux  choisis 
de  bison,  les  lani^ues,  les  bosses,  la  moelle  des  os, 
furent  dévorés  en  telle  quantité,  que  quiconque 
n'a  pas  vécu  parmi  les  chasseurs  ou  les  Indiens , 
ne  saurait  l'imai^iner.  Enfin,  pour  achever  le 
régal,  ils  coupèrent  une  vieiUe  poche  à  tab.ic, 
encore  imprégnée  de  l'odeur  magique,  et  la  fu- 
mèrent en  l'hoinieur  de  ce  fameux  jour.  C'est 
ainsi  que,  pour  un  temps,  au  milieu  de  ces  bom- 
bances grossières  ,  ils  oublièrent  leurs  fatigues  et 
leurs  anxiétés  passées ,  et  firent  retentirent  leur 
misérable  wigwam  des  sons  de  leur  gaieté. 

Le  jour  suivant  ils  recommencèrent  leurs  tra- 
\aux,  qui  furent  complétés  le  6  du  mois.  Ils  eu- 
lent  bientôt  tué  un  grand  nombre  de  bisons,  et 
s<;  retrouvèrent  encore  pos.sesseurs  de  boinies 
provisions  poui-  l'hiver. 

Ils  furent  plus  heureux  dans  ce  second  canton- 
nement ([ne  dans  le  premier.  L'hiver  se  passa  sans 
nouvelles  visites,  et  le  gibier  continua  à  êtr(^ 
abondant  dans  le  voisinage.  Us  abattirent  deux 
grands  arbres  et  en  fabriquèrent  des  canots.  Dès 
le  retour  du  printemps,  et  après  (ju'un  dégel  de 
plusieurs  jours  eut  fonchi  les  [flaires  de  la  rivière, 
ds  firent  leuis  ])iéparatifs  pour  s'cmbaivjuer.  Le 


«* 


!i: 


iiii 

m 
"M 


^1 


,>.):>.  A  SI  O  lU  A  . 

s  mars  i8i5,  ils  se  laiiccrcnl  dans  Icuis  canots, 
mais  ils  s'aperçurent  bientôt  que  la  rivière  n'avait 
pas  assez  (I(î  profondeur,  même  pour  des  bateaux 
aussi  léi^ers.  Elle  s'étendait  beaucoup  en  lari^eur; 
mais  outre  qu'elle  était  peu  creuse,  elle  était  sou- 
vent coupée  par  des  barres  de  sable,  et  divisée 
([uelquefois  en  dillérents  bras.  Cependant  ils 
firent  descendre  un  de  leurs  canots  l'espace  de 
(jiielques  milles,  avec  beaucoup  de  diflicullé  el 
en  se  mettant  quelquefois  dans  l'eau  pour  le  tirer 
par-dessus  les  bancs.  A  la  lin^  pourtant,  ils  furent 
obligés  de  l'abandonner,  et  de  se  résoudre  à  re- 
commencer leur  vojai^e  à  pied,  avec  leur  vieux  et 
lidèle  clieval,  qui  avait  repris  des  forces  durant 
le  repos  de  l'hiver. 

Le  temps,  qui  redevint  tout  à  coup  plus  ri- 
i»oureux  qu'il  ne  l'avait  jamais  été,  les  retint  en- 
core plusieurs  jours  ;  mais  enfin,  le  20  mars,  ils 
se  trouvèrent  de  nouveau  en  campagne. 

En  deux  jours,  ils  arrivèrent  à  la  vaste  prairie 
dont  l'aspect  aride  et  glacé  bîur  avait  fait  rebrous- 
ser chemin  en  décembre.  Elle  était  alors  revêtue 
de  la  fraîche  verdure  du  printemps,  et  abondam- 
uientgarnie  de  gibier.  Cependant  quand  ils  étaient 
obligés  (le  bivouaquer  sur  sa  surface  nue,  sans  au- 
cun abri,  et  auprès  d'un  misérable  feu  de  lienlc 
(le  bison,  ils  trouvaient  la  brist;  des  nuits  horri- 
blement fi'oide  et  pénélranle.  Dans  un  endroit  ils 


;..    •■■V 


ASTORIA.  '^'>5 

virent  un  troiipr.tii  (!<»  soixante-('ln([  rlievaux  saii- 
A.nges.  Qjiaiit  aux  ])i.sons,  ils  scmI)lai(Mit  absolu- 
mcn  couvrir  le  pays.  Les  oies  sauvai^es  abon- 
daient, et  on  passa  d'immenses  marais  peuplés 
d'une  quantité  d'oiseaux  aquatiques,  parmi  les- 
quels on  remarquait  quelques  cygnes  et  des  va- 
riétés infinies  de  canards. 

La  rivière  continuait  de  serpenter  vers  l'est- 
nord-est.  Elle  avait  près  d'un  tiers  de  lieue  de 
largeur,  mais  elle  était  trop  peu  profonde  pour 
porter  même  un  canot  vide.  La  plaine  s'étendait 
îmiformément ,  bornée  par  l'hoiizon  seul,  ex- 
cepté du  coté  du  nord,  où  une  ligne  de  collines 
ressemblait  à  un  long  promontoiie  qui  s'avanc(^ 
au  sein  de  l'Océan.  La  monotonie  de  ces  prairies 
devenait  infiniment  ennuyeuse.  Les  voyageurs 
soupiraient  après  la  vue  d'une  foret,  d'un  bos- 
quet, d'un  seul  arbre,  qui  brisât  c(.*tte  éternelle 
uniformité.  Ils  commençaient  à  noter  tous  les 
objets  qui  pouvaient  leur  faire  espérer  qu'ils 
approchaient  des  bornes  de  cette  fatigante  soli- 
tude. Par  exemple,  l'apparition  d'une  certaine 
«•spèce  d'herbe  fut  saluée  par  eux  comme  uih; 
preuve  qu'ils  n'étaient  plus  bien  loin  des  fonds 
du  Missouri,  et  ils  se  réjouirent  en  faisant  le- 
ver plusieurs  poules  de  prairies,  espèce  ressem- 
blant au  coq  de  bruyère,  et  (pii  ne  se  trouve 
jamais   loin  dans   l'intérieur.   Kn  recueillant  du 


m 


m] 


i 


^»i 


II 


m 


iM.; 


<î»i 


r. 


ir'vj  ASTOIUA. 

bois  llotté  pour  leur  l'eu,  ils  vn  trouvèrent  qucl- 
(|ues  morceaux  qui  portaient  des  traces  de  hache, 
et  qui  leur  iirenl  faire  beaucoup  de  conjectures 
sur  l'époque  où  les  arbres  avaient  été  abattus,  et 
sur  les  peisoinies  ([ui  avaient  pu  les  abattre. 
C'est  ainsi  qu'ils  avançaient^  pareils  à  des  marins 
(jui  aperçoivent  dans  chaque  herbe  flottant  sur 
la  mer,  dans  chaque  ois(  au  vojageur,  fies  gaines 
de  la  proximité  de  la  t(  rre  long-temps  désirée. 

Vers  la  fin  du  mois,  le  temps  devint  plus  doux, 
et  nos  aventuriers,  pesamment  chargés,  trouvaient 
la  chaleur  de  midi  bien  insupportable.  Le  3o  ils 
arrivèrent  auprès  de  trois  camps  déserts  de 
Pawnees  ou  d'Ottoes.  Il  y  avait  alentour,  dans 
toutes  les  directions,  des  crânes  de  bisons  et  des 
bâtisses,  sur  lesquelles  les  peaux  avaient  été  éten- 
dues et  nettoyées.  Ces  camps  paraissaient  avoir 
été  occupés  l'automne  précédent. 

Pendant  plusieurs  jours  on  continua  à  avancer, 
en  observant  chaque  signe  qui  pouvait  donner 
une  idée  du  lieu  où  l'on  était,  et  de  la  proximité 
des  rives  du  Missouri. 

Quoiqu'il  y  eût  de  nombreuses  traces  de  chas- 
seurs et  de  campemerits,  aucune  n'était  d'une 
date  récente.  Le  pays*  semblait  désert.  Les  seuls 
êtres  humains  qu'on  rencontra  furent  trois 
squaws  pawnees,  qu'on  trouva  dans  une  hutte, 
au  milieu  d'uïi  camp  désert.   Leur  peuple  était 


Asroni  A.  ■j.iiC) 

;illé  vers  \o  midi  à  la  ponrsiiilo  dos  bisons,  vl 
wiùi  laissé  cespaiiM<'s  feiniucs  eu  arrière,  pnree 
qu'elles  élaient  trop  infirmes  ou  trop  vieilles 
pour  voyager. 

Los  Pawnees,  et  proliablement  les  autres  Irihus 
errantes,  ont  l'habitude  d'agir  ainsi  (piand  ils 
partent  pour  une  expédition  lointaine  qui  n'ad- 
met pas  de  délais.  Ceux  des  leurs  qui  sont  Ai^és 
ou  Infirmes,  sont  alors  abandonnés  avee  une  pro- 
vision de  vivres  suflisante  pour  le  temps  présumé 
de  l'entreprise.  Ces  vivres  épuisés,  ils  périssent 
de  faim,  à  moins  f[ue  leurs  soullVanees  ne  soient 
abrégées  par  les  maraudeurs  ennemis  qui  vien- 
nent  à  visiter  le  camp  désert. 

Les  pauvres  squaws  en  question  s'attendaient 
probablement  à  être  traitées  de  la  sorte  par  les 
Blancs.  Ce  fut  en  vain  qu'ils  les  abordèrent  de  la 
manière  la  plus  amicale  et  qu'ils  leur  donnèrent 
de  la  chair  de  bison  séchée.  Ils  ne  purent  venir  à 
bout  de  calmer  leurs  alarmes,  ni  d'en  tirer  le 
moindre  renseignement. 

Le  premier  point  de  repère  qui  leur  fit  con- 
jecturer leur  position  avec  quelque  confiance, 
fut  une  île  d'environ  vingt-trois  lieues  de  lon- 
gueur. Ils  présumèrent  que  c'était  Grande  Lsie  , 
et  dans  ce  cas  ils  se  trouvaient  à  quarante-sept 
lieues  du  Missouri.  Ils  continuèrent  donc  leur 
marche  avec  un   nouveau  courage.  Au  bout  de 


"m 

m 


1 
I 

■ttî 

w 
il 

W 

'M 
M 


trois  jours  ils  r(  iicoiiln'ient  iiii  Indien  ollo  qui 
confirma  Icins  conjoclures.  Il  leur  npprit  en 
uième  temps  des  nouvelles  d'une  nature  désaj^réa- 
ble.  Suivant  lui,  la  guerre  était  déclarée  entre 
les  États-Unis  et  l'Angleterre.  Elle  existait  ellee- 
tivement  depuis  une  année  entière,  espace  de 
temps  durant  lequel  ils  avaient  été  hors  de  por- 
tée de  toutes  nouvelles  du  monde  civilisé. 

L'Otto  conduisit  nos  voyageurs  à  son  village, 
situé  à  peu  de  distance  des  bords  de  la  Platte. 
l.ù  ils  furent  enchantés  de  trouver  deux  mar- 
chands blancs,  MM.  Dovnin  et  Roi,  récemment 
arrivés  de  Saint-Louis.  Ils  avaient  à  leur  faire  un 
millier  de  questions  sur  tout  ce  qui  s'était  passé, 
tant  aux  Étals-Unis  qu'à  l'étranger,  dans  le  cours 
de  l'année  pendant  laquelle  ils  avaient  été  ense- 
velis dans  la  solitude. 

En  cet  endroit  enfin  ils  se  préparèrent  à  aban- 
donner leur  fatigant  vojage  de  piéton  et  à  s'em- 
barquer sur  la  rivière.  Ils  fh'ent  un  marché  avec 
M.  Dornin ,  qui  s'engagea  à  leur  fournir  un  ca- 
not et  des  provisions  pour  le  voyage,  en  échan^>e 
lie  leur  vénérable  et  fidèle  compagnon,  le  vieux 
cheval  serpent. 

Les  Indiens  employés  par  ce  marchand  con- 
struisirent, en  une  couple  de  jours  un  canot, 
long  de  près  de  vin^t  pieds,  large  de  quatre,  et 
piofond  de  dix-sept  pouces.  La  carcasse  était  en 


'%J 


52? 


'J.tn 


AsroiM  \. 

poiches  (îl  on  h;ti»iU'llos  de  snuk'S,  sur  lesquels  s 
("talent  ('teiidncs  (iiiq  peaux  d'élans  vt  de  bisons 
cousues  ensemble  avec  des  nerfs.  Les  coutures 
élaicnt  goudronnées  avec  une  boue  onctueuse. 
Nos  voyageurs  s'embarquèrent  dans  ce  canot  le 
iGavi'il,  et  se  laissèrent  entraîner  par  le  courant 
pondant  trois  lieues.  Le  vent  devenant  alors  trop 
fort,  ils  campèrent  et  firent  des  rames,  qu'ils 
n'avaient  pas  pu  se  procurer  au  village  indien. 

S'étant  de  nouveau  remis  à  flot,  ils  descen- 
dirent gaiement  la  rivière.  Après  avoir  fait  douze 
lieues,  ils  arrivèrent  dans  les  eaux  troubles  du 
Missouri.  Là  ils  furent  rapidement  emportés  par 
le  courant;  mais  lorsque  leur  fragile  barque  eut 
flotté  pendant  une  centaine  de  lieues,  elle  com- 
mença à  se  ressentir  des  effets  du  voj'age.  Heu- 
reusement pour  nos  aventuriers,  ils  arrivèrent 
aux  quartiers  d'hiver  abandonnés  de  quelques 
chasseurs,  et  y  trouvèrent  deux  vieux  canots  de 
bois.  Prenant  possession  du  plus  grand  ,  ils  se  re- 
mirent encore  une  fois  au  courant,  et,  après 
avoir  fait  dix-huit  lieues,  parvinrent  sains  et  saufs 
au  fort  Osage. 

Le  lieutenant  Brownson  y  commandait  encore. 
C'était  lui  qui  avait  reçu  avec  tant  d'hospitalité 
l'expédition  de  M.  Hunt  lorsqu'elle  remontait  la 
rivière,  tieux  années  auparavant.  Il  traita  de  la 
manière  h  plus  cordiah;  ses  antùens  hùtes,  et  s'ef- 

II.  17 


m 


2^)H  ASTOaiA. 

força  tlo  leur  procurer  autant  tle  comlorls  et  tl<î 
plaisir  qu'il  le  put,  durant  leur  séjour  à  terre. 
La  plus  grande  jouissance  pour  eux,  en  se  re- 
trouvant ainsi  dans  la  demeure  d'un  homme  ci- 
vilisé, fut  de  manger  du  pain,  dont  ils  n'avaient 
pas  goûté  depuis  près  d'un  an. 

Ils  ne  restèrent  pas  long-temps  au  fort  Osage. 
Us  emportèrent ,  en  se  rembarquant,  d'amples 
provisions  que  le  lieutenant  Rrownson  voulut 
bien  leur  donner,  et  terminèrent  le  reste  de  leur 
\0}'age  sans  mésaventure.  Le  3o  avril  i8i3,  ils 
arrivèrent  sains  et  saufs  à  Saint-Louis,  après 
avoir  mis  dix-huit  mois  pour  faire  leur  dange- 
reux voyage.  Leur  retour  causa  une  véritable 
sensation  dans  la  ville ,  car  ils  apportaient  les 
premières  nouvelles  de  la  caravane  de  M.  Hunt, 
et  de  l'élablissement  fondé  sur  les  rives  de 
l'Océan  Pacifique. 


L'. 

fai 


sa 

nrni 

mel 

nu: 

agii 

ses 


(jFiAprruE  L. 


I 


('onvonliou  ('Util'  M.  Aslor  et  la  Compagnie  i  ussedcsi'oun'urcs. 
—  GiU'rr(!  vwlvo  les  IClals-Unis  et  la  Granile-Hretagiie.  — 
Instruclioiis  du  capitaine  Sowle,  commandant  du  Castor.  — 
l",(inipcnient  de  l'Alouette.  —  \I.  Astor  apprend  Tarrivi'e  de 
M.  Sfnail. 


'4 


PouK  lier  ciitr(3  elles  les  diircreulcs  parties  de 
(;etle  vaste  nariatioii,  il  faut  maintenant  que  nous 
nous  occupions  des  mesures  prises  par  M.  Astor 
pour  soutenir  sa  grande  entreprise.  vSes  plans,  re- 
lativement aux  établissements  russes  de  la  côte  du 
noi'd-oucst,  avaient  été  exécutés  avec  diligence. 
L'agent  envoyé  par  lui  à  Saint-Pétersbourg  avait 
l'ait  un  arrangement  provisoire  avec  la  Compagnie 
russe,  sous  la  sanction  du  Gouvernement  de  cette 
nation. 

Par  cette  convention,  à  laquelle  M.  Astor  donna 
sa  ratification  en  i8i  5,  les  deux  Compagnies  s'en- 
gageaient à  respecter  mutuellement  leur  com-' 
raerce  et  leur  territoire  de  chasse,  et  à  ne  fournir 
aux  Indiens  ni  armes  ni  munitions.  Elles  devaient 
agir  de  concert  contre  les  vaisseaux  interlopes,  et 
se  secourir  l'une  l'autre  en  cas  de  danger.  La  Com* 
pagnie  américaine  obtenait  le  droit  exclusif  d'ap- 


SÎ*J! 


?,J 


i  ■•*■!! 
ir-.' 


"m 


41 


n 


provisioiiiK  r  les  postes  russes  de  niarehaïuliscs  et 
(le  toutes  les  choses  nécessaires,  en  recevant  en 
éehani^e  des  pelleteries,  à  des  prix  fixés.  Klle  de- 
vait aussi ,  si  elle  en  était  requise  par  le  Gouver- 
neur russe,  transportera  Canton  les  fourrures  de 
la  Compagnie  russe,  les  y  vendre  à  commission  » 
et  rapporter  le  produit,  moyennant  le  fret,  donf 
on  conviendrait  à  l'amiable. 

Ce  traité  était  obligatoire  pour  quatre  ans  et 
devait  se  renouveler  pour  le  même  terme,  à  moins 
((ue  quelque  circonstance  imprévue  ne  rendit  né- 
cessaire d'j  faire  des  modifications.  I!  était  conçu 
de  manière  à  rendre  de  grands  services  à  l'établis- 
sement naissant  d'Astoria,  cai  I  écartait  toute 
crainte  de  rivalité  de  la  part  des  Compagnies 
étrangères  établies  dans  le  voisinage,  et  portait 
ini  coup  formidable  au  commerce  interlope.  D'ail- 
leurs, !\î.  Astor  se  proposait  d'avoir  à  Astoria  des 
vaisseaux  d'un  petit  tonnage  et  de  peu  do  tirant 
d'eau,  propres  par  conséquent  au  service  côtier. 
Ceux-ci  ayant  un  lieu  d'abri  et  de  dépôt,  pou- 
vaient visiter  la  côte  dans  la  saison  fn ^orabIe,  et 
auraient  eu  de  grands  avantages  sur  les  vaisseaux 
interlopes,  qui  étaient  obligés  de  faire  de  longs 
voyages,  d'employer  des  équipages  nombreux ,  et 
qui  ne  pouvaient  approcher  de  la  terre  qu'en  cer- 
taines saisons.  M.  Astor  espérait  donc  faire  gra- 
duellement d'Astoria  le  grand  empoiium  du  com- 


ii( 

*l 
».'t 


fli 


ASIUIIIA.  'Jiijl 

iiiercc  aiiu'iirain  des  rouiTiiies  tiaus  rOcéan  Pa- 
cilicHic,  et  le  iioyaiurun  puissant  État  anicricain. 
]\raJlieurcusciiiciit,  avant  même  la  ratiticatiou  de 
la  convention,  la  i^uerre  éclata  enlrc  les  Étals- 
Unis  et  la  Grandc-Bietai^ne.  M.  Astoi*  vit  sur-le- 
t'Iiamp  les  dani^ers  qui  en  résultaient  pour  sou 
établissement.  Le  IiTivre  de  New- York  allait  sans 
aucun  doute  être  bloijué.  Le  départ  du  vaisseau 
annuel  de  lavitaillement  ne  pourrait  plus  avoir 
lieu  dans  l'automne,  ou,  s'il  réussissait  ii  gagner 
la  pleine  mer,  il  courait  la  chance  d'être  capturé. 

Dans  celte  perplexité ,  M.  Astor  adressa  à  Can- 
ton, au  capitaine  Sowle,  commandant  du  Castor, 
une  lettre  qui  lui  enjoignait  de  se  rendre  à  la  Tac- 
toierie  de  la  Colombia,  avec  les  objets  dont  l'éta- 
l)lissement  pouvait  avoir  besoin,  et  d'y  rester  sous 
les  ordres  de  M.  Hunt,  qui  devait  en  avoir  pris  le 
4  ommandemen t . 

La  cuerre  continua.  On  n'avait  encore  reçu 
aucune  nouvelle  d'Astoria  ,  les  dépêches  ajar.l. 
été  retardées  par  la  mésaventiu'e  de  M.  Reedj, 
aux  cataractes  de  la  Colombia,  et  par  la  mise  à 
pied  de  M.  Stuart ,  au  milieu  des  montagnes. 
Une  pénible  incertitude  régnait  sur  le  destin  de 
M.  Hunt  et  de  sa  caravane,  car  on  n'avait  aucune 
nouvelle  d'eux  depuis  leur  départ  d'Aricara.  Ijisa, 
<|ui  lesyavait(|uitlés, avait  piédit  leurdestruction, 
!,'t  quelques  mai cliands  de  la  Cotnpagnie  du  Nord- 


t 


t 


m 


■'^^ 


•>.()>  VSTOIIIA. 

onost    .'iviiiciil    iiiôirK'    irpniulii    \r    Ixiiit    ([ii'ils 
nvniciïl  ("tô.  exlcririiiH's  p:u'  les  Indiens. 

(Volait  une  i  iidc  ('pi<'iivi;  pour  le  couiMgc  cl 
pour  les  ressources  d'ini  seul  ijidividu,  d'avoir  ii 
prépar(îr  encore;  uiu;  expédition  eonsidérahlepoui 
une  enlieprise  (pii  avait  déjà  tant  coûté,  (pii 
était  enveloppé(î  d'une  obscurité  siiçrande,  et  où 
les  risques  de  peitc  étaient  tellement  augmentés, 
qu'il  n'y  avait  pas  moyen  d'ellèctuer  une;  assu- 
nnjce.  En  dépit  de  tous  ces  sujets  de  décourage- 
ment, M.  Astor  se  détermina  à  cnvovcr  un  autre 
vaisseau  au  secours  cl(;  l'établissement.  Il  clioisil 
dans  C(;  dessein  un  navire  appelé  l'Aloiu'tle  (the 
Lark) ,  el  remarquable;  par  sa  marche  supé- 
rieure. Cependant,  la  grave  situation  des  aiCaires 
occasionna  tant  de  délais,  que  h;  vaisseau  était 
encore  retenu  dans  le  port  au  mois  de  févi'ier 
i8i3. 

Dans  ces  conjoncluicîs,  M.  Astor  apprit  ([ue  la 
Compagnie  du  Noi'd-oue.st  se  préparait  à  faire 
partir  l'Isaac  Todd,  vaisseau  armé  de  vingt  ca- 
nons, pour  former  un  établissement  à  l'embou- 
chure de  la  Colombia.  Ces  nouvelles  lui  donnè- 
rent beaucoup  d'inquiétude.  La  plupart  des 
individus  employés  par  lui  étaient  des  Écossais  et 
des  Canadiens.  Plusieurs  d'entre  eux  avaient  été 
au  service  de  la  Compagnie  du  Nord-ouest.  Si 
M.  Hunt  n'avait  pas  réussi  à  arriver  à  Astoria, 


# 


AMinn\.  565 

loiit  I  rlahlisijcnH'iit  dcviiil  êtio  sons  le  contrôle 
i\c  M.  Mn('-I)out;;il,  dont  la  (idriilé  î«\;nl  ë!é  ren- 
due suspecte  à  M.  Aslor  pur  les  récits  du  capi- 
taine Tlioni.  Enfin  ,  le  Gouvernement  britan- 
ni(pi(»  pouvait  jufjer  convenahhî  d'envoyer  du 
inonde  conlre  l'étahlissenKînt,  comme  il  en  était 
pressé  depuis  long-temps  par  la  Compagnie  du 
Nord-ouest. 

Dans  ces  circonstances,  M.  Astor  écrivit  à 
iM.  Monroe ,  alors  seciétaire  d'État,  pour  lui 
demander  la  protection  du  Gouvernement  des 
l']lals-Unis.  Il  représenta  l'iniportauce  de  son 
établissement,  sous  le  point  de  vue  commercial, 
et  l'abri  ([u'il  pourrait  procurer  aux  vaisseaux 
américains  dans  ces  mers.  Tout  ce  qu'il  deman- 
«iait,  c'était  ({ue  le  Gouvernement  américain  y 
jetatcpiarante  ou  cinquante  hommes,  qui  seraient 
suffisants  pour  défendre  Astoria  jusqu'à  ce  qu'il 
put  y  envoyer  un  renfort  par  terre. 

11  attendit  en  vain  une  réponse  à  cette  lettre. 
Le  Gouvernement  étaitsans  doute,  en  ce  moment, 
préoccupé  par  la  multitude  accablante  i\es  affai- 
res. Le  mois  de  mars  arriva,  et  M.  Astor  ordonna 
li  l'Alouette  de  mettre  en  mer.  L'oflîcier  qui  de- 
vait la  commander  recula  devant  ses  engagements, 
et,  dans  l'exigence  du  moment,  le  vaisseau  fut 
confié  à  M.  Northrop  le  lieutenant.  M.  Nicolas 
G.  Ogdcn,  à  l'intégrité  et  aux  talents  duquel  on 


f 

if 

n- 


kl 


ri 

■â 
ai 


M 


4 


'>.(')  f\  A.sroiiiA. 

pouvait  accorclrr  In  plus  onliôrc  conliancc,  I  ac- 
compai,Mia  comme  subi  l'cari^iie.  L'Alouette  mit  à 
la  voile  au  commeneem(Mit  de  mars  1 81  5. 

Par  eette  oecnsioii ,  M.  Aslor  écriN  it  à  M.  llunt 
comme  chef  de  rétablissement  d'Astoria,  car  il 
ne  voulait  pas  doutei-  qu'il  eut  réussi.  «  Je  compte 
((  toujours  que  vous  allez  bien,  lui  disait-il,  et  que 
((  le  ciel  m'accordera  de  vous  revoir  un  join\  » 
\{  l'avertissait  d'être  sur  ses  gardes  contre  toute 
tentative  qu'on  pouiuait  faire  polir  surprendre  le 
poste,  lui  suggérant  la  probabilité  d'hostilités  ar- 
mée., de  la  part  de  la  Compagnie  du  Nord-ouest. 
Il  exprimait  en  même  temps  son  indignation  de 
la  manière  pleine  d'ingratitude  dont  cette  associa- 
tion  reconnaissait   ses   ouvertures   avantageuses 
et  sa  conduite  l'ranche  et  loyale.  «  Si  j'étais  sur  les 
«  lieux,  disait-il,  et  si  je  pouvais  diriger  les  aflai 
«  res,  je  les  défierais  tous;  mais  dans  l'état  des 
«  choses,  tout  dépend  de  vous  et  de  vos  amis  de 
«  là-bas.  Notre  entreprise  est  grande  et  niérlte  de 
«  réussir.  J  espère  en  Dieu  quelle  réussira.   Si 
«  mon  but  était  simplement  de  gagner  de  l'ar- 
((  gent,  je  dirais:  Voyez  s'il  vaut  mieux  sauver  ce 
«  que  nous  pourrons  et   abandonner  la  place. 
«  Mais  cette  pensée  est  comme  un  poignard  dans 
«  mon  cœur.  » 

Cet  extrait  est  sufîisaiit  p  .ur  montrer  (pu3l  es- 
prit et  (juelles  vues  élevées  poussaient  M.  Astor 
à  celte  grande  entreprise. 


VSTOHI  A. 


!265 


Les  scmnliics,  les  mois  s'écoiilèient  snns  (|ii<' 
1  il'!»  vint  dissiper  la  pénible  iiieertiliule  qui  en- 
veloppait les  (lilïërentes  expéditions.  Quoique 
M.  Aslor  ne  se  laissât  point  al)aftie  facilement, 
les  dani^ers  qui  menaçaient  le  projet  chéri  de  son 
ambition  produisaient  un  effet  graduel  sur  son 
esprit.  Par  une  triste  soirée  il  était  assis  près  de 
sa  fenêtre,  réiléchissant  sur  les  destinées  du  Ton- 
(juin  et  de  son  malheureux  équipage,  et  craignant 
(pie  quelque  calamité  également  tragique  ne  fût 
arrivée  aux  aventuriers  charcés  de  traverser  les 
Montagnes,  loisque  le  journal  du  soir  lui  fut 
apporté.  Le  premier  paragraphe  qui  arrêta  ses 
veux  lui  annonça  l'arrivée  de  M.  Stuart  et  de 
sa  troupe  à  Saint-Louis,  avec  la  nouvelle  que 
M.  Hunt  et  ses  compagnons  avalent  effectué  leur 
périlleuse  expédition,  et  étaient  parvenus  à  l'em- 
bouchure d(!  la  Colombla.  Ce  fut  un  lajon  de 
soleil  qui  dissipa  pour  un  temps  tous  les  nuages, 
et  qui  remplit  M.  Astor  de  confiance  dans  l'accom- 
plisscment  de  ses  plans. 


ih 

m 


m 


1\#! 


;  'H 


-il 


1^^. 


"«Il 


'm» 


M 


cil  A  Pli  II  K    Ll. 

■s.mhoiiclmrc  <U;  la  W  allali-V\  allali.  —  IJcpail  ili;  David  Stiiail 
])i)Ui'  rOakinagau.  --  !\ï.  Claïko  roiuonte  la  rivirio  I  (!\vis.  — 
Indiens  i\oz-percés.  — ■  Lpiir  physitiue  <'t  leurs  mœurs.  — 
Poste  «'labli  au  coiilliieut,  des  rivières  Spokaii  et  du  (lœur- 
puititu.  —  l\Iac  Keiizie  leinonle  le  Caïuoenuiu.  —  Bandes 
d'Indiens  voyaj^curs.  —  Expédition  de  lieed  aux  caches.  — 
\venlures  de  N'oyageurs  et  de  Trappeurs  errants. 

1,K  cours  (le  notre  narration  nous  ramcnr 
maintenant  aux  régions  situées  au-delà  des  Mon- 
tagnes  ,  afin  d'accompai^ner  les  dlirércnts  déta  • 
(•lienients  ([ui  étaient  partis  d'Astoria  en  eom- 
pa£»nie  de  M.  Robert  Stuart,  et  qu'il  aAait  laissés, 
le  5i  juillet  1812,  siu'  les  bords  de  la  VVallah- 
Wallalî.  Ces  détachements  se  séparèrent  à  leur 
tour  peu  de  temps  après  son  départ,  poiu*  S(; 
rendre  à  leurs  destinations  respectives,  mais  après 
être  convenus  de  se  retjouver,  vers  le  commence- 
ment de  Tatmée  suivante,  à  l'embouchure  de  la 
VVallah-Wallah,  afin  de  protréger  mutuellement, 
à  travers  les  passages  dangereux  de  la  Colombia, 
les  pelleteries  qu'ils  auraient  pu  rassembler  dans 
l'intériein*. 

M.  David  Stuarl  se  rendit  avec  ses  hoiiunes  au 
poste  (pi'il   avait   établi   sm    TOakinagan.   Apiès 


"fvt 


\ST(>III  \  .  '!')" 

i'a\()ir  )-avil;nl!(''  de  unicliaïulisi's  cl  (h»  immi- 
liojis,  il  lomonta  li  cvnl  lignes  plus  liant  sur  la 
inême  i'IaIÎmt,  et  y  établit  encoiv'  in»  poste  dans 
lui  pajs  avantageux  pom-  le  commerce. 

!M.  Clarke  ,  antre  partner,  conduisit  sa  brigade, 
en  remontant  la  livière  Lewis,  jusqu'il  l'embou- 
eliin-e  d'une  petite  livière  venant  du  noi'd,  etcpie 
les  Canadiens  nomnièi(4it  Pavion.  Là,  on  trouva 
un  village,  ou  campement,  composé  de  quarante 
huttes  couvertes  de  nallrs.  Les  iia])itants,  appelés 
iNez-percés  par  les  marchands,  se  nomment  eux- 
mème?  Chipunnish.  C'est  une  race  hai'die,  labo- 
1  ieuse,.  et  quehpie  peu  fripoinie,  qui  mène  une 
\ie  précaire,  péchant  et  déterrant  des  racines  du- 
rant l'été  et  l'automne,  chassatit  le  daim,  avec  des 
raquettes,  pendant  l'hiver,  et  traversant  les  Mon- 
iagnes  Rocheuses,  au  printemps,  pour  aclielei-  des 
peaux  de  bisons  aux  tiibus  chasser(>ss(!s  du  IMis- 
souri.  Dans  ces  migrations,  ils  sont  exposés  à  être 
attaqués  par  les  Tieds-noirs  ou  par  d'aulies  tribus 
pillardes,  et  se  voient  quelquefois  repoussés  au- 
(hîlà  des  Montagnes,  après  avoir  perdu  beaucoup 
de  leurs  chevaux  et  de  leurs  camarades. 

