^.
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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1.0
l.l
1.25
Jri^ IIIIM
"làâ
il
lllll 1.8
1.4
II
1.6
V]
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Photographie
Sdenœs
Corporation
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33 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N.Y. M580
(716) 872-4503
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICJVIH
Collection de
microfiches.
Canadian Institute for Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques
Technîcal and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
The Institute has attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of this
copy which may be bibliographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or which may significantly change
the usuel method of filming, are checked below.
D
D
Coloured covers/
Couverture de couleur
I I Covers damaged/
Couverture endommagée
Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
I I Cover title missing/
Le titre de couverture manque
I I Coloured maps/
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmage
sont indiqués ci-dessous.
□ Coloured pages/
Pages de couleur
□ Pages damaged/
Pages endommagées
□ Pages restored and/or laminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
\L
Cartes géographiques en couleur
D
Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
Pages detached/
Pages détachées
Tl
te
Tl
P
o
fi
O
b
tl"
si
01
fil
si
01
D
D
n
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
Encre de couleur (i-e. autre que bleue ou noire)
I I Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La re liure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
1/
D
D
Showthrough/
Transparence
Quality of print varies/
Qualité inégale de l'impression
I I includes supplementary matériel/
Comprend du matériel supplémentaire
Only édition available/
Seule édition disponible
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure imege possible.
Tl
sh
Tl
w
M
dii
er
bfl
ris
re<
mi
V
Additional commenta:/
Commentaires supplémentaires,-
Les pages froissées peuvent causer de la distorsion.
This item is filmed at the réduction ratio checked below/
Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous.
10X
14X
18X
22X
26X
30X
y
12X
16X
20X
24X
28X
32X
The copy filmed hore has been reproducad thank*
to tha ganarosity of:
Seminary of Québec
Library
L'axamplaira filmé fut reproduit grâce à la
générosité de:
Séminaire de Québec
' Bibliothèque
The images appearing hère are the beat quality
possible considering the condition and legibility
of the original copy and in keeping with the
filming contract spécifications.
Original copies in printed paper covers are filmed
beginning with the front cover and ending on
the lest page with a printed or illustratod impres*
sion. or the back cover when appropriate. Ail
other original copies ara filmed beginning on the
first page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the last page with a printed
or illustrated impression.
The last recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol — *> (meaning "CON-
TINUED"). or the symbol V (meaning "ENO"),
whichever applies.
Maps, plates, charts. etc.. may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom. as many frames as
required. The following diagrama illustrate the
method:
Lea Images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
filmage.
Les exemplaires originaux dont .la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impreasion ou d'illustration, soit par le second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — *> signifie "A SUIVRE", le
symbole V signifie "FIN".
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés è des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé é partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche è droite.
et de haut en bas. en prenant le nombre
d'imagea nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
1
2
3
1
2
3
4
5
6
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NATURELLE,
GÉNÉRALE ET PARTICULIERE.
r^r M. DE BuFFON, Intendant du Jardin
du Roi, de l'Académie Fratiçoife , & de
celle des Sciences , &c,
NOUVELLE ÉDITION.
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Tome Sixième.
A PARIS,
DE UIMPRIMERIE ROYALE,
M. D C C L X 1 X..
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1 „....,».-.- •
Chez PaNCKOUCKE, Lîbraîre„
à l'hôtel (le Thou, rue des Poitevins ê
(Bumler Saint'André'deS'Ard^^
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ES Ampiaux Jomefllques, page
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Sanglier, M .......... ^ 272
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HISTOIRE
.--'j.
HISTOIRE
NATURELLE.
Les Animaux domejliques.
L
HOMME change l'état naturel des
animaux en les forçant à lui obéir ,
& les faifant ferVir à (ow ufigc : un
lal domelliauc efl
fdave dont ^
anim:
on s'amule , dont on le lert , dont on
nbufe, qu'on altère, qu'on de'païfe <Sc
que Ton dénatura, tandis que l'animai
fauvage n'obéifTant qu'à la Nature, ne
connoît d'autres ïoix que celles du be-
foin & de fa liberté. L'hiftoire d'un
animal fauvage cft donc bornée à un
petit nombre de faits émanés de la fimple
Nature, au lieu que t'hiftoîrc d'un ani-
mai domeftique cil: compliquée de tout
ce qui a rapport à l'art que l'on emploîç
Jomi VL A
'X Hifloirâ Naturcïle
pour Vapprivoifer ou pour lefubjuguer;
&L coiiiinc on ne fait pas aflcz combieu
i'excmplc , la contrainte , la force de
j'habiiude , peuvent influer fur les ani-
jnaux & changer leurs niouveniens »
ieurs dcicrminaiions , leurs pcnchans ,
le but d'un Naturalirte doit être de les
.oWcrver afTcz pour pouvoir dillingucr
les faits qui dépendent de l'inftiiid ,
■de ceux qui ne viennent que de l'édu-
cation ; reconnoître ce qui leur appar-
tient <& ce qu'ils ont emprunté , féparer
ce qu'ils font de ce qu'on leur fait
fiire, & ne jamais confondre Tanimal
avec iefclave, la bécc de femme avec
Ja créature de Dieu.
L'empire de l'homme fur les animaux
eft un empire légitime qu'aucune révo-
lution ne peut détruire , c'tll l'empire
de Tefprit fur Ja matière , c'eft non-
feulement un droit de nature , un pou-
voir fondé fur i\^^ loix inaltérables,
nviis c'«(l encore un don de Dieu , par
lequel rhorame peut rccomioïtre à tout
inflam rcxcellcnce de fon êire ; car ce
n*cft pas parce qu'il efl le plus parfait ,
te plus fon. ou le plui adroit de» aniiiiaus^
3
%
ii.
\
J
iguer ;
rcc (ie
es ;ini-
chans ,
de les
lingucr
iftina ,
l'cciu-
appar-
leparer
:ur fait
ranimai
le avec
ni m aux
e révo-
cmpire
non-
a pou-
érables ,
u, par
t à tout
car ce
arfait ,
liniaux
ées Animaux: f
qu'il îcur commande : s'il nVtoît que
le premier du même ordre, les (cconds
fe réuniruient pour lui difpuier l'empire;
mais c'efl par rupériorité de nature que
l'homme règne & commande , il peafe ,
ôc d^s-lors il eil maître des êtres qui ne
penfent point.
,. Il efl maître des corps bruts, qui
ne peuvent oppofer à fa volonté qu'une
lourde refiftance ou qu'une inflexible
dureté , que fa main fait toujours fur-
monicr & vaincre en les faifant agir les
uns contre les autres; il e(ï maître des
végétaux , que par fon induftrie il peut
augmenter, diminuer, renouveler, dé-
naturer , détruire ou multiplier à fin-
liai ; il efl maître des animaux , parce
que non-feuleracnt il a comme eux du
mouvement & du icntimcnt , mais qu'il
a de plus la lumière de la penfée , qu'il
connoît les fins &. les moyens , qu'il (ait
diriger fes a<îlions , concerter (es opéra-
tions , mefurcr (es mouvemens , vaincre
la force par l'cfprit, & la vite(re par
l'einploi du temps.
Cependant parmi les animaux les uns
paroifTent être plus ou moins familiers |
Ai/
4 f-Iifloke Naturelle . ' •
plus ou moins (âuvagcs , plus ou moîm
doux, plus ou moins féroces: que l'on
compare la docilité & la foumiiîioii
du chien avec la fierté & la férocité du
tigre , l'un paroît être l'ami de rhomirie
éc l'autre fon ennemi : fon empira fur
les animaux n'cft donc pas abfolu ,
combien d'efpèces favent fe foudrairc
à fa puifFance par la riipidité de leur
vol , par la légèreté de leur courfe ,
par robfcurité de leur retraite , par la
didance que met entre eux <Sc l'homme
l'élément qu'ils habitent î combien d'au-
tres er[>cccs kii échappent par leur feule
petitelfe î & enfin combien y en a- 1- il,
qui bien loin de reconnoître leur (ou-*
vcrain , l'attaquent à force ouverte , fins
parler de ccs«infe<^es qui femblcnt V\a-
îulier par leurs piqûres , de ces lèrpens
dont la morfure porte le poifon & la
mort , & de tant d'autres bêtes im-
mondes , incommodes, inutiles, qui
femblent n 'ex Hier que pour former la
nuance entre le mal & le bien , & faire
fentir à l'hoinMie combien , depuis (a
chute , il ell peu refpctflé !
CeA ^ju'il faut dUlingucr lempîrfi
m
1,
(Jcs Anhnciuw
u moîiis
(uc l'on
imifllou
:)cité du
i'hoininc
pirr fur
abfolu ,
"ouflrairc
de leur
courfc ,
, par la
l'homme
en d'au-
leur feule
n a-t-il
eur fou-*
rte , fins
cnt Tin-
s ferpens
on & la
)êtes im-
es , c[ui
brmer la
, & faire
epuis (a
1 empire
(}e Dieu du douK
de rh<
lomme :
JJicu créateur des êtres cil feul maître
de la Nature, l'homme ne peut rien
fur le produit de la création , il ne peut
rien fur les mouvemens des corps ce-
Iclles , fur les révolutions de ce globe
qu'il habite , il ne peut rien fur les
animaux , les végétaux , les minéraux
en général , il ne peut rien fur les el-
pèces, il ne peut que fur les individus;
car les efpcces en général & la matière
en bloc appartiennent à la Nature , ou
plutôt la confliiuent : tout (è pafîe ,
fe fuit , fc fuccède , fc renouvelle <5c
fe meut par une puiffance irréfiftiblc ;•
l'homme entraîné lui-même par le tor-
rent des temps , ne peut rien pour fa
propre durée ; lié par fon corps à la
matière , enveloppé dans le tourbillon
des êtres , il e(t forcé de fubir la loi
commune : il obéit à la même Puif-
fance , & comme tout le refte , il naît ,
croît & périt.
Mais le rayon divin dont l'homme
eft animé, l'anoblit & l'élève au - delTus
de tous les êtres matériels ; cette fubf-
tance (jpiritucUe , loia d'être fujcttc à
A ii;
^^
w
ï 'Htpkê Naturelle
Ja matière , a le droit de la fliîre obeîr f
& quoiqu'elle ne puilîc pas commander
à ia Nature eniicrc, elle domine fur les
êtres pariiculiers : Dieu , fource unique
de toute lumière & de toute intelligence,
régit l'Univers & les cfpèces entières
avec une puiiTance infinie; l'homme, qui
n'a qu'un rayon de cette inicUigence ,
n'a de même qu'une puifTance limitée à
de petites |)ortions de niuiière, ôc n'eft
maître que des individus.
C'ert donc par les talcns de refprît ,
ôi non par la force & par les autres
'qualités de la matière, que l'homme a
fu fubjugiicr les animaux : dans les pre-
miers temps ils dévoient être tous tga-
leniei'U indépcndans; l'homme, devenu
criminel <Sc féroce , èioit peu propre à
les apprivoifer, il a fallu du tcmj)s pour
ies ap[)rocher , pour les reconnohre ,.
pour les chuifir, pour les domjner; il
a fillu (ju'il fût civilifé lui-même pour
favoir iiillruirc ô<. commander, ôl l'em-
pire fur ies animaux , comme tous ies
autres empires , n'a été fondé qu'après
k fociété.
C'dl d'elle que l'homme tient fa
w
refprît ,
s autres
omme a
les prc-
devenu
:)ropre à
j)s pour
inoître ,,
jner ; il
ne pour
6w i'ein-
lous les
ju'après
tient fa
puilTiuice , cV(t par elle qu'il a perfec-
tionné la rarfon , exerce Ion efprit &
rcuni les forces , auparavant l'homme
ctoit peut-êire l'animai le plus fiuvage
Si. le moins redoutable de tous : nu ,
fans armes & (ans abri , la terre n'ctoit
pour lui qu'un vade deitrt peuplé de
monflres , dont fouvcnt il dcvenoit h
Si
l
lem
ps
>rcs
iiei
même
l'hilloirc nous dit que les pi
héros n'ont été que des dcilruv5leufS
de hê es.
Mais lorffju'avec le temps l'efpèce
iiumaine s'eft étendue, multipliée, ré-
pandue, & qu'à la faveur des arts & de
la fociété l'homme a pu marcher en
force p3ur conquérir l'Univers, il a fait
reculer peu à peu les bê:es féroces , ii
a purgé la terre de ces animuix g'gni-
tcicjues dont nous trouvons encore les
oflenicns énormes, il a détruit ou réduit
à un peiit nombre d'individus les ef
])cccs voraccs Ôi nullîbles, il a o,>porc
les animaux aux aiiimaux, & fubjuguaiit
les uns pir adreffe, domptant les autres
par la f ;rce , ou les écartant par le
nombre^ Ck les attaquant tous pur des
A iny
I I
■'I
$ Hifloire Natttrelle , &c.
moyens raifonnés , il eft parvenu à fc
iricitie en fûrcie, & à établir un empire
qui n'cfl hurnc que par les lieux inac-
ccHiMes, les folitudes reculées, les fabics
bfûlans, les montagnes glacées, les ca-
vernes obfcures , qui fervent de retraites
au peiit nombre d'efpèccâ d'animaux
tndompiabJes. \ '
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1 empire
IX inac-
es fabies
les ca-
retraites
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ZJ5' CHEVAL.
LA plus noble conquête que l'homme
ait jamais faiie , efl: celle de ce fier
& fougueux animal qui partage avec
lui les fatigues de la guerre & la gloire
des combats ; aufîi intrépide que foa
maître , le cheval voit le péril & l'af-
fronte , il fe fait au bruit des armes ,
il l'aime, il le cherche Sl s'anime de la
même ardeur : il partage auffi fcs plai-
firs , à la chalTc , aux tournois , à la
courfe, il brille, il ëuncetle; mais docile
autant que courageux , il ne fe laifTe point
emporter à fon feu , il (ait réprimer fe$
mouvemcns , non - feulement il fléchit
fous la main de celui qui le guide ,
mais il femble confulier fcs deiirs, <à
obéifTant toujours aux imprcfîions qu'il
en reçoit , il fe précipite , (c modère
ou s'arrête , & n*agit que pour y fatis^
* faire ; c'eft une créature qui renonce à
fon être pour n'cxifter que par la vo-
lonté d'un autre , qui fait même la pré-
irenir, qui^ par la promptitude & b-
A V . -
)'.ji
'hwt/ii Srtii'r
,1 o 'HiJIoire Naturelle
précifion de fès mouvemcns Peyprîmô
& i'cxécuie, qui fent autant qu'on le
defire , & ne rend qu'autant qu'on veut,
qui fe livrant fans réfcrve , ne fc refufe
à rien , fert de toutes Tes forces , s'excède
^ même meurt pour mieux obéir. , Jk
Voilà le cheval dont les talens font
développés , dont l'art a perfedionné
les qualités naturelles , qui dès le pre-
mier âge a été fuigné & enfuitc exercé ,
drefTé au fcrvice de l'homme ; c'efl par
la perte de fa liberté que commence Ion
cducaiion , ôi c'eft par la contrainte
qu'elle s'achève : ï'cfclavage ou la do-
me/licité de ces animaux cil même fi
univerfclle , Çi ancienne , que nous ne
les voyons que rarement dans leur état
naturel , ils font toujours couverts de
harnois dans leurs travaux , on ne les
délivre jamais de tous leurs liens, même
dans ks temps du repos , & fi on les
kiffe quelquefois errer en liberté dans
les pâturages , Hs y portent toujours les
marques de la (èrvitude, & fouvcnt les *
empreintes cruelles du travail & de la
douleur ; fa bouche eft déformée par
les plis que le mon a produits ; i^
■ë
lis font
dionné
le pre-
sxercé ,
:'efl par
lice l'on
ntraime
la do-
lême fî
ous ne
:ur e'iat
crts de
ne les
, même
on les
lé dans
)urs les
i^cnt les *
i de la
lée par
V'ii.î
'• Ju Cheval î i
flancs (ont entamés par des pîaîes , ou
fillonnés de cicatrices faites par l'éperon ;
Ja corne des pieds efl travcrfée par ^es
clous , rattitudc du corps cfl encore
gênée par l'impreflion fubfi fiante des
entraves habituelles , on les en délivreroit
€n vain , ils n'en feroient pas plus libres :
ceux même dont l'efclavage eft le plus
doux , qu'on ne nourrit , qu'on n'en-
tretient que pour le luxe & la magni-
ficence , & dont les chaînes dorées
fervent moins à leur parure . qu'à la
vanité de leur maître, font encore plus
deshonorés par l'élégance de leur toupet,
par les trèfles de leurs crins > par i'or
& la foie dont on les couvre, que par
les fers qui font fous leurs pieds. *
La Nature eft plus belle que l'art,
5c dans un être animé la liberté des
mouvc.nens fait la belle Nature : voyez:
ces chevaux qui fe font muhipliés dans
les contrées de l'Amérique Espagnole,
& qui vivent en chevaux libres, leur
démarche , leur courfe , leurs fjuts_j,,
font ni gênés ni mefurés; ficri
indépendance , ils fuient Ij
de l'homme, ils dédaigncn
lli Hijloire Naturelle
Wlis cherchent & trouvent cux-même^
la nourriture qui leur convient , ils
errent , ils bondillént en liberté dnns
des prairies imnitnles, où ils cueillent
les productions nouvelles d'un prin-
temps toujours nouveau : fans habi-
tation fixe , (iuis autre abri que celui
d^un ciel ferein , iJs refpirent un air plus
pur que celui de ces Palais voii es où
nous les renfermons en preflànt les
cfpaces qu*ils doivent occuper ; auffi
ces chenaux fauvages (ont-ils beaucoup
plus forts , plus légers , plus nerveux
que la plupart des chevaux domefli(|ues >
ils ont ce que donne la Nature , la
force & la noblefle , les autres n'ont
que ce cjue l'art peut donner, Tadreflc
éi l'agrément.
Le naturel de ces animaux n'efi
point féroce , ils font feulement fiers
& fauvages; quoique fupérieurs par la
force à la plupart des autres animaux^
jamais ils ne les attaquent , & ^'ils en
font attaqués , ils les dédaignent , les
écartent ou les écrafènt : ils vont auiîi
par troupes ^ fe réuniffent pour le
l^uiplaifir d'être enfembk| car iU n'out
fi
i. v
it fiers
par la
imaux^
'ils en
n , içs
t auin
our le
ixoat
' • .3/ Chevat 1|
aucune crainte, mais ifs prennent de
l*atfachcmcnt les uns pour les autres ;
comme l'herbe & les végétaux Kiffifena
à leur nourriture , qu'ils ont abondam-
ment de quoi fatisfaire leur appétit &
qu'ils n'ont aucun goût pour la chair
cle> animaux , ils ne lerfr font point la
guerre , ils ne fe la font point entr'eux ,
ils ne fe diTputent pas leur fubfiftance ,
ils n'ont jamais oecafion de ravir une
proie ou de s'arracher un bien , (burces
ordinaires de querelles & de combats
parmi les autres animaux earnafîiers : ils
vivent donc en paix , parce que leurs
appéiii!) font iiinpics & modérés, &
iju'ils ont aflez pour ne fe rien envier.
Tout ceia peur fe remarquer dans les
jeunes chevaux qu'on élève cnfemble
& qu'on mène en troupeaux , ils ont
ks mœur> douces & les qualités fociales ,
leur force & leur ardeur ne fe marquent
ordinairenicni que par des lignes d'é-
mulation; ils cherchant, à fe devancera
la courfe, à fe faire & même s'animer
au péril en fe défiant à traverfer une
rivière , fauter un foffé , & ceux qui
dans tes exercices naturels doiineat
ri 4 Hijlohe Naturelle '
l'exemple, ceux qui d'eux-mêmes vont
iej premiers , font les plus généreux ,
les meilleurs, & fouvent les plus dociles
& les plus ibuplci iorfqu'iis iont une
fois domptés.
Quelques anciens auteurs parlent des
clicvaux fauvag^ j & citent même les
lieux où ils ie trouvoicnt. Hérodote
dit que fur les bords de THypanis ea
Scythie, jI y avoit des chevaux fau-
vages qui étoient blancs, & que dans la
partie {èptenifionalc de la Thrace au-
delà du Danube , il y en avoit d'autres
qui avoicnt le poil long de cinq doigts
par tout le corps ; Ariftote cite la
Syrie, Pline les pays du nord , Strabou
les Alpes <& l'ETpagne comme des lieux
où Ton trouvoi'i des chevaux fauvagcs.
Parmi les modernes , Cardan dit la
jnême chafe de l'EcofTc & des Or-
cades (a), Olaiis de la Mofcovie,.
Dapper de Tile de Chypre, où il y
avoit, dit -il (h), des chevaux fauvag.es
(a) Viiî, AUrovand, de quadrup£diè, Joliped, lib. I ,
page 19.
(h) Voyez U dcfci ipiion des îles de TArchipe! )
.m
7u Cheval: ' ^jr
tjiiî ^toîcnt I)eaux & qui avoîent de la
force & de la vîtefTe ; Struys (c) de
l'île de May au cap Vert , où il y
avoit des chevaux fauvages fort petits ;
Léon l'Africain (d/ rapporte auffi qu'il
y avoit des chevaux fauvages dans les
déferts de l'Afrique & de TArabie, &
il aflure qu'il a vu lui-même dans les
folitudcs de Numidie , un poulain dom
le poil étoit blanc & la crinière crépue,
Marmol (ej confirme ce fait, en difant
qu'il y ew a quelques-uns dans les déferts
de l'Arabie & de la Lybie, qu'ils font
petits & de couleur cen^drée , qu'il y
en a auiîi de blancs > qu'ils ont la cri-
nière & les crins fort courts & hériiïes,.
&. que les chiens ni les chevaux domef-
tiques ne peuvent les atteindre à la
courfej on trouve aufli dans les Lettres
fc) Voyez îes voyais de Jean Struys. Rouent
7^/^, tonte 1, page / /,
(d) De Africa defcripîlone , part. II.*, vol. i r,;
|»agC3 75o & 757. /> . '
(e) Voye7. l'Afrique de MarmoL . /^^r/V , 7^/7;
imc J, /w^« je,
1
!
il
"ié Hijlohe Naturelle
édifiantes (f ), qu'a la Chine il y a dc^
chevaux fiiuvages fort petits.
Coiniiie toutes les parties de l'Europe
font aujourd'hui peuplées & prefque
également habiiées, on n'y trouve plus
de chevaux làuvages , & ceux que l'on
voit en Amérique font des chevaux
doiiieftrques ôl Européens d'origine ,
que les Elj)agnols y ont tranfportés , &
qui fè font multipliés dans les vaftes
déferts de ces contrées inhabitées ou
dépeuplées ; car cette efpèce d'animaux
jiRanquoit au nouveau monde. L'éton-
iiement & la frayeur que marquèrent
les hal)îtans du Mexique & du Pcrou
à l'iifpei^ des chevaux & des cavaliers,
firent afî'ez voir aux Efj^agnols que ces
animaux éioient abfolumcnt inconnus
dans CCS climats ; iU en tranfponèrent
donc un grand nombre , tant pour
leur fervicc & leur utilité particulière,
que pour en propager l'efpèce , ils en
Llchcrciu dans plufieurs îles , & n.^ême
dans le coiiiine;u, où ils fc font muhi-
(fj Voyez les Lettres cdiuantcs. Ricml XJCVff
imaux
,'éion-
ucrcnt
Pt-rou
raliers ,
ue ces
ronnus
rtèrent
pour
uli4;re ,
ils en
même
muliU
t XXV f,
* du Chevéït, '" '17
^»îî^s comme îes autres animaux fiuvages*
M. de la Salle (g/ en a vu en 1685
dans rAincricjue ltj)icntrionaIc, près de
Ja baie Saint- Louis, ces chevaux paif-
f )icnt dans les prairies , & ils éi^^ient il
farouches , qu'on ne pouvoir les ap-
procher. L'auicur (h) de l'hiftoirc des
aventuriers flibufticrs, dit « (|u'on voit
quelquefois dans l'île S.' Dominguc t
des troupes de plus de cinq cents che- <c
vaux qui courent tous enfemhie , <5t «
que lorfqu'ils aperçoivent un homme ce
ils s'arrêtent tous; fpje l'un d'eux s'ap- u
proche à une certaine diftance , foufiie «
des na féaux , prend la fuite, & (pièce
tous les autres le fui vent : » il ajoute
qu'il ne fait ii ces chevaux ont dcgonéré
en devenant fauvages , mais qu'il ne
les a pas trouvés aulîi beaux que ceux
d'El pagne , quoiqu'ils foicnt de cette
race , ce ils ont , dit - il , k tête fort
(g) Voyez les dernières découvertes dans l'A-
mcricjuc (cptentrionale de M. de la Salle, mifes aa
jour par M. ie chevalier Tonti. Paris, lé^p,
y âge 2;o,
(h) Voyez l'hifloire des aventuriers flibufticrs ,
pir Oexmelin. Paris, 1686^ tome 1, j'eiges 119.
iX J j i
il
Il \
il
! i
18 Hi/lolre l^aturelk
53 grofTe aulîi-bien que les jambes , qur
y> de plus font raboieufcs , ils ont au(Il
33 les oreilles &i le cou lonofs, les hiibi'
les appri voilent aifément
ifuiie travailler , les chal-
>3 tans du navs
payj
î3 & les font en lu lie travail
>3 leurs leur (bnt porter leurs cuirs; on-
33 (e Icrt pour les j)rencJrc de lacs de
>3 corde , qu'on lend dans les endroits
» où ils fre(jucnient , ils s*y engagent
& sMs fe prennent ])ar le
53 alternent
j> cou
ils
)
s etrangrkînt eux - n^emes ,
33 moins cpi'on n'arrive afTez toi poui
>3 les fecourir, on les arrê.c pir le corj)S
33 & les jambes , ^ on les att iclie à des
yy arbres , où on les luilTe pendant deux
yi jours fans boire ni manger ; cette
» épreuve fuffit pour commencer à les
>3 rendre dociles, <5c avec le temps ils
» le deviennent autant que s'ils n'euflent
» jamais été farouches , & même , (i
53 par quelque hafard ils fe retrouvent en
>3 lil)erté , iU ne deviennent pas lauvagcs
33 une féconde fois , ils reconnoident
03 leurs m» mes , & fe laifFent approcher
ck reprendre aifeuîent f'i) ,
(i) M. tie Ci'irrault donne \\n autre moyen
d.'appri\oilcr les clievAUX IIuoulIks , " mwiid ce
*«
qur
audi
inibi'
liment
chal-
; oiv
es de
droits
igenc
)ar le
es , à
pour
corj)s
à des
deux
cette
r à les
îps ils
Hifleat
le , Cl
ent en
ivagCd
oiHeiu
rocher
moyen
And cB
: Ceîa prouve que ces anîaïaux font
naiurelienient doux fie trcs - difpofés à
fe tàniiliariier avec l'homme & à s'atta-
cher ù lui, auili n'arrive- 1- il jamais
qu'aucun d'eux quitte nos maifons pour
(q retirer dans les forêts ou dans les
dcierts , ils marquent au contraire beau-
coup d'emprefîement pour revenir au
gîte, où cependant ils ne trouvent qu'une
ïi'a pt;înt apprivoifé , dit - il i les poiilaîn"! âh$ •<
leur tciulre jeuaciTc , il arrive fbuvcor 4110 1 ap- «
prothe ^ l'attouchtmciU lic l'iiomme leur caufcnt «
tant de fr.tycur , uu'ils s'cr» dcFcinicnt à coups ««
de dents & de pieds, de façon qu'ii cft prelque «
iinpiilfible de les panfér &. de ies ferrer ; fi la «
patience & la douceur ne fulFifcnt pas , il faut •»
pour les ap[)rivoircr , fc fcrvjr du moyen qu'on m
emp'oie en fauconnerie pour priver un oilcau k
qu\)n vient de prendre 6c qu'on veut drefTer •
au vv.)! , cc(i de l'empccher de dorrnir , jufqu'à h
ce qu'il tombe de foibelfc , il faut en ufer de «
mtme à l'cgard d'un cheval farouche, & pour «
cela il faut le tourner à (H jilace le derrière «
à la manorcoiic , 6c avoir un homme toute la «t
nuit èk tuut le jour à la tète, (|ui lui donne «
de temps en temps une poignée de foin 6c l'em- ««.
pécfie de fe couchir, on \errn a\'ec ctonncment «
comme il fera ful)itcment aviouci ; il y a cepcn- «
«îant des chevaux qu'il faut veiller ainfi pendant «
huit jours». K;).'t'^ U nowcau ^arfiii Alurû/iui ,
Il
1
^ 0 Hfloire Naturelle
nourriture groflière , & toujours Tîï
même , & ordinairement mefurée fur
l'économie beaucoup plus que lui leur
appétit ; mais la douceur de Thabitude
leur tient lieu de ce qu'ils perdelit d'ail-
leurs : après avoir été excédés de fatigue,
le lieu du repos eft un lieu de délices ,
ils le ftntent de loin, ils lavent le rccon-
noîire au milieu des plus grandes villes ,
& (emblent préférer en tout l'efclavage
à la liberté; ils (è font même une féconde
nature des habitudes auxquelles on le»
a forcés ou fournis , puifqu'on a vu des
chevaux , abandonnés dans les bois ,
hennir continuellement pour fe faire en-
tendre, accourir à la voix des hommes,
& en même temps maigrir à. dépérir en
peu de temps , quoiqu ils eulîent abon-
damment de quoi varier leur nourriture
& fatrsfaire leur appétit.
Leurs mœurs viennent donc prcfque
en entier de leur éducation, & cette édu-
cation fuppofe des foins & des peines
que l'homme ne prend pour aucua
autre animal, mais dont il efl: dédom-
magé par les fcrvices condnuels que lui
rend celui-ci. Dès le temps du premier
^// Oi
ncVcU,
21
ours Tîï
rée fur
fur leur
labitude
ht d'aiU
faiiorur,
dt!iccs ,
rccon-
> villes ,
:c lavage
leconde
on le»
vu des
i bois ,
lire en-
)mmes ,
"iérir en
i: abon-
urriture
prefcjue
ite cdu-
pcines
aucun
Jédom-
quc lui
premier
Sge on a foin de feparer les poulains de
leur* mère, on les laiiîe téier pendant
cinq, fix ou fout au plus fept mois,
car l'expcriencc a fait voir que ceux
qu'on iaifle téter dix ou onze mois, ne
valent pas ceux qu'on sèvre plus tôt ,
quoicju'ils prennent ordinairement plus
de chair & de corps : après ces fîx ou
fept mois de lait on ïes sèvre pour leur
faire prendre une nourriture plus lolide
que le lait, on leur donne du fon deux
fois par jour & un peu de foin , dont
on augmente la quantité à mefure qu'ils
avancent en Age , & (m les garde dans
l'écurie tant qu'ils marquent de l'inquié-
tude ])our retourner à leur mère; mais
lorfque cette inquiétude cil pafFée , on
les laiiTè fortir par le beau temps , &
on les conduit aux pâturages , feulement
il faut prendre garde de Xç^'î» laifler paître
à jeun, il faut leur donner le fon & les
faire boire une heure avant de les mettre
îi l'herbe , ^ ne jamais \c?> cxpofèr au
grand froid ou à la pluie ; ils paffent
de celle façon le premier hiver : au
mois de mai fuivant, non-feulement on
leur permettra de pâturer tous les jours ,
1! t
M
W.
^1
2 2 H'ijfolrâ NdtureUe
mais on les iaifiera coucher î\ l'aîr cîan<
\^s pâiurnges pendant tout l'été & jutju'à
la fin d'odobre, en obfcrvant feulement
de ne leur pas iaiffer paîire fes regains,
s'ils s'accoutunioient à ccite herbe trop
fine ils fe degoûieroient du foin , qui
doit cej)€ndant faire leur principale nour-
riture pendant le fécond hiver avec du
Ton mêlé d'orge ou d'avoine moulus :
on les conduit de ceue façon en les
iaillant pâturer le jour pendant l'hiver,
& la nuit pendant l'été jufqu'à l'âge
de quatre ans, qu'on les retire du pfi-
tarage pour les nourrir à l'hcrlje sèche ;
ce changement de nourriture demande
quelques précautions, on ne leur don-
nera pendant les premiers huit jours que
de la paille , «îk on fera bien de leur
faire prendre quelques breuvages contre
ies vers , que les mauvaifcs digellions
d'une herbe trop crue peuvent avoir
produits. M. de Garfiult ( kj, qui re-
commande cette prati(|iic, ell fans doute
fondé fur l'expérience ; cependant ou
verra qu'à tout âge & dans tous les
( k) \oyt7. le nouvcnu parfait Maréchal, par
M, de Garlault. Faris , //f ^, l'a^i-'i S^ & Sj,
'ffw
r dan*
[uiiiu'à
lie ment
cgains ,
)e trop
tî , qui
,e nour-
vec du
loulus ;
ea les
l'hiver,
'à rage
du pfi-
î sùclîc ;
lemande
41' do«-
)urs que
de leur
s contre
gellions
avoir
qui re-
s doute
hnt on
ous les
xha! , par
11
du Cheval * ij'
femps Tedomac de tous les chevaux eft
farci d'une fi prodigieufc quantité de
vers , qu'ils fcmblcnt fJre pariie de leur
conllitution : uous les avons trouvé*
dans les chevaux fains comme dans les
chevaux iwalades, dans ceux qui paif-
foieiu l'herbe comme dans ceux qui
ne mangeoient que de l'avoine & du
foin; c5t les ânes, qui de tous les ani-
maux lont ceux qui approchent le plus
<lc la nature du cheval, ont aufli cette
proJigieule quaniiié de vers dans l'ef-
iomac , & n'en font pas plus incom-
modés : ainli on ne doit pas regarder
ies vers , du moins ceux dont nous
parlons , comme une maladie acciden-
telle , caufée par les inauvaifes digeflions
-d'une herbe crue , mais plutôt comme
un effet dépendant de la nourriture & de
ia digeftion ordinaire de ces animaux.
Il faut avoir attentien , lorfqu'on sèvre
les jeunes poulains , de les mettre dans
une écurie propre, qui ne Toit pas trop
chaude , crainte de les rendre trop dé-
licats & trop fénfibles aux impreHioias
ût l'air ; on leur donnera (ouvent de la
litière fraîche, oa les tiendra propre» ca
n
■t*
Ml
2^ I-]îJ}êire Naturelle
les bouchonnant de temps en temps :
mais il ne faudra ni les attacher , ni fes
panfer à la main qu'à l'âge de deux ans
& demi ou trois ans , ce frottement trop
rude leur caulcroit de la douleur , kur
peau cil encore trop délicate pour fe
louffrir , & ils dcpériroicnt au lieu de
profiter : ii faut auffi avoir foin que le
râtelier & la mangeoire ne foient pas
trop cfevés , ia nécclîiré de lever la tête
trop haut pour prendre leur nourriture
pourroit leur donner l'habitude de la
porter de cette façon , ce qui leur gâte-
roit rencoliire. Lorsqu'ils auront un au
ou dix -huit mois, on leur tondra ia
queue , les crins repoufTeront & de-
viendront plus foris (Se plus touffus.
Dès ITigc de deux ans il faut féparer les
poulains , mettre les mâles avec les che-
vaux , & les femelles avec les jumens :
fans cette précaution les jeunes poulains
fe faiigucroient autour des poulines, de
s'énerveroicnt (ans aucun fruit.
A l'âge de trois ans ou de trois ans
& demi , on doit commencer à les drefîcr
& à les rendre dociles ; on leur mettra
d'abord une légère Icllc & aifcc, & on
m
n temps :
cr , ni les
: deux ans
:ment trop
cur , kur
e pour !e
lu lieu de
3*1 n que le
foient pas
ver la lête
nourriture
udc de la
kur gâte-
ont un an
tondra la
mt & de-
is touffus,
réparer les
c les chc-
jumens :
s poulains
ulines , &
trois ans
les drcdcr
:ur mettra
(fc, & 011
0
Ju Cheval a 5
îes lai (Fera fellés pendant deux ou trois
heures chaque jour; on les accoutumera
de même à recevoir un bridon dans la
houcbe & à (e laifîèr lever les pieds,
fur lefquels on frappera quelques coups
comme pour îes ferrer, & fi ce font
des chevaux deflinés au carroffe ou au
trait , on leur mettra un harnois fur le
corps & un bridon: dans les commcn-
cemens il ne faut point de bride , ni
pour les uns ni pour les autres ; on
îes fera troter cnfuite à la longe avec
un cavefTon fur le nez fur un tcrrein
uni, fans être montes, & feulement avec
ia fcllc ou le harnois fur le corps; &
îorfque le cheval de fcllc tournera faci-
lement <Sc viendra volontiers auprès de
celui qui tient la longe , on le montera
ô>L dcfcendra dans la même place &. fans
le faire marcher jufqu'à ce qu'il ait quatre
ans , parce qu*avant cet âge il n*ell pas
encore affez fort pour n'être pas , en
marchant, furchargédu poidsducav lier;
mais à quatre ans on le montera pour le
faire marcher au pas ou au trot , Ôc
toujours à petites reprifes (I) : quand
(I ) Voyez ics ÉIcmciis de cavalerie Je M. de
Tome VI, ' B
l' i
z6 Htjloîre Naturelle
k cheval de carre fle fera accoutume au
jharnois, on rattellera avec un autre chcv.i!
fait , en lui mettant une brtJe , & on
le conduira avec une lorge pafîce dans
ia bride, jufqu'à ce qu'il commence à
être lige au irait; alors ic cocher effaicra
de le laire reculer, ayant pour aide un
iiomme devant, qui le poufîera en arrière
avec douceur , & même lui donnera de
petits coups pour l'obliger à reculer :
tout cela doit fe faire avant que les jeunes
chevaux aient changé de nourriture ,
car quand une fois ils font ce qu'on
appelle engrainés , c*efl-à-dirc , forfqu'ils
font au grain & à la pailîe , comme ils
font pius vigoureux, on a remarqué qu*ils
fitoient aufîi moins dociles, & pius diffi^
ciles à drc(îèr (m)»
Le raors & i'éperon font deux moyens
qu'on a imaginés pour les obliger à
recevoir le commandement , le mors
pour la précifion, & l'éperon pour la
promptitude des mouvemens. La boucha
la Giitrinière. Paris, tj^t , tcm 1, page 1^9^
ir fuiv»
( m) Voyez le nouveau parfiit Maréchal ; j>a^
M. 'ie Garfault, i>a^c iV»
• " <r/// Clicvah " ^y^
ne paroîflbît pas cJeflint'e par la Nature
à recevoir d'autres imprcflions que celles
du goût & de l'appétit, cependant elle
clt d'une il grande fenfibilité dans le
cheval , que c'cfl à la bouche , par
préférence à l'œil & à l'oreille , qu'on
s'adreiïe pour tranfmettre au cheval les
fîgnes de la volonté ; le moindre mou-
vement ou la plus petite preflion du
mors fuffit pour avertir <Sf déterminer
i'animal , & cet organe de femiment
n'a d'autre défaut que celui de fa per-
fcdion même , fa trop grande fenfihiliié
veut être ménagée , car iî on en abu(è,
on gâte la bouche du cheval en la ren-
dant infenfible à l'imprelfion du mors :
les fens de la vue & de Touïe ne fc-
roient pas fujets à une telle altéranon
& ne pourroient être émoufîés de cette
façon, mais apparemment on a trouvé
des inconvénicns à commander aux che-
vaux par ces organes, & il efl vrai que
les fignes tranfmis par le toucher font
beaucoup plus d'eflct fur les animaux
en g^'néral , que ceux qui leur font
tranlmis par Tœil ou par l'oreiile ; d'ail-
leurs, la fuuation des chevaux par rapport
/
j I
'i
u ;
2 8 MiJIolre Naiiircl!e
à celui qui les monte ou qui îes con-
duit, rend les yeux prefqu'inuiiles à cet
effet, puifqu'ils ne voient que devant
eux , & que ce n'cd qu'en tourna
la
tetc qu Us pourroient aj;crcevoir les
nt
leî
fignes qu'on leur fcroit , & quoique
l*orcilIe foit un (ens par lequel on les
anime & on les conduit fouvent , il
paroît qu'on a rcflreint & laifTé aux
chevaux grofîiers l'ulàge de cet orgnr.c,
pui (qu'au manège , qui eft le lieu de la
plus parfaite éducation , l'on ne park;
prefquc point aux chevaux , & qu'il ne
faut pas mênic qu'il paroiHe qu'on les
conduile : en effet , lorfqu'ils font hieii
drcfîcs, la moindre preflion des cuifles,
le plus iegcr mouvement du mors fulfii
pour les diriger , i'éperon efl même
inutile , ou du moins on ne s*en fert
que pour les forcer à faire des mouve-
mens violcns ; & iorfque , par l'inepiie
du cavalier, il arrive, qu'en donnant de
i'éperon il relient h bride, le cheval fe
trouvant excite d'un côic & retenu de
l'autre, ne peut que fe cabrer enfaiflm:
un bond fans foriir de fi pfacc.
On donne à la tête du cheval , par
'■■i
■ Vjjn'asriiA.s.-.irw;- A
i les con-
uiiles à cet
lie devant
L tournant
cevoir les
: quoique
lel on les
juvcnt , ii
laifTé aux
n ororanc,
lieu de b
ne y)arle
Se qu'il ne
qu'on les
[font bien
?s cuifles,
nors fultii
?ft même
s'en fert
5 mouve-
l' ineptie
nnant de
cheval le
etcnu de
en' faiflinr
val , par
•.M
"-*
flu Chcvûl ip
îe moyen de la bride , un air avantageux
& relevé , on la j)Iucc comme elle doit
être , & le plus petit figne ou le plus
petit mouvement du cavalier fuffii ])our
faire prendre au cheval Çqs différentes
allures; la plus naturelle eft peut-être le
trot , mais le pas & même le g:ilop
font plus doux pour le cavalier, & ce
font auffi les deux aliurcs qu'on s'ap-
plique le plus à perfcdionncr. Lorfque
le cheval lève la jambe de devant pour
marcher, il faut que ce mouvement foit
f^n avec hardiefTe & fliciliié, & que le
genoux foit alTez plié ; la jambe levée
doit paroître foutenue ini inilant , ôc
lorfqu'elle retombe , le pied doit êirc
ferme & appuyer également fur la terre,
fans c|i:e la tête du cheval reçoive aucune
imprciiion de ce mouvement: car lorf-
que la jainbe retombe fubitement, & que
la têie baifle en même temps, c'eil ordi-
nairement pour foulager promptement
l'autre janibe qui n'eit pas afTez forte
pour fupporter feule tout le poids du
corps ; ce défaut efl très- grand auflj-bieii
que celui de porter le pied en dehors
OU en dedans, car il retombe dans cciie
Bii;
,.1.
; t
^30 HJloke NnfnrH/e
mcme direction: l'on doit obfcrvcr niifli
cjue lurl(ju'il nppiiie fur le talon , c'cik
une nr.irfjut* de fuiLIc/Ic, t\ que cjuaiKl
Il pofc fur la pince, c'cfl une attitude
fatigante c^ forctc que le cheval ne peut
i'ouicnir long -temps.
Le pris, (jui tll 'a plus lente de toutes
ies allures, doit cependant être prompt,
il faut qu'il re (oit ni trop alongé ni
trop raccourci, & (|ue la démarche du
cheval foit légère : cette légèreté dépend
beaucoup de la lii^erté des épaule^ , &
fc reconnoît à la manière dont il porte
la tête en marchant ; s'il la tient haute
& ferme , il eil ord'naiien.ent vigou-
reux & léger : loif(|ue le mouvement
des éjuiules n'efl pas alkz libre , la
jambe ne ie lève point a(7e/ , & le
cheval cil fujet à fiire des faux pas âc
à heurter du pied contre leb inégalités
du \crrein ; & lorlcjue les épauler (ont
encore plus ferrées & que le mouvement
des jainl.ies en paroîi indépendant , le
cheval fe faiigue , fait des chutes , ôc
ji'ed capable d'aucun krvice : le cheval
dt)it éire fur la hunclic , c'cil - à-dire ,
hauller ie;> épuuleii & bailler la hanche
{lu Cheval jl
tn mnrchant , il doit auffi fuutcnir f:v
jambe & la lever nHlz haut , mais s'il
h fouiicnt trop long-tciu])S , s'il la LiiOê
retomber trop ienicineiu ; il perd tout
l'avantage de la It'gèrcié, il devient dur»
& n cil bon que pour l'appareil & pour
piaffer.
Il ne fuffit pas que les mouvcnieiTS
du cheval loient légers, il faut cncoie
qu'ils foiem e'gaux & uniformes dans le
train du devant & dans celui du der-
rière , car û la croupe balance tandis
que les épaules fe fouiiennent, le ni:>u-
vcment fe fait fentir au cavalier par
fecou(rcs & lui devient incommode ; la
même chofe arrive lorfque le cheval
alongc trOj) de la jambe de derrière, &
qu'il la po.e au-delà de l'endroit où le
p'ed de devant a porté : les chevaux
dont le corps cil court font fujets à
ces défauts , ceux dont les jambes fe
croifent ou s'atteignent n'ont pas la dé-
marche fûre, & en général ceux dont
le corps e(l long font les plus commodes
pour le cavalier , parce qu'il fe trouve
plus éloigné des deux centres de mou-
vement, les épaules & les hanches, &
B iiij
32 • Hifloke Naturelle
qu'il en refîèni moins les imprefTîons <3c
les fecounes.
Les quadrupèdes marchent ordinai-
iement en portant à la fois en avant
une jambe de devant & une jambe de
derrière ; lorfque la jambe droite de
devant part , la jambe gruche de derrière
fuit & avance en même temps , & ce
pas étant fait , la jambe gauche de
devant part à fon tour conjointement
avec la jnmbe droite de derrière , &
ainfi de fuite : comme leur corps porte
fur quatre points d'appui qui forment
un carré long, la manière Ju plus com-
mode de fe jucuvoir efl: d'en changer
deux à la fois en diagonale, de façon c[ue
le centre de gravité du corps de i'aniiiuil
ne f fie qu'un petit mouvement & refle
toujours à peu près d.ins ia dircdion
des deux points d'appui qui ne font
pas en mouvement dans les trois allures
iiaturc'ics du cheval , le pas , le trot &
le galop , cette règle de mouvement
s'obferve toujours, mais avec des diffé-
rences. Dans Je pas il y a quatre tenij
dans le
fi la
de
mouvcHieni
devant part ia prciuiè
jam
re ,
be d
)S
roiic
h
iamJ
V.
gauj
ina'i-
fivant
t)C de
e de
rrière
& ce
e de
ement
e , &
porte
)rinent
corn-
lianger
jn c[ue
Si refie
ircdion
le font
allures
trot &
ivcment
•s diTé-
i
du Cheval, • j j
gnuche de derrière fuit un înflant après,
«iifuiie la jambe gauche de devant part à
fon tour pour être fuivie un inftani après
de la jambe droite de derrière ; ainlî
le pied droit de devant pôle à terre le
premier , le pied gauche de derrière
pofe à terre ie Iccond, le pied gauche
de devant pofe à terre le troifièiue , &
ie pied droit de derrière pofe à terre
le dernier, ce qui fait un mouvement
à quatre temps Ôc à trois intervalles ,
dont le premier & le dernier font plus
courts que celui du milieu. Dans le
trot il n'y a que deux temps dans le
mouvement, fi la jambe droite de devant
part , lu jambe gauche de derrière part
auffi en même temps, & ians qu'il y ait
aucun intervalle entre le mouvement de
l'une & le mouvement de l'autre, en-
fuite la jambe gauche de devant part
avec la droite de derrière aufîi en même
temps , de forte qu'il n'y a dans ce
mouvement du trot que deux temps ôc
un intervalle, le pied droit de devant
& le pied gauche de derrière polcnt à
terre en même temps , & enfuite ie pied-
gauche de devant & le droit de derrièie-
3 ^
fil II
il
'34 H'ijloire Naturelle
pofent aulli à terre en même temp.*,
Dans le g'^i^jp ii y a ordinairement trots
temps, mais comme dans ce mouvement
qui eft une efpèce de laut , les pciriies
ante'rieurcs du cheval ne fe rneu\cnt
pas d'abord d'elles- mêmes , & qu'elles
font chadées par ia force à^s hanches
& des parties poflérieures , (i des deux
jambes de devant la droite doit avancer
plus que la gauche , il faut auparavant
que le pied gauche de derrière pofe à
terre pour fervir de point d'appui à ce
jnouvcment d'élancement , ainfi c'cll le
pied gauche Je derrière qui fait le pre-
mier temps du mouvement & qui j:)ofc
à terre le premier , enfuiie la jambe
droiic de derrière fe lève conjointemeni
avec la gauche de devant & elles re-
tombent à terre en même temps , <Sc
rnfin la jambe droite de devant , qui
s\[\ levée un inltant après la gauche
de devant & ia droite de derrière, fe
pofe à terre la dernière , ce qui fait le
troifième temps ; ainli dans ce mouve-
ment du galop, il y a trois temps &
deux intervalles, & dans le j)remicr de
CCS imcrvalits ; lorfque le mouvciiieiu
élu Cheval
3î
ft fait avec vîtefîe, il y a un înftant ou
îcs quatre jambes font en l'air en même
temps, & où Ton voit les quatre fers
du cheval à la fois : iorfque le cheval
a les hanches & les jarrets foupies, <Sc
qu'il les remue avec vîtefFe & agilité,
ce mouvement du galop ell plus parfait,
& la cadciice s'en faii à quatre temps;
il pofe d'abord le pieJ giuche de der-
rière qui marque le premier temps ,
enfuite le pied droit de derrière retombe
le premier &: marque le fécond temps ,
le p'ed gauche de devant tombant un
infiant a})rès marque le troifième temps,
& Qwim le pied droit de devant qui
retombe le dernier marque le quatrième
temps.
Les chevaux galopent ordinairement
fur le pied droit , de la même manière
qu'ils parient de la jambe droite de
devant pour marcher & pour troter ,
Ils cniamcnt nufîi le chemin en galopant
pnr la jambe droite de devant cjui cfl
plus avancée que la gauche , & d*^
même la jambe droite de derrière, qui
fuit immédiatement la droite de devant ,
oit aufii plus avancée que la gauche de-
.8 y y,
I u
'3 6 Hipire Naîïirclk
derrière , & cela conflamment tant que
le galop dure : de - là ii refulte que la
jambe gauche qui porte tout le j)oids
& qui poufTe ies autres en avant, cil la
plus fatiguée, en forte qu'il feroit boa
d'exercer les chevaux à galoper alter-
nativement fur le pied gauche auffi-blen
que fur le droit, ifs fuffiroicnt plus long-
temps à ce mouvement violent , & c'ell
suffi ce que l'on fait au manège , mais
peut-être par une autre raifon, qui eft
que comme on les fait fouvent changer
de main, c'eft>à-dire décrire un cercle
dont le centre e/l tantôt à droite , tantôt
2 gauche, on les oblige auffi à galoper
tantôt fur le pied droit , tantôt fur le
gauche.
Dans le pas , les jambes du chcvaî
ne fe lèvent qu'à une peùte hauteur &:
les pieds raient la terre d'alîèz près ,
au trot elles s'élèvent davantage & les
pieds font entièrement détaches de terre,
dans le galop ks jambes s'élèvent en-
core plus haut & les pieds femblcnî
bondir fur la terre : le pas pour eue
bon , doit être prompt , léger , doux
& fur; le trot doit êir« ferme, prompï
••r-
■'îi
nt que
que h
poids
, cil la
Dit bon
• alter-
(îi-bien
s long-
& c'cll
e , mais
qui eft
changer
1 cercle
, tantôt
galoper
t fur le
du Cheval. . J7
5c également foutenu , il fiiut que fe
derrière chafTe bien le devant, le cheval
dans cette allure , doit poner la tête
haute &' avoir les reins droits : car (i
ics hanches hauffent & baiiTent alterna-
tivement à chac[ue temps du trot , fi la
croupe balance & fi le cheval fè berce ,
il trotte mal pnr folbielTe ; s'il jette en
dehors les jambes de devant c'cit un
autre défiiut , les jambes de devant doi-
vent être fur la même ligne que celles-
de derrière , & toujours les effacer.
Lorfqu'une des jambes de derrière fe
lance , fi la jambe de devant du même
côié rcfte en place un peu trop long-
temps, le mouvement devient plus dur
par cette réfillance; & c'elt pour cela
(jue l'intervalle entre les deux icmps du
trot doit être court: mais quelque court
qu'il puifîe être, cette rcfiflance fuffit
pour rendre cette allure f)lus dure que
le pas & le galop ; parce que dans le
pas le mouvement eft plus liant , plus
doux, & la rèfirtance moins forte, &
que dans le galop il n'y a prefque point
dcTefiftance horizontale, qui ell la feule
incommode pour le cavalier, la rc.ic^on
\ ■: il
M
38 Hlfnnre NnUirelIe
du mouvement des jambes de devant Ce,
fallânt prcfque toute de bas en haut dani
la dirciflion perpendiculaire.
Le relTort des jarrets ccontribue aiitnnt
au mouvement du g^ilop que celui des
r-eins ; tandis que [{is reins font elîort
pour élever & pouffer en avant les
parties antérieures , le pli du jarret fait
reifort , rompt le coup & adoucit ia
fecouffe : auiîi plus Je refîort du jarret
eft liant & fouple, pfus le mouvement
du galop eft doux ; il efl audi d'autant
plus prompt tSc plus rapide , que les
jarrets font plus forts, & d'autant plus
foutenu , q-ue le cheval pone plus fur
ics hanches & que les épaules font plus
foutenucs par la force des reins. Au
reflc , les chevaux qui dans le galop
lèvent bien haut les jambes de devant,
ne font pas ceux qui galopent le mieux,
ils avancent moins (|uc les autres &
fe fatiguent davantage , & cela vient
crdinairement de ce qu'ils n'ont pus les
épaules affcz libres.
Le pas, le trot & le g^lop font donc
les allures nat.ui elfes les plus ordinaF^es ;
mais il y a quelques chevaux qui ont
du Cheval '55)
raturclicment une autre allure qu'on
appelle Vawble , qui cil très - clifFé rente
des trois autres , & qui du premier
coup dVell paroît eontraire aux loix de
la mécaniqr.e & très - fatigante pour
i'animal , quoique dans ceiie allure \z
vite (le du mouvement ne foit pas ii
grande que dans ie g^lop ou dans le
grand trot : dans cette allure le pied
du cheval rafe la terre encore de plus
près que d;ins le pas , & chaque dé-
marche e(l beaucoup plus alongée : mais
ce qu'il y a de finguiicr , c'tlt que les
deux jambes du même cote , par exemple,
celle de devant ôc celle de derrière
du cote droit, partent en même temps
pour faire un pai> , éc qu'enfuite les
deux jambes du côte gauche partent
auiFi en même temj^s pour en flVire un
autre , & ainfj de fuite , en forte que
ies deux côtes du corps manquent ai-
tcrnativement d'appui , 6: qu'il n'y a
point d'e(|uilibrc de l'un à l'autre: ce
qui ne peut nianquer de faiio-uer beau-
coup le cheval , qui elt obligé de fe
foutenir dans un balancement forcé , par
lâ rapidiic d'un iiiouvcmcnt qui n'eft
40 Hiflolrc Naturelle
prcfciue pas dtticlié de terre ; car s'îî
ïevoit les pieds dans cette allure autant
qu'il les lève dans Te irot ou même
dans le bon pas , le balancement feroit
fi grand qu'il ne pourroit manquer de
tomber fur le côté , & ce n'eft que
;parce qu'il rafe la terre de très- près,
& par des alternatives promptes de
mouvement , qu'il fc foutient dans
cette allure , où la jambe de derrière
doit , non - feulement partir en même
temps que la jambe de devant du même
côté , mais encore avancer fur elle &
pofcr un pied ou un pied & demi au-
delà de l'endroit où celle - ci a pofé :
plus cet efpace dont la jambe de derrière
avance de plus que ia jambe de devant ,
efl: grand , m'cux ie cheval marche
l'amble , & plus le mouvement total ell
rapide. Il n'y a donc dans l'amble,
comme dans le trot , que deux temps
dans fe mouvement ; & toute la diffé-
rence e(l que dans le trot les deux jambes
qui vont enfcmble ibnt oppofées en
diagonale, au lieu que dans l'amble ce
font les deux jambes du même côté
qui voiu cnfemble ; cette allure qui eil
ihi Cheval . 4^
très- fatigante pour le chcvaî , & qu'on
ne doit lui laiiler prendre que dans
ics terrcins unis, eft fort doue |.»our
k cavalier , elle n'a pas la dureté du
trot , qui vient de la réfiftance que
fiiit la jambe de devant lorfque celle
de derrière fe lève , parce que dans
i'amble cette jambe de devant fe lève
en même temps que celle de derrière
du me me côté ; au lieu que dans le
trot cette jambe de devant du même
côté demeure en repos & réfifte à i'im-
pulfion pendant tout le temps que fe
incut celle de derrière. Les connoiiîeurs
aflurent que les chevaux qui naturelîe-
ineni vom l'umble, ne trottent jamais &
qu'ils font beaucoup plus foibles que les
autres : en effet les poulains prennent
affcz fjuvent cette allure , fur - tout
lorfqu'on les force à aller vite , &
qu'ils ne font pas encore aflez forts
])our troter ou pour g:iloper ; & l'on
obicrve auifi que la plupart des bons
chevaux , qui ont été trop fatigués &
qui commencent à s'ufer , prennent
eux - mêmes cette allure iorf^u'on les
42 Hijîoire Ndturelle
force a un mouvement plus rapide que
celui du pas fn).
L'amble peut donc erre regardé
comme une allure dcTc<5lueure , puif-
qu'cKc n'eft pas ordinaire & qu'elle
n'cft naturel'e qu'à un petit nomI»rc de
chevaux; f(ue ces chevaux loni prcfque
toujours plus foibfes que les autres , &
que ceux qui paroifl'ent les plus forts
fon: ru'nés en moins de temps que ceux
qui trottent & galoj cnt : itt is il y a
encore deux aunes allures , Tentrcpas
& l'auhin, que Ls chevaux foibles ou
excédés prennent d'eux - mêmes , q,ui
font beaucoup plus défeél^ieufes que
l*iim!^le ; on a> appcl^^ ces mauvaifcs
allures des trahis rompus ,. dé! unis ou
Gompofés : l'efurepus tient du pas & de
l'amljlc , & rajbin tient du trot & du
galop, l'un & l'auire viennent des excès
c*'une longue fatigue ou d'une grande
foiMefle de reins, les chevaux de mef-
figerie qu'on furcharge , commencent
a aller l'enirepas au lieu du trot à mefure
(n) Voyez i ccoie de cavalerie de jM. de la Gué*»
î" ■■■
k
ihi Chevdh 4J
qu'ils fe ruinent, & les chevaux de poAe
ruines , (ju'on prcllc de galoper vont
i'aubin au lieu du gnlop.
Le cheval e(l de tous les animaux
celui qui , avec une grande taille , a le
])Ius de proportion & d'élcgancc dans
les pr.rties de Ton corps ; car en lui
comparant les animaux cjui lont iinmé-
diaiement au-deiîus & au-deiïbus, on
verra que l'âne efl mal fait , que le
lion a la têie trop groffc, qiîe le bœuf
a les jambes trop minces & trop couries
pour la grofîeur de fon corps, que le
chame.iu e(l difforme , & que les plus
groi animaux , le rhinocéros & Téle-
phant , ne font , pour ainli dire , que
des mades informes. Le grand alonge-
meuL de» mâchoires eft la principale caufe
de la diffcrencc entre la lête des quadru-
pèdes 6c celle de l'homme , c'eU aufîi
je cnrac^cre le plus ignoble de tous?
cepejuleuit , quoique les mâchoires du
cheval fo'ent fort alongtes , il n'a pas
comme l'anc un air d'imbéciiiiic , ou
de lUij'idité comme le bœuf : la régu-
larité des proportions de fa têic lui
donne au contraire un air de iégcrstc
'44* Hijloh-e Naturelle
qui efl I)icn loutcnu par la I)caiUc Je
fun ewcolurc. ï.c cheval ftnible vouloir
fc ineiire au - dtfTus de Ton ciat de qua-
tlrupcdf en devant G tcie ; dans cette
jioLle aiiiiude il regarde l'homme ilice
à face ; Tes yeux loin vifs & bien
ouverts , fes oreilles font bien faites <Sc
ii'une juUc grandeur, (ans être courtes
comme celîes du taureau , ou trop
longues comme celles de l'àne; fa cri-
rièrc- accompagne bien fa tête , orne
fon cou & lui donne un air de force
& de fierté ; fa queue traînante &
toufîue couvre & termine avaniageu-
feinent rextrémitc de ion corps : bien
diffc rente de la courte f.juei:e du ccif, de
l'elcphani , &c. & de la cpieuc nue de
i'ane , du chameau, du rhinocéros, &c.
la queuj du cheval efl formée par des
crins é[)aii & longs qui fembicnt fcrtir
de la cmupe , j)arce que le tronçon
dont ils forient ell fort court ; il ne
peut relever fi queue comme le lion ,
jnais elle lui fieJ mieux quoiqu'abailfée,
& comme il peut la mouvoir de coté,
il s'en fert utilement j^oiir chafler les
mouches qui rincommodcni, car quoi-
Vi 11
<h Cheval 45
que lîi pcnti foit trcs- ferme, & qu'elle
foit garnie par -tout d'un poil cpais <&
Icrré , clic tll cependant très-lcnfiLIe.
L'attiiudc de la ictc & du cou con-
tribue plus que celle de toutes les autres
parties du corj)S à donner au cheval un
noble maintien; \i partie ru[)LTieure de
l'encolure dont fort la crinière . doit
s'clevçr d'abord en ligne droite ^r.\\ for-
tnrat du garrot, & former eiifuite, en
approchant de la tête , une courbe à
peu près fembbble à celle du cou d'un
cygne : la partie inférieure de l'cnco-
iurc ne doit former aucune courbure,
il fiut que fi dircc:"lion f^it en ligne
droite depuis le poitrail jufju'à la ga-
nache & un peu penchée en avant ; fi
elle ctoit perpendiculaire , rcncolure
feroit faufle : il faut aulli que la partie
fupérieure du cou foit mince , & qu'il
y ait peu de chair auprès de la crinière,
qui doit être médiocrement garnie de
Clins lonQ[5 <Sc dclies; une belle encolure
doit être longue «Se relevée , & cependant
proportionnée à la tailfc du cheval :
iorfqu'elie cil trop longue di trop menue,
ies chevaux donnent ordinairement des
'4.6 HJ/?olre Naturelle
coups de tête , & quand elle eft trop
courie & trop charnue , Ils fo4it pefans à
ia main; & pour que la léte foit le plus
avaiuageufement j^lacéc , il faut que le
front toit perpendicuïure à rhotizcn.
La tête doit être sèche & menue
fans être troj) longue , les oreilles peu
didanies , peiiics , droites , immobiles ,
étroites, dtlices & bien plantées lur le
haut de la tcte , le front étroit & ua
peu convexe , les (Iilières remplies , les
paupières minces, I<?s yeux clairs, vifs,
pleins de feu , allez gro.s &i avancés à
iîeur de tête , (a j^rune'Ie grande , la
ganache décharnée & peu épaille , le
nez un |>cu arcjué , les nalèaux bien
ouverts & bfen fendus , la cloifon du
nez mince , les lèvres défiée^ , lu bou-
che médiocre. ncnt fendue , le garrot
élevé & tranchant, les épaules sèches,
plates & peu (crrées , le dob égal , uni ,
iniènfiblc:nei^t arqué fur la longueur,
& relevé des deux cô.és de l'épiiic qui
doit paroîite e ifoncce, le> flancs pleins
ai courts , la croupe ronJe & bien
fournie , la hanclic bien crirnie, le tron-
çon de la c^ucue cpal^ & ferme | ic^
du Chn'al 47
l)ras & !es cuifles gros & charnus , le
genou rond en devant, ic jarret ample
èi évidé, les cnnons inintes fur le de-
vant & larges fur les côtt's , le nerf bien
détaché , le boulet menu , le fanon peu
garni, le paturon gros & dune médiocre
longueur, la couronne peu élevée, la
corne noire , ui.ie & luifanic , Je fabot
haut , les quartiers ronds , les talons
larges & mfdiocrcinent élevés , la four-
chette menue & maigre , &. la folle
éj a (le & concave.
Muis il y a peu de chevaux dans
îefciuels on trouve toutes ces perfec-
tions ritiTemhlées : les yeux font fujets
à plu fleurs défauts cju'il eft quelquefois
difficile de recoiinoître ; dans un œil
fain on doit vcir àr travers la cornée
deux ou trois laclies couleur de fuie au-
deiïus de la pirunelle, car pour voir ces
taches il faut que la cornée foit claire,
nette & tranfparentc , fi elle paroît
double ou de mauvaife couleur l'oeil
Il ell pas bon : la prunelle petite , lon-
gue & étroite ou environnée d'un cercle
blanc , défigne aufTi un mauvais œil ;
6c lorfqu'elie a une couleur de bleu
43 Hi(Ioîre Nûturelle
vcrcJatre , l'œil cft certainement mauvais
<Sc la vue trouble.
