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Full text of "Collection complete des œuvres de J.J. Rousseau ..."

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SUPPLÉMENT 



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COLLECTION 

DES ŒUVRES 



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J.J.ROUSSEAUp 



TOME VINGT - SEPTIEME. 

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SUPPLÉMENT 

A L A 

COLLECTION 
DES (EU VRES 

J> B , 

J. J. ROUSSEAU, 

Citoyen de Genève. 
TOME TROISIEME. 



A GENEVE. 



M. DC.C. LXXX.II. 



V. 



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j ^ ^ ac *'T^ 
PROJET 

POUR 

L'ÉDUCATION 

n E Mo N s I EU R 

-DE SAINTE-MARIE. 

V Ous m'aver fait Fhonneur, Monfieur ^ 
de me confier Finûrùftlon de Mrs. vos 
tBnfkns. Ceftà moi d'y répondre par tous 
mes foins & par toute Tetendue des lu- 
mières que je puis avoir ; & j'ai cru que 
four cela ^ mon premier objet devoit 
tre de bien connoitre les fujets auxquels 
j'aurai affaire : c'eft à quoi j'ai principa- 
lement employé le*ems qu'il y a que j'ai 
Phonneur d'être dans votre maifon, & je 
croîs d'être fuififamment au fait à cet égard 
pour pouvoir régler là-deffus le plan de 
leur éducation. Il n'efl pas néceilairé que 
je vous faffe compliment , Monfieiu- , fur 
ce que j'y ai remarqué d'avantageux j 
Suppl^ de la ColUç* Tomp IlJt A 



2 Projet 



■^r 



TafFeâion que j'ai conçue pour eux fe dé* 
darera par des marques plus folides quç 
des louanges , & ce n'éft pas un jiere 
auflî tendre &i auiîi éclairé que vous Têtes, 
qu'il faut inftruire des belles qualités de 
{qs enfans. 

Il me reûe à préfent , Monfieur , d'être 
éclairci par vous-même des vues particu- 
lières que vous pouvez avoir fiur chacun 
d'eux , du degré d'autorité que vous êtes 
dans le deflfein de m'accorder à leur égard , 
& des bornes que vous donnerez à me^ 
droits pour les r^compenfes & les châ- 
timens. 

Il eft probable , Monfîeuir , que m^ayant 
fait la faveur de m'agréer dans votre mair 
fon avçc un appointement honorable & 
des diftinftions flatteufes , vous avez atr 
tendu de moi des effets qui répondiffent à 
des conditions fi avantageufes ^ & l'on voit 
bien qu'il ne i^lloit^s tant de ftais ni 
de façons pour donner à Meffieurs vos 
enfans un, précepteur ordinaire qui leur 
apprît le rudiment , l'orthographe & le 
«;atéchifme : je me promets bien aufîî de 
juflifîer de tout mon pouvoir les efpé^ 
rances favorables que vous avez pu coiv- 



J)'EX)XJCATION. 



$m 



cevoir fur mon compte , & tout plein d'ail- 
leurs de fautes & de foibleffes vous ne me 
trouverez jamais à me démentir un înf- 
tant fur le zèle &c rattachement que je 
dois à mes élevés. 

Mais Monfieur , quelques foins & quel- 
ques peines <jue je puiffe prendre , le fuc- 
ces eu bien éloigne de dépendre de moî 
feul. Ceft Fharmonie parfaite qui doit ré- 
gner entre nous , la confiance que vous 
daignerez m'accorder , & Vautorîté que 
vous me donnerez flxr mes élevés qui 
décidera de TefFet de mon travail. Je crois ^ 
Monfieiur , qu'il vous eft tout manifefte 

Su'un homme qui n'a fur des enfàns des 
roits de nulle efpece , foit pour rendre 
fes inflruâions aimables, foit pour leur don- 
ner du poids , ne prendra jamais d'afcen- 
dant fur des efprîts qui , dans le fond , 
quelque précoces qu'on les veuille fup- 
pofer , règlent toujours à certain âge les 
trois ^arts de leurs opérations fur les 
împreflîons des fens. Vous fentez auffi qu'un 
maître obligé de porter (es plaintes fur 
toutes les fautes d'un enfant, fe gardera 
bien , quand il le pourroit.avec bienféance, 
defe rendre iniupportable en renouvel- 

A X 



' I ■ 1 1 ail 



Projet 



■ •■ I ■ 

lant fans ceffe de vaines lamentations ; &c 
d'ailleurs , mille petites occafions décifives 
de faire une çorreftion , ou de flatter ^ pro» 
pos , s'échappent dans Tabfence d'un père 
& d*une n>ere , ou dans des momens où il 
feroit mefl'éant de les interrompre aufli 
déiàgréablement^ & Ton n'eft plus à tems 
d'y revenir dans un autre inftant,oii!e 
changement des idées d*un enfant lui ren» 
droit pernicieux ce qui auroit été falu-»- 
taire : enfin im enfent qui ne tarde pas à 
s'appercevoir de Pimpuiffance d'un maître 
à ion égard, en prend occafion de faire 
peu de cas de fes défenfes Çc de (es pré» 
ceptes , & de détruire fans retour Tafcenr 
dant que l'autre s'efforçoit de prendre. Vous 
ne devez pas croire , Monfieur , qu'en par- 
lant fur ce ton-là , je fouhaite de me pror 
curer le droit de maltraiter Mrs, vos en- 
fans par des coups ; je me fuis toujours 
déclaré contre cette méthode ; rien ne me 
paroîtroitplus trifte pour M. de Ste. Marie 
que s*il ne reftoit que cette voie de le 
réduire , & j*ofe me promettre d'obtenir 
déformais de lui^ tout ce qu'on aura lieu 
d'en exiger , par des voies moins dures 
'& plus convenables, fi vous goûtez le plj)^^ 



' ^■. ^ ■ ' ■ ■ ' Il 

d' E D U C A T I O N. J 



que j'ai ITioaneur'de vous propofêr. D'ail- 
leurs , à parler franchement , fi vous pen- 
fez , Monfieur , qu'il y eût de l'ignominie 
k Monfieur votre fils d'être frappé par 
des mains étrangères , je trouve aufli de 
mon côté qu'un honnête homme ne fau- 
roit gueres mettre les fiennes à un ufage 
plus honteux que de les employer à mal- 
traiter un enfant : mais à l'égard de M. de 
Ste. Marie , il ne manque pas de voies de 
le châtier dans le befoin , par des mortifi- 
cations qui lui feroient encore plus d'im- 
fireflion , & qui produiraient de meil- 
leurs efièts ; car dans lin efprit aufli vif 
que le fien , l'idée des coups s'effacera 
aufiî tôt que la douleur, tandis que celle 
dHm mépris marqué , ou d'une privation 
fenfible , y reftera beaucoup plus long- 
tems. 

Un maître doit être craint ; il faut pour 
cela que l'élevé foit bien convaincu qu'il 
eft en droit de le punir : mais il doit fur- 
tout être aimé , & quel moyen à un gou" 
verneur de fe faire aimer d'un enfant à 
qui il n'a jamais à propofêr que des occu- 
pations'contraires à fon goût , fi d'ailleurs 
il n'a le pouvoir de lui accorder certaines 



6 Projet 

pâtîtes douceurs de détail qui ne coûtent 
prefque ni dépenfes ni perte de tems , & 
qui ne laiffent pas ,, étant ménagées à pro- 
pos , d*être extrêmement fenfibles à un en- 
fant , & de l'attacher beaucoup à fon maî- 
tre. Tappuyerai peu fur cet article , parce 
qu^un père peut fans inconvénient , fe con- 
ferver le droit exclufif d'accorder des grâ- 
ces à fon fîls^ptourvu qu'il y apporte les 
précautions fuivantes , néccf&ires fur-tout 
à M. de Ste. Marie dont îa vivacité , ôf le 
penchant à la diffipation deman&nt plus 
de dépendance. iP. Avant que de lui faire 
^u^elque cadeau , favoir fecrétement da 
gouverneur s'il a lieu d^être fatisfait de la 
conduite de Tenfànt. i^. Déclarer au jeune 
homme que quand il a quelque grâce à 
demander , il doit le faire par ta bouche 
de fon gouverneur , & que s'il lui arrive 
de la demander de fon chef , cela feul fuf- 
fira pour l'en excîure.. 3®: JPrendre de-là 
occafion de reprocher quelquefois au gou- 
verneur qull eft trop bon , qiie fon trop 
de facilité nuira an progrès dé fon élevé ^ 
& que c'eft à la prudence à lui de corri- 
ger ce qui manque à la modération d'un- 
enfant. 4°. Que ft le maître croit avoir 



•- ^MiiiiiiMJ.U iJ niLUniifi l n .M, .Jn.Ulli 11 L à \m 

d'Ebucation. 7 

1*^*— I— ■ ■ . ' ' ' ' ■! ■ I ■ I ■»— —————— —— 

quelque raifon de s^oppofer à quelque ca- 
deau qu'on voudroit faire à fon élevé, re- 
fufer abfolunî««t de le lui accorder, juf- 
mik ce qu'il ait trouvé le moyen de fléchir 
ion précepteur. Au refte , il ne fera point 
du tout néceffaire d'expliquer au jeune 
enfant dans l'occafion qu'on lui accorde 
quelque faveur précifément parce qu'il 
a bien fait fon devoir : mais il vaut mieux 
qu'il conçoive que les plaifirs & les dou- 
ceurs font les fuites naturelles de la fagefle 
& de la bonne conduite , qiie s'il les re- 
gardoit comme des xécompenfes arbitrai- 
res qui peuvent dépendre du caprice , & 
qui dans le fond ne doivent jamais êti'e 
propoiees pour l^objet , & le prix de l'étude 
& de la vertu, 

. Voilà tout au moins , Monfîeur , les 
droits que vous devez m'accorder fur M* 
Votre fils , fi vous fouhaitez de lui donner 
une heiu-eufe éducation , & qui réponde 
aux belles qualités qu'il montre à bien des 
égards , mais qui aôuellement font ofFuf- 
qûées par beaucoup de mauvais plis qui 
demandent d'être corrigés à bonne heure, 
& avant que le tems ait rendu la chofe 
impoifible. Cela eft fi vrai , qu'il s'en feu- 

'A 4 



">— ^ 



9 Projet 

dra beaucoup , par exemple , que tant dSe 
précautions ne foient néceffaireà erivers 
M. de Condillac , il a autant befoin d'être 
pouffé que l'autre d'être retenu , & je fan?» 
rai bien prendre de moi-n^ême tout l'aA 
Cendant dont j'aurai befoin fur lui : mais' 
pour M. de Ste. Marie, c'eft un coup de-' 
partie pour fon éducation , que de lui don- 
ner une bride qu'il fente & qui foit capa- 
ble de le retenir , & dans 1 état où font * 
les chofes , les fentimens que vous fouhai-r 
tez , Monfieur , qu'il ait fur mon compte y 
dépendent beaucoup plus^ de vous que de 
moi-même. 

Je fuppofe toujours , Mohfîeur , que ' 
TOUS n'auriez garde de confier l'éduca- 
tion de Mrs. vos enfens à un homme que ' 
VOUS rie croiriez pas digne de votre ef- 
time, èc ne penfez point , je vous prie^' 
que par le parti que j'ai pris de m'atta- 
cher fans réferve à votre maifon dans 
une occafion délicate , j'aye prétendu vous 
engager vous-même en aucune manière ; 
il y a bien de la différence entre nous : 
en feifant mota devoir autant que vous 
nl'en laîfferez la liberté , je ne fuis ref- 
ponfable de rien^ &c dans le fond , comme 



D' E D U C A T I O «• 



VOUS êtes, , Monfieur , le ' maître & le ûi* 
périeur naturel de vos enfens , je ne fuis 
pas en droit de vouloir à Tégard de leiur 
éducation , forcer votre goût de fe rap- 
porter au mien ; ainfi après vous avo'r 
feit les reprélentations qui m'ont paru 
néceflaires , s'il arrivoit que vous n'en 
jugeaffiez pas de même , ma confcîence feroi t 
quitte à cet égard , & il ne me refterolt 
qu'à me conformer à votre volonté. Ma* s' 
pour vous , Monfieur , nulle confidén^^ 
tion humaine ne peut balancer ce que 
vous devez aux mœurs & à l'éducation 
de Mrs. vos en&ns , & je ne trouvero-> 
nullement mauvais quîaprès m'avoir dé- 
couvert des défauts , que vous n'aurier 
peut-être pas d'abord apperçus , & qui fe- 
roient d'une certaine conféquence pour 
mes élevés ^ vous vous pourvuffiez ailleurs 
d un meilleur ftijet. . ' * 

J'aidonc lieu de penfer que tant qi'e* 
VOU3 me fouifirez dans votre maifon , vous^* 
n'avez pa$ trouvé en moi de quoi effecer 
l'eûime dont vous nl'aviez honoré. Il eft 
vrai, Monfieur, que je pourrois me plain- 
dre quç dansiesA>ccafions<$4iJf*a*ptt<dm^' 
mtttre quelque feute , vous ne m'ayez pas 

A 5 



8fÊmÊtmmmimmÊtmmmÊamammnmia^mtÊÊi^KBmm^mmmmmÊÊam^mtÊamtiUÊÊmaÊtmÊa^iÊÊ^tr 

iQ Projet 

it i ' ■■.■■■■■. ■ ■ 

fait Thonneur de m*en avertir tout uniinenf^ 
c'tft une grâce que je vous ai démandée 
en entraiat diez vous-, & qui marquoit 
du moins ma bonne volonté r & fi ce 
n*efl en ma propre confidération , ce fe-^ 
i^oit du moins pour celle de Mrs., vos 
«nfens y de qui Pintérêt feroit que je de- 
vinffe utt homme parfeit, s*il éteit poffible^ 
Dans ces fuppofitions , je crois ^ Mon- 
sieur , que vous ne devez pas faire difé- 
^ulté de communiquer à M. votre fils les^ 
hons fèntimens que vous pouvez avoir 
&r moa compte , & que comme il eft im- 
poflihle quie mes feutes^ & mes foibleffes 
'échappent à des yeux aufS clairvoyf.ns 
que les vôtres, vct^ ne (auriez trop évi- 
ter de VOU6 en entretenir en fa préfence t car 
ce font des impreffions qui portent coup ^ 
& comme ^t M^ de ht Bruyère , le pre- 
îîîier foin àes. ^nfans cft de chercher les* 
endroits foibles de leurs. î^aîtres pour a o 
quérir le droit de les méprifer r or ,* je 
4emande quelle impreflîonpoiirroient feiré 
les leçons à\\ti homme pour qui fon éco-^ 
lier auroit du mépris ï 
. Pour me > flatter d'un heureux fuccès 
janiS rédg^l^ de Mr votre fils ^ je n^ 



su 



d' Education. ii 

puis donc pas moins exîger que d'en être 
aimé , craint & eftimé. Que fi Von me 
répondoit que tout cela devoit être mon 
ouvrage , & que c'eft ma feute fi je n'y 
ai pas réuiïi , j'aiu"ois à me plaindre d'un 
jugement fi injufte ; vous n'avez jamais eu 
d'explication avec moi fur l'autorité que 
vous me permettiez de prendre à fon égard , 
ce qui étoit d'autant plus néceflaire que je 
commence un métier que je n'ai jamais 
feit , que lui ayant trouvé d'abord une 
réfillance par&ite à mes infiruôions & une 
négligence excefllve pour moi , je n'ai fii 
comment le réduire ; & qu'au moindre 
mécontentement il couroit chercher un 
afyle inviolable auprès de fon papa , au- 

3uel peut-être il ne manquoit pas enfuite 
e conter les chofes comme il lui plaifoit. 
Heureufement le mal n'eu pas grand ; 
à l'âge où il eft , nous avons eu le loifir 
de nous tâtonner poiu" ainfi dire récipro- 
quement^ fans que ce retard ait pu porter 
encore un grand préjudice à (es progrès, 
que d'ailleurs la délicatefle de fa fanté n'au- 
roit pas permis de pouffer beaucoup (*) : 

(*) // etoitfort Unguijfant quand je fuis entré da^Ê U m44f> 

A 6 



/ 



Il Projet 



•ta 



mais comme les mauvaifes haîritiictes ^ 
danger», nies à tout âge le ibnt infiniment 
plus à celui -!à^ il efk tems d'y mettre 
ordre férieuièment i non pour le charger 
d'études & de dt^voirs , mais pour lui donw 
ner à bonne bcure un pli d'obéîffance & 
de docilité qui fe trouve tout acquis quand 
il en fera temSr 

Nous approchons de la fin de l'année t 
vous ne fauriei , Monfieur , prendre une 
Qcca£bn plus naturelle que le comment 
cément de l'autre pour feire un petit dif-» 
cours à • Monfieur votre fils à la portée 
de fon âge y qui lui mettant devant les 
yeux les avantages d\me bonne éduca- 
tion , & les inconvéniens d'une enfance 
négligée, le difpofe à fe prêter de bonre 
grâce à ce que la connoiflance de fon in-* 
xirh. bien .entendu nous fera dans la fuite 
exiger de lui. Après quoi , vous axirieï 
la bonté de uie déclarer eh fa préfence 
que vous me rendez le dépofitair^ dévc-* 
tre autorité fur lui ^ & que vous m*ac«^ 
cordez fans th{(:tvt le droit de Foblîget 
à rwBpiir fon devoir par tous les moyens 
qui me paroîtront convenables , lui ordônr 
lïantj enço^^u^iKe^dé la^ol^fiir.fiçanoai^ 



d'Education. i^ 



à vous-même , fous peine de votre ihdî* 
gnation. Cette déclaration qui ne fera que 
poiu- faire fur hii une plus vîve imprefr 
lion y n'aura d'ailleurs d'effet que confor-» 
inément à ce que vous aurez pris la peine 
de me prefcrire en particulier. 

Voilà , Moniteur , les préliminaires quî 
jne paroîflfent indifpenfables pour s'affurer 
que les foins que je donnerai à Monfieur 
votre fils ne feront pas des foins perdus» 
le vais maintenant tracer l'efquiffe de (oa 
éducation , telle que j'en a vois conçu le 
plan fitr ce que )'ai connu jufqvi'ici de foa 
caraôere & de vos vues* Je ne le pro* 
pofe point comme une règle k laquelle 
il Êiille s'attacher , mais comme un projet 
qui ayant befoin d'être refondu & cor^^ 
rigé par vos lumières & par celles de 

M. l'abbé de fèrvira feulement à lut 

donner quelque idée du génie de l'enfant 
à qui nous avons à feire , & je m'eflimc-^ 
rai trop heiweux que M. votre frère veuille 
bien me guider dans les routes que je dois 
tenir : il peut être afliire que je me ferai 
nn principe inviolable de fuivre entiére^^ 
ment , & félon toute la petite portée de 
wies^luiniercs & de mcstalens^ lesitoutc^ 



14 Projet 

■à— — ^^»fc— — — III — — ^i—— ■— <— ifc— a— 

s 

qu'il aura pris la peine de me prefcrîre 
avec votre agrément. 

Le but que Ton doit fe pfopofer dans 
l'éducation d'un jeune homme , c'eft de 
lui former le cœur, le jugement , & l'ef^ 
prit ; & cela dans l'ordre que je les nom- 
me : la plupart des maîtres , les pédans 
llir-tout , recardent l'acquifitlon & l'entaf- 
fement des iciences comme l'unique objet 
d'une belle éducation , fans penfer que 
fou vent comme dit Molière. 

Un fotf avant ejifot plus qu'unjbt ignorant. 

D'un autre côté bien des pères mépri- 
fant affez tout ce qu'on appelle études , ne 
fe foucient gueres que de former leurs 
cnfàns aux exercices du corps & à la con- 
noifTance du monde. Entre ces extrémi- 
tés nous prendrons un jufte milieu pour 
conduire M. votre fils ; les fciences ne 
doivent pas être négligées , j'en parlerai 
tout-à-l'neure , mais auffi elles ne doivent 
pas précéder les mœurs fur-tout dans un 
efpnt pétillant &c plein de feu , peu ca- 
p^le d'attention jufqu'à un certain âge 
& dont le caraftere fe trouvera décidé 

frès à^ booaç heure. A quoi kn., à uq 



M ■ 1" gg 



•i>i«BMMiiM* 



d' E D U C A T I O N» I J 



•«■M 



homme le fàvoir de Varron , fi d'ailleurs 
fl ne fait pas penfer jufte : que s^l a eu 
le malheur de laiffer corrompre fon cœur , 
les fciences font dans fa tête comme au- 
tant d'armes entre les mains d'un furieux. 
De deux perfonnes également engagées 
dans le vice ^ le moins habite fera tou- 
jours le moins de mal ^ & les fciences > 
Ihéme les plus fpéculatives & les plus 
éloignées en apparence de la fociété , ne 
laiffent pas d'exercer Tefprit , & de lui 
donner en l'exerçant une force dont il eft 
iacile d'abufer dans le commerce de la 
vie quand on a le cœur mauvais. 

Il Y a phis à l'égard de M. de Ste. Ma- 
rie, îl a conçu un dégoût fi fort contfe 
tout ce qui porte le nom d'étude & d^ap- 
plication , qu'il faudra beaucoup d'art & 
de tems pour le détmire , & il feroit fâ- 
cheux que ce tems-là fîit perdu pour luit 
car il y auroit trop d^inconvéniens à le 
contraindre -, & il vaitdroit encore m^eux 
qu'il ignorât entièrement ce que c'eft qu'é- 
tudes &' que fciences que de ne les con^ 
jnoître que pour les déteftçr. 

A l'égard de la reUgion & de la mo- 
llit i ce n*eft point, par la multiplicité 



l6 Projet 

des préceptes qu'on pourra parvenir à 
lui en inl'piref. des principes folides qui 
fervent de règle à fk conduite pour le 
refte de ùl vie. Ejccepté les élémens à la 
portée de fon âge » on doit moins fonger 
a fatiguer fa mémoire d*un détail de loix 
& de devoirs , qu'à difpofer fon efprit &c 
fon cœur à les connoître & à les goûter , 
à mefure que Toccafion fe préfentera de 
ks lui développer ; & c'eft par-là même 
que ces préparatifs font tout-à-feit à la 
portée de fon âge & de fon efprit , parce 
qu'ils ne renferment que des fujets curieux 
éCr intéreffans fur le commerce civil , fur 
fes arts & les métiers , & fur la manière 
variée dont U Providence a rendu tôi $ 
les hommes utiles &c nécefTaires les uns 
aux autres. Ces fujets qui font,plutôt d.^ 
jnatieres de converfations &, de prome- 
nades que d'études réglées^ auront e^icore 
divers avantages dont l'effet me" parpî^ 
infaillible. 

Premièrement ; n'afTeôant point défa*^ 
gréablement fon efprit par des idées de 
contrainte & d*éuide réglée , & n'exigeant 
pas de lui une attention pénible & con^ 
tinue> ils n'auront rien de niùfible à fa 



d'Education. 17 

—ni ~ - i- - ■ -i - -i - ^ ■ . I ■ 1 .. ■ L ^ 

Ûtnté. En fécond lîeu , ils accoutumeront 
à bonne heure fon efprit à la réflexion &C 
à confidérer les chofes par leurs fuites & 
par leurs effets. 3 ^. Ils le rendront curieux 
& lui infpireront du goût pour les fcien-* 
ces naturelles. 

Je devrois ici aller au-devant d'une im- 
preflîon qu^on pourroit recevoir de mon 
j5ro)et , en s'imaginant que je ne cherche 
qu*à m'égayer moi-même & à me débar- 
raffer de ce que les leçons ont de fec & 
d'ennuyeux pour me procurer ime occu- 
pation plus agréable. Je ne crois pas , 
Monfieur , qu41 puiife vous tomber clans 
Tefprit de penfer ainfi fur mon compte. 
Peut-être jamais homme ne fe fit une 
attire plus importante que celle que je 
ihe feis de l'éducation de Mrs. vos en- 
fens , pour peu que vous veuilUez fécon- 
der mon zele : vous n'avez pas eu lieu 
de vous appercevoir jufqu'à préfent que' 
je cherche à fliir le travail ; mais je ne 
crois point que pour fe donner un air 
de zele & d'occupation , un maître doive 
aifefter de furcharger fes élevés d'un tra- 
vail rebutant & férieux , de leur montrer 
toujours une. contenance févete &c fâchée^ 



«'"'t' ■ , I !■■■ Il II - |l ■ Il , ,,|, g 

18 Projet 



r«i*dta> 



& de fe faire aînfi à leurs dépens la repu- 
-tation d^homme exaâ & laborieux. Po\\t 
moi , Monfieur , je le déclare une fois 

Pour toutes ; jaloux jufqu*au fcrupule de 
^^ accompliflemem de mon devoir , je fuis 
incapable de m'en relâcher jamais: mon 

foût ni mes principes ne me portent m 
la pareffe ni au relâchement : mais de 
aeux voies pour m'affurer le même fuc- 
cès , je préférerai toujours celle qui coû- 
tera le moins de peine & de défagrément- 
à mes élevés , & j'ofe affurer, fans vout 
loif pafferpour un homme très -occupé, 
Que moins ils. travailleront en. apparence, 
&. plus en effet je travaillerai pour eux, 

oil y a ouelgues occafions oh la fé- 
vérité loit neccilaire à Tégard des enfkns , 
c'eft dans les cas où les mœurs font at- 
taquées , ou quand il s'agit de corriger 
de mauvaifes habitudes. Souvent , plus un 
enfant a d*efprit & plus la connolffance 
de (es propres avantages le rend indocile 
fur ceux qui lui reftent à acquérir. De-îà p. 
le mépris des inférieurs, la défobéiffance 
aux fupérieurs , & l'impolitefTe avec Us 
égaux : quand on fe croit parfait ^ dans 
quels travers pe donne-t-on pas ? M. de 



^ ■« ■ ■ ■ ■ ' ■ ^. 

D' E D UC A TI O N. 19 

Ste. Marie a trop d'intelligence pour ne 
pas fentir (ts belles qualités , mais fi Ton 
n'y prend garde il y comptera trop , & 
négligera d en tirer tout k parti quM fau- 
droit. Ces femences de vanité ont déjà 
produit en lui bien des petits penchans 
néceflàîres à corriger. Cefl à cet égard » 
Monfieur , que nous ne fautions agir 
avec trop de correfpondance , & il eft très- 
important que dans les occafions oir Tort 
aura lieu d être mécontent de lui , il ne 
trouve de toutes parts qu^une apparence 
de mépris & d'indiffirence , qui fe mor- 
tifiera d'autant plus que ces înarques de 
froideur ne lui feront point ordinaires^ 
Ceft punir l'orgueil par fes pmpres ar- 
mes & l'attaquer dans (à fource même, 
& l'on peut s'affurer que M. de StQ. Marie 
eft trop bien né pour n'être pas infini- 
ment (enfible à reuime des perfonnes qui 
lui font chères. 

La droiture du cœur , quand elle cfi 
affermie par le raîfonnement, eft la fource 
de la jufteffe de l'efprit ; un honnête homme 
penfe prefque toujours juffe , & quandi 
on eft accoutumé dès l'enfance à ne pas 
s'étourdir fiur la réflexion ^ & à ne fe 



%à Projet 



■MbmMm. 



livrer au plaifir préfent qu*après en avoîf 
'pefé les fuites & balancé les avantages 
avec les inconvéniens , on a prefque , 
avec un peu d*expérience , tout Tacquis 
néceffaijfe pour former le jugement. Il fem* 
bk en effet , que le bon iens dépend en* 
tore pliî^ des fentimens du cœur que des 
lumières de Tefprit, & Ton éprouve que 
les gens les plus favan^ & les plus éclai- 
fés ne font pas toujours ceux qui fe 
conduifent le mieux dans les af&irès de 
fe vie î ainfi après avoir rempli M. de 
Ste. Marie de bons principes de morale ^ 
on pôurroit le regarder en un fens comme 
ôfTez avancé dans la fcience dvi raifonne- 
ment : mais s'il eft quelque point impor- 
tant dans fon éducation , c'eft fans con- 
tredit celui-là , & Ton ne fauroit trop bien 
lui apprendre à connoître les hommes , 
à favoir les prendre par leurs vertus & 
même par leurs foibles pour les amener 
4 fon but , & à chpifir toujours le meiK 
leur parti dans les occafions difficiles. Cela 
dépend en partie de la manière dont on 
l'exercera à confidérer les, objets & à les 
retourner de toutes leurs faces , & en par- 
tie de Tufage du, monde. Quant au pre- 



'mmm^m^rmfmmmmf^mmirmm 



d'Ed u ç a T 1 o n. %\ 



-ff^"^ I I 



inîer point « vous y pouvez contribuer 
beaucoup , Monfieur , &ç avec un très-^ 
grand fuccès , en feignant Quelquefois de 
le confulter fur la manière aont vous de^ 
vez vous conduire dans des incidens 
d'invention ; cela flattera (a vanité , & 4 
ne regardera point comme un travail Iç 
f ems qu'on mettra à délibérer fur ime a6 
feire oii ià voix fera comptée pour quel- 
que çhofe. Ceft dans de telles converfar 
tions qu'on peut lui donner le plus de 
lumières fur la fciençe du monde , & il 
apprendra plus dans deux heures de tems 
par cç moyen , qu'il m feroit en un an 
par des inuruâions en règle ; mais il faut 
pbferver de ne lui préfenter que des map 
tieres proportionnées à fon âge , & fiu-i? 
tout l'exercer long-tents fur des fuîets ok 
le meilleur parti fe préfente aifement , 
tant afin de l'amener facilement à le trou» 
ver comme de lui-même , que pour évir 
ter de lui faire cnvifager les affaires de 
la vie 5 comme une fuite dç problêmes o^ 
les divers p.artis paroifTant également pro* 
jbables , il feroit preique indifférent de {ç 
déterminer plutôt pour l'un <^ue pou|? 
l'autrç , ce qui le Daçnçroit à Tm^pl^nç^ 



%x Projet 

<^i— —————— I II I —» — ^1— — M^WI»— i^ 

dans le raîfonnemcnt &c à rindiffércnce 
4ans la conduite. 

