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Full text of "Les hommes du jour [microforme] : galerie de portraits contemporains"

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Photographie 

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WIBSTIR.N.Y.  14S80 

(716)  C7a-4S03 


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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICMH 
CollectÊon  de 
microfiches. 


Canadian  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  Institut  canadien  de  microteproductions  historiques 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best 
original  copy  availabla  for  filming.  Features  of  this 
copy  which  may  be  bibliographically  unique, 
which  may  alter  any  of  the  images  in  the 
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L'Inotitut  a  microfilmé  le  meilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
point  de  vue  bibliographique,  qui  peuvent  modifier 
une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  «exiger  une 
modification  dans  la  méthode  normale  de  filmage 
sont  indiqués  ci-dessous. 


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Coloured  covers/ 
Couverture  de  couleur 

Covers  damaged/ 
Couverture  endommagée 

Covers  restored  and/or  laminated/ 
Couverture  restaurée  et/ou  pelliculée 

Cover  title  missing/ 

Le  titre  de  couverture  manque 

Coloured  maps/ 

Cartes  géographiques  en  couleur 

Colourtod  ink  (i.e.  othcr  than  blue  or  black)/ 
Encre  de  couleur  (i.e.  autre  que  bleue  ou  noire) 

Coloured  plates  and/or  illustrations/ 
Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 


Bound  with  other  matériel/ 
Relié  avec  d'autres  documents 


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along  interior  margin/ 

La  reliure  serrée  peut  causer  de  l'ombre  ou  de  la 
distortion  le  long  de  la  marge  intérieure 

&lank  leaves  added  during  restoration  may 
appear  within  the  text.  Whenever  possible,  thèse 
hâve  been  omitted  from  filming/ 
Il  se  peut  que  certaines  pages  blanches  ajoutées 
lors  d'une  restauration  apparaissent  dans  le  texte, 
mais,  lorsque  cela  était  possible,  ces  pages  n'ont 
pas  été  filmées. 


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Colcured  pages/ 
Pages  de  couleur 

Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

Pages  restored  and/or  laminated/ 
Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 

Pages  discoloured,  stained  or  foxed/ 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 

Pages  detached/ 
Pages  détachées 

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Comprend  du  matériel  supplémentaire 

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Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
etc.,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  image  possible. 


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to  the  generosity  of  : 

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publiques  du  Canada 

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plus  grand  soin,  compte  tenu  de  la  condition  et 
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Original  copies  in  printed  paper  covers  are  filmed 
beginning  with  the  front  cover  and  ending  on 
the  lest  page  with  a  printed  or  illustrnted  impres- 
sion, cr  the  back  cover  when  appropriate.  AH 
other  original  copias  are  fiimed  beginning  on  the 
first  page  with  a  p.'imed  or  illustrated  impres- 
sion, and  ending  on  the  last  page  with  a  printed 
or  illustrated  impression. 


Les  exemplaires  originaux  dont  la  couverture  en 
papier  est  imprimée  sont  filmés  en  commençant 
par  le  premier  plat  et  en  terminant  soit  par  la 
dernière  page  qui  comporte  jne  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration,  soit  par  le  second 
plat,  selon  le  cas.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  en  coiTîmençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration  et  en  terminant  par 
la  dernière  page  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 


The  last  recorded  frame  on  each  microfiche 
shall  c:ontain  the  symbol  •^(meaning  "CON- 
TINUE»"), or  the  symbol  Y  (meaning  "ENO"), 
whichever  appiies. 

Maps.  plates,  charte,  etc..  may  be  filmed  at 
differont  réduction  ratios.  Those  too  large  to  be 
entirely  ii.ncluded  in  one  exposure  are  filmed 
beginning  in  the  upper  left  hand  corner,  left  to 
right  and  top  to  bottom.  as  many  frame»  as 
required  The  «ollowing  diagrams  iilustra^u  îhe 
method: 


Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  symbole  —^  signifie  "A  SUIVRE  ",  le 
symbole  V  signifie  "FIN". 

Les  cartes,  planches,  tableaux,  etc..  peuvent  être 
filmés  à  des  taux  de  réduction  différents. 
Lorsque  le  document  est  trop  grand  pour  être 
reproduit  en  un  f«ul  cliché,  il  est  filmé  à  partir 
de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  à  droite, 
et  de  haut  en  bas.  en  prena<it  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


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LES  HOMMES  DU  JOUR 


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SÎR  JOHX  A    MACDONAIJ) 


OeSBAMATK  .ï  (:<E,  onAVCUKS  ET  IMPHIMIUhS 


Kl ilTION     l 'OPTJL  A  I H  K 


LES 


HOMMES  DU  JOUR 


OAUmiK  1)K  PORTRAITS  CONTKMPORAINS 


MONUMENT   ÉRIGÉ   A   LA   GLOIRE   DE   LA   CONFÉDÉRATION 

DU   CANADA 


niRKCTION   DE 
I.OUIH-H.      1  ACHÉ 

Ni).  -1  (l,    HUK  ST-jAC»iUE.S,   MONTUÉAI. 


ÉDITEURS: 

l.A    COM..A.-.NIK    l.K   MOUUNS    A    PAI'IKU    MK    MuNTKKAU 

No.  588.  me  CraiK-  Montréal 


1/.  / 


Enregistré  par  I,c)uis-H.  Tachk,  an  iiiinistùrt'  de  1  iiKriculturo.  a  Ottawa 

conforniL-nu-nt   à   l'Arle   «lu    parlcnu-iit   ("ii    Caiiii<la,   fii 

l'annce  mil   Iiuit  ct-iit  qnatit-vingt-dix. 


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♦ 


INTRODUCTION 


i\. 


Le  Canada,  depuis  vingt-cinq  ans,  a  marché  à  pas  de  géant  dans 
la  voie  du  progrès  intellectuel  et  matériel.  Grâce  aux  hommes  de 
la  génération  ù  qui  fut  dévolue  la  tâche  difficile  de  la  diriger,  la 
confédération  canadienne  s'est  affirmée  plus  hautement  à  mesure 
que  le  temps  lui  a  permis  de  définir  sa  politique  et  d'accomplir  ces 
colossales  entreprises  qui  ont  attiré  sur  elle  l'attention  du  monde. 
Aujourd'hui,  après  un  ([uart  de  siècle  seulement,  notre  pays  occupe 
la  première  place  coloniale  du  globe.  Il  n'est  donc  pas  sans  à 
propos  de  réunir,  dans  un  cadre  h  la  portée  du  public,  quelques-unes 
des  grandes  figures  cjui  illustr'.'ut  la  génération  actuelle.  En  voyant 
ainsi  groupés  ces  hommes  d'Etat,  ces  savants,  ces  littérateurs,  ces 
rois  de  la  finance  et  de  l'industrie  qui,  chacun  dans  leur  sphère,  ont 
travaillé  à  la  gloire  de  notre  chère  patrie,  nos  compatriotes  compren- 
dront mieux  les  éléments  de  cohésion  que  nous  po.ssédons  et  le 
devoir  qui  incoml)e  à  tous  de  les  rendre  plus  solides,  au  lieu  de  les 
affaiblir  soit  par  indifférence,  soit  par  ignorance  de  ce  que  nous 
sommes. 

