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Full text of "De l'abolition des droits féodaux et seigneuriaux au Canada et sur le meilleur mode à employer pour accorder une juste indemnité aux seigneurs [microforme]"

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Photographie 

Sciences 

Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  14580 

(716)  672-4503 


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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Institute  for  Hisiorical  Microreproductions  /  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


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Cartes  géographiques  en  couleur 


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de  cet  exempiaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
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Pages  endommagées 

Pages  restored  and/or  laminated/ 
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1 

2 

3 

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originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
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dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
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Les  cartes,  pirnc'ies,  tableaux,  etc.,  peuvent  être 
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de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  à  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


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DE  L'ABOLITION 


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DROITS  FEODAUX  ET  SEIGNEURIAUX 


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AU  CANADA, 


ET  SUR  LE  MEILLEUR  MODE  À  EMPLOYER  POUR 

ACCORDER  UNE 


JUSTE  INDEMNITE   AUX  SEIGNEURS. 


r.^à-^\.jr.tr\^-. 


Ouvrage  dont  il  est  du  plus  haut  intérêt  pour  les  Censitaires  de  se 
procurer,  pour  connaître  leurs  droits,  et  pour  les  réclamer  unanime- 
ment à  la  prochaine  Session  du  Par'  -^eni  Proviociokl. 


^ '■\éi\.  *j-vy^i>/-»  ■N.-v»«ou-^»v/>^v*x.v,»»v*-^x 


PAR  CLEMENT  DUMESNIL. 


MONTRÉAL  :-IMPRlMÈ   PAR  J,  STAÎiKE  kt  Cil. 

1549. 


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Ndus  sommes  coiivaincus  que  dans  urié  contrée 
agricole,  comme  le  Canada,  il  faut  rencontrer  les 
besoins  de  l'agriculture,  de  la  population  rurale  crois-^ 
santé,  chercher  à  lui  assurer  une  propriété  déchargée 
de  tous  les  entraves  que  font  naître  les  droits  féodaux 
et  Seigneuriaux. 

C'est  par  l'agriculture  que  la  prospérité  d'un  pays 
peut  augmenter  rapidement.  C'est  la  classe  indus- 
trielle, la  classe  agricole  surtout,  qui  doit  occuper  les 
pensées  et  les  sollicitudes  des  hommes  d'Etat  ;  oui, 
c'est  de  cette  classe  que  l'on  doit  s'occuper  plus  par- 
ticulièrement si  l'on  veut  faire  naître  l'aisance,  l'abon- 
dance et  la  prospérité  au  milieu  de  tous. 

Pourquoi  avec  le  sol  généralement  fertile  du  Cana- 
da la  culture  a-t-elle  fait  si  peu  de  progrès  ?  Les 
colons  manquent-ils  d^énergie,  sont-ils  paresseux  1 
Les  Canadiens  aiment  le  travail,  et  ils  sont  laborieux  ; 
le  pays  renferme  des  ressources  immenses  pour  l'in- 
dustrie et  le  commerce  ;  mais  ce  qui  manque,  ce  sont 
des  lois  équitables. 

L'administration  actuelle  devrait  s'occuper,  avec 
énergie,  à  donner  à  l'agriculture  de  la  vie  et  de  l'es- 
sor ;  mais  le  système  féodal  est  destructeur  de  l'éner- 
gie, de  l'esprit  d'entreprise  et  de  l'industrie,  il  faut 
donc  mettre  la  cognée  à  la  racine  de  l'arbre  nuisible, 
et,  avec  lui,  arracher  la  cause  première  de  l'état  d'in- 
fériorité agricole  et  de  misère  dans  lequel  languit  cette 

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malheureuse  contrée.  Le  système  féodal  existant 
actuellement  au  Canada  ne  |Qitpas  gubsister  sous  un  ' 
gourernement  libérai.  La  justice  réclame,  ayôc^Ta- 
bolïtiôu  des  droits  et  des  privilèges  Seigneuriaux, 
qu'une  juste  indemnité  soit  accordCe  aux  Seigneurs 
dépossédés  des  droits/jui  leur  ont  été  garantis. 

n  est  vraiment  pénible  de  penser  qu'au  Canada 
l'agriculteur  est  obligé  de  payer  une  rente  annuelle, 
de  faire  moudre  son  blé  au  moulin  du  Seigneur,  qui 
en  retient  la  quatorzième  partie,  et  qui  la  fait  même 
payer  si  le  censitaire  va  faire  moudre  son  blé  ailleurs 
qu'au  moulin  banal  ;  il  est  obligé  de  réparer  les 
grandes  routes  et  les  chemins  de  traverses  qui  pas- 
sent sur  ses  terres,  d'en  faire  de  nouveaux  en  y  par- 
ticipant ;  il  es^  obligé  aux  lods  et  ventes,  qui  consti- 
tuent une  b -r  .(3  partie  du  revenu  du  Seigneur,  lui 
rapportant  la  douzième  partie  de  l'acquisition  de 
chaque  propriété  vendue  dans  sa  Seigneurie,  et  dont 
les  mutations  lui  font  percevoir,  tous  les  quinze  à 
vingt  ans,  le  douzième  de  la  valeur  de  toutes  les 
propriétés. 

Outre  ces  charges,  le  Seigneur  a  le  droit  de  retrait, 
ou  le  privilège  de  préemption,  d'après  la  plus  haute 
enchère,  dans  l'espace  de  quarante  jours  ;  il  peut 
faire  couper  et  prendre,  sans  indemnité,  les  bois  de 
construction  et  les  pierres  à  chaux  dans  l'enceinte  de 
sa  Seigneurie,  pour  son  usage,  quelquefois  pour 
l'usage  de  ses  fermiers,  et  pour  Futilité  publique  ;  il 
peut  s'emparer  des  terrains  à  sa  commodité  pour  la 
construction  de  moulins;  il  peut  exiger  des  corvées; 
il  perçoit  une  dîme  de  tout  le  poisson  pria  dans  les 


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pêcheries  qui  sont  sur  les  grèvea  dans  sa  Seigneurie, 
s  et>  enfin,  une  dîme  sur  la  chasse. 

Tels  sont  les  droits  oppresseurs  et  les  privilèges 
particuliers  des  Seigneurs  ;  droits  qui  tyrannisent, 
qui  entravent  les  progrès  de  l'agriculture  ;  droits  qui 
frappent  l'homme  le  plus  laborieux  et  le  seul  productif 
de  produits  nécessaires  et  indispensables  à  la  nour- 
riture de  la  Société. 

Par  la  destruction  des  charges  Seigneuriales,  quelle 
énergie  !  quelle  industrie  !  et  quelle  prospérité  n'en  = 
seraient  pas  les  heureuses  conséquences  !  L^agvicul- 
ture  nt3  craindrait  plus  d'être  /exée,  et,  par  ses  progrè*, 
le  commerce  et  toutes  les  industries,  tous  les  arts 
utiles  acquerraient  des  améliorations,  et  l'accroisse- 
ment rapide  de  la  population  sérail  an  résultat  assuré 
de  l'état  prospère  du  pays. 

Les  apôtres  des  droits  Seigneuriaux  ont  faussement 
avancé  au  soutien  de  leur  principe  inique,  que  ces 
droits  avaient  pour  heureux  résultats  d'attacher  les 
habitants  à  leurs  propriétés,  de  les  empêcher  de  les 
vendre  à  des  spéculateurs  qui,  une  fois  les  terres  du 
Canada  en  leur  possession,  y  établiraient  un  système 
analogue  à  celui  qui  existe  en  Angleterre  et  en  Irlande 

La  tenure  Seigneuriale  ne  peut  que  produire  l'effet 
contraire.  Le  grand  nombre  de  propriétaires  ex- 
propriés par  les  Seigneurs,  qui  sont,  pour  la  plupart, 
les  plus  grands  spéculateurs  de  terres,  et  le  grand 
nombre  d'habitants  qui,  chaque  année,  vendent  leurs 
propriétés  pour  aller  chercher  dans  les  Etats-Unis, 


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avec  la  liberté, jin  sort  plus  fortuné,  démenteut  évi- 
demment une  telle  assertion.    » 

,  Ce  n'est  pas  en  imposant  des  charges  injustes, 
onéreuses,  dégradantes,  et  en  lui  imposant,  en  outre, 
le  sacrifice  du  douzième  de  toutes  les  améliorations 
qu'il  a  pu  faire  sur  sa  propriété,  que  Ton  puisse 
inspirer  à  l'homme  le  désir  de  demeurer  dans  cette 
condition  malheureuse.  Pour  l'attacher  à  sa  pro- 
priété, il  faut,  au  contraire,  en  abolissant  tous  les 
entraves  qui  gênent  son  industrie,  lui  fournir  la  faculté 
d'y  pouvoir  t^'ouver  en  paix,  la  récompense  de  son 
labeur,  des  moyens  d'une  existence  aisée,  et  le  bon- 
heur pour  lui  et  sa  famille,  au  sein  de  son  pays  natal, 
qui  lui  est  toujours  cher,  et  dont  son  attachement 
naturel  lui  fait  un  devoir  de  ne  s'eï\  éloigner  pour 
aller  chercher  fortune  ailleurs,  que  quand  la  misère 
lui  en  fait  une  loi. 

Nous  concevons  qu'avec  des  chaînes  on  pourrait, 
comme  en  Russie,  lier  l'homme  à  la  glèbe  ;  mais 
nous  disons  aussi,  '*  malédiction  contre  celui  qui  en 
aurait  seulement  la  pensée  !  " 

Depuis  plus  de  seize  ans  nous  avons,  plusieurs  fois, 
élevé  la  voix,  sous  les  noms  de  Franc  Parleur  et  du 
Vieux  de  la  Montagne,  pour  la  défense  des  justes  ré- 
clamations des  Canadiens  repoussés,  par  un  éloigne- 
ment  systématique,  de  l'obtention  des  terres  de  la 
couronne,  et  tyrannisés  par  l'oppressive  tenure  sei- 
gneuriale. 

Nous  nous  réjouissons  aujourd'hui  de  voir  que  déjà, 
quant  à  la  première  réclamation,  justice  a  été  rendue 


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par  le  gouvernement  colo*^  ial,  en  se  montrant  équi- 
table et  généreux,  par  la  facilité  qu'il  donnts  mainte- 
nant aux  Canadiens,  comme  à  tout  autre  Sujet  de 
l'Empire  Britannique,  de  s'établir  sur  les  terres  de 
la  couronne  gratuitement,  ou  avec  une  rétribution 
presque  nominale. 

Espérons  donc,  et  nous  avons  lieu  d'espérer,  que 
justice  sera  également  accordée  quant  ù  l'abolition 
des  droits  féodaux  et  seigneuriaux,  dont  l'existence 
est  pour  le  pays  une  source  de  misère  et  de  dépopu- 
lation, par  les  entraves  qu'il?  apportent  au  dévelop- 
pement de  l'agriculture,  du  commerce,  et  de  tous  les 
arts  industriels. 

Il  est  temps  que  la  vérité  perce,  qu'elle  se  montre, 
et  qu'elle  soit  connue. 

Les  faits  prouvent  que  les  Seigneurs  au  Canada, 
en  usurpant  des  droits,  n'ont  pas  été  les  seuls  coupa- 
bles ;  ils  ont  eu  pour  complices  la  négligence  de  l'ad- 
ministration coloniale  et  la  prévarication  des  Cours 
de  Justice  ;  mais  les  malheureux  censitaires,  eux,  en 
sont  les  victimes  :  le  Gouvernement  leur  doit  une 
grande  et  entière  réparation  ;  c'est-à-dire,  l'abolition 
de  tous  les  droits  féodaux  et  seigneuriaux,  au  moyen 
d'une  juste  indemnité  aux  Seigneurs. 

Il  est  nécessaire,  pour  tous  les  intérêts  du  pays, 
de  fermer  les  sources  d'oppressions  privées,  comme 
publiques,  auxquelles  la  loi  peut  parvenir  ;  que  les 
Canadiens  puissent  être  entièrement  convaincus  qu'ils 
ne  seront  plus  troublés,  vexés,  molestés^  tyrannisés 


= 


VIII 


o    o 


*étn8  Voccupaiion  de  leurs  terres,  qu*ih  pourront  ai>- 
fin  se  livrer  libremciit  à  toutes  les  améliorations  agri- 
coles et  à  toutes  les  entreprises  industrielles  ;  et,  pour 
cela,  il  faut  absolument  que  Ton  détruise  les  vestiges 
de  la  féodalité  qui  les  oppriment  et  les  écrasent  en- 
core, au  dix-neuvième  siècle,  sur  le  sol  de  la  liberté, 
sur  le  sol  de  TAmérique. 


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D'E    L  ETAnU!?flEMENT    DES    DROITS    FEODAUX    El* 
SEIGNEURIAUX    AU    CANADA. 

Quoique  les  terres  Seigneuriales  aient  élu  concédées  pnr  la- 
couronne  (le  France  sous  le  régime  féodal  au  Canada,  le  Sei- 
gneur n'était  pas  investi  de  plusieurs  droits,  de  plusieurs  pri- 
vilèges odieux  et  outrageants  qui  caractérisaient  la  tenure  féo- 
dale en  Europe  ;  nous  citerons  le  droit  de  jambage,  le  droit  do 
cuissagc,  le  droit  de  vie  et  de  mort  :  droits  qui  n'ont  pu  exis- 
ter qu'à  la  lionlc  de  l'humanité. 

Tel  est  le  taMcau  du  système  de  la  colonisation  française 
au  Canada  :  Une  vaste  étendue  do  terre  était  octroyée  au 
Seigneur  pour  être  concédée  à  d'autres,  par  une  concession 
absolue  à  eux  et  à  leurs  hoirs  à  une  certaine  redevance  déter- 
minée. Il  ne  pouvait  pas  ven  ire  les  teircs,  il  ne  pouvait  pas 
refuser  de  faire  un  octroi  ou  une  concession,  et  il  no  pouvait 
obliger  personne  à  prendre  un  bail  pour  ([uclques  années. 
Le  but  de  ces  règlements  était  d'encourager  l'émigration  sous 
les  conditions  les  plus  favorables.  Si  le  Seigneur  eut  eu  en 
son  pouvoir  de  vendre,  il  ne  serait  devenu  qu'un  spéculateur, 
laissant  ses  terres  incultes  jusqu'à  ce  qu'on  se  fût  soumis  à  ses 
conditions.  Celui  qui  voulait  avoir  des  terres  ne  les  obtenait 
pas  au  gré  du  Seigneur,  mais  il  y  avait  droit  malgré  lui,  et 
pouvait  obtenir  une  concession  malgré  que  le  dit  Seigneur  la 
lui  eût  formellement  refusée.  Le  pouvoir  accordé  au  Seigneur 
n'était  que  pour  des  fins  publiques. 

Il  existe  une  foule  de  Lois  et  Edits  qui  prennent  des  mesures 
pour  encourager  et  augmenter  la  population  au  Canada  ;  plu- 
sieurs de  ces  Edits  ordonnent  la  confiscation  des  Seigneuries 
non  établies,  et  leur  réunion  au  domaine  du  Roi.  Ces  lois 
présument  que  les  Seigneurs  sont  à  défaut  chaque  fois  que 
leurs  Seigneuries  ne  sont  pas  entièrement  établies,  et  qu'ils 
ont  refusé  de  concéder  des  terres. 


l 


M 


10 


i. 


Pour  remédier  à  cet  abus,  l'Edit  du  Roi  du  6  Juillet  1711, 
ordonne  que  ]e  Seigneur  sera  tenu  de  concéder  telle  quantité 
de  terre,  à  aucun  habitant,  dans  les  limites  de  sa  Seigneurie, 
à  titre  de  redevance^  et  sans  pouvoir  exiger  pour  cela  aucune 
somme  d'argent  ;  et,  en  cas  de  refus  de  la  part  des  Seigneurs, 
le  même  Edit  autorise  le  Gouverneur  et  l'Intendant  à  concéder 
les  terres  requises  aux  mêmes  droits  imposés  sur  les  autres 
terres  concédées  dans  les  dites  Seigneuries. 

Dès  Pannée  1712,  il  est  stipulé  dans  les  concessions  de  la 
couronne,  que  les  Seigneurs  concéderont  à  leurs  tenanciers  awaî 
cens  et  rentes^  et  redevances  accoutumés. 

L'obligation  de  concéder  aux  requérants  des  terres  d'une 
grandeur  convenable,  est  un  trait  invariable  qu'on  remarque 
dans  toutes  les  concessions  de  la  couronne  de  France  faites 
après  16G3. 