L'ufage du monde eft auflî d'une nè- 
ipèffité abfolue & d*autant plus pour M. 
de Stc. Marie que , né timide , il a befoin 
de voir fouvent compagnie pour appren- 
dre à sy trouver en liberté, & à s y con- 
duire avec ces grâces 8c cette aifance 
Ijui caradérifent Thomme du monde & 
l'homme aimable. Pour cela , Monfieur , 
yous auriez la bonté de m'indiquer deux 
ou trois maifons où je pourrois le me- 
ner quelquefois par forme de délaflement 
& de récompenfe ; il eft vrai qu'ayant 
& corriger en moi-même les défauts que 
je cherche à prévenir en lui , je pour- 
rois paroître peu propre à cet uiage. 
Ceft à vous Monfieiu- & à Madame fa 
mère à voir ce qui convient , & à vous 
donner la peine de le conduire quelque- 
fois avec vous fî vous jugez que cela lui 
foit plus avantageux^ 11 fera bon auflî que 
quand on aura du monde on le retienne 
dans la chambre , & qu'en l'interrogeant 

Suelquefois & à propos fur les matières 
e la converfation , on lui donne lieu de 
t^y mêler infenfiWement. Mais il y a un 



tli II f I I, , I ■■ 

d' E D U C A. T I O N. 2 J 

point fiir lequel je crains de ne me pas, 
trouver tout-à-feit de votre fentiment. 
Quand M. de Ste^ Marie fe trouve en 
compagnie fous vos yeux, il badine &C 
s'égaye autour de vous , & n'a des yeux 
xpifi pour fon papa ; tendreffe bien flat- 
teufe & bien aii^iable , m?ds s'il eft pon*^ 
trainl d*abordef une autre perfonne ou 
de lui parler , auffi-tôt il eft décontenan- 
cé, il ne peut marcher ni dire un feul 
mot , ou bien il pren4 Textrême & lâche 
quelque indifcrétion. Voilà qui eft pardon- 
nable à fon âge : mais enfin on grandit , 
& ce qui convenoit hier ne convient 
plus aujourd'hui , & j'ofe dire qu'il n'ap» 
prendra jamais à fe préfenter , tant qu'il 
gardera ce défaut. La raifon en eft , qu'il 
h'eft point en compagnie quoiqu'il y ait 
iu monde autour de lui ; de peur d'être 
contraint de fe gêner il affefte de ne voir 
perfonne , & le papa lui" fert d'objet pour 
fe diftraire de tous les autres. Cette har- 
dieffe forcée bien loin de détniîre fa ti- 
midité ne fera furement que l'enraciner 
davantage , tant qu'il n'ofera point envi- 
feger une affemblee ni répondre à ceux qui 
kil adreffent la parole. Poiur prévenir cet 



14 Projet 

inconvénient, je croîs, Monfieiir, qvi'il 
leroit bien de le tenir quelquefois éloigné 
de vous , ibit à table foit ailleiu'S , & de le 
livrer aux étrangers pour Taccoutumer de 
ie familiarifer avec eux. 

On conduroit très- mal fi de tout ce 
que je viens de dire , on concluoit que 
me voulant débarraflei* de la peine d'en* 
ieijgner , ou peut-être , par mauvais goût 
meprifant les fciences , je n'ai nul defiein 
4d'y former M. votre fils , & qu'après lui 
avoir «nfeigné les élémens indifpenfables , 
]e m'en tiendrai là, fans me mettre en 
peine de le poufler dans les études con- 
venables. Ce n'eft pas ceux qui me çon* 
fioîtront qui raifonneroient ainfi , on fait 
mon goût déclaré pour les fciences , &c 
îe les ai aflbz cultivées pour avoir dû 
y taire des progrès pour peu que j'eufle 
^u de difpofition. 

On a beau parler au défiivantage des 
études &c tâcher d'en anéantir la nécef- 
fité , & d'en grofiir les mauvais effets , 
il fera toujours beau & utile de favoir j 
& quant au pédantifme , ce n'eil pas 
i'étude même qui le donne , mais la mau«- 
iraife difpofition du fujet Les vrais iàvans 

font 



d'Education. 25 

font polis & ils font modeâes ^ parce que 
la connoiilance de ce qui leur manque, 
les empêche de tirer vanité de ce qu'ils 
ont , & il n'y a (pe les petits génies 
Se les , demi-favans qui croyant de lavoir 
tout , méprifent orgueilleufement ce qu'ils 
ne connoiffent point. D'ailleurs 9 le goût 
4es lettres eu d'une grande reflburce dans 
Ja vie ^ même pour un homme d'épée- 
Il eft bien gracieux 4e n'avoir pas tou- 
jours befoin du<:oncoiu:s des autres hom- 
mes pour le proau'er des plaiiirs, & il 
£t commet tant d'injuûices dans le mona- 
de. Ton y eu fujet à tant de revers, 
qu'on a Ibuvent occasion de s'eAimer 
heureux de trouver , des amis & des confa- 
lateurs dans fon cabinet , au défaut de ceux 
4jue le monde nous ote ou nous refiifeu 

Mais il s'agit d'en faire naître le goût 
à M. votre fils , qui témoigne aâuelle- 
tnent une averûon horrible pour tout ce 
qui fent l'application* Déjà la violence 
n*y doit concourir en rien, j'en ai dit 
la raifon ci-devant : mais pour que cela 
revienne naturellement, il faut remonter 
jufqu'à la fource de cette antipathie. Cette 
iburce eft un goût exceifif de diffipatlQii^ 

SuffL de la CoUcCm Tome lU^ B 



w 



16 Projet 

qu'il a pris en badinant avec fes frères & 
.fa fœur, qui fait qu'il ne peut foufFrir 
qu'on Fen diftraife un inftant & qu'il 
prend en averfion tout ce qui produit 
cet effet : car d'ailleurs » je me fuis con* 
vaincu qu'il n'a nulle haine pour l'étude 
en elle-même , & qu'il y a même des di£- 
pofitions dont on peut le promettre beàu^ 
xoup. Pour remédier à cet inconvénient | 
il faudroit lui procurer d'autres amufe- 
mens qui le détachaflent des niaiieries auxr 
^uelleis il ^'occupe 9 & pour cela 9 le tenir 
un peu féparé de les frères & de fa fœur ( 
c'eu ce qui ne fe peut gueres faire dans 
un appartement comme le mien , trop pe- 
4it pour les mouvemens d-un enânt aliffi 
vif & oii même il feroit dangeteu;ic d^aKr 
iérer fa fanté . û Pon vouloit le contrains- 
dre d'y refter trop renfermé, Il feroit plus 
important , Monneur, que vous ne penfez, 
d'avoir une chambre raifonnable pour y 
£dre fon étude 6c fon féjour ordinaire;^ 
je tâcherois de la lui rendre aimable par 
ce que je pourrois lui préfenter de plus 
riant 9 & ce feroit dé)à h^eaucbup de ^^ 

S né que d'obtenir qu'il fe plût dans Ten- 
rpit p^ U doit étudier, ^^ors poiir U 



.4 






P' E D U C A T I O N. 17 



mmmm 



détacher infenfiblement de ces badinages 
puériles , je me mettrois de moitié de 
tous fès amufemens , & Je lui en procu- 
rerois des plus propres à lui plaire & à 
exciter {k ciuiofité ; de petits jeux , des 
découpures , un peu de defiein , la mu- 
fique , les iiiftrumens j un prifme , un mi- 
croscope , im verre ardent , & mille au- 
tres petites curiofités me fourniroient des 
fujets de le divertir & de l'attacher peu- 
à-peu à fon appartement , au point de s'y 
plaire plus que par-tout ailleurs. D'un 
autre côté , on auroit foin de me Ten- 

fans qu'aucun 
; Ton ne per- 
mettront point qu'il allât dandinant par la 
maifon , ni qvul fe réfugiât près de vous 
aux heures de fon travail , & afin de 
lui feire regarder Pétude comme d'une 
importance que rien ne pourroit balancer ^ 
on éviteroit de prendre ce tems pour le 
peigner , le frifer , ou lui donner quelque 
âittre foin néceffaire. Voici , par rapport 
à moi , comment je m'y prendrois pour 
ramener infenfiblement à l'étude de fon 
propre mouvements Aux heures oîi je 
youdrois l'occuper ^ je lui retrancherois 

B X 



auirc c(7ic 9 un auroii loin a 

voyer dès qu'il feroit levé fani 
ôretexte pût l'en difpenfer; !'< 



■LULL-UJ 



%% Projet 

îoute efpece d'amufement » & je lui pro^ 
pofetois ie travail de cette heure-là ; s'il 
ne s'y livroit pas de bonne grâce , je ne 
ferois pas même (èmblant de m'en apper* 
ce voir , & je le laîiTerois feul & fans 
amufement fe morfondre , jufqu'à ce que 
l'ennui d'çtre abfolument Oms rien faire 
l'eût ramené de lui-même à ce que j'exi- 
eeois de lui ; alors j'afFeâerois de répan^ 
4re un enjouement & une gaieté fur fou 
travail qui lui fît fentir là différence qu'il 
y a 9 même pour le plaifir , de la fainéant 
tife à \me occupation honnête. Quand ce 
inoyen ne réuâ^roit pas , je ne le mahr^^ 
terois point ; mais je lui retrancheroi^ 
toute récréation pour ce jour là , en lui 
difant froideinent que je nç prétends point 
le faire étudier par force s mais que. le di- 
vertiffement n'étant légitime que quand 
il efl le délafTement du travail , ceux qui 
ne font rien n'en ont aucun befoin : de 
plus , vous auriez la bonté de convenir 
avec moi d'un figne par lequel fans ap^ 
parence d'intelligence, je pourrois vous 
témoigner de même qu'a Madame fa mère 
quand je ferois mécontent de lui. Alors 
1^ fi:oi4eur Sf, rin4iffércnçe qu'il trouve* 



d' E D U C A T I O N. I5I 

fait de toutes parts , fans cependant lut 
feire le -moindre reptoçhe, le mrprendroif 
d'autant plus qu^l ne s'appercevrôit point 
^le je me fiiffe plaint de lui, & il fe por-» 
tèroit à croire que comme la récompcnfe 
naturelle du devoir eft Tamitié & les ca* 
teSes de fes fupérieurs , de même la fài-« 
néantife & l*oifiveté portent avec elle» 
un certain caraâere meprifable qui fe fait 
d'abord fentir & qui refroidit tout Id 
inonde à fon égard. 

J'ai connu un père tendre qui ne s'en 
fioit pas tellement à un mercenaire fur' 
Pinftruâîon de fes eiîfàns , qu'il ne voulût 
lui-même y avoir Toeil ; le bon père , pour 
ne rien négliger de tout ce qui pouvoit 
donner de rémulation à fes enfans , avoit 
adopté les mêmes moyens que j'expofe 
ici. Quand il revoyoit fes enfans , il jet-' 
toit avant que les aborder \m coup-d'œif 
fur leur gouverneur : lorfque celui-ci tou-' 
choit de Ta main droite le premier bouton: 
de fon habit , c'étoit une marque qu'il étoit 
content & le père careffoît fon fils à fon 
ordinaire ; fi le gouverneur touchoit le* 
fécond , alors c'étoit marque d'une parfaite 
ùitsSi£iGdon , & le père ne donnoit points 



3a Projet 



de bornes à la tendrefle de fes careffes & 
y ajoutoit ordinairement quelque cadeau- 
mais fans affeâation; quand le gouverneur. 
ne fàifoit aucim figne , cela vouloit dire 
qu'il étoit mal fatis&it , & la froideiu- du 
père répondoit au mécontentement du 
maître : mais , quand de la main gauche. 
<îelui-ci touchoit la première boutonnière ^ 
le père faifoit fortir fon fils de fa préfence 
& alors le . gouverneur lui expliquoit les 
fautes de Tenfent. J'ai vu ce jeune feigneur 
acquérir en peu de tems de fi grandes per- 
feâions , que je crois qu'on ne peut trop 
bien augurer d'une métnode qui a produit 
de fi bons effets : ce n'eft aufii qu'une har-^ 
monie & une correfpondance parité en- 
tre un père & un précepteur qui peut affu- 
rer le fucçès d'une bonne éducation ; Se 
comme le meilleur père fe donneroit vai- 
nement des mouvemens pour bien élever 
fon fils , fi d'ailleurs il le laiffoit entre les 
mains d'un précepteur inattentif ^ dç même 
le plus intelligent & le plus zélé de tous 
ces maîtres prendroit des peines inutiles ^ 
û le père , au lieu de le féconder , dé- 
truifoit fon ouvrage par des démarches à 
fContre-tems. 



-XLX^ 



d'Edu.c a T lO n, 31 

. Pour que M. votre fils prenne (es ém- 
des à cœur^ je crois , Monheur , que vous' 
devez témoigner y prendre vous - même 
beaucoup de part. Pour cela vous auriez 
la bonté de Tinterroger quelquefois fur feS' 
progrès , mai$ dans les tems feulement &c< 
ilir les matières oîi il aura le mieux fait y 
aiîn de n'avoir que du contentement & de 
la iàtisÊiâion à lui marquer ^ non pas ce^ 

rmdant par de trop grands éloges propres* 
lui infpirer de Torgueil & à le foire trop 
compter fur lui*»même» Quelquefois auffi; 
mais plus rarement , votre examen roidc^ 
roit uir les matières oîi il fe fera négligé j 
alors vous vous informeriez de fa fanté te 
des caufes de fon relâchement , avec des 
marques d'inquiétude qui lui en conununi* 
queroient à lui - nlême» 

Quand vous ^ Monfieur > ou Madame 
ÙL mère aurez quelque cadeau à lui faire , 
vous aiu-ez la oonté de choifir les tems 
oîi il y aura le plus lieu d'être content de 
lui y ou du moins de m'en avertir d'avance^ 
afin que j'évite dans ce tems-là de l'expo- 
<èr à me donner fujet de m*en plaindre ; 
car à cet âge - là les moindres irrégularités 
portent coup. 



3^ 



Projet 



Qvtant à Tordre même de fes études ^ 
il fera très-fimple pendant les deux ou 
trois premières années. Les élémens du 
latin , de ITilftoire & de la géographie 
partageront fon tems : à l'égard du latin , 
je n'ai point deffein dé l'exercer par une 
étude trop méthodique , & moins encore 
par la compofition des thèmes; les thèmes^ 
fiiivant M. RoUin , font la croix des en- 
ans 9 & dans l'intention oii )e fuis de lui 
rendre fes études aimables , je me garderai 
bien de le faire paffer par cette croix , ni 
de lui mettre dans la tête les mauvais- 
gallicifmes de mon latin , au lieu de celui 
de Tite - Live ^ de Céfar & de Cicéron^ 
D'ailleurs un jeune homme , fur -tout s*il 
cft deftiné à l'épée y étudie le latin pour 
l'entendre & non pour Técrire , chofe dont 
il ne lui arrivera pas d'avoir befoin une 
fois en ia vier Qu'il traduife donc les an- 
ciens auteurs & qu'il prenne dans leur lec- 
ture le goût de la bonne latinité & de la 
belle littératiure , c'eft tout ce que j'exigerai 
de lui à cet égard. 

Pour l'hiftoire & la géographie , il fau- 
dra feulement lui en donner d'abord une 
teinture^ aifée ^ d'où ^ bannbai tout ce 



d' E D U C A T I O N. J) 

■ I I ^1 I ■ I ■ I mm, 1^ 

oui fent trop la féchereffe & Tétude , ré- 
wrvant pour un âge plus avancé les diffi- 
cultés les plus néceffaires de la chronolo- 
gie & de la fphere. Au refte , m'.écartant 
un peu du plan ordinaire des études , je 
m'attacherai beaucoup plus à ITiiftoire 
moderne qu'à l'ancienne , parce que je Ici 
crois beaucoup plus convenable à un offi- 
cier , & que d'ailleurs je fuis convaincu^ 
fur l'hiftoire moderne en général de ce 

que dit M. l'Abbé de de celle de 

France en particulier , qu'elle n'abonde 
pas moins en grands traits que l'hiftoire 
ancienne , & qu'il n'^a manqué que der 
meilleurs hiftoriens pour les mettre dans 
un auffi beau jour. 

Je fuis d'avis de fiipprimer à M. de Ste^ 
Marie toutes ces efpeces d'études , oii fan$ 
aucun ufage folide on feit langviir la jeu- 
aeffe pendant nombre d'années : la rhé-^ 
torique , la logique & la philofophie fco- 
laftique font à mon fens toutes chofes très* 
fuperflues pour lui , & que d'ailleurs je 
ferois peu propre à lui enfeigner ; feule- 
ment quiând il en fera tems , je lui ferai 
Kre la logique de Port-Royal & , tout aif 
ftus ^ Fart de parler du P. I^i , m^ ùlub 



34 P R O J ET 

ramuier d'un côté au détail des tropes &c 
^'es figures , ni de Tautre aux vaines fub- 
tilités de la dialeâique » f ai deflein feule* 
sient de Texercer à la précifion & à la 
pureté dans le ftyle , à Tordre & la mé- 
ihode dans fes raifonnemens , & à fe faire 
wn efprit de juftefle qui lui ferve à démê- 
ler le faux orné , de la vérité fîmple , tou- 
tes les fois que Toccafion s*en préfentera» 
LTiiftoire naturelle peut paffer aujour- 
d'hui , par la manière dont elle eft traitée ^ 
pour la plus intéreffante de toutes ks^ {cien- 
ces que les Jiommes cultivent ^ & celle 

?ui nous ramène le plus naturellement de 
admiration des ouvrages à Tamour de 
l'ouvrier. Je ne négligerai pas de le rendre 
curieux fur les matières qui y ont rap- 
]port, & je me propofe de Ty introduiref 
dans deux ou trois ans par la leâure di^ 
ipeâacle de la nature que je ferai fuivre 
ide celle de Niuventyt. 

On ne va pas loin en phyfique fans le 
fecours des mathématiques 9 & je lui en 
jfèrai faire une année , ce qui fervira encore 
à lui apprendre à raifonner conféquem- 
snent & a s'appliquer avec un peu d'atten^ 
|ion ^ exercice doi^ il aura gt^uid bcfoin^ 



d' Education. 35 



Cela le mettra auflî à portée de fe Faire 
mieux confidérer parmi les Officiers, dont 
une teinture de mathématiaues & de for- 
ti£cations fait une parue du métier. 

Enfin , s'il arrive que mon élevé refte 
affez long-tems entre mes mains , Je hafar- 
derai de lui donner quelque connoiffance 
de la morale & du droit naturel par la lec- 
ture de Puffendorf & de Grotius ; parce 
Ïir'il eft digne d'un honnête homme & 
\m homme raifonnable de connoître les 
principes du bien & du mal , & les fonde- 
mens fur Jefquels la fociété dont il fait 
partie efl établie. 

En faifànt fiiccéder ainfi les fciencês les 
unes aux autres , je ne perdrai point ThiA 
toire de vue , comme le principal objet de 
toutes fes études , & celui dont les bran- 
ches s'étendent le plus loin fur toutes les 
autres fciences. Je le ramènerai au bout de 
quelques années à fes- premiers principes 
avec plus de méthode & de détail ; & je 
tâcherai de lui en faire tirer alors tout le 
profit qu'on peut efp^l^r de cette étude. 

Je me propofe auffi de lui feire une 
récréation amufante de ce qu'on appelle 

proprement Belles-Lettres , comme la con-. 

B 6 



36 P R O ï E T , &C. 



nolflance des livres & des auteurs, la cri- 
tique , la poéfie ^ le ftyle ^ Téloquence ,. 
le théâtre , & en un mot tout ce qui peut 
contribuer à lui former le goût & à lia 
préfenter Tétude fous une face riante. 

Je ne m'arrêterai pas davantage fur cet 
artide ; parce qu'après, avoir donné une 
légère idfee de la route que jye m'étois à« 
peu-près propofé de fuivre dans les études* 
de mon élevé , j'^efpere que M;, votre frère 
•voudra bien vous tenir la promeffe qu'il 
vous a faite de nous drefler un projet qui 
puifTe me fervir de guide dans un chemin^ 
auffi nouveau pour moi.. Je le fiipplie da- 
vânce d'être aflïiré que je m!y tiendrai at- 
taché avec une exaûitude & un foin qui; 
le coavaincra du. profond refpeâ que j'at 
pour ce qui vient de fa part, & j'ofe vous» 
répondre qu'il ne tiendra pas à mon zele^ 
^ à mon attachement que Mrs. {es neveusft; 
^Ç deviemient des hommes parÊdtâ*. 



^jf^r 



O'RAISON FUNEBRE 

DE S, A. S. 

MONSEIGNEUR LE DUC 

D'ORLÉANS, 

Premier Prince du Sang de France^ 

Modicum plora fupfa mortuiun , quoniam- 
reqidevit, 

ïleurez modérément celui que vous avez perdu , 
car il eft en paîx. Ecdefîaftic. C. 22. f. 11. 



J9£e s si EUR STy 

LEs Ecrivains profanes nous difent qii'iiir 
puiflànt Roi, confidérant avec orgueil la< 
fiiperbe & nombreufe armée quil com-^ 
mandoit y verfe pourtant des pleurs , en- 
fongeant que dans peu d'années , dé tant 
de milliers d'hommes , il n'en refteroit pas* 
un feul en vie. Il avoit raifon de s'afSiger ^ 
Éms doute : la mort pour un payen &r 
pouvoît être qu'un fujet de la]:mes» 



38 Oraison 

ht fpeftade fimebre qiii fi^ppe mes 
yeux , & Yaffemhlée qui m'écoute , m^ar- 
rachent aujourd hui la même réflexion ; * 
mais avec des motifs de confolation cajpa- 
blés d*en tempérer Tamertume & de la 
rendre utile au Chrétien. Oui , Meilleurs , 
fi nos âmes étoient affez pures pour fub- 
juguer les afFeftions terreures & pour s'é- 
lever par la contemplation jufqu'au féjour 
des Bienheureux , nous nous acquitterions 
fans douleur & fans larmes du trifte de- 
voir qui nous affemble , nous nous dirions 
à nous-mêmes dans une feinte joie : Celui 
qui a tout fait pour le ciel eft en poffeiP- 
non de la récompenfe qui lui étoit due ; 
& la mort du grand Prince que nous pleu- 
rons , ne feroit à nos yeux que le triom- 
phe du jufte. 

• Mais y foibles Chrétiens encore attachés 
à la terre , que nous fommes loin de ce 
degré de perfeftion néceflaire pour jug^ 
£àns paillon des chofes véritablennent de* 
firables j Et comment ©ferions -nous déci- 
der de ce qui peut être avantageux aux 
autres , nous qui ne favons pas feulement 
i:e qui nous «ft bon à nous-mêmes ? Com- 

mçnt pourrions • japys nous réjouir ayej; 



Funèbre. 



39 



les Saints d'un bonheur dont nous Tentons 
fi peu le prix ? Ne cherchons point à étoufr 
fer notre jufte douleur. A Efteu ne plaife 
qu'une coupable infenfibilité nous donne 
une confiance que nous ne devons tenir 
que de la religion. La France vient de 
perdre le premier Prince du Sang de fes 
Rois , les pauvres ont perdu leur père , 
les fkvans leur proteôeur , tous les Chré- 
tiens leur modèle : notre perte efï affez 
grande pour nous avoir acquis le droit 
de pleurer , au moins fur nous - mêmes* 
Mais pleurons avec modération , & comme 
il convient à des Chrétiens : ne fongeons 
pas tellement à nos pertes que nous ou* 
blions le prix ineflimable qu'elles ont ac- 
quis au grand Prince que nous regrettons» 
Béniflbns le faint nom de Dieu & des 
dons qu'il nous a faits y 6c de ceux qu'U 
nous a repris. Si le tableau que )e dois 
expofer à vos yeux vous offre de juftes 
fujets de douleur dans la mort de Très** 
Haut , Très - Puissant , et Très -Ex- 
cellent Prince , Louis Duc d'Ort 
LÉANS , Premier Prince du Sang de 
France , vous v trouverez auffi de grands 
inotifs ^i çonfolation dans Yçf^xmw \é^ 



40 Oraison 

gîtime de ion- étemelle félicité. L'humanité, 
notre intérêt nous permettent de nous 
affliger de ne l'avoir plus ; mais* la iàinteté 
de là vie & la religion nous confolent 
pour lui ; car il eft en paix. Modicum plorai 
fupra mortuum y ifuoniam rcqui^vity 

PREMIERE PARTIE. 

X XJ Ans rhommaee que je viens rendre 
aujourd'hui à la mémoire de Monfeigneur 
le Duc d'Orléans ,, il me fera plus aifé de 
trouver des louanges qui lui foient dues ,. 
^le de retrancher de ce nombre toutes 
«elles dont fa vertu o'à pas befoin pour 
paroître avec tout fon éclat. Telles font 
celles qui ont pour objet les droirs de la 
naiiSknce ; droits dont ceunt qu'on nomme 
•Grands font ordinairement fi jaloux , & 
«ui ne décèlent que trop fouvent leur pe-^ 

.. ^iteffe par leur attention même à les faire 
valoir. Il naquit du plus illuftre Sang du» 
monde , à côté du premier trône de 1 uni* 
vers , & d'un Prince qui en a été l'appuie 
Ces avantages font grands , fans ""doute ;; 
E les a çomptéS' pour rien. Que la modeâiê 



t " ■,' '■■'■ t SSSSSSSSSSSSSSSSSSStSÊÊÊÊ 
F U N E B R £. 41 

— ■^— ' ■ I I I II I— ^i^-i I I I ■ ■ I I a^mi^m^m 

de ce grand Prince règne fufqués dans (on 
éloge , & çonune il ne s'eft fouvenu de 
fon rang qiie ' pour en étudieï- les devoirs ^ 
ne nous en fouvenons nous - mêmes que 
pour voir comment il les a remplis. 

Il le faut avouer y Meflîeurs , fi ces de- 
voirs confident dans l'aiFeâation d'une 
vaine pompe , fouvent plus yropre à ré-» 
volter les cœurs qu'à ébloiiu* les yeux i 
dans l'éclat d'un luxe effi-éné qui fiibfiitue 
les fnarques de ta richefie à celles de la 
grandeur; dans l'exercice impérieux d'une 
autorité dont la rigueur montre commu*» 
nément plus d'orgueil que de juftice : fi. 
ce font là , dis - je , les devoirs des Prin-- 
ces ; j'en conviens avec plaifir ^ il ne les 
a point remplis. 

Mais fi la véritable grandeur confiile 
dans l'exercice des vertus bienfeifentes , 
à l'exemple de celle de Dieu qui ne fe 
manifefie que par les biens qu'il répand 
fur nous ; fi le premier devoir des Princes 
eft de travailler au bonheur des hommes;. 
s'ils ne font élevés au - deffus d'eux que 
pour être attentifs à prévenir leurs be- 
foins ; s'il ne leur eu permis d'ufer de 
l'autorité que 1^ Ciel leur donne qiiQ 



4i Oraison 

*-'■••■■ - - ■■ - ...... . . ■-• — . 

pour les forcer d'être fages & heureux } 
fi rînvincible penchant du peuple à admi- 
rer & imiter la conduite ^de les jnaîtres 
n*cft pour eux qn*un moyen , c'eft-à-dire , 
un devoir de plus pour le porter à bien 
Élire par leur exemple , toujours plus fort 
que leurs loix ; ennn s*il eft vrai que leur 
vertu doit être proportionnée à leur élé- 
vation: Grands de la terre, venez appren- 
dre cette fcience rare , fublime & fi peu 
connue de vous , de bien ufer de votre 
pouvoir & de vos richéffes , d'acquérir 
des grandeurs qui vous appartiennent ^ & 
que vous puifliez emporter avec vous en 
quittant toutes les autres. 

Le premier devoir de l*homme eft d'é- 
titdier fes devoirs ; & cette connoifiance 
eft facile à acquérir dans les conditions 

E rivées. La voix de la raifon & le cri dô 
i confcience s'y font entendre fans obfta- 
cle , & fi le tumuhe des paffions nous 
empêche quelquefois d'écouter ces con- 
feillers importuns , la crainte des loix nous 
rend juftes , notre impuiffance nous rend 
modérés ; en im mot , tout ce qui nous 
environne nous avertit de nos fautes ^ les 
prévient | nous en corrige , ou nou$ en 
funit. 



-^ 



F U N E B R E-r 



4y 



Les Princes n'ont pas fur ce jpoint les 
mêmes avantages^ Leurs devoirs font beau- 
coup plus grands , & les moyens de s*ea 
înftniire beaucoup plus difficiles. Malheu- 
reux dans leur élévation y tout femble con- 
courir à écarter la lumière de leurs yeux 
& la vertu de leurs cœurs. Le vil & dan-^ 
gereux cortège des flatteurs les affiége dès 
leur plus tendre jeuneffe ; leurs faux amis 
întérefles à nourrir leur ignorance met- 
tent tous leurs foins à les empêcher de rien? 
voir par leurs yeux. Des paffions qiiie rien 
ne contraint , un orgueil que rien ne mor- 
tifie leur infpirent les plus monibueux 
préjugés , & les jettent dans uh aveugle- 
ment funeAe que tout ce qui les approche 
^e fait qu'augmenter : car , pour être puif- 
Iknt fur eux , on n'épargne rien pour les 
rendre foibles , & la vertu du maître fera 
tpiljours TefFroi des courtifans. 

C'eft ainfi que les ftutes des Princes 
viennent de leur aveuglement plus fou- 
Vent encore que de leur mauvaife volonté, 
ce qui ne rend pas ces fautes moins cri-^ 
minelles & ne les rend que plus irrépara- 
bles. Pénétré dès fon enfance de cette 
grande vérité , le Duc d'Orléans travsâlla 



44 Oraison 

de bonne heure à écarter le voile que {un 
tang mêttoit au devant de fes yeux. Là 
première chofe qu'on lui avoit apprife ^ 
c*eft qu'il étoit un grand Prince ; fes pro- 
pres réflexions lui aj)prirent encore qu'if 
étoit un homme-, fujet à toutes les foi-» 
blefles de ITiumanité; gue dans le rang 
qu'il occupoit , il avoit ae grands devoirs 
à remplir & de grandes erreurs à crain- 
dre. Il comprit gue ces premières connoiP 
&nces lui impofoient l'obligation d'en ac-^ 
quérir beaucoup d'autres. Il fe livra avec^ 
ardeur à l'étude , & il travailla à fe faire* 
dans les bons Auteurs & fur * tout dans 
nos Livres facrés des amis fidèles & des* 
Confeillers finceres qui , fans fonger fans 
ceffe à leur intérêt , lui parlaffént quelauc-' * 
fois pour le fien* Le fuccès fut tel qu on 
pouvoit l'attendre de fes difpofitions. H 
cultiva toutes les fciences ; il apprit toutes 
Tes langues , & l'Europe vit avec étonne- 
ment lui Prince tout jeune encore fâchant 
par foi-même, & ayant des connoîflan- 
ces à lui. 

