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Full text of "Ornithologie du Canada [microforme] : quelques groupes d'après la nomenclature du Smithsonian Institution, de Washington"

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IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-S) 


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23  WEST  MAIN  Srf.eET 

WEBSTER,  N.Y.  14580 

(716)  872-4503 


■«^^ 


CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


Technicai  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best 
original  copy  available  for  filming.  Features  of  this 
copy  which  may  be  bibliographically  unique, 
which  may  alter  any  of  the  images  in  the 
reproduction,  or  which  may  significantly  change 
the  usual  method  of  filming,  are  checked  below. 


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Coloured  covers/ 
Couverture  de  couleur 


I      I    Covers  damaged/ 


Couverture  endommagée 


Covers  restored  and/or  laminated/ 
Couverture  restaurée  et/ou  pelliculée 


I      I    Cover  title  missing/ 


Le  titre  de  couverture  manque 


I      I    Coloured  maps/ 


Cartes  géographiques  en  couleur 


Coloured  ink  (i.e.  other  than  blue  or  black)/ 
Encre  de  couleur  (i.e.  autre  que  bleue  ou  noire) 


I      I    Coloured  plates  and/or  illustrations/ 


Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 

Bound  with  other  matériel/ 
Relié  avec  d'autres  documents 

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along  interior  margin/ 

La  reliure  serrée  peut  causer  de  l'ombre  ou  de  la 
distortion  le  long  de  la  marge  intérieure 

Blank  leaves  added  during  restoration  may 
appear  within  the  text.  Whenever  possible,  thèse 
hâve  been  omitted  from  filming/ 
Il  se  peut  que  cenaines  pages  blanches  ajoutées 
lors  d'une  restauretion  apparaissent  dans  le  texte, 
mais,  lorsque  cela  était  possible,  ces  pages  n'ont 
pas  été  filmées. 


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L'Institut  a  microfilmé  le  meilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
point  de  vue  bibliographique,  qui  peuvent  modifier 
une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  exiger  une 
modification  dans  la  méthode  normale  de  filmage 
sont  indiqués  ci-dessous. 


□    Coloured  pages/ 
Pages  de  couleur 

□    Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

n    Pages  restored  and/or  laminated/ 
Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 


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Pages  discoloured,  stained  or  foxed/ 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 


□Pages  detaehed/ 
Pages  détachées 


Showthrough/ 
Transparence 


□    Quality  of  print  varies/ 
Qualité  inégale  de  l'impression 

I      I    includes  supplementary  matériel/ 


Comprend  du  matériel  supplémentaire 


Only  édition  available/ 
Seule  édition  disponible 


Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
c  y.  .,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  image  possible. 


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Additional  comments:/ 
Commentaires  supplémentaires.- 


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Ce  document  est  filmé  au  taux  de  réduction  indiqué  ci-dessous 

10X                            14X                             18X                            22X 

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Archives  of  Canada 

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of  the  original  copy  and  in  keeping  with  the 
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beginning  with  the  front  cover  and  ending  on 
the  last  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, or  the  back  cover  when  appropriate.  AH 
other  original  copies  are  filmed  beginning  on  the 
first  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, and  ending  on  the  last  page  with  a  printed 
or  illustrated  impression. 


The  last  recorded  frame  on  each  microfiche 
shall  contain  the  symbol  — ^>  (meaning  "CON- 
TINUED"),  or  the  symbol  V  (meaning  "END"), 
whichever  applies. 

Maps,  plates,  charts,  etc.,  may  be  filmed  at 
différent  réduction  ratios.  Those  too  large  to  be 
entirely  included  in  one  exposure  are  filmed 
beginning  in  the  upper  left  hand  corner,  left  to 
right  and  top  to  bottom,  as  many  frames  as 
required.  The  following  diagrams  illustrate  the 
method: 


L'exemplaire  filmé  fut  reproduit  grâce  à  la 
générosité  de: 

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publiques  du  Canada 

Les  images  suivantes  ont  été  reproduites  avec  le 
plus  grand  soin,  compte  tenu  de  la  condition  et 
de  la  netteté  de  l'exemplaire  filmé,  et  en 
conformité  avec  les  conditions  du  contrat  de 
filmage. 

Les  exemplaires  originaux  dont  la  couverture  en 
papier  est  imprimée  sont  filmés  en  commençant 
par  le  premier  plat  et  en  terminant  soit  par  la 
dernière  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration,  soit  par  le  second 
plat,  selon  le  cas.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration  et  en  terminant  par 
la  dernière  page  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 

Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  symbole  — ►  signifie  "A  SUIVRE  ",  le 
symbole  Y  signifie  "FIN  ". 

Les  cartes,  planches,  tableaux,  etc.,  peuvent  être 
filmés  à  des  taux  de  réduction  différents. 
Lorsque  le  document  est  trop  grand  pour  être 
reproduit  en  un  seul  cliché,  il  est  filmé  à  partir 
de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  à  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


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CANADA. 


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QUELQUES  GROUPES 


D'APRÈS  LA  NOMENCLATURE  DU 


SMITHSONIAN  INSTITUTION, 


DE   WASHINGTON. 


Pax"  J.  M.  LcMoilne,  Avocat. 


lÈiiE  PARTIE. 


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QUÉBEC: 

IMPRIMÉ  PAR  E.  R.  FRÉCEETTE, 

21,    RUE   LA   MONTAGNE. 


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%îr  ^ûmnt  ^Es^ihal  ^wthé. 


Encouragé  par  des  voix  amies,  l'auteur  s'était 
hasardé  à  esquisser  rapidement,  dans  les  colonnes 
du  Canadien,  quelques  groupes  de  rhistoiro  na- 
turelle du  Canada.  Séduit  sans  doute  par  la  nou- 
veauté de  la  chose  et  plus  encore  par  l'éclat  des 
tableaux  d*Audubon,  de  Buffon  et  autres,  le  public 
a  bien  voulu  accueillir  ce  travail  avec  bienveil- 
lance, et  la  Presse  Ta  mentionné  en  termes  flatteurs. 
L'on  exprima  même  le  désir  de  voir  le  tout  réuni 
sous  la  forme  de  brochure,  et  Pauteur,  tout  on 
reconnaissant  la  responsabilité  nouvelle  qui  allait 
peser  sur  lui,  n'a  pas  cru  devoir  se  soustraire  au 
vœu  de  ses  lecteurs.  Telle  est  l'origine  de  la  pre- 
mière partie  de  cet  ouvrage  (*),  dont  la  seconde 
paraîtra  plus  tard.  i 

Le  titre  indique  suflîsamment  que  ce  n'est  pas  un 
traité  suivi  et  complet  d'ornithologie;  mais  un  sim- 
ple narré  populaire,  où  quelques  fleurs  littéraires 

(*)  Les  Oiseaux  de  Proie  et  les  Palmipèdes. 


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ont  été  à  ilcssuin  «oiniios  sous  les  pas  du  lecteur,  afin 
(\e  lui  i(!ii(lre  cette  nouvelle  voie,  selon  l'expres- 
sion de  Montaigne  *•  une  route  gazonnée  et  doux 
fleurante."  L'idée  qui  guidait  la  plume  de  Wil- 
son  et  d'Audubon,  celle  d'écrire  l'histoire  natu- 
relle d'un  pays  au  point  de  vue  national,  cette 
même  idée  a  constamment  insj)iré  l'auteur,  ja- 
loux avant  tout  de  la  gloire  de  sa  patrie. 

Lorsqu'une  nation  éminemment  utilitaire  et  pra- 
tique comme  l'est  la  ré])iiblique  voisine  (*)  vote, 
par  la  voie  de  son  Congrès,  un  million  de  dollars 
pour  la  publication,  aux  dépens  de  l'état,  d'un  ou- 
vrage qui  a  trait  en  grande  partie  à  l'histoire  na- 
tuielle  du  pays,  il  est  permis  de  chercher  en  cette 
science,  une  étude  où  l'utile  l'emporte  mùme  sur 
l'agréable  :  il  est  également  loisible  de  croire  que 
si  un  peu])le  de  calculateurs  comme  le  peuple  amé- 
ricain, consent  à  placer  ainsi  ses  espèces  pour  l'a- 
vancement de  la  science,  la  connaissance  et  le  dé- 
veloppement des  ressourcées  de  son  territoire,  c'est 
qu'après  mûre  réflexion,  ce  peuple  intelligent  en 
était  venu  à  conclure  que  ce  placement,  tout  vaste 
qu'il  était,  fructifierait  au  centuple. 

Fort  de  cette  double  considération,  l'auteur  n'a 
pas  craint  de  préconiser  hautement  une  étude  qui 
est  en  faveur  dans  tontes  les  grandes  villes  du  nou- 
veau monde  et  qui  est  de  bon  goût  parmi  les  élus  de 
la  fortune  et  de  l'intelligence. 

Cet  essai  national  par  sa  portée  et  son  inspira- 
tion, sous  quels  auspices  plus  favorables  pourrait-il 


(*)  Le  |H'«tf<'SseiH'  Bnird,  dr*  Wrisliington,  nous  écrivîiir 
rfccannout  (jiie  le  Congiès  avait  voté  $1,000,000  pour  lîi 
pulilication  rriin  rapport  sur  los  produc-tions  natnivllfs,  lo 
rlimal  vt  l'histoiie  ruiturpllp  do  rAménf|np  uu  Sud. 


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pnraitre,  que  sous  les  vôUes,  sir  Etionnu  Pasclial 
Taché,  vous,  un  des  aînés  du  peuple  Canadien  ; 
vous,  qui  naguère  présidiez  aux  destinées  de  cette 
grande  Province;  vous,  enfin  dont  les  succès,  et  les 
services  rendus  au  pays,  et  sur  le  champ  d'honneur 
et  à  la  tribune,  ont  mérité  de  la  Souveraine  de  ces 
contrées,  une  solennelle  el  royale  consécration. 

A^ous  me  permettrez  d'ajouter  que,  pour  l'au- 
teur, c'est  plus  qu'un  hommage  au  mérite  ;  c'est 
aussi  un  devoir  qu'il  remplit,  mais  un  devoir  d'a- 
mitié ;  car  votre  nom,  sir  Etienne,  s'associe  chez 
lui  aux  souvenirs  les  plus  doux,  aux  souvenirs  vi- 
vaces  des  jeunes  années,  de  ce  tem|)S  fortuné  dont 
la  plage  s'éloigne  chaque  jour  pour  nous  tous  ;  ces 
souvenirs,  ne  sont-ce  pas  pour  nous  "  les  brises  du 
soir,"  ce  vent  parfumé  de  la  patrie  ? 

Agréez  donc  la  dédicace  de  ce  j)etit  travail  et 
acceptez  en  bonne  part  ce  faible  tiil>ut  de 


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L  AUTEUR. 


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SpenrtM'  rïrHnpo.  lor  ;ivi-il   I8()0 


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INDEX  DES  CllAITfRiiS. 


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PAOF.S. 

Ej>itte  dc'dicatoire i 

Index  des  chapitres iv 

Discours  préliminaire 3 

Notions  préliminaires 9 

Les  Aigles  du  Canada 13 

Les  Hibous  du       **      Ire  partie 19 

"  "      2de     **     24 

Faucons,  Éperviers,  Émerillons 30 

1/art  de  la  Fauconnerie 46 

Les  Cygnes  d  u  Canada 52 

Outardes,  Oies,  Canards,  Sarcelles . .   61 

Un  chapitre  du  sieur  Boucher  sur  l'Histoire 

Naturelle  du  Canada 71 

Un  chapitre  du  Père  de  Charlevoix  sur  THis- 

toire  Naturelle  du  Canada 73 

Biographie  d' Audubon 78 

Extrait  du  catalogue  raisonné  du  Smith sonian 

Institution 85 

Conclusion 92 

Table  des  matières 93 


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OllNIÏHOT.OCHE 


DU 


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Si  lu  spectacle  do  l'incj)uisal)lo  vaiiuté  do  la  na- 
turo  dans  le  rùgiio  animal  ;  fci  l'agi éablo  mùlo  à 
l'utile  dans  ses  combinaisons  les  plus  enchante- 
russes  ;  si  la  conlem[)lation  do  ce  qui  à  la  foia 
lîatte  la  vue,  charme  l'ouie,  captive  les  sens,  a 
été  l'objet  des  études  constantes  do  j)lusieurs  des 
grands  écrivains  de  l'ancien  monde  :  le  nouveau  a 
également  vu  s'élever  au  sein  do  ses  vastes  forets, 
près  do  ses  cataractes  retentissantes,  des  voix  élo- 
quentes qui  ont  célébré  d'une  maniéi'o  non  moins 
digne  les  merveilles  des  bois  et  des  champs.  Au 
front  de  la  vieille  Europe  se  grou])ent  comme  une 
auréole  les  noms  des  Lacépéde,  des  Buttbn,  des 
Linnée,  des  Cuvier  ;  phares  resplendissants  de  la 
pensée,  destinés  à  guider  dans  les  sciences  natu- 
relles les  pas  des  générations  à  venir.  L'Amérique 
a  aussi,  dans  cette  mémo  carrière,  ses  privilégiés 
de  l'intelligence,  ses  Wilson,  ses  Bonaparte  (*), 
ses   Vgassiz,  ses  Audubon. 

Avant  d'entrer  en  matière,  signalons  une  cir- 
constance propre  à  augmenter  pour  nous,  anière- 

(*)  FiK  (le  Lucirn  Bouaparto  et  riinco  do  Musignano. 

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neveux  (Je  la  France,  nos  sympathies  pour  l\;tU(lo 
de  l'histoire  naturelle;  c'est  que,  bien  que  bi  fa- 
mille anglo-saxonne  rrpantlue  sur  les  deux  rives 
de  l'Atlanticjue  ait  doinié  naissance  aux  Pennant, 
aux  White,  aux  Wilson,  aux  lîaiid  et  aux  lîrewer, 
hommes  fort  distingu(;s  d'ailleuis,  néanmoins, 
dans  cette  matière,  les  intelligences  mères,  tels 
que  Cuvier,  Jîuffun,  Agassiz,  et  mémo  Audubon, 
appartiennent  à  cette  antique  race  gauloise.  Nom- 
mer ces  flambeaux  de  l'esprit  humain,  c'est,  ce 
semble,  assez  démontrer  l'importance  et  la  poitée 
do  l'histoire  naturelle  comme  «îtude.  Cette  science 
est  d'ailleurs  si  vaste,  que  chaque  branche  mérite- 
rait d'ùtre  traitée  séparément. 

Pour  le  quart  d'heure,  nous  nous  en  tiendrons 
au  département  qui  a  le  plus  d'attrait  pour  la  gé- 
néralité des  lecteurs,  l'ornithologie  ;  ce  départe- 
ment, nous  le  restreindrons  encore  à  l'ornithologie 
de  l'Amérique,  champ  entièrement  vierge  avant 
les  travaux  vastes  et  raisonnes  de  Wilson,  du 
Prince  de  Musignano  et  d'Audubon  ;  trop  heureux 
s''il  nous  était  donné  d'y  glaner  quelques  rares 
épis  à  la  suite  de  ces  illustres  moissonneurs. 

**  L'ornithologie  des  Etats-Unis,  a  dit  avec  rai- 
*'  son  Wilson,  dévoile  à  nos  regards  les  couleurs 
les  plus  séduisantes  dans  la  chaîne  des  ôtres, 
'  depuis  l'oiseau-mouche  aux  ailes  de  trois  pouces 
'*  de  long,  où  For,  l'azur  et  la  pourpre  se  dispu- 
"  tant  l'empire,  jusqu'au  condor  au  sombre  plu- 
'*  mage,  avec  son  envergure  de  seize  pieds,  qui 
**  séjourne  dans  nos  régions  boréales  ;  elle  nous 
"  fait  connaître  des  milliers  de  chantres  ailés  qui, 
pour  la  variété,  la  mélodie  et  la  douceur  du  ra- 
mage, n'ont  de  rivaux  dans  aucune  autre  partie 


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—  5 


du  globe  ;  lîllo  nous  dévuilo  leur  émigratiou  in- 
'  ccssjuite,  do  la  zotio  tonide  à  la  zon(3  tcmpénîe, 
'  du  noid  au  sud,  à  la  rechercho  do  climats,  d'ali- 

*  ments  et  do  saisons  convciiablos  ;  ello  nous 
'  montro  uno  si  étonnante  diversité  d'allures,  do 

*  formes,  do  facultés  si  unifbrm<''ment  hénklitaires 
'  dans  chaque  espèce  et  si  bien  adapttîes  à  ses  be- 

*  soins,  que  nous  sommes  saisis  d'étonnement  et 
'  d'admiration  à  la  vue  de  la  puissance,  do  la  sa- 

*  gesse  et  do  la  bienfaisance  du  Créateur.  Une 
'  étude  si  propre  à  redoubler  nos  jouissances  à  si 

*  peu  de  frais  et  à  nous  conduire,  })ar  un  sentier 
'  émaillé  de  fleurs,  à  la  contemplation  et  à  l'ado- 
'  ration  du  grand  principe,  du  Pure  et  du  Conser- 

*  vateur  do  tous  les  êtres,  ne  peut  donc  être  ni 

*  oiî^euse,  ni  inutile  :  au  contraire  elle  est  digne  de 

*  l'homme  et  agréable  à  la  Divinité." 

Ces  nobles  paroles  font  autant  d'honneur  à  sa 
tête  qu'à  son  cœur.  Voilà  la  science  sur  laquelle 
nous  désirerions  voir  se  porter  l'attention  de  tant 
de  sains  et  vigoureux  esjjrits  qui,  chaque  jour,  ac- 
quièrent un  nouveau  développement  :  c'est  dans 
ce  but  que  nous  examinerons  ce  qui  se  passe  sur 
les  autres  points  de  notre  continent. 

Parmi  les  villes  de  l'Union  où  l'histoire  natu- 
relle a  pris  un  essor  rapide,  citons  surtout  Boston, 
l'Athènes  de  TAmérique,  Philadelphie,  la  Corin- 
the  du  Nouveau  Monde,  et  la  capitale  fédérale, 
"Washington,  avec  ses  musées,  son  capitole  et  son 
Smithsoïiian  Institution,  fondé  en  1846  par  la  libé- 
ralité d'un  particuUer.  Cette  fondation  a  singu- 
lièrement prospéré  ;  le  talent  et  le  capital  qu'on  y 
emploie  chaque  année  à  reculer  les  bornes  de  l'es- 
prit humain,  dans  les  sciences  naturelles,  place- 

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ront  cette  association  sous  peu,  si  elle  n'y  est  déjà, 
au  premier  rang  des  sociétés  scientifiques  de  TA- 
mérique.  L'ornithologie  paraît  y  être  une  des  étu- 
des de  prédilection.  Le  Smlthsonian  Institution 
envoie  chaque  été  d'infatigables  missionnaires  aux 
cimes  des  montagnes  rocheuses,  aux  prairies  de 
l'Ouest,  aux  savanes  du  Sud,  au  Canada  et  jus- 
qu'aux régions  glaciales  du  pôle,  à  la  recherchv^ 
d'oiseaux  inconnus  ;  ces  nobles  enthousiastes  de  la 
science  (inspirés  par  l'aideur  qui  poussa  l'infatiga- 
ble Pierre  Chasseur  (*)  à  passer  deux  étés  dans  les 
montagnes  du  Canada,  pour  y  attraper  le  grand  pa- 
pillon de  nuit),  le  fusil  à  la  main,  traversent  fleuves 
et  rivières,  tantôt  sur  un  frôle  canot,  tantôt  à  la 
nage,  comme  Wilson  et  Audubon  l'ont  souvent 
fait,  et  reviennent  chargés  de  dépouilles  opiraes. 

Pas  une  expédition  militaire  n'est  organisée,  pas 
une  exploiation  scientifique  n'est  mise  sur  pied 
par  le  gouvernement  fédéral,  sans  des  ordres  for- 
mels de  conserver  et  de  faire  transporter  au  Smith- 
sonian  Institution^  aux  frais  de  l'Etat,  oiseaux,  ani- 
maux, minéraux  et  autres  objets,  pour  y  être  exa- 
minés et  classifiés  par  les  savants  professeurs 
Henry,  Baird  et  autres.  Les  procédés  de  ce  corps 
se  publient  annuellement  aux  dépens  du  gouver- 
nement. 

Malgré  les  découvertes  do  Wilson,  de  Bona- 
parte, son  continuateur,  et  du  regretté  Audubon, 
dont  la  noble  figure  est  encore  fraîche  dans  le  sou- 
venir de  bon  nombre  d'entre  nous,  pendant  son 
st^our  à  Québec,  malgré,  disons-nous,  les  travaux 
extraordinaires  de  cet  homme  de  génie  qui  sem. 


(*)  Mort  en  1842. 


/  f^^  ■) 


oiait  avoir  dit  !«  i 
suit:  ^"'^  ^^"d"bon,  comme 

"■~  "':*-'^:'"  «■•'■:*■„- •'"~.»™.,» 

„        """apaite  en  1838..  471 
,.         ^"'.'"''"'' """  180.1....  50G 

'«"-  que  Londres  ft  ETnbZ   "  "7'^'^""- 
"ets  complets  de  l'ornitho  itS^r'  '"  '=^'''- 
'a  métropole  des  CauaanJlff,'''T': ^'  <!- 
commencements  d'un  musée  'r-'^     '"^'"^  '"» 
Non-seulement   nous  „  a.on  ''°"'"'"""-^"«  ? 

bûtes  des  forêts    délits  „.    ^  °'  P'^-^^''  =«« 
l'on,  mais  l'omit  JoV^^^f;-'-'^  «  Audu- 
est  e„,,,,„,^„^   inconnu    r      2"  T"°"^ 
facile  de  se  piocu.»i-  .     r,        .         '''"'  ^st  si 
Pl-  rares  et  LZjlT'''  '''  "'^^^  '- 

maiestuenxdeC  ;«  :rrr"^  P-   "'o-au 
Cl"y.aetos),  le  Duc  rvllS^Tf'^"  ^^^'- 
"-).  ie  superbe  hibou  b,!:f  dT^tt  '^"'•^'"'^- 
"   bon   droit  le  roi   des   hil.        /xr   '  "'""nomme 
N'avons-nous  pas  encore  letlrÎT:  "'^^^^• 
magnifique  canar.l  branche  t  ^''''^■'"«'  '« 

-.-.  le  fier  dindon  satal"',!';?"  "^'"=  P'"" 
Pavo)  et  mille  autres.  Qui  f  p,  f  t?™  ««""- 
taxidermistes  fixés  parmi  nous  aue  1  '  '''"  '"' 
sous  la  direction  d'un.  .         ^     ^  commencer, 

-"eetion   de  l'hltoh :  ratr:!;;  J""'"'"^'  "- 
toutes  ses  branches.  "^'""^«"o  du  pays  dans 

Nous  ne  saurions  conclure  san«  fA      ■ 
«connaissance   au   Parllm    ?  A     """^"^'""«'■o 

i-a.lement   Canadien   d'avoir 


ï 


-8  — 


ajouté  à  la  bibliothèque  législative  le  superbe  ou- 
vrage illustré  d'Audubon,  "  Les  oiseaux  de  l'A- 
mérique, "  au  prix  de  $4000  pour  deux  exem- 
plaires, et  aussi  à  l'honorable  G.  W.  AUan,  de 
Moss  Park  (Toronto),  pour  avoir  doté  sa  ville 
natale  d'une  excellente  collection  comprenant  au- 
delà  de  600  espèces  ;  ceci  démontre  que  l'étude 
qui  fit  les  délices  de  Linnée,  BufFon,  Cuvier,  Au- 
dubon  et  de  mille  autres,  possède  au  Canada 
comme  ailleurs  quelques  sectateurs  zélés. 

En  terminant,  s'il  nous  est  permis  de  formuler 
un  vœu,  osons  espérer  qu'avant  peu  les  amis  de 
la  science  en  cette  ville  sauront  élever  un  sanc- 
tuaire où  le  Canada  ira  présenter  ses  hommages 
à  cette  partie  de  la  création  qui  manifeste  d'une 
manière  si  sensible  les  merveilles  du  Tout-Puis- 
sant, et  qu'à  l'instar  de  la  capitale  de  l'Union- 
Américaine,  la  métropole  de  l'Amérique  Britan- 
nique aura  elle  aussi  son  musée  d'histoire  natu- 
relle. 


9 


NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 

La  voie  la  plus  courte,  il  nous  semble,  pour 
inspirer  de  l'intérêt  pour  l'étude  de  l'ornithologie, 
comme  science  à  la  fois  agréable  et  utile,  c'est  de 
consacrer  quelques  moments  de  loisir  à  décrire, 
d'après  les  meilleurs  auteurs,  la  vie  intime  et  les 
mœurs  des  groupes  les  plus  intéressants  que 
nous  possédons  au  Canada.  Nous  commence- 
rons par  **  Les  Aigles  du  Canada,  "  et,  gi  ace  aux 
sources  où  nous  puiserons,  nous  promettons  d'a- 
vance au  lecteur  un  chapitre  intéressant.  Avant 
néanmoins  d'entrer  en  matière,  nous  avons  à  faire 
connaître  quelques  termes  techniques,  (juelques 
définitions  et  quelques  notions  préliminaires,  qui, 
bien  qu'utiles  et  mômes  indispensables,  n'en  se- 
ront pas  moins  sèches  à  lire.  On  entend  par  au- 
riculaires, les  plumes  molles  qui  recouvrent  les 
oreilles  de  l'oiseau  ;  par  Pennes,  les  grandes  plu- 
mes des  ailes  et  de  la  queue;  par  Re??iiges  ou  rames, 
les  grandes  plumes  des  ailes  ;  par  rémiges  j^rimai- 
res  ou.  primaires  les  dix  plumes  qui  partent  du  car- 
pe de  l'aile  :  il  y  a  aussi  les  re^niges  bâtardes  qui 
forment  dans  le  pli  de  l'aile  une  sorte  d'appendice 
supplémentaire  :  en  arrière  des  rémiges  primai- 
res sont  les  rémiges  secondaires  ;  les  plumes  atta- 
chées à  l'huraerus  sont  moins  fortes  et  portent  le 
nom  de  pennes  scapul aires  ;  le  spéculum  est  cette 
petite  tache  que  certains  oiseaux  ont  sur  l'aile, 
d'une  couleur  plus  éclatante  que  le  reste  de  l'aile. 

Longueur  totale  se  dit  de  l'espace  qu'il  y  a  du 
bout  du  bec  à  l'extrémité  des  plumes  ou  pennes 
de  la  queue. 

Envergure  est  l'espace  entre  le  bout  d'une  aile  et 
l'extrémité  de  l'autre  aile;  ces  deux  choses  s'expri- 
ment ainsi  dans  les  auteurs — viz  :  18  X  28 — ce 
qui  indique  que  l'oiseau  a  18  pouces  de  long,  de- 
puis le  bout  du  bec  à  l'extrémité  de  la  queue,  et 
28  pouces  de  l'extrémité  d'une  aile  à  l'extrémité 
de  l'autre. 


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—  10  — 

Toutes  ctM  particularittîs  seront  sensibles  au  pre- 
mier coup  J'œil  pour  celui  qui  ne  pouvant  se  procu- 
rer les  œuvres  dispendieuses  d'Audubon  se  conten- 
tera d'examiner  et  d'identifier  un  oiseau  vivant  ou 
mort  avec  le  petit  tableau  synoptique  d'Audubon 
— les  personnes  au  loin,  qui  voudront,  par  lettre 
ou  autrement,  identifier  ou  faire  identifier  une  es- 
pèce, trouveront  aussi  la  connaissance  de  ces  ter- 
mes techniques  d'un  grand  secours.  Chez  les  oi- 
seaux de  proie,  la  femelle  est  toujours  beaucouj) 
plus  grande  que  le  maie  ;  chez  ces  derniers,  ainsi 
que  chez  les  hirondelles,  les  pri?nai?'es  sont  tou- 
jours fort  longues.  Venons  en  maintenant  aux 
divers  systèmes  ou  classifications  des  oiseaux. 
Notre  cadre  est  par  trop  étroit,  pour  entrer  dans 
des  détails  ;  nous  nous  contenterons  d'indiquer  les 
principales  divisions. 

Malgré  les  découvertes  modernes,  Linnée,  dont 
le  système  a  été  perfectionné  par  Cuvier,  est 
comme  la  base  de  l'édifice  de  la  classification  et 
continuera  de  l'être.  Son  sijtema  naturœ  est  écrit 
avec  une  concision  et  une  exactitude  telles,  que, 
malgré  les  progrès  de  la  science,  il  sert  encore 
d'épitomé  aux  naturalistes  de  toutes  les  nations. 
Linnée  divise  les  oiseaux  en  six  ordies:  Willough- 
by  et  Ray,  les  avaient  divisés  en  deux  classes, 
les  oiseaux  de  terre  et  les  oiseaux  de  mer  :  Bhi- 
menback,  en  fait  neuf  ordres  :  Cuvier,  six  :  le 
célèbre  Vieillot,  cinq:  M.  Vigors,  en  reconnaît 
cinq  :  Temminck,  dans  son  manuel  d'ornithologie, 
publié  en  1815  établit  seize  ordres  :  Agassiz, 
dont  l'ouvrage  vient  de  paraître,  les  limite  à 
quatre.  Le  système  de  Cuvier  paraît  clair:  il  se  com- 
pose ;  lo.des  Oiseaux  de  proie;  2o.  des  Grimpeurs, 
tels  que  Pies,  Pics-bois,  etc.  ;  3o.  des  Palmipèdes, 
tels  que  les  cygnes,  oies,  etc.;  4o  des  Passereaux;  5o 
desCrallinacées;  6o  des  Echassiers,tels  que  Hérons, 
Gibiers  de  grève,  etc.  Cette  classification,  avec 
quelques  modifications,  a  été  adoptée  par  les  sa- 
vants professeurs  du  Sniithsonicm  InstitiUion^  dans 
leur  catalogue  raisonné    de   l'oinithologie  de  l'A- 


i 


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11 


,  pre- 
rocu- 
nten- 
nt  ou 
ubon 
lettre 
10  es- 
s  tar- 
es oi- 
icoup 

ainsi 
;  tou- 
t  aux 
ieaux. 

dans 
er  les 

,  dont 
r,    est 


mciique,  public  en  1858  bous  les  auspices  du  j)ro- 
fesscur  Haird.     Comme  il  est   peu  probable  que 
le  Canada  puisse  d'ici  à  longtemps  surpasser  les  tra- 
vaux do  l'Institution  de  Washington,   ne  serait-il 
])as    mieux  de    donner  à  sa   nomenclature  et  a  sa 
clnssification  la  préfcronce    sur  les  systèmes  euro- 
péens,   comme   mieux   adoptées   au  Cannda  ?  Ce 
que  les  naturalistes  des   Etiits-Unis   s'efforcent  le 
plus  d'établir  en  ce  moment  d'une  manière  exacte, 
c'est  le  })arcours  géographique    (geogra{)hical  ran- 
ge) do  cliaquç  espèce,   sur  le  continent  américain. 
On  prend,  j)ar  exemple,    comme   ligne  do  démar- 
cation, une   latitude  donnée  ;  on  classifie,  comme 
appartenant   au   nord  de   l'Amérique    tous  les  oi- 
seaux que  l'on  trouve  entre  cette  lign(f  de  démar- 
cation et  le  pôle,   et  si  les  temf>ètes   ou  d'autres 
causes  jettent  en  deçà  de  celLe   ligne  quelques  ra- 
res individus  que  l'on  sait  appai  tenir  aux  latitudes 
tropicales,  ils  sont  désignés,  dtnis  le  catologue,  sous 
la  dénomination   "  d'accidentels."  D'api  es  des  let- 
tres reçues  récemment    des    ])rofesseurs  l^aird  de 
Washington,  et  lîrewer  de  Boston,  il  paraîtrait  qu'il 
existe  encore  plusieurs  lacunes  à  remplir,  relative- 
ment aux  moeurs  et  aux  habitudes  des  oiseaux  de 
nos  régions  boréales.  Richardson,  Svvainson,  Lewis 
CInrke,  l^ennant,  Edwards,  Audubon  et  Cassin,  de 
rhiladeljdiie,  sont  ceux  qui  ont  le  mieux  fait  con- 
naître le  règne  animal  des    climats  arctiques.  Les 
suggestions   fournies  par  le    Smithwvian    InstîtU' 
(Ion   à    ses   correspondants,  ont  beaucoup  d'à  pro- 
])0S  paimi  nos  compatriotes  qui  aiment  les  sciences 
natur(;lles,  savoir  :  de  noter  et  de   faire  connaître 
în  présence,  les  allures,  les  migrations,  le  [dumage 
des  oiseaux  de  chaque  localité  du  Canada  aux  dif- 
férentes saisons  de  l'année  :  de  cette  manière,    le 
Canada  aura  bientôt,  sur  ce  qui  le  regarde,  des  no- 
tions aussi  exactes  et  aussi  complètes  que  les   au- 
tres pays.     Quant  à  nous   personnellement,  nous 
aurions  un   ])laisir  particulier  à  recevoir  ])ar  écrit 
des   vieux    chasseurs,    voyageurs  et  autres,    leurs 
observations    et  leur  expérience  sur  ce  sujet. 