Le  Seigneur  était  tenu  de  concéder  des  terres  dans  son  fief 
aux  colons,  ne  se  réservant  qu'une  simple  redevance  ;  il  était 
pareillement  tenu  de  commencer  et  d'efiectuer  l'établissement 
de  sa  Seigneurie,  dans  un  temps  limité,  et  à  défaut  de  le  faire, 
son  fief  devait  être  confisqué  au  profit  de  la  couronne.  Les 
déclarations  du  Roi  de  France,  dont  la  première  est  de  Mars, 
1663,  immédiatement  après  la  cession  à  la  couronne  des  droits 
de  la  Compagnie  de  la  Nouvelle  France,  révoque  et  annulle 
toutp>-  le,^^  concessions  de  terres  qui  n'étaient  pas  établies  ;  et 
la  sec  ,î  '^..  du  mois  de  Juin,  1675,  révoque  toutes  les  conces- 
SK  .iS  ''une  trop  grande  étendue.  Ces  Edits  furent  suivis  d'une 
(iéclaration  du  Roi  de  France,  du  mois  d'Avril,  1676,  donnant 
pouvoir  à  MM.  de  Frontenac  et  Duchesneau  d'accorder  des 
concessions  de  terre  à  la  condition  expresse  que  les  dites  con- 
cessions seraient  représentées  dans  l'année  de  leur  date,  pour 
Être  confirmées,  et  seraient  défrichées  et  mises  en  valeur  dans 
les  six  années  prochaines  et  consécutives  ;  autrement,  le  dit 
temps  passé  elles  demeureraient  nulles.     Et  l'Arrêt  du  6  Juil- 


11 


let,  1711,  dans  les  instructions  données  aux  Gouverneurs,  con- 
tient l'obligation  formelle  imposée  aux  Seigneurs  dans  les  con- 
cessions subséquentes  de  fiefs,  de  concéder  et  de  défricher  les 
terres  dans  l'étendue  de  leurs  Seigneuries,  s  us  peine  cVétre 
dépouillés  de  leurs  Seigneuries  pour  les  voir  réunies  aux 
domaines  de  la  couronne. 

Dans  les  conditions  par  lesquelles  la  couronne  impose  aux 
Seigneurs  l'obligation  de  concéder  des  terres  aux  requérants, 
on  en  trouve  qui  contiennent  l'ordre  exprès  de  ne  concéder 
qiCaux  cens,  rentes  et  redevances  accoutumés. 

Quand  est  désigné  le  taux  auquel  chaque  concession  se  fera, 
comme  dans  la  concession  faite  au  Séminaire  de  Montréal,  de 
la  Seigneurie  du  Lac  des  Deux-Montagnes,  du  17  Octobre, 
1717,  il  est  dit  :  Vingt  sous  et  un  chapon^  pour  chaque  ar- 
pent de  terre  de  front  sur  quarante  de  profondeur^  et  six 
deniers  de  cens. 

Dans  l'intervalle  qui  s'est  écoulé  entre  l'année  1663,  que 
la  couronne  française  est  entrée  dans  la  pleine  souveraineté  du 
pays,  et  l'année  1711  que  nous  venons  de  citer,  plusieurs  des 
Seigneurs  avaient  violé  leur  devoir  en  exisjeant  des  colons, 
outre  la  redevance  ordinaire,  un  prix  additionnel^  comme 
une  considération  pour  les  engager  à  demander  des  concessions 
des  terres  incultes  en  roture  ;  abus  qui  répugnait  aux  vues 
du  gouvernement,  et  ne  pouvait  que  retarder  l'établissement 
du  pays.  En  se  conformant  aux  concessions  royales  les  Sei- 
gneurs, qui  devaient  concéder  par  lots,  en  imposant  une  modique 
redevance,  n'avaient  pas  le  droit  d'exiger  aucune  somme  d'ar- 
gent, comme  capital,  pour  la  concession. 

Les  rentes,  redevances  et  cens,  emportaient  avec  eux  le 
droit  de  lods  et  ventes,  ou  la  douzième  partie  du  prix  d'achat 
due  au  Seigneur  pour  chaque  mutation  par  vente,  ou  transport 
équivalent  à  vente. 


12 


Le  droit  de  BanaliU  n'a  jamais  été  une  conséquence  de  la 
tenure  Seigneuriale  selon  la  coutume  de  Paris,  qui  ne  l'admet 
que  comme  un  droit  conventionnel  ;  mais  pour  l'avantage  des 
établissements  des  émigrés,  souvent  pauvres,  un  Arrêt  du  4 
Juin  1686,  déclare  que  le  droit  de  banalité  appartient  essen- 
tiellement au  Seigneur,  et  l'oblige,  dans  le  cours  de  Vannée., 
à  compter  de  la  publication  de  l'Arrêt,  à  construire  des  moulins, 
en  lui  donnant  le  droit  de  contraindre  ses  tenanciers  à  y  porter 
leurs  grains  pour  les  faire  moudre,  et  de  retenir  une  certaine 
partie  pour  le  prix  de  la  mouture,  que  l'Arrêt  du  20  Juin, 
1667,  portait  à  la  quatorzième  ilii  grain  moulu  au  moulin 
banal. 

Telle  était  la  loi  du  pays  lors  de  la  conquête,  et  elle  subsiste 
encore  dans  toute  sa  force  d'après  les  dispositions  de  la  14o 
George  III. 

Ce  sont,  dans  le  droit,  les  seules  réclamations  du  Seigneur 
contre  le  tenancier,  qui  soient  sanctionnées  par  la  loi  qui  régie 
la  tenure  Seigneuriale  en  ce  pays,  et  qui  puissent  jamais  être 
prises  en  considération  par  les  ai'bltrcs  qui  pourront  être 
nommés^  au  sujet  d'aune  indemnité  aux  Seigneurs,  pour 
estimer  la  valeur  des  Seigneuries,  d'^après  leur  dernière 
année  de  revenus  fondés  en  droit  et  sur  Véquité. 

Dans  les  Seigneuries  dont  le  Roi  était  le  Seigneur  immé- 
diat, les  taux  étaient  dhm  demi  denier  par  arpent  en  super- 
ficie, et  dhm  chapon  ou  dix  deniers,  au  cboix  du  Seigneur, 
pour  chaque  arpent  de  front  ;  et  tm  sou  de  cens,  équivalent 
à  environ  six  chelins  et  quatre  deniers,  par  année,  pour  trois 
arpents  de  front  sur  trente  de  profondeur,  formant  quatre-vingt- 
dix  arpents  en  superficie. 

Cette  règle  a  été  bien  suivie  de  1652  jusqu'en  1663,  le  taux 
des  cens  et  rentes  a  été  presque  uniforme  nu  Canada  ;  on  ne 
trouve  aucun  exemple  oii  l'on  ait  demandé  plus  ;  néanmoins, 
on  concédait  quelquefois  à  un  taux  moins  élevé. 


13 


Avec  l'obligation  de  rendre  foi  et  hommage  et  quelques 
réserves,  comme  de  bois  de  chêne  pour  la  conslruction  des 
vaisseaux — de  donner  connaissance  au  Roi  de  la  découverte 
de  mines,  minières  et  minéraux — do  tenir  feu  et  lieu — de  dé- 
fricher ou  faire  défricher — de  laisser  faire  les  chemins  pour  l'u- 
tilité publique — de  souffrir  l'occupation  par  la  couronne  de  tous 
les  terrains  nécessaires  pour  construire  des  torts,  des  batteries — 
par  la  coutume  de  Paris,  la  seule  redevance  pécuniaire  due  par 
le  Seigneur, ou  vassal  à  la  couronne,  est  le  droit  de  quint,  qui 
est  le  cinquième  du  prix  de  la  vente  du  Fief  ou  de  la  Seigneu- 
rie à  chaque  mutation,  par  vente  ou  contrat  équivalent  à  vente  ; 
mais  non  pour  succession  ou  donation  en  ligne  directe.  En 
ce  pays  on  a  jamais  exigé  le  droit  de  relief,  lequel  dans  le  cas 
de  succession  collatérale,  de  legs  ou  donation  à  des  parents  en 
ligne  collatérale,  ou  à  des  étrangers,  exigeait  pour  la  couronne, 
selon  la  coutume  de  Paris,  une  année  des  revenus  du  Fief. 

D'après  des  documents  autl'3ntiqnes,  le  droit  de  quint  a  rap- 
porté au  Canada,  en  33  ans,  de  1803  à  1841,  un  total  de 
£31,778  7  9|,  donnant,  année  commune,  £836  5  6|.  Revenu 
si  faible  que  la  couronne  ne  peut  y  attacher  aucune  importance. 

Nous  devons  observer  que  sur  une  concession  de  90  arpents 
•en  superficie,  les  rentes  dans  le  District  de  Montréal,  s'éle- 
vaient à  un  cinquième  de  plus  que  dans  les  Districts  de  Qué- 
bec et  des  Trois-Rivières,  à  cause  de  la  qualité  supérieure  et 
de  la  fertilité  du  sol. 

Les  taux,  en  conformité  à  la  loi,  ont  prévalu  jusque  vers 
l'année  1711,  oij,  à  cette  époque,  quelques  exceptions  rares 
de  conditions  et  de  réserves  plus  onéreuses  pour  le  tenancier 
ont  commencé  a  être  imposées  par  les  Seigneurs  en  abusant 
de  leurs  droits  primitifs. 

Mais  les  changements  ont  été  plus  sensibles,  et  plus  généra- 
lement introduits  après  la  conquête,  en  1759.  Depuis  cette 
époque  jusqu'à  nos  jours,  les  taux  des  concessions  ont  été  aug- 


i 


iii. 


i! 


M 


!1 


':'> 


14 


mentes  progressivement  par  les  Seigneurs,  sans  que  le  Gouver- 
nement ait  songé  à  réprimer  les  abus.  En  insérant  des  clauses 
et  des  stipulations  illégales  et  onéreuses  dans  les  contrats  de 
concession,  les  Seigneurs  ont,  depuis  lors,  diminué  la  valeur 
des  héritages  de  leurs  censitaires  ;  ils  se  sont  permis  de  se 
réserver  le  bois  de  construction  et  de  chauffage  pour  des  usages 
privés  ;  aussi  des  places  de  moulin,  non-seulement  pour  exercer 
le  droit  de  banalité,  mais  au  détriment  de  l'industrie,  pour  y 
établir  des  moulins  autres  que  des  moulins  à  farine. 

L'Edit  promulgué  parle  Roi,  le  21  Mars  1663,  déclare 
nulles  toutes  les  concessions  de  terres  qui  ne  seraient  pas  défri- 
chées après  six  mois^  et  donne  plein  pouvoir  au  Gouverneur 
et  à  r Intendant  de  la  Colonie  de  faire  une  nouvelle  distri- 
bution des  diverses  Seigneuries^  à  condition  néanmoins  de 
les  défricher  et  cultiver. 

L'Edit  du  6  Juillet,  1711,  réglant  la  concession  des  terres 
en  censive,  fixe  les  conditions  auxquelles  les  Seigneurs  sont 
tenus  de  les  concéder.  Il  est  déclaré  dans  cet  Edit,  qu'il  y  a 
plusieurs  Seigneuries  dans  la  Nouvelle  France  qui  ne  sont  pas 
encore  habitées,  et  d'autres  où  il  n'y  a  encore  aucun  habitant 
d'établi  pour  les  mettre  en  valeur;  et,  que  plusieurs  Seigneurs 
ont,  sous  différents  prétextes,  refusé  de  concéder  des  terres 
aux  habitants  qui  en  demandent,  dans  la  vue  de  pouvoir  les 
vendre,  leur  imposant  en  même  temps  les  mêmes  droits  de 
redevance  qu'aux  habitants  établis,  ce  qui  est  entièrement  con_ 
traite  aux  intentions  de  Sa  Majesté,  et  aux  clauses  des  titres 
de  concession  par  lesquelles  il  leur  est  permis  seulement  de 
concéder  des  ferres  à  titre  de  redevance  ;  à  quoi,  voulant 
pourvoir,  le  Roi  ordonne  que,  dans  un  an  de  la  publication  du 
dit  Arrêt,  les  Seigneurs  sont  tenus  de  mettre  leurs  seigneuries 
en  culture,  et  d'y  placer  dos  habitants,  faute  de  quoi,  elles  se- 
ront réunies  au  Domaine  de  la  Coiironre  ;  Ordonne  aussi, 
que  tous  les  Seigneurs  qui  ont  des  terres  à  concéder,  aient  à  le 
aire  à  titre  de  redevance^  aux  personnes  qui  les  leur  deman- 


15 


se 


deront,  sans  exiger  d'elles  aucune  somme  d'argent  ;  et  en 
cas  de  refus  des  Seigneurs,  permet  aux  habitants  de  leur  de- 
mander les  dites  terres  par  sommation,  de  se  pourvoir  par-devant 
l'Intendant  du  dit  pays,  à  qui  Sa  Majesté  ordonne  de  concéder 
les  dites  terres,  aux  mêmes  droits  imposés  sur  les  autres 
terres  concédées  dans  les  dites  seigneuries  ;  lesquels  droits 
seront  payés  par  les  nouveaux  habitants  entre  les  mains  du 
Receveur  du  Domaine  Royal,  sans  que  les  Seigneurs  en 
puissent  prétendre  aucun  sur  eux,  de  quelque  nature  qu'ils 
soient. 

Cet  Arrêt  fut  suivi  d'un  autre  de  la  même  date,  qui  annulle 
toutes  les  concessions  de  terres  faites  aux  censitaires  qui  ne  les 
auront  pas  mises  en  valei-r  ;  et  sur  les  certificats  des  curés  et 
des  capitaines  de  la  côte  i:  cet  effet,  déchoient  les  habitants  de 
la  propriété  de  leurs  terres. 

Il  est  certainement  bien  clair  que,  d'après  cet  Edit,  les  con- 
cessionnaires de  la  Couronne  n'avaient  aucun  droit  d'* exiger 
de  bonus  ou  capital,  et  devaient  concéder  aux  taux  établis 
suivant  les  anciennes  concessions. 

Il  est  aussi  déclaré  que  Sa  Majesté  est  informée  que,  nonob- 
stant les  Edits  et  les  Arrêts,  déjà  émanés,  les  Seigneurs  ré- 
servent sur  leurs  domaines  de  grandes  étendues  de  terres  qu'ils 
vendent  en  bois  debout,  au  lieu  de  les  concéder  simplement  à 
titre  de  redevance,  et  que  les  habitants  qui  ont  ainsi  acheté  des 
terres  incultes,  les  vendent  à  d'autres,  faisant  ainsi  un  commerce 
très  préjudiciable  à  la  Colonie  ;  Sa  Majesté  ordonne  que,  dans 
deux  ans,  à  compter  de  la  publication  du  dit  Arrêt,  tous  les 
propriétaires  des  terres  en  seigneuries,  non  encore  défrichées, 
seront  tenus  de  les  mettre  en  valeur  et  d'y  établir  des  habitants, 
sinon,  le  dit  temps  passé,  les  dites  terres  seigneuriales  seront 
réunies  au  Domaine  de  Sa  Majesté.  Fait  Sa  Majesté  très 
expresses  défenses  à  tous  Seigneurs  de  vendre  aucune  terre 
en  bois  debout,  à  peine  de  nullité  des  contrats  de  vente,  et 


16 


de  rtsiiluiion  du  prix  des  dites  terres  vendues,  lesquelles  se- 
ront pareillement  réunieSy  de  plein  dioit^  au  Domaine  du 
JRoij  et  seront  les  dits  Arrêts  de  1711  ext-culés  selon  leur 
forme  et  teneur. 

Ainsi,  nous  voyons  que,  quoique  le  Seigneur  fut  investi  de 
la  propriété  absolue  du  Fief  qu'il  tenait  de  la  Couronne,  il  ne 
le  possédait,  néanmoins,  qu'à  la  charge  d'en  promouvoir  l'éta- 
blissement ;  il  7i^avnit  pas  le  droit  de  se  créer  des  domaines 
particuliers^  et  souvent  de  vastes  étendues  de  terres,  dont  les 
Seigneurs  se  sont  arrogé  le  droit;  ils  étaient  obligés  de  con. 
céder  à  simple  titre  de  redevance,  sans  qu'il  fut  en  leur  pouvoir 
d'imposer  légalement  au  censitaire  d'autre  charge  que  cette 
redevance  ;  et  si  les  Seigneurs  refusaient  de  concéder  suivant 
le  taux  imposé  par  les  concessions  primitives,  les  autorités 
établies  étaient  autorisées  à  le  faire  à  leur  place  ;  et  comme 
pénalité,  leurs  seigneuries  étaient  confisquées  au  protlt  de  la 
Couronne. 

CiS    ÀRRETi    SONT    ENCORE      ACTUELLEMENT    LA    LOI    DU 

PAYS  ;  il  s'ensuit  donc  que  tout  sujet  de  la  Reine  au  Canada  a 
le  privilège  indubitable  d'obtenir  ujourd'hui  une  concession 
aux  mêmes  taux. 