Telles ftirent les premières fources des 
vertus dont il orna & édifia le monde. A 
peine fiit-îl livré à lui-même qu'il les mit 



^ >'i I.. 1. I ■ 1 ■ Il I I mil II III I 1 

F U N ]& B R E, 45 

ftoutes en pratique. Uni par les noeuds 
ÛLcrés à une époufè chérie & digne de 
l'être , il fit voir par fa douceur , par {es 
égards & par fa tendreffe pour elle quç la 
véritable piété n'endurcit point les cœiirs » 
n'ôte rien A Tagrément d'une honnête fo* 
ciété , 8f ne feit qu'ajouter plus de charmç 
£c de fidélité à l''affeftion conjugale. La 
^ort lui enleva cette vertueufe epoufe à 
la fleur de fon âge , j& s'il témoigna par 
fa doiileur combien elle lui ayoit été chère, 
il montra par fa confiance que celui cpu 
n'abufe point du bonheur ne fe laiffe point 
non plus iabattre p^r Tadverfité. Cette pertç 
lui apprit à connoître l'inflabilité des chor 
fes humaines & l'avantage qu'on trouve èi 
réunir toutes fes aâeâions dans celui qu| 
n^ meurt point, C'efl dans ces circonflan* 
ces qu'il fe choifit une pieufe folitude pour 
s'y livrer avec plus de tranquillité a foii 
juûe regret & à {es méditations çhrétienr 
nés ; & s'il ne quitta pas abfplument la 
Cour & le monde où fon devoir le rete» 
poit encore , il fit , du moins , aiTez cqn-- 
noître que le feul commerce qui pouvoijt 
déformais lui être agréable , étoit ceUu 
qu'il voiUoit avoir wec Dieu, 



'vr 



46 Oraison 



"T-" 



L'éducation de (on ûh était le principal 
motif qui l*arrac}ioit à fa retraite : il n'é- 
pargna rien pour bien remplir ce devoir 
important. Le diccès me diîpenfe de m*é- 
tendre fur ce qu'il fit à cet égard , & il 
nous feroit d'autant moins permis de Tou- 
blier que nous jouiflbas aujourd'hui du 
fruit ^ Ces foins. 

S'il fiit bon père & bon mari , il n^ fiit 
pas moins fidèle fiijet &c zélé citoyen. 
JPaffionné pour la gloire du Roi , ç'eft-à- 
dire , pour Ici profpérité de l'Etat , on feit 
de quel zèle il ctoit animé par-tout où il 
la croyok intéreffée : on fait qu'aucune 
confidération ne put jamais lui faire diffi- 
.muler fon ilentiment dès qu'il étoit queftion 
du bien public -; exemple rare & peut- 
être imique à la Cour y "où ces mpts de 
î)ien public .^ de ferviçe du Prince , ne 
^gnifient gueres dans la bouche de c^ux 
qui les emploient qu'intérêt perfpnnel » 
^aloufie 9 & ayidité. 

AppeHé dans les Confeils , je ne dî-* 
Tai point par fon rang, mais plus ho-j 
norablement encore p^ l'eftime & la 
-confiance tfun Roi qui ifen accorde 
fj}\^m mérite ; c' eft - là qu'il fkifoit faril* 



^ 



! ■■■■Il iJJLli '■■ "^ 

Funèbre. 47 



■V* 



fer également & (es talens & ùs vertus : 
jc'eft-!à que la droiture de (on ame , la 
fageffe de (çs avis , & la force de fon 
éloquence oonfacrées au feFvicc de la Pa- 
trie , ont ramené plus d'ime fois toutes 
les opinions à la fienne i c'eft 7 là quUl 
eut étonné par la folidité de fes raifons , 
ces eiprits plus fubtils que judicieux qui 
ne peuvent comprendre que dans le gou- 
vernement des États être jufte foit la fu- 
prême politique : c'efl-là , pour tout dire 
en un mot | que fécondant les vues bieit- 
âifantes du Monarque qui nous rend heu- 
reux , il cpncouroit à le rendre he\u-euK 
lui-même en trav^llant avec lui pour te 
î>onheur de fes peuples. 

Mais le-refpeâ m'arrête, ^ je feris 
qu'il ne m*eft point permis de porter des 
regards indifct'ets fuf ces myftéres du car 
binet oà les deflins de PEtat font en fe^ 
cret balancés au poids de Téquité & dé 
la raifon ; & pourquoi vouloir en appren- 
dre plus qu'il n'eft néceffaire ? Je l^ai déjà 
dit ; pour honorer la mémoire d'un fi 
grand homme nous n^avons pas befoin de 
tomptef tous les devoir^ qu'il a remplis 
fii toutes les vertHS qu'il a peffédées. Hft* 



48 Oraison 

itons-nous d<imver à ces doux .momeiis 
de fa vie 5 où tout-à-fait retiré du monde, 
après avoir acquitté ce qu'il devoit à fa 
Aaiflance & à fon rang , il fe livra tout 
entier dans fa folitude aux pencbans de 
ion cœur & aux vertus de fon choix. 

C*eft alors qu'on le vit déployer cette 
jame bienfaifànte dont Tamour de Thuma- 
nité fit le principal caraâere , & qui ne 
chercha fon bonheur que dans celui des 
autres. C*eô alors que s'élevant à une 
gloire plus fublime , il commença de mon- 
trer aux hommes un fpeûack plus rare 
£c infiniment plus admirable que tous les 
chefs - d*.œuvre des politiques & tous les 
triomphes des conquérans. Oui , MeiP- 
£eurs , pardonnez -moi dans ce jour de 
Irifteffe cette affligeante remarque. L'hif- 
toire a confacré la mémoire d'une multi- 
tude de héros en tous genres ; de grands 
Capitaines , de grands Miniftres , &i même 
de grands Rois ; mais nous ne {aurions 
nous diffimuler que tous ces hommes ilr 
li^es n'ayent oeaucoup plus travaillé 
pour leur gloire & pour leur avantage 
particulier que pour le bonheur du genre- 
tuujiain I &c qu'ils n'ayent ikcrifié cent 

fois 



Funèbre. 



49 



fbis la paix & le repos des peuples au 
defir d'étendre leur pouvoir ou d'immor- 
taliier leurs noms. Ah ! combien c*eft lui 
plus rare & plus précieux don du Ciel 

3u'un Prince véritablement bienfaifant 
ont le premier ou l'unique foin foit la 
félicité publique ; dont la main fecoura- 
ble & l'exemple admiré ûiffént régner 
par-tout le bonheur & la vertu. Depuis 
tant de fiecles un feul a mérité Timmor* 
talité à ce titré ; encore celui qui fut la 
gloire & Tamour du monde n'y a-t-il 
paru que comme une fleur qui brille au 
matin & périt avant le déclin du jour^ 
Vous en regrettez un fécond , Meflîeurs , 
qui fans pofleder un trône n'en fut pas 
moins digne ; ou qui plutôt » affranchi 
des obftacles infurmontables que le poids 
du diadème oppofe fans ceflfe aux meil-- 
Inires intentions , fit encore plus de bien , 
plus d'heureux, peut-^tre , du fond de 
ia retraite , que n'en fit iTitus gou ver-^ 
Mnt l'uni versr II a'eft pas difiicile de 
décider lequel des deux mérite la préfé* 
tence. Titus chrétien ; Titus vertueux &C 
bienfàifant dès fa première jèunefTe; Titus 



'50 Oraison 

ne perdant pas un feul jour, > eut été égal 
au Duc d^Orléans. 

J*ai dit ^'il s'étoit retiré du monde, 
& il eu vrai qu'il avoit quitté ce monde 
frivole , brillant S( corrompu où la fa- 
geffe des Saints paffe pour folie , où la 
vertu eft inconnue $c méprifée , oîi fon 
nom même n'eft jamais prononcé » oîi 
rorgueilleufe Philofophie dont on s'y pi* 
que confifte en quelques maximes ftéri- 
les 9 débitées d'un ton de hauteur , &i 
dont la pratique rendroit criminel ou ri» 
dicule quiconque oferoit la tenter : mais 
il commença à iè familiarifer, avec cç 
inonde fi nouveau pour fes p^ireils. , fi 
ignora , il dédaigné 4^ l'autre y oh les 
membres de Jéfus^ChriA fouffrans atti- 
i:ent l'indignation céleûe fur les heureux 
du fiecle , où la religion , la probité ^, 
t;rop négligées , fans doute » {ont du moins 
f ncore en honneur , & où il eft encore 
permis d'être homme de bien fans crain- 
dre la raillerie & la haine de fes égaux* 
Telle fiit la nouvelle fociété qu'il raf- 
fembla autour de lui pour répandre fur 
elle comme une rofée bien&ifante les tré^ 

ibr^Jie ia, cbarké. Cbaçjup jour il ^Q^ 



Funèbre. 51 

nok dans Sz retraite une audience & des 
foulagemens à tous les malheureux in« 
diâeremment 9 réfervant pour le Palais- 
Royal des audiences plus folemnelles oh 
le rang & la naiflance reprenoient leurs 
droits , où la nobleffe retrouvoit un Pro- 
teâeur & un grand Prince dans celui que 
les pauvres venoient d'appeller leur père* 
Ce fut la tendreffe même de fon ame qui 
le força d'accoutumer fes yeux à Taffli- 
géant fpeâacle des miferes humaines. Il 
ne craignoit point de voir les maux qu'il 
pouvoit ibulaeery & rfavoit point cette 
répugnance cruninelle qui ne vient que 
d'un mauvais coeur , ni cette pitié bar- 
bare dont plufieurs ofent fe vanter , qui 
n'efl qu'une cruauté déguifëe & un pré- 
texte odieux pour s'éloigner de ceux qui 
fouffrent ; 6c coomient iè peut-il , mon 
Dieu J -que ceux qui Ji'ont pas le cou- 
rage d'envifeger les plaies aun pauvre 
ayent celui de refofer l'aumône au mal-. 
TOureux qui en eft couvert ? 

£ntferai-je dans le détail immenfe de 
tous les Hens qu'il a répandus , de tous 
les heureux cpi'il a faits , de totis tes mal- 
keureux^ qvi^îl ^jbnà^^ ^ & dé ces aveu« 

C X 



y 



JL^ ■ I I I i ' l | ij 

j2 Oraison 

glés plus malheureuK encore qu'il n'a pas 
dédaigné de rappeller de leiu-s égareœens 
par les mêmes motifs qui les y avoient plonr 
gés , afin qu'ayant une fois goûté le plaifir 
d'être honnêtes gens ils fiffent déformais 
par amour pour la vertu ce qu'ils avoient 
commencé de feire par intérêt } Non , 
MefHeurs , le refpeô me retient & m'em- 
pêche de lever le voile qu'il a mis lui- 
même au devant de tant d'aûions héroï- 
ques 9 & ma voix n'eil pas digne de les 
célébrer, 

O vous , chaftes Vierges de Jéfus- 
Chrift , vous fes époufes régénérées que 
la main fecourable du Duc d'Orléans a re* 
tirées ou garanties des dangers de l'opr 
probre & de la féduâion , & à qui il a 
procuré de faints & inviolables afyles : 
vous , pieufes mères de femille qu'il a 
unies d'un nœud facré poiur élever des 
enfàns dans la crainte du Seigneur; vous^ ' 
gens de Lettres indi^ens , qu'il a mis en 
état de confacrer uniquement vos talens 
à la gloire de celui de qui vous les tenez; 
vous , guerriers blanchis fous les armes 9 
à^ qui le foin de vos devoirs a feit ou- 

^er ceUii dç xfitg^ fprtunç ^ quç Iç poids 



^Êâiàbài^^éUi^Ê^mm^mmaAm^ 



Funèbre. jj 



■ j 



des ans a forcés de recourir à lui , & 
dont les fronts cicatrifés n'ont point eu 
à rougir de la honte de (es feflis : élevez 
tous Vos voix ; pleurez votre bienfaitexur 
& vôtre père. Tefpere que du haut du 
Ciel fon anie pure fera fenfible à votre 
reconnoiflance ; qu'elle foit immortelle 
comme fa mémoire : les bénédiâions de 
vos coeurs font le feul éloge digne de lui* 
Ne nous le dlflimulons point , Mef- 
fleurs ; nous avons fkit une peinte irré- 
parable. Sans parler ici des Monarques , 
trop occupés du bien général pour pou- 
voir defcendre dans des détails qui le leur 
feroient négliger , je fais que l'Europe ne 
nianqiie pas de grands Princes ; je crois 
[u*il eft encore des âmes vraiment bien- 
lifantes ; encore plus d'efprlts éclairés 
qui fauroient difpenfer fàgement les bien- 
faits qu'ils devroient aimer à répandre* 
Toutes ces chofes prifes féparément peu- 
vent, fe trouver: mais oîi les trouverons* 
ilous réunies ? Oh chercherons* nous un 
homme qui , pouvant voir nos befoins par 
fes yeux & les foulager par fes mains , raf- 
femble en lui feul la puiffance & la vo- 
lonté de bien feîre avec les lumières né*^ 



54 Oraison 



>t^i^immmmi^m> 



cef&îres pour bien felre toujours à pro- 
pos ? Voua les qualités réimies que nous 
admirions & que nous aimions fur-tout 
dans celui que nous venons de perdre, 
& voilà le trop jiifte motif des pleurs que 
nous devons verfèr fur (on tombeau. 



-ui^. ^^, L ! '' >, ifl > ?yi i .'■ i l 



SECONDE PARTIE. 

j E le (em bien 9 Meneurs; ce rieû point 
Avec le tableau que je viens de vous of- 
irîr que je dois me flatter de calmer urte 
doiileur trop légitime ; & l'image à^ ver- 
tus du grand Prince dont nous honorons 
la mémoire , ne peut être propre qu'à re- 
doubler nos regrets, Ceft pourtant en 
vous le peignant orné de vertus beaucoup 
plus fublimes que j'entreprends de modé- 
rer votre juite affliâiion. A 0ieu ne plaife 
qu'une inlenfée préfomption de mes for- 
ces foit le principe de cet elpoiir ! Il eft 
établi fur des fondemens plus raifonna- 
blés & plus folides : c'eft de la piété de 
vos cœurs , c'eft des maximes confolan- 
tes du chriftianifme , c'eft dés détails édi- 
fians qui me reftent à vous feire > que je 



Funèbre. 5^ 

tire ma confiance. Religion fainte ! refuge 
toujours fur & toujours ouvert ^ux cœurs 
af&igés , venez pénétrer les nôtres de vos 
divines vérités ; fMes.- nous fentir tout 
le néant des chofes humaines; infpirez- 
nous le dédain que nous devons avoiif 
pour cette vallée de larmes , pour cette 
courte vie qui n'eft cKi'un paflàge pouf 
arriver à celle qui ne finit point , & rem- 
plifïez nos âmes dé cette douce efpérance , 
que le ferviteur de Dieu qiii a tant fait 
pour vous , jouit eti paix daiis le féjouf 
des bienheureux du prijfe de fcs vertuS & 
de fes travaux. 

Que ces idées foht confolàntes ! Qu'il 
eft doux de penfer qu'après avoir goûté 
clans cette vie le plaifîr touchant de bien 
faire , nous en recevrons encore dans 
Pautre la récompenfe étemelle ! Il faut 
plus 9 il efl vrai , que de bonnes aÔions 
four y prétendre ; & c'eft cela même qui 
doit animer notre confiance. Le Duc d'Or- 
léans , avec les vertus dont j'ai' parlé n'eût 
encore été qu'un grand homme , mais il 
reçut avec elles la foi qui les fanôifie , 
& rien ne lui manqua poiu: être un 
chrétien^ 

C4 



56 Oraison 

Cette foi puîffante qui n'eft pourtant 
rien fans les œuvres , mais fans laquelle 
les œuvres ne font rien , germa dans fon 
cœur dès les premières années , & , comme 
.ce grain de femence de l'^Evangile (*) elle 
y devint bientôt un grand arbre qui éten- 
doit au loin fes rameaux bienfaiians. Ce 
ji'étoit point cette foi ftérile & glacée 
d\in efprit convaincu par la raifon , à la-^ 
quelle le cœur n'a point de j^rt , & des- 
tituée également d'efpérance & d'amour. 
Ce n'étoit point la foi morte de ces mau- 
vais chrétiens qui Vainement difent cha- 
que jour , Seigneur , Seigneur ; & n'entre- 
ront point dans le royaume des cieux. 
C'étoit cette foi pure & vive qui Édfoit 
marcher les apôtres fur les eaux & dont 
le Seîçneiur même a dit qu'un feul grain 
fulîiroit pour ne rien trouver d'impoffi*- 
ble. Elle étoit fi ardente en fon ame & 
fi préfente à fa mémoire, qu'il en faifoit 
régulièrement un afte au commencement 
de toutes fes aftions , ou plutôt fa vie 
entière n'a été qu'un aâ:e de foi conti- 
nuel , puifqu'on tient d'un témoignage 

' . . ■ ' . — '! >:"". ' jf ' ' . " ^ " . 

(♦) Luc Ç. XUL Vcrfet 19. 



Funèbre. 57 

affurc qu'il n'a jamais eu un feul inftant 
de doute fur lès vérités & les myfteres 
de la religion catholique. Et comment 
donc avec tant de foi n a-t-il point opéré 
de miracles ? Chrétiens , Dieu vous doit- 
il compte de fes grâces , & favez - vous 
juiqu'oîi peut aller l'humilité d'un jufte ? 
Pourquoi demander des miracles ; n'eu 
a-t-il pas feit im plus grand & plus édi- 
fiant que de transporter des montagnes ? 
Quel eft donc ce miracle , me direz- vous ? 
La fainteté de fa vie dans un rang auflî 
fublime & dans un fiecle auflî corrompu. 

Le Duc d'Orléans croyoit ; & c'eft affez 
dire. On peut s'étonner qu'il fe trouve 
des hommes capables d'offenfer un Dieu 
qu'ils favent être mort pour eux : mais 
ui s'étonnera jamais qu'un chrétien ait 

é humble , jufte , tempérant , humain , 
charitable , & qu'il ait accompli à la lettre 
les préceptes aune religion fi pure , fi 
iaînte , & dont il étoit fi intimement per- 
fuadé. Ah ! non , fans doute ; on ne re- 
marquoit point entre fes maximes & fa 
conouite cette oppofition monftnteufé' 
qui déshonore nos moeurs ou notre rai- 
ion y &C l'on ne fauroit , peut-être j citei: 

C5 



i 



58 Oraison 

- — — ^— . 

une feule de fes aftions qiii ne montre ^ 
avec la force de cette grande ame , faite 
pour foumettre fes-paffions à l'empire de 
là volonté , la force plus puiflante de la 
grâce , faite pour foumettre en toute* 
chofes fa volonté à celle de fon Dieu. 

Toutes fes vertus ont porté cette di- 
vine empreinte du chriftianifme , c*efl 
dire afTez combien elles ont effacé Téclat 
des vertus humaines > toujours fi empref* 
fées à s'attirer cette vaine admiration qui 
efl leur unique récompenfe , & qu*elles 
perdent poinrtant encore comparées à celles 
du vrai chrétien. Les plus grands hommes 
de l'antiquité fe feroîent honorés de voir 
fon nom infcrit à côté dçs leurs , &'ils 
B auroient pas même eu befoin de croire 
comme hii , pour admirer & refpefter ces 
vertus héroïques qu'il confacroit ou facri- 
fioit toutes au triomphe de fa foi* 

Il étoit humble ; non de cette Ëiufle & 
trompeufe humilité qiw n'efl q)if orgueil ou 
^affçfte d'ame ;, mais d-une humilité pieufe 
& difcrete^ également cqnven^le à u» 
chrétien pécheur & à un grand Prince 
qui , Êins avilir fon titre fait humilier fà 
ferfonne» Vous IVvez vu ^ MeiEeurs^ 



Funèbre. 5^ 

modefte dans fbn élévation & grand dans 
ia vie privée , fimple comme Pun de nous ^ 
renoncer à la pompe confacrée à Ton rang 
fens renoncer à fa dignité : vous l'avez vu ^ 
dédaignant cette grandeur apparente dont 
perfonne n'eft fi îaloux que ceux qui n*ea 
ont point de réelle , ne garder des hon- 
neurs dus à ùl naifiance que ce qu'ils 
avoient pour lui de pénible , ou ce qu'il 
n^en pouvoit néglicer fans s'ofFenfèr foi* 
même. Profterné chaque jour au pied de 
la croix 9 la touchante image d'un Dieu 
ibuf&ant , plus préfente encore à fon cœur 
qu'à fes yeux, ne lui laiflbit point ou- 
blier que c'eft en fon feul amour que con^ 
ftnt Us fichtffts , la gloire , & lajuftice (*); 
il h'ignoroit pas , non plus, malgré tant 
de vains difcours , que fi celui qui fait 
foutenir les grandeurs en çft digne , celui 

Zui fait les méprifer eft au-deflus d'elles^ 
[ommes vulgaires , quhm éclat frivole 
éblouit , même quand vous afFeftez de le 
dédai^er , lifez une fois dans vos âmes ^ 
& appoenez à admirer ce que nul de vous 
n'eft capable de faire. 



■^ 



- (♦>.?»▼. Q. VItt Verfet 18. 

C é 



6o Oraison 

> Il étoit bienfàifant , )e Pai déjà dit , & 
qui pourroit l'ignorer ? Qu'il me foit per* 
mis d'y revenir encore ^ je ne puis quit* 
ter un objet fi doux. Un hon^me bien- 
fàifant eft l'honneur de rhxtmanité y la vé- 
ritable image de Dieu , l'imitateur de la; 
plus aâive de toutes fes vertus , & Toa 
ne peut douter qu'il ne reçoive un jour 
h prix du bien qu'il aura fait , & même 
de celui qu'il aura voulu faire , ni que 
le père des humains ne rejette avec m- 
dignation ces âmes dures qui font infen- 
fiblcs à la peine de leur frère , & qui 
n'ont aucun plaifir à la foulager. Hélas l 
cette vertu fr digne de notre amour e& 
peut-être bien plus rare encore qu'on ne 
penfe. Je le dis avec douleur , fi du nom- 
bre de ceux qui. femblent y prétendre on ' 
écartoit tous ces efprits orgueilleux qui 
ne font du bien que pour avoir la répu- 
tation d'en faire , tous ces efprits foibles 
qui n'accordent des grâces que parce qu'ils 
n'ont pas la force de les refiifer ;^ qu'il en 
refteroit peu , de ces cœurs vraiment 
. généreux dont la plus douce récompense 

Kur le bien qu'ils font eft le plaifir de 
Toir &it l Le Duc d'Orléans^ eût été- k 



F U N E B R Er 6l 

la tête de ce petit nombre. Il favoit ré- 
pandre fes grâces avec choix & propor- 
tion ; fon cœur tendre & compatiflant ^ 
mais ferme & judicieux , eût même f\i 
les refufer à ceux qu'il n'en croyoit pas 
dignes , s*il ne fe fut reffoùvenu fans ccffe 
que nous avons un trop grand befoirt 
nous *- mêmes de la miféricorde célefle 
pour être en droit de refiifer la nôtre à 
perfonne.^ 

Il étoit bieni&ifant, ai -je dit? Ah ! il 
ctoit plus que cela. Il étoit charitable. Et 
comment ne l'eût • il pas été ï Comment 
avec ime foi fi vive n'eut-il pas aimé ce 
Dieu qui avoit tant feit pour lui ? Com- 
ment la feinte ardeur dont il bruloit pour 
fon Dieu , ne hii eût-elle pas infpiré de 
Pamotn' pour tous les hommes que Jéfu9»^ 
CHriâ a rachetés de &)n fang , & pour les 
pauvres qu'il adopte ? La gloire du Sei* 
-gneur étoit fon premier defir , fe faiut des 
âmes fon premier foin , fecourir les mal*- 
-heureux n'étoit de fâ part qu'une occa- 
fion de leur faire de phis grands biens ea 
travaillant à leur fanâification. Il rougif- 
foit de la négligence avec laguelle les 
dogmes &crés U la morale vmt^ 4^ 



i3^ 



sssssssasm 



6x O R A I s O îf 

chrlftîanifme étoîent appris & ehfeîgnésr 
Il ne pouvait voir iàns douleur plu&urs 
de ceux qui fe chargent du refpedable 
foin d'inftruire & d*édifier les fidèles fe 
âquer de favoir toutes chofes , excepté 
feule qui leur foit néceflàire , & pré- 
férer l'étude d'une orgueiileufe philofo- 
phie à celle des faîntés Lettres qu'ils ne 
peuvent négliger fans iè rendre coupables 
de leur propre ignorance , & de. la nôtre» 
11 n'a rien oublié pour procurer ài'églifè 
de plus grandes lumières y 6c zu peuple 
de meilleures inAruâions. Chacun ùàt avec 
quelle ardeur il montroit l'exemple, même 
fur ce point, SemblaWc à un -enfant pré- 
féré , qui , pénétré d'une t«idre recon* 
noiflance , feuilleté avec un pîaifir mêlé 
de larmes le teftàment de fon père , il 
méditoit fans ceffe nos Livres fecrés ; il y 
trouvoit fans ceffe de nouveaux mo* 
ûk de bénir leur divin Auteur & de s'at» 
trifler des liens terreftrcs cpà le tenoient 
Soigné de lui. Il poffédoît la fkinte Ëcri*> 
ture mieux que perfonne au monde ; U 
en f^voit toutes les langues , & en con» 
noiflbit tous les textes. Les conimentaires 
^u'il il &ks fiir .Saint Paul & ùxr la.Genefr 



F. U N E B R B- 6j 

ne font pas un témoignage moins certain: 
de la jufteffe de fa critique & de la pro*^ 
fondeur de fon énidition , que de fon zèle 
pour la gloire de TEfprit Saint qui a didé 
ces livres , & la chaire de Profefleiu* en 
langue Hébraïque qu'il a fondée en Sor- 
ionne , n*y fera pas moins un monument 
des lumières qui lui en ont fait apperce- 
voir le befoin y que de la munificence 
chrétienne qui Fa porté à y pourvoir. 

Mais à quoi fert d'entrer ici dans tous 
ces détails ? Ne nous fuffit-il pas de fa- 
voir qu'il avoit à ce haut degré une 
feule de ces vertus , pour être affurés 
qu'il les avoit toutes. Les vertus chré- 
tiennes font indivifibles comme le prin*' 
cipe qui les produit. La foi, la charité , 
Fefpérance, quand elles font affez par- 
feites j s'excitent , fe foutienncnt mutuel 
lement \ tout devient facile aux grandes 
âmes avec la volonté de tout feire pour 
plaire à Dieu , & les rigueurs mêmes 
de la pénitence n'ont prelque plus rien 
de pénible pour ceux qui favent en fen- 
tir la néceflité & en confidérer le prix* 
Entreprendrai- je , Mèffieurs, de vous dé- 
crire les auitérités qu'il exerçok for 



^4 Oraison 

même î N'effrayons pas à ce point la 
moUeffe de notre fiecle. Ne rebutons pas 
les âmes pénitentes qui , avec beaucoup 
plus d'offenfes à réparer font incapables 
de fupporter de fi rudes travaux. Les fiens 
étoient trop au-deffus des forces ordi- 
naires pour ofer les propofêr pour mo- 
dèles. Eh J peu s'en faut , mon Dieu , 
que je n'aye à juflifîer leur excès devant 
ce monde efféminé fi peu fait pour ju- 
ger de la douceur de votre joug 1 Com- 
Eien de téméraires oferont lui reprocher 
d'avoir abrégé fes jours à force de mor- 
tifications & de jeûnes , qui ne rougif^ 
fent point d'abréger les leurs dans les 
plus honteux excès ! Laiffons-les au fein 
de leiu-s égaremens prononcer avec or- 
gueil les maximes de leiu- prétendue {a." 
gelTe ; & cependant le jour viendra où 
chacun recevra le falaire de (es œuvres. 
Contentons^nous de dire ici que ce grand 
& vertueux Prince mortifia fa chair com- 
me Saint Paul , fans avoir à pleurer comme 
lui l'aveuglement de fa jeunefTe. Il pé- 
cha fans doute ; & quel homme en eft 
exempt? Auflî, quoique fon cœiu- ne fe 
&t point endurci y quoiqu'il pût dire 



■ I I I .11 I i TT l I ■ ■ ,1 II J 

F U N E B R E. 6j 

comme cet homme de l'Evangile pour le- 
quel Jéfus conçut de TafiTeftion. O mon mai^ 
irt y /ai obfcrvi tomes ces chofes dès mon en* 
fonce ('*); il n'ignoroit pas qu'il avoit 
poiurtant des fautes à expier ou à pré- 
venir; il n'ignoroit pas que pour arri- 
ver au terme qu'il fe propofoit , le che- 
min le plus fur étoit le plus difficile , fé- 
lon ce grand précepte du Seigneur, £/^ 
force^yous (Centrer par la porte étroite , car 
je vous dis que plufieurs demanderont à 
entrer & ne toHiendront point (•{•) i il n'i- 
gnoroit pas, enfin, ces terribles paroles 
de l'Ecriture. En vain ichapperions^hoxts à 
la main des hommes , fi nous ne faifons 
pénitence y nous tomberons dans celle de 
Dieu (*^). 

