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Full text of "Lectures sur les pêcheries données à la chambre de lecture de Saint-Roch, les 21 décembre 1852, et 21 février 1853 [microforme]"

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IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


1.0 


1.1 


2.0 


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Sciences 

CorporaliGn 


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WISSTn,N.Y.  145S0 

(716)«72-4S03 


CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICIViH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Instituts  for  Historical  Microreproductions  /  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


Technical  and  Bibliographie  Notas/Notas  tachniquaa  at  bibliographiquas 


Tha  Instituta  haa  attamptad  to  obtain  tha  baat 
original  copy  availabla  for  filming.  Faaturaa  of  thi« 
copy  which  may  ba  bibliographically  uniqua, 
which  Piny  altar  any  of  tha  imagaa  in  tha 
raproduction,  or  which  may  significantly  changa 
tha  uaual  mathod  of  filming,  ara  chackad  balow. 


HColourad  covars/ 
Couvartura  da  coulaur 


I      I    Covara  damagad/ 


□ 


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D 
D 


D 


D 


Couvartura  andommagéa 

Covara  raatorad  and/or  lamfnatad/ 
Couvartura  raatauréa  at/ou  paliiculéa 


r~1   Covar  titia  miaaing/ 


Le  titra  da  couvartura  manqua 


□    Colourad  maps/ 
Cartaa  géographiquaa  an  coulaur 


Colourad  ink  (i.a.  othar  than  blua  or  black)/ 
Encra  da  coulaur  (i.a.  autra  qua  blaua  ou  noira) 


I     I   Colourad  plataa  and/or  llluatrationa/ 


Planchaa  at/ou  llluatrationa  0n  coulaur 

Bound  with  othar  matarial/ 
Ralié  avac  d'autraa  documanta 

Tight  binding  may  cauaa  ahadowa  or  diatortion 
along  intarior  margin/ 

La  TB  Mura  aarrée  paut  cauaar  da  l'ombra  ou  da  la 
diatortion  la  long  da  la  marga  intériaura 

Blank  laavaa  added  during  reatoration  may 
appaar  within  tha  taxt.  Whanavar  poaaibla,  thaaa 
hava  baan  omittad  from  filming/ 
Il  aa  paut  que  certainea  pagea  blanchea  ajoutéea 
lora  d'une  reatauration  apparaiaaent  dana  le  texte, 
maia,  loraqua  cela  était  poaaibla,  cea  pagea  n'ont 
paa  été  filméea. 

Additional  commenta:/ 
Commantairea  aupplémantairea; 


The 
totl 


L'InatItut  a  ^^iiicrofilmé  le  meilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  poaaibla  da  aa  procurer.  Lea  détaila 
de  cet  exemplaire  qui  aont  peut-être  uniquea  du 
point  da  vue  bibliographique,  qui  peuvent  modifier 
une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  exiger  une 
modification  dana  la  méthode  normale  de  filmage 
aont  indiquée  ci-daaaoua. 


p~|   Colourad  pagea/ 


Pagea  de  couleur 

Pagea  damagad/ 
Pagea  andomnnagéaa 

Pagea  raatorad  and/o 

Pagea  reatauréaa  et/ou  pelliculéea 

H   Pagea  diacoiourad.  atained  or  foxed/ 
Pagea  décoloréea,  tachetées  ou  piqui 


I — I   Pagea  damagad/ 

I — I   Pagea  raatorad  and/or  laminatad/ 


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The 
poa 
of 
film 


Ori( 

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the 

aior 

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lirai 

aior 

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piquéea 


□   Pagea  detachad/ 
Pagea  détachées 

HShowthrough/ 
Transparence 


Transparence 

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Qualité  inégale  de  l'impression 

Includes  supplementery  materii 
Comprend  du  metériel  supplémentaire 

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Seule  édition  disponible 


I     I   Quality  of  print  varies/ 

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pn   Only  édition  availabla/ 


The 
sha 
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met 


Pagea  whoily  or  partially  obscured  by  errata 
alips,  tissuea.  etc.,  hava  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Lea  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'erreta,  une  pelure, 
etc.,  ont  été  filmées  i  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  image  possible. 


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10X 

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32X 

Th«  copy  filmtd  h«re  h«s  b««n  rtproductd  thankt 
to  th«  ganoroshy  of  : 

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The  images  appearing  hère  are  the  beat  quality 
possible  eonsidering  the  condition  and  leglbillty 
of  the  originel  copy  and  in  keeping  with  the 
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Original  copies  in  printed  paper  covers  are  filmed 
beginning  with  the  front  cover  and  ending  on 
the  lest  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, or  the  baclc  cover  when  appropriate.  AH 
other  original  copies  are  filmed  beginning  on  the 
first  page  with  a  printed  or  illustr«ted  impres- 
sion, and  ending  on  the  last  page  with  a  printed 
oi-  illustrated  Impression. 


The  last  recorded  frame  on  each  microfiche 
shall  contain  the  symbol  — ^-  (meaning  "CON- 
TINUED"),  or  the  symbol  ▼  (meaning  "END"), 
whichever  applies. 

IMaps,  plates,  charts,  etc.,  may  be  filmed  et 
différent  réduction  ratios.  Those  too  large  to  be 
entirely  included  in  one  exposure  are  filmed 
beginning  in  the  upper  left  hand  corner,  left  to 
right  and  top  to  bottom,  as  many  f  rames  as 
required.  The  following  diagrams  illustrate  the 
method: 


Les  images  suivsntes  ont  été  reproduites  avec  le 
plus  grand  soin,  compte  tenu  de  la  condition  et 
de  le  netteté  de  l'exemplaire  filmé,  et  en 
conformité  avec  les  conditions  du  contrat  de 
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Les  exempleires  originaux  dont  la  couverture  en 
papier  est  imprimée  sont  filmés  en  commençant 
par  le  premier  plat  et  en  terminant  soit  par  la 
dernière  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration,  soit  par  le  second 
plat,  selon  le  cas.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration  et  en  terminant  par 
la  dernière  page  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 

Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  Image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  symbole  — ►  signifie  "A  SUIVRE",  le 
symbole  ▼  signifie  "FIN  ". 

Les  cartes,  planches,  tableeux.  etc.,  peuvent  être 
filmés  à  des  taux  de  réduction  différents. 
Lorsque  le  document  est  trop  grand  pour  être 
reproduit  en  un  seul  cliché,  il  est  filmé  è  partir 
de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  è  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécesssire.  Les  diagrammes  suivants 
Illustrent  la  méthode. 


1  2  3 


1 

2 

3 

4 

5 

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LECTURES 


SUR 


LES  PECHERIES 


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CHAMBRE  DE  LECTURi^ 


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LKS21  DKCKMBKE  1852,  ET  ^.     EVRIER  1853, 


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«F4»»KPH  IIAMF.fi.  Ecr. 


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QUEBEC  : 
Imprimerie  d'AUG.  COTÉ  &  Cie.  ^ 

1853. 


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LECTURES 


SUR 


LES  PECHERIES 


DONNÉES  A   LA 


CHAMBRE  DE  LECTURE  DE  SAINT.ROCH, 


LES  21  DECEMBRE  1862,  ET  21  FEVRIER  1853, 


PAR 


«rOSJBPH  HAMlSIi,  i:cr« 


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QUEBEC : 
Imprimerie  d'AUG.  COTÉ  &  C». 


1853. 


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LECTURES 

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DONNÉES  À   LA 

CHAMBRE  DE  LECTURE  DE  ST.  ROCH, 
Les  21  décembre  1852,  et  21  février  1853, 

PAR 

JOSEPH  HAUEL/rEcr. 


La  pèche  est  un  art  dont  l'origine  remonte  aux 
premiers  âges;  car  Thomme,  avant  tout,  fut  chas- 
seur ou  pêcheur,  suivant  les  conditions  d'existence 
dans  lesquelles  il  se  trouva  placé.  Les  peuples  in- 
sulaires, ceux  qui  habitent  les  bords  de  la  mer  ou 
les  embouchures  des  fleuves,  se  sont  exercés  de  tout 
temps  à  la  pèche  :  la  fécondité  des  eaux  leur  dé- 
voila des  ressources  qu'ils  surent  mettre  à  profit,  et 
la  nécessité  de  se  procurer  des  aliments  leur  fit  ex- 
ploiter la  mine  abondante  que  les  siècles  n'ont  pu 
tarir. 

Les  différentes  nations  maritimes,  qui  s'exercent 
à  la  pèche,  ont  employé  des  moyens  plus  ou  moins 
ingénieux  pour  s'emparer  du  poisson  suivant  son  es- 
pèce, ses  instincts,  la  nature  et  la  profondeur  des 
eaux  qu'il  fréquente.  C'est  de  l'étude  comparative 
des  divers  systèmes  de  pèche  adoptés,  d'après  le 
genre  d'opérations  auquel  on  se  livre,  et  de  la  con- 
naissance de  ces  procédés  ingénieux,  consacrés  par 
l'expérience,  que  doivent  re::;sortir  d'utiles  enseigne- 
ments pour  l'amélioration  et  les  progrès  de  notre  in- 
dustrie nationale. 


Il  ne  faut  pas  entendre  seulement  par  la  pèche 
maritime^  l'art  de  tendre  un  filet  pour  prendre  du 
poisson.  Lorsqu'on  envisage  cette  grande  industrie 
aious  le  rapport  des  moyens  qu'elle  met  on  œuvre, 
des  avantages  qu'elle  procure  au  pays  qui  l'exerce, 
des  services  qu'elle  rend  et  des  résultats  auxquels 
elle  peut  atteindre,  elle  acquiert  bientôt  à  nos  yeux 
une  très-haute  importance  Si  j'avais  ît  vous  faire 
ici  l'histoire  des  pêches  qui  s'exécutent  en  mer,  je 
ne  saurais  me  borner  au  simple  exposé  des  méthodes 
<ai  usage  chez  telle  ou  telle  nation,  ni  me  restrein- 
dre aux  considérations  qui  résultent  de  l'étude  de 
cette  industrie  au  point  de  vue  économique  ;  mais 
je  devrais  aussi  embrasser  les  événements  politiques, 
les  guerres,  les  traités,  les  cessions  de  territoire  dont 
la  pêche  a  été  le  prétexte  ou  la  cause  ;  examiner  la 
question  des  primes  et  des  encouragements  ;  tenir 
compte  des  développements  progressifs,  des  circons- 
tances qui  tantôt  ont  influé  sur  la  décadence  de  la 
pêche,  et  tantôt  l'ont  portée  au  plus  haut  degré  de 
prospérité.  Il  faudrait  vous  initier  dans  la  connais- 
sance et  les  différentes  espèces  et  qualités  de  pois- 
sons qui  constituent  les  meilleurs  produits,  parler 
des  divers  procédés  de  préparations  pour  les  conser- 
ver et  les  rendre  propres  à  être  transportés  au  loin  j 
traiter  des  échanges,  des  armements,  des  expédi- 
tions maritimes  dont  ces  produits  sont  la  matière  ou 
l'objet.  Il  s'agirait  encore  de  faire  connaître  toutes 
les  entreprises  que  la  pêche  provoque,  les  moyens 
d'en  assurer  le  succès,  les  dépenses  qu'elles  entraî- 
nent, le  personnel  qu'elles  employent,  les  ressources 
et  les  bénéfices  qu'elles  procurent  ;  le  droit  domanial 
sur  les  côtes  de  la  mer  que  nous  occupons  et  ses  li- 
mitations dans  les  parages  où  elle  s'exerce,  qui  sont 
aujourd'hui  une  pomme  de  discorde  entre  la  mère- 
patrie  et  les  Etats-Unis,  et  qui  pourraient  devenir 
la  ruine  du  Canada  si  l'Angleterre  cédait  un  pouce 
du  littoral  en  dedans  de  la  ligne  voulue  par  le  traité 
de  1818.  Ces  droits  ne  sauraient  non  plus  être  ou- 
bliés î  mais  comme  il  serait  impossible  de  faire  ren- 


trer  autant  de  détails  dans  un  cadre  aussi  limité  que 
l'est  celui  d'une  lecture  d'une  soirée,  pour  complé- 
ment de  cette  masse  d'instruction  que  je  voudrais 
répandre  et  populariser,  j'appellerai  votre  attention 
sur  l'origine  et  les  développements  graduels  des 
pèches  en  général,  sur  les  développements  dont  les 
pêcheries  du  golfe  St. -Laurent  sont  susceptibles,  et 
sur  los  avantages  que  retireraient  les  habitants  do 
Québec  et  du  Canada  en  général,  et  encore  plus  di- 
rectement les  habitants  de  Saint-Roch,  en  se  livrant 
à  cette  branche  d'industrie. 

Je  vais  commencer  par  l'origine  des  pêches  et 
leurs  développements  graduels. 

Si  l'homme,  avant  tout,  fut  pêcheur,  il  s'ensuit 
que  la  pêche  fut  connue  dés  la  plus  haute  antiquité. 
Il  y  avait  anciennement  à  Rome  des  jeux  qu'on 
nommait  Jeu  de  la  pêche  ou  des  pêcheurs.  Festus  dit 
qu'on  les  célébrait  au-delà  du  Tibre  le  7  juin,  et  que 
c'était  pour  les  pêcheurs  du  Tibre  qu'ils  se  fesaient. 
Ovide  et  Rosinus  en  parlent. 

Jésus-Christ,  f->urses  apôtres,  prit  des  pêcheurs 
et  en  fit  des  pêcheurs  d'hommes.  Piine,  Martial, 
Juvénal  et  Pétrone  ont  vanté  les  délices  de  la  pêche 
et  de  ses  produits.  Il  reste  un  poëmo  d'Oppien,  sur 
la  pêche,  où  l'on  trouve  que,  du  temps  de  St.-Ba- 
sile,  les  pêcheurs  s'emparaient  de  la  baleine  sans 
plus  de  façon  que  le  savoir-faire  des  hameçons  atta- 
chés à  des  outres  flottantes:  cette  histoire  me  puruit 
cependant  digne  de  faire  pendant  au  cheval  rempli 
des  hameçons  qui  ont  enlevé  la  ville  de  froie  ! 

M.  Andersen,  qui  vivait  en  1700,  duns  sun  Viis- 
toire  du  commerce,  donne  aux  écossais  liiic  con- 
naissance très  ancienne  de  la  pêche  duliareng.  Il 
dit  que  les  Flamands  visitèrent  leurs  côtes  d»  s  l'an 
née  836  pour  y  acheter  du  poisson  sulù  dc:s  NiiUucJs 
du  pays;  mais  ils  leur  en  imposèrent,  appriunt  leur 
art  et  s'emparèrent  du  commerce  qui  a  j)!iis  Uird 
produit  de  si  grands  profits  en  Allemagne. 

En  1603,  c'est  à  dire  à  peu  près  800  ans  pljs  tard, 
les  Allemands  vendirent  du  hareug  pour   la  ^ommc 


^niorme  do  je  1,759.000  sterling.  En  1615,  ils  équi- 
pèrent à  la  fois  2000  bâtiments  et  employèrent  à  burd 
37.000  pécheurs. 

£n  1618,  ils  envoyèrent  3000  navires  montés  par 
50,000  hommes  pour  transporter  le  poisson.  Tontes 
ces  richesses  étaient  amassées  sur  les  côtes  de  PE- 
cosse  et  de  l'Angleterre,  tandis  que  Tuttention  de 
ses  habitants  ne  se  portait  que  sur  la  i^Ache  éloignée 
de  la  baleine.  Co  fiit  pris  entre  maints  autres 
ii'est-il  pas  suffisant  pour  réveiller  notre  attention  sur 
les  richesses  qu'amassent  les  Américains,  les  An- 
glais  et  les  Français  sur  nos  côtes,  dans  la  môme  yiro- 

{)ortion  que  le  fesait  les  Allemands  sur  les  côtes  de 
a  Grande-Bretagne,  il  y  a  deux  siècles? 

Les  Allemands  ont  depuis  plusieurs  siècles  fait  la 
pèche  de  la  baleine  presqu'exclusivcment  et  on  la 
considère  être  une  des  principales  branchcd  de  leur 
commerce  florissant.  Les  principaux  marchands 
s^associcnt  pour  le  faire  et  ils  équipent  chaque  an- 
née une  grande  flotte  pour  cet  objet. 

Ils  tentèrent  de  faire  leur  premier  établissement 
an  Groenland  ;  mais  n'ayant  point  réussi  ils  ont  dé- 
puis fixé  leur  pèche  dans  les  environs  de  la  côte 
occidentale  de  Spitzberg  entre  la  latitude  de  76*^  40' 
àSO''. 

En  1725,  la  compagnie  anglaise  de  la  mer  du  Sud 
commença  à  partager  cette  pèche  avec  les  Alle- 
mands et  par  le  succès  extraordinaire  qu^ilsen  obtine- 
nent,  ils  ont  persisté  depuis  avec  une  activité  tou- 
jours croissante. 

La  France  paraît  cependant  revendiquer  l'honneur 
d'avoir  ouvert  la  voie  aux  autres  nations  maritimes 
pour  l'exploitation  des  deux  pêches  les  plus  impor- 
tantes, celle  de  la  morue  et  celle  de  la  baleine  ;  les 
Basques  portèrent  la  pêche  de  la  baleine  au  plus 
haut  degré  de  prospérité.  Ces  intrépides  marins  s'y 
livrèrent  avec  succès  sur  leurs  propres  côtes  dès  le 
14-6  siècle  ;  plus  tard  ils  entreprirent  de  poursuivre 
les  baleines  à  travers  l'Atlantique  et  les  poussèrent 
jusque  dans  le  golfe  St.-Laurent,  sur  les  côtes  du 


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Canada  :  on  fait  remonter  cette  découverte  à  100  ans 
avant  la  navigation  do  Christophe  Colomb,  Cette 
navigation,  en  les  portant  sur  les  bancs  de  Terre- 
neuve,  leur  fit  remarquer  l'uffluenco  extraordinDiro 
des  morues  dans  ces  parages  et  ajouta  une  industrie 
nouvelle  à  celle  qu'ils  exerçaient  déjà  avec  tant  d'ar- 
deur. 