Les  prétentions  des  Seigneurs  n'ont  jamais  été  considérées 
d'un  œil  favorable  dans  la  Cour  de  l'Intendant  ;  néanmoins,  il 
faut  le  déclarer,  en  violation  de  la  loi,  elles  ont  invariablement 
été  accueillies  d'une  manière  partiale  et  arbitraire  dans  les 
cours  étiiblics  depuis  la  conquête,  et  dont,  la  plupart  du  temps, 
lei  juges  étalon^  Seigneurs  eux-mêmes,  dans  toutes  les  contes- 
tations entre  le  Seigneur  et  le  censitaire,  si  l'on  n'excepte  un 
jugement  isolé,  rendu  par  la  cour  du  Banc  du  lloi,  à  Montréal, 
cr  1828. 

Avant  la  conquête,  on  a  généralement  suivi  la  règle  établie 
par  la  Couronne  pour  les  concessions  dont  le  Roi  était  le  Sei- 
gneur immédiat,     D'après  cette  règle,  et  pour  la  rendre  appli- 


17 


cajle  à  toute  la  Provi^ice,  le  cens  est  fixe  à  un  sou,  pour 
chaque  arpent  de  front,  et  les. rentes  seigneuriales  à  quarante 
sous,  ')u  vingt  deniers  sterling,  pour  chaque  arpent  de  front 
sur  quarante  de  profondeur,  et  un  chapon,  ou  dix  deniers  ster- 
ling, au  choix  du  Seigneur,  ou  un  demi  minot  de  blé,  lorsque 
le  cens  était  payable  en  nature, 

11  y  a  deux  jugements,  l'un  de  l'Intendant  Begon,  du  18 
Avril,  1710,  et  l'autre  de  l'Intendant  i'ocquart,  du  20  Juillet, 
1733,  qui  confirment,  en  quelque  sorte,  je  règlement.  Cepen- 
dant, comme  nous  l'avons  déjà  observé,  pour  le  District  de 
Montréal,  les  cens  et  rentes  étaient  plus  élevés  d'environ  un 
cinquième,  par  la  différence  de  sel  et  de  climat.  L'Edit  du  6 
Juillet,  1711  est  la  règle  qui  doit  servir  de  guide  pour  décider 
la  question  seigneuriale. 

Cet  Edit  indique  clairement  que  l'intention  de  la  législature 
d'alors  était  d'obliger  les  Seigneurs  de  concéder  leurs  terres 
incultes  aux  habitants^  et  de  les  concéder  aux  taux  et  rede- 
vances accoutumés  ;  ainsi  les  Seigneurs  ii'avaient  pas  le 
droit  d'exiger  de  leurs  censitaires  un  taux  plus  élevé  que 
les  cens  et  rentes  établis  et  fixés  avant  la  conquête.  Le  taux 
lésai  des  cens  et  rentes  dans  les  seif^neuries  est  une  matière  de 
fait,  qui  est  constaté  par  les  anciens  contrats  de  concession. 
Or,  il  était  au  pouvoir  du  censitaire,  par  l'entremise  de  l'Inten- 
dant, de  forcer  le  Seigneur  de  lui  concéder  des  terres  aux 
mômes  taux  et  conditions  auxquelles  il  les  avait  concédées  à 
d'autres  primitivement  ;  cette  môme  obligation  existe  toujours, 
et  le  censitaire  a  encore  aujourd'hui  le  droit  légal  d'en  exiger 
l'accomplissement.  L'Edit  du  G  Juillet,  1711,  est  encore  en 
pleine  vigueur.  Le  Seigneur,  ne  pouvait,  sans  usurpation, 
sous  aucun  prétexte  valable,  augmenter  le  taux  des  cens  et 
rentes,  faire  de  nouvelles  réserves,  imposer  de  nouvelles 
exigences,  injustes  et  oppressives,  comme  il  en  existe  main- 
tenant dans  les  seigneuries  du  pays  dont  nous  donnons  les  noms. 


18 


II  y  a  au  Canada  227  seigneuries,  dont  76  tlans  le  District 
de  Montréal  :  Argenteuil,  Beauharnois  ou  ViUecliauve,  Beau- 
lac,  partie  de  Cliambly,  Beaujeu  ou  Lacollo,  Bele:îil,  Belle- 
vue,  Berthier,  BIcury,  Bonsccours,  Bourcliemin,  Bouchcrville, 
Bourg  Marie  l'Est,  Bourg  Marie  l'Ouest,  Cliambly,  Chambly 
continuée,  Cliateauguay,  Chicot  *t  Me  du  Pads,  Contrecœur, 
Cournoyer,  d'Aillebout,  d'Autre,  Dcléry,  De  Ramosay,  Do 
Ramesay  continuée.  Du  Sable  dite  la  Nouvelle-York,  Foucault 
ou  Caldwell's  Manor,  Gamache,  Gaspé,  Guillaudière,  Islo 
Perrot,  Isle  Bizarre,  Isle  St.  Paul,  Islede  Montréal,  ïsle  Jésus, 
Isle  Bouchard,  Isle  Sainte  Thérèse,  Isle  Saint  Pierre,  Lac  des 
Deux-Montagnes,  Lachenaye  ou  L'Assomption,  Lanoraye,  La 
Prairie  de  la  Magdeleine,  La  Salle,  La  Tesserie.  La  Valtric, 
Baronnie  de  Longueuil,  Lussaudière,  Mille  Isles,  Monnoir, 
Monnoir  continuée,  Montarville,  Nouvelle  Longueuil,  Noyan, 
Petite  Nation,  Repeii^igny,  Rigaud,  Rouvillc,  Sabrevois,  Sle. 
Anne  de  la  Pérade,  Ste.  Anne  de  la  Pérade  continuée.  Saint 
Armand,  St.  Barnabe,  St.  Charles,  St.  Charles  continuée,  St. 
Denis,  St.  Denis  continuée.  St.  Denis  encore  contin'iée.  St. 
François  le  Neuf,  St.  Hyacinthe,  St.  Ours,  St.  Sidpice,  Sou- 
lange,  Terrebonne,  Trinité  et  Saint  Michel,  Varennes,  Vau- 
dreuil  et  Verchères. 

On  compte  114  seigneuries  dans  le  District  de  Québec,  qui 
sont  :  Anse-au-Coq,  Anse  de  l'Etang,  Aubert  Gallion,  Aubin 
de  Plsle,  Côte  de  Beaupré,  Beauport,  Beaumont,  Bécancour 
continuée,  Bélair  ou  Ecureuils,  Belair,  Beauvais,  partie  de 
St.  Jean  d^Eschaillons,  Berthier  ou  Bellechasse,  Bic,  Bon- 
homme, Bonsecours,  Bonsecours  divisée.  Bourg  Louis,  Cou- 
lange,  d'Auteuil,  De  Maure,  St.  Augustin,  Deschambault, 
Desplaines  ou  Belles-Plaines,  Duguet,  Durantage,  St.  Vallier, 
Dutort,  Eboulemens,  Fossambault,  Gaudarville,  (jcntilly.  Le 
Gouffre,  Grand  Pabos,  Grande  Rivière,  Grande  Va  Ile  des 
Monts,  Grondines,  Grobois,  Hubert,  Islet  St.  Jean,  ïslet  Bon- 
secours,  Islet  du  Portage,  Isle  Verte,  Isle   aux   Oies,  Isle  aux 


19 


Grues,  Isle  aux  Coudre*»,  Isle  Beauregard,  Isle  Mudaure,  Islo 
d'Orléans,  Isle  aux  Uéaux,  Isle  d'Aiiticosti,  Isle  et  Islet  do 
M'.ngan,  Jacques  Cartier,  J'Mliet,  Kamouraska,  Lac  Matapc- 
diac.  Lac  Miùs,  Lafre^nay,  Laclievrotière,  Lauzon,  Lessard, 
Lessard  continuée.  St.  Pierre  les  Becquets,  Livaudière,  Lot- 
binière,  Le[)age  et  Tiviergo,  Madoucska  et  Lac  Temiscouata, 
Kivièrc  de  la  Magdeleine,  Maranda  Nord-Est,  Maranda  Sud- 
Ouest,  Matannc,  Mitiset  Islet  St.  Barnabe,  Martinière,  Mille- 
VaclicSj  Mirijau,  Montapeinc  ou  Vitré,  Mount  JNIurray,  îMount 
Louis,  Murray  Bay,  Neuville  ou  Pointe  tuix  Trembles,  Notre 
Dame  des  Anges,  d'Orsainville,  Pcrthuis,  Port  Neuf  ou  Cap 
Santé,  Québec  divisée  en  trois  seigneuries,  Rimouski,  Rivière 
du  Loup,  Rivière  du  Sud,  Rivière  Ouelle,  Ste.  Anne  aux 
Monts,  Sie.  Anne  de  la  Pocatiére,  St.  Antoine  Tilly,  Sainte 
Croix,  St.  Denis,  St.  Denis  divisée.  St.  Etienne,  St.  Gabriel, 
St.  Giles,  St.  Ignace,  St.  Jean  Port-Joli,  l'Isle  à  la  Peau,  St, 
Josepb,  St.  Joseph  divisée  en  deux  concessions.  St.  Joseph  do 
la  Nouvelle  Beauce,  Ste.  Marie  et  de  Linière  de  la  Nouvelle 
Beauce,  Ste.  Marie,  St.  Michel,  St.  Michel  moitié  de  Duran- 
tage,  St.  Paul,  Sault-au- Matelot,  Cité  Je  Québec,  Shoolbred, 
Siilery,  Trois  Pistoles,  Rigaud  de  Vaudreuil,  Vincelot,  enfin 
la  seigneurie  de  Vincennes  :  de  ces  seigneuries  deux  sont  main- 
tenant dans  le  District  de  Gaspé,  ce  sont  celles  de  la  Grande 
Kivière  et  de  Shoolbred. 

Le  nombre  de  seigneuries  dans  le  District  des  Trois-Rivières 
est  de  36,  comme  suit  :  Antaya,  Batiscan,  Baie  St.  Antoine, 
Bécancour,  partie  du  fief  Bruyères,  Boucher,  Cap  de  la  Mag- 
deleine, Carufel,  Champlain,Courval,  Dumontier.  Dorvilliers, 
Gat'.neau,  Gatincau,  augmentation  du  fief  Robert,  Godefroy, 
Grandpré,  Isle  Moras,  Isle  des  Plaines,  Labadie,  Maskinongé, 
Maskinongé  continuée,  Maskinongé  encore  continuée,  Nicolet? 
Niverville,  Pierreville,  Pointe-du-Lac  ou  Tonnancour,  Rivière 
David  Heguire,  Rivière  du  Loup,  Rocquetaillade,  Ste.  Anne, 
St.  François,  St.  Jean,  St.  Jean  d'Eschailloi;s,  Ste.  Margue- 
2* 


20 


rite,  St.  Maurice,  Trois-Rivièrcs  et  Yumaska  ;  il  y  a  aussi  la 
seigneurie  de  la  Pointe-à-l'Orignal,(iui  se  trouve  dnns  le  Haut- 
Canada. 

Lorsque  les  conditions  des  nouvelles  concessions  fure' 
présentées  aux  coursde  justice,  et  qu'on  s'en  plaignait,  comme 
Citant  un  excès  des  pouvoirs  accordés  aux  Seigneurs,  on  vit, 
sur  les  bancs,  des  juges  prévaricateurs,  qui  étaient  propriétaires 
de  seigneuries,  qui  connaissaient  i-mdiflférencc  do  la  part  des 
oiTiciers  publics  au  soin  de  qui  ces  afTaires  avaient  été  confiées, 
lui  n'étaient  pas  ignorants  de  l'impossibilité  d'un  appel  de  leurs 
décisions,  à  cause  du  peu  do  valeur  des  propriétés  en  question, 
et  de  l'indigence  des  propriétaires,  soutenir  les  conditions  de 
ces  concessions,  en  établir  la  validité,  autant  que  les  décisions 
des  cours  provinciales  peuvent  le  faire,  sans  que  les  Procureurs- 
Généraux  les  aient  jamais  rappelés  à  l'accomplissement  de 
ieurs  devoirs. 

En  interprétant  et  appliquant  la  loi  comme  elle  pourrait 
l'être  strictement,  on  verrait  sortir  le  principe,  que  les  Sei- 
gneurs actuels  sont  tenus  dercndre  compte  des  sommes  quHls 
ont  reçues  en  sus  des  taux  ordinaires^  depuis  plus  d^un 
siècle,  et  dont  les  seigneuries  en  répondent  ;  on  trouverait 
alors,  dans  presque  tous  les  cas,  que  bien  loin  de  pouvoir  ré- 
clamer une  indemnité,  ce  sont  les  Seig7ieurs  eux-mêmes  qui 
la  devraient  aux  censitaires,  qui  furent  forcés,  par  la  néces- 
sité et  l'impuissance,  de  se  prêter  aux  usurpations  des  Sei- 
gneurs en  payant  un  taux  plus  élevé  que  la  loi  ne  l'a  établi. 

Depuis  la  conquête  jusqu'à  ce  jour,  l'administration  colo- 
niale, par  une  négligence  très  blâmable,  a  laissé  la  loi  comme 
une  lettre  morte  ;  mais  elle  n'est  pas  abrogée  cette  loi,  cllc^ 
existe  toujtmrs,  et  si  la  tenure  seigneuriale,  malgré  nos  pré. 
visions  que  nous  croyons  des  certitudes,  n'était  pas  abolie 
par  le  parlement  du  pays,  alors  l'administration  coloniale,  en 
réparation  de  sa  négligence  d  mettre  en  force  les  lois  du 


21 

Canada  au  sujet  des  droits  seigneuriaux,  comme  il  y  a  eu  con, 
cussion,  usurpation,  mépris  de  la  loi   de  la  part  des  Sei- 
g7ieursj  et  (jue  la  loi  y  pourvoit,  en  nUmissant  les  seigneu- 
ries au  domaine  de  ta  couronne,  tous  les  vSeio-neurs  seraient 
de  droit,  expropries  de  leurs  spAgnearies» 


CIIAPITIIIO  II. 

0 

DE    l'état    ACTUr:L    DM    LA    TKNUIU:    FKOUALi:    ET    SEKiNLU- 

lUALH    AU    CANADA. 

Les  prétentions  exorbitantes  des  Seigneurs  sont  abusives,  in- 
ustes,  nulleint'iitlondées  sur  la  loi. 

Le  système  actuel  de  la  tenure  seigneuriale  est  vicieux,  il 
entraîne  à  sa  suite  les  plus  graves  inconvénients,  l'oppression  la 
plus  criante.  Les  charges  et  les  services  imposés  au  censitaire 
sont  op[)ressifs  par  leur  nature  et  par  leur  multi[)licité  ;  les  re- 
devances pécuniaires  dont  il  esi  chargé  l'opprime,  tandis  que 
les  réserves  auxquelles  il  est„forcé  par  le  Seigneur  de  se  sou- 
mettre, le  privent,  comme  propriétaire,  de  la  pleine  et  entiéri. 
jouissance  de  ses  terres.  Il  n'est  pas  véritablement  propriétaire, 
il  n'^esl  que  tenancier  à  bail,  sous  de  certaines  conditions  qui, 
remplies,  lui  en  assure  la  possession  :  possession  moins  pleine 
et  entière  que  celle  du  simple  locataire  ^[u\,  au  moyen  du 
loyer  qu'il  paie  est  maître  absolu  chez  lui,  et  qui,  s'il  fait  des 
améliorations  sur  la  propriété  qu'il  occupe,  est  indemnisé  par 
le  propriétaire,  tandis  que  toutes  les  améliora^iins  du  censitaire 
sur  la  propriété  qu'il  tient  du  Seigneur,  sont  pour  augmenter 
la  valeur  d'un  bien  qui,  en  réalité,  semble  être  au  Seigneur,  et 
dont  il  n'en  a  que  la  possession  garantie  avec  des  exigences  et 
des  restrictions. 

Les  Seigneurs  sont,  non-seulement  des  vampires  qui  sucent, 
avec  les  fruits  do  la  sueur  et  du  travail  du  cultivateur,  une 
grande  partie  des  revenus  du  pays,  mais  ils  sont  encore  la  plus 
grande  nuisance  que  les  développements  de  l'industrie  puissent 
rencontrer. 


i  : 


i^ 


h 

1 


22 


Le  censitaire  ne  peut  augmenter  ses  ressources  et  (!«' velopper 
les  avantages  que  sa  terre  ou  sa  position  naturelle  peuvent  lui 
oH'rir;  il  est  limité  au  sol  qu'il  cultive,  et  forcé  de  trouver  une 
subsistance  précaire  tlans  le  produit  de  ses  champs  ;  les  pou- 
voirs d'eau  à  sa  portée  lui  sont  défendus  par  les  réserves  du 
Seigneur,  et  son  industrie  en  est  parnlysée.  Dans  plusieurs 
circonstances, le  censitaire  est  exposé  à  des  amendes,  pour  né- 
gligence à  remplir  de  certains  services  qui  sont  de  pure  forme, 
et  qui  empire  encore  sa  condition. 

