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Full text of "Les aventures extraordinaires de deux Canayens [microforme] : charavari littéraire et scientifique"

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Microfiche 
Séries 
(Monographs) 


ICMH 

Collection  de 
microfiches 
(monographies) 


Canadian  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


^il'.» '*^i&r^'^S^MI^£ 


Technical  and  Bibliographie  Notes  /  Notes  techniques  et  bibliographiques 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best  original 
copy  available  for  filming.  Features  of  this  copy  which 
may  be  bibliographically  unique,  which  may  aller  any  of 
the  images  in  the  reproduction,  or  which  may 
significantly  change  the  usual  method  of  filming  are 
checked  below. 


Coloured  covers  / 
Couverture  de  couleur 

Covers  damaged  / 
Couverture  endommagée 


□    Covers  restored  and/or  laminated  / 
Couverture  restaurée  et/ou  pelliculée 

I    Cover  title  missing  /  Le  titre  de  couverture  manque 

I j    Coloured  maps  /  Cartes  géographiques  en  couleur 

□    Coloured  ink  (i.e.  other  tfian  blue  or  black)  / 
Encre  de  couleur  (i.e.  autre  que  bleue  ou  noire) 

□    Coloured  plates  and/or  illustrations  / 
Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 

Bound  with  other  material  / 
Relié  avec  d'autres  documents 

Only  édition  available  / 
Seule  édition  disponible 

Tight  binding  may  cause  shadows  or  distortion  along 
interior  margin  /  La  reliure  serrée  peut  causer  de 
l'ombre  ou  de  la  distorsion  le  long  de  la  marge 
intérieure. 

Blank  leaves  added  during  restoratlons  may  appear 
within  the  text.  Whenever  possible,  thèse  hâve  been 
omitted  from  filming  /  Il  se  peut  que  certaines  pages 
blanches  ajoutées  lors  d'une  restauration 
apparaissent  dans  le  texte,  mais,  lorsque  cela  était 
possible,  ces  pages  n'ont  pas  été  filmées. 


D 
D 
D 


D 


L'Institut  a  microfilmé  le  meilleur  exemplaire  qu'il  lui  a 
été  possible  de  se  procurer.  Les  détails  de  cet  exem- 
plaire qui  sont  peut-être  uniques  du  point  de  vue  bibli- 
ographique, qui  peuvent  modifier  um  image  reproduite, 
ou  qui  peuvent  exiger  une  modification  dans  la  métho- 
de normale  de  filmage  sont  indiqués  ci-dessous. 

I         Coloured  pages  /  Pages  de  couleur 

[^_|    Pages  damaged  /  Pages  endommagées 


D 


Pages  restored  and/or  laminated  / 
Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 


0  Pages  discoloured,  stained  or  foxed  / 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 

I      [   Pages  detached  /  Pages  détachées 

|y^|    Showthrough  /  Transparence 


Quality  of  print  varies  / 
Qualité  inégale  de  l'impression 

Includes  supplementary  material  / 
Comprend  du  matériel  supplémentaire 

Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata  slips, 
tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to  ensure  the  best 
possible  image  /  Les  pages  totalement  ou 
partiellement  obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une 
pelure,  etc.,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  image  possible. 

Opposing  pages  with  varying  colouration  or 
discolourations  are  filmed  twice  to  ensure  the  best 
possible  image  /  Les  pages  s'opposant  ayant  des 
colorations  variables  ou  des  décolorations  sont 
filmées  deux  fois  afin  d'obtenir  la  meilleure  image 
possible. 


D 
D 


D 


a 


Additional  comments  / 
Commentaires  supplémentaires: 


La  moitié  de  la  page  couverture  est  manquante. 


This  item  is  filmed  at  the  réduction  ratio  checked  below  / 

Ce  document  est  filmé  au  taux  de  réduction  indiqué  ci-dessous. 


lOx 

14x 

18x 

22x 

26x 

30x 

1 

1 

1 

y 

12x 


16x 


20x 


24x 


28x 


32x 


Tha  copv  filmad  h«r«  has  ba«n  raproducad  thanks 
to  tha  ganaroaity  of: 

National  Library  of  Canada 


L'axamplaira  filmé  fut  raproduit  gràca  A  la 
générosité  da: 

Bibliothèque  nationale  du  Canada 


Tha  imagas  appaaring  hara  ara  tha  bast  quality 
poMibla  considaring  tha  condition  and  lagibility 
of  tha  original  copy  and  in  itaaping  with  tha 
filming  contract  spacificationa. 


Lat  imagas  suivantas  ont  été  raproduitas  avac  la 
plus  grand  soin,  compta  tanu  da  la  condition  at 
da  la  nattaté  da  l'axamplaira  filmé,  at  an 
conformité  avac  las  conditions  du  contrat  da 
filmaga. 


Original  copias  in  printad  papar  covars  ara  flimad 
baginning  with  tha  front  covar  and  anding  on 
tha  last  paga  with  a  printad  or  illuatratad  impraa- 
sion,  or  tha  back  covar  whan  appropriata.  AH 
othar  original  copias  ara  fiimad  baginning  on  tha 
first  paga  with  a  printad  or  illuatratad  impraa- 
sion,  and  anding  on  tha  last  paga  with  a  printad 
or  illuatratad  imprassion. 


Las  axamplairas  originaux  dont  la  couvartura  an 
papiar  aat  impriméa  sont  filmés  an  commançant 
par  la  pramiar  plat  at  nn  tarminant  soit  par  la 
darniéra  paga  qui  comporta  una  amprainta 
d'impraasion  ou  d'illustration,  soit  par  la  sacond 
plet,  salon  la  cas.  Tous  las  autras  axamplairas 
originaux  sont  filmés  an  commançant  par  la 
pramiéra  paga  qui  comporta  una  ampraintb 
d'impraasion  ou  d'illustration  at  an  tarminani  par 
la  darniéra  paga  qui  comporta  una  talla 
amprainta. 


Tha  last  racordad  frama  on  aach  microficha 
shall  contain  tha  symbol  «^^  (maaning  "CON- 
TINUED"),  or  tha  symbol  V  Imaaning  "END"), 
whichavrr  applias. 


Un  daa  symbolas  suivants  apparaîtra  sur  la 
darniéra  imaga  da  chaqua  microficha.  salon  la 
cas:  la  symbola  ^^^  signifia  "A  SUIVRE",  la 
symboia  ▼  signifia  "FIN". 


Mapa,  platas,  charts.  atc,  may  ba  filmad  at 
diffarant  raduction  ratios.  Thosa  too  larga  to  ba 
antiraiy  includad  in  ona  axpoaura  ara  filmad 
baginning  in  tha  uppar  laft  hand  cornar.  laft  to 
right  and  top  to  bortom,  as  many  f ramas  as 
raquirad.  Tha  following  diagrams  illustrata  tha 
mathod: 


Las  cartaa.  planchas,  tablaaux,  atc.  pauvant  être 
filmés  é  das  taux  da  réduction  différents. 
Lorsqua  la  document  ast  trop  grand  pour  âtra 
raproduit  an  un  saul  cliché,  il  ast  filmé  à  partir 
da  l'angla  supérieur  gauche,  de  gauche  à  droite. 
et  da  haut  an  bas.  an  prenant  le  nombre 
d'imagaa  néceasaira.  Las  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


1 

2 

3 

1 

2 

3 

4 

5 

6 

mm/VStF'  ■*tW*: 


'i.V'îYr 


F?^tf»!%i  i&MÀ*.,  ?#k'^e»mf& 


L»l^^i^i^>ir^\' 


MICROCOPV    RESOIUTION   TEST   CHART 

'ANSI  ond  ISO  TEST  CHART  No   2) 


À     /APPLIED  IIVHGE 


'653    tast    Mapn    Street 

Rochester,    Ne*    York  U609        JSA 

(716)   482  -  03Q0  -  Phone 

'.'■6)   288  -  5989  -  Fa» 


S««<Wi«<irfWWIi<WrfWV»^«VM»A^<«M'<MM»^»V"^*»W'<*«^^*<»'^^>*'^^^^'*^^«^'^^^<<»  ««■l»«<^<^»V>'''>^^  i 


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Charivari   Littéraire 
et   Scientifique 


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JULES  JEHIN 


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LES  AVENTURES 


A-V  t  -/v>-i<L<y 


EXTRAORDINAIRES 


-DE- 


DEUX  CANAYENS 


Charivari  Littéraire 
Cl   ocientirique 


Titolne  Pelquier. 


Baptiste  Courtemanche. 
(Tous  droits  réservés.) 


17 


I-ipri«erie  A.-P.  PiMonTLÏiûree,  Mo.tréal.  P.y 


-.j^^TF^lM^l^^^ 


CopyrighteG  at  the  Ministery  of  Agriculture,  Ottawa. 
Copyrighted  in  1918  by  Jules  Jehin,  at  Washington  In- 
ternational Copyright  Seeured. 


¥ffMé£^:' 


Les  Aventures  Ei^traordinaires 
de  Deux  Canayens 


Par  JULES  JEHIN 


COMMENT  TITOINK  PELQllKR  C'HKRCHANT  INK  SITIA- 
TION  SOCIALK  FIT  LA  UENCONTllK  INATTENDIE 
DE  ^OX  VIEIL  AMI  HAI'TISTE  COIRTEMAN'CHE. 

C'est  tout  (le  niêni*'  une  singulière  chose  que  l'existence  se 
disait  TItoine  Pelquier  (Antoine  Pelletier)  en  mettant  les  pieds 
sur  le  débarcadère  du  "Grand  Central  Terminal  Station"  à  New- 
York. 

II  promena  tout  tlabord  un  regard  circulaire  autour  de  lui, 
considéra  la  foule  énorme  qui  l'environnait  de  toutes  p^irts,  et 
se  laissant  pousser  par  la  cohue  il  parvint  à  une  des  portes  don- 
nant sur  la  quarante-deuxième  rue. 

Une  fois  sur  le  trottoir  11  jeta  un  oeil  indécis  sur  ce  <  tii  !>n- 
tourait,  puis  ne  put  s'empêcher  d'admirer  les  flots  de  lumlpres 
étincelantes  s'échappant  des  enseignes  électriques,  il  con;  uléf» 
avec  un  Intérêt  mitigé  de  terreur  le  va-et-vient  des  auton.ohile*. 
et  des  tramways  et  se  demanda  comment  il  allait  sortir  tU-  rp 
tumulte. 

"Tout  cela  c'est  bien  beau,  se  disalt-il,  c'est  comne  on  di- 
rait en  grand  ce  que  l'on  voit  sur  le  boulevard  St-Laurent.  Mai^^ 
U  va  m"  falloir  trouver  un  hôtel.  Je  me  suis  laissé  dire  qu'cà  Npw 
York  il  y  en  avait  poar  tous  les  goûts.  Cependant  II  ne  faut  pas 
que  j'oublie  que  ma  bourse  n'est  pas  ill'mitée,  que  mes  écono- 
mies, quoique  grassouiUettes,  ne  peuvent  durer  éternellement, 
et  il  me  faut  songer  aux  jours  futurs." 

Si.  souvenant  des  conseils  d'un  ami  qui,  lui,  avait  vécu  à 
New  York,  U  avisa  un  agent  de  police  et  dans  un  anglais  oui  eût 
fait  frémir  un  linguiste  même  indulgent,  U  lui  demanda  ce  qu'il 
désirait. 

Le  policeman  y  mettant  beaucoup  de  bonne  volonté  finit 


I 


WVT7'-^^^.Sk^''iL^:-c'.r,  ^ 


par  coiuprondre  et  lui  indiqua  un  hôtel  «itué  troisième  avenue, 
non  loin  de  la  station  du  clieinin  «'.'  fer  élevé. 

Tifoln»'  se  rendît  «ans  encoiiibre  à  l'endroit  indiqué  et  re- 
tint (iuiLH  un  hôtel  du  trente-sixième  ordre  une  chambre  eonve- 
nable  à  raison  d'un  dollar  par  Jour  ou  six  en  la  prenant  à  la  se- 
maine. 

Notre  ami  paya  un»'  semaine  d'avance,  donna  son  billet  de 
bagage  au  bureau  de  l'hô'el  pour  qu'on  fit  venir  sa  malle,  puis 
sentant  la  faim  aiguillonner  son  estomac,  il  s'eii  fut  dans  un 
restaurant  «les  environs  où  il  se  fit  servir  à  dîner. 

Lesté,  mais  très  fatigué,  il  remit  toute  idée  de  promenade 
pour  le  lendemain,  et  s'en  revint  tout  simplement  à  l'hôtel  où  il 
se  coucha  et  s'endormit  du  sommeil  du  juste. 

Titoine  Pelquier,  ou  plutôt  le  docteur  Antoine  Pelletier,  pou- 
vait avoir  de  trente  à  trente-cinq  ans,  de  taille  moyenne,  assez 
bien  découpé,  il  était  très  brun  avec  une  barbe  taillée  à  la  fran- 
çaise, une  chevelure  abondante  qu'il  rejetait  artistiquement  en 
arrière.  Il  possédait  de  grands  yeux  noirs  qui  ne  manquaient  pas 
d'une  certaine  expression. 

Pelquier  —  pardonnez-moi  cette  dénomination  toute  ter- 
roire  —  venait  directement  de  Montréal,  où  depuis  plusieurs  an- 
nées Il  exerçait  la  profession  de  chirurgien  dentiste  dans  le  quar- 
tier de  Ste-Cunégonde. 

Au  bonheur  d'extraire  incisives  et  molaires,  Titoine  unis- 
sait les  déli»  ^  incontestables  d'être  le  légitime  époux  de  la 
gente  Madcme  Pelletier,  née  Philomène  Tranchemontagne,  de 
Shawinigan. 

Notre  ami  n'était  pas  ce  qu'il  serait  convenu  d'appeler  un 
mauvais  "gas",  il  n'était  pas  joueur,  avait,  il  est  vrai,  un  petit 
faible  pour  la  pipe  et . . .  son  mélange  de  tabac  rouge  et  de  ques- 
nel,  était  connu  de  ses  amis  —  eux  aussi  amateurs  de  vrais  ta- 
bacs canadiens  —  de  la  Pointe  St-Charles  à  St-Henri  des  Tan- 
neries. Il  ne  crachait  pas  dans  le  "petit  blanc",  mais  comme  il  en 
fallait  gros  pour  le  "mettre  en  brosse",  on  n'y  faisait  pas  trop 
attention. 

Cependant,  et  cela  comme  pour  justifier  le  proverbe  qui  dit  : 
"Le  bonheur  parfait  n'existe  pas  en  ce  monde",  Titoine  Pelquier. 
quoique  tout  semblait  bien  marcher  pour  lui,  la  clientèle  était 
bonne  et  en  plus  il  venait  d'hériter  d'une  tante  de  Trois-Rivières, 
découvrit  un  jour  (cela,  hélas!  arrive  dans  les  meilleures  famil- 
les) qu'il  existait  une  pierre  d'échoppement  pour  son  bonheur 
et  cela  lorsque,  oh!  ironie  du  sort!  Il  eut  la  certitude  que  sa  dou- 


<p  ^'•poijHP  (ru'o  Phlloniôiu'  TratuheinoiUapno  .!r  Shawinij.an) 
ni-  Bo  contt^ntait  pas  dp  l.>  ( ril.l.-r  de  detto8  i.,ais  aussi  oriunien • 
ti...  son  craru'  «!••  Ja  plus  phi-r.nnu'-nalo  paire  de  nés  o  ;*on 
puisse  souhaiter  à  un  i   arf,  celui-ci  fût-il  ni.'-iiH'  de  «>'orn  ■.)■..•. 


f'hiloniiiii'    TrancheuionlaKiio 

Or.  Titoine,  de  sa  nature,  n'aimait  pas  les  dettes,  il  savai' 
qu'il  existe  des  moyens  pour  parer  à  cet  inconvénient,  mais  ce 
qui  Je  chatouilla  fort  désagréablement  fut  la  question  des  cor- 
nes. Après  avoir  bien  réfléchi,  pesé  et  repesé  les  moindres  dé- 
tails de  la  situation,  il  décida  de  mettre  entre  lui  et  sa  suave  moi- 
tié (née  Philomène  Tranchemontagne  de  Shavvinigan)  la  ligne 
45lème.  11  se  rend  donc  chez  son  notaire,  liquida  en  sourdine 
son  capital  et  pre.  t  un  bon  pair  le  train,  il  partit  à  la  recher- 
che de  la  liberté  et  ..u  bonheur. 

Voici  donc  en  quelques  mots  par  quelle  suite  do  circons- 
tances nous  trouvons  Titoine  Pelquier  à  New- York. 

Le  lendemain  du  jour  où  commence  notre  récit,  Titoine,  re- 
posé, après  avoir  déjeuné,  l'esprit  libre,  le  coeur  plein  des  plun 
hautes  aspirations,  se  rendit  à  la  giire  du  "C.rand  Central",  non 
pas  dans  l'intention  de  s'informer  de  l'heure  des  trains  en  par- 
tance pour  Montréal,  mais  simplement  pour  y  acheter  un  jour- 
nal et  s'asseoir  confortablement  dans  la  salle  d'attente  et  lire 
tout  à  son  aise  dans  les  journaux  du  matin  les  colonnes  des 
"Help  Wanted". 

Après  avoir  lu  et  relu  ce  qui  l'intéressait,  il  s'arrêta  à  une 
annonce,  tira  un  guide  de  New-York  qu'il  avait  avec  lui  et  après 
l'avoir  con'  ilté  il  se  dit  à  demi-voix: 

"Diable,  c'est  rudement  loin  la  Place  de  la  Batterie,  c'est 
presqu'aussi  quasiment  loin  que  d'aller  du  Mile-End  au  Sault- 
au-Récollet." 

Ces  paroles,  que  ce     adant  il  avait  prononcées  fort  bas,  ne 


m^m^^m 


le  furent  pas  assez  pour  ne  pas  être  entendues  d'un  individu  qui 
semblait  sommeiller  sur  le  même  banc.  Cet  individu  se  leva,  se 
frotta  les  yeux,  et  ae  tournant  vers  Pelquier  il  s'écria  : 

"Est-ce  vous,  monsieur,  qui  venez  de  prononcer  le  nom  béni 
de  ma  paroisse  natale''" 

Pelquier,  des  plus  étonné  de  s'entendre  interpeller  en  fran- 
çais par  un  inconnu,  se  retourna  et  lui  répondit: 

"Veuillez  vous  expliquer! 

"Ai-je  rêvé,  mais  il  me  semble  que  vous  avez  parlé  du  Sault- 
au-RécoUet?"  dit  l'étranger. 

"C'est  bien  possible  que  j'ai  proitioncé  le  nom  du  Sault-au- 
Récollet,  je  connais  bien  cette  place-là. 

"Alors,  dit  l'individu,  si  vous  connaissez  le  Sault-au-Récol- 
let,  vous  venez  de  Montréal,  vous  êtes  un  Canayen,  ou  que  le 
Cric-me-Croque,  comme  disait  mon  ami  Alphonse  Christin. 

"Cette  histoire,  dit  notre  ami,  en  se  rengorgeant,  si  je  suis 
canayen,  j'vous  cré,  pour  vouh  «servir.  Je  suis  le  docteur  Antoine 
Pelletier  de  Ste-Cunégonde. 

"C'est  pas  à  croire,  dit  l'inconnu  dont  les  yeux  se  rempli- 
rent de  larmes.  Titoine  Pelquier,  c'est-y  Dieu  vrai!  Et  lui  pre- 
nant les  mains  il  les  serra  à  les  broyer. 

Titoine  dégagea  sa  main  en  faisant  une  grimace.  "Je  vous 
jure,  monsieur,  dit-il,  que  c'est  bien  là  le  nom  qui  m'a  été  donné 
au  baptême  de  mon  défunt  père. 

"Alors,  dites-moi,  fit  l'inconnu  d'une  voix  de  plus  en  plus 
émue,  n'auriez-vous  pas  fait  vos  études  au  collège  de  l'Assomp- 
tion? 

"En  effet,  répondit  Pelquier,  j'y  étais  dans  la  classe  de  M. 
Latulippe. 


Et  tu  ne  me  reconnais  pas? 


'Et  tu  ne  me  reconnais  pas,  ingrat,  fit  l'inconnu,  moi.  ton 
ancien  condisciple,  celui  qui  t'aidait  à  faire  tes  versions  grec- 
ques lorsque  nous  étions  en  rhétorique. 

"Je  vous  avoue  en  toute  sincérité  que  je  ne  me  remets  pas 
Totre  physionomie,  dit  Titoine  de  plus  en  plus  intrigué. 

"Ohî  les  hommes,  chefs-d'oeuvre  d'ingratitude,  dit  l'incon- 
nu en  faisant  un  geste  magistral,  regarde-moi  bien  en  face,  Ti- 
toine Pelquier,  et  ose  dire  que  tu  ne  reconnais  pas  ton  vieux  ca- 
marade, Baptiste  Courtemanche. 

"Pas  possible,  s'écria  Pelquier,  en  lui  serrant  la  main,  vrai, 
là,  mon  pauvre  ami,  t'es  légèrement  changé,  car  il  faut  dire  qu'il 
y  a  quelque  chose  comme  vingt  ans  que  nous  nous  sommes  vus. 

"Ceci  est  \Tai.  dit  Baptiste  en  soupirant,  nous  avons  sensi- 
blement vieUIi  l'un  et  l'autre,  en  vingt  ans,  vois-tu,  bien  des  cho- 
ses changent.  Alors,  tu  es  devenu  docteur  et  tu  restes  à  New- 
York? 

"Je  suis  nouvellement  arrivé  ici,  dit  Pelquier,  depuis  hier. 
Je  suis  docteur,  c'est-à-dire,  en  chirurgie  dentaire. 

"Tu  es  dentiste,  pas  mal,  tu  voyages,  c'est  beau,  es-tu  ma- 
rié? demanda  Baptiste. 

"Hélas!  soupira  Titoine. 

"Je  comprends,  dit  Baptiste  Courtemanche  en  devenant  sé- 
rieux à  son  tour,  tu  as  peut-être  pincé  un  mauvais  numéro  à  la 
grande  loterie  du  mariage,  tu  es  dans  le  cas  de  ce  pêcheur  qui 
croyait  pêcher  un  maskinongé  et  qui  attrape  une  barbotte.  C'est 
parfois  dur,  mon  pauvre  vieux,  mais  il  faut  en  prendre  son  parti. 

"C'est  ce  que  je  suis  en  train  de  faire,  répondit  Titoine,  mais 
assez  parié  de  moi,  dis-moi  ce  que  tu  as  fait  depuis  notre  sortie 
du  collège? 

"Voici,  dit  Courtemanche: 

"Je  me  suis  rendu  à  Montréal,  où  j'étudiais  le  génie  civil  à 
l'Ecole  Polytechnique.  Au  bout  de  quatre  ans,  j'obtenais  mes  di- 
plômes et  me  lançais  dans  la  vie  active.  Un  diplôme,  vois-tu, 
c'est  très  beau  à  faire  encadrer  et  à  accrocher  au  mur,  mais  au 
point  de  vue  pratique  ce  n'est  encore  que  le  premier  pas  vers 
l'Inconnu.  C'est  souvent  un  diplôme  d'illusions  dont  le  réveU  est 
l'acheminement  verb  la  réalité.  Comme  bien  des  jeunes,  je  crus 
que  le  fait  d'avoir  passé  mes  examens  c'était  la  porte  du  succès 
qui  était  devant  moi  toute  grande  ouverte.  Hélas!  lorsque  je  fus 
livré  à  moi-même,  je  m'aperçus  que  j'étais  bien  peu  de  chose  et 
que  j'avais,  avant  de  connaître  ce  qu'il  faut  réellement  savoir, 
beaucoup  à  travailler. 


A  force  de  ténacité,  j'obtins  quelques  travaux  d'arpentage, 
puis  quelques  amis  influents  me  procurèrent  un  emploi  dans  une 
compagnie  minière.  Je  fis  alors  assez  d'argent  pour  pouvoir  en- 
fin réaliser  mon  ambition,  c'est-à-dire,  je  pus  partir  pour  les 
Etats-Unis  et  de  là  je  m'en  fus  en  Europe  où  j'obtenais  succes- 
sivement mes  diplôme?  de  docteur  en  sciences  chimiques  et  d'ex- 
pert ingénieur  électricien. 

"Superbe!  s'écria  Pelquier,  et  avec  cela  tu  as  enfin  réussi! 

"Superbement,  fit  Baptiste  en  faisant  un  geste  à  la  Don  Cé- 
sar de  Bazan  et  jetant  un  regard  sur  ses  habits  délabrés.  Je  n'en 
ai  peut-être  pas  l'air,  mais  le  hasard  secondant  mes  recherches 
a  placé  en  mes  mains  les  moyens  d'arriver  à  une  fortune  fan- 
tastique. 

"Ah!  bah!  fit  Titoine  stupéfait. 

"Il  en  est  pourtant  ainsi,  cher  ami,  oui,  d'une  fortune  qm 
saura  me  placer  aussi  haut  que  l'ambition  d'un  homme  peut  pré- 
tendre, continua  Baptiste  Courtemanche. 

Et  voyant  que  la  physionomie  de  son  ami  avait  des  airs  de 

doutes: 

"Tu  vois  mon  apparence,  continua  l'ingénieur,  mes  vête- 
ments délabrés,  rien  n'est  là  pour  appuyer  mes  dires  et  cepen- 
dant cette  fortune  je  n'ai  qu'à  tendre  la  main  pour  la  saisir. 

"Qui  t'en  empêche  ?  dit  Pelquier. 

"Le  le\ier  indispensable  à  la  réalisation  de  toutes  les  oeu- 
vres humaines. 

"Il  te  faut  un  levier?  Voyons,  conte-moi  cela,  dit  Pelquier. 

"Alors  viens,  dit  l'ingénieur  en  prenant  le  bras  de  son  ami, 

je  vais  te  dire  tout. 

Et  les  deux  amis,  bras  dessus  bras  dessous,  sortirent  de  la 
gare  et  se  dirigèrent  vers  la  Sixième  Avenue. 

n 

COMME  QUOI  BAPTISTE  COURTEMANCHE  ETAIT  PEUT- 
ETRE  PLUS  RICHE  QU'IL  N'EN  AVAIT  L'AIR. 

Nos  deux  amis,  bras  dessus  bras  dessous,  avaient  donc  quit- 
té la  gare  du  Grand  Central  et  remontaient  tranquillement  la 
42ième  Rue  en  causant,  Courtemanche  conduisant  son  ancien 
condisciple  vers  la  Sixième  Avenue. 

Pelquier  admirait  les  monuments,  la  Bibhothèque  Munici- 
pale. l'Eolian  Hall  et  les  superbes  magasins  qui  se  trouvaient 
sur  leur  passage.  L'époux  de  Philomène  Tranchemontagne  (de 


Shawinigan)  ne  se  lassait  de  contempler  toutes  ces  merveilles 
avec  un  provincial  ébahissement. 

"New-York,  disait-il  à  Baptiste,  c'est  tout  de  même  ce  qu'il 
est  convenu  d'appeler  une  grosse  paroisse.  Les  bâtisses  y  sont 
d'une  hauteur  à  vous  donner  Ir  vertige,  leur  construction  ne 
manque  pas  d'une  certaine  originalité  et  de  grandeur,  et  si  les 
Américains  continuent,  on  ne  sait  où  ils  s'arrêteront,  et  on  fré- 
mit en  songeant  aux  cités  fabuleuses  qu'habiteront  nos  arrières- 
petits  neveux.  Vois  ces  automobiles  qui  sillonnent  en  tous  sens 
les  avenues  et  les  rues.  Les  voitures  à  chevaux  deviennent  de 
plus  en  plus  rares,  et  si  cela  continue,  nos  fiers  coursiers  ne  se 
verront  plus  que  comme  curiosités  dans  les  jardins  zoologiques. 

"C'est  le  progrès,  mon  cher  ami,  dit  Baptiste  en  souriant, 
et  nous  sommes  encore  qu'à  la  genèse  du  grand  bouleversement 
scientifique  qui  va  bouleverser  le  monde.  La  guerre  actuelle  au- 
ra été  la  source  d'un  grand  nombre  de  découvertes  et  de  perfec- 
tionnements qui  n'auraient  sans  elle  jamais  vu  le  jour  ou  du 
moins  n'auraient  été  étudiés  et  mis  en  pratique  qu'à  une  époque 
beaucoup  plus  tardive.  Vois  ce  qui  se  passe  en  ce  moment  dans 
la  vieille  Europe,  tout  est  mis  en  mouvement  pour  perpétrer  le 
crime,  assouvir  les  passions  destructives  les  plus  subtiles,  em- 
ployer la  science  pour  accomplie  la  destruction  et  faire  servir  le 
mot  civilisation  comme  camouflage  de  la  haine  et  de  l'hypocri- 
sie. Rien  n'a  été  négligé,  l'éther,  le  sol  et  les  ondes.  L'homme 
aujourd'hui  ne  se  contente  plus  de  s'entregorger  sur  la  terre, 
mais  comme  des  taupes  se  fraient  des  voies  souterraines  pour 


Tout   ce   que   tu    me   dis-là   c'est   pas    'battable". 

mieux  frapper  leurs  victimes.    Le  ciel  est  sillonné  d'aéroplanes 
et  de  zeppelins  qui  planent  dans  les  airs,  vont  scruter  les  posi- 


10 


tions  ennemies  et  porter  la  mort.  L'océan  est  envahi  par  des 
sous-marins  qui  traîtreusement  ne  se  contentent  pas  de  couler 
les  navires  de  guerre,  mais  frappent  aveuglément  ceux  portant 
les  femmes,  les  enfants  et  les  pauvres  blessés,  ceci  en  se  servant 
du  mot  "Kultur"  pour  cacher  celui  de  férocité. 

i  elquler  écoutait  toutes  ces  belles  paroles  d'une  oreille  dis- 
traite et  lorsqu'ils  furent  arrivés  au  niveau  de  la  vingt-huitième 
rue  il  dit  à  son  ami: 

"Tout  ce  que  tu  me  dis  là  c'est  pas  "battable".  mais  je  n'en 
commence  pas  moins  à  sentir  mon  estomac  qui  me  dit  que  l'heu- 
re du  "lunch"  ne  doit  pas  être  éloignée. 

Courtemanche  qui  lui  aussi  avait  faim,  conduisit  son  ami 
dans  un  restaurant  français  où  tous  deux  s'apprêtèrent  à  faire 
honneur  au  repas. 

"Alors,  fit  Pelquier  en  attaquant  une  excellente  côtelette 
aux  petits  pois,  tu  me  disais  donc  que  tu  n'avais  qu'à  tendre  la 
main  pour  saisir  cette  bonne  dame  Fortune. 

"n  en  est  pourtant  ainsi,  répondit  Baptiste,  et  je  désire  te 
convaincre  par  d'autres  arguments  que  de  vaines  paroles,  mais 
par  des  documents  et  des  chiffres. 

"Diable,  fit  Pelquier,  cela  devient  sérieux. 

"D'autant  plus,  continua  Courtemanche,  que  ces  chiffres  et 
documents  sont  à  même  de  convaincre  les  plus  incrédules. 

"Et  ces  documents,  tu  les  as  avec  toi?  demanda  Pelquier. 

"Non,  je  les  ai  chez  moi,  dit  Baptiste.  Nous  irons  tantôt  les 
chercher  et  je  te  les  lirai  ce  soir  à  tête  reposée. 

"En  attendant,  fit  Titoine,  dis-moi  un  mot  de  tes  voyages 
en  Europe,  surtout  sur  ton  séjour  à  Paris,  ville  que  j'ai  toujours 
rêvé  de  visiter. 

"Paris,  mon  cher  ami,  dit  Baptiste  Courtemanche,  voici  la 
ville  par  excellence  que  tout  homme  intelligent  doit  connaître. 
C'est  le  centre  incomparable  dans  lequel  se  concentrent  toutes 
les  grandeurs  de  la  pensée  humaine  et  comme  disait  si  bien  no- 
tre grand  poète  Louis  Fréchette: 

Paris,  ce  boulevard  de  dix  siècles  de  gloire. 
Orgueil  et  désespoir  des  rois  et  des  césars, 
Foyer  de  la  science  et  temple  des  beaux-art 
Folle  comme  Babel,  sainte  comme  Solimf . 

Oui,  mon  vieux,  dans  cette  ville-là,  vois-tu,  il  y  en  a  pour 
tous  les  goûts.  Veux-tu  travailler  la  musique,  la  peinture,  la  lit- 
térature, tu  y  trouves  tout  ce  qu3  tu  peux  désirer.  As-tu  des  vel- 


Il 

léités  pour  les  sciences,  tu  y  sera  chez  toi.  Désires-tu  devenir  un 
Esculape   artiste  du  bistouri  ou  au  stétoscope.    tu    .^   saura" 

des,  et  non  seulement  au  point  de  vue  théorique,  ma',  à  celui  de 

enralors';:"'"';  T""'^"  '^''^  ""^  "««'^^^  '  — -  s  dt 
We  to,  ?  P.r  ""  ''  '  '"  "'  "'^"^''•^^  """«  P^»-'  ^*«»  de  sembla- 
ew  "  ''•  P^'  d'hyPO<^risie.  pas  de  ces  écrans  qui  ca- 

chent le  Vice.  ma.s  le  plein  jour  que  les  esprits   francs  et   ou- 
verts ne  craignent  pas.  «■=  ei   ou 

que  ZZi^t  '"'''f^''  ''^"'  '•'  ^^^^"'^^'  "^^•«-  d*«-"^oi.  lors- 
que tu  étais  la,  y  as-tu  rencontré  beaucoup  de  Canayens? 

J  te    cre  ,  cit  Baptiste,  et  des  quantités,  mais  il  ne  faut  nas 
croire  que  tous  ceux  qui  vont  là  y  sont  que  pour  s'amuser     ^ 

t^viri^f  "/h  ',  '°'^^P""  '^"^'^^  ''  -PP-^-  à  leirs  con^ 

ance   au  n^" ''  '"''  ''"'^'  ^'  '^^  '^''^  ^^"^«^'^'-  ^^^  connais- 
sances  qu  ils  y  ont  acquises. 

"Et  au  nombre  de  ceux  que  tu  as  vus  là-bas.  y  avait-il  d'as- 
sez intéressants?  demanda  Pelquier.  <^  •«  «  *s 

^  "Pour  ça,  oui,  même  certains  d'entre  eux  m'ont  vivement 
amuses,  mais  j  en  ai  rencontré  un  surtout  qui  valait  son  pesant 
dor.  un  drôle  de  coco,  bon  garçon,  naïf  au  possible  et  dont  tu 
vas  prendre  d'autant  plus  d'intérêt  qu'il  jouera,  je  n'en  doute 
pas,^un  assez  grand  rôle  dans  les  projets  d'avenir  dont  je  t'ai 

Pel  uier  ^"'^^'^"■"  ^^  ^'  Particulier,  ce  brave  homme?  demanda 

"Particulier!  dit  Courtemanche  en  éclatant  de  rire,  écoute 
et  tu  vas  juger  par  toi-même.  (•) 

"J'habitais  à  cette  épciue  un  hôtel  de  famille  situé  au  No 
49  de  la  rue  Bonaparte  et  s'appelant  l'J  .oi  st-Georgos  Ce  n'é- 
ta  t  certes  pas  l'Hôtel  Continental  ni  f  «and  Hôtel,  mais  plu- 
tôt une  hôtellerie  de  famille  où  l'on  trouvait  bon  gîte  et  bonne 
table.  Lon  y  rencontrait  beaucoup  d'étudiants  à  l'aise  et  à  cette 
époque  était  très  fréquentée  par  les  Canadiens-français 

"Un  matin  que  je  revenais  d'une  promenade  matinale  dans 
les  Jardins  du  Luxembourg,  mon  attention  fut  attirée  —  ceci  en 
face  de  mon  hôtel  -  par  un  individu  qui  s'était  posé  comme  un 
piquet  juste  au  coin  de  la  rue  Bonaparte  et  de  la  rue  du  Four 

"Cet  individu  avait  une  apparence  si  cocasse  que  je  ne  pus 
m  empêcher  de  l'observer.  Figures-toi  un  bonhomme  petit-  ven- 

»    Celte  histoire,   sauf  les  noms,  est   absolument   authentique. 


12 


tru,  court  sur  jambes,  une  figure  patibulaire  avec  un  nez  en 
trompette,  des  yeux  en  trous  de  vrille  et  la  lèvre  supérieure  sur- 
montée d'une  moustache  rousse  eu  broussaiUes. 

"Comme  vêtements,  un  complet  jaune  foncé  quadnllé  de 
rouge,  des  pantalons  venant  un  peu  plus  haut  que  les  chevilles, 
un  melon  à  rebord  plat  et  d'une  couleur  indescriptible  était  posé 
sur  sa  tête;  il  portait  à  la  main  un  parapluie  roux,  jadis  noir, 
terminé  par  un  pommeau  en  tête  de  canard. 

"Voici  un  modèle,  pensai-je,  que  "i  mon  ami  Suzor  Côté 
voyait,  il  brûlerait  de  l'envie  de  l'esquisser. 

"Que  diable,  qu'est-ce?  D'où  vient-il?  Que  cherche-t-il*'  In- 
trigué je  m'approchais  de  lui  et  lui  demandais: 

"Monsieur,  cherchez-vous  quelque  chose? 

"Il  me  considéra  pendant  quelques  secondes,  puis  proba- 
blement rassuré  par  mon  sourire  engageant  il  me  demanda: 

"C'est-y  loin  d'icitte  éiousque  se  trouve  l'Hôtel  St-Georges? 

Stupéfait,  je  reculais  surpris  et  lui  dis  : 

"Vous  êtes  canayen,  vous? 

"Comment  que  vous  voyez  ça?  me  demanda-t-il  étonné. 

"C'est  pas  tant  que  ça  se  voit,  lui  dis-je.  mais  ça  s'entend. 


C'est-y  loin  d'icitte  éiousque  se  trouve  l'Hôtt'l  St-Geor^ps? 

"C'est  pas  créyable,  me  dit-il,  mais  vrai,  là,  vous  avez  la  de- 
vinette bien  placée. 

"Alors  vous  cherchez  l'Hôtel  St-Georges?  lui  demandal-je. 

"C'est  ben  de  mêoie,  me  répondit-il. 

"Alors,  venez  avec  moi,  lui  dis-je,  c'est  justement  là  que 
j'habite. 

"Si  vous  demeurez  là,  fit-il,  vous  connaissez  peut-être  l'hom- 
me que  je  veux  voir,  un  Canayen  lui  itou,  qui  répond  au  nom  de 
Baptiste  Courtemanche. 


13 

.»  «"'î?  T?°°"°^  P^'"  D"^^>'  dit-U.  j'arrive  de  Montréal  et 
ce  maUn  m  étant  rendu  au  Bureau  Canadien  on  m'a  donné  vo- 
tre  adresse  comm«  étant  celui  le  plus  à  même  de  me  faire  visiter 
Jrans. 

"En  voUà  une  bonne,  pensai-je,  baUader  ce  brave  homme  à 
travers  Paris  ceci  n'est  pas  exactement  une  sinécure,  ils  en  ont 
des  drôles  d  idées  au  bureau  canadien,  enfin,  exécutons-nous' 

Enchanté  de  vous  connaître.  M.  Duval,  veuiUez  me  suivre 
je  vais  vous  conduire  à  ma  chambre. 

"Le  bonhomme  s'instalia  dans  la  meUleure  chaise  que  Ma- 
dame Lenflé.  la  propriétaire,  avait  mise  à  ma  disposition  et  com- 
mença son  récit. 

III 

UN  VOYAGEUR  PEU  ORDINAIRE. 

"Comme  je  viens  d'avoir  l'honneur  de  vous  le  dire  me  dit 
puval,  je  ne  suis  à  Paris  que  depuis  quelques  jours  et  très  em- 
barrasse de  me  trouver  dans  une  aussi  grande  viUe.  ne  sachant 
ou  diriger  mes  pas  et  ne  connaissant  personne. 

"Vous  vous  demandez  sans  doute  comment  U  se  fait  que  je 
sois  rendu  icitte  et  par  queUe  suite  de  circonstances  je  me  suis 
décidé  à  laisser  ma  famiUe.  mon  intérieur,  pour  courir  le  monde 

"Je  vous  dois,  pour  votre  gouverne,  quelques  mots  d'expU- 
cations. 

"Comme  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  le  dire,  je  me  nomme 
Phihas  Duval,  j'habite  à  Montréal  le  maison  que  j'ai  fait  bâUr 
non  loin  des  anciens  terrains  des  exhibitions",  avenue  Bloom- 
field,  SI  vous  connaissez  ça?  De  mon  métier  je  fais  dans  la  bâ- 
tisse (sic).  J'suis  "enteurpreneur". 

"Je  suis  né  quelque  part  dans  le  Grand-Nord,  près  des  Isles 
de  Sorel.  Mon  père  qui  était  fermier  en  service  d  un  "gros  habi- 
tant", m'envoya  après  que  j'eusse  fait  ma  première  communion 
chez  un  de  mes  parents  qui  était  lui-même  fermier  au  service 
d  un  seigneur,  non  loin  de  Berthier.  Après  trois  ans  d'api.rentis- 
sage,  mon  père  m'envoya  aux  Trois-Rivières  chez  un  de  mes 
cousins  qui  m'employa  d'abord  pour  la  brique  puis  ensuite  qui 
me  fit  faire  dans  la  pierre.  Ah!  Monsieur  Courtemanche  la  pier- 
re c'est  de  l'or  en  barre.  D'omTier  je  devins  foreman,  puis  je  fis 
a  mon  compte  et  je  devins  "enteurpreneur".  C'est  alors  que  j'é- 


14 


pousals  ma  Délima  qui  me  donna  trolfi  beaux  enfants  et  je   fis 
bâtir  ma  maison. 

"Tout  ceci  est  fort  beau  mais  ne  m'explique  pas  encore  vo- 
tre voyage  dans  les  vieux  pays,  lui  dls-je. 

"J'arrive  au  point,  continua  Duval.  Un  jour,  le  cousin  de  la 
cousine  de  la  femme  de  journée  de  ma  femme,  qui  était  conduc- 
teur ''ur  les  p'tits  chars,  me  donna  un  livre  sur  la  vie  de  Napo- 
léon, l'empereur  des  Fran(;:iis,  qui  avait  été  publié  en  gravures 
par  le  journal  "The  Star". 

"Publié  en  gravures,  que  voulez-vous  dire?  lui  dis- je. 
"Quelque  cho.-^  comme  une  espèce  d'album  représentant  le 
grand  empereur  depuis  son  t 'ifance  au  collège  jusqu'à  sa  mort 
sur  l'Ile  Ste-Hélène,  qu'on  est  prié  de  ne  pas  confondre  avec  cel- 
le qui  se  trouve  en  face  de  Montréal. 

"Donc,  mon  bon  Monsieur  Courtemanche,  j'ai  regardé  cet 
album  page  par  page  avec  le  plus  grand  intérêt,  et  quoique  je  ne 
suis  Bas  un  homme  "instruite",  ce  dont  vous  vous  êtes  peut-être 
aperçu,  Je  me  suis  dit:  Philias  Duval,  maintenant  que  t'as  de  l'ar- 
gent et  que  tu  peux  faire  comme  les  vrais  nonsieurs,  t'es  pas 
pour  mourir  avant  d'aller  voir  la  vieille  mère-patrie  et  les  en- 
droits "éiousqu'il"  a  vécu  le  grand  Napoléon. 

