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i^^.-t-
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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11.25
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Photograobic
Sciences
Corporation
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23 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N.Y. 14580
(716) 872-4503
^
^
CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICMH
Collection de
microfiches.
Canadian Institute for Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
The Institute has attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of this
copy which may be bibliographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or which may significantly change
the usual method of filming, are checked below.
D
D
D
D
D
D
Coloured covers/
Couverture de couleur
I I Covers damaged/
Couverture endommagée
Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
I I Cover title missing/
Le titre de couverture manque
I I Coloured maps/
Cartes géographiques en couleur
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
I I Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La re liure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
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Commentaires supplémentaires:
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifiec
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmage
sont indiqués ci-dessous.
n Coloured pages/
Pages de couleur
□ Pages damaged/
Pages endommagées
I I Pages restored and/or laminated/
D
Pages restaurées et/ou pelliculées
Pages discoloured, stained or foxei
Pages décolorées, tachetées ou piquées
Pages detached/
Pages détachées
Showthrough/
Transparence
Quality of prir
Qualité inégale de l'impression
Includes supplementary materit
Comprend du matériel supplémentaire
Only édition available/
Seule édition disponible
I ~V Pages discoloured, stained or foxed/
I I Pages detached/
r~^ Showthrough/
I I Quality of print varies/
I I Includes supplementary matériel/
I I Only édition available/
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure Image possible.
This item is filmed at the réduction ratio checked below/
Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous.
10X 14X 18X 22X
26X
30X
y
12X
16X
20X
24X
28X
32X
Th« copv filmsd har* has b««n raproduccd thanks
to tha o*narosity of:
Library Division
Provincial Archives of British Columbia
Tha imagas appaaring hara ara tha bast quaSity
posaibla considaring tha condition and iagibility
of tha original copy and in kaaping with tha
filming contract spacifications.
Original copias in printad papar covars ara filmad
baginning with tha front covar and anding on
tha last paga with a printad or illustratad impras-
tion. or tha back covar whan appropriata. AH
othar original copias ara filmad baginning on tha
first paga with a printad or illustratad impras-
sion, and anding on tha last page with a printad
or illustratad imprassion.
Tha last racordad frama on each microfiche
shall contain the symbol — ^- (meaning "CON-
TINUEO"), or the symbol V (meaning "END"),
whichever applies.
Maps. plates, charts, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many frames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la
générosité da:
Library Division
Provincial Archives of British Columbia
Las imagaa suivantes ont été reproduites avec la
plus grand soin, compte tenu de la condition et
da la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
filmage.
Les exemplaires originaux dont la couverturr/ en
papier est imprimée sont filmés en commen<;ant
par le premier plat at an terminant soit par la
dernière page qui comporte un» empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, salon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — ^ signifie "A SUIVRE", le
symbole V signifie "FIN".
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés é des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé é partir
de l'angle supérisur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
1
2
3
32X
4
i
I
VOYAGES
DANS
LES CONTRÉES DÉSERTES
DE LAMÉUIQUE DU NORD.
TOME [ï.
Il
h
1 1
I :
l>E L IMPRIMERIE DE CHAPEKKI ,
RUE DE VAUGIIIABI» , A" ».
VOYAGES
nm m CONTRÉES DéSERTCS
DE L'AMÉRIQUE DU NORD,
, ENTREPRIS
rOLIV LA FO\DAriO.\ DU COMPTOIR D'ASTOIU.\
SUR LA CÔTE NOUD-OUESl.
PAU WASHINGTON IRVING,
AUTEliR DE LA VIE DE CHRISTOPHE COLOMB, LTC, , ETC.
TKAUl'lT VU. ;.'a>GLAIS I'AR l'.N.GnOLlLK.
TOME SECOND
A PARIS,
r-UEZ 1». DIFART, LIBRAIRE,
Itn. DI.N SAINIS-I'iui.s , >" j
1 7 / ./
t t
I I
ASTORIA.
■•ncimi
CHAFMTRE XXX
K
Abondance de uibier -- rin««/>ii..<: «i i
<I Hoback. — Rivière Frintrôo t^
niMtic P-nragee. — Campenienr près des l\fa-
n.elons-P.lotes. ^ DélibératioDS.
MVieit'
M. HuNT et SCS comp«g„ons passèrent oi.m
jours dans les vertes prairies arrosdes par la petite
nvere. fraîche et claire, ,f„i allait se perdre dans
la r,v.ere Espagnole. Tandis que les chasseurs
exterminaient les bisons et rapporlaientdes quan-
tités de viande, les Voyageurs soecupaie.it au-
tour des feux à la faire bouillir ou rôtir pour le
moment présent, ou à la faire sécher pour la provi-
sion du voyage ; les chevaux de somme, débar-
rasses de leurs fardeaux, se roulaient sur l'herbe
ou paissaient en liberté les gras pâturages ; le^
individus dont les services n'étaient pas néces'
saires, s'abandonnaient aux douceurs du repos
tout le camp, enfin, présentait c; spectacle dr
II.
1795B4
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.'tti
, 1.
t
'a ASToniA.
irjoiiiss.'mrcs i^russirrcs, tic Inissor-allcr inèlt* d'ac-
livilô, qui cnraclérise une halle dans un pajs
abondant en gibier.
Dans une de leurs excursions, quel({ues-uns
des hommes ayant rencontré une petite troupe
d'Indiens qui s'enfuit à leur approche, rappor-
tiTcnt immédiatemciît au camp cette nouvelle.
Aussitôt M. Hunt et quatre autres sautèrent sur
leurs chevaux, et sortirent pour la ire une recon-
naissance. Après avoir trotte pendant près de
trois lieues, ils arrivèrent à l'entrée d'une petite
vallée entourée de hauteurs escarpées. Des bisons
la parcouraient en galopant, poursuivis par les
flèches d'une troupe de cavaliers sauvages. L'ap-
parition de M. llunt et de ses compagnons ter-
mina brusquement le conflit. Les bisons s'échap-
pèrent d'un côté, tandis que les Indiens, em-
ployant vigoureusement le fouet, s'enfuient
dans une autre direction, de toute la vitesse de
leurs chevaux. M. Hunt leur donna la chasse, et
il s'ensuivit une course furieuse, quoique de peu
de durée. Deux jeunes Indiens, qui n'étaient que
médiocrement montés , furent bientôt re>oinls.
Ils étaient horriblement eli'rayés, et se regar-
daient évidemment comme perdus. Par degrés,
leurs craintes furent apaisées par de bons trai-
tements, mais ils continuaient à considérer les
étrangers avec un mélange d'élonnement et de
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I
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II"
1
eut
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!, et
peu
que
lits.
gar-
iiës,
trai-
les
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ASTOUIA. 3
respect, eai e'clnit l;i première l'ois d(" leur vie
qu'ils voyaient «les lionimes hlaucs.
Us apparUnaient à une troupe de Serpents qui
avaient traversé les montagnes, comme c'est leur
usace en automne, afin de se procurer pour Tlii-
ver une provision de viande de ]>ison. Une fois
persuadés des intentions paci(i((ues de M. Hunt
et de ses compagnons , ils les conduisirent vo-
lontiers à leur camp , (|ui était assis dans une
étroite vallée, sur le hord d'une rivière. Les
tentes étaient en peaux préparées ; c[uelques-unes
peintes d'une manière fantastique. Des chevaux
paissaient à l'entour. L'approche de la petite
troupe de M. Hunt causa une alarme passaiȏrc
dans le camp , ces pauvres Indiens étant toujours
sur le qui^vive , à cause de leurs implacables
ennemis. Cependant, aussitôt qu'ils eurent re-
connu le costume et le teint de leurs visiteurs ,
leurs appréhensions se changèrent en joie ; car
(juelques-uns d'entre eux aj'ant trafiqué avec des
hlancs , savaient qu'ils étaient justes et qu'ils
possédaient des objets d'une singulière valeur. Ils
les reçurent donc avec empressement dans leurs
tentes , placèrent de la nourriture devant eux , et
les traitèrent, enfin , le mieux qu'ils purent.
Ils avaient été heureux dans leur chasse, et leur
camp était rempli de chair de bison salée, tous
morceaux choisis et extrêmement gras. M. Hunt
VJ
I "
•i'i
I;"
MJIi
I! 'I
ill!
/| A.sroniv.
leur en .'iclieta assez pour conipléler la charge
tle tous les chevaux «le la caravane, excepte^ ceux
fjul étaient léservés pour les Partners et pour la
femme de Pierre Dorion. Il trouva aussi plusieurs
peaux (le castor, qu'il leur paja liliéralcment
pour les eni^ai^er à en recueillir d'autres; enfin, il
les informa que quelques hommes de sa troupe
se proposaient de vi\re dans les Montagnes, et:
de trafiquer avec les chasseurs Indiens pour des
pelleteries. Les pauvres Serpents comprirent
promptement les avantages qu'ils en retireraient,
etpromirent de mettre tous leurs soins à rassem-
bler des peaux de castor , pour des échanges fu-
turs.
Se trouvant alors bien approvisionné, M. Ilunt
leva son camp, le 2/^ septembre, et continua sa
route vers l'ouest. Une marche de cinq lieues ,
par-dessus une ligne de hauteurs , l'amena à une
petite rivière, large d'une cinquantaine de pieds.
Hoback, l'un des guides , qui avait trappe dans le
voisinage quand il était au service de M. Henry ,
la reconnut pour un des afïlurnts de laColombia.
Nos voyageurs la saluèrent avec* délices , car
c'était le premier cours d'eau tendant vers leur
but, qu'ils eussent rencontré. Pendant deux jours,
ils la suivirent , et la virent s'augmenter peu à
peu , par les contributions de nombreux ruis-
seaux. Comme elle s'égarait parmi des rochers et
■j
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AMOIU A.
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1
«los pircipiccs, on étail rmjucmmcnt ohligé de
la traxTser, vA sa rapidité étail si f»rand(; ([u'oii
ris(|uait d'être entraiiié par le courant. Quelque-
lois , les bei'i'es s'avançaient tellement sur la ri-
vière , qu'on était forcé de {jravir leurs rapides
promonloii'es, ou de suivre, le lon{^ d(î leur base,
un rebord à peine assez large pour poser lo. pied.
Les chevaux (ii'tînt de dangereuses rinites dans
ces passatjes. L'un d'eux roula dans la rivière,
avec sa charge , d'une hauteur de près de nno
pieils , mais sans se blesser. A la lin on soi'til
de ces épouvantables défilés, et l'on continua à
marcher pendant plusieurs milles le loni^ de; la
rivière d'Hoback. Klle se joif»nait bieniol avec
rnie autre ri>ière plus i^rande et plus rapide.
Leui'S eaux réunies roulaient à tra>ers la vallée ,
avec une vitesses el un<; tui'bulen(*e(|ui leui avaient
fait doinier le noui de rivièn; lM»rniT(>(> Ç Miu\
river). Nos vojai»eurs campèrent au eonlbuMil.
Ils avaient obtenu u!j point important dans leur
pénible vojaii[e, car, à peu de milles de leur camp,
s'élevaient les trois pics neigeux appelés les Ma-
melons-Pilotes, ces grands phares de la Colom-
bia , sur lesquels ils avaient dirigé leur course à
travers ces déserts montueux. A leurs pieds pas-
sait la rivière Enragée , dont le courant rapide
était capable de porter des canots , el pouvait
ptiut-élie tiaiisportcr la caravane jusqu'au couii
u
-i
6
ASÏOIUA,
n
'M
llil
;
principal de la Golombia. Les Vojaf^eurs cana-
diens se réjouissaient à l'idée de s'élancer de nou-
veau sur leur élément favori, d'échanger leurs
chevaux contre des barques , et de glisser sur les
ondes légères, au lieu de gravir péniblement les
montagnes. D'autres membres de la caravane ,
quoique inexpérimentés dans cette manière de
voyager , croyaient aussi approcher du terme
de leurs fatigues. Ayant surmonté les difficultés
principales de celte grande barrière rocheuse, ils
se flattaient que le reste de leur voyage s'accom-
plirait avec facilité; car ils se doutaient peu des
fatigues et des périls qu'ils auraient à subir , sur
l'eau comme sur la terre , dans l'effroyable désert
qui se trouvait encore entre eux et les côtes de
l'Océan Pacifique.
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I
CHAPITRE XXXI
Voyagera -t ou par cm ou partcne? - Consliuclioii «K- c.\
iiols. — Explora Icuis. - Trappeuis délachés, — Visile «le
tU'iix Sci penls. — On abandonne la rivirio Eniagéo. — On
arrive au fort Henry.— On détache , pour trapper , Hobin
son , Hoback et liizner. ~ M. Miller se décide à les acconi
pagner. — Leur départ.
Sur les bords de la rivière Enragée M. Huiit
tint conseil avec les autres Partners, relative-
ment il leurs mouvements futurs. Le caractère
irrégulier et impétueux du courant de cette ri-
vière lui faisait penser qu'elle pouvait être ob-
struée, plus bas, par des obstacles capables d'en
rendre la navigation lente et périlleuse, sinon
impraticable. Les chasseurs, qui avaient servi de
guides jusqu'en cet endroit, ne savaient pas quelle
était plus loin la nature de la rivière; quels ro-
chers, quels bancs de sable, quels rapides, pou-
vaient l'embarrasser ; à travers quelles montagnes
ou quels déserts elle pouvait se diriger. Fallait-il
donc abandonner les chevaux en cet endroit, et
se lancer dans des barques fragiles, sur cette ri-
vière sauvage et inconnue ? Ou bien fallait-il
continuer le vojage par la route de leire, plus
lenle^ plus faligantii, mais peut-êhr plus sure?
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8 ASÏORIA.
Les voix, comme on pouvait s'y attendre, fu-
rent pres(jue toutes pour qu'on s'embarquât ; en
effet, clans les situations difficiles, les hommes
croient toujours gagner au changement. Il s'agis-
sait alors de trouver du bois d'une grosseur suf-
fisante pour construire des canots, car dans ces
régions montueuses il n'y a que des arbres ra-
bougris. C'étaient des pins, des cèdres, des trem-
bles, des aubépines, des sorbiers, et une petite
espèce de cotonnier dont les feuilles ressemblent
à celles du saule. 11 y avait aussi une espère de
grands sapins, mais tellement remplis de nœuds,
qu'ils auraient ébréché les haches. Après avoir
cherché longtemps , on trouva , en aval , sur la
rivière, un endroit où croissaient des bois d'une
plus grande taille. Le camp y fut transporté.
Les hommes se mirent alors à abattre les ar-
bres, et les échos des montagnes répétèrent pour
la première fois le bruit des haches. Tandis qu'on
faisait ainsi les préparatifs nécessaires pour des-
cendre la rivière, M. Hunt, qui doutait encore
qu'elle fût navigable, envoya John Reed, le Clerc,
John Day, le chasseur, et Pierre Dorion, l'inter-
prète , avec ordre de marcher le long de ses bords
pendant quelques jours , et d'observer son cours
et son régime.
Après leur départ, M. Hunt s'occupa d'un autre
objet important. Il était arrivé près des sources
,Ji'
ar-
>our
[u'oii
des-
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I
ASTORIA. ()
de la Colombia, l'un des points principaux em-
brassés par l'entreprise de M. Astor. Ces cours
d'eaux supérieurs, qui n'avaient point encore été
dépeuplés par les trappeurs blancs , étaient re-
gardés comme abondants en castors; et en effet
les nombreuses pistes de ces animaux qu'on avait
rencontrées, en cherchant du bois de construc-
tion, témoignaient que la contrée était favorable
pour trapper. Il convenait donc de commencer
à détacher, en cet endroit, ces couples de hardis
chasseurs, qui se séparent des caravanes marchan-
des, au centre même du désert.
Les hommes qu'on abandonna ainsi étaient
Alexandre Carson , Louis Saint Michel, Pierre
Détaxé et Pierre Delaunay. Les trappeurs vont
généralement par paire, afin de pouvoir s'assister
et se protéger mutuellement, dans leurs occupa-
tions pénibles et solitaires. Carson et Saint-Michel
formaient donc un couple; Detajé et Delaunay
un autre. Bien approvisionnés de trappes, d'ar-
mes, de munitions, de chevaux, et de toutes les
autres choses nécessaires, ils devaient s'occuper
à trapper pendant quelques mois, sur la partie
supérieure de la rivière Enragée, et parmi les
torrents environnants. Après avoir rassemblé une
quantité suffisante de pelleteries, ils devaient les
empaqueter sur leurs chevaux, et se diriger de
leur mieux vers l'embouchure de la Colombia,
H tr
.n^
lO AMOUIV.
OU vers un (Uis postcï. intci'médiaiio (|ui poui-
raient cire établis par la Compagnie. l*our ceux
ijui ne soûl pas initiés à la vie des trappeurs, ces
croisades solitaires dans des déserts inconnus sem-
blent équivaloir à être abandonné dans une
chaloupe, au milieu de l'Océan. Cependant nos
aventuriers prirent conj^é de leuis camarades, et
partirent pour leurs destinations respectives,
avec des physionomies joyeuses et des couraiçes
inébranlables.
Le lecteur aura une preuve suftisantedes périls
qui environnent les trappeurs solitaires, quand
il rencontrera, dans la suite de cet ouvrage, le
récit des cruelles aventures de ces pauvres gens,
pendant le(u- sauvage pérégrination.
Il ny avait pas longtemps (ju'ils étaient partis,
lorsque deux Indiens serpents arrivèrent. Quand
ils virent que les étrangers fabriquaient des ca-
nots, ils secouèrent la tête, et donnèrent à en-
tendre que la rivière n'était pas navigable. Leurs
observations turent d'abord ridiculisées par (|uel-
ques-uns de la troupe, qui étaient obstinément
décidés à s'embarquer. Mais elles furent confir-
mées bientôt par les explorateurs, ([ui revinrent
après plusieurs journées d'absence. Pendant deux
jours ils avaient suivi, avec beaucoup de difficul-
tés, le bord de la rivière, et avaient trouvé qu'elle
était étroite, turbulente, coupée par de nombreux
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1
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3
ASTOHIA. 1 t
rapides et rent'erinëe dans un canal tlt; rochers
escarpés. Du sommet d'un de ceux-ci, ils avaient
pu observer, à vol d'oiseau, sa carrière tourmen-
tée, à travers le centre de la montagne, au milieu
des pierres et des rocs. Convaincus, par cette vue,
qu'il était impossible de suivre son cours, soit
par eau, soit par terre, ils avaient renoncé à
toute investigation ultérieure. Ces rapports con-
cordants déterminèrent M. Ilunt à abandonner la
rivière Enragée , et h chercher c[uelque cours
d'eau plus navigable. Tous les Partners se réu-
nirent à cet avis, excepté M. Miller, auquel les
fatigues d'un vojage par terre étaient devenues
insupportables, et qui voulait s'embarquer immé-
diatement, à tout hasard. Depuis quelque temps,
en effet, son esprit était assombri et irrité par
une maladie corporelle qui lui rendait extrême-
ment pénible de voyager à cheval. Il était d'ail-
leurs mécontent d'avoir dans l'entreprise une
plus petite part que ses camarades. Ses objections
déraisonnables ne furent point écoutées, et la
caravane se prépara à partir.
Robinson, Hoback et Rizner, les trois chas-
seurs qui avaient servi de guides parmi les Mon-
tagnes, s'avancèrent alors et engagèrent M. Huiil
a se diriger vers le poste établi, durant l'hiver
précédent, par M. Henrj, de la Compagnie de
fourrures du Missouri. Ils avaient été avec lui.
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ASTOIIIA.
i!l, aulaiil qirils on pouvaient juger par la coiili-
i«uratlon du pays, son poste ne devait pas être fort
éloigné, lis présumaient que pour y arriver il n'y
aurait à traverser qu'une rangée de montagnes
peu difliciles. Le Fort Henry, comme on l'appelait,
se trouvait près d'une des branches supérieures
de la Colombia> sur laquelle ils étaient persuades
qu'on pouvait descendre en canot.
Les deux Indiens serpents, questionnés à ce
sujet, montrèrent une parfaite connaissance de
la situation du poste, et offrirent avec empresse-
ment iVy guider nos voyageurs. Leur olFre l'ut
acceptée, au grand déplaisir de M. Miller, ([ui
s'obstinait à vouloir braver les périls de la rivière
Enragée.
Depuis quelques jouis le temps était orageux;
il tombait de la pluie et du grésil. Les Montagnes
Rocheuses sont exposées à des vents tempéteux
de l'ouest, qui vieinient quelquefois en tourbillons
et ouvrent dans les forêts de larges chemins, en-
traînant à de grandes distances les branchages et
les troncs d'arbres. L'orage en question s'apaisa
le 5 octobre, laissant toutes les hauteurs environ-
nantes couvertes de neige; car, tandis qu'il était
tombé de la pluie dans la vallée, il avait neigé sur
le sommet des monts.
Le 4> on leva le camp et on traversa la rivièie
dont l'eau venait jus([u'aux sangles de?^ chevaux.
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jresse-
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ApW's une lieue un tiers de ninrelie, on c.impa nu
pied de la montagne. On espérait que c était la
dernière qu'on eût à traverser. Au bout de quatre
jours on l'avait passée, aussi bien que plusieurs
plaines arrosées par de jolis ruisseaux, tributaires
de la rivière Enragée. Auprès d'un des campe-
ments il y avait une source chaude, d'où s'élevait
continuellement un nuage de vapeurs. Ces plaines
élevées, qui donnent un caractère particulier aux
montagnes, sont fréquentées par de grands trou-
peaux d'antilopes aussi légèies que le vent.
Dans la soirée du 8 octobre, après une froide
journée, attristée par des bouffées de vent d'ouest
et par des rafales de neige, on arriva au poste
de M. Henry. C'était là qu'il s'était fixé après avoir
été forcé par les hostilités des Pieds-noirs à aban-
donner les eaux supérieures du Missouri. Cepen-
dant le poste était désert, car il l'avait quitté
pendant l'hiver précédent. On apprit dans la suite
qu'il avait rencontré M. Lisa au village des Ari-
caras, sur le Missouri , quelque temps après le dé-
part de M. Hunt et de sa troupe.
Les voyageurs fatigués prirent joyeusement
possession des huttes de troncs d'arbres qui avaient
formé le poste. Elles étaient situées sur le bord
d'une rivière large d'une centaine de mètres, et
sur laquelle on résolut de s'embarquer. Beau-
coup de bois convenable se trouvant dans le voi-
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sillage, M. Iliml s'occupa imméclialemeiil tie toii-
struiro des canots. Comme il devait laisser en cet
endroit ses chevaux et leur accoutrement, il ré-
solut d'en faire un poste commercial qui servirait
de rendez-vous aux trappeurs distribués dans le
pays, et où pourraient toucher les marchands qui
traverseraient les Montagnes pour aller à l'éta-
blissement situé à l'embouchure de la Colombia,
ou pour en revenir. 11 informa les deux Serpents
de celte détermination , et les engagea à rester
dans le voisinage pour prendre soin des chevaux
jusqu'au retour des hommes blancs, leur pro-
mettant d'amples récompenses pour leur fidélité.
On regardera peut-être comme une chance déses-
pérée de confier tant de chevaux h l'honnêteté de
deux vag.ibonds semblables, mais puis(ju'il fallait
à tout événement les abandonner, on se réservait
au moins ainsi la possibilité de les retrouver.
Un autre détachement de chasseurs se prépara,
en cet endroit, à quitter la caravane, afin d'aller
trapper le castor. Trois d'entre eux avaient été
déjà dans le voisinage; c'étaient le vétéran Robin-
son, et ses compagnons, Hoback et Rizner, qui
avaient accompagné M. Henry à travers les Mon-
tagnes, et qui avaient été ramassés par M. Hunt
sur le Missouri , comme ils retournaient chez eux
dans le Kentucky. Suivant les conventions faites
iavec eux, ils furent pourvus de chevaux , de trap-
■I
•à
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VSTOIIIA.
pcs, de munitions, di; lonles hs iliost-îi, tMilin ,
néc(^;saires pour leur entreprise, lis devaient ap-
porter les pelleteries qu'ils rassembleraient, soit au
nouveau poste eommercial , soit à l'établissement
de l'embouchure de la Colombia. Un autre clias-
seur, nommé Cass, leur était associé. C'est ainsi
que de petites troupes de trappeurs et de chas-
seurs, distribuées dans le désert par les Compa-
gnies de Fourrures, hantent les cours d'eau soli-
taires, comme des grues ou des butors. Robinson,
le vétéran du Terrain Sanglant, qui avait été
scalpé dans sa jeunesse par les Indiens, était le
chef de cette petite bande. Lorsqu'elle lut sur
le point de partir, M. Miller réunit les Partners,
et renonçant à sa part dans l'association, déclara
qu'il avait l'intention de se joindre aux trappeurs.
Cette déclaration frappa tout Je monde d'éton-
nement, car M. Miller avait de l'éducation, des
habitudes sociales, et était peu propre au rude
métier de chasseur. D'ailleurs les profits faibles
et incertains de ce genre de vie, étaient bien au-
dessous de ce que pouvait espérer quelqu'un qui
avait une part dans l'entreprise générale. M. Hunt,
surtout, était mortifié de cette détermination,
parce que c'était lui qui avait décidé M. Miller à
entrer dans l'association. Il tâcha donc de l'en
dissuader en lui représentant à quelles fatigues ,
à quels dangers il allait s'exposer. Il l'engagea
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cliaiulcmeiit , (juelque mécontent qu'il lui de
l'entreprise, à rester du moins avec la caravane
jusqu'à l'embouchure de la Colombia. Lia, on de-
vait rencontrer l'expédition venue par mer, et
s'il n'avait pas changé d'avis, M. Hunt promet-
tait de lui fournir un passage dans les vaisseaux
appartenant à la Compagnie.
A tout cela M. Miller répondit brusquement
qu'il était inutile de discuter «avec lui , et que sa
résolution était prise. Les associés pouvaient lui
donner, ou non, les instruments nécessaires;
mais il était déterminé à se séparer d'eux , en
cet endroit, et à rester avec les trappeurs. Ajant
fait cette déclaration il s'éloigna à grands pas,
sans daigner converser plus longuement.
Malgré l'anxiété que leur causait celte con-
duite fantasque, les Partners virent bien qu'il
était inutile de lui adresser des remontrances. Ils
firent, du moins, tout ce qui dépendait d'eux
afin de le bien équiper pour son entreprise. Ils lui
donnèrent quatre chevaux et tous les articles qu'il
demanda. Les deux Serpents se chargèrent de le
conduire , ainsi que ses compagnons, vers un cam-
pement de leur Iribu où ils devaient obtenir des
renseignements sur les endroits les plus favorables
pour trapper. Ensuite les doux Indiens devaient
revenir au Fort Henry, afin de prendre soin
des chevaux dont le nombre s'élèverait encore
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à soixante-scpl, après que tous les chasseurs en
auraient été pourvus.
Le lo octobre, tout étant ainsi convenu,
M. Miller partit avec ses compagnons, sous la
conduite des deux Serpents, et au grand regret
de ses amis qui le voyaient ainsi se condamner,
de gaîté de cœur, à mener une vie de Sauvage.
On apprendra dans la suite comment M. Miller
et ses compagnons se tirèrent d'afTaire dans la
solitude, et comment les deux Indiens s'acquit-
tèrent de la mission chevaline qui leur fut confiée.
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CHAPITRE XXXÏI.
Discltc. — Mendiauls serpents. — Einhaïqucmenl sur la rivièir
f Icnry. — Joie des Voyageurs. — Arrivée à la rivière des Ser-
pents.— Rapides et brisants. - Commencement d'infortunes.
— Campements ser|)ents. — Pourparlers avec un Sauvage. —
Second désastre. — Perte d'un batelier. — La Chaudière
Tandis qu'on construisait des canots, les chas-
seiu's parcouraient assez inutilement les environs.
On trouvait dans toutes les directions des pistes
de bison , mais aucune de fraîche date. Les élans,
peu nombreux, étaient si sauvages qu'on n'en put
tuer que deux : quant aux antilopes qu'on aperçut,
elles étaient si légères et si farouches qu'il fut im-
possible d'en approcher. A la vérité on prenait
chaque nuit quelques castors ainsi que des truites
saumonées d'une petite taille; mais malgré cela
la caravane était obligée de subsister principale-
ment de chair de bison séchée.
Le i4 octobre on vit venir au camp un pauvre
Serpenta moitié nu, de cette caste misérable dont
les membres sont appelés Gratteurs. 11 sortait de
{[uelque cachette parmi les rochers, et paraissait
épuisé de besoin. Ajant reçu de quoi apaiser sa
faim, il di.spnrnt. Au bout d'un jour ou deux il
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revint, amenant avec lui un jeune garçon en-
core plus nu et plus misërahie que lui-même.
On leur donna quelque nourriture, mais ils con-
tinuèrent à roder autour du camp comme des
chiens affames, cherchant quelque chose à dé-
vorer. On avait jclé de côté les pieds et les en-
trailles de quelques castors; ils les trouvèrent et
les emportèrent dans leur antre au milieu des
rochers.
Le i8, quinze canots furent terminés. Le
jour suivant, nos voyageurs s'embarquèrent avec
leurs elFets, laissant leurs chevaux sur In rive,
et se confiant, pour les recouvrer, h rhonnêtelé
des deux Serpents, et surtout à la fortune.
Le courant emporta rapidement les canots.
L'esprit léger des Voyageurs canadiens^ qui avait
quelquefois langui sur terre, reprit toute son
élasticité lorsqu'ils se retrouvèrent sur l'eau. Ils
maniaient la rame avec leur dextérité habituelle,
et pour la première fois ils firent retentir l'écho
des montagnes de leurs chansons favorites. Dans
le cours de la journée l'escadrille arriva au con-
fluent de la rivière Henri et de la rivière En-
ragée. Ainsi réunies, leurs eaux s'enflent au point
de devenir navigables pour des bateaux de toutes
les grandeurs, et prennent le nom de rivière des
Serpents. Les rives étaient çà et là bordées de
saules etde petits cotonniers. F^e tempsétait frais;
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il neigea toute la journée ; de grandes bandes
d'oies et de canards, se jouant sur les eaux ou
cinglant dans les airs, annonçaient que l'hiver
était proche. Cependant nos voyageurs, en glis-
sant sur la rivière qui devait être pour eux si
désastreuse, étaient remplis d'espérance, et se
flattaient d'atteindre bientôt la Golombia. Après
avoir fait dix lieues dans une direction méridio-
nale, ils campèrent pour i" nuit dans un endroit
qui exigeait quelque vigilance , car on voyait
parmi les buissons des traces récentes d'ours
gris.
Le jour suivant, on trouva que la rivière aug-
mentait en largeur et en beauté. Elle coulait pa-
rallèlement et à droite d'une chaîne de monta-
gnes, qui étaient quelquefois gracieusement réflé-
chies par ses eaux, d'un vert clair. On voyait
encore à distance les trois sommets neigeux des
Mamelons-Pilotes. Après avoir coulé rapidement,
mais paisiblement pendant sept lieues, le courant
commença à écumer, à mugir, et à prendre le
caractère désordonné commun à toutes les riviè-
res à l'ouest des Montagnes Rocheuses. En effet,
les eaux qui descendent de ces montagnes vers
l'Océan Pacifique, se comportent bien autrement
que celles qui traversent les grandes prairies
situées sur leurs pentes orientales. Ces dernières
rivières^ quoique rapides quelquefois, sont géné-
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ralemeiit libres d'obstruction, et la navigation en
est facile. Mais à l'ouest des montagnes, les eaux
coulent plus impétueusement, et forment conti-
nuellement des cascades et des rapides. Ceux-ci
abondaient dans la partie de la rivière que parcou-
raient alors nos voyageurs. Deux des canots cou-
lèrent parmi les brisants. Les hommes qui les
montaient furent sauvés, mais une grande partie
du chargement fut perdue ou endommagée. L'un
des canots, entraîné par le courant, se brisa
parmi les rochers.
Le 21 octobre, on arriva à un dangereux dé-
troit où la rivière était comprimée , pendant
un bon demi-quart de lieue, entre des rochers
escarpés qui la réduisaient à vingt mètres de
largeur, et augmentaient en proportion sa vio-
lence. Là;^ du haut des berges perpendiculaires,
il fallut conduire avec précaution les canots ,
au moyen d'un cordeau. Cela consuma une
grande partie de la journée. Après s'être reni-
î)arqué, on rencontra bientôt d'autres rapides où
il fallut décharger les canots et les porter sur
la rive pendant quelque distance. C'est dans ces
endroits, appelés pointages, que le Voyageur cana-
dien déploie toutes ses qualités ; portant de pe-
sants fardeaux ; travaillant dans l'eau comme sur
la terre, parmi les rocs et les précipices, à travers
la fougère et les ronces, non seulement il ne fait
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entendre aucun murmure, mais toujours de
bonne humeur, il plaisante , rit et chante des
fragments de vieux refrains français.
Cependant nos aventuriers, qui d'abord avaient
été séduits par cette nouvelle manière de voyager,
avaient perdu quelque peu de leur confiance.
Toutes choses, devant eux, étaient enveloppées
d'incertitude. Ils ne connaissaient aucunement
la rivière sur laquelle ils flottaient ; jamais encore
elle n'avait porté un homme blanc, et ils ne ren-
contraient aucun Indien pour en obtenir des
renseignements. Elle continuait sa course entre
des montagnes, à travers des déserts vastes et si-
lencieux, sans qu'on aperçût une v\rigwam sur vses
rives, ni une barque sur ses eaux. Les difficultés
et les périls qu'on avait surmontés avec tant de
peine, donnaient lieu d'appréhender qu'il ne s'en
trouvât d'autres capables de barrer entièrement
le passage. Cependant, h mesure que nos voya-
geurs avançaient, ils reprenaient courage et
espoir. Le courant continuait à être fort, mais
il était régulier; et quoiqu'on rencontrât de fré-
quents rapides, aucun n'était par trop dangereux.
On voyait continuellement des montagnes dans
toutes les directions, mais quelquefois l'impé-
tueuse rivière, bordée de saules et de petits co-
tonniers, glissait à travers des prairies couvertes
de cactiers en raquette, plante qui aime cepen-
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(tant un climat plus méridional. Ces prairies^
dans certaines saisons, sont fréquentées par des
troupes vagabondes de bisons, dont on découvrait
fréquemment les pistes déjà anciennes. On voyait
sur la terre de grandes bandes de rouges-gorges
américains^ et sur la rivière naviguaient des
flottes de canards et d'oies qui s'envolaient en
longues files à l'af^roche des canots : enfin, les
nombreux établissements des castors laborieux et
amateurs de tranquillité, faisaient voir que la
solitude de ces eaux était rarement troublée,
même par les Sauvages qui se répandent par-
tout.
Depuis que nos voyageurs avaient quille le
Fort Henry, ils avaient franchi près de quatre-
vingt-dix lieues, sans avoir aperçu un être hu-
main ni une habitation humaine. Des deux côtés
de la rivière s'étendait une vaste et sauvace soli-
tude, presque entièrement dénuée de tout signe
de vie. A la fin, le 24 octobre, nos aventuriers
furent réjouis par l'aspect de plusieurs tentes
indiennes. Us se hâtèrent de descendre à terre
pour les visiter, car ils désiraient vivement se
procurer quelques informations sur leur route.
A leur approche , cependant, les Indiens s'enfui-
rent avec consternation ; c'était une bande errante
de Shoshonics. Il y avait dans leurs tentes une
grande quantilé do poissons, longs d'environ
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ASTORIA.
deux pouces, ainsi que des racines et des graines,
qu'ils faisaient sécher pour leur provision d'hiver.
Us paraissaient dépourvus d'outils de toute es-
pcce. Pourtant ils avaient des flèches et des arcs
très bien faits. Les arcs étaient fabriqués de pin,
de cèdre ou d'os , et renforcés avec des nerfs ;
les flèches , faites de bois de rosier ou d'autres
buissons, étaient armées, à la pointe, d'une pierre
de couleur verte.
11 y avait encore^ dans les tentes, des paniers de
saule et d'herbe , tressés d'une manière si serrée
qu'ils contenaient l'eau. Il y avait aussi une seine
proprement faite, et de la forme ordinaire, dont
les mailles étaient formées avec les fibres du lin
de Virginie ou de l'ortie. Les humbles effets de
ces pauvres Sauvages furent respectés par les
Blancs ; ils laissèrent même dans leur camp
quelques colifichets , avec un ou deux couteaux
qui leur parurent sans doute d'inestimables trou-
vailles.
Nos voyageurs s'étanl rembarques dans leurs
canots rencontrèrent, peu de temps après, trois
Serpents. Ils étaient montés sur un radeau trian-
gulaire formé de joncs et de roseaux , car tel est
leur grossier système de navigation. Ils n'avaient
aucun vêtement , excepté de petits manteaux de
peau de loutre jetés sur leurs épaules. Les canots
s'approchèrent d'eux assez pour les voir parfaite-
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I ment , mais on ne put pas les décidei* à parle-
I raenter.
I Tout progrès ultérieur , pour ce jour-là , se
trouvant barré par une chute perpendiculaire de
près de trente pieds, la caravane s'arrêta, et campa
pour la nuit au-dessus de la cataracte.
i Le lendemain on fit peu de chemin, avec beau-
' coup de peine. La rivière serpentait h travers
j une contrée rocailleuse et était interrompue par
1 de nombreux rapides, qui firent courir de grands
périls aux canots.
4 Le jour suivant, on visita encore un camp de
Serpents; mais les habitants s'étaient enfuis avec
f terreur en voyant descendre, sur leur rivière so-
, litaire, une flottille de canots remplis d'hommes
I blancs.
Comme M. Hunt désirait extrêmement obtenir
quelques renseignements sur sa route, il fit aux
fugitifs toutes sortes de signes amicaux pour les
engager à revenir. A la fin l'un d'eux, qui était
à cheval, se hasarda à s'approcher, en tremblant
de frajeur. Il était mieux vêtu et en meilleur état
que ceux des membres de sa tribu vagabonde que
M. Hunt avait déjà rencontrés. Le principal objet
de son retour paraissait être d'intercéder, pour
une certaine quantité de viande séchée et de truites
saumonées (ju'il avait laissées derrière lui, et sur
quoi il comptait probablement pour sa subsistance
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diiraiil l'hiver. Le pauvre misérable! s'approcha
avec hësilalion, la crainte de la famine et celle
des Blancs opérant alternativement sm* son esprit.
11 fit les sii»nes les plus abjects en suppliant
M. Hunt de ne point emporter sa nourriture.
Celui-ci essaya, autant qu'il put, de le rassurer,
et lui offrit des couteaux en échange de ses pro-
visions. Mais quelque grande que lût la tentation,
le pauvre Serpent ne put être décidé à donner
qu'une partie de ses vivres, et continua à veiller
avec anxiété sur le reste, de peur qu'on ne le lui
enlev.At. M. Hunt lui adressa vainement des ques-
tions concernant sa route et le cours de la rivière;
l'Indien était trop effrayé, trop égaré pour le
comprendre et pour lui répondre. Il ne faisait
pas autre chose que de se recommander à la pro-
tection du Grand-Esprit, et de supplier, alterna-
tivement, M. Hunt de ne point emporter son
poisson ni sa viande séchée. On le laissa dans cette
préoccupation, tremblant encore pour son trésor.
Dans le cours de ce jour et du suivant on fit
près de vingt-sept lieues. La rivière, large d'en-
viron un demi-quart de lieue, inclinait vers le
sud- ouest. Elle était claire et belle : ses rives
étaient peuplées de nombreuses communautés de
castors.
Le 28 octobre fut un jour de désastre. La ri-
vière redevint agitée, impétueuse, et coupée par
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de nombreux rapides. Ces rapid(!s étaient de plus
en plus dangereux, (;t il fallait beaucoup d'adresse
pour y naviguer. M. Crooks, assis dans le second
canot de l'escadrille, avait en tète de sa burque,
pour la diriger, un vieux Canadien , nommé An-
toine Clappine, l'un des Voyageurs les plus esti-
més et les plus expérimentés. Le premier canot
avait passé sans accident au milieu des Ilots tur-
bulents et mugissants, lorsque M. Crooks, qui
venait ensuite, s'aperçut que le sien se dirigeait
vers un rocher. 11 en avertit le conducteur, mais
celui-ci n'entendit pas son observation, ou la mé-
prisa. L'instant d'après le canot se heurta sur
recueil et fut renversé. 11 portait cinq personnes.
M. Crooks et l'un de ses compagnons furent jetés
au milieu des toui'billons et des brisants; mais,
en nageant avec force, ils parvinrent à atteindre
le bord. Clappine et les deux autres s'attachèrent
aux débris de la barque, et furent poussés avec
elle vers un rocher. Le canot s'y heurta d'un bout :
l'autre bout, décrivant un cercle, jeta le pauvre
Clappine au milieu d'un courant irrésistible. 11 y
fut emporté et périt. Ses camarades parvinrent
il grimper sur le roc, d'où ils furent retirés au
bout de quelque temps.
Cet événement désastreux fit faire une halte à
la llotlille et jeta l'elfroi dans tous les coeurs.
On était arrivé à un terrible détroit qui empêchait
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tout progrès ultérieur dans les canots, et qui dé-
courageait les Voyageurs les plus expérimentés.
Toute la masse de la rivière se trouvant compri-
mée entre deux murailles de rocher, distantes de
moins de trente pieds et haute peut-être de deux
cents, tourbillonnait, et bondissait, et mugissait
si épouvantablement que les Voyageurs appelè-
rent cet endroit la Chaudière (Caldron Linn.).
Au-delà de cet effroyable abîme le courant conti-
nuait à rugir et à bouillonner parmi des préci-
pices, aussi loin que la vue pouvait s'étendre.
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CHAPITRE XXXIII.
vSonibre délibrralion. — Explorateurs. — Rapports tlécoura-
gcants. — Épreuve désastreuse. — Détachements en quête de
secours. — Caches. — Retour d'un des «létachenients. —
Nouveaux désappointenienls. — Le Trou du Diable.
<•?
M. Hunt et ses eompagnous campèrent au bord
de la Chaudière, et tinrent un sombre conseil sur
leur conduite future. Le récent naufrage avait dé-
couragé même les Voyageurs. La mort du pauvre
Clappine, l'un de leurs camarades les plus adroits
et les plus populaires, avait rempli leur coeur de
chagrin; car, malgré toute leur légèreté, ils ont
beaucoup d'affection les uns pour les autres.
On estimait à cent trente-trois lieues la distance
entière que l'on avait franchie par eau depuis le
Fort Henry; mais on craignait alors d'être forcé
par des obstacles insurmontables, à abandonner
les canots. On décida qu'on enverrait des déta-
chements de chaque côté de la rivière, pour voir
si elle ne redevenait pas navigable. En consé-
quence, le lendemain matin, trois hommes furent
dépéchés le long de la rive méridionale , tandis
que M. Hunt, avec trois autres, allait reconnaître
la rive du nord. Après une roule fatigante, parmi
des marais, des rochers, des précipices, les deux
détachements rapportèrent des nouvelles décou-
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rageantes. Ils avaient exploita la rivière pendant
près de treize lieues, durant lesquelles elle conti-
nuait à écumer et h mugir, dans un canal large
de vingt à trente mètres, et profondément en-
caissé entre des rochers stériles, qu'elle avait creu-
sés dans le cours des siècles. Les escarpements,
de chaque côté, étaient souvent hauts de deux h
trois cents pieds, quelquefois perpendiculaires,
quelquefois surplombants, de sorte qu'excepté en
deux ou trois endroits, on ne pouvait pas descen-
dre sur le bord de l'eau. Cet effrayant détroit
était rendu plus dangereux encore par de fréquents
rapides et par des chutes perpendiculaires de dix
à quarante pieds de hauteur, tellement qu'il pa-
raissait presque impossible d'y faire passer les
canots. Cependant les hommes qui avaient exploré
la rive méridionale, avaient trouvé un endroit,
distant du camp d'environ deux lieues, où ils pen-
saient que les canots pourraient être descendus
au bord de la rivière, et lancés sur le courant.
Ils estimaient qu'ensuite ils pourraient continuer
leur chemin, moyennant quelques portages. Qua-
tre des meilleurs canots , choisis pour en faire
l'expérience, furent transportés à cet endroit sur
les épaules de seize hommes. En même temps
M. Reed, le Clerc, était détaché, avec trois hom-
mes, pour reconnaître la rivière plus bas qu'on
ne l'avait fait la première fois, et pour tâcher de
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rencontrer quel(|ues Indiens, île qui on put obte-
nir des provisions et des chevaux, s'il devenait
nécessaire de continuer le voyage par terre.
Le détachement qui avait été envoj'é avec les
canots, revint le jour suivant, fatigué et décou-
ragé; l'un des canots, tandis qu'on s'ellbrçait de
lui faire passer un rapide au moyen d'un cordeau,
avait été emporté avec toutes les armes et les
ellets de quatre des Voyageurs. Les trois autres
canots s'étaient pris dans des rochers, de manière
qu'il avait été impossible de les en retirer. Les
hommes revinrent donc démoralisés, et déclarè-
rent que la rivière n'était pas navigable.
La situation de nos malheureux aventuriers
était aussi sombre que possible. Us se trouvaient
au milieu d'un désert inconnu, qui n'avait jus-
qu'alors été traversé par aucun Blanc. Ils ne sa-
vaient ni quelle route ils devaient prendre, ni à
quelle distance ils étaient du but de leur voyage,
ni s'ils pourraient rencontrer, dans ces immenses
solitudes, un être humain capable de leur donner
le moindre renseignement. Les accidents répétés,
arrivés à leurs canots, avaient si bien réduit leurs
provisions, qu'il ne leur en restait plus que pour
cinq jours ; de sorte qu'ils devaient s'attendre à
voir bientôt la famine se joindre à leurs autres
souffrances.
Cette dernière circonstance rendait plus dan-
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gereux de rester ensemble que de se sépnrei .
Après un conseil plein d'anxiété, il fut décidé
que plusieurs brigades, conduites chacune par un
Partner, partiraient dans difFérentes directions. Si
l'une d'elles rencontrait des Indiens hospitaliers,
à une distance; raisonnable, et pouvait se procurer
des provisions ou des chevaux, elle devait revenir
pour aider le corps principal. Autrement, cha-
cune devait se tirer d'alFaire comme elle pourrait,
et modifier sa route selon les circonstances, en
conservant toujours pour but l'embouchure de la
Golombia.
Trois détachements partirent donc du camp
de la Chaudière, dans des directions opposées.
M. Mac Lellan, avec trois hommes, suivit le cours
de la rivière; M. Crooks la remonta avec cinq au-
tres , pour refaire , par terre , le même chemin
qu'on avait accompli par eau. Il devait poursui-
vre sa route jusqu'au Fort Henry, s'il ne rencon-
trait pas de secours plus proches. On espérait
qu'il y trouverait encore les chevaux qui y avaient
été laissés, et qu'il pourrait les ramener à la ca-
ravane.
Le troisième détachement, composé de cinq
hommes, était conduit par M. Mac Kenzie, qui
se dirigea vers le nord, à travers des plaines dé-
sertes, espérant rencontrer de ce côté le cours
principal de la Golombia.
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A)anl \u partir vv>> trois Iroupes coura£[CUsr,s
pour leurs aventureuses expéditions, M. lïunt ra-
nuiia ses pensées sur les moyens de pourvoir à
la subsistance et au transport du corps principal,
laissé à sa charge. 11 restait avec lui trente et un
lioinines, outrc^ la femme et les deux enl'ants dr
Vierrc Doiion. On ne rencontrait pas de £;ibier
dans le voisina£;e; seulement on trappait (juelque-
l'ois des castors sur le bord de la rivière, et l'on
en tirait un faible supplément de nourriture. En
même temps, on se consolait dans la pensée (fU(;
([uelques-uns des détachements de fourra£;eurs
réussiraient à ramener du secours.
M. Ilunt s'occupa alors, en toute diligence, de
préparer d(îs caches pour déposer h; bagage et les
marchandises dont il serait nécessaire de se dé-
charger, avant de commencer le pénible trajet
par terre. Nous donnerons ici une courte des-
cription de ces magasins si connus dans le désert.
Cache est un terme employé par les marchands
et par les chasseurs pour désigner un endroit où
sont enfouies des provisions et des marchandises.
Ce mot est dérivé du verbe fiançais cacher, et
provient originairement des anciens colons du
Canada et de la Louisiane; mais le lieu secret qu'il
<lésigne était en usage parmi les aborigènes, long-
temps avant l'intrusion des Blancs. C'est en eihl
le seul moyen que les hordes errantes puissent
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avoir de conserver leurs effets cluranl les lon£[U(
absences qu'exigent leurs lointaines expéditions
de chasse ou de i^uerre. La plus grande adresse,
les plus grandes précautions sont nécessaires
pour rendre ces cachettes invisibles aux yeux de
lynx des Indiens. Le premier soin est de choisir
une situation convenable ; c'est ordinairement
quelque banc d'argile bien sèche , sur le bord
d'un cours d'eau. Aussitôt que l'emplacement est
arrêté, on étend sur l'herbe et sur les buissons
environnants des couvertures et tout ce qu'on a
d'étoffes , pour empêcher toute trace de pas et
tout autre vestige; d'ailleurs on emploie le moins
de monde possible. On coupe, aussi proprement
qu'on le peut, un cercle de gazon, d'environ
deux pieds de diamètre^ et on l'emporte soigneu-
sement, pour le mettre dan i un lieu où rien n'en
pourra changer l'apparence : on conserve égale-
ment la terre végétale qui se trouvait au-dessous.
L'endroit découvert est ensuite creusé perpen-
diculairement, jusqu'à la profondeur d'environ
trois pieds; après quoi, on élargit graduellement
le trou, de manière h former une chambre coni-
que, profonde de six h sept pieds. Toute la terre
déplacée par cette opération étant d'une couleur
différente de celle qui se trouve à la surface, en
la met dans une peau, ou dans une forte étoffe,
et on va la jeter au milieu du coins d'eau voisin
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ASTOHIA.
(le manière :» ce qu'elle soit (îutièrement entrai-
née. SI la cache n'était pas creusée sur le bord do
l'eau, il faudrait transporter la terre à une cer-
taine distance, et la disperser, de façon à n'en pas
laisser la plus légère trace. La cave étant formée,
on la garnit d'herbe sèche, d'écorce, de bâtons,
de perches, et quelquefois de peaux séchées. Les
objetsqu'on veut cachery sont alorsdéposés, après
qu'on les a soigneusement aérés. On pose par-
dessus nne peau, puis de l'herbe sèche, des bran-
chages, et des pierres, que l'on foule aux pieds, de
manière à ce que le trou soit rempli jusqu'au col.
On rapporte alors la terre végétale qu'on avait
mise de coté, on la bat solidement pour l'empê-
cher de caver, et on l'arrose fréquemment d'eau
pour détruire toute odeur qui pourrait attirer les
loups ou les ours, et leur faire déterrer le trésor
enfoui. Quand le col de la cache est presque de
niveau avec la surface environnante, le gazon est
replacé avec la plus grande exactitude; et s'il se
trouvait originairement sur la place quelque buis-
son, quelque souche, quelque pierre, on les re-
met dans la même situation. Les couvertures sont
alors retirées de dessus l'herbe envir jnnante;
toutes les traces de pas sont effacées; l'herbe est
doucement relevée, avec les mains, dans sa posi-
tion naturelle, et le plus petit copeau, la moindre
paille, sont scrupuleusement glanés et jetés dans
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le courant. Lorsque tout cela est fait, on quitte la
place pour la nuit, et si tout est bien en ordre le
lendemain matin , on ne la revisite plus que
quand il est nécessaire de rouvrir la cache.
Quatre hommes peuvent de la sorte cacher j
en deux jours, trois tonnes pesant de provisions
ou de marchandises. Il fallut neuf caches pour
contenir les marchandises et les bagai»es que
M. Hunt trouva nécessaire de laisser dans cet en-
droit.
Trois jours avaient été ainsi employés depuis
le départ des diverses brigades , quand celle de
M. Crooks reparut inopinément. Une joie 1. vV
mentanée se répandit dans le camp, car on sup-
posait qu'il avait trouvé du secours. Mais elle fut
de courte durée. M. Crooks et ses compagnons
avaient été complètement découragés par cette
marche rétrograde, à travers une Cj.itrée froide
et stérile. Ils avaient calculé, d'après leur peu de
progrès , et d'après les difficultés qui s'accumu-
laient devant eux à chaque pas, qu'il leur serait
impossible d'atteindre le Fort Henry et de rejoin-
dre la caravane dans le courant de l'hiver; ils
s'étaient donc déterminés à revenir vers leurs
camarades , et à partager leur sort.
Une source d'espérance étant ainsi tarie pour
les inquiets habitants de la Chaudière , leur con-^
iiance ne s'appuyait plus que sur les deux expé--
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ASTOIUA. 37
ditions qui avaient descendu le long de la livière,
sous les ordres de Reed et de Mac Lellan. Quant
au détachement de M. Mac Kenzie, qui avait pris
à travers les plaines, on pensait qu'il aurait bien
assez de diflicultés à surmonter pour son propre
compte, dans cette solitude sans route.
Durant cinq jours ceux qui étaient restés à la
Chaudière continuèrent h vivre des produitsde leur
trappe et de leur pêche. On harponnait pendant
la nuit, à la lumière de torches de cèdre, quelques
poissons assez gros : on en prenait d'autres très
petits dans des filets à mailles serrées : mais au
total les produits de la pèche étaient fort médio-
cres. Le trappagc était aussi très peu productif,
ce qui n'empêchait pas de faire sécher et de con-
server, pour le voyage, les queues et les panses
des castors.
A la fin, deux des compagnons de M. Rced
revinrent, et furent interrogés avec une impa-
tience pleine d'anxiélé. Leur rapport ne servit
(ju'à augmenter le découragement général. Ils
avaient suivi M. Reed jusqu'à quelque distance
au-dessous du point où s'était terminée l'explora-
tion de M, Hunt. Mais ils n'avaient rencontré
aucun Indien , dont ils pussent tirer ni renseigne-
ments, ni secours. La rivière présentait toujotns
le même aspect furieux : elle continuait à bouil-
lonner cl à gronder dans un canal étroit , entre
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3tS ASTOIUA.
(les rocs qui s'élevaient de chaque coté coiiime des
murailles.
Un dernier espoir de continuer le voyage par
eau fut alors abandonné par ceux qui avaient
pu l'entretenir jusqu'alors. Le long et terrible
détroit creusé par la rivière défiait toute espèce
de tentatives; aussi, dans leur colère contre cet
endroit, et dans l'amer regret des pertes qu'ils y
avaient faites, nos voyageurs lui donnèrent un
nom bien mérité, quoique peu orthodoxe, et
Fappc .:t : Le trou du Diable (Dei'Us scutlle
hole ) .
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CHAPlTRi: XXXIV.
AftVeux dëspil, tnlrc la rivière des Serpents et la Coloiuhia. —
Sfjparalion. — Marche fatigante le long de la rivière — Scènes
sauvages. — Shoslionies. — Leurs alarmes. — Achats de che-
vaux. — Souffrances de la soif. — Cheval réclamé. — Courage
d'une femme indienne. — Disette. — Régal de chair de
chien. — JNouvelles de M. Crooks et de sa troupe. — Marche
pénible dansles Montagnes. — Orages déneige.— Nuit glacée.
-- Retour au bord de la rivière.
M. HuNT et ses compagnons résolurent alors
(Je se mettre immédiatement en route. Il y avait
peu de chances de voir revenir les autres déta-
chements, qui s'étaient en quelque sorte aban-
donnés à la fortune, et il était probable qu'ils
franchiraient de leur côté le désert. En tout cas,
rester là dans le vague espoir d'être secouru par
eux, c'était courir le risque de périr de faim.
L'hiver s'avançait rapidement et on avait un long
'Voyage à faire, à travers une contrée inconnue,
hérissée probablement de toutes sortes de périls.
On était, en réalité, à trois cent trente lieues
environ d'Astoria; mais h cette époque, bien en-
tendu, nos voyageurs n'en savaient rien. Tout,
autour d'eux et devant eux, était vague, conjec-
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En abandonnant la rivière il aurait fallu s'en-
l'oncer dans des plaines vastes et sans roules, où
l'on était exposé à périr de faim et de soif. Eu
effet depuis la Rivière des Serpents jusqu'auprès
(le la Colorabia, s'étend un alfreux désert de sable
et de gravier, revêtu seulement çà et là d'une
herbe maigre et rare, insuftisanle pour le pâtu-
rage des chevaux et des bivsons. Ces solitudes
stériles qui se trouvent entre les Montagnes Ko-
cheuses et l'Océan Pacifique sont encore plus
désolées que les arides prairies supérieures, situées
du côté de l'Atlantique. Ce ne sont que d'im-
menses plaines dénuées d'arbres , qui défieront
toujours la culture, et qui formeront éternelle-
ment, entre les habitations des hommes, d'af-
freuses lacunes, dépoiu vues d'eau, où le voyageur
sera souvent en danger de perdre la vie.
Voyant le caractère formidal 'e de ces déserts ,
M. Hunt et ses compagnons se déterminèrent à
suivre les bords de la rivière, dans l'espérance de
rencontrer des Indiens dont on pourrait obtenir
quelques provisions, et afin d'avoir toujours de
l'eau, et d'attrapper quelquefois du poisson et
des castors.
Nos voyageurs firent donc leurs derniers pré-
paratifs pour la marche. Toutes leurs provisions
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lestantes consistaient en /^o livres de maïs, 20
livres de graisse, environ 7 libres de soupe por-
tative, et une quantité de viande séeliée suffi-
sante pour accorder à chaque homme une pitance
de 5 livres et un f[uart. Ces vivres aj^ant été dis-
tribués avec justice, on déposa dans les caches
les marchandises et les objets superflus, afin de
n'emporter que ce qui était d'une indispensable
nécessité pour le voyage. Malgré tous ces mé-
nagements chaque homme avait à porter vingt
livres pesant, outre ses propres ellets et son
équipement.
Afin d'avoir plus de chances de se procurer
leur nourriture dans les stériles régions qu'ils
allaient avoir à traverser, les Partners divisèrent
leur troupe en deux bandes. M. Hunt, avec dix-
huit hommes, outre Pierre Dorion et sa famille,
devait suivre le coté septentrional de la rivière;
tandis que M. Crooks , avec dix-huit autres indi-
vidus , devait longer le côté méridional .
Dans la matinée du 9 novembre les deux trou-
pes se séparèrent, et partirent chacune de son
côté. M. Ilunt et ses compagnons suivirent la
br^rge droite de la rivière qui mugissait au pied
d'une muraille de rochers perpendiculaires, hauts
de deux à trois cents pieds. Pendant neuf lieues,
qu'ils firent ce jour-là, ils trouvèrent impossible
de descendre sur le bord de l'eau. Au bout de
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totte tlislaïKM' ils campèrent, pour la imlt , dans
iiti endroit où l'on ne pouvait eneoio descendre
qu'avec peine. Aussi fut-ce avec la plus grandi
difliculté qu'ils parvinrent à amenei- au camp un
chaudière d'eau. Comme il pleuvait depuis l'après-
midi, ils passèrent la nuit à l'abri des rochers.
Le jour suivant ils firent onze lieues vers le
nord-ouest, en suivant toujours la rivière, qui
courait encore dans un canal profondément creu-
se. Çh et là, une plaide sablonneuse ou une bande
étroite de terre bordée de saules nains , s'éten-
dait pendant une courte distance au pied des pré-
cipices. Quelquefois une nappe d'eau tranquille
brillait comme un miroir uni entre les rapides
écumants.
De même que le jour précédent, nos voyageurs
avancèrent sans trouver moyen de descendre au
J)ord de l'eau, excepte dans un seul endroit. Ils
liuent obligés d'apaiser la soif causée par leur
marche faticante avec l'eau rassemblée dans le
creux des rochers.
Le lendemain matin ils rencontrèrent, le long
de la rivière, un chemin battu par des pas de che-
vaux : ils en conclurent que quelque village ou
campement indien se trouvait dans les environs.
H n'y avait pas long-temps qu'ils suivaient ce che-
min, ([uand ils virent deux Shoshonies qui s'ap-
prochaient avec timidité, en montrant un cou-
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lavaient reçu des iiornincs ])]nnrs de l'avant-
qardo. M. Hunt décida a\ ce peine un de ces Sau-
vages à le conduire vers les loges de son peuple.
Entrant dans un s( nliei" f[ui s'éloignait de la ri-
vière, l'Indien mena nos aventuiiers ii (pieUjue
distance dans la prairie. Ils découvrirent alors un
«•ertain nomhn; de loges, construites en paille,
et ajant la forme de meules de foin. Comme dans
les occasions précédentes l'approche des lilancs
répandit la plus \ive terreur parmi les Indiens.
Les femmes cachèrent sous de la paille ceux ci(î
leurs enfants (jui étaient trop grands pour être
emportés, trop petits pour prendie soin d'eux-
mêmes, et serrant dans leurs bras leius plus jeunes
marmots, s'iMifiiirent à tiavers la prairie. Les
hommes attendirent 1 approche des étrangers ,
mais évidemment avec beaucoup d'alarmes.
M. Ilunt entra dans les loges, et en regardant
autour de lui découvrit l'endroit où les eni'anls
avaient été cachés : leurs jeux noirs brillaient
sous la paille comme des jeux de serpents. 11 leva
leur abri pour les voir : les pauvres petits étaient
horriblement ell'rajés, et leurs pères, tout trem-
blants, contemplaient les étrangers comme ils
auraient legardé quelque bête de proie, prêle à
s'élancer sur leui* piogéniture.
Les manières amicale^ de J\L Ilunt dissipèrent
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bieulot CCS npprchcMsions. Il réussit ii acheter
(l'excellent saumon séché, ainsi (ju'un chien, ani-
mal fort estimé comme nourriture par les Natu-
rels. Quand il retourna vers la rivière, un des
Indiens l'accompagna. lîientut on arriva dans
une région où on rencontrait fréquemment des
loges, sur le bord de l'eau. Après une journée de
neuf lieues , vers le nord-ouest , on campa dans
un voisinage populeux. Quarante ou cinquante
Indiens vinrent visiter le camp, et se conduisirent
de la manière la plus amicale. Ils étaient bien
vêtus et avaient tous des robes de bison, qu'ils
se procuraient de quelque tribu chasseresse, en
échange de leur saumon. Leurs habitations étaient
fort comforlables. Près de la porte de chaque
loge s'élevait une pile de bois d'absinthe , destiné
il servir de combustible : en dedans, il y avait
abondance de saumons, quelques-uns frais, mais
la plupart préparés. Quand les Blancs visitaient
les loges, les femmes et les enfants se cachaient
toujours avec frayeur. Parmi les provisions qu'on
obtint, en cet endroit, se trouvaient deux chiens,
dont nos voyageurs déjeunèrent, et qu'ils trou-
vèrent excellents.
Pendant les trois jours suivants ils firent envi-
ron vingt-et-une lieues, dans la direction du nord-
ouest. Ils rencontrèrent beaucoup d'Indiens, qui
l<îs recurent sans alarme. Autoui' de leurs cabanes
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d(î paille étaient amoncelées d'immenses quan-
tités (le tètes et de peaux de saumon, dont les
parties les meilleures avaient été préparées et
cachées sous terre. Les femmes étaient mal ha-
billées; Jes enfants plus mal encore. Leurs vête-
ments étaient des robes de peau de bison , de re-
naît! , de loup, de lièvre, de blaireau , et quelque-
fois des peaux de canard cousues ensemble, avec
les plumes en dehors. Beaucoup de ces peaux de-
vaient avoir été obtenues par échange avec d'au-
tres tribus, ou recueillies dans des expéditions de
chasses lointaines, car les prairies découvertes du
voisinage ne renfermaient que peu d'animaux,
excepté des chevaux qui y paissaient en grand
nombre. On y voyait aussi , cependant, des traces
de bisons, mais d'une époque déjà ancienne.
Le i5 novembre, nos voyageurs firent neuf
lieues le long de la rivière, alors entièrement dé-
barrassée de rapides. Les rives étaient couvertes
de saumons morts, et l'air en était infecté. Les
Naturels qu'on i^ncontra donnèrent des nou-
velles de M. Reed, qui avait passé dans leur voi-
sinage. Dans le courant de la journée, M. Huiit
vit quelques chevaux, mais leurs possesseurs pri-
rent soin de les emmener précipitamment. Deux
chiens et un saumon furent toutes les provisions
qu'on put se procurer. Le jour d'après nos voya-
geurs furent encore plus malheureux ; il n'eurent
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pour sul).sistc'i' (|ii(' (lu M('' i^tillr cL |<>s rcslcs iU*.
leur Niaiidcî .socIk'c. I.a rivière avait rcpiiv son ca-
ractère turhiiK.'iil, et, st; précipitant dans un étroit
canal, entre des rocliers élevés, était coupée de
violents rapides. Ce joui-là la caravane lit sept
lieues sui' une route ial)Oteus:*, en approchant
i^raduellement d'une niontaj»ne couverte de neipje
<]u'on aperce>ait depuis trois jours vers le nord-
ouest.
Le 12, on rencontra plusieurs Indiens, l'un
(lesquels avait un cheval. M. Hunt désirait extrê-
mement l'obtenir pour porter le l)agaç;e, (;ar ses
hommes, abattus par la fatigue et par la faim,
trouvaient (pie leur char^^e de vini^t livres deve-
nait de jour en jour plus pesante. Malheure' *-
ment 1(îs Indiens (jui habitaient hîs bords '
rivi(n'e n'étaient jamais disposés à se- séparer de
leurs chevaux. Le propriétaire du coursier en (|ues-
tion semblait à l'épreuve de toutes les tentations.
Des articles d'une grande valeur aux yeux des
SauvaiTes avaient été olïérts et refusés l'un après
l'autre, lorscju'à la iin les charmes d'une vieille
bouilloire de fer-blanc se trouvèrent irrésistibles,
et firent conclure le marché.
Une grande partie de la matinée suivante fut
emplov(''e à alléger les pa(piels des hommes, et à
arranger la charge du cheval. Dans ce campement
on n'avait pas trou\é de combustible. Le bois
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d'absinthe, au(|uel on avait souNenl élé réduil,
avait même disparu. lV'iid;nit les deux dernières
journécîs on a>ait l'ait dix lieues au iiord-oiu>st.
Le M) noveinbi'e, iM. Iluiit eut le boidiein-
d'aelicler ini autre cheval, pour' son piopn; usai:;!'.
Il donna en éehani»e un tomahawk, un eouteaii,
un l)ii<juel, queh[ues verroteries, et ((uelques
jarretières. Malheureusement, il adopta l'avis des
Indiens, d'abandonner la rivière et de suivre une
route, ou piste, qui conduisait dans la prairie. 11
eut bientôt lieu de s'en repentir. La route passail
à travers un allieux désert, dénué de toute ver-
dure, et où il n'y avait ni fontaine, ni mare, ni
ruisseau. Les tourments de la oif qu'éprou-
vaient les Voyageurs canadiens étaient ac[gravés
par leur iiourriture habituelle de poisson séché :
ils eurent recours aux moyens les plus révoltants
pour r«j iser. Fendant huit lieues nos aventu-
riers se traînèrent dans cet ellVoyable désert, et le
soir, en se couchant altérés et découragés auprès
de leur feu d'absinthe , ils avaient encore en per-
spective de plus grandes souffrances pour le jour
suivant. Heureusement pour eux il vint à pleu-
voir dans la nuit^ et l'eau se rassemblant en pe-
tites mares leur fournit une boisson délicieuse.
Ainsi rafraîchis ils reprirent leur voyage aus-
sitôt que les premières clartés de l'anhe leur per-
mirent dedislinguer le chemin, l^a pluie cnntimi;i
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tout lo jo.ir, (1(; sorlo qu'ils ne soulfiirent; plus i\o
la soif; mais la faim en prit la place, eai', après
avoir marché onze lieues, ils n'eurent pour tout
souper qu'un peu de blé i^rillé.
Le lendemain les amena auprès d'une jolie
petite rivière, coulant à l'ouest, et bordée de co-
tonniers et de saules. Sur ses bords était assis un
camp indien, autOJu- duquel paissaient un gran<!
nombre de chevaux. Les habitants paraissaient
mieux vêtus qu'à l'ordinaire-, et ce spectricle
semblait tout-h-fait réjouissant pour les pauvres
voyageurs allâmes. lisse hâtèrent d'atteindre les
loijes, mais en y arrivant il leur advint une aven-
ture qui ralentit tout d'abord leur joie. Un Indien
réclama le chevaldeM. Hunt, disantqu'il lui avait
été volé. Il n'y avait pas à nier un fait prouvé par
de nombreux assistants, et que l'habitude des
Indiens de voler des chevaux ne rendait que tro^>
probable. M. Ilunt abandonna donc son coursier
au réclamant, ne pouvant pas le racheter une
seconde fois.
Nos aventuriers campèrent dans cet endroit
pendant la nuit, et firent un somptueux repas,
i^râce à du poisson et à une couple de chiens
qu'ils achetèrent des Sauvages. Le lendemain, ils
suivirent le cours de la rivière, mais ils furent
obligés de s'arrêter au bout de trois lieues à cause
de la pluie. Là, ils oblinrent encore des Naliu'els
plus do
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ASTOUIA. 49
une provision de poissons et de chiens; et deux
ties hommes fuient assez heureux pour se pro-
curer chaciu) un cheval en échange d'une robe de
bison. L'un de ces hommes était Pierre Dorion,
l'interprète métis, dont la famille soufhante avait
grand besoin de ce secours. A cette occasion,
nous ne pouvons nous empêcher de remarquer la
patience, la persévérance et le courage étonnant
des femmes indiennes, dont nous voyons un
exemple dans la conduite de la pauvre squaw de
l'interprète. Elle étaii alors fort avancée dans sa
grossesse, et avait à prendre soin de deux enfants,
l'un de (|uatre ans, l'autre de deux. Souvent
obligée de porter ce dernier sur son dos, en ad-
dition au fardeau imposé à la squp^v suivant
l'usage indien , elle avait souffert sans murmure
toutes les fatigues de ce pénible voyage, et n'était
pas restée en arrière des meilleurs marcheurs.