Le  droit  de  forcer  A  passer  des  titres-nouvcls,  en  contrai- 
gnant le  censitaire  à  payer  les  lionoraires  du  notaire  et,  ((ucl- 
qucfois  les  frais  d'arpentage,  entraîne  les  abus  les  plus  révol- 
tants. 

Le  droit  odieux  des  lods  et  ventes  diminue  la  valeur  de  sa 
pi  >priété,  et  lui  retire  l'esprit  d'entreprise.  Ce  droit  qui,  à 
chatjuG  mutation,  enlève  au  profit  du  Seigneur,  la  douzième 
partie  de  la  valeur  de  toutes  les  propriétés  vendues,  se  pré- 
lève sur  les  améliorations,  et  impose  une  taxe  illimitée  sur  lo 
censitaire.  Chaque  terre  change  de  main  à  peu  près  tous  les 
dix-huit  anSj  terme  moyen  ;  dans  ces  dix-huit  ans  le  Sei- 
gneur reçoit,  seulement  pour  les  lods  et  ventes,  le  douzième 
de  la  valeur  de  toutes  les  propriétés  dans  sa  seigneurie. 

Le  droit  de  retrait,  ou  le  privilège  de  préemption,  d'après 
la  plus  hr  ite  enchère,  pendant  quarante  jours,  nuit  à  la 
vente  et  à  la  transmission  des  propriétés,  retire  au  censitaire 
la  faculté  de  pouvoir  faciliter  un  parent  ou  un  ami,  en  lui 
vendant  à  bas  prix.  Les  corvées,  toujours  odieuses  de  leur 
nature,  comme  marque  de  servitude,  dégradent  et  avilissent  les 
individus. 

Ces  corvées,  et  d'autres  exigences,  ont  été  souvent  illéga- 
lement ajoutées  aux  autres  conditions  contenues  dans  les  titres 
primitifs  de  concession,  en  passant  les  titres-nouvels  fraudu- 
leusement. 


23 


)per 


Pliisioura  Seigneurs  do  mauvaiso  foi,  pour  «'luder  la  loi  qui 
leur  tIélL'iul  (1(3  vendre  d(îs  terres  incidtes,  ou  de  les  concôder 
à  rentes  en  exigeant  un  bonus  additionnel^  ont  fait  des  con- 
cessions fictives  à  un  agent,  ou  à  un  ami  (jui  vend  aussitôt  la 
terre  et  en  paie  le  prix  au  Seigneur. 

Dans  tiuel(|wcs  seigneuries  les  Seigneurs  sont  des  accapa- 
reurs, des  spéculateurs  de  terres.  Des  terres  sont  mises  eu 
vente  pour  le  paiement  des  droits  Seigneuriaux,  le  Seigneur 
libre  de  toute  concurrence  par  ses  intrigues,  aclietlc  les  plus 
belles  terres  pour  des  sommes  qui  égalent  à  [)cine  les  arrérages 
qui  lui  sont  dus,  et  il  fait  encore  un  trafic  de  ces  terres,  en  les 
vendant  à  des  prix  élevés,  ou  en  les  concédant  à  des  condi- 
tions infuïiment  plus  onéreuses,  s'assurant  par  là  un  monopolo 
ruineux  pour  les  censitaires. 

On  trouve  encore  des  prohibitions,  des  réserves,  et  d'autres 
droits  abusifs  et  usurpés,  propres  ù  tenir  l'Jiommc  dans  un 
état  d'asservissement.  Il  est  défendu  au  censitaire  de  cons- 
truire des  moulins  ;  mais  le  Seigneur  se  réserve  de  s'appro- 
prier six  arpents  de  terre  pour  construire  des  moulins  sans 
indemnité,  excepté  pour  les  améliorations  ;  le  droit  de  pren- 
dre tout  le  bois  pins,  chênes  et  les  billots  ;  la  pierre,  le  sable 
et  les  matériaux  nécessaires  pour  bâtir,  sans  payer  aucune 
indemnité  ;  le  droit  de  changer  le  cours  des  ruisseaux  et  des 
rivières  pour  établir  des  manufactures,  quelque  dommage  que 
les  censitaires  puissent  en  éprouver  ;  le  droit  de  traverse  sur 
les  rivières  ;  le  droit  de  chasse,  le  droit  de  poche  ;  enfin,  les 
Seigneurs  ont  été  jusqu'à  stipuler  que  le  censitaire  pourrait 
avoir  le  privilège  de  prendre  sur  sa  propre  terre  le  bois  dont 
il  aurait  besoin  pour  son  usage. 

Sous  le  régime  du  système  seigneurial  actuel,  le  droit  de 
propriété  du  censitaire  devient  une  pure  illusion  ;  comme  être 
moral,  il  est  dégradé  ;  sa  position  est  celle  d'une  dépendance 
continuelle. 


24 


La  loi  accorde  au  Seigneur  pour  le  recouvrement  de  ses 
droits  un  privilège  spécial  ;  il  a  bur  la  propriété  de  son  vassal 
une  préférence  sur  tous  les  autres  créanciers.  Il  peut  recou- 
vrer, pendant  vingt-nevf  ans,  les  arrérages  des  cens  et 
rentes,  qui  emportent  une  hypothèque  privilégiée  sur  la  terre 
par  laquelle  ils  sont  dus,  de  préférence  à  tous  les  autres  cré- 
anciers, même  au  bailleur  de  fonds.  Il  a  un  privilège  pour 
le  recouvrement  do  ses  lods  et  ventes:  il  peut,  en  outre,  in- 
tenter  une  action  en  justice  contre  son  censitaire  j^our  chacun  , 
les  droits  et  charges  dus  en  vertu  du  titre  de  concession  ; 
et,  quelque  modiques  que  soient  les  retlevances,  il  peut  en 
obtenir  le  recouvrer.ient  dans  les  cours  en  première 
instance. 

La  terre  étant  affectée  au  paiement  des  droits  Seigneuriaux, 
il  faut  un  jugement  pour  que  le  Seigneur  puisse  la  mettre  en 
vente  et  se  faire  payer.  Le  censitaire  est  donc  exposé  à  des 
frais  considérables  pour  une  somme  qui,  de  la  nature  de  la 
dette,  aurait  formié  la  matière  d'une  poursuite  dans  une  cour 
de  jurisdiclion  inférieure. 

On  voit  dans  les  archives  de  la  Cour  du  Banc  du  Roi  que, 
sur  ïe  nor..bre  total  des  actions  intentées  dans  cette  cour  dans 
les  trois  années  1840,  1,2,  un  cinquième  des  actions  a  été 
intenté  par  les  Seigneurs  pour  le  recouvrement  des  droits  et 
redevances  qui  provenaient  de  la  Tenure  Seigneuriale. 
Durant  la  môme  période  de  temps,  plus  du  cinquième  des 
ventes  judiciaires  ont  été  faites  à  Tinstance  des  Seigneurs 
Dour  mettre  leurs  jugements  à  exécution. 

Les  actions  intentées  aux  Termes  Supérieurs  de  la  Cour  du 
Banc  du  Roi,  pour  le  seul  district  de  Montréal,  en  1840  et  41, 
pour  jes  poursuites'  Seigneuriales,   s'élèvent,  pour   1810,   à 

374,  et  pour  1841,  à  411. 

» 

Tels  sont  les  atTreux  résultats  de  la  Tenure  Seigneuriale  : 
poursuites,  misère,  ruine  et  asservissement,  et  dont,  néanmoins, 


25 


les  partisants,  plus  ou  moins  intéressé?,  les  défenseurs  osent 
en  proclamer  l'excellence. 

C'est  au  Pays  entier  a  se  lever,  a  s'assembler,  a 

PASSER  d'énergiques  RESOLUTIONS,  A  DEMANDER  l'aBOLI- 
TION  DES  DROITS  FEODAUX  ET  SEIGNEURIAUX  ;    Ct  c'cst  à  Icl 

législature  à  répondre  dignement  à  l'appel  du  peuple,  en 
portant  le  coup  mortel  à  une  tcnure  indigne  de  l'Iiomm.e  qui 
veut  marcher  dans  les  voies  de  la  civilisation.  Le  temps  est 
arrivé  de  frapper,  de  renverser  et  d'anéantir  ces  vcbitigrs  de  la 
féodalité.  Le  bien-être  des  habitants  le  demandent,  la  pros- 
périté du  Canada  le  réclame,  et  la  justice  le  veut. 

L'abolition  des  droits  féodaux  et  seigneuriaux  est  une  mesure 
d'utilité  publique,  que  réclame  également  le  bien-être  des 
habitants,  l'avancement  du  pays,  sa  prospérité,  la  civilisation 
et  l'humanité. 

Il  est  d'une  saine,  d'une  juste  politique,  d'abolir  ces  droits 
honteux  ;  ils  ne  conviennent  ni  à  l'esprit  du  siècle,  ni  aux 
besoins  de  la  population,  ni  à  la  proximité  des  Etats-Unis  du 
Nord  ;  ce  sont  des  restes  des  siècles  barbares,  hostiles  aux  pro- 
grès des  institutions  morales,  justes  et  libres. 

On  ne  peut  s'attendre  à  voir  le  Canada  faire  des  progrès 
dans  l'agriculture  et  les  arts  industriels,  sous  l'influence  d'un 
système  qui  n'est  propre  qu'à  arrêter  les  principes  de  liberté, 
qu'à  paralyser  le  développement  de  l'énergie  de  l'homme  in- 
dustrieux, à  le  placer  dans  un  état  de  dégradation  :  cette  abo- 
lition est  d'une  nécessité  absolue  pour  améliorer  la  malheu- 
reuse condition  des  censitaires,  et  pour  promouvoir,  avec  leur 
bonheur,  la  prospérité  publique. 

D'après  des  documents  authentiques  qui  sont  en  notre  pos- 
session, nous  voyons  que  la  seulo  seigneurie  de  Beauharnois  a 
rapporté  les  revenus  annuels,  en  l'année  1826,  de  2617  louis, 
en  1834,  de  2,855  louis,  en  1835,  de  3,748  louis,  en   1839, 


26 


de  8,467  louis,  aux  dépens  des  malheureux  censitaires  ;  en 
1839  la  seigneurie  d'Argenteuil  a  rapporté  _^un  revenu  de 
3,092  louis  ;  en  1842  la  Baronnic  de  Longueuil,  2,000  louis  ; 
la  seigneurie  de  Léry  donne  une  valeur  annuelle  de  revenus 
de  1,25G  louis.  Les  seuls  moulins  banaux  de  la  seigneurie 
de  Saint  Hyacinthe  rapportent  environ  1,G50  louis  annuelle- 
ment :  ces  données  sont  d'après  les  rapports  faits  par  les  Sei- 
gneurs eux-mêmes,  ou  par  leurs  a<^ents. 

Dans  le  district  de  Québec,  d'après  les  premières  conces- 
sions, les  taux  et  les  conditions  auxquels  les  terres  ont  été 
concédées  en  censives  sont  ainsi  : — Dans  la  seigneurie  de  la 
Hivière  Quelle,  en  1G76,  il  fut  concédé  par  le  Sieur  de  la 
Bouteillerie,  à  Galirau  S.  Boucher,  200  arpents  de  terre,  dont 
5  arpents  sur  40,  avec  la  rente  de  10  sous  pour  chaque  arpent 
de  front  et  trois  chapons,  95  sous  pour  le  tout. 

Pierre  T.  Casgrain,  dans  la  même  seigneurie,  a  concédé  à 
Léandre  Rousselle,  le  7  Décembre,  183G,  2  arpents  de  front 
sur  40  de  protondeur,  80  arpents,  à  la  rente  de  5  chelins  chaque 
arpent  de  front,  10  chelins.     Quelle  augmentation  ! 

Dans  la  seigneurie  d'Aubert  Gallion,  il  fut  concédé  2  ar- 
pents de  terre  de  front  sur  80  de  profondeur,  160  arpents,  par 
George  Pozer  à  Joseph  Rodrigue,  28  Janvier,  1832,  rente 
10  chelins,  4  minots  de  blé  et  une  corvée  à  2s.  6d.,  donnant 
1  louis  12s  6d.,  le  blé  évalué  à  une  piastre  le  minot. 

Dans  la  môme  seigneurie,  le  27  Mai,  1842,  il  fut  concédé  à 
Charles  Letourneau  70  arpents  de  terre  en  superficie,  avec  un 
taux  annuel  de  cens  et  rentes  de  1  louis  17s.  6d.  On  voit, 
en  comparant  les  taux  et  l'étendue  des  terres,  quelle  est 
l'augmentation. 

Dans  le  Fief  Grandpré,  district  des  Trois-Rivières,  il  fut 
concédé  par  Conrad  Gugy,  à  Pierre  Pépin,  le  8  Septembre, 
1769,  une  étendue  de  terre  de  3  arpents  de  front  sur  30  de 


27 


en 
de 


profondeur,  à  raison  d'une  rente  de  2  livres,  y  compris  le  droit 
de  commune  et  3  sous  de  cens,  faisant  en  tout  63  sous. 

La  même  quantité  de  terre  fut  concédée  en  1795,  par 
Barthélémy  Gugy,  à  Joseph  Lomay,  avec  une  rente  de  242 
sous.     Quel  taux  [irogressif  ! 

Dans  le  même  district  des  Trois-Rivières,  la  compagnie  de 
la  Nouvelle  France  a  concédé  à  Jean  Sauvat^e,  le  28  Juillet 
1656,  150  arpents  de  terre,  à  raison  de  6  deniers  pour  chaque 
arpent,  75  sous  en  tout  ;  mais  on  vit  en  1814,  Josias  VVurtele 
concéder  à  Joseph  Joyale,  dans  la  seigneurie  de  Ste.  Adélaïde, 
Rivière  David,  75  arpents  de-  terre,  et  lui  demander  une  rente 
de  3  minots  de  blé,  5  chclins  en  argent  et  2  jours  de  corvées, 
donnant  en  tout  1  louis  5  chelins. 

Les  Révérends  Pères  Jésuites,  le  2  Mai,  1667,  concédèient 
à  Benjamin  Anseau  80  arpents  de  terre,  avec  une  rente  et  des 
cens  annuels  s'élevant  en  totalité  à  35  sous  2  deniers. 

Dans  le  district  do  Montréal,  les  taux  des  concessions  des 
seigneuries  de  Saint  Sulpice  et  du  Lac  des  Deux-Montagnes, 
n'ont  pas  varié  depuis  l'année  1681,  d'après  les  obligations 
imposées  par  les  titres  accordés  par  la  Couronne  au  Séminaire. 
Dans  l'Isle  de  Montréal  le  plus  ancien  taux  était  de  3  deniers 
par  arpent,  et  un  chapon  par  20  arpents  en  superficie  ;  on  y 
a  ajouté  un  demi  sou  et  une  peinte  de  blé  par  arpent  ;  mais 
Mr.  de  Rouville  a  concédé,  le  28  Juin,  1826,  à  Jacques 
Boudry,  90  arpents  de  terre  moye  nt  une  rente  de  6  livres 
et  9  deniers,  blé  pour  15  livres  douze  sous  et  une  corvée,  3 
livres,  faisant  en  tout  24  livres,  12  sous  et  9  deniers  ancien 
cours.  Dans  la  même  seigneurie,  il  y  a  tels  individus  par 
leurs  contrats  de  concession,  qui  payent  maintenant  2  piastres 
de  rente  annuelle  par  chaque   u'pcnt  en  superficie. 

Le  28  Mars,  1817,  le  Général  Burton  a  concédé  dans  la 
seigneurie  de  Lacolle,  à  Hotchkiss,  112  arpents  de  terre  avec 
l'ancienne  rente  de  6  deniers  par  arpent  ;  mais  dans  la  seigneu- 


28 


rie  de  Beauharnais,  par  le  Très-Honorable  E.  Ellice  à  Robert 
Broddic,  16  Mars  1840,  pour  100  arpents  de  terre  il  exigea 
une  1  jnte  de  25  chelins  et  5  minots  do  blé,  en  tout  2  louis  10 
chelins  par  année. 

'Dans  la  seigneurie  de  Monnoir  il  fut  concédé  le  23  Juin 
1801,  par  T.  Johnson,  à  Louis  Louselle,  une  terre  ne  payant 
que  2  deniers  par  arpent. 

Dans  la  môme  seigneurie,  le  9  Septembre,  1823,  il  a  été 
concédé  à  James  McGee,  90  arpents  de  terre,  lui  imposant 
une  rente  do  5  chelins  et  un  minot  de  blé  pour  chaque  30 
arpents  et  2  sous  de  cens,  faisant  en  tout  1  louis,  10  chelins 
et  2  sous. 