Nous l'avons vu dans ces derniers 
momens de fa vie oii fon corps exté- 
n\^é étoit prêt à laifTer >?ette ame pure en 
liberté de fe réunhr à fon Créateur , re- 
£ifer encore de modérer ces faîntcs ri- 
gueurs qu'il exerçoit fur fa chair : nous 
lavons vu îufqu'à la veille de fon dé- 



■• 



(♦) Marc C. X. Verfet ao. 
( + y tur C. XHI. Verfet i4. 
(^) Eccleiialtic. Ç* U. Verfet A)« 



BW» 



66 Oraison 

ces j & tout ce peuple en larmes Ta vu 
avec nous fe lever avec effort & , fe fou* 
tenant à peine , fe îraîner chaque jour à 
Téglife en prononçant ces peroles dont 
il lentôit avec joie approcher Inaccomplie- 
iement. Nous irons dans ta mai/on du Sei'^ 
gncuf (^). Bien différent de cet Empereur 
payen qiii voulut mourir debout pour le 
frivole plailîr de prononcer une fentence, 
il voulut riiourir debout pour rendre à 
fon Créateur jufqu'au deriiier jôut de fa 
vie , cet hommage public au'il n'avoit ja- 
mais négligé de lui renore; il voulut 
mourir comme il avoir vécu , en fervant 
Dieu & édifiant les hommes. 

Ne doutons point qu^une fi feinte vie 
n^obtienne la récompenfe qui lui eft due. 
Souffrons fans murmure que celui qui a 
tant aimé le bonheur des hommes voye 
enfin couronner le fîen, Efpérons que le 
defir de répandre fur nous des bienfaits 
qui a été fur la terre l'objet de toutes fe s 
aaions , deviendra dans le ciel celui de 
toutes {^s prières* Enfin, travaillons à 
nous fanôiner comme hri , & faifons en 



(*; P&l. m. Veriêfts. 



mamt 



Funèbre. 67 

^1^^— — ^— ■— ^M l« ■ I I » Il 1 11 I I — ^»^— <>— ■— ^M^^l— — 

fjrte que ne pouvant plus nous être utile 
par {es bonnes œuvres , il le foit en- 
core par fon exemple. 

En attendant qu'il partage fur nos au- 
tels les honneurs de fon faint & glorieux 
ancêtre Louis neuf ; en attendant que fon 
nom foit infcrit dans les faites facrés de 
TEglife , comme il Tefl déjà dans le livre 
de vie 9 invoquons pour lui la divine 
miféricorde : adrefTons aux Saints en fa 
feveur les prières que nous hii adreffe- 
rons un jour à lui-même : demandons 
au Seigneur qu*il lui faffe part de fa gloire 
pour fequelle il a tant eu de zèle, qu*il 
répande fes bénédiftions fur toute la mai- 
fon Royale , dont ce vertueux Prince 
foutint h dignement Thonneur , & que 
Faugufte nom de Bourbon foit grand à 
jamais , èc dans les deux &c fur la terre. 




LES 



PRISONNIERS 

D s GUERRE!, 
i^ O M É D I E. 






ACTEURS. 

GOTERNITZ, Gentilhomme Hongrois. 

M A CKER , Hongrois. 

DORANTE, Officier François prifon* 
nier de guerre. 

SOPHIE, fiUt de Goumiei. 

FREDERICK, OfficUr Hongrois y fiU 
de Gournit[. 

} kCQV kKD , Suijft y valu de Dorante 
La Scenè éA en Hongrie. 



LES 



PRISONNIERS 

DE GUER RE, 

COMÉDIE. 



% JM ' I IL 



SCENE PREMIERE. 

PORANTE, JACQUARD^ 
Jacquard. 

jP A R mon foy , Monfir , moi ly com-^ 
prendre rien à ûl pays Tongri, |ç fin 
l'être pon^ Sç fes m4chans ; Têtrç pas na* 
turel , cela. 

Dorante. 

Si tu ne fy trouves pas bien rien ne 
f oblige d'y demeurer. Tu es mon domef- 
tique , & non pas prifonnier de guefre 
fomoite moi> ^i p^ux tfen alier qUaiid Û 
te plaira. .... 

Jacquard. 



loir 



l 4. 



Ohî moi point quitter fous , moi fou- 
ir pas être plu$ Uhre> (|ue tùott^jçàtx^i 



7z Les Prisonniers 



a» 



Dorante. 

Mon pauvre Jacquard , je fuis fenfi- 
ble à ton attachement ; il me confole- 
roit dans ma captivité, fi j*étois capable 
de confolation. 

Jacquard. 

Moi point foirffrir que ibus Taffliche 
touchours , touchoiu's , fous poire comme 
moi , fous confolir tout l*aporcL 

.Dorante* 

Quelle . confolation ! ô France , ô ma 
cKere Patrie ! que ce ^Kmat barbare me 
fait fentir ce que tu vaux ! quand rêver- 
wi-je ton heureux féjour ? quand finira 
cette honteufe inadHon où je languis , tan- 
dis que mes. ghriet^x compatriotes moif- 
fonnçnt dejs lauriers fur les traces d^ mon 

J A C^q' U A R D. 

. Oh V fous l'afre été pris combattant 
pravement. Les ennemis que fous afi« 
tués 9 rêtre encpre pli mal^teç que fous. 

. Do R A N T E, 

.. Apprends, qup dans le f^pg cpil m'ani- 

me 



il 

D £ G U E R R £. 73 



me la gloire acquife ne fert que tfai- 
guillon pour en rechercher davantage. 
Apprends que quelque zèle qu'on ait à 
remplir fon devoir pour lui-même , l*ar- 
deur s'en augmente encore par le noble 
defir de mériter Teftin^e de ion maître en 
combattant fous fesi yeux. M quel ntfi, 
pas U bonheur de quiconque peut obtenir 
celle du mien^ & qui fait mieux que ce 
grand Prince peut fur fa propre expérience 
juger du miriu & de la valeur. 

Jacquard. 

Pîen , pien , fous Têtre pientôt tiré te 
fti prifonnache, Monfir votre père avre 
écrit qu'il tra^^ir pour ^e échange 

fous. 

Dorante. 

Oui, mais le tems en eft encore in- 
certain & cependant le Roi fait chaque. 
jour de nouvelles conquêtes. 

Jacquard, 

Pardi ! moi Têtre pien content t'allef 
tant feulement à celles qu'il fera encore ; 
mais fous l'être donc plis «amoureux pi£> 
que fous fouloir tant partir. . 

SuppL de I4 Collée, i orne Ul. Q 



I iiii n iwwwpyf^ 



y^ Les PaiSPNNIpRS 

D O Jl À N T E. 

Amoureux ! de qui ! . . ( ^ part^ aiuroit» 
fl pénétra mçs feux fecrets t 

Jacquard, 

Là , tç cette temoifelle Claire , te cette 
thcrfie fille <i« notre Bourgeois à mû fous 
iàire tant -àe petits doùcetrrs. ( a pan. ) 
oh cbons pien (l*aittres doutances ^ mais 
ji: ikut . &ipe femplant te rien. 

Dorante, 

Non Jacquard , l^amour que tu me fupf 
pofes n'eft point capable ge ralentir mon 
empreffement de retpurner en France, 
Tous climats font îndifFérens pour Tamour, 
Le monde e|l plçin de belles dignes des 
fervices de miUe amans, mais on n'a 
qu*ui|e Patrie à fervir. 

jACQUAltp, 

A propos te belles. Savre fous que l'ê-^ 
tre après timain que notre prital te Bour-»» 
geoi^ époufe la fille de Moimr Goternîs^^ 

P O R A N T !• 

Comment | que dis^tu l 





DE Guerre* 


75 



Jacquard. 

Que la mariache de Monfir Macker 
avec Nhmecelte Sophie qui étoit différé 
chifqiie à rarrivée li frère te la temoi- 
celle, dok ie terminer dans teux jours ^ 
parce qu'il avre été échangé plitôt qu'o^ 
n'avre cru & qu*il arriver aucherdi* 

Dorante. 

Jacquard, que me dis'-tu là ! Comment 
le fais-tu? 

J A C Q U A )R D. 

Par mon foy je Tafre appris toute 
l'heure en pivaat pouteillé avee in J^et 
te la maiibn. 

D OR AN TE. 

• * 

(i /7^^^) Cachons mon trouble^ î J • 
ihaut) je ré!fléchîs i^ue le. meâager doit 
être arrivé ; va "voir* s'ir n'y a point dej 

nouvelles poifr moi. / ; 

J A C <2 U A R D» 

(ii/^tf^.) Di^le ! Fy être 4ii noufelle 
Aà trop à ce que <iie fois! (revenant.^ 
MocpSr , <*e »&&« p^ïftt 0èi l'èfâre la ^q%% 

fjfàfif te M tmmk^ 



76 L^s PmsoNNiERS 



P O R A N T E. 

Tu n'as qu'à parler à Mademoifelle 
Claire , <mi , pour éviter que mes let- 
tres ne foient ouvertes à la pofte , a 
bien voulu fe charger de les reçevour 
ibus une adreffe convenue , & dç me le$ 
remettre fecrétement, 




S C S N E IL 
Dorante. 

Quel coup pour ma flamme ! c'en eft 
donc fait , trop aimable Sophie , il feut 
▼ous perdre pour jamais, & vous aller 
devenir la proie d'un riche, mais ridi- 
cule & groffier vieillard. Helas J tans 
in'en avoir encore feit l'aveu tout corn. 
mençolt à m'annoncer de votre part le 
plus tendre retour! non, quoique es 
fniuftes préjugéi de fon père contre les 
Frarçois duffont être un obftaele mvma- 
ble à moà bonheur , il ne feUoit pas 
moins qu'un pareil événement pour aflu- 
rer la finçérite dçs vceux que je.feis pour 
retourner prçmpteiïieiït en France j k$ 



B E G V E R RE» 77 



««MBi^MMMi 



afdens témoignages tpie j'en donne né 
ibnt-ils point plutôt les efibrts d*un eï* 
prit qui s'excite par la confidération de 
ton devoir , que les effets d'un zèle affez 
fincere i mais que dis-je , ah ! que la 
gloire n?en murmure point, de fi bezux 
teiix ne font pas faits poiur lui nuire : 
un cœut n'eft jamais ^ez amoureux, il 
ne fait pas, du moins, affez de cas de 
l'êftime de fa maîtreffe , quand il balance 
à lui préféra ion devoir ^ fon pays , & 
Ion Roi. 



^Wfl 



SCENE III. 

MACKER, DORANTE, GOTERNITZ. 

Mac k £ K. 

A: H! voîci ce prifonnîer que j'aî en 

Sarde.Il faut que je le prévienne fur la façon' 
ont il doit Te conduire avec ma future* 
Car ces François qui , dit - on , fe fou- 
cient fî peu de leurs femmes , font des 
plus accommodaos avec celles d'autrui , 
m^ je ne veux point che2 moi de ce 

D| 



7^ Les Prisonniehs 

cofnmercê là,, ^ f^ prét^iwte du ii>oms 
ifjf^ 0KS. ea&tts foi€nt 4e moa pays* 

G O T E R N r T 2. 

Vous ayez là d'étranges opinlpns de 

M A é K E R. 

Moa Dîiea^ pas & éteanges; Je» pcnfe 
c|ite k. mienne» la, Tsut biisû,^ 3^ fi^ • • 
triions làKicêks • • • Sdgneut Dofwtel 

I> o é: A If T E. 

Monfienr ? 

Rf A C K E Rr 

Sayez-<«o«s que je . me: mâtie ? 

D o R i. N. T E». 

Que m'importe? 

Mac k F r; 

r Ceft cpirij satlmporte à moi (ÇLietTWi* 
appreniez cgxer jp ne, fiiiSr pas d'avi» ipie 
ma feninievive. à la firançoire* r 

D- o. R A N T E^ 

Tant pis pour eHer 

M ;J^ C ?■ È R., 

Eh oui g mais tant mieux poinr moi» 



DE Guerre, *^^ 

D d R A H T k* 

Je n'en fais rien. 

M A c k E R* 

Oh nous ne demandons pas votfe opî^ 
iiion làdeflus ? je vous avertis feule-» 
inent que je fouhait^ dé ne vous trpuvei* 
Jamais avec elle , & que vous évitiez de 
me domiér à ^et ég^<l des ombrages ^ 
& conduite* 

D a R A » *ï t. ^ 

Cela eft ti-op jufte , Sc Vou^ feftz &* 
tîsfait. ' 

M A Ê It £ R« 

Ail î le voilà complaifent une fbisi 
quel mii^de! 

t> O R À i^ T t. 

Maïs je compte que vous y contrî*» 
buerez de votre côté autant qu'il fera né» 
ceflàire. 

M A C K E R^ 

Oh î fa^is doute , & j'aurai foin d'or-» 
donner à. m^ femme de vous éviter fi» 
toutç ûccaûoiK 

»4 



Sa Les Prisonniers 

Dorante. 

M'éviter! gardez -vous en bien. Ce 
a'eft pas ce que je veux dire. 

M A C K £ R. 

Comment ? 

Dorante. 

C*eft vous au contraire qui devez évi- 
ter de vous appercevoir du tems que je 
paflerai auprès d'eUe. Je ne lui rendrai de^ 
foins que le (dus direâement qu'il me 
fera poflible , & vous , en mari prudent 
vous n'en verrez que ce qu'il vous plaka» 

Mac k e r, 

. Comment diable ! vous vous moquez; 
"& Cis n'eft pas là mon compte. 

Dorante. 

. C'eft pourtant tout ce que je puis vous 
promettre , & c'eft même tout ce que 
vous m'avez demandé. 

M A c K £ R. 

* Parbleu ! celui-là me paffe ; il feut être* 
bien endiablé après les femmes d'autrui 
pour tenir un tel langage à la barbe des 
maris. 



D £ G U £ R R E. 8t 



I» 



GOTERNITZ. 

En vérité, feigneur Macker, vos dit- 
cours me font pitié , & votre colère me 
feit rire. Quelle réponfe vouliez-vous que 
fit Monfîeur à une exhortation auffi ridi- 
cule que la vôtre ? la preuve de la pu- 
reté de iès intentions eft le langage memç 
qull vous tient : s'il vouloît vous trom- 
per, vous prendroit-il pour fon confident? 

Macker. 

Je me moque de cela , fou qui s'y 
fie. Je ne yeux point qu'il fréquente ma 
femme, & j'y mettrai non ordre. 

Dorante. 

A la bonne heure ; mais comme je fuis 
votre prifonnier, & non pas votre ef- 
clave, vous ne trouverez pas mauvais 
que je m'acquitte envers elle en toute 
occafion des devoirs de polkeffe que mon 
fexe doit au fien. 

Macker. 

Eh! morbleu] tant de politeflès pour 
la femme ne tendent qu'à faire affront au 
mari* Cela me met dans des impatiences....» 
jious verrooSt 1 1 «« nous verrons. . . , , vou$ 

P 5 



8i Les Prisonniers 

êtes méch^tv Monfieux le François. CMii 
parbleu , je le ferai plus que vous- 

I> a K A N T E. 

A la maifon cela peut êfipe ; mais j'ai 
peine à croire que vous le foyer fort à la» 
guerre» 

G O T E K N r T Z,. 

Tout doux ,. fergneut Dorante ^ il eflj 
d^ine nation..... 

Dora n' t Er 

Oui y quoique ta vraie valeur foit infé^ 
parable de la générofité , je iaîs. malgré la^ 
cruauté de la vôtre en eflimér la bra^ 
voure. Mais cela le met-iP en droit d'in-^ 
&lter lui foldat qi*i n'a cédé: qu'au nom- 
î^re , & qui, je penfe ,.a montré affez d« 
courage pour devokr être r^fpefté , mêm^* 
dans u difgrace !' 

G O T K R !»^ ï > r. 

Vous avez raifon. Les lauriers né forifr 
pas moins le prix du courage que de Is 
viôoire. Nousi-mème^ depuis q«é nous^ 
cédons aux armes triomphantes de votrr 
Roi 9 nous ne nous en tenons pas moin» 

Sl^^id^ux ^ pui£{iie la mêmet valeur qi^iS 



D £ G U E E R £^. 

- 

emploie à nous attaquer , montre la 
'^Sr ^^^ défendre. Mais voici Son 




se E N E rv. 



GOTERNlTr, y t^^K^^rj^^ nop a \m ^ 

SOPHIE. ' '^ •^ 

GOTERNITÎ. 

A PPft.ocitEX , ma fille , verlez faluer 
votre époux , ne l'acceptez- vous pas avec 
plaifir dé ma main f 

" •* S O P H î £. 

Quand mon c<5eur en feroit le maître 
il ne le choifiroit pfi$ ailleurs qu'i<;ir 

M A C K E Ré 

Fort biefi belle mignojine } inâîsi . ..; 9 
X^ à Dorante. ) qiioi ! vous ne vous etl 
allez pas ? 

Dorante. 

Ne devez-vous pas être flatté qtïe moti 

admiration confirme la bonté de votf«f 

^hoix ) 

D Û 




^4 L»s Prisonniers 




M A c K E R. 

•Comme je ne IJi.pas <^î»<'^^^ P^/j 
vous ^ votre approbation me paroxt ici 

peu nécefiàire. 

GOTERNITZ. 

'"Sïonfieur , que le fcigneur Macker eu in- 
quiété de votre préfence ; c*eil im effet 
3u*un cavâBer de votre figure peut proj 
uire naturellement fur Pépoux le flus r^lr 
ionnable» 

Dorante. 



^ iU 



Eh bien î il &ut donc le délivrer (Fuit 
fpeûateur incommode , auffî bien ne puis-^ 
je Supporter le tableau fune union auflL 
difproportîonnée; Ah î Monfieur , com- 
ment pouvez-vwB confentir vous-même ^ 
€pxe tant de perfections foient pofledées 
par un homme ii peu ait pour les coik 
noitre r 



CfcA£) 



deGueîlre. ^5 



>A A » ^ 



s C E N E V. 
MACKER , GOTERNITZ , SOPHIE. 

M A c K £ R. 

Jl Arblêu ! voilà une nation bien ex- 
traordinaire , des prifonniers bien incom- 
modes. Le valet me boit mon vin , le 
maître careffe ma fille. {Sophie fait une mine!) 
Ils vivent chez moi comme s'ils étaient en 
pays de conquêtes ! 

GOTERNITZ, 

C'eft la vie la plus ordinaire aux Fran- 
çois > ils y font tout accoutumés. 

M A c K £ H. 

Bonne excufe , ma foi ! ne £uidra-t-il 
point encore en faveur de la coutume 
que j'approuve qu'il me faffe cocu ? 

Sophie. 

Ah ciel ! quel homme I 

GOTERNITZ, 

' Je iuis auffi fcandalifé de votre langage 
que ma fiUe en eft indignée, ^ppren^ 



. LA 



mmÊ0émÊmm 



^6> Les P r i.s o n n i e r s 

X 



qii*iin mari qui ne monfi'e à fe femme nî 
eftime ni confiance , Taiitorife aïKant qxi*iï 
eft en lui , à ne les pas mériter^ Mais^ 
le jour s'avance , je vais monter à cheval 
pour aller au-devant de |non fils qui doit 
arriver ce foir. 

M A C K É R^ 

Je ne vous quitte pas , j*irai avec voui 
s^l vous plaît. 

G o T Ê R N I T Z. 

Soit y j'ai même bie» des chofes à volis 
dire dont nous .nous entretiendrons en? 
çbemin. , 

M A C.K E R,. 

Adieu mignonne ^ il me tarde que nouf» 
foyons mariés pour vous mener voir 
mes champs & mes bêtes- à cornes , 
j'en ai le plus beau parc de la Hongrie^ 

S o P H I Er 

T 

Monfieuf ^ ces animaux 1^ me font 
peau 

M A c k: E R* 

Va , va , poulette , tu y feras bientôt 
ii^me avee aa^ô*. 



•-"-'■ ■ "" ■ ' I I 

, D JE: G y E m K I, 87 



a«5ir= 



SCENE V L 

s ô ^ H r Êr 

OuEL-épcnix î quelle différence de lut 
àj3orante, en qui les charmes de Tamour' 
redoublent pas les grâces de fes manières , 
& de fes ex|>reil!k)ns. Mais hélas ! il n'effi 
point fait pour moi. A peine mon cœur 
ofe-t- il s'avouer qu'il l*aime , & )e dois> 
irop me féliciter de ne lui avoir point 
avoué à lui-même. Encore s'il* m'étoîf 
£dele ^ la bonté de mon père me laifTe* 
roit , malgré fe' prévention' & fes enga-« 
genaens quelque lu«ur d'efpérance. Mais 
%à fille m Macker partage Tamour de* 
Dorante y il lui dît ^s doute les même$> 
choies qu'à moi, peut-être eft-elle lai 
feule qu'il aime- Volages François ! que 
les ièmi^es font heureu&s ;que vos infî^- 
délités les tiei^ient e» g^nie coBttre vo* 
fëduôions î Si vous étiez auflî conftans> 
que vous êt^ aîm^bfes-, qtieb cœurs voui 
féfffteifoiiantrlrfce vokt ;.^ je voutfrois fliir ,, 
& jfi ne pms.in*y réfoudice : je vo^drois^ 
lui paroître t^ranquille ^ & je iènsq^iç jm 



88 Les Prisonniers 

■ I Mlll I ■ I I ■ ■ ■ I I I II i^— .— iM 

raimê jufqu'à ne pouvoir lui cacher mon 
dépit. 



j. . ^gSi f . '^ 



< I » ii^ Il I mj j jt ' ! «■ ■■■ ' ■ ■ ! ■■ 

. SCENE VIL 

DORANTE, SOPHIE. 

Dorante. 

X L eft donc vrai , Madame , <][ue ma 
ruine eft conclue , & que je vais vous 
perdre fans retpur. J'en mourrois , fans 
doute 9 fi la mort étoit la pire des dou« 
leurs. Je ne vivrai que pour vous por- 
ter dans mon cœnr phis long-tems , & 
pour me rendre digne , par ma conduite & 
par ma confiance, de votre eflime & de vos 
regrets. 

Sophie. 

" Se peut -il que la perfidie emprunte 
un langage auifi noble & aufli paffionné ? 

Dorante. 

Que dites-vous ? quel accueil ! efl-ce 
1^ la jufle pitié que méritent mes fenti- 
Wens ? 



deGuerre. 89 



•«■ 



Sophie. 

Votre douleur eft grande en efiët , à 
en juger par le foin que vous avez pris 
de vous ménager des confolations* 

Dorante. 

Moi 9 des confolations ! en eâ-U pour 
yotre perte ? 

Sophie. 

Ceft-à-dire : en eil-il befoin ? 

Dorante. 

" Quoi ! belle Sophie ? pouvez- vpus ? ... ; 

S o p h: I E. 

Réfervez , je vous en prie ^ la &mi- 
lîarité de ces expreâîons pour la belle 
Claire , & fâchez gue Sophie telle qu'elle 
eft, belle ou laide, (e foucie d'autant moins 
de l'être à vos yeux , qu'elle vous croit 
âufll mauvais juge de la beauté que du 
mérite. 

Dorant e. 

Le rang que vous tenez dans mon ef- 
dme & dans mon cœur eft une preuve 
du contraire. Quoi ! vous m'avez cru 
amoureux de la fille de Macker? 



ÉiaMMIlB«laili«kai«MriMtaMMMMi 



^ 



90 Les Prisonniers 



mM. 



S O ï> H I E- 

Non en vérité. Je ne voiis feîs paà 
Thonnéur de vous caroiré un cœur fait 
pour aimer. Vous êtes comme tous lesi 
jeunes gens de ^votre pays , un homme 
fort convaincu de fes perfeftipns ^ qui 
fe* croit deftiné à tromper les fenunes , 
& jouant l'amour auprès d'elles ^ mai^ 
4jui n'eil pas capable d*en reflentir. 

Dorants^ 

Ah ! fe peut-il que vous me confon*^ 
dlez dans cet ordre d*amaa$ , ûuhls fentî* 
mens & fans délicateiTé^ pour quelques 
vains^ badinages qui prouVent eux-mêmes 
que mon cœur n'y a point de part , &l 
qu'il étoit à vous tout entier. 

Sophie. 

La preuve me paroît fingulîere. Je fê-^ 
)tpis curieufe d'apprendre les légères fob-r 
tilités de cette Philofophie françoife. 

D O R A K T E. 

- Oui , J'en appelle en témoignage de' la 
fincérité de mes feiuc ^ œtte conduite 
même que vous me reprochez : j'ai dit à 
d'autres de petites douceurs , il eit vrai ; 



y I I i r M il nm iii I I II i i \ mmàmm^^m^^^ 

D E G i; E R R £. ^1' 

Yai folâtré auprès d^ellèj. Maïs ce badi- 
nage & cet enjouement , font-ils le lan- 
gage de l'amour ? Eft-ce fiir ce ton que 
je me fuis exprimé près 4f vous ? Cet 
abord timide , cette émotioa, ce relpeâ , 
ces tendres foiipirs , ces douces fenxxes ^ 
c^s tranfports que vouis me faîtes 'éprou-^ 
ver, ont -ils cjuclquechofè' de communJt 
avec cet air piquant & bacjîn que la po- 
hfeSe 6c le toa du monde nous font 
prendre auprès d^Sr femmes indifférentesè^ 
Non ^ So^e^: l^ m\&c ia g^îté m fpnt^ 
point le lan^g^t d^ fentimeot. Le véri- 
table amour n'efl riî téméraire ni éva- 
pore; îa eraihte le^ i^e^ cifçoa^ft ; il 
n£|ue moins par la eonn^iflance de ce: 
cjjji''û pettt perdre , êc comme il en veut 
au troeur encore plw qu*à lâr perfonne ,> 
it 0e hafepde guei^s^ Temm^ œ la pfer-it 
fohne- qu^ aime pour un ésc[Hém ho 
poflRkilcHiv' \ ^ '' ; 

S a p H r I. 

t 

Ceft-à-dire , eh un mot , que contens 
d'être terîdires pour vos m^îtreffes , vous 
n*êtes que galans ^ badins & téméraires ^ 
près des femmes que vous n^aîmez point. 
Voilà une conflahce & de^ maxixnes 



ÇA L£S Prisonniers 

> li n 

d'un nouveau coût , fort commodes pour 
les cavaliers ; je ne iàis û les belles de 
.votre pays s'en contentent de même ? 

Dorante. 

Oui , Madame , cela eft réciproque , 
& elles ont bien autant d'intérêt que nous , 
pour le moins, à les.établir« 

Sophie. 

Vous me feites trembler pour îer 
femmes capables de donner leur cœur à 
des amans formés à urie pareille école. 

Dorante. 

Eh ! pourquoi ces craintes chimériques ) 
n'efl-il pas convenu que ce commerce 
^lant & poli , qui jette tant d'agrément 
dans la fociété n'eft point de l'amour; il 
n^'eft que le Supplément. Le nombre ^s 
cœurs vraiment faits pour aimer e& fi 
petit 9 & parmi ceux-là , il y en a fi peu 
qui fe rencontrent , que tout langidroit 
bientôt fi l'efprit & la volupté ne te- 
noient quelquefois la place du cœur & 
du fentiuient Les femmes ne font point 
les dupes des aimables folies que les hom- 
mes iont autour d'elles. Nous en fom« 



DE Guerre. 9} 

mes de même par lapport à leur coquet- 
terie , elles ne iiéduifent que nos lens. 
C'eft un commerce fidelle , où Ton ne fe 
donne réciproquement que pour ce qu'on 
efi. Mais il faut avouer à la honte du cœur 
que ces heureux badinages font fouvent 
mieux réçompejifés 9 que . les plus tou- 
chantes- expreflions d'une flamme ardent^ 
êc ûncere. 

Sophie. 

Nous voici précifément oh j'en vouloîs 
venir ; vous m'aimez , dites- vous , imiqu^ 
ment & parfaitement ; tout le refte n'efl 
que jeu d'efprît ; je le veux ; je le crois» 
Mais alors il mé refté toujours à favbir 
quel genre de plj^iiir vous pouvez trou- 
ver à f^ire , dans un goût différent , hi 
cour à d'autres femmes , & à rechercher 
pourtant aupcès d'elles, le prix du véri^* 
table amour. 

P £) R A N T F. ^ 

Ah ! Mjaçtemel qiiel t$ms prenez-vQus 
pour m'erigager dans des dîffertatiojis^Je 
vais vous perdre , "hélas ! & vous vouiez' 
que mon eff^it^s'dccufTe d'autre^ çhofes 
que de fa douleur* ^i .i * * > / 



as 



1jf4 L^S PRlSONNIEaS 

Sophie.. 

I^ réflexion ne pouvoît venir plus mal 
à propos ; il falloit la &ire plutôt , ou ne la 
point feire du tout. 



|M,.I"'. I . 



•^ 



SCENE VI IL 

■v 

DORANTE, SOPHIE, JACQUARDj 

< 

Jacquard. 
Î>T^ ft. Môniïr , Monfir.' 

V> O K A NT E. . ; 

• ) . * f ^ , à / • 

• - Je crois qii'pn «m'appelle. 

Jacquard. 

Ok moi venir , puiique fox^s poinf, aHeff 

,. . I> O g À N T-Ei 

Eh bien? qu'eft-ce? /^ ^ 
J A t Q i; A i 13. 

' Monfir , afec la pernîîfliôn te montamç; 
fêtre ain piti f écriture. 

guoi ttos Isms? § 



A. :.^ '< 



asas 



pEGVERIiE. ^J 

Jacquard. 
Chiftément, 

D O R A N T I. 

Donner la moi. 

Jacquard. ' . 

Tîantre , non , Mamecelle Claire mzfré 
cbargé te ne la donne £o\is qu'en gran^J 
fecrettement, 

Sophie. 

Monfievir Jacquard eft exaû, il veu| 
ftiivre fes ordres. 

I> O R A N T E, 

Donne toujours , butor , tu fais le myfj 
térieuic fort à propos, 

Sophie. 

Ceffez de vous inquiéter. . Je ne fliîâ 
point incoi^imode , & je vais me retirej| 
pour ne pas gêner votre empreffementt 




t 



5)6 Les Prisonniers 

43- = 



SCENE I 

SOPHIE, DORANTE. 
Dorante, à part. 

Çj E T T E lettre de mon père lui donne 
de nouveaux foupçons , & vient tout à 
propos pour les didiper. (Ak2^^) Eh quoi. 
Madame , vous me fiiyez ? 

Sophie ironiquement. 

Seriez -vous difpofé à me mettre de 
];noitié dans vos confidences ? 

Dorante. 

Mes fecrets ne vous intéreffent pas affez 
pour vouloir y prendre part. 