Les  Basques  français  employèrent  plus  de  9000 
hommes  à  la  pêche  de  la  baleine  :  le  seul  port  de  St. 
Jean  de  Suz  ne  compta  pas  moins  de  60  bâtiments 
baleiniers  jusqu'en  1636. 

Lorsque  les  Espagnols  s'emparèrent  de  cette  place 
14  navires  arrivés  du  Groenland,  chargés  d'huile  de 
baleine,  tombèrent  en  leur  pouvoir.  Cet  événement 
qui  ruina  la  marine  basque,  détruisit  une  industrie 
dont  la  France  avait  retiré  jusqu'alors  les  plus  grands 
avantages. 

Depuis  cette  époque  la  pèche  de  la  baleine  n'a  pu 
reprendre  chez  eux  son  activité  prenière,  malgré 
tous  leurs  efforts  tentés  à  plusieurs  reprises. 

En  1816  h  l'époque  où  les  Français  reprirent  les 
grandes  navigations,  la  pèche  de  la  morne  n'occupa 
d'abord  que  8,000  marins  et  environ  200  navires 
dont  la  jauge  ne  dépassait  pas  3,000  tonneaux. 

Dans  ces  dernières  années  cette  même  industrie  a 
souvent  employé  12,000  marins  répartis  sur  450  na- 
vires jaugeant  55,000  tonneaux  ; — ses  produits  se  sont 
élevés  à  351,841  quarts  de  morue  verte  et  371,887 
quarts  de  morue  sèche,  29,320  qts.  d'huile  de  mo- 
rue épurée,  4886  qts.  de  diache  (huile  non  épurée), 
2443  qts.  de  rogne  (œufs  de  morue)  dont  on  se  sert 
comme  appât  sur  les  côtes  occidentales  de  la  France 
pour  la  pêche  à  la  sardine.  A  ces  450  navires  armés 
pour  la  pêche,  il  faut  aussi  ajouter,  l'activité  que 
cette  grande  industrie  imprime  au  cabotage  pour  le 
transport  d'un  port  à  l'autre  d'environ  27,000  ton- 
neaux de  sel,  par  celui  du  matériel  de  pêche  et  par 
celui  de  son  personnel.  N'oublions  pas  non  plus  de 
faire  considérer  en  faveur  de  l'importance  de  cette 
industrie  les  60  à  80  bâtiments  de  transport  qui  se 


8 


¥ 


II 


rendent  annuellement  sur  les  lieux  de  pêche  pour 
prendre  des  chargements  de  morue  et  les  conduire 
aux  colonies;  car  indépendamment  du  marché  na- 
tional, exclusivement  alimenté  par  la  pêche  fran- 
çaise, les  produits  de  cette  industrie  ont  trouvé  jus- 
qu'à ce  jour  leur  plus  grand  débouché  dans  les  An- 
tilles où  la  morue  forme  la  principale  nourriture  des 
noirs. 

La  quantité  de  morues  exportées  par  le  commerce 
français  est  d'environ  195,465  quintaux,  ou  9,773 
tonneaux.  Il  s'en  expédie  en  outre  de  78  a  80,000 
quint.,  chaque  année,  pour  Tltalie,  l'Espagne,  le 
Portugal  et  une  partie  des  Echelles  du  Levant. 
Ainsi,  en  portant  à  625,000  quint,  le  produit  total 
de  la  pêche  française,  et  en  retranchant  de  ce  chiffre 
273,000  quint,  pour  l'exportation  aux  colonies  et  à 
l'étranger,  la  consommation  intérieure  en  obsorbe 
352,000  quint.  Enfin,  parles  dernières  statistiques 
on  trouve  que  la  pêche  française  met  en  circulation 
plus  de  200,000,000  fr.  ou  10  millions  de  louis.  Un 
personnel  d'environ  13,000  matelots  est  employé  aux 
entreprises  de  la  grande  pêche  et  à  ses  différentes 
opérations.  La  pêche  côtière  occupe,  en  outre,  sur 
le  littoral  des  deux  mers,  c'est  à  dire  sur  les  côtes  de 
l'Océan  et  de  la  Méditerrannée,  près  de  18,000 
hommes.  Ainsi,  cette  grande  industrie  utilise, 
dans  l'intérêt  du  pays,  plus  de  30,000  marins  ;  elle 
offre  une  nourriture  immédiate  à  des  masses  considé- 
rables de  population,  pour  lesquelles  le  poisson  est 
devenu  un  aliment  presqu'indispensable  ;  elle 
fournit  aux  arts  des  matières  premières,  qu'elle  seule 
peut  leur  procurer,  et  par  le  transport  et  l'échange 
elle  active  le  cabotage  et  alimente  le  commerce  et  la 
navigation. 

Les  Anglais  et  les  Américains  ont  considérable- 
ment augmenté,  dans  ces  dernières  années,  leurs 
armements  pour  la  gmnde  pèche.  En  1840,  sur  518 
bâtiments  montés  par  15  à  16,000  matelots  et  sortis 
des  différents  ports  des  Etats-Unis,  300  environ 
étaient  employés  à  la  pêche  du  cachalot,  et  218  à 


9 


celle  de  la  baleine.  Ces  derniers  recueillirent  60,000 
barriques  d'huile  d'une  valeur  de  je600,000,  et,  la 
même  année,  les  Anglais  expédiaient  des  ports  de 
la  métropole  ou  de  leurs  colonies  plus  de  100  navires 
baleiniers  pour  les  mers  di!  nord,  et  40  environ  pour 
les  mers  australes.  Les  renseignements  fournis  par 
Maccullock  sur  la  pèche  anglaise  dans  les  régions 
septentrionales  nous  ont  appris  que  les  expéditions 
se  dirigeaient  maintenant  de  préférence  dans  la  baie 
de  Baffin,  vers  les  détroits  de  Davis  et  de  Lancastre. 

En  1832,  81  navires  baleiniers,  jaugeant  ensemble 
26,393  tonneaux,  capturèrent  1563  baleines,  qui 
fournirent  12,610  tonnes  d'huile  et  676  tonnes  de 
fanons,  dont  les  produits  furent  évalués  à  JE420,875, 
égal  à  £5,196  par  navire. 

L'étude  des  pêches  maritimes  ainsi  comprise  peut 
donner  lieu  à  des  considérations  d'un  ordre  élevé,  et 
le  tableau  de  la  prospérité  des  nations  qui  ont  at- 
taché à  l'art  de  la  pêche  toute  l'importance  qu'il 
mérite,  devient  alors  un  exemple  profitable  qui  doit 
nous  faire  redoubler  d'efforts  et  d'activité  pour  tâcher 
de  les  imiter  et  les  surpasser  même,  si  les  circons- 
tances nous  secondent.  Mais  il  ne  m'est  pas  donné, 
dans  une  si  courte  lecture,  de  traiter  un  sujet  aussi 
vaste,  et  je  dois  me  borner  à  un  simple  aperçu  de  la 
grande  industrie  si  justement  appelée  VagricuUure 
de  la  mer,  et  que  nous  pouvons  surnommer  sans 
crainte  V Australie  du  Bas- Canada!  C'est  ce  que  je 
vais  faire  avant  de  développer  les  moyens  que 
nous  avons  d'égaler,  de  surpasser  même,  en  peu 
d'années,  les  nations  qui  ne  craignent  pas  de  tra- 
verser la  mer  pour  venir  moissonner  une  récolte  qui 
nous  appartient  de  droit  et  que  nous  avons  eu  jr..^- 
qu'ioi  l'apathie  de  nous  voir  enlever  avec  la  plus 
pénible  indifférence. 

Examinons  d'abord  les  avantages  que  retirent  la 
France,  l'Angleterre  et  les  Etats  Unis  des  pêches  du 
golfe,  qui  sont  à  notre  porte  et  dont  les  côtes  nous 
appartiennent  presqu'exclusivement. 

Pepuis  la  découverte  de  l'Amérique  du  Nord,  les 


10 


pèches  du  golfe  Saint- Laurent  ont  été  un  objet  de 
sollicitude  particulière,  non  seulement  pour  la 
Grande  Bretagne,  mais  pour  la  France,  l'Espagne 
et  le  Portugal,  et  p!us  tard  pour  les  Etats-Unis  d'A- 
mérique, et  elles  ont  été  évidemment  considérées 
de  la  plus  haute  importance  dans  la  négociation  de 
tous  les  traités  où  les  intérêts  des  Anglais,  des 
Français  et  des  Américains  étaient  compris  do  ce 
côté  de  l'Atlantique. 

Il  paraît  que,  dès  l'année  1517,  environ  50  vais- 
seaux français,  espagnols  et  portugais  étaient  en- 
gagés dans  la  pêche  de  la  morue,  sur  les  bancs  de 
Terreneuve,  tandis  que  l'Angleterre  n'avait  qu'un 
navire  d'employé  dans  ces  parages.  Mais  quoique 
le  nombre  en  fut  porté  à  15  en  1718,  le  commerce 
de  la  pêche  des  autres  puissances  s'était  amélioré  à 
un  bien  plus  haut  degré,  la  France  n'ayant,  à  cette 
époque,  pas  moins  de  150  navires  ;  l'Espagne  100, 
et  le  Portugal  50,  employés  dans  ce  commerce.  Ce- 
pendant les  marine  anglaise,  occupée  dans  la  pèche 
de  Terreneuve  quelques  années  après,  augmenta  ra- 
pidement, car  en  1615  elle  se  montait  à  250  vais- 
seaux jaugeant  ensemble  15,000  tonneaux,  et  le 
nombre  total  employé  par  les  Français,  les  Bisca- 
yens  et  les  Portugais,  à  la  même  date,  était  de 
400. 

Avant  le  traité  d  Utrecht,  l'étendue  des  droits  res- 
pectifs des  nations,  qui  participaient  aux  avantages 
des  pêches  de  Terreneuve,  ne  fut  jamais  définie  ; 
mais  ce  traité  plaça  les  choses  sur  un  pied  plus  clair. 
Terreneuve  elle-même  et  les  îles  adjacentes  furent 
exclusivement  laissées  à  la  Grande  Bretagne,  les 
Français  retenant  le  droit  de  pêcher  sur  les  bancs  et 
de  se  servir  du  rivage  des  îles,  depuis  la  Pointe 
Ritchie  (laquelle  les  Français  ont  prétendu  ensuite 
être  le  Cap  Ray),  par  l'extrémité  nord  de  l'île,  jus- 
qu'au cap  Bonavista,  sur  le  côté  est.  Par  le  traité 
de  paix  conclu  en  1763,  ce  privilège  fut  confirmé  à 
la  France,  et  on  étendit  son  droit  de  pêche  dans  tout 
le  golfe  St- Laurent,  à  la  distance  de  trois  lieues  de 


ê 


^ 


11 


' 


-1^ 


tontes  les  côtes  apparte'  nnt  à  la  Grandc-Bretagncr 
soit  continentales  ou  '  ulaires.  Leurs  pêches  en 
dehors  du  golfe  ne  pou^  .ùent  se  faire  qu'à  la  distance 
de  quinze  lieues  des  côtes  du  cap  Breton.  Par  un 
autre  article  du  traité,  les  îles  de  Saint-Pierre  et 
Miquelon  sont  cédées  à  la  France  pour  servir  d'abri 
à  ses  pêcheurs,  sous  défense  expresse  de  les  fortifier 
ou  de  les  faire  garder  par  plus  de  50  hommes  de 
police.  Ainsi,  Pon  voit  que  ces  deux  grandes 
nations  attachaient  une  grande  importance  à  ce 
littoral  de  pêche,  l'une  en  y  mettant  autant  de  res> 
trictions,  et  Tautre  en  s'y  soumettant. 

Lorsque  les  Etats-Unis,  en  1783,  prirent  leur  rang 
sur  la  liste  des  nations  indépendantes,  ils  réclamèrent 
une  participation  dans  les  trésors  contenus  dans  les 
eaux  des  bancs  de  Terreneuve  et  du  golfe  St-Laurent. 
Comme  colonies,  ils  avaient  recueilli  la  plus  grande 
part  de  ces  pêcheries  ;  et  sachant  ainsi  les  apprécier, 
ils  demandèrent  et  obtinrent  des  privilèges  particu- 
liers, tel  qu'exprimé  au  3e  article  du  traité,  dans  les 
termes  suivants  : 

"  Il  est  convenu  que  le  peuple  des  Etats-Unis 
continuera  à  jouir,  sans  être  inquiété,  du  droit  de 
prendre  du  poisson  de  toute  espèce  sur  le  Giand- 
Banc  et  sur  tous  les  autres  bancs  de  Terreneuve, 
aussi  bien  que  dans  le  golfe  St.-Laurent  et  sur  tous 
les  autres  points  de  la  mer  où  les  habitants  des  deux 
pays  ont  eu,  par  le  passé,  l'habitude  de  pêcher. 
Les  habitants  des  Etats-Unis  auront  la  liberté  de 
prendre  du  poisson  de  toute  espèce  sur  telles  parties 
de  la  côte  de  Terreneuve  qu'exploiteront  les  pê- 
cheurs anglais  (sans  pouvoir  toutefois  le  sécher  ni  le 
fumer  sur  cette  île),  et  aussi  sur  les  côtes,  dans  les 
baies  et  criques  de  tous  les  autres  domaines  que  Sa 
Majesté  Britannique  possède  en  Amérique.  Les 
pêcheurs  américains  auront  la  liberté  de  sécher  et 
fumer  leur  poisson  dans  tentes  les  baies,  havres  et 
criques  non  encore  colonisés  de  la  Nouvelle-Ecosse, 
des  Iles  de  la  Madeleine  et  du  Labrador,  aussi  long- 
temps que  ces  points  demeureront  inhabités;  mai» 


12 


II 


aussitôt  qu'un  de  ces  points  se  peuplera,  il  cessem 
d^étre  loisible  aux  susdits  pêcheurs  d'y  sécher  et  d'y 
fumer  leur  poisson,  sans  s'être  au  préalable  mis 
d'accord  avec  les  habitants,  propriétaires  ou  posses- 
seurs  du  sol.  " 

Il  était  difficile  de  faire  la  part  plus  large  à  la 
pêche  américaine  ;  mais  sans  doute  il  résulta,  de 
cette  lititude  même,  des  inconvénients  et  des  abus: 
car  le  premier  soin  de  la  Grande-Bretagne,  après  la 
paix  de  1815,  fut  de  régler  sur  une  base  nouvelle  la 
question  des  pêcheries.  Les  négociations  furent 
longues  et  difficiles,  et  ce  fut  seulement  le  20  octo- 
bre 1818  que  la  difficulté  fut  réglée,  avec  quelques 
autres  points  en  litige,  par  une  convention  spéciale 
qui  porte  : 

"  Attendu  qu'il  s'est  élevé  des  différends  au  sujet 
de  la  liberté  réclamée  par  les  Etats-Unis  pour  leurs 
habitants,  de  prendre,  sécher  et  fumer  du  poisson 
sur  certaines  côtes,  dans  certaines  baies,  havres  et 
criques  des  domaines  de  Sa  Majesté  Britannique  eu 
Amérique,  il  est  arrêté  entre  les  hautes  parties  con- 
tractantes : 

"  Que  les  habitants  des  Etats-Unis  auront  à  ja- 
mais, en  commun  avec  les  sujets  de  Sa  Majesté  Bri- 
tannique, la  liberté  de  prendre  du  poisson  de  toute 
espèce  sur  cette  partie  de  la  côte  méridionale  de 
Terreneuve  qui  s'étend  du  Cap  Ray  aux  Iles  Ra- 
meau ;  sur  les  côtes  occidentales  et  septentrionales  de 
Terreneuve,  depuis  le  Cap  Ray  jusqu'aux  Iles  Quir- 
pon.  sur  le  rivage  des  Iles  de  la  Madeleine  ;  et  aussi 
sur  le!»  côtes,  dans  les  baies,  havres  et  criques,  de- 
puis le  Mont-Joly,  sur  la  côte  méridionale  du  La- 
brador,  jusque  dans  le  détroit  de  Belle-Ile,  et  de  là 
sur  toute  la  côte  qui  s'étend  vers  le  nord,  sans  pré- 
judice toutefois  des  droits  exclusifs  de  la  Compagnie 
de  la  Baie  d'Hudson. 

**  Les  pêcheurs  américains  auront  aussi  à  jamais  la 
liberté  de  sécher  et  fumer  du  poisson  dans  toutes  les 
baies,  havres  et  criques  non  encore  colonisés  sur  la 
partie  méridionale  de  la  côte  de  Terrneneuve,  ci- 


19 


dessus  décrite,  et  sur  la  côte  du  Labrador;  mais 
aussitôt  quUin  de  ces  points  se  peuplera,  il  ne  sera 
plus  loisible  aux  susdits  pêcheurs  de  sécher  ou  de 
fumer  du  poisson  dans  les  endroits  habités,  sans 
avoir  au  préalable  conclu  un  arrangement  à  cet  efiet 
avec  les  habitants,  propriétaires  ou  possesseurs  du 
sol. 