Cette  galerie  ne  contiendra  qu'un  nombre  limité  de  portraits  des 
hommes  qui  mériteraient  d'y  avoir  place.  L'ordre  dans  lequel  ils 
paraîtront  n'est  ni  un  ordre  de  mérite,  ni  un  ordre  de  préséance. 
Au  contraire,  le  but  des  éditeurs  est  de  les  mélanger  de  manière  à 
éviter  la  monotonie. 

La  province  de  Québec,  si  fière  dans  sa  force,  si  calme  à  travers 
les  orages  de  la  ])()lit}qu«.%  .si  mécoinuie  dans  certaines  parties  de  la 
Confédération,  si  ignorée  ou  si  méprisée  dans  d'autres,  aura  sa  large 
place  dans  cette  publication  destinée  à  être  répandue  dans  toutes  les 
provinces.  Ses  illustres  fils,  remarquables  par  la  variété  et  la  force 
de  leur  talent,  apparaî.ront  k\  comme  en  un  protêt  solennel  contre 
les  honteu.ses  attaciues  dont  elle  est  .souvent  l'objet.      D'un  autre 


I,KS    1U):\IMKS    IM"    JOUR 


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côte,  les  Canadiens-Français  apprendront  à  coiniaître  et  h  apprécier 
lenrs  compatriotes  anglais,  ([ni  méritent  lenr  sympathie  et  leur 
admira' ion. 

I^es  passions  de  parti,  les  entraînements  politicpies,  les  violences 
de  la  lutte  font  trop  souvent  voir  les  hommes  sous  un  faux  jour. 
Presque  invariablement,  selon  les  exigences  du  moment,  ils  sont 
])ortés  aux  nues  par  la  louange  et  l'adulation,  ou  traînés  dans  la 
boue  pour  servir  l'ambition  des  uns,  la  jalousie  ou  la  haii-e  des 
.lutres.  C'est  le  sentiment  des  injustices  cpii  .se  commettent  chaque 
jour  cpii  nous  a  inspiré  le  désir  de  faire  une  œuvre  utile,  en  faisant 
mieux  connaître  et  par  là  mieux  aimer  csux  de  nos  compatriotes  (jue 
le  talent,  le  travail  ou  une  louable  aml)ition  ont  portés  à  la  direction 
politique,  intellectuelle  et  morale  du  pays. 

L' esprit  de  parti  sera  oublié  dans  cette  publication.  Les  bio- 
graphie.T  seront  écrites  à  un  point  de  vue  impartial,  bienveillant 
plutôt  qu'hostile,  et  la  responsabilité  des  opinions  .sera  laissée  à 
l'auteur,  chaciue  écrit  devant  être  .signé  d'un  nom  resi^onsable.  I^a 
direction  verra  cependant  à  ce  que  la  louange  d'un  homme  ou  d'un 
parti  ne  comporte  pas  d'attaque  déloyale  ou  pa.ssionnée  contre  un 
autre,  et  ([ue  la  ju.stice  et  l'hi.stoire  .soient  respectées  comme  les 
hommes  et  les  partis  eux-mêmes. 

La   grande   édition    des    "Hommes    du    Jour"    parait    depuis 

plusieurs  mois,  et  la  bienveillance  (jue  le  public  lui  a  témoignée 

nous  a  décidé  à  en  faire  une  édition  ])opulaire  accessible  à  toutes  les 

clas.ses  de  notre  population,  et  d'un  format  plus  connnode  pour  la 

lecture  et  pour  la  consultation.      C'est  cette  édition  cjui  connnence 

aujimrd'hui  :  elle  sera  publiée  en  anglais  et  en  français  pour  la  bien 

répandre  parmi   les  deux  grandes  races  qui  rivalisent  d'émulation 

au  Canada. 

LOUIS-H.  TACHK. 


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LES  Hommes  du  Jour. 


If.re  Série. 


SIR  JOHN  A.  MACDONALI) 


Sir  John  Macdonald  n'a  jamai.s,  nou.s  dit-on,  donné  le  moindre 
encouragement  aux  biographes  tjui  ont  tenté  d'écrire  sa  vie.  Il  est 
assez  rare  (jue  les  hommes  de  valeur  veuillent  se  prêter  à  des  appré- 
ciations forcément  entachées  de  bienveillance  ou  de  mauvais 
vouloir  ;  même  une  esquis.se  biograplii{|ue  ne  peut  avoir  de  poids 
véritable  que  dégagée  des  pas.sions  qui  s'agitent  ince.s.saniment 
autour  d'eux.  Il  est  donc  naturel  (jue  Sir  John  préfère  attendre  le 
grand  apaisement  qui  suivra  sa  retraite  de  la  vie  politique,  avant  de 
chercher,  dans  le  jugement  des  hommes,  la  modération,  la  jii.stice  et 
la  .saine  appréciation  de  sa  carrière  .si  mouvementée  et  si  profondé- 
ment liée  à  l'histoire  de  ce  pays. 

Sir  John  doit  cependant  se  .soumettre  à  l'inéxitable,  et,  du  moment 
<lu'on  publie  une  galerie  de  portraits  des  honunes  éminents  du  Canada, 
la  première  place  lui  appartient  et  il  lui  faut  .subir  l'infliction  d'une 
"  esqui.s.se,"  toute  incomplète  qu'elle  pui.sse  être.  Autrement,  ce 
.serait  faire  la  même  faute  que  d'omettre  le  nom  de  vShakespeare  ou 
de  Hugo  en  parlant  des  grands  poètes. 