Dans différentes occasions elle avait déployé une
force de caractère qui lui avait valu le respect et
les applaudissements de tuti* la troupe.
M. Hunt s'efforça d'obtenir de ces Indiens «quel-
ques informations concernant le pays et le cours
des rivières. Les conversations avec eux se faisant
par signes, et à l'aide d'un petit nombre de mots
qu'il avait appris en route, étaient nécessairement
bien vagues. Tout ce qu'il put savoir fut (|ue la
grande rivière, la Colombia , était encore fort
II. 4
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ASTOIUA.
éloignée; mais il ne put rien recueillir sur le
chemin qu'il devait prendre pour y arriver.
Pendant les deux jours suivants , nos voyageurs
continuèrent de marcher vers l'ouest, durant plus
de treize lieues, le long de la petit î rivière. Ils la
traversèrent enfin , justement avant sa jonction
avec la rivière des Serpents^ dont le cours était
encore diricé vei's le nord. Devant eux s'élevait
une montagne couverte de neige.
En trois autres jours ils firent cnviror vingt-
trois lieues , passant à gué deux petites rivières
dont les eaux étaient extrêmement froides. Les
provisions étaient fort rares , et leur principale
nourriture cpnsista en soupe portative , maigre
régime pour des piétons fatigués.
Le 27 novembre, la rivière les conduisit dans
les montagnes, h travers un défilé rocailleux, oi!i
il y .ivait à peine de la place pour passer. Ils fu-
rent fréquemment obligés de décharger les che-
vaux pour leur faire franchir des passages dange-
reux, et quelquefois même ils se virent contraints
h nvu'cher dans l'eau, pour tourner des pro-
montoires de rochers. Toute leur nourriture ce
jour-là fut un castor, qui avait été pris la nuit
précédente. Le soir, leur faim était si aiguë et
l'espérance de trouver dans ces montagnes de
quoi l'apaiser, si faible, qu'ils furent obligés de
tuer un dos chevaux. « Les hommes, dit M. Ilunt
sur le
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ASTOIUA. 5l
dans son journal , trouvent celte viande tort
bonne; cl, en vérité, je serais de leur avis, sans
l'attachement que j'ai pour ce noble animal. »
Le jour suivant,, après avoir fait trois lieues
vers le nord , on arriva près de deux loges de Sho-
shonies, qui semblaient presqu'en aussi mauvaise
passe que les Blancs, car ils venaient de tuer
deux chevaux pour les manger. Ils n'avaient pas
d'autres provisions , excepté certaines graines
qu'ils ramassent en grande quantité et qu'ils pi-
lent de manière à former une soi te de farine.
(]ette craine ressemble à celle du chanvre. M. Hunt
en acheta un sac : il acheta aussi quelques mor-
ceaux de chair de cheval^ qu'il commençait à
aimer, et qu'il trouva « grasse et tendre. »
Il apprit des mêmes Indiens que des hommes
blancs avaient descendu la rivière, quelques-uns
d'un côté, un plus grand nombre de l'autre. Ces
derniers devaient être M, Croo «*t sa troupe.
M. Hunt fut ainsi soulagé de beaucoup d'inquié-
tudes relativement à leur sûreté, car, suivant le
récit des Naturels^ M. Crooks avait encore un de
ses chiens, ce qui faisait voir que sa brigade n'a-
vait pas gravement souffert de la famine.
M. Hunt craignait qu'il ne lui fallût plusieurs
jours pour traverser le défilé, et redoutait par
«onséquent la disette. 11 établit donc son camp
près de ces Indiens dans l'espoir de leur arhetev
ri'- M "•
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52
ASTORIA.
un clieviil. Le soir se passa en teiUaliv(\s inutiles :
il oirrit m\ fusil, une robode bison, et plusieurs
autn»s articles; mais, comme lui, les pauvres gens
avaient probablement devant les jeux la crainte
de la famine. /V la fin les femmes, apprenant l'ob-
jet de ses pressantes sollicitations et de ses offres-
séduisantes, se mirent à pousser des cris si lamen-
tables que M. Hunt fut obligé de quitter la place,
et de s'en retourner, poursuivi par leurs huées.
Le lendemain matin, ag novembre, les Indiens,
craignant probablement pour la sûreté de leurs
chevaux, semblaient fort empressés de se débar-
rasser de leurs hôtes. En réplique aux questions
de M. Hunt, concernant les montagnes, ils lui
dirent qu'il n'aurait plus que trois nuits à y dor-
mir, et que six jours de marche le conduiraient
aux chutes de la Colombia. Cependant il n'ac-
corda aucune foi à ces renseignements, persuadé
qu'ils ne lui étaient donnés que pour l'engagera
pousser en avant. Ces Indiens Serpents, h ce qu'il
apprit encore, étaient les derniers de cette tribu
qu'il dut rencontrer, car il allait arriver bientôt
chez les Scialogns.
Nos aventuriers poursuivirent donc leur long
voyage, qui, à chaque pas, devenait plus pénible.
La route continua pendant deux jours h serpenter
dans des défilés étroits, où on était fréquemment
uldigé de décharger les chevaux. Quelquefois la
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ASTORIA. 53
livicre passait t;nlre des escarpements si abrupts
([u'on était obligé d'en abandonner le cours , et
de gravir avec une fatigue excessive des monts
immenses , preîsque impraticables pour les che-
vaux. Un petit nombre de pins croissaient sur
(pielques -uns de ces monts , dont les sommets
étaient couverts de neige. Le second jour de cette
ascension , un des chasseurs tua un daim à (|ueue
noire , ((ui fournit aux voyagetns allâmes un
somptueux rep;»s. Leur progrès, durant ces deux
jours, fut de neuf lieues dans la direction du
nord -est.
Le mois de décembre arrivait tristement, avec
lie la pluie dans la vallée, de la neige sur les hau-
teurs. II fallut gravir une montagne où l'on avait
de la neige jusqu'à mi-jambe, ce qui accroissait
horriblement les fatigues de la loute. Un p(Mit
castor fournit aux voyageurs un maigre i-epns ,
assaisonné avec des fruits gelés (ju'ils ren(!on-
I raient dans leur coui'sc montagnarde. C'étaient
des mûres, des cénelles et des espèces de sorbes
(fruit du pyrus arbutifolia , L.). Ce jour- là ,
<{Uoique excessivement fatigante, leur marche ne
fut que de quatre lieues. Le jour suivant ils fu-
rent obligés de rester campés, à cause d'un orage
de neige, qui ne leur permettait pas de voira cinq
cents mètres de distance. N'ayant rien à manger
ils tuèrent cncoie un cheval. Le lendemain ils
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54 ASnJlUA.
reprirent leur marche, nonobstant la pluie et la
neige ; mais malgré tous leurs elForts ils ne purent
faire que trois lieues , aj'ant été obligés de dé-
charger les chevaux et de porter eux-mêmes leurs
fardeaux une partie du chemin. Dans la matinée
suivante, ils furent encore contraints de quitter
la rivière et de gravir upe montagne. Arrivés au
sommet, ils aperçurent au loin le pays, et c'était
un spectacle capable de leur faire perdre courage*
Dans toutes les directions ils découvraient des
montagnes neigeuses , empilées les unes sur les
autres, et où croissaient à peine quelques pins
rabougris. Le vent , qui siillait sur ce paysage
triste et glacé , semblait pénétrer dans la moelle
de leurs os. Cependant ils se traînaient à travers
la neige oii ils enfonçaient, à chaque pas, jus-
qu'aux genoux.
Après avoir marclié de la sorte durant tout le
jour, ils eurent la mortification de reconnaître
qu'ils ne se trouvaient qu'à une lieue un tiers
de leur campement de la nuit précédente, tant
étaient nombreux les détours de la rivière, parmi
ces montagnes affreuses. Tourmentés par la faim ,
épuisés de faligue, voyant le soir s'approcher et
la solitude glacée s'allonger devant eux à mesure
qu'ils avançaient, ils commençaient à réfléchir
avec d'horribles pressentiments sur la manière
dont ils passeraient la nuit, exposés à toutes les
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mleuipéries do l'iiii", dans ce désert dénué d'abri.
Heureusement, vers le coucher du soleil, ils
parvinrent à atteindre un bouquet de pins. Ils se
mirent jiussitot à l'ouvrage avec leurs haches; ils
coupèrent des arbres; ils les empilèrent en grand
tas, et eurent bientôt d'énormes feux pour ré-
jouir leurs coeiM's glacés par le froid et par la faim.
Vers trois heures du matin la neige reconnnença
à tomber, et au point du jour ils se trouvèrent
comme dans un nuage, pouvant à peine distin-
guer les objets à une distance de cent mètres.
Cependant ils se dirigèrent vers la rivière, en se
guidant sur le bruit de l'eau courante, et parvin-
rent, quoique avec peine, à descendre sur la rive.
L'un des chevaux, dont le pied manqua, roula
en bas avec sa charge, d'une hauteur de plusieurs
centaines de mètres; mais il ne se blessa point.
Le temps était moins rigoureux dans la vallée (|ue
sur les monts. La neige ne venait qu'à la hauteur
de la cheville, et il tombait alors une pluie douce.
Après s'être trainés durant deux lieues ils cam-
pèrent sur le bord de la rivière. Se trouvant tout-
à-fait sans provisions ils furent encore obligés de
tuer un de leurs chevaux, pour apaiser leur faim
dévorante.
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CHAPITRE XXXV.
Reiicontie inattendue. — Canot de peau. — Craintes étrange .
— Fatigues de M. Crooks et de ses camarades. — Nouvelles
de M. Mac Lcllan. — Marche rétrograde. — Radeau de saule.
— Maladie de M. Crooks. — Impatience de quelques-uns des
hommes. — Nécessité de laisser les traînards en arrière.
Depuis que nos voyageurs avaient quitté la
Chaudière ils avaient accompli cent cinquante
lieues de leur pénible voyage. Quel espace ils
auraient encore h franchir, et quels dangers il
leur faudrait surmonter, aucun d'eux ne le savait.
Dans la matinée du 6 décembie ils quittèrent
leur triste campement, mais ils avaient à peine
commencé leur marche quand, à leur grande sur-
prise, ils virent une troupe d'hommes blancs qui
remontaient le long de la rivière, de l'autre côté
de l'eau. Quand ces individus, qu'on reconnut
bientôt pour M. Crooks et ses compagnons,
furent arrivés en face de M. Hunt et purent se
faire entendre par-dessus le murmure de la ri-
vière, leur premier cri fut pour demander des
vivres, car ils se mouraient de faim. M. Hunt
retourna immédiatement à son camp, et fit faire
un canot avec la peau du cheval qui avait été tué
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ASTOHIA. 5^
le soir précédent. On le fabriqua à la manière des
Indiens, en étendant la peau sur des hâtons, et en
en rattachant les bords avec des courroies. Dans
cette frêle barque, Sardepie, l'un des Canadiens,
transporta de l'autre côté delà rivière à la troupe
alFamée, une partie de la chair du cheval, et ra-
mena avec lui M. Crooks et le Canadien Leclerc.
Les visages décharnés, l'air exténué de ces deux
hommes jetèrent le désespoir parmi les gens de
M. Hunt. Ils s'étaient habitués par degrés à ?a
phj'sionomie les uns des autres, et au résuHat
graduel de la faim et de la fatigue sur leur per-
sonne. Mais les changements opérés sur la figure
de leurs compagnons depuis qu'ils les avaient
quittés étaient un signe éclatant de la désolation
de cette terre. Ils commençaient à concevoir
l'horrible pressentiment qu'ils devaient périr de
faim tous ensemble, ou être réduits à l'eirroyable
alternativede tirer au sort qui se dévouerait pour
le salut commun.
Quand M. Crooks eut apaisé sa faim, il donna
à M. Hunt quelques dîtnils relativement à son
vo)'age. Sur la route cu'il avait suivie il n'avait
rencontré que peu d'Indiens, et encore étaient-ils
trop misérables pour lui donner beaucoup d'as-
sistance. Pendant les dix-huit premiers jours,
après avoir quitté la Chaudière , ses hommes et
lui avaient été réduits h un demi -repas en
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58
ASIUKIA.
viiit^l-([ualre bt-iiies; pendaiil les trois jours
suivants, ils avaient subsiste sur un seul castor,
({uelques cerises sauva£»es {cerasus virginiafia,
Mx.) cl les semelles de leurs vieux mocassins :
enfin, durant les six derniers jour la carcasse
d'un chien avait été toute leur nourriture ani-
male. Ils avaient été trois journées plus loin que
M. Hunt , en se tenant toujours aussi près que
possible de la rivière, et en grimpant fréquem-
ment par-dessus des rochers escarpés, qui s'avan-
çaient dans le courant. A la fin ils étaient arrivés
dans un endroit où les montagnes augmentaient
de hauteur, et, s'approchant davantage de la
rivière, l'encaissaient dans des précipices perpen-
diculaires qui rendaient impossible de continuer
le long du bord de l'eau. Là, le courant se préci-
pitait avec une incroyable vélocité, à travers un
défilé qui n'avait pas trente mètres de largeur.
Des cascades et des rapides s'y succédaient sans
interruption. Quand même, par conséquent, la
rive opposée aurait été praticable, il aurait fallu
être fou pour essayer de traverser ce courant
tumultueux, soit sur des radeaux, soit autre-
ment. Cependant, toujours préoccupés de pousser
en a\ant, ils avaient essayé de gravir les mon-
tagnes et avaient fatigué à travers la neige, pen-
dant une demi-journée, jus([u'à ce que, arrivés
diniï» un endroit où ]■{ vue pouvait s'étendre, ils
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rt'élaicnl aperçus qu'ils n'élaieuL qu'à uioilié
chemin du sommet, et que montat;;nes sur mon-
tajines i>'entassaient devant eux , dans toute leur
lilaciale désolation. Affamés et allàiblis comme
ils l'étaient, ils ne pouvaient manquer de périr
s'ils continuaient de marcher en avant. Leur
seule chance de salut semblait être de regaijner
la rivière et de retourner sur leurs pas le loni^
de ses bords. C'étîiit pendan^^ cette marche rétro-
grade et décourageante qu'ils avaient rencontré
M. Hun t.
M. Crooks ajouta à son récit des nouvelles de
quelques-uns de leuis compagnons de fortune. Plu-
sieurs jours auparavant il avait parlé, avec Reed
et Mac Kenzie, qui se trouvaient avec leurs hom-
mes, de l'autre côté de la rivière, c'est-à-dire sur
le bord que suivait M. Hunt. M. Crooks ne pou-
vait donc pas les rejoindre, mais il avait appris
d'eux, à travers le courant, que M. Mac Lellan ,
espérant rencontrer quelqu'une des tribus île
Tèt.îs-plates qui habitent la base occidentale des
Montagnes Rocheuses, s'était enfoncé dans les
terres, à la hauteur de la petite rivière qui coule
en amont des montagnes. Comme les compagnons
de Reed et de Mac Kenzie étaient des hommes choi-
sis, et avaient trouve des provisions plus abon-
danfeîj de leur côté de la rivière, ils étaient en
meilleure condition cpie ceux de M. Crooks, et
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(jil \SlOlllA.
])lus capables de liittei* avec les difHcullés du pays.
Aussi, (piond celui-ci les perdit de vue, conti-
nuaient-ils résolument à suivre le cours de la ri-
vière.
M. Hunt prit une nuit pour rëHéchir sur sa
situation critique, et pour déterminer ce qu'il y
avait il faire. Il ne fidiait pas (ju'il perdît de temps;
il avait à pourvoir aux besoins de vingt personnes
de son détachement, et à secourir M. Crooks et
ses hommes. S'arrêter là, c'était mourir de faim.
L'idée de revenir sur ses pas était insupportable,
et malgré tous les récits décourageants qu'on lui
avait faits sur les difïicultés des montagnes qui en-
caissaient plus loin la rivière, il aurait été disposé
à en tenter le passage; mais la profondeur de la
neige qui les couvrait l'en empêcha, car il avait
déjà éprouvé l'impossibilité de surmonter cet
obstacle.
Le seul parti adoptable paraissait donc éti-c de
retourner, et de chercher les bandes indiennes
répandues au bord des petites rivières et au pied
des montagnes. Peut-être pouirait-on oblenii"
de quelqu'une de celles-ci assez de chevaux pour
suffire aux besoins de la caravane jusqu'à la Co-
lombia. M. Hunt chérissait encore l'espoir d'at-
teindre cette rivière dans le cours de l'hiver, quoi-
qu'il vît bien que peu d'hommes du détachement
de M. Crooks seraient assez forts pour le suivre,
lu pays.
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ile la ri-
r sur sa
e qu'il y
le temps;
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portable,
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te dispose
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et au pied
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spoir d'al-
er, quoi-
tachement
le suivre ■
ASTOIMA. <)I
Même en adoptant ertle marche, il fallail se ré-
soudre à endurer plusieurs jours de famine, au
tlépart, puisque ce temps-là était nécessaire pour
rejoindre les derrières loges indiennes qu'on avait
rencontrées. Jusque-là on n'aurait pour subsister
que des cénelles et d'auties haies sauvages, outre
un misérable cheval, qui n'avait guères que la
peau et les os.
Après une nuit sans sommeil, et remplie d'in-
quiètes rétlexions, M. Hunt annonça à sa brigade
la triste alternative qu'il avait adoptée. Comme
les hommes de M. Crooks devaient remonter l'au-
tre rive, M. Ilunt fit faire les préparatifs néces-
saires pour l'y remener, avec Leclerc et le reste de
la viande. Malheureusement, le canot de peau
avait été perdu pendant la nuit. On construisit
un radeau avec des fagots de saule, à la mode des
Naturels; mais on ne put lui faire traverser le
courant impétueux. Les hommes de M. Crooks
reçurent alors l'ordre de remonter le long de la
rivière, tandis que M. Crooks et Leclerc chemi-
neraient avec M. Hunt. Tout le monde recom-
mença avec découragement cette marche rétro-
grade.
Au bout de peu de temps on s'aperçut que
M. Crooks et Leclerc étaient si faibles qu'ils ne
ni'uchaient qu'avec difficulté, de sorte que M. Hunt
fut obligé de ralentir le pas de sa troupe pour
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qu'ils pussent h suivre. Ses hommes devinrent
impatients de ce déîai. Ils disaient, en murmu-
rant, qu'ils avaient un lonj^ désert à traverser
avant d'arriver à l'endroit où l'on pouvait s'at-
tendre à trouver des chevaux; qu'il était impos-
sible ([ue M. Crooks et Leclerc pussent le fran-
chir, dans l'état de faiblesse où ils étaient, et que,
rester avec eux . c'était vouloir mourir de faim en
compagnie. Ils importunèrent donc M. Hunt pour
qu'il abandonnât ces deux malheureux à leur des-
tin, et ne s'occup!*t que de son ^ '-^^re salut et
de celui de sa troupe. Voyant qu'il ne se laissait
ébranler ni par leurs prières, ni par leurs cla-
meurs, ils commencèrent à raai'cher en avant ,
seuls ou en petits groupes. Parmi ceux qui s'en
allèrent ainsi , était Pierre Dorion, l'interprète,
pierre possédait le seul cheval restant, et c'était
pour lors un véritable squelette. Dans leur extré-
mité, M. Hunt avait témoigné le désir de le faire
tuer, pour le manger, mais le Métis avait refusé
positivement d'y consentir, et , fouettant le mi-
sérable animal, était parti en avant, avec î'ai
sombre d'un homme décidé » soutenir obstiné-
ment son droit. Me Hunt vit donc ses hommes
s'en aller ainsi l'ini après l'autre, jusqu'à ce qu'il
n'en re. ta plus que cinq avec lui.
Le lendemain matin on fit un autre radeau sur
lefjuel M. Crooks rt Leclerc essayèrent encore de
i
ev lurent
murmu-
•raverser
Mit s'at-
L impos-
le fran-
, et que,
î faim en
iint pour
leur des-
! saliît et
e laissait
;urs cla-
1 avant ,
qui s'en
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t c'était
[ir extré-
; le faire
it refusé
it le mi-
vec î'ai
obstiné-
hommes
ce qu'il
ASToniA. f)5
traverseï' la rivière; mais, après ties cHorts répé-
tés, ils désespérèrent tVy réussir. Cela avait causé
de nouveaux délais, après quoi ils continuèrent à
se traîner d'un pas de tortue. Quelques-uns des
hommes qui étaient restés avec M. Hunt devin-
rent, à leur tour, impatients de ce retard, et le
pressèrent vivement de pousser en avant, pour
ne pas mourir de faim. La nuit qui succéda h cette
journée ajant été extrêmement froide, l'un des
hommes fut cruellement atteint par la gelée.
M. Crooks se sentit aussi incommodé, et, dans la
matinée suivante, il se trouva encore plus inca-
pable de marcher. La situation était alors déses-
pérée, car les provisions étaient réduites à trois
peaux de castor. M. Hunt se décida donc à rejoin-
dre son monde, et à insister pour faire sacrifier au
salut commun le cheval de Pierre Dorion. En
conséquence, il laissa deux de ses hommes pour
aider Crooks et Leclerc, leur donnant deux des
peaux de castor pour les sustenter, et gardant
seulement la troisième pour lui-même et pour les
trois hommes qu'il emmenait.
[leau sur
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CHAPITRE XXXVI.
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M. Hunt rejoint l'avant-garde. — Pierre Dorion et sa rossi-
nante. — Camp de Shoshonies. — Vol excusable. — Festin
de chair de cheval. — M. Crooks arrive au camp. — Il entre-
prend de secourir ses hommes. — Bateau de peau. — Frénésie
de Provost. — Sa fin malheureuse. — Etat de faiblesse de John
Day. — M. Crooks est encore laissé en arrière. — La brigade
sort des montagnes. — Entrevue avec les Shoshonies. — On
obtient un guide. — On traverse la rivière des Serpents. —
On rejoint les hommes de M. Crooks.
Durant tout le jour M. Hunt et ses trois cnma-
rades marchèrent sans manger. Le soir ils firent,
de leur peau de castor, un repas de Tantale, et se
couchèrent presque morts de faim et de froid. Le
jour suivant, lo décembre, ils rejoignirent l'a-
vant-garde, qui était presque aussi affamée qu'eux,
quelques hommes n'ajant rien mangé depuis la
matinée du j. M. Hunt proposa alors de sacrifier
le maigre cheval de Pierre Dorion ; mais il éprou-
va encore un refus positif de la part du Métis,
que l'en était obligé de ménager à cause de son
humeur farouche et vindicative. Ce qu'il y a de
singulier, c'est qiuî les hommes, qui souffraient
si affreusement de la faim, intercédèrent en fa-
veur du cheval. Ils représentèrent qu'il valait
-#
sa rossi-
— Festin
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- Frénésie
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La brigade
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u Mélis,
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ASTOHIA. <) >
ïnicux niarclier on avant, autant (jue possiblt; ,
sans lecoiiiir à colle dernière ressource. Peut-
être les Indiens qu'on cliercliait auraient-ils chan-
<i^é le lieu de leur campement; auquel cas il serait
assez temps de tuer le cheval pour échapper à la
famine. M. Hunt se laissa décider par ces raisons
à accorder un sursis au coursier de l'interprète.
Heureusement, à peu de distance de là, on
aperçut une loge de Shoshonies, autour de la-
([uelle paissaient un certain nombre de chevaux.
C'était un spectacle inattendu autant que joyeux,
car on n'avait jjas vu d'Indiens en cet endroit
lorsqu'on y avait passé. Ils étaient apparemment
venus des montagnes. M. Hunt, qui les découvrit
le premier, contint l'impatience de ses compa-
gnons. Il savait combien ces Sauvages tenaient à
leurs chevaux, et avec quelle facilité ils pouvaient
h's emmener et les cacher en cas d'alarme. Ce
n'était pas le temps de courir le i"isqu(; d'un sem-
blable désappointement. S'élant donc approchés
silencieusement et avec précaution , les Blancs ap-
parurent tout à coup aux yeux des Indiens, qui
s'enfuirent épouvantés. Cinq de leurs chevaux
furent saisis. On en tua un , on le dépeça sur-le-
champ, et, à peine cuit, on le dévora avidement.
Un homme fut alors envoyé, à cheval, avec une
provision de viande pour M. Crooks et pour ses
compagnons. La nuit élail londxr quand il les
il. 5
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ien(!Oiilr.'i. Ils étaimit si nlïhmés fjiie ce ravilaille-
ment ne semblait qu'ai^£»raver encore leur {'aiiii,
et qu'ils furent prescjue tentés de tuer et de man-
i^er le cheval qui avait apporté le messaj^er. Ils
le respectèrent toutefois , et s'en servirent pour
lejoindre le camp oVi ils parvinrent le lendemain
de bonne heure.
En y arrivant M. Crooks vit avec douleur que
sa brigade, qui se trouvait de l'autre côté de la
rivière , n'avait reçu aucune provision , tandis
qu'on en avait au camp en abondance. 11 fit im-
médiatement construire un canot de peau, et
cria h ses gens de remplir d'eau leurs chaudières
et de les mettre sur le feu, afin de ne pas perdre
un moment pour faire cuire leur viande, aussitôt
qu'ils la recevraient. Quoique profonde , la rivière
était assez étroite pour qu'on pûl voir et enten-
dre distinctement d'un bord à l'autre. Les chau-
dières furent placées sur le feu et l'eau bouillait
au moment où les canots furent terminés. Quand
tout fut prêt, cependant, personne ne voulut
entreprendre de transporter la viande de l'autre
côté de l'eau. Une crainte vague, et presque su-
perstitieuse, démoralisait les gens de M. Hunt.
Leur esprit affaibli par les souffrances et par les
scènes horribles qu'ils avaient traversées, n'ima-
ginait que des horreurs. Les pauvres gens, hâves
et décharnés, qu'ils voyaient errer comme des
■'f
Vaim ,
e man-
rer. ll!>
it poiu'
demain
eur qne
lé de la
, landis
Il fit im-
peau, et
laudières
as perdre
, aussitôt
la rivière
et enten-
,es chau-
bouillait
is. Quand
e \oulut
|de l'autre
-esque su-
. Hunt.
et par les
|es, n'ima-
;ns, hâves
mme fies
•^
n
ASTOlîlA. f*)7
spectres sur la rive opposée, leur inspiraient un
snitiinent indéfini de teiTeur, comme si Ton avait
du craindre de leur part (pieNjue action déses-
])érée.
M. Crooks s'elTorcn en vain de les arraisonner
ou de les £5uérir par la honte de cette singulière
situation d'esprit. Il essaya ensuite de diiiger lui-
même le canot, mais ses forces n'étaient pas suf-
fisantes pour vaincre l'impétuosité du courant.
Les lions sentiments de Ben Jones , le Kentuckien,
surmontèrent à la fin ses terreurs, et il s'aventura
sur l'autre rive. Les provisions furent reçues avec
avidité et transports. Pourtant, apiès fjue Jones
fut reparti , un pauvre Canadien, nommé Jean-
Bîiptiste Prévost^ exaspéré par la faim, se mit à
courir comme un fou sur la rive, en criant à
M. Hunt de lui renvoyer le canot pour le tirer
de cette horrible région de famine; déclarant
qu'autrement il ne voulait plus marcher un seul
pas, mais qu'il se coucherait là pour y mourir.
Le canot fut bientôt lenvoyé avec d'autres
provisions, sous la conduite de Joseph Delaunay.
Prévost s'avança pour s'y embar(|uer, mais De-
launay refusa de l'admettre, lui disant qu'il y
avait maintenant une quantité suffisante de viande
de son côté de la rivière. Le pauvre diable répli-
qua qu'elle n'était pas cuite, t|u'll serait mort
avant qu'elle frit apprêtée, et II supplia Delaunay
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(>H ASTOHIA.
(le remmener où il trouverait quelque chose pour
satisfaire immédiatement son appétit. Enfin ,
voyant que le canot allait s'éloigner sans lui , il y
entra de force. En approchant du bord désiré et
en apercevant la viande qui rôtissait devant le feu,
il se leva sur ses pieds; il se mit à crier, à frapper
des mains, à danser, dans un délire de joie, jus-
qu'à ce qu'il eût renversé le canot. Le pauvre
malheureux, entraîné par le courant, se noya;
et ce fut avec beaucoup de peine que Delaunay
atteignit le rivage.
Après le repas si nécessaire, M. Hunt fit partir
en avant tous ses hommes, excepté deux ou trois.
Dans la soirée, il fît tuer un autre cheval et fit
faire de sa peau un nouveau canot, dans lequel
il envoya sur l'autre rive un supplément de viande.
Le canot ramena John Day, le chasseur virginien,
qui venait rejoindre son ancien patron, M. Crooks.
Le pauvre Day, autrefois si actif et si vigoureux,
était alors plus maigre et plus affaibli que ses
compagnons mêmes. M. Crooks avait tant d'es-
time pour cet homme h cause de sa fidélité et de
ses anciens services, qu'il se détermina à ne pas
le quitter. Il engagea cependant M. Hunt à pous-
ser en avant et à rejoindre sa troupe, car sa pré-
sence était de toute importance à la conduite de
l'expédition. L'un des Canadiens, Jean-Baptiste
Dubreuil, resta avec M. Crooks et John Day.
'}
e pour
£ntin ,
m,ily
îsiré et
le feu,
frapper
)ie, jus-
pauvre
! noya ;
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Crooks.
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Ité et de
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[uite de
[Baptiste
ASIOI'.IA. C)(J
M. lltiiil lenr laissa diiix chevaux et une pai lio
(le la C'iiair ilu rJcrnier (jui ax.nt clé lue. Il espé-
rait (jue eela serait suflisanl pour les sustenter jus-
«[u'à (m; (pi'ils alteii^nissent IcMMnipeinent indien.
Un <les piineipaux daui^ers, résultant de la fai-
J)le.ss( (le M. Crooks et de ses compai^nons, élail
(|u'il!s fussent altcinls par les Naturels dont les
elie>.iMx a\aient été saisis. Cependant INl. Hunl
se llaUail d'avoir prévenu lein- resseiiliuient en
laissant dans lenr loge dilïci-enls ohjcls , plus que
suflisants pour compense)' le tort (|u'il avait été
forcé de leur faire.
INl. Ifunt rejoignit son monde vers le soir. Le
lendemain, i 5 décembre, il aperçut sur le bord
opposé de la rivière plusieurs Indiens , avec trois
chevaux. Quelque temps après il arriva aux deux
loges (pi'il a\ait \ues en descendant. Là il s'edoiça
en \ain d'échani»er une carabine contre un che
val; mais il réussit (encore à en obtenir n\] , an
moyen d'une \ieille bouilloire en fei-blanc et de
?juel([ues verroteries.
Les deux jouis suivants furent froids et ora-
gcMix. La neige augmentait de profondeur et la
rivière chai'riaït beaucoup de glaces. La roule,
cependant , devenait pins facile. On était enfin
lois tles montaiines et on se r<»trouvait dans un
pays ouvert , après vingt jours (
le fat
mues, (
le fa-
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ine , de périls de tons les genres, occasioiniés
lu.:'"' -Il ''"
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yO ASTORIA.
par i'iÉiduchieuse IrMtalivi" tir Irouver im passiit^t*
\o loiiii; (lo l;< rivirre des S('r|ioiil».
Enlin nos vojni»riirs dressèrent leur enmp près
tl(î la pelile rivière £»arnic de saules et vennnl de
l'est, qu'ils avaient traversée le 26 novembre. Il
y avait auprès une douzaine de loges de Shoslio-
nies, qui j étaient récemment arrivés. On apprit
d'eux que si Ton avait persévéré à suivre la ri-
vière, on aurait vu les difïicultés s'augmenter, et
devenir à la lin absolument insurmontables. Celte
itjformation ajouta h l'anxiété que M. Hunt éprou-
vait sur le destin de M. Mac Kenzic et de ses gens,
qui avaient continué à marclier en avant.
M. Hunt suivit la petite rivière et campa près
de quel([Ues loges de Slioshonies, dont il acheta
une couple de chevaux, un chien, un peu de pois-
son séché, quelques racines et des cerises séchées.
Deux ou trois jours se consumèrent à prendre des
renseignements sur la route et sur le temps né-
cessaire pour arriver parmi les Sciatogas , tribu
hospitalière qui habitait à l'ouest des montagnes,
et qui passait pour avoir beaucoup de chevaux.
Quoique diliérentes, les répliques s'accordaient à
dire que la distance était grande, et qu'elle exige-
rait entre dix-sept et vingt-et-une nuits. M. Hunt
essaya alors de se procurer un guide, mais quoi-
qu'il envoyât dans différentes loges, vers le haut
et vers le bas de la rivière, quoiqu'il offrît des
f
iip près
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Tibrr. It
^lioslio-
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c In ri-
iiter, ef
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jesgens,
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itagiies,
hevaux.
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I. Hiint
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\SKJlllA. 71
objt'U d uu<; i^raiide \aleiir aux ycn\ des Indiens,
aueun d'eux ne voulut s'a>eiituier. « La neige »,
«lisaient-ils, u viendia jusqu'à la teinture dans les
monlai^nes » j et à loutes ses oilics ils répon-
<laient, en secouant la tête et en frissonnant:
u Nous gcMerons, nous gèlerons;); enfin ils le pres-
saient de rester parmi eux et d'y passer l'hiver.
M. Ilunl était dans un cruel embarras. Essayei
sans guide de franchir les montagnes, c'était s'ex-
j)Osei', avec tous ses gens, à une mort certaine.
Demeurer là après être resté déjà si long-temps en
route, et avec de telles dépenses, c'était pour lui,
disait-il, (( pire que deux morts;). U changea
alors de ton avec les Indiens, et les accusa de
l'avoir trompé relativement aux montagnes, de.
lui avoir parlé avec une langue fourchue y ou, en
d'autres termes, de lui avoir fait des mensonges.
Il leur reprocha leur manque de courage et leui-
dit qu'ils étaient apparemment des fenunes, pour
avoir peur de faire un voyage. A la iin, l'un d'eux,
piqué par ses railleries ou tenté par ses offres,
consentit à être son guide, moyennant un fusil,
un pistolet, trois couteaux, deux chevaux, et une
petite quantité de chaque article qui se trouvait
encore en possession de la caravane. Cette récom-
pense était suffisante pour faire du pauvre Indien
l(^ plus grand richard de sa vagabonde nation.
On se remit ilonc en loule, le 21 décembre.
j-«'i i :■
>" !:!*'
rîjiSf'ili'"'- i
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'"I ' -liH' t
■'•tilLliJ^ |,
Ui .it-;' ril..
l'kHiiihiit:
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^a AsroniA.
avec lin iioinnui coma.^c. Ta* f»iiid<' élalt accoin-
pai»i)(' (le deux autres Indiens. Il se dirif*ea linmc-
dintement vers la rivière des Serpents. On en
suivit le cours pendant un peu de temps, dans
l'espérance de trouver, pour la traverser, quelque
radeau indien, fait de roseaux. N'en ajant pas
rencontré, M. Hunl lit tuer un cheval pour con-
struire lui canot de sa peau. Sur ces entrefaites
on aperçut de l'autre coté de l'eau les treize
liommesde M. Crooks, lesquels étaient restés près
de la rivière des Serpents. Ils dirent à M. Ilunt,
à travers le courant, qu'ils n'avaient point vu
M. Crooks ni les deux hommes ([ui étaient restés
avec lui , depuis le jour on M. Hunt les avait
quittés. Le canot s'étanl ouvé trop petit, un se-
cond cheval fut tué et la peau en fut jointe à
celle du premier. La nuit vint avant que la petite
barque eût fait plus de deux voyat^es. Comme
elle était mal construite, elle fut défaite et re-
montée, à la lumière du feu. La nuit élait froide,
les hommes étaient épuisés et démoralisés par des
fatigues, par des dangers si variés et si incessants.
Ils s'étendirent, tristes et découragés, autour de
leur feu. Beaucoup d'entre eux commencèrent à
exprimer le désir de rester, pour l'hiver, où ils
étaient. Dans leur présent état de faiblesse et d'a-
battement, plusieurs étaient elFrayés par la néces-
sité même de traverser la rivière : car ils se rap-
I4>vi 'A
(••''tu!!'
i'< i
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linmc-
On en
s, clans
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ioinle à
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Comme
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froide,
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ssants.
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où ils
et d'a-
néces-
»e rap-
Asinun. 'J^
pelaient (pie deuxdel<'urs eamaïades a\ai«'nt déjà
jKM'i dans ses eaux, dont le courant rapides et tur-
bulent elianiait maintenant beaucoup de glaeons ;
cidin ils pensaient, avec décourai^enient, aux lon-
gues ctpéinhlcs journées ([u'il leur faudrait sou-
tenir dans des réi^ions désert(\s, iorscpTils ainaient
passé ecMle l'a la le rivière.
De boinie heure, dans la maliné(; du ■j.'5 dé-
cembre, ils eommenecreiit à la traverser. Beau-
coup de i^lace s'était formée pendant la nuit, et
ils furent oblii^és de la briser jusqu'à quelque dis-
lance de chaque rive. A la (in, ils se trouvèrent
tous transportés, en sûreté, sur leboril occidental,
et la réussite de ce périlleux passage releva leui-
coiuage abattu. Us furent rejoints de ce coté de
l'eau par les hommes de M. Crooks. Quoicpie (;es
pauvres gens eussent av(;c eux un cheval et un
chien qu'ils s'étaient récemment procurés, ils
étaient dans un état d'amaicrissemcnt et de mal-
propreté elfrojable. Trois d'entre eux étaient si
complètement dénués de force et de courage,
(fu'ils exprimèrent le désir de rester parmi les Ser-
pents. M. Ilunt leur donna donc le canot pour
traverser la rivière. Il y joignit queh[ues mar-
chandises pour se procurer le nécessaire jusqu'à
ce qu'ils rencontrassent M. Crooks. Il y avait un
autre homme, nommé Mi(;hael Carrièn^, rpii
était presque en aussi mauvais ('lat, mais ([ui
»p |;
II
.^
il' !■ il if
;!Îii;ii:i.47:
■: ; I, i ni. '
7/1 VSIOIUA.
[)Ourt.'iiit se ([c'icnniiia à contiinicr avec ses cairiii-
rades, iiieorpoiés de nouveau dans la briijade de
M. llunt. Après les f'atii^ues de la journée, ils
eampèrcnt tous ensemble sur le i)ord de la rivière
des Serpents. Ce fut la dernière nuit ({u'ils pas-
sèrent auprès. Elle leur avait coûté bien des jour-
nées de i'alii^ucs, et plus de deux cent soixantt;
lieues de chemin ; aussi les soufl'rances qu'ils y
avaient éprouvées la leur rendaient-elles odieuse.
Les Voyageurs canadiens, quand ils en parlaient,
l'appelaient toujours la maudite rivière Enra-
i^ée, accouplant ainsi une malédiction avec son
nom.
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i odieuse,
jarlaient,
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avec son
CIIAPITRi: XXXVJI
hcpart (le la i ivirn; des Scrpnils.- Accroissrnicnl »lo la (aiiiilli-
Doii,,,,. ~ Camp <l(; Slioslionies. - Marche ^lacc-c dans les
iiioiitagncs. - Cliinalplusdoiix. — Camp (le Scialogas. — . Foie
«les voyageurs. — 1M(„1 de Micliael Canièie. - i/Umalalla
- An ivée aux bords de la Colond)ia. - Nouvelles d'Astoria
- Le village de VVish-ram.— liécit du massacre du Toncpiin
— r.es voleurs désappointés. — Arrivée à Astoria. — Aven-
Mires de Reed, de iMac Ix'llau el de Mac Kcnzie,
Lk 24 décemhre, tous les préliminaires étant
.n I nni,M\s, M. Hunt quitta les rives désastreuses de
la rivière des Serpents, et dirigea sa course vers
l'ouest, pour gagner les montagnes. Sa troupe,
augmentée du détachement de M. Crooks, com-
prenait alors trente-deux Blancs, trois Indiens,
et la famille de Pierre Dorion. Cinq chevaux sur-
menés et à moitié affamés, étaient chargés du
bagage; en cas de besoin ils devaient servir de
provisions. On faisait environ cinq lieues par
jour, h travers des plaines ou des collines ren-
<lues plus fatigantes par la neige et par la pluie.
Pour toute subsistance, on avait une fois par jour
un maigre repas de viande de cheval.
ijIf'Sf- .
.:::lîlilâ
si!!*!;
yt) A.STOlUV.
L(^ trol.sicinc jour, l('(j!ina(liou C;ii'rlî*r(,', l'un de.s
lioiiimcs épuises de M. (Jrooks, fui pris tic déses-
poir, et se eoucliaiit sur la lerre, déclara «jn'il lui
était impossible d'alUr plus loin. On s'elForea (\c
Ve\n\ouY',)^jOT, mais on reconnut que le pauvre
diable était absolument exténué et ne pouvait plus
se tenir sur ses jambes. Il fut donc monté sur
l'un des chevaux, quoique le malheureux animal
ne se trouvât i^uère en meilleur état que lui.
FiC 28, iios voyageurs arrivèrent près d'une .
petite rivière qui coulait vers le nord^ à traveis
une jolie vallée. Les Indiens leur montrèient^ sur
la i^auche, une chaîne de montagnes boisées, cou-
vertes de neige, qui s'étendaient du nord au sud,
et (ju'il leur fallait traverser. Le 29, ils saivirenl
la vallée durant sept lieues, ils soullriient beau-
coup de la neige et de la pluie; ([ui tombaient con-
linuelloment, cl furent obligé' de traveiser deux
fois la petite riv ière, dont Ijs (;aux étaient glacx'cs.
J)e bonne heure, le jour suivant, la femme de
Pierre Dorion, qui jusqu'alors a\ait toujours che-
miné* sans murmur( r et sans se décourager, se
trouva soudainement en travail, vt enritdwt son
époux d'un troisième enfant, (.omme le eouiagt"
et la bonne conduite de la pauvre Omiuic lui
avaient gagni' l.t bienvcilhiu'e d<^ toute la lr(>:q)e,
sa situation causa beaucoup d in((uiélii(h'. (ji^pcn-
dant ri(ire traita la chose comme umv alfairc
,;llir
f
fiiili;;;
, l'un (le>
(le (lèses -
I (ju'il lui
1 Força (le
î pauvre
Lvaii plus
:)ntc siii-
X animal
lui.
('S d'iUH^ ,
t Iraveis
eiit^ sm
X'S, COd-
I au àU(i,
uiivirenl
iil beau-
enl coti-
ser deux
i»la(X'es.
niuu^ (1(;
)urs clie-
l'ai^cr, se
DÏùl son
couia^e
nie I
ui
li'oMpe,
. Cepen-
' aKairc
ASTORIA. nn
l'aelle h arranger et qui ne devait pas occasionner
de délais. Il resta dans le camp, auprès de sa
femme, avec ses autres enfants et son cheval,
promettant de rejoindre bientôt le corps prin-
cipal, qui poursuivit sa marche.
Voyant que la petite rivière entrait dans les
montagnes, nos voyageurs l'abandonnèrent, et
marchèrent durant quelques milles parmi des
coteaux. Là un autre Canadien, nommé La Bonté,
refusa d'avancer, et il fallu! le monter sur un
cheval. Le pauvre animal étant trop faible pour
porter en même temps un cavalier et son fard(îau,
M. Hunt prit le paquet sur ses propres épaules.
C'est ainsi qu'ils poursuivaient, parmi les hau-
teurs, leur pénible route, dont ils voyaient s'aug-
menter à chaque pas les diflicultés. IL étaient dé-
(30uragés et à moitié morts de faim, lorsqu'ils
arrivèrent dans une belle vallée qui s'étendait au
loin devant eux. Elle était large de plusieurs
lieues, et au milieu serpentait une jolie petite
rivière. Un climat plus fempéré semblait y do-
miner, car quoiqu'il y eut de la neige sur toutes
les montagnes environnantes, on n'en vovait
point dans la vallée. Nos voyageurs contem-
plaient avec délices ce paysage riant et éclaiié par
le soleil : mais leur joie fut complète, lorsqu'ils
aperçurent six loges de Shoshonies dressées sur
le bord de la rivière (>t envirotmées do chevaux el
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"78 ASTORIA.
(lo ohions. Ils prcssi'rcnt tous le pns et .'itteigiii-
reiil bienlôt le campement. Ll\, leur premier soin
Alt d'acheter des provisions. Une carabine, un
vieux mous([uet, un tomahawk, une bouilloire
de f(T-blanc, et une petite quantité de munitions,
leur procurèrent bientôt quatre chevaux, trois
chiens, et quelques racines. Une partie de ces
animaux furent immédiatement tués, préparés et
dévorés. Cet excellent repas remit tout le monde
en bonne humeur. Dans le cours de la matinée
suivante la famille Dorion fit son apparition.
Pierre venait en avant, donnant la main à son
aîné, et suivi du coursier qu'il estimait tant, quoi-
que ce ne fut plus cru'un squelette. Sur cette
noble bête était montée la squaw, portant son
enfant nouveau-né dans ses bras, et ajant son
i^arçon de deux ans pendu à son coté, dans une
couverture. La mère avait l'air aussi paisible que
si rien ne lui était arrivé : tant la nature acit
avec facilité dans le désert, lorsqu'elle n'est point
contrecarrée par lies entraves de la coquetterie,
par les délicatesses amollissantes du luxe et par les
remèdes intempestifs de l'art.
Le lendemain amena la nouvelle année (1812).
M. Ilunt allait recommencer sa marche, quand
SCS hommes lui demandèrent la permission de
•élébrer cette journée. Cette requéfe était parti-
j'ulièrement appuyée par l(\s Voyageurs caiKuliens
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pour f[ui le premier jour de l'an est une fête
favorite, et qui, dans toutes les situations, ont
bien de la peine à sacrifier une occasion de se
réjouir. 11 était impossible de résister à une telle
deip-'»nde. Le jour se passa donc dans le repos et
dans les plaisirs. Les pauvres Canadiens trouvè-
rent moyen de chanter et de danser, en dépit de
toutes leurs fatigues, et de faire un somptueux
repas avec de la clnii' de chien et de cheval.
Après deux jours d'un repos fort utile, nos
aventuriers se remirent en route. Les Indiens
des loges leur montrèrent une gorge lointaine,
par laquelle il fallait passer pour traverser la
chaîne des montagnes. Ils les assm^Tcnt qnc la
neige les incommoderait peu, et que trois jour-
nées les amèneraient parmi les Sciatogas. Cepen-
dant, M. Hunt avait été si fréquemment déçu
par ies avis des Indiens relativement aux routes
et aux distances, qu'il n'ajouta que peu de foi à
ces renseisinements.
Pendant cinq jours , nos voyageurs continuè-
rent à marcher vers l'ouest. Après avoir traversé
la vallée, ils entrèrent dans les montagnes, où le
chemin, embarrassé de rochers et de troncs d'ar-
bres tombés, devint excessivement fatigant. Ils
avaient de la neige jusqu'aux genoux, et quelque-
fois, dans les creux, ils enfonçaient jusqu'à la
ceinture. L'atmosphère était extrêmement froide.
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cl le lirjiiament couvert de iiuai^es, de sorte que,
durant plusieurs jours , ds îi'aperçurent point le
soleil. En traversant la cliaine la plus haute , leur
vue s'étendit sur un immense panorama de moula -
i^nes neigeuses empilées les un^s sur les autres.
Le G janvier, cependant, ils avaient franchi les
sommets qui divisent les eaux, et ils se trou-
vaient évidemment sous l'iniluence d'un climat
plus doux. La neige commençait h décroître; le
soleil, se dégageant de son voile épais de nuages,
brillait gaiement sur leur tète : enfin, ils crurent
apercevoir, au loin vers l'ouest, une plaine ou-
verte. Se flattant que ce pouvait être la grande
plaine de la Colombia, et que, par conséquent,
leur long pèlerinage tirait à sa lin , ils la saluèrent
comme ies pauvres Israélites saluèrent la terre
promise quand ils la découvrirent pour la pre-
mière fois.
Il y avait alors cinq jours qu'ils avaient quitté
les loiïes des Shoshonies. Ils avaient fait vinct
lieues, et leur guide les assura qu'ils rencontre-
raient les Sciatogas dans le courant de la journée
suivante.
Le lendemain ils poussèrent donc en avant avec
un nouveau courage. Ils rencontrèrent bientôt
une petite rivière et la suivirent à travers un dé-
tilé étroit, profondément encaissé entre d'énor-
mes montagnes, lia, parmi les rocs et les préci-
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(jueue noire. Ils aii ivèrent ensuite dans un en-
. droit on des chasseurs indiens avaient laissé de
nombreuses pistes d(; cliev.d, c[ui sV-eaitaient dans
toutes les directions.
É La neige avait entièrement disparu. L'espoir
de rencontrer bientôt quelque campement des
Naluiels, engagea M. Ilunt à doubler le pas.
Beaucoup d'iiommes, cependant, étaient si aiFai-
blis qu'ils ne pouvaient plus aller de Iront avec;
le corps principal, et qu'ils restaient en arrière
à de grands intervalles; quelques-uns même n'ar-
rivèrent pas le soir au campement. Pendant la
marche de ce jour-là, l'enfant nouveau-né de
Pierre Dorion mourut.
On se remit en route le lendemain matin, sans
attendre les ti'ainards. Le cours d'eau, qu'on avait
suivi le jour précédent, était maintenant enllé
par la jonction d'une autre rivière. Les pentes des
coteaux et des vallées étaient revêtues d'herb(?.
A la fin, un cri joyeux se fit entendre : u Un camp
indien! » Il était encore éloigné, mais on pou-
vait déjà voir qu'il était composé de beaucoup
de loges, et que des centaines de chevaux pais-
saient alentour, au sein d'une vallée verdoyante.
L'espoir d'avoir bientôt de la chair de che-
\A en abondance, inspiia unc^ joie universelle ;
{'■\v à cette épofjue toutes les provisions étaient
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82 ASTOniA.
l'éduites au cheval squelette de Pierre Dorion , et
à un autre animal , également décharné, qui avait
obtenu des sursis répétés durant le voyage. Une
marche forcée amena bientôt nos voyageurs fati-
gués et affamés auprès du camp. Il élait composé
de trente-quatre loges couvertes de nattes, et ap-
partenait à un fort parti de Sciatogas et de Tus-
che-pas. Ces Indiens étaient mieux vêtus qu'au-
cune des bandes errantes qu'on eût jusque-là ren-
contrées, de ce côté des Montagnes Rocheuses.
Ils étaient même aussi bien mis que la généralité
des tribus chasseresses. Chacun d'eux avait une
bonne robe de peau de bison, avec une chemise
et des guêtres de peau de daim. Plus de deux mille
chevaux erraient dans les pâturages autour du
camp. Mais ce qui charma M. Hunt, en entrant
dans les loges, ce fut d'y voir des chaudières de
cuivre, des haches, des bouilloires, et différents
autres usl ensiles de manufacture européenne :
cela prouvait que ces Indiens avaient des commu-
nications indirectes avec les Blancs. Ayant fait
avec empressement une enquête parmi les Sciato-
gas, M. Hunt apprit d'eux que la grande rivière,
la Colorr.bia^ n'était plus qu'à deux journées de
distance, et que plusieurs Blancs l'avaient récem-
ment descendue. M. Hunt se flatta que c'étaient
Mac Lellan , Mac Kenzie et leurs compagnons. Il
éprouvait alors la plus grande joie et la plus pro-
'CM-;
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AS roui \, 8^
fonde i^ratitudo cnvcis le Ciel, d'avoir ainsi heu-
reusement conduit sa troupe alfamée, exténuée,
hojs de hi partie la plus périlleuse de ce lonp;
voyai^e, et en vue, pour ainsi dire, du ferme de
tant de maux. Tous les traînards avaient rejoint,
l'un après l'autre, excepté le pauvre Voyageur
canadien Carrière," mais on l'avait aperçu le soir
précédent, monté en croupe derrière un Indien
serpent, auprès de ([uelques loges de celte nation,
et à peu de milles du dernier campement. On s'at-
tendait à le voir brentôt reparaître.
Le premier soin de M. Hunt fut de se procurer
des pi'ovisions pour ses hommes. Un peu de ve-
naison, d'une qualité médiocre, et ([uelques ra-
cines, furent tout ce qu'il put obtenir ce soir-là.
Le lendemain matin il réussit à acheter une ju-
ment avec son poulain. On les immola immédia-
tement, et ils assouvirent, en partie, la faim tou-
jours renaissante de nos voyageurs.
Ils lestèrent durant plusieuis jours dans le voi-
sinage de ces Indiens, se reposant après toutes
leurs fatigues, et se régalant de chair de cheval et
de racines, acquises par de nouveaux échanges.
Beaucoup des hommes mangèrent avec tant d'ex-
cès qu'ils se rendirent malades; d'autres étaient
encore boiteux des suites de leur voyage. Cepen-
dant tous se restaurèrent graduellement dans le
j-epos et dans l'abondance de la vallée. On obte-
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8/| ASTOHIA.
liait iii (It's che\nux beaucoup pins facilement et à
meilleur marclic que parmi Jes Serpents, Une
couverture, un couteau, ou une demi-livre tic
£[rains de verre bleu suflisaicnt pour pajer un
cheval : h ce taux , beaucoup des hommes en ache-
tèrent pour leur usage personnel.
Ces Indiens, qu'on nous représente comme étant
d'une race orgueilleuse, sont extraordinairement
propres, ne mangent ni chevaux, ni chiens, et ne
voulaient pas permettre que la chair crue en fût
portée dans leurs loges. Chacun d'eux avait une
petite quantité de venaison, mais ils y mettaient
un si haut prix que les Blancs, dans leur état
d'appauvrissement, n'en pouvaient point acheter.
C'est à cheval qu'ils chassaient le daim, en for-
mant autour de lui un vaste ceiclc qu ils resser-
raient giaduellement. Leurs armes étaient des arcs
et des ilcches, dont ils se servaient avec une
grande adresse. Leurs habitudes entièrement pri-
mitives semblaient s'attacher aux usaijes de la vie
sauvage et dédaigner les ressources de la civilisa-
tion. Par exemple, ils ne manquaient point de
haches, et cependant, pour fendre leur bois, ils
faisaient généralement usage de coins de corne
d'élan, et de maillets de pierre, de la forme d'une
bouteille. Quoiqu'ils eussent parfois deux ou trois
chaudières de cuivre pendues dans leurs loges, ils
se servaient fréquemment de panieis de saulr
eut cl a
Is. Une
livre tic
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de la vie
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point de
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X ou trois
s loges, ils
de saul<'
AsroiUA. 85
pour porter leur eau , et ni«:me pour la taire
houillii" au moyen de pierres brûlantes. Les fem-
mes av.'iiciit des cliapeauv de saule , proprement
travailles et ornés de diliérentcs (ii^in-cs.
Le traînard canadien, Carrière, n'ayant pas re-
paiu au bout de deux ou trois jours, deux hom-
mes lurent envoy('*s à cheval, pour le chercher,
mais ils revinrent seuls. Les lonvs des Indiens
serpents, auprès desquelles il avait été \u, n'é-
taient plus au même endroit, et les deux envoyés
n'avaient trouvé nulle trace de leur cnmarade.
Plusieurs jours s'écoulèrent encore sans qu'on en
reçut aucune nouvelle, non plus que du cavalier
serpent derrière lequel il avait été aperçu pour la
<lernière fois. On craignit donc qu'il n'eût péri de
faim et de fatigue, ou qu'il n'eût été assassiné par
les Indiens, ou que, al)andonné à lui-même, il
n'eût pris quelques pistes de chasse pour celles
de la caravane, et ne se fût perdu en les suivant.
La rivière sur les bords de laquelle on était
alors campé , débouche dans la Colombie et est
appelée par les Naturels : Eu-o-tal-ht, ou Unia-
falla. Elle est bien peuplée de castors. Pendant
le séjour de nos voyageurs dans la vallée qu'elle
arrose, ils changèrent deux fois leur camp, en
suivant son cours vers l'ouest durant environ
dix lieues. Une violente pluie qui (It déborder la
rivière, les déloi^ea de leur campement et noya
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trois tic leurs cht'vaiix, altnclit'sdimsuu Icnaiiibjis.
D(î iiou\cll(.;s conversations avec les Indiens
convainquirent nos voyai^eurs (|u'ils n'élaient
pas loin de la Colomhin. Le nombre d'hommes
blancs qui avaient passe tians le voisinage, s'ac-
cordait avec celui de Mac Lellan , de Mac Keiizie
et de leurs compagnons, ce qui donnait à M. Hunt
J'espoir qu'ils pouvaient avoir traversé le désert
vA\ sûreté.
Les Indiens lui avaient aussi raconté une vagu(;
histoire d'hommes blancs qui venaient trafiquer
parmi eux. Ils parlaient surtout de deux grands
personnages Ke-Kosh elJacquean, qui leur don-
naient du tabac et qui fumaient avec eux. Jac-
quean , disaient - ils , avait une maison sur la
grande rivière. Quelques-uns des Canadiens sup-
posèrent qu'il s'agissait d'un certain Jacquean
Finlay, Clerc de la Compagnie du Nord -ouest,
et en conclurent qu;^ la maison en question de-
vait être quel([ue comptoir établi sur un de^ cours
d'eau tributaiies de la Colombia. Les Indiens fu-
rent enchantés quand ils apprirent que leurs nou-
veaux hôtes se proposaient de revenir et de com-
mercer avec eux. Ils promirent d'employer tous
leurs soins à recueillir une quantité de peaux de
castor, et sans aucun doute commencèrent à faire
une guerre mortelle à cet animal intelligent, mais
infortuné, qui vivait dans une paisible insigni-
5*
lalnbas.
Indiens
l'étaient
homines
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c Kenzie
M.Hunt
le désert
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trafiquer
IX grands
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eux. Jac-
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Jacquean
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eurs nou-
t de com-
oyer tous
peaux de
ent à faire
jent, mais
c insijTjni-
ASTOniA. 87
fiance parmi ses sauvages voisins avant l'intru-
sion des marchands hlanes.
Le 20 janvier, après avoir pris congé de ces
Indiens liospitaliers, M. Hunt s'éloigna de la ri-
vière sur la(juelle ils étaient campés, et continua
sa route veis l'ouest.
Le jour sui>ant nos pauvres voyageurs virent
:'i la fin devant eux les eaux si long-temps cher-
chées de la Colombia. Ils les saluèrent avec au-
tant de transports (|ue s'ils avaient déjà atteint le
tel ine de leur pèlerinage. Leur joie ne doit pas
surprendre. Depuis qu'ils avaient quitté la rivièn*
des Serpents, ils avaient marché ([uatre- vingts
lieues parmi des déserts glacés, a travers d'après
montagnes, et il y avait six mois qu'ils étaient-
partis du village aricara, sur le Missouri. Depuis
là, suivant leur calcul, ils avaient fait, par terre et
par eau, cinq cent c[uatre-vingt-quatrc lieues,
dans le cours desqu'dles ils avaient été exposés à
toutes sortes de péi .^ et de fitigues. Enfin leur
route s'était trouvée allongée par le grand dé-
tour qu'ils avaient été obligés de faire pour éviter
la dangereuse contrée des Pieds-noirs.
L'endroit où ils rencontrèrent la 'Colombia
est à quelque distance au-dessous de la jonction
de ses deux grandes branches, les rivières Lewis
et Clarke , et non loin de l'embouchure de la
VVallah- VVali; h. La rivière forme là une belle
vm
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IMAGE EVALUATION
TEST TARGET {MT-3)
1.0
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V'EBSTER, N.Y. 14580
(716) 872-4503
^
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*JiikiV
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88
,\si<n;i \
M;ipp<' , \.\iL}r (I iiii (jiKut il(î iiouc , dont les iInc
bord
fc en
sont (IcnucL's d arbres et qui sv. trouve
<juel([iuîs eiidi'oils de rochers escarpés, en d'autre:
de plac;es caillouteuses.
Nos vojnçjeurs trouvèrent sur les bords de la
(jolombia, de pauvres Indiens appelés Akai-ehies,
<pn n'avaient d'autre vêtement (pi'un court man-
teau de peau, et quelipielois une [)air(î de man-
elies :ie fourrure de loup. L{'urs loi^es , couvertes
d<' nattes de jonc, avaient la (orme fl'une tente,
et étaient léjjères etciiaudes. Outre ces tentes, ils
avaient des espèces d(; caves creusées dans la terre
et revêtues de nattes ; c'est là qu'habitaient les
femmes (jui étaient encore plus léij;èj'ement vêtues
que les hommes eux-mêmes. Ces Sauvages subsis-
taient principalement de leur pêche. Leurs ca-
nots, grossièrement construits, n étaient que des
troncs d'arbres fendus et ci-eusés au moyen du
feu. Cependant leuis loges étaient bien appro-
visionnées de saumon séché, et ils avaient une
grande quantité de truites saumonnécs fraîches,
d'un excellent goût, (pi'ils avaient prises h l'em-
bouchure de rUmatalla. Nos voyageurs en ob-
tinrent- une pro\ision fort utile.
Voyant i[\ui la route suivait le côté septentrio-
nal de la Colombia , M. Hunt la traversa et con-
tinua, duiant cinq ou six jours, à marcher le
lonfj de ses bords. On avançait assez lentement,
^
«ar on vl.ui irl.iiilc' p.u- hi iw-i'cisilé iUi rc-
cliciclicr les chevaux (jiii .s'é^ariiicnl , et par Its
cllbrls (jne l'aisaicnt les Indiens pour les dérobt-r.
i)\\ passai I Irrcpjcmincnt niprrs de loi^cs où on
obtenait du poisson et des (;hlen.s. Dans un endroit
les Naturels revenaicnit justement de la chasse et
avaient rapporté une quantité de viande d'élan
et de daim; mais ils en demandaient un prix si
élevé que nos voyageurs ii'j pouvaient atteindre.
Il leur l'allut se contenter de chair de chien. Il
j'st vrai (ju'à cette épcxpu^, ils en étaient venus à
la considérer comme une très boinie nourriture,
supérieure à la viande de cheval. Les journaux
de l'expédition parlent de temps en temps, trun
ton satisfait, des jcuneux repas qu'on faisait, là
où la chair de chien se trouvait plus abondante
qu'à l'ordinaire.
Sur les boi'ds de la Coloml)ia nos voyageurs
eurent encore des nouvelles des membres dis-
persés de l'expédition. Des hommes blancs, qu'ils
supposèrent être Mae Kenzic; et Mac Leilan ,
avaient, leur dit-on , descendu la rivière avant
eux : on ajoutait niéuKî qu'un de leius canots
s'était renversé, C(i (pu leur avait l'ait perdre
beaucoup d'ellèts. Tous ces renseii^nements sur
les compagnons d aventure qu'ils avaient rpnttés
au milieu du désert , étaient reçus avec le plus
N ir intérêt.
go XSTORIA.
Le temps, qui coiitiiiuail à èlie Icmpéié, iiiar-
(juîiit la douceur supérleun; du climat, de ce
coté des montagnes. L'atmospluVe était ordi-
nairement douce et claire , comme dans les
jours sereins du mois d'octoI)re sur les bords
américains de l'Atlantique. En général, de clia-
(pac coté de la rivière s'étendaient des plaines
continuelles, basses auprès de l'eau, mais qui
s'élevaient graduellement. Elles étaient dépour-
vues d'arbres et presque sans arbrisseaux , sans
plantes d'aucune espèce , si l'on en excepte quel-
(jues J)uissons de saules. Après avoir fait environ
vingt lieues, la caravane arriva dans un endroit
où le pays devenait très montueux et où la rivière,
<'0upée de nombreux rapides, passait entre des
l)ords l'ocailleux. Les Indiens du voisinage étaient
mieux vêtus, et, sous tons les rapports, dans un
état plus prospère que ceux (pii vivaient plus
haut. M. llunt crut reconnaître dans leurs ma-
nières une certaine arrogance produite par la
conscience de leurs richesses; car la prospérité
inspire l'orgueil dans la vie sauvage aussi bien
(pie dans la vie civilisée.
Pour la première fois M. llunt reçut de cette
tribu des nouvelles vagues, mais bien intéres-
santes, concernant la partie de l'expédition qui
s'était rendue par mer à l'embouchure de la
Lulombia. Les Indiens parlaient dune nombreuse
ilfîî b «•
hiii
1i
ASKtiUA. ()\
lioupe d'hommes l)lanc.s ([iii avniciil hall à l'ciii-
])ouchuie de h\ jurande; rivière iiiii' vaste maison,
et (jui l'avaient enloiirée de palissades. Aucun
d'eux n'avait été en personne à Astoria, mais les
nouvelles s(î répandent rapidement de bouche
en bouche, parmi les tribus indiennes, et sont
portées jusque dans l'intériiiur par des troupes
de chasseurs , et par des hordes émij^rantes.
L'établissement d'un comptoir dans cet endroit
devait, d'ailleuis, causer une vive sensation dans
les parties les plus reculées de l'immense solitude
(pii s'étend à l'ouest des Montai:»nes. Il frappait,
pour ainsi dire, la grande artère vitale de ces pnjs,
et faisait palpiter tous ses cours d'eau tributaires.
On est surpris de voir jusf[u'à (piel point cette
peuplade lointaine était instruite des allalres d'As-
loria. Cela montre que les Indiens ne sont ni
aussi peu curieux, ni aussi mauvais observateurs
([u'on l'a avancé. Ils dirent à M. Ilunt que les
hommes blancs de la grande maison avaient at-
tendu avec anxiété leurs amis qui devaient des-
cendre la Jurande rivière ; qu'ils avalent été
plongés dans raifliction par la crainte; que leurs
l'rères ne fussent perdus, mais que l'ariivée de sa
troupe et de lui-même sécherait leurs larmes, et
les ferait danser et chanter de joie.
Le3i janvier, M. Ilunt parvint aux chutes de
la Colombia. Il eanq)a au village de \ ish-ram ,
Liîj
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(y2 ASTOIUA.
(iiii sellait de marché cominmi aux liilms de l;r
cote cl (les mon laitues, et dont les hahitanls Ira-
{i(jiiaient avec les productions de leurs pêcheries.
M. Ilunt les Irouva plus suhtils et plus intelli-
i»enls que les Indiens ([u'il avait nMiconlrés jus-
(ju'alors. Le commerce avait aiguisé leur esprit,
mais n'avait point développé leur honnêteté.
C'était une communauté d'ellrontés fripons et de
maraudeurs. Leurs demeures répondaient à leur
fortune : elles étaient supérieuies à tontes celles
([ue nos voyageurs eussent vues à l'ouest des Mon-
tagnes Iiocheuses. En "énéral, les habitations des
Sauvages, sur le côté occidental de cette grande
bai'rière, étaient de simples lentes et des cabanes
couvertes de peaux, de nattes ou de paille, car le
paj^s est dénué d'arbres. Dans Wish-rnm , au
contraire, les maisons étaient bâties de bois, et
couvertes de grands toits inclinés. Le planchei-
se trouvait enfoncé d'environ six pieds au-dessous
de la surface du terrain ; la porte, ouverte à une
des extrémités , était extrêmement étroite et
basse , de sorte (ju'aprcs l'avoir fianchie avec
quelque dilliculté il fallait descendre une courte
échelle. Cette entiée incommode était apparem-
ment employée comme moyen défensif , et il y
avait, sans doute pour le même motif, des espèces
de meurtrières ouvertes au-dessous du toit, et par
lesquelles on pouvait lancer des (lèches. Les mai -
4^
pouv;
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sons ('laicn! >sr/. oinndcs, cl conlcniiieiil «iéïKMa-
U^mriil deux ou Mois ianiillos. L'un des colrs (in
Ijàlimcnt ctail i^nrni de lits de i»nlk'.s; raulrc
roté servait à emmai^asiner le poisson séelié.
T.es opérations commercial; des lial)itanls de
Wisli-ram leur avaient donné des moyens d'in-
formation étendus, et avaient fait de leur villaijfe
une sorte d(; quartier-f«;énéral pour les nouvelles.
INI. Hunt y recueillit donc des détails plus dis-
tincts sur l'établissement et sur les alïaires d'As-
toria. L'un des habitants avait été au comptoii-
établi par David Stuirt sur rOakinac;an, et y avait
appris quelques mots d'aiii^iais. D'autres répé-
taient le nom de Mac Kaj, le Partner qui avait
péri dans le massacre du Tonquin, et donnaient
quelques détails sur cette malheureuse allhire. Ils
disaient qu(' Mac Kay était un chef parmi les
hommes blancs ; qu'il avait bâti une £»rande mai-
son à l'embouchure tie la rivière, mais ([u'il
l'avait quittée et s'était rendu dans un grand vais-
seau vers le nord, où il avait été attaqué par de
méchants Indiens , montés dans des canots.
M. Hunt fut rempli d'inquiétude par cette nou-
velle et chercha à l'approfondir. On lui répondit
que les Indiens avaient attaché leurs canots au
vaisseau , et qu'ils avaient combattu jusqu'à ce
au'ils eussent tue le chef et tout son peuple. C'est
1;
i un autre exem
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vsrnniA.
Irs nouvelles sonl Irniismises de hoiiclK* en hoii-
clie p.irnii les hihus indiennes. (Jiioi(jue ]\î. Ilmit
ne ernt ces réeits ((n'en pnrlie , ils remplirent
son esprit de som])i'e8 pi-esseiilinienls.
Il désirait se pro(Mn-ei' des eanols pour d«'S( ;'n-
dre la Colomhia, mais il n'y en avait pas de con-
venaM(îs au-dessus du détroit. Il continua donc
à marelicr ptMidant ([ualre lieiîes, et eampa sur le
hoi'd de la rivière. Le camp l'ut bientôt environné
de Sau\ai»es maraudeurs (fui cherchaient à (i(''rol)or
(pu^hpie chose. Déconcert('s par la vii:;ilance des
sentinelles, ils essayc'renf d'en venir à hîurs fins
par d'autres moyens, \ei-s le soir une dizaine de
iTUcrriers entrc'rent dans le camp d'un air fanfa-
ron. Peints et (X]uip(''s comme pour livrer ba-
taille, ils étaient armés de lances, d'arcs, de llè-
clies et de couteaux à scalper. Ils informèrent
M. Ilunt (pi'une troupe de trente à fpiarante
bravc^s devait venir d'un villaire situé plus bas
sur la rivière, pour attaf]uer le camp et em-
mener les chevaux, mais (pi'ils s'étaient détermi-
nés à rester avec lui pour h^ défendre. M. Hujit
les reçut avec £;rande froideur. Cependant, quand
ils eurent fini leur histoire, il leur donna une
pipe à fumer. Il appela alors tout son monde et
posta d(^s sentinelles dans différents endroits,
mais en les prévenant de faire attention à l'inté-
rieur du camp autant ([u'à l'extérieur.
