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Full text of "Histoire naturelle, générale et particulière [microforme]"

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IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


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Photographie 

Sdenœs 
Corporation 


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33  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  M580 

(716)  872-4503 


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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICJVIH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


Technîcal  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best 
original  copy  available  for  filming.  Features  of  this 
copy  which  may  be  bibliographically  unique, 
which  may  alter  any  of  the  images  in  the 
reproduction,  or  which  may  significantly  change 
the  usuel  method  of  filming,  are  checked  below. 


D 


D 


Coloured  covers/ 
Couverture  de  couleur 


I      I    Covers  damaged/ 


Couverture  endommagée 


Covers  restored  and/or  laminated/ 
Couverture  restaurée  et/ou  pelliculée 


I      I    Cover  title  missing/ 


Le  titre  de  couverture  manque 


I      I    Coloured  maps/ 


L'Institut  a  microfilmé  le  meilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
point  de  vue  bibliographique,  qui  peuvent  modifier 
une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  exiger  une 
modification  dans  la  méthode  normale  de  filmage 
sont  indiqués  ci-dessous. 

□   Coloured  pages/ 
Pages  de  couleur 

□    Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

□    Pages  restored  and/or  laminated/ 
Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 


\L 


Cartes  géographiques  en  couleur 


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Pages  discoloured,  stained  or  foxed/ 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 

Pages  detached/ 
Pages  détachées 


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01 


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Coloured  ink  (i.e.  other  than  blue  or  black)/ 
Encre  de  couleur  (i-e.  autre  que  bleue  ou  noire) 


I      I    Coloured  plates  and/or  illustrations/ 


Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 


Bound  with  other  matériel/ 
Relié  avec  d'autres  documents 


Tight  binding  may  cause  shadows  or  distortion 
along  interior  margin/ 

La  re  liure  serrée  peut  causer  de  l'ombre  ou  de  la 
distortion  le  long  de  la  marge  intérieure 

Blank  leaves  added  during  restoration  may 
appear  within  the  text.  Whenever  possible,  thèse 
hâve  been  omitted  from  filming/ 
Il  se  peut  que  certaines  pages  blanches  ajoutées 
lors  d'une  restauration  apparaissent  dans  le  texte, 
mais,  lorsque  cela  était  possible,  ces  pages  n'ont 
pas  été  filmées. 


1/ 


D 


D 


Showthrough/ 
Transparence 

Quality  of  print  varies/ 
Qualité  inégale  de  l'impression 


I      I    includes  supplementary  matériel/ 


Comprend  du  matériel  supplémentaire 

Only  édition  available/ 
Seule  édition  disponible 


Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
etc.,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  imege  possible. 


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Additional  commenta:/ 
Commentaires  supplémentaires,- 


Les  pages  froissées  peuvent  causer  de  la  distorsion. 


This  item  is  filmed  at  the  réduction  ratio  checked  below/ 

Ce  document  est  filmé  au  taux  de  réduction  indiqué  ci-dessous. 


10X 

14X 

18X 

22X 

26X 

30X 

y 

12X 


16X 


20X 


24X 


28X 


32X 


The  copy  filmed  hore  has  been  reproducad  thank* 
to  tha  ganarosity  of: 

Seminary  of  Québec 
Library 


L'axamplaira  filmé  fut  reproduit  grâce  à  la 
générosité  de: 

Séminaire  de  Québec 
'    Bibliothèque 


The  images  appearing  hère  are  the  beat  quality 
possible  considering  the  condition  and  legibility 
of  the  original  copy  and  in  keeping  with  the 
filming  contract  spécifications. 


Original  copies  in  printed  paper  covers  are  filmed 
beginning  with  the  front  cover  and  ending  on 
the  lest  page  with  a  printed  or  illustratod  impres* 
sion.  or  the  back  cover  when  appropriate.  Ail 
other  original  copies  ara  filmed  beginning  on  the 
first  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, and  ending  on  the  last  page  with  a  printed 
or  illustrated  impression. 


The  last  recorded  frame  on  each  microfiche 
shall  contain  the  symbol  — *>  (meaning  "CON- 
TINUED").  or  the  symbol  V  (meaning  "ENO"), 
whichever  applies. 

Maps,  plates,  charts.  etc..  may  be  filmed  at 
différent  réduction  ratios.  Those  too  large  to  be 
entirely  included  in  one  exposure  are  filmed 
beginning  in  the  upper  left  hand  corner,  left  to 
right  and  top  to  bottom.  as  many  frames  as 
required.  The  following  diagrama  illustrate  the 
method: 


Lea  Images  suivantes  ont  été  reproduites  avec  le 
plus  grand  soin,  compte  tenu  de  la  condition  et 
de  la  netteté  de  l'exemplaire  filmé,  et  en 
conformité  avec  les  conditions  du  contrat  de 
filmage. 

Les  exemplaires  originaux  dont  .la  couverture  en 
papier  est  imprimée  sont  filmés  en  commençant 
par  le  premier  plat  et  en  terminant  soit  par  la 
dernière  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impreasion  ou  d'illustration,  soit  par  le  second 
plat,  selon  le  cas.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration  et  en  terminant  par 
la  dernière  page  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 

Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  symbole  — *>  signifie  "A  SUIVRE",  le 
symbole  V  signifie  "FIN". 

Les  cartes,  planches,  tableaux,  etc.,  peuvent  être 
filmés  è  des  taux  de  réduction  différents. 
Lorsque  le  document  est  trop  grand  pour  être 
reproduit  en  un  seul  cliché,  il  est  filmé  é  partir 
de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  è  droite. 
et  de  haut  en  bas.  en  prenant  le  nombre 
d'imagea  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


1 

2 

3 

1 

2 

3 

4 

5 

6 

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NATURELLE, 

GÉNÉRALE  ET  PARTICULIERE. 

r^r  M.  DE  BuFFON,  Intendant  du  Jardin 
du  Roi,  de  l'Académie  Fratiçoife ,  &  de 
celle  des  Sciences ,  &c, 

NOUVELLE     ÉDITION. 


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à&V 


-l,.-» 


Tome  Sixième. 


A     PARIS, 


DE    UIMPRIMERIE    ROYALE, 


M.    D  C  C  L  X  1  X.. 


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Chez  PaNCKOUCKE,  Lîbraîre„ 
à  l'hôtel  (le  Thou,  rue  des  Poitevins  ê 
(Bumler  Saint'André'deS'Ard^^ 


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De  ce 


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eft  contenu 
Volume. 


dans  ce 


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ES  Ampiaux  Jomefllques,  page 


Le  Cheval, 
VAfn 


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La  Brebis 


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3 

i<z  Chèvre. .............    j  c  > 

X^  Cochon ,  le  Cochon  de  Siam  &  le 
Sanglier,  M  ..........  ^    272 

i^  Chien»  .......  ,  .  .  .  ^  .    200 

jL^    O^/ 372 


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HISTOIRE 


.--'j. 


HISTOIRE 

NATURELLE. 


Les  Animaux  domejliques. 


L 


HOMME  change  l'état  naturel  des 

animaux  en  les  forçant  à  lui  obéir , 

&   les    faifant    ferVir   à    (ow    ufigc  :    un 


lal  domelliauc   efl 


fdave  dont  ^ 


anim: 

on  s'amule ,  dont  on  le  lert ,  dont  on 
nbufe,  qu'on  altère,  qu'on  de'païfe  <Sc 
que  Ton  dénatura,  tandis  que  l'animai 
fauvage  n'obéifTant  qu'à  la  Nature,  ne 
connoît  d'autres  ïoix  que  celles  du  be- 
foin  &  de  fa  liberté.  L'hiftoire  d'un 
animal  fauvage  cft  donc  bornée  à  un 
petit  nombre  de  faits  émanés  de  la  fimple 
Nature,  au  lieu  que  t'hiftoîrc  d'un  ani- 
mai domeftique  cil:  compliquée  de  tout 
ce  qui  a  rapport  à  l'art  que  l'on  emploîç 
Jomi   VL  A 


'X  Hifloirâ  Naturcïle 

pour  Vapprivoifer  ou  pour  lefubjuguer; 
&L  coiiiinc  on  ne  fait  pas  aflcz  combieu 
i'excmplc  ,  la  contrainte ,  la  force  de 
j'habiiude  ,  peuvent  influer  fur  les  ani- 
jnaux  &  changer  leurs  niouveniens  » 
ieurs  dcicrminaiions ,  leurs  pcnchans , 
le  but  d'un  Naturalirte  doit  être  de  les 
.oWcrver  afTcz  pour  pouvoir  dillingucr 
les  faits  qui  dépendent  de  l'inftiiid , 
■de  ceux  qui  ne  viennent  que  de  l'édu- 
cation ;  reconnoître  ce  qui  leur  appar- 
tient <&  ce  qu'ils  ont  emprunté ,  féparer 
ce  qu'ils  font  de  ce  qu'on  leur  fait 
fiire,  &  ne  jamais  confondre  Tanimal 
avec  iefclave,  la  bécc  de  femme  avec 
Ja  créature  de  Dieu. 

L'empire  de  l'homme  fur  les  animaux 
eft  un  empire  légitime  qu'aucune  révo- 
lution ne  peut  détruire ,  c'tll  l'empire 
de  Tefprit  fur  Ja  matière ,  c'eft  non- 
feulement  un  droit  de  nature ,  un  pou- 
voir fondé  fur  i\^^  loix  inaltérables, 
nviis  c'«(l  encore  un  don  de  Dieu ,  par 
lequel  rhorame  peut  rccomioïtre  à  tout 
inflam  rcxcellcnce  de  fon  êire  ;  car  ce 
n*cft  pas  parce  qu'il  efl  le  plus  parfait , 
te  plus  fon. ou  le  plui  adroit  de»  aniiiiaus^ 


3 


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ii. 


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iguer  ; 

rcc  (ie 
es  ;ini- 

chans  , 

de  les 

lingucr 

iftina  , 

l'cciu- 

appar- 

leparer 

:ur   fait 

ranimai 

le  avec 

ni  m  aux 
e  révo- 
cmpire 
non- 
a  pou- 
érables , 
u,  par 
t  à  tout 
car  ce 
arfait , 

liniaux 


ées  Animaux:  f 

qu'il  îcur  commande  :  s'il  nVtoît  que 
le  premier  du  même  ordre,  les  (cconds 
fe  réuniruient  pour  lui  difpuier  l'empire; 
mais  c'efl  par  rupériorité  de  nature  que 
l'homme  règne  &  commande  ,  il  peafe , 
ôc  d^s-lors  il  eil  maître  des  êtres  qui  ne 
penfent  point. 

,.  Il  efl  maître  des  corps  bruts,  qui 
ne  peuvent  oppofer  à  fa  volonté  qu'une 
lourde  refiftance  ou  qu'une  inflexible 
dureté ,  que  fa  main  fait  toujours  fur- 
monicr  &  vaincre  en  les  faifant  agir  les 
uns  contre  les  autres;  il  e(ï  maître  des 
végétaux ,  que  par  fon  induftrie  il  peut 
augmenter,  diminuer,  renouveler,  dé- 
naturer ,  détruire  ou  multiplier  à  fin- 
liai  ;  il  efl  maître  des  animaux ,  parce 
que  non-feuleracnt  il  a  comme  eux  du 
mouvement  &  du  icntimcnt ,  mais  qu'il 
a  de  plus  la  lumière  de  la  penfée ,  qu'il 
connoît  les  fins  &.  les  moyens ,  qu'il  (ait 
diriger  fes  a<îlions ,  concerter  (es  opéra- 
tions ,  mefurcr  (es  mouvemens ,  vaincre 
la  force  par  l'cfprit,  &  la  vite(re  par 
l'einploi  du  temps. 

Cependant  parmi  les  animaux  les  uns 
paroifTent  être  plus  ou  moins  familiers  | 

Ai/ 


4  f-Iifloke  Naturelle  .        '        • 

plus  ou  moins  (âuvagcs ,  plus  ou  moîm 
doux,  plus  ou  moins  féroces:  que  l'on 
compare  la  docilité  &  la  foumiiîioii 
du  chien  avec  la  fierté  &  la  férocité  du 
tigre ,  l'un  paroît  être  l'ami  de  rhomirie 
éc  l'autre  fon  ennemi  :  fon  empira  fur 
les  animaux  n'cft  donc  pas  abfolu  , 
combien  d'efpèces  favent  fe  foudrairc 
à  fa  puifFance  par  la  riipidité  de  leur 
vol ,  par  la  légèreté  de  leur  courfe , 
par  robfcurité  de  leur  retraite  ,  par  la 
didance  que  met  entre  eux  <Sc  l'homme 
l'élément  qu'ils  habitent  î  combien  d'au- 
tres er[>cccs  kii  échappent  par  leur  feule 
petitelfe  î  &  enfin  combien  y  en  a- 1- il, 
qui  bien  loin  de  reconnoître  leur  (ou-* 
vcrain  ,  l'attaquent  à  force  ouverte  ,  fins 
parler  de  ccs«infe<^es  qui  femblcnt  V\a- 
îulier  par  leurs  piqûres  ,  de  ces  lèrpens 
dont  la  morfure  porte  le  poifon  &  la 
mort  ,  &  de  tant  d'autres  bêtes  im- 
mondes ,  incommodes,  inutiles,  qui 
femblent  n 'ex Hier  que  pour  former  la 
nuance  entre  le  mal  &  le  bien ,  &  faire 
fentir  à  l'hoinMie  combien  ,  depuis  (a 
chute ,  il  ell  peu  refpctflé  ! 

CeA  ^ju'il   faut   dUlingucr  lempîrfi 


m 
1, 


(Jcs  Anhnciuw 


u  moîiis 
(uc  l'on 
imifllou 
:)cité  du 
i'hoininc 
pirr  fur 
abfolu  , 
"ouflrairc 
de  leur 
courfc , 
,   par  la 
l'homme 
en  d'au- 
leur  feule 
n  a-t-il 
eur   fou-* 
rte  ,  fins 
cnt  Tin- 
s  ferpens 
on  &   la 
)êtes  im- 
es ,     c[ui 
brmer  la 
,  &  faire 
epuis    (a 

1  empire 


(}e    Dieu    du    douK 


de  rh< 


lomme  : 
JJicu  créateur  des  êtres  cil  feul  maître 
de  la  Nature,  l'homme  ne  peut  rien 
fur  le  produit  de  la  création  ,  il  ne  peut 
rien  fur  les  mouvemens  des  corps  ce- 
Iclles ,  fur  les  révolutions  de  ce  globe 
qu'il  habite ,  il  ne  peut  rien  fur  les 
animaux  ,  les  végétaux  ,  les  minéraux 
en  général ,  il  ne  peut  rien  fur  les  el- 
pèces,  il  ne  peut  que  fur  les  individus; 
car  les  efpcces  en  général  &  la  matière 
en  bloc  appartiennent  à  la  Nature  ,  ou 
plutôt  la  confliiuent  :  tout  (è  pafîe , 
fe  fuit ,  fc  fuccède ,  fc  renouvelle  <5c 
fe  meut  par  une  puiffance  irréfiftiblc  ;• 
l'homme  entraîné  lui-même  par  le  tor- 
rent des  temps ,  ne  peut  rien  pour  fa 
propre  durée  ;  lié  par  fon  corps  à  la 
matière  ,  enveloppé  dans  le  tourbillon 
des  êtres  ,  il  e(t  forcé  de  fubir  la  loi 
commune  :  il  obéit  à  la  même  Puif- 
fance ,  &  comme  tout  le  refte ,  il  naît , 
croît  &  périt. 

Mais  le  rayon  divin  dont  l'homme 
eft  animé,  l'anoblit  &  l'élève  au  -  delTus 
de  tous  les  êtres  matériels  ;  cette  fubf- 
tance    (jpiritucUe ,   loia    d'être    fujcttc  à 

A  ii; 


^^ 


w 


ï  'Htpkê  Naturelle 

Ja  matière ,  a  le  droit  de  la  fliîre  obeîr  f 
&  quoiqu'elle  ne  puilîc  pas  commander 
à  ia  Nature  eniicrc,  elle  domine  fur  les 
êtres  pariiculiers  :  Dieu  ,  fource  unique 
de  toute  lumière  &  de  toute  intelligence, 
régit  l'Univers  &  les  cfpèces  entières 
avec  une  puiiTance  infinie;  l'homme,  qui 
n'a  qu'un  rayon  de  cette  inicUigence , 
n'a  de  même  qu'une  puifTance  limitée  à 
de  petites  |)ortions  de  niuiière,  ôc  n'eft 
maître  que  des  individus. 

C'ert  donc  par  les  talcns  de  refprît , 
ôi  non  par  la  force  &  par  les  autres 
'qualités  de  la  matière,  que  l'homme  a 
fu  fubjugiicr  les  animaux  :  dans  les  pre- 
miers temps  ils  dévoient  être  tous  tga- 
leniei'U  indépcndans;  l'homme,  devenu 
criminel  <Sc  féroce ,  èioit  peu  propre  à 
les  apprivoifer,  il  a  fallu  du  tcmj)s  pour 
ies  ap[)rocher  ,  pour  les  reconnohre ,. 
pour  les  chuifir,  pour  les  domjner;  il 
a  fillu  (ju'il  fût  civilifé  lui-même  pour 
favoir  iiillruirc  ô<.  commander,  ôl  l'em- 
pire fur  ies  animaux  ,  comme  tous  ies 
autres  empires  ,  n'a  été  fondé  qu'après 
k  fociété. 

C'dl    d'elle    que    l'homme    tient   fa 


w 


refprît , 
s  autres 
omme  a 
les  prc- 

devenu 
:)ropre  à 
j)s  pour 
inoître ,, 
jner  ;  il 
ne  pour 
6w  i'ein- 
lous  les 
ju'après 

tient   fa 


puilTiuice ,  cV(t  par  elle  qu'il  a  perfec- 
tionné la  rarfon ,  exerce  Ion  efprit  & 
rcuni  les  forces  ,  auparavant  l'homme 
ctoit  peut-êire  l'animai  le  plus  fiuvage 
Si.  le  moins  redoutable  de  tous  :  nu  , 
fans  armes  &  (ans  abri  ,  la  terre  n'ctoit 
pour  lui  qu'un  vade  deitrt  peuplé  de 
monflres  ,   dont   fouvcnt   il    dcvenoit  h 


Si 


l 


lem 


ps 


>rcs 


iiei 


même 
l'hilloirc    nous    dit     que     les    pi 
héros    n'ont    été    que  des    dcilruv5leufS 
de  hê  es. 

Mais  lorffju'avec  le  temps  l'efpèce 
iiumaine  s'eft  étendue,  multipliée,  ré- 
pandue, &  qu'à  la  faveur  des  arts  &  de 
la  fociété  l'homme  a  pu  marcher  en 
force  p3ur  conquérir  l'Univers,  il  a  fait 
reculer  peu  à  peu  les  bê:es  féroces ,  ii 
a  purgé  la  terre  de  ces  animuix  g'gni- 
tcicjues  dont  nous  trouvons  encore  les 
oflenicns  énormes,  il  a  détruit  ou  réduit 
à  un  peiit  nombre  d'individus  les  ef 
])cccs  voraccs  Ôi  nullîbles,  il  a  o,>porc 
les  animaux  aux  aiiimaux,  &  fubjuguaiit 
les  uns  pir  adreffe,  domptant  les  autres 
par  la  f  ;rce ,  ou  les  écartant  par  le 
nombre^    Ck  les  attaquant  tous  pur  des 

A  iny 


I  I 

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$         Hifloire  Natttrelle ,  &c. 

moyens  raifonnés  ,  il  eft  parvenu  à  fc 
iricitie  en  fûrcie,  &  à  établir  un  empire 
qui  n'cfl  hurnc  que  par  les  lieux  inac- 
ccHiMes,  les  folitudes  reculées,  les  fabics 
bfûlans,  les  montagnes  glacées,  les  ca- 
vernes obfcures ,  qui  fervent  de  retraites 
au  peiit  nombre  d'efpèccâ  d'animaux 
tndompiabJes.  \        ' 


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1  empire 
IX  inac- 
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les  ca- 
retraites 
animaux 


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9 


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ZJ5'  CHEVAL. 

LA  plus  noble  conquête  que  l'homme 
ait  jamais  faiie ,  efl:  celle  de  ce  fier 
&  fougueux  animal  qui  partage  avec 
lui  les  fatigues  de  la  guerre  &  la  gloire 
des  combats  ;  aufîi  intrépide  que  foa 
maître ,  le  cheval  voit  le  péril  &  l'af- 
fronte ,  il  fe  fait  au  bruit  des  armes , 
il  l'aime,  il  le  cherche  Sl  s'anime  de  la 
même  ardeur  :  il  partage  auffi  fcs  plai- 
firs ,  à  la  chalTc ,  aux  tournois ,  à  la 
courfe,  il  brille,  il  ëuncetle;  mais  docile 
autant  que  courageux  ,  il  ne  fe  laifTe  point 
emporter  à  fon  feu ,  il  (ait  réprimer  fe$ 
mouvemcns  ,  non  -  feulement  il  fléchit 
fous  la  main  de  celui  qui  le  guide  , 
mais  il  femble  confulier  fcs  deiirs,  <à 
obéifTant  toujours  aux  imprcfîions  qu'il 
en  reçoit ,  il  fe  précipite ,  (c  modère 
ou  s'arrête ,  &  n*agit  que  pour  y  fatis^ 
*  faire  ;  c'eft  une  créature  qui  renonce  à 
fon  être  pour  n'cxifter  que  par  la  vo- 
lonté d'un  autre ,  qui  fait  même  la  pré- 
irenir,   qui^  par  la  promptitude   &   b- 

A  V     .  - 


)'.ji 


'hwt/ii   Srtii'r 


,1  o  'HiJIoire  Naturelle 

précifion  de  fès  mouvemcns  Peyprîmô 
&  i'cxécuie,  qui  fent  autant  qu'on  le 
defire ,  &  ne  rend  qu'autant  qu'on  veut, 
qui  fe  livrant  fans  réfcrve ,  ne  fc  refufe 
à  rien ,  fert  de  toutes  Tes  forces ,  s'excède 
^  même  meurt  pour  mieux  obéir.  ,  Jk 
Voilà  le  cheval  dont  les  talens  font 
développés ,  dont  l'art  a  perfedionné 
les  qualités  naturelles ,  qui  dès  le  pre- 
mier âge  a  été  fuigné  &  enfuitc  exercé  , 
drefTé  au  fcrvice  de  l'homme  ;  c'efl  par 
la  perte  de  fa  liberté  que  commence  Ion 
cducaiion  ,  ôi  c'eft  par  la  contrainte 
qu'elle  s'achève  :  ï'cfclavage  ou  la  do- 
me/licité  de  ces  animaux  cil  même  fi 
univerfclle ,  Çi  ancienne ,  que  nous  ne 
les  voyons  que  rarement  dans  leur  état 
naturel  ,  ils  font  toujours  couverts  de 
harnois  dans  leurs  travaux ,  on  ne  les 
délivre  jamais  de  tous  leurs  liens,  même 
dans  ks  temps  du  repos ,  &  fi  on  les 
kiffe  quelquefois  errer  en  liberté  dans 
les  pâturages ,  Hs  y  portent  toujours  les 
marques  de  la  (èrvitude,  &  fouvcnt  les  * 
empreintes  cruelles  du  travail  &  de  la 
douleur  ;  fa  bouche  eft  déformée  par 
les  plis  que  le  mon  a   produits  ;    i^ 


■ë 


lis  font 
dionné 
le  pre- 
sxercé , 
:'efl  par 
lice  l'on 
ntraime 

la  do- 
lême  fî 
ous  ne 
:ur  e'iat 
crts  de 

ne  les 
,  même 

on  les 
lé  dans 
)urs  les 
i^cnt  les  * 
i  de  la 
lée   par 


V'ii.î 


'•     Ju  Cheval  î  i 

flancs  (ont  entamés  par  des  pîaîes ,  ou 
fillonnés  de  cicatrices  faites  par  l'éperon  ; 
Ja  corne  des  pieds  efl  travcrfée  par  ^es 
clous  ,  rattitudc  du  corps  cfl  encore 
gênée  par  l'impreflion  fubfi fiante  des 
entraves  habituelles ,  on  les  en  délivreroit 
€n  vain  ,  ils  n'en  feroient  pas  plus  libres  : 
ceux  même  dont  l'efclavage  eft  le  plus 
doux  ,  qu'on  ne  nourrit ,  qu'on  n'en- 
tretient que  pour  le  luxe  &  la  magni- 
ficence ,  &  dont  les  chaînes  dorées 
fervent  moins  à  leur  parure  .  qu'à  la 
vanité  de  leur  maître,  font  encore  plus 
deshonorés  par  l'élégance  de  leur  toupet, 
par  les  trèfles  de  leurs  crins  >  par  i'or 
&  la  foie  dont  on  les  couvre,  que  par 
les  fers  qui  font  fous  leurs  pieds.  * 

La  Nature  eft  plus  belle  que  l'art, 
5c  dans  un  être  animé  la  liberté  des 
mouvc.nens  fait  la  belle  Nature  :  voyez: 
ces  chevaux  qui  fe  font  muhipliés  dans 
les  contrées  de  l'Amérique  Espagnole, 
&  qui  vivent  en  chevaux  libres,  leur 
démarche ,  leur  courfe ,  leurs  fjuts_j,, 
font  ni  gênés  ni  mefurés;  ficri 
indépendance ,  ils  fuient  Ij 
de  l'homme,    ils  dédaigncn 


lli  Hijloire  Naturelle 

Wlis  cherchent  &  trouvent  cux-même^ 
la  nourriture  qui  leur  convient  ,  ils 
errent  ,  ils  bondillént  en  liberté  dnns 
des  prairies  imnitnles,  où  ils  cueillent 
les  productions  nouvelles  d'un  prin- 
temps toujours  nouveau  :  fans  habi- 
tation fixe ,  (iuis  autre  abri  que  celui 
d^un  ciel  ferein ,  iJs  refpirent  un  air  plus 
pur  que  celui  de  ces  Palais  voii  es  où 
nous  les  renfermons  en  preflànt  les 
cfpaces  qu*ils  doivent  occuper  ;  auffi 
ces  chenaux  fauvages  (ont-ils  beaucoup 
plus  forts ,  plus  légers ,  plus  nerveux 
que  la  plupart  des  chevaux  domefli(|ues  > 
ils  ont  ce  que  donne  la  Nature  ,  la 
force  &  la  noblefle  ,  les  autres  n'ont 
que  ce  cjue  l'art  peut  donner,  Tadreflc 
éi  l'agrément. 

Le  naturel  de  ces  animaux  n'efi 
point  féroce ,  ils  font  feulement  fiers 
&  fauvages;  quoique  fupérieurs  par  la 
force  à  la  plupart  des  autres  animaux^ 
jamais  ils  ne  les  attaquent  ,  &  ^'ils  en 
font  attaqués  ,  ils  les  dédaignent  ,  les 
écartent  ou  les  écrafènt  :  ils  vont  auiîi 
par  troupes  ^  fe  réuniffent  pour  le 
l^uiplaifir  d'être  enfembk|  car  iU  n'out 


fi 


i.      v 


it  fiers 
par  la 
imaux^ 
'ils  en 
n  ,  içs 
t  auin 
our  le 
ixoat 


'    •     .3/  Chevat  1| 

aucune  crainte,  mais  ifs  prennent  de 
l*atfachcmcnt  les  uns  pour  les  autres  ; 
comme  l'herbe  &  les  végétaux  Kiffifena 
à  leur  nourriture ,  qu'ils  ont  abondam- 
ment de  quoi  fatisfaire  leur  appétit  & 
qu'ils  n'ont  aucun  goût  pour  la  chair 
cle>  animaux  ,  ils  ne  lerfr  font  point  la 
guerre ,  ils  ne  fe  la  font  point  entr'eux  , 
ils  ne  fe  diTputent  pas  leur  fubfiftance  , 
ils  n'ont  jamais  oecafion  de  ravir  une 
proie  ou  de  s'arracher  un  bien  ,  (burces 
ordinaires  de  querelles  &  de  combats 
parmi  les  autres  animaux  earnafîiers  :  ils 
vivent  donc  en  paix  ,  parce  que  leurs 
appéiii!)  font  iiinpics  &  modérés,  & 
iju'ils  ont  aflez  pour  ne  fe  rien  envier. 

Tout  ceia  peur  fe  remarquer  dans  les 
jeunes  chevaux  qu'on  élève  cnfemble 
&  qu'on  mène  en  troupeaux  ,  ils  ont 
ks  mœur>  douces  &  les  qualités  fociales , 
leur  force  &  leur  ardeur  ne  fe  marquent 
ordinairenicni  que  par  des  lignes  d'é- 
mulation; ils  cherchant,  à  fe  devancera 
la  courfe,  à  fe  faire  &  même  s'animer 
au  péril  en  fe  défiant  à  traverfer  une 
rivière  ,  fauter  un  foffé  ,  &  ceux  qui 
dans     tes    exercices     naturels    doiineat 


ri  4  Hijlohe  Naturelle    ' 

l'exemple,  ceux  qui  d'eux-mêmes  vont 
iej  premiers  ,  font  les  plus  généreux  , 
les  meilleurs,  &  fouvent  les  plus  dociles 
&  les  plus  ibuplci  iorfqu'iis  iont  une 
fois  domptés. 

Quelques  anciens  auteurs  parlent  des 
clicvaux  fauvag^  j  &  citent  même  les 
lieux  où  ils  ie  trouvoicnt.  Hérodote 
dit  que  fur  les  bords  de  THypanis  ea 
Scythie,  jI  y  avoit  des  chevaux  fau- 
vages  qui  étoient  blancs,  &  que  dans  la 
partie  {èptenifionalc  de  la  Thrace  au- 
delà  du  Danube ,  il  y  en  avoit  d'autres 
qui  avoicnt  le  poil  long  de  cinq  doigts 
par  tout  le  corps  ;  Ariftote  cite  la 
Syrie,  Pline  les  pays  du  nord  ,  Strabou 
les  Alpes  <&  l'ETpagne  comme  des  lieux 
où  Ton  trouvoi'i  des  chevaux  fauvagcs. 
Parmi  les  modernes ,  Cardan  dit  la 
jnême  chafe  de  l'EcofTc  &  des  Or- 
cades  (a),  Olaiis  de  la  Mofcovie,. 
Dapper  de  Tile  de  Chypre,  où  il  y 
avoit,  dit -il  (h),  des  chevaux  fauvag.es 

(a)  Viiî,  AUrovand,  de  quadrup£diè,  Joliped,  lib.  I , 
page   19. 

(h)  Voyez  U  dcfci  ipiion  des  îles  de  TArchipe!  ) 


.m 


7u  Cheval:      '         ^jr 

tjiiî  ^toîcnt  I)eaux  &  qui  avoîent  de  la 
force  &  de  la  vîtefTe  ;  Struys  (c)  de 
l'île  de  May  au  cap  Vert  ,  où  il  y 
avoit  des  chevaux  fauvages  fort  petits  ; 
Léon  l'Africain  (d/  rapporte  auffi  qu'il 
y  avoit  des  chevaux  fauvages  dans  les 
déferts  de  l'Afrique  &  de  TArabie,  & 
il  aflure  qu'il  a  vu  lui-même  dans  les 
folitudcs  de  Numidie ,  un  poulain  dom 
le  poil  étoit  blanc  &  la  crinière  crépue, 
Marmol  (ej  confirme  ce  fait,  en  difant 
qu'il  y  ew  a  quelques-uns  dans  les  déferts 
de  l'Arabie  &  de  la  Lybie,  qu'ils  font 
petits  &  de  couleur  cen^drée ,  qu'il  y 
en  a  auiîi  de  blancs  >  qu'ils  ont  la  cri- 
nière &  les  crins  fort  courts  &  hériiïes,. 
&.  que  les  chiens  ni  les  chevaux  domef- 
tiques  ne  peuvent  les  atteindre  à  la 
courfej  on  trouve  aufli  dans  les  Lettres 


fc)  Voyez  îes  voyais  de  Jean  Struys.   Rouent 
7^/^,   tonte  1,  page  /  /, 

(d)  De  Africa  defcripîlone ,  part.  II.*,  vol.    i  r,; 

|»agC3  75o  &  757.  />  .     ' 

(e)  Voye7.  l'Afrique  de  MarmoL . /^^r/V ,   7^/7; 
imc  J,  /w^«  je, 


1 


! 


il 


"ié  Hijlohe  Naturelle 

édifiantes  (f  ),  qu'a  la  Chine  il  y  a  dc^ 
chevaux  fiiuvages  fort  petits. 

Coiniiie  toutes  les  parties  de  l'Europe 
font  aujourd'hui  peuplées  &  prefque 
également  habiiées,  on  n'y  trouve  plus 
de  chevaux  làuvages ,  &  ceux  que  l'on 
voit  en  Amérique  font  des  chevaux 
doiiieftrques  ôl  Européens  d'origine  , 
que  les  Elj)agnols  y  ont  tranfportés ,  & 
qui  fè  font  multipliés  dans  les  vaftes 
déferts  de  ces  contrées  inhabitées  ou 
dépeuplées  ;  car  cette  efpèce  d'animaux 
jiRanquoit  au  nouveau  monde.  L'éton- 
iiement  &  la  frayeur  que  marquèrent 
les  hal)îtans  du  Mexique  &  du  Pcrou 
à  l'iifpei^  des  chevaux  &  des  cavaliers, 
firent  afî'ez  voir  aux  Efj^agnols  que  ces 
animaux  éioient  abfolumcnt  inconnus 
dans  CCS  climats  ;  iU  en  tranfponèrent 
donc  un  grand  nombre  ,  tant  pour 
leur  fervicc  &  leur  utilité  particulière, 
que  pour  en  propager  l'efpèce  ,  ils  en 
Llchcrciu  dans  plufieurs  îles  ,  &  n.^ême 
dans  le  coiiiine;u,  où  ils  fc  font  muhi- 

(fj  Voyez  les  Lettres  cdiuantcs.    Ricml  XJCVff 


imaux 

,'éion- 

ucrcnt 

Pt-rou 

raliers , 

ue  ces 

ronnus 

rtèrent 

pour 

uli4;re , 

ils  en 

même 

muliU 

t  XXV f, 


*     du  Chevéït,  '"     '17 

^»îî^s  comme  îes  autres  animaux  fiuvages* 
M.  de  la  Salle  (g/  en  a  vu  en  1685 
dans  rAincricjue  ltj)icntrionaIc,  près  de 
Ja  baie  Saint- Louis,  ces  chevaux  paif- 
f  )icnt  dans  les  prairies ,  &  ils  éi^^ient  il 
farouches ,  qu'on  ne  pouvoir  les  ap- 
procher. L'auicur  (h)  de  l'hiftoirc  des 
aventuriers  flibufticrs,  dit  «  (|u'on  voit 
quelquefois  dans  l'île  S.'  Dominguc  t 
des  troupes  de  plus  de  cinq  cents  che-  <c 
vaux  qui  courent  tous  enfemhie  ,  <5t  « 
que  lorfqu'ils  aperçoivent  un  homme  ce 
ils  s'arrêtent  tous;  fpje  l'un  d'eux  s'ap-  u 
proche  à  une  certaine  diftance ,  foufiie  « 
des  na  féaux  ,  prend  la  fuite,  &  (pièce 
tous  les  autres  le  fui  vent  :  »  il  ajoute 
qu'il  ne  fait  ii  ces  chevaux  ont  dcgonéré 
en  devenant  fauvages  ,  mais  qu'il  ne 
les  a  pas  trouvés  aulîi  beaux  que  ceux 
d'El pagne ,  quoiqu'ils  foicnt  de  cette 
race  ,    ce  ils  ont ,    dit  -  il  ,   k   tête   fort 

(g)  Voyez  les  dernières  découvertes  dans  l'A- 
mcricjuc  (cptentrionale  de  M.  de  la  Salle,  mifes  aa 
jour  par  M.  ie  chevalier  Tonti.  Paris,  lé^p, 
y  âge  2;o, 

(h)  Voyez  l'hifloire  des  aventuriers  flibufticrs , 
pir  Oexmelin.  Paris,  1686^  tome  1,  j'eiges  119. 
iX  J  j  i 


il 


Il  \ 


il 


!  i 


18  Hi/lolre  l^aturelk 

53  grofTe  aulîi-bien  que  les  jambes ,  qur 
y>  de  plus  font  raboieufcs  ,  ils  ont  au(Il 
33  les  oreilles  &i  le  cou  lonofs,  les  hiibi' 

les  appri voilent  aifément 
ifuiie  travailler  ,  les  chal- 


>3  tans  du  navs 


payj 


î3  &  les  font  en  lu  lie  travail 
>3  leurs  leur  (bnt  porter  leurs  cuirs;  on- 
33  (e  Icrt  pour  les  j)rencJrc  de  lacs  de 
>3  corde ,  qu'on  lend  dans  les  endroits 
»  où  ils  fre(jucnient  ,  ils  s*y  engagent 
&  sMs   fe   prennent  ])ar  le 


53  alternent 


j>  cou 


ils 


) 


s  etrangrkînt  eux  -  n^emes  , 
33  moins  cpi'on  n'arrive  afTez  toi  poui 
>3  les  fecourir,  on  les  arrê.c  pir  le  corj)S 
33  &  les  jambes ,  ^  on  les  att  iclie  à  des 
yy  arbres ,  où  on  les  luilTe  pendant  deux 
yi  jours  fans  boire  ni  manger  ;  cette 
»  épreuve  fuffit  pour  commencer  à  les 
>3  rendre  dociles,  <5c  avec  le  temps  ils 
»  le  deviennent  autant  que  s'ils  n'euflent 
»  jamais  été  farouches  ,  &  même  ,  (i 
53  par  quelque  hafard  ils  fe  retrouvent  en 
>3  lil)erté  ,  iU  ne  deviennent  pas  lauvagcs 
33  une  féconde  fois  ,  ils  reconnoident 
03  leurs  m» mes  ,  &  fe  laifFent  approcher 
ck  reprendre  aifeuîent  f'i) , 

(i)    M.    tie  Ci'irrault   donne  \\n    autre    moyen 
d.'appri\oilcr    les   clievAUX   IIuoulIks  ,    "  mwiid   ce 


*« 


qur 
audi 
inibi' 
liment 
chal- 
;  oiv 
es  de 
droits 


igenc 

)ar  le 

es ,    à 

pour 

corj)s 

à  des 

deux 

cette 

r  à  les 

îps   ils 

Hifleat 

le  ,    Cl 

ent  en 

ivagCd 

oiHeiu 

rocher 


moyen 
And    cB 


:  Ceîa  prouve  que  ces  anîaïaux  font 
naiurelienient  doux  fie  trcs  -  difpofés  à 
fe  tàniiliariier  avec  l'homme  &  à  s'atta- 
cher ù  lui,  auili  n'arrive- 1- il  jamais 
qu'aucun  d'eux  quitte  nos  maifons  pour 
(q  retirer  dans  les  forêts  ou  dans  les 
dcierts ,  ils  marquent  au  contraire  beau- 
coup d'emprefîement  pour  revenir  au 
gîte,  où  cependant  ils  ne  trouvent  qu'une 

ïi'a  pt;înt  apprivoifé ,  dit  -  il  i  les  poiilaîn"!  âh$  •< 
leur  tciulre  jeuaciTc ,  il  arrive  fbuvcor  4110  1  ap-  « 
prothe  ^  l'attouchtmciU  lic  l'iiomme  leur  caufcnt  « 
tant  de  fr.tycur ,  uu'ils  s'cr»  dcFcinicnt  à  coups  «« 
de  dents  &  de  pieds,  de  façon  qu'ii  cft  prelque  « 
iinpiilfible  de  les  panfér  &.  de  ies  ferrer  ;  fi  la  « 
patience  &  la  douceur  ne  fulFifcnt  pas ,  il  faut  •» 
pour  les  ap[)rivoircr  ,  fc  fcrvjr  du  moyen  qu'on  m 
emp'oie  en  fauconnerie  pour  priver  un  oilcau  k 
qu\)n  vient  de  prendre  6c  qu'on  veut  drefTer  • 
au  vv.)! ,  cc(i  de  l'empccher  de  dorrnir  ,  jufqu'à  h 
ce  qu'il  tombe  de  foibelfc ,  il  faut  en  ufer  de  « 
mtme  à  l'cgard  d'un  cheval  farouche,  &  pour  « 
cela  il  faut  le  tourner  à  (H  jilace  le  derrière  « 
à  la  manorcoiic ,  6c  avoir  un  homme  toute  la  «t 
nuit  èk  tuut  le  jour  à  la  tète,  (|ui  lui  donne  « 
de  temps  en  temps  une  poignée  de  foin  6c  l'em-  ««. 
pécfie  de  fe  couchir,  on  \errn  a\'ec  ctonncment  « 
comme  il  fera  ful)itcment  aviouci  ;  il  y  a  cepcn-  « 
«îant  des  chevaux  qu'il  faut  veiller  ainfi  pendant  « 
huit    jours».    K;).'t'^    U    nowcau    ^arfiii   Alurû/iui , 


Il 


1 


^  0  Hfloire  Naturelle 

nourriture  groflière  ,  &  toujours  Tîï 
même  ,  &  ordinairement  mefurée  fur 
l'économie  beaucoup  plus  que  lui  leur 
appétit  ;  mais  la  douceur  de  Thabitude 
leur  tient  lieu  de  ce  qu'ils  perdelit  d'ail- 
leurs :  après  avoir  été  excédés  de  fatigue, 
le  lieu  du  repos  eft  un  lieu  de  délices , 
ils  le  ftntent  de  loin,  ils  lavent  le  rccon- 
noîire  au  milieu  des  plus  grandes  villes , 
&  (emblent  préférer  en  tout  l'efclavage 
à  la  liberté;  ils  (è  font  même  une  féconde 
nature  des  habitudes  auxquelles  on  le» 
a  forcés  ou  fournis ,  puifqu'on  a  vu  des 
chevaux  ,  abandonnés  dans  les  bois  , 
hennir  continuellement  pour  fe  faire  en- 
tendre,  accourir  à  la  voix  des  hommes, 
&  en  même  temps  maigrir  à.  dépérir  en 
peu  de  temps  ,  quoiqu  ils  eulîent  abon- 
damment de  quoi  varier  leur  nourriture 
&  fatrsfaire  leur  appétit. 

Leurs  mœurs  viennent  donc  prcfque 
en  entier  de  leur  éducation,  &  cette  édu- 
cation fuppofe  des  foins  &  des  peines 
que  l'homme  ne  prend  pour  aucua 
autre  animal,  mais  dont  il  efl:  dédom- 
magé par  les  fcrvices  condnuels  que  lui 
rend  celui-ci.  Dès  le  temps  du  premier 


^//  Oi 


ncVcU, 


21 


ours  Tîï 
rée  fur 
fur  leur 
labitude 
ht  d'aiU 
faiiorur, 
dt!iccs , 

rccon- 
>  villes , 
:c  lavage 
leconde 

on  le» 
vu  des 
i  bois  , 
lire  en- 
)mmes , 
"iérir  en 
i:  abon- 
urriture 

prefcjue 
ite  cdu- 
pcines 
aucun 
Jédom- 
quc  lui 
premier 


Sge  on  a  foin  de  feparer  les  poulains  de 
leur* mère,   on  les  laiiîe  téier    pendant 
cinq,   fix   ou    fout  au  plus  fept   mois, 
car    l'expcriencc  a  fait    voir   que    ceux 
qu'on  iaifle  téter  dix  ou  onze  mois,  ne 
valent  pas  ceux  qu'on  sèvre   plus  tôt , 
quoicju'ils  prennent    ordinairement  plus 
de  chair  &  de  corps  :  après  ces   fîx   ou 
fept  mois  de  lait  on  ïes  sèvre  pour  leur 
faire  prendre  une  nourriture  plus   lolide 
que  le  lait,  on  leur  donne  du  fon  deux 
fois  par  jour  &  un  peu  de  foin ,   dont 
on  augmente  la  quantité  à  mefure  qu'ils 
avancent  en  Age ,   &  (m  les  garde  dans 
l'écurie  tant  qu'ils  marquent  de  l'inquié- 
tude ])our  retourner  à  leur  mère;    mais 
lorfque  cette  inquiétude  cil  pafFée ,  on 
les    laiiTè  fortir    par  le  beau  temps  ,   & 
on  les  conduit  aux  pâturages ,  feulement 
il  faut  prendre  garde  de  Xç^'î»  laifler  paître 
à  jeun,  il  faut  leur  donner  le  fon  &  les 
faire  boire  une  heure  avant  de  les  mettre 
îi  l'herbe  ,    ^   ne   jamais  \c?>  cxpofèr  au 
grand  froid  ou   à  la   pluie  ;   ils   paffent 
de  celle    façon    le  premier    hiver  :    au 
mois  de  mai  fuivant,  non-feulement  on 
leur  permettra  de  pâturer  tous  les  jours , 


1!  t 


M 


W. 


^1 


2  2  H'ijfolrâ  NdtureUe 

mais  on  les  iaifiera  coucher  î\  l'aîr  cîan< 
\^s  pâiurnges  pendant  tout  l'été  &  jutju'à 
la  fin  d'odobre,  en  obfcrvant  feulement 
de  ne  leur  pas  iaiffer  paîire  fes  regains, 
s'ils  s'accoutunioient  à  ccite  herbe  trop 
fine  ils  fe  degoûieroient  du  foin  ,  qui 
doit  cej)€ndant  faire  leur  principale  nour- 
riture pendant  le  fécond  hiver  avec  du 
Ton  mêlé  d'orge  ou  d'avoine  moulus  : 
on  les  conduit  de  ceue  façon  en  les 
iaillant  pâturer  le  jour  pendant  l'hiver, 
&  la  nuit  pendant  l'été  jufqu'à  l'âge 
de  quatre  ans,  qu'on  les  retire  du  pfi- 
tarage  pour  les  nourrir  à  l'hcrlje  sèche  ; 
ce  changement  de  nourriture  demande 
quelques  précautions,  on  ne  leur  don- 
nera pendant  les  premiers  huit  jours  que 
de  la  paille ,  «îk  on  fera  bien  de  leur 
faire  prendre  quelques  breuvages  contre 
ies  vers  ,  que  les  mauvaifcs  digellions 
d'une  herbe  trop  crue  peuvent  avoir 
produits.  M.  de  Garfiult  ( kj,  qui  re- 
commande cette  prati(|iic,  ell  fans  doute 
fondé  fur  l'expérience  ;  cependant  ou 
verra    qu'à    tout   âge    &    dans   tous  les 

(  k)    \oyt7.  le  nouvcnu  parfait   Maréchal,    par 
M,  de  Garlault.  Faris ,  //f  ^,  l'a^i-'i  S^  &  Sj, 


'ffw 


r  dan* 
[uiiiu'à 
lie  ment 
cgains , 
)e  trop 
tî  ,   qui 
,e  nour- 
vec  du 
loulus  ; 
ea    les 
l'hiver, 
'à    rage 
du  pfi- 
î  sùclîc  ; 
lemande 
41'  do«- 
)urs  que 
de  leur 
s  contre 
gellions 
avoir 
qui  re- 
s  doute 
hnt  on 
ous  les 

xha! ,    par 


11 


du  Cheval      *  ij' 

femps  Tedomac  de  tous  les  chevaux  eft 
farci    d'une    fi    prodigieufc    quantité   de 
vers ,  qu'ils  fcmblcnt  fJre  pariie  de  leur 
conllitution  :    uous    les    avons    trouvé* 
dans  les  chevaux  fains   comme  dans   les 
chevaux    iwalades,  dans   ceux   qui  paif- 
foieiu    l'herbe    comme    dans    ceux    qui 
ne    mangeoient   que   de  l'avoine   &    du 
foin;   c5t  les  ânes,   qui  de  tous  les  ani- 
maux lont  ceux  qui  approchent  le  plus 
<lc  la  nature  du  cheval,    ont  aufli  cette 
proJigieule  quaniiié  de   vers   dans   l'ef- 
iomac  ,    &    n'en   font  pas   plus   incom- 
modés :   ainli   on  ne  doit    pas   regarder 
ies    vers ,   du    moins    ceux    dont    nous 
parlons  ,    comme  une   maladie  acciden- 
telle ,  caufée  par  les  inauvaifes  digeflions 
-d'une   herbe  crue ,  mais   plutôt   comme 
un  effet  dépendant  de  la  nourriture  &  de 
ia  digeftion  ordinaire  de  ces  animaux. 

Il  faut  avoir  attentien  ,  lorfqu'on  sèvre 
les  jeunes  poulains ,  de  les  mettre  dans 
une  écurie  propre,  qui  ne  Toit  pas  trop 
chaude  ,  crainte  de  les  rendre  trop  dé- 
licats &  trop  fénfibles  aux  impreHioias 
ût  l'air  ;  on  leur  donnera  (ouvent  de  la 
litière  fraîche,  oa  les  tiendra  propre»  ca 


n 


■t* 


Ml 


2^  I-]îJ}êire  Naturelle 

les  bouchonnant   de   temps  en   temps  : 
mais  il  ne  faudra  ni  les  attacher ,   ni  fes 
panfer  à  la  main  qu'à  l'âge  de  deux  ans 
&  demi  ou  trois  ans ,  ce  frottement  trop 
rude  leur  caulcroit  de  la  douleur ,    kur 
peau  cil    encore   trop   délicate  pour   fe 
louffrir  ,    &   ils  dcpériroicnt  au   lieu   de 
profiter  :    ii  faut  auffi  avoir  foin  que  le 
râtelier    &    la    mangeoire   ne  foient   pas 
trop  cfevés ,  ia  nécclîiré  de  lever  la  tête 
trop  haut  pour  prendre  leur  nourriture 
pourroit    leur    donner    l'habitude  de  la 
porter  de  cette  façon  ,  ce  qui  leur  gâte- 
roit  rencoliire.   Lorsqu'ils  auront  un  au 
ou   dix -huit  mois,   on   leur    tondra  ia 
queue  ,    les    crins    repoufTeront  &    de- 
viendront   plus    foris    (Se    plus    touffus. 
Dès  ITigc  de  deux  ans  il  faut  féparer  les 
poulains ,  mettre  les  mâles  avec  les  che- 
vaux ,   &  les  femelles  avec  les  jumens  : 
fans  cette  précaution  les  jeunes  poulains 
fe  faiigucroient  autour  des  poulines,    de 
s'énerveroicnt  (ans  aucun  fruit. 

A  l'âge  de  trois  ans  ou  de  trois  ans 
&  demi ,  on  doit  commencer  à  les  drefîcr 
&  à  les  rendre  dociles  ;  on  leur  mettra 
d'abord  une  légère  Icllc  &  aifcc,  &  on 


m 


n  temps  : 
cr ,  ni  les 
:  deux  ans 
:ment  trop 
cur ,  kur 
e  pour  !e 
lu  lieu  de 
3*1  n  que  le 
foient  pas 
ver  la  lête 
nourriture 
udc  de  la 
kur  gâte- 
ont  un  an 
tondra  la 
mt  &  de- 
is  touffus, 
réparer  les 
c  les  chc- 
jumens  : 
s  poulains 
ulines ,   & 

trois  ans 
les  drcdcr 
:ur  mettra 

(fc,    &  011 


0 


Ju  Cheval  a  5 

îes  lai  (Fera  fellés  pendant  deux  ou  trois 
heures  chaque  jour;  on  les  accoutumera 
de  même  à  recevoir  un  bridon  dans  la 
houcbe  &   à   (e   laifîèr  lever  les   pieds, 
fur  lefquels  on  frappera  quelques  coups 
comme  pour   îes   ferrer,   &  fi   ce  font 
des  chevaux  deflinés  au  carroffe  ou  au 
trait ,  on  leur   mettra  un  harnois  fur  le 
corps  &  un  bridon:  dans  les  commcn- 
cemens  il   ne  faut   point  de  bride  ,   ni 
pour   les   uns    ni    pour  les  autres  ;  on 
îes  fera  troter  cnfuite    à   la  longe  avec 
un  cavefTon   fur   le  nez   fur  un  tcrrein 
uni,  fans  être  montes,  &  feulement  avec 
ia  fcllc  ou  le  harnois   fur    le  corps;   & 
îorfque  le   cheval  de  fcllc  tournera  faci- 
lement <Sc   viendra  volontiers  auprès  de 
celui  qui  tient  la  longe ,   on  le  montera 
ô>L  dcfcendra  dans  la  même  place  &.  fans 
le  faire  marcher  jufqu'à  ce  qu'il  ait  quatre 
ans ,  parce  qu*avant  cet  âge  il  n*ell  pas 
encore  affez   fort   pour   n'être  pas  ,  en 
marchant,  furchargédu  poidsducav  lier; 
mais  à  quatre  ans  on  le  montera  pour  le 
faire  marcher    au    pas    ou    au    trot  ,   Ôc 
toujours   à   petites   reprifes  (I)  :  quand 

(I )  Voyez  ics  ÉIcmciis  de  cavalerie  Je   M.  de 
Tome    VI,  '  B 


l' i 


z6  Htjloîre  Naturelle 

k  cheval  de  carre  fle  fera  accoutume  au 
jharnois,  on  rattellera  avec  un  autre  chcv.i! 
fait  ,  en  lui  mettant  une  brtJe  ,  &  on 
le  conduira  avec  une  lorge  pafîce  dans 
ia  bride,  jufqu'à  ce  qu'il  commence  à 
être  lige  au  irait;  alors  ic  cocher  effaicra 
de  le  laire  reculer,  ayant  pour  aide  un 
iiomme  devant,  qui  le  poufîera  en  arrière 
avec  douceur ,  &  même  lui  donnera  de 
petits  coups  pour  l'obliger  à  reculer  : 
tout  cela  doit  fe  faire  avant  que  les  jeunes 
chevaux  aient  changé  de  nourriture , 
car  quand  une  fois  ils  font  ce  qu'on 
appelle  engrainés  ,  c*efl-à-dirc  ,  forfqu'ils 
font  au  grain  &  à  la  pailîe ,  comme  ils 
font  pius  vigoureux,  on  a  remarqué  qu*ils 
fitoient  aufîi  moins  dociles,  &  pius  diffi^ 
ciles  à  drc(îèr  (m)» 

Le  raors  &  i'éperon  font  deux  moyens 
qu'on  a  imaginés  pour  les  obliger  à 
recevoir  le  commandement  ,  le  mors 
pour  la  précifion,  &  l'éperon  pour  la 
promptitude  des  mouvemens.  La  boucha 

la  Giitrinière.    Paris,   tj^t ,  tcm  1,  page  1^9^ 
ir  fuiv» 

(  m)  Voyez  le  nouveau   parfiit  Maréchal  ;  j>a^ 
M.  'ie  Garfault,  i>a^c  iV» 


•  "   <r///  Clicvah    "  ^y^ 

ne  paroîflbît  pas  cJeflint'e  par  la  Nature 
à  recevoir  d'autres  imprcflions  que  celles 
du  goût  &  de  l'appétit,  cependant  elle 
clt  d'une  il  grande  fenfibilité  dans  le 
cheval  ,  que  c'cfl  à  la  bouche ,  par 
préférence  à  l'œil  &  à  l'oreille  ,  qu'on 
s'adreiïe  pour  tranfmettre  au  cheval  les 
fîgnes  de  la  volonté  ;  le  moindre  mou- 
vement ou  la  plus  petite  preflion  du 
mors  fuffit  pour  avertir  <Sf  déterminer 
i'animal  ,  &  cet  organe  de  femiment 
n'a  d'autre  défaut  que  celui  de  fa  per- 
fcdion  même ,  fa  trop  grande  fenfihiliié 
veut  être  ménagée ,  car  iî  on  en  abu(è, 
on  gâte  la  bouche  du  cheval  en  la  ren- 
dant infenfible  à  l'imprelfion  du  mors  : 
les  fens  de  la  vue  &  de  Touïe  ne  fc- 
roient  pas  fujets  à  une  telle  altéranon 
&  ne  pourroient  être  émoufîés  de  cette 
façon,  mais  apparemment  on  a  trouvé 
des  inconvénicns  à  commander  aux  che- 
vaux par  ces  organes,  &  il  efl  vrai  que 
les  fignes  tranfmis  par  le  toucher  font 
beaucoup  plus  d'eflct  fur  les  animaux 
en  g^'néral ,  que  ceux  qui  leur  font 
tranlmis  par  Tœil  ou  par  l'oreiile  ;  d'ail- 
leurs, la  fuuation  des  chevaux  par  rapport 


/ 


j     I 

'i 


u  ; 


2  8  MiJIolre  Naiiircl!e 

à  celui  qui  les  monte  ou  qui  îes  con- 
duit, rend  les  yeux  prefqu'inuiiles  à  cet 
effet,  puifqu'ils  ne  voient  que  devant 
eux  ,   &   que    ce    n'cd  qu'en   tourna 


la 


tetc   qu  Us  pourroient   aj;crcevoir   les 


nt 
leî 


fignes  qu'on  leur  fcroit  ,  &  quoique 
l*orcilIe  foit  un  (ens  par  lequel  on  les 
anime  &  on  les  conduit  fouvent  ,  il 
paroît  qu'on  a  rcflreint  &  laifTé  aux 
chevaux  grofîiers  l'ulàge  de  cet  orgnr.c, 
pui (qu'au  manège ,  qui  eft  le  lieu  de  la 
plus  parfaite  éducation  ,  l'on  ne  park; 
prefquc  point  aux  chevaux  ,  &  qu'il  ne 
faut  pas  mênic  qu'il  paroiHe  qu'on  les 
conduile  :  en  effet ,  lorfqu'ils  font  hieii 
drcfîcs,  la  moindre  preflion  des  cuifles, 
le  plus  iegcr  mouvement  du  mors  fulfii 
pour  les  diriger  ,  i'éperon  efl  même 
inutile  ,  ou  du  moins  on  ne  s*en  fert 
que  pour  les  forcer  à  faire  des  mouve- 
mens  violcns  ;  &  iorfque ,  par  l'inepiie 
du  cavalier,  il  arrive,  qu'en  donnant  de 
i'éperon  il  relient  h  bride,  le  cheval  fe 
trouvant  excite  d'un  côic  &  retenu  de 
l'autre,  ne  peut  que  fe  cabrer  enfaiflm: 
un  bond  fans  foriir  de  fi  pfacc. 

On  donne  à  la  tête  du  cheval ,  par 


'■■i 


■  Vjjn'asriiA.s.-.irw;-  A 


i  les  con- 

uiiles  à  cet 

lie  devant 

L  tournant 

cevoir   les 

:   quoique 

lel   on  les 

juvcnt  ,   ii 

laifTé   aux 

n  ororanc, 

lieu  de  b 

ne   y)arle 

Se  qu'il  ne 

qu'on  les 

[font  bien 

?s  cuifles, 

nors  fultii 

?ft    même 

s'en   fert 

5  mouve- 

l' ineptie 

nnant  de 

cheval  le 

etcnu  de 

en'  faiflinr 

val ,  par 


•.M 


"-* 


flu  Chcvûl  ip 

îe  moyen  de  la  bride ,  un  air  avantageux 
&  relevé  ,  on  la  j)Iucc  comme  elle  doit 
être ,  &  le  plus  petit  figne  ou  le  plus 
petit  mouvement  du  cavalier  fuffii  ])our 
faire  prendre  au  cheval  Çqs  différentes 
allures;  la  plus  naturelle  eft  peut-être  le 
trot  ,  mais  le  pas  &  même  le  g:ilop 
font  plus  doux  pour  le  cavalier,  &  ce 
font  auffi  les  deux  aliurcs  qu'on  s'ap- 
plique le  plus  à  perfcdionncr.  Lorfque 
le  cheval  lève  la  jambe  de  devant  pour 
marcher,  il  faut  que  ce  mouvement  foit 
f^n  avec  hardiefTe  &  fliciliié,  &  que  le 
genoux  foit  alTez  plié  ;  la  jambe  levée 
doit  paroître  foutenue  ini  inilant  ,  ôc 
lorfqu'elle  retombe  ,  le  pied  doit  êirc 
ferme  &  appuyer  également  fur  la  terre, 
fans  c|i:e  la  tête  du  cheval  reçoive  aucune 
imprciiion  de  ce  mouvement:  car  lorf- 
que la  jainbe  retombe  fubitement,  &  que 
la  têie  baifle  en  même  temps,  c'eil  ordi- 
nairement pour  foulager  promptement 
l'autre  janibe  qui  n'eit  pas  afTez  forte 
pour  fupporter  feule  tout  le  poids  du 
corps  ;  ce  défaut  efl  très- grand  auflj-bieii 
que  celui  de  porter  le  pied  en  dehors 
OU  en  dedans,  car  il  retombe  dans  cciie 

Bii; 


,.1. 


;  t 


^30  HJloke  NnfnrH/e 

mcme  direction:  l'on  doit  obfcrvcr  niifli 
cjue  lurl(ju'il  nppiiie  fur  le  talon  ,  c'cik 
une  nr.irfjut*  de  fuiLIc/Ic,  t\  que  cjuaiKl 
Il  pofc  fur  la  pince,  c'cfl  une  attitude 
fatigante  c^  forctc  que  le  cheval  ne  peut 
i'ouicnir  long -temps. 

Le  pris,  (jui  tll  'a  plus  lente  de  toutes 
ies  allures,  doit  cependant  être  prompt, 
il  faut  qu'il  re  (oit  ni  trop  alongé  ni 
trop  raccourci,  &  (|ue  la  démarche  du 
cheval  foit  légère  :  cette  légèreté  dépend 
beaucoup  de  la  lii^erté  des  épaule^ ,  & 
fc  reconnoît  à  la  manière  dont  il  porte 
la  tête  en  marchant  ;  s'il  la  tient  haute 
&  ferme  ,  il  eil  ord'naiien.ent  vigou- 
reux &  léger  :  loif(|ue  le  mouvement 
des  éjuiules  n'efl  pas  alkz  libre  ,  la 
jambe  ne  ie  lève  point  a(7e/  ,  &  le 
cheval  cil  fujet  à  fiire  des  faux  pas  âc 
à  heurter  du  pied  contre  leb  inégalités 
du  \crrein  ;  &  lorlcjue  les  épauler  (ont 
encore  plus  ferrées  &  que  le  mouvement 
des  jainl.ies  en  paroîi  indépendant  ,  le 
cheval  fe  faiigue  ,  fait  des  chutes  ,  ôc 
ji'ed  capable  d'aucun  krvice  :  le  cheval 
dt)it  éire  fur  la  hunclic  ,  c'cil  -  à-dire , 
hauller  ie;>  épuuleii  &  bailler  la  hanche 


{lu  Cheval  jl 

tn  mnrchant  ,  il  doit  auffi  fuutcnir  f:v 
jambe  &  la  lever  nHlz  haut  ,  mais  s'il 
h  fouiicnt  trop  long-tciu])S ,  s'il  la  LiiOê 
retomber  trop  ienicineiu  ;  il  perd  tout 
l'avantage  de  la  It'gèrcié,  il  devient  dur» 
&  n  cil  bon  que  pour  l'appareil  &  pour 
piaffer. 

Il  ne  fuffit  pas  que  les  mouvcnieiTS 
du  cheval  loient  légers,  il  faut  cncoie 
qu'ils  foiem  e'gaux  &  uniformes  dans  le 
train  du  devant  &  dans  celui  du  der- 
rière ,  car  û  la  croupe  balance  tandis 
que  les  épaules  fe  fouiiennent,  le  ni:>u- 
vcment  fe  fait  fentir  au  cavalier  par 
fecou(rcs  &  lui  devient  incommode  ;  la 
même  chofe  arrive  lorfque  le  cheval 
alongc  trOj)  de  la  jambe  de  derrière,  & 
qu'il  la  po.e  au-delà  de  l'endroit  où  le 
p'ed  de  devant  a  porté  :  les  chevaux 
dont  le  corps  cil  court  font  fujets  à 
ces  défauts  ,  ceux  dont  les  jambes  fe 
croifent  ou  s'atteignent  n'ont  pas  la  dé- 
marche fûre,  &  en  général  ceux  dont 
le  corps  e(l  long  font  les  plus  commodes 
pour  le  cavalier ,  parce  qu'il  fe  trouve 
plus  éloigné  des  deux  centres  de  mou- 
vement, les  épaules  &  les  hanches,  & 

B  iiij 


32    •        Hifloke  Naturelle 

qu'il  en  refîèni  moins  les  imprefTîons  <3c 
les  fecounes. 

Les  quadrupèdes    marchent  ordinai- 
iement  en   portant    à   la   fois  en  avant 
une  jambe  de  devant  &  une  jambe  de 
derrière  ;   lorfque    la    jambe    droite    de 
devant  part ,  la  jambe  gruche  de  derrière 
fuit  &  avance  en   même   temps ,  &  ce 
pas    étant    fait  ,    la    jambe    gauche    de 
devant   part   à   fon   tour    conjointement 
avec  la    jnmbe    droite    de    derrière  ,   & 
ainfi  de  fuite  :   comme  leur  corps  porte 
fur  quatre  points    d'appui  qui   forment 
un  carré  long,  la  manière  Ju  plus  com- 
mode  de   fe   jucuvoir    efl:  d'en   changer 
deux  à  la  fois  en  diagonale,  de  façon  c[ue 
le  centre  de  gravité  du  corps  de  i'aniiiuil 
ne  f  fie  qu'un  petit  mouvement  &  refle 
toujours   à  peu    près    d.ins    ia  dircdion 
des  deux    points    d'appui    qui    ne   font 
pas  en  mouvement  dans  les  trois  allures 
iiaturc'ics  du  cheval  ,  le  pas  ,   le  trot  & 
le  galop  ,   cette    règle    de    mouvement 
s'obferve  toujours,  mais  avec  des  diffé- 
rences.  Dans  Je  pas  il  y  a  quatre  tenij 


dans  le 


fi  la 


de 


mouvcHieni 
devant  part  ia   prciuiè 


jam 
re  , 


be  d 


)S 


roiic 


h 


iamJ 


V. 


gauj 


ina'i- 
fivant 
t)C  de 
e  de 
rrière 
&  ce 
e  de 
ement 

e  ,   & 

porte 
)rinent 

corn- 
lianger 
jn  c[ue 

Si  refie 
ircdion 
le  font 
allures 
trot  & 
ivcment 
•s  diTé- 


i 


du  Cheval,  •    j  j 

gnuche  de  derrière  fuit  un  înflant  après, 
«iifuiie  la  jambe  gauche  de  devant  part  à 
fon  tour  pour  être  fuivie  un  inftani  après 
de  la   jambe    droite    de    derrière  ;  ainlî 
le  pied   droit  de  devant  pôle  à  terre  le 
premier  ,  le    pied    gauche    de    derrière 
pofe  à  terre  ie  Iccond,  le  pied  gauche 
de  devant  pofe  à  terre  le  troifièiue ,  & 
ie  pied  droit    de    derrière  pofe  à   terre 
le  dernier,   ce  qui  fait   un  mouvement 
à  quatre  temps    Ôc    à    trois  intervalles , 
dont  le  premier   &  le  dernier  font  plus 
courts  que    celui    du    milieu.    Dans  le 
trot  il    n'y   a  que   deux    temps  dans  le 
mouvement,  fi  la  jambe  droite  de  devant 
part ,  lu  jambe  gauche  de  derrière  part 
auffi  en  même  temps,  &  ians  qu'il  y  ait 
aucun  intervalle  entre  le  mouvement  de 
l'une  &  le  mouvement  de  l'autre,  en- 
fuite  la  jambe    gauche    de    devant   part 
avec  la  droite  de  derrière  aufîi  en  même 
temps ,  de    forte    qu'il    n'y    a   dans  ce 
mouvement  du  trot  que  deux  temps  ôc 
un  intervalle,  le    pied   droit    de   devant 
&  le  pied  gauche  de  derrière   polcnt  à 
terre  en  même  temps  ,  &  enfuite  ie  pied- 
gauche  de  devant  &  le  droit  de  derrièie- 

3  ^ 


fil   II 

il 


'34  H'ijloire  Naturelle 

pofent  aulli   à  terre    en    même    temp.*, 
Dans  le  g'^i^jp  ii  y  a  ordinairement  trots 
temps,  mais  comme  dans  ce  mouvement 
qui  eft  une  efpèce  de   laut ,   les  pciriies 
ante'rieurcs    du    cheval    ne    fe    rneu\cnt 
pas  d'abord  d'elles- mêmes ,  &  qu'elles 
font  chadées   par  ia  force  à^s  hanches 
&  des  parties  poflérieures ,   (i  des  deux 
jambes  de  devant  la  droite  doit  avancer 
plus  que  la  gauche ,  il  faut  auparavant 
que  le  pied  gauche  de  derrière  pofe  à 
terre  pour  fervir  de  point  d'appui  à  ce 
jnouvcment  d'élancement ,  ainfi   c'cll  le 
pied  gauche  Je  derrière  qui  fait  le  pre- 
mier temps   du  mouvement  &  qui  j:)ofc 
à   terre    le     premier  ,   enfuiie    la    jambe 
droiic  de  derrière  fe  lève  conjointemeni 
avec   la   gauche    de    devant  &  elles  re- 
tombent  à   terre    en    même    temps  ,    <Sc 
rnfin   la   jambe    droite    de  devant  ,   qui 
s\[\  levée    un    inltant   après  la  gauche 
de   devant    &   ia   droite   de   derrière,   fe 
pofe  à  terre  la  dernière ,   ce   qui  fait  le 
troifième  temps  ;    ainli   dans  ce  mouve- 
ment du  galop,   il   y   a  trois   temps   & 
deux   intervalles,   &   dans  le  j)remicr  de 
CCS  imcrvalits  ;  lorfque  le  mouvciiieiu 


élu  Cheval 


3î 


ft  fait  avec  vîtefîe,  il  y  a  un  înftant  ou 
îcs  quatre  jambes  font  en  l'air  en  même 
temps,  &  où  Ton  voit  les  quatre  fers 
du  cheval  à  la  fois  :  iorfque  le  cheval 
a  les  hanches  &  les  jarrets  foupies,  <Sc 
qu'il  les  remue  avec  vîtefFe  &  agilité, 
ce  mouvement  du  galop  ell  plus  parfait, 
&  la  cadciice  s'en  faii  à  quatre  temps; 
il  pofe  d'abord  le  pieJ  giuche  de  der- 
rière qui  marque  le  premier  temps , 
enfuite  le  pied  droit  de  derrière  retombe 
le  premier  &:  marque  le  fécond  temps , 
le  p'ed  gauche  de  devant  tombant  un 
infiant  a})rès  marque  le  troifième  temps, 
&  Qwim  le  pied  droit  de  devant  qui 
retombe  le  dernier  marque  le  quatrième 
temps. 

Les  chevaux  galopent  ordinairement 
fur  le  pied  droit ,  de  la  même  manière 
qu'ils  parient  de  la  jambe  droite  de 
devant  pour  marcher  &  pour  troter , 
Ils  cniamcnt  nufîi  le  chemin  en  galopant 
pnr  la  jambe  droite  de  devant  cjui  cfl 
plus  avancée  que  la  gauche  ,  &  d*^ 
même  la  jambe  droite  de  derrière,  qui 
fuit  immédiatement  la  droite  de  devant , 
oit  aufii  plus  avancée  que  la  gauche  de- 

.8  y  y, 


I  u 


'3  6  Hipire  Naîïirclk 

derrière ,  &  cela  conflamment  tant  que 
le  galop  dure  :  de  -  là  ii  refulte  que  la 
jambe  gauche  qui  porte  tout  le  j)oids 
&  qui  poufTe  ies  autres  en  avant,  cil  la 
plus  fatiguée,  en  forte  qu'il  feroit  boa 
d'exercer  les  chevaux  à  galoper  alter- 
nativement fur  le  pied  gauche  auffi-blen 
que  fur  le  droit,  ifs  fuffiroicnt  plus  long- 
temps à  ce  mouvement  violent ,  &  c'ell 
suffi  ce  que  l'on  fait  au  manège ,  mais 
peut-être  par  une  autre  raifon,  qui  eft 
que  comme  on  les  fait  fouvent  changer 
de  main,  c'eft>à-dire  décrire  un  cercle 
dont  le  centre  e/l  tantôt  à  droite ,  tantôt 
2  gauche,  on  les  oblige  auffi  à  galoper 
tantôt  fur  le  pied  droit ,  tantôt  fur  le 
gauche. 

Dans  le  pas  ,  les  jambes  du  chcvaî 
ne  fe  lèvent  qu'à  une  peùte  hauteur  &: 
les  pieds  raient  la  terre  d'alîèz  près , 
au  trot  elles  s'élèvent  davantage  &  les 
pieds  font  entièrement  détaches  de  terre, 
dans  le  galop  ks  jambes  s'élèvent  en- 
core plus  haut  &  les  pieds  femblcnî 
bondir  fur  la  terre  :  le  pas  pour  eue 
bon  ,  doit  être  prompt  ,  léger  ,  doux 
&  fur;  le  trot  doit  êir«  ferme,  prompï 


••r- 
■'îi 


nt  que 

que  h 

poids 

,  cil  la 

Dit  bon 

•  alter- 

(îi-bien 

s  long- 

&  c'cll 

e ,  mais 

qui  eft 

changer 

1  cercle 

,  tantôt 

galoper 

t  fur  le 


du  Cheval.  .       J7 

5c  également  foutenu  ,  il  fiiut  que  fe 
derrière  chafTe  bien  le  devant,  le  cheval 
dans  cette  allure  ,  doit  poner  la  tête 
haute  &'  avoir  les  reins  droits  :  car  (i 
ics  hanches  hauffent  &  baiiTent  alterna- 
tivement à  chac[ue  temps  du  trot ,  fi  la 
croupe  balance  &  fi  le  cheval  fè  berce , 
il  trotte  mal  pnr  folbielTe  ;  s'il  jette  en 
dehors  les  jambes  de  devant  c'cit  un 
autre  défiiut ,  les  jambes  de  devant  doi- 
vent être  fur  la  même  ligne  que  celles- 
de  derrière  ,  &  toujours  les  effacer. 
Lorfqu'une  des  jambes  de  derrière  fe 
lance  ,  fi  la  jambe  de  devant  du  même 
côié  rcfte  en  place  un  peu  trop  long- 
temps, le  mouvement  devient  plus  dur 
par  cette  réfillance;  &  c'elt  pour  cela 
(jue  l'intervalle  entre  les  deux  icmps  du 
trot  doit  être  court:  mais  quelque  court 
qu'il  puifîe  être,  cette  rcfiflance  fuffit 
pour  rendre  cette  allure  f)lus  dure  que 
le  pas  &  le  galop  ;  parce  que  dans  le 
pas  le  mouvement  eft  plus  liant  ,  plus 
doux,  &  la  rèfirtance  moins  forte,  & 
que  dans  le  galop  il  n'y  a  prefque  point 
dcTefiftance  horizontale,  qui  ell  la  feule 
incommode  pour  le  cavalier,  la  rc.ic^on 


\  ■:  il 


M 


38  Hlfnnre  NnUirelIe 

du  mouvement  des  jambes  de  devant  Ce, 
fallânt  prcfque  toute  de  bas  en  haut  dani 
la  dirciflion  perpendiculaire. 

Le  relTort  des  jarrets  ccontribue  aiitnnt 
au  mouvement  du  g^ilop  que  celui  des 
r-eins  ;  tandis  que  [{is  reins  font  elîort 
pour  élever  &  pouffer  en  avant  les 
parties  antérieures  ,  le  pli  du  jarret  fait 
reifort  ,  rompt  le  coup  &  adoucit  ia 
fecouffe  :  auiîi  plus  Je  refîort  du  jarret 
eft  liant  &  fouple,  pfus  le  mouvement 
du  galop  eft  doux  ;  il  efl  audi  d'autant 
plus  prompt  tSc  plus  rapide  ,  que  les 
jarrets  font  plus  forts,  &  d'autant  plus 
foutenu ,  q-ue  le  cheval  pone  plus  fur 
ics  hanches  &  que  les  épaules  font  plus 
foutenucs  par  la  force  des  reins.  Au 
reflc  ,  les  chevaux  qui  dans  le  galop 
lèvent  bien  haut  les  jambes  de  devant, 
ne  font  pas  ceux  qui  galopent  le  mieux, 
ils  avancent  moins  (|uc  les  autres  & 
fe  fatiguent  davantage  ,  &  cela  vient 
crdinairement  de  ce  qu'ils  n'ont  pus  les 
épaules   affcz  libres. 

Le  pas,  le  trot  &  le  g^lop  font  donc 
les  allures  nat.ui elfes  les  plus  ordinaF^es  ; 
mais  il   y  a  quelques   chevaux  qui  ont 


du  Cheval  '55) 

raturclicment    une    autre    allure    qu'on 
appelle  Vawble  ,    qui  cil  très  -  clifFé rente 
des    trois    autres  ,    &    qui    du    premier 
coup  dVell  paroît  eontraire  aux  loix  de 
la    mécaniqr.e    &    très  -  fatigante    pour 
i'animal  ,   quoique    dans    ceiie    allure  \z 
vite  (le  du    mouvement    ne    foit    pas   ii 
grande   que  dans    ie   g^lop   ou   dans  le 
grand   trot  :   dans    cette    allure    le    pied 
du   cheval   rafe  la    terre  encore  de  plus 
près   que   d;ins   le   pas  ,    &    chaque   dé- 
marche e(l  beaucoup  plus  alongée  :  mais 
ce  qu'il  y  a  de  finguiicr  ,   c'tlt  que  les 
deux  jambes  du  même  cote ,  par  exemple, 
celle    de    devant    ôc    celle    de    derrière 
du  cote  droit,   partent  en  même  temps 
pour  faire    un    pai>  ,    éc    qu'enfuite  les 
deux   jambes    du    côte    gauche   partent 
auiFi  en  même  temj^s  pour  en  flVire  un 
autre  ,   &   ainfj    de   fuite  ,   en   forte  que 
ies  deux  côtes  du  corps  manquent  ai- 
tcrnativement    d'appui  ,     6:   qu'il   n'y   a 
point   d'e(|uilibrc   de   l'un   à   l'autre:   ce 
qui  ne  peut  nianquer  de  faiio-uer  beau- 
coup  le   cheval  ,    qui   elt   obligé   de   fe 
foutenir  dans  un  balancement  forcé ,  par 
lâ  rapidiic   d'un   iiiouvcmcnt   qui  n'eft 


40  Hiflolrc  Naturelle 

prcfciue  pas  dtticlié  de  terre  ;  car  s'îî 
ïevoit  les  pieds  dans  cette  allure  autant 
qu'il  les  lève  dans  Te  irot  ou  même 
dans  le  bon  pas ,  le  balancement  feroit 
fi  grand  qu'il  ne  pourroit  manquer  de 
tomber  fur  le  côté  ,  &  ce  n'eft  que 
;parce  qu'il  rafe  la  terre  de  très- près, 
&  par  des  alternatives  promptes  de 
mouvement  ,  qu'il  fc  foutient  dans 
cette  allure  ,  où  la  jambe  de  derrière 
doit  ,  non  -  feulement  partir  en  même 
temps  que  la  jambe  de  devant  du  même 
côté  ,  mais  encore  avancer  fur  elle  & 
pofcr  un  pied  ou  un  pied  &  demi  au- 
delà  de  l'endroit  où  celle  -  ci  a  pofé  : 
plus  cet  efpace  dont  la  jambe  de  derrière 
avance  de  plus  que  ia  jambe  de  devant , 
efl:  grand  ,  m'cux  ie  cheval  marche 
l'amble  ,  &  plus  le  mouvement  total  ell 
rapide.  Il  n'y  a  donc  dans  l'amble, 
comme  dans  le  trot ,  que  deux  temps 
dans  fe  mouvement  ;  &  toute  la  diffé- 
rence e(l  que  dans  le  trot  les  deux  jambes 
qui  vont  enfcmble  ibnt  oppofées  en 
diagonale,  au  lieu  que  dans  l'amble  ce 
font  les  deux  jambes  du  même  côté 
qui  voiu  cnfemble  ;   cette  allure  qui  eil 


ihi  Cheval  .  4^ 

très- fatigante  pour  le  chcvaî ,  &  qu'on 
ne  doit  lui  laiiler  prendre  que  dans 
ics  terrcins  unis,  eft  fort  doue  |.»our 
k  cavalier  ,  elle  n'a  pas  la  dureté  du 
trot  ,  qui  vient  de  la  réfiftance  que 
fiiit  la  jambe  de  devant  lorfque  celle 
de  derrière  fe  lève  ,  parce  que  dans 
i'amble  cette  jambe  de  devant  fe  lève 
en  même  temps  que  celle  de  derrière 
du  me  me  côté  ;  au  lieu  que  dans  le 
trot  cette  jambe  de  devant  du  même 
côté  demeure  en  repos  &  réfifte  à  i'im- 
pulfion  pendant  tout  le  temps  que  fe 
incut  celle  de  derrière.  Les  connoiiîeurs 
aflurent  que  les  chevaux  qui  naturelîe- 
ineni  vom  l'umble,  ne  trottent  jamais  & 
qu'ils  font  beaucoup  plus  foibles  que  les 
autres  :  en  effet  les  poulains  prennent 
affcz  fjuvent  cette  allure  ,  fur  -  tout 
lorfqu'on  les  force  à  aller  vite  ,  & 
qu'ils  ne  font  pas  encore  aflez  forts 
])our  troter  ou  pour  g:iloper  ;  &  l'on 
obicrve  auifi  que  la  plupart  des  bons 
chevaux ,  qui  ont  été  trop  fatigués  & 
qui  commencent  à  s'ufer  ,  prennent 
eux  -  mêmes  cette  allure   iorf^u'on  les 


42  Hijîoire  Ndturelle 

force  a  un  mouvement  plus   rapide  que 
celui  du  pas  fn). 

L'amble  peut  donc  erre  regardé 
comme  une  allure  dcTc<5lueure  ,  puif- 
qu'cKc  n'eft  pas  ordinaire  &  qu'elle 
n'cft  naturel'e  qu'à  un  petit  nomI»rc  de 
chevaux;  f(ue  ces  chevaux  loni  prcfque 
toujours  plus  foibfes  que  les  autres ,  & 
que  ceux  qui  paroifl'ent  les  plus  forts 
fon:  ru'nés  en  moins  de  temps  que  ceux 
qui  trottent  &  galoj  cnt  :  itt  is  il  y  a 
encore  deux  aunes  allures ,  Tentrcpas 
&  l'auhin,  que  Ls  chevaux  foibles  ou 
excédés  prennent  d'eux  -  mêmes  ,  q,ui 
font  beaucoup  plus  défeél^ieufes  que 
l*iim!^le  ;  on  a>  appcl^^  ces  mauvaifcs 
allures  des  trahis  rompus  ,.  dé! unis  ou 
Gompofés  :  l'efurepus  tient  du  pas  &  de 
l'amljlc ,  &  rajbin  tient  du  trot  &  du 
galop,  l'un  &  l'auire  viennent  des  excès 
c*'une  longue  fatigue  ou  d'une  grande 
foiMefle  de  reins,  les  chevaux  de  mef- 
figerie  qu'on  furcharge ,  commencent 
a  aller  l'enirepas  au  lieu  du  trot  à  mefure 

(n)  Voyez  i  ccoie  de  cavalerie  de  jM.  de  la  Gué*» 


î"  ■■■ 

k 


ihi  Chevdh  4J 

qu'ils  fe  ruinent,  &  les  chevaux  de  poAe 
ruines  ,  (ju'on  prcllc  de  galoper  vont 
i'aubin  au  lieu  du  gnlop. 

Le  cheval  e(l    de    tous   les   animaux 
celui  qui ,   avec  une   grande  taille  ,  a  le 
])Ius  de   proportion   &   d'élcgancc   dans 
les   pr.rties    de    Ton    corps  ;    car  en   lui 
comparant  les  animaux   cjui  lont  iinmé- 
diaiement  au-deiîus   &  au-deiïbus,  on 
verra  que    l'âne    efl    mal    fait ,    que   le 
lion  a  la  têie  trop   groffc,   qiîe  le  bœuf 
a  les  jambes  trop  minces  &  trop  couries 
pour  la  grofîeur  de  fon  corps,   que  le 
chame.iu   e(l   difforme  ,    &   que  les  plus 
groi  animaux  ,    le    rhinocéros   &   Téle- 
phant ,   ne  font ,    pour  ainli   dire ,    que 
des   mades  informes.    Le  grand  alonge- 
meuL  de»  mâchoires  eft  la  principale  caufe 
de  la  diffcrencc  entre  la  lête  des  quadru- 
pèdes 6c   celle   de   l'homme  ,   c'eU  aufîi 
je   cnrac^cre    le    plus    ignoble    de   tous? 
cepejuleuit  ,    quoique    les    mâchoires   du 
cheval  fo'ent   fort  alongtes ,    il   n'a  pas 
comme  l'anc    un    air    d'imbéciiiiic  ,   ou 
de  lUij'idité  comme  le  bœuf  :   la  régu- 
larité   des    proportions    de    fa    têic    lui 
donne  au  contraire  un  air  de  iégcrstc 


'44*  Hijloh-e  Naturelle 

qui  efl  I)icn  loutcnu  par  la  I)caiUc  Je 
fun  ewcolurc.  ï.c  cheval  ftnible  vouloir 
fc  ineiire  au  -  dtfTus  de  Ton  ciat  de  qua- 
tlrupcdf  en  devant  G  tcie  ;  dans  cette 
jioLle  aiiiiude  il  regarde  l'homme  ilice 
à  face  ;  Tes  yeux  loin  vifs  &  bien 
ouverts ,  fes  oreilles  font  bien  faites  <Sc 
ii'une  juUc  grandeur,  (ans  être  courtes 
comme  celîes  du  taureau  ,  ou  trop 
longues  comme  celles  de  l'àne;  fa  cri- 
rièrc-  accompagne  bien  fa  tête  ,  orne 
fon  cou  &  lui  donne  un  air  de  force 
&  de  fierté  ;  fa  queue  traînante  & 
toufîue  couvre  &  termine  avaniageu- 
feinent  rextrémitc  de  ion  corps  :  bien 
diffc  rente  de  la  courte  f.juei:e  du  ccif,  de 
l'elcphani ,  &c.  &  de  la  cpieuc  nue  de 
i'ane ,  du  chameau,  du  rhinocéros,  &c. 
la  queuj  du  cheval  efl  formée  par  des 
crins  é[)aii  &  longs  qui  fembicnt  fcrtir 
de  la  cmupe  ,  j)arce  que  le  tronçon 
dont  ils  forient  ell  fort  court  ;  il  ne 
peut  relever  fi  queue  comme  le  lion , 
jnais  elle  lui  fieJ  mieux  quoiqu'abailfée, 
&  comme  il  peut  la  mouvoir  de  coté, 
il  s'en  fert  utilement  j^oiir  chafler  les 
mouches  qui  rincommodcni,  car  quoi- 


Vi  11 


<h  Cheval  45 

que  lîi  pcnti  foit  trcs- ferme,  &  qu'elle 
foit  garnie  par -tout  d'un  poil  cpais  <& 
Icrré  ,  clic  tll  cependant  très-lcnfiLIe. 

L'attiiudc  de  la  ictc  &  du  cou  con- 
tribue plus  que  celle  de  toutes  les  autres 
parties  du  corj)S  à  donner  au  cheval  un 
noble  maintien;  \i  partie  ru[)LTieure  de 
l'encolure  dont  fort  la  crinière  .  doit 
s'clevçr  d'abord  en  ligne  droite  ^r.\\  for- 
tnrat  du  garrot,  &  former  eiifuite,  en 
approchant  de  la  tête  ,  une  courbe  à 
peu  près  fembbble  à  celle  du  cou  d'un 
cygne  :  la  partie  inférieure  de  l'cnco- 
iurc  ne  doit  former  aucune  courbure, 
il  fiut  que  fi  dircc:"lion  f^it  en  ligne 
droite  depuis  le  poitrail  jufju'à  la  ga- 
nache &  un  peu  penchée  en  avant  ;  fi 
elle  ctoit  perpendiculaire  ,  rcncolure 
feroit  faufle  :  il  faut  aulli  que  la  partie 
fupérieure  du  cou  foit  mince ,  &  qu'il 
y  ait  peu  de  chair  auprès  de  la  crinière, 
qui  doit  être  médiocrement  garnie  de 
Clins  lonQ[5  <Sc  dclies;  une  belle  encolure 
doit  être  longue  «Se  relevée ,  &  cependant 
proportionnée  à  la  tailfc  du  cheval  : 
iorfqu'elie  cil  trop  longue  di  trop  menue, 
ies  chevaux  donnent  ordinairement   des 


'4.6  HJ/?olre  Naturelle 

coups  de  tête ,  &  quand  elle  eft  trop 
courie  &  trop  charnue  ,  Ils  fo4it  pefans  à 
ia  main;  &  pour  que  la  léte  foit  le  plus 
avaiuageufement  j^lacéc  ,  il  faut  que  le 
front  toit  perpendicuïure  à  rhotizcn. 