Sophie. 

Ceft , au contraire , qu'ils vous font 
trop çhers pour les prodiguer. 

Dorante. 

Il me fiéroit mal d'en être plus av^rc 
que de mon propre cœur. 

S o > H I E. 

Auili logez-vous tout au même Heu, 

Dorante* 



^* 



mm 



DE Guerre. 97 

D o R A îf T E. 

Cela ne tient du moins qu'à votre com- 
plaifance. 

Sophie. 

Il y a dans ce fang- froid une méchan- 
ceté que je fuis tentée de punir. Vous fe- 
riez bien embajrrafle fi , pour vous prendre 
au mot , je vous prioîs de oie cpiximuni* 
quer cette lettre. "" 

Dorante. 

Ten ferois feulement fort furprîs , vous 
vous pkiifez trop à nourrir d'injuftes fen- 
timens fur mon compte , poiu* chercher 
à les détruire^ 

Sophie. 

Voiis vous fiez fort à ma dlfcréticni. f. » 
je vois qu'il faut lire la lettre pour con»-. 
fondrç yotre téméj-ité, 

D O IJ. A N T E, 

Lifez la ppur vous convaincre de vpjre 
injuftice^ 

Sophie. 

Non , commencez par me la lire vous* 
même , j'en jouirai mieux de votre cpa^^ 
fiiiion. 

fii^ppt. de la ColUc. Tome III, ^ 



98 Les Prisonniers 



P o R A N T E. 

Nous allons voir : {il lit, ) Que de joie , 
mon cher Dorante ! 

S o P H I^^ 

Mon cher Dorante , l'cxpreflion eft ga- 
lante vraiment. 

Dorante. 

Que fai de joie , mon cher Dorarite , de , 
pouvoir terminer vos peines. 

S O P H r E. 

Oh ! je n'en doute pas , vous avez tant 
tfhumfinité ! 

Dorante. 

Vous voilçL délivre des fers où vous Un^ 
guij^[* • •• 

Sophie. 
Je ne Unguirai pas dans les vôtres, 

P O R A N T E. 

ffdtei'vous de venir me rejoindre* » , « 

Sophie, 
Cela s'appelle être preffée î 
Dorante. 
Je bruU de vous ^mbraffer^ • •' ; 



deGuerre. 99 

^■ ^ ■ ■' ' 

Sophie. 

Rien n'eft fi commode que de déclarer 
franchement fes befoins. 

Dorante. 

yous eus échangé contre un jeune Officier 
juî s'e/i retourne actuellement où vous êtes. 

Sophie. 
Mais je n'y comprends plus rien; 
Dorante. 

Blejje dangereuftment , il fut fait prijon^^ 
nier dans une affaire où je me trouvai.*. 

Sophie. 
Une affeire où fe trouva Mlle. Claire \ 

Dorante. 
Qui vous parle de Mlle. Claire ? 

S O P H/ I E. 

Quoi î cette lettre n'eft pas d'elle ? 
Dorante. 

Non vraiment ; elle eft de mon perè J 
it Mlle. Claire n'a fervi que de moyen 
lour me la faire parvenir ; voyez la date 
\ le feing. 

E A 



a 



lOQ Les Prisonniers 



■WMM^ 



Sophie. 
Ah je rçfpirç ! 

D O R A N T Ef 

Ecoutez le refte ; ( il lit^ A force dcfi^ 
Cours & de foins y ai eu U honheur de lui 
fauver la vie ; je lui ai trouvé tant de recon-- 
fioiffance , que je ne puis trop me féliciter 
dcsfervices qiuje lui ai rendus. Tefpere qutn 
le voyant vous partagerez mon amitié pour 
lui^ & que vous le lui fémoignerei. 

, S O P fl I E â part. 

^ Uhiftoire de ce jeune officier a tant de 
rapport avec . . . , ^h ! fi c'étoit lui ... . 
tOMS in^s doutes feront éclaircis ce foir^ 

D Q ii A N T Ep 

Belle jSophie , vous voyez votre erreqr. 
Mais de quoi me fert que vous connoif- 
fiez rinjuftice de vos foupçons y en feraîr 
je mieux récofnpei)fé de ma fidélité i 

Sophie. 

Je voudrois inutilement vouç déguifer 
encore le fecret de mon cœur j il a trop 
éclaté <avec mon dépit ; vous voyez corn- 
J>ien je vous ainie , & vous deyez inçfu:? 

) 



DE Guerre* iopi 

rer le prix de Cet aveu fur les peines qu'il 
m'a coûté* 

Dorante* 

, Aveu charmant ! pourquoi &ut-il qu6 
des momens fi doux {oient mêlés d'alamles, 
& que le jour oîi vous partagez mes feiix 
foit celui qui les rend le plus à plaindre î 

S o p k I É. 

Ils peuvent encore l'être moins que voui 
lie penfez. L'amour perd-il fi-tôt courage ; 
& quand on aime affez pour tout entre* 
prendre , manque-t^on de reffources pour 
être heureux ? ' 

D o R A N t E. 

Adorable Sophie ! quels tranfports vous 
me caufez ! quoi , vos bontés ! • • . « je 
poiuTois • • • • ah ! cruelle ! vous promet- 
tez plus que vous ne voulez tenir 1 

S o P H I E< 

Moi je ne promets rien. Quelle eft la 
TÎvacité de votre imagination ? J'ai peut 
que nous ne nous entendions pas« 

Dorante. 

Comment } 

E3 



.Ï02 Les Prisonniers 

—————— —a— I 'I ■ 'I ■ wmmmm^mÊmmmmà 

Sophie. 

Le trifte hymen que je crains n'cft point 
tellement conclu que je ne puiffe me flatter 
d'obtenir du moins un délai de mon père ; 
prolongez votre féjour ici )ufqu*à ce que 
la paix , ou des circonftances plus favorar 
bles ayent diffipé les préjugés qui vous 
le rendent contraire. 

Dorante. 

Vous voyez Tempreffement avec lequel 
on me rappelle : puis - je trop me hâter 
d'aller réparer Toifiycté de mon efclavage? 
Ah ! s'il faut que Famour me fkffe négli- 
ger le foin de ma réputation , doit-ce être 
lur des efpérances aufli douteufes que 
celles dont vous me flattez? Que la cer- 
titude de mon bonheur ferve du moin5 
à rendre ma faute excufable. Confentei 
que des noeuds fecrets 

Sophie. 

Qu'ofez-vous me propofer ? Un cœur 
bien amoureux ménage-t-il fi peu la gloire 
de ce qu'il aime ? vous m'offenfez vive- 
ment» 



tmmm 



DE Guerre. ioj 

Dora n te. 

JTai prévii votre réponfe , & vous avez 
diôé la mienne» Forcé d'être malheureux 
ou coupable , c'eft Texcès de mon amouf 
qui me fait facrifier mon bonheur à mon 
devoir , puifque ce n'eft qu'en vous pen- 
dant oue je puis me rendre dignt de vous 
pofféaer, 

Sophie* 

Ah I qu^il eft aifé d'étaler de belles maxî* 
mes quand le coeur les combat foiblè- 
ment ! Parmi tant de devoirs à remplir j 
ceux de l'amour font-ils donc comptés 
poiu- rien , & nVft-ce que la vanité de me 
coûter des regrets qui vous a fait defiret 
ina tendreffe ? 

Dorante* 

J'attendois de la pitié & je reçois dés 
reproches ; vous n'avez , hélas ! que trop 
de pouvoir fur ma vertu , il faut fuir pour 
ne pas fuccomber. Aimable Sophie , trop 
digne d'un plus beau climat , daignez re- 
cevoir les adieux d'un amant qui ne vi*^ 
vroit qu'à vos pieds , s'il pouvoit confer- 

E4 



104 Les Prisonniers 



ver votre eftime en immolant la gloire à 
l'amour. 

// timbrait. 

Sophie* 
Ah ! que feltes-vous ? 



%» 



SCENE XI L 

MACKER, FREDERICK , GOTERNITZ, 
DORANTE, SOPHIE, 

M A C K £ R. 

Oh ! oh ! notre future , tubleii I comme 
vous y allez ! c'eft donc avec Monfieur- 
que vous accordez pour la noce. Je lui fuis 
obligé , ma foi ; eh bien beau-pere , que 
dites ^ vous de votre chère progéniture ? 
Oh ! je voudrois parbleu que nous en euf 
fions vu quatre fois davantage ^ feulement 
pour lui apprendre à n'être pas fi confiant* 

GOTERNITZ. 

Sophie ! pourriez- vous m'expliqiier ce 
que veulent dire ces étranges façons ? 






i>E Guerre. 105 



«Mto 



Dorante. ■ 

^explication eft toute fimple , je viens 
de recevoir avis que je fuis échangé , & 
là-deffus je prenois congé de Mlle, qui aufli 
bien que vous , Monueur , a eu pendant 
mon léjour ici beaucoup de bontés pour 
mou 

M A C K E R. 

Oui des bontés , oh ! celar^'entencL 

GOTERNITZ* 

Ma foi 9 feigneur Macker , je ne voîs 
pas qu'il y ait tant à fe récrier pour une 
fimple cérémonie de compliment. 

Macker. 

Je n'aime point tous ces complimens k 
la Françoife. 

Freperich. 

Soit 9 mais comme ma fœur n'eft point 
encore votre femme , il me femble que 
les vôtres ne font gueres propres à lui 
donner envie de la devenir. 

Macker. 

Eh corbleu ! Monfieur , fî votre féjour 
de France vous a appris à appTaudîr à tour 



— *i 



io6 Les Prisonniers 

tes les fottifes des femmes , apprenez que 
les flatteries de Jean Matthias Macker ac 
nourriront jamais leur orgueil, 

F RED E RI C H. 

Pour cela je k crois. 

Dorante. 

Je vous avouerai , Monfieur y qa^égsîe^ 
ment épris, des charmes & du mérite de 
votre adorable fille , faurois fait ma féli* 
cité fuprême dWir mon fort au fien , fi 
les cruels préjugés ç|ui vous ont été infpi* 
rés contre ma nation n'euffent mis un 
obûacle invincible au bonheur de ma vie» 

Frédéric H, 

Mon père ^ c'eft-là ians doute un de vos 
prifonniers ? 

GOTERNITZ. 

Ceft cet officier poiu* lequel vous ave» 
été échangé. 

Frederick» 

Quoi, Dorante î 

G O t £ R N I T X. 

Lui-mêmct 



DE Guerre. 107 



^if 



Frederick. 

Ah ! quelle joie pour moî de pouvoîjP 
embrafler le fils de mon bienfaiteur. 

Sophie Joyeufe. 

Cétoit mon frère , & je IVi devint* 

Frederick. 

Oui , Monfieur , redevable de la vie 
à Monfieur votre père , qu'il me feroit 
doux de vous marquer ma reconnoiflançe 
& mon attachement par quelque preuve 
digne des fiîrvices que j'ai reçus de lui. 

Dorante, 

Si mon père a été aflez heureux pouf 
s'acquitter envers un cavalier de votre mé- 
rite des devoirs de l'humanité , il doit 
plus s'en féliciter que vous-même; ce- 
pendant ^ Monfieur, vous connoiffei mes 
fentimens pour Mademoifelle votre Ibeur , 
fi vous daignez protéger mes feux^ vous 
acquitterez au-delà de vos obligations ; 
Tendre un honnête homme heureux c'eft 
plus que de lui fauver la vie. 

Frederick. 

* 

i Mon père partage mes obligation^ 61 

£ 6 



io8 Les Prisonniers 



j'efpere bien que partageant auffi ma re- 
eonnoiffance , il ne fera pas moins ar- 
dent que moi à vous la témaigner* 

M A-X K E R* 

Mais : il me feçib^ que je joue ici un 
tflèz joli perfonna|e. 

GOTERNITZ. 

ravoue ^ mon fils ,. que f avoîs cru voir 
en Monfieur quelqulnclînation pour vo- 
tre fœur ; mais pour prévenir la décla-* 
ration qu*il m*en auroit pu feîre, fai fi 
bien manifeflé en toute occafîon Fantipa* 
thîe & réloignement qui feparoit notre 
nation de la fienne , qu'il s'étoit épargné 
jufqu'ici des démarches inutiles , de la 
part d'un ennemi avec qui , quelque oblir 
gatîon que je lui aye d'ailleurs , je ne puî$ 
ni ne dois établir aucune lîaifon^ 

M A C K £ R» 

Sans doute , & c*eft un crime de leze^ 
majefté à Mademoifelle de vouloir auflî 
s'approprier ainfi les prifonniers de Ik 
Reine* 

GOTERNITZ. 

pnfin |e tiens que c'eft une natioo avec 



DE Guerre. 109 

laquelle il eft mieux de toute façon de 
n'avoir aucun commerce ; trop orgueil- 
leux amis , trop redoutables ennemis , heu- 
reux qiii n'a rien à démêler avec eux 1 

Frédéric H. 

Ah ï quittez , mon père , ces înjufïes 
préjugés. Que n'avez-vous connu cet ai- 
mable peuple que vous haïffez , & qui 
n*auroit peut-être aucun défaut s'il avoit 
moins de vertus. Je l^ai vue de près cette 
heureufe & brillante nation , je l'ai vue 
paifible au milieu de la guerre , cultivant 
les Sciences & Jes Beaux- Arts , & livrée 
à cette charmante doiiceur de caraftere 
qui en tout tems lui fait recevoir égale- 
ment bien tous les peuples du mocde , 
& rend la France en quelque manière la 
patrie commune du genre-humain. Tous 
les hommes font les frères des François. 
La guerre anime leur valeur fans exciter 
leur colère. Une brutale fureur ne leur 
fait point haïr leurs ennemis , un fot or- 
gueil ne les leur fait point méprifer. Ils 
les combattent noblement , fans calomiiier 
leur conduite 9 fans outrager leur gloire f, 
&. tandis que nous leur faifons la gugrre 



iio Les Prisonniers 



en furieux ils fe contentent de nous H 
&ire en héros. 

G O TERNIT Z. 

Pour cela on ne fkuroit nier qu'ils ne 
fe montrent plus humains & plus géoér 
renx que nous. 

Frédéric H« 

Eh ! comment ne le feraient- ils pas fous 
im maître dont la bonté égale le courage* 
Si fes triomphes le font craindre , (es ver- 
tus doivent-elles moins le faire admirer. 
Conquérant redoutable , il femble à la tête 
de ùs armées un père tendre au milieu de 
fà famille, & forcé de dompter l'orgueil 
de (es ennemis , il ne les foumet que 
pour augmenter le nombre de fes enâns. 

Goternitz. 

Oui , maïs avec toute fa bravoure , non 
content de fukjjguer fes ennemis par la 
force, ce prince croit -il qu'il foit bien 
beau d'employer encore l'artifice & de fé* 
duire comme il fait, les coeurs des étran* 
gers & de fes prifonniers de guerre ? 

M A C K E R« 

fi ! que cela efl laid dç débaucher atofii 



DE Guerre. 



ti| 



les fujets d'autrui. Oh bien i puifqu'il s'y 
^rend comme cela , je fuis d'avis qu'on 
punifle févérement tous ceux des nôtres 
qui s'avifent d'en dire du bien. 

Frédéric H. 

n £iudra donc châtier tous vos gueN 
riers , qui tomberont dans (es fers ; Sc 
je prévois que ce ne fera pas une petite 
tâche. 

Dorante. 

Oh ! mon prince I qu'il m'eft doux d'en^ 
tendre les louanges que ta vertu arrache 
de la bouche de tes ennemis ;. voilà les 
{evls éloges dignes de toi. 

Go TERNIT 2. 

Non , le titre d'ennemis ne doit poînt 
nous empêcher de rendre juilice au mé- 
rite. J'avoue même que le commerce de 
nos prifonniers m*a bien fait changer d'o- 
pinion fur le compte de kur nation ; mais 
confidérez, mon fils , que ma parole eft 
engagée , que je me ferois une méchante 
a^ire de confentir à une alliance con- 
traire à nos ufages & à nos préjuges , & 
que pouf tout dire enfin , une femm« 
n'eft jamaijs aflçz en 4rQit de compter &y; 



m Les Prisonniers 

le cœur d'im François, pour que nous 
puiffions nous affurer du boriheur de vo- 
tre fœur en FunifTant à Dorante. 

D G R A N T £• 

Je crois , Moafieur , que vous voulez 
bien que je triomphe , puifque voiis m'at- 
taquez par le côté le plus fort. Ce n'eft 
point en moi-même que j'ai befoin de 
chercher des motifs pour raffurer Tain»- 
ble Sophie fur mon inconilance , ce font 
ft$ charmes & fon mérité , qui feuls me 
les fourniflem ; qu'importe en quels cli- 
mats elle vive , fon règne fera toujours 
par-tout oii Von a des yeux & des cœurs* 

Frederick. 

Entends- tu , ma fœur ; cela veut dire 
que fi jamais il devient infidèle tu trou:- 
veras dans fon pays tout ce qu'il faut 
pour t'en dédommager» 

Sophie. 

Votre tems fera mieux employé i plai- 
der fa caufe auprès de mon père , qu'a 
m'interpréter (es fentimens. 

GOTERNITZ. 

Vous voyez, feigneur Macker, qu*ib 



DE Guerre* nj 

font tous réunis contre no\is ; nous aurons 
à faire à trop forte partie , ne ferions- 
nous pas mieux de céder de bonne grâce ? 

M A C K E R« 

Qu'eft-ce que cela veut dire î manqiie- 
t-on ainfi de parole à un homme comme 
moi. 

Frederick. 

Oui , cela fe peut faire par préférence^ 

Goternitz. 

Obtenez le confentement de ma fiUe i 
je ne rétrafte point le mien ; mais je ne 
vous ai pas promis de la contraindre ; 
d'ailleurs, à vous parler vrai^, je ne^vois 
plus pour vous , ni pour elle , les mêmes 
agrémens dans ce mariage. Vous avez 
conçu fiu le compte de Dorante des om» 
brages qui pourroient devenir entr'elle & 
vous une fource d*aigreurs réciproques. 
Il eft trop difficile de vivre paifiblement 
avec une femme dont on foupçonne le 
cœur d'être engagé ailleurs. 

M A C K E R. 

•s. 

Ouais ! vous le prehez fur ce ton ? oh jj 
tetebleu je vous ferai voir qu'on ne fe 



V 



^ ■■■■■. ■ ■ I PI 

114 Les Prisonniers 



moqiie pas ainfi des gens ! je m*en vais 
tout - à - l'heure porter ma plainte contre 
lui & contré vous , nous apprendrons un 
peu à ces beaux Meflieurs a venir nous 
enlever nos maîtreffes dans notre propre 
pays ; & fi je ne puis me venger autre- 
ment , j^aurai du moins le plaiur de dire 
par-tout pis que pendre de vous & de$ 
François* 



5l2»< 



SCENE DEiRNIERE. 

GOTERNITZ, DORANTE, FREr 
DERICH, SOPHIE- 

GOTERNITZ. 

JL AissoNS - LE s'exaler en vaîrs murmu^ 
res; en uniflant Sophie à Dorante je fatis- 
fais en même tems a la tendreffe paternelle 
& à la reconnolffance ; avec des fenti- 
mens fi légitimas je ne crains la critique 
de perfonne. 

Dorante. 

Ah ! Monfieur ! quels tranfports!. 



mf^ 



2) F <? U E R R £• Ii;^ 

FREDERIC H. 

Mon père , il nous refte encore le plus 
fort à faire. Il s'agit d'obtenir le confen- 
tement de ma fœur , & je vois là de 
grandes diffiailtés ; époufer Dorante , & 
aller en France 1 Sophie ne s'y réfoudra 
jamais. 

GOTERNITZ. 

' Comment donc! Dorante ne feroît-il 
pas de fon goût ? en ce cas , je la foup* 
çonnerois fort d'en avoir changé. 

Frederick. 

Ne voyez- vous pas les menaces qii'ell# 
me feit pour lui avoir enlevé le feigneiur 
Jean Matthias Macker. 

G O t E R N I T ï. 

Elle n'ignore pas combien les Françoij 
font aimables. 

Frederick. 

Non , mais elle fait que les Françoîfes 
le font encore plus , & voilà ce qui l'ér 
pouvante. 

Sophie. 

Point du tout. Car je tâcherai de le df^ 



ii6 Les Prison> .r us, &c. 

venir arec elles , & tant qiie je plairai à 
Dorante je m'eftimerai la plus glorîeufe 
àe toutes les femmes. 

Dorante. 
Ah ! vous le ferez éternellement , belle 
Sophie ! vous êtes pour moi le prix de ce 
qu'il y a de plus eliimable parmi les hom- 
mes. C'eft a la vertu de" mon père , au 
mérite de ma nation , & à la gloire à» 
mon Roi que je dois le bonheur dont je 
vais jouir avec vous ; on ne peut être 
beureux fous de plus beaux aufpiees« 



LETTRES 

A M. J}V T EN S. 

iQ t* ' ' ^^ X i 

, LETTIiE PREMIERE. 

J 'E T p I S , Monfieur , vraiment peiné 
de ne pouvoir, fàutg de fàvoir votre 
a4reffe , yous faire les remerciemens que 
jp - vous deyois. Je you^ en dois de nou- 
veaux pour m'iavoir tiré de cette peine , 
& furrtout pour le livre de votre com- 
pofition que vous m'avez fait Thonneur 
3? m'en\oyer: je fuis fâché de ne pou- 
voir vous en parler avec connoiffance , 
mais ayant renoncé pour ma vie à tous 
les livres, je n'pfe faire e^pception pour 
\^ vôtre ; c^ outre que je n*ai jamais 
été affez fevantxîour juger 4e pareille 
matière , je cramdrois que le plaifir de 
vous lire ne me rendît le goût de la lit- 
térature , qu'il ^importe dt ne jamais 
laiffer ranimer. Seulement je n'ai pu m'em? 
pêçhpr de parcourir l'article de la bota- 
nique 9 à laquelle je me fuis confacrq 
pour tout an^ufement } 6f fi VQt» içnî 



ii8 Lettres 

-, III I I I I !■ 

timent eft auffi bien établi fur le refte ,' 
vous aurez forcé les modernes à rendre 
l'hommage qu'ils doivent aux anciens. 
Vous avez très-fagement fait de ne pas 
appuyer fur les vers de Claudien ; l'au- 
torité eût été d'autant plus foible que 
des trois arbres qil'il nomme après le 
Pabîiier , il n'y en a qu'un qui porte les 
deux fexes fur différens individus. Ait 
refte, je ne conviendrois pas tout-à-fait 
avec vous que Toumefort foit le plus 
grand botanifte du fiecle ; il a la gloire 
d'avoir fait le premier de la botanique 
ime étude vraiment méthodique ; . mais 
cette étude encore après hii n'étoit qu'une 
étude d'apothicaire. Il étoit réfervé à 
l'illuftre Linnaeus d'en faire une fcience 
philofophique. Je fais avec quel mépris 
on affeâe en France de traiter ce grand 
naturalifte , mats le refte de l'Europe l'en 
dédommage , & la poftérité l'en vengera. 
Ce que je dis eft aflUrément fans par- 
tialité, & par le feul amour de la vé- 
rité & de la juftice ; car je ne connois 
ni M. Linnaeus , ni aucun de fes difci- 
ples , ni aucun de fes amis. 
Je n'écris point à M, taliaud ; parca 



A M. D U T E N s. 119 

*i*pw— — I ■ I I ■ Il 1 1 II I — ^— — — ^— ^ 

que je me fuis interdit toute correfpon- 
dance ^ hors les cas de néceflîté ; mais je _ 
fuis vivement touché & de fon zèle & 
de celui de Teftimable anonyme dont 
il m*a envoyé Técrit (*) , & qui pre- 
nant fi généreufement ma défenfe , fans 
me connoître^ me rend ce zèle pur avec 
lequel j'ai fou vent combattu pour la juf- 
tice & la vérité , ou potir ce qui m'a 
paru l'être , fans partialité , fans crainte, 
& contre mon propre intérêt. Cepen- 
dant je defire iincérement , qu'on îaiffe 
hurler tout leur foui ce troupeau de loups 
enragés, fans leur répondre. Tout cela 
ne fait qu'entretenir les fouvenirs du pu- 
blic , & mon repos dépend déformais 
d'en être entièrement oublié. Votre efti- 
me , Monfieur , & celle des hommes de 
mérite qui vous reffemblent , eft affez pour 
moi. Pour plaire aux méchans , il fau- 
droit leur reffembler ; je n'achèterai pas 
à ce prix leur bienveillance. 

Agréez , Monfieur , je vous fupplie ^ 
mes falutations & mon refpeÛ. 



_ j I II II - i ■ -^ — —-^ ' ' __,^ _^^.^ 



( *) Précis pour M, /, /. RituJftétH tn répQufi k Ptx^/* flé£^ 

t^ 4$ H, Hmf, 



iio Lettres 

» ■ ■ 

Vous pouvez , Monfieur , remettre à 
M. Davenport ou m'expédier par la pofte 
à'fon adreffe ce que vous pourrez pren- 
dre la peine de m'envoyer. L'une & l'au- 
tre voie eft à votre choix & me paroît 
fure. Quand Ni Davenport n'eft pas à 
Londres , il n*y a plus alors que la pofte 
pour les lettres , & le Wéiggon J!Ash' 
boum pour les gros paquets. On m'écrit 
qu'il fe fait à Londres une colleôe pour 
rinfortimé peuple de Genève; fi vous 
favez qui eu chargé des deniers de cette 
colleâe , vous m'obligerez d'en informer 
M. Davenport, 

LETTRE 

A y MÊME. 

Woot9n le 1$ Février t76f, 

J E fuis bien reconnoifTant , Monfieur , 
des foins obligeans que vous voulez bien 
prendre pour la vente de mes bouquins ; 
mais fur votr^e lettre , & celles de M. Da- 
venport , je vois à cela des embarras qui 
me dégoûteroient tout-à-fait de le§ yen^ 

dre^ 



l 



A M. D U T E H s. Ilil 



are , fi f ef fev^îs oà les mettre : car ih 
ne peuvent reûér chez M. Davenport 
qui ne garde pas fcMl^ appartement toute 
l'année. Je n'aime point une vente pu- 
blique , même en permettant qu'elle (e 
Ê^e fous votre nom; tar outre que le 
mien eu à la tête de la plupart de mes 
livres , on fe doutera bien qu'un fatras 
fi mal choifi & fi injal condttionné ne 
vient pas de vous, ti n'y a dans ces 
quatre ou cinq caiflès qu'une centaine 
au plus de volumes qui foient bons fit 
bien conditionnés. Tout le reftc n'eft que 
du fumier , qui n'eft. pas même bon à 
brûler , parce que le j^>ier en eft pourri, 
»Hors quelques livres que je prenois en 
payement des Libraires, fe mepourvoyoîs 
magnifiquement fiir les quais , &C cela me 
fait rire de la duperie des acheteurs qui 
s'attendroient à trouver des livres çhoifis 
& de bonnes éditions. J'avoiis penfé tjue 
ce qui' étoit^ de débit fe réduifaiit a it 
l>eu; de 1 chofe , M- Davenport & deux 
<nL trois ^de fes amis aurc^nt pu /en âd« 
commoder entr^eux fur l*éftimatî6n d'un 
libraire. 9 ,1e jefte eût feyvî à plier du 
poivre y fie tout cela '61 feroit fait fad^ 



%%% L E T T R E S 



^•'•mm 



bruit. M^s afiiirément tout ce Ëitras mii 
jnV été envoyé biçn malgré rtîoi de Suine, 
& qui n'ea valoit ni le <port ni la peîne^ 
vaut çhcore moins celle que vous voû* 
lez bien prendre pour fon débit. Encore 
\m coup , mon embarras eft de Êtvojr ok 
les fojurrer. S- il y gvoit dans vptré maiiba 
^juelqu? garde* meuble ou grenier viiide 
,oii Ion put les mettre fens v0us incom* 
moder ,, je; vous ferois obligé ^ vouloir 
bien 4e permettre , & vous pourriez y voir 
À loifir s'il sV trOuveroit par hdarcl quel*- 
que çhofe qui pût vous convenir ou à vos 
amis^ Âutrefnent j^ ii^ fais en vérité que 
îm^ de toiAt^ :€6tte fciperie qiû me peme 
^cruellement ^ -q^iiai^d \t fonge à tous les 
embarras qu'elle donne èf M. Davenport. 
ï^lus il 4y pïêta voloittkrs , plus il eft 
tndiicret a moi d'abufer dicià compIa> 
fance.> S'il Êiif encore abilfer de k i^ 
ire ^ j'^i . commç avec U)i ^ la détbifinë 
pour excuCe ^r &t. U perrudiiofr àpiifiqkntt 
4^ plaifir qH€i:>vot* .{ite^él IHoi afe Fao» 
tre à pi'ob^e^^iM v<Htf ^ Ais^ Mon> 
£eifr, mes reMercieiMn!i'4e tèut mon 
cœur , & je vous pïie d'agrçrfr 0ie$ trè*»; 
)ium]>Ie$ 4lutiiti0ntf;^ c . ' . 

i' ' ( * ' \ * I ' 



I ' ! "1 ! !■ 



A M. D U T E N S. r*} 

- Si la venïe publîqHe pouvoit fe faire 
£ms qtiott vît .tnan nom fur les livres , 
ic fans qu'on ïe doutât tfoii ils vien;- 
Jient^ à la bonne hôure. Il itf importe 
fort peu que les acheteurs- v-oyent en^ 
fuite qu'ils étoient k moi ; mais je ne 
.veux pas rifquer qu'its le fâchent d'avance^ 
-& je m'en rapporte ià^deffus à roÊrtf 
,iandeur« - J 

( ffl" . 1 I r. .> & Ttf^ I I m' iii ;V i I )ff g 

L E T T R E 

^ U M É M t* 



A Wooton le % Mus 17^*, ' . 

