IMAGE EVALUATION
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Photographie
Sciences
Corporation
23 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N.Y. 14580
(716) 672-4503
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICMH
Collection de
microfiches.
Canadian Institute for Hisiorical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
The Institute has attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of this
copy which may be bibliographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or which may significantly change
the usual method of filming, are checked below.
D
D
D
D
D
Coloured covers/
Couverture de couleur
I I Covers damaged/
Couverture endommagée
Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
I I Cover title missing/
Le titre de couverture manque
I I Coloured maps/
Cartes géographiques en couleur
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
I I Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restaura tion apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
Additional comments:/
Commentaires supplémentaires;
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exempiaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduita, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmage
sont indiqués ci-dessous.
□ Coloured pages/
Pages de couleur
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n
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n
D
D
Pages damaged/
Pages endommagées
Pages restored and/or laminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
Pages detached/
Pages détachées
Showthrough/
Transparence
Quality of print varies/
Qualité inégale de l'impression
Includes supplementary material/
Comprend du matériel supplémentaire
Only édition available/
Seule édition disponible
Pages who'-y )r partially obscured by errata
slips, tissue;», etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
This item is filmed at the réduction ratio checked below/
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The copy filmed hère has been reproduced thanks
to the generosity of:
O 0
" Library of the Public
Archives of Canada
The images appearing hère are the best quality
possible considering the condition and legibility
of the original copy and in keeping with the
filming contract spécifications.
Original copies in printed paper covers are filmed
beginning with the front cover and ending on
the last page with a printed or iliustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. Ail
other original copies are filmed beginning on the
first page with a printed or iliustrated impres-
sion, and ending on the last page with a printed
or iliustrated impression.
The last recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol ^^(meaning "CON-
TINUED"), or the symbol V (meaning "END"),
whichever applies.
Maps, plates, charts, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many frames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
1
2
3
L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la
générositâ de:
La bibliothèque des Archives
publiques du Canada
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
filmage.
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'^Mustration et en terminant par
!a dernière page qui comporte une telle
empreinte.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — »> signifie "A SUIVRE", le
symbole V signifie "FIN".
Les cartes, pirnc'ies, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
32X
1
2
3
4
5
6
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DE L'ABOLITION
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DROITS FEODAUX ET SEIGNEURIAUX
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AU CANADA,
ET SUR LE MEILLEUR MODE À EMPLOYER POUR
ACCORDER UNE
JUSTE INDEMNITE AUX SEIGNEURS.
r.^à-^\.jr.tr\^-.
Ouvrage dont il est du plus haut intérêt pour les Censitaires de se
procurer, pour connaître leurs droits, et pour les réclamer unanime-
ment à la prochaine Session du Par' -^eni Proviociokl.
^ '■\éi\. *j-vy^i>/-» ■N.-v»«ou-^»v/>^v*x.v,»»v*-^x
PAR CLEMENT DUMESNIL.
MONTRÉAL :-IMPRlMÈ PAR J, STAÎiKE kt Cil.
1549.
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Ndus sommes coiivaincus que dans urié contrée
agricole, comme le Canada, il faut rencontrer les
besoins de l'agriculture, de la population rurale crois-^
santé, chercher à lui assurer une propriété déchargée
de tous les entraves que font naître les droits féodaux
et Seigneuriaux.
C'est par l'agriculture que la prospérité d'un pays
peut augmenter rapidement. C'est la classe indus-
trielle, la classe agricole surtout, qui doit occuper les
pensées et les sollicitudes des hommes d'Etat ; oui,
c'est de cette classe que l'on doit s'occuper plus par-
ticulièrement si l'on veut faire naître l'aisance, l'abon-
dance et la prospérité au milieu de tous.
Pourquoi avec le sol généralement fertile du Cana-
da la culture a-t-elle fait si peu de progrès ? Les
colons manquent-ils d^énergie, sont-ils paresseux 1
Les Canadiens aiment le travail, et ils sont laborieux ;
le pays renferme des ressources immenses pour l'in-
dustrie et le commerce ; mais ce qui manque, ce sont
des lois équitables.
L'administration actuelle devrait s'occuper, avec
énergie, à donner à l'agriculture de la vie et de l'es-
sor ; mais le système féodal est destructeur de l'éner-
gie, de l'esprit d'entreprise et de l'industrie, il faut
donc mettre la cognée à la racine de l'arbre nuisible,
et, avec lui, arracher la cause première de l'état d'in-
fériorité agricole et de misère dans lequel languit cette
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malheureuse contrée. Le système féodal existant
actuellement au Canada ne |Qitpas gubsister sous un '
gourernement libérai. La justice réclame, ayôc^Ta-
bolïtiôu des droits et des privilèges Seigneuriaux,
qu'une juste indemnité soit accordCe aux Seigneurs
dépossédés des droits/jui leur ont été garantis.
n est vraiment pénible de penser qu'au Canada
l'agriculteur est obligé de payer une rente annuelle,
de faire moudre son blé au moulin du Seigneur, qui
en retient la quatorzième partie, et qui la fait même
payer si le censitaire va faire moudre son blé ailleurs
qu'au moulin banal ; il est obligé de réparer les
grandes routes et les chemins de traverses qui pas-
sent sur ses terres, d'en faire de nouveaux en y par-
ticipant ; il es^ obligé aux lods et ventes, qui consti-
tuent une b -r .(3 partie du revenu du Seigneur, lui
rapportant la douzième partie de l'acquisition de
chaque propriété vendue dans sa Seigneurie, et dont
les mutations lui font percevoir, tous les quinze à
vingt ans, le douzième de la valeur de toutes les
propriétés.
Outre ces charges, le Seigneur a le droit de retrait,
ou le privilège de préemption, d'après la plus haute
enchère, dans l'espace de quarante jours ; il peut
faire couper et prendre, sans indemnité, les bois de
construction et les pierres à chaux dans l'enceinte de
sa Seigneurie, pour son usage, quelquefois pour
l'usage de ses fermiers, et pour Futilité publique ; il
peut s'emparer des terrains à sa commodité pour la
construction de moulins; il peut exiger des corvées;
il perçoit une dîme de tout le poisson pria dans les
o o
i©
pêcheries qui sont sur les grèvea dans sa Seigneurie,
s et> enfin, une dîme sur la chasse.
Tels sont les droits oppresseurs et les privilèges
particuliers des Seigneurs ; droits qui tyrannisent,
qui entravent les progrès de l'agriculture ; droits qui
frappent l'homme le plus laborieux et le seul productif
de produits nécessaires et indispensables à la nour-
riture de la Société.
Par la destruction des charges Seigneuriales, quelle
énergie ! quelle industrie ! et quelle prospérité n'en =
seraient pas les heureuses conséquences ! L^agvicul-
ture nt3 craindrait plus d'être /exée, et, par ses progrè*,
le commerce et toutes les industries, tous les arts
utiles acquerraient des améliorations, et l'accroisse-
ment rapide de la population sérail an résultat assuré
de l'état prospère du pays.
Les apôtres des droits Seigneuriaux ont faussement
avancé au soutien de leur principe inique, que ces
droits avaient pour heureux résultats d'attacher les
habitants à leurs propriétés, de les empêcher de les
vendre à des spéculateurs qui, une fois les terres du
Canada en leur possession, y établiraient un système
analogue à celui qui existe en Angleterre et en Irlande
La tenure Seigneuriale ne peut que produire l'effet
contraire. Le grand nombre de propriétaires ex-
propriés par les Seigneurs, qui sont, pour la plupart,
les plus grands spéculateurs de terres, et le grand
nombre d'habitants qui, chaque année, vendent leurs
propriétés pour aller chercher dans les Etats-Unis,
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avec la liberté, jin sort plus fortuné, démenteut évi-
demment une telle assertion. »
, Ce n'est pas en imposant des charges injustes,
onéreuses, dégradantes, et en lui imposant, en outre,
le sacrifice du douzième de toutes les améliorations
qu'il a pu faire sur sa propriété, que Ton puisse
inspirer à l'homme le désir de demeurer dans cette
condition malheureuse. Pour l'attacher à sa pro-
priété, il faut, au contraire, en abolissant tous les
entraves qui gênent son industrie, lui fournir la faculté
d'y pouvoir t^'ouver en paix, la récompense de son
labeur, des moyens d'une existence aisée, et le bon-
heur pour lui et sa famille, au sein de son pays natal,
qui lui est toujours cher, et dont son attachement
naturel lui fait un devoir de ne s'eï\ éloigner pour
aller chercher fortune ailleurs, que quand la misère
lui en fait une loi.
Nous concevons qu'avec des chaînes on pourrait,
comme en Russie, lier l'homme à la glèbe ; mais
nous disons aussi, '* malédiction contre celui qui en
aurait seulement la pensée ! "
Depuis plus de seize ans nous avons, plusieurs fois,
élevé la voix, sous les noms de Franc Parleur et du
Vieux de la Montagne, pour la défense des justes ré-
clamations des Canadiens repoussés, par un éloigne-
ment systématique, de l'obtention des terres de la
couronne, et tyrannisés par l'oppressive tenure sei-
gneuriale.
Nous nous réjouissons aujourd'hui de voir que déjà,
quant à la première réclamation, justice a été rendue
o •
o ^
par le gouvernement colo*^ ial, en se montrant équi-
table et généreux, par la facilité qu'il donnts mainte-
nant aux Canadiens, comme à tout autre Sujet de
l'Empire Britannique, de s'établir sur les terres de
la couronne gratuitement, ou avec une rétribution
presque nominale.
Espérons donc, et nous avons lieu d'espérer, que
justice sera également accordée quant ù l'abolition
des droits féodaux et seigneuriaux, dont l'existence
est pour le pays une source de misère et de dépopu-
lation, par les entraves qu'il? apportent au dévelop-
pement de l'agriculture, du commerce, et de tous les
arts industriels.
Il est temps que la vérité perce, qu'elle se montre,
et qu'elle soit connue.
Les faits prouvent que les Seigneurs au Canada,
en usurpant des droits, n'ont pas été les seuls coupa-
bles ; ils ont eu pour complices la négligence de l'ad-
ministration coloniale et la prévarication des Cours
de Justice ; mais les malheureux censitaires, eux, en
sont les victimes : le Gouvernement leur doit une
grande et entière réparation ; c'est-à-dire, l'abolition
de tous les droits féodaux et seigneuriaux, au moyen
d'une juste indemnité aux Seigneurs.
Il est nécessaire, pour tous les intérêts du pays,
de fermer les sources d'oppressions privées, comme
publiques, auxquelles la loi peut parvenir ; que les
Canadiens puissent être entièrement convaincus qu'ils
ne seront plus troublés, vexés, molestés^ tyrannisés
=
VIII
o o
*étn8 Voccupaiion de leurs terres, qu*ih pourront ai>-
fin se livrer libremciit à toutes les améliorations agri-
coles et à toutes les entreprises industrielles ; et, pour
cela, il faut absolument que Ton détruise les vestiges
de la féodalité qui les oppriment et les écrasent en-
core, au dix-neuvième siècle, sur le sol de la liberté,
sur le sol de TAmérique.
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D'E L ETAnU!?flEMENT DES DROITS FEODAUX El*
SEIGNEURIAUX AU CANADA.
Quoique les terres Seigneuriales aient élu concédées pnr la-
couronne (le France sous le régime féodal au Canada, le Sei-
gneur n'était pas investi de plusieurs droits, de plusieurs pri-
vilèges odieux et outrageants qui caractérisaient la tenure féo-
dale en Europe ; nous citerons le droit de jambage, le droit do
cuissagc, le droit de vie et de mort : droits qui n'ont pu exis-
ter qu'à la lionlc de l'humanité.
Tel est le taMcau du système de la colonisation française
au Canada : Une vaste étendue do terre était octroyée au
Seigneur pour être concédée à d'autres, par une concession
absolue à eux et à leurs hoirs à une certaine redevance déter-
minée. Il ne pouvait pas ven ire les teircs, il ne pouvait pas
refuser de faire un octroi ou une concession, et il no pouvait
obliger personne à prendre un bail pour ([uclques années.
Le but de ces règlements était d'encourager l'émigration sous
les conditions les plus favorables. Si le Seigneur eut eu en
son pouvoir de vendre, il ne serait devenu qu'un spéculateur,
laissant ses terres incultes jusqu'à ce qu'on se fût soumis à ses
conditions. Celui qui voulait avoir des terres ne les obtenait
pas au gré du Seigneur, mais il y avait droit malgré lui, et
pouvait obtenir une concession malgré que le dit Seigneur la
lui eût formellement refusée. Le pouvoir accordé au Seigneur
n'était que pour des fins publiques.