Une  existence  si  dérév'lée  et  si  incertaine  rend 
ordinairement  les  hommes  égoïstes.  ^I.  Claïke 
trouva,  en  eilèt,  que  tels  étaient  les  iiabitanls  de 
Ce  village.  Us  n'exerçaient  îiucunement  riiospila- 
!il(M>rdin;rneau\  indiens,  cl  axaient  la  plus  grande 


1 


m 


11 
T 


M 


'il 

I; 

'h 


:a()8  AsrouiA. 

peine  ;i  se  priver  de  la  moindre  eliose.  Ils  ne  moll- 
iraient d'ailleurs  aucune  reeoinialssanee  des  bon- 
lôs  qu'on  leur  témoignait.  Quand  on  arriva  chez 
(  ux  ils  étaient  oecupés  à  prendre  et  à  préparer 
du  saumon.  Les  hommes  étaient  ç;rands,  robus- 
tes, actifs  et  de  bonne  mine.  Les  femmes  étaient 
beaucoup  mieux  que  celles  des  tribus  plus  rap- 
j>rochées  de  la  côte. 

M.  Clarke  se  proposait  de  laisser  là  ses  bateaux 
et  de  se  rendre  par  terre  au  lieu  de  sa  destination, 
situé  à  environ  cinquante  lieues  plus  loin,  parmi 
les  Indiens  spokans.  Il  chercha  en  conséquence  à 
acheter  des  chevaux  pour  son  voyage;  mais  il  lui 
i'allut,  pour  cela,  lutter  avec  les  dispositions  sor- 
dides de  ces  peuples.  Ils  demandaient  pour  leurs 
chevaux  des  prix  s:  élevés,  et  ils  étaient  si  peu 
tiai tables,  que  M.  Clarke  fut  retenu  sept  jours 
parmi  eux  ,  avant  de  pouvoir  se  procurer  le  nom- 
bre de  bêtes  qui  lui  étaient  nécessaires.  Durant 
ce  temps  il  fut  tourmenté  par  des  vols  multipliés 
dont  il  ne  pouvait  obtenir  aucune  justice.  Le  Chef 
promettait  toujours  de  lui  faire  recouvrer  les  ol)- 
jets  volés;  mais  il  ne  le  faisait  point,  alléguant 
([ue  les  coupables  appartenaient  à  mie  tribu  éloi- 
ij;née,  et  étaient  décampés  avec  leur  butin. 
IM.  Clarke  fut  oblii'é  de  se  contenter  de  ces  excu- 
ses,  mais  il  amassa  dans  son  c(x;ui'  une  amère  ran- 
lune    contre    loule    la    race  des    i\«v.-jierc(\s.    On 


1' 


ASToiUA.  -Anj 

verra  (ju'il  trouva,  plus  lard,  une  oecnslon  de  se 
venc;cr  d'une  manière  signalée. 

Ajant  fait  ses  arrangements  pour  le  départ, 
M.  Clarke  tira  sa  barge  et  ses  canots  dans  un  en- 
droit ombragé  d'arbrisseaux  et  de  saules,  sur  le 
I)ord  d'une  petite  baie.  Le  Chef  des  Nez-pereés 
s'étant  engagé  à  les  surveiller,  grâce  à  de  libérales 
promesses^  M.  Clarke  monta  sm*  son  coursier  et 
se  mit  à  la  tête  de  sa  petite  troupe,  après  avoir 
secoué  la  poussière  de  ses  souliers,  en  ([uittant  ce 
village  tie  fripons  et  de  trafiquants  ititéressés. 
Nous  ne  le  suivi ons  point,  pas  à  pas,  dans  son 
voyage,  qui  le  mena  tantôt  parmi  des  monts 
abruptes  et  rocailleux,  au  milieu  des  escarpements 
et  des  précipices,  tnnlot  sur  d'arides  plaines,  rem- 
plies de  serpents  à  sonnettes,  oii  les  hommes  et  les 
chevaux  souHraient  également  de  la  '*haleur  et  de 
la  soif.  L'endroit  ([u'il  choisit  pour  établir  son 
comptoir  était  une  jolie  pointe  de  terre,  à  la  juno 
tion  des  rivières  Spokan  et  du  Cœur- pointu 
(  Pointed  Heart).  Son  établissement  était  destiné 
à  lutter  contre  un  comptoir  de  la  Compagnie  il't 
Nord-ouest,  situé  à  peu  de  distance,  et  à  lui  en- 
lever, s'il  était  possible,  le  commerce  des  Indiens 
spokans,  des  Cootonals  et  des  Têtes-plates. 

iV;,  Mac  Kenzie,  qui  conduisait  le  troisième  dé- 
tachement de  la  Wallah-\\  allah  ,  navigua  pendant 
plusieurs  jours  pour  remonter  la  biaïu'he  sud  di 


I; 


! 


ml 


II 

n 


II 


n 


* 


■  it 


■*1 

i 


■j.no  vsToiUA. 

la  (iolomhia,  liomméo  Crmiocmmi  pai-  les  ualn- 
rcl»,  jnais  (•oirmimicmciiL  appeire  ri>i('j{î  Lewis, 
(Il  lioniiour  de  celui  tjiii  Tcxploia  li;  premier.  On 
\ojait,  le  loiiij;  de  celle  ri\ière,  des  haiides  er- 
rantes {[iii  voyageaient  dansdiiCérenles  directions; 
car  les  Indiens  sont  généralement  des  êtres  in- 
([uiels,  vagahontls,  continuellement  occupés  d'en- 
Irepiisesde  guerre,  de  Iralic,  et  d(î  chasse.  Quel- 
(jues-unes  de;  ces  bandes  avaient  de  nombreux 
tioupenux  de  clievaux  ,  qu'elles  paraissaient  con- 
diiire  sur  un  marché  lointain. 

M.  Mac  Ivenzie  étant  arrivé  à  l'embouchure  du 
Shahapta!),  remonla  cette*  rivière  pendant  quel- 
(jue  temps,  et  établit  son  comptoir  sur  la  rive. 
11  se  trouvait  sur  le  passage  des  tribus  des  environs 
des  rapides  de  la  Colombia,  loiscjii'elles  traver- 
sent les  Montagnes  llociieuses  pour  l'aire  des  in- 
cursions de  maraude,  pour  chasser  le  bison  dans 
l(!s  plaines  situées  à  l'orient  des  Montagnes,  ou 
pour  Iraliquer  de  racines  et  de  robes  de  bison. 
C'était  la  saison  des  voyages,  et  les  Indiens  de  dif- 
férentes régions  éloignées  passaient  et  repassaient 
en  grand  nombre. 

Une  fois  établi ,  M.  iMac  Kenzie  détacha  une  bri- 
gade sous  la  conduite  de  M.  John  Pieed,  pour 
visiter  les  caches  faites  par  M.  Hunt  à  la  (Jiau- 
dicre,  et  pour  en  apporter  le  contenu  à  son  poste, 
dont  1  approvisionnement  en  maichandises  et  en 


('  <•  i  fi^ 


'$! 


tii) 


A  s  roui  A.  9. 'M 

niiinilioii.s  :n;iil  Ix.soiii  d'rdc  ninsi  loinplélr'.  Il 
uy  a^^il  pas  une  sorruiinc  t[ue  Jolm  llccd  ('lail 
parti ,  lorsqu'on  vit  arri\(  r  au  comptoir  deux  In- 
diens ,  delà  Irihu  Pallatapalla ,  (|ui  habile  près 
d'une  rivière  du  même  nom.  Ceux-ci  apprirent 
h  M.  Mac  Kcnzie  la  mauvaise  nouvelle  du  vol  des 
caches.  Ils  lui  dirent  ([iie  quelques  membres  de 
leur  tribu,  ajant  tra\ersé  les  montai»nes  daiisle 
coui's  tlu  printemps  piécédenl,  avaient  vendu  des 
chevaux  aux  Indiens  serpents  vX  en  avaient  reçu 
en  échange  des  couvertures,  des  robes  et  des  mar- 
chandiscs  de  divejses  natuies.  Ces  objets  pro- 
venaient des  caches  où  les  Serpents  avaient  été 
conduits  par  plusieurs  Blancs  qui  résidaient  parmi 
eux,  et  ([ui  les  avaient  ensuite  accompai^nés  de 
l'autre  coté  des  Montai>nes  Rocheuses.  M.  Mac 
Kenzie  l'ut  siiii^ulièi'ement  intrii^ué  par  ce  récit, 
dont  les  deux  Indiens  conlirmèrent  en  partie  la 


vente  en  montrant  une   selle  et  une 


brid 


e  an- 


1 


i>laise,  que  i  on  recoinîut  pour  avoir  appartenu  a 
M.Crooks.  Cependant  la  perfidie  des  Blancs,  ([ui 
avaient  révélé  le  secret  des  caches,  semblait  inex- 
plicable. Nous  allons  en  donner  la  raison  ,  en  ra- 
contant l'expédition  deM=  Recd. 


Ced 


icne 


Hibe 


rnien  exécuta  sa  mission  avec  son 


habituelle  alacrité.  Son  terrible  vo)ai>e  de  l'hi- 
vei-  précédent  l'ajanl  instruit  de  la  topographie 
du  pays,  il  atleicnit  la  rivière  des  Serpents  san.s 


I 

IL 

(m  ma* 

m 

'si 

'fil* 

il 

f 

II 
\i 

t9 


i 


'■Ui 


•jn-j.  AS'I'oniA. 

rniconlror  de  (linicnltrs  mnléricllcs.  I.;i,  (hiis  un 
campement  (l(\s  Nnturels,  il  Irouva  sepl  Biaiics  , 
traînards  de  la  caravane  de  M  .  Ilunt,  et  qui,  après 
avoir  eu  chacun  leur  part  d'aventures  et  de  mal- 
heurs, s'étaient  heureusement  réunis  en  cet  en- 
droit. Trois  de  ces  hommes,  Turcotte,  La  Cha- 
pelle et  Francis  Landry,  étaient  les  trois  Voya- 
i:;eurs  canadiens  qui ,  démoralisés  par  les  latij^ues 
toujours  croissantes  du  voyage,  et  parla  crainte 
de  périr  de  faim,  avaient  quitte  M.  Crooks,  en 
février,  dans  le  voisinage  de  la  rivière  des  Ser- 
pents. Ils  étaient  retournés  à  un  campement  des 
Indiens,  et  y  avaient  passé  l'hiver.  Cependant,  au 
commencement  du  printemjs,  ayant  fatigué 
l'hospitalité  de  leurs  hôtes,  se  trouvant  privés  de 
tout  et  dans  une  grande  extrémité^  ils  résolurent 
de  tirer  parti  des  trésors  cachés  dont  ils  avaient 
connaissance.  Ils  informèrent  donc  les  Chefs  ser- 
pents qu'ils  savaient  où  était  déposée  une  quan- 
tité de  marchandises  suffisante  pour  enrichir  toute 
la  tribu,  et  ils  olFrirent  de  le  leur  iévéler,à condi- 
tion d'être  récompensés  en  chevaux  et  en  provi- 
sions. Les  Chefs  engagèrent  leur  hoinicur  et  leur 
foi,  comme  des  guerriers,  comme  des  Serpents,  et 
les  trois  Canadiens  les  conduisirent  aux  caches  de 
la  Chaudière.  C'est  ainsi  que  les  Sauvages  en 
avaient  eu  connaissance,  et  non  point  en  sri- 
vant  les  traces  des  loups,  comme  l'avait  supposé 


^^^ii: 


■>q:^ 


\sroniA. 

Al.  Slii.ul.  J.iinais  r.lieirlicurs  ilc  liôsors  caclit's 
ii'rpiouM'rciil  aiilanl  tic  tlrlicos  eu  clécoiivranl  li; 
magot  (l'un  avare,  ((u'on  ressentirent  les  Serpents 
lorsqu'ils  aperçureni  les  liehesses  enfouies  clans 
les  caches.  Les  couvertures  ,  les  robes  ,  les  jojaiix 
(te  cuivre,  les  grains  de  verre  I>leu  ,  étaient  ame- 
nés au  jour  avec  des  transports  de  joie  ;  et  de 
longues  Jwndes  d'étolFe  ccarlate  produisirent  des 
hurlements  d'admiiation. 

f.e  pillage  des  caches  elFectua  un  changement 
dans  la  fortune  et  dans  la  conduite  de  toute  la 
bande.  Les  Serpents  se  trouvaient  mieux  \étus, 
mieux  équipés  cpie  jamais  Serpents  ne  l'avaient 
été.  De  leur  coté,  les  trois  Canadiens,  se  voyant 
tout  à  coup  possesseurs  d'armes  et  de  chevaux , 
étaient,  comme  des  mendiants  h  cheval,  prêts  à 
courir  dans  les  plus  folles  entreprises.  Une  occa- 
sion s'en  présenta  ])ientot.  Les  Serpents  se  déter- 
minèrent à  faire  une  grande  chasse  dans  les  prai- 
ries, pour  avoir  une  provision  de  bœuf,  afin  de 
vivre  dans  l'abondance  comme  il  convenait  à  des 
hommes  possesseurs  d'autant  de  richesses.  Les 
trois  cavaliers  nouvellement  montés  les  accompa- 
gnèrent. Ils  traversèrent  sains  et  saufs  les  Mon- 
tacnes  Rocheuses,  descendirent  sur  les  eaux  su- 
périeures  du  Missouri ,  et  lirent  un  L'rand  ravaij;(; 


pa 


rmi 


les  bi 


sons. 


L 


eur  camp  élait  rem 


pli  d 


e  viauLi 


le.  Il 


s  s  en  iior 


II 


II' 


S 


p-^» 


\pm 


I 


M 


O.'"}/^  A  SI  OKI  A, 

ataieiit  coinnic  (K-  vc'ritnhlcs  Indiens.  Ils  v\\  sv- 
rliaienl  et  en  snlaicnt.  de  i^rand(;.s  pro\  isions  pour 
l'hiver  ([uand  ,  au  milieu  de  leur  bonne  ehère  et 
de  leurs  galas,  ils  furent  surpris  par  les  Pieds- 
noirs.  Plusieurs  Serpents  lui  ent  lues  sur  la  plaec  : 
les  autres,  avec  leurs  trois  alliés  canadiens,  s'en- 
l'uirent  vers  les  MontagiKs,  dépouillés  de  leurs 
chevaux,  de  leur  viande,  de  tous  leurs  hiens.  Ils 
regagnèrent  enfin  la  rivière  des  Serpents,  plus 
pauvres  que  jamais,  mais  s'estimant  heureux  de 
s'être  tirés  d'allaire  avec  la  vie  sauve.  11  n'y  avait 
pas  long-temps  qu'ils  étaient  revenus  lorsque  les 
tiois  Canadiens  furent  réjouis  par  l'apparition 
d'un  compagnon  d'infortune.  C'était  Dubreuil. 
le  pauvre  voyageur  qui  avait  quitté  M.  Crooks 
dans  le  mois  de  mars>  parce  qu'il  n'avait  plus  la 
force  de  le  suivre. 

Peu  de  temps  après ,  trois  autres  membres  de 
la  caravane  arrivèrent.  Ceux-ci  étaient  Carson, 
Saint-Michael  et  Pierre  Delaunaj  ,  les  trois  trap- 
neurs  qui,  au  mois  de  septembre  précédent,  et  en 
compagnie  de  Pierre  Detayé,  avaient  été  laissés 
dans  les  Montagnes  par  M.  Ilunt,  pour  trapper  le 
castor.  Ils  s'étaient  séparés  de  la  caravane,  bien 
armés  et  bien  équipés,  ayant  des  chevaux  de  selle 
et  de  bat  pour  porter  les  pelleteries  qu'ils  devaient 
réunir.  Ils  arrivèrent  dans  le  camp  des  Serpents, 
aussi  gueux  que  leurs  prédécesseurs.  Ils  avaient 


A.sroiiiA.  27;') 

Icrmiiié  leur  h  app.ii-r  «t  se  dii  ii^ciùciU  vers  It'.s 
souircs  (lu  IMissouri,  lorstjirils  a\ni('Mt  cic  loii- 
(^onlrrs  il  all.»(|urs  par  une  foi  le  liaïuh^  tk-s  uni- 
vnscîls  Coiiiclllcs.  Aprîs  une  réslslaiicc  tlésespé- 
rée,  après  avoir  tué  sept  Corneilles,  ils  s'étaient, 
vus  aeealjlés  par  le  nombre.  Pienc  Detajé  avait 
('lé  tué;  les  autres,  dépouillés  de  leurs  chevaux, 
avaient  été  obligés  de  retourner  sur  leurs  pas.  Us 
rencontrèrent  leuis  anciens  eonipagnons  chez  les 
Serpents,  comme  nous  venons  de  le  dire. 

Il  est  bon  d'observer  que  Pierre  Delaunay 
traînait  avec  lui  une  femme  indienne  (ju'il  avait 
ramassée  dans  ses  courses,  car  il  s'était  lassé  du 
(•élibat  pai'mi  les  Sauvages. 

Les  sept  membres  de  cette  eontrérie  infortu- 
née se  préparaient  à  traverser  encore  une  fois 
les  Mou  teignes,  c[uand  quelques  coureurs  indiens 
les  prévinrent  de  l'approche  tle  la  brigade  con- 
duili'  par  John  Keed. 

Lorsque  tous  ces  tranards  eurent  raconté  leur 
histoire,  John  Reed  les  1  éunit  à  sa  troupe  et  les 
emmena  a  la  Chaudière,  pour  ouvrir  hs  deux  ou 
trois  caches  qui  n'avaient  pas  été  révélées  aux 
Indiens. 

Us  trouvèrent  dans  cet  endroit  le  vétéian  du 
Kentucky,  Robinson,qui  y  a\ait  ét(''  laissé  pai 
M.  Sluart,  avec  ses  deux  compagnons  Rizner  et 
Iloback.Ce  irio  aventureux  a>aitélé'  trappei  plus 


fil 

î! 

•'I 


|i>K 


î 


^^''HŒ: 


fi 


£1 


{ 


M 


IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-S) 


// 


^4^. 


i^.4^ 


V. 


1.0 


l.l 


145 

130 


|2.8 
112 


IM 

IIIIIM 

M 

1.8 


1.25      1.4      1  h 

* 6" 

► 

V] 


ê 


^. 


% 


n 


/a 


c*l 


'/ 


-^ 


Photographie 

Sciences 
Corporation 


2l«  \^f 'T  MAIN  STREET 

WEI^STER.N.Y.  USSO 

(>!<■.    97?  4.''a3 


o 


Ki 


l^ 


fs 


An*-\ 


vsroiiiA. 


haut  sui  la  livitic,  mais  Ptoljinsoii  v\\  (''tait  redes- 
cendu seul  dans  un  eanot,  pour  attendie  l'arrivée 
de  John  Reed  et  pour  en  obtenir  des  ehevaux  et 
des  objets  d'équipement.  Il  raconta  à  Reed  l'om- 
ment  ses  camarades  et  lui  avaient  été  dépouillée 
par  les  Arapahays;  mais  son  nouveau  récit  dilïé- 
rail_,  sous  quehpies  rapports,  de  celui  qu'il  aval! 
fait  à  M.  Stuart.  Dans  cel  l'-ci,  il  avait  représenté 
Cass  commue  aj'ant  honteusement  abandonné  ses 
compagnons  dans  If^ar  infortune,  emmcnanl  avei- 
lui  un  cheval.  Drns  le  nouveau  récit,  il  parlait 
de  Cass  comme  avant  été  tué  dans  la  niéJée  avec 
les  Arapahajs.  Ces  contradictions,  dont  Reed  ne 
se  doutait  pas  bien  entendu  à  celle  époque , 
concoururent,  avec  d'autres  circonstances,  à  ac- 
créditer plus  tard  quelques  mystérieuses  suppo- 
sitions, quelques  soupçons  tragiques  sur  la  des- 
tinée réelle  de  Cass.  Cependant,  comme  on  ne 
les  appuya  jamais  de  preuves  substantielles,  nous 
ne  croyons  pas  devoir  en  assombrir  encore  ce 
tableau  des  souffrances  du  tiésert. 

M.  Reed,  ayant  tiré  des  caches  le  restant  des 
marchandises ,  se  mit  à  la  tête  de  sa  troupe, 
augmentée  des  sept  hommes  recueillis  en  roule, 
ainsi  que  de  la  squav^^  de  Pierre  Delaunay.  Ils  re- 
gagnèrent heureusement  le  poste  de  Mac  Kenzie 
sur  les  eaux  du  Shahaptan. 


ce 

A 

co 
m; 


f 


CIIAPirRI'    Ml. 


Dcpnrltlc  M.  lliinl  dans  le  Cjislor.  -  Pit-caulions  à  la   Facio 
reiic.  -  Détachcincnt   <1ii   VVallaniot.  —  Appréhensions.  — 
Arrivée  de  Mac  Ken/.ic.  —  Ktat  des  alliiins  au  poste  du  Sha- 
Iiaplan.  —  Nouvelles  de  la  guerre.  —  Découragement  do  IVIar 
Dougal.  —  Détermination  d'abandonner  Astoria.  —  Départ  de 
Mac  Kenzie  pour  l'intérieur.  —  Aventure  des  Rapides- 
Visite  aux  voleurs  de  Wisli-ram.  —  Situation  périlleuse.  — 
Hencontre  de  IMac  Tavisli  et  de  sa  lrou|)e.  —  Arrivée;  au  poste 
du  Sliahaptan.  —  Les  caches  se  trouvent  vides.  — l^es  l'ail 
ners   hivernants   résolvent  de   ne    point   «piitler  le  pavs.  - 
Arrivée  do  Clarke  parmi  les  Nez-perces.  —  Affaire  du  golu  le< 
d'argent.—  Exécution  d'un  Indien.  —  Arrivée  des  Partner- 
hivernants  à  Astoria 


Quand  les  diffcreiilos  brii^adtvs  curent  f|iil{lê 
Astoriîi,  le  Castor  se  prépaia  à  faire  son  V()jai><' 
le  long  (le  la  cote,  et  à  rencli'c  visite  à  rétablisse- 
ment russe  de  Nev --Arclian£;el,  qu'il  devait  ravi- 
tailler. On  avait  décidé  dans  le  conseil  des  Part- 
ners à  Astoria,  (|ue  M.  Hinit  s'eniharquerail  dans 
ce  vaisseau  ,  adn  de  s'instruire  dans  le  cominerc<' 
côticr  et  de  faire  des  arraneements  avec  le  coin- 
mandant  russe.  Le  Castor  devait  ensuih^  ramener 
M.  Hun!  à  la  Faclorrrie,  et  conliniier  s;>  roiitr 
pour  les  îles  Sanrjwich  cl  pom  (];Hilon 


i\ 


II 


n 


4    ♦■^ 


ê 

11 


■.>7<S  Asioi',1  \. 

Le  Casloi'  mit  en  met'  (Lins  ic  mois  diioùl. 
wSon  départ  vX  cvAiù  des  diverses  hiigndes  n'ajniil 
laissé  dans  la  pelile  forteresse  d'Astoria  (pi'imc 
faible  garnison,  cela  fut  bientôt  remarqué  pai 
(juelquesunes  des  tribus  indiennes.  Lem*  eonduilc. 
en  devint  plus  insolente,  et  elles  laissèrent  même 
voir  des  dispositions  hostiles,  (tétait  alors  la  sai- 
son de  la  pèche,  époque  h  laquelle  les  peuplades 
guerrières  du  nord  de  la  côte  arrivent  dans  le 
voisinage  de  la  Colombia.  Elles  sotit  connues  par 
leurs  dispositions  belii([ueuses  et  perfides  et  par 
les  elForts  qu'elles  ont  faits  souvent  pour  surpren- 
dre les  vaisseaux  marchands.  Parmi  les  Indiens 
ainsi  rassemblés,  un  grand  nombre  appartenaient 
à  la  féroce  tribu  des  Neweetees,  par  (pii  l'équi- 
page du  Tonquin  avait  été  massacré. 

On  prit  donc  de  grandes  précautions  à  la  Fac- 
torerie pour  se  prémunir  contre  toute  surprise, 
pendant  que  ces  dangereux  étrangers  se  trou- 
veraient dans  le  voisinage.  On  construisit  des  ca- 
Jeries  en  dedans  des  palissades,  les  bastions  furent 
rehaussés,  et  des  sentinelles  y  furent  postées  jour 
et  nuit.  Heureusement  les  Ghinooks  et  les]autres 
Indiens  du  voisinage  manifestèrent  les  disposi- 
tions les  plus  pacifiques.  Le  vieux  Comcomly,  qui 
avait  de  l'empire  sur  eux,  était  un  rusé  calcu- 
lateur. 11  voyait  (juels  avantages  il  trouvait  à 
avoir    les   Blancs   pour  voisins    et   pour   alliés; 


quelle  iinpoitaïK'O  son  peuple  et  lui-même  ae- 
quéraieiit  va\  servant  d'intermédiaires  entre  eux 
et  les  Irihiis  lointaines.  Il  était  doue  deveim ,  à 
cette  époque,  un  ami  solitlc  des  Aslorlens,  et 
formait  une  sorte  de  barrière  entre  eux  et  leurs 
ennemis  du  nord. 

L'été  de  i8 1  2  se  passa  sans  aucune  des  hostilités 
(jui  avaient  été  appréhendées.  Les  Neweetees  ci 
les  autres  étrani*eisdan£»ereux  ayant  terminé  leur 
pèche,  retournèrent  dans  leur  pays,  et  les  habi- 
tants (U)  la  Factorerie  recouvrèrent  leur  sécurité. 
Cependant  il  devint  nécessaire  de  se  mettre  en 
i»aide  contre  d'autres  inconvénients.  On  arrivait 
dans  la  saison  de   la  disette,  qui  commence  en 
octobre  et  dure  jusqu'à  la  lin  de  janvier.  La  cha- 
loupe fut  employée  à  fourrager  sur  les  bords  de 
la  rivière  pour  pourvoir  aux  besoins  de  la  i^ar- 
nison.   Un   certain   nombre  d'hommes,  sous  U 
commandement  de  plusieurs  Clercs,  furent  en- 
voyés prendre    leurs   (quartiers   d'hiver  sur    les 
bords  du  Wallamot  (la  Multnomah,  de  Lewis  et 
Clarke),  jolie  rivière  qui  se  décharge  dans  la  Co- 
lombia,  à  vingt  lieues  environ  au-dessus  d'Astoria. 
Le  pays  qui  borde  celte  rivière  est  agréablement 
coupé   de    prairies    et   de    coteaux   couverts  de 
«•hènes,  de  frênes,  d'érables  et  de  cèdres.  Il  abon- 
dait en  élans   et  en   daims.   Les   rivières  étaient 
é'galement  bien   peuplées  fl(>  castors,  et  la  bri  ■ 


«1 


II 


II 


pikïi 


'»3 


■m 


mi 

w 


w( 


»! 


.>,8o  \si<ir, I  \. 

ijjkIc,  nprt's  nvoir  sallslnit  à  ses  propres  hcsoins, 
put  (iiioorc  envoyer  à  Asloria,  par  les  cnnols, 
J)oaucoup  de  viande  scchée. 

Le  mois  d'octol)re  s'éeoula  sans  qu'on  vit  re- 
venir le  Castor.  INovemlne,  décembre,  janvier, 
se  passèrent,  et  l'on  n'en  recevait  aucune  nou- 
velle. On  commença  à  ressentir  de  vives  appré- 
hensions pour  sa  sûreté.  Il  pouvait  avoir  fjil  nan- 
IVage  en  suivant  la  cote,  ou  avoir  ét«^  surpris, 
comme  le  Tonquin,  pai*  quelque  perfitle  tril)u 
du  nord. 

Personne  ne  se  laissait  aller  à  ces  craintes  plus 
que  Mac  Douii[al ,  qui  était  alors  h  la  tête  de  l'Éta- 
blissement. Il  ne  monti'ait  plus  la  confiance  qui 
l'avait  longtemps  caractérisé.  Le  commandement 
semblait  avoir  perdu  pour  lui  tous  ses  charmes; 
enfin  il  se  laissait  aller  au  plus  abject  décourage- 
ment, décriant  toute  l'entreprise,  grossissant 
chaque  circonstance  flilclKuse,  et  ne  prévoyant 
que  des  malheurs. 

Le  i6  janvier  i8i5,  tandis  qu'il  était  dans  celte 
sombre  humeur,  il  fut  surpris  de  voir  paraître 
soudainement  M.  Mac  Kenzie.  Celui-ci  était  ha- 
rassé par  le  long  voyage  qu'il  avait  fait,  dans 
cette  saison  d'hiver,  pour  revenir  de  son  comp- 
toir du  Shahaptan,  et  son  visage  nébuleux  sem- 
J)lait  le  digne  frontispice  d'un  volume  de  calami- 
tés. Il  avait  été  tout-à-fail  désappointé  et  décou- 


ï 


vsioi'.iA.  •)ri  ( 

lîJi^c.  Son  poslc  se  h'oiiv;ii«  .in  milieu  des  'riislu- 
p.'iws;  iwilioii  piiiss.'mlc  cl  îjjiuMiière,  «livisrc  en 
[>lusioiirs  tribus,  st)ns  dilIrrcM'.s  clicfs.  Elle  pos- 
s('(lait  honiicoiip  de  ehevaux,  mais  n'ajaiit  pas 
(iirigé  son  attention  vers  la  chasse  aux  easlviis , 
elle  n'avait  poii't  do  fourrures  à  vendre.  Suivant 
iVîae  Kenzic;  c'était  «  une  tribu  de  co([uins  »  :  d'où 
nous  pouvons  conclure  cpi'ils  étaient  disposés  à 
consulter  leur  intérêt  plus  (juc  ne  le  compoilait 
celui  d'un  avide  tralicant. 

Lci^ibier  étant  rare,  Mac  Kcnzie  avait  été  obligé 
de  nourrir  son  inonde ,  en  grande  partie,  avec 
<ie  la  chair  de  cheval.  Les  Indiens,  découvrant  ses 
nécessités,  avaient  adopté  une  politique  ordinaiie 
au  commerce  civilisé.  Ils  avaient  haussé  le  prix 
de  leurs  bêtes  à  un  tauxexorbitanf,  voyant  bien 
([ue  les  Blancs  étaient  oblii^és  d'en  acheter,  ou 
de  mouiir  de  faim.  De  cette  manière  les  mai- 
chandises  que  Mac  Kenzie  avait  emportées  pour 
ac([uérir  des  peaux  de  castor,  couraient  ris(pic 
d'être  échangées  contre  de  la  chair  de  cheval,  et 
mangées  sur  place. 

Il  avait  dépêché  des  trappeurs  dans  dilTérentes 
directions,  mais  les  contrées  voisines  ne  renfer- 
maient pas  plus  de  castors  (pie  le  pays  où  il  était. 
Dans  cet  embarras,  ilavait  pensé  qu'il  l'crail  mieux 


d'abandonné 


r  ce  poste  iinprolilabh'  el  d'envijyci 


Hiii 


I 


«i 


li 


i; 


li 


ics  m.niîi.iiKliso  ,ilix  loinploiis  lic  Cliiiki'  cl  de 


li" 


Si 

m 


îi 


>.82  \sioni\. 

David  Stiinrl;  ({iii  pourraient  en  tirer  un  meilleur 
parti,  puiscpiMIs  se  trouvaient  dans  un  pays  rielie 
en  easlors.  Lui-nuMue  seiait  reloniné  a>ec  s;» 
Iroupc  à  Asloria,  pour  chercher  ([ueUpu;  destina- 
lion  meilleure.  Il  s'était  donc  rendu  au  postt;  de 
M.  Clarke  pour  !(;  consulter  sur  ce  projet.  Tandis 
([u'ils  étaient  en  i^rande  conférence,  un  visiteur 
inattendu  était  arrivé  dans  la  vvij*\vam ,  d'un  air 
a  liai  ré. 

C'était  M.  John  George  Mac  Tavish,  Partner 
de  la  Compai»nie  du  Nord-ouest,  qui  était  à  la  tète 
des  comptoirs  établis  dans  le  voisinage.  ÎNl.  Mac* 
Tavish  était  le  messager  radieux  de  mauvaises  nou- 
velles. Il  avait  été  au  lac  Winnipeg,  et  y  avait 
vcçw,  par  un  exprès  du  Canada,  la  déclaration  di; 
guerre  et  la  proclamation  du  président  Madison. 
Il  les  avait  communicpiées,  avec  la  complaisance 
la  plus  ofHcieuse,  à  iMM.  Clarke  et  Mac  Kenzie.  Il 
leur  avait  dit,  en  outre,  qu'il  avait  reçu  inie  nou- 
velle provision  de  marchandises  des  postes  de  la 
Compagnie  du  Nord-ouest  situés  de  l'autre  coié 
des  Montagnes  Ilocheuses,  et  qu'il  était  en  mesure 
de  faire  une  vigoureuse  concurrence  aux  étahlis- 
sements  de  la  Compagnie  américaine.  Eniin  il 
avait  terminé  SCS  discours  obligeants,  mais  belli 
({ueux,  en  informant  ses  hôtes  cpie  le  vaisseau 
armé,  l'Isaac  Todd  ,  devait  arrivera  l'embouchure 
de  la  Colombia  vers  le  eommen(;ement  de  mai\s, 


1)1 


\sioiii\.  '(S"» 

aliii  (U;  s'emparer  liu  conimercc  t\c  cclU;  ii\itr('. 
Mac  Tavisli,  lui-mcmc,  dovail  l'y  aller  l'ejoindre 
xers  la  même  c'[)0(]ue. 