"  Les  Etats-Unis  renoncent  ici,  à  jamais,  à  toute 
liberté  réclamée  jusqu'à  présent  par  leurs  habitants, 
de  prendre,  sécher  ou  fumer  du  poisson  dans  un 
rayon  de  trois  milles  autour  des  côtes,  baies,  havres, 
et  criques  des  domaines  de  Sa  Majesté  Britannique 
en  Amérique,  non  compris  dans  les  limites  décrites 
ci-dessus.  Toutefois,  les  pécheurs  américains  seront 
admis  à  entrer  dans  ces  baies  et  havres  pour  y  cher- 
cher un  abri,  réparer  des  avaries,  acheter  du  bois  ou 
faire  de  l'eau,  mais^non  pai  aucun  autre  motif.  Ils 
seront  alors  soumis  aux  régies  qui  pourront  être  né- 
cessaires pour  les  empêcher  de  prendre,  sécher 
ou  fumer  du  poisson,  ou  d'abuser  d'une  manière 
quelconque  des  privilèges  qui  leur  sont  ici  réser- 
vés. " 

La  seule  lecture  de  ces  deux  articles  suffit  pour 
faire  voir  que  la  rédaction  de  1818  n'est  plus,  à  beau- 
coup près,  celle  do  1783.  La  concession  géné- 
rale et  indéfinie,  impliquée  dans  la  première,  est 
réduite  à  des  limites  données  et  environnées  de 
réserves,  auxquelles  le  soin  même  que  l'on  met  à 
les  détailler,  montre  que  l'on  y  attache  un  sens  très- 
sérieux. 

Une  autre  remarque  à  faire  encore  que  le  droit  de 
pêcher  reconnu  aux  Etats  Unis  par  le  traité  de  1783, 
n'est  plus  qu'une  liberté,  qui  semble  leur  être  octroyée 
dans  la  convention  de  1818. 

Tels  étaient  et  tels  sont  encore  les  droits  des 
Etats  Unis  par  rapport  aux  pêcheries  de  Terre- 
Neuve  et  du  Labrador  ;  et  il  est  évident  qu'à  l'ex- 
ception du  droit  de  propriété  du  littoral  adjacent,  les 
Américains  participent  aussi  directement  que  les 
sujets  britanniques  à  tous  les  avantages  attachés  à  ces 

B 


14 


"H 


Il  i 


ii 


pêcheries,  en  y  fesanl  un  commerce  lucratif  et  en  y 
formant  des  marins. 

L'Angleterre,  propriétaire  comme  elle  Pétait  de 
toutes  les  côtes  environnantes,  aurait  pu  conserver  et 
jouir  de  ces  immenses  sources  de  riches>es  aqua- 
tiques, d'autant  plus  que  le  simple  privilège  de  pêcher 
sur  les  bancs,  q^i'elle  aurait  pu  tolérer  aux  étrangers, 
ne  leur  aurait  été  de  peu  de  profit  sans  le  droit  de  se 
servir  des  côtes  voisines  pour  y  sécher  leur  poisson: 
et  si  l'on  veut  prétendre  que  naturellement  on  ne 
peut  jouir  d'un  privilège  san«  l'aune,  on  doit  dire 
aussi  que  si  les  restrictions  avaient  été  plus  circon- 
scrites qu'elles  le  sont,  les  s\ijets  britanniques  enga- 
gés dans  la  pêche  ne  seraient  point  troublés  ni 
obsédés  au  [loinl  qu'ils  le  sont  aujourd'hui  par  l'abus 
du  privilège  accordé  aux  Américains,  lesquels  se  fiant 
sur  la  latitude  qui  leur  est  donnée,  sont  enhardis  h 
commettre  des  actes  outrageants  contre  les  plus  légi- 
times propriétaires  de  la  côte,  et  font  valoir  une 
supériorité  qui  ne  devrait  appartenir  qu'à  la  Grande- 
Bretagne  seule,  dans  ce  quartier. 

L'exercice  du  droit  des  nations  engagées  dans  les 
pêcheries  de  Terreneuve,  savoir:  l'Angleterre,  la 
France  et  les  Etats  Unis  d'Amérique  a  besoin  d'être 
réglé  au  plus  vite,  et  l'on  peut  déclarer  ici  sans  crainte, 
qu'une  telle  mesure  est  d'une  importance  vitale  à  la 
préservation  des  pêcheries  et  à  la  prospérité  future 
du  Canada. 

La  France  qui  possédait  autrefois  l'Isle  de  Terre- 
neuve  avec  les  dépendances  et  toutes  les  côtes 
du  fleuve  Saint  Laurent,  n'a  plus  aujourd'hui  que  les 
rochers  stériles  de  Saint  Pierre  et  de  Miquelon,  avec 
le  droit  d'établir  des  pêcheries  temporaires  sur  la  côte 
la  plus  ingrate  de  Terreneuve,  entre  le  Cap-Ronge  et 
le  Cap  Saint- Jean.  Cette  Isle,  d'un  littoral  si  étendu, 
dont  la  position  dans  une  des  mers  les  plus  poisson- 
neuses du  globe  et  d'une  si  grande  importance,  a 
))assè  aux  Anglais  avec  le  Canada,  par  le  traité  de 
Gand  en  1763  ;  ils  s'y  sont  réservé  un  droit  exclusif 
dépêche.    Les  établissements  permanents  qu'ils  ont 


15 


formés  dans  la  partie  méridionale,  ont  sur  ceux  des 
Fiançais  de  très  grands  avantages  ;  car  soit  en  rai- 
son de  leur  bonne  position,  soit  en  raison  de  leur 
stabilité  et  des  circonstances  qui  viennent  faciliter  la 
préparation  du  poisson  à  des  époques  plus  favorables, 
ces  pêcheries  anglaises  donnent  des  produits  meil- 
leurs,  plus  abondants  et  moins  coûteux.  Je  ne  puis 
cependant  vous  donner  un  «létnil  précis  des  revenus 
de  cette  pêche  qui  doivent  être  immenses,  si  l*on 
considère  que  cette  province  n'a  à  peu  près  d'autre 
commerce  que  celui  du  poisson  et  des  pelleteries  pour 
soutenir  son  gouvernement. 

Depuis  que  le  Canada  est  tombé  sous  la  domina- 
tion anglaise  plusieurs  postes  de  pèche  et  de  chasse 
ont  été  établis  sur  les  côtes  du  Labrador,  mais 
comme  Ton  n'y  a  fwit  que  la  pêche  du  loup- 
marin  et  du  saumon,  telle  quMI  parait  qu'on  la  fait 
encore  aujourd'hui  dans  les  mêmes  établissements, 
on  ne  peut  mettre  ces  entreprises  au  rang  de  celles 
qui  sont  revêtues  d'un  caractère  propre  k  en  faire 
espérer  l'agrandissement,  car  ces  établissements  soht 
à  peu  près  aujourd'hui  ce  qu'ils  étaient  il  y  a  près 
d'un  siècle. 

Cependant  il  y  a  eu  des  établissements  canadiens 
sur  un  pied  aussi  respectable.  Vin  1828-29,  et  30,  plus 
de  15  goélettes,  avec  des  équipages  de  Québec,  de 
Berlhier,  de  Saint-Thomas,  de  l'Islet  et  du  Cap  Saint- 
Ignace  allaient  pêcher  sur  la  Cote  du  Labrador,  mais 
ils  étaient  en  petit  nombre,  comparés  aux  milliers  de 
pécheurs  Américains.  Ces  derniers  étn lent  les  plus 
nombreux  et  par  conséquent  les  plus  forts  ;  ils  s'em- 
paraient de  tous  les  ouvrages  que  les  Canadiens  y 
lésaient,  même  de  leurs  grèves.  Des  rixes  eurent  lieu 
dans  lesquelles  les  Canadiens  furent  maltraités,  et 
tous  les  établissements  ont  été  abiindonnés. 

11  faut  espérer  que  ces  brigandages  n'arriveront 
plus,  car  notre  gouvernement  et  celui  de  la  Nouvelle- 
Ecosse  ayant  pris  une  attitude  propre  à  faire  respecter 
lesdroits  des  sujets  britanniques,  voulus  par  le  tmité 
de  1818  que  je  viens  de  vous  communiquer,  en  y 


}« 


I 


;   V  ■ 

Mi 


:  ■ 


envoyant  chacun  une  goélette  armée,  avec  des  com- 
missaires revêtus  de  pouvoirs  suffisants  pour  maintenir 
l'ordre  et  punir  les  délinquants. 

Cependant,  malgré  ces  précautions,  il  est  à  crain- 
dre que  Jonathan  n'attrappe  encore  John  Bull  dans 
cette  négociation,  comme  il  l'a  fait  dans  les  précé- 
dentes» c'est-à  dire  dans  le  traité  d'Ashburton  et 
celui  de  l'Orégon  ;  car  le  président  déclare,  dans 
son  adresse  au  congrès,  que  Tuffaire  serait  déjà 
réglée  à  Tamiable  sans  la  mort  du  secrétaire  d'état 
Webster,  mais  il  espère  que  cette  affaire  sera  défini- 
tivement réglée  dans  le  cours  de  cet  hiver.  Ainsi,  si 
les  choses  vont  si  vite,  qu'après  les  démonstrations  des 
Américains  lorsqu'ils  ont  appris  que  notre  gouverne- 
ment expédiait  au  lieu  de  la  pêche  une  toute  petite 
goélette  armée  d'un  seul  canon,  nous  n'avons  pas 
grand   avantage   à    espérer  dans  cette   transaction. 

Comme  la  manière  de  faire  la  grande  pêclie  doit 
intéresser  la  plupart  d'entre  vous,  je  vais  essayer  de 
vous  donner  une  idée  de  la  pêche  de  la  morue,  de  la 
baleine  et  du  cachelot,  qui  est  une  autre  espèce  de 
baleine,  et  je  commencerai  par  la  pêche  de  la 
morue. 

Les  parages  privilégiés  où  stationnent  les  morues 
on  grandes  masses  sont  les  Bancs  de  Terreneuve  et 
la  côte  septentrionale  du  même  nom  ;  mais  elles  ne 
s'y  montrent  pas  toute  l'année  :  elles  se  maintien- 
nent, une  partie  de  l'hiver,  dans  les  mers  glaciales. 
Vers  la  fin  de  février,  ces  poissons  abandonnent  leurs 
réservoirs  naturels  et  commencent  à  descendre  vers 
le  sud,  sans  cl^^nasser  toutefois  le  40e  degré  de  lati- 
tude septentrionale  ;  ainsi,  on  n'en  voit  pas  plus  au 
sud  qu'à  la  hauteur  de  Boston  ou  du  Cap  Cod  dans 
l'Amérique  du  Nord,  et  qu'à  celle  de  Madrid  sur  la 
côte  d'Espagne.  Ils  s'approchent  alors  des  rivages 
d'3  la  Norvège,  du  Danemark,  de  l'Ecosse,  de  l'An- 
gleterre et  de  la  Hollande.  Ils  abondent  dans  le 
golfe  du  Saint-Laurent,  où  ils  arrivent  vers  le  mois 
de  mai  ;  ils  sont  aussi  très-nombreux  à  cette  même 
époque  sur  les  côtes  méridionales  de  l'Islande,  et 


17 


dans  les  eaux  de  Terreneuve  et  du  Grand-Banc. 
L'abondance  de  ces  poissons  migrateurs  dans  les 
mers  qu'ils  fréquentent  d'habitude,  est  due  à  leur 
excessive  fécondité.  Leuwenhoëk,  qui  Ta  constatée, 
a  trouvé  que  Tovaire  dHuie  morue  de  moyenne  gran> 
deur  renfermait  9,384,000  œufs  !  Or,  en  supposant 
la  population  du  globe  à  900  millions  d'âmes,  et  que 
tous  les  moyens  de  la  sustenter  manqueraient,— je 
dis  que  les  nations  se  livrant  à  la  pêche  de  la  morue 
seulement,  ne  mourraient  pas  de  faim,  et  que,  de 
fait,  elles  pourraient  vivre  et  même  avec  profusion, 
puisque  35,000  morues  seulement,  par  leur  fécondité, 
en  supposant  que  chaque  œuf  produirait  un  petit, 
fourniraient  assez  de  poisson  puur  allouer  à  chaque 
individu  4  Ibs.  par  jour.  Ainsi,  d'une  part,  cette 
fécondité  vraiment  prodigieuse  qui  assure  aux  pé- 
cheurs d'inépuisables  ressources,  ma'gré  les  énormes 
quantités  de  morues  dont  ils  dépeuplent  les  mers, 
et  d'autre  part,  l'instinct  qui  porte  ces  poissons  à 
venir  visiter  périodiquement  les  mêmes  parages,  en 
masses  innombrables,  et  à  stationner  dans  certaines 
eaux  et  sur  des  bancs  de  sable,  à  l'époque  du  frai, 
concourent  ensemble  pour  faire  de  la  pêche  de  la 
morue  une  des  plus  abondantes  et  des  plus  produc- 
tives. 

Voici  maintenant  les  moyens  employés  pour  faire 
cette  pêche  et  pour  préparer  le  poisson,  proprement 
apfielée  la  Pêche  de  terre. 

Il  y  a  un  nombre  de  barges  attachées  h  chaque 
établissement  de  pêche,  montées  chacune  par  deux 
ou  quatre  hommes.  Dès  le  point  du  jour,  ces  barges 
se  rendent  à  cette  partie  de  la  côte  où  les  morues 
sont  plus  abondantes;  car  elles  se  meuvent  en  pha- 
langes et  souvent  changent  de  direction,  snivant  les 
changements  des  vents.  Lorsque  le  jçissement  du 
poisson  a  été  découvert,  on  jette  l'ancre  et  les 
hommes  tendent  leurs  lignes:  chaque  homme  a  soin 
de  deux  lignes  armées  de  deux  hameçons,  appâtés 
avec  du  hareng  ou  du  caplan.  Les  hommes  se 
tiennent  sur  un  plancher  élevé,  et  sépar<  s  les  uns 

b2 


18 


des  autres  por  une  espèce  de  table  placée  en  travers 
de  la  barge.  Ayant  tiré  leurs  lignes,  Us  posent  la 
morue  hui  la  table  et  lui  assènent  sur  le  derrière  de 
la  tète,  avec  un  ruuleau  destiné  à  cette  fin,  un  coup 
pour  l'étourdir  et,  par  ce  moyen,  lui  l'aire  ouvrir  la 
gueule  pour  en  extraire  plus  facilement  l'hameçon. 
Alors,  le  poisson  est  jeté  au  fond  de  la  barge,  et  la 
ligne  jetée  de  nouveau  à  1  eau.  Le  pécheur  se  re- 
tourne aussitôt  et  tire  l'autre  ligne,  do  manière 
qu'une  ligne  descend  au  fimd  tandis  que  l'autre  en 
revient  Ils  continuent  ainsi  jusqu'à  ce  que  leur 
barge  soit  remplie,  et  ils  s'en  retournent  à  terre  la 
déposer  à  une  espèce  d'abaftoir  ou  échafiiud.  La 
morue  est  jetée  de  la  barque  sur  l'échafaud  avec 
une  fourche,  ayant  soin  de  la  piquer  à  la  tête, 
de  peur  de  f  lire  aucune  blessure  au  corps  qui  em- 
pêcherait le  sel  de  produire  >on  effet  et  gâteraitainsi 
le  poisson.  Quand  les  barges  sont  vidées,  les  jtê- 
cheurs  se  procurent  une  nouvelle  quantité  d'appâts 
et  retournent  sur  les  fonds,  d'où  dans  l'espace  d'une 
heure  ou  deux,  peut-être,  ils  reviennent  à  l'échafaud 
avec  une  nouvelle  charge. 

Ayant  ainsi  expliqué  la  méthode  de  faire  la  pêche, 
il  ne  reste  plus  qu'à  décrire  la  manière  de  préparer 
le  poisson. 

Chaque  établissement  est  pourvu  d'une  ou  de 
plusieurs  tables  autour  desquelles  sont  placées  des 
chaises  de  bois  et  des  tabliers  de  cuir  pour  les  décol- 
leurs et  les  trancheurs.  Le  poisson  ayant  été 
déposé  sur  l'échafaud,,  on  emploie  généralement  un 
jeune  homme  pour  le  transporter  sur  la  table  devant 
le  décolleur  qui  l'é ventre,  et,  ayant  aussi  presque 
séparé  la  tête  du  corps,  le  passe  sur  la  table  h  son 
voisin  à  droite,  autre  décolleur  dont  la  besogne  est 
d'enlever  la  tête  et  les  entrailles  :  il  en  sépare  la 
fressure  et  queI(iuefois  les  nauds,  la  tète  et  les  en- 
trailles ayant  été  jetées  à  la  mer  par  une  trappe 
pratiquée  dans  le  plancher  :  le  foie  est  mis  dans  un 
quart  pour  faire  de  l'huile,  et  on  sale  les  nauds  si  on 
veut  les  conserver.    Après  cette  opération,  on  passe 


19 


te  la 

en- 

ippe 

Ls  im 

si  on 

l)asse 


la  morue  do  l'antre  côté  de  lu  table,  aux  trancheurs 
qui,  en  un  clin  d'œil,  enlévrcnt  l'arête  de  la  tête  au 
nombril  ;  alors,  la  morue  est  transportée  dans  des 
brouettes  aux  saleurs,  qui  la  mott  nt  en  pile  avec 
une  quantité  suffisante  de  sel  entre  char]ue  ;  un  laisse 
le  poisson  dans  cet  état  pour  quelques  Journ,  puis  on 
le  transporte  de  nouveau  en  brouette  à  une  petite 
boîte  d  bois  remplie  de  trous,  laquelle  est  suspendue 
de  l'échafaud  dans  lu  mer  Le  laveur  se  tient  dans 
cette  boîte,  à  l'eau  jusqu'aux  genoux,  et  enlève  le 
sel  de  la  morue  avec  \me  moppe  ;  le  poisson  est 
alors  transporté  à  un  endroit  convenable  et  mis  en 
pile  pour  énjoutter  :  on  appelle  cette  pile  ainsi  formée 
"  un  cheval  d'eau.  "  Le  jour  suivant,  la  morue 
est  transportée  sur  les  galets  où  on  l'étend  au  soleil 
pour  sécher.  De  ce  moment  la  morue  est  retournée 
constamment  durant  le  jour  et  mise  en  pillons  le 
soir  ;  celles  de  dessus  sont  toujours  tournées  le  ven- 
tre en  bas,  de  manière  k  ce  que  leurs  peaux  puissent 
servir  de  toile  pour  garder  celles  de  dessous  sèches; 
on  augmente  par  degré  la  grosseur  des  pillons  jus- 
qu'à ce  qu'enfin,  au  lieu  de  petits  paquets,  ils  pren- 
nent la  forme  d'une  grande  meule  circulaire,  et  on 
les  laisse  dans  cet  état  pour  quelques  jours,  afin, 
comme  disent  les  pécheurs,  de  la  faire  suer.  Le 
poisson  est  maintenant  lait,  et  il  est  ensuite  emma- 
ganisé,  prêt  pour  l'exportation. 