Il existe une foule de Lois et Edits qui prennent des mesures
pour encourager et augmenter la population au Canada ; plu-
sieurs de ces Edits ordonnent la confiscation des Seigneuries
non établies, et leur réunion au domaine du Roi. Ces lois
présument que les Seigneurs sont à défaut chaque fois que
leurs Seigneuries ne sont pas entièrement établies, et qu'ils
ont refusé de concéder des terres.
l
M
10
i.
Pour remédier à cet abus, l'Edit du Roi du 6 Juillet 1711,
ordonne que ]e Seigneur sera tenu de concéder telle quantité
de terre, à aucun habitant, dans les limites de sa Seigneurie,
à titre de redevance^ et sans pouvoir exiger pour cela aucune
somme d'argent ; et, en cas de refus de la part des Seigneurs,
le même Edit autorise le Gouverneur et l'Intendant à concéder
les terres requises aux mêmes droits imposés sur les autres
terres concédées dans les dites Seigneuries.
Dès Pannée 1712, il est stipulé dans les concessions de la
couronne, que les Seigneurs concéderont à leurs tenanciers awaî
cens et rentes^ et redevances accoutumés.
L'obligation de concéder aux requérants des terres d'une
grandeur convenable, est un trait invariable qu'on remarque
dans toutes les concessions de la couronne de France faites
après 16G3.
Le Seigneur était tenu de concéder des terres dans son fief
aux colons, ne se réservant qu'une simple redevance ; il était
pareillement tenu de commencer et d'efiectuer l'établissement
de sa Seigneurie, dans un temps limité, et à défaut de le faire,
son fief devait être confisqué au profit de la couronne. Les
déclarations du Roi de France, dont la première est de Mars,
1663, immédiatement après la cession à la couronne des droits
de la Compagnie de la Nouvelle France, révoque et annulle
toutp>- le,^^ concessions de terres qui n'étaient pas établies ; et
la sec ,î '^.. du mois de Juin, 1675, révoque toutes les conces-
SK .iS ''une trop grande étendue. Ces Edits furent suivis d'une
(iéclaration du Roi de France, du mois d'Avril, 1676, donnant
pouvoir à MM. de Frontenac et Duchesneau d'accorder des
concessions de terre à la condition expresse que les dites con-
cessions seraient représentées dans l'année de leur date, pour
Être confirmées, et seraient défrichées et mises en valeur dans
les six années prochaines et consécutives ; autrement, le dit
temps passé elles demeureraient nulles. Et l'Arrêt du 6 Juil-
11
let, 1711, dans les instructions données aux Gouverneurs, con-
tient l'obligation formelle imposée aux Seigneurs dans les con-
cessions subséquentes de fiefs, de concéder et de défricher les
terres dans l'étendue de leurs Seigneuries, s us peine cVétre
dépouillés de leurs Seigneuries pour les voir réunies aux
domaines de la couronne.
Dans les conditions par lesquelles la couronne impose aux
Seigneurs l'obligation de concéder des terres aux requérants,
on en trouve qui contiennent l'ordre exprès de ne concéder
qiCaux cens, rentes et redevances accoutumés.
Quand est désigné le taux auquel chaque concession se fera,
comme dans la concession faite au Séminaire de Montréal, de
la Seigneurie du Lac des Deux-Montagnes, du 17 Octobre,
1717, il est dit : Vingt sous et un chapon^ pour chaque ar-
pent de terre de front sur quarante de profondeur^ et six
deniers de cens.
Dans l'intervalle qui s'est écoulé entre l'année 1663, que
la couronne française est entrée dans la pleine souveraineté du
pays, et l'année 1711 que nous venons de citer, plusieurs des
Seigneurs avaient violé leur devoir en exisjeant des colons,
outre la redevance ordinaire, un prix additionnel^ comme
une considération pour les engager à demander des concessions
des terres incultes en roture ; abus qui répugnait aux vues
du gouvernement, et ne pouvait que retarder l'établissement
du pays. En se conformant aux concessions royales les Sei-
gneurs, qui devaient concéder par lots, en imposant une modique
redevance, n'avaient pas le droit d'exiger aucune somme d'ar-
gent, comme capital, pour la concession.
Les rentes, redevances et cens, emportaient avec eux le
droit de lods et ventes, ou la douzième partie du prix d'achat
due au Seigneur pour chaque mutation par vente, ou transport
équivalent à vente.
12
Le droit de BanaliU n'a jamais été une conséquence de la
tenure Seigneuriale selon la coutume de Paris, qui ne l'admet
que comme un droit conventionnel ; mais pour l'avantage des
établissements des émigrés, souvent pauvres, un Arrêt du 4
Juin 1686, déclare que le droit de banalité appartient essen-
tiellement au Seigneur, et l'oblige, dans le cours de Vannée.,
à compter de la publication de l'Arrêt, à construire des moulins,
en lui donnant le droit de contraindre ses tenanciers à y porter
leurs grains pour les faire moudre, et de retenir une certaine
partie pour le prix de la mouture, que l'Arrêt du 20 Juin,
1667, portait à la quatorzième ilii grain moulu au moulin
banal.
Telle était la loi du pays lors de la conquête, et elle subsiste
encore dans toute sa force d'après les dispositions de la 14o
George III.
Ce sont, dans le droit, les seules réclamations du Seigneur
contre le tenancier, qui soient sanctionnées par la loi qui régie
la tenure Seigneuriale en ce pays, et qui puissent jamais être
prises en considération par les ai'bltrcs qui pourront être
nommés^ au sujet d'aune indemnité aux Seigneurs, pour
estimer la valeur des Seigneuries, d'^après leur dernière
année de revenus fondés en droit et sur Véquité.
Dans les Seigneuries dont le Roi était le Seigneur immé-
diat, les taux étaient dhm demi denier par arpent en super-
ficie, et dhm chapon ou dix deniers, au cboix du Seigneur,
pour chaque arpent de front ; et tm sou de cens, équivalent
à environ six chelins et quatre deniers, par année, pour trois
arpents de front sur trente de profondeur, formant quatre-vingt-
dix arpents en superficie.
Cette règle a été bien suivie de 1652 jusqu'en 1663, le taux
des cens et rentes a été presque uniforme nu Canada ; on ne
trouve aucun exemple oii l'on ait demandé plus ; néanmoins,
on concédait quelquefois à un taux moins élevé.
13
Avec l'obligation de rendre foi et hommage et quelques
réserves, comme de bois de chêne pour la conslruction des
vaisseaux — de donner connaissance au Roi de la découverte
de mines, minières et minéraux — do tenir feu et lieu — de dé-
fricher ou faire défricher — de laisser faire les chemins pour l'u-
tilité publique — de souffrir l'occupation par la couronne de tous
les terrains nécessaires pour construire des torts, des batteries —
par la coutume de Paris, la seule redevance pécuniaire due par
le Seigneur, ou vassal à la couronne, est le droit de quint, qui
est le cinquième du prix de la vente du Fief ou de la Seigneu-
rie à chaque mutation, par vente ou contrat équivalent à vente ;
mais non pour succession ou donation en ligne directe. En
ce pays on a jamais exigé le droit de relief, lequel dans le cas
de succession collatérale, de legs ou donation à des parents en
ligne collatérale, ou à des étrangers, exigeait pour la couronne,
selon la coutume de Paris, une année des revenus du Fief.
D'après des documents autl'3ntiqnes, le droit de quint a rap-
porté au Canada, en 33 ans, de 1803 à 1841, un total de
£31,778 7 9|, donnant, année commune, £836 5 6|. Revenu
si faible que la couronne ne peut y attacher aucune importance.
Nous devons observer que sur une concession de 90 arpents
•en superficie, les rentes dans le District de Montréal, s'éle-
vaient à un cinquième de plus que dans les Districts de Qué-
bec et des Trois-Rivières, à cause de la qualité supérieure et
de la fertilité du sol.
Les taux, en conformité à la loi, ont prévalu jusque vers
l'année 1711, oij, à cette époque, quelques exceptions rares
de conditions et de réserves plus onéreuses pour le tenancier
ont commencé a être imposées par les Seigneurs en abusant
de leurs droits primitifs.
Mais les changements ont été plus sensibles, et plus généra-
lement introduits après la conquête, en 1759. Depuis cette
époque jusqu'à nos jours, les taux des concessions ont été aug-
i
iii.
i!
M
!1
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14
mentes progressivement par les Seigneurs, sans que le Gouver-
nement ait songé à réprimer les abus. En insérant des clauses
et des stipulations illégales et onéreuses dans les contrats de
concession, les Seigneurs ont, depuis lors, diminué la valeur
des héritages de leurs censitaires ; ils se sont permis de se
réserver le bois de construction et de chauffage pour des usages
privés ; aussi des places de moulin, non-seulement pour exercer
le droit de banalité, mais au détriment de l'industrie, pour y
établir des moulins autres que des moulins à farine.
L'Edit promulgué parle Roi, le 21 Mars 1663, déclare
nulles toutes les concessions de terres qui ne seraient pas défri-
chées après six mois^ et donne plein pouvoir au Gouverneur
et à r Intendant de la Colonie de faire une nouvelle distri-
bution des diverses Seigneuries^ à condition néanmoins de
les défricher et cultiver.
L'Edit du 6 Juillet, 1711, réglant la concession des terres
en censive, fixe les conditions auxquelles les Seigneurs sont
tenus de les concéder. Il est déclaré dans cet Edit, qu'il y a
plusieurs Seigneuries dans la Nouvelle France qui ne sont pas
encore habitées, et d'autres où il n'y a encore aucun habitant
d'établi pour les mettre en valeur; et, que plusieurs Seigneurs
ont, sous différents prétextes, refusé de concéder des terres
aux habitants qui en demandent, dans la vue de pouvoir les
vendre, leur imposant en même temps les mêmes droits de
redevance qu'aux habitants établis, ce qui est entièrement con_
traite aux intentions de Sa Majesté, et aux clauses des titres
de concession par lesquelles il leur est permis seulement de
concéder des ferres à titre de redevance ; à quoi, voulant
pourvoir, le Roi ordonne que, dans un an de la publication du
dit Arrêt, les Seigneurs sont tenus de mettre leurs seigneuries
en culture, et d'y placer dos habitants, faute de quoi, elles se-
ront réunies au Domaine de la Coiironre ; Ordonne aussi,
que tous les Seigneurs qui ont des terres à concéder, aient à le
aire à titre de redevance^ aux personnes qui les leur deman-
15
se
deront, sans exiger d'elles aucune somme d'argent ; et en
cas de refus des Seigneurs, permet aux habitants de leur de-
mander les dites terres par sommation, de se pourvoir par-devant
l'Intendant du dit pays, à qui Sa Majesté ordonne de concéder
les dites terres, aux mêmes droits imposés sur les autres
terres concédées dans les dites seigneuries ; lesquels droits
seront payés par les nouveaux habitants entre les mains du
Receveur du Domaine Royal, sans que les Seigneurs en
puissent prétendre aucun sur eux, de quelque nature qu'ils
soient.
Cet Arrêt fut suivi d'un autre de la même date, qui annulle
toutes les concessions de terres faites aux censitaires qui ne les
auront pas mises en valei-r ; et sur les certificats des curés et
des capitaines de la côte i: cet effet, déchoient les habitants de
la propriété de leurs terres.
Il est certainement bien clair que, d'après cet Edit, les con-
cessionnaires de la Couronne n'avaient aucun droit d'* exiger
de bonus ou capital, et devaient concéder aux taux établis
suivant les anciennes concessions.
Il est aussi déclaré que Sa Majesté est informée que, nonob-
stant les Edits et les Arrêts, déjà émanés, les Seigneurs ré-
servent sur leurs domaines de grandes étendues de terres qu'ils
vendent en bois debout, au lieu de les concéder simplement à
titre de redevance, et que les habitants qui ont ainsi acheté des
terres incultes, les vendent à d'autres, faisant ainsi un commerce
très préjudiciable à la Colonie ; Sa Majesté ordonne que, dans
deux ans, à compter de la publication du dit Arrêt, tous les
propriétaires des terres en seigneuries, non encore défrichées,
seront tenus de les mettre en valeur et d'y établir des habitants,
sinon, le dit temps passé, les dites terres seigneuriales seront
réunies au Domaine de Sa Majesté. Fait Sa Majesté très
expresses défenses à tous Seigneurs de vendre aucune terre
en bois debout, à peine de nullité des contrats de vente, et
16
de rtsiiluiion du prix des dites terres vendues, lesquelles se-
ront pareillement réunieSy de plein dioit^ au Domaine du
JRoij et seront les dits Arrêts de 1711 ext-culés selon leur
forme et teneur.