Kl)  appreii'int  ces  nouvelles  Mac  Kou/.ie  a\:iil, 
pris  sm-le-cliamp  sa  tlélerminalion.  Il  était  re- 
louiiié  vers  le  Slialiaplan,  avait  renoueé  ;i  son  éla- 
l)lisscment,  déposé  ses  marchandises  dans  des  ca- 
«lies,  et  s'était  liàté  de  se  rendre,  avec  tout  son 
monde,  à  Astoria. 

Ces  nouvelles  complétèrent  le  décoin'agemenl 
(le  Mac  Dougal,  et  remplirent  son  esprit  de  con- 
fusion.   Il   tint    un  conseil  de  i»uerre  avec  Mac 
Kenzie.  Quelques-uns  îles   Clercs  y  assistaient, 
mais,  bien  entendu,  n'y  avaient  pas  voix  délihé- 
rative.    Les   deux  Partners   renoncèrent  ii   toul 
espoir  de  se  mainlcnii-  à  Astoria.  Le  Castor,  di- 
saient-ils, était  probablement  perdu  :  ils  ne  pou- 
vaient recevoir  aucun  secours   des  Etals-Unis  , 
dont  toiis  les  ports  allaient  être  bloqués  ;  eniin  , 
on  no  devait  attendre  que  des  hostilités  de  la  part 
de  r  Angleterre.  Ils  se  déteiminèrent  donc  à  aban- 
donnci"  rÉtablissemcntdans  le  cours  du  priiîlemps 
suivant,   et  à  retourner  à  travers  les  Montagnes 
Rocheuses. 

En  conséquence  de  cette  résolution  ,  ils  sus- 
pendirent tout  commerce  avec  les  Naturels,  ex- 
cepté pour  des  pro\isions;  car  ils  a\aient  déjà 
pins  de  pelleleries  (pTils  n Cn  [)()Ui  raient  enqior- 


I 


Wis. 


M 


I*!' 


R 


■,.A\ 


ASToni  \. 

Irr,  cl  nv.'iit'Ml  liooiii  (\r  louirs  Iciiis  m;irrli,ir. - 
elisos  pour  noniiir  rt  >rlir  Irur  monde  (liir;ml  Ir 
r('st(;  (Ir  leur  srjouf  ii  Asloiin  ,  cl  pcndanl  Icui 
voyni^e  à  linvcrs  les  Monl.iijjncs.  ('cpcn(hiil  h 
irsolnlion  (ral}aii(lonner  rÉtahlissomcnt  fut  ca- 
clice  aux  CMii^ai^rs,  de  peur  qu  ils  ne  renonrasscnl 
sur-lc-chainp  il  tout  travail,  et  ne  devinssent  iti- 
(piiels  et  insubordonnés. 

MacKenzic  retourna  à  son  poste  duShaliaptan, 
alin  de  tii'cr  ses  marelinndiscs  des  caelies  ,  et  de 
s'en  servir  à  acheter  des  chevaux  et  des  provisions 
pour  le  voyage  de  la  caravane  à  travers  les  Mon- 
tagnes. Il  se  chargea  de  remettre  à  MM.  Stuarl  el 
Clarkedes  dépêches  de  Mac  Dougal ,  (pii  leur  ap- 
prenaient la  retraite  projetée ,  afin  ([u'ils  fissenl 
h's  préparatif.  nécessaires. 

Mac  Kenzie  était  accompagné  de  deux  des 
Clercs,  M.  John  Reed ,  l'Irlandais,  et  M.  Alfred 
Selon,  de  New- York.  Ils  s'emharcpièrenl  dans 
deux  canots,  contenant  dix-sept  hommes,  et  re- 
montèrent la  rivière  sans  événement  remarquahic 
juscpi'à  leur  arrivée  dans  le  voisinage  fameux  des 
rapides.  De  bonne  heure  dans  l'après-midi  ils 
eurent  terminé  le  portage  du  Détroit  et  des  chutes, 
et,  ayant  fait  un  maigre  repas  ,  se  trouvèreni 
avoir  une  longue^  soirée  à  passer. 

Du  c«Ué  opposé  de  la  rivière  s'<''h>vail  le  Nillag» 
mal  famé  de  V\'ish-jam.    Là  >ivaicnl  les  Sauvages 


ne 


!!' 


ASToltl  V  .  iîS;» 

<|ui  iivaiciil  \(>l<>  cl  in;illi.'iil(''  Kcrd,  4|u;iii<i  li  pur- 
luil  SCS  cic'pcclic.s  (iîUiN  ,s;i  lioilc  de  rci'-l)l.'in«".  On 
snvnit  <[iic  la  cai"il)iiie  doul  il  avail  vlv  dépouille 
claittlcmeurce,  coinine  \\\\  Iropliécjdatislcvillai^c. 
Mac  Kciizie  olliil  de  Iraverser  la  livière  cl  d'aller 
«lemandcr  la  cai'al)irje  vsi  (piel(|ii'uii  voulait  Tae- 
eompai^ner.  C'était  un  projet  plein  de  léméilté, 
ear  ces  Indiens  étaient  connus  par  leur  earaclère 
de  scélératesse.  Cependant  deux  volontaires  se 
présentèrent  sur-le-cliamp,  Alfred  Seton,  Clerc, 
et  Joe  de  la  Pierre,  cuisinier.  Ce  trio  atteignit 
bientôt  le  bord  opposé  de  la  rivière.  En  débar- 
([uant  chacun  remit  des  amorces  nouvelles  h  sa 
carabine  et  à  ses  pistolets.  Un  sentier,  serpentai»t 
pendant  une  centaine  de  mètres  parmi  tics  ro- 
chers, conduisait  au  village.  Personne  ne  semblait 
s'apercevoir  de  leur  approche.  Pas  un  homme , 
pas  une  squaw,  pas  un  enfant  ne  se  présentait 
pour  les  saluer.  Les  chiens  mêmes,  ces  sentinelles 
bruyantesd'unecité  indienne,  gardaient  le  silence. 
Quand  ils  entrèrent  dans  le  village  un  jeune  gar- 
çon se  montra  et  indiqua  du  doigt  une  maison 
plus  grande  que  les  autres.  Nos  avcuituriers  furent 
obligés  de  se  courber  pour  y  entrer.  Aussitôt 
qu'ils  eurent  passé  le  seuil  ,  l'étroite  entrée  fut 
tout-à-coup  obstruée  par  une  foule  iflndiens  i\\h 
ne  s'étaient  point  fait  voir  aupaiavant. 


11 


m 


l  ■ 


II 


•■J!     '1 


t. 
I 


Ht,. 


u 


mS() 


AMnItI  \ 


M.'ic  l\('ii/ir  ri  s('>  coinpiii^imiis  se  f l'oMv.iiciil 
thiiN  niK»  rspiM'c  (le  (liiiinhi'c  (rciiviroii  \  iiii^l-ciiKj 
|>i<'tls  (le  loni^  sur  viiii^t  de  l;nij;('.  A  mu' «les  cxIrr- 
Diilôs,  aiiprôs  d  tiii  fcii  iM'illaiil,  ('lait  assis  l('(llici\ 
iioiiunr  (l'une  soixanlaiiic  (rainw'cs.  Un  j^rand 
nonihrod'liidicns,  cnvclopprs  de  rohcs  (!(•  hisoiis, 
«laiciil  accroupis  sur  Irois  de  prolondciii",  et  loi- 
inaiciit  nu  dcini-ccrclc  aulour  des  Irois  cùh'vs  de 
la  cliaiuhi'c.  l'n  seul  coup  d'oeil  sullil  à  nos  avni 
luricrs  pour  reniarcpier  le  farouche  et  danj^ereuv 
conclave  où  ils  s'('Maient  introdulls,  v.l  pour  leui 
l'aire  voir  (jue  loule  reiraile  ('fait  coup(''e  par  la 
Coule  (pii  avait  l)lo([U('"  la  porte. 

Le  Cliel'  montra  à  nos  gens  i\\\  co\r  de  la 
chambre  (|ui  («lait  va(\int,  en  i'ac(Mle  la  port(î ,  el 
les  enf»ai»ea  à  s'ass(>oii".  Ils  olj(Mrenl.  lin  silence 
mortel  s'ensuivil.  L<'s  farouches  guerriers  ('tai(Mil 
assis  en  (^rclc  eomrr;<'  des  statues.  Chacun  d'eux, 
cnvelopp(''  dans  sa  robe  ,  tenait  ses  yeux  sauvai^es 
livt's  sur  les  intrus.  Ceux-ci  sentirent  (pi'ih' 
«'laient  dans  une  position  fort  danij[ereuse. 

«  ()bsei'V(>z  le  Chef  pendant  quî'  je  lui  parhMai, 
dit  Mae  Ken/ie  à  sescompagn(")ns.  S'il  donnait  un 
signal  à  sa  band(^,  tuez-le  et  i»ai^nez  la  porte.  » 

Apr(\s  c(\s  mots,  iMac  Kenzie  s'avança  et  oH'rit 
;!U  Chef  la  pipe  de  paix  ;  mais  (die  fut  refus(''e.  Il 
lit  alors  ini  discours  rc'^i^ulier,  expli(pianl  l'objet 


4 


•  1''  sii  visilr,   cl    propoMiiil  (le  doniu  r  en  «'rli.ini;) 
<l('  (;i  <'.ii;il)iin'  «Iriix  comci  lun's,  imr  li.iclic,  (|ii(l- 
((lies  vcrrolcrics  <!  du  ImIkic. 

Qii.'Mwl  il  «Mil  liiii,  le  (lln-lsc  Irva  cl  prit  l.i  ]);i- 
lolc,  d'iihord  ;i  voix  h.'issc,  m;iis  eu  Ii.missmiiI  suc- 
('(  .ssivciDciil  l<>  Ion,  et  en  srinonl.nil  ii  l.i  lin  jiis- 
<|ii\-i  l.i  Ciircnr.  Il  hlnin.i  (T^hord  la  sordide  coii 
(liiilcdcs  iioinincs  hiaiics,  (pii  passaient  et  repas- 
saient sans  cesse  dans  !(•  voisinaf»edes  Indiens,  sans 
leur  doinier  jamais  nne  eouveiim-e,  iki  aiieinie 
Mnlre  inareliandise,  simplement  ])aree  (pi'ils  n'es 
péi-aienl  pas  de  (oinrures  à  recevoir  en  écliani;c. 
■  Kidin  il  rappela,  avec  des  menacjvs  de  voni^eanee, 

la  mort  de  l'Indien  tué  par  les  lîiaiics,   dans  Tes- 
<'armoncli(^  (I<î  la  cataiaele. 

On  approchait  de  la  crise.  Il  ('lait  évident  (pic 
l<!s  Sauvai»es  irattendaient  cpiiin  sii^nal  du  Clicl' 
pour  se  précipilei"  sur  leur  proie.  Mac  Kcn/i(î  cl 
ses  compaijjnoiis  s'étaient  î^raducdlement  h^vés  sur 
leurs  pieds  pendant  (!c  discours  ,  et  avai(Mit  amène'' 
h'urs  caral)incs  dans  une  position  horizontale.  L<' 
canon  i\v  celle  de  Mac  Kenzie  élait  à  ti'ois  pieds 
du  corps  de  Toiateur.  Nos  aventuriers  ai-mèrenl 
leurs  earal)ines.  Le  elif[netis  des  l)atteiies  fit  pâlir 
poui'  un  instant  les  somhres  joues  du  Chef  sauvai^e 
et  il  y  eut  un(î  panse.  Ils  s'avancèrent  fioidement, 
mais  pi  omptetiu'nl  V(îis  la  poil»'.  Les  Indiens  s'é- 
cartèrent avec  crainte  cl  leur  permirent   de  pas- 


H 
i: 

\- 

\v 


I 


% 

i 


1^ 


■m 


'«I 


:<.6y>  AS  j  OUI  A. 

M'i.  Li' stj|<>il  se  l'oucli.nl  j)i(''iiM''im;iil.  an  niomciil 
oii  ils  soilnit'Ul  de  C'«'  ilaiii^croux  lopairc.  Kii  r< - 
i^ai^iiaiil  Iciirt'aiiol,  iisprirciula  pvécautiou  de  sui- 
vre autant  (jiie  possible  le  sommet  des  roeliers, 
vl  alteiijiiirent  le  camp  en  sûreté,  se  l'élieitant 
mutuellement  d'être  hors  d'allàire,  et  ne  sentant 
aucun  désir  de  rendre  in)(;  seconde  visite  aux.  l'a- 
rouches  guerriers  de  Wisli-ram. 

Mac  Kenzie  et  sa  brigade  continuèrent  leur 
voyage,  le  lendemain  matin.  A  quelque  distance 
au-dessus  des  cataractes  de  la  Colombia ,  ils  aper- 
çurent deux  canots  trécorce,  remplis  d'hommes 
blancs,  et  descendant  la  rivière,  au  chant  joyeux 
d'une  troupe  de  Voyageurs  canadiens.  On  s'ar- 
rêta pour  (;auser.  C'était  un  détachement  de  la 
CompagnieduNord-oucst,  commandé  parM.  John 
George  Mac  Tavish,et  se  dirigeant,  plein  d'espoir 
et  de  bonne  humeur,  vers  l'embouchure  de  la  Co- 
lombia^ pour  y  attendre  l'arrivée  de  Tlsaac  Todd. 

Mac  Kenzie  et  Mac  Tavish  lirent  une  halte  ,  et 
campèrent  ensemble  pour  la  nuit.  Les  Voyageurs 
des  deux  troupes  se  saluèrent  comme  d'anciens 
camarades,  comme  des  frères,  et  se  mêlèrent  en- 
semble comme  s'ils  avaient  été  unis  par  un  com- 
mun intéi'êt,  au  lieu  d'appartenir  à  des  Compa- 
gnies rivales  ,  et  de  Iraliquer  sous  des  pavillons 
ennemis. 

Dans  ta  matinée  les  deux  brigades  pourswi>  iieiil 


leur  roule  ,  d'une  manière  analogue  à  leur  for- 
lune  :  l'une  luttant  péniblement  contre  le  cou- 
rant, l'autre  se  laissant  gaiement  entraîner  par 
l'onde  rapide. 

Mac  Kenzie  arriva  heureusement  à  son  poste 
désert  du  Shahaptan  ;  mais  il  s'aperçut ,  h  son 
grand  chagrin,  que  ses  caches  avaient  clé  décou- 
vertes et  pillées  par  les  Indiens.  Il  se  trouvait 
dans  un  grand  embarras^  car  i!  avait  compté  sur 
les  marchandises  volées  pour  acheter  des  chevaux. 
Il  envoya  ses  hommes  dans  toutes  les  directions 
pour  tacher  de  découvrir  les  voleurs,  et  dépécha 
M.  Reed  au  poste  de  MM.  Clarke  et  David  Stuart, 
avec  les  lettres  de  M.  Mac  Dougal. 

La  résolution  de  quitter  Astoria  ,  annoncée 
dans  ces  letti^es,  fut  condamnée  également  par 
Clarke  et  par  Stuart.  Ils  avaient  tous  les  deux  été 
heureux  dans  leui's  postes  ,  et  trouvaient  qu'il 
était  pusillanime  d'abandonner,  à  la  première 
difhculté,  une  entreprise  si  coûteuse  et  qui  pro- 
mettait déjîi  tant.  Ils  ne  firent  donc  aucun  arran- 
£;ement  pour  quitter  le  pays,  mais  continuèrent 
à  agir  de  mîuiière  h  maintenir  leurs  prospères 
établissements. 

L'époque  approchait  où  les  Partners  de  l'inté- 
rieur devaientse  réunir  à  l'embouchure  de  la  Wal- 
lah-WalInh  ,  pour  yt)  rendre  à  Astoria  avec  leurs 
pelletorirs.   M.   Claïke  emballa  donc   loules   les 

11.  U) 


in 
¥ 

h 

?! 
fia 


t" 


■2(^0  ASTORIA. 

siennes  sur  vingt-huit  chevaux  ,  et,  laissant  un 
clerc  avec  quatre  hommes  à  la  garde  du  poste , 
partit  le  26  mai  181 3  avec  le  reste  de  ses  forces. 

Le  5o,  il  arriva  au  confluent  des  rivières  Pavion 
et  Lewis,  où  il  avait  laissé  sa  barge  et  ses  canots , 
à  la  garde  du  vieux  chef  Nez -percé.  Ce  person- 
nage s'était  acquitté  de  sa  commission  plus  fidè- 
lement que  M.  Clarke  ne  l'avait* espéré,  et  les 
canots  furent  trouvés  en  assez  bon  état.  Cepen- 
dant quelques  réparations  étaient  nécessaires. 
Tandis  qu'elles  se  faisaient ,  la  troupe  campa 
près  du  village  j  mais  ayant  eu  déjà  des  preuves 
répétées  des  propensions  voleuses  de  ces  Indiens , 
on  avait  soin  d'avoir  toujours  Toeil  sur  eux. 

M.  Clarke  était  un  homme  grand ,  de  bonne 
mine,  aimant  la  pompe  et  l'étalage,  ce  qui  le  fai- 
sait remarquer  par  les  Indiens.  Dans  ses  confé- 
rences avec  eux,  il  affectait  un  air  de  grandeur.  11 
avait  un  gobelet  d'argent  dans  lequel  il  buvait 
avec  magnificence ,  après  quoi  il  le  renfermait 
dans  un  grand  garde-vin,  qui  l'accompagnait 
dans  ses  voyages  ,  et  restait  dans  sa  tente.  C'é- 
tait un  présent  que  M.  Astor  avait  originairement 
destiné  h  M.  Mac  Kay,  le  Partner  qui  avait  si 
malheureusement  péri  avec  le  Tonquin;  mais 
comme  ce  gobelet  n'était  arrivé  h  Astoria  qu'après 
le  départ  du  Tonquin,  il  était  demeuré  en  la  pos- 
session de  M.  Clarke. 


Un  gobtlcl  il'argcnl  ('lait  un  hutin  trop 
éblouissant  pour  ne  point  donner  dans  l'œil  aux 
Nez-perces  :  c'était,  comme  la  boite  luisante  de 
John  Recd  ,  une  merveille  qui  n'avait  jamais 
été  vue  dans  le  pays.  Les  Indiens  ne  parlaient 
plus  entre  eux  d'autre  chose.  Ils  remarquaient 
avec  quel  soin  il  était  déposé  dans  le  garde-vin, 
comme  une  relique  dans  sa  chasse ,  et  con- 
cluaient que  ce  devait  être  une  grande  méde- 
cine. Pendant  une  nuit,  M.  Clarke  négligea  de 
fermer  la  serrure  de  ce  trésor,  et  le  lendemain 
matin  le  coffret  sacré  était  ouvert  :  la  précieuse; 
relique  ne  s'y  trouvait  plus. 

Clarke  entra  en  fureur.  Toutes  les  vexations 
qu'il  avait  souffertes  de  cette  pillarde  commu- 
nauté revinrent  en  foule  dans  son  esprit.  Il  jura 
que  si  le  gobelet  ne  lui  était  pas  promptement 
rendu,  il  ferait  pendre  le  voleur  aussitôt  qu'il 
viendrait  h  le  découvrir.  Le  jour  se  passa  cepen- 
dant sans  qu'on  vît  revenir  ia  coupe.  Le  soir,  des 
sentinelles  furent  secrètement  postées  autour  du 
camp.  Malgré  toute  leur  vigilance,  un  Nez-perc<'> 
parvint  à  y  entrer  sans  être  aperçu.  Il  se  chargea 
de  butin,  mais  en  faisant  retraite  il  fut  découvert 
(!t  saisi. 

Au  point  du  jour  le  coupable  fut  mis  en  juge- 
ment et  promptement  convaincu.  On  le  rendit 


in 


.'H 


A  II 

m 


K 


i.  •'tm 


.1. 
.1 

il ..  r 


11,.. 


ùM 


m 


•h;  r| 


'.■*! 


lii 


•Il 


'AC)2  ASTOnrA. 

responsal)lo  d<;  toutes  les  spoliations  passées ,  y 
eompris  celle  du  précieux  gobelet,  et  M.  Clarke 
le  condamna  h  mort. 

En  consécpience,  on  construisit  un  gibet  avec 
des  rames.  Le  chef  du  village  et  son  peuple  furent 
assemblés,  et  le  coupable  fut  amené  pieds  et  poings 
liés.  Clarke  fit  alors  une  harangue.  11  rappela 
à  la  tribu  les  bienfaits  dont  il  l'a^aif:  comblée  lors 
de  sa  dernière  visite;  les  vols  nombreux  et  les  au- 
tres méfaits  qu'il  avait  laissé  passer  impunis. 
Le  prisonnier,  spécialement,  avait  toujours  été 
bien  traité  par  les  hommes  blancs,  et  cependant 
il  avait  été  fréquemment  coupable  de  larcin.  Il 
fallaitqu'il  en  portât  la  peine,  et  servît  d'exemple 
à  sa  tribu. 

Les  Indiens  se  rassemblèrent  alors  autour  de 
M.  Clarke,  et  intercédèrent  pour  le  coupable;  ils 
consentaient  à  ce  qu'il  fut  puni  sévèrement,  mais 
ils  le  suppliaient  d'épargner  sa  vie.  Les  compa- 
gnons de  M.  Clarke  regardaient  aussi  la  sentence 
comme  trop  sévère,  et  l'engageaient  h  la  mitiger. 
Ce  fut  en  vain.  Il  resta  inexorable.  Il  n'était  pas 
naturellement  sévère  ni  cruel;  mais  depuis  son 
enfance  il  avait  vécu  dans  le  pays  indien,  parmi 
les  traficants  blancs,  et  il  comptait  pour  rien  la 
vie  d'un  Sauvage.  Il  croyait  d'ailleurs  fermement 
à  la  doctrine  de  l'intimidation. 


11 


ASIOUIA.  2i)J 

llii  clcir  do  Verinont,  nommé  Farnliam,  à  qui 
l'on  avait  vole  un  pistolcl,  agit  comme  exécu- 
teur des  hautes  (ouvres.  Le  signal  fut  donné,  et 
le  pauvre  INez-percé,  résistant^  se  débattant,  et 
criant  de  la  manière  la  plus  ellroyable,  fut  lancé 
dans  l'élcrnilé.  Les  Indiens  regardaient  cet  allreux 
spectacle  avec  une  silencieuse  terreur,  sans  essayer 
de  s'opposer  à  l'exécution,  ni  sans  montrer  au- 
cune émotion  quand  elle  fut  terminée.  Ils  renfer- 
maient leurs  sentiments  dans  leur  sein,  jusqu'à  ce 
([u'une  occasion  se  présentât  d'obtenir  une  ven- 
ceance  sanglante. 

Pour  ne  rien  dire  de  l'inuide  cruauté  de  cet 
acte  ,  il  était  évidemment  bien  impolilique. 
M.  Mac  Lean  et  trois  hommes  devaient  retour- 
ner au  poste  avec  les  chevaux  ,  lorsque  leur 
charge  aurait  été  transportée  dans  les  canots.  Ils 
él aient  obligés  de  traverser  une  région  infestée 
par  ces  Indiens,  qui  étaient  de  hardis  cavaliers, 
(;t  qui  pourraient  les  poursuivre  pour  tirer  ven- 
geance de  la  mort  de  leur  compatriote.  Cepen- 
dant Mac  Lean  était  un  gaillard  résolu  et  qui  mé- 
prisait le  danger.  11  était  présent,  avec  ses  trois 
hommes,  à  l'exécution.  Ils  partirent  aussitôt  que 
la  vie  de  la  victime  fut  éteinte;  mais,  pour  em- 
piojer  les  expressions  d'un  de  leurs  camarades, 


"  ils   ne  laissrrcnl    pas 


rherl 


)e  pousser   sous 


le 


if'M 


■  '^'41 


rftl 


mi 


N 


y,fj4  ASTOtUA. 

((  pieds  de  leurs  clievaux,  cii  s'éloigiiant  du  pa}^s 
((  des  Nez-percés  »,  cl  ne  turent  pas  fach(^s  quand 
ils  se  virent  arrives  sains  et  saufs  h  leur  poste. 

M.  Clarke  et  sa  troupe  s'embarquèrent  en 
même  temps  dans  leurs  canots,  et,  de  bonne 
heure  dans  la  journée  suivante,  atteignirent  l'em- 
bouchure de  la  Wallah-Wallah.  MM.  Stuart  et 
Mac  Kenzie  les  y  attendaient.  Ce  dernier  avait 
recouvré  une  partie  des  marchandises  volées  dans 
ses  caches.  Clarke  les  informa  de  la  punition  si- 
gnalée qu'il  avait  inlligée  à  un  Nez-percé,  s'atten- 
dant  évidemment  à  exciter  leur  admiration  pour 
un  acte  de  justice  si  hardiment  accompli  dans  le 
centre  même  du  pays  indien.  Mais  il  fut  mortifié 
de  le  voir  fortement  censuré,  comme  inhumain, 
inutile,  et  devant  probablement  provocpier  des 
hostilités. 

Les  détachements  ainsi  unis  formaient  une  es- 
cadrille de  deux  bateaux  et  de  six  canots,  qui 
descendirent  heureusement  la  rivière,  et  arrivè- 
rent à  Astoria  le  1 2  juin  1 8 1 5,  amenant  avec  eux 
une  riche  cargaison  de  pelleteries. 

Environ  dix  jours  auparavant,  la  brigade  qui 
avait  été  établie  sur  les  bords  du  Wallamot,  était 
revenue  avec  de  nombreux  ballots  de  peaux  de 
castor,  résultat  d'un  séjour  de  peu  de  mois  sur  cette 
rivière.  C'étaient  là  les  premiers  fruits  de  l'entre- 


P 
él 

1 

rt 

P^ 
rc 

10 


ASTORIA.  295 

prise.  Ils  .ivaiciil  élé  recueillis  par  des  hommes 
étrangers  au  pays,  et  pouvaient  bien  suffire  assu- 
rément pour  donner  de  grandes  espérances  de 
profit,  quand  les  environs  seraient  mieux  explo- 
rés ,  et  que  le  commerce  avec  les  Indiens  serait 
lout-à-fait  établi. 


Ll 


11 
it 
le 
te 

e- 


CHAPITRE   LUI 


Los  l'ai'tncis  sodI  im-conloiUs  iIl-  Mac  Doutai.  —  (lomluilc 
(■•fiuiv0(|uc  de  ccl  ai,'(M)l.  —  Les  Parliiors  cotisciilcnl  à  altan- 
«lonner  Asloria.  —  Vente  l'aile  à  Mixc  'l'avisli.  —  Airaiigc- 
uieiils  pour  l'année.  —  JNLuiilesle  signé  par  les  Parlncis. — 
Départ  de  IVLic  Tavisli  pour  l'intérieui-. 


Les  Partners  trouvèrent  M.  Mac  Doiii^al  dans 
le  tracas  des  préparatifs  de  départ.  Neuf  joins  au- 
paravant, il  avait  annoncé  à  la  Factorerie  son  in- 
tention d'abandonner  rÉtablisscmcnt,  et  il  avait 
fixé  le  i"'  juillet  i8i5  pour  se  mettre  en  voyage. 
MM.  Stuart  et  Clarke  apprii  ent  avec  un  i»rand  mé- 
contentement qu'il  eut  adopté  des  mesures  si  pré- 
cipitées, sans  attendre  leur  concours,  quand  il 
devait  savoir  que  leur  arrivée  n'était  pas  fort 
éloicnée. 

En  elFet,  toute  la  conduite  de  M.  Mac  Doucal 
pouvait  bien  éveiller  des  doutes  sur  son  dévoue- 
ment h  l'entreprise.  Ses  vieilles  sympathies  pour 
la  Compagnie  du  Nord-est  semblaient  s'être  ré- 
veillées. 11  avait  reçu  Mac  Tavisli  et  sa  biigade 
avec  une  hospitalité  extraordinaire,  comme  s'ils 
avaient  élé  des  amis  et  des  alliés,  (piand  ils  n'é- 


îrsj 


l;iiei)t  venus  i|uc  pour  ob,scr>cr  Trial  des  allnirts 
il  Asloiia,  cl  pour  atteutirc  l'arrivée  d'iii^  \ aisseau 
ennemi.  S'ils  avaient  étéabanilonnésà  eux-mêmes, 
ils  auraient  pu  mourir  de  i'aini ,  faute  de  provi- 
sions, ou  être  chassés  par  les  Chinooks,  cpii  n'at- 
tendaient qu'un  sii^nal  de  la  Factorerie  pour  les 
traiter  comme  des  intrus  et  des  ennemis.  Mae 
Doui^al,  au  contraire,  leur  avait  fait  partager  les 
provisions  de  la  garnison,  et  leur  avait  ac([uis  la 
laveur  des  Indiens,  vu  les  recevant  en  amis. 

Ayant  absolument  mis  dans  sa  tète  d'abandon- 
ner i'Elablissement  dans  le  cornant  de  l'année , 
Mac  Doui^al  fut  ciuellement  désappointé  en  ap- 
prenant que  MM.  Stuart  et  Clarke  n'avaient  pas 
aclielé,  suivant  sa  demande,  des  provisions  et  des 
clievaux  pour  servir  à  la  caravane  à  travers  les 
montagnes.  Il  était  alors  trop  tard  pour  faire  les 
préparatifs  nécessaires  pour  les  franchir  avant 
l'hiver,  et  il  fallut  absolument  reculer  l'épotpie 
du  départ. 

Cependant  la  non-arrivée  du  vaisseau  annuel, 
et  les  appréhensions  que  l'on  éprouvait  de  la  perte 
du  Castor  et  de  M.  Munt,  opéraient  sur  l'esprit 
de  MM.  Stuart  etClarke.  Ils  commençaient  à  écou- 
ter  les  plaintes  décourageantes  de  Mac  Dougal, 
secondé  par  Mac  Kenzie.  Ceux-ci  représentaient 
leur  situation  comme  désespérée.  Jetés  sur  une 
cote  barbare,  néglig(\s  par  «eux  cpii  les  v  aA aient 


1!^* 


*  .1 


■•Lli  ^» 


1  nvoyôs,  cnlourcs  du  raille  périls,  ils  devaient  se 
lirer  d'alHiirc  eux-mêmes  ou  périr.  C'est  par  de 
semblables  discours  que  MM.  Stuart  et  Clarke 
furent  amenés  à  consentii  d'abandonner  le  pays 
l'année  suivante. 

Au  bout  de  quelque  temps  Mac  Tavish,  t[ui 
avait  en  vain  attendu  l'arrivée  de  l'IsaacTodd, 
demanda  à  acheter  à  la  Factorerie  une  petite  pro- 
vision de  marchandises,  pour  faciliter  son  retour 
il  son  poste  sur  les  eaux  supérieures  de  la  Colom- 
bia.  Sa  requête  produisit  une  conférence  enln 
les  Partners.  Mac  Doiu^al  l'appuyait  chaudement. 
Il  proposa  en  outre  aux  autres  Partners  de  céder 
à  Mac  Tavish,  pour  un  prix  convenable,  le  poste 
de  Spokan  et  toutes   ses  dépendances,  puisque 
eux-mêmes  n'avaient  pas  assez  de  marchandises 
pour  y  soutenir  la  concurrence  de  la  Compagnie 
du  Nord-ouest.   Il  a  été  prouvé,  depuis,  que  ce 
motif  était  faux.  Il  parait,  d'après  les  inventaires, 
que  le  fonds  des  Astoriens  pour  l'approvisionne- 
ment des  postes  intérieurs,  était  supérieur  à  ce- 
lui de  la  Compagnie  du   Nord -ouest,   de  sort(^ 
([u'ils  n'avaient  rien  à  craindre  de  sa  concurrence. 

Grâce  à  l'inlluence  de  MM.  Mac  Dougal  et  Mae 
Kenzie ,  celte  proposition  fut  adoptée  par  les 
Partners,  et  promptement  acceptée  par  Mae  Ta- 
>ish.  Les  niarehan(lis(\s  qui  lui  furent  vendues 
moulaient  à  ^, ">■[)<)  irancs,  qtii  devaient  èhe  payés 


AsroiHA.  3r)r) 

îiu  printemps  suivant  en  chevaux ,  ou  de  toule 
autre  manière  (|u'il  eonviendrait  aux  Partners  iU\ 
tiésigner  à  cette  épocjue. 

Cet  arrangement  étant  conclu ,  les  Partners 
iormcrent  leurs  plans  pour  l'année  qu'ils  devaient 
encore  passer  dans  le  pays.  Leurs  principaux  oh- 
jels  étaient  la  subsistance  actuelle  de  leur  monde, 
vl  Tacliat  de  chevaux  pour  le  voyage  projeté.  (Ce- 
pendant ils  devaient  rassembler  autant  de  pelle- 
teries (|ue  la  diminution  de  leurs  moyens  le  leur 
permettrait. 