"Voyager,  c'est  "ben"  simple,  cela  est  vrai,  pour  un  homme 
"d'inducation",  mais  pour  un  Canayen  qui  a  passé  la  plus  gran- 
de partie  de  sa  vie  à  faire  dans  la  pierre,  c'est  pas  si  commode, 
aussi  je  m'en  suis  allé  trouver  une  de  mes  connaissances  qui  a 
fait  son  cours  au  CoUège  de  Ste-Thérèse,  et  je  lui  ai  demandé 
ses  avis.  J'ai  lu  quelque  part,  lui  dis-je,  qu'il  y  avait  des  gens  qui 
voyageaient  incognito  ou  quelque   chose   de   même,   comment 

faut-il  faire?  , 

Après  m'avoir  considéré,  il  me  répondit: 

"Mon  vieux,  voyage  comme  t'es! 

"Vous  voyez  que  j'ai  suivi  son  conseil  et  me  voici. 

"Je  considérais  Philias  Duval  avec  intérêt,  poursuivit  Bap- 
tiste Courtemanche,  et  je  lui  répondis: 

"Monsieur  Duval,  vous  avez  agi  en  vrai  patriote  et  en  hom- 
me bien  pensant,  aussi  quoique  mon  temps  soit  très  limité,  veuil- 
lez me  dire  en  quoi  je  puis  vous  être  utile.  ^  ^ 

"Eh  bien.  Monsieur,  dit  Duval,  j'aimerais  que  V^us  me  pUo- 
tiez  un  peu  à  travers  la  ville,  car  je  vous  avoue  que  je  m'y  sens 
complètement  perdu, 

"Ouf!  pensais-je,  comment  vais- je  faire  pour  me  débarras- 


15 

l'entir^S^J:'^^!^  crampon?  Je  ne  pul«  non  plus  l'évincer, 
c  est  un  compatriote  après  tout,  un  Canayen  comme  mol. 

«..,  1  "^"^  ^^'"'  donnais  une  foule  d'indications  et  de  détails 

doni«,  r"  '""'  "  "'"^'^  ''y  P'''^"«'-«  P°"r  visiter  Paris.  Je  lu^ 
donnais  des  notes,  un  plan  de  la  viUe.  et  Je  lui  dis  de  venir  ré^u 

fes  r^f  .  "'  '"'''  '■"  ''^''  -"^barrasse,  que  je  lui  donnerais  t^s 
les  renseignements  nécessaires,  mais  que  pour  le  moment  mes 
occupations  ne  me  permettaient  pas  de  l'aLomp.gnr 

"Philias  Duval  fut  bien  un  peu  débappointé,  mais  il  lui  fal- 
lu faire  contre  mauvaise  fortune  bon  coeur,  et  il  me  a  si  en 
m'assurant  qu'il  reviendrait  sous  peu. 

ip  nr,3"  ^^^^'  ""^"^  ^""'"^  P^"'  *^'**^'  '^  ^^av^  homme  revenait  et 
Je  crus  remarquer  com.ne  un  nuage  qui  le  fnublait. 

"Eh  bien,  Monsieur  Duval.  êtes-vous  satisfait  de  vos  excur- 

"Oui  et  non.  fit-il  en  faisant  une  moue.  Pour  être  une  ctob- 

f'^rf  r  T'r'  '°"'^''**  ""^  ^°^^«  P'^-.  ^««  <l«tance8^ont 
no, L^r,  '  "°";""^««  ""  P^"  différentes  de  ceUes  de  chez 
nous,  et  les  gens  parfois  singuliers. 

"Ah!  vous  trouvez?  lui  dip-je.  Voyons,  contez-moi  cela, 
ror,.     ^^r  ^^Z  ^°"«-"^ê»^e.  dit  Philias  en  s'asseyant  et  bour- 
rant  sa  pipe.  Figurez-vous  qu'hier,  fatigué,  m  ayant  été  prome- 
ner dans  un  parc  qu'ils  appeUent  le  Bols  de  Boulogne,  j'étais  en- 
tre dans  une  espèce  de  jardin  planté  d'arbres,  situé  au  bout  d'u  ■ 

re  ',p 'r?''^''^'r'""''  "'  *»"'"«  nomment,  je  me  suis  laissé  di- 
re, les  Champs  Elysees  ou  quelque  chose  "de  même".  Faticué 
comme  j  a.  eu  l'honneur  de  vous  le  dire,  je  regardais  autour  de 
moi  pour  voir  s'il  n'y  avait  un  banc  ou  quelque  chose  pour  "mas- 
sire  U  y  avait  "ben"  des  bancs  mais  ils  étaient  tous  occupés, 
ce  voyant,  j  aperçus  des  chaises,  il  y  en  avait  des  "mas-ses"  et 
chose  singulière,  il  y  en  avait  rien  que  quelques-unes  d'occu- 
pées. Il  parait,  que  je  me  dis,  que  les  gens  de  "par  icitte"  aiment 
mieux  de  "s'assire"  sur  les  bancs  q\ie  sur  les  chaises  ^  je 
pris  une  des  chaises,  je  m'assis  dessus  et  m'appr-^tais  à  prendre 
ma  pipe  pour  "tirer  une  touche",  lorsqu'une  grosse  bonne  fem- 
me vint  à  moi  et  me  demanda  deux  cents. 

cents?^"''  ""*"*'■   ^"^  ^^  ^"'  ^'^'    ^°"'"*ï"^'   voulez-vous  deux 
"Pour  votre  chaise,  "qu'elle"  me  répond. 
"Comment  pour  "vot"  chaise,  vous  ne  me  ferez  pas  "acre- 


It 


"Poui    votr»'    chal.su.    "quelle" 
Die   répond. 


"L'honiine  nie  regarda  comme 

on   fail    |K)ur  une    bt'tt-   en 

rie'  *e. 


re"  que  par  "Icltte"  on  doit  payer  dans  les  parcs  pour  "s'assire". 

"C'est  le  règlement,  qu'elle  me  dit. 

"Le  règlement?  que  je  lui  dis. 

"Oui,  le  règlement,  me  dit-elle  en  me  faisant  signe  de  payer 
ou  de  m'en  aUer.  Je  partis,  vous  comprenez,  et  je  compris  pour- 
quoi les  gens  "s'assisalent"  sur  les  bancs  plutô*.  que  sur  les  chai- 
ses, c'était  pour  rien  débourser. 

Dégoûté,  Je  continuai  ma  promenade  et  après  avoir  traversé 
un  pont,  je  me  trouvais  sur  un  grand  carré  dans  le  fond  duquel 
11  y  avait  une  grosse  bâtisse  au  centre  de  laquelle  je  pus  voir 
comme  une  espèce  d'église. 

"Je  vais  aller  dans  c'féglise-là,  que"  je  me  dis,  si  c'est  com- 
me par  "cheu"  nous  11  y  aura  moyen  de  "s'assire"  sans  être  in- 
commodé. J'avisais  un  policeman  qui  était  justement  là  et  je  lui 
demandais  ce  que  c'était  que  cette  bâtisse  et  l'église  qui  en  fal- 

sait  le  centre. 

"L'homme  me  regarda  comme  on  fait  pour  une  bête  curieu- 
se et  me  dit: 

"Ce  sont  les  Invalides,  qu'U  me  répond,  et  dans  le  centre 
c'est  la  chapelle  dans  laquelle  se  trouve  le  tombeau  de  l'empe- 
reur Napoléon  Premier. 

"Vous  avez  dit  Napoléon!   m'écriais- je  en  bondissant,   le 

vrai,  le  grand,  le. . . 

"Oui,  me  dit  le  policeman,  étonné  lui-même  de  ma  stupé- 
faction, lé  tombeau  d    Napoléon  1er,  Empereur  des  Français. 

"Sans  en  écouter  davantage,  '-  '^artis  comme  une  flèche, 
vous  n'y  pensez  pas,  Monsieur  (  lemanche,  j'aUais  entrer 
dans  la  chapelle  "éiousque"  se  trouvait  les  restes  de  "Poléon", 
oui,  l'homme  pour  qui  J'avris  traversé  le  péril  des  mers. 

'  "Cette  chapelle.  Monsieur,  est  merveUleusement  bâtie  en 


17 

belle  pierre  et  en  marbre,  et  vous  le  savez,  la  plriiP  i;a  me  con- 
naît. DanH  le  fond  d'un  «'nfonfenient  «.'ntouré  d'une  'bnlusire  " 
se  trouve  "l'entrepophagc  '  dans  lequel  ,se  troiîN»'  le  corps  du 
trrand  capitaine.  A  cette  \m'  jt>  nie  suis  senti  «''niu  .mon  sang  n'a 
fait  qu'un  tour,  «t  je  pensais.  .  .  là  repose  ce  qui  fut  gloire  et  gé- 
I  ..  N'ccoutant  qut*  le  s«'iitini«'ni  df  j)alriotiqu»'  j)i«'t»''  ([ui  agitait 
mon  àme,  je  magi'iiouillais  îi  "la  baiustre"  et  après  avoir  fait 
un  signe  d»*  croix  jf  fis  une  prière  jiuiu-  l'àmc  du  grand  homme. 
J'étais  plongé  dans  ma  médilation  lorsque  je  .sentis  une  mai:i 
s'appesantir  sur  mon  épauh'  et  j  entendis  une  voix  qui  me  disait  : 

"Mon:iieur,  vous  êtes  prié  de  circuler. 

".Je  restais  stupéfait  et  me  levant  je  i»<  >is  un  regard  sur  cet 
individr  qui  n'était  autre  qu'un  des  gardie.i.s.  !'eus  lintention  de 
protester,  mais  devant  l'intensité  de  son  regard  je  ne  trouvais 
rien  de  mieux  que  de  nie  retirer.  Otd,  .Monsieur  t'ourtemanche, 
je  me  r»'tirai.s  en  protestant,  mais  cela  qu'en  moi-même,  car  je 
ne  voulais  pas  troubler  le  repos  du  héros  d'Ausierlitz  en  élevant 
la  voix. 

"C'est  fâcheux,  lui  dis-Je,  mais  sache,  mon  brave  M.  Duval, 
que  le  tombeau  de  Napoléon  n'est  pas  une  église  ordinaire,  et 
que  la  prière  qu--  ^'on  y  fait  doit  rester  mueUe  dans  le  fond  de 
la  pensée.  Pour  ne  pas  vous  fatiguer  Inutilement  dans  vos  pro- 
menades, prenez  les  omnibus  et  ainsi  pour  quelques  sous  vi)us 
pourrez  aller  dans  les  différents  quartiers  de  la  ville  et  en  suivant 
le  plan  que  je  vous  ai  donné  vous  pourrez  connaître  les  noms 
des  principaux  monuments. 

"Vous  avez  raisor  me  dii  Iluval,  et  dès  demain  mat  m  je 
vais  mettre  vos  conseils  en  pratique. 

"Et  que  fit-il?  demanda  Pelquier  fort  amusé. 

"Tu  vas  voir,  dit  iîaptiste  en  rebourraïU  sa  l)ipe,  viens  avec 
moi  et  en  nous  dirigeant  vers  ma  denienn>  je  te  dirai  la  Pn  de 
mon  histoire. 

Pelquier,  après  avoir  payé  la  note  du  déjeuner,  prit  le  bras 
de  son  ami  et  tous  deux  descendirent  l;i  Sixième  Avenue. 

IV 

OU  IL  SERA  QUESTION  DE  PHILIAS  DUVAL  EXPLORATEUR 


1  'elquier  et  son  ami  Baptiste  Courtemanche  descen- 

dirmr  v,  la  Sixième  Avenue  et  tournant  la  rue  Christopher, 
noi,  loin  de  l'endroit  où  se  trouve  le  "Jefferson  Market".  ils  dé- 
bouchèrent au  petit  square  Christopher.  si  toutefois  ce  "square" 


18 

qui  est  triangulaire  mérite  ce  nrm.  Alors  il»  prirent  place  »ur  un 
«les  trois  lianes,  juste  au-dessous  de  l'unique  arbre  qui  onilirajçe 
ce  lieu.  Comme  le  square  était  désert,  Us  purent  s'y  Installer  tout 
à  leur  aise,  allumer  leur  boufl'aKle  et  continuer  la  couversutioii 
de  la  façon  la  plus  paisible. 

"Donc,  continua  Baptiste  Courteniaiiclie,  trois  jours  plus 
tard,  il  pouvak.  être  environ  huit  heures  du  soir,  on  frappa  .'  '.u 
porte,  j  illais  ouvrir  et  à  ma  surprise  J'aiierrus  Phlha«  nnvi.!. 
Non  le  Duval  de  l'autre  jour,  convenable  mal^r»'■  sa  tenue  «'tri- 
quée,  mais  un  Uuval  si  lamenfal>lement  délabr»',  sale,  nn'con- 
naissable,  qu'n!  premier  abord  j'eus  toutes  les  peines  du  monde 
à  le  reconnaître. 

Il  s'arrêta  devant  moi.  un"  main  derrière  le  dos.  l'autre  en- 
tre deux  boutons  de  son  gilet,  affectant  une  pose  napoléonuien- 
ne.  il  me  dit  d'une  voix  grv  .e 

"Pour  un  Canayen  vous  êtes  n-^s  "créquien"! 


Il  avait   l'uppareiu  f  d'un  cliurlviiinit^r 

"Je  reculais  stupéfait,  il  avait  une  mine  telleiueîit  décon- 
fite, ses  mains  et  sa  figure  noirt.  de  fumée  de  charbon  lui  don- 
naient assez  bien  l'apparence  d'un  charbonnier  et  il  ne  présen- 
tait rien  qui  eut  pu  faire  reconnaître  l'entrepreneur. 

"Oui,  continua-t-il  furieux,  je  vous  remercie  de  vos,  avis,  de 
vod  pians,  tout  ce  que  je  vois  c'est  que  vous  avez  voulu  vous 
payer  de  ce  qui  me  sert  de  tête. 

"I  ifin!  mon  cher  M.  Duval,  dis-je  stupéfait,  que  voulez- 
vous  dire? 

"Ce  que  j'veux  dire,  tout  simp'ement  que  je  les  ai  suivis  vos 
"toryeux"  de  conseils,  que  vous  avez  failli  me  faire  crever,  que 
vous  vous  êtes  moqué  de  moi  en  "pépère",  et  que  c'est  pas  cor- 
rect "entoute"  de  la  part  d'un  compatriote. 

"Je  ne  vous  comprends  pas,  dis-je.  Veuillez  m'expliquer  ce 
qui  vous  est  arrivé. 


1» 


"îiimplonuMU  que  vous  m'avez  dit  de  motiter  Hur  les  Imp»î- 
rlala  des  omnibus  pour  mieux  voir  la  vill»\  Arrivé  pn-a  "d'icltte" 
à  la  gare  MontparuuHse,  Jui  demaml»'  ù  un  gamin  (((li  m'a  dit  de 
prendre  le  chemin  dn  fer  0  (f'Inture  et  qu«' de  c»'ttt'  façon  en 
montant  sur  l'hnpt'rial  Je  ferais  le  tour  dt>  la  ville. 

•Je  Ki'ii'ipais  don<  sur  l't  Inii)t'«rial.  .  .  "tut-tut  "  et  voilà  le 
train  en  rout»-,  d'aboni  jf  t\.  ,  di-ns  un  couloir  puia  j'entrais  dann 
un  "tinel  élousqu'll  faisait  noir,  il  y  avait  une  fumée  du  diable, 
de  la  pou5sl(>re  à  ne  pouvoir  respirer  et  cela  dura  deux  heures 
sans  que  je  pus  descendre.  Kt  vous  trotivez  cela,  Monsieur,  ••bef." 
correct  '■d'emniencher"  un  honune  "de  nn-me"?  Que  voulez- 
vouij  que  je  fasso  maintenant,  je  ne  puis  retourner  chez  moi  tel 
que  je  suis.  s:iIo  comme  un  "pion". 

"Al<.>rs  je  (lus  faire  préparer  un  bain  pour  le  pauvre  Duval, 
et  lorsqu'il  fut  à  peu  près  préser  table,  je  le  fis  souper  et  je  le  re- 
coiuluisls  jusqi'e  chez  lui. 

"A  toutes  les  rues,  à  tous  ?«*s  carrefours  il  t'arrêtait  et  di- 
sait (ï'uri  voix  émue; 

"C'est  ben  "matjdit".  ou  bien,  "ça"  parle  au  "yable": 

Et  comme  je  lui  demandais  la  raison  do  ces  exclamations, 
il  me  répondu: 

"Dire  lu'il  s'.-si  promené  par  "icitte",  que  son  rr^gard  a  vu 
toutes  ces  choses! 

"F^t  'onuu.i  j''  lui  demandais  qui,  il  me  repomlir  superbe  de 
conviction: 

"C't'histoire",  Poléon,  parbleu! 

"Harassé  d'avoir  ce  bonhomme  toi:jours  à  mci  trous.ses.  je 
résolus  de  m'en  débarrasser.  .  .  mais  conunent? 

"La  nuit  porte  conseil,  dit-on,  et  k  lendemain,  lorsqu'U  re- 
vint, je  lui  tins  ce  langage: 

'Monsieur  Duval,  l'air  de  Taris  ne  doit  pas  être  salutaire 
pour  vous,  pourquoi  ne  voyageriez-vous  un  peu,  visiter  par  ex- 
eu:ple  le  beau  pays  de  France.  . .  ? 

"J'y  ai  pensé,  Monp'eur,  je  suis  chaque  jour  dégoûté  davan- 
tage de  la  vie  parisienne  et  j'ai  résolu  de  me  rendre  en  Egypte. 

"En  Egypte"?  malheureux!  lui  dis-je,  mais  nous  sommes  au 
mois  d'août  et  c'est  en  Afrique,  vous  comprenez,  en  Afrique.  .  . 

"Parfaitement,  hier  au  soir  j'ai  été  à  la  "Boucane"  et  j'ai 
rencontré  là  une  "barge"  de  Canayens,  y  avait  entre  eux  un 
docteur  de  Lowell,  dans  les  "States",  un  nommé  Brindavnlne, 
nous  avons  causé  d'un  tas  d'affaires  pas  pareilles  et  je  lui  ai  ou- 
vert mon  coeur  et  conté  mes  aventures.  C'est  alors  qu'il  m'a  em- 


manche  le  conseil  dont  à  laquelle  je  viens  d'avoir  l'honneur  de 
vous  entretenir,  et  tous  les  autres  présents  ont  secondé  son 
avis  avec  enthousiasme. 

"J'eus  beau  lui  dire  que  l'Egypte  étant  en  Afrique,  qu'il  n'é- 
tait pas  logique  d'y  aller  en  plein  mois  d'août,  et  que  s'il  voulait 
y  aller,  d'attendre  à  l'automne  ou  à  l'hiver,  et  j'appuyais  mes  ar- 
guments d'une  carte  de  géographie  dont  je  lui  donnais  toutes  les 
explications  compréhensibles  à  un  homme  de  son  intelligence. 

"Duval  me  laissa  me  disant  que  le  soir  même  il  irait  à  la 
"lîoucane"  et  qu'il  demanderait  à  Brindavoine  et  aux  autres  si 
on  se  moquait  de  lui.  * 

"Et  suivit-il  ton  conseil?  demanda  Pelquier,  très  amusé  de 
l'hiistoire. 

"Tu  vas  voir,  dit  Baptiste,  l'aventure  ne  faisait  que  com- 
mencer. Le  lendemain  matin,  vers  les  sept  heures,  Duval  se  pré- 
sentait chez  moi. 

"L'excellent  homme  était  pâle  et  avait  toutes  les  apparences 
d'un  individu  n'ayant  pas  fermé  l'oeil  de  toute  la  nuit. 

"Et  bien,  Monsieur  Duval,  qu'est-ce  qui  me  vaut  l'honneur 
de  votre  visite  à  une  heure  si  matinale?  lui  dis-je. 

"Monsieur  Courtemanche,  me  répondit-il.  la  gravité  des 
circonstances  en  sont  la  cause. 

"Monsieur  Duval,  m'éeriais-je,  vous  m'effraypz. 

"V^oudriez-vous  être  mon  témoin,  me  dit-il  d'un  air  solen- 
nel. 

Diable,  fis-je,  je  croyais  que  Madame  3uval  était  toujours 
de  ce  monde  et  qu'à  moins  d'être  bigame.  .  . 

"Je  dois  me  battre  en  duel,  dit  Philias  Duval  en  se  laissant 
choir  sur  une  chaise. 

"Vous  battre  en  duel!  m'écriais-jo  en  boiuli?sant. 

"Il  en  est  de  même,  fit  Duval,  en  remuant  la  tête  d'un  air  dé- 
sespéré. 

"Enfin,  lui  dis-je,  en  approchant  ma  chaise  de  la  sienne,  con- 
tez-moi cela,  vous  m'étonnez  au  dernier  point. 

"Hier  au  soir,  comme  je  vous  le  disais,  je  me  .suis  rendu  à  la 
Bducano,  dit  Duval,  sans  hésitatioi»  je  me  suis  rendu  auprès  dn 
docteur  Brindavoine  et  je  l'ai  harangué  en  cps  termes: 

"Je  ne  comprends  pas.  Monsieur  le  Docteur,  vous  qui  avez 
de  "l'inducation",  de  vous  moquer  de  telle  façon  d'un  compa- 
triote qui  pour  la  première  fois  dans  son  existence  vient  dans  les 
,  eux  pays. 

Il  me  considéra  un  instant,  puis  nie  dit:  Où  voulez-vous  en 
venir,  Monsieur  Duval? 


n 


"Je  veux  eu  venir  à  ceci,  c'est  que  c'est  pas  ^cliréquieu"  de 
▼oiiloir  persuader  à  un  lionime  pour  lequel  on  devrait  avoir  une 
certaine  considération  d'aller  au  mois  d'août  sur  la  terre  de  l'E- 
gypte qui  se  trouve,  comme  vous  le  savez,  en  Afrique,  comme  je 
me  le  suis  laissé  dire. 

".Mais,  Monsieur,  me  dit  un  "p'tit  l'Yan^â"  qui  avait  une  lu- 
nette dans  un  oeil  et  qui  s'était  approché,  effectivement  que 
l'Egyte  est  située  en  Afrique,  mais  dans  le  nord  de  ce  (ontinent. 

"Y  serait  même  situé  dans  le  Nord-Ouest,  que  jo  lui  réponds, 
que  c'est  pas  up  climat  qui  doit  être  considéré  par  un  C'anayen 
qui  a  femme  et  enfants  et  qui  prend  soin  de  sa  santé  aussi  bien 
pour  le  chaud  que  pour  le  froid. 

"Alors,  s'écria  le  "Françâ",  tous  ici  nous  vous  prenions  i>our 
un  héros  intrépide  prêt  à  affronter  les  climats  les  plus  sévères 
sans  la  moindre  hésitation,  et  vous  semblez  avoir  peur  d'affron- 
ter les  rigueurs  de  l'Afrique  et  comme  le  grand  Napoléon  dont 
vous  ne  faites  que  parler,  vous.  Monsieur  Philias  Duval.  qui  fai- 
tes dans  la  pierre,  hésiteriez-vous  à  vous  faire,  comme  il  le  fit, 
contempler  par  les  Pyramides? 

"Monsieur,  lui  dis-je  suffocant,  s'il  y  a  quelqu'un  ici  qui  a 
peur,  ce  n'est  certainement  pas  moi. 

Alors.  .  .  s'écria  le  "P^ançâ.  . ." 

"Monsieur,  dis-je,  je. . . 

"Il  n'y  a  pas  de  "je",  fit  le  Français  en  me  tendant  une  carte 
de  visite.  Voici  ma  carte,  vous  devez  savoir  ce  que  cela  veut  dire, 
et  si  vous  ne  le  savez  pas  demandez-le  à  vos  témoins. 

"Abasourdi,  je  me  tournais  vers  le  docteur  Brindavoine  qui 
me  dit: 

"Vous  vous  êtes  mis  là  une  belle  chose  sur  les  bras! 

"Quoique  je  me  suis  mis?  lui  dis-je  de  plus  en  plus  étonné. 

"Vous  lui  avez  dit,  ou  du  moins  vous  avez  insinué  qu'il  était 
un  peureux,  un  poltron  si  vous  préférez. 

"Moi!  m'écriais-je,  mais  je  ne  lui  ai  rien  dit  du  tout. 

"Nous  en  sommes  témoins,  firent  les  autres  cotume  un  seul 
komme. 

"Vous  devez  accepter  et  vous  battre,  dit  F3rindavoine,  ou  il 
en'  sera  de  la  réputation  de  l'estimable  corporation  de  ceux  qui 
comme  vous  font  dans  la  pien-e. 

"Je  ne  répondis  pas,  me  dit  Duval.  je  restais  digne  et  je  sor- 
tis gravement  au  milieu  du  silence  général.  Ce  matin  je  viens 
vous  trouver  et  vous  demander  conseil. 

"Monsieur  Duval,   lui  dis-je  vous  me  placez   en    face   d'un 


22 

problème  peut-être  plus  difficile  que  vous  ne  le  pensez  vous-mê- 
me. D'abord,  connaissez-vous  l'adresse  de  votre  adversaire? 

"Voici  sa  carte,  dit  Duval  en  me  présentant  un  bristol  d'une 
propreté  douteuse. 

"Je  pus  lire:  Vicomte  Raoul  de  Sérac,  maître  d'armes  bre- 
veté, 55  rue  du  Dragon. 

"Diable,  lui  dis-je,  après  avoir  lu,  vous  me  semblez  un  hom- 
me bien  malade. 

"Vous  croyez?  me  dit  Philias  Duval  d'un  air  inquiet. 

".Allons,  mon  pauvre  ami.  je  vais  arranger,  du  moins  je  vais 
essayer  de  régler  à  l'amiable  toute  cette  affaire.  Donnez-moi  l'a- 
dresse du  docteur  Brindavoine  et  je  cours  cho?  lui  prendre  des 
renseignemeiiîs. 

"Philias  Duval  étant  parti,  je  *«rminais  ma  toilette  et  me 
rendis  rue  Monsieur  le  Prince  où       tait  le  docteur  Brindavoine. 


RES  NON  VERBA. 

Le  docteur  Brindavoine  habitait,  venons-nous  de  dire,  un 
hôtel  meublé  de  la  rue  Monsieur  le  Prince.  Cette  rue  est  fort 
connue  de  tous  ceux  qui  ont  habité  le  Quartier  Latin,  étudiants 
en  droit  ou  en  médecine,  et  beaucoup  surtout  des  disciples  de 
l'Ecole  des  Beaux-Arts.  L'appartement  de  Brindavoine  n'était 
pas  luxueux,  une  chambre  à  coucher  avec  un  petit  cabinet  de 
toilette  adjacent. 

Brindavoine  lui  aussi  était  canadien,  de  Sorel,  avait  étudié 
la  médecine  à  l'Université  La\al.  puis  était  allé  professer  à 
Lowell,  aux  Etats-Unis.  C'était  un  beau  gaillard  d'environ  vingt- 
sept  à  vingt-huit  ans,  bien  découpé,  bon  enfant,  joyeux  compa- 
gnon qui  tout  en  aimant  bien  s'amuser  ne  négligeait  pas  ses 
études  et  savait  comme  bien  d 'autres  (ie  ses  compatriotes  alors 
à  Paris  unir  le  plaisir  à  un  travail  scientifique  des  plus  séripux. 

"Diable!  s'écia-t-il  en  m'apercevant,  quel  bon  vent  vous 
emmène? 

"Voici,  lui  dis-je  en  m'asseyant  sur  le  siège  qu'il  m'offrait, 
je  viens  vous  causer  de  l'innénarrable  Monsieur  Philias  Duval. 

"En  entendant  prononcer  le  nom  de  l'entrepreneur.  Brinda- 
voine partit  d'un  rire  homérique  et  fut  pendant  quelques  minu- 
tes avant  de  pouvoir  reprendre  sa  respiration  normale. 

"Parlez,  me  dit-il,  lorsqu'il  fut  remis,  il  me  tarde  de  vous  en- 
tendre. 


mÊÊÊ^ 


23 


"Je  lui  contais  alors  la  visite  de  Duval,  son  histoire  de 
provocation,  et  lui  donnais  tous  les  détails  que  nous  connais- 
Eons. 

"Mon  cher  ami,  dit  Brindavoine,  l'histoire  est  plus  comique 
encore  que  vous  ne  pouvez  vous  le  figurer.  Vous  connaissez  aus- 
si bien  que  moi  le  brave  Duval,  c'est  dans  le  fond  le  meilleur 
homme  que  l'on  puisse  trouver,  mais  avec  cela  la  poire  la  plus 
phénoménale  que  l'on  puisse  rencontrer.  La  première  chose  que 
les  membres  de  la  "Boucane"  virent,  ce  fut  l'occasion  de  profi- 
ter de  la  naïveté  de  Duval  pour  s'en  amuser,  et  lorsqu'ils  surent 
que  rer'repreneur  était  i)ossesseur  d'un  joli  montant  en  poche, 
non  pas  de  s'en  emparer  d'une  fa(;on  illicite,  mais  de  se  faire 
payer  un  bon  dîner  par  un  moyen  quelconque. 

"Or  Sérac,  un  charmant  garçon  qui  est  peintre  mais  aus&^i 
maître  d'armes,  inventa  le  "truc"  du  duel,  le  tour  fut  joué,  la  scè- 
ne préparée  et  notre  jobard  tomba  dans  le  filet  sans  se  douter  de 
rien. 

"Mais  le  duel?  dis- je. 

"Aura  lieu,  dit  Brindavoine. 

"Je  ne  vois  pas  du  tout  Philias  Duval,  se  battant  en  duel,  lui 
dis-je  en  riant. 

"Parfaitement,  nous  aurons  même  un  artiste  photographe 
qui  reproduira  la  scène  qui  ne  manquera  pas  d'avoir  un  assez 
grand  succès  a-  '  «néma. 

"Mais  les  suites".'  fis- je. 

"Le  tout  ne  sera  qu'un  simulacre  des  mieux  organisés,  fiez- 
vous  à  moi,  Duval  n'aura  pas  uiie  égratignure,  ni  son  adversaire 
non  plus,  au  contraire  il  r°ra  le  héros  et  tenu  comme  tel  à  payer 
un  formidable  déjeuner. 

"Alors  vous  êtes  sérieux?  lui  dis-je. 

"Des  plus  sérieux,  me  répondit-il,  vous  serez  le  témoin  de 
Duval,  trouvez-en  un  autre.  De  son  côté  Sérac  a  les  siens  et  l'af- 
faire aura  lieu  demain  au  petit  jour  dans  un  coin  reculé  du  bois 
de  Saint-Cloud. 

"Et  l'arme?  demandai-je. 
'     "Des  pistolets  de  Liège  avec  des  balles  du  même  métal. 

"Compris,  lui  dis-je,  je  vais  chercher  un  copain  comme  se- 
cond témoin  et  je  vais  retrouver  Duval  qui  m'attend  dans  les 
galeries  de  l'Odéon. 

"Comme  de  fait  je  me  rendis  chez  un  camarade,  un  artiste 
du  Gymnase,  à  qui  je  contaii.  l'histoire  et  qui  accepta  tout  ce 
que  je  voulus. 


24 


Philias  Duval  m'attendait  depuis  assez  longtemps  dans  une 
des  galeries  de  l'Odéon  et  regardait  d'un  air  distrait  les  volumes 
qui  encombraient  les  rayons  des  libraires. 

"Eh  bien!  dit-il  en  m'apercevant,  avez-vous  arrangé  quel- 
que chose? 

"Oui,  fis-je  d'un  air  macabre,  cela  sera  pour  demain  matin 
dans  le  bois  de  Saint-Cloud. 

"Alors,  je  dois  me  battre!  s'écria-t-il  en  devenant  tout  pâle. 

"Oui,  dis-je  d'une  voix  émue  en  lui  serrant  la  main,  l'hon- 
neur de  la  corporation  de  ceux  qui  font  dans  la  pierre  l'exige, 
Philias,  vous  ne  pouvez  reculer. 

"Que  l'yable  la  mène,  la  maudite  corporation,  j'vas  pas 
m'faire  démolir  la  bobine  par  ct'esquimeau-là  pour  leui  faire 
plaisir,  "stacrère"  que  j'suis  pas  u  pour  me  laisser  "emmen- 
cher  de  même". 

"Cependant,  lui  dis-je.  le  monde  a  l'oeil  sur  vous,  toute  la 
"Boucane"  croira  que  vous  avez  eu  peur  et  que  votre  courage 
recule  par  crainte  de  ce  Sérac. 

"Peur  de  ce  freluquet-là.  vous  n'y  pensez  pas,  s'écria  Duval 
au  comble  de  l'indignation. 

"C'est  ce  que  tous  vont  croire.  Je  sais,  quant  à  moi,  que 
vous  ne  craignez  rien,  que  votre  bravoure  est  à  toute  épreuve, 
mais  je  ne  suis  pas  seul,  hélas!  pas  seul  mêlé  à  cette  affaire. 
Dans  la  "Boucane",  Monsieur  Duval,  il  y  a  des  journalistes,  des 
correspondants  de  grands  journaux  de  Montréal  et  de  Québec, 
et  que  penserait-ou  là-bas  si  on  publiait  que  vous,  Philias  Du- 
val, avez  perdu  l'esprit  chevaleresque  de  vos  ancêtres  et  n'êtes 
plus  un  vrai  Canayen. 

"Cela  serait  vrai.  Monsieur  Courtemanche,  on  penserait  que 
je  suis  un  Canayen  de  seconde  main.  Eh  bien  alors,  on  va  voir, 
je  vais  lui  conter  cela,  à  la  maudite  petite  chenille  à  poil,  je  vais 
l'écraser  comme  une  punaise. 

"Souvenez-vous,  lui  dis-je.  que  se  croyant  l'offensé  il  a  le 
choix  des  armes. 

"Ça,  j'm'en  moque  par  exemple,  qu'il  prenne  "hanne  hache", 
un  tomahawk,  un  canon,  du  gaz  asphyxiant  comme  les  cochons 
de  ^  Tussiens,  je  lui  montrerai  tout  de  même  ce  qu-  t  qu'un 

p'tit  Cauayen-français. 

"Je  regardais  Duval,  continua  Courtemanche,  e.  je  me  de- 
mandais comment  cela  allait  finir.  Tu  connais  les  Canayen^  aus- 
si bien  que  moi.  ami  Pelquier,  tu  sais  que  souvent  sous  une  rus- 


^^^r 


25 


I 


tique  écorce.  cwnnie  disait  si  bioii  Louis  FrécliettP,  ils  ont  l'amo 
d'un  héros.  Duval  était  piqué  dans  sou  honneur,  ot  jamais  que 
je  sache,  un  vrai  Canayt-n-français  a  faibli  sur  ce  terrain-là. 

"Or,  continua  Courtenianche,  j'avais  choisi  comme  second 
témoin  un  comédien,  et  tous  deux  nous  allâmes  à  la  "Boucane" 
régler  les  préliminaires  de  la  rencontre.  Tout  avait  été  prévu  et 
il  fut  décidé  que  l'on  se  rencontrerait  le  lendemain  à  neuf  heu- 
res (ce  qui  était  plus  convenable  pour  tout  le  monde)  et  que  l'ar- 
me de  combat  serait  le  pistolet. 

"P*hilias  Duval  s'en  était  retourné  chez  lui  et  je  ne  le  revis 
que  le  lendemain  matin  à  sei)t  heures  lorsqu'il  se  présenta  chez 
moi. 

"Vous  êtes  prêt'?  lui  dis- je. 

"Oui,  je  suis  prêt,  me  répondit-il.  Je  suis  cependant,  je  vous 
avoue,  assez  fatigué  car  j'ai  veillé  une  partie  de  la  nuit. 

"Vous  ne  pouvi.z  dormir,  étant  nerveux  sans  doute,  l'idée 
de  ce  combat  vous  aura  enlevé  le  sommeu  mandai-je. 

"Non,  répondit-il  en  secouant  la  tête,  ce  n'es  pas  cela,  mais 
ayant  réfléchi  je  me  suis  dit  qu'on  ne  savait  jamais  cornaient  des 
rencontres  de  ce  genre  pouvaient  se  terminer  et.  .  . 

"Et?  . . .  fis-je  en  le  regardant. 

"J'ai  fait  de  l'écriture  et  préparé  un  document  que  je  vous 
apporte,  si  toutefois  l'aventure  se  terminait  à  mon  désavantage, 
je  vous  serais  reconnaissant  de  le  faire  parvenir  à  mon  notaire 
à  Montréal. 

"Et  tirant  une  grande  enveloppe  de  sa  poche  il  me  la  tendit. 

"Vous  pouvez  lire  l'adresse  de  celui  à  qui  je  la  destine,  me 
dit  Duval. 

"En  effet,  je  pus  lire  le  nom  d'un  de  nos  notaires  les  plus  eu 
rue  de  Mnotréal,  et  je  pensais  que  ce  diable  de  Duval  avait  le  ju- 
gement mieux  placé  qu'il  n'en  avait  l'air. 

"Une  fois  habillé,  je  conduis  Duval  à  la  salle  à  manger  et  je 
l'invitais  à  prendre  le  déjeuner  avec  moi. 

"Le  repas  fut  vite  expédié  et  lorsque  nous  sortîmes,  j'aper- 
çus le  second  témoin  qui  venait,  ayant  pour  la  circonstance  revê- 
tu une  redingote  noire  style  1S30.  ce  qui  lui  donnait  assez  bien 
une  allure  de  croque-mort. 

"Maintenant  que  nous  voici  tous  réunis,  partons  si  nous  ne 
roulons  pas  être  en  retard,  lui  dis-je. 

"Je  les  conduisis  prendre  le  bateau-mouche  et  nous  remon- 
tâmes la  Seine  jusqu'au  débarcadère  de  Saint-Cloud. 


Xf 


26 

"Le  voyage  se  fit  sans  que  personne  songea  à  plai^aoter, 
tous  étalent  sérieux  tel  qu'il  le  convient  dans  des  circonstances 
de  ce  genre. 

Sur  le  débarca.dère  un  groupe  nous  attendait,  c'était  de  Sé- 
rac, le  docteur  Brindavoine  et  une  autre  personne  que  je  ne  con- 


Li'  (ioclt'iii-  Hiiiulavoine. 


Mdiisieur  Sérac. 


naissais  pas  et  qui  portait  une  boite  dont  il  tenait  la  poignée. 

"Tous  nous  nous  découvrîmes  et  suivant  le  docteur  qui  ou- 
vrait la  marche,  nous  nous  enfonçâmes  dans  les  profondeurs  de 
la  célèbre  forêt. 

VI 

COMMENT  PHILIAS  DUVAL  PROUVA  QU'IL  N'ETAIT  PAS 
UN  CANAYEN  DE  SECONDE  MAIN. 

"Nous  gravissions  lentement  la  côte  longeant  la  cascade. 
Duval  causait  avec  le  comédien.  Moi,  je  profitais  d'un  moment 
d'inattention  de  l'entrepreneur  pour  ine  rapprocher  du  docteur 
Brindavoine. 

"Eh  bien?  lui  dis-je. 

"Tout  va  pour  le  mieux,  nie  répondit  le  médecin,  toute  la 
bande  nous  attend  là-haut,  la  mise  en  scène  sera  parfaite,  nous 
allons  rire. 

"Au  bout  de  quinze  à  vingt  minutes  nous  débouchions  dans 
une  petite  clairière  entourée  de  massifs  touflus.    Je  ne  vis  per- 


r  «^   c^rtr^'T  * 


27 

sonne,  mais  je  me  doutais  que  derrière  cette  verdure  on  nous 
observait.  Je  crus  du  reste  entendre  comme  le  bruit  d'une  mani- 
velle que  quelqu'un  tournait. 

"Celui  qui  portait  lu  boîte,  un  individu  qui  avait  des  airs 
d'ancien  officier,  nous  dit  en  saluant: 

"iMessieurs,  cet  endroit  me  parait  favorable,  nous  pouvons 
nous  préparer. 

"Le  docteur  Brindavoiiie  me  fit  signe  de  m'approcher  de  lui 
et  me  présenta  celui  qui  venait  de  parler. 

"Monsieur  le  Capitaine  liaison,  dit-il. 

"Je  saluais  le  cajùtaine.  nous  échangeâmes  une  vigoureuse 
poignée  de  mains,  le  capitaine  n)e  faisant  un  salut  et  sourire  en- 
tendus. 

"Alors  il  me  prit  par  la  main,  fit  un  geste  de  la  main  à  l'aa 
tre  témoin  et  nous  fit  placer  au  centre  de  la  clairière  Puis  nou 
plaçant  dos  à  dos  il  nous  fit  avancer  chacun  de  quinze  pas  égaux. 

"Ce  qui  fera,  dit-il,  trente  pas  entre  les  combattants. 

".Au  tour  de  nous  tout  semblait  désert,  on  ne  voyait  que 
ceux  qui  devaient  prendre  part  au  combat,  et  j'observais  du  coin 
de  l'oeil  le  pauvre  Duval  qui  était,  il  est  vrai,  bien  un  peu  pâle, 
mais  qui  cependant  faisait  bonne  figure,  redressant  sa  petite 
taille  et  regardant  son  adversaire  de  lair  d'un  homme  qui  n'a 
pas  froid  aux  yeux. 

"Je  lui  fis  signe  de  venir  se  mettre  {•.  la  place  que  j'occupais, 
et  l'autre  témoin  en  fit  tout  autant  à  Sérac  qui  vint  occuper  la 
sienne. 


Vous   stMit»'Z-vouK   nerveux? 


Le  capitaine  ouvrit  la  boîte  et  en  tira  deux  pistolets  de  com- 
bat, prenant  les  armes  il  nous  les  motitra  et  les  fit  examiner  par 
les  témoins. 


81 


"Messieurs,  Il  a  été  déchlé,  dit  le  capitaine  qui  prenait  la  di- 
rection du  combat,  quf  deux  balles  seulement  seraient  échan- 
gées au  cri  de  "feu".  .)♦■  i)rierais  ces  messieurs  d'enlever  leur 
chapeau  et  de  relever  le  col  de  leur  habit. 

"Alors  je  m'approchais-  de  Duval,  prit  son  chapeau  et  l'ai- 
dais à  arranger  son  col.  Pas  un  muscle  de  sa  figure  ne  bougeait. 

"Vous  sentez-vous  nerveux'.'  lui  murmurai-je. 

".Je  voudrais  que  "l'oléon"  me  voit,  me  dit-il  crânement,  il 
a  dû  venir  "icitte  lu?  itou". 

"A  vos  places.  Messieurs,  dit  le  capitaine,  puis  s'avançant 
vers  chacun  des  combattants  il  leur  présenta,  commençant  par 
Sérac,  le  pistolet  de  combat,  puis  se  reculant: 

"Avez-vous  quelque  chose  à  dire'.'  fit-il  g^ravement. 

Sérac  secoua  la  tête  et  Duval  d'une  voix  de  tonnerre  s'écria: 

"Pas  une  sapré  miette! 

"P^tonué  nous  nous  regardions,  et  si  j'ai  bonne  sou\enance, 
des  deux  combattants  ce  n'était  pas  Philias  Duval  qui  faisait  la 
plus  mauvaise  mine. 