Ainsi, nous voyons que, quoique le Seigneur fut investi de
la propriété absolue du Fief qu'il tenait de la Couronne, il ne
le possédait, néanmoins, qu'à la charge d'en promouvoir l'éta-
blissement ; il 7i^avnit pas le droit de se créer des domaines
particuliers^ et souvent de vastes étendues de terres, dont les
Seigneurs se sont arrogé le droit; ils étaient obligés de con.
céder à simple titre de redevance, sans qu'il fut en leur pouvoir
d'imposer légalement au censitaire d'autre charge que cette
redevance ; et si les Seigneurs refusaient de concéder suivant
le taux imposé par les concessions primitives, les autorités
établies étaient autorisées à le faire à leur place ; et comme
pénalité, leurs seigneuries étaient confisquées au protlt de la
Couronne.
CiS ÀRRETi SONT ENCORE ACTUELLEMENT LA LOI DU
PAYS ; il s'ensuit donc que tout sujet de la Reine au Canada a
le privilège indubitable d'obtenir ujourd'hui une concession
aux mêmes taux.
Les prétentions des Seigneurs n'ont jamais été considérées
d'un œil favorable dans la Cour de l'Intendant ; néanmoins, il
faut le déclarer, en violation de la loi, elles ont invariablement
été accueillies d'une manière partiale et arbitraire dans les
cours étiiblics depuis la conquête, et dont, la plupart du temps,
lei juges étalon^ Seigneurs eux-mêmes, dans toutes les contes-
tations entre le Seigneur et le censitaire, si l'on n'excepte un
jugement isolé, rendu par la cour du Banc du lloi, à Montréal,
cr 1828.
Avant la conquête, on a généralement suivi la règle établie
par la Couronne pour les concessions dont le Roi était le Sei-
gneur immédiat, D'après cette règle, et pour la rendre appli-
17
cajle à toute la Provi^ice, le cens est fixe à un sou, pour
chaque arpent de front, et les. rentes seigneuriales à quarante
sous, ')u vingt deniers sterling, pour chaque arpent de front
sur quarante de profondeur, et un chapon, ou dix deniers ster-
ling, au choix du Seigneur, ou un demi minot de blé, lorsque
le cens était payable en nature,
11 y a deux jugements, l'un de l'Intendant Begon, du 18
Avril, 1710, et l'autre de l'Intendant i'ocquart, du 20 Juillet,
1733, qui confirment, en quelque sorte, je règlement. Cepen-
dant, comme nous l'avons déjà observé, pour le District de
Montréal, les cens et rentes étaient plus élevés d'environ un
cinquième, par la différence de sel et de climat. L'Edit du 6
Juillet, 1711 est la règle qui doit servir de guide pour décider
la question seigneuriale.
Cet Edit indique clairement que l'intention de la législature
d'alors était d'obliger les Seigneurs de concéder leurs terres
incultes aux habitants^ et de les concéder aux taux et rede-
vances accoutumés ; ainsi les Seigneurs ii'avaient pas le
droit d'exiger de leurs censitaires un taux plus élevé que
les cens et rentes établis et fixés avant la conquête. Le taux
lésai des cens et rentes dans les seif^neuries est une matière de
fait, qui est constaté par les anciens contrats de concession.
Or, il était au pouvoir du censitaire, par l'entremise de l'Inten-
dant, de forcer le Seigneur de lui concéder des terres aux
mômes taux et conditions auxquelles il les avait concédées à
d'autres primitivement ; cette môme obligation existe toujours,
et le censitaire a encore aujourd'hui le droit légal d'en exiger
l'accomplissement. L'Edit du G Juillet, 1711, est encore en
pleine vigueur. Le Seigneur, ne pouvait, sans usurpation,
sous aucun prétexte valable, augmenter le taux des cens et
rentes, faire de nouvelles réserves, imposer de nouvelles
exigences, injustes et oppressives, comme il en existe main-
tenant dans les seigneuries du pays dont nous donnons les noms.
18
II y a au Canada 227 seigneuries, dont 76 tlans le District
de Montréal : Argenteuil, Beauharnois ou ViUecliauve, Beau-
lac, partie de Cliambly, Beaujeu ou Lacollo, Bele:îil, Belle-
vue, Berthier, BIcury, Bonsccours, Bourcliemin, Bouchcrville,
Bourg Marie l'Est, Bourg Marie l'Ouest, Cliambly, Chambly
continuée, Cliateauguay, Chicot *t Me du Pads, Contrecœur,
Cournoyer, d'Aillebout, d'Autre, Dcléry, De Ramosay, Do
Ramesay continuée. Du Sable dite la Nouvelle-York, Foucault
ou Caldwell's Manor, Gamache, Gaspé, Guillaudière, Islo
Perrot, Isle Bizarre, Isle St. Paul, Islede Montréal, ïsle Jésus,
Isle Bouchard, Isle Sainte Thérèse, Isle Saint Pierre, Lac des
Deux-Montagnes, Lachenaye ou L'Assomption, Lanoraye, La
Prairie de la Magdeleine, La Salle, La Tesserie. La Valtric,
Baronnie de Longueuil, Lussaudière, Mille Isles, Monnoir,
Monnoir continuée, Montarville, Nouvelle Longueuil, Noyan,
Petite Nation, Repeii^igny, Rigaud, Rouvillc, Sabrevois, Sle.
Anne de la Pérade, Ste. Anne de la Pérade continuée. Saint
Armand, St. Barnabe, St. Charles, St. Charles continuée, St.
Denis, St. Denis continuée. St. Denis encore contin'iée. St.
François le Neuf, St. Hyacinthe, St. Ours, St. Sidpice, Sou-
lange, Terrebonne, Trinité et Saint Michel, Varennes, Vau-
dreuil et Verchères.
On compte 114 seigneuries dans le District de Québec, qui
sont : Anse-au-Coq, Anse de l'Etang, Aubert Gallion, Aubin
de Plsle, Côte de Beaupré, Beauport, Beaumont, Bécancour
continuée, Bélair ou Ecureuils, Belair, Beauvais, partie de
St. Jean d^Eschaillons, Berthier ou Bellechasse, Bic, Bon-
homme, Bonsecours, Bonsecours divisée. Bourg Louis, Cou-
lange, d'Auteuil, De Maure, St. Augustin, Deschambault,
Desplaines ou Belles-Plaines, Duguet, Durantage, St. Vallier,
Dutort, Eboulemens, Fossambault, Gaudarville, (jcntilly. Le
Gouffre, Grand Pabos, Grande Rivière, Grande Va Ile des
Monts, Grondines, Grobois, Hubert, Islet St. Jean, ïslet Bon-
secours, Islet du Portage, Isle Verte, Isle aux Oies, Isle aux
19
Grues, Isle aux Coudre*», Isle Beauregard, Isle Mudaure, Islo
d'Orléans, Isle aux Uéaux, Isle d'Aiiticosti, Isle et Islet do
M'.ngan, Jacques Cartier, J'Mliet, Kamouraska, Lac Matapc-
diac. Lac Miùs, Lafre^nay, Laclievrotière, Lauzon, Lessard,
Lessard continuée. St. Pierre les Becquets, Livaudière, Lot-
binière, Le[)age et Tiviergo, Madoucska et Lac Temiscouata,
Kivièrc de la Magdeleine, Maranda Nord-Est, Maranda Sud-
Ouest, Matannc, Mitiset Islet St. Barnabe, Martinière, Mille-
VaclicSj Mirijau, Montapeinc ou Vitré, Mount JNIurray, îMount
Louis, Murray Bay, Neuville ou Pointe tuix Trembles, Notre
Dame des Anges, d'Orsainville, Pcrthuis, Port Neuf ou Cap
Santé, Québec divisée en trois seigneuries, Rimouski, Rivière
du Loup, Rivière du Sud, Rivière Ouelle, Ste. Anne aux
Monts, Sie. Anne de la Pocatiére, St. Antoine Tilly, Sainte
Croix, St. Denis, St. Denis divisée. St. Etienne, St. Gabriel,
St. Giles, St. Ignace, St. Jean Port-Joli, l'Isle à la Peau, St,
Josepb, St. Joseph divisée en deux concessions. St. Joseph do
la Nouvelle Beauce, Ste. Marie et de Linière de la Nouvelle
Beauce, Ste. Marie, St. Michel, St. Michel moitié de Duran-
tage, St. Paul, Sault-au- Matelot, Cité Je Québec, Shoolbred,
Siilery, Trois Pistoles, Rigaud de Vaudreuil, Vincelot, enfin
la seigneurie de Vincennes : de ces seigneuries deux sont main-
tenant dans le District de Gaspé, ce sont celles de la Grande
Kivière et de Shoolbred.
Le nombre de seigneuries dans le District des Trois-Rivières
est de 36, comme suit : Antaya, Batiscan, Baie St. Antoine,
Bécancour, partie du fief Bruyères, Boucher, Cap de la Mag-
deleine, Carufel, Champlain,Courval, Dumontier. Dorvilliers,
Gat'.neau, Gatincau, augmentation du fief Robert, Godefroy,
Grandpré, Isle Moras, Isle des Plaines, Labadie, Maskinongé,
Maskinongé continuée, Maskinongé encore continuée, Nicolet?
Niverville, Pierreville, Pointe-du-Lac ou Tonnancour, Rivière
David Heguire, Rivière du Loup, Rocquetaillade, Ste. Anne,
St. François, St. Jean, St. Jean d'Eschailloi;s, Ste. Margue-
2*
20
rite, St. Maurice, Trois-Rivièrcs et Yumaska ; il y a aussi la
seigneurie de la Pointe-à-l'Orignal,(iui se trouve dnns le Haut-
Canada.
Lorsque les conditions des nouvelles concessions fure'
présentées aux coursde justice, et qu'on s'en plaignait, comme
Citant un excès des pouvoirs accordés aux Seigneurs, on vit,
sur les bancs, des juges prévaricateurs, qui étaient propriétaires
de seigneuries, qui connaissaient i-mdiflférencc do la part des
oiTiciers publics au soin de qui ces afTaires avaient été confiées,
lui n'étaient pas ignorants de l'impossibilité d'un appel de leurs
décisions, à cause du peu do valeur des propriétés en question,
et de l'indigence des propriétaires, soutenir les conditions de
ces concessions, en établir la validité, autant que les décisions
des cours provinciales peuvent le faire, sans que les Procureurs-
Généraux les aient jamais rappelés à l'accomplissement de
ieurs devoirs.
En interprétant et appliquant la loi comme elle pourrait
l'être strictement, on verrait sortir le principe, que les Sei-
gneurs actuels sont tenus dercndre compte des sommes quHls
ont reçues en sus des taux ordinaires^ depuis plus d^un
siècle, et dont les seigneuries en répondent ; on trouverait
alors, dans presque tous les cas, que bien loin de pouvoir ré-
clamer une indemnité, ce sont les Seig7ieurs eux-mêmes qui
la devraient aux censitaires, qui furent forcés, par la néces-
sité et l'impuissance, de se prêter aux usurpations des Sei-
gneurs en payant un taux plus élevé que la loi ne l'a établi.
Depuis la conquête jusqu'à ce jour, l'administration colo-
niale, par une négligence très blâmable, a laissé la loi comme
une lettre morte ; mais elle n'est pas abrogée cette loi, cllc^
existe toujtmrs, et si la tenure seigneuriale, malgré nos pré.
visions que nous croyons des certitudes, n'était pas abolie
par le parlement du pays, alors l'administration coloniale, en
réparation de sa négligence d mettre en force les lois du
21
Canada au sujet des droits seigneuriaux, comme il y a eu con,
cussion, usurpation, mépris de la loi de la part des Sei-
g7ieursj et (jue la loi y pourvoit, en nUmissant les seigneu-
ries au domaine de ta couronne, tous les vSeio-neurs seraient
de droit, expropries de leurs spAgnearies»
CIIAPITIIIO II.
0
DE l'état ACTUr:L DM LA TKNUIU: FKOUALi: ET SEKiNLU-
lUALH AU CANADA.
Les prétentions exorbitantes des Seigneurs sont abusives, in-
ustes, nulleint'iitlondées sur la loi.