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—  12  — 

Terminons,  maintenant,  par  les  belles  paroles 
du  professeur  fiançais  Le  Maoût  : 

"  La  bonté  divine,  dit-il,  se  manifeste  clairement 
"  à  l'esprit  le  plus  vulgaire  dans  la  grande  classe 
*'  des  oiseaux.  On  serait  môme  tenté,  au  premier 
"  coup  d'œil,  d'admettre  que  ces  êtres  ont  été 
**  l'objet  d'une  prédilection  toute  spéciale,  à  la- 
**  quelle  il  doivent  l'avantage  de  leur  organisation. 
*'  L'appareil  locomoteur  qui  leur  donne  pour  do- 
"  maine  la  terre,  le  ciel  et  les  eaux  ;  leur  repos 
"  même,  dont  le  mécanisme  n'est  pas  moins  admi- 
**  rable  que  celui  de  leurs  mouvements  ;  leur  rea- 
**  piration,  source  abondante  de  chaleur  et  d'éner- 
"  gie,  et  puissant  auxiliaire  du  vol  et  de  la  natîi- 
**  tion  ;  la  perspicacité  de  leur  vue  qui  s'accom- 
*'  mode  merveilleusement  à  la  distance  et  à  la  pe- 
**  titesse  des  objets  ;  la  fabrication  industrieuse  de 
"  leurs  nids  ;  les  minutieuses  précautions,  la  vigi- 
**  lance  infatigable,  l'héroïque  dévouement  de  la 
**  femelle,  avant  et  après  l'éclosion  (génie  de 
**  l'amour  maternel  qui  veille  à  la  conservation 
**  de  res})ôce  dans  l'insecte  comme  dans  le  vertè- 
*'  bré,  et  qui  a  fait  dire  si  heureusement  que  le 
"  cœur  d'une  mère  est  le  clicf-d œuvre  de  la  nature)  ; 
*'  les  allures  vives  et  légères,  le  plumage,  varié  à 
"  l'infini,  les  cris  d'appel  et  les  chants  d'amour  de 
**  ces  hôtes  aériens,  qui  vivifient  par  leur  présence 
*'  nos  jardins  et  nos  campagnes,  et  sans  lesquels 
"  les  prés,  les  forêts,  les  rivages  n'auraient  à  nos 
"  yeux  que  des  beautés  incomplètes  ;  enfin  leurs 
"  migrations  périodiques,  dont  l'objet  principal 
"  est  l'alimentation  qu'ils  vont  chercher  dans  des 
**  régions  lointaines,  à  travers  les  solitudes  des 
**  continents  et  des  mers,  sans  autre  guide  que 
"  leurs  instincts  ;  tout,  chez  les  oiseaux,  est  propre 
**  à  charmer  les  méditations  du  philosophe  et  les 
'*  rêveries  du  poète,  aussi  bien  que  la  curiosité  du 
**  naturaliste." 


.3  — 


LES  AIGLES  DU  CANADA  ('). 

Les  aigles  sont  les  plus  puissants  des  TIapaccs  ; 
la  plupart  ne  vitrent  que  de  chair  palpitante,  et  ce 
n*est  que  dans  des  cas  de  disette  extrême  qu'ils 
touchent  aux  animaux  morts.  Les  recherches  les 
plus  récentes  donnent  à  l'Amérique  du  Nord  cinq 
espèces  d'aigles  :  l'aigle  royal  (aquila  canaden- 
sis)  l'aigle  du  Nord,  (halietus  pelagicus)  l'aigle  de 
Washington,  (halietus  Washingtonii)  l'aigle  gris, 
(halietus  albicilla,  que  l'on  prétend  être  la  femelle 
du  halietus  pelagicus)  et  l'aigle  à  tête  blanche,  (ha- 
lietus leucocephalus)  (Bald  Eagle).  Des  cinq  es- 
pèces, si  réellement  il  en  existe  cinq,  car  les  natu- 
ralistes sont  fort  divisés  sur  ce  point,  le  Canada 
peut  en  réclamer  à  coup  sûr  deux  espèces  (t),  et 
peut-être  plus.  Nous  nous  en  tiendrons  à  ces 
deux  espèces,  (jui  sont  fort  belles  ;  remarquons, 
en  passant,  que  tous  les  aigles  tués  cette  au- 
tomne autour  de  cette  ville  appartiennent  à  l'es- 
pèce aquila  canadensisy  eigle  royal  ou  doré.  Cet 
oiseau  est  commun  dans  le  nord  et  l'est  de  l'Europe, 
en  Afrique  et  dans  l'Asie  Mineure.  Le  plumage 
est  plus  ou  moins  brun  roux  ;  les  plumes  de  la 
tête  et  du  cou  sont  d'un  roux  doré,  avec  la  tig«j 
noire,  les  rémiges  sont  de  couleur  brune  foncée  ; 
les  plumes  des  tarses  sont  d'un  brun  ferrugineux. 
Cette  espèce  a  été  longtemps  connue  sous  trois 
noms  différents,  à  cause  des  variations  de  couleur 
que  le  temps  donne  à  sa  livrée. 

Ij'aigïe  brun  (|),  qui,  plus  vieux,  s'appelle  V aigle 
noiry  se   nomme  l'aigle  doré,  quand  son   plumage 


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(*)  Un  fort  bel  aigle  doré  a  été  pris  en  novoiTif^ro  der- 
nier, presque  mort,  sur  une  hnnqvisc  d(>  glace  ilottnntt', 
sur  le  lac  St.-Piorre.  près  de  Trois-Rivières.  Allitissé  j);ii' 
la  pluie  et  le  froid,  il  était  iixé  à  la  glfKM«,  les  ail(\s  pen- 
dantes. Le  propriétaire  de  l'botel  ^IcI*her.sen  l'exliihc 
maintenant  avec  orgueil  aux  Triflavicns  et  aux  étrangers  : 
il  est  fort  gros. 

(t)  Charlevoix. — VovMgo  en  Ainoi-ifjin-'.  lettre  TX. 

(!)    Wilson.   fnndVoi  de  St.-l  lil;jir« \j-  MMeiif. 


». 

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14 


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est  parfait  ;  sa  queue,  qui,  dans  le  jeune  âge,  était 
blanche  à  sa  moitié  supérieure,  est  plus  tard  noi- 
râtre et  marquée  de  bandes  irréguliéres  cendrées. 
La  taille  est  de  deux  pieds  et  demi  à  trois  pieds  et 
demi  ;  l'envergure  est  de  huit  pieds  et  demi,  le 
bec  est  de  couleur  bleuâtre,  les  narines  sont  ovales, 
les  yeux  sont  grands  et  paraissent  enfoncés  dans 
une  cavité  profonde  que  domine  le  bord  saillant  de 
l'orbite.  C'est  surtout  chez  cet  oiseau  que  l'on 
peut  remarquer  cette  membrane  à  coulisse  qui 
permet  à  l'animal  de  regarder  fixement  le  soleil. 
On  rencontre  cet  oiseau  quelquesfois  en  France  ; 
il  n'est  sédentaire  que  dans  les  Alpes  et  les  Pyré- 
nées. Tl  se  nourrit  de  gros  oiseaux,  de  lièvres, 
déjeunes  cerfs.  Mais  si  ces  animaux  viennent  à 
manquer,  il  se  jette  sur  des  natures  plus  faibles,  et, 
si  la  proie  vivante  lui  fait  défaut,  il  ne  dédaigne 
pas  les  chaiis  corrompues.  L'aigle  royal  est  très 
faiouche,  il  vit  avec  sa  compagne  au  milieu  des 
rochers,  et  chasse  de  son  voisinage  tout  Rapace 
qui  voudrait  s'y  établir.  Il  fond  sur  sa  proie  avec 
la  rapidité  d'un  trait,  et,  après  s'être  abreuvé  de 
son  sang,  l'emporte  dans  ses  serres  jusque  dans  sa 
retraite,  où  il  la  dépèce  en  lambeaux,  qu'il  pré- 
sente palpitants  à  ses  aiglons.  Son  aire  est  ordi- 
nairement construite  sur  la  plaie  forme  d'un  rocher 
escarpé  ;  elle  est  formée  de  gros  bâtons  entre-croi- 
sés, et  ses  parois  s'élèvent  continuellement  par  l'ac- 
cumulation des  ossements  que  l'oiseau  y  abandon- 
ne. La  femelle  pond  ordinairement  deux  œufs, 
d'un  gris  cendré,  quelquefois  tachetés  de  brun  : 
elle  les  couve  pendant  trente  jours  ;  alors  le  mâle 
chasse  seul  pour  fournir  aux  besoins  de  la  famille  ; 
quand  les  petits  sont  éclos,  leurs  parents  se  met- 
tent en  campagne  pour  leur  chercher  de  la  pâture  ; 
et,  si  l'on  en  croit  les  témoignages  unanimes  des 
habitants  des  montagnes,  tandis  que  l'un  bat  les 
buissons,  l'autre  se  tient  sur  un  roc  élevé  ou  sur  la 
cime  d'un  arbre  pour  saisir  le  gibier  au  passage. 
Sa  physionomie  sévère  et  imposante,  sa  voix  grave, 
son  œil  étiîjccllant,  ombragé  par  un  sourcil  saillnnt. 


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1.5  — 


?e,  était 

ard  noi- 

mdrées. 

pieds  et 

emi,  le 

;  ovales, 

ia  dans 

liant  de 

Lie   l'on 

ise   qui 

3  soleil. 

i'rance  ; 

3  Pyré- 

liùvres, 

inent  à 

)les,  et, 

îdaigne 

3St  liés 

eu  des 

[lapace 

e  avec 

uvé  de 

ans  sa 

il  pré- 

ordi- 

ocher 

i-croi- 

r  l'ac- 

ndon- 

œufs, 

run  : 

mâle 

iille  ; 

met- 

Iture  ; 

Is  des 

X  les 

ur  la 

âge. 

rave, 

Inîit, 


sou  vol  rapide,  surtout  sa  force  et  aou  courage,  le 
faisaient  regarder  par  les  anciens  comme  le  symbo- 
le de  la  puissance  et  de  la  domination.  On  l'avait 
dédie  au  maître  des  dieux  ;  les  souverains  ainsi 
que  les  peuples  belliqueux  l'avaient  adopté  pour 
leur  enseigne  de  guerre  ;  puis,  pour  flatter  les  do- 
minateurs, on  fit  à  Taigle  une  réputation  de  no- 
blesse et  de  magnanimité  qui  ne  s^accorde  guère 
avec  l'observation  exacte  des  faits. 

Ecoutons  à  ce  sujet  l'illustre  Buffon,  qui    parle 
de  Paigle  en  poète,  plutôt  qu'en  naturaliste  : 

"  L'aigle  a  plusieurs  convenances  physiques 
**  et  morales  avec  le  lion  :  la  force  et  par  consé- 
"  quent  l'empire  sur  les  autres  petits  animaux, 
**  comme  le  lion  sur  les  petits  quadrupèdes  ;  la 
'^*  n?agfianimité,  il  dédaigne  également  les  petits  ani- 
"  maux  et  méprise  leurs  insultes  :  ce  n'est  qu'a- 
"  près  avoir  été  longtemps  provoqué  par  les  cris 
"  de  la  corneille  et  de  la  pie  que  l'aigle  se  déter- 
"  mine  à  les  punir  de  mort  ;  d'ailleurs  il  ne  veut 
**  de  bien  que  celui  qu'il  conquiert,  d'autre  proie 
"  que  celle  qu'il  prend  lui-même  ;  la  tempérance, 
**  il  ne  mange  presque  jamais  son  gibier  en  entier 
**  et  il  laisse,  comme  le  lion,  les  débris  et  les  restes 
**  aux  autres  animaux.  Quel  qu'affamé  qu'il  soit, 
"  il  ne  se  jette  jamais  sur  les  cadavres." 

Sans  manquer  au  respect  dû  au  génie  de  Buf- 
fon, on  peut  se  demander  si  cette  apologie  de  l'Ai- 
gle est  bien  le  langage  d'un  historien  de  la  natu- 
re.    On  peut  même  en  douter. 

M.  Degland,  naturaliste  français,  rapporte  un 
fait  remarquable,  qui  atteste  la  force  musculaire 
de  l'aigle  et  qui  s'est  reproduit  assez  souvent  au 
Canada  :  deux  petites  filles  du  canton  de  Vaud, 
l'une  âgée  de  cinq  ans,  et  l'autre  de  trois,  jouaient 
ensemble,  lorsqu'un  aigle  de  taille  médiocre  se 
précipita  sur  la  première,  et,  malgré  les  cris  de  sa 
compagne,  malgré  l'arrivée  de  quelques  paysans, 
l'enleva  dans  les  airs.  Après  d'activés  recherches 
sur  les  rochers  des  environs,  recherches  qui  n'eu- 
rent d'autre  résultat  que  la  découverte   d'un  sou- 

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\uM'  iit  d'au  l>us  du  renfuiit  et  do  i'airo  do  raigle, 
au  milieu  du  lacjuello  étaient  deux  aiglons,  entou- 
rés d*uu  amas  énorme  d'ossements  de  chèvres  et 
d'agneaux  ;  un  berger  rencontra  enfin,  prés  do 
deux  mois  après  l'événement,  gisant  sur  un  lo- 
cher,  le  cadavre  do  la  petite  fille,  à  moitié  nu,  dé- 
chiré, meurtri,  et  desséché  !  Ce  rocher  était  ù  une 
demi-lieue  de  l'endroit  où  l'oiseau  aA'ait  enlevé 
l 'entant — l'on  se  rappellera  un  fait  assez  analogue, 
qui  eut  lieu  à  Charlesbourg,  prés  de  Québec  (*),  il 
y  a  une  quinzaine  d'années,  moins  les  résultats  dé- 
sastreux. L'aigle  doré  exhibé  cette  automne  chez 
M.  Couper,  en  cette  ville,  était  accusé  d'un  sem- 
blable attentai,  qui  lui  valut  le  coup  de  grâce  (t). 
L^ais^le  à  iUc  hianchct  {halictus  Jcucorephalus)  de 
Lcsson  (Bald  Eagle)  :  cette  espèce  habite  principa- 
lement l'Américjuc  Septentrionale;  elle  est  un  peu 
moins  commun(;cnCanada,  que  l'aigledoré(f).  Elle 
niche  sur  les  rochers  escarpés  et  les  arbres  à  cimo 
large  et  élevée  dans  les  savannes  impénétrables. 
Les  œufs  sont  d'un  blanc  jaunâtre,  tacheté  de  gris 
roussâtre,  l'intérieur  de  la  coquille  est  d'un  beau 
vert.  Les  aigles  commencent  la  ponte  dans  les 
régions  tempérées  des  Etats-Unis,  telles  que  la  Vir- 
ginie et  laPensylvanie,  en  février  et  mars.  L'aigle 
â  tète  blanche  est  Temblème  national  de  l'Union- 
Américaino  ;  nul  oiseau  ne  possède  un  vol  plus 
puissant,  nul  n'a  plus  de  'force,  d'adresse  et  do 
courage;  mais  son  caractère  est  féioce  et  tyran- 
nique  :  Franklin  n'approuvait  point  le  choix  que 
ses  compatriotes  avaient  fait  de  l'aigle  à  tète 
blanche  pour  blason  national.  Un  brigand  ailé, 
disait-il,  qui  profite  de  ses  avantages  pour  ravir 
aux  oiseaux  plus  faibles  que  lui  le  butin  qu'ils  ont 

C)  Cet  oiseau  fut  achète  par  feu  M.  Prendergast. 

(t)  Cet  aiglo  forme  partie  du  musée  de  l'auteur. 

(t)  L'honorable  G.  W.  Allan  dit  Tavoir  vu  assez  fré- 
quemnient  daiis  le  voisinage  de  Toronto.  C'est  probable- 
ment cette  espèce  qui,  au  dire  de  nos  chasseurs,  fréquente 
la  hatLnre  aux  îonpfi-mari)is,  vis-à-vis  de  St.-Roch  des  AuU 
ïtMs.  Il  so  rencontre,  ainsi  que  le  Grand  Aigle  du  Nord 
(l'olîigiciis),  sur  les  grands  lacs  du  Haut-Caua(hi. 


I 


entou- 
res ot 
rOs  de 
un  lo- 
nu,  dé- 
:  à  un^ 
enlevtS 
ilogue, 

•■  (*).  il 
ats  do- 

B  chez 

n  scm- 

ce  (f). 

lus)  de 

incipa- 

un  peu 

\).  Elle 

11  cimo 

rablea. 

le  gris 

beau 

m  s  les 

aVir- 

'aigle 

nion- 

plus 

et  de 

yran- 

que 

tête 

ailé, 

ravir 

sont 


—  17  — 

conquis,  n*est  pas  digne  de  représenter  l'indépen- 
dance loyale  et  généreuse  du  peuple  américain. 
C'est  un  spectacle  superbe,  dit  Wilson,  devoir 
tournoyer  au-dessus  de  la  cataracte  de  Niagara, 
ce  féroce  ravisseur,  en  quûte  des  carcasses  de  che- 
vreuil, d'ours  ou  autres  animaux  entraînés  dans 
l'abîme.  On  nous  saura  gré  d'emprunter  au  père 
I  de  l'ornithologie  améiicaino  une  de  ses  pages 
'  les  plus  éloquentes. 

,»  "  Voul3z-vous,  dit  l'illustre  Audubon,  connaître 

4  la  rapine  de  l'aigle  à  tôte  blanche  ?  Permettez- 
i  moi  de  vous  transporter  sur  le  Mississippi,  vers  la 
*Ji  fin  de  l'automne,  au  moment  où  des  milliers  d'oi- 
I  seaux  fuient  le  Nord,  et  se  rapprochent  du  Soleil. 
■  Laissez  votre  barque  effleurer   les  eaux  du  grand 

fleuve.  Quand  vous  verrez  doux  arbres  dont 
*j  la  cime  dépasse  toutes  les  autres  cimes  s'élever 
en  face  Pun  de  l'autre,  sur  les  deux  boidsdu 
fleuve,  levez  les  yeux  ;  l'aigle  est  là,  per- 
ché sur  le  faîte  de  l'un  des  arbres  ;  son  œil 
étincelle,  et  roule  dans  sou  orbite,  comme  un 
globe  de  feu.  Il  contemple  attentivement  la  vaste 
étendue  des  eaux  ;  souvent  son  regard  se  détour- 
ne et  s'abaisse  vers  le  sol  ;  il  observe,  il  attend  ; 
tous  les  bruits  sont  écoutés,  recueillis  par  son 
oreille  vigilante;  le  Daim  qui  effleure  à  peine  les 
feuillages  ne  lui  échappe  pas.  Sur  l'arbre  opposé 
sa  compagne  est  en  sentinelle  ;  de  moment  en 
moment  son  cri  semble  exhorter  le  mâle  à  la  pa- 
tience. Il  y  répond  par  un  battement  d'ailes,  par 
une  inclination  de  tout  son  corps,  et  par  un  gla- 
pissement aiffre  et  strident,  nui  ressemble  au  rire 
d'un  maniaque  ;  puis  il  se  redresse,  immobile  et 
silencieux  comme  une  statue.  Les  Canards,  les 
Poules  d'eau,  les  Outardes,  passent  au-dessous  de 
lui,  en  bataillons  serrés  que  le  cours  du  fleuve  em- 
porte vers  le  sud  ;  proies  que  l'aigle  dédaigne  et 
que  ce  mépris  sauve  de  la  mort.  Enfin,  un  son 
lointain,  que  le  vent  fait  voler  sur  le  courant,  arrive 
à  Pouïe  des  deux  époux  :  ce  bruit  a  le  retentisse- 
ment et  la  raucité  d'un  instrument  de  cuivre  ;  c'est 

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la  voix  du  cygno  (Cygnus  huccinalor.)  La  fomollo 
avertit  le  mûlo  par  un  appel  composé  do  deux 
notes  :  tout  le  corps  de  l'aiglo  frémit  ;  deux  ou 
trois  coups  do  bec,  dont  il  frappe  rapidement  son 
plumage,  le  préparent  à  son  expédition.  11  va 
partir.  Le  Cygno  vient,  comme  un  vaisseau  flot- 
tant dans  Tair,  son  cou  do  neige  étendu  en  avant, 
l'œil  étincelant  d'inquiétude.  Le  battement  pré- 
cipité de  ses  ailes  sufllt  ù,  peine  à  contenir  la  masse 
do  son  corps,  et  ses  pattes,  qui  se  ploient  sous  sa 
queue,  disparaissent  à  l'œil.  Il  approche  lente- 
ment, victime  dévouée.  Un  cri  de  guerre  se  fait 
entendre.  L'aiglo  part  avec  la  rapidité  de  l'étoile 
qui  file.  Le  Cygne  a  vu  son  bourreau  ;  il  abaisse 
bon  cou,  décrit  un  demi  cercle,  il  manœuvre,  dans 
l'agonie  do  sa  terreur,  pour  échapper  à  la  mort. 

**  Une  seule  chance  de  salut  lui  reste,  c'est  do 
plonger  dans  le  courant  ;  mais  l'aigle  a  prévu  ce 
stratagème  ;  il  force  sa  proie  à  rester  dans  l'air, 
en  se  tenant  sans  relâche  au-dessous  d'elle,  et  en 
menaçant  de  la  frapper  au  ventre  ou  sous  les  ailes. 
Le  cygne  s'affaiblit,  se  lasse,  et  perd  tout  espoir 
de  fuite  ;  mais  alors  son  ennemi  craint  encore 
qu'il  n'aille  tomber  dans  l'eau  du  fleuve  :  un  coup 
des  serres  de  l'aigle  frappe  la  victime  sous  l'aile 
et  la  précipite  obliquement  sur  le  rivage.  Tant 
de  prudence,  d'activité,  d'adresse,  ont  achevé  la 
conquête.  Vous  ne  venez  pas  sans  effroi  le 
triomphe  de  l'aigle  ;  il  dansesur  le  cadavre,  il  en- 
fonce profondément  ses  armes  d'airain  dans  le 
cœur  du  cygne  mourant,  il  bat  des  ailes,  il  hurle 
de  joie  ;  les  dernières  convulsions  de  l'oiseau 
semblent  Penivrer,  il  lève  sa  tète  chenue  vers  le 
ciel  et  ses  yeux  se  colorent  d'un  pourpre  enflam- 
mé. Sa  femelle  vient  le  rejoindre  ;  tous  deux  ils 
retournent  le  cygne,  percent  sa  poitrine  de  leur 
bec,  et  se  gorgent  du  sang  chaud  qui  en  jaillit." 

"  N'est-ce  pas  là,  s'écrie  un  naturaliste  français, 
"  un  drame  tout  entier,  avec  son  exposition  atta- 
**  chante,  son  trouble  croissant  et  ses  péripéties  im- 
**  prévues  ?     N'y  trouve-t-on   pas  terreur    et  2ntiê 


19 


"  comme  dans  la  véritable  tragoJie  i  Que  l'on 
"  rapproche  de  cette  magnifique  peinture  de  mœurs 
"  les  plus  bclh  nages  do  Buttbn  et  l'on  verra  la  dis- 
"  tance  qui  sépare  is  (laturalisto  sédentaire  du  natu- 

"  raliste  voyageur lx)in  de  nous  l'ingrate  et 

**  téméraiic  pensée  d'affaiblir  Tadmiration  due  à 
"  l'immortel  écrivain  que  la  France  comptera  tou- 
"  jours  avec  orgu^îil  parmi  ses  gloires  scientifiques 
"  et  littéraires.  En  invitant  nos  lecLeurs  à  étudier 
*•  comparativement  le  stylo  do  deux  hommes  si 
*'  éminents,  nous  voulons  seulement  leur  faire  sen- 
"  tir  combien  un  esprit  souple  et  exact,  qui  a  étu- 
"  dié  de  prés  la  nature,  a  l'avantage  sur  le  génie 
*'  le  plus  brillant  qui  n'a  pu  Tobserver  que  .dans 
*•  une  ménagerie  ou  dans  un  jardin.  L'amour 
"  passionné  de  l'histoiro  naturelle,  voilà  tout  le 
**  secret  du  talent  descriptif  d'Audubon,  et  Tobser- 
**  vation  attentive  des  faits  a  suffi  pour  donner 
"  à  ses  tableaux  une  chaleur  et  un  coloris  que  Té- 
**  crivain  le  plus  habile  ne  saura  trouver  dans 
**  la  poudre  du  cabinet."  Avions-nous  raison  de 
dire  que  l'Amérique  avait  elle  aussi  sesprivilégiés 
de  l'intelligence  1 


»  '  ■ 


^^ 


LES  IIIBOUS  DU  CANADA. 

[  l'remière  Partie.  ] 

Le  hibou  a  de  tout  temps,  par  ses  mœurs  étran- 
ges, ses  habitudes  solitaires,  ses  lugubres  accents 
nocturnes,  inspiré  aux  peuples  une  terreur  vague 
mêlée  de  mystère.  Les  Grecs  VappeWentAlkêné  (*) 
(Minerve)  parcequ'ils  lui  attribuent  la  connaissance 
de  l'avenir  et  Surnion  (*)  oiseau  de  mauvais  au- 
gure, étant,  disent  ils,  un  prophète  de  malheur 
aux  individus  et  aux  nations.  Il  joue  son  rôle 
obligé  dans  les  peintures  des  poètes  qui  le  font  in- 
tervenir à  point  nommé,  au  fort  de  la  tempUc^-^^ 


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-;.-;,f.' 


(*)  Toxto  grec. 


--20  — 

dans  la  solitude  de  laforety — pend(int  les  Unèhres  de 
la  nuit, — dans  la  tour  vermoulue  d^un  château  go- 
thique,— Shakespeare  fait  dire  à  Casca,  un  des 
conspirateurs,  que  parmi  les  phénomènes  effroya- 
bles dont  Rome  vient  d'être  le  théâtre  et  qui  pré- 
sagent la  mort  de  César,  on  a  remarqué,  en  plein 
midi,  sur  le  forum,  l'apparition  de  **  Toiseau  de 
la  nuit.  "  (*)  Sous  le  consulat  de  L.  Caseius  et  de 
C.  Mari  us,  un  grand  hibou,  planant  au-dessus  du 
capitole,  vint  ajouter  à  l'épouvante  générale. 
On  a  môme  prétendu  que  VIncendiaria  Ai^is  de 
Pline  (t)  n'était  autre  que  le  hibou.  Aldrovande, 
qui  s'est  donné  la  peine  de  recueillir  les  opinions 
sur  cette  matière,  est  pourtant  d'un  avis  contraire. 
Parmi  les  Aborigènes  de  l'Amérique,  le  grand 
hibou  est  l'objet  d'un  culte  spécial  ;  leurs  prêtres 
l'ont  adopté  comme  le  symbole  de  leur  puissance 
et  de  leur  dignité.  "  Les  Creeks,  dit  Bartram,  se 
distinguent  par  ie  respect  dont  ils  entourent  cet 
oiseau — le  plus  jeune  des  prêtres  ou  devins  revêt 
une  tunique  blanche  et  fait  porter  devant  lui  un 
énorme  hibou  empaillé  avec  beaucoup  d'art  :  il 
imite  par  son  maintien  la  gravité  et  la  taciturnité 
du  hibou  et  traverse  le  village  en  chantant  à  de- 
mi-voix une  douce  psalmodie.  " 

Ces  oiseaux  se  divisent  en  deux  classes  dis- 
tinctes (lesquelles  comprennent  elles-mêmes  plu- 
sieurs subdivisions)  savoir,  les  Diurnes  et  Igs  Noc- 
turnes. Nous  donnerons  le  pas  à  ces  derniers, 
sans  nous  astreindre  à  aucun  ordre. 

Les  rapaces  nocturnes  ne  voient  bien  que  pen- 
dant le  crépuscule  et  au  clair  de  la  lune  ;  leurs  yeux 
sont  gros,  leur  tête  fort  grosse.  Chez  eux,  le  sens 


(*)  And  yesterday,  the  l)ird  of  night  did  sit 
Eveil  at  noon  day,  upon  the  maiket  place 
Hootiiig  and  shrieking 

(^Mort  de  Jules  Cémr, — Act.  /,  Scène  III) 

Virgile  fait  également  prédire  la  mort  do  Dîdon  par  un 
hibou. 


(t)  Pline,  livre  X,  c.  13. 