"L'arme  p.ête.  Messieurs,  en  joue .  . .  puis  abaissant  sa  can- 
ne qu'il  tenait  levée: 

"Feu!" 

"Deux  détonations  se  succédèrent.  Duval  que  j'avais  ins- 
truit sur  la  manière  de  faire,  resta  debout  après  avoir  abaissé 
son  arme.  Sérac  recula  d'un  pas.  laissa  tomber  son  pistolet  et 
chancelant  fut  soutenu  par  le  docteur  Brindavoine  qui  s'était 
vivement  avancé. 

"J'allais  à  Duval  à  qui  je  pris  le  l 'stolet  en  lui  demandant 
s'il  était  blessé. 

"Non,  dit-il,  mais  je  pense  que  l'autre  a  reçu  son  compte, 
voyez  s'il  cjt  fort  mal? 

"J'allais  au  groupe  Sérac,  ce  dernier  renversé  sur  le  sol  était 
soutenu  par  le  capitaine,  le  docteur  Brindavoine  ayant  écarté  le 
gilet  du  blessé  fit  voir  que  la  chemise  était  teintée  de  sang.  Le 
médecin  examina  la  blessure  puis  se  relevant  il  dit: 

"Cela  ne  sera  rien,  la  balle  a  glissé  sur  une  côte  ne  laissant 
qu'une  blessure  insignifiante. 

Le  capitaine  Raison,  toujours  solennel,  dit: 

"Messieurs,  l'honneur  est  satisfait. 

"Je  fis  signe  à  Duval  qui  s'avança  vers  Sérac  qui  lui  tendit 
la  i      n. 

.Monsieur,  dit  le  blessé,  que  tout  ceci  ne  soit  considéré  que 
oomiVie  un  simple  malentendu,  donnez-moi  la  main. 


"Philias  Duval  serra  la  main  de  son  adversaire   et    voulut 
mène  l'aider  à  marcher. 


'^H'  |)»mis.'z  v<)\is  (1..  mon   Irociiiois? 


deniandais-je  au  capi- 


"Que  pensez-vous  de  mon  Iroquoit 
taine. 

"Tout  sinii)Ienient  qu'il  s'est  admirablement  conduit  pour 
un  amateur  et  que  bien  des  habitués  de  la  pelouse  ne  font  pas 
plus  belle  figure.  Votre  Iroquois.  comme  vous  dites,  vient  de 
not.s  prouver  que  malgré  qu'il  ait  le  corps  d'un  avorton  il  possè- 
de l'ame  d'un  brave. 

Le  déjeuner  fut  servi  dans  un  des  (halets-restaurants  là 
nous  attendaient  une  dizaine  des  membres  de  la  "Houcane"  Ce 
chalet  bien  connu  des  visiteurs  de  Saint-Cloud  possède  une  ter- 
rasse -  laquell'j  on  aperçoit  la  Seine  et  où  l'on  a  vue  sur  le  va- 
et-vient  des  bateaux-mouches  et  embarcations  de  toutes  sortes 
qui  sillonnent  le  fleuve. 

"C'est  là  que  fut  servi  le  déjeuner  et  Philias  Duval  devenu 
le  héros  de  la  fête  fut  l'objet  d'un  véritable  triomphe.  On  le  fî* 
causer,  il  chanta  même  des  chansons  des  chantiers  dont  une- 
"La  Fille  du  Tailleur"  eut  un  succès  énorme. 

,   "Le  brave  Duval  paya  tout  ce  que  l'on  voulut  et  ce  duel  lui 
coûta  environ  six  cents  francs. 

"Et  que  penses-tu  de  cela,  ami  Pelquier?  dit  Courtemanche. 
Cette  histoire  niérite-t-elle  d'être  contée? 

"Et  qu'advint-il  de  ce  brave  Philias,  après  son  duel  devint-il 
un  des  fidèles  de  la  Boucane  ou  continua-t-il  son  voyage'  de- 
manda Titolne. 

"Il  quitta  Paris  quelques  jours  après  et  je  ne  le  revis  qu'il  y 


^   s 


30 

a  trois  mois  lorsque  par  hasard  je  le  rencontrais  à  cette  même 
station  où  nous  nous  sommes  vus  ce  matin.  Je  lui  fis  part  do  ma 
découverte  et  il  fut  si  iiUt-ressô  de  la  chose  que  depuis  je  suis  en 
correspondance  avec  lui  et  que  j'attends  d'un  jour  à  l'autre  une 
lettre  de  lui  m'annoii^-ant  son  arrivée  à  New-York,  ceci  pour 
mettre  par  écrit  les  bases  de  notre  acte  d'association. 

"p]t  tu  «^rois  que  réellement  ta  découverte  est  si  extraordi- 
naire que  cela?  demanda  Pelquier  vivement  intéressé. 

"Tu  vas  en  juger  par  toi-même,  dit  Courtemanche  en  se  le- 
vant. Je  reste  à  deux  pas  d'ici,  rue  Orove,  viens  avec  moi.  je  vai^ 
te  montrer  mes  docuiueiits  et  en  même  teisips  voir  si  Thilias  Uu- 
val  ne  m'a  pas  écrit. 

VII 


poniQroi  II.  NK  vwT  p.\y  Toijorus  jrc.EK  l'oiskau 

v\n  s.\  cxv.K. 

Cette  partie  de  New-York  où  hal)iiait  l'ingénieur  Baptiste 
Courtemanche  n'était  pas  à  cette  époque,  pas  plus  qu'elle  n.: 
l'est  aujourd'hui,  une  des  portions  sélects  du  "Creater  New- 
York",  mais  au  contraire  un  qua'iier  i)()puleux  bouleversé  par 
la  prolongation  des  grande^,  avenues  et  composé  de  nuiisons  pe- 
tites, laides,  de  proportions  fi  de  style  disparates. 

C'est  la  continuation  du  vieux  Manhattan  aux  rues  sinueu- 
ses et  étroites.  Mais  cependant,  pour  l'observateur  il  est  facile  d^; 
se  rendre  compte  aux  vestiges  de  quelques  résidences  encore 
belles  et  spacieuses,  que  ce  quartier  aujourd'hui  peuplé  par  une 
populace  juive  et  italienne,  fut  autrefois  un  des  plus  riches  et 
fashionables  de  la  ville. 

La  ville  a  grandi  du  Parc  de  la  Batterie,  de  llhuison  a  la  ri- 
vière de  l'Est  montant  systématiquement  vers  la  rivière  du  Nord 
pour  se  déverser  bien  au-delà  ei  envahir  le  Bronx  et  les  campa- 
gnes environnantes,  ceci  avec  une  prodigieuse  rapidité. 

J'ai  connu  et  causé  avec  plus  d'un  vieil  habitant  de  New- 
York  me  disant  qu'au  temps  de  leur  jeunesse  les  limites  de  la 
ville  étaient  situées  non  loin  de  Madi^on  Square  et  que  par  les 
beaux  jours  d'été  on  allait  faire  des  excursion.,  et  pioi-es-niques 
dans  les  bois  et  buissons  incultes  qui  sont  mainten  ..it  le  Parc 

Central.  .     ,      ., 

Autrefois  le  peuple  et  la  masse  des  électeurs  le  soir  des  élec- 
tions se  pressaient  dans  les  environs  du  City  Hall,  puis  ce  fut 


'jmw^ 


31 

Utiioii  riquan-.  Je  iiu-  souviens  fort  l)ien  que  la  promiôre  f^lwtiuii 
I»n''si(U';ui  Ik-  à  luquoll.'  j,>  fus  t-Muoin.  on  allai»  ïo  soir  i-lierch.'r  le 
résultat  des  élections  à  lltiion  Square,  la  seconde  fois  «était  au 
Square  Mudison.  puis  lors  de  la  première  nomination  du  Prési- 
dent VVoodrow  VVilson  la  foule  se  riuiil  au  Herahl  Sqiuire  tandis 
qu'à  la  dernier»"  tout  •■tait  mont."  au  Times  Sqiuire.  Ceci  porte  à 
CToire  que  la  iL'âi.Mr.e  rue  deviendra  i  ant  que  de  nombreuses 
aiiî.ées  se  soient  ér-oulées  le  centre  d<>  la  «'Ile  monstre. 

l/habitation  ({u'hanitait  Courtemancne.  rue  (îrove,  était 
d'un.'  api)an'nce  plutôt  maussade.  (;ii  grimpait  à  son  quatrième 
par  un  escalier  de  pierre,  véritable  casse-cou  .sombre  et  «lissant. 

I^  chambre  qu'il  habitait  était  eii  son  genre  tout  un  poème, 
noi;  i)as  un  de  ceu.x  respiratit  lu  fraîcheur  et  embaumant  d'un 


l.:i  <'•..•  ml)rf  qu'il  luihilait 


parfum  exquis,  mais  au  contraire  un  cloaque  infecte  et  noir. 
Cette  pièce  était  tout  à  la  fois  chambre  à  coucher,  cuisine  et  la- 
bo -atoire.  l'n  lit,  s'il  est  possibk  de  donner  ce  nom  à  l'agglomé- 
ration de  draps  sales  et  couvertiues  malpropres.  Deux  tables, 
une  servant  pour  écrire,  l'autre  un  peu  plus  grande  portant  un 
réchaud  à  pétrole  et  des  ustensiles  de  cuisine.  Dans  im  coin  un 
évier  plein  d'eau  stagnante  et  répandant  une  odeur  "sui  gene- 
ris".  Comme  siège  une  caisse  à  savon  renversée. 

Pelquier  après  avoir  jeté  un  coup  d'oeil  sur  l'ameublement, 
recula  instinctivement  et  fut  saisi  à  la  gorge  par  l'âcreté  deg 
émanations  s'échappant  des  choses  qui  l'entouraient  et  fut  prig 
d'une  quinte  de  toux  qui  le  secoua  fortement. 

Pauvre  Titoine.  en  voyant  !e  t.audis  qu'habitait  son  ancior. 
condisciple,  il  se  prit  à  regretter  son  confortable  appartement 
de  la  rue  Vinet  à  Montréal  et  y  aurait  arrêté  sa  pensée  si  l'image 


-  Il  wr  II  iiM  Mû  1 


82 


de  «a  s(iuvt>  inoitit-  (ik't  l'hiloinriie  Tratirheinotitagiu-  de  Sba- 
winigaiO  ih>  ko  fut  préH(>nt('<>  à  Ha  |>«-i)K('>e.  11  surmonta  son  dé- 
goût «^t  s'avaii<;a  avec  précaution  dauH  l'Intérieur  de  la  pl^ce. 

"Tu  dois  constater  qu'il  Hcnt  Ici  fortement  le  renfernif'  et 
qu'il  manque  d'oxygène,  dit  Haptiste. 

"Kn  effet,  fit  l'elquier  en  se  bouchant  le  nez,  il  serait  bon 
d'ouvrir  la  fenêtre. 

"En  fait  de  fenêtre,  je  n'ai  que  cette  ouveriine  donnant  hur 
un  ventilateur,  mais  comme  il  est  très  étroit,  dit  Court emaïuhe 
en  indiquant  l'ouverture,  l'air  qu'il  donne  est  loin  d'être  suffi- 
sant. 

".Mors  dépêchons-nous,  dit  Titoine.  Prends  tes  documents 
et  allons  dans  un  endroit  où  l'on  puisse  respirer. 

Courtemanche  ne  se  fit  pas  prier  et  ouvrant  un  coffre  qui  se 
trouvait  près  du  lit  il  en  tira  des  documenis  assez  volumineux 
qu'il  prit  avec  lui,  puis  fermant  à  clef  le  coffre  il  dit  à  son  ami: 

"Viens,  j'ai  en  niains  des  documents  qui  vont  t'émerveiller, 
sortons. 

"Oui,  sortons,  dit  Titoine  en  bondissant  vers  la  porte,  mais 
conduis-moi  là  où  je  puisse  avoir  de  l'air.  Lorsqu'il  fui  .sur  le 
seuil,  le  dentiste  res^  '  aiit  à  pleÏJis  poumons  s'écria: 

"('omment  diable  peux-tu  vivre  dans  cette  boîte'.' 

"Bah!  fit  t^ourtemanche  en  secouant  tristement  la  tête,  j'y 
vis  avec  l'espérance  de  bientôt  en  sortir.  C'est  dur  pour  com- 
mencer mais  quand  on  ne  peut  faire  autrement  on  finit  par  s'y 
habituer. 

"Pour  moi,  mon  vieux,  dit  Pelquier,  je  pourrais  jamais  m'y 
faire.  Pouah!  viens  qu'on  prenne  un  coup  de  n'importe  quoi  afin 
de  chasser  cette  maudite  odeur,  j'en  ai  plein  le  nez  et  la  gorge. 

"Ils  se  rendirent  dans  un  bar  faisant  le  coin  de  la  rue  Chris- 
topher  et  y  avalèrent  plutôt  qu'ils  ne  l)urcnt  deux  on  trois  verres 
de  bière. 

".Maintenant  remontons  vers  mon  quartier  et  là  nous  trou- 
verons bien  un  endroit  où  nous  pourrons  causer  tout  à  notre 
aise,  dit  Pelquier. 

Les  deux  amis  remontèrent  tout  on  causant  la  sixième  ave- 
nue, entrèrent  se  reposer  (  aviron  une  heure  dans  un  cinéma, 
puis  après  avoir  pris  un  excellent  dîner  dans  un  restaurant  de 
la  quarante-deuxième  rue,  Titoine  conduisit  son  ami  à  son  hô- 
tel. 

"Ici  au  moins,  dit-il,  nous  ne  serons   pas   dérangés,    viens 


t,    miA%. 


33 


da:i.-.  ma  <  liariihi'V  J"  vais  y  faii"  niotitor  uno  bout.'Ulo  d.'  whis- 
K«\v  el  (It's  ciRaros,  .>t  nous  pounrjii.-i  <  aus.'r  muai  iDiiRttMnpa 
qu.'  noua  (J»>sin)iis,  ef  «t-ia  sans  »•(!•■'  inii»orttin»''s 

"Tu  ne  peux  te  fuir.»  urit»  i(|.'»>,  coiulmia  b*  (l<  iitist»-.  df  1  j!!- 
t'Mvt  que  J,.  iif>rf»>  à  ta  (i.''iouv.'rl.>,  iiihui»'  avant  de  sa\oir  ce  dont 
il  t>>t(»urnt'.  Au  (■ollè.ui'  de  1  Assoinjxiou  tu  étai.->  toujimrs  !»•  pr-'- 
niier  ou  niatiitMuatiques  .m  <  onibleu  d«  fois  J'ai  otinMidu  M  l^- 
tulippf  dire  ou  parlant  de  t«)i: 

"Il  fera  sou  cluMuiti  ce  c;arçon-là!" 

I.es  doux  amis  se  uiirenf  à  leiu-  aise.  fiilevi'r»Mit  leur  liabit, 
dt'iîrafèrout  leur  col  pour  donnei  plus  dais*'  à  la  respiration,  en- 
fin lorsqu'ils  euroiii  allumé  leur  bouffarde,  ("ourtenianche  ayant 
déballé  ses  manuscrits  qu'il  idaça  sur  la  table,  il  commença  les 
prélimiiuiires  de  son  récit 

"La  science,  dit-il.  qui  cependant  semble  si  avancée,  est  au 
point  de  vue  de  certaines  de  ses  branches  encjre  5  la  genèse. 
Chaque  jour  l'horizon  scientifique  s'agrandit  et  des  choses  qui 
semblaient  être  fabuleuses,  fantastiques,  se  sont  réalisées  et 
tous  les  jours  parviennent  à  un  degré  supérieur  de  perf-'ction- 
nement  sans  toutefois  être  arrivées  à  leur  ai)ogée. 

"Nous  voyons  des  minéraux  qui  existaient,  soit  à  l'état  de 
pureté  ou  alliés  à  d'autres  éléments,  se  faire  découvrir,  isoler  et 
appliquer,  augmentant  de  ce  fait  la  richesse  de  l'industrie,  le 
progrès  de  la  science. 

"Des  inventions  que  nous  croyons  dues  à  l'ima.gination  d'un 
cerveau  çurexcité,  devenir  à  la  suite,  non  plus  des  chimères  mais 
des  réalités. 

"Combien  de  fois  étant  au  collège  je  me  plaisais  à  lire  les 
livres  de  Jules  Verne.  les  voyages  du  "N'autilus"  sous  les  mers. 
"Robur  le  Conquérant",  les  "Aventures  d'un  Chinois  en  Chine", 
et  cependant  ces  li\Tes  faisaient  entrevoir  des  possibilités  puis- 
qu'aujourd'hui  nous  avons  les  sous-marins,  les  aéroplanes,  le 
phonographe. 

"L'électricité,  nous  savons  qu'elle  existe,  nous  l'employons, 
nous  en  faisons  presque  notre  esclave,  sans  cependant  savoir  -^e 
que  c'est. 

"Tous  les  jours  se  créent  des  choses  auxquelles  nos  pères 
étaient  bien  loin  même  de  penser,  et  nous  les  considérons  com- 
me étant  toutes  naturelles.  Ils  se  crc" lient  cependant  bien  en 
droit  de  croire  être  arrivés  au  "nec  plus  ultra"",  alors  nous  qui 
voyons  que  nous  sommes  encore  )  .;.   de  la  réalisation  complète, 


34 


quelle  idée  pouvons-nous  faire  des  choses  de  l'avenir,  lorsque 
nous  considérons  froidement  ce  que  nous  sommes  par  rapport 
à  ce  qu'étaient  nos  ancêtres. 

"Arrête  là,  mon  vieux,  lit  Pelquier,  nous  savons  ce  que  c'e  t 
que  la  vapeur,  nous  nous  servons  de  l'électricité,  comme  tu  d  - 
fort  bien,  mais  nos  ancêtres  n'étaient  pas  non  plus  des  chenilles, 
quoique  nous  autres,  Canayens,  nous  n'avons  pas  la  prétention 
de  descendre  des  Egyptiens,  explique-moi  comment  il  se  fait 
qu'ils  construisaient  des  pyramides  de  pierres  à  faire  frémir  ton 
ami  Philias  Duval  et  sans  aucun  autre  moteur  que  la  force  des 
bras? 

•'C'est  vrai,  dit  Baptiste  songeur,  cela  porte  à  dire,  mon 
cher,  et  souviens-toi  bien  de  mes  paroles:  "Avec  l'aide  de  Dieu  il 
nest  rien  qui  soit  impossible  au  génie  de  l'homme". 

"Ça  c'est  ben  beau,  dit  Pelquier,  mais  tu  ne  me  parles  pas 
de  ton  invention. 

"Nous  y  voici,  répondit  Baptiste  Courtemanche  en  versant 
du  "Canadian  Club  Rye"  dans  son  verre  et  celui  de  son  ami, 
écoute  quelque  chose  qui  va  te  faire  rêver. 

VllI 
LA  PLUS  GRANDE  DECOUVERTE  DU  SIECLE. 

"La  science  qui  nous  paraît  être  arrivée  non  loin  de  son 
apogée,  comme  je  viens  de  te  le  dire,  continua  Baptiste  Courte- 
manche,  nous  réserve  les  surprises  qui  semblent  sortir  du  do- 
maine de  la  fantasmagorie. 

"Au  nombre  des  études  pour  lesquelles  j'ai  toujours  eu  de  la 
prédilection  et  qui  suscitèrent  tout  particulièrement  mon  atten- 
tion est  l'aérologie.  J  ai  lu  et  étudié  à  peu  près  tout  ce  qui  a  été 
écrit  et  fait  en  ce  qui  concerne  cette  science,  depuis  les  travaux 
des  Frères  Montgolfier  jusqu'aux  aéroplanes  et  dirigeables  les 
plus  perfectionnés  de  nos  jours. 

"^La  conclusion  de  mes  études  et  de  mes  observations  fut 
que  l'on  ne  deviendrait  jamais  réellement  et  complètement  les 
maîtres  de  l'air  avec  des  machines  plus  légères  que  cet  élément, 
ou,  ne  pouvant  suivant  les  théories  et  procédés  actuels,  lutter  en 
maîtres  contre  les  courants  atmosphériques  et  les  caprices  mé- 
téréologiques. 

"Mais  comment?  me  disair-je. . . ,  et  j'en  étais  arrivé  là,  lors- 
qu'un Joiir,  et  ceci  par  le  plus  grand  des  hasards,  je  découvris  ce 
que  mon  imagination  m'avait  fait  entrevoir,  la  réalisation  de 
mes  rêves  les  plus  chimériques. 


i-r«f^   m 


3» 


"J'avais  osé  croire  à  un  olênieiit  plus  léger  que  l'air.  Pour- 
quoi pas?  Ne  connaissons-nous  pas  des  métaux  qui  existaient 
rviis  que  nous  ignorions,  le  "radium"  par  exempl»',  1"  "uranium". 
''  .l'y  a  pas  si  longtemps  qu'un  savant  découvrit  (jue  1'  "hydro- 
;  ène"  se  solidifiait  et  était  de  nature  métallique.  Nous  avons  le 
"mercure  "  par  exemple  qui  fst  nu  métal  liquide,  si  cette  déno- 
mination peut  être  considérée  exacte.  Tout  ceci  me  torturait  si 
bien  l'esprit  que  je  crus  que  je  (ievenais  fou  et  que  si  je  ne  met- 
tais un  terme  aux  fougues  de  mon  imagination,  je  finirais  par 
aller  habiter  une  des  cellules  de  l'Asile  de  la  Lon^iue-Pointe. 

"J'en  étais  donc  là  dans  mes  vagues  hypothèses,  lorsqu'un 
beau  jour  il  m'arriva  l'étrange  aventure  qui  devait  bouleverser 
mon  existence  toute  entière. 

"J'étais  depuis  quelques  mois  de  retour  de  mon  voyage 
d'Europe  et  j'avais  accepté  —  ceci  pour  remettre  à  flot  mes 
finances  ébréchées  —  ime  position  en  qualité  d'ingénieur  dans 
une  compagnie  opérant  des  tracés  dans  l'Ouest  canadien,  ceci 
pour  le  compte  d'une  compagnie  de  chemin  de  fer  voulant  éta- 
blir une  ligne  jusqu'au  Yukon. 

"Tu  me  vois  d'ici,  moi  venant  fout  droit  de  Paris,  tomber 
dans  la  solitude  la  plus  absolue  car  à  part  une  trentaine  d'hom- 
mes qui  étaient  sous  mes  ordres,  je  ne  voyais  âme  qtji  vive.  Des 
montagnes,  des  vallées,  des  précipices,  d'interminables  forêts  de 
sapins,  rien  que  ronces  et  rochers,  pas  la  moindr<>  distraction 
que  celle  de  travailler  à  relever  des  plans  et  étudier  des  chemins 
pratiquables. 


11  faut  avoir  bes^oin  dr  paKner  sa  crofito  de  pain  pour  pe  livrer 
à  une  vie  '^emblaVile. 


3<> 


Il  faut  avoir  bt^soin  do  g;ii?i»er  sa  croûte  de  pain  po  r  se  li- 
vrer à  une  vie  semblable.  C'était  parfois  d'une  monotonie  écra- 
sante, surtout  l'hiver,  lorsque  terrés  dans  des  grottes  c  nme  des 
bêtes  fauves,  ou  vivant  dans  det^  liuttes  comme  les  hommes  des 
chantiers,  n'ayant  le  soir  an'une  lanterne  pour  nous  éclairer, 
nous  ne  savions  parfois  ci  lauiit  tuer  le  temps  et  la  temp.'^ra- 
ture  s'en  mêlant,  nous  ne  pouvions  sortir  travailler  au  dehors. 

"Ah!  mou  bon  ami.  je  regrettais  bien  alors  les  beaux  jours 
d'autrefois,  les  heures  d'études  passées  auprès  d'un  bon  feu  et 
les  bibliothèques  dans  lesquelles  je  faisais  mes  recherches.  J'a- 
vais bien  avec  moi  un  petit  matériel  chimique  pour  faire  des  re- 
cherches, mais  le  laboratoire  rudimentaire  que  je  m'étais  cons- 
truit était  insuffisant  et  c'était  tout  juste  assez  pour  procéder  à 
de  simples  analyses. 

"Or  j'étais  cette  fois-là  à  la  tête  d'une  équipe  d'ingénieurs 
et  d'ouvriers.  Depuis  huit  longs  jours  nous  avions  eu  un  temps 
épouvantable,  d'abord  de  la  pluie,  puis  de  la  neige  et  un  vent  à 
ne  pouvoir  se  tenir  debout. 

Profitaiit  d'un  jour  que  le  temps  semblait  d'avoir  des  inten- 
tions de  se  mettre  au  beau,  je  voulus  en  profiter  afin  de  prendre 
un  peu  d'exercice  et  donner  à  mes  membres  le  mouvement 
réclamaient.  Je  dis  à  mes  hommes  que  j'allais  voir  dans  les  c 
rons  si  je  ne  trouverais  pas  du  gibier,  car  nous  étions  à  court  ae 
viande  fraîche. 

Je  saisis  donc  mon  fusil  et  allègrement  je  prenais  le  chemin 
de  la  montagne. 

Le  gibier  qui  généralement  était  très  abondant  en  cet  en- 
droit, ce  matin-là  était  d'une  rareté  désespérante.  Ne  voulant 
cependant  pas  revenir  bredouille  au  camp  et  croyant  que  je  trou- 
verais ce  que  je  cherchais  sur  les  crêtes  escarpées  qui  étaient  au- 
dessus  de  moi,  je  m'élançais  dans  un  sentier  débouchant  à  un 
endroit  où  j'avais  d'un  côté  un  mur  de  pierre  coupé  presqu'à  pic 
et  de  l'autre  un  précipice.  Devant  mes  yeux  se  déroulait  un  pa- 
norama de  toute  beauté.  A  mes  pieds,  mais  à  une  hauteur  verti- 
gineuse, je  pouvais  voir  notre  campement  et  mes  compagnons 
qui  m'apparurent  comme  des  pygmées.  Au  loin  et  bordant  l'ho- 
rizon, des  montagnes  immenses  qui,  se  découpant  dans  l'azur  du 
ciel,  toutes  blanches  de  neige,  leurs  glaciers  miroitant  aux  rayons 
du  soleil,  prenaient  un  aspect  vraiment  féerique  que  le  pinceau 
d'un  peintre  —  même  très  habile  —  aurait  eu  de  la  difficulté  à 
reproduire. 


:"  -n.w 


1 


37 

"Je  marchais  donc  r-ur  î--  h* m'  du  irêcipice  et  quoique  j"«>u.s- 
se  fait  bien  ait»  nrion  où  je  mettais  mon  jiied,  je  glissais  tout:  ;'i 
coup  ft  tombais  sur  le  sol.  la  i)eute  était  assez  forte  et  j'aurais 
été  entraîné  vers  le  gouffre  lorscjne.  linstinct  de  la  conservation 
l'emportant,  je  saisis  le  ro(  her  et  pus  enfin  après  un  effort  dé- 
sespéré me  ret     nre  en  sûreté. 

"J'étais  ]  ut  frémissant  cramponné  à  l'aspérité  d'un  rot-, 
et  lorsque  je  revins  de  mon  émoi  je  m'aperçus  que  dans  ma  main 
je  tenais  une  parcelle  de  pierre  qui  dans  les  efforts  que  j'avais 
faits  pour  ne  pas  tomber  dans  labime  s'était  détachée  du  rocher. 
Je  jetai  tout  d'abcrd  sur  ce  caillou  un  coup  d'oeil  distrait  et  le 
laissai  tomber  à  mes  pieds,  lorsque  je  m'aperçus,  oh!  prodige! 
qu'av  lieu  de  tomber  lourdement  comme  toute  autre  jiierre  au- 
rait fait,  elle  tombait  lentement  coniirie  si  une  force  surnaturelle 
la  retenait  en  l'air. 

"Très  étonné,  du  pied  je  lempêchai  de  rouler  dans  l'abîme, 
et  me  baissant  je  la  pris  et  ia  mis  dans  ma  poche,  in  peu  plus 
loin  et  me  trouvant  en  uu  endroit  oii  j<'  i)ouvais  circuler  i)lus  à 
mon  aise  et  sans  danger,  je  renotivelai  avec  cette  même  pierre 
l'expérience  et  à  plusieurs  reprises  le  caillou  retomba  avec  une 
lenteur  extrême.  De  x'ius  en  plus  étonné  je.xaminai  cette  pierre 
qui,  dans  l'ordre  naturel  des  choses,  aurait  dû  peser  près  d'une 
li\Te  n'en  avait  à  peine  un  once. 

"Décidément,  me  dis-je,  voici  une  particularité  qui  mérite 
d'être  éclairée,  et  je  glissai  la  pierre  dans  ma  poche,  cette  fois 
dans  l'intention  de  l'emporter  au  camp  et  tirer  au  clair  l'étrange 
phénomène  que  j'avais  observé. 

"De  retour  au  camp,  sans  rien  dire  de  mon  aventure  à  mes 
compagnons,  je  plaçai  le  minerai  dans  mon  coffre  remettant  au 
lendemain  le  soin  de  l'examiner  attentivement. 

"Et  qu'en  advlnt-il?  demanda  Titoine  Pelquier,  qui  écoutait 
l'histoire  avec  intérêt  tout  en  lançant  au  plafond  des  nuages  de 
fumée. 

"Tu  vas  voir,  dit  Baptiste  Courtemanche  en  se  ver; ..  .t  à 
boire: 

"Le  lendemain,  comme  le  beau  temps  continuait  et  cette 
fois-là  probablement  pour  un  certain  temps,  mes  compagnons 
partirent  continuer  leurs  travaux  d'arpentage  et  je  leur  donnai 
—  ceci  dans  le  but  de  rester  au  camp  —  une  raison  qui  leur  pa- 
rut logique. 

"Lorsque  je  fus  seul,  j'allai  à  mon  coffre,  y  prit  le  caillou  et 


K'l««q4U»-.i«jW^  *.'^t,fA 


38 


encore  à  plusieurs  reprises  je  renouvelai  lexpérience  et  ceci  avec 
toujours  le  même  résultat. 

"Voyons,  me  dis-je.  il  n'est  pas  naturel  que  cette  pierre  à 
1  encontre  de  ce  que  f.-raient  ses  congénères,  tombe  sur  le  sol 
comme  une  plume,  l..rsquelle  devrait  tomber  comme  du  plomb 

"Et  me  souvenant  de  ce  que  nous  disait  notre  professeur 
M.  Utulippe.  au  collège  de  TAssomption:  -Il  n'est  pas  d'effet 
sans  cause-,  je  constatais  leffet.  mais  la  coquine  de  cause  que 
pouvait-elle  bien  être? 

"Je  me  mis  de  suite  à  l'oeuvre  et  après  bien  des  tâtonne- 
ments, bien  des  recherches,  je  finis  par  isoler  deux  éléments  dis- 
tincts, nouveaux  pour  moi.  mais  dont  je  ne  pouvais  poursuivre 
I  étude  n'ayant  pas  sous  la  main  le  matériel  ni  le  laboratoire 
voulu. 

"Je  me  souvenais  bien  de  l'endroit  exact  où  j'avais  trouvé 
cette  pierre,  j'y  retournais  les  jours  suiv.  ts  et  je  fus  assez  heu- 
reux pour  en  trouver  de  semblables  incrustées  au  rocher  mais 
je  remarquais  qu'en  cet  endroit  seulement  ce  minerai  existait  et 
constatais  en  plus  qu  on  ne  l'y  trouvait  qu'en  très  pet-'te  quan- 
tité. J'en  pris  quelques  éehaiifillons  que  j'emportais  avec  moi  et 
je  plaçais  le  tout  en  sûreté,  remettant  mes  recherches  au  jour 
ou  je  serais  en  position  de  les  examiner  comme  je  le  désirais. 

"En  effet,  un  mois  plus  tard,  nous  jWioiis  bagage  et  au  prin- 
temps je  revenais  à  Montréal  après  avoir  touché  un  montant  as- 
sez respectable,  fruit  de  -non  labeur. 

"Une  des  premières  choses  que  je  fis  fut.  connue  bien  tu 
t  eu  doutes,  de  me  monter  un  laboratoire  et  continuer  mes  re- 
cherchas sur  mon  précieux  minerai. 

"Ceux  qui  ont  fait  de  la  chimie  savent  aussi  bien  que  moi 
les  difficultés  sans  nombre  qui  existent  pour  arriver  à  isoler  des 
éléments.  Il  faut  des  soins  minutieux,  constants,  une  attention 
infinie  aux  moindres  détails,  ceci  d'autant  plus  que  je  n'avais  pas 
a  traiter  des  éléments  connus,  mais  au  contraire  des  substances 
inconnues.  Il  me  fallait  les  isoler  et  prendre  en  considératian 
toutes  leurs  propriétés  physiques  et  chimiques. 

"Je  n'avais  à  ma  disposition  qu'une  petite  quantité  de  mine- 
rai, car  je  n'avais  pu  en  emi)orter  avec  moi  plus  de  cent  livres. 

"Après  cinq  mois  d'i  n  tra\ail  incessant,  je  finis  par  obtenir 
—  et  ceci  grâce  à  la  richesse  extraordinaire  du  minerai  que  je 
possédais  —  un  granune  de  deux  éléments  dont  je  dus  étulier 
les  propriétés  et  les  affinités. 


.3!» 

"Je  n'entrorai  pas  dans  df's  d«'tails  techniques  quiiii  hotnine 
du  métier  seul  pourrait  comprendre;  mais  sache  qu'uu  de  ces 
nouveaux  métaux  était  phis  k'^er  que  l'air  atmosphérique  et  que 
l'autre  possédait  une  force  électro-magnétique  dune  puissance 
extraordinaire. 

"Je  donnais  donc,  non  pas  à  caus(>  de  leurs  qualités  chimi- 
ques mais  pour  leurs  facultés  physiques  aux  deux  éléments  r-ie 
je  venais  de  découvrir,  les  noms  de  "Légium"  et  de  "Populéum'. 
le  premier  à  cause  de  son  incomparable  légèreté,  l'autre  pour  sa 
valeur  électro-magnétique. 

"Maintenant  que  je  possédais  ces  deux  trésors  incompara- 
bles, je  les  étudiais  et  cherchais  quelle  pourrait  être  k^ir  utihfé. 


IX 


PAR    QCOf    RAPTISTK    ('(jrRTK.M.X.VCHJ.:    K.XI'LIQCE    Di:s 
CHOSES  IXCOMPKKIlK.\Sil!M-:s  AIX  FAriLTKS  I\- 

tkll;:cti-ellks  hk  titoixe  pklqiikr. 

"Cher  ami.  dit  Titoine  IViquier  en  déhouchant  sa  piiH>  et 
s'apprêtaiit  à  remettre  dw  tabac  rlatis  le  fourneau  brûlant,  ton 
histoire  m'intéresse  au  plus  haut  iK)iiit.  mais  jo  t 'avouerai  qu.>  b> 
tabac  et  le  whisk.n-  m'ont  légèrement  chauffé  îe  palais  .'f  la  jaii- 
gue.  ceci,  sans  compter  (lue  je  me  sens  l'estomac   dans    h-s   ta- 

l8US. 

"C'est  justement  ce  que  j'éprouve  moi-même,  dit  Coiune- 
manche. 

"Alors  je  vais  sonner  et  nous  faire  apporter  de  quoi  boire  et 
manger,  dit  Titoine  en  se  levant. 

"A  quoi  bon.  fit  Courtemaïuhe.  Allons  siu-  l'avenue  acheter 
des  sandwiches  et  de  la  bière,  puis  t— is  reviendrons  causer  tout 
en  mangeant. 

Comme  il  ne  se  faisait  pas  très  tard,  les  commerçants  n'a- 
vaient pas  encore  fermé  leurs  boutiques  et  tios  amis  ayant  trou- 
vée ce  qu'ils  désiraient,  revinrent  à  l'hôtel  les  bras  chargés  de  pa- 
quets. 

"Maintenant,  mon  brave  ami.  dit  Titoine  Pelquier,  buvons 
et  mangeons  et  j'écouterai  avec  plaisir  la  suite  de  ton  histoire. 

En  effet,  lorsqu'il  fut  bien  repu,  Baptiste  Courtemanche 
ayant  allumé  sa  pipe  continua  son  récit: 

"Comme  je  te  le  disais,  j'avais  à  étudier  les  deux  nouveaux 


ilHiiMÉi 


♦  l..îiH-ms  ,.{  surfont  siivoir  quHle  pcunaii  ênv  Irur  utilité  J'a- 
vais pns.  ai-je  (lit.  plus  ilv  nun  mois  à  i^s  isoler,  vt  j>  savais  on- 
(•  1>-Kiun)  .-tait  une  substance  j.our  ainsi  dire  incolore  ^rrs 
nialeable  Mais  en  uiênie  tenijis  d'une  résistance  extrême  X'ayrnt 
pas  (1  athnité  pour  les  autres  métaux  sauf  p-our  le  Populéunr  au- 
quel .1  semblait  êir..  attiré  par  la  puissance  électro-mag.rtidue 
.  e  ce  dernier.  L'air  ne  l'oxy.lait  ,.as  et  je  constatais  que  les  a(  i- 
des  les  plus  corrosifs  ne  semblaient  pas  avoir  de  prise  avec  lui 

"Le  Populéum  est  une  substance  d'apnarence  métallique 
«I  un  jaune  nacré,  possédant,  comme  je  viens  de  te  le  dire  une 
puissance  électro-magnétique  dont  j.  „e  pms  encore  m'.'xpU- 
quer  1  origine. 


■Tout  relii  cfst    •p'N'tp  fjeii  beau". 

"Tout  cela  c'est  "p'tête  ben  beau",  dit  Pelquier.  mai^  ces 
grand.s  mots-là,  vois-tu.  ça  m'emplit.  Mais  il  y  a  une  chose  qui 
me  frappe,  sans  me  faire  du  mal,  bien  entendu,  c'est  ton  his- 
toire de  meta!  qtii  s'envolerait  en  l'air  comme  un  vulgaire  volatil- 
le.  Quand  j'étais  enfant  et  que  j'allais  à  la  "p'tite"  école  on 
jouait  a  pigeon  vole,  tu  te  souviens  sans  doute  de  ce  jeu-là.  mais 
SI  on  eut  levé  la  main  lorsqu'on  aurait  dit  "métal  vole'»,  on  au- 
rait été  condamné  à  payer  un  gage. 

"Pourtant  cela  est,  continua  Courtemanche.  .Te  «;ai<?  fort 
bien  que  mes  dires  vont  en  faire  crier  beaucoup,  que  des  savants 


^'1^ 


41 

rar  jalcusif.  dirnut  qu.-  >•  Miis  .;,,  halluciiH'.  que  ma  (ànaivrie 
*^f  ariti-sMcmifiqu.-.  •,.■  nposaut  sur  aucuiH-  (i..iu«V  logique 
•^-us  qu*.  miri.port.'  apivs  tout,  ils  hm  seront  pour  avoir  ,  ri.'-  irop 
MU\  resteront  Honiiés  <m.  voyant  i..  n.sultat.  et  h-  muuiU'  *-ntier 
K^n  tonlra  les  «ôtt-s.  se  .lesopiic-ra  la  ra'e,  ce  qui  sera  très  bon 
pour  les  labricants  <le  mé.i.fiiies  patentées  ou  brevetées  comnie 
on  (lit  a  Paris. 

"Et  pourtant,  .ontinua  liaptist^-  fourteniaiiche,  il  n'v  a  rien 
qui  son  impossible  à  la  science  moderne,  un  chimiste  allemand 
a  (lecotivert  que  Ihydrogéne  phu  é  ;,  la  pression  de  milliers  d'at- 
mosphères pouvait  se  solidifier.  Il  est  vrai  qu'il  nen  aperçut  que 
de  mmn.scules  j.arcelles,  mais  IV.vpérience  n'en  était  pas  moins 
(■oncluante.  riiydrog«Mie  cependant  est  connu  comme  f,'a/  e„tro 
dans  la  composition  de  léiher.  Pourquoi  pas  le  "F/-j;ium-  '  IVmr- 
qnoi  retuserait-on  de  reconnaître  .-on  existence?  Tout  .inij.le- 
ir.ent  parce  qu'on  ne  le  connaît  j.as  e  .  de  ce  fait,  on  ne  la  jamais 
étudié.  _  ■■ 

("est  un  cliimiste  hoche  (jui  a  dé.ouv.  rt  le  truc  de  P'  dro- 
K'iie.  alors  ça  m  epafe  plus,  vois-ru.  ces  cochons-là  sont  suscep- 
tibles de  n.etfre  la  scierce  à  totaes  les  sauces.  .\-ont-iIs  pas  in- 
vente le  feu  liquide,  tu  entends.  Hapti.ste  Courtemanche  <est 
comme  on  dirait  du  feu  qui  serait  de  IVau.  après  cela,  mon  vieux 
on  i.eut  tout  (liRérer.  voire  même  une  substance  métallique  qui 
prendrait  son  vol  comme  la  ?;entille  allonette  de  la  chanson.. 

"Bah!  fit  Baptiste,  il  ne  faut  pas  aller  si  loin,  et  tour  derniè- 
rement encore  le  Professeur  Keinflesh  oe  Duceldorlî,  en  étudiant 
les  •dimethylphemylpyTazoton-  et  le  "Aréta-aminoparaoxvlen- 
zoate  de  hexamethyleneletarmine"  découvrit  un  jour  que 

"Arrête!  s'écria  Titoine  Pelquier.  (mi  bondissant  jusqu'au 
bout  de  la  chambre,  je  veux  bien  croire  à  tout  ce  que  tu  voudras 
mais  epargne-iîioi.  sarde  pour  toi  ces  mots  que  je  ne  puis  com- 
prendre, (lis-moi.  et  ceci  eu  un  style  plus  compréhensible  pour 
moi,  a  quoi  pourra  te  servir  cette  découverte  et  comment  ces 
deux  éléments  pourront  te  conduire  à  la  fortune? 

"Alors,  je  vais  être  bref,  sache  tout  simplement  qu'avec  un 
grain  de  "Légium'  j'ai  pu  soulever  un  poids  d'au-delà  de  vingt 
hvres.  Donc,  tu  peux  comprendre  qu'en  obtenant  une  quantité 
suffisante  de  cet  élément,  il  me  sera  possible  de  soi>]ever  à  une 
hauteur  déterminée'le  poids  désiré,  fit  Courtemanche  en  regar- 
dant fixement  son  ami. 

"C'est  ben  beau,  répondit  Titoine.  mais  une  fois  rendu  en 
l'air,  comment  le  feras-tu  redescendre? 


'lia 


IL' 


■■('■«•SI  just.'nM'i.t  la  la  l).-aiil.'  d,-  la  d.'-c  (.nv.-itr  ♦■(  «i  m  coin- 
pre.i.ls  ,„,.'  !..  ■•!'<,pul,-..nn'  a^it  ni  st-ns  (  ..ntraiiv  du  -Logintu- 
et  qu.'  p.ac.-  dHi.,-  (MMtaine  faroii  latliru.aliquehu'id  dt'.frmi- 
u.'t'  .-1  .„„.  jai  d.'.(<.uv.-r(»..  jv  puis  ivg.iianst.r  et  .uMMi-aliscr  cet- 
h-  puissance  do  trlle  lan.u  ,„,.■  >•  la  conduis  à  volonté  tout  chuu- 
nio  av.'c  iiM  a,.ros(at  on  priii  ivKularis.'r  linlensit.'  d'uu  cour;.ut 
t'IettnqiH'. 