Le système actuel de la tenure seigneuriale est vicieux, il
entraîne à sa suite les plus graves inconvénients, l'oppression la
plus criante. Les charges et les services imposés au censitaire
sont op[)ressifs par leur nature et par leur multi[)licité ; les re-
devances pécuniaires dont il esi chargé l'opprime, tandis que
les réserves auxquelles il est„forcé par le Seigneur de se sou-
mettre, le privent, comme propriétaire, de la pleine et entiéri.
jouissance de ses terres. Il n'est pas véritablement propriétaire,
il n'^esl que tenancier à bail, sous de certaines conditions qui,
remplies, lui en assure la possession : possession moins pleine
et entière que celle du simple locataire ^[u\, au moyen du
loyer qu'il paie est maître absolu chez lui, et qui, s'il fait des
améliorations sur la propriété qu'il occupe, est indemnisé par
le propriétaire, tandis que toutes les améliora^iins du censitaire
sur la propriété qu'il tient du Seigneur, sont pour augmenter
la valeur d'un bien qui, en réalité, semble être au Seigneur, et
dont il n'en a que la possession garantie avec des exigences et
des restrictions.
Les Seigneurs sont, non-seulement des vampires qui sucent,
avec les fruits do la sueur et du travail du cultivateur, une
grande partie des revenus du pays, mais ils sont encore la plus
grande nuisance que les développements de l'industrie puissent
rencontrer.
i :
i^
h
1
22
Le censitaire ne peut augmenter ses ressources et (!«' velopper
les avantages que sa terre ou sa position naturelle peuvent lui
oH'rir; il est limité au sol qu'il cultive, et forcé de trouver une
subsistance précaire tlans le produit de ses champs ; les pou-
voirs d'eau à sa portée lui sont défendus par les réserves du
Seigneur, et son industrie en est parnlysée. Dans plusieurs
circonstances, le censitaire est exposé à des amendes, pour né-
gligence à remplir de certains services qui sont de pure forme,
et qui empire encore sa condition.
Le droit de forcer A passer des titres-nouvcls, en contrai-
gnant le censitaire à payer les lionoraires du notaire et, ((ucl-
qucfois les frais d'arpentage, entraîne les abus les plus révol-
tants.
Le droit odieux des lods et ventes diminue la valeur de sa
pi >priété, et lui retire l'esprit d'entreprise. Ce droit qui, à
chatjuG mutation, enlève au profit du Seigneur, la douzième
partie de la valeur de toutes les propriétés vendues, se pré-
lève sur les améliorations, et impose une taxe illimitée sur lo
censitaire. Chaque terre change de main à peu près tous les
dix-huit anSj terme moyen ; dans ces dix-huit ans le Sei-
gneur reçoit, seulement pour les lods et ventes, le douzième
de la valeur de toutes les propriétés dans sa seigneurie.
Le droit de retrait, ou le privilège de préemption, d'après
la plus hr ite enchère, pendant quarante jours, nuit à la
vente et à la transmission des propriétés, retire au censitaire
la faculté de pouvoir faciliter un parent ou un ami, en lui
vendant à bas prix. Les corvées, toujours odieuses de leur
nature, comme marque de servitude, dégradent et avilissent les
individus.
Ces corvées, et d'autres exigences, ont été souvent illéga-
lement ajoutées aux autres conditions contenues dans les titres
primitifs de concession, en passant les titres-nouvels fraudu-
leusement.
23
)per
Pliisioura Seigneurs do mauvaiso foi, pour «'luder la loi qui
leur tIélL'iul (1(3 vendre d(îs terres incidtes, ou de les concôder
à rentes en exigeant un bonus additionnel^ ont fait des con-
cessions fictives à un agent, ou à un ami (jui vend aussitôt la
terre et en paie le prix au Seigneur.
Dans tiuel(|wcs seigneuries les Seigneurs sont des accapa-
reurs, des spéculateurs de terres. Des terres sont mises eu
vente pour le paiement des droits Seigneuriaux, le Seigneur
libre de toute concurrence par ses intrigues, aclietlc les plus
belles terres pour des sommes qui égalent à [)cine les arrérages
qui lui sont dus, et il fait encore un trafic de ces terres, en les
vendant à des prix élevés, ou en les concédant à des condi-
tions infuïiment plus onéreuses, s'assurant par là un monopolo
ruineux pour les censitaires.
On trouve encore des prohibitions, des réserves, et d'autres
droits abusifs et usurpés, propres ù tenir l'Jiommc dans un
état d'asservissement. Il est défendu au censitaire de cons-
truire des moulins ; mais le Seigneur se réserve de s'appro-
prier six arpents de terre pour construire des moulins sans
indemnité, excepté pour les améliorations ; le droit de pren-
dre tout le bois pins, chênes et les billots ; la pierre, le sable
et les matériaux nécessaires pour bâtir, sans payer aucune
indemnité ; le droit de changer le cours des ruisseaux et des
rivières pour établir des manufactures, quelque dommage que
les censitaires puissent en éprouver ; le droit de traverse sur
les rivières ; le droit de chasse, le droit de poche ; enfin, les
Seigneurs ont été jusqu'à stipuler que le censitaire pourrait
avoir le privilège de prendre sur sa propre terre le bois dont
il aurait besoin pour son usage.
Sous le régime du système seigneurial actuel, le droit de
propriété du censitaire devient une pure illusion ; comme être
moral, il est dégradé ; sa position est celle d'une dépendance
continuelle.
24
La loi accorde au Seigneur pour le recouvrement de ses
droits un privilège spécial ; il a bur la propriété de son vassal
une préférence sur tous les autres créanciers. Il peut recou-
vrer, pendant vingt-nevf ans, les arrérages des cens et
rentes, qui emportent une hypothèque privilégiée sur la terre
par laquelle ils sont dus, de préférence à tous les autres cré-
anciers, même au bailleur de fonds. Il a un privilège pour
le recouvrement do ses lods et ventes: il peut, en outre, in-
tenter une action en justice contre son censitaire j^our chacun ,
les droits et charges dus en vertu du titre de concession ;
et, quelque modiques que soient les retlevances, il peut en
obtenir le recouvrer.ient dans les cours en première
instance.
La terre étant affectée au paiement des droits Seigneuriaux,
il faut un jugement pour que le Seigneur puisse la mettre en
vente et se faire payer. Le censitaire est donc exposé à des
frais considérables pour une somme qui, de la nature de la
dette, aurait formié la matière d'une poursuite dans une cour
de jurisdiclion inférieure.
On voit dans les archives de la Cour du Banc du Roi que,
sur ïe nor..bre total des actions intentées dans cette cour dans
les trois années 1840, 1,2, un cinquième des actions a été
intenté par les Seigneurs pour le recouvrement des droits et
redevances qui provenaient de la Tenure Seigneuriale.
Durant la môme période de temps, plus du cinquième des
ventes judiciaires ont été faites à Tinstance des Seigneurs
Dour mettre leurs jugements à exécution.
Les actions intentées aux Termes Supérieurs de la Cour du
Banc du Roi, pour le seul district de Montréal, en 1840 et 41,
pour jes poursuites' Seigneuriales, s'élèvent, pour 1810, à
374, et pour 1841, à 411.
»
Tels sont les atTreux résultats de la Tenure Seigneuriale :
poursuites, misère, ruine et asservissement, et dont, néanmoins,
25
les partisants, plus ou moins intéressé?, les défenseurs osent
en proclamer l'excellence.
C'est au Pays entier a se lever, a s'assembler, a
PASSER d'énergiques RESOLUTIONS, A DEMANDER l'aBOLI-
TION DES DROITS FEODAUX ET SEIGNEURIAUX ; Ct c'cst à Icl
législature à répondre dignement à l'appel du peuple, en
portant le coup mortel à une tcnure indigne de l'Iiomm.e qui
veut marcher dans les voies de la civilisation. Le temps est
arrivé de frapper, de renverser et d'anéantir ces vcbitigrs de la
féodalité. Le bien-être des habitants le demandent, la pros-
périté du Canada le réclame, et la justice le veut.
L'abolition des droits féodaux et seigneuriaux est une mesure
d'utilité publique, que réclame également le bien-être des
habitants, l'avancement du pays, sa prospérité, la civilisation
et l'humanité.
Il est d'une saine, d'une juste politique, d'abolir ces droits
honteux ; ils ne conviennent ni à l'esprit du siècle, ni aux
besoins de la population, ni à la proximité des Etats-Unis du
Nord ; ce sont des restes des siècles barbares, hostiles aux pro-
grès des institutions morales, justes et libres.
On ne peut s'attendre à voir le Canada faire des progrès
dans l'agriculture et les arts industriels, sous l'influence d'un
système qui n'est propre qu'à arrêter les principes de liberté,
qu'à paralyser le développement de l'énergie de l'homme in-
dustrieux, à le placer dans un état de dégradation : cette abo-
lition est d'une nécessité absolue pour améliorer la malheu-
reuse condition des censitaires, et pour promouvoir, avec leur
bonheur, la prospérité publique.
D'après des documents authentiques qui sont en notre pos-
session, nous voyons que la seulo seigneurie de Beauharnois a
rapporté les revenus annuels, en l'année 1826, de 2617 louis,
en 1834, de 2,855 louis, en 1835, de 3,748 louis, en 1839,
26
de 8,467 louis, aux dépens des malheureux censitaires ; en
1839 la seigneurie d'Argenteuil a rapporté _^un revenu de
3,092 louis ; en 1842 la Baronnic de Longueuil, 2,000 louis ;
la seigneurie de Léry donne une valeur annuelle de revenus
de 1,25G louis. Les seuls moulins banaux de la seigneurie
de Saint Hyacinthe rapportent environ 1,G50 louis annuelle-
ment : ces données sont d'après les rapports faits par les Sei-
gneurs eux-mêmes, ou par leurs a<^ents.
Dans le district de Québec, d'après les premières conces-
sions, les taux et les conditions auxquels les terres ont été
concédées en censives sont ainsi : — Dans la seigneurie de la
Hivière Quelle, en 1G76, il fut concédé par le Sieur de la
Bouteillerie, à Galirau S. Boucher, 200 arpents de terre, dont
5 arpents sur 40, avec la rente de 10 sous pour chaque arpent
de front et trois chapons, 95 sous pour le tout.
Pierre T. Casgrain, dans la même seigneurie, a concédé à
Léandre Rousselle, le 7 Décembre, 183G, 2 arpents de front
sur 40 de protondeur, 80 arpents, à la rente de 5 chelins chaque
arpent de front, 10 chelins. Quelle augmentation !
Dans la seigneurie d'Aubert Gallion, il fut concédé 2 ar-
pents de terre de front sur 80 de profondeur, 160 arpents, par
George Pozer à Joseph Rodrigue, 28 Janvier, 1832, rente
10 chelins, 4 minots de blé et une corvée à 2s. 6d., donnant
1 louis 12s 6d., le blé évalué à une piastre le minot.
Dans la môme seigneurie, le 27 Mai, 1842, il fut concédé à
Charles Letourneau 70 arpents de terre en superficie, avec un
taux annuel de cens et rentes de 1 louis 17s. 6d. On voit,
en comparant les taux et l'étendue des terres, quelle est
l'augmentation.
Dans le Fief Grandpré, district des Trois-Rivières, il fut
concédé par Conrad Gugy, à Pierre Pépin, le 8 Septembre,
1769, une étendue de terre de 3 arpents de front sur 30 de
27
en
de
profondeur, à raison d'une rente de 2 livres, y compris le droit
de commune et 3 sous de cens, faisant en tout 63 sous.
La même quantité de terre fut concédée en 1795, par
Barthélémy Gugy, à Joseph Lomay, avec une rente de 242
sous. Quel taux [irogressif !
Dans le même district des Trois-Rivières, la compagnie de
la Nouvelle France a concédé à Jean Sauvat^e, le 28 Juillet
1656, 150 arpents de terre, à raison de 6 deniers pour chaque
arpent, 75 sous en tout ; mais on vit en 1814, Josias VVurtele
concéder à Joseph Joyale, dans la seigneurie de Ste. Adélaïde,
Rivière David, 75 arpents de- terre, et lui demander une rente
de 3 minots de blé, 5 chclins en argent et 2 jours de corvées,
donnant en tout 1 louis 5 chelins.
Les Révérends Pères Jésuites, le 2 Mai, 1667, concédèient
à Benjamin Anseau 80 arpents de terre, avec une rente et des
cens annuels s'élevant en totalité à 35 sous 2 deniers.
Dans le district do Montréal, les taux des concessions des
seigneuries de Saint Sulpice et du Lac des Deux-Montagnes,
n'ont pas varié depuis l'année 1681, d'après les obligations
imposées par les titres accordés par la Couronne au Séminaire.
Dans l'Isle de Montréal le plus ancien taux était de 3 deniers
par arpent, et un chapon par 20 arpents en superficie ; on y
a ajouté un demi sou et une peinte de blé par arpent ; mais
Mr. de Rouville a concédé, le 28 Juin, 1826, à Jacques
Boudry, 90 arpents de terre moye nt une rente de 6 livres
et 9 deniers, blé pour 15 livres douze sous et une corvée, 3
livres, faisant en tout 24 livres, 12 sous et 9 deniers ancien
cours. Dans la même seigneurie, il y a tels individus par
leurs contrats de concession, qui payent maintenant 2 piastres
de rente annuelle par chaque u'pcnt en superficie.