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de  l'ouie  est  d'une  finesse  extrême.  Leur  nourri- 
ture consiste  en  rats,  souris,  oiseaux  et  insectes 
que  le  rapace  nocturne  saisit  à  Pimproviste,  favo- 
risé par  les  ténèbres  et  par  son  vol  merveilleuse- 
ment silencieux.  Il  avale  sa  proie  sans  la  plumer 
ou  récorcher  :  plus  tard  la  peau  ou  les  os  sont  re- 
vomis en  boulettes.  liO  jour,  il  dort  dans  son 
trou  :  si,  par  accident,  il  en  sort,  son  apparition  est 
une  fête  pour  les  corneilles,  pies,  jays,  hirondelles 
et  autres  voisins  qui  viennent  à  l'envi  l'insulter 
par  leurs  clameurs  et  leurs  coups  de  bec.  Le 
nocturne  ne  cherche  pas  à  se  défendre  ;  il  se  blot- 
tit, prend  les  attitudes  les  plus  bizarres  et  attend 
patiemment  que  le  retour  du  crépuscule  lui  per- 
mette de  prendre  sa  revanche.  Il  suffit  de  placer 
une  chouette,  ou  même  d'en  contrefaire  le  cri, 
pour  attirer  toute  la  tribu  ailée  du  voisinage.  Les 
choses  n'ont  pas  changé  depuis  Aristote,  qui  men- 
tionne le  fait.  Ces  rapaces  vivent  isolément  ou  par 
couples  ;  quelquefois  ils  voyagent  par  troupe  ;  leur 
plumage  est  en  général  remarquable  par  le  grand 
nombre  de  taches,  de  lignes,  de  bandes  dont  il  est 
irrégulièrement  parsemé.  En  tête  des  rapaces 
nocturnes,  plaçons  le  Duc  àa  Virginie  (Bubo  Virgi- 
nianus),  surnommé  ordinairement  "  Le  Chat  Huant 
Canadien,  "  dont  deux  superbes  spécimens  étaient 
exposés  en  vente,  ces  jours  derniera  sur  le  marché 
de  cette  ville.  Ce  brigand  de  nuit  est  de  la  taille 
d'une  dinde  ;  son  plumage  est  gris  et  fauve.  Deux 
aigrettes  de  plumes  l'ont  fait  surnommer  le  grand 
hibou  à  cornes,  "  Dans  les  forets  denses  de  TLi- 
diana,  dit  Wilson,  j'ai  plus  d'une  fois  entendu  cet- 
te sentinelle  solitaire,  pousser  des  cris  à  faire  trem- 
bler une  garnison  entière,  Waugh  O!  Waugh  O  / 
Ses  autres  solos  nocturnes  étaient  non  moins  mé- 
lodieux et  ressemblaient  tantôt  au  hurlement  d'un 
chien  qui  a  perdu  son  maître,  tantôt  au  râle  étouf- 
fé d'un  assassiné  qui  crie  en  vain  au  secours."  Ce 
sont  les  accents  lugubres  du  duc  de  Virginie  qui 
éveillent  la  nuit  nos  campagnards  occupés  en  mars 
et  avril  à  la  confection    du   sucre  d'érable,  sur  lo 


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Eenchant  des  collines.  Le  duc  fréquente  surtout  les 
ois  voisins  des  rivières.  Le  jour,  on  le  voit  seul, 
souvent  sur  les  grosses  branches  les  plus  touifues  ; 
si  on  le  surprend,  il  se  réveille,  siffle,  fait  rouler 
ses  gros  yeux  et  claquer  ses  mandibules  d'une  ma- 
nière effrayante.  Dindes,  poules,  perdrix,  ca- 
nards, poissons  morts,  lapins  et  souris,  voilà  ses 
entremets  et  sa  pièce  de  résistance.  Il  les  avale 
tout  entiers  avec  la  plume,  le  poil  et  les  os  (*). 

C'est  dans  les  nuits  sereines  qu'on  peut  le  voir 
voler,  silencieux  et  rapide,  à  la  recherche  de  sa 
proie.  **  Le  marinier  descendant  le  Grand  Fleuve, 
*•  (le  Mississipi)  remarque  le  nocturne  chasseur  qui 
**  passe  au-dessus  de  sa  barque  ;  les  ailes  éten- 
**  dues,  il  franchit  les  collines,  ou  bien  descend  et 
•*  s'élève  dans  Pair  comme  une  ombre,  ou  bien 
"  disparaît  dans  les  bois.  Le  bateau  qui  suit  le 
*'  cours  sinueux  de  la  rivière,  arrive  bientôt  dans 
"  une  anse  que  borde  un  champ  nouvellement 
"  défriché  ;  la  lune  brille  sur  l'humble  chau- 
**  mière  du  colon  ;  dans  le  petit  champ  qui  l'en- 
"  toure,  un  arbre,  que  la  hache  a  épargné,  sert  de 
"  juchoir  aux  oiseaux  domestiques,  qui  doivent 
bientôt  peupler  la  basse-cour.  Parmi  eux  se 
trouve  une  Dinde  qui  couve.  Le  grand  Hibou» 
dont  les  yeux  perçants  ont  découvert  sa  proie, 
plane  circulairement  autour  de  l'arbre  et  médite 
son  attaque.  Mais  la  Dinde  est  aussi  vigilante 
que  lui  ;  elle  se  dresse  sur  ses  pieds,  agite  ses 
ailes  et  glousse  si  bruyamment,  qu'elle  réveille 
**  tous  ses  voisins  les  Coqs  et  les  Poules  ;  le  caquet- 
**  tement  devient  général,  et  le  colon  se  réveille  à 
•*  son  tour.     Il  est  bientôt  sur  pied,  prépare  son 


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(*)  En  avril  1721,  Charlevoix  écrivait,  de  Chambly,  à  la 
duchesse  de  LesDiguères  :  "  Le  Chat  Huant  Canadien 
**  n'a  de  différence  du  Français  qu'une  petite  fraise  blau- 
**  che  autour  du  cou,  et  un  cri  particulier.  Sa  chaire  est 
••  bonne  à  manger,  et  bien  dés  gens  la  préfèrent  à  celle 
**  de  la  Poule.  Sa  provision  pour  Vhyvcr  sont  des  AfulotSf 
'*  auxquels  il  casse  les  pattes  et  quHl  engraisse  et  nourrit  avec 
"  soin,  jnsqu^à  ce  quHl  en  ait  besoin  !  !  !  "  Il  est  permis  dVn 
douter. — Voyage  en  Amérique,  lettre  IX. 


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—  23  — 

**  fnsil,  ouvre  la  porte  et  regarde  dehors  ;  il  voit 
'*  le  maraudeur  exnplumé  qui  s'est  perché  sur  une 
<*  branche  morte  et  d*un  seul  coup,  il  rétablit  la 
'*  tranquillité  dans  son  poulailler  suspendu."  *'  Les 
gestes  ridicules  et  les  évolutions  bizarres  du  Grand 
Duc,  qui  veut  plaire  à  sa  compagne,  ne  se  peu- 
vent décrire  :  ce  sont  des  courbettes,  des  demi- 
tours,  des  contorsions,   des  claquements   de   bec, 

^  dont  le  spectacle  dissiperait  la  plus  sombre  mélan- 
colie :  elle  y  répond  en  imitant  les  allures  et  la 
pantomine  de  son  compagnon.  Puis  tous  deux 
vont  construire,  en  mai,  au  plus  épais  des  bois, 
leur  nid,  qu'ils  fixent  sur  une  maîtresse  branche, 
voisine  du  tronc  principal  :  il  se  compose  de  petits 
bâtons  tortueux  et  est  tapissée  à  Tinté rieure  de 
plumes  et  d'herbes  fines.  Le  duc  de  Virginie  pris 
au  nid,  s'apprivoise — il  n'émigre  pas  et  passe  Tan- 
née chez  nous  ;  "  ainsi  s'exprime  Audubon. — Le 
Grand  Hibou  à  cornes,  lorsque  son  plumage  est 
i  en  saison  est  un  des   pli?s  nobles  oiseaux  de   la 

"4  Faune  Canadienne — sa  force,  son  courage  in- 
domptabla,  sa  férocité,  Tout  fUit  surnommer  Taigle- 
hibou — il  y  a,  en  Amérique,  quatre  variétés  de 
cette   espèce,  savoir  :    pacificus,   atlanticus,  arcti- 

I  eus,  magellanicus. 

Le  chut  huant   de  Laponie  (Great   Gray  Ovirl) 

I         surnium  cinereutn,  de   Chs.  Bonaparte  ;   cette  es- 

;,  pèce  surpasse  en   grosseur  le  Duc  de  Virginie — 

elle  en  diffère  dans  la  couleur  et  en  ce  qu'elle  n'a 
pas  d'aigrettes  ou  cornes  :  elle  habite  Textrôme 
Nord,  et  se  rencontre  dans  le  voisinage  de  la  Baie- 
d'Hudson  ;  ce  n'est  qu'un  "  accidentel  "  en  nos 
latitudes,  quoiqu'on  di^e  Cassin,  de  Philadelphie, 
(peut-étie  la  plus  haute  autorité  contemporaine 
en  Amérique)  lequel  sur  le  témoip^nage  du  Dr. 
Hall,  de  Montréal,  prétend  que  ce  hibou  est  assez 
commun  dans  les  environs  de  Montréal  aà  il  couve^ 
dit-il.  Nous  avouons  que  nous  tiendrions  beaucoup 
à  constater  le  fait.  Malgré  notre  succès  à  nous 
procurer  les  autres  espèces,  nous  sommes  encor^^ 
^'dw^  celle-ci  :  c'est  le  plus  gros  de  no«  Hibous. 


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On  nous  apprend  qu'il  y  a  beaucoup  de  hibous, 
en  octobre,  mars»  avril  et  mai,  dans  toute  la  chaîne 
des  Laurentides,  aux  environs  de  cette  ville.  Une 
personne  résidente  sur  les  bords  du  lac-Laurent, 
ou  Larron  (Comté  de  Québec),  affiime  qu'elle  en  a 
vu  jusqu'à  six  perchés  en  même  tems  sur  le  toit 
de  sa  demeure. 


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LES  HIBOUS  DU  CANADA. 

[  Deuxième   rarlie.  ] 

La  Chouette  grise  du  Canada  (syrnium  ne- 
bulosum)  de  Boié  (Barred  owl)  est  une  autre  es- 
pèce, assez  commune  en  nos  climats  en  automne  : 
elle  niche  dans  les  trous  des  arbres  où  elle  pond 
deux  œufs.  Son  plumage  est  brun,  tacheté  de 
blanc  ;  le  ventre  et  les  plumes  inférieures  de  la 
queue  sont  d'un  blanc  sale,  rayé  de  brun  ;  la 
queue  est  courte, — barrée  de  brun  et  de  blanchâtre. 
Le  bec  est  jaune, — taille,  dix-huit  pouces.  Grand 
mangeur  de  poulets,  souris,  lapin  et  grenouilles, 
on  la  dit  à  la  Louisianne,  piscivore.  "  Son  cri 
est  un  waah,  tvaaJihat  qu'on  est  tenté,  dit  Audu- 
bon,  de  comparer  au  rire  affecté,  A'unfashîonahle, 
Combien  de  fois,  dans  mes  excursions  lointaines, 
étant  campé  sous  les  arbres,  et  me  disposant  à 
faire  rôtir  une  tranche  de  venaison  ou  un  écureuil, 
au  moyen  d'une  branche,  n'aije  pas  été  salué  du 
rire  dé  ce  perturbateur  nocturne.  Il  s'arrêtait  à 
quelques  pas  de  moi,  exposant  tout  son  corps  à 
la  lueur  de  mon  feu  et  me  regardait  d'une  si  bi- 
zarre manière,  que,  si  je  n'avais  pas  craint  de  pas- 
ser pour  fou  à  mes  propres  yeux,  je  l'auiais  invité 
poliment  à  venir  partager  mon  souper.  On  le 
rencontre  dans  tous  les  bois  isolés,  même  en  plein 
jour  et  aux  approches  de  la  nuit.  S'il  y  a  appa- 
rence de  pluie,  il  se  met  à  rire  plu»  fort  que 
jamais  ;  son  waahy  waah  pénètre  dans  les  re- 
traites les    plus    reciih'es,  et  ses  rnmnrnrles  lui  n'- 


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—  25  — 

pondent  avec  des  tons  étranges  et  discordants  ; 
on  serait  tenté  de  croire  que  la  nation  des  Hibous 
célèbre  une  fête  extraordinaire.  Lorsque  l'on 
s'approche  d'un  de  ces  oiseaux,  ses  gestes  de- 
viennent d'une  bizarrerie  inexprimable,  son  atti- 
tude droite  change,  il  baisse  la  tête  et  incline  son 
corps  ;  les  plumes  de  sa  tùtc  se  hérissent  et  l'en- 
veloppent comme  d'une  fraise  ;  il  roule  ses  yeux 
comme  un  aveugle  et  exécute  avec  son  cou  des 
mouvements  anguleux  comme  s'il  était  disloqué. 
Il  suit  pendant  tout  ce  manège  les  moindres  mou- 
vements de  l'étranger  et,  s'il  soupçonne  de  mau- 
vaises intentions,  il  s'envole,  puis  s'arrête  le  dos 
tourné,  fait  subitement  volte-face,  comme  un  con- 
scrit qui  apprend  l'exercice  et  recommence  à  exa- 
miner l'inconnu  qui  s'approche  de  lui.  Si  l'on 
tire  sur  lui  et  qu'on  le  manque,  il  fuit  au  loin  et, 
quand  il  a  gagné  le  large,  il  fait  entendre  son  éclat 
de  rire  avec  pompe.  Pendant  le  jour,  il  se  laisse 
assaillir  par  les  petits  oiseaux,  et  semble  saisi  de 
frayeur  ;  si  un  écureuil  s'approche  de  lui,  il 
prend  la  fuite  devant  ce  timide  animal,  qu'il  va 
manger  tout  à  l'heure,  aussitôt  que  le  soleil  sera 
couché. " 

Le  Hibou  commun  (Otus  Wilsonianus)  ou 
moyen  duc,  et  le  Hibou  à  aigrettes  courtes  (Bra- 
chyotus  Cassinii)  ou  grande  chevêche  :  ces  deux 
espèces  se  distinguent  par  leur  sociabilité — elles 
séjournent  beaucoup  à  terre  pour  y  attraper  les 
souris,  les  mulots  et  les  petits  oiseaux.  Le  Hibou 
commun  habite  ordinairement  les  ca\ernes,  les 
bâtiments  en  ruines,  les  creux  des  vieux  arbres  et 
les  forêts  montueuses  ;  il  fait  entendre,  j)endant 
la  nuit,  un  cri  plaintif  ou  gémissement  grave  et 
prolongé  :  Cowl  !  Cow^l  !  Il  pond  d'ordinaire 
dans  les  nids  abandonnés  d'écureuils,  pies  et  cor- 
neilles— l'autre  espèce  au  contraire  pond  à   terre. 

Le  Hibou  le  plus  répandu  au  Canada  est  le 
surnia  ulvla  de  Linnée  (Haw^k  Owl)  :  au  delà  de 
400  ont  été  tués  en  septembre  et  octobre  derniers, 
dans  les  paroisses  environnantes   de  Québec  ;    ce 

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5:ontcle  foils  beaux  oisoanx  et  qui  forment,  comme 
leur  nom  anglais  l'indique,  le  cbaînpn  entre  le 
hibou  et  Tépervier. 

Nous  avons  ausyi  trois  espèces  de  nycta- 
les,  cbcvecbettes  ou  j)etits  biboiis  nocturnes — 
le  plus  petit  n'est  pas  aussi  gros  qu'un  merle  : 
savoir  la  chevêche  de  Richardson,  la  chevê- 
che de  Kirtland,  (*)  dont  Cassin  a  donné  une 
excellente  description,  et  la  chevêche  passcrine, 
la  plus  petite  des  trois — la  ('bcvéche  de  Ri- 
chardson  que  les  auti-ujs  a])pcllent  la  chevêche 
commune,  porte  une  livrée  variée  de  blanc  et 
de  noir:  les  pieds  sont  blancs,  le  bec  brun,  jau- 
nâtre,— l'iris  jaune.  Outre  son  cri  foniwii,  iwupou^ 
qu'elle  pousse  en  volant,  elle  en  produit  un  autre, 
quand  elle  est  posée,  que  l'on  prendrait  pour  la 
voix  d'un  jeune  homme  appelant  quelqu'un  du 
nom  de  aimc^  Mme,  edîne.  Bufibn  raconte  que 
dans  son  château  de  Montbard.  il  fi.t  réveillé,  un 
peu  avant  le  jour,  par  cet  appel  que  faisait  une 
chouette  posée  sur  sa  fenêtre  :  bientôt  un  de  ses 
domestiques  occupant  la  chambre  au-dessus  de  la 
sienne,  ouvrit  sa  fenêtre  et  dit  à  celui  qu'il  prenait 
pour  un  être  humain  :  "  Qui  es-tu  là  bas  'l  Je  ne 
m'appelle  pas  Edme,  je  m'appelle  Pierre." 

La  chevêche  établit  son  nid  dans  les  trous  des 
vieilles  murailles,  dans  les  crevasses  des  rochers 
ou  des  vieux  arbres  ;  elle  s'appiivoise  facilement. 
M.  Gérard,  naturaliste  français,  fait  mention  d'une 
chevêche  de  mœurs  fort  douces,  laquelle  vivait  sur 
le  pied  de  la  plus  parfaite  amitié  avec  le  chat  du 
logis,  bien  que  hargneuse  et  boudeuse  contre  un 
chien  et  contre  un  corbeau  apprivoisé  avec  lequel 
elle  partageait  le  jardin  de  son  maître.  Baird 
donne  à  nos  latitudes  un  autre  hibou,  le  scopsasio 
de  I année  (Mottled  Owl).  Wilson  et  le  prince  de 
Musignano  en  parlent  comme  d'un  noci  uj  ne,  d'une 

(*)  Serait-ce  à  ce  nocturne,  que  Lonfjfdlovv  fait  îilhision, 
dans  son  poëino  d'Hyperion  :  "  Carie  hibou  esî  un  oisenu 
grave:  c'est  un  /inacliorèff.  qui,  ù  minuit,  entonne  .su  li- 
tanie dans  lo  Temple  de  la  nature." 


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petite  taille  ot  qui  tVequento  lus  jardins  et  les  ha- 
bitations des  hommes.  Nous  pensons  qu'il  se 
rencontre  au  Haui-OanaJa  ;  nous  no  Tavons  ])as 
encore  remarqué  dans  nos  environs.  Audubon 
fait  beaucoup  d'éloges  de  sa  douceui  et  de  sa  so- 
ciabilité :  il  en  emporta  un  de  Philadelphie  à 
New- York  dans  sa  poche  ;  durant  le  voyage,  il 
resta  tranquille,  mangea  dans  la  main  de  son 
maître  et  n'essaya  pas  de  s'échapper.  Cassin  re- 
marque sur  l'autorité  de  M.  VV.  Kite,  de  la  Pen- 
sylvanie,  une  particularité  de  ces  Hibous,  qui 
n'a,  dit-il,  jamais  été  mentionnée  par  aucun  natura- 
liste :  c'est  que  pondant  la  saison  des  amours,  leurs 
ébats  sont  pour  le  moins  aussi  bruyants  que  ceux 
des  chats,  avec  lesquels  ils  ont  d'autres  traits  de 
ressemblance. 

L'effraye  commun,  (Barn  Owl) — strix  flamraea 
de  Linnée,  strix  pratincola  de  Bonaparte, — se  ren- 
contre dans  nos  campagnes,  et  fréquente  les  jar- 
dins, les  granges,  etc.  *'  Il  tire  son  nom,  dit  Buf- 
fon,  des  cris  lugubres  qu'il  fait  entendre  pendant 
la  nuit.  L'horreur  qu'il  inspire  aux  femmes, 
aux  enfants  et  mémo  aux  hommes  qui  croient 
aux  revenants,  ont  fait  considérer  l'eHraye  com- 
me foiseau  funèbre,  comme  le  messager  de 
la  mort  :  ils  s'imaginent  que,  quand  il  se  fixe 
sur  une  maison  et  qu'il  y  fait  retentir  une 
voix  différente  de  ses  accents  ordinaires,  c'est 
pour  appeler  quelqu'un  au  cimetière.  C'est 
"  le  même  oiseau  que  les  campagnards  du  midi  de 
"  la  France  désis^nent  sous  le  nom  de  choitettc  de 
"  clochers  et  de  Ihieou  rkoli,  parce  qu'ils  croient 
"  que  cette  chouette  vient  pendant  la  nuit  boire 
*•  l'huile  qui  brûle  dans  les  lampes  des  églises." 
Cette  mauvaise  réputation,  dit  LeMaoût,  faite  à 
l'effraye  par  la  superstition  populaire,  devrait  être 
remplacée,  par  un  sentiment  de  gratitude  et  de 
bienveillance,  car  cette  oiseau  est  de  tous  les  ra- 
paces  nocturnes,  le  plus  utile  à  l'homme,  par  suite 
de  la  chasse  destructive  qu'il  fait  aux  mulots,  rats 
et  autres  rongeurs  nuisibles  à  f  agriculture.     L'ef- 

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frayo  niche  dana  les  vieilles  tours  ou  dans  led 
creux  des  rochers. 

Concluons  maintenant  nos  remarques  sur  la  fa- 
mille Strigidac  qu'Audubon  divise  en  six  classes,  par 
une  esquisse  rapide  do  ce  blanc  chasseur  polaire, 
(Nyctea  Nivea)  le  hibou  blanc  ou  Harfang.  Ce  hi- 
bou n'a  pas  d'aigrettes  ou  corn^îs  ;  avec  le  grand 
aigle  des  mers  du  nord  (Halietus  pelagicus)  le  com- 
pagnon de  ses  rapines,  il  choisit  les  solitudes  glacées 
du  cercle  arctique  pour  ses  quai  tiers  généraux. 
Plus  d'une  fois  nous  nous  rappelons  l'avoir  vu  en 
février  et  mars,  planer  majestueusement  au  dessus 
des  immenses  battures  couvertes  de  glaces,  qui 
bordent  le  St.  Laur€  nt,  à  St.  Thomas,  comté  de 
Montmagiiy. 

Quand  il  descend  du  pôle  vers  le  sud,  il  s'ar- 
rête quelquefois  sur  les  vergues  des  navires  et 
on  peut  alors  le  prendre  sans  peine,  à  cause 
de  son  extrême  fatigue.  Il  chasse  en  plein  jour 
et  niche  sur  les  rocheis  escarpés  ou  sur  les 
vieux  pins  des  régions  glaciales.  Il  se  nourrit  de 
perdrix,  canards,  perdrix  blanches,  lièvres  et  rats. 
Sa  voracité  est  telle,  qu'il  enlève  quelquefois  sous 
le  nez  du  chasseur,  le  gibier  que  celui-ci  vient  d'a- 
battre et  qu'il  n'a  pas  eu  le  temps  de  ramasser.  Les 
Aborigènes  mettent  à  profit  cette  habitude  du  ra- 
pace  :  ils  jettent  en  l'air  un  oiseau  mort  :  le  Harfang 
s'élance  dessus  et  il  devient  facile  de  le  tuer.  Son 
plumage,  surtout  dans  les  vieux  mâles,  est  éclatant 
de  blancheur,  parsemé  de  petites  demi-lunes  gri- 
ses— les  pieds  sont  tellement  couverts  de  plumes, 
que  l'on  ne  voit  que  les  griffes — longueur  24  pouces 
— envergure  53  pouces  dans  le  mâle — dans  la  fe- 
melle 2G  X  G5 — selon  la  règle  générale  chez  les 
oiseaux  de  proie,  la  femelle  est  toujours  plus 
grande  que  le  mâle.  Les  Creeks  le  nomment 
Wapohoo  ;  les  Esquimaux,  Oopeguak.  Audubon 
dit  avoir  extrait  de  l'estomac  d'un  hibou  blan  un 
énorme  rat,  dont  la  tête  et  la  queue  étaient  p  es- 
qu'entières — le  môme  auteur  décrit  d'une  manière 
plaisante,  les  artifices  de  cet  oiseau  lorsqu'il  fait 


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1»  poche.  "  Il  s'incline,  dit-il,  sur  un  rocher  près 
de  la  mer,  la  tête  tournée  vers  Teau  ;  il  fait  le 
mort  et  attend  patiemment  Toccasion  de  happer 
une  victime,  quil  ne  manque  jamais;  dès  qu'un 
poisson  monte  à  la  surface,  rapide  comme  Té- 
clair,  la  griffe  du  harfang  le  saisit  :  puis  il  se  re- 
tire à  quelques  pieds  de  distance  pour  dévorer  sa 
proie  et  recommence  le  même  manège  ;  si  la  pê- 
che manque,  il  va  choisir  un  autre  endroit,  s'ac- 
croupit à  une  petite  distance  et  se  traîne  sans  bruit 
au  bord,  pour  saisir  une  nouvelle  proie,  qu'il 
étreint  de  ses  deux  griffes,  pour  aller  la  déguster 
à  loisir  et  en  silence  dans  un  bois  voisin.  Des 
trappeurs  se  plaignaient  que  leurs  rats  musqués 
étaient  enlevés  de  leurs  pièges  :  un  d'eux  appâta 
avec  de  la  chair  de  ce  rongeur,  et  chaque  matin  il 
était  récompensé  par  la  capture  d'un  ou  deux  hi- 
bous  blancs,  de  sorte  que  dans  peu  de  jours,  il 
réussit  à  exterminer  ces  bandits." 

Le  vol  de  ces  oiseaux  est  ferme,  continu,  uni- 
forme et  parfaitement  silencieux  :  ils  saisissent 
leurs  victimes  avec  la  rapidité  d'un  trait  et  s'ar- 
rêtent à  terre  pour  les  dépecer.  Quand  il  s'agit 
de  poursuivie  un  canard,  une  oie  ou  une  tourtre, 
le  Rapace  augmente  sa  vitesse  d'une  manière  sur- 
prenante et  frappe  l'oiseau,  à  la  manière  de  l'é- 
pervier.  On  le  rencontre  d'ordinaire  dans  le  voi- 
sinage des  rivières  et  des  ruisseaux  qui  forment 
des  chutes  et  des  bassins,  où  le  Harfang  guette  et 
saisit  le  poisson  tel  que  nous  venons  de  le  dire . 
Dans  les  latitudes  polaires,  souvent  le  chasseur  se 
voit  ravir  la  perdrix  qu'il  vient  de  tuer,  parce  hi- 
bou qui  l'enlève  à  sa  barbe.  Sir  John  Richardson, 
dit  l'avoir  remarqué  dans  presque  toutes  les  terres 
arctiques  qu'il  a  visitées  pendant  l'été  :  l'hiver,  le 
Harfang  émigré  avec  la  perdrix  blanche — sa  nour- 
riture ordinaire — à  des  localités  un  peu  moins  ex- 
posées. "  Je  l'ai  remarqué,  dit-il,  généralement 
posé  à  terre  et  lorsque  je  le  troublais,  il  prenait 
son  vol,  et  allait  s'abattre  un  peu  plus  loin  tou- 
jours sur  le  qui  vive.    Je  l'ai  vu  poursuivre  au  vol 

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le  liùvro  de  l'Amdiique,  et  faisant  des  efforts  inouis 
pour  frapper  de  ses  serres  ce  léger  coursier 
des  bois.  En  hiver  lorsque  le  Harfang  est  gras^ 
les  Indiens  et  les  Européens  mômes  se  nour- 
rissent de  sa  chair  qui  est  blanche  et  ex- 
cellente au  goût.  "  La  femelle  n'est  jamais 
blauche.  Le  docteur  Hall,  de  Montréal,  pré- 
tend également  que  cette  espèce  niche  dans 
le  voisinage  do  Montréal — ce  que  nous  osons  ré- 
voquer en  doute,  sauf  preuve  du  contraire.  Ce- 
ci nons  donne  occasion  de  demander  plus  que 
jamais  aux  chasseurs  et  aux  voyageurs  canadiens* 
leurs  remarques,  leur  expérience,  afin  de  dessi- 
ner d'une  maniùre  exacte  la  physionomie,  les  ha- 
bitudes et  le  parcours  géographique  des  groupes 
que  nous  aurons  à  décrire — nous  leur  tiendrons 
compte  de  leurs  renseignements  dans  les  notes 
que  nous  aurons  occasion  d'ajouter  à  ce  travail. 


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FAUCONS,  ÉPERVIERS,  ÉMERILLONS. 

En  octobre  1663,  Pierre  Bo  icher,  alors  gou- 
verneur des  Trois-Rivières,  écrivant  pour  Pinfor- 
mation  de  ses  amis  à  la  cour  de  Louis  XIV,  di- 
sait (*)  :  "  Il  y  a  aussi  en  ce  pays  des  oyseaux  de 
"  proye  de  plus  de  quinze  sortes,  dont  je  ne  scais 
"  pas  les  noms  sinon  de  l'Epervier  et  de  TEme- 
**  rillon.  "  Avouons  néanmoins  à  la  gloire  de  l'il- 
lustre fondateur  de  Boucherville,  que  quelle  que 
maigre  que  soit  sa  Relation,  il  était  plus  versé 
dans  l'histoire  naturelle  du  Canada  que  ne  le  sont, 
de  nos  jours,  la  plupart  des  personnes  qui  appar- 
tiennent à  la  classe  éclairée. 

Le  vieux  chroniqueur,  pas  plus  que  ses  succès» 
seurs,  n'ayant  décrit  ces  **  quinze  sortes  d'oyseaux 
de  proye  "  en  langue  française,  il  nous  sera  pres- 

(*)  Histoire  vérital^le  ft,  imtnrolle  clo  la  Nouvel''^- 
Franco,  [ingc  35. 


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quo  iinposuible  do  leur  donnor  en  cetu  *aii^  ue  I  -ê 
honneurs  du  baptême.  S'il  suffisait  ao  four  ir 
une  pompeuse  nomenclature  des  oiseaux  de  nos 
latitudes,  avec  force  termes  scientifiques  d'une  la 
tinitë  plus  ou  moins  barbare,  rien  de  plus  facile 
au  moyen  des  autorités  américaines  sur  cette  ma- 
tière. Ceci  pourrait  satisfaire  aux  exigences  d*un 
professeur  d'histoire  naturelle,  sans  atteindre  no- 
tre but,  qui  est  de  populariser  et  de  dégager  d'une 
érudition  fastidieuse  une  étude  qui  combine  l'utile 
avec  l'agréable. 

Nous  n'esquisserons  que  les  individus  marquants 
de  la  famille  accipùrine,  renvoyant  à  un  chapitre 
subséquent  ceux  de  nos  lecteurs  qui  désirent  con- 
naître ce  que  renferme  sur  ce  sujet  le  **  Cata- 
logue raisonné  de  Smithsonian  Institution.  " 

L'histoire  des  Faucons  et  l'art  de  la  Fauconnerie 
tel  que  pratiqué  encore  actuellement  en  Allema- 
gne, en  Angleterre  et  en  Belgique,  voilà  de  quoi 
intéresser  toutes  les  classes,  y  inclus  cette  classe 
peu  nombreuse,  nous  aimons  à  le  croire,  pour 
laquelle  le  magnifique  panorama  de  la  nature 
animée  est  un  livre  scellé.  Un  autre  chapitre  ré- 
sumera, d'après  les  meilleurs  auteurs.  Part  de  la 
chasse  à  l'Oiseau,  cet  art  qui  remplissait  une  par- 
tie si  notable  de  l'existence  de  nos  aïeux.  Persua- 
dés que  nous  sommes  que  l'on  jettera  avec  plaisir 
un  coup  d'oeil  rapide  à  travers  les  créneaux  de  ces 
vieux  châteaux  où  Messieurs  nos  pér-es  menaient 
vie  noble  et  joyeuse — que  Ton  franchira  volontiers 
avec  nous  le  pont  levis  de  leurs  castels  où  repo- 
saient sous  la  garde  de  Dieu,  leurs  femmes  et  leurs 
enfants,  dans  ces  temps  aventureux,  où  une  par- 
tie de  la  population  guerroyait  contre  leurs  fiers 
barons,  tandis  que  l'autre  allait  chevauchant  en 
Palestine,  pour  y  expirer  gaiment  au  premier 
rang,  au  cri  de  guerre  :  Montjoy  St.-Denis  ! 

Nous  rappellerons  les  amusements  de  ce  moyen 
âge,  de  cette  époque,  où  le  jeune  châtelain  **  avec 
l'or,  le  faucon  et  le  cor  de  chasse,  précédé  de  la 
harpe  du  troubadour  et  de  la  cithâr*e  du  romau- 


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cier,  visitait   les  pays  lointains  et  les  cours  étraii- 
gôres,  pour  se  rendre  chevalier  pariait.  ** 

Ce  faisant,  nous  remplirons  un  double  but  :  d'a- 
bord celui  d'intéresser  le  lecteur  au  bon  vieux  temps, 
k  ce  temps»  dont  maintenant  chacun  médit  à  tout 
propos  et  hors  de  propos;  ensuite  celui  de  nous  en- 
quérir pourquoi,  à  Tinstar  de  leurs  pères,  les  enfants 
ne  dresseraient  pas  nos  bons  amis  les  Eperviors 
à  chasser  pour  leurs  maîtres,  Perdrix,  Canards, 
Pigeons  et  autres  gibiers,  afin  par  ce  moyen,  de 
confier  à  d'autres,  en  ce  siècle  merveilleusement 
pratique,  la  besogne  fort  peu  récréative  dejaire  le 
marché,  selon  le  mot  du  peuple,  tel  qu^on  en  usait^ 
il  y  a  300  ans  et  tel  qu'on  en  use  actuellement 
ailleurs. 