Le  cadre  dans  lequel  nous  devons  renfermer  cette  étude  ne  nous 
permet  guère  que  des  considérations  générales  et  une  rapide  revue 
des  faits  principaux  qui  .se  rapportent  à  notre  .sujet.  Le  .soin  de 
décrire  minutieusement  la  vie  et  la  carrière  du  premier  ministre 
appartiendra  à  celui-là  qui,  après  la  mort  de  Sir  John,  grâce  à  une 
intimité  de  vieille  date  avec  lui,  pourra  joindre  à  l'exactitude  et  à 
l'en.semble  des  faits  le  récit  des  habitudes  journalières  de  l'éminent 
homme  d'Ktat,  et  apprécier,  en  y  ajoutant  l'anecdote  à  l'occasion, 
les  subtilités  de  .son  esprit  et  l'élévation  de  .son  caractère.  I^'auteur 
de  ces  lignes  n'a  pas  eu  le  rare  privilège  de  jouir  de  la  coiuiai.ssance 
•fersoiuielle  du  premier  ministre,  ce  qui   le  force  à  suivre  de  loin 


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6  LES    HOMMKS    Dl'   JOUR 

seulement  le  vieux  chef,  en  se  fixant  sur  ces  événements  (jui  ont 
diminué  la  distance  entre  l'architecte  de  la  Confédération  et  la  gloire, 
comme  les  chaînons  du  chemin  de  fer  du  Pacifitjue  ont  rapproché 
les  deux  océans. 

On  parle  facilement  d'hommes  d'Etat,  mais  peu  de  personnes 
réalisent  la  véritable  sij^nification  et  l'étendue  de  ce  mot.  Dans  les 
classes  ignorantes,  on  donne  souvent  ce  titre  à  des  politiciens  d'occa- 
sion et  même  à  ces  hâbleurs  (|ui  voient  des  dangers  partout  et  que  Ben 
Jonson  désignait  avec  mé])ris  comme  "  stateswomen.  '  Un  homme 
d'Ktat  est  chose  bien  rare.  Il  n'y  en  a  pas  trois  parmi  ceux  qui 
s'occupent  aujourd'hui  de  politique  aux  Etats-Unis  ;  il  n'y  en  a  pas 
cinq  au  Canada.  Sir  John  Macdonald  est,  sans  aucun  doute,  le  plus 
grand  des  (juatre  Canadiens  c[ue  nous  croyons  vraiment  dignes  de  ce 
nom  et  le  plus  grand  du  continent  américain.  Comment  une  nation 
de  cincjuante  à  .soixante  millions  d'habitants  a  produit  moins 
d'hommes  d'Etat  qu'une  nation  voisine  de  cinq  à  six  millions  .seule- 
ment, est  une  question  cpie  nous  ne  voulons  pas  discuter  ici.  Qu'on 
nous  permette  .seulement  de  dire  que  nos  institutions  plus  libres,  nos 
traditions  historiques  incomparablement  plus  grandes,  comme  partie 
intégrale  du  plus  va.ste  empire  du  globe,  favorisent  mieux  la  produc- 
tion et  le  développement  des  facultés  et  des  talents  de  l'homme 
d'Etat  que  les  rudes,  égoïstes  et  démocraticiues  habitudes  de  la 
république  américaine.  Un  Canadien  illustre  exprimait  énergicpie- 
ment,  le  4  janvier  1889,  .son  appréciation  du  sentiment  de  dignité 
nationale  qui  existe  dans  les  deux  pays,  dans  un  .sens  (jui  appuie 
notre  assertion  et  qui  dénote  ini  jugement  droit,  uni  au  patriotisme 
le  plus  éclairé  :  "Je  préfère,  disait  l'honorable  Oliver  Mowat,  être 
premier  ministre  de  la  province  d'Ontario  que  gouverneur  de  l'Etat 
de  New-York  :  et,  si  j'avais  une  ambition  (|ui  me  manque  pour  une 
position  honorifique  plus  haute,  j'aimerais  mieux  être  premier 
mini.stre  du  Canada  ([ue  président  des  Etats-Unis." 

Bien  que  les  facultés  et  les  talents  des  liommes  d'Etat  soient  les 
mêmes  partout,  leur  politique  varie  con.sidérablement  .selon  les 
milieux  et  particulièrement  entre  l'Angleterre,  les  Etats-Unis  et  le 
Canada.  Nulle  part  l'éducation  politique  ne  commence  aus.si  à 
bonne  heure  qu'au  Canada  et  aux  Etats-Unis,  ce  qui  donnerait  à 
croire  au  même  degré  de  culture  et  d'avancement  dans  les  deux 


SIR   JOHN    A.    MACDONALD 


pays.  Il  y  a  CL-pendant  la  distance  de  la  coupe  aux  lèvres  entre 
cette  supposition  et  les  faits.  Chose  étrange  :  bien  que  les  Anglais 
ne  connnencent  à  s'intcreSi-.er  activement  aux  affaires  publiques 
qu'au  moins  cinq  ans  après  les  jeunes  gens  du  Canada  et  dix  ans 
après  leurs  cousins  des  Ktats-Unis,  (qui  s'occupent  d'affaires  nuniici- 
pales  dès  l'âge  avance  de  douze  à  treize  ans),  ils  sont,  quand  leur 
heure  est  venue,  tout  aussi  ca]>ables  de  se  former  une  saine  et 
intelligente  opinion  des  questions  publiques  que  les  plus  précoces 
politiciens  ;  et  les  honnnes  d'Etat  anglais  s'élèvent  généralement  à 
un  bien  plus  haut  degré  de  perfection,  d'intelligence  et  de  dignité 
politiques.  De  là  vient  qu'on  considère  souvent  connue  un  compli- 
ment de  comparer  un  homme  d'Etat  colonial  ou  américain  à  un 
homme  d'Etat  anglais.  Il  a  été  dit  de  Sir  John  qu'il  était  "moie 
than  a  colonial  mind."  Ce  n'est  pas  très  flatteur  pour  les  colonies, 
mais  ce  l'est  d'autant  plus  pour  notre  premier  ministre. 