Je renvoie à l'article d^s defcriptîons *
l'énumeration détaillée des défauts du
cheval, & je me contenterai d'ajouter en-
core quelques remarques par lefquelles ,
comme par les précédentes , on pourra
juger de la plupart des perfe(?lions ou
des imperfediions d'un cheval. On juge
afiêz bien du naturel & de l'état aduel
de l'animai par le mouvement des oreilles ,
il doit, lorfqu'il marche, avoir la pointe
des oreilles en avant ; un cheval fatigue
a les oreilles ba/Tès, ceux qui font colères
& malins portent alternativement l'une
des oreilles en avant & l'autre en arrière:
tous portent les oreilles du côté ou ils
entendent quelque bruit ; & lorfqu'on
les frappe fur le dos ou fur la croupe,
ils tournent les oreilles en arrière. Les
chevaux qui ont les yeux enfoncés ou
vin œil plus petit que l'autre, ont or-
dinairement la vue mauvaife; ceux dont
la bouche cfl sèche ne font pas d'un
aufîi bon tempérament que ceux dont
♦ Voyez partit- 1 1' , lome IV île cette Hifioâe
!Naturclie dt 1 édition ca trente un Yolumc5.
la,
qu(
nauvais
Dtîons *
luts du
uter en-
iquelles ,
pourra
:ions ou
)ii juge
at adlucl
, oreilles ,
la pointe
lI fatigué
it colères
snt Tune
ri arrière:
)té où ils
lorfqu'on
L croupe,
nère. Les
foncés ou
, ont or-
ccux dont
pas d'un
:eux dont
cette Hifloiie
mes.
la
tJu Cheval 4?
fa bouclie cft fraîche & devient écu-
meulê fous la bride. Le cheval de felle
doit avoir les épaules plates , mobiles
&L peu chargées ; le cheval de trait au
contraire doit les avoir grofîes , rondes
&i charnues : iî cependant les épaules
d'un cheval de Telle font trop sèches ,
& que les os paroiflent trop avancer
fous la peau , c'eft pn défaut qui dc-
figne que les épaules ne font pas libres »
& que par confcquent le cheval ne
pourra fup porter la fiitigue. Un autre
défaut pour le cheval de felle eft d'a-
voir le poitrail /r* ;i avancé & les jambes
de devant rctir; .. n arrière , parce
qu'alors il eft fujct à s'appuyer fur la
main en galopant & même à broncher
& à tomber : la longueur des jambes
doit être proportionnée à la taille du
cheval ; lorfque celîcs du devant font
trop longues , il n'eft pas aflurc fur
fes pieds ; fi elles font trop courtes , ii
eft pefant à la main : on a remarqué
que les jumens font plus fujettes que
les chevaux à être bafîes du devant , &
que les chevaux entiers ont le cou plus
gros que les jumens & les hongres.
Tome VL C
/
jo Hïjîotre Naturelle
Une cle3 chofej» les \)\\\s importantes
à connoure , c'elt i'agc du cheval ; les
vieux chevaux ont urJinnircn^eiu les
faiicies creulcis , mais cet indice eft
équivoque, puifque de jeunes chevaux,
engendrés de vieux étalons , ont aufîi
ies laiières creufes : c'cll: par les dents
qu'on peut avoir une connoifiance plus
certaine de l'âge ; le cheval ea a qua-
rante , vingt-(|uaîfe mâchelières , quatre
canines & douz'e incifives; les juinens
n'ont pas de dents canines , ou les ont
fort courtes : les mâchelières ne fervent
point à la connoill^iice de l'âge , c'eft
par les dents de devant & cnlui e par
les canines (ju'on en juge. Les doize
(Jents de devant commencent à poulfcr
quinze jours après la naiflancc du pou*
lain , ces preinièics dents font rondes ,
courtes , peu tolides , & tombent en
diftéfcns temps pour être remplacées
ar d autres
leux ans
& d
Ci ni les
l(
cjuatre de devant du milieu tombent les
I
;rcmicrcs
!ux eii
ut
leux en
bai
;i
\n\ an après il en tomlje rjuarre autres,
Vnc d.-' chiujue côic d»:s preiuicrcs qui
tout déjà lempuicées ; ù quatre uns &
J' <. Ju Cheval 5:1^
tfemî environ il en tombe qii-atre autres,
toujours à côté de celles qui font
tombées & rcmplacces ; ces quatre der-
nières dents de lait font remplacées
par quatre autres , qui ne croiflcnt pas
à beaucoup près aufll vî:e que celles
qui ont remplacé i(!s huit premières ;
& ce lont CCS quatre dernières dents ,
qu'on appelle les coins , &c qui rem-
placent les quatre dernières dents de
lait , qui marquent l'age du cheval , elles
font airécs à reconnoîtrc , puifqu'elies
font les troifièmcs tant en haut qu'en
bas , à les compter depuis le milieu de
iVxtrémité de la mâchoire ; ces dents
font creulcs «5: ont une marque noire
dans leur concavité ; à quatre ans <Sc
demi ou cinq ans cilcs ne débordent
prcfque pas au-defîus de la gencive,
& le creux cil fort lenfible ; à fix ans
& demi il commence à fe remplir , fa
marque commence auill à diminuer <Sc
à fe rétrécir , & toujours de plus en
pîus julqu'à fept ans & demi ou huit
ans , que le creux crt tout- à- fait rempli
& la marque noire effacée : après huit
ans, connue tes dents ne donnent plus
Ci;
"51 'Hifloire Naîiireïïe
connoîfTance de Tâge , on cbercFie }
en juger par \cs dents canines ou oro-
chets ; ces quatre dents font à côté de
celles dont nous venons de parler ; ces
dents canines, nom plus que les mâ-
chciières , ne font pas précéde'es par
dViutres dents qui tombent ; les deux
de fa mâchoire inférieure pouflent ordi-
nairement les premières à trois ans ôc
demi , & les deux de la mâchoire fupé-
ricurc à quatre ans , & jufqu'à l'âge de
fix ans ces dents font fort pointues ; à
dix ani celles d'en haut paroi/Tent de'jà
cmouflecs , ufées de longues , parce
qu'elles font déchauflces , la gencive (e
retirant avec I âge , & plus elles le (ont ,
plus le cheval eft âgé : de dix jufqu'à
treize ou quatorze ans , il y a peu
d'indice de l'âge , mais alors quelques
poils des fourcils commencent à devenir
blancs ; cet indice efl cependant auift
cquivoque que celui qu'on lire des
ialières creufès , puifcju'on a remarqué
que les chevaux engendrés de vieux
«étalons & de vieilles jumens ont des
poils blancs aux fourcils dès i'âgc de
neuf ou dix ans. Il y a dçs chevaux
s
che 1
.1 ûro-
ôté de
r ; CCS
es mâ-
es par
deujc
it ordi-
ans ôc
e fupé-
'âgc de
nues ; à
nt déjà
parce
ncive fe
le font,
jufqu'à
a peu
que!c[ues
i devenir
int auifi
lire des
•c marque'
je vieux
ont des
l'âge de
chevaux
Ja Chevûl 5 3
Jont les dents iont fi dures qu'elles ne
s'ufent point, & fur îefquclles la marque
ïioire fubrille & ne s'efface jamais ; mais
CCS chevaux , qu'on appelle béguts , font
aifés à reconnoître par ie creux de fa
dent qui eft abfolument rempli , & auflî
par la longueur des dents canines (o):
au refte , on a remarqué qu'il y ? plus
de jumens que de chevaux h -^u.. On
peut auffi connoîtrc , quoique moins
prc'cifëment , l'âge d'un chevai par les
filions du palais , qui s'cffaccm à mefure
que ie cheval vieillit. «
Dès l'âge de deux ans ou deux ans
& demi le cheval cft en état d'engendrer,
& les jumens, comme toutes les autres
femelles , font encore plus précoces
que les mâles ; mais ces jeunes chevaux
ne produifènt que des poulains mal
conformes ou mal conftitués : il faut
que ie cheval ait au moins quatre ans
ou quatre ans ^ demi avant que de
lui permettre l'ufage de la jument , &
encore ne le permettra - t - on de fi
bonne heure qu'aux chevaux de trait
(o) Voyez TÉcolc de Cavalerie de M. de la
C ii/
54 HijMre Naturelle
ôc aux gros chevaux , qui font ordinat-
rement fgnnés plus tôt que les chevaux
fins; car pour ceux-ci il faut attendre
juCi[u-A fix ans & même jufqu'à fept
pour les beaux . étalons d'Efpagne; les
jumens peuvent avoir un an de moins ;
elles font ordinairement en chaleur au
printemps depuis la fin de mars julqu'ù
îa fin de juin ; mais le teinps de la
plus forte chaleur ne dure guère que
quinze jours ou trois femaines , ôc il
faut être attentif à profiter de ce temps
pour leur donner l'étalon : il doit être
hien choifi , beau-, bien fait , rc'evé dti
devant , vigoureux , fain par tout le
corp*. & fur -tout dc*bonne r.ice & de
bon pays. Four avoir de beaux che-
vaux de fclle fins & bien faits , il faut
prendre des éialons étrangers ; Icj Arjbes ,
ics Turcs , les Barbes âc le^» chevaux
d'Aiid-JoLifie font ceux cju'on doit pré-
férer à tous les autres ; & à leur défaut
on le fervira de beaux chevaux Anglais,
parce que ces chevaux viennent des
premiers ; & cju'ils n'ont pas beaucoup
dégénéré , la nourriture étant cxcellenie
en An(>îcLeirc , où Ton a aulli trcs-
iht Cheval. ' 55
grand foîn de renouveler les races î
ies étalons d'Iiaiie , fur- tout ics Napo-
Ikains , font aulfi fort bons , & ils ont
le double avanti<ge de produire des
chevaux fins de monture , iorf([u'oii
leur donne des jumens fines , & d(3
beaux chevaux de ciirrofTe , avec des
jumens étoffées & de bonne taille. On
préiend cju'en France, en Angleterre,
&c. les chevaux Arabes & Barbes cn*^
geudrent ordinairement des chevaux
plus grands qu eux , & qu au contraire
les chevaux d'Efpagne n'en produifent
que de plus pents ((u'eux. Pour avoir
de beaux chevaux de carrofle , il faut
fe fèrvir d'étalons Napolitains, Danois,
ou des chevaux de c[ue'qucs endroits
d'Aiiem-af->"j'ie ou de Hollande , comme
du liolltein ik de i^ rife. Les étalons
doivent être de belle taille, c'cfl-à-dirc ,
de quatre pieds huit, neuf (!k dix pouces
pour les chevaux de leile , «Si de cinq
j)icd5 au moins pour ies chevaux de
carrofTe : il faut aulii qu'un étalon foit
de J)on poil , noir comme du jais ,
beau gris , bai , alezan , i la belle doré
avec ! raie de mulet, les crins & k*
C iiij
*m
j 6 Hijloire Naturelle
extrémités noires , tous les porfi qui
font d'une cou'cur lavée & qui paroif-
fent mal ttinrs doivent éire bannis des
haras , aufJi-bien que les chevaux qui
ont les exirémitcs blanches. Avec un
très - bel extérieur , i'étaion doit avoir
encore touies le^ bonnes qualités imc-
rieures , du courage , de la docilité , de
l'urdcur , de l'agilité , de ia fenfibiiiié
dans la bouche, de la liberté dans les
épaules > de la fureté dans les jambes ,
de la fouplcHe dans les hanches, du
refTort par - tout le corps , & fur - tout
dans les jarrets, & même il doit avoir
été un peu cîrefTé & exercé au manège;
le cheval cfl de tous les animaux celui
qu'on a le plus obfervé , &l on a re-
marqué qu'il communique , par la gé-
nération , prefciuc toutes fes bonnes &
mauvaifes qualités , naturelles & ac-
quifes : m\ cheval naturellement har-
gneux , ombrageux , rétif, &c. produit
des poulains qui ont le même naturel ;
& comme les défauts de conformation
& les vices des huru' ars fe perpétuent
encore plus furcment que les qualités
«lu naturel ^ il faut avoir grand foiii
du Chevah 57
dVxcIurc du haras tout cheval difforme,
morveux, ^o\\^\ï ^ luniuiquc, &c.
Dans CCS climais la jument contribue
moins que l'étalon à la beauté du pou-
lain , winis clic contribue peut-être plus
à Ton tempérament & à la taille ; ainfî
ii faut que les jumens aient du corps ,
du ventre , & qu'elles loient bonnes
nourrices : pour avoir de beaux chevaux
fins on préfère les jumens Efpagnolcs
& Italiennes, & pour des chevaux de
carrofle les jumens Angloiles & Nor-
mandes : cependant avec de beaux éta-
lons , des jumens de tous pays pourront
donner de bcw^ux chevaux , pourvu
c|u*el!es (oient elles * mêmes \>\^\\ faites
èa de bonne race; car fi elfes ont été
cnffendrces d'un mauvais cheval , les
poulains qu'elles produiront feront fou-
vent eux-mêmes de mauvais chevaux ;
dans CCI le efpèce d'animaux , comme
d;ins Tefpèce humaine , la progéniture
rcffembie affez fouvent aux aicendans
paternels ou maternels ; feulement ii
îeniblc que dans les chevaux la femelle
ne contribue pas 11 la génération tout-
g-f»ût autam que dans i'efpèce humaine;
C y
^58 Hijlohe Naturelle
If f-ls rcfrcinl)fe plus fou vent a fi mère
que le poulain ne rcfTeinhlc à la fieiuie;
& loriquf le poulain redèinhle à la ju-
ment (jui l'a produit, c'ell ordinairement
par les [)arties anieiieurcs du corps, &
par la lêie & rencolurc.
Au relie , pour bien juger de fa
'refîeinh'ancc des enflms à leurs païens,
il ne faudroit j)as les com[)arer dans
ïcs première> années , mais attendre Tàge
où , tout étant développé , la compa-
raifon feroit plus certaine «5: plus i^n-'
iible : indépendamment du développe-
ment dans l'accroilTcment , qui fouvent
altère ou change en bien les formes,
ies projK)riions & la couleur des che-
veux , il fe fait dans le temps de la
puberté , un développement prompt &
i'ubit qui change ordinairement les
traits, la taiKe , l'attitude tks jambes,
&c. le vilage s'aionge , le nez grolllt
& grandit , la mâchoire s'avance ou fe
charge, la taille s'élève ou fe courbe,
ks jambes s'alongent <5f fouvent de-
viennent cngneufes ou effilées , en forte
que la phylionomie <5c le maintien du
«orps , changent quelquefois ii fort^
{Jll ClîCVdl, ,5(^
qu'il fcroit très - pofiible de mecon-
noitrc , au moins du premier coup
d'oeil , aj)rci la pubcric , une perfonnc
qu'on auroit bien connue avant ce
temj)S , & qu'on n'auroit pas vue depuis.
C.e n'ell donc cju'aprcs cet âge qu'on
doii comparer l'enfant à (es parens , fi
l'on veut juger exademcnt de la ref-
lemblaiice ; C^ alors on trouve dans
l'efpccc humaine (-[ue fouvent le fils
redcmbie à Ion père & la fiiîc à fa
nuTc ; que plus fouvent ils reffcmblent
à l'un (3c à l'autre à la fois , 6c qu'ils
tiennent quelcjuc ciiofe de tous deux ;,
qu'alîei fouvent ils refTemblcnt aux
grand- [)ères ou aux grand-mcres; que
quelquefois ils reflcmblent aux oncles
ou aux tanies ; que prcf(iue toujours
les cnfans du même père & de la même
mcrc fe rciiembîent ])lus entre eux
qu'ils ne reflemblent ù leurs afcendans ,
& que tous ont quelcjuc choie de.
ccimnun & un air de famille. Dans les
chevaux , comme le maie contribue
plus à la génération que la femelle , les
jumens produiicnt des poulains , qui
font allez fou v cm fçmLlabies en tout à
6o Hifolre Naturelle
IVtafon , ou qui toujours lui reiremÏ3ÎciTt
plus qu'à fa inère , elles en produifciit
aulîi qui reirenibleut aux grand - pjcrcs j
& lorîque la jument mère a éié elle-
jnême engendrée d'un mauvais cheval ,
il arrive allez fouvent que, quoiqu'elle
ait eu un bel étalon & qu'elle l'oit belle
e'îe - même , elle ne produit qu'un
poulain c[ui , quoiqu'en apparence beau
& hiea f;u't d. ns f;i première jeunclîè ,
décline toujours en croi(î.int ; tandis
qu'une jument qui fort d'une bonne
race donne des poulains qui, quoique
de miuvaire apparence d'abord , em-
belliiîcnr avec l'âge.
Au rcile , ces obfer valions que l'on
a faites (iir le produit des jumens , <^
qui fembîent cancourtr toutes à prouver
que {.hn^. les chevaux le mâle influe
beaucoup plus c^iie la femelle fur la
prc^f^eiîituîc , ne me paroiflent p.^s
cncoie Cufllhintes pjour établir ce fait
dune mnn'cre indubitable c\ irrévo-
cable ; il ne fcroît pas impodlble que
ces of)rcrv:utons fublr(h(Tcnt , & qu'en
même temps c'k eii général les jmncns
cpaLiibua/îèm autant que les chevaux
g*
des
dit Cheval,
él
au produit de la génération : iï ne me
paroît pas étonnant que des étalons ,
toujours choifis dans un grand nombre
de chevaux , tirés ordinaircnient de pays
chauds , nourris dans l'abondance , cn-
treienus & ménagés avec grand foin ,
dominent dans la génération fur des
jumens communes , nées dans un climat
froid , & fouvcnt réduites à travailler j
& comme dans ler. obferva'ions tirées
des haras il y a toujours plus ou moînâ
de cette fupérioriié de i'éiafon fur la
jument, on peut très-bien imaginer que
ce n'eft que par ccrte raifon qu*el'es
font vraies & confiâmes : mais en même
temps il pourroit être tout aufîi vrai
que de très-belles jumens des pays
chauds , auxquels on djnneroit des
chevaux communs , infîueroicnt peut-
être beaucoup plus qu'eux fur leur pro-
géniture, & qu'en général dans l'crjoèce
des chevaux comme dans rcfptce hu-
maine, il y eût égaliié daris r'nlhiencc
du maie & de la femelfe fur lei'.r nrop-é-
nitiire ; cela me paroit naturel ik d'au-
tant plus probable, qu'o.i a rcmrciué,
iiiCnuc dans les haras , qu'il ii-illcit à
'62 Hijlohe 'Ndîurslk
peu prcs un nombre égal Je poulains
& de poulines : ce qui prouve qu'au
moins pour ie fexe la femelle influe
pour fa moitié.
Mais ne fuivons pas plus loin ces
confidérations , qui nous éloigneroient
de noire Tu jet : lorfque Tcialon eft choifi
& que les jumcns qu'on veut lui donner
font ralTemblées , il faut avoir un autre
cheval entier qui ne fervira qu'a faire
eonnoiire les jumens qui feront en
chaleur , & qui même contribuera par
fes attaques à les y faire entrer ; on fait
pafîcr toutes les Jumens l'une après
l'autre devant ce cheval entier , qui doit
ctrc ardent & hennir fréquemment; il
veut fes aiiaquer loiues , celles qui ne
font point en chaleur, fe défendent, &
il n'y a que celles qui y font qui fe
laiflcnt approcher , mais au lieu de le
ïaJiîer approcher lout-à-fait, on le retire
!k on lui fubftitue le véritable étalon.
Cette é})reuvc eil utile pour rcconnoure
le vrai temps de la chaleur des jumens,
& fur - tout de celles qui n'eut pas
encore produit ; cai celles c[ui viennent
lie pouiiuer uurcnt ordiuiùreiuent exi^
/
5:-
Ju Cheval ' (Î3
cîinleur neuf j«iirs après leur accou-
chement , ainfi on peut les mener à
i étalon dès ce jour même & les faire
couvrir ; cniuiie tfîiiyer neuf jours après
au moyen de l'épreuve ci - dcflus , il
elles font encore en chaleur ; & ù elles
y font en effet, les faire couvrir une
féconde fois , & ainfi de fui;e une fois
tous les neuf jours tant que leur chaleur
dure, car lorfqu'ciics font pleines la cha-
leur diminue & ceHe peu de jours après.
Mais pour que tout cela puifle le
faire aifcn«nt , commodément , avec
fuccès & fî uit , il fuu beauconj:) d'at-
teniion , de dépenfe & de précautions ;
il fuu établir \cs haras dans un bon
lerrein & dans un lieu convenable &
proportionné à la quantité de jumens
ai. d'étalons qu'on veut employer ; il
faut partager ce tcrrein en plufieurs
p;iriie^> , fermées de palis ou de fbfTés
avec de bonnes haies , metue les jumens
l'ier^ts & ceHci qui alaiient leurs pou-
lains dans la panie où fe pàiunigc ed
ic plus gras , féparer celles qui n'ont
pas conçu ou qui n'ont pas encore été
CQUvtriçs y ik les meure avec Lss jeuats
'^4 Hîjlolre NatîtreUi
poulines dans un autre parquet oiî fe
pâtuHîgc foit moins gras, afin qu'elles
n'engraident pas trop , ce qui s'oppo-
fcroit à la génération •■, ôi enfin il faut
mettre les jeunes poulains entiers on
hongres dans la partie du terrein la plus
sèche & la plus inégale , pour qu'en
montant & en defcendant les collines ils
acquièrent de la liberté dans les jambes
& les épaules : ce dernier parquet où
l'on met les poulains mâles, doit ère
féparé de ceux des jumens avec grand
foin , de peur que ces jeunts chevaux
ne s'échapj^ent & ne s'énervent avec
ies jumens. %Si le terrein eft afîez grand
pour qu'on puiiïe partager en deux
parties chacun de ces parquets , pour
y làettre alternativement des chevaux ai
dçs bœufs l'année fuivante , le fonds du
priturage durera bien plus long -temps
que s il éioit continue lement mangé
par les chevaux ^ le bœuf répare le
pâturage, & le cheval l'.imugrii : if
faut auifi qu'il y ait des m.ircs dans
chacun de ces par(jueis ; [^ eaux dor-
mantes lont meilleures pour le> chevaux
^ue les eaux vives ^ qui leur donneut
et où h
qu'elles
îi'oppo-
n il faut
tiers ou
n la p'us
nr qu'en
;llines ils
jambes
quet où
on e.rc
c grand
chevaux
nt avec
z grand
îJi deux
s , pour
evaux ôc
Ponds du
g-lCilipS
inanaé
fpare le
gril : il
es dans
ux dor-
cljcvanx
^.1
N
Mit
Ju Cheval 65
fouvcnt des tranchées ; & s'iï y a quel-
ques arbres dans ce terrein ii ne faut
pas les détruhe , les chevaux font l)ien
aiics de trouver cette ombre dans les
grandes <:haleurs , mais s'il y a t\Gs troncs ,
des chicots ou des trous , il faut arra-
cher , combler, aplanir, pour prévenir
tout accident. Cçs pâturages fcrvironr
à la nouniture de votre haras pendant
i'ëté , il faudra pendant l'hiver mettre
fes jumens à Pécurie & les nourrir avec
du foin , auifi - bien que les poulains ,
qu'on ne mènera pâturer que dans les
beaux jours d'hiver. Les étalons doivent
être toujours nourris à l'écurie avec plus
de paille que de foin , & entretenus
dans un exercice modért jufqu'au temps
de la monte , qui dure ordinairement
depuis le commencement d'avril jufqu a
la fin de juin , on ne leur fera faire au-
cun autre exercice pendant ce temps, Qi
on les nourrira largement , mais avec les
mêmes nourritures qu'à l'ordinaire.
Lorfqu'on mènera l'étalon à la ju-
ment , il faudra le pan%r auparavant ,
cela ne fera qu'augmenter fon ardeur ;
il faut aufli que la jument foît propre
66 Hipire Naturelle
êc déférée des pieds de derrière , ca?
U y en a qui font chatouilleufes &
qui ruent à l'approche de l'étalon ; un
homme tient b jutriCnt par le licou , &
deux autres conduifent l'éralon par des
ïongei ; lorfcfu'il eft en fituation , on
aide à raccouj)lement en le dirigeant &
en déournant la queue de la jument ;
car un feui crin qui s'oppoleroit pcur-
roit le bitfler, même da igereufeincnt :
il arrive quelquefois que d ',ns l'accoiv-
plcmcjit i'éiulon ne coniommc pas l'a-fle
de la géncraiioii , & qu'il fort de dcflus
h. jument lans lui avoir rien lai lié ; il
faut donc êire attentif à obferver , ù.
dans les derniers momens de la copula-
tion, le tronçon (îe ia queue ds Teulon
n*a pas un mouvement de balancier
près de la croupe, car ce mouvement
a<:comi^agne toujours leminjon de la
iiqueur (em'nale : s'il l'a conlbnimc , il
ne faut pas lui laiiïer réitérer l'accou-
plement , il faut au contraire ie ramener
tout de fujie à l'écurie ôi le laifler juf-
qu'au furltndcmain ; car , qu(^iqu'un
bon éiaion puide fufiire à couvrir tous
les jours uiie fois pendant ks uoh
' i)u Cheval ■ 6/^
TTioîs que dure le temps de la monte ,
ii vnut mieux le ménager davantage &
ne fui donner u/ie jument que tous les
deux jours , il dt'penfera moins & pro-
duira davantage : dans les premiers lept
Jours on lui donnera donc fuceefîjvc-
ment qua re jumens différentes, & le
neuvième jour on lui ramènera la pre-
mière , & ain fi des aun'es , tant qu'elles
feront en chaleur ; mais dès qu'il y en
aura quelqu'une dont la chaleur iera
pnffée , on lui en fubftituera une nouvelle-
p.>ur la fiire couvrir à Ton tour aufîi
tous les neuf jours ; & comme il y
en a plu Heurs qui retiennent dès la
prein'ère , féconde ou troidème fois,
on cornjKc cju'un éîalon ainfi conduit
pj ut couvrir quinze ou dix- huit ju-
melé , <k produire dix ou douze pou-
lair»s d.ms les trois mois que dure cet
evercie. Dans ces animaux, la quan-
tité de la liqueur fénvnale e(t très-
grande , & dais l'cmiflion ils en re'-
pinJcnt fort abondamment : on verra
ci;;n^ les dcfcriptions * la grande capacité
Voyez />,mie ///, fome VJI de cette MiftoirÇ
Mauirellc , de l tviiiion en trente- un volumes.
68 Hijlûtre NiJturelle
des rciervoirs qui la contiennent , t^ fes
indudions qu'on peut tirer de l'éienJue
& de ia forme de ces réièrvoirs. Dans
les jumens il fe fait aiiflj une émifîjon ,
ou plutôt une fliilaiion de Li liqueur
fcminaie pendant tout le temps qu'elles
font en amour; car elles jettent au dehors
une liqueur gluante & blanchâtre qu'on
appelle des chaleurs , & dès qu'elles
font pleines ces émifllons cefTent : c'cft
cette liqueur qi:e les Grecs ont appelée
Y h'ippommûs de la jument , & dont ils
prétendent qu'on peut faire des fiLrcs,
fur-tout pour rendre un cheval fréné-
tique d'amour; cet hippomanès efl bien
différent de celui qui fe trouve dans
les enveloppes du poulain , dont M,
Daubcnton fp) a le prem'cr connu
& fi bien décrit la nature, l'origine &
ia fituation : ceitc liqueur que l;i ju'.nent
jette au dehors , eit le figne le plus
certain de la chaleur ; mais on le re-
conno^t encore au ironflcment de la
partie inférieure de la vulve & aux fré-
quens henniffcmens de la jument , qui
fp) Voyez îes Mémoires de l'Académie Roya!<
^ Sciencci , 4Ww/# ^7//|
• Ju Chevdl ' 6ç
dans ce temps cherche à s'approcher
des chevaux : lorfqu'elle a été cou-
verte par l'étalon , il faut fimplemcnt
ia mener au pâturage fans aucune autre
précaution. Le premier poulain d'une
jument n'eft jamais fi étoffé que ceux
qu'elle produit par la Cuite, ainfi on
obfervera de lui donner la première
fois un étalon plus gros, afin de com-
penfer le défaut de i'accroiflement par
la grandeur même de la taille : il faut
aufii avoir grande attention à la diffé-
rence ou à la réciprocité des figures du
cheval ôi de ia jument , afin de corriger
les défauts de l'un par les perfedions de
l'autre , ôc fur-tout ne jamais faire d'ac-
couplemens difproportionnés , comme
d'un petit cheval avec une groffe ju-
ment, & d'un grand cheval avec une
petite jument, parce que le produit de
cet accouj)îement iêroit petit ou mal
proportionné : pour tâcher d'approcher
de la belle Nature , il faut aller par
nuances ; donner , par exemple , à une
jument un peu trop épaiflc un chevai
étoffé , mais fin , à une petite jument
un cheval un peu plus haut qu'elle, à
y
Y 6 Hiplre Naturelif
une fumciu cjui pcclie par l'a vont- mnui,
un che\al qui ait la tcic belle &.i'cii-
col' re i^oble, <5:c.
On a icma»(jué qiic les haras étai^lis
dans des tcrreins fcc^ & I< gers proJui-
foient. des chevaux iobres , It'gcrs <X
vicxoureuN , avec la jambe nervtuîc &
la COI ne dure, laiidis que dans les lieux
hutiddcs ^ dans les })àiurages les plus
g. as ils ont prefcjiie~ioiis la to;e groile
t^ pelunie , le corps épais, les jambes
chargées , la corne mauvaile & les pieds
plais : ces différences viennent de celle
du climat & de la nourriture, ce qui
peur s'entendre nilémcnt ; mais ce qui
eft plus diffici'e à comprendre , & qui
cil encore plus eOeniiel que tout ce que
nous venons de d re , c'elt la néccfliié
où l'on ed: de toujours croifer les
races , fi l'on veut les empêcher de
dégénérer.
Il y a dans la Nature un prototype
général dans chafpie Cipèce fur lequel
chaque individu ell nK)delé , mais qui
ieinble , en fe réa'ifant , s'altérer ou>ic
pcrleélionner par 'c> circoul^ances ; en
ibne que , relativement à de ceruiiics
fl-
du CLcvaK '" 71-
quintes , U y a une vuri ition bizarre en
appaitnce tians la fucceilion des indi-
vidus , & en iwèmc temps une conf-
taiiLC (|ui paroît adiniriible daub i'elpèce
cmicrc : le premier animal , Je premier
cheval , par exemple , a éié le modèle
exurieur & le moule intérieur fur lequel
tous les chevaux qui lont nés , tous
ceux qui cxiflcnt <3c tous ceux qui
naîiront ont été fermés ; jnais ce mo-
delé , dont nous ne connoiflons c|ue
les copies, a pu s'yliérer qu fe jerfec-
tit)nt er en communiquant fa forme Se
le mulii^^liant : l'empreinte originaire fub-
fille en fon entier dans chaque indi-
vidu ; mais quoiqu'il y en ait des mil-
lions , aucun de ces individus n'efl:
cependant lemblable en tout à un autre
individu , ni par conféquent au modèle
dont il porte lempreinie : cette diffé-
rence qui prouve combien la Natun:
efl éloignée de rien faire d'abfolu , ^c
couibicn elle lait nuancer (its ouvrages,
(è trouve dans l'efj^èce humaine , dans
celles de tous les animaux , de tous les
VégéuiuK , de lous les eues en un mot
qui le reproduiieat \ ôl ce qu'il y a de
72. T-IiPoirc Naturelle
fîngulicr , c cft qu'il fcMible que fe mo-
dèle du beau & du bon Toit difperfé
par toute la terre, & que dans chaque
climat il n'en réiide qu'une portion qui
dégénère toujours , à moins qu'on ne
ia réunifie avec une autre portion prifc
au loin : en forte que pour avoir de
bon grain , de belles fleurs , &c. il faut
en échanger les graines & ne jamiiis les
femer dans le même lerrein qui les a
produites; & de même, pour avoir de
beaux chevaux , de bons chiens , &c. il
fiiut donner aux femelles du pays des
mâles étrangers, & réciproquement aux
mâles du pays des femelles étrangères ,
(ans cela les grains , les fleurs , les ani-
maux dégénèrent , ou plutôt prennent
une fi forte teinture du climat , que la
matière domine fur la forme & fembic
l'abâtardir; l'empreinte refle , mais défi-
gurée par tous les traits qui ne lui font
pas elfëntiels ; en mêlant au contraire ks
races , on fur - tout en les renouvelant
toujours par des races étrangères , h
forme (cmble fe perfè(flionncr , & la
Na ure fe relever & donner tout ce
qu'elle peut produire de meilleur.
Ce
;4
iiiUi
le le mo-
clifperie |
s chaque
►rtion qui
qu'on ne
lion prife
avoir de
te. il fiiut
janiaib» les ,
qui les a
avoir de
is , &c. il
pays des
:ment aux
rangères ,
les ani-
prenneiU
at , que la
& femblc
nais défi-
le lui font
unirai re les
•nouvelant
tlu CllCVilh
73
ï
Ce nVA point ici le lieu Je donner
es nu
fuil;
ciu raies uc ces c
fïei
mais
gères
& h
r tout ce
cr
ur.
Ce
nous |>ouvoiis indiquer les conjecîlurcs
(|ui i'e préfcntcnt au preniier coup d'oeil ;
on fliit par cx])rrience que des animaux
iw des végétaux tranfplaniés d\n"i climat
lointain , Ibuvcnt dégénèrent & quel-
quefois (e perfe(5lionnent en peu de
temj)S , c'efl - à - dire , en un très - petit
nombre de générations : il efl ai fti de
concevoir que te (|ui produit cet effet
e(l la différence du climat & de la
nourriture ; l'influence de ces deux
caufcs doit à la longue rendre ces ani-
maux exempts ou lufteptibles de cer-
taines afiecHiions, de certaines maladies;
leur tempérament doit changer peu à
peu ; le développement de la forme ,
qui dépend en partie de la nourriture
èi de la qualité àzs humeurs, doit donc
changer aufîi dans les générations : ce
changement efl à la vérité prefque
infcnlibie à la première génération ,
parce que les deux animaux , mâle &
femelle, que nous fuppofons être les
Touches de cette race , ont pris leur
coi^fifh.nce <5c leur forme avant d'avoir
Tome VI D
^4 tTîf!o}re NûîurcHe
été dcpaïfés , «5c que le nouveau cHmat
& ia nouiriture nouvel'e peuvent à la
vérité changer leur tempérament , mais
ne peuvent pas influer aflez fur les
parties folides & organiques pour en
altérer la forme, fur- tout fi l'accroilTc-
ment de ieur corps éioit pris en enn'er;
par Gonféquent la première gcnériiiion
ne ièra point altérée , la première pro-
géniture de ces animaux ne dégénérera
pai , l'empreinie de la forme fera pure,
il n'y aura aucun vice de fouche au
iTJonicnt de la nainiuice : niais le jeune
anijnal cfïu'cra , dans un âge tendre <Sc
foibic , les influences du climat , elles
lui feront plus d'imprcfllcn qu'elles n'en
cm pu faire lur le pèic & la mère,
celles de la nourriture (eront auiTj Lien
plus grandes & pourront agir fur les
partits organiques dans le temps de Tac-
crciiTcment , en altérer un peu fa forme
origiraire, & y produire des germes de
déiecluofjtés qui le nffinifcfteront cnfiiite
d'une manière très- Icnfible dans la fé-
conde génér>iion , où la progénifurc
a non - leLilc.i.cnt fes propres défiurs,
c*^il-à-dire, ceux qui lui viennent de
m cîîmat
ent à la
:nt , mais
, fur les
pour en
ace roi (Te-
m entier;
rcnéraiion
licrc pro-
cgénèrera
era pure,
ouche au
i le jeune
tendre &
mat , elles
l'elles n'en
la mère,
aufTi bien
y\r fur les
ps de l'ac
i
g
fa forme
ermes de
lit cnfiiite
ans la (e-
ogenimrc
■b dc-fuuîs,
cnncnt ck
éiti Cheval 7 5
fort accroifTement, mais encore les vices
de la fecondc Touche , qui ne s'en dé-
velopperont qu'avec plus d'avantage ;
ôc enfin à la troifième génération les
vices de la fcconde & de la troifième
fouche , qui proviennent de cette in-
fluence du climat & de la nourriture , (e
trouvant encore combinés avec ceux de
l'influence aéluelle dans raccroiiTèinent,
deviendront fi fenfiblcs, que les carac-
tères de la première fouche en feront
effacés : ces animaux de race étrangère
n'auront plus rien d'étranger, ils reflem-
bleront en tout à ceux du pays ; des
chevaux d'Efpagne ou de Barbarie ,
dont on conduit ainfi les générations,
deviennent en France des chevaux fran-
^ois , fouvent dès la féconde généra-
tion , & toujours à la troifième ; on
cil donc obligé de croifer les r\cc5 au
lieu de les conlerver, on renouvelle la
race à chaque génération , en fiifant
venir des chevaux Barbes ou d'Efpagne
pour l"cs donner aux jumcns du payi>;
«5^ ce qu'il y a de fmgulicr , c'eft que
ce renouvellement de race , qui ne (c
fût qu'en partie, &, pour ainfi dire,
Dij
'^'^ Hipo'ire Ndîiirelfe
à lïioiiîé , produit cependant de bien
jiieilleiirs effets que (i le lenouveilement
croit entier : \\i\ cheval (k une jument
irp'ippgne ne produiront pas enlemMe
xl'auili beaux chevaux en France que
ceux qui viendront de ce même cheval
d'Efpagne avec une jument du pays;
ce qui le concevra encore ailement , fi
l'on fait at.eniion à ia compenfation
necelTaire des défauts qui doit (è fliir^
ïorfqu'on met cnfemblc un mâle & une
femelle de differens pays: chaque climat,
par (es influences & par celles de la
nourriture , donne une certaine con-
formaâon qui pèche par quelque excès
ou par quelque défaut ; niais dans un
climat chaud il y aura en excès ce qui
fera en dtfaut dans un climat froid , &
réciproquement ; de manière qu'il doit
fe faire une compenfation du tout lorf-
qu'on joint enfcmble des animaux de
ces climats oppofés : & comme ce qui
a le plus de [)crfc<51ion dans la Nature
tft ce qui a le moins de défauts » &
fjue les formes les plus parfaites font
feulement celles qui ont le moins de
dilformiiô; le produit de deux animaux,
du Cheval
77,
fîont îes défauts fe compenferoîcnt exnc-
tcment , feroient la proclu<flion ia plus
pîirfaiie de cet;e efpcce ; or ils fe corn-
pcnicnt d'autant mieux , qu'on met en-
itmble des animaux de pays j)lus éloi-
gnés, ou plutôt de climats plus oppofés ;
ie coiu]}o(ë qui en réluite efl d'autant
plus parfait , que les excès ou les
dcfiuts de l'habitude du père font plus
oo(.'Ci»(és aux défauts ou aux excès de
i'fj.ibitudc de la tuère.
Dai s le climat tempe'ré de la France,
il faut donc pour avoir de beaux che-
v;iux , fiire venir des étalons de climats
j,lus ciiauds ou plus fioids : les chevaux
Arabes , fi Ton en peut avoir , & les
B.iibes doivent être préférés, & enfuite
les chevaux d'Eipagne <Sc du royaume
dt; Nnplrs ; & pour les climats froids
fcux de Danemarck , & enfuite ceux:
du Molrteiii & de Friie : tous ces che-
vaux produiront en France , afcc les
jumens du [>ays, d<i irès-bons thevaux>
cjui (crc^nt d'autant nie'lleurs ôl d'au-
t:uu
I
•lus I
)eaux
lUC
la \\
•mper^ture
du climat fera j)lus éloignte de celle
du climat de la France, en forte que
D
")
N
78
I^'iflohe . jSûtîireUt
les Arabes fe
les BarL
eroni mieux qi
les lîartxis mieux que ceux d'Efpagnc,
& de même les chevaux tirés de Dane-
marck produiront de plus beaux che-
vaux que ceux de Prife. Au défaut de
CCS chevaux de ciimats beaucoup plus
froids ou |;Ius chauds , '\\ faudra faire
venir des étalons Angfois ou Aiiemand^i^
ou même des provinces méridionales
de la France dtms les provinces fepten-
trionales : on gagnera toujours à donner
aux jumens des chevaux étrangers , ^
au contraire on perdra beaucoup à
iaiiïer multiplier cnfemble dans un harns
éffi chevaux de même race , car iîs
dégénèrent infaiiliblemeni & en très- peu
de temps.
Dans l'efj^èce humaine , le climat &
la nourriture n*ont pas d'aufD grandes
influences que dans les animaux , & (a
raifon en elt aiïez fnnpîe ; l'homme le
défendr niieux que l'animal, de l'ii tein-
péric du climat , il fe loge , il fe vê.it
convenablement aux Hiifons, fîi nourt-
ture efl auffi beau-oup plus variée , èk
par conféquent elle n'influe pas de la
même façon fur tous les individus: ks
i
fl'« Cheval:
79
BarLes,
Efpngnc,
c Dane-
lUx chc-
iéfaui de
Dup plus
idra faire
iieiriaiid^^
ridionales
:s fefnen-
à donner
ngers , ^
Lucoup à
un haras
, car ils
i très- peu
climat &
1 grandes
ux , & b
lomme le
le Tii teiM-
l fe vc.it
a noun -
variée , èk
pas de h
vidus: ks
défauts ou les excès qui viennent de
CCS deux caufês, & qui font i\ conflans-
à. fi renril>!es dans les Minimaux, le font
beaucoup moins dans Ie$ hommes
d'ail:
curs , comir
e il y a eu de fré-
quentes migrations de peuples, que \cs
nations fc font mêlées , & que beaucoup
d'h
& fe
ident d<
ommes voyagent « le répanuent de
tous côtés, il n'efl pas étonnant que
les races humaines paroiflent être moins
fu jeites au climat , <St qu'il fe trouve
des hommes forts , bien faits & même
fpirituels dans tous les pays. Cependant
on peut croire que par une cxpérience-
dont on a perdu toute mémoire, les
hommes ont autrefois connu le mal qui
R'faivoit des alliances du même làng ,
puifque chez les nations les moins poli-
cées , il a raretnent été permis au frère
d'cpoufer fa loeur : cet uûge qui cft'
pour nous de droit divin, & qu'on ne
rapporte chez les autres peuples qu'à des
vues politiques, a peut- are été fondé
lur rol)(crvation ; la politique ne s'étend
pas d'une manière fi générale ôl fi ab-
iolue, à moins qu'elle ne tienne au phy-
iK|ue; mais fi les hommes ont une fui^
!
8o Hlfloke Ndîiimk
connu pnr cxpericjice que leur race de-
généroir toutes, les fois qu'ils ont voulu
]a confcrver fans mélange claiib une même
famille, ifs auront regardé comme une
loi de la Niuurc celle de l'iiliiance avec
des familles éirangèrts, & fc feront tous
accordes à ne pas fouffrir de mélangea
enii'c leurs enfans. Et en effet, l'ana-
logie peut faire préfumcr que dans la
plur>a!C des climats les liommes àé^i^
nèrcroicnr comme les animaux , nprts un
certa';! nombre de gdntratums.
U^ 5 autre influence du climat & de
ia o'^t'rriture e(l !n variété des couleurs
dîiu: X robe des animaux , ceux qut
font fauvages & qui vivent dans le
ïrême climat font d'une même couleur,
qui lievient feulement un peu plus claire
ou plus foncée dans les différentes
faifons de l'année ; ceux au contraire
qui vivent fous des climats diff^^rens ,
font de couleurs différentes , & les
animaux domcftiqucs varient prcdigîcu-
fenient par les couleurs , en forte qu'il
y a des chevaux, cies ch'ens, &c. de
toute forte de poils , au lieu que ks
cerfs ; Ie§ licyreS; ^k font îoib de b
'du Cheval 8 I
même couleur: les injures du climat tou-
jours les mêmes , la nourriture toujours
ia même , produilent dans les animaux
fauvages cette uniformité ; le foin de
l'homme, fa douceur de l'abri, la va-
riété dans la nourriture, efficent & font
varier cette coi^ieur dans les animaux
domtftiques , aufîi - bien que le mé-
lange des races étrangères lorffju'on n'a
pas foiw d'afîbrtir la couleur du mâle
avec celle de la fcmclîe , ce qui pro-
duit que!({uefois de belles fniguîarités ,.
comme on le voit fur les chevaux pies,
oii le bl'anc & le noir (ont appliqués
(l'une manière fi bizarre & tranchent
l'un fur l'autre fi fmgulièrement , qu'il
(cnible que ce ne f ;it pas l'ouvrage de
la Nature , mais l'effet du caprice d'un
peintre.
D.uis l'accouplement des chevaux ,.
on afiortira donc le poil & la taille ^
on tonirallcra les fiçrures, on croiféra
ks races en oppolant les climats , & on
ne joindra jamais enfemble les chevaux
& les juiiicns nés d;ins le mtmc haras;.
louies ces conditions font elTenticHes ,
4 il y a encore quelque^ autres attcntioiis
D. V
8 A Hijloire Naturelle
qu'il ne fiiut pas négliger, par exeniprc,
il ne faut pas dans un haras de ju-
mens à queue courte, parce que ne
pouvant Te défendre des mouches , elles
en font beaucoup plus tourmentées
que celles qui ont tous ieurs crins >
& i'agitaiion continuelle que leur caufc
la ])!qûre de ces infcdles, lait diminuer
la ([uantité de leur lait, ce qui influe
beaucoup fur le tempérament & la taille
du poulain qui , toutes chofes égales
d'ailleurs, fera d autant plus vigoureux
que fi mère fera meilleure nourrice, li
faut tâcher de n'avoir pour fon haras
que des jumens qui aient toujours
pâturé &i qui n'aient point fatigué ;
les jumens qui ont toujours été à l'é-
curie nourries au fèc , & qu'on met
cnfuite au pâturage , ne produifent
pas d'abord ; il leur fuu du tetiips
pour s'nccoutumer à celte nouvelle
nourriture.
Quoique h faifon ordinaire de h
chaleur des jumens foit depuis le coin-
niencement d'avril jufqu'à lu fin de
juin, il arrive iificz fouvcnt que dans
wn grand nombre il y en a quelques-
du Cfiev^t 83
tines qui Tûin cn chaleur avant ce temps:
on fera bien de laiiTer pafîer ceitc
chaleur fans les faire couvrir , parce
que le poulain naîtroit en hiver, ibuf-
friroit de l'inteiiipérie de la faifon, &
ne pourroit fucer qu'un mauvais lait;
& de même lorfqu'une jumtnt ne vient
en chaleur qu'après le mois de juin ,
on ne devroit pas la iaifîer couvrir,
parce (:\ut le poulain nailîant alors en
«té , n'a pas le temps d'acquérir aflez
de force pour rcfiftcr aux injures de
l'hiver fuivant.
Beaucoup de gens , au lieu de con-
diiiie i'éialon à la jument pour la faire
couvrir, le lâchent dans le parquet où
les jumens font raflemblccs , & l'y iaif-
fent en liberté choifir lui-même celles
qui ont befoin de lui , & les fatisfaire à
fon gré y cetie manière eft bonne pour
les juincns , elles produiront même plus
fiirenierw que de l'autre façon , mais
i'étalon le ruine plus en Çi\ femaines
qu'il ne feroit en plufieurs années par
un exercice mc^déié & conduit comme
ÎI0U8 l'avons dit.
Lorfaue les iumcns font pleines ^
D vj
84 flifloire Naturelle
îciir >'tjure commence à s*a
jue leur >'tjure commence a s appc-
(:uuir, il f^iii les iepnrcr des autres c|ui
le loi
6c
|ui pourroient
les blefier ; elles portent ordinairement
onze mois & quel^jnes jours , elles ac-
couchent dcLotii , au lieu que prcfciue
tous les autres quadrupèdes fe couchent:
on aic'e celles dont l'accouchement efl
difficile , on y met la main , on remet
îc poidain etî iituirion, & quelquefois
même , lorlquil elt mort , o\\ le tire
avec des cordes. le poulain le pre-
lente ordinairement la tête la preinicre ,
comme d^ns toutes les autres efpèces
d'aiimnux , il rompt fes enveloppes en
foriaiit de la matrice, & les eaux abon-
d;;n es qu'elles coniieni.cnt s'écoulent, il
tombe en même toivips un ou pluficurs
morceaux îtlidcs formes par le fédiment
<le la liqueur épuifiic cfe l'alfar.toïde; ce
niortenu , que les anc'eiis ont appelé
J hippomanès du poulain, n'efl pas,
comfuc ils (e dilent , un morceau de
cfiair attache à la tcîc du poulain , il en
cil au contraire réj)are | t lu menibrone
am; ios : la jument lèche le poulain aprei
iàk iiailîance; m.ûi tiie jic touche pas à
foi
J// Cheval 8 5^
l'hîppomrinès , & les anciens fe font en-
core trompes lorfqu'ils ont aiïuré qu'elle
k- dcvorf'ii: à l'inUant.
L'ulage ordinaire eft de faire couvrir
unç jument neuf jours après qu'elle a
pouliné , c'ed pour ne point perdre de
temps & pour tirer de fon haras tout
le produit que Ton peut en aite: dre ;
cependiini il ell liir que la juirvent ayant
cnlcmble n nourrir fon poulnin né &
Çon poulain à n;iîire , fes forces font
partagées , & qu'el'e ne peut leur don-
ner autant que fi elle n'avoit que l'un
ou l'autre à nourrir : il (croit donc
mieux . pour avoir d'exccllens chevaux
de ne laKfer couvrir les jumens que de
deux annéts Tune, elles dureroient plus
long- temps ô<. reiiendroient plus (ïire-
mcnt ; car dans les haras ordinaires iî
s'en faut bien que routes les jumens
qui ont été couvcnes produilent tous
ics ans , c'cft beaucoup lorfque d.ins fa
même année il sVn trouve la moitié
ou les di^kW tiers qui donnent des
poulains.
Lç> jujTicns, quoique pleines peuvent
fouffiir raccQuplcmcnt, & cepcnduni ij
r
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IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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86 Hiflotre Naturelle '■
n*y a jamais de fupcrfétation ; elfes pro**
duiiem ofdmairemcnt jufqu'à l'âge de
quatorze ou quinze ans, ôl les plus vi~
goureu(ês ne produifent guère au-delà
(k dix-huit ans: les chevaux, iorfqu'ils
ont été ménagés, peuvent engendrer
jufqu'à l'âge de vingt & même au-dtlà,.
& l'on a tait fur ces anhnaux la même
remarque que fur les hommes , c'efl
que ceux qui ont commencé de bonne
heure finirent aufïi plus tôt ; car les
gros chevaux, qui font plus tôt formés
que les chevaux fins , & dont on fait
des étalons dès l'âge de quatre ans, ne
durent pas fi long- temps , & font com-
munément hors d'état d'engendrer avant
l'âge de quinze ans ^çj»
La durée de la vie des chevaiix, eft,
comme dans toutes les autres efpèces
d'animaux, proportionnée à la durée du
temps de leur accroifîement ; l'homme
qui eft quatorze ans à croître , peut
vivre fix ou fept fois aivtant de temps,
c'eft - à- dire quatre- vingt -dix ou cent
ans : le cheval dont l*accroiflement fe
(i) Voyez fe nouveau pirfiiit Marécinl de M. cU
fyxm
Jit Cheval ■ 87
fâh en quatre ans, peut vivre fix ou
ffpt fois autant, c*eft-à-dire, vingt-
cinq ou trente ans. Les exemples qur
pourroient être contraires à cette règle
font fi rares , qu'on ne doit pas même
les regarder comme une exception dont
on puiiïe tirer des conféquenc^s ; &L
comme les gros chevaux prennent leur
entier accroifîement en moins de tcmp»
que les chevaux fins , ils vivent aufli
moins de temps, & (ont vieux dès l'âge
de quinze ans.
11 paroîtroit aw premier coup d'œiï
que ckms les chevaux & la plupart des
autres animaux quadrupèdes , Taccroif-
fement des parties poftérieures e(l d'a-
bord plus grand que celui des parties
antérieures , tandis que dans fhomme
les parties inférieures croînent moins
d'abord que les parties fiipërieurci» : car
dans Tenfant les cuiilès & les jambes
font, à proportion du corps, beaucoup
moins grandes que dans Tadulte ; dans
le poulain au contraire les jambes de
derrière font affez longues pour qu'il
puifTe atteindre à fa tête »\'cc le pied
ide derrière ^ au lieu que le cheval adulte
8 8 ^ Hijloîre Naturelle
ne peut plus y atteindre : maïs celte
différence vient moins de l'inégalité cfë
i'accroifîèment total des parties anté-
rieures & poftérieures , que de l'inéga-
Ihé des pieds de devant & de ceux* de
derrière , qui eft confiante dans toute
la Nature, & plus fcnf/ble dans les ani-
maux quadrupèdes ; car dans l'homme
les pieds font plus gros que les mains,
& font auffi plus tôt. formes, & dans
le cheval , dont une grande partie de
la jambe de derrière n eft qu'un pied ,
puirqu'ellé n'eft compolée que des os
relatifs au tarfe , au mctaiarfe , &c. il
n'eft pas étonnant que ce pied foit plus
écndu & plus tôt développé que la
jambe de devant, dont toute la partie
inférieure reprélente la main , puifqu'elle
n'eft compofée que des os du carpe ,
du métacarpe, &c. Lorf(|u'un poulain
vient Je naître , on remarque aiftinent
CQiXQ différence, les jambes de devant
comparées à celles de derrière paroi^Ftnt,
& (ont en effet beaucoup plus courtes
alors qu'elles re le feront dans la iui:e,
ôi. d'ailleurs l'épaifleur que le corps ac-
quiert , quoit^u'indcpcndaaie des ^pro*-
eu Cheval ' 89
portions de raccroi/Tement en longueur,
met cependant plus de diflance entr<f
les pieds de derrière & la tête, & con-
tribue par confequent à empêcher fe
cheval d'y atteindre iorfqu*!! a pris Ton
accroifîèment.
Dans tous les animaux, chaque efpècc
cfl varic'e fuivant les difTérens climats ,
& les réfultais généraux de ces variétés
foniicnt & conftituent les différentes
races, dont nous ne pouvons failir que
celles qui font les plus marquées, c'cfl:-
à dire , celles qui diffèrent (enfibiement
les unes des autres, en négligeant touies
Icb nuances intermédiaires qui font ici,
conune en tout, infinies; nous en avons
même encore augmenté ic nombre £e
îa confufion en favorifant le mélange
de ces races , & nous avons , pour ainiî
dire , brufqué la Nature en amenant
en ces climats des chevaux d'Afrique ou
d'Afie, nous avons rendu méconnoif-
fabies fes races primitives de France
en y introduifant des chevaux de tout
pays , & il ne nous refle , pour diftin-
gucr les chevaux , que quelques légers
cariidères , produits par l'iiifluencç
S
5) o Hifîoire TJattireÏÏe
atfluelle du climat: ces caradlères (èroîent
]»ien plus martiués^ & les difftTenccs
feroîem bien plus fenfibles, fi les races
de chaque climat s'y fufTent conferv^es
iâns mélange ; les petites variétés au-
roiciit été moins nuancées, moins nom-
breules, mais il y auroit eu un certain
nombre de grandes variétés bien carac-
térifees , que tout le iTionde auroit
aifément diAiiiguées ; au lieu qu'il faut
de l'habitude , & même une a(ïèz longue
^ expérience , pour connoître les chevaux
des différens pays : nous n'avons fur
cela que les lumières que nous avons
pu tirer des livres des voyageurs , des
ouvrages des plus habiles écuyers, tels
que M/* de Ncwcaftie , de Gariliult,
de la Guérinière , &c. & de quelques
remarques que M. de Pignerolles,
écuyer du Roi, & chef de TAcadéinie
d'Angers a eu la bonté de nous com-
muniquer.
Les chevaux Arabes font les plus
beaux que Ton connoifle en Europe,
ils font plus grands & pins étoffés que
les Barbes , ai tout aufll bien faits ;
maU comme il en vient rarement ca
</// Chevût pt
France , les Écuycrs n'ont pas d'obfcr-
vations détaillées de leurs perfe^bnâ &
de leurs défauts.
Les chevaux Barbes font plus com-
muns , ils ont Tencolure longue , fine,
peu chargée de crins & bien Conte du
garrot , la tête belle , petite & afTez or-
dinairement moutonnée , i'oreiile belle
& bien placée , les épaules légères de
plates, le garrot mince & bien relevé,
les reins courts & droits, le fimc âc
les c6tes rondes (ans trop àe ventre,
les hanches bien efEicées , la croupe le
plus fou vent un peu longue ÔL la queue
placée un peu haut , k curHe bien for-
mée & rarement plate . les |an>bes belle^^
bien faites ôc fans poil, le nerf biea
détaché, le pied bien fait, mais fouvent
le paturon long ; on en voit de tout
poils, mais plus communément de gris:
les Barbes ont un peu de néglige tice
dans leur allure , iU ont befoin d'être
recherchés, & on leur trou'vc beaucoup
de vîtefTe fit de nerf^ ils font fort
légers & très- propres à la courfe: ce»
chevaux paroifTexit être les plus propres
5^2 Hijloke Naturelle
pour en tirer race ; il ièroit feulement
à fouhaiter qu'ils fuiïènt de plus grande
taille, \çs plus grands font de quatre
pieds huit pouces , & il efl rare d'en
trouver qui aient quatre pieds neuf
pouces ; il eft confirmé par expérience
qu'en France, en Angleierre, &c. ils
engendrent des poulains qui font plus
grands qu'eux : on prétend que parmi
les Barbes, ceux du royaume de Maroc
font (es meilleurs , cnfuiie les Barbes
de Montagne ; ceux du refle de fa
Mauritanie font au-defTous, aufll-bîen
que ceux de Turquie , de Perfè &
d'Arménie: tous ces chevaux des pays
chauds ont !e poii plus ras que les
autres. Les chevaux Turcs ne font pas
fi bien j)roponlonnés que les B.irbes ,
ils ont pour l'ordinaire l'encolure efîfilée,
le corps long, les jambes trop menues;
cependant lis font grands travailleurs <5c
de longue haleine : on n'en fera pns
étonné , fi l'on fait attention que dans
les pays chauds les os des animaux font
ptus durs que dans les climats froids,
& c'efl par cette raifon que quoiqu'ils
y
du Cheval. " ^3
aient îe canon plus menu que ceux de
ce pays- ci, iis ont cependant plus de
force dans ies jambes.
Les chevaux d'Efpagne , qui tien-
nent le fécond rang après !es Barbes,
ont l encolme longue, épaifTe & beau-
coup de crins , la tête un peu groffe ,
& quelquefois moutonne'e , ies oreilles
longues, mais bien placées, les yeux
pleins de feu , Tair noble & fier , les
épaules épaiflès & le poitrail large, les
reins aflez fouvent un peu bas , la côte
ronde , & fouvent un peu trop de
ventre, la croupe ordinairement ronde
& large , quoique quelques - uns l'aient
un peu longue, les jambes belles & fans
poil , le nerf bien détaché , le paturon
quelquefois un peu long , comme les
Barbes, le pied un peu alongé comme
celui d'un mulet, & fouvent le talon
trop haut : les cheviax d'Efpagne de
belle race font épais, bien étoffés, bas
(le terre , ils ont aufli beaucoup de
mouvement dans leur démarche , beau-
coup de foupicfle , de feu & de fierté ;
leur poil le plus ordinaire eft noir ou
bai- marron, quoiqu'il y en ait quelques-
94 Hipoke Nature fk
uns Je toutes fortes de poifs ; iîs ont
très - rarement des jambes blanches &
des nez blancs ; ies Ëfpagnols , qui
ont de i'averfion pour ces marques ,
ne tirent point race 6cs chevaux qui
les ont , lis ne veulent qu'une étoile
au front, ris efliment même les chevaux
znins autant que nous les niépriibns:
Tun di l'autre de ces préjugés, quoique
«ontr^ircs , font peut - être tout auffi
jnal fondés , puifqu'il Ce trouve de très-
bons chevaux avec toutes fortes de
marques, & de même dexceliens che-
vaux qui font zains; cette petite diffé-
rence dans Ja rol^e d'un cheval ne
femble en aucune fiçon dépendre de
fon naturel , ou de fa conflitution inté-
rieure, pujfqu'ellc dépend en effet d'une
qualité, extérieure , & /i fuperficielle,
<|ue par une légère bleflfure dans k
peau on produit une taciie blanche:
jsku rcfte les chevaux d'Efpagne, zains
ou autres, font tous marqués à la cuifTe
hors le montotr , de la marque du haras
dont iJs font fortis ; ils ne font pas
communément de grande taille , cej)en-
«Jant on «n trouve quelques - uns dt
î/// Cîiival * 9J
quatre pîcds neuf ou dix pouces ; ceux
de In haute Anclaloufie paflênt pour
éire les meilleurs de tous , quoiqu'ils
foient afTez fujets à avoir la têie trop
longue, mais on leur fait grâce de ce
défaut en faveur de leurs rares qualités;
ils ont du courage , de l'obéifTanoe ,
de la grâce , de la fierté , & plus de
fouplcfle que les Barbes , c'eft par tous
CCS avantages qu'on les préfère à tous
les autres chevaux du monde , pour
b guerre , pour la pompe & pour le
manège.
Les plus beaux chevaux Angfoîs (ont,
pour la confoKmaiion , aiïez (emblables
aux Arabes & aux Barbes, dont ils
(orient en effet ; ils ont cependant la
têie plus grande , mais bien faite &
moutonnée , les oreilles plus longues »
m lis bien placées .: par les oreilles leules
on pourrait diftinguer un cheval An-
glois d'un cheval Barbe , mais la grande
différence eft dans la taille, les Anglois
font bien étoffés & beaucoup plus grands;
on en trouve communément de quatre
pieds dix pouces & même de cincj pieds
de hauteur, \i y en a de tous jjuib &
^6 Hijlolre Naturelle
de toutes marques ; ils font g^nteîe-
mcnt forts, vigoureux, hardis, capables
d'une grande tàtigue, cxcelicns pour la
chade & la courte, mais il leur manque
la grâce & la foupleïï*e , ils font durs &
ont peu de liberté dans les épaules.
On parle (buvent de courfês de che-
vaux en Angleterre, & il y a des gens
extrêmement habiles dans cette efpècc
d'art gymnalUque. Pour en donner une
idée , je ne puis mieux faire que de rap-
porter ce qu'un homme refpedable (rj,
que j'ai déjà eu occafion de citer dans
le premier volume de cet ouvrage, m'a
écrit de Londres le 1 8 février 1 748.
M. Thornhii, maître de porte à Stilton,
fit gageure de courir à cheval trois fois
de fuite le chemin de Stilton à Londres,
c'efl-à-dire, de faire deux cents quinze
milles d'Angleterre ( environ foixante-
douze lieues de France ) en quinze
heures. Le 25) avril 1745 , vieux flyle,
il fe mit en courfe , partit de Stilton , fit
la première courfe jufqu'à Londres en
trois heures cinquante- une minutes, &
monta huit différcns chevaux dans cette
/rj Milord comte de Mortun.
courfe;
" du Cheval " 57
courfe ; il repartit fur le champ & fît U
féconde courfè, de Londres à Stilton ,
t\\ trois heures cinquante - deux minutes ,
& ne monta que fix chevaux ;.il (è
fervit pour la troifième courfe des mu-
nies chevaux qui lui avoient déjà (èrvi,
daiis les quatorze il en monta (êpt ,' de
il acheva cette dernière couriê en trois
heures quarante-neuf minutes ; en forte
que , non - (èulement il reinpiit ia ga-
geure qui étoit de faire ce chemin en
quinze heures, mais il le fit en onze
heures trente- deux minutes : je ibuie
que dans les jeux Olympiques il fe foit
jamais fait une courfe fi rapide que cette
courfe de M. Thornhill.
Les chevaux d'Italie ëtoîent autrefois
plus beaux qu'ils ne le font aujour-
d'hui , parce que depuis un ceruin
temps on y a 'négligé les haras ; cepen-
dant il fe trouve encore de beaux chevaux
>}npoIitains, fur -tout pour les attelages ,
mais en général ils ont la tête grof& de
Tencolure épaiffè , ils font indociles , &
par conféquent difficiles à drefTer : ces
défauts font compen fés par la richeffe
de leur taille, par leur fierté & par h
Tjnu VL L
V)S' Hijlohe NrJihellé
beauté Je ïciirs moiivcmcns ; îFs font
Cxccllens pour i'nppareil , & ont beaii-
CQi'p de difpofinons à piaâxîr.