A  l'œuvre  donc.  Des  quatre  espèces  de  Vau- 
tours qui  habitent  l'Amérique  Centrale,  nous  ne 
dirons  mot — ils  ne  visitent  jamais  nos  climats. 
Parlons  des  Faucons. 

Les  Faucons  sont,  de  tous  les  Rapaces  diur- 
nes, les  plus  coutageux  et  les  plus  agiles;  leur 
vol  est  d'une  merveilleuse  rapidité  ;  on  cite  la  vi- 
tesse d'un  Faucon  échappé  de  la  fauconnerie 
de  Henri  II,  qui  supprima  en  un  jour  l'espace  sé- 
parant Fontainebleau  de  l'île  de  Malte,  c'est-à-diro 
une  distance  de  trois  cents  lieues.  Leur  livrée  est 
élégante,  quoique  les  teintes  foncées  y  dominent  ; 
leur  attitude  est  pleine  de  fierté  quand  ils  sont 
perchés  ;  mais  leur  marche  est  sautillante  et  peu 
gracieuse,  à  cause  de  la  longueur  et  de  la  forma 
demi-circulaire  de  leurs  ongles,  ainsi  que  de  l'éten- 
due de  leurs  ailes. 

Les  diverses  espèces  de  Faucons  diffèrent 
dans  leur  manière  de  chasser  :  cependant,  toutes 
saisissent  leur  proie,  non  pas  avec  le  bec,  mais 
avec  les  serres.  Si  cette  proie  est  un  oiseau,  le 
Faucon  se  laisse  tomber  sur  elle,  ou  Tenlève  en 
descendant  obliquement  sans  ralentir  son  vol,  ou 
la  saisit  après  avoir  tourné  en  spirale  autour 
d'elle  ;  s'il  attaque  un  mammifère,  il  le  saisit  à  la 
nuque,  et  si  la  victime  résiste,  il  lui  crève  les  yeux 
à  coups  de  bec.  Les  Faucons  dévorent  rarement 


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—  33  — 

leur  proie  sur  pluco  ;  lo  plus  souvent,  ild  rempor- 
tent à  récart,  sur  un  arbre  ou  sur  un  rocher.  Ils 
plument  presqu'en  entier  les  oiseaux  avant  de  les 
manger,  et  en  avalent  à  la  fois  des  morceaux  fort 
volumineux  ;  ensuite  ils  rejettent  en  pelottos  le 
peu  do  plumes  qu'ils  ont  avalées,  ainsi  que  les 
parties  qu'ils  no  peuvent  dipférer.  Les  Faucons 
habitant  les  montagnes,  les  forets,  les  bois  près 
des  r  amps.  Ils  émigrent  quelquefois  à  la  suite 
des  in^eaux  voyageurs  qui  leur  servent  de  proie. 

On  assigne  au  Canada,  parmi  les  "  accidentels," 
deux  espèces  de  faucons,  savoir  Falco  Islandicus, 
nommé  par  Buffon  le  Gerfaut  d'Islande  et  Falco 
Peregrinus  de  Brisson  ou  Faucon  Pèlerin  ou  pas- 
sager. Le  Gerfaut  d'Islande,  dit  Le  Maoût,  a  les 
taises  recouverts  par  les  plumes  dans  leurs  deux 
tiers  supérieurs  ;  le  tiers  inférieur  et  les  doigs 
sont  jaunes,  ainsi  que  le  tour  des  yeux  et  la  cire  ; 
le  bec  brun  de  plomb,  plus  foncé  à  la  pointe  ;  le 
fond  du  plumage  est  brun  en  dessus,  barré  et  ta- 
ché de  blanc  ;  il  est  blanc  en  dessous  avec  des 
taches  cordiformes,  et  des  bandes  altenies  claires 
et  foncées  sur  la  queue.  La  taille  est  de  dix-huit 
à  vingt  pouces.  Chez  le  jeune,  le  plumage  est 
brun,  unicoîore  en  dessus  ;  puis  après  la  pre- 
mière mue,  il  offre  des  bordures  d'un  blanc 
roussâtre  ;  les  parties  inférieures  sont  d'un  blanc 
plus  ou  moins  roussâtre  et  marqué  de  taches  lon- 
gitudinales brunes,  plus  larges  sur  les  flancs  et 
le  ventre.  La  cire,  le  tour  des  yeux  et  les  pieds 
sont  d'un  bleu  plus  ou  moins  foncé.  Le  nom  spé- 
cifique de  ce  Faucon  indique  sa  patrie  ;  il  des- 
cend quelquefois  vers  le  Sud,  mais  jamais  dit-on, 
au  delà  du  60e  parallèle.  Il  niche  sur  les  rochers 
les  plus  escarpés  ;  ses  œufs,  au  nombre  de  trois 
ou  quatre,  sont  d'un  jaune  roussâtre  clair,  avec 
des  taches  couleur  d'ocre  très  rapprochées  : 
Avons-nous  ou  non  parmi  les  "  accidentels,"  le  Fau- 
con blanc  (*)  (Falco  candicans  de  Graelin)  nommé 


C)  Richardson  l'a  remarqué  à  la  Baie  d'Hudson  et  Au- 
ilubon  Ta  vu  au  Labrador.  (Cassin  ) 


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par  Buftbn  le  Gerfaut  blanc  des  pai/a  du  Nwd — 
espèce  de  grande  valeur  pour  les  Fauconniers  ?- 
c'est  ce  que  nous  n'avons  encore  pu  constater. 
Le  Faucon  Pèlerin,  ainsi  que  le  Gerfaut  d'Is- 
lande, se  rencontrent  de  tems  à  autres  dans  l'Ouest 
de  la  Province  (*).  Comme  ce  Faucon  est  une 
fort  belle  espèce,  nous  allons  emprunter  au  conti- 
nuateur de  l'œuvre  de  (xeoffroy  St.  Hilaire,  le 
Maoût,  la  description  qu'il  en  donne.  "  Les  mous- 
taches sont  larges,  longues  et  noires  ainsi  que  les 
joues  ;  les  pieds  robustes  et  jaunes,  sont  vêtus  seu- 
lement dans  leurs  tiers  supérieurs  ;  le  doigt  mé- 
dian est  sensiblement  plus  long  que  la  tarse  ;  la 
queue  ne  dépasse  pas  le  bout  des  ailes  ;  Le  plu- 
mage des  parties  supérieures  est  brun,  à  raies  trans- 
versales plus  foncées  ;  la  gorge  et  le  cou  sont 
blancs  ;  la  poitrine  blanc  roussâtre  tirant  sur  le 
rose,  marquée  de  petites  stries  longitudinales 
noires  ;  les  parties*,  inférieures  sont  rayées  en  tra- 
vers de  brun  noir  sur  un  fond  cendré,  les  raies 
sont  plus  larges  aux  Hancs  et  au  ventre  ;  les  ré- 
miges sont  d'un  brun  nuancé  do  cendré  noirâtre, 
terminées  par  un  liséré  cendré  clair  ;  la  queue  est 
d'un  cendré  bleuâtre,  marquée  de  bandes  trans- 
versales terminée  de  cendré  blanchâtre.  La  taille 
du  mâle  est  de  4uatorze  pouces  ;  la  femelle  est 
d'un  tiers  plus  volumineuse.  " 

Notre  but  en  décrivant  si  en  détail  ces  deux 
espèces  est  de  fournir  les  moyens  de  les  identifier, 
s'il  s'en  rencontre  des  individus  en  Canada. 

Le  plumage  du  Faucon  Pèlerin  varie  non  seu- 
lement suivant  l'âge  et  le  sexe,  mais  encore  sui- 
vant les  saisons  et  les  climats  ;  il  habite  tout 
l'hémisphère  nord  du  globe,  et  y  niche  dans  les 
rochers  les  plus  escarpés — le  jeune  Faucon  pris 
en  septembre,  âgé  de  trois  mois  était  celui  que 
les  Fauconniers  dressaient  comme  le  plus  suscep- 
tibL  d'éducation.  Le  vol  du  Faucon  est  d'une 
rapidité  que  l'œil  a  peine  à  suivre.     Il  s'élève  au- 

(*)  Hand  Book  of  Toronto,  compilé  en  1855. 


35 


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<lo3SU9  de  sa  proie,  et  fond  porpcndiculiiiremeiit 
sur    elle,    tombant  des  nues  :  les   Poules  sont  sa 
nourriture  ordinaire.      On    l'appelle    Epervier   à 
Poules  aux  Etats-Unis  et  mangeur  de  Poules  à  la 
Louisiane  et  au  Canada.     Mais  il  mérite  d'autres 
litres  :  Voyez,  dit   l'ornithologiste   Audubon,  ces 
deux  pirates  déjeunant  à  la  fourchette  :  le   mâle 
dépèce  une  Sarcelle,  et  la  femelle  un  Canard  :  ils 
semblent  dans  un  tête  à  tête  amical,  se  féliciter  de 
leur  bonne  aubaine,  et  disserter  sur  la  saveur   du 
met  friand   qu'ils    ont  conquis  :  on   les  prendrait 
pour  des  épicurien!;  ;  ce  ne  sont  que  des  gloutons, 
et  leur  voracité  n'est  égalée  qne  par  leur  audace  ; 
ils  enlèvent  sur  l'eau    les  Canards,   les  Sarcelles, 
les  Oies,  et  les  transportent  sur  le  rivage  ;  il   faut 
que  le  fleuve  soit  bien  large  pour  que  le  ravisseur 
fatigué  lâche   sa  proie  :  alors,    il   en  cherche  une 
autre  plus  près  de  terre,    et   quand  il   l'a   saisie, 
triomphant,  il  l'emporte  en  lieu  sûr  pour  la  dévo- 
rer.   J'ai  vu  un  Faucon  venir  à  trente  pas  de  mon 
fusil,  se  jeter  sur  une  Sarcelle  que  je  venais   d'a- 
battre. Il  n'est  pas  moins  avide  de  Pigeons  que  de 
Canards  :  il  court  se  jeter  au  milieu  de  leurs  ban- 
des qui  voyagent  dans  les  hautes  régions  de  l'air 
et  qui,  pour  échapper  à   sa  griife,  exécutent  les 
plus  habiles  évolutions  :  il  ose   metne   quelquefois 
les  attaquer  dans  le  domicile  que  Thomme  leur  a 
prépaie      J'en  ai  surveillé  un,    pendant  plusieurs 
jours,  qui  avait  conçu  une  telle  affection  pour  mes 
Pigeons  qu'il  se  permettait  d'entrer  dans  le  colom- 
bier par  une  porte  et   en  sortait   par  l'autre   avec 
une  victime  :  voyant  la  terreur  et  le  désordre  que 
ses  invasions   causaient   parmi    mes   Pigeons,    et 
craignant   que    ceux-ci   n'émigrassent,  je   mis   à 
mort  le  voleur. 

Quand  le  Faucon  est  on  quête,  il  se  perche 
souvent  sur  les  branches  les  plus  élevées  d'un  ar- 
bre, dans  le  voisinage  des  terres  marécageuses  : 
on  voit  sa  tête  se  remuer  par  saccades  périodi- 
ques, comme  pour  mesurer  les  distances  qui  lo 
séparent  de  sa    proie  :  il  épie  une  Récassp  depuis 


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quelques  instants  :  tout  à  coup  il  se  piécipite  sur 
elle  avec  un  bruit  terrible,  Pétreint  de  ses  serres 
acerrées,  et  va  la  dévorer  dans  quelque  bois  voi- 
sin. 

Il  plume  adroitement  avec  son  bec,  sa  proie 
qu'il  tient  entre  ses  pattes  ;  aussitôt  qu'une  partie 
est  plumée,  il  la  déchire  en  lambeaux,  dont  il  se 
repait  avidement  ;  s'il  voit  s'approcher  un  ennemi, 
il  s'enfuit  avec  son  butin,  et  va  le  cacher  dans  l'in- 
térieure de  la  forêt.  C'est  surtout  en  rase  campa- 
gne qu'il  montre  de  la  défiance." 

Malgré  la  justesse  de  son  coup  d'œil,  la  rapi- 
dité de  son  vol  et  l'habileté  de  ses  manœuvres,  le 
Faucon  Pèlerin  ne  réussit  pas  toujours  à  s'empa- 
rer de  sa  proie  :  Baumann  a  vu  un  Pigeon,  pour- 
suivi par  un  Faucon,  se  précipiter  dans  un  étang, 
plonger,  sortir  de  l'eau  sain  et  sauf  et  échapper 
ainsi  aux  serres  de  son  ennemi.  Quelquefois 
môme  ce  rapace  est  vaincu  par  des  oiseaux  moins 
puissante»  que  lui,  dans  lesquels  il  attaque  des  ri- 
vaux ou  une  proie  :  M.  Gérard  a  vu  un  Corbeau 
tuer  un  Faucon  d'un  coup  de  bec  qui  lui  fendit  le 
crâne." 

Le  Faucon  à  défaut  d'autre  pâture  se  nourrit 
d'alouettes,  de  pleuviers,  et  de  corbigeaux,  sans  re- 
fuser dans  les  temps  de  disette,  le  poisson  mort.  La 
hardiesse  est  la  note  caractéristique  du  faucon  :  on 
le  voit  poursuivre  sa  proie  sous  le  fusil  du  chas- 
seur, et  souvent  payer  de  sa  vie  cette  insolente 
agression.  Voici  un  fait  intéressant  rapporté  par 
un  naturaliste  français,  M.  Gerbe. 

"Il  y  a  quelques  années,  un  faucon  pèlerin 
était  venu  s'établir,  en  septembre,  sur  les  tours  de 
la  cathédrale  de  Paris.  Pendant  plus  d'un  mois 
qu'il  y  demeura,  il  faisait  tous  les  jours  capture  de 
quelques  uns  de  ces  pigeons  que  l'on  voit  voltiger 
çà  et  là  au  dessus  des  maisons.  Lorsqu'il  aperce- 
vait une  bande  de  ces  oiseaux,  il  quittait  son  ob- 
servatoire, rasant  les  toits  ou  gagnant  le  haut  des 
airs,  puis  fondant  sur  la  bande,  et  s'attachant  à  un 
seul   individu  qu'il   poursuivait  avec   une  audace 


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inouïe,  quelquefois  à  travers  les  rues  des  quartiers 
les  plus  populeux.  Rarement  il  retournait  à  son 
poste  sans  emporter  dans  ses  serres  une  proie, 
qu'il  dépeçait  tranquillement,  et  sans  paraître  af- 
fecté des  cris  que  poussaient  contre  lui  les  enfants. 
Il  chassait  le  plus  habilement  le  soir,  entre  quatre 
et  cinq  heures,  quelquefois  dans  la  matinée;  tout 
le  reste  de  la  journée  il  se  tenait  tranquille.  Les 
amateurs,  aux  dépens  de  qui  vivait  ce  faucon,  fi- 
nirent par  ne  plus  laisser  sortir  leurs  pigeons,  ce 
qui,  probablement,  contribua  à  Téloigner  d'un  lieu 
où  la  vie  était  pour  lui  si  facile. 

Ces  oiseaux  jouissent  d'une  étonnante  longé- 
vité :  on  prit,  il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  au 
Cap  de  Bonne-Espérance,  un  Faucon  portant  un 
collier  d'or  sur  lequel  était  gravé  qu'en  1610  cet 
oiseau  appartenait  au  roi  d'Angleterre  Jacques  I  : 
il  avait  par  conséquent  cent  quatre-vingt  ans  et 
plus,  et  conservait  encore  beaucoup  de  vigueur  (*). 

Buteo  borealis  ;  l'Autour  ou  Buse  à  queue  rousse, 
ou  Grand  Mangeur  de  poules — est  extrêmement 
répandu  dans  nos  campagnes.  Quel  est  le  cul- 
tivateur qui  n'a  voué  aux  gémonies  ce  bandit  ailé, 
l'ennemi  le  plus  acharné  de  sa  basse  cour,  la  ter- 
reur de  ses  poules,  dindons  et  autres  oiseaux  do- 
mestiques. Plumage,  à  la  gorge  et  à  la  poitrine, 
d'un  blanc  légèrement  roussâtre,  avec  taches 
brunes,  arrondies  sur  le  dessous  du  corps,  taille 
20  pouces.  Son  vol  est  vigoureux  et  soutenu  à 
une  grande  hauteur.  On  le  voit  raser  la  cime  des 
plus  hauts  arbres  sans  agiter  ses  ailes,  ni  incliner 
sa  tête  de  droite  à  gauche,  pour  voir  ce  qui  est 
au-dessous  de  lui  :  ce  vol  3st  accompagné  d'un  cri 
triste  et  prolongé,  qui  s'entend  au  loin,  et  calculé 

(*)  "  Le  Faucon,  V Autour,  le  Tiercelet  (du  Canada),  sont 
"  absolument  les  mêmes  qu^cn  France  ;  mais  nous  avons  une 
*'  seconde  espèce  de  Faucons,  qui  ne  vivent  que  de  la  pêche.  " 
Charlevoix  :  Voyage  en  Amérique,  lettre  IX,  écrite  en 
1721. — "Cette  seconde  espèce  de  Faucons  oui  ne  vivent 
que  de  la  pêche," — c'est  sans  doute  leFandion  Âuvialis: 
l'Aigle  nonnette  décrite  ci-après.  (Note  de  l'auteur.) 


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à  mettre  en  dmoi  tous  les  ôtree  vivants  d'alentour, 
pour  les  faire  lever  et  fondre  dessus.  Quand  une 
proie  a  fiappé  sa  vue,  il  s'arrête  brusquement, 
comme  un  cheval  au  galop  dont  on  serre  tout  à 
coup  la  bride  :  il  semble  noter  la  place  avec  exac- 
titude, puis  il  va  se  percher  sur  l'arbre  le  plus 
voisin  ;  alors  il  se  retourne,  regarde  fixement  sa 
victime  et  presqu'aussitôt  s'élance  sur  elle  avec 
tant  de  vitesse  et  de  précision,  qu'il  la  manque 
rarement  ;  s'il  ne  trouve  rien  dans  les  champs,  il  se 
perche  sur  l'arbre  le  plus  élevé  de  la  forêt  et  pro- 
mène au  loin  ses  regards  :  un  gentil  et  leste 
écureuil  vient  de  saisir  une  noix,  il  la  roule  joyeux 
entre  ses  pattes,  et  se  dispose  à  la  croquer  quand 
tout  à  coup  tombe  sur  lui  la  Buse  à  queue  rousse, 
elle  le  saisit,  l'étrangle,  lui  perce  la  tête,  le  dévore 
sur  place,  ou  l'emporte  sur  la  branche  qu'il  vient 
de  quitter. 

Audubon  rapporte  que,  pendant  l'enfance  des 
jeunes,  le  nid  est  abondamment  pourvu  de  gibier, 
et  surtout  d'écureuils  gris,  que  les  parents  se  pro- 
curent, en  chassant  de  compagnie.  L'un  d'eux 
se  tient  au-dessus  de  l'arbre  où  se  trouve  le  qua- 
drupède ;  l'autre  l'attaque  directement  ;  celui- 
ci,  pour  éviter  son  ennemi,  tourne  autour  du 
tronc,  et  alors  le  premier  fond  sur  lui;  s'il  ne 
trouve  pas  un  trou,  il  est  saisi,  dépecé  et  distribué 
aux  petits.  L'attachement  conjugal,  qui  avait  ré- 
uni le  mâle  et  la  femelle  pour  la  conservation  de 
leur  postérité,  ne  dure  que  pendant  le  temps  né- 
cessaire à  leur  éducation  ;  dès  qu'ils  peuvent  se 
passer  de  leurs  parents,  ceux-ci  deviennent  aussi 
indifférents  l'un  à  l'autre  que  s'ils  ne  s'étaient  ja- 
mais connus. 

Pandion  fluvialis  (FishHaw^k  orOsprey),  l'aigle- 
iionnette  :  cette  espèce  qui  est  répandue  au  bord 
des  eaux  douces  de  j)resque  tout  le  globe  se  ren- 
contre assez  fréquemment  pendant  la  belle  saison, 
sur  les  rives  du  St.  Laurent,  sur  les  lacs  et  dans  les 
îles  giboyeuses  et  poissonneuses  du  bas  du  fleuve. 
Plumage  blanc,  à  manteau  l)run,  avec  taches  brunes 


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—  39  — 

sur  la  tête  et  la  poitrine  :  c'est  un  pôcheur  plu- 
tôt qu'un  chasseur.  Quelquefois  son  avidité  est 
telle  que  quand  il  s'est  attaqué  à  des  poissons  qui 
lui  lésistent  ou  dont  le  poids  est  supérieur  à  ses 
forces,  il  se  laisse  noyer  plutôt  que  de  lâcher  pri- 
se. Il  dédaigne  les  petits  poissons,  mais  il  s'em- 
pare volontiers  des  oiseaux  aquatiques  qui  se  tien- 
nent à  sa  portée.  "  Les  aigles  nonnettes  ont  des 
mœurs  assez  sociables  :  ils  voyagent  par  petites 
troupes,  suivent  les  contours  des  rivages,  pèchent 
les  uns  près  des  autres  sans  s'inquiéter  dans  l'exer- 
cice de  leur  industrie.  Ces  oiseaux  ont  un  rival 
acharné  dans  l'aigle  à  tcte  blanche  (Bald  Eagle), 
qui  leur  est  supérieur  en  force,  et  qui  profite  de 
cette  supériorité  pour  leur  ravir  leui  butin.  Ce 
despote,  perché  sur  le  sommet  d'un  arbre  élevé 
qui  domine  une  vaste  étendue,  veille  sur  tous  les 
mouvements  de  l'oiseau  pécheur,  qu'il  espère  dé- 
pouiller :  il  le  voit  descendre  des  hautes  régions 
de  l'air  avec  une  vitesse  qui  s'accroit  rapidement  : 
il  le  voit  disparaître  et  presqu'aussitôt  reparaître 
avec  sa  proie,  puis  s'élever  en  poussant  un  cri 
joyeux.  Le  ravisseur  s'élance  sur  î'aigle-nonnette  : 
celui-ci  qui  connaît  les  intentions  de  son  adver- 
saire fuit  rapidement,  son  rival  le  poursuit  avec 
acharnement  dans  les  mille  détours  qu'il  fait  pour 
l'éviter,  et  bientôt  le  plus  faible  des  deux  pirates 
lâche  son  bulin  :  alors  l'aigle  à  tète  blanche  se 
laisse  tomber  à  son  tour  et  happe  le  poisson  avant 
qu'il  ait  atteint  la  surface  de  l'eau.  " 

Où  couve-t-il  ?  Chasseurs  et  voyageurs  cana- 
diens, répondez  (*)  !  Charlevoix  parle  d'un  aigle 
pécheur.  C'est  sans  doute  à  l'aigle  nonnette  qu'il 
fait  allusion. 

Astui  atricapillus  ou   palumbarius  ;  Autour  or- 

(*)  Un  chasseur  nous  apprend,  nue  de  temps  immémo- 
rial, un  couple  d'Aigles-Nonettes  fréquente  les  rives  du 
lac  St.-Joseph  (comté  de  Québec).  Un  pin  séculaire  con- 
tient le  nid  qui  est  assez  volumineux — ces  années  der- 
nières la  famille  a  augmenté— et  il  y  a  maintenant  doux 
nids,  à  petite  distance  l'un  de  l'autre. 

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dinaire  (American  Goshawk).  C^est  là  un  des  plus 
beaux  oiseaux  de  la  famille  accipitrine.  {*)  L'au- 
tour habite  les  montagnes  basses  et  boisées,  et  ni- 
che sur  les  vieux  hêtres  et  les  vieux  chênes.  Il  se 
nourrit  ordinairement  d^écureuils,  de  pigeons,  de 
poulets,  de  souris.  Quoique  très  rusé  chasseur,  il  se 
laisse  prendre  facilement.  En  Europe,  l'oiseleur 
place  entre  quatre  filets,  de  neuf  à  dix  pieds  de 
hauteur,  un  pigeon  blanc  sur  lequel  l'autour  se  pré- 
cipite, mais  ce  qu'il  y  a  de  remarquable  c'est  qu'il  ne 
cherche  à  se  débarrasser  que  lorsqu'il  a  dévoré  sa 
proie.  Les  fauconniers  sont  parvenus  à  tiier  par- 
tie de  sa  voracité  en  le  dressant  pour  la  chasse, 
ainsi  que  l'épervier  ;  ce  qui  constituait  autrefois 
l'art  de  l'autourseiie,  où  l'on  employait  à  peu  près 
les  mêmes  moyens  que  pour  la  fauconnerie  ;  la 
chasse  à  l'autour  était  fort  fructueuse.  **  Pour  la 
chasse  aux  canards  et  aux  lapins,  dit  Selon,  on  le 
dressait  avec  des  canards  ou  des  lapins  domesti- 
ques, puis  on  le  conduisait  dans  des  garennes  et 
sur  le  bord  des  étangs  :  mais  on  se  gardait  bien 
de  lui  faire  connaître  les  pigeons  domestiques  et 
les  poules,  car  cette  chasse  était  la  plus  aisée,  il 
aurait  bientôt  dévasté  les  basses  cours  et  les  co- 
lombiers. 

L'Autour  de  Pensylvanie, — taille  plus  petite  ;  il 
est  en  dessus,  d'un  biun  fauve  qui  prend,  avec 
l'âge,  une  couleur  plombée  ;  les  pennes  sont  ra- 
yées d'un  brun  en  travers  ;  la  tête  est  coiffée 
d'une  espèce  de  calotte  noire  ;  le  dessous  du  corps 
est  blanchâtre,  avec  des  taches  brunes  ;  le  bec  et 
la  cire  sont  jaunes.  Cet  autour  qui  habite  les 
Etats-Unis,  se  rencontre  au  Canada. 

L'Autour  de  Stanley, — nommé  par  Audubon,  le 
faucon  de  Stanley — cette  espèce,  d'après  le  par- 
cours géographique  qu'on  lui  prête,  doit  également 
visiter  nos  climats  ;  ailes  brunes  en  dessus,  grisâ- 
tres et  rayées  de  noir  en  dessous  ;  le  dessous  du 
corps  est  jaunâtre,  avec  des  taches  lancéolées  bru- 

(*)  Notre  artiste  canadien  C  Kreikoff  a  réussi  à  s'en 
procurer  deux  spécimens  fort  beaux  en  décembre  dernier. 


41  — 


nos  ;  la  queue  est  brunâtre,  avec  des  barres  plus 
foncées,  les  plumes  de  la  tête  sont  fauves  à  leur 
bord  et  noirâtres  sur  leur  milieu  ;  la  mandibule  su- 
périeure est  noirâtre,  ainsi  que  lef  ongles,  la  cire 
verdàtre  ;  l'iris  et  les  tarses  jaunes.  Le  vol  de 
cet  oiseau  est  peu  élevé,  mais  rapide,  égal  et  pro- 
longé ;  il  glisse  silencieusement  en  rasant  la  cime 
des  forêts  et  se  détourne  rarement  de  la  droite 
ligne,  si  ce  n'est  pour  saisir  sa  proie  et  la  mettre 
en  sûreté  ;  de  temps  en  temps,  mais  rarement,  et 
lorsqu'on  a  tiré  sur  lui,  il  s'élève  en  spirale  et 
décrit  cinq  ou  six  tours,  puis  replonge  vers  la  terre 
et  prend  sou  voyage." 

*'  Un  jour,  dit  Audubon,  que  j'étais  en  obser- 
**  vation  près  de  la  Louisiane,  à  la  fin  de  Tau- 
"  tomne,  j'entendis  un  c  )q  chanter  dans  le  voi- 
**  sinage  d'une  ferme  ;  le  moment  d'après,  le 
**  Faucon  de  Stanley  passa  au-dessus  de  ma  tête, 
**  et  si  près  que  je  l'aurais  tiré  à  bout  portant,  si 
** j'avais  été  sur  mes  gardes;  presqu'aussitôt 
"j'entendis  le  gloussement  des  poules  et  le  cri 
"  de  guerre  du  coq.  Je  vis  alors  l'oiseau  de  proie 
**  s'élever  sans  effort  à  quelques  toises  en  l'air,  puis 
"  retomber  verticalement  comme  un  plomb.  Je 
**  m'avançai,  et  je  le  trouvai  qui  avait  saisi  le 
"  corps  du  coq  ;  le  Gallinacé  résistait  vaillamment, 
"  et  tous  deux  se  culbutaient,  sans  que  le  rapace 
**  fit  attention  à  moi.  Curieux  de  voir  l'issue  de 
"  l'affaire,  je  restai  immobile  ;  et  bientôt  je  m'ap- 
"  perçus  que  le  brave  coq  était  blessé  à  mort. 
**  Je  me  précipitai  vers  le  meurtrier  ;  mais  celui- 
**  ci  avait  fixé  sur  moi  son  regard  de  Faucon,  et, 
"  se  dégageant,  il  s'éleva  tranquillement  dans  les 
"  ail  s.  Je  lâchai  aussitôt  la  détente,  et  il  tomba 
"  près  de  sa  victime,  qui  était  déjà  morte  :  les 
*•  griffes  avaient  déchiré  la  poitrine  et  percé  le 
*'  cœur. 

"  Quelques  années  après,  je  vis  un  individu  fe- 
**  melle  de  cette  espèce,  attaquer  une  couvée  de 
"  petits  poulets  sous  les  yeux  de  leur  môie  ;  il  ve- 
*^  nait  d'en  saisir  un  et  de  l'enlever»  quand  lu  poute 

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"  intrépride  se  précipita  sur  lui  avec  furie,  et  le 
"  renversa  ;  le  pirate  fut  tellement  étourdi  de 
**  cette  irruption,  que  j'cu  le  temps  de  m'en  era- 
"  parer.  Cet  autour  fait  sa  proie  principale  des 
"  Gallinacés  :  il  est  aussi  friand  de  lièvres.  Il 
*'  suit  les  bandes  de  colombes  émigrantes,  et  porte 
••  le  désordre  dans  leurs  plialanges.'* 

Le  Faucon  des  Pigeons  (Falco  Columbarius 
de  Gmelin)  ou  Epervier  des  Pigeons.  Cette  es- 
pèce est  trop  connue  pour  qu'il  soit  nécessaire 
de  la  décrire  au  long  ;  elle  se  rencontre  de- 
puis la  Louisiane  à  la  Baie  d  Hudson.  Son 
nom  spécifique  indique  la  proie  qu'elle  recher- 
che. En  effet  elle  accompagne  les  bandes  de 
tourtres  dans  leurs  migrations  ;  celles-ci,  pour- 
suivies par  le  Faucon,  se  dispersent  ;  mais  le  ra- 
visseur en  a  saisi  une  dans  le  trouble  de  la  retraite. 
Les  Troupiales  (*),  qui  se  réunissent  en  bandes 
comme  les  touftres,  sont  sans  cesse  décimées  par 
lui  :  il  ne  les  perd  pas  de  vue,  dit  l'ornithologiste 
Vieillot,  et  se  perche  sur  u.i  arbre,  d'où  il  ob- 
serve en  silence  toutes  leurs  évolutions  sans  les 
troubler  ;  mais  au  moment  où  elles  vont  se  réfugier 
dans  les  roseaux,  il  s'élance  à  leur  poursuite  avec 
la  rapidité  de  la  flèche  et  s'empare  de  la  victime 
que  son  regard  a  choisie  d'avance.  Il  répand  la 
terreur  sur  les  rivages  parmi  le  gibier  de  mer, 
comme  dans  l'intérieur  des  terres.  Il  chasse  plu- 
sieurs espèces  de  bécassines,  ainsi  que  la  sarcelle 
aux  ailes  vertes-,  mais  celle-ci  n'est  pas  toujours 
prise  au  dépourvu,  et,  au  moment  où  le  Faucon 
descend  sur  elle  comme  un  plomb  du  haut  des 
airs,  elle  plonge  sous  les  eaux  et  échappe  à  son 
ennemi.  Quand  cet  oiseau  de  proie  est  blessé  au 
vol,  il  resserre  l'aile  blessé  et  descend  en  tour- 
noyant jusqu'à  terre.  Si  on  ne  le  prend  pas,  il  se 
sauve  en  clopinant  et  disparait  dans  les  bois  ;  si  le 
chasseur  arrive  près  de  lui  et  essaye  de  le  saisir, 
il  hérisse  ses  plumes,  pousse  un  cri   aigre  et  s'ac- 

(*)  Orioles. 