On  a  souvent  comparé  Sir  John  Macdonald  à  l'illustre  Benjamin 
Disraeli ,  comte  de  Beaconsfield.  Cette  comparaison  pourrait  être  prise 
pour  un  compliment  à  l'adresse  de  Sir  John,  si  elle  n'était  tout  aussi 
flatteuse  pour  Disraeli.  Il  y  a  sûrement  de  fortes  ressemblances  dans 
la  personne,  la  vie  et  le  caractère  de  ces  deux  hommes,  bien  que 
nous  n'admettioîis  pas  un  parallèle  au.ssi  frappant  que  certains 
enthou.siastes  veulent  le  faire.  Il  n'est  pas  à  regretter  non  plus  que 
Sir  John  diffère  de  caractère  avec  Disraeli  en  ce  .sens  qu'il  ne  possède 
pas  la  vanité  persoimelle  qui  amenait  ce  dernier  à  parler  ■  lui-môme 
.si  .souvent  et  d'uiie  manière  parfois  ridicule.  D'un  au.  côté,  la 
gloire  de  Lord  Beaconsfield  est  grandement  due  à  sou  gc.iie  litté- 
raire, que  Sir  John  ne  partage  pa^.  Très  di.stingué  comme  homme 
d'Etat,  Disraeli  est  encore  grand  comme  auteur;  et.  pour  citer  ses 
propres  mots  dans  la  préface  qu'il  a  écrite  à  l'ouvrage  de  son  père, 
"  Qiriosi/ics  of  JJlcratiirc":  "Un  aitteur  peut  diriger  la  fortinie  du 
"  monde  d'une  manière  plus  étendue  qu'un  homme  d'Etat  ou  un 
'  '  guerrier  ;  et  les  œuvres  par  lesquelles  son  influence  se  produit  et 
"  s'exerce  peuvent  avoir  l'intérêt  et  l'importance  des  décisions  des 
"  corps  législatifs  les  plus  grands  ou  posséder  la  valeur  stratégique 
"  déployée  sur  les  champs  de  bataille  les  plus  mémorables."  Il  y 
a  cependant  auteur  et  auteur.  Comme  auteur,  Lord  Beaconsfield 
n'a  pas  exercé  son  influence  sur  la  fortune  du  monde  à  un  aussi 


8 


LEb    HOMMES    DU  JOUR 


haut  degré,  loin  de  là,  que  comme  liomme  d'Ktat  ;  et  p  >urt.int 
î  'h'/an  Gny,  et  encore  plus  Civitarini  Floning^  occupent  une  p^ace 
d'honneur  dans  les  annales  de  la  littérature  anglaise.  Pu.-lier  un 
livre  n'est  pas  un  effort  si  colossal,  après  tout,  de  notre  temps  où  le 
découpage  et  les  cita  is  jouent  un  si  grand  rôle  à  l'inju  d'un 
nombre  de  personnes  considérable,  mais  moins  nombreux  de  jour  en 
jour.  Si  Sir  John  Macdonald  écn\\.11-  un  livre,  ce  livre  serait,  sans 
doute,  digne  de  son  génie  ;  mais  je  n'ai  jamais  entendu  dire  qu'il  ait 
eu  la  pensée  de  devenir  aut^^ur.  Il  est  cependant  si  bien  doué,  cra'il 
ne  serait  pas  étonnant  de  le  voir  un  jour  suqirendre  le  monde,  au 
déclin  de  sa  \ie,  par  une  teuvre  remarquable,  tout  comme  un  certain 
Caton,  non  étranger  à  la  célébrité,  commença  à  étudier  le  grec  à 
l'âfre  de  quatre-vingts  ans.  Sir  John  a  été  toute  sa  vie  un  homme  à 
surprises  et  un  fidèle  croynnt  aux  doctrines  de  Disraeli,  dont  l'une 
I>ar  excellence  est  la  suivante  :  "Ce  n'est  pas  assez  de  gouverner  les 
hommes  :  il  faut  encore  les  étonner." 

Tv'âge  ne  .semble  pas  aîTecter  vSir  John.  Un  jour,  à  ini  pique-nique 
où  il  faisait  une  allusion  à  la  possibilité  de  sa  mort  prochaine,  un 
rude  paysaii  lui  cria  :  "John  A.,  vous  ne  mourrez  jamais  !"  Ce  mot 
peut  être  donné  connue  le  pendant  de  l'anecdote  qui  suit.  Vi\ 
Anglais  exprimait  l'espoir  cjue  .son  fils  pourrait  entendre  Gladstone 
"avant  sa  mort."  vSon  interlocuteur  lui  répliquait  que  le  che^ 
libéral  était  en  parfaite  santé  et  qu'il  n'y  avait  aucu'.e  probabilité 
qu'il  mourût  avant  hmgtemps.  "  Oh  !  reprit  le  premier,  je  ne  parle 
pas  de  la  mort  de  Gladstone,  mrJs  de  celle  de  mon  fils."  Puis.sent 
le  vaillant  ami  de  la  cause  irlandaise  et  Sir  John  Macdonald,  qui, 
tous  deux,  ont  eu  le  privilège  d'être  appelés  "  Our  grand  old  inan  " 
par  leur  nation  respective,  être  con.servés  longtemps  à  l'admiration 
et  à  l'affection  de  leurs  compatriotes  ! 

Sir  John  Macdonald  et  Lord  Beaconsfield  ont  tous  deux  étudié  le 
droit  ;  mais  ce  dernier  n'a  jamais  exercé.  Aucun  d'eux  n'était  bien 
jeune  à  .son  entrée  dans  la  carrière  légi.slative.  Kii  1837,  quand 
Di.srueli  fut  élu  pour  représenter  le  bouîg  de  Maidstone,  il  avait 
trente-deu.K  ans.  Aux  jours  de  Cicéron,  cet  âge  fonnait  partie  de  la 
première  jeunesse  politique  ;  mais  le  monde  a  marché  depuis  cette 
époque. 

Il/ium  fuit  et  ingens  gloria    Teueronnii. 


' 


mmm 


SIR   JOHN    A.    MACDONALI) 


9 


Quand  Sir  John  fut  élu,  en  1844,  pour  représenter  Kingston  dans 
l'assemblée  législative,  sous  l'Union,  il  avait  vingt-neuf  ans.  Kings- 
ton l'a  reçu  à  bras  ouverts  à  son  entrée  dans  la  vie  publiquu,  et  le 
jeune  député  ne  connut  pas  alors  les  amertumes  de  la  défaite,  tandis 
que  Disraeli  fut  battu  trois  fois  dans  In  division  de  High  Wycombe 
et  rejeté  une  fois  par  les  "libres  et  indépendants"  électeurs  de 
Taunton  avant  que  Maidstone  lui  ouvrît  les  portes  du  parlement 
anglais. 