'. Les chevaux Danois lont Je fi belfe
taille & fi étoffés , qu'on les préfère à
tous les autres pour en fî'ire des atte-
lages ; il y en a de parfaitement bien
moulés , mais en petit i>oinbre , car ic
plus fouvent ces chevaux n'ont pas une
conformation fort régulière : la pinpart
ont l'encolure épaifle , les épaules groHcs,
les reins un peu longs & bas , la croupe
trop étroi.c pour i'épailTeur du devant ;
mais ils ont tous de beaux mouvemens ,
& en général ils font très - bons pour
la guerre & pour l'npparcil , ils font de
tous poils ; & même le? poils finguliers ,
covnine pic & ligre ne le trouvent guère
cjiie dans ies chevaux Danois. -• , .
Il y a en Allemagne de fort beaux
chevaux , mais en général ils font pefui?
ôi. ont peu d'haleine , quoiqu ils vien-
nent pour la p'uj'art â$ chevaux Turcs
c\ Bjrbcs dont on entretient les haras,
au fil- bien que Jcî chevaux d'Efpagnc <3c
d-Jtaiie; ils ibnt donc peu ])roprcs à la
chafic & à h couife de vîielle, au lici^
tfiie:
^c.
cour
leur
d(t-o
c^ au
la gi
auxq
vent
de v<
qu'ifs
bleinc
Hong
fort 11
Le:
bons
dont
en Fi
provii
fort h
de Ju
fort ;
l.'uide
les p{^
f?u\ ,
enèntil
II
î^v Cheval ^cy-
iqiieïcs chevaux Hongrois, Tranfiîvains,
^c. fonu au contraire légers & bons
coureurs : les Houfards & les Hongrois
leur fendent ies nafeaux , dans la vue ,
dit-on , de leur donner plus d'haleine,
c^ aufîi pour les empêcher de hennir à
la guerre : on prétend que les chevaux
auxquels on a itndu les naieaux ne peu-
vent plus hennir : je n'ai pas éié à portée
de vérifier ce fait , mais il me lèmble
qu'ils doivent feulement hennir plus foi-
blemcnt ; on a remarque que les chevaux
Hongrois', Cravates & Polonois font
fort lu jets à être béguts.
Les chevaux de Hollande foMit fort
hons pour le carrofFc , & ce font ceux
dont on fc fert le plus communément
en France ; les meilleurs viennent de la
province de Friie , il y en a auffi de
fort bons dans le pays de Bergues &
(le Juliers. Les chevaux Flamands font
fort au-defîous des chevaux de Hol-
l'inde , ils ont prclquc tous la tête grofîè ,
ies pieds plats, les jambes fujèies aux
fniix , & ces deux derniers déhmts font
tllemicls d:ins les chevaux de carroiïe.
Il y a eu France des chevaux d§
E ij
[îoo Wiflotre Naturelle
touie cfpècc , mais ies beaux font en
petit nombre : ies meilleurs chevaux de
fcile viennent du Limofm , ils rcflbm-
blent afTez aux Barbes, & font comme
«ux excellens pour la chafle , mais ils
font tardifs dans leur accroifîèment ; ii
faut les ménager dans leur jeunefTe, Sa
même ne s'en Icrvir qu'à I*âge de huit
ans ; il y a auHl de très - bons bidets
«n Auvergne, en Poitou, dans le Mor-
vant en Bourgogne ; mais après le Li-
mofm, *c'eft la Normandie qui fournit
les plus beaux chevaux , ils ne font
pas il bons pour ia chafFe , mais ils
font meilleurs pour \^ guerre , ils font
plus étoffés & plus tôt formés. On tire
de ia bafie Normandie & du Cotentin
de très-beaux chevaux de carroffe , qui
ont plus <le légèreté & de teffource
que les chevaux de Hollande ; la Fran-
che - comté & le Boulonois fourniflènt
de très - bons chevaux de tirage ; en
général les chevaux François pèchent
pour avoir <le trop grofTes épaules , au
lieu que les Barbes pèchent par les avoir
trop ferrées.
J^près i'^numération de ces chevaux
au Cheveu* lOi:]
qui nous font les mieux connus , nous
rapporterons ce que les voyageurs difent
des chevauîi étrangers que nous con-'
noiiïbns peu. II y a de fort bons che-
vaux dans toutes les îles de l'Archipel ;
ceux de l'île de Crête ( s ) étoient tn
grande réputation chez les anciens poui^
i agilité & la vîtefîè , cependant aujour^
d'hui on s'en fert peu dans fe pays
même , à caufê de la trop grande ai'pé-
rité du lerrein , qui eft prefque par-tout
fort inégal & fort montueux : les beaux
chevaux de ces îics , & même ceux de
Barbarie, font de race Arabe. Lcs che-
vaux naturels du royaume de Maroc font
beaucoup plus petits que les Arabes,
mis très- légers & très-vigoureux (t)»
M. ShTiw prétend (u) que les haras
d'Egypte & de Tingitanie l'emportent
aujourd'hui fur tous ceux des pays
vuifins ; au lieu qu'on trouvolt , il y a
(i) Voyez la defcription ài^^ îles <fë l'Archipel ,
par Dapper, -page ^^^2,
(() Voyez l'Afrique de Marmoï. Paris, i6é!y ;
tCfne II , }hige 1 2^,
( u ) Voyez les voyages de Mi Shaw , traduits
pifranyois. ta Hait, i7^S , tome 7, vage joS*
£ 11/
;I0 2^ Hipoire Naturelle
environ un fiècie , d'aufll bons chevaux
dans tout le relie de h Rurburie : i ex-
cel'ence de ces chevaux Barbes confiite,
dit- il , à ne s'abattre jamais , & à (e tenir
tranquilles iorfque le cavalier defcend
ou I iiflè tomber la bride ; ils ont un
gra: d pas & un galop rapide, mais on
ne les laifle point troter ni marcher
i'ambfe : les habiians du pays regardent
ces allures du thevalconune des mou-
vemens giofiiers & ignobles. Il aroute
que les chevaux d Egypte font luj^c'-
rieurs à tous les autres jjour la taille 6c
pour la beauté ; mais ces chevaux d'E-
gypte , aulli - bi'cn que la plupart des
chevaux de Barbarie , viennent e'cb che-
vaux Arabçs qui font (ans cpntredit ,
les premiers & les plus beaux chevaux
du monde.
Selon Marmol (x), ou plutôt fefon
Léon l'Africain (yj, car Marmol Ta ici
copié prck(i;e mot à mot , les chevaux
Arabes viennent des chevaux fauva >cs
{ X ) V^oyez l'Afrique de Marmol , totJie l ,
fflge ;o,
(y) ViiU Lecnh Apic* de A/nca dcfuijii, ipni. II ,
pag, 7j© ôi 7ju
^ï du Chevalk V\ .To j"
(îés clé ferts d'Arabie dont oii a l^iit très-
ancieiiiieinenî des haras , qui les ont
tant muliijiliés, ([iie touie l'Afje & l'A*-
frique en font pleines ; ils font fi légers
que quelques-uns d'entr eux devancent
les autruches à la eourfc : les Arabes
du defert & les peuples de Libye élè^
vent une grande quuniité de ces chevaux
pour la chafTe ; ils n- s'en fervent ni
pour voydger ni pour Gombatrre , ils
les font paîire iorfqu'il y a de l'herbe \
& iorf<|ue l'herbe manque , ils ne les
nourrilîènt que de dattes & de lait de
chameau , ce c{ui les rend ner\ eux >
légers & maigres. Ils tendent des pièges
aux chevaux flmvages , ils en mangent
ia chair , & difent que celle des jeunes
cft fort délicate : ces chevaux fauvages
font plus petits que les autres , ils font
ccmmunément de couleur cendrée , quoi-
qu'il y en ait auiïi de blancs , & ifs
ont le crin & le poil de la queue fort
court & hérilïé. D'autres voyageurs (ij
{7) Voyez le voyar^ç de iM. de la Hcxiue, fik
Ji:ïr ()tdte de Louis XIV. Paris, lyi^, juigi' ly^
ir j'ub: & aiifTi i'hif^oire géncralc des voyages, l\irii,
,i7^^ , mm U, page 6i^6%
E m;
I
'I04 HiJIohe Naturelle
nous ont donné fur les chevaux Arabes
des relations curieufes, dont nous ne
rapporterons ici que les principaux faits.
Il n*y a point d'Arabe , quelque
niiférable qu'il foit , qui n'-oit des che-
vaux : ils montent ordinairement les ju-
mens , rexpérieiicc leur ayant appris
qu'elles rcfiflent mieux que les chevaux
à la fatJgue , à- la faim & à la (bif ;
elles (ont aulîî moins vicieuies , plus
douces & hennifTent moins fréquem-
ment que les chevaux : ils les accou-
tument {i bien à être enlembie, qu'elles
demeurent en grand nombre , quelque-
fois i\c% jours entiers , abandonnées à
elles-mêmes (ans fc frapper les unes les
autres ^ <Sc fans (e faire aucun mal. Les
Turcs au contraire n'aiment point les
jumens , & les Arabes leur vendent les
chevaux qu'ils ne veulent pas garder
pour étalons : ils confervent avec grand
foin, & depuis très -long- temps , les
races de leurs chevaux , ils en connoif-
fcnt les générations , les alliances <5c
toute la généalogie, ils diftinguent les
races par des noms différens , & ils en
font trois clafles; la première eA celle
Jii Cheval 105^,
des chevaux nobles , de race pure &
ancienne des deux côtés ; la féconde eft
celle des chevaux de race ancienne ^
mais qui fe font méfalliés , •& la troî-
fième cft celle des chevaux communs :
ceux ci le vendent à bas prix, mais
ceux de la première claiïe , & même
ceux de la féconde, parmi lefqueHes il
s'en trouve d'aufli bons que ceux de
la première, font excelllvement chers;
ils ne font jamais couvrir les jumens
de cette première clafTe noble , que par
des étalons de la même qualité : ils
connoifïciu par une longue expérence
toutes les races de leurs chevaux & de
ceux de leurs voifins , ils en connoiflent
en particulier le nom, le furnom , le
poil, les marques, &c. Quand ils n*ont
pas des étalons nobles , ils en empruntent
chez leurs voifins, moyennant quelque
argent, pour faire couvrir leurs jumens,
ce qui le fait en préfènce de témoins qui
en donnent une atteflation fignée & fcel-
lée par- devant le fècrétaire de TÉmir, oti
quelqu'autre perfonne publique ; & dans
cette attteftation , le nom du cheval & de
la jument eft cité ; & toute leur générar;
[10 6 Hiftuhe NûtureUe
tîon expoféc : lorfciuc la jument a pou-
liné , 011 appelle encore des témoins ,
éc l'on fiiit une autre atiellatioa dans
.laquelle on fait la dcfcripiion du j)OU-
Jain qui vient de naître , & ou mnrcjue le
jour de fa naifîàiice» Ces billets donnent
le prix aux chevaux y & on h^s remet
à ceux qui les achetienr* Les moindres
jumcns de cette preiuitrc ciaflc £bnt
de cincj cents écus , & il y en a beau-
.coup qui fe vendent mille écus , & même
quatre, cinq & ftx mille livres. Comiric
les Arabes n'ont qu'une tente pour
mai Ion ^ cette tente leur (ert auffi d'c-
curie ,. la jument, le poulain, le mari,
[a femme & les enfans cpuchent tous
pêle-mêle , les. uns avec les autres : ou
y voit les petits enfans fur le corps,
iur le cou de la jument & du poulain,
fans que ces animaux les bleiïcnt ni les
incommodent ; on diroit qu'ils n'ofeat
fe remuer de peur de leur faire da
mal : CC5 jumens font Çi accoutumées
a vivre dans cette familiarité , qu'elles
fouffrent toute forte de badinage. Les
Arabes ne les battent poinjt , ils les
5raiwe«t duucejucm, ils parlent & rai^
- ^ Ju Cheval, "x\ 107
fonncnt avec elles , ils en prennent uit
très-grand fuin , ils les laiflcnt toujours
aller au pas , & ne les piquent jatnais
fans nécefliié : mais auffi des qu'elles
fe Tentent chatouiller le flanc avec le
coin de i'étrier elles partent fubiiement
& vont d'une vîtelTe incroyable , elles
fiiutent les haies & les fo(Iés aulîi lé-
gèrement que les biches , & ii leur
cavalier vient à tomber , elles font ii
bien drefîées , qu'elles s'arrêtent tout
court , même dans le galop le plus ra-
pide. Tous les chevaux des Arabes font
d'une taille médiocre , fort dégagés ,
& plutôt maigres que gras ; ils les
panient foir &, matin fort régulièrement
& avec tant de foin , qu'ils ne leur
iaifiènt pas la moindre craflê fur la peau ;
.ils leur lavent les jambes , îe crin &
la queue qu'ils laiffent toute longue &
qu'ils peignent rarement pour ne pas
rompre le poil ; ils ne le ur donnent
rien à manger de tout le jour , ils leur
donnent feulement à boire deux 011
trois fois , & au coucher du foleil ils
leur pafîcnt un lac à la tcte , dans lequel
il y a uiviron uii demi-boilTcui d'orge
E v)
1 0 8 Hipoire Naturelle
bien net : ces chtvaux ne mangent
donc que pendant la nuit , & on ne
leur ôte le (âc que le lendemain matin
lorfqu'ils ont tout mangé ; on les met
au verd au mois de mars , quand l'herbe
e(l aflez grande ; c'eft dans cette même
faifon que Ton fait couvrir les ;nrnens ,
& on a grand foin de leur jeter de
Teau froide fur la croupe , immédiate-
ment après qu'elles ont été couvertes :
lorfque ta fiifon du printemps eft paf»
fée , on retire les chevaux du pâturage ,
& on ne leur donne ni herbe ni foin
de tout le refte de Tannée , ni même
de paille que très- rarement , Tbrge efl
leur unique nourriture. On ne manque
pas de couper aulli les crins aux pou-
lains dès qu'ils ont un an ou dix- huit
mois , afin qu'i-ls deviennent j^lus touffus
& plus longs : on les monte dès V^g'^
de deux ans ou deux ans & demi tout
au plus tard , on ne leur met la felle
& \\ ];ride qu'à cet âge ; <Sc tous les
jours , du matin jufqu'au loir , tous les
chevaux des Arabes demeurent fèllés &
bridés à la porte de la tente.
La race de ces chevaux s*eft étendus
</// Cheval. lôp^
en Barbarie, chez les Maures & même
chez les Nègres de la rivière de Gambie
A: du Sénégal , les Seigneurs du pays
en ont quelques - uns qui (ont d'une
grande beauté; au lieu <l*orge ou dW
voine on leur donne du maïs concafîé
ou réduit en Marine qu'on mêle avec du
lait lorfqu'on veut les engraiffer, ôc dans
ce climat fi chaud on ne les laifTe boire
que rarement (a). D'un autre côté les
chevaux Arabes ont peuplé i'Égypte ,
la Turquie & peut - être la Perle , où
il y avoit autrefois des haras très-confi-
dérables : Marc Paul (b) cite un haras
(le dix mille jumens blanches, & il dit
que dans k province de Balafcie il y
avoit une grande ((uantité de chevaux
grands & légers, avec la corne du pied
Il dure , qu'il éioit inutile de les ferrer.
Tous les chevaux du Levant ont,
comme ceux de Perfe & d'Arabie, la
corne fort dure; on les ferre cepen-
(a) Voyez fhinoire générale àt% voyages , tome 1U\
(h) Voyez la defcription gcogr. de l'încfe, pair
Marc Paul , Vénitien, /îir/;,, i y66 , (cme J, p» ^' ^
rt i a 'Htflotre NcUurellé
dant, maïs avec des fers minces, T^gers>
& qu'on peut clouer par- tout : en Tur-
quie, en Pcrfe & en Arabie on a aufli
les mêmes ufages pour les foigner , les
nourrir 6c leur faire de la liiière de leur
fumier , qu'on fait auparavant fécher
au foleil pour ôter l'odeur , & enfuite
on le réduit en poudre 6c on en fait
tme couche , dans l'écurie ou dans la
tente, d'environ quatre ou cinq pouces
d'épaifTeur; cette litière dure fort long-
temps , car quand elle eft infedée de
nouveau , on la relève pour la faire
fécher au folcil une (cconde fois , &
cela lui fait perdre entièrement (a mau-
vaifc odeur. . - , ,
Il y a en Turquie dti chevaux Ara-
bes , des chevaux Tartares , des chevaux
Hongrois & (les chevaux de race du
pays; ceux-ci (ont beaux & très-fins ^c),
ils ont beaucoup de feu, de vîtelîc, k
même d'agrément , mars ils font trop
délicats , ils ne peuvent fupporicr li
fatigue , ils mangent p^u , ils s'échauf-
(c) Voyez les voynîrcs Je M. Dumont. La Il,'{\
- ^Ju Cheval ' r i ï'
fciu atfcmcnt, & ont la peau fi fcafililc
qu'ils ne peuvent fu})poricr le froiic-
ir,ent de l'cirilk' ; on fe contente de les
fio'tcr avec répourtctte <Sc de Ic^ laver :
CCS clievaux , ({uoique beaux , fonc ,
comme l'on voit , fort au - defTous des
Arabes, ils font même au-deflbus des
chevaux de Perle , qui font après les
Arabes (d) les plus beaux & les meil-
leurs chevîtux de l'Orient , les pâtu-
rages des plaines de Mcdie , de Per-
ftipolis , d'Ardebil , de Derbent font
admirables , & on y élève , par les
ordres du gouvernement , une prodi-
gicule quantité de chevaux , dont la
plupart font très - beaux , & pretque
tous excellens : Pietro dcila Valle f e )
préfère les chevaux communs de Perle
aux chevaux d'Italie, & nicme, dit -il,
aux plus excellens chevaux du royaume
de Naplcs ; communément ils font de
(d) Voyez fcs voyages ^t Thcvcnof, Paris ;
j 6<ff/ , toim II , page 22u ; Ac Chardin. Ainlh t ji i ,
tome II , fhige 2j ir fuiv, d'Adam Olcarius. Pam ,^
,16^6, icme 1 , juige y t>o & fuiv» .
(e) Voyez les voya^^cs de Pietro deifa Valfci
ï 11 Hiflotre ffatureïlè '
tailîc médiocre (f), il y en a mêmd J»
forts petits fg), qui n'en font pas moins
bons ni moins forts, maii il s'en trouve
niifli beaucoup de bonne taille <5c plus
grands que les chevaux de (elle An*
glois (h). Ils ont tous ià tête légère,
tencolure fine , le poitrail étroit , les^
oreilles bien faites & ïàqïï placées , les
jambes menues-, la croupe belle & la
corne dure; ils font dociles , vifs, légers,-
haidis, courageux ÔL capables de fup-
porier une grande fatigue ; ils courent
d'une très - grande vîielfe , lâns jamais
s'abattre ni s'affaiïïèr ; ils font robuftes
& très-aifés à nourrir-, on ne leur donne
que de Torge mêlé avec de la paille
ftaebée menu , dans un fàc qu'on^ leur
paffe à la tête , & on ne les met au verd
que pendant fix femaines au printetnps i
on leur laiflc la qiieiie longue , on ne
fait ce que c'e(t que de les faire hon-
{fi Voyez les voyages cleTavcrnicr. Rouen, lyt j,
toitii 11, liages I ^ & 20»
(g) Voyez fes voyages de Thévenot, mnt Ih
page 2 2 0,
(h) Voyez lés voyages de Chardin, tomt U,,
j^ag4 2^ iX Jniitunest
in Cheval ^ 1 1 ^
grcs; on leur donne des coiivcrtures
pour les défendre des injures de l*air,
on les foigne avec une attention pani-^
cuiière, on les conduit avec un fimple
bridon ôc fans éperon , & cflti en iranf-
porie une très grande quamiié en Tur-
quie, & fur -tout aux Indes: ces voya-
geurs, qui font tous l'éloge des chevaux
de Perfe, s'accordent cependant à dire
que les chevaux • Arabes font encore
fupérieurs pour Tagilité , le courage &
la force , Sl mêuie la beauté , & qu'ils^
font beaucoup plus recherchés en Perle
même que les plus beaux chevaux du
pays. -k
Les chevaux qui naiflent aux Indes
ne font pas bons ( ij, ceux dont fa
fervent les Grands du pays y font irani^
portés de Perfe & d'Arabie; on leur
donne ua peu de foin le jour , & (e
foir on leur fait cuire des pois avec
du fucre & du beurre au lieu d'avoine
ou d'orge : cette nourriture les Ibuuent
fi) Voyez le Voyage de la Boullaye - fc - Goiiz,.
Eiris , 1 6 S7 , puge 2; f> ; & le recueil éts voyages
qui ont fcrvi à i'étabiifîèment de la Compagnie ac»
Inciesi Amjlt i/oz, tome IV , imgt fZé^
\f'
Ti$ Kijldire Naturelle
& leur donne un peu de force , fans
cela ils déperiroient en très - peu de
temps , le clhnat leur étant conir.iire.
Les chevaux riatureis du [)ays (ont en
général fort petits , il y en a même
do (i peiiis , qi'C Tavernier rapporte
que le jeune [>rincc du Mogol , Ai^^i
de fept ou huit ans, inontoit ordinai-
rement un petit cheval très -bien fait,
dont la taille n'ex*cédoit pas celle d'un
grand lévrier (li)* 11 lemble que its
climats exccfîivemcnt chauds (oient con-
traires aux chevaux : ceux de la côte
d'Or, de celle de Juda , de Guinée,
&c. font comme ceux des Indes , fort
nsauvais ; ils portent la tête & le cou
fort bas , leur marche eil fi chance-
lante , qu'on les croit toujours prêts à
tomber ; ils ne fe remueroient pas {i
on ne les frappoit continuellement , &
ïa plupart font fi bas , que les pieds
de ceux qui les montent touchent prcf-
que à terre ( IJ; ils font de plus fort
(k) Voyez lei voyages de Tavernier, tot/'.e lll,
(l) Voyez l'hiftoirc générale àsi voyages, mm JV:
du Cheval " 1 1 J
{nJocîîes i & propres feulement à lervir
de nourriture i'iux Nègres, qui en aiment
la chair autant que celle des chiens fm):
ce goût pour la chair du cheyal cil donc
commun aux Nègres 6c aux Arabes , il
fe retrouve en Tartarie , & même à ia
Chine (nj, Les chevaux- Chinois ne
valent pas mieux que ceux des Indes (o),
■ ils font foibles , lâches , mal faits , <Sc
forts peiiis ; ceux de la C.orèc n'ont que
trois pieds de hauteur : à la Chine
prefque tous les chevaux font hongres ;
& ils font fi timides , qu'on ne peut
%'ti\ fervir à la guerre; aufii peut -on
dire que ce font les chevaux l'ariares
qui ont fait la conquête de la Chine :
ces chevaux font très- propres pour Li
guerre , quoique communément ils ne
îoient que de taille médiocre , ils font
(m) Voy. i'Hirtoire générale Jcs voyages, tome IV,
(r.) Vr)}'cz le voyage cîe M. le Gentil. Paris i
1J~S' ^'""^ 11, page 2^.
( 0 ) \'^.)yez les anciennes relations Jes InJcs ^
cîe lii Cliino , traJuites de l'Arahc. Pnris , lyiS ;
jhi^'c 2 0^ ; l'hiiloire gcntrile des Voyages, tome VI,
}\}fes ^^2 îy SJS : l''i«<loîre de la cooquCte de
\à Cliinc, par T^Uatbx. Paris, iSyoi lugc f2 ^,
Ji6 HijToire Tlanireïlt
fons , vigoureux , fiers, ardens ^ îegeils
& gr.mcls coureurs ; ils ont la corne du
pied foft dure, mais trop étroite; fa lêie
fort K-gjère , mais trop petite ; Tencolure
longue <?c roide , les jambes trop hautes ,
avec tous ces défauts ils peuvent pafTer
pour de très- bons chevaux , ils font
înfatignbfes & courent d'une vîiefTe
extrême. Les Tartares vivent avec leurs
chevaux à peu près comme fes Arabes,
ifs les font monter dès l'âge de (èpt ou
huit mois par de jeu lies enfans , qui les
promènent & les font courfr à petites
feprilcs; ils les dreflent ainfi peu à peu,
& leur font fbuffrir de grandes diètes,
mais ils ne les montent pour aller en
courfe que quand ils ont fix ou fepi
ans, ils leur font fupporter alors éK.%
fatigues incroyables (p) , comme de
marcher deux ou trois jjours fans s'ar-
rêter s d'en pa^Ter quatre ou cinq fuis
autre nourri ure qu'une poignée d'herbe
de huit heures en huit heures, & de re
(p) Voyez Palafox , pnge ^2 y ; \t recueil àe&
voyages du Nord, Rouen, tyi 6 , tome ///, /'. //^;
Tavcrnier, tome /, page ^72 iT" fuip, Hi(lotrc gé-
néralcdes voyages, tome yi, page 60^ tiX tome VII,
page 2tjf,
-^iJu Cheval itj
en même temps vingt - quatre heures
fa-iS boire, &c. Ces chevaux, qui pa-
roiiicnt , & qui en effet ibnt fi robuftes
dans ieur })ays, dcpériffent dès qu'on
\ti tranlpone à la Chine & aux Indes,
m:ils ifs réuffilTent a(îèz en Perfe & en
Turquie. Les petits Tartares ont aufli
une race de petits chevaux dont ils font
tant de cas, qu'ils ne fe permettent
jamais de les vendre à des étrangers:
ces chevaux ont toutes les bonnes &
mauvaifes qualités de ceux de fa grande
Tartarie, ce qui prouve combien les
mêmes mœurs & la même éducation
donnent ie même natuiel & la même
habitude à ces animaux. Il y a auflî en
CircafTie & en Mingrélic beaucoup de
chevaux qui font même plus beaux que
les chevaux J'artares ; on trouve encore
d'affez beaux chevaux en Ukraine, en
Valachie , en Pologne & .en Suéde,,
mais nous n'avons pas d'obfèrvations
particulières de leurs qualités 6c de leurs
défauts.
Maintenant, Ç\ l'on confulte fes an-
ciens fur la nature & les qualités des
chevaux des différcns pays , on trour
y T 9 'HiJIotre NafufeTîê
vcra (q) que fes chevaux de la Grèce,
& fur- tout ceux de lu Thefialie & de
i'Épire , avoicnt de fa re'putaiion , &
cto'ent très-bons pour ia guerre; que
ceux de l'Achaïe ctoient les plus grands
que Ton connût ; que les plus beaux
de tous ctoient ceux d'Egypte où il y
en avoit une très -grande quantité, &
CHi Sa!omon envoyoit en acheter à un
très- grand prix ; qu'en Ethiopie , les
chevaux rcufFifloient i-nal à caulè de la
trop grande chaleur du climat ; que
J' Arabie & l'Afrique fournilToient les
chevaux les mieux faits, & fur -tout les
plus légers & les plus propres à la mon-
ture & à la courlè; que ceux d'Italie,
& fur-tout de la Pouille , éioient aufîî
tr^s-bons ; qu'en Sicile, Cappadoce,
Syrie, Arménie, Médie & Perle il y
avoit (.l'cxcellcns chevaux , & recom-
mandabks par leur vitelTc & leur légè-
reté ; que ceux de Sardaignc & de
Corlè étoient petits, mais vifs.& cou-
rageux ; que ceux d'Efpiigne rcfiem-
btoient à ceu;( des Parihcs , & étoicat
(q ) Voyez Aldrovànd. lîifl. Nat. ^c foiîpcd.
'f^^yn Cheval V "ïip
excclîens pour îa guerre ; qu'il y avoit
aufli en Tranfilvanie & en Valachic des
chevaux à tête Jt'gèrc , à grands crins
pencians jufqu'à t/.rre, &i à queue touffue,
(jui eioicnt très- prompts à la coiirfe; que
les chevaux Danois étoieni bien faits
& bons fiuiteurs ; que ceux de Scandi-
navie ctoient petits, mais bien moulés
& fort agiles ; que les chevaux de Flandre
tioicnt forts ; que les Gaulois fournif-
foitnt aux Romains de bons chevaux
pour la monture de pour porter des .
faiJeaux ; que les chevaux des Germains
tioient mal faits & Çi mauvais, qulls ne
s'en fervoient pas ; que les Suifles en
nvciient beaucoup & de très- bons pour
];t guerre; que les chevaux de Hongrie
cLoient aufij fort bons; & enfin, que
les chevaux des Indes ctoient fort petits
& très-foibles.
H réfulte de tous ces faits, que fcs
chcvnux Arabes ont été de tous temps
& loin encore les premiers chevaux du ,
monde , tant pour la beauté que pour
la bonté; que ccfl deux que ion tire,
foit immédiatement , foit mcdiatcment;
par le moyen des Barbes , les plus beaux ;
120 Hijîoîre Naturelle
chevaux qui foient en Europe \ en
-Afrique & en A fie; que le climat de
l'Arabie eft peut-être le vrai climat des
chevaux , & le meilleur de tous les
climats, puifqu'au lieu d*y croifer les
races par des races étrangères , on a
grand (bin de les confervcr dans toute
leur pureté; que iî ce climat n'eft pas
ÎDar fui - même le meilleur climat pour
es chevaux, les Arabes font rendu tel
par les foins particuliers qu'ils ont pris
de tous les temps , d*ennobiif les races ,
«n ne mettant cn(êmbk que les individus
Jes mieux faits & de la première qualité ,
que par cette attention fui vie pendant des
lîècles ils ont pu perfedionner i'-efpèce
au - delà de ce que la Nature auroit fait
dans le meilleur climat : on peut encoKe
«n -conclure que les climats plus chauds
que froids, & iur-lout les pays fecs^
font ceux qui conviennent le mieux à
la nature de ces animaux ; quten général
les petits chevaux font meilleurs que les
grands ; que le foin leur efl aufO nécef-
iàire à tous que 4a nourriture; qu'avec
de !a familiarité de des carefîes on en
tire beaucoup plus que par la force &
les
Jffcs chltimens; que les chevaux des pays
chauds ont les os , la corae , ' ^s mulcles
plus durs que ceux de nos climats ; que
quoique ia chaleur convienne mieux que
le froid à ces animaux , cependant le
chaud exccffif ne leur convient pas ;
aue le grand froid leur eft contraire ;
qu'enfin leur habitude <5c leur naturel dé-
pendent prefqu'cn entier du climat , de la
nourriture, des foins & de l'éducation.
En Perfe , en Arabie & dans plu-
fieiirs autres lieux de l'Orient, on n'efl
pas dans l'ufage de hongrer les chevaux,
comme on le fîiit fi généralement en
Europe & à la Chine : cette opération
leur ôte beaucoup de force , de courage ,
de fierté, «Sec. mais leur donne de la
douceur , de la tranquillité , de la doci-
lité ; pour la faire , on leur attache les
jambes avec des cordes , on les renverfê
fur le dos , on ouvre les bourfès avec
un biftouri, on en tire les tcfticules,
on coupe les vaideaux qui y abouiifîcnt
& les ligamens qui les foutiennent , &
après les avoir enlevés on referme la
plaie & on a foin de faire baigner le
cheval deux fois par jour pendant quinze
Tom: VL f
IIY 'Hîjlolre Natâtelk
jours , ou de Tctuver fou vent avec 4*
l'eau fraîche , & de le nourrir pendant
ce temps avec du foji détrempé dans
beaucoup d'eau , afin de le rafraîchir:
cette opération (è doit faire au prin-
temps ou en automne, le grand chaud
& le grand froid y étant également con-
traires. A i'cgard de l'âge auquel on doit
la faire , il y a des ufliges différens;
dans certaines provinces on hongre les
chevaux dès l'âge d'un an ou dix - huit
mois , aulTjïot que ics teflicules font
bien apparens au dehors ; mais i'ufagc
le plus général & le mieux fondé eft
de ne les hongrer qu'à deux & même à
trois ans , parce qu'en les hongrant tard
ilr. Gonferv€nt un peu plus des qualités
anachées au (èxc mafculin. Pline (r)
dit que les dents de lait ne tombent
point à un cheval qu'on fait hongre
avant qu'elles (oient tombées : j'ai été à
portée de vérifier ce fait, & il ne s'cft
pas trouvé vrai ; les dents de lait tombent
également aux jeunes chevaux hongrrs
& aux jeunes chevaux entiers; & ii elt
.'
(r) Voyez Plin. Hirt. Nat. in- 8.' Paris, i6$^,
tmie U , l'arag, LXXIV t page JjS*
i/// Cheval ''2}^
probable que les Anciens n'ont hafardc
ce fait que parce qu'ils l'ont cru fondé
fur l'analogie de la chuie dos cornes du
cerf, du chevreuil , &c. qui en efict ne
tombent point lorfque l'animai a été
coupé. Au refte un cheval hongre n'a
plus la puiiïance d'engendrer , mais iL
peut encore s*accoupicx, & l'on en a
vu des exemples.
Les chevaux de quelque poil qu'Us
foient , muent comme prefque tous les
autres animaux couverts de poil y & cette
mue fè fait une fois Tan, ordinairement
au printemps , & quelquefois en automne ;
ils font alors plus ibibies que dans les
autres temps , il faut les ménager , les
foigner davantage & les nourrir un peu
plus largement, il y a auili des chevaux
qui muent de corne, cela arrive fur-
tout à ceux qui ont été élevés da.ns des
pays humides & marécageux , comme ea
Hollande.
Les chevaux hongres & les jumens
hennifîènt moins fréquemment que \ts
chevaux entiers. Ils ont auffi la voix
moins pleine 6c moins grave : on peut
Fi;
12 4 Hifioir^ NatNrelié
didingner dans tous cinq fortes (s) cl*
hennilTemcns diffcrens , rclutifs à difFc-
*-cntcs paffions ; le h^nniflcment d'allc-
grefîe , dans lequel la voix iê fait ea-
tendre a-llez longuement, monte & finie
à des fons plui) aigus ; le cheval rue en
même t^^mps , mais It-gèrcment , & ne
•cherclic point à frapjier ; le heiuii(îc-
ment du defir, foit d'amour, foit d'atta-
chement , dans lequel le cheval ne rue
•point , & la voix fe fait ejucndre longue-
inent & finit par des fons plus graves ;
•!e hennifTement de la colère pendant
icquei le cheval rue & frappe dangereu-
'fcment, e(i très-court & aigu : celui de
•îa crainte, pendant lequel il rue auffj,
n'eft guère plus long que celui de la
colère , la voix eft grave , rauquc , &
iemble fbrtir en entier ^ts nafeaux, ce
•hennifîèment eft afTez femblable au ru-
giffcment d'un lion ; celui de la douleur
cfl moins un henniflèment qu'un gcmif-
fement ou renflement d'oppieffion qui
^c fait à voix grave & fuît les alternatives
(sf ViUc Cardan, de rcrum varic;«ktjs , lib. YJii^
l ■
'1.,
^11 Cheval ' T25
Je îà rcfpîraiion. Au rertc on a rcmnr-«
que que les chcvnux c(ui licnniflcnt (o
plus (buvcnt, fur-iout d'ulici^rcfle ^ ilc
dt-fir, font les nieilicurs & les plus gé-
néreux ; les chevaux entiers ont aufii la
voix plus forte que les hongres & k'.>
jumens ; dès la nailïance le iiiûfc a l.'^
voix plus forte que la feinelîc ; à deiiK
ans ou deux ans ik demi, cclUà-dire, à
l'âge de puberté lu voix des nialcs & des
femelles devient plus forte & plus grave,
comme dans iMiomme & dans la plupart
lies autres animaux. Lorfque le cheval
ell padionnc d'amour , de defir , J'ap-
pcîit, il montre les dents & femble rire^
il les montra auflhdans la colère & lorf-
qu'il veut mordre ; H tire quelquefois
la langue pour lécher , mais moins frc-*
(juemment que ie bœuf, qui lèche beau*
coup plus que le cheval , & qui cepen-
dmt eft moins fenfible aux carcfîcs : I<5
cheval fè fou vient auffi beaucoup plus
I long-temps des mauvais traiiemens , & il
fe rebute aufîi pïus aifément que ie bœuf;
fon naturel ardent <Sc courageux lui fait
donner d'abord tout ce qu'il pofsèdts
de. forces, & lorfqvi'ii fem qu'on exigç
r,»'
m 6 Hijtolre Naturelle
encore davantage, H i^ndigne & refiife,
au lieu que le bœuf qui de la nature eft
lent & j)arefreux, s'excède & fe rebute
moins virement.
Le cheval dort beaucoup moins que
rhojTime ; lorfqu'il le porte bien il ne
demeure guère que deux ou trois heures
de fuite couché , il fe relève enluite
pour manger , & lorsqu'il a été trop
fatigué il fe couche une fecon le fois
après avoir mangé , mais en tout il ne
dort guère que trois ou quatre heures
en vingt- quatre ; il y a même des che-
vaux qui ne (è couchent jamais & qui
dorment toujours debout , ceux qui
fe couchent dorment aufîi quelquefois
fur leurs pieds : on a remarqué que les
hongres dorment plus fouvcnt & plus
long-temps que les chevaux entiers.
Les quadrupède:» ne boivent pas tous
de la même manière , quoique tous
Ibient également ol^ligés d'aller chercher
avec la tête la liqueur qu'ils ne peuvent
fiiifir autrement, à l'exception du fmge,
du maki & de quelques autres qui ont
des mains , & qui par conféqucnt peu-
Vent boire comme l'homme , lorfqu'on
ih Cheval ïiy
leur donne un va(è qu'ils peuvent tenir;
car ils ie portent à leur bouche , Tin-
diiient , verfent la liqueur , & l'avalent
par le fimple mouvement de la déglu-
tition : l'homme boit ordinaiicmem de
cette manière , parce que c'eft en effet
la plus commode ; mais il peut encore
boire de piufieurs autres façons , en
approchant les lèvres & les contradan»;
pour afpirer la liqueur , ou bien en y
enfonçant le nez & la bouche aiïez pro-
fondément pour que la langue en foit
environnée & n'ait d'autres mouvemcns
à faire que celui qui eft ne'ceiïaire pour
fa déglutition , ou encore en mordant,
pour ainfi dire , la liqueur avec les
lèvres, ou enfin, quoique plus diffici-
lement , en tirant la langue , l'clargiflant ,
& formant une efpèce de petit godet qui
rapporte un peu d'eau dans la bouche :
la plupart des quadrupèdes pourroient
aulfi chacun boire de piufieurs manières ,
maii ils font comme nous , ils choifif-
fcnt celle qui leur eft la plus commode
& la fuiyent conftamment. Le chien ,
dont la gueule efl fort ouverte & la
langue longue ^ miucc , boit en lapant ,
F iii;
ï 2 8 Hipotre Naturelle
c'cft" à- dire, en léchant la liqueur, êc
formant avec fa langue un godet qui fc
remplit à chaque fois, ôc rnpporte une
alTcz grande quantitcf de liqueur, iï pré-
fère celte iviçon à celle de (e mouiller
ie nez : le cheval au contraire, qui a h
Louche plus petite & la langue trop
cp.iifîè & trop courte pour former un
grand godet , & qui d'ailleurs boit en-
core plus avidement qu'il ne mange ,
enfonce la bouche ik le nez brufque-
ment & profondément dans i*eau cju'il
avale abondamment par le fimple mouve-
ment de la déglutition ; mais cela même
le force à boire tout d'une haleine , au
iieu que le chien refpire à fon aife
pendant qu'il boit: aulîi doit -on laffer
aux chevaux la liberté de boire à plu-
sieurs repriles , fur- tout après une courfc,
ïorfquc le mouvement de la refpiratioa
eft court, & ])rel7é ; on ne doit pas
non |)lus leur laifier boire de l'eau trop
froide ; parce qu'indépendamment des
coliques que l'eau froide caufe (auvent,
il leur arrive aulîi , par la nécefiité où ils
font d'y tremper les naicaux , qu'ils Te
KcfroidiiTcyit le nez , s'enrhument ^ ëi
{Jit Cheval» lifp
prennent peut- éire les germes de cette
maladie à laquelle on a donné le nom
de morve, la plus formidable de toutes
pour cette efpèce d'animaux : car on
jait depuis peu que le fiége de lu morve
tll: dans la membrane pituitaire ( t ) i
que c'ert par conféqucnt un vrai rhume
qui à la longue caufc une inflanimaiion
dans celte membrane , & d'un autre côté
ies voyageurs qui rapportent dans un
ûfîcz grand détail les maladies des che-
vaux dans les pays chauds , comme l'A-
rabie, la Pcrië , la Barbarie, ne dilcnt
pas que la morve y foit aulîi fréquente
que dans les climats froids ; ainfi je crois
cire fondé à conjecturer que l'une des
caufcs de cette maladie cft la froideur de
l'eau , parce que ces animaux font obligés
d'y enfoncer & d'y tenir le nez & les
nafeaux pendant un temps confidérabic ^
ce que l'on préviendroit en ne leur don-
nant jamais d'eau froide , & en leur el-
fuyant toujours les nafeaux après qu'ils
(t) M. de la FofTc, Marécfial ciii Roî , a le prç-
.Miitr démontré ([ue le ilcgc de la morve cfl dans in
.membrane pitiiiraire , & il a eiTayé de guérir dos
çiw.v\iux Cil Ic5 ircpanantj-
3E^ V
fl 3 o HiJIoke Naturelle
ont bu. Les ânes qui craignent îe froid
beaucoup plus que les chevaux , & qui
leur rcfîembicm fi fort par la ftrudure
Intérieure, ne font pas cependant i\ fujets
à la morve, ce qui ne vient peut- eue
que de ce qu'ils boivent différemment
des chevaux ; car au lieu d'enfoncer
profondément la bouche & le nez dans
i'eau , ils ne font prclque que l'atteindre
des lèvres.
Je ne parlerai pas des autres maîadies**
des chevaux , ce feroit trop étendre
l'Hiftoire Naturelle que de joindre à
i-'hiftoire d'un animal celle de fes mala-
dies : cependant , je ne puis terminer
l'hiftoire du cheval , fans marquer quel-
ques regrets de ce que la fumé de cet
animal utile & précieux a été jufqu'à
préfent abandonnée aux foins & à la pra-
tique , fouvent aveugles , de gens fans
connoiflancc & fans lettres. La Médecine
que les anciens ont appelée Médecine Vé-
térinaire, n'eil prefque connue que de
non : je fuis perfuadé que fi quelque
Alédecin tournoit Tes vues de ce côié-là
& faifoit de cette étude fon principal
cbjct, il en feroit bientôt dédommagé
J/// Cheval l^V
Îiard amples fuccès; que non- feulement
I s*enrichifoit , mais même qu'au lieu de
fe dégrader il s*iIIuftreroit beaucoup , de
ceue Médecine ne feroit pas ii conjec-
turale & fi difficile que i'autre : la nour-
riture , ies mœurs , l'influence du Çtn-
timent , toutes les caufcs en un mot
étant plus Hmples dans l'animal que dans
l'homme , ies maladies doivent auffi être
moins compliquées , & par conféqucnt
plus faciles à juger , & à traiter avec
fuccès ; fans compter la liberté qu'on
auroit toute entière de faire des expé-
riences , de tenter de nouveaux remèdes ,
& de pouvoir arriver fans crainte & fans
reproches à une grande étendue de con-
ïioifTances en ce genre , dont on pour-
roit même par analogie tirer des induc-
lions utiles à Tart de guérir les homme».
F v;
'I -^ 2 Hl/îoJre N,
•^/-r;-
>-inrimi— w
mit
L'A S N E.
C O N S I D É P E R cet anîmaï ,
mcrae avec des yeux attentifs de
dans un aflcz grand dc'taii , il paroît
n'être qu'un cheval dégénéré : (a parfaite
fîmilitude de conformation dans le cer-
veau , îes poumons , i'eftoniac , ie conduit
înteftinai , le cœur, le foie, fcs autres
"vifcères , 5c la grande refTemblance du
corps , des jambes , des pieds & du
fquelette en entier , (èmblent fonder
cette opinion : l'on pourroit attribuer
îes légères différences qui fè trouvent
entre ces deux animaux , À Finfîuence
très- ancienne du cHmat , de la nourri-
ture, & à !a fuccefîion foriuite de plu-
sieurs g'hicrations de petits chevaux fiu-
vagcs à demi dégénérés , qui peu à peu
auroient encore dégénéré davantage , fe
fêroient enfuite dégradés autant qu'il efl
pofljble , & aurc»!cnt à la fin produit à
nos yeux une efj)èce nouvelle & conf-
tante ou plutôt une fucccfljon d'individus
fcinbliiiji£$^ toui conilamment viciés de
'de TAfne. I3 j^
\i même façon , & afTcz drffcrens des
chevaux pour pouvoir être regardes
comme formant une autre cfpècc Ce
qui paroît favoriler cette idée, c'eft que
les chevaux varient beaucoup plus qr.c
les ânes par la couleur de leur poil , qu'ils •
font par conféquent plus anciennement
domeiiiques , puilque tous ies animaux
domcHiques varient par la couleur beau-
coup plus que les animaux fiuvages de
îa même efpèce ; que la plupart des
chevaux fiuvages dont parlent les voya^
geurs , font de petite taille , & ont.,
comme les ânes , ic poil gris , la queue
nue , hériflee à l'extrémité , & qu'il y
a des chevaux fauvages , & même des
chevaux domeftiques qui ont la raie noire
fur le dos , & d'autres caracftères qui les
rapprochent encore des ânes fuivages 5c
domeftî jues. D'autre. côté, Ç\ l'on con-
fidère les difFérenccs du tempérament ,
du naturel-, des moeurs , du refultat , en
un mot , de l'organifation de ces deux
animaux, & fur-tout i'impo/iibilité de \qs
îiiêler pour en faire une efpèce com-
mune, oii même une efpèce iniermé-
diuifc qui puiffefe renouvdcr, on parois v
^34 'Hijlohe Naturelle
encore mieux fondé à croire que ces
deux animaux fmit chacun d'une efpèce
aufîj ancienne l'une que i'aurre & ori-
ginairement: auffi efîènirellement diffé-
rentes qu'elles k font aujourd'hui, d'au-
tant plus que l'âne ne laiffe pas de
différer matériellement du cheval par b
peiiiefîc de la taille , la groffeur de la
têie , la longueur des oreilles ^ la dureté
de la peau , la nudité de la queue , la
forme de la croupe, & aufïï par les di«
menfions des parties qui en font voifines,
par la voix , l'appétit , la manière de
boire , &c. L'âne & le cheval viennent-
ils donc originairement de la même
fouche ? font - ils , comme le diicnt les
nomenclateurs (a), de la mèmç famille î
ou ne foiit-ib pas , & n'ont-ils pas tou-
jours été des animaux différens l
Cette queftion, dont les Phyficîens
fentiront bien la généralité , la difficulté ,
les conféquences , & que nous avons
cru devoir traiter dans cet article , parce
qu'elle fe préfente pour la première fois,
/'n) Eqims cauda undique fetofa , le cheval. Etjiaii
ttiudl exmmo feiojâ , l'âne, Unn«i fyftema Naiurac*
Çluir, 1 , ordi ^ ; .
êe TAfne, 135
tient à la production des êtres de plus
p'ès qu'aucune autre, & demande, pour
être é*"' ircie , que nous confidérions U
Nature fous un nouveau pi)int de vue.
Si, dans rimmenfc variété que nous pré-
fentcnt tous les êtres animés qui peuplent
l'Univers , n<)us choififTons un anima! ^
ou même le corps de l'homme pour
fervir de bafe à nos connoiffanccs , &
y rapporter, par la voie de la coinpa-
raifon , les autres êtres organifés , nous
trouverons que, quoique tous ces êtres
exiftent folitairement, & que tous varient
par des difFcrences graduées à l'infini, iï
exifte en même temps un deiïein primitif
& générai qu'on peut fuivre très-loin,
& dont les dégradations font bien plus
ientes que celles des figures & des autres
ra])ports apparens ; car (ans parler des
organes de la digcftion, de la circulation
& de la génération, qui appartiennent à
tous les animaux , & lans lefquels l'animal
cefTeroit d'être animal & ne pourroit ni
fubfifter ni (è reproduire , il y a dans les
parties mêmes qui contribuent le plus à
la variété de la forme extérieure , une
prodigieufe reHcmblance qui nous rap-
jjS Hifloh'C Ndfurelle
pcKe nëcelîairement l'icJce d'un premî^i»
dcfTcin , iur lequel tout lemblc avoir
été conçu : le corps du cheval , par
exemple , qui du premier coup d œil
paroît fi différent du corps de l'homme
iorfqu'on vient à le comparer en détail
& partie par partie, au lieu de (urprendrc
par la différence , n'éionnc plus que
par la rcffèmb lance fingulicrt & prcfque
complète qu'on y trouve: en effet,
prenez le fqueleite de l'homme , inclinez
ies os du baflin, raccourcifféz les os des
cuiflcs , des jambes & des» bras , alongex
ceux des pieds & des mains , fondez
cnl'emble les phalanges , alongcz les
iTjfichoires en raccourciffant l'os fnMitai,
& enfin alongez auffi l'épine du dos,
ce fqueleite cédera de re])rércntcr la df>
pouille d'un homme, & lera le fqucleue
d'un cheval , car on peut aifément fup-
pofer qu'en alongeait l'épine du dos &
ies mâchoires , on augmente en même
temps le nombre des vertèbres , des cètcs
& des dents , & ce n'eff en effet que
par le nombre de ces os , qu'on peut
regr.rder comme accefloires , & par l'a-
iongçment ^ k raccourcillèmcat ou k
de l'Afiie. - '137;
Jonction Jes autres , que Fa charpcntf>
ifu corps de cet animal diffère de fai
charpente du corps humain. On vient
de voir dans la defcription du cheval
CCS faits trc^p bien établis pour pouvoir
en douter; mais, pour fuivre ces rapports-
encore plus ioin , que Ton confie! ère
fé parement quelques parties effentielles
à la forme , les côtes , par exemple , on
les trouvera dans tous les quadrupèdes,
dans les oi féaux , dans les poiiïons , <5c
on en fuivra les vertiges jufque dans lîu
tortue , où elles paroiifent encore i\e(-'
iînées par les filions qui font fous fon.
écaille; que Von confidère, comme Ta
remarqué M. Daubenton , que le pied
d'un cheval , en apparence fi différent
de la main de i*homme , ert: cependant
compofé des mêmes os , & que nous
avons à rexrrémitc^ de chacun de nos-
lioîgts , le même ofTelet en fer-à-cheval
qui termine le pied de cet animal ; &
l'on jugera fi ceit^ rcflcmblance cachée
n'cfl pas plus mervcilleufe que les dif-
férences apparentes , fi cette conformité
confiante & ce deiïein fuivi de l'homme
aux quadrupèdes; des quadrupèdes d.\x&
I 3 8 Hiffoire Natureïk
cétacés , des cétacés aux oifeauk , de<r
oiieaux aux reptiles , des reptiles aux
poilTonf , &c. dans Icfquels les^ parties ef-
icntielles, comme le eccur, Jcs imellins,
i'épine du dos , les iêns , &c. fe trouvent
toujours , ne femblent pas indiquer qu'en
créant les animaux , l'Etre fuprênic n'a
voulu employer qu'une idée , & la varier
en même temps de toutes les manières
pofîiblcs, afin que l'homme put admirer
également, 6c la magnificence de l'exé-
cution, & la fimplicité du defFein.
Dans ce point de vue , non- feulement
J'ânc & le cheval , mais même l'homme ,
Je fingc , les quadrupèdes <5c tous les ani-
maux , pourroient être regardés comme
ne faifant que la même famille ; mais en
doit" on conclure que dans ceite grande
& nombrcufe famille ,■ que Dieu lëul a
conçue & tirée du néant, il y ait d'autres
petites familles projetées par la Nature
& produites par ie temps , dont les unes
ne (èroiem compofécs que de deux in-
dividus , comme le cheval & Fane ,
d'autres de plufieurs individus , comme
celle de la belette, de la martre, du
fuiet; de la fouine ; &Cr & de m«me q^ue
Je TAfne* 139
dans îcs végétaux il y ait des familles
de (iix , vingt & trente , &c. plantes î Si
tes familks cxinoieni en effet , elles
n'auroient pu fe former que par le inc-
lange , la variation fucceflîve, & la dé-
géiiéraiiun des cfpèces originaires ; & (i
ion admet une fois qu'il y ait des familles
dans les plantes & dans les animaux , que
l'âne foit de la famille du cheval , Se
qu'tl n*en diffcre que parce qu'il a dé-
généré , on pourra dire également que
le finge eft de la famille de l'homme y
que c'elt un homme dégénéré , que
i'homine & le fingc ont eu une orîg'nc
commune comme le cheval ôl l'Ane ,
que Q\\2L(.\\xt famille , tant dans les animaux
que dans les végétaux, n'a eu qu'une
feule fouche ; & même que tous les ani-
maux font venus d'un (cul animal , qui ,
dans la fuccefllon des temps , a produit ,
en fe pcrfei^ionnant & en dégénérant ,
toutes les races des autres animaux.
Les Naturaliftes qui étabtiÏÏènt û lé-
gèrement des familles dans les animaux
& dans les végétaux , ne paroiffent pas
avoir afTez fènti toute l'étendue de ces
coaféquenceS; qui rcduiroieut le produit
140 HJlolre Nûturelk
Immédiat de ia création à un nombre
d'individus auffi petit qnc l'on voudroit:
car s'il étoit une fois prouvé qu'on piit
établir ces familles avec rarfon , s'il éioi';
acquis que dans les animaux , & mêiric
dans les végétaux , il y eût , je ne dis
pas pltifieurs eipc^ces , mais une feule
qui eût été produie pnr la dégénéraùon
d'une autre efpèce ; s'il étoit vrai qufî
l'âne ne fût qu'un cheval dégénéré , il
n'y auroit plus de bornes à la puillance
de la Nature, & l'on n'auroit pas tort
de (uppoler que d'un feul être elle a fii
tirer avec le temps tous les autres êtres
organifés.
Mais non , il eft certain par la révé-
lation , que tous les animaux ont égale-
ment participé à la grâce de la ciéaiion ,
que les deux premiers de chaque cl})tc«;
^ de toutes les eipèccs , font fortis tout
formés des mains du Créateur , & l'on
doit croire qu ils étoient tels alors à
peu près qu'ils nous font aujourd'hui
repréfcniés par leurs dcfccndans : d'ail-
leurs, depuis qu'on a obfervé la Narurc,
depuis le temps d'Ariflotc ju (qu'au nôtre,
l'oa n'a pas vu paroître d'cipèce jaou*
V*
' 'Je rAffie: ï4Xi
VeÏÏe, malgré le mouvement rapide qui
entraîne , amoncelle ou diffipe ies par-
tics de la matière , malgré le nombre
infini de coinbinaifons qui ont dû (e
faire pendant ces vingt fiècles, malgré
les accouplemens fortuits ou forcés des
animaux d'efpèces éloignées ou voifnies^
dont il n'a jamais réfulté que des indi-
vidus viciés ÔL (lériies , & qui n'ont pu
faire fouche pour de nouvelles généra-
tions. La reïïeinblance , tant extérieure
qu'intérieure , fi-u - elle dans quelques
animaux encore plus grande qu'elle ne
l'ell dans le cheval & dans Cane, ne doit
donc pas nous porter à confondre ces
animaux dans la même J}mii/e , non plus
qu'à leur donner une commune origine ;
car s'ils venoicnt de la même fouche,
s'ils étoicnt en effet de la même fûmil/e ^
on pourvoit les rapprocher , les alliei de
îîouveau, & défaire avec le temps ce qua
k temps auroit fait.
Il faiu de plus confidércr, que quoi-
que la marche de la Nature fe faffe par
nuances & par degrés , fouvent imper-
ceptibles , les intervalles de ces degrés
ûu de ce4; nuances ne font pas tous
H'
t^i Hiflolre Naturelle
égaux à beaucoup près ; qu€ pfus fc$
«Ipèccs (ont élevées., moins elles font
liombreufes , & plus les intervalles des
nuances qui les feparent y font grands ;
que les petites efpèces au contraire font
très - nombrcufès , & en même temps
plus voifmes les unes des autres , en
ibrte qu'on eft d'autant plus tenté de
les confondre enfemble dans une même
famille , qu'elles nous cmbarrafîcnt &
jious fatiguent davantage par leur mul-
titude & par leurs petites différences j
dont nous fommes obligés de nous
charger la mémoire : mais î' ne faut
pas oublier que cts familles fr notre
ouvrage, que nous ne les a^ - ? faites
que pour le foulagemcnt de notre efprit,
que s'il ne peut comprendre Ja fuite
réelle de tous les êtres, c'eft notre faute
& non pas celle de la Nature , qui ne
connoît point ces prétendues familles,
Si ne contient en effet que des indi*
vidus«
' Un individu eft un être à part ifolé,
détaché , & qui n'a rien de commua
avec les autres êtres , finon qu'il leur
reffemble ou bien qu'il en diffère ; tous
"Je rAfnêi Ï43^
les înclrvî'îiî^. <cinblables qui exîftent fur
la i;kr»a-c te la terre , font regardés
comme npofunt i'erpèce de ces indi-
vidus ; ^.t•pe^dant ce n eit ni le nombre
ni la colledion des individus femblables
qui fait l'eipèce, c'cft la fuGcefllon conf-
tante & le renouvellemuii non interrom-
pu de ces individus qui la conftiiuent ;
car un êtie qui dureroit toujours ne
feroit pas une efpèce, non plus qu'un
million d'êtres femblables qui durcroienl
auiïi toujours : l'cfpècc eft donc un
mot abftrait & général, dont ia chofê
n exifte qu'en confîdérant la Nature dans
la fucccffion des temps , & dans la def-
truâion confiante & le renouvellement
tout aufîi confiant ^zs êtres : c^efl ea
coin parant la Nature d'aujourd'hui à
celle des autres temps , ât les individus
atluels aux individus paffés , que nous
avoiîi pris une idée nette de ce que l'on
apj)elie ejp}ce , & ia comparaifon du
nombre ou de la reffcmblance des indi-
vidus n'efl qu'une idée accefToire , <5c
fouvcnt indépendante de la première ;
car l'ane rclfemble au cheval plus que
le barbet au lévrier, & cependant [q
fî 4-4 Hljlahe Naîureîk
"barbet & le lévrier ne font qu'une mêms
cfpèce , puifqu'ils^produifent cnfembie
<ies individus qui peuvent €ux - mêmes
«n produire d'autres ; au lieu que le
cheval & l'âne font certainement de dif-
férentes efpèces , puifqu'ils ne produis
fent enfemblc que des individus viciés
& inféconds.
C'eft donc dans la diverfité caraco é-
rîflique des efpèces que les inrcrvjllcs
des nuances de la Nature font le plus
^nilbles & le mieux marques , on pour-
roit même dire que ces intervylles entrf^
les efpèces font les plus égaux & les
moins variables de tous , puiiqu'on peuî
toujours tirer une ligne de féj)araiioa
entre deux efpèces, c'clt-à-dire , entre
deux fucceilions d'individus q''i le rcpro-
duifcnt & ne peuvent fe mêler , comniç
i'on peut aufîi réunir en une feule efpèce
deux fuccefijons d'individus qui iè re-
produisent en fe mêlant : ce point cft
le plus fixe que nous ayons en Hiftoire
Naturelle, toutes les autres re(îemblances
& toutes les autres différences que l'oa
pourroit faifir duns la comparaifon des
êtres, ne jferoient^ ni fi ci^nflanicS; ni
fl
•' • de TAfné: Ï45
il réelles , nî i\ certaines ; ces intervalles
ftioiit aulîi les feules lignes de fcparaiiort
que l'on trouvera dans notre ouvrage ,
nous ne divilerons pas les êtres autre-
ment qu'ils le (ont eii effet , chaque
eipcce , chaque fuccclfioa d'individus
qui fe re[)roduifent & ne peuvent (c
meier , fera coniidercc à part & traitée
iéparcment, <!5c nous ne nous fervirons
des familles , des genres , des ordres Se
tjci c'aiTes , pas plus que ne s'en fort la
Nature.
L'efpèce n'étant donc autre chofc
qu'uiic fuccenion conilanie d'individus
leir.blables & qui le reprodiiilènt , il ell
clair que cène dénomination ne doit
b'âeadre ([u'aux animaux &. aux végé-
taux, <Sc que c'eil par un abus des termes
ou des idées que les nomencïaieurs l'ont
employée pour défrgner les difiércntes
loites de minéraux : on ne doit donc
pas regarder le fer comme une cipccc ^
& le plomb comme une autre eipèce,
mais^ teulcment comme deux métaux
diiicrcns ; & l'on verra dans notre dif-
couis lur les minéraux , que les lignes
de léparation que nous emploierons diuiç
Tome Vit G
'i^6 Hijiolrâ Naturelle
îii divifion des matières minérales , feront
bien diifércntes de celles que nous em-
ployons pour les animaux & pour les
vec^etaux.
Mais pour en revenir à îa dégëneraiîon
des êircs , & particulièrement à celle des
animaux, obfcrvons & examinons encore
de plus près les mouvemens de la Nature
dans les variétés qu'elle nous offre ; &
comme l'elpcce humaine nous eft k
mieux connue , voyons jufqu'où s'é-
tendent ces mouvemens de variation. Les
hommes diffèrent du blanc au noir par
ia couleur , du double au fimpfe j)ar la
hauteur de la taille, la grofîcur , la légè-
reté , la force , <Scc. & du tout au rien
pour l'efprit; mais cette dernière qualité
n'appartenant point à la matière , ne
doit point être ici confldérée : les autres
font les variations ordinaires de la Nature
qui viennent de l'influence du climat &
de la nourriture ; mais ces différences
de couleur & de dimenfion dans Ja taille
n'empêchent pas que le Nègre & le
Blanc , le Lappon & le Patagon , le
géant & le nain , ne produifent enfenibîc
4ps individus qui peuvent cux-mcines
de l'Affie: ■/ \ T 47
Çc reproduire , & que par conféquent
CCS hommes fi difFérens en apparence ,
ne foient tous d'une ieufe & même ef-
pèce , puifque cette reproduction conf-
tante eil ce qui conflitue l'efpèce. Après
ces variations générales, il y en a d'au-
tres qui font plus pardculières & qui
ne . 'Tènt pas de L < ..rpétuer , comme
les énormes jambes des hommes qu'on
appelle ^e la race de S J Thomas (b) dans
l'Ile de Ceylan , les yeux rouges & les
cheveux blancs des Dariens & des Cha-
crelas: les fix doigts (c) aux mains &
aux pieds dans certaines ftmilles , &c.
ces variétés fi ngulières font des défiuus
ou des excès accidentels qui , s'étant
d'abord trouvés dans quelques individus,
fe font enfuitc propagés de race en race ,
comme les autres vices & maladies hé-
réditaires; mais ces différences, quoique
conftantes , ne doivent être regardées
(h) Voyez le cinquième volume de cette Hifloire
Naturelle , article Variétés dms l'efpèce hutraine.
(c) N'oyci cette ohfervation curieufe dans !es \tiivti
de M, de Maupcrtuis, où vous trouverez auffi plu-
flairs idées philorophiques très-tHcvtes fur )a gcncratio??
bi lur dilTcrcns autres rujrts,
C i]
148 fJiJlolrâ Naturelle
que comme des vnriefés indîvîduelfes
qui ne fl'parent pas ces individus de leur
clpècc , puifque les races extraordinaires
de ces hommes à gro/res jambes ou à
fix doigts peuvent Te mêler avec la race
ordinaire, & produire des individus qui
fe reproduisent eux - mêmes. On doit
dire la même chofe de toutes les autres
dJIformités ou mon(truo(ite's qui fe com-
muniquent des pères & mères aux en-
fans: voilà jufqu'où s'étendent les erreurs
de la Nature, voilà les plus grandes li-
mites de fes variétés dans l'homme ; k
s'il y a des individus qui dégénèrent en-
coie davantage, ces individus ne repro-
duilant rien , n'altèrent ni la conihuicc
ni l'unité de i'efpèce : ainfi il n'y a dans
l'homme qu'une feule & même cfpèce,
6c quoique cette clpècc foit peut - être
la plus nombreufe <5c fa plus abondante
en individus, & en même temps la plus
inconréi[uenie & la plus irrégulière dans
toutes (es aiîilions , on ne voit pas que
cette prodigicuie diverfué de mouve-
mens , de nourriture , de climat , & de
tant d'autres combinaifons que l'on peut
fuppofer , ait . .oduit des êtres afTez
difTt'rens rfes autres pour taire de nou-
velles Touches , & en même temps ailtz
f(.:nf)iab!cs à nous pour ne pouvoir u/^i-
(Je !tur avoir appartenu.
Si le Nègre <Si le Blanc ne pouvoicnt
produire eiilcmbic, Çi même leur pro-
duction demcuroit iiifeconde , fi ie Alu-
lâ.re étoit un vrai mulet , il y aurojt
alors deux efpèces bien diftindes ; ie
Ncgre feroit à l'homme ce que l'âne efb
au cheval, ou plutôt, fi ie Blanc etoit
homme , ie Nègre ne fero'.t plus un
honiiiie , ce feroit un anim.J à part ,
comme le ^ii'\g^, & nous ferlons en droit
de penfer que le Blanc & ie Nègre
ii'auroicnt point eu une orig'ne coin-
iiuine; mais cette fuppofuion même e(l
démentie par le fait , & puifquc tous les
Iioinmes peuvent communicjuer & pro-
duire enfcmblc , tous les iiommes vien-
nent de la même fouche. & font de la
même famille.