JL Ous mei livres ,'M0nfieur , fif tout 
mon s^6ÎP ne val^M aâutément pas *I(S 
foins que vous routez bien prendre,'^ 
les détaik ^nslôf^fcte' vous voulei; bien 
entrer avec moi. l'a^ptendç^ que M. Dà- 
venporta frouvé^ lei'c^ffei dans^ une tot^ 
fuôon horiifele ^ & ftchant ce que c'eA 
^«<e ta peine dfetangeîF ^s Hvre^ dépa* 
taillés , je vèiniroïs pour tout an monde 
ne ravoir pas expoféà cette peine, quot- 
^e je ïkcKe c^liW^i^ ^d^ frès ^bci| 



-ftSSSBOBSeSSSSSSSSSSL } gggg 

U4 Lettres 



^i^r^^»"Wf^*p^"""?^^F!^ 



eo^m. S'il fe trouve dan« tout cela quel- 
que chofe qui tous convienne, & dont 
-VOUS vouliez vous accommoder de quel** 
que maniéré que ce foit , vous me ferez 
pUifir f (ans doute , pourvu que ce ne 
loit pa$ uniquement l'intention de me 
^e pkdfir qui vous détermine. Si vous 
voulez ^n^transformer le prix en luie pe- 
tite rente viagère , de tout mon cœur , 
quoiqu'il ne me fembte pas que l'Ency- 
tlopédiê'& Quelques autreslivres de choix 
ôtes , le reue en vaille la peine ^ & d'aiH 
tant lïioins que le produit de ces livres 
n'étant point néceflfaif e à m4 fubfiftançe , 
vous ieJTez abfolument le maître de pren^ 
dre voïrè tems pour les payer tout à loi- 
iir^ efi une ou plufieurs fois , à moi ou 
^ m^s l^éritiers , tout ^omme il vous 
conviendra le mieux. En im mot, je vous 
làvCk abfolument décider de toute chofe p 
& m'en r^pportç à , yous fur tous les 
points ,1 hors, vm iieul , qui eil ?çelui des 
turetés, dont vou$ spe: parler; j'en ai une 
qui ip^ fuffit , 8f je nç vep;^ entendre par- 
ler d'auci^e ^utre : c'eft l^i probité de Kf, 
Pbtens. . 

^ h m: fuis j^t cnyoyçr ici |e >aUo| 






A M. D U T £ N s. 12^ 



\ - \ 



3 ni contenoit mes livres de botanique 
ont je ne v^nx pais me déÉaite 9 & quel-* 
ques autres dont j'ai renvoyé à M. Da^ 
venport cie ^ui s'eft trouvé fous ma main ; 
c^eft ce que contenoit le ballot qui ed 
rayé fur le Catalogue. Les E\rres dépa-* 
teûlés l'ont été dans lôs fréqiiens démé- 
nagemens que )'ai été forcé de faire ; 
aînfî je n'ai pas de quoi Içs compléter* 
Ges livres font de nulle valeur , & je 
n'en vois aucun autre uftge à faire que 
de les jetter dans la rivière , ne pouvant 
les anéantir d'im afte de ma volonté. 

Vos lettres , Monfieur , & tout ce que 
je vois de vous m'infpirent non-ièule- 
ment la plus grande eflime 9 mais une 
confiance qui m'attire , & me donne un 
vrai regret de ne pas vous cônnoître per- 
ibnnellement Je fens que cette ëonnoif^ 
fance m'eût été trèsi» agréable dans tous 
les tems , & très - confolante dan$ mes 
malheurs. Je vous falue , Monfieur y très^ 
humblement & de tout mon cûeiu*. 






F 3 




^«3 



Jt E T T R K 

et V M i M E, 

A 'VÇTfiêtsm le 26 Ma» 19^7^ 



j 



'£$p]^li£V Monfieiir> que cette lettre ^ 
ddtinia à vous offi-ir mes À>uhaits de 
bon voyage vous trouvera /encore à Lx>n«^ 
^res. Ils iont bien vifs & bien vrais pour 
votre heureuie route , agréable (éjour ^ 
& retour en bonne iànté. Témo^ez, jie^ 
vous prie , dans le pays où vous allez , à 
tous ceux qui m'aiment que mon cœur 
n'eu pas en refte avec eux ^ puifqu'avoir 
de vrais ami^ & les aimer eft le feid plai- 
fu auquel il foit encore iènfiUe» Jb n'ai 
aucune iK>uvelle de l'élargîâement du pau^. 
y re , Guy. Je vous ferai txhs - obligé & 
YP^s voulez bien jw'çn donner , avec celle 
de yotre fjieureufe arrivée. Voici une cor* 
reâîon omiiè à la fin de Terrata que je 
lui ai envoyé. Ayez la bonté de la lui 
remettre. 

Je reçois, Monfieur ^ comme je le dois, 
la grâce do.;t il plaît, au Roi de m'hono- 
rer , & à laquelle jT^ois fi peu lieu d« 



, y. 



A M* D UiTlE N->S. ixy( 



il^>a*aaMik«MHM 



mWehdre f ^). J'aime à y voir de faf 
part de M. le générai Convay Àes mar-* 
C|ues d'une bienveiltance i^ue )e defiroî^ 
bien^pllw que je iiV>iais tf^oérev. VûSet 
des feVeurs du Prince ii'eft gueref ei> 
Angleterre de-capterà'ceujc qwi les reçoU 
vent , celles du puWic. Si - celle-d &iî(bîf 
pourtant cet effet, j'en i5?roi$ d^^itanf 
plus coiàblé que c'eft encore un bonheur 
auq]Ltel je dois peu m'attendre ; car on 
pardonne quelquefois les o^enfes? qu'on 
a reçues j tnais'jàrhais celles qu^oa&fas* 
fe5,-&ilii'y a point de haine plus irfé- 
conciliaHe que celle des geh^ qui ont tort 
avec lîous. 

Si vous payez trop cher mes livres, 
Moiifieur , je mets le trop for votre cons- 
cience , car pour moi je n^ên^peux mais* 
H y en a encore . ici quelquesntifts qui re- 
viennent à la maffe ; ent/auires^ f excel- 
lente Hijlona fiormtiTUi dé Machiavel , 
fis dïfcours fur Tite*Live% & le traité 
dt Lçgibus romanis de SigOnius. Je prierai 
M. Davenport de vous: les^ &re . paffer. 

>■ I i ■ ■ I ■ ■ ■ ■ I I II y ■" 

T-f ^ "Voyez' (ur eet' àrflcle Ta TtmélwrT» Mti* 'rrtf 
•dreintàAl.D. , , ,:. ^i . , 

F 4 



msssssmi 



txS .;L E T T.R ES' ; 



iW**W»M^*— iifl!""*— ^-•■ii»*""*i«^^^ta*« 



La rente ( * ) que vous me propoiez-^ 
uop forte pour le capital 9 rie me paroît 
pas acceptable ^ même à mon âge. C^pen-; ^ 
dant la condition à^Utfi éteinte à h mort; 
du premier niourant de^ depx la repd 
moinar difpvoportipfuiée , &c & vous le 
préférez ainfi , f y confens , car tout eÛL 
abfolument égal pour moi. 

Je fonce' , Monfieur , à me rapprocher 
de Lond&es , puifquç; la néceffité i'or-^ 
donne ^ car j'y ai une répugnance extrême, 
que la nouvelle 4^ la peniion augmente' 
encore«:Mais quoique <:omblé des atten- 
tions généreufes de M. Davenport, je 
ne puis refler plus lone-tems dans £1 mai- 
son y Oit même mon iejouc^lui e& très à 
charge,, 8iC je ne vois pa^ , . qu*igporant 
la Isuigue 9 il me foit poffiUe oétablir 
mon ménage à :1a campa^e 9 8( d'y vivre 
£ir un autre pi^ que celui où. }p fms 
fdu Or, j'aimerois autant me mettre à 
la merci de tous les diables de Tenfer 
qu'à celle ^cts «domeiliques Anglois. Ainfî' 
jmon parti, eft pris ; fi jjprès quelouea 
recherches que je veux faire encore oâns 

CtUe 4e ëx Unm Sterlinf. 



■ -f • 

A M. D Ù T E N s. 119 

1 

ces provinces , je ne trouve pas ce qu*il 
me faut , j'irai à Londres ou aux envi- 
rons me mettre en penfion comme j'é- 
tois , ou bien prendre mon petit ménage 
à Taide d'un petit domeftique François 
ouSuiffe, fiUe <ni garçon, qui parle An-^. 
filois & qui puiffe feire mes empletteSé 
L'augmentation de mes moyens me per- 
met de former ce projet , le feul qui 
puiiTe m*affurer le repos & rindépen-- 
dance , iàns lefquels il n'eft point de bon* 
heur pour moi. 

Vous me parlez , Moniteur , de M. Fré- 
déric Dutens votre ami & probablement 
votre parent. Avec mon étourderie ordi- 
naire , fans fonger à la diverlité des nom» 
de baptême , je vous ai pris tojiis deux 
pour la mêms perfonne , & puifquevous 
êtes amis je ne me fuis pas beaucoiipr 
trompé. Si j*ai fon adreffe , & qiill ait 
pour mai la mêm^ bonté om, vous *! j'au- 
rai pour lui la niême confiance v & j*en 
uferai dans Toccafion, ' 

Derechef, Monfieur , recevez mes vœux 
pour votre heureux voyage, & mestrès^; 
humbles ' falutations. 
' . ' ' i^ - F 5 .../^ 



X E T T R E 

j^ xr M É M je:. 

24 Oàobre 17^- 

X U tSQtJ E Motïfieur Duténs jtige pïu* 
coimnoide que la petite rente qu'il a pro- 
poiëe pour prix des iivres de J. J. Rouf* 
£rau ^ Jbit payée à Londres , même pour 
eettc année oh cependant Tun & Tautre 
ioxit en ce pays , (bit. Il y aura toutes- 
fois^ fur la formule de la lettre de change 
qu'il lui â envoyée y un petit retranche- 
«îcnt â feire fur lequel il feroit â propos 
que M. Frédéric Dutens fût prëvemuCeft 
cdui du lieu de la ^date ; car quoique 
RouiTciai fâche très-bien que fa demeure 
eâ coïitiue de tout le monde, il lui con- 
vient cependant de ne point autorifer ée 
fon 'fait cette connoiffance. Si cette fup- 
preffio«'pôUvoit' faire difficulté, Monfieuf 
D^tens iétoit prie de chercher le moyen 
de la lever , ou de* revenir au payement 
du capi^U , foute d^ pouvoir établir corn- 
«lodément cçtui d^e la rehtè. ' 

J. J. Roufleau a laiffé entre les mains 
de M. Qivenport un fupplément de livres 



mt^, JPMMlvaMa 



sssao* 

A- M. D u T E N s. J3i- C 



à la difpafitton de M. Duteni , pour être - 
réunis à la maiTe. 

L E T T R E 

AU' MiÊ M È. 

A Paris le 8 Novembre I770w 

( Pqfl tenebras lux. ) 

J E fuis aiiffi touché , Monfieur, de voi 
foins obHgeans que furprîs du finguliei' 
procédé de M. le Colonel Rogùin. Comme 
il m'avoit mis |)lufieurs fois fur le cha- 
pitre de la penfion dont m'honora le roi 
d'Angleterre , je lui racontai hiftorique- 
tnent les raifons qui m'avoient fait renon- 
cer à cette penfion. Il me parut difpofé 
à agir pour Élire ceffer ces raifons; je 
m'y oppofai ; il infifta , je le refufai plus 
fortement, & je lui déclarai que , s'il fài- 
" foit là-deffus la moindre démarche , foit 
en mon nom, foit au fien, il pouvoit 
être fîir d'être défavoué , comme le fera 
toujours r[iiiconqué voudra fe mêler d'ime 
affaire fur hiquelle j'ai depuî;5 , long - ténis 
j)ris mon parti. Soyez permadé , Monfièui^ 



I if ■ : 

IJi^ L' E:T T'IL E S,.&C.r. 

'. . . . '\ 

I— — — ■^*— ^»^— — ^—^ ■— — — ■ — — — ^— ■ 

qu*it a pris fous iba boainet ; la prière 
cjtt*il vous a faite d'engager le comte de. 
Rochford â me faire reponfe , de même 
que celle de prendre des mefiires pour 
le payement de la peaûon. J^ me. ioucie 
fort peu, je Vous affure , que 1èr comte 
de Rochford me réponde^ ou non , & 
quant à la penfîon , fy ai renoncé , je 
vous proteffe , avec autant d'indifférence 

2ue je Pavois acceptée avec reconnoit 
mce^ Je trouve très - l»2arre qu'on' s'in- 
quiète fi fort de ma iîtuatian dont je ne 
me plains point ^ &c que je trouverois 
très-heureule , fi l'on ne ie meloit pas 
plus de mes aâ^kes , que je ne me mêle 
de celles d'autruir Je fiûs , Monfieur ^ 
irès-fenfible aux foins que vous voulcx 
bien prendre en ma faveur ^ & à la bieiv- 
veillance dont ils font le gage , & je m'en 
prévaudrois avec confiance en toute aiure 
occafion , mais dans celle-ci je ne puis les 
accepter V je vous prie de ne vous en don»- 
ner aucuns pour cette af&ïre ,. & de feire 
en forte que ce que vous avez déjà fait ^ 
foit comme non avenu. Agréez , je vous 
fu^^plie, mes avions de grace^s , & foycz 
perîliadé.) Monfieur ^ de toute ma recon^ 
noifiknce & de tout mon attachement» 



LETTRES 

AMONSIEUH D B„..l 

Sur la Réfutation du Livre de 

L*ESPRIT lyHELVÉTIUS, 

? A R'J; J. R O U S-S E AU'- 

Suivies de deux Lettres d^Ifelveeius fut U 

mime fujcu 

LETTRE PREMIERE- : 

\^ O vs defîrez favoîr , Monlîeiir , fi Je 
ftiis encore poffeffeur de l'exemplaire de 
FEfprit dHelvitius , qui avoit appartenu ^ 
y. 7. Rouffeau , & fi les notes que ce der- 
nier avoit Élites fur cet ouvrage , à deffeia 
de \\t réfiiter, ÎoaX aufli importantes qu'on 
vous les a repréfentées î La mort de J. J, 
Rouffeau me laiffant libre de faire de ces 
not^s Tufage que je jugerai à propos , je 
nliefite point à fatisfàire votre empreflfe- 
ment là cet égard, 

' Il y a douze ans que Cachetai à Londres 
ks UYre3 4e J. J. Rouffeau, au nombtc 



1 y ■ 



* J 



134 L E T T R Ê S 



««I I mi ■— — 



' il ' 



d'environ mille volun\es. Un exemplaire 
du livre de VEfprit , avec das remarques 
à la marge de la propre main de Rouffeau , 
lequel fe trojiivoit parmi ces] Çjirres,,, m? 
détermina principalement à en feire Tac-* 
^\\\ïiûon y il .Rouffeau confentit.à.me les 
céder y à condition que pendant ifa vit je 
né J)ubKèrois point les notes que je- pour- 
rois trouver fur les livres qu^il me ven- 
dolt , & que , lui vivant y l'exemplaire du 
livre de tE/prit tfe fortiroit' point de mes 
mains. Il paroît qu'il avoit entrepris de 
réftiter cet ouvragé- de M. HUyétkis y maïs 
qu'il avoit abandonné cette idée dès qu'il 
1 avoit vu perfécuté. M. Helvétius ayant 
appris que j'étois en poffeffion de cet 
exemplaire , me fit propofer par le célébré 
M. Hume & quelques autres amis , de le 
lui envoyer ; j^'étois lié par ma prom?fle> 
je le repréientai à M. H.*lvéâûs ; il ap* 
prouva ma délicateffe , & fe réduifit i 
me prier de lui extraire quelques-unes des 
remarques qui portoient le plus coup 
contre (qs principes , & de les lui com^ 
muniquer v ce que je fis. Il ftit tellement 
alarmé du danger que couroit un édifice 
•qu'il avoit pris taat de plaifir à élever. 



«ii 



A ni« JL/« • • tf • JD* • i • • 



ijf 



î 



cu'il me répondit fur le champ , afin d'ef- 
facer les impreflîpns qu'il ne doutoit pas 
ue ces notes n'euffent fait fur mon efprit^ 
l m'annonçoit ime autre lettre par le cou-w 
net fuivant , mais la mort l'enleva , huit 
ou dix jours après fa féconde lettre. 

Les remarques dont il s'agit font en 
petit nombre , mais fuffifantei pour dé- 
truire les principes fur lefquels M. Helvé- 
tius établit un fyftême que j'ai toujours 
regardé comme pernicietix â la fociété» 
Elles décèlent cette pénétration profonde^ 
ce coup-d'oeil vif & lumineux , fî propreî 
à leur auteur. Vous en jugerez , Monfieur', 
par l'expofé que je vais vous en mettre 
fous les yeux. 

Le grand but de M. Helvétius , dani 
ion ouvrage , efl de réduire toutes les 
facultés de l'homme à une exîftetice piè- 
rement matérielle. 11 débuté par avancer 
4€ qite nous avons en nous deux facuî*^ 
n tés , ou , s'il l'ofe dire , deux pnijfan^ 
y^ ces pa^vts ; la fenfibilité phy fique & la 
^ mémoire ; & il défkiit la mémoire une 
» fenfàtion contimiéle. mais^ affoiblie >r (^Jr 



A 



Ci») Ot L*£fprit; Um I75S^ 4tû« f. %. 



136 Lettres 

A qiioi RoufTeau répond : « // me fcm^ 
hU qt!il faudrait dijlinguer Us impreffiens 
purement organiques & locales y des im'* 
prejjîons qui affiêlent tout f individu j lès 
premières ne font qiu de fimples fenf tuions \ 
Us autres font des fentimens. Et un peu 
plus bas il ajoute : Non pas ; a la mé- 
moire ejl la faculté de fe rappelUr la fen* 
fation , mais la fenfation , mime affoiblu y 
ne dure pas continuelUment »• 

a La mémoire y continue Helvétius i 
>> ne peut être qu'un des organes de la 
I» fenfibilité phyfique : le principe qui 
» fent en nous doit être néceflairement 
>» le principe qui fe reffouvient ; puifque 
** fi reffouvenir , comme je vais le prou- 
>» ver , n'eft proprement que fentir ». Je 
ne fais pas encore , dit RoufTeau , comme 
il va prouver celm y mais je fais bien quê 
fentir V objet préfent , & fintir t objet abfent 
font deux opérations dont la dijference mé* 
fite bien £etre examinée* 

« Lorfaue par une fuite de mes idées ^ 
#» ajoute TAuteur, ou par rébraniement 
j> que certairs fons caulent dans Torgane 
» de mon oreille , je me rappelle l'image 
#» d'un chêne; alors mes organes intérieurs 



Mjn- i - ■■■< 



" ' î J ! V ' J- 



^> UP I i i i 



A M, .iL/j • •*• • ^ Bé • V • • ^1 7* 



n doiifent néccffairf ment fe trouver à-. 
n çeu-près dans la même fitiration oh Us 
^ étaient à la vue de «e chêne ; or cette 
H iituatioh' des organes doif inconte^-f 
» bktnent produire une fen^ion : il eft 
H deiK . évident <spxe fe reffouvenir c'eft 
» fentir ». 

.^ Oui , dit Rouffeau , vos organes intc^ 
rieurs fe trouvent à la vérité dans la même 
fitmiion où ils étoiem à la vue du chine ; 
mais par Û^et £une opération Vhs^difS^ 
r^nte. Et quant à ce que vous dites que 
cette fituation doit prbdîiire une fenÎTa- 
tien : q^ appelUi^\^ous fenfation ? dit-il } fi 
uncfenfation efi Fimprejfion tranfmife par 
(orgarie extérieur à t organe intérieur ^ la 
fituation de t Organe intérieur a beau être 
fuppofée la méme^ celle de t organe exté^ 
rieur manquant ^^ ce défaut feul fuffiipour 
difiinguer le fouvenif de la fenfation. D'ail- 
leurs , il 71? efi pas Vrai que la fituation de 
f organe intérieur foit la même dans U mé- 
moire & dans U ' fenfation \ autrement il 
feroit jjnpoffibh M <tifiinguerle f&uvenïr de 
la fenfation ^avec la fenfation. Auffi tau^ 
ùurfe fauve-tHÏ par un à-peù-près ; mais 
une fituation d organes , qui ri efi qiiàpet^ 



138. ,L E T.i.tf J:.k 



M^MMir 



pris la mime ne doit- pai produire exaSe^^ 
ment U mime effet. 

U eft donc çyid^t , dit Helvéthis 9 que 
i\ fe reffouyef^foit -fentir ^. U y a atu 
différence <^ répond iRouflfeau, qui la mé* 
moire ^pro4wt une i fer^aticm femklable & 
non pas le fentimenty & cette amrt diffe* 
nncc encore , ^ue la c^ufe riefl pas la même. 

L'Auteur .aya^^t ipofé, ion principe i*e 
çtolt çn. droit 4^ conclure aiirii ; a je dii. 
>> encore que c'eft dani; la capacité <{¥ie 
¥ nous 5ivon3 d'appei^ce voir les refiem^ 
>> blances ou les différences ., les conve^ 
n nances ou les diiconvenances qu'ont 
entr'eux les objets divers ^ que confia» 
» tent tQutes les opérations cfe l'ef^mt^ 
» Oc cette capacité o^eft que la fenfibit 
y> liîé phyfique mân\ç,: ^oiut fe réduit dooc. 
» à, fentir». y^oici quiifijHmfaniy^écîvi 
ion i^dvèrlairei^ài avçirMg^renutu affir^ 
me qi! appercevolr &t co^^>arer font la mime 
çhofcy l auteur conflue en.graml t^areU 
i^^t jugev cejl fin^ir. la i^oncdufion me pa* 
rou clfir^^ çi^. ^^fi di Sindçédent qu^. 

Je viens, à robj^eQIoa la plus forte de 
toutes celles que ^ i;epf^rment les notes 



du citoyen de Genève • & ^jiii alarma 
le plus M. Helvétius^ lorfque je la Iiiî 
communiquai, .L'Auteur r^ete fa con- 
cluiion d'une autre * manière (*) &dit: 
« La concluiion de ce que je viens de 
» dire , c'eft que , fi tous les mots des di- 
n verCes langues ne défignent jamais que 
;> des objets ^ ou les rapports de ces ob- 
» jets avec nous & entr eux , tout refprît 
n par conféquent confiile à comparer & 
» nos feniàtions & nos idées ; c'eft-à-dîre 
» à voir les refflemblances & j lç5 diffé- 
^ rences, les convenances & les difcon- 
» venances qu'elles ont entr^elles. Or » 
» comme le jugement n'eu que cette ap- 
V perccvaace elle* même , ou du moins 
» que le prononcé de cette appercevan- 
>^ ce , il s'enfuit que toutes les opéra--; 
H tions de l'écrit te réduifeat à juger >^. 
Bx>u{reau oppofe ' à cette conclunon «ne 
diftmâion fi lunùneufe qu'elle fuffit pour 
éclaircir entièrement cette queftion , & 
di/Cper les ténèbres dont la fauffe phi- 
lofophi^ cherche à envelopper les jeu- 
nes efprits. AppercevÔir les objets. 



i h ) Page 9. 



e 



140 Lettres 

cÈt-il, c'est sentir; appercevoir les 

RAPPORTS , c'est JUGER, Ce peu de 

lifiots n'a pas befoin de commentaire , ils 
ferviront à' jamais de bouclier contre tou- 
tes les entreprifes des matérialiftes pour 
anéantir dans l'homme la fubftance fpi- 
rîtuelle. Ils établirent clairement , non Jeux 
puîjfances paj/îves , comme le dit M. Hel- 
vétius au commencement de fon ouvrage; 
mais une fubftance paffive qui reçoit les 
împreflions , & ime puiflance aôive qui 
examine ces impreffions , voit leurs rap- 
ports , les combine , & juge. Apperuvoir 
Us objets , c^ejl fentir ; appercevoir les rap* 
ports y c^ejl juger. 

Taurois à me reprocher un manque 
d'équité entre les deux antagoniftes que 
je fais entrer en lice , fi je ne publiois la 
réponfeque M. Helvétius me fit lorfqiie 
je lui envoyai cette obfeftîon , adcompa- 
gnée de deux ou trois autres ; on verra (c) 

?ue non-feulement il ne bannit point de 
efprit les doiues que RoiifTeau y intro* 
duit , mais qu'il appréhende lui-même le 
feu d'effet de fa lettre , puifqu'il en an- 



{€) Voyez la Leur» de At Helvétius, N^ a. à la fia. 



g- ■ ^ ■ J 

A M« P B.,..« 141 

nonce une autre fur le même fujet, qu'il 
eût écrite fans doute s'il eût vécu. Mais 
continuons h le fuivre dans les preuves 
qu*il allègue pour juflifier fa concluiion. 
M La queflipn renfermée dans ces bor- 
H nés , continue l'auteur de l'Efprit , j'exa- 
9^ minerai maintenant ii juger n'eft pas 
H iêntir. Quand Je juge de la grandeur ou 
»^ de la couleur des objets qu on me pré^ 
#t fente , il çft évident que le jugement 
>» porté fur les différentes impremons que 
H ces objets ont feites fiu- mes fens n-eft 
» proprement qu'une fenfation ^ que jç 
H puis dire également, je juge ou je fen^ 
>► que , de deux objets , l'un , que j'ap» 
» pelle loifc , fait fur moi une impreifion 
» différente de celui que j'appelle pUd; 
•> que la CQuleiu* que je nomme rouge ^ 
» agit fur mes yeux différemment xie 
»f celle que je nomme jaune; & j*en con^ 
9^ dus qu'en pareil cas juger ^ n'eft jamais . 
H que Je/uir.» Il y a ici un fophifme irèsh 
j{î^^*/ & tris important à bien remarquer ^ 
reprend Rouffeau , autre ckofe, eji fer^fir 
^fne différence entre une toife & un pied ^ 
& autre chofe mefurer $ette différente. Dans^ 
kh F^^PH^^^ opération tefprit efl purem^n\ 



^41 * Lettres 



M^ 



T^jJ^f^ ^^^^ ^^^^ /'^«r/r il eji ûclif, Ccliâ 

'^ui a plus, de jujlejfe dans Ccfprit y pour 

eranfporur par la penfic le pied fur la toift^ 

*& voir combien de fois il y ejl contenu , 

'tjl celui qui en ce point a tefprit le plus 

jufie &ju^ le mieux. Et quant à la Gonclu- 

ilon « qu'en pareil cas juger n*eft jamais 

^ue fentir ». Rou fléau foutient que ^'^ 

ftttre chafe ; parce que la comparaifon du 

jaune 6r du rouge n^ejl pas la fenfation du 

jaune ni celle du rouge. 

U^îteur fe feit enliiîte cette objeftion : 

¥ mais dira-t-on , fuj)pofons qu'on veuille 

^ favoir fi la force eft préférable à là 

J> grandeur^ du corps , peut-oft aflurer 

h qu'alors juger foit fentir? oui , réporh 

w dmi-je ; car pow porter un jugement 

>> force fujet , ma mémoire doit me tra^ 

^^•^cer fucceffivementles tableaUx des fitua- 

h tions différentes^ oh je puis me trouver 

i> le phi$ communériient daïis te cours 

» dfe ma vie ». Vommènt , jhéplique à cela 

Rbttfleati , la contparaifonfî^ceffive ek milU. 

Idées tfl anjjiunfemiment > Il ne faut pas 

difputer des mots ; mah tèuteurfefai^ là m 

étraàgediSionnairé. 

^ ^ fc tirQiive cjueîtjues mitfes notes à « 



<■• 



« I fc 



A M. D Bé.é.t 143 

fc I ■ ■ I ■ «M i n - ' il I i K 

chapitre preiaier àe l'ouvrage de rËi^^rit , 
dans lefquelles Rc^fleau acciife (on aii- 
teut de faifonnemens fophiftiques. Enfin 
Uel vétille finît âinfirii Mais, dira-t-6n , 
n coniment . jusqu'à ce jour a-t-on 
» fupjK)fé en noiis une feculté de juger 
» diftifl^e de la Faculté de fentir î l'on ne 
» doit cette ftippo^tion, répondrai -je , 
» qu'A nmp©ffibiifté. €A\ Von s^éft cru 
» jufqa'â préfentd'eitpKqtier d'aucUne au- 
n tre manière certaines erreurs de Tef- 
» prit ». Point du tout ^ reprend Rouf*- 
feau. Ccfi^qiiil tfi trh-^fimpU dcfàppofcr que 
deux opérations £efpeces différentes Je font 
par deux différerttes facultés. 

Voici, Monâeur,. l'^jcpctfé de la ré* 
futation des principes. d'Helvétius conte- 
nus dans le premier chapitre de fon li- 
vre. Roxiffeaù avoit fait de ces notes le 
canevas d'un ouvrage qu'il avoit def- 
fein de mettre au jour; vous fentez qu'il 
n'étoit pas aifé de-^^i^ner de la liaifon à 
des notes jettées au Kafard fur la marge 
d'un livre , j'ai cherché à vous les pré- 
fenter de la manière la plus fuivie , & 
je me flatte que vous imputerez au fu- 
jet ce gu'ilpeut y avoir de défeôueux 



144 Lettres, &c. 

dans là médiode que j'ai adoptée^ pour 
vous mettre au feut de ce que vous defi- 
riez, fftvoir. 

II y a beaucoup -d'autres notes répan- \ 
dues dans le refte de l'ouvrage ; mais 
comnie elles attaquent le plus fouvent 
djss idé^s particulières de Tauteur, & ne 
font pas relatives au fyftême favori , qiill 
a voulu établir au commencement de foii 
ouvrage , je remets à vous en €àixe part 
dans une autre lettre y pour peu que vous 
le defiriez. 

J'ai rhonneur d'être , 



>, 



Monsieur , ,. 

Votre trèsJiumble & très-obéiflant 



) • 



ferviceun 



L, DUTENS. 







V. 



h. . . 



'LEtTRE 



O" Il I Tir I .HQ 

LETTRE IL 

V O u S êtes bien bon , Monfieiir , de 
mettre tant de prix au peu de tems que 
j'ai employé pour vous communiquer les 
notes de J. J* Rouffeau contre le livre de 
FEfprit, Vous avez raifon de dire qu'elles 
contiennent des objeftions & des argu- 
mens irréplicables, M. Helvétius le iea- 
toit bien lui-même & fa lettre en eft une 
preuve. On ne peut en effet difconvenir 
que le citoyen de Genève , fi ingénieux 
à foutenir les paradoxes les plus inexpli- 
cables y ne fïit aui& le champion le plus 
propre à renverfer les autels du fophifme. 
C'eft Diogene qui tout fou qu'il étoit , 
n'en fournifibit pas moins des armes à la 
vérité. 