Il  fut  donc  convenu  que  David  Stuart  retour- 
nerait à  son  ancien  poste  sur  l'Oakinagan,  et  que 
M.  Clarke  établirait  son  séjour  parmi  les  Têtes- 
plates.  John  Keed,  le  valeureux  hibernien,  devait 
exploiter  les  environs  de  la  rivière  des  Serpents, 
accompagné  de  Pierre  Dorion  et  de  Pierre  De- 
la  unay,  comme  chasseurs,  el  de  Francis  Landry, 
.lean-r>aptiste  Turcotte,  André  La  Chapelle  et 
Gilles  Leclerc,  Voyageurs  canadiens. 

M.  Mac  Dougal  continuait  de  commander  à 
Astoria  avec  une  garnison  de  quarante  hommes: 
c'était  le  poste  pour  lequel  on  ressentait  la  plus 
grande  sollicitude,  et  dont  il  était  le  plus  impor- 
tant d'assurer  la  sécurité,  car  tous  les  autres  en 
dépendaient  plus  ou  moins.  Mac  Dougal  devait 
tirer  la  plupart  de  ses  vivres  des  Sauvages  des 
environs.  Ceux-ci    éLiicnt    bien  disposc's  poiu'  le 


i-:^ 


,  U'ii 


)C)«>  ASTOIUA. 

pirsent,  ni.nis  il  y  avjiit  liiMi  th;  criundiM'  (ju'cn 
il(''('Ouviaiit  les  besoins  il(>  la  Facloieric  et  sa  fai- 
l)lc\ss(;  réelle^  ils  ne  devinssent  liosliles,  ou  loul  an 
moins  (|u  ils  ne  cessassent  d'apporter  des  provi- 
sions. Il  était  donc  important  de  rendre  la  place 
aussi  indépendante  d'eux  cpie  possible.  Il  fut  en 
consc([uence  résolu  (pie  Mac  Kcnzic  irait  lii\er- 
ner,  avec  quatre  chasseurs  et  huit  Canadiens, 
dans  le  paj s  abondant  duWallamot,  d'où  ils 
pourraient  envoyer  constaimnent  des  provisions 
à  Astoria. 

Comme  on  se  trouvait  avoir  trop  de  clercs , 
pioportionnellement  au  nombre  d'engai^és,  trois 
d'entre  eux,  Ross  Cox ,  Ross  et  Mac  Leilan,  re- 
çurent leur  congé,  et  s'enrôlèrent  au  service  de 
la  Compagnie  du  Nord- ouest,  avec  l'empresse- 
ment d'hommes  (pii  sortent  d'un  vaisseau  pics 
de  périr. 

Ayant  terminé  tous  ces  arrangements,  les  cpia- 
ire  Partners  signèrent,  le  i'^' juillet  i8i5,  un  ma- 
i)if'este  formel,  dans  lequel  ils  exposaient  l'état 
alarmant  de  leurs  allàires,  vu  la  non-arrivée  du 
vaisseau  annuel,  l'absence  du  Castor,  dont  ils  crai- 
gnaicTit  la  perte,  la  disette  de  marchandises  qu'ils 
éprouvaient,  leur  peu  d'espoir  d'être  ravitaillés, 
leur  ignorance  de  la  cote,  et  lein*  désappointement 
(piant  au  commerce  inlérieur  ([ui ,  suiv;uit  eux, 
n'cHait   pas    en    jappoi  I    avec    les    dépenses    déjii 


fr 


i 


4 


I 


VSTOIUA.  xn 

l'iiih'.s,  cl  ne  pouxiiil  soulciiir  la  piiissiiiilc  toii- 
curicixT  (le  la  Compni,Miic  dti  Nord-ouest. 

Coiiséquemnicnl ,  vu  l'article  16  de  racle  de 
société,  par  lequel  ils  étaient  autorisés  à  ahaii- 
doiiner  l'entreprise  si,  avant  le  terme  de  cinq  ans, 
elle  se  trouvait  improductive,  ils  annonçaient 
maintenant,  d\ii\v  manière  fonnellc,  l'intention 
de  dissoudre  la  Société  le  premier  jour  île  juin  de 
l'année  suivante  (i8i/|i,  à  moins  (|ue,  dans  l'in- 
tervalle, ils  ne  reçussent  le  ravitaillement  néces- 
saire, avec  ordre  de  continuer. 

Ce  document  fut  signé  avec  grande  répugnance 
par  MM.  Clarke  et  David  Stuart.  L'expérience 
(ju'ils  avalent  acquise  ne  justifiait  nullement  l'ex- 
posé décourageant  qu'on  y  faisait  relativement 
au  commerce  intérieur.  Ils  pensaient,  au  con- 
traire, qu'on  avait  déjà  surmonté  en  grande  par- 
tie les  premières  difTieultés  inhérentes  à  l'explora- 
tion d'une  contiée  sauvage  et  incoiniue,  où  il 
fallait  d'abord  découvrir  les  endroits  les  plus  fa- 
vorables au  trappagc  et  au  commerce.  Cependant 
ils  se  laissèrent  décitler  par  les  instances  pressan- 
tes de  Mac  Dougal  et  de  Mac  Kenzie,  ((ui,  ayant 
résolu  d'abandonner  l'entreprise,  tiésiraient  en 
donner  des  motifs  spécieux,  afin  d'excuser  leur 
conduite  aux  yeux  de  M.  Aslor  et  du  monde 
entier. 

Mac  Tavisli,  qui  devait  partir  le  f»  juillet  ,  fut 


% 
II 


i 
î 


'iW' 


<  '««Il 


'tir  ijM 


I  .,. 


J02 


ASTOniA. 

haigé  de  cet  acte,  el  de  lelUes  parlloulières  ré- 
digées dans  le  même  esprit.  Il  promit  de  les  faire 
tenir  à  M.  Astor  par  l'exprès  de  la  Compagnie 
du  Nord-ouest  envoyé,  chaque  hiver,  à  l  ivers 
les  Montagnes. 


CHAPITRE    LI\. 


Anxietcs  de  M.  Astor.  -  11  apprend  qnc  les  Anglais  prépaient 
nne  expédition  navale  eonlre  Astoria.  ~  Jl  den.an.le  protec- 
tion an  Gouvernement  an.éiicain.  -  La  fn-gatc  Adanis  est 
équipée.  -  iJonnes  nouvelles.  —Désappointement. 

Tandis  que  ces  difficultés  et  ces  désastres  s'a- 
massaient autour  de  l'établissement  naissant  d'As- 
toria ,  son  fondateur  était  en  proie  h  la  plus  grande 
anxiété,  dans  sa  résidence  de  New- York.  L'Alouet- 
te, dépêchée  par   lui  avec  des  provisions  pour 
l'Établissement,  avait  mis  à  la  voile  leGmars  i8i5. 
Peu  de  jours  après,  M.  Astor  avait  reçu  des  nou- 
velles qui  justifiaient   toutes   ses   appréhensions 
d'hostilités  de  la  part  du  Gouvernement  anglais. 
La  Compagnie  du  Nord-ouest  avait  présenté  à  ce 
Gouvernement  un  second  mémoire  où  elle  dé- 
peignait Astoria  comme  un  des  établissements 
américains  les  plus  menaçants,  où  elle  agrandis- 
sait le  vaste  champ  de  ses  opérations  futures,  où 
elle  grossissait  la  force  de  ses  fortifications,  et 
exprimait  enfin  la  crainte  que  ce  comptoir  ne 
causât  un  jour  la  ruine  du  commerce  anglais  des 
fourrures. 

Influencé  par  ces  représentations,  le  Gouver- 
nement britannique  ordonna  de  détacher  la  fré- 


i 


■m 


jm 


M" 


^RiB 


T 


■"jo/i  ASToniA, 

<»ato  la  Pli()('l)(',  pour  servir  trcscorte  au  vaisseau 
armé  l'Isaac  Todtl ,  ([ui  était  prêt  à  iairc  voile 
avec  des  hommes  et  des  munitions,  pour  fonder 
un  nouvel  établissement.  Ils  devaient  se  rendre, 
(usemble,  à  l'embouchure  de  la  Colombia,  cap- 
turer ou  détruire  toute  forteresse  américaine 
c[u'ils  y  trouveraient,  et  planter  leur  pavillon  sur 
ses  ruines. 

Informé  de  ces  projets,  M.  Aslor  ne  perdit  pas 
de  temps  pour  adresser  au  secrétaire  d'État  une 
seconde  lettre,  dans  laquelle  il  lui  communiquait 
ces  nouvelles,  et  le  priait  d'en  faire  part  au  Pré- 
sident. Sa  lettre  précédente  n'ajant  reçu  aucune 
réponse,  il  se  contenta  de  cette  simple  communi- 
cation, et  ne  fit  pas  d'autre  demande  de  secours. 

Réveillé  à  la  (in  par  le  danger  qui  menaçait 
l'établissement  d'Astoria,  et  comprenant  l'im- 
portance de  conserver  sur  les  bords  de  l'Océan 
Pacifique  un  point  d'appui  pour  le  commerce  et 
pour  la  marine  des  Etats-Unis,  le  Gouvernement 
américain  se  décida  à  envoyer,  poui*  ce  service, 
la  frégate  Adams,  capitaine  Crâne.  En  apprenant 
celte  détermination,  M.  Astor  s'empressa  d'équi- 
per un  vaisseau,  appelé  l'Entrepiise,  afin  de  faire 
porter  de  nouveaux  renforts  à  Astoria,  sous  l'es- 
corte de  la  frégate  Adams. 

Vers  le  milieu  de  juin,  tandis  ((u'il  s'occupait 
de  CCS  piéparatifs,  il  recul  de  M.   Hoberl  Sluart 


'0 


ASTORIA.  3o5 

une  lettre  datée  de  Saint-Louis,  i"  mai  i8i3. 
Cette  lettre  eonfirmait  la  nouvelle  déjà  rapportée 
par  les  journaux,  de  l'arrivée  de  M.  Hunt  h  As- 
toria ,  et  du  retour  heureux  de  M.  Stuart;  elle 
contenait  en  outre  le  compte  le  plus  llatteur  de 
la  prospérité  de  l'entreprise. 

L'anxiété  de  M.  Astor  pour  le  succès  de  ce 
grand  objet  de  son  ambition  avait  été  si  profonde, 
qu'il  fut  presque  accablé  par  ces  bonnes  nou- 
velles. uJe  fus  près,  dit-il,  de  tomber  à  genoux 
dans  un  transport  do  gratitude.  » 

Il  apprit  en  même  temps  que  le  Castor  avait 
fait  un  bon  voyage  de  New- York  à  la  Colombia. 
Ce  fut  un  nouveau  sujet  d'espérance  pour  le  bien- 
être  de  la  petite  colonie.  Le  poste,  ainsi  renforcé, 
était  commandé  par  un  Américain;  un  vaisseau 
de  guerre  était  prêt  à  faire  voile  pour  le  proté- 
ger; son  avenir  semblait  donc  plein  d'espérance, 
et  M.  Astor  s'occupa  avec  une  nouvelle  vigueur 
d'équiper  son  vaisseau  marchand. 

Malheureusement  pour  Astoria ,  ce  brillant 
rayon  de  prospérité  fut  bien  vite  obscurci  par  des 
nuages.  Pjécisément  lorsque  l'Adams  eut  reçu 
son  complément  d'hommes,  et  lorsque  les  deux 
vaisseaux  furent  sur  le  point  de  mettre  en  mer, 
le  Commodore  Chauncey,  qui  commandait  sur  le 
lac  Ontario,  demanda  un  renfort  de  marins.  ï^a 
demande  était  urgente;  l'équipage  de  l'Adams  fut 

II.  -^o 


-5'i 


.i:!l*S 

4 


II I'; 


trSi 


'S^l 


m 

'^■4i 

u-mn 

m 

:;:•» 

r>'  % 

.^l' m 

||H     l(| 


Hîli 


v*m 


■>ni 


% 


5()(i 


ASTOIIIA. 


I 


immédiaicmcut  requis  pour  ce  service,  cl  le  vais- 
seau ne  put  partir. 

Malgré  ce  malheureux  eontre-lemps  M.  Astor 
ne  se  laissa  pas  décourager.  Il  résolut  d'envoyer 
l'Entreprise,  sans  protection,  et  de  lui  laisser 
courir  les  chances  tle  capture  pendant  son  trajet 
solitaire  à   travers  l'Océan.    Mais,    justement  h 
cette  épocjue,  une  escadre  anglaise  parut  au-delà 
de  lïook ,  et  le  port  de  New- York  se  trouva  blo- 
qué. Envoyer  un  vaisseau  en  mer  dans  ces  con- 
jonctures, c'était  l'exposer  à  une  perte  presque 
certaine.   L'Entreprise  fut  donc  déchargée,   et 
M.  Astor  fut  obligé  de  s'en  consoler  en  espérant 
que  l'Alouette  pourrait  atteindre  heureusement 
Astoria.  Moyennant  ce  renfort,  et  sous  la  bonne 
conduite  de  M.  Hunt  et  de  ses  associés,  il  se  tlat- 
tait  que  la  petite  colonie  serait  capable  de  se  sou- 
tenir par  elle-même  jusqu'au  retour  de  la  paix. 


Si 


CHAPITRE    LV. 


Allaircs  tl'Ktat  à  Astoria.  —  Mac  Doutai  dcmaiide  lu  m;;;n  crmio 
princesse  iiulicnne.  — Il  envoie  une  ambassade  à  Coniconily. 
--  Itlées  matrimoniales  «les  Cliinooks.  —  Dot.  -  La  mariée 
est  amenée  an   fort.  l/hahile  hcan-pèie.    —  Ariivi'e  de 

M.  Hunt  à  Astoria.  , 


Nous  avons  eu  jusqu'ici  à  raconter  tant  d'évé- 
iieineiits  sombres  et  désastreux,  que  nous  éprou- 
vons une  satisfaction  momentanée  en  arrivant  à 
quelque  chose  d'une  nature  plus  agréable,  et  en 
rapportant  le  premier,  ou  plutôt  le  seul  mariage 
du  grand  inonde  i.\\.ù  ait  eu  lieu  dans  l  Établisse- 
ment naissant  d' Astoria. 

Mac  Dougal ,  à  ce  qu'il  parait,  était  un  faiseur 
de  projets,  possédé  d'une  ambition  démesurée, 
quoiqu'un  peu  irréi>ulière.  Il  conçut  la  pensée  de 
rechercher  la  main  d'une  des  princesses  abori- 
gènes. C'était  une  fille  du  potentat  borgne  qui 
régnait  sur  la  tribu  ichthj'ophage  des  Chinoooks, 
et  qui  fournissait  depuis  longtemps  la  Factorerie 
d'éperlans  de  mer  et  d'esturgeons. 

Quelques  récits  donnent  une  origine  roman- 
tique à  cette  alfaire,  et  la  font  remonter  juscju'à 


'ém 


I 


% 


*ijf 


;».T  1 
*1 


Si 


3o8  ASTonrA. 

In  nuit  orageuse  où  Mac  Dougal ,  clans  le  cours 
d'une  expédition  exploratrice,  avait  été  forcé  par 
la  tempête  de  chercher  un  abri  dans  la  royale 
demeure  de  Comcomly.  Là ,  pour  la  première 
fois,  il  aurait  été  ébloui  par  les  charmes  de  cette 
princesse  pêcheuse,  tandis  qu'elle  s'efforçait  de 
bien  recevoir  les  hôtes  de  son  père. 

D'un  autre  côté ,  le  Journal  dAstoria ,  tenu 
sous  les  yeux  de  Mac  Dougal ,  enregistre  cette 
union  comme  une  affaire  d'Etat ,  et  comme  un 
grand  trait  de  politique.  La  Factorerie  pour  ses 
provisions  dépendait  principalement  des  Chinooks; 
ils  avaient  été  jusqu'alors  bien  disposés,  mais  on 
craignait  qu'ils  ne  changeassent,  s'ils  venaient  à 
découvrir  la  faiblesse  de  la  garnison ,  les  besoins 
de  l'Établissement,  et  l'intention  où  Ton  était  de 
quitter  le  pays.  Cette  alliance,  au  contraire,  de- 
vait à  jamais  rattacher  Comcomly,  et  la  puissante 
tribu  des  Chinoolcs,  aux  intérêts  des  Astoriens. 
Quoi  qu'il  en  puisse  être  ,  car  il  est  difficile  de 
sonder  la  profonde  politique  des  gouverneurs  et 
des  princes  ,  Mac  Dougal  dépêcha  deux  de  ses 
Clercs  comme  ambassadeurs  extraordinaires,  pour 
fairedes  ouvertures  au  Chef  borgne,  relativement 
à  la  main  de  sa  fille. 

Quoique  les  Chinooks  ne  soient  point  une 
nation  bien  raffinée,  ils  ont  sur  les  arrangements 
matrimoniaux  des  idées  qui  ne  déshonoreraient 


La 


A.SiOUIA.  3(K) 

pas  les  ainaleui's  les  plus  dcteiniinôs  ilc  dot  el  tic 
coiilral.  Li;  piotcnilaiit    se    rend  ,    non   pas  au 
boudoir  de  sa  maîtresse,  mais  à  la  loge  du  père, 
aux  pieds  du(|ucl  il  dépose  ses  présents.  Ses  désirs 
sont  alors  expli(|ués  par  (pielque  ami  diseret  , 
choisi  par  lui  poui*  cet  olïice.  Si  le  prétendant  el 
ses  présents  trouvent  giàce  aux  jeux  du  père  , 
celui-ci  expose  la  chose  à  la  jeune  pei  sonne  ,   et 
s'enquiert  de  l'état  de  ses  inclinations.  Si  sa  ré- 
ponse esl  favorable,  la  demande  est  acceptée,  et 
le  prétendant  fait  au  père,  selon  la  beauté  et  le 
mérite  de  la  future,  de  nouveaux  présents  de  clie 
vaux,  de  canots,  elc.  Il  reçoit  à  son  tour  des  pré- 
sents de  la  même  nature  quand  le  mariage  esl 
consommé. 

Nous  avons  eu  plus  d'une  occasion  de  parler 
de  riiabiletéde  Concomiy.  Jamais  elle  nes'exeiça 
plus  adroilement  que  dans  cette  circonstance.  Il 
était  grand  ami  de  Mac  Dougal,  et  charmé  de 
l'idée  d'avoir  un  gendre  si  distingué.  Mais  une 
telle  occasion  d'augmenter  sa  fortune  ne  devait 
probablement  pas  se  représenter  une  seconde  fois, 
et  il  résolut  d'en  tirer  le  meilleur  parti  possible. 
La  négociation  fut  donc  prolongée  avec  une 
science  véritablement  diplomatique.  Les  ambassa- 
deurs tinrent  conférence  sur  conférence.  Com- 
comly  faisait  des  demandes  extravagantes,  et  esti- 
mait au  plus  haut  prix  les  charmes  de  sa  lille.  Il 


'  h] 

M 


'm 


j'i''!! 


m 


ii!;'!àil''l 


I 

w 

<  » 


Ai 


If:'*- 


m 


^ 


3lO  ASTORIA. 

est  VI  ni  qu'on  la  rt'prcsente  comme  ayant  unt;  des 
têtes  les  plus  plates  et  les  plus  aristocratiques  de  la 
tribu.  A  la  (in,  pourtant,  les  préliminaires  furent 
heureusement  ajustés.  Le  20  juillet,  dans  l'après- 
midi,  une  escadrille  de  canots  arriva  du  village  des 
Chinooks,  apportant  la  royale  famille  de  Com- 
comly  et  toute  sa  cour. 

Le  digne  sachem,  paré  d'une  couverture  bleue 
et  d'une  culotte  rouge,  orné  d'une  quantité  ex- 
traordinaire de  peinture  et  de  plumes ,  accom- 
pagné d'une  longue  suite  de  guerriers  et  de  nobles 
à  demi  nus ,  débarqua  avec  une  pompe  impériale. 
Un  cheval  attendait  la  Princesse.  Elle  monta  en 
croupe  derrière  un  des  Clercs,  et  fut  ainsi  trans- 
portée, timide,  mais  consentante,  à  la  forteresse. 
Elle  y  fut  reçue  avec  une  joie  vive  par  son  futur 
brûlant  d'impatience. 

Cependant,  ses  ornements  nuptiaux  causèrent 
d'abord  un  peu  d'embarras,  car  elle  s'était  ointe 
et  peinte  pour  la  circonstance  ,  suivant  les 
modes  chinooks.  Mais,  grâce  à  de  nombreuses 
ablutions,  elle  fut  débarrassée  de  toute  couleur, 
comme  de  toute  odeur  factices,  et  lorsqu'elle 
entra  dans  l'état  matrimonial,  c'était  la  princesse 
la  plus  propre  qui  eût  jamais  existé  dans  la  tribu 
un  peu  onctueuse  des  Chinooks. 

Depuis  cette  époque  Comcomly  ne  manqua  pas  de 
venir  chaque  jour  au  fort,  et  fut  admis  aux  conseils 


i 
1" 


¥ 


la 


ASTOHIA.  5l I 

l«*s  plus  intimes  de  son  i»endre.  Il  prenait  intérêt  à 
tout  ce  ([u'on  faisait,  et  rendait  surtout  de  fré- 
(juentes  visites  au  forijeron,  dont  il  employait 
l'habileté  à  fabriquer  toutes  sortes  d'armes  et  d'us- 
tensiles appropriés  à  l'état  sauvage.  Les  alïhires  les 
plus  intentes  de  la  Factorerie  en  souffraient  bien 
({uelquefois,  mais  le  moj'en  de  refuser  le  père  de 


MU  cesse  i 


? 


la  Pi 

La  lune  de  miel  était  ii  peine  écoulée,  et  Mac 
Dougal  était  assis  avec  son  épouse  dans  la  forte- 
resse d'Astoria,  quand  le  20  août  181 3,  vers  midi, 
Gassacop,  fds  de  Comcomly,  entra  précipitam- 
ment, et  annonça,  avec  grande  agitation,  qu'il  y 
avait  un  vaisseau  h  l'embouchure  de  la  rivière. 
Etait-ce   un  messager  de   paix  ou  de   guerre? 
Etait-il  américain  ou  anglais?  Était-ce  le  Castor 
ou  risaac  Todd?  Mac  Dougal  descendit  prompte- 
ment  au  bord  de  l'eau,  se  jeta  dans  un  bateau,  et 
ordonna  de  ramer  vigoureusement  vers  l'embou- 
chure du  havre.  Ceux  qui  étaient  restés  dans  le 
fort  examinaient  avec  anxiété  l'entrée  de  la  rivière, 
pour  savoir  s'il  fallait  se  préparer  h  féliciter  des 
amis  ou  à  combattre  des  ennemis.  A  la  lin,  on 
aperçut  un  vaisseau  qui  traversait  la  barre  et  qui 
se  dirigeait  vers  Astoria.  Tous  les  regards  restè- 
rent silencieusement  fixés  surlui,  jusqu'au  moment 
où  ou  reconnut  le  pavillon  américain.  Unjoj'eux 
hourra  s'échappa  alors  de  toutes  les  bouches,  et 


m 


i';ii 


'1 


■f  "■■:. 


•11'  'I 


j  ;  .'1  :^'S 

in'»' 


5l2  ASTOIUA. 

bien  lot  le  canon  du  fort  fit  entendre  un  bru^ani 
salut. 

Le  vaisseau  jeta  l'ancre  du  côte  oppose  de  In 
rivière,  et  rendit  le  salut.  Le  bateau  de  Mac 
Dougal  l'aboixia,  et  on  ne  le  vit  revenir  que  le 
soir.  Les  Astoriens  le  suivaient  des  yeux  pour  dé- 
couvrir quelles  personnes  il  rapportait,  mais  le 
soleil  s'enfonça  dans  la  mer  et  la  nuit  vint 
avant  qu'ils  pussent  satisfaire  leur  avide  curiosité. 
A  la  fin,  le  bateau  atteignit  le  bord,  et  M.  Hunt 
descendit  sur  le  rivage.  Il  fut  salué  comme  s'il 
était  revenu  de  l'autre  monde,  et  son  retour  fut 
célébré  par  des  réjouissances  presque  aussi  grandes 
que  celles  des  noces  de  Mac  Dougal. 

Nous  allons  maintenant  raconter  les  causes  de 
sa  longue  absence,  pendant  laquelle  avaient  été 
faites  tant  de  suppositions  sombres  et  découra- 
geantes. 


r 


CHAPITRE   LVI. 


Voyage  du  Castor  à  Ncw-Arcliangel.  —  Un  gouverneur  russe. 
—  Marelles  bachiques.  —  Voyagean  Kanitschatka.  — Pêcherie 
de  l'île  Saint-Paul. —  Tempête.  — M.  Hunt  est  laissé  aux 
îJes  Sandwich.  —Opérations  du  capitaine Sovvic à  Canton  — 
Retour  de  M.  Hunt  à  Asloria. 


Lorsque  le  Castor  quitta  Asloria ,  le  4  ^o^^t 
1812,  il  devait  suivre  la  côte  vers  le  nord  jusqu'à 
Shcelka,  ou  New-Arcliaiigel ,  afin  d'y  déposer 
une  partie  de  sa  cargaison,  destinée  à  ravitailler 
l'établissement  russe.  11  devait  ensuite  revenir  à 
Astoria,  où  l'on  pensait  qu'il  arriverait  en  oc- 
tobre. 

?îew-Archangel  est  situé  par  57"  2'  de  latitude 
nord.  C'était  le  quartier  général  des  difFérentes 
colonies  de  la  Compagnie  russe  des  fourrures,  et 
\v  commun  rendez-vous  des  vaisseaux  américains 
trnifiquant  le  long  de  la  côte. 

Le  Castor  arriva  à  New-Archangel  le  19  août_, 
sans  avoir  eu  d'aventures  remarquables.  Le  comte 
Baranhoff,  gouverneur  des  divers  établissements 
russes,  faisait  alors  sa  résidence  dans  ce  comptoir. 
C'était  un  vieux  Russe,  grossier,  ivrogne,  mais 
franc   et  hospitalier;   moitié   marchand,   moitié 


;i 


al 


I 


i 


ii.r 
,r''ii»!l 


'lis 


|H|!*„g 


"ïf,"i 


^m 


■M 

'1  >  Am\ 

1 1  '  Wgji 
il" ''9 

II 

'1.1'' 


■''•; 


il 


'^>l4  ASIOltl  \. 

sold.'il,  cl  par-dessus  tout  l)on  ('oinpn^iioii,  de  \.i 
vieille  écolv.  tapageuse. 

M.  Ilunt  trouva  ce  vétéran  h^'perhoréeu  tians 
un  fort  (pli  couronnait  tou te  la  eréle d'un  promon- 
toire élevé,  et  (pii ,  armé  décent  canons,  était 
imprenable  pour  des  Indiens.  Le  vieux  i»ouver- 
neur  régnait  sur  soixante  liasses  qui  formaient  le 
nojaudeson  comptoir,  et  sur  un  nombre  indéfini 
de  chasseurs  Kodiaks ,  qui  rôdaient  continuelle- 
ment autour  du  fort ,  comme  autant  de  chiens 
aifamés  autour  du  quartier-général  d'une  troupe 
de  chasseurs.  Quoique  le  Gouverneur  fût  un  bon 
enfant  parmi  ses  hôtes ,  c'était  un  strict  observa- 
teur de  la  discipline  pour  ses  hommes.  Il  les  main- 
tenait dans  une  parfaite  sujétion,  et  faisait  monter 
la  garde  à  sept  d'entie  eux  nuit  et  jour. 

Outre  ces  sujets  et  ces  serfs  immédiats,  le  vieux 
potentat  russe  exerçait  encore  beaucoup  d'empire 
sur  une  classe  nombreuse  de  marchands  inter- 
lopes, qui  avaient  recours  à  lui  pour  obtenir  aide 
et  protection.  Grâce  à  ceux-ci,  on  pouvait  dire 
i[ue  son  pouvoir  s'étendait  sur  loute  la  côte  du 
Nord-ouest.  C'étaient  des  capitames  de  vaisseaux 
améric'iins ,  engagés  dans  un  commerce  particu- 
lier. Ils  arrivaient  à  New^-Archangel  pour  ainsi 
dire  à  vide.  Là,  ils  prenaient  sur  leur  vaisseau  une 
cinquantaine  de  canots  avec  une  centaine  de  chas- 
seurs Kodiaks;  ils  re(*evaient  également  des  pro- 


\sroiiiA.  5 1.5 

visions  cl  louU'sl(!s  cliosos  iioorssairrs  pourclinsscr 
les  loulres  de  nu'r  sur  les  côtes  do  la  CaliCoi-nic  , 
où  les  Russes  ont  aussi  un  étaMi<'*enient.  Le 
vaisseau  partait  alors;  il  côto^'ait  la  Californie  et 
y  (Icposair,  de  distance  en  distance,  des  canols  et 
des  chasseurs  h  qui  l'on  ne  fournissait  (jue  de  l'eau, 
et  (jui  dépendaient  de  leur  propre  adresse  pour 
leur  subsistance.  Quand  le  capitaine  supposait 
qu'un  nombre  de  peaux  suffisant  devait  être  ras- 
semblé, il  recueillait  ses  canots,  ses  chasseurs,  et 
retouinait  avec  eux  à  New-Archaiigel ,  où  il  re- 
mettait les  produits  de  son  voyage,  recevant  pour 
sa  part  la  moitié  des  fourrures. 

Comitie  nous  l'avons  dit,  le  vieux  Gouverneur 
exerçait  sur  ces  capitaines  côtiers  une  sorte  d'em- 
pire, mais  d'une  nature  toute  spéciale.  C'était  la 
tj'rannie  de  la  table.  Ils  étaient  obligés  do  prendre 
part  h  ses  jyrosnics  ou  carroasses  ,  et  de  boire  à 
sa  fantaisie.  Or  ses  earrousses  n'étaient  pas  de 
l'espèce  la  plus  tranquille  ,  et  sa  boisson  n'était 
pas  douce  comme  nectar,  a  II  donne  continuelle- 
ment des  galas,  dit  M.  Hunl,  et  si  vous  ne  buvez 
pas  du  rhum  sec  et  du  punch  bouillant,  il  vous 
insulte  aussitôt  (ju'il  est  gris,  c'est-h-dire  fort  peu 
de  temps  après  s'être  mis  h  table.  » 

Que  s'il  se  trouvait  quelcjue  capitaine  de  la 
société  de  tempérance,  qui  refusât  d'entacher  sa 
solM'iélé  ;   il   pouvait   aller   chcrclui    un   niarclu' 


CL'' 

h 


iit# 


'!(! 


m 

'M 


m 


■  f'''»*!!. 

::li| 

■|;| 

II 

\m 

'S?. 


5l()  ASTOUIA. 

ailleurs,  car  il  n'avait  aucune  (chance  avec  le  Gou 
vcrneur.  Il  est  vrai  ([uc  de  semblables  poules 
mouillées  souillaient  rarement  la  présence  du 
vieux  BaranliolF;  les  capitaines  côtiers  connais- 
saient trop  bien  son  humeur  et  leur  intérêt.  Ils 
prenaient  part  à  ses  fêtes;  ils  buvaient,  ils  chan- 
taient, ils  hurlaient,  jusqu'à  ce  que  tout  le  monde 
fut  dans  les  vignes  du  Seigneur,  et  alors  les 
affaires  allaient  comme  sur  des  roulettes. 

FiCS  têtes  faibles  avaient  reçu,  peu  de  temps 
avant  l'arrivée  de  M.  Hunt,  un  terrible  avertisse- 
ment. Un  jeune  officier  de  marine  avait  récem- 
ment été  envoyé  par  l'Empereur  pour  prendre 
le  commandement  d'un  des  vaisseaux  de  la  Corn 
pagnie.  Le  Gouverneur,   comme  h   l'ordinaire, 
l'invita  h  ses  prosnics,  et  voulut  le  régaler  de 
quelque  chose  de  raide.  Le  jeune  homme  se  dé- 
fendit jusqu'à   ce  que  la  colère  du  vieux  Comte 
fut  tout-à-fait  allumée.  Le  vétéran  l'emporta  en- 
fin et  grisa  l'autre  bon  gré,  mal  gré.  A  mesure 
qu'ils  s'enivraient,  ils  devenaient  plus  bruyants 
et  finirent  par  se  quereller  sérieusement.  Le  jeune 
homme  paya  le  vieux  BaranhofFdans  sa  propre 
monnaie  en   le  frappant  vigoureusement.  Mais 
([uand  celui-ci  fut  dégrisé,  il  lui  fit  administrer  pour 
sa  récompense  soixante-dix-neuf  coups  de  knoul, 
mesurés  avec  une  ponctualité  tout -à-fait  russe. 
Tel  était  le  vieux  ours  Idanc  h  ([ui  M.  Hunt 


êi 


AS'IOIIIA.  5i7 

avait  alliiiiT.  Coinnient  il  s'arrangea  do  son  hu- 
meur ,  s'il  lui  fit  raison  en  rhum  se(r  et  en  pmicl» 
brûlant,  et  s'il  trinqua  avec  lui  en  faisant  ses 
marchés,  nous  n'en  voyons  rien  sur  son  journal. 
INous  devons  inférer  cependant  de  ses  observa- 
tions générales  sur  l'empire  absolu  de  ce  poten- 
tat altéré,  qu'il  fut  obligé  de  se  «îonformer  aux 
usages  de  la  Cour,  et  cjue  leurs  transactions  com- 
merciales présentaient  un  grotesque  mélange  de 
punch  et  de  peaux. 