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cule  contre  un  tronc  d'arbie  ou  contre  un  rocher, 
en  ouvrant  ses  grittes,  dont  il  menace  son  vain- 
queur. Le  Falco  Temeraiius,  dit  LeMaoût, 
qu'Audubon  prenait  pour  une  espcce  nouvelle  et 
qu'il  nomma  le  Petit  Caporal  en  l'honneur  do  Na- 
poléon 1,  n'est  autre  que  le  mâle  trùs-vieux  du 
Falco  Columbarius  :  cet  oiseau  habite  la  rdgion 
tempérée  de  TAmérique  du  Nord  ;  il  est  fort 
commun  au  Mexique  et  dans  l'Amérique  Cen- 
trale, et  **  accidentel  seulement  "  en  Canada. 

Falco  Sparverius — Sparrow  Hawk — le  Faucon 
de  la  Caroline  autiement  dit  l'Eraerillon  de  St,- 
Domingue,  fort  commun  dans  les  deux  Amériques. 
Son  bec  est  bleuâtre  ;  la  cire  et  le  tour  des  yeux 
sont  d'un  jaune  vif,  ainsi  que  les  tarses  ;  le  des- 
sus du  corps  est  d'un  roux  vineux,  à  stries  noires 
transversales  ;  la  tôte  est  d'un  gris  bleuâtre,  roux 
et  vineux  au  sommet  :  les  tectrices  des  ailes  sont 
cendré  bleuâtre,  l-i  taille  de  dix  pouces  et  demi, 
*'  Cette  espèce,  dit  M.  Alcide  d'Orbigny  (*),  se 
rencontre  quelquefois  dans  les  lieux  éloignés  des 
habitations,  mais  bien  plus  souvent  auprès  des 
villages  et  des  villes  où  elle  parait  se  plaire."  Nous 
n'ajouterons  rien  de  plus  sur  les  habitudes  de  cet 
oiseau  qui  parait  peu  répandu  en  Canada. 

Le  Faucon,  connu  dans  les  campagnes  sous  le 
nom  d'Emerillon,  est  le  plus  petit  de  tous  les  oi- 
seaux de  proie  :  il  est  de  la  grosseur  d'un  Merle  ; 
il  est  fort  courageux  et  se  nourrit  d'allouettes, 
de  Pluviers,  de  Bécassines  et  môme  de  Perdrix  et 
de  Pigeons.  Sa  manœuvre,  pour  s'emparer  des  Per- 
diix  et  des  Pigeons,  réussit  presque  toujours  : 
quand  il  poursuit  une  compagnie  de  ces  oiseaux,  il 
commence  par  isoler  de  ses  compagnons  celui 
qu'il  convoite,  puis  il  décrit  autour  de  lui  une  spi- 
rale qu'il  resserre  de  plus  en  plus,  jusqu'au  moment 
où  il  saisit  sa  victime,  qu'il  heurte  de  sa  poitrine 
assez  violemment  pour  la  tuer  du  coup,  quand  sa 
griffe  l'a  manquée.  D'autres  fois,  c'est  en  passant 

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(**)  Ornithologie  do  llle  do  Cuba. 


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rapidement  le  long  des  haies  qu'il  enlève  sa  proie  ; 
8on  aspect  terrifie  les  oiseaux  caches  dans  le  feuil- 
lage ;  et  ils  se  laissent  prendre  sans  chercher  à 
fuir. 

"  Une  des  questions,  dit  Cassin,  les  plus  diffi- 
ciles à  résoudre  sur  la  famille  accipitrine,  c'est  la 
variété  de  leur  livrée,  selon  les  saisons  et  l'âge 
des  individus.  Il  y  a  nombre  de  particularités 
à  noter  sur  l'histoire  de  ces  animaux. — Plusieurs 
espèces,  telles  que  l'Oiseau  de  Washington  (Hali- 
etusWashingtonii),  l'Autour  de  Saint  Jean  (Archi- 
buteo  Sancti  Johannis),  sont  fort  rares  aux  Etats- 
Unis  et  au  Canada.  Pendant  l'hiver,  plusieurs 
espèces  fréquentent  les  rivages  de  la  mer,  d'autres 
les  bords  des  rivières  et  des  baies  —  l'appari- 
tion de  la  locomotive  et  des  vapeurs  en  a  fait 
déguerpir  un  grand  nombre  :  ces  innovations 
froissent  évidemment  les  idées  des  Aigles  et  des 
Eperviers.  De  temps  à  autres  on  distingue  au 
haut  des  airs  d'immenses  bandes  d'Eperviers  vo- 
yageant de  compagnie.  Ce  phénomèiie  a  été  re- 
marqué par  le  professeur  Baird,  de  Washington, 
leDi.  Hoy,  du  Wisconsin,  et  par  nous-même, 
dit  Cassin — ça  lieu  en  automne,  au  temps  où  les 
oiseaux  éinigrent  :  mais  son  objet  et  son  mode 
nous  sont  inconnus  et  font  naître  d'intéressantes 
conjectures  :  ça  ne  dure  que  peu  de  temps,  autre- 
ment il  serait  impossible  qu'un  si  grand  nombre 
d'oiseaux  de  proie  trouvassent  de  la  pâture.  C'est 
surtout,  ajoute  t-il,  dans  le  nord  de  l'Amérique 
Septentrionale  (dans  le  Canada,  par  exemple  ?) 
que  la  famille  accipitrine  a  de  l'intérêt  pour  le 
voyageur  et  le  naturaliste,  c'est  là  probablement 
qu'il  existe  plusieurs  espèces  inconnues.  " 

Nous  ne  dirons  pas  adieu  à  nos  amis  les 
Faucons,  sans  rappeler  à  nos  lecteurs  une  des 
gracieuses  fictions  des  poètes  de  l'antiquité,  où 
Ceyx,  roi  de  Trachyne,  raconte  à  Pelée  l'histoii'e 
de  son  frèie  Daedalion,  métamorphosé  en  Oiseau 
de  proie.  Ecoutons  Ovide  : 

'*  Vous  croyez  peut  être  que  cet  Oiseau,  qui  vit 


—  46  — 


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de  rapine,  et  rëpand  la  terreur  parmi  les  autres 
habitants  de  l'air,  a  toujours  porté  des  plumes  ; 
il  fut  Homme  autrefois,  et,  sous  sa  nouvelle 
forme,  il  a  conservé  son  âme  fière,  toujours 
prête  à  la  guerre  el  à  la  violence.  Il  se  nommait 
Daedalion,  et  avait  pour  père,  ainsi  que  moi,  le 
dieu  Lucifer,  qui  appelle  l'aurore  et  sort  le  der- 
nier de  la  voûte  céleste.  Autant  je  chéris  la  paix 
et  les  tranquilles  plaisirs  de  la  vie  conjugale,  au- 
tant mon  frère  était  avide  de  combats.  Hélas  ! 
sa  valeur  belliqueuse,  qui  soumit  les  rois  et  les 
nations,  n'est  plus  employée  aujourd'hui  qu'à 
poursuivre  les  timides  colombes  de  la  Thessalie. 
Il  avait  une  fille,  la  belle  Chioné,  qui  osât  se 
placer  au-dessus  de  Diane,  et  mépriser  la  beauté 
de  la  déesse.  **  Tu  ne  mépriseras  pas  ma  puis- 
sance, s^ëcria  Diane  en  courroux.  "  Elle  dit, 
courbe  son  arc  d'ivoire,  et  lance  une  flèche  acé- 
rée qui  va  percer  la  langue  téméraire  de  Chio- 
né  :  celle-ci  veut  se  plaindre  ;  mais  la  voix  lui 
manque  avec  la  parole,  et  sa  vie  s'échappe  avec 
son  sang.  O  pitié  !  quelle  fut  ma  douleur  !  et 
quelles  cansolations  ne  prodiguais-je  pas  à  mon 
malheureux  frère  !  Hélas  !  son  cœur  paternel 
fut  sourd  à  mes  paroles,  comme  les  rochers  au 
murmure  des  vagues,  et  il  ne  cessa  de  gémii 
sur  la  moit  de  sa  fille.  Mais  quand  il  la  vit  sur 
le  bûcher  qui  allait  la  consumer,  quatre  fois  il 
voulut  s'élancer  dans  les  flammes,  quatre  fois 
mes  mains  l'en  repoussèrent.  Alors,  il  prend  la 
fuite  d'un  pied  rapide,  et  tel  qu'un  taureau  qui 
porte  enfoncé  dans  son  col  le  dard  d'un  frelon, 
il  se  rue  loin  des  chemins  frayés.  Le  désir  de  la 
mort  accélérant  sa  course,  il  nous  échappe  à 
tous,  parvient  à  la  cime  du  Parnasse,  et  se  pré- 
cipite de  la  roche  la  plus  élevée,  mais  Apollon, 
ému  de  compassion,  le  change  en  Oiseau,  et  ses 
ailes  subitement  déployées  le  tiennent  suspendu 
dans  les  airs  ;  sa  bouche  devient  un  bec  crochu, 
ses  ongles  se  recourbent  en  griffes  aiguës.  Son 
ancien  courage  lui  reste,  et  sa  vigueur  est  supé- 


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—  46  — 

**  rieure  à  sa  stature.  Maintenant,  devenu  Faucon, 
"  il  est  cruel  pour  tous  les  autres  Oiseaux,  et 
"  venge  ses  douleurs  par  celles  qu'il  leur  fait 
"  souffrir.  " 


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LA  CHASSE  A  L'OISEAU. 

L'art  do  la  Fauconnerie,  qui  a  été  rapporte  de 
rOriont  par  les  Croisés  et  que  l'invention  des 
armes  à  feu  a  fait  tomber  en  désuétude,  n'est  rien 
moins  qu'oublié  dans  certaines  villes  de  l'An- 
gleterre et  de  l'Allemagne.  11  y  a  en  Belgique, 
prés  de  Namur,  un  village  nommé  Ffû/crn-TIauzerf 
dont  les  habitants  ont  pour  unique  industrie  l'édu- 
cation du  Faucon.  Ils  vont  chercher  ces  oiseaux 
dans  le  Hanovre,  revenant  les  diesser  dans  leur 
village,  et  les  vendent  ensuite  dans  le  nord  de 
l'Europe,  à  l'aide  de  correspondances  qu'ils  y  en- 
tretiennent avec  soin.  Lorsqu'ils  ont  placé  un 
Faucon  dressé,  ils  restent  chez  l'acheteur  jusqu'à 
ce  que  le  Faucon  soit  habitué  à  obéir  à  la  voix  de 
son  nouveau  maître. 

"  Réduire  l'animal  sauvage  à  abdiquer  l'exer- 
cice de  sa  volonté  et  à  peidre  toute  confiance  en 
ses  propres  ressources  ;  lui  faire  voir  dans  l'homme 
l'arbitre  suprême  de  son  repos  et  de  son  bien-être  ; 
en  un  mot,  l'assujettir  par  la  crainte  et  le  fixer 
par  l'espérance,  tel  est  le  but  que  se  propose  le 
fauconnier  ;  l'art  d'apprivoiser  les  animaux  en 
général  est  basé  sur  les  mêmes  principes. 

Il  faut  d'abord,  pour  dresser  le  Faucon,  le  faire 
consentir  à  demeurer  immobile  à  la  même  place  et 
privé  de  la  lumière  du  jour  ;  un  supplice  de  soi- 
xante-douze heures  suffit  pour  cela.  Pendant 
tout  ce  temps,  le  fauconnier  porte  continuellement 
sur  le  poing  l'oiseau  armé  d'entraves  no.nmées 
jets  :  ce  sont  de  menues  courroies,  terminées  par 
des  sonnettes,  qui  servent  à  lier  ses  jambes.  Dans 
cette   position,    on   l'empêche   soigneusement  de 


—  47  — 


dormir,  ot,  s'il  se  révolte,  on  lui  plonge  la  tête 
dans  l'eau.  Au  tourment  do  l'insomnie  est  ajou- 
té celui  de  la  faim  ;  et  bientôt  l'animal  vaincu  pi  r 
Pinanition  ot  la  lassitude,  se  laisse  coiffer  d'un 
chaperon.  Lorsque,  étant  décoiffe,  il  saisit  la 
viande  qu'on  a  soin  de  lui  présenter  de  temps  en 
temps,  et  qu'ensuite  il  se  laisse  docilement  re- 
mettre le  chaperon,  on  juge  qu'il  a  renoncé  à  sa 
liberté  et  qu'il  accepte  pour  maître  celui  de  qui  il 
tient  la  nourriture  et  le  sommeil.  C'est  alors  que 
pour  augmenter  sa  dépendance,  on  augmente  ses 
besoins  :  pour  cela  on  stimule  artificiellement  son 
appétit  en  lui  nettoyant  l'estomac,  avec  des  pe- 
lottes  de  filasse  retenues  par  un  fil,  qu'on  lui  fait 
avaler  et  qu'on  retire  ensuite.  Cette  opération, 
nommée  en  terme  de  vénerie  curCy  piouuit  une 
faim  dévorante,  que  l'on  satisfait  après  l'avoir  ex- 
citée ;  et  le  bien  ôtre  qui  en  résulte,  attache  l'oi- 
seau à  celui  môme  qui  l'a  tourmenté." 

Lorsque  cette  première  leçon  (qu'il  faut  quel- 
quefois réitérer)  a  roussi,  on  porte  l'oiseau  sur  le 
gazon  dans  un  jardin  :  là,  on  lui  enlève  son  cha- 
peron, et  le  fauconnier  lui  présente  un  morceau 
de  viande  :  s'il  saute  de  lui-môme  sur  le  poing 
pour  s'en  repaître,  son  éducation  est  déjà  fort 
avancée  et  l'on  s'occupe  de  lui  faire  connaître  le 
leurre.  Le  leurre  est  un  morceau  de  cuir  garni 
d'ailes  et  de  pieds  d'oiseau,  c'est  une  effigie  de 
proie,  sur  laquelle  est  attaché  un  morceau  de 
viande  ;  il  est  destiné  à  réclamer  l'oiseau,  c'est-à- 
dire  à  le  faire  revenir,  lorsqu'il  se  sera  élevé  dans 
les  airs.  11  est  important  que  le  Faucon  soit,  non 
seulement  accoutumé,  mais  affiiandé  à  ce  leurre, 
qui  doit  toujours  être  la  récompense  dosa  docilité  : 
ainsi,  après  l'avoir  dompté  par  la  faim,  on  conso- 
lide sa  servitude  par  la  gourmandise  ;  mais  le 
leurie  ne  suffirait  pas  sans  la  voix  du  Fauconnier. 
Lorsque  l'oiseau  obéit  au  réclame  dans  un  jardin, 
on  le  porte  en  pleine  campagne,  on  l'attache  à 
une  filière  ou  ficelle  de  soixante  pieds  de  lon- 
gueur, on  le  découvre,  et,  en   l'appelant  à    quel- 


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ques  pas  de  distance,  on  lui  montre  le  leurre  ; 
B*il  fond  dessus,  on  lui  donne  de  la  viande  ;  le 
lendemain,  on  la  lui  montre  d*un  peu  plus  loin, 
et  quand  il  fond  sur  son  leurre  de  toute  la  lon- 
gueur de  la  filière,  il  est  complètement  assuré. 

Alors,  pour  achever  Téducation  du  Faucon,  il 
faut  lui  faire  connaître  et  manier  le  gibier  spécial 
auquel  il  est  destine  ;  on  en  conserve  de  privés 
pour  cet  usage  :  cela  s'appelle  donner  Vescap»  On 
attache  d'abord  la  victime  à  un  piquet,  et  on  lâche 
dessus  le  Faucon,  retenu  par  sa  filière.  Quand  il 
connaît  le  î^j/*  (s'élance  dessus),  on  le  met  hors  de 
filière  et  on  le  lance  sur  une  proie  libre,  à  la- 
quelle on  a  préalablement  cousu  les  paupières 
pour  l'empêcher  de  se  défendre.  Enfin  quand  on 
est  bien  assuré  de  son  obéissance,  on  le  fait  voler 
pour  bon  :  c'est-à-dire  on  le  laisse  libre. 

La  chasse  à  VOiseau^  dont  la  noblesse  d'autre- 
fois faisait  ses  délices,  avait  moins  souvent  pour 
but  de  procurer  au  chasseur  uue  proie  comestible, 
que  de  lui  offrir  un  spectacle  récréatif:  le  vol  du 
Faisan,  de  la  Perdrix,  du  Canard  sauvage,  était, 
disait  on,  plaisir  de  gentilhomme  ;  mais  ce  qu'on 
nommait  plaisir  de  prince^  c'était  le  vol  du  Milan, 
du  Héron,  de  la  Corneille  et  de  la  Pie,  véiitable 
gibier  de  luxe,  sans  aucune  valeur  culinaire.  Le 
vol  du  Milan  était  le  plus  rare  de  tous.  La  pre- 
mière difficulté  à  vaincre  était  de  le  faire  descen- 
dre des  hautes  régions  de  l'atmosphère,  où  le 
Faucon  lui-même  n'aurait  pu  l'atteindre;  pour 
cela  on  prenait  un  Grand  Hibou  ou  Duc  ;  on  af- 
fublait ce  Duc  d'une  queue  de  Renard  pour  le 
rendre  plus  remarquable,  et  on  le  laissait  ainsi, 
dans  une  prairie,  voltiger  à  fleur  de  terre.  Bien- 
tôt le  Milan,  planant  dans  la  nue  pour  guetter  une 
proie,  distinguait  de  sa  vue  perçante  un  objet  bi- 
zarre, s'agitant  sur  le  sol  ;  il  descendait  pour  l'exa- 
miner de  plus  près  ;  aussitôt  on  lançait  sur  lui  un 
Faucon  qui,  dès  l'abord,  s'élevait  au-dessus  du 
Milan,  pour  fondre  sur  lui  verticalement  ;  alors 
commeuçait  un  combat,  ou  plutôt  des  évolutions 


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de  l'intérêt  le  plus  vaTië  ;  le  Milan,  fin  voilier, 
fuyait  devant  le  Faucon  en  s^élevant,  s'abaissant, 
croisant  brusquement  sa  route,  et  prenant,  à  angle 
aigu,  les  directions  les  plus  imprévues  ;  le  Faucon 
non  moins  agile  que  lui,  mais  plus  courageux,  et 
en  outre  stimuld  par  la  faim,  le  poursuivait  avec 
ardeur  dar«  ces  mille  évolutions  :  il  le  saisissait 
enfin  et  l*<t;  ;>  )rtait  à  son  maître. 

Le  vol  du  Héron  et  de  la  Grue  était  non  moins 
amusant  pour  le  spectateur,  et  plus  dangereux 
pour  le  Faucon  :  Toiseau  poursuivi  se  laissait  plus 
facilement  atteindre,  mais  il  se  défendait  avec  plus 
de  courage,  et  Tassaillant  recevait  quelquefois  de 
sa  victime  des  blessures  auxquelles  il  ne  survivait 
pas  longtemps.  On  employait  même  le  Faucon, 
et  surtout  le  Gerfaut,  à  la  chasse  du  Liè^rre  ;  on 
faisait  d'abord  partir  celui-ci  au  moyen  d'un  li- 
mier :  puis  le  Faucon,  lancé  à  Pavance,  et  volant 
au-dessus  de  la  plaine,  apercevait  le  Lièvre  et 
tombait  sur  lui. 

Mais  de  tous  les  vols,  le  plus  amusant,  le  plus 
riche  en  incidents,  le  plus  commode  à  observer,  le 
plus  facile,  sinon  le  plus  noble,  était  le  vol  de  la 
Corneille  :  on  se  servait,  comme  pour  le  Milan, 
d'un  Duc,  afin  de  Tattirer,  puis  on  lançait  sur  elle 
deux  Faucons.  L'oiseau  poursuivi  s'élevait  d'a- 
bord au  plus  haut  des  airs,  les  Faucons  parve- 
naient bientôt  à  prendre  le  dessus  ;  alors  la  Cor- 
neille, désespérant  de  leur  échapper  par  le  vol, 
descendait  avec  une  vitesse  incroyable,  et  se  jetait 
entre  les  branches  d'un  arbre  :  les  Faucons  ne  l'y 
suivaient  pas  et  se  contentaient  de  planer  au-des- 
sus. Mais  les  fauconniers  venaient  sous  Tai  bre  où 
s'était  réfugiée  la  Corneille,  et,  par  leurs  cris,  la 
forçaient  de  déserter  son  asile.  Elle  tentait  encore 
toutes  les  ressources  de  la  vitesse  et  de  la  ruse, 
mais  le  plus  souvent  elle  demeurait  au  pouvoir  de 
ses  ennemis. 

Le  vol  de  la  Pie  est  aussi  vif  que  celui  de  la 
Corneille  :  mais  le  Faucon  n'attaque  pas  en  par- 
tant du  poing  ;  ordinairement  on  Je  jette  à  mont, 

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parce  qu'on  attaque  la  Pie  lorsqu'elle  est  dans  un 
arbre.  Souvent  elle  est  prise  au  moment  du  pas- 
sage; mais  quand  le  Faucon  Ta  manquëe,  on  a 
beaucoup  de  peine  à  la  faire  partir  de  Parbre  qui 
lui  a  servi  de  refuge  :  sa  frayeur  est  telle,  qu'elle 
se  laisse  prendre  par  le  chasseur,  plutôt  que  de 
s'exposer  à  la  terrible  descente  du  Faucon. 

Lorsqu'il  s'agit  de  la  chasse  de  la  Perdrix  ou  du 
Canard  sauvage,  on  emploie  la  même  manœuvre. 
On  lance  le  Faucon  dans  les  airs  avant  que  le  gi- 
bier soit  levé  ;  et  lorsque  le  Rapace  plane,  le  fau- 
connier, aidé  d'un  chien,  fait  partir  la  Perdrix, 
sur  laquelle  l'oiseau  descend.  Pour  le  Canard,  on 
lance  dans  les  airs  jusqu'à  trois  Faucons,  puis  on 
fait  lever  le  Canard  :  la  terreur  que  lui  inspirent 
les  Faucons  le  fait  gagner  l'eau — alors  des  chiens 
se  jettent  à  la  nage  pour  ^ui  faire  reprendre  soq 
vol. 

Ce  n'est  pas  seulement  en  Europe  que  l'on  cul- 
tivait la  fauconnerie  ;  elle  florissait  dans  toute 
l'antiquité  et  florit  encore  aujourd'hui  chez  les 
peuples  de  l'Asie  et  de  l'Afrique  Septentrionale. 
Les  Persans  et  les  habitants  du  Mogol  poussent 
même  plus  loin  que  les  Européens  l'éducation  du 
Faucon  :  ils  le  dressent  à  voler  sur  toutes  sortes 
de  proie,  et  pour  cela  ils  prennent  des  Grues  et 
d'autres  Oiseaux,  qu'ils  laissent  aller,  après  leur 
avoir  cousu  les  yeux  :  aussitôt  ils  font  voler  le 
Faucon  qui  les  prend  fort  aisément.  Il  y  a  des 
Faucons  pour  la  chasse  du  Daim  et  de  la  Gazelle, 
qu'ils  instruisent,  dit  Thevenot,  d'une  manière 
très-ingénieuse.  Ils  ont  des  Gazelles  empaillées, 
sur  le  nez  desquelles  ils  donnent  toujours  à  man- 
ger à  ces  Faucons  et  non  ailleurs.  Après  qu'ils  les 
ont  ainsi  élevés,  ils  les  mènent  à  la  campagne,  et 
loif-|U'ils  ont  découvert  une  Gazelle,  ils  lâchent 
deux  de  ces  oiseaux,  dont  1  un  va  fondre  sur  le 
nez  de  la  Gazelle,  et  s'y  cramponne  avec  ses 
griffes.  La  Gazelle  s'airête  et  se  secoue  pour  s'en 
délivrer  ;  l'oiseau  bat  des  ailes  pour  se  tenir  ac- 
croché, ce  qui  empêche  encore  la  Gazelle  de  bien 


—  51  — 

courir,  et  même  de  voir  devant  elle  ;  enfin,  lors- 
qu'avec  bien  de  la  peine  elle  s'en  est  défaite, 
l'autre  Faucon,  qui  est  en  Tair,  prend  la  place  de 
celui  qui  est  en  bas,  lequel  se  retire  pour  succé- 
der à  son  compagnon  lorsqu'il  sera  tombé  ;  et  de 
cette  sorte,  ils  retardent  tellement  la  course  de  la 
Gazelle,  que  les  chiens  ont  le  temps  de  l'attraper. 
Il  y  a  d'autant  plus  de  plaisir  à  ces  chasses  que  le 
pays  est  plat  et  découvert.  Ce  même  procédé, 
rapporte  un  autre  voyageur  célèbre,  s'applique  à 
la  chasse  au  Sanglier  (*). 

On  emploie  en  France,  le  Hobereau  ou  Epervier. 
à  la  chasse  des  Alouettes  et  autres  gibiers  (t)  ; 
pourquoi  nos  amateurs  canadiens  n'essaieraient-ils 
pas  d'après  la  méthode  que  nous  venons  d'indiquer, 
de  dresser  pour  la  chasse  de  la  Peidrix,  du  Oanaid 
Sauvage  et  du  petit  gibier  de  mer,  le  Faucon  pè- 
lerin, le  Gerfaut  d'Islande,  l'Autour,  l'Epervier  et 
l'Emerilhin  canadiens?  On  sait  avec  quel  succès  et 
avec  quel  éclat  le  vicomte  d'Eglington,  longtemps 
vice-roi  de  l'Irlande,  a  ressuscité,  ces  années  der- 
nières les  chasses,  les  joutes  et  les  tournois  du 
moyen  âge.  Est  ce  que  la  principale  objection  à 
cette  tentative  serait  sa  nouveauté  en  nos  cli- 
mat ?  Pourquoi  bannir  de  ce  pays,  où  abonde  le 
gibier',  un  plaisir  attrayant  et  facile  ?  Est-ce  que  la 
vie  de  château  est  disparue  de  nos  bords  ?  Est-ce 
que  dans  chaque  paroisse  que  côtoyé  notr*e  majes- 
tueux fleuve,  il  n'existe  pas  au  moins  un  vieux 
manoir  dont  le  respecté  seigneur,  pendant  la  belle 
saison,  va  chercher  dans  les  plaisirs  de  la  chasse 
une  distraction  aux  lettres,  à  la  politique  ou  à  la 
vie  champêtre  ? 


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(**)  La  presque  totalité  de  ces  détails  ont  été  puisés 
chez  un  savant  contemporain,  auipiel  nous  sommes  rede- 
vable de  plusieurs  élégantes  traductiDus  et  d'extraits  des 
ornithologistes  américains. 

(t)  Le  succès  des  Chinois  à  s'emparer,  au  moyen  d'Ai- 
gles-pêcheurs  dressés  à  ce  manège,  du  poisson  dans  la 
mer,  a  fort  intéressé  tous  les  voyageurs  qui  eu  ont  été 
témoins, 

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Le  millionnaire  de  Montréal  qui  a,  dit-on,  offert 
«£20,000  pour  fêter  dignement  le  vice-roi  pré- 
somptif de  l'Amérique  Britannique»  que  juillet 
doit  nous  amener  avec  ses  zéphirs,  aurait  il  ou- 
blié, dans  son  programme  des  "Plaisirs  de  Prince" 
qu'il  réserve  à  ce  royal  visiteur,  a'organiser  une 
chasse  canadienne  où  le  Daim,  le  Chevreuil,  le 
Renard  et  le  Faucon  canadiens  joueraient  leur 
rôle? 

Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  ces  détails  de 
vénerie  que  nos  aïeux  et  surtout  nos  aïeules  eus- 
sent lu  avec  un  vif  intérêt  :  le  vol  au  Faucon  était 
en  effet  la  chasse  favorite  des  Dames. 


LES  CYGNES  DU  CANADA, 


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De  temps  immémorial,  le  littoral  et  les  îles  du 
St.-Laurent  ont  été  renommés  pour  Tabondance 
des  oiseaux  aquati^^ui  s  qui  leâ  fréquentent  et  y 
couvent.  Cette  remarque,  tous  les  voyageurs,  tous 
les  navigateurs,  anciens  et  modernes,  Tont  faite. 
Dès  1632  (*),  les  Pères  Jésuites  avaient  remar- 
qué, à  l'entrée  du  golfe,  ces  deux  rochers  que 
Dieu  semble,  selon  leur  expression  pittoresque, 
avoir  placés  au  milieu  des  ondes  comme  des  "  co- 
lombiers''  pour  les  oiseaux  qui  y  séjournent,  sa- 
voir les  Iles-aux-Oiseaux  ;  plus  tard,  ils  font  éga- 
lement mention  d'un  nombre  d'îles  giboyeuses  à 

(*)  A  l'entrée  de  ce  golfe,  nous  vîmes  deux  rochers, 
Pun  rond,  l'autre  quarré;  •'  Vous  diriez  que  Dieu  les  a 
"  plantés  au  milieu  des  eaux  comme  deux  colombiers  pour 
"  servir  de  lieux  de  retraite  aux  oiseaux  qui  s'y  retirent 
"  en  si  grande  quantité,  qu'on  marche  dessus  ;  et  si  l'on 
'*  ne  se  tient  bien  ferme,  ils  s'élèvent  en  si  grande  quanti- 
"  qu'ils  renversent  les  personnes  ;  on  en  rapporte  des 
"  chaloup<*s  ou  des  petits  bateaux  tous  pleins  quand  le 
"  temps  permet  qu'on  les  aborde  :  les  Français  les  ont 
"  nommés  les  îles  aux  Oiseaux."  (Relation  des  Jésuites. 
Le  Père  Paul  Le  Jeune.) 


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Texcèa,  tel  que  Tlle-aux-Oies  (♦),  qui  certes  ne 
dëraent  pas  son  nom  et  qui  est  peuplée  jusqu'à  ce 
jour  d'une  multitude  d'oies,  d'outardes,  de  ca- 
narde ;  tel  encore  les  Ilets  de  Sorel  et  les  Mille 
Iles  qui  fourmillent  de  gibiers  pendant  la  moitié 
de  l'année,  et  la  batture  aux  Alouettes. 