• Vous témoignez tant d'empreffement de 
connoître les autres notes qui fe trouvent 
à la marge de l'exemplaire de l'Efprit, que 
je ne puis me reflifer au plaifir de vous 
donner cette fatisfaûion ; mais ne vous 
attendez plus à une marche régulière. 
L'ouvrage d'Helvétius n'étant compofé 
que de chapitres fans liaifon , d'idées dc- 
coufues , de jolis petits contes & de bons 
oiots ; les notes que vous allez lire , à 
SuppL de la ColUçf Tome III» G, 



^ Mil J I ■ I , ■ JJ_Ll i JB 

146 Lettres 

•^— — ^^— Il ■ I II I ■ Il II ■ — — — ^ 

4eux pu trois près , ne font aufli qiie des 
forties fur quelques fentimens particuliers ; 
vous en allez juger. 

A la fin du premier dîfcours ( a ) , M. 
Helvétius revenant à fon grand principe , 
dit : « rieo ne m^empêche maintenant 
>> d'avancer que Jugfr , comme je l'ai déjà 
^ prx>u vé , n'eô proprement que fentir ». 
f^ous n*aye[ rien prouvé fur ce point , répond 
Rouffeau ; Jinon que vous ajoute^ au ftm 
du mot Sei^TIR 9 le fens que nous donnons 
au mot Juger ; vous réunjïfe^ fous un mot 
commun deux facultés effentielUment dife^ 
rentes. Et fur ce que Helvétius dit encore ; 
que « l^efprit peut être confidéré comme 
» la faculté produftrice de nos penfées , 
» & n'eft en ce fens que fenfibilité & mé* 
» moire ». Rouffeau met en note ; Senf* 
bilité , Mémoire , JUGEMENT, Ces deux 
notes 3ppartiennent encore au fujet de m^ 
première lettre , celles q\ii fuivent font 
différentes. 

Dans fon fécond difcovirs, M. Helvétius 
avance : « que nous ne concevons que des 



<^) Ch. iy. p. 41. 



A M. D..«.. B..««« 147 

» idées analogues atix nôtres ^ que nous 
» n avons J^iflimc fcntic que pour cette 
» efpece d'idées , & de-là cette haute opi- 
» nion que chacun eft , pour ainfi dire , 
» forcé d*avoir de foi-même , & qu*il ap- 
» pelle la néceffité où nous femmes de 
» nous eftimer préférablement aux ^u- 
» très (^). Mais, ajoute-t-il, (c)onme 
» dira que i*on voit quelques gens recon-. 
n noître dans les autres p! us d'efprit qu'en 
» eux. Oui, répondrai r je , on voit àt% 
» hommes en faire -l'aveu ; & cet aveu 
» eft d'une belle ame : cependant ils n'ont 
» pour celui qu'ils avouent leur fupérieur 
n qu'une dfiimc fur parole; ils ne font que 
» donner a l'opinion publique la préfé- 
» rence fur la leur , & convenir que ces 
» perfonnes font plus eftimées , fans être 
» intérieurement convaincus qu'elles (oient 
-f> plus eflimables ». Cela nejl pas vrai , 
reprend brufquement Roufl'eau , fai long^ 
€tms medhé fur un fujct , & fm ai lir^ 
quelques vues avec toute t attention que fé^ 
loif capable (ty mettre. J^ communique ç$ 



fmk 



{if) Difcours deuxième « ch. g. f. 69. 
if) P- ^?' ^ 



^m^ 



148 Lettres 

^i^— ^ [■■■■■Il I ■— ■— ^— ^1— i— W^—ii Fi^M I I ^— ^ 

même fujet a un autre homme ^ & durant 
notre entretien je vois fortir du cerveau de 
cet homme des foules d'idées neuves & de 
grandes vues fur ce même fujet qui m'en avoit 
fourni fi peuy, Je ne fuis pas affe^Jiupide pour 
ne pas fentir C avantage dejes vues & defes 
idées fur les miennes ; je fuis donc forcé de 
fentir intérieurement que cet homme a. plus 
defprit que moi ^ 6* de lui accorder dans 
mon cœur une efiime -^fentie , fupérieure à 
celle que j*ai pour moi. Tel fut le jugement 
que Philippe fécond porta de tefprit iA-^ 
lon^o Pere[ , & qui fit que celui-ci $^eflima 
perdu. 

Helvétius veut appuyer fon fentiment 
d'un- exemple & dit : (</) « En poéfie 
>> Fontenelle feroit fans peine convenu 
5f de la fupériorité du génie de Corneille 
9> fur le fien , mais il ne Taureit pas fen-» 
» tie. Je fuppofe pour s'en convaincre , 
>> qu'on eût prié ce même Fontenelle de 
» donner , en fait de poéfie 9 l'idée qu'il 
V s'étpit formé de la perfection ; il eft cer» 
>> tain qu'il n'auroit en ce genre propofé 
t> d'autres règles fines que celles qu'il avoit 

id) P. ejnoçç. 



I 



A M. D « B..... 149 

- — -— — -•-- — • • — ' — ■ — ■ — • — — ^^ 

y> liii-même aiifli bitn obfervées que Cor- 
» neille ». Mais Rouffeau objefte à cela : 
// ne s^agii pas de règles , il s*agU du ginU 
qui trouve les grandes images & les grands 
Jentimens. Fontenelle auroit pu fe croire meH- 
hur juge de toiU cela que Corneille , mais 
non pas aujji bon inventeur ; il étoit fait 
pour fentir le génie de Corneille & non pour 
régaler* Si t auteur ne croit pas quun homme 
puiffe fentir la fupériorïté d'un autre dans 
Jon propre genre , apurement ilfe trompe heau^ 
toùp ; moi-même je fens la fienne , quoique 
je ne fois pas de fon fentimcnt. Je fens quil 
fe trompe en homme qui a plus Jtefprit qut 
moi. Il a plies de vues , & plus lumineufes 9 
mais les miennes font plus faines, Finelon 
temportoit fur moi â tous éga/ds , cela eji 
<ertain. A ce fujet Helvétius ayant lailie 
échapper rexprèflion « du poids importun 
» de l'eftime , » Rouffeau le relevé en 
s'écriant : le poids importun de tejlime ! 
th Dieu l rien neflfi doux qite tejîime ^ 
mtmepour ceux qtion croit fupérieurs à foi» 
a Ce n'eft peut - être qu'en vivant loin 
» des fociétés , dit Helvétius , (e) qu'on 



<«) P. 70. 

G % 



^— — •— ^— ^— ^— "'^"""^~'^"""~"^^"~^~^"~*~~ 

150 Lettres 



■«bM^^ta^Ma 



#► peut fe défendre des illufions qui les 
» féduifent. Il eft du moins certain que , 
» dans ces mêmes fociét^s , on ne peut 
s> conferver une Vertu toujours forte & 
^ pure , fans avoir habituellement pré- 
» fent à refprit le principe de Tutilité pu- 
9^ blique ; fans avoir une connoiflance 
y> profonde des véritables intérêts de ce 
» public , & par conféquent de la mo- 
y> raie & de la politique ». A ce compte y 
répond RoufTeau , il n'y a de véritable pr9- 
biti que che[ Us philofophes. Ma foi , ils 
font bien it ien faire compliment les un^ 
aux autres. 

« Conféquemment au principe que ve- 
99 noit d'avancer l'auteur , (/) il dit que 
» Fontenelle définiffoit le menfonge ; taire 
>pune vérité quon doit. Un homme fort 
» du lit d'une femme , il en rencontre le 
» mari : D^où venei-vous , lui dit celui-ci. 
>♦ Que lui répondre ? lui doit-on alors la 
» vérité } non , dit Fontenelle , parce qi^a- 
» lors la vérité neji utile àperfonne ». Plai" 
fam exemple! s'écrie Rouffeau , comme fi 
$elui qui ne fe fait pas unfcrupule de coucher 

■ ■ ' ' ' I— — — -i^W— M«.i— i I I I «— — ^— ^^^» 

ifï p. 7Q. note. 



^ A M. D B 151 

€ivu la femme â^ autrui ien faifoit un de 
dire un menfonge ! Il fe peut qi^un adultère 
foit obligé de mentir ; mais t homme de bierï 
ne veut être ni menteur , ni adultère. 

Dans le chapitre (g) oti Pauteur avance 
que dans fes jugemens le public ne prend 
conùil que de fon intérêt , il apporte 
pliifieurs exemples , à Tappui de fon fen- 
riment , qui ne font point admis par fon 
cenfeur. Lorfqu*il dit : « qu'un poëte dra- 
» matique faffe une bonne tragédie fur un 
>^ plan déjà connu , c'eft , dit-on , un pla- 
M glaire méprifable ; mais qu'un général fe 
f> ferve dans une campagne de Tordre de 
» bataille & des ftratagêmes d'un autre 
v> général , il n'en paroît fouvent que plus 
» eilimable ». L'autre le relevé en difant : 
vraiment , je le crois bien ! le premier fe donne 
pour l^ auteur d^une pièce nouvelle , le fécond 
ne fe donne pour rien 9 fon objet ejl de bat'» 
tre C ennemi. S^ il faifoit un livre jiir lès ba* 
tailles y on ne lui pardonneroit pas plus le 
plagiat qu!à t auteur dramatique^ Rouffeau 
n'eu pas plus indulgent envers M. Helvé- 
tius lorfque celui-ci altère \ts faits pour" 



■ ^ 



(^) Ch. X2. Difc. II. p. 104. 

G 4 



152 Lettres 



ifc 



autorifer fes principes. Par exemple , lorA 
que voulant prouver que « dans tous les 
» fiecles & dans tous les pays la probité 
» n'eft que l'habitude des aftions utiles à 
» fa nation , il allègue l'exemple des Lacé^ 
>f démoniens qui permettoient le vol , & 
» conclut enfuîte que le vol , nuifible à 
» tout peuple riche , mais utile à Sparte , 
» y devoit être honoré ». (k) Rouffeau 
remarque : que le vol n etott permis qu aux 
tnfans , & quil nejl dit nulle part que les 
hommes volajfent , ce qui eft vrai. Et fur 
le même fujet Tauteuf dans une note ayant 
dit : « qu*im jeune Lacédémonien plutôt 
» que a avouer fon larcin fe laiffa fans crier 
» dévorer le ventre par un jeune renard 
» qu'il avoit volé & caché fous fa robe >f. 
Son critique le reprend ainfi avec raifon : 
il liefi, dit nulle part que Cznfant fut qiup 
tionnL II ne sagijfoit que de ne pas déce^ 
1er fon vol y & non de le nier* Mais Cau^ 
teur efl bien aife de mettre adroitement le 
menfonge au nombre des vertus Lacédétno» 
niennes. 

M. Helvétius , faifant l'apologie du luxe , 



(i&> Ck. Z3»p. Z35. 



A M. D B. . ... i^ j 

{^orte refprit du paradoxe jufqu'à dire que 
es femmes galantçs , dans un fens poli* 
tique , font plus utiles à l'Etat que les 
femmes fages. Mais Roufleau répond : 
rune foulage des gens qui fouffrent , C autre 
favorife des gens qui veulent s^enrichin En 
excitant Cindujlrie des artifans du luxe ^ elle 
en augmente le nombre ; en faifant la for^ 
tune de deux ou trois elle en excite vingt 
à prendre un état où ils rejleront mijerahles. 
Elle multiplie les fujets dans les profeffions 
inutiles & les fait manquer dans les profijjîons 
néccffaires. 

Uans une autre occafion M. Helvétius 
remarquant que » Tenvie permet à ehacun 
» d'être le panégyrifte de Ta probité , & 
» non de fon efprit ; » Roufleau loin 
d'être de fon avis dit : ce nejl point cela , 
mais (^ejl qu en premier lieu la probité efi 
indifpenjable & non C efprit ; & qii en fécond 
lieu il dépend de nous d*être honnêtes gens ^ 
& non pas gens d^ efprit. 

Enfin dans le premier chapitre du 3 me; 
dîfcours l'auteur entre dans îa queftion 
de réducation , & de l'égalité naturelle deà 
«fprits. Voici je (èntimentde Roufl^^u-là- 
defliis , exprimé dans une de fes notes. 

G 5 



154 Lettres 

iW II I I .1 .ilMlll ■ I I I ■!■ I II I ■ ■■! - 1 — . 

Le principe duquel C auteur déduit dans les 
chapitres fuivans t égalité naturelle des. ef" 
prits ^ & qu^ il a tâché J* établir au comment 
cernent de cet ouvrage <y ejl que les jugemens 
humains font purement pajjifs. Ce principe 
a été établi & difcuté avec beaucoup de phi^ 
,lofophie & de profondeur dans tEncyclopé'^ 
die j. article ÉVIDENCE. T ignore quel ejl 
fauteur de cet article; mais c^efl certaine'^ 
ment un tris- grand métaphyfîcien, Jefoup^. 
fonnetabbé.de Condillac ou M. de Bujfon., 
Quoi qiiil en f oit , fai taché, de- combattre &. 
Rétablir t activité de nos jugemens dans les. 
notes que fai écrites aU' commencement de: 
ce livre y & fur- tout dans la première partit 
de la profeffion de foi du vicaire Savoyard. ^ 
Si fai raifon , 6* que le principe de M^ 
Helvttius & de tauteur fufditfoitfau»^les 
raifonnemens des chapitres fuivans qui rien 
font que des confiquences tombent^ & il riefL 
pas vrai que t* inégalité des efprits foit Pe^tL 
de la feule éducation , quoiquelle y puiffi 
influer beaucoup.- 

. Voici , Monfieur , tout ce que j'ai cru 
digne de votre attention parmi ks notes, 
que j]ai trouvées à la mar|p du livre dô. 



A M. D B 15c 

« ' ■■ Il 

VEfprit ; il y en a encore d autres moins 
importantes que vous pourrez vous-même 
parcourir un jour ; je vous le porterai 
la première fois que j*irai à Paris , & le' 
laiuerai même avec vous , en ayant à 
préfent feit tout Tufage que j.e defirois 
en 6ire. 

Je vous envoie auflî une copie dès lët* 
très que M. Helvétius m'écrivit à ce fujet , 
il eft jufte de lui donner le champ libre 
pour repouffer les attacjues d'un auflî 
puiifent antagonifte , mais vous verrez 
qu'il n'y réuflit pas ; & qu'en fe bat- 
tant même il a le fentiment de fa dé- 
&ite. 

Vous voulez aulïî voir les lettres que* 
je vous ai dites avoir reçu quelquefois de 
Rouffeau ; comme elles ont rapport à l'ac- 
quifition que je fis de fes livres , & 
iqu'elles contiennent certaines particulari- 
tés ignorées de cet homme extraordinaire , 
je vous envoie la copie , avec d'autant 
moins de répugnance qu'elles ne dévoilent 
rien de fecret. Elles peuvent même fervir 
à ajouter quelques traits à fon caraftere ,. 
!& pour vous mettre en état de les mieux- 

&6^ 



aez 



156 Lettres, &c. 

» ■ — ^ 

comprendre , j'ai ajouté quelques notes 
qui éclairciflent ce qui auroit été obfcur* 
pour vous. 

J*ai THonneur d'être , 
Monsieur > 

Votre trèshumWe 
& trcs-obéiflant ferviceon. 

1- DUTENS^ 




LETTRES 

h' 

D E 

M. HELVÉTIUS. 
LETTRE PREMIERE. 

ui Paris ce 22 Se^ttmhe 1771I 
M ONS lEUR, 

V O T RE parole eft une chofe (acrée , St 
je ne vous demande plus rien , puisque 
vous avez promis de garder iaviolable- 
ment l'exemplaire de M. Rouffeau. J'aurois 
été bien aife de voir les notes qu'il a mi- 
fes fur mon ouvrage , mais mes defirs à 
cet égard font fort modérés. Teftime fort 
•fon éloquence & fort peu fa philofophie. 
C'eft , dit mylord Bolinbroke , du ciel que 
Platon part pour defcendre fur la terre , 
& c'eft de la terre que Démocrite part 
pour s'élever au ciel ; le vol du dernier 
eft le plus fur. M. Hume ne m'a commu- 
niqué aucune des notes dont vous lui aviez 
fait part ; j'étois alors vraifemblablement 
à mes terres : préfentez - lui , je vous prie , 

mçs refpe^ auiû qu'à M» E^on» ^il x 



y 



J58 Lettre s, &c. 

avoit cependant dans les notes de M. Rouf- 
feaii quelques-unes qui vous paruffent trè»* 
fortes & que vous puffiez me les adreffer , 
je vous enverrois la réponfe , fi elle n'cxi^^ 
geoit pas trop de difcufiion. 

Je fuis avec un très-prdfond Ttfyt&y 

ê 

Monsieur, 

Votre très -humble 
ic très - obéUTant ferviteur ,' 

H E L V É T I U Si 




LETTRE II. 

A' Vore ee^ 26 Novembre 1771» 

Monsieur, 

VJ Ne indirpofîtion de ma fille m'a retemi 
à la campagne c[iiinze jours de plus qu'à> 
Fordinaire ; c'eft à mes terres que j'ai reçu 
fa lettre que vous m'avez fait Thonncur 
de m'écrire : je ferai dans huit jours à Pa- 
ris ; à mon arrivée je ferai tenir à M* 
Lutton la lettre que vous m'adreffez pour 
lui. Je vous remercie bien des notes que 
vous m'avez envoyées. Vous avez le taft 
fur; c'eft dans la note quatrième & la der- 
nière , que fe trouvent les plus fortes ob^ 
jeâions contre mes principes. 

Le plan de l'ouvrage de l'Efprit ne me 
làiflbit pas la liberté de tout dire fur cm 
fujet ; je m'attendois , 46rfque je le donnai 
au public , qu'on m'attaqueroit fur ces 
deux points , & j'avois déjà tracé l'efquiffc 
d'iin ouvrage dont le plan. me permettoît 
de m'^tendre fur ces deux queftions-; l'ou* 
vrage eft fiait , mais je ne poiu-rois le faire 
imprimer uns m'expofer à de grandes per^- 
ii^tions« Notre parlement a'ed plus, comv 



i6o Lettres 

* '■ 

pofé que de prêtres , & Tinquiiltion eft 
plus févere ici qu'en Efpagne. Cet ouvrage 
où je traite bien ou mal une infinité de 
queftions piquantes , ne peut donc paroî- 
tre qu'à ma mort. , ^ 

Si vous veniez à Paris , je lerois ravi 
de vous le communiquer , mais comment 
vous en donner un extrait dans une lettre ? 
Ceft fur une infinité d'obfervations fines 
que j'établis mes principes ; la copie de 
ces obfervatlons feroit très-longue ; il eft 
vrai qu^avec im homme d'autant d'efprit 
q^ie vous , on peut enjamber fur bien des 
raifonnemens , & qu'il fuffit de lui mon- 
trer de loin en loin quelques jallons , pour 
Ju'il devine tous les points par où la route 
oit pafler. 
Examinez donc ce que l'ame cil en nous, 
après en avoir abflrait l'organe phyfique 
de la mémoire qui fe perd par un coup , 
une apoplexie , &cc. L'ame alors fe trou- 
vera réduite à fa feule faculté de fentir; 
fans mémoire , il n'eft point d'efprit dont 
toutes les opérations fe réduifent à voir 
ia reffcmblance ou la différence , la conve^ 
nonce ou la difconvenance que les qbjets ont 

tntr\ux ^ avec nous. Efprit fuppofg çofgr^ 



DE M. Helvetius. i6i 

paraijon des objets &C point de comparaifon 
làns mémoire ; auffi les miifes , félon les 
Grecs , étoient les filles de Mnémofine ; 
rimbécille ûu'on met fur le pas de fa porte 
n'eft qu'un nomme privé plus ou moins 
de l'organe de la mémoire» 

Afliiré par ce raifonnement & une in- 
finité d'autres que Came rLeJl pas Cefprit j 
puisqu'un imbécille a une ame , on s'apper- 
çoit que Tame n'eft en nous que la faculté 
de fendr : je fupprime les conféquences 
de ce principe « vous les devinei. 
- Pour édaircir toutes les opérations de 
Fefprit , examinez d'abord ce que c*eft que 
juger dans les objets phyiîques : vous ver- 
rez que tout jugement fuppofe comparai- 
fon entre doux ou plufieurs objets. Maïs 
dans ce cas qu*eft-ce que comparer ? Cejt 
voir alumativemenu On met deux échan- 
tillons jaunes fous mes yeux ; je les com- 
pare , c'eft à-dire , je les regarde alternatif 
vement , & quand je dis que l'un eft plus 
foncé que Pautre^]e dis, félon Fobfervation 
de Nevton , que tun réfléchit moins de 
rayons £ une certaine efpece <y c'eft -à- dire, 
que mon œil reçoit une moindre fenfaiion , 
c'eft-à-dire , qu'il eft plus foncé : or le ju-; 



g^ ■■ ■ ■ ' ' "1 

161 Lettres 

gcment n'eft que le prononcé de la feniâ- 
tion éprouvée. 

A regard des mots de nos langues quî 
€xpofent des idées , fi Je Tofe dire , intel- 
leÔuelles , tels font les mots force , gran-^ 
deur , &c. qui iie font repréfentatifs ^dLVi^ 
cnnç fubfiance phyjîquc , je prouve que ces 
mots , oc généralement tous ceux qui ne 
font reprélentatife d'aucun de ces objets , 
ne vous donnent aucune idée réelle , & 
que nous ne pouvons porter aucun ju- 
gement for ces mots 9 fi nous ne les 
avons rendus phyfiques par leur applica- 
tion à telle ou telle fiibftance. Que ces 
mots font dans nos langues ce que font 
n ic-h en algèbre , auxquels il eft impoffi- 
ble d*attacher aucune idée réelle s'ils ne 
font mis en équations ; aufli avons - nous 
une idée différente du mot grandeur , félon 
[ue nous l'attachons à une mouche ou un 
îléphant. Quant à la faculté que nous 
avons de comparer les objets entr'^eux , 
il eft facile de prouver que cette faculté 
n'eft autre chofe que l'intérêt même que 
nous avons de les comparer , lequel 
intérêt mis en décompofition peut lui- 
même toujours fe réduire à une fenfetion 
phyfique. 



DE M. Helvetius. i6j 

S'il étoit poflîble que nous fiiflîons im* 
paffibles , nous ne comparerions pas faute* 
(Fintérêt pour comparer. 

Si d'aillein"S toutes nos idées , comme 
le prouve Locke , nous viennent par les' 
fens , c^eû que nous n'avons que des fens ; 
auflî peut - on pareillement réduire toutes 
les idées abftraites &. coUeftives à de pures 
fenfàtions. 

Si le découfu de toutes ces idées ne 
vous en fait naître aucune , il faudroit 
que le hafàrd vous amenât à Paris , pour 
que je puffe vous montrer tout le déve- 
loppement de mes idées , par-tout appuyées 
de faits. 

Tout ce que je vous marque à ce fujet 
ne font que des indications obfcures , & 
pour m'entendre , peut-être faudroit-il que 
vous viflîez mon livre. 

Si par hafard ces idées vous paroiffoient 
mériter la peine d'y rêver, je vous efquif- 
ferois dans une féconde les motifs qui me 
portent à pofer ; que tous les hctomes , 
communément bien organifés , ont tous 
une égale aptitude à penfen 

Je vous prie de ne communiquer Cetta 



164 Lettres, &c. 



•«•MkMMta^VMHMka 



lettre à perfonne ( * ) > elle poiirrolt don- 
ner à quelqu'un le fil de mes idées ; & 
puifque Touvrage eft fait , il faut que le 
mérite de mes idées , fi elles font vraies , 
me refte. 

J'ai rhonneur d'être avec refpeft , 

Mo NSI E u R , 

Votre très • humble 
& trèS'ObéifTant ferviteur, 

Helvétius. 

, ' Je vous prie d'affurer Meilleurs Hume 
& Eliffon de mes refpeûs. 

(* )X*ouvrage auquel ceci a rapport eft le livre de PMcynme^ 
pHbJié peu après la mort de M, Hehétius ; & cette Lettre 
a'a été communiquée qu'après la publication de cet ouvragCé 



LETTRE 

PE J. J. ROUSSEAU 
A SON Libraire df Paris. 

J E vous envoie , Monfieur , une pièce 
imprimée §^ publiée à Genève , & que je 
-vous prie d'imprimer & publier à Paris , 
pour mettre le public en état d'entendre 
les deux parties , en attendant les autres 
réponfes plus foudroyantes qu'on prépare 
à Genève contre moi. Celles-ci eft de M, 
de V.... fi toutefois je ne me trompe ; 
il ne faut qu'attendre pour s'en éclair^ 
cir : car s'il en eft l'auteur , il ne man^ 
quera pas de la reconnoître hautement , 
félon le devoir d'un homme d'honneur 
& d'un bon chrétien ; s'il ne l'eft pas , 
il la défavouera de même , & le public 
faura bientôt à quoi s'en tenir. 

Je vous connois trop , Monfieur , pour 
croire que vous vouluflîez imprimer une 
pièce pareille, fi elle vous venoit d'une 
3utre main ; mais puifque c'eft moi qui 
vous en prie , vous ne devez vous en 
feire ?iucun fcrupulc. Je vous falue , &€ 

RgussEAVf 



-=o 



SENTIMENT 
DES C I T or E N S.CiJk 

APr^s les fettres de la campagne , font 
venues celles de la montagne. Voici les 
fentimens de la ville. 

On a pitié d'un fou ; mais quand la 
démence devient fureur, on le lie. La 
tolérance , qui eft une vertu , feroit alors 
un vice. 

Nous avons plaint J. J. Roufleau , ci- 
devant Citoyen de notre ville , tant qu'il 
s'eft borné , dans Paris , au malheureux 
métier d'un boufFon qui recevoit des 
jiazardes à l'opéra , & qu'on proftituoit 
marchant à quatre pattes fur le théâtre 
de la comédie. A la vérité , ces oppro- 
bres retomboient , en quelque façon , fur 
nous : il étoit trifte , pour ufi Genevois 
arrivant à Paris , de fe voir humilié par 
la honte d'un compatriote. Quelques-uns 
de nous l'avertirent , & ne le corrigèrent 



«ta 



( I ) L* Auteur de cette pièce avoit fi bien imité le ftylt 
et M. de Vernes , que M. Roufîîeau parut croire qu^elle poii- 
Vfiit être de lui. Ce ne fut qu'au bout de quelque tems qu'it 
tpprit que fou Térltablc auteur étoit AI. de V 



DES Citoyens. 167 

pas. Nous avons pardonné à (es romans ,' 
dans lefqiiels la décence & la pudeur font 
auflî peu ménagées , que le bon fens. 
Notre vîUe n^'étoit connue auparavant que 
par des mœurs pures , & par des ouvra- 
ges folides qui attiroient les étrangers à 
notre Académie : c*eft pour la première 
fois qu'un de nos citoyens Ta fait con- 
noître par des livres qui alarment les 
mœurs , que les honnêtes gens méprifent 
& que la piété condamne. 

Lorfqu'il mêla l'irréligion à Ces romans ; 
nos Magiftrats fiirent indifpenfablement 
obligés d'imiter ceux de Paris & de Berne 
{ z ) , dont les uns le décrétèrent , & les 
autres le chafferent. Mais le Confeil de 
Genève , écoutant encore fa compaflion 
dans fa juflice , laifToit une porte ouverte 
au repentir d'un coupable égaré , qui pou* 
voit revenir dans fa patrie &C y mériter^ 
fa grâce. 

Aujourd'hui la patience n'efl-elle pas 
lafTée , quand il ofè publier un nouveau 
libelle , dans lequel il outrage avec fureur 

( 2 ) Je ne fus chaiTé du Canton de Semé ^v'^ m^ 
$^H Jie 4i^t9% de Qeneyfn 



1- . ' ' 

j68 Sentimi^nt 



mm 



la religion chrétienne , la réformation qu'il 
profeffe , tous les Miniftres du fâint Evanr 
gile , & tous les Corps de TEtat ? La 
clémence ne peut plus fervir d'excufe , 
quand elle fait commettre des crimes. 

Il auroit beau dire à préfent : recopr 
noiffez ma maladie du cerveau à mes in- 
confécmences & à mes contradiâions : il 
n'en demeurera pas moins vrai que cette 
folie Ta pouffé jufqu^à infulter à Jéfi^ 
Chrift , jufqu'à imprimer que CEvangiU 
ejl un livre Jcandalcux , ( page 40 de la 
petite édition. ) téméraire , impie , do/u la 
morale eâ Rapprendre aux enfans à renier 
leurs mères , Uurs fieres , &c. Je ne répé- 
terai pas les autres paroles : elles font 
frémir. Il croit en déguifer rhorreiu: en 
les mettant dans la bouche d'un contra* 
diâeur ; mais il ne répond point à ce 
contradifteur imaginaire. Il n'y en a jamais 
€u d'affez abandonné pour faire ces in? 
famés objeâions , & pour tordre fi mé- 
chamment le fens naturel & divin des 
paraboles de notre Sauveur. Figurons^nousj 
âjoute-t-il , une ame infernale , analyfant 
fiiriji CEvangiU. Eh 1 qui Ta jamais ainfi 

analyfé 2 



D ES C I TX) Y tN s. 169 



^analyfé ? Oii eft cette ame infernale ( 3 )> 
La Métrie ^ dans fon homme machine , 
dit qu'il a connu un dangereux athée , 
dont il rapporte les raifonnemens fens les 
réfuter : on voit affez qui étoit cet athée ; 
il n'eu pas permis affurément d'étaler de 
tels poifons fans préfenter l'antidote. 

Il eu vrai que Rouffeau , dans cet en- 
droit même , fe compare à Jéfus-Chrift 
avec la même humilité qu'il a dit que 
nous devions lui dreffer uqe ftatue. On 
fait que cette comparaifon eft un des ac- 
cès de fa folie. Mais une folie qui blaf- 
phême à ce point, peut-elle avoir d'autre 
médecin que la même main qui a feit 
juftice de {es autres fcandales ? 