Cependant  ce  qui  contrariait  le  plus  M.  Hunt, 
c'étaient  les  retards  qu'il  éprouvait  h  disposer  de 
la  carrraison  de  son  navire  et  à  en  obtenir  le 
prix.  Malgré  toute  la  dévotion  du  Gouverneur  à 
la  bouteille,  elle  n'offusquait  jamais  ses  facultés 
de  manière  à  lui  faire  oublier  ses  intércts_,  et 
M.  Hunt  le  représente  comme  aussi  rusé  dans 
ses  marchés  que  le  plus  méchant  buveur  d'eau. 
Beaucoup  de  temps  se  passa  à  négocier  avec  lui, 
et  lorsque  le  traité  fut  conclu,  le  mois  d'oc- 
tobre était  arrivé.  Pour  ajouter  à  ces  délais ,  il 
fut  convenu  que  la  cargaison  serait  payée  en 
peaux  de  veaux  marins.  Or,  il  se  trouva  qu'il  n'y 
avait  aucune  de  ces  peaux  au  fort  du  vieux  Ba- 
ranhoff.  ïl  fallut  donc  (pie  M.  Hunt  se  rendît  à 
un  établissement  pour  la  pêche  du  veau  marin, 
(armé  par  la  Compagnie  russe  sur  l'île  de  Saint- 
Paul,  ilans  la  mer  du  Kamlschatka.  M.  Hunt  mit 


'^^ 


*m 


1 

u 


m 


i'\im 


m 


M 


Si„3: 


il 


17 


^.i,*;! 


5i8  ASToniv. 

à  la  voilo  lo  j  octobre,  après  avoir  passé  (ju.iranlo- 
cinq  jours  à   boire  et  à  trafiquer  avec   le  sobre 
commandant.  Encore  s'estima-1-il  l'ort  heureux 
iTctre  tiré  des  £»riires  de  cet  .<  homme  de  la  mer.  » 
Le  Castor  arriva  ù  Saine-Paul  le  Si   octobre, 
époque  à  laquelle  il  aurait  du  ètic  de  retour  à 
Astoria.  L'ile  Saint-Paul  est  située  par  67  degrés 
de»  latitude  nord.  Les  rivages,  dans  certaines  sai- 
sons, sont  couverts  de  veaux  marins.  Les  Russes 
prennent  seulement  les  petits,  âgés  de  sept  à  dix 
mois,  gardent  les  mâles  et  donnent  la  liberté 
aux  femelles  pour  que  la  race  ne  diminue  point. 
Les  insulaires  tuent  les  gros  pour  les  manger 
et   pour  faîre  des  canots   de  leur  peau.  Ils  les 
chassent  du  bord  de  la  mer^  par-dessus  les  ro- 
cl.^/s,  jusqu'auprès  de  leurs  habitations,  et  les 
égorgent  alors.  Par  ce  mo^'en  ils  s'épargnent  la 
peine  de  les  transporter.  Après  les  avoir  écorchés 
tous ,  on  sépare  de   la  chair  les  entrailles  et  la 
graisse  huileuse.  Cette  graisse,  avec  le  bois  ilotté, 
sert  à  faire  du  feu,  car  l'ile  est  entièrement  dé- 
nuée d'arbres.  Quant  h  la  chair,  elle  compose  la 
principale  nourriture  des  Naturels,  qui  y  joignent 
des  œufs    d'oiseaux  de  mer  conservés  dans  de 
l'huile,  quelques  lions  marins  attrapés  par  aven- 
ture,  quelques  canards  dans  l'hiver,  ei  certaines 
racines  sauvages. 

Sept  Russes  et  une  certaine  quantité  de  chas- 


AS  roui  A  II  () 

scurs,  nalils  dOonnlaska,  hahilairnt  l'ilr  Saint- 
Paul  avec  leurs  (ainillcs.  Leurs  cahaiies  ressem 
blaleiit  à  des  canots  renversés,  et  la  plupart  élaienl 
construites  avec  des  mâchoires  de  baleine  qui 
servaient  de  solives.  Des  morceaux  de  bois  flotté, 
placés  en  travers,  étaient  recouverts  d'herbe,  de 
peaux  et  enfin  de  terre.  Mali»rc  la  rigueur  du  cli- 
mat,, ces  huttes  étaient  tout-à-fait  comfortables , 
mais  elles  avaient  une  odeur  de  marée  aussi  forte, 
nous  dit-on,  «  que  celle  du  logement  de  Jonas 
dans  la  baleine.  » 

M.  Hunt  habitait  de  temps  en  temps  une  de 
s  odoriférantes  demeures ,  afin  d'être  plus  à 
portée  de  hâter  le  chargement  du  vaisseau.  Ce- 
pendant l'opération  était  assez  lente,  car  il  fallait 
examiner  chaque  paquet ,  afin  de  n'être  point 
trompé  :  puis  il  fallait  transporter  les  pelleteries 
dans  de  grands  bateaux  de  peaux,  jusqu'au  na- 
vire qui  se  tenait  à  une  certaine  distance  du  ri- 
vage. Une  nuit,  tandis  que  M.  Hunt  était  à  terre 
avec  quelfjues  autres  personnes  de  l'équipage,  il 
s'élev.'^  ivt  0  âge  terrible.  Quand  le  jour  arriva  le 
vaissLi  A  M'Ai  disparu.  M.  Hunt,  rempli  d'anxiété, 
le  chercha  jtrr  ju'à  la  nuit  sur  la  vaste  étendue  de 
l'Océan;  mais  ce  fut  en  vain.  Pendant  plusieurs 
jours, il  alla  chaque  matin  contempler  trislement 
ces  ondes  mugissantes ,  mais  il  n'apercevait  rien 
que  des  vagues  sombres  et  un  firmament  charité 


m 


il 


'■m 

m 


i 

il! 

il 


i'  '  '1 


m 


'  1  m\ 


J2.0  ASTORIA. 

de  toutes  les  menaces  ilu  nord.  Le  soir,  il  se  reti- 
rait sous  les  mâchoires  de  baleine,  et  se  couchait 
désolé  sur  des  peaux  de  veaux  marins. 

Enfin,  le  i?>  novembre,  le  Castor  reparut,  mais 
très  fatigué  par  les  tourmentes  qu'il  avait  subies 
dans  ces  mers  hyperboréennes.  Pour  se  mainte- 
nir dans  ces  parages,  il  avait  été  obligé  de  mettre 
des  voiles  dehors,  malgré  la  violence  du  vent,  et 
avait  par  conséquent  beaucoup  souffert  dans  sa 
voilure  et  dans  ses  manoeuvres.  , 

M.  Hunt  se  hâta  t  ^'.'ve  transporter  le  reste 
de  sa  cargaison;  puis,  a.  ^nt  adieu  à  ses  amis  les 
mangeurs  de  phoques  et  à  leurs  habitations  d'os 
de  baleines,  il  se  remit  encore  une  fois  en  mer. 

Il  était  alors  en  route  pour  retourner  à  Asto- 
ria,  et  il  aurait  été  heureux  pour  les  intérêts  de 
l'Établissement  et  de  son  fondateur,  qu'il  y  fût 
effectivement  retourné;  mais,  malheureusement, 
une  question  embarrassante  s'éleva  dans  son  es- 
prit. Les  voiles  et  les  manœuvres  du  Castor  avaient 
été  fort  endommagées  par  la  dernière  tempête. 
Serait-il  capable  de  résister  aux  violents  coups  de 
vent  auxquels  on  devait  s'attendre  en  se  dirigeant, 
h  cette  époque  de  l'année,  vers  la  Colombia?  Était- 
il  prudent,  dans  cette  saison  tempétueuse,  de 
compromettre  la  riche  cargaison  (|ue  le  vaisseau 
contenait  déjà ,  en  passant  et  en  repassant  la  barre 
dangereuse  de  cette  rivière.'*  Ces  doutes  étaient 


ASTOHIA.  321 

probabiemciil  suggéiTs  et  appuyés  par  le  capi- 
taine Sowle,  (jui,  comme  nous  l'avons  déjà  vu, 
était  doué  d'un  excès  de  prudence,  ou  plutôt  de 
timidité.  Ils  peuvent  avoir  eu  quelque  poids  sur 
l'esprit  de  M.  Hunt,  mais  il  y  avait  d'autres  con- 
sidérations qui  l'influençaient  tlavantage.  Les  dé- 
lais imprévus  que  le  navire  avait  éprouvés  h  New^- 
Archangel,  et  le  temps  qu'il  avait  perdu  par  l'o- 
bligation d'aller  jusqu'à  l'île  Saint-Paul,  l'avaient 
tellement  retardé,  ([u'il  courait  risque,  en  arri- 
vant si  tard  à  Canton,  de  ne  trouver  qu'un  mau- 
vais marché,  tant  pour  la  vente  des  pelleteries  que 
pour  l'achat  d'une  cargaison  de  retour.  M.  Hunt 
croyait  donc  que  l'intérêt  de  la  Compagnie  exigeait 
qu'il  se  rendît  avec  le  vaisseau  aux  îles  Sandwich, 
et  qu'il  s'y  fit  débarquer,  afin  de  laisser  le  Castor 
continuer  immédiatement  sa  route  vers  Canton. 
Lui-même  pouvait  attendre   dans   l'Archipel    le 
vaisseau  annuel  de  New^-York,  pour   revenir  à 
Astoria. 

D'un  autre  côté,  il  était  détourné  de  celte  mar- 
che par  ses  engagements,  par  le  plan  de  voyage 
tracé  au  Castor  dans  les  instructions  de  M.  Astor, 
par  sa  propre  inclination,  par  la  possibilité  que 
l'Etablissement  eût  besoin  de  sa  présence,  ot  par 
la  pensée  qu'il  devait  y  avoir  dc^'à  à  Astoria  une 
grande  quantité  de  pelleteries  n'attendant  que  le 
relourdu  Caslorpourètretransportées  ;iu  marché. 

II.  9A 


Mî 


m 


il 


■i*!:! 


m 
m\ 


■II'  '1 

m 


!ii.' 


<% 

1,111  hl^ 


•niDU 


r' 


322  ASTORIA. 

Ces  questionii  cmiKiiTnssanles  agitaient  l'ospiil 
(le  M.  Iliiiil,  et  lui  inspiraient  des  réllexions  plei- 
nes de  sollicitude  ;  car  c'était  un  homme  conscien- 
cieux ,  qui  païaît  avoir  toujours  eu  en  vue  le  fidèle 
accomplissement  de  ses  devoirs,  et  l'intérêt  de  ses 
commettants.  La  détermination  qu'il  prit  dans 
cette  circonstance  ne  fut  pas  judicieuse,  et  l'évé- 
nement le  prouva  :  mais  il  s'était  persuadé  qu'il  y 
avait  nécessité  de  porter  vers  les  îles  Sandwich, 
et  que  l'état  de  délabrement  du  vaisseau  ne  lui 
laissait  pas  d'autre  alternative.  Peut-être,  d'ail- 
leurs, ne  fit-il  que  céder  aux  représentations  du 
timide  Capitaine.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  se  dirigea 
vers  les  iles  Sandwich,  et  on  jeta  l'ancre  à  Woahoo. 
Le  vaisseau  y  subit  les  réparations  nécessaires, 
et  remit  en  mer  le  i^'  janvier  181 5,  laissant 
M.  Hunt  dans  l'ile.  Nous  suivrons  le  Castor  à 
Canton ,  car  sa  destinée  est  liée  au  tissu  d'infor- 
tunes et  de  contre-temps  qui  paralj^sèrent  la 
grande  entreprise  que  nous  racontons.  La  on- 
duite  de  son  capitaine  peut  servir,  d'ailleurs,  à 
démontrer  les  inconvénients  qu'il  y  a  à  ce  que  les 
commandants  de  vaisseau  agissent  contrairement 
à  leurs  ordres. 

Le  Castor  arriva  heureusement  à  Canton,  et 
son  capitaine  y  trouva  une  lettre  de  M.  Astor, 
qui  l'informait  de  la  guerre  et  le  chargeait  d'en 
porter  la  nouvelle  à  Asloria.  Soit  obstination, 


AsroHiA.  ?>'ir> 

soit  timiililé,  il  ik;  voulut  pus  ixéculer  les  ordre  s 
tl(!  M.  AsJor,  et  lui  ôcTivil   qu'il   al  tendrait  en 
Chine  le  retour  de  la  paix  ,  et  retournerait  ensuite 
à  New- York.    Les  autres  mesures  du  capitaine 
Sowle  furent  également  maladroites  et  malheu- 
reuses.  On  lui  olli'it  760,0(^0  fr.  des  fourrures 
qu'il  avait  à  bord  du  Castor.  Les  marchandises 
avec  lesquelles  on  se  les  était  procurées  n'avaient 
coûté  que  i  25,ooo  fr,,  à  New- York.  Si  le  Capi- 
taine avait  accepté  cette  oHVe ,  et  avait  employé 
In  somme  en  nankins  (qui ,  à  cette  époque,  étaient 
tombés  aux  deux  tiers  de  leur  prix  ordinaire ,  à 
cause  de  la  guerre),  ces  nankins  auraient  valu  à 
New- York  i,5oo,ooo  fr.  !î  est  vrai  que  la  guerre 
rendait  peu  sûr  de  tenter  le  retour;  mais  le  Capi 
laine  aurait  pu  mettre  ses  nankins  en  magasin  à 
Canlon,  et  faire  voile  pour  Astoria,  sans  crainte 
de  capture.  Il  aurait  appris  aux  Partners  la  nou- 
velle des  grands  profits  réalisés  sur  sa  cargaison  , 
et  de  ceux  encore  plus  grands  qu'on  pouvait  espé- 
rer des  marchandises  de  remplacement.  De  si  bril- 
lants avantages  dès  le  commencement  de  l'en- 
treprise auraient  contre-balancé  la  sombre  in- 
tluence  de  la  guerre,  et  auraient  rempli  tous  les 
esprits  de  courage  et  de  persévérance.  Au  lieu  de 
cela  le  capitaine  SowIc,  hésitant  el  marchandant 
pour  obtenir  un  meilleur  prix,  refusa  rolfre  de 
750,000  fr.  qui  lui  avait  été  faite.  Cependant  la 


fil 

if' 

II 

mm 

n 

iilll 

PI, 


:V  '4 


i 


'  l'iti'l:  ( 


ïri 

M 


iih:*;î 


"11,5 


II 


■m 

M} 


il 


32/j  ASTORIA. 

valeur  des  pelleteries  commença  à  baisser  :  cela  ne 
fit  qu'augmenter  son  irrésolution.  Enfin  elles 
tombèrent  si  bas,  qu'il  ne  voulut  plus  vendre  du 
tout.  11  emprunta  de  l'argent  à  dix-huit  pour 
cent,  au  compte  de  M.  Astor,  <  t  désarma  son 
vaisseau  pour  attendre  le  retour  de  la  paix. 

Cependant  M.  Ilunt  avait  eu  bientôt  dés  motifs 
de  se  repentir  d'avoir  changé  la  marche  du  Castor, 
car  sa  résidence  aux  îles  Sandwich  se  prolongeait 
bien  au-delà  de  ses  calculs.  Durant  tout  le  prin- 
temps il  attendit  en  vain  le  vaisseau  annuel.  Lui 
aussi  commençait  h  reconnaître  combien  il  avait 
eu  tort  de  s'écarter  des  ordres  précis  de  M.  Astor. 
S'il  était  retourné  de  Saint-Paul  h  Asloria ,  il  au- 
rait prévenu  toute  l'anxiété  qu'on  avait  éprouvée 
sur  son  compte,  tout  le  découragement  qui  s'était 
répandu  sur  l'entreprise  entière;  enfin  le  Castor 
aurait  pris  les  fourrures  rassemblées  h  la  Facto- 
rerie, et  les  aurait  transportées  h  Canton  ;  de  sorte 
qu'il  en  serait  résulté  de  grands  bénéfices,  au  lieu 
de  grandes  pertes.  La  plus  grande  erreur,  toute- 
fois, fui  celle  commise  par  le  capitaine  Sowle. 

Vers  le  20  du  mois  de  juin,  le  vaisseau  l'Alba- 
tross,  capitaine  Smith,  arriva  de  la  Chine,  et  ap- 
porta aux  îles  Sandv\rich  les  premières  nouvelles 
de  \iK  guerre.  M.  Hunt  ne  fut  plus  en  doute,  dès 
lors,  sur  la  cause  qui  avait  empêché  le  vaisseau 
annuel  d'arriver.  Ses  premières  pensées  furent 


T 


AoTOllIA.  325 

pour  le  bien-êlre  d'Astoria.  Imaginant  qu'on  de- 
vait y  avoir  besoin  de  vivres,  il  nolisa  l'Albatross, 
au  prix  de  10,000  fr.,  pour  se  l'aire  transporter, 
avec  quelques  provisions ,  à  l'embouchure  de  la 
Colombia.  Il  y  arriva ,  comme  nous  l'avons  vu ,  le 
20  août  1 8 1 3,  après  une  année  d'aventures  mari- 
times, qui  auraient  pu  fournir  un  chapitre  aux 
voyages  de  Sindbad  le  marin. 


l 


m 
■11) 


'Mi 


'li 


UN 


M 


m 

'  '  ''  iSiJ 

ni 

^■'l'Pi 

CHAPITRE   LVII. 


Arrangements  pris  par  les  Partners.  —  M.  Hunt  re|)art  dans 
l'Albatross.  —  Jl  arrive  aux  îles  Maïquesas.  —  Il  appienii  tles 
nouvelles  de  la  frégate  anglaise  la  Phœbé.  —  Il  se  rend  aux 
îles  Sandwich.  —  Voyage  de  l'Alouette.  —  Son  naufrage.  — 
Conduite  de  Tamaahmaah  et  des  insulaires  envers  les  nau- 
fragés. 

M.  Hunt  fui  accablé  de  surprise  quand  il  apprit 
que  les  Partners  avaient  résolu  d'abandonner 
Astoria.  Cependant  il  s'aperçut  bientôt  que  les 
choses  avaient  été  trop  loin,  et  que  cette  mesure 
était  trop  arrêtée  dans  l'esprit  de  ses  co-partners, 
pour  qu'aucune  opposition  de  sa  part  pût  y  mettre 
obstacle.  Il  était  ébranlé  d'ailleurs  par  les  rapports 
décourai^eants  qu'on  lui  faisait  sur  le  commerce  in- 
térieur, etqu'on  avait  déjà  envoyés  à  M.  Astor.  Lui- 
même  avait  éprouvé  bien  des  perplexités,  bien  du 
découragement.  Il  avait  une  consciencieuse  sollici- 
tude pour  les  intérêts  de  M.  Astor,  et  ne  compre- 
nant point  ses  vues  élevées,  ni  son  habitude  d'o- 
pérer avec  de  grands  capitaux ,  il  avait  été  effrayé, 
dès  le  commencement,  par  l'énorme  mise  de  fonds 
qui  était  nécessaire.  Il  avait  ensuite  été  décourage 
parles  pertes  souffertes,  qui  lui  paraissaient  d'uno 


^ 


\SltHUA.  527 

s>raiKleur  ruineuse.  Par  degrés  donc  il  (ut  amené  à 
acquiescer  à  la  résolution  prise  par  ses  collègues, 
comme  étant,  peut-être,  nécessitée  par  la  gravité 
des  circonstances.  Son  unique  souci  devint  alors 
de  terminer  l'affaire  avec  le  moins  de  perte  pos- 
sible pour  M.  Astor. 

Une  grande  quantité  de  riches  fourrures  étaient 
rassemblées  à  la  Factorerie,  et  il  était  nécessaire 
de  les  faiie  parvenir  sur  un  marché.  II  y  avait 
aussi  viugt  cincj  insulaires  sandwichiens  employés 
par  la  Compagnie  et  qu'elle  s'était  obligée  à  ren- 
voyer dans  leur  pays  natal.  Ces  deux  objets  im- 
posaient la  nécessité  de  se  procuier  un  vaisseau. 

L'Albatross  était  destiné  pour  les  des  Marque- 
sas,  et  de  là  pour  l'archipel  Sandwich.  Il  fut  dé- 
cidé que  M.  Hunt  s'y  embarquerait  pour  aller  à  la 
recherche  d'un  bâtiment,  et  reviendrait,  s'il  était 
possible,  avant  le  1"  janvier  i8i/| ,  amenant  avec 
lui  un  renfort  de  provisions.  Cependant,  si  quel- 
que cht>se  l'empêchait  de  revenir,  il  était  convenu 
qu'on  proposerait  un  arrangement  à  Mac  Tavish, 
pour  transférer,  du  service  de  la  Compagnie  amé- 
ricaine des  Fourrures  à  celui  de  la  Compagnie  du 
Nord-ouest,  ceux  des  hommes  qui  consentiraient 
à  cet  arrangement.  Dans  ce  cas,  Mac  Tavish  de- 
venait responsable  de  leurs  gages,  et  devait  rece- 
voir un  équivalent  en  marchandises  des  magasins 
de  la  Factorerie.  Comme  un  moyen  de  faciliter 


m 


M 

)  •"ni 

m 


4 

fJlHW 


ji 


mi 

m 


•i\ià 


^■■d 


^9.8  ASioniA. 

rcxpétlilion  k;  cctlo  alïhire,  M.  Mac  Doui^al  pro- 
posa que  tout  raiTai)f»ement  avec  Mac  Tavisli  iïit 
condé  à  lui  seul ,  clans  le  cas  où  M.  lïunt  ne  serait 
pas  revenu.  On  y  consentit,  cette  dernière  cir- 
constance étant  regardée  comme  possible,  mais 
comme  peu  prohalilc». 

11  convient  de  remar(|uer  ici  que  déjii  trois 
des  Clercs,  qui  étaient  Ant^lais,  avaient  passe  au 
service  de  la  Compagnie  du  Nord-ouest,  du  con- 
sentement de  MacDougal,  et  étaient  partis  avec 
Mac  Tavish  pour  son  poste  de  l'intérieur,  aussi- 
tôt que  l'intention  de  dissoudrvî  l'association  avait 
été  annoncée. 

Après  avoir  demeuré  six  jours  à  Astoria  pour 
arranger  toutes  ces  affaires,  M.  Hunt  fit  voile 
dans  l'Albatross  le  26  août  181 5,  et  arriva,  sans 
accidents,  aux  iles  Marquesas.  Il  n'y  avait  point 
long-temps  qu'il  s'y  trouvait,  quand  le  commo- 
dore  Porter  y  arriva  sur  la  frégate  l'Essex,  ame- 
nant avec  lui  un  crand  nombre  de  baleiniers  an- 
glais,  qu'il  avait  capturés  dans  l'Océan  Pacifique. 
M.  Hunt  apprit  du  Commodore  que  la  frégate 
anglaise  la  Phoebé,  accompagnée  d'un  vaisseau  de 
charge  armé  d'une  manière  convenable  à  l'at- 
taque des  forts,  était  arrivée  h  Rio-Janeiro,  où 
elle  avait  été  jointe  par  les  sloops  de  guerre 
le  Chérubin  et  le  Raton  (Racoon).  Tous  en- 
semble avaient  mis  à  la  voile,  le  6  janvier,  ])our 


VSTOIUA.  vi20 

rOcrnn  Pa(M(i(|ue  et  se  dirigcaiciil,  m  va)  ([iic  l'on 
supposait,  vris  la  Golombia. 

C'était  là  l'arrêt  de  mort  du  malheureux  Éta- 
blissement, et  M.  Ilunt  se  vit  plongé  dans  des 
perplexités  plus  grandes  que  jamais.  11  avait  fait 
tous  ses  elïbrls  pour  tirer  M.  Aslor  d'une  mau- 
vaise affaire,  avec  aussi  peu  de  perle  que  possi- 
ble, mais  voilà  que  toutes  ses  avances  allaient 
être  englouties  à  la  fois.  Gomment  prévenir  ce 
danger?  Il  était  impossible  de  noiiser  un  vaisseau, 
maintenant  qu'une  escadrille  anglaise  se  dirigeait 
vers  la  Colombia.  M.  Hunt  voulut  acheter  un 
des  navires  baleiniers  amenés  par  le  commodore 
Porler;  celui-ci  en  ayar  i  demandé  i  25,oo(>  fr., 
le  prix  parut  exorbitant,  et  l'afiàire  ne  put  avoir 
lieu.  M.  Ilunt  pressa  alors  le  Commodore  d'équi- 
per une  de  ses  prises  et  de  l'envoyer  à  Astoria 
poin'  en  ramener  les  marchandises  et  une  partie 
des  habitants.  Le  Commodore  refusa  ,  disant 
«  qu'il  n'avait  pas  l'autorité  nécessaire.  »  11  as- 
sura cependant  M.  Hunt  qu'il  tacherait  de  ren- 
contrer les  ennemis,  et  que  ,  s'il  apprenait  avec 
certitude  qu'ils  se  lussent  dirigés  vers  la  Colom- 
bia, il  s'y  rendrait  aussi,  pourvu  que  les  circon- 
stances le  lui  permissent. 

Dans  cet  état  d'incertitude,  M.  Hunt  fut  le- 
tenu  aux  Marqucsas  juscju'au  jS  novembre,  et  se 
rendit  alorS;  diuis  l'Albalross,  aux  Iles  Sandwich. 


m 


HtUr 

'iifi 


m 


'  1*1  f 


Il  '»illl 

m 


m 

Mil 


m 


'Wii 


35o 


ASTOHIA. 


l\Iali»ré  la  guerre  et  les  autres  événements  décou- 
rn«eniils,  il  conservait  encore  un  faible  espoir  d*y 
apprendre  des  nouvelles  du  vaisseau  annuel;  car 
il  savait  quel  orgueil  et  quel  intérêt  M.  Astor 
mettait  à  sa  grande  entreprise,  et  il  ne  le  croyait 
pas  capable  de  se  laisser  décourager  par  les  ob- 
stacles. C'était  seulement  lui  rendre  justice,  et 
nous  allons  maintenant  expliquer  la  non-arrivée 
du  vaisseau  annuel  qui  avait  été  dépêché  avec 
des  renforts  et  des  provisions.  Ce  voyage  forme 
un  autre  chapitre  d'accidents  dans  cette  malen- 
contreuse histoire. 

L'Alouette  avait  fait  voile  de  New -York  le 
()  mars  i8i5,  et  était  heureusement  arrivée  à 
([uelqucs  degrés  des  îles  Sandwich,  lorsqu'elle  lui 
assaillie  par  une  tempête  d'une  épouvantable  vio- 
lence. C'était  un  noble  vaisseau,  et  pendant  quel- 
(|ue  temps  il  lutta  bravement  avec  l'orage.  Mal- 
heureusement il  fit  chapelle,  et  fut  frappé  par 
une  énorme  vague  ([ui  le  jeta  sur  le  bout  de  ses 
barrols.  En  même  temps  le  gouvernail  était  en- 
traîné sous  le  vent,  et  il  devenait  impossible  de 
gouverner  le  vaisseau.  Une  autre  vague  elfroyable 
l'ayant  renversé  complètement,  l'ordre  fut  donné 
de  couper  les  m;its,  et  dans  ia  précipitation  du 
moment  les  bateaux  furent  aussi  jetés  à  la  mer. 
Lorsque  le  vaisseau  se  redressa,  toutes  les  cou- 
vertures d'éeoutilles  étaient  emportées,  et  ce  né- 


7 


a 


ASTOllIA.  ^5l 

tait  pliis(|ii'un  ponton  rempli  d'caii  ri  });ilajcpar 
les  vagues  qu  passaient  par-dessus.  Quand  on 
appela  l'équipage,  un  des  hommes  lUMcpondit 
point.  On  le  découvrit  dans  le  gaillard  d'avant. 
Il  était  noyé. 

En  coupant  les  mâts,  il  avait  été  impossible 
♦^'observer  la  précaution  nécessaire  de  commen- 
cer par  les  agrès  situés  sous  le  vent,  car,  vu  la 
position  du  vaisseau,  ils  se  trouvaient  complète- 
ment submergés.  Les  mâts  et  les  espar res  restant 
ainsi  enchaînés  au  bâtiment  par  îcs  haubans  et 
par  les  agrès,  n'en  furent  détachés  qu'au  bout  de 
quatre  jours.  Durant  tout  ce  temps  le  vaisseau 
roula  dans  les  sillons  de  la  mer.  Les  houles  énor- 
mes brisaient  sur  lui,  enlevaient,  jetaient  çà  et  là 
les  esparres,  et  meurtrissaient  les  marins  à  demi 
noyés,  qui  s'attachaient  au  mât  de  beaupré  et 
aux  tronçons  des  autres  mâts.  Les  souffrances  de 
ces  pauvres  gens  étaient  intolérables.  Ils  étaient 
debout  dans  l'eau  jusqu'à  la  ceinture,  en  danger 
imminent  d'être  entraînés  par  chaque  vague. 
Dans  cette  situation  ils  n'osaient  point  dormir, 
de  peur  de  lâcher  leur  point  d'appui ,  et  d'être 
emportés  par  les  Ilots.  La  seule  place  sèche  sur 
le  vaisseau  était  le  mât  de  beaupré.  Là  les  nau- 
fragés se  faisaient  attacher  tour  à  tour  pendant 
une  demi-heure  et  jouissaient  ainsi  de  courts  in- 
tervalles de  sommeil. 


si 


m 


.m 


•H 


I  "Mw 


ê 


& 


'  *' 

■M 


■  m 

I  \l\ 
m 


F 


552  ASTOllIA. 

Le  i4>  If*  lieutenant  mourut  à  son  poste,  et  fut 
entraîné  par  la  houle.  Le  1 7,  deux  marins  épuisés 
(ie  fatigue  s'élant  évanouis,  furent  emportés  par 
une  vague.  La  houle  suivante  rejeta  'curs  corps 
sur  le  pont,  où  ils  restèrent,  balancés  ça  et  là, 
objets  de  terreur  pour  leurs  compagnons  à  moitié 
morts.   M.  Ogden,  le  subrécargue,  qui  était  sur 
le  mat  de  beaupré,  cria  aux  hommes  voisins  des 
corps  de  les  attacher  au  vaisseau,  horrible  et  der- 
nière ressource  contre  les  extrémités  de  la  faim. 
Le   19,  la  tempête  s'apaisa  graduellement,  et 
la  mer  devint  calme.  Les  marins  commencèrent  h 
se  traîner  faiblement  sur  les  débris  du  navire,  et 
à  le  débarrasser.  Les  csparres  furent  enlevées,  les 
ancres  et  les  canons  jetés  par-dessus  bord.   I^n 
vergue  de  civadière  servit  de  mât  de  fortune,  et 
le  perroquet  de  fougue  y  fut  ajusté.  Une  espèce 
d'échafaud  fut  construit  avec  quelques  esparres 
brisées  ;  les  naufragés  s'y  trouvaient  élevés  au- 
dessu'j  de  la  surface  de  l'eau,  et  pouvaient  y  doi* 
mir  à  leur  aise  sans  être  mouillés.  Cependant  ils 
soullraient  cruellement  de  la  faim  et  de  la  soif. 
Heureusement  il  y  avait  à  bord  un  insulaire  des 
îles  Sandwich,  nageur  expert,  qui  parvint  à  pé- 
nétrer dans  la  cabine.  Il  en  amenait  parfois  quel 
ques  bouteilles  de   vin  et  de   porter.   A  la   fin, 
étant  airivé  juscju'à  l'arrière  de  la  cale,  il  en  lira 
un  quartaut  de  vin,  Il  atteignit  aussi  un  peu  de 


I 


ASTORIA.  535 

porc  cru,  que  l'on  distribua  avec  la  plus  grande 
parcimonie.  Les  horreurs  de  cette  situation 
étaient  augmentées  par  la  \ue  de  nombreux  re- 
quins qui  rôdoient  autour  du  vaisseau  comme 
s'ils  avaient  attendu  leur  proie.  Le  24,  le  cuisi- 
nier, qui  était  un  Noir,  mourut,  et  ayant  été  jeté 
à  la  mer,  fut  h  l'instant  même  saisi  par  ces  mons- 
tres afTamés. 

Depuis  plusieurs  jours  les  malheureux  nau- 
fragés étaient  lentement  entraînés  par  leur  petite 
voHe,  lorsqu'ils  aperçurent  la  terre.  Ils  en  étaient 
éloignés  d'environ  quinze  lieues.  Pendant  deux 
ou  trois  jours  ils  furent  ballottés  çl\  et  là  sans  la 
perdre  de  vue.  Le  28,  ils  aperçurent,  avec  des 
transports  de  joie,  plusieurs  canots  qui  s'appro- 
chaient. Les  Sauvages  qui  les  montaient  vinrent  à 
bord,  et  apportèrent  une  précieuse  provision  de 
patates.  On  apprit  d'eux  que  la  terre  qu'on 
apercevait  était  une  des  îles  Sandwich.  Le  sons- 
lieutenant  et  l'un  des  marins  allèrent  h  terrt  u atis 
le  canot,  afin  de  se  procurer  de  l'eau  et  des  provi- 
sions, et  d'obtenir  l'aide  des  insulaires  pour  louer 
le  vaisseau  dans  un  havre. 