L''opération  de  décapiter,  trancher  et  sal-^r  la 
mortie  se  fait  avec  une  telle  célérité,  qu'il  n'est  pas 
rare  de  voir  10  morues  décapitées,  leurs  entrailles 
jetées  k  la  mer  et  leurs  arêtes  enlevées  dans  le 
court  espace  d'une  minute  et  demie.  Le  trancheur 
reçoit  les  plus  hauts  gages  et  tient  rang  après  le 
maître  de  l'établissement  ;  mais  le  saleur  est  aussi 
une  personne  d'une  grande  considération,  la  préser- 
vation de  la  morue  dépendant  entièrement  de  son 
adresse  et  de  sa  prudence. 

Il  y  a  trois  qualités  de  morues,  savoir  : 
f  La  morue  marchande f  qui  consiste  en  celle  de 
la  première  grandeur,  la  meilleure  couleur,  et  enfin 
de  la  meilleure  qualité. 


20 


2®  Le  poisson  de  Madère,  qui  a  presqirautant  de 
valeur  que  le  premier  ;  cette  sorte  est  principale- 
ment exportée  aux  marchés  d^Espagne  etda  Portu- 
gal. 

3^  Le  poisson  des  Iles,  qui  est  le  rebut  des  autres  ; 
ce  dernier  eut  invariablement  envoyé  pour  servir  de 
nourriture  aux  nègres  des  Iles  et  aux  différents 
marchés  du  Canada. 

PÊCHE   DE   LA   BALEINE. 

Les  naturalistes  distinguent  plusieurs  espèces  de 
baleines  :  la  baleine  australe  et  la  ba'einc  arctique 
ou  baleine /ranrAe,  qui  est  la  plus  grande.  Elle  peut 
atteindre,  à  ce  qu'on  dil,  jusqu'à  300  pieds  de  long 
et  en  mesure  fréquemment  150  à  180.  On  estime 
à  150,000  livres  le  poids  de  celles  de  mciyeune  gran- 
deur. Les  Norvégiens  donnent  à  cette  espèce  le 
nom  lie  nord  coper,  parce  qu'elle  Hbondail  autrefois 
entre  le  Cap-Nord  et  le  Spitzberg.  Le  Jinn  backy 
ou  baleine  à  clos  lisse  des  pêcheurs  septentrionaux, 
n'est  peut  être  aussi  qu'une  variété  di*  la  baleine 
arctique.  Il  y  a  encore  d'autres  espèces  de  grands 
cétacés  h  dorsale  courte  et  anguleuse,  que  les  natu* 
ralistes  ont  classés  parmi  les  baleinoptères  et  que  les 
pêcheurs  désignent  sous  le  nom  de  buleineH  américaù 
nés,  parce  qu'on  les  rencontre  le  plus  souvent  sur  les 
côtes  du  nouveau  continent.  Toutes  ces  espèces  ne 
sont  p!>s  h  dédaigner,  et  les  pêcheurs  hait- iniers  en 
font  leur  capture  lorsqu'elles  se  présentent,  mais 
elles  donnent  bien  moins  d'huile  que  la  baleine 
franche.  La  tête  de  celle-ci  égale  h  peu  près  le 
quart  de  sa  loniiueur  totale  ;  sa  bouche  est  extrême- 
ment larire,  et  sa  mâchoire  supérieure  est  garnie  do 
cha  que  côté  de  4  à  500  fanons  ou  lames  cornées  ot 
flexibles,  connues  dans  le  commerce  et  employées 
dans  difiei'^nts  arts  sous  le  nom  de  •'  baleines.  " 
Ces  lames  ta:)issent  le  fond  du  palais  et  débordent 
de  la  màchoae  comme  de  monstrueuses  moustaches. 
Les  plus  lon;;vi'-ft,  c'est  à  dire,  celles  du  centre  ont  8 
à  10  pds.  La  longueiii  de  la  langue  de  la  baleine  varie 


SI 


»» 


de  12  à  25  pieds, et  sa  largeur  de  7  à  12,  suivant  la 
grosseur  'e  l'animnl.  Cet  organe  se  cliiirsrcd^assez 
de  graisse  pour  fournir  jusqu'à  6  tonneaux  d'huile. 
La  baleine  avale  les  iiliments  snn<  mtistication,  et  ne 
se  nourrit  que  de  plantes  marines  (le  fucus,  do  petits 
poissons  et  surtout  do  mollusques.  La  nature  a 
doté  ce  cétncè  de  nageores  puissantes  et  propor- 
tionnées à  sa  masse  ;  une  queue  gigantesque,  dispo- 
sée horisontalement,  vient  compléter  l'appareil 
locomoteur. 

L'èJ)al^>'<o  couche  de  graisse,  qui  enveloppe  ce 
cor|i8  monstrueux,  doit  le  rendre  presque  insensible 
aux  variations  les  plus  extrêmes  de  température 
dans  l'élément  où  il  vit,  et  ct-tte  remarque  explique 
la  présence  des  baleines  dans  des  régions  maritimes 
soumises  aux  influences  de  climats  très  différents.' 
Le  lard  a  5  ou  6  pouces  d'épaisseur  sur  le  dos  et  sous 
le  ventre  ;  près  des  nageoires,  sur  les  flancs,  il 
atteint  quelquefois  h.  plus  d  un  pied,  et  sous  la  mâ- 
choire, il  forme  une  espèce  de  collf't  qui  a  souvent  3 
pieds  d'épaisseur.  On  tire  ordinairement  70  à  80 
quintaux  d'huile  d'une  baleine  ordinaire.  Deux  ca- 
naux ou  «ven^«  qui  partent  du  fond  de  lu  bouche  et  se 
rendent  au  sommet  du  crâne,  servent  à  la  baleine 
pour  respirer  et  pour  rejeter  l'eau  entrée  dans  sa 
gueule  lorsqu'elle  plonge.  On  aperçoit  de  fort  loin 
en  mer  cette  doub'e  colonne  qui  s'élève  souvent  à 
plus  de  20  pieds  de  hauteur. 

Chaque  bâtiment  destiné  à  la  pêche  de  la  baleine 
est  pourvu  de  6  à  7  pirogues  baleinières,  et  chacune 
de  ces  embarcations  légères,  commandée  par  un  chef, 
est  monté  par  un  harponneur  habile  et  5  vigoureux 
rameurs.  Dès  que  le  navire  a  pris  la  mer,  on  pré- 
pare les  pirouges  q.ù  ^ont  pourvues  de  tout  l'attirail 
nécessaire  à  la  pêche,  tel  que  des  lignes  et  menus 
cordages,  harpons,  lances,  pelles  tianchantes,  ha- 
choirs, couteaux  d'embarcation,  etc  Les  pirogues 
baleinières  doivent  être  toujours  prêtes  à  être  lan. 
cées  à  la  mer  avec  tout  leur  équipement,  car  c'est 
sur  elles  que  l'on  compte  pour  le  succè-s  de  l'entre- 


22 


i   I 

il 


il 


1  I 


prise.  Ces  pirogues  ^ont  très  allongées,  étroites  et 
fort  basses  ;  le  chef  les  dirige  avec  un  aviron  en 
guise  de  gouvernail.  La  place  du  harponneur  est 
naturellement  à  l'avant  ;  le  harpon  avec  lequel  il 
attaque  la  baleine  est  un  dard  en  fer  dont  les  côtés 
sont  touchants  et  très  affilés.  Cette  arme  terrible 
est  enchâssée  dans  un  manche  en  bois  qui  sert  à 
la  lancer. 

Dès  que  le  navire  a  atteint  les  parages  où  l'on 
peut  rencontrer  des  baleines,  on  observe  l'horison  de 
toutes  parts  pour  tâcher  de  découvrir  au  loin  la  proie 
que  chacun  convoite.     Des  matelots  j)lacés  en  vi- 
gie se  succèdent  sans  interruption,  et    le  cri  de  ôo- 
leine  !  est  répété   par  acclamation   aussitôt  qu'une 
heureuse  rencontre   fait   espérer   une   capture  pro- 
chaine.   Les  pirogues  sont  lancées  à  la  mer,  et  c'est 
à  qui  arrivera  le  premier.     Une   fois  que  l'embar- 
cation a  joint  la  baleine  en  vue,  le  harponneur  lui 
lance  son  dard,  et  l'animal,  blessé  à  mort,  fuit  avec 
vitesse,  entraînant  après  lui  la  baleinière  victorieuse, 
car  le  harpon  est  attaché  à  une  longue  ligne  qui  file 
en  remorquant  la  pirogue.     La  baleine  plonge  et  re- 
monte tour  à  tour  à  la  surface  de  la  mer,  mais  bien- 
tôt épuisée,  haletante,  elle  ne  reparaît  plus  que  pour 
mourir  :  la  pirogue  ri.ccoste  par  la  poujie,  et  l'officier 
l'achève  en  lui  plongeant  le  fer  d'une  longue  lance 
dans  la  partie  du  corps  qui  correspond  aux  poumons, 
ayant  soin  toutefois  de  faire  pousser  au  large,  car  les 
dernières  convu'siojis  de  la  baleine  pourraient  être 
dangereuses  pour  la  frêle  embarcation.     Après  avoir 
lancé  des  flots  de  sang  avec  le   dernier  souffle  de 
vie,    la  baleine  rouie  sa    lourde  masse  comme  la 
carène  d'un  vaisseau   naufiagé,     11  ne  reste   plus 
qu'à  la  remorquer  jusqu'au  navire,  et  toutes  les  pi- 
rogues se  réunissent  pour  cette  opération.     Arrivée 
à  bord,  elle  est  allongée  et  amarrée  le  long  du  bâti- 
ment pour  être  dépecée.     On  lui  enlève  successive- 
ment des  bandes  de  lard  qu'on  tranche  avec  des 
pelles  et  qu'on  hisse    à  bord  à  mesure,  jusqu'à  ce 
qu'elle  soit  entièrement  dépouillée  j  puis  on  procède 


S3 


|s  avoir 

ifflede 

[ine  la 

je  plus 

les  pi- 

rrivée 

lu  bàti- 

îssive- 

lec  des 

lii'à  ce 

recède 


à  renlèvement  des  fanons,  et  son  corps  est  aban- 
donné aux  requins  et.  aux  oiseaux  de  proie.  Le 
lard  est  ensuite  fondu  dans  des  chaudières  établies 
au  pied  du  mât  de  misaine,  et  l'on  choisit  ordinai- 
rement la  miit  pour  cette  opération.  Après  la  fonte, 
on  remplit  les  barils  d'huile,  qu'on  dépose  dans  la 
cale.  La  capture  ic  15  à  18  baleines,  suivant  leur 
grosseur,  est  nécessaire  pour  pouvoir  compléter  un 
chargement.  Ainsi,  h  chaque  prise,  ce  sont  les 
mêmes  travaux,  les  mêmes  fatigues  et  les  mêmes 


dangers. 


PECHE  DU  CACHALOT. 


Cette  pêche  a  pris,  sous  la  direction  des  Améri- 
cains, un  très  grand  développement.  Les  300  na- 
vires cachaloliers  expédiés  des  ports  des  Etats  de 
l'Union,  en  1810,  ont  dû  verser  dans  le  commerce 
au  moins  pour  7^  millions  de  louis  de  produits.  Outre 
l'huile  que  fournit  la  jçraisse  du  cachalot,  on  tire  de 
ce  cétacée  une  substance  très  estimée  que  l'on  ap- 
pela d'abord  spermiceti  ou  blnnc  de  ôft/eine,  mais 
qui,  mieux  connue,  est  désignée  aujourd'hui  sous  le 
nom  d*adipocire  ou  cetine.  Cette  matière  de  tête^ 
comme  disent  its  pecheurii,  se  trouve  renfermée 
dans  le  crâne  de  ranimai. 

Un  cachalot  de  moyenne  taille  peut  fournir  24 
barils,  de  32  galions  chaque,  d'adipocire,  et  envi- 
ron 100  barils  d'huile  de  graisse.  On  fait  avec  l'a- 
dipocire  d'excellentes  bougies  de  luxe,  dont  l'usage 
est  très-répandu  aux  Etats-Unis  et  en  Angleterre. 
Cette  fabrication  a  été  surtout  très-perfectionnée  en 
France. 

On  connaît  plusieurs  espèces  de  cachalots,  parmi 
lesquelles  les  p'us  importantes  sont  le  cachalot  ma^ 
crocêphnle,  qui  habite  presque  toutes  les  mers,  et  le 
cachalot  australien,  très-commun  dans  l'Océan  Paci- 
fique et  dans  la  Mer  Australe. 

Le  cachalot  diffère  entièrement  de  la  baleine 
blanche  :  sa  bouche  n*est  point  garnie  de  fanons  ; 
son  museau  est  allongé  par  la  mâchoire  inférieure, 


»        l 


24 


5> 


!  i 


1 


qui  est  armée  de  dents  coniques  et  recourbées,  dont 
les  plus  grosses  pèsent  plus  de  2  livres.  L'orifice 
des  évents  se  trouve  placé  sur  le  bord  du  muffle 
Les  cacha'ots  parviennent  à  une  très-grande  taille, 
surtout  les  mac  roc  é  pliai  es  ;  la  longueur  de  leur 
corps  varie  depuis  30  pieds  jusqu'à  75  ;  on  en  a  pris 
même  dans  les  parages  de  la  Nouvelle  Zélande  qui 
avaient  plus  de  90  pieds  de  long. 

Ce  cetacée  est  un  animal  dangereux,  de  mœurs 
féroces,  et  la  terreur  de  presque  tous  les  poissons. 
Son  agilité,  la  promptitude  de  ses  mouvements,  la 
vitesse  extraordinaire  de  sa  natation,  les  dents  puis- 
santes dont  il  est  armé,  lui  donnent  sur  la  bah^ine 
de  très  grands  avantages;  aussi  est-il  toujours  le 
premier  à  l'attaquer:  il  la  combat  avec  furie,  en 
faisant  entendre  des  sifflements  aigus  et  d'effjoy- 
ables  mugissements  qui  font  accourir  à  >on  aide  les 
individus  de  son  espèce,  et  lui  assurent  la  victoire. 

Les  cachalots  voyagent  toujours  en  troupes  très 
nombreuses  et  leurs  phalanges  couvrent  souvent 
d'immenses  espaces  de  mer  ;  un  vieux  mâle  est, 
dit-un,  toujours  en  tête  de  la  colonne.  Ils  parcou- 
rent la  partie  équatorialc  du  grand  océan  et  se  mon- 
trent fréquemment  aux  alentours  des  Iles  Gallapa- 
gos,  îles  équatoriaies  découvertes  par  les  Espagnols. 
Leur  présence  dans  ces  parages  fait  fuir  les  baleines 
qu'ils  rencontrent.  Ils  abondent  auGsi  dans  Tarchi- 
pel  (les  Moluques  et  dans  l'espace  compris  entre  les 
Iles  Timor,  Timor  Laout,  Arou,  et  l'Australie  Sep- 
tentrionale (mer  des  Indes.) 

Une  centaine  de  navires  Américains  se  portent 
tous  les  ans  vers  cette  région,  et  retirent  environ 
cinq  raillions  de  dollars  du  produit  de  leur  pêche. 
Du  reste,  les  armateurs  des  Etats-Unis  dirigent 
maintenant  leurs  expéditions  dans  toutes  les  mers. 
Les  navires  destinés  à  ces  entreprises,  commencent 
leurs  opérations  dans  l'océan  Atlantique,  en  descen- 
dant vers  le  Midi  pour  aller  doubler  le  Cap  Horn. 
Ils  remontent  ensuite  la  côte  occidentale  de  l'Amé- 
rique du  Sud,  dont  ils  visitent  les  grandes  baies  ; 


': 


25 


bées,  dont 
L'orifice 
du  mufïle 
nde  taille, 
ir  de  leur 
1  en  a  pris 
élande  qui 

,  de  mœurs 
es  poissons, 
rements,  la 
dents  puis- 
r  la  baltnne 

tovijours  le 
;c  furie,  en 
et  d'effroy- 
>on  aide  les 
a  victoire, 
troupes  très 
înt  souvent 
s  mâle  est, 

Ils  parcou- 
n  et  se  mon- 
les  Gallapa- 

Espagnols. 

es  baleines 

ans  Tarchi- 
ris  entre  les 
istralie  Sep- 

se  portent 
•ont  environ 
leur  pêche, 
lis  dirigent 
es  les  mers, 
commencent 

en  descen- 
Cap  Horn. 
de  TAmé- 
îdes  baies; 


ils  traversent  l'Océan  Pacifique  en  se  dirigeant  vers 
l'archipel  des  mariannes,  puis  de  là  sur  les  Iles  Bo- 
nin,  où  la  pêche  est  très  productive. 

Après  avoir  exploré  ces  parages,  ils  vont  croif  «ir 
sur  les  Côtes  du  Japon,  du  20e  au  4<0e  degré  nord, 
et  viennent  terminer  leur  campagne  à  la  Nouvelle 
Guinée,  aux  Iles  Salomon,  à  la  Nouvelle  Zélande  et 
sur  les  Côtes  de  l'Australie.  Mais  ils  trouvent  dans 
ces  derniers  parages  de  redoutables  concurrents. 
Ce  sont  les  habitants  de  la  Nouvelle  Galles  du  Sud, 
qui  ont  commencé,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  à 
se  livrer  à  la  pèche  de  la  baleine  et  des  cachalots 
avec  le  plus  grand  succès.  Déjà  en  1830,  16  na- 
vires baleiniers  avaient  été  armés  au  port  de  Sidney 
qui  en  comptait  9  autres  en  construction  sur  ses 
chantiers.  Les  pêcheurs  Australiens,  à  portée  des 
meilleures  stations  baleinières,  peuvent  faire  trois 
voyages  dans  le  même  espace  de  temps  que  les  An- 
glais d'Europe  et  les  Américains  des  Etats-Unis 
emploient  pour  opérer  une  campagne.  Il  y  a  donc 
pour  eux  diminution  de  dépenses  et  plus  de  célé- 
rité dans  la  réalisation  des  bénéfices:  avantages 
immenses  que  l'Angleterre  ne  néglige  pas. 

engagement  sanguinaire  entre  le  cachalot  et 

l'espadon. 