Que deux individus ne puiiTcnt pro-
duire cnfcmble, il ne faut pour cela que
(juelqiicj lègèrcj difconvenances dans le
tviu:)érainent , ou quelque défaut acci-
deiv.el dans les organes de ia génération
G iij
Ifo Hipotre Ndtnnik
de l'un ou de l'autre de ces lîeux înJ/-
vidus; que deux individus de dilîeremcs
cfjjcces , & que l'on jotnt cniemble,
produifent d'autres individus qui ne re(-
fernljlant ni à l'un ni à l'autre, ne rtf-
femblent à lien de fixe, & ne peuvent
par confccjucnt rien pr®duire de fem-
biab'e à eux, il ne faut pour ceta qu'un
certain degré de convenance entre la
forme du corps & ies organes de h gé-
nération de ces animaux difFe'rens ; mais
quel nombre immenle & peut-être infini
de corribinaifons ne faudroit il pas pour
pouvoir feulefïient fnpjK Ter que deux
animaux*, maie & femelle, d'une certaine
efpèce, ont non- feulement afiez dtgc-
ntré pour n'être plus de cette efpèce;
c'ci't à-dire pour ne pouvoir plus pro-
duire avec ceux auxquels ils e'toient iein-
Llub'.es , mais encorj^egeneré tous deux
prccireincjit au même j)oint , <3c à ce
point ncceffaire p:nir ne pouvoir pro-
duire qu'en (emble ! ^ cufuite (picife
autre prodigiciife immtnfité de combi-
nailons ne tàudroit-il pas encore pour
que cette nouvelle production de ces
deux animaux dt-^énérts fuivit exadc'
de ïAfiic, 151
mciu îcs mêmes loix qui s*obfervent dans
Il produdion des animaux parfaits ! car \\\\
animal dégénéré eft lui-même une pro-
dudioii viciée ; & comment fè pourroitii
qu'une origine viciée, qu'une déprava-
tion, une négation, pût faire Touche,
& non feulement produire une fucccfîion
d'êtres conflans , mais même les produire
de la même façon 6l fuivant les mêmes
loix que fe reproduifent en effet les ani-
maux dont l'origine efl pure.'
Quoiqu'on ne puifTc donc pas dé-
montrer que la production d'une cfpèce
par la dégénéraiion , foit une chofe im-
poffjbie à la Natu'^e , le nombre des
probabilités contraires ctl fi énorme ,
que philofophiquement même on n'en
peut guère douter; car fi quelque efpèce
a tté produite par la dégénéraiion d'une
autre, fi refpèce de l'âne vient de l'ef^
pèce du cheval, cela n'a pu fc faire que
fucccfîjvcmcnt & par nu:nices, il y au-
roit eu entre le cheval <^ l'ane un orrand
nojnljrc d'animaux intermédiaires , dont
les premiers le feroient peu à peu éloi-
gnés de la nature du cheval, & les der-
niers ic feroicni approchés peu à peu de
G iii;
ï^i 'Hljtolre N^iturelle
celle de l'âne ; ôi pourquoi ne verrions-
nous pns aujourd hui les repréfemans,
les dciccndans de ces cfpèces intermé-
diaires î pourquoi n'en cil - il demeuré
que les deux extrcmcs î
L'anc ell donc^un Ane, & n'cfl point
un ciicval d^gv^néré , un ciieval à queue
nue; il n*eft ni étranger, ni intrus, ni
J.)Atard ; il a , comme tons les auires
animaux, fà famille. Ton efpècc & Ton
rang; (^m fang eft pur, & quoique fa
noblefîè foit mo'ns illudrc , cliê cft toute
aufîj bonne, toute aufli ancienne que
celle du cheval; pourquoi donc tant de
mépris pour cet anîmil , fi bon, fi pa-
tient, fi fobre, fi utile ! Les hommes mc-
priferoient-ils jufque dans les animaux,
ceux qui les fervent trop bien & à trop
Î)eu de frais î On donne au cheval de
'éducation, on le foignc , on l'inflruii,
on l'exerce, tandis que l'ane, abandonné
SI fa grollièrcic du dernier des valets,
ou à la malice des en fans , bien loin
d'acquérir ne peut que perdre par Ton
éducation ; & s'il n'dvoit pas un grand
fonds de bonnes quiiliiés , il les perdroit
en effet par la manière dom on ic truiie;
âe TAJne* \ 'ï 5 3
U c(l îe jouet , le plaflron , îe bardeau
des ruilres qui le conduifent le bâton à
la main, qui le frappent, le furchargcnt,
l excèdent funs précautions , flins mana-
gement. On ne fait |)as attention que
î àne feroii par iui-même , & pour nous ,
le premier, le plus beau, le mieux fait,
It plus diflingué des animaux , ii dans
It monde il n'y avoit point de cheval ;
il cil le fécond au lieu d'eire le premier,
^ par cela feul il femfle n'être plus rien:
c\'rt la comparaifon qui le dcj/rade ; o\\
le regarde, on le juge, non pai en lui-
ijiême, mais relativement au chev? ; oii.
oublie qu'il cfl âne, qu'il a toutes ic,*; qua-
lité» de fa nature , tous les 'Jons attaché ;
y {^iW cfpèce , & on ne peiXe qu'à la »
figure & aux qualités du cheval , qui lui
manquent , c^ qu'il ne doit pas avoir, ,
Il cfl de fon naturel aufîl humble,
aufTj patient , aufïi tranquille , que le
cheval eft fier, ardent, impétueux, il
Iwuffrc avec Ciinftance , & j)cut-être
nvec courage, les châtimens ^ les coups;
il cfl fobrc , & fur '' i quantité , & fur la
qualité de la nourriture ; i! fe contente
d-5 herbes \^î plus dures ^ les plus
154 Hijloke Ndiurelk
défaoréabîcs , que le cheval & les autres
animaux lui laifîent & dédaignent ; il eft
fort délicat fur l'eau , il ne veut boirq
que de la plus claire & aux ruilTeaux qui
lui font connus : il boit auffi fobremem
qu'il mange , & n'enfonce point du tout
fon nez dans l'eau par la peur que lui
fait, dit on , l'ombre de fes oreilles (d);
comme l'on ne prend pas la peine de
l'étriller, il le roule fouvcnt fur le gazon,
fur les chardons, fur la fougère, & la.is
fe foucicr beaucoup de ce qu'on lui
fait porter , il fe couche pour fe rouler
toutes les fois qu'il le peut , & fcmhic
par-là reprocher à fon maître le peu cJf.
foin qu'on prend de lui ; car il ne fe
vautre pas comme le chcvai dans i\
fange & dans l'eau , il craint même dt
fe mouiller les pieds , & fe détournt'
pour éviter la boue; auffi a-t-il la jambe
plus sèche & plus nette que le cheval; if
eft fufcepiible d'éducation & l'on en a
vu d'alîez bien drcffés (e J pour faire
curiofiié de fpcélacle.
(dj \'()yez Cardan , ds fuhtilitnte , \\h. X,
(e) l'iik Ahlrovanih de (pirJrud, Jolidi^'ccû.W
' cte ïAfne^ IP 5 5
Dans la première jeunefîè il efl gar ,
& même aiTez joli , il a de la légèreté
&. de la gentillefTe , mais il la perd bien-
tôt, foie par i'âge , foit par les mauvais
traitemens , & il devient lent , indocile &
lêiu ; il n'efl ardent que pour le plaifir ,
ou plutôt il en efl furieux au point que
rien ne peut le retenir , & que l'on en
a vu s'excéder & mourir quelques inf-
tans après; & comme il aime avec une
efpèce de fureur ^ il a aufîi pour fà pro-
géniture le plus fort attachement, Pline
nous afTure que lorfqu'on féparc la mère
de fon petit , elle paiîè à travers les
flammes pour aller ie rejoindre ; il s'at-
tnche aufîi à fon maître , quoiqu'il en
foit ordinairement maltraité , il le fcnt
de loin & le diftingue de tous les autres
hommes ; il reconnoîi aufîi les lieux qu'il
a coutume d'habiter , les chemins qu'il a
Iréquentés ; il a les yeux bons , l'odorat
admirable, fur-tout.pour les corpufcules
de i'anefTe, l'oreille excellente, ce qui
a encore contribué à le faire mettre au,
nombre des animaux timides , qui ont
tous , à ce qu'on prétend , l'ouïe très-
iine & les oreilles longues ; iorfqu'on Ifi'
G yj
. :
ï 5 ^ Hifloire Nûîtirelk
furcharge, il le marque en inclinant îa
tête & baiflànt les oreilles ; lorfqu'on le
lonrmente trop, il ouvre ia bouche &
retire les lèvres d'une manière très-défa-
gréable, ce qui lui donne l'air moqueur
& derifoire; i\ on lui couvre les yeux,
îl rcfte immobile , & iorfqu'il ell couché
fur k côté , fi on lui place la tête de ma-
nière que l'œil foit appuyé fur la terre, &
qu'on couvre l'autre œil avec une pierre
ou un morceau de bois, il reftera dans
cette fituaiion flms faire aucun mouve-
jiient & fans fe fccouer pour fe relever ;
5i marche^ il trotte & il g^loppe comme
le cheval, mais tous ces mouvemcns font
petits & beaucoup plus lents ; quoiqu'il
puifTe d'abord courir avec allez de
vîiefîe, il ne peut fournir qu'une petite
carrière , pendant un petit cfpace de
temps; & quelque allure qu'il prenne,
il on le prcfîc il efl biciKot rendu.
Le cheval hennit ^ l'âne brait , ce qui
fe fliit par un grand cri très long, ires-
déiagréablc , & diilordant par di/îo-
nances ;ilcr natives de l'a'gu au grave de
du grave à l'aigu ; or.li'iaircmcni il ne
crie que loiAp'il cil prtiîé d'amour ou
(te rAfîie, 157
d'app^tît ; rânefTe a la voix pîais claire &
|)lus perçante ; l'âne qu'on fait hongre
ne brait qu'à baflc voix , & quoif[u'iI
paroifî'e faire autant d*efForts & fes mêmes
rnouvemcns de fa gorge, fon cri ne fe
fait pas entendre de ioiif.
De tous les animaux couverts de
poil , l'âne efl celui qui eft le moins
iîijet à la vermine , jamais il n'a de
poux , ce qui vient apparemment de
ia dureté & de h fécherefTe de fa peau
qui cil en effet plus djre que cciie de
ia plupart des autres quadrupèdes ; &
c'cil par la même raifon qu'il cfl bien
moins fenfible que le cheval au fouet &
à la piqûre des mouches.
A deux ans & demi les premières
(lents incifives du milieu tombent , &
cnfuite les autres incifives à côté des
premières tombent auffi <5c fe renou-
vellent dans le même temps & dms le
même ordre que celles du cheval: l'on
connoît aufîi l'âge de fane ji:ir les dents ,
it'i troifièmes incifives de chaque côté le
ina»rc|uent comme dans le cheval.
Dès l'a ore de deux ans l'âne cfl en
o
état d'engendrer; ia feinelic clt encore
\
'1 5 8 BJlohe Naturelle
plus précoce que le niiile , & elle efl
tout aui/i lafcive , .c'eft par eeiie raifon
qu'elle eft très-peu fcGonde , elle rcjeuc
au dehors la liqueur qu'elle vient de
recevoir dans l'accouplement, à moins
qu'on n'ait foin de lui ôicr promptetnent
Il fenfation du plaifir , en lui donnant
des coups pour calmer la fuite des con-
vuliions & des mouvemcns amoureux ,
fans cette précaution elle ne reiiendroit
que très -rarement : le temps le plus
ordinaire de la chaleur e(t le mois de
mai & celui de juin ; lorfqu'elle cil
pleine, la chaîna* celle bientôt, &
dans le dixième mois , le lait paroît dans
ies mamelles ; elfe met bas dans le dou-
zième mois, & fouvcnt il fc trouve des
morceaux ioHdes dans la licjueur de
i'amnios , femblables à l'hippomanès du
poulain ; iept jours après raccouche-
ment in chaleur fe renouvelle , & l'antllc
efl en état de recevoir le maie, en iorie
qu'elle peut, pour ainfi dire, continuci-
icment engendrer <Sc nourrir ; elle ne
produit qu'un peut , & li rarement
deux , qu'à peine en a-t on des exem-
ples : au bout de cinc^ ou fix moi^ ou
(Je TApîc. I 5(>
peiU fêvrer l'ânon , & cela efl même
nécedaiie fi la mère eft pleine , pour
qu'elle puifTe mieux nourrir Ton fœtus.
L'âne étalon doit être choift parmi les
])lus grands & les plus forts de fon
tlpèce , il faut qu'il ait au moins trois
ans , & qu'il n'en pafîë pas dix , qu'ii
ait 'es jambes hautes , le corps étoffe ,
la têie élevée & légère , les yeux vifs ,
les nafeaux gros , l'encolure un peu
longue, le poitrail large, les reins char-
nus, la côte large, la croupe platte, la
(lucue courte, ie poil luifmt , doux au
loucher & d'un gris foncé.
L'âne , qui comme le cheval eft trois
ou quatre ans à croître , vit aufli comme
lui vingt- cinq ou trente ans; on pré-
v.nd feulement que les femelles vivent
ordinairement plus long-temps que les
înâies , mais cela iie vient peut-être que
de ce qu'étant fouvent pleines , elles
font un peu plus ménagées , au lieu
qu'on excède continuellement les mâles
de fatigue & de coups ; ils dortncnt
îvioins que les chevaux, & ne fe cou-
chent pour doimir que quand ils font
cxccdcs ; l'âne étalon dure uulîi plus
l6o , 'Hipoke Naturelle
Iong»lcmps que le cheval étalon ; plus
iJ ert vieux , plus il paroît ardent , & en
général la fanté de cet animai eft bien
plus ferme que celle du cheval ; il eft
moins délicat , & il n'cfl pas. fujet , à
beaucoup près , à un auffi grand nombr'e
de maladies ; les Anciens même ne lui
en connoifToient guère d'autres que celle
de la morve , à laquelle il eft , comme
nous l'avons dit , encore bien moins
fujet que le cheval.
Il y a parmi les ânes difFércntes races
comme parmi les chev^aux , mais que
l'on connoîi moins , parce qu*on ne les
a ni foignés ni fui vis avec la même at-
tention ; feulement on ne peut guère
douter que tous ne foient originaires des
climats chauds : Ariftote (f) afTure qu'il
n'y en avoir point de fon temps en
Scythic , ni dans les autres j^ays fep-
tcntrionaux qui avoifincnt la Scythic,
ni mcme dans les Gaules , dont le cli-
mat, dit- kl, ne laiffe pas d'éire froid;
& il ajoute que le climat froid , ou les
empêche de produire , ou les fait dégé-
nérer , <Sc que ç'eft par cette deraicre
{'fj y^'^i^ Arijht, de ^encrât, animuli lib« II,
^e lAffifi l6î
nlfon que dans l'IIlyrie, la Thrace &
rÉj.ire ils font petits & foibles ; ils font
encore tels en France, quoi(|ir'iiS y foient
fit'jà aficz anciennement naturalifes , &
que le froid du climat foie bien diminué
depuis <!it\\\ mille ans par la quantité
de forêts al attues & de marais dcfîcchés ;
mais ce qui puroît encore plus certain ,
c'eft qu'ifs font nouveaux (g) pour h
Suède & pour les narcs pays du nord ;
ils j)aroifîent être venus originairement
d'Arnf;ie , &. avoir pnlTé d'Arabie ca
Egypte, d'Egypte en Grèce, de Grèce
en Italie, dTialic en France^ & enfuite
en Allenipgne, en Angleterre, & enfin
en Suède , &c, car ils font en effet
d'autant riioins forts & d'autant plus petiis^
que les climats font plus froids.
Cette migration paroît afTcz bien
prouvée par îe rapport des voyageurs.
Chardin (h) dit «qu'il y a de deux fortes
d'ânes en Perfe , les ancs du pays , «<
qui font lents & pefanS; & dont on ne ce
(g) Vide LimuTt Fnunam fuecicanu
(h) \'oyci le voyage de Chardin, mis lî , }^ag$$.
î62 Hijlolre Niiîurelk
y> (c iert ([ue pour porter des fardeaux ,
» & une race dancs d'Arabie, (jui font
>> de fort jolies bêtes ôi les jiremicrs
» Anes du monde ; ils ont le poil poli ,
53 la tête haute , les pieds légers , ils les
>3 lèvent avec a<îlioii , marchant bien , &
3> l'on ne s'en iert que pour montures ;
» les felles qu'on leur met font comme
33 des bâii ronds & plats par - dcfTus ,
33 elles font de drap ou de lapilTerie avec
» les harnois & les éiriers , on s'aflied
33 defl'us plus vers la croupe que vers le
33 cou : il y a de ces ânes qu'on achette
33 jufqu'à quatre cents livres , & l'on n'en
33 iauroU avoir à moins de vingt- cinq
3> piftoles ; on les panfe comme les chc-
33 vaux , mais on ne leur apprend autre
33 chofe qu'à aller l'ambie, & l'art de les
33 y dreOer eft de leur attacher les jambes,
o3 celles de devant & celles de derrière
3) du même côté , par deux cordes de
33 coton , qu'on fait de la mefure du
33 pas de l'âne qui va ï'ambie , & qu'on
>3 (iilj)cnd par une autre corde pafRe
)3 dans la langle à l'endroit de l'ctrier;
>3 des efpèces d'écuyers les montent fuiv
^ maiîn & les exercent à cette aîurc ; cç
on four fend les nnfeaux afin de leur ce
(Ji)iiner plus d'haleine , & ils vont fi c<
vrte , qu'il faut galoppcr pour les ce
lliivre. >5
Les Arabes, qui font dans l'habiiude
de conferver avec tant de foin, & de-
puis Cl long - teiDps les races de leurs
chevaux , prendroient-ils la même peine
pour les ânes î ou plutôt ceci ne feinble-
t-îl pas prouver que le climat d'Arabie?
cil le premier & le meilleur climat pour'
les uns & pour les autres l de -là ils
ont paiïe en Barbiirie fij, en Egypte,
cil lis font beaux & de grande taille ,
aulli-b-en que dans les climats exccfî]-
vemeni chauds , comme aux Indes & en
Guinée f^J, où ils font plus grands,
plus forts & meilleurs que les chevaux
du pays ; ils font même en grand hon-
neur à Maduré ('/J, où l'une des plus
fij Voyez ie Voyage de Shaw, rome 1, j^cgt
:) ^ '^'«
fnj V^oy. le voyage de Guinée de Bofman, Utra/ir*
(l) Voyez ies Lettres édiliantes, douzième recuci^^
1^6 4 Hifloh'C Ndturelk
confiJerables & des plus nobles tributs
des ladcs les révère j)aniculit'r€mciit ,
parce (ju'ils croient que les anicj ck^ toute
Li iioblcfTc paHent dans le corps des ânes;
L\\^u\ l'on trouve les rmci en plus grande
quaniité que les chevaux dans tous» les
])ays méridionaux , dej)uis le Sénégal ,
jufqu'à la Chine; on y trouve aulii (}i<L%
ânes fiuviiges j)lus coiiimunéinent que
des chevaux (auvages. Lei Latins , d'a-
près les Grecs, ont ap[)clé l'âne fauvage
onager, onagre, qu'il ne faut pas con-
fondre comme l'om fait (juelcjucj Natu-
rîilirtes & plufieurs voyageurs , avec le
^èbre , dont nous donnerons l'hiltoire à
part, parce que le /èbre ell un animal
d'une efpèce différente de celle de l'âne.
L'onagre ou l'âne lauvage n'tft point
ïayé comme le zèbre; & il n'efl pas à
beaucoup près d'une figure aufli é!c-
g:uite: on trouve des ânes fiuvages dans
fjHclques îles de l'Archipel , c*k particu-
lièrement dans celle (m) de Cérigo ; il
y en a beaucoup dans les défcns^ de
(m) Voyez le recueil de Pappcr, /w/« i8y
Je rAftie» i6^
Lybic v5c Je NitinicJic fn), ifs font gris
& courent fi vîtc , qu'il n*y a que les
chevaux barbes qui puifTcnt les aticindre
à la courfe ; lorfqu'ils voient un homme,
ils jettent un cri , fout une ruade , s'ar-
rêtent , & ne fuient que lorfqu'on les
api)roche; on les prend dans des pièges
& dans les lacs de corde, ils vont par
troupes pâturer & boire, on en mange
la chair. Il y avoit auffi du temps de
Marmol, c\\\Q je viens de citer, des unes
liuivages dans l'île de Sardaigne, mais
plus petits que ceux d'Afrique; & Pietro
délia Vaîle , dit (o) avoir vu un une
{imvage à BaHora; la figure n'étoit point
diftérente de celle des ânes domeftic|ues,
il ctoit feulement d'une couleur plus
cbirc, ik il avoit depuis la tête jufqu'à
la queue , une raie de poil blond , iï
éroit auffi beaucoup plus vif <?c plus lé-
ger à la courte que les ânes ordinaires.
(y) ViJe Leonis Afric, de Africit cicfcrlpt, rom. IF,"
iw, ^2; &. rAfrK|uc de Marmol , tome I, jujgf. ^^^
(0) Voyez les voyages de Pkrro dclla Vaile,
I 66 J.j?clre Naturelle
Olcarius (p) rapporte qu'un jour îc roî
(\(i Fer(c le fit monter avec lui dans un
petit bâtiment en forme de théâtre j^our
faire collation de fruits & de confitures ;
qu'après le repas on fit entrer trente-deuK
ancs fauvagcs fur lefjucls le Roi tira quel-
ques coups de fufil & de flèche, & qu'il
permit enfuite aux Ambafï'adeurs <St au-
tres Seigneurs de tirer; que ce n'étoit
pas un petit divertiflement de voir ces
iines, chargés qu'ils ctoient quelque fois
de plus de dix flèches , dont ils incoin-
modoient & blefToicnt les autres quand
ils fc mêloicnt avec eux , de forte qu'ils
fc mettoicnt à (e mordre & à ruer les
uns contre les autres d'une étrange f içon,
& que quand on les eut tous abattus &
couchés de rang devant le Roi , on les
envoya à Ifpahan à la cuifinede la Cour;
les Pcrfàns faifant un fi grand état de
la chair de ces ânes (àuvages , qu'ils en
ont fait un proverbe , &c. Mais il n'y
a pas apparence que ces trente - dctix
^nts fauvages fiilîent tous pris dans les
fp) Voyez, fe voyage d'Adam Olearius. Pûih,
[t 6 ^ 6, tome 1 , p<iQc j 1 1*
forêt
/in es (
pour
de le.
Or
rîqijc,
cjtic Je
rii|uc I
qu'auc
y ont
ont a/.
& dini
niiiltij)i
fiems
vont p
dnns d
fauvagc
L 'ai
grands
produit
prcmie
nous r
àe la
&c.
i ane
"" '<le l'Afne. i6y
forets , & c'ctoicnt probahîcmwit des
fines qu'on clevoit d.ins de grands parcs
pour avoir le plaifir de les chafltr &
de les manger. ' '-' -
On n'a point trouvé d'ânes en Amé-
rique, non plus que de chevaux, quoi-
que le climat, fur-tout celui de l'Ame'-
rique méridionale, leur convienne autant
qu'aucun autre; ceux que les Efpagnols
y ont tranfportés d'Europe , & qu'ils
ont abandonnes dans les grandes îles
& dans le continent, y ont beaucoup
muliipli-é, & l'on y trouve fi]) en plu-
iicurs endroits des ânes fauvages qui
vont pnr troupes , & que l'on prend
dans des pièges comme les chevaux
fauvages.
L'iine avec fa jument produit les
grands mulets , le cheval avec l'ânefîc
produit les petits mulets , difFerens des
premiers à plufieurs égards , mais nous
nous réfervons de traiter en particulier
de la génération des mulets, des jumars,
&c. éi nous terminerons i'hiftoire de
î'àne par celle de Tes propriétés & des
((]) V())ez le nouveau voyage aux îles de l'Amc-
ié8 ' Hijîme Ndîurclk
ufages auxquels nous pouvons rem-
ployer. < • ; ' ;
Comme les ânes fauvages font in-
connus dans ces climars, nous ne pou-
vons pas dire fi leur chair cil en ef}êt
bonne à manger; mais ee qu'il y a de
fur , c'eit que celie des ânes domediques
cil très-niauvaife , & plus mauvaifc , plus
dure, plus defigréabiement infipide f[ue
celle du cheval ; Galien fr) dit même
que c'ell un aliment pernicieux & qui
donne des maladies ; le lait d'âneflè au
contraire cft un remède éprouvé ik (\m^-
cificpic pour certains maux , &l l'ulage
de ce remède s*e(l coii(crv<^ depuis les
Grecs jutc|u\\ nous ; pour l'avoir de
bonne qualité, il faut choifir une ânetlc
jeune , faine , b^en en chair , qui ait
niii bas depuis peu de temps, & qui
.n'ait pas été couverte depuis ; il fuie
lui ô;er i'anon qu elle alaitc , la tenir
propre, la bien nourrir de foin , d avoine,
d'orge & d'herbes dont les qualités filii-
taires puiffcnt influer fur la maladie, avoir
atteL\tion de ne pas Liilfcr refroidir le lair,
éc même ne le pas cxpofcr à l'air, ce
(rj VifU Gakn, (k a/imm, faculf, lib, Uh
qui
a» VAfne: 'î6t^
4ÏUÎ le gateroît en peu de temps.
Les Anciens attribuoiônt aufîi beaucoup
de vertus médicinales au fang , à l'urine,
&c. de Tane, & beaucoup d'autres qua-
lités Tpécifiqucs à fa cervelle, au c<3eur, au
fuie, &c. de cet animal ; mais l'expcrrcnce
a détruit , ou du moins n'a pas confirme
ce qu'ils nous en di(ent.
Comme la peau de l'anc efl très - dure
di très-élaiUque , On i'emploie utilement
il diffcrcns ufages, on en fait des cribles,
âes tambours, ôc de très- bons foulicrs;
ou en fait du gros parchemin pour les
tablettes de poche , que l'on enduit
d'une couche légère de plâtre ; c'cfi.
auiii avec le cuir de l'âne que les Orien-
taux font le fagri (^sj, que nous appelons
cliûgrin. Il y a apparence que les os,
comme la peau de cet animal, font aufîc
plus durs cjue les os des autres animaux,
puitjue les Anciens en fiifoient des
times , & qu'ils les trouvoicnt plus fon-
naïues que tous les autres os.
LTmeell peut-être de tous les animaux
ccîui qui, relativement à fun volume,
peut porter les plus grands poids ; &
/^îj Voyez le voyage de l'hcvenot. T,II,p. ^>^%
Tome VI. H
lïjo Hîjfohe 'Naturelle , &c:
comme il ne coûte prefque rien à nourrir,
& qu'il ne demande, {)our ainfi dire,
aucun foin , il cft d'une grande utilité
à la campagne, au moulin, &c. Il peut
aufll fervir de monture, toutes fes allures
font douces, & il bronche moins que
le cheval; on le met fouvent à la charrue
dans les pays où le icrrein cft léger, &
fon fumier efl un excellent engrais pour
les. terres fortes & humides.
ï/t
L E B m U F.
LA furfacc de la terre, parce de fà
verdure, efl lé fonds incpuilable
^ commun duquel l'homme «5c les ani-
maux tirent leur fubriflance ; tout ce
qui a vie dans la Nature vit fur ce cjui
végète , & les vcge'taux vivent à leur
tour des débris de tout ce qui a vécu &
vt'gète ; pour vivre il ûut détruire, & ce
n'ell en cfïèt qu'en détruiiànt des êtres
que les :inimaux peuvent fc nourrir & (c
jiiultip'ier. Dieu en créant les premiers
individus de chaque efpèce d'animal 6c
de végétal , a non - feulcnient donné l&
forme à la poulfière de la terre , mais
il r.i rendue vivante & animée , en ren-
fsriiiant dans chaque individu une quan-
tité plus ou nîoi!«> grande de principes
actifs, de molécuks organiques vivantes,
indcllruélibles (a) Sl communes à tous
les êtres orga'v.i'és : ces molécules pafTenc
de corps en corps , & (ervent égalcmejic
fuj VoycA le cliapitre VI & fui vans du troifiçnK
volume Je (.eue iliii;ire Msturelle.
ij-i H'i flaire NdturcJk
à la vie «(fluclle <Sc à la continuation Je
la vie, à la nutrition, à l'accioiflcmciu
de chaque individu; & nprès b difîo-
iution du corj^s , après ù deftrudlion,
là rcdu(^ion en cendres , ces molécules
organiques , fur Jeicjueiics la mort ne
peut rien, furvivent, circulent dana l'U-
nivers, pafîent ilans d'auircs êtres ^ y
portent la nourriture & la vie : toute
produ<flion , tout renouvellement, tout
accroiiTement p;ir la génération , par la
nutrition, par le développement, flip-
polliit donc une dellrudion précédcn:e,
une converfion de lubilance, un tranl-
port de ces molécules orguii([ucs qui ne
fe multiplient pas , mai> qui , lubiiitdîic
toujours en jiombre égal , rendent la
Nature toujours également vivan'c, [x
terre éga'emcîit peuplée , & toujours
c'gâfemcnt relp'cndifîaitc de la premiùe
gloire de celui qui l'a créée.
À prendre les ê res ta général, le
total de la fjiianiité de vie Cii doiic
toujours le même , & h mort qui fèmble
tout <léiruire , \^c déirui-L rien de cette
\ie ])jimiti\e & commune à tou:es les
.cQjcccs d tues organileb : comme icut«
• (h Bœuf, T7J'
Jcs antres piiifTances fuhorclonne'cs 5t
fubaliernes , la mort n'attaque que Icî
indivitlus, ne frappe que la furface, ne
détruit que la forme , ne peut rien fui*
la inaiitre , & ne f^it aucun tort à la
Nature qui n'en brille que davantaiçre,
qui ne lui permet pas d'anéantir lc>
cipèces , mais la laifîe moiffonner les
individus & les détruire avec le temps ^
pour le montrer eile - même indépea-'
dnnie de la mort & du temps , pour
exircer à cha([ue inllant fi puiflance
toujours adive, manifciter fi plénitude
par fa fécondité , &: faire de l'Univers y
en rcproduiiant, en renouvelant les êtres ^
un théâtre toujours rempli, un fpe^ftacle
lou jours nouveau. • .
Pour que les êtres fe fucccdent , \ï
eft donc néccfîaire qu'ils fe détruUe.iï
cntrVux ; pour que les animaux (b
nourrllTent & fubfiHent , il faut qu'ils
detruifcnt des végétaux ou d'autres ani
miux ; & comme avant «Se après Idî
deftru£lion la quantité de vie relie tou-
jours la même , il femble qu'il devrore
eue indifférent à la Nature que telle q\î
lliij
i I
m
S74 Nlplrê Naitjrélte
telle cfpèce détruisît plus ou moins;
cependant, comme une mère économe,
au fein même de l'abondance , elle a
fixé des bornes à la dépenfe & prévenu
le dégât apparent , en ne donnant qu'à
peu d'efpèces d'animaux l'inftindl de fc
nourrir de chair, elle a même réduit
à un aflez petit nombre d'individus ces
efpèces voraces & carnafllères , tandis
qti'eile a multiplié bien plus abondam-
ment & les efpèces & les individus de
ceux qui le nourrirent de plantes , &
que dans les végétaux elle (emble avoir
prodigué les crj:)tce5, & répandu dans
chacune avec 'profufion le nombre & la
fécondité. L'homme a peut-être beau-
coup contribué à féconder (es vues , à
main'enir de même à éiablir cet ordre
iu%la terre; car dans la mer on retrouve
cette indiiîérence que nous ruppoTions,
toutes les efpèces font prefque égale-
ment voraces , elles vivent fur elles-
mêmes ou fur les autres , & s'entre-
dcvorent perpétuellement fans jamais le
détruire , parce que la fécondité y efl
aufli grande que la déprédation , & que
{fit Bœuf» 'i7j'.
prcfqiie t©n(e la nourriture , toute la
coiirommation tourne au profit de la
reproduction.
L'homme fait ufer en maître de fi
puilTance fur les animaux , il a choifi
ceux dont la chair flatte fon goût , il
en a fait des efclaves domeftiques , i[
les a multipliés plus que la Nature ne
1 i'auroit fait, il en a forme des troupeaux
nombreux , & par les foins qu'il prend
de les faire naître, il femble avoir acquis
le droit de fe les immoler ; mais il étend
ce droit bien au-delà de fes befoins ,
car inde'pendamment de ces efpèces
(ju'il s'efl aflujettics, & dont il difpofe
à fon gré , il fait aufîl la guerre aux
animaux fiuvages , aux oileaux , aux
poiffons , il ne fe borne pas même à
ceux du climat qu'il habite, ii va cher-
cher au loin , & jufqu'au milieu âcs
mers, de nouveaux mets, & la Nature
emicre femble fuffire à peine à fon
intempérance <& à rinconftanie variété
de fes appétits ; l'homme confomme ,
engloutit lui feul plus de chair que tous
les animaux enfemble n'en dévorent; il
«Il doac le plus grand deftrudeur, Ôc
H iii;
^ï/^ t-l'ifl(nre Naturelle
c*cft plus par abus que par neccfTrié )
au lieu de jouir moclcréiricnt des Liens
qui lui font ofîèrts , au lieu de les dif-
penlcr avec équité, au lieu de réparer
à mefure qu'il déiruît , de renouveler
lorfqu'il anéantit , l'homme riche met
touie fa g^Ioire à confoîîimer , louic ià
grandeur à perdre en un jour iVfaiaLlç
plus de biens qu'il n'en faudioit pour
faire fubfifler plufieurs familles -, il abule
égnlcm^ nt ôl des animaux & des hom-
mes , dont le refle demeure affamé,
languit dans la misère , & ne travaiilç
que pour fatfsfaire à l'appétit immodéré
êi à la vanité encore plus infatiable de
cet homme , qui , détrullant \qs autres
p;ir ia diiéue , le détruit lui-même par
les excès;
Cependant l'homme pourroît, comme
l'animal, vivre de végétaux; la chair qui
paroît être fi analogue à la chair, n'cil
pas une nourriture meilleure que les
graines ou le pain , ce qui fait la vraia
nourriture , celle qui contribue à la
nutrition , au développement , à l'ac-
croinèment & à l'entretien du corps,
n'ell pas cette maiicre brute qui cora-
Ju Bœuf, ' '• 177
pofe à nos yeux la texture de la chair
ou de l'herbe , mais ce font les mole-
tuics organiques que l'un & l'autre
contiennent , puilque le bœuf, en pait-
(ani l'herbe , acquiert autant de chnir
que rhoinjnc ou que les animaux qui
rc vivent que de chair & de fang : la
feule dilîcrence réelle qu'il y ait entre
ro aliinens , c'eft qu'à volume égal , la
I chair , le ble , les graines contiennent
k\uicouj) plus de molécules organiques
que l'herbe , les feuilles , les racines <&
les autres parties des plantes , comme
nous nous en fommes allures en obier-
vant les infufions de ces différentes
nidiièrcs ; en forte que l'homme & les
animaux dont l'eftomac &l les intell ins
n'ont pas allez de capacité pour ad-
mettre un très-crrand volume dalimcns,
m: pourrcjient pas prendre allez d'herbe
(Our en tirer la quantité de molécules
organiques nécediiire à leur nutrition ;
ik c'clt j^ar cette rnifon cjue l'homme
& les autres animaux f(ui n'ont qu'un
cilomac ne peuvent vivre que de chair
ou de graines, qUi dans un petit volume
condciuient une très - grande quantité
H V
178 'Hifloke Naîure)}e
de ces molécules organiques nutritives,
tandis que le bœuf & les autres ani-
maux ruminans qui ont plufieurs cflo-
macs j dont l'un eft d'une très -grande
capacité, & qui par conféquent peuvent
fe remplir d'un grand volume d'herije
en tirent aflfez de molécules organicjues
f)our fe nourrir, croître & multiplier;
a quant iié compenic ici la qualité de
la nourriture , mais ie fonds en eft le
niêjne , c'eft la même matière , ce font
ics mêmes molécules organiques (jui
iiourriflent le bœuf, l'homme Ôa tous
les animaux.
On ne manquera pas de m'oppofer
que le cheval n'a qu'un eflomac , &
même afïèz petit; que l'âne, le lièac
& d'autres animaux qui vivent d'herjje
n'ont aulfi qu'un ellomac , ê< que par
confcquent cette explication, quoique
vriifemblable , n'en eft peut - être ni
plus vraie , ni mieux fondée ; cepen-
dant, bien loin que ces exceptions appa»
rentes la déiruifent , elle^ me paroiffcnt
au contraire la confirmer, car qi oique
le cheval <Sc. l'âne n'aient ç\\ 'un tH mac ,
ii:> ont des pocher dam ks iuuAin^)
//// Bœuf, 179
d^unc (i grande capacité , qu'on peut
les comparer à la panie des animaux
ruininans , ôc ic$ iièvres ont l'intcftin
ccecum d'une fi grande longueur &
d'un tel diamètre , qu'il équivaut au
moins à un (ccond eliomac ; ainfi il
n'eft pas étonnant que ces animaux
pui/rcm fe no' rrir d'herbe, & en gé-
néral on tf' uvera toujours que c'eft
de la capaci totale de l'eflomac 5c
des intefiins .ue dépend dans les ani-
maux la divcrfiié uc leur manière de (e
nourrir; car les ruminans , comme le
bœuf, le bélier , le chameau , &c. ont
quatre eftomacs & des intcftins d'une
longueur prodigieufe ; aufli vivent - ilf.
d'herbe , & l'herbe feule leur fuffit : les
chevaux, les ânes, les iièvres, les lapins,
les cochons d'inde, <Stc. n'ont qu'un efto-
mac, nuis ils ont un cœcum qui équi-»
vaut à un fécond eftomac, & Us vivent
d'herbe & de graines ; les fangliers , les
liériflons , les écureuils j &c. dont l'ef-
toinac & les boyaux font d'une moindre
capacité, ne mangent que peu d'herbe, &
vivent de graines, de fruits «5t de racines;
& ceux (jui ; comme les loups , \qs
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r
1 8 o Hipdre NciUmlie
renards , les tigres , ôlc, ont i eflomac ^
les intedins d'une plus peiiie capacité que
tous les autres , re!ativement au volume
de leur corps, font obligés, pour vivre,
de choifir les nourritures les plus fuceu-.
lentes, les plus abondantes en molécules
organiques , & de manger de la chair &
du lang, des graines & des fruits. p rv
j C'cli donc (ur ce rapport jjhyfiquc
& nccelTaire , beaucoup plus que îur
la convenance du goût , qu'eft fondée
la diverfité que nous voyons dans les
appétits des animaux ; car fi fa nécefliié
ne {qs déterrainoit pas plus fou vent que
le goût , comment pourroient - ils dé-
vorer la chair infe<^e &: corrompue avec
nutant d'avidité que la chair fucculente
& fraîche ! pourquoi mangcroient - ils
également de toutes fortes de chair \
nous voyons que les chiens domeftiqucs
qui ont de quoi choifir rcfufent affez
coallamment certaines viandes, comme
Ja bécalfc , la grive , le cochon , &c.
tandis que les chiens lauvages, les loups,
les renards , &c. mangent également , &
la chair du cochon , & la bécafie , &
΀s oiieaux de tomes efpèces, & mêtuç
ïn(
l'ii
rf'
'du Bœuf, \ . 'iSîi
!cs grenouîîles , car nous en avons-
trouvé deux dins l'cftomac d'un loup ;
& lorfciue la chair ou le poifîbn leur
manque , ils mangent des fruits , des
graines, des railins, &c. & ils . préfè-
rent toujours tout ce qui , dans un petit
volume, contient une grande quantité
«le- parties nutritives , c'eit - à - dire , de
molécules organicfues propres à ia nu-
trition & à i'entretien du corps.
Si ces preuves ne paroifTcnt pns
fufïifantes , que l'on confidère encore
{a manière dont on nourrit le bétail
que l'on. veut engraifler ; on commence»
par la caltraiion , ce qui fupjjrimc la.
voie par laquelle les molécules orga-
niquci s'échappent en plus grarde abon-
dance ; eniuiic > au lien de. ItilTer le
bœuf à fa pâture ordinaire & à l'herbe,
pour toute nourriture , on lui donne.
du fon , du grain , des navets, des ali-
mens en un mot plus lubftaniids (juc
l'herbe , & en très peu de leinj.s la quan-
tité de la chair de l'animal augmente ,
les fucs & la graiffe abcaident , & font
fi'mie chair allez duce & aflez sèche pat
rfi Hiftoire Naturelle
die- même, une viande fuccufenfe A:
fi bonne , qu'elle fait la ba(e de nos
meilleurs repas.
Il réfulte aufli de ce que nous ve-
nons de dire , que l'homme , dont l'ef^
tomac & les iiueflins ne font pas d*unc
très - grande capacité relativement au
volume de fon cor psi , ne pourroit pas
■vivre d'herbe feule ; cependant il eft
prouvé par les faits, qu'il pourroît bien
vivre de pain, de légumes & d'autres
graines de plantes , puifqu'on connoît
des nations entières & des ordres
d'hommes auxquels la religion défend
de manger de rien qui ait eu vie ; mais
CCS exemples appuyés même de l'au-
torité de Pythagore & recommandés
Î')ar quelques Médecins trop amis de
a dièie , ne me paroincnt pas fuffifans
pour nous convaincre qu'il y eût à
gagner pour la fanté des hommes &
pour la multiplication du genre humaia
a ne vivre que de légumes & de pain,
d'autant plus que les gens de la cam-
pagne , que le luxe de nHes & la
îbmptuofité de nos tabk. réduifent à
ve-
'cf.
une
au
pas
eft
Ju Bmf, 183
cette façon de vivre, languiflênt h dc-
périfTem plus tôt que les hommes de
rétsrt mitoyen , auxquels l'inanition & les
excès font également inconnus.
Après Tbomme, les animaux qui ne
vîvenr que de chair font les plus grands
deflrudeurs , ils font en même temps
& les ennemis de la Nature & les rivaux
de rhomme; ce n'ed que par une at-
tention toujours nouvelle & par des
foins prémédités & fui vis qu'il peut
confèrver Tes troupeaux, fes volailles ,
&c. en les mettant à Tabri de la (erre
de l'oileau de proie & de la dent car-
nafUcre du loup , du renard , de la fouine ,
de la belette, &c. ce n'eft que par une
guerre continuelle qu'il peut défendre
fon grain , (es fruits y toute fa fubfif-
tance , & même fes vêieincns , contre
la voracité des rats , des chenilles , des
fcarabées , det mites , &c. car les in-
(e<fles font aulfi de ces bêtes qui dans
le monde font plus de mal que de
bien; au lieu que le bœuf, le mouton Se
les autres animaux qui }>ai(rent Therbe j^
non-feuleiiient font les nieiilGiirs, les plus
Utiles^ les plus précieux pour l'homme ^^
!;
!.i
rxïï'4 Hiplre Natweflê
puifciu'ils le nourriflent, mais font en-
core ceux qui conlbniment &i dépcnfent
ie nioin> ; le bœuf lur-tout cil à cet
^gard i'aniinal par excellence, car il rend'
à ia terre tout autant qu'il en tire , <Sc
même il améliore le fonds fur lequel \\
vit, il cngraide Ton pâturage, au lieu
Cjuc le cheval & la plupart des autres
aniinaux amaigrirent en peu d'années le
Kieilleures prairies.
Mais ce ne font pas là les feuîs' avan-
tages que le bétail procure à l'homme;
fans le bœuf les pauvres <Sf les riches
auroicnt beaucoup de peine à vivre, ia
terre derneureroit inculte , les champs ,
& même les jardins fcroicnt fecs &
ftériles ; c'elt fur lui que roulent tous
les travaux de la cainnaornc , il cft le
domeili((Lic le plus utile de la ferme,
Je loutien du ménage chLîmj)êire , il f^iit
toute la fi>rcc de i'.'griculfure ; autrefois
il fiifoit toute la richcflc de^ hommes,
& au lourd hui il e>t encore la bafe de
i'opuleiice des Eiats , qiii ne peuvent
fe louienir & fleurir que par la culture
de» ferrer & pir l'abond^iice du bétail j
puifque ce fout les fculs biens réeb,
de
• élu Bœuj, r '1.85;
tous les autres , & même Tor & l'ar-
gent , n'étant que des biens arbitraires ,.
des repréfentations , des monnoies de
crédit , t|ui n'ont de valeur qu'autant
que le produit de la. terre leur en
donne.
Le bœuf ne convient pas autant que
le clieviil, l'âne, le chameau, &c. pour
poner 6ts fardeaux , ia forn^e de Ton
doi & de Tes reins le démontre, mais la.
grofTeur de fon cou & la largeur de Tes
épaules indiquent afîez qu'il cft prO|)re
à tirer & à porter le joug , t'elt aufR
de ce^te manière qu'il tire le plus avan-
ngeufcment , & il efl finguiler que cet.
ulage ne foit pas général , & que dans
dçs provinces entières on l'oblige à tirer,
par les cornes ; la feule raifon qu'on,
ait pu m'en donner, c'eft que quand.
il efl attelé par les cornes on le con-
duit plus aifément ; il a la tête très-
forte & il ne laifîè pas de drer alTez
bien de cette façon , mais avec beau-
coup moins d'avantage que quand il.
tire par les épaules ; il femble avoir
été fait exprès pour la charrue, la mafîi
de fon corps , U lenteur de fes mou?.
>8d Hifioke Naturelle
vcmcns, le peu de hauteur de (es jartiTics,
tout , jufqu'à fa tranquillité & à fa pa-
tience dans le travail , femble concourir
à le rendre propre à la culture des
champs , & plus capable qu'aucun autre
de vaincre la rtTiilance conftante & tou-
jours nouvelie que la terre oppofc à Tes
efforts : le cheval, quoique peut-être
auffi fort que le !)œuf , cft moins propre
à cet ouvrage , il eft trop élevé fur fes
jambes, fes mouvemens font trop grands,
trop brufques , & d'ailleurs il s'impa-
tiente ôc fe rebute trop aifément ; on
lui ôte même toute la légèreté , toute
la fouplefTe de fes mouvemens , toute
là: giâce dfc fon attitude & de fa dé-
marche , lorfqu*on le réduit à ce tra-
vail pefant , pour lequel il faut plus de
confiance que d'ardeur, plus de maffe
cjue de vîiefle, & plus de poids que de
reflbrts.
Dans îes efpèces d*anîmaux dont
Thômme a fait des troupeaux & oii la
multiplication eft l'objet principal , la
femelle eft plus néceflaire , plus utile
que le mâle; le produit de la vache eft
VA bien qui croît ^ qui k renouvelle
élu Bœuf. t 87
î cTiaquc înftant ; la chaîr du veau eft
une nourriture auffi abondante que laine
& délicate , le lait efl l'aliment des en-
fans, le beurre lafTaifonnemcnt de la
plupart de nos mets, le fromage la nour-
riture ia plus ordinaire des habiians de
la campagne : que de pauvres familles
font aujourd'hui réduites à vivre de leur
vache ! ces mêmes hommes qui tous
les jours , & du matin au foir , gémif-
fent dans le travail & font courbés fur
la charrue , ne tirent de la terre que
du pain noir , & font obligés de céder
à d'autres la ffeur , la fubitance de leur
grain , c'eft par eux & ce n'cft pas
pour eux que les moiffons font abon-
dantes ; ces mêmes hommes qui élè-
vent, qni multiplient le bétail , qui le
foignent & s'en occupent perpétuel^
iement , n'ofent jouir du fcuit de leurs
travaux, la chair de ce bétail efl une
nourriture dont ils font forcés de s'in-
terdire Tu fige, réduits par la néccffité de
leur condition, c*eft-à-dire, par la du-
reté des autres hommes , à vivre comme
les chevaux , d'orge & d'avoine ou de
légumes grofiiers, & de lait aigre.
i '
188 Hip]re Ncnureïïe
On peut auffi faire fervir la vnche a
la. charrue, & quoiqu'elle ne foit pas
aufll forte que le hœuf , elle ne laiffe
pas de le remplacer (bu vent : mais lors-
qu'on veut l'employer à cet ulage, il
faut a\oir attewiion de l*ifloriir, autant
qu'on !e peut , avec un bœuf de la
taille & ('e fa force , ou avec une autre
vache , afin de conferver l'égalité du
trait «Se de maintenir le foc en équilibre
entre ces deux puiflances ; moins elics
foni incgales , <îk plus le labour de la
terre en eil regul'cr : au rcflc , ow em-
ploie fouveni fix & julqu'à huit bœufs
dans les rcrrcins fermes; & fur -tout
dans les friches, qui fe le vent par groHes
mottes & par qriartiers , au lieu qua
deux vaches fuffileni pour labourer les
terreins meubles & fabtonneux : on peut
aufîl dans ces terreins légers poufler
à chaque fois le fidon beaucoup j)lus
loin que dans les terreins forts. Les
Anciens avoit borné à une longueur de
cent vingt pas la plus grande étendue
du fillon que le bœuf devoit tracer par
une continuité non interrompue d'ef-
forts & de mouvcmens , après quoi,^
^ • ^// Bœuf. ' ' l9p'
difoïcnt - iîs , il fiiut ccfTcr de l'exciter
& le laiflcr reprendre haleine pci-idant
queiques nioniens avant de pourfuivrc
le même fillon ou den commencer un
autre; mais les Anciens faiibieni leurs
délices de l'étude de l'agriculture , &
mettoient leur gloire à labourer eux-
mêmes , ou du ii'oins à favorifer le
Inbourcur , à ej)argr".er la peine du cul-
tivaeur & du Lœuf; & parmi nous
ceux qui jouilTcnt le plus des bien^ de
cette terre , (biu ceux (|ui lavent le moins
efliincr , encourager , fouienir l'art de la
ciii.iver.
Le taureau fèrt principalement à la
propagation de l'efpèce, & quoiqu'on
piiide auiTi le foumeitre au travail , on
cft nioins lûr de Ion obcilîimLe , & if
faut être en garde contre Tufige qu'ii
peut fliire de ù force : la Nature a fait
cet animal indjciie 6i fier, dans le temps
du rut il Uev'ent indomptable, & fou-
vent furieux ; mais [)ar la caltration l'on
de ruii la fource de ces mouvemens
impétueux, & l'on ne retranche rien à
fa force , il n'en eft que plus gros ,
plus maliif , plus pefant & plus propre
!
:
' i
îpo Tlijloke Naturelle
à l'ouvrage auquel on le dcnînc ; H
devient auffi plus trnitable , plus pa«
tient, plus docile & meins incommode
nux autres : un troupeau de taureaux
ne (èroit qu'une troupe effrénée que
l'homme ne pourroit ni dompter ni
conduire.
La manière dont (e fait cette opé-
ration efl afTcz connue des gens de la
campagne , cependant il y a fur cela
des ulages très - différcns dont on n'a
peut-être pas alTcz obfervé les différetis
effets ; en générai l'Age le plus conve-
nable à la caflration ell I âge qui pré-
cède immédiatement la puberté , pour
le bœuf c'eft dix -huit mois ou deux
ans , ceux qu'on y foumet plus tôt
périffent prefque tous ; cependant les
jeunes veaux auxquels on 6te les tefli-
cules quelque temps après leur naif-
fancc , & qui furvivent à cette opération
fi dangereufc à cet âge , deviennent
des bœufs plus grands , plus gros, plus
gras que ceux auxquels on ne fait la
caftration qu'à deux, trois ou 'quatre
ans ; mais ceux - ci paroiffent confcrvcr
plus de x;ourage & d'adivité ^ & ceux
M
Ju Bœuf, rp t
qui ne la fubiflbnt qu'à l'âge de fix,
fept ou huit ans ne perdent prcfquc
rien des autres qualités du lèxe mafculiny
ils font plus impétueux , plus indociles
que les autres bœufs : Se dans le temps
de la chaleur des femelles lis cherchent
encore à s'en approcher , mais il faut
avoir foin de les en écarter; l'accou-
plement & même le feul attouchement
du bœuf, fait naître à la vulve de la
vache des efpèces de carnofités ou de
verrues , qu'il faut détruire & guérir
en y appliquant un fer rouge ; ce mal
peut provenir de ce que ces bœufs
qu'on n'a que bijlournés , c'eft-à-dire ,
auxquels on a feulement comprimé les
teUiculcs, & ferré & tordu ks vaiflèaux
qui y aboutiffent , ne laifTent pas de
répandre une liqueur apparemment à
demi purulente , & qui peut caufer
des ulcères à la vulve de la vache,
lefquels dégénèrent enfuiie en carno-
fités.
Le prînteinps eft la faifon où les
vaches font le plus communément en
chaleur; la plupart dans ce pays-ci re-
çoivent le taureau & deviennent pleines
:i
'ipl f^ipoln N^îurelle
depuis ïe i 5 • avril jufqu'au 15 juillet 9
mais il ne iaiflè pas d'y en avoir beau-
coup dont la chaleur eft plus tardive,
& d'autres dont la chaleur efl plus pré-
coce ,. elles portent neuf mois , &
mettent bas au commencement du di-
xième ; on a c!onc des veaux en quantité
depuis le i 5 janvier jufqu'au 1 5 avril,
on en a auffi pendant tout l'été aflez
abondamment , & l'automne eft le temps
où ils font le plus rares. Les fignes
de la chaleur de la vache ne font point
équivoques, elle mugit alors très-fré-
c|uemmenr & plus violemment que dans
les autres temps , elle Lute fur les va-
ches , fur les bœufs , & même fur les
taureaux , la vulve cil gonfîte & pro-
éminente au dehors ; il mut profiter du
tem})S de cette fonc chaleur pour lui
dwnner le tiureau ; Ci on laifToit dimi-
nuer cette ardeur la vache ne retiendroit
pas audi fûremcnt.
Le taureau doit être choifi , comme
îe cheval étalon, [):)rtni les plus beaux
éc loaeipL'ce, il doit être gros, bita
f!iit & en bonne chair , il doit avoir
l'œil noir, le rcg ird fier, le front ouvert,
h
-' ''du Bœuf. 1 9 j
fa tête courte, les cornes groflês, courtes
& noires, les oreilles longues & velues,
le mufHe grand , le nez court & droit ,
le cou charnu & g l'Os , les épaules & la
poiiriuc larges, les reiiis fermes, le dos
droit , les jambes grofles & charnues >
la queue longue & bien couverte de
poil , Talure terme & lûre & , le poil
rouge { b ), Les vaches reiiennent iou-
veiu dès la première , (ccoii le ou troi-
fjème fois , & fi-tôt qu'elles font pleines
le taureau réfute de les couvrir, quoi-
qu'il y ait encore apparence de chaleur;
mais ordinairement la chuleur ceiFe y^ïtÇ"
qi>e audJtôt qu'elles ont conçu , & el'es
reufent aufli elles - mêmes ica approches
du taureau.»
Lcb vaches font aufTi fnjctes à avorter
lorfqu*on ne les ménage pas & qu'on
les met à la charrue, au charroi, &c.
il faut même les f>igncr davantage <5c
les luivre de |)lus prèî» lor^^pi'elîc^ font
pleines q* e dans Ic> autres ienq)s , afin
de les einpê> her de lauier des haies ,
des foflcs, &c. il faut aufTi le^ mettre
(l>) Voyez la nou\eHe mailbn ruflùjue. /ijm ,
ly^p , tome I, y-ge i<f^%
ivmç VL I
M
II
ïp4 Hljîotre Naturel^
dans fes pâturages les plus gras , &
dans un terrein qui, fans être*trop hu-
mide & mare'cageux , fuit cependant
très-abondant en herbe : fix femaines ou
deux mois -avant qu'elles mettent bas,
on les nourrira plus largement qu'à l'or-
dinaire , en leur donnant à l'étable de
Fherbe pendant l'été, & pendant l'hiver
du (on le matin ou de la luzerne , du
fàinfoin , &c. on ceflera auffi de \ti
traire dans ce même temps , le lait leur
eft alors plus néceflaire que jamais pour
ia nourriture de leur fœtus ; aufîi y a-t il
àcs vaches dont le lait tarit abfolument
un mois ou fix (emaines avant qu elles
mettent bas , celles qui ont du lait juf^
qu'aux derniers jours font Iqs meilleures
mères & les meilleures nourrices ; mais
ce lait des derniers temps efl générale-
ment mauvais & peu abondant. Il fiut
les mêmes attentions pour l'accouche-
ment de la vache que pour celui de
ia jument, & même il paroît qu'il en
faut davantage , car la vache qui met
bas paroît être plus épuifée, plus fati-
guée que la jument ; on ne peut le
dilpenfèr de la mettre dans une c table
v:
Ut
du Bœuf r p j
feparéc , où jI faut qiiV ^ foit chaude-
ment & commodément fur de lu bonne
litière , & de la bien, nourrir , en lui
donnant pendant dix ou douze jours
de h farine de fèves, de blé ou d'a-
voine, &c. délayée avec de l'eau falée ,
& abondamment de la luzerne, du fiin-
foin ou de bonne herbe h\ci\ mûre ;
ce temps fuffit ordinairement pour la
rétablir , après quoi on la remet par
degrés à la vie commune & au pâturage ,
feuiemeni il faut encore avoir l'atten-
tion de lui laifTer tout fon lait pendant
les deux premiers mois, le veau profi-
tera davantage , <Sc d'ailleurs le lait de
ces premiers temps n'efl: pas de bonne
qualité.
On laifTe le jeune veau auprès de Ça
mère pendant les cinq ou fix premiers
jours , afin qu'il foit toujours chaude-
ment, & qu'il puifTc leter auffi fbuvent
qu'il en a befoin ; mais il croît & fe
fortifie aflèz dans ces cinq ou fix jours ,
pour qu'on foit dès- lors obligé de l'en
réparer fi Ton veut la ménager, car il
l'cpuiferoit s'il étoit toujours auprès
d*dle; il fufiirâ de le iaiflcT tctcr deux
il
196 HiPoire Naturelle
ou trois fois |;ar jour , & fi l'on veué
lui faire une bonne chair & IVngrailfer
promp.cmcnt , on lui donnera tous les
jours des ceufs cruds , du lait bouilli ,
de l.i inic de pain; au bout de cjuaire
X)u cinq femairx^s ce veau fera excellent
à manger : on pourra donc ne latller
leicr que trente ou quarante jours les
veaux qu'on voudra livrer au boucher,
mais il faudra iaifTcr au la't j>cndant
lieux mois au moins cqwk qu'on voudra
nourrir, pus on ies laifltra leier , plus
ils devicntlre)nt gros & forts ; on pré-
férera pour les élev<T ceux qui feront
riés aux mois d'avril , mai & juin , (es
veaux (|ui nainent plus tard ne j^euvent
ac(jiK'rir allez de force pour rcfiller aux
injures de l'hiver luivrnt , ils languiflent
par le ftoid , 6l périllènt prelque tous*
/i deux , trois ou quatre mois on ié^
vrera donc les vesiix qu'on veut nourrir,
& avant de leur ôtcr le lait abfoiunient,
on leur donnera un peu de bonne
herbe ou de foin fin , jiour qu'ils coni-
mencent ;i s'accoutumer à cet;c nouvelle
nourriiure , après quoi en les (eparcra
tout-à-fàit de leur mère, & on ue U&
»
tn îaifîcr.i point approcher ni à Tétable
ni au pâturage , où cependant on les
mènera tous les jours, & oii on les laif-
fèra du maiin au loir pendant l'éié ;
mais dès que le froid commencera à
fe faire fcntir en automne , il ne fiiudra
les laifîer foriir que tard dans la ma-
tinée & les ran^ncr de bonne heure Je
foir ; & pendant l'iiivcr , comme ie
grand froid leur f ^ extrêmement con-
traire , on les tiendra chaudement dans
une étahie bien fermée & bien garnie
de litière , on leur donnera , avec l'herbe
ordinaire, du fiinfoin , de la luzerne,
&c. <?c on ne Ica laifTera foriir que par
ks temps doux ; il leur faut beaucoup
de loins pour paffer ce premier hiver ,v
c'eit le temps le plus dangereux de leur
vie , car ils fe fortifieront affez pendant
\éié fuivant , pour ne plus craindre le
froid du lecond hiver.
La vache eft à dix - huit mois en
pleine puberté , & ic taureau à deux
ans , mais quoiqu'ils puifîtnt déjà en-
gendrer à cet âge , on fera bien d'at-
tendre jufqu'à trois ans avant de leur
pcrnieufc de 5*accQUplcf; ces animaujs
!
ip8 Hifloke 'Naturelle
font cîans îeur grande force depuis trois
ans jufq «à neuf, après cela les vaches
& les taureaux ne font plus |)ropres qu'à
éire engraifTé.^ ^ livrés au boucher :
coin lie ils prennent en deux ans la pkis
grande panie de leur accroiiîenient , la
durée de leur vie eil aufîî , comme dans
la plupart des autres efpèces d'animaux,
à peu prés de iept fois deux ans , 5c
communément ils ne vivent guère que
quatorze ou quinze ans.
Dans tous les animaux quadrupèdes,
ia voix du mâle efl plus forte & plus
grave que celle de la femelle , & je ne
crois pas qu'il y ait d'exception à cette
règle; quoique les Anciens aient écrit
que la vache , le bœuf & même le veau
avoient la voix plus grave que le tau-
reau , il eft très-certain que le taureau a
la voix beaucoup plus forte , puifqu'il le
fait entendre de bien plus loin que la
vache , le bœuf ou le veau : ce qui a
fait croire qu'il avoit la voix moins grave,
c'eil que fon mugiflemcnt n'eft pas un
Ion fimple , mais un (on compofé de
deux ou trois odaves , dont la plus éic-
Yce frappe le plus forcilic ; & en y
du Bœuf* i^()
failant attention, Von entend en même
temps un Ton grave , & plus grave que
celui de la voix de la vache , du bœuf
& du veau , dont les niugifTemens fuiiF
auffi bien plus courts ; le taureau ne
mugit que d'amour , la vache mugit
plus fou vent de peur &l d'horreur que
d'amour, & ie veau mugit de douleur,
de beloin de nourriture Su de defir de
fa mère.
Les animaux les plus pefans & les
plus parefîeux ne font pas ceux qui dor-
ment le plus profondément ni le plus
iong-temps : le bœuf dort , mais d'ua
fummeii court & léger, il fe réveille an
moindre brjiit; il fe couche ordinaire-
ment fur le côté gauche , & le rein
ou rognon de ce côté gauche eft tou-
jours plus gros & plus chargé de graiflè
que le rognon du côte droit.
Les bœufs , comme les autres ani-
maux dorneftiques , varient pour la cou-
leur; cependant le poil roux paroît être
le plus commun , & plus il e(l rouge ,
plus il eft edimé : on fait cas au(Ii du
poil noij* , & on prétend que les bœufs
tous poil bai durent long - temps ; que
I 111/
200 Hifloîre Naturelle
les bruns durent moins & (c feî)irtenf
de bonne heure j que les gris, les
T)oinmeles & les bl.incs ne valeni rien
pour le invail & ne lont j)ro|jrcs qu'à
éire engruiffés ; mais de quelque cou-
kur que luit le poil du bœuf, W doit
cité luiant, ép^H:» & doux au toucher,
Ciir s'il cil rude, mal uiii ou déiJjirni ,
on a railon de lupi^ofer que raiVimiiI
foufFiC , ou du nioins qu'il i\q^ pas
d'iHi ïon lemperameiu. Un bon bœuf
pour la charrue ne doit êife ni trop
gras , ni trop maigre , il doit avoir la
îêie courte & rujn..flée , les oreilles
grandes, bien veiues & bien unies, les
cornes fortes, lui imies & de moyenne
grandeur, le front large , les yeux gros
èi noirs , fc mufîle gros & camus ,
les nafeaux bien ouverts , les dents blan-
ches & égales, fes ièvres noires, le cou
charnu , les épaules grofîès & pefantes ,
la poiirine large, le fanon , c'eft à dire ,
la periu du devant pendante Jufque fur
les genoux , les reins fort larges , le
ventre fpacicux & tombant, les flancs
grands, les hanches longues , la croupe
épaïd'e, les jauibes & les cuiflcs grofîès
* fJu Bœuf. lot
8c herveufcs ; le dos droit & plein , ïai
queue pendante juft-iu'à terre & gar-
nie de |)oils touffus & fins , les pieds
fermes , le cuir groliicr & maniable ,
les mufcics élevés & l'ongle court <Sc
large ( cj; il faut aufli qu'il foit fènfible
à l'aiguillon , obéifFant à la voix & bien
dreOe , mais ce n'eft que peu à peu ,
& en s'y prenant de bonne heure, qu'on
peut accoutumer le bœuf à porLer le
joug volontiers , & à (e laifîèr conduire
ailément : dès l'âcrc de deux ans &
o
demi ou trois ans au plus tard , il faut
commencer à l'apprivoifêr & à le fub-
juguer ; fi l'on attend plus tard il de-
vient indocile , <St fouvent indomptable ,•
la patience , la douceur , & même les
carcifes , font les feuls moyens qu'il
faut employer , la force & les mauvais
traiiemens ne ferviroient qu'à le rebu-
ter pour toujours ; il fmt donc lui
frotier le corps , le carefler , lui donner
de temps en temps de l'orge bouilli ^
des ftves concaffécs , 6i d'autres nour-
îiiures de ccite èfpcce , dont il eft le
(c) Voyez la nouvelle maifon ruftitiue, tomtJ^
i y
2C2 mjloîre NatureTle
plus ffiancl , & toutes nitlt'es de /cl
qu'il aime beaucoup ; en même temps
on lui liera fouvent les cornes , quel-
ques jours après on le mettra au joug ,
& on lui fera traîner la charrue avec
un autre bœuf de même taille & qui
fera tout drcITc ; on aura foin de les
attacher enfemble à la mangeoire , de
les mener de mê.me au pâturage , afin
qu'ils fe connoiflent & s'habiiuent à
n'avoir que des mouvcmens communs ,
& l'on n'emploiera jamais l'aiguillon
dans les commencemens , il ne (èrviroit
qu'à le rendre plus intraitable ; il faudra
aulîi le ménager & ne le faire travailler
qu'à petiics reprifes , car il le fatigue
beaucoup tant qu'il n'ett pas tout- à fait
drefle , & par la même raifon , on fe
nourrira plus largement alors que dans
ies autres temps.