La    tête    doit    être    sèche    &    menue 
fans  être  troj)  longue ,   les  oreilles  peu 
didanies  ,    peiiics  ,    droites  ,    immobiles  , 
étroites,  dtlices  &   bien   plantées  lur  le 
haut   de   la   tcte  ,    le   front   étroit   &   ua 
peu  convexe ,   les   (Iilières  remplies ,   les 
paupières  minces,  I<?s  yeux  clairs,  vifs, 
pleins  de  feu  ,   allez   gro.s   &i   avancés  à 
iîeur   de   tête  ,    (a   j^rune'Ie    grande  ,   la 
ganache  décharnée    &    peu   épaille  ,   le 
nez   un    |>cu    arcjué  ,    les   nalèaux    bien 
ouverts   &    bfen   fendus  ,    la  cloifon  du 
nez  mince  ,  les  lèvres  défiée^ ,   lu   bou- 
che   médiocre. ncnt    fendue  ,    le    garrot 
élevé   &  tranchant,    les  épaules  sèches, 
plates  &  peu  (crrées ,  le  dob  égal  ,  uni , 
iniènfiblc:nei^t   arqué    fur    la   longueur, 
&  relevé  des  deux   cô.és  de  l'épiiic  qui 
doit  paroîite  e  ifoncce,  le>  flancs  pleins 
ai    courts  ,    la    croupe    ronJe    &    bien 
fournie ,  la  hanclic  bien   crirnie,  le  tron- 
çon  de   la    c^ucue    cpal^  &  ferme  |  ic^ 


du  Chn'al  47 

l)ras  &  !es  cuifles  gros  &  charnus ,  le 
genou  rond  en  devant,  ic  jarret  ample 
èi  évidé,  les  cnnons  inintes  fur  le  de- 
vant &  larges  fur  les  côtt's ,  le  nerf  bien 
détaché ,  le  boulet  menu  ,  le  fanon  peu 
garni,  le  paturon  gros  &  dune  médiocre 
longueur,  la  couronne  peu  élevée,  la 
corne  noire  ,  ui.ie  &  luifanic  ,  Je  fabot 
haut  ,  les  quartiers  ronds  ,  les  talons 
larges  &  mfdiocrcinent  élevés ,  la  four- 
chette menue  &  maigre  ,  &.  la  folle 
éj  a  (le   &  concave. 

Muis  il  y  a  peu  de  chevaux  dans 
îefciuels  on  trouve  toutes  ces  perfec- 
tions ritiTemhlées  :  les  yeux  font  fujets 
à  plu  fleurs  défauts  cju'il  eft  quelquefois 
difficile  de  recoiinoître  ;  dans  un  œil 
fain  on  doit  vcir  àr  travers  la  cornée 
deux  ou  trois  laclies  couleur  de  fuie  au- 
deiïus  de  la  pirunelle,  car  pour  voir  ces 
taches  il  faut  que  la  cornée  foit  claire, 
nette  &  tranfparentc  ,  fi  elle  paroît 
double  ou  de  mauvaife  couleur  l'oeil 
Il  ell  pas  bon  :  la  prunelle  petite ,  lon- 
gue &  étroite  ou  environnée  d'un  cercle 
blanc ,  défigne  aufTi  un  mauvais  œil  ; 
6c  lorfqu'elie   a    une    couleur    de   bleu 


43  Hi(Ioîre  Nûturelle 

vcrcJatre ,  l'œil  cft  certainement  mauvais 
<Sc  la  vue  trouble. 

Je  renvoie  à  l'article  d^s  defcriptîons  * 
l'énumeration  détaillée  des  défauts  du 
cheval,  &  je  me  contenterai  d'ajouter  en- 
core quelques  remarques  par  lefquelles , 
comme  par  les  précédentes ,  on  pourra 
juger  de  la  plupart  des  perfe(?lions  ou 
des  imperfediions  d'un  cheval.  On  juge 
afiêz  bien  du  naturel  &  de  l'état  aduel 
de  l'animai  par  le  mouvement  des  oreilles , 
il  doit,  lorfqu'il  marche,  avoir  la  pointe 
des  oreilles  en  avant  ;  un  cheval  fatigue 
a  les  oreilles  ba/Tès,  ceux  qui  font  colères 
&  malins  portent  alternativement  l'une 
des  oreilles  en  avant  &  l'autre  en  arrière: 
tous  portent  les  oreilles  du  côté  ou  ils 
entendent  quelque  bruit  ;  &  lorfqu'on 
les  frappe  fur  le  dos  ou  fur  la  croupe, 
ils  tournent  les  oreilles  en  arrière.  Les 
chevaux  qui  ont  les  yeux  enfoncés  ou 
vin  œil  plus  petit  que  l'autre,  ont  or- 
dinairement la  vue  mauvaife;  ceux  dont 
la  bouche  cfl  sèche  ne  font  pas  d'un 
aufîi   bon  tempérament  que  ceux  dont 

♦   Voyez  partit-   1 1'  ,    lome  IV  île  cette  Hifioâe 
!Naturclie  dt  1  édition  ca  trente  un  Yolumc5. 

la, 


qu( 


nauvais 

Dtîons  * 
luts  du 
uter  en- 
iquelles , 

pourra 
:ions  ou 
)ii  juge 
at  adlucl 
,  oreilles , 
la  pointe 
lI  fatigué 
it  colères 
snt  Tune 
ri  arrière: 
)té  où  ils 
lorfqu'on 
L  croupe, 
nère.  Les 
foncés  ou 
,  ont  or- 
ccux  dont 

pas  d'un 
:eux  dont 

cette  Hifloiie 
mes. 

la 


tJu  Cheval  4? 

fa  bouclie  cft  fraîche  &  devient  écu- 
meulê  fous  la  bride.  Le  cheval  de  felle 
doit  avoir  les  épaules  plates  ,  mobiles 
&L  peu  chargées  ;  le  cheval  de  trait  au 
contraire  doit  les  avoir  grofîes  ,  rondes 
&i  charnues  :  iî  cependant  les  épaules 
d'un  cheval  de  Telle  font  trop  sèches , 
&  que  les  os  paroiflent  trop  avancer 
fous  la  peau  ,  c'eft  pn  défaut  qui  dc- 
figne  que  les  épaules  ne  font  pas  libres  » 
&  que  par  confcquent  le  cheval  ne 
pourra  fup porter  la  fiitigue.  Un  autre 
défaut  pour  le  cheval  de  felle  eft  d'a- 
voir le  poitrail  /r*  ;i  avancé  &  les  jambes 
de  devant  rctir;  ..  n  arrière  ,  parce 
qu'alors  il  eft  fujct  à  s'appuyer  fur  la 
main  en  galopant  &  même  à  broncher 
&  à  tomber  :  la  longueur  des  jambes 
doit  être  proportionnée  à  la  taille  du 
cheval  ;  lorfque  celîcs  du  devant  font 
trop  longues  ,  il  n'eft  pas  aflurc  fur 
fes  pieds  ;  fi  elles  font  trop  courtes ,  ii 
eft  pefant  à  la  main  :  on  a  remarqué 
que  les  jumens  font  plus  fujettes  que 
les  chevaux  à  être  bafîes  du  devant ,  & 
que  les  chevaux  entiers  ont  le  cou  plus 
gros  que  les  jumens  &  les  hongres. 
Tome  VL  C 


/ 


jo  Hïjîotre  Naturelle 

Une  cle3  chofej»  les  \)\\\s  importantes 
à  connoure  ,   c'elt  i'agc  du  cheval  ;   les 
vieux     chevaux    ont    urJinnircn^eiu    les 
faiicies    creulcis  ,   mais    cet     indice     eft 
équivoque,  puifque  de  jeunes  chevaux, 
engendrés   de  vieux   étalons ,  ont  aufîi 
ies  laiières   creufes  :  c'cll:  par  les  dents 
qu'on  peut  avoir  une  connoifiance  plus 
certaine  de  l'âge  ;   le   cheval  ea  a  qua- 
rante ,   vingt-(|uaîfe  mâchelières ,   quatre 
canines   &  douz'e  incifives;   les  juinens 
n'ont  pas  de  dents  canines ,  ou  les  ont 
fort  courtes  :  les  mâchelières  ne  fervent 
point  à  la  connoill^iice  de  l'âge  ,   c'eft 
par   les  dents  de   devant  &  cnlui  e  par 
les   canines  (ju'on  en  juge.    Les  doize 
(Jents  de  devant  commencent  à  poulfcr 
quinze  jours  après  la  naiflancc  du  pou* 
lain ,  ces  preinièics  dents   font  rondes  , 
courtes  ,    peu   tolides  ,    &   tombent  en 
diftéfcns    temps    pour    être    remplacées 


ar   d  autres 


leux    ans 


&   d 


Ci  ni   les 


l( 


cjuatre   de  devant  du  milieu  tombent  les 


I 


;rcmicrcs 


!ux  eii 


ut 


leux  en 


bai 


;i 


\n\  an  après  il  en  tomlje  rjuarre  autres, 
Vnc  d.-'  chiujue  côic  d»:s  preiuicrcs  qui 
tout  déjà  lempuicées  ;   ù  quatre  uns  & 


J' <.  Ju  Cheval  5:1^ 

tfemî  environ  il  en  tombe  qii-atre  autres, 
toujours  à  côté  de  celles  qui  font 
tombées  &  rcmplacces  ;  ces  quatre  der- 
nières dents  de  lait  font  remplacées 
par  quatre  autres ,  qui  ne  croiflcnt  pas 
à  beaucoup  près  aufll  vî:e  que  celles 
qui  ont  remplacé  i(!s  huit  premières  ; 
&  ce  lont  CCS  quatre  dernières  dents , 
qu'on  appelle  les  coins  ,  &c  qui  rem- 
placent les  quatre  dernières  dents  de 
lait ,  qui  marquent  l'age  du  cheval ,  elles 
font  airécs  à  reconnoîtrc  ,  puifqu'elies 
font  les  troifièmcs  tant  en  haut  qu'en 
bas ,  à  les  compter  depuis  le  milieu  de 
iVxtrémité  de  la  mâchoire  ;  ces  dents 
font  creulcs  «5:  ont  une  marque  noire 
dans  leur  concavité  ;  à  quatre  ans  <Sc 
demi  ou  cinq  ans  cilcs  ne  débordent 
prcfque  pas  au-defîus  de  la  gencive, 
&  le  creux  cil  fort  lenfible  ;  à  fix  ans 
&  demi  il  commence  à  fe  remplir  ,  fa 
marque  commence  auill  à  diminuer  <Sc 
à  fe  rétrécir ,  &  toujours  de  plus  en 
pîus  julqu'à  fept  ans  &  demi  ou  huit 
ans  ,  que  le  creux  crt  tout- à- fait  rempli 
&  la  marque  noire  effacée  :  après  huit 
ans,  connue  tes  dents  ne  donnent  plus 

Ci; 


"51  'Hifloire  Naîiireïïe 

connoîfTance   de   Tâge  ,  on    cbercFie   } 
en   juger  par  \cs  dents  canines  ou  oro- 
chets  ;   ces  quatre  dents  font  à  côté  de 
celles  dont  nous  venons  de  parler  ;  ces 
dents   canines,  nom   plus    que   les    mâ- 
chciières  ,    ne    font    pas   précéde'es    par 
dViutres    dents    qui   tombent  ;    les   deux 
de  fa  mâchoire  inférieure  pouflent  ordi- 
nairement  les  premières   à  trois    ans   ôc 
demi ,  &  les  deux  de  la  mâchoire  fupé- 
ricurc  à  quatre  ans ,  &  jufqu'à  l'âge  de 
fix  ans  ces  dents  font  fort  pointues  ;  à 
dix  ani  celles  d'en  haut  paroi/Tent  de'jà 
cmouflecs  ,   ufées    de    longues   ,    parce 
qu'elles  font  déchauflces ,   la  gencive  (e 
retirant  avec  I  âge ,  &  plus  elles  le  (ont , 
plus  le  cheval  eft  âgé  :  de  dix   jufqu'à 
treize    ou    quatorze    ans  ,   il    y    a    peu 
d'indice  de  l'âge  ,    mais  alors   quelques 
poils  des  fourcils  commencent  à  devenir 
blancs  ;    cet  indice  efl   cependant  auift 
cquivoque    que    celui    qu'on    lire    des 
ialières   creufès  ,   puifcju'on  a  remarqué 
que    les    chevaux    engendrés    de    vieux 
«étalons    &    de    vieilles    jumens  ont    des 
poils    blancs    aux   fourcils  dès  i'âgc  de 
neuf  ou   dix  ans.  Il  y  a  dçs  chevaux 


s 


che   1 

.1  ûro- 

ôté  de 

r  ;  CCS 

es    mâ- 

es    par 

deujc 

it  ordi- 

ans   ôc 

e  fupé- 

'âgc  de 

nues  ;  à 

nt  déjà 

parce 

ncive  fe 

le  font, 

jufqu'à 

a    peu 

que!c[ues 

i  devenir 

int  auifi 

lire    des 

•c  marque' 

je    vieux 

ont    des 

l'âge  de 

chevaux 


Ja  Chevûl  5  3 

Jont  les  dents  iont  fi  dures  qu'elles  ne 
s'ufent  point,  &  fur  îefquclles  la  marque 
ïioire  fubrille  &  ne  s'efface  jamais  ;  mais 
CCS  chevaux  ,  qu'on  appelle  béguts ,  font 
aifés  à  reconnoître  par  ie  creux  de  fa 
dent  qui  eft  abfolument  rempli ,  &  auflî 
par  la  longueur  des  dents  canines  (o): 
au  refte  ,  on  a  remarqué  qu'il  y  ?  plus 
de  jumens  que  de  chevaux  h  -^u..  On 
peut  auffi  connoîtrc  ,  quoique  moins 
prc'cifëment ,  l'âge  d'un  chevai  par  les 
filions  du  palais ,  qui  s'cffaccm  à  mefure 
que  ie  cheval  vieillit.  « 

Dès  l'âge  de  deux  ans  ou  deux  ans 
&  demi  le  cheval  cft  en  état  d'engendrer, 
&  les  jumens,  comme  toutes  les  autres 
femelles  ,  font  encore  plus  précoces 
que  les  mâles  ;  mais  ces  jeunes  chevaux 
ne  produifènt  que  des  poulains  mal 
conformes  ou  mal  conftitués  :  il  faut 
que  ie  cheval  ait  au  moins  quatre  ans 
ou  quatre  ans  ^  demi  avant  que  de 
lui  permettre  l'ufage  de  la  jument  ,  & 
encore  ne  le  permettra  -  t  -  on  de  fi 
bonne    heure    qu'aux    chevaux    de   trait 

(o)    Voyez    TÉcolc  de  Cavalerie  de   M.  de  la 

C  ii/ 


54  HijMre  Naturelle 

ôc  aux  gros  chevaux  ,  qui  font  ordinat- 
rement  fgnnés  plus  tôt  que  les  chevaux 
fins;  car  pour  ceux-ci  il  faut  attendre 
juCi[u-A  fix  ans  &  même  jufqu'à  fept 
pour  les  beaux  .  étalons  d'Efpagne;  les 
jumens  peuvent  avoir  un  an  de  moins  ; 
elles  font  ordinairement  en  chaleur  au 
printemps  depuis  la  fin  de  mars  julqu'ù 
îa  fin  de  juin  ;  mais  le  teinps  de  la 
plus  forte  chaleur  ne  dure  guère  que 
quinze  jours  ou  trois  femaines  ,  ôc  il 
faut  être  attentif  à  profiter  de  ce  temps 
pour  leur  donner  l'étalon  :  il  doit  être 
hien  choifi  ,  beau-,  bien  fait ,  rc'evé  dti 
devant  ,  vigoureux  ,  fain  par  tout  le 
corp*.  &  fur -tout  dc*bonne  r.ice  &  de 
bon  pays.  Four  avoir  de  beaux  che- 
vaux de  fclle  fins  &  bien  faits  ,  il  faut 
prendre  des  éialons  étrangers  ;  Icj  Arjbes , 
ics  Turcs  ,  les  Barbes  âc  le^»  chevaux 
d'Aiid-JoLifie  font  ceux  cju'on  doit  pré- 
férer à  tous  les  autres  ;  &  à  leur  défaut 
on  le  fervira  de  beaux  chevaux  Anglais, 
parce  que  ces  chevaux  viennent  des 
premiers  ;  &  cju'ils  n'ont  pas  beaucoup 
dégénéré  ,  la  nourriture  étant  cxcellenie 
en   An(>îcLeirc  ,  où   Ton  a  aulli   trcs- 


iht  Cheval.    '  55 

grand  foîn  de  renouveler  les  races  î 
ies  étalons  d'Iiaiie  ,  fur- tout  ics  Napo- 
Ikains  ,  font  aulfi  fort  bons ,  &  ils  ont 
le  double  avanti<ge  de  produire  des 
chevaux  fins  de  monture  ,  iorf([u'oii 
leur  donne  des  jumens  fines  ,  &  d(3 
beaux  chevaux  de  ciirrofTe  ,  avec  des 
jumens  étoffées  &  de  bonne  taille.  On 
préiend  cju'en  France,  en  Angleterre, 
&c.   les  chevaux   Arabes  &   Barbes  cn*^ 

geudrent  ordinairement  des  chevaux 
plus  grands  qu  eux  ,  &  qu  au  contraire 
les  chevaux  d'Efpagne  n'en  produifent 
que  de  plus  pents  ((u'eux.  Pour  avoir 
de  beaux  chevaux  de  carrofle  ,  il  faut 
fe  fèrvir  d'étalons  Napolitains,  Danois, 
ou  des  chevaux  de  c[ue'qucs  endroits 
d'Aiiem-af->"j'ie  ou  de  Hollande ,  comme 
du  liolltein  ik  de  i^  rife.  Les  étalons 
doivent  être  de  belle  taille,  c'cfl-à-dirc , 
de  quatre  pieds  huit,  neuf  (!k  dix  pouces 
pour  les  chevaux  de  leile ,  «Si  de  cinq 
j)icd5  au  moins  pour  ies  chevaux  de 
carrofTe  :  il  faut  aulii  qu'un  étalon  foit 
de  J)on  poil  ,  noir  comme  du  jais , 
beau  gris  ,  bai  ,  alezan  ,  i  la  belle  doré 
avec  !     raie  de  mulet,  les  crins   &   k* 

C  iiij 


*m 


j  6  Hijloire  Naturelle 

extrémités  noires  ,  tous  les  porfi  qui 
font  d'une  cou'cur  lavée  &  qui  paroif- 
fent  mal  ttinrs  doivent  éire  bannis  des 
haras  ,  aufJi-bien  que  les  chevaux  qui 
ont  les  exirémitcs  blanches.  Avec  un 
très  -  bel  extérieur  ,  i'étaion  doit  avoir 
encore  touies  le^  bonnes  qualités  imc- 
rieures ,  du  courage ,  de  la  docilité  ,  de 
l'urdcur  ,  de  l'agilité  ,  de  ia  fenfibiiiié 
dans  la  bouche,  de  la  liberté  dans  les 
épaules  >  de  la  fureté  dans  les  jambes  , 
de  la  fouplcHe  dans  les  hanches,  du 
refTort  par  -  tout  le  corps  ,  &  fur  -  tout 
dans  les  jarrets,  &  même  il  doit  avoir 
été  un  peu  cîrefTé  &  exercé  au  manège; 
le  cheval  cfl  de  tous  les  animaux  celui 
qu'on  a  le  plus  obfervé  ,  &l  on  a  re- 
marqué qu'il  communique  ,  par  la  gé- 
nération ,  prefciuc  toutes  fes  bonnes  & 
mauvaifes  qualités  ,  naturelles  &  ac- 
quifes  :  m\  cheval  naturellement  har- 
gneux ,  ombrageux ,  rétif,  &c.  produit 
des  poulains  qui  ont  le  même  naturel  ; 
&  comme  les  défauts  de  conformation 
&  les  vices  des  huru'  ars  fe  perpétuent 
encore  plus  furcment  que  les  qualités 
«lu   naturel  ^  il  faut   avoir   grand   foiii 


du  Chevah  57 

dVxcIurc  du  haras  tout  cheval  difforme, 
morveux,  ^o\\^\ï ^  luniuiquc,  &c. 

Dans  CCS  climais  la  jument  contribue 
moins  que  l'étalon  à  la  beauté  du  pou- 
lain ,  winis  clic  contribue  peut-être  plus 
à  Ton  tempérament  &  à  la  taille  ;  ainfî 
ii  faut  que  les  jumens  aient  du  corps , 
du  ventre  ,  &  qu'elles  loient  bonnes 
nourrices  :  pour  avoir  de  beaux  chevaux 
fins  on  préfère  les  jumens  Efpagnolcs 
&  Italiennes,  &  pour  des  chevaux  de 
carrofle  les  jumens  Angloiles  &  Nor- 
mandes :  cependant  avec  de  beaux  éta- 
lons ,  des  jumens  de  tous  pays  pourront 
donner  de  bcw^ux  chevaux  ,  pourvu 
c|u*el!es  (oient  elles  *  mêmes  \>\^\\  faites 
èa  de  bonne  race;  car  fi  elfes  ont  été 
cnffendrces  d'un  mauvais  cheval  ,  les 
poulains  qu'elles  produiront  feront  fou- 
vent  eux-mêmes  de  mauvais  chevaux  ; 
dans  CCI  le  efpèce  d'animaux  ,  comme 
d;ins  Tefpèce  humaine  ,  la  progéniture 
rcffembie  affez  fouvent  aux  aicendans 
paternels  ou  maternels  ;  feulement  ii 
îeniblc  que  dans  les  chevaux  la  femelle 
ne  contribue  pas  11  la  génération  tout- 
g-f»ût  autam  que  dans  i'efpèce  humaine; 

C  y 


^58  Hijlohe  Naturelle 

If  f-ls  rcfrcinl)fe  plus  fou  vent  a  fi  mère 
que  le  poulain  ne  rcfTeinhlc  à  la  fieiuie; 
&  loriquf  le  poulain  redèinhle  à  la  ju- 
ment (jui  l'a  produit,  c'ell  ordinairement 
par  les  [)arties  anieiieurcs  du  corps,  & 
par  la  lêie  &  rencolurc. 

Au  relie  ,  pour  bien  juger  de  fa 
'refîeinh'ancc  des  enflms  à  leurs  païens, 
il  ne  faudroit  j)as  les  com[)arer  dans 
ïcs  première>  années ,  mais  attendre  Tàge 
où  ,  tout  étant  développé  ,  la  compa- 
raifon  feroit  plus  certaine  «5:  plus  i^n-' 
iible  :  indépendamment  du  développe- 
ment dans  l'accroilTcment ,  qui  fouvent 
altère  ou  change  en  bien  les  formes, 
ies  projK)riions  &  la  couleur  des  che- 
veux ,  il  fe  fait  dans  le  temps  de  la 
puberté  ,  un  développement  prompt  & 
i'ubit  qui  change  ordinairement  les 
traits,  la  taiKe  ,  l'attitude  tks  jambes, 
&c.  le  vilage  s'aionge  ,  le  nez  grolllt 
&  grandit ,  la  mâchoire  s'avance  ou  fe 
charge,  la  taille  s'élève  ou  fe  courbe, 
ks  jambes  s'alongent  <5f  fouvent  de- 
viennent cngneufes  ou  effilées ,  en  forte 
que  la  phylionomie  <5c  le  maintien  du 
«orps  ,    changent   quelquefois  ii   fort^ 


{Jll   ClîCVdl,  ,5(^ 

qu'il    fcroit   très  -  pofiible    de   mecon- 
noitrc  ,  au    moins    du     premier    coup 
d'oeil ,  aj)rci   la  pubcric  ,  une  perfonnc 
qu'on    auroit    bien     connue    avant    ce 
temj)S  ,  &  qu'on  n'auroit  pas  vue  depuis. 
C.e  n'ell  donc   cju'aprcs  cet  âge  qu'on 
doii  comparer   l'enfant  à  (es   parens ,  fi 
l'on    veut   juger    exademcnt  de  la   ref- 
lemblaiice  ;    C^    alors    on    trouve    dans 
l'efpccc    humaine    (-[ue     fouvent  le    fils 
redcmbie    à    Ion    père    &    la    fiiîc  à   fa 
nuTc  ;  que  plus  fouvent  ils  reffcmblent 
à  l'un  (3c   à   l'autre  à  la  fois  ,    6c    qu'ils 
tiennent    quelcjuc  ciiofe    de   tous  deux  ;, 
qu'alîei    fouvent     ils     refTemblcnt     aux 
grand- [)ères  ou   aux   grand-mcres;   que 
quelquefois    ils   reflcmblent    aux    oncles 
ou   aux   tanies  ;    que    prcf(iue   toujours 
les  cnfans  du  même  père  &  de  la  même 
mcrc     fe     rciiembîent    ])lus    entre    eux 
qu'ils  ne  reflemblent   ù  leurs  afcendans  , 
&     que    tous    ont    quelcjuc    choie     de. 
ccimnun  &  un  air  de  famille.  Dans  les 
chevaux  ,    comme    le    maie    contribue 
plus  à  la  génération  que  la  femelle  ,   les 
jumens    produiicnt    des    poulains  ,    qui 
font  allez  fou v cm  fçmLlabies  en  tout  à 


6o  Hifolre  Naturelle 

IVtafon  ,  ou  qui  toujours  lui  reiremÏ3ÎciTt 
plus  qu'à  fa  inère  ,  elles  en  produifciit 
aulîi  qui  reirenibleut  aux  grand  -  pjcrcs  j 
&  lorîque  la  jument  mère  a  éié  elle- 
jnême  engendrée  d'un  mauvais  cheval , 
il  arrive  allez  fouvent  que,  quoiqu'elle 
ait  eu  un  bel  étalon  &  qu'elle  l'oit  belle 
e'îe  -  même  ,  elle  ne  produit  qu'un 
poulain  c[ui ,  quoiqu'en  apparence  beau 
&  hiea  f;u't  d.  ns  f;i  première  jeunclîè , 
décline  toujours  en  croi(î.int  ;  tandis 
qu'une  jument  qui  fort  d'une  bonne 
race  donne  des  poulains  qui,  quoique 
de  miuvaire  apparence  d'abord  ,  em- 
belliiîcnr  avec  l'âge. 

Au  rcile ,  ces  obfer valions  que  l'on 
a  faites  (iir  le  produit  des  jumens  ,  <^ 
qui  fembîent  cancourtr  toutes  à  prouver 
que  {.hn^.  les  chevaux  le  mâle  influe 
beaucoup  plus  c^iie  la  femelle  fur  la 
prc^f^eiîituîc  ,  ne  me  paroiflent  p.^s 
cncoie  Cufllhintes  pjour  établir  ce  fait 
dune  mnn'cre  indubitable  c\  irrévo- 
cable ;  il  ne  fcroît  pas  impodlble  que 
ces  of)rcrv:utons  fublr(h(Tcnt  ,  &  qu'en 
même  temps  c'k  eii  général  les  jmncns 
cpaLiibua/îèm   autant    que   les   chevaux 


g* 

des 


dit  Cheval, 


él 


au  produit  de  la  génération  :  iï  ne  me 
paroît  pas  étonnant  que  des  étalons , 
toujours  choifis  dans  un  grand  nombre 
de  chevaux  ,  tirés  ordinaircnient  de  pays 
chauds ,  nourris  dans  l'abondance  ,  cn- 
treienus  &  ménagés  avec  grand  foin , 
dominent  dans  la  génération  fur  des 
jumens  communes ,  nées  dans  un  climat 
froid  ,  &  fouvcnt  réduites  à  travailler  j 
&  comme  dans  ler.  obferva'ions  tirées 
des  haras  il  y  a  toujours  plus  ou  moînâ 
de  cette  fupérioriié  de  i'éiafon  fur  la 
jument,  on  peut  très-bien  imaginer  que 
ce  n'eft  que  par  ccrte  raifon  qu*el'es 
font  vraies  &  confiâmes  :  mais  en  même 
temps  il  pourroit  être  tout  aufîi  vrai 
que  de  très-belles  jumens  des  pays 
chauds  ,  auxquels  on  djnneroit  des 
chevaux  communs  ,  infîueroicnt  peut- 
être  beaucoup  plus  qu'eux  fur  leur  pro- 
géniture, &  qu'en  général  dans  l'crjoèce 
des  chevaux  comme  dans  rcfptce  hu- 
maine, il  y  eût  égaliié  daris  r'nlhiencc 
du  maie  &  de  la  femelfe  fur  lei'.r  nrop-é- 
nitiire  ;  cela  me  paroit  naturel  ik  d'au- 
tant plus  probable,  qu'o.i  a  rcmrciué, 
iiiCnuc   dans  les  haras  ,  qu'il   ii-illcit  à 


'62  Hijlohe  'Ndîurslk 

peu  prcs  un  nombre  égal  Je  poulains 
&  de  poulines  :  ce  qui  prouve  qu'au 
moins  pour  ie  fexe  la  femelle  influe 
pour  fa  moitié. 

Mais  ne  fuivons  pas  plus  loin  ces 
confidérations  ,  qui  nous  éloigneroient 
de  noire  Tu  jet  :  lorfque  Tcialon  eft  choifi 
&  que  les  jumcns  qu'on  veut  lui  donner 
font  ralTemblées  ,  il  faut  avoir  un  autre 
cheval  entier  qui  ne  fervira  qu'a  faire 
eonnoiire  les  jumens  qui  feront  en 
chaleur ,  &  qui  même  contribuera  par 
fes  attaques  à  les  y  faire  entrer  ;  on  fait 
pafîcr  toutes  les  Jumens  l'une  après 
l'autre  devant  ce  cheval  entier  ,  qui  doit 
ctrc  ardent  &  hennir  fréquemment;  il 
veut  fes  aiiaquer  loiues  ,  celles  qui  ne 
font  point  en  chaleur,  fe  défendent,  & 
il  n'y  a  que  celles  qui  y  font  qui  fe 
laiflcnt  approcher  ,  mais  au  lieu  de  le 
ïaJiîer  approcher  lout-à-fait,  on  le  retire 
!k  on  lui  fubftitue  le  véritable  étalon. 
Cette  é})reuvc  eil  utile  pour  rcconnoure 
le  vrai  temps  de  la  chaleur  des  jumens, 
&  fur  -  tout  de  celles  qui  n'eut  pas 
encore  produit  ;  cai  celles  c[ui  viennent 
lie    pouiiuer    uurcnt    ordiuiùreiuent    exi^ 


/ 


5:- 


Ju  Cheval      '  (Î3 

cîinleur  neuf  j«iirs  après  leur  accou- 
chement ,  ainfi  on  peut  les  mener  à 
i  étalon  dès  ce  jour  même  &  les  faire 
couvrir  ;  cniuiie  tfîiiyer  neuf  jours  après 
au  moyen  de  l'épreuve  ci  -  dcflus  ,  il 
elles  font  encore  en  chaleur  ;  &  ù  elles 
y  font  en  effet,  les  faire  couvrir  une 
féconde  fois  ,  &  ainfi  de  fui;e  une  fois 
tous  les  neuf  jours  tant  que  leur  chaleur 
dure,  car  lorfqu'ciics  font  pleines  la  cha- 
leur diminue  &  ceHe  peu  de  jours  après. 

Mais  pour  que  tout  cela  puifle  le 
faire  aifcn«nt  ,  commodément  ,  avec 
fuccès  &  fî  uit ,  il  fuu  beauconj:)  d'at- 
teniion  ,  de  dépenfe  &  de  précautions  ; 
il  fuu  établir  \cs  haras  dans  un  bon 
lerrein  &  dans  un  lieu  convenable  & 
proportionné  à  la  quantité  de  jumens 
ai.  d'étalons  qu'on  veut  employer  ;  il 
faut  partager  ce  tcrrein  en  plufieurs 
p;iriie^>  ,  fermées  de  palis  ou  de  fbfTés 
avec  de  bonnes  haies  ,  metue  les  jumens 
l'ier^ts  &  ceHci  qui  alaiient  leurs  pou- 
lains dans  la  panie  où  fe  pàiunigc  ed 
ic  plus  gras ,  féparer  celles  qui  n'ont 
pas  conçu  ou  qui  n'ont  pas  encore  été 
CQUvtriçs  y  ik  les  meure  avec  Lss  jeuats 


'^4  Hîjlolre  NatîtreUi 

poulines  dans  un  autre  parquet  oiî  fe 
pâtuHîgc  foit  moins  gras,  afin  qu'elles 
n'engraident  pas  trop  ,  ce  qui  s'oppo- 
fcroit  à  la  génération  •■,  ôi  enfin  il  faut 
mettre  les  jeunes  poulains  entiers  on 
hongres  dans  la  partie  du  terrein  la  plus 
sèche  &  la  plus  inégale  ,  pour  qu'en 
montant  &  en  defcendant  les  collines  ils 
acquièrent  de  la  liberté  dans  les  jambes 
&  les  épaules  :  ce  dernier  parquet  où 
l'on  met  les  poulains  mâles,  doit  ère 
féparé  de  ceux  des  jumens  avec  grand 
foin ,  de  peur  que  ces  jeunts  chevaux 
ne  s'échapj^ent  &  ne  s'énervent  avec 
ies  jumens.  %Si  le  terrein  eft  afîez  grand 
pour  qu'on  puiiïe  partager  en  deux 
parties  chacun  de  ces  parquets  ,  pour 
y  làettre  alternativement  des  chevaux  ai 
dçs  bœufs  l'année  fuivante  ,  le  fonds  du 
priturage  durera  bien  plus  long -temps 
que  s  il  éioit  continue  lement  mangé 
par  les  chevaux  ^  le  bœuf  répare  le 
pâturage,  &  le  cheval  l'.imugrii  :  if 
faut  auifi  qu'il  y  ait  des  m.ircs  dans 
chacun  de  ces  par(jueis  ;  [^  eaux  dor- 
mantes lont  meilleures  pour  le>  chevaux 
^ue  les  eaux  vives  ^  qui  leur  donneut 


et  où  h 

qu'elles 
îi'oppo- 
n  il  faut 
tiers    ou 
n  la  p'us 
nr   qu'en 
;llines  ils 
jambes 
quet  où 
on    e.rc 
c  grand 
chevaux 
nt   avec 
z  grand 
îJi    deux 
s ,   pour 
evaux  ôc 
Ponds  du 

g-lCilipS 

inanaé 
fpare  le 
gril  :  il 
es  dans 
ux  dor- 
cljcvanx 


^.1 

N 


Mit 


Ju  Cheval  65 

fouvcnt  des  tranchées  ;  &  s'iï  y  a  quel- 
ques arbres  dans  ce  terrein  ii   ne  faut 
pas  les  détruhe ,  les  chevaux  font  l)ien 
aiics    de  trouver   cette  ombre  dans   les 
grandes  <:haleurs ,  mais  s'il  y  a  t\Gs  troncs , 
des  chicots  ou   des  trous ,  il  faut  arra- 
cher ,  combler,  aplanir,  pour  prévenir 
tout  accident.    Cçs    pâturages  fcrvironr 
à  la  nouniture  de  votre  haras   pendant 
i'ëté ,  il    faudra   pendant   l'hiver    mettre 
fes  jumens  à  Pécurie  &  les  nourrir  avec 
du  foin  ,   auifi  -  bien  que  les  poulains , 
qu'on   ne  mènera  pâturer  que  dans  les 
beaux  jours  d'hiver.  Les  étalons  doivent 
être  toujours  nourris  à  l'écurie  avec  plus 
de   paille    que   de   foin  ,    &    entretenus 
dans  un  exercice  modért  jufqu'au  temps 
de   la  monte  ,   qui    dure    ordinairement 
depuis  le  commencement  d'avril  jufqu  a 
la  fin  de  juin ,   on  ne  leur  fera  faire  au- 
cun autre  exercice  pendant  ce  temps,  Qi 
on  les  nourrira  largement ,  mais  avec  les 
mêmes  nourritures  qu'à  l'ordinaire. 

Lorfqu'on  mènera  l'étalon  à  la  ju- 
ment ,  il  faudra  le  pan%r  auparavant , 
cela  ne  fera  qu'augmenter  fon  ardeur  ; 
il  faut  aufli  que  la  jument  foît  propre 


66  Hipire  Naturelle 

êc  déférée  des  pieds  de  derrière  ,  ca? 
U  y  en  a  qui  font  chatouilleufes  & 
qui  ruent  à  l'approche  de  l'étalon  ;  un 
homme  tient  b  jutriCnt  par  le  licou  ,  & 
deux  autres  conduifent  l'éralon  par  des 
ïongei  ;  lorfcfu'il  eft  en  fituation  ,  on 
aide  à  raccouj)lement  en  le  dirigeant  & 
en  déournant  la  queue  de  la  jument  ; 
car  un  feui  crin  qui  s'oppoleroit  pcur- 
roit  le  bitfler,  même  da  igereufeincnt  : 
il  arrive  quelquefois  que  d ',ns  l'accoiv- 
plcmcjit  i'éiulon  ne  coniommc  pas  l'a-fle 
de  la  géncraiioii ,  &  qu'il  fort  de  dcflus 
h.  jument  lans  lui  avoir  rien  lai  lié  ;  il 
faut  donc  êire  attentif  à  obferver  ,  ù. 
dans  les  derniers  momens  de  la  copula- 
tion,  le  tronçon  (îe  ia  queue  ds  Teulon 
n*a  pas  un  mouvement  de  balancier 
près  de  la  croupe,  car  ce  mouvement 
a<:comi^agne  toujours  leminjon  de  la 
iiqueur  (em'nale  :  s'il  l'a  conlbnimc  ,  il 
ne  faut  pas  lui  laiiïer  réitérer  l'accou- 
plement ,  il  faut  au  contraire  ie  ramener 
tout  de  fujie  à  l'écurie  ôi  le  laifler  juf- 
qu'au  furltndcmain  ;  car  ,  qu(^iqu'un 
bon  éiaion  puide  fufiire  à  couvrir  tous 
les    jours    uiie    fois    pendant    ks    uoh 


'     i)u  Cheval     ■  6/^ 

TTioîs  que  dure  le  temps  de  la  monte , 
ii  vnut  mieux  le  ménager  davantage  & 
ne  fui  donner  u/ie  jument  que  tous  les 
deux  jours  ,  il  dt'penfera  moins  &  pro- 
duira davantage  :  dans  les  premiers  lept 
Jours  on  lui  donnera  donc  fuceefîjvc- 
ment  qua  re  jumens  différentes,  &  le 
neuvième  jour  on  lui  ramènera  la  pre- 
mière ,  &  ain fi  des  aun'es  ,  tant  qu'elles 
feront  en  chaleur  ;  mais  dès  qu'il  y  en 
aura  quelqu'une  dont  la  chaleur  iera 
pnffée ,  on  lui  en  fubftituera  une  nouvelle- 
p.>ur  la  fiire  couvrir  à  Ton  tour  aufîi 
tous  les  neuf  jours  ;  &  comme  il  y 
en  a  plu  Heurs  qui  retiennent  dès  la 
prein'ère  ,  féconde  ou  troidème  fois, 
on  cornjKc  cju'un  éîalon  ainfi  conduit 
pj  ut  couvrir  quinze  ou  dix- huit  ju- 
melé ,  <k  produire  dix  ou  douze  pou- 
lair»s  d.ms  les  trois  mois  que  dure  cet 
evercie.  Dans  ces  animaux,  la  quan- 
tité de  la  liqueur  fénvnale  e(t  très- 
grande  ,  &  dais  l'cmiflion  ils  en  re'- 
pinJcnt  fort  abondamment  :  on  verra 
ci;;n^  les  dcfcriptions  *  la  grande  capacité 

Voyez  />,mie    ///,  fome    VJI  de   cette   MiftoirÇ 
Mauirellc ,  de  l  tviiiion  en  trente-  un  volumes. 


68  Hijlûtre  NiJturelle 

des  rciervoirs  qui  la  contiennent ,  t^  fes 
indudions  qu'on  peut  tirer  de  l'éienJue 
&  de  ia  forme  de  ces  réièrvoirs.  Dans 
les  jumens  il  fe  fait  aiiflj  une  émifîjon , 
ou  plutôt  une  fliilaiion  de  Li  liqueur 
fcminaie  pendant  tout  le  temps  qu'elles 
font  en  amour;  car  elles  jettent  au  dehors 
une  liqueur  gluante  &  blanchâtre  qu'on 
appelle  des  chaleurs  ,  &  dès  qu'elles 
font  pleines  ces  émifllons  cefTent  :  c'cft 
cette  liqueur  qi:e  les  Grecs  ont  appelée 
Y h'ippommûs  de  la  jument  ,  &  dont  ils 
prétendent  qu'on  peut  faire  des  fiLrcs, 
fur-tout  pour  rendre  un  cheval  fréné- 
tique d'amour;  cet  hippomanès  efl  bien 
différent  de  celui  qui  fe  trouve  dans 
les  enveloppes  du  poulain  ,  dont  M, 
Daubcnton  fp)  a  le  prem'cr  connu 
&  fi  bien  décrit  la  nature,  l'origine  & 
ia  fituation  :  ceitc  liqueur  que  l;i  ju'.nent 
jette  au  dehors  ,  eit  le  figne  le  plus 
certain  de  la  chaleur  ;  mais  on  le  re- 
conno^t  encore  au  ironflcment  de  la 
partie  inférieure  de  la  vulve  &  aux  fré- 
quens  henniffcmens  de  la  jument ,  qui 

fp)  Voyez  îes  Mémoires  de  l'Académie  Roya!< 
^  Sciencci ,  4Ww/#  ^7//| 


•    Ju  Chevdl     '  6ç 

dans  ce  temps  cherche  à  s'approcher 
des  chevaux  :  lorfqu'elle  a  été  cou- 
verte par  l'étalon  ,  il  faut  fimplemcnt 
ia  mener  au  pâturage  fans  aucune  autre 
précaution.  Le  premier  poulain  d'une 
jument  n'eft  jamais  fi  étoffé  que  ceux 
qu'elle  produit  par  la  Cuite,  ainfi  on 
obfervera  de  lui  donner  la  première 
fois  un  étalon  plus  gros,  afin  de  com- 
penfer  le  défaut  de  i'accroiflement  par 
la  grandeur  même  de  la  taille  :  il  faut 
aufii  avoir  grande  attention  à  la  diffé- 
rence ou  à  la  réciprocité  des  figures  du 
cheval  ôi  de  ia  jument ,  afin  de  corriger 
les  défauts  de  l'un  par  les  perfedions  de 
l'autre ,  ôc  fur-tout  ne  jamais  faire  d'ac- 
couplemens  difproportionnés  ,  comme 
d'un  petit  cheval  avec  une  groffe  ju- 
ment, &  d'un  grand  cheval  avec  une 
petite  jument,  parce  que  le  produit  de 
cet  accouj)îement  iêroit  petit  ou  mal 
proportionné  :  pour  tâcher  d'approcher 
de  la  belle  Nature  ,  il  faut  aller  par 
nuances  ;  donner ,  par  exemple ,  à  une 
jument  un  peu  trop  épaiflc  un  chevai 
étoffé  ,  mais  fin  ,  à  une  petite  jument 
un  cheval  un  peu  plus  haut  qu'elle,  à 


y 


Y  6  Hiplre  Naturelif 

une  fumciu  cjui  pcclie  par  l'a  vont- mnui, 
un  che\al  qui  ait  la  tcic  belle  &.i'cii- 
col'  re  i^oble,  <5:c. 

On  a  icma»(jué  qiic  les  haras  étai^lis 
dans  des  tcrreins  fcc^  &  I<  gers  proJui- 
foient.  des  chevaux  iobres  ,  It'gcrs  <X 
vicxoureuN  ,  avec  la  jambe  nervtuîc  & 
la  COI  ne  dure,  laiidis  que  dans  les  lieux 
hutiddcs  ^  dans  les  })àiurages  les  plus 
g. as  ils  ont  prefcjiie~ioiis  la  to;e  groile 
t^  pelunie ,  le  corps  épais,  les  jambes 
chargées  ,  la  corne  mauvaile  &  les  pieds 
plais  :  ces  différences  viennent  de  celle 
du  climat  &  de  la  nourriture,  ce  qui 
peur  s'entendre  nilémcnt  ;  mais  ce  qui 
eft  plus  diffici'e  à  comprendre  ,  &  qui 
cil  encore  plus  eOeniiel  que  tout  ce  que 
nous  venons  de  d  re  ,  c'elt  la  néccfliié 
où  l'on  ed:  de  toujours  croifer  les 
races  ,  fi  l'on  veut  les  empêcher  de 
dégénérer. 

Il  y  a  dans  la  Nature  un  prototype 
général  dans  chafpie  Cipèce  fur  lequel 
chaque  individu  ell  nK)delé ,  mais  qui 
ieinble  ,  en  fe  réa'ifant  ,  s'altérer  ou>ic 
pcrleélionner  par  'c>  circoul^ances  ;  en 
ibne  que  ,    relativement  à  de  ceruiiics 


fl- 


du  CLcvaK   '"  71- 

quintes ,  U  y  a  une  vuri  ition  bizarre  en 
appaitnce  tians  la  fucceilion  des  indi- 
vidus ,  &  en  iwèmc  temps  une  conf- 
taiiLC  (|ui  paroît  adiniriible  daub  i'elpèce 
cmicrc  :  le  premier  animal  ,  Je  premier 
cheval  ,  par  exemple  ,  a  éié  le  modèle 
exurieur  &  le  moule  intérieur  fur  lequel 
tous  les  chevaux  qui  lont  nés  ,  tous 
ceux  qui  cxiflcnt  <3c  tous  ceux  qui 
naîiront  ont  été  fermés  ;  jnais  ce  mo- 
delé ,  dont  nous  ne  connoiflons  c|ue 
les  copies,  a  pu  s'yliérer  qu  fe  jerfec- 
tit)nt  er  en  communiquant  fa  forme  Se 
le  mulii^^liant  :  l'empreinte  originaire  fub- 
fille  en  fon  entier  dans  chaque  indi- 
vidu ;  mais  quoiqu'il  y  en  ait  des  mil- 
lions ,  aucun  de  ces  individus  n'efl: 
cependant  lemblable  en  tout  à  un  autre 
individu ,  ni  par  conféquent  au  modèle 
dont  il  porte  lempreinie  :  cette  diffé- 
rence qui  prouve  combien  la  Natun: 
efl  éloignée  de  rien  faire  d'abfolu ,  ^c 
couibicn  elle  lait  nuancer  (its  ouvrages, 
(è  trouve  dans  l'efj^èce  humaine  ,  dans 
celles  de  tous  les  animaux  ,  de  tous  les 
VégéuiuK  ,  de  lous  les  eues  en  un  mot 
qui  le  reproduiieat  \   ôl  ce  qu'il  y  a  de 


72.  T-IiPoirc  Naturelle 

fîngulicr ,  c  cft  qu'il  fcMible  que  fe  mo- 
dèle  du   beau   &  du  bon    Toit    difperfé 
par  toute  la  terre,  &  que  dans  chaque 
climat  il  n'en  réiide  qu'une  portion  qui 
dégénère  toujours ,  à  moins   qu'on  ne 
ia  réunifie  avec  une  autre  portion  prifc 
au   loin  :    en  forte   que  pour  avoir  de 
bon  grain  ,  de  belles  fleurs ,  &c.  il  faut 
en  échanger  les  graines  &  ne  jamiiis  les 
femer  dans  le   même   lerrein  qui    les  a 
produites;  &  de  même,  pour  avoir   de 
beaux  chevaux  ,  de  bons  chiens ,   &c.  il 
fiiut  donner  aux  femelles  du    pays  des 
mâles  étrangers,  &  réciproquement  aux 
mâles  du  pays  des  femelles  étrangères , 
(ans  cela  les  grains ,  les  fleurs  ,    les  ani- 
maux dégénèrent ,   ou  plutôt  prennent 
une   fi  forte  teinture  du  climat ,  que  la 
matière  domine  fur  la  forme  &  fembic 
l'abâtardir;  l'empreinte  refle ,  mais  défi- 
gurée par  tous  les  traits  qui  ne  lui  font 
pas  elfëntiels  ;  en  mêlant  au  contraire  ks 
races  ,   on  fur  -  tout  en  les  renouvelant 
toujours    par    des  races  étrangères  ,    h 
forme    (cmble    fe    perfè(flionncr  ,    &    la 
Na  ure    fe    relever    &    donner  tout    ce 
qu'elle  peut  produire  de  meilleur. 

Ce 


;4 


iiiUi 


le  le  mo- 

clifperie  | 
s  chaque 
►rtion  qui 
qu'on  ne 
lion  prife 

avoir  de 
te.  il  fiiut 
janiaib»  les , 
qui    les  a 

avoir  de 
is  ,  &c.  il 

pays  des 

:ment  aux 

rangères , 

les  ani- 

prenneiU 
at ,  que  la 

&  femblc 
nais  défi- 
le lui  font 
unirai re  les 
•nouvelant 


tlu  CllCVilh 


73 


ï 


Ce  nVA  point  ici   le  lieu  Je  donner 


es  nu 


fuil; 


ciu  raies  uc  ces  c 


fïei 


mais 


gères 


&   h 


r  tout    ce 


cr 


ur. 


Ce 


nous   |>ouvoiis  indiquer   les   conjecîlurcs 
(|ui  i'e  préfcntcnt  au  preniier  coup  d'oeil  ; 
on  fliit   par  cx])rrience  que  des  animaux 
iw  des  végétaux  tranfplaniés  d\n"i  climat 
lointain  ,    Ibuvcnt  dégénèrent   &   quel- 
quefois   (e    perfe(5lionnent    en    peu    de 
temj)S  ,  c'efl  -  à  -  dire  ,  en  un  très  -  petit 
nombre   de   générations  :   il   efl   ai  fti  de 
concevoir  que  te  (|ui   produit  cet  effet 
e(l    la    différence     du    climat    &    de    la 
nourriture  ;     l'influence    de     ces    deux 
caufcs  doit  à  la  longue  rendre  ces  ani- 
maux exempts  ou    lufteptibles  de   cer- 
taines afiecHiions,  de    certaines  maladies; 
leur  tempérament    doit    changer   peu  à 
peu  ;    le  développement    de    la   forme , 
qui  dépend   en    partie   de   la   nourriture 
èi  de  la  qualité  àzs  humeurs,  doit  donc 
changer  aufîi  dans  les  générations  :   ce 
changement    efl    à     la     vérité    prefque 
infcnlibie    à     la    première    génération  , 
parce  que  les   deux   animaux  ,    mâle  & 
femelle,   que    nous    fuppofons    être    les 
Touches    de    cette    race  ,   ont    pris    leur 
coi^fifh.nce  <5c  leur  forme  avant  d'avoir 
Tome  VI  D 


^4  tTîf!o}re  NûîurcHe 

été  dcpaïfés  ,  «5c  que  le  nouveau  cHmat 
&  ia  nouiriture  nouvel'e  peuvent  à  la 
vérité  changer  leur  tempérament ,  mais 
ne  peuvent  pas  influer  aflez  fur  les 
parties  folides  &  organiques  pour  en 
altérer  la  forme,  fur- tout  fi  l'accroilTc- 
ment  de  ieur  corps  éioit  pris  en  enn'er; 
par  Gonféquent  la  première  gcnériiiion 
ne  ièra  point  altérée  ,  la  première  pro- 
géniture de  ces  animaux  ne  dégénérera 
pai ,  l'empreinie  de  la  forme  fera  pure, 
il  n'y  aura  aucun  vice  de  fouche  au 
iTJonicnt  de  la  nainiuice  :  niais  le  jeune 
anijnal  cfïu'cra  ,  dans  un  âge  tendre  <Sc 
foibic  ,  les  influences  du  climat  ,  elles 
lui  feront  plus  d'imprcfllcn  qu'elles  n'en 
cm  pu  faire  lur  le  pèic  &  la  mère, 
celles  de  la  nourriture  (eront  auiTj  Lien 
plus  grandes  &  pourront  agir  fur  les 
partits  organiques  dans  le  temps  de  Tac- 
crciiTcment ,  en  altérer  un  peu  fa  forme 
origiraire,  &  y  produire  des  germes  de 
déiecluofjtés  qui  le  nffinifcfteront  cnfiiite 
d'une  manière  très- Icnfible  dans  la  fé- 
conde génér>iion  ,  où  la  progénifurc 
a  non  -  leLilc.i.cnt  fes  propres  défiurs, 
c*^il-à-dire,  ceux   qui   lui    viennent  de 


m  cîîmat 
ent  à  la 
:nt ,  mais 
,    fur   les 
pour  en 
ace  roi  (Te- 
m  entier; 
rcnéraiion 
licrc  pro- 
cgénèrera 
era  pure, 
ouche   au 
i  le  jeune 
tendre  & 
mat  ,   elles 
l'elles  n'en 

la  mère, 
aufTi  bien 
y\r  fur  les 
ps  de  l'ac 

i 


g 


fa  forme 

ermes  de 

lit  cnfiiite 

ans  la  (e- 

ogenimrc 

■b    dc-fuuîs, 

cnncnt  ck 


éiti  Cheval  7  5 

fort  accroifTement,  mais  encore  les  vices 
de  la  fecondc   Touche ,  qui  ne  s'en  dé- 
velopperont  qu'avec    plus    d'avantage  ; 
ôc  enfin   à    la    troifième  génération  les 
vices  de  la  fcconde   &  de   la  troifième 
fouche  ,   qui   proviennent    de    cette  in- 
fluence du  climat  &  de  la  nourriture ,  (e 
trouvant  encore  combinés  avec  ceux  de 
l'influence  aéluelle  dans  raccroiiTèinent, 
deviendront  fi  fenfiblcs,  que  les  carac- 
tères  de  la   première    fouche  en  feront 
effacés  :    ces  animaux   de  race  étrangère 
n'auront  plus  rien  d'étranger,  ils  reflem- 
bleront  en    tout    à    ceux   du   pays  ;   des 
chevaux    d'Efpagne    ou    de    Barbarie  , 
dont  on   conduit  ainfi   les  générations, 
deviennent  en  France  des  chevaux  fran- 
^ois ,    fouvent    dès   la    féconde   généra- 
tion ,   &   toujours    à    la    troifième  ;   on 
cil  donc  obligé  de  croifer  les  r\cc5  au 
lieu  de  les   conlerver,  on  renouvelle  la 
race    à    chaque    génération  ,    en    fiifant 
venir  des  chevaux  Barbes  ou  d'Efpagne 
pour  l"cs   donner  aux  jumcns  du  payi>; 
«5^  ce  qu'il  y  a  de  fmgulicr  ,  c'eft  que 
ce  renouvellement  de   race  ,    qui   ne  (c 
fût  qu'en  partie,   &,  pour  ainfi  dire, 

Dij 


'^'^  Hipo'ire  Ndîiirelfe 

à  lïioiiîé  ,  produit  cependant  de  bien 
jiieilleiirs  effets  que  (i  le  lenouveilement 
croit  entier  :  \\i\  cheval  (k  une  jument 
irp'ippgne  ne  produiront  pas  enlemMe 
xl'auili  beaux  chevaux  en  France  que 
ceux  qui  viendront  de  ce  même  cheval 
d'Efpagne  avec  une  jument  du  pays; 
ce  qui  le  concevra  encore  ailement ,  fi 
l'on  fait  at.eniion  à  ia  compenfation 
necelTaire  des  défauts  qui  doit  (è  fliir^ 
ïorfqu'on  met  cnfemblc  un  mâle  &  une 
femelle  de  differens  pays:  chaque  climat, 
par  (es  influences  &  par  celles  de  la 
nourriture ,  donne  une  certaine  con- 
formaâon  qui  pèche  par  quelque  excès 
ou  par  quelque  défaut  ;  niais  dans  un 
climat  chaud  il  y  aura  en  excès  ce  qui 
fera  en  dtfaut  dans  un  climat  froid  ,  & 
réciproquement  ;  de  manière  qu'il  doit 
fe  faire  une  compenfation  du  tout  lorf- 
qu'on  joint  enfcmble  des  animaux  de 
ces  climats  oppofés  :  &  comme  ce  qui 
a  le  plus  de  [)crfc<51ion  dans  la  Nature 
tft  ce  qui  a  le  moins  de  défauts  »  & 
fjue  les  formes  les  plus  parfaites  font 
feulement  celles  qui  ont  le  moins  de 
dilformiiô;  le  produit  de  deux  animaux, 


du  Cheval 


77, 


fîont  îes  défauts  fe  compenferoîcnt  exnc- 
tcment  ,  feroient  la  proclu<flion  ia  plus 
pîirfaiie  de  cet;e  efpcce  ;  or  ils  fe  corn- 
pcnicnt  d'autant  mieux  ,  qu'on  met  en- 
itmble  des  animaux  de  pays  j)lus  éloi- 
gnés, ou  plutôt  de  climats  plus  oppofés  ; 
ie  coiu]}o(ë  qui  en  réluite  efl  d'autant 
plus  parfait  ,  que  les  excès  ou  les 
dcfiuts  de  l'habitude  du  père  font  plus 
oo(.'Ci»(és  aux  défauts  ou  aux  excès  de 
i'fj.ibitudc  de  la  tuère. 

Dai  s  le  climat  tempe'ré  de  la  France, 
il  faut  donc  pour  avoir  de  beaux  che- 
v;iux  ,  fiire  venir  des  étalons  de  climats 
j,lus  ciiauds  ou  plus  fioids  :  les  chevaux 
Arabes ,  fi  Ton  en  peut  avoir  ,  &  les 
B.iibes  doivent  être  préférés,  &  enfuite 
les  chevaux  d'Eipagne  <Sc  du  royaume 
dt;  Nnplrs  ;  &  pour  les  climats  froids 
fcux  de  Danemarck  ,  &  enfuite  ceux: 
du  Molrteiii  &  de  Friie  :  tous  ces  che- 
vaux produiront  en  France  ,  afcc  les 
jumens  du  [>ays,  d<i  irès-bons  thevaux> 
cjui   (crc^nt    d'autant    nie'lleurs    ôl    d'au- 


t:uu 


I 


•lus    I 


)eaux 


lUC 


la    \\ 


•mper^ture 


du   climat    fera    j)lus    éloignte   de   celle 
du  climat  de  la  France,  en   forte  que 


D 


") 


N 


78 


I^'iflohe .  jSûtîireUt 


les  Arabes  fe 


les  BarL 


eroni  mieux  qi 
les  lîartxis  mieux  que  ceux  d'Efpagnc, 
&  de  même  les  chevaux  tirés  de  Dane- 
marck  produiront  de  plus  beaux  che- 
vaux que  ceux  de  Prife.  Au  défaut  de 
CCS  chevaux  de  ciimats  beaucoup  plus 
froids  ou  |;Ius  chauds ,  '\\  faudra  faire 
venir  des  étalons  Angfois  ou  Aiiemand^i^ 
ou  même  des  provinces  méridionales 
de  la  France  dtms  les  provinces  fepten- 
trionales  :  on  gagnera  toujours  à  donner 
aux  jumens  des  chevaux  étrangers ,  ^ 
au  contraire  on  perdra  beaucoup  à 
iaiiïer  multiplier  cnfemble  dans  un  harns 
éffi  chevaux  de  même  race  ,  car  iîs 
dégénèrent  infaiiliblemeni  &  en  très- peu 
de  temps. 

Dans  l'efj^èce  humaine ,  le  climat  & 
la  nourriture  n*ont  pas  d'aufD  grandes 
influences  que  dans  les  animaux  ,  &  (a 
raifon  en  elt  aiïez  fnnpîe  ;  l'homme  le 
défendr  niieux  que  l'animal,  de  l'ii  tein- 
péric  du  climat  ,  il  fe  loge ,  il  fe  vê.it 
convenablement  aux  Hiifons,  fîi  nourt- 
ture  efl  auffi  beau-oup  plus  variée  ,  èk 
par  conféquent  elle  n'influe  pas  de  la 
même  façon  fur  tous  les  individus:  ks 


i 


fl'«  Cheval: 


79 


BarLes, 
Efpngnc, 
c  Dane- 
lUx  chc- 
iéfaui  de 
Dup  plus 
idra  faire 
iieiriaiid^^ 
ridionales 
:s  fefnen- 
à  donner 
ngers ,  ^ 
Lucoup    à 

un  haras 

,    car    ils 

i  très- peu 

climat  & 
1  grandes 
ux  ,  &  b 
lomme  le 

le  Tii  teiM- 
l  fe  vc.it 
a  noun  - 
variée  ,  èk 
pas  de  h 
vidus:  ks 


défauts  ou  les  excès  qui  viennent  de 
CCS  deux  caufês,  &  qui  font  i\  conflans- 
à.  fi  renril>!es  dans  les  Minimaux,  le  font 
beaucoup  moins  dans  Ie$  hommes 
d'ail: 


curs ,   comir 


e  il  y  a  eu  de  fré- 
quentes migrations  de  peuples,  que  \cs 
nations  fc  font  mêlées ,  &  que  beaucoup 


d'h 


&  fe 


ident  d< 


ommes  voyagent  «  le  répanuent  de 
tous  côtés,  il  n'efl  pas  étonnant  que 
les  races  humaines  paroiflent  être  moins 
fu jeites  au  climat  ,  <St  qu'il  fe  trouve 
des  hommes  forts ,  bien  faits  &  même 
fpirituels  dans  tous  les  pays.  Cependant 
on  peut  croire  que  par  une  cxpérience- 
dont  on  a  perdu  toute  mémoire,  les 
hommes  ont  autrefois  connu  le  mal  qui 
R'faivoit  des  alliances  du  même  làng , 
puifque  chez  les  nations  les  moins  poli- 
cées ,  il  a  raretnent  été  permis  au  frère 
d'cpoufer  fa  loeur  :  cet  uûge  qui  cft' 
pour  nous  de  droit  divin,  &  qu'on  ne 
rapporte  chez  les  autres  peuples  qu'à  des 
vues  politiques,  a  peut- are  été  fondé 
lur  rol)(crvation  ;  la  politique  ne  s'étend 
pas  d'une  manière  fi  générale  ôl  fi  ab- 
iolue,  à  moins  qu'elle  ne  tienne  au  phy- 
iK|ue;  mais  fi  les  hommes  ont  une  fui^ 


! 


8o  Hlfloke  Ndîiimk 

connu  pnr  cxpericjice  que  leur  race  de- 
généroir  toutes,  les  fois  qu'ils  ont  voulu 
]a  confcrver  fans  mélange  claiib  une  même 
famille,  ifs  auront  regardé  comme  une 
loi  de  la  Niuurc  celle  de  l'iiliiance  avec 
des  familles  éirangèrts,  &  fc  feront  tous 
accordes  à  ne  pas  fouffrir  de  mélangea 
enii'c  leurs  enfans.  Et  en  effet,  l'ana- 
logie peut  faire  préfumcr  que  dans  la 
plur>a!C  des  climats  les  liommes  àé^i^ 
nèrcroicnr  comme  les  animaux  ,  nprts  un 
certa';!  nombre  de  gdntratums. 

U^  5  autre  influence  du  climat  &  de 
ia  o'^t'rriture  e(l  !n  variété  des  couleurs 
dîiu:  X  robe  des  animaux  ,  ceux  qut 
font  fauvages  &  qui  vivent  dans  le 
ïrême  climat  font  d'une  même  couleur, 
qui  lievient  feulement  un  peu  plus  claire 
ou  plus  foncée  dans  les  différentes 
faifons  de  l'année  ;  ceux  au  contraire 
qui  vivent  fous  des  climats  diff^^rens , 
font  de  couleurs  différentes  ,  &  les 
animaux  domcftiqucs  varient  prcdigîcu- 
fenient  par  les  couleurs ,  en  forte  qu'il 
y  a  des  chevaux,  cies  ch'ens,  &c.  de 
toute  forte  de  poils  ,  au  lieu  que  ks 
cerfs  ;  Ie§  licyreS;  ^k     font  îoib  de  b 


'du  Cheval  8  I 

même  couleur:  les  injures  du  climat  tou- 
jours les  mêmes ,  la  nourriture  toujours 
ia  même ,  produilent  dans  les  animaux 
fauvages  cette  uniformité  ;  le  foin  de 
l'homme,  fa  douceur  de  l'abri,  la  va- 
riété dans  la  nourriture,  efficent  &  font 
varier  cette  coi^ieur  dans  les  animaux 
domtftiques  ,  aufîi  -  bien  que  le  mé- 
lange des  races  étrangères  lorffju'on  n'a 
pas  foiw  d'afîbrtir  la  couleur  du  mâle 
avec  celle  de  la  fcmclîe  ,  ce  qui  pro- 
duit que!({uefois  de  belles  fniguîarités ,. 
comme  on  le  voit  fur  les  chevaux  pies, 
oii  le  bl'anc  &  le  noir  (ont  appliqués 
(l'une  manière  fi  bizarre  &  tranchent 
l'un  fur  l'autre  fi  fmgulièrement  ,  qu'il 
(cnible  que  ce  ne  f  ;it  pas  l'ouvrage  de 
la  Nature  ,  mais  l'effet  du  caprice  d'un 
peintre. 

D.uis  l'accouplement  des  chevaux  ,. 
on  afiortira  donc  le  poil  &  la  taille  ^ 
on  tonirallcra  les  fiçrures,  on  croiféra 
ks  races  en  oppolant  les  climats ,  &  on 
ne  joindra  jamais  enfemble  les  chevaux 
&  les  juiiicns  nés  d;ins  le  mtmc  haras;. 
louies  ces  conditions  font  elTenticHes , 
4  il  y  a  encore  quelque^  autres  attcntioiis 

D.  V 


8  A  Hijloire  Naturelle 

qu'il  ne  fiiut  pas  négliger,  par  exeniprc, 
il  ne  faut  pas  dans  un  haras  de  ju- 
mens  à  queue  courte,  parce  que  ne 
pouvant  Te  défendre  des  mouches ,  elles 
en  font  beaucoup  plus  tourmentées 
que  celles  qui  ont  tous  ieurs  crins  > 
&  i'agitaiion  continuelle  que  leur  caufc 
la  ])!qûre  de  ces  infcdles,  lait  diminuer 
la  ([uantité  de  leur  lait,  ce  qui  influe 
beaucoup  fur  le  tempérament  &  la  taille 
du  poulain  qui  ,  toutes  chofes  égales 
d'ailleurs,  fera  d  autant  plus  vigoureux 
que  fi  mère  fera  meilleure  nourrice,  li 
faut  tâcher  de  n'avoir  pour  fon  haras 
que  des  jumens  qui  aient  toujours 
pâturé  &i  qui  n'aient  point  fatigué  ; 
les  jumens  qui  ont  toujours  été  à  l'é- 
curie nourries  au  fèc  ,  &  qu'on  met 
cnfuite  au  pâturage  ,  ne  produifent 
pas  d'abord  ;  il  leur  fuu  du  tetiips 
pour  s'nccoutumer  à  celte  nouvelle 
nourriture. 

Quoique  h  faifon  ordinaire  de  h 
chaleur  des  jumens  foit  depuis  le  coin- 
niencement  d'avril  jufqu'à  lu  fin  de 
juin,  il  arrive  iificz  fouvcnt  que  dans 
wn  grand  nombre  il  y  en  a  quelques- 


du  Cfiev^t  83 

tines  qui  Tûin  cn  chaleur  avant  ce  temps: 
on  fera  bien  de  laiiTer  pafîer  ceitc 
chaleur  fans  les  faire  couvrir  ,  parce 
que  le  poulain  naîtroit  en  hiver,  ibuf- 
friroit  de  l'inteiiipérie  de  la  faifon,  & 
ne  pourroit  fucer  qu'un  mauvais  lait; 
&  de  même  lorfqu'une  jumtnt  ne  vient 
en  chaleur  qu'après  le  mois  de  juin , 
on  ne  devroit  pas  la  iaifîer  couvrir, 
parce  (:\ut  le  poulain  nailîant  alors  en 
«té ,  n'a  pas  le  temps  d'acquérir  aflez 
de  force  pour  rcfiftcr  aux  injures  de 
l'hiver  fuivant. 

Beaucoup  de  gens  ,  au  lieu  de  con- 
diiiie  i'éialon  à  la  jument  pour  la  faire 
couvrir,  le  lâchent  dans  le  parquet  où 
les  jumens  font  raflemblccs ,  &  l'y  iaif- 
fent  en  liberté  choifir  lui-même  celles 
qui  ont  befoin  de  lui ,  &  les  fatisfaire  à 
fon  gré  y  cetie  manière  eft  bonne  pour 
les  juincns  ,  elles  produiront  même  plus 
fiirenierw  que  de  l'autre  façon  ,  mais 
i'étalon  le  ruine  plus  en  Çi\  femaines 
qu'il  ne  feroit  en  plufieurs  années  par 
un  exercice  mc^déié  &  conduit  comme 
ÎI0U8  l'avons  dit. 

Lorfaue  les   iumcns  font   pleines  ^ 

D  vj 


84  flifloire  Naturelle 

îciir    >'tjure    commence   à   s*a 


jue    leur    >'tjure    commence   a   s  appc- 
(:uuir,  il  f^iii  les  iepnrcr  des  autres  c|ui 


le    loi 


6c 


|ui  pourroient 
les  blefier  ;  elles  portent  ordinairement 
onze  mois  &  quel^jnes  jours  ,  elles  ac- 
couchent dcLotii ,  au  lieu  que  prcfciue 
tous  les  autres  quadrupèdes  fe  couchent: 
on  aic'e  celles  dont  l'accouchement  efl 
difficile  ,  on  y  met  la  main  ,  on  remet 
îc  poidain  etî  iituirion,  &  quelquefois 
même  ,  lorlquil  elt  mort ,  o\\  le  tire 
avec  des  cordes.  le  poulain  le  pre- 
lente  ordinairement  la  tête  la  preinicre , 
comme  d^ns  toutes  les  autres  efpèces 
d'aiimnux  ,  il  rompt  fes  enveloppes  en 
foriaiit  de  la  matrice,  &  les  eaux  abon- 
d;;n  es  qu'elles  coniieni.cnt  s'écoulent,  il 
tombe  en  même  toivips  un  ou  pluficurs 
morceaux  îtlidcs  formes  par  le  fédiment 
<le  la  liqueur  épuifiic  cfe  l'alfar.toïde;  ce 
niortenu  ,  que  les  anc'eiis  ont  appelé 
J  hippomanès  du  poulain,  n'efl  pas, 
comfuc  ils  (e  dilent  ,  un  morceau  de 
cfiair  attache  à  la  tcîc  du  poulain  ,  il  en 
cil  au  contraire  réj)are  |  t  lu  menibrone 
am;  ios  :  la  jument  lèche  le  poulain  aprei 
iàk  iiailîance;   m.ûi  tiie  jic  touche  pas  à 


foi 


J//  Cheval  8  5^ 

l'hîppomrinès ,  &  les  anciens  fe  font  en- 
core trompes  lorfqu'ils  ont  aiïuré  qu'elle 
k-  dcvorf'ii:  à  l'inUant. 

L'ulage  ordinaire  eft  de  faire  couvrir 
unç  jument  neuf  jours  après  qu'elle  a 
pouliné  ,  c'ed  pour  ne  point  perdre  de 
temps  &  pour  tirer  de  fon  haras  tout 
le  produit  que  Ton  peut  en  aite:  dre  ; 
cependiini  il  ell  liir  que  la  juirvent  ayant 
cnlcmble  n  nourrir  fon  poulnin  né  & 
Çon  poulain  à  n;iîire ,  fes  forces  font 
partagées ,  &  qu'el'e  ne  peut  leur  don- 
ner autant  que  fi  elle  n'avoit  que  l'un 
ou  l'autre  à  nourrir  :  il  (croit  donc 
mieux  .  pour  avoir  d'exccllens  chevaux 
de  ne  laKfer  couvrir  les  jumens  que  de 
deux  annéts  Tune,  elles  dureroient  plus 
long- temps  ô<.  reiiendroient  plus  (ïire- 
mcnt  ;  car  dans  les  haras  ordinaires  iî 
s'en  faut  bien  que  routes  les  jumens 
qui  ont  été  couvcnes  produilent  tous 
ics  ans ,  c'cft  beaucoup  lorfque  d.ins  fa 
même  année  il  sVn  trouve  la  moitié 
ou  les  di^kW  tiers  qui  donnent  des 
poulains. 

Lç>  jujTicns,  quoique  pleines  peuvent 
fouffiir  raccQuplcmcnt,  &  cepcnduni  ij 


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IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


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1.25 


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128 


2.0 


1.8 


1.4 


Photographie 

Sdences 

Corporation 


23  WEST  MAIN  STRFET 

WEBSTER,  N.Y.  14580 

(716)  872-4503 


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86  Hiflotre  Naturelle      '■ 

n*y  a  jamais  de  fupcrfétation  ;  elfes  pro** 
duiiem  ofdmairemcnt  jufqu'à  l'âge  de 
quatorze  ou  quinze  ans,  ôl  les  plus  vi~ 
goureu(ês  ne  produifent  guère  au-delà 
(k  dix-huit  ans:  les  chevaux,  iorfqu'ils 
ont  été  ménagés,  peuvent  engendrer 
jufqu'à  l'âge  de  vingt  &  même  au-dtlà,. 
&  l'on  a  tait  fur  ces  anhnaux  la  même 
remarque  que  fur  les  hommes  ,  c'efl 
que  ceux  qui  ont  commencé  de  bonne 
heure  finirent  aufïi  plus  tôt  ;  car  les 
gros  chevaux,  qui  font  plus  tôt  formés 
que  les  chevaux  fins ,  &  dont  on  fait 
des  étalons  dès  l'âge  de  quatre  ans,  ne 
durent  pas  fi  long- temps  ,  &  font  com- 
munément hors  d'état  d'engendrer  avant 
l'âge  de  quinze  ans  ^çj» 

La  durée  de  la  vie  des  chevaiix,  eft, 
comme  dans  toutes  les  autres  efpèces 
d'animaux,  proportionnée  à  la  durée  du 
temps  de  leur  accroifîement  ;  l'homme 
qui  eft  quatorze  ans  à  croître ,  peut 
vivre  fix  ou  fept  fois  aivtant  de  temps, 
c'eft  -  à-  dire  quatre-  vingt -dix  ou  cent 
ans  :    le  cheval    dont   l*accroiflement   fe 

(i)  Voyez  fe  nouveau  pirfiiit  Marécinl  de  M.  cU 


fyxm 


Jit  Cheval  ■    87 

fâh  en  quatre  ans,  peut  vivre  fix  ou 
ffpt  fois  autant,  c*eft-à-dire,  vingt- 
cinq  ou  trente  ans.  Les  exemples  qur 
pourroient  être  contraires  à  cette  règle 
font  fi  rares ,  qu'on  ne  doit  pas  même 
les  regarder  comme  une  exception  dont 
on  puiiïe  tirer  des  conféquenc^s  ;  &L 
comme  les  gros  chevaux  prennent  leur 
entier  accroifîement  en  moins  de  tcmp» 
que  les  chevaux  fins ,  ils  vivent  aufli 
moins  de  temps,  &  (ont  vieux  dès  l'âge 
de  quinze  ans. 

11  paroîtroit  aw  premier  coup  d'œiï 
que  ckms  les  chevaux  &  la  plupart  des 
autres  animaux  quadrupèdes  ,  Taccroif- 
fement  des  parties  poftérieures  e(l  d'a- 
bord plus  grand  que  celui  des  parties 
antérieures  ,  tandis  que  dans  fhomme 
les  parties  inférieures  croînent  moins 
d'abord  que  les  parties  fiipërieurci»  :  car 
dans  Tenfant  les  cuiilès  &  les  jambes 
font,  à  proportion  du  corps,  beaucoup 
moins  grandes  que  dans  Tadulte  ;  dans 
le  poulain  au  contraire  les  jambes  de 
derrière  font  affez  longues  pour  qu'il 
puifTe  atteindre   à    fa   tête  »\'cc  le  pied 

ide  derrière ^  au  lieu  que  le  cheval  adulte 


8  8     ^       Hijloîre  Naturelle 

ne  peut  plus  y  atteindre  :  maïs  celte 
différence  vient  moins  de  l'inégalité  cfë 
i'accroifîèment  total  des  parties  anté- 
rieures &  poftérieures ,  que  de  l'inéga- 
Ihé  des  pieds  de  devant  &  de  ceux*  de 
derrière ,  qui  eft  confiante  dans  toute 
la  Nature,  &  plus  fcnf/ble  dans  les  ani- 
maux quadrupèdes  ;  car  dans  l'homme 
les  pieds  font  plus  gros  que  les  mains, 
&  font  auffi  plus  tôt. formes,  &  dans 
le  cheval ,  dont  une  grande  partie  de 
la  jambe  de  derrière  n  eft  qu'un  pied  , 
puirqu'ellé  n'eft  compolée  que  des  os 
relatifs  au  tarfe  ,  au  mctaiarfe  ,  &c.  il 
n'eft  pas  étonnant  que  ce  pied  foit  plus 
écndu  &  plus  tôt  développé  que  la 
jambe  de  devant,  dont  toute  la  partie 
inférieure  reprélente  la  main ,  puifqu'elle 
n'eft  compofée  que  des  os  du  carpe , 
du  métacarpe,  &c.  Lorf(|u'un  poulain 
vient  Je  naître  ,  on  remarque  aiftinent 
CQiXQ  différence,  les  jambes  de  devant 
comparées  à  celles  de  derrière  paroi^Ftnt, 
&  (ont  en  effet  beaucoup  plus  courtes 
alors  qu'elles  re  le  feront  dans  la  iui:e, 
ôi.  d'ailleurs  l'épaifleur  que  le  corps  ac- 
quiert ,    quoit^u'indcpcndaaie   des  ^pro*- 


eu  Cheval    '  89 

portions  de  raccroi/Tement  en  longueur, 
met  cependant  plus  de  diflance  entr<f 
les  pieds  de  derrière  &  la  tête,  &  con- 
tribue par  confequent  à  empêcher  fe 
cheval  d'y  atteindre  iorfqu*!!  a  pris  Ton 
accroifîèment. 

Dans  tous  les  animaux,  chaque  efpècc 
cfl  varic'e  fuivant  les  difTérens  climats , 
&  les  réfultais  généraux  de  ces  variétés 
foniicnt  &  conftituent  les  différentes 
races,  dont  nous  ne  pouvons  failir  que 
celles  qui  font  les  plus  marquées,  c'cfl:- 
à  dire ,  celles  qui  diffèrent  (enfibiement 
les  unes  des  autres,  en  négligeant  touies 
Icb  nuances  intermédiaires  qui  font  ici, 
conune  en  tout,  infinies;  nous  en  avons 
même  encore  augmenté  ic  nombre  £e 
îa  confufion  en  favorifant  le  mélange 
de  ces  races ,  &  nous  avons ,  pour  ainiî 
dire ,  brufqué  la  Nature  en  amenant 
en  ces  climats  des  chevaux  d'Afrique  ou 
d'Afie,  nous  avons  rendu  méconnoif- 
fabies  fes  races  primitives  de  France 
en  y  introduifant  des  chevaux  de  tout 
pays ,  &  il  ne  nous  refle  ,  pour  diftin- 
gucr  les  chevaux  ,  que  quelques  légers 
cariidères  ,    produits     par     l'iiifluencç 


S 


5)  o  Hifîoire  TJattireÏÏe 

atfluelle  du  climat:  ces  caradlères  (èroîent 
]»ien    plus    martiués^    &    les    difftTenccs 
feroîem  bien  plus  fenfibles,  fi  les  races 
de  chaque  climat  s'y  fufTent  conferv^es 
iâns   mélange  ;   les    petites   variétés   au- 
roiciit  été  moins  nuancées,  moins  nom- 
breules,  mais  il  y  auroit  eu  un  certain 
nombre  de  grandes  variétés  bien  carac- 
térifees  ,    que    tout    le    iTionde    auroit 
aifément  diAiiiguées  ;   au  lieu   qu'il  faut 
de  l'habitude ,  &  même  une  a(ïèz  longue 
^  expérience ,  pour  connoître  les  chevaux 
des   différens   pays  :    nous    n'avons   fur 
cela  que  les  lumières   que  nous  avons 
pu  tirer  des  livres  des  voyageurs ,  des 
ouvrages  des  plus  habiles  écuyers,  tels 
que   M/*   de  Ncwcaftie ,  de   Gariliult, 
de  la  Guérinière ,    &c.  &  de  quelques 
remarques     que     M.    de     Pignerolles, 
écuyer  du  Roi,  &  chef  de  TAcadéinie 
d'Angers  a  eu  la  bonté  de  nous  com- 
muniquer. 

Les  chevaux  Arabes  font  les  plus 
beaux  que  Ton  connoifle  en  Europe, 
ils  font  plus  grands  &  pins  étoffés  que 
les  Barbes ,  ai  tout  aufll  bien  faits  ; 
maU  comme  il  en  vient  rarement  ca 


<///  Chevût  pt 

France ,  les  Écuycrs  n'ont  pas  d'obfcr- 
vations  détaillées  de  leurs  perfe^bnâ  & 
de  leurs  défauts. 

Les  chevaux  Barbes  font  plus  com- 
muns ,  ils  ont  Tencolure  longue ,  fine, 
peu  chargée  de  crins  &  bien  Conte  du 
garrot ,  la  tête  belle ,  petite  &  afTez  or- 
dinairement moutonnée ,  i'oreiile  belle 
&  bien  placée ,  les  épaules  légères  de 
plates,  le  garrot  mince  &  bien  relevé, 
les  reins  courts  &  droits,  le  fimc  âc 
les  c6tes  rondes  (ans  trop  àe  ventre, 
les  hanches  bien  efEicées ,  la  croupe  le 
plus  fou  vent  un  peu  longue  ÔL  la  queue 
placée  un  peu  haut ,  k  curHe  bien  for- 
mée &  rarement  plate .  les  |an>bes  belle^^ 
bien  faites  ôc  fans  poil,  le  nerf  biea 
détaché,  le  pied  bien  fait,  mais  fouvent 
le  paturon  long  ;  on  en  voit  de  tout 
poils,  mais  plus  communément  de  gris: 
les  Barbes  ont  un  peu  de  néglige tice 
dans  leur  allure ,  iU  ont  befoin  d'être 
recherchés,  &  on  leur  trou'vc  beaucoup 
de  vîtefTe  fit  de  nerf^  ils  font  fort 
légers  &  très- propres  à  la  courfe:  ce» 
chevaux  paroifTexit  être  les  plus  propres 


5^2  Hijloke  Naturelle 

pour  en  tirer  race  ;  il  ièroit  feulement 
à  fouhaiter  qu'ils  fuiïènt  de  plus  grande 
taille,  \çs  plus  grands  font  de  quatre 
pieds  huit  pouces ,  &  il  efl  rare  d'en 
trouver  qui  aient  quatre  pieds  neuf 
pouces  ;  il  eft  confirmé  par  expérience 
qu'en  France,  en  Angleierre,  &c.  ils 
engendrent  des  poulains  qui  font  plus 
grands  qu'eux  :  on  prétend  que  parmi 
les  Barbes,  ceux  du  royaume  de  Maroc 
font  (es  meilleurs  ,  cnfuiie  les  Barbes 
de  Montagne  ;  ceux  du  refle  de  fa 
Mauritanie  font  au-defTous,  aufll-bîen 
que  ceux  de  Turquie  ,  de  Perfè  & 
d'Arménie:  tous  ces  chevaux  des  pays 
chauds  ont  !e  poii  plus  ras  que  les 
autres.  Les  chevaux  Turcs  ne  font  pas 
fi  bien  j)roponlonnés  que  les  B.irbes , 
ils  ont  pour  l'ordinaire  l'encolure  efîfilée, 
le  corps  long,  les  jambes  trop  menues; 
cependant  lis  font  grands  travailleurs  <5c 
de  longue  haleine  :  on  n'en  fera  pns 
étonné  ,  fi  l'on  fait  attention  que  dans 
les  pays  chauds  les  os  des  animaux  font 
ptus  durs  que  dans  les  climats  froids, 
&  c'efl  par  cette  raifon  que  quoiqu'ils 


y 


du  Cheval.  "  ^3 

aient  îe  canon  plus  menu  que  ceux  de 
ce  pays- ci,  iis  ont  cependant  plus  de 
force  dans  ies  jambes. 

Les  chevaux  d'Efpagne ,  qui  tien- 
nent le  fécond  rang  après  !es  Barbes, 
ont  l encolme  longue,  épaifTe  &  beau- 
coup de  crins ,  la  tête  un  peu  groffe , 
&  quelquefois  moutonne'e ,  ies  oreilles 
longues,  mais  bien  placées,  les  yeux 
pleins  de  feu ,  Tair  noble  &  fier ,  les 
épaules  épaiflès  &  le  poitrail  large,  les 
reins  aflez  fouvent  un  peu  bas ,  la  côte 
ronde  ,  &  fouvent  un  peu  trop  de 
ventre,  la  croupe  ordinairement  ronde 
&  large ,  quoique  quelques  -  uns  l'aient 
un  peu  longue,  les  jambes  belles  &  fans 
poil ,  le  nerf  bien  détaché ,  le  paturon 
quelquefois  un  peu  long ,  comme  les 
Barbes,  le  pied  un  peu  alongé  comme 
celui  d'un  mulet,  &  fouvent  le  talon 
trop  haut  :  les  cheviax  d'Efpagne  de 
belle  race  font  épais,  bien  étoffés,  bas 
(le  terre  ,  ils  ont  aufli  beaucoup  de 
mouvement  dans  leur  démarche ,  beau- 
coup de  foupicfle ,  de  feu  &  de  fierté  ; 
leur  poil  le  plus  ordinaire  eft  noir  ou 
bai- marron,  quoiqu'il  y  en  ait  quelques- 


94  Hipoke  Nature fk 

uns  Je  toutes  fortes  de  poifs  ;  iîs  ont 
très  -  rarement  des  jambes  blanches  & 
des  nez  blancs  ;  ies  Ëfpagnols  ,  qui 
ont  de  i'averfion  pour  ces  marques , 
ne  tirent  point  race  6cs  chevaux  qui 
les  ont  ,  lis  ne  veulent  qu'une  étoile 
au  front,  ris  efliment  même  les  chevaux 
znins  autant  que  nous  les  niépriibns: 
Tun  di  l'autre  de  ces  préjugés,  quoique 
«ontr^ircs  ,  font  peut  -  être  tout  auffi 
jnal  fondés ,  puifqu'il  Ce  trouve  de  très- 
bons  chevaux  avec  toutes  fortes  de 
marques,  &  de  même  dexceliens  che- 
vaux qui  font  zains;  cette  petite  diffé- 
rence dans  Ja  rol^e  d'un  cheval  ne 
femble  en  aucune  fiçon  dépendre  de 
fon  naturel ,  ou  de  fa  conflitution  inté- 
rieure, pujfqu'ellc  dépend  en  effet  d'une 
qualité,  extérieure  ,  &  /i  fuperficielle, 
<|ue  par  une  légère  bleflfure  dans  k 
peau  on  produit  une  taciie  blanche: 
jsku  rcfte  les  chevaux  d'Efpagne,  zains 
ou  autres,  font  tous  marqués  à  la  cuifTe 
hors  le  montotr ,  de  la  marque  du  haras 
dont  iJs  font  fortis  ;  ils  ne  font  pas 
communément  de  grande  taille ,  cej)en- 
«Jant  on  «n   trouve    quelques  -  uns  dt 


î///  Cîiival    *  9J 

quatre  pîcds  neuf  ou  dix  pouces  ;  ceux 
de  In  haute  Anclaloufie  paflênt  pour 
éire  les  meilleurs  de  tous ,  quoiqu'ils 
foient  afTez  fujets  à  avoir  la  têie  trop 
longue,  mais  on  leur  fait  grâce  de  ce 
défaut  en  faveur  de  leurs  rares  qualités; 
ils  ont  du  courage  ,  de  l'obéifTanoe , 
de  la  grâce  ,  de  la  fierté ,  &  plus  de 
fouplcfle  que  les  Barbes ,  c'eft  par  tous 
CCS  avantages  qu'on  les  préfère  à  tous 
les  autres  chevaux  du  monde  ,  pour 
b  guerre  ,  pour  la  pompe  &  pour  le 
manège. 

Les  plus  beaux  chevaux  Angfoîs  (ont, 
pour  la  confoKmaiion  ,  aiïez  (emblables 
aux  Arabes  &  aux  Barbes,  dont  ils 
(orient  en  effet  ;  ils  ont  cependant  la 
têie  plus  grande ,  mais  bien  faite  & 
moutonnée  ,  les  oreilles  plus  longues  » 
m  lis  bien  placées .:  par  les  oreilles  leules 
on  pourrait  diftinguer  un  cheval  An- 
glois  d'un  cheval  Barbe  ,  mais  la  grande 
différence  eft  dans  la  taille,  les  Anglois 
font  bien  étoffés  &  beaucoup  plus  grands; 
on  en  trouve  communément  de  quatre 
pieds  dix  pouces  &  même  de  cincj  pieds 
de  hauteur,  \i  y  en  a  de  tous  jjuib  & 


^6  Hijlolre  Naturelle 

de  toutes  marques  ;  ils  font  g^nteîe- 
mcnt  forts,  vigoureux,  hardis,  capables 
d'une  grande  tàtigue,  cxcelicns  pour  la 
chade  &  la  courte,  mais  il  leur  manque 
la  grâce  &  la  foupleïï*e ,  ils  font  durs  & 
ont  peu  de  liberté  dans  les  épaules. 