Il  en  est  encore  ainsi  dans  le  bas  du  fleuve, 
comme  on  le  verra  par  l'extrait  suivant,  où  l'on 
reconaîtra  la  plume  facile,  le  talent  descriptif  et 
l'esprit  observateur  de  l'Abbé  Ferland.  **  Le  La- 
brador a  ses  charmes  non  seulement  pour  ceux 
qui  y  sont  nés,  mais  encore  pour  ceux  qui  y  ont 
passé  quelque  temps.  La  mer,  avec  l'abondance 
de  son  gibier  et  la  richesse  de  ses  pêcheries,  avec 
ses  jours  de  calme  et  de  tempête,  avec  ses  acci- 
dents variés  et  souvent  dramatiques  ;  la  terre, 
avec  la  liberté,  la  solitude  et  l'espace,  aveiî  ses 
chasses  lointaines  et  aventureuses,  offre  des  avan- 
tages et  des  plaisirs  qu'on  a  peine  à  abandonner 
quand  on  les  a  une  fois  goûtes Jacques  Car- 
tier et  les  premiers  navigateurs  parlent  avec  ad- 
miration de  la  multitude  d'oiseaux  qu'on  y  trou- 
vait. Quoique  le  nombre  en  soit  bien  diminué,  il 
en  reste  assez  pour  fournir  aux  besoins  des  gens 

(*)  L'Isle-aux  Ooudres  et  l'Isle-E,ux-0ie8  méritent  d'êtro 
**  nommées  en  passant.  La  première  est  souvent  remplie 
**  d'élans  qui  s'y  kencontrent.  La  seconde  est  peuplée  en 
"  son  temps  d'une  multitude  d'Oies,  de  Canards.  d'Ou- 
"  tardes,  dont  Vîle  qui  est  plate  et  chargée  dlierbe  comme. 
*'  une  praierie  en  paraît  toute  couverte.  Les  lieux  circon- 
*'  voisins  retentissent  incessamment  des  cris  de  ces  oiseaux, 
"  excepté  durant  les  tremblements  de  terre  qui  se  sont 
'  fait  sentir  cette  année  (1663):  car  ces  oiseaux,  pour 
"  lors,  à  ce  que  m'ont  assuré  quelques  chasseurs,  gar- 
"  daient  un  merveilleux  silence.'' — (Idem.)  Le  Père  Hié- 
rosme  Lalemand,  à  Kebec,  ce  4  sept.  1663.)  Le  vieux 
chroniqueur  a  tellement  conservé  les  couleurs  locales, 
qu'il  n'y  a  pas  un  chasseur,  qui,  à  la  lecture  de  cet  extrait, 
ne  s'imaginât  être  à  la  mi-septerabre  sur  la  batture  vaseuse 
de  l'Isle-aux  Oies,  et  entendre  dans  les  airs  le  cri  et  l'jiile 
sifflante  du  Canard  et  de  l'Outarde.    (I>îote  do  l'auteur.) 

Histoire  véritable  et  naturelle  de  la  Nouvelle^France, 
page35.  ,  .  , 

Charlevoii.  Voyage  en  Amérique. 

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—  64  — 

du  pays  si  les  déprédations  cessent.  Les  Mar- 
mettes,  les  Mouniacs,  les  Goëians,  les  Perro- 
quets (espèces  de  Canards),  les  Pigeons  de  mer, 
sont  bons  à  manger  au  printemps  et  à  Tautomne  ; 
mais  durant  l'été  ils  prennent  un  goût  qui  ne  con- 
vient pas  à  tous  les  estomacs.  Il  n'en  est  pas  de 
même  des  jeunes  oiseaux,  qui  se  mangent  pendant 
tout  Tété  ;  la  chair  du  petit  Goëlan  pour  le  goût 

ressemble  beaucoup  à  celle  du  Poulet 

**  La  Grosse-Ile  (au  Labrador,)  est  un  rocher 
ayant  une  longueur  de  quatre  ou  cinq  milles  ; 
élevée  et  avancée  à  la  mer  ;  on  l'aperçoit  de  loin 
dans  toutes  les  directions.  Ses  rochers,  ses  grèves 
tt  ses  baies  sont  riches  en  gibier.  Au  moment  où 
nous  y  arrivons,  (10  août  1859)  des  oiseaux  s'a- 
gitent de  toutes  parts  autour  de  nous  :  plusieurs 
familles  de  jeunes  mouniacs  s'enfuient  sur  l'eau, 
ayant  des  ailes  encore  trop  faibles  pour  voler  ; 
les  Goddee,  penguins  en  miniature,  et  les  Cormo- 
rans nous  adressent  des  injures  du  haut  de  leurs 
rochers;  des  Goëians,  des  Corbeaux,  des  Hibous, 
des  Chouettes  tournoient  en  poussant  des  cris 
d'inquiétude.-..  "Au  large  de  la  Grosse-Ile 
sont  plusieUi's  ilôts,  pai  mi  lesquels  est  un  de  ceux 
où  les  marmettes  ont  coutume  de  couver.  Les 
marmettes  ressemblent  aux  Canards  :  elles  sont 
très  nombreuses  dans  les  îles  du  Labrador.  Elles 
déposent  leurs  œufs  et  couvent  dans  certaines  iles 
isolées,  qu'elles  ont  adoptées  de  temps  immémorial 
et  où  elles  reviennent  tous  les  ans  :  on  reconnaît 
d'une  grande  distance  les  îles  que  ces  oiseaux  fré- 
quentent, par  leur  falaises  blanches.  La  couleur 
que  prennent  les  rochers  est  due  vlu  guano f  accu- 
mulé d'année  en  année  et  couche  par  dessus 
couche.  Les  œufs  de  mai  mette  sont  de  la  gros- 
seur des  œufs  de  Canards,  et  sont  bien  meilleurs 
que  ceux  des  autres  oiseaux  aquatiques  du  pays  ; 
ils  sont  aussi  beaucoup  plus  recherchés.  Ils  se- 
raient une  grande  ressource  pour  les  planteurs, 
s'ils  n'étaient  enlevés  annuellement  par  des  étran- 
gers, qui   en  chargent  leurs  goélettes.    Ces  pil- 


55  — 


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lards  font  de  groa  profits,  car  ÏU  vendent  les  œufs, 
dix  ou  douze  piastres  le  baril,  sur  les  marchés 
d'Halifax  et  des  Etats-Unis.  C'est  avec  peine 
que  les  habitants  de  la  côte  réussissent  à  en  faire 
pour  leur  usage  une  petite  provision  de  trois  ou 
quatre  barils  par  famille.  Grâces  aux  réglementa 
que  vient  de  faire  la  Législature  provinciale,  il 
e^t  à  espérer  que  les  autorités  réussiront  à  arrêter 
les  déprédations,  et  à   empêcher  la  destruction  du 

Gibier  qui  en  résulte *•  Entre    Blanc  Sablon 

et  Brador  est  Tlle  aux  Perroquets,  qui  a  reçu  son 
nom  d'une  espèce  de  Canard  à  tête  de  perroquet. 
L'île  est  couverte  de  ces  oiseaux  ;  et  à  chaque 
instant  on  voit  quelque  volier  s'élcignant  vers  la 
mer,  ou  revenant  vers  l'île.  C*e5?t  un  temps  de 
travail  p Dur  eux;  car  les  petits  sont  maintenant 
nombreux  et  pour  les  nourrir,  il  faut  que  les  pères 
et  mèies  fassent  la  pêche  au  lançon.  Le  lançon 
est  un  très  petit  poisson,  dont  les  oiseaux  et  la 
morue  sont  friands.  Comme  il  est  maintenant 
abondant  dans  la  Baie,  les  Perroquets  vivent  en 
épicuriens.  Ceux  d'entre  eux  qui  n'ont  pas  de 
famille  à  nourrir  sont  en  plein  carnaval  ;  car  ils 
n'ont  qu'à  flâner  et  à  manger  ;  et  quelques-uns 
sont  si  gras,  qu'ils  ont  peine  à  se  lever  lorsqu'ils 
sont  poursuivis  par  le  chasseur.  " 

Nous  ne  pouv'ons  résister  à  la  tentation  d'em- 
prunter au  savant  abbé  la  description  *'  des  espiè- 
gleries, (comme  il  les  appelle),  des  ours  blancs  du 
Labrador,  quelque  étranger  que  cela  puisse  être 
à  notre  sujet.  "  Il  y  a  quelques  années,  trois 
îeunes  gens  passant  ensemble  l'hiver,  avaient  lais- 
sé la  cabane  pour  visiter  les  pièges  tendus  dans 
la  forêt.  En  entrant  au  logis,  ils  furent  étonnés 
de  trouver  la  porte  arrachée  et  jetée  sur  la  neige. 
Ils  crurent  d'abord  que  quelque  farceur  de  voisin 
était  venu  leur  jouer  un  tour  pendant  leur  ab- 
sence. Dans  la  cabane  tout  avait  été  bouleversé  : 
le  poêle  et  le  tuyau  étaient  renversés;  l'armicire 
avait  été  vidée  ;  la  provision  de  lard  avait  été 
gaspillée  ;  le  sac  do  farine   n'y  était  plus   et  avec 


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lui  avait  disparu  une  tasse  de  ferblanc,  une  paire 
de  bottes  et  un  paletot.  Ce  n'était  plus  un  badi- 
nage  ordinaire  :  il  y  avait  vol  avec  effraction  et  il 
ne  restait  pius  de  provisions  ;  il  fallait  découvrir 
le  voleur.  Tous  tiois  se  mettent  en  quête  ;  l'on 
cherche  les  pistes  et  l'on  reconnaît  que  deux  ours 
de  forte  taille  avaient  causé  tout  le  dégât.  Les 
voleurs  avaient  décampé,  et  ne  purent  être  rejoints  ; 
mais  ils  avaient  laissé  des  preuves  du  délit.  A 
peu  de  distance,  était  le  sac  vide  et  déchiré  ;  un 
peu  plus  loin  gisait  la  tasse  broyée  et  portant  l'em- 
preinte  de  longues  et  fortes  dents.  Quant  au  pa- 
letot et  aux  bottes,  les  gaillards,  étant  probable- 
ment en  voie  de  civilisation,  avaient  cru  devoir  les 
emporter,  dans  l'intérêt  des  mœurs  "  (*), 

Ne  croirait-on  pas  lire  un  de  ces  beaux  passages 
où  l'héroïque  et  infortuné  Dr.  Kane  décrit  les  tours 
que  les  ours  blancs  lui  jouaient  en  1855,  dans  le 
cercle  articque  en  saccageant  sa  cache  et  son  pem,' 
micani 

"  Ces  sites  tout  a  fait  solitaires,  propres  à  l'é- 
tude et  à  la  méditation,  où  l'on  n'entend  d'autres 
Bons  que  le  chant  des  oiseaux  et  le  bruit  de  la 
vague  qui  vient  déferler  sur  le  sable  du  rivage,  " 
ces  sites  décrits  par  le  missionnaire  du  christia- 
nisme en  1859,  c'étaient  les  mômes  où  vingt-cinq 
ans  auparavant  avait  écrit  et  médité  le  mission- 
naire de  la  science,  l'illustre  Audubon,  dans  ses 
courses  lointaines. 

Parmi  nos  oiseaux  aquatiques,  le  plus  remar- 
quable est  sans  contredit  le  cygne  ;  nous  lui  fe- 
rons les  honneurs  d'une  description  détaillée. 

Il  y  a  en  Amérique  deux  espèces  de  Cygnes, 
savoir  :  Cygnus  Américanus  et  Cygnus  Buccina- 

tor  (1).      .         ^ 

Ce  dernier  fréquente  nos  parages  comme  **  ac- 

(*)  Rapport  sur  les  Missions  du  Diocèse  de  Québec- 
Missions  du  Labrador,  par  1  abbé  Ferland,  1859. 

(t)  Un  naturaliste,  jadis  employé  par  Audubon,  nous 
informe  que  sur  le  lac  Ërié  il  existe  beaucoup  de  Cygnes. 

Dimensions  du  Cygne  améncain  :  53  h  84. 


—  57  — 


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cidentel  "  seulement;  son  parcours  gëographiqutf 
est  Ifi  valiëe  du  Mississippi  jusqu'à  l'Océan  Paci~ 
fique.  L'autre  espèce,  le  Cygne  Américain,  as- 
sez commun  sur  les  grands  lacs  du  Haut-Canada, 
se  rencontre  de  temps  à  autre  dans  cette  partie  de 
la  province.  Le  Cygne  est  un  excellent  nageur. 
Sa  nourriture  ordinaire  consiste  en  graines,  ftuil- 
les  et  racines,  et  en  grenouilles,  mollusques,  sang- 
sues et  insectes  aquatiques  :  il  mange  aussi  des  pe- 
tits poissons.  Il  est  moncïgame.  Le  Cygne  Amé- 
ricain (Cygnus  olor  de  Vieillot)  a  le  bec  rougo 
bordé  de  noir  ;  son  plumage  est  d'un  blanc  de 
neige.  C'est  cette  espèce  que  l'on  apprivoise 
pour  orner  les  bassins,  les  fontaines.  Elle  vole 
très  haut  et  très  vite,  et  se  seit  de  ses  ailes 
comme  d'une  arme  offensive  puissante.  Ses  mœurs 
sont  douces  et  paisibles.  Dans  les  régions  tem- 
pérées, la  ponte  a  lieu  en  février  ;  la  femelle  fait 
un  grand  nid  avec  des  tiges  de  joncs  et  de  roseaux  ; 
elle  le  garnit  de  plumes  et  de  duvet,  et  y  pond 
six  à  huit  œufs  d'un  blanc  verdàtre  ;  elle  les  couve 
seule  pendant  cinq  semaines  ;  mais  si  le  mâle  ne 
partage  pas  Tincubation,  il  veille  près  de  sa  com- 
pagne pour  écarter  et  pour  poursuivre  tout  étran- 
ger qui  voudrait  s'approcher.  Il  a  tant  de  force 
dans  son  aile  qu'un  coup  bien  appliqué  peut  casser 
la  jambe  à  un  homme.  Il  nous  est  pénible  de 
faire  main  basse  sur  les  riantes  fictions  inventées 
par  les  poètes  à  propos  de  la  voix  mélodieuse  du 
Cygne  Mourant;  mais  comme  la  vérité  est  pré- 
férable même  à  la  poésie,  nous  devons  à  nous- 
même  et  aux  faits  de  protester  contre  ses  char* 
mantes  créations  poétiques. 

BufFon  a  écrit  sur  le  Cygne  un  magnifique  cha- 
pitre. Nous  en  citerons  les  deux  principaux  pas- 
sages qui  suffiront  au  lecteur  pour  porter  un  ju- 
gement exact  sur  les  qualités  et  les  défauts  de  ce 
brillant  génie.  Ecrivain  sans  égal,  dit  LeMaoût, 
quand  il  décrit  ce  qu'il  a  observé,  il  n'est  qu'un 
poëte  élégant  toutes  les  fois  qu'il  prête  aux  ani- 
maux des   sentiments  et  des  mœurs    imaginaires. 


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—  68  — 

**  Dans  toute  société,  dit  Buffon,  soit  des  animaux, 
soit  des  hommes,  la  violence  fait  les  tyrans,  la  douce 
autorité  fait  les  rois.  Le  Lion  et  le  Tigre  sur  la 
terre,  l'Aigle  et  le  Vautour  dans  les  airs,  ne 
rognent  que  par  la  guerre,  ne  dominent  que  par 
Pabus  do  la  force  et  par  la  cruauté  ;  au  lieu  que 
le  Cygne  règne  sur  les  eaux  à  tous  les  titres  qui 
fondent  un  empire  de  paix  :  la  grandeur,  la  ma- 
jesté, la  douceur,  avec  des  puissances,  du  cou- 
rage, des  forces  et  la  volonté  de  n'en  pas  abuser, 
et  de  ne  les  employer  que  pour  la  défense.  Il  sait 
combattre  et  vaincre  sans  jamais  attaquer  ;  roi 
paisible  dos  Oiseaux  d'eau,  il  brave  les  tyrans  de 
l'air,  il  attend  l'Aigle,  sans  le  provoquer,  sans  le 
craindre  ;  il  repousse  ses  assauts,  en  opposant  à 
ses  armes  la  résistance  de  ses  plumes  et  les  coups 
précipités  d'une  aile  vigoureuse  qui  lui  sert  d'é- 
gide, et  souvent  la  victoire  couronne  ses  efforts. 
Au  reste,  il  n'a  que  ce  fier  ennemi  :  tous  les  Oi- 
seaux de  guerre  le  respectent,  et  il  est  en  paix 
avec  toute  la  nature  ;  il  vit  en  ami  plutôt  qu'en  roi 
au  milieu  des  nombreuses  peuplades  des  Oiseaux 
aquatiques,  qui  toutes  semblent  se  ranger  sous  sa 
loi  ;  il  n'est  que  le  chef,  le  premier  habitant 
d'une  république  tranquille,  où  les  citoyens  n'ont 
rien  à  craindied'un  maître  qui  ne  demande  qu'au- 
tant qu'il  leur  accorde  et  ne  veut  que  calme  et  li- 
berté." 

Voilà,  certes,  s'écrie  Le  Maoût,  le  portrait  d'un 
roi  constitutionnel,  dans  toute  la  beauté  du  mot  ; 
mais  on  ne  peut  s'empêcher  de  penser  que  Buffon 
en  éciivant  cette  utopie  politique,  avait  perdu  de 
vue  le  Cygne,  dont  il  se  faisait  l'historien.  L'aigle 
pourrait  à  la  ligueur  être  nommé  le  tyran  de 
l'air,  puisque  tous  les  oiseaux  sont  exposés  à  sa 
voracité  ;  mais  le  Cygne  n'est  nullement  le  roi 
des  oiseaux  deau,  puisque  le  moindre  d'entre  eux 
peut  le  braver  impunément.  En  quoi  l'Aigle  et 
le  Tigre  abusent-ils  de  leurs  forces  ?  Il  leur 
faut  une  pi  oie  vivante,  et  ils  s'en  emparent  à 
l'aidé  de»   moyens  que   la  nature  leur  a  donnés. 


—  59  — 

Le  Cygne  est  Carnivore  oulant  qu*herbivore,  et  il 
obéit  à  sou   instinct  sans  remords   comme   sans 
^riiiie.     Si  même  on  tient  compte  de  la  quantité 
de  victimes,   le   Cygne  est  beaucoup  plus  féroce 
que  le  Tigre,  car  celui-ci  dévore  beaucoup  moins 
de  Gazelles  que   l'oiseau    n'avale   de   petits  ani- 
maux.    Mais   laissons   toutes  ces  fictions,   que  la 
raison   ne   peut  supporter   un   instant,    et  hâtons 
nous  d'admirer  la    poésie   appuyée   sur  la  vérité. 
"  A  la  noble   aisance,  a  la   facilité,  à  la  liberté 
de  ses   mouvements   sur  l'eau,   on  doit  le  recon- 
naître non  seulement   comme   le   premier  des  na- 
vigateurs  ailés,  mais  comme  le   plus  beau  mo- 
dèle que  la  nature  nous  ait  offert  pour  Fart  de  la 
navigation.     Son  cou  élevé  et  sa  poitrine  relevée 
et  arrondie  semblent,  en  effet,  figurer  la  proue  d'un 
navire  fendant   l'onde  ;  son  large  estomac  repré- 
sente la  carène  ;  son  corps,  penché  en  avant  |)our 
cingler,   se  redresse  à   l'arriére,   et   se  relève  en 
poupe  ;  sa  queue  est  un  vrai  gouvernail,  ses  pieds 
sont  de  larges  rames,  et  ses   grandes   ailes  demi 
ouvertes   au   vent   et   doucement  enflées,  sont  les 
voiles  qui  poussent  le  vaisseau   vivant,  navire  et 
pilote  à  la  fois.  "  Nous   écrivions  récemment  (*)  : 
**  Un  bien   beau  Cygne  fut  tué  à  Vile   aux  Grues 
**  vers  1825.  Le  seigneur  de  l'Isle.  D.  McPherson, 
"  écr.,  en  fit  don  au  Gouverneur  de  cette  province  ; 
**  ce  bel  étranger  avait    au-delà  de  six  pieds  d'en- 
"  vergure  (t)."  Aucun  individu,  que  nous  sachions, 
n'a  été  pris  ces  années  dernières   dans   les  envi- 
rons de  Québec.     L'autre  espèce  (Cygnus  bucci- 
nator)   mentionné  au    commencement  de  ce  cha- 
pitre,   se    distingue  de  son  congénère  par  sa  voix 
sonore  et  éclatante  comme  le  son  d'un  instrument 
de  cuivre  :  d'où  lui  vient  son  nom — il  est  fort  com- 
mun sur  le  Mississipi,  le  Missouri,  TOhio,  dans  le 
Texas  et  dans  les  pays  du  Nord.  Les  deux  espèces 

(*)  Canadian  Naturalist  &  Geolcgist, — publié  à  Montréal 
en  décembre  1859. 

(t)  Ce  fut  Pierre  Chasseur  qui  lui  décerna  les  honneurs 
posthumes  de  V  empailla  g  t:. 


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hivernent  dans  la  partie  tempérée  des  Etats-Unis. 
Chateaubriand  (*)  a  une  riante  description  du 
Cygne,  qui  d'aprôs  lui  est  quelquefois  sédentaire 
en  Europe.    *•  Parmi  ces  ftaasagers  de  Taquilon, 

*  il  s'en  trouve  qui   s'habituent  à  nos   mœurs,  et 

*  refusent  de  retourner  dans  leur  patrie  :  les  uns, 

*  comme  les  compagnons   d'Ulysse,  sont  captivés 

*  par  la  douceur   de  quelques  fruits  ;  les  autres, 

*  comme  les  déserteurs  du  vaisseau  de  Cook,  sont 

*  séduits  par  des  enchanteresses  qui  les  retiennent 
'  dans   leurs   îles.     Mais  la  plupait  nous  quittent 

*  après   un    séjour   de    quelques  mois  :  ils   s'at- 

*  tachent  aux  vents  et  aux  tempêtes  qui  ternissent 
'  réclatdos  flots,  et  leur  livrent  la  proie  qui  leur 

échapperaient  dans  des   eaux  transparentes  ;  ils 

*  n'aiment  que  les  retraites  ignorées,    et  font  le 

*  tour  de  la  terre  par  un    cercle  de  solitudes.     Ce 

*  n'est   pas  toujours   en   troupes  que  ces  oiseaux 

*  visitent  nos  demeures.    Quelquefois  deux  beaux 

*  étrangers,   aussi   blarcs  que  la  neige,  arrivent 

*  avec   les   frimas  :  ils   descendent  au  milieu  dos 

*  bruyères,    dans     un    découvert,    dont    on    ne 

*  peut     approcher,     sans     être     aperçu  ;    après 

*  quelques   heures  de  repos  ils  remontent  sur  les 

*  nuages.     Vous  courez  à   l'endroit   d'où  ils  sont 

*  partis  et  vous  n'y  trouvez  que  quelques  plumes, 
'  seule  marque  de  leur  passage,  que  le  vent  a  dé- 

*  jà  dispersées,   heureux  le  favori  des  muses  qui, 

*  comme  le  Cygne,  a  quitté  la  terre  sans  y  laisser 
'  d'autres  débris  et  d'autres  souvenirs  que 
'  quelques  plumes  de  ses  ailes.  ** 


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(*)  (lénio  du  Christianisrae. 


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--01  — 

OUTARDES,  OIES,  CANARDS,  ETC. 

L'Outarde  (Anser  Canadensis  de  Linnc^e)  que 
les  auteurs  Européens  ont  honorée  du  nom  flat- 
teur de  Cygne  Canadien,  arrive  sur  nos  grèves 
vers  le  premier  avril  ;  (*)  elle  y  séjourne  à  pou 
près  un  mois  et  demi  et  repart  pour  aller  couver 
dans  les  îles  du  bas  du  fleuve,  du  lac  St.  Jean  et 
de  la  Baie  dlludson. 

Rien  n'égale  la  vigilance  et  le  courage  du  mâle 
pendant  la  période  do  l'incubation  :  il  se  tient 
debout  la  tête  levée,  prés  du  nid,  qui  est  placé  sur 
la  terre,  entouré  de  roseaux  et  formé  de  joncs  et 
d'arbres  secs  ;  il  promène  ses  regards  attentifs 
sur  tous  les  environs,  et  prête  l'oreille  au  moindre 
bruit.  Le  Renard  a  beau  se  traîner  entre  les 
herbes,  il  est  aperçu,  battu  et  mis  en  fuite.  Au- 
dubon  observa  trois  années  de  suite  les  allures 
d'un  de  ces  ja7's,  qui  avait  son  nid  prés 'd'un  lac, 
situé  à  peu  de  distance  de  la  Rivière- Verte. 
**  Toutes  les  fois,  dit-il,  que  je  venais  visiter  le  nid 
de  l'oiseau,  celui-ci  me  voyait  approcher  avec  un  air 
d'indignation,  se  dressant  de  toute  sa  hauteur 
pour  me  regarder  et  semblait  me  toiser  de  la  tête 
aux  pieds  ;  puis,  quand  jo  n'étais  plus  qu'à 
quelqut^s  pas  de  distance,  il  secouait  violemment 
la  tête,  et,  s'élançant  dans  Pair,  il  se  précipitait 
vers  moi.  Par  deux  fois  diff*érentes,  il  m'a  atteint 
de  son  aile  le  bras  droit,  que  j'avançais  machina- 
lement comme  pour  l'écarter,  et  avec  une  telle 
violence  que  je  craignis  un  moment  d'avoir  le 
bras  cassé.  Après  cette  vigoureuse  démonstra- 
tion, il  revenait  aussitôt  vers  le  nid,  et  passait 
affectueusement  sa  tête  et  son  cou  autour  du  corps 
de  la  femelle,  puis  reprenait,  en  me  regardant,  son 
attitude  menaçante.  " 

(*)  **  Les  Ontarrles    arrivent  du  midy,  qui  sont  grosses  ^ 
'•  frtnnos    an    rlonblp   ries  nôtres,    ot   font  volontiers    leur 
"  nid  aux  I^îlesi.     Dcnx  œnU  d'Ontiudo  en  valent  îiisémcnt 
"  rinq  de  Poulrç.  "  —  R-.dations    drs  Tépuitr?; — 1611. 

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62  — 


C'est  vers  le  1er  avril  que  le  chasseur  canadien 
prépare  son  canot,  ses  traîtres  "  appelants,"  (*)  son 
fidèle  *'  terre-neuve  "  et  son  grand  fusil  de  chasse  ; 
puis,  dans  son  fiêle  esquif,  il  côtoie  silencieuse- 
ment les  îles  vaseuses  de  Sorel,  les  grèves  de  la 
battureaux  loup-marins,  vis-à-vis  St.-Roch-des-Au- 
Inets,  ou  bien  à  pied,  il  va  se  choisir  un  lieu  pro- 
pice sur  les  battures  des  iles-aux-Grues,  aux  Oies, 
de  St.-Joachim,  de  Grondines,  de  Kamouraska  et 
autres  localités  également  giboyeuses  ;  sa  bêche  lui 
a  bientôt  creusé  un  trou  profond,  où  il  se  blottit 
après  avoir  attaché  près  de  lui  ses  appelants.  Les 
outardes  sauvages  entendant  le  cri  de  deux  cama- 
rades, s'abattent  sans  défiance  près  d'elle  et  reçoi- 
vent le  plomb  meurtrier.  Tombent- elles  dans  le  fleu- 
ve, le  terre-neuve  s'élance  à  leur  poursuite  et  les  re- 
pêche ?  Pendant  l'équinoxe  de  septembre,  l'ex- 
trémité nord  de  la  Pointe-aux-Pères  est  considé- 
rée un  excellent  poste  où  le  chasseur  ne  cache  et 
attend  que  le  vent  du  nord  rejette  à  terre  les  ou- 
tardes, canards,  bernasches.  Quand  l'oiseau  dé- 
couvre son  ennemi,  il  est  trop  tard  pour  fuir  ;  il 
tombe  percé  au  cœur  et  le  terre-neuve  va  le  hap- 
per au  sein  de  l'onde.  Il  est  une  particularité  in- 
téressante sur  le  compte  des  outardes  que  nous 
devons  mentionner.  Plus  d'une  fois,  à  l'approche 
des  fiimas,  les  paisibles  cultivateurs  de  l'IIe-aux- 
Grues  ont  remarqué  une  augmentation  notable 
dans  leurs  bandes  d'outardes  apprivoisées  ;  ce  sont 
des  outardes  sauvages  qui  se  mêlent  à  elles  et  qui 
les  accompagnent  dans  les  granges  où  elles  sont 
parquées.  Dès  que  cela  a  lieu,  le  propriétaire  a 
soin  de  renfermer  ensemble  pour  le  reste  de  l'au- 
tomne ses  propres  outardes  et  les  étrangères,  et 
au  printemps  suivant,  il  est  difficile  de  distinguer 
les  outardes  sauvages  de  celles  qui  sont  apprivoi- 
sées :  ce  fait  s'est  reproduit  nombre  de  fois  à  notie 
connaissance. 


(t)  •'  AppolHnts,  "  8P    (lit    (IfS     OntarclpR     «pprivoisrrs 
dcuit  on  <p  soire  pour  leurrer  los   Ontaidos  pjiuvn^rs. 


'i'it ,  ■ 


60 
o 


Les  outardes  reviennent  du  nord  en  septembre 
avec  leurs  jeunes  que  Ton  nomme  pirons  ;  elles 
fréquentent,  pour  une  couple  de  mois,  leurs  an- 
ciennes retraites,  puis,  vers  le  premier  novembre, 
elles  dirigent  leur  vol  triangulaire  vers  le  sud,  et 
hivernent  au  Mexique,  au  Texas  et  en  Pennsylva- 
nie. Pendant  la  marche,  un  jars  robuste  forme 
la  pointe  du  triangle  et  fend  l'air  ponr  le  reste 
du  volier  ;  lorsqu'il  est  fatigué,  un  autre  jars  lui 
succède  :  telle  est  leur  méthode  de  migration. 

L'Oie  Sauvage  (Anser  Hyperboreus  de  Pallas) 
est  moins  répandue  que  l'Outarde. — Chaque  an- 
née, en  septembre,  on  peut  voir  alternativement 
sur  cette  vaste  batture,  (\\x\  découvre  à  mi  marée, 
appelée  la  Dune,  en  arrière  de  Tlsle  aux-Grues, 
et  sur  les  battures  de  St.-Joachim,  comté  de 
Montmorency,  une  bande  d'Oies  Sauvages  et 
d'Outardes  au  nombre  d'à  peu-près  3,000 — leurs 
cancans,  leur  babil  s'étend  à  une  demi-lieue. 

Nous  sommes  portés  à  croire  que  cette  espèce 
couve  encore  plus  au  nord  que  les  Outardes. 
L'Oie  Sauvage,  d'un  gris  cendré  mêlé  de  blanc, 
est  supérieure  en  volume  à  l'Outarde,  dont  la 
chair  est  plus  recherchée  ;  les  jeunes  se  nomment 
aussi  Pirons  et  sont  préférables,  comme  nourri- 
ture, aux  vieux. 

L'Oie  Sauvage  est  beaucoup  plus  difficile  à  tuer 
que  l'Outarde  moins  farv)uche  qu'elle.  Pendant 
que  les  Outardes  et  les  Oies  Sauvages  cherchent 
leur  nourriture  sur  les  grèves,  une  sentinelle  vigi- 
lante appostée  sur  une  hauteur  sonne  l'alarme  à 
la  première  apparence  du  danger  et  la  bande  en- 
tière s'enfuit  immédiatement.  L'Oie  Sauvage  émi- 
gré également,  en  automne,  vers  le  sud  des  Etats- 
Unis. 