Dans  cette  môme  seigneurie,  maintenant  au  Juge  Rolhmd,  le 
3  Novembre,  1827,  il  a  été  concédé  par  le  dit  Juge,  A  Louis 
Ostigny,  90  arpents  de  terre,  moyennant  7  livres,  un  demi- 
minot  de  blé  pour  chaque  vingt  arpents,  plus  2  sous  de  cens, 
et,  outre  la  rente,  une  somme  capitale  de  900  livres. 

Ces  citations  suffissent,  croyons-nous,  pour  donner  une  idée 
des  charges  progressives  que  les  seigneurs  ont  imposées  aux 
censitaires  en  ce  pays.  Non  compris  des  conditions,  des 
charges,  des  réserves  qui  sont  introduites  dans  les  contrats  de 
concession,  et  qui  ne  sont  pas  imposées  par  la  loi,  comme  des 
réserves  de  toutes  les  carrières,  rivières  et  ruisseaux — du 
droit  de  changer  tous  les  cours  (Veau  pour  les  moulins — du 
droit  de  titre-nouvel  aux  dépens  des  tenanciers  lors  de 
chaque  mutation  de  la  seigneurie — du  droit  de  prendre  tout  le 
bois,  la  pierre,  et  autres  matériaux  pour  les  moulins,  manoir, 
chauffage  pour  le  Seigneur  et  pour  ses  fermiers,  pour  autres 
maisons  et  améliorations  sur  le  domaine  du  Seigneur,  en  outre, 
pour  usages  publics,  sans  indemnité — réserve  de  toutes  les 
places  de  moulins,  et  prohibition  de  construire  aucune 
espèce  de  moulin,  machine  ou  manufiicture  mue  par  l'eau, 
sans  permission  du  Seigneur,  qui  sait  fort  bien  se  faire  payer 


qu 


S( 


29 


10 


quand  il  accorde  cette  permission.  Réserves  de  terrain  pour 
bâtir  des  églises,  des  écoles  et  autres  fins  publiques.  Le 
Seigneur  retire  au  censitaire,  donne  au  public,  et  honneur  a 
Seigneur  ! — du  droit  de  faire  augmenter  la  rente  cViin  minot 
de  blê  à  chaque  mutation — réserve  d'un  chemin  large  de  30 
pieds  sur  le  bord  des  rivières — du  droit  de  pêche — du  droit  de 
chasse — d'un  chemin  de  front  do  36  pieds,  et  de  terrain  pour 
les  autres  chemins — et  tout  ce  que  savons-nous  encore  que  les 
Seigneurs  exigent  des  censitaires  ;  m.ais  il  faut  en  finir — 
Quand,  dans  les  conditions  des  concessions  des  seigneuries,  il 
est  dit  cependant,  d'une  manière  expresse,  que  telle  conces- 
sion est  faite  avec  la  charge  de  concéder  aux  tenanciers  aux 
cens,  rentes  et  redevances  accoutumés^  sous  peine  de  con- 
fiscation des  seigneuries. 

Il  serait  trop  long  de  détailler  tous  les  abus,  tous  les  griefs  et 
tous  les  maux  dont  les  censitaires  ont  à  se  plaindre,  nous  nous 
contenterons  de  citer  quelques  faits  et  de  faire  quelques  obser- 
vations. 

On  a  vu  dans  la  Baronnie  de  Longueuil,  des  agents  spécula- 
teurs et  avides,  sur  la  demande  de  concessions  de  terres  faite 
par  des  habitants,  exiger  d'eux,  argent  comptant,  une  certaine 
somme,  et  le  même  jour  passer  un  contrat  de  vente,  tandis  que 
l'agent  se  passait  à  lui-même  un  contrat  de  concession.  Nous 
ne  citerons  que  le  cas  du  capitaine  Cartier  qui,  sur  sa  demande 
d'avoir  des  terres  en  concession,  fut  obligé  de  payer  4,000 
'  livres  ancien  cours,  à  Mr.  Busby,  agent,  pour  les  avoir  encore 
grevées  des  charges  seigneuriales. 

Dans  la  seigneurie  de  Léry  on  a  vu,  entre  autres, 
François  Hyacinthe  Rémillard,  Louis  Rémillard,  payer,  par 
l'exigence  de  l'agent,  12  louis  et  10  chelins  chaque,  pour  une 
terre  en  bois  debout,  pour  pouvoir  tenir  un  titre  de  concession. 
Le  Seigneur,  ou  ses  représentants,  a  refusé  d'accorder  un 
titre  de  concession  à  Louis  Clouette,  à  moins  qu'il  ne   reçut 


30 


2.000  livres,  ancien  cours,  avant  la  passation  du  titre  de  con- 
cessivm  ;  et  il  e:ugea  de  Mic'.:el  et  d'Antoine  Belouin  20  louis 
pour  chacun,  avant  de  leur  donner  leurs  titres. 

Dans  la  seigneurie  de  Longueuil,  les  premières  concessions 
ont  été  faites  à  raison  dhin  sou  par  arpent  et  dhm  chapon 
pour  la  concession  entière  de  90  arpents  de  terre  ;  ensuite  il  a 
fallu  payer  une  pinte  de  blé  et  un  sou  par  arpent  ;  mais  depuis 
l'année  1811,  dans  le  village  de  Longueuil,  le  Seigneur  a  con- 
cédé des  lots  de  60  pieds  de  front  sur  120  de  profondeur,  pour 
le  prix  de  25  louis  argent  comptant^  et  une  rente  annuelle 
de  20  chelins  ;  c'est  ailrcux  !  Dans  la  partie  ancienne  du 
village,  des  emplacements  d'une  grande  étendue  ne  furent  con- 
cédés qu'à  raison  de  2  chelins  et  six  deniers  par  an,  sans  au- 
cun capital. 

Dans  la  Cote  Sainte  Marie,  en  arrière  de  la  seigneurie  de 
Blainville,  les  rentes  des  terres  sont  de  5  piastres  en  argent  et 
de  2  minots  de  blé  pour  chaque  100  arpents. 

Pour  parvenir  à  une  augmentation  de  taux,  dans  quelques 
occasions,  les  Seigneurs  forcent  les  censitaires  à  payer  à  des 
taux  plus  élevés,  en  menaçant  en  même  temps  ces  derniers 
d'exercer  contre  eux  le  droit  de  retrait.^  comme  il  est  arrivé 
dans  le  cas  de  Philibert  Matte,  forgeron,  et  Mr.  Lacroix, 
Seisneur. 

Les  réserves  des  bois  de  construction  faites  par  le  Seigneur 
sur  les  terres  des  censitaires  n'auraient  jamais  dû  être  tolérées. 
Par  cette  clause  de  la  concession,  le  censitaire  n'ayant  qu'une 
possession  bien  précaire  des  bois  de  service,  n'avait  aucun 
intérêt  à  les  conserver  ;  au  contraire,  il  ne  voyait  de  profit 
certain,  quelque  médiocre  qu'il  fût,  qu'en  détruisant  ces  bois, 
et  c'est  généralement  ce  qu'il  a  fait,  dans  la  crainte  que  le 
Seigneur  ne  les  exploitât  avant  lui  ;  aussi,  les  bois  de  con- 
struction sont  devenus  très-rares  dans  les  seigneuries.^  et  la 
plupart  de  ces  localités  ont  à  supporter  un  mal  presque  gêné- 


31 


rai,  qui  n'a  pas  même  pour  excuse  d'avoir  été  un  avantage, 
de  quelque  importance,  pour  le  Seigneur  ou  pour  le  censitaire. 

Le  droit  de  banalité  n'avait  pour  but  que  d'uissurer  au  Sei- 
gneur de  l'emploi  pour  les  moulins  qu'il  était  obligé  de  bâtir 
pour  l'usage  des  censitaires.  Aujourd'hui,  par  Taugmentation 
des  établissements  et  de  la  population,  les  moulins  des  Seigneurs 
ont  autant  de  grains  à  moudre  qu'ils  le  peuvent  taire.  Si  les 
Seigneurs,  après  l'abolition  des  droits  Seigneuriaux,  conser- 
vent la  possession  de  leurs  moulins,  il  importe  peu  que  ces 
propriétés  appartiennent  à  un  individu  plutôt  qu^à  un  yutro, 
leurs  moulins  étant  bons,  et  leurs  meuniers  satisfaisant  les 
habitants,  aux  mêmes  conditions  que  celles,  plus  tard,  la  con- 
currence de  l'établissement  probable  de  nouveaux  moulins 
pourra  introduire,  les  anciens  moulins  banaux  n'auraient  pas 
moins  une  pratique  encourageante. 

Les  eflcts  des  réserves  que  font  les  Seigneurs  des  })laces  do 
moulins  sont  des  plus  nuisibles  aux  censitaires  et  à  l'industrie 
du  pays. 

Dans  la  seigneurie  de  Terrebonne,  John  Watson,  pour  pou- 
voir construire  une  simple  tannerie  sur  la  rivière,  zSm  de  cou- 
per et  préparer  l'écorce,  ce  qui  lui  avait  été  empêché  par  le 
Seigneu  Masson,  a  été  forcé  do  lui  payer  10  louis  par  an, 
pendant  dix  ans  ;  et  encore,  à  l'expiration  de  ce  terme,  le  dit 
Seigneur  s'est-il  réservé  le  privilège  d'imposer  de  nouvelles 
conditions. 

Que  de  manufactures  n'ont  pas  été  empêchées  dr.ns  leur 
établissement  !  que  d'industries  n'ont  pas  été  gênées  prr  ks 
exigences  exhorbitantes  des  Seigneurs  pour  laisser  jouir  des 
places  de  moulins  et  de  manufiictures  !  On  en  a  vu  môme,  à 
quelque  prix  que  ce  fût,  refuser  constamment  d'accorder  cette 
jouissance  pour  un  nombre  quelconque  d'années,  et,  par  ces 
procédés,  se  déclarer  les  ennemis  du  progrès,  des  améliorations 
et  de  la  prospérité  du  pays. 


32 


Le  droit  exclusif  de  Tusage,  et  de  la  permission  des  forces 
d'eau,  est  très  préjudiciable  au  public,  parcequ'il  est  opposé  à 
l'esprit  d'entreprise  et  d'émulation,  qu'excite  constamment  la 
concurrence,  un  des  principaux  ressorts  des  améliorations 
nationales,  et  que  ce  droit  exclusif  paralyse  presque  complète- 
ment l'introduction  de  manufactures  qui  demandent  le  secours 
de  la  force  motrice  que  procure  l'eau. 

Malgré  les  obligations  qui  imposent  aux  Seigneurs  de  bâtir 
de  bons  moulins  à  l'usnge  des  censitaires,  dans  plusieurs  Sei- 
gneuries, les  Seigneurs  négligent  do  faire  tenir  en  bon  ordre 
les  moulins  qu'ils  ont,  et  ils  refusent  d'en  fiiire  construire  pour 
Ic>s  placer  à  la  commodité  des  censitaires,  qui  sont  quelquefois 
obligés  de  faire  plusieurs  lieues  pour  se  rendre  au  m^oulin 
banal.  Ils  sont  aussi  quelquefois  obligés,  comme  dans  la  Sei- 
gneurie de  Ste.  Thérèse  de  Elainvilk ,  d'attendre  jusqu'à 
quatorze  jours  la  mouture  de  leurs  grains  ;  et  nonobstant 
l'impuissance  du  moulin,  ils  sont  forcés  d'y  aller  ou  de  payer 
l'amende. 

Non-seulement  les  Seigneurs  n'ont  pas  voulu  concéder  des 
terres,  mais  il  y  en  a  qui  se  sont  distingués  p:^r  des  prétentions 
étranges.  Dans  la  Seigneurie  de  Rouville,  par  exemple,  en 
1842,  le  Seignenr  a  bien  déclaré  qu'il  était  prêt  à  concéder 
de  nouvelles  terres,  mais  aux  dernières  charges  et  conditions, 
et  pour  plus  amples  sûreté,  se  faire  c1o7iner  une  hypothèque 
sur  les  autres  terres  appartenant  aux  censitaires.  Les  terres 
qu'il  offrait  à  concéder  sont  situées  sur  la  montagne  de  Rou- 
ville, psu  propres  à  la  culture  ;  et  en  sus  des  rentes  et 
réserves,  il  exigeait  encore  une  certaine  somme  pour  laquelle 
il  se  ferait  hypothéquer  tous  les  autres  bions  des  concession- 
naires, qu'il  déclarerait  dans  les  titres  être  due  pour  arrérages 
de  rentes,  quoique  ces  terres  n'aient  jamais  été  concédées 
auparavant  j  le  tout  avec  droit  d'hypothèque  spécial. 

Non-seulement  les  Seigneurs,  par  esprit  d'accaparement  et 
de  spéculation,  ont  fait  usage  du  droit  de  retrait  à  leur  profit,. 


33 


au  détriment  des  acheteurs,  de  plus,  on  a  vu  en  1837,  dans  la 
Seigneurie  de  Saint  Joseph  de  la  Bcauce,  William  Torrance, 
alors  Seigneur,  exercer,  au  préjudice  de  Josepfi  Forlier,  lo 
retrait  conventionnel,  non  pour  son  utilité  ou  profit,  mais  pour 
favoriser  un  de  ses  amis,  à  qui  il  céda  lo  terrain  aussitôt  après 
le  retrait,  pour  le  même  prix  que  Joseph  Fortier  l'avait  payé. 

On  a  aussi  vu  des  Seigneurs,  par  eux-mcmes,  ou  par  leurs 
agents,  se  livrer  honteusement  à  un  système  de  fraude  et  d'ex- 
torsion, en  se  rendant  aux  ventes  de  ter;  'S  qui  font  partie  de  Icurg 
Fiefs  respectifs,  pour  empêcher  de  mettre  sur  ces  terres,  de 
les  faire  monter  à  leur  valeur,  en  disant  qu'ils  se  proposent 
de  les  retraire  ;  il  en  résulte  que  ces  terres  vendues  à  vil  prix, 
alors  le  Seigneur  exerce  la  prérogative  dont  il  est  revêtu,  et 
les  vend  à  un  prix  plus  élevé,  à  des  acquéreurs,  souvent 
trouvés  d'avance,  et  avec  qui  ils  ont  fait  leur  marché. 

Les  lods  et  ventes  sont  des  plus  préjudiciahles  et  nuisihles 
aux  censitaires  ;  ils  sont,  non  un  intérêt  légal^  mais  une 
usure  autorisée  par  la  loi,  et  dont  les  limites  ne  sont  pas  dé- 
terminées. Un  lopin  de  terre  coûte,  par  exemple,  24  louis, 
le  Seigneur  reçoit  2  louis,  d'après  le  droit  qu'il  possède  ; 
maintenant  l'acquéreur  par  son  industrie,  son  travail  et  son 
argent,  augmente,  par  les  diverses  bâtisses  qu'il  y  érige  et  les 
améliorations  qu'il  y  fait,  la  valeur  de  cette  petite  étendue  de 
terre  à  1,200  louis  ;  celte  propriété  passe  en  d'autres  mains, 
et  par  une  loi,  qui  est  loin  d'avoir  l'équité  pour  base,  il  faudra 
que  le  nouveau  propriétaire  paie,  non  à  l'homme  industrieux, 
mais  au  Seigneur  des  lods  et  ventes  de  100  louis,  valeur  des 
fruits  du  travail,  de  j'industrie  et  des  avances  pécuniaires  du 
premier  acquéreur. 

Mais  c'est  surtout  sur  les  rentes  vingèrcs  que  les  Inds  et 
ventes  sont  odieux,  parceque  souvent  les  parents,  par  la  mau- 
vaise coutume  canadienne,  en  fa"^ant  donation  à  leurs  enfants, 
les  chargent  d'une  forte  rente,  dans  la   persuation  où  ils  sont 
3 


I  ! 


34 


de  ne  jamais  l'exiger  et  de  vivre  en  iamille  ;  mais  si  les  enfants 
viennent  ù  vendre  à  la  charge  de  la  rente,  le  Seigneur  fait 
une  estimation  de  tous  et  chacun  les  articles  de  rente,  servi- 
tudes, &c.,  pour  dix  ans  ordinairement,  quelquefois  plus, 
selon  Pilge  des  donateurs  ;  et  sur  le  montant  de  cette  estima- 
tion il  retire  les  lods  et  ventes,  ainsi  que  sur  le  prix  convenu 
en  argent  ;  en  sorte  que  deux  ou  trois  mutations  suHiscnt  quel- 
quefois pour  que  le  Seigneur,  par  ses  lods  et  ventes,  per- 
çoive la  valeur  entière  de  la  propriété. 