•1
VSKUtlA. ()"»
L<\s i^ncnlcrs «'liiicnl ('\ idcmniciil déroulés par
ces précautions, aussi | rirent-ils conij;é, après
avoir fume Icjr pipe cl évaporé leur valeur. (Ce-
pendant la farce n'cîu rcsla pas là. Au hout de
quehjue temps ils revinrent et inti'oduisirent un
aulre Sauvage, arrangé d'uiu^ manière foi't lié-
roïquc. Us l'annoncèrent comme le cliefdu vil-
lnj;c belliqueux, mais comme; élant, de sa per-
sonne, un grand pacificateur. Son peuple avait
une furieuse envie d'attaquer les Blancs, et les
aujait malmenés, sans aucun doute, si ce vaillanl
chef ne s'était pas déclaré leur ami , et n'avait pas
dispersé les guerriers par son autorité et par ses
prouesses. A^ant ainsi vanté ces l)ons oflices, nos
comédiens firent une pause significative. Us at-
tendaient évidemment une récompense propor-
tionnée à la Grandeur du service. M. Iluntaveiiinit
encore sa pipe, et fuma avec le chef de ces dignes
compères, mais ne fit pas d'autre démonstration
de gratitude. Ils restèrent dans le camp toute la
uuit. Au point du jour ils s'en retournèrent chez
eux, déjoués, l'oreille basse, et n'ayant eu que
de la fumée pour leur peine.
M. Hunt tacha alors de se procurer des canots,
il y en avait, aux environs, plusieurs qui étaient
fort bien faits et capables de porter trois mille
livres pesant; mais M. Hujit trou\a très diflieile
1
(l en négocier r acquisition avec un
peupl
e aussi
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1)1) ASIORIA.
(I('li(', «i <|iii ,s(fnl>l;iil Ixmiicouj) pins (Mitlinii no-
Icr (|irà trntujnor. Muliçrr In strich* i^;ir(le(|iie l'on
l'îiisait nntour tlii ciimp, (lill<''i('nls ustensiles (nroil.
esenmotés et plusieurs cliev.'iux emnn'ués. Pnnui
ceux-ri se IrouMiit la rnonliuc cliéiie de l*i(M're
Dorion. l*oussé pai* que Upie e.ipriee, ce (li£;iie ]ier-
soniiage avait planté sa tente ii une petite dislaiiee
(lu corps principal; son inestimable coursier pais-
sait auprès, avec des entraves. Cependant (piand
l'aurore se leva l'animal était disparu, à la .grande
mystification de l'interprète métis.
Après plusieurs jours fie né^^oeiations, iNf. îî.iiit
parvint à se procunn- le nond)ie de oanols n»'*-
ecssaires. Il aurait aouIu quitter aussitôt ce pnys
de larrons, mais il y l'ut retenu juscju'au 5 l'évriei-
par des vents d'ouest accompas^nés de neipje et de
pluie. Lorsqu'il lui fut enfin possible de démar-
rer, il fut encore retardé par des vents contraires
et par des temps orageux. Cependant le c^ouranl
était en sa faveur : le grand rapide fut passé au
moyen d'un porlage, et les canots ne rencontrè-
rent plus d'obstructions. Enfin, le i5 février,
ayant fait le tour d'un promontoire, nos aven-
turiers arrivèrent en vue du fort d'AsIoria.
Après onze mois d'un pénible voyage accompli
en grande partie dans des déserts dépourvus de
routes, où la vue d'une Avigvvam était une i'aret('',
on peut imaginer avec quelles délices les pauvres
i
i l'on
ircnl.
*nrini
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•pnls-
juand
rande
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(• pays
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aires
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ontiv-
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'oni|)li
vus de
larolr,
>au\ r(\s
AMtilUV. 97
voyageurs exténuis aperrurcnl r<''taf)lisseinrnl
naissant, assis sur unt; liaulcur, aM-e .ses magasins,
SCS l)aslions, ses boulevards de paliss.idr's, eldonii-
nant une belle petite l)aie,oùseljalaneait lran(|uil~
K'iiient à l'anere une i'iaeieusc; einbareation. Un
eri de joie s'éehappa de ehacpie eanot à ec^le vue
long-temps souhaitée. On traversa la l)aic, on
poussa promptement au rivage. Tous les Astoriens
s'étaient empressés d'y deseendre pour reeevoir
et pour félieilcr leurs compaliioles. Tarnii les
premiers à les eomplimentcr sur leur débarcpu'-
nient, se trouvaient (piekpies-uns de leurs anciens
camarades de souHraîJce, qui s'étaient séparés
(l'eux à la Chaudière. C(!ux-ci, sous la conduite de
Reed, de Mac Leilan et de Mac Kenzie, avaient
atteint Asloria près d'un mois auparavant. Con-
naissant par leur propre expérience tous les dan-
gers qu'avaient dii courir M. Ilunt et ses com-
pagnons, ils les avaient regardés comme perdus.
Leurs salutations en furent d'autant plus chaudes
ei, plus cordiales. Quant aux Canadiens, leurs fé-
licitations mutuelles étaient, comme à l'ordinaire,
bruyantes et exagérées. Il était presque ridicule
de voir ces anciens confrères s'embrasstu* et se
baiser l'un l'autre, avec des éclats de joie.
Quand les premiers compliments furent pas-
sés , les didërentes bandes échangèrent le récit de
leurs aventures muluelles depuis ([u'elles s'étaient
H.
fc'«fl
'^•lii.,
1». .'
11."' '
(^K \.ST()iU\.
s(^nan'C.s à la rlviôrt' cirs Scrprnts. Nous en inp-
porterons l)rièv<MnoMt les princijxilcs circonstan-
ces. Le lecteur se rapp("llera ((ii'un petit détache-
ment avait suivi le cours de la rivière, sous la
conduite de John Heed , l'un des clercs de la Com-
pat^nie; cpie peu de temps après un autre était
parti sous les ordres de M. MacLellan; un autre
enfin dans une dillérente direction, sous ceux de
M. Mac Kcnzie. Après avoir erré pendant plu-
sieurs jours sans voir dlndiens et sans pouvoir
se procurer aucune provision, ces trois détache-
ments s'étaient rencontrés fortuitement parmi
les montai»nes de la rivière des Serpents, à quel-
que distance au-dessous du détroit désastreux qui
avait été nommé le Trou du Diable.
Quand ils furent ainsi réunis leur troupe com-
prenait Mac Kenzie, Mac Leiian, Reed et huit
hommes, principalement Canadiens. Se trouvant
tous dans la même situation, sans chevaux, sans
renseignements d'aucune espèce, ils convinrent
qu'il était plus qu'inutile de retourner auprès de
M. Hunt pour l'embarrasser de tant de bouches
affamées, et que leur seule ressource était de sor-
tir aussi vite que possible de cette région désolée,
afin de se diriger de leur mieux vers la Colombia.
Ils continuèrent en conséquence à suivre le cours
de la rivière des Serpents, gravissant les rocs et
les montagnes, et surmontant toutes les difïicul-
P41
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U'*» (les (It'lih'vs , (|ul, après l.i cliiile dos neii^cs ,
lureul trouvés imprntic.iMes par MM. Hiint et
Crooks.
Quoi({ue coiislamnu'iit auprès des bords de la
rivière, et pendant une grande partie du temps
en vue de ses eaux, l'une de leurs plus grandes
soullranees était la soif. La rivière s'ctant creusé
un profond chenal entre des montagnes rocheuses
d('"pourvucs de ruisseaux et de sources, ses berges
étaient si hautes et si abruptes ((u'il s'y trouvait
rarement un endroit où nos voyagems pussent
desetîndrc sui- la plage. Ils souffraient fréquem-
ment, durant des journées entières, les tourments
de Tantale, voyant constamment de feau cou-
rante, et cependant dévorés par la soif la plus
cruelle. Çà et là ils rencontraient de l'eau de pluie
rassemblée dans le creux des rochers; mais plus
d'une fois ils furent réduits par la soif à toute
extrémité, et quelques-uns des hommes eurent
recours aux derniers expédients poiu* éviter de
périr.
Ils soulfraient éfjalement de la faim, ne ren-
contrant aucun gibier, et ne subsistant que de la-
nières de peaux de castor, grillées sur du char-
bon. Ces lanières leur étaient distribuées en pe-
tites portions à peine suffisantes pour supporter
leur existence, et qui, à la fin, leur manquèrent
ils continuaient à avancer
tout-
Cependi
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iOO ASTORIA.
lentement el en pouvant à peine se traîner, jus-
qu'au moment où un violent orage de neii^c les
força de faire une pause. Dans leur état d'épuise-
ment il leur était Impossible de lutter contre un
semblable obstacle. Ils se serrèrent donc l'un
contre l'autre , à l'abri d'un rocher surplombant,
et se préparèrent à subir leur cruelle destinée.
Dans cette situation critique, quand la famine
semblait se dresser comme un spectre devant eux,
Mac Lellan , en levant les yeux , aperçut une
Longue-corne qui s'abritait aussi sous un ro-
cher, au penchant du mont. Comme il était
encore plus actif qu'aucun des ses camarades , et
de plus excellent tireur, il partit pour arriver à
portée de l'animal. Ses compagnons épiaient ses
mouvements avec anxiété , car leur vie dépendait
du succès. Il fit un prudent circuit, gravit la
montagne dans le plus profond silence, et, à
la fin , arriva à une dislance convenable sans
avoir été aperçu de l'animal. Il le coucha en joue
d'une main sûre, et le jeta mort sur la place;
circonstance fortunée, car s'il n'avait été que
blessé, Mac Lellan n'aurait pas eu la force de le
poursuivre. La pente du mont lui permit de
rouler le corps à ses compagnons, qui étaient trop
faibles pour gravir les rochers. Us se mirent aus-
sitôt à le dépecer, mais ils montrèrent une singu-
lière force de laison pour des hommes affamés
.;
VSTOlUA. loi
autant qu'ils relaient, car ils se conlentèrenl ,
pour le moment, d'une soupe faite avec les os
de l'animal, et en réservèrent la viande pour de
futurs repas. Ce secours providentiel leur donna
la force de poursuivre leur voyai^e dans cette
ré£*ion désolée, où ils subirent encore des épreuves
presque aussi cruelles, et dont ils ne sortirent
enfin, avec la vie sauve, que grâce h leur petit
nombre.
A la lin , après vingt et un jours de fatigues
et de souffrances, ils se trouvèrent hors des mon-
tagnes , et arrivèrent à un affluent de la rivière
Lewis. Là ils rencontrèrent des chevaux sau-
vages, les premiers qu'ils eussent vus ii l'ouest
lies Montagnes Rocheuses. S étant ensuite diri-
gés vers la rivière Lewis , ils trouvèrent sur ses
bords une tribu d'Indiens hospitaliers qui satis-
firent libéralement à leurs besoins. Ils achetèrent
deux canots dans lesquels ils descendirent cetl<;
rivière jusqu'à son coniluent avec la Colombia.
Une fois sur celle-ci ils s'abandonnèrent au
courant, qui les amena à Astoria, pales, décharnés,
et complètement déguenillés.
Tous les chefs de l'expédition se liouvaient
ainsi réunis, excepté M. Crooks; mais on con-
servait peu d'espérance de son salut, vu l'état
de faiblesse dans lequel on avait élé obligé de
l'abandonner, .m milieu du d<''sert.
179i>i)4
■ !•('■
•«•4
102 ASTOIUA.
Les Astoriens organisèrent une fête pour célé-
brer l'arrivée de M. Hunt et la joyeuse réunion
des aventuriers dispersés. Les couleurs nationales
furent arborées; les canons, grands et petits,
rententirent : on fit un somptueux repas de
poisson , de castor et de venaison , fameuse chère
pour des hommes qui avaient été si longtemps
enchantés de festoyer avec de la viande de cheval
et de chien. Une libérale distribution de grog
augmenta la joie générale , et comme à l'ordinaire
la fête se termina par une grande danse , exécutée
le soir par les Voyageurs canadiens ' ;
' La distance de Saiiit-Louis à Astoria, jiar la route que
suivit M. Hunt, est d'au moins 1,170 lieues, quoique en ligne
directe elle n'exci.'de pas 600 lieues.
L'expédition était partie de Mackinaw le 12 août 1810.
De Saint-Louis, le 21 octobre de la même année.
Des quartiers d'hiver de la Nodowa en avril 181 1.
D'Aricara , le 18 juillet de la même année.
Elle arriva à Astoria le 5 février 1812^
Le Tonquin , parti de INcw-Yoïk le 8 septembre i8io,
était airi\é à renibouthnif do la T.olouïbia le 22 mars 181 1
ii'îlii
^.
^
CHAPITRE XXXVIII.
Disolle (Iiiraiit l'hiver. — Mauvais territoire <lo chasse. - Re-
tour (le la saison de pèche. — I/iithIccan ou éperlan. —
I/estur^ron. — Le saumon. Nature ^\^\ pavs le long «le la
<-ùle. — Plantes. -- Quadrupèdes. — Oiseaux. — Ueptiles. —
(]liinat à l'ouest des Montagnes. — Houceu»- de la tempéra -
lure. — Sol.
L'hiver se passn tranquillement i\ Asloria.
Ijes craintes qu'on y avait eues d'être attaqué par
les Natmels s'étaient dissipées. Au contraire,
à mesui-e que la saison avançait, la plupart des
Indiens avaient quitlc \^ voisinage de la mer, de
.sorte que faute de leur secours les colons étaient
cpielquefois fort à court de provisions. Les chas-
seurs de l'établissement faisaient, avec peu de
succès, de fréquentes et lon£»ues excursions. Il
y avait bien dans le voisinage quelques daims,
quelques ours, et des élans en grand nombre;
mais le pays était si difficile, les bois si épais et
si impénétrables, qu'il était presque impossible
d'atteindre le gibier. D'ailleurs les pluies habi-
tuelles de l'hiver empêchaient les chasseurs de
tenir leurs armes en bon état. Les provisions
qu'ils rapportaient n'étaient donc pas bien consi-
dérables, et l'on fut fréquemment obligé de ré-
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iO| VSKMUA.
claire les lalioiis. \ cis le priiileiiips , ccpendaiiL,
commença la saison de la péelie; c'est la saison de
l'abondance sur la Colomhia. Dans les premiers
jours de février, on vit arriver à l'embouchure de
la rivière de petits poissons, loni^s d'environ six
pouces, appelés par les Naturels ulhlecaiis , et
f[ui ressemblent à l'éperlan de mer. On dit que
le goût en est délicieux, qu'ils brûlent comme
une chandelle, tant ils sont gras, et que les
Indiens en font souvent usage pour s'éclairer.
Ils entrent dans la rivière par colonnes immenses
et serrées, qui ont souvent plus de cinq pieds
d'épaisseui". Les Naturels les prennent dans de
petits filets, attachés au bout de grandes perches.
De cette manière ils en ont bientôt rempli leurs
canots, ou bien ils en forment de grands tas sur le
bord de la rivière. Leurs femmes les font sécher
en les suspendant à drs cordes, et ces petits
poissons deviennent ainsi un des articles impor-
tants de leur nourriture.
Comme l'uthlecan ne remonte pas loin au-
dessus de l'embouchure de la rivière , son arrivée
ramena bientôt les Indiens sur la côte. Ils ne
manquèrent pas de venir commercer à la facto-
terie, et depuis ce temps ils l'approvisionnèrent
de poisson en abondance.
L'esturgeon fait son apparition dans la rivière
peu de temps après l'uthlecan. Les Naturels le
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\sioi;iA. lo")
jneinienl de (lillrrcults inuniciTs. Qnehiuefois ils
le liaiporineiil, mais plus souvent ils se ser>eul
(le la iii^ne et du (ilet. D'autres fois ils jettent
dans l'eau une corde dont un hout est allachc à
une bouée qui surnage, tandis que l'autre extié-
niitë est chaigce d'un gros poids. Des hameçons
sont fixés à cetle corde et amorcés avec de petits
poissons. On la pose ordinaiiement vers le soir,
et le lendemain matin on y trouve souvent plu-
sieurs esturgeons accrochés; car, quoique ce soit
un poisson grand et fort, il ne fait que peu de
résistance quand il se sent pris.-
Le saumon, qui est aussi important pour les
tribus pêcheuses de la Colombia que le bison pour
les chasseurs des Prairies, n'entre dans la rivière
que vers la fin de mai. Depuis lors jusqu'au mi-
lieu d'août il est très abondant. On le prend en
grande quantité, soit :ivec le harpon, soit avec
la seine, et principalement dans les endroits oii
l'eau est profonde. Une espèce inférieure arrive
ensuite et continue à abonder depuis le mois
d'août jusqu'à celui de décembre. Cette espèce
se fait remarquer par une double rangée de dents,
extrêmement aiguës, qui lui ont valu le nom de
saumon à dents de chien. On le tue céné-
ralement avec le harpon dans les petites rivières;
et on le fume pour l'hiver. Nous avons déjà rap-
porté, dans le cliapilre X, k\v quelle manièrcî les
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saumons sont pris et pr(^parës aux rluitt's de la
Colombia, puis divisés en paquets destinés h l'ex-
portation. L'établissement d'Astoria lirait en
grande partie ses ressources précaires de ces difFé-
rentes pêcheries des Sauvages.
Une année de résidence à l'embouchure de la
Colombia et plusieurs expéditions dans l'inté-
rieur, avaient alors valu aux Astoriens cpielque
connaissance du pnjs. Toute la côte est extrê-
mement inégale et montueuse. Elle est couverte
d'épaisses forêts de pins (pinus canadensis, L.),
de cèdres blancs (cupressus thuyoïdes, L.), de
cèdres rouges (juniperus virginiana, L.), de coton-
niers, de chênes blancs, de f'ênes blancs (fraxi-
nus acuminata, Lamarck), de frênes des marais
(Swamp ash), de saules et de quelques noyers.
Sous ces arbres végètent des arbrisseaux aroma-
tiques, des vignes vierges, des vignes et d'autres
plantes grimpantes qui rendent les forêts presque
impénétrables. Enfin, on y trouve des baies de
différentes espèces, telles que des groseilles, des
groseilles à maquereau^ des fraises, des framboises
rouges et blanches, des sorbes, des migres, des
ronces, des prunelles et des airelles. (Oxycoccus
macrocai'pus, Pursh.; — amclanchier botrjapium,
Lindl.; — pyrus arbutlfolia, L. ;
cerasus vn'-
gnnana.
armi
les li
vaccniium uiicnïosum
')•
ta nés il en est une (|ui mcrUc une
^
^
ASTOIUA. 107
mention particulière. Cliarfuc Heur est composée
de six pétales qui ont environ trois pouces de
loni^ et sont d'un beau cramoisi, avec des taches
blanches à l'intérieur. Les feuilles, d'un beau
vert, sont ovales et disposées trois à trois. Cette
plante grimpe sur les arbres sans s'y attacher :
quand elle a atteint les branches supérieures elle
redescend perpendiculairement, et, continuant
de croître, elle s'étend d'arbre en arbre, et s'en-
trelace dans les branches comme les agrès d'un
::à vaisseau. Les tiges de cette plante sont plus fortes
et plus flexibles que le saule, et ont depuis cin-
quante jusqu'à cent brasses de longueur. Avec ses
libres, les Indiens fabriquent des paniers telle-
ment serrés qu'ils peuvent contenir de l'eau.
Les principaux quadrupèdes remarqués par les
Astoriens dans leurs expéditions sont le cerf, le
daim, l'ours noir et l'ours gris, l'antilope, la
Longue-corne, le castor, la loutre de mer, la
loutre de rivière, le rat mus({ué, le renard, le
loup et la panthère. Mais celle-ci est extrême-
ment rare. Les seuls animaux domestiques des
îNaturels étaient le cheval et le chien.
Le pays est abondamment peuplé d'oiseaux de
terre et «l'oiscaux aquatiques, tels que le cygne,
l'oie sauvage, le brandt^ les canards de toutes es-
l| pèces, le pélican, le héron, la mouette, la bécas-
sine, le courlieu, l'aigle, le vauloin, la coi neille,
4
Ijffflw 1.
■H
h II
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.\ST()I«I A
frvf
le corbean, la pie, le i^rimpereau, le pii^eoii, la
perdrix, le faisan, le IVaiicolin, et une <»raiule
(juantitë d'oistîanx chanteurs.
Il se trouve aux environs peu de reptiles : les
seules espèces dangereuses sont le serpent à son-
nettes, et un autre serpent, long d'environ quatre
pieds, dont la cuirasse est rayée de noir, de jaune
et de blanc.
Parmi les lézards, il y en a un dont le corps
a neuf ou dix pouces de longueur, et trois pouces
de circonférence. Sa (pieue est ronde et de la
même longueur que son corps ; sa tête est trian-
gulaire, et couverte de petites écailles carrées. La
partie supérieure de son corps est pareillement
armée de petites écailles vertes, jaunes, noires et
bleues. Chaque pied, composé de cinq doigts, est
garni d'ongles Irèsforts dont l'animal se sert poui-
creuser la terre, car il habite des terriers dans
la plaine.
Un fait remarquable , et qui caractérise les
contrées situées à l'ouest des Montagnes Ro-
cheuses , c'est la douceur et l'égalité de la tempé-
rature. Cette grande barrière montagneuse di-
vise le Continent en ditïérents climats, sous les
mêmes degrés de latitude. Les hivers rigoureux,
les étés étoulfanls, et toutes les capricieuses iné-
galités de température (jui piévalent du côté de
l'Atlantique, se font peu i csscntir sur les pentes
M
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vsroiuA. i(i<)
occideiUalesilos Moiit;j£i;nos. I^rs pn^s silurseiilic
«Ih's et rOccan Pncifiqur, sont favorisés (riinc
température douce et striJîle qui resseml)le à celle
(les mêmes latitudes en Europe. Dans les plaines
et dans les vallées, il ne lonihe que peu de neii^e
pendant l'hiver. Elle fond ordinairement en tom-
bant, et rarement elle reste sur la terre plus de
deux jours de suite, excepté dans les montagnes.
Les hivers sont pluvieux plutôt que froids. Durant
cinq mois, depuis le milieu d'octobre jusqu'au
milieu de mars, les pluies sont presque conti-
nuelles, et souvent accompagnées d'éclairs et d'et-
froyables coups de tonnerre. Les vents dominants
en cette saison sont ceux du sud et du sud-est; ils
amènent généralement de la pluie. Ceux du nordet
du sud-ouest sont les présages du beau temps. Du
milieu de mars au milieu d'octobre, c'est-à-dire
durant sept mois , l'atmosphère est sereine et
délicieuse. 11 ne tombe presque jamais de pluie
pendant cet intervalle, mais la verdure est rafraî-
chie par les rosées de la nuit, et quelquefois par
des brouillards humides, le matin. Ces brouillards
ne paraissent pas être nuisibles à la santé, car les
Blancs, aussi bien que les Naturels, dorment im-
punément en plein air. Tandis que cette tempé-
rature douce et égale prévaut dans le bas pays,
les cimes des vastes montagnes qui le dominent
sont couvertes de neiges perpétuelles. Elles s'a-
Kl
1»
•-•1
m-
IIO ASTOUIA.
periîoiveut ainsi à de très i^randes distances ^ et,
comme de brillants nuages d'été, se parent sou-
vent de couleurs aériennes. Elles forment tou-
jours un des traits les plus frappants de ces vastes
paysages.
La douceur habituelle de la température est
attribuée aux vents qui viennent de l'Océan Paci-
fique. Du 20" degré de latitude nord jusqu'au
5o^ degré, au moins, ce sont eux qui tempèrent
les chaleurs de l'été , de sorte qu'à l'ombre on
n'est point incommodé par la transpiration. Ce
sont eux qui adoucissent aussi les rigueurs de
l'hiver, produisant ainsi un climat si modéré, que
les habitants peuvent porter les mêmes vêtements
durant toute l'année.
Dans le voisinage de la côte , le sol est d'une
couleur brune tirant un peu sur le rouge. Il
est généralement pauvre et formé d'un mélange
d'argile et de gravier. Dans l'intérieur, et prin-
cipalement dans les vallées des Montagnes Ro-
cheuses, il est ordinairement noirâtre, et quel-
quefois jaune ; il est souvent mêlé de marne et
de substances marines en état de décomposition.
Cette espèce de sol a une épaisseur considéraîîle ,
comme on peut le remarquer dans les profondes
coupures formées par le cours des eaux. La végé-
tation est beaucoup plus riche dans ces vallées
qu'au bord de la côte : et c'est dans ces inter^
N
Hii*
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vsroni V. i i |
valles i'erlilcî» , cnlermrs enlre tics cliaîiies ro-
cheuses, ou creusés thms.tles plateaux stériles,
que la population doit s'éteiulrc et se ramifier, si
jamais les réj^ions situées au delà des Montagnes
deviennent civilisées.
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Ml
H:
CIIAPITUE XXXIX.
Nalun-ls des environs. — Leurs niffuis. — Leurs armes. —
L^sage d'aplatir la tèle. — (iruvauces rdij^'ieuses. — Prêtres
nu nu'decins. — Les idoles ri\ales. - Poivra mi<' , eaiise de
grandeur. — (luerre iiiiioeent»'. - IMiisir|ne, <larise . jeu.
Voleurs vertueux. — llorreiu' de l'ivrognerie. -- Indigualion
de Coincond} .
1
ti
Nous avons drjà doniio (|ii('l(|iics lU'lnil.s sur \cs
tribus ([ui existaient vers la partie; inférieure de
la Colombia, au temps de l'établissement. Nous
ferons bien, peut-être, d'y ajouter de nouvelles
particularités. Les quatre tribus les plus proches
d'Asloria, et avec lesquelles les marchands avaient
le plus de rapports, étaient, comme nous l'avons
déjà dit, les Chiuooks, les Clatsops, les Wahkia-
cuuis et les Cathlamels. Les Chinooks habitaient
principalement les bords d'une rivière qui por-
tait le même nom qu'eux. Cette rivière se je! le
dans la baie de Baker, à peu de milles du cap
Désappointement, après avoir coulé parallèlement
au bord de la mer, à travers une terre basse et
remplie de marais stai^nanls. C'était la tribu sur
laquelle réi^nait le chef borgne Comcomlj : elle
s'enorgueillissait de compter deux-ccnt-quatoize
A.STORU. 1 I •)
j»n('rrl<'rs. La subsistance de cette tribu ^tait prin-
cipalement composée de poisson, mais elle se ré-
i;alait rpielcpicfois de la chair de l'élan, du daim
et des oiseaux sauvacjes des marais voisins.
Les Cialsops résidaient des deux côtés de la
Point<;-A(lam. Cen'étaientplus quelles restes d'une
tribu (|ui avait été presque entièrement détruite
par la petite vérole. Elle ne comptait i^uère qu<*
cent quatre-vingts combattants.
LesWahkiacums, ou Waak-i-cums habitaient
le côté septentrional de la Golombià , et comp-
taient soixante-six i^uerriers. Ils ne formaient
nrii^inairement (jii'une tribu avec les Chinooks;
mais, deux f^éncrations avant l'arrivée d<'s colons,
ïuie dispute s'ctant élevée entre le chef" répnant
et son frère Wahkiacum, celui-ci s'était séparé,
avec ses adhérents, et avait formé la horde qui
continue à porter son nom. C'est ainsi que de
nouvelles tribus surprissent chez les Sauvages, et
qu'il s'engendre continuellement des causes ca-
chées d'hostilités.
Les Cathiamets habitaient en face du village le
plus bas des Wahkiacums. Ils comptaient quatre-
vingt-quatorze guerriers.
Ces quatre tribus paraissent avoir toutes la
même origine, car ceux qui les composent se res-
semblent de figure, d'habit, de langage et de
manières, ils ont communément moins de cinq"
n. 8
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1 l/| ASTORIA.
pieds un pouce. Leurs jambes sont cagneuses et
leurs chevilles épaisses. CiCla provient de la quan-
tité de temps qu'ils passent dans leurs canols,
assis, ou plutôt accroupis sur leurs mollets et sur
leurs talons, lis conservent même à terre cette
posture favorite. Les femmes augmentent cette
difformité en portant autour des chevilles des
bandages serrés, qui empêchent la circulation du
sang et qui font enfler les m^iscles de In jambe.
Ni l'un ni l'autre sexe ne peuvent avoir de pré-
tentions à la beauté. I^ur visage est rond, leurs
yeux petits, mais animés. Leur nez est large
et plat au sommet : le bout en est gros et les
narines sont grandes. Ils ont la bouche grande,
les lèvres épaisses, les dents petites, irrégulières
et sales. A l'oue&t des Montagnes Rocheuses , on
voit rarement de bonnes dents parmi les Sau-
vages, qui vivent principalement de poisson.
Dans le commencement de leurs rapports avec
les Blancs, les Naturels n'avaient que des vête-
ments fort insuffisants. Pendant l'été, les hommes
étaient entièrement nus; pendant l'hiver, ils por-
taient une petite robe faite de peaux, ou de la
laine du mouton de montagne (mountain sheep).
Quelquefois ils se couvraient d'un manteau de
natte pour encarter la pluie, mais ayant ainsi pror-
tégé leur dos et leurs épaules, ils laissaient nu
le reste de leur corps.
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i'it ,.'
.\5roiUA,
1 I :.»
Les femmes portaient des robes semblables à
celles des hommes, mais plus comtes, et qui ne
descendaient pas au-dessous de la taille. De la
ceinture aux ij;cnoux elles avaient une espèce de
frange, formée des libres de l'écorce du cèdre; ou
bien une sorte de jupon, fabriqué avec des fila-
ments de jucca (silk grass, jucca filamentosa,
Lam.), entrelacés et noués aux extrémités. C'était
là leur vêtement ordinaire dans l'été. Si le temps
devenait froid, elles y ajoutaient une vesttî de peau
pareille à la robe
Les hommes s'enlevaient soiii;iieusemenl tous
les poils de la barbe, car ils la considèrent comme
une grande dilformité. Ils regardaic nt avec dé-
i:oùt les moustaches et les mentons bi<'n fournis
des Blancs^ qu'ils appelaient, par dérision, les
Loi) gués -barbes. Au contraire les deux sexes
étaient orgueilleux de leur chevelure, qui est or-
dinaii*^ment noire et assez rude. Ils la laissaient
pousser de toute sa longueur, et en étaient fort soi-
gneux. Quelquefois ils la portaient nattée; quel-
quefois ils la roulaient autour de leur tête d'une
manière fantasque. On ne pouvait leur faire de
plus grand alFront que de couper leurs bouchs
chéries. '
Li?urs chapeaux étaient coniques et proprement
tressés des tiges de l'herbe aux ours (bear grass),
ou des libres de l'écorce du cèdre. Us étaient or-
i
w
iiir
tiV.
la
[i r;
1 l6 ASTOnU.
Iles (le dessins de rlitfëreiites formes et de dittë-
rentes couleurs. Quelquefois c'étaient simplement
des carres et des triangles ; d'autres fois des re-
présentations grossières de canots, avec des hom-
mes péchant et harponnant. Ces chapeaux étaient
extrêmement durables et presque à l'épreuve de
l'eau.
Les hommes portaient, pour ornement favori ,
des colliers de griffes d'ours, orgueilleux trophées
de leurs exploits de chasse; les femmes avaient
des colliers de dents d'élan.
L'arrivée des marchands blancs opéra bientôt un
changement dans la toilette des deux sexes. Ils de-
vinrent passionnés pour tous les objets de costume
européen qu'ils pouvaient se procurer, et avec
lesquels ils avaient souvent la figure la plus gro-
tesque. Us adaptèrent, d'ailleurs, h leurs anciens
goûts, beaucoup d'objets qu'ils achetaient des
Américains. Hommes et femmes étaient enchan-
tés quand ils pouvaient se parer de bracelets de
fer ou de cuivre. Ils étaient charmés aussi des
grains de verroterie blancs et surtout des bleus :
ils en portaient de larges bandes serrées autour
de leur taille et de leurs chevilles, de grands col-
liers sur leur poitrine, et ils en mettaient encore
d'^i pendeloques à leurs oreilles. Dans l'état sau-
vage, les hommes portent plus loin que les fem-
mes la passion pour la parure ; nos Indiens ne pen-
i
ASTORIA, 117
saient pas que leur équipeuient de gala fut com-
plet, s'ils n'avaient pas un joyau de haiqua, ou
de wampun^ dansant à leur nez. Ainsi arrangés,
leurs cheveux pouacrés d'huile de poisson, et leur
corps barbouillé d'argile rouge, ils se regardaient
comme irrésistibles.
Quand ils se préparaient à des expéditions
guerrières, ils peignaient leur visage et leur corps
de la manière la plus hideuse et la plus grotes-
que, suivant la pratique universelle des Sauvages
américains. Leurs armes étaient des arcs et des
ilèches, des lances et des massues. Quelques-uns
portaient un corselet formé de pièces de bois dur,
réunies avec les fibres de l'herbe aux ours, de
manière à former une cotte de mailles légère et
flexible. Ils avaient aussi une espèce de casque
composé de cuir, d'écorce de cèdre, d'herbe aux
ours, et suflisant pour protéger la tête contre une
llèche ou contre un coup de massue. Une armure
défensive plus complète encore était une jaquette
de peau d'élan doublée plusieurs fois. Elle descen-
dait jusqu'aux pieds, et des trous servaient pour
passer la tête et les bras. Ce vêtement était tout-
à-fait il l'épreuve de la tlèche , et souvent, en
outre, il était doué de vertus magiques par les
enchantements des jongleurs.
Nous avons déjà parlé de la coutume, particu-
lière à ces peuples, d'aplatir la tctc de leurs enfants.
i
à'.
ri
fl: 3*
Jl8 ASTORIA.
Comme la mutilation qu'on pratique sur les pieds
des femmes chinoises, c'est un des capiices hu-
mains les plus incompréhensibles. Cet usage pré-
vaut principalement parmi les tribus oui habitent
aux environs de l'embouchure de la Colombia,
sans que nous ayons pu savoir à quelle distance
il s'étend le long de la côte. Quelques unes des
tribus qui habitent au nord et au sud de la rivière
s'y soumettent aussi, mais elles parlent toutes le
langage chinook, et sont probablement sorties de
la même souche. Autant que nous avons pu l'ap-
prendre, les tribus reculées et dont la langue est
entièrement différente n'ont pas cette absurde
coutume. Elle devient éi»alement moins com-
raune quand on s'éloigne des boids de l'Océan
Pacifique : on en trouve peu de traces parmi les
tribus des Montagnes Rocheuses, et au-delà elle
disparait complètement. Certains Indiens, qui
habitent les eaux supérieures de la Colombia et
les régions solitaires des montagnes, sont sou-
vent appelés Tétes-plates ; mais ils ne sont pas
réellement caractérisés par cette difformité.
C'est u^jC appellation abusivement donnée par
tes chasseurs de l'est des Montagnes à tous les
Indiens de l'ouest, autres que les Serpents.
Les croyances religieuses de ces peuples étaient
extrêmement simples et bornées, ou plutôt, sui-
vant toutes les probabilités, leurs explications
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kl';' • !»
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1
ASroKIA. 1 HJ
n'élaient que peu comprises par leurs hôtes. Ils
avaient l'idée d'un esprit bienveillant et puissant,
créateur de toutes choses. Ils le représentaient
comme prenant à volonté toutes les formes, et
plus habituellement celle d'un énorme oiseau.
Il habite ordinairement le soleil, mais il vole par
toutes les régions de l'air et voit tout ce qui se
passe siu' la terre. Si quebjue chose lui déplaît,
il exhale sa rage par des teropéles horribles ; l'éclat
de ses yeux en courroux produit les éclairs; le
retentissement de ses ailes le tonnerre. Pour ob-
tenir ses faveurs les Indiens lui otïrent annuelle-
raenl en sacrifice les premiers fruits de leur pêche
et de leur chasse.
Outre cet esprit aérien ils croient qu'il y en a
un autre moins puissant, qui habite le feu, et
qui leur inspire des transes perpétuelles; car,
quoiqu'il puisse faire le bien de même que le mal,
il se complaît davantage dans celui-ci. Nos Sau-
vages s'etïorcent donc de le maintenir en bonne
humeur par de fréquentes olfiandes. Ils suppo-
sent, d'ailleurs, qu'il a une grande influence sur
l'esprit ailé, leur souverain bienfaiteur, et le sup-
plient d'être l'interprète de leurs vœux, et de
leur faire obtenir tout ce qu'ils désirent, comme
par exemple du succès dans leur pêche et dans
leur chasse, desciievauv légers, des femmes obéis-
santes et des enlants mâles.
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13^
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J SiO ASIOHIA.
Nos Indiens ont des prêtres, magiciens et méde-
cins, cjiii prétendent être dans la confidence des
divinités, et être chargés d'exposer et de faire
exécuter leurs ordres. Chacun de ces jongleurs a
ses idoles, taillées en bois, et représentant les
deux esprits de l'air et du feu, sous quelque forme
grotesque de cheval, d'ours, de castor, ou de
tout autre animal. Elles sont ornées d'amulettes
et d'olï'randes, telles que des dents de castor, des
griiies d'ours et des serres d'aigles.
Quand quelque personnage important est sur
son lit de mort, ou dangereusement malade, on
envoie chercher les jongleurs. Ils apportent leurs
idoles, avec lesquelles ils se retirent dans un canot
pour faire une consultation. De même que nos
docteurs sont souvent de différents avis, ainsi ces
médecins ont de temps en temps de violentes al-
tercations, quand il s'agit de définir la maladie du
patient ou le traitement qui lui convient. Pour
accommoder les opinions on frappe vigoureuse-
ment les idoles l'une contre l'autre. Celle qui
perd la première une dent ou une griffe est re-
gardée comme réfutée, et ses partisans cèdent la
place aux autres.
Non seulement la polygamie est permise, mais
elle est honorable. Plus un homme peut entre-
tenir de femmes, plus il a d'importance aux jeux
de sa tribu. La première femme prend le pas sur
I
-,
ASTOJUA. 1^1
toutes les autres , et est considérée comme la
maîtresse du loi^is. Cependant riiarraonie do-
mestique est souvent troublée par des jalousies,
par des cahaies, et le maître de la maison a par-
fois beaucoup de peine à apaiser les querelles de
sa famille.
Nous lisons dans le manuscrit dont nous tirons
ces particularités, que celui qui a le plus grand
nombre de femmes, d'enfants mâles et d'esclaves,
est élu chef du village ; singulière condition d'éli-
gibilité, et que nous ne nous rappelons pas d'avoir
lencontrée ailleurs.
Les querelles sont fréquentes entre ces diffé-
rents peuples, mais elles ne sont pas bien meur-
trières. Ils se livrent quelquefois des batailles ran-
gées, à des jours désignés, et dans des endroits
choisis d'avance. C'est ordinairement sur les
bords d'un ruisseau. Les partis ennemis se pos-
tent sur les rives opposées, et à une telle di-
stance, que la bataille dure souvent fort long-
temps avant qu'il y ait du sang répandu. Le
nombre des tués et des blessés excède rarement
une demi-douzaine. Si le dommage est égal des
deux côtés, la guerre est considérée comme hono-
rablement terminée; si l'un des partis a soulïert
plus que l'autre, il obtient une compensation en
esclaves, ou en toute autre espèce de propriété.
Sans (rette compensation, les hostilités pouri-aient
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I 2'i AS I OKI A.
c'irc renouvelées un autre jour. Ces Indiens l'onl
souvent des ineursion^ de maraude sur le terri-
loire de leurs ennemis, et quelquefois sur celui de
leurs amis. S'ils rencontrent une bande moins
forte que la leur, ou s'ils tombent sur un villa4*e
faiblement défendu, ils se comportent avec la
l'érocité de véritables poltrons, tuent tous les
hommes, et emmènent en esclavage les femme»
et les enfants. Quant aux meubles, ils sontempa-
([uetés sur des chevaux, amenés exprès pour cet
usage. Au reste, ce sont de pauvres guerriers,
tout-à-fait inférieurs en prouesses aux Sauvages
chasseurs de bisons, qui habitent les plaines à
l'orient des Montagnes.
Us passent une grande partie de leur temps à
jouer, à danser, et à faire de la musique. Leur
musique en mérite à peine le nom , et leurs in-
struments sont de l'espèce la plus grossière. Leur
chant est dur et discordant. Les chansons sont
ordinairement improvisées au sujet de quelque
circonstance qui vient d'ari-iver, de quelque per-
sonne présente , ou de tout objet frivole qui
frappe l'attention du chanteur. Ils ont plusieurs
espèces de danses ; quelques-unes gaies et agréa-
bles. Les femmes obtiennent rarement la permis-
sion de danser avec les hommes, mais elles for-
ment des groupes séparés, dirigés par les mêmes
instruments et par les mêmes chansons.
i
Us onl dos [(Ml. \ lie beniiioup d'espèces et s'y
livrent avec passion. Ils se laissent quelcfuefois
tnliainer à un tel point d'excitation qu'ils jouent
tout re (pi'ils possèdent, même leurs femmes et
leurs enfants. Ce sont des voleurs avoués, et ils
se i»lorifient de leur dextérité. Celui cpii est fié-
quemment lieuieux obtient beaucoup d'applau-
dissements et de popularité ; mais le voleur
maladroit surpris dans (piel(|ue tentative est ri-
diculisé, méprisé, et quelquefois même cruelle-
ment puni.
Tels sont les principaux traits qui caractéri-
sent les Naturels des environs d'Astoria. Us nous
paraissent inférieurs, sous beaucoup de rapports,
aux hardis chasseurs des Prairies, qui habitent à
l'est des Montagnes Rocheuses, et nous semblent
avoir beaucoup de ressemblance avec les Esqui-
maux, quoique leur nature soit relevée en ([uehpui
façon pai- un climat plus t<*mpéré , et par une
manière de vivre plus variée.
Les habitudes de trafic engendrées aux cata-
ractes de la Colonil)ia ont étendu leur influence
le long de la côte. Les Chinoolcs, et les autres
Indiens de l'embouchure de la rivière, je signa-
lèrent comme de rusés marchands dès leurs pre-
miers échanges avec les Astoriens, et n'Iiésitèrent
jamais ii demandei- trois fois plus (pu; ce qu'ils
rcirnrdaient comme la \aleur réelle d'ini de h^n-s
ti
1
ia/| ASTORIA.
Miticles. [Isétaienty d'ailleurs, curieux à rextréme,
importuns jusqu'à l'impertinence; et fort disposés
à tourner les étrangers en ridicule.
Sous un rapport, ils se montrèrent supérieurs
à la plupart des Sauvages : ce fut en s'abstenant
déboire desspiritueux. Ils regardaient un ivrogne
avec horreur et dégoût. Une fois, le fils de Com-
comly ayant été engagé à boire à la factorerie ,
retourna chez lui complètement ivre ^ et faisant
toutes sortes d'extravagances, jusqu'au moment
où il tomba dans une stupeur qui dura deux jours.
Le vieux chef se rendit auprès de son ami , Mac
Dougal. Son \isage était e;dlammé d'indignation,
et il lui reprocha amèrement d'avoir permis à
son lils de se ravaler au rang d'une béte, et de s<;
rendre un objet d'amusement et de mépris pour
ses propres esclaves.
•Ht
I
'
CHAPITRE XL.
Occupations prinlanières à Astoria. — Départ de diversesi
expéditions. — Indiens pillards. — Voleurs de Wish-rani. —
Portage des cataractes. — Portage au clair de lune. — At-
taque , défaite , pillage. — Remède indien contre la poltron-
nerie. — Pourparlers et compromis. — Retour de la brigade.
— Elle rencontre Crooks et John Day. — Leurs souffrances.
— Perfidie indienne. — Arrivée à Astoria.
i
Au commencement du printemps le petit éta-
blissement d'Astoria fut rempli d'agitation , et se
prépara à envoyer did'érentes expéditions. II y
avait plusieurs choses importantes à faire. H fal-
lait transmettre un supplément de marchandises
au comptoir de M. David Stuart, établi, l'automne
précédent, sur l'Oakinagan. 11 fallait visiter les
caches faites à la Chaudière par M. Ilunt, afin
d'en rapporter à Astoria les objets qui y avaient
été laissés. Enfin, il était nécessaire d'envoyer,
par terre, des dépêches à New^-York, pour infor-
mer M. Astor de l'état des affaires, et du succès
des différentes expéditions.
La tache de ravitailler le poste de l'Oakinagan
fut attribuée à M. Robert Stuart , jeune homme
intelligent et courageux, neveu de celui qui avait
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<''lal)li vr. poslc. Deux des (Vicies, nomiiu's Iliis.scl
r.iriiliaiii et Donald iMac (iillrs , l'iirnil cliari^rs
d'aller avec un i^iiidccl linil lioinincs cIicicIh r les
niarcliandiscs laissées dans les ea<'lirs.
Quant aux d(''pèelie.s , elles lurent eonliécîs à
M. John Kced , !<> Clerc (]ni avait conduit un des
dctaelicmenls exploialeurs de la riv'cK" des S(>1-
pents. Il devait relravers(;r les Monlaj^nes par la
même route qu'il avait suivie pour venir , mais
sans avoir, cette fois, d'autres compai^nons (pie
Ben Jones, le chasseur du Kentuclvy, et deux Ca-
nadiens. Comme on espuMait encore (pw Al. Crooks
n'aurait pas péri, et comme M. Reetl et sa biigade
pouvaient le rencontrer dans leur chemin , ils
étaient chargés d'un petit approvisionnement de
vivres et de mai'chandises, pour l'aidera se rendre
à Astoria.
Quand l'expédition de Reed l'ut ori];anisée,
M. Mac Leilan annonça (pi'il était déterminé à
raccompagner. Il était mécontent, depuis long-
temps, de la petitesse de son intérêt dans l'asso-
ciation, et avait demandé un certain nombre de
parts additionnelles. Sa recpiête ayant été refusée,
il se détermina à abandonner la Compagnie. Mac
T.ellan était un homme d'un caractère singulière-
ment opiniâtre, sur lequel la persuasion n'avait
aucun pouvoir. On lui laissa donc prendre, sans
aucune opposition, le parti qu'il voulait.
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(Jnant ii Krrd, il sv. prrpaia pour son li.isîinlcux
v(>)'ai;e, avrc le zèle d'un \riil.<l)l<' Irlaiulnis. H lit
t'aii'Cunel)oil('(lci'er-I)l<inr,(lans laqut'lic lesItMlirs
.ndrrssresà M.AstorruiTDl soii^iHMJsr'niciit soiulrcs.
Il devait atlaclier cette boite sur ses épaules, alin
de la poitcr partout avec lui, dormant ou éveillé,
par terre ou par eau, dans toutes les situations,
à traveis tontes les cireonslanees, se prometlant
bien de ne la cpiitter qu'avec sa vie.
La loute de ces dilïérentes brii?ades devait être
la même pendant près de cent trente lieues, en
remontant la Colombia. Or, c'est dans e(ît inter-
valle que se tiouve le passai^e des rapifles et de? en-
droits de la rivière infestés par des tribus pillar-
des. On s'arrangea doix' de manière à faire partir
ensemble tous les détacbements. En consé([uenee,
le 22 mars i8i 2, ils se mirent en route dans deux
canots, au nombre de dix-sept hommes. Ici nous
ne pouvons nous empêcher de nous arrêter, pour
remarquer la hardiesse de ces diverses expédi-
tions, si faibles numériquement, et destinées à
traverser d'immenses solitudesoîi des troupes plus
nombreuses avalent éprouvé tant de désastres.
L'année précédente, quand M. Hunt cherchait
des recrues parmi les chasseurs et les Voyageurs
expérimentés de Montréal et de Saint-Louis, on
regardait comme dangereux d'essayer de traverser
le Montagnes Rocheuses avec moins de soixante
3. '
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ASTUIUA.
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liomiTies, et voilà que nous trouvons heed prêt à
fiaiiehir les mêmes l);nTlères avec seulement trois
compagnons. Telle est rinclliïërencc du danger
que l'homme acquiert par l'habitude de courir
des risques constants. L'esprit, comme le corps,
s'endurcit à force d'être exposé.
La petite bande associée remonta la rivière,
sous le commandement de M. Robert Sluart, et
arriva de bonne heure, dans le mois d'avril, au
Long Détroit, ce repaire d'insignes pirates. Les
Blancs, trop peu nombreux pour faire eux-mêmes
le portage de leurs marchandises, empruntèrent
l'assistance des Indiens cathiascos, qui s'engagè-
rent à transporter les bagages sur leurs coursiers.
Le premier convoi partit sous l'escorte de Reed
et de cinq hommes bien armés. Le courageux
Irlandais marchait en tête, portant sur son dos
ses dépêches, dont la boîte de fer-blanc reluisait
au loin ; les Indiens conduisaient leurs bêtes de
somme. En passant par un défilé diflicile, quel-
ques-uns des sauvages voleurs détournèrent leurs
chevaux dans un étroit sentier, et s'enfuirent au
galop, emmenant avec eux deux ballots de mar-
chandises et une certaine quantité de petits ar-
ticles. Il aurait été inutiie de les poursuivre, et
ce fut même avec beaucoup de peine qu'on put
amener le reste du convoi à bon port. Quelques-
uns des gardes eux-mêmes ne retrouvèrent plus
!
t'i
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d'I^
et
au
AsroKiA. irn)
leurs coufenux ni leuis moiulioirs dt^ po^ïie, et
l:i hrillante I)oilo de fer-I)hui(' de John Fieed eou-
nit un d.'uii^er émineiit.
M. Stuait, nj^ant appris ces déprédations, se
hâta d'arriver au secours du convoi, mais ii fai-
sait déjà brune quatre! il l'atteignit auprès du
viHagede Wish-rani, célèbre par ses pêcheries et
par les dispositions pillardes de ses habitants. Là
no,> voyageurs se trouvaient dans un pavs étran-
ger, au milieu de Sauvages empressés à dérober,
si ce n'est à piller ouvertement. Ne sachant pas
([uelles mesures prendre, ils restèrent sous les ar-
mes loute la nuit, sans fermer l'oeil; puis, aux
premières lueurs de l'aube, ils embarquèrent pré-
cipitamment leurs eHets , sans chercher à l'ccou-
Arer ceux qui avaient été volés, et s'éloignèrent
du rivage, « charmés, selon leurs propres expres-
sions, de dire adieu à cet abomi lable nid de mé-
créants. ))
Cependant les honnêtes gens de Wish-ram n'é-
taient pas disposés à se séparer si aisément de
leurs hôtes. Leur cupidité avait été excitée par
le butin qu'ils avaient déjà fait, et leur confiance
augmentée par l'impunité. Ils résolurent de lever
encore quelques droits sur les voyageurs, et d(»
capturer, s'il était possible, la boîte aux dépé-
thes, car elle brillait au loin si glorieusement, et
file était gardée avec tant de soin par John Keed,
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«ju'elle devait toiitenir, suivant eux, « une grandi
médecine. »
M. Stuart et ses camarades n'étaient donc pas
encore hier loin dans leurs canots, lorsqu'ils
aperçurent toute la canaille de Wish-rara courant
par troupes sur la rive, en poussant des cris et
des hurlements. Quand nos voyageurs débarquè-
rent au-dessous des chutes, ils se virent entourés
de plus de quatre cents de ces brigands, armés
d'arcs et de flèches, de massues et d'autres armes
sauvages. Ils s'offrirent avec insistance à trans-
porter les canots et les effets jusqu'au haut du
portage. M. Stuart refusa de leur confier les r • r
chandises , alléguant qu'il était trop tard; mais
pour les maintenir en bonne humeur, il les
informa que, s'ils se conduisaient bien, il ac-
cepterait probablement leurs offres le lende-
main matin. En même temps, il les engagea à
porter toujours les embarcations. Ils se mirent
donc en route avec les deux canots sur leurs
épaules, et accompagnés par une garde de huit
hommes bien armés.
Quand ils furent arrivés au fiaut des chutes,
leur mauvais vouloir éclata , et ils se disposèrent
à détruire les canots, sans doute pour empêcher
les Blancs d'emporter leurs biens, et pour les
assujettir h de nouveaux pillages. Un vieillard ,
qui paraissais avoir quelque autorité parmi eux .
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bour les
eillard ,
ni eux.
parvint cependant ii les en empêcher. Gr»1ce à sa
harangue la bande hostile , à l'exception d'une
cinquantaine , passa du côté septentrional de la
rivière, et y resta en embuscade, prête à commet-
tre de nouveaux ou traces.
Pendant ce temps M. Stuart, qui était resté au
bas des chutes avec les marchandises, et qui savait
que les Sauvages ne lui avaient offert lenr assis-
tance que pour avoir une occasion de le piller,
se détermina a essayer de leur dérober une mar-
che , afin de déjouer leurs machinations. Vers
une heure du malin, et tandis que la lune brillait
silencieusement, il réveilla ses gens et leur pro-
posa de transporter eux-mêmes leurs marchan-
dises au-dessus des chutes , avant que les Indiens
endormis pussent s'en apercevoir. Tout le monde
se mit à l'ouirage avec zèle et empressement ,
dans l'espérance d'avoir tout emporté avant le
point du jour. M. Stuart partit devant, avec les
premières charges , et prit sa station au haut du
portage, tandis que MM. Reed el Mac Lellan res-
taient au bas pour expédier le reste des marchan-
dises.
Le jour ayant paru avant que le transport fût
achevé , quelques-uns des Indiens qui étaient
restés sur le côté méridional de la rivièie s'aper-
çurent de ce qui se. passait, et se sentant trop
faibles pour s'y opposer, donnèrent l'alarme à
m
m
'"H
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1 î)'Jt ASTOJUA.
ceux du cùtc' opposé. Plus d'une ceiitaiui; âv.
ceux-là s'embarquèrent précipitamment dans plu-
sieurs canots. Deux charges de marchandises
restaient encore à porter. M. Stuart dépéchxi
quelques-uns de ses gens pour en prendre une,
et fit dire h M. Reed de retenir avec lui le nom-
bre d'hommes qu'il jugerait nécessaire pour pro-
téger la charge suivante; car il soupçonnait Icvs
Indiens d'avoir des intentions hostiles. M. Reed,
cepe''Hlant, refusa de garder personne, disai>t
que iJ . îllan et lui-même suffisaient à défendre
la petite x.^uantilé de marchandises qui restaient
encore. Les hommes partirent donc avec leur
charge , tandis que Reed et Mac Lellan conti-
nuaient à monter la garde auprès du résidu. Pen-
dant ce temps une partie des Sauvages arrivaient
du bord opposé. La malheureuse boîte de fer-
blanc de John Reed , resplendissant au loin
comme le casque brillant d'Euryale , attira les
regards de chacun d'eux. Aussitôt que les embar-
cations eurent touché la rive , ils sautèrent sur
les rochers , poussèrent leur cri de guerre et se
précipitèrent pour s'assurer de cette conquête
étincelante. Mac Lellan, qui était sur le bord de
l'eau, s'approchait des marchandises pour les gar-
der quand un Sauvage essaya de lui jeter, d'une
main, sa robe de bison sur la tête, et de ie percer
de l'autre. Mac Lellan sauta en arrière , juste à
ASTOIUA. l55
temps pour éviter le coup , et couchant le Sau-
vage en joue, le jela roideniort à ses pieds.
Cependant John Reed, avec l'imprévoyance
d'un Irlandais, avait négligé d'oter l'enveloppe de
cuir qui entourait la batterie de son fusil. Taudis
qu'il en tiraillait les cordons, il reçut sur la tête
un coup de massue, qui i'étendit parterre sans
connaissance. En un clin d'œil sa carabine et ses
pistolets lui furent enlevés, et la boîte de fer-
blanc, cause de celte attaque, fut emportée en
triomphe.
Dans ce moment critique, M. Sluart, qui avait
cnlcndu le cri de guerre des Sauvages, arrivait
sur le champ de bataille avec Ben Jones et sept
auhesde ses hommes. Reed était baigné dans son
sang, et un Indien, penché sur lui. Fallait dépécher
avec son tomahawk. Stuart donna le signal, et
Ben Jones, épaulant sa carabine, étendit le Sau-
vage sur la place. Les Blancs poussèrent alors un
grand cri en chargeant le corps principal des
Indiens, qui prirent immédiatement la- fuite^
Reed fut ensuite relevé et transporté, saignant et
sans connaissance, au bout supérieur du portage.
On se préparait à lancer les canots et à s'embar-
quer en toute hâte, (juandon s'aperçut qu'ils fa i-
sMt eau de tous les côtés, et qu'on avoit oublié
les rames au bas du portage. Cependant les
Indiens couraicnl çà cf là, crijint cl hurlant
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comme des tléinoiis. Une scène de confusion s'en-
suivit. Quelques-uns des Canadiens perdirent
courage, etdeuxjeunes gens s'évanouirent même
tout-à-fait. Aussitôt qu'ils eurent repris connais-
sance, M. Stuart ordonna qu'on leur ôtiit leurs
armes, et qu'après les avoir dépouillés de leurs
pantalons, on attachât autour de leurs reins une
pièce d'étoffe, en imitation du costume d'une
squaw. Telle est la manière indienne de punir
la poltronnerie. Ainsi équipés, ils furent placés
dans l'un des canots, au milieu des marchandises.
Cette farce excita la gaieté des plus courageux,
même au milieu de leurs périls, et ranima l'or-
gueil des incertains. Les Indiens ayant repassé de
nouveau sur la rive septentrionale, l'ordre se ré-
tablit. Quelques hommes furent envoyés à la
recherche des rames; d'autres se mirent à cal-
fater et à lancer les canots ; enfin, au bout de
peu de temps, tous nos voyageurs étaient embar-
qués, et continuaient leur vrynge le long de la
rive méridionale.
A peine étaient-ils partis, quand les Indiens
revinrent sur le lieu de la scène, emportèrent
leurs camarades, dont l'un vivait encore, et re-
tournèrent à leur village. Là, ils tuèrent deux
chevaux et burent leur sang tout chaud pour
exalter leur courage. Ils se peignirent et s'équi-
pèrent d'une manière hideuse, dansèrent la danse
eut
ASTORIA. l55
de mort autour du cadavre de leur camarade,
et entonnèrent leur chanson de guerre. Enfui,
sautant sur leurs chevaux et brandissant leurs
armes, ils remontèrent la rive septentrionale de
la rivière, au nombre d'environ quatre cent cin-
quante, afin de devancer les canots, de les atten-
dre dans une embuscade et de tirer une terrible
vengeance des Blancs.
Ils parvinrent h quelque distance au-dessus des
canots sans être découverts, et ils traversaient la
rivière pour se poster le long du bord que cô-
toyaient nos voyageurs, lorsqu'ils furent heureu-
sement aperçus. En approchant de l'endroit où
ils avaient passé l'eau, M. Stuart et ses compa-
gnons virent qu'ils étaient postés parmi des rocs
élevés et surplombant, au-dessous desquels les
canots devaient être obligés de passer. Reconnais-
sant donc que l'ennemi avait l'avantage de la
position, les Blancs s'arrêtèrent à cinq cents
mètres de l'embuscade, déchargèient leurs fusils
et les rechargèrent. Ensuite ils firent du feu, et
mirent un appareil aux blessures de M. Reed, qui
avait reçu cinq cruelles balafres dans la tête.
Cela fait, ils attachèrent les canots ensemble, les
nmarrèrent à un roc situé à peu de distance du
rivage, et attendirent l'attaque dont ils étaienf
menacés.
11 n'y avait pas long-temps qu'ils étaient postés
-.^t:
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ASTOniA.
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il ('
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(le celte mîinièrc, lorsqu'ils virent un canot s'ap-
proclier. Il contenait le chef de guerre de la
trihu, avec ses trois principaux i^uerriers. Il s'ap-
procha et lit une longue harangue, dans laquelle
il informa les Blancs qu'ils avaient tué un
ibre de
itioii, et
\h
itbl
esse
niemi
un autre; que les parents du mort demandaient
vengeance, et qu'il avait été obligé de les mener
au combat. Cependant, il désirait encore épar-
gner un carnage inutile, et proposait en consé-
quence que M. Recd, qui, observait-il, ne valait
guère mieux qu'un homme mort, lui fut livré
pour être sacrifié aux mânes du guerrier décédé.
Cela devait apaiser la furie de ses amis ; la hache
de guerre serait alors enterrée, et dorénavant les
deux nations seraient amies. La réponse fut un
refus positif, et le chef de guerre vit que les ca-
nots étaient préparés h faire une vigoureuse dé-
fense. Il se retira donc, et ayant été retrouver ses
guerriers parmi les rochers, tint avec eux un
long conseil. Sang pour sang est un principe
d'équité indienne et d'honneur indien ; mais
quoique les habitants de Wish-ram fussent guer-
riers, ils étaient également marchands. Ils ima-
ginèrent que l'honneur, pour une fois, pourrait
bien céder au profit. Une négociation s'ouvrit
donc, et après quelques protocoles l'affaire fut ar-
rangée, moyennant une couvert urc pour abriter
1^7
ia
ASTOIIIA.
\c movlf t't ilu talj.'u: pour léi^aUr les vivants.
Cela accordé les licros tie Wisli-ram iclraversc-
lent encore une fois la rivière, et, tantlisque nos
voyageurs continuaient leur roule, retournèrent
dans leur village festoyer de la chair des chevaux
dont ils avaient si glorieusement hu le sang.
Cependant la boîte de fer-blanc contenant les
importantes dépèches pour New- York était irré-
parablement perdue; la précaution même piise
par le digne Irlandais pour la sûreté de ses mis-
sives avait causé leur perte, en appelant sur elles
l'attention des Sauvages. L'objet de son voyage
étant ainsi anéanti, il renonça à l'expédition.
Toute la troupe se rendit donc, avec M. Robert
Sluart, à l'établissement de M. David Stuart, sur
la rivière Oakinagan. Après y être resté deux ou
trois jours, nos voyageurs se remirent en route
pour Astoria. M. IKnid Stuart revint avec eux.
II avait une grande quantité de peaux de castors
à son établissement, mais craignant la levée d'un
b/ack-mailaux cataractes, il ne jugea pas prudent
de les amener avec lui.
Ils étaient arrivés au-dessous des fourches de la
Colombia, lors([u'un jour ils furent hélés du
rivage, en anglais. Ils regardèrent, et aperçurent
deux misérables hommes entièrement nus. Ils
poussèrent vers eiix. Ces hommes s'avancèrent
m
l
a
1^8 ASTOHIA.
Cl se firent couiiaitre: <M*laieiit jM. Ci ooks et son
lidèle John Day.
Le lecteur se rappellera que M. Crooks, John
Day et quatre Canadiens avaient été si épuisés par
les Fatigues et par la famine que M. Hunt s'était vu
forcé de les laisser, au mois de décembre, sur
le bord de la rivière des Serpents. Leur situation
semblait d'autant plus critique qu'ils se trouvaient
dans le voisinage d'une bande de Shoshoniesdonl
les chevaux avaient été enlevés par M. Hunt ,
pour servir de provisions h ses gens. Durant
^ingt jours , M. Crooks demeura au même endroit,
retenu par l'état d'épuisement de John Day, qui
était absolument incapable de voyager. Il ne
voulait pas l'abandonner, car Day avait été em-
ployé par lui sur le Missouri , et s'était toujours
montré parfaitement fidèle. Heureusement les
Shoshonies ne les molestèrent point. Ils n'avaient
jamais vu d'hommes blancs , et semblaient en-
tretenir quelque superstition à leur égard, car,
quoiqu'ils vinssent camper auprès d'eux pendant
le jour, ils avaient soin d'en éloigner leurs tentes
durant la nuit. A la fin ils disparurent sans pren-
dre congé.
Quand John Day eut repris assez de forces
pour voyajjer, M. Ciooks se remit en route avec
lui et les quatre Cajiadiens. Ils vivaient en che-
^'..
iiiiii de ce que leur envoynit le li.isiu'd. Dans Ir
mois de février trois des Canadiens, eraii^nant de
périr de besoin, (juittèrent M. Crooks sur le
liord d'une petite rivière , près de laquelle
M. Hunt avait passé en allant ii la recherehe des
Indiens. Durant plusieurs jours M. Crooks suivit
encore , sur la neige , les traces du passage de
M. Hunt, dormant, comme à l'ordinaire, en
plein air, et souilVant toute sorte de fatigues.
A la lin, arrivé dans une prairie basse, il perdit
toute apparence de piste. Durant le reste de
l'hiver il erra dans les montagnes, subsistant
quelquefois de chair de cheval , quelquefois de
chair et de peau de castor , et quelquefois , enfin ,
de racines.
Vers la fin de mars, l'autre Canadien se trouva
à son tour épuisé , et fut laissé dans une loge de
Shoshoiïies. M. Crooks et John Daj continuèrent
à avancer, et, voyant que la neige était sulFisam-
raent diminuée, entreprirent de traverser la der-
nière chaîne de montagnes, d'après les renseigne-
ments qui leur avalentété fournis par les Naturels.
Ils y réussirent heureusement et arrivèrent en-
suite chez les Wallah-Wallahs , cpii habitent les
bords de la rivière du même nom, et qui passent
pour honnêtes et hospitaliers. Ces Indiens se mon-
trèrent dignes de leur jépulation : ils reeurent
avec bonté les pauvres voyageurs exténués, tuè-
n
m
l^in
m
'« f. .
I/JO AS'IoniA.
rcnt iiii ('li(!v;il pour leur servir de nourriture, el
leur indiquèrent le chemin de la Colombia. Nos
deux pèlerins s'étnnt remis en route atteigni-
rent la rivière vers le milieu d'avril , et suivirent
son cours pendant une trentaine de lieues, jusqu'à
un endroit situé h environ sept lieues au-dessus
des cataractes.
Là, ils rencontrèrent quelques membres de la
chevalerie de cette célèbre passe. Ceux-ci les reçu-
rent amicalement et leur offrirent des vivres ;
mais tandis que nos voyai»eurs satisfaisaient leur
faim, les Indiens s'emparèrent traîtreusement de
leurs fusils; ensuite ils les dépouillèrent de tous
leurs vêtements et les chassèrent, en refusant aux
instances de M. Crooks un briquet et une pierre
à fusil qu'ils lui avaient pris, et en menaçar de
le tuer s'il ne partait pas à l'instant.
Dans ce triste état, plus misérables que jamais,
nos deux aventuriers recommencèrent leur vaga-
bondage. Ils résolurent de retourner chez la tribu
hospitalière des Wallah-Wallahs , et ils avaient
déjà fait vingt sept lieues le long de la Colombia
quand , dans la matinée même où ils allaient la
quitter pour s'enfoncer dans les terres, les canots
de M. Stuart s'offrirent heureusement à leurs
ye
ux.
Il est inutile de décrire la joie de ces pauvre.*
i:!ens , cpiand ils se reirouvèrent loul-à-coup a
u
7m
la
de
ASIOIUV. l'if
milieu i\c Irurs concitoyens et île leurs amis, ni
l'honnête et cordiale réception (|ue leur (iicnt
leurs compagnons d'aventures. Toute la troupe
continua ensuite à descendre la ri\icrc, passa
sans interruption les endroits dangereux, et ar-
riva saine et sauve à Asloria , le i i mai.
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»!!"»'ï
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Ll;1.
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ri.,! i
CTlAPITUi: XLÎ.
Vue (renseinble. — Agent envoyé en Hussie. — Armement du
Castor. — Instructions au Capitaine. — Les îles Sandwich. —
Bruits relatifs au Tonquin. — Précautions prises en attei-
gnant l'embouchure de la Colombia.
Ayant raconté les aventures des deux expé-
ditions par mer et par terre jusqu'à i'embou-
chure de la Colombia, et donné une idée de l'état
des aflaires à la factorerie, nous allons retourner
pour un moment auprès de l'homme de génie
qui, de sa résidence à New-Yoïk, dirigeait tous
les ressorts de l'entreprise.
On se rappellera qu'il entrait dans le plan de
M. Astor de ravitailler d'une manière régulière
le grand comptoir de foirrrures, établi par les
Russes sur la côte du Nord-ouest, afin de le
rendre indépendant des vaisseaux interlopes, qui
ruinaient le commerce et fournissaient des armes
aux Naturels. Ce projet avait été approuvé par
le Gouvernement américain, ainsi quepar le comte
Pahlen, ministre russe à Washington. Cependant
M. Astor, le regardant comme fort important et
comme pouvant iniluer un jour sur un vaste
commerce, désirait beaucoup établir un arrange-
ASTOr.IA. l'i"»
ment complet l\ ce sujet avec; la Compagnie de
i'ourrures russe-américaine, sous la sanction du
Gouvernement russe. Dans ce dessein , en mars
1811, il dépêcha à Sainl-Pét.ersI)ourg un agent
confidentiel avec les pouvoirs nécessaiies pour
cette négociation. Le Gouvernement des États-
Unis donna passage à cet envoyé , dans le John
Adams, vaisseau de guerre destiné pour un port
européen.
Le second soin de M. Astor fut d'expédier Je
vaisseau annuel projeté dans son plan général. 11
ne savait rien encore du résultat des expéditions
précédentes, et devait procéder sur la présomp-
tion que toutes choses s'étaient accomplies con-
formément à ses instructions. 11 équipa donc un
beau navire de quatre cent quatre-vingt dix-
neuf tonneaux , ;iommé le Castor, et le chargea
d'une ample cargaison pour ravitailler la facto-
rerie de l'embouchure de la Colombia ainsi que
l'établissement russe, et pour trafiquer le long
des côtes. Il embarqua dans ce vaisseau un renfort
composé d'un Partner, de cinq Clercs, de quinze
ouvriers américains et de six Voyageurs canadiens.