'1''  n-.v  (()m|)iviMls  pas  Krandchos.-,  dit  l'.'lqui.M-  avec  au 
Mn.i.ac...  mais  où  voi.x-tu  en  venir  avec-  tout  ce  chiniagras'^ 

"Tout  sinii.leu.ent  que  le  '•l'opuléuni"  étant  un  élément 
Hectro-uumnétique.  je  puis  non  seulement  refoula ri^ier  laction 
(lu  '•Lejïmm-  nuiis  aussi  m'en  servir  comme  a^ent  pour  activer 
un  moteur. 

••.If  n'y  conii)rends  absolument  rien  du  tout,  répondit  Titoi- 
ne,  dont  les  pupilles  se  dilataient  tant  il  y  mettait  de  l.onne  vo- 
lante, essayant  mais  en  vain  de  voir  clair  dans  tout  ce  que  lui 
disait  son  ami.  Kt  à  (,uoi  «  ela  te  servira-t-ilV 

'•A  {|uoi?  malheureu.x:  mais  c'est  la  clef  de  h,  navigation  aé- 
in-nn.-  l-lle  ,,ur  je  lavais  idéalisée  et  ,,ni  s,-  trouve  par  ce  fait 
non  i.ius  une  simple  possibilité,  mais  qui  sera  une  réalisation  le 
j«»ur  ou  ayant  assez  daryent  |)our  retourner  dans  le  Xord-Ouest 
caiKuiien.  .rirai  à  lendroit  dont  je  fai  i»arlé.  et  jai  ici  dans  ces 
maiiiisc -rus  les  indications  exactes  de  ces  lieu.v.  et  alors  prenant 
le  minerai  nécessaire  j.-  i.ourrais  réunir  assez  de  "Lésium  •  et  de 
'•l'opuléum-  pour  réaliser  la  véritable  navigation  aérienne  et  n 
rendre  maître  de  l'espace. 

Et  alors'.'  dit  l'elquier.  qui  commençait  à  entrevoir  quelque 
chose. 

"Alors  je  ne  serai  pas  ingrat  et  je  saurai  placer  mon  inven- 
tion au  siMvice  de  la  civilisation  et  de  l'humanité. 

"Accouches!  s'écria  l'eîquier  palpitant,  tu  ferais.  .  .? 

"Oui.  Titoine  l'elquier.  dit  Baptiste  Courtemanche.  Je  saisis 
ta  pen.sée.  je  lutterais  avec  les  Alliés  contre  l'hydre  infâme  de 
1  autocratie  et  je  verrai  à  ce  que  justice  soit  faite  aux  droits  de 
l'homme,  à  la  liberté  des  peuples. 

"Je  suis  ton  homme,  s'écria  Pelquier.  Je  n'ai  que  quelque 
mille  i)iastres  à  ta  disposition,  mais  je  te  crois  et  si  je  ne  te  com- 
prends pas  du  tout  ça  fait  rien,  marche  toujours. 

"Tope  là.  Titoine  Pelquier.  mou  vieil  ami.  dit  Courteman- 
che en  serrant  la  main  de  son  camarade,  demain  Philias  Duval 
sera  ici  et  nous  jett'^ron?  ensemble  les  bases  de  notre  associa- 


^3 

|i'm.  i:„  an.M.rkiM.  j-  vai.>  ir  un>u\vvr  LmiIps  l.-s  ,,1,.,.,...  justiluu- 
fruesot  tout  tVxi.liqu.T. 

I;»>s  ,J,M.x  a.uis  travaill,.n.|it  jusquV.  uiu>  iM-nr..  avatic.'.,.  de 
la  ...ut.  et  Maptist.  ('<»Mrt,..naiMlH.  a.r.-j.tant  linvitati..,!  d.  s,.„ 
U!JU  I  el(|tii«T.  parta^e-a  c.-  soir-là  1».  lit  ,i,.  son  .-..ni 

X 

•THI.:  FKhWCH-CAXADI.W   AKIMAI.  XAVK;  VTION 
COMI'AXV    (LI.MITKI), 

lA'pni.s  assez  lousten.ps  lasttv  .1,,  jour  était  levé  que  uos 
boMsannsluoine  IVIquieret  Haptisie  Courtemauche  étaient 
t  more  piong.'s  dans  les  l.ras  de  Morphée.  Kntm  ils  s-éveiUèrent 
H  après  avow  tenniné  leur  toilette  ils  se  dirigèn  t  vers  le  bar 
du  (u.n.  lust(.ne  de  se  n.ouille,   la  luette,  puis  allèrent  se  faire 

Aj.rés  avoir  déjeuné,  Courteniaueh.'  proposa  de  se  rendre 
nu.  (.rove  von-  sils  ne  trouveraient  pas  des  nouvelles  de  l'iulias 
Duval.  (  elui-ei  ayant  éerit  qu'il  arriverait  à  New-York  au  mo- 
ment ou  on  l'attendrait  le  moins. 

Xos  deux  amis  étaient  en  face  du  Square  Christopher  lors- 
qtte  hapt.ste  pre.uint  le  bras  de  son  ami  lui  dit  en  lui  itidiquant 
ut.  indivnlu  qui  lisait  son  journal  assis  sur  un  des  bancs 

'Il  me  send)le  qu'il  m'avait  send.lé  qu'il  me  sembLit  que 
c  est  lui!  ^ 

'Qui  lui'.'  demanda  l'elquiei  en  regardant  l'entreprenrur 
(  .'st-y  possible  que  c'est  vous'.'  s'écria  Duval  eu  aperce- 
vant Courtemanche.  En  arrivant,  je  me  suis  fait  conduire  chez 
vous,  puis  comme  vous  n'y  étiez  pas,  je  me  suis  assis  attendant 
votre  arrivée. 

'•C'est  bien  à  vous.  M.  Duval.  dit  Haptisle.  Puis  se  tournant 
vers  I  elquier:  Je  vous  présente  M.  Philias  Duval  dont  j;  vous  ai 
parle,  je  devrais  dire  tu.  car  vous  savez.  M.  Duval.  M.  le  docteur 
Aiuoine  Pelletier  est  un  de  mes  plus  vieux  amis. 

"Knchanté.  Monsieur,  dit  Duval  en  serrant  la  main  du  deii- 
tiste.  \ous  êtes  un  Canayen  vous  itou? 

"Oui.  m'sieu.  je  suis  dentiste  à  Ste-Cuné^onde  de  Montréal 
pour  vous  servir. 

Enchanté  de  vous  connaître,  docteur  Pelquier.  mais  je  n'ai 
pas  mal  aux  dents,  réponait  Duval.    Puis  se  tourna-i^  vers  Cor- 
temaache: 

"Avez-vous  reç-   ma  lettre? 


^ 


44 

"Son.  lit  ('(iiirH'iuiniclic,  ji<Mit-«"'trr  «'si-»-!!»'  (liez  ma  iciu  icr- 
K*'.  la  jaiiiiiir.  <  (»iiinn'  mi  dii  it  i.  .Vlloiis  voir  si  Vdus  voiiU-/.. 

Nos  trois  ("aiiaytiis  anivcrfiit  à  la  loj;»'  (!»•  la  jaiiUr«'ss»'  qui 
r»'iiiit  à  l'ourtcinaiulit  ilciix  ou  trois  Idin-s  au  nombre  desiquel- 
l»s  h«'  trouvait  «clli'  de  Dtival. 

"Aloi:.  vous  M'iitz  passer  (|ii«>I(|U)-s  jours  à  N«'\v-York'.'  »|»'- 
luaiidu  i'.aptist»-  à  Duvai  lors(|ii'ii  rui  pris  «•oiitiaissaiH  »•  »!»•  sa 
(orrt'sp(ui(iaiu»'. 

"tjiit'l(|u»'s  jours  »'st  le  mot.  ivpoiidit  l'iiilias,  car  je  dois  re- 
partir dici  aprt's-df main,  .l'ai  de  tr<'s  importauît's  atfair<'s  qui 
mapp»'llfMt  au  iiays.  j'ai  uiir  «'«oh'  à  l)atir  à  St-Tinioth«'p  »t  un 
pont  sur  la  petite  rivière  de  iîeriitier,  (jir  pour  votre  gouverne  je 
lais  t«>ujoiirs  dans  la  pierre. 

"(.'a.  c'est  hieii.  dit  Titoine.  Courtemanche  m'avait  Rlissé 
dans  roi^ilje  <niel(|ue  chose  de  même,  y  parai*  (pie  \ous  faiteH 
dans  'e  gros? 

"Et  dans  le  «Ici ail,  rép'Uidii  (ii'renient  rentrei»reneur,  vous 
savez,  la  pierre,  moi.  ça  m'< oiuiail. 

"Ht  comme  votis  me  le  dites  dans  votre  lettre,  v<nis  v»'ri"z 
l'arler  de  nos  affaires,  dit  Baptiste. 

"Ben  oui,  j'vous  lilis  dan»  ma  lettre,  j"sus  verni  icitte  pour 
régler  ctaffaire-là,  elle  m'intér(sse  hen  j. 


.Alors  si  vous  voulez,  venez  à  ma  chambre. 

"Alors  si  vous  voulez,  ventz  à  ma  chambre,  elle  est  plus 
gra-  "e  et  on  peut  y  respirer,  fit  Pelquier,  prenons  si  vous  préfé- 
rez uiie  voiture,  nous  y  serons  dans  quelques  minutes. 

"Le  docteur  Pelquier  est  des  nôtres,  dit  Courternanche  à 
Duval,  il  est  prêt  lui  aussi  de  financer  pour  activer  la  chose. 


T-  ^-' 


4g 

re.  un,  nn.M.x!  plus  „„j,  y  a  du  .api-al  ,ni.„x  ,•  «st  .)..  ,„v.tV.:-,. 
dJt-.l  ou  ««rran.  la  ...an.  ,|..  Ti,  .„,.■.  ,ln..,r  a.tauv  a  um  C  nav  u' 
cornnu.  ..ous  a.mv.s,  au  ...oins  un  s  .  <.,.pn,,u  '''    " 

-ras  b.soi„  ,1.  voin.n-,  .li,  (  u,.n..,..a,H.|....  pnM.ons  I-  „-a:u- 
wm  .J..  !a  .s.xi.MMo  Av.m,,,..  .,  av.  .■  (•our...M.a,u  I.'  ,.,vm  ...s  !..  .1.. 

acu:.:i^;,a..:t:^^^^^^^^ 

l  "••  .l..„u-heun.  plus  tanl.  nu.  a.ais  Hai.,.,   inslallns  <ia„. 
lu  rha.nl.ro  .l.-  Titoiue  I-H,,...-,-  ,,,.1  lit  n.ont..-  ,i.  ,a  ,,,!'.    ,  . 

^zjt;  "'7""'"  ''  "■"•  """-'" •"anj.iL  ;  ,'■' 

ca,  c.Ue  .1..  la  v.mIU-  ..an  .l.pnis  l..n^f..„,ps  un.  ..hos.  d,.  pass/ 
Alors  nos  anus  .M.tn.r.MU.  ou  cntV.n.nc-.  «liscut.'.nMU  .  tt  ' 
bhrenU..s  .noindres  dô.ails  d.  leur  assoc-iation.  Q...  s    .     .  ,Mh 
La  su.to  d.  notr..  nVit  nous  1.  laiss.-ra  savoir,     Tonj<,ûr    l      n 
que  |..ur  saOstair..  la  l,^«itinu.  ...riosi.ô  .„.  ..<„.„r    n    .s    ^  , 
«on.  les  articles  prin.ipanx  .i.  leur  pro«ran.nu>: 

«;         •      ,!■,.  ■•  '"^■a  iv  (inec  tour  do  la  i);ir- 

t.o  scontifuju..  ot  tochniciuo  do  la  Sociôtô  ' 

Ar.iclo  Vlll.  _  L,.  .si,.„r  PHIotior  (Anioin.M,  ri-dovant  chi- 
rut-«.M.-,lo..t.s,o  à  Sto-Cunôgo„do.  on  nio  do  Montréal  1"  ,v- 
co  do  Quoboc.  au  canada,  et  actuellon.ent  sous  rôsidonco  à  Now- 
York.  sora.socrotairo  do  ladito  Sociôtô. 

Articio  IX,  _  Lo  siour  Duval  (f'hilias  Onôsinio)  ontrenr- 
neur  on  la  o.to  do  Montréal.  Province  do  Québoo.  Canada  Z^.- 
ra  lo  trosorior.  ^ 

^  Articio  X.  -.  Lo  capital  sora  uo  cent  niillo  dollars  {$]oo  n...)) 

Article  XI.  —  La  seconde  partie  du  capital  sera  versée  <,ix 
n.o.s  après  les  pren.iers  .xt,H.v..mosquels  ioivon  corn  nencer 
immédiatement.  ^^winmcncer 

Comme  on  peut  en  iueer  lo  oai^i^ai  nV.  •-  »--  -,  - 
PUlias  Duval  s.  taisait  fort  d'avancer™  suX^r.arii.T 
cessue.  L-I„s.„ie„r  de  son  cô,.^  assurait  pouv*  réussir  aveMe" 


46 

montant  souKtrit.  il  ferait  !.•  travail  jMtur  ainsi  dire  s«'ul,  savait 
toninwnt  •'•coudinisi'r  ••!  If  pcrsonn»'!  i-t  le  trnips.  vt  ]v  diabl»; 
dhoninu'  <''talt  K'Il.-niiMit  «onvaincn  (in'il  •'•fait  («Ttain  chinrtsm 
mains.  (!•' in.Mu-r  rfnt:«|.ris<'à  l,nnii«>  tin  avec  le  «aitital  qui  lui 
•'■tait  ver»/'. 

S«'s  ilt'iix  assodrs  ayant  toutf  la  i ontiancr  posHihlc  .signc- 
HMit  Tact»'  par  (h-vanf  \v  (U'rc  d.'  Ihotel  qui  .'tait  notair.'  public, 
ft  tous  1»'H  trois  s.'  rrndirrnt  da;is  uiu»  banque  du  bas  de  la  vdJe 
où  l'hilias  Duval  déposa  un  <h(qne  au  nom  de  Pelletler-Courte- 
nutnche,  <  hèque  ()ui  devait  »tre  i)ay«'-  quatre  jours  après  (|u'il  au- 
rait été  a((<'pté  par  la  Han(|ue  de  .Montréal. 

Ije  rêve  de  Ha[)tiste  C'ourtenianche  se  trouvait  donc  eu  bon- 
ne voie  de  se  réaliser,  lardent,  léternel  nerf  de  la  guerre,  ne  tai- 
sait plus  obstacle.  11  n'avait  plus  (|uà  nuircher  de  lavant  car 
sans  compter  le  montant  de  Philias  Duval,  il  avait  aussi  à  disi»o- 
ser  du  (  apital  que  son  ami  Antoine  Pelletier  mettait  à  sa  dispo- 
sition. 

De  .-^on  côté,  l'époux  de  l'hiloniène  Tranchenionta«ne  (de 
Shawinifian)  avait  trouvé  non  seulement  une  situation  .sociale 
Biais  an>si  .sans  doute  le  moyen  d'arriver  à  la  fortune. 

Quant  an  bon  l'bilias  Duval,  il  allait  donc  i)ouvoir  prouver 
à  l'humanité  toute  entière  (|uc  ceux  (|ui  l'ont  dans  la  jiiejTe  ne 
sont  pas  utiles  seulement  dac.s  l'édili»  ation  des  constructions. 

Maintenant,  s'écria  l'hilias.  je  ne  suis  que  pour  trois  jours  à 
New- York  et  j'aimerais  bien  à  voir  si  on  i)eut  avoir  beaucoup  «le 
"fu     '  dans  cette  paroisse  icitte. 

Alors  Coufteniaiiche  les  conduisit  un  peu  partout,  dans  1*r 


>**=ri 


Philias  Du» .il. 


prit  1<>  train  pour  Moniré;il. 


5 


47 
(h«àjn'M.  dans  li.s  <iii,.|,ias    ••i»iif.>r  r-.  .  iii     i 

i.-.Ji^t;,!:r;;,r;:,:;;:'-  -:""\"''f---» „„..  ,„« 

.n..'.'x!;:;:,:r,:;.'i::',';::."''."";''''''-  '■'  ■■•■ -» -„.  .,„ 

.';:::^j:.""  ""•■-'■■•■ ■'-■a....;;-,:,:";:;:;™,;:;; 

vu.  t';^  :^n;::;i:,;"::;;:i:;:::;;;':;;:':'-^--"  '-■'  '■' -  «,. 

••lait  si  h,v„  ,-.,„i,ii.  „.,  ,,,,i„,,„        '■  '    I"  '"'■'"  -"•'  l"<'Kra..„„.. 

•'"■'■  '"  '■••'-'"■  '-'^ n"  .■:,;::::::,,:';;:,,',;'••-"••''•  ■■-- 

^iuaill    ;i    Tit()ili»>    l'«lfiiiù.i'     il    ..: 

'•""  ';;""'■"  '■""  "'^'""•■'■•" -m,-..  ,„.  s..;;,;,,,'.'.,'' "■ 

■J::!:  j;:;::r::  •;„;";!;;;;:  ;;f,';;f  r  '"■"'■  -^^^  ^■^-  p- 


(Fin  (i«-  la  Prcuiif-ro  Partir.) 


48 


Seconde  Partie. 

I 

BOULEVERSEMENT  MONDIAL. 

Depuis  près  de  trois  mois  lue  agitation  inaccoutumée  trou- 
blait les  populations  de  l'univers. 

Ce  malaise  inexplicable,  étrange,  se  remarquait  partout  sur 
les  deux  hémisphères,  ceci  du  Nord  au  Sud  et  de  l'Est  à  l'Ouest. 
.  En  efl'et.  de  l'Archangel  à  l'Arabie,  des  Indes  à  l'Océanie, 
l'Afrique  toute  entière,  enfin  tout  le  monde  fût-il  civilisé  ou  bar- 
bare, savant  ou  jgnorant.  rien  ne  fut  épargné,  pas  même  les 
deux  Amériques,  depuis  la  Terre  de  Feu  aux  habitations  luxueu- 
ses des  l^iedri  Noirs  en  l'isle  de  Montréal. 

Cette  agitation,  ou  plutôt  cette  inquiétude  avait  pour  cause 
l'apparition  d'un  phénomène  inétéréologique,  phénomène  qui 
bouleversait  la  quiétude  pul)lique  et  qui  éveillait  l'attention  du 
monde  scientifique  à  un  tel  point  que  la  presse  des  deux  mondes 
s'en  empara  et  on  vit  surgir  de  nombreux  articles  et  commen- 
taires qui  tirent  momentanément  oublier  les  soucis  de  la  grande 
guerre. 

En  effet  des  nianifestationt.  singulières,  presque  surnatu- 
relles, avaient  été  remarquées,  tout  dabord  par  les  astronomes. 
puis  par  les  autorités  militaires  des  grandes  puissances  de  plus 
en  plus  en  garde  contre  les  aéroplanes  et  autres  dirigeables,  ins- 
truments terribles  de  destruction  aérienne. 

E^nfin  le  public -lui-mênîe  avait  pu  Sf  ~<?ndre  compte  et  ob- 
server de  lui-même  ces  singularités. 

Ces  phénomènes,  disons-nous.  éta.  ..it  caractérisées  par 
l'apparition  irrégulière  et  inexplicable  d'une  masse  parfois  som- 
bre, d'autres  fois  lumineuse,  qu:  occupait  les  régions  élevées  de 
l'éther.  Parfois  même  on  eut  pu  la  prendre  i)our  une  étoile  filan- 
te ou  une  comète. 

Qu'est-ce  que  cela  pouvait  bien  être? 

Les  astrologues  intrigués  braquèrent  leurs  télescopes  les 
plus  puissants  et  afin  de  savoir  ce  qui  en  était  observèrent  les 
moindres  recoins  du  ciel.  EInftn.  après  bien  des  hésitations  —  ce 
qui  est  permis  pour  une  chose  de  cette  importance  —  ils  miirent 
par  déclarer  que  ce  phénomène  devait  être  im  bolide  détaché  si- 
non d'une  étoile  de  notre  système  planétaire  ou  sinon  d'une  pro- 
venance inconnue.  Naturellement  il  était  très  important  de  con- 


'f^ 


■  --^a^itlMiarw^çiWE  LlKlCaî 


49 

naître  au  juste  la  vitesse  et  la  marche  de  ce  bolide,  car  il  était 
essentiel  de  savoir  s'il  ne  lui  prendrait  pas  la  fantaisie  de  venir 
en  contact  avec  notre  planète,  et  alors  quels  pourraient  en  être 
les  résultats  et  les  catastrophes  qui  en  seraient  la  conséquenceV 

De  là  l'inquiétude  universelle. 

La  presse,  naturellement,  trouva  le  chamj)  fertile  et  nos  bons 
amis  les  reporters  en  profitèrent  pour  y  glaner  toute  une  mois- 
son de  faits  divers  plus  ou  moins  sensationnels,  dont  ils  confec- 
tionnèrent des  articles  mirifiques.  Les  extras  succédèrent  aux 
extras  et  les  journaux  se  vendirent  comme  des  petits  pains. 

En  effet  le  sujet  en  valait  la  peine  et  nous  ne  pouvons  blâ- 
mer nos  excellents  amis  de  cette  bonne  aubaine. 

Tous  se  mirent  donc  à  l'oeuvre  pour  trouver  des  renseigne- 
ments pouvant  éclairer  les  lecteurs. 


("est  à  (t'ttf'  tin  qu'un  reporter  du  •('unard'  , 

C'est  à  cette  fin  qu'un  reporter  du  "Canard"  de  Montréal,  au 
Canada,  ayant  été  interviewer  un  astronome  bien  connu  de 
Westmount,  celui-ci  lui  apprit  qu'un  médecin  montréalais,  astro- 
nome distingué,  avait  prévu  vers  1S7S  le  phénomène  en  question, 
que  du  reste  il  avait  lui-même  écrit  à  ce  sujet  à  M.  Camille  Flam- 
marion et  attendait  incessamment  une  réponse  de  ce  dernier. 

Le  "New  York  Herald"  publia  un  article  disant  que  les  as- 
tronomes de  l'observatoire  de  l'Université  Columbia  avaient  ob- 
servé que  le  susdit  bolide  se  dirigeait  avec  une  rapidité  vertigi- 
np.jse  vers  |p  Xord-Est.  et  que  d  après  les  calculs  il  ne  devait  pas 
être  à  une  distance  fort  éloignée  de  la  croûte  terrestre. 

Le  "Times"  de  Londres  confirma  ces  observations  en  disant 


f;-w: 


59 
v«s  le  c..,„„„ë„;?u;o,HC,        """'""""'"•»  -"'Waut  se  diriger 

.oire"";',':;;:  r::;™';';;™';,;''"  '^'^  "'"'''"^^  -"^  '<"-"- 

Qua  1„„  pouvait  rerr,r  en  Lm!  """  """""""'  "'  """"« 
>l.alt  sensiblement  maï.a'.ss  e^  h  "  '^^"'«""•"' ^^  mppro- 
tern,i„e„ce  lun.ineu"  "'  '""^-lière  était  par  in- 

■lonnaien,  lopin  ™  ."el  1  !  ,1n  "  f""  ""*o^'"><^  'l.'-Us 
|-an„»  ,n„„I,..,  l,:Hi;r„ir  ^a  n^r^e'pr'^t  ""'"'■  "' 
talent  dans  „ne  prudente  réticence  I  .  °  ,  .f  °"°"«'-  «  ■•"s- 
journal  seini-olïiciel  all-,if1^  l  ""*'  "^  Pranefort", 

«e  ne  devait  ..r7;„t;'r tir,  e'^trCt^^t'^ar ''"^ ''■'■ 

nonveile  i„<.r.,var  ,     "  '  M  iVa^   t"""'  T'"^""'"  ''"''''  '^ 
et  se  dirigeait  vers  ,e  .ontine,,;  asilu^ue  '""  ""  ■""'""' 

,ne  l'obiSviioire"':,':;;^  j,?j.ir  ""'■f^.  "^-^  -*'-  «  ■■"^'- 

bolKIe  .,u,  sans  In^sitat [.^  - .  s  ^'^tr  ''T"'-? ^"^'^  "^ 

n..^:';:r:i:^,-;Li  tr  ■■ -'^^^ --->  — ^ 

..n  s,.n,bi;,i,  a  rdlcaprc'de'Toîie,  ■''■''  '='•''"""  '"""*  ^' 
e.  cela  se  convoi,,  ,a  cha^l:''»  ';  °'  Lï'"-,/-"-"--,, 
concerts  tirent  fortune.  ""<-  «e  ta  partie   et  les   cafés- 

discnï;:rv7h'- ,::rrt''di''"'r'"^  "'"^  '^^  j»—  "- 

devenir  sangiaMes  P<""»"<I"es  <,„i  menacèrent  de 

gea  au'canada  dans  ÏÏ™„;  etoo^  ,"T'  ■""  ""^  ■""  '^'''^-- 
ee  Québec,  entre  ie  ^N-fcSi^eH:' "TS.Lr''''''  ''™""- 

.andl^rL^rfrStbi'r'".  ^If:;"^  ""^'^  "•'"-  ^'=- 
sne  monde  entier  dans  l-a^t^ni:  s:in":nTi™Q„:rt!:,  ^ 

çoncS^iiSr^:;:";^--^:;:--..»^^^^ 

niable  ,iu,  ,„enaça,t  la  terre  et  s'il  venait  en  conucraS  e»lZ'-" 


51 


vait  avoir  des  conséquences  si  non  fatales,  du  moins  terribles 

Tous  attendaient  donc  dans  lanxiété  la  plus  grande  lors- 
iu  un  beau  n.atin  lincroyable  nouvelle  que  nous  allons  1  re VLt 
jeter  les  peuples  du  gk.b.  dans  la  plus  étrange  des  perplexités 

II 

COMPLICATIONS  DIPLOMATIQUES. 
L'Honorable  M.  Lansing.  l'honnne  d'Etat  bien  connu,  mi- 

a  s  s  •-;  ofr""""""^  ''  Washington,  était  confortablement 
ass  s  a  son  secrétaire  et  prenait  connaissance  de  pièces  impor- 
tantes relatives  aux  questions  .le  politique  étrangère  et  enait 
us  ement  de  terminer  la  lecture  d'un  volumineux'dossi  r  or  ! 
qu  un  huiss.  .  de  service  pénétra  dans  le  cabinet  et  dépo  a  de- 
vant le  ministre  une  grande  et  épaisse  enveloppe 

In(rlgu.^  l'honorable  ministre  jeta  tout  d'abord  sur  cette  en- 
ve  opiK.  un  long  regard  inquisiteur,  puis  après  hésitation  et  l'a- 
voir palpée  (précaution  à  prendre,  surtout  en  temps  de  guerre 
et  dans  un  pays  dans  lequel  Ls  espions  fourmillent),  il  l'ouvrit 
en  t,ra  un  document  assez  considérable  et  ajustant  un  lorgnon 
Il  en  commença  la  lecture,  mais  à  pHn,>  y  eut-il  je,,,  l.s  v4x  ." 
commence  la  lecture  qu'il  poussa  un  cri  de  surprise  '      ' 

Comme  nous  allons  nous-mêmes  pouvoir  en  juger,  il  y  avait 
de  quoi  être  étonné  car  voici  ce  qu'il  venait  de  lir.«^ 

EMPIRE  DE  L'ESPACE. 
Ministère  des  Affaires  Etrangères, 
Cabinet  du  Ministre. 

(Vol.  1,  Feuillet  4.) 

Auto  aérien  "Le  Wawaron". 
Excellence,  """■■  ^^^^^  ^^'^'^le),  1917. 

Mon  gracieux  souverain,  Sa  Majesté  Baptiste  .-emier  a  Je 
plaisir  (!..  porter  à  votre  connaissance  la  nouveUe  de  son  éléva- 
tion au  troue  de  î'Empire  de  l'Espace,  dont  il  est  devenu  le  très 
puissant  souverain  par  la  grâce  de  Dieu. 

L'Auto-Aérien,  détaché  tout  spécialement  de  sa  flotte  aé- 
nenne,  est  chargé  de  vous  faire  parvenir  ce  message. 

Sa  Majesté  désire  que  vous  assuriez  l'Honorable  Président 
et  ic  peuple  de  la  noble  et  puissante  nation  de  la  République  des 
Etats-l  nis  de  la  sincérité  de  ses  sentiments  et  aussi  ùf  l'admi- 


îl 


ration  profonde  quelle  professe  à  regard  de  ses  grandes  et  bel- 
les institutions,  et  aussi  de  la  part  qu'elle  prend  pour  les  intérêts 
de  la  cause  sacrée  de  la  liberté  et  de  l'humanité. 
De  par  Sa  Majesté  l'Empereur  IJaptiste. 

(Signé)     ANTOINP:.  Duc  de  Ste-Cunégonde. 

iMinistre  d'Etat 
La  poudre  eut-elle  tombé  aux  pieds  de  l'Honorable  M  I^n- 
sing  qu'il  n'en  eut  été  pas  plus  étonné.  Il  essuya  ses  lorgnons 
prit  une  gorgée  d'eau  d'un  verre  qui  se  trouvait  sur  le  secrétaire' 
puis  II  se  reprit  à  relire  à  plusieurs  reprises  la  lettre  du  Duc  de 
Ste-Cunegonde.  alors  le  ministre  américain  put  voir  en-dessous 
et  peint  a  la  main  sur  le  parcnemin  un  écusson:  "CeT'';)lant  grim- 
pant sur  Azur"  avec  la  devise:  "Aère  Perennius". 

Alors  l'honorable  ministre  fut  pris  d'un  rire' homérique  qui 
le  secoua  à  un  tel  point  qu'il  faillit  en  perdre  la  respiration. 

"Quel  est  le  farceur  qui  a  voulu  se  moquer  ainsi  de  moi'^  se 
dit-il  en  essuyant  ses  yeux  que  le  fait  d'avoir  ri  avait  emplis  de 
larmes. 


L'Iion.  Lan.siiiK  et   son  secrôtairt^ 

Alors  il  sonna  son  secrétaire  et  lia  intima  l'ordre  de  préve- 
nir le  chef  du  "Intelligence  Bureau"  et  qu'il  désirait  le  voir  au 
plus  vite. 

Celui-ci  ne  tarda  pas  à  se  présenter  et  tous  deux  eurent  un 
long  entretien  qui  eut  pour  résultat  que  la  police  se  li^Ta  sans 
perdre  de  temps  à  des  recherches  toutes  spéciales. 


Kitt:itîf::''^y,T^ 


<>•> 


Tout  semblait  cep'MulaiU  vouloir  ui  rester  là.  lorsqu'on  ap- 
prit que  peu  de  jours  plus  tard  une  lettre  à  peu  près  semblable 
était  parvenue  au  bureau  du  ministère  à  Londres  à  l'Honorable 
Premier  Ministre  Lloyd  (leorge.  Celui-ei.  avec  son  flegme  tout 
britannique,  allait  passer  outre  sans  sen  inquiéter  davantage 
lorsqu'il  apprit  à  son  grand  étonnement  que  l'Honorable  (îeor- 
ges  Clemenceau,  de  Paris,  en  avait  reçu  une  absolument  identi- 
que. 

Décidément  la  chose  devenait  plus  sérieuse  qu'on  avait  vou- 
lu le  croire  de  prime  abord  et  cela  s'accentua  davantage,  lorsque 
J  on  sut  qu'une  lettre  a.ialogue  était  parvenue  à  l'Empereur  (îuil- 
laume  II  et  enfin  aux  autres  nations  furein-elles  belligérantes  ou 
neutres. 

La  question  de  l'Emj)ire  de  l'Kspace  prenait  doue  toutes  les 
apparences  d'une  réalité,  à  moins  "toutefois  qu'on  l'ut  en  présen- 
ce d  mie  mystification  de  haute  envergure. 

-Mais  le  bouquet  fut  lorsqu'un  beau  soir  le  -Wawaron"  i)assa 
tout  dluminé  au-dessus  de  Londres,  mais  quoiqu  il  fut  à  uiu-  très 
grande  hauteur  on  le  vh  passer  tout  illuminé  et  le  lendemain  ma- 
tm  on  trouva  sur  le  sol  des  cart<".s  portant  ces  simph's  tnots-  -I  e 
Wawaron,  P.  i{.  \'." 

Alors  il  n'y  eut  plus  à  douter.  Il  existait  don.-  ce  fai)uleux 
^'awaron. 

11  §e  produisit,  comme  on  le  conçoit,  un  véritable  déchaîne- 
ment d'activité,  non  seulemem  dans  le  domaine  administratif 
tant  gouvernemental  que  militaire,  mais  les  savants  de  toutes 
parts  se  livrèrent  aux  recherches  les  plus  échevelées. 

Les  encyclopédistes  fouillèrent  les  plus  précieux  et  anciens 
manuscrits  des  bibliothèques,  tout  y  passa,  les  dictionnaires  les  ' 
plus  complets,  les  traités  de  géographies  les  plus  impeccables 
mais  rien  ne  servit,  le  mystère  de  l'Empire  de  l'Espace  restait  de 
plus  en  plus  impénétrable. 

On  allait  désespérer  lorsqu'un  beau  jour  un  journal  de  la 
^    \ille  Lumière,  le    'Paris-Canada ',  publia  un  article  signé     Un 
Canadien". 

Cet  article  disait  que  le  "Wawaron  était  un  reptile  de  la  fa- 
mille des  batraciens,  en  somme  une  grenouille  monstre  que  l'on 
rencontre  en  très  grande  quantité  sur  les  bords  du  fleuve  Saint- 
Laurent,  au  Canada,  que  les  pâtés  de  ce  batracien  étaient  fort 


'-":^.:. 


l '^ 


s 


54 

.  ^n^rT™"^'""'""  """■"=  ■'=  ''°'"''  ■'«S  'Mères  ou  des  lac»  il  n'y 

Toujours  en  est-Il  qull  existait  ce  "W-awaron"  on  lavait  ob 
celui  qui  avait  baptise  d'un  tel  nom  l'auto-aérien  devaif  Mr^VZ 

sr'dr"'  '"  "  ^^"""^  »'  p-«cuiiérê„™;  ,a  ™:v^:  :: 

Québec,  des  connaissances  peu  communes. 

aérien' m^l"nt"'  ^'T"''  "'^  '^"^""'^''  °°"^  ^  ^«""«'-  ^  ""  ^^to- 
aérien,  mais  que  voulez-vous,  tous  les  goûts  sont  dans  la  nature 

pourVventSff?'/'''''^''  ''''^''■''  '"'""''^  ^^^  ^-^"^^"^  ^^  -"»'"« 
cours  '''"'■'"'  '''^^  ^^'"  ^^'  ^''^«^^^^  !'«"••  ^'''^"S-'-  «on 

être  fn  el"^.  '"'""'  ^"^î^^'^'^^^  •"-^""  ^^^  qui  peut-otre  allait 
être  appelé  a  jouer  un  rôle  important  dans  les  questions  de  noli- 
Uque  internationale.  De  quel  côté  ce  nouvel  empire  se  nett  a  - 
11?  De  quel  coté  ferait-il  pencher  la  balance?  Vers  celui  des  Pu  s- 
sancos  Centrales  ou  pour  les  Alliés? 

,:,,,?!'  ""'"i^^'^^d  ^'-^'-  justesse  qu'un  empire  possédant  des  di- 

heuit  frf."?-  ^'''T""''''  ^"'  ''  "Wawaron"  qui  en  quelques 
heuies  franchissait  des  distances  fantastiques  et  mettait  bien  en 
arrière  tous  les  modèles  connus,  possédant  une  puissance  de  pro- 

vo  n.7-  T-  T  "'  '^""'^''  comprendre  l'origine,  s'illuminant  à 
volonté  et  s  ahmentant  on  ne  savait  où  ni  comment,  étaient  des 
questions  qui  demandaient  réflexion,  surtout  sachant  l'impor- 
tance capitale  de  l'aérologie  dans  la  guerre  actuelle. 

Les  centres  diplomatiques  avaient  cru  entrevoir  dans  les  let- 
tres envoyées  à  certaines  puissances  par  le  duc  de  Sainte-Cuné- 
gonde  au  nom  de  Baptiste  1er.  une  certaine  tendance  en  faveur 
des  Allies  mais  rien  d'assez  positif  pour  qu'on  pu  former  une 
opinion  déterminée. 

Donc  on  vivait  dans  l'attente. 


i:i^s.^L 


65 


m 

GOTT  MIT  liC.VS. 

son  bureau  ,1   raval    ™  '   ''''^' ■'''^"''"«"^    '^«i'  "»-»  'l-vant 

chancelier  Herr  Dootor  ,».^  "  '"••'»•""■'•  «'"  l'ouveau 

Kaiser  de|,uisT^,elgué Te  ,    ,  """"":"•"  ""  Duceldort.    Car  le 

lier  que  de  c L,  I  e  c'é,      u  ■"'"''"'  """'  ""'"""  '"  <•"'"'<■'- 

de  chambre  '""'"  '■'  "'"■  P'^'-'M'  "<">  valet 

.alre'ëu  faoe'd  Z  S^ 7.'::':,:'','  ','•  '''""■"  '"'  ""  '^"'- 
Wement  awls  ou  nl„  a,        "  >,''»'"t  !"■  Kronprmz  qui  <ouforta- 

tait  un  umEà'iuCr,,?-',    '        "■"  """  '"'"'^'=  "">«'"■■  '-'""«- 

jK;^.^:™^j^:f:;::r;;-i;-;r=rri;;-r 

]or  de  ses  armées  de  l'Est    les  ivtraifP«  =fr.,t  -   •  f'^t-ma- 

avons  opérées  dans  le  Xord  dp    .T      '^'^^^^^^'^"^^   ^J»*^   "ous 

dans  ,esqp,esr  ^X^sTe^'^^î;;,  ^   -^11^^.1:^ 

:c:;:,i:rstre;ui:seXr/L^^^^^^^^ 

d"r=i'— r^^ 

^  Les  braves  gens:  dit  Guillaume  II. 

'-Ils  ont  en  certaines  circonstances   niursiiivit  Rei„rfn»-  , 
abandonné  aux  ennemis  un  certain  non,b?e  de    „    ,''e   ^  "  '     ' 
cec.  pour  ne  pas  avoir  .■e„cou,b.„„,e„,  de  les  lôTe:\::Z2 


&u 


ont  pouhsé  1-héroiHnie  jiisquà  sf  laisst-r  prpui.re  priscimitTS  afin 
d  augmentpr  le  iionibro  de  bout  lies  à  nos  adversaires. 

"Continuez,  chancelier,  continuez,  dit  lenipereur.  vos  r.'c  its 
me  comblent  de  gloire. 

'En  outre,  pour  sauvegarder  la  morale  publique  ils  om  enj- 
peche  livroRuerie  dans  la  population  en  s'emparant  des  vins  et 
alcools  dont  ces  malheureux  auraient  fait  un  fâcheux  usage  En 
plus.  Ils  ont  poussé  la  chevalerie  jusqu'à  nrendre  les  femmes  et 
jeunes  filles  et  s'en  faire  les  i)rotecteurs  dévoués. 

••Herr  Chai.-eli-r.  fi.  Guillaume  il  en  relevant  triomphale- 


I.fs   braves   kchs.  dit   Giiillamne   II. 

nient  les  crocs  tombants  de  sa  moustache  jadis  si  conquérante, 
vous  comblez  mon  coeur  de  joie  et  pour  vous  témoigner  notre 
impériale  satisfaction  nous  vous  décernons  des  lettres  patentes 
de  noblesse  de  quinzième  classe,  quant  aux  héros  de  notre  vail- 
lante armée,  je  leur  décerne  une  averse  de  croix  de  fer,  ça  coûte 
pas  cher  et  ça  fait  toujours  plaisir. 

"Tiens,  s'écria  le  Kronprinz  qui  jusqu'alors  avait  conservé 
le  silence,  c'est  comme  dans  la  chanson  que  disait  si  bien  Ivette 
Guilbert:  "Ça  fait  toujours  plaisir". 

"J'ai  entendu  chanter  cela  à  Paris  quand  j'y  voyageois  in- 
cocnito. 


■  liMl 


Ciiillaiinif  II  haiissu  les  épaules  aux  paroles  de  sou  til», 
quaiif  au  «haïuelier.  ému  dcvajit  la  K*M'*'rosité  de  son  maître  il 
se  mit  à  genoux  et  lui  Italsa  la  main. 

"Sire,  dit  le  nouvel  annohli,  je  ne  trouve  pas  de  mots  assez 
éloquents  pour  vous  exprimer  Joute  ma  reconnaissance. 

F*uis  se  relevant  le  chancelier  j)oursuivit: 
"Votre  Majesté  a-t-elle  j)ris  en  considération  les  questions 
relatives  à  ce  "VVawaron"  dont  la  })résence  ({mimence  à  émou- 
voir les  esprits?  Nos  parlementaires  s'alarment  à  tort  sans  dou- 
te sur  l'influence  que  pourrait  prendre  cet  F^nipereur  de  i  F^space 
et  de  la  prépondérance  qu'il  aurait  peul-être  sur  la  politiqiie  in- 
ternationale. Voici,  ajouta-t-il.  en  jtlacjant  un  document  devant 
l'Empereur,  un  mémoire  que  la  Commission  Spéciale  m'a  chargé 
de  remettre  à  Votre  .Majesté. 

■'Ponnez,  dit  l'P'mpereur  d'un  ton  sec. 

Ciuillaume  11  prit  le  manuscrit,  le  lut  attentivement,  puis  se 
levant  il  arpenta  la  pièce  à  ])lusienrs  rej)rises  une  main  derrière 
le  dos,  l'autre  entre  les  boutons  de  son  gilei.  atïectant  ainsi  une 
pose  na|)olé()uienne.  (Ah!  ce  Bonaparte  (|ui  était  tor.t  à  la  fois 
son  idole  «'t  son  cauchemar î)  Knfiii.  après  (iuei<|ues  minutes  il 
s'arrêta  devant  son  chancelier  et  lui  dit  : 

"A-t-on  quehiues  renseigiiements  sm*  (•'  lîaptiste  et  sur 
l'emplacement  de  cet  FTmpire  de  l'FIsjjace'.' 

"Oui.  Sire,  répondit  le  chancelier,  mais  sans  toutefois  avoir 
pu  rien  obtenir. 

"Et  ..lon,  on  est-il.  où  peut-on  le  trouver'?  demanda 

Guillaume  'I. 

"C'est  1  lus  que  je  puis  vous  dire.  Sire,  repondit  le  chancelier 
en  baissant  h  tête.' 

"Alors!  s'»  cria  le  collaborateur  au  "Chiffon  de  Papier",  en 
donnant  sur  le  secrétaire  un  lîionumental  coup  de  poing: 

"On  se  moque  de  moi! 

"Non,  Sire,  dit  le  chancelier  en  pâlissant,  personne  se  mo- 
que de  vous.  Vos  onTres  ont  été  exécutés  à  la  lettre,  le  service 
d'espionnage  tout  entier  s'est  mis  à  l'oeuvre,  s'en  est  oc  ,e  av°'; 
ardeur,  et  Votre  Majesté  sait  fort  bien  que  son  servicô  u'esp'/Vi- 
nage  est  remarquable  et  unique  au  monde. 