Un  père  donne  son  bien  à  son  fils,  à  la  charge  de  lui  payer 
pension  ;  le  fils  vend  la  terre  ù.  un  troisième,  enfin  la  terre  est 
mise  au  Shérif  par  le  Seigneur  qui  n'a  pas  reçu  les  lods  ;  le 
Seigneur  reprend  la  propriété  qui  ne  va  pas  au  montant  des^ 
lods  ;  il  en  résulte  que  le  pauvre  donateur,  dépouillé  de 
tous  ses  droits,  perd  sa  pension,  et  sur  ses  vieux  jours,  se 
trouve  dans  le  chemin  avec  une  partie  de  sa  famille,  sans  pain 
et  sans  force  pour  gagner  sa  vie. 

o 

Dans  les  villes  et  les  villages,  ces  droits  sont  encore  plus 
onéreux  que  sur  les  terres,  en  ce  qu'un  emplacement,  dans  son 
état  primitif,  ne  vaut  que  quelques  louis,  devient  par  les  capi- 
taux qui  y  sont  affectés  à  valoir  des  centaines  de  louis,  le  pro- 
priétaire se  trouve  retranché  cViin  douzième  de  ses  déboursés 
°  pour  enrichir  le  Seigneur,  la  valeur  des  bâtisses  excédant  toujours 
de  beaucoup,  et  plusieurs  fois,  la  valeur  de  l'emplacement  ;  mais 
sur  les  terres  concédées  en  bois  debout,  il  arrive  que  le  culti- 
vateur après  avoir  travaillé  une  partie  de  sa  vie,  et  dépensé 
de  fortes  sommes,  relativement  à  ses  moyens,  pour  améliorer 
sa  propriété,  se  trouve  aussi  retranché  d'un  douzième  des 
fruits  de  ses  travaux  et  de  ses  dépenses  pour  enrichir  le  Sei- 
gneur, ce  qui  ne  peut  que  décourager  l'homme  industrieux. 

Quel  est  l'homme  qui  puisse  aimer  l'injustice  d'employer 
son  labeur  et  son  argent  pour  le  profit  des  autres  ?  La  tenure 
Seigneuriale  ne  tend  qu'à  l'anéantissement  de  l'industrie  ;  il 


35 


est  temps  (l'en  finir  avec  un  systènnc  dont,  depuis  longtemps,  on 
sent  l'imposition,  l'injustice,  les  abus,  les  maux,  le  décourage- 
ment et  l'appauvrissement  qu'il  entraîne  avec  lui.  Jj  temps 
est  arrivé  (juo  le  Canada  no  doit  plus  s^y  soumettre^  saris 
employer  d"* énergiques  moyt  ns,  par  les  voies  légales,  pour 
la  destruction  d'une  nuisiancj  pul)li({ue,  (pii  abonde  en  prin- 
cipes destructeurs  de  tout  esi)rit  d'entreprise  et  de  prospérité. 

Le  droit  de  faire  prendre  dos  titres-nouvels  ollre  de  nom- 
breuses occasions  pour  exercer  la  fraude  et  l'oppression  ;  c'est 
une  source  d'injustices.  Les  censitaires  sont  forcés  par  les 
Seigneurs,  à  chaque  mutation  des  Seigneuries,  de  prendre 
♦itre-nouvels  ;  et,  quand  ils  n'ont  pas  voulu  les  prendre,  ils 
oDt  été  [)oursuivis.  Par  ces  titres,  des  charges  nouvelles  et 
de  nouvelles  réserves  ont  été  imposées  ;  et  il  faut,  en  outre, 
que  les  habitants  paj'int  ordinairement  dix  chelins  pour  avoir 
00  titre,  quelquefois  deux  chelins  de  plus  par  contrat  pour  les 
recherches  des  vieux  titres,  et,  parfois,  encore  les  honoraires 
d'un  arpenteur.     Ce  sont  des  injustices  criantes. 

Dans  la  Seigneurie  do  l'islet,  Michel  Bernier  fut  poursuivi 
par  McCallum,  Seigneur  d'alors,  pour  venir  passer  un  titre- 
nouvel  qu'il  refusait  de  prendre,  parcequ'il  n'était  pas  sem- 
blable à  son  ancien  titre.  Le  procès,  après  avoir  duré  plus 
d'un  an  à  la  Cour  Supérieure  du  Banc  du  Roi,  fut  décidé  en 
faveur  du  censitaire  ;  par  le  jugement  il  n'était  tenu  qu'à 
prendre  un  titre  semblable  au  premier  titre  de  concession  ;  mais 
le  Seigneur  ayant  mis"  le  procès  en  appel,  a  fait  renverser  le 
jugement,  et  contraignit  le  censitaire  à  prendre  un  titre-nouvel 
comme  il  l'entendait.  Le  malheureux  Bernier  se  trouvant 
dans  l'impossibilité  de  pouvoir  payer  les  frais  de  justice,  le 
Seigneur  l'a  dépouillé  de  sa  terre  en  la  faisant  vendre. 
Ainsi,  au  sujet  d'un  seul  titre-nouvel,  Bernier  a  été  mis  sur 
la  paille. 

Dans  la  Seigneurie  de  Lacolle,  ït.^  censitaires  ne  pouvaient 
obtenir  de  titres-nouvels  qu'en  acceptant  de  payer  une  augmen- 
3* 


I 


36 


talion  do  cinquante  pour  cent  înscruo  dans  ces  nouveaux 
titres,  malgré  toutes  les  réclamations  contre.  C'est  une 
affreuse  tyrannie  ! 

Presque  partout  les  Soigneurs  abusent  de  ce  droit.     A  la 
passation  des  tilres-nouvels,  dans  la   Seigneurie   de  Hoauhar- 
tiois,  par  exemple,  on  s'est  plaint  généralement  de  Pexaction    * 
de  rentes  plus  élevées,  et  auxquelles  il  a  fallu  se  soumettre 
dans  l'impossibilité  d'obtenir  justice  pour  améliorer  sa  condition. 

A  la  fantaisie  des  Soigneurs,  dans  les  Seigneuries  de  Léry, 
do  Longueuil  et  de  Lnprairie,  comme  il  en  a  été  ailleurs,  quand 
il  a  [)lu  au  Seigneur,  les  terres  ont  été  chaînées  par  leurs 
ordres  afin  de  faire  passer  des  titres-nouvels  et  exiger  que  les 
censitaires  payent  l'arpenteur  et  le  coût  de  ces  titres. 

Presque  partout  les  Seigneurs  rcl^usent  de  concéder  des 
terres  avantcigeusement  situées,  sous  le  prétexte  que  ces  terres 
sont  d'un  très  grand  prix,  qu'elles  devront  augmenter  de 
valeur  dans  quelques  années  ;  et  ils  ne  se  décident  \i  les  con- 
céder qu'au  moyen  d^un  bonus  exigé  préalablement. 

Dans  la  Seigneurie  de  Lacolle,  E.  Henry  a  été  obligé  do 
payer  pour  obtenir  une  concession  de  deux  lots  de  terre,  25 
louis  par  lot  ;  Robert  Hoyle  a  payé  ce  même  bonus,  et  l'aug- 
mentation de  cinquante  pour  cent  de  rente  annuelle.  James 
Brisbane  a  payé  100  louis;  Berry  a  aussi  payé  100  louis. 
Nous  pourrions  citer  de  nombreux  cas  semb'abics  dans  d'autres 
Seigneuries,  mais  nous  croyons  avoir  assez  mentionné  pour 
faire  ressortir  le  hideux  de  la  conduite  de  certains  Seigneurs 
et  de  leurs  agents. 

Quant  aux  domaines^  quelquefois  de  très  grande  étendue 
de  terre,  que  les  Seigneurs  se  sont  réservés,  sans  droite  non- 
seulement  ils  ne  veulent  pas  les  concéder,  mais  encore  ils 
forcent  les  hiibitants  à  entretenir,  à  leurs  propres  frais,  les  clô- 
tures et  les  cours  d'eau. 


37 


Dans  la  Seigneuries  de  Lanaudi^rc  les  sucreries  s'afTermcnt 
par  les  Seigneur^,  (juoiciuc  [)lu>ieurs  do  ces  sucreries  sont  sur 
des  terres  ()ccu[)(';es  par  les  censiiaires.  Là,  les  hubilunts  nVnt 
jamais  [)u  obtenir  de  tilre  d'aucune  espèce. 

Comment  le  cultivateur  peut-il  prospérer  lorsqu'il  lui  faut 
lutter  contre  tant  d'injustices,  de  prohil)itions  et  d'obstacles  ? 
La  tyrannie  et  les  droits  seigneuriaux  délruisent  l'cnergic. 
L'agriculture  dans  les  chaînes  et  la  .soullVancc,  les  arts  et  lo 
commerce  en  soullrcnt  nccessairemenl. 

Dans  les  Seiiî;neuries  Jii  les  censitaires  se  livrent  à  lit 
pèche,  les  Seigneurs  ne  se  contentent  pas  des  droits  dont  ils 
jouissent  sur  les  concessions,  ils  rcclainent  encore  et  se  font 
payer  le  droit  sur  les  grèves,  qui  consiste  à  se  faire  donner  une 
partie  du  poisson  qui  se  prend  sur  les  rivières.  Les  travaux 
des  pauvres  habitants  pour  leurs  pùcheries  sont,  quehpiefois 
plus  dispendieux  que  leur  profit,  après  avoir  donné,  comme  il 
est  exigé,  jusqu'au  tiers  du  poisson,  et,  nous  a-t-on  dit,  jusqu'à 
la  moitié  ;  mais,  le  plus  souvent,  un  cinquième  pour  chaque 
pêche  à  anguilles  ;  dans  la  paroisse  de  l'Isle-aux-Coudres, 
le  troisième  marsouin  ;  ce  n'est  guère  le  moyen  d'encourager 
la  pêche. 

Les  corvées  pour  le  Seigneur  sur  son  propre  domaine,  ou 
sur  son  chemin  et  ses  moulins,  sont  des  restes  d'eî'clavage 
féodal,  par  lequel  le  serf  était  obligé,  comme  vassal,  de  tra- 
vailler pour  son  Seigneur  durant  une  certaine  partie  de  son 
temps  ;  droit  qui  répugne  aux  sentiments  do  l'homme  pénétré 
de  sa  dignité,  de  ses  droits,  et  qui  sait  apprécier  les  bienfaits. 
de  la  liberté. 

Quant  au  droit  de  foi  et  hommage  qui  oblige  le  vassal  de 
paraître  devant  le  Seigneur  à  des  époques  fixes,  pour,  en  sa 
présence,  mettre  le  genou  en  terre  la  tête  découverte,  sans 
épée  ni  éperons,  et  là  prononcer  certaines  paroles  humiliantes, 


I 


38 


comme  c'est  une  coutume  de  vasselage,  tombée  en  désuétude 
en  ce  pays,  nous  n'en  parlerons  pas. 

Les  abus  et  les  faits  que  nous  avons  cités,  et  que  nous  pou- 
vons prouver,  ayant  en  main  des  documents  authentiques, 
n'existent  pas  seulement  dans  les  Seigneuries  qui  ont  été  nom- 
mées par  nous,  partout  la  loi  et  le  droit  ont  été  foulés  aux 
pieds,  rhumanitê  et  totis  les  principes  de  justice  insultés 
d  outragés  par  des  actes  iniques  d^une  tyrannie  dégra- 
dante. 

Nous  nous  faisons  un  plaisir  de  rapporter  un  extrait  des 
justes,  belles  et  remarquables  paroles  des  habitants  de  la  Sei- 
gneurie i^L  />anaudièi'e  qui,  en  réponse  aux  questions  qui  leur 
ont  été  ;iC'  alises  en  1843,  par  les  Commissaires  nommés  pour 
s'enqué'ii  de  la  tenure  seigneuriale,  s'écrient  dans  leur  noble 
indignation  : 

"  Nous  saisissons,  avec  plaisir,  cette  occasion  désirée  de- 
"  puis  si  longtemps,  de  pouvoir  soumettre  à  un  tribunal  com- 
'^  pètent  nos  remarques  et  nos  plaintes,  convaincus  que  nous 
"  sommes  qu'il  les  écoutera  avec  bonté,  et  y  donnera  toute 
"  son  attention. 

"  Elles  seront  faites  avec  toute  la  déférence  que  votre  charge 
"  et  vos  intentions  libérales  méritent,  et  que  les  intérêts  de 
"  tant  d'opprimés  demandent. 

"  Mais  des  intérêts  et  des  préjugés  semblent  se  rire  de  la 
*•  raison  humaine,  et  dc^  er  tous  les  efforts. 

"  Y  a-t  i\  en  vérité,  rien  qui  répugne  plus  à  la  raison  et  à 
"  la  vérité,  et  enfin  à  toute  notion  humaine  de  droit  et  de 
*'  justice,  que  cette  division  étrange  et  sacrilège  d'une  pro- 
"  priété  que  le  Créateur  a  destinée  à  tous,  parmi  un  petit 
"  nombre  seulement  ?  La  bru*e  est  contente  de  son  sort,  et 
"  elle  en  jouit  sans  être  troublée  par  les  autres  bêtes  de  la 
"  même  espèce  ;   mais  l'homme  !   l'homme  seul  ravit  à  son 


39 


"  semblable  son  droit  imprescriptible,  droit  qu'il  a  reçu  direc- 
"  tement  du  Tout-Puissant  ;  et  si  l'on  savait  comment  s'y 
"  prendre,  on  lui  ravirait  aussi  Tair  et  la  lumière  ;  quant  à 
"  l'eau  elle  est  déjà  monopolée  autant  qu'on  l'a  pu. 

"  Il  est  étonnant,  sans  doute,  que  l'on  ait  introduit  sur  ce 
"  vaste  et  magnifique  continent,  où  toutes  les  créatures 
"  nageaient  dans  l'abondance  et  la  profusion  de  tout  ce  que 
"  produit  la  nature,  et  oi!i  n'existait  aucun  des  ces  motifs  de 
*'  langueur  et  de  destruction,  ces  horribles  systèmes,  causes  de 
"  tant  de  misères  et  de  mal!.eurs  dans  les  trois  autres  parties 
"  du  monde  î  11  est  étrange  que  des  gouvernements,  maîtres 
"  de  leurs  actions,  n'aient  pu  trouver  un  mode  plus  équitable, 
"  pour  ne  pas  dire  rationnel,  pour  établir  le  surplus  de  leur 
*'  population  !  Ce  fait  prouve  un  mal,  un  mal  radical  que  la 
"  lumière  du  19e  siècle  devrait  certainement  dissiper. 

"  Comment  rem.éJicr  à  ce  système  vicieux  sans  violer  les 
"  droits  des  individus  ?  Hélas  !  violer  quoi  !  les  droits  de 
"  150  à  200  personnes  ?  c'est  beaucoup  trop  en  vérité.  Que 
*'  dit  l'autre  côté  de  la  question  ?  Comment,  d'abord,  a-t-on 
"  pu  obtenir  ces  droits  ?  Dans  des  temps  de  barbarie,  dans 
*'  les  siècles  de  fer,  lorsque  la  force  et  le  pouvoir  faisaient  le 
"  droit,  lorsqu'un  homme,  s'il  avait  le  malheur  d'être  né  de 
''  parents  pauvres,  était  reg  :i'dé,  pour  ainsi  dire,  comme  infé- 
"  rieur  à  la  brute,  et  était  certainement  plus  maltraité. 
"  Combien  ?  Quelles  multitudes  de  ces  hommes  ont  été 
"  sacrifiés  pour  le  simple  amusement  de  quelques  r^rands  en 
"  pouvoir  !  Ces  multitudes  ne  sont-elles  que  des  troupeaux  ? 
"  Non,  vous.  Messieurs,  ni  aucun  homme  réfléchi,  vous  ne 
"  direz  pas  cela." 

Abandonnons  ces  justes,  mais  bien  tristes  réflexions,  que 
fait  malgré  lui  l'homme  qui  pense. 


40 


CHAPITRE    III. 

QUEL    EST    LE    MEILLEUR    MODE  A  EMPLOYER    POUR    ACCOR- 
DER UNE    JUSTE   INDEMNITÉ    AUX    SEIGNEURS  ? 

Divers  plans  se  présentent  pour  remédier  aux  maux  affreux 
et  avilissants  que  la  Tenure  Seigneuriale  entretient  au  Canada  ; 
mais  nous  croyons  le  suivant  le  plus  simple,  le  plus  équitable, 
le  moins  dispendieux,  offrant  le  moins  d'inconvénients,  par  con- 
séquent, le  plus  justement  et  le  plus  promptement   praticable. 