Pour  terminer  ma  lecture  de  ce  soir,  ]e  vais  vous 
raconter  l'histoire  d'un  combat  sanglant  entre  un 
cachelot  et  deux  espadons,  relatée  par  un  jeune 
naufragé  dans  la  mer  du  Sud.  Il  y  avait  déjà  plu- 
sieurs jours  qu'ils  avaient  abandonné  leur  vaisseau 
sans  provisions  ni  eau,  lorsque  notre  matelot  en 
s'éveillant  le  matin  par  un  temps  calme  et  une  mer 
rare,  il  aperçoit  une  brigade  de  baleines  à  environ 
une  dixaine  d'arpents,  fesant  leurs  jets  d'eau  et  pour- 
suivant leurs  amusements  lourds  ;  mais  il  n'y  prit 
aucun  intérêt,  et  s'appuyant  sur  le  bord  de  la  cha- 
loupe, il  commença  à  se  laver  la  tête  et  les  yeux 
avec  l'eau  de  mer.  Mais  laissons-le  parler  lui- 
même. 


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il  ; 


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Tandis  que  j'étais  ainsi  occupé  je  fus  surpris  à  la 
vue  d'un  énorme  cachalot  qui  vint  ressoudre  à  15 
pas  dt*  la  chaloupe.  Sa  tête  qui  composait  prés  du 
tiers  de  son  volume  me  parut  une  montagne  de 
chair;  une  couple  de  cachalotins  le  suivaient  et 
passèrent  en  jouant  autour  de  nous.  Le  cachalot 
flotta  tranquillement  pour  une  couple  de  minutes,  à 
l'endroit  où  il  avait  paru  d'abord,  ne  jetant  que  très 
peu  d'eau  avec  beaucoup  d'écume  et  de  vapeur  dans 
l'air;  alors  se  roulant  sur  la  côte,  il  commença  par 
frapper  la  mer  avec  sa  large  et  puissante  queue,  dont 
chaque  coup  produisit  un  éclat  semblable  à  celui  d'un 
canon. 

Ce  bruit  éveilla  en  sursaut  mes  camarades  qui  dor- 
maient encore  et  en  se  levant  ils  rommençèrent  par 
chercher  avec  étonnement  la  cause  d'un  bruit  aussi 
effrayant,  mais  Tanima  plongt  uni  sa  tét'  difforme, 
en  lançant  un  immense  jet  dans  l'air,  disparut. 
Nous  épiâmes  avec  inquiétude  pour  voir  où  il  res- 
souclrait,  convaincus  du  danger  «l'un  tel  voismage, 
qui  seulement  par  un  mouvement  badin,  un  revers 
accidentel  de  sa  queue,  en  poursuivant  son  passe< 
temps  gigantesque,  suffiraient  pour  nous  détruire. 
Il  vint  à  la  surface  à  environ  la  même  distance  que 
la  première  fois,  mais  sur  le  côté  opposé  de  la  cha- 
loupe, il  recommença  à  frapper  la  mer  avec  violence, 
comme  s'il  voulait  déployer,  en  folâtrant,  sa  terrible 
force,  jusqu'à  ce  qu'il  eut  produit  à  une  grande  dis- 
tance un  cercle  d'écume.  En  même  temps  tout  le 
troupeau  semblait  s'approcher  de  nous  ;  mais  notre 
attention  fut  bientôt  retirée  du  troupeau  pour  nous 
occuper  des  mouvements  alarmants  de  l'individu 
que  nous  avions  près  de  nous,  s'éiançant  à  la  sur- 
face à  petite  distance,  son  corf.s  parut  plusieurs  fois  à 
demi  hors  de  l'eau,  tournant  après  chaque  saut  aussi 
brusquement  que  sa  masse  lourde  pouvait  le  per- 
mettre, t't  courant  une  joute  dans  lu  direction  op- 
posée avec  la  même  violence.  Il  passa  une  fois  si 
prés  de  nous  que  je  pense  que  j'aurais  pu  le  toucher 
avec  une  rame  et  nous  vîmes  distinctement  son  petit 


il 


27 


urpris  à  la 
iidre  à  15 
it  près  du 
iitagne  de 
avaient  et 
e  cachalot 
minutes,  à 
it  que  très 
apeur  dans 
mença  par 
[ueue,  dont 
i  celui  d'un 

des  qui  dor- 
nçèrent  par 
bruit  aussi 
i<    difTorme, 
r,    disparut. 
ir  où  il  res- 
[  voisinage, 
,  un   revers 
;  son  passe- 
is  détruire, 
iistance  que 
de  la  cha- 
ec  violence, 
sa  terrible 
rande  dis- 
(ips  tout  le 
mais  notre 
pour  nous 
l'individu 
à  la  sur- 
sieurs fois  à 
e  saut  aussi 
ait  le  per- 
lection  op- 
une  fois  si 
le  toucher 
int  son  petit 


œil  faible  et  les  larges  rides  de  sa  peau  sous  ses 
terribles  mâchoires.  Son  mouvement  causa  une 
telle  oscillât  on  à  la  mer  que  notre  chalimpe  fut 
durant  plus  d'une  minute  prête  à  être  eni:;loutie. 
Tout  à  coup,  après  un  de  ces  tours  brusques,  le 
monstre  tourna  sa  tête  directement  sur  nous,  s'a- 
vançant  avec  une  vitesse  effrayante,  -oit  qu  il  ne 
nous  vit  pas,  ou  qu'il  prit  notre  chaloupe  pour 
quelque  créature  marine  avec  laquelle  il  voulut 
mesurer  sa  force.  Nous  n'avions  nullement  le  temps 
de  faire  des  efforts  pour  éviter  le  danger,  et  quand 
bien  même  nous  aurions  eu  le  temps,  nous  étions 
trop  paralysés  pai  l'imminence  du  danger  |)Oui  faire 
aucun  efibrt  L^anima)  ét.-iit  à  peu  prrs  à  dunze  pas 
de  nous;  très  certainement  il  n'en  était  pas  à  vingt. 
Derrière  lui  s'allongeait  un  sillage  écumant  droit 
comme  un»*  flèche.  Sa  large  tête  labourait  les 
vagues  comme  le  tuillemer  d'un  navire,  et  empilait 
devant  elle  une  montagne  d'écume.  Nous  manquer 
était  absolument  impossible,  et  aucim  pouvoir 
terrestre  amait  pu  arrêter  la  course  de  ce  monstre. 
Une  destruction  instantanée  parut  inévitable.  Je 
tombai  dans  le  v  rtige  et  ma  tête  commença  à 
tourner  tandis  i]uil  me  vint  confusément  à  l'idée 
que  la  sagess«Mnfinie  avait  décrété  qu'il  nous  fallait 
mourir  et  qu'elle  avait  choisi,  dans  sa  miséricorde,  ce 
moyen  de  nous  faire  périr,  pour  nous  épaigner  lej 
horreurs  prolongées  de  la  famine.  Quelle  multitude 
incohérente  de  pensées  et  de  souvenirs  ne  s'accu- 
mulèrent point  dans  ce  moment?  Mille  petits  in- 
cidents décousus  et  trivials  de  ma  vie  passée.  Une 
foule  imaginaire  de  scènes  et  de  figures  familières  se 
présentaient  à  la  fois  devant  moi  vivement  comme 
des  objets  révélés,  pour  un  instant,  par  la  lumière 
d'une  éclair  dans  l'obscurité  d'une  nuit  orageuse. 
Fermant  les  y^nix,  je  recommandais,  en  silence,  mon 
âme  à  Dieu  et  je  m'eflbrçais  de  me  composer  pour 
l'effroyable  moment,  lorsque  Morton  un  des  nôtres 
se  leva  debout  et  nous  ordonna  de  tous  crier  en- 
semble.   Tous  semblèrent  saisir  sa  pensée  à  la  fois 


28 


'.  ! 


\\l 


et  à  y  voir  un  rayon  d'espérance  ;  et  se  levant,  nous 
jetâmes  un  cri  de  toutes  nos  forces,  qui  nous  effraya 
nous-mêmes.  A  l'instant  même,  le  monstre  plongea 
presque  perpendic^ilpireraent  ;  mais  son  mouvement 
fut  si  grand  que  sa  queue  fendit  l'air  à  la  distance  de 
la  longueur  d'une  rame  de  la  chaloupe  et  elle  dis- 
parut. 

Il  est  impossible  de  décider  si  les  cris  que  nous 
fîmes  causèrent  la  plonge  soudaine  qui  nous  sauva. 

Cependant  malgré  sa  taille  et  sa  force  l'on  dit  que 
le  cachalot  est  une  créature  timide,  excepté  quand  il 
est  attaqué  et  enragé. 

Ce  fut  ce  souvenir  qui  survint  à  Morton,  qui  l'en- 
gagea, par  pur  désespoir,  à  entreprendre  d'effrayer 
ce  monstre  formidable. 

Notre  répit  ne  fut  pas  de  longue  durée.  L'animal 
revint  sur  l'eau,  à  très  peu  de  distance  de  nous,  et 
se  dirigea  encore  une  fois  de  notre  côté.  S'il  avait 
été  effrayé  pour  un  instant,  il  fut  bientôt  revenu  de 
sa  panique,  et  l'on  ne  pouvait  plus  se  tromper  sur 
son  intention  ;  il  avançait,  en  donnant  toutes  les 
marques  de  la  rage,  et  la  gueule  toute  grande  ou- 
verte. Nous  sentîmes  qu'aucun  «fïort  de  notre  part 
pouvaient  nous  sauver.  Nous  aurions  aussi  bien  pu 
espérer  de  résister  à  une  tempête  ou  à  un  tremble- 
ment de  terre,  ou  au  choc  d'une  montagne  que  de 
résiskor  à  cette  immense  masse  de  mutiére  poussée 
par  la  vie  et  la  force  et  animée  en  apparence  par  la 
rage. 

Toute  espérance  s'était  évanouie  et  je  pense  que 
nous  étions  tous  résignés  à  la  mort,  et  que  nous  l'at- 
tendions sur  le  champ,  lorsqu'il  survint  une  des  plus 
miraculeuses  interpositions. 

Une  masse  brune  (à  dire  vrai,  nous  étions  telle- 
ment troubles  que  l'on  ne  put  distinguer  di>tincte- 
ment  sa  forme)  s'élança  perpendiculairement  de  la 
mer,  à  20  pieds  dans  l'air,  et  tomba  avec  une  se- 
cousse terrible  sur  le  dos  du  cachalot.  Ce  poisson 
devait  peser  plusieurs  tonneaux  et  le  coup  frappé  fut 
écrasant.     Le  cachalot  fut  pour  un  instant  paralysé 


29 


it,  nous 
effraya 
plongea 
ivement 
Lance  de 
3lle  dis- 

ue  nous 
sauva. 
[1  dit  que 
quand  il 

qui  l'en- 
i'effrayer 

L'animal 
3  nous,  et 
S'il  avait 
evenu  de 
mper  sur 
toutes  les 
rande  ou- 
notre  part 
si  bien  pu 
tremble- 
ne  que  de 
e  poussée 
ce  par  la 

)ense  que 
i"nous  l'at- 
ie  des  plus 

ions  telle- 

diïtincte- 

lent  de  la 

?c  une  se- 

le  poisson 

Ifrappé  fut 

paralysé 


m 


par  le  choc,  et  sa  large  charpente  frémit  de  douleur  ; 
mais  se  rétablissant  promptiiiient  il  s'élança  la  gueule 
ouverte  sur  son  antagoniste  qui  plongea  aussitôt,  et 
tous  deux  disparurent.  Bientôt  le  cachalot  revint  à 
la  surface  ;  et  alors  nous  fûmes  témoins  d'un  de  ces 
terribles  et  rares  spectacles  dont  les  vastes  solitudes 
des  mers  tropicales  sont,  sans  doute,  souvent  le  thé- 
âtre, mais  que  l'œil  de  l'homme  a  rarement  contem- 
plé. 

Le  cachalot  parut  être  attaqué  par  deux  puissants 
ennemis  a^i«sant  de  concert.  L'un,  la  scie,  le  frap- 
pait en  dessous  et  le  chat^s&it  continuellement  à  la 
surface,  tandis  que  l'autre,  le  grampus,  espèce  de 
dauphin  extrêmement  robuste  pour  sa  longueur  (un 
de  18  pieds  de  long  en  mesure  10  de  diamètre),  ré- 
pétait ses  attaques  singulières  pieciscnient  de  la 
même  manière  que  la  première  fois,  aussitôt 
qu'aucune  partie  do  cette  masse  «-xposce,  ne  man- 
quant jamais  son  but,  et  lui  appliquant  des  coups, 
dont  un  seul,  on  pourrait  croire,  aurait  sufii  pour  dé- 
truire aucun  être  vivant.  La  première  vue  que  noua 
eûmes  du  second  antagoniste  du  cachalot,  en  courant 
à  l'attaque,  nous  fit  reconnaître  ci-t  animal  fort  et 
féroce,  que  l'on  nomme  la  scie  de  la  mer  Pacifique. 

Le  cachalot  s'élançait  sur  ses  ennemis  alternati- 
vemetit,  et  celui  qu'il  choisissait  se  sauvait  invaria- 
blement jusqu'à  ce  que  l'autre  eut  une  occasion  de 
venir  le  secourir  j  la  scie,  lorsqu'elle  était  poursuivie, 
nageant  sur  l'eau  en  formant  un  grand  cercle,  et  le 
grampus  plongeant  lorsqu'il  était  |K)ursuivi  à  son 
tour.  Si  le  cachalot  suivait  la  scie  sur  l'eau,  il  était 
sûr  de  recevoir  un  coup  assommant  d'un  saut  du 
grampus  ;  si  celui-ci  était  poursuivi  sous  l'eau,  la 
scie  l'y  attaquait  sans  crainte,  et  comme  il  paraît, 
avec  succès,  car  il  revenait  aussitôt  sur  l'eau. 

Le  combat  vint  à  s'éloigner  de  nous,  le  cachalot 
prenant  la  direction  de  la  phalange  qui  n'était  pas  à 
une  grande  distance.  Il  avait  été  sévèrement  blessé, 
car  l'eau  qu'il  renvoyait  en  remontant  n  la  surface 
était  teinte  de  sang.    Après  cela  nous  ne  vîmes  plus 

c2 


80 

ni  !a  scie  ni  son  compagnon  ;  ils  avaient  probaMenient 
abandoiint')  le  combat.  Quelque  temps  api  es,  la 
phalange  des  bal  ines  parut  s^éloigner,  et  une  demi-* 
heure  après  on  les  avait  entièrement  perdus  de 
vue. 


*    le 


t  i 


Dans  raa  première  lecture,  je  vous  ai  parlé  de 
Torigine  de  la  pêche  et  de  ses  dévelo|)pements  gra- 
duels. Je  vous  ai  parle  des  muyens  que  les  nations 
maritimes  ont  employés  pour  sVm parer  du  poisson 
et  des  profits  qu^ils  en  ont  retires;  il  me  reste  à 
vous  développer  les  avantages  que  les  pêcheries  du 
golfe  St.  Laurent  produiraient  aux  habittint>  de  Qué- 
bec et  du  Canada  en  général,  s'ils  se  livraient  à 
cette  branche  d  industrie 

Il  est  .-idmi<  partout  qu'une  nation  ne  saurait  pré- 
tendre exercer  dans  le  monde  une  granie  influence 
sans  le  secours  d'une  marine.  L'Angleterre,  la 
France  et  les  Etats-Unis  nous  en  fournissent  des 
exemples  par  IVtendue  de  leur  commerce  et  de  leurs 
colonies.  £n  effet.  l'Angleterre  n'a  t  elle  pas  des 
possossions  dans  toutes  les  parties  du  monde.  Je 
dis  plus:  elle  en  a  qui  sont  disposées  de  telle  ma- 
nière que  le  soleil  ne  se  couche  jamais  sur  elles, 
c'est  à  dire  qu'elle  a  des  possessions  contigues  tout 
alentour  du  globe.  La  France  a  aussi  des  colonies 
en  Afrique,  aux  Indes-Orientales  et  aux  Indes-Oc- 
cidentales ;  elle  en  a  en  Amérique  sous  l'équateur 
et  dans  l'Océan  Pacifique.  Quant  aux  Etats-Unis, 
leur  territoire  est  assez  spacieux  sur  ce  continent 
pour  qu'ils  ne  pensent  de  longtemps  encore  à  établir 
des  colonies  ;  mais  leur  commerce  avec  toutes  les 
nations  rivalise  de  bien  près  avec  celui  des  deux 
autres. 