Ils  ne  revinrent  pas,  et  l'on  ne  reçut  aucun 
secours  du  rivage.  Le  lendemain,  dix  ou  douze 
canots  arrivèrent  auprès  du  navire,  mais  sebornè- 
rentà  ramer  à  l'entour,  commeautantde  rc([uins, 
et  ne  vouluient  pas  aider  à  le  conduire  à  terre. 


i 

il) 


1 

lii 

i 
H 

se, 

m 


II 

■'"* 

m-' 

i 

m 


m 

.  i.t.i.'ir 

■mi 


ilt: 


Sir 


T 


35/|  ASTOltlA. 

La  mei'  conlinuail  à  briser  sur  le  vaisseau  avec 
tant  (le  violence,   qu'il  était  impossible  de  ma- 
nœuvrer le  gouvernail  sans  le  secours  de  cordes. 
Les  gens  de  l'équipage  étaient  alors  si  affaiblis  par 
la  famine  et  par  la  soif,  que  le  Capitaine  pensa 
qu'il  leur  serait  impossible  de  résistera  la  fureur 
de  la  mer  quand  le  vaisseau  toucherait.  Il  crut 
donc  que  leur  seule  chance  de  salut  était  de  gagner 
la  terre  dans  les   canots  des  Indiens,   et  d'être 
prêts  à  recevoir  et  à  protéger  la  carcasse  du  na- 
vire quand  elle  serait  poussée  sur  le  rivage.  En 
conséquence,  il  fit   transporter  tous  ses  gens  à 
terre  ;  mais  à  peine  débarqués,  ils  furent  entourés 
par  les  Sauvages,  dépouillés  de  leurs  vêtemeiits, 
et  laissés  presque  nus.  Le  nom  de  cette  île  inhos- 
pitalière est  Tahoorow^a. 

Pendant  la  nuit  le  bâtiment  vint  échouer  au 
milieu  du  ressac ,  et  peu  de  temps  après  creva 
par  le  fond.  Le  lendemain  matin  de  nombreux 
tonneaux  de  provisions  furent  poussés  sur  le 
rivage.  Les  Naturels  les  défonçaient  pour  en 
prendre  les  cercles  de  fer,  mais  ils  ne  voulurent 
pas  permettre  h  l'équipage  de  toucher  h  leur  con- 
tenu, non  plus  que  d'aller  à  bord  du  vaisseau. 

Comme  l'équipage  manquait  de  tout,  et  qu'il 
pouvait  s'écouler  bien  du  temps  avant  de  trouver 
une  occasion  de  sortir  de  l'Archipel,  M.  Ogden  se 
lendil  à  l'ile  d'Hawaii  aussitôt  que  cela  lui  fut 


T  C  f 


ASTOItlA. 

possible,  et  s'ellbmi  trontrer  en  niraiiiçeinenl 
avec  le  Roi,  pour  soulager  la  misère  des  nau- 
fragés. 

L'illustre  Tamaahmaah ,  comme  nous  l'avons 
fait  voir  dans  une  autre  occasion,  était  un  habile 
trafiquant.  Dans  la  circonstance  actuelle  il  se  mon- 
tra fort  adroit  à  profiter  du  naufrage.  Ses  négo- 
ciations avec  Mac  Dougal  et  les  Eris  de  la  Compa- 
gnie américaine  des  Fourrures  n'eurent  que  peu 
d'influence  sur  3a  conduite,  et  ne  l'empêchèrent 
pas  de  profiter  de  l'infortune  des  Américains.  11 
consentit  à  leur  fournir  des  provisions  pendant 
qu'ils  demeureraient  dans  l'Archipel ,  et  k  leur 
faire  rendre  tout  ce  qu'on  pourrait  retrouver  de 
leurs  habits  ;  mais  il  stipula  que  le  vaisseau  lui 
serait  abandonné  comme  une  épave  jetée  par  la 
fortune  sur  son  territoire.  M.  Ogden  ayant  été 
obligé  de  consentir  à  ces  conditions  ,  le  grand 
Tamaahmaah  députa  son  favori,  John  Young,  le 
gouverneur  goudronné  d'Hawaii,  avec  un  certain 
nombre  de  gardes  royaux  ,  pour  prendre  posses- 
sion, au  nom  de  la  couronne,  des  débris  du  navire. 
Cela  fait,  les  marchandises  et  les  naufragés  furent 
transportés  à  Hawaii.  Les  bontés  rojales  ne  des- 
cendirent que  chichement  sur  ceux-ci ,  et,  à  ce 
qu'il  paraît,  ils  faisaient  maigre  chère.  Cependant, 
en  lisant  le  journal  du  vo}'age,  il  semblesingiilier, 
après  tous  les  maux  qu'ils  avaient  souilèrls,  de  les 


0 


II 


f  al 


'.lis 


ii  iirt 


li..,, 


Il   Jll 


IM 


556  ASTOR[A. 

trouver  assez  sensibles  à  de  petites  iiicommodilcs 
pour  s'écrier  que  le  Roi  était  «  un  monstre  sau- 
vace,  »  parce  qu'il  leur  avait  refusé  «  un  pot  pour 
faire  la  cuisine,  »  et  n'avait  pas  permis  à  M.  Ogden 
de  se  servir  d'un  couteau  et  d'une  fourchette 
sauvés  du  naufrage. 

Telle  fut  la  malheureuse  catastrophe  de  l'A- 
louette. Si  ce  vaisseau  avait  atteint  sa  destination, 
les  affaires  d'Astoria  auraient  pu  prendre  un  autre 
cours.  Une  singulière  fatalité  semble  avoir  pour- 
suivi toutes  les  expéditions  par  mer,  et  celles  par 
terre  n'étaient  pas  beaucoup  moins  désastreuses. 

Le  capitaine  Northrop  était  encore  aux  îles 
Sandw^ich,  le  20  décembre  i8i3 ,  quand  M.  Hunt 
y  arriva.  Celui-ci  acheta  immédiatement,  moyen- 
nant 5o,ooo  francs  ,  un  brick  nommé  le  Colpor- 
teur (Pedlar  ) ,  et  en  donna  le  commandement  au 
capitaine  Northrop.  Us  firent  voile  pour  Astoria 
le  22  janvier  18 14,  se  proposant  d'y  prendre  les 
marchandises  qui  s'y  trouvaient,  et  de  les  trans- 
porter, aussi  vite  que  possible,  dans  les  établisse- 
ments russes  de  la  côte  du  nord-ouest,  pour  les 
empêcher  de  tomber  entre  les  mains  des  Anglais. 
Tels  étaient  les  ordres  que  M.  Astor  avait  donnés 
au  capitaine  de  l'Alouette. 

Maintenant  laissons  M.  Hunt  accomplir  sou 
voyage,  et  racontons  ce  qui  s'était  passé  à  Astoria 
durant  son  absence. 


m 


*t!l 


lu 


GHAPITRt:   LVlll. 

Arrivée  de  Mac  Tavish  à  Astoria.  —  Conduite  de  ses  gens.  — 
Négociations  de  Mac  Dougal  et  de  Mac  Tavish.  —  Marché 
conchi  pour  le  transfert  d'Astoria.  —  Soupçons  concernant 
la  loyauté  de  Mac  Dongal. 

Le  2  octobre  i8i3  ,  environ  cinq  semaines 
après  que  M.  Hunt  eut  quitté  Astoria ,  M.  Mac 
Kenzie  partit  avec  deux  canots  et  douze  hommes 
pour  les  postes  de  MM.  Clarke  et  Stuart,  afin  de 
leur  apprendre  les  nouveaux  arrangements  pris 
à  la  Factorerie,  dans  la  dernière  conférence  des 
Partners. 

Il  n'avait  guère  fait  qu'une  trentaine  de  lieues 
quand  il  rencontra  une  escadrille  de  dix  canots, 
voguant  gaiement  sous  les  couleurs  britanniques. 
Les  Canadiens ,  comme  à  l'ordinaire ,  chantaient 
à  gorge  déployée. 

M.  Mac  Tavish,  qui  avait  équipé  cet  armement, 
avait  avec  lui  M.  J.  Stuart,  autre  Fariner  de  la 
Compagnie  du  Nord-ouest ,  quelques  Clercs ,  et 
soixante-huit  hommes  ;  en  tout  soixante-quinze 
personnes.  Il  avait  été  informé  que  la  frégate 
la  Phœbé  et  le  vaisseau  l'Isaac  Todd  étaient  en 
roule  pour  l'embouchure  de  la  Colombla,  et  il 


!^i:l 


mi 

i 


mi 

'«1., 


i 


lllkilM 


irilli 


m 


II. 


22 


I'"  '  rJ 

!p,i 

lis 


il' 


lll> 


|,Wl'l  11 


ïàê 


^5« 


^SrORfA. 


aliiiil  l«'s  y  altenilio.  M.  Claïke,  qui  avait  appris 
celte  nouvelle  alarmante  dans  son  comptoir  du 
Spokan,  venait  comme  passager  sur  un  des  canots. 
Dans  ces  conjonctures  M.  Mac  Kenzie  se  déter- 
mina éi^alement  à  retourner  h  Astoria.  Ilrehroussa 
donc  chemin  avec  la  flottille  ennemie ,  et  les  deux 
partis  campèrent  ensemble  pour  la  nuit.  Les 
Chefs,  bien  entendu,  conservaient  le  décorum 
convenable;  mais  les  subalternes  de  la  Compagnie 
du  Nord-ouest ,  ne  pouvant  se  modérer  dans  leur 
triomphe,  se  vantaient  qu'ils  planteraient  bientôt 
le  drapeau  britannique  sur  les  murs  d'Astoria, 
et  chasseraient  entièrement  les  Américains  du 
pays. 

Dan»  le  courant  de  la  soirée ,  Mac  Kenzie  eut 
avec  Clarke  une  secrète  conférence,  dans  laquelle 
ils  convinrent  de  partir  clandestinement  le  lende- 
main matin,  avant  le  point  du  jour,  afin  de  pré- 
venir Mac  Dougàl  de  l'arrivée  de  ces  nombreux 
adversaires.  Ceux-ci,  cependant,  avaient  été  éga- 
lement alertes.   Comme   les    canots   américains 
allaient  quitter  le  rivage ,  ils  furent  joints  par 
deux  canots  anglais,  où  se  trouvait  Mac  Tavish , 
accompagné  de  deux  Clercs  et  de  onze  hommes. 
Mac  Tavish  se  proposait  de  pousser  en  avant,  avec 
ceux-<;i,  pour  faire  des  arrangements,  et  de  laisser 
le  reste  du  convoi  attendre  ses  ordres  à  quelque 
distance  en  arrière. 


i 


i 


""if 


A. s  roui  A.  7kh) 

Liîs  deux  partis  arrivèrent  à  Asloria  le  7  oclo- 
l»re.  Les  «»eiKs  il  11  Noril-ouest  campèrent  sous  les 
canons  du  Fort,  et  déployèrent  les  couleurs  an- 
ij;laises.  Les  jeunes  gens  du  Fort,  natifs  des  États- 
Unis,  étaient  sur  le  point  d'arborer  l'étendard 
américain,  mais  Mac  Dougal  les  en  empêcha.  Ils 
furent  étonnés  de  celle  défense,  et  se  trouvèrent 
singulièrement  piqués  du  ton  et  des  manières  des 
partisans  de  la  Compagnie  du  Nord-ouest,  qui  se 
comportaient  a\ec  toute  la  fanfaronnade  habi- 
tuelle à  ces  héros  du  désert.  Enellet,  ils  se  con- 
sidéraient comme  les  vainqueurs  des  vainqueurs, 
et  ne  regardaient  les  Astoriens  inquiets  et  em- 
barrassés que  comme  un  peuple  conquis. 

Le  jour  suivant ,  Mac  Dougal  assembla  les  Clercs 
et  leur  lut  un  extrait  d'une  lettre  de  son  oncle, 
M.  Angus  Sliaw,  l'un  des  principaux  Partners  de 
la  Compagnie  du  Nord  ouest.  Cette  lettre  annon- 
çait l'arrivée  de  la  Phœbé  et  de  l'Isaac  Todd, 
«  pour  prendre  et  détruire  toutes  !es  possessions 
américaines  sur  la  cote  du  nord-ouest.  » 

Ces  nouvelles  ne  découragèrer  t  pas  ceux  des 
Clercs  qui  étaient  natifs  des  États  Unis.  Ils  étaient 
indignés  de  voir  leurs  couleurs  nationales  ame- 
nées par  un  commandant  canadien,  tandis  que 
l'élendard  anglais  leur  était ,  pour  ainsi  dire,  jeté 
au  visage.  Ils  étaient  aussi  piqués  au  vif  des  aiis 
avantageux  pris  par  les  agents  île  la  Compagnie  du 


û 


K 

i 


i 
fil  'J 


m 


îï'i 


''!  11!! 


m 


'à 

if 

■H 


m 

m 


f 


^»/|(>  ASIOHIA. 

Nord-ouest.  Dims  cetli^  disposllioii  (Tts^)!!!,  ils 
auraient  volontiers  cloue  leur  étendard ,  et  délié 
la  frégate.  Elle  ne  pouvait  pas  s'approcher  h  moins 
de  deux  lieues  du  Fort,  et  les  l)ateaux  ((u'elle  au- 
rait en\ojés  pouvaient,  disnient-ils,  étredctruils 
par  les  canons  américains. 

Cependant  les  alfaires  étaient  diric;ées  par  d<'s 
esprils  plus  froids,  plus  calculateurs,  et  (jui  ne 
iTSsentaient  rien  de  l'orgueil  patriotique,  ni  de  la 
chaleureuse  indignation  de  ces  jtuncs  hommes. 
I/exlrait  de  la  lettre  n'avait  probablement  été  lu 
par  Mac  Dougal  qu'afin  de  préparer  les  imagina- 
lions  h  une  opération  déjà  concertée.  Le  même 
jour  MacTavish  proposa  d'acheter  toutes  les  mar- 
chandises et  toutes  les  fourrures  appartenant  h  la 
Compagnie,  tant  à  Astoria  que  dans  l'intérieur, 
au  prix  coûtant.  M.  Mac  Dougnl  assuma  aussitôt 
toute  la  direction  de  cette  négociation,  en  vertu 
des  pouvoirs  dont  il  avait  été  investi  au  cas  que 
M.  Hunt  ne  revînt  pas.  Ces  pouvoirs,  h  la  vérité, 
étaient  spéciaux ,  et  ne  s'étendaient  pas  à  une  opé- 
ration de  cette  nature  et  de  cette  importance;  mais 
on  ne  fit  aucune  objection  au  rôle  qu'il  s'attri- 
buait, et  il  eut  bientôt  conclu  avec  Mac  Tavish 
un  arrangement  préliminaire  dont  celui-ci  avait 
tout  lieu  d'être  satisfait. 

M.  J.  Sluart  et  l'arrière-gardc  de  la  Compa- 
gnie  anglaise   arrivèrent   peu   de   temps    après, 


VSTOHIA.  ^!\\ 

Cl  campineiit  avec  IVIac  Tavisli.  iM.  .1.  Sluarl 
s'cicva  hautement  contre  Jes  termes  de  l'arrancc- 
ment,  et  insista  pour  mie  réduction  de  piix.  Il 
fallut  enlamer  de  nouvelles  négociations.  Les  de- 
mandes des  agents  anglais  étaient  faites  d'un  ton 
péreraptoire,  et  ils  semblaient  disposés  à  dicter 
leurs  volontés  comme  des  conquérants.  Les  Amé- 
ricains, remplis  d'indignation  et  d'impatience, 
trouvaient  que  Mac  Dougal  agissait  avec  lâcheté, 
sinon  avec  perfidie.  Celui-ci  se  rendait  conti- 
nuellement au  camp  des  Anglais  pour  négocier, 
au  lieu  de  rester  dans  sa  forteresse  et  d'y  recevoii* 
leurs  offres.  Sa  situation,  ohscrv ait-on,  n'était 
pas  assez  désespérée  pour  excuser  tant  d'abaisse- 
ment. Il  pouvait  insister  pour  obtenir  de  bonnes 
conditions.  Les  Anglais  avaient  perdu  leurs  mur 
nitions;  ils  n'avaient  pas  de  marchandises  pour 
acheter  des  provisions  aux  Naturels,  et  ils  étaient 
si  demies  de  tout,  que  Mac  Dougal  était  obligi; 
^Ic  les  nourr'r  pendant  ([u'il  négociait  avec  euji. 
Lui,  au  coniraire,  était  bien  logé  et  bien  appro- 
visionné. Il  avait  soixante  hommes,  des  armes,  dcvS 
munitions,  des  bateaux,  et  tout  ce  (jui  était  né- 
cessaire pour  la  défense  ou  pour  la  retraite.  Les 
Anglais,  sous  les  canons  de  son  fort,  étaient  à  sa 
merci.  Si  un  ennemi  paiaissail  au  large,  il  pouvait 
empaqueter  ses  marchandises  les  plus  précieiuses, 


I 


ê 

»iir 


m 


(illl 


'iijiiii 


.tm 


«I 


iH' 


.■■[ 


'ît!\'X  A  s  roui  A. 

et  SI)  i<'tirer  tiaiis  (juelqiic  endroit  cjuhc,  ou  hicn 
battre  tîii  retraite  dans  l'intérieur. 

Ces  considérations  n'eurent  pas  de  poids  au- 
près de  Mac  Dougal,  ou  furent  ëcarlées  par 
d'autres  motifs.  Les  termes  de  la  vente  furent 
abaisses  par  lui  au  prix  fixe  par  M.  J.  Stuart,  et 
une  convention  fut  si£»nce  le  i6  octobre,  par  la- 
quelle les  fourrures  et  les  marchandises  de  toutes 
sortes  appartenant  à  M.  Astor,  dans  le  pays  ,  pas- 
saient en  la  possession  de  la  Compaguie  du  Nord- 
ouest  ^  pour  environ  un  tiers  de  leur  valeur  réelle. 
En  retour,  la  Compagnie  garantissait  un  libre 
passage,  à  travers  les  postes  du  Nord-ouest,  à 
tous  ceux  qui  ne  voudraient  pas  entrer  à  son  ser- 
vice. Elle  se  chargeait  aussi  de  leur  payer  les  gages 
qui  leur  étaient  dus  et  dont  le  montant  devait 
être  déduit  du  prix  stipulé  pour  Astoria. 

La  conduite  et  les  motifs  de  M.  Mac  Dougal 
dans  toute  cette  affaire  ont  été  fortement  soup- 
çonnés par  les  autres  Partnei's.  Il  fut  accusé  d'a- 
voir donné  un  fausse  interprétation  aux  pouvoirs 
cfui,  à  sa  propre  demande,  lui  avaient  été  laissés 
par  M.  Hunt,  et  d'en  avoir  profité  pour  sacrifier 
les  intérêts  de  M.  Astor  à  la  Compagnie  du  Nord- 
ouest,  grâce  à  la  promesse  ou  h  l'espérance  d'un 
avantage  personnel. 

Il  soutint  toujours,  cependant,  qu'il  avait  fait 
pour  M,  Astor  le  meilleur  marché  que  les  cir- 


ASTOIUA.  545 

conslaiices  coinportasscnt,  puisque  la  IVë^alc  était 
attendue  d'heure  en  heure^  et  que,  dans  ce  cas,  tous 
les  biens  déposés  à  Astoiia  pouvaient  être  captu- 
rés. Quant  au  retour  de  M,  Hunt,  il  était  suivant 
lui  fort  problématique,  car  la  frégate  se  proposait 
de  croiser  le  long  de  la  côte  pendant  deux  ans,  et 
de  la  débarrasser  de  tous  vaisseaux  américains.  Il 
déclara  de  plus,  et  Mac  Tavish  corrobora  son 
assertion  par  un  certificat,  qu'il  avait  proposé  à 
ce  dernier  un  arrangement  suivant  lequel  les  four- 
rures auraient  été  expédiées  h  Canton,  pour  y 
être  vendues  au  compte  de  M.  Astor  et  à  ses  frais 
et  risques.  Cette  proposition  n'avait  pas  été  ac- 
ceptée. 

Nonobstant  toutes  ces  représentations,  plu- 
sieurs des  personnes  présentes  à  la  transaction,  e» 
instruites  des  détails  de  l'afFaire,  restèrent  ferme- 
ment persuadées  qu'il  avait  agi  d'une  manière  per- 
fide. Parmi  ces  personnes  était  Mac  Kenzie  lui- 
même,  qui  avait  été  son  coadjuteur  en  quelques 
circonstances.  Mac  Dougal  ne  réussit  pas  mieux 
à  se  disculper  auprès  de  M.  Astor.  Celui-ci  dé- 
clara, dans  une  lettre  écrite  quelque  temps  après 
à  M.  Hunt,  qu'il  regardait  ses  propriétés  comme 
données.  «  J'aui^ais  préféré,  ajoutait-il,  que  notre 
f<  établissement  eut  été  ouvertement  capturé.  Ce 
((  n'aurait  pas  été  pour  moi  une  sorte  d'humilia- 
((  tion.  » 


M  1 

II 


il.,, 
m 

f 

'Hj 


M 


,1 

'■11 
IMlM 


j  m 


rm 


•M- 


lié; 


'4H 


■;   ' 

^j 

l'I 

i 

1  M 

,'.  \. 

' 

il.' 

1  '■   < 

fu 

M 

!.l 

H 

,  1 

\â 

II 

m 

\m 


|H 


344  ASTORIA. 

Ces  soupçons  peuvent  ne  pas  être  mérités. 
Mais  une  circonstance  qui  leur  donne  certaine- 
ment beaucoup  de  poids,  c'est  que  M.  Mac  Dou- 
gal,  peu  de  temps  après  avoir  conclu  cet  arrange- 
ment, devint  membre  de  la  Compagnie  du  Nord- 
ouest,  et  en  tira  pour  sa  part  un  beau  revenu. 


V' 


CHAPITRE  LIX. 


ri' 

mû 


Arrivée  d'un  vaisseau  inconnu.  —  Af^italion  à  Asloria.  — 
Oft're  guerrière  de  Coniconily.  —  Les  Anglais  ])rennent 
possession  de  l'Etablissement.  —  Comcomly  est  indigné  de 
la  conduite  de  son  gendre. 


Dans  la  matinée  du  5o  novembre  i8i3,oii  vit 
un  navire  doubler  le  cap  Désappointement.  Il  vint 
jeter  l'ancre  dans  la  baie  de  Baker,  et  on  re- 
connut alors  i|ue  c'était  un  vaisseau  de  i^uerre. 
De  quelle  nation?  se  demanda-t-on  avec  inquié- 
tude. S'il  était  anglais,  pourquoi  venait-il  seul? 
où  était  le  vaisseau  marchand  qui  devait  l'accom- 
pagner? S'il  était  américain,  qu'arriverait-il  des 
propriétés  nouvellement  acquises  ii  la  Compagnie 
du  Nord-ouest? 

Dans  ce  dilemme,  Mac  Tavish  chargea  promp- 
tement  deux  barges  de  tous  les  paquets  de  four- 
lures  portant  la  marque  de  la  Compagnie  du 
Nord-ouest,  et  se  retira  vers  Tongue-point,  situé 
environ  une  lieue  plus  haut  sur  la  rivière.  Là,  il 
devait  attendre  un  signal  convenu  avec  Mac  Dou- 
gal  pour  lui  apprendre  si  le  vaisseau  était  amé- 
ricain. Dans  ce  cas,  il  avait  assez  d'a\ance  pour 
emporter  sa  riche  cargaison  datjs  l'inliMicur.  M  csl 


m 


fn 


4\\\ 


i 


^\6  ÀSTORIA. 

singulier  que  ce  moyen  rapide  d'emmener  des 
marchandises  précieuses,  mais  faciles  à  trans- 
porter, ne  se  fût  pas  présenté  h  l'esprit  de  Mac 
Dougal  lorsqu'elles  étaient  encore  la  propriété  de 
M.  Astor. 

Cependant  Mac  Dougal,  qui  était  resté  le  chel' 
nominal  du  Fort,  monta  dans  un  canot,  conduit 
par  des  hommes  récemment  à  la  solde  de  la  Com- 
pagnie américaine,  et  se  dirigea  vers  le  vaisseau. 
Pendant  la  route,  il  engagea  ses  gens  h  se  faire 
passer  pour  Américains  ou  pour  Anglais,  selon 
les  circonstances. 

Le  navire  se  trouva  être  le  sloop  de  guerre  an- 
glais le  Raton,  monté  de  vingt-six  canons  et  de 
cent-vingt  hommes,  et  commandé  par  le  capi- 
taine Black.  Suivant  le  récit  de  cet  ofîicier,  la 
frégate  la  Phoebé  et  les  deux  sloops  de  guerre 
le  Chérubin  et  le  Raton  avaient  fait  voile  de 
Rio- Janeiro  avec  l'Isaac  Todd.  M.  John  Mac 
Donald,  partner  de  la  Compagnie  du  Nord-ouest, 
s'était  embarqué  comme  passager  à  bord  de  la 
Phœbé,  afin  de  profiter  de  la  catastrophe  prévue 
d'Astoria.  Le  convoi  ajant  été  séparé  par  une 
tempête  en  doublant  le  cap  Horn,  les  trois  vais- 
seaux de  guerre  s'étaient  rejoints  à  l'Ile  de  Juan- 
Fernandez,  leur  rendez- vous  désigné,  mais  ils 
y  avaient  vainement  attendu  Tlsaac  Todd. 

Dans  le  même  temps,  ils  avaient  appris  le  ra- 


vage  que  le  commodore  Porter  faisait  paiini  les 
vaisseaux  baleiniers  anijlais.  Le  commodore  Mil- 
Ijer  a\  ut  mis  immédiatement,  à  la  voile  pour  le 
chercher,  avec  la  Phoebé  et  le  Chérubin,  après 
avoir  transféré  M.  Mac  Donald  sur  le  Raton,  et 
avoir  ordonné  à  ce  vaisseau  de  poursuivre  sa  route 
vers  la  Colombia. 

Les  officiers  du  Raton  entreprenaient  ce  service 
de  très  grand  coeur.  Les  agents  de  la  Compagnie 
du  Nord-ouest ,  en  demandant  l'expédition  , 
avaient  beaucoup  parlé  de  l'immense  butin  qui 
devait  être  fait  par  les  heureux  capteurs  d'As- 
toria.  M.  Mac  Donald  avait  entretenu  cette  espé- 
rance durant  le  voyage,  de  sorte  qu'il  n'y  avait 
pas  un  midshipman  qui  ne  rêv'»!  part  de  prise, 
pas  un  lieutenant  qui  eût  voulu  donner  sa  chance 
pour  un  millier  de  louis.  On  peut  donc  facilement 
comprendre  leur  désappointement,  quand  ils  ap- 
prirent que  leur  valeureuse  attaque  contre  Astoria 
avait  été  prévenue  par  un  pacifique  arrangement 
commercial;  que  leur  butin  rêvé  était  devenu 
propriété  anglaise,  selon  le  cours  régulier  du  né- 
goce, et  que  tout  cela  avait  été  effectué  par  la 
Compagnie  même  qui  les  avait  dépêchés  pour  cette 
belle  entreprise.  Ils  se  regardaient  comme  dupés 
par  une  société  de  malins  trafiquants,  qui  les 
avaient  employés  à  casser  la  noix,  et  ([ui  vu 
liraient  l'amande.  En   un  uu)t,   Mac  Doutai  fiil 


il 


lii  ling 


h"i 


i;t! 


ili 


|!'! 


i'»' 


i:^! 


'^/\3  AS  1  OKI  A. 

reçu  si  peu  graeieusement  par  ses  comp:ilriolcs  du 
vaisseau,  qu'il  raccourcit  aulanl  que  possible  sa 
visite,  et  s'empressa  de  rcgai^iier  le  rivage.  Il  s'oc- 
cupait activement  au  Fort  à  faire  ties  préparatifs 
pour  recevoir  le  capitaine  du  Raton,  quand  son 
beau-père  borgne  vint  le  trouver  avec  une  suite  de 
guerriers  Chinooks,  tous  peints  et  équipés  d'une 
manière  guerrière. 

Le  vieux  Comcomlj  avait  vu  avec  douleur  l'ar- 
rivée d'un  ((  ^rand  canot  de  guerre,  »  portant  le 
pavillon  anglais.  Le  rusé  Sauvage  était  très  fort 
sur  la  politique  depuis  ses  visites  journalières  à 
l'Établissement,  li  savait  que  la  guerre  existait 
entre  les  Américains  et  les  Anglais,  mais  il  ne 
connaissait  rien  de  l'arrangement  conclu  entre 
Mac  Dougal  et  Mac  Tavisli.  Tremblant  donc  pour 
le  pouvoir  de  son  gendre  blanc  et  pour  la  gran- 
deur récente  de  sa  fille,  il  avait  rassemblé  promp- 
tement  ses  guerriers.  «  Le  roi  George,  leur  avait-il 
dit ,  a  envoyé  son  grand  canot  pour  détruire  le 
Fort  et  pour  emmener  tous  les  habitants  en  es- 
clavage. Devons-nous  le  souffrir?  Les  Américains 
sont  les  premiers  hommes  blancs  qui  se  soient 
lixés  parmi  nous;  ils  nous  ont  traités  comme  des 
frères;  leur  grand  chef  a  pris  ma  fille  pour  sa 
*quaw  :  nous  ne  faisons  donc  qu'un  seul  peuple.  » 

Les  guerriers  avaient  résolu  de  combattre,  jus- 
qu'au dernier,  pour  les  Américains,  et  s'élaieiH 


en  coiisc'qnonro  peints  el  nrmés  en  guerre.  Coni- 
eomly  fit  une  vigoureuse  liarangueà  son  gendre. 
11  lui  oIFrit  de  tuer  tous  les  hommes  du  roi 
George  qui  essaieraient  de  débarquer.  C'était  une 
chose  facile  :  le  vaisseau  était  ohligé  de  s'arrêter 
à  deux  lieues  de  distance  du  Fort;  l'équipage  ne 
pouvait  arriver  que  dans  des  barques;  la  forêt 
s'avançait  jusqu'au  bord  de  l'eau  ;  Comcomly 
pouvait  s'y  embusquer  avec  ses  guerriers  et 
abattre  les  ennemis  à  mesure  qu'ils  mettraient  le 
pied  sur  le  rivage. 

Mac  Douiîal  fut  sans  doute  convenablement 
sensible  à  l'offre  paternelle  de  son  beau-père,  et 
se  sentit  peut-être  un  peu  humilié  par  ces  pen- 
sées généreuses  si  opposées  aux  siennes.  Toute- 
fois il  assura  Comcomly  que  cette  sollicitude  pour 
sa  sûreté  et  pour  celle  de  la  Princesse  était  su- 
perilue;  qu'à  la  vérité  le  vaisseau  appartenait  au 
l'oi  George  ,  mais  que  son  équipage  ne  ferait 
aucun  mal  ni  aux  Américains,  ni  aux  Indiens 
leurs  alliés.  Il  l'engagea  donc  ainsi  que  ses  guer- 
riers à  déposer  leurs  armes  et  leurs  chemises  de 
guerre,  à  laver  les  peintures  qui  couvraient  leurs 
corps,  et  à  se  montrer  enfin  comme  des  Sauvages 
propres  et  civils  pour  recevoir  les  étrangers. 

Comcomly  fut  cruellement  embarrassé  par  cet 
avis,  qui  s'accordait  si  peu  avec  les  idées  indiennes 
sur  la  manière  d'accueillir  une  nation  ennemie. 


il 


:'h! 


k 


iittii 


I 


50<)  ASTOHIA. 

Ce  lie  fut  rju'après  des  assurances  répétées  et  po- 
sitives des  intentions  amicales  des  étrangeis  qu'il 
l'ut  amené  à  renoncer  à  ses  projets  belliqueux. 
Il  dit  queUjue  chose  à  ses  i^ueiriers,  pour  leur 
expliquer  la  singulière  nature  des  affaires,  et  pour 
excuser,  peut-être,  la  conduite  pacifique  de  son 
gendre.  Les  guerriers,  haussant  les  épaules,  firent 
entendre  à  la  manière  indienne  un  grognement 
d'acquiescement,  et  s'en  retournèrent  d'un  air 
sombre  à  leur  village  déposer  leurs  armes  pour  le 
présent. 