"Ah!  pour  cela,  dit  C.uiHanme  II  radouci  et  ;.■  ec  ccviction, 
mes  espions  sont  incomparables.  Mais,  par  le  diable,  où  donc 
peut-on  trouver  ce  Wawaron  ? 

"Dans  les:  airs,  Sire,  répondit  Reindflesh. 


e  winmB^3hiF-^iniii^mBanxiF*f¥rK::-f- 


mmms^mm 


uuo  mir,X"oZii:;"""""  -  ■""■""  "■'  •■">•"'.■  *. ...  ,.„ 

une  Uonr;:,a«^rv„t':rsta,r  '"""*"'  '"-•  ''''■  ""  ™»* 
dUDl  Vous  i„.  vov,.2  dZ-  "'"™''°  ■'"^  Illusions!    Ver- 

Invincible  ar,née    e„u?  e„'4i,?It"""  "î"'"'  '"'■"-  ="-  "<"- 

ques.  "  '"''  l""  """S  retraites  stratégi- 

succéieu'r.UUla'''  "'"■'  '"""■  '''"•"""   »«"encle„.«e„,en,    le 

"Vous  pouvez  bwu  en  parler  de  f.-.n.,,,-.  •     •      . 
tre  invincible  année  conu.u^  H-  !  '  ^'  "^^'"'^  continue  no- 

rader  ù  Berlin  et  se^    aU  anrs  n   .  '''"'  '''''•  '•^^''^'"'"•^  I^^' 

l>l.alen,en.  Parad^ur  ï^^l^^^^n:.;;;"  ^^^^  *--  -Gou- 
rer à  vôt^Mi^rcm,."''";/"""^  ""  -"'--adenr  ù  suggé- 
qu'il  voyau  t^ni;    '  ''  ^^^'"^"-«'»  1'»  ^-"ait  e„.pêel,er  lorage 

;  ^aHe.  dit  rKn.pereur  „ous  vous  écoutons. 
SouaÎS;;,^::;;;,"'  /^«-^^^'-t.  diplon.atiques  de 
sence  serait  pi!:;."  L  u  "Sn^^^i^*^  '""'''  ^"^  ^^  ^-- 
où  se  trouve  le  Wawaro  d  u  T  ?  ""^^^"^  ^"^  '^*^'»^' 
d"  trône.  Je  croi;  o^  n-  '  ^•'^^"^^ï'er  en  .aluant  l'héritier 
sant  que  doit  It  ^p  iZ  I  r"  ^^7'  -\en,,ereur  aussi  puis- 
Possédant  un  talen,  tô  ^  ;;„  ^1;"  fr."?  '^•^'•^•'-•-- 
tible  dune  hyp.,cn-..e  ù  toute  épr'ue'^'        '  ''^"'"  ''  ''''''''■ 

monde"!"'  ''"""  ''"'"""""'  ""  "'  ^•""  ^^'««'"^  ^^ait  encore  de  ce 
"Et  qui?  demanda  le  Kaiser 

bile  :-"r;r„''^^'  -■  ™'^'  ■"■  o"^  p--  -..1-  so„  p,.. 


¥"S. 


i^BSS 


i^k 


59 

1.0  thancolier  sortit  en  saluant  H  (;iiillaum.>  Il  apivs  avoir 
réflt'chi  quelques  socofKles  se  tourna  vers  son  ttls  et  lui  dit: 

'"Alors  vous  persistez  à  m-  pas  vouloir  aller  occuper  votre 
poste  au  front  à  Verdur»? 

"Voyonj^.  mon  p.'re.  maintenant  que  le  chancelier  n'v  est 
plus  n(ms  pouvons  causer  librunent,  où  diabl  •  avez-vous  l'idée 
de  mVnvoyer  faire  trist.  figure  à  Verdun?  Vous  voyez  bien  que 
les  Français  se  tnoquent  d.-  nous  et  que  ces  cochons-là  ne  se 
laisseront  jamais  battn-  Kn voyez-moi  sur  le  front  russe,  là  au 
moins  il  y  a  moyen  de  moyen ner. 

"Décidément.  Monsieur,  dit  W  Kaiser  avec  un  sourire  de  mé- 
pris. Il  en  est  de  vous  pour  les  champs  de  batailles  comme  pour 
les  femmes,  vous  aimez  Ie.><  victoires  faciles. 

••Kt  pourquoi  pas-.'  répondit  le  Kronprinz  en  emplissant  sa 
coupe  de  c-hampapne.  .^i  j'aime  les  victoires  facil.'s.  vous  aff^'c- 
tionnez  les  impossibilités,  vou^  s.'mble/  l'avoir  prouvé  en  vou- 
lant cette  guerre. 

"Vouloir  cette  gu.-rre:  s'écria  (Wiillauine  H,  nai-je  pa^  dit 
publuiuement  que  je  ne  lavais  pas  désirée,  et  ne  vous  ai-je  pas 
promis  votre  bâton  de  maréchal  le  joui  où  vous  prendriez  Ver- 
dun. 

"Vous  n'avez  pas  voulu  cette  guerre  et  vous  avez  promis, 
deux  belles  i)hrases  que  l'histoire  se  chargera  de  prouver,  dit  le 
prince.  Vous  avez  promis  à  la  Belgique  de  respecter  sa  neutrali- 
té, aux  Etats-Unis  de  prendre  en  considération  leurs  justes  ré- 
clamations. Promis,  mais  à  quoi  cehi  pourrait -il  vous  servir,  ou 
ne  vous  croirait  pas. 

"Kt  cependant,  fit  l'empereur  avec  rage 

"Il  ny  a  pas  de  cependant  mon  père,  que  voulez-vous  que 
j'aille  faire  dans  le  Nord  de  la  France'.'  .Vos  soldats  n'ont  pas 
laissé  une  bouteille  de  vin  à  In-ire.  Quant  aux  femmes,  c'est  à 
peine  s'ils  ont  eu  la  délicatesse  d'en  laisser  quelques-unes  d'in- 
tactes pour  leurs  officiers. 

"Alors  vous  prétendriez  que  nos  soldats  r:e  sont  que  des  hor- 
des de  barbares,  s'écria  Cuillaiime  II  avec  rage. 

"Moi.  je  ne  prétends  rien,  je  constate,  voilà  tout,  répondit  le 
Kronprinz  en  allumant  une  cigarette. 

A  ce  moment  la  porte  s'entrouvrit  donnant  passage  à  Reind- 
flesh  qui  précédait  le  Comte  von  Bernstorff. 

"Vous  savez  pourquoi  je  vous  fais  venir  et  vous  acceptez? 
dit  Guiiiaume  II  à  rex-aïubassadeur. 


"i]f- 


to 


.)<•  hiiih  t(»..mjr  11  ,ijoiirs  |>hm  à  tout  pour  !»•  sonlc-  dt  \o- 
lr<-  Majent.-.  tV.,H.n,m  von  H.rn»t<.rff  -n  saluant  jiiw|u  à  trrr.' 

Alors  caiisonK  ^t  voytu.K  i.  r.  ,:ler  (ettf  affuirt'  <lu  Wav.a- 
nni.  (lit  Ciiliaiini..  Il  en  U-ur  faisant  hIku-  de  «asHi-oir. 

IV 

CK  Ql'K  CFCTAIT  giK  i.  K.Ml'IUK  l.K  l/KSI'ACK. 

Il  €>8t  iii<(.nt.>stal.le  qu»»  1rs  i«teurs  (loivrni  .m-  d.-nandiT  -  r 
qu.  som  .l.v.nus  nos  d.ux  ex.  HU-nts  .-.hms.  In.Kénin.r  Itar.Hsf 
*-'"        iian.h..  ..f  son   ra  .narad..  !.•  rlnrwrKit  n-d.-nnst*'  TU<'>v.'> 

Nous  l.'K  avons  laissés  -  si  nous  lunis  souvenons  Lien  -  à 
.»-du  (îrand  Terminal  Station  ;.  NVw-Vo.k,  prenant  le  train 
WU  des  plus  douées  espérances  ,  t  emporfaiu  a\ec  eux  1.  i 
'  uoses  ne.essaires  ,)our  leur  lon^  et  périlleux  vovaKe  vers  lOuest 
l  i.nadien.  eest -à-dire  vers  <ett  pa,-ie  ,  „  Nord-O.n'st  où  lin-- 
ni.ur  avait  dé-couven  les  préc,.  ux  matériaux  nécessaire,  à'-a 
réalisation  de  la  navi,u:ati<Hi  aenen„e  telle  qu'il  T.-vait  ( on.  ne 

La  prenuere  p;,rtie  ne  fut  en  réalii,.  qu-ini.  lon-ne  proire. 
"■«i<'  "î  iu>  donini  lieu  à  aucun  incident  .li^ne  de  ,ne„tion  et  ils 
se  rendu-enr  .ers  lendroit  le  plu.  rapproché  des  lieux  on  les  •..■- 
«herches  des  Unne„x  éléments  devaieiu  être  (ahes  \/,  u  [,  ;„ 
tallut  trotiver  la  main-doeuvr-'  et  cela  ..-.tait  pas  aussi  laci'- 
quon  pouvait  le  croire.  La  fameuse  conscription  avait  enlevé  n-, 
Krand  nombre  dhommes.  et  .eux  qui  restaient  se  trouxaient  em- 
pêches soi;  p;,r  d,.s  obligations  conunerciales  ou  de  famille  les 
autres  se  firem  fortement  tirer  Toreille  e  ne  .<  .lé.  idèrent  à  leur 
venir  en  aide  que  par  l'appât  du  gain. 

Pm-s  il  leur  fallut  feir.'  construire  des  ateliers  de  construc- 
tJon,  un  lab.)ratoir...  un  haut  fonmeau.  enfin  tout  .e  qui  est  né- 
cessaire pour  la  fonte  et  la  préparation  .les  métaux,  et  ceux  de 
1  ingénieur  Court enianche  sortaient  .ie  beaucoup  des  manipula- 
tions ordinaires. 

Knfin,  après  .les  semaines  .le  travail.  Courfenianche  réussit 
a  obtenir  une  quantité  suffisante  de  -Légium-  et  de  "Popu- 
leum"  pour  fabriquer  lappareil  d-nt  il  avait  la  .onception  ap- 
pare-'  qu'il  fit  dans  un  atelier  spécial  et  où  lui  seul  avait  accès 
car  11  conservait  son  secret  avec  un  soin  jaloux,  même  à  un  tel 
point  que  Titoine  Pelquier  n'était  pas  admis  dans  le  laboratoire 
Courtemanche,  avons-nous  dit.  avait  en  main  assez  de  chaque 


~'^: 


6t 

«-.^r  n.  .„  trouver  .luvanra^-    .„,  .„    ,   ,  ".  '"""'"  '"■*"'"■ 

''■'-'Mrnn     ,";':;  '■'•'•   "•   ''. '••'"•^  -"••ain.H  <.ispositi.,n. 

Pourr'alis.!::!;;;  ?;",""  ""'"'"'^"'  "  ""  '"--'"'«  sufnsanuu..,. 

pour  hruv,.,-  Ls,!,! ,    !,,     ■'"""""""•  «  •^'"it   assez  sol.,, 
m.e  ..,.lsl„e.  Dan»  l'h.l.Tleur   \  uj   .        '■'"'""■  "  """■her  ,■• 

vv"»'iil  ..|  Mail  nrcluir,.  IVl,.,  r  ri,.f,     .        "^\"''" '^'-  '"  "'•'"- 

par..il  central  pouvait  êlre  „„.  ,.„  l'tZ  1   ,       ,  '""'" 

-rouvaieu,  dans  U:  ,  aWne  ,1.  l-ln;";,;::'.  "■" "  ""■""'"'  ""'  " 

Comment   lo  ■■J'onuléiin."     >t    i«    'i 

lurent  bien  ai.-delà  .le  ses  espérances  ^ 

Lorsque  tout  fut  prêt,  ringénieur  téléj^raphia  à  Philias  Dm 
val  qu.  était  resté  à  Montréal,  .le  v-nir  au  pi        vi te    '     r  „     e 
omp  e  des  résultats  obtenus,  et  en  mên,e  temps  pouV  net 
:::;un:;:^^"  ^"'^^^'"^'  '^^  '^  — h-Cana-nLAenal  CoL 


«2 

nu  parfait  à  tous  les  points  de  vue,  les  trois  associés  se  réunirent 
dans  la  chambre  de  l'ingénieur. 

Cette  réunion  qui  dura  plusieurs  heures,  fut  très  agitée,  cha- 
cune des  propositions  fut  longuement  discutée,  pesée  et  analy- 
sée, car  ce  que  nos  amis  résolurent  devait  être  de  la  plus  grande 
gravité,  non  seulement  pour  eux  mais  aussi  pour,  les  conséquen- 
ces qui  pouvaient  surgir. 

L'invention  de  Courtemanche  les  mettait  en  possession  d'un 
empire  immense,  illimité,  empire  que  les  autres  puissances  ne 
pouvaient  espérer  atteindre  vu  ue  leurs  dirigeabUs  ou  aéropla- 
nes n'étaient  que  de  vulgaires  pygmées  à  côté  df>  celui  de  Bap- 
tiste Courtemanche. 


Hiiptiste  r'n.'niier. .  . 


L'Empire  de  l'Espace  était  à  eux.  personne  ne  saurait  le  leur 
disputer,  ils  étaient  les  maîtres  de  la  situation. 

A  défaut  du  i)avois  comme  on  faisait  jadis  pour  les  rois 
francs,  Courtemanche  fut  hissé  sur  la  table  et  proclamé  Empe- 
reur de  l'Espace  avec  le  nom  dL^  Baptiste  Premier. 

Dans  sa  reconnaissance  le  nouveau  souverain  créa  l'ordre 
impérial  du  Castor  dont  il  investit  et  décora  du  grand  cordon 
ses  deux  collaborateurs.  Ne  trouvant  pas  cette  faveur,  pourtant 
si  chère  aux  terriens  même  civihsés,  il  décerna  à  Titoine  Pelquier 
les  titres  somptueux  de  Duc  de  Ste-Cunégonde  et  de  Baron  des 
Tanneries;  quant  à  Philias  Duval,  il  voulut  flatter  ses  sentiment, s 
de  légitime  orgueil  en  faisant  de  l'Isle  de  la  Barbette  Ariiourrusc. 
propriété  de  l'entrepreneur,  une  principauté. 


ÉmÊmsi'jm^ss^'iiLj^i^.i^i 


«3 
nictére.    Celui-ci  en  nrnm         '"'•'-'""^Sonde  de  foruier  un  mi- 

■■on  ï^:iTj,:Ti-t'::T  "^  "■'"""''"'■"'  --  "-"  -  -.- 

ceptée.  ■       "'™'  comment  cette  création  serait  ac- 

no„;eTs":nïL'rersî:„t;:r  '"^■™^-'*'  ""■"»  '■'™"-' 

whls«-ey  blan...  ^"'  ""*'  "««"""lenlale  rasade  ,|e 

rigeawè?'"  ''"'■  ""  """"'■  '"""•"■"'  a""">^-no„s  „„n,„,er  I.  „i- 

pas  ^^^::z:>r,"::  ?■."  t  ™""'"-  "'"■  -  ■>■-« 

mais  un  véritable  autrol  "e   «''"f  !f !^  ™"'"'^  ^  -'^™. 
da  Baptiste.  "•  1"  "^"  P«"se2-vous?  denian- 

■■Si.perbe!  Je  seconde  la  ,„,„i„„,  «■,•.,■„»  Ivinuier 

....■  ^on:,:l:^^::^;:'!■cvlT■.'''''•  ™""-  »'"™"-™  ■.'■■"" 

"Trois  I   )urrah  pour  Ip  Wauam,.      •      •     ^ 

î^^^ruur-^'--™-—--:^^^ 

niers'^élr™:;:  fe ':,u'a"v:rér  ""f  "•"  "'"'""-'"  "-  "- 
de  rau.„-aér,e„  et  Xcé  soùs  iv eli  ^  T  ""  "■""■'"""'■  ■'  """' 
le  façon  que  les  prtaripes  de  IvC  rf  ,"  ""  '■"«'"i'""-  <le  tel- 
observés.  '^      '"'  ' "•l"'l"'re  les  j.lus  ..iri.is  fussent 

réa,  «^^d^^rernsS::  '"  ""■'"■"■  - ''  '••  '-«- 

'e™st:;^::::::,-:Ssr^,-:f:;^t :»  -'--ers, 

nen  ne  fut  dit  à  personne,  le  ••VVawar^r      -,        '"'"'  ""'"  """ 
ment  dans  l'Empire  de  l'Espace.         ■"""    "  "'""  majestueuse- 


EXPI,0R.-\T10NS  IMPERIALES. 

C..négo„,!;"':i:;;Xar  .:'.'«•"  r''*."'"'^'^'  ''  "-  "'  «- 
.-P.e  de  l'Espace.  ^Z  -^-aT"  iC  st^Z:»:-: 


64 

niAme  que  le  prince  Duval  en  entendant  cette  expression  qu'il 
ignorait,  avait  demandé  ce  que  c'était  pour  un  cirvaux,  avait 
cru  d'étiquette  imi>ériale  de  mettre  en  mouvement  le  phonogra- 
phe du  hord  qui  exécuta:  "Vive  la  Canadienne"  et  de  développer 
le  drapeau  "Etoiles  d'Or  sur  Azur". 

Ce  fut  un  moment  solennel  et  tous  deux  émus,  tête  décou- 
verte, écoutèrent  religieusement  l'hymne  si  cher  aux  vrais  pa- 
triotes. 

"Maintenant  que  nous  v'ià  z'en  l'air,  éiousque  nous  allons 
aller?  demanda  le  duc  Titoine  avec  intérêt. 

"J't'avouerai  en  toute  sincérité,  répondit  l'Empereur,  que  je 
u'sais  pas  diahle  moi-même  par  ousqu'on  pourrait  ben  commen- 
cer. 

"Ça.  mon  vieux,  c'est  ben  vrai,  dit  Titoine  d'un  air  convain- 
cu, ton  empire  est  passablement  grand,  il  est  comme  qu'on  di- 
rait étendu  à  l'infini,  c'est  pas  comme  lorsqu'on  va  au  Sault-au- 
Récollet,  ta  paroisse  natale,  éiousqu'on  a  le  loisir  de  faire  des 
chapelles  en  route.  Icitte,  vois-tu,  à  moins  d'aller  prendre  un 
coup  dans  la  lune,  il  faut  se  greyer  de  tout  ce  qu'il  faut  avant  de 
partir.  Dans  tes  états  il  y  a  des  nuages  et  des  étoiles  qui  sont  un 
peu  loin  pour  qu'on  aille  les  visiter,  aussi  tout  et  que  nous  avons 
à  faire  pour  le  moment  c'est  d'explorer  les  frontières  de  tes 
états. 

"Tu  parles  comme  un  livre,  répondit  Baptiste  devenu  son- 
geur. Mais  le  moment  n'est  pas  encore  venu  de  nous  faire  con- 
naître. Il  faut  laisser  les  peuples  de  l'univers  dans  l'ignorance  et 
leur  faire  croire  qu'un  phénomène  étrange,  incompréhensible,  se 
passe  dans  les  régions  élevées  de  l'atmosphère. 

"Et  pourquoi  ça?  demanda  Titoine  intrigué. 

"Je  vais  te  dire,  fit  Courtemanche  en  modérant  la  vitesse  du 
"Wawaron"  et  lui  donnant  une  altitude  pas  très  élevée. 

"Comme  tu  t'en  doutes,  personne  sur  la  terre,  sauf  Duval, 
savent  qu'un  nouvel  empire  a  été  créé.  Cet  empire,  en  réalité, 
nous  ne  le  connaissons  pas  Jious-mêmes,  et  comme  tu  le  fais 
très  logiquement  remarquer,  en  dehors  des  frontières  il  nous 
reste  rien  que  nous  puissions  logiquement  explorer.  Chez  nous 
c'est  dans  l'espace  et  nous  rendre  sur  un  continent,  dans  un  pays 
quelconque,  c'est  après  tout  aller  en  pays  étranger.  Et.  mon  cher 
ami,  si  tu  suis  bien  mon  raisonnement,  tu  dois  te  rendre  compte 
aussi  bien  que  je  le  fais,  qu'au  point  de  vue  strictement  diplonia- 


66 

i''d;vrn:?Ccr"'""-'^°'^'  ^^'"^  '-  '-''-  -'-  --  ^•- 

"Que  veux-tu.  mon  pauvre  ami.  dit  Baptiste  en  riant  tu 
conna.8  le  proverbe:  -Noblesse  oblige".  J-a>^,ue  qu'à  la  lo  ig^ë 
cela  pourrait  devenir  monotone,  mais  lorsque  l'o'  songe   fëe 

saTremënt"4  :""?  '""  ^'""  ''  '''''''''  '^  ^-^^-^  ^'^  "-- 
sairement  va  envelopper  notre  présence  qui  sera  éniematiauP 

pour  eux.  il  y  a  de  quoi  rire.  Nous  allons  nous  elïorce    dé  la    en 

fes  t'uelTf     n  ""  ""'"  ''  '''  ''^^'''  ''^'  bouleverses  par 
P^  er  A  o  f  .n     '  'ï'  «"«-nglantent  l'Europe,  ne  sauront  que 

révélerons,  formidable  coup  de  théâtre  qui  jettera  les  peuples 
de  la  terre  dans  la  plus  profonde  des  perplexités 

prom:nari?:.  '''''  ^""^^  ^"^  ^^  ^  ^^"^  ^"  '-^--p'  -tt. 
"Eh!  mon  cher,  répondit  Baptiste,  aussi  longtemps  qu'il  fau- 

n  anrj  'T  """  '^'"'"'  '^  ''"''  '"  «"«"^^  '^'»-  '-Ls  nous 
manifester  tout  partout,  qu'aucun  coin  de  la  terre  ignore  notre 
présence,  enhn  qu'aucun  doute  ne  soit  possible 

'Alors  ça  va  ben.  dit  Pelquier,  nous  avons  du  tabac  et  du 
P  tu  blanc  pour  une  escousse,  et  ptétre  ben  qu'en  route  y  aura 
moyen  de  se  procurer  ce  qu'il  nous  manquera 

"C'est  bien  ce  que  j'ai  pensé,  ajouta  Baptiste,  nous  resterons 
en  I  air  le  plus  possible,  ne  descendant  à  terre  que  dans  des  en- 
droits isoles,  ceci  pour  renouveler  notre  provision  d'eau  et  tuer 
du  gibier,  car  notre  réchaud  électrique  nous  permet  de  cuisiner 
autant  que  nous  le  voulons. 

"Allons-nous  commencer  par  rAn)érique.  par  le  Canada' 
demanda  Titoine.  '  '^«maud. 

"Non.  répondit  Baptiste  en  entraînant  son  ami  vers  sa  ca- 
bine et  lui  montrant  une  carte  de  géographie.  Xous  allons  tra- 
verserle  Canada,  les  Etats-Unis,  et  nous  nous  rendrons  dans 
I  Ar.^enque  du  Sud  en  passant  au-dessus  du  canal  de  Panama 

Il  est  plus  que  probable  que  nos  lecteurs  n'ont  jamais  eu  l'a- 
vantage de  faire  le  tour  du  monde  en  dirigeable.  Nous  devons 
avouer  que  cela  serait  très  agréable,  pour  le  présent  la  chose  est 
assez  difficile,  mais  si  nous  considérons  bien  le  train  dont  vont 
les  choses,  il  n'y  aurait  rien  d'.mpossib?e  qu'avant  bien  long- 
te:;p.s  cela  se  réalisât. 


66 

valf  ^r.T^  ^^«"rtemanche.  pardon  Sa  Majesté  Baptiste  1er.  l'a- 
•entt  M'  "^^,^^^'-*""^  «  ""^  t'-^^  Scande  hauteur,  devant  sou- 
^ent  se  servir  de  casques  spéciaux,  invention  de  l'ingénieur  ceci 
pour  ntter  contre  ie  froid  et  l'état  de  la  pression  atnfoSriq: 
La  nu.t  Is  descendaient  en  des  endroits  déserts  où  ils  pouvaLt 
renouveler  leurs  provisions.  Souvent  ils  restaient  toute  unélôur- 
nee  a  terre  chassant,  péchant,  et  ne  remontant  dans  lespace 
que  lorsque  la  nuit  était  venue.  espace 

C'est  ainsi  qu'ils  parcoururent  les  deux  Amériques,  ne  se 
faisant  entrevoir  qu'à  de  très  grandes  hauteurs  et  donnant  ainsi 
aux  populations  sauvages  et  ignorantes  de  fantastiques  idées 

Puis  ce  fut  le  tour  de  l'Afrique,  de  l'Asie,  sans  compter  l'O- 
ceanie.  et  réservèrent  l'Europe  pour  la  fin 

Nous  savons  ce  qu'en  furent  les  conséquences,  la  chimère 
du  bohde  et  les  discussions  homériques  qui  en  résultèrent 

Leur  voyage  était  incomparablement  intéressant  et  même 
parfois  des  plus  amusant;  c'est  ainsi  qu'un  beau  jour  en  Afrique. 
Titome  Pelquier.  oh!  ironie  du  sort,  vit  son  impeccable  vertu 
fort  en  danger. 

Ils  étaient  dans  l'Afrique  Centrale  et  depuis  assez  longtemps 
ils  n  avaient  pas  atterri  pour  chasser  et  renouveler  leur  provi- 
sion de  viande  fraîche.  Ce  jour-là  il  faisait  un  temps  admirable. 
1  air  était  pur.  le  ciel  serein,  et  une  clairière  se  présenta  à  leurs 
regards.  L'admirable  végétation  africaine  se  présentait  à  eux 
dans  toute  sa  splendeur. 

Atterrir  le  "Wawaron".  l'amarrer  solidement  fut  l'affaire  de 
quelques  minutes,  et  saisissant  leurs  fusils  ils  s'élancèrent  vers 
la  foret. 

Ils  avaient  à  peine  parcouru  deux  milles  que  soudain  un 
bruit  etrang-e  vint  frapper  leurs  oreiUes. 

Avançant  avec  la  plus  grande  prudence  ils  purent  bientôt 
distinguer  que  cp  bruit  venait  des  cases  d'un  village  nègre  oui 
se  trouvait  non  loin  de  là.  ^ 

Trouvant  l'aventure  amusante,  bien  armés,  ne  craignant 
rien  de  ces  indigènes  qui  nécessairement  seraient  stupéfaits  de 
les  voir,  ils  avancèrent  sans  crainte. 

Ceux  qui  furent  étonnés  ce  ne  furent  pas  les  nègres  mais 
au  contraire  nos  amis  lorsque  celui  qui  paraissait  le  chef  de  la 
tnbu  et  qui  n'était  autre  qu'un  roi  nègre,  s'avança  vers  eux  et 
dans  un  anglais  impeccable  leui  souhaita  la  bienvenue 

Sa  Majesté  nègre  avait  un  certain  vernis  et  heureusement 


67 

n'était  pas  anthropophage,  il  semblait  habitué  à  r.cvoir  ,Iev  ,.v 
Plorateurs.  Très  civil  il  les  conduisit  vers  la  case  rC  li    e  ^ ^1  - 

Chaque  été  il  partait  suivi  do  ses  esclaves  et  de  ses  favorites 
et  e„„„ena.t  avec  lui  ses  gardes  particuliers  e,  ses    rîs  orsn  o 
bablenient  pour  éviter  de  désastreuses  tentât Ons  à  t^t" 
tn^,  car  probablement  en  Afrique  aussi  l^'^^^.:  '^^ 
gnent  pas  de  soulager  la  caisse  nationale 
n.nt^'  Majestés,  qu'elles  soient  blanches  ou  noires   affection 

cellent  vm  de  palmier.  Puis  il  donna  l'ordre  de  faire  atlncërs^fn" 
orchestre  et  le  corps  de  ballet.  avancer  son 

Que  le  lecteur  et  surtout  les  jolies  lectrices   n     se   figurent 

vêtues  d'un  vêtement  si  délicat  quTl  fallait  y  mettre  beauclTde 
bonne  volonté  pour  s'apercevoir  qu'elles  en  avaient  un  ' 

Tout  cela  sous  le  beau  ciel  d'Afrique,  avec  un  cadre  de  ver 
dure  Idéal,  le  parfum  pénétrant  des  fleurs  et  des  enceL  L  m 
au.  vapeurs  du  vin  de  palmier  était  plus  qL"  .ïfiL^rpttrTrt- 

Courtemanche  observait,  ce  d      ,1c  dhf.mr,..   ...      • 

Sa  Majesté  nègre  lui  aussi  songeait,  oui,  non  pas  à  la  nmsi- 
que  n,  aux  grâces  de  ses  danseuses,  mais  à  la  longue- L  que 
Baptiste  portait  en  sautoir  et  à  la  gourde  que  Titoine  avait  sus- 

i  itéT?.e"?-  ^"':'  "''  ^"""^  ^^"^-  '  "^"--'«  à  "-  an  s  ,t 
tU.te  de  ces  deux  objets  qu'il  semblait  navoir  jamais  vus 

L  mgenieur  lui  montra  l'usage  de  la  longue-vue.  et  notre  bon 
Hn  nègre  pu  voir  à  sa  grande  satisfaction  un  singe  qui  ^  mpaU 
'i  un  arbre  a  plus  de  mille  pieds  de  distance  *n-.nipait 

Etonné  il  regarda  avec  l'instrument  danc  tout^'^  !es  Olr.r 
tïons  et  fut  si  énier^'eillé  qu'il  résolut  de  l'obtenir. 


68 

Il  appela  un  esclave  et  ae  fit  apporter  une  cassette  qu'il  pré- 
senta à  Baptiste  en  lui  disant: 

"Cette  boîte  contient  des  images  qui  m'ont  été  données  par 
un  des  envoyés  du  roi  d'Angleterre.  Ces  images  me  furent  pré- 
sentées comme  remerciement  lorsque  je  signais  un  papier  disant 
que  je  voulais  bien  lui  faire  l'honneur  d'accepter  le  protectorat 
de  leur  roi.  Comme  ces  images  ne  me  sont  d'aucune  utilité  et 
que  votre  lunette  me  serait  très  agréable,  je  désire  changer  avec 
vous.  Puis  se  tournant  vers  Titoine  il  lui  dit:  J'aimerais  aussi 
conserver  en  souvenir  de  vous  cette  bouteille  que  vous  avez  au 
côté,  en  échange  je  vous  donne  deux  de  mes  plus  jolies  esclaves 
à  votre  choix. 

Pelquier  recula  d'un  pas  et  lança  un  regard  qui  voulait  dire: 
"Vade  rétro  Satanas". 

Pauvre  Pelquier!  l'ombre  de  Manie  Pelquier  (née  Philomè- 
ne  Tranchemontagne  de  Shawinigan)  lui  passa  dans  l'esprit,  lui 
qui  s'était  débarrassé  d'une  blanche,  il  ne  voulut  pas  de  deux 
noires  en  échange,  quoique  d'après  toutes  les  règles  musicales 
il  faut  deux  noires  pour  faire  une  blanche.  Il  fit  un  geste  de  dé- 
négation poli,  mais  si  déterminé,  que  le  roi  n'insista  pas  et  Titoi- 
ne le  plus  gracieusement  du  monde  lui  offrit  la  gourde  pour  rien. 
Le  nègre  leur  donna  alors  des  gibiers  autant  qu'ils  en  pou- 
vaient porter,  et  nos  amis  prenant  congé  se  dirigèrent  dans  la 
direction  du  Wawaron. 

Courtemanche  avait  emporté  la  cassette  du  roi  avec  lui  et 
en  route  désireux  de  savoir  quelles  images  elle  contenait  il  l'ou- 
vrit et  s'aperçut  que  ces  images  étaient  des  billets  de  mille  livres 
sur  la  Banque  d'Angleterre,  et  il  y  en  avait  cent. 

"Décidément,  dit-il  à  Titoine  en  l'aidant  à  placer  dans  le  Wa- 
waron le  gibier  et  la  précieuse  cassette,  oui,  décidément,  les  ac- 
tions de  la  "Frenrh  Canadian  Aerial  Company,  Limited",  sont  à 
la  hausse. 

VI 

COMMENT  L'AUTO-AERIEN  LE  "WAWARON"  ENTRA  AVEC 
GLOIRE  DANS  LES  ANNALES  DE  L'HISTOIRE. 


Il  faudrait  plus  d'un  volume  pour  narrer  tous  les  faits,  les 
aventures  fabuleuses  dont  nos  deux  amis  furent  les  héros,  et  il 
est  à  espérer  qu'un  jour  ils  publieront  avec  force  détails  non 
seulement  ce  qu'il  leur  fut  donné  de  voir  mais  aussi  les  oeuvres 
auxquelles  ils  coopérèrent. 


mmmm 


69 

Sachons  cependant  que  durant  les  premiers  mois  de  leur 
voyage  aérien,  ils  firent  plus  de  trois  fois  le  tour  du  monde,  voya- 
geant de  nuit,  parfois  illuminée,  et  toujours  à  de  très  grandes 
hauteurs.  Souvent  ils  atterrissaient  et  sans  que  l'auto-aérien 
soit  vu,  tant  ils  prenaient  soin  de  le  bien  cacher,  ils  se  rendaient 
à  des  vlDages,  même  dans  des  petites  villes,  où  ils  parvenaient  à 
se  procurer  des  objets  de  grande  valeur  pour  des  sommes  modi- 
ques. 

C'est  ainsi  qu'ils  visitèrent  les  Indes,  la  Chine,  le  Japon,  ex- 
plorèrent l'Amérique  Centrale,  les  régions  mystérieuses  de  l'A- 
frique, et  n'oublièrent  pas  l'Océanie.  Ils  auraient  bien  visité  les 
deux  pôles,  mais  ils  remettaient  ce  voyage  à  plus  tard. 

Personne  encore  se  doutait  que  le  bolide  n'était  autre  chose 
qu'un  dirigeable,  et  nos  amis  se  gardaient  bien  de  révéler  leur 
identité. 

Cependant  ils  savaient  bien  que  cet  incognito  ne  pouvait 
durer  éternellement  et  que  l'heure  approchait  à  laquelle  le  nou- 
vel empereur  devrait  se  révéler  et  prendn»  ia  place  qu'il  voulait 
avoir,  qu'il  désirait  occuper  dans  le  concert  des  grandes  puis- 
sances. 

Pour  cela  il  fallait  préparer  les  populations  du  globe,  pous- 
ser la  curiosité  humaine  à  son  paroxysme  et,  comme  nn  dit  en 
terme  de  théâtre,  bien  disposer  le  public  pour  le  gran  i  coup  de 
scène. 

Shakespeare  a  dit  quelque  part.  "The  world  is  a  stage  and 
every  man  an  actor". 

Oui,  le  monde  est  un  grand  théâtre,  mais  l'immensité  de 
l'espace  est  plus  grande  encore  et  Baptiste  Courtemanche  et  Ti- 
toine  Pelquier  pouvaient  se  vanter  d'être  de  fameux  comédien? 

Maintenant  que  leur  public  semblait  bien  préparé,  il  leu 
fallait  lancer  leur  publicité.  (II  est  étrange  de  constater  combien 
la  comédie  humaine  diffère  en  peu  de  chose  de  celle  que  l'on  joue 
sur  nos  scènes  lyriques,  et  ceci  se  comprend  d'autant  mieux 
qu'après  tout  au  théâtre  on  s'efforce  de  représenter  ce  qui  se 
passe  dans  la  vie  journalière.) 

Titoine  Pelquier,  duc  de  Ste-Cunégonde  et  baron  des  Tan- 
neries, qui  occupait  à  lui  seul  les  différents  ministères  du  gou- 
vernement de  l'Empire  de  l'F^spiice,  prit  donc  sa  meilleure  plume 
et  écrivit  les  documents  qui  éniotionnèrent  à  un  si  haut  degré 
les  peuples  de  la  terre. 

Avant  de  partir  ils  s'étaient  procuré  des  costumes  spéciaux 


^^t^  ''-rùft-ift 


■ii'-i  If.-iJf'^ 


^^^^^■^-^- 


M 


70 

Us  Jugèrent  „r  cela  rSfT       "'  ,'f ''  ^"  "*^'''^-  '"^'^  <^°'"'"« 
Depuis  quelques  jours,  la  population  de  la  bonne    vMIp   rf« 


La  kultur  teutonne 


re"r„?é;/„'c^r"''''"  '"°"^  ^"^  n,ame„re,.e.„.„  en  furent 

.e  n,„?:r,„xiTrrL  '^rf  '  t^  ^■'"^'""'^"'  -  ^' 

de  la  ^nnHa  ^  -r       .  ■    ^'^^^  '^  nialheureuse  population 

des  real,sat,„„,  de  toute  prmlère  grandeur,  avoir  cultivées  arts 
iTfZlr''  "^k""'  ""^^  prédominante  parmM  s  ni: 
ie ï H        H  ^'""  ''''^  «"'"  »■>"  P»»s'l"e  de  se  limaglner 

de  se  dégrader  «.oralement  et  matériellement  au  demleTdè^I' 


^v.'T)(C'f.-J^Vfl«B«Ë} 


71 


prendrJ"""  ^^'^  "''''*'^  ''°"'"  '''^''P"^"**'''    ^oche    pour    le   roni- 

Hon  '*-7T  V'^'^f  *^^'  «einaines.  des  „..,is.  les  postes  dol.serva- 
tiom,  eta  ent  nuit  et  Jour  en  éveil.  L-administratlon  civile  agis- 
Hant  conjointement  avec  les  autorités  militaires,  prenaient  avec 
soin  les  précautions  les  plus  grandes,  tout  était  mis  à  loet^vre 

immédiatement  prévenu  par  des  signaux  en  cas  de  danger   Des 

chr.?  ''  .T^"'  d-instrun.ents  spéciaux  scrutaient  sans  relâ^ 
che  les  moindres  recoins  du  ciel. 

Aussitôt  que  des  dirigeables  ennemis  étaient  signalés  la- 
larme  était  donnée,  le  feu  de  barrage  ouvert  par  lartillerie  et  les 
avions  anglais  se  mettaient  en  chasse.  Le  peuple  se  réfugiait 
dans  les  caves  ou  abris,  d'autres  plus  braves,  défiant  le  danger 
8«  plaçaient  sur  les  places  publiques  ou  même  montaient  sur  les 
toits  pour  mieux  observer  les  différentes  péripéties  du  combat 

Or.  un  matin,  l'alarme  fut  donnée  et  le  bruit   se   répandit 
qu  une  attaque  plus  formidable  que  les  autres  avait  lieu 

En  effet  le  combat  était  terrible.  le  bruit  caractéristique  des 

ZTrV  T  ^^"'^'  ^^^  ^^*°'^"  P°"^^*^  «*>•«  «"tendu  de  tous, 
ceci  n;«ff"  bruit  des  canons  et  aux  détonations  des  projectiles 
Huit  à  dix  super-zeppelins  accompagnés  d'une  douzaine  d'a- 
vions de  tous  genres  attaquaient  la  ville,  et  la  flotte  aérienne  bri- 
tannique et  l'artillerie  s'efforçaient  non  seulement  de  les  éloi- 
gner mais  surtout  d'en  abattre  et  en  mettre  hors  de  combat  le 
plus  grand  nombre  possible. 

lo  kS  '°Ï!^'  ''°"°'®  °°"®  ""^"^  ®"  doutons,  s'était  réfugiée  dans 
les  abris,  d  autres  ne  voulaient  rien  perdre  du  spectacle  à  la  fois 
superbe  et  terrible  qu'il  leur  était  donné  de  voir,  et  ils  restaient 
sur  les  places  publiques  ou  grimpaient  sur  les  toits 
.voif";  ^.^^^-^^l^  valait  la  pein...  d'être  vu.  deux  avions  allemands 
avaient  ete  abattus,  un  anglais  avait  dû  se  retirer  étant  hors  de 
combat,  et  la  bataille  faisait  rage,  des  bombes  lancées  par  les 
aéroplanes  boches  avaient  touché  leurs  buts,  des  flammes  sur- 
gissaient des  édifices  atteints  er  des  murs  s'écroulaient  avec  fra- 
cas. On  était  donc  dans  la  période  la  plus  héroïque  du  combat 
lorsque  quelque  chose  d'inouï  se  produisit. 

Soudain  une  masse  noire,  produisant  un  bruit  étourdissant 
descendit  des  profondeurs  du  ciel.  La  canonnade  cessa  comme 
par  enchantement,  les  avions  anglais  se  précipitèrent  vers  leurs 
bases  et  les  Boches  s'enfuyèrent  comme  si  le  diable  fut  à  leurs 


72 

Srifil'"    ?"'  ''"'.  '■*«"*^'^*"^  ^««^«-^nt  tout  dabord  comme 
Pétrifiés,  puis  un  cri  terrible  sortit  de  toutes  les  poitrines:    "I^ 

Non.  braves  gens,  calmez  vos  sens  abusés,  ce  n'était  pas  le 
fantasmagorique  bolide  qui  depuis  si  longtemps    défrayait    les 

d"rvThérn;""u''r"^^°"^'^"'^  ^"^  ^'^'^  enfants.  aHun^ai: 
de  si  véhémentes  polémiques  dans  les  Journaux,  mais  tout  sim- 

IoTmI     TIT.  "^'— ••  ^"»  portait  Baptiste  ,>rem  e      t 

rLr  r.r  '"■'  '"  '""  '"  Ste-Cunégonde.  venant  tous  deux 
rendre  visite  a  une  nation  amie 

Oui.  lecteurs,  c'était  le  Wawaron  portant  sur  son  avant  le 
1  Lmpire  de  l'Espace:  "Etoiles  d'or  sur  azur" 

rrinfït^^^^"^"T\'  ''^''^'^^  "'  P'^^*'  ''  ""  «nthou8las«,e  indes- 
criptible, des  cris  de  joie,  des  clameurs,  des  hourrah!  se  tirent 
entendre  à  un  tel  point  que  le  bruit  en  était  étourdissant 

Le  ciel  était  libre  de  tout  dirigeable  ou  avion,  seul  le  Wawa- 
ron descendait  graduellement  ei  maintenant  tous  pouvaient  par- 
la.tement  distinguer  l'auto-aérien  et  son  nom  qui  se  détachait 
en  lettres  d  or  a  son  avant. 

Sur  la  passerelle,  un  porie-voix  à  la  main.  Titoine.  duc  de 
bte-Cunegonde.  vêtu  pour  la  circonstance  d'un  costume  de  gé- 
néral de  1  époque  de  la  révolution  française  en  1793.  avait  à  ses 
cotés  Baptiste  1er  qui.  lui.  avait  modestement  endossé  la  capote 
grise  et  le  petit  chapeau  du  grand  Napoléon. 

Lorsque  le  Wawaron  fut  à  ime  hauteur  raisonnable  Pelquier 
se  tourna  vers  Baptiste  et  lui  dit: 

V  ,.  "^^.'ï"'^/^"^  épatés  nos  amis  les  Anglais,  et  puis  les  Borhes 
y  z  ont  tout  de  même  sapré  leur  camp.  Mon  vieux,  ça  prend  des 
p  tits  Canayens  pour  travailler  de  même. 