La  puissance  maritime  d'un  Etat  se  mesure  sur 
l'étendue  de  non  commerce  extérieur,  et  ce  com- 
merce ne  peut  se  développer  au  loin  que  par  la  navi- 
gation qui  elle-même  a  besoin  d'un  nombreux  per- 
sonnel pour  agrandir  et  multiplier  ses  entreprises. 
Or  ce  personnel  de  choix  qui  compose  les  équipages 


1 


I;' 


31 


balilenient 
api  es,  la 
une  demi- 
perdus  de 


i  parlé  de 
nents  gra- 
les  nations 
du  poisson 
le  reste  à 
icheries  du 
t>  de  Qué- 
livraient  à 

aurait  pré- 
e  influence 
leterre,    la 
lissent  des 
!  et  de  leurs 
le   pas  des 
nonde.    Je 
}  telle  ma- 
is sur  elles, 
iti  gués  tout 
les  colonies 
Indes-Oc- 
l'équateur 
Etats-Unis, 
continent 
)re  à  établir 
i  toutes  les 
L  des  deux 

mesure  sur 
et  ce  com- 
rnr  la  navi- 
ibreux  per- 
entreprises. 
s  équipages 


des  navires  marchands,  et  dont  l'état  dispose  au  be- 
soin pour  les  armements  de  la  flotte,  se  tiouve  tout 
formé  dans  la  population  du  littoral  adonnée  aux 
pêches  maritimes,  ou  de  celle  qui  exploite  les  ri- 
chesses de  la  mer,  comme  le  laboureur  cultive  la 
terre  pour  en  retirer  les  produits.  Ainsi  la  marine 
de  l'Etat,  la  marine  marchande  et  la  pêche  ont  en- 
tre elles  des  rapports  intimes  et  se  prêtent  un  mutuel 
appui.  La  première,  c'est  à  dire  la  marine  de 
l'Etat,  protège  les  deux  autres  et  trouve  dans 
leur  développement  les  forces  vives  qui  lui  sont  né- 
cessaires. 

La  pêche  est  en  effet  l'école  d'apprentissage  de  la 
navigation,,  et  les  pêcheurs  sont  pour  la  formation 
d'une  marine  ce  que  les  pépinières  sont  pour  les 
grandt's  plantations.  Familiarisés  dès  l'enfance 
avec  l'élément  sur  lequel  il  passe  la  plus  grande 
partie  de  son  existence,  le  pêcheur  est  mis  journel- 
lement à  l'épreuve.  Homme  d'expérience  et  de 
pratique,  il  sait  envisager  avec  courage  et  résigna- 
tion tous  les  dangers,  toutes  les  vicissitudes  de  sa 
profession,  et  soit  que  le  destin  le  place  h.  bord  d'un 
bateau  de  pêche,  d'un  navire  de  commerce  ou  d'un 
vaisseau  de  guêtre,  sa  laborieuse  activité  le  fait 
appré  -iier  dans  toutes  les  situations  de  sa  vie  aven- 
tureuse- 
Mise  en  action  par  l'élément  commercial  qui  lui 
fait  sa  base,  la  pêche  jouit  du  double  privilège  de 
livrer  ses  produits  frais  à  la  consommation  journa- 
lière et  de  i  luvoir  les  transporter  au  loin,  en  les 
conservant  par  la  salaison.  Les  avantages  que  l'E- 
tat en  retire  comme  augmentation  de  force  pour  le 
développement  de  sa  puissance  navale,  les  ressour- 
ces qu'elle  procure  aux  nations  maritimes,  la  place 
au  rang  des  industries  les  plus  utiles  et  les  plus  dignes 
d'encouragement. 

Si  nous  n'avons  point  encore  besoin  de  former 
une  marine  d'Etat,  cela  n'empêche  pas  que  nous  ne 
commencions  par  former  une  marine  commerciale. 
C'est  souh  ce  point  de  vue  que  nous,  citoyens  de 


32 


il! 


■h:        pli 


i 


QuébeC)  et  nous  surtout  habitants  de  Saint-Roch 
dont  la  prospérité  ou  plutôt  la  destinée  dépend  en- 
tièrement de  la  construction  des  vaisseaux,  nous  de- 
vons envisager  la  pêche  :  en  l'entreprenant,  nous 
ouvrons  la  porte  au  développement  de  plusieurs 
branches  d'industrie  inconnues  jusqu'ici  parmi  nous; 
nous  procurons  à  notre  jeunesse  un  débouché  dont 
le  besoin  s'est  fait  sentir  depuis  longtemps.  En 
formant  des  pêcheurs  nous  formerons  des  marins, 
dont  on  a  tant  besoin,  le  printemps,  pour  monter 
les  navires  construits  ici  durant  l'hiver.  Mais  en 
fesant  la  pêche  on  augmente  la  construction  des 
vaisseaux. 

Dans  la  Nouvelle-Ecosse,  une  de  nos  sœurs  colo- 
nies, il  ne  se  construit  pas  moins  de  15.000  tonneaux 
par  année,  pour  la  pêche  seulement.  Cette  pro- 
vince, dont  la  richesse  naturelle  semble  consister  en 
grande  partie  dans  ses  pêches,  exporta  en  1828, 
tant  aux  Indes-Occidentales  qu'à  la  Grande-Breta- 
gne, pour  £105.000  de  poisson  ou  plutôt  de  morue. 
Cette  même  année,  il  y  fut  construit  131  vaisseaux 
mesurant  ensemble  15,535  tonneaux,  et,  terme 
moyen  120  tonneaux  par  navire.  Et  on  doit  raison- 
nablement conclure  qu'allant  toujours  en  ptogres- 
sant.  ils  sont  parvenus  aujourd'hui  à  un  chiffre  d't\u 
moins  le  double  d'alors,  mais  n'ayant  pu  me  pro- 
curer une  statistique  de  ses  dernières  opérations,  je 
ne  puis  vous  en  rendre  un  compte  exact.  Cepen- 
dant il  est  évident  que,  chez  eux,  la  pêche  a  été 
le  principal  aliment  de  la  construction  des  vais- 
seaux. 

Or,  si  j'avais  été  appelé  à  répondre  aux  questions 
du  comité  de  la  chambre  d'assemblée  sur  les  moyens 
les  plus  propres  à  protéger  et  à  augmenter  la  cons- 
truction des  vaisseaux  à  Québec,  voici  ce  que  j'au- 
rais répondu  : 

Encouragez  les  pêches  du  golfe,  et  la  construction 
des  vaisseaux  augmentera  en  proportion  ; 

Encouragez  les  pêches  du  golfe,  et  vous  trouverez 
chez  vous  un  marché  constant  pour  la  plupart  des 
vaisseaux  que  vous  y  construirez  ; 


88 


it-Roch 
end  en- 
lous  de- 
nt, nous 
liisieurs 
li  nous  ; 
hé  dont 
ps.  En 
marins» 
monter 
Mais  en 
tion  des 

iirs  colo- 

^nneaux 

tte  pro- 

sister  en 

m   1828, 

e-Breta- 

3  morue. 

aisseaux 

|,    terme 

raison- 

pcogros- 

ffie  d*t\u 

me  pro- 

tions,  je 

Cepen- 

e  a  été 

es  vais- 

uestions 
moyens 
la  cous- 
ue j*au- 

truction 

ouverez 
)art  des 


Encouragez  les  pêches  du  golfe,  et  vous  vendrez 
vos  vaisseaux  argent  comptant,  et  partant  vous  pour- 
rez  recommencer  chaque  année  pour  votre  propre 
compte,  au  lieu  de  recourir  aux  fournisseurs  à  qui  il 
vous  faut  payer  de  15  à  20  pour  100  pour  vous  pro- 
curer de  l'argent  ; 

Encouragez  les  pêches  du  golfe,  et  vous  verrez 
bientôt  surgir  dans  le  district  une  nouvelle  branche 
d'industrie  agricole  dans  la  culture  du  chanvre,  la- 
quelle devra  servir  a  la  fabrication  du  cordage  que 
vous  allez  chercher  en  Angleterre  aujourd'hui,  et 
dont  elle  va  elle-même  chercher  la  filasse  en  Rus- 
sie ; 

Encouragez  les  pêches  du  golfe,  et  vous  verrez 
s'élever  à  l'entour  de  vos  chantiers  de  vastes  manu- 
factures de  câbles  et  de  cordages  qui  vous  sont  si  né- 
cessaires, et  pour  l'importation  desquels  les  construc- 
teurs de  vaisseaux  sollicitent  actuellement  auprès  de 
la  législature  la  remise  des  droits  provinciaux  y  at- 
tachés ; 

Encouragez  les  pêches  du  golfe  ainsi  que  la  cul- 
ture du  chanvre,  et  bientôt  vous  en  fournirez  à  l'An- 
gleterre en  quantité  suffisante  pour  la  rendre  indé- 
pendante d'une  puissance  qui  !«ait  si  bien  se  servir 
de  sa  supériorité  lorsqu'il  s'agit  de  traités  avec  ceux 
qui  dépendent  d'elle. 

J'aurais  répondu  enfin  :  Calculez  à  combien  peu- 
vent se  monter  les  droits  sur  tous  les  articles  impor- 
tés pour  la  construction  des  vaisseau*  à  Québec,  et 
faites  rapport  à  la  chambre  qu'il  convient  de  disposer 
de  cette  partie  du  revenu  en  primes  à  être  offertes  à 
quiconque  fera  partir  du  port  de  Québec  une  goélette 
équipée  pour  faire  la  pêche  dans  le  golfe,  et  qui  la 
ramènera  à  ce  port  avec  sa  cargaison,  etc.,  et  je  ga- 
rantis qu'un  tel  élan  donné  par  le  gouvernement 
pour  l'encouragement  des  pêchts  du  golfe,  aura  l'ef- 
fet de  faire  oublier  aux  constructeurs  de  vaisseaux, 
avant  peu,  qu'il  existe  des  droits  sur  les  cordages, 
etc.,  qui  puissent  en  aucune  manière  nuire  à  l'exer- 
cice de  leur  industrie. 


'0 


34 


ii 


Mais  si  la  construction  augmentait  de  15,000  ton- 
neaux par  ann'e  pour  la  pêche  seulement,  on  em- 
ploierait près  du  double  du  nombre  de  charpentiers 
qui  sont  employés  aujourd'hui.  Ainsi,  pourquoi  re- 
tarder plus  loni;tem|is  une  entreprise  qui  demande  si 
peu  de  capitaux  et  qui  promet  d^avance  de  si  beaux 
résultats?  Pourquoi  ne  commencerions-nous  pas  dés 
ce  printemps,  en  louant  quelques  goélettes,  à  fairo 
la  pêche,  et  l'autoinne  |irochuin,  avec  les  pro- 
duits de  cette  pêche,  nous  serions  eu  état,  j'en  suis 
certain,  de  mettre  plusieurs  goélettes  sur  les  chan- 
tiers. Et  certes,  ce  serait  poser  les  bases  d'une  ma- 
rine, à  nous  aussi.  Nous  aurions  commencé  par  for- 
mer des  matelots  pour  monter  les  un  vires  construits 
dans  nos  chantiers,  qui  partiront  bientôt  de  notre 
port,  commandés  par  des  capitaines  formés  dans  le 
pays,  grâce  à  la  sagesse  de  notre  gouvernement  qui 
a  bien  voulu  duter  notre  bonne  ville  de  Québec 
d'une  école  de  navigation  qui  doit  s'ouvrir  au  prin- 
temps sous  la  direction  d\m  M.  Kingston  que  Pon  a 
fait  venir  exprès  «l'Europe. 

L'autre  branche  d'industrie  liée  étroitement  avec 
la  construction  des  vaisseaux,  et  que  l'on  a  essayé 
par  divers  moyens,  depuis  plus  de  30  ans,  de  mettre  en 
pratique  en  Canada.c'est  1 1  culture  du  chanvre,article| 
comme  je  l'ai  déjà  dit.  qui  est  d'une  impor*ance  natio- 
nale pour  la  Grande  Bretagne,  laquelle  est  obligée  do 
recourir  à  l'étranger  pour  se  le  procurer  ;  c'est 
pourquoi  plusieurs  entreprises  ont  été  faites  par  le 
gouvernement  et  par  la  société  des  arts  et  des 
sciences  en  Angleterre  pour  en  introduire  la  culture 
en  Canada. 

Cependant,  pour  une  raison  ou  pour  une  autre, 
sans  que  Ton  puisse  l'attribuer  à  la  qualité  du  sol 
canadien,  lequel  est  reconnu  être  des  plus  propres  à 
cette  culture,  ces  esssais  ont  tous  successivement 
échoué,  et  tout  effort  subséquent,  fondé  sur  le  prin- 
cipe des  encouragements  par  l'offre  de  primes,  a  eu 
le  même  sort. 

La  statistique  pour  le  Haut-Canada  montre  qu'il 


I 


«i> 


35 


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4! 


a  été  recunilli  l'année  dernière  50,650  Ibs.  de  lin  et 
de  chanvre,  mais  comme  ces  deux  derniers  articles 
sont  mêlés  ensemble,  on  doit  en  conclure  que  lo 
chanvre  aurait  foimé  un  très  petit  item  sans  quoi 
on  en  aurait  fait  un  à  part.  D'ailUurs  50,000  Ibs. 
de  chanvre  nUraient  pas  bien  loin  dans  le  gréement 
d'un  74  canons. 

Parmi  les  principales  causes  qui  ont  fait  échouer 
toutes  les  entreprises  pour  promouvoir  la  culture  de 
cotte  plante  précieuse  dans  lo  Bas  Canada,  il  pa- 
raîtra évident  à  quiconque  oontiuit  tant  soit  peu  les 
agriculteurs,  que  le  grand  obstacle  a  été  le  manque 
d'un  marché  où  le  cultivateur  pût  disposer  de  son 
chanvre  à  l'état  brut.  Il  n'a  été  offert  jusqu'ici 
des  prifnes  que  pour  le  chanvre  en  filasse,  et  le  cul- 
tivateur qui  ne  connaissait  pas  la  manière  de  le 
préparer,  n  osait  pas  entreprendre  la  culture  d'un 
article  qui  ne  lui  promettait  pas  un  profit  clair  et 
immédiat. 

Mais  en  fcsant  des  entreprises  de  pêches  on  pourra 
parer  à  tous  ces  inconvénients.  Ce  qu'un  seul 
homme  n'ose  entreprendre  de  peur  de  se  ruiner,  10, 
20,  30,  100  s'il  le  faut,  pourront  l'entreprendre,  et 
c'est  par  le  moyen  des  associations  que  Ton  parvien- 
dra à  développer  toutes  ces  industries  ;  car  celui 
qui  prend  une  part  dans  une  association  quelcon'^ue 
ne  risque  qu'une  très  petite  partie  de  ses  épargnes  ; 
et  qu'il  gagne  ou  qu'il  perde,  sa  famille  n'en  souffre 
pas.  Or  dans  le  cas  où  il  ne  se  fait  pas  e  profit  la 
première  année,  (la  société  ayant  eu  d'abord  à  sur- 
monter les  difficultés  de  toute  es;)èce,)  elle  pourra 
néanmoins  continuer  ses  opérations  avec  plus  de 
vigueur  l'année  suivante  et  partant  elle  prospérera. 

Quant  à  former  des  sociétés  la  chose  n'est  pas  si 
difficile  qu'on  se  l'imagine  ;  il  ne  s'agit  que  d'eu 
commencer  une  et  les  autres  suivront  de  près. 
Touvez-moi  d'abord  un  homme  qui  commandera  la 
confiance  générale  et  je  vous  garantis  qu'on  ne  man- 
quera pas  d'associés.  Tout  dépend  de  la  confiance 
que  l'on  repose  dans  celui  qui  se  met  à  la  tête  d'une 


36 


rh 


r 

1' 


nouvelle  entreprise,  pour  en  assurer  la  réussite  ; 
mais  quoiqu'il  me  peine  à  le  dire  je  dois  déclarer 
ici  que  malheureusement  il  y  a  trop  de  jalousie,  de 
méfiance  et  d'égoïsrae  parmi  nous,  Canadiens,  et 
cela  est  le  principal  obstacle  à  la  formation  d'asso- 
ciations et  à  l'avancement  de  nos  hommes  de  ta- 
lents et  de  génie,  qui  n'auraient  souvent  besoin 
que  d'un  petit  capital  pour  appuyer  la  base  d'une 
grande  maison  par  Ih  suite. 

A  l'appui  de  cet  avancé,  je  vais  vous  raconter  un 
fait  arrivé  il  n'y  a  pas  longtemps  et  dont  plusieurs 
d'entre  vous  ont  eu  connaissance. 

Un  de  nos  compatriotes,  et  le  premier  charpentier 
de  Saint  Roch  qui  s'avisa  de  construire  un  navire  à 
son  pro})re  compte,  s'aperçoit  au  milieu  de  l'hiver 
que  ses  fonds  sont  épuisés  ;  mais  son  navire  est  tel- 
lement avancé  qu'avec  au  plus  £500  il  pourra  le 
rachever  prêt  pour  la  mer  Mais  que  faire  1  Faut-il 
s'adresser  aux  fournisseurs  de  la  Basse- Ville  et  leur 
payer  20  par  100?  Encore,  comme  i Canadien, a-t-il 
l'espoir  de  réussir  à  obtenir  de  l'argent,  même  à  ce 
taux  élevé  1  Mais  non,  il  met  plus  de  confiance 
dans  ses  compatriotes  et  il  va  s'adresser  de  suite  à 
ceux  d'entr'eux  qu'il  croit  posséder  des  capitaux 
oisifs  ;  cependant,  refusé  par  plusieurs  de  ces  hommes 
pour  qui  les  moyens  pécuniaires  ne  servent  qu'à 
exploiter  le  talent  et  l'esprit  d'entreprise,  en  proie  à 
la  détresse,  il  trouve  un  de  ses  amis,  homme  géné- 
reux, mais  sans  moyens  pécuniaires,  car  c'est  ordi- 
nairement chez  ceux  qui  ont  moins  de  moyens  que 
l'on  rencontre  plus  de  sympathie  et  de  générosité  ; 
il  trouve  un  ami  qui  lui  dit  qu'il  croit  avoir  trouvé 
son  affaire.  Que  lui-même  appartient  au  comité 
de  régie  d'une  société  qui  devait  s'assembler  pro- 
chainement ;  qu'il  s'adresserait  aux  membres  de  ce 
comité  et  principalement  aux  marchands  ;  qu'il  at- 
tirerait leur  attention  sur  la  position  d'un  de  ses 
membres,  et  qu'il  espérait  réussir  à  lui  trouver  quel- 
qu'un peur  lui  venir  en  aide. 