Les  arrangements  nécessaires  pour  la  réception 
du  capitaine  Black  élant  terminés,  cet  officier  fit 
armer  son  bateau  et  débanpia  à  Astoria  avec  la 
pompe  convenable.  D'après  le  bruit  que  la  Com- 
pagnie du  Nord-ouest  avait  fait  de  la  force  de  la 
place,  et  d'après  l'armement  qu'elle  demandait 
pour  la  réduire,  le  capitaine  Black  s'était  attendu 
il  trouver  une  forteresse  de  quelque  importance. 
Quand  il  ne  vit  qu'une  palissade  et  des  bastions 
destinés  à  repousser  des  Sauvages,  il  ressentit  une 
surprise  mêlée  d'indignation  et  d'envie  de  rire. 
«  Comment  !  s'écriat-il,  c'est  donc  là  le  Fort  dont 
j'ai  tant  entendu  parler  !  Dieu  me  damne,  je  le  dé- 
molirais en  deux  heures  avec  un  canon  dequatre.  » 

Quand  il  apprit  ensuite  le  montant  des  riches 
fomrures  qui  étaient  passées  entre  les  mains  de 
la  Clompagnie  du  Nord-ouest,  il  devint  furieux,  et 


55  ï 


ASTOIUA.; 

insista  pour  qu'on  en  fit  l'inventaire,  «  alin  de 
pouvoir  forcer  la  Compagnie  à  en  restituer  la 
valeur.  » 

Cependant,  ayant  repris  son  sang-froid,  ii  re- 
nonça à  donner  suite  à  une  telle  réclamation,  et 
se  réconcilia  le  mieux  qu'il  put  avec  l'idée  d'a- 
voir été  prévenu  par  ses  mercantiles  coadjuteurs. 

Le  1 2  décembre ,  le  destin  d'Astoria  fut  con- 
sommé par  une  cérémonie  régulière.  Le  capitaine 
Black,  suivi  de  ses  officiers,  entra  dans  le  Fort,  fit 
arborer  le  drapeau  anglais,  brisa  une  bouteille  de 
vin,  déclara  à  voix  haute  qu'il  prenait  possession 
de  l'Établissement  et  du  pays,  au  nom  de  Sa  Ma- 
jesté Britannique,  et  changea  le  nom  d'Astoria  en 
celui  de  Fort-George. 

Les  guerriers  indiens,  qui  avaient  offert  leurs 
services  pour  repousser  les  étrangers,  étaient  pré- 
sents dans  cette  occasion.  On  leur  expliqua  que 
c'était  un  arrangement  amical  et  un  transfert. 
Mais  ils  secouèrent  leurs  têtes  d'un  air  sombre, 
regardant  cette  cérémonie  comme  l'acte  d'assujé- 
tissement  de  leurs  anciens  alliés.  Us  regrettaient 
d'avoir  cédé  au  désir  de  Mac  Dongal,  en  déposant 
leurs  armes  ,  et  remarquaient  que  ,  quoique  les 
Américains  cherchassent  à  cacher  le  fait,  ils 
étaient  indubitablement  tous  esclaves.  Us  ne  pu- 
rent être  persuadés  du  contraire  que  lorsqu'ils 


i 


imi 


M 


i%!"' 


ni* 


'.^n\ 


I  Ji|i 

■.■jt'N 


5.^2  ASTOniA. 

curent  vu   le    Kalou    s'éloigner    sans    emmener 
de  prisonniers. 

Quant  à  Comcomly,  il  ne  s'enorgueillissait  plus 
de  son  gendre  blanc  :  mais  quand  on  lui  en  de- 
mandait des  nouvelles,  il  répliquait,  en  secouant 
la  tête,  que  sa  lille  s'était  trompée,  et  qu'au  lieu 
de  prendre  un  grand  guerrier  pour  son  mari,  elle 
n'avait  épousé  qu'une  squaw^. 


T^ 


r 


CHAPITKE   LX 


Ariivét!  du  l.iick  )e  Colpoiieur  à  Astoiia.  -  Abamloi.  ,|,.  l'Kia- 
blisseinent.  -  Départ  de  la  |.l,.pait  de  ses  habitants.  _ 
Hisloiie  tragique  racontée  par  la  squaw  de  Pienv  Uoriou. 
--  Fin  tragique  de  Rwd  et  de  ses  compagnons.  -  M.  Astor 
s'efforce  inutilement  de  lenouveler  son  entreprise.  —  Con- 
clusion. 


Ayant  raconté  la  catastrophe  du  fort  d'Asloria, 
il  ne  nous  reste  plus  qu'à  complétci-  certaines  par- 
ties de  cette  vaste  narration,  et  enfui  à  conclure. 
Le  28  février  1814,   le  brick  le  Colporteur  jeta 
l'ancre  dans  la  rivière  Colombia.  On  se  rappelle 
que    M.   Hunt    avait  acheté    ce   brick  aux  îles 
Sandwich,  pour  enlever  les  fourrures  rassemblées 
à  la  Factorerie,  et  remener  les  Sandwichiens  dans 
leur  patrie.  Quand  il  apprit  avec  quelle  précipi- 
tation Mac  Dougal  avait  vendu  les  propriétés  de 
M.  Astor ,    il  exprima  son  indignation  dans  les 
termes  les  plus  forts,  et  résolut  de  tout  tenter  pour 
recouvrer  au  moins  les  fourrures.  Aussitôt  que  ses 
désirs  furent  connus  h  cet  égard,  Mac  Dougal  vint 
le  sonder,  au  nom  de  la  Compagnie  du  Nord- 
ouest  ,   en  offrant  de  s'employer  pour  lui  faire 
rendre  les  fourrures,  moyennant  une  prime  de 
cinquante  pour   cent.  Ces  ouvertures   n'étaient 


HtH 


.1  II 


«M 

'\ê 

pi 

,1*1,: 


H 

mi 


3')'i  ASTOHIA. 

point  (l(î  nahire  à  (limimicr  le  inrroiiU'iilciTHMit 
(le  M.Hiinl,  ,  v\  son  indi^n.iliou  Cul  coinplilc 
quand  il  découvrit  ([ue  Mac  Donf»al  élait  devenu 
Partner  de  la  Compai»nie  du  Nord-ouest  depuis 
le  25  décembre.  Ce  dernier  avait  cependant  tenu 
sa  nouvelle  position  secrète,  et  avait  gardé  en  sa 
possession  les  papiers  de  la  Compai»nie  américaine. 
Enfin  il  avait  continué  à  ai^ir  comme  agent  de 
M.  Astor,  quoique  deux  autres  Partners  de  la 
Compagnie  américaine  (  MM.  Mac  Kenzie  et 
Clarke)  lussent  présents.  Bien  plus,  il  avait  di- 
vulgué à  ses  nouveaux  associés  tout  ce  qu'il  con- 
naissait des  plans  de  M.  Astor,  et  avait  fait,  pour 
leur  instruction,  des  copies  de  sosie'  '  "es  d'alFaires. 
M.  Hunt  fut  alors  convaincu  que  toute  la  con- 
duite de  Mac  Dougal  avait  été  perfide  et  collu- 
soire. 11  n'eut  plus  d'autre  pensée  que  de  retirer 
tous  les  papiers  de  ses  mains,  et  de  terminer  cette 
malheureuse  affaire;  car  les  reconnaissances  de  la 
Compagnie  du  ^ord  ouest  pour  le  prix  d'acqui- 
sition n'ayant  pas  encore  été  délivrées,  les  intérêts 
de  M.  Astor  étaient  tout- à-fait  compromis. 
M.  Hunt  réussit  avec  quelque  peine  h  recouvrer  la 
possession  des  papiers  :  quant  aux  billets,  ils  lui 
furent  remis  sans  hésitation.  Il  les  confia  à  quel- 
ques-uns de  ses  associés,  qui  étaient  sur  le  point  de 
traverser  le  Continent  pour  se  rendre  h  New- York; 


après  quoi  i 


1  dit 


dei 


un  lier  nier 


ad 


leu  a 


Astoi 


la ,  et 


ASTolUA. 


"^5'^ 


s'emi>ar(|un,  le  !^  ;ivi-il,  sm'  \v  Colpoitiuir,  ncconi- 
pogno  par  fleux  des  Clercs ,  MM.  Selon  et  Halsey. 
Le  leiidemalu,  4  avril  i8i4,  1V1.  Clarke,  M.  Mac 
Kenzie,  M.  David  Sluarl;_,  et  les  autres  Astoriens 
qui  n'étaient  point  entrés  an  service  de  la  Com- 
pa£;ni(!  du  Nord-ouest,  se  mirent  en  roule  pour 
traverser  les  Montagnes  Koeheuses.  Nous  n'avons 
pas  rinlention  de  conduire  encore  une  fois  le 
lecteur  par-dessus  ces  sauvages  barrières  ,  mais 
nous  accompagnerons  la  caravane  un  bout  de 
chemin,  simplement  pour  raconter  la  rencontre 
d'une  personne  déjà  notée  dans  cet  ouvrage. 

Nos  voyageurs  avaient  remonté  la  Colombin, 
jusqu'à  l'embouchure  de  la  Wallah-Wallah,  lors- 
qu'ils virent  plusieurs  canots  indiens  quitter  le 
rivage  pour  les  venir  joindre  :  en  même  temps 
une  voix  les  engageait,  en  fiançais,  à  arrêter.  TIs 
poussèrent,  en  conséquence,  vers  la  rive,  et  fu- 
rent rejoints  par  les  canots.  A  leur  grande  sur- 
prise, ils  reconnurent,  dans  la  personne  qui  les 
avait  hélés,  la  squaw  de  Pierre  Dorion,  accom- 
pagnée de  ses  deux  enfants.  Elle  leur  raconta  son 
histoire,  qui  se  trouve  liée  avec  la  destinée  de 
plusieurs  de  nos  malheureux  aventuriers. 

On  se  rappelle  que  M.  John  Reed,  l'irlandais, 
avait  été  envoyé,  pendant  l'été  de  i8i3,  sur  les 
bords  de  la  rivière  des  Serpents.  Sa  brigade  était 
composée  de  quatre  Canadiens,  Gilles  Leclerc , 


m 


ii 


m- 

M' 


l!l|t 


lllll 


liltil 


11 


T 


5r»()  AMOHIA. 

François  Laiitlr)',  Ji'aii-Baptiste  Tiiirolle  et  An 
lire  Laclâupt'llt'.  Il  avait ,  eu  oulre,  doux  chasseurs, 
rieireDelamia^' et  Pierre  Dorioii;  celui-ci,  comme 
à  l'ordinaire,  accompagné  de  sa  femme  et  de  ses 
deux  enfants.  Leur  expédition  avait  un  double 
but.  Ils  devaient  trapper  le  castoi-,  et  chercher  les 
trois  chasseurs,  Rol)inson,  Hoback  et  Hizner. 

Dans  le  courant  de  l'aiitonnie  l'un  des  hommes 
deReed,  François  Landrj,  mourut.  Un  autre, 
Pierre  Delà  m  laj',  qui  était  d'un  caractère  diOicile 
et  farouche,  quitta  la  brigade  dans  un  accès  d'hu- 
meur, et  l'on  n'en  entendit  jamais  parler  depuis. 
Cependant  ces  pertes  furent  réparées  par  l'acces- 
sion des  trois  chasseurs ,  Robinson ,  Hoback  et 
Rizner,  qui  furent  retrouvés. 

Reed  construisit  une  maison  près  de  la  rivière 
des  Serpents,  pour  y  établir  ses  quartiers  d'hiver. 
Lorsqu'elle  fut  terminée  on  se  dispersa  pour  trap- 
per. Rizner,  Leclerc  et  Pierre  Dorion  allèrent  ù 
cinq  journées  de  là,  dans  un  endroit  bien  peuplé 
de  castors.  Ils  y  bâtirent  une  hutte,  et  commen- 
cèrent à  liapper  avec  grand  succès.  Tandis  que 
les  hommes  étaient  à  la  chasse,  la  femme  de  Pierre 
Dorion  restait  h  la  maison  pour  préparer  les  peaux 
et  les  repas.  Un  soir,  vers  le  commencement  de 
janvier  i8i4,  elle  était  occupée  à  faire  cuire  le 
souper  des  chasseurs,  quand  elle  vit  entrer  dans 
sa  hutte  Leclerc,  pille  sanglant   et    se  traînant 


AMoitlA.  CtJ'J 

i\  ptMiie.  Il  riiilorinn  que  se*  caiiinraclcs  vX  lui 
nvnicnl  v\v  surpi  is  ,  à  leurs  h  appcs  ,  par  une 
lioupe  (le  Sauvages  (pii  avaiciil  tué  IVi/ner  vl 
Pierre  Doiioii.  Kii  achevant  son  récit  il  tomba 
épuisé  sur  la  terre. 

La  pauvre  lemine  comprit  qu'une  fuite  instan- 
tanée était  la  seule  chance  de  salut  qui  lui  restât. 
Dans  cette  terrible  conjoncture  elle  déploya  toute 
la  présence  d'esprit,  toute  la  force  i\v.  caractère 
({ui  l'avaient  déjà  fait  remar([uer.  Elle  allrapa, 
avec  beaucoup  de  peine,  deux  des  chevaux  de  la 
brigade.  Ensuite,  empaquetant  ses  vêtements  et 
une  petite  quantité  de  chair  de  castor  et  de  sau- 
mon sé(^hé,  elle  les  plaça  sur  un  cliexal  el  aida  le 
blessé  à  y  grimper.  Elle-même  monta  sur  l'autre 
cheval  avec  ses  deux  enfants,  et,  se  hûtant  de  fuir 
ce  dangereux  voisinage,  se  dirigea  vers  l'établis- 
sement de  M.  Rééd.  Le  troisième  jour,  elle  aper- 
çut plusieurs  cavaliers  indiens,  qui  marchaient 
vers  Tes'.  Elle  descendit  immédiatement  de  che- 
val avec  ses  enfants,  et  a^'ant  aidé  Leclerc  à  en 
faire  autant,  ils  se  cachèrent  tous.  Heureusement 
ils  n  avaient  point  été  aperçus  par  l'oeil  inquiet 
des  Sauvages^  mais  il  leur  fallut  prendre  les  plus 
grandes  précautions  pour  continuer  leur  chemin. 
Cette  nuit-là,  ils  dormirent  sans  feu  et  sans  eau. 
La   courageuse  Indienne  réchauffait  ses  enfants 


!  Il 


ir4  .i 


ii^ 


m 


I 


iiii 


-nïl 
II)»-; 

M 
ml 

il'. 

Il 


iii«l 

i 

i 


558  ASTORIA. 

liaiis   ses  bras,  mais   le  pauvre  Leclerc  mourut 
avant  le  point  du  jour. 

Dès  le  matin,  la  squaw  se  remit  en  route,  et 
au  bout  de  quatre  jours ,  atteignit  la  maison  de 
M.  Rééd.  Elle  était  déserte.  On  voyait  à  l'entour 
des  mares  de  sang  et  tous  les  signes  d'un  affreux 
massacre.  Ne  doutant  pas  que  M.  Reedetsa  troupe 
ne  fussent  tombés  victimes  des  Sauvages,  la  pauvre 
femme  quitti  cet  endroit  avec  une  nouvelle  ter- 
reur. Pendant  deux  jours  elle  continua  h  pousser 
en  avant,  prête  à  tomber  faute  de  nourriture, 
mais  plus  inquiète  pour  ses  enfants  que  pour  elle- 
même.  A  la  fin  elle  atteignit  une  rangée  des  Mon- 
tagnes Rocheuses,  près  des  eaux  supérieures  de  la 
Wallah-Wallah.  Là  elle  choisit  une  ravine  so- 
litaire et  sauvage,  pour  lieu  de  refuge  durant 
l'hiver. 

Elle  avait  heureusement  une  robe  de  bison  et 
trois  peaux  de  daims;  elle  s'en  servit  pour  con- 
struire, auprès  d'une  source,  une  grossière  w^ig- 
w^m ,  avec  des  branches  de  cèdre  et  des  écorces 
de  pin.  N'ayant  point  d'autre  nourriture,  elle  tua 
les  deux  chevaux  et  en  fuma  la  chair.  Les  peaux 
aidèrent  à  couvrir  la  hutte.  Là  elle  passa  l'hiver, 
sans  autre  compagnie  que  ses  deux  enfants.  Vers, 
le  milieu  de  mars  ses  provisions  se  trouvaient 
presque  épuisées  :  elle  fit  un  paquet    le  ce  (jui  en 


ASTOKIA.  55l) 

lestuit,  le  mit  sur  son  dos,  et  avec  ses  pauvres 
petits,  reconiineiica  son  rude  pèlerinage.  Ajant 
traversé  la  chaîne  de  montagnes,  elle  descendit 
sur  les  bords  de  la  Wallah-Wallah,  et  la  suivit 
jusqu'à  son  embouchure  dans  la  Colombia.  Elle 
fut  reçue  avec  hospitalité  par  les  Wallah-Wallahs, 
et  était  restée  près  de  quinze  jours  parmi  eux, 
quand  les  deux  canots  passèrent. 

Interrogée  sur  la  cause  de  cette  boucherie,  elle 
n'en  put  assigner  aucune.  Quelque:  Astoriens 
supposèrent  qu'elle  avait  été  commise  par  une 
bande  errante  de  Pieds-noirs;  d'autres,  avec  plus 
de  probabilité,  l'attribuèrent  h  la  tribu  des  Nez- 
percés,  qui  auraient  voulu  venger  l;i  mort  de 
leur  camarade,  pendu  par  ordre  de  M.  Clarke. 
S'il  en  était  ainsi ,  cela  ferait  voir  que  ces  attaoues 
soudaines,  qui  paraissent  spontanées  et  capricieu- 
ses, ont  souvent  pour  cause  une  provocation  réelle, 
([uoiquc  peut-être  éloignée. 

La  narration  de  cette  m.alheureuse  femme  ter- 
mine riiistoiie  de  plusieurs  de  nos  personnages, 
tels  que  Thon  né  te  hibernien  Reed,  et  Dorion  , 
''•:îterprète  métis.  Turcrtte  et  Lachapelle  étaient 
deu\  des  hommes  qui  avaient  quitté  M.  Crooks, 
dans  le  cours  de  son  voyage  d'hiver,  et  qui  avaitMit 
ensuite  t;uit  soultbrt  parmi  les  Indiens.  Nous  ne 
pouvons  nous  empêcher  de  ressentir  (juehpie 
.sympathie  pour  ce  persévérant   trio  de  Kenluc- 


I  u 


il 


II 


'M 

M 


^iil 


«r  j« 


II* 


■  '"41 


56o  ASTOHIA. 

kiens  ,  Kobinson ,  Rizner  et  Hoback  ,  qui ,  par 
deux  fois  achemines  vers  leurs  foyers,  étaient 
retournés  en  arrière,  et  s'étaient  arrêtés  dans  la 
solitude  pour  y  périr  de  la  main  des  Sauvages. 

Les  détachements  revenant  d'Astoria,  tant  par 
terre  que  par  mer,  éprouvèrent  en  route  autant 
d'aventures,  de  vicissitudes  et  de  malheurs  que 
les  célèbres  héros  de  l'Odyssée.  Ils  atteignirent 
leur  destination  à  des  époques  différentes,  et  ap- 
prirent à  M.  Astor  les  détails  de  la  ruine  de  son 
établissement. 

Cependant  M.  Astor  était  encore  loin  de  re- 
noncer à  son  projet  favori.  Au  contraire,  il  était 
excité  par  la  conduite  peu  généreuse  et  peu  re- 
connaissante de  la  Compagnie  du  Nord- ouest. 
<(  Quand  je  pense  à  la  manière  dont  ils  m'ont 
traité,  écrivait-il  à  M.  Hunt,  je  ne  suis  nullement 
disposé  à  rester  inactif.  »  11  résolut  donc  de  re- 
commencer ses  opérations,  aussitôt  que  les  cir- 
constances le  lui  permettraient. 

Au  retour  de  la  paix,  le  traité  de  Gand  ayant 
proclamé  le  principe  du  status  ante  hélium  y  As- 
toria  cl  les  pays  adjacents  firent  retour  aux  États- 
Unis.  Le  capitaine  Biddle  fut  envoyé  dans  le  sloop 
de  guerre  l'Ontario  pour  en  prendre  formelle- 
ment possession. 

Dans  rhiv*3r  de  181 5,  le  Congrès  adopta  uncî 
loi  qui   interdisait  à   tous   commerçants  anglais 


î 
I 


î 


ASTORIA.  36 1 

de  trafiquer  dans  l'ctenduedu  territoire  des  États- 
Unis. 

M.  Astor  put  croire  alors  que  le  moment  de 
renouveler  son  entreprise  était  arrivé  ;  mais  de 
nouvelles  difficultés  s'étaient  élevées.  La  Compa- 
gnie du  Nord-ouest  occupait  complètement  la 
Colombia  et  ses  principaux  affluents  :  elle  possé- 
dait les  postes  que  M.  Astor  avait  établis,  et  éten- 
dait ses  opérations  sur  toutes  les  réglons  voisines, 
en  dépit  de  la  loi  prohibitive  du  congrès,  fort  peu 
respectée  au  delà  des  Montagnes. 

C'était  donc  une  entreprise  presque  guerrière 
que  de  déposséder  celte  Compagnie ,  car  ses 
agents  ,  comme  c'est  l'usage  des  trafiquants  dans 
le  pays  indien,  étaient  bien  armés,  et  habiles  à  se 
servir  de  leurs  armes.  Les  querelles  sanglantes 
qui  avaient  eu  lieu  entre  les  brigades  rivales  de 
la  Compagnie  du  Nord-ouest  et  de  la  Compagnie 
de  la  baie  d'Hudson,  avaient  montré  ce  qu'on 
pouvait  attendre  des  discussions  commerciales 
dans  les  profondeurs  désordonnées  de  la  solitude. 
M.  Astor  crut  donc  que  ses  tentatives  seraient 
inutiles  si  ses  agents  ne  pouvaient  pas  se  rallier, 
en  cas  de  besoin ,  sous  la  protection  du  drapeau 
américain.  Dans  cette  pensée,  il  fit  offrir  confi- 
dentiellement par  M.  Gallatin,  au  président  des 
États-Unis,  M.  Madison,  de  renouveler  son  en- 
treprise,  et  de  rétablir  Asloria,  pourvu  que  le 


1f.i. 


m 
î 

m 

kl 

iil'l 
il. 

m 

iir 

!k 
fi 


l'3 


i 


562  ASTORIA. 

Gouvernement  consentît  à  y  placer  une  force 
militaire,  qui,  d'ailleurs,  n'excéderait  pas  le  com- 
mandement d'un  lieutenant. 

Cette  requête,  approuvée  et  recommandée  par 
M.  Gallatin,  l'un  des  hommes  d'État  les  plus  dis- 
tingués des  États-Unis,  tut  reçue  favorablement, 
mais  aucune  mesure  ne  fut  prise  en  conséquence. 
Suivant  toutes  les  probabilités,  le  Président  n'é- 
tait pas  disposé  à  se  commettre  par  un  acle  dé- 
cisif. Découragé  par  cette  inertie  du  Gouverne- 
ment, M.  Astor  ne  jugea  pas  convenable  de  re- 
nouveler ses  propositions  d'une  manière  plus 
formelle,  et  le  moment  favorable  pour  la  réoccu- 
pation d'Astoria  passa  sans  être  saisi. 

En  dépit  des  prohibitions  du  Congrès,  et  sans 
craindre  de  concurrence,  les  établissements  an- 
glais purent  donc  s'étendre  et  se  consolider  sur  le 
riche  champ  d'entreprise  découvert  par  M.  Astor, 
Le  Gouvernement  britannique  commença  bientôt 
à  s'apercevoir  de  l'importance  de  cette  région  et 
à  désirer  l'enclaver  dans  son  territoire.  Une 
question  fut  en  conséquence  soulevée  relative- 
ment à  la  possession  du  sol.  C'est  un  des  diffé- 
rends les  plus  épineux  qui  subsistent  actuelle- 
ment entre  les  États-Unis  et  la  Grande-Bretagne. 
Le  premier  traité  où  il  en  soit  fait  mention, 
est  du  20  octobre  1818,  la  question  n'y  fut  pas 
décidée;  et  l'on  convint  (jue  la  contrée  réclamée 


\ 


ASTORIA.  5HS 

par  les  deux  nations  sur  la  côte  Nord-ouest 
d'Amérique,  à  l'ouest  des  Montagnes  Rocheuses, 
serait  ouverte  pendant  dix  années  aux  habitants 
des  deux  pa^s ,  qui  auraient  également  le  droit 
d'j  trafiquer  et  de  naviguer  sur  toutes  les  ri- 
vières. Quand  ces  dix  premières  années  furent 
expirées,  un  traité  subséquent,  conclu  en  i8.>8, 
étendit  l'arrangement  à  dix  nouvelles  années. 
Telle  est  actuellement  (i856)  la  situation  de  l'af- 
faire. 

En  considérant  la  série  d'événements  que  nous 
venons  de  raconter,  nous  ne  vojons  nulle  raison 
d'attribuer  l'insuccès  de  cette  grande  opération 
commerciale  à  aucune  faute  qu'on  puisse  repro- 
cher à  son  auteur  ,  soit  dans  le  plan  ,  soit  dans 
l'exécution.  C'était  une  magnifique  entreprise, 
bien  conçue  et  bien  exécutée,  malgré  les  vlifficultés 
et  les  dépenses.  Malheureusement  des  conlre-temps 
et  des  désastres  l'entravèrent  presque  dès  le  com- 
mencement. 11  faut  en  attribuer  une  partie  au  mé- 
pris des  ordres  et  des  insti'uctions  de  M.  Astor.  Le 
premier  coup  fatal  à  l'entreprise  fut  la  perte  du 
Tonquin ,  événement  qui  ne  serait  évidemment 
pas  arrivé,  si  les  injonctions  instantes  de  M.  Astor 
par  rapport  aux  Naturels  avaient  été  obéies.  Si 
ce  vai  ^au  avait  accompli  heureusement  son 
voyage  et  était  revenu  à  Astoria  en  temps  utile, 
h    com.merce  de    l'Elablissenienl    aurait    pris   sa 


ll!f 


<tiiill 


i 


m 


(I,, 


'\ 


tu  { 


m 


T 


t 


36/|  ASToniA. 

route  régulière,  et  l'esprit  de  toi's  ceux  (|ni  y 
étaient  intéressés,  aurait  été  animé  d'une  utile 
confiance  dans  le  succès.  Au  contraire,  l'effroya- 
ble catastrophe  qui  anéantit  le  Tonquin  jeta  dans 
ton  les  cœurs  un  sentiment  de  tristesse  qui  les 
prépara  à  s'abandonner  plus  tard  au  décourage- 
ment. 

Une  autre  cause  d'embarras  et  de  perte  j  fut  le 
changement  apporté  au  plan  de  M.  Astor  dans 
la  marche  du  Castor,  après  sa  visite  à  Astoria.  Ce 
changement  produisit  une  série  de  contre-temps 
désastreux  pour  l'Établissement,  et  retint  M.  Hunt 
absent  de  son  poste,  quand  sa  présence  y  était 
de  la  plus  grande  importance.  Cela  montre  com- 
bien il  est  essentiel  que  les  agents  d'une  entre- 
prise grande  et  compliquée,  exécutent  fidèlement 
le  rôle  qui  leur  a  été  assigné  par  l'esprit  supé- 
rieur qui  en  a  concerté  toutes  les  parties. 

La  guerre  qui  vint  à  éclater  entre  les  Étals-Unis 
et  la  Grande-Bretagne,  multiplia  les  difficultés  de 
l'entreprise.  Leretraitde  l'escorte  promise  rendit 
difficile  l'envoi  des  renforts,  et  le  naufrage  de 
l'Alouette  compléta  ce  tissu  de  mésaventures. 

Nous  avons  suffisamment  fait  voir  avec  quelle 
résolution  M.  Astor  lutta  contre  tous  les  obsta- 
cles, en  dépit  de  toutes  les  pertes.  S'il  avait  été 
convenablement  appuyé  parle  Gouvernement,  et 
secondé  par  des  agents  habiles,  la  ruine  ultérieure 


c 
t 
e 


ASTOHIA.  5()5 

lie  son  plan  aurait  encore  pu  êlredélouriiée.  Son 
i^raiid  nialheur  l'ut  que  ses  aj^ens  n'étaient  pas 
(lignes de  lui.  Quelques-uns  n'avaient  pas  assez  de 
eapaeilc  pour  comprendi'e  la  nature  réelle  et  Té- 
tendue  de  ses  projets.  D'auljes  y  étaient  étrangers 
d'intérêt  et  d'alléction,  ajanl  été  nourris  dans  le 
sein  d'une  Compagnie  rivale.  La  sjmpatliie  que 
d'abord  ils  avaient  ressentie  pour  leur  nouveau 
patron,  avait  été  altérée,  si  ce  n'est  détruite,  par 
la  guerre.  Ils  regardaient  sa  cause  comme  déses- 
pérée, et  s'occupaient  seulement  des  moyens  de 
regagner  une  place  sous  leurs  anciens  commet- 
tants. L'absence  de  M.  Hunt,  le  seul  représentant 
réel  de  M.  Aslor,  au  temps  de  la  capitulation 
avec  la  Compagnie  du  Nord-ouest,  compléta  la 
série  des  contre-temps.  S'il  avait  été  présent,  le 
transfert  n'aurait  jamais  eu  lieu,  suivant  toutes 
les  probabilités. 

11  est  toujours  pénible  de  voir  échouer  une 
grande  et  bienfaisante  pensée;  mais  c'est  surtout 
dans  nn  intérêt  national  que  nous  regrettons  la 
ruine  de  cette  entreprise.  Si  elle  avait  réussi , 
elle  aurait  singulièrement  contribué  h  étendre  le 
commerce  américain.  En  effet,  malgré  l'impor- 
tance des  produits  que  la  Compagnie  anglaise  des 
Fourrures  tire  de  ce  pays,  ils  ne  peuvent  se  com- 
parer aux  avantages  qu'en  auraient  obtenus  des 
citoyens  des  États-Unis.  Comme  nous  l'avons  dit, 


I 

M 

Il  II 


ilii 


^>ifl 


■ 


Hr! 


M' 


'1 


5GG  ASTORIA. 

celle  Compagnie,  limiléc  par  sa  nalure  el  par  le  Iml 
(li;  SCS  opéralions,  ne  pcnl  faire  que  peu  iriisai»(; 
«.les  facilités  maritimes  ({ue  donnent  un  emporium 
el  un  havre  sur  cette  côte.  Dans  nos  mains,  outre 
les  I)ancles  errantes  de  trappeurs  el  de  trafiquants, 
le  pays  aurait  clé  exploré  par  d'industrieux  labou- 
reurs, et  les  ferliles  vallées  qui  bordent  les  rivières, 
où  ({ui  sont  enfermées  entre  les  montagnes  ,  au- 
raient été  forcées  de  fournir  leurs  trésors  agricoles 
pour  contribuer  à  la  richesse  générale. 

Quant  au  commerce,  nous  aurions  eu  une 
ligne  de  comptoirs  depuis  le  Misslssipi  et  le  Mis- 
souri jusqu'au-delà  des  Montagnes  Rocheuses,  for- 
mant ainsi  une  grande  route,  des  immenses  ré- 
gions de  l'Ouest  aux  rivages  de  l'Océan  Pacifique. 
Nous  aurions  eu,  à  l'embouchure  de  la  Colombia, 
un  poste  fortifié  et  un  port  qui  auraient  commandé 
le  trafic  de  cette  rivière,  de  ses  affluents,  et  d'une 
vaste  étendue  de  côtes;  qui  auraient  entretenu 
un  commerce  profitable  avec  les  îles  Sandwich, 
et  qui  se  seraient  trouvés  en  communication  di- 
recte et  fréquente  avec  la  Chine.  En  un  mot, 
Astoria  aurait  pu  réaliser  les  espérances  de 
M.  Astor,  si  bien  comprises  et  appréciées  par 
Jelferson,  en  devenant  par  degrés  un  empire  com- 
mercial transmonlain,  u  peuplé  d'Américains  li- 
«  bres  et  indépendants,  unis  avec  nous  seulement 
((  par  les  liens  du  sang  et  de  l'intérêt.  » 


"W 


ASTURïA.  5(îy 

Nous  Ui  rcpc'Ujiis  donc  :  nous  ici^rollons  sin- 
cèrement que  le(iouvernemen»,  en  nécliiieniU  les 
propositions  de  M.  Aslor,  ait  laissé  passer  le  mo- 
ment où  rentière  possession  de  ce  pays  aurait  pu 
être  prise  tranquillement  comme  une  chose  toute 
simple,  et  où  un  posle  militaire  aurait  pu  sans 
contestation  être  élabli  à  Astoria.  Nos  hommes 
d'État  ont  reconnu  trop  tard  l'importance  de  cette 
mesure.  Des  bills  ont  successivement  été  proposés 
au  Congrès  pour  atteindre  ce  but,  mais  sans 
succès;  et  nos  légitimes  possessions  sur  cette  cote, 
aussi  bien  que  notre  commerce  dans  rOcé.ni  Pa- 
cifique, n'ont  pas  encore  de  point  de  ralliement 
protégé  par  le  pavillon  national  et  par  une  force 
militaire. 