En choisissant ses agents pour la première expé-
dition, M. Astor avait été obligé d'avoir recours
à des sujets anglais, expérimentés dans le com-
merce canadien des fourrures. Dorénavant, c'é-
tait son intention d'employer autant que possible
^
i
'^*^
t/j/i \SrORIA.
(Icîs Américains , aliii d'assurer rinHiience amé-
ricaine dans les affaires de la Compagnie, et de
rendre son entreprise toiit-à-fait nationale.
En conséquence, M. John Clarke, le Partner
chargé de diriger la présente expédition, était
natif des États-Unis; cependant il avait passé une
grande partie de sa vie dans le Nord-ouest, ayant
été employé dans le commerce des fourrures de-
puis l'âge de seize ans. La plupart des niercs
étaient des jeunes gens de bonne famille des cités
américaines, les uns attirés par l'espoir du ^/'»in,
les autres poussés par l'esprit aventureux ordi-
naire h la jeunesse.
Les instructions données par M. Astor au ca-
pitaine Sowle, commandant du Castor, étaient à
quelques égards hypothétiques, à cause de l'in-
certitude qui régnait sur les précédentes opéra-
tions de Tentreprise. 11 devait loucher aux lies
Sandwich , s'enquérir de la fortune du Tonquin,
et savoir si un établissement avait été formé à
l'embouchure de la Colombia. S'il en était«ainsi,
il devait s'y rendre après avoir pris à son bord
autant, d'insulaires ([ue son vaisseau en pourrait
contenir. En airivant à l'embouchure de la ri-
vière, il devait observer les plus grandes précau-
tions, car même si un établissement y avait été
formé, il pouvait être tombé entre des mains en-
nemies. Le capitaine Sowle devait donc pénétrer
ASrORIA. l/|'î
ilans \v. Iiaviv coin me par hasard du par délresse,
SL* l'aire passer poui iiii mareiiaiRl eolier, et ne
pas dire cpie son vaisseau appartenait à M, Asior
avant de s'être assuré que tout était parl'aitement
en ordre. Dans ce dernier cas, il devait débarquer
la partie de sa cargaison nécessaire à l'établisse-
ment, puis continuer jusqu'à New-Archangel avec
les provisions destinées au poste des Russes, dont
il devait recevoir des pelleteries en paiement. 11
devait retourner avec celles-ci h Astoria, prendre;
les fourrures qui y auraient été recueillies, et
ayant complété sa cargaison en trafiquant le long
de la cote, se rendre à Canton. Enfin il était iu-
vité, comme le capitaine Thorn l'avait été^ à user
de la plus grande circonspection envers les Na-
turels, et à ne pas permettre à plus de deux ou
trois de se trouver en même temps sur son bord.
Le Castor fit voile de New- York le lo octobre
1811 et atteignit les îles Sandwich sans aucun évé-
nement remarquable. Des rumeurs y circulaient
sur le destin désastreux du Toiiquin. Tous ceux
qui montaient le Castor ressentirent, en les en-
tendant, une profonde inquiétude sur le si/ildes
deux expéditions maritime et terrestre. On dou-
tait s'il avait été formé aucun établissement •
l'embouchure de la Colombia, et si l'on y trou-
verait aucun membre de la Compagnie. Après
beaucoup de délibérations, leCapitaine prit à bord
II. 10
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!'.(>
AsroniA
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*^ "
%1^
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■H
m-
douze Saiiclwichiens pour le serviee de la f'aclo-
rerie, s'il ia trouvait exislante, et continua en-
suite son voyage.
Le 6 mai, il arriva à l'embouchure de la Co-
lombia, et rangeant la côte aussi près que possi-
ble, il tira deux coups de canon. Aucune réponse
ny fut faitC; et l'on n'aperçut sur le rivage aucun
signal. La nuit venant, le vaisseau retourna vers
la pleine mer, et toutes les espérances s'évanoui-
rent à mesure que la terre s'elFaçait. Le lendemain
matin, le Castor revint enccre à une lieue du ri-
vage, et tira d'autres signaux, mais sans obtenir
plus de réponse. Un bateau fut alors dépêche
pour sonder le chenal et tâcher de trouver une
entrée; mais il revint sans succès à cause des
brisants et de la houle qui était épouvantable. Des
coups de canon furent de nouveau tirés dans la
soirée, mais également en vain , et le vaisseau re-
gagna encore inie fois la haute mer pour la
nuit. Le Capitaine renonça alors à tout espoir de
trouver aucun établissement, et s'abandonna aux
plus sombres appréhensions. Il craignait que ses
prédécesseurs n'eussent été massacrés avant d'a-
voir atteint le lieu de leur destination; ou, s'ils
avaient élevé un comptoir, qu'il n'eût été surpris
et détruit par les Naturels. . / .
Dans ce moment d'incertitude et de crainte,
M. Clorke annonça qu'en mettant les choses au
s
pis, il t'Mait tlétcjmiiié à fonder un élahlissement
avcr son monde et ses ressources présentes.
( liacun s'engagea courageusement à le seconder
dans cette entreprise. Le lendemain matin, le
vaisseau s'approcha du bord pour la troisième
l'ois , et tira trois coups de canon , mais avec
peu d'espoir de recevoir une l'éponse. A la
grande joie des passagers, on entendit peu après
trois coups de canon distincts -venant du rivage.
Les appr€"Iiensions de tout le monde , excepté
celles du capitaine Sowle, furent alors calmées :
mais ce prudent commandant, se rappelant les in-
slructlovis qui lui avaient été données par M. As-
lor, ne voulut procéder qu'avec la plus grande
circonspection. 11 connaissait bien l'esprit de inisc^
( t de perfidie des Indiens. Il n'était pas impos-
sible, ôbserva-t-il, qu'ils eussent eux-mêmes tiré
ces canons. Ils pouvaient avoir surpris le fort,
massacré les Américains, et ces signaux pouvaient
n'être que des leUi-res pour attirer le vaisseau au
delà de la barre; afin d'îivoir une chance de s'en
emparer. ' ■ ! • - '
A la fin on aperçut un pavillon blanc, élevé
comme signal sur le cap Désappointement. Les
Passagers le montrèrent en triomphe ; mais les
doutes du Capitaine n'étaient point encore dissi-
pés. Durant la nuit, un grand feu brilla comme un
phare a la même place; mais le Capitaine observa
î /f8 A StOR I A
que tous ces signaux pouvaient être perfides.
Dans la matinée suivante , 9 mai 181 2, on jeta
l'ancre près du cap Désappointement, en dehors
de la barre. Vers midi , on aperçut uil canot in-
dien se dirigeant vers le vaisseau, et tout le monde
reçut ordre de se tenir alerte. Peu d'instants après
on découvrit une barge qui suivait le canot. Les
Passagers, agités de crainte et d'espérance , res-
taient immobiles , lies yeux fixés sur celte barque
qui devait leur faire connaître le destin de l'en-
treprise et le sort de leurs prédécesseurs. Cepen-
dant le Capitaine > toujours défiant, ne laissa pais
sa curiosité l'emporter àur sa prudence. Il or-
donna h une partie de ses hommes de prendre les
armes pour recevoir les étrangers. Le canot vint
le premier le long du boi'd : il portait Comcomly
avec six Indiens. Dans la barge étaient Mac Dougai,
Mac Leilan et huit Canadiens. Une courte con-
versation avec ces messieurs ayant dissipé toutes
les craintes du Cc'fpitaine , le Castor traversa la
barre sous leur pilotage , et jeta l'ancre en sûreté
dans la baie de Baker.
^\'-
GHAPlTIiE XLII.
Uà
Nouvelles cxpcdilions préparées à Asloiia. — Robert Stuarl cl
ses compagnons parlent pour ]\ew-York. — Singulière con-
duite tie John Day. — Sa folie et sa mort. — Portage dunge
reux. — Serpents à sonnette. — Arrivée painii les Wallali-
Wallahs. — Achat do chevaux. — Départ de Stuarl cl de sa
handc pour les Montagnes.
L'arrivée du Castor avec un renfort et des
provisions donna inie nouvelle vie aux afFaires
d'Astoria. On se trouvait ainsi en mesure d'éten-
dre les opérations de rétablissement, et de fonder
des comptoirs intérieurs. Deux détachements
furent immédiatement organisés sous le comman-
dement de MM. Mac Kenzie et Clarke, pour aller
établir des postes au-dessus des fourches dv !<>
Colombia , dans les endroits où il y avait à crain-
dre le plus de concurrence de la part de la Com-
pagnie du NorcUouest.
Une troisième brigade, dirigée par M. Havid
Sluart, devait aller ravitailler le poste (juc lui
même avait établi sur l'Oakinagan. Enfin une
fjuatricme expédition était nécessaire pour porlei
des dépêches à M. Astor, en place de celles (|ui
avaient été mallicincnsenn^nf perdues par John
l\c(xl. Le lianspoil de ces flépèrhcs éliùl de h
I
il
I
WÈf.
n^-
M'-
IDO ASTOUIA.
plus haute iinporlaiice, cnr c^'cst par elles (ine
M. Astor devait apprendre la situation de la fac-
torerie, et réi^lei' en conséquence l'envoi des ren-
forts et des ravitaillements. C'était une mission
pleine de périls et de fatigues, et qui exigeait un
homme sur lequel on put compter. Elle fut con-
fiée h M. Robert Stuart. Quoiqu'il fût bienjeune
et qu'il n'eût jamais traversé les Monlagnes, puis-
qu'il était venu dans le Tonquin , il avait l'ait
preuve de capacité. Quatre hommes fidèles el
bien éprouvés, qui étaient venus par terre avec
l'expédition de M. Hunt , lui furent donnés
comme guides et comme chasseurs. C'étaient lien
Jones le Kentuckien, et John Day le Virginiei»,
avec Andri Vallar et Francis Leclerc, Canadiens.
M. Mac Lellan exprima de nouveau sa déter-
mination de retourner dans les Etals atlan-
tiques par cette occasion. M. Crooks en fit au-
tant. Malgré tout c(; qu'il avait souffert dans
son horrible voyage de l'hiver précédent , il
était prêt à revenir sur ses pas, et h braver tous
les dangers, toutes les fatigues, plutôt que de
rester à Astoria. INous nous proposons d'accom-
pagner cette poignée d'aventuriers dans leur lon-
gue et périlleuse pérégrination.
Les divers détachements que nous venons de
mentionner, partirent tous en compagnie, le ^n)
juin i8i?, , au l>ruit d'une salve de canons. Ils de-
.:v.-. .
ASTURIA. l6l
\aiei)t icatcr ensemble, ulin de se protég(;r inu-
luelieiïient l\ tiavcrs les passages dangereux de la
rivière, et se séparer aux fourelies de la Coloinbia
pour se rendre à leurs dillëreiites destinations.
Leur nombre total élail de piès de soixante hom-
mes, consistant en Partners , Clercs , Voj^^agenrs
canadiens, insulaires sandwichiens, et chasseurs
américains. Us s'embarquèrent dans deux baiges
et dans dix canots.
lis étaient à peine en route lorsque John Da^',
le chasseur viiginien, devint mécontent, tu! bu-
lent et extrêmement fantasque. Cela causa beau-
coup de surprise, car en général il élait remar-
quable par sa bonr»e humeur aussi bien que pai
sa conduite courageuse. On supposa que le sou-
venir de ses soulTran ces passées tourmentait sou
esprit, au moment de repasser par les lieux où il
les avait éprouvées. A mesure que l'expédition
avançait, son agitation allait en augmentant.
Enfin , il commença à parler d'une manière
étrange, incohérente, et à montrer des sj'mp-
tômes manifestes do folie. M. Crooks informa
alors ses compagnon >, que l'hiver précédent, pen-
dant l'alfieux voja4,e où il était accompagné par
JohnDay, l'esprit du pauvre diable avait été pai-
li(îllement dérangé par les soulirances horribles
qu n avait emlurees aux envnons
de i:
i rivicre
des Serpents. M. Crooks doutait (ju'il eût jamai."
f ' !
l[>-J.
!'iif
„;|.
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»!
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AS'IORIA.
rl«^ <'iilicremeiil irInMi. On rs|H'rjiil poiirlaiil en-
core que l'agitation de Di\y pourrait se passer à
mesure qu'on avancerait : mais au contraire, elle
devint de plus en plus violente. On s'efforçait de
le distraire et de l'engager dans des conversations
rationnelles, mais il n'en devenait que plus exas-
péré, et se livrait à de sauvagfes rêveries. La vue
des Naturels le mettait dans une fureur complète,
et il les accablait des épithètes les plus inju-
rieuses, se rappelant, sans aucun doute, ce(|u'il
avait souffert de la part des voleurs indiens.
Dans la soirée du 2 juillet, il devint absolu-
ment frénétique et essaya de se détruire. Ayant
été désarmé, il s'apaisa et exprima les plus grands
remords du crime ({u'il avait médité. Il fit ensuite
semblant de dormir, et ayant ainsi calmé les
soupçons, il se leva un peu avant le point du
jour, saisit tout-à-coup une paire de pistolets
chargés, et voulut se brider la cervelle; mais, dans
sa précipitation^ il tira trop haut, et la balle passa
par dessus sa léte. On s'assura de lui à l'instant,
et il fut placé avec une garde dans un des bateaux.
On s'occupa alors de savoir ce qu'on ferait de
*ui, car il était impossible de l'emmener avec
l'expédition. Heureusement M. Stuart renconi»i<
quelques indiens accoutumés à commercer à
Astoria. Ils se chargèrent de conduire John Day
à la factorerie , et de l'y livrer sain et sauf.
1 .^> I
a
ASTOin A.
Los cainnrndrs de i c n.uivicdi.ihle le virent pmiir
nvec le plus i»j;md ('li;ii:;iiii, cnr, iiidépeiidaiii-
ineiit de SCS ineslimahles services coiiiine cliasseur
de première force, sa rrancliise et sa lo)'auté v\\
avaient fait un favori universel. Nous ajouterons
immcdiatcmcnt, que les Indiens exécutèrent lidc
lement leur tî\che, et débarquèrent Jolin Day
parmi ses amis, à Asioria ; mais sa constitution
était complètement détruite par les fatigues qu'il
avait soulFertes, et il mourut dans l'année.
Dans la soirée du G juillet, la caravane ariiva
aux passages dangereux de la rivière, et campa au
pied du premier rapide. Le lendemain , avant le
commencement du portage , on prit les plus
grandes précautions pour se défendre de la trahi-
son des Naturels, ou de leurs attaques ouvertes.
Les armes de tous les hommes furent mises en or-
dre, et chaque boîte à cartouche fut remplie.
Chacun portait une espèce de surtout de |Xîau
d'élan , descendant du cou jus({u'au genou , et qui
faisait l'eiïèt d'une cotte de mai Iles j cette arn}Hre
était à l'épreuve des flèches, et, h la distance de
(jualre-vingls mètres, pouvait même résister ;i une
balle de mousquet. Ainsi é(|uipés, nos gens postè-
rent leurs forces d'une manière militaire. Cin([
oHiciers prirent leur station à rhaqu<^ bout du
portage, (\n\ iw-ùt nu peu plus d'une lieue de
longueur. Un ecilaiii nombic d lionunes nion-
m
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1 ^-'
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Si.,.
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AMOHI A.
I.iieiil lu i^ai'dt; ii des clisUniccs lapprucliéo, sur \v>
iiiiuteurs ([ui dominaient la rivièri;, pendant (pic
les autres, ainsi prolc^'és contre une; surprise ,
s'cMiiplo^aient en bas à tirer les embarcations et
(I transpoiter les marciumdises \v, lonf; dv, la rive
étroite et raboteusr\ Grâce ii ces précautions tout
se passa sans encoiidjre. Le seul événement qui
arriva fut que l'un des canots chavira, et qu'une
partie des marchandises coulèrent ii fond, tandis
que le reste élait entraîné par le courant. Cet ac-
cident fit voir alors que les Indiens rapaces <|ui
infestent ces lapides étalent aux aguets. Ils se
précipitèrent sur les objet ilottants , avec toute
l'habileté de ^ans exercés au sauvetai^e. Une
balle de marchandises, qui échoua sur une des
îles, fut immédiatement ouverte, et les capteurs
se partagèrent i\nv. moitié de ce ([u'clle conte-
nait; l'autre moitié fut cachée dans une huHe
solitaire, au fond d'un profond ravin. Cepen-
dant M. Ilobeit Stuart monta dans un canot
avec cinq hommes et ini interprète, déterra les
sauvetcm*s dans leur retiaite, et parvint à leur ar-
racher leur butin.
Des précautions semblables, et déplus giandes
cuicore, furent observées en passant le Long-dé-
troit et les cataractes, lieux infestés par la che-
>aleri(î de Wish-Kani et des environs. Un soir, on
avait à peine commencé la première veille, lors-
ASTOIUA. I »'»
(|ir<)ii riil('ii<iil le i*ri (r.'iliiinic : « les liitliiMi^ ! »
— « Aux .'irincsl » K-poiidit-on <!(» loiilcs p;irls;
et en un iiist.int (>Iki({U(' liounuc lut à son poste.
On .'ipprit Mcntot la cnuscdc rnlcrlr. lin parti de
i^uerriers shoshonics ayant surpris un canot dr
Naturels, jusic au-di'ssous du campcinenf, avaient
massacré (jualre hommes et doux femmes. On
craignait (pi'ils ne voulussent atta([uer le camp.
Les bateaux et les canots furent immédiatement
jialés sur le ri\age. On les disposa avec les pa-
(piets de marchandises pour servir de parapets sur
trois cotés d!un cari'é dont la rivière formait le
(piatrième. La (caravane resta ainsi fortifiée et
sur ses cardes durant toute la nuit.
Cependant l'ain-ore dissipa les alarmes : le por-
tage s'accomplit pacificpienuMit. Les guerriers va-
gabonds du voisinage rôdaient bi(;n à l'entour des
travailleurs , mais ils étaient maintenus à vuie dis-
tance respectueuse. Ils regardaient les paquets de
marchandises d'un œil de convoitise; mais trou-
vant les Longues-barbes si nombreux vX si bien
préparés au combat , ils n'essayèrent ni par
adresse ni pai* foi'ce, de lever leurs droits habi-
tuels. Leur conduite pacifu[ue fut récompensée
par un présent de tabac.
Quinze jours furent employés li monter du bas
tlu premier lapide nu somnu't de la cataracte »
dislance d'en>iron vingt-sept lieues, mais rempli<>
'i*^i!
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1 >
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fie l<;)ules sorles d'obslarles. A)'ant licurcubc-
mcnt accompli ce ('iflicilc porla£>c, nos vo)'ai»eiii\s
anivcreiit le u) jullleJ , à l'eiulioit où la rivière
icdevicnt Irauquille, et pouisui virent leur route
en remontant le courant avec plus de vitesse et
moins de fati<^ae.
On se trouvait alors aux environs du lieu où
M. Crooks et John Day avaient été si traîtreuse-
ment dépouillés, quelques mois auparavant, quand
ils s'étaiiMit confiés à l'hospitalité que leur ollVait
une bande de scélérats. On eut es. • soin, en dé-
barquant le soir, d'établir une garde vigilante
autour du camp. Le lendemain matin, pendant \v
déjeuner, un certain nombre d'Indiens parurent,
et vinrent rôder autour de la troupe A sa grande
satisfaction, M. Crooks reconnut parmi eux deux
des mécréants qui l'avaient volé. Ils furent à l'in-
stant saisis et jetés, pieds et poings liés, dans un
des canots. Là, i!s gisaient en grande terreur,
s'attendant à une -ixécution sommaire. Cepen-
dant M. Crooks n'était pas d'inie disposition vin-
dicative. Il consentit à relâcher les coupables si
on lui rendait ce qui lui avait été enlevé. Plu-
sieurs Sauvages parurent immédiatement dans
diirérentes directions : avant la nuit les fusils de
Crooks el de John Day lurent rapportés, mais
plusieurs des pi^lits objets (pii leur avaieïil r\r
rléroh
le.s ne purent etie neouvres.
ASTORIA.
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CUSCt
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routt'
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juaiul
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t à l'in
lans un
.erreur,
Cepeu-
lon viii-
lahles ^\.
vé. Plu-
nt ilaus
(us ils dr
l's, mais
lieiil (Hr
On 6la alors les liens des coupables , et ils lu'
perdirent pas un instant poui- s'enfuir. Remplis
(le la terreur la plus abjecle, ils paraissaient ne
pas pouvoir croire à leur délivrance.
De chaque etkéde la rivière le pays commençait
à prendre un caractère nouveau. Les monts , les
rochers et les forêts disparaissaient. De vastes
plaines salîlonneuses, h peine couvertes çà-et-là
d'une d'herbe courte et brûlée par le soleil d'été,
s'étendaient au loin vers le sud et vers le nord.
La rivière était quekpiefois obstruée de ro-
chers et de rapides, mais souvent il y avait des
espaces tranquilles où le courant était peu fort, et
où les bateliers pouvaient alléger leur travail par
l'assistance de la voile.
Les Naturels de cette partie de la Colombia
résidaient tous sur la rive septentrionale. Ils
étaient chasseurs aussi bien que pêcheurs , et
avaient des chevaux en abondance. Quelques-uns
de ceux-ci furent achetés et tués sur la place,
pour servir de vivres; mais on eut de la peine à
se procurer du combustible pour les faire cuire.
Un des plus grands dangers pour nos voyageurs ,
<Ians cette partie de leur expédition , provenait
du grand nombre de serpents à sonnettes (pii in-
festaient les rocs et les portages, et sur Ics-
<|uels on lisquait de marcher. On on trouvait
souvent une multitude autour des rampemcnis.
1 Vf',
ASTOHIA.
L*
l);ms iiii endroit on npcrcut un nitl de ces dini-
:;(;reux reptiles, qui , roulés enseni])le , st; ehaul-
l'aient aux rajons du soleil. On leur tira plusieurs
eoups de fusil, eliari,'és à ploinh, et on en tua
ou blessa trente-sept. Tour éviter durant la nuil
leurs visites, nos voj'ageurs semaient (pieltpiefoi s
autour de leurs tentes du tabac , plante pour
lacjuelle ces serpents ont une aversion très pro-
noncée. •' •
Le 28 juillet nos voyaiçeurs arrivèrent à l'em-
bouchure de laWallah-Wallali. Cette rivière, belle
et claire, profonde d'à peu près six pieds, large
d'environ cent cinquante, coule rapidement sur
un lit de sable et dei^ravier ; elle se jette dans la
Colombia, à peu de milles au-dessous de la rivière
Lewis. C'est là que les divers détachements qui
avaient si long-temps voyagé ensemble , devaient
se séparer pour se rendre chacun à sa destination
particulière.
Sur les bords de la Wallah-Wallah vivait la
tribu hospitalière qui avait secouru M. Crooks et
John Day dans le temps de leur misère. Aussitôt
que ces bons Indiens apprirent l'airivée de la
(Caravane, ils se hiUèrent d'aller leur donner la
bien-venue. 11 linnit devant le camp un grand feu
de joie autour duquel ils se mirent tous à danser.
Les Wallah-VYallahs sont cavaliers, mais l'équi-
pement de leurs chevaux est lourd et incommode.
Leurs selles élevées, i^rossièreinenl failes de pe;Mi
(le daim et iç.nnies de crin , érliaiiOènt le dos du
clievnl et le mettent à vif; leurs élrieis sont de
bois et entourés d'une courroie de cuir cru ;
pour brides ils ont des cordes de crin tressé,
qu'ils attachent autour de la mâchoire inférieure.
Cavaliers hardis, mais durs, comme la plupart
des Indiens, ils font galoper leurs chevaux dans
les endroits les plus dangereux, sans pitié pour
leurs montures et sans craintes pour eux-mêmes.
M. Stuart leur acheta vin2[t chevaux, destinés
en partie à la selle, en partie à porter les bagages.
Il eut le bonheur de se procurer, pour son propre
usage, un noble animal qui était extrêmement
estimé par les Indiens à cause de sa grande vitesse
et de sa vigueur remar({uable. Personne n'entend
la valeur des chevaux mieux que ces Sauvages
équestres, et nulle part la vitesse n'est plus re-
cherchée, car ils vont souvent à la chasse de l'an-
tilope, l'un des animaux les plus rapides. Même
après avoir conclu son marché, l'Indien qui avait
vendu à M. Stuart ce bon coursier, resta long-
temps près de l'animal, et ne s'en sépara qu'avec
le plus vif regret.
M. Stuart employa un jour ou deux à arranger
des paquets, des bats, et à faire divers préparatifs
pour son dangereux voyage. Pni- la perte de John
Oay, sa troupe était réduite à six hommes, nom-
iGo
ASTOlilA
f%
lue bien |>elil poui une Iclle cxpôdilion. (lepeii-
daiil c'claieiil des jouncs i^ons pleins trautlace^ île
saille, de bonne humeur, et stimulés philol que
découragés par les périls.
Dans la matinée du 5i juillet, tous les prépa-
ratifs étant terminés, M. Stuart et sa petite
troupe montèrent sur leurs coursiers et prirent
<;ongé de leurs camnrades , (|ui les saluèrent tle
trois cordiales acclamations. La route qu'ils pri-
rent se dirigeait au sud-ouest, vers la région ma-
lencontreuse de la rivière des Serpents. A une
immense distance s'élevait une rancée île mon-
tagnes chenues qu'ils devaient avoir à traverser,
et qui, d'après leurs teintes azurées, quand on les
voit de loin, avaient reçu le nom de Monta-
gnes Bleues ; c'étaient celles où l'expédition de
M. Hunt avait tant soullert du froid.
i- ,-*<!
l'a
ClIAPITRL XLIII
iU)iile (le M. Sluart. — Désoits arides. — Les montagnes Bleues.
— Source sulfureuse. — Bruits concernant des hommes
t)lancs. — Le Serpent et son clieval. — Un guide serpent. —
Départ nocturne. — llencontre inattendue. — Histoire des
trappeurs. — Chute des saumons. — Grande pêcherie. —
Ariivée à la Chaudière. — État des caches. — Nouvelle réso-
lution des trois trappeurs kentuckiens.
En reprenant la route qui avait été si désas-
treuse à la caravane de M. llunt pendant l'hiver
précédent, M, Stuart avait compté qu'il la trou-
verait facile et garnie de provisions , à cause d<;
la saison favorable où l'on était. Mais, dans ces
i!;rands déserts, chaque saison a ses inconvé-
nients particuliers. Nos voyageurs n'avaient pas
encore fait beaucoup de chemin lorsqu'ils se trou-
vèrent au milieu de collines nues et arides. Le
sol, composé d'argile, était sec, friable, et avait
l'air de n'avoir jamais été visité par la rosée thi
ciel. On n'apercevait ni un ruisseau , ni une
source, ni une marc. La terre, desséchée; par
le soleil , était sillotniée de ravins secs, lits des
lorrents dtiiant l'Iiixer, mais (|ui ne .servaieni
11. II
m
H
lyfe
m
i()j, Asrofdv.
nlors (|u'à tromper les cspriances (.les lioiuines t\
ties chevaux , car on uy liouvait plus (|ii'mu
mille poussière.
Durant une lonf^ue journée d'été nos voyageurs
poussèrent en avant sans s'arrêter. Le soleil étin-
celait sur leurs têtes ; le désert desséché s'étendait
sous leurs pieds : il faisait juste assez de vent pour
soulever le sable lin des dunes , et pour envelop-
per bétes et gens d'un nuage étoutïànt de pous-
sière. Les souffrances de la soil'devinrent cruelles.
Un beau et jeune chien, leur seul compagnon de
cette espèce, se coucha sur la terre et expira. Le
soir s'approchait sans aucune apparence de sou-
lagement , et ils étaient presque réduits au déses-
poir, cpiand ils crurent apercevoir à l'horizon
une rangée d'arbres. Celte vue les remplit tous
d'espérance : ils savaient que, dans ces arides
déserts, il n'y a jamais d'arbres que dans le voi-
sinage de l'eau.
Us hâtèrent le pas. Les chevaux semblaient
comprendre leurs motifs et partager leur espoir,
car^ quoiqu'ils eussent paru prêts à tomber de
fatigue, on n'avait plus besoin de les exciter.
Malgré tous leurs efforts il était lard dans la nuit
avant qu'ils fussent arrivés au lieu désiré. En
approchant ils entendirent, avec transport, le
murmure d'un ruisseau. Aussitôt que ce bruit
rafraîchissant atleignil les oreilles des chevaux ,
il
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iuLlii
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ASToniv. i(>5
les pauvres l)ètes renitlèreiit , se précipitèrent on
avant avec une vitesse qu'il était impossible tic
réprimer , et plongeant leurs naseaux clans l'eau
en burent presque jusqu'à crever. Les cavaliers
ne montrèrent guère plus de discrétion, et il leur
fallut boire à plusieurs reprises pour apaiser leiu-
soif excessive. Cette fatigante journée avait été de
quinze lieues, dans un désert qui pouvait rivali-
ser, pour l'aridité, avec ceux de l'Afrique. Sou-
vent, enelFet, les souffrances des voj'ageurs sont
plus grandes dans ces déserts américains que dans
ceux d'Afrique ou d'Asie, parce qu'on est moins
habitué et moins préparé à lutter contre des dif-
ficultés de cette nature.
Nos voyageurs campèrent pour la nuit auprès
de ce ruisseau bienheureux, et leur fatigue avait
été si grande, leur sommeil était si profond et si
doux, qu'ils ne s'éveillèrent le lendemain que fort
tard. Ils reconnurent alors que cette petite rivière
était rUmatalla^ sur les bords de laquelle M. Hunt
et ses compagnons étaient arrivés après leur pé-
nible marche à travers les montagnes Bleues , et
où ils avaient reçu des secours si empressés dans
le camp hospitalier des Sciatogas. C'est parmi ces
montagnes que le pauvre Michael Carrière avait
péri .
Bornant au sud-est la grande plaine de la Colom-
bia, elles divisent les eaux du cours principal de
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(•eUei'ivit'rc et (Mîllosdc In rivièrt; Lewis. Elles l'uni.
jjarlic d'une longue chaîne qui s'élend sur une
vaste étendu(î de pays , et (jui comprend dans ses
anneaux les montagnes de la rivière des Serpents.
Le jour était déjà avancé (juand nos aventuriers
([uittèrcnt les bords ombreux de l'Umatalla. Leur
route les amenait graduellement parmi les Mon-
tagnes Bleues, qui prenaient un aspect de plus en
plus sauvage à mesure qu'on en tpp'ochait. Elles
étaient ombragées de forêls épaisses, et coupées
de ravins escarpés extrêmement fatigants pour
les chevaux. Quelquefois les voyageurs étaient
obligés de suivre le cours d'un torrent mugissant
(jue les rochers abrupts des deux rives les for-
çaient souvent à traverser et il retraverser. De-
puis plusieurs milles ils parcouraient pénible-
ment ces sombres défilés, quand tout-à-coup le
paysage entier changea comme par magie. Les
âpres montagnes, les ravins raboteux, s'adou-
cirent en charmants coleaux, séparés par des prai-
ries verdoyantes, où des ruisseaux serpentaient en
étincelant et en murmurant sur un lit de sable :
spectacle enchanté de fraîcheur pastorale , qui
paraissait avoir encore plus de charmes quand
on le contemplait du sein d'une région si alfreu-
sement sauvage.
En sortant de la chaîne des Montagnes Bleues,
on descendit dans une vaste plaine presque entic-
'm
il"', • ■•.
ASKMSIA. iGf)
remoiil philo, <'t (jui pouvîiit avoii* vini^t liciics
tl(! circonIV'iciKC. Lr sol (n ('lait cxccllt'ul, et do
jolis ruisseaux la traveisaient chnis tous les sens.
Jjeue (îours était iiiarf|ué, dans le vaste paysa£»e,
par des liijjnes serpentantes de cotonnieis et de
saules fjui en bordaient les rives, et (jui servaient
de provisions à un i»rand nombre de çastorsi cl de
loutres.
En traversant eette plaine, on rencontra, au
pied des coteaux, une grande mare d'eau, de deux
cent soixante-dix mètres de cireonlérence. Elle
était alimentée par une source sulfureuse, d'en-
viron dix pieds de diamètre, qui bouillait dans
l'un des coins de la mare. Les vapeurs qui s'en
élevaient étaient extrêmement désagréables et
empestaient l'air à une (grande distance. Cet en-
<lroit était très-fréquenté par les élans, dont les
montagnes adjacentes renferment un nombre con-
sidérable. Leurs cornes, c[ui tombent au prin-
temps , étaient semées autour de la mare dans
toutes les directions.
Le lo août , on atteignit le cours principal
de Wood-pile-creek , cette petite rivière que
M. Hunt avait remontée l'aïuiée précédente, peu
de temps après avoir quitté M. Crooks.
Sur le bord de celle rivière, on aperçut un
iroupcau de dix-neuf antilopes , mic si peu ordi-
naire diuis cette légion, que nos voyngeurs mi-
r,
1i
■;/.> '•^'v
:"^:
ipiit en «loiiU; l'évidence tie leuis sens. Ils essayè-
rent, par toute sorte de moyens, de s'en approcher
à portée : mais ces animaux étaient trop farouches
et trop légers pour qu'on pût y réussir. Après
avoir alternativement bondi jusqu'à une certaine
distance, et s'être arrêtés à regarder les chassern's
avec une curiosité capricieuse, ils décampèrent et
s'enfuirent à perte de vue.
Le 12 août, on arriva sur le bord de la rivière
des Serpents, scène de tant d'épreuves et de mi-
sère pour tous les membres de la troupe, M. Stuart
excepté. On rencontra celte rivière au-dessus
de l'endroit où elle entre dans les montagnes , à
travers lesquelles MM. Hunt et Crooks s'étaient
en vain efforcés de trouver un passage. A cette
place, la rivière a t.iiviron trois cent soixante
mètres de largeur. Elle coule rapidement entre
des bords élevés et sablonneux , qui sont garnis
çà et là de saules rabougris. Nos aventuriers re-
montèrent la rive méridionale, afin d'aller visiter
les caches faites par M. Hunt à la Chaudière.
Dans la seconde soirée un Indien serpent visita
le camp, h une heure avancée, et informa M. Stuart
qu'un homme blanc résidait dans l'un des cam-
pements de sa tribu, à environ une journée plus
haut sur la rivière. On conclut immédiatement
que ce devait èlvc un des pauvres diables qui,
épuisés de fatigue et de faim, n\airn( renoncé.
fi
(iiiti
vsioiUA. l6y
l'hiver prccécltiil , ;i suivre lii caravane «le
IVI. Hnul. Tous les iiommes de M. vSluart ayant
pris leui' part tics souHianees (K; celte époque,
étaient maintenant empressés il'aller secourir un
l'amarade perdu. En conséquence, le lendemain
matin, on poussa en avant avec une activité plus
qii'ordinaiie. Cependant, toute la journée se
passa sans qu'on découvrît la moindre trace
«l'aucun traînard.
Vers le soir du second jour, on arriva dans un
endroit où coulait, de l'est ii l'ouest, une larpii^
rivière, renommée parmi toutes les tribus er-
rantes des Serpents, à cause des saumons qu'on y
prend en quantité incroyable. Durant la saison
de la pêche les Indiens y arrivent de tous les
côtés pour faire piovision de poisson, qui foinie
leur principale nourriture avec quelques racines
alimentaires.
Sur le bord d'un ruisseau qui déijouche en cet
endroit dans la rivière des Serpenls, M. Stuart
trouva un camp de Shoshonies. Il y lit l'enquête
ordinaire concernant l'homme blanc dont on lui
avait parlé. Il n'y avait personne de cette couleui
parmi eux ; mais ils répondirent tpie des hommes
blancs résidaient avec quelques membres de leur
nalion de l'autre côté de la rivière. C'était une in-
Tormation encore plus encourai^eanle. M. (Irooks
espéra alors que ce pouvaient êlie les hommes de
^
I
m
|G8 VMOUIA.
s;i troupe cjui, dcrnoralisôs par les l'alii^iics cl par
les pi'iils, avaient picCéié rester parmi les In
(liens. D'autn.'s pensaient (pie c'étaient peut-être
M. Miller et les cliasseurs qui avaient cjuitté la
caravane au Fort Henri, pour trappcr parmi les
rivières des monlai^nes. M. Stuart fit halle dans
le voisinage des loi^es des Shoshonics, et envoya
un Indien de l'autre côté de la rivière, pour cher-
cher les hommes hiancs en question, et les ame-
ner au camp.
Nos vo)'af^eurs passèrent une nuit ai^ilée et
sans repos. La place fourmillait de moustiques,
dont les aiguillons et le bourdonnement inter-
disaient tout sommeil. L'aurore les trouva dans
une disposition fiévreuse, irrit.'ïble, et leur bile
s'échauffa tout-à-fait au letour de l'Indien, qui
ne rapportait aucune nouvelle des hommes blancs.
Ils se regardèrent alors comme dupes de la
fausseté indienne, et résolurent de ne plus accor-
der de confiance à aucun Serpent. Cependant ils
oublièrent bientôt cette résolution. Dans le cou-
rant de la matinée, un Indien courut au galop
après eux. M. Stuart s'arrêta pour l'attendre. A
peine l'Indien l'eut-il joint que, sautant à bas de
son cheval et jelant ses bras autour du cou de
celui de M. Stuart, il commença à baiser et à
caresser l'animal, qui, de son côté, ne paraissait
aucunement surpris ni IWché. IVI. Stuart estimait
■ar#*-
■i-.-:
licaucoup s;i nioiilnr*' ( l sr scnlil (|ii('l(jiio prii
coulrarit' de ers )im >|)()rls. \a\ CiUisc en lui ]>'\v\\-
tot explitjiH'c. Le Sorpciil (lôrlnr.i cpic le ('Ih'>mI
lui avait apparlcmi, (pic c'clail \c incilliMir (pj'il
possédât, et (pi'il lui avait élé volé pai* les \N allali-
Wallalis. iM.Stiiart, peu satisfait fie cette ireoii-
naissanee, n'clait nullement disposé à ailinellre
les droits de l'ancien possesseur. Kn ellet e(^ che-
val était un nohie animal, doux et ij;énéren\' ,
admirablement conformé , graiMcux dans tous
ses mouvements , et léi^er comme une antilope.
M. Sluart se pi'oposait de le mener, s'il était
possible, à New- York , et d'en faiic présent à
M. Astor.
Cependant (|uelcpies hommes de la I)riii[a(le ,
arrivant sur le lieu de la scène, reconnurent im-
médiatement dans le Serpent un ancien allié et
ami. C'était un tle ces deux guides <{ui avaient
conduit la caravane à travers les monlai>[nes de
la rivière Enragée jusqu'au fort Henry, et (pii
ensuite étaient partis ;ivec M. Miller et les trap-
peurs, ses camarades, pour les conduire dans un
endroit abondant en castors. Le lecteur se rap-
pellera que ces deux fidèles Serpents avaient été
engagés par M. Hunt à revenir et à prendie soin
des chevaux (pi'il se proposait de laisser au fort
Henry, en s'embanpjant sur la rivièiv du mêmr
nom.
M
'4
m
m
Les liominrs (le IVJ. Stuart oiilomcreiil alors
le Seipciit <ji commcncèicnt à le f|uesliomier
avee eiupressemeiil. Ses réponses étaient assez
vagues et n'étalent comprises qu'en partie. II ra-
conta sur les chevaux une longue histoire, dont
il paraissait résulter qu'ils avaient été volés par
(liilérentes baniles vagabondes, et dispersés dans
diverses directions. Les caches du Fort Henry
avaient aussi été pillées, et l'on avait emporté
les selles avec les autres objets d'équipement. Le
récit du Serpent concernant M. Miller et ses ca-
marades n'était pas plus satisfaisant. Ils avaient
Irappé pendant quelque temps sur les rivières
supérieures, mais ils étaient tombés entn? les
mains d'une troupe de maraudeurs coi neilles ,
(|ui les avaient dépouillés de leurs chevaux , de
leurs armes et de tout ce qu'ils possédaient.
De nouvelles questions amen-;rent d«î nouveaux
détails tous d'une nature désastreuse. Environ
dix jours auparavant, l'honnête Serpent avail
rencontré trois aulies hommes blancs, dans un
étal très miséral»le. Ils avaient chacun un che-
val , mais une seule carabine ;i eux tiois. Ils
avaient été également pillés par les Corneilles,
ces brigands universels. Le Serpent ( ssaya de
pronoiicej' les noms de ces liois honnnei , et au-
tant que se.> sons impai lails purent être enten-
dus, Oii supposa (pu' (éiairiil liois des (juahc
I
le
A.SKUilA. 1 - I
( hasscurs, C;irsoii, Siiiiil-iVIicliael , Dolayo et Dc-
laniiay, (jui avaient clé détachés de la caravane
(le M. Ilunl le 2cS septembre, poui* Irapper le
castor sur les eaux supérieures de la Colomhia.
Dans le cours de la conversation, l'Indien in-
l'orma M. Stuartquc la route par laquelle M. Hunl
avait traverse les iVlontai»nes ïloclieuses était fori
pénible, fort détournée, et qu'il en connaissait
une beaucoup plus courte et beaucoup plus fa-
cile. M. Stuarl le pressa de lui servir de i^uide,
promettant de le récompenser avec un pistolet,
(le la poudre et des balles, un couteau, une alène,
(juelques i»rains de verre bleus, une couverture
vt un miroir. Un tel catalogue de richesses était
trop tentant pour qu'on put y lésisler: d'ailleuis
h; pauvre Serpent soupirait après les piairies. Il
('tait fatii^ué de saumon; il mourait d'envie de
l'aire une ijrande chasse au delà des Monlaiines cl
(le manger de la chair de bison. Il alla donc en
dilii^ence chercher ses armes et son équipemenl
pour le voyage, piomcttant de rejoindre les Blaïu's
le lendemain. Il fint parole, et comme il ne dit
plus rien à M. Stuarl au sujet de son cheval chéri,
ils voyagèrent ensemble en bonne haimonie,
(|Uoi(|ue de temps en temps h; Seipenl j(;làt un
reiiard de counoiIisc sui- son ci-devanl ( omsiei
-d(
Ils n'a\ aient \r.is eiicoi (;
ri d
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leaucoup (
le
omi (piand dsarriMienl a une grande «oui
lie cl
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11-,
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• '
V^
ASIOlll A
ia rivici'C. Lii , le Srrprnl, les informîi ((u'cii
r()ii|)nnl a travcis l(\s collmrs ils raccomcirauMil
Ix'ancoiip leur roule. Cependant, coinme il (allail
nuv. i)onne journée (h; maiclieponi
'h
les t
ravei'scr
I oniiacea M. wSliinrl à en
•^"t?
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per
en cet cn(
Iroil
poni
r la nuit et à partir le lendemain de boinie
pa
lieuie. On suivit son avis, (pioifju on n eut laii
(\\w. hois lieues ce jour-la.
Le lendemain on se leva "aiement et de bon
inatiii pour i:;iavir les collines. Quand la petite
troupe se reunil, le içuide n était pas présent. On
supposa ([u'il était (juelcpie part dans le voisinat^e,
et on s'occupa de rassembIcM' les chevaux. Mais
rexcellent coursier de M. Stiiart ne se trouvait
oas non
plus. IJ
n sou
pçoi
n s'chîva dans son esprit,
il s'é(M'ia : a Cherclu'z le cheval du Serpent! » Il
('lait (^i^alement parti. Bientôt on trouva les traces
de deux chevaux <{ui s'étaient éloii^nés du camp
li la suite l'un de l'autre. Il semblait (pie l'un
d'eux fui monté, l'autre mené. On suivit ces
pistes pendant (piel((ues milles, jusqu'à l'endioit
où toutes deux entraient dans la rivière. Il était
clair cpie le Serpent avait employé un moyen
indien de recouvr<>r son cheval , en décampant
tranquillement avec lui pendant la nuit.
On lit , de nouveau , le vomi de ne se lier
jamais aux Serpents, ni à aucun autre Indien.
On se détermina aussi à :»ii(lei dorénavant les
A.S'IOIHA. 17»
chevaux avec la plus i^inndi" vigilance, il à diviser
la nuit en trois veilles durant lesfjuelles eliacun
monterait la garde à son tour. On résolu! ,
cnlin , de marcher le long d(î la rivière, au lieu
de couper court comme l'avait recommandé le
vSerpent fugitif, car on n'ajoutait plus foi ii
aucune de ses paroles. La chaleur élait accablante
et les chevaux devenaient quehjuefois prcscjucî
frénétiques, sous les aiguillons des mouches de la
prairie. Le^ luiits étaient suffocantes, et l'on ne
pouvait dormh' à cause du grand nombre l\v
moustiques. Le ^.oaofit, on continua à avancei-
dans la prairie, parallèlement à la livière des
Sei'penls. Le temps était lourd, et quehjues
hommes de la Iroupe, mourant de soif, quittèrent
la ligne de marche cl se laissèrent dégringoler le
long de la berge de la rivière pour aller boire,
lia berge était couverte de saules sous lesquels,
à leur grande surprise, ils virent un homme en
train de pécher. A peine les eut-il aperçus, qu'il
poussa une exclamation de joie. C'était John Ilo-
back, un de leurs anciens camarades. Ils avaient
à peine échangé leurs salulations ([uand trois au-
tres hommes s'avancèrent tlu milieu des saules.
C'étaient Joseph Miller, Jacob llizner et Robin-
son, le Kentuckien scalpé, le vétéran du Terrain
Sanclant.
Le lecteur se rappelle peut-élre de ([uelh
r
'.' 1... : •<
1!"
Hi
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<i9.i
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lAi.
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l'?^i
j^i
^J/^ ASTt)inA.
manier*' inalleiulue et capricieuse M. iMill<M
avait l'cnoncé à son intérêt, comme partner de
la Compagnie, et s'en était allé du Fort Heniy,
avec ces trois chasseurs, et avec un quatrième
nommé Cass. On peut pareillement reconnaître
dans Robinson , Rizner et lïoback le trio de chas-
seurs kentuckiens qui avaient été originairement
au service de M. Henry, et qui, flottant sur h*
iMissouri , pour retourner chez eux, avaient él(''
rencontrés par M. Hunt et décidés par lui à
l'accompagner et à traverser encore une fois les
Monlaûues. Les haillons, les visaees hai;ajds de
ces pauvres gens, prouvaient combien ils avaient
soulFert. Après avoir quitté la caravane de
M. Hunt ils avaient fait environ soixante-six
lieues vers le sud-ouest. I.à ils avaient trappe le
castor sur une rivière qui, suivant leur récit,
déboucherait dans l'Océan au sud de la Colombia ,
mais que nous supposons être la rivière de l'Ours.
Cette rivière se décharge dans le lac Bonncville,
immense réservoir d'eau salée, situé à l'ouest des
Montagnes Rocheuses.
Ajart rassemblé une quantité considérable de
peaux de castor, ils en firent des paquets, chargè-
rent leurs chevaux, et se dirigèrent vers l'est
pendant soixante-huit lieues. Alors ils rencon-
trèrent uji camp de soixante loges d'Arapahays.
Ces brigands , tombant sur les pauvres tiappeurs.
<J^'
llle,
>t des
tic
largè-
IVst
icon-
Iin3/s.
iMirs,
\.sr<»Hi\. i7;S
leur prlrcul Icui.s piîMcleries , la plus i>i audr
parlio (le leurs liabils, et plusieins de leurs elie-
\aux. S'estimant heureux de s'échapper avec la yw
sauve , et de n'être point entièrement dépouilles,
nos aventuriers avancèrent encore pendant seize
lieues, et firent leur lialte pour l'hiver.
De bonne heure, au printemps, ils recommen-
cèrent leur péréi^rination ; mais ils fin-ent mal-
heureusement rattrapés par la même J)nnde de
voleurs, qui leur firent payer une nouvelle con-
Irilnition et enlevèrent le reste de leurs chevaux ,
excepté deux. Us continuèrent à avancer avec
ceux-ci, en proie à de grandes souffrances. Us
avaient encore leurs carabines et des munitions,
mais Ils étaient dans un pays désert, où l'on ne
pouvait trouver ni oiseaux ni quadrupèdes. Leur
seule chance de salut était de -uivre la rivière, et
de subsister de leur pêche. Quelquefois ils ne
pouvaient prendre aucun poisson , et leurs souf-
frances étaient horribles. Un de leurs chevaux
leur fut volé dans les montagne* par les Indiens
serpents. L'autre fut emmené par Cass , qui ,
d'après leur récit, » les abandonna vilainement
dans leur misère. » Certains soupçons d'une som-
bre nature circulèrent ensuite rclativem.ent au
destin dece pauvrediable;s'ilsétaientbien fondés,
cela prouverait à ([uel état désespéré de famine
ses camarades avaient «Hé réduits.
"M
m
m
1^-
M,
'H.
1. 1
F-i
\nC) ASTOIIIA.
Se trouvaiiL alors coinplclomnit (lémoiih'vs ,
M, Milleret .s(!s Iroiscompagiioiisei irrcnl encore
«liuant uiK' centaiiiLMh; lieues, soiillinnl la l'aiiii ,
la soif, la fallgne, en traversant les solitudes stéi'iles
<[ui sY'tendent à Toucst des Montagnes Jloelieuses.
Lors''Ue la troupe de M. Stnart les rencontra ils
étaient presqu'alFamés , et péchaient pour se pro-
curer un misérable repas. Si M. Stuart avait coupé
au plus courte à travers les collines, pour éviter
la courbe de la rivière, ou si quelqu'un de sa
troupe n'était pas accidentellement descendu sur
le bord de l'eau, ces pauvres gens n'auraient point
été découverts et auraient probablement péri dans
la solitude. Rien ne peut peindre la joie qu'ils
ressentirent en rencontrant ainsi d'anciens cama-
rades; rien ne peut surpasser la cordialité avec
la((uelle ils furent reçus. On campa immédiate-
ment, et les maigres provisions de la brigade
furent mises à contribution pour fournir un
régal convenable.
Le lendemain, tous nos aventuriers partirent
ensemble, M. Miller et ses camarades aj'ant
résolu de renoncer à la vie de trappeur, et d'ac-
compagner M. Stuart dans son voj/age à Saint-
Louis.
Pendant plusieurs jours ils cotojèienl la ri-
xière des Serpents, en coupant (|uel()uefois à tra-
vers les collines, dans les endioits où la rixière
ni'
1.;
^i:"^v^
llul-
ira-
ièic
\si(nn \ . lyy
taisait des courbes. Ils reii^^ontièrent clans cet
intervalle plusieurs camps de Shoshonies, qui pu-
rent à peine leur fournir quelques saumons, tant
ils étaient misérables eux-mêmes. M. Stuart dési-
rait vivement acheter des chevaux pour ses nou-
velles recrues, mais les Indiens ne se laissèrent
pas décider à lui en vendre, alléguant qu'ils n'en
avaient pas assez pour leur propre usaj^e.
f.e 'i5 août, nos voyageurs atteignirent une
i^rande pêcherie à laquelle ils donnèrent le nom
de Chutes du saumon. Là, dans la partie septen-
trionale de la rivière se trouve une chute perpen-
diculaire de près de vingt pieds, tandis ([ue du
côté méridional il y a une succession de rapides.
On prend, en cet endroit, une incroyable quan-
tité de saumons, lorsqu'ils essaient de franchir la
cataracte. C'était alors la saison favorable, et il
y avait aux environs une centaine de loges de
Shoshonies, qui s'occupaient activement de tuer
et de sécher le poisson. Le saumon commence à
sauter peu après le lever du soleil. A cette époque,
les Indiens arrivent en nageant au milieu des
chutes. Quelques-uns se placent sur des rochers,
d'autres restent debout dans l'eau jusqu'à la cein-
tm'e, et tous, armés de lances, harponnent les
sîuimons lorsqu'ils essayent de sauter, ou lors-
(ju'ils retombent en arrière. C'est un massacre
continuel, tant le poisson arrive en abondance.
II. l'2
^iO/. ..
•il"."*
M
II'
/
ASIOlil A.
Lj» coiisliuctioii dv. \'c\ Uwu'v. (Icslinr*; à (;ef
iisai^o est toute particulière. Elle est aimce d'un
morceau de corne d'élan, droit, et loui^ d'environ
sept pouces, sur la pointe duquel une barbe arti-
ficiel le est fixée avec du fil bien gommé. Ce ter
est attaché par une forte corde, de (|U6l(jues pou-
ces de longueur, à une grande perche de saule.
Quand le pécheur frappe juste, le fer de la lance
traverse souvent le corps du poisson. Il se dé-
tache ensuite facilement, et laisse le saumon sj'
débalti'e a\ec la corde dans son corps, tandis ((ue
le pécheur tient la perche. Sans cet arrangement,
la baguette de saule serait cassée par le poids et
par les secousses du poisson. M. Miller, pendant
ses courses vagabondes, avait déjà visité cette ca-
taracte, et y avait vu prendre plusieurs milliers
de saumons dans une seale après-midi. Il déclara
avoir vu un saumon faire un saut de près de trente
pieds, depuis l'endroit où l'eau commence à écu-
mer jusqu'au sommet de la chute.
Ayant acheté aux pécheurs une bonne provi-
sion de saumon , nos voyageurs poursuivirent
leur route, et, le 29 aoùtr, arrivèrent à la Chau-
dière, théâtre mémorable des malheurs de l'au-
tomne précédent. Là, le premier objet qui frappa
leurs regards fut la carcasse d'un canot, logée;
entre deux rochers, ils essayèrent de descendre
sur le bord de la rivière pour en approcher ,
logée;
iidre
lier ,
\.sToinA. ly.)
mais la berge rtail trop haute et trop esearp<*e.
Ils se rendirent «niors dans l'endroit où étaient
situées les caches, afin iVy prendre les objets qui
appartenaient h M. Crooks, à M. MacLellan et aux
(Canadiens. En y arrivant, ils lurent étonnés de
trouver que six des caches avaient été ouvertes et
vidées. Quelques livres étaient encore éparpillés
aux environs. D'après les apparences, elles sem-
blaient avoir été pillées dans le courant de l'été,
l! y avait dans toutes les directions des pistes de
loup, ce qui fit croire à M. Stuart que ces ani-
maux avaientété attirés par l'odeur des peaux con-
tenues dans les caches, qu'ils les avaient déterrées,
et que leurs traces en avaient fait connaître le
secret aux Indiens.
Les trois caches restantes n'avaient point été
visitées. Elles contenaient quelques marchandises
sèches, quelques munitions, et un certain nom-
bre de trappes à castors. M. Stuart y piit tout ce
qui pouvait être utile à sa troupe, y déposa le
superflu de son bagage, et y remit les livres et les
papiers qui avaient été éparpillés aux environs.
Cela fait, les ouvertures furent soigneusement
rebouchées.
Ici nous avons à rapporter un autre exemple
de l'esprit indomptable des trappeurs occiden-
trio des chasseurs kentuckicns ,
H>,
taux.
penie
H
'm
m
.1 ÏZ
I
«1
i
iii*.i
llobinson, Rizner el Hoback, virent-ils à leur dis-
■* V
",1';
i<So AsioriiA.
position les objets nécessaires pour inie ("ain-
p.igne de lrappai»e, (ju'ils oublièrent tout ce qu'ils
avaient déjà souH'ert, et se déterraincrentà tenter
encore une fois la foitune. Ils préféraient courir
les chances de la solitude plutôt (jue de retourner
dans leur pays en haillons et sans argent. Quant
h M. Miller, il déclora que sa curiosité et son désir
de voyager dans le pays indien étaient complè-
tement satisfaits. 11 persista donc dans sa détermi-
nation d'accompagner l'expédition jusqu'à Saint-
Louis, et de rentrer dans le sein de la société
civilisée.
Les tiois chasseurs, Robinson, Rizner et Ho-
havkf reçurent, autant (jue le permettait l'état des
caches et des moyens de M. Stuart, les munitions
et les objets nécessaii-es « pviur une chasse de deux
ans ». Mais comme leur équipement était encore
incomplet ,, ils résolurent d'attendre dans le voi-
sinage l'arrivée de M. Rééd. Ils espéraient qu'il
ne tarderait point , car il devait se mettre n route
pour les caches, vingt jours après avoir quitté
M. Stuart, sur les bords de la Wallah-Wallah.
M. Stuart chargea Robinson de remettre à
M. Reed une lettre, pour lui apprendre son heu-
reuse arrivée en cet endioit , et l'état dans lequel
il avait trouvé les caches. Un duplicata de cette
lettre fut élevé sur une perche, et placé près iht
lieu de dépôt.
'fi*
\sroinA, i8i
Toutes choses étant ainsi arrani^ées, M. Stiurt
K't sa petite bande, réduite au nombre de sept, pri-
rent congé des trois hardis trappeurs, leur souliai-
tant toutes sortes de succès dans leur séjour péril-
leux au sein de la solitude. Nous les abalidonne-
lons éf^alement à leur fortune, promettant au
lecteur de les lui faire retrouver dans quelque
page future, et de clore le récit de leur peisévé-
raute et malheureuse entrepiise.
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CHVPITKK XLIV.
Dcst'i'J dv la rivière des Serpents. — Disette. — Voyageurs
égarés. — Rôdeurs indiens. — Le Chef gigantesque des ('f>r-
neiilcs- -- Le fanfaron intimidé. — Signaux indiens. — La
rivière Enragée. — Alarme. — Vol des chevaux. — P aisan-
trrie indienne - Beau coup manqué.
. «1
^•
\â
•*"«»,.-
..^^:
Lf i"' septembre, M. Stuart et ses compai^nons
repr rent leur voyage, en dirigeant leur course
vers l'cist, le long de la rivière des Serpents. A
mesure ({u'ils avançaient, le pays devenait plus
ouvert. Les collines, qui d'abord venaient joindre
la rivière, s'écartaient des deux côtés, et de gran-
des plaines sablonneuses s'étendaient devant les
voyageurs. De temps en temps, il y avait des in-
tervalles de pâturages, et les berges de la rivière
étaient bordées de saules et de cotonniers, de sorte
<]ue du sommet des collines on pouvait suivre son
cours, serpentant sous l'ombrage à travers un
vaste paysage brillé par le soleil. Le sol était gé-
néralement pauvre. II y avait, en quelques en-
«Iroits, une misérable crue d'absinthe (J/iernisi
ahsintliiiim et de salicorne Ç'iah sveed, salicornîa
heihacea, Linn.), plante (jui ressemble au pou-
liol {^lledeonid piilegùndc.s, Pkrs.) ; mais la oha-
VSTORIA. 18"
Jeur clc; i'élé axait Jcssôclié les plaines el laissé peu
«le pàluraijjes. Le i»ihier avait aussi disparu. Les
chasseurs examinaient xainement un paysai»esans
\ ie; de temps en temps ils y apercevaient queUpies
antiloptîs, mais non pas à portée de la carabine.
Nous nous dispenserons de suivre les vojaf»eurs
dans leur roule d'un semaine, parmi ces solitudes
stéi'iles, où ils soulTrirent beaucoup de la faim.
Leur subsistance dépendait de rjuelques poissons
(pi'ils péchaient, el, de temps en temps, d'un peu
de saumon séché, ou d'un chien acheté dans quel-
que misérable loge de Shoshonies.
Le 7 septembre, fatigués de ces tristes solitu-
des, ils quittèrent h's J)ords de la rivière des Ser -
pe\ils, sous la conduite de M. Miller. Celui-ci,
ayant ac((uis quelque connaissance du paysciurant
s(îs campagnes de trappage, s(^ cliaigea de les con-
duire h travers les nionlagnes par une route meil-
leure (pie celle du Fort Henry, et moins «^xposée
aux déprédations des Pieds-noirs. Cependant il ne
se montra pas l'ort bon guide, et la brigade fut
bientôt égarée parmi des collines difficiles, des
cours d'eau inconnus el des plaines desséchées.
A la fin nos aventuriers arrivèrent près d'une
rivière sur laquelle M. Miller avait trappe, et à
lacpielle ils donnèrent son nom. Comme nous
l'avons déjà observé , nous présumons (jue c'est
celle (pic Ton appelle rixièic de l'Oins, «t (pii
î
1 >»
i8/»
ASrOKIA.
^^■^t.
se (Iccli.'irgc dans le lac Bonneville. Us remontè-
rent, pendant deux ou trois jours, cette rivière
et ses affluents, sans avoir autre chose h manj^er
que quelques poissons. Mais bientôt ils s'aperçu-
rent qu'ils se trouvaient dans un danj^ereux voi-
sina^^e. Le 1 2 septembre, a^ant campé de bonne
heure, ils sortirent avec leurs licjnes afin de pê-
cher leur souper. A leur retour ils virent plusieurs
Indiens qui rodaient autour de leur camp, et re-
connurent, avec inquiétude, que c'étaient des
Corneilles. Leur chef vint d'un air impudent au-
devant de nos aventuriers. Il avait une physiono-
mie farouche, des formes herculéennes , et près
de six pieds de haut. Toute sa personne offrait un
aimable mélange du brigand et du filou. Il se con-
duisit cependant d'une manière pacifique, et dé-
pécha quelques-uns de ses gens vers son camp
pour en rapporter une provision de chair de bi-
sou ; cadeau fort agréable pour nos voyageurs. Il
dit à M. Stuart qu'il était en route pour aller tra-
fiquer avec les Serpents qui habitent la base occi-
dentale des Mo ntag nés, 'au-dessous du Fort Henry,
et qui cultivent une excellente espèce de tal)ac,
fort recherché'par les tribus montagnardes. Mal-
gré les discours pacifiques de cet Indien » il y avait
dans ses regards quelque chose de sinistre qui in-
spirait la méfiance. Par degrés le nombre de ses
guerriei's augmenta. A minuit ils étaient vingt-et-
ASTor.iA. i85
nn , nulour du camp, et commençaient à devenir
impudents et incommodes. On ressentit alors la
plus grande inquiétude pour la sûreté des chevaux
et des autres elTels, et tout le monde monta la
garde avec vigilance durant la iniil.
Le matin reparut, cependant, sans aucune aven-
tine déplaisante, et M. Stuart ayant acheté toute
la chair de hison dont les Corneilles pouvaient
disposer, se prépara à partir. Cependant ses nou-
velles connaissances voulaient trafiquer encoie,
et désiraient pardessus tout obtenir une pro-
vision de poudre à fusil, pour laqut^lle ils of-
fraient de donner des chevaiix. IVI. Stuart s'ex-
cusant de les approvisionner de cette dange-
reuse marchandise, leurs sollicitations devinrent
plus importunes, jusqu'à ce qu'enfin il les refusa
net.
Le Chef gigantesque s'avança alors d'un air fan-
faron , et, se frappant la poitrine, do.sna à enten-
dre à M. Crooks qu'il était un chef d'un grand
pouvoir et d'une grande importance. Il lui signi-
fia, en outre, qu'il était d'usage pour les grands
chefs de se faire mutuellement des présents
quand ils se rencontraient. Il demandait donc que
M. Stuart descendit^ et lui donnai le che\al sur
le({uel il était monté. C'était un bel animal , de la
race sauvage des Prairies, et M. Stuart y mettait
beaucoup de prix. Il secoua la tète à la recjucte du
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1(S() A SI OUI A.
noble Conieille. Aussitôt celui-ci , marchant vers
lui , le saisit par le corps et le fit plier sur sa selle,
en avant et en arrière, comme pour lui faire sen-
tir (^u'il n'était (ju'un enfant entre ses mains.
M. Stuart coUvServa son sang-froid, et continua à
secouer la tête. Toul-à-coup le Clicf, empoignant
la brille, lui doinia une secousse qui surprit le
cheval et désarçonna presque le cavalier. IVl. Stuart
tira vivement un pistolet, et le présenta à la tête
du Rodomont. En lui clin d'oeil, sa vaillance fut
anéantie, et il alla se mettre h l'abri denière son
cheval pour éviter le coup au(juel il s'attendait.
Comme ses sujets regardaient la rixe, d'une cer-
taine distance, M. Stuart ordonna à ses hommes
de les coucher en joue, mais de ne pas tirer. A
l'instant toute la troupe gagna les buissons voi-
sins, se jeta à plat ventre, et disparut à la vue.
Le Chef, ainsi laissé seul, fut confondu pour
un instant. Cependant se remettant avec une
adresse véritablement indienne, il éclata de rire,
affectant de regarder toute cette scène comme
une excellente plaisanterie. M. Stuart n'aimait
aucunement une farce aussi équivoque, mais la
politi(|ue ne voulait pas qu'il cherchât une que-
relle. Il se joignit donc, de la meilleure grâce
qu'il put, à la gaieté du jovial géant, et, pour le
consolei' du refus du cheval , lui Ht présent de
vingt charges de poudre. Ils s(î séparèrent ensuite
"l^^^
s
V.MOlil \. I 87
les meilleurs amis du moiuio en apj)i«r<*iHe, mais
il était évident que la vii»ilance martiale desBIaiics
el le petit nombre des Corneilles avaient seuls
empéehé leur chef de tenter une al jue ouverte.
Cependant, dînant cette courte entrevue, ses
dignes partisans avaient trouvé mojen de voler
un sac qui contenait presque tous les ustensiles
culinaires de leurs alliés.
Nos voyageurs se dirigèrent vers l'est par-des-
sus une chaint; de collines. La rencontre qu'ils
venaient de faire leur montrait (ju'ils se trou-
vaient alors dans une terre de danger, exposée
aux incursions d'une tribu pillarde. En etïét, ils
n'avaient point encore fait beaucoup de chemin,
quand ils virent un spectacle bien capable L\r les
alarmer. Du sommet des montagnes les pins hau-
tes et dans difTérentes directions, des colonnes de
fumée commençaient à s'élever. C'étaient sans
doute des signaux faits pnr les coureurs du chef
corneille, pour rappeler les traînards de sa bande,
afin de poursuivre les Blancs avec plus de force.
Des signaux de cette sorte, allumés dans un point
central, embrassent un vaste circuitde montagnes
dans un espace de temps singulièrement court, et
ramènent promptement sous l'étendard de leur
chef les ciierriers et les chasseurs errants.
Vonv se tenir autant que possible hors de la
route de ces maïaudeurs, M. Stunii dirigea sa
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rourse vers le nord, et, quiltant le cours prin-
cipal de la rivière Miller, en suivit un lari»e at-
ilucnt qui venait des montagnes. Après huit lieues
d'une marche f'atii>;ante il s'arrêla pour camper.
La nuit approchait et ks chevaux furent entravés
auprès du camp. De plus, on monta soif»neuse-
ment la garde jusqu'au lendemain matin, et tout
le monde se coucha avec sa carabine sous son bras.
Au lever du soleil on recommença à marcher,
en se dirigeant toujours vers le nord. Il fallut
bientôt gravir les montagnes. De temps en temps
on apercevait au loin le pays environnant. On ne
découvrait pas le moindre signe d'un Corneille;
mais cela ne suffisait pas pour rassurer nos yoya-
geurs , car ils savaient avec quelle persévérance
ces Sauvages épient une troupe qu'ils ont envie
de voler, et avec quelle habileté ils lui cachent
leurs mouvements en se tenant dans des ravins
et dans des défilés. Après avoir fatigué dans les
montagnes durant sept lieues, on campa sur le
bord d'une rivière qui coulait au nord.
Dans la soirée, le cri d'alarme : « Les Indiens ! »
se fit entendre, et tout le monde fut à l'instant
sur pied. Il se trouva que c'étaient trois misérables
Serpents, qui s'enfuirent avec des signes de grande
consternation aussitôt qu'ils furent informés
qu'une bande de Corneilles rôdaient dans les en-
virons.
Il
,\ST()MI\. I(Si)
Une couple fie jouinées pénibles et de nuits vi-
i^ilantes amenèrent nos nvenluriers auprès d'une
rivière forte et rapide, (jui eour.iit en plein au
nord, et fju'ils regardèrent comme un des af-
fluents supérieurs de la rivière des Serpents. C'é-
tait probablement la même ((ui a été nommée
depuis la rivière du Sel (Sait river i. Ils se déter-
minèrent à en suivre le cours, afin de s'éloigner
davanlatje du voisinage dangereux des Corneilles.
Ils devaient ainsi retrouver la route prise par
M. Hunt, l'automne précédent, et la suivre à tra-
vers les Montagnes. L'espérance de découvrir un
meilleur chemin sous la conduite de M. Miller
leur avait coûté un lonc détour vers le sud. En
regagnant la piste de M. Hunt, ils avaient au
moins l'avantage d'^Hre sûrs de leur route. Ils
suivirent donc le cours de la rivière du Sel, et,
au bout de trois jours, ai'rivèrent dans un endroit
où elle se mêle avec une autre rivière plus large.
Les deux cours d'eau réunis, prenant un carac-
bouillonnent à travers des
ph
ipctueu
rocs et des précipices. C'est alors la rivière En-
ragée, célèbre dans l'expédition de M. Hunt;
nos voyageurs campèrent sur ses bords le 18 sep-
tembre.
Six jours s'étaient écoulés depuis leur entrevue
avec les Corneilles, et durant ce temps ils avaient
fait près de cinqu.inle lieues au nord-ouest, sans
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\{)() vsioiiiv.
nper(M;\oir aiicim si<»in! de ces maraudimrs. Ils se
vvoyiùcul (Univ. hors de tout dniii^cr de leui* pari,
et eommenraieiit à se relàehee d(î leur vigdance.
Us s'arrêtaient (lueUjiu.'fols, une partie du jour,
dans les endroits où il y avait de bons paturaû;es;
car les pauvres chevaux avaient besoin de repos
après avoir fait des marches forcées sur des hau-
teurs rocailh'uses, obstruées par des troncs d'ar-
bres renversés, et dans des vallées rendues maré-
cai»euses par les travaux des castors. Ces indus-
trieux animaux abondaient auprès des ruisseaux
et des petites rivières des monta£;nes, où ils trou-
vaient des saules pour leur subsistance. Ils avaient
si complètement barré I)eaucoup de ces cours
d'e îu, que les terrains bas environnants en étaient
inondés, et formaient ainsi de vastes marécages
par les((uels la route des voyageurs était souvckit
embarrassée.