Cette  assemblée  eut  lieu  et  notre  jeune  philan- 


1^; 


37 


réussite  ; 
5  déclarer 
loiisie,  de 
idiens,  et 
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qu'il  at- 

n  de  ses 

iver  quel- 


trope  y  développa  les  talents  et  l'esprit  d'entreprise 
du  nouveau  constructeur,  qu'il  nomma  au  comité, 
exposant  en  même  temps  la  gêne  pécuniaire  dans 
laquelle  il  se  trouvait  et  demandant  aux  membres 
présents  s'ils  ne  trouveraient  pas  moyen  de  lui  pro- 
curer l'argent  nécessaire  pour  lui  faire  achever  son 
navire  ;  mais  avant  qu'il  y  eut  aucune  discussion  sur 
ce  sujet,  une  voix  influente  du  comité  se  lève  pour 
se  récrier  contre  une  telle  demande,  alléguant  que 
c'était  un  mauvais  précédent  à  établir  que  de  s'adres- 
ser k  ce  comité  pour  un  emprunt  d'argent,  que  si  on 
l'accordait  une  fois,  il  faudrait  continuer,  et  tous  les 
jours  lu  société  se  verrait  obsédée  par  de  semblables 
demandes.  Le  comité  s'aperçut  que  ce  monsieur 
n'avait  pas  compris  la  question,  et  personne  n'osant 
élever  la  voix  après  ce  qui  était  tombé  de  sa  bouche, 
et  qui  avait  eu  l'effet  de  paralyser  la  bonne  disposition 
de  plusieurs  des  membres  présents  en  état  de  faire 
quelque  chose,  et  de  fait,  auxquels  on  s'adressait  et 
non  à  lui,  la  motion  fut  retirée.  Force  fut  donc  à 
notre  pauvre  constructeur,  dès  le  lendemain,  de 
risquera  s'adresser  aux  fournisseurs  de  la  Basse- Ville, 
chez  qui  il  réussit  sans  difficulté  à  se  procurer  tout 
l'argent  nécessaire  pour  achever  son  navire,  qu'il 
lança  sans  accident,  le  chargea  de  bois  et  le  mena 
lui-même  en  Angleterre  où  il  le  vendit  avec  assez 
d'avantage  pour  lui  permettre  de  continuer  à  bâtir. 
C'est  ce  qu'il  a  fait  depuis  plusieurs  années  et  il  a, 
à  l'heure  qu'il  est,  deux  navires  sur  les  chantiers.  Je 
crois  tenir  de  source  certaine  que  s'il  ne  lui  arrive  pas 
d'accident  cette  année,  il  pourra  se  passer  à  l'avenir 
de  l'argent  des  fournisseurs,  mieux  qu'il  s'est  passé 
de  celui  de  ses  compatriotes,  auxquels  il  s'est  adressé, 
et  qui  regretteront  toujours,  j'en  suis  sûr,  d'avoir 
manqué  l'occasion  de  contribuer  à  la  réussite  d'une 
entreprise  aussi  patriotique  ;  car  depuis  que  celui-ci 
a  commencé  à  bâtir,  sept  autres  canadiens  ont  suivi 
ses  traces  et  l'on  doit  espérer  qu'avant  peu  la  cons- 
truction des  vaisseaux  sera  presqu'exclusivement 
entre  les  mains  des  Canadiens.    Hé  !  pourquoi  non  ? 


38 


il!: 


Ne  sont-ils  pas  les  plus  durs  à  rouvrage,  comme  les 
meilleurs  ouvriers  î 

Quoique  je  vous  aie  signalé  quelques  cas  d'égo- 
ïsme  chez  nos  compatriotes,  il  y  a  très-certainement 
de  nobles  exceptions  à  faire  :  on  rencontre  chez  nos 
marchands  canadiens,  surtout  chez  ceux  qui  font  le 
commerce  en  gros  et  qui  ont  passé  en  Angleterre, 
ime  libéralité  qui  n'est  surpassée  par  aucune  autre 
origine,  pas  même  par  un  Anglais,  dont  la  libéralité 
dans  les  affaires  est  proverbiale  ;  et  il  est  à  espérer 
qu'à  mesure  que  notre  industrie  se  développera  et 
que  notre  commerce  s'étendra  au  dehors,  notre  pros- 
périté augmentera  et  nos  fortunes  se  fesant  plus  vite, 
nous  serons  moins  attachés  à  l'argent  et  partant  nous 
serons  moins  égoïstes. 

Mais  je  m'aperçois,  mesdames  et  messieurs,  que  je 
me  suis  éloigné  de  mon  sujet  à  un  tel  point  qu'il 
faudra  que  messieurs  les  musiciens  me  viennent  en 
aide,  pour  m'y  faire  revenir. 

Tout  est  nouveau  pour  nous  dans  les  entreprises 
commerciales  qui  ont  rapport  à  l'économie  politique. 
Il  n'en  est  pas  de  même  pour  nos  voisins  les  Améri- 
cains ;  ils  sont  bien  plus  avancé»?  que  nous  en  ces 
matières. 

Un  Bostonnais  rêve  à  la  possibilité  de  transporter 
de  la  glace  aux  Indes-Orientales,  et  en  moins  de 
deux  mois  une  société  s'organise,  un  navire  est 
chargé  de  glace  et  expédié  à  Canton,  d'où  il  revient 
douze  mois  après,  chargé  d'une  riche  cargaison  de 
thé  et  de  soieries  qu'il  rapporte  eu  échange  pour  la 
glace  qu'il  y  avait  portée.  Plusieurs  ont  suivi  cet 
exemple  ;  mais  malgré  la  compétition,  le  transport 
de  la  glace  dans  ces  régions  lointaines  est  encore 
considéré  être  un  commerce  profitable. 

En  184<4>,  les  charpentiers  de  navires  du  Cap-Bre- 
ton unirent  leuis  épargnes,  et,  dans  leurs  heures  de 
loisir,  construisirent  un  navire  qu'ils  expédièrent 
dans  la  mer  du  Sud  pour  y  faire  la  pêche  de  la  ba- 
leine, et  18  mois  plus  tard,  ce  navire  rentrait  au  port, 
chargé  d'une  riche  cargaison  d'huile,  etc. 


^^i 


39 


;omme  les 

sas  d'égo- 
tainement 
chez  nos 
[iii  font  le 
ngleterre, 
une  autre 
,  libéralité 
à  espérer 
loppera  et 
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tant  nous 

irs,  que  je 
(oint  qu'il 
snnent  en 

entreprises 

politique. 

es  Améri- 

lus  en  ces 

ransporter 
moins  de 
navire  est 
il  revient 
gaison  de 
re  pour  la 
suivi  cet 
transport 
st  encore 

Cap-Bre- 
leures  de 
pédièrent 
ie  la  ba- 
t  au  port, 


m 


Ces  exemples  de  l'effet  des  associations  sont  pris 
au-dehors  ;  mais  sans  aller  si  loin,  ne  pourrions-nous 
pas  en  trouver  chez  nous  1  Dans  Québec,  dans 
Saint-Roch  même,  n'avons-nous  pas  des  sociétés 
commencées  il  y  a  à  peine  trois  ans,  qui,  outre 
qu'elles  mettent  en  circulation  parmi  la  classe  ou- 
vrière pas  moins  de  £35,000  par  année,  offrent 
encore  aux  actionnaires  des  moyens  de  se  tirer  des 
griffes  de  leurs  créanciers,  en  empruntant  de  ces 
sociétés  des  argents  qu'ils  remboursent  par  petites 
sommes  et  presque  sans  s'en  apercevoir?  Vous 
voyez,  mesdames  et  messieurs,  que  je  veux  vous 
parler  des  sociétés  de  bâtisses  établies  à  Québec. 

Je  suis  orgueilleux  de  déclarer  ici  que  je  suis  le 
fondateur  de  la  première  de  ces  sociétés  dans  Qué- 
bec, et  que,  par  conséquent,  je  connais  les  difficultés 
qui  se  rencontrent  pour  introduire  quelque  chose  de 
nouveau  dans  le  public  ;  et  pour  vous  en  donner  une 
idée,  je  vous  dirai  qu'après  avoir  colporté  ma  requête 
adressée  à  la  législature,  demandant  un  acte  d'in- 
corporation, pendant  plus  d'un  mois,  à  peine  pus-je 
réussir  à  la  faire  signer  par  une  douzaine  de  citoyens  ! 
La  législature,  cependant,  passa  cet  acte  d'incorpora- 
tion, mais  je  n'en  étais  pas  au  plus  creux  :  il  fallait 
trouver  vingt  personnes  qui  voiiîussent  apposer  leurs 
noms  sur  une  feuille  qui  devait  être  déposée  au 
greffe  du  Banc  de  la  Reine,  pour  organiser  la  so- 
ciété, et  je  vous  dirai  que  tout  l'été  de  1849  s'écoula 
avant  que  je  pusse  parvenir  à  compléter  cette  liste, 
tant  l'indiff'érence  était  grande  pour  entrer  dans  une 
association  dont  on  ne  connaissait  pas  les  avantages  ; 
cependant,  la  société  s'est  formée,  et  au  lieu  de  600 
souscripteurs  sur  lesquels  on  comptait  pour  ga- 
rantir les  frais  de  gestion,  on  vit,  dès  le  mois  de 
février  suivant,  nos  souscripteurs  se  monter  au 
nombre  de  1700,  et  en  même  temps  une  autre  so- 
ciété du  même  genre  s'organisa,  dont  le  chiffre  ex- 
cède 1100. 

Ainsi,  vous  conviendrez  qu'avec  de  la  persévérance 
on  vient  à  bout  de  tout,  et  je  ne  désespère  pas  qu'a- 


40 


près  vous  avoir  développé  les  différents  moyens  des 
associations  en  commandite,  il  ne  s^en  formera  pas 
deux  OH  trois  seulement,  mtiis  qu'une  fois  Pélan 
donné,  il  s'en  formera  une  dans  chaque  rue  de  Saint- 
Roch  ;  chacun  voudra  avoir  sa  société,  tant  les  pro- 
fits sont  grands. 

On  peut  former  pour  les  fins  de  la  pêche  des  socié- 
tés dont  les  fonds  seront  plus  ou  moins  grands  pour 
commencer  ;  par  exemple,  avec  un  capital  de  X4fOO 
on  peut  louer  trois  goélettes,  les  équiper  et  les  en- 
voyer pêcher  ;  avec  £600  ou  £700  on  pourra  en 
construire  une  et  l'équiper.  Si  le  capital  est  plus 
grand,  on  en  construira  deux,  trois,  etc.  ;  mais  dans 
tous  les  cas  il  sera  facile  d'en  louer  une  et  de  l'équi- 
per. Voyons  maintenant  les  moyens  de  lever  des 
fonds  pour  former  ces  sociétés  ;  je  les  range  au  nom- 
bre de  quatre  : 

1°  Par  souscription  périodique  en  argent  ; 

2^  Par  souscription  en  marchandises,  par  les  mar- 
chands et  autres  industriels  ; 

3®  Par  le  travail  des  mains  ; 

4*^  Par  souscription  mensuelle,  sur  le  plan  des  so- 
ciétés de  bâtisses. 

La  première,  par  souscription  en  argent,  n'a  pas 
besoin  de  commentaire  ;  celui  qui  se  portera  action- 
naire pour  un  certain  nombre  de  parts,  s'engagera  de 
payer  ses  installcments  à  l'appel  des  directeurs, 
comme  dans  les  associations  ordinaires. 

La  deuxième  par  souscription  par  les  marchands 
et  autres  industriels,  en  objets  de  leur  négoce. 

Il  ffxut  d'abord  considérer  que  l'argent  ne  repré- 
sente que  les  commodités  de  la  vie  et  quiconque  pos- 
sède tous  les  commodités  n'a  peu  ou  point  besoin 
d'argent.  L'ouvrier  qui  travaille  le  fait  pour  se  pro- 
curer, ainsi  qu  a  sa  famille,  ces  commodités,  et  soit 
qu'il  reçoive  au  jour  de  paye,  pour  son  salaire,  un 
louis  d'or,  un  billet  de  banque  ou  un  coupon  quelcon- 
que qu'il  pourra  échanger  pour  des  objets  dont  il 
aiiitt  besoin  tant  pour  la  vie  que  pour  l'habit,  durant 
la  semaine  suivante,  il  sera  satisfait.    Or,  si  un  mar* 


41 


3  au  nom- 


chand,  un  épicier,  un  boulanger,  un  boucher,  un  cor< 
donnier,  un  tailleur  ou  tout  autre  négociant,  prenaient 
chacun  des  parts  à  uu  certain  montant,  payable  avec 
les  objets  de  leur  négoce,  il  devrait  s'établir  une 
compétition  entr'eux  qui  faciliterait  le  marché  d*un 
papier-monnaie  que  cette  même  société  mettrait  en 
circulation  pour  payer  les  ouvriers  employés  dans 
ses  chantiers.  Ainsi  une  société  qui  ne  réaliserait 
pour  commencer  que  25  OIq  en  argent  pourrait  en 
émettant  des  bons  négociables  chez  les  actionnaires 
industriels,  conduire  ses  opérations  avec  le  même 
avantage  que  si  c'eût  été  en  argent,  et  avec  plus 
d'avantage  que  si  elle  eût  été  obligée  de  se  procu- 
rer de  l'argent  des  comtiers  de  Québec,  qui  fournis- 
sent aux  constructeurs  de  vaisseaux  à  18  et  20  OIq 
d*intérêt. 

Le  troisième  moyen  d'association  est  par  le  travail 
des  moins. 

C'est  par  ce  moyen  que  l'on  parviendra  à  inté- 
resser toutes  les  classes  de  la  société  dans  l'entre- 
prise ;  vieux  ou  jeune,  riche  ou  pauvre,  charpentier 
ou  menuisier,  matelot  ou  pêcheur,  tous  devront 
avoir  un  intérêt  selon  leurs  moyens  et  la  nature 
des  service»  qu'ils  rendront  à  la  société  :  le  riche  mi 
plaçant  dans  l'entreprise  ses  fonds  ;  le  pauv]fe  et 
l'ouvrier  en  travaillant,  lorsque  l'ouvrage  lui  man- 
quera ailleurs;  dans  le  chantier  dé  la  compagnie  ; 
et  les  matelots  et  pécheurs  en  travaillant  et  péchant 
à  la  part,  comme  cela  se  pratique  chez  les  pêcheurs 
Américains. 

Je  vais  maintenant  essayer  de  développer  plus 
clairement  mon  projet  par  un  exemple:   i         -  ^  j 

Je  sup|iose  qu'une  société  s'organise  dès  à  pressât 
avee  un  capital  dé  j6400  et  qu'il  soit  équipé  trois 
goëletter  jaugeant  chacune  60  tonneaux  que  l'on 
devra  louer  pocnr  la  saiscm,  c'est  à  dire  du  premier 
jnin  au  15  septembre  :  x'^haque  goélette  devra  con- 
tenir quatre  okrgeé' avec  les  lignes,  hameçons  «t 
antres  petits  làgrés  complets  ;;  elle  devra  em|»oi^er 
lea  planches  «t  les  bois  nécessaires  pour  oovstru^e 

d2 


tô 


les  chauiTauds  et  le  hangard  pour  faire  sécher  la 
morue  et  pour  la  mettre  à  Tabri  quand  elle  sera 
faite.  Chaque  goélette  devra  emporter  son  sel  et 
ses  quarts  vides  pour  y  mettre  l'huile  qui  s'y  fera. 
C'est  là  que  l'on  pourra  manufacturer  de  belle  huile 
de  foi  de  morue  tant  recherchée  aujourd'hui  pour 
les  rhumes  et  les  maladies  de  poumons.  Il  ne  s'a- 
girait que  de  mettre  à  bord  deux  chaudières  de  ca- 
pacité suffisante  pour  faire  cette  huile  au  feu,  c'est 
  dire  au  bain-marie  au  lieu  de  la  faire  au  soleil 
comme  elle  se  fait  ordinairement  et  l'on  obtiendrait 
la  plus  belle  et  la  meilleure  huile  que  Pon  se  soit 
procuré  jusqu'ici,  attendu  que  la  morue  est  beaucoup 
plus  grasse  au  Labrador  qu'elle  ne  l'est  sur  les  côtes 
de  la  Baie  des  Chaleurs. 

Le  nombre  d'hommes  à  bord  de  chaque  goélette 
serait  d'au  moins  10,  dans  la  supposition  que  les  pê- 
cheurs feraient  le  devoir  de  matelots  à  bord.  Mais 
si  l'on  destinait  les  goélettes  à  voyager  tandis  que 
se  ferait  leur  cargaison,  il  faudrait  y  ajouter  5  hom- 
mes de  plus,  y  compris  le  capitaine,  comme  on  le 
verra  tout  à  l'heure. 