Le 28 Mars, 1817, le Général Burton a concédé dans la
seigneurie de Lacolle, à Hotchkiss, 112 arpents de terre avec
l'ancienne rente de 6 deniers par arpent ; mais dans la seigneu-
28
rie de Beauharnais, par le Très-Honorable E. Ellice à Robert
Broddic, 16 Mars 1840, pour 100 arpents de terre il exigea
une 1 jnte de 25 chelins et 5 minots do blé, en tout 2 louis 10
chelins par année.
'Dans la seigneurie de Monnoir il fut concédé le 23 Juin
1801, par T. Johnson, à Louis Louselle, une terre ne payant
que 2 deniers par arpent.
Dans la môme seigneurie, le 9 Septembre, 1823, il a été
concédé à James McGee, 90 arpents de terre, lui imposant
une rente do 5 chelins et un minot de blé pour chaque 30
arpents et 2 sous de cens, faisant en tout 1 louis, 10 chelins
et 2 sous.
Dans cette môme seigneurie, maintenant au Juge Rolhmd, le
3 Novembre, 1827, il a été concédé par le dit Juge, A Louis
Ostigny, 90 arpents de terre, moyennant 7 livres, un demi-
minot de blé pour chaque vingt arpents, plus 2 sous de cens,
et, outre la rente, une somme capitale de 900 livres.
Ces citations suffissent, croyons-nous, pour donner une idée
des charges progressives que les seigneurs ont imposées aux
censitaires en ce pays. Non compris des conditions, des
charges, des réserves qui sont introduites dans les contrats de
concession, et qui ne sont pas imposées par la loi, comme des
réserves de toutes les carrières, rivières et ruisseaux — du
droit de changer tous les cours (Veau pour les moulins — du
droit de titre-nouvel aux dépens des tenanciers lors de
chaque mutation de la seigneurie — du droit de prendre tout le
bois, la pierre, et autres matériaux pour les moulins, manoir,
chauffage pour le Seigneur et pour ses fermiers, pour autres
maisons et améliorations sur le domaine du Seigneur, en outre,
pour usages publics, sans indemnité — réserve de toutes les
places de moulins, et prohibition de construire aucune
espèce de moulin, machine ou manufiicture mue par l'eau,
sans permission du Seigneur, qui sait fort bien se faire payer
qu
S(
29
10
quand il accorde cette permission. Réserves de terrain pour
bâtir des églises, des écoles et autres fins publiques. Le
Seigneur retire au censitaire, donne au public, et honneur a
Seigneur ! — du droit de faire augmenter la rente cViin minot
de blê à chaque mutation — réserve d'un chemin large de 30
pieds sur le bord des rivières — du droit de pêche — du droit de
chasse — d'un chemin de front do 36 pieds, et de terrain pour
les autres chemins — et tout ce que savons-nous encore que les
Seigneurs exigent des censitaires ; m.ais il faut en finir —
Quand, dans les conditions des concessions des seigneuries, il
est dit cependant, d'une manière expresse, que telle conces-
sion est faite avec la charge de concéder aux tenanciers aux
cens, rentes et redevances accoutumés^ sous peine de con-
fiscation des seigneuries.
Il serait trop long de détailler tous les abus, tous les griefs et
tous les maux dont les censitaires ont à se plaindre, nous nous
contenterons de citer quelques faits et de faire quelques obser-
vations.
On a vu dans la Baronnie de Longueuil, des agents spécula-
teurs et avides, sur la demande de concessions de terres faite
par des habitants, exiger d'eux, argent comptant, une certaine
somme, et le même jour passer un contrat de vente, tandis que
l'agent se passait à lui-même un contrat de concession. Nous
ne citerons que le cas du capitaine Cartier qui, sur sa demande
d'avoir des terres en concession, fut obligé de payer 4,000
' livres ancien cours, à Mr. Busby, agent, pour les avoir encore
grevées des charges seigneuriales.
Dans la seigneurie de Léry on a vu, entre autres,
François Hyacinthe Rémillard, Louis Rémillard, payer, par
l'exigence de l'agent, 12 louis et 10 chelins chaque, pour une
terre en bois debout, pour pouvoir tenir un titre de concession.
Le Seigneur, ou ses représentants, a refusé d'accorder un
titre de concession à Louis Clouette, à moins qu'il ne reçut
30
2.000 livres, ancien cours, avant la passation du titre de con-
cessivm ; et il e:ugea de Mic'.:el et d'Antoine Belouin 20 louis
pour chacun, avant de leur donner leurs titres.
Dans la seigneurie de Longueuil, les premières concessions
ont été faites à raison dhin sou par arpent et dhm chapon
pour la concession entière de 90 arpents de terre ; ensuite il a
fallu payer une pinte de blé et un sou par arpent ; mais depuis
l'année 1811, dans le village de Longueuil, le Seigneur a con-
cédé des lots de 60 pieds de front sur 120 de profondeur, pour
le prix de 25 louis argent comptant^ et une rente annuelle
de 20 chelins ; c'est ailrcux ! Dans la partie ancienne du
village, des emplacements d'une grande étendue ne furent con-
cédés qu'à raison de 2 chelins et six deniers par an, sans au-
cun capital.
Dans la Cote Sainte Marie, en arrière de la seigneurie de
Blainville, les rentes des terres sont de 5 piastres en argent et
de 2 minots de blé pour chaque 100 arpents.
Pour parvenir à une augmentation de taux, dans quelques
occasions, les Seigneurs forcent les censitaires à payer à des
taux plus élevés, en menaçant en même temps ces derniers
d'exercer contre eux le droit de retrait.^ comme il est arrivé
dans le cas de Philibert Matte, forgeron, et Mr. Lacroix,
Seisneur.
Les réserves des bois de construction faites par le Seigneur
sur les terres des censitaires n'auraient jamais dû être tolérées.
Par cette clause de la concession, le censitaire n'ayant qu'une
possession bien précaire des bois de service, n'avait aucun
intérêt à les conserver ; au contraire, il ne voyait de profit
certain, quelque médiocre qu'il fût, qu'en détruisant ces bois,
et c'est généralement ce qu'il a fait, dans la crainte que le
Seigneur ne les exploitât avant lui ; aussi, les bois de con-
struction sont devenus très-rares dans les seigneuries.^ et la
plupart de ces localités ont à supporter un mal presque gêné-
31
rai, qui n'a pas même pour excuse d'avoir été un avantage,
de quelque importance, pour le Seigneur ou pour le censitaire.
Le droit de banalité n'avait pour but que d'uissurer au Sei-
gneur de l'emploi pour les moulins qu'il était obligé de bâtir
pour l'usage des censitaires. Aujourd'hui, par Taugmentation
des établissements et de la population, les moulins des Seigneurs
ont autant de grains à moudre qu'ils le peuvent taire. Si les
Seigneurs, après l'abolition des droits Seigneuriaux, conser-
vent la possession de leurs moulins, il importe peu que ces
propriétés appartiennent à un individu plutôt qu^à un yutro,
leurs moulins étant bons, et leurs meuniers satisfaisant les
habitants, aux mêmes conditions que celles, plus tard, la con-
currence de l'établissement probable de nouveaux moulins
pourra introduire, les anciens moulins banaux n'auraient pas
moins une pratique encourageante.
Les eflcts des réserves que font les Seigneurs des })laces do
moulins sont des plus nuisibles aux censitaires et à l'industrie
du pays.
Dans la seigneurie de Terrebonne, John Watson, pour pou-
voir construire une simple tannerie sur la rivière, zSm de cou-
per et préparer l'écorce, ce qui lui avait été empêché par le
Seigneu Masson, a été forcé do lui payer 10 louis par an,
pendant dix ans ; et encore, à l'expiration de ce terme, le dit
Seigneur s'est-il réservé le privilège d'imposer de nouvelles
conditions.
Que de manufactures n'ont pas été empêchées dr.ns leur
établissement ! que d'industries n'ont pas été gênées prr ks
exigences exhorbitantes des Seigneurs pour laisser jouir des
places de moulins et de manufiictures ! On en a vu môme, à
quelque prix que ce fût, refuser constamment d'accorder cette
jouissance pour un nombre quelconque d'années, et, par ces
procédés, se déclarer les ennemis du progrès, des améliorations
et de la prospérité du pays.
32
Le droit exclusif de Tusage, et de la permission des forces
d'eau, est très préjudiciable au public, parcequ'il est opposé à
l'esprit d'entreprise et d'émulation, qu'excite constamment la
concurrence, un des principaux ressorts des améliorations
nationales, et que ce droit exclusif paralyse presque complète-
ment l'introduction de manufactures qui demandent le secours
de la force motrice que procure l'eau.
Malgré les obligations qui imposent aux Seigneurs de bâtir
de bons moulins à l'usnge des censitaires, dans plusieurs Sei-
gneuries, les Seigneurs négligent do faire tenir en bon ordre
les moulins qu'ils ont, et ils refusent d'en fiiire construire pour
Ic>s placer à la commodité des censitaires, qui sont quelquefois
obligés de faire plusieurs lieues pour se rendre au m^oulin
banal. Ils sont aussi quelquefois obligés, comme dans la Sei-
gneurie de Ste. Thérèse de Elainvilk , d'attendre jusqu'à
quatorze jours la mouture de leurs grains ; et nonobstant
l'impuissance du moulin, ils sont forcés d'y aller ou de payer
l'amende.
Non-seulement les Seigneurs n'ont pas voulu concéder des
terres, mais il y en a qui se sont distingués p:^r des prétentions
étranges. Dans la Seigneurie de Rouville, par exemple, en
1842, le Seignenr a bien déclaré qu'il était prêt à concéder
de nouvelles terres, mais aux dernières charges et conditions,
et pour plus amples sûreté, se faire c1o7iner une hypothèque
sur les autres terres appartenant aux censitaires. Les terres
qu'il offrait à concéder sont situées sur la montagne de Rou-
ville, psu propres à la culture ; et en sus des rentes et
réserves, il exigeait encore une certaine somme pour laquelle
il se ferait hypothéquer tous les autres bions des concession-
naires, qu'il déclarerait dans les titres être due pour arrérages
de rentes, quoique ces terres n'aient jamais été concédées
auparavant j le tout avec droit d'hypothèque spécial.
Non-seulement les Seigneurs, par esprit d'accaparement et
de spéculation, ont fait usage du droit de retrait à leur profit,.
33
au détriment des acheteurs, de plus, on a vu en 1837, dans la
Seigneurie de Saint Joseph de la Bcauce, William Torrance,
alors Seigneur, exercer, au préjudice de Josepfi Forlier, lo
retrait conventionnel, non pour son utilité ou profit, mais pour
favoriser un de ses amis, à qui il céda lo terrain aussitôt après
le retrait, pour le même prix que Joseph Fortier l'avait payé.
On a aussi vu des Seigneurs, par eux-mcmes, ou par leurs
agents, se livrer honteusement à un système de fraude et d'ex-
torsion, en se rendant aux ventes de ter; 'S qui font partie de Icurg
Fiefs respectifs, pour empêcher de mettre sur ces terres, de
les faire monter à leur valeur, en disant qu'ils se proposent
de les retraire ; il en résulte que ces terres vendues à vil prix,
alors le Seigneur exerce la prérogative dont il est revêtu, et
les vend à un prix plus élevé, à des acquéreurs, souvent
trouvés d'avance, et avec qui ils ont fait leur marché.
Les lods et ventes sont des plus préjudiciahles et nuisihles
aux censitaires ; ils sont, non un intérêt légal^ mais une
usure autorisée par la loi, et dont les limites ne sont pas dé-
terminées. Un lopin de terre coûte, par exemple, 24 louis,
le Seigneur reçoit 2 louis, d'après le droit qu'il possède ;
maintenant l'acquéreur par son industrie, son travail et son
argent, augmente, par les diverses bâtisses qu'il y érige et les
améliorations qu'il y fait, la valeur de cette petite étendue de
terre à 1,200 louis ; celte propriété passe en d'autres mains,
et par une loi, qui est loin d'avoir l'équité pour base, il faudra
que le nouveau propriétaire paie, non à l'homme industrieux,
mais au Seigneur des lods et ventes de 100 louis, valeur des
fruits du travail, de j'industrie et des avances pécuniaires du
premier acquéreur.