Le 19 septembre nos aventuriers se levèrent de
bonne heure. Quelques-uns commençaient à pré-
parer le déjeuner, d'autres arrangeaient les pa-
quets pour la marche. On avait mis aux chevaux
des entraves, mais on les avait laissés paitre à
leur aise dans les pâturages adjacents. M. Stuart
était sur le bord de la rivière, à une petite di-
stance du camp, lorsqu'il entendit le cri d'alarme :
(( Les Indiens! les Indiens! aux armes! aux ar-
mes ! » Il se retourna et vit un Corneille passer
\,STnni\. l})l
an ^r<iiiii£;:ilop pît's du camp. Le Sanvjit»»' arrèla
son cheval sur le sommet d'un mamelon voisin,
et agita un diapeaii rou£»e (ju'il portait. En même
lemps, un hurlement ellroyahle s'éleva de l'autre
coté du camp, au (h'Ià de l'endroit où paissaient
les chevaux, < t M. Sfuart vit paraitre une petite
troupe de Sauvai»es (jui galopaient en poussant
des clameuis épouvantables. Les chevaux , saisis
d'une pani(|ue, se précipitèrent à ti'avers le cnmp
dans la direction du porte-drapeau, dont l'éten-
dard éclatant les attirait. Aussitôt il serra les ta-
lons et décampa, suivi par tous les chevaux, dont
l'elFroi était augmenté par le tapage que les Sau-
vaces faisaient derrière eux.
A la première alarme M. Stuart et ses cama-
rades avaient saisi leurs carabines , et avaient
essayé d'arrêter les Indiens rpii poursuivaient les
chevaux ; mais leur attention fut aussitôt distiaile
par <^.es hurlements poussés dans mie direction
difFerente. Ils einent peur alors qu'une troupe
de réserve n'enlevât leur bagage, et coururent
pour le défendre. Les Sauvages passèrent auprès
d'eux, au galop, avec des cris de tj-iomphe et de
dérision. Le dernier de la bande était le Chef ar-
rogant, le farceur gigantesque, à qui le pistolet
de M. Stuart avait fait si grand'peur. Il n'était
pas jeté dans le monle sévère et fashionable d(?
l'héroïsme indien, mais au contraire, il était mal-
><!■
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I,
liiMii't^Minieiit cMclin à une \ul^.'iire joviulilr. Kn
passant aupr('S(l(î M. Shiarl et tie ses compagnons
i) arrêta son clieval, se (Iressa sur sa selle, et frap-
pant ses deux mains sur la partie la plus insul-
tante de son corps, pioféra (piehpies mots rail-
leurs que nos voyageurs ne purent comprendre,
heureusement pour leur délicatesse. A Tinstant
Ben Jones le coucha en joue , et il était prêt à
mettre une balle dans le but étalé d'une manière
si provocante. « ^\ri*ètez ! arrêtez ! » s'écria
M. Stuart, h vous causeriez notre mort à tous, n
H était dur de retenir l'honnête Ben, quand
le but était si séduisant , et l'insulte si palpable.
(( Oh ! M. Stuart, s'écria-t-il, laissez-moi saler cet
infernal coquin , et vous pouvez garder toute la
paie qui m'est due ! »
(( Par le ciel ! si vous tirez, je vous brûlerai la
cervelle, » cria M. Stuart.
Pendant ce dialogue l'Indien se trouvait hors
de portée. Il rejoignit ses hommes, et toute la
bande enragée décampa avec les chevaux capturés,
le drapeau rouge ilollant sur leurs têtes , et les
rochers retentissant de leurs hurlements et de
leurs bruyants éclats de rire.
Les voyageurs démontés les contemplaient avec
un sombre désespoir. M. Stuart, cependant, ne
pouvait s'empêcher d'admirer la manière intelli-
gente dont cet exploit avait été conduit. Il déclara
■tr*é'
VSIOlilV. U)"»
(|iu' (-'(iiiil l'iii'lioii 1,1 plii.s ;iii(liu-ir(is(' doiil il rùl
(•nt(ii(lii pinlir parmi les liidicDs , rar \vs Co\~
iH'ilIfs ir(''lni('ijl pns en loiit plus de vini^l. (i'cst
ainsi (piuiK; jicliti' I).'uul(^ (U; inaraudcnrscnIrvcMit
souvent les nionluirs d'un i»ros paiii do i^un-
ricrs ; car rpiand «nie l'ois une troupe de elievaux
est saisies d'inie panicjuc , ils dcîviennonl fVénéli-
(jues, et rien ne peut plus les ai rèler.
Persoinie ne i\i[ plus eonharié (pie lîen Jones
de celte fâcheuse aventure. Il déclara (pi'il aurait
réelleiTient donné tous s(\s anéraiijes de paie ,
inonlant à plus de deux années, pour n'êtie pas
privé d'i\n si J)eau coup. Cependant M. Stuart
lui représenta (pu'lles auiaient pu être les consé-
quences de cet acte' impiudent. Vi(;pour vie est la
maxime indienne. Toutes les tribus auraient fait
canse commune pour veni^er la mort d'un de
l(!urs ijuerriers. Les Blancs n'étaient que sept
hommes démontés, ayant à traverseï' une vaste
rét;ion montai^neuse, infestée par les Corneilles,
(jui pouvaient être tous appelés par (h's signaux
<lc feu. La conduite même de la l)and(> de mai-au-
deurs en question montrait la persévéian(;e des
Sauvages (piand une fois ils ont adopté un projet.
Durant toute la semaine, ceux-ci avaient épié
silencieusement et secrètement la troupe de
M. Stuart. Ils l'avaient suivie pendant eincpianle
lieues, se tenant hors (h- vue durant le joui-, rê)-
II. i3
1
D
m
.t'-x.
jq/j ASIORIA.
dant autour du camp pendaiil la nuit, gueUant
tous les mouvements des Blancs , et attendant
l'instant idvorable pour les surprendre. Le pis-
tolet présenté par M. Stuart à la tète du Chef
ijéant, dans^ la première entrevue, l'eiFroi causé
parmi ses guerriers par le mouvement des cara-
bines, avaient probablement piqué leur amour-
propre, et ajouté un stimulant h leur pen-
chant naturel au vol des chevaux. Dans cette dis-
position d'esprit, ils auraient sans doute suivi la
brigade pendant toute sa route à travers les
Montagnes Rocheuses, plutôt que de renoncer
à leur projet.
\: :yi^
"ifiit^
CHAPITRE XLV.
m-~
l.es Voy;igt'urs ihinioiités. - PrùpaiiUifs d'un voyage pédeslro.
— Los ospioiis. - brûlure dos bagagos. — Marche à pied. -
Los radeaux. — L'élau blessé. — Lt-s pistes indiennes. --
Conduite obstinée de Mac L(;llan. — l^anornnia — Cratères
lointains. — Maladie do Crooks.
Il y a, dans ce monde changeant, peu de rever.s
de forliuic plus décourageants que celui qu'é-
prouve un voyageur soudainement démonté au
milieu de la solitude. Pendant quelque temps nos
malheureux aventuriers contemplèrent leur si-
tuation avec un entier abattement. Ils avaient à
faire une longue route à travers d'âpres monta-
gnes, parmi des plaines immenses, et ils étaient
réduits à se traîner péniblement à pied, obligés
de porter sur leius épaules toutes les choses néces-
saires pour leur défense et pour leur subsistance.
Leur découragement cependant ne fut (jue passa-
ger. Avec la proniplilude d'expédients que l'on
acquiei't datis le désert, ils s'oiganisèrent bient<')t
selon leur nouvelle condition.
Lein' première attention fut de choisir- dans
leur bagage les objets f[ui leur étaient indispen-
sables, de les arranger en pa(jnels ifun poids con-
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vcnalilr, vl <Il' iléposcM' le rvalv il;ms iltis ciclics.
Tout un jour Cul employé à ces occupations. Le
soir ils firent un innigre repas du reste de leurs
provisions, et se couchèrent tristement. Le len-
demain matin ils se levèrent tous de bonne heure,
et préparèrent leurs havre-sacs pour la marche,
tandis que Ben vïones allait visiter une vieille;
trappe à castor ([u'il avait placée sur le bord de la
rivière, à mie petite dislance du camp. Il eut la
satisfaction d'y trouver un castor d'une taille
mojHMine, mais sufïisant pour le déjeuner de ses
camarades affamés. Comme il revenait avec sa
prise, il remar([ua deux tètes qui s'avançaient sur
le bord d'un rocher perpendiculaire haut de plu-
sieurs centaines de pieds. Il supposa que c'était
une couple de loups. Tout en continuant sou
chemin, il levait de temps en temps les yeux : les
têtes restaient toujours au même endroit, regar-
dant en bas avec une attention soutenue. Il pensa
alors que ce pouvaient être des éclaireurs indiens,
et s'ils n'avaient pas été hors de portée de sa cara-
bine, ils les aurait, sans aucun doute, régalés de
quelques balles.
En arrivant au camp il dirigea les regards de
ses camarades vers ces observateurs aériens. On
crut d'abord, comme lui, que c'étaient des loups;
mais leur immobile vigilance convainquit bientôt
tout le monde que c'étaient des Indiens, On en
ASTORIA. 197
i:GiU'lut qu'ils obst ta aient les inouvemoiits des
Blancs pour découvrir l'endroil où ils cacheraient
les objets qu'ils seraient obligés de laissci' derrière
eux. I! ii'j avait point d'apparence que les caches
pussent échapper aux yeux de lynx de ces habiles
fureteurs, et il était insupportable de penser qu'ils
allaient encore gagner du butin. Afin donc de les
désappointer, nos voyageurs retirèrent des cac^hes
ce (ju'ils y avaient déposé, rassemblèrent tout ce
(ju'ils ne pouvaient pas emporter, firent un feu
de joie des objets combustibles, et jetèrent les au-
tres dans la rivière. Ils éprouvaient une sorte de
satisfaction à déjouer ainsi les Corneilles, par la
destruction de leurs propres biens. S'élant donné
ce triste plaisir, ils mirer.^ l'^.urs paquets sur leurs
épaules, vers dix heures du matin, et commen-
cèrent leur voyage pédestre.
Ils prirent leur route le lonj^ de la rivière En-
ragée, (pii s'ouvre un passage à travers les défih's
des montagnes, jusque dans la plaine, au-dessous
du Fort Henry : là elle débouche dans la rivière
des Serpents. M. Stuart espérait rencontrer, dans
la plaine, quelque campement de Serpents, et se
procurer une couple de chevaux pour transporter
les bagages. Dans ce cas il se proposait de repren-
dre sa course vers l'est, et d'essayer d'atteindre la
rivière Clieycnne avant l'hiver. S'il ne pou\ail
pas oblenii de (chevaux, il dovail probablement
luH
i*m
1()S ASiOlilA.
clrc forcé illiixeiiKir sur lo colô occiileiilal iIcn
JVIoulagucs, vers les vm\\ supérieures de la rivièic
Espagnole, autrement nommée Rio Colorado.
Malgré tout le soin qu'ils avaient eu de ne rien
prendre ([ui ne fut absolument nécessaire, les pau-
vres piétons étaient pesamment cliai'gés, et leurs
fardeaux ajoutaient aux fatigues d'une loute dif-
iicile.
Ils soiillrirent aussi beaucoup de la faim. Us
prenaient bien quelques truites, mais elles étaient
trop petites pour leur donner beaucoup de nour-
riture. Leur principale ressource était donc une
"vieille trappe à castor qu'ils avaient gardée provi-
dentiellement. Chaque fois qu'ils étaient assez
heureux pour altrapper un de ces utiles animaux,
ilsle dépeçaient et le distribuaient immédiatement,
afin que chaque homme en pût porter sa part.
Après deux journées fatigantes, durant lesquel-
les ils ne firent que six lieues, ils s'arrêtèrent,
le 21, pour construire deux radeaux , afin de pas-
ser sur la rive opposée. Ils s'embarquèrent le len-
demain matin, quatre sur un radeau, trois sur
l'autre. Mais s'apercevant que leurs embarcations
étaient assez solides pour résister à la violence du
courant, ils changèrent de pensée, et, au lieu d<i
traverser la rivière, s'aventurèrent à la descen-
dre. Elle était en général fort rapide, et avait de
cent h deux cents mètres de largeur. Elle ser-
■sr ■<*;*'
w«<r '■''> 1
\STORIA. 199
pentait dans toutes les directions , à travers des
montagnes de roche noire et dure, couvertes de
pins et de cèdres. Les montagnes, à l'est de la ri-
vière, étaient d'immenses contre-forts de la chaîne
Rocheuse; celles de l'ouest n'étaient guères que
des collines stériles, à peine couvertes d'une herbe
rabougrie.
La rivière Enragée, quoique méritant ce nom
à cause de la violence de son courant , était libre
de rapides et de cascades, et coulait dans un seul
chenal, entre des berges de gravier, souvent gar-
nies de cotonniers et de saules nains. Ces arbres
nourrissaient une immense quantité de castors, de
sorte qu'on ne trouvait point de difficulté à se
procurer de la nourriture. D'ailleurs Ben Jones
tua un daim et un ours (ursus hircus). Nos voya-
geurs en chargèrent leurs radeaux _, et leur garde-
manger se trouva bien approvisionné. Ils auraient
pu de temps en temps tirer des castors qui na-
geaient dans la rivière non loin de leurs embar-
cations, mais n'ayant pas besoin de nourriture,
il cette époque, ils les épargnèrent humainement.
Durant trois jours ils suivirent ainsi le courant de
la rivière, campant la nuit sur le rivage, après y
nvoir tiré les radeaux. Vers le soir du troisième
jour, ils arrivèrent à une petite île où ils aperçu-
if^nt une troupe d'élans. Ben Jones débarcjua ini-
mi dialement et fut assez lieureux pour en blesser
*'3
^2
t-x.'
aoo ASTOin\.
un. L'animal se piéciplta dans l'ctiu, mais n'ayanl
pas h foroti de vaincre le courant, il dériva pen-
dant plus d'un mille. On l'atteignit alors et ou le
lira sur le rivatje. Un orage se formant, nos aven-
turiers campèrent sur le bord de la rivière. Ils y
restèrent tout le jour suivant, s'ahritant le mieux
qu'ils pouvaient contre la pluie , la grêle et la
neige, cruels avant-goùls de l'hiver qui s'appro-
chait. Durant cette pause forcée, ils s'occupèrent
à saler une partie de 1 clan pour leurs provisions
futures. En dépeçant la carcasse, ils reconnurent
que l'animal avait été blessé par des chasseurs,
environ une semaine auparavant. Un fer de tlèche
et une balle de mous([UCt étaient restés dans ses
blessures. Au sein du désert les circonstances les
plus triviales deviennent la matière des plus séî-
rieuscs spéculations. Les Indiens serpents n'ont
pas de fusils : l'élan ne pouvait donc pas avoir été
blessé par eux. On se trouvait sur la frontière du
pays infesté par les Pieds-noirs, qui portent des
armes à feu. On en conclut que l'élan avait été
chassé par quelques membres de cette tribu hos-
tile et vagabonde, qui, par conséquent, devait se
trouver dans le voisinage. Cette idée mil fin à la
joie passagère que nos aventuriers avaient éprou-
vée, dans le lepos et l'abondance comparative de
la rivière.
Ils continuel ent à naviguer sui- leurs ladeaux
t se
la
ou-
clo
aux
A. MO m \. 2l> 1
pendant trois jouis cncoip , durant lesquels le
lenips lut extrêmement froid. Ils avaient alors
descendu sur la rivière environ trenle lieues.
S'apercevant que les mont;ii^nes, à leur droite,
étaient réduites à la taille de collines médiocres ,
ils débarquèrent, et se préparèrent à poursuivre
leur vojai»e à pied. Ils passèrent une journée
à faire des mocassins, et à diviser leur viande
salée en paquets de vingt livres, pour chaque
lionnne; puis tournant le dos à la ri\ière, le
29 septembre, ils sediricçèrent vers le nord-ouest,
en suivant la base méridionale de la montacne
sur laquelle le Fort Menry est situé.
Leur marche était lente et pénible, tantôt à
travers un terrain d'alluvion couvert de coton-
niers, d'aubépines et de saules, tantôt par-dessus
des collines raboteuses. Trois antilopes vinrent à
portée, mais les chasseurs n'osèrent pas les tirei'de
peur d'être découverts aux Picds-noii'spar le bruit
de leurs carabines. Dans le couiant de la journée
on arriva sur une Iiavo^g piste de chevaux, qui
paraissait être faite depuis trois semaines. Le soir,
on campa au bord d'un ruisseau , et à l'endroit
même où avait campé la bande qui avait laissé
ces traces.
Le lendemain matin, nos voyageurs observè-
rent encore la piste indienne; mais au bout de
quelque temps ils ariivèrent à un endroit- on
^r-viV
•202 ASTOIUA.
elle rayonnait dans toutes les directions , et se
perdait entièrement. Cela indiquait que la bande
s'était dispersée en divers groupes de chasseurs
([ui, suivant toutes les probabilités, étaient encore
dans le voisinage. Il était donc nécessaire de
procéder avec la plus grande prudence. Tout en
marchant, nos voyageurs observaient, d'un œil
vigilant, chaque hauteur où une vedette pouvait
être postée, et cherchaient dans le paysage soli-
taire s'ils ne voyaient point s'élever quelque co-
lonne de fumée; cependant rien de la sorte ne
se montrait; tout était au loin silencieux, ina-
nimé.
Vers le soir on arriva dans un endroit où il y
avait plusieurs sources chaudes , fortement im-
prégnées de fer et de soufre. Il en sortait un
nuage de vapeur qui infectait l'atmosphère envi-
ronnante, et qui pouvait être aperçu h la dislance
d'une demi-lieue.
Nos voyageurs campèrent près de ces sources,
dans une profonde ravine qui pouvait en quel-
que façon les cacher. A leur grand embarras ,
M. Crooks, qui était indisposé depuis deux jours,
eut une violente fièvre pendant la nuit.
Peu de temps après le lever du soleil, ils re-
commencèrent leur marche. En sortant de la
ravine, ils se consultèrent sur la loute qu'ils
devaient suivre. S'ils continuairnl à eoloyer les
VSTOHIA. .H)"»
inoiiliifçiics , ils coiiraicnl \v daii^'cr de rciuonlrer
les délaihemciUs ('parpillés des Ficds-noiis , ({iii
("hassaient probablement dans la plaine, lis troii-
vèrent donc plus sage de traveiser directement
les hauteurs, puisque la route, (juoicjue lude et
diflicile, serait plus sine. Mac Leilan seul rejeta
avec indignation ce parti, comme pusillanime.
Impatient et mauvaise tète, dans tous les temps ,
il avait été rendu irascible pm* les fatigues du
voyage, et par l'état de ses pieds, cpii élaienl
échaudés et douloureux. Il ne pouvait endurer
l'idée de lutter contre les dillicullés de la monta-
gne, et jurait qu'il aimerait mieux faire l'ace à
tous les Pieds-noirs du pays. Cependant il ne fut
pas écouté, et les voyageurs commencèrent à
gravir, luttant, avec l'ardeur et l'émulation de
jeunes hommes , à qui serait arrivé le premier au
sommet de la hauteur. Mac Leilan, qui avait h;
double d'âge de quelques-uns de ses compagnons,
perdit bientôt haleine et resta en arrière. Dans la
distribution des fardeaux, c'était son tour de por-
ter la vieille trappe à castor. Piqué et irrité, il
s'arrêta soudainement, jura qu'il ne la porterait
pas plus loin, et la jetant par terre, lui lit redes-
cendre une partie de la pente. On lui offrit à la
place un paquet de viande séchée, mais il le re-
jeta également en disant que ceux ([ui en a> aient
besoin pouvaient le porler. QunnI à lui, avec sa
Vf
M
vl-u,*»-"
m
ciiiabiin*, il sa\ail se piocmcr sa nourri liuv tic
chaque jouf. Enfin, il déclara ^[u'il n'irait pas
plus loin avec la troupe, et qu'il poursuivrait sou
elicmin en côtoyant la montagne, laissant gravir
les rochers à ceux cpii avaient peur de faire face
aux Indiens. Ce fut en vain que M. Stuart lui re-
présenta l'imprudence de; sa conduite et les dan-
gers auxquels il s'exposait. Il rejeta ces conseils
comme trop timorés pour lui. Il fut également
inutile de lui montrer les périls qu'il appelait sur
ses compagnons; car dans ces plaines nues il pou-
vait être découvert ;i une grande distance, et les
Indiens, en le voyant, sauraient qu'il devait y
avoir d'autres hommes blancs aux environs. Mac
Lellan fit la sourde oreille à toutes ces remon-
trances, et poursuivit sa marche avec obstination.
On serait volontiers porté à regarder comme
une insigne folie l'action de cet homme, qui s'en
allait ainsi, seul, dans une région sauvage, où la
solitude est horrible , mais où chaque rencontre
avec les hommes est encore plus formidable. Telle
est, cependant , l'espèce d'héroïsme que l'on ac-
quiert dans le désert. D'ailleurs, Mac Lellan était
un homme d'un tempérament particulier : sa vo-
lonté était absolument immuable; son esprit ne
connaissait aucune crainte; il était même quelque
peu fanfaron , et s'enorgueillissait de faire des
actions périllrusos. M. Sluart et sa troupe tiou-
V
«:;.
vsroiuA. jm!]
\vn'Ul le p.'iss.ii^'c (le lu moiil.'ii^iM' ii.ssc/ clilliciU', à
l'jMisr tl(; i;i iicii^o, ((ui ('l.iit l'ovl (-paisse m lu'nii-
lOiip (reiidioils, (|uoi(|ifoi) ne fùl encore (pi'au
i*" octobre. Dans l'après-midi , ils franchirent le
sommet des hauteurs et virent au-dessous d'eux
une plaint! d'environ sept lieues de large. Elle
était bornée du côté opposé par leins vieilles
connaissances, les INIamelons Pilotes, ces monta-
gnes pyramidales qui avaient servi de phare i«
Me Hunt, dans une partie de sa route de l'année
précédente. Une rivière, large d'environ quarante-
cinq mètres, serpentait à tiaveis la plaine inter-
médiaire ; quelquefois elle hiillait à découvert ,
mais le plus souvent elle s enfonçait dans un ber-
ceau sinueux de saules.
Ceux de la troupe qui avaient déjà traversé ces
montagnes indiquèrent à M. Stuart le gisement
des dilférents lieux remarquables. Ils lui mon-
trèrent dans quelle direction devait se trouver le
poste abandonné, nommé Fort Henry, où la ca-
ravane avait laissé ses chevaux et s'était embarquée
sur des canots. Ils lui apprirent également (jue
la rivière ([ui coulait dans |a plaine tombait dans
la rivière Henry, à moitié chemin entre le Fort
et la rivière Enracée. Le caractère de cette récion
montueuse était tout-à-fait volcanique. Au nord-
ouest, entre le Fort Henry et les sources du Mis-
souri , M. Stuai't observa plusieurs pics très éle-
Vijir»
>.(»(» AS roui V.
MS et couverls de ik^i^c; dnix (''iioriTKî.s coloniics
(le l'iiméc (Ml soiliiicnl, provcnimt .ipp.'ir«'mmi'ul
dt' rralciTS en rlat (l'éruption.
Eli redescoiidaiit In montagne, nos voya£»<;ui.s
apcîrciirenl Mac Leilan, (pii traversait la plaine à
(juelque distance en avant; soit qu'il les vit ou
non , il ne montra aucune disposition à les re-
joindre, mais poursuivit sa maicrlie sombre et so-
litaire.
Après (}trc descendus dans la plaine, ils con-
tinucTcnt à marcher environ deux lieues, jus-
qu'au moment où ils atleii^nii'ciit une petite ri-
vii're (pii pouvait avoir un pied .et demi de
profcmdcur, et qui citait £;arnie de saules épais.
Là ils campèrent pour la nuit. Omis ce hivouac;
la fièvre de M. Crooks s'accrut à un tel point
(ju'il lui devint impossible de voyager. Alors quel-
([ues-uns des hommes pressèrent instamment
M. Stuart de continuer sa route sans le malade ,
lui représentant le danger imminent auquel ou
serait exposé par un plus long séjour dans une ré-
i^ion stérile et inconnue, infestée par les ennemis
les plus perfides et les plus acharnés. Ils ajou-
taient que la saison s'avançait rapidement; que h;
temps, depuis plusieurs jours, devenait extrême-
ment froid; (jue les montagnes étaient déjà pres-
que impraticables à cause de la neige, et devien-
draient bient(jt d'insurmontables barrières; enfin
AS'H)HI\. '^07
(|iu; Irurs provisions ('liiirnl ôpiiiscM.'s ; «iiToii iT;»-
pei'ccvait point lU) gihirr, vt i[uv (r:iill(>nrs on
n'osail pas s(> servir des carabines, iU) peur d'al-
lircr les Pieds-noirs.
Ce sombre tableau était liop vrai pour ([ui;
M. Stuart put le eontredire, et il fit une pro-
fonde impression sur son esprit. Mais l'idée d'a-
bandonner un de ses camarades dans une telle
situation lui répugnait trop pour qu'il l'admit
un seul instant.
Il représenta à ses hommes que la maladie de
M. Crooks ne pouvait être de loni'ue durée, et
({ue , selon toutes les probabilités, il serait ca-
pable de voyager dans très peu de jours. TMalgi ('
cela, il eut la plus grande peine à les déterminer
à attendre l'événement.
^uia
:'Bi
1 ^r . K^
CIIAPITUE XLVÏ.
lîen Jours et l'ours gris. — Montagnes cl torrents. — 'l'racos ^\^
IMac Lolian. — Substances volcaui(|ues. — iMisérahlc état de
Mac Lellan. — l'^imiiic. — lloirihle pioposition d'un lioininc
aiVanié. — Prodigieux festin. — Tondx's indiennes. — Sei-
l)ents hospitaliers. — Alliance éventuelle.
V*l
CoMMK nos aventuriers se Irotivaient alors dans
un dangereux voisniage, où l'explosion d'un fusil
pouvait attirer sur eux les Indiens, lein* subsis-
tance dépendait de leur vieille trappe à castor.
La petite rivière sur lacjuelle ils étaient campés
montrait beaucoup de signes de castor ; et lîen
Tones partit, au point du jotir, afin de trouver un
endroit favora])le pour poser sa trappe Comme il
marchait le long des berges garnies de saules^ il
entendit du bruit derrit're lui; et, se retournant, il
aperçut un énorme ours gris f(ui s'avançait avec un
grognement épouvantable. Le solide KentuckicMi
ne se laissait intimider ni par hommes ni par
bêtes. Epaulant sa carabine, il tira la gâchette:
l'ours fut blessé, mais non pas mortellement.
Cependant, au lieu de se précipiter sur son ad-
versaire, comme c'est l'usage de celte espèce
-ar*!*-
\STORIA, 209
d'ours, il h.atit en retraite dans les buissons.
Jones le suivit pendant ((uelque temps a\ec les
précautions convenables, mais Martin l'ours lui
échappa.
Comme il était fort probable qu'il faudrait res-
ter plusieurs jours dans cet endroit, et comme les
produits de la trappe à castor étaient trop pré-
caires pour qu'on put s'en cont(;nter, il devint
absolument indispensable de chasser dans le voi-
sinage, au risque d'être découvert. Ben Jones ob-
tint donc la permission d'explorer les environs
du camp avec sa carabine. 11 partit pour battre
les bords de la rivière à la barbe des ours et des
Pieds-noirs. Au bout de quelques heures il re-
vint fort satisfait. Aj'ant rencontré, à deux lieues
environ, un troupeau d'élans, il en avait tué
cinq. Ce fut un-e joyeuse nouvelle, et toute la
troupe le suivit immédiatement jusqu'à l'endroit
où il avait laissé leurs corps. 11 fallut supporter
M. Crooks tout le loni^ du chemin, car il était in-
capable de marcher. Nos ^ oyageurs restèrent dans
ce lieu pendant deux ou trois jours, festoj'ant
de bon cœui* sur la chair d'élan, et faisant sécher
tout ce cju'il leur était possi])le d'en emporter.
Le 5 octobre, quelques simples lemèdes joints
à une sueur indieinie ' avaient si bien profité
^.'?j
ni''
' Ksproo de bain de vapeur , que Ton obtient en jetant «le
1 1 . 1 4
hi
y ) () \sroiuA.
à iVl. Crooks, cjn'il ôtait on état (l(^ marcher. Nos
vojageiirs se mirent donc en route, après avoir
divisé entre eux son paquet et son équipement.
Ils firent une courlt; journée de trois lieues vers
le midi. Leur route, la plupart du temps, passait
h travers des marais, foi-més par les travaux in-
dustrieux du castor : car ce petit animal avait
barré de nombreux ruisseaux qui sortent des
Mamelons Pilotes, de sorte que les terrains bas
où ils coulent éfaient entièrement inondés. Pen-
dant cette marche, nos aventuriers tuèrent un ours
i^ris , dont les lianes étaient f^arnis d'une couche
de graisse de plus de trois pouces d'épaisseur. C'é-
tait Vu une addition fort agréable à leur provi-
sion de chair d'élan. Le lendemain, M. Crooks
avait repris assez de force pour porter sa cara-
bine et ses pistolets. Le trajet de ce jour-là fut
de six lieues sur le bord de la plaine. Leur voyage
devenait de jour en jour plus pénible et leurs
souffrances plus cruelles. Enfin , en suivant le
cours d'une rivière, ils traversèrent les âpres
sommets des Mamelons Pilotes, où il y avait huit
ou neuf pouces de neige.
Pendant plusi(!urs jours, ils continuèrent à
franchir une succession de hauteurs formidables,
de rapides torrents et de pi'ofondes vallées; ils
l'eau sur dos pierres chaudes, au-dessus desquelles se lient
le patient , env(!lop]>é d'une couverture.
ASiOlUA.
21 I
dirif>;oairnt toujours leur course vers l'est autant
qu'il leur était possible. Quelquefois un étroit
sentier suivait le bord de précipices effrayants,
et un seul faux pas aurait pu les précipiter dans le
lit rocailleux d'un torrent qui mugissait au des-
sous d'eux. Enfin, une des parties les plus péni-
bles de leur tâche fatigante était de traverser à
eue les nombreux détours des rivières placées.
La faim s'ajoutait à leurs antres soulFrances, et
devint bientôt la plus vive. La petite provision de
<!hair d'ours et d'élan qu'ils avaient pu emporter
en outre de leurs autres fardeaux ne leur servit
que peu de temps. Dans leur impatience d'a-
vancer, ils ne pouvaient guère chasser, et ils ne
trouvaient presque pas de gibier sur leur chemin.
Pendant trois jours, ils n'eurent à manger qu'un
petit canard et quelques misérables truites. Ils
voyaient de temps en temps un assez grand nom-
bre d'antilopes, et ils essayèrent tous les moyens
d'en approcher : mais ces timides animaux étaient
encore plus sauvages qu'à l'ordinaire. Après avoir
tenté pendant c[uelque temps les chasseurs atïhmés,
ils bondissaient bien au-delà de toute chance de
poursuite.
A la fin, nos aventuriers furent assez heureux
pour en tuer un. Il était extrêmement maigre,
mais cependant ils en subsistèrent pendant plu-
sieurs jouis.
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2 I y. ASTORtA.
Le I I octobre, ils campèrent sur le bord truii
ruisseau , nu pied de la montagne de la rivière
Espagnole. Là, ils virent des traces de Mac
Lellan, cet être solitaire et capricieux, qui les de-
vançait toujours à travers les monts déserts. Il
avait campé la nuit précédente près de ce même
ruisseau. Ils trouvèrent encore les cendres chau-
tles de son feu, et les restes d'un misérable loup
dont il avait soupe. Il était évident qu'il avait sou(-
l'ort comme; eux des tortures de la faim, mais à ce
campement ils étaient moins heureiixque lui, puis-
qu'ils n'avaient pas une seule bouchée à manger.
Le lendemain matin ils se levèrent allâmes, et
partirent avec l'aurore pour gravir la montagne,
((ui étoit roide et difficile. Des traces de volcans se
voyaient dans toutes les directions. 11 y avait
aussi une espèce d'argile avec laquelle les Indiens
font des pots, des jarres et des plats. Elle est très
fine, très légère, d'une odeur agréable, d'une
couleur brune tachée de jaune, et elle se délaie
facilement dans la bouche. Les vases fabriqués
avec cette argilecommuniquent, dit-on, une odeur
et un goût agréables aux liqueurs qu'ils contien-
nent. Ces montagnes abondent aussi en craies de
diverses couleurs. On j trouveprincipalement deux
espèces d'otre, l'une d'un rouge pâle, l'autre d'un
rouge brillant comme le vermillon. Les Indiens
s'en servent beaucoup pour se peindre le corps.
^rdn'"
ASIORIA. :ir>
Vers mltli , nos voyageurs nlteigiilreiil les
ruisseaux qui forment les eaux supérieures de la
rivière Espai»uole. Plus tard, dans la journée,
ils descendirent dans la vallée entourée tle mon-
tagnes où se précipite la branche principale de
cette rivière. Elle est peu profonde, mais lar<j;e
d'environ cent-cinquante^nètres. Là, les pauvres
voyageurs exténués avaient espéré trouver des
bisons en abondance , et durant leur pénible
trajet avaient nourri leur imagination de côtes
rôties, de bosses juteuses et de moelle grillée. A
leur grand désappointeuient , les bords de la
rivière étaient déserts. Quelques pistes Indi-
({uaient les endroits où avait passé , peu de
temps auparavant, un troupeau de bisons; mais
pas une corne, pas une bosse, ne s'apercevait
sur la stérile étendue; seulement quelques anti-
lopes regardaient les chasseurs , du haut des ro-
chers , et décampaient hors de vue aussitôt qu'on
s'efforçait d'en approcher.
Nos aventuriers faméliques continuèrent de
marcher pendant plusieurs milles le long de la
rivière, cherchant des pistes de castor. En ayant
trouvé quelques-unes, ils campèrent dans le voisi-
nage, et Ben Jones s'occupa immédiatement de
poser la trappe. Il n'y avait que peu de temps
qu'ils avaient fait halte, lorsqu'ils aperçurent une
grande fumée au sud-ouest. Cette vue les rempîii
fXj
"2l/| ASTOHIA.
(lu joie, ih pciisciTiil que celle fumée pouvait
venir d'un camp indien où il leur serait possible
«le se procurer quelques vivres, car la crainte de
la famine avait alors surmonté celle des Pieds-
noirs. Leclerc, un des Canadiens, fut à l'instant
dépéché par M. Stuart pour faire une reconnais-
sance. Le reste de la*troupe resta sur pied une
partie de la nuit, écoutant s'il revenait, et espé-
rant qu'il pourrait rapporter de la nourriture.
Minuit arriva, mais Leclerc ne reparut point, et
nos gens se couchèrent pour dormir, en se con-
solant par l'espérance que leur vieille trappe pour-
rait leur fournir un castor pour déjeûner. ».
Au point du jour ils allèrent visiter la trappe ,
avec toute l'impatience de gens à jeun. Us y trou-
vèrent la patte de devant d'un castor, dont la vue
ne fit qu'irriter leur faim et redoubler leur abat-
tement. Ils reprirent leur voyage d'un pas décou-
ragé. Bientôt ils aperçurent Leclerc qui revenait
vers eux. Us se hAtèrent de le joindre, dans l'es-
pérance d'apprendre quelque chose d'heureux. Il
n'avait rien de tel à leur dire; seulement, il leur
donna des nouvelles de Mac Lellan, cet étrange
vagabond. La fumée venait de son campement,qui
avait pris feu pendant qu'il était h une petite di-
stance occupé à pécher. Leclerc le trouva dans un
triste état : sa pêche avait été malheureuse. Du-
lant douzejoms, qu'il avait erré seul à travers ces
"■'^■à
2\ 5
ASTOHIA.
iTioiita£];nes saiivai^es, il avait à peine tioiivé de
quoi manger. Il avait élc indisposé, éreinté ,
abattu; cependant il avait continué d'aller en
avant : mais maintenant ses forces et son obstina-
tion étaient épuisées. 11 exprima sa satisfaction
d'apprendre que M. Stuart et sa troupe n'étaient
pas loin, et dit qu'il attendrait leur arrivée dans
son campement, espérant qu'ils pourraient lui
doiHier quelque chose à manger, car, sans nourri-
ture, il déclara qu'il ne serait pas capable d'aller
plus loin.
Quand la brigade atteignit cet endroit, elle
trpuva le pauvre diable étendu sur un peu d'herbe
desséchée. Il était maigre comme un squelette, et
si faible qu'il pouvait à peine lever la tête, ni
parler. La présence de ses vieux camarades sembla
le ranimer, mais ils n'avaient pas de vivres à lui
donner, car eux-mêmes étaient presque morts de
faim. Us le pressèrent de se lever et de les accom
pagner. Il secoua sa tête, « A (juoi bon! répon-
dit-il ; il n'y a point d'apparence de trouver de
prompts secours , et sans cela je dois périr en
route. Autant vaut donc rester où je suis. » A la
fin, après beaucoup d'instances, ils le mirent sur
ses pieds; ils partagèrent entre eux sa carabine
et ses autres elfets , et l'aidèrent à marcher en
l'encourigeant. Us firent de la soj le six lieues
m
'm
h
UlC) ASIOKIA.
sur iiin' plaine de sable , jusciii'à ce que voj'aiil
quelques antilopes à distance, ils campèrent sur
le bord d'un ruisseau. Tous ceux qui étaient ca-
pables de se traîner sortirent alors pour chasser,
mais leurs eiForts furent inutiles, et la nuit venue
ils rentrèrent au camp désespères.
Comme ils se préparaient pour la troisième fois
à s'étendre par terre pour dormir, sans avoir une
bouchée à manger, Leclerc, l'un des Canadiens,
décharné et enragé par la faim , s'approcha de
M. Stuart avec son fusil dans sa main. Ce n'était
pas la peine, dit-il, d'essayer d'aller plus loin sans
nourriture. Ils avaient devant eux une plaii:)e
stérile, dans laquelle on ne pourrait rien se pro-
curer pendant trois ou quatre journées. Ils se-
raient morts de faim avant d'en avoir atteint le
bout; il valait mieux que l'un d'eux mourût pour
sauver les autres. Il proposa donc de tirer au
sort celui qui devait être sacrifié; ajoutant, pour
engager M. Stuart à y consentir, qu'il serait
exempté de toute chance , en sa qualité de chef
de la bande.
M. Stuart frissonna h cette horrible proposi-
tion, et essaya vainement de raisonner avec le
malheureux. A la fin, saisissant son fusil, il le
menaça de le tuer sur la place s'il persistait ilans
son dessein, l-c misérable alFamé tomba sur ses
AsroKiA. 1». 17
i»enoiix, lui ilemnndn pardon dans les termes les
plus abjects, et lui promit de ne plus jamais l'of-
fenser par une semblable proposition.
La paix étant rétablie dans le misérable bi-
vouac, chacun chercha le repos. M. Stuart était
si épuisé par Ta^^itation de cette scène, qu'il eut
à peine la force de se traîner sur sa misérable
couche. Mal£j;ré ses fatii^ues, il passa une nuil sans
sommeil, réfléchissant sur l'afli'euse situation où
ses compagnons et lui se trouvaient.
Le lendemain matin, avant le jour, ils étaient
debout et en route. Ils n'étaient point retardés
par le soin de préparer leur dcjeuner, et rester
en place, c'était périr. Cependant ils n'avançaient
que lentement, car ils étaient tous épuisés. Çà et
là, ils apercevaient des cr.1nes et des os de bisons,
indices des grandes chasses qui avaient eu lieu
dans la saison précédente ; mais la vue de ces os-
sements semblait insulter à leur misère. Après
avoir fait trois lieues dans la plaine, nos aventu-
riers montèrent une rangée de collines et avaient
à p( 'ne poussé une demi-lieue plus loin, quand,
à leur grande joie, ils découvrirent «un vieux
bison éreinté. » C'était probablement un traînard
de quelque troupeau qui avait été chassé et harassé
dans les montagnes. Ils se séparèrent tous aussitôt
pour entourer l'animal solitaire et pour s'assurei-
de lui , car leur vie dépendait du succès. Après
C
\&\
iw -»f!':
'>M
7\H ASTOniA.
hejiucoup de peines et d'anxiétés , ils réussirent
enfin à le tuer. Ils réeorchèrent, le dépecèrent à
rinslanty et leur faim était si violente, ((u'ils dé-
vorèrent une partie de sa chair toute crue. Ils
portèrent le reste auprès d'un ruisseau voisin,
y campèrent, allumèrent un l'eu, et se mirent
à cuisiner.
M. Stuart craignait que dans leur état de jeûne
ils ne mangeassent avec excès et ne se rendissent
malades. Il fit faire une soupe avec une partie de
la viande, et leur en fit prendre à cliacnn une
certaine quantité, pour servir de prélude. Grâce
à cette précaution, peut-être, ils purent manger
durant une bonne partie de la nuit, sans qu'au-
cun d'eux en fût incommodé.
Le lendemain matin, le festin recommença.
Vers midi, se sentant rafraîchis et restaurés, ils
reprirent leur voyage avec une nouvelle vigueur.
Us dirigèrent leur course vers une montagne
dont ils voyaient le sommet pyramider à l'est,
et près de laquelle ils s'attendaient à trouver les
eaux supérieures du Missouri.
Ils continuaient à rencontrer des squelettes de
bisons, répandus sur la terre dans toutes les di-
rections, et qui prouvaient que les Indiens avaient
été heureux dans leurs chasses de la saison pré-
cédente. Plus loin ils croisèrent une large pist<î
indienne, vieille d'ciîvii'on (juinze joins, el for-
ASIOISIA. •>. I()
niant un sentier piot'ond, f[ui se dirigeait vers le
nonl. Ils <!Onelnr(Mit qu'elle (levait avoir été laite
par une bande nombreuse de Corneilles, «pli, sans
doute, avaient chassé aux environs durant la plus
ij;rande partie de l'été.
Le jour suivant, nos voyag<;urs traversèrent une
rivière considérable, dont les bords étaient garnis
de pins. Ils trouvèrent parmi ceux-ci les traces
d'un vaste camp indien, qui avait été évidem-
ment le quarti(U'-général des chasseurs, comme le
témoignait la grande (piantité d'os de bisons ré-
pandus dans le voisinage. Ce camp, suivant les
apparences, était abandonné depuis un mois.
Dans le centre se trouvait une loge singulière.
Elle était composée de vingt troncs d'arbres, d'en-
viron un pied de diamètre et quarante de hau-
teur, plantés de manière à former une circonfé-
rence de cent quarante pieds. Des branches de
pins et de saules étaient entrelacées dans ces ar-
bres, et fournissaient un abri suffisant. A l'extré-
mité occidentale, en face de la poite, trois corps
étaient enterrés , les pieds tournés vers l'est.
A la tête de chaque tombe, il y avait une branche
de cèdre roiige (Juniperus r^irginirina, L.), so-
lidement plantée en terre : au pied, se trouvait
un énorme crâne de bison, peint en noir. Des
ornements sauvages étaient suspendus- dans dilïé-
rentes parties de l'édifice, ainsi qu'un grand nom-
y
■•«Cl
•i'M) AsroniA,
lire (\u mocassins d'enfants. D'apirs la i^randeiu
(le VA1 l)nllni(;nt, d'après le temps et le ti'avnil qu'il
avait fallu pour le construire, on put conclure
(jue les corps qu'il contenait devaient être ceux
d(î i^ueniers et de chasseurs remarquables.
Le jour suivant, 17 octobre, on traveri,u deux
larii;es affluents de la rivière Espagnole. Ils pre-
naient naissance dans les montagnes de la rivière
du Vent, masses énormes et abruptes de rochei's
noirs qui s'étendaient vers l'est, presque entière-
ment dénués de bois vX en bcnuicoup d'endroits
couverts de neige. Dans cette jouinée on vit quel-
ques bisons maies et quelques antilopes, mais on
n'en put tuer aucun , et les vivres commencèrent
encore à devenir rares.
Le 18, après avoir traversé une rangée de moji-
tagnes et une plaine, on passa à gué une des bran-
ches de la rivière Espagnole. En remontant sur
la berge, on se trouva vis-à-vis d'environ cent
trente Indiens serpents. Ils traitèrent nos \oyn-
i»eurs d'une manière aniicale et les conduisirent
à leur campement distant d'environ une lieue.
Il se composait d'une (piarantaine de wigw^ams,
construites principalervjent avec des branches de
pin. Ces Serpents, comme la plupart de ceux de
leur tribu, étaient fort pauvres. Les maraudeurs
Corneilles^ dans leur dernière excursion h travers
le pays, l^^s avaient complètement dépouillés, em-
AM'OIUA. J.At
mcnniit iturs elievnux , pliisioiirs dv leurs fiminrs
et la plupart de leurs ellefs. Mais en ({«'•pil de leur
pauvreté ils (^taieiiJ extréniemei»t liospilaiiers, et
les voyaj»eurs atramés furent bien venus dans leurs
eabanes. Ils s(; proeurèrent , pour (piel([ues hatça-
telles, de la viande de bison et du cuir pour faire
des mocassins, dont ils avaient grand besoin. Ce-
pendant ce qu'ils obtinrent de plus précieux, ce
fut un cheval. C'était à la vérité une vieille rosse,
mais c'était le seul c[ui restât aux pauvres Serpents,
après la rafle faite par les Corneilles. Ils consen-
tirent cependant à 1'^ donner à leurs hôtes pour
un pistolet, une hache, un couteau, et quelques
autres objets de peu de valeur.
Ils avaient de tristes histoires à raconter tou-
chant les Corneilles, qui étaient campés près d'une
rivière, à peu de distance vers l'est, et étaient si
nombreux que les Serpents n'osaient pas chercher
à se venger de leurs outrages, ni essayer de re-
prendre un seul cheval ou une squaw. lis s'elfor-
cèrent d'exciter l'nidi^nation de leurs visiteurs
par le récit des vols et des meurtres commis par
les Corneilles et par les Pieds-noirs sur les chas-
seurs et les trappeui's blancs. Plusieurs de ces
histoires n'étaient que le récit exagéré des vio-
lences souffertes par quelques-uns des membres
éparpillés de l'expédition de M. Hunl; d'autres
étaient, suivant toutes les probabilités, de pures
l!
m-'^
'*.i
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.h
^■•^:'^- 1
.^' i -.
2 2/ ASroiUA.
iii\eiitioiis, poui Icstiiielles les Serpents sembleiil
avoir eu des dispositions assez remarquables.
M. Stuart les assura que le jour n'était pas loin
où les Blancs feraient sentir leur puissance à tra-
vers tout le pajs, et tireraient un? vengeance si-
gnalée des auteurs de ces crimes. Les Serpents
exprimèrent beaucoup de joie à cette assurance,
et otiiirent leurs services pour le soutien de la
bonne cause. Ils se réjouissaient à la pensée d'en-
trer en campagne avec de si puissants auxiliaires,
et rêvaient sans doute, à leur tour, le vol des che-
vaux et l'enlèvement des femmes. Leurs offres,
bien entendu, furent acceptées; le calumet de
paix fut apporté, et l(;s deux puissances humiliées
fumèrent une éternelle amitié entre elles et une
vengeance terrible sur leurs ennemis communs,
les Corneilles.
'>;-H
CHAPnnr: xlvii.
La rivière Espagnole. — Piste d'IiKliens corneilles. — Orage
de neige. —Festin de chair de ^iîon. - Plaine de sel. -
Montagne à gravir. — Cime volcanique. — Cratère éteint.
— Coquillages marins. - Clampcment dans une ])rairie. —
Chasse heureuse. — Bonne cher*;. — Paysage romanli(|ue.
— Défilé rocailleux. — Torrent écumant. — le Déiroil
Enflammé.
a:
Au lever du soleil, le jour suivant (ig octobre),
îios vo)'ai»eurs avaient charité leur vieux cheval
d'une provision de viande de bison, suflisante
pour cinq jours. Prenant congé de leurs nou-
veaux alliés, les pauvres, mais honnêtes Serpents,
ils se mirent en route d'assez bonne humeur,
quoique la vue des montagnes qu'iia avaient à
traverser, et le froid qui augmentait toujours,
fussent suffisants pour les geler jusqu'au fond du
cœur. Autant qu'ils purent en juger, le pays, le
long de cette branche de la rivière Espagnole,
était parfaitement plat , et borné à l'est et ;•
louest par des chaînes de hautes montagnes.
Après avoir marchéenviron une lieue vers lemidi,
ils retrouvèrent encore la large piste d'Indiens
orneilles qu'ils avaient croisée quatre jours au-
L'îi?
n
•).'}. /\
ASTOlîl \.
paraviMit. Elle pioveiialt sîiiis doute de la bande
qui a>ait pillé les Serpents, et qui, selon le rëeit
de ces derniers, était alois campée sur un fleuve
vers l'est. Elle se continuait vers le sud-est, et
était si bien battue par les pieds des chevaux et
des hommes, qu'une centaine de loges, au moins,
devait y avoir passé. Comme elle formait une
route commode et dans une direction conve-
nable, nos voyageurs y entrèrent, déterminés à
la suivre autant qu'ils le pourraient avec sûreté.
Les Corneilles devaient être à une certaine di-
stance en avant, et il n'était pas probable qu'aucun
d'eux l'evînt sur ses pas. Nos gens marchèrent
donc tout le jour sur les traces de leurs dangereux
prédécesseurs , les suivant à travers les torrents,
le long des plateaux, parmi les vallées étroites, et
toujours généralement dans la direction du sud-
esl. Un vent frais, accompagné parfois de neige,
venant à souffler du nord-est, ils se déterminèrent
à camper de bonne heure sur le bord d'un ruis-
seiiu. Les deux Canadiens, Vallée et Leclerc, tuè-
rent dans la soirée un jeune bison qui était en
bon élat, et qui leur fournit une abondante pro-
vision de bœuf frais. Ils chargèrent donc leurs
broches , ils emplirent leur chaudière de viande,
et tandis que le vent sifflait, tandis que les nuages
tourbillonnaient autour d'eux, serrés autour d'un
feu pétillant, ils se pénétraient de sa douce cha-
d'un
cha-
ASTor. lA. , 'A-.Vt
leur, cl. reprenaient des lorees, du eonrai^e, de la
honne humeur, autour d'un repas sueculent. Nul
plaisir n'est plus doux ([ue ceux (juc l'on goule
ainsi au milieu des périls, et probablement nos
pauAM'es pèlerins exténués jouissaient doublement
d(î ces ])iens terrestres, à cause de la désolation
([ui les environnait, et delà dangereuse proximité
des Corneilles.
La neige qui avait tombé pendant la nuit fut
cause t|ue nos gens ne chargèrent leur unic[ue
cheval, et ne se remirent en marche, qu'assez
tard le lendemain. Il n'y avait pas long-temps
qu'ils étaient en route lors([u'ils virent la piste
qu'ils suivaient changer de direction et tourner
\ers le nord -e si. Ils avaient déjà commencé à
sentir ([u'ils marchaient sur un dangereux ter-
lain, car ils pouvaient élre aperçus par quelque
vedette de cette lace de maraudeurs tjue leurs ha-
bitudes de pillage obligent à élre constamment
alerles. Voyant ([ue leur trace se détournait tant
vessie nord, nos voyageuis l'abandonnèrent
ri ronlinuèient à se diriger vers le sud-est, à tra-
s> in beau pays ondulé, ayant à main gauche
la J.1 neipale chaîne de montagnes, et une autre
chaîne très élevée à main droite. Au bout de six
lieues, la chaîne qui divise les eaux de la rivière
(lu Vent de celles de la Coloud)ia et de la rivière;
Espagnole, s(^ ti rinine brus([uemenl, et tournant
II. i5
m
m
-.L*.
'27.6 ASTORIA.
\evs le nord-est, devient la limite de séparation
entre deux branches des rivières Longues-Cornes
et Chejenne, et les eaux supérieures qui aiiïuent
dans le Missouri, au-dessous de la contrée des
Sioux.
La chaîne qui s'étendait sur la droite de nos
voyageurs étant alors devenue très basse, ils pas-
sèrent par-dessns et arrivèrent dans une plaine
unie qui avait environ trois lieues de circonfé-
rence. Le sol en était incrusté, à la profondeur
d'un pied v ^ ''; dix-huit pouces, d'un sel aussi
blanc que la ige, provenant de nombreuses
sources d'eau limpide, qui jaillissent continuelle-
ment, se répandent par-dessus leurs bords, et
forment de superbes cristallisations. Les Indiens
de l'intérieur aiment beaucoup cette espèce de
sel , et se rendent dans cette vallée pour en re-
cueillir; mais les tribus de la cote ne peuvent le
soulfrir. et ne veulent rien mancer des choses
qu'il a servi à préparer.
Dans la soirée, nos voyageurs campèrent sur le
bord d'une petite rivière, au milieu de la plaine
découverte. Le vent du nord-est était glacial , et
ils n'avaient rien pour faire du feu , excepté de
misérables pousses de sauge ou d'absinthe. Ils fu-
rent obligés de s'envelopper dans leurs couver-
tures, et de s'entasser, de bonne heure, «dans
leur nid. » Vers le soir, M. Mac Leilan, (jui était
\SToniA. 'Jt'^.y
alors remis a\ait tué un bison ; mais c'était à
(|uelque distance du camp, et l'on attendit le len-
demain pom^ en tirer parti.
Le jour suivant (2 1 octobre), le froid continua
et il tomba de la neige. Cependant nos aventu-
riers poursuivirent leur fatiguant Tojage, en se
dii'igeant du côté dv l'est-nordest, vers la cime
d'une montagne élevée qu'il leur fallait traverser.
Avant d'en atteindre la base, ils passèrent encore
une large piste qui se dirigeait un peu vers la
droite de la montagne. Ils présumèrent qu'elle
a^vait été faite par une autre bande de Corneilles,
({ui probablement avaient été chasser plus bas sur
la rivière Espagnole.
La rigueur de la saison força les piétons h cam-
per au pied de la montagne, après avoir fait cinq
lieues. Us trouvèrent assez de bois de tremble sec
pour faire du feu, mais ils cherchèrent en vain
un fdet d'eau.
Au point du jour ils se remirent en marche,
et gravirent les montagnes pendant trois péni-
bles lieues. D'après les remarques accidentelles
qui se trouvent dans le journal de M. Stuart,
cette montagne paraît offrir un riche champ de
spéculations pour un géologiste. On y voyait un
plateau d'une lieue de diamètre, qui était semé de
pierres ponce et d'autres reliques volcaniques.
Un lac on occupait le cenlre; c'était probable-
C
m
1
'^:k
228 ASToniA.
ment autrefois un cratère. Il y avait aussi, dans
([uelques endroits, des dépôts de coquilles ma-
rines, indiquant qu'à une époque éloignée, les
ilôts avaient couvert ce qui était maintenant la
cime d'une montagne.
Après s'être arrêtés pour se reposer et pour
jouir de ce spectacle sauvage et grandiose , nos
pèlerins commencèrent à descendre le côté orien-
tal de la montagne. Leur route «accidentée et ro-
mantique passait dans de profonds ravins, dans
des défilés encaissés entre des rochers perpendi-
culaires. Ils apercevaient beaucoup de Longues-
cornes bondissant audacieusement de roc en
roc; ils parvinrent même à en abattre deux, qui
les regardaient sans crainte du bord des escarpe-
ments.
' Arrivés au pied de la montagne, ils trouvèrent
un ruisseau qui jaillissait de la terre, et qui res-
semblait, pour là couleur et pour le goût, aux
eaux du Missouri. Ils campèrent aupi.s pendant
la nuit et soupèrent somptueusement d'un excel-
lent mouton de montagne.
La matinée suivante fut claire et extrêmement
froide. Us arrivèrent de bonne heure auprès
d'une rivière, courant à l'est, entre des collines
basses d'une couleur bleuâtre et fortement im-
prégnées de couperose. M. Stuart supposa que
c'était une des branches supérieures du Mrs-
t ■, .■:H
\STOUIA. :>.H)
aoiiri, v\ se dctcrniina à en suivre les rives. Ce-
pendant, après une marelie de neuf lieues, il ar-
riva au sommet d'uutnoiit, et le tableau qu'il
eut alors sous les yeux le détermina à modifier
.ses projets. Devant lui s'étendait une vaste plaine
rjui, du côté du sud, n'avait d'autres bornes que
l'horizon. La rivière en question la sillonnait
dans une direction sud-sud-est. Par conséquent
elle ne pouvait pas être une branche du Mis-
souri, et M. Stuart renonça à la prendre pour
guide. 11 dirigea sa course vers une chaîne de
montagnes éloignées d'environ vingt lieues vers
l'est, et près desquelles il espérait trouver un
îîutre cours d'eau.
Le temps était alors si froid, et la fatigue du
voyage, si grande, que nos aventuriers résolurent
de faire halte pour l'hiver au premier endroit
l'avorable. Cette iiuit-lh il leur fallut camper dans
la plaine ouverte, auprès d'une petite mare d'eau,
sans aucun bois pour faire du feu. Le vent du
nord-est soufflait avec rigueur à travers cette so-
litude nue, et nos malheureux voyageurs furent
obligés, par le froid, de quitter avant le point
du jour leur bivouac inhospitalier.
Pendant deux jours, il continuèrent à marcher
dans une direction orientale , luttant contre des
brises glaciales et queh[uefois (contre des tourbil-
lons de neige. Durant er lomps, ils souIlVireuL
il
rai
m
frM
i\
2:)o
ASTOIIIA.
aussi (le la rareté ilc l'eau, et furent (|uel(juefois
oblifjcs de faire usa£»c de neii^e fondue, ce (|ui ,
joint au manque de pâturages, fatif^ua cruelle-
ment leur vieux cheval. Ils virent beaucoup de
traces de bisons, et même quelques-uns rie ces
animaux , mais qui gagnèrent le vent et décam-
pèrent.
Le 26 octobre, ils se dirigèrent à l'est-nord-
est , vers un ravin boisé qu'ils apercevaient
dans une montagne à une petite distance. Arrivés
au pied de la montagne, il découvrirent, à leur
grande joie, une rivière abondante courant entre
des berges garnies de saules. Il firent halte au-
près pour la nuit. Ben Jones ajant heureusement
trappe un castor et tué deux bisons raales , ils
restèrent campés le jour suivant, festoyant, se
reposant, et laissant leur cheval surmené se re-
mettre de ses fatigues.
La petite rivière auprès de laquelle ils étaient
campés était la branche septentrionale de la ri-
vière Flatte, qui se jette dans le Missouri. Mais nos
voyageurs n'apprirent cela que long-temps après.
Ayant suivi le cours de cette rivière pendant en-
viron sept lieues, ils arrivèrent à un endroit où
elle s'ouvrait un passage à travers une chaîne de
hautes collines couvertes de cèdres , et pénétrait
dans une vaste plaine. De nombreux troupeaux
de bisons y paissaient un excellent pâturage. Nos
ASTOIUA. 25 1
nvenluiicis luùtnt trois femelles de ces ani-
maux; c'étaient les premières qu'ils eussciit pu
atteindre. Jusque là ils avaient clé obligés de se
contenter de la chair des mâles (jui sont 1res
maigres dans cette saison ; les bosses de ces fe-
melles leur fournirent un repas digne d'un épi-
curien.
Assez tard dans l'api cs-midi du 5o, on arriva
dans un endroit où la rivière, devenue fort con-
sidérable, se précipitait dans un ravin, entre des
murailles de pierre rouge, hautes de près de deux
cents pieds. Eile s'y biisaiten écume sur d'énor-
mes masses de rochers, comme si elle avait été
exaspérée de se trouver comprimée dans un canal
si étroit. A la fin elle tombait dans un précipice,
dont la profonde obscurité paraissait eff'ravante à
la lueur ^u crépuscule.
Pendant une partie du jour suivant, la sauvage
rivière, dans ses détours vagabonds, mena nos
voyageurs à travers une série de tableaux va-
riés. Quelquefois ils se trouvaient dans des plai-
nes élevées comme des plates-formes, et où mu-
gissaient des troupeaux de bisons : d'autres foi.s,
parmi d'alfreux défilés encaissés entre des rochers
escarpés, sur lesquels le daim à queue noire bon-
dissait légèrement, tandis que la Longue-corne so
reposait au soleil près du bord du précipi *^.
Dans l'après-midi , nos aventuriers découvri-
•j. r) :>.
AS roui A
rcnl toul-à-t'oiip un iioiivcaii lal)lo;in (jiii surpas-
snit cil sau^ai>c i^raiuleur tous les précrdcnls. Ils
avaient voyage pendant quelque temps à t^a^crs
une gori^e de montagne, en marchant paiallèle-
mcnt au cours de la rivière, qui mugissait hors
de la vue dans un profond lavin. Quelquefois
le sentier tortueux s'approchait du bord des
rochers, au bas desquels l'onde turbulente tour-
billonnait en ccumant, parmi les masses de rocs
(jui avaient rovilc dans son lit. Ils marchaient
avec précaution le long de ces hauteurs étour-
tlissantes, quand ils arrivèrent tout à-coup dans
un endroit où la rivière tout entière tombait,
avec un épouvantable fracas, de précipice en pré-
cipice, au milieu d'un nuage épais de vapeurs.
Durant quelque temps ils s'arrêtèrent pour regar-
der, avec un mélange de terreur et de plaisir,
cette furieuse calaracle. D'après la couleur des
rochers environnants, M. Sluart nomma cet en-
droit le Détroit Enllammé {Fiery narrows).
!r^"i, />■■»>'*■
k
CIIAI'IIISE Xl.VHI.
"(•nips j;Iacial, — Halte cX dclibéialion. — Canloniioincnl pour
l'hiver. — Cliiassc liciiicuse. -- IM. Crooks ot l'ours j^iis. --
— La Wij^wain. — I.ongiuîs cornes et daims à (jiiciie noire.
— B(eiif ("t venaison. — iJons (piai-liers et bonne chère. —
Une ahîrte. — IIospilaHlc! forcée.- l'illaj^e (hi t;ar<le-niani;<'r.
— Jîepas héroifiues «.les Sauvages. - Abandon des ([uailiers
d'hiver.
Nos voyageurs campèrent pendant la nuit vSiir
le bord de l'eau au-dessous de la cataracte. Le
temps était froid , et il tombait lantot de la pluie,
tantôt du grésil. Le malin se leva tristement : le
ciel, sombre et couvert, menaçait de déchaîner
tic nouveaux orages. Cependant la petite troupe
se remit en marche, en dépit des éléments; mais
enfin les rigueurs croissantes de l'hiver, qui se
foi?*; sentir de bonne heure dans ces régions mon-
tagneuses et sur ces plaines nues et élevées, firent
faire une halte à nos aventuriers, lorsfju'ils eurent
descendu environ dix lieues de plus, le long de la
rivière , et les forcèrent à délibérer d'une manière
sérieuse.
Ils convinrent unanimement qu'ils cherehe-
l'iiient en vain à pouisuivre letu' voyage ii pied ,
dans cette saison rigoureuse. Ils a> aient encore
m
m
>.v,
ASMilll \,
^>l,^•~^►
plnsioms ccnlaiiirsili^ lit;ucs;i i'iHreav.iiil triillciii-
«li-c le cours principal du Missouri. Leur roule
passait par d'iiniTienses plaii)(;s stériles et dépour-
vues d(; cotid)ustil)Ios. La ([uestion était donc de
savoir où ils établiraient leurs (piarticrs d'hiver,
et s'il fallait ou non avancer encore le long de lu
rivière. Ils l'avaient prise d'abord pour une des
branches supérieures du Missouri. Ensuite ils s'é-
taient imaginé que c'était la rivière Quicoin't, et
en c(îla ils n'étaient pas plus près de la vérité.
KnHn, voyant ([u'elle inclinait un peu au nord-
est, ils étaient alors persuadés, et avec aussi peu
de raison, que c'était la Cheyeniie. S'il en était
ainsi, en continuant à la suivre, ils devaient arri-
ver chez les huliens qui portent le nom de cett(>
rivière. Parmi eux, ils ne manqueraient pas de
î'cncontrer quelques Sioux. Ceux-ci instruiraieni
leurs camarades, les Sioux pi raies du Missouri ,
de l'approche d'une troupe de marchands blancs :
de sorte qu'au printemps nos voyageurs pouvaient
s'attendre, loisqu'ils descendraient la rivière, à
être attaqués et pillés par quelque parti embusqué
sur ses bords.
Même s'ils se trouvaient sur la rivière Qui-
court , il n'était pas prudent d hiverner beaucoup
plus loin; car quoiqu'ils pussent être alors hors
de la portée des Sioux , ils se seraient trouvés^dans
le voisinage des Ponças, tribu presque aussi dan-
'^; '
i;('rons<\ Il fui donc (|('ri(l('', piii.s(|ii'il r:illail Isi-
vnn(M'(jucl(|iH' pari de vv colc du Missouri, (ju'oii
no descendrait pas plus hns, mais (ju'ou resterait
dans ces régions solitaires, où il n'y avait point
lie danijjer d'èlrc; moleste.
On prit cette tiécision d'aulant plus prompte-
incnt et plus unaninieincnt qu'on l'cncontra
bientôt une position excellente pour liiverner.
C'était dans une agréable courbe de la rivière ,
précisément au-dessous d(^ l'encb-oit où elle sort
d'une chaîne de montagnes , et commence à incli-
ner vers le nord-est. Là se trouve une pointe de
terre basse, couverte de cotonniers et entouré(^
de saules épais, de minière à fournir à la fois un
abri, du combustible, et des matériaux tie cons-
truction. La rivière, large d'environ trente-cinq
mètres, loule rapidement auprès. Au sud-est se
trouvent des montagnes d'une hauteui" modérée,
dont les plus rapprochées sont à environ deux tiers
de lieue; mais toute la chaîne se développe à l'est,
au sud et au sud-est, aussi loin quela vue peu s'éten-
dre. La cime de ces montagnes est couronnée de
sombres forêts de pins de Virginie (pinns rigidci,
Marsh.), où se détachent de petits bouquets de
Irembles, au clair feuillage. Plus bas se trouvent
des bois épais de sapins et de cèdres rouges (jii-
niperus vir^inianiij L.), qui croissent , en beau-
coup d'endroits dans les fentes mêmes des lochers.
4
iG
ASHMU \.
D'éiioiines mamelons saillentciumillcMidcs forcis,
(.'t les formes tics montagnes sont abruptes. Leui\s
j'etraites rocailleuses, leurs rochers escarpés, ren-
ferment d'innombrables troupeaux de Longues-
cornes^ tandis que leurs sommets et leurs ravins
boisés abondent en ours et en daims à queue noire.
Ceux-ci , avec de nombreux troupeaux de bisons,
qui paissaient plus bas auprès de la rivière, pro-
mettaient à nos aventuriers d'abondantes provi-
sions.
Le 2 novembre, ils établirent donc leurs quar-
tiers d'hiver sur la pente boisée en question, et
b'iH' première pensée fut de se procurer des vi-
vres. Ben Jones et quatre autres sortirent en
(!Oiiséqiiience, une seule personne restant à la garde
du camp. Leur chasse fut heureuse. En deux
jours ils tuèrent trente-deux bisons et rassemblè-
rent leur chair sur le bord d'un petit ruisseau,
distant d'environ un tiers de lieue. Une forte gelée
ajant bien à propos glacé la rivière, ils transpor-
tèrent aisément leurs provisions au camp. Le joui
.suivant, un troupeau de bisons étant venu à tra-
vers la pente boisée pour descendre au bord de
l'eau, on parvint à en tuer quinze autres.
Cependant on découvrit bientôt que, dans le
voisinage, il y a\ait du gibior d'une plus dange-
reuse nature. Un certain jour, M. Crooks s'étail
<'loigné du camp d'un liers de lieue, environ, el
aya
dan
ASToniA. 2^y
était monté sur une petite eolliiie, qui tloniiiinit
la rivière. H n'avait pas sa carabine, circonstance
rare dans ees réf»ions sauvages» où l'on a l'habi-
tude de ne point sortir sans armes, car on peut
rencontrer à chaque pas une bète farouche^ ou
un Indien, plus farouche encore. La colline sur
laquelle se trouvait M. Crooks dominait l'endroit
où s'était passé le massacre des bisons. Tout en
regardant le paysage, il aperçut, en bas, quelque
chose qui se dirigeait directement vers lui. A son
grand effroi il découvrit que c'était une ourse
grise avec ses deux petits. H n'y avait pas aux en-
virons d'r.rbre sur lequel il put grimper. S'enfuir,
c'était seulement provo([uer une poursuite, et il
aurait bientôt été atteint. Il se jeta donc sur la
terre, et y resta sans bouger, examinant avec une
cruelle anxiété les mouvements de l'animal. Celui-
ci, qui s'était probablement i^orgé de chair de bi-
son, continua à s'avancer jusqu'au pied de la col-
line; mais, arrivé là, il se détourna et s'enfonça
dans le bois. M. Crooks, enchanté d'être hors
d'affaire, se hâta de retourner au camp, bien dé-
terminé à ne plus en sortir sans sa carabine.
Quelques jours après celte aventure un ours gris
fut tué dans le voisinage par M. Miller.
Le massacre d'un si grand nombre de bisons
ayant pourvu nos gens de bœuf pour l'hiver,
dans le cas où ils ne rencontre] aient pas de venai-
iilà
1
ml
m
m
,: • il
■jZS astoria.
son, ils se mirent alors vii^ourcusoment à Toii-
VI âge, iiiin d'élever une wigwnm comt'oi table.
En peu de temps le promontoire boisé retentit chi
son inusité de la hache. Quelques-uns des arbres
les plus élevés furent abattus, et dès la seconde
soirée la cabane fut complètement bâtie. Elle
avait huit pieds de large sur dix-sept de long. Les
murs avaient six pieds de haut, et le tout était cou-
vert de peaux de bisons. Le foyer se trouvait ai;
centre, et la fumée s'échappait par une ouvertui •?
faite dans le toit.
Les chasseurs fiu'ent ensuite envoyés dehors,
afin de se procurer des peaux de daim pour faire
des vêtements, des mocassins et diverses choses à
leur usa^e. Ils firent retentir l'écho des monta-
n
gnes du bruit de leurs carabines, et en deux jours
de chasse tuèrent vingt-huit Longues-cornes ou
daims à queues noires.