On  parle  (buvent  de  courfês  de  che- 
vaux en  Angleterre,  &  il  y  a  des  gens 
extrêmement  habiles   dans    cette  efpècc 
d'art  gymnalUque.  Pour  en  donner  une 
idée ,  je  ne  puis  mieux  faire  que  de  rap- 
porter ce  qu'un  homme  refpedable  (rj, 
que  j'ai  déjà  eu  occafion  de  citer  dans 
le  premier  volume  de  cet  ouvrage,  m'a 
écrit  de  Londres  le    1 8    février  1 748. 
M.  Thornhii,  maître  de  porte  à  Stilton, 
fit  gageure  de  courir  à  cheval  trois  fois 
de  fuite  le  chemin  de  Stilton  à  Londres, 
c'efl-à-dire,  de  faire  deux  cents  quinze 
milles  d'Angleterre   (  environ  foixante- 
douze    lieues    de    France  )   en    quinze 
heures.   Le  25)  avril  1745 ,   vieux  flyle, 
il  fe  mit  en  courfe ,  partit  de  Stilton ,  fit 
la  première  courfe  jufqu'à  Londres  en 
trois  heures  cinquante- une  minutes,  & 
monta  huit  différcns  chevaux  dans  cette 
/rj  Milord  comte  de  Mortun. 

courfe; 


"    du  Cheval     "  57 

courfe  ;  il  repartit  fur  le  champ  &  fît  U 
féconde  courfè,  de  Londres  à  Stilton , 
t\\  trois  heures  cinquante  -  deux  minutes , 
&  ne  monta  que  fix  chevaux  ;.il  (è 
fervit  pour  la  troifième  courfe  des  mu- 
nies chevaux  qui  lui  avoient  déjà  (èrvi, 
daiis  les  quatorze  il  en  monta  (êpt ,'  de 
il  acheva  cette  dernière  couriê  en  trois 
heures  quarante-neuf  minutes  ;  en  forte 
que ,  non  -  (èulement  il  reinpiit  ia  ga- 
geure qui  étoit  de  faire  ce  chemin  en 
quinze  heures,  mais  il  le  fit  en  onze 
heures  trente- deux  minutes  :  je  ibuie 
que  dans  les  jeux  Olympiques  il  fe  foit 
jamais  fait  une  courfe  fi  rapide  que  cette 
courfe  de  M.  Thornhill. 

Les  chevaux  d'Italie  ëtoîent  autrefois 
plus  beaux  qu'ils  ne  le  font  aujour- 
d'hui ,  parce  que  depuis  un  ceruin 
temps  on  y  a  'négligé  les  haras  ;  cepen- 
dant il  fe  trouve  encore  de  beaux  chevaux 
>}npoIitains,  fur -tout  pour  les  attelages , 
mais  en  général  ils  ont  la  tête  grof&  de 
Tencolure  épaiffè ,  ils  font  indociles ,  & 
par  conféquent  difficiles  à  drefTer  :  ces 
défauts  font  compen fés  par  la  richeffe 
de  leur  taille,  par  leur  fierté  &  par  h 

Tjnu  VL  L 


V)S'  Hijlohe  NrJihellé 

beauté   Je    ïciirs    moiivcmcns  ;    îFs    font 
Cxccllens   pour  i'nppareil ,  &  ont  beaii- 
CQi'p  de  difpofinons  à  piaâxîr. 
'.    Les  chevaux  Danois  lont  Je  fi  belfe 
taille  &  fi  étoffés  ,  qu'on  les  préfère  à 
tous  les   autres   pour  en   fî'ire  des  atte- 
lages ;  il    y   en  a   de    parfaitement    bien 
moulés  ,   mais  en  petit  i>oinbre  ,  car  ic 
plus  fouvent  ces  chevaux  n'ont  pas  une 
conformation  fort  régulière  :  la  pinpart 
ont  l'encolure  épaifle  ,  les  épaules  groHcs, 
les  reins  un  peu  longs  &  bas  ,  la  croupe 
trop  étroi.c  pour  i'épailTeur  du  devant  ; 
mais  ils  ont   tous  de  beaux  mouvemens , 
&  en  général  ils  font  très  -  bons  pour 
la  guerre  &  pour  l'npparcil  ,  ils  font  de 
tous  poils  ;  &  même  le?  poils  finguliers , 
covnine  pic  &  ligre  ne  le  trouvent  guère 
cjiie  dans  ies  chevaux  Danois.       -•     ,  . 

Il  y  a  en  Allemagne  de  fort  beaux 
chevaux  ,  mais  en  général  ils  font  pefui? 
ôi.  ont  peu  d'haleine  ,  quoiqu  ils  vien- 
nent pour  la  p'uj'art  â$  chevaux  Turcs 
c\  Bjrbcs  dont  on  entretient  les  haras, 
au  fil-  bien  que  Jcî  chevaux  d'Efpagnc  <3c 
d-Jtaiie;  ils  ibnt  donc  peu  ])roprcs  à  la 
chafic  &  à  h  couife  de  vîielle,  au  lici^ 


tfiie: 
^c. 

cour 
leur 

d(t-o 
c^  au 
la  gi 
auxq 
vent 
de  v< 
qu'ifs 
bleinc 
Hong 
fort  11 
Le: 
bons 
dont 
en  Fi 
provii 
fort  h 
de  Ju 
fort   ; 
l.'uide 
les  p{^ 
f?u\  , 
enèntil 
II 


î^v  Cheval  ^cy- 

iqiieïcs  chevaux  Hongrois,  Tranfiîvains, 
^c.  fonu  au  contraire  légers  &  bons 
coureurs  :  les  Houfards  &  les  Hongrois 
leur  fendent  ies  nafeaux  ,  dans  la  vue , 
dit-on ,  de  leur  donner  plus  d'haleine, 
c^  aufîi  pour  les  empêcher  de  hennir  à 
la  guerre  :  on  prétend  que  les  chevaux 
auxquels  on  a  itndu  les  naieaux  ne  peu- 
vent plus  hennir  :  je  n'ai  pas  éié  à  portée 
de  vérifier  ce  fait ,  mais  il  me  lèmble 
qu'ils  doivent  feulement  hennir  plus  foi- 
blemcnt  ;  on  a  remarque  que  les  chevaux 
Hongrois',  Cravates  &  Polonois  font 
fort  lu  jets  à  être  béguts. 

Les  chevaux  de  Hollande  foMit  fort 
hons  pour  le  carrofFc ,  &  ce  font  ceux 
dont  on  fc  fert  le  plus  communément 
en  France  ;  les  meilleurs  viennent  de  la 
province  de  Friie ,  il  y  en  a  auffi  de 
fort  bons  dans  le  pays  de  Bergues  & 
(le  Juliers.  Les  chevaux  Flamands  font 
fort  au-defîous  des  chevaux  de  Hol- 
l'inde  ,  ils  ont  prclquc  tous  la  tête  grofîè  , 
ies  pieds  plats,  les  jambes  fujèies  aux 
fniix  ,  &  ces  deux  derniers  déhmts  font 
tllemicls  d:ins  les  chevaux  de  carroiïe. 

Il    y  a  eu    France    des    chevaux   d§ 

E  ij 


[îoo         Wiflotre  Naturelle 

touie  cfpècc  ,  mais  ies  beaux  font  en 
petit  nombre  :  ies  meilleurs  chevaux  de 
fcile  viennent  du  Limofm  ,  ils  rcflbm- 
blent  afTez  aux  Barbes,  &  font  comme 
«ux  excellens  pour  la  chafle ,  mais  ils 
font  tardifs  dans  leur  accroifîèment  ;  ii 
faut  les  ménager  dans  leur  jeunefTe,  Sa 
même  ne  s'en  Icrvir  qu'à  I*âge  de  huit 
ans  ;  il  y  a  auHl  de  très  -  bons  bidets 
«n  Auvergne,  en  Poitou,  dans  le  Mor- 
vant  en  Bourgogne  ;  mais  après  le  Li- 
mofm, *c'eft  la  Normandie  qui  fournit 
les  plus  beaux  chevaux ,  ils  ne  font 
pas  il  bons  pour  ia  chafFe  ,  mais  ils 
font  meilleurs  pour  \^  guerre ,  ils  font 
plus  étoffés  &  plus  tôt  formés.  On  tire 
de  ia  bafie  Normandie  &  du  Cotentin 
de  très-beaux  chevaux  de  carroffe ,  qui 
ont  plus  <le  légèreté  &  de  teffource 
que  les  chevaux  de  Hollande  ;  la  Fran- 
che -  comté  &  le  Boulonois  fourniflènt 
de  très  -  bons  chevaux  de  tirage  ;  en 
général  les  chevaux  François  pèchent 
pour  avoir  <le  trop  grofTes  épaules ,  au 
lieu  que  les  Barbes  pèchent  par  les  avoir 
trop  ferrées. 

J^près  i'^numération  de  ces  chevaux 


au  Cheveu*  lOi:] 

qui  nous  font  les  mieux  connus ,  nous 
rapporterons  ce  que  les  voyageurs  difent 
des  chevauîi  étrangers  que  nous  con-' 
noiiïbns  peu.  II  y  a  de  fort  bons  che- 
vaux dans  toutes  les  îles  de  l'Archipel  ; 
ceux  de  l'île  de  Crête  (  s  )  étoient  tn 
grande  réputation  chez  les  anciens  poui^ 
i  agilité  &  la  vîtefîè ,  cependant  aujour^ 
d'hui  on  s'en  fert  peu  dans  fe  pays 
même ,  à  caufê  de  la  trop  grande  ai'pé- 
rité  du  lerrein ,  qui  eft  prefque  par-tout 
fort  inégal  &  fort  montueux  :  les  beaux 
chevaux  de  ces  îics ,  &  même  ceux  de 
Barbarie,  font  de  race  Arabe.  Lcs  che- 
vaux naturels  du  royaume  de  Maroc  font 
beaucoup  plus  petits  que  les  Arabes, 
mis  très- légers  &  très-vigoureux  (t)» 
M.  ShTiw  prétend  (u)  que  les  haras 
d'Egypte  &  de  Tingitanie  l'emportent 
aujourd'hui  fur  tous  ceux  des  pays 
vuifins  ;   au  lieu  qu'on  trouvolt ,  il  y  a 


(i)  Voyez  la  defcription  ài^^  îles  <fë  l'Archipel , 
par  Dapper,  -page  ^^^2, 

(()  Voyez  l'Afrique  de  Marmoï.  Paris,  i6é!y ; 
tCfne  II ,  }hige  1 2^, 

(  u  )  Voyez  les  voyages  de  Mi  Shaw  ,   traduits 
pifranyois.  ta  Hait,  i7^S ,  tome 7,  vage  joS* 

£  11/ 


;I0  2^  Hipoire  Naturelle 

environ  un  fiècie ,  d'aufll  bons  chevaux 
dans  tout  le  relie  de  h  Rurburie  :  i  ex- 
cel'ence  de  ces  chevaux  Barbes  confiite, 
dit- il ,  à  ne  s'abattre  jamais ,  &  à  (e  tenir 
tranquilles  iorfque  le  cavalier  defcend 
ou  I  iiflè  tomber  la  bride  ;  ils  ont  un 
gra:  d  pas  &  un  galop  rapide,  mais  on 
ne  les  laifle  point  troter  ni  marcher 
i'ambfe  :  les  habiians  du  pays  regardent 
ces  allures  du  thevalconune  des  mou- 
vemens  giofiiers  &  ignobles.  Il  aroute 
que  les  chevaux  d  Egypte  font  luj^c'- 
rieurs  à  tous  les  autres  jjour  la  taille  6c 
pour  la  beauté  ;  mais  ces  chevaux  d'E- 
gypte ,  aulli  -  bi'cn  que  la  plupart  des 
chevaux  de  Barbarie ,  viennent  e'cb  che- 
vaux Arabçs  qui  font  (ans  cpntredit  , 
les  premiers  &  les  plus  beaux  chevaux 
du  monde. 

Selon  Marmol  (x),  ou  plutôt  fefon 
Léon  l'Africain  (yj,  car  Marmol  Ta  ici 
copié  prck(i;e  mot  à  mot  ,  les  chevaux 
Arabes   viennent  des   chevaux  fauva  >cs 

{ X  )    V^oyez    l'Afrique    de    Marmol  ,    totJie    l , 
fflge  ;o, 

(y)  ViiU  Lecnh  Apic*  de  A/nca  dcfuijii,  ipni.  II , 
pag,  7j©  ôi  7ju 


^ï     du  Chevalk  V\  .To  j" 

(îés  clé ferts  d'Arabie  dont  oii  a  l^iit  très- 
ancieiiiieinenî  des  haras  ,  qui  les  ont 
tant  muliijiliés,  ([iie  touie  l'Afje  &  l'A*- 
frique  en  font  pleines  ;  ils  font  fi  légers 
que  quelques-uns  d'entr  eux  devancent 
les  autruches  à  la  eourfc  :  les  Arabes 
du  defert  &  les  peuples  de  Libye  élè^ 
vent  une  grande  quuniité  de  ces  chevaux 
pour  la  chafTe  ;  ils  n-  s'en  fervent  ni 
pour  voydger  ni  pour  Gombatrre  ,  ils 
les  font  paîire  iorfqu'il  y  a  de  l'herbe  \ 
&  iorf<|ue  l'herbe  manque ,  ils  ne  les 
nourrilîènt  que  de  dattes  &  de  lait  de 
chameau ,  ce  c{ui  les  rend  ner\  eux  > 
légers  &  maigres.  Ils  tendent  des  pièges 
aux  chevaux  flmvages ,  ils  en  mangent 
ia  chair ,  &  difent  que  celle  des  jeunes 
cft  fort  délicate  :  ces  chevaux  fauvages 
font  plus  petits  que  les  autres ,  ils  font 
ccmmunément  de  couleur  cendrée ,  quoi- 
qu'il y  en  ait  auiïi  de  blancs ,  &  ifs 
ont  le  crin  &  le  poil  de  la  queue  fort 
court  &  hérilïé.  D'autres  voyageurs  (ij 


{7)  Voyez  le  voyar^ç  de  iM.  de  la  Hcxiue,  fik 
Ji:ïr  ()tdte  de  Louis  XIV.  Paris,  lyi^,  juigi'  ly^ 
ir  j'ub:  &  aiifTi  i'hif^oire  géncralc  des  voyages,  l\irii, 
,i7^^ ,  mm  U,  page  6i^6% 

E  m; 


I 


'I04  HiJIohe  Naturelle 

nous  ont  donné  fur  les  chevaux  Arabes 
des  relations  curieufes,  dont  nous  ne 
rapporterons  ici  que  les  principaux  faits. 

Il  n*y  a  point  d'Arabe  ,  quelque 
niiférable  qu'il  foit ,  qui  n'-oit  des  che- 
vaux :  ils  montent  ordinairement  les  ju- 
mens  ,  rexpérieiicc  leur  ayant  appris 
qu'elles  rcfiflent  mieux  que  les  chevaux 
à  la  fatJgue  ,  à-  la  faim  &  à  la  (bif  ; 
elles  (ont  aulîî  moins  vicieuies  ,  plus 
douces  &  hennifTent  moins  fréquem- 
ment que  les  chevaux  :  ils  les  accou- 
tument {i  bien  à  être  enlembie,  qu'elles 
demeurent  en  grand  nombre ,  quelque- 
fois i\c%  jours  entiers  ,  abandonnées  à 
elles-mêmes  (ans  fc  frapper  les  unes  les 
autres  ^  <Sc  fans  (e  faire  aucun  mal.  Les 
Turcs  au  contraire  n'aiment  point  les 
jumens ,  &  les  Arabes  leur  vendent  les 
chevaux  qu'ils  ne  veulent  pas  garder 
pour  étalons  :  ils  confervent  avec  grand 
foin,  &  depuis  très -long- temps ,  les 
races  de  leurs  chevaux ,  ils  en  connoif- 
fcnt  les  générations  ,  les  alliances  <5c 
toute  la  généalogie,  ils  diftinguent  les 
races  par  des  noms  différens ,  &  ils  en 
font  trois  clafles;  la  première  eA  celle 


Jii  Cheval  105^, 

des  chevaux  nobles  ,   de  race  pure  & 
ancienne  des  deux  côtés  ;  la  féconde  eft 
celle    des   chevaux   de   race    ancienne  ^ 
mais  qui  fe  font  méfalliés ,  •&  la  troî- 
fième  cft  celle  des  chevaux  communs  : 
ceux  ci    le    vendent    à    bas   prix,   mais 
ceux   de   la   première   claiïe ,  &   même 
ceux  de  la  féconde,  parmi  lefqueHes  il 
s'en  trouve  d'aufli  bons   que   ceux  de 
la  première,  font  excelllvement  chers; 
ils  ne   font  jamais   couvrir   les   jumens 
de  cette  première  clafTe  noble ,  que  par 
des    étalons    de    la   même    qualité  :  ils 
connoifïciu  par  une  longue  expérence 
toutes  les  races  de  leurs  chevaux  &  de 
ceux  de  leurs  voifins ,  ils  en  connoiflent 
en  particulier  le  nom,  le  furnom  ,  le 
poil,  les  marques,  &c.  Quand  ils  n*ont 
pas  des  étalons  nobles ,  ils  en  empruntent 
chez  leurs  voifins,  moyennant  quelque 
argent,  pour  faire  couvrir  leurs  jumens, 
ce  qui  le  fait  en  préfènce  de  témoins  qui 
en  donnent  une  atteflation  fignée  &  fcel- 
lée  par- devant  le  fècrétaire  de  TÉmir,  oti 
quelqu'autre  perfonne  publique  ;  &  dans 
cette  attteftation ,  le  nom  du  cheval  &  de 
la  jument  eft  cité  ;  &  toute  leur  générar; 


[10  6         Hiftuhe  NûtureUe 

tîon  expoféc  :  lorfciuc  la  jument  a  pou- 
liné ,  011  appelle  encore  des  témoins , 
éc  l'on  fiiit  une  autre  atiellatioa  dans 
.laquelle  on  fait  la  dcfcripiion  du  j)OU- 
Jain  qui  vient  de  naître ,  &  ou  mnrcjue  le 
jour  de  fa  naifîàiice»  Ces  billets  donnent 
le  prix  aux  chevaux  y  &  on  h^s  remet 
à  ceux  qui  les  achetienr*  Les  moindres 
jumcns  de  cette  preiuitrc  ciaflc  £bnt 
de  cincj  cents  écus  ,  &  il  y  en  a  beau- 
.coup  qui  fe  vendent  mille  écus ,  &  même 
quatre,  cinq  &  ftx  mille  livres.  Comiric 
les  Arabes  n'ont  qu'une  tente  pour 
mai  Ion  ^  cette  tente  leur  (ert  auffi  d'c- 
curie ,.  la  jument,  le  poulain,  le  mari, 
[a  femme  &  les  enfans  cpuchent  tous 
pêle-mêle  ,  les.  uns  avec  les  autres  :  ou 
y  voit  les  petits  enfans  fur  le  corps, 
iur  le  cou  de  la  jument  &  du  poulain, 
fans  que  ces  animaux  les  bleiïcnt  ni  les 
incommodent  ;  on  diroit  qu'ils  n'ofeat 
fe  remuer  de  peur  de  leur  faire  da 
mal  :  CC5  jumens  font  Çi  accoutumées 
a  vivre  dans  cette  familiarité  ,  qu'elles 
fouffrent  toute  forte  de  badinage.  Les 
Arabes    ne    les    battent    poinjt  ,    ils    les 

5raiwe«t  duucejucm,  ils  parlent  &  rai^ 


-     ^     Ju  Cheval,  "x\  107 

fonncnt  avec  elles ,  ils  en  prennent  uit 
très-grand  fuin ,  ils  les  laiflcnt  toujours 
aller  au  pas  ,    &  ne  les  piquent  jatnais 
fans  nécefliié  :   mais  auffi   des    qu'elles 
fe    Tentent    chatouiller   le   flanc   avec   le 
coin  de  i'étrier  elles  partent  fubiiement 
&   vont  d'une  vîtelTe  incroyable  ,    elles 
fiiutent  les   haies  &    les   fo(Iés  aulîi   lé- 
gèrement   que    les    biches  ,   &    ii    leur 
cavalier   vient  à  tomber  ,    elles   font   ii 
bien    drefîées  ,   qu'elles    s'arrêtent    tout 
court ,  même  dans  le  galop  le  plus  ra- 
pide. Tous  les  chevaux  des  Arabes  font 
d'une    taille    médiocre  ,   fort    dégagés , 
&    plutôt    maigres    que    gras  ;    ils    les 
panient  foir  &,  matin  fort  régulièrement 
&   avec    tant  de    foin  ,    qu'ils    ne  leur 
iaifiènt  pas  la  moindre  craflê  fur  la  peau  ; 
.ils   leur   lavent    les   jambes  ,    îe  crin    & 
la  queue   qu'ils  laiffent  toute  longue   & 
qu'ils    peignent    rarement    pour   ne   pas 
rompre    le    poil  ;   ils    ne    le  ur  donnent 
rien  à  manger  de  tout  le  jour  ,  ils  leur 
donnent    feulement    à    boire    deux    011 
trois   fois  ,    &   au    coucher   du    foleil  ils 
leur  pafîcnt  un  lac  à  la  tcte ,  dans  lequel 
il  y  a  uiviron  uii  demi-boilTcui  d'orge 

E  v) 


1 0  8         Hipoire  Naturelle 

bien    net  :  ces    chtvaux    ne    mangent 
donc  que  pendant  la  nuit  ,    &   on  ne 
leur  ôte  le  (âc  que  le  lendemain  matin 
lorfqu'ils  ont  tout  mangé  ;  on   les  met 
au  verd  au  mois  de  mars ,  quand  l'herbe 
e(l  aflez  grande  ;  c'eft  dans  cette  même 
faifon  que  Ton  fait  couvrir  les  ;nrnens , 
&   on  a  grand    foin   de  leur   jeter    de 
Teau  froide  fur  la  croupe  ,   immédiate- 
ment après  qu'elles  ont  été  couvertes  : 
lorfque  ta  fiifon  du  printemps  eft  paf» 
fée  ,  on  retire  les  chevaux  du  pâturage , 
&  on  ne  leur  donne  ni  herbe  ni  foin 
de  tout  le  refte  de  Tannée ,   ni  même 
de  paille   que  très- rarement ,   Tbrge   efl 
leur  unique  nourriture.  On  ne  manque 
pas  de  couper  aulli  les  crins  aux  pou- 
lains dès  qu'ils  ont  un  an  ou   dix- huit 
mois ,  afin  qu'i-ls  deviennent  j^lus  touffus 
&  plus  longs  :  on  les  monte   dès  V^g'^ 
de  deux  ans  ou  deux  ans  &  demi  tout 
au  plus  tard  ,   on  ne  leur   met  la  felle 
&    \\   ];ride  qu'à    cet   âge  ;    <Sc   tous   les 
jours ,  du  matin  jufqu'au  loir  ,  tous  les 
chevaux  des  Arabes  demeurent  fèllés  & 
bridés  à  la  porte  de  la  tente. 

La  race  de  ces  chevaux  s*eft  étendus 


<///  Cheval.  lôp^ 

en  Barbarie,  chez  les  Maures  &  même 
chez  les  Nègres  de  la  rivière  de  Gambie 
A:  du  Sénégal ,  les  Seigneurs  du  pays 
en  ont  quelques  -  uns  qui  (ont  d'une 
grande  beauté;  au  lieu  <l*orge  ou  dW 
voine  on  leur  donne  du  maïs  concafîé 
ou  réduit  en  Marine  qu'on  mêle  avec  du 
lait  lorfqu'on  veut  les  engraiffer,  ôc  dans 
ce  climat  fi  chaud  on  ne  les  laifTe  boire 
que  rarement  (a).  D'un  autre  côté  les 
chevaux  Arabes  ont  peuplé  i'Égypte , 
la  Turquie  &  peut  -  être  la  Perle ,  où 
il  y  avoit  autrefois  des  haras  très-confi- 
dérables  :  Marc  Paul  (b)  cite  un  haras 
(le  dix  mille  jumens  blanches,  &  il  dit 
que  dans  k  province  de  Balafcie  il  y 
avoit  une  grande  ((uantité  de  chevaux 
grands  &  légers,  avec  la  corne  du  pied 
Il  dure ,  qu'il  éioit  inutile  de  les  ferrer. 

Tous  les  chevaux  du  Levant  ont, 
comme  ceux  de  Perfe  &  d'Arabie,  la 
corne  fort  dure;    on  les  ferre  cepen- 

(a)  Voyez  fhinoire  générale  àt%  voyages ,  tome  1U\ 

(h)  Voyez  la  defcription  gcogr.  de  l'încfe,  pair 
Marc  Paul ,  Vénitien,  /îir/;,,  i y66 ,  (cme  J,  p»  ^'  ^ 


rt  i  a         'Htflotre  NcUurellé 

dant,  maïs  avec  des  fers  minces,  T^gers> 
&  qu'on  peut  clouer  par- tout  :  en  Tur- 
quie, en  Pcrfe  &  en  Arabie  on  a  aufli 
les  mêmes  ufages  pour  les  foigner ,  les 
nourrir  6c  leur  faire  de  la  liiière  de  leur 
fumier  ,  qu'on  fait  auparavant  fécher 
au  foleil  pour  ôter  l'odeur ,  &  enfuite 
on  le  réduit  en  poudre  6c  on  en  fait 
tme  couche ,  dans  l'écurie  ou  dans  la 
tente,  d'environ  quatre  ou  cinq  pouces 
d'épaifTeur;  cette  litière  dure  fort  long- 
temps ,  car  quand  elle  eft  infedée  de 
nouveau  ,  on  la  relève  pour  la  faire 
fécher  au  folcil  une  (cconde  fois ,  & 
cela  lui  fait  perdre  entièrement  (a  mau- 
vaifc  odeur.  .    -  ,  , 

Il  y  a  en  Turquie  dti  chevaux  Ara- 
bes ,  des  chevaux  Tartares  ,  des  chevaux 
Hongrois  &  (les  chevaux  de  race  du 
pays;  ceux-ci  (ont  beaux  &  très-fins  ^c), 
ils  ont  beaucoup  de  feu,  de  vîtelîc,  k 
même  d'agrément  ,  mars  ils  font  trop 
délicats  ,  ils  ne  peuvent  fupporicr  li 
fatigue ,  ils  mangent   p^u ,  ils   s'échauf- 


(c)  Voyez  les  voynîrcs  Je  M.  Dumont.  La  Il,'{\ 


-       ^Ju  Cheval    '  r  i  ï' 

fciu  atfcmcnt,  &  ont  la  peau  fi  fcafililc 
qu'ils  ne  peuvent  fu})poricr  le  froiic- 
ir,ent  de  l'cirilk'  ;  on  fe  contente  de  les 
fio'tcr  avec  répourtctte  <Sc  de  Ic^  laver  : 
CCS  clievaux  ,  ({uoique  beaux  ,  fonc , 
comme  l'on  voit ,  fort  au  -  defTous  des 
Arabes,  ils  font  même  au-deflbus  des 
chevaux  de  Perle ,  qui  font  après  les 
Arabes  (d)  les  plus  beaux  &  les  meil- 
leurs chevîtux  de  l'Orient  ,  les  pâtu- 
rages des  plaines  de  Mcdie  ,  de  Per- 
ftipolis  ,  d'Ardebil  ,  de  Derbent  font 
admirables  ,  &  on  y  élève  ,  par  les 
ordres  du  gouvernement ,  une  prodi- 
gicule  quantité  de  chevaux ,  dont  la 
plupart  font  très  -  beaux  ,  &  pretque 
tous  excellens  :  Pietro  dcila  Valle  f  e  ) 
préfère  les  chevaux  communs  de  Perle 
aux  chevaux  d'Italie,  &  nicme,  dit -il, 
aux  plus  excellens  chevaux  du  royaume 
de   Naplcs  ;   communément  ils   font    de 

(d)  Voyez  fcs  voyages  ^t  Thcvcnof,  Paris  ; 
j 6<ff/  ,  toim  II , page  22u  ;  Ac  Chardin.  Ainlh  t  ji  i , 
tome  II ,  fhige  2j  ir  fuiv,  d'Adam  Olcarius.  Pam  ,^ 
,16^6,  icme  1 ,  juige  y  t>o  &  fuiv»  . 

(e)  Voyez  les  voya^^cs   de  Pietro   deifa   Valfci 


ï  11         Hiflotre  ffatureïlè     ' 

tailîc  médiocre  (f),  il  y  en  a  mêmd  J» 
forts  petits  fg),  qui  n'en  font  pas  moins 
bons  ni  moins  forts,  maii  il  s'en  trouve 
niifli  beaucoup  de  bonne  taille  <5c  plus 
grands  que  les  chevaux  de  (elle  An* 
glois  (h).  Ils  ont  tous  ià  tête  légère, 
tencolure  fine  ,  le  poitrail  étroit  ,  les^ 
oreilles  bien  faites  &  ïàqïï  placées  ,  les 
jambes  menues-,  la  croupe  belle  &  la 
corne  dure;  ils  font  dociles  ,  vifs,  légers,- 
haidis,  courageux  ÔL  capables  de  fup- 
porier  une  grande  fatigue  ;  ils  courent 
d'une  très  -  grande  vîielfe  ,  lâns  jamais 
s'abattre  ni  s'affaiïïèr  ;  ils  font  robuftes 
&  très-aifés  à  nourrir-,  on  ne  leur  donne 
que  de  Torge  mêlé  avec  de  la  paille 
ftaebée  menu  ,  dans  un  fàc  qu'on^  leur 
paffe  à  la  tête ,  &  on  ne  les  met  au  verd 
que  pendant  fix  femaines  au  printetnps  i 
on  leur  laiflc  la  qiieiie  longue ,  on  ne 
fait  ce  que  c'e(t  que  de  les  faire  hon- 

{fi  Voyez  les  voyages  cleTavcrnicr.  Rouen,  lyt  j, 
toitii  11,  liages    I ^    &   20» 

(g)  Voyez  fes  voyages  de  Thévenot,   mnt  Ih 
page  2  2  0, 

(h)   Voyez  lés  voyages  de  Chardin,  tomt  U,, 
j^ag4  2^  iX  Jniitunest 


in  Cheval  ^  1 1  ^ 

grcs;  on  leur  donne  des  coiivcrtures 
pour  les  défendre  des  injures  de  l*air, 
on  les  foigne  avec  une  attention  pani-^ 
cuiière,  on  les  conduit  avec  un  fimple 
bridon  ôc  fans  éperon ,  &  cflti  en  iranf- 
porie  une  très  grande  quamiié  en  Tur- 
quie, &  fur -tout  aux  Indes:  ces  voya- 
geurs, qui  font  tous  l'éloge  des  chevaux 
de  Perfe,  s'accordent  cependant  à  dire 
que  les  chevaux  •  Arabes  font  encore 
fupérieurs  pour  Tagilité  ,  le  courage  & 
la  force ,  Sl  mêuie  la  beauté ,  &  qu'ils^ 
font  beaucoup  plus  recherchés  en  Perle 
même  que  les  plus  beaux  chevaux  du 
pays.  -k 

Les  chevaux  qui  naiflent  aux  Indes 
ne  font  pas  bons  (  ij,  ceux  dont  fa 
fervent  les  Grands  du  pays  y  font  irani^ 
portés  de  Perfe  &  d'Arabie;  on  leur 
donne  ua  peu  de  foin  le  jour ,  &  (e 
foir  on  leur  fait  cuire  des  pois  avec 
du  fucre  &  du  beurre  au  lieu  d'avoine 
ou  d'orge  :  cette  nourriture  les  Ibuuent 

fi)  Voyez  le  Voyage  de  la  Boullaye  -  fc  -  Goiiz,. 
Eiris ,  1  6 S7  ,  puge  2;  f>  ;  &  le  recueil  éts  voyages 
qui  ont  fcrvi  à  i'étabiifîèment  de  la  Compagnie  ac» 
Inciesi  Amjlt  i/oz,  tome  IV ,  imgt  fZé^ 


\f' 


Ti$         Kijldire  Naturelle 

&  leur  donne  un  peu  de  force  ,  fans 
cela  ils  déperiroient  en  très  -  peu  de 
temps ,  le  clhnat  leur  étant  conir.iire. 
Les  chevaux  riatureis  du  [)ays  (ont  en 
général  fort  petits  ,  il  y  en  a  même 
do  (i  peiiis  ,  qi'C  Tavernier  rapporte 
que  le  jeune  [>rincc  du  Mogol  ,  Ai^^i 
de  fept  ou  huit  ans,  inontoit  ordinai- 
rement un  petit  cheval  très -bien  fait, 
dont  la  taille  n'ex*cédoit  pas  celle  d'un 
grand  lévrier  (li)*  11  lemble  que  its 
climats  exccfîivemcnt  chauds  (oient  con- 
traires aux  chevaux  :  ceux  de  la  côte 
d'Or,  de  celle  de  Juda ,  de  Guinée, 
&c.  font  comme  ceux  des  Indes ,  fort 
nsauvais  ;  ils  portent  la  tête  &  le  cou 
fort  bas ,  leur  marche  eil  fi  chance- 
lante ,  qu'on  les  croit  toujours  prêts  à 
tomber  ;  ils  ne  fe  remueroient  pas  {i 
on  ne  les  frappoit  continuellement  ,  & 
ïa  plupart  font  fi  bas  ,  que  les  pieds 
de  ceux  qui  les  montent  touchent  prcf- 
que  à   terre  (  IJ;  ils  font  de  plus  fort 

(k)  Voyez  lei  voyages  de  Tavernier,  tot/'.e  lll, 
(l)  Voyez  l'hiftoirc  générale  àsi  voyages,  mm  JV: 


du  Cheval    "  1 1  J 

{nJocîîes  i  &  propres  feulement  à  lervir 
de  nourriture i'iux  Nègres,  qui  en  aiment 
la  chair  autant  que  celle  des  chiens  fm): 
ce  goût  pour  la  chair  du  cheyal  cil  donc 
commun  aux  Nègres  6c  aux  Arabes  ,  il 
fe  retrouve  en  Tartarie  ,  &  même  à  ia 
Chine  (nj,  Les  chevaux-  Chinois  ne 
valent  pas  mieux  que  ceux  des  Indes  (o), 
■  ils  font  foibles  ,  lâches  ,  mal  faits ,  <Sc 
forts  peiiis  ;  ceux  de  la  C.orèc  n'ont  que 
trois  pieds  de  hauteur  :  à  la  Chine 
prefque  tous  les  chevaux  font  hongres  ; 
&  ils  font  fi  timides ,  qu'on  ne  peut 
%'ti\  fervir  à  la  guerre;  aufii  peut -on 
dire  que  ce  font  les  chevaux  l'ariares 
qui  ont  fait  la  conquête  de  la  Chine  : 
ces  chevaux  font  très- propres  pour  Li 
guerre ,  quoique  communément  ils  ne 
îoient  que  de  taille  médiocre ,    ils  font 

(m)  Voy.  i'Hirtoire générale  Jcs  voyages,  tome  IV, 

(r.)  Vr)}'cz  le  voyage  cîe  M.  le  Gentil.  Paris  i 
1J~S'  ^'""^  11,  page  2^. 

( 0 )  \'^.)yez  les  anciennes  relations  Jes  InJcs  ^ 
cîe  lii  Cliino  ,  traJuites  de  l'Arahc.  Pnris ,  lyiS  ; 
jhi^'c  2  0^  ;  l'hiiloire  gcntrile  des  Voyages,  tome  VI, 
}\}fes  ^^2  îy  SJS  :  l''i«<loîre  de  la  cooquCte  de 
\à  Cliinc,  par  T^Uatbx.  Paris,  iSyoi  lugc  f2  ^, 


Ji6         HijToire  Tlanireïlt 

fons  ,  vigoureux  ,  fiers,  ardens  ^  îegeils 
&  gr.mcls  coureurs  ;  ils  ont  la  corne  du 
pied  foft  dure,  mais  trop  étroite;  fa  lêie 
fort  K-gjère ,  mais  trop  petite  ;  Tencolure 
longue  <?c  roide ,  les  jambes  trop  hautes , 
avec  tous  ces  défauts  ils  peuvent  pafTer 
pour  de  très- bons  chevaux  ,  ils  font 
înfatignbfes  &  courent  d'une  vîiefTe 
extrême.  Les  Tartares  vivent  avec  leurs 
chevaux  à  peu  près  comme  fes  Arabes, 
ifs  les  font  monter  dès  l'âge  de  (èpt  ou 
huit  mois  par  de  jeu  lies  enfans ,  qui  les 
promènent  &  les  font  courfr  à  petites 
feprilcs;  ils  les  dreflent  ainfi  peu  à  peu, 
&  leur  font  fbuffrir  de  grandes  diètes, 
mais  ils  ne  les  montent  pour  aller  en 
courfe  que  quand  ils  ont  fix  ou  fepi 
ans,  ils  leur  font  fupporter  alors  éK.% 
fatigues  incroyables  (p)  ,  comme  de 
marcher  deux  ou  trois  jjours  fans  s'ar- 
rêter s  d'en  pa^Ter  quatre  ou  cinq  fuis 
autre  nourri  ure  qu'une  poignée  d'herbe 
de  huit  heures  en  huit  heures,  &  de  re 

(p)  Voyez  Palafox  ,  pnge  ^2 y  ;  \t  recueil  àe& 
voyages  du  Nord,  Rouen,  tyi  6 ,  tome  ///,  /'.  //^; 
Tavcrnier,  tome  /,  page  ^72  iT"  fuip,  Hi(lotrc  gé- 
néralcdes  voyages,  tome  yi,  page  60^  tiX  tome  VII, 
page  2tjf, 


-^iJu  Cheval  itj 

en  même  temps  vingt  -  quatre  heures 
fa-iS  boire,  &c.  Ces  chevaux,  qui  pa- 
roiiicnt ,  &  qui  en  effet  ibnt  fi  robuftes 
dans  ieur  })ays,  dcpériffent  dès  qu'on 
\ti  tranlpone  à  la  Chine  &  aux  Indes, 
m:ils  ifs  réuffilTent  a(îèz  en  Perfe  &  en 
Turquie.  Les  petits  Tartares  ont  aufli 
une  race  de  petits  chevaux  dont  ils  font 
tant  de  cas,  qu'ils  ne  fe  permettent 
jamais  de  les  vendre  à  des  étrangers: 
ces  chevaux  ont  toutes  les  bonnes  & 
mauvaifes  qualités  de  ceux  de  fa  grande 
Tartarie,  ce  qui  prouve  combien  les 
mêmes  mœurs  &  la  même  éducation 
donnent  ie  même  natuiel  &  la  même 
habitude  à  ces  animaux.  Il  y  a  auflî  en 
CircafTie  &  en  Mingrélic  beaucoup  de 
chevaux  qui  font  même  plus  beaux  que 
les  chevaux  J'artares  ;  on  trouve  encore 
d'affez  beaux  chevaux  en  Ukraine,  en 
Valachie  ,  en  Pologne  &  .en  Suéde,, 
mais  nous  n'avons  pas  d'obfèrvations 
particulières  de  leurs  qualités  6c  de  leurs 
défauts. 

Maintenant,  Ç\  l'on  confulte  fes  an- 
ciens fur  la  nature  &  les  qualités  des 
chevaux  des  différcns  pays  ,  on  trour 


y  T  9        'HiJIotre  NafufeTîê 

vcra  (q)  que  fes  chevaux  de  la  Grèce, 
&   fur- tout   ceux  de  lu  Thefialie   &  de 
i'Épire  ,    avoicnt    de    fa    re'putaiion  ,   & 
cto'ent   très-bons  pour    ia   guerre;   que 
ceux  de  l'Achaïe  ctoient  les  plus  grands 
que  Ton   connût  ;    que  les   plus    beaux 
de  tous  ctoient  ceux  d'Egypte  où  il  y 
en  avoit  une  très -grande  quantité,   & 
CHi  Sa!omon  envoyoit  en  acheter   à  un 
très- grand  prix  ;    qu'en    Ethiopie  ,    les 
chevaux  rcufFifloient  i-nal  à  caulè  de  la 
trop    grande    chaleur    du    climat  ;    que 
J' Arabie    &    l'Afrique    fournilToient    les 
chevaux  les  mieux  faits,  &  fur -tout  les 
plus  légers  &  les  plus  propres  à  la  mon- 
ture &  à  la  courlè;  que  ceux  d'Italie, 
&   fur-tout   de  la    Pouille  ,  éioient  aufîî 
tr^s-bons  ;    qu'en   Sicile,    Cappadoce, 
Syrie,  Arménie,  Médie   &    Perle    il   y 
avoit    (.l'cxcellcns    chevaux  ,   &    recom- 
mandabks  par  leur  vitelTc  &  leur  légè- 
reté ;    que    ceux    de    Sardaignc    &    de 
Corlè  étoient  petits,   mais   vifs.&   cou- 
rageux ;    que    ceux   d'Efpiigne   rcfiem- 
btoient  à  ceu;(  des   Parihcs  ,    &  étoicat 

(q  )   Voyez  Aldrovànd.  lîifl.  Nat.  ^c  foiîpcd. 


'f^^yn  Cheval     V        "ïip 

excclîens  pour  îa  guerre  ;  qu'il  y  avoit 
aufli  en  Tranfilvanie  &  en  Valachic  des 
chevaux  à  tête  Jt'gèrc ,  à  grands  crins 
pencians  jufqu'à  t/.rre,  &i  à  queue  touffue, 
(jui  eioicnt  très- prompts  à  la  coiirfe;  que 
les  chevaux  Danois  étoieni  bien  faits 
&  bons  fiuiteurs  ;  que  ceux  de  Scandi- 
navie ctoient  petits,  mais  bien  moulés 
&  fort  agiles  ;  que  les  chevaux  de  Flandre 
tioicnt  forts  ;  que  les  Gaulois  fournif- 
foitnt  aux  Romains  de  bons  chevaux 
pour  la  monture  de  pour  porter  des  . 
faiJeaux  ;  que  les  chevaux  des  Germains 
tioient  mal  faits  &  Çi  mauvais,  qulls  ne 
s'en  fervoient  pas  ;  que  les  Suifles  en 
nvciient  beaucoup  &  de  très- bons  pour 
];t  guerre;  que  les  chevaux  de  Hongrie 
cLoient  aufij  fort  bons;  &  enfin,  que 
les  chevaux  des  Indes  ctoient  fort  petits 
&  très-foibles. 

H  réfulte  de  tous  ces  faits,  que  fcs 
chcvnux  Arabes  ont  été  de  tous  temps 
&  loin  encore  les  premiers  chevaux  du  , 
monde ,  tant  pour  la  beauté  que  pour 
la  bonté;  que  ccfl  deux  que  ion  tire, 
foit  immédiatement ,  foit  mcdiatcment; 
par  le  moyen  des  Barbes ,  les  plus  beaux  ; 


120         Hijîoîre  Naturelle 

chevaux  qui  foient  en  Europe  \  en 
-Afrique  &  en  A  fie;  que  le  climat  de 
l'Arabie  eft  peut-être  le  vrai  climat  des 
chevaux  ,  &  le  meilleur  de  tous  les 
climats,  puifqu'au  lieu  d*y  croifer  les 
races  par  des  races  étrangères ,  on  a 
grand  (bin  de  les  confervcr  dans  toute 
leur  pureté;  que  iî    ce  climat  n'eft  pas 

ÎDar  fui  -  même  le  meilleur  climat   pour 
es  chevaux,  les  Arabes  font  rendu  tel 
par  les  foins  particuliers  qu'ils  ont  pris 
de  tous  les  temps ,  d*ennobiif  les  races , 
«n  ne  mettant  cn(êmbk  que  les  individus 
Jes  mieux  faits  &  de  la  première  qualité , 
que  par  cette  attention  fui  vie  pendant  des 
lîècles  ils  ont  pu  perfedionner  i'-efpèce 
au  -  delà  de  ce  que  la  Nature  auroit  fait 
dans  le  meilleur  climat  :  on  peut  encoKe 
«n  -conclure  que  les  climats  plus  chauds 
que  froids,  &  iur-lout  les  pays   fecs^ 
font  ceux  qui  conviennent  le  mieux  à 
la  nature  de  ces  animaux  ;  quten  général 
les  petits  chevaux  font  meilleurs  que  les 
grands  ;  que  le  foin  leur  efl  aufO  nécef- 
iàire  à  tous  que  4a  nourriture;  qu'avec 
de  !a  familiarité   de  des   carefîes  on  en 
tire  beaucoup  plus  que  par  la  force  & 

les 


Jffcs  chltimens;  que  les  chevaux  des  pays 
chauds  ont  les  os ,  la  corae  ,  '  ^s  mulcles 
plus  durs  que  ceux  de  nos  climats  ;  que 
quoique  ia  chaleur  convienne  mieux  que 
le  froid  à  ces  animaux ,  cependant  le 
chaud  exccffif  ne  leur  convient  pas  ; 
aue  le  grand  froid  leur  eft  contraire  ; 
qu'enfin  leur  habitude  <5c  leur  naturel  dé- 
pendent prefqu'cn  entier  du  climat ,  de  la 
nourriture,  des  foins  &  de  l'éducation. 

En  Perfe ,  en  Arabie  &  dans  plu- 
fieiirs  autres  lieux  de  l'Orient,  on  n'efl 
pas  dans  l'ufage  de  hongrer  les  chevaux, 
comme  on  le  fîiit  fi  généralement  en 
Europe  &  à  la  Chine  :  cette  opération 
leur  ôte  beaucoup  de  force  ,  de  courage  , 
de  fierté,  «Sec.  mais  leur  donne  de  la 
douceur ,  de  la  tranquillité ,  de  la  doci- 
lité ;  pour  la  faire ,  on  leur  attache  les 
jambes  avec  des  cordes ,  on  les  renverfê 
fur  le  dos  ,  on  ouvre  les  bourfès  avec 
un  biftouri,  on  en  tire  les  tcfticules, 
on  coupe  les  vaideaux  qui  y  abouiifîcnt 
&  les  ligamens  qui  les  foutiennent ,  & 
après  les  avoir  enlevés  on  referme  la 
plaie  &  on  a  foin  de  faire  baigner  le 
cheval  deux  fois  par  jour  pendant  quinze 

Tom:  VL  f 


IIY        'Hîjlolre  Natâtelk 

jours  ,  ou  de  Tctuver  fou  vent  avec  4* 
l'eau  fraîche ,  &  de  le  nourrir  pendant 
ce   temps  avec  du   foji  détrempé  dans 
beaucoup  d'eau  ,  afin  de  le   rafraîchir: 
cette   opération   (è    doit   faire  au    prin- 
temps  ou  en  automne,  le  grand  chaud 
&  le  grand  froid  y  étant  également  con- 
traires. A  i'cgard  de  l'âge  auquel  on  doit 
la    faire  ,   il   y  a  des    ufliges    différens; 
dans  certaines  provinces  on  hongre  les 
chevaux  dès  l'âge  d'un  an  ou  dix  -  huit 
mois ,  aulTjïot    que   ics    teflicules    font 
bien  apparens  au  dehors  ;    mais  i'ufagc 
le  plus   général   &   le  mieux  fondé   eft 
de  ne  les  hongrer  qu'à  deux  &  même  à 
trois  ans ,  parce  qu'en  les  hongrant  tard 
ilr.  Gonferv€nt  un  peu  plus  des  qualités 
anachées   au   (èxc  mafculin.    Pline   (r) 
dit    que   les  dents   de   lait   ne    tombent 
point  à   un    cheval  qu'on    fait    hongre 
avant  qu'elles  (oient  tombées  :  j'ai  été  à 
portée  de  vérifier  ce  fait,  &  il  ne  s'cft 
pas  trouvé  vrai  ;  les  dents  de  lait  tombent 
également  aux  jeunes  chevaux  hongrrs 

&  aux  jeunes  chevaux  entiers;  &  ii  elt 

.' 

(r)  Voyez  Plin.  Hirt.  Nat.  in- 8.'  Paris,   i6$^, 
tmie  U ,  l'arag,  LXXIV t  page  JjS* 


i///  Cheval  ''2}^ 

probable  que  les  Anciens  n'ont  hafardc 
ce  fait  que  parce  qu'ils  l'ont  cru  fondé 
fur  l'analogie  de  la  chuie  dos  cornes  du 
cerf,  du  chevreuil ,  &c.  qui  en  efict  ne 
tombent  point  lorfque  l'animai  a  été 
coupé.  Au  refte  un  cheval  hongre  n'a 
plus  la  puiiïance  d'engendrer ,  mais  iL 
peut  encore  s*accoupicx,  &  l'on  en  a 
vu  des  exemples. 

Les  chevaux  de  quelque  poil  qu'Us 
foient ,  muent  comme  prefque  tous  les 
autres  animaux  couverts  de  poil  y  &  cette 
mue  fè  fait  une  fois  Tan,  ordinairement 
au  printemps ,  &  quelquefois  en  automne  ; 
ils  font  alors  plus  ibibies  que  dans  les 
autres  temps ,  il  faut  les  ménager  ,  les 
foigner  davantage  &  les  nourrir  un  peu 
plus  largement,  il  y  a  auili  des  chevaux 
qui  muent  de  corne,  cela  arrive  fur- 
tout  à  ceux  qui  ont  été  élevés  da.ns  des 
pays  humides  &  marécageux ,  comme  ea 
Hollande. 

Les  chevaux  hongres  &  les  jumens 
hennifîènt  moins  fréquemment  que  \ts 
chevaux  entiers.  Ils  ont  auffi  la  voix 
moins  pleine  6c  moins  grave  :  on  peut 

Fi; 


12  4         Hifioir^  NatNrelié 
didingner  dans  tous  cinq  fortes  (s)  cl* 
hennilTemcns   diffcrens ,  rclutifs  à  difFc- 
*-cntcs   paffions  ;  le  h^nniflcment  d'allc- 
grefîe ,  dans  lequel   la   voix  iê  fait   ea- 
tendre  a-llez  longuement,  monte  &  finie 
à  des  fons  plui)  aigus  ;   le  cheval  rue  en 
même   t^^mps ,   mais    It-gèrcment ,  &   ne 
•cherclic   point  à    frapjier  ;   le   heiuii(îc- 
ment  du  defir,  foit  d'amour,  foit  d'atta- 
chement ,  dans  lequel  le  cheval  ne  rue 
•point ,  &  la  voix  fe  fait  ejucndre  longue- 
inent  &  finit  par  des  fons  plus  graves  ; 
•!e    hennifTement   de   la   colère    pendant 
icquei  le  cheval  rue  &  frappe  dangereu- 
'fcment,  e(i  très-court  &  aigu  :    celui  de 
•îa  crainte,  pendant  lequel  il  rue  auffj, 
n'eft   guère  plus  long  que  celui  de  la 
colère ,  la   voix  eft  grave ,   rauquc ,  & 
iemble  fbrtir  en  entier  ^ts  nafeaux,   ce 
•hennifîèment  eft  afTez  femblable  au  ru- 
giffcment  d'un  lion  ;  celui  de  la  douleur 
cfl  moins  un  henniflèment  qu'un  gcmif- 
fement  ou  renflement  d'oppieffion  qui 
^c  fait  à  voix  grave  &  fuît  les  alternatives 

(sf  ViUc  Cardan,  de  rcrum  varic;«ktjs ,  lib.  YJii^ 

l      ■ 


'1., 


^11  Cheval     '  T25 

Je  îà  rcfpîraiion.  Au  rertc  on  a  rcmnr-« 
que  que  les  chcvnux  c(ui  licnniflcnt   (o 
plus  (buvcnt,  fur-iout  d'ulici^rcfle  ^  ilc 
dt-fir,   font  les  nieilicurs  &  les  plus  gé- 
néreux ;  les  chevaux  entiers  ont  aufii  la 
voix  plus  forte  que  les  hongres  &   k'.> 
jumens  ;  dès   la  nailïance   le    iiiûfc  a    l.'^ 
voix    plus  forte  que  la  feinelîc  ;    à   deiiK 
ans  ou  deux  ans  ik  demi,  cclUà-dire,  à 
l'âge  de  puberté  lu  voix  des  nialcs  &  des 
femelles  devient  plus  forte  &  plus  grave, 
comme  dans  iMiomme  &  dans  la  plupart 
lies  autres   animaux.    Lorfque  le   cheval 
ell  padionnc  d'amour  ,    de  defir  ,    J'ap- 
pcîit,  il  montre  les  dents  &  femble  rire^ 
il  les  montra  auflhdans  la  colère  &  lorf- 
qu'il  veut  mordre  ;    H   tire   quelquefois 
la  langue  pour  lécher ,  mais  moins  frc-* 
(juemment  que  ie  bœuf,  qui  lèche  beau* 
coup  plus  que  le  cheval ,   &  qui  cepen- 
dmt  eft  moins  fenfible  aux   carcfîcs  :  I<5 
cheval  fè  fou  vient  auffi   beaucoup  plus 
I   long-temps  des  mauvais  traiiemens ,  &  il 
fe  rebute  aufîi  pïus  aifément  que  ie  bœuf; 
fon  naturel  ardent  <Sc  courageux  lui  fait 
donner   d'abord    tout    ce   qu'il  pofsèdts 
de.  forces,  &  lorfqvi'ii  fem  qu'on  exigç 


r,»' 


m  6         Hijtolre  Naturelle 

encore  davantage,  H  i^ndigne  &  refiife, 
au  lieu  que  le  bœuf  qui  de  la  nature  eft 
lent  &  j)arefreux,  s'excède  &  fe  rebute 
moins  virement. 

Le  cheval  dort  beaucoup  moins  que 
rhojTime  ;  lorfqu'il  le  porte  bien  il  ne 
demeure  guère  que  deux  ou  trois  heures 
de  fuite  couché  ,  il  fe  relève  enluite 
pour  manger  ,  &  lorsqu'il  a  été  trop 
fatigué  il  fe  couche  une  fecon  le  fois 
après  avoir  mangé  ,  mais  en  tout  il  ne 
dort  guère  que  trois  ou  quatre  heures 
en  vingt- quatre  ;  il  y  a  même  des  che- 
vaux qui  ne  (è  couchent  jamais  &  qui 
dorment  toujours  debout  ,  ceux  qui 
fe  couchent  dorment  aufîi  quelquefois 
fur  leurs  pieds  :  on  a  remarqué  que  les 
hongres  dorment  plus  fouvcnt  &  plus 
long-temps  que  les  chevaux  entiers. 

Les  quadrupède:»  ne  boivent  pas  tous 
de  la  même  manière  ,  quoique  tous 
Ibient  également  ol^ligés  d'aller  chercher 
avec  la  tête  la  liqueur  qu'ils  ne  peuvent 
fiiifir  autrement,  à  l'exception  du  fmge, 
du  maki  &  de  quelques  autres  qui  ont 
des  mains  ,  &  qui  par  conféqucnt  peu- 
Vent  boire  comme  l'homme  ,  lorfqu'on 


ih  Cheval  ïiy 

leur  donne  un  va(è  qu'ils  peuvent  tenir; 
car  ils  ie  portent  à  leur  bouche ,  Tin- 
diiient ,  verfent  la  liqueur  ,  &  l'avalent 
par  le  fimple  mouvement  de  la  déglu- 
tition :  l'homme  boit  ordinaiicmem  de 
cette  manière ,  parce  que  c'eft  en  effet 
la  plus  commode  ;  mais  il  peut  encore 
boire  de  piufieurs  autres  façons  ,  en 
approchant  les  lèvres  &  les  contradan»; 
pour  afpirer  la  liqueur  ,  ou  bien  en  y 
enfonçant  le  nez  &  la  bouche  aiïez  pro- 
fondément pour  que  la  langue  en  foit 
environnée  &  n'ait  d'autres  mouvemcns 
à  faire  que  celui  qui  eft  ne'ceiïaire  pour 
fa  déglutition  ,  ou  encore  en  mordant, 
pour  ainfi  dire  ,  la  liqueur  avec  les 
lèvres,  ou  enfin,  quoique  plus  diffici- 
lement ,  en  tirant  la  langue ,  l'clargiflant , 
&  formant  une  efpèce  de  petit  godet  qui 
rapporte  un  peu  d'eau  dans  la  bouche  : 
la  plupart  des  quadrupèdes  pourroient 
aulfi  chacun  boire  de  piufieurs  manières , 
maii  ils  font  comme  nous ,  ils  choifif- 
fcnt  celle  qui  leur  eft  la  plus  commode 
&  la  fuiyent  conftamment.  Le  chien  , 
dont  la  gueule  efl  fort  ouverte  &  la 
langue  longue  ^  miucc ,  boit  en  lapant , 

F  iii; 


ï  2  8  Hipotre  Naturelle 

c'cft"  à- dire,  en  léchant  la  liqueur,  êc 
formant  avec  fa  langue  un  godet  qui  fc 
remplit  à  chaque  fois,  ôc  rnpporte  une 
alTcz  grande  quantitcf  de  liqueur,  iï  pré- 
fère celte  iviçon  à  celle  de  (e  mouiller 
ie  nez  :  le  cheval  au  contraire,  qui  a  h 
Louche  plus  petite  &  la  langue  trop 
cp.iifîè  &  trop  courte  pour  former  un 
grand  godet ,  &  qui  d'ailleurs  boit  en- 
core plus  avidement  qu'il  ne  mange , 
enfonce  la  bouche  ik  le  nez  brufque- 
ment  &  profondément  dans  i*eau  cju'il 
avale  abondamment  par  le  fimple  mouve- 
ment de  la  déglutition  ;  mais  cela  même 
le  force  à  boire  tout  d'une  haleine ,  au 
iieu  que  le  chien  refpire  à  fon  aife 
pendant  qu'il  boit:  aulîi  doit -on  laffer 
aux  chevaux  la  liberté  de  boire  à  plu- 
sieurs repriles  ,  fur- tout  après  une  courfc, 
ïorfquc  le  mouvement  de  la  refpiratioa 
eft  court,  &  ])rel7é  ;  on  ne  doit  pas 
non  |)lus  leur  laifier  boire  de  l'eau  trop 
froide  ;  parce  qu'indépendamment  des 
coliques  que  l'eau  froide  caufe  (auvent, 
il  leur  arrive  aulîi  ,  par  la  nécefiité  où  ils 
font  d'y  tremper  les  naicaux  ,  qu'ils  Te 
KcfroidiiTcyit   le   nez ,   s'enrhument  ^   ëi 


{Jit  Cheval»  lifp 

prennent  peut-  éire  les  germes  de  cette 
maladie  à  laquelle  on  a  donné  le  nom 
de  morve,  la  plus  formidable  de  toutes 
pour  cette  efpèce  d'animaux  :  car  on 
jait  depuis  peu  que  le  fiége  de  lu  morve 
tll:  dans  la  membrane  pituitaire  (  t  )  i 
que  c'ert  par  conféqucnt  un  vrai  rhume 
qui  à  la  longue  caufc  une  inflanimaiion 
dans  celte  membrane  ,  &  d'un  autre  côté 
ies  voyageurs  qui  rapportent  dans  un 
ûfîcz  grand  détail  les  maladies  des  che- 
vaux dans  les  pays  chauds ,  comme  l'A- 
rabie, la  Pcrië ,  la  Barbarie,  ne  dilcnt 
pas  que  la  morve  y  foit  aulîi  fréquente 
que  dans  les  climats  froids  ;  ainfi  je  crois 
cire  fondé  à  conjecturer  que  l'une  des 
caufcs  de  cette  maladie  cft  la  froideur  de 
l'eau  ,  parce  que  ces  animaux  font  obligés 
d'y  enfoncer  &  d'y  tenir  le  nez  &  les 
nafeaux  pendant  un  temps  confidérabic  ^ 
ce  que  l'on  préviendroit  en  ne  leur  don- 
nant jamais  d'eau  froide ,  &  en  leur  el- 
fuyant  toujours  les  nafeaux  après  qu'ils 

(t)  M.  de  la  FofTc,  Marécfial  ciii  Roî ,  a  le  prç- 
.Miitr  démontré  ([ue  le  ilcgc  de  la  morve  cfl  dans  in 
.membrane  pitiiiraire  ,  &  il  a  eiTayé  de  guérir  dos 
çiw.v\iux  Cil  Ic5  ircpanantj- 

3E^  V 


fl  3  o  HiJIoke  Naturelle 

ont  bu.  Les  ânes  qui  craignent  îe  froid 
beaucoup  plus  que  les  chevaux  ,  &  qui 
leur  rcfîembicm  fi  fort  par  la  ftrudure 
Intérieure,  ne  font  pas  cependant  i\  fujets 
à  la  morve,  ce  qui  ne  vient  peut- eue 
que  de  ce  qu'ils  boivent  différemment 
des  chevaux  ;  car  au  lieu  d'enfoncer 
profondément  la  bouche  &  le  nez  dans 
i'eau ,  ils  ne  font  prclque  que  l'atteindre 
des  lèvres. 

Je  ne  parlerai  pas  des  autres  maîadies** 
des  chevaux  ,  ce  feroit  trop  étendre 
l'Hiftoire  Naturelle  que  de  joindre  à 
i-'hiftoire  d'un  animal  celle  de  fes  mala- 
dies :  cependant ,  je  ne  puis  terminer 
l'hiftoire  du  cheval ,  fans  marquer  quel- 
ques regrets  de  ce  que  la  fumé  de  cet 
animal  utile  &  précieux  a  été  jufqu'à 
préfent  abandonnée  aux  foins  &  à  la  pra- 
tique ,  fouvent  aveugles ,  de  gens  fans 
connoiflancc  &  fans  lettres.  La  Médecine 
que  les  anciens  ont  appelée  Médecine  Vé- 
térinaire,  n'eil  prefque  connue  que  de 
non  :  je  fuis  perfuadé  que  fi  quelque 
Alédecin  tournoit  Tes  vues  de  ce  côié-là 
&  faifoit  de  cette  étude  fon  principal 
cbjct,  il  en  feroit  bientôt  dédommagé 


J///  Cheval  l^V 

Îiard  amples  fuccès;  que  non- feulement 
I  s*enrichifoit ,  mais  même  qu'au  lieu  de 
fe  dégrader  il  s*iIIuftreroit  beaucoup  ,  de 
ceue  Médecine  ne  feroit  pas  ii  conjec- 
turale &  fi  difficile  que  i'autre  :  la  nour- 
riture ,  ies  mœurs ,  l'influence  du  Çtn- 
timent  ,  toutes  les  caufcs  en  un  mot 
étant  plus  Hmples  dans  l'animal  que  dans 
l'homme  ,  ies  maladies  doivent  auffi  être 
moins  compliquées ,  &  par  conféqucnt 
plus  faciles  à  juger ,  &  à  traiter  avec 
fuccès  ;  fans  compter  la  liberté  qu'on 
auroit  toute  entière  de  faire  des  expé- 
riences ,  de  tenter  de  nouveaux  remèdes , 
&  de  pouvoir  arriver  fans  crainte  &  fans 
reproches  à  une  grande  étendue  de  con- 
ïioifTances  en  ce  genre ,  dont  on  pour- 
roit  même  par  analogie  tirer  des  induc- 
lions  utiles  à  Tart  de  guérir  les  homme». 


F  v; 


'I  -^  2         Hl/îoJre  N, 


•^/-r;- 


>-inrimi— w 


mit 


L'A  S  N  E. 

C  O  N  S  I  D  É  P  E  R  cet  anîmaï , 
mcrae  avec  des  yeux  attentifs  de 
dans  un  aflcz  grand  dc'taii  ,  il  paroît 
n'être  qu'un  cheval  dégénéré  :  (a  parfaite 
fîmilitude  de  conformation  dans  le  cer- 
veau ,  îes  poumons ,  i'eftoniac ,  ie  conduit 
înteftinai ,  le  cœur,  le  foie,  fcs  autres 
"vifcères ,  5c  la  grande  refTemblance  du 
corps  ,  des  jambes  ,  des  pieds  &  du 
fquelette  en  entier  ,  (èmblent  fonder 
cette  opinion  :  l'on  pourroit  attribuer 
îes  légères  différences  qui  fè  trouvent 
entre  ces  deux  animaux  ,  À  Finfîuence 
très- ancienne  du  cHmat ,  de  la  nourri- 
ture, &  à  !a  fuccefîion  foriuite  de  plu- 
sieurs g'hicrations  de  petits  chevaux  fiu- 
vagcs  à  demi  dégénérés ,  qui  peu  à  peu 
auroient  encore  dégénéré  davantage ,  fe 
fêroient  enfuite  dégradés  autant  qu'il  efl 
pofljble ,  &  aurc»!cnt  à  la  fin  produit  à 
nos  yeux  une  efj)èce  nouvelle  &  conf- 
tante  ou  plutôt  une  fucccfljon  d'individus 
fcinbliiiji£$^  toui  conilamment  viciés  de 


'de  TAfne.  I3  j^ 

\i  même  façon  ,  &  afTcz  drffcrens  des 
chevaux  pour  pouvoir  être  regardes 
comme  formant  une  autre  cfpècc  Ce 
qui  paroît  favoriler  cette  idée,  c'eft  que 
les  chevaux  varient  beaucoup  plus  qr.c 
les  ânes  par  la  couleur  de  leur  poil ,  qu'ils  • 
font  par  conféquent  plus  anciennement 
domeiiiques  ,  puilque  tous  ies  animaux 
domcHiques  varient  par  la  couleur  beau- 
coup plus  que  les  animaux  fiuvages  de 
îa  même  efpèce  ;  que  la  plupart  des 
chevaux  fiuvages  dont  parlent  les  voya^ 
geurs  ,  font  de  petite  taille  ,  &  ont., 
comme  les  ânes  ,  ic  poil  gris ,  la  queue 
nue ,  hériflee  à  l'extrémité  ,  &  qu'il  y 
a  des  chevaux  fauvages ,  &  même  des 
chevaux  domeftiques  qui  ont  la  raie  noire 
fur  le  dos ,  &  d'autres  caracftères  qui  les 
rapprochent  encore  des  ânes  fuivages  5c 
domeftî  jues.  D'autre. côté,  Ç\  l'on  con- 
fidère  les  difFérenccs  du  tempérament  , 
du  naturel-,  des  moeurs ,  du  refultat ,  en 
un  mot ,  de  l'organifation  de  ces  deux 
animaux,  &  fur-tout  i'impo/iibilité  de  \qs 
îiiêler  pour  en  faire  une  efpèce  com- 
mune,  oii  même  une  efpèce  iniermé- 
diuifc  qui  puiffefe  renouvdcr,  on  parois  v 


^34         'Hijlohe  Naturelle 

encore  mieux  fondé  à  croire  que  ces 
deux  animaux  fmit  chacun  d'une  efpèce 
aufîj  ancienne  l'une  que  i'aurre  &  ori- 
ginairement: auffi  efîènirellement  diffé- 
rentes qu'elles  k  font  aujourd'hui,  d'au- 
tant plus  que  l'âne  ne  laiffe  pas  de 
différer  matériellement  du  cheval  par  b 
peiiiefîc  de  la  taille ,  la  groffeur  de  la 
têie ,  la  longueur  des  oreilles  ^  la  dureté 
de  la  peau  ,  la  nudité  de  la  queue  ,  la 
forme  de  la  croupe,  &  aufïï  par  les  di« 
menfions  des  parties  qui  en  font  voifines, 
par  la  voix ,  l'appétit ,  la  manière  de 
boire ,  &c.  L'âne  &  le  cheval  viennent- 
ils  donc  originairement  de  la  même 
fouche  ?  font  -  ils  ,  comme  le  diicnt  les 
nomenclateurs  (a),  de  la  mèmç  famille  î 
ou  ne  foiit-ib  pas ,  &  n'ont-ils  pas  tou- 
jours été  des  animaux  différens  l 

Cette  queftion,  dont  les  Phyficîens 
fentiront  bien  la  généralité ,  la  difficulté , 
les  conféquences  ,  &  que  nous  avons 
cru  devoir  traiter  dans  cet  article ,  parce 
qu'elle  fe  préfente  pour  la  première  fois, 

/'n)  Eqims  cauda  undique  fetofa  ,  le  cheval.  Etjiaii 
ttiudl  exmmo  feiojâ ,  l'âne,  Unn«i  fyftema  Naiurac* 
Çluir,  1 ,  ordi  ^  ;    . 


êe  TAfne,  135 

tient  à  la  production  des  êtres  de  plus 
p'ès  qu'aucune  autre,  &  demande,  pour 
être  é*"'  ircie ,  que  nous  confidérions  U 
Nature  fous  un  nouveau  pi)int  de  vue. 
Si,  dans  rimmenfc  variété  que  nous  pré- 
fentcnt  tous  les  êtres  animés  qui  peuplent 
l'Univers  ,  n<)us  choififTons  un  anima!  ^ 
ou  même  le  corps  de  l'homme  pour 
fervir  de  bafe  à  nos  connoiffanccs ,  & 
y  rapporter,  par  la  voie  de  la  coinpa- 
raifon ,  les  autres  êtres  organifés ,  nous 
trouverons  que,  quoique  tous  ces  êtres 
exiftent  folitairement,  &  que  tous  varient 
par  des  difFcrences  graduées  à  l'infini,  iï 
exifte  en  même  temps  un  deiïein  primitif 
&  générai  qu'on  peut  fuivre  très-loin, 
&  dont  les  dégradations  font  bien  plus 
ientes  que  celles  des  figures  &  des  autres 
ra])ports  apparens  ;  car  (ans  parler  des 
organes  de  la  digcftion,  de  la  circulation 
&  de  la  génération,  qui  appartiennent  à 
tous  les  animaux ,  &  lans  lefquels  l'animal 
cefTeroit  d'être  animal  &  ne  pourroit  ni 
fubfifter  ni  (è  reproduire ,  il  y  a  dans  les 
parties  mêmes  qui  contribuent  le  plus  à 
la  variété  de  la  forme  extérieure  ,  une 
prodigieufe  reHcmblance  qui  nous  rap- 


jjS  Hifloh'C  Ndfurelle 

pcKe  nëcelîairement  l'icJce  d'un  premî^i» 
dcfTcin  ,  iur  lequel  tout  lemblc  avoir 
été  conçu  :  le  corps  du  cheval ,  par 
exemple  ,  qui  du  premier  coup  d  œil 
paroît  fi  différent  du  corps  de  l'homme 
iorfqu'on  vient  à  le  comparer  en  détail 
&  partie  par  partie,  au  lieu  de  (urprendrc 
par  la  différence  ,  n'éionnc  plus  que 
par  la  rcffèmb lance  fingulicrt  &  prcfque 
complète  qu'on  y  trouve:  en  effet, 
prenez  le  fqueleite  de  l'homme ,  inclinez 
ies  os  du  baflin,  raccourcifféz  les  os  des 
cuiflcs ,  des  jambes  &  des»  bras ,  alongex 
ceux  des  pieds  &  des  mains  ,  fondez 
cnl'emble  les  phalanges  ,  alongcz  les 
iTjfichoires  en  raccourciffant  l'os  fnMitai, 
&  enfin  alongez  auffi  l'épine  du  dos, 
ce  fqueleite  cédera  de  re])rércntcr  la  df> 
pouille  d'un  homme,  &  lera  le  fqucleue 
d'un  cheval ,  car  on  peut  aifément  fup- 
pofer  qu'en  alongeait  l'épine  du  dos  & 
ies  mâchoires ,  on  augmente  en  même 
temps  le  nombre  des  vertèbres ,  des  cètcs 
&  des  dents ,  &  ce  n'eff  en  effet  que 
par  le  nombre  de  ces  os ,  qu'on  peut 
regr.rder  comme  accefloires ,  &  par  l'a- 
iongçment  ^    k  raccourcillèmcat  ou  k 


de  l'Afiie.       -       '137; 

Jonction  Jes  autres  ,  que  Fa  charpcntf> 
ifu  corps  de  cet  animal  diffère  de  fai 
charpente  du  corps  humain.  On  vient 
de  voir  dans  la  defcription  du  cheval 
CCS  faits  trc^p  bien  établis  pour  pouvoir 
en  douter;  mais,  pour  fuivre  ces  rapports- 
encore  plus  ioin  ,  que  Ton  confie! ère 
fé parement  quelques  parties  effentielles 
à  la  forme ,  les  côtes  ,  par  exemple ,  on 
les  trouvera  dans  tous  les  quadrupèdes, 
dans  les  oi féaux  ,  dans  les  poiiïons ,  <5c 
on  en  fuivra  les  vertiges  jufque  dans  lîu 
tortue ,  où  elles  paroiifent  encore  i\e(-' 
iînées  par  les  filions  qui  font  fous  fon. 
écaille;  que  Von  confidère,  comme  Ta 
remarqué  M.  Daubenton ,  que  le  pied 
d'un  cheval ,  en  apparence  fi  différent 
de  la  main  de  i*homme ,  ert:  cependant 
compofé  des  mêmes  os  ,  &  que  nous 
avons  à  rexrrémitc^  de  chacun  de  nos- 
lioîgts ,  le  même  ofTelet  en  fer-à-cheval 
qui  termine  le  pied  de  cet  animal  ;  & 
l'on  jugera  fi  ceit^  rcflcmblance  cachée 
n'cfl  pas  plus  mervcilleufe  que  les  dif- 
férences apparentes ,  fi  cette  conformité 
confiante  &  ce  deiïein  fuivi  de  l'homme 
aux  quadrupèdes;  des  quadrupèdes  d.\x& 


I  3  8  Hiffoire  Natureïk 

cétacés  ,  des  cétacés  aux  oifeauk  ,  de<r 
oiieaux  aux  reptiles ,  des  reptiles  aux 
poilTonf ,  &c.  dans  Icfquels  les^  parties  ef- 
icntielles,  comme  le  eccur,  Jcs  imellins, 
i'épine  du  dos ,  les  iêns  ,  &c.  fe  trouvent 
toujours ,  ne  femblent  pas  indiquer  qu'en 
créant  les  animaux  ,  l'Etre  fuprênic  n'a 
voulu  employer  qu'une  idée ,  &  la  varier 
en  même  temps  de  toutes  les  manières 
pofîiblcs,  afin  que  l'homme  put  admirer 
également,  6c  la  magnificence  de  l'exé- 
cution, &  la  fimplicité  du  defFein. 

Dans  ce  point  de  vue  ,  non- feulement 
J'ânc  &  le  cheval ,  mais  même  l'homme , 
Je  fingc  ,  les  quadrupèdes  <5c  tous  les  ani- 
maux ,  pourroient  être  regardés  comme 
ne  faifant  que  la  même  famille  ;  mais  en 
doit" on  conclure  que  dans  ceite  grande 
&  nombrcufe  famille  ,■  que  Dieu  lëul  a 
conçue  &  tirée  du  néant,  il  y  ait  d'autres 
petites  familles  projetées  par  la  Nature 
&  produites  par  ie  temps ,  dont  les  unes 
ne  (èroiem  compofécs  que  de  deux  in- 
dividus ,  comme  le  cheval  &  Fane , 
d'autres  de  plufieurs  individus ,  comme 
celle  de  la  belette,  de  la  martre,  du 
fuiet;  de  la  fouine  ;  &Cr  &  de  m«me  q^ue 


Je  TAfne*  139 

dans  îcs  végétaux  il  y  ait  des  familles 
de  (iix ,  vingt  &  trente ,  &c.  plantes  î  Si 
tes  familks  cxinoieni  en  effet  ,  elles 
n'auroient  pu  fe  former  que  par  le  inc- 
lange ,  la  variation  fucceflîve,  &  la  dé- 
géiiéraiiun  des  cfpèces  originaires  ;  &  (i 
ion  admet  une  fois  qu'il  y  ait  des  familles 
dans  les  plantes  &  dans  les  animaux ,  que 
l'âne  foit  de  la  famille  du  cheval  ,  Se 
qu'tl  n*en  diffcre  que  parce  qu'il  a  dé- 
généré ,  on  pourra  dire  également  que 
le  finge  eft  de  la  famille  de  l'homme  y 
que  c'elt  un  homme  dégénéré  ,  que 
i'homine  &  le  fingc  ont  eu  une  orîg'nc 
commune  comme  le  cheval  ôl  l'Ane  , 
que  Q\\2L(.\\xt  famille ,  tant  dans  les  animaux 
que  dans  les  végétaux,  n'a  eu  qu'une 
feule  fouche  ;  &  même  que  tous  les  ani- 
maux font  venus  d'un  (cul  animal ,  qui , 
dans  la  fuccefllon  des  temps ,  a  produit , 
en  fe  pcrfei^ionnant  &  en  dégénérant , 
toutes  les  races  des  autres  animaux. 

Les  Naturaliftes  qui  étabtiÏÏènt  û  lé- 
gèrement des  familles  dans  les  animaux 
&  dans  les  végétaux  ,  ne  paroiffent  pas 
avoir  afTez  fènti  toute  l'étendue  de  ces 
coaféquenceS;  qui  rcduiroieut  le  produit 


140         HJlolre  Nûturelk 

Immédiat  de  ia  création  à  un  nombre 
d'individus  auffi  petit  qnc  l'on  voudroit: 
car  s'il  étoit  une  fois  prouvé  qu'on  piit 
établir  ces  familles  avec  rarfon ,  s'il  éioi'; 
acquis  que  dans  les  animaux  ,  &  mêiric 
dans  les  végétaux ,  il  y  eût ,  je  ne  dis 
pas  pltifieurs  eipc^ces  ,  mais  une  feule 
qui  eût  été  produie  pnr  la  dégénéraùon 
d'une  autre  efpèce  ;  s'il  étoit  vrai  qufî 
l'âne  ne  fût  qu'un  cheval  dégénéré  ,  il 
n'y  auroit  plus  de  bornes  à  la  puillance 
de  la  Nature,  &  l'on  n'auroit  pas  tort 
de  (uppoler  que  d'un  feul  être  elle  a  fii 
tirer  avec  le  temps  tous  les  autres  êtres 
organifés. 

Mais  non ,  il  eft  certain  par  la  révé- 
lation ,  que  tous  les  animaux  ont  égale- 
ment participé  à  la  grâce  de  la  ciéaiion  , 
que  les  deux  premiers  de  chaque  cl})tc«; 
^  de  toutes  les  eipèccs ,  font  fortis  tout 
formés  des  mains  du  Créateur ,  &  l'on 
doit  croire  qu  ils  étoient  tels  alors  à 
peu  près  qu'ils  nous  font  aujourd'hui 
repréfcniés  par  leurs  dcfccndans  :  d'ail- 
leurs,  depuis  qu'on  a  obfervé  la  Narurc, 
depuis  le  temps  d'Ariflotc  ju (qu'au  nôtre, 
l'oa  n'a  pas  vu  paroître  d'cipèce  jaou* 


V* 


'      'Je  rAffie:  ï4Xi 

VeÏÏe,  malgré  le  mouvement  rapide  qui 
entraîne ,  amoncelle  ou  diffipe  ies  par- 
tics   de    la  matière ,    malgré  le   nombre 
infini   de  coinbinaifons    qui    ont  dû   (e 
faire  pendant  ces  vingt  fiècles,  malgré 
les  accouplemens  fortuits  ou  forcés  des 
animaux  d'efpèces  éloignées  ou  voifnies^ 
dont  il  n'a  jamais  réfulté  que  des  indi- 
vidus viciés  ÔL  (lériies ,  &  qui  n'ont  pu 
faire  fouche  pour  de  nouvelles  généra- 
tions.  La  reïïeinblance ,  tant  extérieure 
qu'intérieure  ,   fi-u  -  elle   dans    quelques 
animaux  encore  plus  grande  qu'elle  ne 
l'ell  dans  le  cheval  &  dans  Cane,  ne  doit 
donc  pas  nous  porter  à  confondre  ces 
animaux  dans  la  même  J}mii/e ,  non  plus 
qu'à  leur  donner  une  commune  origine  ; 
car  s'ils  venoicnt  de  la  même  fouche, 
s'ils  étoicnt  en  effet  de  la  même  fûmil/e  ^ 
on  pourvoit  les  rapprocher ,   les  alliei  de 
îîouveau,  &  défaire  avec  le  temps  ce  qua 
k  temps  auroit  fait. 

Il  faiu  de  plus  confidércr,  que  quoi- 
que la  marche  de  la  Nature  fe  faffe  par 
nuances  &  par  degrés  ,  fouvent  imper- 
ceptibles ,  les  intervalles  de  ces  degrés 
ûu  de   ce4;    nuances    ne  font  pas  tous 


H' 


t^i         Hiflolre  Naturelle 

égaux  à  beaucoup  près  ;    qu€  pfus  fc$ 
«Ipèccs   (ont   élevées.,  moins    elles   font 
liombreufes ,  &  plus  les  intervalles  des 
nuances  qui  les  feparent  y  font  grands  ; 
que  les  petites  efpèces  au  contraire  font 
très  -  nombrcufès ,    &   en   même   temps 
plus    voifmes  les  unes   des   autres ,   en 
ibrte  qu'on  eft  d'autant   plus   tenté  de 
les  confondre  enfemble  dans  une  même 
famille  ,    qu'elles    nous   cmbarrafîcnt   & 
jious  fatiguent  davantage  par  leur  mul- 
titude   &  par   leurs   petites  différences j 
dont    nous    fommes    obligés    de    nous 
charger    la   mémoire  :   mais    î'   ne    faut 
pas  oublier  que  cts  familles  fr       notre 
ouvrage,  que  nous  ne  les  a^    -  ?  faites 
que  pour  le  foulagemcnt  de  notre  efprit, 
que   s'il   ne    peut    comprendre   Ja   fuite 
réelle  de  tous  les  êtres,   c'eft  notre  faute 
&  non  pas  celle  de  la   Nature ,  qui  ne 
connoît  point   ces  prétendues  familles, 
Si   ne  contient  en  effet  que   des  indi* 
vidus« 

'  Un  individu  eft  un  être  à  part  ifolé, 
détaché ,  &  qui  n'a  rien  de  commua 
avec  les  autres  êtres  ,  finon  qu'il  leur 
reffemble  ou  bien  qu'il  en  diffère  ;   tous 


"Je  rAfnêi  Ï43^ 

les  înclrvî'îiî^.  <cinblables  qui  exîftent  fur 
la    i;kr»a-c     te    la    terre  ,   font    regardés 
comme        npofunt  i'erpèce  de  ces  indi- 
vidus ;   ^.t•pe^dant  ce  n  eit  ni  le  nombre 
ni  la  colledion  des  individus  femblables 
qui  fait  l'eipèce,  c'cft  la  fuGcefllon  conf- 
tante  &  le  renouvellemuii  non  interrom- 
pu de  ces  individus  qui  la  conftiiuent  ; 
car    un    êtie    qui  dureroit  toujours   ne 
feroit  pas  une  efpèce,  non  plus  qu'un 
million  d'êtres  femblables  qui  durcroienl 
auiïi    toujours  :   l'cfpècc    eft    donc    un 
mot  abftrait  &  général,  dont  ia  chofê 
n  exifte  qu'en  confîdérant  la  Nature  dans 
la  fucccffion  des  temps ,  &  dans  la  def- 
truâion  confiante  &  le   renouvellement 
tout  aufîi   confiant  ^zs  êtres  :  c^efl   ea 
coin  parant    la    Nature    d'aujourd'hui    à 
celle  des  autres  temps ,   ât  les  individus 
atluels  aux  individus  paffés ,  que  nous 
avoiîi  pris  une  idée  nette  de  ce  que  l'on 
apj)elie    ejp}ce  ,   &    ia    comparaifon    du 
nombre  ou  de  la  reffcmblance  des  indi- 
vidus  n'efl    qu'une   idée   accefToire ,  <5c 
fouvcnt   indépendante  de  la   première  ; 
car  l'ane  rclfemble  au  cheval  plus  que 
le  barbet  au  lévrier,   &   cependant  [q 


fî  4-4       Hljlahe  Naîureîk 

"barbet  &  le  lévrier  ne  font  qu'une  mêms 
cfpèce ,  puifqu'ils^produifent  cnfembie 
<ies  individus  qui  peuvent  €ux  -  mêmes 
«n  produire  d'autres  ;  au  lieu  que  le 
cheval  &  l'âne  font  certainement  de  dif- 
férentes efpèces ,  puifqu'ils  ne  produis 
fent  enfemblc  que  des  individus  viciés 
&  inféconds. 

C'eft  donc  dans  la  diverfité  caraco é- 
rîflique  des  efpèces    que  les    inrcrvjllcs 
des  nuances  de  la   Nature  font   le  plus 
^nilbles  &  le  mieux  marques ,  on  pour- 
roit  même  dire  que  ces  intervylles  entrf^ 
les  efpèces   font  les   plus   égaux    &   les 
moins  variables  de  tous ,  puiiqu'on  peuî 
toujours    tirer  une    ligne  de   féj)araiioa 
entre  deux  efpèces,   c'clt-à-dire ,  entre 
deux  fucceilions  d'individus  q''i  le  rcpro- 
duifcnt  &  ne  peuvent  fe  mêler  ,   comniç 
i'on  peut  aufîi  réunir  en  une  feule  efpèce 
deux  fuccefijons  d'individus  qui  iè  re- 
produisent en   fe  mêlant  :  ce  point  cft 
le  plus  fixe  que  nous  ayons  en  Hiftoire 
Naturelle,  toutes  les  autres  re(îemblances 
&  toutes  les  autres  différences  que  l'oa 
pourroit   faifir  duns  la  comparaifon  des 
êtres,  ne  jferoient^  ni  fi   ci^nflanicS;  ni 

fl 


•'  •  de  TAfné:  Ï45 

il  réelles ,  nî  i\  certaines  ;  ces  intervalles 
ftioiit  aulîi  les  feules  lignes  de  fcparaiiort 
que  l'on  trouvera  dans  notre  ouvrage , 
nous  ne  divilerons  pas  les  êtres  autre- 
ment qu'ils  le  (ont  eii  effet  ,  chaque 
eipcce ,  chaque  fuccclfioa  d'individus 
qui  fe  re[)roduifent  &  ne  peuvent  (c 
meier ,  fera  coniidercc  à  part  &  traitée 
iéparcment,  <!5c  nous  ne  nous  fervirons 
des  familles ,  des  genres  ,  des  ordres  Se 
tjci  c'aiTes ,  pas  plus  que  ne  s'en  fort  la 
Nature. 

L'efpèce  n'étant  donc  autre  chofc 
qu'uiic  fuccenion  conilanie  d'individus 
leir.blables  &  qui  le  reprodiiilènt  ,  il  ell 
clair  que  cène  dénomination  ne  doit 
b'âeadre  ([u'aux  animaux  &.  aux  végé- 
taux, <Sc  que  c'eil  par  un  abus  des  termes 
ou  des  idées  que  les  nomencïaieurs  l'ont 
employée  pour  défrgner  les  difiércntes 
loites  de  minéraux  :  on  ne  doit  donc 
pas  regarder  le  fer  comme  une  cipccc  ^ 
&  le  plomb  comme  une  autre  eipèce, 
mais^  teulcment  comme  deux  métaux 
diiicrcns  ;  &  l'on  verra  dans  notre  dif- 
couis  lur  les  minéraux ,  que  les  lignes 
de  léparation  que  nous  emploierons  diuiç 
Tome  Vit  G 


'i^6  Hijiolrâ  Naturelle 

îii  divifion  des  matières  minérales ,  feront 
bien  diifércntes  de  celles  que  nous  em- 
ployons pour  les  animaux   &  pour  les 


vec^etaux. 


Mais  pour  en  revenir  à  îa  dégëneraiîon 
des  êircs ,  &  particulièrement  à  celle  des 
animaux,  obfcrvons  &  examinons  encore 
de  plus  près  les  mouvemens  de  la  Nature 
dans  les  variétés  qu'elle  nous  offre  ;   & 
comme   l'elpcce    humaine    nous    eft   k 
mieux  connue  ,    voyons  jufqu'où    s'é- 
tendent ces  mouvemens  de  variation.  Les 
hommes  diffèrent  du  blanc  au  noir  par 
ia  couleur ,   du  double  au  fimpfe  j)ar  la 
hauteur  de  la  taille,  la  grofîcur ,  la  légè- 
reté ,  la  force  ,   <Scc.  &  du  tout  au  rien 
pour  l'efprit;  mais  cette  dernière  qualité 
n'appartenant    point   à   la   matière ,    ne 
doit  point  être  ici  confldérée  :  les  autres 
font  les  variations  ordinaires  de  la  Nature 
qui  viennent  de  l'influence  du  climat  & 
de  la  nourriture  ;    mais   ces   différences 
de  couleur  &  de  dimenfion  dans  Ja  taille 
n'empêchent  pas   que    le    Nègre   &  le 
Blanc  ,    le   Lappon  &   le   Patagon  ,  le 
géant  &  le  nain  ,  ne  produifent  enfenibîc 
4ps  individus  qui  peuvent  cux-mcines 


de  l'Affie:  ■/  \         T  47 

Çc  reproduire ,  &  que  par  conféquent 
CCS  hommes  fi  difFérens  en  apparence , 
ne  foient  tous  d'une  ieufe  &  même  ef- 
pèce ,  puifque  cette  reproduction  conf- 
tante  eil  ce  qui  conflitue  l'efpèce.  Après 
ces  variations  générales,  il  y  en  a  d'au- 
tres qui  font  plus  pardculières  &  qui 
ne  .  'Tènt  pas  de  L  <  ..rpétuer  ,  comme 
les  énormes  jambes  des  hommes  qu'on 
appelle  ^e  la  race  de  S J  Thomas  (b)  dans 
l'Ile  de  Ceylan ,  les  yeux  rouges  &  les 
cheveux  blancs  des  Dariens  &  des  Cha- 
crelas:  les  fix  doigts  (c)  aux  mains  & 
aux  pieds  dans  certaines  ftmilles ,  &c. 
ces  variétés  fi ngulières  font  des  défiuus 
ou  des  excès  accidentels  qui ,  s'étant 
d'abord  trouvés  dans  quelques  individus, 
fe  font  enfuitc  propagés  de  race  en  race , 
comme  les  autres  vices  &  maladies  hé- 
réditaires; mais  ces  différences,  quoique 
conftantes  ,   ne  doivent    être   regardées 


(h)  Voyez  le  cinquième  volume  de  cette  Hifloire 
Naturelle ,  article  Variétés  dms  l'efpèce  hutraine. 