Baptiste  sourit,  puis  se  rendit  à  la  cabine  et  mettant  les 
mains  sur  les  manettes  de  propulsion  il  fit  évoluer  le  Wawarcn 
qui  fit  lentemnt  le  tour  du  dôme  de  St-Paul.  puis  se  dirigea  vers 
le  square  Trafalgar  où  Titoine  laissa  tomber  un  paquet  qui  tom- 
ba aux  pieds  de  la  statue  de  Nelson. 

Des  gardes  qui  se  trouvaient  là  prirent  le  paquet  sur  lequel 
était  inscrit:  "Au  Très  Honorable  Lloyd  George,  Premier  Minis- 
tre  . 

Les  gardes  lurent  cette  adresse  avec  surprise  et  donnèrent 
le  paquet  à  un  des  "horse-guards"  qui  étaient  de  garde  auprès 
de  la  statue,  et  celui-ci  partit  à  toute  vitesse  dans  la  direction  du 
palais  du  gouvernement. 


làlIT 


7S 

U  ministre,  qui  lui  aussi  avait  aaaisté  (U-  sa  fenêtre  à  tout 
te  que  nous  connaissons,  prit  J.-  paquet    non    sans    une   l^g^-re 

fr?etriin:i"r;r"^^  ""^  ^"^■^'"''^^'  ^^"'"^'^-  -•-— 

Knipire  de  l'Espace. 

Auto-aérien  "Le  Wawaron".  ' 

Excellence, 

L,  .s  ofliclers  de  l'équipage  de  laufo-aérieti  impérial,  le  Wa- 
waron   sont  heureux  de  sainir  c  ette  crconstance  pour  vous  at 
urer  de  leur  plus  profonde  co..sidération  et  le  prié  de  b^  vou- 

e  deT::^rV:n'^'''^"''  '^  ^"*  ^^  ^"  "^"'""  -^"-'«  '•-"«-"- 

ce  de  leurs  respectueuses  et  cordiales  salutations. 

du  otni  éll?""'  '''"?r'^  '"  "Wawaron-.  n.ai.s  11  lui  fut  répond 

blé  dé ïe  voir ''"'""         ""'  *''''"'"'  '""'  '"'"  "'"'^''  P'""  "«''«'- 

Alors  il  existait  ce  "Wawaron",  lEn.piro  d..  IKspace  devait 
nece.ssa.renient  exister  aussi,  el  ce  Baptiste  1er  devait  être  un 
bien  puissant  empereur  pour  posséder  des  dirlReables  aussi  per- 
fectionnes que  le  "Wawaron". 

et  on  oublia  le  bolide  complètement.  Mais  ce  fut  surtout  en  Mie- 
niagne  que  la  nouvelle  fit  sensation.    Le  Kaiser  qui  était  parti 
pour  le  front  surveiller  une  nouvelle  attaque  sur  Soissons.  revin 
rapido  presto"  à  Berlin  consulter  son  chancelier 
"Eh  bien  !  lui  dit-«. 

Re  ndflesh.  le  Wawaron  aussi,  même  si  bien  que  nos  aviateurs 

«r  Vu^dTeui^e:"^  ''  ^^'"^"^  "•*"  ^^  -"^  ^^«--^^ 

Guilirir^"'''^'''  ^^'-^  ^^^^^   '   ^^    reclrche?  demanda 
■'Oui.  Sire,  le  comte  suivant  vos  instructions,  e.st  parti  avec 

un  guide  et  accompagné  de  deux  aéroplanes 

"AJors.  ça  va  bien,  dit  le  Kaiser,  si  c'est  BernstorfT  qui  s'en 

occupe,  je  suis  tranquUle. 

nue   Phihas  Duval  en  hsant  le  compte-rendu   ,les   journaux    se 
frotta  joyeusement  les  mains. 

argent'"''^""''"''  '^  ''''^"""'  '"  '''°^'  ^"^  ''^'  ^'*^"  P^^^^  '"«" 


ÎT^^i^Vf^i^^t^^'^ 


flkl» 


VII 

ITNE  PAGE  D'HISTOIRE. 

Le  VVawaron  sêtait  donc  élevé  dans  l'espace  et  non  amis 
après  quelques  minutes  de  silence,  lorsqu'ils  furent  certains 
qu  ils  ne  pouvaient  être  vus.  regagnèrent  leur  cabine  et  reprirent 
leur  costume  habituel.  it^prirt-ni 

et  se  mit  a  arpenter  le  pont  de  lauto-aérien 

Baptiste  de  son  côté  avait  lair  tourmenté,  on  eût  dit  qu'une 
sourde  préoccupation  l'agitait.  Titoine  après  avoir  jeté  un  re- 
gardsur  lui,  luidit: 

"Eh  ben.  quoique  t'as? 


Eh  ben!   (luoique  Cas? 

Courtemanche  ne  répondit  pas  et  silencieusement  faisait 
tourner  ses  pouces. 

"Eh  ben.  t'entends  pas.  quoique  t'as  donc?  Maintenant  que 
nous  avons  "suincé"  les  avions  l)oches  et  "épastrouillé"  les  lon- 
doniens quoique  l'on  va  faire,  éiousque  nous  allons  aller''  deman- 
da Pelquier. 

"Sais-tu.  mon  cher  Titoine.  répondit  Courtemanche  dont  la 
figure  était  devenue  sombre  et  dont  les  traits  marquaient  une 
vive  mquietude,  que  notre  situation  n'est  pas  si  claire  qu'on  ai- 
merait à  le  croire.  Maintenant  on  sait  que  nous  existons  que 
1  Empire  de  l'Espace  se  manifeste  d'une  façon  tangible  et  qu'au- 
cun doute  n'est  possible.  Dans  quelques  heures  le  monde  entier 
connaîtra  l'aventure  du  Wawaron.  sa  présencp  imprévue  et  le 
désarroi  qui  en  est  résulté  pour  les  dirigeables  allemands 


'm^.§&i- 


ra 

vement  C'ourtemanche  '  '  '^♦'t'»»'!»^  gra- 

*  «un.  h  ues  ganfs  blancs  pour  "timhpr"  c...  i^   i 
massacrer  les  fenin.P«  «»  i  /     "muer     sur   le   bon    iiionde, 

luge  une  baUe  dL^rce^^e  t^uW?""*^  '?"■'  ""  ''"' 
...,„,  *«  v.ci>eiie.    esqu  on    leur  envoie  dirp' 

^^^      K  .ed.r  .lii.l.natlquement.  répondit  gravement  Baptiste 
"Tu  v.M  les  irévenlr?  s'exclama  Titolne 


"Oui.  iiion  cher,  moi. 


■>• 


»  idant  vers  la 
*'  ilrigea  vers 

iules.  puis 
'■  ivec  une 


n'est  pasun;;a.:;';:eZrSh!:n:t   '"   ''''''''''  ^^ 
coeur  .u    des  C.ns'que  ut  d^n^  «r:''  l^*;:?"  ^'"^  '' 

commentr" '""'''•"" '^  ^'■^"'''    ^    "H.    Titolne.    mais 

"Tu  vas  voir,  répondit  '^ourtenie  c.r  .• 
cabine  et  rectifiant  !a  direction  du  '  ^^  -.  u- 
le  continent,  européen. 

Pelquior,  aprj  j  avoir  observé  s<m  }  ,  ; 
*«  rendit  à  l'arrière  du  Wawaron  et  obi^P^v  -> 
lorte  jumelle. 

Ils  étaient  environ  vers  le  milieu  de  la  \i^r  h.,  v    ^  , 
Pel,uier  „„  ..garda,.  c„„,„„rs  orLà  t.t^a^J"       ■""•"  '°'^'" 

.es  piuTr:dsTur;»";',uter.\t:  t"^:'^-  ■'"'"■-  «  -" 


76 

mf^w"  'f'ÎKf*"  P""""  "^^'^  ^"'"«  "«"^«"^  d«  '«'»'•  naturel.  Atta- 
quer des  faibles,  ça  c'est  leur  fort,  mais  nous,  qu'ils  ont  toutes 

d?/^-r"n,  '''""'^  ^^^  P'"'  '^'■*"'  ^^'"^•^'  ^^a»-  à  moins  d'avoir 
des  mitrailleuses  dans  le  dos  pour  les  faire  avancer,  ils  ne  grouil- 
leront pas.  S'ils  veulent  être  méchants,  nous  filerons  si  haut  et  si 

TZ^Z^fT'^  ",'  "'  '^"'^^^"'  "°"«  '^i^'^àre,  mes  résonna- 
teurs  électriques  les  mettront  à  la  raison. 

fnn,hl?J'  '^^  *^"^  *"  ''^"'''  ""P""^'^  '^'^°'"«  ^"  fa*«a"t  'a  grimace, 
tomber  d  ou  nous  sommes  et  l'eau  est  bien  froide.  Et  le  malheu- 

de^p-tk  bïaio  ^'"'*^"'  '^  ^''"'■'^^  ^  '^  ^°"'^''  ^^^''^  ""  **^"  ^°"P 

Les  avions  qui  se  dirigeaient  vers  eux  étaient  trois  hydro- 
aéroplanes boches  très  reconnaissables  à  leurs  croix  de  Malte 
Un  d  eux  portait  un  drapeau  blanc. 

"Ce  drapeau  blanc  me  semble  de  bonne  augure,  fit  Titoine 
rassuré. 

"Vrai,  tu  es  naïf,  dit  Baptiste  en  souriant,  généralement  le 
drapeau  blanc  pour  les  peuples  civilisés  est  signe  d'amitié  celui 
des  parlementaires. 

"Eh  bien!  alors?  fit  Pelquier. 

"Ah!  ah!  cher  vieux,  dit  Baptiste  en  riant,  tu  en  es  encore  à 
prendre  les  Boches  pour  des  gens  civilisés,  d'éiousque  sors-tu? 

Les  avions  allemands  se  dirigeaient  en  effet  vers  le  "Wawa- 
ron",  et  comme  le  lecteur  l'a  cl.  viné.  c'était  la  mission  envoyée 
par  le  Kaiser.  Celui  du  milieu  contenait  l'ex-ambassadeur  d'Al- 
lemagne aux  Etats-Unis.  Son  Excellence  le  Comte  Johann  Hein- 
rich  von  BernstorfT.  et  à  ses  côtés  comme  pilote  le  Capitaine  von 
Papen. 

Lorsque  l'avion  portant  l'ambassadeur  fut  assez  près,  celui- 
ci  prenant  son  porte-voix  dit: 

"Je  suis  le  Comte  von  Bernstorff,  envoyé  par  l'Empereur 
d'AUemagne  pour  vous  inviter  à  Berlin  où  un  traité  vous  sera 
proposé,  traité  d'alliance  qui  mettra  peut-être  en  se  réalisant  f*n 
a  la  terrible  guerre  qui  désole  en  ce  moment  l'humanité  toute 
entière. 

"Y  parle  pas  mal,  fit  Pelquier. 

"Tout  v-a,  mon  vieux,  répondit  Baptiste,  c'est  du  chocolat. 
Ecoute  un  peu.  j'vas  z'y  conter  ça. 

"Monsieur  l'ambassadeur,  cria  Baptiste  en  prenant  son  por- 
te-voix, vous  direz  à  votre  maître  que  clans  l'Empire  de  l'Espace 


77 

J^ubit'ntes"  n^'''"  "'  '°"-  ««"P'^^^^  <!"«  dans  les  cas  de 

bien."''  "'  '^^^^  ^«'  ^'^  -»  «-nstorff  qui   comprenait   trop 

"Le  peuple  de  l'Emoire  dp  i-b'u»» 
d«U^e.  ne  peu.  traUeT^t'ef  rpTp'.eTrr '  ™'"'  "'  ^^ 
interCr"  ^""'^^^''''  ""■■-  '■^'•-vou-^  c'etan.a  Ben..,.. 

ves  sous  le  bâton  du  maître  "''*^'««*^"t  pas  comme  des  escla- 

"Mais  enfin!  fit  Bernstorff  qui  croyait  rêver 

nl^trefoT  at  sTn^f Î  BT/lr  ^^^^"^^^  ^'"^  -^  ^  -' 
I'l»istoire  du  monde  une  tache  honr  ''''''""  P^"""  ^""^«"'•^  <^ans 
sirez  à  effacer.  ^  ^''"'''""*  ^"«  J^^'ais  vous  ne  réus- 

votre'Sz  "d^::s:t:  ^^^î:::;?-  -"•--.  -eue  est 

terlooTn%téral  tn\r  rtVdlttT  '  '^  '^^^^^"^  '^  ^- 
tion  les  résonnateurs  qui  firenfun  Luu'  ,' ■'  '^^  """""^  ^"  ^- 
Boches  terrifiés  senfuLntT"oute  v  tesse  ^^""^'^"^^^'e  que  les 


VIII 

PLANS  DE  campa(;xp:. 

avec^^^^:^'S,^:^;^7|-derEspace   .tai.   en   guerre 

long,  nmis  tout  auss   bën  oue  si l'^'^f ''  "'"  '''"'-^''  ^'^'  ''' 
sauce.  '^"'-  *"  ^es  diplomate.s  avaient  gâté  la 

Qu'allait-il  arriver? 

Sorel  et  de  Berthtr Tel  1/L^         "'''"*•  "'^"^'•^^  "»"  '"'"  'le 

resque.  boisée     '"pU^^'  :  t  ^  ^^  ^  ^"'  '^^'  '^"^  '^'"^  ''*^^- 

immense  janlin  potager   ur.  '^  «"perfirie.  ayant  un 

i  potager,  un  eucos  pour  les  bestiaux  et  Ihabita- 


78 

«on  se  composant  dune  maisonnette  non  loin  de  laquelle  se 
trouvait  une  grange  et  un  poulailler. 

m«j.^^"lf^  ^^^'^  P°"''  ^*""^'  *°"*  ""  ™^"*ï«'  c'est  là  qu'U  ai- 
mait se  retirer  icm  des  tracas  de  la  vie  et  bien  souvent  il  en  avait 

feTt^f^T''!'  ^^"'•^^"'^"^he  et  lui  avait  donné  non  seulement 
les  particularités  mais  aussi  le  moyen  de  s'y  rendre 

L'entrepreneur  lui  avait  donné  pour  une  raison  à  lui  seul 
connue  le  nom  d'  "Ile  de  h  Barbette  Amoureuse" 
trnn^,^^^"-^  ^'"''^^  Connaissait  bien  cette  île.  mais  la  trouvait 
trop  éloignée  et  manquant  de  confort,  c'est  pourquoi  elle  n'y  ve- 
nait que  très  rarement.  L'entrepreneur  y  vivait  donc  pour  ainsi 
dire  seul,  n'y  ayant  avec  lui  que  son  fidèle  serviteur,  Alphonse 
qui  lui  servait  tout  à  la  fois  de  valet  de  ferme,  de  cuisinier  et  de 
valet  de  chambre. 

Tous  les  matins.  Alphonse  partait  avec  la  chaloup.  à  eazo- 
ine  et  se  rendait  à  St-Barthélemy  et  allait  chercher  au  vUlaee 
les  provisions  et  en  même  temps  se  rendait  au  burr.au  de  poste 
prendre  le  courrier  de  son  maître. 

Un  matin,  l'illustre  Alphonse  était  donc  pani  suivant  son 
habitude  et  s'en  était  allé  au  village.  Philias  Duval,  histoire  de  -e 
donner  de  l'exercice,  faisait  du  bois  qu'il  allait  ensuite  placer 
dans  une  caisse  qui  se  trouvait  près  de  la  Misine. 

L'entrepreneur  était  donc  occupé  t  ce  charmant  ouvrage 
lorsque  soudain  son  attention  tut  attirée  par  un  bruit  étrange 
qui  semblait  venir  de  l'autre  côté  de  l'île.  On  eut  dit  comme  le 
bruit  que  produisent  les  ailes  à^  moulins  à  vent,  mais  beaucoup 
plus  rapides  et  d'une  intensité  singulière.  Etonné  il  resta  tout 
d  abord  les  bras  en  l'air,  puis  déposant  la  hache  par  terre  il  ré- 
solut d'aller  voir  dans  la  direction  d'où  venait  cet  étrange  ta- 
page. 

Il  traversa  donc  le  potager  se  dirigeant  vers  le  bois  lorsqu'il 
vit  deux  hommes  sortant  de  la  fourrée  et  se  dirigeant  de  son 
côté. 

"Que  diable,  qu'est-ce  que  cela  peut  bien  être?  se  demanda- 
it mettant  une  main  devant  ses  yeui  p.  .:r  mieux   voir    il 
s'arrêta  et  poussa  un  cri.  "Pas  possible!" 

Dans  ces  deux  hommes  qui  marchaient  en  agitant  leurs 
bras.  U  venait  de  reconnaître  ses  vieux  amis  Baptiste  Courte- 
manche  et  Titoine  Pelquier. 

En  effet,  c'était  nos  héros,  qui  après  avoir  déclaré  la  guerre 


79 

chant  qu'ils  avaient  ton  t,  ij!  !h  ""^''^P'-*"""'-^  -^os  amis  sa- 
son  île.  et  connaissa„tT;hen  in  n  ''•  '*"  ^''"""^  ^^"^'^^  '^•'^"^ 
-ndus  le  soir,  attendant  au  n  ItirHo  ''  ""'""  '^  ''^'^^^  ^--- 
Plaoé  rénorme  -WaNvaron""  nn        ^        '*^  "'""^'•^'''   "«  avaient 

ravoir  bien  ancr.  îrse  liri"  ^  t^r^  n '""r  ''  '"''  ^'  ^»'"- 
marade.  "ferrent  ver.^  1  hauitation  de  leur  ca- 


La  rencontre  des  ,r„is  action.aireK 

"M  ?  """  '""■  '<■'"<■.  -i-éiousdue  vous  ve- 

ran-  .^V";C:™::  ^:''™',';;  i;:;":;:":  ^"-™a„.h.  e„  „„  .e,.. 

«■•■onter.-e,,,,  n„ux  es"  a,'riv"  '  "  """""'•"  ''  """i»"'  »< 

vcsiliri,"™,;::  ;::-  :;;;-,;n,.^;  '^.u...  „.,  ,„ ,  „„„ , 

fTnvince  du  rabao  Quesui-I         "'"""■"  '^  "  >'  a  'oujours  .tans  la 

nmn-,i"re:;"p„tm  ,'":>'!;■  i:"'""  "'  '-  '■■■'>■'"»  v„„»  v„„èr,  * 

Ve..™  ...Ujours  .  n,  n.al  r,  1'     ;::,:"r!:;-  '"  !■■'"  '■-  vraie. 

•an,«;mi;iSei;„™  air?''  I'""  "■'"-""  >  "•"...rnera 

Arrivé  à  L  .naio"    Duv".   ;%"":. T  *  '"'"='  "'"""■"■■ 
>•'  sans  perdre  de  temps  i    ou     r  „    ,    f"  "'  ""  ""'"^"  *  '"'^■^ 
■ellle  et  des  verres.  '  '""""  '''"'"'  "  ''ra  une  bou- 


80 


"Maintenant,  mes  vieux,  nous  allona  mouiOdr  ça,  v'ià  du 
p'tit  blanc  et  du  tanant,  car  s^ins  p'tit  blanc,  vous  l'savez  ben, 
des  Canayens  c'est  quasiment  comme  des  chevaux  sans  avoine, 
leur  dit  Duval  en  emplissant  les  verres. 

"V'ià  c'qu'on  appelle  parler  en  pepère,  dit  Titoine  en  enfi- 
lant son  verre  et  st>  faisant  claquer  la  langue  de  satisfaction. 

Alphonse  étant  arrivé  avec  les  provisions,  tous  se  mirent  à 
l'oeuvre  et  le  déjeuner  terminé,  nos  trois  amis  discutèrent. 

Ce  qu'ils  se  dirent  fut  très  important  sans  doute.  L'après- 
midi,  ils  visitèrent  le  "Wawaron"  et  Baptiste  remit  à  Duval  l'ar- 
gent et  les  objets  de  valeur  dont  ils  avaient  fait  l'acquisition  du- 
rant leur  voyage. 

Duval  compta  l'argent,  et  après  avoir  considéré  toutes  ces 
choses  il  ne  put  s'empêcher  de  s'écrier: 

"Avec  tout  ceci,  non  seulement  le  "Wawaron  "    se    trouve 
payé,  les  premiers  frais  de  la  campagne  assurés,  et  il  nous  reste- 
ra un  surplus  assurant  à  jamais  notre  tranquillité. 
1^      "Et  tu  trouves  qu'on  a  ben  travaillé,  demanda  orgueilleuse- 
ment Baptiste. 

"Oui.  et  dès  deuain  je  pars  pour  Montréal,  vous  resterez 
icitte,  répondit  Duval.  et  moi  j'accomplirai  à  la  lettre  ce  qui  a  été 
décidé. 

"Le  lendemain  matin,  Philias  Duval  partait  pour  la  métro- 
pole et  un  jour  plus  tard,  la  population  montréalaise  lisait  avec 
stupéfaction  dans  les  différents  journaux  de  lu  vilh>  l'étrange 

note  suivante: 

"Avis  important.  —  Les  personnes  qui  furent  eu  relations 
•d'dftaircs  avec  Jean-Baptiste  Courtemanche.  ingénieur  civil,  et 
Antoine  Pelquier,  ci-devant  chirurigien-dentiste  à  Ste-runégon- 
de  de  Montréal,  sont  priées  de  se  rendre  mercredi  de  la  semai- 
ne prochaine,  ceci  pour  règlement  de  compte  et  pour  discuter  de 
choses  de  la  plus  haute  importance,  sur  le  Champ  de  Mars,  à  dix 
heures  très  précises." 

Si  comme  rédaction  l'avis  n'était  pas  extraordinaire,  il  ivtait 
au  point  de  vue  sensationnel.  C(»urtemanche  était  très  vonuw,  la 
fugue  du  dentiste  avait  fait  à  l'époque  grand  bruit,  et  les  jéré- 
miades de  la  tendre  Mame  Pelquier  (née  Philomène  Tranche- 
montagne  de  Shawinigan)  n'avaient  pas  sans  avoir  énormément 
causé  l'hilarité  du  public.  On  n'oubliait  pas  que  cette  très  inté- 
ressante personne  s'était  évaporée  avec  un  sien  cousin  et  qu'a- 


81 

aie  comprendrait.  .„e  pardonnerait  sans  doute 

L'épouse  volage  netait  pas  seule  à  attendre  U^  jour  du  ren 

.aw  .ed.aten-ent  des  précautions  lé,^ales  et  numirent  uve  léik,  i 
ue  huissiers  de  brefs  et  capias.  ^ 

Il  résulta  de  tout  ce  manège  que  les  esprits  s'en  éuiurent  et 
que    1  av.s  unportanf  fut  le  sujet  de  toutes  les  ....versutio,' ! 

pare.  1  hd  as  Duval  télégraphia  à  nos  amis  un,-  dépêche  laconi- 
que pour  leur  indiquer  que  tou:  nmrchait  selcn  ce  qui  aval  é 
convenu.  *     <i>aii  t  u 

Baptiste  Courternanche  et  Titoine  Pelquie,    ne  se  faisaient 
pa.s  .lluston.  ils  savaient  fort  bien  qu'ils  allaie,,:  ,,.er  ut.e^-amï 
P-t.e  e.  que  la  :éalisation  de  leurs  projets  dépea.luit  ^^IZ^. 

Le  lecteur  pouirait  trouver  étrange  que  nos  héros  n'aient 
pas  plus  tôt  offert  leurs  services  à  la  France,    aux    Etats-Unis 
voire  même  au  gouvernement  anglais,  que  d.-  pa.ser  pour  ainsi 
dire  par  l'entremise  de  celui  du  Canada. 

Ils  croyaient  avoir  pour  cela  une  raison.  .,  nous  allons  voir 
par  la  suite  de  quede  nature  cette  raison  était, 

••Il  n'y  a  pas  "mèche"  de  "berlinguer  •.  il.  ^.„^  tous  .savoir 
que  Baptiste  1er  et  le  duc  de  St.-funégonde,  :i  remarquer  l'el- 
quier.  sont  deux  Canayens.  que  l'Kmpire  de  rKs,>a,-e  ce  s.uit  eux 
qui  en  ont  eu  l'idée.  Mais  comment  vont-ils  prendre  cela'.' 

Pelquier  n'avait  pas  tort  .if  penser  ainsi,  et  cependant  ils 
étaient  loin  de  se  douter  qu'à  Montréal  l'histoire  .lu  Champ  de 
Mars  causait  toute  une  sensation,  que  d'abord  <ela  avait  été  un 
colossal  éclat  de  rire  et  que  tout  le  monde  par  <uriosité  se  pro- 
posait d'assister  au  fameux  rendez-vous. 

Toutes  les  fenêtres  donnant  sur  le  Champ  de  Mars  furent 
ouees  à  l'avance,  on  construisit  même  des  e.strades  sur  les  toit.s 
tout  se  loua  à  prix  d'or,  même  que  le  conseil  .iéeida  de  louer  les 
fenêtres  de  l'hôtel-de-ville.  simple  histoire  d  e,î,mener  u..  peu  de 
•pognon"  dans  l'urne  municipale. 


82 


IX 

PAR  QUOI  LE  BOLIDE    DONT    ON    AVAIT    OIBLIE    LEXIS- 

TENCE  REAPPARUT  POl'R  CAUSER  UNE 

CONSTERNATION. 

Si  les  lecteurs  s'en  souvieniienl.  le  tanieux  rendez-vous  dont 
la  nouvelle  avait  été  donnée  pai  Tavis  important"  devait  avoir 
lieu  à  dix  heures  du  matin. 

Dès  sept  heures  la  foule  commenta  à  arriver,  non  seulement 
de  la  ville  elle-même,  mais  aussi  de  la  banlieue  et  des  campa- 
gnes environnantes,  ceci  sans  compter  des  excursions  venant 
des  villes  voisines.  A  huit  heures  surgirent  de  toutes  parts  des 
camions,  des  porteurs  de  caisses,  de  chaises  et  d'escabeaux,  d'é- 
chelles doubles  que  d'entreprenants  spéculateurs  louaient  à  des 
prix  excessifs.  Puis  des  camelots  vendant  des  peanuts,  des  blés- 
d'Indfc  chauds,  des  galettes  au  beurre,  des  mains  de  gingembre, 
et  comme  boisson  des  sirops  de  framboises  et  de  la  ptite  bière. 
Depuis  longtemps  à  Montréal  on  ne  s'était  vu  à  pareille  fête. 

Lorsque  l'aiguille  du  cadran  de  l'hôtel-de-ville  marqua  neuf 
heures,  l'émotion  commença  à  gagner  la  foule.  Et  il  y  en  avait 
du  monde,  tout  était  envahi,  même  les  toits  de  l'hôtel-de-ville  et 
celui  du  Palais  de  Justice.  Nous  ne  parlerons  pas  des  fenêtres  ni 
des  toits  des  autres  habitations,  tout  était  noir  de  monde. 

A  neuf  heures  et  demie,  l'émotion  était  grandissante,  tous 
parlaient  à  la  fois,  un  peu  partout  des  avocats  et  huissiers  munis 
de  capias.  même  une  ambulance  de  l'Hôpital  Notre-Dame  avait 
été  appelée  en  cas  de  danger.  Le  service  d'ordre  était  supérieu- 
rement fa>t  par  la  police. 

Au  centre  de  la  place  et  juchée  sur  une  échelle  la  foule  pou- 
vait voir  une  fenmie  qui  essayait  d'haranguer  la  populace  en  fai- 
sant force  gestes.  Le  lecteur  a  sans  nul  doute  deviné  que  cette 
intéressante  personnalité  n'était  autre  que  Mame  Titoine  Pel- 
quier  (née  Philomène  Tranchemontagne  de  Shawinigan). 

L'épouse  inconsolable  d;i  dentiste  s'était  échappée  de  sa  re- 
traite, poussée  elle  aussi  par  la  curiosité  ei  désirant  n'avoir  qu'un 
seul  mot  d'explication,  disait-elle,  avec  l'élu  de  son  coeur. 

A  dix  heures  moins  cinq,  l'impatience  de  la  foule  atteignait 
son  paroxysme,  e;  on  entendait  dans  des  groupes  quelques-uns 
qui  chantaient  sur  l'air  des  lampions:  "Y  viendront,  y  viendront 
pas!"  (bis) 

Tout  à  coup,  à  l'instant  ménie  où  l'horloge  sonnait  les  pre- 


k^ÊSLk 


83 

miers  coups  de  dix  heures,  un  cri  terrible,  surhumain,  retentit 
et  une  clameur  immense  suivi  d'un  bouleversen.ent  increvable 
se  ht  entendre:  "Le  bolide!" 

Alors  il  se  produisit  quelque  chose  d'incrovable.  dinou.   que 
l.mag,nat.on  la  plus  féconde  ne  saur.:    au  juste  écrire  C>  peu- 
ple qu,  tantôt  avait  ^assé  successivement  du  rire  à  linn,atience 
<leva.t  après  lexaltation  la  plus  vive  être  frappé   d'un     terem'- 
iiiiriaginable.  lerreui 

Tous  se  jetèrnt  à  plat  ventre,  croyant  leur  dernière  heure 
venue  es  fenêtres  se  dégarnirent,  des  grappes  humaines  dé- 
gringolèrent de.  toits,  soit  par  les  lucarnes  ou  les  échehes  de 
sauvetage.  vinrinr»  ue 

On  vit  des  avocats  en  perdre  la  parole,  des  maris  pardonner 
H  leur  fen.me.  des  gendres  embrasser  leur  belle-n.ère  et  du  hai't 
de  son  échelle  on  put  voir  Mame  Pelquier  (née  I>hilon.ène  Tran- 
ehemontagne  de  Shawinigan)  qui  récitait  à  haute  voix  son  Icte 
de  contrition.  ^ 

Q»elq,.es-uns  plus  braves  que  les  autres  ouvrirent  un  oeil 

tZ'Z:\     T  "  '''"'  ''  ^P^'-^-^"^  ^--«-  l'énorme  "Wawa- 

on     don    le  drapeau  constellé  detoile.   d'or   s„r   azur    flottait 

triomphalement.  n^'ii^n 

hi.  1^!"''  V'''  ""  ^'"«"haha.  une  explosion  de  vivats  qui  trou- 
bla 1  atmosphère,  tous  étaient  debout,  les  chapeaux.  les  cannes 
les  ombrelles  tournoyèrent  avec  allégresse. 

Le  "Wawaron"  descendit,  tous  distinguèrent  son  nom  et 
purent  voir  Baptiste  1er  et  le  duc  de  Ste-Cunégoncle  revêtus  de 
leur  costume  d'apparat. 

Baptiste  s -avançant  sur  l'avant  de  laufo-aérien  prit  son 
porte-voix  et  lorsqu'il  fut  assez  près  pour  être  entendu,  il  leur 

•Canayens.  me.s  amis,  levez  vos  reirards  vers  nous  et  -  on- 
teni[>lez  <leux  illustres  compatriotes 

-;;"";  d-abord  ce  fut  du  silence,  puis  le  tunu.he  recomn.enca 
(0  p  us  bel.  les  uns  poussaient  des  cris  ,1e  joio,  „,  félicitations 
d  autres  au  contraire  de  désappointement,  surtout  les  huissier^ 
i(.r.squ-ils  virent  et  constatèrent  avec  dépit  que  leur  paperasse  ne 
pouvait  servir  à  rien.  Comment  aller  servir  du  papier  timbré  à 
des  bonhonunes  qui  sont  juchés  à  deux  cents  pieds  de  haureur-^ 

hnfin  le  calme  se  rétablit  et  Baptiste  Courte.nanche  put  en- 
fiii  se  faire  entendre: 

"Amis  et  chers  compatriotes,  vous  avez  tons  entendu?  pr;r- 


mÊÊÊÊÊÊÊÊà 


t4 

1er  du  Wawaron  et  de  lEmpIre  de  l'Espace,  vous  avez  peut-être 
cru  que  c'était  une  chose  en  l'air,  mais  vous  pouvez  vous  rendre 
compte  que  les  affaires  de  ce  genre  ont  quelquefois  du  bon  et 
peuvent  rendre  des  services  à  la  patrie,  cela  soit  dit  dans  équi- 
voque. \ou8  avons  voulu  tout  d'abord  manifester  notre  identité 
réelle  à  vous,  pour  que  les  générations  présentes  et  futures  se 
rendent  bien  compte  que  les  Canayens-français  quoiqu'on  en  di- 
se savent  faire  leur  devoir.     Nour  aurions  pu  aller  directement 


Chéri  de  mon  à  me,  écoute  ma  douleur. 

soit  en  Angleterre  ou  en  France,  mais  nous  avons  tenu  à  le  faire 
par  l'entremise  du  gouvernement  fédéral  canadien,  ceci  pour 
donner  l'exemple  de  respect  à  la  foi  jurée  des  ancêtres.  Nous 
n'entrerons  pas  aujourd'hui  dans  plus  de  détails,  sachez  cepen- 
dant que  le  gouvernement  fédéral  du  Canada  recevra  une  note 
de  nous  et  de  la  réponse  que  nous  en  recevrons  dépendra  notre 
politique  future. 


86 

volxT^r?;  ?  .'"^""'^«"^  ^'^«  P^'-"'^^  q"«  avalent  éiè  dites  d-:me 
ml  eut  mu  'r'"';^'^-  '•^«^^'•''"t  frappés  d'étonnomem  et  com- 

enienu»  voler,       un  mouchoir". 

MamlTT"'^''*'"''.*""'*'"*'*'  *'"'  ""'•  «"  P"^  ♦'"tendre  la  voix  de 

«1^  )  ou'  -h";;''  /"r  '''"'"""'"^  Tranchemontagne  de  Shawini- 
gan)  qui  criait  du  haut  de  son  échelle: 

"Chéri  de  mon  âme,  écoute  ma  douleur! 

"T'as  qu'aouère.  s'écria  le  duc  de  Ste-Cunégonde.  je  m'iais- 
se  ben  emplir  .me  fois  mais  pas  deusse. 

"Grâce:  .sé(-ria  l'épouse,  jt'en  prie  en  grâce,  pour  grâce  de 
bonne  grâce  fais-moi  grâce.  uiM.-i.ue 

Titoim.  Pelquier  fit  alors  marcher  le  graphophone  du  Wa- 
waron  qui  se  n.it  à  exécuter:  ",t  is  a  long  long  lay  to  Tippe- 

Alors  ce  fut  du  délire  et  la  foule  en  déi.ienc-  ,-ria- 

.nurVT'  'r-'"\''*'"  ""'''''•  h'i'!  hip:  pour  le  Wawaron.  un  Lan 
pour  hte-Cunegonde. 

.Man.e  l'elquier  (née  Philomène  Trancheniontagne  de  Sha- 
win.gan,  voulut  monter  sur  le  haut  de  son  échelle,  malheureu- 
sement la  corpulente  personne  perdit  l'équilibre  et  tomba  inani- 
mée dans  les  bras  d'un  huissier  qui  suffoquant  lui-même  léven- 
tait  avec  les  capias  qu'il  tenait  dans  sa  main. 

Quant  au  Wawaron,  il  monta  dans  l'espace  et  bientôt  se  per- 
dit dans  les  profondeurs  de  l'infini. 

Ce  soir-là.  il  n'y  eut  pas  assez  de  papier  à  Montréal  pour  im- 
pnmer  les  "Extras"  des  différents  journaux. 


COMME  QUOI  LE  MINISTERE  FEDERAL  FCT  •■     '.rr;\^A- 
NEMEXT  DANS  DE  M  \UVALS  Dîll  S 

11  est  incontestable  (|ue  les  ministres  doivent  avoir  parfois 
des  problèmes  difficiles  à  résoudre. 

C'est  là  du  moins  ce  que  nous  supposons  car  il  e  •  pliu-^  ,jik 
probable  que  la  grande  majorité  des  lecteurs  pas  plus  q-u  r.":i- 
teur  lui-même  n'ont  eu  l'inconvénient  c'  occuper  une  de  ce^  d/î- . 
cates  fonction!^ 

Cependant  nous  pouvons  nous  faire  une  idée  de  la  perpl'xi'^ 
dans  laquelle  furent  plongés  les  honorables  ministres,  tant  ceux 


86 

du  gouvernement  fédéral  d'OtUwa.  que  ceux  des  différent  «ou- 
vernements  provinciaux,  lorsque  le»  détailn  de  l'arrivée  du  Wa- 
waron  leur  furent  connus 

L  Hon.  Sir  Hubert  Uoni^Mi.  (|ul  pourtant  a  déjà  traversé  a\ec 
auccès  dinquiétants  oraR.-s  politiques.  nVn  fut  pas  inoius  très 
inquiété,  lorsque  ses  agents,  puis  la  presse  toute  entier.',  lui  ap- 
prirent toute  la  vérité  sans  en  onu'ttre  ni  un  mot,  ni  ur-e  virgule. 

Il  devint  grave,  se  prit  à  rélléch;.  et  envisagea  les  consé- 
quences diplomatiques  (jul  pourral'ni  résulter  de  cet  étrang. 
événement.  Il  trouva  même  la  chose  si  grave  quil  (-rut  ■  ^ent  de 
notifier  le  conseil  des  ministres,  de  le  mettre  en  éveil  sur  r.  qui 
pourrait  résulter,  et  après  avoir  délibéré  avec  eux  obtenir  leur 
avis. 

Le  télégraphe  et  le  téléphone  opérant  les  législateurs  ne  tar- 
dèrent pas  à  se  réurr. 


Les  honorableM. 


Lf.s  lionoral)!»'^  étaient  en  délibération  If)rsqu"ii!i  huissier  de 
servit>>  remit  une  enveloppe  au  Président  du  Conseil,  qui.  après 
en  avoir  pri.-i  connaissance,  lut  ce  qui  suit  aux  mini.sriv-,  .bahis: 
Au  Très  Hon()ral)le  Sir  Robert  Morden,  K.  ('.  M.  V,  .  eN-.,  »-îc., 

Premier  Ministre  de  la  Puissance  du  Canada. 
Très  Honorable  Min  stre. 

Les  visées  de  l»rovidence  peuvent  quelquefois  sembler 
aux  honunes  étrang.  .^  et  incompréhensibles. 

11  n'en  est  cependant  pas  moins  réel  et  incontestable  que  le 
trône  de  l'Espace  nous  a  échu,  ceci  par  un  de  ces  mystérieux  dé- 
crets que  la  pen.>«M'  humaine  ne  peut  comprendre  et  encore  moins 
expliquer. 

Nous  désirons  p.'  >  r  les  moyens  formidables  que  nous  pos- 
sédons,   c'est-à-dire    notre    puissante    et    incomparable    flotte 


M.wm£^ 


•7 


H.-.h..nnP.  ,„.  servi.  .•  du  drojt.  de  la  justice   et    de   la   liberté  des 
i-eupifs. 

I.U  tfiiil)!,  Ku.Tiv  qui  .■Il  ( ,.  iiHuuent  b'/ulevers,.  l'uriiv.Ts 
"a  pas  ef  sans  av..i.  ,,.,  Rraïu.  vl  p.M.ibl,.  reteiitis8e,M,.„r  ,lans 
I  hinpirc  (le  rKsjiace. 

C'est  pomquoi  rKM,p,.r..(ir,  suivim  l'avis  <]..  s^...  ministres 
•iout  plusieurs  s..n.  nés  sur  le  s(,l  canadien,  a  rru  nuinilesh.r  sa 
bonne  et  swicere  amitié  au  gouvernement  de  la  Puissance  du  Ca- 
nada en  lui  demandant  détre  s.u.  ir.terprèf.  auprès  du  «ouver- 
nemet.t  anglais  et  <e..x  ,|es  pays  all.é...  -...  outre  la  France  pour 
qui  11  professe  un.-  fraternelle  amitié,  et  leur  offrir  sa  coopéra- 
tion aux    uouvenu'nls  des  armées  alliées. 

lue  ivponsc  putnia  être  donnée  à  notre  représ..|..ant  ofH- 
ciel  au  Canada.  l'Ilon.  Duval.  de  M    iitréal. 

De  pai   l'Kmpereur  M.VPTISTK  1er. 

(Signé)      ANTOiXK.  !),»■  ,1,.  Ste.('uiiéK<mde. 

Ministre  d'Ktat. 

(A  bord  luuto-aerien  Impérial  -Le  Wawaron  ".  » 

Après  avoir  reiiKieu.sement  écouté  la  lecture  de  c,.  docu- 
ment, b-s  bonorables  conservèrent  tout  d'abord  le  sile,„e  p„is 
après  setre  regardés  muttiellenent.  se  prirent  à  parler  tous  i\  la 
fois  L'agitation  devint  telle  ,,ue  l'Honorable  Robert  fJorden 
avant  de  rétablir  Tordre,  dut  employer  les  arguments  les  ,,lus 
convaincants  .le  son  répertoire,  m-'iue  que  la  .onnette  oi,  fut 
briser. 

Kn(i.:  lorsque  le  silence  fut  iviabli  et  les  esprits  calmés  les 
questions  suivantes  furent  mises  devant  l'assemblée  exigeant  une 
solution  entière  et  formelle: 

1       Uuel  était  cet  Empire  de  l'Kspace  et  ou  .'tait-il  situé' 
•-'       Si  existant,  son  gouvernement  était-il  rec')nnu  par  le 
concert  des  nations'.' 

;{  Certains  ministres  (h'  <•.•  soi-disant  empire  s'étant  dé- 
clnrps  canadiens  de  naissance  perdaient-ils  par  le  lair  d'avoir  été 
nommes  ministres  d'un  empire  étrange,  leur  nationalité  cana- 
dienne, et  si  n(m.  ne  tombaient-ils  pas  sous  le  coup  des  lois  de  la 
conscription  militaire? 

4  Si  toutefois  le  prétendu  Empereur  de  l'K.spac  e  était  né 
sujet  anglais,  pouvait-il  se  déclarer  souverain  d'un  Etat  celui-ci 
fut-Il  mnnc  inconnu,  ceci  sans  l'autorisation  du  Conseil  impé- 
rial Britannique? 

.lamais  dans  l'histoire  du  Dominion  de.-,  problème^  senihla- 


MICBOCOPY    RESOIUTION    TEST    CHART 

ANSI  and  ISO  TEST  CHART  No    ?i 


A     -APPLIED  IIVHGE     Ir 


r-','    tas'    Wo-    '."-f- 

:  ^^6)   482  -  0300  -  P-^.jre 
!' '6)   288  -  5989  -  fa* 


8S 

blés  avaient  f't»'  j.osés.  Ils  pouvaient  semb'or  de  prime  abord  très 
simples  à  n'scudre,  mais  suivant  les  circonstances  très  difficiles 
à  élucider. 

Il  y  avait  de  quoi  réflécliir.  la  chose  était  d'autant  plus  sé- 
rieuse que  l'on  n'avait  pas  affaire  à  une  vulgaire  mystification, 
le  Wawaron  existaiif  liel  et  bien,  on  lavait  vu  à  Montréal  et  à 
Londres,  où  il  avait  dispersé  une  flottille  d'avions  ennemis  me- 
naçant la  Capitale. 

"Mais  que  diable,  s'ils  n'avaient  pas  laissé  savoir  qu'ils 
étaient  canadiens,  persoime  ne  t'aurait  su,  fit  remarquer  un  mi- 
nistre. 

"Ils  doivent  «voir  une  raison  j.our  cela,  répondit  Sir  Robert. 