Nos aventuriers se délectaient alors dans l'a-
bondance. Après tout ce qu'ils avaient soulFerlde
faim, de froid, de fatigues, de veilles ; après tous
les périls auxquels les avait exposés la perfidie des
Sauvages , ils se réjouissaient du comfort et de la
sécurité de leur cabane isolée, bien garnie de pro-
visions, et cachée, à ce qu'ils croyaient, même à
l'œil pénétrant des éclaireu.^s indiens. Ils se for-
geaient d'avance un hiver de paix et de tranquil-
lité. Ils s'imaginaient déjà n avoir plus rien autre
d'i
S e
ASTOIIIA. 9. M)
chose il penser qu'à faire rôtir, griller et bouillir
le gibier; (jii'à festiner tie mouton de montagne,
(le chair d'ours, de bosses de bison, de moelle et
d'autres délicatesses de chasseurs; qu'à se reposer
et à se dorloter autour de leur feu, tout en racon-
tant de longues histoires de chasse et de dangers
passés. Cet intervalle de jubilation devait durer,
à ce qu'ils pensaient, jusqu'au retour dtr prin-
temps, époque à laquelle ils construiraient des
canots de peaux de bison, et se laisseraient glis-
ser au courant de la rivière.
Au milieu de ces rêves enchanteurs, ils furent
réveillés un matin, au point du jour, par un hur-
lement sauvage, lis tressaillirent et saisirent leurs
carabines. Le cri fut répété par deux ou trois
voix. Regardant avec précaution hors de la ca-
bane, ils virent parmi les arbres, à leur grande
consternation , plusieurs Indiens armés et points
d'une manière guerrière, et qui, évidemment,
s'étaient mis en route dansquelque des^ m hostile.
Miller changea de couleur en les rt^ idant.
(( Nous sommes en danger, dit-il, voilà les « u-
quins d'Arapahajs qui m'ont volé l'année der-
nière. » Ses camarades ne dirent pas un mot ,
mais ils ceignirent leurs poudrières, leurs poches
à balles, et se préparèrent pour le combat. Mac
Lellan , qui avait démonté son fusil la veille au
soir, le remontait précipilamment. Il proposa
M
m
l*il
2\o
VSTOIUA.
(le porc'ci' r.'ui^ik' pincée entre les Iroiies (rarhr(>,
iiliu de pouvoir faire ("eu sur l'ennemi.
(( Pas encore, répliqua Stuart; il ne faut mon-
trer ni crainte, ni tléliance. Nous ferons bien
d'avoir d'abord une conférence. Il faut que cpiel-
qu'un sorte et les aliorde comme des amis. »
11 s'agissait de savoir qui se chargerait de cette
tâche, car elle était pleine de périls, et l'envojé
pouvait être percé de flèches sur le pas de la porte.
« Le chef d'une troupe, dit Miller, se met
toujours en avant. »
(( C'est bien , répliqua Stuart, je suis prêt. » Il
sortit immédiatement: le reste de la brigade resta
en garnison afin d imposer aux Sauvages.
Stuart s'avança , tenant sa carabine d'une main ,
et tendant l'autre à l'Indien qui paraissait être le
chef. Celui-ci s'avança et la prit; ses hommes
suivirent son exemple, et tous secouèrent la main
de M. Stuart en signe d'amitié. Ils expliquèrent
alors leur apparition. Ils appartenaient h un parti
guerrier de braves Arapahays. Leur village était
situé près d'un ruisseau, à plusieurs journées do
marche vers l'est. Pendant qu'ils étaient absents,
il avait été attaqué et ravagé par une bande de
Corneilles , (jui avaient emmené plusieurs de
leurs femmes et la plupart de leuis chevaux. Ils
allaient en tirer vengeance. Pendant seize jours ,
ils avalent tra([ué les Corneilles parmi les mon-
,-f>'
\STOltlA. y/| I
t;igi)es, nuiis ils n'uvaieiit pas [m 1rs ivjoiiuliv.
Duinnt ce temps, ils n'avaient pres(|ne pas reu -
eoulré de gibier et étaient à inoilié morts de faim.
Environ deux jours auparavant, ils avaient
entendu le bruit d'armes à feu dans les montagnes,
et en chereliaiit dans ia direction du son, ils
étaient arrivés h l'endroit où un daim avait été
tué. Ils s'étaient mis immédiatement sur les traces
des chasseurs, et, en les suivant, ils avaient trouvé
la cabane.
M. Stuart invita alors le Chef et un autre Sain
vage, qui paraissait son lieutenant, à entrer dans
la hutte, mais ii tit signe aux autres tle rester en
dehors. Ceux-ci s'arrêtèrent en elTet à la porte.
Peuàpeu ils furent rejoints par d'autres guerriers,
jusqu'à ce qu'enfin toute la troupe, au nombre;
de vingt-trois, fut rassemblée autour de la loge.
Ils étaient armés d'ares et de flèches, de toma-
hawks, de couteaux à scalper, et (|uelques-uns,
de fusils. Tous étaient peints et équipés pour la
guerre, et leur apparence était singulièrement
farouche. ]M. Miller reconnut parmi eux plusieurs
des brigands qui l'avaient pillé, et prévint ses
compagnons de se tenir sur leurs gardes. Chacun
de ceux-ci était donc préparé à repousseï' le pre-
mier acte d'hostilité. Cependant les Sauvages se
conduisirent paisiblement , et. ne iiionlrèrent
11. iG
'«
1!^
Ht*
if.<.j
2/^-2 ASTOniA.
point celte arrogance l'anlaronno dont un parti de
iïuerre s'en lie souvent.
En entrant dans la hntle, le Ciief'etson lieu-
tenant jetèrent un reqard d'envie sur les solives
chargées de venaison et de viande de bison .
M. Stuart fit de nécessité vertu, et les invita à
prendre ce qui leur conviendrait. Ils ne se firent
pas presser. Les solives furent bientôt allégées de
leur poids; la venaison et le boeuf furent passés
à la troupe qui était devant la porte, et il s'en-
suivit une scène de gourmandise dont ne peu-
vent avoir aucune idée ceux qui n'ont pas été lé-
moins des exploits gastronomiques des Indiens,
après un intervalle de jeûne. Cela dura tout lo
jour. T.es convives , il est vrai , s'arrêtaient de
temps en temps, mais c'était pour un court in-
tervalle, et ils revenaient ensuite à la charge avec
une nouvelle ardeur. Le Chef et le Lieutenant
surpassaient tous les autres dans la vigueur et la
persévérance de leurs attaques, comme si, à cause
de leur rang, ils étaient obligés de se signaler
dans tous les genres d'exploits. M. Stuart avait
soin de leur fournir toujours des morceaux choi-
sis, car la politique voulait qu'il les empiffiat et
les empêchât de quitter la loge, où ils servaient
d'otages pour la bonne conduite de leurs gens.
Une fois seulement, dans le courant de la journée.
t, "^m-fi
ASTOHIA. a/p
le Chef sortit. j\ï. Stuart et un de ses liorames
raccompagnèrent, armés de leurs carabines, mais
sans marquer de défiance. Le Chef revint bientôt
et recommença ses attaques sur les provisions.
En un mot, lui et son digne coadjuteur, le Lieu-
tenant, mangèrent jusqu'à ce que l'un et l'autre
en fussent devenus stupides.
Vers le soir, les Indiens firent leurs prépara-,
tifs pour la nuit, suivant la coutume des partis
guerriers. Ceux qui se trouvaient en dehors de la
hutte construisirent deux parapets, entre lesquels
ils se retirèrent d'assez bonne heure et s'endor-
mirent, comme une meute gorgée de viande.
Quant au Chef et à son lieutenant, ils passèrent la
nuit dans la hutte, et se réveillèrent deux ou trois
fois pour manger. Nos voyageurs montèrent la
garde jusqu'au matin, en se relevant successive-
ment.
Le jour avait à peine paru quand la scène de
iïioutonnerie recommença. Elle continua avec
une vigueur surprenante jusqu'à dix heures, c'est-
ii-dire jusqu'au moment où tous les Indiens se
préparèrent à partir. Ils avaient encore, dirent-
ils, six jours de route à faire avant de pouvoir re-
joindre les Corneilles, qui devaient être campés
rivière au septentrion. Leur chemin
térile où il n'y avait point
au pi es a une
traversait une rémon s
-egi
de gibier; ils auraient d'ailleurs pou de temps
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il
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m
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pour chasser; ils demandaieiil donc une pelile
provision pour leur vojai»e. M. Stuart les invita
encore à se servir, lis le firent avec ])eaucoup de
prévoyance, choisissant les meilleurs morceaux,
et hiissant le garde-manger dans un état de con-
somption fort alai'mant. Ils demandèrent ensuite»
des munitions, car ils avaient des fusils, mais pas
, de poudre ni de balles. Ils promettaient de les
payer magnifiquement du produit de leur incur-
sion. ((Nous sommes pauvrcîs maintenant, di-
saient-ils, et nous sommes obligés d'aller à pied,
mais nous reviendrons bientôt chargés de butin,
montés sur des chevaux, et avec des chevelures
pendues à nos brides. Nous donnerons à chacun
de vous un cheval, pour que vous ne soyez pas
fatigués dans votre voyage. »
<( Eh bien! répondit M. Stuart, quand vous
amènerez les chevaux vous aurez les muni-
tions, mais pas auparavant. » Les Indiens virent
par son ton déterminé que toute requête ulté-
rieure serait inutile. Ils y renoncèrent donc
avec un rire de bonne humeur, et s'en allèrent
extrêmement bien approvisionnés tant en dedans
qu'en dehors; avant de partir ils eurent soin de
promettre qu'ils reviendraient dans une quin-
zaine.
A peine étaient-ils hors de la portée de la voix,
(pie nos malheureux aventuriers tinrent un autre
K
Conseil. Laséciiritéde leur Ctibaneétaitancantie, et
avec elle loiis leurs rêves d'un hiver tranquille et
ooinforlable. Ils se trouvaient entre deux feux,
d'un côte les Corneilles, leurs anciens ennemis; de
l'autre les Arapaliays, maraudeurs non moins
dangereux. Quant îi la modération de cette
troupe guerrière, ils la regardaient comme alliiM'-
tce, afin de les mettre hors de leurs gardes, et de
saisir quelque occasion plus favorable de les sur-
prendre. Ils se déterminèrent donc à n'en pns
attendre le retour, mais h abandonner au plus
vite ce dangereux voisinage. D'après les discours de
leurs hôtes, ils s'étaient confirmés, quoique à torl,
dans l'opinion qu'ils se trouvaient sur la rivière
Quicourt. Ils résolurent donc de la suivre jusqu'à
son contluent avec le Missouri, ou, si la rigueur
de la saison les empêchait d'aller si loin, d'at-
teindre au moins un endroit de cetle rivièr»;
où il leur serait possible de construire des canols
plus forts et plus durables quj ceux de peau de
bison.
En conséquence, le i5 décembre, ils dirent
adieu, avec beaucoup de regf els, à leur comfor-
lable retraite, où, pendan cinq semaines, ils
avaient joui des douceurs du repos, de l'abon-
dance et d'une sécurité imaginaire. Ils étaient en-
core accompagnés de leur cheval vétéran , les
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Arapaliaj's iTayinil pas tiouvé coiivcMiable de
l'emmener, soit qu'ils se proposassent de le volei*
au. retour, soit qu'ils ne le jugeassent pas dii»ne
d'être volé.
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CflAPlTUr XLIX
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iMiUclies pénil)l('s. — ]\'('ij,Mi et glace. - IJisparilion tlii yibicr.
— Plaine slcrilo. — Sccondo liaUo pour l'hiver. — Antre
wif^wain. — Retour du piiulenips. — Les canots ne peuvent
llolter. — IVIarche pédestre. — Vastes prairies. — Camps
déserts. — S(iua\vs Pavvnees. — Indien Otto. — iXouvelles de
la guerre. — Navigation sur la Platte et sur le Missouri. —
Héception au fort Osagc. — Arrivée à Saint-Lonis.
L'intervalle de luxe et de repos dont nos
aventuriers avaient joui dans leur wigwam leiii
rendit le renouvellement de leurs travaux intolé-
rable pendant les deux ou trois premiers jours,
F^a terre était couverte d'une neii^e épaisse dotjt
la surface était gelée, mais pas assez pour les sup-
porter. Leurs pieds devenaient douloureux h force
de briser cette croûte, et leurs membres étaient
fatigués de marcher sur ce terrain mouvant. Ils
étaient si épuisés, si découragés, qu'ils connnen-
çaient k penser que pour se traîner ainsi péni-
blement, avec la probabilité de périr en route,
autant aurait valu rester dans leur cabane, au ris-
que d'être tués par les Indiens. Leur misérable
cheval n'était pas plus heureux qu'eux. Durant
les deux premiers jours, il n'eut pas d'autre four-
rage que l'extrémité des branches de saule et
l'écorce des cotonniers.
lis
1
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^;Sr:
CcjX'iMliml, l\ nicsnic <|irils ;i\;iin;,;ii(Mil, ils i.\;\-
i^iiîncnt l()us(l(î lii palicnciî fttlii coiii^iiçc. Durant
(jiinlorzc jours ils poussrriMil, ohslinôninil en
.uant, fît iireiil environ cent dix lieuos, Pcndanl
It's piMMnicrs jours, la cliainc clcinoiita^ucs près tic
laquelle leur wii»\varn était liàllc, continuait ;t
s'allonger parallMcuKMit à la rivière, et à une pe-
tite distance, mais à la fin elle s'abaissa en eol-
linc^s. Quelquefois le pajs environnant élait nii
et stérile; quelfjuefois la rivière était hordéed'un
terrain d'alluvion planté de cotonniers (;t de
saules. Eu certains endroits elle parcourait une
distance considérable entre des collines rocail-
leuses, couvertes de cèdies et de pins de Viri^i-
nie, peuplées de Longues-cornes et de daims à
queue noire. Ailleurs, elle serpentait à travers des
prairies bien garnies di; bisons et d'antilopes. En
descendant plus bas sur la rivière, on commença
à apercevoir ça et \l\, parmi les cotonniers et les
saules, des frênes et des chênes blancs Çquercus
albay L.). A la lin on découvrit quelques che-
vaux sauvages sur les prairies lointaines.
Le temps était variable; tantôt il tombait beau-
coup de neige; tantôt il arrivait un jour ou deux
d'une température sereine et douce ; puis la gelée
reprenait si vivement , que la glace de la rivière
était assez forte pour porter.
Mais, pendant les trois dernières journées, la
Asroiu \. '/ \q
iiWfi (lu pnjs (•Ii.'m{;(\'i. I.rs hois (lisp;»iurrnt peu ii
peu, il tri poinl (pi'oij \w Iroinail (prjivrc dilli-
cullé assez (le coinhiistiMr pour f'iiro cuire les
vepns. Loî^ihier devcnnil de plus eu plus i.iie, cl
linaleinent ou n'eu apei'eiit plus du tout , si ee
n'est quelques miséinhles hisons, vieux et ruinés,
qui ne valaient pas la peine d'êlre lues. La neiiije
était épaisse de (pialorze poue<'S , et rendait
la marche extrêmement péniMe. A la (in nos
Aoyageurs arrivèrent dans une immense plaine,
où l'on n'apercevait ni le moindre veslii^e d'arhie
ni un seul quadrupède capable d éi^ayer un peu le
pajsai^e désv>lé. Là, enfin, le cœur leur manrpia,
et ils tinient un autre Conseil. La largeur dcî la
rivière , qui était de près d'une demi-lieue , son
peu de profondem' , la mulliplicilé des sables
lîïouvants, et dillërenls autres signes cniactéristi-
([ues les avaient enfin tirés d'erreur, et ils étaient
airivés à la conclusion correcte qu'ils se trouvaient
sur le bord de la rivière Plattc, Que devaient-ils
faire? Poursuivre leur course jusqu'au Missouri?
Le trajet, dans cette saison, était extrêmement
dangereux; car on devait s'attendre à ne trouver
ni nourriture, ni combustible. Le pays était
dénué d'arbres; et quoiqu'il put y avoir du bois
Hotte sur les bords de la rivière, il était trop pro-
fondément enterré sous la neige pour (piil leur
IVit possible tie le trouver.
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ASTORIA.
Lv temps menaçai I d'im cliaiii^emciil, et un
or.'ii»e (le neii^e, dans ces solitiules sans abri , pou-
vait leur être aussi fatal (pi'un tourbillon de
sable dans les déserts de rAral)ie. Après bien des
délibérations ils se déter.minèrent enfin à rcvenii
sur leurs pas, et à refaire les vint^t-six lieues qui
avaient employé leurs trois dernières journées
D'après ce (ju'ils avaient remarqué , ils devaien.
alors retrouver un endroit où il y avait du gibiei
vu abondance, et une forêt pour leur servir d'a-
bri. Là ils pourraient établir de nouveaux ''lar-
tiers d'hiver, et attendre 1 ouvcilure de la iidvi-
i^ation, pour se lancer dans des canots.
En conséquence, le 27 décembre ils retournè-
I (lit en arrièie, et i»agncrent , le 5o, la partie de
la rivière en question. Le terrain d'albivion 3^
[)0uvait avoir une demi-lieue de laigeur, et était
couvert d'une épaisse forêt de cotonniers. Des
troupeaux de bisons paissaient aux environs ,
dans la prairie, et plusieuis de ces animaux tom-
bèrent bientôt sous les carabines des chasseurs.
Ils campèrent sv.v le bord de la rivière, dans
un bois où il se trouviîit des arbres assez i^ros
pour faire des canots. Ils y élevèrent un hangar
pour s'abriter immédiatement , et s'occupèrent
aussitôt de construire une hutte. Le premier jour
de l'année i(Si 5 arriva comme il ny avriit encoie
(ju'uiu" mrraille de leur cabinic de terminée. Ce-
îT'»'^ .
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9/)\
pendant le joui* de jul)llation ne s(; passa pas sans
être célcfjré, même par cette troupe vat^abonde
et misérable. Tout travail lut suspendu, exceplé
eeUii de bouiHir et de i'(>tir. Les morceaux choisis
de bison, les lani^ues, les bosses, la moelle des os,
furent dévorés en telle quantité, que quiconque
n'a pas vécu parmi les chasseurs ou les Indiens ,
ne saurait l'imai^iner. Enfin, pour achever le
régal, ils coupèrent une vieiUe poche à tab.ic,
encore imprégnée de l'odeur magique, et la fu-
mèrent en l'hoinieur de ce fameux jour. C'est
ainsi que, pour un temps, au milieu de ces bom-
bances grossières , ils oublièrent leurs fatigues et
leurs anxiétés passées , et firent retentirent leur
misérable wigwam des sons de leur gaieté.
Le jour suivant ils recommencèrent leurs tra-
\aux, qui furent complétés le 6 du mois. Ils eu-
lent bientôt tué un grand nombre de bisons, et
s<; retrouvèrent encore pos.sesseurs de boinies
provisions poui- l'hiver.
Ils furent plus heureux dans ce second canton-
nement ([ne dans le premier. L'hiver se passa sans
nouvelles visites, et le gibier continua à êtr(^
abondant dans le voisinage. Us abattirent deux
grands arbres et en fabriquèrent des canots. Dès
le retour du printemps, et après (ju'un dégel de
plusieurs jours eut fonchi les [flaires de la rivière,
ds firent leuis ])iéparatifs pour s'cmbaivjuer. Le
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,>.):>. A SI O lU A .
s mars i8i5, ils se laiiccrcnl dans Icuis canots,
mais ils s'aperçurent bientôt que la rivière n'avait
pas assez (I(î profondeur, même pour des bateaux
aussi léi^ers. Elle s'étendait beaucoup en lari^eur;
mais outre qu'elle était peu creuse, elle était sou-
vent coupée par des barres de sable, et divisée
([uelquefois en dillérents bras. Cependant ils
firent descendre un de leurs canots l'espace de
(jiielques milles, avec beaucoup de diflicullé el
en se mettant quelquefois dans l'eau pour le tirer
par-dessus les bancs. A la lin^ pourtant, ils furent
obligés de l'abandonner, et de se résoudre à re-
commencer leur vojai^e à pied, avec leur vieux et
lidèle clieval, qui avait repris des forces durant
le repos de l'hiver.
Le temps, qui redevint tout à coup plus ri-
i»oureux qu'il ne l'avait jamais été, les retint en-
core plusieurs jours ; mais enfin, le 20 mars, ils
se trouvèrent de nouveau en campagne.
En deux jours, ils arrivèrent à la vaste prairie
dont l'aspect aride et glacé bîur avait fait rebrous-
ser chemin en décembre. Elle était alors revêtue
de la fraîche verdure du printemps, et abondam-
uientgarnie de gibier. Cependant quand ils étaient
obligés (le bivouaquer sur sa surface nue, sans au-
cun abri, et auprès d'un misérable feu de lienlc
(le bison, ils trouvaient la brist; des nuits horri-
blement fi'oide et pénélranle. Dans un endroit ils
;.. •■■V
ASTORIA. '^'>5
virent un troiipr.tii (!<» soixante-('ln([ rlievaux saii-
A.nges. Qjiaiit aux ])i.sons, ils scmI)lai(Mit absolu-
mcn couvrir le pays. Les oies sauvai^es abon-
daient, et on passa d'immenses marais peuplés
d'une quantité d'oiseaux aquatiques, parmi les-
quels on remarquait quelques cygnes et des va-
riétés infinies de canards.
La rivière continuait de serpenter vers l'est-
nord-est. Elle avait près d'un tiers de lieue de
largeur, mais elle était trop peu profonde pour
porter même un canot vide. La plaine s'étendait
îmiformément , bornée par l'hoiizon seul, ex-
cepté du coté du nord, où une ligne de collines
ressemblait à un long promontoiie qui s'avanc(^
au sein de l'Océan. La monotonie de ces prairies
devenait infiniment ennuyeuse. Les voyageurs
soupiraient après la vue d'une foret, d'un bos-
quet, d'un seul arbre, qui brisât c(.*tte éternelle
uniformité. Ils commençaient à noter tous les
objets qui pouvaient leur faire espérer qu'ils
approchaient des bornes de cette fatigante soli-
tude. Par exemple, l'apparition d'une certaine
«•spèce d'herbe fut saluée par eux comme uih;
preuve qu'ils n'étaient plus bien loin des fonds
du Missouri, et ils se réjouirent en faisant le-
ver plusieurs poules de prairies, espèce ressem-
blant au coq de bruyère, et (pii ne se trouve
jamais loin dans l'intérieur. Kn recueillant du
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ir'vj ASTOIUA.
bois llotté pour leur l'eu, ils vn trouvèrent qucl-
(|ues morceaux qui portaient des traces de hache,
et qui leur iirenl faire beaucoup de conjectures
sur l'époque où les arbres avaient été abattus, et
sur les peisoinies ([ui avaient pu les abattre.
C'est ainsi qu'ils avançaient^ pareils à des marins
(jui aperçoivent dans chaque herbe flottant sur
la mer, dans chaque ois( au vojageur, fies gaines
de la proximité de la t( rre long-temps désirée.
Vers la fin du mois, le temps devint plus doux,
et nos aventuriers, pesamment chargés, trouvaient
la chaleur de midi bien insupportable. Le 3o ils
arrivèrent auprès de trois camps déserts de
Pawnees ou d'Ottoes. Il y avait alentour, dans
toutes les directions, des crânes de bisons et des
bâtisses, sur lesquelles les peaux avaient été éten-
dues et nettoyées. Ces camps paraissaient avoir
été occupés l'automne précédent.
Pendant plusieurs jours on continua à avancer,
en observant chaque signe qui pouvait donner
une idée du lieu où l'on était, et de la proximité
des rives du Missouri.
Quoiqu'il y eût de nombreuses traces de chas-
seurs et de campemerits, aucune n'était d'une
date récente. Le pays* semblait désert. Les seuls
êtres humains qu'on rencontra furent trois
squaws pawnees, qu'on trouva dans une hutte,
au milieu d'uïi camp désert. Leur peuple était
Asroni A. ■j.iiC)
;illé vers \o midi à la ponrsiiilo dos bisons, vl
wiùi laissé cespaiiM<'s feiniucs eu arrière, pnree
qu'elles élaient trop infirmes ou trop vieilles
pour voyager.
Los Pawnees, et proliablement les autres Irihus
errantes, ont l'habitude d'agir ainsi (piand ils
partent pour une expédition lointaine qui n'ad-
met pas de délais. Ceux des leurs qui sont Ai^és
ou Infirmes, sont alors abandonnés avee une pro-
vision de vivres suflisante pour le temps présumé
de l'entreprise. Ces vivres épuisés, ils périssent
de faim, à moins f[ue leurs soullVanees ne soient
abrégées par les maraudeurs ennemis qui vien-
nent à visiter le camp désert.
Les pauvres squaws en question s'attendaient
probablement à être traitées de la sorte par les
Blancs. Ce fut en vain qu'ils les abordèrent de la
manière la plus amicale et qu'ils leur donnèrent
de la chair de bison séchée. Ils ne purent venir à
bout de calmer leurs alarmes, ni d'en tirer le
moindre renseignement.
Le premier point de repère qui leur fit con-
jecturer leur position avec quelque confiance,
fut une île d'environ vingt-trois lieues de lon-
gueur. Ils présumèrent que c'était Grande Lsie ,
et dans ce cas ils se trouvaient à quarante-sept
lieues du Missouri. Ils continuèrent donc leur
marche avec un nouveau courage. Au bout de
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trois jours ils r( iicoiiln'ient iiii Indien ollo qui
confirma Icins conjoclures. Il leur npprit en
uième temps des nouvelles d'une nature désaj^réa-
ble. Suivant lui, la guerre était déclarée entre
les États-Unis et l'Angleterre. Elle existait ellee-
tivement depuis une année entière, espace de
temps durant lequel ils avaient été hors de por-
tée de toutes nouvelles du monde civilisé.
L'Otto conduisit nos voyageurs à son village,
situé à peu de distance des bords de la Platte.
l.ù ils furent enchantés de trouver deux mar-
chands blancs, MM. Dovnin et Roi, récemment
arrivés de Saint-Louis. Ils avaient à leur faire un
millier de questions sur tout ce qui s'était passé,
tant aux Étals-Unis qu'à l'étranger, dans le cours
de l'année pendant laquelle ils avaient été ense-
velis dans la solitude.
En cet endroit enfin ils se préparèrent à aban-
donner leur fatigant vojage de piéton et à s'em-
barquer sur la rivière. Ils fh'ent un marché avec
M. Dornin , qui s'engagea à leur fournir un ca-
not et des provisions pour le voyage, en échan^>e
lie leur vénérable et fidèle compagnon, le vieux
cheval serpent.
Les Indiens employés par ce marchand con-
struisirent, en une couple de jours un canot,
long de près de vin^t pieds, large de quatre, et
piofond de dix-sept pouces. La carcasse était en
'%J
52?
'J.tn
AsroiM \.
poiches (îl on h;ti»iU'llos de snuk'S, sur lesquels s
("talent ('teiidncs (iiiq peaux d'élans vt de bisons
cousues ensemble avec des nerfs. Les coutures
élaicnt goudronnées avec une boue onctueuse.
Nos voyageurs s'embarquèrent dans ce canot le
iGavi'il, et se laissèrent entraîner par le courant
pondant trois lieues. Le vent devenant alors trop
fort, ils campèrent et firent des rames, qu'ils
n'avaient pas pu se procurer au village indien.
S'étant de nouveau remis à flot, ils descen-
dirent gaiement la rivière. Après avoir fait douze
lieues, ils arrivèrent dans les eaux troubles du
Missouri. Là ils furent rapidement emportés par
le courant; mais lorsque leur fragile barque eut
flotté pendant une centaine de lieues, elle com-
mença à se ressentir des effets du voj'age. Heu-
reusement pour nos aventuriers, ils arrivèrent
aux quartiers d'hiver abandonnés de quelques
chasseurs, et y trouvèrent deux vieux canots de
bois. Prenant possession du plus grand , ils se re-
mirent encore une fois au courant, et, après
avoir fait dix-huit lieues, parvinrent sains et saufs
au fort Osage.
Le lieutenant Brownson y commandait encore.
C'était lui qui avait reçu avec tant d'hospitalité
l'expédition de M. Hunt lorsqu'elle remontait la
rivière, tieux années auparavant. Il traita de la
manière h plus cordiah; ses antùens hùtes, et s'ef-
II. 17
m
2^)H ASTOaiA.
força tlo leur procurer autant tle comlorls et tl<î
plaisir qu'il le put, durant leur séjour à terre.
La plus grande jouissance pour eux, en se re-
trouvant ainsi dans la demeure d'un homme ci-
vilisé, fut de manger du pain, dont ils n'avaient
pas goûté depuis près d'un an.
Ils ne restèrent pas long-temps au fort Osage.
Us emportèrent , en se rembarquant, d'amples
provisions que le lieutenant Rrownson voulut
bien leur donner, et terminèrent le reste de leur
\0}'age sans mésaventure. Le 3o avril i8i3, ils
arrivèrent sains et saufs à Saint-Louis, après
avoir mis dix-huit mois pour faire leur dange-
reux voyage. Leur retour causa une véritable
sensation dans la ville , car ils apportaient les
premières nouvelles de la caravane de M. Hunt,
et de l'élablissement fondé sur les rives de
l'Océan Pacifique.
L'.
fai
sa
nrni
mel
nu:
agii
ses
(jFiAprruE L.
I
('onvonliou ('Util' M. Aslor et la Compagnie i ussedcsi'oun'urcs.
— GiU'rr(! vwlvo les IClals-Unis et la Granile-Hretagiie. —
Instruclioiis du capitaine Sowle, commandant du Castor. —
l",(inipcnient de l'Alouette. — \I. Astor apprend Tarrivi'e de
M. Sfnail.
'4
PouK lier ciitr(3 elles les diircreulcs parties de
(;etle vaste nariatioii, il faut maintenant que nous
nous occupions des mesures prises par M. Astor
pour soutenir sa grande entreprise. vSes plans, re-
lativement aux établissements russes de la côte du
noi'd-oucst, avaient été exécutés avec diligence.
L'agent envoyé par lui à Saint-Pétersbourg avait
l'ait un arrangement provisoire avec la Compagnie
russe, sous la sanction du Gouvernement de cette
nation.
Par cette convention, à laquelle M. Astor donna
sa ratification en i8i 5, les deux Compagnies s'en-
gageaient à respecter mutuellement leur com-'
raerce et leur territoire de chasse, et à ne fournir
aux Indiens ni armes ni munitions. Elles devaient
agir de concert contre les vaisseaux interlopes, et
se secourir l'une l'autre en cas de danger. La Com*
pagnie américaine obtenait le droit exclusif d'ap-
SÎ*J!
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i ■•*■!!
ir-.'
"m
41
n
provisioiiiK r les postes russes de niarehaïuliscs et
(le toutes les choses nécessaires, en recevant en
éehani^e des pelleteries, à des prix fixés. Klle de-
vait aussi , si elle en était requise par le Gouver-
neur russe, transportera Canton les fourrures de
la Compagnie russe, les y vendre à commission »
et rapporter le produit, moyennant le fret, donf
on conviendrait à l'amiable.
Ce traité était obligatoire pour quatre ans et
devait se renouveler pour le même terme, à moins
((ue quelque circonstance imprévue ne rendit né-
cessaire d'j faire des modifications. I! était conçu
de manière à rendre de grands services à l'établis-
sement naissant d'Astoria, cai I écartait toute
crainte de rivalité de la part des Compagnies
étrangères établies dans le voisinage, et portait
ini coup formidable au commerce interlope. D'ail-
leurs, !\î. Astor se proposait d'avoir à Astoria des
vaisseaux d'un petit tonnage et de peu do tirant
d'eau, propres par conséquent au service côtier.
Ceux-ci ayant un lieu d'abri et de dépôt, pou-
vaient visiter la côte dans la saison fn ^orabIe, et
auraient eu de grands avantages sur les vaisseaux
interlopes, qui étaient obligés de faire de longs
voyages, d'employer des équipages nombreux , et
qui ne pouvaient approcher de la terre qu'en cer-
taines saisons. M. Astor espérait donc faire gra-
duellement d'Astoria le grand empoiium du com-
ii(
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ASIUIIIA. 'Jiijl
iiiercc aiiu'iirain des rouiTiiies tiaus rOcéan Pa-
cilicHic, et le iioyaiurun puissant État anicricain.
]\raJlieurcusciiiciit, avant même la ratiticatiou de
la convention, la i^uerre éclata enlrc les Étals-
Unis et la Grandc-Bietai^ne. M. Astoi* vit sur-le-
t'Iiamp les dani^ers qui en résultaient pour sou
établissement. Le IiTivre de New- York allait sans
aucun doute être bloijué. Le départ du vaisseau
annuel de lavitaillement ne pourrait plus avoir
lieu dans l'automne, ou, s'il réussissait ii gagner
la pleine mer, il courait la chance d'être capturé.
Dans celte perplexité , M. Astor adressa à Can-
ton, au capitaine Sowle, commandant du Castor,
une lettre qui lui enjoignait de se rendre à la Tac-
toierie de la Colombia, avec les objets dont l'éta-
l)lissement pouvait avoir besoin, et d'y rester sous
les ordres de M. Hunt, qui devait en avoir pris le
4 ommandemen t .
La cuerre continua. On n'avait encore reçu
aucune nouvelle d'Astoria , les dépêches ajar.l.
été retardées par la mésaventiu'e de M. Reedj,
aux cataractes de la Colombia, et par la mise à
pied de M. Stuart , au milieu des montagnes.
Une pénible incertitude régnait sur le destin de
M. Hunt et de sa caravane, car on n'avait aucune
nouvelle d'eux depuis leur départ d'Aricara. Ijisa,
<|ui lesyavait(|uitlés, avait piédit leurdestruction,
!,'t quelques mai cliands de la Cotnpagnie du Nord-
t
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•>.()> VSTOIIIA.
onost .'iviiiciil iiiôirK' irpniulii \r Ixiiit ([ii'ils
nvniciïl ("tô. exlcririiiH's p:u' les Indiens.
(Volait une i iidc ('pi<'iivi; pour le couiMgc cl
pour les ressources d'ini seul ijidividu, d'avoir ii
prépar(îr encore; uiu; expédition eonsidérahlepoui
une enlieprise (pii avait déjà tant coûté, (pii
était enveloppé(î d'une obscurité siiçrande, et où
les risques de peitc étaient tellement augmentés,
qu'il n'y avait pas moyen d'ellèctuer une; assu-
nnjce. En dépit de tous ces sujets de décourage-
ment, M. Astor se détermina à cnvovcr un autre
vaisseau au secours cl(; l'établissement. Il clioisil
dans C(; dessein un navire appelé l'Aloiu'tle (the
Lark) , el remarquable; par sa marche supé-
rieure. Cependant, la grave situation des aiCaires
occasionna tant de délais, que h; vaisseau était
encore retenu dans le port au mois de févi'ier
i8i3.
Dans ces conjoncluicîs, M. Astor apprit ([ue la
Compagnie du Noi'd-oue.st se préparait à faire
partir l'Isaac Todd, vaisseau armé de vingt ca-
nons, pour former un établissement à l'embou-
chure de la Colombia. Ces nouvelles lui donnè-
rent beaucoup d'inquiétude. La plupart des
individus employés par lui étaient des Écossais et
des Canadiens. Plusieurs d'entre eux avaient été
au service de la Compagnie du Nord-ouest. Si
M. Hunt n'avait pas réussi à arriver à Astoria,
#
AMinn\. 565
loiit I rlahlisijcnH'iit dcviiil êtio sons le contrôle
i\c M. Mn('-I)out;;il, dont la (idriilé î«\;nl ë!é ren-
due suspecte à M. Aslor pur les récits du capi-
taine Tlioni. Enfin , le Gouvernement britan-
ni(pi(» pouvait jufjer convenahhî d'envoyer du
inonde conlre l'étahlissenKînt, comme il en était
pressé depuis long-temps par la Compagnie du
Nord-ouest.
Dans ces circonstances, M. Astor écrivit à
iM. Monroe , alors seciétaire d'État, pour lui
demander la protection du Gouvernement des
l']lals-Unis. Il représenta l'iniportauce de son
établissement, sous le point de vue commercial,
et l'abri ([u'il pourrait procurer aux vaisseaux
américains dans ces mers. Tout ce qu'il deman-
«iait, c'était ({ue le Gouvernement américain y
jetatcpiarante ou cinquante hommes, qui seraient
suffisants pour défendre Astoria jusqu'à ce qu'il
put y envoyer un renfort par terre.
11 attendit en vain une réponse à cette lettre.
Le Gouvernement étaitsans doute, en ce moment,
préoccupé par la multitude accablante i\es affai-
res. Le mois de mars arriva, et M. Astor ordonna
li l'Alouette de mettre en mer. L'oflîcier qui de-
vait la commander recula devant ses engagements,
et, dans l'exigence du moment, le vaisseau fut
confié à M. Northrop le lieutenant. M. Nicolas
G. Ogdcn, à l'intégrité et aux talents duquel on
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kl
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'>.(') f\ A.sroiiiA.
pouvait accorclrr In plus onliôrc conliancc, I ac-
compai,Mia comme subi l'cari^iie. L'Alouette mit à
la voile au commeneem(Mit de mars 1 81 5.
Par eette oecnsioii , M. Aslor écriN it à M. llunt
comme chef de rétablissement d'Astoria, car il
ne voulait pas doutei- qu'il eut réussi. « Je compte
(( toujours que vous allez bien, lui disait-il, et que
(( le ciel m'accordera de vous revoir un join\ »
\{ l'avertissait d'être sur ses gardes contre toute
tentative qu'on pouiuait faire polir surprendre le
poste, lui suggérant la probabilité d'hostilités ar-
mée., de la part de la Compagnie du Nord-ouest.
Il exprimait en même temps son indignation de
la manière pleine d'ingratitude dont cette associa-
tion reconnaissait ses ouvertures avantageuses
et sa conduite l'ranche et loyale. « Si j'étais sur les
« lieux, disait-il, et si je pouvais diriger les aflai
« res, je les défierais tous; mais dans l'état des
« choses, tout dépend de vous et de vos amis de
« là-bas. Notre entreprise est grande et niérlte de
« réussir. J espère en Dieu quelle réussira. Si
« mon but était simplement de gagner de l'ar-
(( gent, je dirais: Voyez s'il vaut mieux sauver ce
« que nous pourrons et abandonner la place.
« Mais cette pensée est comme un poignard dans
« mon cœur. »
Cet extrait est sufîisaiit p .ur montrer (pu3l es-
prit et (juelles vues élevées poussaient M. Astor
à celte grande entreprise.
VSTOHI A.
!265
Les scmnliics, les mois s'écoiilèient snns (|ii<'
1 il'!» vint dissiper la pénible iiieertiliule qui en-
veloppait les (lilïërentes expéditions. Quoique
M. Aslor ne se laissât point al)aftie facilement,
les dani^ers qui menaçaient le projet chéri de son
ambition produisaient un effet graduel sur son
esprit. Par une triste soirée il était assis près de
sa fenêtre, réiléchissant sur les destinées du Ton-
(juin et de son malheureux équipage, et craignant
(pie quelque calamité également tragique ne fût
arrivée aux aventuriers charcés de traverser les
Montagnes, loisque le journal du soir lui fut
apporté. Le premier paragraphe qui arrêta ses
veux lui annonça l'arrivée de M. Stuart et de
sa troupe à Saint-Louis, avec la nouvelle que
M. Hunt et ses compagnons avalent effectué leur
périlleuse expédition, et étaient parvenus à l'em-
bouchure d(! la Colombla. Ce fut un lajon de
soleil qui dissipa pour un temps tous les nuages,
et qui remplit M. Astor de confiance dans l'accom-
plisscment de ses plans.
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■s.mhoiiclmrc <U; la W allali-V\ allali. — IJcpail ili; David Stiiail
])i)Ui' rOakinagau. -- !\ï. Claïko roiuonte la rivirio I (!\vis. —
Indiens i\oz-percés. — ■ Lpiir physitiue <'t leurs mœurs. —
Poste «'labli au coiilliieut, des rivières Spokaii et du (lœur-
puititu. — l\Iac Keiizie leinonle le Caïuoenuiu. — Bandes
d'Indiens voyaj^curs. — Expédition de lieed aux caches. —
\venlures de N'oyageurs et de Trappeurs errants.
1,K cours (le notre narration nous ramcnr
maintenant aux régions situées au-delà des Mon-
tagnes , afin d'accompai^ner les dlirércnts déta •
(•lienients ([ui étaient partis d'Astoria en eom-
pa£»nie de M. Robert Stuart, et qu'il aAait laissés,
le 5i juillet 1812, siu' les bords de la VVallah-
Wallalî. Ces détachements se séparèrent à leur
tour peu de temps après son départ, poiu* S(;
rendre à leurs destinations respectives, mais après
être convenus de se retjouver, vers le commence-
ment de Tatmée suivante, à l'embouchure de la
VVallah-Wallah, afin de protréger mutuellement,
à travers les passages dangereux de la Colombia,
les pelleteries qu'ils auraient pu rassembler dans
l'intériein*.
M. David Stuarl se rendit avec ses hoiiunes au
poste (pi'il avait établi sm TOakinagan. Apiès
"fvt
\ST(>III \ . '!')"
i'a\()ir )-avil;nl!('' de unicliaïulisi's cl (h» immi-
liojis, il lomonta li cvnl lignes plus liant sur la
inême i'IaIÎmt, et y établit encoiv' in» poste dans
lui pajs avantageux pom- le commerce.
!M. Clarke , antre partner, conduisit sa brigade,
en remontant la livière Lewis, jusqu'il l'embou-
eliin-e d'une petite livière venant du noi'd, etcpie
les Canadiens nomnièi(4it Pavion. Là, on trouva
un village, ou campement, composé de quarante
huttes couvertes de nallrs. Les iia])itants, appelés
iNez-percés par les marchands, se nomment eux-
mème? Chipunnish. C'est une race hai'die, labo-
1 ieuse,. et quehpie peu fripoinie, qui mène une
\ie précaire, péchant et déterrant des racines du-
rant l'été et l'automne, chassatit le daim, avec des
raquettes, pendant l'hiver, et traversant les Mon-
iagnes Rocheuses, au printemps, pour aclielei- des
peaux de bisons aux tiibus chasser(>ss(!s du IMis-
souri. Dans ces migrations, ils sont exposés à être
attaqués par les Tieds-noirs ou par d'aulies tribus
pillardes, et se voient quelquefois repoussés au-
(hîlà des Montagnes, après avoir perdu beaucoup
de leurs chevaux et de leurs camarades.
Une existence si dérév'lée et si incertaine rend
ordinairement les hommes égoïstes. ^I. Claïke
trouva, en eilèt, que tels étaient les iiabitanls de
Ce village. Us n'exerçaient îiucunement riiospila-
!il(M>rdin;rneau\ indiens, cl axaient la plus grande
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:a()8 AsrouiA.
peine ;i se priver de la moindre eliose. Ils ne moll-
iraient d'ailleurs aucune reeoinialssanee des bon-
lôs qu'on leur témoignait. Quand on arriva chez
( ux ils étaient oecupés à prendre et à préparer
du saumon. Les hommes étaient ç;rands, robus-
tes, actifs et de bonne mine. Les femmes étaient
beaucoup mieux que celles des tribus plus rap-
j>rochées de la côte.
M. Clarke se proposait de laisser là ses bateaux
et de se rendre par terre au lieu de sa destination,
situé à environ cinquante lieues plus loin, parmi
les Indiens spokans. Il chercha en conséquence à
acheter des chevaux pour son voyage; mais il lui
i'allut, pour cela, lutter avec les dispositions sor-
dides de ces peuples. Ils demandaient pour leurs
chevaux des prix s: élevés, et ils étaient si peu
tiai tables, que M. Clarke fut retenu sept jours
parmi eux , avant de pouvoir se procurer le nom-
bre de bêtes qui lui étaient nécessaires. Durant
ce temps il fut tourmenté par des vols multipliés
dont il ne pouvait obtenir aucune justice. Le Chef
promettait toujours de lui faire recouvrer les ol)-
jets volés; mais il ne le faisait point, alléguant
([ue les coupables appartenaient à mie tribu éloi-
ij;née, et étaient décampés avec leur butin.
IM. Clarke fut oblii'é de se contenter de ces excu-
ses, mais il amassa dans son c(x;ui' une amère ran-
lune contre loule la race des i\«v.-jierc(\s. On
1'
ASToiUA. -Anj
verra (ju'il trouva, plus lard, une oecnslon de se
venc;cr d'une manière signalée.
Ajant fait ses arrangements pour le départ,
M. Clarke tira sa barge et ses canots dans un en-
droit ombragé d'arbrisseaux et de saules, sur le
I)ord d'une petite baie. Le Chef des Nez-pereés
s'étant engagé à les surveiller, grâce à de libérales
promesses^ M. Clarke monta sm* son coursier et
se mit à la tête de sa petite troupe, après avoir
secoué la poussière de ses souliers, en ([uittant ce
village tie fripons et de trafiquants ititéressés.
Nous ne le suivi ons point, pas à pas, dans son
voyage, qui le mena tantôt parmi des monts
abruptes et rocailleux, au milieu des escarpements
et des précipices, tnnlot sur d'arides plaines, rem-
plies de serpents à sonnettes, oii les hommes et les
chevaux souHraient également de la '*haleur et de
la soif. L'endroit ([u'il choisit pour établir son
comptoir était une jolie pointe de terre, à la juno
tion des rivières Spokan et du Cœur- pointu
( Pointed Heart). Son établissement était destiné
à lutter contre un comptoir de la Compagnie il't
Nord-ouest, situé à peu de distance, et à lui en-
lever, s'il était possible, le commerce des Indiens
spokans, des Cootonals et des Têtes-plates.
iV;, Mac Kenzie, qui conduisait le troisième dé-
tachement de la Wallah-\\ allah , navigua pendant
plusieurs jours pour remonter la biaïu'he sud di
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■j.no vsToiUA.
la (iolomhia, liomméo Crmiocmmi pai- les ualn-
rcl», jnais (•oirmimicmciiL appeire ri>i('j{î Lewis,
(Il lioniiour de celui tjiii Tcxploia li; premier. On
\ojait, le loiiij; de celle ri\ière, des haiides er-
rantes {[iii voyageaient dansdiiCérenles directions;
car les Indiens sont généralement des êtres in-
([uiels, vagahontls, continuellement occupés d'en-
Irepiisesde guerre, de Iralic, et d(î chasse. Quel-
(jues-unes de; ces bandes avaient de nombreux
tioupenux de clievaux , qu'elles paraissaient con-
diiire sur un marché lointain.
M. Mac Ivenzie étant arrivé à l'embouchure du
Shahapta!), remonla cette* rivière pendant quel-
(jue temps, et établit son comptoir sur la rive.
11 se trouvait sur le passage des tribus des environs
des rapides de la Colombia, loiscjii'elles traver-
sent les Montagnes llociieuses pour l'aire des in-
cursions de maraude, pour chasser le bison dans
l(!s plaines situées à l'orient des Montagnes, ou
pour Iraliquer de racines et de robes de bison.
C'était la saison des voyages, et les Indiens de dif-
férentes régions éloignées passaient et repassaient
en grand nombre.
Une fois établi , M. iMac Kenzie détacha une bri-
gade sous la conduite de M. John Pieed, pour
visiter les caches faites par M. Hunt à la (Jiau-
dicre, et pour en apporter le contenu à son poste,
dont 1 approvisionnement en maichandises et en
(' <• i fi^
'$!
tii)
A s roui A. 9. 'M
niiinilioii.s :n;iil Ix.soiii d'rdc ninsi loinplélr'. Il
uy a^^il pas une sorruiinc t[ue Jolm llccd ('lail
parti , lorsqu'on vit arri\( r au comptoir deux In-
diens , delà Irihu Pallatapalla , (|ui habile près
d'une rivière du même nom. Ceux-ci apprirent
h M. Mac Kcnzie la mauvaise nouvelle du vol des
caches. Ils lui dirent ([iie quelques membres de
leur tribu, ajant tra\ersé les montai»nes daiisle
coui's tlu printemps piécédenl, avaient vendu des
chevaux aux Indiens serpents vX en avaient reçu
en échange des couvertures, des robes et des mar-
chandiscs de divejses natuies. Ces objets pro-
venaient des caches où les Serpents avaient été
conduits par plusieurs Blancs qui résidaient parmi
eux, et ([ui les avaient ensuite accompai^nés de
l'autre coté des Montai>nes Rocheuses. M. Mac
Kenzie l'ut siiii^ulièi'ement intrii^ué par ce récit,
dont les deux Indiens conlirmèrent en partie la
vente en montrant une selle et une
brid
e an-
1
i>laise, que i on recoinîut pour avoir appartenu a
M.Crooks. Cependant la perfidie des Blancs, ([ui
avaient révélé le secret des caches, semblait inex-
plicable. Nous allons en donner la raison , en ra-
contant l'expédition deM= Recd.
Ced
icne
Hibe
rnien exécuta sa mission avec son
habituelle alacrité. Son terrible vo)ai>e de l'hi-
vei- précédent l'ajanl instruit de la topographie
du pays, il atleicnit la rivière des Serpents san.s
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(m ma*
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'si
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•jn-j. AS'I'oniA.
rniconlror de (linicnltrs mnléricllcs. I.;i, (hiis un
campement (l(\s Nnturels, il Irouva sepl Biaiics ,
traînards de la caravane de M . Ilunt, et qui, après
avoir eu chacun leur part d'aventures et de mal-
heurs, s'étaient heureusement réunis en cet en-
droit. Trois de ces hommes, Turcotte, La Cha-
pelle et Francis Landry, étaient les trois Voya-
i:;eurs canadiens qui , démoralisés par les latij^ues
toujours croissantes du voyage, et parla crainte
de périr de faim, avaient quitte M. Crooks, en
février, dans le voisinage de la rivière des Ser-
pents. Ils étaient retournés à un campement des
Indiens, et y avaient passé l'hiver. Cependant, au
commencement du printemjs, ayant fatigué
l'hospitalité de leurs hôtes, se trouvant privés de
tout et dans une grande extrémité^ ils résolurent
de tirer parti des trésors cachés dont ils avaient
connaissance. Ils informèrent donc les Chefs ser-
pents qu'ils savaient où était déposée une quan-
tité de marchandises suffisante pour enrichir toute
la tribu, et ils olFrirent de le leur iévéler,à condi-
tion d'être récompensés en chevaux et en provi-
sions. Les Chefs engagèrent leur hoinicur et leur
foi, comme des guerriers, comme des Serpents, et
les trois Canadiens les conduisirent aux caches de
la Chaudière. C'est ainsi que les Sauvages en
avaient eu connaissance, et non point en sri-
vant les traces des loups, comme l'avait supposé
^^^ii:
■>q:^
\sroniA.
Al. Slii.ul. J.iinais r.lieirlicurs ilc liôsors caclit's
ii'rpiouM'rciil aiilanl tic tlrlicos eu clécoiivranl li;
magot (l'un avare, ((u'on ressentirent les Serpents
lorsqu'ils aperçureni les liehesses enfouies clans
les caches. Les couvertures , les robes , les jojaiix
(te cuivre, les grains de verre I>leu , étaient ame-
nés au jour avec des transports de joie ; et de
longues Jwndes d'étolFe ccarlate produisirent des
hurlements d'admiiation.
f.e pillage des caches elFectua un changement
dans la fortune et dans la conduite de toute la
bande. Les Serpents se trouvaient mieux \étus,
mieux équipés cpie jamais Serpents ne l'avaient
été. De leur coté, les trois Canadiens, se voyant
tout à coup possesseurs d'armes et de chevaux ,
étaient, comme des mendiants h cheval, prêts à
courir dans les plus folles entreprises. Une occa-
sion s'en présenta ])ientot. Les Serpents se déter-
minèrent à faire une grande chasse dans les prai-
ries, pour avoir une provision de bœuf, afin de
vivre dans l'abondance comme il convenait à des
hommes possesseurs d'autant de richesses. Les
trois cavaliers nouvellement montés les accompa-
gnèrent. Ils traversèrent sains et saufs les Mon-
tacnes Rocheuses, descendirent sur les eaux su-
périeures du Missouri , et lirent un L'rand ravaij;(;
pa
rmi
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sons.
L
eur camp élait rem
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O.'"}/^ A SI OKI A,
ataieiit coinnic (K- vc'ritnhlcs Indiens. Ils v\\ sv-
rliaienl et en snlaicnt. de i^rand(;.s pro\ isions pour
l'hiver ([uand , au milieu de leur bonne ehère et
de leurs galas, ils furent surpris par les Pieds-
noirs. Plusieurs Serpents lui ent lues sur la plaec :
les autres, avec leurs trois alliés canadiens, s'en-
l'uirent vers les MontagiKs, dépouillés de leurs
chevaux, de leur viande, de tous leurs hiens. Ils
regagnèrent enfin la rivière des Serpents, plus
pauvres que jamais, mais s'estimant heureux de
s'être tirés d'allaire avec la vie sauve. 11 n'y avait
pas long-temps qu'ils étaient revenus lorsque les
tiois Canadiens furent réjouis par l'apparition
d'un compagnon d'infortune. C'était Dubreuil.
le pauvre voyageur qui avait quitté M. Crooks
dans le mois de mars> parce qu'il n'avait plus la
force de le suivre.
Peu de temps après , trois autres membres de
la caravane arrivèrent. Ceux-ci étaient Carson,
Saint-Michael et Pierre Delaunaj , les trois trap-
neurs qui, au mois de septembre précédent, et en
compagnie de Pierre Detayé, avaient été laissés
dans les Montagnes par M. Ilunt, pour trapper le
castor. Ils s'étaient séparés de la caravane, bien
armés et bien équipés, ayant des chevaux de selle
et de bat pour porter les pelleteries qu'ils devaient
réunir. Ils arrivèrent dans le camp des Serpents,
aussi gueux que leurs prédécesseurs. Ils avaient
A.sroiiiA. 27;')
Icrmiiié leur h app.ii-r «t se dii ii^ciùciU vers It'.s
souircs (lu IMissouri, lorstjirils a\ni('Mt cic loii-
(^onlrrs il all.»(|urs par une foi le liaïuh^ tk-s uni-
vnscîls Coiiiclllcs. Aprîs une réslslaiicc tlésespé-
rée, après avoir tué sept Corneilles, ils s'étaient,
vus aeealjlés par le nombre. Pienc Detajé avait
('lé tué; les autres, dépouillés de leurs chevaux,
avaient été obligés de retourner sur leurs pas. Us
rencontrèrent leuis anciens eonipagnons chez les
Serpents, comme nous venons de le dire.
Il est bon d'observer que Pierre Delaunay
traînait avec lui une femme indienne (ju'il avait
ramassée dans ses courses, car il s'était lassé du
(•élibat pai'mi les Sauvages.
Les sept membres de cette eontrérie infortu-
née se préparaient à traverser encore une fois
les Mou teignes, c[uand quelques coureurs indiens
les prévinrent de l'approche tle la brigade con-
duili' par John Keed.
Lorsque tous ces tranards eurent raconté leur
histoire, John Reed les 1 éunit à sa troupe et les
emmena a la Chaudière, pour ouvrir hs deux ou
trois caches qui n'avaient pas été révélées aux
Indiens.
Us trouvèrent dans cet endroit le vétéian du
Kentucky, Robinson,qui y a\ait ét('' laissé pai
M. Sluart, avec ses deux compagnons Rizner et
Iloback.Ce irio aventureux a>aitélé' trappei plus
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haut sui la livitic, mais Ptoljinsoii v\\ (''tait redes-
cendu seul dans un eanot, pour attendie l'arrivée
de John Reed et pour en obtenir des ehevaux et
des objets d'équipement. Il raconta à Reed l'om-
ment ses camarades et lui avaient été dépouillée
par les Arapahays; mais son nouveau récit dilïé-
rail_, sous quehpies rapports, de celui qu'il aval!
fait à M. Stuart. Dans cel l'-ci, il avait représenté
Cass commue aj'ant honteusement abandonné ses
compagnons dans If^ar infortune, emmcnanl avei-
lui un cheval. Drns le nouveau récit, il parlait
de Cass comme avant été tué dans la niéJée avec
les Arapahajs. Ces contradictions, dont Reed ne
se doutait pas bien entendu à celle époque ,
concoururent, avec d'autres circonstances, à ac-
créditer plus tard quelques mystérieuses suppo-
sitions, quelques soupçons tragiques sur la des-
tinée réelle de Cass. Cependant, comme on ne
les appuya jamais de preuves substantielles, nous
ne croyons pas devoir en assombrir encore ce
tableau des souffrances du tiésert.
M. Reed, ayant tiré des caches le restant des
marchandises , se mit à la tête de sa troupe,
augmentée des sept hommes recueillis en roule,
ainsi que de la squav^^ de Pierre Delaunay. Ils re-
gagnèrent heureusement le poste de Mac Kenzie
sur les eaux du Shahaptan.
ce
A
co
m;
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CIIAPirRI' Ml.
Dcpnrltlc M. lliinl dans le Cjislor. - Pit-caulions à la Facio
reiic. - Détachcincnt <1ii VVallaniot. — Appréhensions. —
Arrivée de Mac Ken/.ic. — Ktat des alliiins au poste du Sha-
Iiaplan. — Nouvelles de la guerre. — Découragement do IVIar
Dougal. — Détermination d'abandonner Astoria. — Départ de
Mac Kenzie pour l'intérieur. — Aventure des Rapides-
Visite aux voleurs de Wisli-ram. — Situation périlleuse. —
Hencontre de IMac Tavisli et de sa lrou|)e. — Arrivée; au poste
du Sliahaptan. — Les caches se trouvent vides. — l^es l'ail
ners hivernants résolvent de ne point «piitler le pavs. -
Arrivée do Clarke parmi les Nez-perces. — Affaire du golu le<
d'argent.— Exécution d'un Indien. — Arrivée des Partner-
hivernants à Astoria
Quand les diffcreiilos brii^adtvs curent f|iil{lê
Astoriîi, le Castor se prépaia à faire son V()jai><'
le long (le la cote, et à rencli'c visite à rétablisse-
ment russe de Nev --Arclian£;el, qu'il devait ravi-
tailler. On avait décidé dans le conseil des Part-
ners à Astoria, (|ue M. Hinit s'eniharquerail dans
ce vaisseau , adn de s'instruire dans le cominerc<'
côticr et de faire des arraneements avec le coin-
mandant russe. Le Castor devait ensuih^ ramener
M. Hun! à la Faclorrrie, et conliniier s;> roiitr
pour les îles Sanrjwich cl pom (];Hilon
i\
II
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4 ♦■^
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11
■.>7<S Asioi',1 \.
Le Casloi' mit en met' (Lins ic mois diioùl.
wSon départ vX cvAiù des diverses hiigndes n'ajniil
laissé dans la pelile forteresse d'Astoria (pi'imc
faible garnison, cela fut bientôt remarqué pai
(juelquesunes des tribus indiennes. Lem* eonduilc.
en devint plus insolente, et elles laissèrent même
voir des dispositions hostiles, (tétait alors la sai-
son de la pèche, époque h laquelle les peuplades
guerrières du nord de la côte arrivent dans le
voisinage de la Colombia. Elles sotit connues par
leurs dispositions belii([ueuses et perfides et par
les elForts qu'elles ont faits souvent pour surpren-
dre les vaisseaux marchands. Parmi les Indiens
ainsi rassemblés, un grand nombre appartenaient
à la féroce tribu des Neweetees, par (pii l'équi-
page du Tonquin avait été massacré.
On prit donc de grandes précautions à la Fac-
torerie pour se prémunir contre toute surprise,
pendant que ces dangereux étrangers se trou-
veraient dans le voisinage. On construisit des ca-
Jeries en dedans des palissades, les bastions furent
rehaussés, et des sentinelles y furent postées jour
et nuit. Heureusement les Ghinooks et les]autres
Indiens du voisinage manifestèrent les disposi-
tions les plus pacifiques. Le vieux Comcomly, qui
avait de l'empire sur eux, était un rusé calcu-
lateur. 11 voyait (juels avantages il trouvait à
avoir les Blancs pour voisins et pour alliés;
quelle iinpoitaïK'O son peuple et lui-même ae-
quéraieiit va\ servant d'intermédiaires entre eux
et les Irihiis lointaines. Il était doue deveim , à
cette époque, un ami solitlc des Aslorlens, et
formait une sorte de barrière entre eux et leurs
ennemis du nord.
L'été de i8 1 2 se passa sans aucune des hostilités
(jui avaient été appréhendées. Les Neweetees ci
les autres étrani*eisdan£»ereux ayant terminé leur
pèche, retournèrent dans leur pays, et les habi-
tants (U) la Factorerie recouvrèrent leur sécurité.
Cependant il devint nécessaire de se mettre en
i»aide contre d'autres inconvénients. On arrivait
dans la saison de la disette, qui commence en
octobre et dure jusqu'à la lin de janvier. La cha-
loupe fut employée à fourrager sur les bords de
la rivière pour pourvoir aux besoins de la i^ar-
nison. Un certain nombre d'hommes, sous U
commandement de plusieurs Clercs, furent en-
voyés prendre leurs (quartiers d'hiver sur les
bords du Wallamot (la Multnomah, de Lewis et
Clarke), jolie rivière qui se décharge dans la Co-
lombia, à vingt lieues environ au-dessus d'Astoria.
Le pays qui borde celte rivière est agréablement
coupé de prairies et de coteaux couverts de
«•hènes, de frênes, d'érables et de cèdres. Il abon-
dait en élans et en daims. Les rivières étaient
é'galement bien peuplées fl(> castors, et la bri ■
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pikïi
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.>,8o \si<ir, I \.
ijjkIc, nprt's nvoir sallslnit à ses propres hcsoins,
put (iiioorc envoyer à Asloria, par les cnnols,
J)oaucoup de viande scchée.
Le mois d'octol)re s'éeoula sans qu'on vit re-
venir le Castor. INovemlne, décembre, janvier,
se passèrent, et l'on n'en recevait aucune nou-
velle. On commença à ressentir de vives appré-
hensions pour sa sûreté. Il pouvait avoir fjil nan-
IVage en suivant la cote, ou avoir ét«^ surpris,
comme le Tonquin, pai* quelque perfitle tril)u
du nord.
Personne ne se laissait aller à ces craintes plus
que Mac Douii[al , qui était alors h la tête de l'Éta-
blissement. Il ne monti'ait plus la confiance qui
l'avait longtemps caractérisé. Le commandement
semblait avoir perdu pour lui tous ses charmes;
enfin il se laissait aller au plus abject décourage-
ment, décriant toute l'entreprise, grossissant
chaque circonstance flilclKuse, et ne prévoyant
que des malheurs.
Le i6 janvier i8i5, tandis qu'il était dans celte
sombre humeur, il fut surpris de voir paraître
soudainement M. Mac Kenzie. Celui-ci était ha-
rassé par le long voyage qu'il avait fait, dans
cette saison d'hiver, pour revenir de son comp-
toir du Shahaptan, et son visage nébuleux sem-
J)lait le digne frontispice d'un volume de calami-
tés. Il avait été tout-à-fail désappointé et décou-
ï
vsioi'.iA. •)ri (
lîJi^c. Son poslc se h'oiiv;ii« .in milieu des 'riislu-
p.'iws; iwilioii piiiss.'mlc cl îjjiuMiière, «livisrc en
[>lusioiirs tribus, st)ns dilIrrcM'.s clicfs. Elle pos-
s('(lait honiicoiip de ehevaux, mais n'ajaiit pas
(iirigé son attention vers la chasse aux easlviis ,
elle n'avait poii't do fourrures à vendre. Suivant
iVîae Kenzic; c'était « une tribu de co([uins » : d'où
nous pouvons conclure cpi'ils étaient disposés à
consulter leur intérêt plus (juc ne le compoilait
celui d'un avide tralicant.
Lci^ibier étant rare, Mac Kcnzie avait été obligé
de nourrir son inonde , en grande partie, avec
<ie la chair de cheval. Les Indiens, découvrant ses
nécessités, avaient adopté une politique ordinaiie
au commerce civilisé. Ils avaient haussé le prix
de leurs bêtes à un tauxexorbitanf, voyant bien
([ue les Blancs étaient oblii^és d'en acheter, ou
de mouiir de faim. De cette manière les mai-
chandises que Mac Kenzie avait emportées pour
ac([uérir des peaux de castor, couraient ris(pic
d'être échangées contre de la chair de cheval, et
mangées sur place.
Il avait dépêché des trappeurs dans dilTérentes
directions, mais les contrées voisines ne renfer-
maient pas plus de castors (pie le pays où il était.
Dans cet embarras, ilavait pensé qu'il l'crail mieux
d'abandonné
r ce poste iinprolilabh' el d'envijyci
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ics m.niîi.iiKliso ,ilix loinploiis lic Cliiiki' cl de
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>.82 \sioni\.
David Stiinrl; ({iii pourraient en tirer un meilleur
parti, puiscpiMIs se trouvaient dans un pays rielie
en easlors. Lui-nuMue seiait reloniné a>ec s;»
Iroupc à Asloria, pour chercher ([ueUpu; destina-
lion meilleure. Il s'était donc rendu au postt; de
M. Clarke pour !(; consulter sur ce projet. Tandis
([u'ils étaient en i^rande conférence, un visiteur
inattendu était arrivé dans la vvij*\vam , d'un air
a liai ré.
C'était M. John George Mac Tavish, Partner
de la Compai»nie du Nord-ouest, qui était à la tète
des comptoirs établis dans le voisinage. ÎNl. Mac*
Tavish était le messager radieux de mauvaises nou-
velles. Il avait été au lac Winnipeg, et y avait
vcçw, par un exprès du Canada, la déclaration di;
guerre et la proclamation du président Madison.
Il les avait communicpiées, avec la complaisance
la plus ofHcieuse, à iMM. Clarke et Mac Kenzie. Il
leur avait dit, en outre, qu'il avait reçu inie nou-
velle provision de marchandises des postes de la
Compagnie du Nord-ouest situés de l'autre coié
des Montagnes Ilocheuses, et qu'il était en mesure
de faire une vigoureuse concurrence aux étahlis-
sements de la Compagnie américaine. Eniin il
avait terminé SCS discours obligeants, mais belli
({ueux, en informant ses hôtes cpie le vaisseau
armé, l'Isaac Todd , devait arrivera l'embouchure
de la Colombia vers le eommen(;ement de mai\s,
1)1
\sioiii\. '(S"»
aliii (U; s'emparer liu conimercc t\c cclU; ii\itr('.
Mac Tavisli, lui-mcmc, dovail l'y aller l'ejoindre
xers la même c'[)0(]ue.
Kl) appreii'int ces nouvelles Mac Kou/.ie a\:iil,
pris sm-le-cliamp sa tlélerminalion. Il était re-
louiiié vers le Slialiaplan, avait renoueé ;i son éla-
l)lisscment, déposé ses marchandises dans des ca-
«lies, et s'était liàté de se rendre, avec tout son
monde, à Astoria.
Ces nouvelles complétèrent le décoin'agemenl
(le Mac Dougal, et remplirent son esprit de con-
fusion. Il tint un conseil de i»uerre avec Mac
Kenzie. Quelques-uns îles Clercs y assistaient,
mais, bien entendu, n'y avaient pas voix délihé-
rative. Les deux Partners renoncèrent ii toul
espoir de se mainlcnii- à Astoria. Le Castor, di-
saient-ils, était probablement perdu : ils ne pou-
vaient recevoir aucun secours des Etals-Unis ,
dont toiis les ports allaient être bloqués ; eniin ,
on no devait attendre que des hostilités de la part
de r Angleterre. Ils se déteiminèrent donc à aban-
donnci" rÉtablissemcntdans le cours du priiîlemps
suivant, et à retourner à travers les Montagnes
Rocheuses.
En conséquence de cette résolution , ils sus-
pendirent tout commerce avec les Naturels, ex-
cepté pour des pro\isions; car ils a\aient déjà
pins de pelleleries (pTils n Cn [)()Ui raient enqior-
I
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ASToni \.
Irr, cl nv.'iit'Ml liooiii (\r louirs Iciiis m;irrli,ir. -
elisos pour noniiir rt >rlir Irur monde (liir;ml Ir
r('st(; (Ir leur srjouf ii Asloiin , cl pcndanl Icui
voyni^e à linvcrs les Monl.iijjncs. ('cpcn(hiil h
irsolnlion (ral}aii(lonner rÉtahlissomcnt fut ca-
clice aux CMii^ai^rs, de peur qu ils ne renonrasscnl
sur-lc-chainp il tout travail, et ne devinssent iti-
(piiels et insubordonnés.
MacKenzic retourna à son poste duShaliaptan,
alin de tii'cr ses marelinndiscs des caelies , et de
s'en servir à acheter des chevaux et des provisions
pour le voyage de la caravane à travers les Mon-
tagnes. Il se chargea de remettre à MM. Stuarl el
Clarkedes dépêches de Mac Dougal , (pii leur ap-
prenaient la retraite projetée , afin ([u'ils fissenl
h's préparatif. nécessaires.
Mac Kenzie était accompagné de deux des
Clercs, M. John Reed , l'Irlandais, et M. Alfred
Selon, de New- York. Ils s'emharcpièrenl dans
deux canots, contenant dix-sept hommes, et re-
montèrent la rivière sans événement remarquahic
juscpi'à leur arrivée dans le voisinage fameux des
rapides. De bonne heure dans l'après-midi ils
eurent terminé le portage du Détroit et des chutes,
et, ayant fait un maigre repas , se trouvèreni
avoir une longue^ soirée à passer.
Du c«Ué opposé de la rivière s'<''h>vail le Nillag»
mal famé de V\'ish-jam. Là >ivaicnl les Sauvages
ne
!!'
ASToltl V . iîS;»
<|ui iivaiciil \(>l<> cl in;illi.'iil('' Kcrd, 4|u;iii<i li pur-
luil SCS cic'pcclic.s (iîUiN ,s;i lioilc de rci'-l)l.'in«". On
snvnit <[iic la cai"il)iiie doul il avail vlv dépouille
claittlcmeurce, coinine \\\\ Iropliécjdatislcvillai^c.