De  1S47  à  1876, — une  période  de  29  ans, — Disraeli  représenta  le 
comt''^  de  Huckingham,  de  fait  jusqu'à  son  élévation  à  la  pairie.  De 
1844  à  1878, — une  période  de  cinq  ans  plus  longue, — vSir  John 
Macdonald  siégea  en  parlement  pour  la  ville  de  Kingston.  Disraeli 
serv't  douze  années  avant  de  devenir  ministre  de  la  Couronne,  tandis 
que  Sir  John  fut  nommé  receveur- ,.;énéral  dans  le  cabinet  Draper- 
Daly  après  deux  années  et  demie  à  peine  d'expérience  législative. 
Lord  Beaconsfîeld  commença  sa  carrière  comme  radical,  mais  Sir 
John  est  resté  toute  sa  vie  un  franc  con.servateur.  Ecossais  de  nais- 
.sance,  ce  dernier  s'est  toujours  montré  ab.solument  loyal  et  dévoué 
au  Canada  ;  Beaconsfîeld .  descendant  des  Juifs,  a  été  plus  Anglais 
que  les  Anglais  eux-mêmes,  ce  qui  n'empêcha  pas,  un  jour,  un  adver- 
saire aussi  libéral  cjue  M.  Gladstone  de  lui  reprocher  de  n'avoir  pas 
une  goutte  de  .sang  anglais  dans  les  veines. 

La  res.semblance  la  ])lus  accentuée  entre  Beacon.sfield  et  Sir  John 
existe  dans  le  culte  constant  que  tous  deux  ont  pratic[ué  pour  un 
opportunisme  éclairé.  Grâce  à  cet  opportunisme,  vSir  John  a  rem- 
porté (|uel{[ues-uns  de  .ses  plus  beaux  triomphes,  et  nous  lui  devons 
de  dire  que  sa  politiciue,  bien  que  parfois  apparemment  incon.séquente 
avec  son  pa.ssé,  n'a  jamais  été  inconsi.stente  avec  l'nitérêt  national. 
Nul  homme,  dans  quel([ue  contrée  du  monde,  n'a  compris  plus 
nitelligennnent  les  courants  populaires  que  notre  premier  mini.stre, 
Il  a  prescrit  les  directions  à  suivre  pour  le  bien  pul  lie  aux  heures  les 
plus  critiques,  pratiquant  tantôt  l'homéopathie,  tantôt  l'allopathie. 
Complétons  notre  pensée  par  l'expressive  comparai.son  de  Ilare,  si 
singulièrement  caractéristique  de  la  conduite  politique  de  vSir  John  : 
"  Un  honnne  d'Etat,  me  dit-on,  devrait  suivre  l'opinion  pul)lique. 
"  Sans  doute. — mais  comtne  un  cocher  suit  ses  chevaux,  en  tenant 
"  la  main  ferme  et  en  les  dirigeant." 


lO 


LES    HOMMi:S    DU  JOITR 


1  ' 

H 


i 


La  ville  de  Glasgow  a  eu  riioniKJur  d'être  le  lieu  de  naissance  de 
notre  premier  ministre.  C'est  xin  honneur  dont  non-seulement 
Glasgow,  mais  encore  toute  l'Kcosse,  mère  de  tant  d'illustres  fils, 
peut  se  glorifier  à  bon  droit.  Ce  fut  le  1 1  janvier  1815  que  le  futur 
homme  d'Ktat  apparut  sur  le  théâtre  de  ce  monde  où  il  était  appelé 
à  jouer  un  si  grand  rôle.  Sans  ce  qui  peut  être  appelé  cet  accident 
de  sa  naissance  en  Kcosse,  Sir  John  pourrait  être  regardé  absolument 
connue  un  Canadien,  étant  venu  au  pays  dès  sa  première  enfance. 
Son  éducation  primaire  lui  fut  donnée  presque  complètement  à 
l'école  royale  de  grammaire  à  Kingston,  Ontario,  sous  la  direction 
du  Dr.  Wilson,  sorti  de  la  célèbre  université  d'Oxford,  dont  son 
élève  devait  un  jour  recevoir  un  des  plus  hauts  honneurs  acadé- 
miques. En  effet,  cette  université  d'Oxford,  le  siège  le  plus  re- 
marquable de  l'éducation  dans  le  monde  et  l'institution  la  plus 
particulière  dans  la  collation  de  ses  distinctions,  conférait  à  Sir  John, 
en  1865,  le  titre  de  docteur  en  droit  civil,  et  s'honorait  elle-même  en 
honorant  ainsi  le  grand  homme  d'Etat  canadien  qui  a  tant  fait  pour 
resserrer  les  liens  qui  unissent  notre  pays  à  l'empire  britannique. 

Bientôt  après  sa  majorité,  le  jeune  John  Macdonald,  dont  bien 
des  vieux  résidents  de  Kingston  se  rappellent  encore  la  démarche 
alerte  et  les  manières  affables  et  intelligentes,  fut  appelé  au  barreau 
du  Haut-Canada.  Ce  fut  au  terme  de  janvier  1836.  Il  fit  l)ientôt 
sa  marque  dans  la  profession  légale,  qui  répondait  si  bien  à  son 
esprit  concis  et  logique.  Sir  John  n'a  jamais  été  accusé,  même  par 
ses  ennemis  les  plus  acharnés,  d'un  amour  exagéré  de  l'argent.  On 
l'a  accu.sé  de  trop  aimer  le  pouvoir,  mais  c'est  là  un  sentiment  plus 
noble  et  plus  élevé  ;  et  la  nation  canadienne  parait  déterminée  à 
favoriser  cette  pa.ssion  chez  lui.  Cela  n'empêche  pas  que,  .si  Sir  John 
en  était  resté  à  la  pratique  du  droit,  laissant  la  politique  absohiment 
de  côté,  il  aurait  ])u  amasser  une  fortune  princière,  au  lieu  de  rester 
pauvre.  T-a  même  chose  peut  être  dite,  dans  une  cerv.aine  mesure, 
du  célèbn  iCdward  Blake,  qui  a  manqué  l'occasion  d'amasser  une 
large  fort'  le  pour  sa  famille  eu  consacrant  iine  si  grande  partie  de 
son  temps  à  la  vie  politique.  ' 

De  1847  jusqu'à  la  Confédération,  Sir  John  fut,  presque  sans 
interruption,  membre  du  gouvernement.  Il  occupa  successivement 
le  poste  de  receveur-général,  de  commissaire  des  terres  de  la  Couronne 


SIK    JOHN    A.    MACDONAU) 


I  I 


et  de  procureur- général  pour  le  Haut- Canada  ;  et  il  devint  premier 
ministre  en  juillet  1H58,  après  que  l'administration  eut  été  renversée 
sur  la  question  du  siège  du  gouvernement.  Il  occupa  alors  la  posi- 
tion de  maître-général  des  postes,  résignant  au  bout  de  vingt-quatre 
heures  pour  redevenir  procureur-général  du  Haut-Canada.  Il 
s'acquitta  des  devoirs  de  sa  charge  avec  une  habileté  remarquable 
jusqu'en  mai  1862,  date  à  laquelle  l'administration  dont  il  était 
membre  fut  renversée  sur  la  question  de  la  milice. 