Cependant,  la  seconde  période  de  dix  années 
s'écoule  rapidement.  La  question  de  possession  va 
bientôt  i-evenir.  Dans  l'état  amical  de  nos  rela- 
tions actuelles  avec  la  Grande-Bretagne,  cette 
question  sera  probablenjent  encore  ajournée. 
'  Chaque  année  cependant  l'objet  de  la  discussion 
augmente  d'importance.  Il  n'y  a  pas  d'orgueil  si 
jaloux  et  si  irritable  que  l'orgueil  du  territoire.  A 
mesure  que  les  vagues  de  l'émigration  rouleront 
l'une  après  l'autre  dans  les  vastes  régions  de 
l'Ouest,  h  mesuie  que  nos  établissements  s'éten- 
dront vers  les  Montagnes  Rocheuses,  les  regards 
inquiets  de  nos  pionniers  s'élanceront  au-delà,  et 


I  ,iiii 


't: 


368  ASTOIUA. 

ils  devieiulronl  impatients  de  tout  ohstacl(i  ilnns 
une  voie  qu'ils  sont  habitués  à  considérer  eomme 
un  £;i'nnd  débouché  de  notre  empire.  Si  quelque 
circonstance  venait  malheureusement  a  troubler  la 
bonne  harmonie  qui  règne  actuellement  entre  les 
deux  nations»  cette  question  mal  ajustée,  qui  dort 
maintenant,  pourrait  tout  à  coup  surgir  avec  une 
importance  guerrièi'e,  et  l'on  verrait  Astoria  de- 
venir le  mot  d'ordre  d'une  dispute  d'empire,  sur 
les  rivages  de  l'Océan  Pacifique. 


au 


i. 


AiM>i:Ni)[(:ri: 


IN'oiv    l.clia.li..l..iM  .,  oni.lcvuii  M„„. 


lus 


t;ii(r(!iriiii,.iV(  par  rllfsmf' 


-..nK.nx.,o.nnnv.    •  •   ,i,u.|.,,.<.s  ,i.Ves  j,.slilio..,ivcs  . 


•*  iTu'mos, 


|'|"""<r«|"'l'|"i-'  Ucl.tils  ,ia 


l'il    li'olll 


"m 
nfl 


NOTICE 

.Swr  ?'.'/«/  acluel  du  rommom'  des  fonnvres  exlraiw 
imncipalemem  d'un  article  publié  dans  le  Journal  de 
SiUiman,  pour  le  mois  de  janvier  ls3'i. 


LaCo.,*,K.g„.o<l„  N0.J-0.U.S.  n.  jonfi  pns   lonj-^cups  ,|. 
.mjMre  qu  die  avait  acquis  sur  les  n^gious  co..n,e.dales  .I. 
la  Cdon.b.a.  La  conn.rrcn...  ru.-.HM.so  qui  existait  entre  elle 
K  la  Cumpaouie  de  la  haie  ^ri,,.,,,,.,,  ,,.  ^^^^^^  ^^^.^^  ^^^^^^^ 

et  par  la  r.nne  .Je  la  plupar,  !.  ses  Pa,,„ers.  Les  restes  c'o 
la  CompagivM.  se  foudirent  daus  l'associat.ou  rivale,  et  toutes 
les  aira.res  se  firent  sons  le  nom  de  la  (.on,p.o,ie  Je  la  l,... 
(I  Hudson. 

Cette  coalition  eut  lieu  en  1821.  Astoria  fut  alo.sab-.n 
clouné,etl'onhàtitsurlari^.  droit,  de  la  rivière,  vin^î 
.eues  plus  haut,  un  autre  étabUssen.ent  qui  reeut  le  nom  l 
Vancouver.  Il  .  e  trouvait  dans  une  contrée  où'  l'on  pouvait 
f.l«s  laclcmenl  s.  procurer  ,les  provisions,  et  où  il  v  av.a 
n.omsde  danger  dVl,c   molole  p..    d,.    f;,,c..s   navales    1  , 


m 


;  m 


.<< 


^J^  1 


s.Ti 


'f      .AS* 


IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


// 


^/ 


k 


:a 


f/i 


:/- 


1.0 


l.l 


ÎT  lia    '""^ 


i;â 


IL25  II  1.4 


M 

1.8 


1.6 


V] 


<^ 


/^ 


/ 


^    ^  NT  v'^ 


^  Bpmc 
Sciaices 
Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  14580 

(716)  872-4503 


V 


iV 


<^ 


:i>' 


\\ 


.<if 


^ 


^ 


^'^.V^. 


re 


A 
6 


9 
\ 


^ 
<5^ 


6^ 


5jO  APPFNDICK. 

(]«)m|).'»giiie  c'nli'clienl,  diJ-oii,  un  commerce  actif  cl  prospcrc, 
cl  «'ncourjige  les  colonisateurs.  Cepcndiint  elle  esl  extrcmc- 
iiieiil  jalouse  de  sou  monopole,  qui  s'élend  depuis  les  ri- 
vages de  l'Océan  Pacifique  jusqu'aux  Montagnes  cl  sur  une 
clendue  considérable  en  latitude.  Au  lieu  de  partager  le  com- 
merce de  la  Colomhia  et  de  ses  affluents,  ainsi  qu'il  est  sti- 
|>ulé  dans  les  traités  ,  les  traRipianls  et  les  trappeurs  améri- 
cains qui  s'aventurent  à  traverser  les  Montagnes,  sont  obligés 
de  se  tenir  nu  sud,  hori  des  pays  exploités  par  les  brigades 
de  la  Compagnie  de  Ir.  baie  d'Hud^on. 

M.  Aslor  s'est  cimplélement  retiré  de  la  Compagnie  amé- 
ricaine des  Fourrures  comme  de  toutes  autres  aiïaires  acti- 
ves. Cette  Compagnie  est  maintenant  dirigée  par  M.  Ramsay 
Crooks(run  dcf  héros  d'Astoria).  Son  principal  établissement 
est  à  Michilimackinac.  Elle  reçoit  ses  fourrures  des  postes  dé- 
pendants de  ce  comptoir,  et  de  ceux  du  Mississîpi,  du  Mis- 
souri, de  la  rivière  Pierre-jaune,  et  des  vastes  pays  qui  s'é- 
tendent a»i-delà  des  Montagnes  Rocheuses.  Elle  emploie  des, 
bateaux  à  vapeur,  cpii  remontent  les  rivières  et  pénètrent  à 
de  V.  stes  distances  dans  le  sein  de  ces  régions,  autrefois  si 
péniblement  explorées  dans  des  canots,  ou  même  à  cheval  et 
à  pied.  La  première  apparition  des  bateaux  à  vapeur  dans 
h-  cœur  de  ces  \asles  solitudes,  causa,  dit-on,  l'étonnemenl 
r|  l'elTroi  le  plus  extraordinaires  à  leurs  sauvages  habitants. 

Outre  les  Compagnies  principales  dont  nous  venons  de 
parler,  de  moindres  associations  se  sont  formées,  qui  s'avan- 
«•enl  intrépidement  dans  les  régions  lointaines  de  l'Ouest,  el 
au-delà  même  des  Montagnes.  L'une  des  plus  notables  est 
la  Compagnie  Ashley,  de  Saint-Louis,  qui  trappe  pour  son 
|)ropre  compte  ,  et  entretient  un  commerce  étendu  avec  les 
Indiens.  L'esprit  entreprenant  et  audacieux  de  M.  Ashley 
est  un  thème  d'éloges  dans  toul   l'Ouest  ,  el  ses  aventures, 


APPKNDICK.  -^-j 

^cs  .xploiis .   n.nrmssent  aux  n-untincs  un    ^v^.ul    non.b.c 
il  liisJolres. 

Une  autre  Com,,nj.nle ,  lomposée  de  cent  cinquante  per- 
sonnes (le  New-York,  sVst  formée  en  1831.  Elle  est  dirigée 
I>nr  le  capitaine  Uonnevilie,  de  l'armée  des  États-Unis,  et  a 
|)oussé  ses  opérations  dans  des  contrées  peu  connues  jus- 
cpi'alors.  Elle  ramène  «les  quantités  considéraMes  de  four- 
r.ires  des  régions  situées  sur  les  rivières  Buenaventura  et 
Timpanogos,  entre  les  Montagnes  Rodieuses  et  les  côlcs  «le 
Monlerey  et  de  la  haute  Californif. 

Les  pays  à  fourrure,  depuis  l'Océan  Pacifique  jusqu'à  l'es! 
<les  Montagnes  Rocheuses,  sont  maintenant  occupés  (sans 
parler  des  combinaisons    particulières  ni   des  trappeurs  cl 
irafiquants  solitaires)  par  les  Russes ,  du  détroit  de  Béhrin- 
jusqu'à  l'île  de  la  Reine  Charlotte ,  située  par  53  degrés  de 
latitude  nord,  et   par  la  Couq.agnie  de  la   l.aie  d'Iludson  , 
depuis  celte  île  jusqu'au  midi  de  la  Colombia.  La  Compagnie 
d'Ashley  et  celle  du  capitaine  BonneviUe  se  sont  emparées 
<lu  reste  .lu   pays  jusqu'à  la  Californie.   Enfin,  tout  le  terri- 
toire situé  entre  le  Mississipi  et  l'Océan  Pacifique,  est  tra- 
versé dans  toutes  les  directions  :  les  montagnes  et  les  forêts, 
<lepuis  la  mer  Polaire  jusqu'au  golfe  de  Mexico,  sont  par- 
to.irues  dans  chaque  recoin  par  les  chasseurs.  Toutes  les 
rivières,  tous  les  ruisseaux,  depuis  la  Colombia  jusqu'à  l'em- 
bouchure du  Rio-del-Norte,  et  depuis  la  Mac  Ken/.ie  jus- 
qu'au Rio-Colorado,  sont  explorés  et  couverts  de  trappes  à 
castor. 

Pres(pie  toutes  les  fourrures  américaines  ,  cpii  n'appar- 
tiennent pas  à  la  Compagnie  de  la  baie  d'Hudscm,  se  n-ndenl 
à  New-York  v[  sont  distribuées  de  là  pour  la  consontmation 
intérieure ,  ou  envoyées  sur  les  manhés  étrangers. 

La  Compagnie  delà  baie  .l'ilud.sou  «MMbannie  sur  I;.  bai. 


I 


il 


ri* 


>7' 


APIM.NUK.I 


a'IIudsoii  les  lomiurrs  pK.vcn.iiil  tic  sis  l^uloitiirs  du  (uK 
Voik,  cl  d<;  li  rivière  .lu  Daim  (Mnosr).  CvWv.s  (pii  vicniiciil 
do  la  Giande-l\ivièie(Graiid-Rivei),  clf.,  sont  cmbarqiUM-. 
ni  Canada.  Celles  de  la  Colombia  ,  enfui,  voni  à  Londres. 
Aucune  de  ces  fourrures  n'arrive  aux  Élals-Unis  autrement 
i|ue  par  le  marché  de  celle  ville. 

L'exportation  des  fourrures  des  Élals-Unis  se  fait  princi- 
palement sur  Londres.  On  en  expédie  cependant  une  ccr- 
liune  quantité  à  Canton,  et  un  moindre  uombre  à  Hambourg. 
Enfin  le  commerce  avec  Mexico  prend  de  jour  en  ;our  plws 
a'accroi.sseinenl.  On  y  envoie  des  peaux  de  castor,  de  loutre, 
de  nulria,  el  de  la  laine  de  vigogne,  préparée  pour  la  cha- 
pellerie. Quelques  fourrures  sont  exportées  de  Baltimore, 
Philadelphie  et  Boston  ,  mais  les  principales  cargaisons  des 
Élats-Unls,  s..nt  de  New-York  à  Londres,  d'où  les  fourrures 
sont  envoyées  à  Leîpsick.  Une  fois  arrivées  sur  ce  marché 
bien  connu,  elles  sont  vendues  ])endant  la  grande  foire,  et 
distribuées  dans  toutes  les  parties  du  Continent. 

Les  Élals-Unis  importent  de  rAméri.pie  du  sud  la  nu- 
lria ,  la  vigogne,  le  chinchilla  et  quelques  peaux  de  daim. 
Ils  reçoivent    aussi   des   peaux  de  veaux    marins   des   îles 
Lobos'à  l'embouchure  de  la  Plala.  Une  quantité  de  peaux 
de  castor,  de  loutre,  etc.,  sont  annuellement  apportées  de 
Santa-Fé.  Le  nord  de  l'Europe  nous  fournit  l'écureuil ,  le 
genêt,  le  chafouin,  le  lapiu  bleu,  le  lapin  commun  et  le 
lièvre,  dont  les  fourrures  sont  toutes  préparées  pour  garni- 
tures, bonnets,  manchons  ,  etc.;  mais  l'Importalim  la  plu^ 
considérable  vient  de  Londres,  où  s'est  concentré   prcs.pie 
tout  le  commerce  des  fourrures  de  l'Améri(iue  du  Nord. 

ni  état  du  commerce  des  fourrures.  On  voil 


Tel  est  le  pi 
que  rexlension  donnée  à  la  Compagnie 


i'i  le  monopole  qu'elle  a  établi  dans  les  régi 


de  la  baie  d'Hudson 
ons  donl  Astoria 


Al'PKNDICK 


^iS 


clail  la  clef,  oui  tlél( 


ouriH-  If  folirs  de  <'el  opu 


ileiil 


toiiiiiierce 


thnis  les  eoflVcs  de  la  Graiule-nrelagiic,  cl  oui  (ail  de  Loiulirs 
le  grand  empoi  iniii  des  foiirnires ,  au  lieu  de  l'élablii  à 
NeM—Vork  scion  les  inleniions  de  M.  Aslor. 


VIS. 


r 


TABLE. 


i 


CllAlMTRE  XXX. 

.\l)(»iuliiiicc  de  gibier.  —  Cliusseurs  Slioslionies.  -  lUvirre 
«rH()l»ack.  —  Uivière  llni;»t,'ée.  —  Campement  près  des  IMa- 
iiielons-Pilotes.  —  Délibérations Paf^r  i  ,)  G 

CHAPITHK  XXXI. 

\  oyageia-l  on  par  eau  ou  par  terie  ?  -  Construction  dt-  ca- 
nots. —  Explorateurs.  —  Trap[)eurs  détacbés.  — •  ^  isile  de 
deux  Sei'penls.  —  On  abandonne  la  rivière  Enragé'e.  —  Ou 
arrive  an  Fort  Henry. —  On  détache,  pour  trapper,  Mobin 
son  ,  Hoback  et  Hizner.  —  M.  iVIiller  se  décide  à  les  accom- 
pagner.—  Leur  départ Pagr  r  ii  i- 

CHAPITl\i:  XXXII. 

Disette. —  I\Iendiants  serpents.  —  End)ar(|uenî.'nt  sur  la  rivirrc 
Henry.  — Joie  des  Voyageurs.  -  Arrivée  à  la  rivière  «les  Ser 
pents. —  Rapides  et  brisants.  —  Commencement  d'infortunes. 
-   Campements  serpents.  —  Pomparlers  avec  un  Sauvage.  - 
Second  désastre.   -     Perte  d'un  batelier.  —  La  Cbaudièr(>. 

Pti^c  iS  //  7 S 

CHAPITUK  XXXIII 

Sombre  délibération.  —  Explorateurs.  —  Rapports  découra 
géants.  —  Epreuve  désasireuse.  —  Détachements  en  (piète  «le 
secours.  —  Caches.  —  Retour   d'un  des  dé-tachcments.  — 
Nouveaux  désappointements.  —  Le  Trou  du  Diable.  /*.  igà  5H 


^      i  * 


r\i:i  r. 


«-iiAi'ii'ui:  \\\iv 

7\lln!iix  (Irscil  culir  la  iivicrc  des  Scrpnils  cl  la  Coloiiihiii.  -- 
Sr-paralinn.  -  Alarclu;  falij,'aiil«' le  loni;  de  la  rivii  ri.'  — Se  ('lus 
sauvages.  — Shoslioiiirs.  —  I.ciirs  alaiiiics.  -  Xcliats  de  clir- 
vaiix,  -  SonHianccs  de  la  soiC.  -  Cheval  iVrlaiiir.  —  Codraj^r 
d'une  leiiiine  indienne.  -  Diselle.  J\e^al  de  chair  «le 
thien.  — i>onvelles  de  M.  Crooks  el  de  sa  tionpe  —  Marche 
|iénible  dans  les  nioula^nes.  —  Oraqes  de  neij^e.  -  \nil  i;lacée. 
n<ronr  an  hord  de  la  rivière.       }'nu,v  3()  it  ,');') 

ciiAprniK  \\xv. 

Meneonlii!  inallendiu', — Canot  de  pean.       Ciainles   cirantes 

—  Fatigues  de  IM.  CjooUs  el  de  ses  eaniaiatles.  --  Auiiveiles 
de  M.  IMac  Leilan.  —  IVIaiclie  réliomade.  —  lladeaii  de  saide. 

—  Maladie  <1(î  ^1.  Crooks.  —  Inipalience  de  (pielipies-nns  des 
hommes.   —   iNécessité    de    laisser  les    traînards  en    arrière. 

Puiic  .j(j  à  (o 


CHAPITIU-:  XXXV!. 

M.  llnnt  rejoint  Tavant-içarde.  —  l'ierre  Dorion  et  sa  lossi- 
nantc.  — (^amp  de  Shoshonies.  — Vol  excusable.  —  Testin 
de  «"hair  de  cheval.  — j\l.  Crooks  ariive  an  camp.  —  Il  entre- 
prend de  secouiir  ses  hommes.  —  lïaltau  de  peau.  —  l-'rènésii' 
de  Prévost.  —Sa  lin  malheureuse.  -  Mial  de  l'aihlesse  de  John 
Day.  —  IM.  Crooks  est  encore  laissé  en  arrière. —  La  l)rii,'ade 
sort  des  montagnes.  —  l'-ntievue  avec  les  Shoshonies.  —  On 
ol)lient  lia  guide. —  On  travers»!  la  rivière  des  Sei-penls. — 
On  rejoint  les  hommes  de  M.  Crooks.    .    .   .     Pii'.^o.  ()4  ii  nf\ 

CHAPITRE  XXXVJI. 

Dépari  de  la  rivière  des  Serpents.  —  Accroissemcnl  de  la  famille 
Horion.  —  Camp  de  Shoshonies. —  Marche  i,dacée  dans  les 
montagnes.  —  Climat  plus  doux.  ~  Camp  de  Sciatogas.  — 
.loie  des  voyageuis.  —  Mort  <le  IMichael  ('arrièie.  —  l/Uma- 
lalla.  —  Arrivée  aux  hords   de    la    Colomhia.         Nouvelles 


TAnri . 


3-- 


«TAsloii.!.  \.v  villii^';»-  (le  Wisli  r.MM.  —  Hctil  tlii  inassacic 
«lu  ToiKimii.  —  Les  vctirms  tI«',s;i|)|M)iiilt's.  -  Al  ii\«('  à  As- 
loiia.  —  Avciilmcs  (l(j  Ik'td,  dr  .^I:u  Lillaii  cl  (!<•  Xac  K<'ii/ii'. 

I*(I^C  ^.J   (if    xox 

CIIAPITHE  XWVIll. 

Discllc  (luraiil  l'Iiivor.  —  Mauvais  tonitoirc  (U-  cliassr.  -  Tu- 
loin-  il»;  la  saison  de  pèclu'.  —  L'nllilccaii  on  cpcrlan.  — 
lA'stiii^coii.  —  Le  saiinioii.  -  >;tiiut;  du  p;ns  le  long  de  la 
tolc.  -  l'IanU'S.  —  (^)ua(lin|)rdrs.  Uis<'au.\.  I5(!|ililcs.  — 
Climat  à  l'onot  d(!s  Monlaqnes.  -  Doiiccnrdc  la  Unipéia- 
Miir.  —Sol Pnfie.  xçô  à  m 

cnAPrrnr,  xxxix. 

iXalniels  des  enviions.  —  Leurs  mœurs.  —  Leurs  armes.  — 
CJsage  d'aplatir  la  tète  des  enfiuits.  —  Croyances  religieuses. 
-  IVèlresoii  médecins.  —  Les  idoles  rivales.  —  Polygamie, 
*  anse  de  grandeur.  —  finene  innocente.  -  .Mnsi«pie,  danse, 
jeu,  —  Voleurs  vj-rtneux.  —  Horreur  de  l'ivrognerie.  -  In- 
«lignation  de  Comcoinly Pii^e  \\:>.  ii  rj;j 


CHAPITIÎK  XL. 

Oeenpalions  prinlaiiières  à  Asioria.  —  Départ  de  diverses 
expéditions.  -  Indiens  pillards.  —  \  oleurs  de  W  isli-ram.— 
Portage  des  cataractes  —  Portage  an  clair  de  lune.-  At- 
taqnc,  défaite,  pillage.  —  Remède  indien  contre  la  pollron- 
nerie.  —  Pourparlers  et  compromis.—  IJelourdela  brigade. 

—  Elle  rencontre  Crooks  et  .lolin  Day.  —  Leuis  soullrances. 

—  Perfidie  indienne.  —  Arrivée  à  Astoria.     /V/qt?  \x3  à  \\\ 

CHAPITRE  XLl. 

\  ne  d'cnseinl)le.  —  Agent  envoyé  en  Russie.  —  Arnienieiil  du 
C'aslor. —  Fnsliuclions  au  Capitaine. —  Les  îles  Sandwieli. - 
Hiuils   relalils  au    Toiuiuin. —  Précautions  pris<s  en  attei 
gnant  Pembouchure  de  la  Colonihia.    .    .   .     rnç^c  \{ià  ij.^ 


'jyH 


TAIU-E. 


CllAPlTRt   \U\ 


NouvcUcs  fxpettiuons  préparées  à  Asloiin.  —  lUibcil  Suiarl  «i 
SCS  compagnons  parlent  pour  JNeu-Yoïk.  —  SinK.'Mèic  con- 
«luilc  (le  John  Day.  -  Sa  lolie  et  sa  mort.  —  Portage  dange- 
reux. -  Serpents  à  sonnette.  —  Arrivée  parmi  les  Wallah- 
Wallahs.  —  Acliat  de  chevaux.  —  Départ  de  Stuart  et  de  sa 
hande  pour  les  Montagnes ^«ffc  i49''  '<^"» 

CHAPITRK  XLIII. 

Iloute  de  M.  Stuart.  -  Déserts  arides.  — Les  montagnes  HIeues. 
_  Source  sulfureuse.  —  Bruits  concernant  des  hommes 
hlancs.  —  Le  Serpent  et  son  cheval.  —  Un  guide  serpent.  — 
Départ  nocturne.  -  Rencontre  inattendue.  —  Histoire  des 
trappeurs.  -  Chute  des  saumons.  -  Grande  pêcherie.  - 
Arriv--e  à  la  Chaudière.  -  État  des  caches.  -  Nouvelle  réso- 
lution des  trois  trappeurs  kentuckiens.    .   .     Prtge  iGi  à  i8i 

CHAPITRE  XLTV. 

Désert  de  la  rivière  des  Serpents.  —  Disette.  —  Voyageurs 
égarés.  —  Rôdeurs  indiens.  —  Le  Chef  gigantesque  des  Cor- 
neilles. —  l.e  fanlaron  intimidé.  —  Signaux  indiens  —La 
rivière  Enragée.  —  AlaruH-,  -  Vol  des  chevaux.  —  Plaisan- 
terie indienne.  —  Beau  coup  inamiué.  .   .   .     Pn^c  i8'i  a  n)\ 

CHAPITRE  XLV. 

I,cs  Voyageurs  démontés.  -  Préparatifs  d'un  voyage  pédestre. 
-  Les  espions.  -  Incendie  des  bagages.  -  Marche  à  pied.  - 
Les  radeaux.    -  -  L'élan  blessé.  -  Les  pistes  indicnnrs.  - 
Conduite  obstinée  de  Mac  Lellan.  -  Panorama.  —  Cratères 
l,»inlains.  -  Maladie  de  Crooks Pnf^c  uf)  n  20- 


CHAPITRE  XLVI. 

\Wu  .lunes  et  Tours  gris.        Montagnes  et  loriCDls.  -  Traces  de 
Mac  Lellan.     -  Substances  volcaniques.  —  Misérablr  étal  de 


TAlîLi:.  ttji) 

Mac  l.cllan.  —  Kaiiinic.  —  lloirihle  proposition  d'iiit  lioiniiir 
iifl'ainé.  —  Prodigirux  (i-stiii.  —  Toinbcs  iiulionncs.  —   Scr 
prnts   hospiialiors   —  Allianrc  cvcntucllc      /',ijit  uoH  à  iT> 

CIIAI'ITJIK  ALVll. 

I.a  nvièri;  Espagnole—  Piste  <riiulitns  corneilles.  —  ()i  aye 
(le  neige. — Feslin  de  chair  de  bison.  —  Plaine  de  sel  - 
Montagne  à  gravir.  —  Cime  volcanif|ue.  —  Cratère  éteint. 

—  Co<|uillages  marins.  —  Campement  dans  une  prairie.  — 
Chasse  heureuse.  —  bonne  chère.  —  Paysage  runianti(|ue. 

—  Défilé   rocailleux.  —  Torrent   écumanl.    —   Le  Détroit 
Knflammé Puf^e  223  à  23j! 

CHAPITRE  XLYIir. 

Temps  glacial.—  Halte  et  délibération.  —  Cantonnement  pour 
l'hiver.  —  Chasse  heureuse.  —  M.  Crooks  et  l'ours  gris  - 

—  La  Wigwam.  —  Longues-cornes  et  daims  à  queue  noire. 

—  Bœuf  et  venaison.  —  Bons  ((uartiers  et  bonne  chère.  — 
Une  alerte.  —  Hospitalité  forcée.-  Pillage  du  garde-manger. 

—  Repas  héroïques  des  Sauvages.  —  Abandon  des  quartiers 
d'hiver Pa^^e  .f.'b'S  à  24<) 

CHAPITRE  XLIX. 


Marches  pénibles.  —  JNeige  et  glace.  —  Disparition  du  gibier. 
--  Plaine  stérile.  —  Seconde  halte  pour  l'hiver.  —  Autre 
vvigwam.  —  Retour  du  printemps.  —  Les  canots  ne  peuvent 
flotter.  —  Marche  pédestre.  —  Vastes  prairies.  —  Camps 
déserts.  —  Squaws  pawuces. —  Indien  otto.  —  Nouvelles  de 
la  guerre.  ~  Navigation  sur  la  Platte  et  sur  le  Missouri.  - 
Réception    .lu     Fort     Osago.    —    .Arrivée    à     Saint  -  Louis. 

CHAPITRE  !.. 

Convention  entre  >I.  Asiorel  la  Comi)agnii'  1  us.sr  th's  Tomi  riirrs 
—  Guerre  entre  le.'*   l'.tats-Unis  et    la    (iiandc-Brclagnr.  — 


58o 


FAUM  . 


Instructions  (lu  ca|>ilain<' vSowlt- ,  coniniandaut  ilu  (Castor. — 
K«]ni|M'nicnt  (l<;  l'Alonctt»'.  —  IM.  Astor  apprend  rarrivt'u  <Ur 
M.  Stiiart Pii^r  i»)  ("/  v.<>,î 

CIIAI'I'I  UK  M 

Ijiihonclinre  d»;  la  \\  allah-NVallali.  —  l)t|)arl  de  David  Stuart 
pour  rOakinaj^an.  -  iM.  Clarkc  ronionti;  la  rivirro  Lewis. — 
Indirns  >«'z-p«;ixi's.  —  Lciii'  plivsi(|ii('  <•!  leurs  nueiu's  — 
i'ostt!  élahli  au  conlliu-nt  dos  ri\icr«'s  Spokan  (  I  du("u'ui- 
p«>iulu.  -  IMac  KcMi/i(.'  rcnionli;  Ir  (^aniocuuni.  -  liandcs 
d'Indiens  xovaj^eurs.  l'.xpédilion  de  Ueed  aux  caches. 
Aventures   de    Novateurs  et    de   Trappeurs    errants.     .   .   . 

(,HAi>i'i"i\i:  1.11 

Deparl  do  M.  Muni  dans  le  Claslor.        l'rocaudons  a  la   Facln- 
reric.  -  Détachenionl  du   VN  allaniol.  —  Appréhensions.  — 
\rrivéode  IMac  Kenzic.  —  Ktat  des  alVair(S  au  poste  du  tîha- 
haptan.  — Nouvelles  do  la  j^tn-rre.  —  Découraqenient  de  Mac 
Dougal.  —  Détermination  d'ahantlonuerAsloria.  —  Dépari  de 
Mac   Kenzie   pour  rintoriour.  —   Aventiu'e   des   lîapides.  — 
Visite  aux  voleurs  tlo  \N  ish-rani.  —  Silualion  périlleuse. 
Ilencontre  do  !Mac  Tuvish  et  de  s.i  troupe.  -   .arrivée  au  poste 
du  Shahaptan.  —  Les  caches  se  trouvent    vides.  — Les  Part- 
ners  hivernants    résolvent  tU-   ne    point    (piitt(>r  le   pa\s.  - 
Arrivée  do  Clarlvo  parmi  les  JNez-pcrcés.  —  Afl'aire  du  {.^ohelel 
(l'argent. —  Kxécution  d'ini  Indien.        Arrivée  dos  Partners 
hivernants  à    \storia Pafir  ■x'^'j  à  'xiyy 

ciiAPn  i\i£  Lin. 


I 


Les  Partners  sont  nieconlents  tie  ^Mac  Doutai.  —  (londuile 
«"(^uivoquo  de  cet  agent.  Les  PartiuMs  consentent  à  ahan- 
donnei'    Asioria.  --   Vente   faite    à    Mac    Tavish.  Arran- 

ijenu'nl    pour   raniu'e  .Manileste  signe  p.n    les    P,iilner'> 

—  Dépai'  de  Mac  Tavish  pour  linléiieur       Pn^^r  v^fi  à  ">u'> 


TABI.K, 


;hi 


ciiAPinn.  i.i\ 

.\n\irlfs  »l»'  M  \sl(»r.  —  Il  apprciul  ^110  li;s  Anglais  pirpairiif 
MncM'X|)i'(lili»»ii  navale;  rdiiti»'  Asloria.  —  Il  «I(>inaii(lc  prolct- 
lioii  au  (fOiivci-nciiKMil.  anifiicain.  -  La  Irc^ali'  Adains  est 
(•(|iiiprt'. — Homiosnoiivcllrs. — l)(>sap|)oiiit(>inciit.  /',  5o?)à3ii() 

ClIAPITHi:  I.V. 

Allaii'CH  (TKtat  ù  Astoria.  —  iMac  l)oiii;al  (l(<inan(lc  la  inaiii  (riiiii- 

pi'iiicrsso  iiuliciiuc.  —  Il  cnvDic  iiiio  ainhassa«l«>  à  C]onicoiiil\  . 

hh'i'S  iiiali'iiiionialrs  des  Chiimoks.  —  Dol.  -  -  l,a  inaiic»- 

fsl  aiiiciH'C  an   Foii.  --    L'Iiahilc  heau-pi'ir.  —  Ai'iivw  ili- 

;M.  llunl  à  Astoria /\/^'(î  joy  <i  Tm'J! 

CIIAPITIIK  LVI. 

N'ovaf^r  tlii  Castor  à  Aew-Arcliangcl.  Tin  gonvfriunr  russe. 
—  iMarclu's  hacliitpics.  — A Ovaqean  Kanitscliatka.  —  PiVlicrir 
tl«!  lilt.'  Sainl-Panl. —  'l'cnipèle.  — M.  llunt  csl  laissi';  anx 
iles  Sandwich.  —  Opcralions  du  ca|)itainc  Sowh'  à  Canton  — 
llclonr  de  !M.  llunt  à  Astoria Fay;e  5i5  ù  Tyj:'i 


CllAPlTHK  LVJI. 

.'Xrranyoments  pris  par  les  Partners.  —  iVI.  lliuit  repart  dans 
l'Alhatross.  —  Il  arriv<!  aux  iles  Maïquesas.  —  Il  apprend  des 
nouvelles  de  la  frégate  anglaise  la  Phœhé.  —  Il  se  rend  au\ 
îles  Sandwicli.  —  Voyage  de  l'Alouette.  —  Son  naufrage.  — 
Coiv'uile  de  Tamailnnaali  et  des  insulaires  envers  les  nau- 
fragés      7'rtfgf  5u(j  à  5r>() 

ciiAPrrni:  lyim 

Arrivée  de  iMac  Tavish  à  Astoiia.  —  (^oniluile  de  ses  gens.  — 
Négociations  de  Mac  Dougal  et  de  IMac  Tavish.  —  Marché 
conclu  |)Our  le  transfert  d'Astoiia.  —  Soupçons  concernant 
la  loyauté  de  Mac  Dougal /Vgr  55;  (<  ?)44 


T 


TABLE. 


CHAlMïUi:  LIX. 


Agitation   à   Asloria.     - 


Xiiivcf  (l'un  vais'^'îau  inconnu.  ■ 
(Jdre  giu;ni('re  «le  (Joniconiiy.  —  Les  Anglais  prennent 
posses.sion  île  l'Élablisscnient.  —  Comcomly  est  indigné  de 
la  conduite  de  son  gendre Page  545  à  357 


CHAPITRE  LX. 

.Arrivée  du  brick  le  Colporteur  à  Astoria.—  Abandon  de  l'Éta- 
blis.senient.  —  Départ  de  la  plupart  de  ses  babitanls.  — 
Histoire  tragique  racontée  par  la  stjuaw  de  Pierre  Dorion. 
Mort  de  Reed  et  de  ses  compagnons.  —  M.  Astor  .s'efforce 
inutilement  de   renouveler    son   entreprise.  —  Conclusion. 

Pa^e  553  à  308 

AiM'KNDiCE Page  ^6g  à  573 


UN    l)K    LA    TABLE    DU    SECOND    VOLUMK.