Mac Kciizie olliil de Iraverser la livière cl d'aller
«lemandcr la cai'al)irje vsi (piel(|ii'uii voulait Tae-
eompai^ner. C'était un projet plein de léméilté,
ear ces Indiens étaient connus par leur earaclère
de scélératesse. Cependant deux volontaires se
présentèrent sur-le-cliamp, Alfred Seton, Clerc,
et Joe de la Pierre, cuisinier. Ce trio atteignit
bientôt le bord opposé de la rivière. En débar-
([uant chacun remit des amorces nouvelles h sa
carabine et à ses pistolets. Un sentier, serpentai»t
pendant une centaine de mètres parmi tics ro-
chers, conduisait au village. Personne ne semblait
s'apercevoir de leur approche. Pas un homme ,
pas une squaw, pas un enfant ne se présentait
pour les saluer. Les chiens mêmes, ces sentinelles
bruyantesd'unecité indienne, gardaient le silence.
Quand ils entrèrent dans le village un jeune gar-
çon se montra et indiqua du doigt une maison
plus grande que les autres. Nos avcuituriers furent
obligés de se courber pour y entrer. Aussitôt
qu'ils eurent passé le seuil , l'étroite entrée fut
tout-à-coup obstruée par une foule iflndiens i\\h
ne s'étaient point fait voir aupaiavant.
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AMnItI \
M.'ic l\('ii/ir ri s('> coinpiii^imiis se f l'oMv.iiciil
thiiN niK» rspiM'c (le (liiiinhi'c (rciiviroii \ iiii^l-ciiKj
|>i<'tls (le loni^ sur viiii^t de l;nij;('. A mu' «les cxIrr-
Diilôs, aiiprôs d tiii fcii iM'illaiil, ('lait assis l('(llici\
iioiiunr (l'une soixanlaiiic (rainw'cs. Un j^rand
nonihrod'liidicns, cnvclopprs de rohcs (!(• hisoiis,
«laiciil accroupis sur Irois de prolondciii", et loi-
inaiciit nu dcini-ccrclc aulour des Irois cùh'vs de
la cliaiuhi'c. l'n seul coup d'oeil sullil à nos avni
luricrs pour reniarcpier le farouche et danj^ereuv
conclave où ils s'('Maient introdulls, v.l pour leui
l'aire voir (jue loule reiraile ('fait coup(''e par la
Coule (pii avait l)lo([U('" la porte.
Le Cliel' montra à nos gens i\\\ co\r de la
chambre (|ui («lait va(\int, en i'ac(Mle la port(î , el
les enf»ai»ea à s'ass(>oii". Ils olj(Mrenl. lin silence
mortel s'ensuivil. L<'s farouches guerriers ('tai(Mil
assis en (^rclc eomrr;<' des statues. Chacun d'eux,
cnvelopp('' dans sa robe , tenait ses yeux sauvai^es
livt's sur les intrus. Ceux-ci sentirent (pi'ih'
«'laient dans une position fort danij[ereuse.
« ()bsei'V(>z le Chef pendant quî' je lui parhMai,
dit Mae Ken/ie à sescompagn(")ns. S'il donnait un
signal à sa band(^, tuez-le et i»ai^nez la porte. »
Apr(\s c(\s mots, iMac Kenzie s'avança et oH'rit
;!U Chef la pipe de paix ; mais (die fut refus(''e. Il
lit alors ini discours rc'^i^ulier, expli(pianl l'objet
4
• 1'' sii visilr, cl propoMiiil (le doniu r en «'rli.ini;)
<l(' (;i <'.ii;il)iin' «Iriix comci lun's, imr li.iclic, (|ii(l-
((lies vcrrolcrics <! du ImIkic.
Qii.'Mwl il «Mil liiii, le (lln-lsc Irva cl prit l.i ]);i-
lolc, d'iihord ;i voix h.'issc, m;iis eu Ii.missmiiI suc-
('( .ssivciDciil l<> Ion, et en srinonl.nil ii l.i lin jiis-
<|ii\-i l.i Ciircnr. Il hlnin.i (T^hord la sordide coii
(liiilcdcs iioinincs hiaiics, (pii passaient et repas-
saient sans cesse dans !(• voisinaf»edes Indiens, sans
leur doinier jamais nne eouveiim-e, iki aiieinie
Mnlre inareliandise, simplement ])aree (pi'ils n'es
péi-aienl pas de (oinrures à recevoir en écliani;c.
■ Kidin il rappela, avec des menacjvs de voni^eanee,
la mort de l'Indien tué par les lîiaiics, dans Tes-
<'armoncli(^ (I<î la cataiaele.
On approchait de la crise. Il ('lait évident (pic
l<!s Sauvai»es irattendaient cpiiin sii^nal du Clicl'
pour se précipilei" sur leur proie. Mac Kcn/i(î cl
ses compaijjnoiis s'étaient î^raducdlement h^vés sur
leurs pieds pendant (!c discours , et avai(Mit amène''
h'urs caral)incs dans une position horizontale. L<'
canon i\v celle de Mac Kenzie élait à ti'ois pieds
du corps de Toiateur. Nos aventuriers ai-mèrenl
leurs earal)ines. Le elif[netis des l)atteiies fit pâlir
poui' un instant les somhres joues du Chef sauvai^e
et il y eut un(î panse. Ils s'avancèrent fioidement,
mais pi omptetiu'nl V(îis la poil»'. Les Indiens s'é-
cartèrent avec crainte cl leur permirent de pas-
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M'i. Li' stj|<>il se l'oucli.nl j)i(''iiM''im;iil. an niomciil
oii ils soilnit'Ul de C'«' ilaiii^croux lopairc. Kii r< -
i^ai^iiaiil Iciirt'aiiol, iisprirciula pvécautiou de sui-
vre autant (jiie possible le sommet des roeliers,
vl alteiijiiirent le camp en sûreté, se l'élieitant
mutuellement d'être hors d'allàire, et ne sentant
aucun désir de rendre in)(; seconde visite aux. l'a-
rouches guerriers de Wisli-ram.
Mac Kenzie et sa brigade continuèrent leur
voyage, le lendemain matin. A quelque distance
au-dessus des cataractes de la Colombia , ils aper-
çurent deux canots trécorce, remplis d'hommes
blancs, et descendant la rivière, au chant joyeux
d'une troupe de Voyageurs canadiens. On s'ar-
rêta pour (;auser. C'était un détachement de la
CompagnieduNord-oucst, commandé parM. John
George Mac Tavish,et se dirigeant, plein d'espoir
et de bonne humeur, vers l'embouchure de la Co-
lombia^ pour y attendre l'arrivée de Tlsaac Todd.
Mac Kenzie et Mac Tavish lirent une halte , et
campèrent ensemble pour la nuit. Les Voyageurs
des deux troupes se saluèrent comme d'anciens
camarades, comme des frères, et se mêlèrent en-
semble comme s'ils avaient été unis par un com-
mun intéi'êt, au lieu d'appartenir à des Compa-
gnies rivales , et de Iraliquer sous des pavillons
ennemis.
Dans ta matinée les deux brigades pourswi> iieiil
leur roule , d'une manière analogue à leur for-
lune : l'une luttant péniblement contre le cou-
rant, l'autre se laissant gaiement entraîner par
l'onde rapide.
Mac Kenzie arriva heureusement à son poste
désert du Shahaptan ; mais il s'aperçut , h son
grand chagrin, que ses caches avaient clé décou-
vertes et pillées par les Indiens. Il se trouvait
dans un grand embarras^ car i! avait compté sur
les marchandises volées pour acheter des chevaux.
Il envoya ses hommes dans toutes les directions
pour tacher de découvrir les voleurs, et dépécha
M. Reed au poste de MM. Clarke et David Stuart,
avec les lettres de M. Mac Dougal.
La résolution de quitter Astoria , annoncée
dans ces letti^es, fut condamnée également par
Clarke et par Stuart. Ils avaient tous les deux été
heureux dans leui's postes , et trouvaient qu'il
était pusillanime d'abandonner, à la première
difhculté, une entreprise si coûteuse et qui pro-
mettait déjîi tant. Ils ne firent donc aucun arran-
£;ement pour quitter le pays, mais continuèrent
à agir de mîuiière h maintenir leurs prospères
établissements.
L'époque approchait où les Partners de l'inté-
rieur devaientse réunir à l'embouchure de la Wal-
lah-WalInh , pour yt) rendre à Astoria avec leurs
pelletorirs. M. Claïke emballa donc loules les
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■2(^0 ASTORIA.
siennes sur vingt-huit chevaux , et, laissant un
clerc avec quatre hommes à la garde du poste ,
partit le 26 mai 181 3 avec le reste de ses forces.
Le 5o, il arriva au confluent des rivières Pavion
et Lewis, où il avait laissé sa barge et ses canots ,
à la garde du vieux chef Nez -percé. Ce person-
nage s'était acquitté de sa commission plus fidè-
lement que M. Clarke ne l'avait* espéré, et les
canots furent trouvés en assez bon état. Cepen-
dant quelques réparations étaient nécessaires.
Tandis qu'elles se faisaient , la troupe campa
près du village j mais ayant eu déjà des preuves
répétées des propensions voleuses de ces Indiens ,
on avait soin d'avoir toujours Toeil sur eux.
M. Clarke était un homme grand , de bonne
mine, aimant la pompe et l'étalage, ce qui le fai-
sait remarquer par les Indiens. Dans ses confé-
rences avec eux, il affectait un air de grandeur. 11
avait un gobelet d'argent dans lequel il buvait
avec magnificence , après quoi il le renfermait
dans un grand garde-vin, qui l'accompagnait
dans ses voyages , et restait dans sa tente. C'é-
tait un présent que M. Astor avait originairement
destiné h M. Mac Kay, le Partner qui avait si
malheureusement péri avec le Tonquin; mais
comme ce gobelet n'était arrivé h Astoria qu'après
le départ du Tonquin, il était demeuré en la pos-
session de M. Clarke.
Un gobtlcl il'argcnl ('lait un hutin trop
éblouissant pour ne point donner dans l'œil aux
Nez-perces : c'était, comme la boite luisante de
John Recd , une merveille qui n'avait jamais
été vue dans le pays. Les Indiens ne parlaient
plus entre eux d'autre chose. Ils remarquaient
avec quel soin il était déposé dans le garde-vin,
comme une relique dans sa chasse , et con-
cluaient que ce devait être une grande méde-
cine. Pendant une nuit, M. Clarke négligea de
fermer la serrure de ce trésor, et le lendemain
matin le coffret sacré était ouvert : la précieuse;
relique ne s'y trouvait plus.
Clarke entra en fureur. Toutes les vexations
qu'il avait souffertes de cette pillarde commu-
nauté revinrent en foule dans son esprit. Il jura
que si le gobelet ne lui était pas promptement
rendu, il ferait pendre le voleur aussitôt qu'il
viendrait h le découvrir. Le jour se passa cepen-
dant sans qu'on vît revenir ia coupe. Le soir, des
sentinelles furent secrètement postées autour du
camp. Malgré toute leur vigilance, un Nez-perc<'>
parvint à y entrer sans être aperçu. Il se chargea
de butin, mais en faisant retraite il fut découvert
(!t saisi.
Au point du jour le coupable fut mis en juge-
ment et promptement convaincu. On le rendit
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'AC)2 ASTOnrA.
responsal)lo d<; toutes les spoliations passées , y
eompris celle du précieux gobelet, et M. Clarke
le condamna h mort.
En consécpience, on construisit un gibet avec
des rames. Le chef du village et son peuple furent
assemblés, et le coupable fut amené pieds et poings
liés. Clarke fit alors une harangue. 11 rappela
à la tribu les bienfaits dont il l'a^aif: comblée lors
de sa dernière visite; les vols nombreux et les au-
tres méfaits qu'il avait laissé passer impunis.
Le prisonnier, spécialement, avait toujours été
bien traité par les hommes blancs, et cependant
il avait été fréquemment coupable de larcin. Il
fallaitqu'il en portât la peine, et servît d'exemple
à sa tribu.
Les Indiens se rassemblèrent alors autour de
M. Clarke, et intercédèrent pour le coupable; ils
consentaient à ce qu'il fut puni sévèrement, mais
ils le suppliaient d'épargner sa vie. Les compa-
gnons de M. Clarke regardaient aussi la sentence
comme trop sévère, et l'engageaient h la mitiger.
Ce fut en vain. Il resta inexorable. Il n'était pas
naturellement sévère ni cruel; mais depuis son
enfance il avait vécu dans le pays indien, parmi
les traficants blancs, et il comptait pour rien la
vie d'un Sauvage. Il croyait d'ailleurs fermement
à la doctrine de l'intimidation.
11
ASIOUIA. 2i)J
llii clcir do Verinont, nommé Farnliam, à qui
l'on avait vole un pistolcl, agit comme exécu-
teur des hautes (ouvres. Le signal fut donné, et
le pauvre INez-percé, résistant^ se débattant, et
criant de la manière la plus ellroyable, fut lancé
dans l'élcrnilé. Les Indiens regardaient cet allreux
spectacle avec une silencieuse terreur, sans essayer
de s'opposer à l'exécution, ni sans montrer au-
cune émotion quand elle fut terminée. Ils renfer-
maient leurs sentiments dans leur sein, jusqu'à ce
([u'une occasion se présentât d'obtenir une ven-
ceance sanglante.
Pour ne rien dire de l'inuide cruauté de cet
acte , il était évidemment bien impolilique.
M. Mac Lean et trois hommes devaient retour-
ner au poste avec les chevaux , lorsque leur
charge aurait été transportée dans les canots. Ils
él aient obligés de traverser une région infestée
par ces Indiens, qui étaient de hardis cavaliers,
(;t qui pourraient les poursuivre pour tirer ven-
geance de la mort de leur compatriote. Cepen-
dant Mac Lean était un gaillard résolu et qui mé-
prisait le danger. 11 était présent, avec ses trois
hommes, à l'exécution. Ils partirent aussitôt que
la vie de la victime fut éteinte; mais, pour em-
piojer les expressions d'un de leurs camarades,
" ils ne laissrrcnl pas
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)e pousser sous
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N
y,fj4 ASTOtUA.
(( pieds de leurs clievaux, cii s'éloigiiant du pa}^s
(( des Nez-percés », cl ne turent pas fach(^s quand
ils se virent arrives sains et saufs h leur poste.
M. Clarke et sa troupe s'embarquèrent en
même temps dans leurs canots, et, de bonne
heure dans la journée suivante, atteignirent l'em-
bouchure de la Wallah-Wallah. MM. Stuart et
Mac Kenzie les y attendaient. Ce dernier avait
recouvré une partie des marchandises volées dans
ses caches. Clarke les informa de la punition si-
gnalée qu'il avait inlligée à un Nez-percé, s'atten-
dant évidemment à exciter leur admiration pour
un acte de justice si hardiment accompli dans le
centre même du pays indien. Mais il fut mortifié
de le voir fortement censuré, comme inhumain,
inutile, et devant probablement provocpier des
hostilités.
Les détachements ainsi unis formaient une es-
cadrille de deux bateaux et de six canots, qui
descendirent heureusement la rivière, et arrivè-
rent à Astoria le 1 2 juin 1 8 1 5, amenant avec eux
une riche cargaison de pelleteries.
Environ dix jours auparavant, la brigade qui
avait été établie sur les bords du Wallamot, était
revenue avec de nombreux ballots de peaux de
castor, résultat d'un séjour de peu de mois sur cette
rivière. C'étaient là les premiers fruits de l'entre-
P
él
1
rt
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ASTORIA. 295
prise. Ils .ivaiciil élé recueillis par des hommes
étrangers au pays, et pouvaient bien suffire assu-
rément pour donner de grandes espérances de
profit, quand les environs seraient mieux explo-
rés , et que le commerce avec les Indiens serait
lout-à-fait établi.
Ll
11
it
le
te
e-
CHAPITRE LUI
Los l'ai'tncis sodI im-conloiUs iIl- Mac Doutai. — (lomluilc
(■•fiuiv0(|uc de ccl ai,'(M)l. — Les Parliiors cotisciilcnl à altan-
«lonner Asloria. — Vente l'aile à Mixc 'l'avisli. — Airaiigc-
uieiils pour l'année. — JNLuiilesle signé par les Parlncis. —
Départ de IVLic Tavisli pour l'intérieui-.
Les Partners trouvèrent M. Mac Doiii^al dans
le tracas des préparatifs de départ. Neuf joins au-
paravant, il avait annoncé à la Factorerie son in-
tention d'abandonner rÉtablisscmcnt, et il avait
fixé le i"' juillet i8i5 pour se mettre en voyage.
MM. Stuart et Clarke apprii ent avec un i»rand mé-
contentement qu'il eut adopté des mesures si pré-
cipitées, sans attendre leur concours, quand il
devait savoir que leur arrivée n'était pas fort
éloicnée.
En elFet, toute la conduite de M. Mac Doucal
pouvait bien éveiller des doutes sur son dévoue-
ment h l'entreprise. Ses vieilles sympathies pour
la Compagnie du Nord-est semblaient s'être ré-
veillées. 11 avait reçu Mac Tavisli et sa biigade
avec une hospitalité extraordinaire, comme s'ils
avaient élé des amis et des alliés, (piand ils n'é-
îrsj
l;iiei)t venus i|uc pour ob,scr>cr Trial des allnirts
il Asloiia, cl pour atteutirc l'arrivée d'iii^ \ aisseau
ennemi. S'ils avaient étéabanilonnésà eux-mêmes,
ils auraient pu mourir de i'aini , faute de provi-
sions, ou être chassés par les Chinooks, cpii n'at-
tendaient qu'un sii^nal de la Factorerie pour les
traiter comme des intrus et des ennemis. Mae
Doui^al, au contraire, leur avait fait partager les
provisions de la garnison, et leur avait ac([uis la
laveur des Indiens, vu les recevant en amis.
Ayant absolument mis dans sa tète d'abandon-
ner i'Elablissement dans le cornant de l'année ,
Mac Doui^al fut ciuellement désappointé en ap-
prenant que MM. Stuart et Clarke n'avaient pas
aclielé, suivant sa demande, des provisions et des
clievaux pour servir à la caravane à travers les
montagnes. Il était alors trop tard pour faire les
préparatifs nécessaires pour les franchir avant
l'hiver, et il fallut absolument reculer l'épotpie
du départ.
Cependant la non-arrivée du vaisseau annuel,
et les appréhensions que l'on éprouvait de la perte
du Castor et de M. Munt, opéraient sur l'esprit
de MM. Stuart etClarke. Ils commençaient à écou-
ter les plaintes décourageantes de Mac Dougal,
secondé par Mac Kenzie. Ceux-ci représentaient
leur situation comme désespérée. Jetés sur une
cote barbare, néglig(\s par «eux cpii les v aA aient
1!^*
* .1
■•Lli ^»
1 nvoyôs, cnlourcs du raille périls, ils devaient se
lirer d'alHiirc eux-mêmes ou périr. C'est par de
semblables discours que MM. Stuart et Clarke
furent amenés à consentii d'abandonner le pays
l'année suivante.
Au bout de quelque temps Mac Tavish, t[ui
avait en vain attendu l'arrivée de l'IsaacTodd,
demanda à acheter à la Factorerie une petite pro-
vision de marchandises, pour faciliter son retour
il son poste sur les eaux supérieures de la Colom-
bia. Sa requête produisit une conférence enln
les Partners. Mac Doiu^al l'appuyait chaudement.
Il proposa en outre aux autres Partners de céder
à Mac Tavish, pour un prix convenable, le poste
de Spokan et toutes ses dépendances, puisque
eux-mêmes n'avaient pas assez de marchandises
pour y soutenir la concurrence de la Compagnie
du Nord-ouest. Il a été prouvé, depuis, que ce
motif était faux. Il parait, d'après les inventaires,
que le fonds des Astoriens pour l'approvisionne-
ment des postes intérieurs, était supérieur à ce-
lui de la Compagnie du Nord -ouest, de sort(^
([u'ils n'avaient rien à craindre de sa concurrence.
Grâce à l'inlluence de MM. Mac Dougal et Mae
Kenzie , celte proposition fut adoptée par les
Partners, et promptement acceptée par Mae Ta-
>ish. Les niarehan(lis(\s qui lui furent vendues
moulaient à ^, ">■[)<) irancs, qtii devaient èhe payés
AsroiHA. 3r)r)
îiu printemps suivant en chevaux , ou de toule
autre manière (|u'il eonviendrait aux Partners iU\
tiésigner à cette épocjue.
Cet arrangement étant conclu , les Partners
iormcrent leurs plans pour l'année qu'ils devaient
encore passer dans le pays. Leurs principaux oh-
jels étaient la subsistance actuelle de leur monde,
vl Tacliat de chevaux pour le voyage projeté. (Ce-
pendant ils devaient rassembler autant de pelle-
teries (|ue la diminution de leurs moyens le leur
permettrait.
Il fut donc convenu que David Stuart retour-
nerait à son ancien poste sur l'Oakinagan, et que
M. Clarke établirait son séjour parmi les Têtes-
plates. John Keed, le valeureux hibernien, devait
exploiter les environs de la rivière des Serpents,
accompagné de Pierre Dorion et de Pierre De-
la unay, comme chasseurs, el de Francis Landry,
.lean-r>aptiste Turcotte, André La Chapelle et
Gilles Leclerc, Voyageurs canadiens.
M. Mac Dougal continuait de commander à
Astoria avec une garnison de quarante hommes:
c'était le poste pour lequel on ressentait la plus
grande sollicitude, et dont il était le plus impor-
tant d'assurer la sécurité, car tous les autres en
dépendaient plus ou moins. Mac Dougal devait
tirer la plupart de ses vivres des Sauvages des
environs. Ceux-ci éLiicnt bien disposc's poiu' le
i-:^
, U'ii
)C)«> ASTOIUA.
pirsent, ni.nis il y avjiit liiMi th; criundiM' (ju'cn
il(''('Ouviaiit les besoins il(> la Facloieric et sa fai-
l)lc\ss(; réelle^ ils ne devinssent liosliles, ou loul an
moins (|u ils ne cessassent d'apporter des provi-
sions. Il était donc important de rendre la place
aussi indépendante d'eux cpie possible. Il fut en
consc([uence résolu (pie Mac Kcnzic irait lii\er-
ner, avec quatre chasseurs et huit Canadiens,
dans le paj s abondant duWallamot, d'où ils
pourraient envoyer constaimnent des provisions
à Astoria.
Comme on se trouvait avoir trop de clercs ,
pioportionnellement au nombre d'engai^és, trois
d'entre eux, Ross Cox , Ross et Mac Leilan, re-
çurent leur congé, et s'enrôlèrent au service de
la Compagnie du Nord- ouest, avec l'empresse-
ment d'hommes (pii sortent d'un vaisseau pics
de périr.
Ayant terminé tous ces arrangements, les cpia-
ire Partners signèrent, le i'^' juillet i8i5, un ma-
i)if'este formel, dans lequel ils exposaient l'état
alarmant de leurs allàires, vu la non-arrivée du
vaisseau annuel, l'absence du Castor, dont ils crai-
gnaicTit la perte, la disette de marchandises qu'ils
éprouvaient, leur peu d'espoir d'être ravitaillés,
leur ignorance de la cote, et lein* désappointement
(piant au commerce inlérieur ([ui , suiv;uit eux,
n'cHait pas en jappoi I avec les dépenses déjii
fr
i
4
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VSTOIUA. xn
l'iiih'.s, cl ne pouxiiil soulciiir la piiissiiiilc toii-
curicixT (le la Compni,Miic dti Nord-ouest.
Coiiséquemnicnl , vu l'article 16 de racle de
société, par lequel ils étaient autorisés à ahaii-
doiiner l'entreprise si, avant le terme de cinq ans,
elle se trouvait improductive, ils annonçaient
maintenant, d\ii\v manière fonnellc, l'intention
de dissoudre la Société le premier jour île juin de
l'année suivante (i8i/|i, à moins (|ue, dans l'in-
tervalle, ils ne reçussent le ravitaillement néces-
saire, avec ordre de continuer.
Ce document fut signé avec grande répugnance
par MM. Clarke et David Stuart. L'expérience
(ju'ils avalent acquise ne justifiait nullement l'ex-
posé décourageant qu'on y faisait relativement
au commerce intérieur. Ils pensaient, au con-
traire, qu'on avait déjà surmonté en grande par-
tie les premières difTieultés inhérentes à l'explora-
tion d'une contiée sauvage et incoiniue, où il
fallait d'abord découvrir les endroits les plus fa-
vorables au trappagc et au commerce. Cependant
ils se laissèrent décitler par les instances pressan-
tes de Mac Dougal et de Mac Kenzie, ((ui, ayant
résolu d'abandonner l'entreprise, tiésiraient en
donner des motifs spécieux, afin d'excuser leur
conduite aux yeux de M. Aslor et du monde
entier.
Mac Tavisli, qui devait partir le f» juillet , fut
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II
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'tir ijM
I .,.
J02
ASTOniA.
haigé de cet acte, el de lelUes parlloulières ré-
digées dans le même esprit. Il promit de les faire
tenir à M. Astor par l'exprès de la Compagnie
du Nord-ouest envoyé, chaque hiver, à l ivers
les Montagnes.
CHAPITRE LI\.
Anxietcs de M. Astor. - 11 apprend qnc les Anglais prépaient
nne expédition navale eonlre Astoria. ~ Jl den.an.le protec-
tion an Gouvernement an.éiicain. - La fn-gatc Adanis est
équipée. - iJonnes nouvelles. —Désappointement.
Tandis que ces difficultés et ces désastres s'a-
massaient autour de l'établissement naissant d'As-
toria , son fondateur était en proie h la plus grande
anxiété, dans sa résidence de New- York. L'Alouet-
te, dépêchée par lui avec des provisions pour
l'Établissement, avait mis à la voile leGmars i8i5.
Peu de jours après, M. Astor avait reçu des nou-
velles qui justifiaient toutes ses appréhensions
d'hostilités de la part du Gouvernement anglais.
La Compagnie du Nord-ouest avait présenté à ce
Gouvernement un second mémoire où elle dé-
peignait Astoria comme un des établissements
américains les plus menaçants, où elle agrandis-
sait le vaste champ de ses opérations futures, où
elle grossissait la force de ses fortifications, et
exprimait enfin la crainte que ce comptoir ne
causât un jour la ruine du commerce anglais des
fourrures.
Influencé par ces représentations, le Gouver-
nement britannique ordonna de détacher la fré-
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■"jo/i ASToniA,
<»ato la Pli()('l)(', pour servir trcscorte au vaisseau
armé l'Isaac Todtl , ([ui était prêt à iairc voile
avec des hommes et des munitions, pour fonder
un nouvel établissement. Ils devaient se rendre,
(usemble, à l'embouchure de la Colombia, cap-
turer ou détruire toute forteresse américaine
c[u'ils y trouveraient, et planter leur pavillon sur
ses ruines.
Informé de ces projets, M. Aslor ne perdit pas
de temps pour adresser au secrétaire d'État une
seconde lettre, dans laquelle il lui communiquait
ces nouvelles, et le priait d'en faire part au Pré-
sident. Sa lettre précédente n'ajant reçu aucune
réponse, il se contenta de cette simple communi-
cation, et ne fit pas d'autre demande de secours.
Réveillé à la (in par le danger qui menaçait
l'établissement d'Astoria, et comprenant l'im-
portance de conserver sur les bords de l'Océan
Pacifique un point d'appui pour le commerce et
pour la marine des Etats-Unis, le Gouvernement
américain se décida à envoyer, poui* ce service,
la frégate Adams, capitaine Crâne. En apprenant
celte détermination, M. Astor s'empressa d'équi-
per un vaisseau, appelé l'Entrepiise, afin de faire
porter de nouveaux renforts à Astoria, sous l'es-
corte de la frégate Adams.
Vers le milieu de juin, tandis ((u'il s'occupait
de CCS piéparatifs, il recul de M. Hoberl Sluart
'0
ASTORIA. 3o5
une lettre datée de Saint-Louis, i" mai i8i3.
Cette lettre eonfirmait la nouvelle déjà rapportée
par les journaux, de l'arrivée de M. Hunt h As-
toria , et du retour heureux de M. Stuart; elle
contenait en outre le compte le plus llatteur de
la prospérité de l'entreprise.
L'anxiété de M. Astor pour le succès de ce
grand objet de son ambition avait été si profonde,
qu'il fut presque accablé par ces bonnes nou-
velles. uJe fus près, dit-il, de tomber à genoux
dans un transport do gratitude. »
Il apprit en même temps que le Castor avait
fait un bon voyage de New- York à la Colombia.
Ce fut un nouveau sujet d'espérance pour le bien-
être de la petite colonie. Le poste, ainsi renforcé,
était commandé par un Américain; un vaisseau
de guerre était prêt à faire voile pour le proté-
ger; son avenir semblait donc plein d'espérance,
et M. Astor s'occupa avec une nouvelle vigueur
d'équiper son vaisseau marchand.
Malheureusement pour Astoria , ce brillant
rayon de prospérité fut bien vite obscurci par des
nuages. Pjécisément lorsque l'Adams eut reçu
son complément d'hommes, et lorsque les deux
vaisseaux furent sur le point de mettre en mer,
le Commodore Chauncey, qui commandait sur le
lac Ontario, demanda un renfort de marins. ï^a
demande était urgente; l'équipage de l'Adams fut
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ASTOIIIA.
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immédiaicmcut requis pour ce service, cl le vais-
seau ne put partir.
Malgré ce malheureux eontre-lemps M. Astor
ne se laissa pas décourager. Il résolut d'envoyer
l'Entreprise, sans protection, et de lui laisser
courir les chances tle capture pendant son trajet
solitaire à travers l'Océan. Mais, justement h
cette épocjue, une escadre anglaise parut au-delà
de lïook , et le port de New- York se trouva blo-
qué. Envoyer un vaisseau en mer dans ces con-
jonctures, c'était l'exposer à une perte presque
certaine. L'Entreprise fut donc déchargée, et
M. Astor fut obligé de s'en consoler en espérant
que l'Alouette pourrait atteindre heureusement
Astoria. Moyennant ce renfort, et sous la bonne
conduite de M. Hunt et de ses associés, il se tlat-
tait que la petite colonie serait capable de se sou-
tenir par elle-même jusqu'au retour de la paix.
Si
CHAPITRE LV.
Allaircs tl'Ktat à Astoria. — Mac Doutai dcmaiide lu m;;;n crmio
princesse iiulicnne. — Il envoie une ambassade à Coniconily.
-- Itlées matrimoniales «les Cliinooks. — Dot. - La mariée
est amenée an fort. l/hahile hcan-pèie. — Ariivi'e de
M. Hunt à Astoria. ,
Nous avons eu jusqu'ici à raconter tant d'évé-
iieineiits sombres et désastreux, que nous éprou-
vons une satisfaction momentanée en arrivant à
quelque chose d'une nature plus agréable, et en
rapportant le premier, ou plutôt le seul mariage
du grand inonde i.\\.ù ait eu lieu dans l Établisse-
ment naissant d' Astoria.
Mac Dougal , à ce qu'il parait, était un faiseur
de projets, possédé d'une ambition démesurée,
quoiqu'un peu irréi>ulière. Il conçut la pensée de
rechercher la main d'une des princesses abori-
gènes. C'était une fille du potentat borgne qui
régnait sur la tribu ichthj'ophage des Chinoooks,
et qui fournissait depuis longtemps la Factorerie
d'éperlans de mer et d'esturgeons.
Quelques récits donnent une origine roman-
tique à cette alfaire, et la font remonter juscju'à
'ém
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Si
3o8 ASTonrA.
In nuit orageuse où Mac Dougal , clans le cours
d'une expédition exploratrice, avait été forcé par
la tempête de chercher un abri dans la royale
demeure de Comcomly. Là , pour la première
fois, il aurait été ébloui par les charmes de cette
princesse pêcheuse, tandis qu'elle s'efforçait de
bien recevoir les hôtes de son père.
D'un autre côté , le Journal dAstoria , tenu
sous les yeux de Mac Dougal , enregistre cette
union comme une affaire d'Etat , et comme un
grand trait de politique. La Factorerie pour ses
provisions dépendait principalement des Chinooks;
ils avaient été jusqu'alors bien disposés, mais on
craignait qu'ils ne changeassent, s'ils venaient à
découvrir la faiblesse de la garnison , les besoins
de l'Établissement, et l'intention où Ton était de
quitter le pays. Cette alliance, au contraire, de-
vait à jamais rattacher Comcomly, et la puissante
tribu des Chinoolcs, aux intérêts des Astoriens.
Quoi qu'il en puisse être , car il est difficile de
sonder la profonde politique des gouverneurs et
des princes , Mac Dougal dépêcha deux de ses
Clercs comme ambassadeurs extraordinaires, pour
fairedes ouvertures au Chef borgne, relativement
à la main de sa fille.
Quoique les Chinooks ne soient point une
nation bien raffinée, ils ont sur les arrangements
matrimoniaux des idées qui ne déshonoreraient
La
A.SiOUIA. 3(K)
pas les ainaleui's les plus dcteiniinôs ilc dot el tic
coiilral. Li; piotcnilaiit se rend , non pas au
boudoir de sa maîtresse, mais à la loge du père,
aux pieds du(|ucl il dépose ses présents. Ses désirs
sont alors expli(|ués par (pielque ami diseret ,
choisi par lui poui* cet olïice. Si le prétendant el
ses présents trouvent giàce aux jeux du père ,
celui-ci expose la chose à la jeune pei sonne , et
s'enquiert de l'état de ses inclinations. Si sa ré-
ponse esl favorable, la demande est acceptée, et
le prétendant fait au père, selon la beauté et le
mérite de la future, de nouveaux présents de clie
vaux, de canots, elc. Il reçoit à son tour des pré-
sents de la même nature quand le mariage esl
consommé.
Nous avons eu plus d'une occasion de parler
de riiabiletéde Concomiy. Jamais elle nes'exeiça
plus adroilement que dans cette circonstance. Il
était grand ami de Mac Dougal, et charmé de
l'idée d'avoir un gendre si distingué. Mais une
telle occasion d'augmenter sa fortune ne devait
probablement pas se représenter une seconde fois,
et il résolut d'en tirer le meilleur parti possible.
La négociation fut donc prolongée avec une
science véritablement diplomatique. Les ambassa-
deurs tinrent conférence sur conférence. Com-
comly faisait des demandes extravagantes, et esti-
mait au plus haut prix les charmes de sa lille. Il
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3lO ASTORIA.
est VI ni qu'on la rt'prcsente comme ayant unt; des
têtes les plus plates et les plus aristocratiques de la
tribu. A la (in, pourtant, les préliminaires furent
heureusement ajustés. Le 20 juillet, dans l'après-
midi, une escadrille de canots arriva du village des
Chinooks, apportant la royale famille de Com-
comly et toute sa cour.
Le digne sachem, paré d'une couverture bleue
et d'une culotte rouge, orné d'une quantité ex-
traordinaire de peinture et de plumes , accom-
pagné d'une longue suite de guerriers et de nobles
à demi nus , débarqua avec une pompe impériale.
Un cheval attendait la Princesse. Elle monta en
croupe derrière un des Clercs, et fut ainsi trans-
portée, timide, mais consentante, à la forteresse.
Elle y fut reçue avec une joie vive par son futur
brûlant d'impatience.
Cependant, ses ornements nuptiaux causèrent
d'abord un peu d'embarras, car elle s'était ointe
et peinte pour la circonstance , suivant les
modes chinooks. Mais, grâce à de nombreuses
ablutions, elle fut débarrassée de toute couleur,
comme de toute odeur factices, et lorsqu'elle
entra dans l'état matrimonial, c'était la princesse
la plus propre qui eût jamais existé dans la tribu
un peu onctueuse des Chinooks.
Depuis cette époque Comcomly ne manqua pas de
venir chaque jour au fort, et fut admis aux conseils
i
1"
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la
ASTOHIA. 5l I
l«*s plus intimes de son i»endre. Il prenait intérêt à
tout ce ([u'on faisait, et rendait surtout de fré-
(juentes visites au forijeron, dont il employait
l'habileté à fabriquer toutes sortes d'armes et d'us-
tensiles appropriés à l'état sauvage. Les alïhires les
plus intentes de la Factorerie en souffraient bien
({uelquefois, mais le moj'en de refuser le père de
MU cesse i
?
la Pi
La lune de miel était ii peine écoulée, et Mac
Dougal était assis avec son épouse dans la forte-
resse d'Astoria, quand le 20 août 181 3, vers midi,
Gassacop, fds de Comcomly, entra précipitam-
ment, et annonça, avec grande agitation, qu'il y
avait un vaisseau h l'embouchure de la rivière.
Etait-ce un messager de paix ou de guerre?
Etait-il américain ou anglais? Était-ce le Castor
ou risaac Todd? Mac Dougal descendit prompte-
ment au bord de l'eau, se jeta dans un bateau, et
ordonna de ramer vigoureusement vers l'embou-
chure du havre. Ceux qui étaient restés dans le
fort examinaient avec anxiété l'entrée de la rivière,
pour savoir s'il fallait se préparer h féliciter des
amis ou à combattre des ennemis. A la lin, on
aperçut un vaisseau qui traversait la barre et qui
se dirigeait vers Astoria. Tous les regards restè-
rent silencieusement fixés surlui, jusqu'au moment
où ou reconnut le pavillon américain. Unjoj'eux
hourra s'échappa alors de toutes les bouches, et
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5l2 ASTOIUA.
bien lot le canon du fort fit entendre un bru^ani
salut.
Le vaisseau jeta l'ancre du côte oppose de In
rivière, et rendit le salut. Le bateau de Mac
Dougal l'aboixia, et on ne le vit revenir que le
soir. Les Astoriens le suivaient des yeux pour dé-
couvrir quelles personnes il rapportait, mais le
soleil s'enfonça dans la mer et la nuit vint
avant qu'ils pussent satisfaire leur avide curiosité.
A la fin, le bateau atteignit le bord, et M. Hunt
descendit sur le rivage. Il fut salué comme s'il
était revenu de l'autre monde, et son retour fut
célébré par des réjouissances presque aussi grandes
que celles des noces de Mac Dougal.
Nous allons maintenant raconter les causes de
sa longue absence, pendant laquelle avaient été
faites tant de suppositions sombres et découra-
geantes.
r
CHAPITRE LVI.
Voyage du Castor à Ncw-Arcliangel. — Un gouverneur russe.
— Marelles bachiques. — Voyagean Kanitschatka. — Pêcherie
de l'île Saint-Paul. — Tempête. — M. Hunt est laissé aux
îJes Sandwich. —Opérations du capitaine Sovvic à Canton —
Retour de M. Hunt à Asloria.
Lorsque le Castor quitta Asloria , le 4 ^o^^t
1812, il devait suivre la côte vers le nord jusqu'à
Shcelka, ou New-Arcliaiigel , afin d'y déposer
une partie de sa cargaison, destinée à ravitailler
l'établissement russe. 11 devait ensuite revenir à
Astoria, où l'on pensait qu'il arriverait en oc-
tobre.
?îew-Archangel est situé par 57" 2' de latitude
nord. C'était le quartier général des difFérentes
colonies de la Compagnie russe des fourrures, et
\v commun rendez-vous des vaisseaux américains
trnifiquant le long de la côte.
Le Castor arriva à New-Archangel le 19 août_,
sans avoir eu d'aventures remarquables. Le comte
Baranhoff, gouverneur des divers établissements
russes, faisait alors sa résidence dans ce comptoir.
C'était un vieux Russe, grossier, ivrogne, mais
franc et hospitalier; moitié marchand, moitié
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sold.'il, cl par-dessus tout l)on ('oinpn^iioii, de \.i
vieille écolv. tapageuse.
M. Ilunt trouva ce vétéran h^'perhoréeu tians
un fort (pli couronnait tou te la eréle d'un promon-
toire élevé, et (pii , armé décent canons, était
imprenable pour des Indiens. Le vieux i»ouver-
neur régnait sur soixante liasses qui formaient le
nojaudeson comptoir, et sur un nombre indéfini
de chasseurs Kodiaks , qui rôdaient continuelle-
ment autour du fort , comme autant de chiens
aifamés autour du quartier-général d'une troupe
de chasseurs. Quoique le Gouverneur fût un bon
enfant parmi ses hôtes , c'était un strict observa-
teur de la discipline pour ses hommes. Il les main-
tenait dans une parfaite sujétion, et faisait monter
la garde à sept d'entie eux nuit et jour.
Outre ces sujets et ces serfs immédiats, le vieux
potentat russe exerçait encore beaucoup d'empire
sur une classe nombreuse de marchands inter-
lopes, qui avaient recours à lui pour obtenir aide
et protection. Grâce à ceux-ci, on pouvait dire
i[ue son pouvoir s'étendait sur loute la côte du
Nord-ouest. C'étaient des capitames de vaisseaux
améric'iins , engagés dans un commerce particu-
lier. Ils arrivaient à New^-Archangel pour ainsi
dire à vide. Là, ils prenaient sur leur vaisseau une
cinquantaine de canots avec une centaine de chas-
seurs Kodiaks; ils re(*evaient également des pro-
\sroiiiA. 5 1.5
visions cl louU'sl(!s cliosos iioorssairrs pourclinsscr
les loulres de nu'r sur les côtes do la CaliCoi-nic ,
où les Russes ont aussi un étaMi<'*enient. Le
vaisseau partait alors; il côto^'ait la Californie et
y (Icposair, de distance en distance, des canols et
des chasseurs h qui l'on ne fournissait (jue de l'eau,
et (jui dépendaient de leur propre adresse pour
leur subsistance. Quand le capitaine supposait
qu'un nombre de peaux suffisant devait être ras-
semblé, il recueillait ses canots, ses chasseurs, et
retouinait avec eux à New-Archaiigel , où il re-
mettait les produits de son voyage, recevant pour
sa part la moitié des fourrures.
Comitie nous l'avons dit, le vieux Gouverneur
exerçait sur ces capitaines côtiers une sorte d'em-
pire, mais d'une nature toute spéciale. C'était la
tj'rannie de la table. Ils étaient obligés do prendre
part h ses jyrosnics ou carroasses , et de boire à
sa fantaisie. Or ses earrousses n'étaient pas de
l'espèce la plus tranquille , et sa boisson n'était
pas douce comme nectar, a II donne continuelle-
ment des galas, dit M. Hunl, et si vous ne buvez
pas du rhum sec et du punch bouillant, il vous
insulte aussitôt (ju'il est gris, c'est-h-dire fort peu
de temps après s'être mis h table. »
Que s'il se trouvait quelcjue capitaine de la
société de tempérance, qui refusât d'entacher sa
solM'iélé ; il pouvait aller chcrclui un niarclu'
CL''
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'M
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■ f'''»*!!.
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■|;|
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'S?.
5l() ASTOUIA.
ailleurs, car il n'avait aucune (chance avec le Gou
vcrneur. Il est vrai ([uc de semblables poules
mouillées souillaient rarement la présence du
vieux BaranliolF; les capitaines côtiers connais-
saient trop bien son humeur et leur intérêt. Ils
prenaient part à ses fêtes; ils buvaient, ils chan-
taient, ils hurlaient, jusqu'à ce que tout le monde
fut dans les vignes du Seigneur, et alors les
affaires allaient comme sur des roulettes.
FiCS têtes faibles avaient reçu, peu de temps
avant l'arrivée de M. Hunt, un terrible avertisse-
ment. Un jeune officier de marine avait récem-
ment été envoyé par l'Empereur pour prendre
le commandement d'un des vaisseaux de la Corn
pagnie. Le Gouverneur, comme h l'ordinaire,
l'invita h ses prosnics, et voulut le régaler de
quelque chose de raide. Le jeune homme se dé-
fendit jusqu'à ce que la colère du vieux Comte
fut tout-à-fait allumée. Le vétéran l'emporta en-
fin et grisa l'autre bon gré, mal gré. A mesure
qu'ils s'enivraient, ils devenaient plus bruyants
et finirent par se quereller sérieusement. Le jeune
homme paya le vieux BaranhofFdans sa propre
monnaie en le frappant vigoureusement. Mais
([uand celui-ci fut dégrisé, il lui fit administrer pour
sa récompense soixante-dix-neuf coups de knoul,
mesurés avec une ponctualité tout -à-fait russe.
Tel était le vieux ours Idanc h ([ui M. Hunt
êi
AS'IOIIIA. 5i7
avait alliiiiT. Coinnient il s'arrangea do son hu-
meur , s'il lui fit raison en rhum se(r et en pmicl»
brûlant, et s'il trinqua avec lui en faisant ses
marchés, nous n'en voyons rien sur son journal.
INous devons inférer cependant de ses observa-
tions générales sur l'empire absolu de ce poten-
tat altéré, qu'il fut obligé de se «îonformer aux
usages de la Cour, et cjue leurs transactions com-
merciales présentaient un grotesque mélange de
punch et de peaux.
Cependant ce qui contrariait le plus M. Hunt,
c'étaient les retards qu'il éprouvait h disposer de
la carrraison de son navire et à en obtenir le
prix. Malgré toute la dévotion du Gouverneur à
la bouteille, elle n'offusquait jamais ses facultés
de manière à lui faire oublier ses intércts_, et
M. Hunt le représente comme aussi rusé dans
ses marchés que le plus méchant buveur d'eau.
Beaucoup de temps se passa à négocier avec lui,
et lorsque le traité fut conclu, le mois d'oc-
tobre était arrivé. Pour ajouter à ces délais , il
fut convenu que la cargaison serait payée en
peaux de veaux marins. Or, il se trouva qu'il n'y
avait aucune de ces peaux au fort du vieux Ba-
ranhoff. ïl fallut donc (pie M. Hunt se rendît à
un établissement pour la pêche du veau marin,
(armé par la Compagnie russe sur l'île de Saint-
Paul, ilans la mer du Kamlschatka. M. Hunt mit
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5i8 ASToniv.
à la voilo lo j octobre, après avoir passé (ju.iranlo-
cinq jours à boire et à trafiquer avec le sobre
commandant. Encore s'estima-1-il l'ort heureux
iTctre tiré des £»riires de cet .< homme de la mer. »
Le Castor arriva ù Saine-Paul le Si octobre,
époque à laquelle il aurait du ètic de retour à
Astoria. L'ile Saint-Paul est située par 67 degrés
de» latitude nord. Les rivages, dans certaines sai-
sons, sont couverts de veaux marins. Les Russes
prennent seulement les petits, âgés de sept à dix
mois, gardent les mâles et donnent la liberté
aux femelles pour que la race ne diminue point.
Les insulaires tuent les gros pour les manger
et pour faîre des canots de leur peau. Ils les
chassent du bord de la mer^ par-dessus les ro-
cl.^/s, jusqu'auprès de leurs habitations, et les
égorgent alors. Par ce mo^'en ils s'épargnent la
peine de les transporter. Après les avoir écorchés
tous , on sépare de la chair les entrailles et la
graisse huileuse. Cette graisse, avec le bois ilotté,
sert à faire du feu, car l'ile est entièrement dé-
nuée d'arbres. Quant h la chair, elle compose la
principale nourriture des Naturels, qui y joignent
des œufs d'oiseaux de mer conservés dans de
l'huile, quelques lions marins attrapés par aven-
ture, quelques canards dans l'hiver, ei certaines
racines sauvages.
Sept Russes et une certaine quantité de chas-
AS roui A II ()
scurs, nalils dOonnlaska, hahilairnt l'ilr Saint-
Paul avec leurs (ainillcs. Leurs cahaiies ressem
blaleiit à des canots renversés, et la plupart élaienl
construites avec des mâchoires de baleine qui
servaient de solives. Des morceaux de bois flotté,
placés en travers, étaient recouverts d'herbe, de
peaux et enfin de terre. Mali»rc la rigueur du cli-
mat,, ces huttes étaient tout-à-fait comfortables ,
mais elles avaient une odeur de marée aussi forte,
nous dit-on, « que celle du logement de Jonas
dans la baleine. »
M. Hunt habitait de temps en temps une de
s odoriférantes demeures , afin d'être plus à
portée de hâter le chargement du vaisseau. Ce-
pendant l'opération était assez lente, car il fallait
examiner chaque paquet , afin de n'être point
trompé : puis il fallait transporter les pelleteries
dans de grands bateaux de peaux, jusqu'au na-
vire qui se tenait à une certaine distance du ri-
vage. Une nuit, tandis que M. Hunt était à terre
avec quelfjues autres personnes de l'équipage, il
s'élev.'^ ivt 0 âge terrible. Quand le jour arriva le
vaissLi A M'Ai disparu. M. Hunt, rempli d'anxiété,
le chercha jtrr ju'à la nuit sur la vaste étendue de
l'Océan; mais ce fut en vain. Pendant plusieurs
jours, il alla chaque matin contempler trislement
ces ondes mugissantes , mais il n'apercevait rien
que des vagues sombres et un firmament charité
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J2.0 ASTORIA.
de toutes les menaces ilu nord. Le soir, il se reti-
rait sous les mâchoires de baleine, et se couchait
désolé sur des peaux de veaux marins.
Enfin, le i?> novembre, le Castor reparut, mais
très fatigué par les tourmentes qu'il avait subies
dans ces mers hyperboréennes. Pour se mainte-
nir dans ces parages, il avait été obligé de mettre
des voiles dehors, malgré la violence du vent, et
avait par conséquent beaucoup souffert dans sa
voilure et dans ses manoeuvres. ,
M. Hunt se hâta t ^'.'ve transporter le reste
de sa cargaison; puis, a. ^nt adieu à ses amis les
mangeurs de phoques et à leurs habitations d'os
de baleines, il se remit encore une fois en mer.
Il était alors en route pour retourner à Asto-
ria, et il aurait été heureux pour les intérêts de
l'Établissement et de son fondateur, qu'il y fût
effectivement retourné; mais, malheureusement,
une question embarrassante s'éleva dans son es-
prit. Les voiles et les manœuvres du Castor avaient
été fort endommagées par la dernière tempête.
Serait-il capable de résister aux violents coups de
vent auxquels on devait s'attendre en se dirigeant,
h cette époque de l'année, vers la Colombia? Était-
il prudent, dans cette saison tempétueuse, de
compromettre la riche cargaison (|ue le vaisseau
contenait déjà , en passant et en repassant la barre
dangereuse de cette rivière.'* Ces doutes étaient
ASTOHIA. 321
probabiemciil suggéiTs et appuyés par le capi-
taine Sowle, (jui, comme nous l'avons déjà vu,
était doué d'un excès de prudence, ou plutôt de
timidité. Ils peuvent avoir eu quelque poids sur
l'esprit de M. Hunt, mais il y avait d'autres con-
sidérations qui l'influençaient tlavantage. Les dé-
lais imprévus que le navire avait éprouvés h New^-
Archangel, et le temps qu'il avait perdu par l'o-
bligation d'aller jusqu'à l'île Saint-Paul, l'avaient
tellement retardé, ([u'il courait risque, en arri-
vant si tard à Canton, de ne trouver qu'un mau-
vais marché, tant pour la vente des pelleteries que
pour l'achat d'une cargaison de retour. M. Hunt
croyait donc que l'intérêt de la Compagnie exigeait
qu'il se rendît avec le vaisseau aux îles Sandwich,
et qu'il s'y fit débarquer, afin de laisser le Castor
continuer immédiatement sa route vers Canton.
Lui-même pouvait attendre dans l'Archipel le
vaisseau annuel de New^-York, pour revenir à
Astoria.
D'un autre côté, il était détourné de celte mar-
che par ses engagements, par le plan de voyage
tracé au Castor dans les instructions de M. Astor,
par sa propre inclination, par la possibilité que
l'Etablissement eût besoin de sa présence, ot par
la pensée qu'il devait y avoir dc^'à à Astoria une
grande quantité de pelleteries n'attendant que le
relourdu Caslorpourètretransportées ;iu marché.
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322 ASTORIA.
Ces questionii cmiKiiTnssanles agitaient l'ospiil
(le M. Iliiiil, et lui inspiraient des réllexions plei-
nes de sollicitude ; car c'était un homme conscien-
cieux , qui païaît avoir toujours eu en vue le fidèle
accomplissement de ses devoirs, et l'intérêt de ses
commettants. La détermination qu'il prit dans
cette circonstance ne fut pas judicieuse, et l'évé-
nement le prouva : mais il s'était persuadé qu'il y
avait nécessité de porter vers les îles Sandwich,
et que l'état de délabrement du vaisseau ne lui
laissait pas d'autre alternative. Peut-être, d'ail-
leurs, ne fit-il que céder aux représentations du
timide Capitaine. Quoi qu'il en soit, on se dirigea
vers les iles Sandwich, et on jeta l'ancre à Woahoo.
Le vaisseau y subit les réparations nécessaires,
et remit en mer le i^' janvier 181 5, laissant
M. Hunt dans l'ile. Nous suivrons le Castor à
Canton , car sa destinée est liée au tissu d'infor-
tunes et de contre-temps qui paralj^sèrent la
grande entreprise que nous racontons. La on-
duite de son capitaine peut servir, d'ailleurs, à
démontrer les inconvénients qu'il y a à ce que les
commandants de vaisseau agissent contrairement
à leurs ordres.
Le Castor arriva heureusement à Canton, et
son capitaine y trouva une lettre de M. Astor,
qui l'informait de la guerre et le chargeait d'en
porter la nouvelle à Asloria. Soit obstination,
AsroHiA. ?>'ir>
soit timiililé, il ik; voulut pus ixéculer les ordre s
tl(! M. AsJor, et lui ôcTivil qu'il al tendrait en
Chine le retour de la paix , et retournerait ensuite
à New- York. Les autres mesures du capitaine
Sowle furent également maladroites et malheu-
reuses. On lui olli'it 760,0(^0 fr. des fourrures
qu'il avait à bord du Castor. Les marchandises
avec lesquelles on se les était procurées n'avaient
coûté que i 25,ooo fr,, à New- York. Si le Capi-
taine avait accepté cette oHVe , et avait employé
In somme en nankins (qui , à cette époque, étaient
tombés aux deux tiers de leur prix ordinaire , à
cause de la guerre), ces nankins auraient valu à
New- York i,5oo,ooo fr. !î est vrai que la guerre
rendait peu sûr de tenter le retour; mais le Capi
laine aurait pu mettre ses nankins en magasin à
Canlon, et faire voile pour Astoria, sans crainte
de capture. Il aurait appris aux Partners la nou-
velle des grands profits réalisés sur sa cargaison ,
et de ceux encore plus grands qu'on pouvait espé-
rer des marchandises de remplacement. De si bril-
lants avantages dès le commencement de l'en-
treprise auraient contre-balancé la sombre in-
tluence de la guerre, et auraient rempli tous les
esprits de courage et de persévérance. Au lieu de
cela le capitaine SowIc, hésitant el marchandant
pour obtenir un meilleur prix, refusa rolfre de
750,000 fr. qui lui avait été faite. Cependant la
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32/j ASTORIA.
valeur des pelleteries commença à baisser : cela ne
fit qu'augmenter son irrésolution. Enfin elles
tombèrent si bas, qu'il ne voulut plus vendre du
tout. 11 emprunta de l'argent à dix-huit pour
cent, au compte de M. Astor, < t désarma son
vaisseau pour attendre le retour de la paix.
Cependant M. Ilunt avait eu bientôt dés motifs
de se repentir d'avoir changé la marche du Castor,
car sa résidence aux îles Sandwich se prolongeait
bien au-delà de ses calculs. Durant tout le prin-
temps il attendit en vain le vaisseau annuel. Lui
aussi commençait h reconnaître combien il avait
eu tort de s'écarter des ordres précis de M. Astor.
S'il était retourné de Saint-Paul h Asloria , il au-
rait prévenu toute l'anxiété qu'on avait éprouvée
sur son compte, tout le découragement qui s'était
répandu sur l'entreprise entière; enfin le Castor
aurait pris les fourrures rassemblées h la Facto-
rerie, et les aurait transportées h Canton ; de sorte
qu'il en serait résulté de grands bénéfices, au lieu
de grandes pertes. La plus grande erreur, toute-
fois, fui celle commise par le capitaine Sowle.
Vers le 20 du mois de juin, le vaisseau l'Alba-
tross, capitaine Smith, arriva de la Chine, et ap-
porta aux îles Sandv\rich les premières nouvelles
de \iK guerre. M. Hunt ne fut plus en doute, dès
lors, sur la cause qui avait empêché le vaisseau
annuel d'arriver. Ses premières pensées furent
T
AoTOllIA. 325
pour le bien-êlre d'Astoria. Imaginant qu'on de-
vait y avoir besoin de vivres, il nolisa l'Albatross,
au prix de 10,000 fr., pour se l'aire transporter,
avec quelques provisions , à l'embouchure de la
Colombia. Il y arriva , comme nous l'avons vu , le
20 août 1 8 1 3, après une année d'aventures mari-
times, qui auraient pu fournir un chapitre aux
voyages de Sindbad le marin.
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CHAPITRE LVII.
Arrangements pris par les Partners. — M. Hunt re|)art dans
l'Albatross. — Jl arrive aux îles Maïquesas. — Il appienii tles
nouvelles de la frégate anglaise la Phœbé. — Il se rend aux
îles Sandwich. — Voyage de l'Alouette. — Son naufrage. —
Conduite de Tamaahmaah et des insulaires envers les nau-
fragés.
M. Hunt fui accablé de surprise quand il apprit
que les Partners avaient résolu d'abandonner
Astoria. Cependant il s'aperçut bientôt que les
choses avaient été trop loin, et que cette mesure
était trop arrêtée dans l'esprit de ses co-partners,
pour qu'aucune opposition de sa part pût y mettre
obstacle. Il était ébranlé d'ailleurs par les rapports
décourai^eants qu'on lui faisait sur le commerce in-
térieur, etqu'on avait déjà envoyés à M. Astor. Lui-
même avait éprouvé bien des perplexités, bien du
découragement. Il avait une consciencieuse sollici-
tude pour les intérêts de M. Astor, et ne compre-
nant point ses vues élevées, ni son habitude d'o-
pérer avec de grands capitaux , il avait été effrayé,
dès le commencement, par l'énorme mise de fonds
qui était nécessaire. Il avait ensuite été décourage
parles pertes souffertes, qui lui paraissaient d'uno
^
\SltHUA. 527
s>raiKleur ruineuse. Par degrés donc il (ut amené à
acquiescer à la résolution prise par ses collègues,
comme étant, peut-être, nécessitée par la gravité
des circonstances. Son unique souci devint alors
de terminer l'affaire avec le moins de perte pos-
sible pour M. Astor.
Une grande quantité de riches fourrures étaient
rassemblées à la Factorerie, et il était nécessaire
de les faiie parvenir sur un marché. II y avait
aussi viugt cincj insulaires sandwichiens employés
par la Compagnie et qu'elle s'était obligée à ren-
voyer dans leur pays natal. Ces deux objets im-
posaient la nécessité de se procuier un vaisseau.
L'Albatross était destiné pour les des Marque-
sas, et de là pour l'archipel Sandwich. Il fut dé-
cidé que M. Hunt s'y embarquerait pour aller à la
recherche d'un bâtiment, et reviendrait, s'il était
possible, avant le 1" janvier i8i/| , amenant avec
lui un renfort de provisions. Cependant, si quel-
que cht>se l'empêchait de revenir, il était convenu
qu'on proposerait un arrangement à Mac Tavish,
pour transférer, du service de la Compagnie amé-
ricaine des Fourrures à celui de la Compagnie du
Nord-ouest, ceux des hommes qui consentiraient
à cet arrangement. Dans ce cas, Mac Tavish de-
venait responsable de leurs gages, et devait rece-
voir un équivalent en marchandises des magasins
de la Factorerie. Comme un moyen de faciliter
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rcxpétlilion k; cctlo alïhire, M. Mac Doui^al pro-
posa que tout raiTai)f»ement avec Mac Tavisli iïit
condé à lui seul , clans le cas où M. lïunt ne serait
pas revenu. On y consentit, cette dernière cir-
constance étant regardée comme possible, mais
comme peu prohalilc».
11 convient de remar(|uer ici que déjii trois
des Clercs, qui étaient Ant^lais, avaient passe au
service de la Compagnie du Nord-ouest, du con-
sentement de MacDougal, et étaient partis avec
Mac Tavish pour son poste de l'intérieur, aussi-
tôt que l'intention de dissoudrvî l'association avait
été annoncée.
Après avoir demeuré six jours à Astoria pour
arranger toutes ces affaires, M. Hunt fit voile
dans l'Albatross le 26 août 181 5, et arriva, sans
accidents, aux iles Marquesas. Il n'y avait point
long-temps qu'il s'y trouvait, quand le commo-
dore Porter y arriva sur la frégate l'Essex, ame-
nant avec lui un crand nombre de baleiniers an-
glais, qu'il avait capturés dans l'Océan Pacifique.
M. Hunt apprit du Commodore que la frégate
anglaise la Phoebé, accompagnée d'un vaisseau de
charge armé d'une manière convenable à l'at-
taque des forts, était arrivée h Rio-Janeiro, où
elle avait été jointe par les sloops de guerre
le Chérubin et le Raton (Racoon). Tous en-
semble avaient mis à la voile, le 6 janvier, ])our
VSTOIUA. vi20
rOcrnn Pa(M(i(|ue et se dirigcaiciil, m va) ([iic l'on
supposait, vris la Golombia.
C'était là l'arrêt de mort du malheureux Éta-
blissement, et M. Ilunt se vit plongé dans des
perplexités plus grandes que jamais. 11 avait fait
tous ses elïbrls pour tirer M. Aslor d'une mau-
vaise affaire, avec aussi peu de perle que possi-
ble, mais voilà que toutes ses avances allaient
être englouties à la fois. Gomment prévenir ce
danger? Il était impossible de noiiser un vaisseau,
maintenant qu'une escadrille anglaise se dirigeait
vers la Colombia. M. Hunt voulut acheter un
des navires baleiniers amenés par le commodore
Porler; celui-ci en ayar i demandé i 25,oo(> fr.,
le prix parut exorbitant, et l'afiàire ne put avoir
lieu. M. Ilunt pressa alors le Commodore d'équi-
per une de ses prises et de l'envoyer à Astoria
poin' en ramener les marchandises et une partie
des habitants. Le Commodore refusa , disant
« qu'il n'avait pas l'autorité nécessaire. » 11 as-
sura cependant M. Hunt qu'il tacherait de ren-
contrer les ennemis, et que , s'il apprenait avec
certitude qu'ils se lussent dirigés vers la Colom-
bia, il s'y rendrait aussi, pourvu que les circon-
stances le lui permissent.
Dans cet état d'incertitude, M. Hunt fut le-
tenu aux Marqucsas juscju'au jS novembre, et se
rendit alorS; diuis l'Albalross, aux Iles Sandwich.
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35o
ASTOHIA.
l\Iali»ré la guerre et les autres événements décou-
rn«eniils, il conservait encore un faible espoir d*y
apprendre des nouvelles du vaisseau annuel; car
il savait quel orgueil et quel intérêt M. Astor
mettait à sa grande entreprise, et il ne le croyait
pas capable de se laisser décourager par les ob-
stacles. C'était seulement lui rendre justice, et
nous allons maintenant expliquer la non-arrivée
du vaisseau annuel qui avait été dépêché avec
des renforts et des provisions. Ce voyage forme
un autre chapitre d'accidents dans cette malen-
contreuse histoire.
L'Alouette avait fait voile de New -York le
() mars i8i5, et était heureusement arrivée à
([uelqucs degrés des îles Sandwich, lorsqu'elle lui
assaillie par une tempête d'une épouvantable vio-
lence. C'était un noble vaisseau, et pendant quel-
(|ue temps il lutta bravement avec l'orage. Mal-
heureusement il fit chapelle, et fut frappé par
une énorme vague ([ui le jeta sur le bout de ses
barrols. En même temps le gouvernail était en-
traîné sous le vent, et il devenait impossible de
gouverner le vaisseau. Une autre vague elfroyable
l'ayant renversé complètement, l'ordre fut donné
de couper les m;its, et dans ia précipitation du
moment les bateaux furent aussi jetés à la mer.
Lorsque le vaisseau se redressa, toutes les cou-
vertures d'éeoutilles étaient emportées, et ce né-
7
a
ASTOllIA. ^5l
tait pliis(|ii'un ponton rempli d'caii ri });ilajcpar
les vagues qu passaient par-dessus. Quand on
appela l'équipage, un des hommes lUMcpondit
point. On le découvrit dans le gaillard d'avant.
Il était noyé.
En coupant les mâts, il avait été impossible
♦^'observer la précaution nécessaire de commen-
cer par les agrès situés sous le vent, car, vu la
position du vaisseau, ils se trouvaient complète-
ment submergés. Les mâts et les espar res restant
ainsi enchaînés au bâtiment par îcs haubans et
par les agrès, n'en furent détachés qu'au bout de
quatre jours. Durant tout ce temps le vaisseau
roula dans les sillons de la mer. Les houles énor-
mes brisaient sur lui, enlevaient, jetaient çà et là
les esparres, et meurtrissaient les marins à demi
noyés, qui s'attachaient au mât de beaupré et
aux tronçons des autres mâts. Les souffrances de
ces pauvres gens étaient intolérables. Ils étaient
debout dans l'eau jusqu'à la ceinture, en danger
imminent d'être entraînés par chaque vague.
Dans cette situation ils n'osaient point dormir,
de peur de lâcher leur point d'appui , et d'être
emportés par les Ilots. La seule place sèche sur
le vaisseau était le mât de beaupré. Là les nau-
fragés se faisaient attacher tour à tour pendant
une demi-heure et jouissaient ainsi de courts in-
tervalles de sommeil.
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552 ASTOllIA.
Le i4> If* lieutenant mourut à son poste, et fut
entraîné par la houle. Le 1 7, deux marins épuisés
(ie fatigue s'élant évanouis, furent emportés par
une vague. La houle suivante rejeta 'curs corps
sur le pont, où ils restèrent, balancés ça et là,
objets de terreur pour leurs compagnons à moitié
morts. M. Ogden, le subrécargue, qui était sur
le mat de beaupré, cria aux hommes voisins des
corps de les attacher au vaisseau, horrible et der-
nière ressource contre les extrémités de la faim.
Le 19, la tempête s'apaisa graduellement, et
la mer devint calme. Les marins commencèrent h
se traîner faiblement sur les débris du navire, et
à le débarrasser. Les csparres furent enlevées, les
ancres et les canons jetés par-dessus bord. I^n
vergue de civadière servit de mât de fortune, et
le perroquet de fougue y fut ajusté. Une espèce
d'échafaud fut construit avec quelques esparres
brisées ; les naufragés s'y trouvaient élevés au-
dessu'j de la surface de l'eau, et pouvaient y doi*
mir à leur aise sans être mouillés. Cependant ils
soullraient cruellement de la faim et de la soif.
Heureusement il y avait à bord un insulaire des
îles Sandwich, nageur expert, qui parvint à pé-
nétrer dans la cabine. Il en amenait parfois quel
ques bouteilles de vin et de porter. A la fin,
étant airivé juscju'à l'arrière de la cale, il en lira
un quartaut de vin, Il atteignit aussi un peu de
I
ASTORIA. 535
porc cru, que l'on distribua avec la plus grande
parcimonie. Les horreurs de cette situation
étaient augmentées par la \ue de nombreux re-
quins qui rôdoient autour du vaisseau comme
s'ils avaient attendu leur proie. Le 24, le cuisi-
nier, qui était un Noir, mourut, et ayant été jeté
à la mer, fut h l'instant même saisi par ces mons-
tres afTamés.
Depuis plusieurs jours les malheureux nau-
fragés étaient lentement entraînés par leur petite
voHe, lorsqu'ils aperçurent la terre. Ils en étaient
éloignés d'environ quinze lieues. Pendant deux
ou trois jours ils furent ballottés çl\ et là sans la
perdre de vue. Le 28, ils aperçurent, avec des
transports de joie, plusieurs canots qui s'appro-
chaient. Les Sauvages qui les montaient vinrent à
bord, et apportèrent une précieuse provision de
patates. On apprit d'eux que la terre qu'on
apercevait était une des îles Sandwich. Le sons-
lieutenant et l'un des marins allèrent h terrt u atis
le canot, afin de se procurer de l'eau et des provi-
sions, et d'obtenir l'aide des insulaires pour louer
le vaisseau dans un havre.
Ils ne revinrent pas, et l'on ne reçut aucun
secours du rivage. Le lendemain, dix ou douze
canots arrivèrent auprès du navire, mais sebornè-
rentà ramer à l'entour, commeautantde rc([uins,
et ne vouluient pas aider à le conduire à terre.
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35/| ASTOltlA.
La mei' conlinuail à briser sur le vaisseau avec
tant (le violence, qu'il était impossible de ma-
nœuvrer le gouvernail sans le secours de cordes.
Les gens de l'équipage étaient alors si affaiblis par
la famine et par la soif, que le Capitaine pensa
qu'il leur serait impossible de résistera la fureur
de la mer quand le vaisseau toucherait. Il crut
donc que leur seule chance de salut était de gagner
la terre dans les canots des Indiens, et d'être
prêts à recevoir et à protéger la carcasse du na-
vire quand elle serait poussée sur le rivage. En
conséquence, il fit transporter tous ses gens à
terre ; mais à peine débarqués, ils furent entourés
par les Sauvages, dépouillés de leurs vêtemeiits,
et laissés presque nus. Le nom de cette île inhos-
pitalière est Tahoorow^a.
Pendant la nuit le bâtiment vint échouer au
milieu du ressac , et peu de temps après creva
par le fond. Le lendemain matin de nombreux
tonneaux de provisions furent poussés sur le
rivage. Les Naturels les défonçaient pour en
prendre les cercles de fer, mais ils ne voulurent
pas permettre h l'équipage de toucher h leur con-
tenu, non plus que d'aller à bord du vaisseau.
Comme l'équipage manquait de tout, et qu'il
pouvait s'écouler bien du temps avant de trouver
une occasion de sortir de l'Archipel, M. Ogden se
lendil à l'ile d'Hawaii aussitôt que cela lui fut
T C f
ASTOItlA.
possible, et s'ellbmi trontrer en niraiiiçeinenl
avec le Roi, pour soulager la misère des nau-
fragés.