Mais c'est surtout sur les rentes vingèrcs que les Inds et
ventes sont odieux, parceque souvent les parents, par la mau-
vaise coutume canadienne, en fa"^ant donation à leurs enfants,
les chargent d'une forte rente, dans la persuation où ils sont
3
I !
34
de ne jamais l'exiger et de vivre en iamille ; mais si les enfants
viennent ù vendre à la charge de la rente, le Seigneur fait
une estimation de tous et chacun les articles de rente, servi-
tudes, &c., pour dix ans ordinairement, quelquefois plus,
selon Pilge des donateurs ; et sur le montant de cette estima-
tion il retire les lods et ventes, ainsi que sur le prix convenu
en argent ; en sorte que deux ou trois mutations suHiscnt quel-
quefois pour que le Seigneur, par ses lods et ventes, per-
çoive la valeur entière de la propriété.
Un père donne son bien à son fils, à la charge de lui payer
pension ; le fils vend la terre ù. un troisième, enfin la terre est
mise au Shérif par le Seigneur qui n'a pas reçu les lods ; le
Seigneur reprend la propriété qui ne va pas au montant des^
lods ; il en résulte que le pauvre donateur, dépouillé de
tous ses droits, perd sa pension, et sur ses vieux jours, se
trouve dans le chemin avec une partie de sa famille, sans pain
et sans force pour gagner sa vie.
o
Dans les villes et les villages, ces droits sont encore plus
onéreux que sur les terres, en ce qu'un emplacement, dans son
état primitif, ne vaut que quelques louis, devient par les capi-
taux qui y sont affectés à valoir des centaines de louis, le pro-
priétaire se trouve retranché cViin douzième de ses déboursés
° pour enrichir le Seigneur, la valeur des bâtisses excédant toujours
de beaucoup, et plusieurs fois, la valeur de l'emplacement ; mais
sur les terres concédées en bois debout, il arrive que le culti-
vateur après avoir travaillé une partie de sa vie, et dépensé
de fortes sommes, relativement à ses moyens, pour améliorer
sa propriété, se trouve aussi retranché d'un douzième des
fruits de ses travaux et de ses dépenses pour enrichir le Sei-
gneur, ce qui ne peut que décourager l'homme industrieux.
Quel est l'homme qui puisse aimer l'injustice d'employer
son labeur et son argent pour le profit des autres ? La tenure
Seigneuriale ne tend qu'à l'anéantissement de l'industrie ; il
35
est temps (l'en finir avec un systènnc dont, depuis longtemps, on
sent l'imposition, l'injustice, les abus, les maux, le décourage-
ment et l'appauvrissement qu'il entraîne avec lui. Jj temps
est arrivé (juo le Canada no doit plus s^y soumettre^ saris
employer d"* énergiques moyt ns, par les voies légales, pour
la destruction d'une nuisiancj pul)li({ue, (pii abonde en prin-
cipes destructeurs de tout esi)rit d'entreprise et de prospérité.
Le droit de faire prendre dos titres-nouvels ollre de nom-
breuses occasions pour exercer la fraude et l'oppression ; c'est
une source d'injustices. Les censitaires sont forcés par les
Seigneurs, à chaque mutation des Seigneuries, de prendre
♦itre-nouvels ; et, quand ils n'ont pas voulu les prendre, ils
oDt été [)oursuivis. Par ces titres, des charges nouvelles et
de nouvelles réserves ont été imposées ; et il faut, en outre,
que les habitants paj'int ordinairement dix chelins pour avoir
00 titre, quelquefois deux chelins de plus par contrat pour les
recherches des vieux titres, et, parfois, encore les honoraires
d'un arpenteur. Ce sont des injustices criantes.
Dans la Seigneurie do l'islet, Michel Bernier fut poursuivi
par McCallum, Seigneur d'alors, pour venir passer un titre-
nouvel qu'il refusait de prendre, parcequ'il n'était pas sem-
blable à son ancien titre. Le procès, après avoir duré plus
d'un an à la Cour Supérieure du Banc du Roi, fut décidé en
faveur du censitaire ; par le jugement il n'était tenu qu'à
prendre un titre semblable au premier titre de concession ; mais
le Seigneur ayant mis" le procès en appel, a fait renverser le
jugement, et contraignit le censitaire à prendre un titre-nouvel
comme il l'entendait. Le malheureux Bernier se trouvant
dans l'impossibilité de pouvoir payer les frais de justice, le
Seigneur l'a dépouillé de sa terre en la faisant vendre.
Ainsi, au sujet d'un seul titre-nouvel, Bernier a été mis sur
la paille.
Dans la Seigneurie de Lacolle, ït.^ censitaires ne pouvaient
obtenir de titres-nouvels qu'en acceptant de payer une augmen-
3*
I
36
talion do cinquante pour cent înscruo dans ces nouveaux
titres, malgré toutes les réclamations contre. C'est une
affreuse tyrannie !
Presque partout les Soigneurs abusent de ce droit. A la
passation des tilres-nouvels, dans la Seigneurie de Hoauhar-
tiois, par exemple, on s'est plaint généralement de Pexaction *
de rentes plus élevées, et auxquelles il a fallu se soumettre
dans l'impossibilité d'obtenir justice pour améliorer sa condition.
A la fantaisie des Soigneurs, dans les Seigneuries de Léry,
do Longueuil et de Lnprairie, comme il en a été ailleurs, quand
il a [)lu au Seigneur, les terres ont été chaînées par leurs
ordres afin de faire passer des titres-nouvels et exiger que les
censitaires payent l'arpenteur et le coût de ces titres.
Presque partout les Seigneurs rcl^usent de concéder des
terres avantcigeusement situées, sous le prétexte que ces terres
sont d'un très grand prix, qu'elles devront augmenter de
valeur dans quelques années ; et ils ne se décident \i les con-
céder qu'au moyen d^un bonus exigé préalablement.
Dans la Seigneurie de Lacolle, E. Henry a été obligé do
payer pour obtenir une concession de deux lots de terre, 25
louis par lot ; Robert Hoyle a payé ce même bonus, et l'aug-
mentation de cinquante pour cent de rente annuelle. James
Brisbane a payé 100 louis; Berry a aussi payé 100 louis.
Nous pourrions citer de nombreux cas semb'abics dans d'autres
Seigneuries, mais nous croyons avoir assez mentionné pour
faire ressortir le hideux de la conduite de certains Seigneurs
et de leurs agents.
Quant aux domaines^ quelquefois de très grande étendue
de terre, que les Seigneurs se sont réservés, sans droite non-
seulement ils ne veulent pas les concéder, mais encore ils
forcent les hiibitants à entretenir, à leurs propres frais, les clô-
tures et les cours d'eau.
37
Dans la Seigneuries de Lanaudi^rc les sucreries s'afTermcnt
par les Seigneur^, (juoiciuc [)lu>ieurs do ces sucreries sont sur
des terres ()ccu[)(';es par les censiiaires. Là, les hubilunts nVnt
jamais [)u obtenir de tilre d'aucune espèce.
Comment le cultivateur peut-il prospérer lorsqu'il lui faut
lutter contre tant d'injustices, de prohil)itions et d'obstacles ?
La tyrannie et les droits seigneuriaux délruisent l'cnergic.
L'agriculture dans les chaînes et la .soullVancc, les arts et lo
commerce en soullrcnt nccessairemenl.
Dans les Seiiî;neuries Jii les censitaires se livrent à lit
pèche, les Seigneurs ne se contentent pas des droits dont ils
jouissent sur les concessions, ils rcclainent encore et se font
payer le droit sur les grèves, qui consiste à se faire donner une
partie du poisson qui se prend sur les rivières. Les travaux
des pauvres habitants pour leurs pùcheries sont, quehpiefois
plus dispendieux que leur profit, après avoir donné, comme il
est exigé, jusqu'au tiers du poisson, et, nous a-t-on dit, jusqu'à
la moitié ; mais, le plus souvent, un cinquième pour chaque
pêche à anguilles ; dans la paroisse de l'Isle-aux-Coudres,
le troisième marsouin ; ce n'est guère le moyen d'encourager
la pêche.
Les corvées pour le Seigneur sur son propre domaine, ou
sur son chemin et ses moulins, sont des restes d'eî'clavage
féodal, par lequel le serf était obligé, comme vassal, de tra-
vailler pour son Seigneur durant une certaine partie de son
temps ; droit qui répugne aux sentiments do l'homme pénétré
de sa dignité, de ses droits, et qui sait apprécier les bienfaits.
de la liberté.
Quant au droit de foi et hommage qui oblige le vassal de
paraître devant le Seigneur à des époques fixes, pour, en sa
présence, mettre le genou en terre la tête découverte, sans
épée ni éperons, et là prononcer certaines paroles humiliantes,
I
38
comme c'est une coutume de vasselage, tombée en désuétude
en ce pays, nous n'en parlerons pas.
Les abus et les faits que nous avons cités, et que nous pou-
vons prouver, ayant en main des documents authentiques,
n'existent pas seulement dans les Seigneuries qui ont été nom-
mées par nous, partout la loi et le droit ont été foulés aux
pieds, rhumanitê et totis les principes de justice insultés
d outragés par des actes iniques d^une tyrannie dégra-
dante.
Nous nous faisons un plaisir de rapporter un extrait des
justes, belles et remarquables paroles des habitants de la Sei-
gneurie i^L />anaudièi'e qui, en réponse aux questions qui leur
ont été ;iC' alises en 1843, par les Commissaires nommés pour
s'enqué'ii de la tenure seigneuriale, s'écrient dans leur noble
indignation :
" Nous saisissons, avec plaisir, cette occasion désirée de-
" puis si longtemps, de pouvoir soumettre à un tribunal com-
'^ pètent nos remarques et nos plaintes, convaincus que nous
" sommes qu'il les écoutera avec bonté, et y donnera toute
" son attention.
" Elles seront faites avec toute la déférence que votre charge
" et vos intentions libérales méritent, et que les intérêts de
" tant d'opprimés demandent.
" Mais des intérêts et des préjugés semblent se rire de la
*• raison humaine, et dc^ er tous les efforts.
" Y a-t i\ en vérité, rien qui répugne plus à la raison et à
" la vérité, et enfin à toute notion humaine de droit et de
*' justice, que cette division étrange et sacrilège d'une pro-
" priété que le Créateur a destinée à tous, parmi un petit
" nombre seulement ? La bru*e est contente de son sort, et
" elle en jouit sans être troublée par les autres bêtes de la
" même espèce ; mais l'homme ! l'homme seul ravit à son
39
" semblable son droit imprescriptible, droit qu'il a reçu direc-
" tement du Tout-Puissant ; et si l'on savait comment s'y
" prendre, on lui ravirait aussi Tair et la lumière ; quant à
" l'eau elle est déjà monopolée autant qu'on l'a pu.
" Il est étonnant, sans doute, que l'on ait introduit sur ce
" vaste et magnifique continent, où toutes les créatures
" nageaient dans l'abondance et la profusion de tout ce que
" produit la nature, et oi!i n'existait aucun des ces motifs de
*' langueur et de destruction, ces horribles systèmes, causes de
" tant de misères et de mal!.eurs dans les trois autres parties
" du monde î 11 est étrange que des gouvernements, maîtres
" de leurs actions, n'aient pu trouver un mode plus équitable,
" pour ne pas dire rationnel, pour établir le surplus de leur
*' population ! Ce fait prouve un mal, un mal radical que la
" lumière du 19e siècle devrait certainement dissiper.
" Comment rem.éJicr à ce système vicieux sans violer les
" droits des individus ? Hélas ! violer quoi ! les droits de
" 150 à 200 personnes ? c'est beaucoup trop en vérité. Que
*' dit l'autre côté de la question ? Comment, d'abord, a-t-on
" pu obtenir ces droits ? Dans des temps de barbarie, dans
*' les siècles de fer, lorsque la force et le pouvoir faisaient le
" droit, lorsqu'un homme, s'il avait le malheur d'être né de
'' parents pauvres, était reg :i'dé, pour ainsi dire, comme infé-
" rieur à la brute, et était certainement plus maltraité.
" Combien ? Quelles multitudes de ces hommes ont été
" sacrifiés pour le simple amusement de quelques r^rands en
" pouvoir ! Ces multitudes ne sont-elles que des troupeaux ?
" Non, vous. Messieurs, ni aucun homme réfléchi, vous ne
" direz pas cela."
Abandonnons ces justes, mais bien tristes réflexions, que
fait malgré lui l'homme qui pense.
40
CHAPITRE III.
QUEL EST LE MEILLEUR MODE A EMPLOYER POUR ACCOR-
DER UNE JUSTE INDEMNITÉ AUX SEIGNEURS ?