. Le bœuf ne doit fervîr que depuis
trois ans jufqu'à dix , on fera bien de
le tirer alors de la charrue pour l'en-
graifîer & le vendre , la chair en fera
meilleure que fi l'on" atiendoit plus
long- temps. On reconnoîi Tâge de cet
suîiinal par les dents & par ies cornes:
^'^ Jit Bœuf ^ . 20 j
îcs premières dents du devant tombent
à dix mois , & font remplacées par
d'autres qui ne fout pas ii blanches <5c
qui font plus larges , à feize mois les
dents voifines de celles du milieu tom-
bent & font aufïi remplacées par d'autres,
h à trois ans toutes les dents inci-
ffcs font renouvelées , elles font alors
égales , longues & afTez blanches ; à
mefure que le bceuf avance en âge elles
s'ufent & deviennent inégales <Sc noires :
c'cft la même chofe pour le taureau
& pour la vache , ainfi la cafl ration ni
le lexc ne changent rien à la crue &
2 la chute des dents ; cela ne change
rien non plus à la chute des cornes ,
car elles tombent également à trois ans
au taureau, au bœuf & à la vache, &
elles font remplacées par d'autres cor-
ne» qui i comine les fécondes dents ,
ne tombent plus ; celles du bœuf &
de la vache deviennent feulement plus
groiïes & plus longues que celles du
taureau , raccroifTenaent de ces fécondes
cornes ne fe fait pas d'une manière uni-
forme & par un développement égal ;
là première année , c'eft ► à - dire , ia
1 y|
2 04 Hiflohe N^tttrelle
quatrième année de l'Age du bccuf, î!
Jui poufîê (Jeux petites cornes pointues,
nettes», unies <5c tcrniinccs vers- la téie par
unecij;cte de l.)OurreIet, Tannée kiivante
ce bourrelet s'éloigne de \\ tête, jîOufTé
par un cylindie de corne qui Te forme
& f|ui fc termine a-ulii par un autre
li)ourie!et , & ainfj de fuite , car tant
c(ue i'animal vit , les cornes croiflent :
CCS bourrelets deviennent des nœud»
annulaires , qu'il efl aifé de diftingucr
dans la corne, & par iefquels Tàgc fc
peut aifémcnt compter , cii prenant
pour trois ans la pointe de la corne
jufqu au j^remicr nœud , & pour un an
de plus chacun dcb intervalles entre les
autres nœuds.
Le cheval mange nuit & jour, len-
tement , nwis prelque continuellement ;
le bœuf au contraire ifiange vite cSc
prend en aflcz peu de temps toute la
nourriture qu'il lui faut , après quoi il
cefle de manger ôc le couche pour
ruminer : cette différence vient de fa
différente conformation de l'eftomac
de ces animaux ; le bœuf , dont les
4€ux premiers eAgmacs jie forinciit
' 'Jii Bœuf. -' ïô'^
quAiri même fac d'une ircs- grancJe ca-
pacité, peut ^.mi, inconveniem previJie
à la fors beaucoup d'herbe & ic irm-
plir en peu de lemj^s , pour ruminer
enluiie & digérer à loifir ; le cheval ,
qui n'a qu'un peiit cflomac , ne peut y
recevoir fju'une petite quan ité d'herbe
& le reinj)lir fuccenivcmcnt à merure
qu'elle s'affuifîe & qu'elle pafîc dans
les intcflins , où fc \\i'ti principalement
la décoinpofiiicm de la nourriture ; car
ayant obiervé dans le bœuf & dans le'
cheval le produit fucceiFif de la df-
gtdion , & fur -tout la décompofitioii
du foin , nous avons vu dans le bœuf
qu'au ((^riir de la partie de la panfe,
qui forme le fécond eftomac & qu'on
appelle le bonnet, H cft réduit en une
rl'pcee de pâte verte, femblable à des
épinards hachés & bouillis ; que c'eft
fous cette forme qu'il eft reienu &
contenu dans ies plis ou livrets du
troifième eftomac , qu'on appelle le
feuillet î que la décompofition en cfl
entière dans le quatrième ellomac , qu'on
appelle ia caillette ; & que ce n'efl ,
pour ainfi dire^ cjuc le marc qui palis
'20 6 Hipotre Naturelle
dans les inteftins , au lieu que dans
le chevai le foin ne fe décompole
guère , ni dans 1 eflomac , ni dans les
premiers boyaux , où il devient Seule-
ment pfus louple & plus flexible ,
comme ayant été macéré & pénétré de
ia liqueur adive dont ii efl environné ;
qu'il arrive au ccecum & au colon lans
grande altération ; que c'efi: principa-
lement dans ces deux intcdins , dont
l'énorme caj)aciié répond à celle de ia
panle des ruminans , <(ue le fait d:ins
îe cheval la décompofition de la nour-
riture , & que cette décompofjtion
n'cft jamais aulfi entière que celle qui
fe fait dans le quatrième ellomac du
bœuf.
Par ces mêmes confidératîons & par
la feule inlpeétion des par lies , ii me
fenible qu'il efl: aifé de concevoir com-
ment fe taii la rumination , & pourquoi
le cheval ne rumine ni ne vomit , au
lieu que le bœuf & les autres animaux
qui ont pîufieurs eflomacs , fembicnt
ne digérer Therbc qu'à mefure qu'ils
ruminent. La rumination n'efl q 'uii
vomillement fans effort, occafionné paï
//// Bœuf» ^^7
la rea<51ion du premier eftomac fur les
alinicns qu*il con ient. Le bœuf rem-
plit ces deux premiers eflomacs , c'eft-
à-dire , la panfe & ie bonnet, qui n'eft
qu'une portion de la panfe , tout autant
qu*ils peuvent l'être ; cette membrane
tendue réagit donc alors avec force
fur l'herbe qu'elle contient , qui n'eft
que très-peu mâchée, à peine hachée,
& dont le volume augmente l^eaucoup
par la fermentation : fi l'aliment étoit
liquide , cette force de contraélien le
feroit pafler par le troificme cflomac
qui ne communique à l'autre que par
un conduit étroit dont même l'orifice
c(l fiiué à la partie poftéricure du pre-
mier , & prefque aufli haut que celui
de rocfophage ; ainfi ce conduit ne
peut pas admettre cet aliment fec , on
du moins il n'en admet que la partie
la plus coulante , il eft donc néctfîaire
que les parties les plus sèches remon-
tent dans rœlophage , dom l'orifice eft
plus large que celui du conduit ; elles y
reiiiontent en effet , l'animal les remâche ,
ks macère, les imbibe de nouveau de fh
uiive, ÔL rCiid ainfi peu à peu Taliman
1
II
)1 .
i ô s Hî flaire Natitreïïé
pfus coulant , il fe réduit en pâte afleiJ
îiquicie pour qu elle puifTe couler dans
ce conduit qui coniinunique au troi-
fième ellomnc, où elle Te macère encore
avant de palier dans le quatriètne ; &
c'efi: dans ce dernier edoinac que s'a-
chève la décoinpoiîtîon du- foin qui
cil: réduit en parfiit mucilage : ce qui
eoiiftrnic la vérité de cette explication ,
c'tlt que tant que ces, animaux tètent
ou font nourris de fait & d'autres aii-
mens liquides & coulans , ils ne ruminent
pas , ôi qu'ils ruminent beaucoup plus
en hiver &i lorsqu'on les nourrit d'ali-
inens fccs , qu'en été , pendant lequel
ils j)arnrent l'herbe tendre; dans le cheval
au contraire l'cftomac elt trèsrpetit, l'o-
rifice de l'oerophage efl: fort étroit , <?c
celui du pylore ell fort large ; cela feul
fuffiroit pour rendre impollible la ru-
mination , car l'aliment contenu dans ce
peiit crtomac , quoique peut-être plus
fortement comprime que dans le grand
eltomac du bœuf, ne doit pas remonter ,
puifqu'il peut aifément dcfcendrc pnr
îe pylore qui efl fort large ; il n'cit
pks même nécellhire que le foin im
ih Èœiif* 20^
rcJuk en parc molle ik coulante pour
y entrer , la force de contradion de
il estomac y poulie raliiiicnt encore prel-
que fèc , & il ne peut remonicr pur
l'œfophngc , parce ([ue ce conduit elt
fort pctir en comparaifon de celui du
pylore; c'eft donc par cette différence
générale de conform^nion 6{ue le bœuf
rumine, & que îe cheval ne peut ru-
miner ; mais il y a encore une diife'-
rence particulière dans le cheval , qui
fait que non - feulement il ne peut ru-
miner, c'eil- à-dire, vomir fans effort,
mais même qu'il ne peut abfoluinent
vomir, quelque effort qu'il puilfe faire,
celt que le conduit de l'ccfopbage arri-
vant irès-oblicjuement dims l'eftomac du
cheval , dont les membranes forment une
épailieur confidérable , ce conduit fait
d.ns cette épaifleur une efpèce de gout-
tière fi oblique , qu'il ne peut que (e
ferrer davantage, au lieu de N'ouvrir |)ap
les convulfions de Teftomac f(^J. Quoique
ftij Voy. dans le to^e V/I , fmrtie //.' de I ciiitioii
de cette Hiiloirc Naturdie , en trente ini volumes, 1»
delcription de l'eftoiracdu cheval , & le Mcm(>ire île
M. Bertin, dans le volume des MéiHoj Uc l'Acadcmiff
4os ijdçncw, atmcc i/i-(^t
:2io
Hipolre Naturelle
'i
cette différence , auffi - bien que Tes
autres différences de conformation qu'on
peut rcinarc}uer dans le corps des ani^
maux, dépendent toutes de h Nature
iorfqu'elies font confiantes , cependant
iî y a dans le développement , & (ùr-
tout dans celui Jes parues molles , des
différences conllanres en apparence ,
qui néanmoins pourrolcnt varier , &
qui même varient par les circonltances ;
la grande capacité de la panie du bœuf,
par exemple , n'efl pas due en entier
à la Nature , la pan le n'ell pas telfe
par (a conformation primitive , elfe
ne le devient que fucceliivement &
par le grand volume des aiimens ; car
dans le veau qui vient de naître , &
ménie dans le veau qui e(l encore au
iait & qui jn'a pas mangé d'herbe , la
panfe , comparée à ii caillette , e(t
beaucoup plus peiitc que dans le bœuf:
cetic grande capacité de la panfe , iie
vient donc que de i*exienfion qu'oc-
calionne le grand volume des aiimens,
yca ai été convaincu par une expé-
rience qui mt paroît decifive. J ai fiit
nourrir dci^tx agneaux de même a^^e
i.-.
iltt Bœuf %\t
ta fevrés en même temps, Tun de pain
& l'aucre d'herbe ; les ayant ouvcns au
bout d'un an, j'ai vu que la panfè de
l'agneau qui avoit vécu d'herbe , étoit
devenue plus grande de beaucoup que
la panfe de celui qui avoit été nourri
de pain.
On prétend que les bœufs qui man-
gent ientemcnt léfiftent plus long temps
au travail que ceux qui mangent vîic j
que les bœufs des pays élevés & (ècs
font ]>Ius vifs , plus vigoureux , &
plus fains que ceux des pays bas <5c
humides ; que tous deviennent plus
forts lorfqu'on les nourrit de foin fec
que cpiand on ne leur donne que de
l'herbe molle ; qu'ils s'accoutument plus
ditiicilement que les chevaux au chan-
gement de climat , & que par cette
r.iiiou l'on ne dplt jamais acheicr que
dans Ton voifuiage des boeufs pour le
travail.
En hiver , comme les bœufs ne font
rien , il fuffira de les nourrir de paille
& d'un peu de foin , mais dans le
Itmps des ouvrages on leur donnera
beaucoup plus à^ foin que de paille^
% 1 1 Hlfoire Nnîurelk
& même un peu de Ton ou d*avoîr>ç
avant de les faire travailler ; l'éie , (i
le foin maïKjue on leur donnera de
l'herbe fraîchement coupée , ou bien
de jeunes pouïîes & des feuilles de
frêne , d'orme , de chêne , &c. mafs en
pe;ite qi'antité , l'excès de cette nour-
riture , qu'ils aiment beaucoup , leur
caulàni quelquefois un pirTemcnt de
fàng ; la luzerne, le fainfoin , la vefce ,
foit en vert ou en fec , les lupins , les
navets , l'orge bouilli , &c. font audi
de très - bon> alimens pour les bœufs ;
il n'eil pas nèceniire de rcgîer la quan-
tité de leur nourriture, ils n'en prennent
jamais plus qu'il ne leur en fiut, à
l'on fera bien de leur en donner tou-
jours alTez pour qu'ils en laiflent ; on ^
re les meitra au pâturage que vers le
ï 5 de mai , les premières herbes font
trop crues , & quoiqu'ils (es mang< lU
avec avidité , elles ne laiflent pas de
les incommoder ; on les fera pâturer
pendant tout l'été , & vers le i 5 oc-
tobre on les remettra au fourrage , eu
obfcrvant de ne les pas faire pafîer
Lrufquemem du vert au fcc & du fcc
clîi Bœuf,
î
ail vert , maïs de les amener par degrés
ij te cil iiigeineu: de nourriiurc.
La grande timlcur inconiinode ces
g
animaux , j>eut - être plus encore cjuc
il
le
grand iioid , il faut pciidiiit i'eie ics
iDcncr au ir.ivail dès la poinie cju joi'.r,
les ramc^icr à l'étaLle ou les iaifïer dans
les bois j;a urer à i'omf)rq j endaat la
g
ande tha eur , ik ne les remettre à
iouvrage c}u à iiois ou quatre heures
du loir, au priniemjjs, en hiver & en
autnm
Ci
ne on pourra les fàre travailler
(lis iirerrui'iKjn Oenuis
P
huit
ou neul
heures du mai in juiqu'à cinq ou fiJC
heures du loir. Ils ne dem .ndfnt pas
aiit'Ut
client
de fr
o\i\ que les cncvaux , cepen-
[i l'on veut les enire:enir f»i!n> &
t guère Te dit-
vïgoureux , on ne peut g
pei
ifer de les ëtril.cr tous ies
jours
de les laver & de leur graiffer la cor
ne
dc;
pjei
&c. 1
l fa
ut ai)
fli 1
es
aire
ijo^re au moins deux fois par jour , ils
aiiucnt 1 eau lïe.te & fr.iKhe . au ieu (juç
le cheval l'aime irouble & liètie.
La nourriture & le foin font à peu
près les mêmes & pv)ur la vache &
pour le bœuf , cependant ii\ vache 4
li^ mjloire Naturelle
lait exîge des attentions particulières,
tant pour la bien choifir que pour la
bien conduire : on dit que les vaches
noires font celles qui donnent le meilleur
lait , & que les blanches font celles qui
en donnent le plus , mais de quelque
poil que foit la vache à lait , il faut
qu'elle foit en bonne chair , qu'elle ait
l'œil vif ; la démarche légère , qu'elle
foit jeune , & que fon lait foit , s'il fe
peut, abondant & de bonne qualité; on
ia traira deux fois par jour en été &
une fois feulement en hiver, & fi l'on
veut augmenter la quantité du lait , il
n'y aura qu'à la nourrir avec des alimcns
plus fucculens que de l'herbe.
Le bon lait n'eft ni trop épais iiî
trop clair, fa confiftance doit être telle
que lorfqu'on en prend une peiiie goutie
elle conlerve (à rondeur fans couler, il
doit auffi être d'un beau blanc , celui
qui tire fur le jaune ou fur le bîeu ne
vaut rien , (à faveur doit être douce ,
fans aucune amertume & fans âcreté,
il faut auHi qu'il foit de bonne odeur
ou fans odeur ; il eft meilleur au mois
de mai & pendant l'été que pendant
■<>
:)ais ni
[q telle
outie
cr, il
celui
eu ne
ou ce ,
[icreté ,
odeur
u mois
)endaat
'" Ju Bœuf, 215
l'hîver, & il n*cfl parfaitement bon que
quand la vache eft en bon âge & en
bonne fànté ; le luit des jeunes genifics
cil trop clair , celui d^s vieilles vaches
eft trop (èc , & pendant i'hiver il eft
trop e'pais : ces différentes qualités du
hit font relatives à la quantité plus ou
moins grande des parties butiicufes ,
caféeufes & féreules qui le compofcnt ;
le lait trop clair eft celui qui abonde
trop en parties féreufes , le lait trop
épais eft celui qui en manque , & le
lait trop fec n'a pas afîcz de parties
buiireufes & féreufes ; le lait d'une vache
en chaleur n'eft pas bon , non plus que
1 celui d'une vache qui approche de fou
terme ou qui a mis bas depuis peu de
temps. On trouve dans le troifième &
dans ie quatrième eftomac du veau qui
tète , des grumeaux de Jait caillé , ces
grumeaux de lait féchés à l'air (ont fa
préfurc dont on fe fert pour faire cailler
le lait ; plus on garde cette prcfure ,
meilleure elle eft , & il n'en faut qu'une
très- petite quantité pour faire un grand
volume de fromage.
Les vacher èe. les boeufs aiment
2 I (y fJiPime Naturelle
Lcuiicoiip le vin, le vinaigre, Te (cî,
ils dévurtnt avec a\i<Ji:ô ui.c lalade af-
(îiironnee : en Elj^gne &i d.ms (|ue!-
qi:es autres pays , on jnct auprès du
jeune veau à Itiable une de tci pk'rics
qu'on ^Y\:t\\c Jtilègres , ik. (ju'on trouve
dans les niiuts de lèl acnune, il lèche
cette pierie (ulee pendiiiu loui le temps
<|i;e la mère efl au pâiur.igc, ce (jui
excite 11 ton l'aj^péiii ou la ù>if , cju'au
moment cjue la vache arrive le jeune
veau (c jeitc à la njanieile , en tire avec
avidité beaucoup de Lit , s'engraiHe <Sc
croît bien plus vî e cjue ceux aux([ucls
on i^e donne point de (èl ; c'ell j)ar
la inêine railon que quand les bœufs
DU les vaches font dcgoiiies , on leur
donne de l'herbe trempée dai s du
vinaigre ou làupoudrée d'un j eu Je
fêl ; on peut leur en donner aiidl
lorfcpi'ils fe portent bien & qne l'on
veut excixer leur appétit pour les en-
graifler en peu de temps ; c'ed orui-
iiiiireinent à l'âge de dix ans qu'on
les net à l'e'igrais , fi l'on attend j);us
tard on elt nu.ins inr de réullir , &
kur chair n'eit pas fi bonne j on ])et;î
les
fcs e
I» , .
I ère c
o
qu'en
de ;l]
voir ^
cju'on
de les
beau ce
ncia
abondî
peu d(
à ioifn
quatre
gras q,
cher^
au loinl
vaches
nés ,
la chaii
& ccilej
rourre
grealjlel
f^es Tl
font fol
'lomci
du Bœuf. 'il y
les engraifTer eu toutes faifons , mais
l'été elt celle fju'on préfère , parce que
ienirrais Te fait à moins <Jc fiais , &
qu'en commençant aux mois de n;ai ou
de juin , on ell prcfcjuc lûr de les
voir gras avant fa fin d'o(5lobre : dès
qu'on voudra les engraiHcr , on ceflera
de les faire travailler , on les fera boire
beaucoup plus fouvcnt , on leur don-
rcra des nourritures fucculcntes ca
abondance , quelquefois mêlées d'un
peu de fcl , ôi on les lailTera ruminer
à loifir <5c dormir à l'établc pendant
les grandes chaleurs ; en moins de
quatre ou cincj mois ils deviendront ii
gras qu'ils auront de la peine à mar-
cher^ & qu'on ne pourra les conduire
au loin qu'à très -petites journe'cs. Les
vaches , & même les taureaux Lillour-
wés , peuvent s'engraiOer aulfi , mais
la chair de la vache clt plus sèche ,
& celle du taureau bidourné efl: |)îus
rouge &L plus dure cjue la ch lir d.i
bœuf 5 & elle a toujours un go'ût défa-
gréabte & fort.
Les taureaux , ks vaches & les bœufs
fjin fort fujcLs à fc lécher, fur - tout
;;i î 8 f]}pi>h-e NaUirdU
dans le temi)S qu'ils fom tii plein repos;
ik comme l'on croit que cela les cm-.
pêche ci engraificr , on a foin de frotter
de leur fiente tous les endroits de X^wr
C(;rps aux(|iiels ils peuvent at;cindrc j
lorUju'on ne prend pas cette précau-
tion, ils enlèvent le poil avec la langue,
qu'ils ont fort rude , à. ils avaltni te
poil en grande (juaniité; comme cet :
îubdance ne j)eut fe digérer , ciic;
rtfle dans leur clioniac & y torn.c
des pelottes rondes qu'on a apjielcca
égagroyiles , &. qui font quclcjucfiiii;
d'une grofleur fi confîdcrafjle , qu'ellei
doivent les incommoder par leur vo-
lume, & les empêcher de digtrer par
leur lé jour dans rdlomac ; tes pclouts
ie revêtent avec le temps d'une croûte
Lrune affez loiidc , qui n'cfl cepcndiin:
qu'un mucilsge épailli , mais qui par le
froittment & la co^îlion devient dur &
iuilant , elles ne le trouvent jamais (|»;c
dans la panfc ; (k s'il entre du poil
dani les autres ellomacs , il n'y fêjourne
pas, non ])lus que d;ins les boyaux,
3,1 pafle apparcinment avec le marc d.5
aliiiiens*
'pos ;
cm-
roiKr.
.' leur
idrc ]
ngue,
Lin ce
e cef.c
, clic
ibnr.e
quelles
ur vo-
rer ]^ai
ncloiltS
croûte
îcncliint
li piir le
dur &
du jhmI
tri'?
cjcun
aarc ti'^s
f/// 5<r///?
2Ï
Les animaux qui oiu cîes Jents inci-
fives, comme le chev.il «ît l'Aie, ;uijc
'Jeux mâchoires , broutent plus aifeuRni
ri.crf)e courte que ceux nui maïujuent
de dcius intillves à la in.uhoirc (upc-
rieure ; & fi le mouton & la chèvre
la coupent de très - prèï» , t'e.'l jiarce
qu'ils font petits & que leurs lèvre^ fo.t
minces; mais le l)œut\ dont les lèvres
fl^nt épnifles , ne jKut brouter que
l'herbe longue, c'^i c'eit par ccite rai!^ n
qu 11 ne rate aucun tort au patur.igc
fur lequel il vit; comiue il ne pci t
pincer (|ue rextrém.ité des jeunes herl>cs,
il ïiQW ébranle point la raeine, Si i/en
ICLarJe que très - p'?u l'as-vroidemc t;
au lieu que le mouton ôi la chèvre les
coupent
de {\
ires
lu
leiru'Unt
Il tige & gâtent la racine: d'ailL'urs le
cheval choilit l'herbe la p us iine , &
laide ijfrener & le multiplier la
g
r.i
ndo.
beriie , dont les tiges ù>n flu'e> , au
lieu (lue le bœuf coupe ces grolTes titres
& détruit peu à- peu Iheibe l.i plus.,
groifière , ce qui fait cju'au bout le
^1'
(luei.c e
quelques années la prairie fur I.
cheval a vécu n'eil plus qu'un 'uauvJ^
j^i» Hi flaire Naturelle
pré , au lieu que celle que le boeuf a
Ijioiité devient un pâturage fin.
L'efpcce de nos bœufs qu'il ne
:faut j as confondre avec ce les de i'au-
rocks , du buffle & du biion , paroit
-êirc originaire de nos cliinais tempérés,
i
a prandc cnak:
ur le
s Jnconinioc
dant
au-
f.aiU que le froid excei'Iif ; d'ailleurs
.ccite cfpèce, fi abondante en Europe,
ne le irou\e point dans les pays niéri-
dionaux ; «S: ne s'ed: pas é;endue au-
delà de i'Arniénie <îk de la Perfe (e)
en Aile, & au-clelà de I'Ep^
ypte
&L de
la Barljnrie en Afrique; car aux Indes
,auîli-bien que dans le relie de l'A-
fricptc , & niêine en Amérique , ce
fopt des bifons qui ont une bo/îc fur
os
ou
autres animaux auxciuels
Je d
les voyageurs ont dcMiné le non» de
hœvfj mais qui lont d'une efpèce dif-
férente de et lie de nos bœufs : c
CUK
B.
qu on trouve au cap cîe lioiuie-eli^e-
rance (?î*: en pluficurs conirées de l'A-
mérique, y ont été tranfport''s d'Europe
par les Hollandois & par lc.> Efj^ngîiois;
(ej Voyez, le voyage de Chardin, Mit: 11^
"HCL
Zi :2 8t
élu Bœuf,
lit
en général il pnroît que \t% pays un
7e II
froid
s conviennent mieux a nos
hœufb fjue ici pays chauds , & qu'i
ij
font d'
aumnt plus gros & pUis grands
qiit* le ciiiTiac elt plus humide ik pli
ïv!)ondant ea pâturages. Les bœufs de
Duieinarck, à<t la Podolie , de l'U-
kraine & de la Tartarie , qu'habitent
je^ Calmouques f f) > font les plus
g
ran
ds de tou.s : ceux d'Irlande , d'An-
gleierre , de Hollande & de Hongrie,
tout audi ])lus grands que ceux de
Perle, de Turquie , de Grèce, d'Italie,
(le France & d'Eipagne , «3c ccuv de
Biibarie font les piub petits de tous;
on afiure même cpie les Hoiiandois
liront tous les ans du DancmarcL un
grand nombre de vaches grandes c^c
maii^res
cSi
m
e ces vaches donnent
en Hollande beaucoup plus de lai: que
les vaches de France : c'cft apparem-
ment ceue même race de vaches à lait
qu'on a tranfportée & mulriplice en Poi-
tou , en A unis ik dans les marais de
(f) \'oyo7. le vovage de RcgnarJ. Paris ^ i^^fiz, %
me Vil, p<rs //,
K i+j
2 2 2' 'Hyi-)}re NûttircUe
Charente, où on (es appelle vûches fan-
limes : ces vaches (ont en ciîct l^e.iu-
coup plus grandes & |>lus maigres que
les vaches communes , & e'ie^ tionnoiu
une fois autant cic lait & de i;eurre, elles
donnent aufîi des veaux beaucouj) plus
grands &: \>\\.\s forts , elles ont du iaii i\\
tout temps, &. on ])eut les traire touie
i'annec, h l'exception de quatre ou cinq
jotirs avant qu'elles met'crit bas , mais
il faut pour ces vaches des pâturages
cxcclfcns ; quoiqu'elles ne mangent guère
plus que les vaches communes, comme
elles font toujours maigres , toute h
furabondance de la nourriture fe tourne
en lait, au lieu que lei> vaches ordinaiies
deviennent graffcs & ceflent de donner
du lait dès qu'elles ont vécu ])cndaiit
quelque temps dans des pâturages trop
gras. Avec un taireau de cette race èi
des v- ches communes , on £iit une
autre race c[u'on appelé bâtarde , & f[ui
efl plus féconde & plus abondante cti
lait que la race commune; ces vaches
bâtardes donr.ent fouvent d^ux ve.iux
à la fois , & fourniflent du lait pen-
dant louic i'aaiicc ; ce font ces boimcs
/.?/
Dœufo'
2 2
3^
icKes à laît qui font une pnrnc de:
:hc(rcs de la HolLu-id<
ou
il a
)Xt
VMS ics ans pour des lomnies confidé-;'
i li^ics de Iicurre & de fromage ; ces*
vaches qui (ournifîent une ou deux fois
autant de lait que ks vaches de France ,
en do;inent fix fois au.ant que celles de
Bj rira rie (g).
En Irlande, en Anpflcterre, en Hol-
Innde , en Suiffe & dans le Nord oii'
!:iîe (k on fume la chair du bœuf en
grande quantité , foit pour fulage de la
m.irinc , loit j^our l'avaniage du com-
il f(
fî] d(
erce ; u lort auUi tic ces pays une
grande quantité de ci-Jirs : la peau
lu
IX eu
f, &
même ce
lie d
u veau iervent
comme l'on fîiit , à une infinité d'u-
in(.^cs ; la graiffe eft 'auffi une muière
i! iic , on la mêie avec le fuif du mou-
ton : le fumier du bœuf eft le meilleur
ciigrais pour les terres sèches & légères ;
la corne de cet animal cfl: le premier
in
■i.
!t bu , le pre-
vuiiicau dans lequel, on ai
micr indrumcnt dans le juel on ait foufïïé
pour augmenier le fon , la première
(g) Voyez le voy.igç de M, Shaw, tome 11
M^c
ré' ?
Il
K ii^j
^24 fJiJIoire Naîiirtlle , &u
ïîiaiière tranr])arente que l'on ait em-
ployée pour faire des vitres , des lan-
ternes , & que l'on ait ramollie , triw
vaillée, raoulée pour faire des boîtes,
des peignes & mille autres ouvrages : mais
finirions, car THiftoire Naturelle doit
^Aiir où commence rhiliolrc des arts.
l: • I ,'
\'i
i
« • .*
lii
n'aicn
do:il
onl
encoK
an es
i'hom
lions
d'uvoi
Comr
purtici
toutes
mniii]:
fi l'or
la Au]
dère (
fîins d
falur d
tous i
bient
dévor
22^
LA BREBIS.
L'o N ne peut guère douter que îes
animaux acludleirient domcftiques ,
n'aient éic fiuvages auparavant ; ccuk
dn:ii nous avons donné l'hilioire eiT
oui fourni la preuve , &: i'oji trouve
encore aujourd'hui des chevaux , des-
ânes & des taureaux fauvages. Mais>
Ihomme , qui s'eit louinis tant de niii-
lions d'individus , peut - il fe gloriher
d'avoir conquis une ieulc efpèce entière l'
Comme toutes ont é;é créées Tans (îv
participation , ne peut-on pas croire que
toutes ont eu ordre de croître & dtî
muUi|)lier fans fon fecours î Cependant ,-
fi Ton fait attention à la foiblciïe & à
la (tupidité de ia brebis; fi l'on confj-
dère en même temps que cet animal
fans défenfe ne peut même trouver foti
filut dans la fuiie ; qu'il a pour ennemis
tous les animaux- carnafîiers, qui fem-
blent le chercher de préférence & b
dévorer par goût; que d'ailleurs cette
efpèce produit peu, qu^ chaque individu
IL. V.
%iG Tlijîohe Ncitiirelk
ne vit que peu de icnips , &c. on fcroiV
icntc d iiniigii Cl" (jiic dès îcs comiiicn-
cemens la hiebis a f'té confiée à la garde
de i'li( mnic , qu'tlle a eu beloin de la
proiedioii p(;ur iubliller , & de Tes loins
pour le nuihij)lier, puilqu'eii efîet oa
re tr(u\e point de l;iebii iuuvages
clans les dércris ; que dans Kms les lieux
on rhcîmnie le coiinuandc pas, le lion,
îe lioîc , ie loup régnent par la forée
ik I ar la cruauté ; que ces animaux de
lanof & de carnaiTC vivent T'^I-IS lonpf-
temps & nuiliip.lient tous beai?coiip plus
que la brebis; d<,. qu'eiifui , if Von,
îiLaiidonnoic encore ai;juurdlîui dans
jios campuigï-.es les troupeaux nond)reux
de ccîie eljîcce que nous avons tant
muiiipliee- , ils Tu oient bientoC det/uits
fous nus yeux , ot ierpèceendèie antantie
par le nombre ik lu voracité éa clpètes
ennemies.
Il paroît donc que ce nVfÎ! que par
notre ll'cours (îkptir nos foins que cène
efpèce a duré, dure cv pourra durer en-
core : il paroît qu'elle ne lublillerou | iis
par elle- même. La brebis eft abfolumenî
ituas lelfource «5i fans défenic j le beiitr
de la BrcLis, 5 2 7^
•n^a c(ne de folbles armes , fori courage
ji'eil qu'une j-)étulancc inutile p*^ .. lui-
jnêine, incoininocle pour les autres, <Sc
qu'on (Iciruit par \a c.illration : les mou*
tons loiu encore plus iiin"cies que les
brebis; c'eft par crainie qu'ils le raircin-
])lent li louvent en trou()e.iux, le luoia-
dre bruit ex r.iordinaire luffit j^our qu'ils
fc précipitent ;!k le (errent les uns contre
les autres , & cette crainte e(l accompa-
gnée de la plus grande flupiclic; car ils
lie lavent pas fuir le danger, ils lemblent
même ne pas feniir raicom'nodiié de
ijur fiiuation: ils relient où ils fe trou-
vent, à la pluie, à la neige, ils y demeu-
rent opiniâtrement , & }).nir les obliger
à changer de lieu <k à j)reiKlre uiic rouie^
il leur £iut un chef, cju'oa initruit à
nr.ucher le premier, & dont ils fuivent
tous les niouvemens pas à pas : ce chef
(jefncureroit lui-même avec ?e relie du
troupeau, (ans mouvenent , dans la*
ni'iue place , s'il n'éioic c'nafié par Is
bcri^er ou excité par le cliicn commis
à leur aurde , iccpiel f;iic en effet ve lier
à leur lûreté , le.i l\(^\q\\ Ire, les diriger,
ies léparer , les raflembier & leur com-
Kvj
>i
228 liïjloh'e NdîitrelJe
rnuni([ucr les niouvemcns qui leur man»
CjUi
en t.
Ce font (Jonc cie tous ics iininiair<
quatlrupcdcs les plus flupides, ce ioiit
ceux
ui ont le moins cle rciioiirce èi
a\
d'inflind : les chèvres, oui leur rcliein-
b(
bîent a tant cJ iiuircs eg;ncls, ont beau-
coup plus de fciuiiueni ; elles lavent W
conduire, elles évitent les dangers, elks
fê ^ijuiliariijbrit ailérnent avec les nou-
veaux objets , au lieu que la brebis ne
fait ni fuLr, ni s'apjjrochcr; c|uelqi;c bc-
foin qu'elle ait de Tecours, elle ne vient
point à rhcjTiine aulîi volontiers que !.i
cnevre
di
ce QUI dans les animaux
h
par
ou cire
led
ernier deiTe
de !
a timidii^r
ou de rinfenfibiliré , elle ie laiile enlever
ion a/^ncau iiins le déftndre', lans s'ir-
r\
:er , làns réfiilcr & Lins
marquer la
douleur par un cri différent du belejneiu
ordinaire?.
Mais cet animal fi cheiifen lui-memc,
fi de'pourvu de fentinicnt , fi dénué de
ualites ' intérieures
e
11
poui
i'h
oiuine
i'animal le plus précieux, celui dont l'u-
tilité cfl la dIus immédiate & la plus
étendue ; feul il p^ut fuffîre aux befoind
Je In Bref)! s,- 2 2<j
cTe première necelfitt, il f-uuriiit toiit-à-
l'i fois de quoi fe iiotirir ik fc vêtir,
jlins compter les avaiit:»gcs pariiculiers
tiue l'on lait liier ciii Tuit , du iiii , de
lu jH'au , & lîiêiv.c dv:s hoyaux , des os
&: du fiMirer de cet aniiTial , iiiKjuel il
lèml^ie cjiie la Nature n'iîi: , pour aiiid
dire, rien accor<.it en prc^pre, rien donne
que pour le rendre à Ihoinfne.
J-.'ainour , qui dans les animaux cfl It
fèniiment le [iliis vif & le plus générai ,
cR aulii le Icul cjui femb'e doniicr quel-
qiie vivacité , quelque mouveinent au
bélier, il devicju pétulant, il Te but, il
s'élance contre le^ autres béliers , quei-s-
quefois même il attaque Ton l)erger ;
mais la brebis , ((uoiqu'en chaie'jr , n'ea
paroit pas pkjs animée ^ yias plus émue;
elle n'a qu'autant d'inilincl qu'il en faut
T n\r ne pas refukr les approches du
jr-ale , pour choifir (Ii nourriture & jK)ur
reconnoître ion agneau. L'inflincH: efl
d'autant plus fur qu'il eil: plus machinal,
&, pour ainfi dire, }^lus inné; le jeune
agneau cherche lui-même dans un nom-
fcrcux tf oupeuu; trouve & faifu ia mamdls
5^0
Tlifloke fscitunlU
de i^
a inere (ans jaiiuus le nicp
rcnJr«
JL 'on dit aulli (jue les moiitoni» loiu
fcnfjblca aux douceurs du ch.iiii, (qu'ils
(lus d'afîidaité , cju ils le
P
)ailîciu avec
)orie;u mieux
qu ils engia rient jiu loa
du chalumeau , (jite lu inulî.jue a pour
eux
ics
ittuai s ; mais loa
dit
eiijore
plus louvent, <ïk avec plus defondcmcni,
qu'elle lert au moiiii à chjriuer l eni\ui
)txyQX s & (i.ie c'ell à ce pfcme de
ÙKX h
A
%'
■vie oilivc ^ foliiaire cjnc l'on duii fjj
porter l'origine de cet an.
C
es aniunux
loni i€ natur
el cfl
peuvcn. mire
her I
fip.ip c , lo.u auifi d'un ieiiip.'r;uii(
très-foi[)le, iis ne
tCiiips , les voy; gej
cxienuent
Oïl or.
ics i.lFoii)lilîcni & 1
es
d^s (ju'ils couren: , iis [kiI-
iient, <Sc l'ont bieniôt ell )ufles ; la
lanJe chaleur. Tarde jr du foleil les in-
P
ë
cciumodcnt amant cjue
Ih
umidite
le
froiJ & la neioe ; ils foni fiijets à j^rand
IK iiibre de iiiaiadies , do.it la plu|v.trt
fv-ni ontagieulc^s ; la lurab o.dance de ia
graille les tai. quehpjcfoi. huoiirir, &
tuujjurs elle empêche le> biebis de pro-
duite; tilcft luedcflw bui diffiwiiemeiu j
cft Cl
" lon^-
L & les
?s ; la
les iii-
lé , le
i/^ /*/ Prchh*
^ijtl
efe avortent fréquemment <?c flemna-
dcju plus de foin cju'aucuii cJts auiref-
aniMKiUX cl()rneliir|ue>
fli
Lorlque la bjebis efl prête à meti
r«
]);is , il faut 1.» Icpiircr du relie du trou-
)ciu
& I
a vciiei
l
ifin d
cire a portt e
d'aiJcr à i'accouclicmcnt ; r.igneau 1g
prcleiite fouvem de ua\er.s ou p..r les
J)!C(JS
ri (que
& d.
ms ces cai la incc court
de 1;
i vie 11 elle n elt iiclcc
It
lorf^
qu'elle cH: dtlivrce, on lè\e l'^igneau <5c
en le met droit lur les pieds, on tire
en inenie temps
le 1
iK riui e
11
contenu
d;ins ks maine'Ics de la mère ; ce pre-
mier lait tft gâté ik leroit hcauccuip de
lîial à l';!gneau , on attend donc cpi 'elles
11' remplilJcnt d'iui nouveau Kiit avant
t]iic de lui peime[;rc de teter ; on le tient
clr.iudcmcnt , & on rcnrerme |)endant
trois ou (pîaire j^urb avec
fa
m
tre pour
Cju'i^ apprenne ù la connoitrc: <.ljns ces
preiificrs teiiips, [)0ur rétablir li hrebis^
la noui''it f'e bon f in (Se d'orge
on
moul
:1e kl
u ou de ion II. Ole àuw j)en c
pro« I on lui fait buire de l'eau un jieu ticd<
& blancliie a\ec de ia farine de f)lé , d
e
lèves ou de milice j au bout de c^uatre
Il ^2 H Ivoire Natiiref^e
e\\ cinq jours on pourra ia ranettre pat*
degrés à la vie commune & la faire iortir
avec les autres, on obibrvera leulemeat
de ne la pis mener troj) loin pour ne
pas e'chauffer Ion lait : c|uelc[ue temps
après , lori(]ue i'agiieau (jui la tette aura
pris (de ia force èi qu il comn^enccra à
bondir , on pourra lui laidcr fuivre (a
mère aux champs.
On livre ordinairement au boucher
tous les a<yne:iux qui paroifient foibies j
éi l'on ne garde , pour les élever , que
ceux qui font les plus vigoureux, le:)
plus gros ik les plus chargés de laine ;.
hti agneaux de la première portée n^.
font j:imais Çi bons que ceux des portées
fuivantes : fi l'on veut élever ceux qui
naiflënt aux mois d'odlobre , HOvembic^
décembre, janvier, février, on les garda
» l'étabfe pendant l'hiver , on ne les e:i
fait foriir que ie foir ôl le matin po-uj
teicr , & on ne les iaifle point aller aux
champs avant le commencement d'avril :
quelque temps auparavant on leur donr>«
tous les jours un peu d'herbe, afin de
fcs accoutufHcr peu à peu à cette nou-
'Vtiie nourikurc. Oa peut les fevrer a
n
fie la B relis. 233
im mois , mais il vaut mieux ne le faire
qu'à fix lemaiiies ou deux mois : on
préfère toujours les agneaux blancs &
îàns taches aux agneaux noirs ou taches ,
h laine blanche fe vendant mieux qu» la
laine noire ou mêlée.
La cafhaiion doit fe faire à l'âge de
cinq ou fjx mois, ou même un peu
plus lard, au printemps ou en auiomne ,
dans un temps doux. Cetie opéraiion
fe fait de deux manières : la plus ordi-
Faire eft l'incificn, on tire les teliicules
par l'ouverture qu'on vient de la rc , 6c
on les enlève ailément; l'autre fe fait (ans
iiicifion , on lie feulement , en fe«rant
fortement avec une corde, les bourfcs
au-deflus des teflicules , & l'on détruit
p:;r cete comjjrellion les vaiOcaux qui
y abouilllenr. La callrat'on lend l'agneau
jii:i!ride & trifle , & l'on fera bien de lui
donner du fou mêlé d'un peu de fci
pci'.dant deux ou trois iours, pour pré-
venir le dégoût qui fouvent iuccèdc à
cet état.
A un an les béliers, les brebis di les mou-
tons jierdent les deux dents du devant
de la iiiâchuiic inférieure; ils manqucat,
m
M
^îj^ ' Hfjîoîre Naturelle •
coinrrae l'on (ait , de dents incîfives 4
la mâchoire fupérieure : à dix-huit mois
ies deux dents voi fi nés des deux pre-
mières tombent aufii , & à trois ans
elles font toutes remplacées, elles (ont
aiors ég;iies & affez blanches , m.iis à
niefure que l'animal vieillit , elles le dé-
chaufîent , s'éraoufTent, & deviennent
inégales & noires. On connoîtaufîi 1 âge
du bt'iier par les cornes, elles paroi (îent
dès la première nnnce , fouvent dès la
naiiTance , & croifTent tous les ans d'un
anneau julqu'à l'extrèmiLé de la vie,
Communément les brebis n'ont pas de
cornes , mais elles ont liir la tête des
proéminences oflcufcs aux mêmes en-
droits où naiflcnt les cornes des béliers.
11 y a cependant quelques brebis qui oat
deux »?c même qu;iire cornes: ces brebis
fjnt fciiblables aux autres, leurs cornes
font longues de cinq ou fix pouce> ,
moins contournées que celles des bé-
liers; & lorfqu'il y a quatre cornes, l.s
deux cornes extérieures font plus courtes
que le> deux autres.
Le bélier ell en état d'engendrer dh
Tage de dix- huit mois , & à un an la
W
'de la BreBis». 2 3 5^1
Brebîs peut produire; mais on fera bien
d'attei.dre (jne la bre[)is ait deux ans , &
que le bélier en ait ârois, aviuit de leur
perinetiie de .s'acc:oupIer ; ie j)roduit trop
précoce, & mênie le premier produit
de ce> animaux , efl: toujours foib.e «Se
mil c< n iitionne'. Un bélier peut ailcinent
iiiffire à vingi-cinq ou trcn:e brebis : on
le choifu parmi les plus forts & les plus
bc.iux de (on efpèce : il faut qu'il ait
des cornes , car il y a des béliers qui
n'en on: pas j & ces béliers lans cornes
font dans ce^: dii^iats , moins vigoureux
& moins prci à la propaguion. Va
beau ôi bon '..îier doit a\oir ia lêie
furie & groffejie front large, les yeux
gros Se noirs, le nez camus, les oreilles
grandes , le cou éjiais , le corps long &
élevé , les reins & h croupe larges , les
îcllieules gros , & la queue longue: les.
meilleurs de tous font les blancs , bien
chargés de laine fur le ventre , fur la
queue, fur la tête, fur les oreilles &
julque fur les yeux. Les brebis, dont
ia l.iine eft la plus abondante , la plus
touffue, la plus longue, la plus foyeufe
& la plus blauche , fojiu aufli les meilieure§
H
1!
2^6 'HftolreT^atureHe
pour ïa propagation , fur- tout Ci elfes ont
en même temps le corps grand, le cou
épais & la démarche légère. On ob(erve
aulfi que celles qui fom plutôt maigres
que grafîes , produifent plus fûrement
fjue les auires.
La faifon de îa chaleur des brebis cfl
depuis le commencement de novembre
jukju'àia fin d'avri! j cependint elfes ne
laiTlent pas de concevoir en tout temps,
fi. on leur donne , aufîi-bien qu'au hé-
iier, des nourri ures qui les échauffent,
comme de l eau lalée & du pain de che-
nevis. On les laifîc couvrir trois ou
quatre fois chacune, après quot on les
fépare du bélier , c|ui s'attache de préfé-
rence aux brebis a^écs & dédaiornc les
plus jeunes. L'on a foin de ne les pas
Cxpofcr à la i^fuie ou aux orages dans
ie temps de l'accouj)Iement, l'humidité
ies empêche de retenir, & un coup c!e
tonnerre faffit pour les faire avorter. Un
jour ou deux après qu'elles ont été cou-
vertes, on les remet à 1<\ vie commune,
& l'on cefîe de leur donner de l'eau
falée, dont Tufac^e coiitinuel , auifi-bicn
que celui du puiii de cheaevis & tà^^j
Ae la Brebis^
237
iautres nourritures chaudes, ne manque-
jroit pas de les titire avorter. Elles portent
cinc[ mois, & mettent bas au coinmen-
cemeni du fixitnie ; el.ea ne pioduifent
ordinairement qu'un agneau , & quel-
qucfois deux: dans les climats chauds,
elles peuvent pro'iuire deux tbis par an;
mais en France & dans les pays plus froids,
clés ne produifent qu'ime fois l'année.
On donne le lidier à c{ueiques-unes vers
h fin de juillet & au comiviencement
d'août , afin d'avoir des agneaux, dui^ le
mois de janvier, on le donne eniuite
à un plus grand nombre dans les mois
de repîeml)ie , d'ocftobre «^ de novem-
bre , & l'on a des agneaux abondam-
ment: aux mois de février, de mars <Sc
d'avril : on peut auffi en avoir en quan-
tité aux mois de mai, juin , juillet, uoût
& feptembre, & ils ne font rares cju'aux
nioij d'oétobre, novembre & décembre,
La brebis a du lait pendant fepi ou huit
mois , & en grande abondance , oc lait
cil une afTez bonne nourriture pour les
enfans & pour les gens de la campagne ;
on en fait auffi de fort bons fromages ,
.fur tout en le mêiancavec celui de vache»
^3?' Hîjlokê Naturelle
L'heure de traire les brebis cH immédia-
tement a\^ant qu'elles aillent aux champs,
ou audiiôt après qu'elles en (ont reve-
nues ; on peut les traire deux fois par
leur en éié , &. une fois en hiver.
Les brebis engraifient dans le temps
qu'elles font pleines , parce qu'elles
mangent plus alors que dans les autres
temps : comme elles lé bleflent fouvcm
& qu'elles avorient frécjuemment, elles
deviennent quelquefois fte'rilcs , & font
afTez fou vent des monftrcs; cependant,
lorfqu'elles font bien foigne'es , elles
peuvent produire pe/idant toute leur vie,
c'eft -à-dire , julqu'à l'âge de dix ou
douze ans ; mais ordiniirement elles font
vieilles & maléficiées dès l'âge de (êpt
ou huit ans. Le bélier qui vit douze ou
quatorze ans, n'ell bon que jufqu'à huit
pour la propagation; il faut le biftourner
à cet âge & I engraiiîer avec les vieilles
brebis. La chair du bélier, quoique bif-
tourné & cngrailTe, a toujours un mau-
vais goût ; celle de la brebis e(l molLilTc
éi infjpide, au lieu que celle du mouton
cfl la plus fucculcnte & la meilleure de
toutes les viandes communes.
peau
brcb
huit
njctti
bcraj
cliicii
céder
à le<
à k {
dans .
Lois i
ne ma.
Lqs c
de/] us
leur c<
les me
jhumidi
pendar
navets,
fiinfbij
on ne
^fs jouj
fort juî
promei
€c!ie n
aux ciii
• de h Brchls. ^3?!
Les gens qui veuient former un trou-
peau &i en tirer du profit, achcticnt des
brebis ôi des moutons de i'âge de dix-
huit mois ou deux ans ; on en peut
mettre cent fous la conduite d-un feul
berger : s'il eft vigilant & aidé d'un boa
chien , il en perdra peu ; * C les pré-
céder lorfqu'il les conduit aux champs,
& les accoutumer à entendre (ii voix ,
à le fuîvre fans s'arrêter & fins s'écarter
dans les blés, dans les vignes, dans les
bcis & dans les terres culiivccs, où ils
ne manqucroicnt pas de Cviufer du dégât.
Les coteaux , & les plaines élevées au-
dcfl'us des collines font les lieux qui
leur conviennent le mieux ; on évite de
les mener paître dans les endroits bas ,
humides & marécageux. On les nourrit
pendant l'hiver à l'étable , de fon , d«
navets, de foin, de paille, de luzerne, de
fainfoin, de feuilles d'orme, de frêne, &c.
on ne iailîè pas de les faire fortir tous
les jours , à moins que le temps ne foit
fort mauvais , mais c'elt plj,itôt pour les
promener que pour les nourrir , & dans
cette mauvaife faifon , on ne les conduit
aux champs que fur les dix heures du
i^b 'fll/fnkâ Ndtureîk
inatin , on ïcs y hiifîe pendant quatre ou
cinq heures, après quoi on les fuit b(Mrc
& on les ramène vers les trois heures
après miJi. Au printemps & en automne
au contraire , on les tait loriir auffiiôt
que le foleil a dilîipé la gelte ou l'hu-
midité, & on ne les rjtnèiic qu'au foleil
couchant ; il fufîii aufii dans ces deux
f liions de les faire })oire une lèule fois
par jour avant de le^ ramener à fétuLle,
où il ftut qu'ik trouvent toujours du
fourrage, mais en pius petite quantité
qu'en hiver. Ce n'cll cjuc pendant l'eié
qu iL^ doivent j^rcn Ire aux cham[)s touie
leur nourriture, on les y mène deux fois
par jour, & on les faii boire aulfi deux
fois; on les fiit fortir du grand m;!îin ,
on attend que ia rolèc (oit lonibèe j)Our
les laiflcr paître j^cnd mt cpiatre ou cinq
heures, cnlni e o i (e.^ fait boire & on les
ramène à la bergerie (Hï dans cjuclqu'aunc
endroit à l'ombre: iur les trois ou qua:re
heures dn lo'r , ï(Mique la grande cha-
leur c^'mniQnce à dÎMiinucr, on les mené
paîire une féconde fois ju{(ju'à la fin fin
jour ; il faudro;t même les laifler palier
toute ia nuit aux champs , comme on les
iàit
tre'ou
boire
heures
tomne
Luliiiot
. rhu-
Li foieil
s deux
nie fois
euble ,
uis du
juantiié
mt l'été
)S touie
eux fois
fi deux
matin ,
ée pour
ou cinq
on les
qu'aune
j qviaire
de clia-
les mène
la fin fiu
r pa(ier
>(i on ÎC5
fait
de fa Brehtsl 24 r
Êrt Q\\ Angleterre , fi l*on n'avoît rien à
craindro du loup , Hs ncn (croient que
plus vigoureux , plus propres & plus
fains. Comme la chaleur trop vive les
jncommode beaucoup , & que les rayons
du loleil leur étourdinent la tête éc leur
donneiit des vertiges , on fera bien de
choifir les lieux oppofés au foieil, Su de
les tnener le madn fur des copeaux ex-
pofés au levant , A l'après-niidi fur des
coteaux expofés au couchant, afin quNIs
aient en paiflânt fa lê e à Tombt^ de
leur corps ; enfin il faut éviter de les
faire pafler par des endroits couverts
d épines, de ronces, d'ajoncs, de char-»
dons, fi l'on veut qu'ils confervent leur
laine.
Dans les terreîns fccs, dans les lieux
éievés, où le ferpolet & les autres herbes
odoriférantes abondent, la hair du mou-
ton eft de bien meilleure qualité que
dans les plaines balles & dans les vallées
humides , à moins que ces plainei ne
foient (àblonneufes & voifines de la mer,
parce qualors toutes les herbes font
îaf 'S, & la chair du mouton n*eli nulle
rt aufiij bonne que dans ces pacage?
Tome VL L
15'
i4^ /-////rvV^ Naturelle
ou près filles ; k Init des brebis y eft
a 11 (H plus abondant <?c de meilleur goût,
Kicn ne fi.ttie [)Ius l'appétit de ces ani-
maux cjiîc le Tel , rien aufii ne leur c(l
plus (Iiluiaire , lorfcju'il leur ell donné
nicdcréinent ; (5v dans quelques endroits
on mci daifs la bergerie un fàc de Tel ou
une pierre ialc'c qu'ils vont tous lécher
tour à tour. . i.i r , . •.•
Tous les ans il faut trier dans le trou-
peau les btnes qui coinmenccnt à vieillir,
& qu'on veut engraiflcr : comme elles
deFuandent na traitement différent de
celui des iiutres, on doit en faire un
troupeau fépare ; & fi c'efl en été , on
les mènera aux champs avant le lever
du fofe'l, afin de leur faire paître l'hcrhe
humide & chargée de rolée. Rien ne
contribue plus à l'cngritis des moutons
que l'eau prile en grande quaniiié , &
lien ne b'y oppofe davantage queTardeur
du foieil ; ainfi on les ramènera à la
bergerie fur les huit ou neuf heures du
maiin avant la grande cha'eur, & on
leur donnera du fcl pour les exciter à
bt)ire , on les mènera une fcconc e fois
ilif ies quatrç .heures du foir dans lej
fîe în Brebis.
43
pncngesTcs plus frais & les plus humides.
Cfc's petits Ibins coniinués pciulant deux
ou trois mois fuffilent j)our leur donner
toutes les apparences de rcmboiij)oint ,
& même pour les engruider au ant qu'ils
peuvent lêtre, niai> ceiie graifîe qui ne
vient que de I.i gn ndc quanJ c d'e.iu
qu'ils ont bue, n'efl, pour ainfi dire;
cju'une bouffiffure , un œdème qui le«
f croit périr de pourriture en j^eu d«
temps, & qu'on ne prévient qii'en les
tuant immédiatement après qu'ils (e font
chargés de cette faufTc graifTe ; leur chair
même , loin d'avoir acquis des lues &
pris de la fermeté, n'en eft fou vent que
plus infipide & plus fade : il faut iorf-
qu'on veut leur faire une bon le chair,
ne fe pas borner à feur iaiffer paîire la
rolee & boire beaucoup dcau, m lis leur
dv)nneF en même temps des nourritures
plus fucculentes que l'herbe. On peut
les cngraiiïer en hiver & dans toutes les
liiifons, en les mettant dans une étabic
à part, & en les nourriiï'ant de fiirines
d'orge, d'avoine, de froment, de fèves,
&c. «nêlées de lel afin de les exciter à
boire plus fouyent & plus abondamment;
Li/
^244 Hifîoke Naturelle
mais de quelque manière & dans quelque
fîïifon qu*on les ait cngraifTcs , il faut s'en
défaire auffitôc , car on ne peut jamais
les engraiiïcr deux fois , & ils périfTeat
prefque tous par des maladies du foie.
On trouve fouvent des vers dans Te
foie des animaux , on peut voir la àc^-
criptîon des vers du foie des moutons &
éts bœufs dans le Journal des Savans fn)
& dans les Éphémcrides d'Allemagne ("ùj»
On croyoit que ces vers finguliers ne
fe trouvoîent que dans le fo*e des ani-
maux ruminans , mais M. Daubenton
en a trouvé de tout femblables dans
le foie de i'âne fcj, & il eft probable
qu'on en trouvera de femblables aufîx
dans le foie de piufieurs autres ani-
jnaux. Mais on prétend encore avoir
trouvé des pap'llwns dans le foie des
moutons; M. Roiiilié Miniflre &. Secré-
taire d État des af^iires étrangères , a eu
ia bonté de me communiquer une lettre
YaJ Année i 668.
(i) Tome V, années 1 67 j & t 6^4,
(c) Voyez dans le tome VI II de cette Hiftoîre
Naturelle, de l'édition en trente -un volumes^ la dc^
içriptîon de Tânci
Tqiie
ts'en
imais
îfTeat
ie.
ns le
def-
)ns &
ï\sfti)
îrs ne
i ani-
lentoii
dans
abable
> auffi
ani-
avoir
e des
Secrc-
a eu
ieure
Hlftoirê
^ la dct
i/f Aï ÈreltSt ^45
qui lui a éxé écrite en 1749, par M.
Cachet de Beaufort, Doéleur en Méde-
cine à Montier en Tarantaifc, dont voici
i'extrait. <c L*on a remarqué depuis long-
temps que les moutons ( qui dans nos <c
Alpes lont les meilieurs de l'Europe) «
maigrideni quelquefois à vue d'oeil, c<
ayant les yeux blancs, chafljcux & con- ce
centrés, le (ang féreux, fins prefque c<
aucune partie rouge fenfible, la langue c<
aride & reflcrrée , le nez rempli d un <c
mucus jaunâtre , glaireux &. purulent , ec
avec une débilité extrême , quoique «
mangeant beaucoup, & qu*cnfin toute «
l'économie animale tomboit en dcca- ce
dence. Plufieurs recherches exatfles te
ont appris que ces animaux avoient <c
dans le foie , des papillons blancs «
ayant des ailes aflbrties, la tête fèmi- e<
ovale , velue , & de la grofleur de ce
ceux des vers à foie : plus de foixanie- a
dix que j'ai fait foriir en comprimant ce
les deux lobes , m'ont convaincu de ce
i:i réalité du fût ; le foie fe dilanioit en ce
même temps fur toute la partie con- ce
vexe ; l'on n'en a remarqué que dans «c
les veines^ & jamais dans les artères ^ ce
L ii;
2^6 Nijîoire Naîurelk
y> on en a trouvé de petits , avec Je
» petits vers , clans le conduit cyrtique,
» La veine- pone & la capfule de Gli/îon,
» qui paroilfent s'y nianifelter comme
» dans l'homme, cédoient au toucher le
» plus doux. Le poumon îk les autres
•vifcères ëioicnt fains , &c. » Il feroit à
dciîrer que M. le Dodeur Cachet de
Bcaufort nous eût donné une defcrip-
tion plus de'taillée de ces papillons ,
afin d'ôier le foupçon qu'on doit avoir,
que ces awlmaux qu'il a vus ne font que
ies vers ordinaires du foie du mouton,
qui font fort plats, fort larges , & d'une
égure il fingulière , que du premier
coup d'œil on les prendroit pluiô: pour
des feuilles que pour des vers.
Tous les ans on fait la tonte de \\
laine des moutons , des brebis & des
agneaux : dans les pays chauds , où Ion
ne craint pas de mettre l'animal tout- :i-
fait nu, l'on ne coupe pas la laine, mais
on Tarrache , <Sc on en fait fou vent dciu
récoltes par an ; en France , c^ dans Its
climats plus froids , on fe contente de
ia couper une fois par an , avec de
grands cifeaux, & on lailTc aux mou.oio
de la Bf'chiS, 147
une partie de leur toifon , afin de les
garantir de i'intempérie du climat. C'eft
au mois de mai que fe fait cette opé-
ration, après les avoir bien lavés, afin
de reiidre la laine aufîi neue qu'elle peut
l'être : au mois d'avril il fait encore trop
IVoid , & fi l'on attendoit les mois de
juin & de juillet, la laine ne croîtroit
pas afîêz pendant le relie de l'été, pour
les garantir du froid pendant l'hiver. La
liiine des moutons cft ardinairenicnt plus
abondante & meilleure que celle des
hrcbis ; celle du cou & du defTus du
dos cil la laine de la ])reinière qualité,
cdie des cuiffcs, de la qr.ciie, du ventre,
de 1.1 gorge , &c. n'e(l pus fi bonne , «Ss
celle (jue l'on prend fur des bcies mortes
ou malades ell la plu» mauvaile. Oa
préfère aufii la laine blanche à la grife ,
à la brune & à la noire, parce qu'à la
teinture elle peut prendre toutes fortes
do couleurs : pour la qualité , fa laine
lifie vaut mieux que la laine crépue; oti
prétend même que les moutons dont la
laine eft trop friféc , ne fe portent pas
aiifîi bien que les autres. On peut encore
liicr des nioutom un avantage confidc-
L iiij
■2^î Hifiolre T^ûtureUe
rabfc, en fes fiâfant pari[U€r, c'c(l-à-dîre,
en les laiffimt féjourner fur les terres
qu'on veut améliorer: li faut pour cela
cnciorre le leirein , & y reniërmer Ig
troupeau touiei les nuMs penduit l'été ;
ie fumier, l*urine 0^ la chaleur du corps
cic CCS animaux ranimeront en peu de
temps les terres épuilées , ou froides &
infertiles ; cent moutons amcliorcronc ,
en un été, huit arpens de terre pour
£x ans.