Pour  se  procurer  des  pêcheurs  pour  la  première 
année,  il  ne  faudra  que  s'adresser  à  Saint-Thomas  et 
au  Cap  St.  Ignace  d'où  il  ne  part  pas  au  printemps 
moins  de  1000  pêcheurs  pour  aller  se  louer  au  La- 
brador et  à  la  Baie  des  Chaleurs.  On  pourrait  aussi 
se  procurer  des  goélettes  à  louer  de  ces  endroits  et 
mon  ami  M.  Bossé,  avocat,  auquel  je  suis  redevable 
pour  la  plus  grande  partie  de  ces  renseignements, 
m'a  assuré  que  presque  toute  la  paroisse  du  Cap 
était  composée!  de  pêcheurs  qui  étaient  en  même 
temps  aussi  bons  marins  qu'ils  étaient  bons  pé- 
cheurs, et  qu'ils  connaissaient  les  meilleurs  endroits 
de  pêches;  ainsi  cette  société  ne  pourrait  faire 
mieux  que  de  s'adresser  directement  à  ces  paroisses 
pour  se  procurer  le  personnel  dont  la  compagnie  au- 
rait besoin  [luiir  cette  première  année.  L'abon- 
dance de  la  luoiiie  est  telle  le  long  de  la  côte  depuis 
les  Sept-Isles  jusqu'au  Blanc  Sablon,  que  souvent 


* 


43 


l'on  marche  à  mi-jambe  dans  celle  qui  a  été  jetée 
au  plein  par  la  tempête.  On  la  pêche  ordinairement 
à  10  arpents  de  terre,  mais  jamais  plus  éloigné  que 
deux  lieues,  tandis  qu^à  la  Baie  des  Chaleurs  on  ne 
pêche  pas  plus  près  que  3  lieues  et  on  s'éloigne  jus- 
qu'à 5  et  6  lieues.  C'est  pourquoi  les  Américains 
désirent  tant  de  changer  le  traité  de  1818,  de  ma- 
nière à  obtenir  la  permission  de  pêcher  plus  près  de 
terre.  Ainsi  par  cette  facilité  de  pêcher  près  de 
terre,  les  barges  font  deux  voyages  sur  les  fonds 
par  jour  et  ils  en  reviennent  avec  une  charge  com- 
plète. 

Je  vous  ai  donné,  dans  ma  première  lecture,  une 
idée  sur  la  manière  dont  on  prépare  le  poisson,  et 
ainsi  vous  voudrez  bien  me  disspenser  de  le  répéter  ; 
j'ajouterai  cependant  qu'il  faut  de  quinze  jours  à 
trois  semaines,  dar'^  les  beaux  temps,  pour  faire 
sécher  le  poisson,  et  dans  trois  mois  on  complète  la 
cargaison  qu'une  goélette  de  60  tonneaux,  ou  environ 
1000  quintaux  avec  quatre  barges  pêcheuses. 

La  morue  que  l'on  fait  au  Labrador  est  bien  su- 
périeure à  celle  de  la  Baie  des  Chaleurs,  pour  le 
commerce  de  Québec  et  du  Haut-Canada,  en  ce 
qu'elle  n'est  pas  aussi  sèche  et  qu'elle  est  bien  plus 
blanche  ;  elle  est  réputée  de  première  qualité,  quoi- 
que toute  ne  soit  pas  aussi  propre  au  commerce  des 
Isles  que  celle  de  la  Baie  des  Chaleurs,  qui  est  plus 
sèche.  Elle  s'est  vendue,  dit-on,  20  schellings, 
l'automne  dernier,  pour  le  Haut-Canada  qui  en  fait 
une  dépense  considérable,  et  qui  nous  fournirait  un 
marché  pour  tant  que  l'on  eût  besoin  d'en  exporter 
ailleurs. 


Je  vais  maintenant  vous  donner  un  aperçu  de  ce 
que  coûterait,  à  peu  près,  l'armement  d'une  goëlelte 
de  60  tonneaux  pour  la  première  année,  car  les 
barges  et  le  bois  pour  le  hangar  et  fur  les  chauf- 
fauds  devront  servir  pour  plusieurs  années,  s'ils  ne 
sont  point  volés. 


44 


armement  par  goélette, 

4  barges  à JSIO 

Lignes  et  agrès  par  homme, 20|, 

40  quarts  vides  i)Our  riiiiile. 2|6, 

100  barriques  de  sel  à 5(, 

14  quint,  de  biscuit  à 22[, 

5  quarts  de  lard,  p.  mess 80[, 

6  minots  de  pois 5[, 

2^  gallons  de  mélasse 2[, 

64  Ibs.  beurre T^d, 

Planches  et  bois 

Douceurs 


dont  il  convient  d'escompter  environ 
JB40  pour  le  coût  des  barges,  d'une 
partie  des  agrès  et  des  bois  pour  la 
2e  année,  disons 


£40  0 

0 

10  0 

0 

5  0 

0 

25  0 

0 

15  18 

0 

20  0 

0 

1  10 

0 

2  0 

0 

2  0 

0 

10  0 

0 

1  15 

0 

^£132  13 

0 

33     0     0 


Frais  d'armement,, . . .      £90    0    0 


Ainsi,  la  première  année,  l'armement  d'une  goé- 
lette de  60  tonneaux  coûtera  £133,  et  la  seconde 
dB90,  à  quoi  il  convient  d'ajouter  les  gages  de  l'équi- 
page et  le  louage  de  la  goélette,  qui  ne  seront 
payables  qu'au  retour  du  voyage,  savoir  : 
Capitaine,  £6  par  mois,  100  jours... »        JS20 

Pêcheurs  9,  je3  do 94 

Louage  de  la  goëlette,  30{  par  jr. . . .         150 
Assurance  de  la  cargaison >    "   6 


0 

0 

10 

0 

0 

0 

0 

0 

m 


l!i 


if-a 
IJSI 


w 


1^ 


Rapporté — Frais  d'armement. 
Dépense  de  l'expédition  totale. 


'(!;■;  i, 


£270     10    0 
133    0     0 

J6403  10     0 


L'armèhiieht  ètlëà  fràiîl  4'ûti  Voyiigô  de  ceÀt  jodrs 

'  auront  donc  coûté  £403  13  0,  disons,  somdle  ronde, 

£400  0  0,  maison  ne  devrait  compte*  qbe  £3^60 

pour  les  années  qui  suivront  la  préziliè^e.    Màià  en 


45 


fesant  pécher  les  hommes  au  cent,  à  1  sch.  du  cent» 
après  avoir  acquis  un  peu  d'expérience,  on  sauve- 
rait ail  moins  JG25  pur  goélette. 

Calculons  maintenant  !e  prodp''  de  la  pêche  : 
1000  quint,  de  morue,  belle  et  blanche, comme  on 
la  fait  au  Labrador,  se  vendront  au  moins  12s  6d  x)ar 

quint je562  lo'  0 

40  quarts  d'huiie  à  5s 100    0     0 

Produit  de  la  vente je652  10    0 

Dépenses  rapportées 403  10     0 

Profit  net  par  goëlette je259    0     0 

et  supposant  qu'on   ait  loué    trois  goé- 
lettes ?,ette  î  nnée,  on  aura  donc  un 

prof.tiiet,  cet  automne,  de 777    0     0 

et  notre  capital  n'aura  été  que  de  JG133  par  goëlette 
ou  J6399  pour  les  trois  goélettes  ;  ainsi  on  aura  fait 
un  profit  de  près  de  200  par  100,  car  le  capital  em- 
ployé n'a  été  que  de  JE  133  par  goëlette. 

Maintenant  avec  nos  JE777  de  profit,  dont  chaque 
actionnaire  devra  se  réjouir  et  ne  pas  viser  à  de- 
mander de  dividende  pour  le  présent,  on  pourra 
mettre  au  moins  deux  goélettes  sur  les  chantiers  et 
même  trois,  et  voici  comment  : 

Comme  on  n'a  pas  encore  de  terrain  à  nous  appar- 
tenant pour  y  construire,  on  s'arrangera  avec  des 
marchands  de  bois,  MM.  Andersen  &  Paradis,  par 
exemple,  qui  ont  un  grand  terrain  et  beaucoup  de 
bois  de  construction  toujours  en  mains,  pour  qu'ils 
nous  permettent  de  construire  chez  eux,  à  condition 
que  nous  achèterons  notre  bois  d'eux,  et  nous  voilà 
avec  un  arsenal  où  nous  commencerons,  avec  un 
maître  et  trois  ou  quatre  charpentiers,  à  préparer  le 
bois  et  mettre  en  couche  nos  deux  goélettes,  lais- 
sant la  porte  ouverte  à  tout  charpentier  dés- 
œuvré qui  voudra  travailler  aux  prix  des  autre> 
charpentiers,  en  laissant  le  quart  ou  la  moitié  de 
ses  gages,  suivant  la  convention,  enferme  de  sous- 
cription, laquelle  lui  profitera  dans  la  société,  en 


é» 


proportion  de  sa  mise.  Mieux  aura  valu  à  ce  char- 
pentier de  travailler  six  jours  pour  n'en  retirer  que 
trois  que  de  rester  à  ne  rien  faire  toute  la  semaine. 
En  parlant  de  charpentiers»  dans  le  cas  précédent, 
j'entends  parler  des  pères  de  famille  qui  souvent  ne 
gagnent  que  le  nécessaire  pour  le  soutien  de  leurs 
familles. 

IMais  il  y  a  une  autre  classe  c^e  charpentiers  et 
d'ouvriers  à  laquelle  je  vais  m'adresser,  et  je  suis 
convaincu  d'avance  que  celle-ci  s'empressera  de  ré- 
pondre à  l'appel  que  je  vais  lui  faire  ;  c'est  des 
garçons  que  je  veux  parler.  Oui,  c'est  cette  jeu- 
nesse active  et  industrieuse,  qui  gagne  de  bons 
gages,  et  qui,  n'ayant  pas,  comme  le  père  de  fa- 
mille, à  soutenir  une  maison,  peut  faire  des  épar- 
gnes, et  c'est  elle  qui  pourra  le  mieux  se  former 
en  société  et  remplir  ses  engagements.  Chaque 
corps  de  métier  pourra  former  sa  société  en  adop- 
tant le  plan  des  sociétés  de  bâtisse,  c'est  à  dire,  en 
payant  leur  souscription  à  la  semaine  ou  au  mois. 
En  effet,  quel  est  le  jeune  ouvrier  qui  ne  pourrait  pas 
économiser  im  écu  par  semaine  ?  Y  en  a-t-il  un 
dans  cette  assemblée  qui  pourra  me  dire  le  con- 
traire et  donner  des  raisons  pour  prouver  comment 
il  lui  serait  plus  difficile  de  payer  10s  par  mois  pour 
une  association  semblable  qu'il  ne  pourrait  le  faire 
pour  un  loyer  qu'il  est  obligé  de  prendre  en  se  ma- 
riant. Cela  est  tout  simple  ;  personne  ne  peut 
avoir  des  raisons  à  offrir  contre  cet  avancé  que  vous 
pourriez  épargner  10s  par  mois  tant  que  vous  serez 
garçons.  Eh  bien  !  je  vais  prouver  que  vous  devez 
épargner  ces  10s  par  mois,  si  vous  voulez  commen- 
cer la  fondation  d'un  établissement  ;  si  vous  voulez 
enfin  parvenir  à  vous  marier  avec  une  perspective 
d'élever  une  famille  dans  l'aisance  j  car  il  en 
coûte  pour  élever  une  famille,  et  que  l'on  soit 
riche  ou  pauvre,  il  faut  que  la  famille  s'élève. 
Mais  si  on  dépense  tout  son  gagne  étant  garçon, 
et  qu'on  se  marie  avec  rien,  il  faut  travailler 
bien  plus  fort  quand  on  est  marié  pour  prendre  le 


47 


dessus,  que  si  on  s'était  formé  un  petit  revenu  étant 
garçon. 

Mais  vous  allez  me  dire  que,  parler  de  mariage, 
ce  n'est  pas  faire  la  pêche  dans  le  golfe  ;  mais  j'ai' 
merais  tant  à  voir  partir  l'exploitation  de  cette  pê- 
che  du  golfe,  que  je  ne  sais  presque  à  quel  saint  me 
recommander  pour  vous  convaincre  de  la  nécessité 
où  l'on  est  et  la  facilité  que  l'on  a  de  l'entreprendre  ; 
et  sans  quelques  digressions  qui  ont  mis  en  cause 
tantôt  le  gouvernement  et  les  membres  de  la  cham- 
bre, tantôt  les  égoïstes,  et  tantôt  les  garçons,  je 
croi^;,  ma  foi,  que  le  poisson  que  je  vous  offrais  au- 
rait été  si  sec,  que  vous  auriez  chassé  loin  de  vous 
l'idée  d'aller  jamais  faire  la  pêche. 

Qu'un  nombre  indéterminé  s'associe,  inscrive 
d'abord  son  nom  sur  un  livre  qui  sera  déposé  quel- 
que part,  et  lorsque  l'on  en  aura  un  nombre  suffi- 
sant, on  convoquera  une  assemblée  générale  des 
souscripteurs  pour  s'organiser  en  nommant  un  bu- 
reau de  direction.  Bien  entendu  qu'un  bill  d'in- 
corporation au  ru  au  préalable  été  obtenu  ;  c'est  une 
démarche  actuellement  en  train,  et  il  n'y  a  pas  de 
doute  que  le  bill  passera  cette  session.  Il  sera  en- 
suite nommé  un  comité  pour  préparer  des  règle- 
ments, lesquels  devront  être  soumis  à  une  assem- 
blée subséquente,  convoquée  à  cet  effet,  et  voilà  la 
société  organisée. 

La  valeur  des  parts  devrait  être  le  plus  bas  pos- 
sible, afin  de  procurer  à  tous  les  moyens  d'y  sous- 
crire. 

Aucun  nombre  de  souscripteurs  qui  souscrira  au 
montant  de  J6140,  pourra  s'organiser  en  société  et 
aura  le  moyen  d'équiper  une  goélette  pour  l'envoyer 
pêcher. 

Soixaate  individus  (garçons)  qui  s'associeraient, 
avec  l'engagement  de  payer  10s.  par  mois  durant 
un  an  seulement,  pourraient,  au  bout  de  l'année, 
équiper  trois  goélettes,  et  le  retour  de  ces  trois 
goélettes  leur  rapporteraient  à  chacun  pour  les  £S 
qu'ils  auraient  payés  un  profit  net  d'au  moins  £12  j 


48 


ïr 


Mi 


5  \ 


et  en  continuant  leurs  opérations,  comme  je  l'ai  dé. 
montré  plus  haut,  c'est-à-dire  en  employant  ces 
profits  à  construire  des  goëlettes  et  les  envoyer  pé- 
cher, les  profits  devront  être  plus  grands  que  la  pre- 
mière année,  et  en  laissant  cumuler  ces  profits  du- 
rant 4  ou  5  ans  sans  réclamer  de  dividende,  la  part 
de  chacun  vaudrait  au  bout  de  5  ans,  je  n'ose  le 
dire,  craignant  de  vous  surprendre  ;  mais  pourtant 
mon  calcul  est  correct.  Eh  bien,  chaque  part  vau- 
drait Je648,  pour  seulement  10s.  par  mois  qu'un 
garçon  aurait  dérobé  à  ses  menus  plaisirs  pendant 
un  an  ! 

Un  charpentier  qui  aurait  travaillé  dans  les  chan- 
tiers d'une  société  durant  l'hiver,  et  qui  aurait  laissé 
15s.  à  la  société,  retirerait  au  bout  do  5  ans,  243 
piastres.  Mais,  direz-vous,  c'est  impossible  ;  une  si 
petite  somme  ne  peut  pas  produire  autant  !  Et  moi, 
je  dis  oui,  et  je  le  prouve  :  semez  un  seul  grain  de 
blé  ce  ()rintemps,  il  vous  rapportera  à  part  le  maître 
brin  plusieurs  tiges  portant  chacun  un  épi,  disons  4 
épis  ;  que  chaque  épi  contienne  25  grains  de  blé, 
voilk  tout  de  suite  100  grains  de  blé  pour  un  an. 
Eh  bien  !  semez  vos  100  grains  de  blé  l'année  sui- 
vante, vous  aurez  raison  d'en  espérer  le  même  pro- 
duit, et  vous  recueillerez  100  fois  100  grains,  c'est- 
à-dire  10,000;  et  ainsi,  en  multipliant  par  100  le 
produit  de  chaque  année,  on  pourrait,  en  moins  de 
25  ans,  acheter  le  plus  grand  empire  du  monde. 
Vous  voyez  donc  que  quand  on  met  toujours  et  qu'on 
ne  retire  rien,  ça  va  aussi  vite  que  quand  on  prend 
toujours  et  que  l'on  ne  met  rien. 

Mesdames  et  messieurs,  je  crains  de  vous  avoir 
fatigué,  pis  encore,  je  crains  de  vous  avoir  ennuyé  ; 
si,  au  contraire,  j'ai  réussi  à  me  faire  comprendre, 
je  réussirai,  j'en  suis  sûr,  à  voir  accomplir  le  rêve 
des  derniers  vingt  ans  de  ma  vie  ;  celui  de  ^oir 
commencer  l'exploitation  des  pêches  du  golfe,  par 
les  citoyens  de  Québec,  sur  un  grand  pied  ;  je  ver- 
rai exploiter  des  mines  mille  fois  plus  riches  et  infi- 
niment plus  durables  que  les  mines  aurifères  de 


49 


PAustralie  et  de  la  Californie  où  toutes  les  nations 
émigrent  à  l'heure  quMl  est  ;  où  celui  qui  peut  réa- 
liser un  capital  sufHsant  pour  payer  son  passage,  va 
chercher  une  fortune  imaginaire,  où  la  plupart  n'y 
trouve  que  la  misère  et  plus  souvent  encore  la 
mort.  Airôtez,  chercheurs  d'or,  arrêtez  !  n'allez  pas 
courir  aux  antipodes  pour  chercher  ce  qui  est  tout 
trouvé,  et  qui  est  à  votre  porte  !  ne  vendez  pas  votre 
propriété  et  votre  ménage  pour  payer  votre  passa^çe 
en  Australie!  Réalisez  seulement  £6;  placez-les 
dans  une  société  do  pèches  ;  continuez  à  exercer 
ensuite  votre  industrie,  ici,  comme  de  coutume; 
laissez  couver  vos  fonds  dans  la  société  que  vous  au- 
rez jointe,  et  en  15  ans  vous  pourrez  compter  avec 
celui  des  plus  heureux  qui  sera  revenu  de  l'Austra- 
lie, s'il  en  revient  jamais  un. 

Enfin,  si  je  réussis  à  faire  exploiter  les  pèches  du 
golfe  en  proportion  de  l'enthousiasme  que  vous  ma- 
nifestez par  vos  applaudissements  répétés,  je  pour- 
rai dire  avec  le  bonhomme  Siméon   JSTvnc  dimittis,.. 


FIN, 


'    'A 


E