L'abolition  de  la  Tenure  Seigneuriale  proclamée,  dans  le 
cours  du  mois  suivant  la  promulgation  de  la  loi,  il  sera  procé- 
dé aux  moyens  de  constater  l'indemnité  à  accorder  aux  Sei- 
gneurs. Cette  indemnité  devra  être  accordée,  d'une  manière 
uniforme,  selon  la  valeur  des  Seigneuries,  proportionnellement 
au  capital  représenté  par  leurs  revenus  respectifs  de  la  der- 
nière année,  d'après  le  papier-terrier,  non  tels  qu'ils  sont, 
mais  après  avoir  réduit  les  revenus  des  Seigneurs,  qui  ont 
violé  les  conditions  de  leurs  titres  et  imposé  des  exactions, 
conformément  aux  Arrêts  et  Edits  des  Rois  de  France,  que 
nous  avons  cités,  qui  sont  toujours  existans,  et  doivent  être 
mis  à  exécution.  Il  ne  s'agit  pas  d'indemniser  les  Seigneurs 
des  abus  qu'ils  ont  créés,  des  usurpations  qu'ils  ont  commises, 
et  que  le  temps  n'a  pu  légitimer. 

A  cet  effet,  des  arbitres  seront  nommés,  au  nombre  de  cinq, 
dont  quatre,  mi-partie  par  le  Seigneur  et  les  censitaires  sépa- 
rément, et  le  cinquième  par  le  consentement  mutuel  du  Sei- 
gneur et  des  censitaires  ;  et  le  montant  de  la  valeur  de  chaque 
Seigneurie,  déterminée  définitivement  jrar  ces  arbitres,  devra 
être  payé  au  moyen  d'une  répartition  faite,  au  prorata  des 
valeurs  respectives  des  propriétés  des  censitaires  dans  toute  l'é- 
tendue de  la  Seigneurie,  estimées  aussi  par  les  mômes  arbitres, 
et  d'une  manière  définitive.  Les  censitaires  auront  alors  à 
payer  de  suite,  s'ils  le  pouvaient  ;  mais,  à  définit  de  le  faire, 
ils  seront  chargés  de  payer  l'intérêt  légal  de  six  pour  cent 


41 


pour  leur  quote-part,  jusqu'à  parfait  payement  du  tout,  qui  ne 
pourra  alier  au-delà  de  quinze  années.  Par  des  payements 
partiels,  le  capital  dû  par  le  censitaire  diminuant,  les  intérêts 
diminueront  toujours  à  proportion. 

A  l'écliéance  des  quinze  années  accordées,  lo  capital  sera 
obligatoire  de  la  part  du  Seigneur  ;  mais  les  intérêts  seront 
exigibles  annuellement. 

Toutes  les  estimations  faites,  de  la  valeur  de  chaque  Sei- 
gneurie, et  des  valeurs  des  propriétés  des  censitaires,  seront 
déposées  par  les  arbitres  chez  un  Notaire  de  la  Seigneurie,  qui 
en  prendra  acte,  en  gardera  copie,  et  sera  chargé  de  faire  une 
répartition  générale,  entre  les  censitaires,  de  la  somme  que 
chacun  d'eux  devra  payer  au  Seigneur  pour  son  indemnité  ; 
et  telle  répaitition,  l'acte  de  dépôt  et  les  honoraires  des  arbitres, 
seront  payés  par  le  Seigneur  et  les  censitaires  :  le  Seigneur 
pour  la  moitié  et  les  censitaires  pour  autant 

Les  arbitres  feront  le  dépôt  chez  le  notaire  choisi  par  eux 
comme  représentans  des  parties  intéressées,  dans  le  cours  de 
trois  mois,  au  plus  tard,  sous  peine  de  perdre  leur  droit  à  la 
rétribution  fixée  en  leur  faveur  par  la  Législature. 

Les  lumières  de.  la  raison,  et  les  principes  de  l'équité, 
doivent  faire  rejeter  dans  l'abîme  des  ténèbres  et  de  l'oubli  les 
préjugés  de  l'ignorance,  l'influence  particulière,  la  cupidité 
inique  de  ceux  qui  sont  intéressés  par  leur  égoïsme,  à  faire 
porter  à  leurs  concitoyens  le  joug  de  la  servitude,  en  abolis- 
sant, pour  jamais  au  Canada,  les  droits  féodaux  et  Seigneuriaux 
que  le  peuple  traîne  à  sa  suite  sous  un  dur  esclavage. 

Le  Seigneur  a  droit  a  une  indemnité  pour  la  concession  de 
ses  droits.  Les  droi'/^  Seigneuriaux  pour  lesquels  le  Seigneur 
a  droit  à  une  indemnité,  sont  seulement  les  cens  et  rentes  tels 
que  la  loi  les  veut,  et  les  loch  et  ventes.  Ces  droits  sont 
ceux   sur  lesquels  doit  se  fonder  l'estimation   de   la   valeur 


42 


d'une  Seigneurie.  Tous  les  droits  Seigneuriaux  doivent  être 
abolis  moyennant  la  valeur  esiimée  de  la  Seigneurie  par  les 
revenus  annuels  des  deux  droits  précités.  Ce  qui  sera  une 
indemnité  juste  et  sufllsante  pour  l'extinction  de  tous  les  droits 
du  Seigneur  qui  n'ont  pas  été  usurpés  par  lui. 

Ce  projet  est  très  équitable,  propre  à  assurer  et  garantir  au 
Seigneur,  s'il  fait  un  placement  judicieux,  une  pleine  et  entière 
indemnité  pour  l'extinction  de  ses  droits.  Jusqu'à  ce  que  le 
payement  soit  opéré,  le  Seigneur  perçoit  l'intérêt  légal  de  ce 
que  lui  doit,  pour  l'indemniser,  chaque  habitant  qui  n'est  plus 
libre,  après  l'époque  déterminée,  de  retarder  le  payement  en 
payant  les  intérêts.  La  loi  ne  devra  avoir  aucun  effet  rétro- 
actif y  par  conséquent  garantir  aux  Seigneurs  tout  ce  qui  pour- 
rait leur  être  dû  parles  censitaires  d'arrérages  pour  redevances 
et  droits  Seigneuriaux  jusqu'au  jour  de  sa  promulgation.  Ce 
mode  d'indemnité  .^erait  également  applicable  aux  Seigneuries 
tenues  en  mains-mortes,  ou  qui  appartiennent  à  des  corps  aux- 
quels il  n'est  pas  permis  d'aliéner.  Tl  est  évident  qu'on  ne 
peut  introduire  aucune  réforme  radicale  dans  la  loi,  sans  faire 
souffrir  quelques  individus,  plus  ou  moins  ;  mais  en  même 
temps  il  est  d'une  saine  et  juste  politique  d'adopter  le  plan  qui 
offre  le  moins  d'inconvénients.  La  plus  grande  partie  des 
rentes  imposées  par  les  Seigneurs  étant  illégales,on  ne  iiourrait 
sans  injustice  obliger  les  censitaires  à  leur  payer  une  indem- 
nité pour  le  rachat  d'une  rente  qu'ils  ne  doivent  que  partielle- 
ment, et  dont  la  totalité  ne  peut  être  considérée,  sous  aucun 
point  de  vue,  comme  un  droit  acquis,  n'étant  de  fait  qu'une 
usurpation  et  un  abus  ;  en  conséquence,  le  capital  de  la  valeur 
des  Seigneuries  ne  peut  être  justement  représenté  qu'en  con- 
sidération des  droits  Seigneuriaux  réduits  à  la.  légalité,  con- 
formément aux  clauses  et  conditions  des  contrats  primitifs  de 
concessions  faites  aux  Seigneurs  par  la  Couronne.  C'est 
une  mesure  de  justice  envers  les  censitaires  dont  les  Seigneurs 
n'ont  aucun  droit  de  se  plaindre  3  les  Seigneurs  devraient  se 


43 


têtre 
)ar  les 
a  une 
droits 


tenir  satisfaits  de  n^étre  pas  inquiétés  pour  ce  qu'ils  ont  reçu 
illégalement,  et  (Vavoir  encore  une  indemnité  basée  sur  la 
plus  stricte  équité. 

Les  Seigneurs  se  sont  places,  en  violant  les  conditions  de 
leurs  concessions  primitives,  !es  Arrêts,  Edits  et  Ordonnances 
qui  régissent  la  Tenure  Seigneuriale,  en  usurpant  des  droits 
illégaux,  et  en  se  livrant  aux  abus  les  plus  criants,  dans  la 
situation  de  voir  les  autorités  executives  sortir  enfin  du  som- 
meil léthargique  par  lequel  elles  ont  laissé  violer  impunément, 
jusqu'à  ce  jour,  les  anciennes  Ordonnances,  les  Lois  ^  itu- 
mières,  et  intervenir,  en  conformité  à  la  loi,  -^our  sévii  rntre 
eux,  et  leur  infliger  la  rigide  mais  juste  peine  joriée  par  les 
Arrêts,  Edits  et  Ordonnances  encore  en  force,  en  condamnant 
à  la  réunion  au  Domaine  de  la  Couronne,  toute  Seigneurie 
dans  laquelle  la  loi  n'aurait  pas  été  fidèlement  observée. 

Maintenant,  comme  tous  les  Seigneurs  ont,  plus  ou  moins, 
violé  la  loi,  et  se  sont  écartés,  non-seulement  de  son  esprit, 
mais  qu'ils  n'ont  tenu  môme  aucun  compte  de  sa  lettre,  sans 
indemnité,  toutes  les  Seigneuries  du  Canada  seraient,  de  droit, 
confisquées  et  réunies  à  la  Couronne  qui,  elle,  en  disposerait 
généralement  et  sans  indemnité,  en  faveur  des  malheureux 
censitaires  qui  souffrent,  depuis  si  longtemps,  de  la  négligence 
du  gouvernement,  de  concussions,  de  droits  violés  et  de  droits 
usurpés. 

Encore  une  fois,  que  les  Seigneurs  se  trouvent  donc  bien 
heureux  d'être  indemnisés,  plus  que  justement,  môme  avec 
générosité. 

Les  Seigneurs  doivent  s'attendre  à  une  hostilité  continuelle 
et  croissante  contre  les  usurpations,  les  abus  de  la  Tenure 
Seigneuriale,  et  le  hideux  de  l'existence  de  ces  vestiges  des 
siècles  barbares.  La  prudence  ordinaire  doit  leur  faire  con- 
cevoir que  toute  opposition  systématique,  au  cri  général  du 
pays,  ne  pourrait  mener  qu'à  des  suites  désastreuses  pour  eux 


44 


dans  la  lutte  où  ils  ne  pourraîent  manquer  de  succomber  hon- 
teusement ;  tandis  qu'eux  mêmes  montrant  un  esprit  de  con- 
ciliation et  de  justice,  cette  conduite  de  leur  part  leur  assurera 
la  protection  de  la  Législature,  une  indemnité  équitable  de  la 
valeur  juste  et  légale  de  leurs  Seigneuries,  comme  celle  dont 
nous  venons  de  présenter  le  plan.  La  tyrannie  de  la  féodalité 
a  cessé  d'exister  dans  bien  des  contrées,  ou  les  Seigneurs 
n'ont  recueilli  que  la  persécution,  pour  indemnité  de  leurs 
droits  oppresseurs  abolis. 

Quant  aux  censitaires,  ils  ne  pourront  que  se  réjouir  d'une 
abolition  de  droits  qui,  détruits,  donneront  immédiatement  à 
leurs  propriétés,  déchargées  de  lods  et  ventes,  de  cens  et 
rentes,  de  corvées,  et  de  toutes  les  autres  charges,  servitudes 
et  réserves  Seigneuriales,  une  augmentation  réelle  de  valeur, 
môme  plus  élevée  que  le  montant  de  leur  quote-part  d'indem- 
nité à  payer  aux  Seigneurs.  Alors  seulement,  véritables  pro- 
priétaires, et  non  simples  tenanciers,  ils  pourront  se  livrer,  en 
paix  et  sans  entraves,  à  tous  les  élans  de  l'esprit  d'entreprises 
industrielles,  à  toutes  les  améliorations  agricoles  que  leurs 
terres  peuvent  réclamer  pour  accroître  leurs  revenus,  assurer 
leur  bien-être,  donner  la  vie  au  commerce  et  à  la  prospérité 
générale. 

En  vain  les  cours  de  justice,  mues  souvent  par  des  considé- 
rations personnelles,  n'ont  pas,  pour  la  généralité,  admis  le 
principe  d'un  taux  uniforme  et  usité  ;  en  vain  ont-elles  main- 
tenu le  principe,  d'après  les  jugements  qu'elles  ont  rendus,  que 
le  Seigneur  avait  droit  de  concéder  aux  taux  et  conditions 
dont  ils  conviendraient  avec  leurs  censitaires  ;  en  vain,  enfin, 
ont-elles  refusé  de  relever  les  censitaires  de  ces  charges  con- 
ventionnelles et  forcées  par  les  circonstances,  leurs  jugements 
étaient  en  contradiction  avec  la  loi,  toujours  en  force,  par 

CONSEQUENT,      LEURS      JUGEMENTS       ETAIENT     LNIQUES,      la 

vérité  nous  impose  le  devoir  de  le  proclamer  à  la  face  du  Ciel 
et  à  la  face  du  Pays. 


45 


Quant  à  la  question  des  terres  non-concédées  dans  les  Sei- 
gneuries, dont  la  population  rurale  s'est  toujours  plaint,  que  plu- 
sieurs Seigneurs  refusaient  absolument  à  concéder  ces  terres 
dans  Fespoir  spéculateur  d'en  augmenter  la  valeur,  et  d'im- 
poser aux  liabitants  qui  désireraient  en  obtenir,  des  taux  et  des 
conditions  plus  onéreuses,  en  exécution  des  Arre's,  Ordon- 
nances et  Edits  des  Rois  de  France,  qui  font  la  loi  encore 
existante,  ces  terres  doivent  nécessairement  être  réunies  au 
domaine  de  la  Couronne,  sans  indemnité  aucune,  pour  être 
concédées  libéralement  aux  colons,  comme  le  sont  maintenant 
les  terres  de  la  Couronne. 

Et  pour  ce  qui  est  du  droit  de  quint,  en  législatant  sur  l'a- 
bolition de  la  Tenure  Seigneuriale,  le  gouvernement  devrait 
céder  et  abandonner  ces  droits  sans  aucune  indemnité  ;  droits 
d'ailleurs  sans  importance  par  la  m.odicité  des  revenus  qui, 
comme  nous  l'avons  déjà  fait  voir,  n'ont  pas  passé,  année 
commune,  pendant  38  ans,  836  louis,  cinq  chelins  et  cinq 
pence. 

Ce  pourrait  être  considéré  comme  un  acte  de  justice  en 
faveur  des  Seigneurs  dans  l'acte  de  l'extinction  des  droits  et 
des  privilèges  dont  ils  ont  joui. 


CHAPITRE  IV. 


CONCLUSION. 


Le  seul  désir  de  dévoiler  la  vérité,  de  la  proclamer,  pour  la 
faire  reconnaître  et  adopter  pour  le  bonheur  d'une  société  op- 
primée et  soufTranie,  nous  a  mis  la  plume  à  la  main  ;  nous 
protestons  donc  d'avance,  contre  toute  interprétation  malicieuse  ; 
nous  n'avons  pas  voulu  nuire  au  caractère  de  personne,  nous 
sommes,  comme  toujours,  contre  les  principes  vicieux,  et  non 
contre  les  individus  que,  néanmoins,  les  mauvais  principes  fi- 
nissent toujours  par  vicier. 


46 


La  tenure  seigneuriale  est  une  violation  du  droit  naturel  ; 
elle  est  dégradante  et  vexatoire,  elle  décourage  l'agriculture, 
paralyse  l'énergie  de  l'homme  et  le  développement  de  toutes 
les  industries. 

Arrière,  tenure  infâme  !  tu  achèves  ta  carrière  en  ce  pays, 
tu  seras  complètement  chassée  de  l'Amérique  :  au  Canada  plus 
de  Seigneurs,  plus  de  vassaux,  plus  de  vilains  ;  plus  de  cor- 
vées à  faire,  plus  de  lods  et  ventes,  plus  de  droit  dcoretrait, 
plus  de  cens  et  rentes,  plus  de  redevances,  plus  de  réserves  in- 
justes, plus  de  distinctions  avilissantes,  plus  de  droits  de  domi- 
nation et  d'op-pression,  plus  de  droit  de  banc  double  dans  l'é- 
glise, droit  d'y  trouver  la  sépulture  pour  soi  et  sa  famille;  ar- 
rière vestiges  de  la  féodalité  ! 