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*  <  .    • 


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--64  — 


CANARDS,  SARCELLES. 

"  On  voit  dans  ce  pays  "  (la  Nouvelle-France), 
ëciivail  Charlevoix  en  1721,  "  une  quantité  pro- 
**  digieuse  (le  Canards,  et  j'en  ai  ouï  compter  jus- 
*'  qu'à  vingt-deux  espèces  différentes.  Les  plus 
"  beaux,  et  ceux  dont  la  chair  est  plus  délicate, 
"  sont  les  Canards  Branclius  :  on  les  appelle  ainsi 
"  parce  qu'ils  perchent  sur  les  branches  des  arbres. 
"  Leur  plumage  est  extrêmement  varié  et  fort 
**  brillant.  "  Le  Hand  Book  de  Toronto,  compilé 
en  1855,  porte  jusqu'à  trente  le  nombre  des  es- 
pèces qui  fréquentent  les  environs  de  cette  ville. 
Le  plus  court  pour  nous,  avec  les  minces  matériaux 
à  notre  disposition,  c'est  d'avouer  sans  réserve 
l'impossibilité  où  nous  sommes  de  rendre  justice 
à  cette  innombrable  tribu  des  palmipèdes  qui, 
chaque  année,  en  avril  et  en  septembre,  s'abat  sur 
nos  rivages — la  providence  des  pauvres  non  mriins 
que  le  plat  favori  dos  épicuriens.  Les  lois  qui  ré- 
gissent les  migrations  des  Oiseaux  aquatiques  out, 
de  t(»ut  temps,  excité  à  un  haut  degré  la  curiosité 
des  naturalistes  et  des  philosophes.  Au  lisque  de 
mêler  la  poésie  à  la  vérité,  nous  reproduirons  ici 
les  éloquentes  paroles  du  chantre  du  christianisme  : 

"  Les  Oies,  les  Sarcelles,  les  Canards,  "  dit  Châ- 
teaubiiand  (*),  **  étant  de  race  domestique,  habitent 
partout  où  il  peut  y  avoir  des  hommes.  Les  na- 
vigateurs ont  trouvé  des  bataillons  innombrables 
de  ces  Oiseaux  jusque  sous  le  pôle  antarctique 
Nous  en  avons  rencontré  nous-môme  des  milliers 
depuis  le  golfe  Saint-Laurent  jusqu'à  la  pointe  de 
l'isthme  de  la  Floride.  Les  Oiseaux  de  mer  ont 
des  lieux  de  rendez-vous,  où  ils  semblent  délibé- 
rer, en  commun,  des  affaires  de  leur  république  : 
C'est  ordinairement  un  écueil  au  milieu  des  flots. 
Nous  allions  souvent  nous  asseoir,  dans  l'île  Saint- 
Pierre,  à   l'entrée  du  golfe  Saint-Laurent,   sur  la 


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(*)  Génie  dn  Christianisme. 


—  65 


cote  opposée  à  une  petite  île,  que  les  habitants 
ont  appelé  le  Colombier,  parce  qu'elle  en  a  la  for- 
me et  qu'on  y  vient  chercher  des  œufs  au  prin- 
temps. La  multitude  des  Oiseaux  rassemblés  sur 
ce  rocher  était  si  grande,  que  souvent  nous  distin- 
guions leurs  cris  pendant  le  mugissement  des  tem- 
pêtes. Ces  Oiseaux  avaient  des  voix  extraordi- 
naires, comme  celles  qui  sortaient  des  mers  ;  si 
l'Océan  a  sa  Flore,  il  a  aussi  sa  Philoméle  :  lors- 
qu'au coucher  du  soleil  le  courlis  siffle  sur  la 
pointe  d'un  rocher,  et  que  le  bruit  des  vagues  Tac- 
compagne,  c'est  une  des  harmonies  les  plus 
plaintives  que  l'on  puisse  entendre  :  jamais  l'époux 
de  Céix  n'a  rempli  de  tant  de  douleurs  les  rivages 
témoins  de  ses  infoi  tunes.  Une  parfaite  intelli- 
gence régnait  dans  la  république  du  Colombier. 
Aupsitôt  qu^un  citoyen  était  né,  sa  mère  le  préci- 
pitait dans  les  vagues,  comme  ces  peuples  barba- 
res qui  plongeaient  leurs  enfants  dans  les  flem'es, 
pour  les  endurcir  contre  les  fatigues  de  la  vie. 
Des  courtiers  partaient  sans  cesse  de  cette  Tyr, 
avec  des  gardes  nombreuses  qui,  par  ordre  de  la 
Providence,  se  dispersaient  sur  les  mers  pour  se 
courir  les  vaisseaux  ;  les  uns  se  placent  à  qua- 
rante ou  cinquante  lieues  d'une  terre  inconnue  et 
deviennent  un  indice  certain  pour  le  pilote  qui  les 
découvre  flottant  sur  l'onde  comme  les  bouées  d'une 
ancre  ;  d*autres  se  cantonnent  sur  un  rescif,  et, 
sentinelles  vigilantes,  élèvent  pendant  la  nuit  une 
voix  lugubre,  pour  écarter  les  navigateurs  ;  d'au- 
tres encore,  par  la  blancheur  de  leur  pin  mage, 
sont  de  véritables  phares  sur  la  noirceur  des  ro- 
chers. " 


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LISTE   DES   CANARDS 


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Qui  se  rencontrent  dans  le  voisinage  de    Toronto, 
diaprés  le  **Hand  Book  "  publié  en  1855  (*); 


1 
2 
3 
4 
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G 

7 
8 
9 
10 
11 
12 
13 
14 
J5 
16 
17 
18 
19 
20 
21 
22 
23 
24 


Anas  Boschas 

*'     Obsciira 

"     Strcpera 

'*    Amcricana... 

Acuta „  - 

Carolinensis. 

Discors 

Clypeata 


•  •  ■  •  ■  • 


Fuligula  Valisneria. . . . 

'•        Fernia 

"        Marila 

'*        Mariloides. . . . 

Rubida 

"        Labrndora.... 

*'        Fusca 

**        Perspicillata .. 
"       Americana  . . . 

"        Molissima 

•*        Spectabilis 

"        Clangula 

Albeola .. 

"        Histrionica..-. 

'*       GInciahs 

"        Collaris 


Mallard. 

Dusky  Diick. 

Gadwall 

American  Widgeon. 

Pintail  Duck. 

American  Green  Winged  T«>al. 

Blue  Winged  Teal. 

Shoveller  Duck. 

Canvass-back  Duck. 

Red  headed 

Americau  Scaup  '" 

Lake 

RiiHdy 

Pied 

Velvet 

Suif 

American  Scoter. 

Piider  Duck. 

King 

GoUlon  Eyo 

Buffel  headed 

Harlequin 

Long  tailed 

Tufted 


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(*)  1.  Canard  de  Fr-mce. 

2.  *'       giis,  et  Gibier  noir — deux  espèces,  dit-on. 

Ci.  Sarcello  aux  ailes  vertes. 

7.  '•  "        "     bleues. 

8.  Canard  spatule. 

9.  Cette  espèce,  commune  dans  les  environs  de  New- 
York,  ne  se  rencontre  pas,  que  nous  sachions,  dans  le  Bas- 
Canada, — Les  Lucullus  des  Etats-Unis  les  paient  jusqu'à 
$3  le  couple. 

10.  Canard  de  mer  à  large  bec. 

18.  Lo  Canard  Eider  fréquente  le  Labrador  et  l'ex- 
trême nord. 

20.  Canard  aux  yeux  dorés. 

21.  Marionettp. 

22.  Canard  à  collier. 

23.  Canard  à  longue  qnoue. 
25.  Harle. 

2().  B?tsy  (?). 

99    Hnnnl. 

'M\  Cou  ronge  (.')• 


--67 


Sâ  Mergus  Merganscr ....  Goosatider. 

2fi        '*       Serrator Red  brested  Mergauser. 

27  "       Cucullatus Hooded 

28  *'        Albellos White  •♦ 

29  Oolymbiis  Glacialia....  Loon  " 

30  "      Septeotriotialis.  Red  throated  Diver. 

Voilà  une  nomenclature  qui  offre  aux  chasseurs 
matière  à  réflexion  :  il  est  néanmoins  permis  de 
douter  de  son  exactitude. 

Les  espèces  les  plus  communes  pour  nous  sont 
les  Canards  ordinaires,  les  Canards  noirs  et  les 
Canards  gris.  Les  meilleurs  postes  de  chasse  pour 
ces  oiseaux,  sont  les  battures  couvertes  de  joncs 
des  Ile-aux-Grues,  aux  Oies,  de  St.  Joachim,  de 
rile  d'Orléans,  de  Kamouraska,  de  Sorel,  la  bat- 
ture  de  Mille  Vaches,  la  batture  aux  Loup-Ma- 
rins, des  Grondines,  la  rivière  Jupiter  sur  l'Ile 
d'Anticosti,  la  Baie  de  Quinte,  les  affluents  de 
rOttawa,  et  un  grand  nombre  de  lacs  du  Haut- 
Canada.  Nous  tenons  de  source  certaine  qu'autre- 
fois ces  oiseaux  couvaient  en  grand  nombre  sur 
les  Iles-aux-Grues  et  aux  Oies,  et  les  îlets  de  So- 
rel,  où  l'on  s^emparait  des  jeunes  au  moyen  de 
chiens  qui  allaient  les  saisir  au  milieu  des  joncs  et 
des  roseaux  avant  qu'ils  pussent  voler  ;  ceci  a  lieu 
encore  actuellement.  Un  mot  en  passant  des  prin- 
cipales espèces  que  nous  avons. 

Le  Canard  ordinaire  (anas  boschas  de  Linnée), 
que  les  chasseurs  nomment  Canard  de  France, 
a  la  tête  et  la  croupe  ornées  d'un  beau  vert  chan- 
geant, et  les  quatre  plumes  du  milieu  de  la  queue 
sont  recourbées  en  demi-cercle.  Cette  espèce  est 
la  souche  de  toutes  nos  races  domestiques  ;  elle 
habite  le  nord  des  deux  continents.  Ces  Canards 
nichent  quelquefois  sur  une  touffe  de  joncs  dans 
les  marais.  La  ponte  est  de  huit  à  quatorze  œufs 
d'un  gris  verdâtre  très  clair,  plus  petits  et  plus  co- 
lorés que  ceux  du  Canard  domestique  ;  avant  Pé- 
closion  des  œufs,  le  mâle  se  tient  près  du  nid  et  le 
défend  contre  les  autres  Canards.  Les  Canards  que 
l'on  élève  en  domesticité  et  qui  proviennent  d'œufs 
sauvages  trouvés  dans  les   roseaux  sont  furouchesS 


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comme  leur  parents,  et  cherchent  sans  cesse  ù  re- 
prendre leur  liberté  ;  mais  lorsque  la  captivité 
s*e8t  perpétuée  pendant  plusieurs  générations,  l'ins- 
tinct s'efface,  l'animal  devient  familier.  Aucun 
oiseau  de  basse  cour,  TOie  exceptée,  n'est  plus  fa- 
cile à  nourrir  :  il  ne  faut  lui  donner  que  de  l'eau 
et  un  gite  ;  il  sait  se  piocurer  le  reste,  il  ne  couto 
lien  à  son  maître. 

Le  Canard  Huppé  ou  Branchu  (anas  sponsa  de 
Linnée)  est  le  roi  de  l'espèce  :  sa  tête  e^  t  surmontée 
d'une  huppe,  sa  gorge  est  blanche,  son  aile  porte 
un  miroir  (spéculum)  vert  chatoyant,  terminé  de 
blarc.  Son  plumage  en  entier  est  brillant.  Il  se 
perche  sur  les  arbres.  Il  se  rencontre  depuis  la 
Floride  au  lac  Ontorio  et  dans  plusieurs  localités 
du  Canada.  Il  est  assez  commun  dans  les  envi- 
rons de  Sorel,  et  recherche  les  rives  ombragées  des 
ruisseaux  solitaires  où  un  arbre  creux  suspendu 
au-dessus  du  cours  de  l'onde  recevra  son  nid  et 
sa  tendre  couvée.  Ses  œufs  sont  d'un  blanc  jau- 
nâtre et  polis  comme  l'ivoire.  *'  J'en  ai  compté 
jusqu'à  treize,  dit  Wilson,  dans  un  nid  placé  dans 
le  creux  d'un  vieux  chêne  dont  la  cime  avait  été 
enlevée  par  la  tempête  ;  l'arbre  croissait  sur  le 
penchant  de  la  rive,  près  de  l'eau  r  il  avait  été  le 
berceau  d'au  moins  quatre  générations  de  Canards 
pendant  quatre  années  successives,  d'après  le  té- 
moignage d'une  personne  qui  résidait  à  quelques 
pas  de  l'arbre.  Cet  individu  m'informa  que  le  prin- 
temps précédent,  il  avait  lui-même  vu  la  femelle, 
transporter  dans  50!i  bec  treize  jeunes  en  moins  de 
dix  minutes,  du  nid  au  bas  de  l'arbre,  d'où  elle  les 
conduisait  à  la  rivière.  Sous  ce  même  arbre,  une 
goélette  était  à  l'ancre  et  malgré  le  bruit  et  les 
mouvements  de  l'équipage',  les  Canards  continu- 
èrent de  nourrir  leurs  jeunes,  comme  si  rien  n'é- 
tait. Le  mâle  se  tenait  d'ordinaire  en  sentinelle,  sur 
une  branche  voisine,  pendant  que  sa  compagne  se 
livrait  toute  entière,  à  l'incubation.  Une  oie  do- 
mestique avait  élu  domicile  dans  les  racines 
du  même   arbre   pour  y  déposer  ses  œufs.     Les 


—  69  — 

Aborigènes  de  PAmëiique  avait  coutume  d'em- 
prunter au  Canard  Branchu,  ses  plumes  brillantes 
pour  orner  le  calumet  de  la  paix.  Ce  Canard  est 
facile  a  apprivoiser.  " 

Le  Canard  Ëider  (Fuligula  molissima)  habite 
l'extrême  nord  du  Canada,  le  cercle  arctique  et  les 
mers  glaciales  du  pôle,  où  il  niche  au  milieu  des 
rochers  baignés  par  la  mer.  **  Les  Ëiders  tiennent 
la  mer  le  long  du  jour  et  reviennent  à  terre  vers 
le  soir.  Le  nid  est  composé  du  duvet  de  l'oiseau 
et  du  varechs.  La  femelle  se  charge  seule  de  Tincu- 
bation  :  le  mâle  veille  dans  le  voisinage  du  nid. 
Le  duvet  de  l'Eider  est  fort  précieux.  LorS' 
que  l'on  enlève  une  première  fois  ce  duvet  ou 
edredout  du  nid  où  il  recouvre  les  œufs,  la  femelle 
se  déplume  une  seconde  fois  pour  y  recouvrir  son 
nid,  dans  lequel  elle  fait  une  deuxième  ponte  ;  si 
l'on  dépouille  le  nid  une  troisième  fois,  une  troi- 
sième ponte  a  lieu,  mais  c'est  alors  le  mâle  qui 
fournit  le  duvet.  Il  faut  respecter  et tte  dernière 
couvée,  sans  quoi  la  place  serait  désertée  pour 
toujours.  "     Ce  Canard  se  rencontre  au  Labrador. 

En  juin,  juillet  et  août,  les  Canards  disparaissent 
presque  de  nos  grèves  ;  mais  en  septembre,  ils 
y  reviennent  par  milliers.  La  migration  des  Ca- 
nards en  France,  d'après  Chateaubriand,  est  assez 
appliquable  a  nos  contrées,  moins  pourtant  les 
**  manoirs  gothiques,  "  car  nos  manoirs  en  Canada 
datent  comme  l'on  sçait  de  quelques  années  pltia 
tard  que  le  moyen  âge. 

Le  chantie  de  Cymodocée,  vient  de  mentionner 
l'hirondelle,  cette  fille  de  rois,  comme  il  l'appelle, 
qui  passe  l'été  aux  ruines  de  Versailles  et  l'hiver  à 
celles  de  Thèbes  : 

"  A  peine  a-telle  disparu,  dit-il,  qu'où  voit  s'a- 
vancer sur  les  vents  du  nord  une  colonie  qui  vient 
remplacer  les  voyageurs  du  midi,  afin  qu'il  ne  reste 
aucun  vide  dans  nos  campagnes.  Par  un  temps 
grisâtre  d'automne,  lorsque  la  bise  souffle  sur  les 
champs,  que  les  bois  perdent  leurs  derniers  feuilles, 
une  troupe  de  canards  sauvages^  tous  rangés  à  la 


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nie,  traversent  en  silence  un  ciel  mélancolique. 
S'ils  aperçoivent  du  haut  des  airs  quelque  manoir 
gothique  environné  d'étangs  et  de  forêts,  c'est  là 
qu*ils  se  préparent  à  descendre  :  ils  attendent  la 
nuit  et  font  des  évolutions  au-dessus  des  bois. 
Aussitôt  que  la  vapeur  du  soir  enveloppe  la  vallée, 
le  cou  tendu  et  l'aile  sifflante,  ils  s'abattent  tout  à 
coup  sur  les  eaux,  qui  retentissent.  Un  cri  géné- 
ral suivi  d'un  profond  silence,  s'élève  dans  les  ma- 
rais. Guidés  par  une  petite  lumière,  qui  peut  être 
brille  à  l'étroite  fenêtre  d'une  t  >ur,  les  voyageurs 
s'appiochent  des  murs  à  la  faveur  des  roseaux  et 
des  ombres.  La,  battant  des  ailes  et  poussant  des 
cris  par  intervalles,  au  milieu  du  muimure  des 
vents  et  des  pluies,  ils  saluent  l'habitation  de 
l'homme."  (*) 

Deux  ou  trois  espèces  de  sarcelles  visitent  nos 
latitudes  le  pi  intemps  et  l'automne.  Les  plus 
remarquables  sont  les  sarcelles  aux  ailes  vertes  et 
les  sarcelles  aux  ailes  bleues.  Leur  taille  est  de 
beaucoup  moindre  que  celle  du  canard,  mais  com- 
me comestible,  leur  chaire  est  préférée.  Elles 
fréquentent  les  mêmas  sites  que  ces  derniers  et 
affectionnent  quelque  ruisseau  retiré  où  elles 
prennent  librement  leurs  ébats. 

"  Nous  vîmes  un  jour  aux  Açores,  dit  Chateau- 
briand, une  compagnie  de  sarcelles  bleues  que  la 
lassitude  contraignit  de  s'abattre  sur  un  liguer. 
Cet  arbre  n'avait  point  de  feuilles,  mais  il  portait 
des  fruits  rouges  enchainés  deux  à  deux  comme  des 
cristaux.  Quand  il  fut  couvert  de  cette  nuéeil'oi- 
seau  qui  laissaient  pendre  leur  ailes  fatiguées  il 
offrit  un  spectacle  singulier  :  les  fruits  paraisaient 
d'une  pourpre  éclatante  sur  les  rameaux  ombra- 
gés, tandis  que  l*arbre  par  un  prodige,  semblait 
avoir  poussé  tout  à  coup  un  feuillage  d'azur." 

Quant  aux  Plongeons,  Harles  et  Huards,  ils 
sont  peu  communs — leur  chair  n'est  pas  recher- 
chée. Ils  couvent  dans  les  îles  du  Nord. 


(*)  Génie  du  ChriatiHnisiiif. 


—  71  — 


HISTOIRE  VERITABLE  ET  NATURELLE   DE 
LA  NOUVELLE-FRANCE, 

PAR   LE  SIEUR    PIERRE    BOUCHER, 

Guiiveriicur  des  Trois.  Ri  vie  l'es. —  1GG3. 

Chapitre  XI. 

Nonis   des   Oyseatix  qui  se  voyent  en  la  Nouvelle- 

France, 

*'  En  von8  mettant  le  nom  des  Oyseaux  qui  so 
trouvent  dans  ce  pays,  je  ne  vous  parleray  point 
de  ceux  qui  se  rencontent  à  Fentrée  du  golfe, 
comme  Cormorans,  Tangueux,  Fauquets,  Poules 
d'eau,  Griseaux  et  une  infinité  d'autres,  qui  sont 
plutost  Oyseaux  de  mer  que  de  terre  :  mais  je 
vous  nommeray  seulement  ceux  qui  sont  proches 
de  nous,  et  que  l'on  tue  tous  les  jours  (*),  comme 
Cygnes,  Outardes,  Brenesches,  Oyes  sauvages, 
Grues,  Canards,  Cercelles,  Plongeons  de  plus  de 
dix  sortes,  Huarts,  Butors,  Hérons,  Bécasses, 
Bécassines,  Chevaliers,  Pleuviers,  Pirouys,  Ai- 
louettesde  mer  :  car  il  n'y  en  a  point  de  champs. 
,  Tous  les  noms  cy-dessus  sont  Oyseaux  de  ri- 
vières ;  vu  que  si  ils  ne  se  trouvent  dedans,  ils  ee 
trouvent  le  long  des  bords. 

Tout  ce  pays  est  remply  de  ce  gibier  dans  la 
saison,  qui  est  le  printemps  et  l'automne. 

Comme  l'Outarde  n'est  pas  un  Oyseau  commun 
en  France,  j'en  feray  une  petite  description,  à 
cause  que  c'est  le  gibier  de  inviére  le  plus  commun 
d'icy  ;  elle  est  faite  tout  comme  une  Oie  grise, 
mais  beaucoup  plus  grosse,  elle  n'a  pas  la  chair  si 
délicate  que  celle  des  Oyes  que  nous  voyons  icy 
rn  Canada  ;  qui  en  passant  sont  toutes  blanches,  à 
la  îéserve  du  bout  des  ailes  et  de  la  queue  qui  est 
noire  :  car  pour  la  chair  des  Oyes  de  France,  il 
s'en  faut  beaucoup  qu'elles  approchent  du  goust 
de  celuy  de  nos  Outardes. 

(*)  "  i^up  l'on  tiip  tons  les. jours  rornmp  Cypnrs    *'  ijur 
IrB  fenn»8  soiil  cliaiij.'rs  ! 


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—  72  — 


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Les  noms  dos  autres  Oyseaux  sont  TAigle,  lo 
Coq  d'Inde,  des  Oyseaux  de  proye  et  de  plus  de 

3uinze  sortes,  dont  je  ne  sç^iy  pas  les  noms,  sinon 
e  TEpervier  et  de  rEmerillon. 

La  femelle  de  l'Aigle  a  la  teste  et  la  queue 
blanche,  on  l'appelle  Nonnette. 

Pour  le  Coq  d'Inde  sauva^i^e,  il  ne  s'en  trouve 
point  n'y  à  Québec,  ny  aux  Trois- Rivières,  ny  ù 
Montréal  ;  mais  dans  le  pays  des  Iroquois,  et  dans 
le  pays  où  demeuroient  autrefois  les  Hurons,  il  y 
en  a  des  quanti tez,  et  dont  la  chair  est  bien  plus 
délicate,  que  des  Cocqs  d'Inde  domestiques.  Il 
y  a  trois  sortes  de  perdrix  ;  les  unes  sont  blanches 
et  elles  ne  se  trouvent  que  l'hyver,  elles  ont  de  la 
plume  jusque  sur  les  argots,  elles  sont  fort  belles 
et  plus  grosses  que  celle?  de  France,  la  chair  en 
est  délicate.  Il  y  a  d'autres  perdrix  qui  sont 
toutes  noires,  qui  ont  des  yeux  rouges  :  elles  sont 
plus  petites  que  celles  de  France,  la  chair  n'en 
est  pas  si  bonne  à  manger  ;  mais  c'est  un  bel  Oy- 
seau,  et  elles  ne  sont  pas  bien  communes. 

Il  y  a  aussi  des  Perdix  grises,  qui  sont  grosses 
comme  des  Poules  ;  celles-là  sont  fort  communes 
et  bien  aisées  à  tuer  ;  car  elles  ne  s'enfuyent 
quasi  pas  du  monde  :  la  chair  est  extrêmement 
blanche  et  sèche. 

Il  y  a  d'une  autre  sorte  d'Oyseaux,  qui  se  nom- 
ment Tourtes  ou  Tourterelles,  (comme  vous  vou- 
drez) :  elles  sont  presque  grosses  comme  des  Pi- 
gcions,  et  d'un  plumage  cendré  :  les  masles  ont  la 
gorge  rouge,  et  sont  d'un  excellent  goût.  Il  y 
en  a  des  quantitez  prodigieuses,  l'on  en  a  tué  des 
quarante  et  quarante  cinq  d'un  coup  de  fusil  :  ce 
n^est  pas  que  cela  se  fasse  d'ordinaire  ;  mais  pour 
en  tuer  huit,  dix  ou  douze,  cela  et  commun  ;  elles 
viennent  d'ordinaire  au  mois  de  may,  et  s'en  re- 
tournent au  mois  de  septembre;  il  s'en  trouve 
universellement  par  tout  ce  pays-cy.  Les  Iro- 
quois les  prennent  à  la  passée  avec  des  rets  ;  ils 
en  prennent  quelque  fois  des  trois  et  quatre  cens 
d'un  coup. 


—  73  — 

11  y  a  aussi  grami  nombre  d'Etourncaux  qui  s'a- 
bandent  en  septembre  et  octobre  ;  quantités  do 
Grives,  Merles,  Hortolans  et  un  nombre  infini 
d'autres  petits  Oyseaux  dont  je  ne  sçay  pas  les 
noms. 

11  y  a  des  Hirondelles,  Martinets,  Geays,  Pies  ; 
mais  elles  ne  sont  pas  comme  celles  de  France  : 
car  elles  sont  cendrées  et  mal  bâties. 

Il  se  void  des  Hiboux  et  Chats-huants  :  des 
Corbeaux  et  Corneilles,  des  Piverts  et  autres  sor- 
tes que  l'on  appelle  Picquebois  :  des  petits  Oy- 
seaux qui  sont  tout  rouges  comme  du  feu  ;  d'au- 
très  sont  rouges  et  noires  ;  d'autres  sont  tout  jau- 
nes et  d'autres  tout  bleus. 

Les  Oyseaux  Mouches  qui  sont  les  plus  petits 
de  tous,  sont  quasi  tout  verds,  à  la  reserve  des 
mâles  qui  ont  la  gorge  rouge. 

Les  Oyseaux  que  l'on  a  apportés  de  France,  sont 
Poules,  Poules  d'Indes  et  Pigeons.  " 


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JOURNAL  HISTORIQUE   D'UN  VOYAGE  KN 
AMÉRIQUE,  EN  1721, 

PAR    LE    PÈRE   DE    CHARLEVOIX. 
Lettre  IX. 

**  Il  s'en  faut  beaucoup  que  nos  forôts  soient 
aussi  bien  partagées  en  oiseaux,  que  nos  lacs  et 
nos  rivières  le  sont  en  poissons.  Il  y  en  a  néan- 
moins qui  ont  leur  mérite,  et  qui  sont  particuliers 
à  TAmérique.  On  voit  ici  des  Aigles  de  deux 
espèces.  Les  plus  gros  ont  la  tête  et  le  cou  près 
que  blancs  ;  ils  donnent  la  chasse  aux  Lapins  et 
aux  Lièvres,  les  prennent  dans  leurs  serres,  et  les 
emportent  dans  leurs  magasins  et  dans  leurs  nids 
fiOS  autres  sont  tous  gris,  et  se  contentent  défaire 
la  guerre  nux  oiseaux  :    tous    sont   aussi    d'assez 


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—  74  — 


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bons  pÂcheurs.  Le  Faucon,  TAutour,  le  Tier- 
let,  sont  absolument  les  mêmes  qu*en  France  ; 
mais  nous  avons  une  seconde  espèce  de  Faucons, 
qui  ne  vivent  que  de  la  pêche. 

Nos  Perdiix  sont  de  trois  espèces  ;  des  grisea, 
des  rougos  et  des  noires  :  celles-ci  sont  les  moins 
estimées  ;  elles  sentent  trop  le  raisin,  le  genièvre 
et  le  sapin  ;  elles  ont  la  tête  et  les  yeux  de  Fai- 
sans, et  la  chair  brune.  Toutes  ont  la  queue  lon- 
gue et  l'ouvrent  en  éventail,  comme  les  Coqs 
d'Inde  :  ces  queues  sont  fort  belles  ;  les  unes  sont 
mêlées  de  rouge,  de  brun  et  de  gris  ;  les  autres 
de  gris  clair  et  de  gris  brun.  J*ai  dit  que  les  Per- 
drix noires  ne  sont  pas  les  plus  estimées  :  quel- 
ques-uns néanmoins  les  préforent  aux  rouges 
mêmes.  Toutes  sont  plus  grosses  qu'en  France  ; 
mais  si  sottes,  qu'elles  se  laissent  tirer,  et  même 
approcher,  sans  presque  remuer.  Outre  les  Bé- 
cassines, qui  sont  excellentes  en  ce  pays,  et  le 
petit  gihier  de  rivière,  qui  y  est  partout  en  abon- 
dance, on  trouve  quelques  Bécassines  autour  des 
fontaines,  mais  en  petit  nombre.  Aux  Illinois, 
et  dans  toute  la  partie  méridionale  de  la  Nouvelle- 
France,  elles  sont  plus  communes.  M.  Denys  assure 
que  les  Crirbeaux  du  Canada  sont  aussi  bons  à 
manger  que  les  Poult  s.  Cela  peut  être  vrai  du 
fcôté  de  l'Acadie  ;  mais  je  ne  vois  pas  qu'en  ces 
quartiers-ci  on  en  soit  bien  persuadé.  Jls  sont 
plus  gras  qu'en  France,  un  peu  plus  noirs  et  ont 
un  cri  différent  de  celui  des  nôtres.  Les  Orfrayes, 
au  contraire,  sont  plus  petites,  et  leui  cri  n'est 
pas  ausHi  désagréable.  Le  Chat-huant  canadien  n'a 
do  différence  du  français  qu'une  petite  fraise  blan- 
che autour  du  cou  et  un  cri  particulier.  Sa  chair 
est  bonne  à  manger  et  bien  des  gens  la  préfèrent 
à  celle  de  la  Poule.  Sa  provision  pour  l'hyer  sont 
des  mulots,  auxquels  il  casse  les  pattes  et  qu'il 
engraisse  et  nourrit  avec  soin,  jusqu'à  ce  qu'il  en 
ait  besoin.  La  Chauve-Souris  er>t  ici  plus  grosse 
qu'en  France.  Les  Merles  et  les  Hirondelles  y 
sont  des  oiseaux  de  passage  comme  en    Europe. 


-.75 


Les  premiers  ne  sont  pas  noiis,  mais  tirant  sur  le 
rouge.  Nous  avons  trois  sortes  d'Allouettes,  dont 
les  plus  petites  sont  de  la  grosseur  du  Moineau. 
Le  Moineau  lui-môme  est  un  peu  différent  du 
nôtre  :  il  a  bien  les  mûmes  inclinations,  mais  sa 
physionomie  est  mauvaise. 