Les Anciens ont dit que tous les awî-
xnaux ruminans a voient du fuif; cepen-
dant cela n'eft exactement vrai que d'2
ia chèvre & du mouton , & celui du
mouton eft plus abondant , plus blanc ,
plus fec , plus ferme & de meilleure
qualité qu'aucun autre. La graifle diffère
du fuif en ce qu'elle relie toujours
molle , au lieu que le fuif durcit en le
refroidiiîant. C'eft fur -tout autour des»
reins que le iuif s'amaUe en grande
quantité , & le rein gauche en c(l tou-
jours plus charge que le droit; il y eu
a aufll beaucoup dans l'épiploon & au-
tour des inteilins, mais ce fuif n'eft pas
à beaucoup près auffi ferme ni aufii boa
-dire,
terres
r ceia
ver le
âe Ja B relis» 2^p
ique celui des reins, de ia queue 5c des
autres parties du corps. Les moutons
n'ont pas d'autre graiffe que le fuif, &
celte matière domine fi fort dans l'habi-
tude de leur corps , que toutes les ex-
trémités de la chair en font garnies; fe
fang même en contient une aflez grande
quantité , & la iiqueur féminale en ell
fi fort chargée , qu'elle paroît être d*une
confiflance différente de celle de la li-
queur féminale des autres animaux : fa
liqueur de l'homme , celle du chien ,
du cheval , de fane , & probablement
celle de tous les animaux qui n'ont pas
«je fuif, fe liquéfie par le froid , fe délaie
à l'air , & devient d'autant plus fluide
qu'il y a plus de temps qu'elle eft fortie
du corps de l'animal ; la liqueur féminale
du bélier, & probablement celle du bouc
& des autres animaux qui ont du fuif,
au lieu de fe délayer à l'air , fe durcît
comme le fuif, & perd toute là liquidité
avec (à chaleur. J'ai reconnu cette diffé-
rence en obfervant au mîcrofcopc ces
liqueurs fénïinales ; celle du bélier fe
fige c[uclques fécondes après qu'elle ell
lorùc du corps, 4^ pour y voir kg
2^0 Hijioïre Naturelle
molécules organiques vivantes qu'cÏÏe
contient en prodigieufe quantité, il faut
chauffer fe porte-objet du microfcopc,
afin de la conrervcr dans fon état de
fluidité. f . ' /"^ ' > '■ -
Le goût de ïa chair du mouton , Fa
fincfTe de la laine , la quantité du fuif,
& même la grandeur & la grofleur du
corps de ces animaux varient beaucoup
fuivant les difîtrens pays. En France ^
Je Berri eft la province où ils font plus
abondans ; ceux des environs de Beauvais
font les plus gras & les plus charges de
fwif , auffi - bien que ceux de quelques
autres endroits de h. Normandie; ils font
très- bons en Bourgogne, mais les meil-
leurs de tous font ceux des côtes fàblon-
neufes de nos provinces maritimes. Les
kines d'Italie , d'Efpagnc , & même
d'Angleterre , font plus fines que les
laines de France. Il y a en Poitou , en
Provence , aux environs de Bayonne ,
& dans quelques autres endroits de la
France , des brebis qui paroifTent être
de races étrangères , & qui font plus
grandes, plus fortes & plus chargées de
blac que celles de la lace cMiiuiuue^^
Je la Brebis»
251
ces I)rebîs procJuifent aiidî beaucoup
plus que les autres, 8l donnent fouvent
deux agneaux à la fois ou deux agneaux
par an, les béliers de cette race engen-
drent avec les brebis ordinaire^ , ce qui
produit une race ihtermédiaire qui par-
ticipe des deux dont elle fort. En Italie
& en Efpagne il y a encore un plus
grand nombre de variétés dans les races
des brebis, mais toutes doivent être re-
gardées comme ne formant qu'une feule
& même efpèce avec nos brebis , ôc
cette efpèce fi abondante & fi variée ne
seiend guère au-delà de l'Europe. Les
animaux à loiigue & large queue qui
font communs en Afrique & en A fie,
& auxquels \qs voyageurs ont donné le
nom de moutons de Barbarie \ paroi iTcnt
être d'une efpèce différente de nos mou-
tons, aufîi-bien que la vigogne & le lama
d'Amérique.
Comme la laine blanche efl plus eftî-
mée que ia noire , on détruit prefque
par-tout avec foin les agneaux noirs ou
tachés; cependant il y a dc^ endroits où
prefque toutes les brebis font noires ,
^ par-tout on voit fouvent naître d'un
L vj
'2 5*2.' Hïfloire Naturelle \ &ci
télicr blanc & d'une brebis blanche Jei
agneaux noirs. En France , il n'y a que
des moutons blancs , bruns , noirs &
tachés ; çn Efpagne , il y a des moutons
TOUX ; en Écode , il y en a de jaunes ;
mais ces différences & ces variétés dans
la couleur font encore plus accidentelles
que les différences & les variétés de5
races, qui ne viennent cependant que
de la différence de la nourriture & liç
rinfiuence du dimat.^
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LA CHEVRE.
QUOIQUE les efpèces dans le»
animaux foicnt toutes féparées par
un intervalle que ia Nature ne peut
franchir y quelques-unes ferablent fe rap-
procher par un /i grand non^vbrc de
rapports, qu'il ne refle, pour ainfi dire,
entr'cUes que Terpace néceflaire pour
tirer la ligne de fcparatioiî y & lorfque
nous comparons ces erpcces voifines,
&L que nous les confidérons relativement
à nous , les unes (è prcfèntent comme
des efpèces de première utilité ^ & les
autres fembient n'être que des efpèces
auxiliaires , qui pourroient , à bien des
égards , remplacer les premières , & nous
fervir aux mêmes ulages. L'âne pourroit
prefque remplacer le cheval ; & de même ,
fi refpèce de la brebis venoit à nous
manquer , celle de ia chèvre powrroit
y fupplcer. La chèvre fournit du lait
comme la brebis , & même en plus
grande abondance i elle donae auHI du
,il
:îj4 Hijloire Naturelle
fuif en quantité : Ton poil , ((uoiquô pTûS
rude c[iie Iti laine , fort à faire de très-
bonnes étoffes : fli peim vaut mieux (jue
celle du mouton : Li charr du chevreau
approche alîèz de celle de l'agneau , &c,
Ccsefpèces auxiliaires font plusagreflcs,
Î)Ius robuftes {|ue les efpèces principales;
'âne & la chèvre ne demandent j)as
autant de foin que le cheval & la brebis ;
par- tout ils trouvent à vivre et broutent
également les plauies de toute cfpèce ,
les herbes groiTtères, les arbrifîeaux char-
gés d'cpincs : ils font moins affectés de
i'intempéiie du climat, ils peuvent mieux
fe pafTcr du Iccours de l'homme: moins
ils nous appartiennent, plus ils femblcnt
appartenir à la Nature; & au lieu d'i-
maginer que ces efpèces fubaliernes n'ont
été produites ({ue par la dégénératbii
des efpèces premières , au lieu de xt-*
garder l'âne comme un cheval dégé-
néré , il y auroir plus de railbn de dire
f[uc le cheval cft un âne perfe<n:ionné ;
que ia brebis n'cft qu'une efpèce de
chèvre plus d licate que nous avons foi-
gnce , pcrfedionne , propagée pour
notre utilité, & qu'en gênerai les efpèc«s
II
te'
li
de U Chevt!* 2 y J
les plus parfaites , fur-tout Jarts les ani-
niaux doineftiques , tirent leur origine
de l'efpèce moins parfahe des animaux
fauvages qui en approchent le plus, 1»
Nature feule ne pouvant faire autant que
la Nature & rhoinme réunis.
Quoi qu'il en foit, la chèvre efl une
ef[)èce diiiincfle , & peut - être encore?
plus éloignée de celle de la pjrebis , que
i'efpèce de t'âne ne i'eft de celle du
cheval. Le bouc s'accoupîc volontiers
avec la brebis , comme l'âne avec la ju-
ment , & le bélier fe joint avec la chèvre,
comme le cheval avec l'âneffc ; mais
quoique ç.ts accouplemens foient affe25
fréquens , & quelquefois prolifiques ^
il ne s*cil point formé d'efpèce intcr-
lïiédiaire entre k chèvre & la brebis %
ces deux efpèces font diftindcs , de-
meurent confla-mment féparécs & tou-
jours à la même diflance l'une de l'autre 5
elles n*om donc pomt.été sitérées par
ces mélanges , elles n'ont point fiiit de
nouvelles fouches , d€ nouvelles races
d'animaux mitoyens , elles n'ont produit
que des difrcrcnces individuelles , qui
ja'iaâuent pas fur l'unité de chacune des
i^6 Hiffohe NcUîireÏÏe
efpcccs primitives , & qui confirment
au contrpire ia réalité de ieur cliHerencc
cnrat^ériAique.
Mais il y a bien des cas où nous ne
pouvons ni diOinguer ces cara^lcres, ni
prononcer fur leurs différences avec au-
tant de certitude ; il y en a beaucoup
d'autres où nous fommes obligés de fuf-
♦ pendre noire jugement, & encore une
infinité d'autres fur lefqucls nous n avons
aucune lumière ; car indépendamment
de l'incertitude où nous jette ia contra-
riété des témoignages fur les faits qui
nous ont été tranfmis , indépendamment
du doute qui ré fuite du peu d'exa^itude
de ceux qui ont obfèrvé ia Nature , le
plus grand obftaclc qu'il y ak à l'avan-
cement de nos connoifl"ances , eft l'igno-
rance prefque forcée dans laquelle nous
fommes d'un trcs-granxi nombre d'eflfets
que le temps (eul n'a pu préiènter à nos
yeux, & qui ne fe dévoileront même à
ceux de la poftérité que par des expé-
riences & des observations combinées ;
en attendant, nous errons dans les ténè-
bres , ou nous marchons avec perplexité
entre des préjugés (k des probabilité s |
Je h Chèvre. > 2 J7^
ïr/norant même jufqu'à !a pofljbil'té des
choies , & cofitbndant à tout moment
ki. opinions des hommes avec les a^es
de la Nature. Les exemples fc préfcn-
tciu en foule ; mats fans en prendre
ailleurs que dans noire fujct , nous fa-
vons que le bouc & la brebis s'accou-
plent & produifcnt enfemllc , mais per-
foiinc ne noiis a du encore s'il en réfube
un mulet ftérile , ou un arj'mal fécond
qui puiffe faire louche pour des génë-
rations nouvelles ou femblables aux pre-
mières : de même , quoique nous fâ-
chions que le bélier s'accouple avec la
chèvre, nous ignorons s'ils produifcnt
cnfciuble & quel cft ce produit ; nous
croyons que les mutets en général, c'eft-
à-dire, les animaux qui viennent du
mélange de deux efpèces différentes ,
font ftériles , parce qu'il ne paroît pas
que les mulets qui viennent de i'âne &
de la jument, non plus que ceux qui
viennent du cheval & de râneflc , pro-
duilènt rien cntr'eux ou avec ceux dont
ils viennent: cependant cette opinion cft
mai fondée peut-être; les Anciens difeiit
pofuivement que le mulet peut produire
>
2f8 Hîfloke Naturelle
à l'âge de fept ans , & qu'il produit av^c
la jument (a); ils nous difent que la
mule peut concevoir , quoiqu'elle ne
puiiTè perfectionner Ton frurt (b). ÎI
ieroit donc necelîairc de de'truire ou de
confirtner ces faits , qui répandent de
robfcuriié fur la diftindlion réelle des
aniinunx , & fur la théorie de la géné-
ration : d'ailfeurs , quoique nous c{;n-
jioifîions aflcz difl in dément les efpèces
de tous les animaux qui nous avoifnicat,
nous ne favons pas ce que produiroit
leur mélange entr'eux ou avec des ani-
maux étrangers ; nous ne fommcs que
très mal informés des jumars, c'eft-à-dire,
du produit de la vache & de t'anc,
ou de la jument & du taureau : nous
ignorons fi le zèbre ne produiroit pas
avec le cheval ou l'âne ; fi l'animal à
large queue, auquel on a donné le \Ym\
de mouton de Barbarie , ne produiiuit
/a) Aluhi.f feptewls hiipfere potfff , & jnm cn'n
etp'û cnrtjurdus hhuikm procrcai'it, Ari(L llid, anima!.
Hb. VI, cap. XX «V.
fù) Itdt/ue coiàpei-e guidem aliqunmh muLi p't:(l ,
fL\{ jm- fiiôliim t'fl ; fed enutrire ûupte in fmcm pr-
àucrre nnn ponil. Alas iiiiiei.ire intcrjùm ^wicjl. Aiift,
^e gcnerat. auiniaf. lib. II, cap, v i.
de h Chèvre, :2jp
pns avec notre brebis ; fi îc chamois
n'cft pas une chèvre fauvage, s'il ne
formeroit pas avec nos chèvres quelque
lace intcrméciiaire ; fi les fingts diffè-
rent réellement par les efpèces , ou s'ils
ne font , comme les chiens , qu'une
feule & même efpèce , mais variée par
un grand nombre de races difFcrenies;
fi le chien peut produire avec le renard
& le loup ; fi le ctrf produit avec la
vache, la biche avec le daim, &c. Notre
ignorance fur tous ces faits efl , comme
je l'ai dit , prefque forcée , les expé-
riences qui pourroient les décider de-
mandant plus de temps , de (oins & de
dcpenfe que la vie & la fortune d'un
homme ordinaire ne peuvent le permet-
tre. J'ai employé quelc[ues années à fiiire
des tentatives de ceitc efpèce: j'en ren-
drai compte lorfque je parlerai des mu-
lets ; mais je conviendrai d'avance qu'elles
ne m'ont fourni que peu de lumières,
& que la plupart de ces épreuves ont
été fans fuccès.
De- là dépendent cependant la coiino'l^
fance entière des animaux, la diviiioa
cxjCic de leurs efpèces, <jc i'imcLigeace
aèd Hifioïre Naturelle
parfaite de I«ur hiftoîre ; de là dépendent
auiîi ia manière de l'écrire & l'art de la
traiter : mais puifque nous fomincs privés
de CCS connoiflances fi néccfTiires à noire
objet; puifqu'il ne nous cil paspoffible,
fau.e de Faits , d'établir des rapports , &
<ie fonder nos raifonneinens , nous ne
pouvons mieux faire <jue d'aller pas à
pas, de confidércr chai^ue animal indi-
•yidue'lement , de regarder comme ilçi
cfj:)cces différentes toutes celles qui ne
fe mêlent pas fous nos yeux , & d'écrire
ieur hiftoire par articles féparés, en nous
réfervant de les joindre ou de les fondre
cnfemble , dès que , par notre propre
expérience , ou par celle des autres ,
nous ferons plus infiruits.
C'eft par cette raifon que, quoiqu'il
y ait pluficurs animaux qui reffemblem
à la brebis & à la chèvre, nous ne par-
Ions ici que de la chèvre & de la brel^is
domeftiques. Nous ignorons fi les ef-
pèces étrangères pourroicnt produire &
former de nouvelles races avec ces cfj^èces
communes. Nous fommes donc fondés
à les regarder comme des efpèces diiîe-
renies, jufqu'ù ce qu'il fuit prouvé par
mcîent
t de la
privés
, noire
)frible,
rts , &
DUS ne
pas à
l incli-
ne des
de la Chèvre» i6t
U fiiît, que les individus de chacune de
ces cfpèces étrangères peuvent Te mêler
avec l'eijpèce ccmiiiune , & produire
d'autres individus qui produiroicnt cn-
tr'eux , ce caracflère feul couftiiuant \z
réalité & l'unité de ce que i*on doit ap-
peler cfpèce, tant dans les animaux que
dans les végétaux.
La chèvre a de (a nature plus de fen-
timent & de reflource que la brebis «
elle vient à l'homme volontiers , elle (e
famiiiarile aifcment, elle efl renfiblc au:c
carefles & capable d'attachement ; elle
eil aufli plus forte , plus légère , plus
agile & moins timide que la brebis ; clic
elt vive , caprîcieufe , lafcive & vaga-
bonde. Ce n'efl qu'avec peine qu'on la
conduit , & qu'on peut la réduire en
troupeau : elle aime à s'écarter dans les
foiitudes, à grimper fur les lieux efcar-
pés, à (è placer & même à dormir fur
la pointe des rochers & fur le bord des
précipices ; elle cherche le mâle avec
empreflTement ; elle s'accouple avec ar-
deur , & produit de très-bonne heure ;
elle efl robufte, aifée à nourrir; prefque
Eouics les herbes lui font bonnes ; & U
26 1 HlJIotre Naturelle
y en a peu qui l'incommodent. Le tem-
pérament , qui dans tous les animuux
influe be.iucoup fur le naiurel , ne pa-
roît cependant pa.s dans la chèvre diffc-
rer efïèniiei!cnient de ceiui de la brebis,
Ces deux efpèces d'animaux , dont l'or-
ganifaiion iniérieure cft prefque entiè-
rtineni femblab'e, fe nourrifTent, croif-
fcnt & muiiiplieni de la même manière,
êi le reiremblent encore f^ar le caradtre
des maladies , qui font les mêmes , à
l'exception de (pielques-unes auxquelles
la chèvre n'eft pas lujeue ; el'e ne craint
pas , comme la brebis , la trop grande
chaîeur ; e'ie dort au foleil , & s'expofe
\oloniiers à (es rayons les plus vifs, fans
en être incommodée, Si fans que cette
ardeur lui caufè ni étourdiflemens , ni
vertiges ; elle ne s'effraie point des orages,
he s'impatiente pas à la ^ 'uie, mais eile
paroît être fenfible à la rigueur du froid.
Les mouvcmens extérieurs , Icfquels,
comme nous l'avons dit , dépendent
beaucoup moins de la conformation du
corps , qvie de la force & de la variété
des fenfaiions relatives à l'appétit & au
defir , font par cette raifoii beaucoup
^c la Chèvre. 26^
rnoîns mefurés, beaucoup pîus vifs dans
h chèvre (jue dans i:i brebis. L'incoiif-
rail, e de ion naturel (e marque par l'ir-
rtiT lamé de (es adlicnî ; elle marche,
,11
iireie, elfe court, elle bondit,
i le , s'iipproche , s'éloigne, fe
irioi .e , fc cache , ou fuit , coirime par
capiice , & tiuis autre cnufe déterniinante
que oti e de la vivacité bi7arre de fon
Ici! iiiKiu iïjiéricur, & touie lu Ibup'efîe
dei orga es, tout le nerf du corps fuf-
lîieiu à jjtine à îa pétiiiance «î^ à la ra-
p'cl té e LCb Riouveinens , qui lui ioiit
jiuii l'e's.
<)n a des preuves que ces animaux
foiu natuie-lcMiCitt atnis i*e 1 homn.ie , ôc
C|i e d:ins les l eux iuhal^ités , ils ne de-
vicn eut poin fauviige>. En i6p8, va
\;\i! (MU :».pgK. i;- ayjr.t relâché à i'ïle de
B',)i!c'\iiia , vlciix Nègres fe préfenièrent
à 1 o'-d tk ofFiirent gratis aux Anglois
aiijnt de boucs qu'ils en voudroient
cmjiorer. À l'éronnemcnt que le Capi-
taine marqua de cette offre, les Nègres
ff])')! 'dirent qu'il n'y avoit que douze
pcilonncs dans toute l'île, ([lie les bi)ucs
ijiks chèvres i'y éioieat multipliés juiqii'à
■ii64 Hijlolre Naturelit
dcveuîr incommodes , & que loin c!
donner beaucoup de peine à les pren-
dre , ils fuivoicnt les hommes avec une
forte d'oLdinatioii , comme les animaux
domcftiques (c).
Le bouc peut engendrer à un an , ^
îa chèvre dès i âge de (ept mois ; mais
les fruits de cette génération précoce
font foibîes & défectueux , & l'on attend
ordinairement que l'un Si fautrc aient
dix- huit mois ou dzu^ ans avant de leur
permettre de (ê joindre. Le bouc cfl ua
aflez bel animal , très-vigoureux & très-
chaud : un feul peut fufïire à plus de cent
cinquante chèvres pendant deux ou trois
mois: mais cette ardeur qui le confiiine
ne dure que trois ou quatre ans , .& ces
animaux font énervés , & même vieux,
dès l'âge de cinq ou fix ans. Loriquc
Ton veut donc faire choix d'un bouc
pour la propagation , il faut qu'il foit
jeune 6c de bonne figure, c'eft-à-dire,
âgé de deux ans , la taille grande , le
cou court ^ charnu, la tête légère, les
oreilles pemiantes , les cuifTcs groUes ,
(c) Voyez i iïinoirc générale des voyages , tome 1,
)în c\i
pren-
c une
limaux
an, &
; mais
précoce
i attend
:c aient
de leur
z cft ua
& très-
5 de cent
ou trois
ponrume
, >& ces
de hi Chèvre* £^5
!es jambes fermes , le poil noir , épais &
doux , la bavbe longue & bien garnie,
II y a moins de choix à faire pour les
cflitvres; feuicmeni on pcutobferver que
celles dont le corps efl grand , la croupe
large , les cuiflcs fournies , la démarche
légère , les mamelles grofTes , les pis
longs , le poil doux & touffu , font les
ineillcurcs. Elles font ordinairement ea
chaleur aux mois de fèptenibre , odobrc
& novembre ; & même pour peu qu'elles
approchent du mâle en tout autre temps ^
elles font bientôt difpofe'es à le recevoir»
& elles peuvent s'accoupler & produire
dans toutes les (àifons : cependant elles
retiennent plus fôrement en automne, &
l'on préfère encore les mois d oélobre &
de novembre par une autre raifbn , c'eft
fju'il eft bon que les jeunes chevreaux
trouvent de i'hcrbe tendre iorfqu'iîs
commencent à paître pour la première
fois. Les chèvres portent cinq mois ,
& mettent bas au commencement du
fixième, elles allaitent leur petit pendant
un mois ou cinq icmaines ; ainfi l'on doit
compter environ fix mois <5c demi entre
le temps auquel on les aura fait couvrijr
Tome VI. M
'^■mFk
"2.66 'flijlolre Naturelle
& celui où le chevreau pourra com-
mencer à paître.
Lorrqu'on les conduit avec les mou-
tons , elles ne redent pas à leur fuite ,
elles précèdent toujours le troupeau ; il
vaut mieux les mener fé[)arément paître
fur les collines, elles aiment mieux les
lieux élevés & les montagnes , même
les plus cfcarpées ; elles trouvent autant
de nourriture qu'il leur en faut, dans
les bruyères, dans les friches, dans ic
terreins incuiics & dans les terres flcriîcs :
il faut les éloigner des endroits culdvés,
les empêcher d'entrer dans les blés, dar.i
ies vignes, dans les bois: elles font u\\.
grand dégât dans ies taillis ; ies arbres
dont elles broutent avec avidiié les
jeunes pouffes ôi les écorccs tendres ,
périfiènt preique tous ; elles craignent
les lieux humides, les prairies maréca-
ge ufes , les pâturages gras: on en élève
rarement dans ies pays de plaines ; elles
s*y portent mal , ôl leur chair eft de iiiau-
vailê ciualiié. Dans la plupart des cli-
mats ciiauds , ion nouriit des chèvres
en grande quantité, & on ne 'lur donne
point d'étabic ; en France, ciics péri-
êe h CUvn. iC'/
Voient fi on ne ks mcttoit pas à l'abri
pcndam l'iiiver. On f>eiit fe difpenfcr
de leur donner de la liiicrc en été , mais
il leur en faut pcndam l'hiver; & coinnie
toute humidité les incommode beaucoup ,
on ne les laifîc pas coucher fur leur
fumier, & on leur donne fouvcnt de
la litière fraîche. On les fait fordr de
grand matin pour les mener aux champs ;
l'herbe chargée de rofce , qin x\ci\ pas
bonne pour les moutons , fait grand
bien -aux chèvres. Comme elles ibnt
indociles & vagabondes , un homme ,
quelque robufte & quelque agife qu'if
fuit, n'en peut guère conduire que cin-
quante. On ne ies laifîe pas fortir pen-
dant les neiges & les frimacs ; on les
nourrit à rétable, d'herbes & de petites
branches d'arbres cueillies en autonuie »
ou de choux , de navets & d'autres
k crûmes. Plus elles mangent , plus la
quantité de leur lait augmente ; & pour
entretenir ou augmenter encore cette
abfnidance de lait , on les fait beaucoup
boire, & on leur donne quelquefois du
falpêtre ou de l'eau falée. On peut coni-»
mcncer à ies traire quinze jours apr€$
Mij
'.tîiii
Hl-I
•^ (5 s B^oire Nniurelté
qu'elles onr mi> bas -, elles donnent du laît
en fjijan'iic |)eiidant (juairc à cinq moJ5p
& elle- en donnent foir ik matin,
La chèvre ne produit ordinaixcmcm
qu'un ehcvieau , quelquefois deux , trcs^
rarement trois , & jamais plus de quatre ;
elle ne produit que depuis \'^\g<^ d'un
an ou dix-huit mois, jufqu^ri (ept ans.
Le bouc pourroit engendrer jufqu*à cet
âge, & peut-être au-delà, fi on le me-
ïiageoit davantage ; mais communément
îl ne fcrt que jufciu'à i'âgc de cinq ans.
On ie reforme alors pour l'ciigraifTer
avec les vieilles chèvres & les jeunes
chevreaux maies , que i'on coupe à l'âge
de fix nois, afin de rendre leui» chair
plus fucculenie & plus tendre. On les
cngraide de la même manière que l'on
cngraifîe les moutons ; mais , quelque
foin qu'on prenne , & quelque nourri-
turc qu'on leur donne, leur chair n'ell
jamais aufll bonne que celle du mouton,
il ce n'efl dans les climats très-chauds,
où la chair 'u mouton cft fade & de
mauvais goût. L'odeur force du bouc
ne vient pas de fa chair , mais de fa peau.
0;i ne laifîe pas vieillir ces anûaïaux,
•nt du lait
inq moi?;
inaixcmcm
leux , trcsw
k quatre ;
l Age d'un
1 (èpi ans.
jufqu' à cet
on le mc-
imunément
ic cinq ans,
l'cngraiflcr
ics jeunes
Dupe à râgc
p leup chiiir
ire. On les
re que l'on
, quelque
que nourri-
r chair n'ert
du mouton,
rès-chauds,
fade & de
te du bouc
is de fa peau,
es anittiaux,
Jè ta Chèvre, l6f
fjui pourroîeni peut -cire vivre dix ou
douze ans : on s'en défait dès qu'ils cèdent
de produire, & plus ils font vieux , plus
leur chair eft mauvaife. Cominun<^ment
les boucs & les chèvres ont des cornes»
cependant il y a , quoiqu'cn moindre
nombre, des chèvres & des boucs fans
cornes. Ils varient au(îi beaucoup par ia
couleur du poil. On dit que les blanches
& celles qui n*ont point de cornes g
font celles qui donnent le plus de laie ,
êi. que les noires font les plus fortes ôc
les plus robuÛes de toutes. Ces ani*
maux, qui ne coûtent prefque rien à
nourrir , ne laiiTent pas de faire un pro-
duit alTez confidérable ; on en vend Isi
chair , fe fuif , le poil & la peau. Leur
luit e(l plus (àln & meilleur que celui de
la brebis; ii e(l d'ufage dans la méde*
cine , il fè caille aifénient , & Ton en
fait de très- bons fromages : comme il ne
contient que peu de parties buiireufès ,
l'on ne doit pas en féparer la crème.
Les chèvres le lailTent teter aifémeni,
même par les enfans , pour lefqucls leur
lait eft une très- bonne nourriture ; elles
iont, comme k^ vaches & les brebis ^
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!27o 'Hîflolre Naturelle
fujettes a être citées par la coufeuvre, Ai
encore par un oifèau connu fous le nom
de tête - chèvre ou crapetud- volant , qui
s'attache à leur mamelle pendant ia nuit,
& leur fait, dit- on , perdre leur iait.
Les chèvres n'ont point de dents îii-
cîfives à la mâchoire fupérieurc ; celles
de la mâchoire inférieure tombeiit & fe
renouvellent dans le même temps & dans
le même ordre que celles des brebis ; les
• nœuds des cornes & des dents peuvent
indiquer l'âge. Le nombre d^s dents n'eft
pas confiant dans les chèvres ; elles en
ont ordinairement moins que les boucs ,
qui ont auffi le poil plus rude , la barbe
& les cornes plus longues que les chèvres.
Ces animaux , comme les bœufs & les
moutons, ont quatre eftomacs & rumi-
nent : l'efpèce en eft plus répandue que
celle de la brebis ; on trouve des chèvres
iemblables aux nôtres dans plufieurs
parties du monde ; elles font feulement
plus petites en Guinée & dans les autres
pays chauds ; elles font plus grandes en
Mofcovie & dans les autres climats froids.
Les chèvres d'Angora ou de Syrie, à
oreilles pendantes , font de la même
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ie poil
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ni Oaïf
.*, ^ tfr «lu . .
\ rie la Chèvre* î/ïl
crpcce que les nôtres ; dlcs fc mêlent fie
prodiiifent enièinblc , même dans nos
climats : le malc a les cornes à peu près
auffi longues que ic bouc ordinaire , mais
dirige'es & contournces d'une manière
difFérenie ; elles s'éiendcnt horizontale-
ment de chaque côté de la lêie, & for-
ment des rpiraies à peu près comme
un tire - bourre. Les cornes de la femelle
font courtes, & fe recourbent en arrière ,
en bas & en avant ; de forte qu'elles
aboutidènt auprès de i'œil, & il paroît
que ieur contour & leur diredion varient.
Le bouc & la chèvre d'Angora , que
nous avons vus à la Ménagerie du Roi,
les a voient telles que nous venons de ies
décrire ; Ôc ces chèvres ont , comme
prefque tous les autres animaux de Syrie,
ie poil très- long, très- fourni, & fi fin
qu'on en fait des étoffes aufïï belles 6c
auilx luftrées que nos étoffes de foie. ^
AI iiî;
'■^i
l
0,y± Hljfoire Naturel^
LE COCHON.
LE COCHON DE SIAM,
ET
LE SANGLIER.
NOUS mettons enfemble fe cochon,
le cochon de Siam & le fanglier,
parce que tous trois ne font qu'une feule
il mcme efpèce ; Tun eft l'animal fàu-
v.nge, les deux autres font l'animal do-
meitique , & quoiqu'ils différent par
quelques marques extérieures , peut-être
aufli par quelques habitudes , comme
ces différences ne font pas eflèntieiles,
qu'elles font feulement relatives à leur
condition , que leur naturel n'eA pas
même fort altéré par l'état de domeili-
cité , qu'enfin ils produifent enfcmble
des individus qui peuvent en produire
d'autres, caraélère qui conflitue l'unité
êi la confiance de l'eipècei nous n'avons
pas dû les féparer.
</// Cochon, &c, a/j'
Ces animaux l'ont iiiigulierj ; refpcce
en cU , ))oiir ainli dire, unicjue; elle cd
iloléc t cilc leinblc cxiikr plus folitaire-
nient (|u'aucune autre; elle n*c(l voilinc
cl*.iucuiie eipîcc ([u'on puifîc regarder
connue principale ni co:nnie acceiloire,
telle cjue l'cipèce du cheval relitivemcnt
à cel'e dcl'âne , ou l'clpèce de la chèvre
relaiivemeat à la hrehi* ; c.ie n'ell pai
fujeiic à une grande variété dj races
coMKne celle du chien , elle p.inicipc de
plulicursei|)èccs , ^ ccpenduiii elle tlirtère
clleniiclleineiit de toutes. Qi;c ceux qui
veulent réduire la Nature à de pejts fyf-
lèines , qui veulent renfermer ^ow itnnieii-
fité dans les bornes d'une formule , con-
l'idèrcnt avec nous cet animal, <Sc voient
s'il n'échappe pas \ iou(e> leurs méthodes.
Par les exirémiics il ne relTcmbie point
à ceux (ju'ils ont ^^^iclés filipeJes , jjuif-
qii'il a le pied divilé ; il ne rellemble
|>oint à ceux (|u'il$ ont ajipelés pkds
fourchus , puilqu'il a rée'lcment quatre
d;>ig:s au dedans , quoic|u'il ncx\ parv)i(Te
que deux à l'exiériear ; il ne rc(îeni!)ie
point à ceux qu'ils oiu A\')\)c\é^JîiJ/ptK/es,
puirou'ii ae niaichc (jue fur deux Joigis,
îi74 Niflotre Naturelle
& que fes deux autres ne font nî dévie-
loppes , ni pofes comme ceux des fifli-
pèdes , ui même alTez alongés pour qu'il
jniiflc s'en fervir. Il a donc des carac-
tères équivoques , des cara<ftères ambi-
gus , dont les uns font apparens & les
autres oblcurs. Dira-t-on que c'efl une
erreur de la Nature; que ces phalanges,
ces doigts , qui ne (but pas aflcz déve-
ioppés à l'exierieur , ne doivent point
être comptés ' mais cette erreur eft conf-
iante , d'ailleurs cet animai ne reflembia
point aux pieds fourchus par les autres os
du pied , <5c il en diffère encore par les
caradères les plus frappans ; car ceux-ci
©nt des cornes & manquent de dents
incifives à la mâchoire fupérieure; ils
ont quatre eilomacs , ils ruminent , &c»
Le cochon n'a j)oint de cornes, il a des
dents en haut comme en bas , il n'a qu'un
cdomac, il ne rumine point; il eli donc
tvident qu'il n'eft ni du genre des foli-
phîes , ni de celui des pîeds fourchus ; il
n'eft pas non plus de celui dQsfJjîpedeSy
puifqu'il diffère de ces animaux non- feu-
lement par l'extrémité du pied, mais en-
^ç^ïç par les deats ; p:ir rçilonmc, par Wi
^7 Cochon, &c» 275'
Intcflins, par les parties intérieures de la
génération , &c. Tout ce que Ton pourroit
dire , c'ed qu'il fiii: la nuance , à certains
égards , entre les folipcdes & Jes pieds
fourchus, & à d'autres égards entre les
pieds fourchus & \e$fjlpedes ; car il diffère
moins des folipèdes que des autres , par
l'ordre & le norabre des dents ; il leur
leflernble encore par Falongement des
mâchoires , il n'a , comme eux , qu'uii
eflomac , qui feulement ell: beaucoup
plus grand ; mais par une appendice
qui y tient , aulîi-bien que par la pofitioa
des intedins , il fembic fe rapprocher des
pieds fourchus ou ruminans ; il leur ref-
fenible encore par les parties extérieures
de la génération , & en même temps il
reffembie aux fiffipèdes par la forme des*
jambes, par l'habiLude du corps, par le
produit nombreux de la génération. Arif-
tote e(l ie premier ( a ) qui ait divilé les
(a) Qmcirupedum autem , qiux. fanguine confiant ;
tadem qucz animal générant , alia muft^Ja futn ; qualn
hominis manus jvdcfque haùemur» Swit cnhn jpia mulù-
j'Iici yedtvn fy%rtl digiientur , ut canis , leû , panthexa^
Alla, bifnka Jimt , qtta forcipem pro unguli habemt , ut
ovci , caprcc , envi , eqiu jîuviatdes. Alla hif^o funt
pdc , ut ^uûc Joli^edts nomnantur , ^^ ^^'^"■*' > mulus^
M v)
i 7 6 Hifloke Naturellt
animaux quadrupèdes ^w folipèdes , pMi
fourchus ai fjfipedej , & il convient que
le cochon elt d'un genre ambigu; mais
la Ceule raifon qu'il en donne , c*eft que
dans riilyrie, la Pœonie & dans queU
qucs autres lieux il le trouve des co-
chons folipèdcs. Cet animal eft encore
une efpèce d'exception à deux règles
générales de la Naiure , c*cft que plub les
animaux font gros, moins ils produiient,
& que les filfjpèdes font de tous les
animaux ceux qui produifent le plus ; le
cochon , quoique d'une taille fort au-
def/us de la médiocre , produit plus
qu'aucun des animaux fidipèdes ou au-
tres ; par cette fécondhé , aufli - bien
que par la conformation des tedicules
'ou ovaires de la truie, il (emble même
fî\ire l'exirémiié des elpèces vivipares, 3c
s'approcher dc^ efpèces ovipares. Enfin
il eft en tout d'une nature équivoque,
ambiguë , ou , pour mieux dire , il pa-
roît tel à ceux qui croient que Tordre
Cenus fnni fuîlhm nnthigumn e{J ; mim à* in terri
Jllyrhrum , ù" in Paan'ui , O" n^wiulh aliis focis , fmv
ftHj'e'rs g!o^Mi4Hfur, Ariilot. lic Mill, aniinal, lib, H«
liypothétrquc d«r icurs idées fiiît l'ordre
rtel d«' choies, & qui ne voient, dans
la chaîne infinie des êtres , que quelques
points apparens auxquels ils veulent tout
rapporter.
Ce n'eft point en rcfîcrrant la fphèrç
de la Nature & en la renfermant dans
un cercle éiroit , qu'on pourra la con-
noître; ce n*e(l point en la faifant agir
par des vues particulitres qu'on faura ia
juger , ni qu'on pourra la deviner -, c«
n'ell point en lui prêtant nos idées qu'on
approfondira l«s deflcins de Ton Auteur :
nu lieu de rederrer les limites de ù puif-
fîincc , il faut les reculer , les éiendre
jufquc dans l'immenfiié ; il faut ne rien*
voir d'impofîlbie, s'aiicndrc à tout, &
fuppofcr que tout ce qui peut être, eft.
Les efpèces ambiguës, les produdions
Irrégulières, les êires anomaux cefïeront
dès-lors de nous ésormer, Ôa le trouve-
ront aufTi nécelTairen^ent que les autres,
flàns l'ordre infini des choies, ils rein-
pliiTcnt Ici intervalles de ia chaîne, ifs
en forment les nœuds , les points inter-
mc'diaiies , ilb e < m.jrf|U€nt aurti le.s exiré-
miu's: ces êtres foni pour l'efprit humain
'Hljîolre Naturelle
des exemj:>laîres précieux , uniques , o5
la Nature paroifîant raoîns conforme à
elle-même, (e montre plus à découvert;
où nous pouvons rcconnoîire des carac-
tères finguliers, & des traits fugitifs c[ui
nous indiquent que fcs fins font bien
plus générales que nos vues , & que û
elle ne fait rien en vain , elle ne fait riea
non plus dans les deifeins que nous lui
jfupporons.
En effet , ne doit - on pas faire des
réflexions fur ce que nous venons d'ex-
po fer ! ne doit -on pas tirer des induc-
tions de cette fingulière conformation
du cochon I il ne paroît pas avoir été
formé fur un plan original , ]>articulier
& parfait , puilqu'il cft un compofé des
autres animaux ; Il a évidem'ment des
parties inutiles , ou plutôt des paru'es
dont il ne peut faire utage , des doigts
dont tous les os font parfaiieiHcnt formés ,
& qui cependant ne lui lërvent à rien.
Lja Nature eft donc bien éioignce de
s'afTuiettir à des caufes finales dans la com-
pofition des êtres ; pourquoi n'y niet-
troit - elle pas quelquefois des parties
fuj^abondamcs , puifqu'ellc manque il
ii«
nés,
icn.
de
■coin-
iiet-
utîes
e il
du Cochon, &c, ^7^
îbuvcnt d*y mettrie des parties eflcntielles \
combien n'y a-t-il pas d'animaux privés
de (èns & de Knembres ! pourquoi veut-
on que dans chaque individu toute partie
foit utile aux autres & ncceffaire au tout T
ne fuffit-il pas, pour qu'elles fe trouvent
cnfemble , qu'elies ne fc nuilènt pas ,
qu'elles pui(ïènt croître fans obftacle &
fe développer fans s'oblitérer mutuelle-
ment ! Tout ce qui ne fe nuit point afîez
pour fe déu uire , tout ce qui peut fub-
^fter enfembie, fubfilîe, & peut-être y
at-il, dans fa plupart des èiïts , moins
de parties relatives, utiles ou néceflaires,
que de parties indifférentes, inutiles ou
furabondanies. Mais comme nous vou-
lons toujours tout rapporter à un certain
but , iorfque ie: piTties n'ont pas des
u figes apparcns , nous leur fuppofons
des ufages cachés , nous imaginons de§^
rapports qui n'ont aucun fondement, qui
n'exiftent point dans la nature des chofes,
& qui ne fervent qu'à l'obfcurcir : nous
ne faifons pas auention que nous altérons
îa phiiofophie, que nous en dénaturons
l'objet , qui eft de connoître ie Comment
dci chofes ; ia manière dont la Nature.
i9(y Hiffolre Naturelle
agit; & que nous (ublliiuons à cet oT^iet
réel une idée vaine, en cherchant à de*
viaer \q ftourquoi des faits , Li iia qu'e.lc (è
pru[)oic Cil agiHant.
C'eft pour cela qu*il f^ut recueillir
avec loin Ici exem]) es qui s'oppofent
à ce. te préieniion , i|u'ii faut infiiier fur
les faits capahles de drruire un piéji'gé
général aui{uei nou-> nou» livrons par
goût, une eiieur de méihode que nous
adoptons par choix , quoiiju'eile ne lende
qu'à voiier noire ignorance , & qu'elle
fuit inutile , & niême oppofée à la re-
cherche & à la déco\ivcrie des cfTeis de
la Nature. Nous pouvons , iàiii» lonir
de no re fujci, donner d autres exemples
par Icfquels ces tins cpic nous ru})polons
a vainement à la Nature, ILnt évidem-
lîieni démenties.
Les phalanges ne (ont faites , dit-on ^
que pour for(ner des doigfs ; cej)endant
il y a dans le cochon dçs phalanges
inutiles , puir([u'el!es ne forment {)as des
doiorts dont il pu i fie le fervir ; & dans
les an maux à p ed fourchu , il y a de
petiii» Ci» (\i) qui ne forment pas même
(ct)'^, DatLcntcn efl \c premier <;ui «n fait celle liccouvcrief
^iù Cochon, &ci l%t
c?es phalanges* Si c*e(l-Ià !e but de It
Nature , n'eil-ii pas évident que dans le
cochon elle n*a exécuté que la moitié
de Ton projet , & que dans les autres à
peine l'a-t-ellc commencé î
L'aiiantoïde ell une membrane qui fe
trouve dans le produit de la génération
de la truie , de la jument , de la vache
& de plufieurs autres animaux ; cette
membrane tient au fond de la vefîie du
fœtus; elle e(t faite, dit- on, pour rece<*
voir l'urine qu'il rend pendant fon féjour
dans le ventre de la mère : & en effet on
trouve à l'inftant de la naiilànce de rani-
mai , une certaine quantité de liqueur
dans cette membrane , mais cette quantité
n*efl pas confîdérable ; dans la vache ,
où elle efl peut-être plus abondante que
dnns tout autre animal ^ elle fe réduit k
quelques pintes , & la capacité de i'allan-
toïde efl n grande, qu'il n'y a aucune
proportion entre ces deux objets. Cette
membrane , lorfqu'on la remplit d'air >
forme une efpèce de double poche en
forme de croiHant, longue de treize à
quatorze pieds fur neuf, dix , onze , &.
même douze pouces de diamètre. Faut-ii>
i
582 Hipke Naturelle
pour ne recevoir que .trois ou quatre
pintes de Irqueur , un vaiffeau dont la
capacité contient piufieurs pieds cubes i
La vefîie feule du fœtus , fi elle n'eût
pas été percée par ie fond , fuffifoit pour
contenir cène petite quantité de liqueur;
comme elle fuffit en effet dans l'homme,
& dans les efpèces d'animaux où l'on
ji'a pas encore découvert l'alfantoïde.
Cette membrane n'eft donc pas faite dans
îa vue de recevoir Turine du fœtus , ni
même dans aucune autre de nos vues;
car cette grande capacité efl non- feule-
ment inutile pour cet objet, mais auffi
pour tout autre , puifqifon ne peut pas
même fuppofcr qu'A foit pofîibic qu'elfe
it remplifle, & que {\ cette mcmbran.e
ctoit pleine , elle formcrort un volume
prefquc auffi gros que le corps de l'ani-
mal qui la contient , & ne pourroit par
conféqucnt y être contenue : & comme
elle fe déchire au moment de la naiffance,
& qu'on la jette avec les autres mem-
branes qui ' fervoient d'enveloppe au
fœtus , il eft évident qu'elle eft encore
plus inutile alors qu'elle ne rétoit aupii-
rayant.
du Cochon, S^e: iBj
"Le nombre des inamelles cft , dit-on*,
relatif, dans chaque efpèce d'animal , aa
nombre de petits que la femelle doit pro-
duire & allaiter: mais pourquoi le mâle,
qui ne doit rien produire, a-t-ii ordr-
iiairement le même nombre de mamelles l
& pourquoi dans la truie, qui fouvent
produit dix- huit , & même vingt petits ,
n'y a-t-il que douze mamelles, fouvent
moins, & jamais plus! ceci ne prouve-
t-il pas que ce n'eft pas par des caufes
finales que nous pouvons juger des
ouvrages de la Nature , que nous ne
devons pas lui prêter d'aufîi petites
vues , la fliire agir par des convenances
morales ; mais examiner comment elle
ngit en effet , & employer pour la con-
noître, tous leis rapports phyfiques que
nous préfente l'immenfe varie'té de fês
productions! J'avoue que cette méthode,
la feule qui puifTe nous conduire à
quelques connoiffa?nces réelles , cfl: in-
comparablement plus difficile que l'autre ,
& qu'il y a une infinité de faits dans
h Nature, auxquels, comme aux exem-
ples precédens, il ne paroît guère poflibîe
de l'appliquer avec fucccs ; cependant.^
284 Hîjloire Naiureîte
au iieu de chercher à quoi (èrt la grancTe
capacité de IVI' intoïde , 6l de trouver
qu'elle ne (èrt & ^ e peut fervir à rien ;
H fil clair qu'on ne cl Mt s'appliquer qu'à
rechercher les rappor. pliyfi(|ues qui
peuvent nous indiquer quelle en peut
ctre l'origine. Enoblervant, par exemple,
que dans le produit de la génération
des animaux qui n'ont pas une grande
capacité d*eflomac & d'imeftins , l'allan-
toïde eft ou très- petite, ou nulle; qu«
par conféqueni la produéïion de cette
membrane a quelque rapport avec cette
grande vupacité d'inteHins, &c. de même
en confidérant que le nombre des ma-
melles n'eft point égal au nombre des
petits, & en convenant feulement que
les animaux qui produifent le plus, font
aufli ceux qui ont des mamelles en piits
grand nombre, on pourra penler que
cette produélion nombreufe dépend de
ia conformation des parties intérieures
ile la génération , & que les mamelles
étant aufïi des dépendances extérieures
de ces mêmes parties de ta généraiion ,
Il y a entre le nombre ou l'ordre de ces
pariies & celui d€s mamelles , un rapport
Ju Cochon, &i» 185
plhyfique qu'il faut lâcher de découvrir.
Mais je ne fais ici qu'indiquer la vrnie
route, & ce n'ed pas le lieu de la fuivr^
plus loin ; cependant )e ne puis m eoi-
pêcher d'obferver en pafTant , que j'ai
quelque raifon de fuppofer que la pro-
duction nombreulê dépend plutôt de la
conformation des parties intérieures de la
génération que d'aucune autif caufe: car
ce n'eft point de la quanJté plus abon-
dante des liqueurs féminales que dé[)enc}
le grand nombre dans la produdion »
puilque i& cheval , le cerf, le bélier , le
bouc & les autres animaux qui ont une
très-grande abondance de liqueur femi*
nale , ne produifent qu'en petit nombre ;
tandis que le chien > le chat ISt- d'autres
animaux , qui n'ont qu'une moindre
quantité de liqueur féminaie , relative-
ment à leur volume , produifent en grand
nombre. Ce n'eil pas non plus de la
fréquence des accouplemens que ce
nombre dépend ; car l'on cft afïbré que
le cochon & le c^hien n'ont befoin que
d'un fèul accouplement pour produire,
& pfioduire en grand nombre. La longue
durée de l'accouplement ^ ou ; pour
1 1
'îi 8 5 HiJImre Naturclk .
mieux dire, du temps de rémîfllon de
la liqueur féminalc , ne paroît pas noa
plus être la cauiê à bquelle on doive
rapporter cet effet ; car fe chien ne de-
meure accouple long- temps que parce
qu'il eft retenu par un obftacle ({ui naît
de la confonnaiion même des parties ,
& quoique le cochon nuit point cet
obftacle , & qu'il demeure accouplé plus
long - temps que la plupart des autres
animaux , on ne peut en rien conclure
pour la nombreufe production , puil^
qu'on voit qu'il ne faut au coq qu'un
in liant pour fe'condcr tous les œufs
qu'une poule peut produire en un mois.
J'aurai occafion de développer davan-
tage les idées que j'accumule ici , dans
!a feule vue de faire lèntir qu'une iïmple
probabilité , un foupçon , pourvu qu'il
îbit fondé fur des rapports phyfiqucs,
répand plus de lumière & produit plus
de fruit que toutes les caufcs finales
réunies. '
Aux flngulariiés que nous avons déjà
rapportées , nous devons en ajouter une
autre , c'cft que la graifîè du cochon
{^H différente de celle de prcfqu^ tous les
ï// Cochon , &c, i 8/
Hutres animaux (luadrupcdes , iion-(euIe-
mcm par la conliltunce 6c fa cjualiic ,
)naii) aufli par fa poliiiou clans le corps
de l'animal. La giaiflc de 1 iiOnimc &
des animaux qui n'ont point de (uif,
comme le chien , le cheval , <5cc. cft
mêlée avec la chair aflez également ; le
luif dans le bélier , le bouc , le cerf, &c,
ne fc trouve qu'aux extrémités de la
chair : mais le lard du cociion n'eft ni
mélc' avec la chair , ni ramafle aux exiré-
niiies de la chair , il la recouvre par-tout,
& forme une couclie cpaiHe , drltindte
& continue entre la chair & la peau.
Le cochon a cela de commun avec b
biiltine & les autres animaux cttace's ,
dont la graille n'clt qu'une eTpècc de
iard à peu près de la même confiflance,
mais plus huileux que celui du cochon :
ce iard , dans ics animaux cétacés , forme
aulii fous la peau une couche de plu-
fieurs pouces d'épaili^sur^ i^ui enveloppe
ia chair. ^
Encore une fingularité , même plus
grande que les autres , c'cll (|ue le cochon
ne perd aucune de les j)rcmières dents :
\t% autres animaux ^ cojuim^c le çhcyal |
afiS Hijiolre Naturelle
l'âne , le bœuf, la brebis , fa cTiirre »
le chien > & même l'homme , perdent
tous leurs premières dents incifives ; ces
^ents 4le lait ton^bent avant ia puberté ,
& £bnt bien-tôt remplacées par d'antres :
dans le cochon , au contraire , les dents
de lait ne tombent jamais, elles croiflent
même pendant toute la vie. li a iix dents
iiu- devant de b mâchoire Inférieure,
qui font incifives 6l tranchantes ; il a
aufn à la mâchoire fuperieure (îx dents
correfpondantes ; mais par une imper-
fection qui n'a pas d'exemple dans la
Nature, ces fix dents de la mâchoire
fupérieure font d'une fqrmc très- diffé-
rente de celle des dents de la mâchoire
inférieure: au lieu d'être incifives & tran-
chantes ; elles (ont longues , cylindriques
& ^moulTées àJa pointe; en forte qu'elles
forment un angle prefque droit avec
celles de fa mâchoire inférieure , ^
qu'elles ne s'appliquent que trèsoblir^ue-
ment les unes contre les autres par leurs
extrémités.
Il n'y a que le cochon & deux ou
trois autres efpèces d'animaux qui aient
des défènfês ou des dents canines très-
alongées ;
au li
en cj
la m
Tan
cnr
le fu
U
ont
niâcH
î)eau(
c^' m
7c
avec
, &
leurs
31/ Cochon , ère, • ^^^
alongecs; elles diffèrent des autres dents
en ce qu'elles fortcnt au dehors & quelles
croiflent pendant toute la vie. Dans l'é-
lephant & la vache mnrine elles font cy-
lindriques & longues de qucîijues pieds;
dans le fanglicr (^ le cochon mâle , elles
fe courbent en portion de cercle , elles
font plates & tranchantes, 6t j'en ai vil
de neuf à dix pouces de longueur: elles
font enfoncées très - profondement dans
i'alvéole, Ôl elles ont aufîi, comme celles
de l'éléphant, une cavité a leur extré-
mité fupcrieure ; mais l'éléphant & fa
vache marine n'ont dos défenfcs qu'à la
mâchoire fupérieiire , ils manquent même
de dents canines à la mâchoire inférieure;
au lieu que le cochon mâle à. le fanglier
en ont aux deux mâchoires, &. celles de
la mâchoire inférieure font plus utiles à
l'animal; cîîcs font aufli plus dangcreufes,
car c'cft avec les défcnfes d'en bas que
le fanglier biefle. " ^
La truie , la laie di le cochon coupé
ont audi ces quatre dents canines à h
Uiâchoirc inférieure; mais elles croiilcnt
beaucoup moins que celles du mâle ,
& ne fortent prefquc point au dehors,
7om£ VL M
-i !
2^6 Hijlotre Naturelle
Outre ces fcize dents, fayoir, douze în-
cifivcs & quatre canines, ils ont encore
vingt -huit dents mâchclières , ce qui
fait en tout quarante - quatre dents. Le
fanglicr a les défènfcs plus grandes , le
bouîoir plus fert & la hure plus longue
que le cociion domcftrque ; il a auffi les
pieds plus gros, les pinces plus fe'pare'cs
& le poil toujours noir.
De tous les quadrupèdes, îe cochon
paroît être Fanîmal le plus brut ; les im-
perfcdions de la forme (cmbfent influer
iur îe naturel , toutes (es habitudes font
^roflières, tous Tes goûts font immoRdes,
toutes (es fenlations (e rédui(cnt a une
iuxurç furieufe & à une gourmandilc
brutale , qui lui fait dévorer indiftinc-
temcnt tout ce qui fe prélênte, & même
fi progéniture au moment quelle vient
de naître. Sa voracité dépend apparem-^
ment du befoin continuel qu'il a de rem-
plir la grande capacité de fon cHomac;
& la grodièrçté de fes appétits , de l'Iié-
bétation du fens du goût & du toucher.
La rudeflc du poil , la dureté de (a
peau , Tépaifleur de la graifle , rendent
i:cs animaux peu rcnfibies aux coups:
Itl-
)rc
^uî
Le
, le
guc
les
lecs
;hon
i in-
fluer
font
Bdes,
i une
andifc
ftinc-
même
vient
arem-^
rem-
mac;
riié-
lucher.
de ia
endcnt
oupsî
'Ju Cochon, &c. ipi:
Ton a vu des fouris fc loger fur leur
dos , & leur manger le lard & ia peau
fans qu'ils paruffent le icntir. Ils ont
donc le toucher fort obtus , & le goût
aufîi grofîier que le toucher : leurs autres
fens iont bons, les chafî'eurs n'ignorent
pas que les fangiiers voient, entendent
& Tentent de fort loin puifqu'ils font
obligés , pour les furprendrc , de les
attendre en filcnce pendant ia nuit, &
de fe placer au-dcfTous du vent, pour
dérober à leur odorat les émanations qui
les frappent de loin , & toujours afièz
vivement pour leur faire l'ur ie cliamp
rebrouflcr chemin.
Cette imperfedion dans les (êns du
goût & du toucher , efl encore augmentée
par une maladie qui les rend ladres, c*eft-
à-dire , prefque abfolumcnt infenfibles^
& de laquelle il faut peut-être moins
chercher ia première origine dans U
texture de la chair ou de la peau de cet
animai , que dans fa malpropreté natu-
relle , & dans la corruption qui doit
réfulter des nourritures infedes dont il
iê remplit quelquefois ; car le fungller ,
qui n'a point de pareilles ordures à
A
i
'%()% ,." Hïjlinre Naturelle - .
.dévorer , & qui vit ordinairement cïe
grain, de fruiis, de gland & de racines ,
n'eil point fujct à cette maladie , non
plus que le jeune cochon jx'ndant qu'ii
telle : on ne ia prévient même fju'en
tenant le cochon domefiic|ue dans une
,c;able j)ropre , & en lui donnant abon-
damment des nourritures faines. Sa chair
deviendra même excellente au goût, &
le lard ferme & cafîant , fi , comme je
î'ai vu pratiquer , on le tient pendant
.quinze jours ou trois femaines , avant de
ie luer , dans une étable pavée <Sc toujours
propre , fuis litière , en ne lui donnaiît
alors f)Our toute nourriture que du grain
de froment })ur & iec , & ne le laiflaiit
boire que très -peu. On choifit pour
celi \\i\ jeune cochon d'un an, en bonne
chair & à moitié Pfras.
La .ii^n'èic ordinaire de les cngraifFcr,
cfl d<-' leur donner abondamment de
l'orge , du gland , c'cs choux , des Ic-
gumes cuits ^ ])eai;':oiij) d'eau mtitîe
de Ibii : en deux ni ois ils l'ont gras , le
lard cit aL;>ncK.iv >; éjais, mais (ans être
bien vernit ni Lciî biajic, c^< la chair,
^quoique bjik.c , cit toujours \\ï\ [t-U
'm
V
t
£Ju CotllOll , &C, ^p
ÎIiJc. On peut encore les cngiaifTcr ave^
moins de depcnle dans les cnmpngnes'
(u'i il y a beaucoup de glands, en les'
menant dans les Ibrêts pendant l'au-
tomne, lorlque les glands tombent, &
que la châtaigne & la faine quittent leurs
enveloppes : ils mangent également dfi
tous les fruits fauvuges, <5c ils engraifTent'
en peu de iem})S , tur-tout ù le foir , h
leur retour, on leur donne de l'eau tiède
mêlée d'un peu de fon & de farir.e
d'ivroie; cette boi/T'on les fait dormir &
augmente tellement leur embonpoint ,
qu'on en a vu ne pouvoir plus marcher,
ni prefque fe remuer. Ils cngrailTent aufll
beaucoup plus prompîcment en automne
dans le lenips ùqs prcinicrs iVoids , tant
à caufe de l'abondance des nourritures ,
"ration eft
4
id
i'
[pu
moindre ciu en ete
O
n n aiîcni.
i
du bétail
P
as , comme
c{uc ie cochon loit âge pouc
foi
poui
le refli
l'engraiOer : plus il vieiiHt , plus cela cft
difiicilc , cSc moins fa chair eli bonne»
La call ration , qui doit toujours pré-
cet
1er r
cnerrais
'g
ie f
ut ordinairement a
l'iige de fix Miois, au priniemps ou en
N
^pi^ Hiffohe Naturelle
automne , & jamais dans le temps des
grandes chaleurs ou des grands froids ,
qui rendroient également la plaie dan-
gereufe ou difficile à guérir ; car c'eft
ordinairement par inciîion que le fait
cette opération , quoiqu'on la fafîè aulfi
quelquefois par une fimple ligature,
comme nous l'avons dit au fujet des
moutons. Si la caflration a été faite au
printemps ,, on les met à l'engrais àès
l'automne fuivante , & il ell aifez rare
qu'on les Liiiïc vivre deux ans ; cepen-
dant ils croifTent encore beaucoup pen-
dant la féconde, & ils continueroient de
croître pendant la troillè'me, la quatrième,
la cinquième , &c. année. Ceux que l'oti
remarque parmi les autres par la grandeur
& la grofTeur de leur corpulence, ne (ont
que des cochons plus âgés, (jue l'on a
niis plufjeurs fois à la glandce. II paroît
que b durée de leur accroilîcment ne
fe borne pas à quatre ou cinq ans: les
verrats ou cochons mâles qiîe l'on garde
pour la propagation de refpèce , grof-
fiiïent encore à cinq ou fix ans; & plus
un fanglicr eft vieux, plus il cft gros,
dur & pefam.
Ju Cochon, &c. ±^^
La durée de fa vie d'un fângîîer peut
s^e'tcndre jurqu'à vingt -cinq ou trente
ans *. Ariftotc dit vingt ans pour les
cochons en général , & il ajoute que les
niâles engendrent & que les femelles
produifent jufqu'à quinze. Its peuvent
s'accoupler dès i'âgc de neuf mors ou
^\\\\ an ; mais il vaut mieux attendre
qu'ils aient dix- huit mois ou deux ans*
La première portée de la truie n eft pas
iiombreufe, les petits font foibles , <Sc
même imparfaits , quand elle n'a pas un
an. Elle ell eu chaleur, pour ainfi dirç,
en tout temps ; elle recherche les appro-
ches du mâle, quoiqu'elle foit pleine;
ce qui peut pafîer jiour un excès parmi
les animaux , dont la femelle , dans prel^
que toutes les efpèces , refufe le mûfe
auffitôt qu'elle a conçu. Cette chaleur
de la truie , qui cfl prefque continuelle,
fe marque cependant par des accès <Sc
aufli par des mouvemens imrodérés,
qui finifFent toujours j^ar fe vautrer dans
la boue ; elle répand dans ce temps une
ii([ueur blnnchTiire aflez épaiiîe &. afîez
* \ oyez la Vcneiie de du Foiiilloux, Paris, i 6 1 ^„
N iiij
2^6 J-IiJ?olrf NdiwcIIe
abondante ; elle porte quatre mois , mcÊ
bas au commencement du cinquième, &
bientôt elle recherche le mâ!c , devient
pleine une féconde fois , «3c produit par
confcqucnt deux fois l'iniiiéc. La laie,
qui rciFcmbîe à tous autres égards à la
truie , ne j^orie qu'une fois l'an , appa-
reminent par la difeiie de nourriture , ^
par îa néceflité où elle fe trouve d'al-
îaiicr c^ de nourrir pendant long-temps
tous les peiits qu'elle a produhs ; au lien
qu'on ne foufîre pas que la truie domes-
tique nourrlHè tous fes petits pendant
plus de quinze jours ou trois femaines :
on ne lui en laifîe alors que huit ou neut
à nourrir , on vend les autres ; à quinze
jours ils font bons à manger : c^ ccmiiie
l'on n'a pas befoin de beaucoup de Ic-
melles, & que ce font les cochons coupes
qui rapportent le plus de profit, & dont
la chair eft la meilleure , on fe défait
des cochons de lait femelles , & on ire
iaiiïe à la mère que deux femelles avec
fej)t ou huit mâles. '"
Le mâle qu'on choifit pour propager
l'efpèce , doit avoir le corps court , ra-
maffé; & plutôt carré que long, lu \m
s
//// Cochon, &c* 297
grofTe, le groin court & camus, les orcillei
grandes & pendantes, les yeux pedts &
ardens, le cou grand & épais, le ventre
avalé, les fefles larges, les jambes courtes
& grofles , les foies épaifTes & noires ;
les cochons blancs ne font jamais auffi
forts c(ué les noirs. La truie doit avoir le
corps long,, le ventre ample & large
les mamelles longues : il faut qu'elle Ibit
aulfj d'un naturel tranquille & d'une race
féconde. Dès qu'elle cft pleine , on h
ftpare du mâ'e, qui pourroit la bleHer;-
ck lorsqu'elle met bas , on la nouirit
largement, on la veille pour l'empêcher
de dévorer quelcpics-iins de fes jtcdts, 6c-
Ton a grand foin d'en tlo^gncr le père,
qui les iiu'nngeroit encore moins.. Oa
la fut couvrir au commencement du
piiiuemps , afin que les petits naifTmt
en été, aient le temps de. grandir > de
fc fornfier, & d'engraiflcr avant l'hiver:
m;ii> lorfqiie l'on veut la faire porter
deux fois par an , on lui donne le mâle
au mois de novembr<2, afin qu'elle mette
bas nu mois de mars, & on la- fait cou-
vrir une féconde fois au commcnccmcn»;
de mai. Il y a même des truies qui
N V
• « \
• -• \
;v>
!1
2^S Hijlûire Naîiirelk
produîfent régulièrement tous Fcs cinq
mois. La laie, qui, comme nous l'avons
dit , ne produit qu'une fois par an ,
reçoit le mâle au mois de janvier ou de
février, & met bas en mai ou juin; elle
allaite fès petits pendant trois ou quatre
mois , elle les conduit , elle les fuit , <S^
ks empêche de fe (eparer ou de s'écar-
ter , jufqu'à ce qu'ils aient deux ou trois
ans ; & il n'cft pas rare de voir des laies
accompagnées en même temps de Ieuî«
petits de l*année & de ceux de l'année
précédente. On ne fouâfre pas que la
icuie domeftique allaite fes petits pen-
ilant plus de deux mois ; on commence
memcv au bout de trois (èmaines, à les
mener aux champs avec la r^iére, pour
les accoutumer peu à peu à (e nourrir
comme elle : on les fèvrc cinq (èmaines
après, & on leur donne foir & matin du
petit lait mêlé de fon , ou feulement de
l'eau tiède avec des légumes bouillis.
Ces animaux aiment beaucoup les vers
déterre & certaines racines, comme celles
de la carotte fauvage, c'eft pour trouver
ces vers <Sc pour couper ces racines,
qu'ils fouillent la terre avec leur boutoir*
Ju Cochon, &c. 2pp
I.e fanglîer , dont fa hurc cil plus lon-
gue & plus forte que celle du cochon,
fouille plus profondément; il fouille aulfi
prefque toujours en ligne droite dans
le même fillon, au lieu que le cochon
fouille çà & là , & plus légèrement.
Comme il fait beaucoup de dégât , il
faut l'éloigner des tcrreins cultivés, <Sc
ne le mener que dans les bois & fur les
terres qu'on laifle repofer.
On appelle en terme de chafïe,^//ri-
àe compagnie, les fangliers qui n'ont pas
paffé trois ans , parce que jufqu'à cet
âge ils ne fe féparent pas les uns des
autres , 5c qu'ils fuivent tous leur mère
commune : ils ne vont feuls que quand'
lis font affcz forts pour ne plus craindre
les loups. Ces animaux forment donc
d'eux-mêmes des efpèces de troupes,
& c'eft de -là que dépend leur fureté:
lorfqu'ils font attaqués, ils réfillent par le
nombre, ils fe ftcourcnt , fe défendent;
les plus gros font ^ace en le preffant en
rond les uns conire les autres , & en
nieitant les plus petits au centre. Les
cochoni» domeftques fe dé ë; dent auffi
de ia niêiiie manière , ^ l'on n'a pas
N vj,
'joo Hijlo'ire Naturelle
bcfoin cîc chiens [)Our les garJcr ; malà
Goniinc ils font indociles é<. durs , un
homme agile & rohudc n'en peut guère
conduire que cinquante. En automne Ôc
••en hiver, on les mène dans les forêts
où les fruits fauvngcs font abondans ;
l*été, on les conduit dans les lieux hu-
mides & marécageux , où ils trouvent
^ ût^ vers ^ des racines en quantité ; &
au printemps , on fes laifle aller dans les
champs & fur les terres en friche : on
• les fait fonir deux fois par- jour, depuis
' le mois de mars jufpi'au mois d'odobre;
• on les laifTe paître depuis- le matin, après
' que la rolte clV difljpe'e , jufqu'à dix
heures, & depuis deux heures après
luidi jufqu'au foir. En hiver, on ne les
mène qu'une fois par jour dans les P^eaux
temps : la rofée, la neige & la pluie leur
' font contraire?. Lorfqu'il furvient un
ornge ou feulcfnejit une pluie Ion abon-
- dante , il cil a(îc/ ordinaire de les voir
déferler le troupeau les uns après les
• autres, & s'enfuir en courant toujours
' criant jufqu'à la porte de leur étable :
' les plus jeunes font ceux qui crient le
, plus & le £lus haut ; ce cri eft diftércuï.