Il  n'y  a  jamais  eu  dans  l'oi^position  deux  pins  énergiques  et 
brillants  chefs  que  Sir  John  Alexander  Macdonald  et  feu  vSir  George 
K.  Cartier,  pendant  les  deux  années  qui  .suivirent.  Le  souvenir  de 
cette  époque  est  resté  légendaire  dans  les  annales  de  nos  luttes  parle- 
mentaires et  forme,  avec  la  lutte  de  l'opposition  conduite  par 
l'honoralile  M.  Chapleau,  à  Québec,  en  187S  et  1S79,  l'âge  d'or  de 
nos  débats  législatifs  dans  les  trente  dernières  années. 

Sir  John  n'a  guère  langui  dans  les  froides  régions  de  l'oppo-sition. 
Durant  la  très  grande  partie  de  sa  carrière  politique,  il  a  éprouvé  les 
vivifiantes  .satisfactions  du  pouvoir.  Et  c'est  peut-être  un  des  points 
<|ui  resteront  le  mieu.x  actiuis  à  sa  gloire  d'avoir  traversé  de  nom- 
breu.ses  années  de  bonne  fortinie  aussi  sagement  ([ue  les  plus  mauvais 
jours  de  sa  carrière.  C'est  dire  l)eaucoup,  car  personne  ne  s'est 
montré  aii.ssi  grand  dans  l'adversité  que  le  vieux  chef  après  ses 
désastres  de  1S73.  Il  n'a  jamais  perdu  foi  en  lui-même  et  il  a  eu  la  rare 
habileté  de  tirer  d'une  ruine  (jui  parais.sait  ab.solue  le  triomphe  le  plus 
brillant  et  le  plus  durable  que  pût  ambitioinier  un  chef  politique. 

îyC  gouvernement  de  l'honorable  John  Sandfield  Macdonald  ayant 
perdu  le  pouvoir,  l'administration  Taché-Macdonald  lui  succéda,  le 
30  mars  1S64.  De  ce  jour  ju.stiu'à  l'accomplis.sement  de  la  Con- 
fédération, vSir  John  .siégea  à  l'assemblée  législative  comme  leader. 
vSir  Ktienne  Taché  mourut  en  1.S65,  après  avoir  été  une  des  figures 
les  plus  remar([uables  et  les  plus  nobles  de  la  nationalité  françai.se, 
Homme  à  vues  très  larges,  politicien  tolérant,  il  fut  un  des  actifs 
in.struments  de  la  Confédération.  Sir  John  Macdonald  qui,  avec  Sir 
George  Cartier,  avait  été  son  plus  brillant  collègue,  aurait  jni  lui 
succéder  en  1865  ;  mais,  sachant  ([ue  tout  vietit  à  point  à  qui  .sait 
attendre,  il  s'effaça  gracieu.sement  et  modestement  en  faveur  de  vSir 
Narcisse  Belleau. 


12 


LKS   HOMMKvS    DU  JOI'R 


lya  conférence  de  Churlottetown,  en  1864,  fut  suivie  de  la  fameuse 
conférence  de  Québec,  tenue  dans  la  même  année,  et  dans  laquelle 
on  fixa  la  base  d'une  union  entre  toutes  les  possessions  anglaises  du 
continent  américain.  La  première  avait  eu  pour  résultat  d'unir  les 
provinces  maritimes  dans  le  sens  ([ui  prévalut  à  celle  de  Québec. 

Dès  lors,  la  Confédération  était  assurée.  La  conférence  coloniale 
de  Londres,  dont  Sir  John  fut  le  président,  après  avoir  été  délégué 
aux  deux  autres,  siégeait  en  1866-67  quand  la  jouissance  du  Canada 
reçut  du  parlement  anglr.is  sa  charte  et  sa  constitution  dans  la  forme 
du  célèbre  "Acte  de  l'Amérique  Britannique  du  Nord."  Le  fait 
que  Sir  John  fut  appelé  à  former  le  premier  gouvernement  de  la 
Confédération,  en  1867,  prouve  qu'on  le  regardait  à  bon  droit  comme 
ayant  pris  la  part  la  plus  active  et  le  plus  d'initiative  pour  amener 
ensemble,  dans  lui  tout  compact,  les  faibles  provinces  anglai.ses 
éparses  sur  ce  continent.  Le  premier  mini.stre  s'attribua  le  porte- 
feuille qu'il  .semblait  affectionner  davantage,  celui  de  procureur- 
général,  plus  hautement  désigné  sous  le  titre  de  ministère  de  la 
justice. 

Chose  .singulière  :  vSir  John  n'aurait  pu  perdre  le  pouvoir  dans  un 
temps  plus  favorable  à  .ses  intérêts  politi([ues  i[u'à  1  automme  de 
1873,  lors  de  .sa  démission  sur  l'affaire  du  Pacifi(iue.  C'était  au 
début  d'une  cri.se  financière  terrible,  dont  le  Canada  devait  souffrir 
profondément  et  qui  paraly.sa  le  commerce  et  l'indu.strie  d'une  grande 
partie  du  monde.  Notre  position,  à  nous  Canadiens,  était  encore 
a.ssombrie  par  une  succession  de  mauvai.ses  récoltes  dont  l'effet 
rendait  plus  intense.s  les  anxiétés  cau.sées  par  cette  dépres.sion 
universelle  et  plus  amères  les  luttes  entre  les  partis  politiques.  Le 
parti  libéral,  qui  avait  certainement  des  titres  à  l'administration  des 
affaires  publif^ues,  n'aurait  pu  monter  au  pouvoir  dans  des  circon- 
.stances  plus  fatalement  dé.savantageuses.  Le  mini.stère  de  l'agricul- 
ture était  impui.ssa!it  à  faire  pousser  de  bonnes  récoltes.  Personne 
n'était  ass  v.  naïf  pour  supposer  ([ue  le  gouvernement  Mackenzie 
était  capable  de  faire  la  pluie  et  le  beau  temps  ;  et  cependant,  est-ce 
perversité  de  la  nature  humaine,  est-ce  un  étrange  désir  de  contradic- 
tion et  de  l)lâme,  la  grande  partie  des  électeurs  as.sociait  l'adminis- 
tration fédérale  h  la  rareté  de  l'argent,  aux  bas  prix,  aux  pauvres 
moissons,  aux  sombres  jierspectives  et  à  la  mauvaise  humeur  de  la 