Il  faut  abroger,  pour  toujours,  cetto  loi  tyrannique,  ces  restes 
hideux  et  dégoûtants  de  la  barbarie.  Il  y  a  assez  longtemps 
que  le  peuple  soutFre  l'injustice  des  lois  seigneuriales,  le  de- 
voir   DES    MANDATAIRES    DU     PEUPLE,    DEVOIR     IMPERIEUX! 

doit  être  de  se  rendre  à  ses  vœux,  en  fiùsant  disparaître  tous 
ces  droits  honteux,  en  détruisant  la  servitude  féodale,  en  fai- 
sant des  sujets  libres  et  en  prôpr.rant  leur  avenir  de  prospérité 
et  de  bonheur.  Le  temps  d'une  réparation  complète  est  enfin 
venu.  L'opinion  publique,  à  laquelle  les  assemblées  délibéra- 
tives  sont  responsables,  s'est  déjà  prononcée,  et  se  prononcera 
encore  d'une  manière  plus  formidable,  nous  n'en  doutons  pas, 
encore  plus  généralement  et  plus  énergiquement  dans  tout  le 
pays,  en  faveur  de  l'abolition  des  droits  féodaux  et  seigneu- 
riaux. 

Qui  osera  donc  s'opposer  à  l'accomplissement  de  ce  grand 
acte  de  justice  !  ! 

Déjà  quelques  alarmistes  ont  sonné  le  tocsin,  et  se  sont 
écriés  :  abolir  les  droits  seigneuriaux  c'est  perdre  la  nationa- 
lité, c'est  attaquer  les  usages,  les  lois  et  la  jurisprudence  du 
pays  ;  c'est  ouvrir  la  porte  aux  capitalistes  qui  achèteront  les 


47 


DE- 


terres  des  habitants  et  en  feront  des  prolétaires.  Le  servage 
(l'un  peuple  ne  peut  être  sa  nationalité  ;  et  il  est  un  fiiit  incon- 
testable, c'est  que  la  plupart  des  Seigneurs  ont  été,  et  sont  en- 
core des  spéculateurs  de  terres  plus  redoutables  ((ue  ceux  que 
l'on  évoque,  comme  des  fantômes,  pour  épouvanter.  Le  cul- 
tivateur, déchargé  des  lourdes  charges  seigneuriales,  trouvant 
son  avantage  à  garder  et  à  cultiver  sa  terre  à  son  profit,  no  don- 
nera pas  de  prise  aux  envahissements  des  riches.  Voit-on  aux 
Etats-Unis  libres,  où  le  sceptre  de  la  féodalité  n'existe  pas, 
les  propriétaires  dans  les  campagnes  devenir  la  proie  des  capi- 
talistes, ilevenir  des  fermiers  par  la  disparition  de  la  répartition 
des  terres  ?  Y  voit-on  le  hideux  spectacle  de  maisons,  de 
fermes  délalrées,  de  serfs  couibés  sous  le  joug  du  riche  et  lo 
servage  le  plus  avilissant  ?  Non  ;  il  est  loin  d'en  être  ainsi. 
Les  cultivateurs  Canadiens,  décliargôs  des  droits  seigneuriaux, 
pourront  prétendre,  en  grande  partie,  à  toute  la  prospérité  et 
le  bonheur,  partages  des  cultivateurs  Américains,  et  que  leurs 
institutions  républicaines  leur  procurent. 

Mais,  à  entendre  les  alarmistes,  l'abolition  des  droits  sei- 
gneuriaux aurait  pour  conséquence  inévitable  de  jeter  le  Ca- 
nada dans  l'état  déplorable,  la  misère  et  les  gémissements  des 
fermiers  de  la  Grande-Bretagne,  et  de  la  trop  mallicurcuse  Ir- 
lande, qu'ils  doivent  particulièrement  à  l'existence  du  droit  do 
primogéniture  ou  d'aînesse,  et  à  toutes  les  affreuses  consé- 
quences dont  il  est  la  cause.  Assertion  fausse,  mensongère  et 
absurde  !  Une  tenure  quelconque  de  propriété  sujette  à  des 
conditions  onéreuses  et  avilissantes,  doit  nécessairement  être 
injurieuse  au  pays  oii  elle  existe,  répugner  aux  sentir^ents  de 
l'homme  libre,  ne  pas  s'accorder  avec  l'esprit  de  lumières  et 
de  civilisation  du  dix-neuvième  siècle,  et  être,  enfin,  une  source 
de  pauvreté,  de  misère,  d'irritation,  de  juste  aversion,  et  même 
d'insurrection  et  de  troubles  publics. 

Il  est  évident  que  l'Acte  pour  la  Commutation  desTenures, 
la  6e  George  IV,  ch.  59,  n'assure  aux  censitaires  aucun  des 


48 


avantages  qu'avaient  en  contemplation  ses  auteurs.  Son  seul 
e(ïet  est  de  transférer  aux  Seigneurs  qui  ont  des  terres  incultes 
et  non  concédées  le  droit  de  propriété  aux  terres  que,  par  les 
conditions  de  leurs  concessions,  ils  étaient  obligés  de  concéder 
à  quiconque  le  désirerait  ;  et  c'est  ce  que  fait  l'Acte,  sans  au- 
cune rondition  avantageuse  aux  censitaires,  et  snns  aucune 
condition  pour  assurer  l'établissement  des  terres  d)nt  la  tenure 
est  commuée.  Cet  Acte  n'accorde  aux  censitaires  aucune  fa- 
cilité quelconque  pour  alléger  les  fardeaux  auxquels  ils  sont 
Soumis,  excepté  pour  l'avantage  des  Seigneurs  ;  il  est  inefficace 
dans  f.es  provisions,  qui  paraîtraient  au  premier  coup  d'oeil,  les 
plus  importantes  et  les  plus  efficaces.  L'Acte  précité  ne  con- 
tient aucune  prévision  pour  permettre  aux  censitaires  de  com- 
muer la  tenure  de  leurs  propriétés  dans  les  seigneuries  de  la 
Couronne. 

La  capitulation  du  pays  et  les  traités  assurent  aux  Canadiens 
la  paisible  jouissance  de  leur  religion,  de  leurs  lois  et  coutumes, 
il  n'appartient  donc,  légalement,  qu'tiu  parlement  colonial 
de  législater,  avec  légalité  et  connaissance  de  cause,  quant  aux 
changements  que  réclament  la  justice  et  l'état  actuel  de  la  ci- 
vilisation. 

Nous  en  appelons  au  patriotisme  de  tous  les  Canadiens  in- 
fluents, et  des  censitaires  en  particulier,  pour  qu'ils  fiassent  des 
assemblées  publiques,  avant  l'ouverture  du  prochain  parlement, 
dans  tous  les  comtés  du  pays,  pour  passer  d'énergiques  résolu- 
tions, demandant  à  la  législature,  d'une  manière. définitive  et 
positive,  non  des  réformes  et  des  modifications  à  la  tenure  sei- 
gneuriale, qui  seraient  des  hors  d'œuvre  pour  changer  radica- 
lement, en  sort  plus  heureux,  la  malheureuse  condition  des  cen- 
sitaires Canadiens,  mais  Vabolition  entière  de  tous  les  droits 
féodaux  et  seigneuriaux. 

Ces  résolutions  adressées  à  la  Chambre  d'Assemblée,  nous 
croyons  fermement,  qu'après  de  telles  manifestations,  l'attitude 


49 


(lu  peuple  devra  infailliblement  lui  obtenir  la  réalisation  de  sa 
juste  demande  ;  car  il  sera  alors  du  devoir  impérieux  du  Minis- 
tère de  faire  réussir  cette  grande  mesure  de  justice  et  de 
réparation  ;  il  sera  alors  du  devoir  impérieux  des  man- 
dataires du  peuple  de  ne  pas  reculer,  à  moins  de  trahison 
devant  cette  œuvre  d'équité,  de  progrés,  de  civilisation  et  de 
liberté  ;  la  majorité  du  parti  Anglais,  détestant  les  vestiges  de 
l'esclavage  féodal,  sa  co-opération  pour  détruire  à  jamais  des 
droits  avilissants  ne  fera  pas  défaut,  et  le  Canada,  à  l'avenir, 
n'aura  plus  à  souflrir  et  à  gémir  des  abus  et  de  tous  les  maux 
que  cause  la  tenure  seigneuriale. 

Tous  ceux  qui  mettront  la  main  à  cette  œuvre  de  destruc- 
tion acquerront  des  titres  glorieux,  et  à  toujours  mémorables, 
à  la  reconnaissance  de  tout  le  pays  ;  titres  qui  seront  inscrits 
dans  les  fastes  historiques  du  Canada,  et  qui  seront  gravés,  en 
caractères  ineffaçables  dans  tous  les  cœurs  reconnaissants. 


DE    l'état     DEPLORABLE     DES     DESCENDANTS     DES     ANCIENS 
NATURELS    DU    CaNADA,  ET  DU    MOYEN  DE  LES  CIVILISER. 

Après  avoir  réclamé  contre  les  droits  oppressifs  qui  tyran- 
nisent les  Canadiens  dans  cette  partie  de  l'Amérique  Britan- 
nique, nous  nous  sentons  entraînés  irrésistiblement,  avant  de 
déposer  la  plume,  à  jeter  un  regard  philantrophique  sur  le  sort 
déplorable  des  descendants  des  anciens  naturels  du  Canada, 
dont  la  condition  malheureuse,  si  digne  de  pitié  et  d'intérêt, 
n'a  pu,  néanmoins,  jusqu'à  présent,  attirer,  d'une  manière  effi- 
cace, la  sollicitude  paternelle  du  gouvernement  colonial. 

Notre  but  n'est  point  d'entrer  dans  de  longues  observations, 
de  représenter  le  génie  et  les  mœurs  des  sauvages  qui  oc- 
cupent plusieurs  territoires  au  Canada  ;  mais  seulement  de  faire 
quelques  remarques  particulières  au  sujet  des  sauvages  Mon- 
tagnais  du  Saguenay,  remarques  qui  pourront  aussi  s'appliquer 

4 


50 


également  à  la  civilisadon  de  tous  cosenfauts  (Je  la  nature  dans 
cette  contrée. 

A  leur  dénuement,  à  leur  pauvreté  et  à  leur  misère,  on  doit 
attribuer  la  diminution  sensible  des  sauvages  du  Saguenay. 
Leur  détresse  est  déjà  connue  du  gouvernement  ;  la  dé[)utation 
qui  a  été  envoyée  le  [)rintemps  de  l'année  dernière,  accompa- 
gnée de  Mr.  de  La  Terrière,  représentant  du  comté  de  Sague- 
nay au  parlement  provincial,  et  de  leurs  interprètes  Messieurs 
Peter  McLeod,  Thomas  Simard  et  McLaren,  les  ont  représen- 
tées, cette  misère  et  ces  souffrances,  sous  des  traits  les  plus  pi- 
toyables, au  gouverneur-général  Lord  Elgin,  sous  les  couleurs 
les  plus  vives  et  les  plus  attendrissantes. 

Il  est  du  devoir  du  Gouvernement,  non  pas  de  leur  accorder 
seulement  quelques  secours  passagers  pour  soulager  leurs 
maux,  mais  de  s'occuper  sérieusement  de  l'œuvre  si  chré- 
tienne, si  humaine  et  si  méritoire  de  leur  civilisation,  en  les 
engageant,  en  les  encourageant  à  se  rendre  à  la  vie  sociale,  à 
travailler,  en  les  aidant,  à  construire  des  villages  et  à  cultiver 
la  terre. 

Les  Montagnais  se  plaignent  d'avoir  été  délaissés  du  gou- 
vernement, de  ce  que  les  établissements  des  Canadiens  au 
Saguenay  nuisent  à  leurs  moyens  de  subsistance,  à  leurs 
pêches  et  à  leurs  chasses.  Leurs  missionnaires  seraient  les 
plus  dévoués  et  les  plus  propres  à  les  mener  à  abandonner 
une  vie  de  misère,  de  fatigues,  de  famine  et  de  dépopulation, 
pour  jouir  des  bienfaits  de  la  civilisation. 

Ce  plan  bien  conduit  ne  pourrait  que  se  réaliser.  Les 
Missionnaires  catholiques  du  Canada  réussiraient  à  effectuer 
ici,  ce  que  les  Missionnaires  catholiques  ont  fait  au  Paraguay, 
dans  l'Orégon,  et  même  au  lac  Saint  Jean,  source  du  Sague- 
nay, avant  les  affreux  ravages  que  le  fléau  destructeur  de  la 
petite  vérole,  cet  implacable  ennemi  des  enfants  de  la  nature, 
a  fait,  à  plusieurs  reprises,  parmi  la  peuplade  que  les  Pères 
Jésuites  étaient  parvenu  à   y  établir  et  fixer  ;  cette   cruelle 


51 


dans 

doit 
!nay. . 
atiori 
mipa- 


i<,^ue- 


inaladiu   détruisit    la   colonisation   ilus    |)rcmiL'rs   Jcsuitos  au 
Canada. 

Do  nouv(;aux  Missionnaires  pourraient  entreprendre  égale- 
ment avec  succès  cette  belle  et  bonne  œuvre,  si  le  jïouvorne- 
ment  fournissait  des  moyens  pécuniaires  et  des  encouragements. 

Le  système  de  colonisation  et  de  civilisation  des  Sauvages 
par  le  Calholicisine,  s'est  appli(|ué  heureusement  dans  toute 
retendue  du  Continent  de  l'xVmérique,  au  Canada,  au  Para- 
guay et  autres  parties  de  l'Amérique  du  Sud,  à  la  Californie, 
à  l'Orégon,  et  on  l'a  vu  recevoir  les  plus  vastes  développe- 
ments ;  dans  le  Paraguay  surtout  ses  elï'ets  ont  été  admirables. 

Il  n'y  a  pas  de  très-grandes  difiîcultés  à  surmonter  pour  la 
civilisation  des  Montiignais.  Ils  sont  catliolicpies,  et  s'ils  con- 
servent encore  (juehpie  chose  de  leur  (  caclère  primitif,  ils 
n'ont  pas  les  mœurs  cruelles,  ordinaires  aux  Sauvages,  et  ils 
sont  plus  disposés  à  entrer  dans  la  vie  de  la  civilisation, 
comme  le  prouve  la  demande  qu'ils  ont  faite  à,  l'exécutif  d'a- 
voir (les  terres  pour  s'y  établir  et  cultiver  la  terre  en  peuplades. 


Qu'on  leur  fournisse  donc,  à  ces  pauvres  Sauvages,  de 
l'aide  et  des  missionnaires,  et  on  verra  tomber  les  arbres  des 
forêts,  des  maisons  se  bâtir,  des  chemins  s'ouvrir,  une  église 
s'élever,  une  école  établie  et  fréquentée,  des  champs  s'ense- 
mencer, et  des  enfants  de  la  nature  sortir  de  leur  misère  et  de 
leurs  souffrances,  pour  jouir  d'une  condition  heureuse  avec 
des  établissements  fixes. 

Les  Sauvages  les  plus  rapprochés  des  rives  du  Saint 
Laurent  et  de  la  rivière  Saguenay  sont  éclairés  des  lumières 
de  la  foi  ;  mais,  à  cent  lieues  au-delà,  il  s'en  trouve  qui  n'ont 
pas  encore  été  évangélisés  ;  ils  sont  d'un  caractère  doux,  et 
accueillent  volontiers  les  ouvriers  apostoliques,  par  les  rap- 
ports qu'ils  ont  avec  les  autres  Sauvages  catholiques  et  les 
employés  canadiens  de  la  compagnie  de  la  Baie  d'Hudson. 


Ô2 


Les  moyens  de  subsistance  pour  ces  peuplades  sont  la 
pêche  et  la  chasse,  c'est  là  leurs  ressources  et  leur  unique 
in/'-istrie.  Malheur  à  eux  quand  le  gibier  et  le  poisson 
viennent  à  manquer  !  Ils  sont  exposés  à  périr  misérablement 
au  milieu  des  tourments  de  la  faim. 

Les  Missionnaires  se  feraient  un  devoir,  cher  à  leur  cœur, 
de  déployer  toute  l'influence  dont  ils  jouissent  déjà  sur  une 
partie  de  ces  sauvages  pour  les  appeler  à  l'état  social,  et  à 
concourir,  par  leur  travail,  aux  progrès  de  la  prospérité  du 
Canada. 


W,*\y-v  "v,/v 


,.--\.,-v  .-^y^  ^s,'Vs,.-s.-v.'v.-v  --,-v.'V^-*v.'---Vv'\,"»-'N,-\y^,^  -'v^'^ 


TABLE    DES   MATIÈRES. 


Introduction. 

Chapitre  I.  De  l'établissement  des  droits  féodaux  et  seigneuriaux  au 
Canada. 

Chapitre  TI.  De  l'état  actuel  de  la  tenure  féodale  et  seigneuriale  au 
Canada. 

Chapitre  III.  Quel  est  le  meilleur  mode  à  employer  pour  accorder 
une  juste  indemnité  aux  Seigneurs. 

Chapitre  IV.  Conclusion. 

Le  l'état  déplorable  des  descendants  des  anciens  naturels 
du  Canada,  et  du  moyen  de  les  civiliser.