Divers plans se présentent pour remédier aux maux affreux
et avilissants que la Tenure Seigneuriale entretient au Canada ;
mais nous croyons le suivant le plus simple, le plus équitable,
le moins dispendieux, offrant le moins d'inconvénients, par con-
séquent, le plus justement et le plus promptement praticable.
L'abolition de la Tenure Seigneuriale proclamée, dans le
cours du mois suivant la promulgation de la loi, il sera procé-
dé aux moyens de constater l'indemnité à accorder aux Sei-
gneurs. Cette indemnité devra être accordée, d'une manière
uniforme, selon la valeur des Seigneuries, proportionnellement
au capital représenté par leurs revenus respectifs de la der-
nière année, d'après le papier-terrier, non tels qu'ils sont,
mais après avoir réduit les revenus des Seigneurs, qui ont
violé les conditions de leurs titres et imposé des exactions,
conformément aux Arrêts et Edits des Rois de France, que
nous avons cités, qui sont toujours existans, et doivent être
mis à exécution. Il ne s'agit pas d'indemniser les Seigneurs
des abus qu'ils ont créés, des usurpations qu'ils ont commises,
et que le temps n'a pu légitimer.
A cet effet, des arbitres seront nommés, au nombre de cinq,
dont quatre, mi-partie par le Seigneur et les censitaires sépa-
rément, et le cinquième par le consentement mutuel du Sei-
gneur et des censitaires ; et le montant de la valeur de chaque
Seigneurie, déterminée définitivement jrar ces arbitres, devra
être payé au moyen d'une répartition faite, au prorata des
valeurs respectives des propriétés des censitaires dans toute l'é-
tendue de la Seigneurie, estimées aussi par les mômes arbitres,
et d'une manière définitive. Les censitaires auront alors à
payer de suite, s'ils le pouvaient ; mais, à définit de le faire,
ils seront chargés de payer l'intérêt légal de six pour cent
41
pour leur quote-part, jusqu'à parfait payement du tout, qui ne
pourra alier au-delà de quinze années. Par des payements
partiels, le capital dû par le censitaire diminuant, les intérêts
diminueront toujours à proportion.
A l'écliéance des quinze années accordées, lo capital sera
obligatoire de la part du Seigneur ; mais les intérêts seront
exigibles annuellement.
Toutes les estimations faites, de la valeur de chaque Sei-
gneurie, et des valeurs des propriétés des censitaires, seront
déposées par les arbitres chez un Notaire de la Seigneurie, qui
en prendra acte, en gardera copie, et sera chargé de faire une
répartition générale, entre les censitaires, de la somme que
chacun d'eux devra payer au Seigneur pour son indemnité ;
et telle répaitition, l'acte de dépôt et les honoraires des arbitres,
seront payés par le Seigneur et les censitaires : le Seigneur
pour la moitié et les censitaires pour autant
Les arbitres feront le dépôt chez le notaire choisi par eux
comme représentans des parties intéressées, dans le cours de
trois mois, au plus tard, sous peine de perdre leur droit à la
rétribution fixée en leur faveur par la Législature.
Les lumières de. la raison, et les principes de l'équité,
doivent faire rejeter dans l'abîme des ténèbres et de l'oubli les
préjugés de l'ignorance, l'influence particulière, la cupidité
inique de ceux qui sont intéressés par leur égoïsme, à faire
porter à leurs concitoyens le joug de la servitude, en abolis-
sant, pour jamais au Canada, les droits féodaux et Seigneuriaux
que le peuple traîne à sa suite sous un dur esclavage.
Le Seigneur a droit a une indemnité pour la concession de
ses droits. Les droi'/^ Seigneuriaux pour lesquels le Seigneur
a droit à une indemnité, sont seulement les cens et rentes tels
que la loi les veut, et les loch et ventes. Ces droits sont
ceux sur lesquels doit se fonder l'estimation de la valeur
42
d'une Seigneurie. Tous les droits Seigneuriaux doivent être
abolis moyennant la valeur esiimée de la Seigneurie par les
revenus annuels des deux droits précités. Ce qui sera une
indemnité juste et sufllsante pour l'extinction de tous les droits
du Seigneur qui n'ont pas été usurpés par lui.
Ce projet est très équitable, propre à assurer et garantir au
Seigneur, s'il fait un placement judicieux, une pleine et entière
indemnité pour l'extinction de ses droits. Jusqu'à ce que le
payement soit opéré, le Seigneur perçoit l'intérêt légal de ce
que lui doit, pour l'indemniser, chaque habitant qui n'est plus
libre, après l'époque déterminée, de retarder le payement en
payant les intérêts. La loi ne devra avoir aucun effet rétro-
actif y par conséquent garantir aux Seigneurs tout ce qui pour-
rait leur être dû parles censitaires d'arrérages pour redevances
et droits Seigneuriaux jusqu'au jour de sa promulgation. Ce
mode d'indemnité .^erait également applicable aux Seigneuries
tenues en mains-mortes, ou qui appartiennent à des corps aux-
quels il n'est pas permis d'aliéner. Tl est évident qu'on ne
peut introduire aucune réforme radicale dans la loi, sans faire
souffrir quelques individus, plus ou moins ; mais en même
temps il est d'une saine et juste politique d'adopter le plan qui
offre le moins d'inconvénients. La plus grande partie des
rentes imposées par les Seigneurs étant illégales,on ne iiourrait
sans injustice obliger les censitaires à leur payer une indem-
nité pour le rachat d'une rente qu'ils ne doivent que partielle-
ment, et dont la totalité ne peut être considérée, sous aucun
point de vue, comme un droit acquis, n'étant de fait qu'une
usurpation et un abus ; en conséquence, le capital de la valeur
des Seigneuries ne peut être justement représenté qu'en con-
sidération des droits Seigneuriaux réduits à la. légalité, con-
formément aux clauses et conditions des contrats primitifs de
concessions faites aux Seigneurs par la Couronne. C'est
une mesure de justice envers les censitaires dont les Seigneurs
n'ont aucun droit de se plaindre 3 les Seigneurs devraient se
43
têtre
)ar les
a une
droits
tenir satisfaits de n^étre pas inquiétés pour ce qu'ils ont reçu
illégalement, et (Vavoir encore une indemnité basée sur la
plus stricte équité.
Les Seigneurs se sont places, en violant les conditions de
leurs concessions primitives, !es Arrêts, Edits et Ordonnances
qui régissent la Tenure Seigneuriale, en usurpant des droits
illégaux, et en se livrant aux abus les plus criants, dans la
situation de voir les autorités executives sortir enfin du som-
meil léthargique par lequel elles ont laissé violer impunément,
jusqu'à ce jour, les anciennes Ordonnances, les Lois ^ itu-
mières, et intervenir, en conformité à la loi, -^our sévii rntre
eux, et leur infliger la rigide mais juste peine joriée par les
Arrêts, Edits et Ordonnances encore en force, en condamnant
à la réunion au Domaine de la Couronne, toute Seigneurie
dans laquelle la loi n'aurait pas été fidèlement observée.
Maintenant, comme tous les Seigneurs ont, plus ou moins,
violé la loi, et se sont écartés, non-seulement de son esprit,
mais qu'ils n'ont tenu môme aucun compte de sa lettre, sans
indemnité, toutes les Seigneuries du Canada seraient, de droit,
confisquées et réunies à la Couronne qui, elle, en disposerait
généralement et sans indemnité, en faveur des malheureux
censitaires qui souffrent, depuis si longtemps, de la négligence
du gouvernement, de concussions, de droits violés et de droits
usurpés.
Encore une fois, que les Seigneurs se trouvent donc bien
heureux d'être indemnisés, plus que justement, môme avec
générosité.
Les Seigneurs doivent s'attendre à une hostilité continuelle
et croissante contre les usurpations, les abus de la Tenure
Seigneuriale, et le hideux de l'existence de ces vestiges des
siècles barbares. La prudence ordinaire doit leur faire con-
cevoir que toute opposition systématique, au cri général du
pays, ne pourrait mener qu'à des suites désastreuses pour eux
44
dans la lutte où ils ne pourraîent manquer de succomber hon-
teusement ; tandis qu'eux mêmes montrant un esprit de con-
ciliation et de justice, cette conduite de leur part leur assurera
la protection de la Législature, une indemnité équitable de la
valeur juste et légale de leurs Seigneuries, comme celle dont
nous venons de présenter le plan. La tyrannie de la féodalité
a cessé d'exister dans bien des contrées, ou les Seigneurs
n'ont recueilli que la persécution, pour indemnité de leurs
droits oppresseurs abolis.
Quant aux censitaires, ils ne pourront que se réjouir d'une
abolition de droits qui, détruits, donneront immédiatement à
leurs propriétés, déchargées de lods et ventes, de cens et
rentes, de corvées, et de toutes les autres charges, servitudes
et réserves Seigneuriales, une augmentation réelle de valeur,
môme plus élevée que le montant de leur quote-part d'indem-
nité à payer aux Seigneurs. Alors seulement, véritables pro-
priétaires, et non simples tenanciers, ils pourront se livrer, en
paix et sans entraves, à tous les élans de l'esprit d'entreprises
industrielles, à toutes les améliorations agricoles que leurs
terres peuvent réclamer pour accroître leurs revenus, assurer
leur bien-être, donner la vie au commerce et à la prospérité
générale.
En vain les cours de justice, mues souvent par des considé-
rations personnelles, n'ont pas, pour la généralité, admis le
principe d'un taux uniforme et usité ; en vain ont-elles main-
tenu le principe, d'après les jugements qu'elles ont rendus, que
le Seigneur avait droit de concéder aux taux et conditions
dont ils conviendraient avec leurs censitaires ; en vain, enfin,
ont-elles refusé de relever les censitaires de ces charges con-
ventionnelles et forcées par les circonstances, leurs jugements
étaient en contradiction avec la loi, toujours en force, par
CONSEQUENT, LEURS JUGEMENTS ETAIENT LNIQUES, la
vérité nous impose le devoir de le proclamer à la face du Ciel
et à la face du Pays.
45
Quant à la question des terres non-concédées dans les Sei-
gneuries, dont la population rurale s'est toujours plaint, que plu-
sieurs Seigneurs refusaient absolument à concéder ces terres
dans Fespoir spéculateur d'en augmenter la valeur, et d'im-
poser aux liabitants qui désireraient en obtenir, des taux et des
conditions plus onéreuses, en exécution des Arre's, Ordon-
nances et Edits des Rois de France, qui font la loi encore
existante, ces terres doivent nécessairement être réunies au
domaine de la Couronne, sans indemnité aucune, pour être
concédées libéralement aux colons, comme le sont maintenant
les terres de la Couronne.
Et pour ce qui est du droit de quint, en législatant sur l'a-
bolition de la Tenure Seigneuriale, le gouvernement devrait
céder et abandonner ces droits sans aucune indemnité ; droits
d'ailleurs sans importance par la m.odicité des revenus qui,
comme nous l'avons déjà fait voir, n'ont pas passé, année
commune, pendant 38 ans, 836 louis, cinq chelins et cinq
pence.
Ce pourrait être considéré comme un acte de justice en
faveur des Seigneurs dans l'acte de l'extinction des droits et
des privilèges dont ils ont joui.
CHAPITRE IV.
CONCLUSION.
Le seul désir de dévoiler la vérité, de la proclamer, pour la
faire reconnaître et adopter pour le bonheur d'une société op-
primée et soufTranie, nous a mis la plume à la main ; nous
protestons donc d'avance, contre toute interprétation malicieuse ;
nous n'avons pas voulu nuire au caractère de personne, nous
sommes, comme toujours, contre les principes vicieux, et non
contre les individus que, néanmoins, les mauvais principes fi-
nissent toujours par vicier.
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La tenure seigneuriale est une violation du droit naturel ;
elle est dégradante et vexatoire, elle décourage l'agriculture,
paralyse l'énergie de l'homme et le développement de toutes
les industries.
Arrière, tenure infâme ! tu achèves ta carrière en ce pays,
tu seras complètement chassée de l'Amérique : au Canada plus
de Seigneurs, plus de vassaux, plus de vilains ; plus de cor-
vées à faire, plus de lods et ventes, plus de droit dcoretrait,
plus de cens et rentes, plus de redevances, plus de réserves in-
justes, plus de distinctions avilissantes, plus de droits de domi-
nation et d'op-pression, plus de droit de banc double dans l'é-
glise, droit d'y trouver la sépulture pour soi et sa famille; ar-
rière vestiges de la féodalité !