(c)  N'oyci  cette  ohfervation  curieufe  dans  !es  \tiivti 
de  M,  de  Maupcrtuis,  où  vous  trouverez  auffi  plu- 
flairs  idées  philorophiques  très-tHcvtes  fur  )a  gcncratio?? 
bi  lur  dilTcrcns  autres  rujrts, 

C  i] 


148  fJiJlolrâ  Naturelle 

que  comme  des  vnriefés  indîvîduelfes 
qui  ne  fl'parent  pas  ces  individus  de  leur 
clpècc ,  puifque  les  races  extraordinaires 
de  ces  hommes  à  gro/res  jambes  ou  à 
fix  doigts  peuvent  Te  mêler  avec  la  race 
ordinaire,  &  produire  des  individus  qui 
fe  reproduisent  eux  -  mêmes.  On  doit 
dire  la  même  chofe  de  toutes  les  autres 
dJIformités  ou  mon(truo(ite's  qui  fe  com- 
muniquent des  pères  &  mères  aux  en- 
fans:  voilà  jufqu'où  s'étendent  les  erreurs 
de  la  Nature,  voilà  les  plus  grandes  li- 
mites de  fes  variétés  dans  l'homme  ;  k 
s'il  y  a  des  individus  qui  dégénèrent  en- 
coie  davantage,  ces  individus  ne  repro- 
duilant  rien ,  n'altèrent  ni  la  conihuicc 
ni  l'unité  de  i'efpèce  :  ainfi  il  n'y  a  dans 
l'homme  qu'une  feule  &  même  cfpèce, 
6c  quoique  cette  clpècc  foit  peut  -  être 
la  plus  nombreufe  <5c  fa  plus  abondante 
en  individus,  &  en  même  temps  la  plus 
inconréi[uenie  &  la  plus  irrégulière  dans 
toutes  (es  aiîilions  ,  on  ne  voit  pas  que 
cette  prodigicuie  diverfué  de  mouve- 
mens  ,  de  nourriture  ,  de  climat ,  &  de 
tant  d'autres  combinaifons  que  l'on  peut 
fuppofer  ,    ait    .  .oduit   des    êtres  afTez 


difTt'rens  rfes  autres  pour  taire  de  nou- 
velles Touches ,  &  en  même  temps  ailtz 
f(.:nf)iab!cs  à  nous  pour  ne  pouvoir  u/^i- 
(Je  !tur  avoir  appartenu. 

Si  le  Nègre  <Si  le  Blanc  ne  pouvoicnt 
produire  eiilcmbic,  Çi  même  leur  pro- 
duction demcuroit  iiifeconde ,  fi  ie  Alu- 
lâ.re  étoit  un  vrai  mulet ,  il  y  aurojt 
alors  deux  efpèces  bien  diftindes  ;  ie 
Ncgre  feroit  à  l'homme  ce  que  l'âne  efb 
au  cheval,  ou  plutôt,  fi  ie  Blanc  etoit 
homme  ,  ie  Nègre  ne  fero'.t  plus  un 
honiiiie ,  ce  feroit  un  anim.J  à  part , 
comme  le  ^ii'\g^,  &  nous  ferlons  en  droit 
de  penfer  que  le  Blanc  &  ie  Nègre 
ii'auroicnt  point  eu  une  orig'ne  coin- 
iiuine;  mais  cette  fuppofuion  même  e(l 
démentie  par  le  fait ,  &  puifquc  tous  les 
Iioinmes  peuvent  communicjuer  &  pro- 
duire enfcmblc ,  tous  les  iiommes  vien- 
nent de  la  même  fouche.  &  font  de  la 
même  famille. 

Que  deux  individus  ne  puiiTcnt  pro- 
duire cnfcmble,  il  ne  faut  pour  cela  que 
(juelqiicj  lègèrcj  difconvenances  dans  le 
tviu:)érainent ,  ou  quelque  défaut  acci- 
deiv.el  dans  les  organes  de  ia  génération 

G  iij 


Ifo         Hipotre  Ndtnnik 

de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  lîeux  înJ/- 
vidus;  que  deux  individus  de  dilîeremcs 
cfjjcces  ,  &  que  l'on  jotnt  cniemble, 
produifent  d'autres  individus  qui  ne  re(- 
fernljlant  ni  à  l'un  ni  à  l'autre,  ne  rtf- 
femblent  à  lien  de  fixe,  &  ne  peuvent 
par  confccjucnt  rien  pr®duire  de  fem- 
biab'e  à  eux,  il  ne  faut  pour  ceta  qu'un 
certain  degré  de  convenance  entre  la 
forme  du  corps  &  ies  organes  de  h  gé- 
nération de  ces  animaux  difFe'rens  ;  mais 
quel  nombre  immenle  &  peut-être  infini 
de  corribinaifons  ne  faudroit  il  pas  pour 
pouvoir  feulefïient  fnpjK Ter  que  deux 
animaux*,  maie  &  femelle,  d'une  certaine 
efpèce,  ont  non-  feulement  afiez  dtgc- 
ntré  pour  n'être  plus  de  cette  efpèce; 
c'ci't  à-dire  pour  ne  pouvoir  plus  pro- 
duire avec  ceux  auxquels  ils  e'toient  iein- 
Llub'.es ,  mais  encorj^egeneré  tous  deux 
prccireincjit  au  même  j)oint ,  <3c  à  ce 
point  ncceffaire  p:nir  ne  pouvoir  pro- 
duire qu'en (emble  !  ^  cufuite  (picife 
autre  prodigiciife  immtnfité  de  combi- 
nailons  ne  tàudroit-il  pas  encore  pour 
que  cette  nouvelle  production  de  ces 
deux  animaux  dt-^énérts  fuivit  exadc' 


de  ïAfiic,  151 

mciu  îcs  mêmes  loix  qui  s*obfervent  dans 
Il  produdion  des  animaux  parfaits  !  car  \\\\ 
animal  dégénéré  eft  lui-même  une  pro- 
dudioii  viciée  ;  &  comment  fè  pourroitii 
qu'une  origine  viciée,  qu'une  déprava- 
tion, une  négation,  pût  faire  Touche, 
&  non  feulement  produire  une  fucccfîion 
d'êtres  conflans ,  mais  même  les  produire 
de  la  même  façon  6l  fuivant  les  mêmes 
loix  que  fe  reproduifent  en  effet  les  ani- 
maux dont  l'origine  efl  pure.' 

Quoiqu'on  ne  puifTc  donc  pas  dé- 
montrer que  la  production  d'une  cfpèce 
par  la  dégénéraiion  ,  foit  une  chofe  im- 
poffjbie  à  la  Natu'^e  ,  le  nombre  des 
probabilités  contraires  ctl  fi  énorme  , 
que  philofophiquement  même  on  n'en 
peut  guère  douter;  car  fi  quelque  efpèce 
a  tté  produite  par  la  dégénéraiion  d'une 
autre,  fi  refpèce  de  l'âne  vient  de  l'ef^ 
pèce  du  cheval,  cela  n'a  pu  fc  faire  que 
fucccfîjvcmcnt  &  par  nu:nices,  il  y  au- 
roit  eu  entre  le  cheval  <^  l'ane  un  orrand 
nojnljrc  d'animaux  intermédiaires  ,  dont 
les  premiers  le  feroient  peu  à  peu  éloi- 
gnés de  la  nature  du  cheval,  &  les  der- 
niers ic  feroicni  approchés  peu  à  peu  de 

G  iii; 


ï^i        'Hljtolre  N^iturelle 

celle  de  l'âne  ;  ôi  pourquoi  ne  verrions- 
nous  pns  aujourd  hui  les  repréfemans, 
les  dciccndans  de  ces  cfpèces  intermé- 
diaires î  pourquoi  n'en  cil  -  il  demeuré 
que  les  deux  extrcmcs  î 

L'anc  ell  donc^un  Ane,  &  n'cfl  point 
un  ciicval  d^gv^néré ,  un  ciieval  à  queue 
nue;  il  n*eft  ni  étranger,  ni  intrus,  ni 
J.)Atard  ;  il  a  ,  comme  tons  les  auires 
animaux,  fà  famille.  Ton  efpècc  &  Ton 
rang;  (^m  fang  eft  pur,  &  quoique  fa 
noblefîè  foit  mo'ns  illudrc ,  cliê  cft  toute 
aufîj  bonne,  toute  aufli  ancienne  que 
celle  du  cheval;  pourquoi  donc  tant  de 
mépris  pour  cet  anîmil ,  fi  bon,  fi  pa- 
tient, fi  fobre,  fi  utile  !  Les  hommes  mc- 
priferoient-ils  jufque  dans  les  animaux, 
ceux  qui  les  fervent  trop  bien  &  à  trop 

Î)eu  de  frais  î  On  donne  au  cheval  de 
'éducation,  on  le  foignc ,  on  l'inflruii, 
on  l'exerce,  tandis  que  l'ane,  abandonné 
SI  fa  grollièrcic  du  dernier  des  valets, 
ou  à  la  malice  des  en  fans ,  bien  loin 
d'acquérir  ne  peut  que  perdre  par  Ton 
éducation  ;  &  s'il  n'dvoit  pas  un  grand 
fonds  de  bonnes  quiiliiés  ,  il  les  perdroit 
en  effet  par  la  manière  dom  on  ic  truiie; 


âe  TAJne*     \        'ï  5  3 

U  c(l  îe  jouet ,    le  plaflron  ,    îe   bardeau 
des  ruilres  qui  le  conduifent  le  bâton  à 
la  main,  qui  le  frappent,  le  furchargcnt, 
l  excèdent  funs  précautions ,  flins  mana- 
gement.   On  ne  fait  |)as   attention   que 
î  àne  feroii  par  iui-même  ,  &  pour  nous , 
le  premier,  le  plus  beau,  le  mieux  fait, 
It  plus   diflingué  des  animaux  ,  ii   dans 
It  monde  il  n'y  avoit  point  de   cheval  ; 
il  cil  le  fécond  au  lieu  d'eire  le  premier, 
^  par  cela  feul  il  femfle  n'être  plus  rien: 
c\'rt  la  comparaifon  qui  le  dcj/rade  ;   o\\ 
le  regarde,  on  le  juge,  non  pai  en  lui- 
ijiême,  mais  relativement  au  chev?   ;   oii. 
oublie  qu'il  cfl  âne,  qu'il  a  toutes  ic,*;  qua- 
lité» de  fa  nature  ,  tous  les  'Jons  attaché  ; 
y  {^iW  cfpèce ,    &   on    ne    peiXe  qu'à  la  » 
figure  &  aux  qualités  du  cheval ,  qui  lui 
manquent ,    c^  qu'il  ne  doit  pas  avoir,  , 
Il  cfl   de  fon  naturel  aufîl  humble, 
aufTj    patient ,    aufïi    tranquille  ,    que    le 
cheval  eft   fier,   ardent,  impétueux,   il 
Iwuffrc  avec    Ciinftance  ,    &    j)cut-être 
nvec  courage,  les  châtimens  ^  les  coups; 
il  cfl  fobrc ,  &  fur  '' i  quantité  ,  &  fur  la 
qualité  de  la  nourriture  ;    i!    fe   contente 
d-5  herbes  \^î  plus   dures    ^    les   plus 


154         Hijloke  Ndiurelk 

défaoréabîcs ,  que  le  cheval  &  les  autres 
animaux  lui  laifîent  &  dédaignent  ;  il  eft 
fort  délicat    fur  l'eau ,  il  ne   veut  boirq 
que  de  la  plus  claire  &  aux  ruilTeaux  qui 
lui  font  connus  :  il  boit  auffi  fobremem 
qu'il  mange ,  &  n'enfonce  point  du  tout 
fon  nez  dans   l'eau  par  la  peur  que  lui 
fait,   dit  on  ,  l'ombre  de  fes  oreilles  (d); 
comme  l'on   ne   prend  pas   la  peine  de 
l'étriller,  il  le  roule  fouvcnt  fur  le  gazon, 
fur  les  chardons,  fur  la  fougère,  &  la.is 
fe    foucicr   beaucoup    de   ce   qu'on   lui 
fait  porter ,  il  fe  couche  pour  fe  rouler 
toutes  les  fois  qu'il  le   peut ,    &  fcmhic 
par-là  reprocher  à  fon  maître  le  peu  cJf. 
foin  qu'on  prend  de  lui  ;   car  il  ne  fe 
vautre   pas    comme   le   chcvai    dans   i\ 
fange  &  dans  l'eau  ,    il  craint  même  dt 
fe    mouiller    les    pieds ,    &    fe   détournt' 
pour  éviter  la  boue;  auffi  a-t-il  la  jambe 
plus  sèche  &  plus  nette  que  le  cheval;  if 
eft  fufcepiible  d'éducation  &   l'on  en  a 
vu   d'alîez   bien   drcffés  (e J  pour  faire 
curiofiié  de  fpcélacle. 

(dj   \'()yez  Cardan  ,  ds  fuhtilitnte  ,  \\h.  X, 
(e)    l'iik  Ahlrovanih  de  (pirJrud,  Jolidi^'ccû.W 


'     cte  ïAfne^  IP  5  5 

Dans  la  première  jeunefîè  il  efl  gar , 
&  même  aiTez  joli ,    il  a  de  la  légèreté 
&.  de  la  gentillefTe  ,  mais  il  la  perd  bien- 
tôt, foie  par  i'âge ,  foit  par  les  mauvais 
traitemens ,  &  il  devient  lent ,  indocile  & 
lêiu  ;  il  n'efl  ardent  que  pour  le  plaifir , 
ou  plutôt  il  en  efl  furieux  au  point  que 
rien  ne  peut  le  retenir  ,   &  que  l'on  en 
a  vu  s'excéder  &  mourir  quelques  inf- 
tans  après;    &  comme  il  aime  avec  une 
efpèce  de  fureur  ^  il  a  aufîi  pour  fà  pro- 
géniture le  plus  fort  attachement,   Pline 
nous  afTure  que  lorfqu'on  féparc  la  mère 
de    fon    petit ,    elle    paiîè  à  travers  les 
flammes  pour  aller  ie  rejoindre  ;  il  s'at- 
tnche  aufîi   à  fon  maître  ,   quoiqu'il  en 
foit   ordinairement  maltraité ,   il   le    fcnt 
de  loin  &  le  diftingue  de  tous  les  autres 
hommes  ;  il  reconnoîi  aufîi  les  lieux  qu'il 
a  coutume  d'habiter ,  les  chemins  qu'il  a 
Iréquentés  ;  il  a  les  yeux  bons ,  l'odorat 
admirable,  fur-tout.pour  les  corpufcules 
de  i'anefTe,    l'oreille   excellente,  ce  qui 
a  encore  contribué  à  le  faire  mettre  au, 
nombre  des   animaux  timides  ,    qui  ont 
tous ,  à  ce  qu'on  prétend  ,  l'ouïe  très- 
iine  &  les  oreilles  longues  ;  iorfqu'on  Ifi' 

G  yj 


.    : 


ï  5  ^        Hifloire  Nûîtirelk 

furcharge,  il  le  marque  en  inclinant  îa 
tête  &  baiflànt  les  oreilles  ;  lorfqu'on  le 
lonrmente  trop,  il  ouvre  ia  bouche  & 
retire  les  lèvres  d'une  manière  très-défa- 
gréable,  ce  qui  lui  donne  l'air  moqueur 
&  derifoire;  i\  on  lui  couvre  les  yeux, 
îl  rcfte  immobile ,  &  iorfqu'il  ell  couché 
fur  k  côté  ,  fi  on  lui  place  la  tête  de  ma- 
nière que  l'œil  foit  appuyé  fur  la  terre,  & 
qu'on  couvre  l'autre  œil  avec  une  pierre 
ou  un  morceau  de  bois,  il  reftera  dans 
cette  fituaiion  flms  faire  aucun  mouve- 
jiient  &  fans  fe  fccouer  pour  fe  relever  ; 
5i  marche^  il  trotte  &  il  g^loppe  comme 
le  cheval,  mais  tous  ces  mouvemcns  font 
petits  &  beaucoup  plus  lents  ;  quoiqu'il 
puifTe  d'abord  courir  avec  allez  de 
vîiefîe,  il  ne  peut  fournir  qu'une  petite 
carrière  ,  pendant  un  petit  cfpace  de 
temps;  &  quelque  allure  qu'il  prenne, 
il  on  le  prcfîc  il  efl  biciKot  rendu. 

Le  cheval  hennit  ^  l'âne  brait ,  ce  qui 
fe  fliit  par  un  grand  cri  très  long,  ires- 
déiagréablc  ,  &  diilordant  par  di/îo- 
nances  ;ilcr natives  de  l'a'gu  au  grave  de 
du  grave  à  l'aigu  ;  or.li'iaircmcni  il  ne 
crie  que  loiAp'il  cil  prtiîé  d'amour  ou 


(te  rAfîie,  157 

d'app^tît  ;  rânefTe  a  la  voix  pîais  claire  & 
|)lus  perçante  ;  l'âne  qu'on  fait  hongre 
ne  brait  qu'à  baflc  voix  ,  &  quoif[u'iI 
paroifî'e  faire  autant  d*efForts  &  fes  mêmes 
rnouvemcns  de  fa  gorge,  fon  cri  ne  fe 
fait  pas  entendre  de  ioiif. 

De  tous  les  animaux  couverts  de 
poil  ,  l'âne  efl  celui  qui  eft  le  moins 
iîijet  à  la  vermine  ,  jamais  il  n'a  de 
poux  ,  ce  qui  vient  apparemment  de 
ia  dureté  &  de  h  fécherefTe  de  fa  peau 
qui  cil  en  effet  plus  djre  que  cciie  de 
ia  plupart  des  autres  quadrupèdes  ;  & 
c'cil  par  la  même  raifon  qu'il  cfl  bien 
moins  fenfible  que  le  cheval  au  fouet  & 
à  la  piqûre  des  mouches. 

A  deux  ans  &  demi  les  premières 
(lents  incifives  du  milieu  tombent ,  & 
cnfuite  les  autres  incifives  à  côté  des 
premières  tombent  auffi  <5c  fe  renou- 
vellent dans  le  même  temps  &  dms  le 
même  ordre  que  celles  du  cheval:  l'on 
connoît  aufîi  l'âge  de  fane  ji:ir  les  dents , 
it'i  troifièmes  incifives  de  chaque  côté  le 
ina»rc|uent  comme  dans  le  cheval. 

Dès   l'a ore   de  deux  ans  l'âne  cfl  en 
o 

état  d'engendrer;  ia  feinelic  clt  encore 


\ 


'1 5  8         BJlohe  Naturelle 

plus  précoce  que  le  niiile  ,  &  elle  efl 
tout  aui/i  lafcive ,  .c'eft  par  eeiie  raifon 
qu'elle  eft  très-peu  fcGonde ,  elle  rcjeuc 
au  dehors  la  liqueur  qu'elle  vient  de 
recevoir  dans  l'accouplement,  à  moins 
qu'on  n'ait  foin  de  lui  ôicr  promptetnent 
Il  fenfation  du  plaifir ,  en  lui  donnant 
des  coups  pour  calmer  la  fuite  des  con- 
vuliions  &  des  mouvemcns  amoureux , 
fans  cette  précaution  elle  ne  reiiendroit 
que  très -rarement  :  le  temps  le  plus 
ordinaire  de  la  chaleur  e(t  le  mois  de 
mai  &  celui  de  juin  ;  lorfqu'elle  cil 
pleine,  la  chaîna*  celle  bientôt,  & 
dans  le  dixième  mois ,  le  lait  paroît  dans 
ies  mamelles  ;  elfe  met  bas  dans  le  dou- 
zième mois,  &  fouvcnt  il  fc  trouve  des 
morceaux  ioHdes  dans  la  licjueur  de 
i'amnios  ,  femblables  à  l'hippomanès  du 
poulain  ;  iept  jours  après  raccouche- 
ment  in  chaleur  fe  renouvelle ,  &  l'antllc 
efl  en  état  de  recevoir  le  maie,  en  iorie 
qu'elle  peut,  pour  ainfi  dire,  continuci- 
icment  engendrer  <Sc  nourrir  ;  elle  ne 
produit  qu'un  peut ,  &  li  rarement 
deux  ,  qu'à  peine  en  a-t  on  des  exem- 
ples :  au  bout  de  cinc^  ou  fix  moi^  ou 


(Je  TApîc.  I  5(> 

peiU  fêvrer  l'ânon ,  &  cela  efl  même 
nécedaiie  fi  la  mère  eft  pleine  ,  pour 
qu'elle  puifTe  mieux  nourrir  Ton  fœtus. 
L'âne  étalon  doit  être  choift  parmi  les 
])lus  grands  &  les  plus  forts  de  fon 
tlpèce ,  il  faut  qu'il  ait  au  moins  trois 
ans  ,  &  qu'il  n'en  pafîë  pas  dix  ,  qu'ii 
ait  'es  jambes  hautes ,  le  corps  étoffe  , 
la  têie  élevée  &  légère  ,  les  yeux  vifs , 
les  nafeaux  gros ,  l'encolure  un  peu 
longue,  le  poitrail  large,  les  reins  char- 
nus, la  côte  large,  la  croupe  platte,  la 
(lucue  courte,  ie  poil  luifmt ,  doux  au 
loucher  &  d'un  gris  foncé. 

L'âne  ,  qui  comme  le  cheval  eft  trois 
ou  quatre  ans  à  croître  ,  vit  aufli  comme 
lui  vingt- cinq  ou  trente  ans;  on  pré- 
v.nd  feulement  que  les  femelles  vivent 
ordinairement  plus  long-temps  que  les 
înâies ,  mais  cela  iie  vient  peut-être  que 
de  ce  qu'étant  fouvent  pleines  ,  elles 
font  un  peu  plus  ménagées  ,  au  lieu 
qu'on  excède  continuellement  les  mâles 
de  fatigue  &  de  coups  ;  ils  dortncnt 
îvioins  que  les  chevaux,  &  ne  fe  cou- 
chent pour  doimir  que  quand  ils  font 
cxccdcs  ;    l'âne   étalon   dure  uulîi  plus 


l6o   ,      'Hipoke  Naturelle 

Iong»lcmps  que  le  cheval  étalon  ;  plus 
iJ  ert  vieux  ,  plus  il  paroît  ardent ,  &  en 
général  la  fanté  de  cet  animai  eft  bien 
plus  ferme  que  celle  du  cheval  ;  il  eft 
moins  délicat ,  &  il  n'cfl  pas.  fujet ,  à 
beaucoup  près ,  à  un  auffi  grand  nombr'e 
de  maladies  ;  les  Anciens  même  ne  lui 
en  connoifToient  guère  d'autres  que  celle 
de  la  morve ,  à  laquelle  il  eft  ,  comme 
nous  l'avons  dit ,  encore  bien  moins 
fujet  que  le  cheval. 

Il  y  a  parmi  les  ânes  difFércntes  races 
comme  parmi  les  chev^aux ,  mais  que 
l'on  connoîi  moins ,  parce  qu*on  ne  les 
a  ni  foignés  ni  fui  vis  avec  la  même  at- 
tention ;  feulement  on  ne  peut  guère 
douter  que  tous  ne  foient  originaires  des 
climats  chauds  :  Ariftote  (f)  afTure  qu'il 
n'y  en  avoir  point  de  fon  temps  en 
Scythic ,  ni  dans  les  autres  j^ays  fep- 
tcntrionaux  qui  avoifincnt  la  Scythic, 
ni  mcme  dans  les  Gaules  ,  dont  le  cli- 
mat,  dit- kl,  ne  laiffe  pas  d'éire  froid; 
&  il  ajoute  que  le  climat  froid  ,  ou  les 
empêche  de  produire  ,  ou  les  fait  dégé- 
nérer ,  <Sc  que  ç'eft  par  cette  deraicre 
{'fj  y^'^i^  Arijht,  de  ^encrât,  animuli  lib«  II, 


^e  lAffifi  l6î 

nlfon  que  dans  l'IIlyrie,  la  Thrace  & 
rÉj.ire  ils  font  petits  &  foibles  ;  ils  font 
encore  tels  en  France,  quoi(|ir'iiS  y  foient 
fit'jà  aficz  anciennement  naturalifes ,  & 
que  le  froid  du  climat  foie  bien  diminué 
depuis  <!it\\\  mille  ans  par  la  quantité 
de  forêts  al  attues  &  de  marais  dcfîcchés  ; 
mais  ce  qui  puroît  encore  plus  certain  , 
c'eft  qu'ifs  font  nouveaux  (g)  pour  h 
Suède  &  pour  les  narcs  pays  du  nord  ; 
ils  j)aroifîent  être  venus  originairement 
d'Arnf;ie  ,  &.  avoir  pnlTé  d'Arabie  ca 
Egypte,  d'Egypte  en  Grèce,  de  Grèce 
en  Italie,  dTialic  en  France^  &  enfuite 
en  Allenipgne,  en  Angleterre,  &  enfin 
en  Suède  ,  &c,  car  ils  font  en  effet 
d'autant  riioins  forts  &  d'autant  plus  petiis^ 
que  les  climats  font  plus  froids. 

Cette  migration  paroît  afTcz  bien 
prouvée  par  îe  rapport  des  voyageurs. 
Chardin  (h)  dit  «qu'il  y  a  de  deux  fortes 
d'ânes  en  Perfe ,  les  ancs  du  pays ,  «< 
qui  font  lents  &  pefanS;  &  dont  on  ne  ce 

(g)  Vide  LimuTt  Fnunam  fuecicanu 

(h)  \'oyci  le  voyage  de  Chardin,  mis  lî ,  }^ag$$. 


î62         Hijlolre  Niiîurelk 

y>  (c  iert  ([ue  pour  porter  des  fardeaux , 
»  &  une  race  dancs  d'Arabie,  (jui  font 
>>  de  fort  jolies  bêtes  ôi  les  jiremicrs 
»  Anes  du  monde  ;  ils  ont  le  poil  poli , 
53  la  tête  haute ,  les  pieds  légers  ,  ils  les 
>3  lèvent  avec  a<îlioii ,  marchant  bien  ,  & 
3>  l'on  ne  s'en  iert  que  pour  montures  ; 
»  les  felles  qu'on  leur  met  font  comme 
33  des  bâii  ronds  &  plats  par  -  dcfTus , 
33  elles  font  de  drap  ou  de  lapilTerie  avec 
»  les  harnois  &  les  éiriers ,  on  s'aflied 
33  defl'us  plus  vers  la  croupe  que  vers  le 
33  cou  :  il  y  a  de  ces  ânes  qu'on  achette 
33  jufqu'à  quatre  cents  livres ,  &  l'on  n'en 
33  iauroU  avoir  à  moins  de  vingt-  cinq 
3>  piftoles  ;  on  les  panfe  comme  les  chc- 
33  vaux  ,  mais  on  ne  leur  apprend  autre 
33  chofe  qu'à  aller  l'ambie,  &  l'art  de  les 
33  y  dreOer  eft  de  leur  attacher  les  jambes, 
o3  celles  de  devant  &  celles  de  derrière 
3)  du  même  côté  ,  par  deux  cordes  de 
33  coton  ,  qu'on  fait  de  la  mefure  du 
33  pas  de  l'âne  qui  va  ï'ambie  ,  &  qu'on 
>3  (iilj)cnd  par  une  autre  corde  pafRe 
)3  dans  la  langle  à  l'endroit  de  l'ctrier; 
>3  des  efpèces  d'écuyers  les  montent  fuiv 


^  maiîn  &  les  exercent  à  cette  aîurc  ;  cç 
on  four  fend  les  nnfeaux  afin  de  leur  ce 
(Ji)iiner  plus  d'haleine  ,  &  ils  vont  fi  c< 
vrte  ,  qu'il  faut  galoppcr  pour  les  ce 
lliivre.  >5 

Les  Arabes,  qui  font  dans  l'habiiude 
de  conferver  avec  tant  de  foin,  &  de- 
puis Cl  long  -  teiDps  les  races  de  leurs 
chevaux  ,  prendroient-ils  la  même  peine 
pour  les  ânes  î  ou  plutôt  ceci  ne  feinble- 
t-îl  pas  prouver  que  le  climat  d'Arabie? 
cil  le  premier  &  le  meilleur  climat  pour' 
les  uns  &  pour  les  autres  l  de -là  ils 
ont  paiïe  en  Barbiirie  fij,  en  Egypte, 
cil  lis  font  beaux  &  de  grande  taille , 
aulli-b-en  que  dans  les  climats  exccfî]- 
vemeni  chauds ,  comme  aux  Indes  &  en 
Guinée  f^J,  où  ils  font  plus  grands, 
plus  forts  &  meilleurs  que  les  chevaux 
du  pays  ;  ils  font  même  en  grand  hon- 
neur à  Maduré  ('/J,  où  l'une  des  plus 


fij  Voyez  ie  Voyage  de  Shaw,  rome  1,  j^cgt 

:)  ^  '^'« 
fnj  V^oy.  le  voyage  de  Guinée  de  Bofman,  Utra/ir* 

(l)  Voyez  ies  Lettres  édiliantes,  douzième  recuci^^ 


1^6 4         Hifloh'C  Ndturelk 

confiJerables  &  des  plus  nobles  tributs 
des  ladcs  les  révère  j)aniculit'r€mciit , 
parce  (ju'ils  croient  que  les  anicj  ck^  toute 
Li  iioblcfTc  paHent  dans  le  corps  des  ânes; 
L\\^u\  l'on  trouve  les  rmci  en  plus  grande 
quaniité  que  les  chevaux  dans  tous»  les 
])ays  méridionaux  ,  dej)uis  le  Sénégal , 
jufqu'à  la  Chine;  on  y  trouve  aulii  (}i<L% 
ânes  fiuviiges  j)lus  coiiimunéinent  que 
des  chevaux  (auvages.  Lei  Latins ,  d'a- 
près les  Grecs,  ont  ap[)clé  l'âne  fauvage 
onager,  onagre,  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre comme  l'om  fait  (juelcjucj  Natu- 
rîilirtes  &  plufieurs  voyageurs ,  avec  le 
^èbre ,  dont  nous  donnerons  l'hiltoire  à 
part,  parce  que  le  /èbre  ell  un  animal 
d'une  efpèce  différente  de  celle  de  l'âne. 
L'onagre  ou  l'âne  lauvage  n'tft  point 
ïayé  comme  le  zèbre;  &  il  n'efl  pas  à 
beaucoup  près  d'une  figure  aufli  é!c- 
g:uite:  on  trouve  des  ânes  fiuvages  dans 
fjHclques  îles  de  l'Archipel  ,  c*k  particu- 
lièrement dans  celle  (m)  de  Cérigo  ;  il 
y   en  a  beaucoup    dans   les   défcns^  de 


(m)  Voyez  le  recueil  de   Pappcr,  /w/«  i8y 


Je  rAftie»  i6^ 

Lybic  v5c  Je  NitinicJic  fn),  ifs  font  gris 
&  courent  fi  vîtc ,    qu'il  n*y  a  que  les 
chevaux  barbes  qui  puifTcnt  les  aticindre 
à  la  courfe  ;  lorfqu'ils  voient  un  homme, 
ils  jettent  un  cri ,  fout  une  ruade  ,   s'ar- 
rêtent ,    &   ne  fuient    que  lorfqu'on  les 
api)roche;   on  les  prend  dans  des  pièges 
&  dans  les  lacs  de  corde,    ils  vont  par 
troupes  pâturer  &    boire,  on  en  mange 
la  chair.   Il  y   avoit  auffi    du   temps  de 
Marmol,  c\\\Q  je  viens  de  citer,  des  unes 
liuivages    dans  l'île  de   Sardaigne,    mais 
plus  petits  que  ceux  d'Afrique;  &  Pietro 
délia  Vaîle ,   dit    (o)   avoir   vu  un  une 
{imvage  à  BaHora;  la  figure  n'étoit  point 
diftérente  de  celle  des  ânes  domeftic|ues, 
il  ctoit    feulement    d'une    couleur   plus 
cbirc,  ik  il  avoit  depuis  la  tête  jufqu'à 
la   queue ,   une  raie   de   poil  blond  ,    iï 
éroit  auffi  beaucoup  plus  vif  <?c  plus  lé- 
ger à  la  courte  que  les  ânes  ordinaires. 


(y)  ViJe  Leonis  Afric,  de  Africit  cicfcrlpt,  rom.  IF," 
iw,  ^2;  &.  rAfrK|uc  de  Marmol ,  tome  I,  jujgf.  ^^^ 

(0)  Voyez  les   voyages  de  Pkrro  dclla  Vaile, 


I  66         J.j?clre  Naturelle 

Olcarius  (p)  rapporte  qu'un  jour  îc  roî 
(\(i  Fer(c  le  fit  monter  avec  lui  dans  un 
petit  bâtiment  en  forme  de  théâtre  j^our 
faire  collation  de  fruits  &  de  confitures  ; 
qu'après  le  repas  on  fit  entrer  trente-deuK 
ancs  fauvagcs  fur  lefjucls  le  Roi  tira  quel- 
ques coups  de  fufil  &  de  flèche,  &  qu'il 
permit  enfuite  aux  Ambafï'adeurs  <St  au- 
tres Seigneurs  de  tirer;    que  ce   n'étoit 
pas  un   petit  divertiflement  de   voir  ces 
iines,  chargés  qu'ils  ctoient  quelque  fois 
de  plus  de  dix  flèches  ,  dont  ils  incoin- 
modoient  &  blefToicnt  les   autres  quand 
ils  fc  mêloicnt  avec  eux ,  de  forte  qu'ils 
fc  mettoicnt   à  (e   mordre   &   à  ruer  les 
uns  contre  les  autres  d'une  étrange  f  içon, 
&  que  quand  on  les  eut  tous  abattus  & 
couchés  de  rang  devant  le  Roi ,  on  les 
envoya  à  Ifpahan  à  la  cuifinede  la  Cour; 
les   Pcrfàns  faifant   un  fi  grand  état  de 
la  chair  de  ces  ânes  (àuvages ,  qu'ils  en 
ont  fait  un  proverbe ,    &c.   Mais  il  n'y 
a   pas   apparence   que    ces  trente  -  dctix 
^nts  fauvages  fiilîent  tous  pris  dans  les 

fp)  Voyez,  fe  voyage  d'Adam  Olearius.  Pûih, 
[t  6 ^ 6,  tome  1 ,  p<iQc  j  1 1* 


forêt 
/in es  ( 
pour 
de  le. 
Or 
rîqijc, 
cjtic  Je 
rii|uc  I 
qu'auc 
y  ont 
ont  a/. 
&  dini 
niiiltij)i 
fiems 
vont   p 
dnns  d 
fauvagc 
L 'ai 
grands 
produit 
prcmie 
nous  r 
àe  la 
&c. 
i  ane 


""    '<le  l'Afne.  i6y 

forets  ,  &  c'ctoicnt  probahîcmwit  des 
fines  qu'on  clevoit  d.ins  de  grands  parcs 
pour  avoir  le  plaifir  de  les  chafltr  & 
de  les  manger.  '     '-'         - 

On  n'a  point  trouvé  d'ânes  en  Amé- 
rique, non  plus  que  de  chevaux,  quoi- 
que le  climat,  fur-tout  celui  de  l'Ame'- 
rique  méridionale,  leur  convienne  autant 
qu'aucun  autre;  ceux  que  les  Efpagnols 
y  ont  tranfportés  d'Europe ,  &  qu'ils 
ont  abandonnes  dans  les  grandes  îles 
&  dans  le  continent,  y  ont  beaucoup 
muliipli-é,  &  l'on  y  trouve  fi])  en  plu- 
iicurs  endroits  des  ânes  fauvages  qui 
vont  pnr  troupes  ,  &  que  l'on  prend 
dans  des  pièges  comme  les  chevaux 
fauvages. 

L'iine  avec  fa  jument  produit  les 
grands  mulets ,  le  cheval  avec  l'ânefîc 
produit  les  petits  mulets ,  difFerens  des 
premiers  à  plufieurs  égards ,  mais  nous 
nous  réfervons  de  traiter  en  particulier 
de  la  génération  des  mulets,  des  jumars, 
&c.  éi  nous  terminerons  i'hiftoire  de 
î'àne  par  celle  de  Tes  propriétés  &  des 

((])  V())ez  le  nouveau  voyage  aux  îles  de  l'Amc- 


ié8      '    Hijîme  Ndîurclk 

ufages   auxquels    nous    pouvons    rem- 
ployer.        <  •  ;  '         ; 

Comme  les  ânes  fauvages  font  in- 
connus dans  ces  climars,  nous  ne  pou- 
vons pas  dire  fi  leur  chair  cil  en  ef}êt 
bonne  à  manger;  mais  ee  qu'il  y  a  de 
fur ,  c'eit  que  celie  des  ânes  domediques 
cil  très-niauvaife  ,  &  plus  mauvaifc  ,  plus 
dure,  plus  defigréabiement  infipide  f[ue 
celle  du  cheval  ;  Galien  fr)  dit  même 
que  c'ell  un  aliment  pernicieux  &  qui 
donne  des  maladies  ;  le  lait  d'âneflè  au 
contraire  cft  un  remède  éprouvé  ik  (\m^- 
cificpic  pour  certains  maux  ,  &l  l'ulage 
de  ce  remède  s*e(l  coii(crv<^  depuis  les 
Grecs  jutc|u\\  nous  ;  pour  l'avoir  de 
bonne  qualité,  il  faut  choifir  une  ânetlc 
jeune ,  faine ,  b^en  en  chair ,  qui  ait 
niii  bas  depuis  peu  de  temps,  &  qui 
.n'ait  pas  été  couverte  depuis  ;  il  fuie 
lui  ô;er  i'anon  qu  elle  alaitc ,  la  tenir 
propre,  la  bien  nourrir  de  foin  ,  d  avoine, 
d'orge  &  d'herbes  dont  les  qualités  filii- 
taires  puiffcnt  influer  fur  la  maladie,  avoir 
atteL\tion  de  ne  pas  Liilfcr  refroidir  le  lair, 
éc  même  ne   le  pas  cxpofcr   à  l'air,  ce 

(rj  VifU  Gakn,  (k  a/imm,  faculf,  lib,  Uh 

qui 


a»  VAfne:  'î6t^ 

4ÏUÎ  le  gateroît  en   peu   de  temps. 

Les  Anciens  attribuoiônt  aufîi  beaucoup 
de  vertus  médicinales  au  fang ,  à  l'urine, 
&c.  de  Tane,  &  beaucoup  d'autres  qua- 
lités Tpécifiqucs  à  fa  cervelle,  au  c<3eur,  au 
fuie,  &c.  de  cet  animal  ;  mais  l'expcrrcnce 
a  détruit ,  ou  du  moins  n'a  pas  confirme 
ce  qu'ils  nous  en  di(ent. 

Comme  la  peau  de  l'anc  efl  très  -  dure 
di  très-élaiUque  ,  On  i'emploie  utilement 
il  diffcrcns  ufages,  on  en  fait  des  cribles, 
âes  tambours,  ôc  de  très- bons  foulicrs; 
ou  en  fait  du  gros  parchemin  pour  les 
tablettes  de  poche  ,  que  l'on  enduit 
d'une  couche  légère  de  plâtre  ;  c'cfi. 
auiii  avec  le  cuir  de  l'âne  que  les  Orien- 
taux font  le  fagri  (^sj,  que  nous  appelons 
cliûgrin.  Il  y  a  apparence  que  les  os, 
comme  la  peau  de  cet  animal,  font  aufîc 
plus  durs  cjue  les  os  des  autres  animaux, 
puitjue  les  Anciens  en  fiifoient  des 
times ,  &  qu'ils  les  trouvoicnt  plus  fon- 
naïues  que  tous  les  autres  os. 

LTmeell  peut-être  de  tous  les  animaux 
ccîui  qui,  relativement  à  fun  volume, 
peut   porter   les   plus   grands   poids  ;   & 

/^îj  Voyez  le  voyage  de  l'hcvenot.  T,II,p.  ^>^% 

Tome  VI.  H 


lïjo     Hîjfohe  'Naturelle ,  &c: 

comme  il  ne  coûte  prefque  rien  à  nourrir, 
&  qu'il  ne  demande,  {)our  ainfi  dire, 
aucun  foin  ,  il  cft  d'une  grande  utilité 
à  la  campagne,  au  moulin,  &c.  Il  peut 
aufll  fervir  de  monture,  toutes  fes  allures 
font  douces,  &  il  bronche  moins  que 
le  cheval;  on  le  met  fouvent  à  la  charrue 
dans  les  pays  où  le  icrrein  cft  léger,  & 
fon  fumier  efl  un  excellent  engrais  pour 
les. terres  fortes  &  humides. 


ï/t 


L  E    B  m  U  F. 

LA  furfacc  de  la  terre,  parce  de  fà 
verdure,  efl  lé  fonds  incpuilable 
^  commun  duquel  l'homme  «5c  les  ani- 
maux tirent  leur  fubriflance  ;  tout  ce 
qui  a  vie  dans  la  Nature  vit  fur  ce  cjui 
végète  ,  &  les  vcge'taux  vivent  à  leur 
tour  des  débris  de  tout  ce  qui  a  vécu  & 
vt'gète  ;  pour  vivre  il  ûut  détruire,  &  ce 
n'ell  en  cfïèt  qu'en  détruiiànt  des  êtres 
que  les  :inimaux  peuvent  fc  nourrir  &  (c 
jiiultip'ier.  Dieu  en  créant  les  premiers 
individus  de  chaque  efpèce  d'animal  6c 
de  végétal ,  a  non  -  feulcnient  donné  l& 
forme  à  la  poulfière  de  la  terre ,  mais 
il  r.i  rendue  vivante  &  animée ,  en  ren- 
fsriiiant  dans  chaque  individu  une  quan- 
tité plus  ou  nîoi!«>  grande  de  principes 
actifs,  de  molécuks  organiques  vivantes, 
indcllruélibles  (a)  Sl  communes  à  tous 
les  êtres  orga'v.i'és  :  ces  molécules  pafTenc 
de  corps  en  corps ,  &  (ervent  égalcmejic 

fuj  VoycA  le  cliapitre  VI  &  fui  vans  du  troifiçnK 
volume  Je  (.eue  iliii;ire  Msturelle. 


ij-i  H'i flaire  NdturcJk 

à  la  vie  «(fluclle  <Sc  à  la  continuation  Je 
la  vie,  à  la  nutrition,  à  l'accioiflcmciu 
de  chaque  individu;  &  nprès  b  difîo- 
iution  du  corj^s ,  après  ù  deftrudlion, 
là  rcdu(^ion  en  cendres ,  ces  molécules 
organiques  ,  fur  Jeicjueiics  la  mort  ne 
peut  rien,  furvivent,  circulent  dana  l'U- 
nivers, pafîent  ilans  d'auircs  êtres  ^  y 
portent  la  nourriture  &  la  vie  :  toute 
produ<flion ,  tout  renouvellement,  tout 
accroiiTement  p;ir  la  génération  ,  par  la 
nutrition,  par  le  développement,  flip- 
polliit  donc  une  dellrudion  précédcn:e, 
une  converfion  de  lubilance,  un  tranl- 
port  de  ces  molécules  orguii([ucs  qui  ne 
fe  multiplient  pas  ,  mai>  qui  ,  lubiiitdîic 
toujours  en  jiombre  égal  ,  rendent  la 
Nature  toujours  également  vivan'c,  [x 
terre  éga'emcîit  peuplée  ,  &  toujours 
c'gâfemcnt  relp'cndifîaitc  de  la  premiùe 
gloire  de  celui  qui  l'a  créée. 

À  prendre  les  ê  res  ta  général,  le 
total  de  la  fjiianiité  de  vie  Cii  doiic 
toujours  le  même  ,  &  h  mort  qui  fèmble 
tout  <léiruire  ,  \^c  déirui-L  rien  de  cette 
\ie  ])jimiti\e  &  commune  à  tou:es  les 
.cQjcccs  d  tues  organileb  :  comme  icut« 


•     (h  Bœuf,  T7J' 

Jcs  antres  piiifTances  fuhorclonne'cs  5t 
fubaliernes  ,  la  mort  n'attaque  que  Icî 
indivitlus,  ne  frappe  que  la  furface,  ne 
détruit  que  la  forme ,  ne  peut  rien  fui* 
la  inaiitre ,  &  ne  f^it  aucun  tort  à  la 
Nature  qui  n'en  brille  que  davantaiçre, 
qui  ne  lui  permet  pas  d'anéantir  lc> 
cipèces ,  mais  la  laifîe  moiffonner  les 
individus  &  les  détruire  avec  le  temps ^ 
pour  le  montrer  eile  -  même  indépea-' 
dnnie  de  la  mort  &  du  temps  ,  pour 
exircer  à  cha([ue  inllant  fi  puiflance 
toujours  adive,  manifciter  fi  plénitude 
par  fa  fécondité  ,  &:  faire  de  l'Univers  y 
en  rcproduiiant,  en  renouvelant  les  êtres ^ 
un  théâtre  toujours  rempli,  un  fpe^ftacle 
lou jours  nouveau.  •   . 

Pour  que  les  êtres  fe  fucccdent ,  \ï 
eft  donc  néccfîaire  qu'ils  fe  détruUe.iï 
cntrVux  ;  pour  que  les  animaux  (b 
nourrllTent  &  fubfiHent  ,  il  faut  qu'ils 
detruifcnt  des  végétaux  ou  d'autres  ani 
miux  ;  &  comme  avant  «Se  après  Idî 
deftru£lion  la  quantité  de  vie  relie  tou- 
jours la  même ,  il  femble  qu'il  devrore 
eue  indifférent  à  la  Nature  que  telle  q\î 

lliij 


i  I 


m 


S74         Nlplrê  Naitjrélte 

telle  cfpèce  détruisît  plus  ou  moins; 
cependant,  comme  une  mère  économe, 
au  fein  même  de  l'abondance  ,  elle  a 
fixé  des  bornes  à  la  dépenfe  &  prévenu 
le  dégât  apparent ,  en  ne  donnant  qu'à 
peu  d'efpèces  d'animaux  l'inftindl  de  fc 
nourrir  de  chair,  elle  a  même  réduit 
à  un  aflez  petit  nombre  d'individus  ces 
efpèces  voraces  &  carnafllères ,  tandis 
qti'eile  a  multiplié  bien  plus  abondam- 
ment &  les  efpèces  &  les  individus  de 
ceux  qui  le  nourrirent  de  plantes ,  & 
que  dans  les  végétaux  elle  (emble  avoir 
prodigué  les  crj:)tce5,  &  répandu  dans 
chacune  avec  'profufion  le  nombre  &  la 
fécondité.  L'homme  a  peut-être  beau- 
coup contribué  à  féconder  (es  vues ,  à 
main'enir  de  même  à  éiablir  cet  ordre 
iu%la  terre;  car  dans  la  mer  on  retrouve 
cette  indiiîérence  que  nous  ruppoTions, 
toutes  les  efpèces  font  prefque  égale- 
ment voraces  ,  elles  vivent  fur  elles- 
mêmes  ou  fur  les  autres ,  &  s'entre- 
dcvorent  perpétuellement  fans  jamais  le 
détruire  ,  parce  que  la  fécondité  y  efl 
aufli  grande  que  la  déprédation ,  &  que 


{fit  Bœuf»  'i7j'. 

prcfqiie  t©n(e  la  nourriture  ,  toute  la 
coiirommation  tourne  au  profit  de  la 
reproduction. 

L'homme  fait  ufer  en  maître  de  fi 
puilTance  fur  les  animaux  ,  il  a  choifi 
ceux  dont  la  chair  flatte  fon  goût ,  il 
en  a  fait  des  efclaves  domeftiques  ,  i[ 
les  a  multipliés  plus  que  la  Nature  ne 
1  i'auroit  fait,  il  en  a  forme  des  troupeaux 
nombreux ,  &  par  les  foins  qu'il  prend 
de  les  faire  naître,  il  femble  avoir  acquis 
le  droit  de  fe  les  immoler  ;  mais  il  étend 
ce  droit  bien  au-delà  de  fes  befoins , 
car  inde'pendamment  de  ces  efpèces 
(ju'il  s'efl  aflujettics,  &  dont  il  difpofe 
à  fon  gré ,  il  fait  aufîl  la  guerre  aux 
animaux  fiuvages  ,  aux  oileaux  ,  aux 
poiffons ,  il  ne  fe  borne  pas  même  à 
ceux  du  climat  qu'il  habite,  ii  va  cher- 
cher au  loin  ,  &  jufqu'au  milieu  âcs 
mers,  de  nouveaux  mets,  &  la  Nature 
emicre  femble  fuffire  à  peine  à  fon 
intempérance  <&  à  rinconftanie  variété 
de  fes  appétits  ;  l'homme  confomme , 
engloutit  lui  feul  plus  de  chair  que  tous 
les  animaux  enfemble  n'en  dévorent;  il 
«Il  doac  le  plus  grand  deftrudeur,  Ôc 

H  iii; 


^ï/^  t-l'ifl(nre  Naturelle 

c*cft  plus  par  abus  que  par  neccfTrié  ) 
au  lieu  de  jouir  moclcréiricnt  des  Liens 
qui  lui  font  ofîèrts  ,  au  lieu  de  les  dif- 
penlcr  avec  équité,  au  lieu  de  réparer 
à  mefure  qu'il  déiruît  ,  de  renouveler 
lorfqu'il  anéantit  ,  l'homme  riche  met 
touie  fa  g^Ioire  à  confoîîimer ,  louic  ià 
grandeur  à  perdre  en  un  jour  iVfaiaLlç 
plus  de  biens  qu'il  n'en  faudioit  pour 
faire  fubfifler  plufieurs  familles  -,  il  abule 
égnlcm^  nt  ôl  des  animaux  &  des  hom- 
mes ,  dont  le  refle  demeure  affamé, 
languit  dans  la  misère  ,  &  ne  travaiilç 
que  pour  fatfsfaire  à  l'appétit  immodéré 
êi  à  la  vanité  encore  plus  infatiable  de 
cet  homme  ,  qui  ,  détrullant  \qs  autres 
p;ir  ia  diiéue ,  le  détruit  lui-même  par 
les  excès; 

Cependant  l'homme  pourroît,  comme 
l'animal,  vivre  de  végétaux;  la  chair  qui 
paroît  être  fi  analogue  à  la  chair,  n'cil 
pas  une  nourriture  meilleure  que  les 
graines  ou  le  pain ,  ce  qui  fait  la  vraia 
nourriture  ,  celle  qui  contribue  à  la 
nutrition  ,  au  développement  ,  à  l'ac- 
croinèment  &  à  l'entretien  du  corps, 
n'ell  pas  cette  maiicre  brute  qui  cora- 


Ju  Bœuf,    '  '•  177 

pofe  à  nos  yeux  la  texture  de  la  chair 
ou  de  l'herbe ,  mais  ce  font  les  mole- 
tuics  organiques  que  l'un  &  l'autre 
contiennent ,  puilque  le  bœuf,  en  pait- 
(ani  l'herbe  ,  acquiert  autant  de  chnir 
que  rhoinjnc  ou  que  les  animaux  qui 
rc  vivent  que  de  chair  &  de  fang  :  la 
feule  dilîcrence  réelle  qu'il  y  ait  entre 
ro  aliinens ,  c'eft  qu'à  volume  égal ,  la 
I  chair  ,  le  ble  ,  les  graines  contiennent 
k\uicouj)  plus  de  molécules  organiques 
que  l'herbe  ,  les  feuilles  ,  les  racines  <& 
les  autres  parties  des  plantes  ,  comme 
nous  nous  en  fommes  allures  en  obier- 
vant  les  infufions  de  ces  différentes 
nidiièrcs  ;  en  forte  que  l'homme  &  les 
animaux  dont  l'eftomac  &l  les  intell ins 
n'ont  pas  allez  de  capacité  pour  ad- 
mettre un  très-crrand  volume  dalimcns, 
m:  pourrcjient  pas  prendre  allez  d'herbe 
(Our  en  tirer  la  quantité  de  molécules 
organiques  nécediiire  à  leur  nutrition  ; 
ik  c'clt  j^ar  cette  rnifon  cjue  l'homme 
&  les  autres  animaux  f(ui  n'ont  qu'un 
cilomac  ne  peuvent  vivre  que  de  chair 
ou  de  graines,  qUi  dans  un  petit  volume 
condciuient  une   très  -  grande    quantité 

H  V 


178         'Hifloke  Naîure)}e 

de  ces  molécules  organiques  nutritives, 
tandis  que  le  bœuf  &  les  autres  ani- 
maux ruminans  qui  ont  plufieurs  cflo- 
macs  j  dont  l'un  eft  d'une  très -grande 
capacité,  &  qui  par  conféquent  peuvent 
fe  remplir  d'un  grand  volume  d'herije 
en  tirent  aflfez   de  molécules  organicjues 

f)our  fe  nourrir,  croître  &  multiplier; 
a  quant iié  compenic  ici  la  qualité  de 
la  nourriture ,  mais  ie  fonds  en  eft  le 
niêjne ,  c'eft  la  même  matière  ,  ce  font 
ics  mêmes  molécules  organiques  (jui 
iiourriflent  le  bœuf,  l'homme  Ôa  tous 
les  animaux. 

On  ne  manquera  pas  de  m'oppofer 
que  le  cheval  n'a  qu'un  eflomac  ,  & 
même  afïèz  petit;  que  l'âne,  le  lièac 
&  d'autres  animaux  qui  vivent  d'herjje 
n'ont  aulfi  qu'un  ellomac ,  ê<  que  par 
confcquent  cette  explication,  quoique 
vriifemblable  ,  n'en  eft  peut  -  être  ni 
plus  vraie  ,  ni  mieux  fondée  ;  cepen- 
dant, bien  loin  que  ces  exceptions  appa» 
rentes  la  déiruifent ,  elle^  me  paroiffcnt 
au  contraire  la  confirmer,  car  qi  oique 
le  cheval  <Sc.  l'âne  n'aient  ç\\  'un  tH  mac , 
ii:>  ont  des   pocher   dam    ks  iuuAin^) 


////  Bœuf,  179 

d^unc  (i  grande  capacité  ,  qu'on  peut 
les  comparer  à  la  panie  des  animaux 
ruininans ,  ôc  ic$  iièvres  ont  l'intcftin 
ccecum  d'une  fi  grande  longueur  & 
d'un  tel  diamètre  ,  qu'il  équivaut  au 
moins  à  un  (ccond  eliomac  ;  ainfi  il 
n'eft  pas  étonnant  que  ces  animaux 
pui/rcm  fe  no'  rrir  d'herbe,  &  en  gé- 
néral on  tf'  uvera  toujours  que  c'eft 
de  la  capaci  totale  de  l'eflomac  5c 
des  intefiins  .ue  dépend  dans  les  ani- 
maux la  divcrfiié  uc  leur  manière  de  (e 
nourrir;  car  les  ruminans  ,  comme  le 
bœuf,  le  bélier ,  le  chameau  ,  &c.  ont 
quatre  eftomacs  &  des  intcftins  d'une 
longueur  prodigieufe  ;  aufli  vivent  -  ilf. 
d'herbe ,  &  l'herbe  feule  leur  fuffit  :  les 
chevaux,  les  ânes,  les  iièvres,  les  lapins, 
les  cochons  d'inde,  <Stc.  n'ont  qu'un  efto- 
mac,  nuis  ils  ont  un  cœcum  qui  équi-» 
vaut  à  un  fécond  eftomac,  &  Us  vivent 
d'herbe  &  de  graines  ;  les  fangliers ,  les 
liériflons ,  les  écureuils  j  &c.  dont  l'ef- 
toinac  &  les  boyaux  font  d'une  moindre 
capacité,  ne  mangent  que  peu  d'herbe,  & 
vivent  de  graines,  de  fruits  «5t  de  racines; 
&    ceux    (jui  ;  comme    les    loups  ,  \qs 

H  vj 


IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


// 


1.0 


l.l 


1^    lia 


2.5 


2£ 

1.8 


1.25     1.4    II  1.6 

■• ^ 6"     

► 

Photographie 

Sdences 

Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  MS80 

(716)  872-4503 


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1 8  o         Hipdre  NciUmlie 

renards  ,  les  tigres ,  ôlc,  ont  i  eflomac  ^ 
les  intedins  d'une  plus  peiiie  capacité  que 
tous  les  autres ,  re!ativement  au  volume 
de  leur  corps,  font  obligés,  pour  vivre, 
de  choifir  les  nourritures  les  plus  fuceu-. 
lentes,  les  plus  abondantes  en  molécules 
organiques ,  &  de  manger  de  la  chair  & 
du  lang,  des  graines  &  des  fruits.  p  rv 
j  C'cli  donc  (ur  ce  rapport  jjhyfiquc 
&  nccelTaire  ,  beaucoup  plus  que  îur 
la  convenance  du  goût ,  qu'eft  fondée 
la  diverfité  que  nous  voyons  dans  les 
appétits  des  animaux  ;  car  fi  fa  nécefliié 
ne  {qs  déterrainoit  pas  plus  fou  vent  que 
le  goût  ,  comment  pourroient  -  ils  dé- 
vorer la  chair  infe<^e  &:  corrompue  avec 
nutant  d'avidité  que  la  chair  fucculente 
&  fraîche  !  pourquoi  mangcroient  -  ils 
également  de  toutes  fortes  de  chair  \ 
nous  voyons  que  les  chiens  domeftiqucs 
qui  ont  de  quoi  choifir  rcfufent  affez 
coallamment  certaines  viandes,  comme 
Ja  bécalfc  ,  la  grive  ,  le  cochon  ,  &c. 
tandis  que  les  chiens  lauvages,  les  loups, 
les  renards  ,  &c.  mangent  également ,  & 
la  chair  du  cochon ,  &  la  bécafie ,  & 
΀s  oiieaux  de  tomes  efpèces,  &  mêtuç 


ïn( 
l'ii 


rf' 


'du  Bœuf,       \  .      'iSîi 

!cs  grenouîîles  ,  car  nous  en  avons- 
trouvé  deux  dins  l'cftomac  d'un  loup  ; 
&  lorfciue  la  chair  ou  le  poifîbn  leur 
manque  ,  ils  mangent  des  fruits ,  des 
graines,  des  railins,  &c.  &  ils .  préfè- 
rent toujours  tout  ce  qui ,  dans  un  petit 
volume,  contient  une  grande  quantité 
«le-  parties  nutritives  ,  c'eit  -  à  -  dire ,  de 
molécules  organicfues  propres  à  ia  nu- 
trition &  à  i'entretien  du  corps. 

Si    ces    preuves    ne     paroifTcnt    pns 
fufïifantes  ,   que  l'on    confidère  encore 
{a  manière    dont    on    nourrit    le    bétail 
que  l'on. veut  engraifler  ;  on  commence» 
par  la  caltraiion  ,    ce  qui    fupjjrimc  la. 
voie   par    laquelle    les    molécules   orga- 
niquci  s'échappent  en  plus  grarde  abon- 
dance ;    eniuiic  >  au    lien    de.  ItilTer    le 
bœuf  à  fa  pâture  ordinaire  &  à  l'herbe, 
pour    toute    nourriture  ,   on   lui   donne. 
du  fon  ,  du  grain ,  des  navets,  des  ali- 
mens  en    un  mot  plus    lubftaniids  (juc 
l'herbe  ,  &  en  très  peu  de  leinj.s  la  quan- 
tité  de   la   chair   de    l'animal   augmente , 
les  fucs  &  la  graiffe  abcaident ,  &  font 
fi'mie  chair  allez  duce  &  aflez  sèche  pat 


rfi         Hiftoire  Naturelle 

die- même,  une  viande  fuccufenfe  A: 
fi  bonne  ,  qu'elle  fait  la  ba(e  de  nos 
meilleurs  repas. 

Il  réfulte  aufli  de  ce  que  nous  ve- 
nons de  dire ,  que  l'homme ,  dont  l'ef^ 
tomac  &  les  iiueflins  ne  font  pas  d*unc 
très  -  grande  capacité  relativement  au 
volume  de  fon  cor  psi ,  ne  pourroit  pas 
■vivre  d'herbe  feule  ;  cependant  il  eft 
prouvé  par  les  faits,  qu'il  pourroît  bien 
vivre  de  pain,  de  légumes  &  d'autres 
graines  de  plantes ,  puifqu'on  connoît 
des  nations  entières  &  des  ordres 
d'hommes  auxquels  la  religion  défend 
de  manger  de  rien  qui  ait  eu  vie  ;  mais 
CCS  exemples  appuyés  même  de  l'au- 
torité de  Pythagore  &  recommandés 
Î')ar  quelques  Médecins  trop  amis  de 
a  dièie ,  ne  me  paroincnt  pas  fuffifans 
pour  nous  convaincre  qu'il  y  eût  à 
gagner  pour  la  fanté  des  hommes  & 
pour  la  multiplication  du  genre  humaia 
a  ne  vivre  que  de  légumes  &  de  pain, 
d'autant  plus  que  les  gens  de  la  cam- 
pagne ,  que  le  luxe  de  nHes  &  la 
îbmptuofité   de   nos   tabk.   réduifent  à 


ve- 

'cf. 
une 

au 
pas 

eft 


Ju  Bmf,  183 

cette  façon  de  vivre,  languiflênt  h  dc- 
périfTem  plus  tôt  que  les  hommes  de 
rétsrt  mitoyen ,  auxquels  l'inanition  &  les 
excès  font  également  inconnus. 

Après  Tbomme,  les  animaux  qui  ne 
vîvenr  que  de  chair  font  les  plus  grands 
deflrudeurs ,  ils  font  en  même  temps 
&  les  ennemis  de  la  Nature  &  les  rivaux 
de  rhomme;  ce  n'ed  que  par  une  at- 
tention toujours  nouvelle  &  par  des 
foins  prémédités  &  fui  vis  qu'il  peut 
confèrver  Tes  troupeaux,  fes  volailles , 
&c.  en  les  mettant  à  Tabri  de  la  (erre 
de  l'oileau  de  proie  &  de  la  dent  car- 
nafUcre  du  loup ,  du  renard ,  de  la  fouine  , 
de  la  belette,  &c.  ce  n'eft  que  par  une 
guerre  continuelle  qu'il  peut  défendre 
fon  grain  ,  (es  fruits  y  toute  fa  fubfif- 
tance  ,  &  même  fes  vêieincns ,  contre 
la  voracité  des  rats ,  des  chenilles ,  des 
fcarabées  ,  det  mites ,  &c.  car  les  in- 
(e<fles  font  aulfi  de  ces  bêtes  qui  dans 
le  monde  font  plus  de  mal  que  de 
bien;  au  lieu  que  le  bœuf,  le  mouton  Se 
les  autres  animaux  qui  }>ai(rent  Therbe  j^ 
non-feuleiiient  font  les  nieiilGiirs,  les  plus 
Utiles^  les  plus  précieux  pour  l'homme ^^ 


!; 


!.i 


rxïï'4  Hiplre  Natweflê 

puifciu'ils  le  nourriflent,  mais  font  en- 
core ceux  qui  conlbniment  &i  dépcnfent 
ie  nioin>  ;  le  bœuf  lur-tout  cil  à  cet 
^gard  i'aniinal  par  excellence,  car  il  rend' 
à  ia  terre  tout  autant  qu'il  en  tire  ,  <Sc 
même  il  améliore  le  fonds  fur  lequel  \\ 
vit,  il  cngraide  Ton  pâturage,  au  lieu 
Cjuc  le  cheval  &  la  plupart  des  autres 
aniinaux  amaigrirent  en  peu  d'années  le 
Kieilleures  prairies. 

Mais  ce  ne  font  pas  là  les  feuîs'  avan- 
tages que  le  bétail  procure  à  l'homme; 
fans  le  bœuf  les  pauvres  <Sf  les  riches 
auroicnt  beaucoup  de  peine  à  vivre,  ia 
terre  derneureroit  inculte  ,  les  champs , 
&  même  les  jardins  fcroicnt  fecs  & 
ftériles  ;  c'elt  fur  lui  que  roulent  tous 
les  travaux  de  la  cainnaornc  ,  il  cft  le 
domeili((Lic  le  plus  utile  de  la  ferme, 
Je  loutien  du  ménage  chLîmj)êire  ,  il  f^iit 
toute  la  fi>rcc  de  i'.'griculfure  ;  autrefois 
il  fiifoit  toute  la  richcflc  de^  hommes, 
&  au  lourd  hui  il  e>t  encore  la  bafe  de 
i'opuleiice  des  Eiats  ,  qiii  ne  peuvent 
fe  louienir  &  fleurir  que  par  la  culture 
de»  ferrer  &  pir  l'abond^iice  du  bétail j 
puifque  ce  fout   les   fculs   biens  réeb, 


de 


•   élu  Bœuj,  r  '1.85; 

tous  les  autres  ,  &  même  Tor  &  l'ar- 
gent ,  n'étant  que  des  biens  arbitraires ,. 
des  repréfentations  ,  des  monnoies  de 
crédit  ,  t|ui  n'ont  de  valeur  qu'autant 
que  le  produit  de  la.  terre  leur  en 
donne. 

Le  bœuf  ne  convient  pas  autant  que 
le  clieviil,  l'âne,  le  chameau,  &c.  pour 
poner  6ts  fardeaux  ,  ia  forn^e  de  Ton 
doi  &  de  Tes  reins  le  démontre,  mais  la. 
grofTeur  de  fon  cou  &  la  largeur  de  Tes 
épaules  indiquent  afîez  qu'il  cft  prO|)re 
à  tirer  &  à  porter  le  joug ,  t'elt  aufR 
de  ce^te  manière  qu'il  tire  le  plus  avan- 
ngeufcment ,  &  il  efl  finguiler  que  cet. 
ulage  ne  foit  pas  général ,  &  que  dans 
dçs  provinces  entières  on  l'oblige  à  tirer, 
par  les  cornes  ;  la  feule  raifon  qu'on, 
ait  pu  m'en  donner,  c'eft  que  quand. 
il  efl  attelé  par  les  cornes  on  le  con- 
duit plus  aifément  ;  il  a  la  tête  très- 
forte  &  il  ne  laifîè  pas  de  drer  alTez 
bien  de  cette  façon  ,  mais  avec  beau- 
coup moins  d'avantage  que  quand  il. 
tire  par  les  épaules  ;  il  femble  avoir 
été  fait  exprès  pour  la  charrue,  la  mafîi 
de  fon  corps ,  U  lenteur  de  fes  mou?. 


>8d         Hifioke  Naturelle 

vcmcns,  le  peu  de  hauteur  de  (es  jartiTics, 
tout ,  jufqu'à  fa  tranquillité  &  à  fa  pa- 
tience dans  le  travail ,  femble  concourir 
à  le  rendre  propre  à  la  culture  des 
champs  ,  &  plus  capable  qu'aucun  autre 
de  vaincre  la  rtTiilance  conftante  &  tou- 
jours nouvelie  que  la  terre  oppofc  à  Tes 
efforts  :  le  cheval,  quoique  peut-être 
auffi  fort  que  le  !)œuf ,  cft  moins  propre 
à  cet  ouvrage ,  il  eft  trop  élevé  fur  fes 
jambes,  fes  mouvemens  font  trop  grands, 
trop  brufques  ,  &  d'ailleurs  il  s'impa- 
tiente ôc  fe  rebute  trop  aifément  ;  on 
lui  ôte  même  toute  la  légèreté  ,  toute 
la  fouplefTe  de  fes  mouvemens ,  toute 
là:  giâce  dfc  fon  attitude  &  de  fa  dé- 
marche ,  lorfqu*on  le  réduit  à  ce  tra- 
vail pefant ,  pour  lequel  il  faut  plus  de 
confiance  que  d'ardeur,  plus  de  maffe 
cjue  de  vîiefle,  &  plus  de  poids  que  de 
reflbrts. 

Dans  îes  efpèces  d*anîmaux  dont 
Thômme  a  fait  des  troupeaux  &  oii  la 
multiplication  eft  l'objet  principal ,  la 
femelle  eft  plus  néceflaire ,  plus  utile 
que  le  mâle;  le  produit  de  la  vache  eft 
VA  bien  qui  croît  ^  qui  k  renouvelle 


élu  Bœuf.  t  87 

î  cTiaquc  înftant  ;  la  chaîr  du  veau  eft 
une  nourriture  auffi  abondante  que  laine 
&  délicate ,  le  lait  efl  l'aliment  des  en- 
fans,  le  beurre  lafTaifonnemcnt  de  la 
plupart  de  nos  mets,  le  fromage  la  nour- 
riture ia  plus  ordinaire  des  habiians  de 
la  campagne  :  que  de  pauvres  familles 
font  aujourd'hui  réduites  à  vivre  de  leur 
vache  !  ces  mêmes  hommes  qui  tous 
les  jours ,  &  du  matin  au  foir ,  gémif- 
fent  dans  le  travail  &  font  courbés  fur 
la  charrue ,  ne  tirent  de  la  terre  que 
du  pain  noir ,  &  font  obligés  de  céder 
à  d'autres  la  ffeur ,  la  fubitance  de  leur 
grain  ,  c'eft  par  eux  &  ce  n'cft  pas 
pour  eux  que  les  moiffons  font  abon- 
dantes ;  ces  mêmes  hommes  qui  élè- 
vent,  qni  multiplient  le  bétail ,  qui  le 
foignent  &  s'en  occupent  perpétuel^ 
iement ,  n'ofent  jouir  du  fcuit  de  leurs 
travaux,  la  chair  de  ce  bétail  efl  une 
nourriture  dont  ils  font  forcés  de  s'in- 
terdire Tu  fige,  réduits  par  la  néccffité  de 
leur  condition,  c*eft-à-dire,  par  la  du- 
reté des  autres  hommes ,  à  vivre  comme 
les  chevaux  ,  d'orge  &  d'avoine  ou  de 
légumes  grofiiers,  &  de  lait  aigre. 


i  ' 


188  Hip]re  Ncnureïïe 

On  peut  auffi  faire  fervir  la  vnche  a 
la.  charrue,  &  quoiqu'elle  ne  foit  pas 
aufll  forte  que  le  hœuf ,  elle  ne  laiffe 
pas  de  le  remplacer  (bu vent  :  mais  lors- 
qu'on veut  l'employer  à  cet  ulage,  il 
faut  a\oir  attewiion  de  l*ifloriir,  autant 
qu'on  !e  peut  ,  avec  un  bœuf  de  la 
taille  &  ('e  fa  force ,  ou  avec  une  autre 
vache ,  afin  de  conferver  l'égalité  du 
trait  «Se  de  maintenir  le  foc  en  équilibre 
entre  ces  deux  puiflances  ;  moins  elics 
foni  incgales ,  <îk  plus  le  labour  de  la 
terre  en  eil  regul'cr  :  au  rcflc ,  ow  em- 
ploie fouveni  fix  &  julqu'à  huit  bœufs 
dans  les  rcrrcins  fermes;  &  fur -tout 
dans  les  friches,  qui  fe  le  vent  par  groHes 
mottes  &  par  qriartiers ,  au  lieu  qua 
deux  vaches  fuffileni  pour  labourer  les 
terreins  meubles  &  fabtonneux  :  on  peut 
aufîl  dans  ces  terreins  légers  poufler 
à  chaque  fois  le  fidon  beaucoup  j)lus 
loin  que  dans  les  terreins  forts.  Les 
Anciens  avoit  borné  à  une  longueur  de 
cent  vingt  pas  la  plus  grande  étendue 
du  fillon  que  le  bœuf  devoit  tracer  par 
une  continuité  non  interrompue  d'ef- 
forts &   de   mouvcmens  ,    après   quoi,^ 


^  •  ^//  Bœuf.    '  '  l9p' 

difoïcnt  -  iîs ,  il  fiiut  ccfTcr  de  l'exciter 
&  le  laiflcr  reprendre  haleine  pci-idant 
queiques  nioniens  avant  de  pourfuivrc 
le  même  fillon  ou  den  commencer  un 
autre;  mais  les  Anciens  faiibieni  leurs 
délices  de  l'étude  de  l'agriculture ,  & 
mettoient  leur  gloire  à  labourer  eux- 
mêmes  ,  ou  du  ii'oins  à  favorifer  le 
Inbourcur  ,  à  ej)argr".er  la  peine  du  cul- 
tivaeur  &  du  Lœuf;  &  parmi  nous 
ceux  qui  jouilTcnt  le  plus  des  bien^  de 
cette  terre  ,  (biu  ceux  (|ui  lavent  le  moins 
efliincr ,  encourager ,  fouienir  l'art  de  la 
ciii.iver. 

Le  taureau  fèrt  principalement  à  la 
propagation  de  l'efpèce,  &  quoiqu'on 
piiide  auiTi  le  foumeitre  au  travail ,  on 
cft  nioins  lûr  de  Ion  obcilîimLe  ,  &  if 
faut  être  en  garde  contre  Tufige  qu'ii 
peut  fliire  de  ù  force  :  la  Nature  a  fait 
cet  animal  indjciie  6i  fier,  dans  le  temps 
du  rut  il  Uev'ent  indomptable,  &  fou- 
vent  furieux  ;  mais  [)ar  la  caltration  l'on 
de  ruii  la  fource  de  ces  mouvemens 
impétueux,  &  l'on  ne  retranche  rien  à 
fa  force  ,  il  n'en  eft  que  plus  gros , 
plus  maliif ,  plus  pefant  &  plus  propre 


! 


: 


'  i 


îpo        Tlijloke  Naturelle 

à  l'ouvrage  auquel  on  le  dcnînc  ;  H 
devient  auffi  plus  trnitable ,  plus  pa« 
tient,  plus  docile  &  meins  incommode 
nux  autres  :  un  troupeau  de  taureaux 
ne  (èroit  qu'une  troupe  effrénée  que 
l'homme  ne  pourroit  ni  dompter  ni 
conduire. 

La  manière  dont  (e  fait  cette  opé- 
ration efl  afTcz  connue  des  gens  de  la 
campagne ,  cependant  il  y  a  fur  cela 
des  ulages  très  -  différcns  dont  on  n'a 
peut-être  pas  alTcz  obfervé  les  différetis 
effets  ;  en  générai  l'Age  le  plus  conve- 
nable à  la  caflration  ell  I  âge  qui  pré- 
cède immédiatement  la  puberté  ,  pour 
le  bœuf  c'eft  dix -huit  mois  ou  deux 
ans ,  ceux  qu'on  y  foumet  plus  tôt 
périffent  prefque  tous  ;  cependant  les 
jeunes  veaux  auxquels  on  6te  les  tefli- 
cules  quelque  temps  après  leur  naif- 
fancc ,  &  qui  furvivent  à  cette  opération 
fi  dangereufc  à  cet  âge ,  deviennent 
des  bœufs  plus  grands ,  plus  gros,  plus 
gras  que  ceux  auxquels  on  ne  fait  la 
caftration  qu'à  deux,  trois  ou  'quatre 
ans  ;  mais  ceux  -  ci  paroiffent  confcrvcr 
plus  de  x;ourage  &  d'adivité  ^  &  ceux 


M 


Ju  Bœuf,  rp t 

qui  ne  la  fubiflbnt  qu'à  l'âge  de  fix, 
fept  ou  huit  ans  ne  perdent  prcfquc 
rien  des  autres  qualités  du  lèxe  mafculiny 
ils  font  plus  impétueux  ,  plus  indociles 
que  les  autres  bœufs  :  Se  dans  le  temps 
de  la  chaleur  des  femelles  lis  cherchent 
encore  à  s'en  approcher  ,  mais  il  faut 
avoir  foin  de  les  en  écarter;  l'accou- 
plement &  même  le  feul  attouchement 
du  bœuf,  fait  naître  à  la  vulve  de  la 
vache  des  efpèces  de  carnofités  ou  de 
verrues ,  qu'il  faut  détruire  &  guérir 
en  y  appliquant  un  fer  rouge  ;  ce  mal 
peut  provenir  de  ce  que  ces  bœufs 
qu'on  n'a  que  bijlournés  ,  c'eft-à-dire , 
auxquels  on  a  feulement  comprimé  les 
teUiculcs,  &  ferré  &  tordu  ks  vaiflèaux 
qui  y  aboutiffent  ,  ne  laifTent  pas  de 
répandre  une  liqueur  apparemment  à 
demi  purulente  ,  &  qui  peut  caufer 
des  ulcères  à  la  vulve  de  la  vache, 
lefquels  dégénèrent  enfuiie  en  carno- 
fités. 

Le  prînteinps  eft  la  faifon  où  les 
vaches  font  le  plus  communément  en 
chaleur;  la  plupart  dans  ce  pays-ci  re- 
çoivent le  taureau  &  deviennent  pleines 


:i 


'ipl         f^ipoln  N^îurelle 

depuis  ïe   i  5  •  avril  jufqu'au   15   juillet  9 
mais  il  ne  iaiflè  pas  d'y  en  avoir  beau- 
coup dont  la  chaleur  eft  plus  tardive, 
&  d'autres  dont  la  chaleur  efl  plus  pré- 
coce ,.   elles    portent    neuf    mois  ,    & 
mettent  bas   au   commencement  du   di- 
xième ;  on  a  c!onc  des  veaux  en  quantité 
depuis  le   i  5  janvier  jufqu'au   1  5  avril, 
on  en  a   auffi    pendant   tout  l'été  aflez 
abondamment ,  &  l'automne  eft  le  temps 
où  ils   font    le    plus    rares.    Les  fignes 
de  la  chaleur  de  la  vache  ne  font  point 
équivoques,  elle   mugit  alors  très-fré- 
c|uemmenr  &  plus  violemment  que  dans 
les  autres  temps ,   elle  Lute   fur  les  va- 
ches ,   fur  les  bœufs  ,   &  même  fur  les 
taureaux  ,  la  vulve   cil  gonfîte  &   pro- 
éminente au  dehors  ;   il  mut  profiter  du 
tem})S   de    cette   fonc    chaleur   pour  lui 
dwnner   le   tiureau  ;    Ci  on   laifToit  dimi- 
nuer cette  ardeur  la  vache  ne  retiendroit 
pas  audi  fûremcnt. 

Le  taureau  doit  être  choifi  ,  comme 
îe  cheval  étalon,  [):)rtni  les  plus  beaux 
éc  loaeipL'ce,  il  doit  être  gros,  bita 
f!iit  &  en  bonne  chair ,  il  doit  avoir 
l'œil  noir,  le  rcg  ird  fier,  le  front  ouvert, 

h 


-'  ''du  Bœuf.  1 9  j 

fa  tête  courte,  les  cornes  groflês,  courtes 
&  noires,  les  oreilles  longues  &  velues, 
le  mufHe  grand  ,  le  nez  court  &  droit , 
le  cou  charnu  &  g  l'Os ,  les  épaules  &  la 
poiiriuc  larges,  les  reiiis  fermes,  le  dos 
droit ,  les  jambes  grofles  &  charnues  > 
la  queue  longue  &  bien  couverte  de 
poil ,  Talure  terme  &  lûre  &  ,  le  poil 
rouge  { b ),  Les  vaches  reiiennent  iou- 
veiu  dès  la  première ,  (ccoii  le  ou  troi- 
fjème  fois ,  &  fi-tôt  qu'elles  font  pleines 
le  taureau  réfute  de  les  couvrir,  quoi- 
qu'il y  ait  encore  apparence  de  chaleur; 
mais  ordinairement  la  chuleur  ceiFe  y^ïtÇ" 
qi>e  audJtôt  qu'elles  ont  conçu  ,  &  el'es 
reufent  aufli  elles  -  mêmes  ica  approches 
du  taureau.» 

Lcb  vaches  font  aufTi  fnjctes  à  avorter 
lorfqu*on  ne  les  ménage  pas  &  qu'on 
les  met  à  la  charrue,  au  charroi,  &c. 
il  faut  même  les  f>igncr  davantage  <5c 
les  luivre  de  |)lus  prèî»  lor^^pi'elîc^  font 
pleines  q*  e  dans  Ic>  autres  ienq)s  ,  afin 
de  les  einpê>  her  de  lauier  des  haies , 
des   foflcs,  &c.    il   faut   aufTi    le^   mettre 

(l>)   Voyez   la   nou\eHe   mailbn   ruflùjue.   /ijm , 
ly^p  ,  tome   I,  y-ge   i<f^% 

ivmç  VL  I 


M 


II 


ïp4         Hljîotre  Naturel^ 

dans   fes   pâturages   les    plus    gras  ,    & 
dans  un  terrein  qui,  fans  être*trop  hu- 
mide   &    mare'cageux  ,    fuit    cependant 
très-abondant  en  herbe  :  fix  femaines  ou 
deux  mois -avant  qu'elles   mettent   bas, 
on  les  nourrira  plus  largement  qu'à  l'or- 
dinaire ,  en  leur   donnant  à  l'étable   de 
Fherbe  pendant  l'été,  &  pendant  l'hiver 
du  (on  le  matin  ou  de  la  luzerne ,   du 
fàinfoin  ,    &c.    on    ceflera   auffi  de  \ti 
traire  dans  ce  même  temps ,  le  lait  leur 
eft  alors  plus  néceflaire  que  jamais  pour 
ia  nourriture  de  leur  fœtus  ;  aufîi  y  a-t  il 
àcs  vaches  dont  le  lait  tarit  abfolument 
un  mois  ou  fix  (emaines  avant  qu  elles 
mettent  bas ,    celles  qui  ont  du  lait  juf^ 
qu'aux  derniers  jours  font  Iqs  meilleures 
mères  &  les  meilleures  nourrices  ;    mais 
ce  lait  des  derniers  temps  efl  générale- 
ment mauvais  &  peu  abondant.   Il  fiut 
les    mêmes  attentions  pour   l'accouche- 
ment  de  la    vache    que  pour  celui  de 
ia  jument,   &  même  il  paroît  qu'il  en 
faut  davantage  ,   car  la  vache  qui  met 
bas  paroît  être  plus  épuifée,  plus  fati- 
guée   que  la    jument  ;    on  ne  peut  le 
dilpenfèr  de  la  mettre  dans  une  c table 


v: 


Ut 


du  Bœuf  r  p  j 

feparéc ,  où  jI  faut  qiiV  ^  foit  chaude- 
ment &  commodément  fur  de  lu  bonne 
litière ,  &  de  la  bien,  nourrir  ,  en  lui 
donnant  pendant  dix  ou  douze  jours 
de  h  farine  de  fèves,  de  blé  ou  d'a- 
voine, &c.  délayée  avec  de  l'eau  falée  , 
&  abondamment  de  la  luzerne,  du  fiin- 
foin  ou  de  bonne  herbe  h\ci\  mûre  ; 
ce  temps  fuffit  ordinairement  pour  la 
rétablir  ,  après  quoi  on  la  remet  par 
degrés  à  la  vie  commune  &  au  pâturage  , 
feuiemeni  il  faut  encore  avoir  l'atten- 
tion de  lui  laifTer  tout  fon  lait  pendant 
les  deux  premiers  mois,  le  veau  profi- 
tera davantage  ,  <Sc  d'ailleurs  le  lait  de 
ces  premiers  temps  n'efl:  pas  de  bonne 
qualité. 

On  laifTe  le  jeune  veau  auprès  de  Ça 
mère  pendant  les  cinq  ou  fix  premiers 
jours  ,  afin  qu'il  foit  toujours  chaude- 
ment, &  qu'il  puifTc  leter  auffi  fbuvent 
qu'il  en  a  befoin  ;  mais  il  croît  &  fe 
fortifie  aflèz  dans  ces  cinq  ou  fix  jours , 
pour  qu'on  foit  dès-  lors  obligé  de  l'en 
réparer  fi  Ton  veut  la  ménager,  car  il 
l'cpuiferoit  s'il  étoit  toujours  auprès 
d*dle;  il  fufiirâ  de  le  iaiflcT  tctcr  deux 


il 


196         HiPoire  Naturelle 

ou    trois  fois  |;ar  jour ,  &   fi  l'on  veué 

lui  faire  une  bonne  chair  &  IVngrailfer 
promp.cmcnt ,  on  lui  donnera  tous  les 
jours  des  ceufs  cruds  ,  du  lait  bouilli , 
de  l.i  inic  de  pain;  au  bout  de  cjuaire 
X)u  cinq  femairx^s  ce  veau  fera  excellent 
à  manger  :  on  pourra  donc  ne  latller 
leicr  que  trente  ou  quarante  jours  les 
veaux  qu'on  voudra  livrer  au  boucher, 
mais  il  faudra  iaifTcr  au  la't  j>cndant 
lieux  mois  au  moins  cqwk  qu'on  voudra 
nourrir,  pus  on  ies  laifltra  leier ,  plus 
ils  devicntlre)nt  gros  &  forts  ;  on  pré- 
férera pour  les  élev<T  ceux  qui  feront 
riés  aux  mois  d'avril ,  mai  &  juin  ,  (es 
veaux  (|ui  nainent  plus  tard  ne  j^euvent 
ac(jiK'rir  allez  de  force  pour  rcfiller  aux 
injures  de  l'hiver  luivrnt ,  ils  languiflent 
par  le  ftoid  ,  6l  périllènt  prelque  tous* 
/i  deux  ,  trois  ou  quatre  mois  on  ié^ 
vrera  donc  les  vesiix  qu'on  veut  nourrir, 
&  avant  de  leur  ôtcr  le  lait  abfoiunient, 
on  leur  donnera  un  peu  de  bonne 
herbe  ou  de  foin  fin ,  jiour  qu'ils  coni- 
mencent  ;i  s'accoutumer  à  cet;c  nouvelle 
nourriiure  ,  après  quoi  en  les  (eparcra 
tout-à-fàit  de  leur  mère,  &  on  ue  U& 


» 


tn  îaifîcr.i  point  approcher  ni  à  Tétable 
ni  au  pâturage ,  où  cependant  on  les 
mènera  tous  les  jours,  &  oii  on  les  laif- 
fèra  du  maiin  au  loir  pendant  l'éié  ; 
mais  dès  que  le  froid  commencera  à 
fe  faire  fcntir  en  automne  ,  il  ne  fiiudra 
les  laifîer  foriir  que  tard  dans  la  ma- 
tinée &  les  ran^ncr  de  bonne  heure  Je 
foir  ;  &  pendant  l'iiivcr  ,  comme  ie 
grand  froid  leur  f  ^  extrêmement  con- 
traire ,  on  les  tiendra  chaudement  dans 
une  étahie  bien  fermée  &  bien  garnie 
de  litière  ,  on  leur  donnera  ,  avec  l'herbe 
ordinaire,  du  fiinfoin  ,  de  la  luzerne, 
&c.  <?c  on  ne  Ica  laifTera  foriir  que  par 
ks  temps  doux  ;  il  leur  faut  beaucoup 
de  loins  pour  paffer  ce  premier  hiver  ,v 
c'eit  le  temps  le  plus  dangereux  de  leur 
vie  ,  car  ils  fe  fortifieront  affez  pendant 
\éié  fuivant ,  pour  ne  plus  craindre  le 
froid  du  lecond  hiver. 

La  vache  eft  à  dix  -  huit  mois  en 
pleine  puberté  ,  &  ic  taureau  à  deux 
ans  ,  mais  quoiqu'ils  puifîtnt  déjà  en- 
gendrer à  cet  âge  ,  on  fera  bien  d'at- 
tendre jufqu'à  trois  ans  avant  de  leur 
pcrnieufc  de  5*accQUplcf;   ces  animaujs 


! 


ip8         Hifloke  'Naturelle 

font  cîans  îeur  grande  force  depuis  trois 
ans  jufq  «à  neuf,  après  cela  les  vaches 
&  les  taureaux  ne  font  plus  |)ropres  qu'à 
éire  engraifTé.^  ^  livrés  au  boucher  : 
coin  lie  ils  prennent  en  deux  ans  la  pkis 
grande  panie  de  leur  accroiiîenient ,  la 
durée  de  leur  vie  eil  aufîî ,  comme  dans 
la  plupart  des  autres  efpèces  d'animaux, 
à  peu  prés  de  iept  fois  deux  ans ,  5c 
communément  ils  ne  vivent  guère  que 
quatorze  ou  quinze  ans. 

Dans  tous  les  animaux  quadrupèdes, 
ia  voix  du  mâle  efl  plus  forte  &  plus 
grave  que  celle  de  la  femelle ,  &  je  ne 
crois  pas  qu'il  y  ait  d'exception  à  cette 
règle;  quoique  les  Anciens  aient  écrit 
que  la  vache ,  le  bœuf  &  même  le  veau 
avoient  la  voix  plus  grave  que  le  tau- 
reau ,  il  eft  très-certain  que  le  taureau  a 
la  voix  beaucoup  plus  forte ,  puifqu'il  le 
fait  entendre  de  bien  plus  loin  que  la 
vache ,  le  bœuf  ou  le  veau  :  ce  qui  a 
fait  croire  qu'il  avoit  la  voix  moins  grave, 
c'eil  que  fon  mugiflemcnt  n'eft  pas  un 
Ion  fimple  ,  mais  un  (on  compofé  de 
deux  ou  trois  odaves ,  dont  la  plus  éic- 
Yce  frappe  le  plus  forcilic  ;    &  en  y 


du  Bœuf*  i^() 

failant  attention,  Von  entend  en  même 
temps  un  Ton  grave ,  &  plus  grave  que 
celui  de  la  voix  de  la  vache ,  du  bœuf 
&  du  veau ,  dont  les  niugifTemens  fuiiF 
auffi  bien  plus  courts  ;  le  taureau  ne 
mugit  que  d'amour  ,  la  vache  mugit 
plus  fou  vent  de  peur  &l  d'horreur  que 
d'amour,  &  ie  veau  mugit  de  douleur, 
de  beloin  de  nourriture  Su  de  defir  de 
fa  mère. 