Il  avait  rudement  raison  sens  le  savoir.  Baptiste  1er  et  son 
ministre  sachant  i"rtin«>mmeni  bien  que  leur  incognito  ne  sau- 
rait (hirer  éternellement,  avait  préféré  opérer  par  les  voies  qui 
leur  comblaient  les  plus  naturelles.  Allaient-ils  se  tromper'.'  Nous 
en  jugerons. 

Apre-  réfle.xion.  les  nn'nistres  décidèrent  d'un  commun  ac- 
cord de  soumettre  la  question  au  Conseil  Impé-ial  de  Londres. 

U^  télégraphe  fut  mis  en  action,  et  un  long  câblogramme 
s'en  alla  estomaquer  l'Honorable  Lloyd  'George  qui  était  à  cent 
lieues  de  s'attendre  à  celle-là. 

11  poussa  un:  "What  do  you  think  of  that?" 
Et  défiant  tous  les  sous-marins  possibles  et  imaginables,  il 
s'en  fut  "darder  "  à  Versailles  où  le  Conseil  Central  des  Alliés  se 
trouvait  réunis. 

Cela  ne  fut  pas  long,  et  ce  oui  fut  décidé  fut  câblé  à  Ottawa: 
r     Qu'avant  d'être  reconnu  que  l'Empire  de  l'Espace  était 
tenu  en  demeure  de  faire  connaître  exactement  sa  situation  géo- 
graphique. 

2"  Que  le  Conseil  des  Puissances  .\lliées  acceptait  l'offre 
de  smice  de  la  flotte  de  Baptiste  1er.  et  que  celle-ci  entrerait 
placée  dans  la  sphère  d'action  des  forces  aériennes  britanniques. 

3'  Que  les  unités  o  cuperaient  leur  rôle  d'escadre  respec- 
tif, les  grades  des  officiers  conservant  les  mêmes  prérogatives. 

4'  Que  le  choix  était  laissé  au  susdit  Empire  (?)  soit  de 
se  rendre  au  désir  des  Alliés  ou  de  rester  neutre,  dans  ce  cas  les 
unités  aériennes  de  l'Espace  étaient  priées  de  ne  pas  dépasser  la 
limite  des  trois  milles,  distance  réglementaire  reconnue  par  la 
Convention  Internationale  de  La  Haye. 

L'Hon.  Robert  Borden  communiqua  le  câblogramme  à  ses 


89 

coUègues,  et  la  répons^  transmibe  à  IHon.  Philias  Duva;  dans  sos 
bureaux  de  la  rue  St-Christophe  à  Montréal. 

I^  bon  Philias  lut  et  relut  •-.  plusieurs  rej)rises  la  réponse  nii- 

nistérielle.  et  n'y  comprenant  rien  du  tout  il  p;irtit  le  jour  même 

pour  nie  de  la  Harbotte  Amoun-use  afin  df  la  donner  à  ses  amis. 

Nos  amis  attendri. 'nt  dans  le  plus  doux  de-  'farniente",  .t 

l'arrivée  de  Duval  fut  saluée  avec  enthousiasiiif. 

Baptiste  Courtemanch.'  lut  ii  haute  voix  à  shs  amis  U>  pré- 
deux j)apier.  puis  sans  hésitation  il  leur  dit: 

■'Il  fallait  s'y  attendre,  il  y  a  dans  tout  ce!::  h.-auooup  de  bon 
mais  aussi  des  points  à  considéier. 

"Tu  vois  l,i<'ii  qu'on  \eut  nous  enrôler  av.'i  l'armée  anglaise 
et  qu'ainsi  nous  perdrions  noir,  libre  arbitre.  sé(  rJa  !.•  du(  de 
Ste-Ciinégonde  ave<>  rage. 

"Oui.  fit  Duval.  z'y  pr^iidri.ifni  ii-us  le.-,  léa.  lues  .t  umiK 
laisseraient  (pie  la  peau. 

"Qu'allons-nous  réi)ondre"  demanda  TelquitT. 

"Tout  simplement,  répondi'  Courtemanch.'.  que  leur  de;nan- 

de  sera  portée  devant  les  Chambres  de  ri:mp:re  de  l'Ksiiai  •■  et 

qu'une  réponse  .sera  donnée  aussitôt  (pie  le  Cor.seil  aura  statué. 

"Eh  ben  alors!  s'écria  Pelquier.  en  v'ià  nne  be.une,    et    les 

Chambres  éious(iu'elles  sont  '.' 

"C'fhistoire.  répondit  P.apti.ste.  c'est   pour  gagner  du  temps 
voilà  tout  et  pouvoir  réfléchir  tout  à  tiotre  ais»-. 
"Bravo!  j'comprends.  s'exclama  Titoine. 
"Vous  comprenez,  vous  autres,  dit  Duvai  ahuri,  vous  avez 
bougrement  de  la  chance;  quant  à  moi,  j'y  co:nprends   rien    du 
tout. 

DANS  L'EMfMRE  DE  L'ESPACE, 

Depuis  plus  de  huit  jours.  l'Auto-Aérien  In,)-.  i,..l  "Le  \Va- 
waron"  avait  quitté  les  rives  enchanteresses  de  l'Ile  de  la  Bar- 
botte  Amoureuse,  emportant  dans  les  airs  l■Emp^■reur  liaptiste 
1er  et  son  fidèle  ministre.  le  duc  Antoine  (U   Si.-  'unégonde. 

Comme  nous  le  savons,  les  trois  directeurs  de  la  "Frencii 
Canadian  Aeria!  .Xavi^ation  C()m|)any.  Limited  '.  avaient  dé<  idé 
d'attendre  ce  que  les  circonstances  voudraient  bien  leur  donner 
et  en  même  temps  non  seulement  voir  ce  qu'ils  pouvaient  faire, 
mais  ausi  chercher  à  emmener  les  Alliés  à  ih-r  fermes  jdus  ( ou- 
lants. 


iv^^mii^'^!s^jm\:^',,)ar< 


M'^":JnA 


90 

LEspace  est  çraixl.  et  Sa  Majesté,  quoiqu'avant  un  grand 
amour  pour  son  Empire,  avait  -  chose  étrange '|.our  un  rxéro- 
naute  —  horreur  du  vide. 

Il  lour  fallut  don.'  recommencer  leur  vie  vagabonde,  restant 
la  majeure  j.artie  du  temps  dans  les  sphères  élevées  ei  ne  des- 
<-*^ndant  a  tene  qua  des  heur.^s  propices  et  dans  des  endroits 
déserts. 

Il  ny  avait  pas  d'illusion  à  se  faire,  en  dehors  de  l'Empire 
de  l'Espace  il  n'existait  aucun  endroit  où,  diplomatiquement  par- 
lant, ds  pouvaient  atterrir.  Il  y  avait  bien  les  nations  neutres, 
mais  il  restait  à  savoir  comment  ils,  y  seraient  reçus. 

Ils  étaient  tenus  à  rester  à  une  distance  df>  trois  nulles 
cVst-a-dire  à  une  telle  hauteur  que  l'exisîence  n'y  est  pas  pos- 
sible. Et  conuiient  i)ouvoir  ainsi  se  procurer  des  provisions  et 
établir  des  relations  commerciales'.' 

Nos  amis  voyaient  bien  que  la  chose  ne  pouvait  durer  et 
qu'il  faudrait  tôt  ou  tard  en  arriver  à  une  conclusion. 

Mais  laquelle'.' 

En  réalité  il  ne  leur  restait  que  tr(Ms  alternatives: 

I  '  Trouver  un  Etat  neutre  susceptible  d'accepter  des  re- 
lations amicales. 

•-'  '     Accéder  aux  exigences  des  Alliés. 
3  '     Renouer  les  relations  diplomatiques  avec  les  Boches 
rourtemanche  ouvrit  la  carte  du  monde  et  nos  amis  se  mi- 
rent à  réfléchir. 

L'Europe,  il  n'y  avait  même  pas  à  y  songer. 

L'Asie,  pas  davantage. 

L'Océanie.  à  moins  de  tomber  sur  des  anthropophages,  il  n'v 
avait  pas  mèche. 

L'Afrique,  i)eut-être  que  les  rois  nègres.  .  .  mais  ils  savaient 
que  ces  derniers  sont  eux-mêmes  sous  jjrotectorat. 

II  restait  l'Amérique,  non  celle  du  Nord,  mais  les  républi- 
ques du  Sud. 

Mais  laquelle'.'  se  dfMHaïulait  Courtemanche  en  se  grattant 
le  crâne. 

Titoine  Pelquier  l'observait  et  frappant  son  ami  sur  l'épau- 
le, il  lui  dit: 

"Si  on  prenait  un  coup,  p'fête  ben  qu'ça  ouvrirait  les  idées. 
"Emmène-le,  l'maudit  coup,  et  voyons  par  éiousqu'on  pour- 
rait ben  commencer,  répondit  Baptiste  d'un  air  ennuyé. 

"D'abord,  continua-t-il  après  avoir  absorbé  le  contenu  de 


PI 


."H-'ûSbJ*! 


91 


son  verre,  est-ce  que  les  peuples  des  répiibliqu«'s  sud-anu'ricai- 
ues  sont  aussi  en  faveur  des  Alliés  qu'on  veut  U>  faire  croire ■'  Je 
nie  suis  laissé  dire  —  et  il  y  a  une  escousse  d»'  cela  que  les 
Boches  s'étaient  établis  de  bons  nids  dans  l'Amérique  du  Sud. 
Cette  vermine-là,  vois-tu.  anu  IVlquier,  (^a  s'introduit  un  peu 
|)artout  éiousqu'il  y  a  de  l'argent  à  faire.  Il  ny  a  pas  à  dire,  ils 
ont  pour  le  conunerce  un  certain  talent,  ils  sont  hypocrites,  per- 
suasifs, insinuants  Ht  ne  craignant  pas  de  ramper  pour  mieux 
arriver,  l'etit  à  petit  ils  s'étendent,  c(nnnie  une  tache  dhuile, 
!-rulifiques  ils  augmentent  insidieusement  et  lorsqu»;  ion  s'aper- 
çoit du  danger  ei  que  l'on  songe  à  s'en  débarra.sser  il  est  par- 
fois trop  tard.  Ils  savent  profiter  de  tout,  surtour  de  l'ignorance 
(i^^s  peuples  avec  lesquels  ils  ont  affaire.  Dans  lAmériciuc  du  Sud 
ils  ont  beau  jeu  de  ce  c6té-là,  il  leur  est  facile  île  faire  briller  le 
miroir  aux  alouettes  qui  leiu-  mettra  ces  peuples  à  leur  merci. 

"Essayons  tout  de  même,  répndit  l'elquier,  s'il  y  a  des  igno- 
rants il  y  a  aussi  des  gens  éclairés  qui  ne  doivent  pus  se  laisser 
emberlicotter  comme  des  enfants. 


De  ioute  façon,  nous  n'avons  rien  à  ponlr.- 

"Allons-y.  fit  Baptiste,  de  toute  façon  nous  n'avons  rien  à 
perdre. 

Comme  les  lecteurs  le  savent  sans  doute,  les  réprbliques 
sud-américaines  vivent  dans  un  état  de  paix  relatif.  Les  minis- 
tères s'y  tiennent  souvent  par  des  prodiges  d'équihbre,  et  ces 
pays  pourtant  si  beaux  et  si  riches,  favorisés  par  les  dons  les  plus 
magnifiques  que  la  nature  puisse  prodiguer,  se  méfient  cons- 
tamment les  uns  des  autres. 

Pour  les  Boches,  cet  état  de  choses  donne  im  vaste  champ 


92 

d'exploitation  e(  le  machiavélisme  qui  est  leur  fort  y  trouve  un 
terrain  tout  préparé,  ils  n'ont  qu'à  semer  pour  récolter. 

L'espionnage  prussien  existe  là  comme  ailleurs,  éclairé,  très 
renseigné,  il  voit  d'avance  le  bénéfice  qu'il  peut  tirer  des  moin- 
dres circonstances. 

Dans  l'Amérique  du  Sud  comme  ailleurs,  on  avait  entendu 
perler  du  bolide,  on  l'avait  vu.  les  journaux  en  avaient  parlé, 
mais  l'histoire  du  Wawaron  était  moins  connue.  Les  agences  al- 
lemandes, très  au  courant  de  toutes  choses  et  se  doutant  que 
l'auto-aérien  ne  manquerait  pas  de  visiter  cette  partie  du  mon- 
de, crurent  devoir  en  profiter  pour  lancer  la  fausse  nouvelle 
qu'un  dirigeable  ennemi  était  \  la  veilU  de  venir  et  était  animé 
des  intentions  les  plus  belliqueuses. 

Ces  bonnes  gen^;  t  nibèrent  dans  le  panneau,  les  esprits  s'é- 
murent à  un  tel  point  que  les  autorités  civiles  et  militaires  cru- 
rent devoir  se  mettre  sur  leurs  gardes. 

Il  s'en  suivit  que  lorsque  le  Wawaro.i  se  présenta  il  fut  sa- 
lué à  coups  de  canon.  Et  nos  braves  amis  qui  se  présentaient 
confiants,  le  coeur  plein  des  plus  douces  espérances,  durent  s'en- 
fuir à     lute  vitesse  vers  des  pays  plus  paisibles. 

Décidément  il  n'y  avait  pas  lieu  d'être  satisfait. 

Courtemanche  était  rêveur.  Quant  à  TItoine,  duc  de  Ste- 
Cunégonde,  il  était  loin  d'être  content. 

"Les  p'tites  pétaques,  c't'année,  elles  sont  pas  grosses,  on 
était  encore  mieux  reçu  lorsqu'on  voyageait  incognito,  fit-il  re- 
marquer. 

L'Empereur  de  l'Espace  haussa  les  épaules  et  jetant  sur  son 
ministre  ufT regard  qui  voulait  en  dire  long,  il  murmura: 

"J'cré  ben  qu'icitte  on  est  dans  la  mêlasse. 

"Eh  ben  alors,  quoiq^ion  va  faire?  s'écria  le  duc  avec  rage, 
on  n'est  pas  pour  rester  de  même,  les  provisions  s'épuisent,  il  y 
a  presque  plus  de  p'tit  blanc  ni  de  tabac,  et  ça  commence  à  me 
chiffonner  la  patience  que  d'avoir  comme  toute  distraction  de 
traverser  des  nuages  et  compter  les  étoiles. 

"J't'avoue  en  toute  sincérité  que  je  me  demande,  répliqua 
Courtemanche.  comment  nous  allons  sortir  de  tout  ceci. 

"Pourquoi  n  accepterions-nous  pas  de  marcher  avec  les 
gens  de  Londres,  ils  nous  mangeront  pas.  fit  remarquer  Titoine. 

"Pour  ça.  non.  j'en  suis  certain,  répondit  Baptiste,  mais 
vois-tu,  Pelquier.  il  y  a  un  danger. 

"Et  lequel?  fit  le  duc  intrigué. 


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«.in.J?*""^  ''"^  ^""^  '^"*^'^"*  possédant  (îéjà  une  bonne  partie  du 

fie  le  p,rX^"  "■"^"  T""  ''  ""'^  ^""^''^^-  '''  ^'<>-teman- 
t  ne  Je  plus  sérieusement  du  monde 

'Parfaitement,  répliqua  Hai.tiste.  le  ciel  de  l'autre  monde 
na,s  pas  celui  d'ieitte.  Ht  puis,  apr.s  tout,  qu'il  essave  de  ,"""..- 

sont  t,'/'  TT""'  '"  f  ■'"■•  ''"  ""^  ^""«  ^"  '•'  ••VV'avvaron-,  et 
sont  .an.  doute  sous  rimj.ression  que  la  Motte  de  TEspa.e  est 
formidable.  Laissons-les  sous  c.tie  in.pross.on.  ami  Pelqui 'r 
voyo|.s  ce  que  les  eircnstanee.  vont  mous  donner.  ^^^1 
jourd  hu.  .tous  avons  le  plus  beau  jeu.  Faisons  comme  les  gou- 
vernements, mon  cher,  de  la  diplomatie,  voilà  tout 

.Mais  nous  n'avons  p.-is  d'ambassadeur,  ni  de  ministre  nlé- 
nipotentiaire.  Ht  remarquer  Titoine.  ' 

.il  "'^^"'.  "".^"'^'  '"""  ^'her.  les  affaires  n'en  iront  que  plus  fa- 
cilement, Il  n  y  aura  personne  pour  embrouiller  les  choses  ré- 
pondit gravement  Baptiste  Courtemanche. 


xn 


DIPLOMATIE  AEUIEXNK. 


II  ne  faut  pas  croire  qu'il  n'est  que  dans  l'Empire  de  l'Espa- 
ce que  l'on  ait  fait  de  la  diplomatie  en  l'air.  Hien  des  gouverne- 
ments n'en  ont  jamais  fait  autrement  et  dans  des  situations  bien 
moins  scabreuses  que  celle  dans  laquelle  nos  amis  se  trouvaient 

Que  faire? 

Que  le  lect  ur  se  place  pour  un  moment  à  la  place  de  Bap- 
tiste Courtemai  jhe.  Certes  s'il  avait  l'avantage  d'être  Empe- 
reur d'un  Empire  illimité,  cet  avantage,  si  avantage  il  v  a  exis- 
tant dans  des  circonstances  peut-être  uniques  dans  l'histoire  des 
peuples. 

Figurez-vous  un  souverain  n'ayant  pas  de  conseil  des  mi- 
mstres  à  renouveler,  des  chambres  à  dissoudre,  de  discours  du 
trône  à  prononcer,  de  taxes  à  imposer,  des  lois  à  promulguer  et 
a  faire  observer,  des  tarifs  et  des  impôts  à  faire  payer,  une  ar- 
mée a  entretenir,  des  colonies  à  protéger  et.  oh!  comble  des 
jouissances,  pas  de  finances  à  équilibrer. 

Certes  tout  cela  c'était  bien  beau,  trop  beau  même,  et  mal- 


94 


gr«'>  tous  cos  avantages.  Sa  Majesté  Aérienne   broyait   du   noir. 
Quant  au  duc  TitoJne,  il  avait  k-  "spleen". 

l'uiHQu'on  ne  voulait  pas  de  lui,  qu'on  semblait  lui  chercher 
noise  et  que  l'on  n\ettait  des  conditions  à  ses  offres  de  bon  offi- 
ce. Baptiste  1er  résolut  de  ne  jJUh  rester  dans  l'inaction  et  de  fai- 
re la  guerre  pour  son  propre  compte. 

"Ça  c'est  ben  correct,  fit  remarquer  Pelquier.  mais  pour  fai- 
re la  guerre  il  faut  des  munitions  et  je  ne  crois  pas  qu'avec  deux 
fusils  de  chasse  on  puisse  aller  bien  lohi. 

"Laisse  faire,  répondit  Baptiste,  déclarons  toujours  la  guer- 
re, après  quoi  nous  aviserons. 

C'est  ce  qui  fut  fait. 

Le  Wawaron  fut  dirigé  vers  la  Hollande  et  suivant  leur  bon- 
ne habitude  ils  déposèrent  à  l'adresse  du  g  )uvernement  hollan- 
dais une  enveloppe  contenant  des  lettres  devant  être  remises 
aux  ambassadeurs  d'Allemagne.  d'Autriche,  de  Bulgarie  et  de 
Turquie.  Cela  n'était  peut-être  pas  très  orthodoxe  au  point  de 
vue  diplomatique,  mais  elles  n'en  causèrent  pas  moins  toute  une 
sensation  considérable. 

(îuillaume  11  fit  une  sale  tête,  car  après  ses  échecs  succes- 
sifs au  front  de  l'Est  il  n'était  pas  en  veine  de  plaisanter.  L'Em- 
pereur Charles  crut  en  faire  une  maladie,  surtout  après  la  raclée 
de  la  Piava,  cela  lui  donnait  une  pilule  difficile  à  avaler.  P>rdi- 
nand  de  Bulgarie  en  eut  la  jaunisse.  Quant  au  Crand  Turc,  il  or- 
donna au  Pacha  Mustapha  de  faire  surveiller  le  Sérail. 


A  Londres,  ce  fut  de  la  stupéfaction. 

A  Londres  ce  fut  de  la  stupéfaction,  à  Paris   de   l'étonne- 
ment,  et  à  Ottawa,  au  Canada,  le  ministère  Borden  essuya  une 


95 

m..nH.|l.,ion  ,ui  tailU,  avoir  .:.    «ravo  .  <  ns^„u.M,.-..s.     f^.iias 

)..   .1  (IM,  s..  nluKl.T  .laus  son  11.  .1..  |,,  H^rt.nrt.  A. m.s.    „  . 

H  atffiKlit  (|iir  Ic.rag»'  passa. 

Alors  il  s."  passa  dans  la  viHIir  Kurop..  U^s  ,  i.os,  -  (,ui  ,.a- 
-m.-  peu-  .tn.  iMapn-nn-s  ,1.,  «ros  public  n.ais  ....i  .io,.,.M.u: 
.1  rcfi.cliir  aux  autorit»''s. 

Vn...  „uH<,u..s-uns  .1.  ,•,..  ph.noMH...,.  „„..  ...-us  ,.r..,.,.,.s 
au  Hasard  parmi  ceux  ipii  luri'iir  si>;iial.v 

l.p  fils  .-h.nri.pi.s  pla..^s  par  k-s  ai,,,,,,,.,),  ,,.,.  ,^,  „,„,,i,.,,. 
•H'iK.-holla.Hlais,.  tnr.n,   coup...    ,„     ,„ai„-.    ...droits    par    ,'■  . 
ma.Ms  m.oMHM.-s.  .-...i  aussi    u>vs.^ri,  ns.,..,.,    „ui,..xpli.ahl. 
IH'S  n.dh.rs  .1.  IU.|,u.s  purent  ainsi  .-h.H  ,.  r  :•  h.kc  ...  Holland. 

(  .u-starum  d.  M.unili.M.s  fit  explosion    „:u.s    1.  s    .n^ron; 

<i  Aix-la-(  l.apellf.,  -,..-!  i  uisan:   un  in;j m  d.p.-,-  ,]..  .     .u.---  -,1 

U'Uiaiide.  •   .    .u 

l'ii  vastr  .•iiirrpôi  d-s  Ml, irons  d..  V,.-,n'  c-.,„  ,.,,;k  ,  ,. 
grandes  quan.ii.s  d.-  l.lr,  ,ut  (•on.p:..,..,,...,:  ,i.^:;,,i:  ,,,;  ,/.  in- 
«••'iKi...  don:  loriKiiie  11,.  |,ut  éf;t,  ,„,imu-. 

F).'ux  dfs  K.-ands  caïK.iis  alifinan  s  ijonibaniî.nî    fan^  m- 
ivnt  mis  hors  crusafi,.  d'un,,  nunnrr».  si  .nvy;.;i,Mis  •   (p„.    i,-.;- 
niajor  p.ussK-n  eu  resta  ton,   bal.a.  Puiy  ,»=  fu    la:,  i.a!  vo-    •' , 
l'itz  qui  se  demanda  eo„.nien.   il  s.-  faisa..    q;.,.  s.  s  so.r -, '.';:;',n  - 
(.isparaissaien-L  d'une  faroii  prodigieuse. 

Au  premier  abord  o.i  pourrait  se  demaïKie  •  ce  q.ie  '!>■.-  .  .■  i 
pouvait  bien  avoir  alTaire  avec  Ihis  ,d:e  ,!u  Wavaron.  mais 
que  r(n  i.reiid  en  ecnsid.'rafion  que  ni  les   li  e'.,.^  ri  1-  s 
pouvaient   s'expliquer  ,-.      :uy... éieiix  évé.K-me:  •:-^   ou   <  - 
prêt  à  étiv  convaincu  q.ie   î{aptist  ■  rî.urf.'n.an   1.  ■    >•     T/ 
rV'iqui»-  ne  (levaient  pas  y  être  érraiiiiers. 

L"s  laiissaiices  belligérantes  .  ;-:<;:!. -:.  U  m  ia'in  .^  ,:■■  - 
sonii"  n'y  comprenait  rien. 

He.-lin  cependant  devai,    .a   t.rouv-  nsanxaise    lorsque    i',- 
trouvable  -Ld.re  Hel,..dque"  fit  déposer  suivant  son  l.al.iru.i.    a. 
exemplaire  du  j(,urnal  sur  le  secrétaire  du  Couven.eur-Céi.érai 
a  Bruxelles. 

C"e  journal  ''La  Libre  Belgique"  restera  dans  n,ist,,i:.  e>! 
journalisme  comme  un  des  étenuards  de  la  résistance  à  lo,,. 
pression.  Tout  ce  (pie  le  militarisme  i.russien  a  pu  fain'  pour  l'a- 
néantir a  toujours  échoué  et  lorsque  le  gouverneur  allema>.d  U- 
croyait  anéanti  il  renaissait  le  lendemain  plus  vivace  ni-.^  ia- 
mais. 

Or  ce  matin-là  le  journal  contenait  l'article  suivant: 


'.'h'-s 

!0:; 


^^ 


96 

•Ia^  swIgiHMir  M«''i>hlsto  n»'st  pa^  de  la  fête,  lui  qui  pourtant 
avait  toujrirs  favorisé  les  iilépii  dévastatriceB  de  son  cousin  Ho- 
lionzollfin.  voir  ce  dripier  dans  son  orgueil  donner  tout  le  cr»'- 
dit  à  /eus.  fest  siittis:int  pour  faire  damner  le  meilleur  des  dia- 
i»|es  d'ent»>n(lre  i oii  et  u;atin  Tingrat  clianler  sur  tous  les  tons: 
••(Jott  nmi  Huns".  Aussi  il  s'en  fut  consulter  les  Knfers  et  en  lit 
sortir  le  "Wawaron". 

Willie  Ho'Im'  en  eut  une  îittaqm-  «le  nerfs,  lit  fusill 'r  ciuel- 
(jues  civils,  crucitier  des  reji^^ieiises.  massacrer  des  enfants.  Mê- 
pliislo  en  rit  sans  doute,  mais  le  lendemain  la  •"Libre  UelKicjne" 
occupait  sa  l'Iace  luil)ituelle  si;;-  !••  secrétaire  du  (ît.   verneUi-. 

.Xprès  ti'iit.s  ces  aventures,  les  nations  hellisérantes  d'un 
«•onintnn  accord,  e.  c  était  la  première  fois  qu'une  entente  sem- 
blalde  aval»  lieu  dt  puis  l'ouvertiu-e  des  hostilités.  Il  n'y  avait  pas 
ù  d'-e.  W  lein-  f:illait  ai  river  à  une  conclusion  quelcoiuiue  et  sa- 
voir de  quel  bois  le  fameux  Kmpereiu-  de  l'Kspace  voulait  se 
chauffer.  On  lit  doiu'.  à  défaut  d'autres  nu)yens  de  connnunica- 
tions,  mettre  un  peu  partout  îles  plaça. ds  conçus  en  ces  termes; 

"Avis.— A  r  empereur  de  1  Kspace.  soit  de  se  rendre  au:c  c»)n- 
dJtions  qui  lui  furent  faites  ou  de  rester  neutre  dans  son  Empire 
avec  défense  de  d  scendre  un  faire  atterrir  sa  flotte  sur  auctui 
des  cinq  continents." 

Or  comme  mu  soir  le  Wawaron  était  descendu  suivant  son 
hal)itude  et  que  ses  conducteurs  étaient  allés  c»  '"her  de  l'eau 
fraîche,  ils  virent  l'avis  et  purent  en  piendre  connaissance. 

"Kh  ben.  quoi'.iue  t'en  penses?  dfnnanda  Titoine. 

"Mouton.s  ioujours  à  bord  du  Wawaron.  répondit  Courte- 
luanche,  il  va  nous  falloir  prendre  une  décision.  On  nous  n:et. 
connue  on  (V\.  au  pied  de  l'échelle. 


Mil 

V\V  REV(M.rTl()N  COMME  PEUT-ETRE  JAMAIS  PLU 

EN  VERRA. 


ON 


Le  thermomètre  marquait  dix  degrés  en  dessous  de  zéro 
(F),  le  ciel  était  pur,  le  soleil  brillait  au  zénith,  aucun  murmure 
ne  troublait  l'atmosphère.  . 

Le  wawaron  nlanait  à  une  hauteur.de  six  mille  pieds  et. 
ceux  qui  l'occupaient  n'étaient  à  même  de  voir  que  l'espace  in- 
a»i   en  haut,  en  bas.  de  tous  côtés. 

■  L'ingénieur  Baptiste  Courtemanche  avait  abandonne  l'auto- 


^./imiift 


97 

aérien  aux  caprices  de  l'éther,  et  contme  P  n'y  avait  atKune  bri- 
se, quoiqu  Us  fUBsent  à  cette  r^^Rlon  éle-.oe,  l'fiinîrme  jlrlgeablH 
Ret)ougt>ait  paa  plus  que  ne  le  fait  un  navire  j.ar  un  calme  plat. 

Courtenianche  était  appuyé  à  la  rampe  de  la  pasnorelle,  se« 
traita  ét«iient  tirés  et  indiquaient  les  traces  de  liuiiuiétude,  de 
l'ennui,  se  yeux  étalent  perdus  dans  le  vagu»*.  sa  pentH^e  dans  le 
?«de. 

Non  loin  de  lui,  Tltoino  Pelquier.  assis  Hur  un  pliant,  consi- 
dérait avec  amertume  sa  pipe  ételne  et  regardait  avec  désespoir 
sa  blague  à  tabac  dans  laquelle  il  n'y  avait  mémo  plus  une  par- 
celle du  précieux  solanacée.  Après  avoir  balancé  la  tête  av»'C 
amertume  l'époux  de  l'hllomène  Tranchcmontagne  (de  Shawl- 
nigan)  poussa  un  long  soupir  et  sa  main  laissa  tomber  la  i)i|>e 
qui  roula  sur  le  pont  avec  un  bruit  lugubre. 

Courtenianche,  que  ce  bruit  avait  tiré  de  sa  méditai  ion,  leva 
Ifi  tête  et  11  jeta  sur  son  ami  un  long  ef  triste  regard,  et  en  sou- 
pira U  lui  aussi  11  dit: 

"Afi-tu  cassé  ta  pipe? 

"Vaudrait  autant  que  je  l'eusse  cassé,  la  pauvr.',  répt)t»(lit 
Titoine  d'une  voix  sourde,  mais  dans  laquelle  grondait  le  ton- 
nerre. 

"Voyons,  Pelquier,  dit  Baptiste  qui  s'était  levé  et  en  frap- 
pant amicalement  Titoine  sur  l'épaule,  pourquoi  cette  tris.e  fi- 
gure, cet  air  désespéré,  les  temps  sont  durs,  il  faut  en  r-on venir, 
je  le  sais  aussi  bien  que  toi,  mais  à  quoi  cela  servirait -il  de  nous 
plaindre,  nous  n'en  serions  pas  plus  avancés. 

"Ça,  c'est  ben  vrai,  répondit  Titoine  en  se  levant  à  son  tour, 
mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  aussi  que  nous  sommes  archi- 
cassés,  pas  une  miette  de  tabac,  plus  une  goutte  de  p't't  blanc 
pour  nous  mouiller  la  luette,  rien,  ccmme  tu  sais,  à  peine  de 
l'eau  et  quelques  tablettes  de  beef-tea,  et  qui  sont  encore  salées 
en  ter yeux. 

"C'est  be"  vrai,  fit  Baptiste  dont  la  poitrine  .se  souleva  avec 
désespoir,  mais  que  veux-tu  y  faire? 

'  ve  qui  a  à  y  faire?  s'écria  Titoine  en  regardant  son  ,  ama- 
rade  dans  lef  yeux,  n'importe  quoi,  que  la  maudite  vie  que  nous 
menons.  L'E  npire  de  TF^pace,  c'est  p'tète  ben  beau  quand  on  a 
quelque  chose  dans  le  ventre,  mais  quand  on  meurt  de  i'aim  on 
n'y  voit  plus  aucun  charme. 

"T'es  pas  raisonnable,  répondit  Baptiste  qui  ne  savait  quoi 
lui  répondre. 

"Pas  raisonnable,  s'exclama  Titoine  Pelquier  donnant  cours 


»s 


à  Ha  colôro.  pas  ruiKoimablc  qu»-  tu  me  dis!  Kn  v'Ià  un»-  mauvaise 
I>ar  exeiiinl»'!  Ton  Hapn-  empire  e«t  immoiiHe,  k  n'en  «lisconvii-riK 
pa».  il  est  même  hI  grand  que  Jarmiis  on  en  venu  la  On.  Du  bleu, 
continua  l'époux  de  l'hlh.mèn.  TranehemoritaRne  (de  Shawlnl- 
gan),  oui.  du  bleu  ou  des  nuuge.s.  encore  <l«s  nuaK«'s  et  totijoiirB 
des  nuages.  Je  ne  saurais  trop  le  répéter.  1.^'  sol»-il  nouK  i.rûîe.  la 
lune  iK.us  fait  la  «rimae.'  et  les  étoiles  en  clignant  ont  l'air  de  se 
moquer  d»'  nous,  l'as  une  jirairle  verte  pour  reposi-r  nos  regards 
fatigués  ni  une  rivière  ou  nous  jtuissions  aller  étan(  lier  notre 
soif.  Kt  t'apitelles  cola  un  empire,  toi.  Ilaptiste  1er.  Kni|»ereur  des 
^'ourfenianches  qui  n'a  (|u'un  seul  sujet  et  qui  n'est  pas  encore 
fai'ible  (h'  lui  donner  à  numger. 

Hai»tlste  1er,  calme,  le  considéra    (juelques    instants,    puis 
avec  un  geste  (|ui  .ut  lait  honneur  à  n(»tre  and  l'aul  Cazeneuve 
il  lui  dit: 

"Ingrat,  je  t'ai  tiré  du  prolétariat  jiour  te  créer  duc  de  Ste- 
Cunégonde  et  baron  des  Tanneries,  je  t'ai  élevé  à  la  dignité  de 
ministre,  je  t'ai  fait  chevalier  giande  croix  de  l'Ordre  du  Castor, 
commandeur  de  l'Ordre  Impérial  de  rKtoile  l'olaire,  et  dairs  ma 
magnanimité,  comme  disent  les  grands  de  la  terre,  j'étais  à  la 
veille  de  te  faire  prince  du  Sault-au-Récollet. 

'Que  l'yable  les  mène  les  maudits  titres  et  les  vinguennes 
de  médailles,  a'écria  Titolne  de  plus  en  plus  furieux,  Flanq  jo-z- 
en  à  sciaux  aux  terriens  civilisés  qui  s'épatent  de  ces  riginnes-là, 
passe  un  steak  pour  me  fourrer  «ans  l'estomac  et  toutes  tes  dé- 
corations je  les  échangerais  vt  iiitiers  pour  une  bonne  platée 
de  fèves  au  lard. 

"Des  fèves  au  lard,  dit  Baptiste  dont  les  yeux  pétillèrent, 
des  fèves  au  lard  comme  dans  les  chanquiers,  on  ferait  en  effet 
bien  des  bassesses  pour  une  friandise  de  ce  genre. 

"Qu'est-ce  qui  nous  empêche  den  avoir  et  ben  d'autres  cho- 
ses avec?  fit  Pelqu'r.  lii-bas,  au  pays,  Philias  Duval  doit  nous 
attendre  su.  l'Ile  -  ^a  Barbotte  Amoureuse.  Pourquoi  perdre  no- 
tre temps  en  quête  d'aventures  ridicules  qui  nous  avancent  à 
rien'^  Pourquoi  ne  pas  retourner  au  Canada,  consentir  à  ce  que 
nous  demandent  les  Alliés  et  combattre  comme  du  monde  pour 
la  justice  et  la  civilisation?  Ce  que  nous  avons  fait  ne  compte 
pas.  Nous  serions  même  sous  l'égide  de  la  Couronne  Britanni- 
que qu'après  tout  nous  avons  tout  à  y  gagner  et  rien  à  y  perdre. 
Nous  lutterons  pour  la  même  cause  qui  est  après  tout  celle  de  la 
civilisation  et  de  la  démocratie  uni-erselle  et  pour  laquelle  doi- 
vent combattre  tous  ceux  qui  ont  le  coeur  bien  placé. 


|.a! 


non.'n?  'T'"l'u    "'"""""  '^*'""'"-  '•'"  '"'""^^  «••"«  '"•  «'""'ir's 

chauvins  .H.ntari...  n',...  sc.n,  pas  ,nui,.s  loyaux  .,u..  ,.'   ..!.';;" 
•t  nr  .l.n.an.lon,  „uum..  .hose  Ost  .|.   pouvoir  ].•  pronvr     K, 
.•r.c,u  .s  o„,  ,a  ,nal„  •,  -:,  pa,.,  i.s  pri.s  Cauav.MH  son.  .-       ,J '^ 
tre  I«s  (it-rnicrs.  * 

-Anu  I'..|,pK,.r,  .sV.nia  Haptist.-  av...  ...ithousias,,..- 

l^s  ( oiiiiiu'  uti  hoiunif. 

'•Alors       us  r<'tr)unioiis?  <!•  nian.ia  TH.. in»-. 

'Oui,  n-pon.lif  Maptiste.  ,Vst  mon  .|.-sir  ].■  pl„s  «ran.l  uiai^ 
jo  n  osais  fr  !..  ,|ir...  Allons  au  Canada,  offrons  nos  s-rvic-s  pour 
la  caus..  .J».s  Alliés  et  n.ontro.is  à  tous  vl  surlouf  à  la  Franc-  .an- 
notre  sang  est  toujoiirs  le  même,  aussi  gaulois  que  c.lu s  an- 
cêtres. 

"Kt  ton  drapeau,  celui  de  IKspaee?  demanda  l'.jqui.r 

"Nous  remplacerons  les  étoiles  dor  par  des  feuilles  d.'rahle 
et  comme  devise  (elle  de  Cartier:  "Je  me  souviens". 

"Fnfonc«5  les  étoiles,  cria  Pelquier  et  vive  le  sirop  .par- 
don, les  feuilles  d'érable! 

••Quant  à  moi.  j'abdique  l'Empire  (  'Espace  et  j.-  r  deviens 
canayen.  dit  Baptiste,  c'est  plus  pratique  et  "Vive  le  Canada"' 

Comme  les  lecteurs  le  savent,  le  Wawaron  était  à  mi-océan 
Courtemanche  rectifia  la  direction  et  laissant    derrière    lui    la 
Verte  Erin  il  piqua  dans  la  direction  d.-  Terr.-Xeuve. 

Baptiste  Courtemanche  était  retourné  à  la  sallf  des  machi- 
nes. Pelquier,  surl'avant.  une  longue-vue  à  la  main,  scrutait 
l'horizon. 

Le  mari  de  Philomène  Tranchemontagne  était  ainsi  oc  (  upé 
lorsque  tout  à  coup  son  attention  fut  attirée  par  quejqu.-  dios" 
qui  lui  sembla  étrange. 

"Ohé,  Baptiste,  viens-toi-z'en,  j'vois  quelque  chose  qui 
ni'semble  pas  naturel. 

"Quoique  c'est'?  dit  Baptisf  en  accourant  et  prenant  la  lu- 
nette que  lui  présentait  son  ami. 

"Vois  là-bas,  fit  Titoine  en  lui  indiquant  un  point  de  Ihori- 
zon. 


'iUM^v?' 


100 

"Crééyé,  r'Ut  qu'est  pas  banal,  dit  Baptiste  après  avoir  ob- 
serré  le  point  indiqué,  si  j'me  trompe  pas,  y  va  avoir  de  la  danse. 

En  effet,  l'ingénieur  ne  se  trompait  pas,  un  transort  anglais 
battant  le  drapeau  du  Dominion  Canadien  et  celui  de  la  Croix 
Rouge  fuyait  à  toute  vitesse,  poursuivi  par  un  sous-marin  alle- 
mand. 

Le  navire  anglais  avait  vu  le  sous-marin  et  comme  nous  ve- 
nons de  le  dire  fuyait  aussi  vite  que  lui  en  permettaient  ses 
moyens.  Comme  il  transportait  au  Canada  des  blessés,  il  avait 
arboré  le  drapeau  de  la  Croix  Rouge. 

O  naïveté,  comme  si  tous  ne  savaient  pas  que  pour  la  Itul- 
tur  prussienne  la  Croix  Rouge  n'est  qu'une  cible. 

"Et  alors,  quoi  qu'on  va  faire?  demanda  Pelquitîr. 

"Va  dans  le  magasin,  il  nous  reste  encore  deux  des  bombes 
que  nous  avons  "chippées"  aux  bulkoviks  russes,  on  voulait  en 
fare  cadeau  aux  Boches,  v'ià  une  bonne  occasion,  lui  répondit 
l'ingénieur  en  faisant  évoluer  l'auto-aérien  dans  la  direction  du 
sous-marin. 

Pelquier  sans  perdre  une  seconde  s'était  précipité  vers  la 
chambre  aux  amunitions,  et  en  étant  sorti  avec  deux  bombes  de 
joli  calibre,  il  alla  se  placer  à  l'avant  du  Wawaron.  Lorsque  l'au- 
to-aérien  fut  à  environ  dix  pieds  du  sous-marin,  dont  l'équipa- 
ge était  loin  de  se  douter  de  ce  qui  allait  lui  arriver,  il  lança  une 
première  bombe  qui  en  prenant  contact  éclata  brisant  le  péris- 
cope et  en  faisant  une  vaste  ouverture  dans  la  coque  du  vais- 
seau. Pelquier  sans  perdre  une  seconde,  lança  la  seconde  bom- 
be dans  l'ouverture  et  celle-ci  éclatant  fit  sombrer  le  sous-marin 
qui  en  moins  de  temps  qu'il  ne  faut  pour  l'écrire  disparut  dans 
les  profondeurs  de  l'Océan. 

Ceci  fut  fait  avec  une  rapidité  extrême,  l'équipage  et  les 
passagers  du  navire  anglais  n'eurent  le  temps  que  de  pousser  un 
cri  que  le  Wawaron  était  disparu,  mais  cependant  pas  assez  vite 
pour  que  son  nom  ne  fut  vu  et  par  conséquent  son  identité  con- 
nue. 

A  bord  du  navire  anglais  se  trouvait  un  des  membres  du  ca- 
binet impérial  de  Londres,  lequel  ministre  se  rendait  en  Améri- 
que en  mission  auprès  du  gouvernement  de  Washington.  Or  ce 
ministre  avait  déjà  vu  le  Wawaron  lors  de  l'attaque  des  Boches, 
et  connaissait  toute  l'histoire  des  pourparlers  du  gouvernement 

anglais. 

"Voici  un  bon  point  pour  ce  Wawaron,  dit-il  à  ceux  qui  l'en- 
touraient, voici  la  seconde  fois  qu'il  rend  service  à  l'Empire.  En 
wTivant  je  verrai  à  ce  que  ce  service  soit  reconnu. 


.•^'t- 


t^inf^Ui^* 


101 

XIV 

RARI  NANTES  IN  GURGITE  VASTO. 

Après  qu'ils  eurent  accompli  l'extraordinaire  fait  d'arme 
que  nous  venons  de  relater,  nos  deux  héros,  après  avoir  placé 
sur  leur  tête  les  casques  qu'ils  employaient  pour  les  altitudes 
élevées,  donnèrent  au  Wawaron  un  élan  qui  lui  fit  atteindre  une 
hauteur  de  près  de  quinze  mille  pieds,  ce  qui  le  rendit  complète- 
ment Invisible. 