SIR   JOHN    A.    MACDONALD 


13 


nation.  vSir  John  Macdonald,  que  personne  ne  surpasse  clans  la  con- 
naissance de  la  nature  humaine,  se  faisait  ini  plaisir  de  répéter,  aux 
"pique-niques"  et  aux  assemblées  politiques,  avec  cett-  bonne 
humeur  (pii  le  caractérise,  que,  si  le  peuple  lui  en  donnait  la  chance, 
grâce  à  la  protection,  il  lui  donnerait  de  bornes  recolles.  L,e  pe  'ple 
lui  remit  le  pouvoir  et  Dieu  donna  de  bonnes  récoltes  au  pays.  Des 
lors,  on  as.socia  le  gouvernement  de  Sir  John  à  la  pro.spérité  générale. 
Ce  fut  le  cas  de  dire  :  "'  J^ost  /io<\  crgo  propter  Iioi\"  et  :  "  Rien  ne 
réussit  comme  le  succès."  Toutefois  il  ne  faut  pas  croire  que  ce 
succès  était  sans  mérite.  Quelle  que  soit  l'appréciation  que  l'on 
fasse  de  la  politique  nationale,  vSir  John  eut  le  crédit  d'avoir  hardi- 
ment proclamé  le  remède  (jui  devait  mettre  fin  à  la  crise  que  l'on 
venait  de  traverser. 

Eii  1S46,  l'Angleterre  avait  adopté  une  politique  nationale  qui 
s'imposait  au  .suffrage  du  peuple  anglais.  Ce  (pii  était  l)ou  pour  la 
mère-patrie  ne  devait  pas  nécessairement  l'être  pour  le  reste  du 
monde,  quoi  qu'en  disent  les  économi.stes  anglais,  qui  prétendent  le 
contraire.  Le  commerce  colonial  a  été  fortement  retardé  par  ce 
changement  de  politique  en  1S46,  et  l'Angleterre  n'aurait  pu  raison- 
nablement se  plaindre  que  le  Canada  prît  sa  revanche,  lorsqu'il 
était  presque  iiuanime  sur  les  moyens  à  adopter  jiour  assurer  sa 
prospérité. 

Sir  John  monta  au  jyouvoir,  pou.ssé  par  le  flot  populaire  que 
.souleva  le  .souffle  de  son  génie.  Il  y  est  re.sté  depuis  et  y  semble 
installé  pour  longtemps,  car  les  aimées  ne  l'afifaibli.ssent  pas  et 
l'habitude  n'enfante  pas  la  monotonie  dans  son  admini.stration. 

Lor.s([u'il  forma  .son  gouvernement,  en  1S78,  le  premier  mini.stre 
prit  le  porte-feuille  de  l'intérieur,  qu'il  garda  jusqu'au  18  octobre 
1883.  Il  devint  alors  prés'dent  du  Conseil  et  céda  la  lourde  adminis- 
tration de  l'intérieur  à  l'honorable  vSir  David  Macpherson.  à  qui 
succéda  l'honorable  TluMuas  White,  le  plus  infatigable  des  mini.stres 
et  le  plus  loyal  des  hommes,  mort  si  prématurément.  Depuis 
l'automme  dernier,  octobre  1889,  Sir  John  occupe  la  position  de 
minist'c  des  chemins  de  fer  et  remplit  assidûment  les  absorbantes 
fonctions  de  ce  ministère. 

Un  des  traits  les  ])lus  frappants  de  l'habileté  de  Sir  John  se  trouve 
dans  le  choix  de  .ses  collègues,  hommes  admirablement  doués  pour 


14 


LES    HOMMES    DU   JOIR 


les  fonctions  qu'il  leur  destine  et,  dans  quekiues  cas,  comme  dans 
celui  de  Sir  John  Thompson,  hommes  d'une  valeur  intellectuelle  qui 
s'impose,  non-seulement  dans  l'administration  de  leur  ministère, 
mais  dans  toutes  les  attributions  des  hommes  d'Ktat. 

Dans  cette  biographie,  nous  avons  constamment  indiqué  le 
premier  ministre  sous  le  titre  de  ''  S/r  /o/in,"  le  mot  "Sir"  étant 
désormais  attaché  à  son  nom  comme  le  titre  de  "  général  "  est  lié  à 
celui  de  Charette.  Ce  n'est  cependant  cju'en  juillet  1S67  que  Sir 
John  fut  fait  chevalier-commandeur  de  l'ordre  du  Bain,  et  en 
novembre  1884  qu'il  fut  promu  grand-croix  de  cet  ordre.  Outre  le 
titre  qui  lui  a  été  conféré  par  l'université  d'Oxford,  il  est  aussi 
docteur  en  droit  de  l'université  Queen's  de  Kingston,  et  docteur 
en  droit  civil  de  l'université  du  collège  "  Trinit^-  "  de  Toronto.  En 
janvier  1S72,  il  eut  l'hoinieur  insigne  de  recevoir  la  di.stinction  de 
chevalier-grand-croix  de  l'ordre  royal  d'Lsabelle  la  Catholique.  Ce 
fut  en  août  1879  que,  après  un  délai  de  .sept  ans  depuis  vSa  nomina- 
tion, il  prêta  .serment  comme  membre  ''Hi  Con.seil  privé  de  Sa  Majesté 
en  Angleterre,  d'où  lui  vient  .son  titre  de  "  très  honorable." 

Avec  le  comte  de  Grey,  (aujourd'hui  le  marquis  de  Ripon),  feu 
Lord  Idde.sleigh,  (alors  Sir  vStafford  Northcote),  Sir  Edward  Thornton 
et  le  très  honorable  Montagne  Bernard,  Sir  John  A.  Macdonald  agit 
comme  un  de  î  hauts-commi.s.saires  conjoints  et  plénipotentiaires  d  ?  Sa 
Majesté,  nommés  pour  régler,  avec  certains  commi.s.saires  des  Etats- 
Unis,  les  réclamations  de  r .llabaiiia  et  autres  litiges  existant  entre  les 
deux  pays.  Le  travail  des  commi.ssaires  résulta  dans  le  traité  de 
Washington,  qui  fut  signé  le  8  mai  187 1. 

De  1844  à  ce  jour.  Sir  John  a  représenté  Kingston,  moins  l'inter- 
valle de  1S78  à  1887,  pendant  lequel  il  .siégea  succe.s.sivement  pour 
Marquette,  Man.,  Victoria,  B.C.,  et  Carleton,  Ont..  En  1886,  il  fut 
élu  simultanément  dans  Kingston  et  Carleton  ;  mais  il  choisit  la 
division  qui  l'avait  si  longtemps  élu  et  qui  avait  amèrement  regretté 
son  ingratitude  de  1878. 