Les  animaux  les  plus  pefans  &  les 
plus  parefîeux  ne  font  pas  ceux  qui  dor- 
ment le  plus  profondément  ni  le  plus 
iong-temps  :  le  bœuf  dort ,  mais  d'ua 
fummeii  court  &  léger,  il  fe  réveille  an 
moindre  brjiit;  il  fe  couche  ordinaire- 
ment fur  le  côté  gauche ,  &  le  rein 
ou  rognon  de  ce  côté  gauche  eft  tou- 
jours plus  gros  &  plus  chargé  de  graiflè 
que  le  rognon  du  côte  droit. 

Les  bœufs  ,  comme  les  autres  ani- 
maux dorneftiques  ,  varient  pour  la  cou- 
leur; cependant  le  poil  roux  paroît  être 
le  plus  commun ,  &  plus  il  e(l  rouge , 
plus  il  eft  edimé  :  on  fait  cas  au(Ii  du 
poil  noij*  ,  &  on  prétend  que  les  bœufs 
tous  poil  bai  durent  long  -  temps  ;  que 

I  111/ 


200         Hifloîre  Naturelle 

les  bruns  durent  moins  &  (c  feî)irtenf 
de  bonne  heure  j  que  les  gris,  les 
T)oinmeles  &  les  bl.incs  ne  valeni  rien 
pour  le  invail  &  ne  lont  j)ro|jrcs  qu'à 
éire  engruiffés  ;  mais  de  quelque  cou- 
kur  que  luit  le  poil  du  bœuf,  W  doit 
cité  luiant,  ép^H:»  &  doux  au  toucher, 
Ciir  s'il  cil  rude,  mal  uiii  ou  déiJjirni  , 
on  a  railon  de  lupi^ofer  que  raiVimiiI 
foufFiC  ,  ou  du  nioins  qu'il  i\q^  pas 
d'iHi  ïon  lemperameiu.  Un  bon  bœuf 
pour  la  charrue  ne  doit  êife  ni  trop 
gras ,  ni  trop  maigre ,  il  doit  avoir  la 
îêie  courte  &  rujn..flée  ,  les  oreilles 
grandes,  bien  veiues  &  bien  unies,  les 
cornes  fortes,  lui  imies  &  de  moyenne 
grandeur,  le  front  large  ,  les  yeux  gros 
èi  noirs  ,  fc  mufîle  gros  &  camus , 
les  nafeaux  bien  ouverts ,  les  dents  blan- 
ches &  égales,  fes  ièvres  noires,  le  cou 
charnu  ,  les  épaules  grofîès  &  pefantes , 
la  poiirine  large,  le  fanon ,  c'eft  à  dire , 
la  periu  du  devant  pendante  Jufque  fur 
les  genoux  ,  les  reins  fort  larges  ,  le 
ventre  fpacicux  &  tombant,  les  flancs 
grands,  les  hanches  longues ,  la  croupe 
épaïd'e,  les  jauibes  &  les  cuiflcs  grofîès 


*  fJu  Bœuf.  lot 

8c  herveufcs  ;  le  dos  droit  &  plein ,  ïai 
queue  pendante  juft-iu'à  terre  &  gar- 
nie de  |)oils  touffus  &  fins  ,  les  pieds 
fermes  ,  le  cuir  groliicr  &  maniable  , 
les  mufcics  élevés  &  l'ongle  court  <Sc 
large  ( cj;  il  faut  aufli  qu'il  foit  fènfible 
à  l'aiguillon  ,  obéifFant  à  la  voix  &  bien 
dreOe  ,  mais  ce  n'eft  que  peu  à  peu  , 
&  en  s'y  prenant  de  bonne  heure,  qu'on 
peut  accoutumer  le  bœuf  à  porLer  le 
joug  volontiers ,  &  à  (e  laifîèr  conduire 
ailément  :    dès    l'âcrc    de    deux    ans    & 

o 

demi  ou  trois  ans  au  plus  tard  ,  il  faut 
commencer  à  l'apprivoifêr  &  à  le  fub- 
juguer  ;  fi  l'on  attend  plus  tard  il  de- 
vient indocile  ,  <St  fouvent  indomptable  ,• 
la  patience ,  la  douceur ,  &  même  les 
carcifes  ,  font  les  feuls  moyens  qu'il 
faut  employer ,  la  force  &  les  mauvais 
traiiemens  ne  ferviroient  qu'à  le  rebu- 
ter pour  toujours  ;  il  fmt  donc  lui 
frotier  le  corps  ,  le  carefler ,  lui  donner 
de  temps  en  temps  de  l'orge  bouilli  ^ 
des  ftves  concaffécs ,  6i  d'autres  nour- 
îiiures  de   ccite  èfpcce ,  dont  il   eft  le 

(c)  Voyez  la  nouvelle  maifon  ruftitiue,  tomtJ^ 

i  y 


2C2         mjloîre  NatureTle 

plus  ffiancl  ,  &  toutes  nitlt'es  de  /cl 
qu'il  aime  beaucoup  ;  en  même  temps 
on  lui  liera  fouvent  les  cornes ,  quel- 
ques jours  après  on  le  mettra  au  joug , 

&  on  lui  fera  traîner  la  charrue  avec 
un  autre  bœuf  de  même  taille  &  qui 
fera  tout  drcITc  ;  on  aura  foin  de  les 
attacher  enfemble  à  la  mangeoire  ,  de 
les  mener  de  mê.me  au  pâturage ,  afin 
qu'ils  fe  connoiflent  &  s'habiiuent  à 
n'avoir  que  des  mouvcmens  communs  , 
&  l'on  n'emploiera  jamais  l'aiguillon 
dans  les  commencemens  ,  il  ne  (èrviroit 
qu'à  le  rendre  plus  intraitable  ;  il  faudra 
aulîi  le  ménager  &  ne  le  faire  travailler 
qu'à  petiics  reprifes  ,  car  il  le  fatigue 
beaucoup  tant  qu'il  n'ett  pas  tout- à  fait 
drefle ,  &  par  la  même  raifon  ,  on  fe 
nourrira  plus  largement  alors  que  dans 
ies  autres  temps. 

.  Le  bœuf  ne  doit  fervîr  que  depuis 
trois  ans  jufqu'à  dix  ,  on  fera  bien  de 
le  tirer  alors  de  la  charrue  pour  l'en- 
graifîer  &  le  vendre  ,  la  chair  en  fera 
meilleure  que  fi  l'on"  atiendoit  plus 
long- temps.  On  reconnoîi  Tâge  de  cet 
suîiinal  par  les  dents  &  par  ies  cornes: 


^'^  Jit  Bœuf  ^     .         20 j 

îcs  premières  dents  du  devant  tombent 
à    dix    mois ,    &    font    remplacées    par 
d'autres  qui  ne  fout  pas  ii  blanches  <5c 
qui  font   plus  larges ,    à   feize   mois  les 
dents  voifines  de  celles  du  milieu  tom- 
bent &  font  aufïi  remplacées  par  d'autres, 
h    à    trois    ans    toutes    les    dents    inci- 
ffcs    font    renouvelées ,  elles    font    alors 
égales  ,    longues    &  afTez    blanches  ;    à 
mefure  que  le  bceuf  avance  en  âge  elles 
s'ufent  &  deviennent  inégales  <Sc  noires  : 
c'cft    la    même    chofe    pour    le    taureau 
&  pour  la  vache  ,  ainfi  la  cafl ration  ni 
le  lexc   ne  changent   rien  à  la   crue  & 
2  la   chute  des   dents  ;    cela   ne   change 
rien    non    plus   à   la  chute  des   cornes , 
car  elles  tombent  également  à  trois  ans 
au  taureau,    au  bœuf  &  à  la  vache,   & 
elles   font    remplacées  par   d'autres    cor- 
ne»   qui  i   comine    les   fécondes    dents , 
ne    tombent    plus  ;    celles    du    bœuf   & 
de   la  vache   deviennent   feulement  plus 
groiïes    &    plus  longues   que    celles  du 
taureau  ,  raccroifTenaent  de  ces  fécondes 
cornes  ne  fe  fait  pas  d'une  manière  uni- 
forme  &   par   un  développement   égal  ; 
là  première    année  ,  c'eft  ►  à  -  dire  ,    ia 

1  y| 


2  04         Hiflohe  N^tttrelle 

quatrième  année  de  l'Age  du  bccuf,  î! 
Jui  poufîê  (Jeux  petites  cornes  pointues, 
nettes»,  unies  <5c  tcrniinccs  vers- la  téie  par 
unecij;cte  de  l.)OurreIet,  Tannée  kiivante 
ce  bourrelet  s'éloigne  de  \\  tête,  jîOufTé 
par  un  cylindie  de  corne  qui  Te  forme 
&  f|ui  fc  termine  a-ulii  par  un  autre 
li)ourie!et  ,  &  ainfj  de  fuite  ,  car  tant 
c(ue  i'animal  vit ,  les  cornes  croiflent  : 
CCS  bourrelets  deviennent  des  nœud» 
annulaires ,  qu'il  efl  aifé  de  diftingucr 
dans  la  corne,  &  par  iefquels  Tàgc  fc 
peut  aifémcnt  compter  ,  cii  prenant 
pour  trois  ans  la  pointe  de  la  corne 
jufqu  au  j^remicr  nœud  ,  &  pour  un  an 
de  plus  chacun  dcb  intervalles  entre  les 
autres  nœuds. 

Le  cheval  mange  nuit  &  jour,  len- 
tement ,  nwis  prelque  continuellement  ; 
le  bœuf  au  contraire  ifiange  vite  cSc 
prend  en  aflcz  peu  de  temps  toute  la 
nourriture  qu'il  lui  faut ,  après  quoi  il 
cefle  de  manger  ôc  le  couche  pour 
ruminer  :  cette  différence  vient  de  fa 
différente  conformation  de  l'eftomac 
de  ces  animaux  ;  le  bœuf ,  dont  les 
4€ux    premiers    eAgmacs    jie    forinciit 


'     'Jii  Bœuf.     -'  ïô'^ 

quAiri  même  fac  d'une  ircs- grancJe  ca- 
pacité, peut  ^.mi,  inconveniem  previJie 
à  la  fors  beaucoup  d'herbe  &  ic  irm- 
plir  en  peu  de  lemj^s ,  pour  ruminer 
enluiie  &  digérer  à  loifir  ;  le  cheval , 
qui  n'a  qu'un  peiit  cflomac  ,  ne  peut  y 
recevoir  fju'une  petite  quan  ité  d'herbe 
&  le  reinj)lir  fuccenivcmcnt  à  merure 
qu'elle  s'affuifîe  &  qu'elle  pafîc  dans 
les  intcflins  ,  où  fc  \\i'ti  principalement 
la  décoinpofiiicm  de  la  nourriture  ;  car 
ayant  obiervé  dans  le  bœuf  &  dans  le' 
cheval  le  produit  fucceiFif  de  la  df- 
gtdion  ,  &  fur -tout  la  décompofitioii 
du  foin  ,  nous  avons  vu  dans  le  bœuf 
qu'au  ((^riir  de  la  partie  de  la  panfe, 
qui  forme  le  fécond  eftomac  &  qu'on 
appelle  le  bonnet,  H  cft  réduit  en  une 
rl'pcee  de  pâte  verte,  femblable  à  des 
épinards  hachés  &  bouillis  ;  que  c'eft 
fous  cette  forme  qu'il  eft  reienu  & 
contenu  dans  ies  plis  ou  livrets  du 
troifième  eftomac  ,  qu'on  appelle  le 
feuillet  î  que  la  décompofition  en  cfl 
entière  dans  le  quatrième  ellomac  ,  qu'on 
appelle  ia  caillette  ;  &  que  ce  n'efl , 
pour  ainfi  dire^  cjuc  le  marc  qui  palis 


'20  6         Hipotre  Naturelle 

dans  les  inteftins  ,  au  lieu  que  dans 
le  chevai  le  foin  ne  fe  décompole 
guère ,  ni  dans  1  eflomac ,  ni  dans  les 
premiers  boyaux ,  où  il  devient  Seule- 
ment pfus  louple  &  plus  flexible , 
comme  ayant  été  macéré  &  pénétré  de 
ia  liqueur  adive  dont  ii  efl  environné  ; 
qu'il  arrive  au  ccecum  &  au  colon  lans 
grande  altération  ;  que  c'efi:  principa- 
lement dans  ces  deux  intcdins  ,  dont 
l'énorme  caj)aciié  répond  à  celle  de  ia 
panle  des  ruminans  ,  <(ue  le  fait  d:ins 
îe  cheval  la  décompofition  de  la  nour- 
riture ,  &  que  cette  décompofjtion 
n'cft  jamais  aulfi  entière  que  celle  qui 
fe  fait  dans  le  quatrième  ellomac  du 
bœuf. 

Par  ces  mêmes  confidératîons  &  par 
la  feule  inlpeétion  des  par  lies  ,  ii  me 
fenible  qu'il  efl:  aifé  de  concevoir  com- 
ment fe  taii  la  rumination  ,  &  pourquoi 
le  cheval  ne  rumine  ni  ne  vomit ,  au 
lieu  que  le  bœuf  &  les  autres  animaux 
qui  ont  pîufieurs  eflomacs  ,  fembicnt 
ne  digérer  Therbc  qu'à  mefure  qu'ils 
ruminent.  La  rumination  n'efl  q  'uii 
vomillement  fans  effort,  occafionné  paï 


////  Bœuf»  ^^7 

la  rea<51ion  du  premier  eftomac  fur  les 
alinicns  qu*il  con  ient.  Le  bœuf  rem- 
plit ces  deux  premiers  eflomacs ,  c'eft- 
à-dire ,  la  panfe  &  ie  bonnet,  qui  n'eft 
qu'une  portion  de  la  panfe  ,  tout  autant 
qu*ils  peuvent  l'être  ;  cette  membrane 
tendue  réagit  donc  alors  avec  force 
fur  l'herbe  qu'elle  contient  ,  qui  n'eft 
que  très-peu  mâchée,  à  peine  hachée, 
&  dont  le  volume  augmente  l^eaucoup 
par  la  fermentation  :  fi  l'aliment  étoit 
liquide  ,  cette  force  de  contraélien  le 
feroit  pafler  par  le  troificme  cflomac 
qui  ne  communique  à  l'autre  que  par 
un  conduit  étroit  dont  même  l'orifice 
c(l  fiiué  à  la  partie  poftéricure  du  pre- 
mier ,  &  prefque  aufli  haut  que  celui 
de  rocfophage  ;  ainfi  ce  conduit  ne 
peut  pas  admettre  cet  aliment  fec  ,  on 
du  moins  il  n'en  admet  que  la  partie 
la  plus  coulante ,  il  eft  donc  néctfîaire 
que  les  parties  les  plus  sèches  remon- 
tent dans  rœlophage ,  dom  l'orifice  eft 
plus  large  que  celui  du  conduit  ;  elles  y 
reiiiontent  en  effet ,  l'animal  les  remâche  , 
ks  macère,  les  imbibe  de  nouveau  de  fh 
uiive,  ÔL  rCiid  ainfi  peu  à  peu  Taliman 


1 


II 


)1  . 


i  ô  s         Hî flaire  Natitreïïé 

pfus  coulant ,  il  fe  réduit  en  pâte  afleiJ 
îiquicie  pour  qu  elle  puifTe  couler  dans 
ce  conduit  qui  coniinunique  au  troi- 
fième  ellomnc,  où  elle  Te  macère  encore 
avant  de  palier  dans  le  quatriètne  ;  & 
c'efi:  dans  ce  dernier  edoinac  que  s'a- 
chève la  décoinpoiîtîon  du-  foin  qui 
cil:  réduit  en  parfiit  mucilage  :  ce  qui 
eoiiftrnic  la  vérité  de  cette  explication  , 
c'tlt  que  tant  que  ces,  animaux  tètent 
ou  font  nourris  de  fait  &  d'autres  aii- 
mens  liquides  &  coulans  ,  ils  ne  ruminent 
pas ,  ôi  qu'ils  ruminent  beaucoup  plus 
en  hiver  &i  lorsqu'on  les  nourrit  d'ali- 
inens  fccs ,  qu'en  été ,  pendant  lequel 
ils  j)arnrent  l'herbe  tendre;  dans  le  cheval 
au  contraire  l'cftomac  elt  trèsrpetit,  l'o- 
rifice de  l'oerophage  efl:  fort  étroit ,  <?c 
celui  du  pylore  ell  fort  large  ;  cela  feul 
fuffiroit  pour  rendre  impollible  la  ru- 
mination ,  car  l'aliment  contenu  dans  ce 
peiit  crtomac ,  quoique  peut-être  plus 
fortement  comprime  que  dans  le  grand 
eltomac  du  bœuf,  ne  doit  pas  remonter , 
puifqu'il  peut  aifément  dcfcendrc  pnr 
îe  pylore  qui  efl  fort  large  ;  il  n'cit 
pks  même  nécellhire   que  le  foin  im 


ih  Èœiif*  20^ 

rcJuk  en  parc  molle  ik  coulante  pour 
y  entrer  ,  la  force  de  contradion  de 
il  estomac  y  poulie  raliiiicnt  encore  prel- 
que  fèc  ,  &  il  ne  peut  remonicr  pur 
l'œfophngc  ,  parce  ([ue  ce  conduit  elt 
fort  pctir  en  comparaifon  de  celui  du 
pylore;  c'eft  donc  par  cette  différence 
générale  de  conform^nion  6{ue  le  bœuf 
rumine,  &  que  îe  cheval  ne  peut  ru- 
miner ;  mais  il  y  a  encore  une  diife'- 
rence  particulière  dans  le  cheval ,  qui 
fait  que  non  -  feulement  il  ne  peut  ru- 
miner,  c'eil- à-dire,  vomir  fans  effort, 
mais  même  qu'il  ne  peut  abfoluinent 
vomir,  quelque  effort  qu'il  puilfe  faire, 
celt  que  le  conduit  de  l'ccfopbage  arri- 
vant irès-oblicjuement  dims  l'eftomac  du 
cheval ,  dont  les  membranes  forment  une 
épailieur  confidérable ,  ce  conduit  fait 
d.ns  cette  épaifleur  une  efpèce  de  gout- 
tière fi  oblique ,  qu'il  ne  peut  que  (e 
ferrer  davantage,  au  lieu  de  N'ouvrir  |)ap 
les  convulfions  de  Teftomac  f(^J.  Quoique 

ftij  Voy.  dans  le  to^e  V/I ,  fmrtie  //.' de  I  ciiitioii 
de  cette  Hiiloirc  Naturdie  ,  en  trente  ini  volumes,  1» 
delcription  de  l'eftoiracdu  cheval  ,  &  le  Mcm(>ire  île 
M.  Bertin,  dans  le  volume  des  MéiHoj  Uc  l'Acadcmiff 
4os  ijdçncw,  atmcc  i/i-(^t 


:2io 


Hipolre  Naturelle 


'i 


cette  différence  ,  auffi  -  bien  que  Tes 
autres  différences  de  conformation  qu'on 
peut  rcinarc}uer  dans  le  corps  des  ani^ 
maux,  dépendent  toutes  de  h  Nature 
iorfqu'elies  font  confiantes  ,  cependant 
iî  y  a  dans  le  développement ,  &  (ùr- 
tout  dans  celui  Jes  parues  molles ,  des 
différences  conllanres  en  apparence , 
qui  néanmoins  pourrolcnt  varier  ,  & 
qui  même  varient  par  les  circonltances  ; 
la  grande  capacité  de  la  panie  du  bœuf, 
par  exemple ,  n'efl  pas  due  en  entier 
à  la  Nature  ,  la  pan  le  n'ell  pas  telfe 
par  (a  conformation  primitive  ,  elfe 
ne  le  devient  que  fucceliivement  & 
par  le  grand  volume  des  aiimens  ;  car 
dans  le  veau  qui  vient  de  naître ,  & 
ménie  dans  le  veau  qui  e(l  encore  au 
iait  &  qui  jn'a  pas  mangé  d'herbe ,  la 
panfe  ,  comparée  à  ii  caillette  ,  e(t 
beaucoup  plus  peiitc  que  dans  le  bœuf: 
cetic  grande  capacité  de  la  panfe  ,  iie 
vient  donc  que  de  i*exienfion  qu'oc- 
calionne  le  grand  volume  des  aiimens, 
yca  ai  été  convaincu  par  une  expé- 
rience qui  mt  paroît  decifive.  J  ai  fiit 
nourrir   dci^tx    agneaux   de    même    a^^e 


i.-. 


iltt  Bœuf  %\t 

ta  fevrés  en  même  temps,  Tun  de  pain 
&  l'aucre  d'herbe  ;  les  ayant  ouvcns  au 
bout  d'un  an,  j'ai  vu  que  la  panfè  de 
l'agneau  qui  avoit  vécu  d'herbe ,  étoit 
devenue  plus  grande  de  beaucoup  que 
la  panfe  de  celui  qui  avoit  été  nourri 
de  pain. 

On  prétend  que  les  bœufs  qui  man- 
gent ientemcnt  léfiftent  plus  long  temps 
au  travail  que  ceux  qui  mangent  vîic  j 
que  les  bœufs  des  pays  élevés  &  (ècs 
font  ]>Ius  vifs  ,  plus  vigoureux  ,  & 
plus  fains  que  ceux  des  pays  bas  <5c 
humides  ;  que  tous  deviennent  plus 
forts  lorfqu'on  les  nourrit  de  foin  fec 
que  cpiand  on  ne  leur  donne  que  de 
l'herbe  molle  ;  qu'ils  s'accoutument  plus 
ditiicilement  que  les  chevaux  au  chan- 
gement de  climat  ,  &  que  par  cette 
r.iiiou  l'on  ne  dplt  jamais  acheicr  que 
dans  Ton  voifuiage  des  boeufs  pour  le 
travail. 

En  hiver ,  comme  les  bœufs  ne  font 
rien  ,  il  fuffira  de  les  nourrir  de  paille 
&  d'un  peu  de  foin  ,  mais  dans  le 
Itmps  des  ouvrages  on  leur  donnera 
beaucoup    plus  à^  foin  que  de  paille^ 


%  1 1  Hlfoire  Nnîurelk 

&  même  un  peu  de  Ton  ou  d*avoîr>ç 
avant  de  les  faire  travailler  ;  l'éie ,  (i 
le  foin  maïKjue  on  leur  donnera  de 
l'herbe  fraîchement  coupée  ,  ou  bien 
de  jeunes  pouïîes  &  des  feuilles  de 
frêne  ,  d'orme ,  de  chêne ,  &c.  mafs  en 
pe;ite  qi'antité ,  l'excès  de  cette  nour- 
riture ,  qu'ils  aiment  beaucoup  ,  leur 
caulàni  quelquefois  un  pirTemcnt  de 
fàng  ;  la  luzerne,  le  fainfoin  ,  la  vefce , 
foit  en  vert  ou  en  fec  ,  les  lupins ,  les 
navets  ,  l'orge  bouilli  ,  &c.  font  audi 
de  très  -  bon>  alimens  pour  les  bœufs  ; 
il  n'eil  pas  nèceniire  de  rcgîer  la  quan- 
tité de  leur  nourriture,  ils  n'en  prennent 
jamais  plus  qu'il  ne  leur  en  fiut,  à 
l'on  fera  bien  de  leur  en  donner  tou- 
jours alTez  pour  qu'ils  en  laiflent  ;  on  ^ 
re  les  meitra  au  pâturage  que  vers  le 
ï  5  de  mai  ,  les  premières  herbes  font 
trop  crues  ,  &  quoiqu'ils  (es  mang<  lU 
avec  avidité  ,  elles  ne  laiflent  pas  de 
les  incommoder  ;  on  les  fera  pâturer 
pendant  tout  l'été ,  &  vers  le  i  5  oc- 
tobre on  les  remettra  au  fourrage ,  eu 
obfcrvant  de  ne  les  pas  faire  pafîer 
Lrufquemem  du  vert  au  fcc  &  du  fcc 


clîi  Bœuf, 


î 


ail  vert ,  maïs  de  les  amener  par  degrés 
ij  te  cil  iiigeineu:  de  nourriiurc. 

La    grande    timlcur    inconiinode    ces 


g 


animaux  ,   j>eut  -  être  plus  encore  cjuc 


il 


le 


grand  iioid  ,  il  faut  pciidiiit  i'eie  ics 
iDcncr  au  ir.ivail  dès  la  poinie  cju  joi'.r, 
les  ramc^icr  à  l'étaLle  ou  les  iaifïer  dans 
les    bois    j;a  urer    à    i'omf)rq    j  endaat   la 


g 


ande    tha  eur ,  ik   ne    les    remettre    à 


iouvrage  c}u  à  iiois  ou  quatre  heures 
du  loir,  au  priniemjjs,  en  hiver  &  en 
autnm 


Ci 


ne    on    pourra   les    fàre   travailler 


(lis   iirerrui'iKjn    Oenuis 


P 


huit 


ou   neul 


heures   du    mai  in    juiqu'à    cinq    ou    fiJC 
heures  du    loir.    Ils   ne    dem  .ndfnt    pas 


aiit'Ut 
client 


de  fr 


o\i\  que  les  cncvaux  ,    cepen- 
[i   l'on  veut   les  enire:enir  f»i!n>    & 

t    guère   Te    dit- 


vïgoureux  ,  on   ne    peut   g 


pei 


ifer    de    les    ëtril.cr    tous    ies 


jours 


de  les  laver  &  de  leur  graiffer  la  cor 


ne 


dc; 


pjei 


&c.    1 


l    fa 


ut    ai) 


fli    1 


es 


aire 


ijo^re  au   moins  deux  fois  par  jour  ,   ils 


aiiucnt  1  eau  lïe.te  &  fr.iKhe .   au  ieu  (juç 
le  cheval  l'aime  irouble  &  liètie. 

La  nourriture  &  le  foin  font  à  peu 
près  les  mêmes  &  pv)ur  la  vache  & 
pour  le  bœuf ,    cependant  ii\  vache  4 


li^        mjloire  Naturelle 

lait  exîge  des  attentions  particulières, 
tant  pour  la  bien  choifir  que  pour  la 
bien  conduire  :  on  dit  que  les  vaches 
noires  font  celles  qui  donnent  le  meilleur 
lait ,  &  que  les  blanches  font  celles  qui 
en  donnent  le  plus  ,  mais  de  quelque 
poil  que  foit  la  vache  à  lait  ,  il  faut 
qu'elle  foit  en  bonne  chair ,  qu'elle  ait 
l'œil  vif  ;  la  démarche  légère  ,  qu'elle 
foit  jeune ,  &  que  fon  lait  foit ,  s'il  fe 
peut,  abondant  &  de  bonne  qualité;  on 
ia  traira  deux  fois  par  jour  en  été  & 
une  fois  feulement  en  hiver,  &  fi  l'on 
veut  augmenter  la  quantité  du  lait  ,  il 
n'y  aura  qu'à  la  nourrir  avec  des  alimcns 
plus  fucculens  que  de  l'herbe. 

Le  bon  lait  n'eft  ni  trop  épais  iiî 
trop  clair,  fa  confiftance  doit  être  telle 
que  lorfqu'on  en  prend  une  peiiie  goutie 
elle  conlerve  (à  rondeur  fans  couler,  il 
doit  auffi  être  d'un  beau  blanc  ,  celui 
qui  tire  fur  le  jaune  ou  fur  le  bîeu  ne 
vaut  rien  ,  (à  faveur  doit  être  douce , 
fans  aucune  amertume  &  fans  âcreté, 
il  faut  auHi  qu'il  foit  de  bonne  odeur 
ou  fans  odeur  ;  il  eft  meilleur  au  mois 
de  mai  &  pendant   l'été   que   pendant 


■<> 


:)ais   ni 

[q  telle 
outie 

cr,  il 
celui 

eu  ne 

ou  ce  , 
[icreté , 

odeur 
u  mois 
)endaat 


'"    Ju  Bœuf,  215 

l'hîver,  &  il  n*cfl  parfaitement  bon  que 
quand  la  vache  eft   en   bon   âge  &  en 
bonne   fànté  ;  le  luit  des  jeunes  genifics 
cil  trop  clair ,  celui  d^s  vieilles   vaches 
eft   trop  (èc ,  &  pendant  i'hiver   il  eft 
trop  e'pais  :   ces  différentes    qualités  du 
hit  font  relatives   à  la  quantité  plus  ou 
moins    grande    des    parties    butiicufes , 
caféeufes  &  féreules  qui  le  compofcnt  ; 
le  lait  trop  clair   eft    celui   qui  abonde 
trop    en    parties    féreufes ,   le   lait    trop 
épais  eft   celui    qui   en    manque ,    &   le 
lait    trop    fec    n'a    pas   afîcz    de    parties 
buiireufes  &  féreufes  ;  le  lait  d'une  vache 
en  chaleur  n'eft  pas  bon ,  non  plus  que 
1    celui  d'une  vache  qui  approche  de  fou 
terme  ou  qui  a  mis  bas  depuis  peu  de 
temps.   On  trouve  dans  le  troifième  & 
dans  ie  quatrième  eftomac  du  veau  qui 
tète ,    des  grumeaux  de  Jait   caillé ,    ces 
grumeaux    de  lait   féchés  à  l'air  (ont  fa 
préfurc  dont  on  fe  fert  pour  faire  cailler 
le  lait  ;    plus  on    garde  cette  prcfure , 
meilleure  elle  eft ,   &  il  n'en  faut  qu'une 
très- petite  quantité  pour  faire  un  grand 
volume  de  fromage. 

Les    vacher    èe.    les    boeufs    aiment 


2  I  (y         fJiPime  Naturelle 
Lcuiicoiip  le    vin,  le    vinaigre,    Te    (cî, 
ils   dévurtnt  avec  a\i<Ji:ô  ui.c  lalade  af- 
(îiironnee  :   en    Elj^gne    &i   d.ms   (|ue!- 
qi:es   autres    pays  ,    on   jnct    auprès    du 
jeune  veau  à  Itiable  une  de  tci  pk'rics 
qu'on  ^Y\:t\\c  Jtilègres ,  ik.  (ju'on  trouve 
dans  les   niiuts  de   lèl    acnune,  il  lèche 
cette  pierie  (ulee   pendiiiu  loui  le  temps 
<|i;e    la    mère  efl  au   pâiur.igc,    ce   (jui 
excite  11  ton  l'aj^péiii  ou  la   ù>if ,   cju'au 
moment   cjue  la    vache  arrive   le   jeune 
veau  (c  jeitc  à  la  njanieile  ,  en  tire  avec 
avidité  beaucoup  de  Lit ,    s'engraiHe  <Sc 
croît  bien  plus  vî  e  cjue  ceux  aux([ucls 
on    i^e   donne    point    de   (èl  ;    c'ell   j)ar 
la   inêine   railon    que    quand   les    bœufs 
DU   les   vaches  font   dcgoiiies ,    on   leur 
donne     de    l'herbe     trempée    dai  s     du 
vinaigre    ou    làupoudrée    d'un    j  eu    Je 
fêl   ;     on    peut    leur    en    donner    aiidl 
lorfcpi'ils    fe    portent    bien   &   qne  l'on 
veut  excixer   leur  appétit    pour   les  en- 
graifler    en   peu    de    temps  ;    c'ed    orui- 
iiiiireinent    à    l'âge    de    dix    ans    qu'on 
les   net   à  l'e'igrais ,  fi   l'on  attend   j);us 
tard    on    elt    nu.ins   inr   de   réullir  ,   & 
kur  chair  n'eit  pas  fi  bonne  j  on  ])et;î 

les 


fcs   e 

I» ,  . 

I  ère  c 
o 

qu'en 
de  ;l] 
voir  ^ 

cju'on 
de  les 

beau  ce 
ncia 
abondî 
peu  d( 
à  ioifn 

quatre 
gras  q, 
cher^ 
au  loinl 
vaches 
nés  , 
la  chaii 

&   ccilej 
rourre 

grealjlel 

f^es  Tl 

font  fol 

'lomci 


du  Bœuf.  'il y 

les   engraifTer    eu    toutes    faifons  ,   mais 
l'été  elt  celle  fju'on  préfère ,  parce  que 
ienirrais    Te  fait    à   moins   <Jc   fiais  ,     & 
qu'en  commençant  aux   mois  de  n;ai  ou 
de    juin ,     on    ell    prcfcjuc   lûr    de   les 
voir  gras   avant  fa   fin   d'o(5lobre  :    dès 
qu'on  voudra  les  engraiHcr ,   on  ceflera 
de   les  faire  travailler ,  on  les  fera  boire 
beaucoup  plus  fouvcnt ,    on  leur   don- 
rcra     des     nourritures     fucculcntes    ca 
abondance  ,     quelquefois    mêlées    d'un 
peu  de   fcl ,  ôi    on  les   lailTera   ruminer 
à  loifir    <5c   dormir    à  l'établc    pendant 
les    grandes    chaleurs  ;     en    moins    de 
quatre  ou  cincj  mois  ils  deviendront   ii 
gras  qu'ils  auront  de  la  peine  à   mar- 
cher^   &  qu'on  ne  pourra  les  conduire 
au  loin  qu'à  très -petites  journe'cs.  Les 
vaches ,   &  même  les   taureaux   Lillour- 
wés  ,    peuvent    s'engraiOer  aulfi ,    mais 
la  chair   de   la   vache  clt     plus    sèche  , 
&   celle  du    taureau    bidourné  efl:   |)îus 
rouge   &L    plus  dure    cjue    la    ch  lir  d.i 
bœuf 5    &  elle  a  toujours  un  go'ût  défa- 
gréabte  &  fort. 

Les  taureaux  ,  ks  vaches  &  les  bœufs 
fjin  fort   fujcLs  à  fc  lécher,    fur  -  tout 


;;i  î  8         f]}pi>h-e  NaUirdU 

dans  le  temi)S  qu'ils  fom  tii  plein  repos; 
ik   comme    l'on  croit  que  cela  les   cm-. 
pêche  ci  engraificr  ,  on  a  foin  de  frotter 
de  leur  fiente  tous   les  endroits   de  X^wr 
C(;rps  aux(|iiels    ils    peuvent    at;cindrc  j 
lorUju'on    ne   prend    pas   cette   précau- 
tion, ils  enlèvent  le  poil  avec  la  langue, 
qu'ils   ont  fort   rude ,     à.   ils  avaltni   te 
poil   en   grande   (juaniité;    comme  cet  : 
îubdance     ne     j)eut     fe    digérer  ,    ciic; 
rtfle    dans    leur    clioniac    &    y    torn.c 
des    pelottes    rondes    qu'on   a  apjielcca 
égagroyiles  ,     &.    qui     font    quclcjucfiiii; 
d'une  grofleur  fi  confîdcrafjle ,    qu'ellei 
doivent   les    incommoder  par    leur  vo- 
lume,  &   les  empêcher  de  digtrer  par 
leur  lé  jour  dans  rdlomac  ;   tes   pclouts 
ie  revêtent  avec  le   temps  d'une  croûte 
Lrune  affez  loiidc  ,  qui  n'cfl  cepcndiin: 
qu'un  mucilsge  épailli  ,  mais  qui   par  le 
froittment  &   la   co^îlion  devient   dur  & 
iuilant ,  elles   ne   le  trouvent  jamais  (|»;c 
dans   la    panfc  ;     (k    s'il   entre    du  poil 
dani  les  autres  ellomacs ,   il  n'y  fêjourne 
pas,    non   ])lus   que   d;ins   les   boyaux, 
3,1  pafle  apparcinment  avec  le  marc  d.5 
aliiiiens* 


'pos  ; 
cm- 
roiKr. 
.'  leur 
idrc  ] 

ngue, 
Lin  ce 

e  cef.c 
,  clic 
ibnr.e 

quelles 
ur  vo- 
rer  ]^ai 

ncloiltS 

croûte 
îcncliint 
li  piir  le 
dur  & 

du   jhmI 


tri'? 


cjcun 

aarc  ti'^s 


f///   5<r///? 


2Ï 


Les  animaux  qui  oiu  cîes  Jents  inci- 
fives,  comme  le  chev.il  «ît  l'Aie,  ;uijc 
'Jeux  mâchoires ,  broutent  plus  aifeuRni 
ri.crf)e  courte  que  ceux  nui  maïujuent 
de  dcius  intillves  à  la  in.uhoirc  (upc- 
rieure  ;  &  fi  le  mouton  &  la  chèvre 
la  coupent  de  très  -  prèï» ,  t'e.'l  jiarce 
qu'ils  font  petits  &  que  leurs  lèvre^  fo.t 
minces;  mais  le  l)œut\  dont  les  lèvres 
fl^nt  épnifles  ,  ne  jKut  brouter  que 
l'herbe  longue,  c'^i  c'eit  par  ccite  rai!^  n 


qu  11  ne  rate  aucun  tort  au  patur.igc 
fur  lequel  il  vit;  comiue  il  ne  pci  t 
pincer  (|ue  rextrém.ité  des  jeunes  herl>cs, 
il  ïiQW  ébranle  point  la  raeine,  Si  i/en 
ICLarJe  que  très  -  p'?u  l'as-vroidemc  t; 
au  lieu  que   le   mouton  ôi  la  chèvre   les 


coupent 


de    {\ 


ires 


lu 


leiru'Unt 


Il  tige   &  gâtent  la   racine:   d'ailL'urs  le 
cheval   choilit   l'herbe   la    p  us   iine  ,    & 


laide   ijfrener   &    le    multiplier  la 


g 


r.i 


ndo. 


beriie  ,  dont  les  tiges  ù>n  flu'e>  ,  au 
lieu  (lue  le  bœuf  coupe  ces  grolTes  titres 
&  détruit  peu  à-  peu  Iheibe  l.i  plus., 
groifière  ,     ce  qui    fait    cju'au    bout     le 


^1' 


(luei.c    e 


quelques  années  la  prairie  fur  I. 

cheval  a  vécu  n'eil  plus  qu'un  'uauvJ^ 


j^i»  Hi flaire  Naturelle 

pré  ,   au   lieu   que  celle  que  le  boeuf  a 
Ijioiité  devient  un  pâturage  fin. 

L'efpcce  de  nos  bœufs  qu'il  ne 
:faut  j  as  confondre  avec  ce  les  de  i'au- 
rocks  ,  du  buffle  &  du  biion ,  paroit 
-êirc  originaire  de  nos  cliinais  tempérés, 


i 


a  prandc  cnak: 


ur  le 


s  Jnconinioc 


dant 


au- 


f.aiU  que  le  froid  excei'Iif  ;  d'ailleurs 
.ccite  cfpèce,  fi  abondante  en  Europe, 
ne  le  irou\e  point  dans  les  pays  niéri- 
dionaux  ;  «S:  ne  s'ed:  pas  é;endue  au- 
delà    de  i'Arniénie  <îk  de    la    Perfe  (e) 


en   Aile,   &   au-clelà  de  I'Ep^ 


ypte 


&L   de 


la  Barljnrie  en  Afrique;  car  aux  Indes 
,auîli-bien  que  dans  le  relie  de  l'A- 
fricptc ,  &  niêine  en  Amérique  ,  ce 
fopt  des   bifons   qui  ont  une    bo/îc  fur 


os 


ou 


autres   animaux   auxciuels 


Je   d 

les  voyageurs  ont  dcMiné  le  non»  de 
hœvfj  mais  qui  lont  d'une  efpèce  dif- 
férente de    et  lie  de    nos    bœufs  :   c 


CUK 


B. 


qu  on  trouve  au  cap  cîe  lioiuie-eli^e- 
rance  (?î*:  en  pluficurs  conirées  de  l'A- 
mérique, y  ont  été  tranfport''s  d'Europe 
par  les  Hollandois  &  par  lc.>  Efj^ngîiois; 

(ej   Voyez,   le   voyage  de   Chardin,   Mit:  11^ 


"HCL 


Zi  :2  8t 


élu  Bœuf, 


lit 


en  général  il   pnroît   que    \t%    pays  un 


7e  II 


froid 


s    conviennent    mieux    a   nos 


hœufb   fjue   ici   pays    chauds ,     &    qu'i 


ij 


font  d' 


aumnt  plus  gros  &  pUis  grands 


qiit*  le  ciiiTiac  elt  plus  humide  ik  pli 
ïv!)ondant  ea  pâturages.  Les  bœufs  de 
Duieinarck,  à<t  la  Podolie  ,  de  l'U- 
kraine &  de  la  Tartarie  ,  qu'habitent 
je^    Calmouques    f  f)  >    font    les   plus 


g 


ran 


ds  de  tou.s  :  ceux  d'Irlande  ,  d'An- 


gleierre ,  de  Hollande  &  de  Hongrie, 
tout  audi  ])lus  grands  que  ceux  de 
Perle,  de  Turquie  ,  de  Grèce,  d'Italie, 
(le  France  &  d'Eipagne ,  «3c  ccuv  de 
Biibarie  font  les  piub  petits  de  tous; 
on  afiure  même  cpie  les  Hoiiandois 
liront  tous  les  ans  du  DancmarcL  un 
grand   nombre    de     vaches    grandes   c^c 


maii^res 


cSi 


m 


e    ces  vaches  donnent 


en  Hollande  beaucoup  plus  de  lai:  que 
les  vaches  de  France  :  c'cft  apparem- 
ment ceue  même  race  de  vaches  à  lait 
qu'on  a  tranfportée  &  mulriplice  en  Poi- 
tou ,    en   A  unis   ik   dans  les  marais  de 

(f)  \'oyo7.  le  vovage  de  RcgnarJ.  Paris ^   i^^fiz,      % 

me  Vil,    p<rs  //, 

K  i+j 


2  2  2'         'Hyi-)}re  NûttircUe 

Charente,  où  on  (es  appelle  vûches  fan- 
limes  :  ces  vaches  (ont  en  ciîct  l^e.iu- 
coup  plus  grandes  &  |>lus  maigres  que 
les  vaches  communes  ,  &  e'ie^  tionnoiu 
une  fois  autant  cic  lait  &  de  i;eurre,  elles 
donnent  aufîi  des  veaux  beaucouj)  plus 
grands  &:  \>\\.\s  forts ,  elles  ont  du  iaii  i\\ 
tout  temps,  &.  on  ])eut  les  traire  touie 
i'annec,  h  l'exception  de  quatre  ou  cinq 
jotirs  avant  qu'elles  met'crit  bas  ,  mais 
il  faut  pour  ces  vaches  des  pâturages 
cxcclfcns  ;  quoiqu'elles  ne  mangent  guère 
plus  que  les  vaches  communes,  comme 
elles  font  toujours  maigres  ,  toute  h 
furabondance  de  la  nourriture  fe  tourne 
en  lait,  au  lieu  que  lei>  vaches  ordinaiies 
deviennent  graffcs  &  ceflent  de  donner 
du  lait  dès  qu'elles  ont  vécu  ])cndaiit 
quelque  temps  dans  des  pâturages  trop 
gras.  Avec  un  taireau  de  cette  race  èi 
des  v- ches  communes  ,  on  £iit  une 
autre  race  c[u'on  appelé  bâtarde ,  &  f[ui 
efl  plus  féconde  &  plus  abondante  cti 
lait  que  la  race  commune;  ces  vaches 
bâtardes  donr.ent  fouvent  d^ux  ve.iux 
à  la  fois  ,  &  fourniflent  du  lait  pen- 
dant louic  i'aaiicc  ;  ce  font  ces  boimcs 


/.?/ 


Dœufo' 


2  2 


3^ 


icKes   à   laît   qui    font    une    pnrnc   de: 


:hc(rcs   de   la    HolLu-id< 


ou 


il  a 


)Xt 


VMS  ics  ans  pour  des  lomnies  confidé-;' 
i  li^ics  de  Iicurre  &  de  fromage  ;  ces* 
vaches  qui  (ournifîent  une  ou  deux  fois 
autant  de  lait  que  ks  vaches  de  France , 
en  do;inent  fix  fois  au.ant  que  celles  de 
Bj  rira  rie  (g). 

En  Irlande,  en  Anpflcterre,  en  Hol- 
Innde ,  en  Suiffe  &  dans  le  Nord  oii' 
!:iîe  (k  on  fume  la  chair  du  bœuf  en 
grande  quantité  ,  foit  pour  fulage  de  la 
m.irinc  ,    loit   j^our   l'avaniage   du   com- 


il    f( 


fî]    d( 


erce  ;     u    lort   auUi    tic   ces  pays   une 


grande   quantité   de   ci-Jirs  :    la   peau 


lu 


IX  eu 


f,  & 


même  ce 


lie  d 


u  veau  iervent 


comme  l'on  fîiit  ,  à  une  infinité  d'u- 
in(.^cs  ;  la  graiffe  eft  'auffi  une  muière 
i!  iic  ,  on  la  mêie  avec  le  fuif  du  mou- 
ton :  le  fumier  du  bœuf  eft  le  meilleur 
ciigrais  pour  les  terres  sèches  &  légères  ; 
la   corne   de   cet   animal    cfl:   le  premier 


in 


■i. 


!t  bu  ,  le  pre- 


vuiiicau  dans   lequel,  on  ai 

micr  indrumcnt  dans  le  juel  on  ait  foufïïé 

pour   augmenier    le  fon  ,    la    première 

(g)  Voyez  le  voy.igç  de    M,    Shaw,    tome  11 


M^c 


ré'  ? 


Il 


K  ii^j 


^24     fJiJIoire  Naîiirtlle ,  &u 

ïîiaiière  tranr])arente  que  l'on  ait  em- 
ployée pour  faire  des  vitres  ,  des  lan- 
ternes ,  &  que  l'on  ait  ramollie ,  triw 
vaillée,  raoulée  pour  faire  des  boîtes, 
des  peignes  &  mille  autres  ouvrages  :  mais 
finirions,  car  THiftoire  Naturelle  doit 
^Aiir  où  commence  rhiliolrc  des  arts. 


l:       •         I     ,' 


\'i 


i 


«     •    .* 


lii 


n'aicn 

do:il 

onl 

encoK 

an  es 

i'hom 

lions 

d'uvoi 

Comr 

purtici 

toutes 

mniii]: 

fi  l'or 

la  Au] 

dère  ( 

fîins  d 

falur  d 

tous  i 

bient 

dévor 


22^ 


LA    BREBIS. 

L'o  N  ne  peut  guère  douter  que  îes 
animaux  acludleirient  domcftiques , 
n'aient  éic  fiuvages  auparavant  ;  ccuk 
dn:ii  nous  avons  donné  l'hilioire  eiT 
oui  fourni  la  preuve  ,  &:  i'oji  trouve 
encore  aujourd'hui  des  chevaux  ,  des- 
ânes  &  des  taureaux  fauvages.  Mais> 
Ihomme  ,  qui  s'eit  louinis  tant  de  niii- 
lions  d'individus  ,  peut  -  il  fe  gloriher 
d'avoir  conquis  une  ieulc  efpèce  entière  l' 
Comme  toutes  ont  é;é  créées  Tans  (îv 
participation ,  ne  peut-on  pas  croire  que 
toutes  ont  eu  ordre  de  croître  &  dtî 
muUi|)lier  fans  fon  fecours  î  Cependant  ,- 
fi  Ton  fait  attention  à  la  foiblciïe  &  à 
la  (tupidité  de  ia  brebis;  fi  l'on  confj- 
dère  en  même  temps  que  cet  animal 
fans  défenfe  ne  peut  même  trouver  foti 
filut  dans  la  fuiie  ;  qu'il  a  pour  ennemis 
tous  les  animaux-  carnafîiers,  qui  fem- 
blent  le  chercher  de  préférence  &  b 
dévorer  par  goût;  que  d'ailleurs  cette 
efpèce  produit  peu,  qu^  chaque  individu 

IL.  V. 


%iG        Tlijîohe  Ncitiirelk 

ne  vit  que  peu  de  icnips  ,  &c.  on  fcroiV 
icntc  d  iiniigii  Cl"  (jiic  dès  îcs  comiiicn- 
cemens  la  hiebis  a  f'té  confiée  à  la  garde 
de  i'li(  mnic  ,  qu'tlle  a  eu  beloin  de  la 
proiedioii  p(;ur  iubliller ,  &  de  Tes  loins 
pour  le  nuihij)lier,  puilqu'eii  efîet  oa 
re  tr(u\e  point  de  l;iebii  iuuvages 
clans  les  dércris  ;  que  dans  Kms  les  lieux 
on  rhcîmnie  le  coiinuandc  pas,  le  lion, 
îe  lioîc  ,  ie  loup  régnent  par  la  forée 
ik  I  ar  la  cruauté  ;  que  ces  animaux  de 
lanof  &  de  carnaiTC  vivent  T'^I-IS  lonpf- 
temps  &  nuiliip.lient  tous  beai?coiip  plus 
que  la  brebis;  d<,.  qu'eiifui  ,  if  Von, 
îiLaiidonnoic  encore  ai;juurdlîui  dans 
jios  campuigï-.es  les  troupeaux  nond)reux 
de  ccîie  eljîcce  que  nous  avons  tant 
muiiipliee-  ,  ils  Tu  oient  bientoC  det/uits 
fous  nus  yeux  ,  ot  ierpèceendèie  antantie 
par  le  nombre  ik  lu  voracité  éa  clpètes 
ennemies. 

Il  paroît  donc  que  ce  nVfÎ!  que  par 
notre  ll'cours  (îkptir  nos  foins  que  cène 
efpèce  a  duré,  dure  cv  pourra  durer  en- 
core :  il  paroît  qu'elle  ne  lublillerou  |  iis 
par  elle- même.  La  brebis  eft  abfolumenî 
ituas  lelfource  «5i  fans  défenic  j  le  beiitr 


de  la  BrcLis,  5  2  7^ 

•n^a  c(ne  de  folbles  armes ,  fori  courage 
ji'eil  qu'une  j-)étulancc  inutile  p*^  ..    lui- 
jnêine,  incoininocle    pour  les  autres,  <Sc 
qu'on  (Iciruit  par  \a  c.illration  :  les  mou* 
tons   loiu    encore   plus    iiin"cies  que   les 
brebis;  c'eft  par  crainie  qu'ils  le  raircin- 
])lent  li  louvent  en  trou()e.iux,  le  luoia- 
dre  bruit  ex  r.iordinaire  luffit  j^our  qu'ils 
fc  précipitent  ;!k  le  (errent  les  uns  contre 
les  autres ,  &  cette  crainte  e(l  accompa- 
gnée de  la  plus  grande  flupiclic;  car  ils 
lie  lavent  pas  fuir  le  danger,  ils  lemblent 
même   ne    pas    feniir   raicom'nodiié   de 
ijur  fiiuation:   ils  relient  où   ils   fe  trou- 
vent, à  la  pluie,  à  la  neige,  ils  y  demeu- 
rent opiniâtrement ,   &   }).nir  les  obliger 
à  changer  de  lieu  <k  à  j)reiKlre  uiic  rouie^ 
il  leur   £iut  un    chef,    cju'oa   initruit  à 
nr.ucher  le   premier,    &  dont  ils  fuivent 
tous  les    niouvemens  pas  à  pas  :   ce  chef 
(jefncureroit   lui-même  avec   ?e  relie  du 
troupeau,     (ans    mouvenent  ,    dans   la* 
ni'iue    place  ,    s'il   n'éioic   c'nafié   par  Is 
bcri^er   ou   excité   par   le   cliicn  commis 
à  leur  aurde  ,   iccpiel  f;iic  en   effet  ve  lier 
à   leur  lûreté  ,  le.i  l\(^\q\\  Ire,   les  diriger, 
ies  léparer ,  les  raflembier  &  leur  com- 

Kvj 


>i 


228  liïjloh'e  NdîitrelJe 

rnuni([ucr  les  niouvemcns  qui  leur  man» 

CjUi 


en  t. 


Ce  font  (Jonc  cie  tous  ics    iininiair< 
quatlrupcdcs    les  plus  flupides,    ce  ioiit 


ceux 


ui  ont  le   moins  cle  rciioiirce   èi 


a\ 


d'inflind  :  les  chèvres,  oui  leur  rcliein- 


b( 


bîent  a  tant  cJ  iiuircs  eg;ncls,  ont  beau- 
coup plus  de  fciuiiueni  ;  elles  lavent  W 
conduire,  elles  évitent  les  dangers,  elks 
fê  ^ijuiliariijbrit  ailérnent  avec  les  nou- 
veaux objets ,  au  lieu  que  la  brebis  ne 
fait  ni  fuLr,  ni  s'apjjrochcr;  c|uelqi;c  bc- 
foin  qu'elle  ait  de  Tecours,  elle  ne  vient 
point   à  rhcjTiine  aulîi  volontiers  que  !.i 


cnevre 


di 


ce  QUI   dans   les  animaux 


h 


par 


ou  cire 


led 


ernier  deiTe 


de  ! 


a  timidii^r 


ou  de  rinfenfibiliré  ,  elle  ie  laiile  enlever 
ion   a/^ncau  iiins  le  déftndre',   lans  s'ir- 


r\ 


:er  ,  làns    réfiilcr    &    Lins 


marquer    la 


douleur  par  un  cri  différent  du  belejneiu 
ordinaire?. 

Mais  cet  animal  fi  cheiifen  lui-memc, 
fi  de'pourvu  de  fentinicnt  ,   fi  dénué  de 


ualites  '  intérieures 


e 


11 


poui 


i'h 


oiuine 


i'animal  le  plus  précieux,  celui  dont  l'u- 
tilité cfl  la  dIus  immédiate  &  la  plus 
étendue  ;  feul  il  p^ut  fuffîre  aux  befoind 


Je  In  Bref)! s,-  2  2<j 

cTe  première  necelfitt,  il  f-uuriiit  toiit-à- 
l'i  fois  de  quoi  fe  iiotirir  ik  fc  vêtir, 
jlins  compter  les  avaiit:»gcs  pariiculiers 
tiue  l'on  lait  liier  ciii  Tuit ,  du  iiii  ,  de 
lu  jH'au ,  &  lîiêiv.c  dv:s  hoyaux ,  des  os 
&:  du  fiMirer  de  cet  aniiTial  ,  iiiKjuel  il 
lèml^ie  cjiie  la  Nature  n'iîi:  ,  pour  aiiid 
dire,  rien  accor<.it  en  prc^pre,  rien  donne 
que  pour  le  rendre  à  Ihoinfne. 

J-.'ainour  ,  qui  dans  les  animaux  cfl  It 
fèniiment  le  [iliis  vif  &  le  plus  générai , 
cR  aulii  le  Icul  cjui  femb'e  doniicr  quel- 
qiie  vivacité ,  quelque  mouveinent  au 
bélier,  il  devicju  pétulant,  il  Te  but,  il 
s'élance  contre  le^  autres  béliers  ,  quei-s- 
quefois  même  il  attaque  Ton  l)erger  ; 
mais  la  brebis  ,  ((uoiqu'en  chaie'jr ,  n'ea 
paroit  pas  pkjs  animée  ^  yias  plus  émue; 
elle  n'a  qu'autant  d'inilincl  qu'il  en  faut 
T  n\r  ne  pas  refukr  les  approches  du 
jr-ale ,  pour  choifir  (Ii  nourriture  &  jK)ur 
reconnoître  ion  agneau.  L'inflincH:  efl 
d'autant  plus  fur  qu'il  eil:  plus  machinal, 
&,  pour  ainfi  dire,  }^lus  inné;  le  jeune 
agneau  cherche  lui-même  dans  un  nom- 
fcrcux  tf  oupeuu;  trouve  &  faifu  ia  mamdls 


5^0 


Tlifloke  fscitunlU 


de   i^ 


a  inere   (ans   jaiiuus    le    nicp 


rcnJr« 


JL 'on   dit    aulli    (jue    les   moiitoni»    loiu 
fcnfjblca  aux  douceurs  du   ch.iiii,  (qu'ils 

(lus  d'afîidaité  ,    cju  ils  le 


P 


)ailîciu  avec 
)orie;u  mieux 


qu  ils  engia  rient  jiu  loa 
du  chalumeau  ,  (jite  lu  inulî.jue  a  pour 


eux 


ics 


ittuai  s  ;     mais    loa 


dit 


eiijore 


plus  louvent,  <ïk  avec  plus  defondcmcni, 
qu'elle    lert  au  moiiii  à   chjriuer  l  eni\ui 
)txyQX  s    &  (i.ie    c'ell   à  ce  pfcme   de 


ÙKX    h 


A 


%' 


■vie  oilivc   ^  foliiaire  cjnc  l'on  duii  fjj 
porter  l'origine  de  cet  an. 


C 


es  aniunux 


loni  i€   natur 


el  cfl 


peuvcn.  mire 


her  I 


fip.ip  c  ,     lo.u   auifi    d'un    ieiiip.'r;uii( 
très-foi[)le,  iis  ne 
tCiiips  ,  les  voy;  gej 
cxienuent 


Oïl  or. 


ics  i.lFoii)lilîcni  &  1 


es 


d^s  (ju'ils  couren:  ,  iis  [kiI- 
iient,  <Sc  l'ont  bieniôt  ell  )ufles  ;  la 
lanJe  chaleur.  Tarde jr  du    foleil  les  in- 


P 

ë 

cciumodcnt    amant    cjue 


Ih 


umidite 


le 


froiJ  &  la  neioe  ;  ils  foni  fiijets  à  j^rand 
IK  iiibre  de  iiiaiadies  ,  do.it  la  plu|v.trt 
fv-ni  ontagieulc^s  ;  la  lurab  o.dance  de  ia 
graille  les  tai.  quehpjcfoi.  huoiirir,  & 
tuujjurs  elle  empêche  le>  biebis  de  pro- 
duite;   tilcft   luedcflw   bui  diffiwiiemeiu  j 


cft    Cl 

"  lon^- 

L  &  les 

?s  ;  la 
les  iii- 
lé  ,    le 


i/^  /*/  Prchh* 


^ijtl 


efe   avortent    fréquemment    <?c  flemna- 
dcju    plus   de   foin   cju'aucuii   cJts  auiref- 


aniMKiUX   cl()rneliir|ue> 


fli 


Lorlque  la    bjebis  efl  prête   à  meti 


r« 


]);is  ,  il  faut  1.»  Icpiircr  du  relie  du  trou- 


)ciu 


&  I 


a  vciiei 


l 


ifin   d 


cire  a  portt  e 


d'aiJcr   à    i'accouclicmcnt  ;    r.igneau   1g 
prcleiite   fouvem   de   ua\er.s  ou   p..r  les 


J)!C(JS 

ri  (que 


&    d. 


ms    ces    cai    la   incc    court 


de    1; 


i   vie  11  elle  n  elt  iiclcc 


It 


lorf^ 


qu'elle  cH:  dtlivrce,   on  lè\e  l'^igneau  <5c 
en   le   met   droit  lur    les    pieds,   on   tire 


en  inenie  temps 


le  1 


iK  riui   e 


11 


contenu 


d;ins  ks  maine'Ics  de  la  mère  ;  ce  pre- 
mier lait  tft  gâté  ik  leroit  hcauccuip  de 
lîial  à  l';!gneau  ,  on  attend  donc  cpi 'elles 
11'   remplilJcnt    d'iui   nouveau   Kiit   avant 


t]iic  de  lui  peime[;rc  de  teter  ;    on  le  tient 
clr.iudcmcnt ,    &    on   rcnrerme    |)endant 


trois  ou  (pîaire  j^urb  avec 


fa 


m 


tre  pour 


Cju'i^  apprenne  ù  la  connoitrc:  <.ljns  ces 
preiificrs  teiiips,  [)0ur  rétablir  li  hrebis^ 
la  noui''it    f'e     bon    f  in    (Se    d'orge 


on 


moul 


:1e  kl 


u  ou   de  ion  II. Ole  àuw  j)en  c 
pro«     I    on  lui  fait  buire   de  l'eau  un    jieu   ticd< 
&  blancliie  a\ec  de  ia  farine  de  f)lé  ,  d 


e 


lèves  ou  de  milice  j    au  bout  de  c^uatre 


Il  ^2         H  Ivoire  Natiiref^e 

e\\  cinq  jours  on  pourra  ia  ranettre  pat* 
degrés  à  la  vie  commune  &  la  faire  iortir 
avec  les  autres,  on  obibrvera  leulemeat 
de  ne  la  pis  mener  troj)  loin  pour  ne 
pas  e'chauffer  Ion  lait  :  c|uelc[ue  temps 
après ,  lori(]ue  i'agiieau  (jui  la  tette  aura 
pris  (de  ia  force  èi  qu  il  comn^enccra  à 
bondir  ,  on  pourra  lui  laidcr  fuivre  (a 
mère  aux  champs. 

On  livre  ordinairement  au  boucher 
tous  les  a<yne:iux  qui  paroifient  foibies  j 
éi  l'on  ne  garde  ,  pour  les  élever ,  que 
ceux  qui  font  les  plus  vigoureux,  le:) 
plus  gros  ik  les  plus  chargés  de  laine  ;. 
hti  agneaux  de  la  première  portée  n^. 
font  j:imais  Çi  bons  que  ceux  des  portées 
fuivantes  :  fi  l'on  veut  élever  ceux  qui 
naiflënt  aux  mois  d'odlobre ,  HOvembic^ 
décembre,  janvier,  février,  on  les  garda 
»  l'étabfe  pendant  l'hiver ,  on  ne  les  e:i 
fait  foriir  que  ie  foir  ôl  le  matin  po-uj 
teicr ,  &  on  ne  les  iaifle  point  aller  aux 
champs  avant  le  commencement  d'avril  : 
quelque  temps  auparavant  on  leur  donr>« 
tous  les  jours  un  peu  d'herbe,  afin  de 
fcs  accoutufHcr  peu  à  peu  à  cette  nou- 
'Vtiie  nourikurc.  Oa  peut  les  fevrer    a 


n 


fie  la  B relis.  233 

im  mois ,  mais  il  vaut  mieux  ne  le  faire 
qu'à  fix  lemaiiies  ou  deux  mois  :  on 
préfère  toujours  les  agneaux  blancs  & 
îàns  taches  aux  agneaux  noirs  ou  taches  , 
h  laine  blanche  fe  vendant  mieux  qu»  la 
laine  noire  ou  mêlée. 

La  cafhaiion  doit  fe  faire  à  l'âge  de 
cinq  ou  fjx  mois,  ou  même  un  peu 
plus  lard,  au  printemps  ou  en  auiomne  , 
dans  un  temps  doux.  Cetie  opéraiion 
fe  fait  de  deux  manières  :  la  plus  ordi- 
Faire  eft  l'incificn,  on  tire  les  teliicules 
par  l'ouverture  qu'on  vient  de  la  rc  ,  6c 
on  les  enlève  ailément;  l'autre  fe  fait  (ans 
iiicifion  ,  on  lie  feulement ,  en  fe«rant 
fortement  avec  une  corde,  les  bourfcs 
au-deflus  des  teflicules ,  &  l'on  détruit 
p:;r  cete  comjjrellion  les  vaiOcaux  qui 
y  abouilllenr.  La  callrat'on  lend  l'agneau 
jii:i!ride  &  trifle ,  &  l'on  fera  bien  de  lui 
donner  du  fou  mêlé  d'un  peu  de  fci 
pci'.dant  deux  ou  trois  iours,  pour  pré- 
venir le  dégoût  qui  fouvent  iuccèdc  à 
cet  état. 

A  un  an  les  béliers,  les  brebis  di  les  mou- 
tons jierdent  les  deux  dents  du  devant 
de  la  iiiâchuiic  inférieure;  ils  manqucat, 


m 

M 


^îj^     '      Hfjîoîre  Naturelle      • 

coinrrae  l'on  (ait ,  de  dents  incîfives  4 
la  mâchoire  fupérieure  :  à  dix-huit  mois 
ies  deux  dents  voi  fi  nés  des  deux  pre- 
mières tombent  aufii ,  &  à  trois  ans 
elles  font  toutes  remplacées,  elles  (ont 
aiors  ég;iies  &  affez  blanches ,  m.iis  à 
niefure  que  l'animal  vieillit ,  elles  le  dé- 
chaufîent ,  s'éraoufTent,  &  deviennent 
inégales  &  noires.  On  connoîtaufîi  1  âge 
du  bt'iier  par  les  cornes,  elles  paroi (îent 
dès  la  première  nnnce  ,  fouvent  dès  la 
naiiTance ,  &  croifTent  tous  les  ans  d'un 
anneau  julqu'à  l'extrèmiLé  de  la  vie, 
Communément  les  brebis  n'ont  pas  de 
cornes ,  mais  elles  ont  liir  la  tête  des 
proéminences  oflcufcs  aux  mêmes  en- 
droits où  naiflcnt  les  cornes  des  béliers. 
11  y  a  cependant  quelques  brebis  qui  oat 
deux  »?c  même  qu;iire  cornes:  ces  brebis 
fjnt  fciiblables  aux  autres,  leurs  cornes 
font  longues  de  cinq  ou  fix  pouce> , 
moins  contournées  que  celles  des  bé- 
liers; &  lorfqu'il  y  a  quatre  cornes,  l.s 
deux  cornes  extérieures  font  plus  courtes 
que  le>  deux  autres. 

Le  bélier  ell  en  état  d'engendrer  dh 
Tage  de  dix- huit  mois ,  &  à  un  an  la 


W 


'de  la  BreBis».  2  3  5^1 

Brebîs  peut  produire;  mais  on  fera  bien 
d'attei.dre  (jne  la  bre[)is  ait  deux  ans  ,  & 
que  le  bélier  en  ait  ârois,  aviuit  de  leur 
perinetiie  de  .s'acc:oupIer  ;  ie  j)roduit  trop 
précoce,  &  mênie  le  premier  produit 
de  ce>  animaux  ,  efl:  toujours  foib.e  «Se 
mil  c<  n  iitionne'.  Un  bélier  peut  ailcinent 
iiiffire  à  vingi-cinq  ou  trcn:e  brebis  :  on 
le  choifu  parmi  les  plus  forts  &  les  plus 
bc.iux  de  (on  efpèce  :  il  faut  qu'il  ait 
des  cornes ,  car  il  y  a  des  béliers  qui 
n'en  on:  pas  j  &  ces  béliers  lans  cornes 
font  dans  ce^:  dii^iats ,  moins  vigoureux 
&  moins  prci  à  la  propaguion.  Va 
beau  ôi  bon  '..îier  doit  a\oir  ia  lêie 
furie  &  groffejie  front  large,  les  yeux 
gros  Se  noirs,  le  nez  camus,  les  oreilles 
grandes ,  le  cou  éjiais ,  le  corps  long  & 
élevé ,  les  reins  &  h  croupe  larges ,  les 
îcllieules  gros  ,  &  la  queue  longue:  les. 
meilleurs  de  tous  font  les  blancs  ,  bien 
chargés  de  laine  fur  le  ventre ,  fur  la 
queue,  fur  la  tête,  fur  les  oreilles  & 
julque  fur  les  yeux.  Les  brebis,  dont 
ia  l.iine  eft  la  plus  abondante  ,  la  plus 
touffue,  la  plus  longue,  la  plus  foyeufe 
&  la  plus  blauche ,  fojiu  aufli  les  meilieure§ 


H 


1! 


2^6        'HftolreT^atureHe 

pour  ïa  propagation  ,  fur- tout  Ci  elfes  ont 
en  même  temps  le  corps  grand,  le  cou 
épais  &  la  démarche  légère.  On  ob(erve 
aulfi  que  celles  qui  fom  plutôt  maigres 
que  grafîes ,  produifent  plus  fûrement 
fjue  les  auires. 

La  faifon  de  îa  chaleur  des  brebis  cfl 
depuis  le  commencement  de  novembre 
jukju'àia  fin  d'avri!  j  cependint  elfes  ne 
laiTlent  pas  de  concevoir  en  tout  temps, 
fi.  on  leur  donne ,  aufîi-bien  qu'au  hé- 
iier,  des  nourri  ures  qui  les  échauffent, 
comme  de  l  eau  lalée  &  du  pain  de  che- 
nevis.  On  les  laifîc  couvrir  trois  ou 
quatre  fois  chacune,  après  quot  on  les 
fépare  du  bélier ,  c|ui  s'attache  de  préfé- 
rence aux  brebis  a^écs  &  dédaiornc  les 
plus  jeunes.  L'on  a  foin  de  ne  les  pas 
Cxpofcr  à  la  i^fuie  ou  aux  orages  dans 
ie  temps  de  l'accouj)Iement,  l'humidité 
ies  empêche  de  retenir,  &  un  coup  c!e 
tonnerre  faffit  pour  les  faire  avorter.  Un 
jour  ou  deux  après  qu'elles  ont  été  cou- 
vertes, on  les  remet  à  1<\  vie  commune, 
&  l'on  cefîe  de  leur  donner  de  l'eau 
falée,  dont  Tufac^e  coiitinuel ,  auifi-bicn 
que  celui  du    puiii  de  cheaevis  &  tà^^j 


Ae  la  Brebis^ 


237 


iautres  nourritures  chaudes,  ne  manque- 
jroit  pas  de  les  titire  avorter.  Elles  portent 
cinc[  mois,  &  mettent  bas  au  coinmen- 
cemeni  du  fixitnie  ;  el.ea  ne  pioduifent 
ordinairement  qu'un  agneau  ,  &  quel- 
qucfois  deux:  dans  les  climats  chauds, 
elles  peuvent  pro'iuire  deux  tbis  par  an; 
mais  en  France  &  dans  les  pays  plus  froids, 
clés  ne  produifent  qu'ime  fois  l'année. 
On  donne  le  lidier  à  c{ueiques-unes  vers 
h  fin  de  juillet  &  au  comiviencement 
d'août ,  afin  d'avoir  des  agneaux,  dui^  le 
mois  de  janvier,  on  le  donne  eniuite 
à  un  plus  grand  nombre  dans  les  mois 
de  repîeml)ie  ,  d'ocftobre  «^  de  novem- 
bre ,  &  l'on  a  des  agneaux  abondam- 
ment: aux  mois  de  février,  de  mars  <Sc 
d'avril  :  on  peut  auffi  en  avoir  en  quan- 
tité aux  mois  de  mai,  juin  ,  juillet,  uoût 
&  feptembre,  &  ils  ne  font  rares  cju'aux 
nioij  d'oétobre,  novembre  &  décembre, 
La  brebis  a  du  lait  pendant  fepi  ou  huit 
mois ,  &  en  grande  abondance ,  oc  lait 
cil  une  afTez  bonne  nourriture  pour  les 
enfans  &  pour  les  gens  de  la  campagne  ; 
on  en  fait  auffi  de  fort  bons  fromages , 
.fur  tout  en  le  mêiancavec  celui  de  vache» 


^3?'        Hîjlokê  Naturelle 

L'heure  de  traire  les  brebis  cH  immédia- 
tement a\^ant  qu'elles  aillent  aux  champs, 
ou  audiiôt  après  qu'elles  en  (ont  reve- 
nues ;  on  peut  les  traire  deux  fois  par 
leur  en  éié ,  &.  une  fois  en  hiver. 

Les   brebis  engraifient  dans  le  temps 
qu'elles    font    pleines  ,      parce    qu'elles 
mangent  plus  alors  que  dans  les  autres 
temps  :    comme  elles  lé  bleflent  fouvcm 
&  qu'elles  avorient   frécjuemment,   elles 
deviennent  quelquefois  fte'rilcs ,    &  font 
afTez  fou  vent  des  monftrcs;   cependant, 
lorfqu'elles     font    bien   foigne'es  ,    elles 
peuvent  produire  pe/idant  toute  leur  vie, 
c'eft -à-dire ,    julqu'à  l'âge  de  dix  ou 
douze  ans  ;  mais  ordiniirement  elles  font 
vieilles  &   maléficiées  dès    l'âge    de  (êpt 
ou  huit  ans.  Le  bélier  qui  vit  douze  ou 
quatorze  ans,  n'ell  bon  que  jufqu'à  huit 
pour  la  propagation;  il  faut  le  biftourner 
à  cet  âge  &  I  engraiiîer  avec  les  vieilles 
brebis.  La  chair  du  bélier,  quoique  bif- 
tourné  &  cngrailTe,  a  toujours  un  mau- 
vais goût  ;  celle  de  la  brebis  e(l  molLilTc 
éi  infjpide,  au  lieu  que  celle  du  mouton 
cfl  la  plus  fucculcnte  &  la  meilleure  de 
toutes  les  viandes  communes. 


peau 
brcb 
huit 
njctti 
bcraj 
cliicii 
céder 
à   le< 
à  k  { 
dans  . 
Lois  i 
ne  ma. 
Lqs  c 
de/]  us 
leur  c< 
les  me 
jhumidi 
pendar 
navets, 
fiinfbij 
on  ne 
^fs  jouj 
fort  juî 
promei 
€c!ie  n 
aux  ciii 


•  de  h  Brchls.  ^3?! 

Les  gens  qui  veuient  former  un  trou- 
peau &i  en  tirer  du  profit,  achcticnt  des 
brebis  ôi  des  moutons  de  i'âge  de  dix- 
huit  mois  ou   deux  ans  ;    on    en   peut 
mettre  cent  fous  la   conduite  d-un  feul 
berger  :  s'il  eft  vigilant  &  aidé  d'un  boa 
chien  ,  il  en  perdra  peu  ;   *    C       les  pré- 
céder lorfqu'il  les  conduit  aux  champs, 
&  les  accoutumer  à  entendre  (ii   voix , 
à  le  fuîvre  fans  s'arrêter  &  fins  s'écarter 
dans  les  blés,  dans  les  vignes,  dans  les 
bcis  &  dans  les  terres  culiivccs,  où  ils 
ne  manqucroicnt  pas  de  Cviufer  du  dégât. 
Les  coteaux ,  &  les  plaines  élevées  au- 
dcfl'us   des    collines    font   les    lieux    qui 
leur  conviennent  le  mieux  ;  on  évite  de 
les  mener  paître   dans   les  endroits   bas , 
humides  &   marécageux.  On  les  nourrit 
pendant  l'hiver  à  l'étable ,    de   fon ,   d« 
navets,  de  foin,  de  paille,  de  luzerne,  de 
fainfoin,  de  feuilles  d'orme,  de  frêne,  &c. 
on  ne  iailîè  pas  de    les   faire  fortir  tous 
les  jours ,  à  moins  que  le  temps  ne  foit 
fort  mauvais ,   mais  c'elt   plj,itôt  pour  les 
promener  que  pour  les  nourrir ,  &  dans 
cette  mauvaife  faifon  ,  on  ne  les  conduit 
aux  champs  que   fur  les  dix  heures  du 


i^b         'fll/fnkâ  Ndtureîk 

inatin  ,  on  ïcs  y  hiifîe  pendant  quatre  ou 
cinq  heures,   après  quoi  on  les  fuit  b(Mrc 
&   on  les   ramène    vers  les    trois  heures 
après  miJi.  Au  printemps  &  en  automne 
au   contraire ,    on    les   tait  loriir  auffiiôt 
que  le  foleil  a  dilîipé  la  gelte  ou   l'hu- 
midité, &  on  ne  les  rjtnèiic  qu'au  foleil 
couchant  ;   il   fufîii   aufii   dans  ces  deux 
f liions   de  les   faire  })oire  une  lèule  fois 
par  jour  avant  de  le^  ramener  à  fétuLle, 
où  il   ftut   qu'ik    trouvent    toujours   du 
fourrage,    mais  en  pius    petite  quantité 
qu'en  hiver.  Ce  n'cll  cjuc   pendant  l'eié 
qu  iL^  doivent  j^rcn  Ire  aux  cham[)s  touie 
leur  nourriture,   on  les  y  mène  deux  fois 
par  jour,  &  on  les  faii  boire  aulfi   deux 
fois;    on  les  fiit   fortir  du  grand  m;!îin , 
on  attend  que  ia  rolèc   (oit  lonibèe  j)Our 
les  laiflcr  paître  j^cnd mt   cpiatre  ou  cinq 
heures,  cnlni  e  o  i  (e.^  fait  boire  &  on  les 
ramène  à  la  bergerie  (Hï  dans  cjuclqu'aunc 
endroit  à  l'ombre:  iur  les  trois  ou  qua:re 
heures  dn    lo'r  ,  ï(Mique   la  grande  cha- 
leur c^'mniQnce  à  dÎMiinucr,  on  les  mené 
paîire  une  féconde  fois  ju{(ju'à  la  fin  fin 
jour  ;   il  faudro;t   même  les  laifler  palier 
toute  ia  nuit  aux  champs ,  comme  on  les 

iàit 


tre'ou 

boire 
heures 
tomne 
Luliiiot 
.  rhu- 
Li  foieil 
s  deux 
nie  fois 
euble , 
uis   du 
juantiié 
mt  l'été 
)S  touie 
eux  fois 
fi  deux 
matin , 
ée  pour 
ou  cinq 
on  les 
qu'aune 
j  qviaire 
de  clia- 
les  mène 
la  fin  fiu 
r  pa(ier 
>(i  on  ÎC5 
fait 


de  fa  Brehtsl  24  r 

Êrt  Q\\  Angleterre ,  fi  l*on  n'avoît  rien  à 
craindro  du  loup ,  Hs  ncn  (croient  que 
plus  vigoureux  ,  plus  propres  &  plus 
fains.  Comme  la  chaleur  trop  vive  les 
jncommode  beaucoup  ,  &  que  les  rayons 
du  loleil  leur  étourdinent  la  tête  éc  leur 
donneiit  des  vertiges  ,  on  fera  bien  de 
choifir  les  lieux  oppofés  au  foieil,  Su  de 
les  tnener  le  madn  fur  des  copeaux  ex- 
pofés  au  levant ,  A  l'après-niidi  fur  des 
coteaux  expofés  au  couchant,  afin  quNIs 
aient  en  paiflânt  fa  lê  e  à  Tombt^  de 
leur  corps  ;  enfin  il  faut  éviter  de  les 
faire  pafler  par  des  endroits  couverts 
d épines,  de  ronces,  d'ajoncs,  de  char-» 
dons,  fi  l'on  veut  qu'ils  confervent  leur 
laine. 

Dans  les  terreîns  fccs,  dans  les  lieux 
éievés,  où  le  ferpolet  &  les  autres  herbes 
odoriférantes  abondent,  la  hair  du  mou- 
ton eft  de  bien  meilleure  qualité  que 
dans  les  plaines  balles  &  dans  les  vallées 
humides ,  à  moins  que  ces  plainei  ne 
foient  (àblonneufes  &  voifines  de  la  mer, 
parce  qualors  toutes  les  herbes  font 
îaf  'S,  &  la  chair  du  mouton  n*eli  nulle 

rt  aufiij  bonne  que  dans  ces  pacage? 

Tome  VL  L 


15' 


i4^         /-////rvV^  Naturelle 

ou  près  filles  ;  k  Init  des  brebis  y  eft 
a  11  (H  plus  abondant  <?c  de  meilleur  goût, 
Kicn  ne  fi.ttie  [)Ius  l'appétit  de  ces  ani- 
maux cjiîc  le  Tel ,  rien  aufii  ne  leur  c(l 
plus  (Iiluiaire  ,  lorfcju'il  leur  ell  donné 
nicdcréinent  ;  (5v  dans  quelques  endroits 
on  mci  daifs  la  bergerie  un  fàc  de  Tel  ou 
une  pierre  ialc'c  qu'ils  vont  tous  lécher 
tour  à  tour.  .      i.i  r      ,    .  •.• 

Tous  les  ans  il  faut  trier  dans  le  trou- 
peau les  btnes  qui  coinmenccnt  à  vieillir, 
&  qu'on  veut  engraiflcr  :  comme  elles 
deFuandent  na  traitement  différent  de 
celui  des  iiutres,  on  doit  en  faire  un 
troupeau  fépare  ;  &  fi  c'efl  en  été ,  on 
les  mènera  aux  champs  avant  le  lever 
du  fofe'l,  afin  de  leur  faire  paître  l'hcrhe 
humide  &  chargée  de  rolée.  Rien  ne 
contribue  plus  à  l'cngritis  des  moutons 
que  l'eau  prile  en  grande  quaniiié  ,  & 
lien  ne  b'y  oppofe  davantage  queTardeur 
du  foieil  ;  ainfi  on  les  ramènera  à  la 
bergerie  fur  les  huit  ou  neuf  heures  du 
maiin  avant  la  grande  cha'eur,  &  on 
leur  donnera  du  fcl  pour  les  exciter  à 
bt)ire  ,  on  les  mènera  une  fcconc  e  fois 
ilif  ies  quatrç  .heures  du   foir  dans  lej 


fîe  în  Brebis. 


43 


pncngesTcs  plus  frais  &  les  plus  humides. 
Cfc's  petits  Ibins  coniinués  pciulant  deux 
ou  trois  mois  fuffilent  j)our  leur  donner 
toutes  les  apparences  de  rcmboiij)oint , 
&  même  pour  les  engruider  au  ant  qu'ils 
peuvent  lêtre,  niai>  ceiie  graifîe  qui  ne 
vient  que  de  I.i  gn ndc  quanJ  c  d'e.iu 
qu'ils  ont  bue,  n'efl,  pour  ainfi  dire; 
cju'une  bouffiffure  ,  un  œdème  qui  le« 
f croit  périr  de  pourriture  en  j^eu  d« 
temps,  &  qu'on  ne  prévient  qii'en  les 
tuant  immédiatement  après  qu'ils  (e  font 
chargés  de  cette  faufTc  graifTe  ;  leur  chair 
même ,  loin  d'avoir  acquis  des  lues  & 
pris  de  la  fermeté,  n'en  eft  fou  vent  que 
plus  infipide  &  plus  fade  :  il  faut  iorf- 
qu'on  veut  leur  faire  une  bon  le  chair, 
ne  fe  pas  borner  à  feur  iaiffer  paîire  la 
rolee  &  boire  beaucoup  dcau,  m  lis  leur 
dv)nneF  en  même  temps  des  nourritures 
plus  fucculentes  que  l'herbe.  On  peut 
les  cngraiiïer  en  hiver  &  dans  toutes  les 
liiifons,  en  les  mettant  dans  une  étabic 
à  part,  &  en  les  nourriiï'ant  de  fiirines 
d'orge,  d'avoine,  de  froment,  de  fèves, 
&c.  «nêlées  de  lel  afin  de  les  exciter  à 
boire  plus  fouyent  &  plus  abondamment; 

Li/ 


^244         Hifîoke  Naturelle 

mais  de  quelque  manière  &  dans  quelque 
fîïifon  qu*on  les  ait  cngraifTcs ,  il  faut  s'en 
défaire  auffitôc ,  car  on  ne  peut  jamais 
les  engraiiïcr  deux  fois ,  &  ils  périfTeat 
prefque  tous  par  des  maladies  du  foie. 

On  trouve  fouvent  des  vers  dans  Te 
foie  des  animaux  ,  on  peut  voir  la  àc^- 
criptîon  des  vers  du  foie  des  moutons  & 
éts  bœufs  dans  le  Journal  des  Savans  fn) 
&  dans  les  Éphémcrides  d'Allemagne  ("ùj» 
On  croyoit  que  ces  vers  finguliers  ne 
fe  trouvoîent  que  dans  le  fo*e  des  ani- 
maux ruminans  ,  mais  M.  Daubenton 
en  a  trouvé  de  tout  femblables  dans 
le  foie  de  i'âne  fcj,  &  il  eft  probable 
qu'on  en  trouvera  de  femblables  aufîx 
dans  le  foie  de  piufieurs  autres  ani- 
jnaux.  Mais  on  prétend  encore  avoir 
trouvé  des  pap'llwns  dans  le  foie  des 
moutons;  M.  Roiiilié  Miniflre  &. Secré- 
taire d  État  des  af^iires  étrangères ,  a  eu 
ia  bonté  de  me  communiquer  une  lettre 

YaJ  Année  i  668. 

(i)  Tome  V,  années  1 67 j  &  t  6^4, 

(c)  Voyez  dans  le  tome  VI  II  de  cette  Hiftoîre 
Naturelle,  de  l'édition  en  trente -un  volumes^  la  dc^ 
içriptîon  de  Tânci 


Tqiie 
ts'en 
imais 
îfTeat 

ie. 

ns  le 

def- 

)ns  & 

ï\sfti) 

îrs  ne 
i  ani- 
lentoii 

dans 
abable 
>  auffi 
ani- 

avoir 

e  des 
Secrc- 
a  eu 

ieure 


Hlftoirê 
^  la  dct 


i/f  Aï  ÈreltSt  ^45 

qui  lui  a  éxé  écrite  en  1749,  par  M. 
Cachet  de  Beaufort,  Doéleur  en  Méde- 
cine à  Montier  en  Tarantaifc,  dont  voici 
i'extrait.  <c  L*on  a  remarqué  depuis  long- 
temps que  les  moutons  (  qui  dans  nos  <c 
Alpes  lont  les  meilieurs  de  l'Europe)  « 
maigrideni  quelquefois  à  vue  d'oeil,  c< 
ayant  les  yeux  blancs,  chafljcux  &  con-  ce 
centrés,  le  (ang  féreux,  fins  prefque  c< 
aucune  partie  rouge  fenfible,  la  langue  c< 
aride  &  reflcrrée ,  le  nez  rempli  d  un  <c 
mucus  jaunâtre ,  glaireux  &.  purulent ,  ec 
avec  une  débilité  extrême  ,  quoique  « 
mangeant  beaucoup,  &  qu*cnfin  toute  « 
l'économie  animale  tomboit  en  dcca-  ce 
dence.  Plufieurs  recherches  exatfles  te 
ont  appris  que  ces  animaux  avoient  <c 
dans  le  foie  ,  des  papillons  blancs  « 
ayant  des  ailes  aflbrties,  la  tête  fèmi-  e< 
ovale  ,  velue  ,  &  de  la  grofleur  de  ce 
ceux  des  vers  à  foie  :  plus  de  foixanie-  a 
dix  que  j'ai  fait  foriir  en  comprimant  ce 
les  deux  lobes ,  m'ont  convaincu  de  ce 
i:i  réalité  du  fût  ;  le  foie  fe  dilanioit  en  ce 
même  temps  fur  toute  la  partie  con-  ce 
vexe  ;  l'on  n'en  a  remarqué  que  dans  «c 
les  veines^  &  jamais  dans  les  artères ^  ce 

L  ii; 


2^6         Nijîoire  Naîurelk 

y>  on  en  a  trouvé  de  petits  ,  avec  Je 
»  petits  vers  ,  clans  le  conduit  cyrtique, 
»  La  veine- pone  &  la  capfule  de  Gli/îon, 
»  qui  paroilfent  s'y  nianifelter  comme 
»  dans  l'homme,  cédoient  au  toucher  le 
»  plus  doux.  Le  poumon  îk  les  autres 
•vifcères  ëioicnt  fains  ,  &c.  »  Il  feroit  à 
dciîrer  que  M.  le  Dodeur  Cachet  de 
Bcaufort  nous  eût  donné  une  defcrip- 
tion  plus  de'taillée  de  ces  papillons , 
afin  d'ôier  le  foupçon  qu'on  doit  avoir, 
que  ces  awlmaux  qu'il  a  vus  ne  font  que 
ies  vers  ordinaires  du  foie  du  mouton, 
qui  font  fort  plats,  fort  larges  ,  &  d'une 
égure  il  fingulière ,  que  du  premier 
coup  d'œil  on  les  prendroit  pluiô:  pour 
des  feuilles  que  pour  des  vers. 

Tous  les  ans  on  fait  la  tonte  de  \\ 
laine  des  moutons  ,  des  brebis  &  des 
agneaux  :  dans  les  pays  chauds ,  où  Ion 
ne  craint  pas  de  mettre  l'animal  tout- :i- 
fait  nu,  l'on  ne  coupe  pas  la  laine,  mais 
on  Tarrache ,  <Sc  on  en  fait  fou  vent  dciu 
récoltes  par  an  ;  en  France ,  c^  dans  Its 
climats  plus  froids  ,  on  fe  contente  de 
ia  couper  une  fois  par  an  ,  avec  de 
grands  cifeaux,  &  on  lailTc  aux  mou.oio 


de  la  Bf'chiS,  147 

une  partie  de  leur  toifon  ,  afin  de  les 
garantir  de  i'intempérie  du  climat.  C'eft 
au  mois  de  mai  que  fe  fait  cette  opé- 
ration, après  les  avoir  bien  lavés,  afin 
de  reiidre  la  laine  aufîi  neue  qu'elle  peut 
l'être  :  au  mois  d'avril  il  fait  encore  trop 
IVoid ,  &  fi  l'on  attendoit  les  mois  de 
juin  &  de  juillet,  la  laine  ne  croîtroit 
pas  afîêz  pendant  le  relie  de  l'été,  pour 
les  garantir  du  froid  pendant  l'hiver.  La 
liiine  des  moutons  cft  ardinairenicnt  plus 
abondante  &  meilleure  que  celle  des 
hrcbis  ;  celle  du  cou  &  du  defTus  du 
dos  cil  la  laine  de  la  ])reinière  qualité, 
cdie  des  cuiffcs,  de  la  qr.ciie,  du  ventre, 
de  1.1  gorge ,  &c.  n'e(l  pus  fi  bonne ,  «Ss 
celle  (jue  l'on  prend  fur  des  bcies  mortes 
ou  malades  ell  la  plu»  mauvaile.  Oa 
préfère  aufii  la  laine  blanche  à  la  grife , 
à  la  brune  &  à  la  noire,  parce  qu'à  la 
teinture  elle  peut  prendre  toutes  fortes 
do  couleurs  :  pour  la  qualité  ,  fa  laine 
lifie  vaut  mieux  que  la  laine  crépue;  oti 
prétend  même  que  les  moutons  dont  la 
laine  eft  trop  friféc ,  ne  fe  portent  pas 
aiifîi  bien  que  les  autres.  On  peut  encore 
liicr  des  nioutom  un  avantage  confidc- 

L  iiij 


■2^î         Hifiolre  T^ûtureUe 

rabfc,  en  fes  fiâfant  pari[U€r,  c'c(l-à-dîre, 
en  les  laiffimt  féjourner  fur  les  terres 
qu'on  veut  améliorer:  li  faut  pour  cela 
cnciorre  le  leirein ,  &  y  reniërmer  Ig 
troupeau  touiei  les  nuMs  penduit  l'été  ; 
ie  fumier,  l*urine  0^  la  chaleur  du  corps 
cic  CCS  animaux  ranimeront  en  peu  de 
temps  les  terres  épuilées ,  ou  froides  & 
infertiles  ;  cent  moutons  amcliorcronc , 
en  un  été,  huit  arpens  de  terre  pour 
£x  ans. 