Ils  planèrent  ainsi  près  de  deux  heures  et  lorsqu'ils  furent 
certains  de  ne  pas  être  vus  ils  redescendirent  à  une  hauteur 
moyenne  et  après  s'être  débarrassés  de  leurs  appareils  ils  purent 
continuer  leur  conversation. 

"Mon  vieux,  dit  Baptiste  Courtemanche  en  tendant  la  main 
à  son  camarade,  tu  peux  te  vanter  d'avoir  du  talent  pour  lancer 
les  bombes,  on  dirait  que  t'as  jamais  fait  que  cela  toute  ta  vie. 

"C'est  ben  de  même,  répondit  Titoine  en  riant,  je  leur  ai 
emmenché  cela  à  Messieurs  les  IJoches  dans  les  grandes  lar- 
geurs, ils  ont  dû  en  faire  tout  de  même  une  drôle  de  tête  en  se 
sentant  descendre  dans  le  fond  de  l'eau  en  pensant  qu'ils  allaient 
servir  de  dîner  aux  marsouins. 

■'Et  puis  après,  fit  Courtemanche  en  haussant  les  épaules, 
tu  te  souviens  de  ce  que  dit  la  Sainte  Bible:  "Périra  par  l'épée 
qui  frappera  par  l'épée".  Avec  cela  qu'ils  y  songent  beaucoup 
aux  sentiments,  ces  bougres  de  cochons.  Est-ce  qu'ils  ont  réflé- 
chi en  coulant  le  Lusitania?  Y  ont-ils  regardé  à  deux  fois  avant 
d'exterminer  des  navires-hôpitaux  ou  des  steamers  portant  fem- 
mes et  enfants?  Non,  n'est-ce  pas,  aussi  je  ne  sais  pas  pourquoi 
on  les  ménagerait.  Epargne-t-on  un  chien  enragé?  Non,  n'est-ce 
pas.  Eh  bien,  le  Boche,  mon  vieux,  ce  n'est  que  cela  et  il  n'a  droit 
à  aucune  pitié. 

"C'est  ben  cela,  répondit  Pelquier,  et  celui  qui  est  cause  de 
tous  ces  assassinats,  qui  a  i)ermiH  ces  tueries  aveugles  et  irrai- 
sonnées pour  assouvir  sa  haine  et  affermir  sa  tyraïuiie.  le  .Néron 
boche  doit  bien  trembler  en  songeant  au  compte  qu'il  aura  ii  ren- 
dre à  Celui  qui  est  la  justice  infinie. 

"Tu  as  raison,  ami  Pelquier.  et  si  les  âmes  ont  uin'  peau, 
ajouta  Baptiste,  je  préfère  la  mienne  à  la  sienne.  Lors  du  juge- 
ment je  serai  plus  dans  mon  assiette  que  lui  dans  la  sienne,  soit 
dit  sans  me  répéter. 


^^^j^^^^^s 


102 


"Et  pour  ce  bougre-là  on  peut  bien  retourner  le  dicton  et 
dire:  A  ce  pêcheur  misère  et  corde,  n'est-ce  pas?  demanda  Tl- 
toine. 

"Mon  bon  ami.  dit  Baptiste  en  riant,  quoique  tu  parles  en 
I  air,  ce  que  tu  dis  là  a  ben  du  bon  sens,  aussi  pour  te  récompen- 
ser d'avoir  coulé  les  Boches,  je . . . 

"Arrête  la  charette,  s'écrit:  Titoine  en  reculant,  tu  vas  en- 
core me  coller  une  médaille. 

"Non  pas.  mais  quelque  chose  de  plus  pratique,  de  plus  di- 
gestif enfin,  va  voir  sous  le  matelas  de  ma  couchette  et  tu  ver- 
ras. 

"Allons  voir,  dit  Pelquier  sceptiquement.  n  se  rendit  à  la  ca- 
bme  et  BapUste  put  le  voir  soulever  le  matelas,  prendre  un  pa- 
quet et  pousser  un  cri  après  l'avoir  ouvert: 

"Du  tabac! 

"Oui,  du  vrai  tabac,  dit  Baptiste  avec  un  sourire.  Je  l'avais 
conservé  pour  une  grande  occasion. 

"Tu  es  un  vrai  empereur,  je  le  crie  aux  étoiles,  j'en  prends 
le  soleU  et  la  lune  à  témoin,  et  je  puis  te  dire:  Majesté,  ta  Sir  est 
bien  bonne. 

"Hélas!  il  est  trop  tard,  ce  trône  de  l'Espace,  je  l'abdique; 
que  celui  qui  le  veut  le  prenne,  pour  moi,  vois-tu,  je  le  trouve 
trop  en  l'air.  Je  vais  retourner  auprès  des  nôtres,  là  nous  sui- 
vrons la  marche  des  circonstances  et  verrons  ce  que  l'avenir 
nous  réserve. 

"Alors  nous  retournons  cheu  nous,  s'écria  Titoine  Pelquier 
avec  enthousiasme. 

"Oui,  cheu  nous,  nous  offrirons  nos  services  à  la  patrie, 
comme  tous  bons  citoyens  doivent  le  faire,  lui  dit  Courtemanche. 
Le  Wawaron.  devenu  un  monument  national,  rendra  des  servi- 
ces de  premier  ordre.  Et  quant  à  nous,  nous  aurons  fait  notre 
devoir. 

"Ça  y  est,  s'écria  Pelquier,  faisons  notre  devoir  et  prouvons 
à  l'humanité  toute  entière  que  si  les  Canayens  ont  du  poil  aux 
pattes,  ils  en  ont  pas  dans  la  paume  des  mains. 

"Allons,  dit  Courtemanche  en  prenant  le  gouvernail,  piqtions 
sur  le  Golfe  St-Laurent,  et  en  allant  bonne  allure  nous  y  serons 
demain  au  petit  jour. 

En  effet,  le  lendemain  matin,  l'auto-aérien  planait  au-des- 
sus du  Golfe  St-Laurent.  Ils  avaient  laissé  en  arrière  Terre-Neu- 
ve et  l'Ile  d'Anticosti,  et  maintenant  ils  étaient  à  même  de  dis- 


M^^mKW 


103 

tin«uer  parfaitement  les  côtes  du  Labrador  et  les  moindres  dé- 
taus  du  magnifique  panorama  qui  se  déroulait  au-dessous  deux. 
Le  grand  fleuve  du  Canada  conser^-e  son  individualité  de- 
puis ses  sources  jusqu'au  moment  où  dans  sa  majestueuse  gran- 
deur U  se  jette  dans  l'Océan. 

La  suite  de  ses  grands  lacs,  véritables  mers  intérieures,  pré- 
sente un  spectacle  grandiose  unique  au  monde.  Le  Niagara,  lui 
seul,  est  tout  un  poème,  et  aucune  plume  ne  saurait  avec  justes- 
?!  ^'^.^l^'^''^  ^^  '^^^"té.  Ses  îles  sans  nombre  et  les  tributaires 
formidables  qui  en  augmentent  encore  la  magnificence  à  un  tel 
pomt  que  le  regard  ne  peut  s'en  lasser,  et  l'esprit  se  demande  si 
c^  est  bien  réel,  si  l'on  n'est  pas  le  jouet  d'une  fantastique  illu- 

L'entrée  du  St-Laurent  est  superbe,  grandiose  et  laisse  à  ce- 
lui qui  1  a  vu  une  impression  sévère  de  majestueuse  grandeur 
bes  falaises  surmontées  de  forêts  immenses,  véritables  remparts 
de  roc  qui  semblent  garder  les  secrets  des  sauvages  régions  qui 
se  trouvent  au-delà. 

En  remontant  le  fleuve  et  déjà  à  l'Ile  d'Oriéans.  la  nature 
semble  préparer  le  voyageur  aux  beautés  qui  vont  lui  être  don- 
nées d'admirer. 

Alors  le  fleuve  s'élargit  graduellement  et  devient  si  large 
qu'arrivé  à  un  certain  point  il  est  imi.ossible  même  par  un  temps 
très  clair  d'apercevoir  les  rives  opposées.  La  falaise,  mur  énor- 
me, se  continue  dune  façon  pour  ainsi  dire  ininterrompue  ça  et 
là  que  par  des  baies  superbes  et  des  formidables  promontoires. 

Baptiste  Courtemanche  et  Titoine  Pelquier  regardaient  tout 
cela  avec  une  religieuse  admiration. 

"C'est  tout  de  même  bougrement  beau  cheu  nous,  dit  Pel- 
quier. on  est  fier  d'être  Canayen  quand  on  voit  tout  cela. 

"Tu  es  dans  le  vrai,  lui  répondit  Courtemanche.  et  on  n'a 
pas  le  droit  de  nous  taxer  de  chauvinisme  lorsque  nous  sentons 
les  beautés  de  notre  pays.  Que  ceux  qui  doutent  viennent  le  voir 
et  alors  ils  ne  s'étonneront  plus  de  notre  admiration  et  ils  cons- 
tateront par  eux-mêmes  que  notre  enthousiasme  est  légitime  et 
bien  fondé.  A  moins  d'être  aveugle,  on  ne  peut  nier  que  peu  de 
pays  sont  plus  beaux  que  le  nôtre. 

"Et  ce  n'est  pas  seulement  cela,  ajouta  Pelquier.  Certes  nous 
devons  être  fiers  et  remercier  le  Créateur  de  toutes  choses  des 
dons  qu'il  a  prodigués  à  notre  pays,  mais  si  on  cunsidère  ces  vil- 
les, ces  campagnes  riches  et  fertiles,  ces  champs  labourés  et  fO- 


104 


conds,  ces  usines  prospères,  n'y  voyons-nous  pas  aussi  le  travail 
incessant  commencé  par  nos  ancêtres  qui  n'ont  pas  hésité  de 
donner  leurs  sueurs  et  leur  sang  pour  faire  du  pays  l'héritage 
magnifique  qu'ils  nous  ont  laissé.  Enfin,  parce  que  c'est  là  qu'ils 
ont  vécu,  terre  bénie  du  Canada  français  qui  est  leur  dernière 
demeure  et  qui  fut  notre  berceau.  En  un  mot,  ce  pays  que  nous 
aimons,  c'est  notre  patrie. 

"Oui,  tu  as  raison,  lui  répondit  Baptiste  Courtemenche  en 
lui  serrant  la  main,  nous  sommes  heureux  de  retourner  cheu 
nous  car  cela  a  dû  être  pour  les  Canayens  que  l'on  a  composé  la 
chanson:  "On  revient  toujours  à  ses  anciennes  amours". 

Les  deux  amis  émus  avaient  continué  leurs  observations  et 
voyaient  avec  orgueil  les  choses  grandioses  qu'il  leur  était  donné 
d'admirer.  Lorsqu'ils  furent  arrivés  à  un  certain  endroit  où  déjà 
le  fleuve  devenait  moins  large  tout  en  conservant  ses  redouta- 
bles falaises,  ils  aperçurent  un  cap  qui  s'avançait  majestueux 
ians  les  eaux  du  fleuve. 

'  '/ois  donc  ce  cap,  n'est-ce  pas  qu  il  est  beau,  fit  remarquer 
Pelquier,  la  forêt  y  semble  propice  pour  tirer  un  coup  de  fusil, 
si  nous  descendions. 

"C'est  le  Cap  Eternité,  si  je  ne  me  trompe,  répondit  Courte- 
manche,  nous  pouvons  atterrir  sur  une  de  ses  extrémités,  là 
nous  trouverons  un  endroit  pour  le  Wawaron  et  après  l'avoir 
ancré  nous  pourrons  prendre  nos  armes  et  fouiller  les  taillis  en 
quête  de  gibier. 

Nos  deux  amis  n'eurent  pas  de  difficulté  à  trouver  un  en- 
droit propice,  le  Wawaron  fut  solidement  ancré  à  un  endroit 
élevé  et  comme  le  pays  était  désert  et  l'horizon  ne  montrait  au- 
cun signe  d'orage,  même  que  la  chaleur  était  suffocante. 

Ils  se  munirent  donc  de  provisions  pour  plusieurs  heures  et 
espérant  pouvoir  acheter  dans  un  des  villages  du  littoral  les  pro- 
visions qu'ils  désiraient  et  peut-être  télégraphier  à  Philias  Du- 
val,  ils  prirent  avec  eux  tout  l'argent  qu'ils  possédaient  à  bord 
du  Wawaron  et  même  des  documents  et  objets  dont  ils  firent  un 
paquet  désirant  si  possible  l'envoyer  pai  express  à  leur  ami. 

Le  coeur  léger  ils  se  mirent  en  route.  Courtemanche  qui 
a\ait  déjà  exploré  cette  partie  de  la  Province  de  Québec  ouvrit 
la  marche  suivi  du  fidèle  Pelquier  qui,  lui.  n'était  qu'un  clerc  en 
matière  d'excursion. 

Us  descendirent  donc  vers  le  rivage,  désirant  côtoyer  le  bord 
ainsi  à  un  endroit  habite,  car  de  ee  côté  il 


du  fleuv* 


parv( 


'<i.éii^: 


v^V- 


105 

n'y  avait  aucun  chemin  qu'ils  eussent  pu  suivre. 

Us  marchaient  ainsi  depuis  plus  de  deux  heures  et  étaient 
parvenus  à  la  grève  lorsque  le  ciel  brusquement  s'assombrit. 

"Il  semble  que  nous  allons  avoir  de  l'orage,  c'est  singulier 
lorsque  nous  avons  quitté  le  Wawaron  rien  ne  le  faisait  prévoir. 

"Eh!  oui,  même  que  le  ciel  prend  une  couleur  que  j'ai  déjà 
observée  dans  les  Montagnes  Rocheuses,  dit  Baptiste  d'un  air 
inquiet,  je  crois  que  nous  allons  avoir  une  lavasse  pas  ordinaire, 
si  non  un  ouragan. 

"Le  Wawaron  est-il  en  sûreté?  demanda  Titoine.  Les  câ- 
bles sont-ils  assez  solides  pour  résister  à  la  force  du  vent  ? 

"C'était  à  espérer,  répondit  Courtcnianche,  allons  au  bout 
de  ce  promontoire  et  de  là  nous  pourrons  voir  le  Cap  Eternité  et 
l'endroit  où  nous  avons  laissé  k  Wawaron. 

Nos  amis  prirent  leur  course,  mais  ils  avançaient  avec  dif- 
ficulté. Le  vent  augmentait  en  force,  l'orage  devint  tempête,  la 
tempête  ouragan,  il  faisait  si  noir  que  le  ciel  ol)scurci  ne  pci  met- 
tait qu'avec  peine  à  la  lumière  d'éclairer  leur  marche. 

Soudain  ils  entendirent  un  bruit  étrange,  grandissant,  com- 
me ^lui  que  produirait  un  chariot  monstre  roulant  sur  des  cail- 
loux. Les  arbres  plièrent,  craquèrent,  et  les  deux  amis  ne  powc 
vant  se  tenir  debout  se  jetèrent  à  plat  ventre. 

"C'est  une  trombe,  cria  Baptiste  avec  terreur,  une  trombe, 
vois.  .  .  vois.  .  .  là.  .  . 

Dans  les  airs  mille  objets  passaient  au-dessus  de  leur  tête 
avec  une  vitesse  vertigineuse.  Tout  à  coup  un  objet  noir  énonne 
traversa  l'espace  et  deux  cris  déchirants,  étouffés  par  les  bruits 
terribles,  retentit:  "Le  Wawaron!" 

Puis  tout  se  perdit,  le  vent  tomba  en  quelques  minutes  et  le 
ciel  redevint  serein  comme  si  rien  n'eut  aiTivé. 

Baptiste  Courtemanche  et  Titoine  Pelquier  se  i  'niaient 
hébétés  et  sans  même  se  dire  un  mot  prirent    leurs  !k's   et 

sans  se  soucier  de  leurs  fardeaux  coururent  vers  l'eiulruit  où  ils 
avaient  laissé  le  Wawaron. 

De  l'auto-aérien  ils  ne  trouvèrent  que  les  entraves  brisées, 
du  Wawaron  plus  rien,  il  avait  été  l)alayé  au  loin  par  la  force  de 
la  tempête. 

"Tout  est  perdu,  sécria  Baptiste  avec  désespoir,  adieu  nos 
espérances,  la  fortune,  la  gloire,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à  aller 
cacher  notre  honte  et  notre  chagrin. 

"Et  pourquoi,  lui  répondit  Tiîoinc  Pelquier,  il  <  i^t  vrai  qu'a- 


106 

vec  le  Wiwaron  nous  perdons  beaucoup,  mais  nous  sommes  ri- 
ches et  avons  l'avenir  devant  nous. 

"C'est  vrai,  fit  Courtemanche,  tout  n'est  pas  perdu,  car  j'ai 
Ici,  dit-il,  en  frappant  le  paquet  qu'il  avait  avec  lui,  oui,  j'ai  ici 
un  secret  qui  comme  le  Wawaron  bouleversera  le  monde  scienti- 
fique. 

"Ainsi  soit-il,  dit  Pelquier  en  prenant  son  fusU,  allons  main- 
tenant vers  un  endroit  d'où  nous  puissions  gagner  Québec. 

XV 


RETOUR  AU  BERCAIL. 

Baptiste  Courtemanche  et  Titoine  Pelquier  avaient  terminé 
leur  beau  rêve  et  brusquement  se  retrouvaient  face  à  face  avec 
la  réalité,  non  pas  Gros-Jean  comme  devant,  bien  loin  de  là, 
ayant  devant  eux  si  non  la  richesse  mais  du  moins  une  aisance 
facile  qui  assurait  leur  tranquillité  future. 

Mais  il  leur  fallait  songer  aux  conséquences  que  pourrait 
avoir  leur  escapade  et  envisager  froidement  ce  qui  en  résulte- 
rait. 

Nos  amis  philosophiquement  se  dirigèrent  vers  la  civilisa- 
tion, et  Baptiste  Courtemanche  d'empereur  devint  général  et 
conduisit  la  retraite  qui  sans  être  celle  des  Dix  Milles  ou  voire 
même  celle  qu'opéra  le  Maréchal  von  Hindenburg.  mais  elle  n'en 
avait  pas  moins  ses  difficultés. 

Comme  nous  le  savons,  Baptiste  Courtemanche  était  avant 
tout  un  homme  d'action  au  caractère  froid  et  résolu,  habitué  de- 
puis longtemps  aux  difficultés  et  aux  périls  des  exploration  a.  Ce 
ne  fui  donc  pour  lui  qu'un  jeu  d-  conduire  son  armée,  pardon, 
son  ami  Pelquier  vers  Tadoussac,  connaissant  la  topographie 
de  cette  partie  du  pays  et  sachant  que  c'était  le  meilleur  moyen 
pour  gagner  Québec. 

Ils  avaient,  comme  nous  le  savons,  des  provisions  pour  plu- 
sieurs jours  et  leurs  fusils  pour  se  défendre  en  cas  de  danger.  En 
plus,  ils  possédaient  quelques  milliers  de  dollars  pour  faire  face 
aux  éventuaUtés. 

Enfin,  après  une  longue  marche,  après  s'être  reposés  en 
route,  ils  arrivèrent  à  Tadoussac  où  ils  se  reposèrent  en  atten- 
dant le  bateau  qui  devait  les  conduire  à  Québec. 

Parlant  peu,  ils  passèrent  inaperçus,  se  mêlant  à  la  foule 
qui  ue  les  connaissait  pas  et  qui  était  t  cent  lieues  de  se  douter 


107 

fouf?«  1  """''  "^"^  '^"P"'"  longtemps  avaient  ét.^  le  sujet  de 

toutes  les  conversations. 

.Irrivés  à  Québec,  ils  descendirent  dans  un  modeste  hôtel 
se  firent  raser,  tailler  barbe  et  cheveux  et  s'achetèrent  des    ête- 

^cuÏer        '"  '''^"■^  ^^^^  ^  ''"^'^^°"  «°-^«  ^""^  <^-'rIient 

^t  à  ct".V.f  !!^P^^r°'  P*'  ^  ^"^'^''  P'-^^^^^'"  '^  surprendre, 
et  d  cet  effet  prirent  le  train  pour  St-Barthélemy 

Barb^t'i^r  ^"''^  *^^^"''  P'^'  ^'"'^  °^°'«  ^^^'^  dans  son  Ue  de  la 
Barbo  te  Amoureuse  où  après  avoir  fait  construire  une  habita- 
tion plus  convenable  il  dirigeait  les  travaux  d'un  quai  pour  le 
yacht  qu'il  venait  d'acheter.  ^ 

lorsoue '.fph«."'  °^^"P^/.'^«"'^^''  des  instructions  à  ses  ouvriers 
lorsque  la  chaloupe  conduisant  nos  héros  accosta  à  deux  pas  de 

En  les  reconnaissant,  l'entrepreneur  laissa  tomber  un  mat- 
teau  qu'il  tenait  à  la  main  et  ne  trouva  à  leur  crier  que:  Pas  pos- 

Mais  il  l'ji  fallut  se  rendre  à  l'évidence  lorsqu'il  entendit  la 
voix  familière  de  BapUste  Courtemar.che  qui  lui  dit  • 

tendZTa  ml''  "'"''  '^^"^  ""''''  ^"'  '''  ''-empereur  en  lui 
tez.  .*;'':t"l';iw^on^"^^'  '■"'^  '''  '''''''  ^'^^""^^-^  --  — 

rire.s^:;:r;:r^^:^î^---'"  --'— 

'Eh  ben,  répondit  Titoine  toujours  souriant,  quoi  que  vous 
U-ouvez  d'emplis.sant  d'vouère  un  Wawaron  à  l'e^u  c\st  sor 
état  que  je  sache. 

péfai?^''"'  ^^'  '^^''  ^^•'ï"'^''  ^"  ^eux  m'emplir,  s'écria  Duval  stu- 
'T,«nZ''"'.^?l  Duyal  Pelquler  ne  te  blague  pas,  lui  dit  Courte- 
tTe  Wstoire'  ''''"'  '''^'''  '''"'  ^"  '^'^  ''  '''''''''''  *°"^^  '^°- 
Duval  les  conduisit  à  sa  maison,  leur  servit  un  verre  de 
7^r7r;  T  """''  dégustèrent  avuc  délice,  et  lorsqu'il  fu- 
rent confortablement  assis  l'ingénieur  commença  son  récit  Sans 
nen  omettre  il  lui  fit  la  narration  de  tout  ce  que  les  lecteu  s  con 


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.    108 

naissent,  enfin  ce  qui  s'était  passé  depuis  leur  dernière  entre- 
vue. 

Philias  Duval  écoutait  tout  à  la  fois  ravi  et  stupéfait,  ne  sa- 
chant d'abord  quoi  dire,  puis  enfin  se  levant: 

"Le  principal  est  que  vous  soyez  de  retour  en  vie,  bien  por- 
tant, leur  dit  Duval,  qu'importe  le  Wawaron  et  tous  les  empires 
fussent-ils  même  dans  l'Espace,  rien  n'est  perdu  et  avec  du  cou- 
rage tout  s'arrangera. 

"D'autant  plus  que  nous  ne  sommes  pas  à  sec,  ajouta  Pel- 
quier,  nous  avons  de  l'argent  sans  compter  le  montant  que  nous 
vous  avons  laissé. 

"Parfaitement,  et  même  que  ce  me  tant,  ajouta  Duval  avec 
orgueil,  je  l'ai  fait  fructifier,  j'ai  spéculé  à  coup  t  ir  et  aujour- 
d'hui je  suis  heureux  de  vous  dire  que  je  dispose  pour  notre  a":- 
sociation  d'un  capital  qui  nous  met  tous  à  l'aise  jusqu'à  la  fin  de 
nos  jours. 

"Cela  est  bien  beau,  mais  le  public,  le  gouvernement,  que 
va-t-on  penser  de  nous?  demanda  Titoine  Pelquier  avec  inquié- 
tude. 

"Oui,  non  seulement  que  vont-ils  penser,  mais  aussi  quelle 
conduite  tiendront-ils  à  notre  égard?  ajouta  Courteraanche. 

"C'est  ce  qu'il  va  falloir  savoir,  dit  Philias  Duval,  mais  je 
vais  prendre  ce  soir  même  le  train  pour  Montréal,  j'iiai  à  Otta- 
wa si  nécessaire,  je  scruterai  le  terrain,  préparerai  les  esprits. 

"Voilcà  ce  qui  s'appelle  parler  en  monsieur,  dit  Pelquier.  al- 
lez-y sans  perdre  de  temps. 

Après  s'être  préparé,  avoir  donné  à  ses  amis  plein  pouvoir 
de  rester  sur  l'île  et  leur  avoir  procuré  le  nécessaire,  Duval  par- 
tit pour  St-Barthélemy  et  de  là  pour  Montréal. 

fei  Philias  n'était  pas  un  homme  instruit  comme  il  le  disait, 
il  avait  pour  lui  deux  excellentes  qualités:  il  était  bon  financier 
et  débrouillard  en  iffaires. 

En  arrivant  à  Montréal,  il  se  rendit  à  son  nouveau  bureau 
de  la  Place  d'Armes  où  son  clerc  lui  montra  triomphalement  les 
éditions  des  journaux  publiés  dans  les  derniers  jours.  Il  y  lut  des 
articles  sensationnels  relatifs  aux  exploits  du  Wawaron.  la  lutte 
homérique  contre  le  sous-marin  boche  et  la  triomphante  victoi- 
re qui  avait  sauvé  le  navire  anglais. 

En  plus,  les  "extras"  disaient  que  les  gouvernements  alliés 
étaient  prêts  à  traiter  d'égal  à  égal  avec  l'Empereur  de  l'Efepaee 
et  lui  donnaient  toutes  les  latitudes  voulues. 


109 

«1...  A^£^'  ^""  ^"''^^'  '■  "^'y  *  P'"**  *1«  Wawaron.  et  de  ce  fait 
^u«^d  En^pereur  de  l'EBpace.  que  val«-Je  leur  dire.  cou.a.ent  Jor- 

««nf^r"^"^  .""''*'  '""■  ^'''"  '^^'^  P"'"^«  ^^alt  un  naïf,  il  ôtait 
arant   out  un  homme  de  bon  sens.  U  trouva  qu'il  était  n  é  ,  râ 

de  temps  il  partit  pour  Ottawa 

d^n  tr'.'^l  r.  *''""'^'''  "  "'  P^"^^"^»-  •'^'^  «^^rte  à  IHon.  H  M.,r- 
lE^pr de  l^Tie'"^  ^"'^  ''^''  ^^'-"^'  ^"  — «-  ^'^ 
Comme  on  le  sait,  Duval  n'était  i^as  inconnu  dans  les  mi- 
teux parlementaires,  il  fut  regu,  écouté,  et  avec  sa  bour.eo  se 
bonhomie  il  conta  aux  ministres  assemblés  l'histoire  des  '^en! 
tures  Extraordinaires  de  Deux  Canayens" 

Tous  se  levèrent  enthousiasmés,  émerveihés  et  firent  télé- 
gmph.er  Duva  à  ses  amis  de  ve.Wr  inunédiatement  le  rejoindre 
a  Ottawa,  que  les  ministres  et  délégués  des  Alliés  désiraient  eu! 
tendre  le  récit  de  leur  propre  bouche. 

Deux  Jours  plus  tard,  nos  héros  étalent  à  Ottawa  et  cette 
fois  Courtemanche  put  uonner  un  con.pte-rendu  exact  de  la  dé- 
couverte et  des  expicits  du  Wawaron. 

Comn»e  cela  se  conçoit,  le  télégraphe  fut  mis  à  la  rescousse 
Pans  Londres,  enfin  le  monde  entier  y  passa  et  non  se  Ze"' 
nos  héros  furent  excusés,  mais  en  plus  reçurent  des  distinctions 
honorifiques  des  différents  gouvernements 

Le  gouvernement  du  Canada  ne  voulut  pas  rester  en  i  r.i,''- 
re.  Sir  Baptiste  Courtemanche  devint  un  des  directeurs  du  ser- 
vice aéronautique  et  il  fut  proposé  une  situation  importante  à 
Sir  Antoine  Pelletier. 

Nos  amis  cependant  ne  voulurent  pas  donner  une  réponse 
immédiate  aux  offres  qui  leur  étaient  faites  et  revinrent  à  Mont- 
réal discuter  de  leurs  plans  pour  l'avenir. 


XVI 
FINIS  CORONAT  OPl'S. 

Comme  nous  pouvons  nous  en  df.uter.  "Les  Aventures  Ex- 
traordinaires de  Deux  Canayens"  eurent  un  retentissement  co- 
lossal,  non  seulement  au  Canada,  mais  dans  l'univers  tout  en- 
tier. 

Tous  les  journaux  voulurent  publier  leurs  portraits   et    un 


110 


photographe  bien  connu  do  Montréal  paya  à  nos  amis  un  fort 
montant  pour  avoir  seul  le  privilège  de  faire  et  vendre  leurs  pho- 
tographleti.  Celles-ci  furent  "copyi  .«hted"  et  se  vendirent  par 
milliers. 

Ceci  ne  fut  pas  le  seul  bénéfice  que  tinrent  nos  héros,  il  y 
eut  des  cigares  "Le  Wuwaron",  des  cigareitis  "Les  Délices  de 
l'Empire  de  l'Kspace ',  des  corsets  "Le  Wawaron"  supérieurs 
par  leur  légèreté,  et  comme  le  nom  de  "Wawaron"  et  d'  "Ktnpi- 
re  de  rEs[»are"  avait  été  breveté  par  la  "Kreiich  Canadiaii  Arrlal 
Navigation  Co.  (Lindted),  tout  <eci  emmena  de  l'eau  au  moulir;. 
Cela  ne  fut  pas  tout,  un  des  plus  grands  éditeurs  de  New- 
York  iit  des  offn's  à  Baptist«  Courtemanche  jutur  ptjblier  ses 
mémoires,  mais  il  ne  voulut  vien  entendre  à  moins  d'avoir  la  col- 
laboration de  Sir  Titoine,  (v>  qui  fut  accepté,  et  un  (< 'itrat  fut 
signé  pour  plusieurs  milliers  de  dollars.  In  Impressario  de  Chi- 
cago vint  les  engager  i>our  une  série  de  conférences  aux  Ktats- 
Unis  et  au  Canada,  puis  ensuite  en  Europe,  ceci  pour  l'après- 
guerre,  l'uis  ce  fut  le  tour  des  compagnies  de  cinématographes 
qui  se  les  arrachèrent,  enfin  la  préférence  fut  donnée  à  une  des 
plus  puissantes  compagnies  de  New-York.  Connue  Courteman- 
che devait  non  seulement  fournir  le  scénario  et  les  deux  amis, 
voire  même  Philias  Duval,  devaient  être  acteurs  et  devenir  des 
célébrités  cinématographiques,  on  comprend  sans  difficulté  que 
J  >s  montants  dépassant  ceux  jamais  rêvés  par  Charlie  Chaplin, 
Pearl  White,  Mary  Pickford,  Douglas  Fairbank  et  les  autres  cé- 
lébrités, furent  dépassés  au-d^.à  de  toutes  expectatives. 

Quant  au  brave  Philias  Duval,  lui  non  plu.»  ne  restait  pas  en 
arrière,  une  Université  de  l'illinois  (E.-l'.)  lui  décerna  la  dis- 
tinction de  L.L.D.  Que  pensez-vous  de  cela,  ami  lecteur,  pour  un 
homme  qui  n'était  pas  instruit  et  qui  avait  passé  toute  sa  vie  à 
faire  dans  la  pierre".'  Enfin,  que  voulez-vous,  on  a  déjà  vu  plus 
fort  que  cela. 

Les  autres  nations  ne  voulurent  pas  rester  en  arrière  et 
toutes,  sauf  l'Allemagne,  cela  se  comprend,  les  criblèrent  de  dé- 
corations. 

Cependant  Baptiste  Courtemanche  ne  voulut  i)as  accepter 
des  positions  gouvernementales,  il  préférait  attendre  et  conser- 
ver son  libre  arbitre,  n  en  fut  de  même  pour  Titoine  Pelquier 
qui  ne  voulut  pas  se  séparer  de  son  ami. 

Ils  étaient  donc  revenus  à  Montréal  et  radiaient,  avons- 
nous  dit,  leurs  proje*s  d'avenir,  lorsqu'un  beau  matin  —  I         s- 


111 

tleUement  ù  M.  Phllias  Duva,  '        ^"''"'"  ' """•^'°- 

un  regan,  da,:s  n         rô  /:.:':;  ■:':;;■'''  r"""^-    ''  ^"  '--■  J"'- 

dans  .a  pLrre,.  pI^I'h  t^  :'':;:;:  i'^""  r^'  ^''  ^''-  ^«*^ 

toiBe  nW.V..„ce  H  la  pria  .1.  ^^^  ^  .  ".tt'"'';         "'  """  '■'"^■ 
dre  un  siège  à  cô(é  ,1„  sien       '"''•'"'"''  ■'^""  '""••«"  h  ,Je  pn... 

-  «^^n;;;:;  :^;  •  ::.^r  :';;r  ■^":  ^"'  ^'^^'-  ^^  -*«  ^- 

peuvent  éveiller  en  x     r         •       -^         ''''''"  '"'*'"""  ""•«  '»••'«'»  "« 

naisse.  ,.,„.  j^.^  ^  ï^.  U  c;;  ^^'x:/'"^'  ^'"'^  '■'^"- 

nie  tarde  ,Je  presser  sur  „,o„  coeur  ^      ''"""  '''  '"''" 

P^fi.™'!i:^.:St'^:^:J^;i:'!^^--*^  .o.upl.ten.ent  stu- 
que  soudain  un  brui  dé  voix  ,1"'  "''";'"  '  T  ^'"""'•'"-'.  lors- 
VTait  pour  parler.  ""  ^'''*'""''  ''»  •^""^•'•»'  '1"'*'  «u- 

l'ne  voix  criait: 

"Eh!  PhiJias,  éiousque  t'es? 

I^ne  autre  voix  ajouta: 

"Nous  v'ià,  c'est  nous  autres' 

"Philomène! 

jetée  à  plat  ventre  et  lui  -ivor,/      ,      '-  ^'    ^'P*^"^^  «'♦'tait 

enlacés:  ^'''"'  ""'°"''^'  '««  -fambes  de  ...s  braa 

"Titoine,  disait-elle    r^  .«„*       .  '         '     '  ' 

mes,  les  accents   de  ma  c      ■      /„^f  [  ^"f^"«'ble   à   mes   lar- 
coeur?  «e  ma  c     .        ne  toucheraient-iiR  pas  ton 


112 


"Femme,  lui  répondit  Pelqul^r.  élouiqu'y  iont  le»  sermenU 
prêtés  aux  pieds  den  auteU.  la  fldélit<^  dont  à  laqueUe  tu  devais 
être  à  toute  épreuve,  ces  dette»  dont  tu  enveniraaia  ma  tranqui- 
Uté.  et  enfin  ce  Télesphore  Dumouchel  avec  lequel  tu  as  pris  la 
poudre  d'escampette? 

•Télesphore  Dumouchel!  s'écria  Philoméne  en  ouvrant  les 
bras,  ce  qui  permit  à  Pelquler  de  se  remettre  d'aplomb.  Pour- 
quoi prononcer  le  nom  de  ce  malheureux  qu'à  la  demande  de  ma 
tante  je  conduisais  à  Hoston  subir  une  oin^ration  dont  11  est  dé- 
cédé. 

"Dumoi  ^hel  est  mo.i!  dit  Pelquler. 

"Oui.  mort,  réiwndit  Phllomène  qui  s'était  relevée,  c-t  11  m'a 
laissé  sa  ferme  de   St-TIniothé  et  un  bloc  de  maison  da.is  le 
Faubourg  Québec,  sans  compt.     d»J8  parts  dans  les  P'tlts  Chars. 
•Et  pourquoi  que  tu  im  l'as  pasdlt  plus  tôt?  fit  Pelquler  su- 
bitement radouci. 

"C'est  parce  que  t'étais  parti  lorsque  je  suis  revenu,  et  qu'y 

avait  pas  moyen  de  savoir   élousque   tu   (  lai ..    Tu  comprends 

maintenant,  mon  Titolne.  et  tu  pardonneras  à  ta  fr    -ne  éplorée. 

"Vas-y,  dit  Courtemanche  en  poussant   jon   ami  dans   les 

bras  de  sa  femme. 

"J'veux  ben  te  crère  pour  cette  fols,  mais  que  ça  recommen- 
ce plus,  fit  Titolne  en  lui  ouvrant  les  bras. 

"J'te  le  jure,  foi  du  Bon  Yeux,  répondit  Phllomène  en  se  je- 
tant dans  les  bras  de  son  époux  et  le  serrant  dans  ses  bras. 

Duval  s'essuya  les  yeux  et  leur  dit  la  voix  pleine  de  larmes: 
i^    "Soyez  heureux. 

Alors  Baptiste  Courtemanche  d'un  geste  théâtral  étendant 
au-dessus  de  leurs  têtes  ses  mains  ei).  signe  de  bénédiction: 
"Per  omnla  saecula  saeculorum. 
"Amen,  glapit  le  garçon  de  bureau. 


lin 


i;r!i.()..i  K. 


^  «'st  pliiKit  ct.iirlii^i.di  (|iH  iioii.s  .|..vri(>iiw  ,H.!i>.  ,|ii.  .|ii..i. 
qil.'  ...|„.|Mliii,(   1rs  au-i.tm-.-s  ,|.-  H;,|,|jsi..  rniin.M..;iii(  h.     .1     Ti- 

•  olll.'   IV|(|lli.'|    II..  S»M»ll>l.li(    i»a>   ;i\ni|    .|..   liluMr 

IMadviiit-il  ,1..  nos  I,.  ,u>  i  ..>i  <•  ,,,,,  ,i,f,  1  ..ss.,:,  ,ai.s 
<l«Mii«'  nos  h'c'ii'Urs. 

.M.  U-  Dr  Sir  Aiitoin.'  .-t  |.;i.i.v  p..|(|ui.  (.(uis.rvniis-iui  ,■,. 
PoiM'  „,.  i..|„|ir.-iif  a  S(-Tiiii..i|„-,.  .,u  j|>  ,,|  ,.,„  ,„,...,.ssini,  ,1,.  la 
siipMl).'  i.'iTo  laissô..  |,ar  ■|V|..sp|,.,n.  |m,i,i,„„|„.i  Tituin.-  .  har- 
Kea  l'hilias  Duval  .1.'  lui  (raiisr.riii,.,  la  uuuU'st,-  liahnaiicn  .|.,i 
y  .'tail  rriK"'.-  en  un  (■li;-|t..aii  aux  alh.r.-s  .i,Maii.li..s.-s.  I/.'iitr.'pr.-- 
iM'iir  «harK^'u  un  arrlilM'ct..  <  ana.ii.M..  an,  i-n  ,'.|,.v,.  ,1,,  r|.:,.u|,. 
cirs  I5.'au.x-.\rt.s  .1."  F'aris.  qui  (i;  un  plan  <|ui  rrsi..,,,  .  .uiiiur  i„o- 
tl«'l»'  (lu  K«-nr..  dans  larcliiif,  'un-  (anadi.'i.r,.. 

l'Iiilias  iJuval  ti»'v<Miu  un  iioniiiM'  (■.■Irlirc,  s.-  vit  noiiiiixi- 
prt^sident  d»-  plusieurs  roiniiaKiiirs  tiiian<itiv>,  «inj  (■,.rt,.s  uv  p,.,.- 
dirent  pas.  U  ville  de  Montn'i-l  !.•  <  (.iiipcra  avant  |,.i,m.  mp^  au 
nombre  de  ses  éclicvins  ..|  .  mais,  amis  I.Mh-i.rs.  qiM'  (  .'la  n-sie 
entre  nous,  il  est  lorieii.cnt  (luestiou  ,|,.  IVjevfr  a  la  .lijinit.-  de 
Conseiller  L('Kislatir  de  la  l'roviiKv  de  gu.'h.c  Mais  .liut 
n'en  i)urlez  pas.  e'est  un  st'cp't  dHfai. 

Quant  à  Haptistf  CoMiK-nuii die,  pardon,  Sir  lîaptist».,  il 
travailla,  d'abord  à  i)ivpai.f  ses  (  '  if-'ieiiccs.  ses  nninoires  ,'t 
le  scénario  j)our  le  ciDéma.  In  joui  ,11..  Tiloiii.'  ['.■Uiui.r  <  aiisait 
avee  lui,  Tex-duc  de  Ste-(,*un»'Koii.i.-  lui  (l.-inanda: 

"Dis  (l(Mie.  Maptiste,  ei  rWawaron.  n'y  |i<'nses-tu  plus,  ttc  le 
regrett»'s-(u  x)as? 

'Si.  due  ami.  j'y  peiis.  souvt'iit.  ]•■  le  rt'm-etu-  n  jr  nr  l'ou- 
blierai jaiiuiis.  Lorsque  nous  aurons  tt-rniiiH'  nos  eoiu'.r.iK  ,.s  et 
mes  travaux  litf»''ra'res.  j.-  verrai  à  la  possibilité  d,-  lui  troiiv.-r 
un  suceesseiu". 

"Mais  je  croyais  qui!  n'y  avait  plus  (!•■  l/'fiium  ni  d,-  l'opu- 
îéiini.  (|(ie  tu  ne  pouvais  [ilus  frou\t'r  trace  de  cfs  minerais',  lui 
demanda  Pelquier  intrigué. 

"P.ah:  répondit  en  riani  l'ingénieur,  ces  mim-rais  si  non  au 
Yukon  doivent  exister  autre  part,  mais  m  dois  te  souvenir  que 
j'avais  dans  la  chambre  des  machines  du  Wawaron  une  caisse 
vohunineuse  dont  je  ne  voulus  jamais  te  laisser  conmiiire  le  se- 
cret, f-aisse  contenant  non  pa.s  ser.Iemrr.i  les  minefais  duni   tu 


114 

me  parles,  mais  une  invention  ou  plutôt  une  découverte  qui  était 
tout  le  secret  du  Wawaron.  secret  que  je  conserve  et  qu'avant 
longtt^nips  révolutioniKM-a  le  monde  entier. 

"Et  ce  secret?  demanda  Titoine  Pelquier. 

"Que  cela  reste  entre  nous,  mais  je  possède  la  clef  d'une 
chose  reclierchée  depuis  bien  des  années,  mais  qui  avant  moi 
n'avait  jamais  pu  être  résolue 

"Voyons,  parle,  dit  Pelquier  impatienté. 

"Le  mouvement  perpétuel!  répondit  Courtemanche  avec 
orgueil. 

"Le  mouvement  perpétuel!  s'écria  Titoine  Pelquier  stupé- 
fait. 

"Oui,  cher  ami.  qui  remplace  la  vapeur,  produit  l'électricité, 
la  chaleur,  enfin  tout  ce  qni  peut  rendre  l'homme  maître  de  la 
nature  et  réalise  ce  que  je  te  disais  autrefois:  "Qu'avec  laide  de 
Dieu  rien  n'est  impossible  au  génie  de  l'homme" 

(Fin  des  Aventures  de  Deux  Canayens.) 


JULES  JEHIN. 


New- York,  12  juillet  191S. 


113 


tait 
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