Dans  toutes  les  grandes  questions  qui  ont  été  agitées  ou  résolues 
durant  la  carrière  de  Sir  John,  le  chef  con.servateur  s'est  montré 
d'une  habileté,  d'un  tact  et  d'une  force  qui  ont  eu  pour  effet  de 
maintenir  la  paix  dans  l'ordre,  sans  affecter  le  sentiment  de  loyauté 
du  pays  à  l'adresse  de  la  Courotnie  anglai.se. 


SIR  JOHN    A.    MACDONALH 


^5 


Sir  John  Macdonald  n'est  pas  ini  orateur  clans  le  sens  ordinaire 
de  ce  mot  ;  et  cependant  peu  d'orateurs  savent  captiver  un  auditoire 
et  commander  l'attention  de  la  Chambre  d'une  manière  aussi 
absolue,  aussi  magnétique,  que  le  premier  ministre.  Sans  doute, 
beaucoup  de  cette  attention  est  due  au  fait  que  c'est  "Sir  John  "  qui 
parle,  chacun  voulant  savoir  ce  que  le  vieux  chef  va  dire  ;  mais  il  y 
a,  en  outre,  l'attrait  de  la  forme,  caractéristique  chez  Sir  John,  et  la 
précision  de  l'idée,  qu'il  exprime  toujours  avec  le  mot  propre. 
Voilà  ce  qui  lui  fait  un  genre  à  part,  dans  lequel  il  excelle  et  que  nul 
autre  dans  notre  parlement  n'a  su  approcher  ;  c'est  un  genre  plus  en 
faveur  dans  le  parlement  impérial  que  dans  le  nôtre.  Sir  John  n'a 
pas  d'abondance  de  parole  :  au  contraire,  il  cherche  souvent  le  mot, 
probablement  à  dessein  ;  il  se  borne  plutôt  à  dire  exactement  qu'à 
orner  son  discours  de  fleurs  de  rhétorique,  ce  qui  fait  qu'il  n'est 
jamais  embarrassé.  L'esprit  et  l'humeur  abondent  dans  ses  discours, 
sans  en  excluer  la  sagesse.  L'anecdote  y  trouve  toujours  sa  place  et 
ne  manque  jamais  de  provoquer  les  applaudissements.  Personne 
mieux  que  lui  n'est  habile  à  analj-ser  rapidement  le  discours  d'un 
adversaire  et  à  en  faire  ressortir,  avec  faveur  ou  sarcasme,  les  parties 
remarquables  ou  faibles.  Sa  voix  n'est  pas  forte,  mais  elle  s'élève 
avec  son  sujet  et  se  fait  entendre  jusqu'aux  coins  les  plus  reculés  de 
la  Chambre  ;  quand  les  circonstances  sont  solennelles,  elle  prend 
parfois,  comme  lors  du  débat  sur  la  question  des  Jésuites,  une  ampleur 
qui  étonne  et  impressionne  vivement.  Presque  toujours,  Sir  John  a 
l'r.ir  de  plaisanter,  souvent  même  quand  tout  le  monde  se  laisse 
emporter  par  un  sentiment  exagéré  de  l'importance  d'une  question  ; 
mais,  dans  les  occasions  où  de  grands  intérêts  sont  en  jeu,  la  gaieté 
fait  place  à  l'émotion,  et  le  tremblement  de  sa  voix,  autant  que  sa 
tenue,  ne  laisse  pas  de  place  au  doute  sur  la  sincérité  de  ses  convic- 
tions. Disons,  en  terminant  ce  portrait,  que  Sir  John  fut,  dans  ses 
premières  années,  un  des  orateurs  populaires  les  plus  actifs  et  les 
plus  aimés  du  pays. 

Pas  un  homme  au  Canada  n'est  mieux  connu  que  Sir  John,  tant 
connue  homme  public  que  connue  individu.  Son  extérieur  distingué, 
sympathique,  frappant,  son  esprit  fin  et  délié,  son  magnétisme 
persoimel,  cette  faculté  extraordinaire  de  tirer  le  meilleur  parti 
possible  d'une  difficulté,  sont  familiers  à  tous  ceux  qui,  de  près  ou 


i6 


I.KS    IIOM.MKS    DU  JOUR 


de  loin,  suivent  les  affaires  du  pays.  Aimable  et  charmant  dans  la 
pleine  acception  de  ces  îuots,  très  recherche  en  société,  le  premier 
ministre  est  gracieusement  et  intellit^emment  secondé  par  I^adv 
Macdonald,  qui  est  à  Sir  John  ce  que  Lady  Beaconsfield  fut  à 
l'illustre  Disraeli.  Lady  Macdonald  possède  un  talent  littéraire 
remar([uable  ;  elle  a  écrit  et  jniblié  des  articles  de  revue  dont  le 
retentissement  a  été  considérable  dans  le  monde  des  lettres.  Ce  fut 
eu  1867,  dans  l'année  de  la  Confédération,  qu'elle  épousa  l'éminent 
chef  conservateur. 

En  terminant  cette  courte  étude  sur  celui  que  le  Canada  honore, 
non-seulement  comme  son  plus  grand  homme  d'Etat,  mais  encore 
comme  une  des  plus  belles  figures  du  vaste  empire  britannique,  nous 
ne  pouvons  nous  empêcher  de  .songer  avec  envie  à  la  tâche  glorieuse 
du  biographe  à  qui  il  sera  donné  d'écrire  la  vie  et  l'histoire  de  ce 
noble  et  vaillant  Canadien,  dont  les  lignes  qui  précèdent  ne  font 
qu'effleurer  la  triomphale  carrière.* 

JOHN  FRANCIS  WATERS. 

Ottawa,  5  juin  1890. 

[Traduction  de  TyOui.s-H.  Taché.] 


*Uepuis  la  pul)lication  ilc  cette  biographie  dans  la  uramle  édition  des  "  IIommks  du 
Jour,"  Sir  Joliu  A.  Macdonald  est  dCxCdé.  C'est  le  6  juin  dernier,  (1H91),  que  le  Canada  a 
perdu  l'homme  d'Ktat  éminent  dont  la  politique  est  tracée  dans  les  lignes  qui  procèdent.— 
(NoTK  nu  l'Editeur.) 


LC9  TtOCHCRS. 

ST  Patrick. 
R^iviftRE  BU  Loup