Les  Anciens  ont  dit  que  tous  les  awî- 
xnaux  ruminans  a  voient  du  fuif;  cepen- 
dant cela  n'eft  exactement  vrai  que  d'2 
ia  chèvre  &  du  mouton  ,  &  celui  du 
mouton  eft  plus  abondant ,  plus  blanc , 
plus  fec  ,  plus  ferme  &  de  meilleure 
qualité  qu'aucun  autre.  La  graifle  diffère 
du  fuif  en  ce  qu'elle  relie  toujours 
molle  ,  au  lieu  que  le  fuif  durcit  en  le 
refroidiiîant.  C'eft  fur -tout  autour  des» 
reins  que  le  iuif  s'amaUe  en  grande 
quantité ,  &  le  rein  gauche  en  c(l  tou- 
jours plus  charge  que  le  droit;  il  y  eu 
a  aufll  beaucoup  dans  l'épiploon  &  au- 
tour des  inteilins,  mais  ce  fuif  n'eft  pas 
à  beaucoup  près  auffi  ferme  ni  aufii  boa 


-dire, 
terres 

r  ceia 
ver   le 


âe  Ja  B relis»  2^p 

ique  celui  des  reins,  de  ia  queue  5c  des 
autres  parties  du  corps.  Les  moutons 
n'ont  pas  d'autre  graiffe  que  le  fuif,  & 
celte  matière  domine  fi  fort  dans  l'habi- 
tude de  leur  corps ,  que  toutes  les  ex- 
trémités de  la  chair  en  font  garnies;  fe 
fang  même  en  contient  une  aflez  grande 
quantité ,  &  la  iiqueur  féminale  en  ell 
fi  fort  chargée ,  qu'elle  paroît  être  d*une 
confiflance  différente  de  celle  de  la  li- 
queur féminale  des  autres  animaux  :  fa 
liqueur  de  l'homme ,  celle  du  chien , 
du  cheval ,  de  fane ,  &  probablement 
celle  de  tous  les  animaux  qui  n'ont  pas 
«je  fuif,  fe  liquéfie  par  le  froid  ,  fe  délaie 
à  l'air ,  &  devient  d'autant  plus  fluide 
qu'il  y  a  plus  de  temps  qu'elle  eft  fortie 
du  corps  de  l'animal  ;  la  liqueur  féminale 
du  bélier,  &  probablement  celle  du  bouc 
&  des  autres  animaux  qui  ont  du  fuif, 
au  lieu  de  fe  délayer  à  l'air ,  fe  durcît 
comme  le  fuif,  &  perd  toute  là  liquidité 
avec  (à  chaleur.  J'ai  reconnu  cette  diffé- 
rence en  obfervant  au  mîcrofcopc  ces 
liqueurs  fénïinales  ;  celle  du  bélier  fe 
fige  c[uclques  fécondes  après  qu'elle  ell 
lorùc   du   corps,  4^   pour    y    voir  kg 


2^0         Hijioïre  Naturelle 

molécules  organiques  vivantes  qu'cÏÏe 
contient  en  prodigieufe  quantité,  il  faut 
chauffer  fe  porte-objet  du  microfcopc, 
afin  de  la  conrervcr  dans  fon  état  de 
fluidité.  f  . '    /"^    '     >  '■  - 

Le  goût  de  ïa  chair  du  mouton ,  Fa 
fincfTe  de  la  laine ,  la  quantité  du  fuif, 
&  même  la  grandeur  &  la  grofleur  du 
corps  de  ces  animaux  varient  beaucoup 
fuivant  les  difîtrens  pays.  En  France  ^ 
Je  Berri  eft  la  province  où  ils  font  plus 
abondans  ;  ceux  des  environs  de  Beauvais 
font  les  plus  gras  &  les  plus  charges  de 
fwif ,  auffi  -  bien  que  ceux  de  quelques 
autres  endroits  de  h.  Normandie;  ils  font 
très- bons  en  Bourgogne,  mais  les  meil- 
leurs de  tous  font  ceux  des  côtes  fàblon- 
neufes  de  nos  provinces  maritimes.  Les 
kines  d'Italie  ,  d'Efpagnc  ,  &  même 
d'Angleterre  ,  font  plus  fines  que  les 
laines  de  France.  Il  y  a  en  Poitou ,  en 
Provence ,  aux  environs  de  Bayonne , 
&  dans  quelques  autres  endroits  de  la 
France  ,  des  brebis  qui  paroifTent  être 
de  races  étrangères ,  &  qui  font  plus 
grandes,  plus  fortes  &  plus  chargées  de 
blac  que  celles  de  la  lace  cMiiuiuue^^ 


Je  la  Brebis» 


251 


ces  I)rebîs  procJuifent  aiidî  beaucoup 
plus  que  les  autres,  8l  donnent  fouvent 
deux  agneaux  à  la  fois  ou  deux  agneaux 
par  an,  les  béliers  de  cette  race  engen- 
drent avec  les  brebis  ordinaire^ ,  ce  qui 
produit  une  race  ihtermédiaire  qui  par- 
ticipe des  deux  dont  elle  fort.  En  Italie 
&  en  Efpagne  il  y  a  encore  un  plus 
grand  nombre  de  variétés  dans  les  races 
des  brebis,  mais  toutes  doivent  être  re- 
gardées comme  ne  formant  qu'une  feule 
&  même  efpèce  avec  nos  brebis  ,  ôc 
cette  efpèce  fi  abondante  &  fi  variée  ne 
seiend  guère  au-delà  de  l'Europe.  Les 
animaux  à  loiigue  &  large  queue  qui 
font  communs  en  Afrique  &  en  A  fie, 
&  auxquels  \qs  voyageurs  ont  donné  le 
nom  de  moutons  de  Barbarie  \  paroi iTcnt 
être  d'une  efpèce  différente  de  nos  mou- 
tons, aufîi-bien  que  la  vigogne  &  le  lama 
d'Amérique. 

Comme  la  laine  blanche  efl  plus  eftî- 
mée  que  ia  noire  ,  on  détruit  prefque 
par-tout  avec  foin  les  agneaux  noirs  ou 
tachés;  cependant  il  y  a  dc^  endroits  où 
prefque  toutes  les  brebis  font  noires , 
^  par-tout  on  voit  fouvent  naître  d'un 

L  vj 


'2  5*2.'     Hïfloire  Naturelle  \  &ci 

télicr  blanc  &  d'une  brebis  blanche  Jei 
agneaux  noirs.  En  France ,  il  n'y  a  que 
des  moutons  blancs  ,  bruns  ,  noirs  & 
tachés  ;  çn  Efpagne ,  il  y  a  des  moutons 
TOUX  ;  en  Écode ,  il  y  en  a  de  jaunes  ; 
mais  ces  différences  &  ces  variétés  dans 
la  couleur  font  encore  plus  accidentelles 
que  les  différences  &  les  variétés  de5 
races,  qui  ne  viennent  cependant  que 
de  la  différence  de  la  nourriture  &  liç 
rinfiuence  du  dimat.^ 


1 

^fê 

3 

:ïie  âet 
a  que 
oirs  & 
outons 
aunes  ; 
es  dans 
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tes  des 
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'     ^5? 


LA    CHEVRE. 

QUOIQUE  les  efpèces  dans  le» 
animaux  foicnt  toutes  féparées  par 
un  intervalle  que  ia  Nature  ne  peut 
franchir  y  quelques-unes  ferablent  fe  rap- 
procher par  un  /i  grand  non^vbrc  de 
rapports,  qu'il  ne  refle,  pour  ainfi  dire, 
entr'cUes  que  Terpace  néceflaire  pour 
tirer  la  ligne  de  fcparatioiî  y  &  lorfque 
nous  comparons  ces  erpcces  voifines, 
&L  que  nous  les  confidérons  relativement 
à  nous ,  les  unes  (è  prcfèntent  comme 
des  efpèces  de  première  utilité  ^  &  les 
autres  fembient  n'être  que  des  efpèces 
auxiliaires ,  qui  pourroient ,  à  bien  des 
égards ,  remplacer  les  premières ,  &  nous 
fervir  aux  mêmes  ulages.  L'âne  pourroit 
prefque  remplacer  le  cheval  ;  &  de  même  , 
fi  refpèce  de  la  brebis  venoit  à  nous 
manquer ,  celle  de  ia  chèvre  powrroit 
y  fupplcer.  La  chèvre  fournit  du  lait 
comme  la  brebis ,  &  même  en  plus 
grande  abondance  i  elle  donae  auHI  du 


,il 


:îj4         Hijloire  Naturelle 

fuif  en  quantité  :  Ton  poil ,  ((uoiquô  pTûS 
rude  c[iie  Iti  laine  ,  fort  à  faire  de  très- 
bonnes  étoffes  :  fli  peim  vaut  mieux  (jue 
celle  du  mouton  :  Li  charr  du  chevreau 
approche  alîèz  de  celle  de  l'agneau ,  &c, 
Ccsefpèces  auxiliaires  font  plusagreflcs, 

Î)Ius  robuftes  {|ue  les  efpèces  principales; 
'âne  &  la  chèvre  ne  demandent  j)as 
autant  de  foin  que  le  cheval  &  la  brebis  ; 
par- tout  ils  trouvent  à  vivre  et  broutent 
également  les  plauies  de  toute  cfpèce , 
les  herbes  groiTtères,  les  arbrifîeaux  char- 
gés d'cpincs  :  ils  font  moins  affectés  de 
i'intempéiie  du  climat,  ils  peuvent  mieux 
fe  pafTcr  du  Iccours  de  l'homme:  moins 
ils  nous  appartiennent,  plus  ils  femblcnt 
appartenir  à  la  Nature;  &  au  lieu  d'i- 
maginer que  ces  efpèces  fubaliernes  n'ont 
été  produites  ({ue  par  la  dégénératbii 
des  efpèces  premières ,  au  lieu  de  xt-* 
garder  l'âne  comme  un  cheval  dégé- 
néré ,  il  y  auroir  plus  de  railbn  de  dire 
f[uc  le  cheval  cft  un  âne  perfe<n:ionné  ; 
que  ia  brebis  n'cft  qu'une  efpèce  de 
chèvre  plus  d  licate  que  nous  avons  foi- 
gnce  ,  pcrfedionne  ,  propagée  pour 
notre  utilité,  &  qu'en  gênerai  les  efpèc«s 


II 

te' 
li 


de  U  Chevt!*  2  y  J 

les  plus  parfaites ,  fur-tout  Jarts  les  ani- 
niaux  doineftiques  ,  tirent  leur  origine 
de  l'efpèce  moins  parfahe  des  animaux 
fauvages  qui  en  approchent  le  plus,  1» 
Nature  feule  ne  pouvant  faire  autant  que 
la  Nature  &  rhoinme  réunis. 

Quoi  qu'il  en  foit,  la  chèvre  efl  une 
ef[)èce  diiiincfle  ,  &  peut  -  être  encore? 
plus  éloignée  de  celle  de  la  pjrebis ,  que 
i'efpèce  de  t'âne  ne  i'eft  de  celle  du 
cheval.  Le  bouc  s'accoupîc  volontiers 
avec  la  brebis ,  comme  l'âne  avec  la  ju- 
ment ,  &  le  bélier  fe  joint  avec  la  chèvre, 
comme  le  cheval  avec  l'âneffc  ;  mais 
quoique  ç.ts  accouplemens  foient  affe25 
fréquens  ,  &  quelquefois  prolifiques  ^ 
il  ne  s*cil  point  formé  d'efpèce  intcr- 
lïiédiaire  entre  k  chèvre  &  la  brebis  % 
ces  deux  efpèces  font  diftindcs  ,  de- 
meurent confla-mment  féparécs  &  tou- 
jours à  la  même  diflance  l'une  de  l'autre  5 
elles  n*om  donc  pomt.été  sitérées  par 
ces  mélanges ,  elles  n'ont  point  fiiit  de 
nouvelles  fouches  ,  d€  nouvelles  races 
d'animaux  mitoyens ,  elles  n'ont  produit 
que  des  difrcrcnces  individuelles  ,  qui 
ja'iaâuent  pas  fur  l'unité  de  chacune  des 


i^6         Hiffohe  NcUîireÏÏe 

efpcccs  primitives  ,  &  qui  confirment 
au  contrpire  ia  réalité  de  ieur  cliHerencc 
cnrat^ériAique. 

Mais  il  y  a  bien  des  cas  où  nous  ne 
pouvons  ni  diOinguer  ces  cara^lcres,  ni 
prononcer  fur  leurs  différences  avec  au- 
tant de  certitude  ;  il  y  en  a  beaucoup 
d'autres  où  nous  fommes  obligés  de  fuf- 
♦  pendre  noire  jugement,  &  encore  une 
infinité  d'autres  fur  lefqucls  nous  n  avons 
aucune  lumière  ;  car  indépendamment 
de  l'incertitude  où  nous  jette  ia  contra- 
riété des  témoignages  fur  les  faits  qui 
nous  ont  été  tranfmis ,  indépendamment 
du  doute  qui  ré  fuite  du  peu  d'exa^itude 
de  ceux  qui  ont  obfèrvé  ia  Nature ,  le 
plus  grand  obftaclc  qu'il  y  ak  à  l'avan- 
cement de  nos  connoifl"ances ,  eft  l'igno- 
rance prefque  forcée  dans  laquelle  nous 
fommes  d'un  trcs-granxi  nombre  d'eflfets 
que  le  temps  (eul  n'a  pu  préiènter  à  nos 
yeux,  &  qui  ne  fe  dévoileront  même  à 
ceux  de  la  poftérité  que  par  des  expé- 
riences &  des  observations  combinées  ; 
en  attendant,  nous  errons  dans  les  ténè- 
bres ,  ou  nous  marchons  avec  perplexité 
entre  des  préjugés  (k  des  probabilité  s  | 


Je  h  Chèvre.   >  2  J7^ 

ïr/norant  même  jufqu'à  !a  pofljbil'té  des 
choies  ,  &  cofitbndant  à  tout  moment 
ki.  opinions  des  hommes  avec  les  a^es 
de  la  Nature.  Les  exemples  fc  préfcn- 
tciu  en  foule  ;  mats  fans  en  prendre 
ailleurs  que  dans  noire  fujct ,  nous  fa- 
vons  que  le  bouc  &  la  brebis  s'accou- 
plent &  produifcnt  enfemllc ,  mais  per- 
foiinc  ne  noiis  a  du  encore  s'il  en  réfube 
un  mulet  ftérile ,  ou  un  arj'mal  fécond 
qui  puiffe  faire  louche  pour  des  génë- 
rations  nouvelles  ou  femblables  aux  pre- 
mières :  de  même  ,  quoique  nous  fâ- 
chions que  le  bélier  s'accouple  avec  la 
chèvre,  nous  ignorons  s'ils  produifcnt 
cnfciuble  &  quel  cft  ce  produit  ;  nous 
croyons  que  les  mutets  en  général,  c'eft- 
à-dire,  les  animaux  qui  viennent  du 
mélange  de  deux  efpèces  différentes  , 
font  ftériles  ,  parce  qu'il  ne  paroît  pas 
que  les  mulets  qui  viennent  de  i'âne  & 
de  la  jument,  non  plus  que  ceux  qui 
viennent  du  cheval  &  de  râneflc ,  pro- 
duilènt  rien  cntr'eux  ou  avec  ceux  dont 
ils  viennent:  cependant  cette  opinion  cft 
mai  fondée  peut-être;  les  Anciens  difeiit 
pofuivement  que  le  mulet  peut  produire 


> 


2f8         Hîfloke  Naturelle 

à  l'âge  de  fept  ans ,  &  qu'il  produit  av^c 
la  jument  (a);  ils  nous  difent  que  la 
mule  peut  concevoir  ,  quoiqu'elle  ne 
puiiTè  perfectionner  Ton  frurt  (b).  ÎI 
ieroit  donc  necelîairc  de  de'truire  ou  de 
confirtner  ces  faits  ,  qui  répandent  de 
robfcuriié  fur  la  diftindlion  réelle  des 
aniinunx  ,  &  fur  la  théorie  de  la  géné- 
ration :  d'ailfeurs  ,  quoique  nous  c{;n- 
jioifîions  aflcz  difl  in  dément  les  efpèces 
de  tous  les  animaux  qui  nous  avoifnicat, 
nous  ne  favons  pas  ce  que  produiroit 
leur  mélange  entr'eux  ou  avec  des  ani- 
maux  étrangers  ;  nous  ne  fommcs  que 
très  mal  informés  des  jumars,  c'eft-à-dire, 
du  produit  de  la  vache  &  de  t'anc, 
ou  de  la  jument  &  du  taureau  :  nous 
ignorons  fi  le  zèbre  ne  produiroit  pas 
avec  le  cheval  ou  l'âne  ;  fi  l'animal  à 
large  queue,  auquel  on  a  donné  le  \Ym\ 
de  mouton  de  Barbarie ,   ne  produiiuit 

/a)  Aluhi.f  feptewls  hiipfere  potfff ,  &  jnm  cn'n 
etp'û  cnrtjurdus  hhuikm  procrcai'it,  Ari(L  llid,  anima!. 
Hb.  VI,  cap.  XX «V. 

fù)  Itdt/ue  coiàpei-e  guidem  aliqunmh  muLi  p't:(l , 
fL\{  jm-  fiiôliim  t'fl  ;  fed  enutrire  ûupte  in  fmcm  pr- 
àucrre  nnn  ponil.  Alas  iiiiiei.ire  intcrjùm  ^wicjl.  Aiift, 
^e  gcnerat.  auiniaf.  lib.  II,  cap,  v  i. 


de  h  Chèvre,  :2jp 

pns  avec  notre  brebis  ;  fi  îc  chamois 
n'cft  pas  une  chèvre  fauvage,  s'il  ne 
formeroit  pas  avec  nos  chèvres  quelque 
lace  intcrméciiaire  ;  fi  les  fingts  diffè- 
rent réellement  par  les  efpèces ,  ou  s'ils 
ne  font  ,  comme  les  chiens  ,  qu'une 
feule  &  même  efpèce ,  mais  variée  par 
un  grand  nombre  de  races  difFcrenies; 
fi  le  chien  peut  produire  avec  le  renard 
&  le  loup  ;  fi  le  ctrf  produit  avec  la 
vache,  la  biche  avec  le  daim,  &c.  Notre 
ignorance  fur  tous  ces  faits  efl ,  comme 
je  l'ai  dit ,  prefque  forcée ,  les  expé- 
riences qui  pourroient  les  décider  de- 
mandant plus  de  temps ,  de  (oins  &  de 
dcpenfe  que  la  vie  &  la  fortune  d'un 
homme  ordinaire  ne  peuvent  le  permet- 
tre. J'ai  employé  quelc[ues  années  à  fiiire 
des  tentatives  de  ceitc  efpèce:  j'en  ren- 
drai compte  lorfque  je  parlerai  des  mu- 
lets ;  mais  je  conviendrai  d'avance  qu'elles 
ne  m'ont  fourni  que  peu  de  lumières, 
&  que  la  plupart  de  ces  épreuves  ont 
été  fans  fuccès. 

De- là  dépendent  cependant  la  coiino'l^ 
fance  entière  des  animaux,  la  diviiioa 
cxjCic  de  leurs  efpèces,  <jc  i'imcLigeace 


aèd         Hifioïre  Naturelle 

parfaite  de  I«ur  hiftoîre  ;  de  là  dépendent 
auiîi  ia  manière  de  l'écrire  &  l'art  de  la 
traiter  :  mais  puifque  nous  fomincs  privés 
de  CCS  connoiflances  fi  néccfTiires  à  noire 
objet;  puifqu'il  ne  nous  cil  paspoffible, 
fau.e  de  Faits  ,  d'établir  des  rapports ,  & 
<ie  fonder  nos  raifonneinens  ,  nous  ne 
pouvons  mieux  faire  <jue  d'aller  pas  à 
pas,  de  confidércr  chai^ue  animal  indi- 
•yidue'lement  ,  de  regarder  comme  ilçi 
cfj:)cces  différentes  toutes  celles  qui  ne 
fe  mêlent  pas  fous  nos  yeux ,  &  d'écrire 
ieur  hiftoire  par  articles  féparés,  en  nous 
réfervant  de  les  joindre  ou  de  les  fondre 
cnfemble ,  dès  que ,  par  notre  propre 
expérience ,  ou  par  celle  des  autres , 
nous  ferons  plus  infiruits. 

C'eft  par  cette  raifon  que,  quoiqu'il 
y  ait  pluficurs  animaux  qui  reffemblem 
à  la  brebis  &  à  la  chèvre,  nous  ne  par- 
Ions  ici  que  de  la  chèvre  &  de  la  brel^is 
domeftiques.  Nous  ignorons  fi  les  ef- 
pèces  étrangères  pourroicnt  produire  & 
former  de  nouvelles  races  avec  ces  cfj^èces 
communes.  Nous  fommes  donc  fondés 
à  les  regarder  comme  des  efpèces  diiîe- 
renies,  jufqu'ù  ce  qu'il  fuit  prouvé  par 


mcîent 
t  de  la 
privés 
,  noire 
)frible, 
rts  ,  & 
DUS  ne 
pas  à 
l  incli- 
ne des 


de  la  Chèvre»  i6t 

U  fiiît,  que  les  individus  de  chacune  de 
ces  cfpèces  étrangères  peuvent  Te  mêler 
avec  l'eijpèce  ccmiiiune  ,  &  produire 
d'autres  individus  qui  produiroicnt  cn- 
tr'eux  ,  ce  caracflère  feul  couftiiuant  \z 
réalité  &  l'unité  de  ce  que  i*on  doit  ap- 
peler cfpèce,  tant  dans  les  animaux  que 
dans  les  végétaux. 

La  chèvre  a  de  (a  nature  plus  de  fen- 
timent  &  de  reflource  que  la  brebis  « 
elle  vient  à  l'homme  volontiers  ,  elle  (e 
famiiiarile  aifcment,  elle  efl  renfiblc  au:c 
carefles  &  capable  d'attachement  ;  elle 
eil  aufli  plus  forte ,  plus  légère  ,  plus 
agile  &  moins  timide  que  la  brebis  ;  clic 
elt  vive  ,  caprîcieufe  ,  lafcive  &  vaga- 
bonde. Ce  n'efl  qu'avec  peine  qu'on  la 
conduit  ,  &  qu'on  peut  la  réduire  en 
troupeau  :  elle  aime  à  s'écarter  dans  les 
foiitudes,  à  grimper  fur  les  lieux  efcar- 
pés,  à  (è  placer  &  même  à  dormir  fur 
la  pointe  des  rochers  &  fur  le  bord  des 
précipices  ;  elle  cherche  le  mâle  avec 
empreflTement  ;  elle  s'accouple  avec  ar- 
deur ,  &  produit  de  très-bonne  heure  ; 
elle  efl  robufte,  aifée  à  nourrir;  prefque 
Eouics  les  herbes  lui  font  bonnes  ;  &  U 


26 1        HlJIotre  Naturelle 

y  en  a  peu  qui  l'incommodent.  Le  tem- 
pérament ,  qui  dans  tous  les  animuux 
influe  be.iucoup  fur  le  naiurel  ,  ne  pa- 
roît  cependant  pa.s  dans  la  chèvre  diffc- 
rer  efïèniiei!cnient  de  ceiui  de  la  brebis, 
Ces  deux  efpèces  d'animaux  ,  dont  l'or- 
ganifaiion  iniérieure  cft  prefque  entiè- 
rtineni  femblab'e,  fe  nourrifTent,  croif- 
fcnt  &  muiiiplieni  de  la  même  manière, 
êi  le  reiremblent  encore  f^ar  le  caradtre 
des  maladies  ,  qui  font  les  mêmes  ,  à 
l'exception  de  (pielques-unes  auxquelles 
la  chèvre  n'eft  pas  lujeue  ;  el'e  ne  craint 
pas  ,  comme  la  brebis  ,  la  trop  grande 
chaîeur  ;  e'ie  dort  au  foleil ,  &  s'expofe 
\oloniiers  à  (es  rayons  les  plus  vifs,  fans 
en  être  incommodée,  Si  fans  que  cette 
ardeur  lui  caufè  ni  étourdiflemens  ,  ni 
vertiges  ;  elle  ne  s'effraie  point  des  orages, 
he  s'impatiente  pas  à  la  ^  'uie,  mais  eile 
paroît  être  fenfible  à  la  rigueur  du  froid. 
Les  mouvcmens  extérieurs  ,  Icfquels, 
comme  nous  l'avons  dit  ,  dépendent 
beaucoup  moins  de  la  conformation  du 
corps ,  qvie  de  la  force  &  de  la  variété 
des  fenfaiions  relatives  à  l'appétit  &  au 
defir  ,  font  par  cette  raifoii  beaucoup 


^c  la  Chèvre.  26^ 

rnoîns  mefurés,  beaucoup  pîus  vifs  dans 
h  chèvre  (jue  dans  i:i  brebis.  L'incoiif- 
rail,  e  de  ion  naturel  (e  marque  par  l'ir- 
rtiT  lamé  de   (es  adlicnî  ;   elle  marche, 


,11 


iireie,   elfe    court,  elle    bondit, 
i  le  ,    s'iipproche  ,    s'éloigne,    fe 


irioi  .e ,  fc  cache  ,  ou  fuit  ,  coirime  par 
capiice  ,  &  tiuis  autre  cnufe  déterniinante 
que  oti  e  de  la  vivacité  bi7arre  de  fon 
Ici!  iiiKiu  iïjiéricur,  &  touie  lu  Ibup'efîe 
dei  orga  es,  tout  le  nerf  du  corps  fuf- 
lîieiu  à  jjtine  à  îa  pétiiiance  «î^  à  la  ra- 
p'cl  té  e  LCb  Riouveinens ,  qui  lui  ioiit 
jiuii  l'e's. 

<)n  a  des  preuves  que  ces  animaux 
foiu  natuie-lcMiCitt  atnis  i*e  1  homn.ie ,  ôc 
C|i  e  d:ins  les  l  eux  iuhal^ités ,  ils  ne  de- 
vicn  eut  poin  fauviige>.  En  i6p8,  va 
\;\i!  (MU  :».pgK.  i;-  ayjr.t  relâché  à  i'ïle  de 
B',)i!c'\iiia ,  vlciix  Nègres  fe  préfenièrent 
à  1  o'-d  tk  ofFiirent  gratis  aux  Anglois 
aiijnt  de  boucs  qu'ils  en  voudroient 
cmjiorer.  À  l'éronnemcnt  que  le  Capi- 
taine marqua  de  cette  offre,  les  Nègres 
ff])')! 'dirent  qu'il  n'y  avoit  que  douze 
pcilonncs  dans  toute  l'île,  ([lie  les  bi)ucs 
ijiks  chèvres i'y  éioieat multipliés juiqii'à 


■ii64        Hijlolre  Naturelit 

dcveuîr  incommodes  ,  &  que  loin  c! 
donner  beaucoup  de  peine  à  les  pren- 
dre ,  ils  fuivoicnt  les  hommes  avec  une 
forte  d'oLdinatioii ,  comme  les  animaux 
domcftiques  (c). 

Le  bouc  peut  engendrer  à  un  an ,  ^ 
îa  chèvre  dès  i  âge  de  (ept  mois  ;  mais 
les  fruits  de  cette  génération  précoce 
font  foibîes  &  défectueux ,  &  l'on  attend 
ordinairement  que  l'un  Si  fautrc  aient 
dix- huit  mois  ou  dzu^  ans  avant  de  leur 
permettre  de  (ê  joindre.  Le  bouc  cfl  ua 
aflez  bel  animal ,  très-vigoureux  &  très- 
chaud  :  un  feul  peut  fufïire  à  plus  de  cent 
cinquante  chèvres  pendant  deux  ou  trois 
mois:  mais  cette  ardeur  qui  le  confiiine 
ne  dure  que  trois  ou  quatre  ans ,  .&  ces 
animaux  font  énervés ,  &  même  vieux, 
dès  l'âge  de  cinq  ou  fix  ans.  Loriquc 
Ton  veut  donc  faire  choix  d'un  bouc 
pour  la  propagation  ,  il  faut  qu'il  foit 
jeune  6c  de  bonne  figure,  c'eft-à-dire, 
âgé  de  deux  ans  ,  la  taille  grande  ,  le 
cou  court  ^  charnu,  la  tête  légère,  les 
oreilles  pemiantes  ,    les  cuifTcs  groUes , 

(c)  Voyez  i  iïinoirc  générale  des  voyages ,  tome  1, 


)în  c\i 

pren- 

c  une 

limaux 

an,  & 
;   mais 
précoce 
i  attend 
:c  aient 
de  leur 
z  cft  ua 
&  très- 
5  de  cent 
ou  trois 
ponrume 

,  >&  ces 


de  hi  Chèvre*  £^5 

!es  jambes  fermes ,  le  poil  noir ,  épais  & 
doux ,  la  bavbe  longue  &  bien  garnie, 
II  y  a  moins  de  choix  à  faire  pour  les 
cflitvres;  feuicmeni  on  pcutobferver  que 
celles  dont  le  corps  efl  grand ,  la  croupe 
large  ,  les  cuiflcs  fournies ,  la  démarche 
légère ,  les  mamelles  grofTes ,  les  pis 
longs ,  le  poil  doux  &  touffu  ,  font  les 
ineillcurcs.  Elles  font  ordinairement  ea 
chaleur  aux  mois  de  fèptenibre ,  odobrc 
&  novembre  ;  &  même  pour  peu  qu'elles 
approchent  du  mâle  en  tout  autre  temps  ^ 
elles  font  bientôt  difpofe'es  à  le  recevoir» 
&  elles  peuvent  s'accoupler  &  produire 
dans  toutes  les  (àifons  :  cependant  elles 
retiennent  plus  fôrement  en  automne,  & 
l'on  préfère  encore  les  mois  d  oélobre  & 
de  novembre  par  une  autre  raifbn ,  c'eft 
fju'il  eft  bon  que  les  jeunes  chevreaux 
trouvent  de  i'hcrbe  tendre  iorfqu'iîs 
commencent  à  paître  pour  la  première 
fois.  Les  chèvres  portent  cinq  mois , 
&  mettent  bas  au  commencement  du 
fixième,  elles  allaitent  leur  petit  pendant 
un  mois  ou  cinq  icmaines  ;  ainfi  l'on  doit 
compter  environ  fix  mois  <5c  demi  entre 
le  temps  auquel  on  les  aura  fait  couvrijr 
Tome  VI.  M 


'^■mFk 


"2.66         'flijlolre  Naturelle 

&    celui  où  le   chevreau   pourra   com- 
mencer à  paître. 

Lorrqu'on  les  conduit  avec  les  mou- 
tons ,  elles   ne  redent  pas  à  leur   fuite , 
elles  précèdent  toujours  le  troupeau  ;   il 
vaut  mieux  les  mener  fé[)arément  paître 
fur  les   collines,   elles   aiment   mieux  les 
lieux    élevés   &   les    montagnes  ,   même 
les  plus  cfcarpées  ;  elles  trouvent  autant 
de   nourriture  qu'il   leur  en    faut,   dans 
les  bruyères,  dans  les  friches,  dans  ic 
terreins  incuiics  &  dans  les  terres  flcriîcs  : 
il  faut  les  éloigner  des  endroits  culdvés, 
les  empêcher  d'entrer  dans  les  blés,  dar.i 
ies   vignes,  dans  les  bois:  elles  font  u\\. 
grand   dégât   dans   ies   taillis  ;  ies    arbres 
dont    elles    broutent    avec    avidiié    les 
jeunes   pouffes   ôi   les   écorccs   tendres , 
périfiènt    preique   tous  ;    elles  craignent 
les  lieux   humides,   les   prairies    maréca- 
ge ufes ,  les  pâturages  gras:  on  en  élève 
rarement  dans  ies  pays   de  plaines  ;  elles 
s*y  portent  mal  ,  ôl  leur  chair  eft  de  iiiau- 
vailê  ciualiié.    Dans   la   plupart  des  cli- 
mats  ciiauds ,  ion  nouriit   des   chèvres 
en  grande  quantité,  &  on  ne  'lur  donne 
point  d'étabic  ;  en  France,  ciics  péri- 


êe  h  CUvn.  iC'/ 

Voient  fi  on  ne  ks  mcttoit  pas  à  l'abri 
pcndam  l'iiiver.  On  f>eiit  fe  difpenfcr 
de  leur  donner  de  la  liiicrc  en  été ,  mais 
il  leur  en  faut  pcndam  l'hiver;  &  coinnie 
toute  humidité  les  incommode  beaucoup  , 
on  ne  les  laifîc  pas  coucher  fur  leur 
fumier,  &  on  leur  donne  fouvcnt  de 
la  litière  fraîche.  On  les  fait  fordr  de 
grand  matin  pour  les  mener  aux  champs  ; 
l'herbe  chargée  de  rofce ,  qin  x\ci\  pas 
bonne  pour  les  moutons  ,  fait  grand 
bien  -aux  chèvres.  Comme  elles  ibnt 
indociles  &  vagabondes  ,  un  homme , 
quelque  robufte  &  quelque  agife  qu'if 
fuit,  n'en  peut  guère  conduire  que  cin- 
quante. On  ne  ies  laifîe  pas  fortir  pen- 
dant les  neiges  &  les  frimacs  ;  on  les 
nourrit  à  rétable,  d'herbes  &  de  petites 
branches  d'arbres  cueillies  en  autonuie  » 
ou  de  choux ,  de  navets  &  d'autres 
k crûmes.  Plus  elles  mangent  ,  plus  la 
quantité  de  leur  lait  augmente  ;  &  pour 
entretenir  ou  augmenter  encore  cette 
abfnidance  de  lait ,  on  les  fait  beaucoup 
boire,  &  on  leur  donne  quelquefois  du 
falpêtre  ou  de  l'eau  falée.  On  peut  coni-» 
mcncer  à  ies  traire  quinze  jours  apr€$ 

Mij 


'.tîiii 


Hl-I 


•^  (5  s  B^oire  Nniurelté 

qu'elles  onr  mi>  bas  -,  elles  donnent  du  laît 
en  fjijan'iic  |)eiidant  (juairc  à  cinq  moJ5p 
&  elle-  en  donnent  foir  ik  matin, 

La  chèvre  ne  produit  ordinaixcmcm 
qu'un  ehcvieau  ,  quelquefois  deux  ,  trcs^ 
rarement  trois  ,  &  jamais  plus  de  quatre  ; 
elle  ne  produit  que  depuis  \'^\g<^  d'un 
an  ou  dix-huit  mois,  jufqu^ri  (ept  ans. 
Le  bouc  pourroit  engendrer  jufqu*à  cet 
âge,  &  peut-être  au-delà,  fi  on  le  me- 
ïiageoit  davantage  ;  mais  communément 
îl  ne  fcrt  que  jufciu'à  i'âgc  de  cinq  ans. 
On  ie  reforme  alors  pour  l'ciigraifTer 
avec  les  vieilles  chèvres  &  les  jeunes 
chevreaux  maies ,  que  i'on  coupe  à  l'âge 
de  fix  nois,  afin  de  rendre  leui»  chair 
plus  fucculenie  &  plus  tendre.  On  les 
cngraide  de  la  même  manière  que  l'on 
cngraifîe  les  moutons  ;  mais  ,  quelque 
foin  qu'on  prenne ,  &  quelque  nourri- 
turc  qu'on  leur  donne,  leur  chair  n'ell 
jamais  aufll  bonne  que  celle  du  mouton, 
il  ce  n'efl  dans  les  climats  très-chauds, 
où  la  chair  'u  mouton  cft  fade  &  de 
mauvais  goût.  L'odeur  force  du  bouc 
ne  vient  pas  de  fa  chair ,  mais  de  fa  peau. 
0;i  ne   laifîe  pas  vieillir  ces  anûaïaux, 


•nt  du  lait 
inq  moi?; 

inaixcmcm 
leux ,  trcsw 
k  quatre  ; 
l  Age  d'un 
1  (èpi  ans. 
jufqu' à  cet 
on  le  mc- 
imunément 
ic  cinq  ans, 
l'cngraiflcr 
ics  jeunes 
Dupe  à  râgc 
p  leup  chiiir 
ire.  On  les 
re  que  l'on 

,   quelque 

que  nourri- 

r  chair  n'ert 

du  mouton, 

rès-chauds, 

fade  &  de 
te  du  bouc 
is  de  fa  peau, 
es  anittiaux, 


Jè  ta  Chèvre,  l6f 

fjui  pourroîeni  peut -cire  vivre  dix  ou 
douze  ans  :  on  s'en  défait  dès  qu'ils  cèdent 
de  produire,  &  plus  ils  font  vieux  ,  plus 
leur  chair  eft  mauvaife.  Cominun<^ment 
les  boucs  &  les  chèvres  ont  des  cornes» 
cependant  il  y  a  ,  quoiqu'cn  moindre 
nombre,  des  chèvres  &  des  boucs  fans 
cornes.  Ils  varient  au(îi  beaucoup  par  ia 
couleur  du  poil.  On  dit  que  les  blanches 
&  celles  qui  n*ont  point  de  cornes  g 
font  celles  qui  donnent  le  plus  de  laie , 
êi.  que  les  noires  font  les  plus  fortes  ôc 
les  plus  robuÛes  de  toutes.  Ces  ani* 
maux,  qui  ne  coûtent  prefque  rien  à 
nourrir ,  ne  laiiTent  pas  de  faire  un  pro- 
duit alTez  confidérable  ;  on  en  vend  Isi 
chair ,  fe  fuif ,  le  poil  &  la  peau.  Leur 
luit  e(l  plus  (àln  &  meilleur  que  celui  de 
la  brebis;  ii  e(l  d'ufage  dans  la  méde* 
cine ,  il  fè  caille  aifénient  ,  &  Ton  en 
fait  de  très- bons  fromages  :  comme  il  ne 
contient  que  peu  de  parties  buiireufès , 
l'on  ne  doit  pas  en  féparer  la  crème. 
Les  chèvres  le  lailTent  teter  aifémeni, 
même  par  les  enfans ,  pour  lefqucls  leur 
lait  eft  une  très- bonne  nourriture  ;  elles 
iont,  comme  k^   vaches  &  les  brebis  ^ 

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(716)  872-4503 


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!27o         'Hîflolre  Naturelle 

fujettes  a  être  citées  par  la  coufeuvre,  Ai 
encore  par  un  oifèau  connu  fous  le  nom 
de  tête  -  chèvre  ou  crapetud-  volant ,  qui 
s'attache  à  leur  mamelle  pendant  ia  nuit, 
&  leur  fait,  dit- on  ,  perdre  leur  iait. 

Les  chèvres  n'ont  point  de  dents  îii- 
cîfives  à  la  mâchoire  fupérieurc  ;  celles 
de  la  mâchoire  inférieure  tombeiit  &  fe 
renouvellent  dans  le  même  temps  &  dans 
le  même  ordre  que  celles  des  brebis  ;  les 
•  nœuds  des  cornes  &  des  dents  peuvent 
indiquer  l'âge.  Le  nombre  d^s  dents  n'eft 
pas  confiant  dans  les  chèvres  ;  elles  en 
ont  ordinairement  moins  que  les  boucs , 
qui  ont  auffi  le  poil  plus  rude ,  la  barbe 
&  les  cornes  plus  longues  que  les  chèvres. 
Ces  animaux ,  comme  les  bœufs  &  les 
moutons,  ont  quatre  eftomacs  &  rumi- 
nent :  l'efpèce  en  eft  plus  répandue  que 
celle  de  la  brebis  ;  on  trouve  des  chèvres 
iemblables  aux  nôtres  dans  plufieurs 
parties  du  monde  ;  elles  font  feulement 
plus  petites  en  Guinée  &  dans  les  autres 
pays  chauds  ;  elles  font  plus  grandes  en 
Mofcovie  &  dans  les  autres  climats  froids. 
Les  chèvres  d'Angora  ou  de  Syrie,  à 
oreilles   pendantes ,  font    de    la   même 


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nous  a 

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\    rie  la  Chèvre*  î/ïl 

crpcce  que  les  nôtres  ;  dlcs  fc  mêlent  fie 
prodiiifent  enièinblc  ,  même  dans  nos 
climats  :  le  malc  a  les  cornes  à  peu  près 
auffi  longues  que  ic  bouc  ordinaire ,  mais 
dirige'es  &  contournces  d'une  manière 
difFérenie  ;  elles  s'éiendcnt  horizontale- 
ment de  chaque  côté  de  la  lêie,  &  for- 
ment des  rpiraies  à  peu  près  comme 
un  tire  -  bourre.  Les  cornes  de  la  femelle 
font  courtes,  &  fe  recourbent  en  arrière  , 
en  bas  &  en  avant  ;  de  forte  qu'elles 
aboutidènt  auprès  de  i'œil,  &  il  paroît 
que  ieur  contour  &  leur  diredion  varient. 
Le  bouc  &  la  chèvre  d'Angora ,  que 
nous  avons  vus  à  la  Ménagerie  du  Roi, 
les  a  voient  telles  que  nous  venons  de  ies 
décrire  ;  Ôc  ces  chèvres  ont ,  comme 
prefque  tous  les  autres  animaux  de  Syrie, 
ie  poil  très- long,  très- fourni,  &  fi  fin 
qu'on  en  fait  des  étoffes  aufïï  belles  6c 
auilx  luftrées  que  nos  étoffes  de  foie.      ^ 


AI  iiî; 


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0,y±        Hljfoire  Naturel^ 


LE    COCHON. 

LE  COCHON   DE  SIAM, 

ET 

LE   SANGLIER. 

NOUS  mettons  enfemble  fe  cochon, 
le  cochon  de  Siam  &  le  fanglier, 
parce  que  tous  trois  ne  font  qu'une  feule 
il  mcme  efpèce  ;  Tun  eft  l'animal  fàu- 
v.nge,  les  deux  autres  font  l'animal  do- 
meitique ,  &  quoiqu'ils  différent  par 
quelques  marques  extérieures ,  peut-être 
aufli  par  quelques  habitudes ,  comme 
ces  différences  ne  font  pas  eflèntieiles, 
qu'elles  font  feulement  relatives  à  leur 
condition ,  que  leur  naturel  n'eA  pas 
même  fort  altéré  par  l'état  de  domeili- 
cité  ,  qu'enfin  ils  produifent  enfcmble 
des  individus  qui  peuvent  en  produire 
d'autres,  caraélère  qui  conflitue  l'unité 
êi  la  confiance  de  l'eipècei  nous  n'avons 
pas  dû  les  féparer. 


<///  Cochon,  &c,  a/j' 

Ces  animaux  l'ont  iiiigulierj  ;  refpcce 
en  cU ,  ))oiir  ainli  dire,  unicjue;  elle  cd 
iloléc  t  cilc  leinblc  cxiikr  plus  folitaire- 
nient  (|u'aucune  autre;  elle  n*c(l  voilinc 
cl*.iucuiie  eipîcc  ([u'on  puifîc  regarder 
connue  principale  ni  co:nnie  acceiloire, 
telle  cjue  l'cipèce  du  cheval  relitivemcnt 
à  cel'e  dcl'âne ,  ou  l'clpèce  de  la  chèvre 
relaiivemeat  à  la  hrehi*  ;  c.ie  n'ell  pai 
fujeiic  à  une  grande  variété  dj  races 
coMKne  celle  du  chien ,  elle  p.inicipc  de 
plulicursei|)èccs  ,  ^  ccpenduiii  elle  tlirtère 
clleniiclleineiit  de  toutes.  Qi;c  ceux  qui 
veulent  réduire  la  Nature  à  de  pejts  fyf- 
lèines ,  qui  veulent  renfermer  ^ow  itnnieii- 
fité  dans  les  bornes  d'une  formule ,  con- 
l'idèrcnt  avec  nous  cet  animal,  <Sc  voient 
s'il  n'échappe  pas  \  iou(e>  leurs  méthodes. 
Par  les  exirémiics  il  ne  relTcmbie  point 
à  ceux  (ju'ils  ont  ^^^iclés  filipeJes ,  jjuif- 
qii'il  a  le  pied  divilé  ;  il  ne  rellemble 
|>oint  à  ceux  (|u'il$  ont  ajipelés  pkds 
fourchus  ,  puilqu'il  a  rée'lcment  quatre 
d;>ig:s  au  dedans ,  quoic|u'il  ncx\  parv)i(Te 
que  deux  à  l'exiériear  ;  il  ne  rc(îeni!)ie 
point  à  ceux  qu'ils  oiu  A\')\)c\é^JîiJ/ptK/es, 
puirou'ii  ae  niaichc  (jue  fur  deux  Joigis, 


îi74         Niflotre  Naturelle 

&  que  fes  deux  autres  ne  font  nî  dévie- 
loppes ,  ni  pofes  comme  ceux  des  fifli- 
pèdes ,  ui  même  alTez  alongés  pour  qu'il 
jniiflc  s'en  fervir.  Il  a  donc  des  carac- 
tères équivoques ,  des  cara<ftères  ambi- 
gus ,  dont  les  uns  font  apparens  &  les 
autres  oblcurs.  Dira-t-on  que  c'efl  une 
erreur  de  la  Nature;  que  ces  phalanges, 
ces  doigts  ,  qui  ne  (but  pas  aflcz  déve- 
ioppés  à  l'exierieur  ,  ne  doivent  point 
être  comptés  '  mais  cette  erreur  eft  conf- 
iante ,  d'ailleurs  cet  animai  ne  reflembia 
point  aux  pieds  fourchus  par  les  autres  os 
du  pied  ,  <5c  il  en  diffère  encore  par  les 
caradères  les  plus  frappans  ;  car  ceux-ci 
©nt  des  cornes  &  manquent  de  dents 
incifives  à  la  mâchoire  fupérieure;  ils 
ont  quatre  eilomacs ,  ils  ruminent ,  &c» 
Le  cochon  n'a  j)oint  de  cornes,  il  a  des 
dents  en  haut  comme  en  bas ,  il  n'a  qu'un 
cdomac,  il  ne  rumine  point;  il  eli  donc 
tvident  qu'il  n'eft  ni  du  genre  des  foli- 
phîes ,  ni  de  celui  des  pîeds  fourchus  ;  il 
n'eft  pas  non  plus  de  celui  dQsfJjîpedeSy 
puifqu'il  diffère  de  ces  animaux  non- feu- 
lement par  l'extrémité  du  pied,  mais  en- 
^ç^ïç  par  les  deats  ;  p:ir  rçilonmc,  par  Wi 


^7  Cochon,  &c»  275' 

Intcflins,  par  les  parties  intérieures  de  la 
génération ,  &c.  Tout  ce  que  Ton  pourroit 
dire  ,  c'ed  qu'il  fiii:  la  nuance ,  à  certains 
égards ,   entre   les  folipcdes    &   Jes  pieds 
fourchus,  &  à  d'autres  égards  entre  les 
pieds  fourchus  &  \e$fjlpedes  ;  car  il  diffère 
moins  des  folipèdes   que  des  autres ,  par 
l'ordre  &  le  norabre  des  dents  ;   il  leur 
leflernble   encore   par   Falongement  des 
mâchoires ,  il  n'a ,  comme  eux  ,   qu'uii 
eflomac ,   qui   feulement   ell:   beaucoup 
plus   grand  ;    mais  par  une   appendice 
qui  y  tient ,  aulîi-bien  que  par  la  pofitioa 
des  intedins ,  il  fembic  fe  rapprocher  des 
pieds  fourchus  ou  ruminans  ;   il  leur  ref- 
fenible  encore  par  les  parties  extérieures 
de  la  génération ,  &  en  même  temps  il 
reffembie  aux  fiffipèdes  par  la  forme  des* 
jambes,  par  l'habiLude  du  corps,  par  le 
produit  nombreux  de  la  génération.  Arif- 
tote  e(l  ie  premier  (  a  )  qui  ait  divilé  les 

(a)  Qmcirupedum  autem  ,  qiux.  fanguine  confiant  ; 
tadem  qucz  animal  générant ,  alia  muft^Ja  futn  ;  qualn 
hominis  manus  jvdcfque  haùemur»  Swit  cnhn  jpia  mulù- 
j'Iici  yedtvn  fy%rtl  digiientur ,  ut  canis ,  leû  ,  panthexa^ 
Alla,  bifnka  Jimt ,  qtta  forcipem  pro  unguli  habemt ,  ut 
ovci ,  caprcc  ,  envi  ,  eqiu  jîuviatdes.  Alla  hif^o  funt 
pdc  ,   ut  ^uûc  Joli^edts  nomnantur  ,  ^^  ^^'^"■*'  >    mulus^ 

M  v) 


i  7  6         Hifloke  Naturellt 

animaux  quadrupèdes  ^w  folipèdes ,  pMi 
fourchus  ai  fjfipedej ,  &  il  convient  que 
le  cochon  elt  d'un  genre  ambigu;  mais 
la  Ceule  raifon  qu'il  en  donne ,  c*eft  que 
dans  riilyrie,  la  Pœonie  &  dans  queU 
qucs  autres  lieux  il  le  trouve  des  co- 
chons folipèdcs.  Cet  animal  eft  encore 
une  efpèce  d'exception  à  deux  règles 
générales  de  la  Naiure ,  c*cft  que  plub  les 
animaux  font  gros,  moins  ils  produiient, 
&  que  les  filfjpèdes  font  de  tous  les 
animaux  ceux  qui  produifent  le  plus  ;  le 
cochon ,  quoique  d'une  taille  fort  au- 
def/us  de  la  médiocre  ,  produit  plus 
qu'aucun  des  animaux  fidipèdes  ou  au- 
tres ;  par  cette  fécondhé  ,  aufli  -  bien 
que  par  la  conformation  des  tedicules 
'ou  ovaires  de  la  truie,  il  (emble  même 
fî\ire  l'exirémiié  des  elpèces  vivipares,  3c 
s'approcher  dc^  efpèces  ovipares.  Enfin 
il  eft  en  tout  d'une  nature  équivoque, 
ambiguë  ,  ou ,  pour  mieux  dire ,  il  pa- 
roît  tel  à  ceux  qui  croient  que  Tordre 


Cenus  fnni  fuîlhm   nnthigumn  e{J  ;    mim  à*  in  terri 

Jllyrhrum  ,    ù"  in  Paan'ui  ,   O"  n^wiulh  aliis  focis ,  fmv 

ftHj'e'rs  g!o^Mi4Hfur,  Ariilot.    lic  Mill,  aniinal,  lib,  H« 


liypothétrquc  d«r  icurs  idées  fiiît  l'ordre 
rtel  d«'  choies,  &  qui  ne  voient,  dans 
la  chaîne  infinie  des  êtres  ,  que  quelques 
points  apparens  auxquels  ils  veulent  tout 
rapporter. 

Ce  n'eft  point  en  rcfîcrrant  la  fphèrç 
de  la  Nature  &  en  la  renfermant  dans 
un  cercle  éiroit ,  qu'on  pourra  la  con- 
noître;  ce  n*e(l  point  en  la  faifant  agir 
par  des  vues  particulitres  qu'on  faura  ia 
juger ,  ni  qu'on  pourra  la  deviner  -,  c« 
n'ell  point  en  lui  prêtant  nos  idées  qu'on 
approfondira  l«s  deflcins  de  Ton  Auteur  : 
nu  lieu  de  rederrer  les  limites  de  ù  puif- 
fîincc ,  il  faut  les  reculer ,  les  éiendre 
jufquc  dans  l'immenfiié  ;  il  faut  ne  rien* 
voir  d'impofîlbie,  s'aiicndrc  à  tout,  & 
fuppofcr  que  tout  ce  qui  peut  être,  eft. 
Les  efpèces  ambiguës,  les  produdions 
Irrégulières,  les  êires  anomaux  cefïeront 
dès-lors  de  nous  ésormer,  Ôa  le  trouve- 
ront aufTi  nécelTairen^ent  que  les  autres, 
flàns  l'ordre  infini  des  choies,  ils  rein- 
pliiTcnt  Ici  intervalles  de  ia  chaîne,  ifs 
en  forment  les  nœuds  ,  les  points  inter- 
mc'diaiies ,  ilb  e  <  m.jrf|U€nt  aurti  le.s  exiré- 
miu's:  ces  êtres  foni  pour  l'efprit  humain 


'Hljîolre  Naturelle 

des  exemj:>laîres  précieux  ,  uniques  ,  o5 
la  Nature  paroifîant  raoîns  conforme  à 
elle-même,  (e  montre  plus  à  découvert; 
où  nous  pouvons  rcconnoîire  des  carac- 
tères finguliers,  &  des  traits  fugitifs  c[ui 
nous  indiquent  que  fcs  fins  font  bien 
plus  générales  que  nos  vues ,  &  que  û 
elle  ne  fait  rien  en  vain ,  elle  ne  fait  riea 
non  plus  dans  les  deifeins  que  nous  lui 
jfupporons. 

En  effet ,  ne  doit  -  on  pas  faire  des 
réflexions  fur  ce  que  nous  venons  d'ex- 
po fer  !  ne  doit -on  pas  tirer  des  induc- 
tions de  cette  fingulière  conformation 
du  cochon  I  il  ne  paroît  pas  avoir  été 
formé  fur  un  plan  original ,  ]>articulier 
&  parfait ,  puilqu'il  cft  un  compofé  des 
autres  animaux  ;  Il  a  évidem'ment  des 
parties  inutiles  ,  ou  plutôt  des  paru'es 
dont  il  ne  peut  faire  utage ,  des  doigts 
dont  tous  les  os  font  parfaiieiHcnt  formés , 
&  qui  cependant  ne  lui  lërvent  à  rien. 
Lja  Nature  eft  donc  bien  éioignce  de 
s'afTuiettir  à  des  caufes  finales  dans  la  com- 
pofition  des  êtres  ;  pourquoi  n'y  niet- 
troit  -  elle  pas  quelquefois  des  parties 
fuj^abondamcs ,    puifqu'ellc    manque   il 


ii« 


nés, 

icn. 

de 

■coin- 

iiet- 

utîes 

e    il 


du  Cochon,  &c,  ^7^ 

îbuvcnt  d*y  mettrie  des  parties  eflcntielles  \ 
combien  n'y  a-t-il  pas  d'animaux  privés 
de  (èns  &  de  Knembres  !  pourquoi  veut- 
on  que  dans  chaque  individu  toute  partie 
foit  utile  aux  autres  &  ncceffaire  au  tout  T 
ne  fuffit-il  pas,  pour  qu'elles  fe  trouvent 
cnfemble  ,  qu'elies  ne  fc  nuilènt  pas , 
qu'elles  pui(ïènt  croître  fans  obftacle  & 
fe  développer  fans  s'oblitérer  mutuelle- 
ment  !  Tout  ce  qui  ne  fe  nuit  point  afîez 
pour  fe  déu  uire ,  tout  ce  qui  peut  fub- 
^fter  enfembie,  fubfilîe,  &  peut-être  y 
at-il,  dans  fa  plupart  des  èiïts ,  moins 
de  parties  relatives,  utiles  ou  néceflaires, 
que  de  parties  indifférentes,  inutiles  ou 
furabondanies.  Mais  comme  nous  vou- 
lons toujours  tout  rapporter  à  un  certain 
but  ,  iorfque  ie:  piTties  n'ont  pas  des 
u figes  apparcns  ,  nous  leur  fuppofons 
des  ufages  cachés ,  nous  imaginons  de§^ 
rapports  qui  n'ont  aucun  fondement,  qui 
n'exiftent  point  dans  la  nature  des  chofes, 
&  qui  ne  fervent  qu'à  l'obfcurcir  :  nous 
ne  faifons  pas  auention  que  nous  altérons 
îa  phiiofophie,  que  nous  en  dénaturons 
l'objet ,  qui  eft  de  connoître  ie  Comment 
dci  chofes  ;  ia  manière  dont  la  Nature. 


i9(y        Hiffolre  Naturelle 

agit;  &  que  nous  (ublliiuons  à  cet  oT^iet 
réel  une  idée  vaine,  en  cherchant  à  de* 
viaer  \q  ftourquoi  des  faits ,  Li  iia  qu'e.lc  (è 
pru[)oic  Cil  agiHant. 

C'eft  pour  cela  qu*il  f^ut  recueillir 
avec  loin  Ici  exem])  es  qui  s'oppofent 
à  ce. te  préieniion  ,  i|u'ii  faut  infiiier  fur 
les  faits  capahles  de  drruire  un  piéji'gé 
général  aui{uei  nou->  nou»  livrons  par 
goût,  une  eiieur  de  méihode  que  nous 
adoptons  par  choix  ,  quoiiju'eile  ne  lende 
qu'à  voiier  noire  ignorance ,  &  qu'elle 
fuit  inutile ,  &  niême  oppofée  à  la  re- 
cherche &  à  la  déco\ivcrie  des  cfTeis  de 
la  Nature.  Nous  pouvons ,  iàiii»  lonir 
de  no  re  fujci,  donner  d  autres  exemples 
par  Icfquels  ces  tins  cpic  nous  ru})polons 
a  vainement  à  la  Nature,  ILnt  évidem- 
lîieni  démenties. 

Les  phalanges  ne  (ont  faites  ,  dit-on  ^ 
que  pour  for(ner  des  doigfs  ;  cej)endant 
il  y  a  dans  le  cochon  dçs  phalanges 
inutiles  ,  puir([u'el!es  ne  forment  {)as  des 
doiorts  dont  il  pu i fie  le  fervir  ;  &  dans 
les  an  maux  à  p  ed  fourchu  ,  il  y  a  de 
petiii»  Ci»  (\i)  qui  ne   forment  pas  même 

(ct)'^,  DatLcntcn  efl  \c  premier  <;ui  «n  fait  celle  liccouvcrief 


^iù  Cochon,  &ci  l%t 

c?es  phalanges*  Si  c*e(l-Ià  !e  but  de  It 
Nature ,  n'eil-ii  pas  évident  que  dans  le 
cochon  elle  n*a  exécuté  que  la  moitié 
de  Ton  projet ,  &  que  dans  les  autres  à 
peine  l'a-t-ellc  commencé  î 

L'aiiantoïde  ell  une  membrane  qui  fe 
trouve  dans  le  produit  de  la  génération 
de  la  truie ,  de  la  jument ,  de  la  vache 
&  de  plufieurs  autres  animaux  ;  cette 
membrane  tient  au  fond  de  la  vefîie  du 
fœtus;  elle  e(t  faite,  dit- on,  pour  rece<* 
voir  l'urine  qu'il  rend  pendant  fon  féjour 
dans  le  ventre  de  la  mère  :  &  en  effet  on 
trouve  à  l'inftant  de  la  naiilànce  de  rani- 
mai ,  une  certaine  quantité  de  liqueur 
dans  cette  membrane ,  mais  cette  quantité 
n*efl  pas  confîdérable  ;  dans  la  vache , 
où  elle  efl  peut-être  plus  abondante  que 
dnns  tout  autre  animal  ^  elle  fe  réduit  k 
quelques  pintes ,  &  la  capacité  de  i'allan- 
toïde  efl  n  grande,  qu'il  n'y  a  aucune 
proportion  entre  ces  deux  objets.  Cette 
membrane  ,  lorfqu'on  la  remplit  d'air  > 
forme  une  efpèce  de  double  poche  en 
forme  de  croiHant,  longue  de  treize  à 
quatorze  pieds  fur  neuf,  dix ,  onze ,  &. 
même  douze  pouces  de  diamètre.  Faut-ii> 


i 


582        Hipke  Naturelle 

pour  ne  recevoir  que  .trois  ou  quatre 
pintes  de  Irqueur ,  un  vaiffeau  dont  la 
capacité  contient  piufieurs  pieds  cubes  i 
La  vefîie  feule  du  fœtus ,  fi  elle  n'eût 
pas  été  percée  par  ie  fond ,  fuffifoit  pour 
contenir  cène  petite  quantité  de  liqueur; 
comme  elle  fuffit  en  effet  dans  l'homme, 
&  dans  les  efpèces  d'animaux  où  l'on 
ji'a  pas  encore  découvert  l'alfantoïde. 
Cette  membrane  n'eft  donc  pas  faite  dans 
îa  vue  de  recevoir  Turine  du  fœtus ,  ni 
même  dans  aucune  autre  de  nos  vues; 
car  cette  grande  capacité  efl  non- feule- 
ment inutile  pour  cet  objet,  mais  auffi 
pour  tout  autre ,  puifqifon  ne  peut  pas 
même  fuppofcr  qu'A  foit  pofîibic  qu'elfe 
it  remplifle,  &  que  {\  cette  mcmbran.e 
ctoit  pleine ,  elle  formcrort  un  volume 
prefquc  auffi  gros  que  le  corps  de  l'ani- 
mal qui  la  contient ,  &  ne  pourroit  par 
conféqucnt  y  être  contenue  :  &  comme 
elle  fe  déchire  au  moment  de  la  naiffance, 
&  qu'on  la  jette  avec  les  autres  mem- 
branes qui  '  fervoient  d'enveloppe  au 
fœtus ,  il  eft  évident  qu'elle  eft  encore 
plus  inutile  alors  qu'elle  ne  rétoit  aupii- 
rayant. 


du  Cochon,  S^e:         iBj 

"Le  nombre  des  inamelles  cft ,  dit-on*, 
relatif,  dans  chaque  efpèce  d'animal ,  aa 
nombre  de  petits  que  la  femelle  doit  pro- 
duire &  allaiter:  mais  pourquoi  le  mâle, 
qui  ne  doit  rien  produire,  a-t-ii  ordr- 
iiairement  le  même  nombre  de  mamelles  l 
&  pourquoi  dans  la  truie,  qui  fouvent 
produit  dix-  huit ,  &  même  vingt  petits , 
n'y  a-t-il  que  douze  mamelles,  fouvent 
moins,  &  jamais  plus!  ceci  ne  prouve- 
t-il  pas  que  ce  n'eft  pas  par  des  caufes 
finales  que  nous  pouvons  juger  des 
ouvrages  de  la  Nature ,  que  nous  ne 
devons  pas  lui  prêter  d'aufîi  petites 
vues  ,  la  fliire  agir  par  des  convenances 
morales  ;  mais  examiner  comment  elle 
ngit  en  effet ,  &  employer  pour  la  con- 
noître,  tous  leis  rapports  phyfiques  que 
nous  préfente  l'immenfe  varie'té  de  fês 
productions!  J'avoue  que  cette  méthode, 
la  feule  qui  puifTe  nous  conduire  à 
quelques  connoiffa?nces  réelles ,  cfl:  in- 
comparablement plus  difficile  que  l'autre , 
&  qu'il  y  a  une  infinité  de  faits  dans 
h  Nature,  auxquels,  comme  aux  exem- 
ples precédens,  il  ne  paroît  guère  poflibîe 
de  l'appliquer  avec  fucccs  ;  cependant.^ 


284         Hîjloire  Naiureîte 

au  iieu  de  chercher  à  quoi  (èrt  la  grancTe 
capacité  de  IVI' intoïde  ,  6l  de  trouver 
qu'elle  ne  (èrt  &  ^  e  peut  fervir  à  rien  ; 
H  fil  clair  qu'on  ne  cl  Mt  s'appliquer  qu'à 
rechercher  les  rappor.  pliyfi(|ues  qui 
peuvent  nous  indiquer  quelle  en  peut 
ctre  l'origine.  Enoblervant,  par  exemple, 
que  dans  le  produit  de  la  génération 
des  animaux  qui  n'ont  pas  une  grande 
capacité  d*eflomac  &  d'imeftins ,  l'allan- 
toïde  eft  ou  très- petite,  ou  nulle;  qu« 
par  conféqueni  la  produéïion  de  cette 
membrane  a  quelque  rapport  avec  cette 
grande  vupacité  d'inteHins,  &c.  de  même 
en  confidérant  que  le  nombre  des  ma- 
melles n'eft  point  égal  au  nombre  des 
petits,  &  en  convenant  feulement  que 
les  animaux  qui  produifent  le  plus,  font 
aufli  ceux  qui  ont  des  mamelles  en  piits 
grand  nombre,  on  pourra  penler  que 
cette  produélion  nombreufe  dépend  de 
ia  conformation  des  parties  intérieures 
ile  la  génération  ,  &  que  les  mamelles 
étant  aufïi  des  dépendances  extérieures 
de  ces  mêmes  parties  de  ta  généraiion , 
Il  y  a  entre  le  nombre  ou  l'ordre  de  ces 
pariies  &  celui  d€s  mamelles ,  un  rapport 


Ju  Cochon,  &i»  185 

plhyfique  qu'il  faut  lâcher  de  découvrir. 

Mais  je  ne  fais  ici  qu'indiquer  la  vrnie 
route,  &  ce  n'ed  pas  le  lieu  de  la  fuivr^ 
plus  loin  ;  cependant  )e  ne  puis  m  eoi- 
pêcher  d'obferver  en  pafTant ,  que  j'ai 
quelque  raifon  de  fuppofer  que  la  pro- 
duction nombreulê  dépend  plutôt  de  la 
conformation  des  parties  intérieures  de  la 
génération  que  d'aucune  autif  caufe:  car 
ce  n'eft  point  de  la  quanJté  plus  abon- 
dante des  liqueurs  féminales  que  dé[)enc} 
le  grand  nombre  dans  la  produdion  » 
puilque  i&  cheval ,  le  cerf,  le  bélier ,  le 
bouc  &  les  autres  animaux  qui  ont  une 
très-grande  abondance  de  liqueur  femi* 
nale ,  ne  produifent  qu'en  petit  nombre  ; 
tandis  que  le  chien  >  le  chat  ISt-  d'autres 
animaux  ,  qui  n'ont  qu'une  moindre 
quantité  de  liqueur  féminaie ,  relative- 
ment à  leur  volume ,  produifent  en  grand 
nombre.  Ce  n'eil  pas  non  plus  de  la 
fréquence  des  accouplemens  que  ce 
nombre  dépend  ;  car  l'on  cft  afïbré  que 
le  cochon  &  le  c^hien  n'ont  befoin  que 
d'un  fèul  accouplement  pour  produire, 
&  pfioduire  en  grand  nombre.  La  longue 
durée    de   l'accouplement  ^  ou  ;   pour 


1 1 


'îi  8  5         HiJImre  Naturclk . 

mieux  dire,  du  temps  de  rémîfllon  de 
la  liqueur  féminalc ,  ne  paroît  pas  noa 
plus  être  la  cauiê  à  bquelle  on  doive 
rapporter  cet  effet  ;  car  fe  chien  ne  de- 
meure accouple  long- temps  que  parce 
qu'il  eft  retenu  par  un  obftacle  ({ui  naît 
de  la  confonnaiion  même  des  parties , 
&  quoique  le  cochon  nuit  point  cet 
obftacle  ,  &  qu'il  demeure  accouplé  plus 
long  -  temps  que  la  plupart  des  autres 
animaux ,  on  ne  peut  en  rien  conclure 
pour  la  nombreufe  production  ,  puil^ 
qu'on  voit  qu'il  ne  faut  au  coq  qu'un 
in  liant  pour  fe'condcr  tous  les  œufs 
qu'une  poule  peut  produire  en  un  mois. 
J'aurai  occafion  de  développer  davan- 
tage les  idées  que  j'accumule  ici ,  dans 
!a  feule  vue  de  faire  lèntir  qu'une  iïmple 
probabilité ,  un  foupçon ,  pourvu  qu'il 
îbit  fondé  fur  des  rapports  phyfiqucs, 
répand  plus  de  lumière  &  produit  plus 
de  fruit  que  toutes  les  caufcs  finales 
réunies.  ' 

Aux  flngulariiés  que  nous  avons  déjà 
rapportées  ,  nous  devons  en  ajouter  une 
autre ,  c'cft  que  la  graifîè  du  cochon 
{^H  différente  de  celle  de  prcfqu^  tous  les 


ï//  Cochon ,  &c,  i  8/ 

Hutres  animaux  (luadrupcdes ,  iion-(euIe- 
mcm  par  la  conliltunce  6c  fa  cjualiic  , 
)naii)  aufli  par  fa  poliiiou  clans  le  corps 
de  l'animal.  La  giaiflc  de  1  iiOnimc  & 
des  animaux  qui  n'ont  point  de  (uif, 
comme  le  chien  ,  le  cheval  ,  <5cc.  cft 
mêlée  avec  la  chair  aflez  également  ;  le 
luif dans  le  bélier  ,  le  bouc  ,  le  cerf,  &c, 
ne  fc  trouve  qu'aux  extrémités  de  la 
chair  :  mais  le  lard  du  cociion  n'eft  ni 
mélc'  avec  la  chair  ,  ni  ramafle  aux  exiré- 
niiies  de  la  chair  ,  il  la  recouvre  par-tout, 
&  forme  une  couclie  cpaiHe ,  drltindte 
&  continue  entre  la  chair  &  la  peau. 
Le  cochon  a  cela  de  commun  avec  b 
biiltine  &  les  autres  animaux  cttace's , 
dont  la  graille  n'clt  qu'une  eTpècc  de 
iard  à  peu  près  de  la  même  confiflance, 
mais  plus  huileux  que  celui  du  cochon  : 
ce  iard  ,  dans  ics  animaux  cétacés ,  forme 
aulii  fous  la  peau  une  couche  de  plu- 
fieurs  pouces  d'épaili^sur^  i^ui  enveloppe 
ia  chair.  ^ 

Encore  une  fingularité  ,  même  plus 
grande  que  les  autres  ,  c'cll  (|ue  le  cochon 
ne  perd  aucune  de  les  j)rcmières  dents  : 
\t%  autres  animaux  ^  cojuim^c  le  çhcyal  | 


afiS         Hijiolre  Naturelle 

l'âne ,  le  bœuf,  la  brebis ,   fa  cTiirre  » 
le  chien  >   &  même  l'homme ,    perdent 
tous  leurs  premières  dents  incifives  ;  ces 
^ents  4le  lait  ton^bent  avant  ia  puberté , 
&  £bnt  bien-tôt  remplacées  par  d'antres  : 
dans  le  cochon ,  au  contraire ,  les  dents 
de  lait  ne  tombent  jamais,  elles  croiflent 
même  pendant  toute  la  vie.  li  a  iix  dents 
iiu- devant  de   b  mâchoire   Inférieure, 
qui  font  incifives  6l  tranchantes  ;  il  a 
aufn  à  la  mâchoire  fuperieure  (îx  dents 
correfpondantes  ;    mais  par  une  imper- 
fection qui  n'a  pas    d'exemple  dans  la 
Nature,    ces  fix  dents  de  la  mâchoire 
fupérieure  font  d'une  fqrmc  très- diffé- 
rente de  celle  des  dents  de  la  mâchoire 
inférieure:  au  lieu  d'être  incifives  &  tran- 
chantes ;  elles  (ont  longues ,  cylindriques 
&  ^moulTées  àJa  pointe;  en  forte  qu'elles 
forment   un  angle   prefque  droit   avec 
celles    de    fa    mâchoire    inférieure  ,  ^ 
qu'elles  ne  s'appliquent  que  trèsoblir^ue- 
ment  les  unes  contre  les  autres  par  leurs 
extrémités. 

Il  n'y  a  que  le  cochon  &  deux  ou 
trois  autres  efpèces  d'animaux  qui  aient 
des  défènfês  ou  des  dents  canines  très- 

alongées  ; 


au  li 
en  cj 
la  m 
Tan 
cnr 
le  fu 

U 
ont 
niâcH 
î)eau( 
c^'  m 

7c 


avec 
,  & 

leurs 


31/  Cochon ,  ère,  •        ^^^ 

alongecs;  elles  diffèrent  des  autres  dents 
en  ce  qu'elles  fortcnt  au  dehors  &  quelles 
croiflent  pendant  toute  la  vie.  Dans  l'é- 
lephant  &  la  vache  mnrine  elles  font  cy- 
lindriques &  longues  de  qucîijues  pieds; 
dans  le  fanglicr  (^  le  cochon  mâle ,  elles 
fe  courbent  en  portion  de  cercle ,  elles 
font  plates  &  tranchantes,  6t  j'en  ai  vil 
de  neuf  à  dix  pouces  de  longueur:  elles 
font  enfoncées  très  -  profondement  dans 
i'alvéole,  Ôl  elles  ont  aufîi,  comme  celles 
de  l'éléphant,  une  cavité  a  leur  extré- 
mité fupcrieure  ;  mais  l'éléphant  &  fa 
vache  marine  n'ont  dos  défenfcs  qu'à  la 
mâchoire  fupérieiire ,  ils  manquent  même 
de  dents  canines  à  la  mâchoire  inférieure; 
au  lieu  que  le  cochon  mâle  à.  le  fanglier 
en  ont  aux  deux  mâchoires,  &.  celles  de 
la  mâchoire  inférieure  font  plus  utiles  à 
l'animal;  cîîcs  font  aufli  plus  dangcreufes, 
car  c'cft  avec  les  défcnfes  d'en  bas  que 
le  fanglier  biefle.  "  ^ 

La  truie ,  la  laie  di  le  cochon  coupé 
ont  audi  ces  quatre  dents  canines  à  h 
Uiâchoirc  inférieure;  mais  elles  croiilcnt 
beaucoup  moins  que  celles  du  mâle , 
&  ne  fortent  prefquc  point  au  dehors, 

7om£  VL  M 


-i  ! 


2^6         Hijlotre  Naturelle 

Outre  ces  fcize  dents,  fayoir,  douze  în- 
cifivcs  &  quatre  canines,  ils  ont  encore 
vingt -huit  dents  mâchclières  ,  ce  qui 
fait  en  tout  quarante  -  quatre  dents.  Le 
fanglicr  a  les  défènfcs  plus  grandes ,  le 
bouîoir  plus  fert  &  la  hure  plus  longue 
que  le  cociion  domcftrque  ;  il  a  auffi  les 
pieds  plus  gros,  les  pinces  plus  fe'pare'cs 
&  le  poil  toujours  noir. 

De  tous  les  quadrupèdes,  îe  cochon 
paroît  être  Fanîmal  le  plus  brut  ;  les  im- 
perfcdions  de  la  forme  (cmbfent  influer 
iur  îe  naturel ,  toutes  (es  habitudes  font 
^roflières,  tous  Tes  goûts  font  immoRdes, 
toutes  (es  fenlations  (e  rédui(cnt  a  une 
iuxurç  furieufe  &  à  une  gourmandilc 
brutale ,  qui  lui  fait  dévorer  indiftinc- 
temcnt  tout  ce  qui  fe  prélênte,  &  même 
fi  progéniture  au  moment  quelle  vient 
de  naître.  Sa  voracité  dépend  apparem-^ 
ment  du  befoin  continuel  qu'il  a  de  rem- 
plir la  grande  capacité  de  fon  cHomac; 
&  la  grodièrçté  de  fes  appétits ,  de  l'Iié- 
bétation  du  fens  du  goût  &  du  toucher. 
La  rudeflc  du  poil  ,  la  dureté  de  (a 
peau  ,  Tépaifleur  de  la  graifle ,  rendent 
i:cs  animaux  peu  rcnfibies  aux  coups: 


Itl- 
)rc 
^uî 
Le 
,  le 
guc 
les 
lecs 

;hon 
i  in- 
fluer 
font 
Bdes, 
i  une 
andifc 
ftinc- 
même 
vient 
arem-^ 
rem- 
mac; 
riié- 
lucher. 
de  ia 
endcnt 

oupsî 


'Ju  Cochon,  &c.  ipi: 

Ton  a  vu  des  fouris  fc  loger  fur  leur 
dos  ,  &  leur  manger  le  lard  &  ia  peau 
fans  qu'ils  paruffent  le  icntir.  Ils  ont 
donc  le  toucher  fort  obtus  ,  &  le  goût 
aufîi  grofîier  que  le  toucher  :  leurs  autres 
fens  iont  bons,  les  chafî'eurs  n'ignorent 
pas  que  les  fangiiers  voient,  entendent 
&  Tentent  de  fort  loin  puifqu'ils  font 
obligés  ,  pour  les  furprendrc  ,  de  les 
attendre  en  filcnce  pendant  ia  nuit,  & 
de  fe  placer  au-dcfTous  du  vent,  pour 
dérober  à  leur  odorat  les  émanations  qui 
les  frappent  de  loin  ,  &  toujours  afièz 
vivement  pour  leur  faire  l'ur  ie  cliamp 
rebrouflcr  chemin. 

Cette  imperfedion  dans  les  (êns  du 
goût  &  du  toucher ,  efl  encore  augmentée 
par  une  maladie  qui  les  rend  ladres,  c*eft- 
à-dire ,  prefque  abfolumcnt  infenfibles^ 
&  de  laquelle  il  faut  peut-être  moins 
chercher  ia  première  origine  dans  U 
texture  de  la  chair  ou  de  la  peau  de  cet 
animai ,  que  dans  fa  malpropreté  natu- 
relle ,  &  dans  la  corruption  qui  doit 
réfulter  des  nourritures  infedes  dont  il 
iê  remplit  quelquefois  ;  car  le  fungller , 
qui  n'a   point    de    pareilles    ordures  à 


A 


i 


'%()%  ,."      Hïjlinre  Naturelle    -    . 

.dévorer  ,  &  qui  vit  ordinairement  cïe 
grain,  de  fruiis,  de  gland  &  de  racines , 
n'eil  point  fujct  à  cette  maladie  ,  non 
plus  que  le  jeune  cochon  jx'ndant  qu'ii 
telle  :  on  ne  ia  prévient  même  fju'en 
tenant  le  cochon  domefiic|ue  dans  une 
,c;able  j)ropre ,  &  en  lui  donnant  abon- 
damment des  nourritures  faines.  Sa  chair 
deviendra  même  excellente  au  goût,  & 
le  lard  ferme  &  cafîant ,  fi ,  comme  je 
î'ai  vu  pratiquer ,  on  le  tient  pendant 
.quinze  jours  ou  trois  femaines  ,  avant  de 
ie  luer ,  dans  une  étable  pavée  <Sc  toujours 
propre ,  fuis  litière ,  en  ne  lui  donnaiît 
alors  f)Our  toute  nourriture  que  du  grain 
de  froment  })ur  &  iec ,  &  ne  le  laiflaiit 
boire  que  très -peu.  On  choifit  pour 
celi  \\i\  jeune  cochon  d'un  an,  en  bonne 
chair  &  à  moitié  Pfras. 

La  .ii^n'èic  ordinaire  de  les  cngraifFcr, 
cfl  d<-'  leur  donner  abondamment  de 
l'orge  ,  du  gland  ,  c'cs  choux  ,  des  Ic- 
gumes  cuits  ^  ])eai;':oiij)  d'eau  mtitîe 
de  Ibii  :  en  deux  ni  ois  ils  l'ont  gras  ,  le 
lard  cit  aL;>ncK.iv  >;  éjais,  mais  (ans  être 
bien  vernit  ni  Lciî  biajic,  c^<  la  chair, 
^quoique   bjik.c  ,   cit   toujours    \\ï\  [t-U 


'm 


V 


t 


£Ju    CotllOll  ,    &C,  ^p 

ÎIiJc.  On  peut  encore  les  cngiaifTcr  ave^ 
moins  de  depcnle  dans  les  cnmpngnes' 
(u'i  il  y  a  beaucoup  de  glands,  en  les' 
menant  dans  les  Ibrêts  pendant  l'au- 
tomne, lorlque  les  glands  tombent,  & 
que  la  châtaigne  &  la  faine  quittent  leurs 
enveloppes  :  ils  mangent  également  dfi 
tous  les  fruits  fauvuges,  <5c  ils  engraifTent' 
en  peu  de  iem})S ,  tur-tout  ù  le  foir ,  h 
leur  retour,  on  leur  donne  de  l'eau  tiède 
mêlée  d'un  peu  de  fon  &  de  farir.e 
d'ivroie;  cette  boi/T'on  les  fait  dormir  & 
augmente  tellement  leur  embonpoint , 
qu'on  en  a  vu  ne  pouvoir  plus  marcher, 
ni  prefque  fe  remuer.  Ils  cngrailTent  aufll 
beaucoup  plus  prompîcment  en  automne 
dans  le  lenips  ùqs  prcinicrs  iVoids ,  tant 
à  caufe  de  l'abondance  des  nourritures , 

"ration  eft 


4 


id 


i' 


[pu 


moindre  ciu  en  ete 


O 


n  n  aiîcni. 


i 


du  bétail 


P 


as ,  comme 


c{uc  ie  cochon  loit  âge  pouc 


foi 


poui 


le  refli 


l'engraiOer  :  plus  il  vieiiHt ,  plus  cela  cft 
difiicilc ,  cSc  moins  fa  chair  eli  bonne» 
La   call ration  ,    qui    doit   toujours   pré- 


cet 


1er  r 


cnerrais 


'g 


ie  f 


ut   ordinairement  a 


l'iige  de  fix  Miois,  au  priniemps  ou  en 


N 


^pi^         Hiffohe  Naturelle 

automne ,   &  jamais  dans  le  temps  des 
grandes  chaleurs  ou  des  grands  froids , 
qui  rendroient   également  la   plaie  dan- 
gereufe  ou  difficile  à  guérir  ;   car  c'eft 
ordinairement  par    inciîion    que    le  fait 
cette  opération ,  quoiqu'on  la  fafîè  aulfi 
quelquefois    par    une    fimple    ligature, 
comme  nous   l'avons    dit   au    fujet  des 
moutons.  Si  la  caflration  a  été  faite  au 
printemps ,,  on  les  met  à   l'engrais  àès 
l'automne   fuivante  ,    &  il  ell  aifez   rare 
qu'on  les  Liiiïc  vivre  deux  ans  ;   cepen- 
dant ils  croifTent  encore  beaucoup  pen- 
dant la  féconde,  &  ils  continueroient  de 
croître  pendant  la  troillè'me,  la  quatrième, 
la  cinquième  ,  &c.  année.  Ceux  que  l'oti 
remarque  parmi  les  autres  par  la  grandeur 
&  la  grofTeur  de  leur  corpulence,  ne  (ont 
que  des  cochons  plus  âgés,  (jue  l'on  a 
niis  plufjeurs  fois  à  la  glandce.  II  paroît 
que   b  durée  de   leur   accroilîcment  ne 
fe  borne  pas  à  quatre  ou  cinq  ans:  les 
verrats  ou  cochons  mâles  qiîe  l'on  garde 
pour  la  propagation   de  refpèce ,  grof- 
fiiïent  encore  à  cinq  ou  fix  ans;  &  plus 
un  fanglicr  eft  vieux,  plus  il  cft  gros, 
dur  &  pefam. 


Ju  Cochon,  &c.  ±^^ 

La  durée  de  fa  vie  d'un  fângîîer  peut 
s^e'tcndre  jurqu'à  vingt -cinq  ou  trente 
ans  *.   Ariftotc  dit  vingt  ans  pour  les 
cochons  en  général ,  &  il  ajoute  que  les 
niâles  engendrent    &    que    les    femelles 
produifent  jufqu'à   quinze.   Its  peuvent 
s'accoupler  dès  i'âgc  de  neuf  mors  ou 
^\\\\   an  ;    mais  il    vaut  mieux   attendre 
qu'ils  aient  dix- huit  mois  ou  deux  ans* 
La  première  portée  de  la  truie  n  eft  pas 
iiombreufe,    les  petits    font    foibles ,    <Sc 
même  imparfaits  ,  quand  elle  n'a  pas  un 
an.  Elle  ell  eu  chaleur,  pour  ainfi  dirç, 
en  tout  temps  ;  elle  recherche  les  appro- 
ches du  mâle,    quoiqu'elle  foit  pleine; 
ce  qui  peut  pafîer  jiour  un  excès  parmi 
les  animaux  ,  dont  la  femelle  ,  dans  prel^ 
que   toutes  les  efpèces ,   refufe   le   mûfe 
auffitôt  qu'elle  a  conçu.   Cette  chaleur 
de  la  truie ,  qui  cfl  prefque  continuelle, 
fe   marque   cependant   par  des  accès  <Sc 
aufli    par    des    mouvemens  imrodérés, 
qui  finifFent  toujours  j^ar  fe  vautrer  dans 
la  boue  ;   elle  répand  dans  ce  temps  une 
ii([ueur  blnnchTiire  aflez   épaiiîe  &.  afîez 

*  \  oyez  la  Vcneiie  de  du  Foiiilloux,  Paris,  i  6 1  ^„ 

N  iiij 


2^6         J-IiJ?olrf  NdiwcIIe 

abondante  ;  elle  porte  quatre  mois ,  mcÊ 
bas  au  commencement  du  cinquième,  & 
bientôt  elle  recherche  le  mâ!c ,  devient 
pleine  une  féconde  fois  ,  «3c  produit  par 
confcqucnt  deux  fois  l'iniiiéc.  La  laie, 
qui  rciFcmbîe  à  tous  autres  égards  à  la 
truie ,  ne  j^orie  qu'une  fois  l'an ,  appa- 
reminent  par  la  difeiie  de  nourriture ,  ^ 
par  îa  néceflité  où  elle  fe  trouve  d'al- 
îaiicr  c^  de  nourrir  pendant  long-temps 
tous  les  peiits  qu'elle  a  produhs  ;  au  lien 
qu'on  ne  foufîre  pas  que  la  truie  domes- 
tique nourrlHè  tous  fes  petits  pendant 
plus  de  quinze  jours  ou  trois  femaines  : 
on  ne  lui  en  laifîe  alors  que  huit  ou  neut 
à  nourrir ,  on  vend  les  autres  ;  à  quinze 
jours  ils  font  bons  à  manger  :  c^  ccmiiie 
l'on  n'a  pas  befoin  de  beaucoup  de  Ic- 
melles,  &  que  ce  font  les  cochons  coupes 
qui  rapportent  le  plus  de  profit,  &  dont 
la  chair  eft  la  meilleure  ,  on  fe  défait 
des  cochons  de  lait  femelles ,  &  on  ire 
iaiiïe  à  la  mère  que  deux  femelles  avec 
fej)t  ou  huit  mâles.       '" 

Le  mâle  qu'on  choifit  pour  propager 
l'efpèce ,  doit  avoir  le  corps  court ,  ra- 

maffé;  &  plutôt  carré  que  long,  lu  \m 


s 


////  Cochon,  &c*  297 

grofTe,  le  groin  court  &  camus,  les  orcillei 
grandes  &  pendantes,  les  yeux  pedts  & 
ardens,  le  cou  grand  &  épais,  le  ventre 
avalé,  les  fefles  larges,  les  jambes  courtes 
&  grofles  ,    les  foies  épaifTes  &  noires  ; 
les  cochons  blancs  ne  font  jamais  auffi 
forts  c(ué  les  noirs.  La  truie  doit  avoir  le 
corps  long,,  le   ventre  ample   &  large 
les  mamelles  longues  :  il  faut  qu'elle  Ibit 
aulfj  d'un  naturel  tranquille  &  d'une  race 
féconde.  Dès  qu'elle  cft  pleine  ,  on  h 
ftpare  du  mâ'e,  qui  pourroit  la  bleHer;- 
ck   lorsqu'elle    met    bas  ,    on  la  nouirit 
largement,  on  la  veille  pour  l'empêcher 
de  dévorer  quelcpics-iins  de  fes  jtcdts,  6c- 
Ton  a  grand  foin  d'en  tlo^gncr  le  père, 
qui   les   iiu'nngeroit   encore   moins..   Oa 
la  fut    couvrir    au    commencement    du 
piiiuemps  ,  afin  que   les   petits   naifTmt 
en  été,   aient  le  temps   de.  grandir  >  de 
fc  fornfier,  &  d'engraiflcr  avant  l'hiver: 
m;ii>   lorfqiie   l'on    veut  la   faire   porter 
deux  fois  par  an  ,   on  lui  donne  le  mâle 
au  mois  de  novembr<2,  afin  qu'elle  mette 
bas  nu  mois  de  mars,   &  on  la- fait  cou- 
vrir une  féconde  fois  au  commcnccmcn»; 
de  mai.    Il  y  a  même   des   truies  qui 

N  V 


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!1 


2^S         Hijlûire  Naîiirelk 

produîfent  régulièrement  tous  Fcs  cinq 
mois.  La  laie,  qui,  comme  nous  l'avons 
dit ,  ne  produit  qu'une  fois  par  an , 
reçoit  le  mâle  au  mois  de  janvier  ou  de 
février,  &  met  bas  en  mai  ou  juin;  elle 
allaite  fès  petits  pendant  trois  ou  quatre 
mois ,  elle  les  conduit ,  elle  les  fuit ,  <S^ 
ks  empêche  de  fe  (eparer  ou  de  s'écar- 
ter ,  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  deux  ou  trois 
ans  ;  &  il  n'cft  pas  rare  de  voir  des  laies 
accompagnées  en  même  temps  de  Ieuî« 
petits  de  l*année  &  de  ceux  de  l'année 
précédente.  On  ne  fouâfre  pas  que  la 
icuie  domeftique  allaite  fes  petits  pen- 
ilant  plus  de  deux  mois  ;  on  commence 
memcv  au  bout  de  trois  (èmaines,  à  les 
mener  aux  champs  avec  la  r^iére,  pour 
les  accoutumer  peu  à  peu  à  (e  nourrir 
comme  elle  :  on  les  fèvrc  cinq  (èmaines 
après,  &  on  leur  donne  foir  &  matin  du 
petit  lait  mêlé  de  fon ,  ou  feulement  de 
l'eau  tiède  avec  des  légumes  bouillis. 