V// Coclion , &e, 303!
de îcur grognement ordinaire, c*cft un
cri de douleur Itinblablc aux premiers^
cris qu'ils jeiicnt lorfqu'on les garoue
pour les (-gorgcr. Le iiiaic cric moins
que la femelle. H e(t rare d'entendre îe
ranç;lier jeicr un cri, (i ce n'cfl lorfqu'il
le bat & qu'un autre le bleiîe ; la laie
crie plus fouvent: & quand ils font fur-
pris (5c effrayes fuLitcmcnt, ils ioufîicnt
avec tant de vioîcnce, qu'on les entend
à une grande dilhince. ;..
Quoique ces animaux foicnt fort gotùr-
mands, ils n'attaquent ni ne dévorent pas,,
comme les Iou])s , les autres animaux ;
cependant ils mangent c[iiclquefois de la
chair corrompue: on a vu des fangifers
manger de la chair de cheva' , <Sc nous
avons trouvé dans leur eflomac de \?l
peau de chevreuil <Sc des pattes d'oileau ;
mais c'ell peut - erre plutôt néceffité
qu'inflintl. Cej^endant on ne peut nier
qu'ils ne loient av'des de fang & de chair
fanguinofen:e Si. fraîche , j uifque les
cochons maïigent leurs petits, ^ même,
des enfans au berceau : dès qu'ils trouvent
quelque chofe de fucculcnt , d'humide,
de gras & d'ouc^ueux , ils ie lèchent &•
J0 2 Hîfloire Naturelle '
fîniflènt bientôt par l'avaler. J'ai vu pTu-
fieurs fois un troupeau entier de ces ani*
maux s'arrêter, à leur retour des champs >
autour d'uiî monceau de terre glaife nou-
vellement tirée; tous féchoicnt cette terre,
qui n*étoit que très - légèrement oik-
tueuCèy & quelques-uns en avaloient une
afTez grande quanikc» Leur gourmandife
c{l, comme l'on voit, auffi grollière que
kur naturel eft brutal ; ils n'ont aucun
fentiment bien diftin<fl , les pedts recon-
noifîent à peii>e leiir mère , ou du moins
font fort iujets à (e mé[)rendre, & à téut
la première truie qui leur lailîe faii/r
fes mamelles. La crainte & la néccfïïtc
donnent apparemment un peu plus de
fentiment & d'indindl aux cochons (au-
vages , H femble que les petits foient
fidèlement attachés à leur mère , qui
paroît être aufîi plus attentive à leurs
befoins que ne l'eft la truie domeftique.
Dans le temps du rut , le mâle cherche,
fuit la femelle , & demeure ordiriwremcnt
trente fours avec elle dans le^ boib> les
plus éjxiis , les plus loli Liires & le^ plus
reculés. Il efl alors plu.> firouche (}ue
jamais , & ii devient m^'iiie iurteux
Tente J
II
vu pTu-
ccs ani*
champs,
ai(e nou-
itte terre,
?m oiK-
:)ient une
rmandire
lière que
it aucun
ts recoiH
du moins
& à téiiT
iffe faii/r
néctfîîîc
plus de
ions i'àW'
ïis foient
ère , qui
î à leurs
meflifiue,
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ml
' du Cochon , &c, 303'
iorfqu'un autre mâle veut occuper (a
place; ils fe battent, fe ble/fent, & (e
tuent quelquefois. Pour la laie, elle ne
'devient furieufe que quand on attaque
iQ% petits ; & en générai , dans prefque
tous les animaux lauvages, le mâle de-
Tient plus ou moins féroce lorfqu*i(
cherche à s'accoupler, & la femelle iorf-
qu'eile a mis bas.
On chaiTc le iànglier à force ouverte,
avec des chiens , ou bien on le tue par
furpriiê pendant la nuit au clair de la
lune : comme il ne fuit que lentement ,
qu'il laifle une odeur très- forte , qu'il (c
défend contre les chiens & les hX^^G,
toujours dangereufement , il ne faut pas^
le chafîer avec les bons chiens courans
deflinés pour le cerf & le chevreuil 3
cette chaffe leur gaieroit le nez , <Sc les
accoutumeroit à aler lentement : des mâ-
tins un peu drelîés fuffifent pour la chaffe
du nmglier. Il ne faut attaquer q,ue les
plus vieux, on les coniioît aifément aux
traces: un jeune fanglier de trois ans eft
difEcile à forcer, parce qu'il c^urt très-
loin lans sairêrer, au lieu qu'im fanglier
plus âgé ne fuit pas loin , fe iuifîè chiifTex
;i
i
H!
iil
i
'3'04* Hiflokc NdturclJe
de prcs, n'a pas grand>peur des cîi!en5,
ÔL s'arrête fouvcnt pour leur faire lêic.
Le jour, il rtîle ordinairement dans la
bauge, au plus éjiais & dans le plus fort
du bois; le (oir , à la nuit, ii en fort*
pour chercher fa nourriture: en été,
îorfquc les grains font m(irs, il efi: affcz
facile de le furp rendre dans les blés &
dans les avoines où il frécjucnte toutes
ics nuits. Dès qu'il efl tué, les chafî'eurs
ont grand foin de lui couper les y^/V^j",
c'e(t-à-dire les teAicuIcs, dont l'odeur
.cH: Ci forte cjue fi l'on paffe ieulerncnt
cinq ou fix heures fins le^ ôter , toute
ia chair en e(l infedée. Au refte, il n'y
a que la hure qui (bit bonne dans un
vieux fanglier; au lieu que toute la chair
du marcallin, & celle du jeune fingiicr
qui n'a pas encore un an, cfl délicaie,
& même affez fine. Celle du verrat,
ou cochon domePiique mâle, efl encore
phis mauvaife que celle dii fanglier ; ce
ntlt que par la caftration & l'engrais
qu'on la rend boiuie à manger. Les
Anciens '^ étoient dans l'ufage de faire
îà callration aux jeunes marcaifins qu'un
'. -* Yiik Ariji» hiji, ahimaU Hb» VI, cag,, ^XVIIIi
*■ '• ■ . I » "i i . ■ ' ' ■ .' " » '• '
(hi Cochon , &c, 3 o j
pouvoît enlever à leur mère , après quoi
on les reportoit clms les bois: ces liui-
glicrs coupes groiriffent bcaiTouj) plus
que les .lutres, ^ leur chaii cil meilleure
que celle des cochons domcflicjues.
Pour peu qu'on ait habité la cam-
pagne, on n'ignore pas les profits qu'on
tire du cochon , la chair fc vend à peu
près autant que celle du bœuf, le lard
îê vend au double , & me me au triple ;
le fang , les boyaux, les vifcères, les
pieds , la langue , fe prcf)arcnt & fe
mangent : le fumier du cochon eil plus
froid que celui des autres animaux , Se
l'on ne doit s'en fervir f[ue pour les
terres trop chaudes & trop sèches. La
graiffe des inieilins & de l'epiploon ,
C|ui efl différenie du lard , fait le fain-
doux & le vieux -oing. La peau a Tes
ufages , on en fiiit des cribles , comme
Fon fait auiîi des vergcttes, des broffes,
des pinceaux avec les foies. La chair de
cet animal prend mieux le fel , le fal-
pêtre, & fe conlcrve falée plus long-
temps qu'aucune autre.
Cette efpèce , quoiqu'abondante 5c
foït re'^andue en Europe, eii Afrique
\
c-,.
::^o6 Hijîoke Nattirelk
& en A fie, ne scft point trouvée dfani
le continent du nouveau monde; elle
y a éié tianfporiee par les Efpagnols,
qui ont jeté des cochons noirs dans
le continent, & dans prefque toutes les
grandes îles de l'Amérique; ils (e font
multiplies, & font devenus fauvages en
J>eaucoup d'endroits ; ils refTemblent à
nos fangiiers^ ils ont le corps^plus court,
la hure plus grofTe , & la peau plus
cpaifle * que les cochons domeftiqucs,
qui , dans les climats ch;uids y font tous
noirs comme les langliers.
Par un de ces préjugés ridicules que
la feule fu perdition peut faire fubfifler,
les Mahoméians font privés de cet animal
utile: on leur a dit qu'il étoit immonde,
ils n'ofent donc ni le toucher , ni s'en
nourrir» Les Chinois, au contraire, ont
beaucoup de goût pour la chair du
cochon ; ils en élèvent de nombreux j|
troupeaux, c'eft leur nourriture la plus
ordinaire, & c'cft ce qui les a empêchés,
dit on , de recevoir la loi de Mahomet.
Ces cochons de la Chine ^ qui font aufTi
• Voyez l'hift. gén. des Antilles, par le P. à\i
TcrtrCr Furis, i 46/^ terne II, page ijj.
Jh Cochon t &c. 307
ceux de Siam & de l'Inde, font un peu
différens de ceux de l'Europe ; ils font
plus petits, ils ont les jambes beaucoup
plus courtes ; leur chair cft plus blanche
& plus délicate : on les connoït en France,
& quelques perfonaes en élèvent; ils le
mêlent & produifent avec les cochons de
la race commune. Les Nègres élèvent
aulîi une grande quantité de cochons ,
& quoiqu'il y en ait peu chez les Maures»
& dans tous les pays habités par les Ma-
hométans , on trouve eu Afrique & en
Afic des fangliers auffi abondamment
qu'en Europe.
Ces ani?Tiaux n'afîèdcnt donc point
de climat particulier , feulement il paroît
que dans les pays froids le finglier , ea
devenant animal domellique, a plus dé-
généré que dans les pays chauds : un
degré de température ce plus fuffit pour
changer leur couleur ; les cochons font
communément blancs dans nos provinces
feptentrionales de France , & même en
Vivarais, tandis que dans la province
du Dauphiné , qui en eft très-voifine,
ils font tous noirs; ceux de Languedoc,
de Provence, d'Efpagnc , dltaiie, des
"308 Hifloire Naturelle, &Cy
Indes ; de la Chine ^ de rAnit-nqu? ^
font aiifîi: de la mêtne couleur: le cothoîi
de Siam refîcmble plus que ie cochon
de France au ianglier. Un des iignes Us
plus évidcns de la diigenéradon, ibnt !ti
oreilles ; elles deviennent d'autant plus
fbup'cs , d'iiutant plus molles, plus in-
clinées 6c plus pendantes , que l'animj
eil plus altéré, ou, fi l'on veut, plus
adouci par l'e'ducaîîon ôl par l'tiat <J'^
domcfticité ; & en effet , ie cochon do-
lïiedicjue a les oreilles beaucoup moins
roides , beaucoup plus longues & plus
inclintcs que le (Iinglier, qu'on d» it re-
garder comme le modelé de rerpècc
.-'V , » I
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«il
LE CHIEN.
\ f
LA grandeur de h taille , réïcgance
de la forme , la force du corps , la
l'hcrté des nioiivemcns, toutes les qua-
lités extérieures, ne font pas ce qu'il y
a de plus noble dans un erre animé: &
comme nous préférons dans i homme
l'eTprit à la figure, le courage à la -orce,
les ientlmcns a la beauté , nous jugeons
zuÛi que les qualités intérieures (ont ce
cju'il y a de plus relevé dans l'anunal;
c'eil por elles qu'il diffère de l'ianomate,
tju'il s'élève au-dcffus du végétal & s'ap-
proche de nou^ ; c'eft ie retitiment qui
cnnoblt Ion être , c|ui le régit , qui
le vi\ifie, qui commande aiix organes,
rend les membre.^ adifs , ^aii naître le
de(ir , & donne à la miuièrc k mou ve-
inent prognrflif , la volonté , l.i vie, ;
La pcriedion de l'animal .iépend donc
de la pcrfedion du fctitimen.; plus il t il:
étendu, plus l'anim l a de ficultés ôl de
rcfiources , plus il txifîc . |'ius il a uq.
rapports avuc ic ii.ite de l'Univers . &
eydc
ordre
\ n.xj j
li xxrijj
Urs^j )
[fl-Txxix:]
Chien '^
t OU' cult _
\l<f J-/ .
Irc/'^dcé (Sine/ic
orare^ c
(Vit en "^
i. 'ow anr
I dp \
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\ltur,.;o
/uueri\
/Vrana\
IdAtbanxX
l/Ài/tetJ-\
\dlrliuuùj
X^l.xxrJ.
/
Afatin
ri xxr
fGi^na"
Lévrier
\J'Ij[XJ'J1
//letnvii\
^ ^
, ■•■ Uarii/le
{ciluilie
terre-
Beu/e^
-^/>t:^>.
/ i'em
/ Jc\ 'ertÀ
\ /lace ]
niUy
3
10
Jlijloire Naturclk
ïorfquc îc fcmimcnt eft délicat, exquis,
iorfqu'il peut encore être pcrfedionné
par Téducation, l'animal devient digne
d'entrer en (bciété avec Thomme; il fait
concourir à (es deHeins, veiller, à (a fu-
reté , l'aider , le défendre , le flatter ; il
fait , par des fervices affidus , par des
carelTes réitérées, fe concilier fon maître,
le captiver, Sl de fon tyran fe faire un
prote<fleur.
Le chien , indépendamment de fa
beauté de fa forme, de la vivacité, de
la force , de ia légcretc , a par excellence
toutes les qualités intérieures qui peuvent
lui attirer les regards de fiiomme. Un
naturel ardent , colère , même féroce
& fanguinaire , rend le chien fiuvage
redoutable à tous les animaux , & cède
dans le chien domeftique aux (cniimens
les plus doux , au piaifir de s'attacher &
au defir de plaire ; il vient en rampant
mettre aux pieds de fon maître fon cou-
rage , fi force , (es talcns ; il attend fcs
ordres pour en faire ufage, il le con-
fulte , il Tinierroge , il le fupplie , un
coup d'oeil fuffit , ii entend les fignes de
fa volonté: fins avoir, comme l'homme ^
du Chien. 3 1 1
Ta îumîcre de la penfée , îï a toute la
chaleur du feniiment; il a de plus que
lui la édéitté , la conilaiice dans les affec-
tions ; nulle ambition , nul intérêt , nul
dcfir de vengeance, nulle crainte que
celle de déplaire ; il eft tout zèle , tout
ardeur & toute obciffance; plus (cnfible
au fou venir écs bienfaits qu'à celui des
outrages , il ne fc rebute pas par les
mauvais traitemcns, il les fubit, les ou-
blie, ou ne s'en fouvient que pour s'at-
tacher davantage ; loin de s'irriter ou de
fuir, il s'cxpolc de lui-même à de nou-
velles épreuves , il lèche cette main ,
inllrument de douleur , qui vient de le
frapper, il ne lui oppofe que la plainte,
& la défarme enfin par la patience Sa la
foumifllon.
Plus docile que rhommc , plus fouple
qu*aucun des animaux, non- feulement
le chien s'inllruit en peu de temps , mais
même il (c conforme aux mouvemens,
aux manières , à toutes les habitudes de
ceux qui iui commandent ; il prend le
ton de la maifon qu'il habite ; comme
les autres domefliques, il efc dédaigneux
chc^ les Grands & ruftrc à la campagne ;
il
'312.. JiiJIxnre Ndîtirclk \
toujours eniprc/îé pour Ton maître dk
prévenant pour Tes îèuls amis, il ne fait
aucune attention aux gens indiffcfrcns , &
ie déclare contre ceux qui par état ne
font faits que pour importuner ; il les
connoît aux vciemens , à la voix , à
leurs geflcs , & les empêche d'approcher.
Lorfqu'on iui a confié pendant la nuit
la. garde de la maifon, il devien^t pkis
fier , & quelquefois féroce ; il veille , ri
fait la ronde ; il fcnt de loin les étrangers,
& pour peu qu'ils s'arrêtent ou -tentent
de franchir les barrières, il s'élance,
s'oppoiè, <5c par des aboiemens réitérés,
dei cfloits & des cris de colère, il donne
l'alarme , avertit & combat : aufîi furieux
contre les hommes de proie que contre-
les animaux carnafTiers , il fe précipite
fur eiîx, les bleffe, les déchire, leur ôte
ce qu'ils s'efîbrçoient d'enlever ; mais
co nient d'avoir vaincu il fc rcpofe fur
les dé|)0uilics, n'y touche pas, même
pour làiisfaiic ion apj^éiit ôl donne eiv
même temps des cxem[)ies de courage,
de tempérance <Sc de fidélité.
On lêniira de quelle imj)or:ance cette
efpèce cil dans l'ordre de la Nature, eu
luj^pofànt
"Su Chiefh "jrj
fuppofant un înftant qu'elle n'cât jamais
exiiié. Comment l'homme auroit-il pu,
fans le iècours du chien , conquérir ,
dompter , réduire en efclavage les autres
animaux î comment pourroit - il encore
aujourd'hui découvrir, chaffer, détruire
les bêtes faiivagcs & u* les î Pour (e
mettre en fureté, & pour (e iCidic maître
de l'Univers vivant, il a fallu commencer
par fe faire un parti parmi les animaux ,
ie concilier avec douceur & ])ar carcfTcs
ceux qui (e font trouvée capal;les de s'at-
tacher ôi d'obéir, afin de les oj^pofer aux
autres. Le premier art de rhomme a donc
été l'éduçaiion du chien, ôl ie fruit de
cet art la conquête <Sc la pofieillon pai-
fible de la Terre.
La plupart des animaux ont plus d*a-
giUté , j)lus de vîtelTc, plus de Korce, 5c
même plus de courage que rho;ninc;
la Nature les a miejx mun's , mieux
armés ; ils ont aulîi les fens , & fur-tout
i'oJorat, plus parfait. Avoir g-igné une
cfpèce courageui'e & docile comme celle
du chien, c'clt avoir ac([uis de; nouveaux;
fens & les ficuhés qui nous m.in(|uent.
Les machines , les iullrumens que nous
Tonu VL O
iH
il
• i
î'
^3 r4 jHîJfohe Naturelle ^
avons imaginés pour j)erfe<5lionncr nos
autres Tciis , pour en augmenter l'cten-
due, n'approchent pas, wiêm» pour ruti-
lité , Je CCS machines toutes faites que la
Nature nous préfente, Ôl qui en fup-
plci.in à i'imj)erfcdlon de notre odorat,
nous ont fourni de grands & d éternels
iîioyens de vaincre & de régner : & ic
chien fidèle à IMiomme , conlervera tou-
jours une portion de l'empire , un degré
de fupériorité furies autres animaux ; ï[
îtur commande , il règne Iiiî-même â la
icic d'un troupeau , il s'y fait mieux en-
tendre que la voix du berger ; la fureté ,
Tordre 6: ia difcipline font les fruits de fa
vigifance & de (on adlivité; c'eft un peu-
ple qui lui cft fournis , qu'il conduit, qu'il
proU'ge, <Sc contre lequel il n'emploie
jamais la force que pour y maintenir \x
paix. Mais c'cft fur-tout à la guerre, c'eft
contre les animaux ennemis ou indépen-
dans , qu'éclate fon courage , & que fon
Intelligence fc déploie toute entière: les
talens naturels fe réuni/îènt ici aux qua-
lités acquifcs. Dès que le bruit d^s armes
fc fait entendre , dès que le fon du cor
ou la voix du chaflçur a donuc le fignal
;.
lu
du Chien. '3 r 5'
cî*une guerre prochaine , brillant d'une
ardeur nouvelle le chien marque fa joie
par les plus vifs iranfports, il annonce
par ies mouvemens & par fes cris l'im-
patience de combattre & ie clefir de
vaincre ; marchant cnfuite en filence , i[
cherche à reconnoître ie pays, à décou-*
vrir , à furprendre l'ennemi dans fou
fort ; ii recherche fes traces, il les fuit
pas à pas, & par des accens diffcrens
Indique ie temps, la diftancc , l'efpcce,
& même l'âge de celui qu'il pourfuit.
Intimidé, prefiTé, défefpcrant de trou-
ver fon fnlut dans la fuite, l'anima! * fc
fcrt aufîi de toutes fes facultés , il oppofc
la rufc à la fagacité ; jamais les relTources
de l'indinift ne furent plus admirables :
pour faire perdre fa trace, il va, vient
& revient fur (es pas ; il fait des bonds,
il voudroit le détacher de la terre & fup-
primer les efpaccs; il franchit d'un faut
les routes , les haies, paiïè à la nage les
ruilTcaux , les rivières ; mais toujours
pourfuivi , & ne pouvant anéantir fon
corps, il cherche à en mettre un autre
* Voyez riiifloù'c du çcif, y/, ]' 1 1 Je cette
Hidoire Naturelle.
O i;
'j j 6 'fJiJIotre NaturcUâ
.à fa place ; il va lui - iikmîic troubler ïe
j'cpos d'un voifin plus jeune Ôc moins
^xpcriinciué , le faire lever, marcher,
fuir avec lui; & îoifqu'ils (uit confondu
leurs traces , lorfciu'il croii l'avoir lUbliituc
à ia mauvaifc for4unc , il le quitte ])lus
Jirufqui'jiicnt encore qu'il ne l'a joint ,
nfin de le rendre feul l'objet & la \'n5liine
,cjc l'crjuini irouipé.
Mais le chien, par cette fupe'rioriié
que donnent l'exercice & l'éducation ,
par tCLic finefTc de fcniiinent qui n'ap-
partient qu'a lui, ne perd pas l'objet de
Ja pourluite; il démêle les ]H)ints coin-
^r.iin;. , dclic les nœuds du fil tortueux
.qui iei;l peut y conduire ; il voit de
J'odorat tou;» les détours du labyrinthe,
.toutes les faufles routes où l'on a voulu
l'égrcr; & loin d';)bandonncT rcnnemi
pour un indiffèrent , après avoir triom-
phé de hï rufc, il s'indigne, il redouble
d'ardtrr, arrive enfin, l'attaque, & le
;"net;ant à mort , étanchc dans le fang fa
foif 6c f:i h-ine.
I.e pencha t pour la chaffe ou fa
guerre nous cd conunun avec les ani-
jnaux ; fiioiiune fauyagc jie fuit que
Au Où en, 3^7;
çnmbatîre & chalîcr. Tous les riniin:ui-t
qui aiment la chair , <5c cjui ont <\c la-
force & (Jcs.armci, chaîîcnt nature l'c-
nicnt : le lion , le lio-re , dont la force'
ell fi grande qu'ilr. lont lurs de vaincre ,•
ch.ifltnt feuls & lans art; les loups, les^
renards, les chiens fmvagcs (c réuniilcnr^
s'entendent, s'aident. Te relaient & par-
tîgcnt la proie ; à lorlque i'iklucatioii
a })erredionné ce talent naturel dans le
chien domertifjue , lorlqu'on lui a apprij
:i rc'primcr Ton ardeur , à mcfuvcr fea
mouveincns, qu'on Ta accoinumé à une
nnrche régulière & à l'efpècc de difci^
pline nécellaire à cet nrt , il cira fie avec
îiiéihodc , & toujours avec fuccès.
Dans les pays délerts ; dans les contrc'eî
dépeuplées , il y a des chiens (au\'age3
C|ui, pour les mœurs, ne diilùient des
loups que pnr la facilité qu'on trouve à
les apprivoiser; ils le réunilfent nuili eu
P'lîs grandes troupes pour chaffer & aita-
«juer en force les fanglicrs, les taureaux
fiuvages , <5t même les lions & les lîgres.
En Améri(pic> ces chiens fauvages font
de races anciennement doniefciques , ils
1 cm ctc tranfponés d'Europe, ^ ([ucl-
G iii
I
^3 1 §■ T^ipoh-c Naturelle
qucs-iins ayant été oubliés ou abandon-
nés dans ce s défcrts, s'y font multipliés
au point qu'ils fe répandent par troujics
dans les contrées habitées, où ils aua-
^jutnt le bétail & infultcnt même les
hommes : on efl donc obligé de les
écarter par la force , âc de les tuer com-
me les autres bctes féroces; & les chiens
font tels en effet, tant qu'ils ne connoif-
fênt pas les hommes : mais iorfqu'on les
approche avec douceur, fis s'adoucif-
fent, deviennent bientôt familiers , &
demeurent fidèlement attachés à feurs
maîtres; au lieu que le loup, quoique
pris jeune & élevé dans les maifons, n'cfk
doux que dans le premier fige, ne perd
jamais fon goût pour la proie, ^ fc livre
tôt ou tard à fon penchant pour ia rapine
& la deflrudion.
L'on peut dire que le chien cft le feul
animal dont la fidélité foit à Tcpreuve;
le feul qui connoiiTe toujours fon maître
& les amis de ia malfon; le feul qui,
lorfqu'ii arrive un inconnu, s'en aper-<
çoive ; le fèul c(ui entende fon nom , &
qui reconnoiiïe la voix domcltiquc ; le
feul qui |;e f^ coi^e point à iui-mcuiç \
r!{} Cliicn: ^r^
îc fcul qui, lorfciu'il a perdu fon mnîtrc,
& qu'il ne j/out le trouver, l'appelle
par Tes gcmi(reiiicns ; le fcul qui cfuns
un voyage long qu'il n'aura fait qu'une
fois, fe louvienne du chemin 6c retrouve
la route; îe feul enfin dont les talcns
naturels foicnt cvidens «5c l'educatioa
toujours hcureufc.
Et de même que de tous les animaux
le cliien eft celui dont le naturel c(l 1«
j4us fufccptibled'imprcfijon , <^ fc mo-
difie le plui aifétnent par les caufes mo-
rales, if efl aufil de tous celui dont fa
nature eft le plus fujcuc aux variétés &
aux altérations caufées par les influences
phyiiqucs: le tempérament , les ficultés,
les habitudes du corj'S varient prodi-
gieufcmeiu , la forme même n'ell pas
confiante : dans le métTie j)ays un chien
cil très-différent d'un autre chien, &
refpèce cfl , pour ainfi dire , toute diffé-
rente d'elle-même dans les diflérens cli-
mats. De-là cette confufion, ce mélange
& cette variété de races ù nombreufes,
qu'on ne peut en faire l'énumération ;
de- là ces différences fi marquées po'^r
la grandeur de la laille , la figure du
U m;
ïi\
À
^20 Hîflolre Ndturelk
corps, l*along€mcnt du mii(cau, îa forinè
de ia tête, la longueur & la direcflion des
oreilles & de la queue , la couleur , la
qualité, îa quantité du poil, &c. eu forte
qu'il ne relie rien de conilant , rien de
coninuin à ces nniniau*x que la c on for-
mi, é de l'orga ni talion iniétieure , & hi
flîcidîé de pouvoir tous produire en-
fèmblc. Et comme ceux cjui diftèi^ent
le plus les uns des autres à tous égards ,
rie laiiTent pas de produire des individus
qui peuvent fe perpétuer en produilant
eux-mêmes d'autres individus, il ed
évident que tous les chiens , quelque
difTérens, cjuclcfi^e variés qu'ils foient ^
lie font cpfune feule c*k même erpècc.
Mais ce qui ell difficile à faiiir dans
ccf.e nombreufe variété des races- d ffé-
renies, c'efl le caradJre de la race pri-
mitive, de fa race originaire, do la race
mère de toutes les autres races : comment
reconnoître les effets produits par l'in-
fluence du climat, de la nourriture, &c!
connnent les diltinguer encore des autres
effets , ou plutôt des rcfulrats qui pro-
viennent du mélange de ces diiFtreiues
jaces ciur'elies , dans l'état de liberté on
(in Cliietu 321;
Je domcflicitc \ En effet , toutes ces
caufcs allèrent, avec ie temps, les formes
ics plus'conftantes, & l'empreinte de la
Nature ne confcrvc pas toute (a pureté
dans les objets que l'homme a beaucoup
maniés. Les animaux afîcz indcpendans
pour choifir eux - mêmes leur climat &
leur nourriture, font ceux qui confervent
ie mieux ce. ;c empreinte originaire; &
l'on peut croire que , dans ces efpèces ,
le premier, le plus ancien de tous , nous
eft encore aujourd'hui aflez fidtlemcnt
reprcfeiiié par fes defcendans; mais couT
que l'homme s'ell ibumi.s, ceux qu'il a
îranlportés de ciiinais en climats , ceu:C
dont il a changé la nourriture, ics habi-
tudes & la manière de vivre, ont aufîi
à:\.\ changer pour la forme, pius que tous
les autre:.; <5c l'on U"ouve en effet bien
pîiis de variété dans les cfpcces d'animaux
domcii'qHCs que d.ms celies des animaux
f^uvaacs. Et comme parmi les animaux
domcltiques ie chien ell, de tous, celui
qui s'elt attaché à l'homme de plus près;
celui (jui , vivant comme l'homme, vie
aulli le plus irrégulièrement ; celui dans
lequel le icniimeat dotaxiiK affez pour ie
O y
rendre docile , obéifîànt & rufceptîble
de toute impieflion, & même de toute
contrainte ; il n'efl pas étonnant que de
tous les animaux ce foit aufîi celui dans
lequel on trouve les plus grandes varié-
tés pour la figure, pour la taille, pour la
couleur & pour les autres qualités.
Quelques circonftances concourent
encore à cette altération ; le chien vit
affez peu de temps , il produit fouvent
& en afîez grand nombre ; & comme
H efl perpéiueilcment fous les yeux de
l*homme , des que , par un haHird affez
ordinaire à la Nature, il fe fera trouvé
dans quelques individus des fingularités
ou des variétés apparentes , on aura tâché
de les pcrjx'iuer en unirtant eniembic ces
individus finguliers, comme on le fait
encore aujourd'hui lorfqu'on veut fe
procurer de nouvelles races de chiens
& d'autres animaux. D'ailleurs , quoique
toutes les efpèccs foient également an-
ciennes , ie nomi)re des gcncraiions ,
depuis ia création , étant beaucoup plus
grand dans les efpèccs dont les individus
ne vivent que peu de temps, les variétés,
les allé ratio i:b , la dégcnération mênic
Ju cille ih 323]
âoUcnt en être devenues plus icnfibîes ,
puifque CCS animaux font plus loin de
Ictir Touche que ceux qui vivent plus
long - temps. L'homme e(l aujourd'hui
huit fois plus près d'Adam que le chien
ne l'efl du pkemier chien , puiique
i'homme vit quatre-vingts ans , & que
le chien n'en vit que dix: Çi donc, par
qucl([ue caufe que ce puifTc être , ces
deux efpèccs tendoient e'galement à dé-
générer, celte ahération ieroit aujour-
d'hui huit fois plus marquée dans le
chien que dans l'homme.
Les [)etits animau"' éphe'mères , ceux:
dont la vie cfl fi courte qu'ils fe re-
nouvellent tous les ans par la génération,
font infiniment plus fujets que les autres
animaux aux variétés 6l aux altérations
de tout genre ; il en efl: de même des
plantes annuelles en comparaifon dci
autres végétaux, il y en a même doi:c
la naiure e(l , pour ainii dire, ar .ifici^-llc
& fadice. Le blé, par exemple, efl une
plante que l'homme a changée aiî point
qu'elle n'exifle nulle part dans l'éiat dr
nature: on voit bien c{u'ii a quel \\m: rap-
port avec l'ivroie, avec les gramciis, ie;^
U» y j '■
324 Hijlohe Ndîurclte
chiejuîcnts & quelcjues autres FierLcs cfej
prairies; nuis, on ignore à laquelle de ces
hetl)cs on dijit le rapporter: & comme
il fe renouvelle tous les ans, & que,
fcrvant de nourriture à l'homme , il eft
de toutes les plantes celle qu'il a le plus
travaiijt'e, il cil aufli de toutes ceHe dont
la nature ell fc j:>1us altérée. L'homme
peut donc non-lbufcmcnt faire fcrvir 14
fes bcf jin> , à fonudigc, tous les indi-
vidus de l'Univers, mais il peut encore,
nvcc le temr)S, changer, modifier dk pcr-
fedionncr les crj)èce.>; c'tll même le j)lu,'î
beau droit qu'il ait (ur la Nature. Avoir
transformé une herbe (Icrilc en ble', elt
une efpcce de création dont cependant
il n3 doit pas s'cnorgiîeiliir , puilque ce
Vï\{\. qu'à la Tueur de (on front & pai?
des cidtures réi;crees qu'il peut tirer du
fcin de li terre ce pain fouvcm amer, qui
fait G ru!>ril]ai]ce.
Le-> efpèccs que l'homme a beaucoup
travai.lv'es , tant dans les végétaux que
dans les anmiuix, font donc celles cjui
de t(Hi es foiu le plus altérées; & comme
quelquefois ellc^ le (ont au point qn'oa
jic peut rccoauoîti'e leur forme primh
'du Clnen: ^if
tive , comme dans le blé , qui ne rel-
lemble plus à la plante dont il a tire ion
oiKgine, il ne feroit pas impoffibie que
dans la nombieufe varié ce des chiens
que nous voyons aujourd'hui, ii n'y en
eut pas un feul de femblable au premier
chien, ou plutôt au premier animal de
celte efpèce , qui s'eft peut-être bcau-
couj) altérée depuis la création, & dont
h Touche a pu par conféquent être
très - différente des races qui lubfjïlent
a^T:uelIement , quoique ces races en foient
originairement toutes également pro-
venucs.
La Nature cependant ne manqile
jnmais de reprendre Tes droits dès qu'on
la laifTe aorir en liberté : le froment jeté
fur une terre inculte dégénère à la pre-
mière année: fi l'on rccueilloit ce graiiî
dégénéré pour le jeter de même, ie pro-
duit de celte féconde génération Icroit
encore plus altéré ; & au bout d'un
certain nombre d'a*-:uées & de repro-
dudions l'hoiume verroit reparoîtrc fa
plante originaire du froment, S< fuiroit
combien il faut de temps à la N.iiure
pour détruire le produit d'un ait qj^xù
I
! )
'3 iS 'Hîjloire Ndttireîle
ia contraint, & pour fc réhabiliter. Cette
expérience (croit afTez flicile à faire fur
le blé & fur les autres plantes qui tous
les ans fc reprodui(ent , j)our ainfi dire,
d'elles-mêmes, dans le même lieu ; mais
il ne feroit guère pofTiblc de la tenter,
avec quelque cfpérance de luccès , fur
les animaux qu'il faut rechercher, appa-
reiller, unir , & qui font difiicilcs à ma-
nier , parce qu'ils nous échappent tous
plus ou moins par leur mouvement, &
par la répugnance fbuvent invincible
qu'ils ont pour les choies qui font
contraires à leurs habitudes ou à leur
naturel. On ne peut donc pas efpérer
de favoir jamais par cette voie quelle elt
ia race primitive des chiens , non plus
que celle des autres animaux , qui ,,
comme le chien, font fujets à des va-
riétés permriuentes ; mais au défaut de
ces connoifîanccs de faits qu'on ne peut
acquérir , & cjui cependant feroient né-
cellaircs pour arriver à la vérité, oi\ peut
raflcmblcr des indices, & en lircr des
conféqucnces vrailèînblabîes.
Les chiens <{ui ont été abandonnés
dans ics ioiiiudcs de i'Am trique, ôi qui
ievj
dcsl
Fa
rîu
CIm
mené 327^
vivent en chiens fauvagcs Jepuîs cent
cinquante ou deux cent? ans , quoique
originaires de races altérées , puifqu'ils
font provenus des chiens doineftiques ,
ont dû , pendant ce long efpace de temps,
fe rapprocher au moins en partie de leur
forme priraiitve ; cependant les voya-
geurs nous difent qu'ils reffemblent à nos
lévriers (ci); ils difent la même chofc
tics chiens fauvages ou devenus fau-
vages à Congo (b) qui, comme ceux
d'Ame'rique, fc raffembient par troupes
pour faire la guerre aux tîgrcs, aux lions,
&c. mais d'autres, fans comparer les
chiens fauvages de Saint-Domingue aux
lévriers, difent feulement (^f^ qu'ils ont
pour l'ordinaire la lêie plate & longue,
le mu (eau effilé, l'air fauvage, le corps
mince & décharné , qu'ils font très-
légers à la courfè , qu'ils chaffent en
perfe<n:ion, qu'ils s'apprivoifent aifément
(d) Hifîoire des Avcntuners Fiihuftiers, par Oex^
mdin. Paris, i6S6, m-12 , tome J, page j 12.
(h) I lirtoire gépcrale àci voyages, par M. l'abbé
Prt\o(t, m-é^," tome J, page Sô,
( c ) Nouveaux voyages aux îles de l'Amcri<iue^
!
•32^ 'Hipoin Ndtiirerie ■
en les prenant tout petits : ainfi ces chiens
fauvagcs font extrêmement maigres ôc
légers; Se comme ie lévrier ne diffère
d'ailleurs qu'aHez peu du mâtin ou du
chien que nous appelons r///V;? ^^ birgett
on peut croire que ces chiens fauvagcs
font plutôt de cette cl'pèce que de vrais
lévriers ; parce que tlautre côic ies an^
cîeas voyageurs ont dit que les chiens
naturels du Canada avoient les oreilles
droites comme les renards , de reflem-
bloient aux mâtins de médiocre gran-
d«^ur (dj de nos villageois, c'efl-à-dirc,
à nos chiens de berger ; que ceux des
fauvages des Antilles avoient auflj la tête
^" les oreilles fort longues, & appro-
choieiu de la forme des renards (e)^
que les Indiens du Pérou n'avoient [)as
toutes les efpèces de chiens que nous
avons en Europe, qu'ils en avoient
feulement de grands & de petits qu'ils
lîommoient Alco ( f ) '> ^j'-i^* ceux de
(c!) Voyage du pays des Murom , pnr Sahard
T^eodat, Kecollet. Paris, i éyz, p'i^cs ^ / o ir ^ i /,
(e) Hidoire générale l'es Aniillcs, y^"^ '^ ^' ^^
.Tettrf . Paris , . i 66 j, tome II, yo-^c y o 6.
(fj tlil^oifC dcj Incas, Paris, ry^j.^, ioine l^
fh Chiitîi- _5 2 ru
rifthîTiç Je rAinérique etoîcnt laids,
<|u'ili avofent îe poil rude & long, ce
qui luf^pofe liuflj les oreilles droites (g),
A'iifi on ne peut guère douter que les
chiens o;^gi., aires d'Amcrlquc, ik c[ur
aviiiii la découvcnc de ce nouveau monde
n'avoicnt eu nucuix^ coninumication avec
ceux de nos climats , ne fulTciU tous ,
pour ainfi dire, d'uiiC feuie & mêjue
race , à. que de toutes les races de nos
chiens celle qui en aj^proche le ))lu$ ne
foit celle des chiens à mufcau efiilé , à
oreilles droites & à long po"i rude coinm*
les chiens de berger ; <ii ce qui me fait
croire encore c[ue les chiens de\cnus
fiiuvages à Saint-Domingue, ne font
pas de vraii lévriers , c'cft que comme
les lévriers font alTez rares en France,
on en tire pour le Roi , de Conllanti-
noj)le ^ des autres endroits du I>e/ant,
& que je ne lâche pas qu'on en ait
jamais fiiit venir de Saint-Domingue
ou de nos autres colonies d'Amérique.
/w^<? 2/^f, Voyage de Wafer, imprimé à la fuite-
de ceux de Dampicr, tome IV, juige 22^,
( g ) Nouveaux voyajes aux îics de l'Amcri^u^^
55^' T^îjlolrù NdUn-eTlt
P^nilîeurs , en recherchant dans la même
vue ce que ies voyageurs ont dit de h
forme des cliiens des diflfércns pays , en
trouve que les chiens des pays froids
ont tous le mufeau long & les orcilks
droites ; que ceux de la Lapponie (h)
font petits , qu'ils ont le poil long , les
oreilles droites & le mufeau pointu ; que
ceux de Sibérie ( i ) & ceux que l'on
appelle c hîens- loups ,\ font plus gros que
ceux de Lapponie , mais qu'ils ont de
même les oreilles droites, îe poil rude &
le mufeau pointu , que ceux d'Iflandc (kj^
font auiri à très-peu près feinblables à
ceux de Sibcrie, & que de même, dans
les climats cliauds , comme au cap de
P>oane- efpérance fl), ies chiens natiir
rcis du pays ont le mufeau pointu, ics
oreilles droites , la queue longue & traî-
nante à terre , le poil clair, mais long Ik
(h) Vovafrc de fa iMartînîcre. Paris, iSjt]
J^.ige 7/. H Gcnio vagante. Parma, i ^ t^ t , VùU II,
2U2gC
'S'
(i) Voyez la planche du Cliien elc Sibcrie,
( k) Voyez celle Ju Chien d'Iflande.
( l) Dcfcripticm du Cap de Bonne-efpérance, pip
a même
it de h
ys , on
! froiJs
orcHïcs
•nie f/ij
lîg, les
; que
ue l'on
os que
ont de
ude ^
bics à
, dans
ap de
natiir
u, ks
toujours hériiïe ; que ces cliîens fonf
cxcellens pour garder les troupeaux , &
que par conféqucnt ils rcflemblent non-
feulenient par la figure, mais encore par
rinftindl à nos chiens de berger ; que
dans d'autres climats encore plus chauds ,
comme à Madagafcar f?/ij, à Madurc fnj,
à Calicut ("oj, à Malabar (^pj; les chiens
originaires de ces pays ont tous le mu-
fcau long , les oreilles droites , & ref-
fèmblent encore à nos chiens de ber-
ger; que quand même on y tranfportc
des matins , des cpagneuls , des bar-
bets , des dogues , des chiens courans ,
(les lévriers , âtc. ils dégénèrent à fa
féconde ou à la troifièmc génération ;
qu'enfin dans les pays excefïivement
chauds, comme en Guinée ^^^^ cette
CniJ Voyage de Ffacourt. Paris , 1 66 1 , yagt i S &\
(n) Voyage d'Inigo de Biervillas. Paris, '7^^ »
V partie , jMge t y 8,
(o) Voyage de François Pyrai d. iliWf , ' 6 1 ^l
tome 1, page ^26,
fpf Voyage de Jean Ovington. Paris, ty^j;
lonie I, page 276, ■ ■
(q) Hiftoire générnîe des voyages, par M» l'atié
r^jl Hijlinre "NaturcUe
dcgéncratîon efl: encore plus prompfe^
j)uir([u'uu bout de trois ou (juatre ;uis ils
perdent leur voix, qu'ils ne produifau
plus que des chiens à on illes dioi;cs
comme ccllci des renards; cpie les chiens
du piys font fort Liitls , (juMs ont le
Miulè.iu poiiiiu , les ore.llcs longues &:
droites , l.i (jucuc longue & pi^i jtne ,
f"rtn> aucun [)oi! , la peau du C'-rps nue,
ordinaircivicnt ta^licirc t^ quelciuefois
d'une fcLilc couletir, cjuccfiii ila fut
de(agreab;cs à la vue (Si plus encore au
touciier.
On peut d-)nc déjà préfuircr avec
qiiehjue vraisemblance , f(uc le clien d<î
berger cfl do lo.is !es ch ens c.îui c[ui
approche le plus de la race pri;i;i.ive de
ccue tTpccc, pnilcjuo ctms ions les pays
ha[)ites par des howiines iau\ âges , ou
mcine à demi civililés , les cl'.iens rel-
femblent à cette forte de ch cns plus qu'ù
aucune auire ; que dans le continent en-
tier du nouveau monde if n'y en avoit
pas danircs, qu'en les retrouve (èuls de
même au nord A au midi de notre con-
tinent , (k qu'en France où on les appeil«
commuuémeiu ih'ms de BrU ^ (5t darii l<»f
et Clùm, 333'
Slitrcs climats tempères , iîs font encore
en grand nombre , quoiqu'on fc foit
beaucoup plus occupé à faire naître ou
à multiplier ies autres races qui avoient
plus d'ïigrémcat , qu'à confervcr celle-ci
qui n'a que de i'uiiiiic , & qu'on a par
cctic raifon dédaignée , & abandonnée
aux payfans charges du foin des trou-
peaux. Si l'on confjdèrc aiifîi que ce
ciiicn , malgré fa laideur & Ton air trifle
^ iauvagc, eft cependant fupérieur par
linflindl à tous les autres chiens , qu'if
a un cariicftère décidé auquel l'éducation
n'a point de part ; qu'il cfl le fcul qui
j^aiflè , pour ainfi dire, tout élevé; 6c
que guidé par le feul nature! , il s'attache
de lui-même à la garde des troupeaux
avec une aiiiduiié , une vigilance, une
fiJclité fingulière; qu'il les conduit avec
une intelligence admirable & non com-
riuniqutc ; que fes talcns font l'éionne-
ircni & le repos de f.^n maître , tandis
qu'il f lUt au contraire beaucoup de temps
ik de peines pour inftruire ies autres
chiens & ies dicfîer aux ufages auxquels
on ies dcilinc ; on fc confirmera dîins
l'opinion que ce chien cfl le vrai thiea
!
i II
.^34: MJfolre Ndiurelk
de !a Nature, ccîuî qu'elle nous â donné
pour la plus grande utilité , celui qui a le
plus de rapport avec I^ordre général dei
êtres vivans , qui ont mutuellement heidiix
les uns des autres , ccïui enfin qu'on
doit regarder comme la fouchc & le mo-
dule de l'efpècc entière.
Et de même que 1 cfpèce humaine
paroît agrcfte , contrefaite 6c rapetiHéc
dans les climats glacés du nord ; qu'on
ne trouve d'abord que de petits hommes
fort laids en Lapponîe , en Groenland,
& dans tous les pays oii le froid elt
exccfîlf ; mais qu'endiite dans le climat
voinn & moins rigoureux on voit toui-
à-coup paroître la belle race des Fin-
landois, des Danois, &c. qui par leur
figure , leur couleur & leur grande taille
font peut - être les plus be:uix de tous
les hommes ; on trouve aulli dans IVl-
pccc des chiens le même ordre & les
mêmes rapports. Les chiens de Lappoiiic
font très- laids , irts-petits , & n'ont pas
plus d'un pied de longueur (rj. Ceux Je
Sibérie , quoique moins laids ont cn-
cuie les oreilles droites & l'air agrcflc c'<
(rJ 11 Ceiiio va Liante, vd, il, l'c^c t^.
tJii Chienl 53 y
faavage , tandis que dans îe climat voifin
où Ton trouve les (f) beaux hommes
dont nous venons de parler , on trouve
aulil les chiens de la plus be'Ie & de la
plus grande tatife. Les chiens de Tanarîe,
d'Albanie, du nord de la Grèce, du
Danemarck, de i'IHande, font les plui
grands , Jes plus forts Si fcs plus puKîans
de tous les chiens : on s'en fert pour tirer
des voitures. Ces chiens que nous ap-
pelons chiens d'Irlande, ont une origine
trcs- ancienne, & fc font maintenus,
qiioiqu'en petit nombre, dans le climat
dont iis font originaires. Les Anciens ie$
iippeloicnt chiens d'Épire, chiens d*Ai-
b;inic ) & Piînc rapporte , en termes auflî
élegans qu'énergiques, le combat d'uiî
de CCS chiens contre un lion , & cnfuitc
coiiirc un éléphant (tj. Ces chiens font
(f) Vuyc7, îe cin(]iucme voîumc de cette ïlifîoir©
Katuixlic, ;i rartido des variétés de l'cTpèce humaine.
(t) lH,iirjn petcati Altxanfiro magw, Rrx Alliunut
(ionn ({cdarat inii[:jatct ma^nituJtnis imnm , cujus fpetie de-
ù^.-^us , jii^f-f mjûs , Tiiox ajiros & ih^Nik tia' cas emittit
untcimtu viur.cbili jacenie eo , ijîu Jcgnhîe tanti cor^mis
ofcij'us imvLratcrgcmro(:jyiriifi.i, cum intcrMii jujfit. Nun»
Cl a il kûc f'aïui reqi ; iiniuc di-ernni iniite:is, addidit nuir,-
Ja
r^ 3 6 'Hîjlolre Naturelle
b^ucoup plus grands que nos plus
grands mâtins : comme ils font fort
rares en France , je n'en ai jamais vu
qu'un , qui me parut avoir, lout aiîis ,
près de cinq pieds de hauteur , & rcf-
fembier pour Li. forme au chien que nous
appelons gran£^ ^dnoij (u); mais il en dilîe-
roit beaucoup par l'énormité de fa taille ,
îl étoit tout blanc de d'un naturel doux
& tranquille. On trouve enfuite dans
ics endroits plus tempérés , comme tn
Angleterre, en France, en Allemagne,
en Efpagne , en Italie, des hommes (Se
des chiens de toutes fortes de races : cette
variété provient en partie de i'infîuence
du climat , & en ])ariie du concours <5c
du mélange des races étrangères ou dif-
Iwrentes entr'eilcs , qui ont produit en
'duos fbi fuiffe : hoc intevfwpto, yrmcren nidlum fore, Ncc
liilhlit Alex, vider , leammijuc fraéîum preithuis vliit, R lui
tlephantum }n(fit ïndiici , h nui alio magis ficdaailo /a-
tatus, .H^irnnril'us (jtiippe per totum corpus vUlis , irgititi
jnimùrn Intuitu intonuii , moxque 'uicnvit r.lfuhins , crii-
îrû(]tie helhiam cxfurgcns lv>h- i/ Hlhjc artif.ci dimica'icnc ,
qud maxime oj>us flft , infefians atqx'ic tvitnns , c.onfc
cjfidun rofatam veriig'nie , ajflixir , ad cafiun ejus tiliurt
concufi, Pliii. !)ift. mr. lib. Vill.
(uj Vo^Ci la ])biK!iC du graïkl D'inoî";.
uès-granJ
3$ plus
int fort
nais vu
it aflîs ,
& rcf-
.le nous
:n diiîé-
a taille ,
ci doux
te dans
nine tn
magne ,
unes (Se
s : cette
iïuence
ours <5c
ou dif-
duit en
f))'e, Nce
il lit, Pificd
hlClJo liX-
:,'!S , Cri!-
piicancnc,
aonfc
jus tilîurt
-granJ
J// C/jie}i> '337
trts- grand nombre des races niëtiv^s ou
mélangces dont nous ne parlerons [)oint
ici, parce que M. Daubenton fxj, les a
dccritcs & rapportées chacune aux races
pures dont eil^s proviennent; mais nous
oblervcrons, autant qu'il nous fera pof-
fiblc, les reficniblanccs c*^ les diiïérences
que lV:bri, le foin, la nourriiuie ^ le ch-
inât ont produites parmi ces animaux.
Le grand danois (^y), le maiin f^J, Se
le lévrier fûj, quoique différens au pre-
mier coup d'œil , ne font cependant (|ue
le même chien : le grand danois n'cft
qu'un matin plus fourni, piui étoffé; ic
Icvrier un mâtin plus délié, pb;s effilé,
& tous deux plus luignés ; & il n'y a pas
plus de différence entre un chien grand
tianois , un mâtin &. un lévrier, qu'cnrc
un Mi/llandois. un P'ranço's& un Italien.
En fuppoinnt donc le mâiin originaire
ou jduiot naturel de Fiance, il aura pro-
duit le gratid danois dans un cluiat plus
fx) Voyez Vu/, X Ac cette Hiftoiic Naturelle, de
icJitiuii tn trenic-un volumes.
fy) Voyc7. i>i planche du grand Danois.
{7J V»)yc/, celle du Ailtin.
.\ij N'oyez celle du LtvrieT.
m
i:
i I
'538 fvjbhe Natnreik
iVoid, & k l«:vri(r dans ua cii*nat pkii
cliaud ; & cVft ce qui fè trouve aiifH
vérifié par le fait, car les grands danoîi
^lous viennent du nord , & les lévriers
nous viennent de ConHantinopIe & du
Levant. Le chien de berger fb), le cliicn-
loup (c), & l'autre efpèce de chien-loup
i|ue n JUS appellerons chien de Sibérie
(djt nç font aulîi tous trois qu'un même
chien : on pourroit même y joindre le
chien de Lapponîe , celui de Canada,
celui (l^s llotientots & tous les autres
chiens cjui ont les oreilles droites; ils ne
diffèrent en effet du chien de berger que
par la taille, & parce qu'ils font plus ou
moins étoffés , & que leur poil eft plus
ou moins rude, plus ou moins long &
plus ou moins fourni. Le chien cou-
rant (e), le braque (f), le baflet Cg),
\^ biirbet ('hj, & même l'ép^^gi^eul (ij,
(h) Voyez In planche Hu Ciien de Berger,
^c) Voyez celle du Chien loup.
^d) Voyez celle du Chien de Sibérie,
(() Voyez celle du Chien Courant*
^f) Voyez celle du Braque.
^g) Voyez celle du Hafret,
/h) \'oyez celle du Barbet,
(Q. V'Jycz cçjlc de L'ÉpagncuI,
4n Clticfu 3 3 p
peuvent encore être regardés comiT5e ne
faiUnt tous qu'un même chien ; leur
fonne & leur inllinc^ font à j)eu près
les mêmes , & ils ne diffèrent enir'eux
que par la hauteur des jambes , «Se par
l'ampleur des oreilles qui dans tous l'ont
cependant longues, molles &i pendantes:
ces chiens (ont naturels à ce climat , &
je ne crois pas qu'on doive en iéparcr
le braque qu*on appelle chien de Ben"
gale (k)f qui ne diffère de notre braque
que par ia robe. Ce qui me fait penfer
que ce chien n'eft pas orrg'naire de
Bengale ou de quelqu'autre endroit des
Indes, <Sc que ce n'ell: pas, comme quel-
ques-uns le prétendent, le chien Indien
dont les Anciens ont parlé, & qu'ils di-
foient être engendre d'un tigre & d'une
chienne, c'fîfl que ce même chien étoit
connu en Italie il y a plus de cent cin-
quante ans , & qu'on ne le regardoit
pas coiTime un chien venu des Indes,
mais comme un braque ordinaire : Cents
fdgax ( vulgo brachus) t dit AlJrovande,
nn iinius vel varii coloris ft parum refcrt;
in Italiâ eligitur varius & macuhfœ lynci
(k) Vovcz l^-planche du Chicii de Bengc-Iç.
-^ ij
P
540 H'ifmre Nûturelle
^Hrfiw'il'is , cum tamen n'igcr color vcl alhus
eut fulvus îwn fit fpjcrnendus (l) .
L'Ant'^leLcrre, la France, l'AlIcmao[nc,
Âc. paroilfent avoir produit le chien cou-
rant, le hraeiLie .& le haflet ; ces chiens
nicnie dcgenèrent dès i.\S'\\s l'ont poTies
dans des climats plus cJiauds, coin me en
Turquie, en Perfë; mais les <.'pngriruls
ck: les bar!)ets lont originaires u Ll|>agne
iÙL de Barbarie , où la .te!n{)î'faiure du
climat fait que Je poil de tous les animaux
e(t plus long , ])lus foyeux <Sc plus lin
<jue dans tous les autres pays. Le dogue
(m) , le chien (j]} que j'on appelle jnù:
danois ( inais fon impropreirient , puif-
qu'il ji'a d'autre rapport avec le grand
danois qac d'avoir le poil court ) , le
chien- turc (o), &. fi Ton veut encore,
Je chien d'iifnnde /pj , ne font aulîi
Cju'un inêjnc chien ({ui , tranfporté dans
jun climat irè-s- froid comme l'IiJande,
flj L'iyffis Afiirovandi , 1^!? ,juariruj'eJ. iH^îiat. viif»
lih* Ui, P'Jg' S S ^'
(m) \\)yc7. Il planche du Doj^ue,
(n) V'oyc7 celle ^u petit Danois, fg, /,
jfo) fo\-C7- ^elle du Ciiicn-'urc, fj/. /»
(rJ ^V(jyv ^ G.cilc du Cfiien d'iilandc,
I
peu
'h a.
en.
H«
?,iira pris une foiic loiirrure de poil, 8i
CKiiis les climats trcs- chauds de i'Alriqui
& de.-. Indes aura ([uiité la robe; car le
chien lans poil, appelé chiai - turc , cil
encore mal nomme , ce n'ell: poiiu danj
le climat tempéré de la Turquie c{UQ les
!.
cîiicns perdent leur [joû , c eli eîi i:>ui
née
<S: d
ans
s ciimuis les plus c
:h:iud:
(ics Indes , que ce changement lir-rive ; <^î
11- chien -turc n'eil auire choie ((u'uii
pc;ii danois qui , tra ni porté dans \t%
pays excefÎJVtment chauds, aura perdu
Ion poil , <5c dont la race aura eafuiie
ix iranfportée en Turquie où Tou aura
tu foin de lei muLij)î;cr. Les preuîiers
qi:e l'on nie vus. en ]i.in*Oj;t, au rappors
d'AlJrovande ^ furent apportés de foa
te:v;})s en iiaiic , où cependant ils ne
pi.uTiu , diî-il, ni durer, ni muUiplier ,
p.irec c|iic le chinât éioît [beaucoup trop
hoid pour eu>^; rnai.s comme il ne donne
p!b l.i dciciipiion de ces chiens nus,
n )i!S ne hivun^ pas .s'iL ctoient ieni-
hahlc
es a ceux cu:C nous annexions au-
1^1"
ûaud'liiù chictis - îurcs , ^ ii l'on peut
ifc
p.ir cc)niequent les rapporter au j^etu
d.:a
ois , p.arcc que tous
le. cl
ne!
dâ
H
If
r.
j
\ m
542 Hiflotre Ndturclle
C|utlc|uc race & de quelque pnys qu'ils
foiem, perdent leur poil dans les» climats
exceffiycment chauds (gj, & comme nou^
i'avons dit, ils perdent auili leur voix;
dans de certains pnys ils font tout- à-fait
nuiets, dans d'autres ils ne perdent que
Li faculté d'aboyer , ils hurlent comme
les loups , ou glapifTejit comme !cs
renards, ils fembîent par ceite altération
(è rapprocher de leur état de nature ;
car ils changent aufFi pour la forme c^
pour l'inflincft : ils deviennent laids (rj,
êc prennent to\is des oreilles droites &
pointues. Ce n'eft anfîi que dans les cli-
mats tempérés que les chkuis confcrveiu
leur ardeur, leur courage, leur figaci c,
&. les autres talens qui leur (ont n.iturel-;
ils perdent donc tout lorlqu'on les trani-
^{/J Hifloirc gt'ncrale des voyages, par M. laLbc
Prcvoft, fome iV, page 22p.
(r) Voyage de fa B{)iiHa)C-!e Gou?.. Paris, i ^)Jt
jtr.gc 2 ^y, Voyai^c de Jean ()\iiij:^ton. Paris , z/^/,
Unne I, page 2y6, Hifloirc utii\crkile des voyage,
par du Terrier cie Montfrafier. Paris, ijoj, pa*t
^^^ & juivames, \'ie de C^hriftophe (^ilomb. P.im ,
jôSr , partie 1/*. page 106, Voyage de Bofm;ui
in G'-iiiK-c, hc, Uirec/it , tyo^ , page 2^0, Hii-
t'tire ^tiiéralc des voyages,, par M, i'abbc rrcYcll^
4imt IV) }>(i§t 22^%
r-.^^'
porte (îi^ns des climats trop chauds ; mnis
connue fi la Nature ne vouloir jamais ricii
faire d'abfolument inutile, il fc rrouve
que dans ces mêmes pays où les chiens
ne peuvent plus fervir à aucun des
ufiiges auxquels nous les employons,
on les recherche pour la table, & cjnc
les Nègres en préfèrent la chair à cci;e
de tous les autres animaux : on conduit
les chiens au marciie pour les vendit ;
011 (es acheite j)Ius cher que le mouton ,
le chevreau , plus cher même que tout
autre gibier ; enfin le mets le plus déli-
cieux d'un TefUn chez les N encres ell un
chien rôti. On pourroit croire que le
goût fi décidé qu'ont ces peuples pour
ia chair de cet animai , vient du chan-
gement de qualité de ceite même chair
qui j quoique très- mauvaife à manger
d>ins nos climats tempérés , acquiert peut-
êire un autre goût dans ces climats brû-
ians; mais ce qui me fait pcnlèr que cela
df'pend plutôt de la nature de l'homme
que de cclie du chien , c'eft que les fiu«
^/à'^(ti du Canad.i qui habitent un pays
fr( id , ont le même goût que les Nègres
pour la chair du chien , & que \\o^
P iiij
il
m à
Î4+
Ihpoirc Ndtunlk
A'lillK)nn.'i:rcs t\\ o\\\ fjuthiucfois mang'j
finis tlf lir. .ut.
«<
Les chiens fcrvciu c
11
33 i;ui(c de mouton j>oiir cire mîin<ys en
» fclliii, dit le P. Saharcl i Iicoclai; j. nie
:v> (ui^ t revive (livcrfes fois à <.lts fcdins
lii
h
>5 c;c cliieii , ) .ivoiie \ eiiiablcii.cnt cjue
>3 «iii coMinieiict iiu'iu teia me l.iiluit
il rreiir, mais je n'en eus |ias mari^ijc
.•>■>
îî
f
tieiix tv is cjiic ) en trouvai
la cl
h
5> bonne, oc de g' nî. un peu aj)|.rac
lais:
liant
tic celle (lu [)orc (j)
^j.
D
ms fios clinwits
es animaux i.iu
fi
vnges (jui npprcK lient le plus du chien,
^ lur-tout du th'cii à oieilics droite^;,
ciu cliicn de her^^jcr , rjuc je re;;;u'de
tomme la louche Ck îe type de l'elpècc
entière, fjiit le rtn;irii c\' (c loup; i^
\
COU'
(:
a conn^rniiiiDn intérieure t
prc<'fp,;j enii'!reineiu hi même, ik r}ue les
diiî
crciu.cs extciicuics luiu a(ie/. ktrcrc.'^
)
ai voiilu elliyer s'ils pourroient produire
JLljicrois ((u'au moins ou
1(
înfemiilc
parviendroii à les Kiire accou[)îer , & c[ue
us
s ils ne produiloient pas clc^ un
ih
livid
îeconus , Us 'ngc'narerijient des elpeces
( J ) V'oyarrc nu pays (ics I lurons , par le P. vSiiLaid
(lu Clûcn, 345
,je mulets qui auroicni panicipc de la
jKUurc des deux. Pour ceLi , j'ai l.iii élcv5:r
vin(* !ou\c prifc dans le;j Ijoii à IVigc de
tlcux ou trois mois, avec ww ii,aiin de
MH'mc Age; ils etoicnt enfermes enkinblc
tSi icuLi dans une a[ïez grande cour od-
aucune autre Lcie ne |)fi}U\oit entrer, &
où il> avofeni un abri pour (è rctiicr ; ih
jK' connoi/Toicnt ni l'un ni l'autre auiu.i
individu de leur elpèee, ni même auejf?
l)i)iniucque eelui cjui éioit chargé du ((
(k leur porter tous les jours à mar.;:^er :
(11 les a girdés trois ans, toujours .iveo
la 'iicme ai eniion, ^ (ans les coniraindr^î
!ii les enchaîner, l^endant la première
milite, ces jeunes animaux jouoicni pcr--
j)LUieliement cnleudile & paroinoient
>amier beaucoup; à la leeonde année ils-
«..vHinencèrcnt par fe dilpuier la nour-
ri ure , (juoiqu'on leur en donnât plus
<ju'il ne leur en falloir. La querelle vcnoit
toujours de la louve : on leur portoit de>
i:i viande <îk des os fur un grand piat de
bois c|ue l'on pofoit à terre; dans l'inilant
i]u',ne la louve, au lieu de (e jeter fur la
viande, couuncnçoit par écarter le chien,
«ôc prciioit enluite ie piat par la tranche fi
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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3 4^ • Ni^Gire Naturelle
adroitement, qu'elle ne iaiflbit rien tom-
ber de ce qui étoit deflus , & emponoit
le tout en fuyant ; & comme eile ne
pouvoit fortir , je l'ai vue fouvcnt faire
cinq ou fix fors de fuite fe tour de la
cour tout ie iong des murailles , toujours
tenant le plat de niveau entre fcs dents,
& ne le repofcr à terre que pour re-
prendre haleine & pour fè jeter fur la
viande avec voracité , & fur le cjiien avec
fureur lorfqu'il vouloit approcher. Le
chien étoit plus fort que la louve ; mais
comme il étoit plus doux , ou plutôt
moins féroce , on craignit pour fa vie , &
on lui mit un coHier. Après la deuxième
année , les querelles étoient encore plus
vives & les combats plus fréquens , &
on mit aufli un collier à la louve , que
ie chien commençoit à ménager beau-
coup moins que dans les premiers temps.