L'illustre Tamaahmaah , comme nous l'avons
fait voir dans une autre occasion, était un habile
trafiquant. Dans la circonstance actuelle il se mon-
tra fort adroit à profiter du naufrage. Ses négo-
ciations avec Mac Dougal et les Eris de la Compa-
gnie américaine des Fourrures n'eurent que peu
d'influence sur 3a conduite, et ne l'empêchèrent
pas de profiter de l'infortune des Américains. 11
consentit à leur fournir des provisions pendant
qu'ils demeureraient dans l'Archipel , et k leur
faire rendre tout ce qu'on pourrait retrouver de
leurs habits ; mais il stipula que le vaisseau lui
serait abandonné comme une épave jetée par la
fortune sur son territoire. M. Ogden ayant été
obligé de consentir à ces conditions , le grand
Tamaahmaah députa son favori, John Young, le
gouverneur goudronné d'Hawaii, avec un certain
nombre de gardes royaux , pour prendre posses-
sion, au nom de la couronne, des débris du navire.
Cela fait, les marchandises et les naufragés furent
transportés à Hawaii. Les bontés rojales ne des-
cendirent que chichement sur ceux-ci , et, à ce
qu'il paraît, ils faisaient maigre chère. Cependant,
en lisant le journal du vo}'age, il semblesingiilier,
après tous les maux qu'ils avaient souilèrls, de les
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556 ASTOR[A.
trouver assez sensibles à de petites iiicommodilcs
pour s'écrier que le Roi était « un monstre sau-
vace, » parce qu'il leur avait refusé « un pot pour
faire la cuisine, » et n'avait pas permis à M. Ogden
de se servir d'un couteau et d'une fourchette
sauvés du naufrage.
Telle fut la malheureuse catastrophe de l'A-
louette. Si ce vaisseau avait atteint sa destination,
les affaires d'Astoria auraient pu prendre un autre
cours. Une singulière fatalité semble avoir pour-
suivi toutes les expéditions par mer, et celles par
terre n'étaient pas beaucoup moins désastreuses.
Le capitaine Northrop était encore aux îles
Sandw^ich, le 20 décembre i8i3 , quand M. Hunt
y arriva. Celui-ci acheta immédiatement, moyen-
nant 5o,ooo francs , un brick nommé le Colpor-
teur (Pedlar ) , et en donna le commandement au
capitaine Northrop. Us firent voile pour Astoria
le 22 janvier 18 14, se proposant d'y prendre les
marchandises qui s'y trouvaient, et de les trans-
porter, aussi vite que possible, dans les établisse-
ments russes de la côte du nord-ouest, pour les
empêcher de tomber entre les mains des Anglais.
Tels étaient les ordres que M. Astor avait donnés
au capitaine de l'Alouette.
Maintenant laissons M. Hunt accomplir sou
voyage, et racontons ce qui s'était passé à Astoria
durant son absence.
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GHAPITRt: LVlll.
Arrivée de Mac Tavish à Astoria. — Conduite de ses gens. —
Négociations de Mac Dougal et de Mac Tavish. — Marché
conchi pour le transfert d'Astoria. — Soupçons concernant
la loyauté de Mac Dongal.
Le 2 octobre i8i3 , environ cinq semaines
après que M. Hunt eut quitté Astoria , M. Mac
Kenzie partit avec deux canots et douze hommes
pour les postes de MM. Clarke et Stuart, afin de
leur apprendre les nouveaux arrangements pris
à la Factorerie, dans la dernière conférence des
Partners.
Il n'avait guère fait qu'une trentaine de lieues
quand il rencontra une escadrille de dix canots,
voguant gaiement sous les couleurs britanniques.
Les Canadiens , comme à l'ordinaire , chantaient
à gorge déployée.
M. Mac Tavish, qui avait équipé cet armement,
avait avec lui M. J. Stuart, autre Fariner de la
Compagnie du Nord-ouest , quelques Clercs , et
soixante-huit hommes ; en tout soixante-quinze
personnes. Il avait été informé que la frégate
la Phœbé et le vaisseau l'Isaac Todd étaient en
roule pour l'embouchure de la Colombla, et il
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aliiiil l«'s y altenilio. M. Claïke, qui avait appris
celte nouvelle alarmante dans son comptoir du
Spokan, venait comme passager sur un des canots.
Dans ces conjonctures M. Mac Kenzie se déter-
mina éi^alement à retourner h Astoria. Ilrehroussa
donc chemin avec la flottille ennemie , et les deux
partis campèrent ensemble pour la nuit. Les
Chefs, bien entendu, conservaient le décorum
convenable; mais les subalternes de la Compagnie
du Nord-ouest , ne pouvant se modérer dans leur
triomphe, se vantaient qu'ils planteraient bientôt
le drapeau britannique sur les murs d'Astoria,
et chasseraient entièrement les Américains du
pays.
Dan» le courant de la soirée , Mac Kenzie eut
avec Clarke une secrète conférence, dans laquelle
ils convinrent de partir clandestinement le lende-
main matin, avant le point du jour, afin de pré-
venir Mac Dougàl de l'arrivée de ces nombreux
adversaires. Ceux-ci, cependant, avaient été éga-
lement alertes. Comme les canots américains
allaient quitter le rivage , ils furent joints par
deux canots anglais, où se trouvait Mac Tavish ,
accompagné de deux Clercs et de onze hommes.
Mac Tavish se proposait de pousser en avant, avec
ceux-<;i, pour faire des arrangements, et de laisser
le reste du convoi attendre ses ordres à quelque
distance en arrière.
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Liîs deux partis arrivèrent à Asloria le 7 oclo-
l»re. Les «»eiKs il 11 Noril-ouest campèrent sous les
canons du Fort, et déployèrent les couleurs an-
ij;laises. Les jeunes gens du Fort, natifs des États-
Unis, étaient sur le point d'arborer l'étendard
américain, mais Mac Dougal les en empêcha. Ils
furent étonnés de celle défense, et se trouvèrent
singulièrement piqués du ton et des manières des
partisans de la Compagnie du Nord-ouest, qui se
comportaient a\ec toute la fanfaronnade habi-
tuelle à ces héros du désert. Enellet, ils se con-
sidéraient comme les vainqueurs des vainqueurs,
et ne regardaient les Astoriens inquiets et em-
barrassés que comme un peuple conquis.
Le jour suivant , Mac Dougal assembla les Clercs
et leur lut un extrait d'une lettre de son oncle,
M. Angus Sliaw, l'un des principaux Partners de
la Compagnie du Nord ouest. Cette lettre annon-
çait l'arrivée de la Phœbé et de l'Isaac Todd,
« pour prendre et détruire toutes !es possessions
américaines sur la cote du nord-ouest. »
Ces nouvelles ne découragèrer t pas ceux des
Clercs qui étaient natifs des États Unis. Ils étaient
indignés de voir leurs couleurs nationales ame-
nées par un commandant canadien, tandis que
l'élendard anglais leur était , pour ainsi dire, jeté
au visage. Ils étaient aussi piqués au vif des aiis
avantageux pris par les agents île la Compagnie du
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Nord-ouest. Dims cetli^ disposllioii (Tts^)!!!, ils
auraient volontiers cloue leur étendard , et délié
la frégate. Elle ne pouvait pas s'approcher h moins
de deux lieues du Fort, et les l)ateaux ((u'elle au-
rait en\ojés pouvaient, disnient-ils, étredctruils
par les canons américains.
Cependant les alfaires étaient diric;ées par d<'s
esprils plus froids, plus calculateurs, et (jui ne
iTSsentaient rien de l'orgueil patriotique, ni de la
chaleureuse indignation de ces jtuncs hommes.
I/exlrait de la lettre n'avait probablement été lu
par Mac Dougal qu'afin de préparer les imagina-
lions h une opération déjà concertée. Le même
jour MacTavish proposa d'acheter toutes les mar-
chandises et toutes les fourrures appartenant h la
Compagnie, tant à Astoria que dans l'intérieur,
au prix coûtant. M. Mac Dougnl assuma aussitôt
toute la direction de cette négociation, en vertu
des pouvoirs dont il avait été investi au cas que
M. Hunt ne revînt pas. Ces pouvoirs, h la vérité,
étaient spéciaux , et ne s'étendaient pas à une opé-
ration de cette nature et de cette importance; mais
on ne fit aucune objection au rôle qu'il s'attri-
buait, et il eut bientôt conclu avec Mac Tavish
un arrangement préliminaire dont celui-ci avait
tout lieu d'être satisfait.
M. J. Sluart et l'arrière-gardc de la Compa-
gnie anglaise arrivèrent peu de temps après,
VSTOHIA. ^!\\
Cl campineiit avec IVIac Tavisli. iM. .1. Sluarl
s'cicva hautement contre Jes termes de l'arrancc-
ment, et insista pour mie réduction de piix. Il
fallut enlamer de nouvelles négociations. Les de-
mandes des agents anglais étaient faites d'un ton
péreraptoire, et ils semblaient disposés à dicter
leurs volontés comme des conquérants. Les Amé-
ricains, remplis d'indignation et d'impatience,
trouvaient que Mac Dougal agissait avec lâcheté,
sinon avec perfidie. Celui-ci se rendait conti-
nuellement au camp des Anglais pour négocier,
au lieu de rester dans sa forteresse et d'y recevoii*
leurs offres. Sa situation, ohscrv ait-on, n'était
pas assez désespérée pour excuser tant d'abaisse-
ment. Il pouvait insister pour obtenir de bonnes
conditions. Les Anglais avaient perdu leurs mur
nitions; ils n'avaient pas de marchandises pour
acheter des provisions aux Naturels, et ils étaient
si demies de tout, que Mac Dougal était obligi;
^Ic les nourr'r pendant ([u'il négociait avec euji.
Lui, au coniraire, était bien logé et bien appro-
visionné. Il avait soixante hommes, des armes, dcvS
munitions, des bateaux, et tout ce (jui était né-
cessaire pour la défense ou pour la retraite. Les
Anglais, sous les canons de son fort, étaient à sa
merci. Si un ennemi paiaissail au large, il pouvait
empaqueter ses marchandises les plus précieiuses,
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et SI) i<'tirer tiaiis (juelqiic endroit cjuhc, ou hicn
battre tîii retraite dans l'intérieur.
Ces considérations n'eurent pas de poids au-
près de Mac Dougal, ou furent ëcarlées par
d'autres motifs. Les termes de la vente furent
abaisses par lui au prix fixe par M. J. Stuart, et
une convention fut si£»nce le i6 octobre, par la-
quelle les fourrures et les marchandises de toutes
sortes appartenant à M. Astor, dans le pays , pas-
saient en la possession de la Compaguie du Nord-
ouest ^ pour environ un tiers de leur valeur réelle.
En retour, la Compagnie garantissait un libre
passage, à travers les postes du Nord-ouest, à
tous ceux qui ne voudraient pas entrer à son ser-
vice. Elle se chargeait aussi de leur payer les gages
qui leur étaient dus et dont le montant devait
être déduit du prix stipulé pour Astoria.
La conduite et les motifs de M. Mac Dougal
dans toute cette affaire ont été fortement soup-
çonnés par les autres Partnei's. Il fut accusé d'a-
voir donné un fausse interprétation aux pouvoirs
cfui, à sa propre demande, lui avaient été laissés
par M. Hunt, et d'en avoir profité pour sacrifier
les intérêts de M. Astor à la Compagnie du Nord-
ouest, grâce à la promesse ou h l'espérance d'un
avantage personnel.
Il soutint toujours, cependant, qu'il avait fait
pour M, Astor le meilleur marché que les cir-
ASTOIUA. 545
conslaiices coinportasscnt, puisque la IVë^alc était
attendue d'heure en heure^ et que, dans ce cas, tous
les biens déposés à Astoiia pouvaient être captu-
rés. Quant au retour de M, Hunt, il était suivant
lui fort problématique, car la frégate se proposait
de croiser le long de la côte pendant deux ans, et
de la débarrasser de tous vaisseaux américains. Il
déclara de plus, et Mac Tavish corrobora son
assertion par un certificat, qu'il avait proposé à
ce dernier un arrangement suivant lequel les four-
rures auraient été expédiées h Canton, pour y
être vendues au compte de M. Astor et à ses frais
et risques. Cette proposition n'avait pas été ac-
ceptée.
Nonobstant toutes ces représentations, plu-
sieurs des personnes présentes à la transaction, e»
instruites des détails de l'afFaire, restèrent ferme-
ment persuadées qu'il avait agi d'une manière per-
fide. Parmi ces personnes était Mac Kenzie lui-
même, qui avait été son coadjuteur en quelques
circonstances. Mac Dougal ne réussit pas mieux
à se disculper auprès de M. Astor. Celui-ci dé-
clara, dans une lettre écrite quelque temps après
à M. Hunt, qu'il regardait ses propriétés comme
données. « J'aui^ais préféré, ajoutait-il, que notre
f< établissement eut été ouvertement capturé. Ce
(( n'aurait pas été pour moi une sorte d'humilia-
(( tion. »
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344 ASTORIA.
Ces soupçons peuvent ne pas être mérités.
Mais une circonstance qui leur donne certaine-
ment beaucoup de poids, c'est que M. Mac Dou-
gal, peu de temps après avoir conclu cet arrange-
ment, devint membre de la Compagnie du Nord-
ouest, et en tira pour sa part un beau revenu.
V'
CHAPITRE LIX.
ri'
mû
Arrivée d'un vaisseau inconnu. — Af^italion à Asloria. —
Oft're guerrière de Coniconily. — Les Anglais ])rennent
possession de l'Etablissement. — Comcomly est indigné de
la conduite de son gendre.
Dans la matinée du 5o novembre i8i3,oii vit
un navire doubler le cap Désappointement. Il vint
jeter l'ancre dans la baie de Baker, et on re-
connut alors i|ue c'était un vaisseau de i^uerre.
De quelle nation? se demanda-t-on avec inquié-
tude. S'il était anglais, pourquoi venait-il seul?
où était le vaisseau marchand qui devait l'accom-
pagner? S'il était américain, qu'arriverait-il des
propriétés nouvellement acquises ii la Compagnie
du Nord-ouest?
Dans ce dilemme, Mac Tavish chargea promp-
tement deux barges de tous les paquets de four-
lures portant la marque de la Compagnie du
Nord-ouest, et se retira vers Tongue-point, situé
environ une lieue plus haut sur la rivière. Là, il
devait attendre un signal convenu avec Mac Dou-
gal pour lui apprendre si le vaisseau était amé-
ricain. Dans ce cas, il avait assez d'a\ance pour
emporter sa riche cargaison datjs l'inliMicur. M csl
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^\6 ÀSTORIA.
singulier que ce moyen rapide d'emmener des
marchandises précieuses, mais faciles à trans-
porter, ne se fût pas présenté h l'esprit de Mac
Dougal lorsqu'elles étaient encore la propriété de
M. Astor.
Cependant Mac Dougal, qui était resté le chel'
nominal du Fort, monta dans un canot, conduit
par des hommes récemment à la solde de la Com-
pagnie américaine, et se dirigea vers le vaisseau.
Pendant la route, il engagea ses gens h se faire
passer pour Américains ou pour Anglais, selon
les circonstances.
Le navire se trouva être le sloop de guerre an-
glais le Raton, monté de vingt-six canons et de
cent-vingt hommes, et commandé par le capi-
taine Black. Suivant le récit de cet ofîicier, la
frégate la Phoebé et les deux sloops de guerre
le Chérubin et le Raton avaient fait voile de
Rio- Janeiro avec l'Isaac Todd. M. John Mac
Donald, partner de la Compagnie du Nord-ouest,
s'était embarqué comme passager à bord de la
Phœbé, afin de profiter de la catastrophe prévue
d'Astoria. Le convoi ajant été séparé par une
tempête en doublant le cap Horn, les trois vais-
seaux de guerre s'étaient rejoints à l'Ile de Juan-
Fernandez, leur rendez- vous désigné, mais ils
y avaient vainement attendu Tlsaac Todd.
Dans le même temps, ils avaient appris le ra-
vage que le commodore Porter faisait paiini les
vaisseaux baleiniers anijlais. Le commodore Mil-
Ijer a\ ut mis immédiatement, à la voile pour le
chercher, avec la Phoebé et le Chérubin, après
avoir transféré M. Mac Donald sur le Raton, et
avoir ordonné à ce vaisseau de poursuivre sa route
vers la Colombia.
Les officiers du Raton entreprenaient ce service
de très grand coeur. Les agents de la Compagnie
du Nord-ouest , en demandant l'expédition ,
avaient beaucoup parlé de l'immense butin qui
devait être fait par les heureux capteurs d'As-
toria. M. Mac Donald avait entretenu cette espé-
rance durant le voyage, de sorte qu'il n'y avait
pas un midshipman qui ne rêv'»! part de prise,
pas un lieutenant qui eût voulu donner sa chance
pour un millier de louis. On peut donc facilement
comprendre leur désappointement, quand ils ap-
prirent que leur valeureuse attaque contre Astoria
avait été prévenue par un pacifique arrangement
commercial; que leur butin rêvé était devenu
propriété anglaise, selon le cours régulier du né-
goce, et que tout cela avait été effectué par la
Compagnie même qui les avait dépêchés pour cette
belle entreprise. Ils se regardaient comme dupés
par une société de malins trafiquants, qui les
avaient employés à casser la noix, et ([ui vu
liraient l'amande. En un uu)t, Mac Doutai fiil
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'^/\3 AS 1 OKI A.
reçu si peu graeieusement par ses comp:ilriolcs du
vaisseau, qu'il raccourcit aulanl que possible sa
visite, et s'empressa de rcgai^iier le rivage. Il s'oc-
cupait activement au Fort à faire ties préparatifs
pour recevoir le capitaine du Raton, quand son
beau-père borgne vint le trouver avec une suite de
guerriers Chinooks, tous peints et équipés d'une
manière guerrière.
Le vieux Comcomlj avait vu avec douleur l'ar-
rivée d'un (( ^rand canot de guerre, » portant le
pavillon anglais. Le rusé Sauvage était très fort
sur la politique depuis ses visites journalières à
l'Établissement, li savait que la guerre existait
entre les Américains et les Anglais, mais il ne
connaissait rien de l'arrangement conclu entre
Mac Dougal et Mac Tavisli. Tremblant donc pour
le pouvoir de son gendre blanc et pour la gran-
deur récente de sa fille, il avait rassemblé promp-
tement ses guerriers. « Le roi George, leur avait-il
dit , a envoyé son grand canot pour détruire le
Fort et pour emmener tous les habitants en es-
clavage. Devons-nous le souffrir? Les Américains
sont les premiers hommes blancs qui se soient
lixés parmi nous; ils nous ont traités comme des
frères; leur grand chef a pris ma fille pour sa
*quaw : nous ne faisons donc qu'un seul peuple. »
Les guerriers avaient résolu de combattre, jus-
qu'au dernier, pour les Américains, et s'élaieiH
en coiisc'qnonro peints el nrmés en guerre. Coni-
eomly fit une vigoureuse liarangueà son gendre.
11 lui oIFrit de tuer tous les hommes du roi
George qui essaieraient de débarquer. C'était une
chose facile : le vaisseau était ohligé de s'arrêter
à deux lieues de distance du Fort; l'équipage ne
pouvait arriver que dans des barques; la forêt
s'avançait jusqu'au bord de l'eau ; Comcomly
pouvait s'y embusquer avec ses guerriers et
abattre les ennemis à mesure qu'ils mettraient le
pied sur le rivage.
Mac Douiîal fut sans doute convenablement
sensible à l'offre paternelle de son beau-père, et
se sentit peut-être un peu humilié par ces pen-
sées généreuses si opposées aux siennes. Toute-
fois il assura Comcomly que cette sollicitude pour
sa sûreté et pour celle de la Princesse était su-
perilue; qu'à la vérité le vaisseau appartenait au
l'oi George , mais que son équipage ne ferait
aucun mal ni aux Américains, ni aux Indiens
leurs alliés. Il l'engagea donc ainsi que ses guer-
riers à déposer leurs armes et leurs chemises de
guerre, à laver les peintures qui couvraient leurs
corps, et à se montrer enfin comme des Sauvages
propres et civils pour recevoir les étrangers.
Comcomly fut cruellement embarrassé par cet
avis, qui s'accordait si peu avec les idées indiennes
sur la manière d'accueillir une nation ennemie.
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50<) ASTOHIA.
Ce lie fut rju'après des assurances répétées et po-
sitives des intentions amicales des étrangeis qu'il
l'ut amené à renoncer à ses projets belliqueux.
Il dit queUjue chose à ses i^ueiriers, pour leur
expliquer la singulière nature des affaires, et pour
excuser, peut-être, la conduite pacifique de son
gendre. Les guerriers, haussant les épaules, firent
entendre à la manière indienne un grognement
d'acquiescement, et s'en retournèrent d'un air
sombre à leur village déposer leurs armes pour le
présent.
Les arrangements nécessaires pour la réception
du capitaine Black élant terminés, cet officier fit
armer son bateau et débanpia à Astoria avec la
pompe convenable. D'après le bruit que la Com-
pagnie du Nord-ouest avait fait de la force de la
place, et d'après l'armement qu'elle demandait
pour la réduire, le capitaine Black s'était attendu
il trouver une forteresse de quelque importance.
Quand il ne vit qu'une palissade et des bastions
destinés à repousser des Sauvages, il ressentit une
surprise mêlée d'indignation et d'envie de rire.
« Comment ! s'écriat-il, c'est donc là le Fort dont
j'ai tant entendu parler ! Dieu me damne, je le dé-
molirais en deux heures avec un canon dequatre. »
Quand il apprit ensuite le montant des riches
fomrures qui étaient passées entre les mains de
la Clompagnie du Nord-ouest, il devint furieux, et
55 ï
ASTOIUA.;
insista pour qu'on en fit l'inventaire, « alin de
pouvoir forcer la Compagnie à en restituer la
valeur. »
Cependant, ayant repris son sang-froid, ii re-
nonça à donner suite à une telle réclamation, et
se réconcilia le mieux qu'il put avec l'idée d'a-
voir été prévenu par ses mercantiles coadjuteurs.
Le 1 2 décembre , le destin d'Astoria fut con-
sommé par une cérémonie régulière. Le capitaine
Black, suivi de ses officiers, entra dans le Fort, fit
arborer le drapeau anglais, brisa une bouteille de
vin, déclara à voix haute qu'il prenait possession
de l'Établissement et du pays, au nom de Sa Ma-
jesté Britannique, et changea le nom d'Astoria en
celui de Fort-George.
Les guerriers indiens, qui avaient offert leurs
services pour repousser les étrangers, étaient pré-
sents dans cette occasion. On leur expliqua que
c'était un arrangement amical et un transfert.
Mais ils secouèrent leurs têtes d'un air sombre,
regardant cette cérémonie comme l'acte d'assujé-
tissement de leurs anciens alliés. Us regrettaient
d'avoir cédé au désir de Mac Dongal, en déposant
leurs armes , et remarquaient que , quoique les
Américains cherchassent à cacher le fait, ils
étaient indubitablement tous esclaves. Us ne pu-
rent être persuadés du contraire que lorsqu'ils
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5.^2 ASTOniA.
curent vu le Kalou s'éloigner sans emmener
de prisonniers.
Quant à Comcomly, il ne s'enorgueillissait plus
de son gendre blanc : mais quand on lui en de-
mandait des nouvelles, il répliquait, en secouant
la tête, que sa lille s'était trompée, et qu'au lieu
de prendre un grand guerrier pour son mari, elle
n'avait épousé qu'une squaw^.
T^
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CHAPITKE LX
Ariivét! du l.iick )e Colpoiieur à Astoiia. - Abamloi. ,|,. l'Kia-
blisseinent. - Départ de la |.l,.pait de ses habitants. _
Hisloiie tragique racontée par la squaw de Pienv Uoriou.
-- Fin tragique de Rwd et de ses compagnons. - M. Astor
s'efforce inutilement de lenouveler son entreprise. — Con-
clusion.
Ayant raconté la catastrophe du fort d'Asloria,
il ne nous reste plus qu'à complétci- certaines par-
ties de cette vaste narration, et enfui à conclure.
Le 28 février 1814, le brick le Colporteur jeta
l'ancre dans la rivière Colombia. On se rappelle
que M. Hunt avait acheté ce brick aux îles
Sandwich, pour enlever les fourrures rassemblées
à la Factorerie, et remener les Sandwichiens dans
leur patrie. Quand il apprit avec quelle précipi-
tation Mac Dougal avait vendu les propriétés de
M. Astor , il exprima son indignation dans les
termes les plus forts, et résolut de tout tenter pour
recouvrer au moins les fourrures. Aussitôt que ses
désirs furent connus h cet égard, Mac Dougal vint
le sonder, au nom de la Compagnie du Nord-
ouest , en offrant de s'employer pour lui faire
rendre les fourrures, moyennant une prime de
cinquante pour cent. Ces ouvertures n'étaient
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point (l(î nahire à (limimicr le inrroiiU'iilciTHMit
(le M.Hiinl, , v\ son indi^n.iliou Cul coinplilc
quand il découvrit ([ue Mac Donf»al élait devenu
Partner de la Compai»nie du Nord-ouest depuis
le 25 décembre. Ce dernier avait cependant tenu
sa nouvelle position secrète, et avait gardé en sa
possession les papiers de la Compai»nie américaine.
Enfin il avait continué à ai^ir comme agent de
M. Astor, quoique deux autres Partners de la
Compagnie américaine ( MM. Mac Kenzie et
Clarke) lussent présents. Bien plus, il avait di-
vulgué à ses nouveaux associés tout ce qu'il con-
naissait des plans de M. Astor, et avait fait, pour
leur instruction, des copies de sosie' ' "es d'alFaires.
M. Hunt fut alors convaincu que toute la con-
duite de Mac Dougal avait été perfide et collu-
soire. 11 n'eut plus d'autre pensée que de retirer
tous les papiers de ses mains, et de terminer cette
malheureuse affaire; car les reconnaissances de la
Compagnie du ^ord ouest pour le prix d'acqui-
sition n'ayant pas encore été délivrées, les intérêts
de M. Astor étaient tout- à-fait compromis.
M. Hunt réussit avec quelque peine h recouvrer la
possession des papiers : quant aux billets, ils lui
furent remis sans hésitation. Il les confia à quel-
ques-uns de ses associés, qui étaient sur le point de
traverser le Continent pour se rendre h New- York;
après quoi i
1 dit
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un lier nier
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leu a
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ASTolUA.
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s'emi>ar(|un, le !^ ;ivi-il, sm' \v Colpoitiuir, ncconi-
pogno par fleux des Clercs , MM. Selon et Halsey.
Le leiidemalu, 4 avril i8i4, 1V1. Clarke, M. Mac
Kenzie, M. David Sluarl;_, et les autres Astoriens
qui n'étaient point entrés an service de la Com-
pa£;ni(! du Nord-ouest, se mirent en roule pour
traverser les Montagnes Koeheuses. Nous n'avons
pas rinlention de conduire encore une fois le
lecteur par-dessus ces sauvages barrières , mais
nous accompagnerons la caravane un bout de
chemin, simplement pour raconter la rencontre
d'une personne déjà notée dans cet ouvrage.
Nos voyageurs avaient remonté la Colombin,
jusqu'à l'embouchure de la Wallah-Wallah, lors-
qu'ils virent plusieurs canots indiens quitter le
rivage pour les venir joindre : en même temps
une voix les engageait, en fiançais, à arrêter. TIs
poussèrent, en conséquence, vers la rive, et fu-
rent rejoints par les canots. A leur grande sur-
prise, ils reconnurent, dans la personne qui les
avait hélés, la squaw de Pierre Dorion, accom-
pagnée de ses deux enfants. Elle leur raconta son
histoire, qui se trouve liée avec la destinée de
plusieurs de nos malheureux aventuriers.
On se rappelle que M. John Reed, l'irlandais,
avait été envoyé, pendant l'été de i8i3, sur les
bords de la rivière des Serpents. Sa brigade était
composée de quatre Canadiens, Gilles Leclerc ,
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5r»() AMOHIA.
François Laiitlr)', Ji'aii-Baptiste Tiiirolle et An
lire Laclâupt'llt'. Il avait , eu oulre, doux chasseurs,
rieireDelamia^' et Pierre Dorioii; celui-ci, comme
à l'ordinaire, accompagné de sa femme et de ses
deux enfants. Leur expédition avait un double
but. Ils devaient trapper le castoi-, et chercher les
trois chasseurs, Rol)inson, Hoback et Hizner.
Dans le courant de l'aiitonnie l'un des hommes
deReed, François Landrj, mourut. Un autre,
Pierre Delà m laj', qui était d'un caractère diOicile
et farouche, quitta la brigade dans un accès d'hu-
meur, et l'on n'en entendit jamais parler depuis.
Cependant ces pertes furent réparées par l'acces-
sion des trois chasseurs , Robinson , Hoback et
Rizner, qui furent retrouvés.
Reed construisit une maison près de la rivière
des Serpents, pour y établir ses quartiers d'hiver.
Lorsqu'elle fut terminée on se dispersa pour trap-
per. Rizner, Leclerc et Pierre Dorion allèrent ù
cinq journées de là, dans un endroit bien peuplé
de castors. Ils y bâtirent une hutte, et commen-
cèrent à liapper avec grand succès. Tandis que
les hommes étaient à la chasse, la femme de Pierre
Dorion restait h la maison pour préparer les peaux
et les repas. Un soir, vers le commencement de
janvier i8i4, elle était occupée à faire cuire le
souper des chasseurs, quand elle vit entrer dans
sa hutte Leclerc, pille sanglant et se traînant
AMoitlA. CtJ'J
i\ ptMiie. Il riiilorinn que se* caiiinraclcs vX lui
nvnicnl v\v surpi is , à leurs h appcs , par une
lioupe (le Sauvages (pii avaiciil tué IVi/ner vl
Pierre Doiioii. Kii achevant son récit il tomba
épuisé sur la terre.
La pauvre lemine comprit qu'une fuite instan-
tanée était la seule chance de salut qui lui restât.
Dans cette terrible conjoncture elle déploya toute
la présence d'esprit, toute la force i\v. caractère
({ui l'avaient déjà fait remar([uer. Elle allrapa,
avec beaucoup de peine, deux des chevaux de la
brigade. Ensuite, empaquetant ses vêtements et
une petite quantité de chair de castor et de sau-
mon sé(^hé, elle les plaça sur un cliexal el aida le
blessé à y grimper. Elle-même monta sur l'autre
cheval avec ses deux enfants, et, se hûtant de fuir
ce dangereux voisinage, se dirigea vers l'établis-
sement de M. Rééd. Le troisième jour, elle aper-
çut plusieurs cavaliers indiens, qui marchaient
vers Tes'. Elle descendit immédiatement de che-
val avec ses enfants, et a^'ant aidé Leclerc à en
faire autant, ils se cachèrent tous. Heureusement
ils n avaient point été aperçus par l'oeil inquiet
des Sauvages^ mais il leur fallut prendre les plus
grandes précautions pour continuer leur chemin.
Cette nuit-là, ils dormirent sans feu et sans eau.
La courageuse Indienne réchauffait ses enfants
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558 ASTORIA.
liaiis ses bras, mais le pauvre Leclerc mourut
avant le point du jour.
Dès le matin, la squaw se remit en route, et
au bout de quatre jours , atteignit la maison de
M. Rééd. Elle était déserte. On voyait à l'entour
des mares de sang et tous les signes d'un affreux
massacre. Ne doutant pas que M. Reedetsa troupe
ne fussent tombés victimes des Sauvages, la pauvre
femme quitti cet endroit avec une nouvelle ter-
reur. Pendant deux jours elle continua h pousser
en avant, prête à tomber faute de nourriture,
mais plus inquiète pour ses enfants que pour elle-
même. A la fin elle atteignit une rangée des Mon-
tagnes Rocheuses, près des eaux supérieures de la
Wallah-Wallah. Là elle choisit une ravine so-
litaire et sauvage, pour lieu de refuge durant
l'hiver.
Elle avait heureusement une robe de bison et
trois peaux de daims; elle s'en servit pour con-
struire, auprès d'une source, une grossière w^ig-
w^m , avec des branches de cèdre et des écorces
de pin. N'ayant point d'autre nourriture, elle tua
les deux chevaux et en fuma la chair. Les peaux
aidèrent à couvrir la hutte. Là elle passa l'hiver,
sans autre compagnie que ses deux enfants. Vers,
le milieu de mars ses provisions se trouvaient
presque épuisées : elle fit un paquet le ce (jui en
ASTOKIA. 55l)
lestuit, le mit sur son dos, et avec ses pauvres
petits, reconiineiica son rude pèlerinage. Ajant
traversé la chaîne de montagnes, elle descendit
sur les bords de la Wallah-Wallah, et la suivit
jusqu'à son embouchure dans la Colombia. Elle
fut reçue avec hospitalité par les Wallah-Wallahs,
et était restée près de quinze jours parmi eux,
quand les deux canots passèrent.
Interrogée sur la cause de cette boucherie, elle
n'en put assigner aucune. Quelque: Astoriens
supposèrent qu'elle avait été commise par une
bande errante de Pieds-noirs; d'autres, avec plus
de probabilité, l'attribuèrent h la tribu des Nez-
percés, qui auraient voulu venger l;i mort de
leur camarade, pendu par ordre de M. Clarke.
S'il en était ainsi , cela ferait voir que ces attaoues
soudaines, qui paraissent spontanées et capricieu-
ses, ont souvent pour cause une provocation réelle,
([uoiquc peut-être éloignée.
La narration de cette m.alheureuse femme ter-
mine riiistoiie de plusieurs de nos personnages,
tels que Thon né te hibernien Reed, et Dorion ,
''•:îterprète métis. Turcrtte et Lachapelle étaient
deu\ des hommes qui avaient quitté M. Crooks,
dans le cours de son voyage d'hiver, et qui avaitMit
ensuite t;uit soultbrt parmi les Indiens. Nous ne
pouvons nous empêcher de ressentir (juehpie
.sympathie pour ce persévérant trio de Kenluc-
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56o ASTOHIA.
kiens , Kobinson , Rizner et Hoback , qui , par
deux fois achemines vers leurs foyers, étaient
retournés en arrière, et s'étaient arrêtés dans la
solitude pour y périr de la main des Sauvages.
Les détachements revenant d'Astoria, tant par
terre que par mer, éprouvèrent en route autant
d'aventures, de vicissitudes et de malheurs que
les célèbres héros de l'Odyssée. Ils atteignirent
leur destination à des époques différentes, et ap-
prirent à M. Astor les détails de la ruine de son
établissement.
Cependant M. Astor était encore loin de re-
noncer à son projet favori. Au contraire, il était
excité par la conduite peu généreuse et peu re-
connaissante de la Compagnie du Nord- ouest.
<( Quand je pense à la manière dont ils m'ont
traité, écrivait-il à M. Hunt, je ne suis nullement
disposé à rester inactif. » 11 résolut donc de re-
commencer ses opérations, aussitôt que les cir-
constances le lui permettraient.
Au retour de la paix, le traité de Gand ayant
proclamé le principe du status ante hélium y As-
toria cl les pays adjacents firent retour aux États-
Unis. Le capitaine Biddle fut envoyé dans le sloop
de guerre l'Ontario pour en prendre formelle-
ment possession.
Dans rhiv*3r de 181 5, le Congrès adopta uncî
loi qui interdisait à tous commerçants anglais
î
I
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ASTORIA. 36 1
de trafiquer dans l'ctenduedu territoire des États-
Unis.
M. Astor put croire alors que le moment de
renouveler son entreprise était arrivé ; mais de
nouvelles difficultés s'étaient élevées. La Compa-
gnie du Nord-ouest occupait complètement la
Colombia et ses principaux affluents : elle possé-
dait les postes que M. Astor avait établis, et éten-
dait ses opérations sur toutes les réglons voisines,
en dépit de la loi prohibitive du congrès, fort peu
respectée au delà des Montagnes.
C'était donc une entreprise presque guerrière
que de déposséder celte Compagnie , car ses
agents , comme c'est l'usage des trafiquants dans
le pays indien, étaient bien armés, et habiles à se
servir de leurs armes. Les querelles sanglantes
qui avaient eu lieu entre les brigades rivales de
la Compagnie du Nord-ouest et de la Compagnie
de la baie d'Hudson, avaient montré ce qu'on
pouvait attendre des discussions commerciales
dans les profondeurs désordonnées de la solitude.
M. Astor crut donc que ses tentatives seraient
inutiles si ses agents ne pouvaient pas se rallier,
en cas de besoin , sous la protection du drapeau
américain. Dans cette pensée, il fit offrir confi-
dentiellement par M. Gallatin, au président des
États-Unis, M. Madison, de renouveler son en-
treprise, et de rétablir Asloria, pourvu que le
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562 ASTORIA.
Gouvernement consentît à y placer une force
militaire, qui, d'ailleurs, n'excéderait pas le com-
mandement d'un lieutenant.
Cette requête, approuvée et recommandée par
M. Gallatin, l'un des hommes d'État les plus dis-
tingués des États-Unis, tut reçue favorablement,
mais aucune mesure ne fut prise en conséquence.
Suivant toutes les probabilités, le Président n'é-
tait pas disposé à se commettre par un acle dé-
cisif. Découragé par cette inertie du Gouverne-
ment, M. Astor ne jugea pas convenable de re-
nouveler ses propositions d'une manière plus
formelle, et le moment favorable pour la réoccu-
pation d'Astoria passa sans être saisi.
En dépit des prohibitions du Congrès, et sans
craindre de concurrence, les établissements an-
glais purent donc s'étendre et se consolider sur le
riche champ d'entreprise découvert par M. Astor,
Le Gouvernement britannique commença bientôt
à s'apercevoir de l'importance de cette région et
à désirer l'enclaver dans son territoire. Une
question fut en conséquence soulevée relative-
ment à la possession du sol. C'est un des diffé-
rends les plus épineux qui subsistent actuelle-
ment entre les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Le premier traité où il en soit fait mention,
est du 20 octobre 1818, la question n'y fut pas
décidée; et l'on convint (jue la contrée réclamée
\
ASTORIA. 5HS
par les deux nations sur la côte Nord-ouest
d'Amérique, à l'ouest des Montagnes Rocheuses,
serait ouverte pendant dix années aux habitants
des deux pa^s , qui auraient également le droit
d'j trafiquer et de naviguer sur toutes les ri-
vières. Quand ces dix premières années furent
expirées, un traité subséquent, conclu en i8.>8,
étendit l'arrangement à dix nouvelles années.
Telle est actuellement (i856) la situation de l'af-
faire.
En considérant la série d'événements que nous
venons de raconter, nous ne vojons nulle raison
d'attribuer l'insuccès de cette grande opération
commerciale à aucune faute qu'on puisse repro-
cher à son auteur , soit dans le plan , soit dans
l'exécution. C'était une magnifique entreprise,
bien conçue et bien exécutée, malgré les vlifficultés
et les dépenses. Malheureusement des conlre-temps
et des désastres l'entravèrent presque dès le com-
mencement. 11 faut en attribuer une partie au mé-
pris des ordres et des insti'uctions de M. Astor. Le
premier coup fatal à l'entreprise fut la perte du
Tonquin , événement qui ne serait évidemment
pas arrivé, si les injonctions instantes de M. Astor
par rapport aux Naturels avaient été obéies. Si
ce vai ^au avait accompli heureusement son
voyage et était revenu à Astoria en temps utile,
h com.merce de l'Elablissenienl aurait pris sa
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36/| ASToniA.
route régulière, et l'esprit de toi's ceux (|ni y
étaient intéressés, aurait été animé d'une utile
confiance dans le succès. Au contraire, l'effroya-
ble catastrophe qui anéantit le Tonquin jeta dans
ton les cœurs un sentiment de tristesse qui les
prépara à s'abandonner plus tard au décourage-
ment.
Une autre cause d'embarras et de perte j fut le
changement apporté au plan de M. Astor dans
la marche du Castor, après sa visite à Astoria. Ce
changement produisit une série de contre-temps
désastreux pour l'Établissement, et retint M. Hunt
absent de son poste, quand sa présence y était
de la plus grande importance. Cela montre com-
bien il est essentiel que les agents d'une entre-
prise grande et compliquée, exécutent fidèlement
le rôle qui leur a été assigné par l'esprit supé-
rieur qui en a concerté toutes les parties.
La guerre qui vint à éclater entre les Étals-Unis
et la Grande-Bretagne, multiplia les difficultés de
l'entreprise. Leretraitde l'escorte promise rendit
difficile l'envoi des renforts, et le naufrage de
l'Alouette compléta ce tissu de mésaventures.
Nous avons suffisamment fait voir avec quelle
résolution M. Astor lutta contre tous les obsta-
cles, en dépit de toutes les pertes. S'il avait été
convenablement appuyé parle Gouvernement, et
secondé par des agents habiles, la ruine ultérieure
c
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e
ASTOHIA. 5()5
lie son plan aurait encore pu êlredélouriiée. Son
i^raiid nialheur l'ut que ses aj^ens n'étaient pas
(lignes de lui. Quelques-uns n'avaient pas assez de
eapaeilc pour comprendi'e la nature réelle et Té-
tendue de ses projets. D'auljes y étaient étrangers
d'intérêt et d'alléction, ajanl été nourris dans le
sein d'une Compagnie rivale. La sjmpatliie que
d'abord ils avaient ressentie pour leur nouveau
patron, avait été altérée, si ce n'est détruite, par
la guerre. Ils regardaient sa cause comme déses-
pérée, et s'occupaient seulement des moyens de
regagner une place sous leurs anciens commet-
tants. L'absence de M. Hunt, le seul représentant
réel de M. Aslor, au temps de la capitulation
avec la Compagnie du Nord-ouest, compléta la
série des contre-temps. S'il avait été présent, le
transfert n'aurait jamais eu lieu, suivant toutes
les probabilités.
11 est toujours pénible de voir échouer une
grande et bienfaisante pensée; mais c'est surtout
dans nn intérêt national que nous regrettons la
ruine de cette entreprise. Si elle avait réussi ,
elle aurait singulièrement contribué h étendre le
commerce américain. En effet, malgré l'impor-
tance des produits que la Compagnie anglaise des
Fourrures tire de ce pays, ils ne peuvent se com-
parer aux avantages qu'en auraient obtenus des
citoyens des États-Unis. Comme nous l'avons dit,
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5GG ASTORIA.
celle Compagnie, limiléc par sa nalure el par le Iml
(li; SCS opéralions, ne pcnl faire que peu iriisai»(;
«.les facilités maritimes ({ue donnent un emporium
el un havre sur cette côte. Dans nos mains, outre
les I)ancles errantes de trappeurs el de trafiquants,
le pays aurait clé exploré par d'industrieux labou-
reurs, et les ferliles vallées qui bordent les rivières,
où ({ui sont enfermées entre les montagnes , au-
raient été forcées de fournir leurs trésors agricoles
pour contribuer à la richesse générale.
Quant au commerce, nous aurions eu une
ligne de comptoirs depuis le Misslssipi et le Mis-
souri jusqu'au-delà des Montagnes Rocheuses, for-
mant ainsi une grande route, des immenses ré-
gions de l'Ouest aux rivages de l'Océan Pacifique.
Nous aurions eu, à l'embouchure de la Colombia,
un poste fortifié et un port qui auraient commandé
le trafic de cette rivière, de ses affluents, et d'une
vaste étendue de côtes; qui auraient entretenu
un commerce profitable avec les îles Sandwich,
et qui se seraient trouvés en communication di-
recte et fréquente avec la Chine. En un mot,
Astoria aurait pu réaliser les espérances de
M. Astor, si bien comprises et appréciées par
Jelferson, en devenant par degrés un empire com-
mercial transmonlain, u peuplé d'Américains li-
« bres et indépendants, unis avec nous seulement
(( par les liens du sang et de l'intérêt. »
"W
ASTURïA. 5(îy
Nous Ui rcpc'Ujiis donc : nous ici^rollons sin-
cèrement que le(iouvernemen», en nécliiieniU les
propositions de M. Aslor, ait laissé passer le mo-
ment où rentière possession de ce pays aurait pu
être prise tranquillement comme une chose toute
simple, et où un posle militaire aurait pu sans
contestation être élabli à Astoria. Nos hommes
d'État ont reconnu trop tard l'importance de cette
mesure. Des bills ont successivement été proposés
au Congrès pour atteindre ce but, mais sans
succès; et nos légitimes possessions sur cette cote,
aussi bien que notre commerce dans rOcé.ni Pa-
cifique, n'ont pas encore de point de ralliement
protégé par le pavillon national et par une force
militaire.
Cependant, la seconde période de dix années
s'écoule rapidement. La question de possession va
bientôt i-evenir. Dans l'état amical de nos rela-
tions actuelles avec la Grande-Bretagne, cette
question sera probablenjent encore ajournée.
' Chaque année cependant l'objet de la discussion
augmente d'importance. Il n'y a pas d'orgueil si
jaloux et si irritable que l'orgueil du territoire. A
mesure que les vagues de l'émigration rouleront
l'une après l'autre dans les vastes régions de
l'Ouest, h mesuie que nos établissements s'éten-
dront vers les Montagnes Rocheuses, les regards
inquiets de nos pionniers s'élanceront au-delà, et
I ,iiii
't:
368 ASTOIUA.
ils devieiulronl impatients de tout ohstacl(i ilnns
une voie qu'ils sont habitués à considérer eomme
un £;i'nnd débouché de notre empire. Si quelque
circonstance venait malheureusement a troubler la
bonne harmonie qui règne actuellement entre les
deux nations» cette question mal ajustée, qui dort
maintenant, pourrait tout à coup surgir avec une
importance guerrièi'e, et l'on verrait Astoria de-
venir le mot d'ordre d'une dispute d'empire, sur
les rivages de l'Océan Pacifique.
au
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AiM>i:Ni)[(:ri:
IN'oiv l.clia.li..l..iM ., oni.lcvuii M„„.
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t;ii(r(!iriiii,.iV( par rllfsmf'
-..nK.nx.,o.nnnv. • • ,i,u.|.,,.<.s ,i.Ves j,.slilio..,ivcs .
•* iTu'mos,
|'|"""<r«|"'l'|"i-' Ucl.tils ,ia
l'il li'olll
"m
nfl
NOTICE
.Swr ?'.'/«/ acluel du rommom' des fonnvres exlraiw
imncipalemem d'un article publié dans le Journal de
SiUiman, pour le mois de janvier ls3'i.
LaCo.,*,K.g„.o<l„ N0.J-0.U.S. n. jonfi pns lonj-^cups ,|.
.mjMre qu die avait acquis sur les n^gious co..n,e.dales .I.
la Cdon.b.a. La conn.rrcn... ru.-.HM.so qui existait entre elle
K la Cumpaouie de la haie ^ri,,.,,,,.,, ,,. ^^^^^^ ^^^.^^ ^^^^^^^
et par la r.nne .Je la plupar, !. ses Pa,,„ers. Les restes c'o
la CompagivM. se foudirent daus l'associat.ou rivale, et toutes
les aira.res se firent sons le nom de la (.on,p.o,ie Je la l,...
(I Hudson.
Cette coalition eut lieu en 1821. Astoria fut alo.sab-.n
clouné,etl'onhàtitsurlari^. droit, de la rivière, vin^î
.eues plus haut, un autre étabUssen.ent qui reeut le nom l
Vancouver. Il . e trouvait dans une contrée où' l'on pouvait
f.l«s laclcmenl s. procurer ,les provisions, et où il v av.a
n.omsde danger dVl,c molole p.. d,. f;,,c..s navales 1 ,
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5jO APPFNDICK.
(]«)m|).'»giiie c'nli'clienl, diJ-oii, un commerce actif cl prospcrc,
cl «'ncourjige les colonisateurs. Cepcndiint elle esl extrcmc-
iiieiil jalouse de sou monopole, qui s'élend depuis les ri-
vages de l'Océan Pacifique jusqu'aux Montagnes cl sur une
clendue considérable en latitude. Au lieu de partager le com-
merce de la Colomhia et de ses affluents, ainsi qu'il est sti-
|>ulé dans les traités , les traRipianls et les trappeurs améri-
cains qui s'aventurent à traverser les Montagnes, sont obligés
de se tenir nu sud, hori des pays exploités par les brigades
de la Compagnie de Ir. baie d'Hud^on.
M. Aslor s'est cimplélement retiré de la Compagnie amé-
ricaine des Fourrures comme de toutes autres aiïaires acti-
ves. Cette Compagnie est maintenant dirigée par M. Ramsay
Crooks(run dcf héros d'Astoria). Son principal établissement
est à Michilimackinac. Elle reçoit ses fourrures des postes dé-
pendants de ce comptoir, et de ceux du Mississîpi, du Mis-
souri, de la rivière Pierre-jaune, et des vastes pays qui s'é-
tendent a»i-delà des Montagnes Rocheuses. Elle emploie des,
bateaux à vapeur, cpii remontent les rivières et pénètrent à
de V. stes distances dans le sein de ces régions, autrefois si
péniblement explorées dans des canots, ou même à cheval et
à pied. La première apparition des bateaux à vapeur dans
h- cœur de ces \asles solitudes, causa, dit-on, l'étonnemenl
r| l'elTroi le plus extraordinaires à leurs sauvages habitants.
Outre les Compagnies principales dont nous venons de
parler, de moindres associations se sont formées, qui s'avan-
«•enl intrépidement dans les régions lointaines de l'Ouest, el
au-delà même des Montagnes. L'une des plus notables est
la Compagnie Ashley, de Saint-Louis, qui trappe pour son
|)ropre compte , et entretient un commerce étendu avec les
Indiens. L'esprit entreprenant et audacieux de M. Ashley
est un thème d'éloges dans toul l'Ouest , el ses aventures,
APPKNDICK. -^-j
^cs .xploiis . n.nrmssent aux n-untincs un ^v^.ul non.b.c
il liisJolres.
Une autre Com,,nj.nle , lomposée de cent cinquante per-
sonnes (le New-York, sVst formée en 1831. Elle est dirigée
I>nr le capitaine Uonnevilie, de l'armée des États-Unis, et a
|)oussé ses opérations dans des contrées peu connues jus-
cpi'alors. Elle ramène «les quantités considéraMes de four-
r.ires des régions situées sur les rivières Buenaventura et
Timpanogos, entre les Montagnes Rodieuses et les côlcs «le
Monlerey et de la haute Californif.
Les pays à fourrure, depuis l'Océan Pacifique jusqu'à l'es!
<les Montagnes Rocheuses, sont maintenant occupés (sans
parler des combinaisons particulières ni des trappeurs cl
irafiquants solitaires) par les Russes , du détroit de Béhrin-
jusqu'à l'île de la Reine Charlotte , située par 53 degrés de
latitude nord, et par la Couq.agnie de la l.aie d'Iludson ,
depuis celte île jusqu'au midi de la Colombia. La Compagnie
d'Ashley et celle du capitaine BonneviUe se sont emparées
<lu reste .lu pays jusqu'à la Californie. Enfin, tout le terri-
toire situé entre le Mississipi et l'Océan Pacifique, est tra-
versé dans toutes les directions : les montagnes et les forêts,
<lepuis la mer Polaire jusqu'au golfe de Mexico, sont par-
to.irues dans chaque recoin par les chasseurs. Toutes les
rivières, tous les ruisseaux, depuis la Colombia jusqu'à l'em-
bouchure du Rio-del-Norte, et depuis la Mac Ken/.ie jus-
qu'au Rio-Colorado, sont explorés et couverts de trappes à
castor.
Pres(pie toutes les fourrures américaines , cpii n'appar-
tiennent pas à la Compagnie de la baie d'Hudscm, se n-ndenl
à New-York v[ sont distribuées de là pour la consontmation
intérieure , ou envoyées sur les manhés étrangers.
La Compagnie delà baie .l'ilud.sou «MMbannie sur I;. bai.
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APIM.NUK.I
a'IIudsoii les lomiurrs pK.vcn.iiil tic sis l^uloitiirs du (uK
Voik, cl d<; li rivière .lu Daim (Mnosr). CvWv.s (pii vicniiciil
do la Giande-l\ivièie(Graiid-Rivei), clf., sont cmbarqiUM-.
ni Canada. Celles de la Colombia , enfui, voni à Londres.
Aucune de ces fourrures n'arrive aux Élals-Unis autrement
i|ue par le marché de celle ville.
L'exportation des fourrures des Élals-Unis se fait princi-
palement sur Londres. On en expédie cependant une ccr-
liune quantité à Canton, et un moindre uombre à Hambourg.
Enfin le commerce avec Mexico prend de jour en ;our plws
a'accroi.sseinenl. On y envoie des peaux de castor, de loutre,
de nulria, el de la laine de vigogne, préparée pour la cha-
pellerie. Quelques fourrures sont exportées de Baltimore,
Philadelphie et Boston , mais les principales cargaisons des
Élats-Unls, s..nt de New-York à Londres, d'où les fourrures
sont envoyées à Leîpsick. Une fois arrivées sur ce marché
bien connu, elles sont vendues ])endant la grande foire, et
distribuées dans toutes les parties du Continent.
Les Élals-Unis importent de rAméri.pie du sud la nu-
lria , la vigogne, le chinchilla et quelques peaux de daim.
Ils reçoivent aussi des peaux de veaux marins des îles
Lobos'à l'embouchure de la Plala. Une quantité de peaux
de castor, de loutre, etc., sont annuellement apportées de
Santa-Fé. Le nord de l'Europe nous fournit l'écureuil , le
genêt, le chafouin, le lapiu bleu, le lapin commun et le
lièvre, dont les fourrures sont toutes préparées pour garni-
tures, bonnets, manchons , etc.; mais l'Importalim la plu^
considérable vient de Londres, où s'est concentré prcs.pie
tout le commerce des fourrures de l'Améri(iue du Nord.
ni état du commerce des fourrures. On voil
Tel est le pi
que rexlension donnée à la Compagnie
i'i le monopole qu'elle a établi dans les régi
de la baie d'Hudson
ons donl Astoria
Al'PKNDICK
^iS
clail la clef, oui tlél(
ouriH- If folirs de <'el opu
ileiil
toiiiiiierce
thnis les eoflVcs de la Graiule-nrelagiic, cl oui (ail de Loiulirs
le grand empoi iniii des foiirnires , au lieu de l'élablii à
NeM—Vork scion les inleniions de M. Aslor.
VIS.
r
TABLE.
i
CllAlMTRE XXX.
.\l)(»iuliiiicc de gibier. — Cliusseurs Slioslionies. - lUvirre
«rH()l»ack. — Uivière llni;»t,'ée. — Campement près des IMa-
iiielons-Pilotes. — Délibérations Paf^r i ,) G
CHAPITHK XXXI.
\ oyageia-l on par eau ou par terie ? - Construction dt- ca-
nots. — Explorateurs. — Trap[)eurs détacbés. — • ^ isile de
deux Sei'penls. — On abandonne la rivière Enragé'e. — Ou
arrive an Fort Henry. — On détache, pour trapper, Mobin
son , Hoback et Hizner. — M. iVIiller se décide à les accom-
pagner.— Leur départ Pagr r ii i-
CHAPITl\i: XXXII.
Disette. — I\Iendiants serpents. — End)ar(|uenî.'nt sur la rivirrc
Henry. — Joie des Voyageurs. - Arrivée à la rivière «les Ser
pents. — Rapides et brisants. — Commencement d'infortunes.
- Campements serpents. — Pomparlers avec un Sauvage. -
Second désastre. - Perte d'un batelier. — La Cbaudièr(>.
Pti^c iS // 7 S
CHAPITUK XXXIII
Sombre délibération. — Explorateurs. — Rapports découra
géants. — Epreuve désasireuse. — Détachements en (piète «le
secours. — Caches. — Retour d'un des dé-tachcments. —
Nouveaux désappointements. — Le Trou du Diable. /*. igà 5H
^ i *
r\i:i r.
«-iiAi'ii'ui: \\\iv
7\lln!iix (Irscil culir la iivicrc des Scrpnils cl la Coloiiihiii. --
Sr-paralinn. - Alarclu; falij,'aiil«' le loni; de la rivii ri.' — Se ('lus
sauvages. — Shoslioiiirs. — I.ciirs alaiiiics. - Xcliats de clir-
vaiix, - SonHianccs de la soiC. - Cheval iVrlaiiir. — Codraj^r
d'une leiiiine indienne. - Diselle. J\e^al de chair «le
thien. — i>onvelles de M. Crooks el de sa tionpe — Marche
|iénible dans les nioula^nes. — Oraqes de neij^e. - \nil i;lacée.
n<ronr an hord de la rivière. }'nu,v 3() it ,');')
ciiAprniK \\xv.
Meneonlii! inallendiu', — Canot de pean. Ciainles cirantes
— Fatigues de IM. CjooUs el de ses eaniaiatles. -- Auiiveiles
de M. IMac Leilan. — IVIaiclie réliomade. — lladeaii de saide.
— Maladie <1(î ^1. Crooks. — Inipalience de (pielipies-nns des
hommes. — iNécessité de laisser les traînards en arrière.
Puiic .j(j à (o
CHAPITIU-: XXXV!.
M. llnnt rejoint Tavant-içarde. — l'ierre Dorion et sa lossi-
nantc. — (^amp de Shoshonies. — Vol excusable. — Testin
de «"hair de cheval. — j\l. Crooks ariive an camp. — Il entre-
prend de secouiir ses hommes. — lïaltau de peau. — l-'rènésii'
de Prévost. —Sa lin malheureuse. - Mial de l'aihlesse de John
Day. — IM. Crooks est encore laissé en arrière. — La l)rii,'ade
sort des montagnes. — l'-ntievue avec les Shoshonies. — On
ol)lient lia guide. — On travers»! la rivière des Sei-penls. —
On rejoint les hommes de M. Crooks. . . . Pii'.^o. ()4 ii nf\
CHAPITRE XXXVJI.
Dépari de la rivière des Serpents. — Accroissemcnl de la famille
Horion. — Camp de Shoshonies. — Marche i,dacée dans les
montagnes. — Climat plus doux. ~ Camp de Sciatogas. —
.loie des voyageuis. — Mort <le IMichael ('arrièie. — l/Uma-
lalla. — Arrivée aux hords de la Colomhia. Nouvelles
TAnri .
3--
«TAsloii.!. \.v villii^';»- (le Wisli r.MM. — Hctil tlii inassacic
«lu ToiKimii. — Les vctirms tI«',s;i|)|M)iiilt's. - Al ii\«(' à As-
loiia. — Avciilmcs (l(j Ik'td, dr .^I:u Lillaii cl (!<• Xac K<'ii/ii'.
I*(I^C ^.J (if xox
CIIAPITHE XWVIll.
Discllc (luraiil l'Iiivor. — Mauvais tonitoirc (U- cliassr. - Tu-
loin- il»; la saison de pèclu'. — L'nllilccaii on cpcrlan. —
lA'stiii^coii. — Le saiinioii. - >;tiiut; du p;ns le long de la
tolc. - l'IanU'S. — (^)ua(lin|)rdrs. Uis<'au.\. I5(!|ililcs. —
Climat à l'onot d(!s Monlaqnes. - Doiiccnrdc la Unipéia-
Miir. —Sol Pnfie. xçô à m
cnAPrrnr, xxxix.
iXalniels des enviions. — Leurs mœurs. — Leurs armes. —
CJsage d'aplatir la tète des enfiuits. — Croyances religieuses.
- IVèlresoii médecins. — Les idoles rivales. — Polygamie,
* anse de grandeur. — finene innocente. - .Mnsi«pie, danse,
jeu, — Voleurs vj-rtneux. — Horreur de l'ivrognerie. - In-
«lignation de Comcoinly Pii^e \\:>. ii rj;j
CHAPITIÎK XL.
Oeenpalions prinlaiiières à Asioria. — Départ de diverses
expéditions. - Indiens pillards. — \ oleurs de W isli-ram.—
Portage des cataractes — Portage an clair de lune.- At-
taqnc, défaite, pillage. — Remède indien contre la pollron-
nerie. — Pourparlers et compromis.— IJelourdela brigade.
— Elle rencontre Crooks et .lolin Day. — Leuis soullrances.
— Perfidie indienne. — Arrivée à Astoria. /V/qt? \x3 à \\\
CHAPITRE XLl.
\ ne d'cnseinl)le. — Agent envoyé en Russie. — Arnienieiil du
C'aslor. — Fnsliuclions au Capitaine. — Les îles Sandwieli. -
Hiuils relalils au Toiuiuin. — Précautions pris<s en attei
gnant Pembouchure de la Colonihia. . . . rnç^c \{ià ij.^
'jyH
TAIU-E.
CllAPlTRt \U\
NouvcUcs fxpettiuons préparées à Asloiin. — lUibcil Suiarl «i
SCS compagnons parlent pour JNeu-Yoïk. — SinK.'Mèic con-
«luilc (le John Day. - Sa lolie et sa mort. — Portage dange-
reux. - Serpents à sonnette. — Arrivée parmi les Wallah-
Wallahs. — Acliat de chevaux. — Départ de Stuart et de sa
hande pour les Montagnes ^«ffc i49'' '<^"»
CHAPITRK XLIII.
Iloute de M. Stuart. - Déserts arides. — Les montagnes HIeues.
_ Source sulfureuse. — Bruits concernant des hommes
hlancs. — Le Serpent et son cheval. — Un guide serpent. —
Départ nocturne. - Rencontre inattendue. — Histoire des
trappeurs. - Chute des saumons. - Grande pêcherie. -
Arriv--e à la Chaudière. - État des caches. - Nouvelle réso-
lution des trois trappeurs kentuckiens. . . Prtge iGi à i8i
CHAPITRE XLTV.
Désert de la rivière des Serpents. — Disette. — Voyageurs
égarés. — Rôdeurs indiens. — Le Chef gigantesque des Cor-
neilles. — l.e fanlaron intimidé. — Signaux indiens —La
rivière Enragée. — AlaruH-, - Vol des chevaux. — Plaisan-
terie indienne. — Beau coup inamiué. . . . Pn^c i8'i a n)\
CHAPITRE XLV.
I,cs Voyageurs démontés. - Préparatifs d'un voyage pédestre.
- Les espions. - Incendie des bagages. - Marche à pied. -
Les radeaux. - - L'élan blessé. - Les pistes indicnnrs. -
Conduite obstinée de Mac Lellan. - Panorama. — Cratères
l,»inlains. - Maladie de Crooks Pnf^c uf) n 20-
CHAPITRE XLVI.
\Wu .lunes et Tours gris. Montagnes et loriCDls. - Traces de
Mac Lellan. - Substances volcaniques. — Misérablr étal de
TAlîLi:. ttji)
Mac l.cllan. — Kaiiinic. — lloirihle proposition d'iiit lioiniiir
iifl'ainé. — Prodigirux (i-stiii. — Toinbcs iiulionncs. — Scr
prnts hospiialiors — Allianrc cvcntucllc /',ijit uoH à iT>
CIIAI'ITJIK ALVll.
I.a nvièri; Espagnole— Piste <riiulitns corneilles. — ()i aye
(le neige. — Feslin de chair de bison. — Plaine de sel -
Montagne à gravir. — Cime volcanif|ue. — Cratère éteint.
— Co<|uillages marins. — Campement dans une prairie. —
Chasse heureuse. — bonne chère. — Paysage runianti(|ue.
— Défilé rocailleux. — Torrent écumanl. — Le Détroit
Knflammé Puf^e 223 à 23j!
CHAPITRE XLYIir.
Temps glacial.— Halte et délibération. — Cantonnement pour
l'hiver. — Chasse heureuse. — M. Crooks et l'ours gris -
— La Wigwam. — Longues-cornes et daims à queue noire.
— Bœuf et venaison. — Bons ((uartiers et bonne chère. —
Une alerte. — Hospitalité forcée.- Pillage du garde-manger.
— Repas héroïques des Sauvages. — Abandon des quartiers
d'hiver Pa^^e .f.'b'S à 24<)
CHAPITRE XLIX.
Marches pénibles. — JNeige et glace. — Disparition du gibier.
-- Plaine stérile. — Seconde halte pour l'hiver. — Autre
vvigwam. — Retour du printemps. — Les canots ne peuvent
flotter. — Marche pédestre. — Vastes prairies. — Camps
déserts. — Squaws pawuces. — Indien otto. — Nouvelles de
la guerre. ~ Navigation sur la Platte et sur le Missouri. -
Réception .lu Fort Osago. — .Arrivée à Saint - Louis.
CHAPITRE !..
Convention entre >I. Asiorel la Comi)agnii' 1 us.sr th's Tomi riirrs
— Guerre entre le.'* l'.tats-Unis et la (iiandc-Brclagnr. —
58o
FAUM .
Instructions (lu ca|>ilain<' vSowlt- , coniniandaut ilu (Castor. —
K«]ni|M'nicnt (l<; l'Alonctt»'. — IM. Astor apprend rarrivt'u <Ur
M. Stiiart Pii^r i») ("/ v.<>,î
CIIAI'I'I UK M
Ijiihonclinre d»; la \\ allah-NVallali. — l)t|)arl de David Stuart
pour rOakinaj^an. - iM. Clarkc ronionti; la rivirro Lewis. —
Indirns >«'z-p«;ixi's. — Lciii' plivsi(|ii(' <•! leurs nueiu's —
i'ostt! élahli au conlliu-nt dos ri\icr«'s Spokan ( I du("u'ui-
p«>iulu. - IMac KcMi/i(.' rcnionli; Ir (^aniocuuni. - liandcs
d'Indiens xovaj^eurs. l'.xpédilion de Ueed aux caches.
Aventures de Novateurs et de Trappeurs errants. . . .
(,HAi>i'i"i\i: 1.11
Deparl do M. Muni dans le Claslor. l'rocaudons a la Facln-
reric. - Détachenionl du VN allaniol. — Appréhensions. —
\rrivéode IMac Kenzic. — Ktat des alVair(S au poste du tîha-
haptan. — Nouvelles do la j^tn-rre. — Découraqenient de Mac
Dougal. — Détermination d'ahantlonuerAsloria. — Dépari de
Mac Kenzie pour rintoriour. — Aventiu'e des lîapides. —
Visite aux voleurs tlo \N ish-rani. — Silualion périlleuse.
Ilencontre do !Mac Tuvish et de s.i troupe. - .arrivée au poste
du Shahaptan. — Les caches se trouvent vides. — Les Part-
ners hivernants résolvent tU- ne point (piitt(>r le pa\s. -
Arrivée do Clarlvo parmi les JNez-pcrcés. — Afl'aire du {.^ohelel
(l'argent. — Kxécution d'ini Indien. Arrivée dos Partners
hivernants à \storia Pafir ■x'^'j à 'xiyy
ciiAPn i\i£ Lin.
I
Les Partners sont nieconlents tie ^Mac Doutai. — (londuile
«"(^uivoquo de cet agent. Les PartiuMs consentent à ahan-
donnei' Asioria. -- Vente faite à Mac Tavish. Arran-
ijenu'nl pour raniu'e .Manileste signe p.n les P,iilner'>
— Dépai' de Mac Tavish pour linléiieur Pn^^r v^fi à ">u'>
TABI.K,
;hi
ciiAPinn. i.i\
.\n\irlfs »l»' M \sl(»r. — Il apprciul ^110 li;s Anglais pirpairiif
MncM'X|)i'(lili»»ii navale; rdiiti»' Asloria. — Il «I(>inaii(lc prolct-
lioii au (fOiivci-nciiKMil. anifiicain. - La Irc^ali' Adains est
(•(|iiiprt'. — Homiosnoiivcllrs. — l)(>sap|)oiiit(>inciit. /', 5o?)à3ii()
ClIAPITHi: I.V.
Allaii'CH (TKtat ù Astoria. — iMac l)oiii;al (l(<inan(lc la inaiii (riiiii-
pi'iiicrsso iiuliciiuc. — Il cnvDic iiiio ainhassa«l«> à C]onicoiiil\ .
hh'i'S iiiali'iiiionialrs des Chiimoks. — Dol. - - l,a inaiic»-
fsl aiiiciH'C an Foii. -- L'Iiahilc heau-pi'ir. — Ai'iivw ili-
;M. llunl à Astoria /\/^'(î joy <i Tm'J!
CIIAPITIIK LVI.
N'ovaf^r tlii Castor à Aew-Arcliangcl. Tin gonvfriunr russe.
— iMarclu's hacliitpics. — A Ovaqean Kanitscliatka. — PiVlicrir
tl«! lilt.' Sainl-Panl. — 'l'cnipèle. — M. llunt csl laissi'; anx
iles Sandwich. — Opcralions du ca|)itainc Sowh' à Canton —
llclonr de !M. llunt à Astoria Fay;e 5i5 ù Tyj:'i
CllAPlTHK LVJI.
.'Xrranyoments pris par les Partners. — iVI. lliuit repart dans
l'Alhatross. — Il arriv<! aux iles Maïquesas. — Il apprend des
nouvelles de la frégate anglaise la Phœhé. — Il se rend au\
îles Sandwicli. — Voyage de l'Alouette. — Son naufrage. —
Coiv'uile de Tamailnnaali et des insulaires envers les nau-
fragés 7'rtfgf 5u(j à 5r>()
ciiAPrrni: lyim
Arrivée de iMac Tavish à Astoiia. — (^oniluile de ses gens. —
Négociations de Mac Dougal et de IMac Tavish. — Marché
conclu |)Our le transfert d'Astoiia. — Soupçons concernant
la loyauté de Mac Dougal /Vgr 55; (< ?)44
T
TABLE.
CHAlMïUi: LIX.
Agitation à Asloria. -
Xiiivcf (l'un vais'^'îau inconnu. ■
(Jdre giu;ni('re «le (Joniconiiy. — Les Anglais prennent
posses.sion île l'Élablisscnient. — Comcomly est indigné de
la conduite de son gendre Page 545 à 357
CHAPITRE LX.
.Arrivée du brick le Colporteur à Astoria.— Abandon de l'Éta-
blis.senient. — Départ de la plupart de ses babitanls. —
Histoire tragique racontée par la stjuaw de Pierre Dorion.
Mort de Reed et de ses compagnons. — M. Astor .s'efforce
inutilement de renouveler son entreprise. — Conclusion.
Pa^e 553 à 308
AiM'KNDiCE Page ^6g à 573
UN l)K LA TABLE DU SECOND VOLUMK.