Ces  animaux  aiment  beaucoup  les  vers 
déterre  &  certaines  racines,  comme  celles 
de  la  carotte  fauvage,  c'eft  pour  trouver 
ces  vers  <Sc  pour  couper  ces  racines, 
qu'ils  fouillent  la  terre  avec  leur  boutoir* 


Ju  Cochon,  &c.  2pp 

I.e  fanglîer ,  dont  fa  hurc  cil  plus  lon- 
gue &  plus  forte  que  celle  du  cochon, 
fouille  plus  profondément;  il  fouille  aulfi 
prefque  toujours  en  ligne  droite  dans 
le  même  fillon,  au  lieu  que  le  cochon 
fouille  çà  &  là  ,  &  plus  légèrement. 
Comme  il  fait  beaucoup  de  dégât ,  il 
faut  l'éloigner  des  tcrreins  cultivés,  <Sc 
ne  le  mener  que  dans  les  bois  &  fur  les 
terres  qu'on  laifle  repofer. 

On  appelle  en  terme  de  chafïe,^//ri- 
àe  compagnie,  les  fangliers  qui  n'ont  pas 
paffé  trois  ans ,  parce  que  jufqu'à  cet 
âge  ils  ne  fe  féparent  pas  les  uns  des 
autres ,  5c  qu'ils  fuivent  tous  leur  mère 
commune  :  ils  ne  vont  feuls  que  quand' 
lis  font  affcz  forts  pour  ne  plus  craindre 
les  loups.  Ces  animaux  forment  donc 
d'eux-mêmes  des  efpèces  de  troupes, 
&  c'eft  de -là  que  dépend  leur  fureté: 
lorfqu'ils  font  attaqués,  ils  réfillent  par  le 
nombre,  ils  fe  ftcourcnt ,  fe  défendent; 
les  plus  gros  font  ^ace  en  le  preffant  en 
rond  les  uns  conire  les  autres  ,  &  en 
nieitant  les  plus  petits  au  centre.  Les 
cochoni»  domeftques  fe  dé  ë;  dent  auffi 
de  ia  niêiiie  manière  ,   ^  l'on  n'a  pas 

N  vj, 


'joo         Hijlo'ire  Naturelle 

bcfoin  cîc  chiens  [)Our  les  garJcr  ;  malà 
Goniinc  ils  font  indociles  é<.  durs  ,  un 
homme  agile  &  rohudc  n'en  peut  guère 
conduire  que  cinquante.   En  automne  Ôc 

••en  hiver,  on  les  mène  dans  les  forêts 
où  les  fruits  fauvngcs  font  abondans  ; 
l*été,  on  les  conduit  dans  les  lieux  hu- 
mides  &  marécageux ,   où  ils   trouvent 

^  ût^  vers  ^  des  racines  en  quantité  ;  & 
au  printemps ,  on  fes  laifle  aller  dans  les 
champs  &  fur   les  terres  en  friche  :  on 

•  les  fait  fonir  deux  fois  par-  jour,  depuis 
'  le  mois  de  mars  jufpi'au  mois  d'odobre; 

•  on  les  laifTe  paître  depuis- le  matin,  après 
'  que  la   rolte    clV  difljpe'e  ,   jufqu'à   dix 

heures,  &  depuis  deux  heures  après 
luidi  jufqu'au  foir.  En  hiver,  on  ne  les 
mène  qu'une  fois  par  jour  dans  les  P^eaux 
temps  :  la  rofée,  la  neige  &  la  pluie  leur 

'  font  contraire?.  Lorfqu'il  furvient  un 
ornge  ou  feulcfnejit  une  pluie  Ion  abon- 

-  dante ,  il  cil  a(îc/  ordinaire  de  les  voir 
déferler   le  troupeau    les    uns  après  les 

•  autres,  &  s'enfuir  en  courant  toujours 
'  criant  jufqu'à  la  porte  de  leur  étable  : 
'   les  plus   jeunes  font  ceux  qui  crient  le 

,  plus  &  le  £lus  haut  ;  ce  cri  eft  diftércuï. 


V//  Coclion ,  &e,  303! 

de  îcur  grognement  ordinaire,  c*cft  un 
cri  de  douleur  Itinblablc  aux  premiers^ 
cris  qu'ils  jeiicnt  lorfqu'on  les  garoue 
pour  les  (-gorgcr.  Le  iiiaic  cric  moins 
que  la  femelle.  H  e(t  rare  d'entendre  îe 
ranç;lier  jeicr  un  cri,  (i  ce  n'cfl  lorfqu'il 
le  bat  &  qu'un  autre  le  bleiîe  ;  la  laie 
crie  plus  fouvent:  &  quand  ils  font  fur- 
pris  (5c  effrayes  fuLitcmcnt,  ils  ioufîicnt 
avec  tant  de  vioîcnce,  qu'on  les  entend 
à  une  grande  dilhince.  ;.. 

Quoique  ces  animaux  foicnt  fort  gotùr- 
mands,  ils  n'attaquent  ni  ne  dévorent  pas,, 
comme  les  Iou])s  ,  les  autres  animaux  ; 
cependant  ils  mangent  c[iiclquefois  de  la 
chair  corrompue:  on  a  vu  des  fangifers 
manger  de  la  chair  de  cheva' ,  <Sc  nous 
avons  trouvé  dans  leur  eflomac  de  \?l 
peau  de  chevreuil  <Sc  des  pattes  d'oileau  ; 
mais  c'ell  peut  -  erre  plutôt  néceffité 
qu'inflintl.  Cej^endant  on  ne  peut  nier 
qu'ils  ne  loient  av'des  de  fang  &  de  chair 
fanguinofen:e  Si.  fraîche  ,  j  uifque  les 
cochons  maïigent  leurs  petits,  ^  même, 
des  enfans  au  berceau  :  dès  qu'ils  trouvent 
quelque  chofe  de  fucculcnt ,  d'humide, 
de  gras  &  d'ouc^ueux ,  ils  ie  lèchent  &• 


J0  2  Hîfloire  Naturelle  ' 

fîniflènt  bientôt  par  l'avaler.  J'ai  vu  pTu- 
fieurs  fois  un  troupeau  entier  de  ces  ani* 
maux  s'arrêter,  à  leur  retour  des  champs > 
autour  d'uiî  monceau  de  terre  glaife  nou- 
vellement tirée;  tous  féchoicnt  cette  terre, 
qui  n*étoit  que  très  -  légèrement  oik- 
tueuCèy  &  quelques-uns  en  avaloient  une 
afTez  grande  quanikc»  Leur  gourmandife 
c{l,  comme  l'on  voit,  auffi  grollière  que 
kur  naturel  eft  brutal  ;  ils  n'ont  aucun 
fentiment  bien  diftin<fl ,  les  pedts  recon- 
noifîent  à  peii>e  leiir  mère ,  ou  du  moins 
font  fort  iujets  à  (e  mé[)rendre,  &  à  téut 
la  première  truie  qui  leur  lailîe  faii/r 
fes  mamelles.  La  crainte  &  la  néccfïïtc 
donnent  apparemment  un  peu  plus  de 
fentiment  &  d'indindl  aux  cochons  (au- 
vages ,  H  femble  que  les  petits  foient 
fidèlement  attachés  à  leur  mère ,  qui 
paroît  être  aufîi  plus  attentive  à  leurs 
befoins  que  ne  l'eft  la  truie  domeftique. 
Dans  le  temps  du  rut ,  le  mâle  cherche, 
fuit  la  femelle  ,  &  demeure  ordiriwremcnt 
trente  fours  avec  elle  dans  le^  boib>  les 
plus  éjxiis ,  les  plus  loli  Liires  &  le^  plus 
reculés.  Il  efl  alors  plu.>  firouche  (}ue 
jamais  ,     &    ii    devient    m^'iiie    iurteux 


Tente  J 


II 


vu  pTu- 

ccs  ani* 

champs, 

ai(e  nou- 

itte  terre, 

?m  oiK- 

:)ient  une 

rmandire 

lière  que 

it  aucun 

ts  recoiH 

du  moins 

&  à  téiiT 

iffe  faii/r 

néctfîîîc 

plus  de 

ions  i'àW' 

ïis  foient 

ère  ,  qui 

î   à  leurs 

meflifiue, 

cherche, 

i>i  rement 

bois  les 

:  les  [)lus 

iche  (}ue 

iuneux 


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LE  SANGLIEîl  y».  doSN^'x 


LE  COCHON  DE  ÎSIAM 


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lune 
qu'il 
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le  c\ 
àeR'i 
cette 
accc 
tins 


du 

pi 


usi 


trad 


lo 


ml 


'  du  Cochon ,  &c,  303' 

iorfqu'un  autre  mâle  veut  occuper  (a 
place;  ils  fe  battent,  fe  ble/fent,  &  (e 
tuent  quelquefois.  Pour  la  laie,  elle  ne 
'devient  furieufe  que  quand  on  attaque 
iQ%  petits  ;  &  en  générai ,  dans  prefque 
tous  les  animaux  lauvages,  le  mâle  de- 
Tient  plus  ou  moins  féroce  lorfqu*i( 
cherche  à  s'accoupler,  &  la  femelle  iorf- 
qu'eile  a  mis  bas. 

On  chaiTc  le  iànglier  à  force  ouverte, 
avec  des  chiens ,  ou  bien  on  le  tue  par 
furpriiê  pendant  la  nuit  au  clair  de  la 
lune  :  comme  il  ne  fuit  que  lentement , 
qu'il  laifle  une  odeur  très-  forte ,  qu'il  (c 
défend  contre  les  chiens  &  les  hX^^G, 
toujours  dangereufement ,  il  ne  faut  pas^ 
le  chafîer  avec  les  bons  chiens  courans 
deflinés  pour  le  cerf  &  le  chevreuil  3 
cette  chaffe  leur  gaieroit  le  nez ,  <Sc  les 
accoutumeroit  à  aler  lentement  :  des  mâ- 
tins un  peu  drelîés  fuffifent  pour  la  chaffe 
du  nmglier.  Il  ne  faut  attaquer  q,ue  les 
plus  vieux,  on  les  coniioît  aifément  aux 
traces:  un  jeune  fanglier  de  trois  ans  eft 
difEcile  à  forcer,  parce  qu'il  c^urt  très- 
loin  lans  sairêrer,  au  lieu  qu'im  fanglier 
plus  âgé  ne  fuit  pas  loin ,  fe  iuifîè  chiifTex 


;i 


i 


H! 


iil 


i 


'3'04*         Hiflokc  NdturclJe 

de  prcs,  n'a  pas  grand>peur  des  cîi!en5, 
ÔL  s'arrête  fouvcnt  pour  leur  faire  lêic. 
Le  jour,  il  rtîle  ordinairement  dans  la 
bauge,  au  plus  éjiais  &  dans  le  plus  fort 
du  bois;  le  (oir  ,  à  la  nuit,  ii  en  fort* 
pour  chercher  fa  nourriture:  en  été, 
îorfquc  les  grains  font  m(irs,  il  efi:  affcz 
facile  de  le  furp rendre  dans  les  blés  & 
dans  les  avoines  où  il  frécjucnte  toutes 
ics  nuits.  Dès  qu'il  efl  tué,  les  chafî'eurs 
ont  grand  foin  de  lui  couper  les  y^/V^j", 
c'e(t-à-dire  les  teAicuIcs,  dont  l'odeur 
.cH:  Ci  forte  cjue  fi  l'on  paffe  ieulerncnt 
cinq  ou  fix  heures  fins  le^  ôter ,  toute 
ia  chair  en  e(l  infedée.  Au  refte,  il  n'y 
a  que  la  hure  qui  (bit  bonne  dans  un 
vieux  fanglier;  au  lieu  que  toute  la  chair 
du  marcallin,  &  celle  du  jeune  fingiicr 
qui  n'a  pas  encore  un  an,  cfl  délicaie, 
&  même  affez  fine.  Celle  du  verrat, 
ou  cochon  domePiique  mâle,  efl  encore 
phis  mauvaife  que  celle  dii  fanglier  ;  ce 
ntlt  que  par  la  caftration  &  l'engrais 
qu'on  la  rend  boiuie  à  manger.  Les 
Anciens  '^  étoient  dans  l'ufage  de  faire 
îà  callration  aux  jeunes  marcaifins  qu'un 

'.      -*  Yiik  Ariji»  hiji,  ahimaU  Hb»  VI,  cag,,  ^XVIIIi 

*■     '•  ■ .  I  »       "i  i  .  ■    '  '  ■  .'   "  »     '•       ' 


(hi  Cochon ,  &c,  3  o  j 

pouvoît  enlever  à  leur  mère ,  après  quoi 
on  les  reportoit  clms  les  bois:  ces  liui- 
glicrs  coupes  groiriffent  bcaiTouj)  plus 
que  les  .lutres,  ^  leur  chaii  cil  meilleure 
que  celle  des  cochons  domcflicjues. 

Pour  peu  qu'on  ait  habité  la  cam- 
pagne, on  n'ignore  pas  les  profits  qu'on 
tire  du  cochon ,  la  chair  fc  vend  à  peu 
près  autant  que  celle  du  bœuf,  le  lard 
îê  vend  au  double  ,  &  me  me  au  triple  ; 
le  fang  ,  les  boyaux,  les  vifcères,  les 
pieds  ,  la  langue  ,  fe  prcf)arcnt  &  fe 
mangent  :  le  fumier  du  cochon  eil  plus 
froid  que  celui  des  autres  animaux ,  Se 
l'on  ne  doit  s'en  fervir  f[ue  pour  les 
terres  trop  chaudes  &  trop  sèches.  La 
graiffe  des  inieilins  &  de  l'epiploon , 
C|ui  efl  différenie  du  lard ,  fait  le  fain- 
doux  &  le  vieux -oing.  La  peau  a  Tes 
ufages  ,  on  en  fiiit  des  cribles  ,  comme 
Fon  fait  auiîi  des  vergcttes,  des  broffes, 
des  pinceaux  avec  les  foies.  La  chair  de 
cet  animal  prend  mieux  le  fel ,  le  fal- 
pêtre,  &  fe  conlcrve  falée  plus  long- 
temps qu'aucune  autre. 

Cette  efpèce  ,  quoiqu'abondante  5c 
foït  re'^andue  en  Europe,  eii  Afrique 


\ 


c-,. 


::^o6         Hijîoke  Nattirelk 

&  en  A  fie,  ne  scft  point  trouvée  dfani 
le  continent  du  nouveau  monde;  elle 
y  a  éié  tianfporiee  par  les  Efpagnols, 
qui  ont  jeté  des  cochons  noirs  dans 
le  continent,  &  dans  prefque  toutes  les 
grandes  îles  de  l'Amérique;  ils  (e  font 
multiplies,  &  font  devenus  fauvages  en 
J>eaucoup  d'endroits  ;  ils  refTemblent  à 
nos  fangiiers^  ils  ont  le  corps^plus  court, 
la  hure  plus  grofTe  ,  &  la  peau  plus 
cpaifle  *  que  les  cochons  domeftiqucs, 
qui ,  dans  les  climats  ch;uids  y  font  tous 
noirs  comme  les  langliers. 

Par  un  de  ces  préjugés  ridicules  que 
la  feule  fu perdition  peut  faire  fubfifler, 
les  Mahoméians  font  privés  de  cet  animal 
utile:  on  leur  a  dit  qu'il  étoit  immonde, 
ils  n'ofent  donc  ni  le  toucher  ,  ni  s'en 
nourrir»  Les  Chinois,  au  contraire,  ont 
beaucoup  de  goût  pour  la  chair  du 
cochon  ;  ils  en  élèvent  de  nombreux  j| 
troupeaux,  c'eft  leur  nourriture  la  plus 
ordinaire,  &  c'cft  ce  qui  les  a  empêchés, 
dit  on ,  de  recevoir  la  loi  de  Mahomet. 
Ces  cochons  de  la  Chine ^  qui  font  aufTi 

•  Voyez  l'hift.   gén.  des  Antilles,   par  le  P.  à\i 
TcrtrCr  Furis,  i  46/^  terne  II,  page  ijj. 


Jh  Cochon  t  &c.  307 

ceux  de  Siam  &  de  l'Inde,  font  un  peu 
différens  de  ceux  de  l'Europe  ;  ils  font 
plus  petits,  ils  ont  les  jambes  beaucoup 
plus  courtes  ;  leur  chair  cft  plus  blanche 
&  plus  délicate  :  on  les  connoït  en  France, 
&  quelques  perfonaes  en  élèvent;  ils  le 
mêlent  &  produifent  avec  les  cochons  de 
la  race  commune.  Les  Nègres  élèvent 
aulîi  une  grande  quantité  de  cochons , 
&  quoiqu'il  y  en  ait  peu  chez  les  Maures» 
&  dans  tous  les  pays  habités  par  les  Ma- 
hométans ,  on  trouve  eu  Afrique  &  en 
Afic  des  fangliers  auffi  abondamment 
qu'en  Europe. 

Ces  ani?Tiaux  n'afîèdcnt  donc  point 
de  climat  particulier ,  feulement  il  paroît 
que  dans  les  pays  froids  le  finglier ,  ea 
devenant  animal  domellique,  a  plus  dé- 
généré que  dans  les  pays  chauds  :  un 
degré  de  température  ce  plus  fuffit  pour 
changer  leur  couleur  ;  les  cochons  font 
communément  blancs  dans  nos  provinces 
feptentrionales  de  France ,  &  même  en 
Vivarais,  tandis  que  dans  la  province 
du  Dauphiné ,  qui  en  eft  très-voifine, 
ils  font  tous  noirs;  ceux  de  Languedoc, 
de  Provence,  d'Efpagnc ,  dltaiie,  des 


"308      Hifloire  Naturelle,  &Cy 

Indes  ;  de  la  Chine  ^  de  rAnit-nqu?  ^ 
font  aiifîi:  de  la  mêtne  couleur:  le  cothoîi 
de  Siam  refîcmble  plus  que  ie  cochon 
de  France  au  ianglier.  Un  des  iignes  Us 
plus  évidcns  de  la  diigenéradon,  ibnt  !ti 
oreilles  ;  elles  deviennent  d'autant  plus 
fbup'cs ,  d'iiutant  plus  molles,  plus  in- 
clinées 6c  plus  pendantes ,  que  l'animj 
eil  plus  altéré,  ou,  fi  l'on  veut,  plus 
adouci  par  l'e'ducaîîon  ôl  par  l'tiat  <J'^ 
domcfticité  ;  &  en  effet ,  ie  cochon  do- 
lïiedicjue  a  les  oreilles  beaucoup  moins 
roides ,  beaucoup  plus  longues  &  plus 
inclintcs  que  le  (Iinglier,  qu'on  d»  it  re- 
garder comme  le  modelé  de  rerpècc 


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LE    CHIEN. 


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LA  grandeur  de  h  taille ,  réïcgance 
de  la  forme  ,  la  force  du  corps ,  la 
l'hcrté  des  nioiivemcns,  toutes  les  qua- 
lités extérieures,  ne  font  pas  ce  qu'il  y 
a  de  plus  noble  dans  un  erre  animé:  & 
comme  nous  préférons  dans  i  homme 
l'eTprit  à  la  figure,  le  courage  à  la  -orce, 
les  ientlmcns  a  la  beauté ,  nous  jugeons 
zuÛi  que  les  qualités  intérieures  (ont  ce 
cju'il  y  a  de  plus  relevé  dans  l'anunal; 
c'eil  por  elles  qu'il  diffère  de  l'ianomate, 
tju'il  s'élève  au-dcffus  du  végétal  &  s'ap- 
proche de  nou^  ;  c'eft  ie  retitiment  qui 
cnnoblt  Ion  être  ,  c|ui  le  régit  ,  qui 
le  vi\ifie,  qui  commande  aiix  organes, 
rend  les  membre.^  adifs ,  ^aii  naître  le 
de(ir  ,  &  donne  à  la  miuièrc  k  mou  ve- 
inent prognrflif ,  la  volonté  ,  l.i  vie,  ; 
La  pcriedion  de  l'animal  .iépend  donc 
de  la  pcrfedion  du  fctitimen.;  plus  il  t  il: 
étendu,  plus  l'anim  l  a  de  ficultés  ôl  de 
rcfiources ,  plus  il  txifîc .  |'ius  il  a  uq. 
rapports  avuc  ic  ii.ite  de  l'Univers  .   & 


eydc 


ordre 


\  n.xj  j 


li  xxrijj 


Urs^j      ) 


[fl-Txxix:] 


Chien  '^ 
t  OU'  cult  _ 


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Irc/'^dcé  (Sine/ic 


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{ciluilie 


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\    /lace    ] 


niUy 


3 


10 


Jlijloire  Naturclk 


ïorfquc  îc  fcmimcnt  eft  délicat,  exquis, 
iorfqu'il  peut  encore  être  pcrfedionné 
par  Téducation,  l'animal  devient  digne 
d'entrer  en  (bciété  avec  Thomme;  il  fait 
concourir  à  (es  deHeins,  veiller,  à  (a  fu- 
reté ,  l'aider ,  le  défendre ,  le  flatter  ;  il 
fait  ,  par  des  fervices  affidus  ,  par  des 
carelTes  réitérées,  fe  concilier  fon  maître, 
le  captiver,  Sl  de  fon  tyran  fe  faire  un 
prote<fleur. 

Le  chien  ,  indépendamment  de  fa 
beauté  de  fa  forme,  de  la  vivacité,  de 
la  force ,  de  ia  légcretc ,  a  par  excellence 
toutes  les  qualités  intérieures  qui  peuvent 
lui  attirer  les  regards  de  fiiomme.  Un 
naturel  ardent  ,  colère  ,  même  féroce 
&  fanguinaire  ,  rend  le  chien  fiuvage 
redoutable  à  tous  les  animaux ,  &  cède 
dans  le  chien  domeftique  aux  (cniimens 
les  plus  doux ,  au  piaifir  de  s'attacher  & 
au  defir  de  plaire  ;  il  vient  en  rampant 
mettre  aux  pieds  de  fon  maître  fon  cou- 
rage ,  fi  force ,  (es  talcns  ;  il  attend  fcs 
ordres  pour  en  faire  ufage,  il  le  con- 
fulte  ,  il  Tinierroge  ,  il  le  fupplie  ,  un 
coup  d'oeil  fuffit ,  ii  entend  les  fignes  de 
fa  volonté:  fins  avoir,  comme  l'homme ^ 


du  Chien.  3  1 1 

Ta  îumîcre  de  la  penfée  ,  îï  a  toute  la 
chaleur  du  feniiment;  il  a  de  plus  que 
lui  la  édéitté ,  la  conilaiice  dans  les  affec- 
tions ;  nulle  ambition  ,  nul  intérêt ,  nul 
dcfir  de  vengeance,  nulle  crainte  que 
celle  de  déplaire  ;  il  eft  tout  zèle  ,  tout 
ardeur  &  toute  obciffance;  plus  (cnfible 
au  fou  venir  écs  bienfaits  qu'à  celui  des 
outrages  ,  il  ne  fc  rebute  pas  par  les 
mauvais  traitemcns,  il  les  fubit,  les  ou- 
blie, ou  ne  s'en  fouvient  que  pour  s'at- 
tacher davantage  ;  loin  de  s'irriter  ou  de 
fuir,  il  s'cxpolc  de  lui-même  à  de  nou- 
velles épreuves  ,  il  lèche  cette  main , 
inllrument  de  douleur  ,  qui  vient  de  le 
frapper,  il  ne  lui  oppofe  que  la  plainte, 
&  la  défarme  enfin  par  la  patience  Sa  la 
foumifllon. 

Plus  docile  que  rhommc ,  plus  fouple 
qu*aucun  des  animaux,  non- feulement 
le  chien  s'inllruit  en  peu  de  temps ,  mais 
même  il  (c  conforme  aux  mouvemens, 
aux  manières ,  à  toutes  les  habitudes  de 
ceux  qui  iui  commandent  ;  il  prend  le 
ton  de  la  maifon  qu'il  habite  ;  comme 
les  autres  domefliques,  il  efc  dédaigneux 
chc^  les  Grands  &  ruftrc  à  la  campagne  ; 


il 


'312..    JiiJIxnre  Ndîtirclk  \ 

toujours  eniprc/îé    pour   Ton  maître  dk 
prévenant  pour  Tes  îèuls  amis,  il  ne  fait 
aucune  attention  aux  gens  indiffcfrcns ,  & 
ie  déclare  contre  ceux  qui  par  état  ne 
font  faits  que  pour  importuner  ;   il  les 
connoît   aux    vciemens  ,    à  la  voix  ,   à 
leurs  geflcs ,  &  les  empêche  d'approcher. 
Lorfqu'on  iui  a  confié  pendant  la  nuit 
la.  garde  de  la  maifon,  il  devien^t  pkis 
fier ,  &  quelquefois  féroce  ;  il  veille ,  ri 
fait  la  ronde  ;  il  fcnt  de  loin  les  étrangers, 
&  pour  peu  qu'ils  s'arrêtent  ou -tentent 
de   franchir    les    barrières,    il   s'élance, 
s'oppoiè,  <5c  par  des  aboiemens  réitérés, 
dei  cfloits  &  des  cris  de  colère,  il  donne 
l'alarme ,  avertit  &  combat  :  aufîi  furieux 
contre  les  hommes  de  proie  que  contre- 
les  animaux   carnafTiers  ,   il   fe  précipite 
fur  eiîx,  les  bleffe,  les  déchire,  leur  ôte 
ce    qu'ils    s'efîbrçoient    d'enlever  ;   mais 
co nient  d'avoir  vaincu   il   fc  rcpofe  fur 
les  dé|)0uilics,   n'y   touche   pas,  même 
pour  làiisfaiic  ion  apj^éiit   ôl  donne  eiv 
même  temps  des  cxem[)ies  de  courage, 
de  tempérance  <Sc  de  fidélité. 

On  lêniira  de  quelle  imj)or:ance  cette 
efpèce  cil  dans  l'ordre  de  la  Nature,  eu 

luj^pofànt 


"Su  Chiefh  "jrj 

fuppofant  un  înftant  qu'elle  n'cât  jamais 
exiiié.  Comment  l'homme  auroit-il  pu, 
fans  le  iècours  du  chien ,  conquérir , 
dompter  ,  réduire  en  efclavage  les  autres 
animaux  î  comment  pourroit  -  il  encore 
aujourd'hui  découvrir,  chaffer,  détruire 
les  bêtes  faiivagcs  &  u*  les  î  Pour  (e 
mettre  en  fureté,  &  pour  (e  iCidic  maître 
de  l'Univers  vivant,  il  a  fallu  commencer 
par  fe  faire  un  parti  parmi  les  animaux , 
ie  concilier  avec  douceur  &  ])ar  carcfTcs 
ceux  qui  (e  font  trouvée  capal;les  de  s'at- 
tacher ôi  d'obéir,  afin  de  les  oj^pofer  aux 
autres.  Le  premier  art  de  rhomme  a  donc 
été  l'éduçaiion  du  chien,  ôl  ie  fruit  de 
cet  art  la  conquête  <Sc  la  pofieillon  pai- 
fible  de  la  Terre. 

La  plupart  des  animaux  ont  plus  d*a- 
giUté ,  j)lus  de  vîtelTc,  plus  de  Korce,  5c 
même  plus  de  courage  que  rho;ninc; 
la  Nature  les  a  miejx  mun's  ,  mieux 
armés  ;  ils  ont  aulîi  les  fens ,  &  fur-tout 
i'oJorat,  plus  parfait.  Avoir  g-igné  une 
cfpèce  courageui'e  &  docile  comme  celle 
du  chien,  c'clt  avoir  ac([uis  de;  nouveaux; 
fens  &  les  ficuhés  qui  nous  m.in(|uent. 
Les  machines ,  les  iullrumens  que  nous 

Tonu   VL  O 


iH 


il 

•  i 


î' 


^3  r4  jHîJfohe  Naturelle  ^ 

avons  imaginés  pour  j)erfe<5lionncr  nos 
autres  Tciis ,  pour  en  augmenter  l'cten- 
due,  n'approchent  pas,  wiêm»  pour  ruti- 
lité  ,  Je  CCS  machines  toutes  faites  que  la 
Nature  nous  préfente,  Ôl  qui  en  fup- 
plci.in  à  i'imj)erfcdlon  de  notre  odorat, 
nous  ont  fourni  de  grands  &  d  éternels 
iîioyens  de  vaincre  &  de  régner  :  &  ic 
chien  fidèle  à  IMiomme ,  conlervera  tou- 
jours une  portion  de  l'empire  ,  un  degré 
de  fupériorité  furies  autres  animaux  ;  ï[ 
îtur  commande  ,  il  règne  Iiiî-même  â  la 
icic  d'un  troupeau ,  il  s'y  fait  mieux  en- 
tendre que  la  voix  du  berger  ;  la  fureté  , 
Tordre  6:  ia  difcipline  font  les  fruits  de  fa 
vigifance  &  de  (on  adlivité;  c'eft  un  peu- 
ple qui  lui  cft  fournis ,  qu'il  conduit,  qu'il 
proU'ge,  <Sc  contre  lequel  il  n'emploie 
jamais  la  force  que  pour  y  maintenir  \x 
paix.  Mais  c'cft  fur-tout  à  la  guerre,  c'eft 
contre  les  animaux  ennemis  ou  indépen- 
dans ,  qu'éclate  fon  courage ,  &  que  fon 
Intelligence  fc  déploie  toute  entière:  les 
talens  naturels  fe  réuni/îènt  ici  aux  qua- 
lités acquifcs.  Dès  que  le  bruit  d^s  armes 
fc  fait  entendre ,  dès  que  le  fon  du  cor 
ou  la  voix  du  chaflçur  a  donuc  le  fignal 


;. 


lu 


du  Chien.  '3  r  5' 

cî*une  guerre  prochaine  ,  brillant  d'une 
ardeur  nouvelle  le  chien  marque  fa  joie 
par  les  plus  vifs  iranfports,  il  annonce 
par  ies  mouvemens  &  par  fes  cris  l'im- 
patience  de  combattre  &  ie  clefir  de 
vaincre  ;  marchant  cnfuite  en  filence  ,  i[ 
cherche  à  reconnoître  ie  pays,  à  décou-* 
vrir  ,  à  furprendre  l'ennemi  dans  fou 
fort  ;  ii  recherche  fes  traces,  il  les  fuit 
pas  à  pas,  &  par  des  accens  diffcrens 
Indique  ie  temps,  la  diftancc  ,  l'efpcce, 
&  même  l'âge  de  celui  qu'il  pourfuit. 

Intimidé,  prefiTé,  défefpcrant  de  trou- 
ver fon  fnlut  dans  la  fuite,  l'anima!  *  fc 
fcrt  aufîi  de  toutes  fes  facultés ,  il  oppofc 
la  rufc  à  la  fagacité  ;  jamais  les  relTources 
de  l'indinift  ne  furent  plus  admirables  : 
pour  faire  perdre  fa  trace,  il  va,  vient 
&  revient  fur  (es  pas  ;  il  fait  des  bonds, 
il  voudroit  le  détacher  de  la  terre  &  fup- 
primer  les  efpaccs;  il  franchit  d'un  faut 
les  routes  ,  les  haies,  paiïè  à  la  nage  les 
ruilTcaux ,  les  rivières  ;  mais  toujours 
pourfuivi ,  &  ne  pouvant  anéantir  fon 
corps,   il  cherche  à  en  mettre  un  autre 

*  Voyez  riiifloù'c  du  çcif,   y/,  ]' 1 1  Je  cette 
Hidoire  Naturelle. 

O  i; 


'j  j  6         'fJiJIotre  NaturcUâ 

.à  fa  place  ;  il  va  lui  -  iikmîic  troubler  ïe 
j'cpos  d'un  voifin  plus  jeune  Ôc  moins 
^xpcriinciué  ,  le  faire  lever,  marcher, 
fuir  avec  lui;  &  îoifqu'ils  (uit  confondu 
leurs  traces ,  lorfciu'il  croii  l'avoir  lUbliituc 
à  ia  mauvaifc  for4unc  ,  il  le  quitte  ])lus 
Jirufqui'jiicnt  encore  qu'il  ne  l'a  joint  , 
nfin  de  le  rendre  feul  l'objet  &  la  \'n5liine 
,cjc  l'crjuini  irouipé. 

Mais  le  chien,  par  cette  fupe'rioriié 
que  donnent  l'exercice  &  l'éducation , 
par  tCLic  finefTc  de  fcniiinent  qui  n'ap- 
partient qu'a  lui,  ne  perd  pas  l'objet  de 
Ja  pourluite;  il  démêle  les  ]H)ints  coin- 
^r.iin;. ,  dclic  les  nœuds  du  fil  tortueux 
.qui  iei;l  peut  y  conduire  ;  il  voit  de 
J'odorat  tou;»  les  détours  du  labyrinthe, 
.toutes  les  faufles  routes  où  l'on  a  voulu 
l'égrcr;  &  loin  d';)bandonncT  rcnnemi 
pour  un  indiffèrent  ,  après  avoir  triom- 
phé de  hï  rufc,  il  s'indigne,  il  redouble 
d'ardtrr,  arrive  enfin,  l'attaque,  &  le 
;"net;ant  à  mort ,  étanchc  dans  le  fang  fa 
foif  6c  f:i   h-ine. 

I.e  pencha  t  pour  la  chaffe  ou  fa 
guerre  nous  cd  conunun  avec  les  ani- 
jnaux  ;    fiioiiune    fauyagc    jie    fuit  que 


Au  Où  en,  3^7; 

çnmbatîre  &  chalîcr.  Tous  les  riniin:ui-t 
qui  aiment  la  chair  ,  <5c  cjui  ont  <\c  la- 
force  &  (Jcs.armci,  chaîîcnt  nature  l'c- 
nicnt  :  le  lion  ,  le  lio-re  ,  dont  la  force' 
ell  fi  grande  qu'ilr.  lont  lurs  de  vaincre  ,• 
ch.ifltnt  feuls  &  lans  art;  les  loups,  les^ 
renards,  les  chiens  fmvagcs  (c  réuniilcnr^ 
s'entendent,  s'aident.  Te  relaient  &  par- 
tîgcnt  la  proie  ;  à  lorlque  i'iklucatioii 
a  })erredionné  ce  talent  naturel  dans  le 
chien  domertifjue  ,  lorlqu'on  lui  a  apprij 
:i  rc'primcr  Ton  ardeur  ,  à  mcfuvcr  fea 
mouveincns,  qu'on  Ta  accoinumé  à  une 
nnrche  régulière  &  à  l'efpècc  de  difci^ 
pline  nécellaire  à  cet  nrt ,  il  cira  fie  avec 
îiiéihodc  ,    &  toujours  avec   fuccès. 

Dans  les  pays  délerts  ;  dans  les  contrc'eî 
dépeuplées ,  il  y  a  des  chiens  (au\'age3 
C|ui,  pour  les  mœurs,  ne  diilùient  des 
loups  que  pnr  la  facilité  qu'on  trouve  à 
les  apprivoiser;  ils  le  réunilfent  nuili  eu 
P'lîs  grandes  troupes  pour  chaffer  &  aita- 
«juer  en  force  les  fanglicrs,  les  taureaux 
fiuvages ,  <5t  même  les  lions  &  les  lîgres. 
En  Améri(pic>  ces  chiens  fauvages  font 
de  races  anciennement  doniefciques ,  ils 
1  cm  ctc  tranfponés  d'Europe,  ^  ([ucl- 

G  iii 


I 


^3  1  §■         T^ipoh-c  Naturelle 

qucs-iins  ayant  été  oubliés  ou  abandon- 
nés dans  ce  s  défcrts,  s'y  font  multipliés 
au  point  qu'ils  fe  répandent  par  troujics 
dans  les  contrées  habitées,  où  ils  aua- 
^jutnt  le  bétail  &  infultcnt  même  les 
hommes  :  on  efl  donc  obligé  de  les 
écarter  par  la  force ,  âc  de  les  tuer  com- 
me les  autres  bctes  féroces;  &  les  chiens 
font  tels  en  effet,  tant  qu'ils  ne  connoif- 
fênt  pas  les  hommes  :  mais  iorfqu'on  les 
approche  avec  douceur,  fis  s'adoucif- 
fent,  deviennent  bientôt  familiers  ,  & 
demeurent  fidèlement  attachés  à  feurs 
maîtres;  au  lieu  que  le  loup,  quoique 
pris  jeune  &  élevé  dans  les  maifons,  n'cfk 
doux  que  dans  le  premier  fige,  ne  perd 
jamais  fon  goût  pour  la  proie,  ^  fc  livre 
tôt  ou  tard  à  fon  penchant  pour  ia  rapine 
&  la  deflrudion. 

L'on  peut  dire  que  le  chien  cft  le  feul 
animal  dont  la  fidélité  foit  à  Tcpreuve; 
le  feul  qui  connoiiTe  toujours  fon  maître 
&  les  amis  de  ia  malfon;  le  feul  qui, 
lorfqu'ii  arrive  un  inconnu,  s'en  aper-< 
çoive  ;  le  fèul  c(ui  entende  fon  nom ,  & 
qui  reconnoiiïe  la  voix  domcltiquc  ;  le 
feul  qui  |;e  f^  coi^e  point  à  iui-mcuiç  \ 


r!{}  Cliicn:  ^r^ 

îc  fcul  qui,  lorfciu'il  a  perdu  fon  mnîtrc, 
&  qu'il  ne  j/out  le  trouver,  l'appelle 
par  Tes  gcmi(reiiicns  ;  le  fcul  qui  cfuns 
un  voyage  long  qu'il  n'aura  fait  qu'une 
fois,  fe  louvienne  du  chemin  6c  retrouve 
la  route;  îe  feul  enfin  dont  les  talcns 
naturels  foicnt  cvidens  «5c  l'educatioa 
toujours  hcureufc. 

Et  de  même  que  de  tous  les  animaux 
le  cliien  eft  celui  dont  le  naturel  c(l  1« 
j4us  fufccptibled'imprcfijon  ,  <^  fc  mo- 
difie le  plui  aifétnent  par  les  caufes  mo- 
rales, if  efl  aufil  de  tous  celui  dont  fa 
nature  eft  le  plus  fujcuc  aux  variétés  & 
aux  altérations  caufées  par  les  influences 
phyiiqucs:  le  tempérament ,  les  ficultés, 
les  habitudes  du  corj'S  varient  prodi- 
gieufcmeiu ,  la  forme  même  n'ell  pas 
confiante  :  dans  le  métTie  j)ays  un  chien 
cil  très-différent  d'un  autre  chien,  & 
refpèce  cfl ,  pour  ainfi  dire  ,  toute  diffé- 
rente d'elle-même  dans  les  diflérens  cli- 
mats. De-là  cette  confufion,  ce  mélange 
&  cette  variété  de  races  ù  nombreufes, 
qu'on  ne  peut  en  faire  l'énumération  ; 
de- là  ces  différences  fi  marquées  po'^r 
la  grandeur  de  la   laille  ,    la  figure  du 

U  m; 


ïi\ 


À 


^20         Hîflolre  Ndturelk 

corps,  l*along€mcnt du  mii(cau,  îa  forinè 
de  ia  tête,  la  longueur  &  la  direcflion  des 
oreilles  &  de  la  queue ,  la  couleur  ,  la 
qualité,  îa  quantité  du  poil,  &c.  eu  forte 
qu'il  ne  relie  rien  de  conilant ,  rien  de 
coninuin  à  ces  nniniau*x  que  la  c  on  for- 
mi,  é  de  l'orga  ni  talion  iniétieure  ,  &  hi 
flîcidîé  de  pouvoir  tous  produire  en- 
fèmblc.  Et  comme  ceux  cjui  diftèi^ent 
le  plus  les  uns  des  autres  à  tous  égards , 
rie  laiiTent  pas  de  produire  des  individus 
qui  peuvent  fe  perpétuer  en  produilant 
eux-mêmes  d'autres  individus,  il  ed 
évident  que  tous  les  chiens  ,  quelque 
difTérens,  cjuclcfi^e  variés  qu'ils  foient  ^ 
lie  font  cpfune  feule  c*k  même  erpècc. 

Mais  ce  qui  ell  difficile  à  faiiir  dans 
ccf.e  nombreufe  variété  des  races-  d  ffé- 
renies,  c'efl  le  caradJre  de  la  race  pri- 
mitive, de  fa  race  originaire,  do  la  race 
mère  de  toutes  les  autres  races  :  comment 
reconnoître  les  effets  produits  par  l'in- 
fluence du  climat,  de  la  nourriture,  &c! 
connnent  les  diltinguer  encore  des  autres 
effets ,  ou  plutôt  des  rcfulrats  qui  pro- 
viennent du  mélange  de  ces  diiFtreiues 
jaces  ciur'elies ,  dans  l'état  de  liberté  on 


(in  Cliietu  321; 

Je  domcflicitc  \    En   effet  ,   toutes    ces 
caufcs  allèrent,  avec  ie  temps,  les  formes 
ics  plus'conftantes,  &  l'empreinte   de  la 
Nature  ne  confcrvc  pas  toute  (a  pureté 
dans  les  objets  que  l'homme  a  beaucoup 
maniés.  Les  animaux  afîcz  indcpendans 
pour  choifir  eux  -  mêmes  leur  climat   & 
leur  nourriture,  font  ceux  qui  confervent 
ie  mieux   ce. ;c  empreinte  originaire;   & 
l'on  peut  croire  que  ,  dans  ces  efpèces , 
le  premier,  le  plus  ancien  de  tous  ,  nous 
eft  encore  aujourd'hui  aflez    fidtlemcnt 
reprcfeiiié  par  fes  defcendans;  mais  couT 
que  l'homme   s'ell  ibumi.s,   ceux  qu'il  a 
îranlportés  de  ciiinais  en   climats  ,    ceu:C 
dont  il  a  changé  la  nourriture,  ics  habi- 
tudes &  la  manière  de   vivre,  ont  aufîi 
à:\.\  changer  pour  la  forme,  pius  que  tous 
les  autre:.;    <5c  l'on   U"ouve  en  effet  bien 
pîiis  de  variété  dans  les  cfpcces  d'animaux 
domcii'qHCs  que  d.ms  celies  des  animaux 
f^uvaacs.    Et  comme  parmi  les  animaux 
domcltiques  ie  chien  ell,  de  tous,  celui 
qui  s'elt  attaché  à  l'homme  de  plus  près; 
celui  (jui  ,    vivant   comme  l'homme,   vie 
aulli   le  plus  irrégulièrement  ;   celui  dans 
lequel  le  icniimeat  dotaxiiK  affez  pour  ie 

O  y 


rendre  docile ,  obéifîànt  &  rufceptîble 
de  toute  impieflion,  &  même  de  toute 
contrainte  ;  il  n'efl  pas  étonnant  que  de 
tous  les  animaux  ce  foit  aufîi  celui  dans 
lequel  on  trouve  les  plus  grandes  varié- 
tés pour  la  figure,  pour  la  taille,  pour  la 
couleur  &  pour  les  autres  qualités. 

Quelques  circonftances  concourent 
encore  à  cette  altération  ;  le  chien  vit 
affez  peu  de  temps ,  il  produit  fouvent 
&  en  afîez  grand  nombre  ;  &  comme 
H  efl  perpéiueilcment  fous  les  yeux  de 
l*homme ,  des  que ,  par  un  haHird  affez 
ordinaire  à  la  Nature,  il  fe  fera  trouvé 
dans  quelques  individus  des  fingularités 
ou  des  variétés  apparentes  ,  on  aura  tâché 
de  les  pcrjx'iuer  en  unirtant  eniembic  ces 
individus  finguliers,  comme  on  le  fait 
encore  aujourd'hui  lorfqu'on  veut  fe 
procurer  de  nouvelles  races  de  chiens 
&  d'autres  animaux.  D'ailleurs  ,  quoique 
toutes  les  efpèccs  foient  également  an- 
ciennes ,  ie  nomi)re  des  gcncraiions , 
depuis  ia  création  ,  étant  beaucoup  plus 
grand  dans  les  efpèccs  dont  les  individus 
ne  vivent  que  peu  de  temps,  les  variétés, 
les   allé  ratio i:b ,    la    dégcnération  mênic 


Ju  cille ih  323] 

âoUcnt  en  être  devenues  plus  icnfibîes , 
puifque  CCS  animaux  font  plus  loin  de 
Ictir  Touche  que  ceux  qui  vivent  plus 
long  -  temps.  L'homme  e(l  aujourd'hui 
huit  fois  plus  près  d'Adam  que  le  chien 
ne  l'efl  du  pkemier  chien  ,  puiique 
i'homme  vit  quatre-vingts  ans ,  &  que 
le  chien  n'en  vit  que  dix:  Çi  donc,  par 
qucl([ue  caufe  que  ce  puifTc  être  ,  ces 
deux  efpèccs  tendoient  e'galement  à  dé- 
générer, celte  ahération  ieroit  aujour- 
d'hui huit  fois  plus  marquée  dans  le 
chien  que  dans  l'homme. 

Les  [)etits  animau"'  éphe'mères  ,  ceux: 
dont  la  vie  cfl  fi  courte  qu'ils  fe  re- 
nouvellent tous  les  ans  par  la  génération, 
font  infiniment  plus  fujets  que  les  autres 
animaux  aux  variétés  6l  aux  altérations 
de  tout  genre  ;  il  en  efl:  de  même  des 
plantes  annuelles  en  comparaifon  dci 
autres  végétaux,  il  y  en  a  même  doi:c 
la  naiure  e(l ,  pour  ainii  dire,  ar .ifici^-llc 
&  fadice.  Le  blé,  par  exemple,  efl  une 
plante  que  l'homme  a  changée  aiî  point 
qu'elle  n'exifle  nulle  part  dans  l'éiat  dr 
nature:  on  voit  bien  c{u'ii  a  quel  \\m:  rap- 
port avec  l'ivroie,  avec  les  gramciis,  ie;^ 

U»  y  j  '■ 


324         Hijlohe  Ndîurclte 

chiejuîcnts  &  quelcjues  autres  FierLcs  cfej 
prairies;  nuis,  on  ignore  à  laquelle  de  ces 
hetl)cs  on  dijit  le  rapporter:  &  comme 
il  fe  renouvelle  tous  les  ans,  &  que, 
fcrvant  de  nourriture  à  l'homme  ,  il  eft 
de  toutes  les  plantes  celle  qu'il  a  le  plus 
travaiijt'e,  il  cil  aufli  de  toutes  ceHe  dont 
la  nature  ell  fc  j:>1us  altérée.  L'homme 
peut  donc  non-lbufcmcnt  faire  fcrvir  14 
fes  bcf  jin>  ,  à  fonudigc,  tous  les  indi- 
vidus de  l'Univers,  mais  il  peut  encore, 
nvcc  le  temr)S,  changer,  modifier  dk  pcr- 
fedionncr  les  crj)èce.>;  c'tll  même  le  j)lu,'î 
beau  droit  qu'il  ait  (ur  la  Nature.  Avoir 
transformé  une  herbe  (Icrilc  en  ble',  elt 
une  efpcce  de  création  dont  cependant 
il  n3  doit  pas  s'cnorgiîeiliir ,  puilque  ce 
Vï\{\.  qu'à  la  Tueur  de  (on  front  &  pai? 
des  cidtures  réi;crees  qu'il  peut  tirer  du 
fcin  de  li  terre  ce  pain  fouvcm  amer,  qui 
fait  G  ru!>ril]ai]ce. 

Le->  efpèccs  que  l'homme  a  beaucoup 
travai.lv'es ,  tant  dans  les  végétaux  que 
dans  les  anmiuix,  font  donc  celles  cjui 
de  t(Hi  es  foiu  le  plus  altérées;  &  comme 
quelquefois  ellc^  le  (ont  au  point  qn'oa 
jic  peut  rccoauoîti'e  leur  forme  primh 


'du  Clnen:  ^if 

tive ,  comme  dans  le  blé ,  qui  ne  rel- 
lemble  plus  à  la  plante  dont  il  a  tire  ion 
oiKgine,  il  ne  feroit  pas  impoffibie  que 
dans  la  nombieufe  varié  ce  des  chiens 
que  nous  voyons  aujourd'hui,  ii  n'y  en 
eut  pas  un  feul  de  femblable  au  premier 
chien,  ou  plutôt  au  premier  animal  de 
celte  efpèce ,  qui  s'eft  peut-être  bcau- 
couj)  altérée  depuis  la  création,  &  dont 
h  Touche  a  pu  par  conféquent  être 
très  -  différente  des  races  qui  lubfjïlent 
a^T:uelIement ,  quoique  ces  races  en  foient 
originairement  toutes  également  pro- 
venucs. 

La  Nature  cependant  ne  manqile 
jnmais  de  reprendre  Tes  droits  dès  qu'on 
la  laifTe  aorir  en  liberté  :  le  froment  jeté 
fur  une  terre  inculte  dégénère  à  la  pre- 
mière année:  fi  l'on  rccueilloit  ce  graiiî 
dégénéré  pour  le  jeter  de  même,  ie  pro- 
duit de  celte  féconde  génération  Icroit 
encore  plus  altéré  ;  &  au  bout  d'un 
certain  nombre  d'a*-:uées  &  de  repro- 
dudions  l'hoiume  verroit  reparoîtrc  fa 
plante  originaire  du  froment,  S<  fuiroit 
combien  il  faut  de  temps  à  la  N.iiure 
pour  détruire  le  produit  d'un   ait  qj^xù 


I 


!     ) 


'3  iS        'Hîjloire  Ndttireîle 

ia  contraint,  &  pour  fc  réhabiliter.  Cette 
expérience  (croit  afTez  flicile  à  faire  fur 
le  blé  &  fur  les  autres  plantes  qui  tous 
les  ans  fc  reprodui(ent ,  j)our  ainfi  dire, 
d'elles-mêmes,  dans  le  même  lieu  ;  mais 
il  ne  feroit  guère  pofTiblc  de  la  tenter, 
avec  quelque  cfpérance  de  luccès ,  fur 
les  animaux  qu'il  faut  rechercher,  appa- 
reiller, unir  ,  &  qui  font  difiicilcs  à  ma- 
nier ,  parce  qu'ils  nous  échappent  tous 
plus  ou  moins  par  leur  mouvement,  & 
par  la  répugnance  fbuvent  invincible 
qu'ils  ont  pour  les  choies  qui  font 
contraires  à  leurs  habitudes  ou  à  leur 
naturel.  On  ne  peut  donc  pas  efpérer 
de  favoir  jamais  par  cette  voie  quelle  elt 
ia  race  primitive  des  chiens ,  non  plus 
que  celle  des  autres  animaux  ,  qui ,, 
comme  le  chien,  font  fujets  à  des  va- 
riétés permriuentes  ;  mais  au  défaut  de 
ces  connoifîanccs  de  faits  qu'on  ne  peut 
acquérir ,  &  cjui  cependant  feroient  né- 
cellaircs  pour  arriver  à  la  vérité,  oi\  peut 
raflcmblcr  des  indices,  &  en  lircr  des 
conféqucnces  vrailèînblabîes. 

Les   chiens   <{ui   ont   été   abandonnés 
dans  ics  ioiiiudcs  de  i'Am trique,  ôi  qui 


ievj 
dcsl 


Fa 


rîu 


CIm 


mené  327^ 

vivent  en  chiens  fauvagcs  Jepuîs  cent 
cinquante  ou  deux  cent?  ans ,  quoique 
originaires  de  races  altérées  ,  puifqu'ils 
font  provenus  des  chiens  doineftiques , 
ont  dû ,  pendant  ce  long  efpace  de  temps, 
fe  rapprocher  au  moins  en  partie  de  leur 
forme  priraiitve  ;  cependant  les  voya- 
geurs nous  difent  qu'ils  reffemblent  à  nos 
lévriers  (ci);  ils  difent  la  même  chofc 
tics  chiens  fauvages  ou  devenus  fau- 
vages  à  Congo  (b)  qui,  comme  ceux 
d'Ame'rique,  fc  raffembient  par  troupes 
pour  faire  la  guerre  aux  tîgrcs,  aux  lions, 
&c.  mais  d'autres,  fans  comparer  les 
chiens  fauvages  de  Saint-Domingue  aux 
lévriers,  difent  feulement  (^f^  qu'ils  ont 
pour  l'ordinaire  la  lêie  plate  &  longue, 
le  mu  (eau  effilé,  l'air  fauvage,  le  corps 
mince  &  décharné ,  qu'ils  font  très- 
légers  à  la  courfè  ,  qu'ils  chaffent  en 
perfe<n:ion,  qu'ils  s'apprivoifent  aifément 


(d)  Hifîoire  des  Avcntuners  Fiihuftiers,  par  Oex^ 
mdin.  Paris,  i6S6,  m-12  ,  tome  J,  page  j  12. 

(h)  I  lirtoire  gépcrale  àci  voyages,   par  M.  l'abbé 
Prt\o(t,  m-é^,"  tome  J,  page  Sô, 

(  c  )   Nouveaux  voyages  aux   îles  de  l'Amcri<iue^ 


! 


•32^         'Hipoin  Ndtiirerie     ■ 

en  les  prenant  tout  petits  :  ainfi  ces  chiens 
fauvagcs  font  extrêmement  maigres  ôc 
légers;  Se  comme  ie  lévrier  ne  diffère 
d'ailleurs  qu'aHez  peu  du  mâtin  ou  du 
chien  que  nous  appelons  r///V;?  ^^  birgett 
on  peut  croire  que  ces  chiens  fauvagcs 
font  plutôt  de  cette  cl'pèce  que  de  vrais 
lévriers  ;  parce  que  tlautre  côic  ies  an^ 
cîeas  voyageurs  ont  dit  que  les  chiens 
naturels  du  Canada  avoient  les  oreilles 
droites  comme  les  renards ,  de  reflem- 
bloient  aux  mâtins  de  médiocre  gran- 
d«^ur  (dj  de  nos  villageois,  c'efl-à-dirc, 
à  nos  chiens  de  berger  ;  que  ceux  des 
fauvages  des  Antilles  avoient  auflj  la  tête 
^"  les  oreilles  fort  longues,  &  appro- 
choieiu  de  la  forme  des  renards  (e)^ 
que  les  Indiens  du  Pérou  n'avoient  [)as 
toutes  les  efpèces  de  chiens  que  nous 
avons  en  Europe,  qu'ils  en  avoient 
feulement  de  grands  &  de  petits  qu'ils 
lîommoient    Alco    (  f  ) '>    ^j'-i^*   ceux    de 

(c!)  Voyage    du    pays  des  Murom  ,   pnr  Sahard 
T^eodat,  Kecollet.  Paris,  i  éyz,  p'i^cs ^  /  o  ir ^  i  /, 

(e)   Hidoire  générale  l'es  Aniillcs,  y^"^  '^  ^'   ^^ 
.Tettrf .   Paris  , .  i  66 j,  tome    II,   yo-^c  y  o  6. 

(fj   tlil^oifC  dcj  Incas,  Paris,   ry^j.^,  ioine  l^ 


fh  Chiitîi-  _5  2  ru 

rifthîTiç  Je  rAinérique  etoîcnt  laids, 
<|u'ili  avofent  îe  poil  rude  &  long,  ce 
qui  luf^pofe  liuflj  les  oreilles  droites  (g), 
A'iifi  on  ne  peut  guère  douter  que  les 
chiens  o;^gi., aires  d'Amcrlquc,  ik  c[ur 
aviiiii  la  découvcnc  de  ce  nouveau  monde 
n'avoicnt  eu  nucuix^  coninumication  avec 
ceux  de  nos  climats ,  ne  fulTciU  tous  , 
pour  ainfi  dire,  d'uiiC  feuie  &  mêjue 
race ,  à.  que  de  toutes  les  races  de  nos 
chiens  celle  qui  en  aj^proche  le  ))lu$  ne 
foit  celle  des  chiens  à  mufcau  efiilé  ,  à 
oreilles  droites  &  à  long  po"i  rude  coinm* 
les  chiens  de  berger  ;  <ii  ce  qui  me  fait 
croire  encore  c[ue  les  chiens  de\cnus 
fiiuvages  à  Saint-Domingue,  ne  font 
pas  de  vraii  lévriers  ,  c'cft  que  comme 
les  lévriers  font  alTez  rares  en  France, 
on  en  tire  pour  le  Roi ,  de  Conllanti- 
noj)le  ^  des  autres  endroits  du  I>e/ant, 
&  que  je  ne  lâche  pas  qu'on  en  ait 
jamais  fiiit  venir  de  Saint-Domingue 
ou  de   nos  autres  colonies  d'Amérique. 

/w^<?  2/^f,  Voyage  de  Wafer,  imprimé  à  la  fuite- 
de  ceux  de  Dampicr,  tome  IV,  juige  22^, 

( g )  Nouveaux  voyajes  aux  îics  de  l'Amcri^u^^ 


55^'        T^îjlolrù  NdUn-eTlt 

P^nilîeurs ,  en  recherchant  dans  la  même 
vue  ce  que  ies  voyageurs  ont  dit  de  h 
forme  des  cliiens  des  diflfércns  pays ,  en 
trouve  que  les  chiens  des  pays  froids 
ont  tous  le  mufeau  long  &  les  orcilks 
droites  ;  que  ceux  de  la  Lapponie  (h) 
font  petits ,  qu'ils  ont  le  poil  long ,  les 
oreilles  droites  &  le  mufeau  pointu  ;  que 
ceux  de  Sibérie  (  i  )  &  ceux  que  l'on 
appelle  c hîens- loups  ,\  font  plus  gros  que 
ceux  de  Lapponie ,  mais  qu'ils  ont  de 
même  les  oreilles  droites,  îe  poil  rude  & 
le  mufeau  pointu  ,  que  ceux  d'Iflandc  (kj^ 
font  auiri  à  très-peu  près  feinblables  à 
ceux  de  Sibcrie,  &  que  de  même,  dans 
les  climats  cliauds ,  comme  au  cap  de 
P>oane- efpérance  fl),  ies  chiens  natiir 
rcis  du  pays  ont  le  mufeau  pointu,  ics 
oreilles  droites ,  la  queue  longue  &  traî- 
nante à  terre ,  le  poil  clair,  mais  long  Ik 

(h)   Vovafrc   de  fa    iMartînîcre.  Paris,   iSjt] 
J^.ige  7/.  H  Gcnio  vagante.  Parma,   i  ^ t^  t ,  VùU  II, 


2U2gC 


'S' 


(i)  Voyez  la  planche  du  Cliien  elc  Sibcrie, 

( k)  Voyez  celle  Ju  Chien  d'Iflande. 

( l)  Dcfcripticm  du  Cap  de  Bonne-efpérance,  pip 


a  même 
it  de  h 
ys ,  on 
!  froiJs 

orcHïcs 
•nie  f/ij 
lîg,  les 

;  que 
ue  l'on 
os  que 
ont  de 
ude  ^ 

bics  à 

,  dans 

ap   de 

natiir 

u,  ks 


toujours  hériiïe  ;  que  ces  cliîens  fonf 
cxcellens  pour  garder  les  troupeaux  ,  & 
que  par  conféqucnt  ils  rcflemblent  non- 
feulenient  par  la  figure,  mais  encore  par 
rinftindl  à  nos  chiens  de  berger  ;  que 
dans  d'autres  climats  encore  plus  chauds  , 
comme  à  Madagafcar  f?/ij,  à  Madurc  fnj, 
à  Calicut  ("oj,  à  Malabar  (^pj;  les  chiens 
originaires  de  ces  pays  ont  tous  le  mu- 
fcau  long  ,  les  oreilles  droites ,  &  ref- 
fèmblent  encore  à  nos  chiens  de  ber- 
ger; que  quand  même  on  y  tranfportc 
des  matins ,  des  cpagneuls ,  des  bar- 
bets ,  des  dogues ,  des  chiens  courans , 
(les  lévriers  ,  âtc.  ils  dégénèrent  à  fa 
féconde  ou  à  la  troifièmc  génération  ; 
qu'enfin  dans  les  pays  excefïivement 
chauds,  comme  en   Guinée  ^^^^   cette 

CniJ  Voyage  de  Ffacourt.  Paris ,  1 66 1 ,  yagt  i  S &\ 

(n)  Voyage  d'Inigo  de  Biervillas.  Paris,  '7^^ » 
V  partie ,  jMge  t  y  8, 

(o)  Voyage  de  François  Pyrai d.  iliWf ,  ' 6 1 ^l 
tome  1,  page  ^26, 

fpf  Voyage  de  Jean  Ovington.  Paris,  ty^j; 

lonie  I,  page  276,  ■         ■ 

(q)  Hiftoire  générnîe  des  voyages,  par  M»  l'atié 


r^jl         Hijlinre   "NaturcUe 

dcgéncratîon  efl:  encore  plus  prompfe^ 
j)uir([u'uu  bout  de  trois  ou  (juatre  ;uis  ils 
perdent  leur  voix,  qu'ils  ne  produifau 
plus  que  des  chiens  à  on  illes  dioi;cs 
comme  ccllci  des  renards;  cpie  les  chiens 
du  piys  font  fort  Liitls  ,  (juMs  ont  le 
Miulè.iu  poiiiiu  ,  les  ore.llcs  longues  &: 
droites  ,  l.i  (jucuc  longue  &  pi^i jtne  , 
f"rtn>  aucun  [)oi! ,  la  peau  du  C'-rps  nue, 
ordinaircivicnt  ta^licirc  t^  quelciuefois 
d'une  fcLilc  couletir,  cjuccfiii  ila  fut 
de(agreab;cs  à  la  vue  (Si  plus  encore  au 
touciier. 

On  peut  d-)nc  déjà  préfuircr  avec 
qiiehjue  vraisemblance  ,  f(uc  le  clien  d<î 
berger  cfl  do  lo.is  !es  ch  ens  c.îui  c[ui 
approche  le  plus  de  la  race  pri;i;i.ive  de 
ccue  tTpccc,  pnilcjuo  ctms  ions  les  pays 
ha[)ites  par  des  howiines  iau\  âges  ,  ou 
mcine  à  demi  civililés  ,  les  cl'.iens  rel- 
femblent  à  cette  forte  de  ch  cns  plus  qu'ù 
aucune  auire  ;  que  dans  le  continent  en- 
tier du  nouveau  monde  if  n'y  en  avoit 
pas  danircs,  qu'en  les  retrouve  (èuls  de 
même  au  nord  A  au  midi  de  notre  con- 
tinent ,  (k  qu'en  France  où  on  les  appeil« 
commuuémeiu  ih'ms  de  BrU ^  (5t  darii  l<»f 


et  Clùm,  333' 

Slitrcs  climats  tempères ,   iîs  font  encore 
en   grand  nombre  ,    quoiqu'on    fc  foit 
beaucoup  plus  occupé  à  faire  naître  ou 
à  multiplier  ies  autres   races  qui  avoient 
plus  d'ïigrémcat ,  qu'à  confervcr  celle-ci 
qui  n'a  que  de  i'uiiiiic  ,  &  qu'on  a  par 
cctic   raifon    dédaignée ,   &  abandonnée 
aux  payfans  charges  du   foin    des  trou- 
peaux.   Si   l'on  confjdèrc  aiifîi  que   ce 
ciiicn ,  malgré  fa   laideur  &  Ton  air  trifle 
^  iauvagc,  eft  cependant  fupérieur  par 
linflindl  à  tous  les  autres  chiens  ,   qu'if 
a  un  cariicftère  décidé  auquel  l'éducation 
n'a  point  de  part  ;    qu'il  cfl  le  fcul  qui 
j^aiflè ,   pour  ainfi   dire,  tout   élevé;    6c 
que  guidé  par  le  feul  nature! ,  il  s'attache 
de  lui-même  à  la  garde  des   troupeaux 
avec  une  aiiiduiié  ,  une  vigilance,   une 
fiJclité  fingulière;  qu'il  les  conduit  avec 
une  intelligence  admirable  &  non  com- 
riuniqutc  ;   que  fes  talcns  font  l'éionne- 
ircni  &  le  repos  de  f.^n  maître ,    tandis 
qu'il  f  lUt  au  contraire  beaucoup  de  temps 
ik    de   peines   pour   inftruire    ies   autres 
chiens  &  ies  dicfîer  aux  ufages  auxquels 
on   ies   dcilinc  ;    on   fc    confirmera  dîins 
l'opinion  que  ce  chien  cfl  le  vrai  thiea 


! 


i  II 


.^34:         MJfolre  Ndiurelk 

de  !a  Nature,  ccîuî  qu'elle  nous  â  donné 
pour  la  plus  grande  utilité  ,  celui  qui  a  le 
plus  de  rapport  avec  I^ordre  général  dei 
êtres  vivans ,  qui  ont  mutuellement  heidiix 
les  uns  des  autres  ,  ccïui  enfin  qu'on 
doit  regarder  comme  la  fouchc  &  le  mo- 
dule de  l'efpècc  entière. 

Et  de  même   que  1  cfpèce  humaine 
paroît  agrcfte  ,  contrefaite   6c   rapetiHéc 
dans  les  climats  glacés  du  nord  ;  qu'on 
ne  trouve  d'abord  que  de  petits  hommes 
fort  laids  en  Lapponîe ,  en  Groenland, 
&    dans  tous  les   pays   oii   le   froid  elt 
exccfîlf  ;  mais  qu'endiite  dans  le  climat 
voinn  &  moins  rigoureux  on  voit  toui- 
à-coup  paroître  la   belle    race  des   Fin- 
landois,  des   Danois,  &c.   qui  par  leur 
figure  ,  leur  couleur  &  leur  grande  taille 
font  peut  -  être  les  plus   be:uix  de  tous 
les  hommes  ;   on  trouve  aulli  dans  IVl- 
pccc    des  chiens    le  même  ordre  &  les 
mêmes  rapports.  Les  chiens  de  Lappoiiic 
font  très- laids  ,   irts-petits ,  &  n'ont  pas 
plus  d'un  pied  de  longueur  (rj.  Ceux  Je 
Sibérie  ,   quoique  moins  laids   ont    cn- 
cuie  les  oreilles  droites  &   l'air  agrcflc  c'< 
(rJ  11  Ceiiio  va  Liante,  vd,  il,  l'c^c  t^. 


tJii  Chienl  53  y 

faavage  ,  tandis  que  dans  îe  climat  voifin 
où  Ton  trouve  les  (f)  beaux  hommes 
dont  nous  venons  de  parler ,  on  trouve 
aulil  les  chiens  de  la  plus  be'Ie  &  de  la 
plus  grande  tatife.  Les  chiens  de  Tanarîe, 
d'Albanie,  du  nord  de  la  Grèce,  du 
Danemarck,  de  i'IHande,  font  les  plui 
grands ,  Jes  plus  forts  Si  fcs  plus  puKîans 
de  tous  les  chiens  :  on  s'en  fert  pour  tirer 
des  voitures.  Ces  chiens  que  nous  ap- 
pelons chiens  d'Irlande,  ont  une  origine 
trcs- ancienne,  &  fc  font  maintenus, 
qiioiqu'en  petit  nombre,  dans  le  climat 
dont  iis  font  originaires.  Les  Anciens  ie$ 
iippeloicnt  chiens  d'Épire,  chiens  d*Ai- 
b;inic  )  &  Piînc  rapporte  ,  en  termes  auflî 
élegans  qu'énergiques,  le  combat  d'uiî 
de  CCS  chiens  contre  un  lion ,  &  cnfuitc 
coiiirc  un  éléphant  (tj.  Ces  chiens  font 

(f)  Vuyc7,  îe  cin(]iucme  voîumc  de  cette  ïlifîoir© 
Katuixlic,  ;i  rartido  des  variétés  de  l'cTpèce  humaine. 

(t)  lH,iirjn  petcati  Altxanfiro  magw,  Rrx  Alliunut 
(ionn  ({cdarat  inii[:jatct  ma^nituJtnis  imnm ,  cujus  fpetie  de- 
ù^.-^us ,  jii^f-f  mjûs ,  Tiiox  ajiros  &  ih^Nik  tia' cas  emittit 
untcimtu  viur.cbili  jacenie  eo ,  ijîu  Jcgnhîe  tanti  cor^mis 
ofcij'us  imvLratcrgcmro(:jyiriifi.i,  cum  intcrMii jujfit.  Nun» 
Cl  a  il  kûc  f'aïui  reqi  ;  iiniuc  di-ernni  iniite:is,  addidit  nuir,- 


Ja 


r^  3  6         'Hîjlolre  Naturelle 

b^ucoup  plus  grands  que  nos  plus 
grands  mâtins  :  comme  ils  font  fort 
rares  en  France  ,  je  n'en  ai  jamais  vu 
qu'un  ,  qui  me  parut  avoir,  lout  aiîis , 
près  de  cinq  pieds  de  hauteur  ,  &  rcf- 
fembier  pour  Li.  forme  au  chien  que  nous 
appelons gran£^  ^dnoij  (u);  mais  il  en  dilîe- 
roit  beaucoup  par  l'énormité  de  fa  taille , 
îl  étoit  tout  blanc  de  d'un  naturel  doux 
&  tranquille.  On  trouve  enfuite  dans 
ics  endroits  plus  tempérés  ,  comme  tn 
Angleterre,  en  France,  en  Allemagne, 
en  Efpagne ,  en  Italie,  des  hommes  (Se 
des  chiens  de  toutes  fortes  de  races  :  cette 
variété  provient  en  partie  de  i'infîuence 
du  climat ,  &  en  ])ariie  du  concours  <5c 
du  mélange  des  races  étrangères  ou  dif- 
Iwrentes  entr'eilcs ,   qui   ont  produit  en 

'duos  fbi  fuiffe  :  hoc  intevfwpto,  yrmcren  nidlum  fore,  Ncc 
liilhlit  Alex, vider ,  leammijuc  fraéîum  preithuis  vliit,  R  lui 
tlephantum  }n(fit  ïndiici ,  h  nui  alio  magis  ficdaailo  /a- 
tatus,  .H^irnnril'us  (jtiippe  per  totum  corpus  vUlis  ,  irgititi 
jnimùrn  Intuitu  intonuii ,  moxque  'uicnvit  r.lfuhins ,  crii- 
îrû(]tie  helhiam  cxfurgcns  lv>h-  i/  Hlhjc  artif.ci  dimica'icnc , 
qud  maxime  oj>us  flft  ,  infefians  atqx'ic  tvitnns  ,  c.onfc 
cjfidun  rofatam  veriig'nie  ,  ajflixir ,  ad  cafiun  ejus  tiliurt 
concufi,  Pliii.  !)ift.  mr.  lib.  Vill. 

(uj  Vo^Ci  la  ])biK!iC  du  graïkl  D'inoî";. 

uès-granJ 


3$    plus 

int  fort 
nais  vu 
it  aflîs , 
&  rcf- 
.le  nous 
:n  diiîé- 
a  taille , 
ci  doux 
te  dans 
nine  tn 
magne , 
unes  (Se 
s  :  cette 
iïuence 
ours  <5c 
ou  dif- 
duit  en 

f))'e,  Nce 
il  lit,  Pificd 

hlClJo   liX- 

:,'!S  ,     Cri!- 

piicancnc, 
aonfc 
jus  tilîurt 


-granJ 


J//  C/jie}i>  '337 

trts- grand  nombre  des  races  niëtiv^s  ou 
mélangces  dont  nous  ne  parlerons  [)oint 
ici,  parce  que  M.  Daubenton  fxj,  les  a 
dccritcs  &  rapportées  chacune  aux  races 
pures  dont  eil^s  proviennent;  mais  nous 
oblervcrons,  autant  qu'il  nous  fera  pof- 
fiblc,  les  reficniblanccs  c*^  les  diiïérences 
que  lV:bri,  le  foin,  la  nourriiuie  ^  le  ch- 
inât ont  produites  parmi  ces  animaux. 

Le  grand  danois  (^y),  le  maiin  f^J,  Se 
le  lévrier  fûj,  quoique  différens  au  pre- 
mier coup  d'œil ,  ne  font  cependant  (|ue 
le  même  chien  :  le  grand  danois  n'cft 
qu'un  matin  plus  fourni,  piui  étoffé;  ic 
Icvrier  un  mâtin  plus  délié,  pb;s  effilé, 
&  tous  deux  plus  luignés  ;  &  il  n'y  a  pas 
plus  de  différence  entre  un  chien  grand 
tianois ,  un  mâtin  &.  un  lévrier,  qu'cnrc 
un  Mi/llandois.  un  P'ranço's&  un  Italien. 
En  fuppoinnt  donc  le  mâiin  originaire 
ou  jduiot  naturel  de  Fiance,  il  aura  pro- 
duit le  gratid  danois  dans  un  cluiat  plus 

fx)  Voyez  Vu/,  X  Ac  cette  Hiftoiic  Naturelle,  de 
icJitiuii  tn  trenic-un  volumes. 

fy)  Voyc7.  i>i  planche  du  grand  Danois. 
{7J  V»)yc/,  celle  du  Ailtin. 
.\ij  N'oyez  celle  du  LtvrieT. 


m 


i: 


i      I 


'538  fvjbhe  Natnreik 

iVoid,  &  k  l«:vri(r  dans  ua  cii*nat  pkii 
cliaud  ;  &  cVft  ce  qui  fè  trouve  aiifH 
vérifié  par  le  fait,  car  les  grands  danoîi 
^lous  viennent  du  nord ,  &  les  lévriers 
nous  viennent  de  ConHantinopIe  &  du 
Levant.  Le  chien  de  berger  fb),  le  cliicn- 
loup  (c),  &  l'autre  efpèce  de  chien-loup 
i|ue  n JUS  appellerons  chien  de  Sibérie 
(djt  nç  font  aulîi  tous  trois  qu'un  même 
chien  :  on  pourroit  même  y  joindre  le 
chien  de  Lapponîe ,  celui  de  Canada, 
celui  (l^s  llotientots  &  tous  les  autres 
chiens  cjui  ont  les  oreilles  droites;  ils  ne 
diffèrent  en  effet  du  chien  de  berger  que 
par  la  taille,  &  parce  qu'ils  font  plus  ou 
moins  étoffés  ,  &  que  leur  poil  eft  plus 
ou  moins  rude,  plus  ou  moins  long  & 
plus  ou  moins  fourni.  Le  chien  cou- 
rant (e),  le  braque  (f),  le  baflet  Cg), 
\^  biirbet  ('hj,  &  même  l'ép^^gi^eul  (ij, 

(h)  Voyez  In  planche  Hu  Ciien  de  Berger, 

^c)  Voyez  celle  du  Chien  loup. 

^d)  Voyez  celle  du  Chien  de  Sibérie, 

(()  Voyez  celle  du  Chien  Courant* 

^f)  Voyez  celle  du  Braque. 

^g)  Voyez  celle  du  Hafret, 

/h)  \'oyez  celle  du  Barbet, 

(Q.  V'Jycz  cçjlc  de  L'ÉpagncuI, 


4n  Clticfu  3  3  p 

peuvent  encore  être  regardés  comiT5e  ne 
faiUnt  tous  qu'un  même  chien  ;  leur 
fonne  &  leur  inllinc^  font  à  j)eu  près 
les  mêmes  ,  &  ils  ne  diffèrent  enir'eux 
que  par  la  hauteur  des  jambes  ,  «Se  par 
l'ampleur  des  oreilles  qui  dans  tous  l'ont 
cependant  longues,  molles  &i  pendantes: 
ces  chiens  (ont  naturels  à  ce  climat ,  & 
je  ne  crois  pas  qu'on  doive  en  iéparcr 
le  braque  qu*on  appelle  chien  de  Ben" 
gale  (k)f  qui  ne  diffère  de  notre  braque 
que  par  ia  robe.  Ce  qui  me  fait  penfer 
que  ce  chien  n'eft  pas  orrg'naire  de 
Bengale  ou  de  quelqu'autre  endroit  des 
Indes,  <Sc  que  ce  n'ell:  pas,  comme  quel- 
ques-uns le  prétendent,  le  chien  Indien 
dont  les  Anciens  ont  parlé,  &  qu'ils  di- 
foient  être  engendre  d'un  tigre  &  d'une 
chienne,  c'fîfl  que  ce  même  chien  étoit 
connu  en  Italie  il  y  a  plus  de  cent  cin- 
quante ans ,  &  qu'on  ne  le  regardoit 
pas  coiTime  un  chien  venu  des  Indes, 
mais  comme  un  braque  ordinaire  :  Cents 
fdgax  (  vulgo  brachus) t  dit  AlJrovande, 
nn  iinius  vel  varii  coloris  ft  parum  refcrt; 
in  Italiâ  eligitur  varius  &  macuhfœ  lynci 

(k)  Vovcz  l^-planche  du  Chicii  de  Bengc-Iç. 

-^  ij 


P 


540         H'ifmre  Nûturelle 

^Hrfiw'il'is ,  cum  tamen  n'igcr  color  vcl  alhus 
eut  fulvus  îwn  fit  fpjcrnendus  (l) . 

L'Ant'^leLcrre,  la  France,  l'AlIcmao[nc, 
Âc.  paroilfent  avoir  produit  le  chien  cou- 
rant, le  hraeiLie  .&  le  haflet  ;  ces  chiens 
nicnie  dcgenèrent  dès  i.\S'\\s  l'ont  poTies 
dans  des  climats  plus  cJiauds,  coin  me  en 
Turquie,   en    Perfë;    mais  les  <.'pngriruls 


ck:  les  bar!)ets  lont  originaires  u  Ll|>agne 
iÙL  de  Barbarie  ,  où  la  .te!n{)î'faiure  du 
climat  fait  que  Je  poil  de  tous  les  animaux 
e(t  plus  long  ,  ])lus  foyeux  <Sc  plus  lin 
<jue  dans  tous  les  autres  pays.  Le  dogue 
(m) ,  le  chien  (j]}  que  j'on  appelle  jnù: 
danois  (  inais  fon  impropreirient ,  puif- 
qu'il  ji'a  d'autre  rapport  avec  le  grand 
danois  qac  d'avoir  le  poil  court  )  ,  le 
chien- turc  (o),  &.  fi  Ton  veut  encore, 
Je  chien  d'iifnnde  /pj ,  ne  font  aulîi 
Cju'un  inêjnc  chien  ({ui ,  tranfporté  dans 
jun   climat   irè-s- froid   comme   l'IiJande, 

flj  L'iyffis  Afiirovandi ,  1^!?  ,juariruj'eJ.  iH^îiat.  viif» 
lih*  Ui,  P'Jg'  S  S  ^' 

(m)  \\)yc7.  Il  planche  du  Doj^ue, 
(n)  V'oyc7  celle  ^u  petit  Danois,  fg,  /, 
jfo)  fo\-C7-  ^elle  du  Ciiicn-'urc,  fj/.  /» 
(rJ  ^V(jyv  ^  G.cilc  du  Cfiien  d'iilandc, 
I 


peu 


'h  a. 


en. 


H« 


?,iira  pris  une  foiic  loiirrure  de  poil,  8i 
CKiiis  les  climats  trcs- chauds  de  i'Alriqui 
&  de.-.  Indes  aura  ([uiité  la  robe;  car  le 
chien  lans  poil,  appelé  chiai  -  turc ,  cil 
encore  mal  nomme ,  ce  n'ell:  poiiu  danj 
le  climat  tempéré  de  la  Turquie  c{UQ  les 


!. 


cîiicns  perdent  leur  [joû  ,  c  eli  eîi  i:>ui 


née 


<S:  d 


ans 


s  ciimuis  les   plus  c 


:h:iud: 


(ics  Indes  ,  que  ce  changement  lir-rive  ;  <^î 
11-  chien -turc  n'eil  auire  choie  ((u'uii 
pc;ii  danois  qui  ,  tra ni  porté  dans  \t% 
pays  excefÎJVtment  chauds,  aura  perdu 
Ion  poil ,  <5c  dont  la  race  aura  eafuiie 
ix  iranfportée  en  Turquie  où  Tou  aura 
tu  foin  de  lei  muLij)î;cr.  Les  preuîiers 
qi:e  l'on  nie  vus.  en  ]i.in*Oj;t,  au  rappors 
d'AlJrovande  ^  furent  apportés  de  foa 
te:v;})s  en  iiaiic  ,  où  cependant  ils  ne 
pi.uTiu  ,  diî-il,  ni  durer,  ni  muUiplier , 
p.irec  c|iic  le  chinât  éioît  [beaucoup  trop 
hoid  pour  eu>^;  rnai.s  comme  il  ne  donne 
p!b  l.i  dciciipiion  de  ces  chiens  nus, 
n  )i!S   ne    hivun^     pas    .s'iL    ctoient    ieni- 


hahlc 


es  a    ceux    cu:C    nous   annexions  au- 


1^1" 


ûaud'liiù    chictis  -  îurcs  ,    ^    ii    l'on    peut 


ifc 


p.ir   cc)niequent    les    rapporter    au    j^etu 


d.:a 


ois ,  p.arcc   que    tous 


le.   cl 


ne! 


dâ 


H 


If 


r. 
j 

\    m 


542  Hiflotre  Ndturclle 

C|utlc|uc  race  &  de  quelque  pnys  qu'ils 
foiem,  perdent  leur  poil  dans  les»  climats 
exceffiycment  chauds  (gj,  &  comme  nou^ 
i'avons  dit,  ils  perdent  auili  leur  voix; 
dans  de  certains  pnys  ils  font  tout- à-fait 
nuiets,  dans  d'autres  ils  ne  perdent  que 
Li  faculté  d'aboyer  ,  ils  hurlent  comme 
les  loups  ,  ou  glapifTejit  comme  !cs 
renards,  ils  fembîent  par  ceite  altération 
(è  rapprocher  de  leur  état  de  nature  ; 
car  ils  changent  aufFi  pour  la  forme  c^ 
pour  l'inflincft  :  ils  deviennent  laids  (rj, 
êc  prennent  to\is  des  oreilles  droites  & 
pointues.  Ce  n'eft  anfîi  que  dans  les  cli- 
mats tempérés  que  les  chkuis  confcrveiu 
leur  ardeur,  leur  courage,  leur  figaci  c, 
&.  les  autres  talens  qui  leur  (ont  n.iturel-; 
ils  perdent  donc  tout  lorlqu'on  les  trani- 

^{/J  Hifloirc  gt'ncrale  des  voyages,  par  M.  laLbc 
Prcvoft,  fome  iV,  page  22p. 

(r)  Voyage  de  fa  B{)iiHa)C-!e  Gou?..  Paris,  i  ^)Jt 
jtr.gc  2  ^y,  Voyai^c  de  Jean  ()\iiij:^ton.  Paris ,  z/^/, 
Unne  I,  page  2y6,  Hifloirc  utii\crkile  des  voyage, 
par  du  Terrier  cie  Montfrafier.  Paris,  ijoj,  pa*t 
^^^  &  juivames,  \'ie  de  C^hriftophe  (^ilomb.  P.im , 
jôSr  ,  partie  1/*.  page  106,  Voyage  de  Bofm;ui 
in  G'-iiiK-c,  hc,  Uirec/it ,  tyo^  ,  page  2^0,  Hii- 
t'tire  ^tiiéralc  des  voyages,,  par  M,  i'abbc  rrcYcll^ 
4imt  IV)  }>(i§t  22^% 


r-.^^' 


porte  (îi^ns  des  climats  trop  chauds  ;  mnis 
connue  fi  la  Nature  ne  vouloir  jamais  ricii 
faire  d'abfolument  inutile,  il  fc  rrouve 
que  dans  ces  mêmes  pays  où  les  chiens 
ne  peuvent  plus  fervir  à  aucun  des 
ufiiges  auxquels  nous  les  employons, 
on  les  recherche  pour  la  table,  &  cjnc 
les  Nègres  en  préfèrent  la  chair  à  cci;e 
de  tous  les  autres  animaux  :  on  conduit 
les  chiens  au  marciie  pour  les  vendit  ; 
011  (es  acheite  j)Ius  cher  que  le  mouton  , 
le  chevreau  ,  plus  cher  même  que  tout 
autre  gibier  ;  enfin  le  mets  le  plus  déli- 
cieux d'un  TefUn  chez  les  N encres  ell  un 
chien  rôti.  On  pourroit  croire  que  le 
goût  fi  décidé  qu'ont  ces  peuples  pour 
ia  chair  de  cet  animai ,  vient  du  chan- 
gement de  qualité  de  ceite  même  chair 
qui  j  quoique  très- mauvaife  à  manger 
d>ins  nos  climats  tempérés ,  acquiert  peut- 
êire  un  autre  goût  dans  ces  climats  brû- 
ians;  mais  ce  qui  me  fait  pcnlèr  que  cela 
df'pend  plutôt  de  la  nature  de  l'homme 
que  de  cclie  du  chien ,  c'eft  que  les  fiu« 
^/à'^(ti  du  Canad.i  qui  habitent  un  pays 
fr(  id ,  ont  le  même  goût  que  les  Nègres 
pour  la  chair    du    chien  ,    &   que  \\o^ 

P  iiij 


il 


m     à 


Î4+ 


Ihpoirc  Ndtunlk 


A'lillK)nn.'i:rcs  t\\  o\\\  fjuthiucfois  mang'j 


finis    tlf  lir.  .ut. 


«< 


Les   chiens   fcrvciu  c 


11 


33  i;ui(c  de  mouton  j>oiir  cire  mîin<ys  en 
»  fclliii,  dit  le  P.  Saharcl  i  Iicoclai;  j.  nie 
:v>  (ui^   t revive    (livcrfes   fois   à   <.lts   fcdins 


lii 


h 


>5  c;c   cliieii ,    )  .ivoiie    \  eiiiablcii.cnt    cjue 
>3  «iii     coMinieiict  iiu'iu     teia     me     l.iiluit 
il   rreiir,    mais  je    n'en  eus  |ias   mari^ijc 


.•>■> 


îî 


f 


tieiix    tv  is    cjiic    )  en    trouvai 


la   cl 


h 


5>  bonne,  oc  de  g' nî.  un  peu  aj)|.rac 


lais: 


liant 


tic  celle  (lu  [)orc  (j) 


^j. 


D 


ms    fios   clinwits 


es   animaux    i.iu 


fi 


vnges  (jui  npprcK lient  le  plus  du  chien, 
^  lur-tout  du  th'cii  à  oieilics  droite^;, 
ciu  cliicn  de  her^^jcr  ,  rjuc  je  re;;;u'de 
tomme  la  louche  Ck  îe  type  de  l'elpècc 
entière,    fjiit    le  rtn;irii    c\'    (c   loup;    i^ 

\ 


COU' 


(: 


a    conn^rniiiiDn     intérieure    t 


prc<'fp,;j  enii'!reineiu  hi  même,   ik  r}ue  les 


diiî 


crciu.cs  extciicuics  luiu  a(ie/.  ktrcrc.'^ 


) 


ai  voiilu  elliyer  s'ils  pourroient  produire 
JLljicrois    ((u'au     moins    ou 

1( 


înfemiilc 

parviendroii  à  les  Kiire  accou[)îer ,  &  c[ue 

us 


s  ils    ne    produiloient    pas    clc^   un 


ih 


livid 


îeconus ,   Us  'ngc'narerijient   des  elpeces 
( J )  V'oyarrc  nu  pays  (ics  I  lurons ,  par  le  P.  vSiiLaid 


(lu  Clûcn,  345 

,je  mulets   qui   auroicni    panicipc    de   la 
jKUurc  des  deux.  Pour  ceLi ,  j'ai  l.iii  élcv5:r 
vin(*  !ou\c  prifc  dans  le;j  Ijoii  à  IVigc  de 
tlcux   ou  trois  mois,  avec   ww   ii,aiin   de 
MH'mc  Age;  ils  etoicnt  enfermes  enkinblc 
tSi  icuLi  dans  une  a[ïez  grande  cour  od- 
aucune  autre  Lcie  ne  |)fi}U\oit  entrer,  & 
où  il>  avofeni  un  abri  pour  (è  rctiicr  ;   ih 
jK'  connoi/Toicnt  ni  l'un  ni  l'autre  auiu.i 
individu  de  leur  elpèee,  ni  même  auejf? 
l)i)iniucque  eelui  cjui  éioit  chargé  du  (( 
(k   leur  porter  tous  les  jours  à  mar.;:^er  : 
(11  les  a  girdés  trois  ans,  toujours  .iveo 
la  'iicme  ai  eniion,  ^  (ans  les  coniraindr^î 
!ii   les   enchaîner,     l^endant   la    première 
milite,  ces  jeunes  animaux  jouoicni  pcr-- 
j)LUieliement     cnleudile     &     paroinoient 
>amier  beaucoup;  à  la  leeonde  année  ils- 
«..vHinencèrcnt   par   fe   dilpuier  la  nour- 
ri ure  ,    (juoiqu'on   leur   en   donnât   plus 
<ju'il  ne  leur  en  falloir.  La  querelle  vcnoit 
toujours  de  la  louve  :    on  leur  portoit  de> 
i:i  viande  <îk  des  os  fur  un  grand  piat  de 
bois  c|ue  l'on  pofoit  à  terre;  dans  l'inilant 
i]u',ne  la  louve,  au  lieu  de  (e  jeter  fur  la 
viande,  couuncnçoit  par  écarter  le  chien, 
«ôc  prciioit  enluite  ie  piat  par  la  tranche  fi 


IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


1.0    îf:»»- 


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2.5 


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Photographie 

Sciences 

Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.  Y.  14580 

(716)  872-4503 


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3  4^        •  Ni^Gire  Naturelle 

adroitement,  qu'elle  ne  iaiflbit  rien  tom- 
ber de  ce  qui  étoit  deflus ,  &  emponoit 
le  tout  en  fuyant  ;  &  comme  eile  ne 
pouvoit  fortir ,  je  l'ai  vue  fouvcnt  faire 
cinq  ou  fix  fors  de  fuite  fe  tour  de  la 
cour  tout  ie  iong  des  murailles ,  toujours 
tenant  le  plat  de  niveau  entre  fcs  dents, 
&  ne  le  repofcr  à  terre  que  pour  re- 
prendre haleine  &  pour  fè  jeter  fur  la 
viande  avec  voracité ,  &  fur  le  cjiien  avec 
fureur  lorfqu'il  vouloit  approcher.  Le 
chien  étoit  plus  fort  que  la  louve  ;  mais 
comme  il  étoit  plus  doux  ,  ou  plutôt 
moins  féroce ,  on  craignit  pour  fa  vie ,  & 
on  lui  mit  un  coHier.  Après  la  deuxième 
année ,  les  querelles  étoient  encore  plus 
vives  &  les  combats  plus  fréquens ,  & 
on  mit  aufli  un  collier  à  la  louve ,  que 
ie  chien  commençoit  à  ménager  beau- 
coup moins  que  dans  les  premiers  temps. 
Pendant  ces  deux  ans  il  n'y  eut  pas  le 
moindre  figne  de  chaleur  ou  de  defir, 
ni  dans  l'un  ni  dans  l'autre  ;  ce  ne  fut 
qu'à  la  fin  de  la  troidème  année  que  ces 
animaux  commencèrent  à  reflentir  les 
impreflions  de  l'ardeur  du  rut ,  mais  fans 
amour  \  car  ioia  que  cet  état  les  adoucît ^ 


i 


en  toDi^ 
nponoit 
elfe  ne 
nt  faire 
r  de  la 
oujours 
dents, 
)ur  re- 
fur  h 
n  avec 
er.   Le 
mais 
plutôt 
vie,  & 
■ïxiénie 
e  plus 
ns,  & 
î>  que 
beau- 

emps. 
pas  le 
defir, 
le  fut 
Jc  ces 
ir   les 

ucic. 


cJuTes  rapprocluiî  l'un  de  l'autre,  ils  n*ea 
devinrent  que  plus  intraitables  &  plus 
féroces  :  ce  n'étt  It  plus  que  des  hurle- 
mens  de  douleur  mêléà  à  des  cris  de 
colère  ;  ils  maigrirent  tous  deux  en  moins 
de  trois  fcmaines,  fans  jamais  s'approcher 
autrement  que  pour  fe  déchirer  ;  enfia 
ils  s'acharnèrent  fi  fort  l'un  contre  Tautre, 
que  fe  chien  tua  la  louve  qui  étoit  de-* 
venue  la  plus  maigre  &  la  plus  foible,  de 
l'on  fut  obligé  de  tuer  le  chien  quelques 
jours  après,  parce  qu'au  moment  qu'on 
voulut  le  mettre  en  liberté,  il  fit  un  grand 
dégât  en  (e  lançant  avec  fureur  fur  les 
volailles,  fur  les  chiens,  &  même  fur  les 
hommes. 