Pendant ces deux ans il n'y eut pas le
moindre figne de chaleur ou de defir,
ni dans l'un ni dans l'autre ; ce ne fut
qu'à la fin de la troidème année que ces
animaux commencèrent à reflentir les
impreflions de l'ardeur du rut , mais fans
amour \ car ioia que cet état les adoucît ^
i
en toDi^
nponoit
elfe ne
nt faire
r de la
oujours
dents,
)ur re-
fur h
n avec
er. Le
mais
plutôt
vie, &
■ïxiénie
e plus
ns, &
î> que
beau-
emps.
pas le
defir,
le fut
Jc ces
ir les
ucic.
cJuTes rapprocluiî l'un de l'autre, ils n*ea
devinrent que plus intraitables & plus
féroces : ce n'étt It plus que des hurle-
mens de douleur mêléà à des cris de
colère ; ils maigrirent tous deux en moins
de trois fcmaines, fans jamais s'approcher
autrement que pour fe déchirer ; enfia
ils s'acharnèrent fi fort l'un contre Tautre,
que fe chien tua la louve qui étoit de-*
venue la plus maigre & la plus foible, de
l'on fut obligé de tuer le chien quelques
jours après, parce qu'au moment qu'on
voulut le mettre en liberté, il fit un grand
dégât en (e lançant avec fureur fur les
volailles, fur les chiens, & même fur les
hommes.
J 'a vois dans îe même temps des re-
nards , deux mâles & une femelle , que
l'on a voit pris dans des pièges, & que
je fiifois garder loin les uns des autres
dans des lieux féparés: j'avois fait atta-
cher l'un de ces renards avec une chaîne
légère , mais aflfez longue , & on lui avoit
bâii une petite hutie où il fe mettoit à l'a-
bri. Je le gardai pendant plufieurs mois,
il fe portoit bien ; & quoiqu'il eût Taif
tnnuyé & les yeux toujours fifés fur lA
F v;
348 Hîpdre Ndtttrelh
campagne qu'il^voyoit de la hutte, il ne
laiiroit |)as de. manger de très - grand
appéiit. On lui prélenta une chienne en
chaleur que l'on avoit gardée , & qui
n'avoit pas été couverte; & comme elle
ne vouioit pas relier auprès du renard,
on prit le parti de l'enchaîner dans le
même lieu^ & de leur donner largement
à manger. Le renard ne la mordit ni ne
la maltraita point : pendant dix jours qu'ils
demeurèrent enfemble , il n'y eut pas la
moindre querelie, ni le jour, ni la nuit,
ni aux heures du repas ; le renard s'ap-
prochoit même aficz familièrement, mais
dès qu'il avoit flaire de trop près fii com-
pagne , le figne du dcfir difparoifloit^
^ il s'en reiournoit triilement dans fâ
hutte ; il n'y eut donc point d'accou-
plement. Lorlquc la chaleur de cette
chienne fut palîce , on lui en fubflitua
une autre qui venoit d'entrer en chaleur,
& en(ui c une troifième & une qua-
trième. Le renard les traita^ toutes avec
la même douceur, mais avec l:i même
indifférence : & afin de m'afTurer fi
c*étoit la répugnance naturelle l'étal;
de contrainte uii il éioic qui i'cmpêçhoit
du Clnen, m 5.49'
Je s'accoupler, je lui fis amener une
femelle de ion cfpéçe , il la couvrit dès
le même jour plus d'une fois, & nous
trouvâmes , en fa dUiéqiLant quelques
fenraines après, qu'elle étoit pleine, &:
qu'elle auroit produit quatre peiits re-
nards. On préfenta de même fucceflive-
ment à l'autre, renard, plufieurs chiennes
en chaleur , on les enfermoit avec lui
dans une cour où '\\% n'ctoicnt point en-
chaînés; il n'y eut ni haine, ni .amour>
ni combat , ni carefîcs , & ce renard
mourut au bout de quelques mois de
dégoût ou d'ennui. - • •- - .- . -
Ces épreuves nous apprennent au
m©ins que le renard & le loup ne fbnlt
pas toutrà-fuit de la même nature que le
chien; que ces efpèces non feulement
font différentes , mais féparées & aflez.
éloignées pour ne pouvoir les ra| 'j) ro-
cher, du moins dans ces climats,; que
par conféquent le chien ne lire pas lonf
origine du renard ou du loup , & que les
nomcnclaieurs (t) c[ui ne regardent ces
(t)' Cattii cnudCi' ( Jinijir'OYftlm ) rerurvû , le Chien^
Cam cuudd incuri'Ci , ie. Loup, Cauis cuudii nûàf^
le Renard. Unfuzi hf, -Nau
3 5 o Hijhke Naturelle
deux animaux que comme dt^ chiens
iàuvages, ou qui ne prennent le chien
que pour un loup ou un renard devenu
domeftique, ôc qui leur donnent à tous
trois le nom commun de chien, fe trom-
pent, pour n*avoir pas affez confulté la
Nature, . ,
II y a dans fes climats plus chauds que
le nôtre une efpèce d'animal féroce &
cruel, moins diâferent du chien que ne
le font le renard ou le loup : cet animal,
qui s'appelle Adive ou chacal , a été re-
marqué & afTcz bien décrit par quelques
voyageurs ; on en trouve en grand
nombre en Afie & en Afrique, aux
environs de Trébifonde (u) , autour du
mont Caucafe, en Mingrelie (x), en
Natolie (y), en Hyrcanie (:J, en Perfè,
•îux Indes , à Surate ( aj , ^ Goa , à
(u) Voyages de Gemelii Carreri. Paris, tytpi
tome I, vnge ^i ^* » a i * ! = " /
(x) Voyage de Chardin. Londres, t 6S 6,fage j6*
(y) Voyage de Dumont. La Haye , / 6j/^ ,
tonie IV, page 28 & fuivantes,
(l) Voyage de Chardin. Amfterdmn , lytit
tome II, page 2$iy
fa) Voyage d'innigo de BicmIUs, Paris ^ '7i^k
fortie JJ'f page tyS%
'e chien
J devenii
nt à tous
. fe trom-
3nfulté fa
auds que
féroce Se,
ï que ne
t animal,
i été re-
quelques
» grand
k, aux
itour du
W> en
1 Perfe,
Goa , à
> /
7tjf»
dit Qiien, 351'
Guzarat, à Bengale, au Congo (h), en
Guinée, & en pluHeurs autres endroits:
& quoique cet animal foit regardé par
les naturels des pays qu'il habite, comme
un chien fauvage, & que Ton nom même
'le défigne ; comme il ell très-douieux
qu'il fe mêle avec les chiens & qu'il
puiiïe engendrer ou produire avec eux ,
nous en ferons l'hilloire à part, comme
nous ferons aulîi celle du loup , celle
du renard , & celle de tous les autres
animaux qui ne fê mêlant point en-
fèmbie , font autant d'efpèces diilinifles
& féparées.
Ce n'eft pas que je prétende d'une
manière décifive & abfolue que l'adive,
& même que le renard & le loup ne
fè foient jamais , dans aucun temps , ni
dans aucun climat , mêles avec les chiens.
Les Anciens raiïurent afTcz pofitivement
pour qu'on puifîè encore avoir fur cela
quelques doutes , malgré les épreuves
que je viens de rafîporter ; -& j'avoue
qu'il faudroit un plus grand nombre de
pareilles épreuves pour acquérir fur ce
(t) Voyage de Bofman , pages 2^t , ^^ i ^ SS'^i
Voyage du P. Zuchci/ Capucin; jfagt 2pj^ ,
'3 5 2 IhfiOirc Naturelle
fait une ceriitudc eniière. Ariflote, Jont
je fuis très- porté à rcl'pcder le témoi-
gnngc, dit precifément (cj qu'il e(t rare
que les animaux qui font d'cfpèccs dif-
férentes (e mêlent enfcinjjlc ; que cc-
j)cndani il eft certain que cela arrive dans
les chiens, les renards <3c les loups; quo
ics chiens indiens proviennent d'une autre
laêie fauvage feniblable & d'un chien*
On pourroit croire que cette bête fau-
vage, à laquelle il ne donne point de
nom , cft l'adive ; mais il dit dans un
autre endroit (ci) que ces chiens indiens
viennent du tigre & du chien , ce qui
me paroît encore plus difficile à croire,
parce que le tigre cft d'une nature &
d'une forme bien plus différentes de
celles du chien , c[ue le loup , le; renard
ou l'adive. Il faut convenir qu'Ariltote
femble lui-même infirmer Ton témoi-
gnage à cet égard; car après avoir dit
<(ue les chiens Indiens viennent d'une
bête lauvage lembtable au loup ou au
lenard, il dit ailleurs qu'ils viennent du
(c) Arift. de gêner atîona animal. \\h. lï, cap, j^
(dj Aiift» hijl, animal^ lib. VIII, cap..-a8| ^ "^ /
^> dont
temoi-
^(i rare
tes dif^
ue ce-
'c dans
quo
eauire
chien*
î fdU"
m de
is ua
^dlens
- qui
•oire ,
re &
s de
narcf
/bte
noi-
dit
une
au
du
Wi/ Cilen» 353
tîgrc , & Hms énoncer fi c'eft du tîgre &
de l:i chienne , ou du chien & de la ti-
grefTe , il ajouie Teulcinent que la choie
ne réuillt pas d'aLord , mais feulement à
la iroifième ponce; que de la première
foiî» il ne rcliihe encore que des tigres;,
qu'on attache les cfticns dans les dcferts,
& qu'à moins que le tigre ne Toit cii
chaleur., ils font fouveni dévores; que
ce qui fait que l'Afrique produit fouvcnt
des prodiges & des monllres , c'efl que
l'eau y étant très- rare & la chaleur fort
grande , les animaux de différentes ef-
pèces fe rencontrent afTemblés en grand.
nombre dans le même iieu pour boire;,
que c'clt-ià qu'ils fè familijrifent , s'ac-
couj)!cnt Ôi produifcnt. Tout cela me
paroît conjfdural , incertain , & même
aiTcz fufped pour ivy pas ajouter foi;
car plus on obfcrve la nature des ani-
maux , plus on voit que l'indice le plus
fur pour en juger, c'cfl l'inflinft. L'e-
xamen le plus attentif des parties inté-
rieurçs ne noijs découvre que les grofîès
différences ; le cheval, ôi l'âne , qui fe
relfemblent parfaitement par. la confor-^
zuaîion des panier intérieures, font cepeu-
3 54 Hifloire NiitureJ!e
dam des animaux d'une nature diflTerenté;
le taureau , le bélier & le bouc qui no
diffèrent en rien les uns des autres, pour
la conformation intérieure de tous les
vifcères , (ont d efpèces encore plus
éiwignées que l'ane & le cheval) & il en
efl de même du chien , du renard & du
loup. L'inrpe<îlion de la forme extérieure
nous éclaire davantage ; mais comme dans
plu fleurs, efpèces, & fur-tout dans celles
(i\\x\ ne font pas éloignées , il y a , même
à l'extérieur, beaucoup plus de rcfTcm-
blance que de différence, cette infpcc-
lion ne fuffit pas encore pour décider fi
ces efpèces (ont différentes ou les mêmes ;
enfin iorfque les nuances font encore
plus légères, nous ne pouvons les faifir
qu*en combinant les rapports de l'iuf-
tin(fb. C'eft en effet par le naturel des
animaux qu'on doit juger de leur nature ;
& Çi Ton fuppofoit deux animaux tout
fêmblabics pour la forme, mais tout dlf-
férens pour le naturel, ces deux animaux
qui ne voudroient pas fe joindre , &
qui ne pourroient produire enfemble,
feroient , quoique fembiabics , de deux
efpèces diâerentes.
mtiw.-:- Il'
q^ù ne
es. pour
tous fcs
^ plus
A il eji
^ éi
Prieure
ne dans
cel/es
inénic
nfpcc-
Mer /i
enies ;
encore
► /ài/ir
riiif-
?ï des
turc ;
tout
iiaux
, de
b/e,
lcu;r
Ju Cfîtcité '555
Ce même moyen auquel on cft oblige
d'avoir recours pour juger de la diftc-
rcncc des animaux dans Tes cfpéccs voi-
iincs, cft , à plus forte raifon , celui qu'on
doit employer de préférence à tous autres,
lorfqu'on veut ramener à des points fixes
les nombreiifcs variétés que Ton trouve
dans la même elpèce : nous en con-
roi/Tbns trente dans celle du chien , &
affurément nous ne les connoiHons pas
toutes, De CCS trente variétés, ii y en a
dix-fept que l'on doit rapporter à i'in-
fluence du climat ; favoir , ie Chien de
berger , le Chien - loup , le Chien dé
Sibérie , le Chien d'Idande & le Chien
de Lapponie , le Mâiin , les Lévriers,
le grand Danois & le Chien d'Irlande,
ic Chien courant, les Braques, ies Buf-
fets , les Épagneuls & le Barbet , le petit
Dano's , le Chien- turc & le Dogue;
les treize autres , qui (ont le Chien- turc
métis , le Lévrier à poil de loup , le
Chien- bouffe , le Chien de MaJte ou
Bichon , le Roquet , le Dogue de forte
race, le Doguin ou Mopfe , le Chien
de Calabre , le Burgos , le Chien d'Aii-
came ^ ie Chien - iion , le petit Barbet
\ -
I
"3 5 ^ Hîfxnre Naturelle
& le Cliieii qu'on appelle Artois, liTors
ou Quatre- vingt, ne lont que des nitiis
qui proviennent éa mélange des pre-
miers; & en rapportant chacun de ce-s
chiens Liiéiis aux deux races dont ils
fc)ni iflus , leur nature ell dès- lors afîcz
connue ; mais à l'égnrd des dix - fcpt
premières races, fi l'on veut connoiire
fes rapports qu'elfes peuvent avoir entre
elles, il faut avoir égard à l'inflind, à
la forme & à plufiturs autres circonf-
tances. J'ai mii enfcmbîe le Chien dz
Berger, le Chien -loup, le Chien de
Sibérie , le Chien de Lnpponie & le
Chien d'KLnde , parce qu'ils fe rcf-
jfêm))lent plus qu'iis rc reffcmblcnt aux
autres par la figure & par ie poil, cju'ils
ont tous cincj le mufeau poiniu à peu
■près comme le renard , qu'ils font les
feuls qui aient les oreilles droites , & que
leur inllind les porte à fuivie «Se garder
ks troupeaux. Le Mâiin , le Lévrier,
ie grand Danois & le Chien d'Irlande
ont , outre la rerfemblance de lu forme ik
du l<uîg mufeau, le même naturel; ils
aiment à courir , à fuivre les chevaux ,
ies équipages ; ils ont peu de ne::
Hc
' tlti CIncfu ' 3 57
chafTcnt plutôt à vue qu'à Podorat. Les
vruia chiens de chafle l'ont les Chiens
courans , les Braques , les Baiïcts , les
Ép^ignculs & les Barbets ; quoiqu'ils
diffèrent un peu par la forme du corps,
ils ont cependant tous le niufcau gros;
& comme leur itillindl cft le même, on
ne peut guère fe tromper en les mettant
enfcmble. L'Epagneul , par exemple , a
éié appelé par quelques Naiuralidcs,
Cûn'is aviarius tcrre/lris, & le Biirbet, cûnis
aviarïus aquaùcus ; & en effet , la feule
dilfércnce qu'il y ait dans le naturel de
CCS deux chiens , c'eû que le Barbet ,
avec fort poil touffu , long & frifé , va
plus volontiers à fcau que TÉpagneul ,
qui a le poil lifîè & moins fourni, ou
que les trois autres qui l'ont trop court
& trop clair pnur ne pas craindre de (e
mouiller la peau. Enfin le petit Danois
& le Chien -turc ne peuvent manquer
d'aller enfemble , puifqu'il cil avéré que
le Chien-turc n'eft qu'un petit Danois
qui a perdu fon poil. Il ne refle que
le Dogue , qui par fon mufeau court
fcmble fe rapprocher du petit Danois
plus que d'aucun autre chien, mais qui
!
'3 5 8 Hifloire Naturelle
en diffère à tant cl*autres égards , qu*il
paroît fèul former une variéié difFérenic
de tomes les autres , tant pour la forme
que pour l'inftind : il (embîe auffi afftdcr
un climat particulier, il vient d'Angle-
terre j & l'on a peine à en maintenir la
race en France; les métis qui en pro-
viennent , & qui font le Dogue de forte
race & le Doguin, y rcuflilient mieux:
tous ces chiens ont le nez ii court qu'ils
ont peu d'odorat, & fouvent beaucoup
d'odeur. Il paroît auffi que la finefle de
i'odorat , dans les chiens , dépend de la
groffeur plus que de la longueur du
mufeau , parce que le Lévrier , le Alâiin
& le grand Danois, qui ont le mufeau
fort alongé, ont beaucoup moins de nez
que le Chien courant, le Braque & le
PafTet , & même que i'Épagneul & le
Barbet , qui ont tous , à proportion de
leur taille , le mulèau moins long , mais
plus gros que les premiers.
La plus ou moins grande perfèdion
des fèns, qui ne. fait pas dans l'homme
U«e qualité éminente , ni même remar-
quable, fait dans les animaux tout leur
mérite I & produit comme çaufe, tous
^» Jif Chien, 359
les taîens dont leur naturç peut être fqf-
ceptible. Je n'entrçprençlrai pas de faire
ici réaumératipn de toutes Ips qualités
d'un chien de chaiïe , on fait afiè? conj-
hien l'excellence de l'odorat , jointe à
j'éducation, iui donne d'avantage & dç
fupciiorité fur les autres animapx; mais
ces détails n'appartiennent que de loin
à l'Hiftoire Naturelle , & d'ailleurs les
rules & les moyens , quoiqu'émanés de ia
fimple Nature, que les animaux (auvages
mettent en œuvre pour fe de'rober à la
recherche, ou pour éviter la pourftiiie &
k's atteintes des chiens, foqt peut-être
pkis merveilleux que les méthodes les
pkïs fines de l'art de la çhaiîè.
L,e chien , lorfqu'il vient de naître ,
n'eft pas encore entièrement achevé :
dans cette efpèce , comme dans celle
de toiîs les animaux qui produilent en
grand nombre, les petits, au moment de
leur naiflance, ne font pas aiiffi parfaits
quç dans les animaux qui n'en produifent
qu'un ou deux. Les chiens naiflTent comr
munément avec les yeux fermés, les deujf
paupières ne font pas fimplement collées,
inais adhérentes par une mçmbranç c^ï
*i
yCo l^ijlotre Nctîunlk
(c déchire lorfque le mufcle cJe Fa pnit-
picre Tupérieure efl: devenu afïèz fort
pour la relever & vaincre cet obftacle,
& la plupart des cliiens n*ont les yeux
ouverts qu'au dixième ou douzième jour.
Dans ce même temps , ies os du crâne
ne font pas achevés, le corps efl: boufiî,
ie mufeau gonflé , & feur forme n'dl
pas. encore bfen deffinée ; mais en moins
d'un mois ils apprennent à faire uHigc
de tous leurs fens & prennent enfuitè
de la force & un prompt accroiflcment.
Au quatrième mois ils perdent quel-
ques-unes de leurs dents, qui', comme
dans les autres animaux , font ])icntôt
remplacées par d'autres qui ne tombent
plus : ils ont en tout quarante - deux
dents, favoir flx incîfives en haut & fix
en bas , deux canines en haut & deux
en Las , quatorze mâchelièrcs en haut
& douze en bas ; mais cela n'efl pas
confiant, il fe trouve des chiens qui ont
plus ou moins de dents mâchelièrcs.
Dans ce premier âge, les mâles comme
les femelles s'accroupiflent un peu pour
piflTcr, ce n'efl qu'à neuf ou dix mois que
les mâles , & mcmc quelques femelles ,
commencent
a
jr, comme
du Chien, " 3^1'
commencent à lever la r. .iTe, &: c'eft
dans ce même temps cju'ils commencent
à être en éiat d'engendrer. Le mâle peut
s'accoupler en toui temps , mais la fe-
melle ne le reçoit que dans des temps
marques ; c'eîl ordinairement deux fois
par an , <Sc plus fréquemment en hiver
qu'en été : la chaleur dure dix , douze <Sc
quelquefois quinze jours ; elle fe marque
par des fignes extérieurs , les parties de
la génération font humides , gonflées &
proéminentes au dehors; il y a un petit
écoulement de lang tant que cette ardeur
dure , & cet écoulement auffi-bien que
le gonflement de la vulve commencent
quelques jours avant laccouplemcnt : le
mâle fent de loin la femelle dans cet état
ÔL la recherche, mais ordinairement elle
ne fe livre que fix ou fept jours après
qu'elle a commencé à entrer en chaleur.
On a reconnu qu'un feul accouplement
fufïit pour qu'elle conçoive , même en
grand nombre; cependant, lorfqu'on la
laiffe en liberté , elle s'accouple plufieurs
fois par Jour avec tous les chiens qui fe
préfentent : on obferve feulement que
lorfqu'elie peut choifir^ elle préfèro
'lome VI* Q
1)1'
I ;
i
I .
'362 Hijloke Naturelle
toujours ceux de la plus grofle ôc de
ti plus grande taille , quelque laids 6c
quelque jdilproportionnés qu'ils puifîent
être: au^fi arrive -t- il afièz fouvcnt
que de peiiies chiennes qui ont reçu
des inTuiiis , pe'riiTent en faifant leurs
petits.
Une choie que tout le monde (ait , &
qui cependant n'en eil pas moins une
Hngularité de la Nature , c'eft que dans
i*accoup!einent ces animaux ne peuvent
fe fcparer, même après la confommation
de Fade de la ge'iiération , tant que Téiat
d*ére<3tioii & de gonflement fubfifle , ils
font forcés de demeurer unis , & cela
dépend fîms dbute de leur conformation.
Le chien a non- feulement, comme plu-
fieurs autres animaux, un os dans la wcïgÇj
mais les corps caverneux forment dans
le milieu une efpèce de bourrelet fort
appâtent , & qui fè gonfle beaucoup dans
l'ércdion ; la chienne , qui de toutes les
femelles eft peut-être celle dont le clitoris
cfl le plus confidérable & le plus gros
dans le temps de la chaleur, préfente
de fon côté un bourrelet , ou plutôt une
iumeur feruie ^ faillantci dont le gou^
fle ôc de
: laicfs ôc
s puifîênt
(bu vent
ont reçu
ant leurs
îe (ait , &
loins une
que dans
î peuvent
bmmarion
que l'éiat
bfifte, ils
, &. cela
brinaiion,
nme plu-
5 la verge,
lient dans
rrelet fort
coup dans
toutes les
t le clitoris
plus gros
préfente
)iutôt une
X U gou--
du Chien, ^6y
îîeinent, aiifîi-bien que celui des parties
voifines , dure peut-être bien plus long-
temps que celui du mille , & fuffit peut-
être aulfi pour le retenir malgré lui ; car
au moment que l'a^île efl: confommé , il
change de pofition, il fe remet à pied
pour fe repoler fur ies quatre jambes, iî
a même l'aii' trifte , & les efforts pour (e
feparer ne viennent jamais de la femelle.
Les chiennes portent neuf (emaines ,
c'eft- à- dir^ foixanie - trois jours , quel-
quefois fbixante - deux ou foixante - un ,
& jamais moins de foixante; elles pro-
duifeut fix., fept, & quelquefois jwlcju*»*
douze petits ; celles qui font de la plus
grande & de la plus forte taille , pro-
duifent en plus grand nomljre qjje les
petites , qui fouvent ne font que quatre
Qu cinq, & quelquefois qu'un ou deux
pedts, fur-tout daiis les premières por-
tées^ qui font toujours moins nombreufcs
que (es autres dans tous les animaux.
Les chiens , quoique très - ardcns en
amour, ne laiiTent.pas de durer, il ne-
j)aroît pas même que l'âge diminue leur
ardeur, ils s*accoupîent & produilênt pen-
dant toute la vie ^ qui eH ordinairemeu|
.ww
t
•5.É4 ■ • Hifinre Nciturelk
bornée l\ quaiorze ou quinze ans, quoi-
,qu'on en ;iit gardé quelques-uns julqu'à
vingt. La diaee de la vie eit dans Iç
/ehien , comme dans les autres animaux ,
proj^ortionncilc au temps de i'accroifle-
jnent ; il elt environ deux ans a croître ,
il vit aufli fept fois deux ans. L'on peut
connoîtte fon âge par les dents, qui dan$
la jeunefTe fojit blanches, tranchantes &
pointues, & qui, à rnefure qu'il vieillit,
ideviennent noires, mouliès îk inégales,
on ie connoit aulîi j)ar le poil , car ii
blanchit iiir le muie^u, j^i\ï le front 6c
autour des yeux.
Ces animaux, qui de leur naturel font
très- vigilans, très-adifs , & qui fonc
faits pour le plus grand mouvement,
deviennent dans no.s maifons, par la fur-
charge de la nourriture , li jiclùni, (:<c 1]
parellèux , qu'ils palient toute leur vie à
roniîer, dormir & manger. Ce fommeil,
preffjue continuel, eil accompagné de
rêves, & c'cll peut-être une douce
manière d'exifter ; ils font naturellement
voraces ou gourmands , & cependant ils
peuvent le pafler de nourriture pend:inc
long-temps. Il j^ a dans les Mémoires de
5, quoï-
jufqu'à
clans le
imaux ,
croifle-
:roître ,
)n peut
ui dan$
mtes 6c
vieillit,
égales ,
, car ii
rom àc
rel font
ni font
t^njent,
la fur-
li- Ck il
If vie à
mnieil,
yné de
douce
lenient
Jant lis
endanc
ires de
. Ju Clnefié 3 6 j
rAcaddmie des Sciences ( c) l'hiUoire
d'une chienne , qui ayant été oul)lice
dans une maiibn de campagne , a vécu
quarante jours ians autre nourriiure que
l'é:ofîè ou la laine d'un matelas qu'elle
avoit déchiré. 11 p:n"oît que l'eau leur ell
encore plus néccifairc que la nourriture ,
ils boivent fouvcnt & abonda;nmcnt , ovk
croit même vulgairement que quand ils
manquent d'eau pendant long teiU[)S ils-
dc\it;nnent enrages. Une cholè qui leur
e(t panicLilière , c'efl qu'ils paroillcnt
fiiire des efforts & fouffrir toutes les fois-
qu'ils rendent leurs excrémens : ce n*efl:
pas, comme le dit Arillote (d), parce
que les in:eRins deviennent plus étroitî
en apjMocham de l'anus, il efl certain ,
au con raire que dans le chien > cammç
d;ns les autres anîma'îx , les gros boyauîS
s'élargiflcnt louiours de plus en plus ,
& que le redura efl: plus large que le
colon : \a féchereiTc du tempérament
de cet animal fuflit pour produire cet
tliet, & les ctrangleir.cns qui le trouvent
(c) flifîoîre de rAcadcmie des Sciences, anne6
(/IJ Arillot. de ikinilus cunnuiî, capirc ulrinio.
! il
..' (
^^'66 Hiflohe Natmlli
dans le coîon, font trop loin pour qu'on
pu'fTe l'attribuer à la conformation des
inieftins.
Pour donner une idée pfus nette de
Tordre des chief^s , de ieur genérailon
dans Ie> diffcrens climats, 6t du mélange
de leurs races, je joins ici une table ,
©u , fi l'on veut, une efpèce d'arbre
généalogique, où l'on pourra voir d'uji
coup d'oeil tou es ces variétés : cette
table eft oricniée comnie les cartes géo-
graphiques , & Ton a luivi, autant qu'il
t^toît polïibie, la pofiiion refjoedive des
ciijnats.
Le Chien de Berger efl la Touche de
Tarbrc : ce chien tranfporté dans les cli-
mats rigoureux du Nord , s'cfl: enlaidi
3i rapetiiîé chez les Lnppons , & paroît
s'être maintenu, & même perfedionné ,
en Iflandc, en Ruffie, en Sibérie , dont
le climat cft un peu moins rigoureux &
où les peuples font un peu plus civilifé:-.
Ces changemcns font arrivés pnr la feub
influence de ces climats, qui n'a paj
produit une grande altération dans l.i
forme; car tous ces chiens ont les oreille.-»
droites , le poil épais ik long , l'uir fau
i/// Chwfi 56/
vagfi) ^ ils n'aboient j)ns aufll frcquem*
ment ni cfe I.i même manière que ceux
qui, clans des climats plus favorabks ,
fe font pcrfc^lionnos davantage. Le
Chien d'KIande cft le feul qui n'ait pas^
les oreilles entièrement droites, elles font
lin peu piiecs par leur extrémité, aufïi
i'Iflande efl , de tous ces pays du Nord,
l'un des plus anciennement habités par
des hommes à demi-civilifés.
Le même Chien de Berger , tranf-
porié dans des climats tempères , & chez
des peuples entièrement policés, comme
en Angleterre , en France , en Alle-
mignc , aura perdu Ton air fluivage, Tes
oreiiles droites , Ton poil rude , épais âC
long , & fera devenu Dogue , Chien
courant & Mâtin, par ia feule influence
de ces climats. Le Mâtin & ie Doorue
ont encore les oreilles en partie droiies ,
elles ne font qu'à demi pendantes , & ils
refTemblent afTez par leurs mœurs & par
leur naturel flinguinaire , au chien duquel
ils tirent leur origine. Le Chien courant
eft celui des trois qui s'en éloigne le
plus , les oreilles longues , entièrement
pendanics , la douceur , la dociliié , & ,
Q iii;
|! i.
;i ■ 1
3 6 3 Hifloire NatunUe
jfi on peut le dire , la
tiniidiîc cic ce
le
chien , iont autiint de preuves de la
grande dcgcneraiion , ou, fi l'on veut,
de Ja grande pcrlcdion cju*a j^roduite
une longue donitliicié , joinic à une
cducation (oignee ik. fuivie, : *i
Le Chien courant , le Braque <5c le
Baffet ne font qu'une feule ^ même rate
de ch
icr
i
1 a remarque que oai^s
la même ponte il fc trouve aOez louvent
des chiens courans , des braques & des
Laflets , quoique la Lice n'ait été cou-
verfe que par Tun de ces trois chiens.
J'ai accole le Brique de Bengale :iu
Braque, commun , parce qu'il n'en dif-
fère en tiîèt cjue par la robe qui tifc
mouchetée; & j'ai joint de même le
Baflet à jambes torfes au Baflèt ordinaîu*,
parce que le défaut dans les jambes de
ce chien ne vient originairement que
d'une maladie femblable au rachiiis^ dor.t
quelques individus ont été attaqués, <Sc
dont ils ont tranfmis le refuliat , qui
cft la déformation des os , à leurs ^'iî-
cendans. - ' * -> i
Le Chien courant tranfporté en Ef-
pagne <3^ en Barbarie, où prcfque tous
■I
qui
:é CI
fue ôc le
ême race
:|ue (Jajis
(ou vent
fS ÔL di-5
■té cou-
chiens,
igale :iu
"en cli(-
qui tit
lênie le
rdimufc",
bes de
m que
s , dont
lies, ik
, qui
rs dci-
en Ef-
pe tous
^v C//!e/h 3^9
fcs anîjnaux ont le poil fin , long &
fourni, fera devenu F,j)igneui (^ Birbet :
le grand ôi le petit Lnagneul qui ne
dificient que par la tai le , triiirponés
en Angicierrc , ont changé de couleur
du blanc au noir, & font devenus, par
i'infîuence du climat, grand & petit Gre-
dins, auxquels on doit joindre le Pyrame
qui n'eil qu'un Grcdin noir comme les
autres y mais marqué de feu aux quatre
pattes , aux yeux & au mufcau.
Le Mann tranfporté au nord , efl
devenu grand Danois, & tranfporté au
midi, cit devenu Lévrier: les grands
Lévriers viennent du Levant, ceux de
taiife médiocre, d'Italie; & ces Lévriers
d'Italie, tranfportés en Angleterre, font
devenus Levrons , c'eil-à-dire , Lévriers
encore plus petits.
Le grand Danois tranfporté en Irlande,
en Ukraine, en Tartaric, en Epire, en
Albanie, e(t devenu Chien d'Irlande ^
ÔL c'ell le plus grantl de tous les chiens.
Le Dogue tranfporté d'Angleierre eiî
Danemarck , efl: devenu peut Danois ,
6l ce même peiit Danois, tranfporté
d^i;} ki G^kims chuuds; efl devenu
Qv
i -i
[370 Hijlolre Naturelle
Chien-turc. Toutes ces races, avec leurs
variétés , n'ont été produues que par
l'influence du climat , jointe à la dou-
ceur de l'abri, à TefFet de la nourriture,
& au réfultat d'une éducation (oignée ;
les autres chiens ne font pas de races
pures , & proviennent du mélange d«
ces premières racci>: j'ai marqué par des
lignes ponduées , la double origine de
ces races méiivcs»
Le Lévrier & le Matin ont produit
le Lévrier métis, que l'on appelle aufîl
X>eyrier a poil de loup; ce métis a le mufeau
moins effilé que le franc lévrier, qui eft
très- rare en France.
Le grand Danois & ïe grand Épa-
gncul ont produit cnfemble le Chien
de Calabre, i\u\ eft un beau chien à
longs poils touffus, & plus grand par
la taille que les plus gros mâtins.
L'Epagneul & le Baflet produifent uû
autre chien que l'on appelle Burgos,
L'Epagneul & le petit Danois pro-
duifent le Chien - lion , qui eft mainte-
nant fort rare.
Les chiens à l
longs poils , fins & frifés
que Ton appelle Boii£es, & qui font é
h tai
lient
L
^ L
Chie
forte
que
gleiei
que
L
gictc
^ T
& vi
pure!
qu'ol
parc(
race
L
vicni
» v1
Ht;
ivcc leurs
que par
lu dou-
Durriture,
(bignt'e ;
de races
ilangc de
é yar des
ligine de
t produit
eIIc aufïl
eniufeaii ^
, qui eft
id Épa-
e Chien
chien ù
and par
iifent uû
ois pro-
mainu-
'#
k frifcs, ;
foui de ■
fhi Clitetu 37^
h taîlîe des plus grands barbets , vien-
nent du grand Epagneul & du Barbet.
Le petit Barbet vient du peut Lpa-
gncul & du Barbet.
Le Dogue produit avec le Matin un
Chien méira que l'on appelle Dogue liê
forte race , qui eft beaucoup plus gros
que le vrai Dogue , ou Dogue d'An-
gleterre, & qui tient plus du Dogue
que du Mfuin.
Le Doguin vient du Dogue d'An-*,
gletcrre 5c du petit Danoi».
Tous ces chiens font des métis fîmplcs , '
& viennent du mélange de deux races
pures ; mais il y a encore d'autres cliiens
qu'on pourroit appeler Troubles métis,
parce qu'ils viennent du mélange d'une
face p'.îre & d'une race déjà mêlée.
Le Roquet eft un double métis qui
vient du Doguin & du petit Danois.
Le Chien d'AIicante eft aufti un
double métis, qui vient du Doguin &
du petit Epagneul.
Le Chien de Malte ou Bichon eft
encore un double métis, qui vient du
petit Epagneul & du petit Barbet.
Enfin ii y a des chiens qu'on pourrdî
Qvj
\v:
il '
572 Hijtoire Naturelle , drc*
Sippcler Trijj/es méllSf parce qu'ils viennent
du mélange de deux races déjà nitlées
louics deux; tel eil le Chien d'Artois,
liiois ou Quatre-vingt, qui vient du
Doguin & du Roquet, tels iont encore
les chiens que l'on appelle vulguircnicnt
Chiens des rues , qui refJemblent à tous
Ici) chiens en général fans rcfieinbler à
aucun en particulier, parce qu'ils pro-
viennent du mélange de races déjà plu-
fleurs fois iiiéices.
/:■///.• /'/
p. [^y^.X^i
lennent
mêlées
Artois,
ent du
encore
irenicnt
à tous
nbler à
Is prd-
:jà plu-
-, - ïl:i-
/iiiit/iî t 'i.u.'
J;K (illANJ)J)ANOlS
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k.w*v,
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épier
37 f
LE CHAT.
LE Chat eft un domeflique infi jèfe^
qu'on ne garde que p;ir wéno-^^wi^ f
pour l'oppoler à un autre *^^v \ do-
mellique encore plus incominot., , t<i
qu'on ne peut chtvfîer : car nous ne
comptons pas les gens qui , ayant dil
goût pour toutes les bêtes , n'éfèv'cnt
é<i<, chats que pour s'en amufer ; l'un ell
l'nfage , l'aut/e l'abus ; & quoique ces^
animaux , (ur-tout quand ils font jeunes^
aient de la gentillefîe, ils ont en mêintf
temps une malice innée, un caradèrC
faux < un naturel pervers , que t'age'
augmente encore, & que l'éducation nef
fait que mafquer. De voleurs déterminésy
ils deviennent leuîcment , lorfqu'ii > font
Lien élevés, fou pies & flatteurs comme
les fripons; ils ont la même adrcfic, la
même fubtilité, le même goût p'.^ur faire
le mal , le même penchant à la petite
rapine ; comme eux ils fa vent couvrir
leur marche , diffimuler leur deflein ,
épier le;> occafions, attendre, choiiir.
D
I
il'
li
"374 Hljlohe Naturelle
laifir l'inflant de faire leur coup , fe
dérober cnlliite au châtiment , fuir <&
demeurer éioigfiés jufqu'à ce qu'on les
rojxpelle. Ils prennent aifc'ment des habi-
tudes de fociéic , mais jamais des mœurs :
ils n'ont que l'apparence de l'attache-
ment; on le voit à leurs mouvemens
obliques , à leurs yeux équivoques ; ils
Kc regardent jamais en face la perfonne
aimée ; foit défiance ou faufîeté , ils
prennent des détours pour en approcher^
pour chercher des carelî^s auxquelles
lis ne font ienfibles que pour le plaifir
qn'elles leur font. Bien différent de cet
animal fidèle , dont tous les leniimcns fe
rapportent à la perfonne de fon maître ,
le chat paroît ne feniir que pour foi ,
n'aimer (|ue fous condition, ne fe prêter
au commerce que pour en abuler; & par
cette convenance de naturel, il elt moins
incompatible avec l'honime qu'avec le
chien dans lequel touteft fincère.
La forme du corps & le tem^>érament
font d'acord avec le naturel , le chat tffc
joli , léger , adroit , propre & volup-
tueux: il aiine fes ailes, il cherche les
meubles les plus moileis pour à' y repolir
& s
l'amo
inau:
fuir (Ss
fu'on fc3
ies haLi-
mœurs :
atiachc-
avemens
jucs ; ils
^Tfoniie
été , ils
:jrocI)er,
X quelles
e plaifir
i de cet
mens fe
maître ^
^wï loi ,
è prêter
; & par
t moins
avec le
•
s'ram ent
chat fft
voluD-
che les
repofèr
If/// ChûU '375'
h s'ébattre : il eft aufîi très - porte à
Taiiiour, & . ce qui eft rare dans les ani-
maux , la femelle paroît être plus ardente
que le mâle ; elle i'inviie , elle le cherche ,
elle l'appelle , elle annonce par de hauts
cris la fureur de fes defirs , ou plutôt
l'excès de fes bcfohis, & lorfque le mâle
la fuit ou la dégaigne , elle le pourfuit ,
le mord , & le force pour ainfi dire à la
faiiifaire , quoique les approches foient
toujours accompagnées d'une vive dou-
leur. La chaleur dure neuf ou dix
jours , & n'arrive que dans des temp«
marqués ; c'efl ordinairement deux fois
par an, au priniemps & en automne, &
îouvent aufîi trois fois, & même quatre.
Les chattes portent cinquante - cinq ou
cinquante- fix jours; elles ne produifent
pas en aufli grand nombre que les
chiennes; les. portées ordinaires font de
quntre , de cinq ou de fix. Comme les
mâles font fujets à dévorer leur progé-
nhure , les femelles fe cachent pour
mettre bas ; & lorfqu'elles craignent
qu'on ne découvre ou qu'on n'enlève
leurs petits , elles les tranlponent é^^xa
J7^ Hljlotre Ndtiirelk
des trous «5c dans d'autres lieux îgnnrt's
ou inaccedibics ; & après les avoir allai es
pendant (|uel(|uc5 Icinaines , elles leur
ii()porient des fouris , des petiis oHcaux ,
& les accouiimicnt de bonne heure ;t
manger de ia chair : mais par une bizar-
rerie diliicile à comprendre , ces même*
mères, ii ibigneufes & li tendres de-
viennent quelquefois cruelles , dcnatu-
re'es, & dévorent aulïi leurs petits qui
leur ctoient fi chers.
liCS jeunes chats font gais, vifs, joiis,
^ fèroîent aufTi très - propres à amulèr
ies cnfins fi les coups de patte n'ètoicnt
pas à craindre; mais leur badimgc ,
quoique toujours agréable & léger, n'clk
jamais innocent , &l bientôt il fe tourne
en malice hajjituellc ; & comme ils ne
peuvent exercer ces lalcns avec quelque
avanfnge que fur les plus petits aniinau>f ,
ys fe luettenr à l'affût près d'une cage ,
ils épient les oifcaux, les fouris, ies rats,
ÔL deviennent d'eux-mêmes, (î^ (ans y
ctrc drcifés plus ha! vies à la cha(îe que
les chiens les nfieu : inllruits. Leur na-
turel, canemi de toute co^KraiiuC; ic3
rend
Oi\ r
grecs
drcdé
tuer
fellce
genér
(|ue
ils fc
allez
{fu Chat*
377
r allai; es
^^^ leur
|lieurc ;{
mé/nei
Ires dc-
IcJenatu-
lits (jui
'> jolfs,
amulèr
t'toictu
Jlnigc ,
r, n'elè
tourne
ils ne
[uelque
iiJiau>f ,
cage ,
es rats,
fans y
fe qucr
Lir na-
e., les
rend incapables d'une éducation fui vie-
Oii raconte néanmoins cjue des moines
grecs * de I ile de Chypre , avaient
drefré «.les chats à chaflcr, prendre &
tuer les icrpens dont ceuc île éioit in-
fellée , mais c'tioit plutôt par le goût
général cju ils ont pour l.i dcrtruélion,
(|uc par ohtiiîànce (ju'iis clialîoient ; car
ils fe pluifcnt à épier, attaquer d déiruire
afîcz indiiFcremment tous \qs animaux
foihlcs , comme les oileaux , les jeunes
I.ipins, les levreaux , les rats, les fouris ,
les mulots , les chauve- (iniris , les tau j es,
les crapauds, its grenouilles, les lézards <5t
les fcrpens. Jls n'ont aucune docilité, ris
manquent axifii de la lincfîe de î'odorat,
cjui clans le chien font deux cju iliiés émi-
nenies ; aufli ne pouifuivcnt-ils pas les
animaux qu'ils ne voient plus, ils ne les
cliaiîent pas, niais ils les attendent, les
atuK|uent par furj)ri(é , i^ après s'en être
joués long- temps ils les tuent (iins aucune
iiécefTné, iors même (ju'ils font le mieu>c
nourris & qu'ils n'ont aucun bei(>in de
cette proie pour faiiifairc leur appétit.
* Dcfcrîption des j!e5 de l'ArcInj-iel , par DjppGj?,
ii!
'378 Rtjlohe Ncitinerie
La caiifc pliyfique la plus immccîmt*
^c ce penchant qu'ils ont îi c])ier ^
fuf'prcndre les autres animaux , vient de
l'avantage que leur donne la confor-
mation particulicre de leurs yeux. La
pupille dnns llionimc, comme dans la
plupart des animaux , eft capid^îe d'un
certain degré de contratîlîon <5c de dila-
tation ; elle s'élargît un peu lorl'que la
lumière manque, & fe rétrécit lor (qu'elle
devient trop vive. Dans rocil du chat
ù. des oileaux de nuit, cette contradion
ôi. cette dilatation font fi confidérables ,
que la pupille, qui dans l'oblluriié cf!
Tonde & i.irge, devient au gnuid jour
longue & étroite comme une ligne , &
dès- lors ces animaux voient m"cux la
nuit que le jour, comme on le remarcjue
dans Ici chouettes, les hiboux, &c. car
la forme de la pupille e(l toujours ronde
dès qu'elle n'ell pas contrahuc. Il y a
dune contra»51ion continuelle dans l'œil
du chat pcTidant le jour, & ce n'ell ,
pour ainfi dire, que par cfT )rt qu'il voit
a une grande lumière ; au lieu que uans
le crépulcule, la pupille reprenant (on
ctat nature! , il voit pL.r faite meut , ^
ifitc
#1^
^^
vient (le
conFor-
ux. La
ciun.s fa
^^•'e d'un
de diliN
'que la
rqu'tfle
Ju chat
fradion
■"labfes ,
riié ef!
d jour
ne, ôc
veux Ja
marque
5:c. car
' ronde
n y a
s l'œil
n'eli,
ii voit
e dans
it fou
//« C/Mt. 375)
profite Je cet avantage pour rcc€n«
noître, attaquer Ôi furp rendre les autres
animaux.
On ne peut pns dire que Tes chats ,
quoiqu'habiuuis de nos niaifons , foient
des aiiijnaux entièrement domedicjues ;
ceux qui font le mieux apprivoiU's n'en
font pas plus afîèrvis : on peut même
dire cju'iis font entièrement libres , ils
refont que ce qu'ils veulent, Ôi rîcii
au monde ne feroit capable de les retenir
un inftant de plus dans un lieu dont
ils voudroient s'éloigner. D'ailleurs \st
piuj)ari font à demi-Ihuvages , ne con-
noilTcnt pa^ leurs maîtres, ne fréquentent
que les greniers & les toits , & quelque-
fois la cuifine &. l'office, lorfque la faim
les prcfTe. Quoiqu'on e%i élève plus que
de chiens , comm/ on les rencontre
rarement, ils ne f nt pas fenfaiion pour
le nombre , aufH prennent - ils moins
d*attac bernent pour les perfonnes que
p(»)ur les maifons : larfqu'on les tranf-
pone à des diftances afîcz confidérables ,
comme à une lieue ou deux , ils re-
viennent d'eux-mêmes à leur grenier,
ôc c'lU ai'parcmmem parce qu'ils ai
38a Hifloire Naturelle
connoîiïent tomes les retraites à fourîs ^
toutes les ifîues, tous les pafîages , &
que ia jiieine du voyage efl moindre
que ccife qu'il faudroit prendre pour
acquérir les mêmes facilités dans un nou-
veau pays. Ils craignent l'eau , le froid
ëi \t^ mauvaifcs odeurs ; ils aiment à fe
Tenir au foleii : ils cherchent à fc crîter
clans les lieux les pkî3 chraids , derritre les
chewirnécs ou dans les foiîrs ; ils aiiiicr.t
aufîi les parfums, & fe laiffent vcioniicis
prendre (îk carefTer par les jjerfonnes qui
en portent : l'odeur de cette plante qi;c
l'on appelle VHtrbe - aux - ehûts , les
remue fi fortement 6l fj utncicuknie'/.l ,
qu'ils en paroilfent iranfporiei. de plaliir,
On çft oblige , pour conlèi ver cete
plante dans Jes jardins , de l'entourer d'un
treillage fermé ; îcj chats la fentent de
loin , accourent pour s'y frotter, ])ul!cit
& re[);irfcnt {^\ fou vent ])ar-deflu5, cpjMs
la dctruiicnt en peu de temps.
A quinze ou dix- huit mois, ces nni-
inaux ont pris tout leur accroi(îeFncn: ;
ils font aulîî en état d'crcrendrer avpnt
l'âge d'un an, c^ peuvent s .^ccoujVtT
pendant louie kur vie, qui ix i'tiicnd
quor
briUe
près
au d(
^u Clutt. 381
••iRr€ au-delà de neuf ou dix ans; ils (ont
ccj)cndant très-durs, très-vivaces, & ont
plus de nerf ôl de reflbrt que d'autres
Animaux qui vivent plus long- temps.
Les chats ne peuvent mâcher que
îentemcnt & difficilement , îeur.s utnts
ioiu il cour:es & li mal pM^lecs qit'eilcs
ne {eur fer vent q^ïi dichi/e; & noii pas
à hroycY les aiinieas; auffi cherchcni-iis
de préférence, tes viai:dci ies plus te:\dresj
ils aiment le poiffcn & le niun^ciu cuit
ou crud ; ils boivent frcqueinment ; leur
fommeii eftic'ger, & ils dorment moins
qu'ils ne font ièrablant de dormir ; ils
marchent légèrement , prefqne toujours
en filcnce 6c fans faire aucun bruit; ils (e
cachent & s'cloignem pour rendre leurs
cxcrémens ik les recouvrent de terre.
Comme ils font propres, & que leur
robe e(l toujours fèche & iuftrée , leur
poil s'élcdriie aiîément, & l'on en voii:
fortir des étincelles dans l'oblcurite lor(^
qu'on le frotte avec la main: leurs yeux
brillent auffi dans les ténèbres , à peu
près comme les diiunans, qui réfléchiflcnt
au dehors pendant la nuit la lumière doiu
•382 Htfloïn NcifiircHe
\h fe font, pour ainfi dire, imbibes pen-
dant le jour.
Le chat fàuvage produit avec [e
chat domeftique , &. tous deux ne font
par conféquent qu'une feule & même
efpèce : il n'efl: pas rare de voir des
chats mâles & femelles quitter les maifons
dans le temps de la chaleur pour aller
dans les bois chercher les chats fàuvages ,
& revenir enfuite à leur habitation ; c'cft
par cette raifon que quelques-uns de
nos chats domeftiques refîèmblent tout-
à-fait aux chats fiuvagcs ; la différence
îa plus rceile cft à l'intérieur , le chat
domeftique a ordinairement les boyaux
beaucoup plus longs quck chat fauvage,
cependant le chat fauvage eft plus fort
& plus gros que le chat domeftique ,
il a toujours les lèvres noires, les oreilles
plus roides , la queue plus grofle de
ics couleurs confiantes. Dans ce climat
on ne connoît qu'une efpcce de chat
fauvage , & il paroîc par le témoignage
àes voyageurs que cette efpèce le re-
trouve aulli dans prefque tous les climats
iàns être fujettc à de grandes variétés;
II.
JCS
pen.
avec fe
ne font
& même
voir des
s maifons
our aller
àuvages ,
)n; ccft
-uns de
ent tom-
ifférence
le chat
boyaux
fauvage,
3ÎUS fort
leftique ,
s oreilles
Toflc et
€ climat
de chat
oignage
î le rc-
i climats
aricics ;
iJd Chdt»
le
8
3
du
n y en avoît dans le continent du nou-
veau Monde avant qu*on en eût fait la
dtcouvcrte ; un cbafîcur en porta un
qu'il avoit pi-is dans les bois, à Chrif-
tophe Colomb (a), ce chat ^loît d'une
groffeur ordinaire, il avoit le poil gris-
brun , la queue très-longue & très-forte,
II y avoit auffi de ces chats fauvages au
Pérou (b), quoiqu'il n'y en eût point de
domeftiques; il y en a en Canada (cj,
dans le pays des Illinois, &c. On en a
vu dans pîuficurs endroits de l'Afrique ,
comme en Guine'e (d), à la Côte d'or,
s Madagafcar (e) où les natureb du pays
avoient même dts chats domeftiques ,
au Cap de Bonne - cfpérance (fj ovi
Kolbe dit qu'il le trouve aufîi des chats
{ hsl) Vie de Chriftophc Colomb, 11* partit ^
page 167.
(h) Hiftoire des încas, tome II , page 112»
(c ) Miftoire de la nouvelle France par fe Père
Gharlevoix, lome III, page -^07.
{<{) Hirtoire générale des voyages, par M* l'abhé
Prevôl, tome IK page 2)0,
(e) Relation de François Gauche. Paris , téfii
^age 22 j.
(f) Defcription du Gap de Bonnc-elpcrancc ^
J»r Kolbc, page ^^,
3S4 Hîflinre Naturelle
fauvagcs de couleur bleue , quoîquea
peiit iioinbre : ces chats bteus , ou
plutôt ccrulcur d'ardoilè, le retrouvent
en A fie. c< il y a en PciTe , dit Pietro
33 délia Vallc (g), une efpèce de chats qui
î> lorjt piroprement de la province du
>3 Cliorazan; leur grandeur & leur forme
>> cil comme celle du chat ordinaire ;
» leur beauté confiUe dans leur couleur
» & dans leur poil , qui eft gris laiis
53 aucune moucheture 6c iàns nulle tache,
>3 d'uiKfinême couleur par tout le corps,
>5 il ce n cil qu elle cil un peu plus
33 obfcure fur le dos & fur fa tête , <5c
>5 plus claire fur la poitrine & fur le
33 ventre , fjui va quelquefois jufqu'à
>3 la blancheur , avec ce tempérament
>3 agréable de clair - obfcur , comme
30 jjarlcnt les Peintres , qui , mclés Tun
3J dans l'autre font un merveilleux effet :
>y de. plus leur poil cil délié, lin , lullré,
» mollet , délicat comme la loie , & li
ïïloiig, que qnoi((u'ii ne Toit j):ii hé-
3> rifîé , mais couehé , W ell: am:cîé en
» quelques endroits, ^ piirticulicremcnt
(g) Voyages dt Pietro ddla Vallc , terne V, pa^cs ç S
ious
uoiquca
ÎUS , ou
trouvent
Pietro
:hats qui
ince du
ir forme
dinairc ;
couleur
ris (lins
e tache,
; corps,
îu plus
tête, <5:
fur fe
jufqu'à
î rament
comme
lés l'un
K effet :
ludre',
, & il
:\i hc-
cic ejî
reiijciu
Vû^c-S p S
fous
</// C/iat 385
ibus la gorge. Ces chats font entre ies ce
antres chats cc que ies barhcts font «
entre les chiens : le plus beau de leur ce
corps cft la queue , qui efl fort longue ce
& toute couverte de poils longs de «c
cinq ou fix doigts ; ils i'étendeni & ia ce
renver(ènt fur leur dos comme font les ce
écureuils , la pointe en haut en forme ce
de panache ; ils font fort privés : les ce
Portugais en ont porté de Perfc juf- «
qu'aux Indes. » Pietro della Vaiie ajoute
qu'il en avoit quatre couples , qu'il
comptoit porter en Italie. On voit par
cette defcripîion, que ces chats de Perle
reircmblem par la couleur à ceux que
nous appelons c/iûîs chartreux, & qu'à
\i couleur près ils reflemblent parfaite-
ment à ceux que nous appelons chats
d' Angora. Il efl donc vraifembiable que
les chats du Chorazan en Pcrfe , le chat
d'Angora en Syrie & le chat chartreux
ne font qu'une même race , dont ia
beauté vient de l'influence particulière
du climat de Syrie, comme les chats
d'Efpagnc , qui font rouges, blancs &
roirs , ai dont le poil efl aulFi très-doux
& très-luflré, doivent cette beauté à
Tome VL R
386 Hifwire NaîurcJk
i'infîuence du climat de l'Efpagnc. On
peut rlire rn générai , que de tous ies
climats de ia terre habitable, celui d'Ef-
pagnc & celui de Syrie font les plus
favorables à ces belles variétés de la
Naiure; \es moutons, les chèvres, les
chiens, les chats, les lapins , &c. ont en
Efpagne & en Syrie ia plus belle iaine ,
les plus beaux ôc les plus iongs poiis ,
les couleurs les plus agréables 6c les plus
variées : ii fèmble que ce climat adou-
cifie la Nature & embeilifîe ia forme de
tous ies animaux. Le chat fiuvagc a les
couleurs dures & le poil un peu rude ,
comme ia plupart des autres animaux:
fauvages ; devenu domcfîique, ie poil
s'cfl: radouci, ies couleurs ont vnrié , &
<lans le climat favorable du Chorazan ik.
de ia Syrie le poil eft devenu plus iong,
plus fin , plus fourni , & les couleurs fe
font uniformément adoucies , le noir &
ic roux font devenus d'un brun- clair ,
Je gris- brun cft devenu gris -cendre,
& en comparant un ciiat fiuvage de
nos forêts avec un chat chnrircux , on
verra qu'ils ne diffèrent en effec que pnr
cette dégradation nuancée de couleurs;
"11- i
ff. On
)us les
s plus
de Ja
2S, les
Dnt en
laine ,
poils ,
?s plus
adou-
nie de
: a les
rude,
imaux:
e poif
ié , &
zan ëc
long,
;urs fc
lOfr (Se
clair ,
ndrc,
;;e de
: , on
c par
eurs;
Ju Cfiaf, 387
«nfuiîe , comme ces animaux ont plus
ou moins de blanc fous le ventre & aux
côtés , on concevra aifément que pour
avoir des chats tous blancs & à loncrs
poils, tels que ceux ~ que nous appelons
proprement chats d'Angora , il n'a fallu
que choifir dans cette race adoucie ceux
qui avoient le plus de blanc aux côtés
^ fous le ventre , & qu'en les unifTant
cnfemble on fera parvenu à leur faire
produire des chats entièrement blancs ,
comme on l'a fait aulîi pour avoir d^s
lapins blancs , des chiens blancs , ÛQ^
chèvres blanches, des cerfs blancs, des
daims blancs , &c. Dans le chat d'Ef-
pagne , qui n'ell qu'une autre variété
du chat fiuvnge , les couleurs, au lieu
de s'être affbiblies par*'nuanccs uniformes
comme dans le chat de Syrie, fc font,
pour ainfî dire , exaltées dans le climat
d'Efpagne & font devenues plus vives
& plus tranchées , le roux cft devenu
j)rc(que rouge , le brun eit devenu noir,
ôi le gris eft devenu blanc. Ces chats y
tranfportés aux îles de l'Amérique ont
confèrvé leurs belles couleurs & n'ont
pas dégénéré : « 11 y a aux Aiifiiles,
R ij:
388 Hiflolre Naturelle
y> dit le P. du Tertre , grand nombre d«
>3 chats , qui vraifembiablement y ont
» été apportés par ics Efpagnols , la
>• plupart font marqués de roux , de
y> blanc & de noir : plufieurs de nos
» François , après en avoir mangé la
>5 chair , emportent les peaux en France
» pour fes vendre. Ces chats , au com-
» mencement que nous fumes dans la
»î Guadeloupe , étoient tellement accou-
y» tumés à le repaître de perdrix, de
» tourterelles, de grives & d'autres petits
» oiièaux , qu'ils ne daignoient pas re-
>5 garder les rats ; mais le gibier étant
» aduellemcnt fort diminué , ils ont
» rompu la trêve avec les rats , ils leur
font bonne guerre (a), &c. » En gé-
néral fes chats ne- font pas , comme les
chiens , fujets à s'altérer & à dégénérer
lorfqu'on les tranfporte dans les climats
chauds.
ic Les chats d'Europe , dît Bofman ,
» tranfportés en Guinée , ne font pas
>> fujets à changer comme ies chiens ,
ai(
(a) Hiftoire créncraîe des Antilles, pai: le P» du
nos
igc la
rance
CO'Tl-
ans la
ccou-
<, de
petits
lis re-
étant
ont
leur
Hs gardent la même figure ^BJ, &c. »
Ils font en effet d'une nature beaucoup
plus confiante , & comme leur domefli-
cité n'efl nr auffi entière , ni auffi uni*
verfelle , ni peut-être aufîi ancienne que
celle du chien , il n'efl pas flirprenant
qu'ils aient moins varié. Nos chats do-
mefliques, quoique différent f es uns des
autres par les couleurs, ne forment point
de races difliiii^cs & féparées ; les feuls
climats d'Efpagne & de Syrie, ou du
Chorazan, ont produit des variétés conf*
tantes & qui fè font perpétuées : on
pourroit encore y joindre le climat de
Ja province de Pc-chi-ly à la Chine ^
où il y a des chats à longs poils avec
l€s oreilles pendantes , que les dames
Chinoifes aiment beaucoup fcj. Ces chats
domefliques à oreilles pendantes, dont
nous n'avons pas une plus ample defcrip-
tion, font fluis doute encore plus éloignés
que le> autres qui ont les oreilles droites,
de la race du chat fauvage, qui néan-
f B J Voyage de Guinée par Eofinan , j>agi
(c) Hifloire générale cfes voyages, par M. l'abbé
Prev<>t, lomc VJ, page 10»
R iij
j^o Hifon-e Naturelle
moins cfl: la race originaire & primitive
de tous les chats.
Nous terminerons ici l'hiftoire du
char , & en même temps l'hifloire des
animaux domelliques. Le cheval, l'âne,
Je bœuf, la brebis, la chèvre, le cochon,
ie chien & le chat, font nos feuls ani-
maux domeftiques : nous n'y joignons
pas le chameau, l'éléphant, le renne ^
les autres , qui , quoique domdliques
ailleurs, n'en font pas moins étrangers
pour nous , & ce ne fera qu'après avoir
ilonné l'hilloire des animaux fmvages
de notre climat que nous parlerons iï<i^
animaux étrangers. D'ailleurs, comme ic
chat n'efl: , pour ainfi dire , qu'à dcmi-
domelliquc , il fait la nuance entre les
animaux domeftiques & les animaux
fauvagcs : car on ne doit pas mettre au
nombre des domefliqucs , des voifins in-
commodes tels que les fouris , les rats ,
îts taupes, qui, quoiqu'habitans de noi
maifons ou de nos jardins, n'en font
pas moins libres & (auvagcs , puifqu'au
lieu d'être atiaclies & foumis à l'homme
jis le fuient, & que dans leurs retraites
obfcurcs ils conicrvent leurs maurs ,
(h Chat, 39 1
ïeurs habitudes & leur liberté toute
t litière.
On a vu dans l'hiftoire de chaque
animal doinellicjuc , combien l'éduca-
tion , l'abri , le foin , la main de l'homme
influent fur le naturel , fur les mœurs ,
c^ même fur la forme des animaux*
On a vu que ces caufes, jointes à l'in-
fiucnce du climat, modifient, altèrent &
changent les efpcces au point d'êire
dîfu'ientcs de ce qu'elles étoient origi-
nairement, & rendent les individus (t
d.fïérens entr'cux , dans le même temps
& dans la même efpèce , qu'on auroit
raifon de les regarder comme des ani-
maux diffcrens , s'ils ne confervoient pas
la faculté de {)roduirc cnrcm]:)le des in-
dividus féconds, ce qui fait le caradlèrc
eflentiel & unique de l'efpècc. On a vu
que les dilîércnies races de ces animau>i
domciliqucs fui vent dans les difïérens
climats le même ordre à peu près que
les races humaines ; qu'ils font , comme
ics hommes, y^lus forts, plus prands <&
plus courageux dans les pays froids ,.
plus civililés , plus doux dans le ( ."inat
tempéré; plus lâches, plus foibies &
35>2 HiJIôire Naturelle
plus laids dans les climats trop chauds j
que c'ell encore dins les climats tem-*
pérës & chez les peuples les plus police's
que fe trouvent \\ plus grande diver-
fité , le plus grand mélange & les plus
lîombreufcs variétés dans chaque efpèce ;
& ce qui n'cft pis moins digne de re-
marf|ue, c'eil qu'il y a dans les animau*:
pîufieurs fignes évidcns de l'ancienneté
de leur cfcluvage : les oreilles pendantes,
les couleurs variées ; les poils longs &
fins , font autant d'effets produits par le
t«mps , ou plutôt par la longue durée
de leur domcRIcité. Prefque tous les
animaux libres & fliuvages ont les oreilles
droites ; le (anglier les a droites & roidcs^
le cochon domellique les a inclinoes &
demi - pendantes. Chez les Lappons ,
chez les Sauvages de l'Amérique, chez
les Hottentois , chez les Nègres & les
autres peuples non policés , taus les
chiens ont les oreilles droites ; au lieu
qu'en Efpagne, en France, en Angle-
terre, en Turquie, en Pcrfc, à la Chine
& dans tous les pays civilités, la plupart
les ont molles & pendantes. Les chats
domefliques n'oui pas Lfs oreilles û
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z:,^, ,7 UE CHAT BKS CHAl\TUF.UX/> 7^, -, y^. ,
I.l. C MAI DANCiOllA
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roîcîes que les chats fliuvagcs , & l'on
voit qu'à la Chine , cjui cit un empire
très- anciennement policé & où le climat
efl: fort doux, il y a des chats domeftiqucs
à oreilles penclames. C'eil par cette même
railon que la chèvre d'Angora, qui a
les oreilles })endantes , doit être regardée
entre toutes les chèvres comme celle qui
s'eloigi:c le plus de l'état de nature : l'in-
fluence U gér.èrale i3c fi marquée du
climat de Syrie , jointe à la domefticité
de ces arxiniaux chez un peu]:)le très-
anciennement po'icé , aura produit avec
le temps cette v:iriété, qui ne fe ma'n-
tiendroit }-:.s dans un aune climat. Les
chèvres d'Angora nées en France n'ont
pas les oreilles aufîi longues ni aufîi
pendantes o\i\\\ Syrie, & reprendroient
vrailtmblab'cmcnt les oreilles & le |)oil
de nos chèvres après un certain nombre
de générations.
Fin du Jixième volumCé
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