Il faut abroger, pour toujours, cetto loi tyrannique, ces restes
hideux et dégoûtants de la barbarie. Il y a assez longtemps
que le peuple soutFre l'injustice des lois seigneuriales, le de-
voir DES MANDATAIRES DU PEUPLE, DEVOIR IMPERIEUX!
doit être de se rendre à ses vœux, en fiùsant disparaître tous
ces droits honteux, en détruisant la servitude féodale, en fai-
sant des sujets libres et en prôpr.rant leur avenir de prospérité
et de bonheur. Le temps d'une réparation complète est enfin
venu. L'opinion publique, à laquelle les assemblées délibéra-
tives sont responsables, s'est déjà prononcée, et se prononcera
encore d'une manière plus formidable, nous n'en doutons pas,
encore plus généralement et plus énergiquement dans tout le
pays, en faveur de l'abolition des droits féodaux et seigneu-
riaux.
Qui osera donc s'opposer à l'accomplissement de ce grand
acte de justice ! !
Déjà quelques alarmistes ont sonné le tocsin, et se sont
écriés : abolir les droits seigneuriaux c'est perdre la nationa-
lité, c'est attaquer les usages, les lois et la jurisprudence du
pays ; c'est ouvrir la porte aux capitalistes qui achèteront les
47
DE-
terres des habitants et en feront des prolétaires. Le servage
(l'un peuple ne peut être sa nationalité ; et il est un fiiit incon-
testable, c'est que la plupart des Seigneurs ont été, et sont en-
core des spéculateurs de terres plus redoutables ((ue ceux que
l'on évoque, comme des fantômes, pour épouvanter. Le cul-
tivateur, déchargé des lourdes charges seigneuriales, trouvant
son avantage à garder et à cultiver sa terre à son profit, no don-
nera pas de prise aux envahissements des riches. Voit-on aux
Etats-Unis libres, où le sceptre de la féodalité n'existe pas,
les propriétaires dans les campagnes devenir la proie des capi-
talistes, ilevenir des fermiers par la disparition de la répartition
des terres ? Y voit-on le hideux spectacle de maisons, de
fermes délalrées, de serfs couibés sous le joug du riche et lo
servage le plus avilissant ? Non ; il est loin d'en être ainsi.
Les cultivateurs Canadiens, décliargôs des droits seigneuriaux,
pourront prétendre, en grande partie, à toute la prospérité et
le bonheur, partages des cultivateurs Américains, et que leurs
institutions républicaines leur procurent.
Mais, à entendre les alarmistes, l'abolition des droits sei-
gneuriaux aurait pour conséquence inévitable de jeter le Ca-
nada dans l'état déplorable, la misère et les gémissements des
fermiers de la Grande-Bretagne, et de la trop mallicurcuse Ir-
lande, qu'ils doivent particulièrement à l'existence du droit do
primogéniture ou d'aînesse, et à toutes les affreuses consé-
quences dont il est la cause. Assertion fausse, mensongère et
absurde ! Une tenure quelconque de propriété sujette à des
conditions onéreuses et avilissantes, doit nécessairement être
injurieuse au pays oii elle existe, répugner aux sentir^ents de
l'homme libre, ne pas s'accorder avec l'esprit de lumières et
de civilisation du dix-neuvième siècle, et être, enfin, une source
de pauvreté, de misère, d'irritation, de juste aversion, et même
d'insurrection et de troubles publics.
Il est évident que l'Acte pour la Commutation desTenures,
la 6e George IV, ch. 59, n'assure aux censitaires aucun des
48
avantages qu'avaient en contemplation ses auteurs. Son seul
e(ïet est de transférer aux Seigneurs qui ont des terres incultes
et non concédées le droit de propriété aux terres que, par les
conditions de leurs concessions, ils étaient obligés de concéder
à quiconque le désirerait ; et c'est ce que fait l'Acte, sans au-
cune rondition avantageuse aux censitaires, et snns aucune
condition pour assurer l'établissement des terres d)nt la tenure
est commuée. Cet Acte n'accorde aux censitaires aucune fa-
cilité quelconque pour alléger les fardeaux auxquels ils sont
Soumis, excepté pour l'avantage des Seigneurs ; il est inefficace
dans f.es provisions, qui paraîtraient au premier coup d'oeil, les
plus importantes et les plus efficaces. L'Acte précité ne con-
tient aucune prévision pour permettre aux censitaires de com-
muer la tenure de leurs propriétés dans les seigneuries de la
Couronne.
La capitulation du pays et les traités assurent aux Canadiens
la paisible jouissance de leur religion, de leurs lois et coutumes,
il n'appartient donc, légalement, qu'tiu parlement colonial
de législater, avec légalité et connaissance de cause, quant aux
changements que réclament la justice et l'état actuel de la ci-
vilisation.
Nous en appelons au patriotisme de tous les Canadiens in-
fluents, et des censitaires en particulier, pour qu'ils fiassent des
assemblées publiques, avant l'ouverture du prochain parlement,
dans tous les comtés du pays, pour passer d'énergiques résolu-
tions, demandant à la législature, d'une manière. définitive et
positive, non des réformes et des modifications à la tenure sei-
gneuriale, qui seraient des hors d'œuvre pour changer radica-
lement, en sort plus heureux, la malheureuse condition des cen-
sitaires Canadiens, mais Vabolition entière de tous les droits
féodaux et seigneuriaux.
Ces résolutions adressées à la Chambre d'Assemblée, nous
croyons fermement, qu'après de telles manifestations, l'attitude
49
(lu peuple devra infailliblement lui obtenir la réalisation de sa
juste demande ; car il sera alors du devoir impérieux du Minis-
tère de faire réussir cette grande mesure de justice et de
réparation ; il sera alors du devoir impérieux des man-
dataires du peuple de ne pas reculer, à moins de trahison
devant cette œuvre d'équité, de progrés, de civilisation et de
liberté ; la majorité du parti Anglais, détestant les vestiges de
l'esclavage féodal, sa co-opération pour détruire à jamais des
droits avilissants ne fera pas défaut, et le Canada, à l'avenir,
n'aura plus à souflrir et à gémir des abus et de tous les maux
que cause la tenure seigneuriale.
Tous ceux qui mettront la main à cette œuvre de destruc-
tion acquerront des titres glorieux, et à toujours mémorables,
à la reconnaissance de tout le pays ; titres qui seront inscrits
dans les fastes historiques du Canada, et qui seront gravés, en
caractères ineffaçables dans tous les cœurs reconnaissants.
DE l'état DEPLORABLE DES DESCENDANTS DES ANCIENS
NATURELS DU CaNADA, ET DU MOYEN DE LES CIVILISER.
Après avoir réclamé contre les droits oppressifs qui tyran-
nisent les Canadiens dans cette partie de l'Amérique Britan-
nique, nous nous sentons entraînés irrésistiblement, avant de
déposer la plume, à jeter un regard philantrophique sur le sort
déplorable des descendants des anciens naturels du Canada,
dont la condition malheureuse, si digne de pitié et d'intérêt,
n'a pu, néanmoins, jusqu'à présent, attirer, d'une manière effi-
cace, la sollicitude paternelle du gouvernement colonial.
Notre but n'est point d'entrer dans de longues observations,
de représenter le génie et les mœurs des sauvages qui oc-
cupent plusieurs territoires au Canada ; mais seulement de faire
quelques remarques particulières au sujet des sauvages Mon-
tagnais du Saguenay, remarques qui pourront aussi s'appliquer
4
50
également à la civilisadon de tous cosenfauts (Je la nature dans
cette contrée.
A leur dénuement, à leur pauvreté et à leur misère, on doit
attribuer la diminution sensible des sauvages du Saguenay.
Leur détresse est déjà connue du gouvernement ; la dé[)utation
qui a été envoyée le [)rintemps de l'année dernière, accompa-
gnée de Mr. de La Terrière, représentant du comté de Sague-
nay au parlement provincial, et de leurs interprètes Messieurs
Peter McLeod, Thomas Simard et McLaren, les ont représen-
tées, cette misère et ces souffrances, sous des traits les plus pi-
toyables, au gouverneur-général Lord Elgin, sous les couleurs
les plus vives et les plus attendrissantes.
Il est du devoir du Gouvernement, non pas de leur accorder
seulement quelques secours passagers pour soulager leurs
maux, mais de s'occuper sérieusement de l'œuvre si chré-
tienne, si humaine et si méritoire de leur civilisation, en les
engageant, en les encourageant à se rendre à la vie sociale, à
travailler, en les aidant, à construire des villages et à cultiver
la terre.
Les Montagnais se plaignent d'avoir été délaissés du gou-
vernement, de ce que les établissements des Canadiens au
Saguenay nuisent à leurs moyens de subsistance, à leurs
pêches et à leurs chasses. Leurs missionnaires seraient les
plus dévoués et les plus propres à les mener à abandonner
une vie de misère, de fatigues, de famine et de dépopulation,
pour jouir des bienfaits de la civilisation.
Ce plan bien conduit ne pourrait que se réaliser. Les
Missionnaires catholiques du Canada réussiraient à effectuer
ici, ce que les Missionnaires catholiques ont fait au Paraguay,
dans l'Orégon, et même au lac Saint Jean, source du Sague-
nay, avant les affreux ravages que le fléau destructeur de la
petite vérole, cet implacable ennemi des enfants de la nature,
a fait, à plusieurs reprises, parmi la peuplade que les Pères
Jésuites étaient parvenu à y établir et fixer ; cette cruelle
51
dans
doit
!nay. .
atiori
mipa-
i<,^ue-
inaladiu détruisit la colonisation ilus |)rcmiL'rs Jcsuitos au
Canada.
Do nouv(;aux Missionnaires pourraient entreprendre égale-
ment avec succès cette belle et bonne œuvre, si le jïouvorne-
ment fournissait des moyens pécuniaires et des encouragements.
Le système de colonisation et de civilisation des Sauvages
par le Calholicisine, s'est appli(|ué heureusement dans toute
retendue du Continent de l'xVmérique, au Canada, au Para-
guay et autres parties de l'Amérique du Sud, à la Californie,
à l'Orégon, et on l'a vu recevoir les plus vastes développe-
ments ; dans le Paraguay surtout ses elï'ets ont été admirables.
Il n'y a pas de très-grandes difiîcultés à surmonter pour la
civilisation des Montiignais. Ils sont catliolicpies, et s'ils con-
servent encore (juehpie chose de leur ( caclère primitif, ils
n'ont pas les mœurs cruelles, ordinaires aux Sauvages, et ils
sont plus disposés à entrer dans la vie de la civilisation,
comme le prouve la demande qu'ils ont faite à, l'exécutif d'a-
voir (les terres pour s'y établir et cultiver la terre en peuplades.
Qu'on leur fournisse donc, à ces pauvres Sauvages, de
l'aide et des missionnaires, et on verra tomber les arbres des
forêts, des maisons se bâtir, des chemins s'ouvrir, une église
s'élever, une école établie et fréquentée, des champs s'ense-
mencer, et des enfants de la nature sortir de leur misère et de
leurs souffrances, pour jouir d'une condition heureuse avec
des établissements fixes.
Les Sauvages les plus rapprochés des rives du Saint
Laurent et de la rivière Saguenay sont éclairés des lumières
de la foi ; mais, à cent lieues au-delà, il s'en trouve qui n'ont
pas encore été évangélisés ; ils sont d'un caractère doux, et
accueillent volontiers les ouvriers apostoliques, par les rap-
ports qu'ils ont avec les autres Sauvages catholiques et les
employés canadiens de la compagnie de la Baie d'Hudson.
Ô2
Les moyens de subsistance pour ces peuplades sont la
pêche et la chasse, c'est là leurs ressources et leur unique
in/'-istrie. Malheur à eux quand le gibier et le poisson
viennent à manquer ! Ils sont exposés à périr misérablement
au milieu des tourments de la faim.
Les Missionnaires se feraient un devoir, cher à leur cœur,
de déployer toute l'influence dont ils jouissent déjà sur une
partie de ces sauvages pour les appeler à l'état social, et à
concourir, par leur travail, aux progrès de la prospérité du
Canada.
W,*\y-v "v,/v
,.--\.,-v .-^y^ ^s,'Vs,.-s.-v.'v.-v --,-v.'V^-*v.'---Vv'\,"»-'N,-\y^,^ -'v^'^
TABLE DES MATIÈRES.
Introduction.
Chapitre I. De l'établissement des droits féodaux et seigneuriaux au
Canada.
Chapitre TI. De l'état actuel de la tenure féodale et seigneuriale au
Canada.
Chapitre III. Quel est le meilleur mode à employer pour accorder
une juste indemnité aux Seigneurs.
Chapitre IV. Conclusion.
Le l'état déplorable des descendants des anciens naturels
du Canada, et du moyen de les civiliser.