J 'a vois  dans  îe  même  temps  des  re- 
nards ,  deux  mâles  &  une  femelle ,  que 
l'on  a  voit  pris  dans  des  pièges,  &  que 
je  fiifois  garder  loin  les  uns  des  autres 
dans  des  lieux  féparés:  j'avois  fait  atta- 
cher l'un  de  ces  renards  avec  une  chaîne 
légère  ,  mais  aflfez  longue ,  &  on  lui  avoit 
bâii  une  petite  hutie  où  il  fe  mettoit  à  l'a- 
bri. Je  le  gardai  pendant  plufieurs  mois, 
il  fe  portoit  bien  ;  &  quoiqu'il  eût  Taif 
tnnuyé  &  les  yeux  toujours  fifés  fur  lA 

F  v; 


348  Hîpdre  Ndtttrelh 

campagne  qu'il^voyoit  de  la  hutte,  il  ne 
laiiroit  |)as  de.  manger  de  très  -  grand 
appéiit.  On  lui  prélenta  une  chienne  en 
chaleur  que  l'on  avoit  gardée  ,  &  qui 
n'avoit  pas  été  couverte;  &  comme  elle 
ne  vouioit  pas  relier  auprès  du  renard, 
on  prit  le  parti  de  l'enchaîner  dans  le 
même  lieu^  &  de  leur  donner  largement 
à  manger.  Le  renard  ne  la  mordit  ni  ne 
la  maltraita  point  :  pendant  dix  jours  qu'ils 
demeurèrent  enfemble ,  il  n'y  eut  pas  la 
moindre  querelie,  ni  le  jour,  ni  la  nuit, 
ni  aux  heures  du  repas  ;  le  renard  s'ap- 
prochoit  même  aficz  familièrement,  mais 
dès  qu'il  avoit  flaire  de  trop  près  fii  com- 
pagne ,  le  figne  du  dcfir  difparoifloit^ 
^  il  s'en  reiournoit  triilement  dans  fâ 
hutte  ;  il  n'y  eut  donc  point  d'accou- 
plement. Lorlquc  la  chaleur  de  cette 
chienne  fut  palîce  ,  on  lui  en  fubflitua 
une  autre  qui  venoit  d'entrer  en  chaleur, 
&  en(ui  c  une  troifième  &  une  qua- 
trième. Le  renard  les  traita^  toutes  avec 
la  même  douceur,  mais  avec  l:i  même 
indifférence  :  &  afin  de  m'afTurer  fi 
c*étoit  la  répugnance  naturelle  l'étal; 

de  contrainte  uii  il  éioic  qui  i'cmpêçhoit 


du  Clnen,    m  5.49' 

Je  s'accoupler,  je  lui  fis  amener  une 
femelle  de  ion  cfpéçe ,  il  la  couvrit  dès 
le  même  jour  plus  d'une  fois,  &  nous 
trouvâmes  ,  en  fa  dUiéqiLant  quelques 
fenraines  après,  qu'elle  étoit  pleine,  &: 
qu'elle  auroit  produit  quatre  peiits  re- 
nards. On  préfenta  de  même  fucceflive- 
ment  à  l'autre,  renard,  plufieurs  chiennes 
en  chaleur ,  on  les  enfermoit  avec  lui 
dans  une  cour  où  '\\%  n'ctoicnt  point  en- 
chaînés; il  n'y  eut  ni  haine,  ni  .amour> 
ni  combat  ,  ni  carefîcs  ,  &  ce  renard 
mourut  au  bout  de  quelques  mois  de 
dégoût  ou   d'ennui.       -  •  •-    -     .-    .        - 

Ces  épreuves  nous  apprennent  au 
m©ins  que  le  renard  &  le  loup  ne  fbnlt 
pas  toutrà-fuit  de  la  même  nature  que  le 
chien;  que  ces  efpèces  non  feulement 
font  différentes  ,  mais  féparées  &  aflez. 
éloignées  pour  ne  pouvoir  les  ra| 'j) ro- 
cher,  du  moins  dans  ces  climats,;  que 
par  conféquent  le  chien  ne  lire  pas  lonf 
origine  du  renard  ou  du  loup ,  &  que  les 
nomcnclaieurs  (t)  c[ui  ne  regardent  ces 

(t)'  Cattii  cnudCi'  ( Jinijir'OYftlm )  rerurvû  ,  le  Chien^ 
Cam  cuudd  incuri'Ci  ,  ie.  Loup,  Cauis  cuudii  nûàf^ 
le  Renard.  Unfuzi  hf,  -Nau 


3  5  o        Hijhke  Naturelle 

deux  animaux  que  comme  dt^  chiens 
iàuvages,  ou  qui  ne  prennent  le  chien 
que  pour  un  loup  ou  un  renard  devenu 
domeftique,  ôc  qui  leur  donnent  à  tous 
trois  le  nom  commun  de  chien,  fe  trom- 
pent, pour  n*avoir  pas  affez  confulté  la 
Nature,  .  , 

II  y  a  dans  fes  climats  plus  chauds  que 
le  nôtre  une  efpèce  d'animal  féroce  & 
cruel,  moins  diâferent  du  chien  que  ne 
le  font  le  renard  ou  le  loup  :  cet  animal, 
qui  s'appelle  Adive  ou  chacal ,  a  été  re- 
marqué &  afTcz  bien  décrit  par  quelques 
voyageurs  ;  on  en  trouve  en  grand 
nombre  en  Afie  &  en  Afrique,  aux 
environs  de  Trébifonde  (u) ,  autour  du 
mont  Caucafe,  en  Mingrelie  (x),  en 
Natolie  (y),  en  Hyrcanie  (:J,  en  Perfè, 
•îux  Indes  ,  à  Surate  (  aj ,  ^  Goa  ,  à 

(u)  Voyages  de  Gemelii  Carreri.  Paris,  tytpi 

tome  I,  vnge  ^i ^*  »  a  i   *  !      =  "   / 

(x)  Voyage  de  Chardin.  Londres,  t  6S 6,fage  j6* 

(y)  Voyage  de  Dumont.  La  Haye  ,  /  6j/^  , 
tonie  IV,  page  28  &  fuivantes, 

(l)  Voyage  de  Chardin.  Amfterdmn ,  lytit 
tome  II,  page  2$iy 

fa)  Voyage  d'innigo  de  BicmIUs,  Paris  ^  '7i^k 
fortie  JJ'f  page  tyS% 


'e  chien 
J  devenii 
nt  à  tous 
.  fe  trom- 
3nfulté  fa 

auds  que 
féroce  Se, 
ï  que  ne 
t  animal, 
i  été  re- 
quelques 
»    grand 
k,  aux 
itour  du 

W>  en 
1  Perfe, 
Goa  ,  à 


>  / 


7tjf» 


dit  Qiien,  351' 

Guzarat,  à  Bengale,  au  Congo  (h),  en 
Guinée,  &  en  pluHeurs  autres  endroits: 
&  quoique  cet  animal  foit  regardé  par 
les  naturels  des  pays  qu'il  habite,  comme 
un  chien  fauvage,  &  que  Ton  nom  même 
'le  défigne  ;  comme  il  ell  très-douieux 
qu'il  fe  mêle  avec  les  chiens  &  qu'il 
puiiïe  engendrer  ou  produire  avec  eux , 
nous  en  ferons  l'hilloire  à  part,  comme 
nous  ferons  aulîi  celle  du  loup  ,  celle 
du  renard  ,  &  celle  de  tous  les  autres 
animaux  qui  ne  fê  mêlant  point  en- 
fèmbie ,  font  autant  d'efpèces  diilinifles 
&  féparées. 

Ce  n'eft  pas  que  je  prétende  d'une 
manière  décifive  &  abfolue  que  l'adive, 
&  même  que  le  renard  &  le  loup  ne 
fè  foient  jamais ,  dans  aucun  temps ,  ni 
dans  aucun  climat ,  mêles  avec  les  chiens. 
Les  Anciens  raiïurent  afTcz  pofitivement 
pour  qu'on  puifîè  encore  avoir  fur  cela 
quelques  doutes  ,  malgré  les  épreuves 
que  je  viens  de  rafîporter  ;  -&  j'avoue 
qu'il  faudroit  un  plus  grand  nombre  de 
pareilles  épreuves  pour  acquérir  fur  ce 

(t)  Voyage  de  Bofman ,  pages  2^t ,  ^^  i  ^  SS'^i 
Voyage  du  P.  Zuchci/  Capucin;  jfagt  2pj^      , 


'3  5  2  IhfiOirc  Naturelle 

fait  une  ceriitudc  eniière.  Ariflote,  Jont 
je  fuis  très- porté  à  rcl'pcder  le  témoi- 
gnngc,  dit  precifément  (cj  qu'il  e(t  rare 
que  les  animaux  qui  font  d'cfpèccs  dif- 
férentes (e  mêlent  enfcinjjlc  ;  que  cc- 
j)cndani  il  eft  certain  que  cela  arrive  dans 
les  chiens,  les  renards  <3c  les  loups;  quo 
ics  chiens  indiens  proviennent  d'une  autre 
laêie  fauvage  feniblable  &  d'un  chien* 
On  pourroit  croire  que  cette  bête  fau- 
vage, à  laquelle  il  ne  donne  point  de 
nom  ,  cft  l'adive  ;  mais  il  dit  dans  un 
autre  endroit  (ci)  que  ces  chiens  indiens 
viennent  du  tigre  &  du  chien  ,  ce  qui 
me  paroît  encore  plus  difficile  à  croire, 
parce  que  le  tigre  cft  d'une  nature  & 
d'une  forme  bien  plus  différentes  de 
celles  du  chien  ,  c[ue  le  loup  ,  le;  renard 
ou  l'adive.  Il  faut  convenir  qu'Ariltote 
femble  lui-même  infirmer  Ton  témoi- 
gnage à  cet  égard;  car  après  avoir  dit 
<(ue  les  chiens  Indiens  viennent  d'une 
bête  lauvage  lembtable  au  loup  ou  au 
lenard,  il  dit  ailleurs  qu'ils  viennent  du 

(c)  Arift.  de  gêner atîona  animal.  \\h.  lï,  cap,  j^ 
(dj  Aiift»  hijl,  animal^  lib.  VIII,  cap..-a8|     ^  "^   / 


^>  dont 
temoi- 
^(i  rare 
tes  dif^ 
ue  ce- 
'c  dans 
quo 
eauire 
chien* 

î   fdU" 

m  de 
is  ua 
^dlens 
-  qui 
•oire , 
re  & 
s   de 
narcf 
/bte 
noi- 

dit 
une 

au 
du 


Wi/  Cilen»  353 

tîgrc ,  &  Hms  énoncer  fi  c'eft  du  tîgre  & 
de  l:i  chienne ,  ou  du  chien  &  de  la  ti- 
grefTe ,  il  ajouie  Teulcinent  que  la  choie 
ne  réuillt  pas  d'aLord ,  mais  feulement  à 
la  iroifième  ponce;  que  de  la  première 
foiî»  il  ne  rcliihe  encore  que  des  tigres;, 
qu'on  attache  les  cfticns  dans  les  dcferts, 
&  qu'à  moins  que  le  tigre  ne  Toit  cii 
chaleur.,  ils  font  fouveni  dévores;  que 
ce  qui  fait  que  l'Afrique  produit  fouvcnt 
des  prodiges  &  des  monllres  ,  c'efl  que 
l'eau  y  étant  très- rare  &  la  chaleur  fort 
grande  ,  les  animaux  de  différentes  ef- 
pèces  fe  rencontrent  afTemblés  en  grand. 
nombre  dans  le  même  iieu  pour  boire;, 
que  c'clt-ià  qu'ils  fè  familijrifent ,  s'ac- 
couj)!cnt  Ôi  produifcnt.  Tout  cela  me 
paroît  conjfdural ,  incertain  ,  &  même 
aiTcz  fufped  pour  ivy  pas  ajouter  foi; 
car  plus  on  obfcrve  la  nature  des  ani- 
maux ,  plus  on  voit  que  l'indice  le  plus 
fur  pour  en  juger,  c'cfl  l'inflinft.  L'e- 
xamen le  plus  attentif  des  parties  inté- 
rieurçs  ne  noijs  découvre  que  les  grofîès 
différences  ;  le  cheval,  ôi  l'âne ,  qui  fe 
relfemblent  parfaitement  par.  la  confor-^ 
zuaîion  des  panier  intérieures,  font  cepeu- 


3  54        Hifloire  NiitureJ!e 

dam  des  animaux  d'une  nature  diflTerenté; 
le  taureau ,  le  bélier  &  le  bouc  qui  no 
diffèrent  en  rien  les  uns  des  autres,  pour 
la  conformation  intérieure  de  tous  les 
vifcères  ,  (ont  d  efpèces  encore  plus 
éiwignées  que  l'ane  &  le  cheval)  &  il  en 
efl  de  même  du  chien ,  du  renard  &  du 
loup.  L'inrpe<îlion  de  la  forme  extérieure 
nous  éclaire  davantage  ;  mais  comme  dans 
plu  fleurs,  efpèces,  &  fur-tout  dans  celles 
(i\\x\  ne  font  pas  éloignées ,  il  y  a ,  même 
à  l'extérieur,  beaucoup  plus  de  rcfTcm- 
blance  que  de  différence,  cette  infpcc- 
lion  ne  fuffit  pas  encore  pour  décider  fi 
ces  efpèces  (ont  différentes  ou  les  mêmes  ; 
enfin  iorfque  les  nuances  font  encore 
plus  légères,  nous  ne  pouvons  les  faifir 
qu*en  combinant  les  rapports  de  l'iuf- 
tin(fb.  C'eft  en  effet  par  le  naturel  des 
animaux  qu'on  doit  juger  de  leur  nature  ; 
&  Çi  Ton  fuppofoit  deux  animaux  tout 
fêmblabics  pour  la  forme,  mais  tout  dlf- 
férens  pour  le  naturel,  ces  deux  animaux 
qui  ne  voudroient  pas  fe  joindre ,  & 
qui  ne  pourroient  produire  enfemble, 
feroient ,  quoique  fembiabics ,  de  deux 
efpèces  diâerentes. 


mtiw.-:-  Il' 


q^ù  ne 
es.  pour 
tous  fcs 

^    plus 

A  il  eji 

^  éi 

Prieure 

ne  dans 

cel/es 
inénic 

nfpcc- 
Mer  /i 
enies  ; 
encore 
►  /ài/ir 

riiif- 

?ï  des 

turc  ; 

tout 

iiaux 
,  de 
b/e, 
lcu;r 


Ju  Cfîtcité  '555 

Ce  même  moyen  auquel  on  cft  oblige 
d'avoir  recours  pour  juger  de  la  diftc- 
rcncc  des  animaux  dans  Tes  cfpéccs  voi- 
iincs,  cft ,  à  plus  forte  raifon ,  celui  qu'on 
doit  employer  de  préférence  à  tous  autres, 
lorfqu'on  veut  ramener  à  des  points  fixes 
les  nombreiifcs  variétés  que  Ton  trouve 
dans  la  même  elpèce  :  nous  en  con- 
roi/Tbns  trente  dans  celle  du  chien  ,  & 
affurément  nous  ne  les  connoiHons  pas 
toutes,  De  CCS  trente  variétés,  ii  y  en  a 
dix-fept  que  l'on  doit  rapporter  à  i'in- 
fluence  du  climat  ;  favoir ,  ie  Chien  de 
berger ,  le  Chien  -  loup ,  le  Chien  dé 
Sibérie  ,  le  Chien  d'Idande  &  le  Chien 
de  Lapponie ,  le  Mâiin ,  les  Lévriers, 
le  grand  Danois  &  le  Chien  d'Irlande, 
ic  Chien  courant,  les  Braques,  ies  Buf- 
fets ,  les  Épagneuls  &  le  Barbet ,  le  petit 
Dano's  ,  le  Chien- turc  &  le  Dogue; 
les  treize  autres  ,  qui  (ont  le  Chien- turc 
métis  ,  le  Lévrier  à  poil  de  loup  ,  le 
Chien- bouffe  ,  le  Chien  de  MaJte  ou 
Bichon ,  le  Roquet ,  le  Dogue  de  forte 
race,  le  Doguin  ou  Mopfe  ,  le  Chien 
de  Calabre ,  le  Burgos  ,  le  Chien  d'Aii- 
came  ^  ie  Chien  -  iion  ,  le  petit  Barbet 


\  - 


I 


"3  5  ^  Hîfxnre  Naturelle 

&  le  Cliieii  qu'on  appelle  Artois,  liTors 
ou  Quatre- vingt,  ne  lont  que  des  nitiis 
qui  proviennent  éa  mélange  des  pre- 
miers; &  en  rapportant  chacun  de  ce-s 
chiens  Liiéiis  aux  deux  races  dont  ils 
fc)ni  iflus ,  leur  nature  ell  dès- lors  afîcz 
connue  ;  mais  à  l'égnrd  des  dix  -  fcpt 
premières  races,  fi  l'on  veut  connoiire 
fes  rapports  qu'elfes  peuvent  avoir  entre 
elles,  il  faut  avoir  égard  à  l'inflind,  à 
la  forme  &  à  plufiturs  autres  circonf- 
tances.  J'ai  mii  enfcmbîe  le  Chien  dz 
Berger,  le  Chien -loup,  le  Chien  de 
Sibérie  ,  le  Chien  de  Lnpponie  &  le 
Chien  d'KLnde  ,  parce  qu'ils  fe  rcf- 
jfêm))lent  plus  qu'iis  rc  reffcmblcnt  aux 
autres  par  la  figure  &  par  ie  poil,  cju'ils 
ont  tous  cincj  le  mufeau  poiniu  à  peu 
■près  comme  le  renard  ,  qu'ils  font  les 
feuls  qui  aient  les  oreilles  droites ,  &  que 
leur  inllind  les  porte  à  fuivie  «Se  garder 
ks  troupeaux.  Le  Mâiin  ,  le  Lévrier, 
ie  grand  Danois  &  le  Chien  d'Irlande 
ont ,  outre  la  rerfemblance  de  lu  forme  ik 
du  l<uîg  mufeau,  le  même  naturel;  ils 
aiment  à  courir  ,  à  fuivre  les  chevaux  , 
ies  équipages  ;    ils  ont  peu  de  ne:: 


Hc 


'     tlti  CIncfu     '  3  57 

chafTcnt  plutôt  à  vue  qu'à  Podorat.  Les 
vruia   chiens  de   chafle   l'ont  les  Chiens 
courans ,   les    Braques ,   les    Baiïcts ,   les 
Ép^ignculs    &    les     Barbets  ;   quoiqu'ils 
diffèrent  un  peu  par  la  forme  du  corps, 
ils  ont  cependant  tous  le  niufcau  gros; 
&  comme  leur  itillindl  cft  le  même,  on 
ne  peut  guère  fe  tromper  en  les  mettant 
enfcmble.   L'Epagneul ,  par  exemple ,  a 
éié  appelé    par    quelques    Naiuralidcs, 
Cûn'is  aviarius  tcrre/lris,  &  le  Biirbet,  cûnis 
aviarïus  aquaùcus  ;   &  en  effet ,   la  feule 
dilfércnce  qu'il  y  ait  dans  le  naturel  de 
CCS  deux   chiens ,   c'eû  que   le  Barbet , 
avec  fort  poil  touffu  ,  long  &  frifé ,  va 
plus  volontiers  à  fcau  que  TÉpagneul , 
qui  a   le   poil  lifîè  &  moins  fourni,  ou 
que  les  trois  autres  qui  l'ont  trop  court 
&  trop  clair  pnur  ne  pas  craindre  de  (e 
mouiller  la  peau.    Enfin  le  petit  Danois 
&  le   Chien -turc  ne  peuvent  manquer 
d'aller  enfemble ,  puifqu'il  cil  avéré  que 
le  Chien-turc  n'eft  qu'un  petit  Danois 
qui  a  perdu   fon  poil.    Il  ne  refle  que 
le  Dogue ,   qui    par   fon   mufeau  court 
fcmble  fe   rapprocher    du    petit   Danois 
plus  que  d'aucun  autre  chien,  mais  qui 


! 


'3  5  8         Hifloire  Naturelle 

en  diffère  à  tant  cl*autres  égards ,  qu*il 
paroît  fèul  former  une  variéié  difFérenic 
de  tomes  les  autres ,  tant  pour  la  forme 
que  pour  l'inftind  :  il  (embîe  auffi  afftdcr 
un  climat  particulier,  il  vient  d'Angle- 
terre  j  &  l'on  a  peine  à  en  maintenir  la 
race  en  France;  les  métis  qui  en  pro- 
viennent ,  &  qui  font  le  Dogue  de  forte 
race  &  le  Doguin,  y  rcuflilient  mieux: 
tous  ces  chiens  ont  le  nez  ii  court  qu'ils 
ont  peu  d'odorat,  &  fouvent  beaucoup 
d'odeur.  Il  paroît  auffi  que  la  finefle  de 
i'odorat ,  dans  les  chiens ,  dépend  de  la 
groffeur  plus  que  de  la  longueur  du 
mufeau ,  parce  que  le  Lévrier ,  le  Alâiin 
&  le  grand  Danois,  qui  ont  le  mufeau 
fort  alongé,  ont  beaucoup  moins  de  nez 
que  le  Chien  courant,  le  Braque  &  le 
PafTet ,  &  même  que  i'Épagneul  &  le 
Barbet ,  qui  ont  tous ,  à  proportion  de 
leur  taille ,  le  mulèau  moins  long ,  mais 
plus  gros  que  les  premiers. 

La  plus  ou  moins  grande  perfèdion 
des  fèns,  qui  ne. fait  pas  dans  l'homme 
U«e  qualité  éminente ,  ni  même  remar- 
quable, fait  dans  les  animaux  tout  leur 
mérite  I  &  produit  comme  çaufe,  tous 


^»    Jif  Chien,  359 

les  taîens  dont  leur  naturç  peut  être  fqf- 
ceptible.  Je  n'entrçprençlrai  pas  de  faire 
ici  réaumératipn  de  toutes  Ips  qualités 
d'un  chien  de  chaiïe  ,  on  fait  afiè?  conj- 
hien  l'excellence  de  l'odorat ,  jointe  à 
j'éducation,  iui  donne  d'avantage  &  dç 
fupciiorité  fur  les  autres  animapx;  mais 
ces  détails  n'appartiennent  que  de  loin 
à  l'Hiftoire  Naturelle  ,  &  d'ailleurs  les 
rules  &  les  moyens ,  quoiqu'émanés  de  ia 
fimple  Nature,  que  les  animaux  (auvages 
mettent  en  œuvre  pour  fe  de'rober  à  la 
recherche,  ou  pour  éviter  la  pourftiiie  & 
k's  atteintes  des  chiens,  foqt  peut-être 
pkis  merveilleux  que  les  méthodes  les 
pkïs  fines  de  l'art  de  la  çhaiîè. 

L,e  chien ,  lorfqu'il  vient  de  naître , 
n'eft  pas  encore  entièrement  achevé  : 
dans  cette  efpèce  ,  comme  dans  celle 
de  toiîs  les  animaux  qui  produilent  en 
grand  nombre,  les  petits,  au  moment  de 
leur  naiflance,  ne  font  pas  aiiffi  parfaits 
quç  dans  les  animaux  qui  n'en  produifent 
qu'un  ou  deux.  Les  chiens  naiflTent  comr 
munément  avec  les  yeux  fermés,  les  deujf 
paupières  ne  font  pas  fimplement  collées, 
inais  adhérentes  par  une  mçmbranç  c^ï 


*i 


yCo         l^ijlotre  Nctîunlk 

(c  déchire  lorfque  le  mufcle  cJe  Fa  pnit- 
picre  Tupérieure  efl:  devenu  afïèz  fort 
pour  la  relever  &  vaincre  cet  obftacle, 
&  la  plupart  des  cliiens  n*ont  les  yeux 
ouverts  qu'au  dixième  ou  douzième  jour. 
Dans  ce  même  temps ,  ies  os  du  crâne 
ne  font  pas  achevés,  le  corps  efl:  boufiî, 
ie  mufeau  gonflé  ,  &  feur  forme  n'dl 
pas.  encore  bfen  deffinée  ;  mais  en  moins 
d'un  mois  ils  apprennent  à  faire  uHigc 
de  tous  leurs  fens  &  prennent  enfuitè 
de  la  force  &  un  prompt  accroiflcment. 
Au  quatrième  mois  ils  perdent  quel- 
ques-unes de  leurs  dents,  qui',  comme 
dans  les  autres  animaux  ,  font  ])icntôt 
remplacées  par  d'autres  qui  ne  tombent 
plus  :  ils  ont  en  tout  quarante  -  deux 
dents,  favoir  flx  incîfives  en  haut  &  fix 
en  bas ,  deux  canines  en  haut  &  deux 
en  Las  ,  quatorze  mâchelièrcs  en  haut 
&  douze  en  bas  ;  mais  cela  n'efl  pas 
confiant,  il  fe  trouve  des  chiens  qui  ont 
plus  ou  moins  de  dents  mâchelièrcs. 
Dans  ce  premier  âge,  les  mâles  comme 
les  femelles  s'accroupiflent  un  peu  pour 
piflTcr,  ce  n'efl  qu'à  neuf  ou  dix  mois  que 
les  mâles ,  &  mcmc  quelques  femelles , 

commencent 


a 


jr,  comme 


du  Chien,      "  3^1' 

commencent  à  lever  la  r.  .iTe,  &:  c'eft 
dans  ce  même  temps  cju'ils  commencent 
à  être  en  éiat  d'engendrer.  Le  mâle  peut 
s'accoupler  en  toui  temps  ,  mais  la  fe- 
melle ne  le  reçoit  que  dans  des  temps 
marques  ;  c'eîl  ordinairement  deux  fois 
par  an  ,  <Sc  plus  fréquemment  en  hiver 
qu'en  été  :  la  chaleur  dure  dix  ,  douze  <Sc 
quelquefois  quinze  jours  ;  elle  fe  marque 
par  des  fignes  extérieurs  ,  les  parties  de 
la  génération  font  humides  ,  gonflées  & 
proéminentes  au  dehors;  il  y  a  un  petit 
écoulement  de  lang  tant  que  cette  ardeur 
dure ,  &  cet  écoulement  auffi-bien  que 
le  gonflement  de  la  vulve  commencent 
quelques  jours  avant  laccouplemcnt  :  le 
mâle  fent  de  loin  la  femelle  dans  cet  état 
ÔL  la  recherche,  mais  ordinairement  elle 
ne  fe  livre  que  fix  ou  fept  jours  après 
qu'elle  a  commencé  à  entrer  en  chaleur. 
On  a  reconnu  qu'un  feul  accouplement 
fufïit  pour  qu'elle  conçoive  ,  même  en 
grand  nombre;  cependant,  lorfqu'on  la 
laiffe  en  liberté ,  elle  s'accouple  plufieurs 
fois  par  Jour  avec  tous  les  chiens  qui  fe 
préfentent  :  on  obferve  feulement  que 
lorfqu'elie  peut  choifir^  elle  préfèro 
'lome  VI*  Q 


1)1' 


I  ; 
i 
I  . 


'362         Hijloke  Naturelle 

toujours  ceux  de  la  plus  grofle  ôc  de 
ti  plus  grande  taille  ,  quelque  laids  6c 
quelque  jdilproportionnés  qu'ils  puifîent 
être:  au^fi  arrive -t- il  afièz  fouvcnt 
que  de  peiiies  chiennes  qui  ont  reçu 
des  inTuiiis ,  pe'riiTent  en  faifant  leurs 
petits. 

Une  choie  que  tout  le  monde  (ait ,  & 
qui  cependant  n'en  eil  pas  moins  une 
Hngularité  de  la  Nature ,  c'eft  que  dans 
i*accoup!einent  ces  animaux  ne  peuvent 
fe  fcparer,  même  après  la  confommation 
de  Fade  de  la  ge'iiération ,  tant  que  Téiat 
d*ére<3tioii  &  de  gonflement  fubfifle ,  ils 
font  forcés  de  demeurer  unis ,  &  cela 
dépend  fîms  dbute  de  leur  conformation. 
Le  chien  a  non- feulement,  comme  plu- 
fieurs  autres  animaux,  un  os  dans  la  wcïgÇj 
mais  les  corps  caverneux  forment  dans 
le  milieu  une  efpèce  de  bourrelet  fort 
appâtent ,  &  qui  fè  gonfle  beaucoup  dans 
l'ércdion  ;  la  chienne ,  qui  de  toutes  les 
femelles  eft  peut-être  celle  dont  le  clitoris 
cfl  le  plus  confidérable  &  le  plus  gros 
dans  le  temps  de  la  chaleur,  préfente 
de  fon  côté  un  bourrelet ,  ou  plutôt  une 
iumeur  feruie  ^  faillantci  dont  le  gou^ 


fle  ôc  de 
:  laicfs  ôc 
s  puifîênt 
(bu  vent 
ont  reçu 
ant   leurs 

îe  (ait  ,  & 
loins  une 

que  dans 
î  peuvent 
bmmarion 
que  l'éiat 
bfifte,  ils 
,  &.  cela 
brinaiion, 
nme  plu- 
5  la  verge, 
lient  dans 
rrelet  fort 
coup  dans 

toutes  les 
t  le  clitoris 
plus  gros 

préfente 
)iutôt  une 
X  U  gou-- 


du  Chien,  ^6y 

îîeinent,  aiifîi-bien  que  celui  des  parties 
voifines ,  dure  peut-être  bien  plus  long- 
temps que  celui  du  mille ,  &  fuffit  peut- 
être  aulfi  pour  le  retenir  malgré  lui  ;  car 
au  moment  que  l'a^île  efl:  confommé ,  il 
change  de  pofition,  il  fe  remet  à  pied 
pour  fe  repoler  fur  ies  quatre  jambes,  iî 
a  même  l'aii'  trifte  ,  &  les  efforts  pour  (e 
feparer  ne  viennent  jamais  de  la  femelle. 

Les  chiennes  portent  neuf  (emaines , 
c'eft- à-  dir^  foixanie  -  trois  jours ,  quel- 
quefois fbixante  -  deux  ou  foixante  -  un  , 
&  jamais  moins  de  foixante;  elles  pro- 
duifeut  fix.,  fept,  &  quelquefois  jwlcju*»* 
douze  petits  ;  celles  qui  font  de  la  plus 
grande  &  de  la  plus  forte  taille ,  pro- 
duifent  en  plus  grand  nomljre  qjje  les 
petites ,  qui  fouvent  ne  font  que  quatre 
Qu  cinq,  &  quelquefois  qu'un  ou  deux 
pedts,  fur-tout  daiis  les  premières  por- 
tées^ qui  font  toujours  moins  nombreufcs 
que  (es  autres  dans  tous  les  animaux. 

Les  chiens ,  quoique  très  -  ardcns  en 
amour,  ne  laiiTent.pas  de  durer,  il  ne- 
j)aroît  pas  même  que  l'âge  diminue  leur 
ardeur,  ils  s*accoupîent  &  produilênt  pen- 
dant toute  la  vie  ^  qui  eH  ordinairemeu| 


.ww 


t 


•5.É4    ■  •  Hifinre  Nciturelk 

bornée  l\  quaiorze  ou  quinze  ans,  quoi- 
,qu'on  en  ;iit  gardé  quelques-uns  julqu'à 
vingt.  La  diaee  de  la  vie  eit  dans  Iç 
/ehien  ,  comme  dans  les  autres  animaux  , 
proj^ortionncilc  au  temps  de  i'accroifle- 
jnent  ;  il  elt  environ  deux  ans  a  croître  , 
il  vit  aufli  fept  fois  deux  ans.  L'on  peut 
connoîtte  fon  âge  par  les  dents,  qui  dan$ 
la  jeunefTe  fojit  blanches,  tranchantes  & 
pointues,  &  qui,  à  rnefure  qu'il  vieillit, 
ideviennent  noires,  mouliès  îk  inégales, 
on  ie  connoit  aulîi  j)ar  le  poil ,  car  ii 
blanchit  iiir  le  muie^u,  j^i\ï  le  front  6c 
autour  des  yeux. 

Ces  animaux,  qui  de  leur  naturel  font 
très- vigilans,  très-adifs  ,  &  qui  fonc 
faits  pour  le  plus  grand  mouvement, 
deviennent  dans  no.s  maifons,  par  la  fur- 
charge  de  la  nourriture ,  li  jiclùni,  (:<c  1] 
parellèux  ,  qu'ils  palient  toute  leur  vie  à 
roniîer,  dormir  &  manger.  Ce  fommeil, 
preffjue  continuel,  eil  accompagné  de 
rêves,  &  c'cll  peut-être  une  douce 
manière  d'exifter  ;  ils  font  naturellement 
voraces  ou  gourmands ,  &  cependant  ils 
peuvent  le  pafler  de  nourriture  pend:inc 
long-temps.  Il  j^  a  dans  les  Mémoires  de 


5,  quoï- 
jufqu'à 
clans  le 
imaux , 
croifle- 
:roître , 
)n  peut 
ui  dan$ 
mtes  6c 
vieillit, 
égales , 
,  car  ii 
rom  àc 

rel  font 
ni  font 
t^njent, 

la  fur- 
li-  Ck  il 
If  vie  à 
mnieil, 
yné  de 

douce 
lenient 
Jant  lis 
endanc 
ires  de 


.     Ju  Clnefié  3  6  j 

rAcaddmie  des  Sciences  ( c)  l'hiUoire 
d'une  chienne  ,  qui  ayant  été  oul)lice 
dans  une  maiibn  de  campagne  ,  a  vécu 
quarante  jours  ians  autre  nourriiure  que 
l'é:ofîè  ou  la  laine  d'un  matelas  qu'elle 
avoit  déchiré.  11  p:n"oît  que  l'eau  leur  ell 
encore  plus  néccifairc  que  la  nourriture  , 
ils  boivent  fouvcnt  &  abonda;nmcnt ,  ovk 
croit  même  vulgairement  que  quand  ils 
manquent  d'eau  pendant  long  teiU[)S  ils- 
dc\it;nnent  enrages.  Une  cholè  qui  leur 
e(t  panicLilière  ,  c'efl  qu'ils  paroillcnt 
fiiire  des  efforts  &  fouffrir  toutes  les  fois- 
qu'ils  rendent  leurs  excrémens  :  ce  n*efl: 
pas,  comme  le  dit  Arillote  (d),  parce 
que  les  in:eRins  deviennent  plus  étroitî 
en  apjMocham  de  l'anus,  il  efl  certain  , 
au  con  raire  que  dans  le  chien  >  cammç 
d;ns  les  autres  anîma'îx  ,  les  gros  boyauîS 
s'élargiflcnt  louiours  de  plus  en  plus  , 
&  que  le  redura  efl:  plus  large  que  le 
colon  :  \a  féchereiTc  du  tempérament 
de  cet  animal  fuflit  pour  produire  cet 
tliet,  &  les  ctrangleir.cns  qui  le  trouvent 

(c)  flifîoîre  de  rAcadcmie  des    Sciences,   anne6 
(/IJ  Arillot.  de  ikinilus  cunnuiî,  capirc  ulrinio. 


!  il 


..'        ( 


^^'66         Hiflohe  Natmlli 

dans  le  coîon,  font  trop  loin  pour  qu'on 
pu'fTe  l'attribuer  à  la  conformation  des 
inieftins. 

Pour  donner  une  idée  pfus  nette  de 
Tordre  des  chief^s  ,  de  ieur  genérailon 
dans  Ie>  diffcrens  climats,  6t  du  mélange 
de  leurs  races,  je  joins  ici  une  table  , 
©u ,  fi  l'on  veut,  une  efpèce  d'arbre 
généalogique,  où  l'on  pourra  voir  d'uji 
coup  d'oeil  tou  es  ces  variétés  :  cette 
table  eft  oricniée  comnie  les  cartes  géo- 
graphiques ,  &  Ton  a  luivi,  autant  qu'il 
t^toît  polïibie,  la  pofiiion  refjoedive  des 
ciijnats. 

Le  Chien  de  Berger  efl  la  Touche  de 
Tarbrc  :  ce  chien  tranfporté  dans  les  cli- 
mats rigoureux  du  Nord ,  s'cfl:  enlaidi 
3i  rapetiiîé  chez  les  Lnppons ,  &  paroît 
s'être  maintenu,  &  même  perfedionné , 
en  Iflandc,  en  Ruffie,  en  Sibérie  ,  dont 
le  climat  cft  un  peu  moins  rigoureux  & 
où  les  peuples  font  un  peu  plus  civilifé:-. 
Ces  changemcns  font  arrivés  pnr  la  feub 
influence  de  ces  climats,  qui  n'a  paj 
produit  une  grande  altération  dans  l.i 
forme;  car  tous  ces  chiens  ont  les  oreille.-» 
droites ,  le  poil  épais  ik  long ,  l'uir  fau 


i///  Chwfi  56/ 

vagfi)  ^  ils  n'aboient  j)ns  aufll  frcquem* 
ment  ni  cfe  I.i  même  manière  que  ceux 
qui,  clans  des  climats  plus  favorabks  , 
fe  font  pcrfc^lionnos  davantage.  Le 
Chien  d'KIande  cft  le  feul  qui  n'ait  pas^ 
les  oreilles  entièrement  droites,  elles  font 
lin  peu  piiecs  par  leur  extrémité,  aufïi 
i'Iflande  efl  ,  de  tous  ces  pays  du  Nord, 
l'un  des  plus  anciennement  habités  par 
des  hommes  à  demi-civilifés. 

Le  même  Chien  de  Berger ,  tranf- 
porié  dans  des  climats  tempères  ,  &  chez 
des  peuples  entièrement  policés,  comme 
en  Angleterre ,  en  France  ,  en  Alle- 
mignc  ,  aura  perdu  Ton  air  fluivage,  Tes 
oreiiles  droites ,  Ton  poil  rude ,  épais  âC 
long  ,  &  fera  devenu  Dogue ,  Chien 
courant  &  Mâtin,  par  ia  feule  influence 
de  ces  climats.  Le  Mâtin  &  ie  Doorue 
ont  encore  les  oreilles  en  partie  droiies , 
elles  ne  font  qu'à  demi  pendantes ,  &  ils 
refTemblent  afTez  par  leurs  mœurs  &  par 
leur  naturel  flinguinaire  ,  au  chien  duquel 
ils  tirent  leur  origine.  Le  Chien  courant 
eft  celui  des  trois  qui  s'en  éloigne  le 
plus ,  les  oreilles  longues  ,  entièrement 
pendanics ,  la  douceur ,  la  dociliié  ,  & , 

Q  iii; 


|!        i. 


;i    ■  1 


3  6  3  Hifloire  NatunUe 

jfi   on  peut  le  dire  ,    la 


tiniidiîc  cic  ce 


le 


chien  ,  iont  autiint  de  preuves  de  la 
grande  dcgcneraiion  ,  ou,  fi  l'on  veut, 
de  Ja  grande  pcrlcdion  cju*a  j^roduite 
une  longue  donitliicié  ,  joinic  à  une 
cducation    (oignee  ik.   fuivie,      :  *i 

Le  Chien  courant ,  le   Braque  <5c  le 
Baffet  ne  font  qu'une  feule  ^  même  rate 


de  ch 


icr 


i 


1  a  remarque  que  oai^s 
la  même  ponte  il  fc  trouve  aOez  louvent 
des  chiens  courans ,  des  braques  &  des 
Laflets ,  quoique  la  Lice  n'ait  été  cou- 
verfe  que  par  Tun  de  ces  trois  chiens. 
J'ai  accole  le  Brique  de  Bengale  :iu 
Braque,  commun ,  parce  qu'il  n'en  dif- 
fère en  tiîèt  cjue  par  la  robe  qui  tifc 
mouchetée;  &  j'ai  joint  de  même  le 
Baflet  à  jambes  torfes  au  Baflèt  ordinaîu*, 
parce  que  le  défaut  dans  les  jambes  de 
ce  chien  ne  vient  originairement  que 
d'une  maladie  femblable  au  rachiiis^  dor.t 
quelques  individus  ont  été  attaqués,  <Sc 
dont  ils  ont  tranfmis  le  refuliat  ,  qui 
cft  la  déformation  des  os  ,  à  leurs  ^'iî- 
cendans.         -  '     *  ->  i 

Le  Chien  courant  tranfporté  en  Ef- 
pagne  <3^  en  Barbarie,  où  prcfque  tous 


■I 


qui 


:é  CI 


fue  ôc  le 
ême  race 
:|ue  (Jajis 
(ou vent 
fS  ÔL   di-5 
■té  cou- 
chiens, 
igale  :iu 
"en   cli(- 
qui  tit 
lênie  le 
rdimufc", 
bes  de 
m  que 
s  ,  dont 
lies,  ik 
,     qui 
rs  dci- 

en  Ef- 
pe  tous 


^v   C//!e/h  3^9 

fcs  anîjnaux  ont  le  poil  fin ,  long  & 
fourni,  fera  devenu  F,j)igneui  (^  Birbet  : 
le  grand  ôi  le  petit  Lnagneul  qui  ne 
dificient  que  par  la  tai  le  ,  triiirponés 
en  Angicierrc  ,  ont  changé  de  couleur 
du  blanc  au  noir,  &  font  devenus,  par 
i'infîuence  du  climat,  grand  &  petit  Gre- 
dins,  auxquels  on  doit  joindre  le  Pyrame 
qui  n'eil  qu'un  Grcdin  noir  comme  les 
autres  y  mais  marqué  de  feu  aux  quatre 
pattes ,  aux  yeux  &  au  mufcau. 

Le  Mann  tranfporté  au  nord ,  efl 
devenu  grand  Danois,  &  tranfporté  au 
midi,  cit  devenu  Lévrier:  les  grands 
Lévriers  viennent  du  Levant,  ceux  de 
taiife  médiocre,  d'Italie;  &  ces  Lévriers 
d'Italie,  tranfportés  en  Angleterre,  font 
devenus  Levrons ,  c'eil-à-dire ,  Lévriers 
encore  plus  petits. 

Le  grand  Danois  tranfporté  en  Irlande, 
en  Ukraine,  en  Tartaric,  en  Epire,  en 
Albanie,  e(t  devenu  Chien  d'Irlande  ^ 
ÔL  c'ell  le  plus  grantl  de  tous  les  chiens. 

Le  Dogue  tranfporté  d'Angleierre  eiî 
Danemarck  ,  efl:  devenu  peut  Danois  , 
6l  ce  même  peiit  Danois,  tranfporté 
d^i;}    ki    G^kims    chuuds;    efl    devenu 

Qv 


i    -i 


[370         Hijlolre  Naturelle 

Chien-turc.  Toutes  ces  races,  avec  leurs 
variétés  ,  n'ont  été  produues  que  par 
l'influence  du  climat ,  jointe  à  la  dou- 
ceur de  l'abri,  à  TefFet  de  la  nourriture, 
&  au  réfultat  d'une  éducation  (oignée  ; 
les  autres  chiens  ne  font  pas  de  races 
pures  ,  &  proviennent  du  mélange  d« 
ces  premières  racci>:  j'ai  marqué  par  des 
lignes  ponduées  ,  la  double  origine  de 
ces  races  méiivcs» 

Le  Lévrier  &  le  Matin  ont  produit 
le  Lévrier  métis,  que  l'on  appelle  aufîl 
X>eyrier  a  poil  de  loup;  ce  métis  a  le  mufeau 
moins  effilé  que  le  franc  lévrier,  qui  eft 
très- rare  en  France. 

Le  grand  Danois  &  ïe  grand  Épa- 
gncul  ont  produit  cnfemble  le  Chien 
de  Calabre,  i\u\  eft  un  beau  chien  à 
longs  poils  touffus,  &  plus  grand  par 
la  taille  que  les  plus  gros  mâtins. 

L'Epagneul  &  le  Baflet  produifent  uû 
autre  chien  que  l'on  appelle  Burgos, 

L'Epagneul  &  le  petit  Danois  pro- 
duifent le  Chien  -  lion  ,  qui  eft  mainte- 
nant fort  rare. 

Les  chiens  à  l 


longs  poils ,  fins  &  frifés 
que  Ton  appelle  Boii£es,  &  qui  font  é 


h  tai 
lient 
L 

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Chie 
forte 
que 
gleiei 
que 

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que   par 

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Durriture, 

(bignt'e  ; 

de  races 

ilangc  de 

é  yar  des 

ligine  de 

t  produit 
eIIc  aufïl 
eniufeaii    ^ 
,  qui  eft 

id   Épa- 
e   Chien 

chien  ù 

and  par 

iifent  uû 


ois  pro- 
mainu- 


'# 


k  frifcs,   ; 
foui  de  ■ 


fhi  Clitetu  37^ 

h  taîlîe  des  plus   grands  barbets ,   vien- 
nent du  grand  Epagneul  &  du  Barbet. 

Le  petit  Barbet   vient  du  peut  Lpa- 
gncul  &  du  Barbet. 

Le  Dogue  produit  avec  le  Matin  un 
Chien  méira  que  l'on  appelle  Dogue  liê 
forte  race ,  qui  eft  beaucoup  plus  gros 
que  le  vrai  Dogue ,  ou  Dogue  d'An- 
gleterre, &  qui  tient  plus  du  Dogue 
que  du  Mfuin. 

Le  Doguin  vient  du  Dogue  d'An-*, 
gletcrre  5c  du  petit  Danoi». 

Tous  ces  chiens  font  des  métis  fîmplcs ,  ' 
&  viennent  du  mélange  de  deux  races 
pures  ;  mais  il  y  a  encore  d'autres  cliiens 
qu'on  pourroit  appeler  Troubles  métis, 
parce  qu'ils  viennent  du  mélange  d'une 
face  p'.îre  &  d'une  race  déjà  mêlée. 

Le  Roquet  eft  un  double  métis  qui 
vient  du  Doguin  &  du  petit  Danois. 

Le  Chien  d'AIicante  eft  aufti  un 
double  métis,  qui  vient  du  Doguin  & 
du  petit  Epagneul. 

Le  Chien  de  Malte  ou  Bichon  eft 
encore  un  double  métis,  qui  vient  du 
petit  Epagneul  &  du  petit  Barbet. 

Enfin  ii  y  a  des  chiens  qu'on  pourrdî 

Qvj 


\v: 


il  ' 


572     Hijtoire  Naturelle ,  drc* 

Sippcler  Trijj/es  méllSf  parce  qu'ils  viennent 
du  mélange  de  deux  races  déjà  nitlées 
louics  deux;  tel  eil  le  Chien  d'Artois, 
liiois  ou  Quatre-vingt,  qui  vient  du 
Doguin  &  du  Roquet,  tels  iont  encore 
les  chiens  que  l'on  appelle  vulguircnicnt 
Chiens  des  rues ,  qui  refJemblent  à  tous 
Ici)  chiens  en  général  fans  rcfieinbler  à 
aucun  en  particulier,  parce  qu'ils  pro- 
viennent du  mélange  de  races  déjà  plu- 
fleurs  fois  iiiéices. 


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lennent 

mêlées 

Artois, 

ent    du 

encore 

irenicnt 

à  tous 

nbler  à 

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melliqi 
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goût  p 
des  chci 
l'nfao-e 
a  ni  m  au 
aient  d 
temps 
faux  < 
au  g  me: 
fait  qu< 
ils  dev 
îjicn  é 
ies  frij 
même 
ic  mal 
rapine 
leui*   r 
épier 


37  f 


LE  CHAT. 

LE  Chat  eft  un  domeflique  infi  jèfe^ 
qu'on  ne  garde  que  p;ir  wéno-^^wi^  f 
pour  l'oppoler  à  un  autre  *^^v  \  do- 
mellique  encore  plus  incominot.,  ,  t<i 
qu'on  ne  peut  chtvfîer  :  car  nous  ne 
comptons  pas  les  gens  qui ,  ayant  dil 
goût  pour  toutes  les  bêtes ,  n'éfèv'cnt 
é<i<,  chats  que  pour  s'en  amufer  ;  l'un  ell 
l'nfage ,  l'aut/e  l'abus  ;  &  quoique  ces^ 
animaux  ,  (ur-tout  quand  ils  font  jeunes^ 
aient  de  la  gentillefîe,  ils  ont  en  mêintf 
temps  une  malice  innée,  un  caradèrC 
faux  <  un  naturel  pervers  ,  que  t'age' 
augmente  encore,  &  que  l'éducation  nef 
fait  que  mafquer.  De  voleurs  déterminésy 
ils  deviennent  leuîcment ,  lorfqu'ii  >  font 
Lien  élevés,  fou  pies  &  flatteurs  comme 
les  fripons;  ils  ont  la  même  adrcfic,  la 
même  fubtilité,  le  même  goût  p'.^ur  faire 
le  mal  ,  le  même  penchant  à  la  petite 
rapine  ;  comme  eux  ils  fa  vent  couvrir 
leur  marche  ,  diffimuler  leur  deflein  , 
épier  le;>  occafions,   attendre,  choiiir. 


D 

I 


il' 


li 


"374         Hljlohe  Naturelle 

laifir  l'inflant  de  faire  leur  coup  ,  fe 
dérober  cnlliite  au  châtiment ,  fuir  <& 
demeurer  éioigfiés  jufqu'à  ce  qu'on  les 
rojxpelle.  Ils  prennent  aifc'ment  des  habi- 
tudes de  fociéic  ,  mais  jamais  des  mœurs  : 
ils  n'ont  que  l'apparence  de  l'attache- 
ment; on  le  voit  à  leurs  mouvemens 
obliques ,  à  leurs  yeux  équivoques  ;  ils 
Kc  regardent  jamais  en  face  la  perfonne 
aimée  ;  foit  défiance  ou  faufîeté  ,  ils 
prennent  des  détours  pour  en  approcher^ 
pour  chercher  des  carelî^s  auxquelles 
lis  ne  font  ienfibles  que  pour  le  plaifir 
qn'elles  leur  font.  Bien  différent  de  cet 
animal  fidèle  ,  dont  tous  les  leniimcns  fe 
rapportent  à  la  perfonne  de  fon  maître , 
le  chat  paroît  ne  feniir  que  pour  foi , 
n'aimer  (|ue  fous  condition,  ne  fe  prêter 
au  commerce  que  pour  en  abuler;  &  par 
cette  convenance  de  naturel,  il  elt  moins 
incompatible  avec  l'honime  qu'avec  le 
chien  dans  lequel  touteft  fincère. 

La  forme  du  corps  &  le  tem^>érament 
font  d'acord  avec  le  naturel ,  le  chat  tffc 
joli ,  léger ,  adroit  ,  propre  &  volup- 
tueux: il  aiine  fes  ailes,  il  cherche  les 
meubles  les  plus  moileis  pour  à' y  repolir 


&    s 

l'amo 
inau: 


fuir   (Ss 
fu'on  fc3 
ies  haLi- 
mœurs  : 
atiachc- 
avemens 
jucs  ;  ils 
^Tfoniie 
été  ,    ils 
:jrocI)er, 
X  quelles 
e  plaifir 
i  de  cet 
mens  fe 
maître  ^ 
^wï  loi , 
è  prêter 
;  &  par 
t  moins 
avec   le 
• 

s'ram  ent 
chat  fft 

voluD- 
che  les 

repofèr 


If///  ChûU  '375' 

h  s'ébattre  :  il  eft  aufîi  très  -  porte  à 
Taiiiour,  & .  ce  qui  eft  rare  dans  les  ani- 
maux ,  la  femelle  paroît  être  plus  ardente 
que  le  mâle  ;  elle  i'inviie  ,  elle  le  cherche , 
elle  l'appelle ,  elle  annonce  par  de  hauts 
cris  la  fureur  de  fes  defirs ,  ou  plutôt 
l'excès  de  fes  bcfohis,  &  lorfque  le  mâle 
la  fuit  ou  la  dégaigne ,  elle  le  pourfuit , 
le  mord  ,  &  le  force  pour  ainfi  dire  à  la 
faiiifaire  ,  quoique  les  approches  foient 
toujours  accompagnées  d'une  vive  dou- 
leur. La  chaleur  dure  neuf  ou  dix 
jours  ,  &  n'arrive  que  dans  des  temp« 
marqués  ;  c'efl  ordinairement  deux  fois 
par  an,  au  priniemps  &  en  automne,  & 
îouvent  aufîi  trois  fois,  &  même  quatre. 
Les  chattes  portent  cinquante  -  cinq  ou 
cinquante- fix  jours;  elles  ne  produifent 
pas  en  aufli  grand  nombre  que  les 
chiennes;  les.  portées  ordinaires  font  de 
quntre ,  de  cinq  ou  de  fix.  Comme  les 
mâles  font  fujets  à  dévorer  leur  progé- 
nhure  ,  les  femelles  fe  cachent  pour 
mettre  bas  ;  &  lorfqu'elles  craignent 
qu'on  ne  découvre  ou  qu'on  n'enlève 
leurs  petits ,   elles  les  tranlponent  é^^xa 


J7^         Hljlotre  Ndtiirelk 

des  trous  «5c  dans  d'autres  lieux  îgnnrt's 
ou  inaccedibics  ;  &  après  les  avoir  allai  es 
pendant  (|uel(|uc5  Icinaines  ,  elles  leur 
ii()porient  des  fouris ,  des  petiis  oHcaux  , 
&  les  accouiimicnt  de  bonne  heure  ;t 
manger  de  ia  chair  :  mais  par  une  bizar- 
rerie diliicile  à  comprendre  ,  ces  même* 
mères,  ii  ibigneufes  &  li  tendres  de- 
viennent quelquefois  cruelles ,  dcnatu- 
re'es,  &  dévorent  aulïi  leurs  petits  qui 
leur  ctoient  fi  chers. 

liCS  jeunes  chats  font  gais,  vifs,  joiis, 
^  fèroîent  aufTi  très  -  propres  à  amulèr 
ies  cnfins  fi  les  coups  de  patte  n'ètoicnt 
pas  à  craindre;  mais  leur  badimgc , 
quoique  toujours  agréable  &  léger,  n'clk 
jamais  innocent ,  &l  bientôt  il  fe  tourne 
en  malice  hajjituellc  ;  &  comme  ils  ne 
peuvent  exercer  ces  lalcns  avec  quelque 
avanfnge  que  fur  les  plus  petits  aniinau>f , 
ys  fe  luettenr  à  l'affût  près  d'une  cage  , 
ils  épient  les  oifcaux,  les  fouris,  ies  rats, 
ÔL  deviennent  d'eux-mêmes,  (î^  (ans  y 
ctrc  drcifés  plus  ha! vies  à  la  cha(îe  que 
les  chiens  les  nfieu  :  inllruits.  Leur  na- 
turel, canemi  de  toute   co^KraiiuC;  ic3 


rend 

Oi\  r 

grecs 

drcdé 

tuer 

fellce 

genér 

(|ue 

ils  fc 

allez 


{fu  Chat* 


377 


r  allai; es 
^^^  leur 

|lieurc  ;{ 

mé/nei 
Ires  dc- 
IcJenatu- 
lits   (jui 

'>  jolfs, 
amulèr 
t'toictu 
Jlnigc , 
r,  n'elè 

tourne 
ils  ne 

[uelque 
iiJiau>f , 
cage  , 
es  rats, 
fans  y 
fe  qucr 
Lir  na- 
e.,  les 


rend  incapables  d'une  éducation  fui  vie- 

Oii  raconte  néanmoins  cjue  des    moines 

grecs    *    de   I  ile    de    Chypre  ,   avaient 

drefré  «.les    chats  à   chaflcr,    prendre  & 

tuer  les   icrpens  dont  ceuc  île   éioit  in- 

fellée ,    mais   c'tioit   plutôt  par   le   goût 

général   cju  ils  ont    pour  l.i  dcrtruélion, 

(|uc  par  ohtiiîànce  (ju'iis  clialîoient  ;  car 

ils  fe  pluifcnt  à  épier,  attaquer  d  déiruire 

afîcz   indiiFcremment   tous    \qs    animaux 

foihlcs  ,   comme  les  oileaux  ,  les   jeunes 

I.ipins,  les  levreaux  ,  les  rats,  les  fouris , 

les  mulots ,  les  chauve- (iniris ,  les  tau j  es, 

les  crapauds,  its  grenouilles,  les  lézards  <5t 

les  fcrpens.  Jls  n'ont  aucune  docilité,  ris 

manquent  axifii  de  la  lincfîe  de  î'odorat, 

cjui  clans  le  chien  font  deux  cju  iliiés  émi- 

nenies  ;    aufli   ne  pouifuivcnt-ils  pas  les 

animaux   qu'ils  ne  voient  plus,  ils  ne  les 

cliaiîent  pas,    niais  ils   les  attendent,   les 

atuK|uent  par  furj)ri(é ,  i^  après  s'en  être 

joués  long- temps  ils  les  tuent  (iins  aucune 

iiécefTné,  iors  même  (ju'ils  font  le  mieu>c 

nourris  &  qu'ils  n'ont  aucun  bei(>in  de 

cette  proie  pour  faiiifairc  leur  appétit. 

*  Dcfcrîption  des  j!e5  de  l'ArcInj-iel ,  par  DjppGj?, 


ii! 


'378  Rtjlohe  Ncitinerie 

La  caiifc  pliyfique  la  plus  immccîmt* 
^c  ce  penchant  qu'ils  ont  îi  c])ier  ^ 
fuf'prcndre  les  autres  animaux  ,  vient  de 
l'avantage  que  leur  donne  la  confor- 
mation particulicre  de  leurs  yeux.  La 
pupille  dnns  llionimc,  comme  dans  la 
plupart  des  animaux  ,  eft  capid^îe  d'un 
certain  degré  de  contratîlîon  <5c  de  dila- 
tation ;  elle  s'élargît  un  peu  lorl'que  la 
lumière  manque,  &  fe  rétrécit  lor (qu'elle 
devient  trop  vive.  Dans  rocil  du  chat 
ù.  des  oileaux  de  nuit,  cette  contradion 
ôi.  cette  dilatation  font  fi  confidérables , 
que  la  pupille,  qui  dans  l'oblluriié  cf! 
Tonde  &  i.irge,  devient  au  gnuid  jour 
longue  &  étroite  comme  une  ligne  ,  & 
dès- lors  ces  animaux  voient  m"cux  la 
nuit  que  le  jour,  comme  on  le  remarcjue 
dans  Ici  chouettes,  les  hiboux,  &c.  car 
la  forme  de  la  pupille  e(l  toujours  ronde 
dès  qu'elle  n'ell  pas  contrahuc.  Il  y  a 
dune  contra»51ion  continuelle  dans  l'œil 
du  chat  pcTidant  le  jour,  &  ce  n'ell , 
pour  ainfi  dire,  que  par  cfT )rt  qu'il  voit 


a  une  grande  lumière  ;  au  lieu  que  uans 
le  crépulcule,  la  pupille  reprenant  (on 
ctat  nature!  ,    il  voit    pL.r  faite  meut ,    ^ 


ifitc 


#1^ 


^^ 


vient  (le 
conFor- 
ux.  La 
ciun.s  fa 

^^•'e  d'un 
de  diliN 
'que  la 
rqu'tfle 
Ju  chat 
fradion 
■"labfes , 
riié  ef! 
d  jour 
ne,   ôc 

veux  Ja 

marque 

5:c.  car 

'  ronde 
n  y  a 

s  l'œil 
n'eli, 

ii  voit 

e  dans 

it   fou 


//«  C/Mt.  375) 

profite  Je  cet  avantage  pour  rcc€n« 
noître,  attaquer  Ôi  furp rendre  les  autres 
animaux. 

On  ne  peut  pns  dire  que  Tes  chats , 
quoiqu'habiuuis  de  nos  niaifons  ,  foient 
des  aiiijnaux  entièrement  domedicjues  ; 
ceux  qui  font  le  mieux  apprivoiU's  n'en 
font  pas  plus  afîèrvis  :  on  peut  même 
dire  cju'iis  font  entièrement  libres ,  ils 
refont  que  ce  qu'ils  veulent,  Ôi  rîcii 
au  monde  ne  feroit  capable  de  les  retenir 
un  inftant  de  plus  dans  un  lieu  dont 
ils  voudroient  s'éloigner.  D'ailleurs  \st 
piuj)ari  font  à  demi-Ihuvages ,  ne  con- 
noilTcnt  pa^  leurs  maîtres,  ne  fréquentent 
que  les  greniers  &  les  toits ,  &  quelque- 
fois la  cuifine  &.  l'office,  lorfque  la  faim 
les  prcfTe.  Quoiqu'on  e%i  élève  plus  que 
de  chiens  ,  comm/  on  les  rencontre 
rarement,  ils  ne  f  nt  pas  fenfaiion  pour 
le  nombre  ,  aufH  prennent  -  ils  moins 
d*attac bernent  pour  les  perfonnes  que 
p(»)ur  les  maifons  :  larfqu'on  les  tranf- 
pone  à  des  diftances  afîcz  confidérables , 
comme  à  une  lieue  ou  deux ,  ils  re- 
viennent d'eux-mêmes  à  leur  grenier, 
ôc  c'lU    ai'parcmmem    parce    qu'ils  ai 


38a  Hifloire  Naturelle 

connoîiïent  tomes  les  retraites  à  fourîs  ^ 
toutes  les   ifîues,   tous   les    pafîages  ,  & 
que    ia    jiieine  du   voyage  efl   moindre 
que   ccife    qu'il    faudroit  prendre   pour 
acquérir  les  mêmes  facilités  dans  un  nou- 
veau pays.  Ils  craignent  l'eau  ,    le  froid 
ëi  \t^  mauvaifcs  odeurs  ;   ils  aiment  à  fe 
Tenir  au  foleii  :    ils  cherchent  à  fc  crîter 
clans  les  lieux  les  pkî3  chraids ,  derritre  les 
chewirnécs  ou   dans  les  foiîrs  ;  ils  aiiiicr.t 
aufîi  les  parfums,  &  fe  laiffent  vcioniicis 
prendre  (îk  carefTer  par  les  jjerfonnes  qui 
en  portent  :  l'odeur  de  cette  plante  qi;c 
l'on    appelle    VHtrbe  -  aux  -  ehûts  ,    les 
remue  fi  fortement  6l  fj  utncicuknie'/.l , 
qu'ils  en  paroilfent  iranfporiei.  de  plaliir, 
On  çft   oblige  ,    pour  conlèi ver  cete 
plante  dans  Jes  jardins  ,  de  l'entourer  d'un 
treillage  fermé  ;    îcj   chats  la   fentent  de 
loin  ,  accourent  pour  s'y  frotter,  ])ul!cit 
&  re[);irfcnt  {^\  fou  vent  ])ar-deflu5,  cpjMs 
la  dctruiicnt  en  peu  de  temps. 

A  quinze  ou  dix- huit  mois,  ces  nni- 
inaux  ont  pris  tout  leur  accroi(îeFncn:  ; 
ils  font  aulîî  en  état  d'crcrendrer  avpnt 
l'âge  d'un  an,  c^  peuvent  s  .^ccoujVtT 
pendant  louie  kur  vie,  qui  ix  i'tiicnd 


quor 
briUe 
près 
au  d( 


^u  Clutt.  381 

••iRr€  au-delà  de  neuf  ou  dix  ans;  ils  (ont 
ccj)cndant  très-durs,  très-vivaces,  &  ont 
plus  de  nerf  ôl  de  reflbrt  que  d'autres 
Animaux  qui  vivent  plus  long- temps. 

Les  chats    ne  peuvent  mâcher  que 
îentemcnt  &  difficilement  ,    îeur.s    utnts 
ioiu  il  cour:es  &  li  mal  pM^lecs  qit'eilcs 
ne  {eur  fer  vent  q^ïi  dichi/e;  &  noii  pas 
à  hroycY  les  aiinieas;  auffi  cherchcni-iis 
de  préférence,  tes  viai:dci  ies  plus  te:\dresj 
ils  aiment  le  poiffcn  &  le  niun^ciu  cuit 
ou  crud  ;  ils  boivent  frcqueinment  ;  leur 
fommeii  eftic'ger,  &  ils  dorment  moins 
qu'ils  ne  font  ièrablant  de    dormir  ;    ils 
marchent  légèrement  ,  prefqne  toujours 
en  filcnce  6c  fans  faire  aucun  bruit;  ils  (e 
cachent  &  s'cloignem  pour  rendre  leurs 
cxcrémens   ik    les   recouvrent   de   terre. 
Comme  ils  font  propres,   &  que  leur 
robe  e(l  toujours  fèche  &  iuftrée ,  leur 
poil  s'élcdriie  aiîément,  &  l'on  en  voii: 
fortir  des  étincelles  dans  l'oblcurite  lor(^ 
qu'on  le  frotte  avec  la  main:  leurs  yeux 
brillent  auffi   dans  les  ténèbres  ,    à    peu 
près  comme  les  diiunans,  qui  réfléchiflcnt 
au  dehors  pendant  la  nuit  la  lumière  doiu 


•382  Htfloïn  NcifiircHe 

\h  fe  font,  pour  ainfi  dire,  imbibes  pen- 
dant le  jour. 

Le    chat    fàuvage   produit    avec  [e 
chat  domeftique ,   &.  tous  deux  ne  font 
par  conféquent  qu'une    feule  &  même 
efpèce  :   il   n'efl:   pas  rare   de    voir   des 
chats  mâles  &  femelles  quitter  les  maifons 
dans  le  temps   de  la   chaleur   pour  aller 
dans  les  bois  chercher  les  chats  fàuvages , 
&  revenir  enfuite  à  leur  habitation  ;   c'cft 
par  cette  raifon  que  quelques-uns   de 
nos  chats  domeftiques  refîèmblent  tout- 
à-fait  aux  chats  fiuvagcs  ;   la  différence 
îa  plus  rceile  cft  à  l'intérieur ,    le   chat 
domeftique   a  ordinairement  les  boyaux 
beaucoup  plus  longs  quck  chat  fauvage, 
cependant  le  chat  fauvage  eft  plus  fort 
&   plus    gros  que  le  chat  domeftique , 
il  a  toujours  les  lèvres  noires,  les  oreilles 
plus   roides ,    la    queue  plus  grofle  de 
ics  couleurs  confiantes.   Dans  ce  climat 
on   ne  connoît  qu'une  efpcce  de  chat 
fauvage  ,  &  il  paroîc  par  le  témoignage 
àes  voyageurs  que   cette  efpèce  le  re- 
trouve aulli  dans  prefque  tous  les  climats 
iàns  être  fujettc  à  de  grandes  variétés; 


II. 


JCS 


pen. 


avec  fe 
ne  font 
&  même 
voir   des 
s  maifons 
our  aller 
àuvages , 
)n;   ccft 
-uns  de 
ent  tom- 
ifférence 
le   chat 
boyaux 
fauvage, 
3ÎUS  fort 
leftique , 
s  oreilles 

Toflc  et 

€  climat 
de  chat 
oignage 
î  le  rc- 
i  climats 
aricics  ; 


iJd  Chdt» 


le 


8 


3 


du 


n  y  en  avoît  dans  le  continent  du  nou- 
veau Monde  avant  qu*on  en  eût  fait  la 
dtcouvcrte  ;  un  cbafîcur  en  porta  un 
qu'il  avoit  pi-is  dans  les  bois,  à  Chrif- 
tophe  Colomb  (a),  ce  chat  ^loît  d'une 
groffeur  ordinaire,  il  avoit  le  poil  gris- 
brun  ,  la  queue  très-longue  &  très-forte, 
II  y  avoit  auffi  de  ces  chats  fauvages  au 
Pérou  (b),  quoiqu'il  n'y  en  eût  point  de 
domeftiques;  il  y  en  a  en  Canada  (cj, 
dans  le  pays  des  Illinois,  &c.  On  en  a 
vu  dans  pîuficurs  endroits  de  l'Afrique , 
comme  en  Guine'e  (d),  à  la  Côte  d'or, 
s  Madagafcar  (e)  où  les  natureb  du  pays 
avoient  même  dts  chats  domeftiques , 
au  Cap  de  Bonne  -  cfpérance  (fj  ovi 
Kolbe  dit  qu'il  le  trouve  aufîi  des  chats 

{ hsl)   Vie    de  Chriftophc  Colomb,  11*  partit ^ 
page  167. 

(h)  Hiftoire  des  încas,  tome  II ,  page  112» 

(c )  Miftoire  de  la  nouvelle  France  par  fe  Père 
Gharlevoix,  lome  III,  page  -^07. 

{<{)  Hirtoire  générale  des  voyages,  par  M*  l'abhé 
Prevôl,  tome  IK  page  2)0, 

(e)  Relation  de  François  Gauche.  Paris ,   téfii 


^age  22  j. 


(f)    Defcription  du  Gap  de  Bonnc-elpcrancc  ^ 
J»r  Kolbc,  page  ^^, 


3S4         Hîflinre  Naturelle 

fauvagcs    de  couleur  bleue ,    quoîquea 
peiit    iioinbre  :     ces    chats    bteus  ,    ou 
plutôt  ccrulcur  d'ardoilè,   le  retrouvent 
en  A  fie.  c<  il  y  a  en    PciTe ,  dit    Pietro 
33  délia  Vallc  (g),  une  efpèce  de  chats  qui 
î>  lorjt   piroprement   de    la  province  du 
>3  Cliorazan;  leur  grandeur  &  leur  forme 
>>  cil   comme    celle    du   chat  ordinaire  ; 
»  leur  beauté  confiUe  dans  leur  couleur 
»  &   dans   leur    poil ,   qui  eft  gris  laiis 
53  aucune  moucheture  6c  iàns  nulle  tache, 
>3  d'uiKfinême  couleur  par  tout  le  corps, 
>5  il   ce    n  cil    qu  elle   cil   un   peu    plus 
33  obfcure   fur  le   dos  &  fur  fa  tête ,  <5c 
>5  plus    claire   fur    la   poitrine  &   fur  le 
33  ventre  ,    fjui    va    quelquefois   jufqu'à 
>3  la   blancheur  ,    avec  ce   tempérament 
>3  agréable    de    clair  -  obfcur  ,    comme 
30  jjarlcnt  les    Peintres ,  qui ,   mclés  Tun 
3J  dans  l'autre  font  un  merveilleux  effet  : 
>y  de. plus  leur  poil  cil  délié,  lin  ,  lullré, 
»  mollet ,    délicat   comme   la  loie ,    &   li 
ïïloiig,    que   qnoi((u'ii   ne   Toit  j):ii   hé- 
3>  rifîé  ,   mais   couehé  ,    W  ell:   am:cîé   en 
»  quelques  endroits,  ^   piirticulicremcnt 

(g)  Voyages  dt  Pietro  ddla  Vallc ,  terne  V,  pa^cs  ç  S 

ious 


uoiquca 
ÎUS  ,     ou 

trouvent 
Pietro 
:hats  qui 
ince  du 
ir  forme 
dinairc  ; 
couleur 
ris  (lins 
e  tache, 
;  corps, 
îu   plus 
tête,  <5: 
fur  fe 
jufqu'à 
î  rament 
comme 
lés  l'un 
K  effet  : 
ludre', 
,    &    il 
:\i   hc- 
cic   ejî 
reiijciu 

Vû^c-S  p  S 

fous 


<///  C/iat  385 

ibus  la  gorge.  Ces  chats  font  entre  ies  ce 
antres  chats  cc  que  ies  barhcts  font  « 
entre  les  chiens  :  le  plus  beau  de  leur  ce 
corps  cft  la  queue ,  qui  efl  fort  longue  ce 
&  toute  couverte  de  poils  longs  de  «c 
cinq  ou  fix  doigts  ;  ils  i'étendeni  &  ia  ce 
renver(ènt  fur  leur  dos  comme  font  les  ce 
écureuils ,  la  pointe  en  haut  en  forme  ce 
de  panache  ;  ils  font  fort  privés  :  les  ce 
Portugais  en  ont  porté  de  Perfc  juf-  « 
qu'aux  Indes.  »  Pietro  della  Vaiie  ajoute 
qu'il  en  avoit  quatre  couples ,  qu'il 
comptoit  porter  en  Italie.  On  voit  par 
cette  defcripîion,  que  ces  chats  de  Perle 
reircmblem  par  la  couleur  à  ceux  que 
nous  appelons  c/iûîs  chartreux,  &  qu'à 
\i  couleur  près  ils  reflemblent  parfaite- 
ment à  ceux  que  nous  appelons  chats 
d' Angora.  Il  efl  donc  vraifembiable  que 
les  chats  du  Chorazan  en  Pcrfe ,  le  chat 
d'Angora  en  Syrie  &  le  chat  chartreux 
ne  font  qu'une  même  race  ,  dont  ia 
beauté  vient  de  l'influence  particulière 
du  climat  de  Syrie,  comme  les  chats 
d'Efpagnc  ,  qui  font  rouges,  blancs  & 
roirs ,  ai  dont  le  poil  efl  aulFi  très-doux 
&  très-luflré,  doivent  cette  beauté  à 
Tome   VL  R 


386         Hifwire  NaîurcJk 

i'infîuence  du  climat  de  l'Efpagnc.  On 
peut  rlire  rn  générai  ,  que  de  tous  ies 
climats  de  ia  terre  habitable,  celui  d'Ef- 
pagnc  &  celui  de  Syrie  font  les  plus 
favorables  à  ces  belles  variétés  de  la 
Naiure;  \es  moutons,  les  chèvres,  les 
chiens,  les  chats,  les  lapins ,  &c.  ont  en 
Efpagne  &  en  Syrie  ia  plus  belle  iaine , 
les  plus  beaux  ôc  les  plus  iongs  poiis , 
les  couleurs  les  plus  agréables  6c  les  plus 
variées  :  ii  fèmble  que  ce  climat  adou- 
cifie  la  Nature  &  embeilifîe  ia  forme  de 
tous  ies  animaux.  Le  chat  fiuvagc  a  les 
couleurs  dures  &  le  poil  un  peu  rude , 
comme  ia  plupart  des  autres  animaux: 
fauvages  ;  devenu  domcfîique,  ie  poil 
s'cfl:  radouci,  ies  couleurs  ont  vnrié  ,  & 
<lans  le  climat  favorable  du  Chorazan  ik. 
de  ia  Syrie  le  poil  eft  devenu  plus  iong, 
plus  fin ,  plus  fourni ,  &  les  couleurs  fe 
font  uniformément  adoucies  ,  le  noir  & 
ic  roux  font  devenus  d'un  brun- clair , 
Je  gris- brun  cft  devenu  gris -cendre, 
&  en  comparant  un  ciiat  fiuvage  de 
nos  forêts  avec  un  chat  chnrircux  ,  on 
verra  qu'ils  ne  diffèrent  en  effec  que  pnr 
cette  dégradation  nuancée  de  couleurs; 


"11-  i 


ff.  On 

)us  les 

s  plus 
de  Ja 
2S,   les 
Dnt  en 
laine , 
poils , 
?s  plus 
adou- 
nie  de 
:  a  les 
rude, 
imaux: 
e  poif 
ié  ,  & 
zan  ëc 
long, 
;urs  fc 
lOfr  (Se 
clair  , 
ndrc, 
;;e  de 
: ,   on 
c  par 
eurs; 


Ju   Cfiaf,  387 

«nfuiîe ,  comme  ces  animaux  ont  plus 
ou  moins  de  blanc  fous  le  ventre  &  aux 
côtés  ,  on  concevra  aifément  que  pour 
avoir  des  chats  tous  blancs  &  à  loncrs 
poils,  tels  que  ceux ~ que  nous  appelons 
proprement  chats  d'Angora ,  il  n'a  fallu 
que  choifir  dans  cette  race  adoucie  ceux 
qui  avoient  le  plus  de  blanc  aux  côtés 
^  fous  le  ventre  ,  &  qu'en  les  unifTant 
cnfemble  on  fera  parvenu  à  leur  faire 
produire  des  chats  entièrement  blancs  , 
comme  on  l'a  fait  aulîi  pour  avoir  d^s 
lapins  blancs ,  des  chiens  blancs ,  ÛQ^ 
chèvres  blanches,  des  cerfs  blancs,  des 
daims  blancs ,  &c.  Dans  le  chat  d'Ef- 
pagne ,  qui  n'ell  qu'une  autre  variété 
du  chat  fiuvnge  ,  les  couleurs,  au  lieu 
de  s'être  affbiblies  par*'nuanccs  uniformes 
comme  dans  le  chat  de  Syrie,  fc  font, 
pour  ainfî  dire ,  exaltées  dans  le  climat 
d'Efpagne  &  font  devenues  plus  vives 
&  plus  tranchées ,  le  roux  cft  devenu 
j)rc(que  rouge ,  le  brun  eit  devenu  noir, 
ôi  le  gris  eft  devenu  blanc.  Ces  chats  y 
tranfportés  aux  îles  de  l'Amérique  ont 
confèrvé  leurs  belles  couleurs  &  n'ont 
pas  dégénéré  :  «  11  y  a  aux   Aiifiiles, 

R  ij: 


388  Hiflolre  Naturelle 

y>  dit  le  P.  du  Tertre ,  grand  nombre  d« 
>3  chats  ,  qui  vraifembiablement  y  ont 
»  été  apportés  par  ics  Efpagnols ,  la 
>•  plupart  font  marqués  de  roux  ,  de 
y>  blanc  &  de  noir  :  plufieurs  de  nos 
»  François ,  après  en  avoir  mangé  la 
>5  chair ,  emportent  les  peaux  en  France 
»  pour  fes  vendre.  Ces  chats ,  au  com- 
»  mencement  que  nous  fumes  dans  la 
»î  Guadeloupe ,  étoient  tellement  accou- 
y»  tumés  à  le  repaître  de  perdrix,  de 
»  tourterelles,  de  grives  &  d'autres  petits 
»  oiièaux ,  qu'ils  ne  daignoient  pas  re- 
>5  garder  les  rats  ;  mais  le  gibier  étant 
»  aduellemcnt  fort  diminué  ,  ils  ont 
»  rompu  la  trêve  avec  les  rats ,  ils  leur 
font  bonne  guerre  (a),  &c.  »  En  gé- 
néral fes  chats  ne-  font  pas ,  comme  les 
chiens ,  fujets  à  s'altérer  &  à  dégénérer 
lorfqu'on  les  tranfporte  dans  les  climats 
chauds. 

ic  Les  chats  d'Europe ,  dît  Bofman  , 
»  tranfportés  en  Guinée  ,  ne  font  pas 
>>  fujets  à  changer  comme  ies   chiens , 


ai( 


(a)  Hiftoire  créncraîe  des  Antilles,  pai:  le  P»  du 


nos 
igc  la 
rance 

CO'Tl- 

ans  la 
ccou- 
<,   de 
petits 
lis  re- 
étant 
ont 
leur 


Hs  gardent  la  même  figure  ^BJ,  &c.  » 
Ils  font  en  effet  d'une  nature  beaucoup 
plus  confiante  ,  &  comme  leur  domefli- 
cité  n'efl  nr  auffi  entière  ,  ni  auffi  uni* 
verfelle ,  ni  peut-être  aufîi  ancienne  que 
celle  du  chien ,  il  n'efl  pas  flirprenant 
qu'ils  aient  moins  varié.  Nos  chats  do- 
mefliques,  quoique  différent  f es  uns  des 
autres  par  les  couleurs,  ne  forment  point 
de  races  difliiii^cs  &  féparées  ;  les  feuls 
climats  d'Efpagne  &  de  Syrie,  ou  du 
Chorazan,  ont  produit  des  variétés  conf* 
tantes  &  qui  fè  font  perpétuées  :  on 
pourroit  encore  y  joindre  le  climat  de 
Ja  province  de  Pc-chi-ly  à  la  Chine ^ 
où  il  y  a  des  chats  à  longs  poils  avec 
l€s  oreilles  pendantes ,  que  les  dames 
Chinoifes  aiment  beaucoup  fcj.  Ces  chats 
domefliques  à  oreilles  pendantes,  dont 
nous  n'avons  pas  une  plus  ample  defcrip- 
tion,  font  fluis  doute  encore  plus  éloignés 
que  le>  autres  qui  ont  les  oreilles  droites, 
de  la  race  du  chat  fauvage,   qui  néan- 

f  B  J    Voyage  de    Guinée   par  Eofinan ,   j>agi 

(c)  Hifloire  générale  cfes  voyages,  par  M.  l'abbé 
Prev<>t,  lomc  VJ,  page  10» 

R  iij 


j^o         Hifon-e  Naturelle 

moins  cfl:  la  race  originaire  &  primitive 
de  tous  les  chats. 

Nous  terminerons  ici  l'hiftoire  du 
char ,  &  en  même  temps  l'hifloire  des 
animaux  domelliques.  Le  cheval,  l'âne, 
Je  bœuf,  la  brebis,  la  chèvre,  le  cochon, 
ie  chien  &  le  chat,  font  nos  feuls  ani- 
maux domeftiques  :  nous  n'y  joignons 
pas  le  chameau,  l'éléphant,  le  renne  ^ 
les  autres  ,  qui  ,  quoique  domdliques 
ailleurs,  n'en  font  pas  moins  étrangers 
pour  nous ,  &  ce  ne  fera  qu'après  avoir 
ilonné  l'hilloire  des  animaux  fmvages 
de  notre  climat  que  nous  parlerons  iï<i^ 
animaux  étrangers.  D'ailleurs,  comme  ic 
chat  n'efl: ,  pour  ainfi  dire  ,  qu'à  dcmi- 
domelliquc ,  il  fait  la  nuance  entre  les 
animaux  domeftiques  &  les  animaux 
fauvagcs  :  car  on  ne  doit  pas  mettre  au 
nombre  des  domefliqucs  ,  des  voifins  in- 
commodes tels  que  les  fouris ,  les  rats  , 
îts  taupes,  qui,  quoiqu'habitans  de  noi 
maifons  ou  de  nos  jardins,  n'en  font 
pas  moins  libres  &  (auvagcs ,  puifqu'au 
lieu  d'être  atiaclies  &  foumis  à  l'homme 
jis  le  fuient,  &  que  dans  leurs  retraites 
obfcurcs    ils    conicrvent  leurs  maurs  , 


(h  Chat,  39 1 

ïeurs   habitudes    &    leur    liberté    toute 

t  litière. 

On  a  vu  dans  l'hiftoire  de  chaque 
animal  doinellicjuc  ,  combien  l'éduca- 
tion ,  l'abri ,  le  foin  ,  la  main  de  l'homme 
influent  fur  le  naturel ,  fur  les  mœurs , 
c^  même  fur  la  forme  des  animaux* 
On  a  vu  que  ces  caufes,  jointes  à  l'in- 
fiucnce  du  climat,  modifient,  altèrent  & 
changent  les  efpcces  au  point  d'êire 
dîfu'ientcs  de  ce  qu'elles  étoient  origi- 
nairement, &  rendent  les  individus  (t 
d.fïérens  entr'cux ,  dans  le  même  temps 
&  dans  la  même  efpèce ,  qu'on  auroit 
raifon  de  les  regarder  comme  des  ani- 
maux diffcrens  ,  s'ils  ne  confervoient  pas 
la  faculté  de  {)roduirc  cnrcm]:)le  des  in- 
dividus féconds,  ce  qui  fait  le  caradlèrc 
eflentiel  &  unique  de  l'efpècc.  On  a  vu 
que  les  dilîércnies  races  de  ces  animau>i 
domciliqucs  fui  vent  dans  les  difïérens 
climats  le  même  ordre  à  peu  près  que 
les  races  humaines  ;  qu'ils  font ,  comme 
ics  hommes,  y^lus  forts,  plus  prands  <& 
plus  courageux  dans  les  pays  froids ,. 
plus  civililés  ,  plus  doux  dans  le  (  ."inat 
tempéré;   plus  lâches,    plus  foibies    & 


35>2         HiJIôire  Naturelle 

plus  laids  dans  les  climats  trop  chauds  j 
que   c'ell  encore  dins  les    climats  tem-* 
pérës  &  chez  les  peuples  les  plus  police's 
que   fe  trouvent  \\  plus  grande  diver- 
fité  ,   le  plus  grand  mélange  &  les  plus 
lîombreufcs  variétés  dans  chaque  efpèce  ; 
&  ce  qui  n'cft  pis   moins  digne  de  re- 
marf|ue,  c'eil  qu'il  y  a  dans  les  animau*: 
pîufieurs  fignes  évidcns  de  l'ancienneté 
de  leur  cfcluvage  :  les  oreilles  pendantes, 
les  couleurs  variées  ;    les  poils  longs  & 
fins ,  font  autant  d'effets  produits  par  le 
t«mps ,   ou   plutôt  par  la  longue  durée 
de  leur   domcRIcité.    Prefque    tous    les 
animaux  libres  &  fliuvages  ont  les  oreilles 
droites  ;   le  (anglier  les  a  droites  &  roidcs^ 
le  cochon  domellique  les  a  inclinoes  & 
demi  -  pendantes.    Chez    les    Lappons  , 
chez  les  Sauvages  de  l'Amérique,  chez 
les  Hottentois ,  chez   les  Nègres  &  les 
autres   peuples    non    policés  ,    taus  les 
chiens  ont  les  oreilles    droites  ;   au   lieu 
qu'en  Efpagne,  en   France,  en  Angle- 
terre, en  Turquie,  en  Pcrfc,  à  la  Chine 
&  dans  tous  les  pays  civilités,  la  plupart 
les  ont  molles   &  pendantes.   Les   chats 
domefliques    n'oui    pas    Lfs    oreilles  û 


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roîcîes  que  les  chats  fliuvagcs ,  &  l'on 
voit  qu'à  la  Chine ,  cjui  cit  un  empire 
très- anciennement  policé  &  où  le  climat 
efl:  fort  doux,  il  y  a  des  chats  domeftiqucs 
à  oreilles  penclames.  C'eil  par  cette  même 
railon  que  la  chèvre  d'Angora,  qui  a 
les  oreilles  })endantes ,  doit  être  regardée 
entre  toutes  les  chèvres  comme  celle  qui 
s'eloigi:c  le  plus  de  l'état  de  nature  :  l'in- 
fluence U  gér.èrale  i3c  fi  marquée  du 
climat  de  Syrie  ,  jointe  à  la  domefticité 
de  ces  arxiniaux  chez  un  peu]:)le  très- 
anciennement  po'icé  ,  aura  produit  avec 
le  temps  cette  v:iriété,  qui  ne  fe  ma'n- 
tiendroit  }-:.s  dans  un  aune  climat.  Les 
chèvres  d'Angora  nées  en  France  n'ont 
pas  les  oreilles  aufîi  longues  ni  aufîi 
pendantes  o\i\\\  Syrie,  &  reprendroient 
vrailtmblab'cmcnt  les  oreilles  &  le  |)oil 
de  nos  chèvres  après  un  certain  nombre 
de  générations. 


Fin  du  Jixième  volumCé 


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