On  voit  dans  ce  pays  une  quantité  prodigieuse 
de  Canards,  et  jVn  ai  ouï  compter  jusqu'à  vingt- 
deux  espèces  différentes.  Les  plus  beaux,  et 
ceux  dont  chair  est  plus  délicate,  sont  les  Ca- 
nards Branchus  :  on  les  appelle  ainsi  parce  quMls 
perchent  sur  les  branches  des  arbres.  Leur  plu- 
mage est  extrêmement  vaiié  et  fort  brillant.  Les 
Cygnes,  les  Poules  d'Inde,  les  Poules  d'eau,  les 
Grues,  les  Serselles,  les  Oyes,  les  Outardes  et 
autres  grands  oiseaux  de  rivière,  fourmillent  par- 
tout, si  ce  n^est  au  voisin&ge  des  habitations,  dont 
ils  n'approchent  point.  Nous  avons  des  Grues 
de  deux  couleurs  ;  les  unes  sont  toutes  blanches» 
les  autres  d'un  gris  de  lin.  Toutes  sont  d'excel- 
lents potagers.  Nos  Picverts  ou  Picquebois 
sont  d'uMe  grande  beauté.  11  y  en  a  qui  ont  toutes 
les  couleurs  ;  d'autres  sont  noiis,  ou  d'un  brun 
obscur  par  tout  le  corps,  excepté  la  tête  et  le  cou, 
qui  sont  d'un  très  beau  rouge. 

Le  Rossignol  du  Canada  est  à  peu  près  le  mê- 
me que  celui  de  France  pour  la  figure  ;  mais  il  n'a 
que  la  moitié  de  son  chant  :  ce  roitelet  lui  en  a 
dérobé  l'autre  moitié.  Le  Chardonneret  n'a  pas 
la  tête  aussi  belle  qu'en  Europe,  et  tout  son  plu- 
mage est  mêlé  de  jaune  et  de  noir.  Comme  je 
n*en  ai  point  vu  en  cage,  je  ne  scaurais  rien  dire 
de  son  chant.  Tous  nos  bois  sont  remplis  d^une 
sorte  d'oiseau  de  la  groseur  d'une  Linotte,  lequel 
est  tout  jaune  et  aie  gosier  assez  fin;  mais  son 
chant  est  foit  court  et  n'est  point  varié.  Il  n'a 
point  d'autre  nom  que  celui  de  sa  couleur.  Une 
espèce  d'Oitolan  dont  le  plumage  est  cendré  sur 
\e  dos,  blanc  sous  le  ventre  et  qu'on  nomme 
V  Oiseau  Blanc,  est  celui  de  tous  les  hôtes  de  nos 
bois  qui  chante  le  mieux.    Il  ne  le  code  guère  au 

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Rossignol  de  France,  mais  il  n'y  a  que  le  mâle 
qui  se  fasse  entendre  ;  la  femelle,  dont  la  couleur 
est  j>lus  foncée,  ne  dit  mot,  môme  en  cage.  Ce 
petit  animal  a  la  physionomie  fort  belle  et  il  est 
bien  nommé  Ortolan  pour  le  goût.  Je  ne  scais  où  il 
se  retire  pendant  l*hyver,  mais  il  est  toujours  le 
premier  qui  nous  annonce  le  retour  du  printems. 
A  peine  la  neige  est-elle  fondue  en  quelques  en- 
droits, qu'il  y  accourt  en  grande  troupe,  et  on  en 
prend  alors  tant  que  l'on  veut. 

Ce  n'est  guères  qu*à  cent  lieues  d'ici,  en  tirant 
au  sud,  que  l'on  commence  à  voir  des  Cardinaux. 
Il  y  en  a  quelques-uns  à  Paris,  qu'on  y  a  trans^ 
portés  de  la  Louysiane,  et  je  crois  qu'ils  feront 
fortune  en  France,  s'ils  peuvent  y  multiplier, 
comme  le  Serein.  La  dut.  jeur  de  leur  chant, 
l'éclat  dû  leur  plumage  qui  est  d'un  beau  rouge 
incarnat  ;  une  petite  aigrette,  qu'ils  ont  sur  la  tôte 
et  qui  ne  ressemble  pas  mal  à  ces  couronnes  que 
les  peintres  donnent  aux  Rois  Indiens  et  Améri- 
quains,  semblent  leur  assurer  l'empire  des  aiis. 
lis  ont  pourtant  ici  un  rival,  qui  aurait  môme  pour 
lui  l'unanimité  des  suffrages,  s'il  flattait  aussi 
agréablement  les  oreilles  qu'il  charme  les  yeux  ; 
c'est  ce  qu'on  appelle  en  ce  pays-ci  l'Oiseau- 
Mouche. 

Ce  nom  a  deux  origines.  La  première  est  sa 
petitesse  même,  car  avec  ses  plumes,  il  n'est  guè- 
res d'un  plus  gi  os  volume  que  le  Hanneton  ordi- 
naire. La  seconde  est  un  bourdonnement  assec 
fort  qu'il  fait  avec  ses  ailes  et  qui  est  assez  sem- 
blable à  celui  que  font  les  grosses  mouches.  Ses 
pattes,  qui  ont  un  pouce  de  long,  sont  comme  des 
aiguilles;  son  bec  est  de  même  et  il  en  fait  sortir 
une  petite  trompe  qu'il  enfonce  dans  les  fleurs, 
pour  en  attirer  le  suc,  dont  il  se  nourrit.  La  fe- 
melle n  a  lien  de  brillant,  un  assez  beau  blanc 
sous  le  ventre  et  un  cendré  clair  sur  tout  le  reste 
du  corps  sont  toute  sa  parure,  mais  le  mule  est  un 
vrai  bijou.  Il  a  sur  le  haut  de  la  tôte  une  petite 
touffe  d'un  beau  noir,  la  gorge  rouge,    le    ventre 


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blanc,  le  do3,  les  ailes  et  la  queue  d'un  verd  de 
feuilles  de  rosiers  ;  une  couche  d'or  répandue  sur 
tout  ce  plumage  y  ajoute  un  grand  éclat,  et  un 
]»etit  duvet  imperceptible  y  produit  les  plus 
belles  nuances  qui  se  puissent  voir.  Quelques 
voyageurs  Tont  confondu  avec  le  Colibry,  et  en 
effet  il  parait  qu'il  en  est  une  espèce  ;  mais  le 
Colihry  des  Isles  est  un  peu  plus  gros,  a  le  plu- 
mage moins  biillant  et  le  bec  recourbé  en  bas. 
Je  pourrais  néanmoins  me  tromper  sur  l'éclat  de 
son  plumage,  parce  que  je  n'en  ai  point  vu  de  vi- 
vant ;  quelques-uns  ont  avancé  qu'il  a  un  chant 
fort  mélodieux  :  si  le  fai:  est  vrai,  c'est  un  grand 
avantage  qu'il  a  sur  l'Oiseau-Mouche,  que  per- 
sonne n'a  encore  entendu  chanter.  IVIais  j'ai  en- 
tendu moi-môme  une  femelle  qui  sifflait  d'une  ma- 
nière très  aiguë  et  assez  désagréable.  Cet  Oi- 
seau a  i'aile  extrêmement  forte  et  le  vol  d'une  ra- 
pidité surprenante.  Vous  le  voyez  sur  une  fleur, 
et  dans  le  moment  il  s'élève  en  l'air  presque  per- 
pendiculairement. Il  est  ennemi  du  Corbeau  et 
ennemi  dangereux.  J'ai  oui  dire  à  un  homme 
digne  de  foi  qu'il  en  a  vu  un  quitter  brusquement 
une  fleur  qu'il  sucrait,  s'élever  comme  un  éclair, 
et  aller  se  fourier  sous  l'aile  d'un  Corbeau,  qui 
planait  fort  haut,  le  percer  de  sa  trompe  et  le 
faire  tomber  mort,  soit  de  sa  chute,  soit  de  la 
blessure  qu'il  avait  reçue. 

L'Oiseau- Mouche  s'attache  aux  fleurs  qui  ont 
Podeur  plus  forte,  et  il  les  succe  en  voltigeant 
toujours  :  mais  il  se  repose  de  temps  en  temps,  et 
alors  on  a  tout  le  loisir  de  le  contempler.  On  en  a 
nourri  quelques  temps  avec  de  l'eau  succrée  et  des 
fleurs.  J'en  ai  gardé  autrefois  un  pendant  vingt- 
quatre  heures  :  il  se  laissait  prendre  et  manier  et 
contrefaisait  le  mort  ;  dès  que  je  le  lâchais,  il  re- 
prenait son  vol,  et  ne  faisait  que  papillonner  au- 
tour de  ma  fenêtre.  J'en  fis  présent  à  un  de  mes 
amis,  qui  le  lendemain  matin  le  trouva  mort,  et 
cette  nuit-là  même  il  avait  fait   une  petite    gelée, 


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aussi  ces  petits  aniniaux  ont-ila  grand  soin  de  pré- 
venir les  premiers  froids. 

11  y  a  bien  de  l'apparence  qu'ils  se  retirent 
vers  la  Caroline,  où  Ton  assure  qu'on  ne  les  voit 
que  l'hyver.  Ils  font  leurs  nids  en  Canada,  où  ils 
les  suspendent  à  une  branche  d'arbre,  t^t  les  tour- 
nent de  telle  sorte,  qu'ils  sont  à  l'abri  des  injures 
de  l'air.  Rien  n'est  si  propre  que  ces  nids.  Le 
fond  en  est  de  petits  biins  de  bois  entrelassés  en 
manière  de  pannier,  et  le  dedans  est  revêtu  de  je 
ne  scais  quel  duvet,  qui  paraît  de  soie.  Les  œufs 
sont  de  la  grosseur  d'un  pois,  et  ont  des  taches 
jaunes  sur  un  fond  blanc.  On  dit  que  la  portée 
ordinaire  est  de  trois,  et  quelquefois  de  cinq.  " 


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^XJDUBON. 

*'  Autrefois,  dit  Cuvier,  dans  un  rapport  adressé 
"  par  lui  à  l'académie  des  sciences,  à  Paris,  c'étaient 
"  les  naturalistes  Européens  qui  dévoilaient  à  l'A- 
"  mérique,  ses  trésors  en  fait  d'histoire  naturelle; 
*'  mais  maintenant  ses  Milchell,  ses  Harlau  et  ses 
'*  Ch's.  L.  Bonaparte,  ont  soldé  avec  intérêt  la 
*'  dette  que  l'Amérique  devait  à  la  vieille  Europe. 
**  L'histoire  des  oiseaux  de  l'Amérique  par  Wil- 
*'  son,  égale  en  élégance   ce  que    nous   avons  de 

mieux  et  si  Audubon  complote  le  travail  qu'il  a 
•*  entrepris,   l'on  sera  forcé    d'avouer   que  sur  ce 

point  le  Nouveau  Monde  a   surpassé  l'Ancien.  " 

L'œuvre  d'Audubon  a  été  achevé  :  Cuvier  lui- 
même  la  piononcé "  le  plus  splendide  monument, 
que  l'art  ait  élevé  à  Tornithologie  :  '*  le  genre  hu- 
main a  ratifié  son  verdict. 

Jean-Jacques  Audubon,  naquît  en  17S2,  à  la 
Louisianno  de  parens   fiançais.     Dès  sa  jeunesse, 


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il  fut  envoyé  à  Paris  pour   compléter   ses  études  ; 
c'est  là  qu'il   commença  à  s'adonner  à   l'histoire 
naturelle    et  qu*il    piit   des  leçons  de  dessins  du 
peintre  David.     De  retour  aux  Etats  Unis  à  l'âge 
de  dix-huit  ans,  son    père  l'établit  sur  un  beau  do- 
maine, orné  de  parques  près  de   Philadelphie  ;    il 
s'y  appliqua  de  bonne  heure   à  connaître  et  à  des- 
siner les  oiseaux    qui    fréquentaient    ses  bocages  ; 
ces  esquisses  furent  les   ébauches  de  ses   super- 
bes dessins,    connus  plus  tard  comme   "  Les  Oi- 
'•  seaux  de  l'Amérique."  Vers  ce  temps  il  prit  fem- 
me :  c'est  là  aussi  que  naquit  son  fils  aîné  Victor. 
Audubon  se  livra  d'abord  au  négoce,  mais  ses  goûts 
pour  les  fleurs,  les  champs,  et  les  oiseaux  et  son  culte 
passionné  de   la  nature,    nuisirent  probablement  à 
ses  plans  financiers.     Dix-ans  plus  tard,  il  partait 
pour  l'Ouest   des    Etats  Unis.     A  cette  époque  la 
vapeur  était  inconnue  sur  l'Ohio  ;    il  n'existait  que 
peu  de  villages  et  point  de  villes  sur  les  rives  de 
ce  fleuve.     Il  arriva  en  automne   sur  leii  bords  de 
rOhio,   acheta   un   esquif,     dans   lequel    avec   sa 
femme,  son  enfant  et  deux   rameurs  il  s'aventura, 
se  dirigeant  vers  le  Kentucky,  où  avec  sa  famille 
il  résida  plusieurs  années.     Ce   fut   en  1810  qu'il 
rencontra   pour  la  première  fois   son  illustre  de- 
vancier,   Alexandre    Wilson,    en    quôle    à   cette 
époque  de  souscripteurs  à  son  ouvrage  sur  les  Oi- 
seaux  de    l'Amérique.    Wilson   s'élait   adressé  à 
Audubon,  faisant  valoir   la  beauté   de  ses  dessins, 
et  Andubon  allait   signer   lorsque  l'œil  de  Wilson 
ayant  rencontré  sur   une   table    voisine  les  cartons 
d'Audubon,   fort  supérieurs  aux  s;ens,    sa  figure 
s'assombrit,  et  il  quitta   de  suite   Audubon,  fort 
mécontent.  Wilson.  avait   reconnu  son  maîtie  et 
maugréait  en  silence  contre  sa  destinée,   laquelle 
interrompant   ainsi    brusquement  le   cours  de  ses 
succès,  le  confrontait   si   tôt   avec  cet  amant  (jus- 
qu'alors inconnu)  de  la  Nature,  de  cette  maître8f]e 
dont  il  avait  cri;  posséder  seul  tous  les  sourires, 

Audubon    a  dû   négliger   de   bonne    heure,  le 
livre  de  caisse  et  le  grand  livre  ;    car  dès  1811,  on 


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le  trouve  côtoyant  les  bayous  de  la  Floride,  la 
carabine  d'une  main,  les  crayons  et  le  portefeuille 
de  l'autre:  Tannée  suivante,  il  se  livrait  à  des 
courses  lointaines,  demandant  aux  forêts,  aux 
prairies,  aux  fleuves,  aux  baies,  aux  mers,  des  ma- 
tériaux pour  son  immortel  ouvrage,  qu'il  n'avait 
pas  encore  songé  à  publier. 

De  retour  à  Philadelphie  en  1824  (*),  il  futpré- 
fienté  au  Prince  de  IVlusignano,  Chs.  L.  Bona- 
parte, lequel  lui  procura  une  entrée  au  Lycée 
d'histoire  natuielle  de  cette  ville.  Jl  visita  succes- 
sivement New-Yor.?-,  puis  s'enfonça  dans  les  forêts 
impénétrables  de  l'Ouest  pour  y  continuer  ces 
travaux.  Le  nombre  de  ses  dessins  ayant  rapide- 
ment augmenté,  il  songea  à  vi.-^iter  l'Europe  et  se 
rendit  en  conséquence  à  Liveipool  et  à  Manches- 
ter, dont  les  hommes  de  lettre  l'accueillirent  à  bras 
ouverts.  î^on  génie,  sa  tournure  distinguée,  sa  con- 
duite cordiale  et  honorable,  lui  avaient  déjà  conquis 
les  cœur*.  La  sympathie  et  Tencouragement  qu'il 
avait  éprouvés,  l'engagea  à  publier  ses  œuvres  ; 
cette  entreprise  était  des  plus  vastes  et  Audubon 
était  d'avis  qu'il  lui  faudrait  au  moins  seize  ans  pour 
mener  le  tout  à  bonne  fin.  Laissant  ses  dessins 
entre  les  mains  d'artistes  et  d'agents,  il  revit  Pa- 
ris en  1828  et  y  reçut  un  accueil  fort  flatteur  des 
amis  de  la  science.  L'hiver  suivant,  il  le  passa  à 
Londres,  et  se  rembarqua  pour  les  Etats-Unis  en 
avril  1829,  pour  explorer  de  nouveau  les  monta- 
gnes des  Etals  du  midi  et  du  Sud.  Le  premier  vo- 
lume de  ses  Oiseaux,  vit  le  jour  avant  la  fin  de  l'an- 
née 1830  ;  il  contenait  cent  portraits  d'Oiseaux,  de 
grandeur  naturelle  et  colorés  d'après  nature.  Le 
public  salua  ce  chef-d'œuvre  avec  un  acclamation 
de  louanges.  Les  Souverains  de  France  et  d'Angle- 
terre avaient  apposé  leur  signature  en  tête  de  la 
liste  de  souscription.  Les  sociétés  d'histoire  natu- 
relle de   Paris,  de   Londres  et  d'Edimbourg,  se 


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(*)  Un  grand  nombre  de  ces  détails  ont  été  fournis  par 
sou  biographe,  B.  V   Hood. 


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firent  un  honneur  de  lui  ouvrir  leur  portes.  Cuvier, 
Swain8on  et  les  ornithologistes  de  toutes  les  na- 
tions entonnèrent  un  paean  universel  de  louanges. 
Revenu  à  New- York  en  août  1831,  Audubon, 
fêté  et  entouré  d*amis,  alla  à  Washington.  Le  Pré- 
sident et  les  ministres  du  gouvernement  fédéral, 
à  l'instar  des  Gouverneurs  des  colonies  Bri- 
tanniques s'empressèrent,  de  mettre  à  sa  disposi- 
tion passe  ports,  sauve-gardes  de  toutes  espèces  et 
envoyèrent  à  leurs  agents  consulaires  et  autres, 
des  instructions  d'aider  et  de  protéger,  l'illustre 
savant,  dans  les  localités  qu'il  visitait.  L'hiver 
suivant  se  passa  pour  lui  à  la  Floride  ;  vers 
le  printemps,  réglant  sa  marche  sur  la  migration 
des  oiseaux  vers  le  Sud,  il  se  dirigea  sur  Phila- 
delphie et  Boston,  cette  dernière  ville  était  alors 
le  théâtre  des  ravages  du  fléau  asiatique.  Audu- 
bon y  séjourna  quelque  temps  et  y  reçut  l'hos- 
pitalité affectueuse  et  l'appui  des  Everett,  des 
De  Quiticy,  des  Parkniann  et  autres  célébrités  dâ 
cette  Athêne  du  Nouveau-Monde.  De  là,  il  passa  au 
Maine,  au  Nojiveau  Brunswick  et  à  la  Baie  de 
Fundy,  puis  il  fit  voile  pour  le  golfe  du  St.  Lau- 
rent, les  Isles  de  la  Magdeleine  et  la  côte  du  La- 
brador :  il  étudia  attentivement  l'histoire  natu- 
relle de  ces  endroits  et  se  hâta  de  rejoindre  sa  fa- 
mille à  Charleston,  dans  le  sud  des  Etats-Unis. 
Le  second  volume  de  ses  Oiseaux  de  l'Amérique 
fut  terminé  en  1834,  le  reste  de  l'ouvrage  ne  fut 
complété  qu'en  1844;  il  se  composait  de  mille 
soixante  et  cinq  dessins,  embrassant  toutes  les  es- 
pèces depuis  l'Oiseau  de  Washington,  le  plus 
grand  des  Aigles,  jusqu'à  l'oiseau  mouche  inclusi- 
vement, ainsi  qu'une  multitude  de  paysages,  de 
vues  marines  et  autres  objets  qu'il  avait  remarqués 
dans  le  cours  de  ses  voyages.  Le  grand  natu- 
raliste se  félicita  d'avoir  terminé  ce  travail  gigan- 
tesque, qui  lui  avait  coûté  un  quart  de  siècie  d'étude, 
de  labeurs  et  de  périls,  tantôt  errant  seul  au  milieu 
des  vastes  prairies  de  l'Ouest,  tantôt  au  sein  des 
glaces  et  des  forêts  solennelles  du  Nord,  explorant 


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aujourd'hui  les  plages  sans  bornes  de  l'océan  ; 
demain  arrachant  aux  fleuves,  aux  bois»  aux 
lacs  du  nouveau  monde»  des  secrets  inconnus  de- 
puis le  commencement  du  monde,  du  reste  des  hu- 
mains, si  ce  n'est  à  l'Aborigène,  roi  solitaire  de  ces 
superbes  et  mélancoliques  solitudes.  Ce  fut  en 
1844  que  ce  grand  peintre  de  la  nature  visita  le 
Canada;,  il  séjourna  à  Québec  plusieurs  semaines,  y 
ayant  choisi  pour  sa  résidence,  la  demeure  de  feu 
M.  Martin,  rue  St.  Pierre,  Basse- Ville,  un  de  ses 
plus  chauds  admirateurs,  auquel  il  légua  par  re- 
connaissance à  son  départ  un  exemplaire  de  son  su- 
perbe ouvrage  valant  $1,000.  Les  sympathies  de  nos 
hom.Ties  publics  d'alors  ne  firent  pas  défaut  à  l'illus- 
tre voyageur.  Chacun  de  le  fêter  de  son  mieux  ;  de 
son  côté,il  acceptait  sans  se  faite  prier  petits  soupers, 
promenades,  excutsionsdaiis  les  environs  de  Qué- 
bec; il  admirait  surtout  les  magnifiques  points  de 
vue  et  les  frais  bocages  de  Spencer  Wood,  depuis,  la 
résidence  de  nos  G-  >uverneurs,  mais  alors,  dans  tout 
son  éclat  et  possédé  par  \1.  H.  Atkinson,  homme 
dégoût,  capable  d'apprécier  le  génie  du  beau  vieil- 
lard :  la  nature  avait  été  aussi  libéral  à  Audubon 
au  physique  qu'au  morale,  il  était  rare  de  rencon- 
trer une  têto  plus  noble,  un  maintien  à  la  fois  plus 
doux  et  plus  majestueux. 

Malgré  ses  succès  passés,  Audubon  avait  en- 
core bien  des  travaux  à  compléter  ;  dans  le  temps 
même  où  ses  libraires  publiaient  ses  dessins  et  ses 
biographies  des  Oiseaux,  il  parcourait  de  nouveau 
tous  les  points  du  continent  avec  ses  fils  Victor 
GifFord  et  John  Woodhouse,  pour  réunir  la  ma- 
tière d'un  grand  ouvrage  sur  les  Quadrupè- 
des de  l'Amérique  égal  en  tous  points  à  l'ouvrage 
sur  les  Oiseaux — ceci  avait  lieu  en  1849.  Il  pfl««a 
les  trois  dernières  années  de  sa  vie,  à  corriger  et  à 
enrichir  ses  œuvres  et  expira  en  1852,  comblé 
d'années,  d'honneurs  et  de  prospérités,  à  l'âge  de 
70  ans. 

Sans  doute»  les  principaux  titres  de  gloire  d'Au- 
dubon  sont  ses  dessins»  d'après  nature.    Il  a  sçu 


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—  83  — 

représenter  cl*une  manière  inimitable  et  sous  les 
phases  les  plus  variées,  la  famille  ailée  de  toutes  les 
latitudes  et  de  tous  les  climats  du  Nouveau-Monde. 
Tantôt  c'est  sous  Tépaisse  feuillée  d'un  pin  sécu- 
laire, en  face  d'une  cascade  au  doux  murmure  qu'il 
présente  à  nos  regards  l'affectueuse  mère  réchauf* 
fant  sous  ses  ailes  sa  tendre  couvée  ;  tantôt  il 
vous  fait  suivre  dans  la  nae,  le  vol  majestueux  de 
l'Aigle,  à  la  poursuite  de  sa  proie,  ou  bien  rasant 
de  son  atle  noire  la  crête  blanchissant*;    des   flots. 

Comme  grand  écrivain  (*),  il  a  des  droits  incon- 
testables à  notre  admiration.  Ses  descriptions  très 
souvent  ne  le  cèdent  guère  à  ses  dessins.  Le  pay- 
«age  champêtre,  les  esquisses  de  mœurs,  jusqu'à 
la  trace  légère  de  l'Aborigène  sur  le  feuillage  des 
bois,  tout  sous  sa  touche  magique  revêt  des  teintes 
et  une  actualité  qui  décèlent  la  main  d'an  maître. 

Pour  lui  aussi,  il  est  vrai  de  dire  "Le  style, 
c'est  l'homme  ;  "  Ses  tableaux  sont  frais  comme  la 
rosée  de  l'aurore  ;  on  croit  suivre  ses  pas  aventu- 
reux à  travers  la  forêt  ;  on  s'imagine  entendre 
son  cri  d'admiration,  lorsqu'un  lac,  une  vallée 
inconnue  frappe  pour  la  première  fois  son  regard  ; 
on  croit  ouïr  sa  joyeuse  exclamation,  lorsque  le 
Chevreuil  limide  s'enfonce  à  sa  vue  dans  l'épais- 
seur d'un  buisson  :  on  est  présent  à  ses  côtés,  on 
prie  avec  lui  lorsqu'à  la  fin  d'une  fatiguante  jour- 
née dans  les  bois,  il  adresse  affectueusement  à 
l'Etre  Suprême  ses  remerciements,  quand  les  ac- 
cents joyeux  du  Moqueur  ou  du  Merle  viennent 
dissiper  la  profonde  mélancolie  qui  l'accablait. 

Quand  l'illustre  Buffon  eut  complété  la  partie 
ornithologique  de  son  grand  ouvrage,  il  annonça 
avec  assurance  **  qu'il  avait  achevé  d'écrire  l'his- 
toire des  Oiseaux  du  monde."  Vingt  siècles  avaient 
servi  à  constater  l'existence  de  huit  cents  espèces 
— ce  nombre  semblait  prodigieux  et  le  naturaliste 
français  déclara,  un  peu  légèrement,  il  faut  l'a- 
vouer,  "  qu'il  n'y  avait  pas  moyen  d'augmenter 

(*)  Ses  CËUvres  sout  écrites  en  anglais. 


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matériellement  cette  liste,  "  laquelle  embrasse  à 
peine  une  seizième  partie  des  espèces  actuellement 
connues.  Peu  d'hommes  ont  autant  contribué  à 
ces  progrès  de  la  science  que  celui  dont  le  nom 
est  si  cher  à  l'Amérique,  J.  J.  Audubon. 


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CONCLUSION. 


Avant  de  conclure,  l'auteur  croit  devoir  avertir 
le  lecteur  de  ne  pas  s'étonner  si  les  auteurs  con- 
temporains et  autres  ont  été  largement  mis  à  con- 
tribution— surtout  Le  Maoût,  le  traducteur  élé- 
gant et  souvent  littéral  de  Wilson,  de  Chs.  L. 
Bonaparte  et  d'Audubon,  lorsqu'il  s'agit  des  Oi- 
seaux de  l'Amérique  ;  Le  Maoût,  s'approprie 
leurs  remarques,  souvent  sans  leur  en  savoir  gré  ; 
probablement  parce  que  l'histoire  naturelle  n'est 
que  le  résumé,  la  quintessence  des  observations 
d'un  grand  nombre  d'auteurs  mises  en  ordre,  clas- 
sifiées  et  dégagées  d'inexactitudes  ;  une  science 
où  il  ne  s'agit  pas  d'inventer  mais  de  noter  exac- 
tement ce  qui  existe  déjà. 

Si  l'auteur  a  assigné  au  Canada  des  Faucons, 
qui  n'existent  que  dans  d'autres  latitudes,  sur 
preuve  du  fait,  il  reconnaîtra  volontiers  son  erreur 
et  s*estimera  heureux  d'avoir  accompli  une  partie 
de  sa  tâche,  celle  de  créer  de  l'intérêt  pour  la 
science  dont  il  s'agit,  puisqu'il  aura  fait  naître  des 
contradicteurs.  Il  prend  également  occasion  de 
remercier  les  amis  éclairés  dont  les  conseils  lui 
ont  été  trés-précieux. 

Au  revoir. 


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TABLE  DES  MATIÈRES. 


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PAGBÎS. 

Epilre  dudicatoiic    i 

Index  des  clinpitres iv 

Discours  préliminaire 3 

Oiseaux  connus  de  l'Amérique 6 

L'Hon.  G.  W.  Alliin,  de  Toronto 7 

Notions  sur  la  structure  de  FOiseau 8 

L'Aigle  doré 13 

L'Aigle  à  tête  blanche 16 

Combat  entre  un  Aigle  à  tête  blanche  et  un 

Cygne 17 

Compn raison    d'Aiidubon    à    Buffbn,    par    Le 

Maoût 18 

L'Oiseau  de  mystère 19 

Le  Chat  Huant  Canadien,  ou  Duc  de  Virginie,  20 

Beau  tableau  d'Audubon 22 

Le  grand  Hibou  cendré 23 

La  Chouette  grise  (Syrnium  Nebulosum) 24 

Le  Hibou  à  aigrettes  longues 25 

**                  '•          courtes 25 

Le  Hibou-Epervier  (Surnia  Ulula) 25 

La  Chevêche  du  Canada,  ou  de  Richardson.  .  26 

"          de  Kirtland 26 

'*          passerine  (Saw  Whet) 26 

L'Effraye  commun  (  Barn  Owl) 27 

Le  Hibou  blanc  ou  Harfang 28 

Amusements  du  moyen  âge 31 

Vautours 32 

Rapidité  du  vol  d'un  Faucon 32 

Gerfaut  d'Islande 33 

Faucon  pèlerin 33 

Faucon  blanc , 33 


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TAUEd. 

Incertitude  sur  l'existence  de  cet5  Oiseaux  dans 

nos  latitudes 34 

L'Autour  à  qusue  rousse 37 

L'Aigle  nonette 38 

Autour  ordinaire 39 

"      de  Pensylvaiiie 40 

"      de  Stanley 40 

Combat  entre  un  Coq  et  un  Autour 41 

Le  Faucon  des  Pigeons 42 

L'Emerillon  de  St.-Uomingue 43 

"           ordinaire 43 

Observations  intéressantes  de  Cassin 44 

Histoire  de  Daedalion  métamorphosé  en  Fau- 
con    44 

La  Chasse  à  l'Oiseau 46 

Manière  de  dresser  les  Faucons  pour  la  chasse.  47 
Ce  que  l'on  entend  par  "Plaisirs  de  Prince  ".  48 
La  Fauconnerie  se  pratique  encore  actuelle- 
ment en  plusieurs  pays. . 51 

Le  vicomte  d'Eglington  et  les  Tournois 51 

Une  idée  pour  la  noblesse  en  Canada 51 

Harrison  Stevens  et  ses  c£20,000 52 

Le  Prince  de  Galles  et  son  séjour  en  Canada.  52 

Les  Cygnes  du  Canada 52 

Ile  aux  Oies  et  île  aux  Grues 52 

Les  Relations  des  Jésuites  et  l'abbé  Ferland.  53 

Les  Ours  du  Labrador,  d'après  l'abbé  Ferland.  5b 

Deux  espèces  de  Cygnes 57 

Un  Cygne  tué  à  l'île  aux  Grues  en  1825 59 

BufFon  et  Chateaubriand  sur  les  Cygnes 60 

L'Outarde 61 

Chasse  à  l'Outarde  en  Canada , 62 

L'Oie  Sauvage 63 

Canards,  Sarcelles 64 

Canards  dans  le  voisinage  de  Toronto 66 

"       ordinaire 68 

"       branchu 68 

"       Eider 69 

Sarcelles  aux  ailes  vertes,  etc 70 

Plongeons 70 


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PAGES. 

Histoire  véritable  et  naturelle  de  la  Nouvelle- 
France — Boucher 71 

Voyage  en  Amérique — Charlevoix 73 

Jiiogra  )liic  d'Audubon 78 

Extrait  du  catalogue  raisonné  du  Smit/isoman 

Institution 85 

Histoire  de  Nisus  métamorphosé  en  Epervier 

et  sa  fille  en  Alouette 86 

Conclusion 92 


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