S'il a cru préparer , dans fon ftyle oblP 
cur, une excufe à {es blafphêmes , en les 
attribuant à un délateur imaginaire , il n'en 
peut avoir aucune pour la manière dont 
il parle des miracles de notre Sauveur. II 
dit nettement , fous fon propre nom : 
[ Page 98. ] Il y a d^s miracles , dans 

(3 ) n paroît qug Pauteur 4e cette pièce pourroit mieu^ 
ropondre ^e perfonne à fa queftion. Je prie le leâepr 4e 
ne pas manquer de confulter, dans l'endroit qu'il cite, ce 
%ui précède & ce qui fuit. 

Suppl, d^ la ColUc Tome III. H 



ss 



tyo Sentiment 



r Evangile , qtiil tCtfl pas pojphh de pren^ 

^dre au pied de la lettre fans renoncer au 

, bon fens ; il tourne en ridicule tous les 

prodiges que Jéfus daigna opérer pour 

établir lia religion, 

Nous avouons encore ici la démence 
qu'il a de fe dire chrétien quand il ûpe 
-le premier fondement du chriftianifme ; 
mais cette folie ne le rend que plus cri- 
minel. Etre chrétien , & vouloir détruire 
le chriftianifme , n'eft pas feulement d\iii 
blafphémateiu- , mais d'un traître. 

Après avoir infullé Jéfus-Chrift, il n'eft 
pas furprenant quUl oui:ragç les Miniftres 
de fon faint Evangile, 

Il traite une de leurs profeiSons de foi, 
ff Amphigouri. ( page 53.^ Terme bas & 
(le jargon, qui fignifîe deraifon. Il com-r 
pare leiu: déclaration aux plaidoyers de 
Rabelais ; ils ne fa vent , ditril , ni ce qu'ils 
croyent , ni ce qu'ils veulent , ni ce qu'ils 
idifent. 

On ne fait , dit-il ailleurs , (pag€ 54. ) 
ni ce quils croyent , ni ce quils ne croyent 
pas 9 ni ce quils fontfemhlant de crçire, t 

]Le voilà donc quï les accufe de la plus 
npirç hypoçrifie, fans la moindre preuve | 



DES Citoyens. 171 

»■ . I ■■ ■ I un » ■ 

fans le moindre prétexte. Ceft ainfi qu'H 
traite ceux qui lui ont pardonné fa pre- 
mière apoflaue , & , qui n*ont pas eu la 
moindre part à la punition de la féconde ^ 
quand (es blafphêmes répandus dans un 
mauYsds roman , ont été livrés au bour-» 
reau. Y a-t-il un feul citoyen parmi nous^ 

3ui , en pefant de feng-froid cette con- 
uite 9 ne foît indigné contre le calom- 
mateur ? 

£ft-il permis à un homme né dans no* 
tre ville d'ofFenfer à ce point nos Paf- 
teurs , dont la plupart font nos parens & 
nos amis , & qui font quelquefois nos 
eonfolateurs ? CÎonfidérons qui les traite 
ainfi ; eft-ce un fâvant qui difpnte con- 
tre des favans ? Non , c*eft Fauteiir d'un 
opéra , & de deux comédies fifflées* Eft- 
ce un homme de bien 9 qui , trompé par 
nn faux zele, fait des reproches indîfcrets 
à des hommes vertiMîux ? Nous avouons 
avec douleur , & en rougiffant , que c'eft 
un homme qui porte encore les marques 
fimeftes de {es débauches ; & qui , dé- 
guifé en faltimbanque , traîne avec lui de 
village en village , & de montagne en 
xmmtagiie , la maUieureufé dont il et mou- 

H X 



lyi Sentiment 



rir la mère , & dont il a expofé^ les en- 
6n$ à la porte d'Un hôpital , en rejettant 
les foins: qu'une perfohne charitable vou- 
loit avoir d'eux ^ & en abjurant tous les 
fcntimens de la nature , comme il dé* 
•pouille ceux de rhonneur & de la reli- 
gion (4). 

Ceft donc là celui qui ofe donner des 
<:onfeils à nos concitoyens ! ( Nous ver- 
rons bientôt qupls confeils. ) Ceft donc 
là celui qui parie des devoirs de la fociété ! 

Certes il ne remplit pas ces devoirs , 

» m . I ■ ,. " i ■■ I II , • <• I ■ • 

( 4 ) Je vçux faîre Avec implicite la déclaration que fem* 
^e exige;r de moh c^^ article. Jamais aucune maladie de 
celles dont parle ici Tauteur , ni petite , ni grande , n'a 
IbniUé mon corps. Celle dont je fuis affligé, n^ «ras le 
moindre rapport ■: elle eil née avec moi , comme le* favent 
les pcrfonnes encore vivantes qui ont pris foin de mon en- 
fance. Cette' maladie eft connue ^e Mefiieurs MaJoiiin « 
Morand, Thierry, Daran , & du frère Cô me. SMls'ytrtpve 
la moincbce maroue de débauche, je les ^rie de meconfon- 
dre, & de me faire honte de ma devife. La perfonnç fage 
& géttér*»tement«ftimée, qui me fofgnedans mes maux 6; 
m£ coaiole dans mes afili£lJoi)s, 9'eÇ m^l^çoreufe , qu( 

Î tarée qii*et!e partHj;e Je fort d"" un homme fort malheureux; 
a m,ere e^ a^elUmettrpleine -de vi« <s en boRfl5'&nti 
malgré fa- vieilïeiTe. Je n'ai jan^ais expp/^ ,, ni fait eixpo^r 
?iucun'e»fi»nt àrila'-jîorte d'aucurt hôpital ,* ni ailleurs. tJnfe 
perfonne quf auv^it eu ia <:harké i^i^t <M parle , auroit en 
celle d'en gatdfer le fecret ,* 3c chacun fent que ce n'éftpas 
de Genève, oik je n*ai noint véon , Se d^o^.t^nt d^animduté 
fe répajid contre moi,. qu'on doit attendre des informations 
fidelles fur ma conduits. Je n'^outcrai rien rnr cepaiTàge, 
fmon qu'au meurtre près, j'aimerois mi#ux avoir fait of 
itoAt foû auteiïf m'accuft, t^uc d'en avoir éprit u* çarcu, 



^F^' 



DES ClTOVEHS. Ijy 

quand , dans le mêmç libelle , trahiflknt 
la confiance d*ua ami . ( 5 ) , il feit impri- 
mer une de fes lettres pour brouiller en- 
femble trois Pafteiu^, C eft ici qu'on peut 
dire , avec un. des premiers hommes de. 
FEurope , de ce même écrivam , auteur 
cTun roman d'éducation y que , pour éle- 
ver un jexme homme ^ il faut conunencei'. 
par avoir été bien élevé (6). 

Venons à ce qui nous regarde particu- 
lièrement, à notre ville qu'il voudroit 
bouleverfer , parce qu'il y a été repris de 
Juâice. Dans quel efprit rappélle^^t-il nos 
troubles aâbupis ? Pourquoi réveille-t-il 
nos anciennes querelles ? Veut - il que 
BOUS nous égorgions (7) , parce qu'on a 



c ^ ) Je crois devoir avertir le public quo le théologien 
^i a écrit la lettre dont j'ai donné un extMnt« n'eft, ni 
ne fut jamais mon ami ; que je ne Tai vu qu'une fois en 
flm vie, & qu'il n'a pas la moindre chofe i démêler > ni en 
t)ien ni en mal avec les Miniftres de Genève. Cet averdife- 
jnent m'a paru néceiKiire pour prévenir les téméraires ap- 
plications. 

(6) Tou| lé monde accordera , je penfe, à Pauteur 4e 
cette pièce, que lui & moi n'avons pas plus eu la même 
éducation, que nous n'avons la même religion/ ' 

( 7 ) On peut voir dans ma conduite les douloureux fa* 
•rllices que f ai faits pour ne pas troubler la paix de mft 

H3 



. ■ '^ 



174 Sentiment 

brûlé un mauvais livre à Paris & à Ge- 
nève ? Quand notre liberté & nos droits 
feront en danger , nous les défendrons 
bien fans lui. Il eA ridicule qu'un homme 
de fa forte , qui rfeû plus notre concir 
toyen ^ nous diié : 

Vous tC eus , ni dts Spartiates , (pag. 3 40)» 
ni des Athéniens 'y vous êtes des marchands^ 
des artifans , des bourgeois occupés de roS^ 
intérêts privés & de votre gain. Nous n'é- 
tions pas autre choie , quand nous réfi{^ 
tâmes à PhiHppe II & au Duc de Savoie r 
nous avons acquis notre liberté par notre 
courage & au prix de notre iâng, & nous 
la maintiendrons de même» 

Qu'il ceffe de nous appeller Efclaves ^ 
(page i6o) nous ne le ferons jamais. Ji 
traite de tyrans les Magiftrats de notre 
République , . dont les premiers font élus, 
par nous-mêmes.* On a toujours vu , dit-il y 
(page 259 ) dans le Confeit des Deux>^ 
Cents , peu de lumières & encore moins de 
courage. Il cherche , par des menfonges 
accumulés , à exciter les Deux-Cents cott- 



patric, &dans mon ouvrage, avec quelle force j'exhorte 
les citoyens à ne U troubler lamals ^ à ^uel^e extrémité 
qu*on les réduilfi. 



m 



DES Citoyens. 175^ 

tre le Petit- Confeil ; les Pafteurs contre 
ces deux Corps ; & enfin , tous contre 
tous , pour nous expofer au mépris & 
à la rifée de nos voifins. Veut- il nous 
animer en nous outrageant? Veut -il ren- 
verfer notre conftitution en la défigurant , 
comme il veut renverfer le chrlftianifme , 
dont il ofe faire profeffion ? Il fuffit d'a- 
vertir que la ville qu'il veut troubler , le 
défavoue avec horreur. S'il a cru que 
nous tirerions Tépée pour le roman dlE- 
mile , il peut mettre cette idée dans ie 
nombre de fes ridicules & de fes folies. 
Mais il faut lui apprendre que , fi on 
châtie légèrement un romancier impie , 
on punit capitafement un vil féditieux. 

PosT SCRIPTUM d'un ouvrage des Ci- 
toyens de Genève ^ intitulé : Riponfc aux 
Lettres écrites de la Campagne. 

Il a paru , depuis quelques jours , une 
brochure de huit pages i/ï-8^. fous le 
titre de Sentiment des Citoyens ; perfonnc 
ne s^y eft trompé. Il feroit au^deflbus des 
citoyens de fe juftifier d\me pareille pro- 
diiâion. Conformément à l'article } du 
titre XI de l'Edit , ils l'ont jettée au feu , 
comme un infâme libelle/ 

« 4 



.. y 



3P I E C E s 

Relatives à la perfécution fufcitée 

A MOTIERS-TRAVERS, 



CONTRE 



M. J. J. ROUSSEAU. 



Hf, 






., \ 



LETTRE 

A M"*. 



y- 



Oys me demandez , Monfieur , des dé- 
tails fur la nouvelle tracafferie cnie vient 
d*effuyer M. Roufle<m , dans Tatyle qu'il 
s^éto'it choifi. Cet écrivain , célèbre par 
fes malheurs prefqu^autant que par fa 
plume , intéreffe vivement la fenfibilité 
de votre coeur , & vous voulez que je 
n'omette rien , pas la plus petite circonf- 
tance. Ah ! Monfieur , c'eu trop exiger 
de moi. J'ignore la plupart des moyens 
mis en œuvre par les ennemis de M. Roui' 
feau ; j'ignore la plupart de leurs motifs ^" 
mais par ceux quf font parvenus à ma 
connoiffance , je ne me fens pas encou- 
ragé à la recherche des autres. J'afflige- 
rois votre cœur droit & bon , je flétri- 
rois le mien , en cavant ces motifs & ces 
moyens. LaifTons à la méchanceté le foin 
de ramafTer ces horreurs , à la fatire le 
plaifir cniel d'en offrir Te tableau ; moi , 
je veux me borner à lier par un narré 
cxaft , éclaircir par quelques notes , les 
différens écrits qui ont paru , & qui peu- 
yent fervir de pièces à ce procès. 

H 6 



ï^So Lettre 

Il feut d'abord vous rappeller , Mon- 
fieur , que dans les derniers mois de Tan- 
née précédente , quelgues particuliers de 
ce pays ayant propoie à M. Roufleau y, 
fous des conditions acceptées par lui ^ 
d'entreprendre une édition générale de 
fes ouvrages tant manufcrlts que déjà pu- 
bliés , en avoient , fur leur première re- 
quête , obtenu la permiflîon du Gouver- 
nement. Cette entreprife très-lucrative ^ 
tenta la cupidité & £t des mécontens de 
'^eux qui ne purent y avoir part. Elle étoit 
d'ailleiu's avamageufe à l'Auteur , à qui 
elle affuroit un état médiocre ,. mais fuf- 
fifant à (es befoins & conforme à fes de- 
firs , & par là , fans doute , elle déplut à 
fes ennemis. Ceft dans ces circonftances» 
que parurent Us Lettres écrites de la Mon-- 
iagne , ouvrage qui a fervi de fondement 
ou de prétexte à la tracafferie dont je 
4ois vous rendre compte. Vous fkvez ^ 
Monfieur , que ces lettres reçues avec avi- 
dité , dévorées avec fureur , furent prof- 
érites ou brûlée^ dans quelques Etats. Pour 
nous y nous demeurâmes tranquilles fpec- 
tateurs dé ces feux de joie , jufques à Ik 
fin de Février ^ que le zèle de notre der^ 



A M***. i8i 

■■■I .■■■Il ■ ■! t^ 

gé , fi longrtems affoupi ^ eut reçu tous 
fes alitnens néceffaires pour produire un- 
embrafement. Alors la vénérable Claffe 
( c'eft le corps des Paftçurs de ce pays ) y 
dénonça au Gouvernement & au Magif» 
trat municipal les Lettres ecrius de la Mon^ 
tagne , comme un ouvrage impie , abo- 
minaUe , &c. &c. en ibliicita la profcrip* 
tion , ainfi que la ilipprefCon du confen* 
tement accordé pour l'édition projettée. 

Cette démarche de la vénéraj)le ClaiTe 
contrafte fi finguliérement avec le filence 
qu'elle a gardé (tir Emile (a) lorfi|u'il pa- 
rut , & que fon Auteiu" fut admis à 1* 
communion , que Ton feroit tenté d'y 
Ibupçonner un intérêt perfi^nnel , fi l'oii' 
ne fa voit pofitivement que les membres 
de ce (acre Collège , les plus zélés à pour^ 
fuivre la profcnption des La très de U» 
Montagne , étoient ceux précifément qui 
tLt les avoient pas lues. 

Le confeil d*£tat ne prit point feu fur 
ces efpeces de remontrances , mais le Ma- 
giilrat municipal profcrivit l'ouvrage enî 

(««) Et fur la Lettre à PArchevêque de Paris; Il eft vrali 
fue cette Lettre, non plus ^'£mile, n'attaqiioit [^oiot 1^ 
Cleisé Fiottllaat» 



' iS% Lettre 



■Ai 



quéflîon. Le héraut chargé de cette fonc- 
tion publique s^en acquitta au mieux , en 
aRflonçant ces lettres prohibées comme 
attaquant tout ce qu'il y a de plus repré^ 
hcnJibU dans notre fainte religion. Que 
dites-vous, Monfieur, de cette méprife? 
convenez qu'elle ne pouvoit être pîus^ 
heureufement bête. 

Cependant la vénérable Claffe s'ajourna 
au i^ Mars pour jnger TAuteur, qui bien 
informé de la fermentation que ce corps 

Eouvoit occafionner dans l'Etat , crut ea 
on citoyen devoir conjurer l'orage , & 
remit à M. le Profeffeur de M***, fon 
Pafteur , l'Ecrit fuivant , pour être com- 
muniqué à la vénérable Claffe. 

i< Par déférence pour M. le Profeffeur 
» de M * ^ ^. mon Pafteur , & par refpett 
» pour la vénérable Claffe , j'offre ( ^ ) , 
» fi on l'agrée , de m'engager , par un 
f> Ecrit figné de ma main , à ne jamais 



ib) Cette offre connue de notre public , feulement d«b 
puis 15 jours, a fait revenir beaucoup d^honnétes gens de 
la prévention qu'on étoit parvenu à leur infpirer contre 
M. Rouifeau. Et ce fait explique aflèz naturel rement la rai- 
i^o du ^ence myftéricux gardi jufqu'alors fur cette déc)j^ 



qgggttggg <^ I 

A M***. i8j 

^i^—— **— ^ 1——^— Il ^ I II I lia 

H publier aucun nouvel ouvrage fur au* 
» cime matière de religion y même de n'en 
»^ jamais traiter incidemment dans aucun 
» nouvel ouvrage qi»e je poiurois pu*^ 
» blier fur tout autre fujet ; & de plus ^ 
M je continuerai à témoigner par mes fen^ 
» timens &c par iha conduite , tout le prix 
>> que ;e mets au bonheur d'être uni à 
» PEglife. 

» Je prie M. le Profeflêur de commu* 
M niquer cette déclaration à la vénérable 
n Clafle. Fait à Motiers le lo Mars 1765» 

Signé J. J. Rousseau» 

Vous qui connoiflez retendue de la 
charité chrétienne y qui aimex la paix &. 
la tranquillité, vous croyez que la vé- 
nérable Oaffe , fur la leâure de cet écrit ^ 
fe hâta de l'accepter , publier , & confi- 
gper en lettres d'or dans (es régiftres* Dé- 
trompez-vous , Monfieur , & devinez , fi 
vous le pouvez , les motifs qui détermi- . 
nerent notre clergé à ne rien répondre à. 
M* Rouffeau fur cette ofîre , à ne point la 
faire tranfpirer dans le public , & à précîpi* 
ter d'un jour , le jugement de cette affaire. 

Pevinez encore Iss raifo^s du ûltnce 



\ 



!f' ' ggggsasggaggjsagjg 

184 Lettre 



- " *"■ ■ T*n 



inviolable promis & juré par tous le^ 
membres afliflanS 9 tant fur les qu^ftions 
à adreffer à M. Rouffeau , que fur tout ce 
qui s'étoit paffé ^ ou fe pafferok'dans ce 
Synode inquifitorial ^ fllence-bien impor-' 
tant , puifque les membres du clergé qui 
n'avoient pas aflifté ( c ) aux délibéra- 
tions y n^en purent pénétrer le fecretr 
Vaine précaution î Ce fecret impénétrable 
étoit connu long-tems avant que la Claffe 
en eût délibéré. Ceux qui ont la corref' 
pondance de la Cour , avoient eu le tem^ 
d'en informer le Roi ^ & cela fur des avis 
venus de Paris & de Genève. Vous èxes^ 
étonné ^ Monfieur , & moi auffir Le fait 
n*en eft pas moins vrai* 

«Le Roi trouve très-mauvais que vos* 
^ compatriotes s'acharnent fur un homme 
3» qu'il protège , & il a déclaré qu'il fe 
^y reffentiroit vivement contre ceux qui 
^ perfifteroient à perfécuter M. Roul{eau«P 
» Je le tiens dé là bouche même du Roi* 
n Vous pouvez le dire à qui vous voudrez^* 



i*» 



te) Non» faififlbas cette occafion pour rendre gloire à I» 
vérité , & homniage à ceux de nos Pafteiirs ^m dans' cettr 
affaire, & dans plufieurs autres, ont par leurs fentûnaii 

fà^ti VïBumtm tt*ette ftifj^éai i leur çotw : ' 





A M»**. 


185 



C'efl en ces termes que dans ûl lettre 
du 10 Mars , adreflfée à M. M * **. Con-» 
feiller d*Et9t & Procureur-Général , s'ex- 
primoit Mylord Maréchal , cet illuftre 
Breton, fi bon juge du mérite, fi vrai 
proteôeur du mérite opprimé, fi di^ne 
en un mot de la confiance & de l'amitié 
de celui des Rois qui fe connoît le mieu^ 
en hommes. Confrontez la date de cette 
lettre avec la diftance des lieux , & vous 
comprendrez quHl falloit être bien avifé 
pour avoir de fi loin informé la Cour de 
ce qui devoit fe pafier dans Taffemblée de 
notre clergé , fixée au 1 3 Mars. 

Cependant il s'étoit répandu un bruit 
qiii tous les jours recevoit de nouveaux 
accroifiemens. Il exifioit , difoît -on ^ un 
ouvrage de M. Roufleau , intitulé des 
Princes. Perfonne ne Tavoit vu ; mais on 
aflTuroit pourtant crue les Gouvernemens 
Ariftocratiques , oc en particulier celui 
de Bel ne, y étoient fort maltraités. On 
pouiTa les foins officieux jufques à écrire 
de Berne même à M. le Profefleur de 
F ^ * *. direâeur de l'Imprimerie à Yver- 
dun , de demander ce livre à M. Rouffeau 
pour rimprimer & le répandre , vu que 



186 Lettre 



ce feroît une tris-tonne affain. M. Rouf- 
ièau fentit le but de ces foins officieux^ 
& envoya à M. le Profeffeur de F * * *. 
la lettre fuivante , le priant de rimprimer^ 
& de la répandre* 

A Moticrs te 14 Mars 17^5. 

» J E n*aî point feît , Monfieur , Ton- 
9^ vrage intitulé , des Princes , je ne Taî 
» point vu ; je doute même qu'il exifte* 
»> Je comprens aîfément de quelle febri* 
» que vient cette invention , comme beau- 
>^ coup d'autres > & je trouve que mes 
» ennemis fe rendent bien juftice , en 
» m'attaquant avec des armes fi dignes 
f> d'eux. Comme je n'ai jamais défavoué 
» aucun ouvrage qui fut de moi , j'ai le 
» droit d'en être cru fur ceux que je dé- 
» clare n'en pas être. Je vous prie , Mon- 
» fieur , de recevoir -& de publier cette 
» déclaration en faveur de la vérité , & 
» d'un homme qui n*a qu'elle poiu- fa 
» défenfe. Recevez mes très - humbles ^- 
}f lutations. 

Signé J. J. Rousseau, 

Je vous ai dit , Monfieur , que la vc- 



A M**». Ï87 



nérable Claffe précipita d'un jour , le ju- 
gement à prcwïoncer fur M..Rouffeau, En 
eflèt 9 dans fon afTemblée du 11 Mars, 
elle fulmina contre lui ^ en dépit de la 
conftîtution de ce pays , une fentence d'ex- 
communication. Mais fort fagement pour 
elle 9 elle fupprima cette fentence irrégu-^ 
liere , fur la lettre anonyme qui lui fut 
adreifée , vraifemblablcment par un de {q$ 
membres. La voici. 

y^ Y Ovsr êtes ajournés folemnellement 
H pour juger de J. J. Rouffeau ou de fes 
^ Lettres dt la Montagne. Je n'ai pas entrée 
Vf au fanftuaire ; toutefois Souffrez d'oinV 
» le liifirage d'un de fes meilleurs amis, 
» je veux dire du fanftuaire. Cet avis fe- 
» roit , que l'Ecrivain dont il eft quef- 
>t tien , en qualité de chrétien qu'il fe pro- 
» duit dans le premier volume, n'a gueres 
n befoin que d'être timpanifé , au lieu 
» d'être ptrfécuté chez des églifes Protef- 
» tantes ; & que comme citoyen dans le 
yf fécond volume , il mériteroit prefque 
n d'être canonifé par des Etats républi- 
» cains , bien loin d'en être décrété. La 
Vf raifon en eft, que la tyrannie ôc le def* 



ssSBSsseesssssssssssoBm 

188 Lettre 

» potifme font plus à fa portée que VE^ 
» vangile & la réformation. Il pourvût 
» Tefprit tyrannlque , la manie defpotique 
» dans leurs derniers retranchemens , & 
» démêle leurs artifices les plus retors ^ 
H {ans que la beauté enchantereâe de ùm 
» langage nuife 9 tant s'en faut , à Ja vi- 
y> gueur mâle de fon raifonnement. Mais 
>> pour TEvangile & la déformation il icm- 
^ oie outre-pafler certaines chofes eflfen- 
» tielles qu'il devoit avoir apperçu dans 
» l'un , & ignorer bien des chofes utiles ^^ 
» qu'il pouvoit avoir appris dans l'autre» 
» D'ailleurs , c'eft un malheur ou un bon- 
» heur pour lui , que plus fon ftyle eft 
n attrayant , moins il eft féduiiant pour 
» rendoârinement de fes difficultés $c de 
» fes doutes , parce que plus il fe feit lire 
f^ de fois , plus on fent que c'eft une 
» kyrielle de traits évaporés d'une plume 
» fantaftique , qui ne touchent que l^tma- 
>p gination , encore faut-il qu'elle foit déjà 
» bleffée (</). 

» Quant a ce qui regarde la commu- 

— ■ ■ ■_ 

•( </ ) Ce jugemeirt , & tout ce qui le précède, décelé Téta» 
de ranonyme, & prouve, quoiquMl en dife , qu'a a de droit 
Se de fait tnfrée nu Sun^airc. 






^ÊÊ*m 



H mon , ou l'alternative de la permiffiort 
ff ou de la défenfe de s'approcher de la 
f^ Table fàcrée ; tant qu'il plaira au Sou- 
» verain de le protéger , ce feroit s'em- 
n barquer en Tair pour donner du nez à 
f> terre , & hafarder des conflits péril-. 
>i leux ^ que de vouloir en fouftraire le 
H jugement aux confiftoires. Leur indé- 
» pendance a été trop fouvent , tantôt 
» prétendue , tantôt reconnue par la vé- 
n nérable Claffe elle même : il ne faut pas 
H fe contredire (e); le cas fera peut-être 
>f intrigué : il importe également à la reli- 
^ gion & à l'Etat qu'elle ne fe compro- 
n mette pas (/). Ce qui feul eft de fa 
H compétence , c'eft l'examen des ouvra- 
» ges de récriyain , à la propagation *deC* 
H quels il eft de fon devoir de s'oppofer , 
» &t par de fages admonitions à lui adreC- 
t> fées en perfonne par le miniûere de fou 
n Pafteur , poiur qu'il ne donne plus riea 
>♦ au public ; & par de fortes remontrant 

M ces au gouvernement pour que ToâroJ 

» • f, - - 

' iCe) O bon avis, venu iî à propos, tu méritois à ton Atf> 
tenr un beau cierge , & un tx Vot9 , de la part de la v^afa 
»*blc Cïaflc ! 
C/> Lifpz, ire /« comprpmette'jas, 



1^0 Lettre 

*—»■■■—— ■ I I 1 I ■ ■ ■ Il 11 — — ■^■a 

h de rimprimerie projettée , à deiTein de 
» les répandre, ou même de les accroître , 
>> foit retiré, Ceft à quoi il eft de fa pru- 
>> dence de fe rabattre , & ce fera feeaii- 
» coup faire que de l'obtenir (^). Il eft 
^ vrai qu'il eft d'unç dangerçufe confé» 



• d) Point du tout, rien au centraîre de fi aîfé. QjDaot 
au premier chef, il n'y avoit qu'à accepter Toffre ci-deflbt. 
£t quant au fécond, un mot , un feul mot, à M. Rouffcm^ 
(At encore fuffi. En voici la preuve. 
, " Je vous avoue que je ne vois qu'avec effroi l'engage* 
^ ment que je vais prendre avec la Compagnie en queftioB* 
,, fi raJSTai^e fe<:on&>mme; ainfi quand çllemaaqueroit.fe 
„ feroifi très -peu puni, &c. Extrait d'une l^ettre de M. 
;, RoHjfeau m M***, Vous ne devez point, s'il vous plaît* 
^ paiTer outre que les Aflbciés n'aient le con&nteineat for- 
y, mel du CoQ.feil d*Etat que je doute fort qu'ils obtieooene. 
^ Q,uant à la permiflion qu'ils ont demandée à la Cour , je 
-^ doute encore plus qu'elle leur (bit accordée. Mylotd 
y, Maréchal connoit là-deflus mes intentions ; il (ait qat 
„ noi;i feulement je ne demande rien, mais qve jç fuis trH- 
„ déterminé k ne jamais me prévaloir de (on crédit à la 
„ Cour, pour y obtenir quoi que cepuifle être, relativement 
^, a^V pays pu je vis , qui n'ait pas l'-^grément du gonveroe» 
„ ment particulier di] pays même. Je n'en|ends me mêler 
^', en aucfine fa(;on de ces cUojtès-làT'nt traiter qu'elles ne 
f, (oient décidées ,,. Extrait ^une dutre Lettré au mhne. 

Cette faqoQ d'envifagej: l'entreprife projettée , les condi- 
^ons que M. Reujfeajt mettoit à fon exéçatipg , tout cela 
Itoi; çonn^ des fix afîociés entrepreneurs , & nt pouToil 
^ ères être un (bcre\ pour notre public, encore moins pov 
(|jiel|ues-u)is à^^ m^m^v^ df 1» vé«écab]» Q\9Bk* 



A M * * *. 191 

n quence d'étendre le§ droits de la tolé- 
w rance à des étrangers ; ce feroit en quel- 
» que façon inviter tous les auteurs ou 
» éditeurs de mauvais livres à chercher 
H leur afyle dans ce pays , & rifiCper d'en 
» feire une cloaque de toutes lortes de 
» barbouilleurs de ces derniers tems 9 dont 
» la démangeaifon porte principalement ' 
^ contre l'Evangile ou contre les mœurs* 
» Mais ils ne font pas tous fi propres à 
» captiver nos têtes francillones , & nos 
H freluquets de financiers ^ ou dç mili'» 
» ciensp Et à nouveaux faits , nouveaux 
t> plaids. Le renouvellement de l'abus re- 
p> médieroit fans doute à l'excès du dé*» 
» fordre. Au furplus , il y a grand fujet 
» d'être fur fes gardes dans l'^ffemblée 
» convoquée pour cette affaire , dont on 
» dit que le iiecret mobile réfide dans une 
» capitale voiiine en la perfonne d'un 
H quidam ( A ) de la gcnt réfugiée à robe 
» noire , qui voudroit faire montre dç 
^ fon crédit aux D * * ^. î^ux de V * * *• 
i» émules , ou ennemis de notre fàmeuic 
>► Roujfcau. Ne feroit r il pas honteux à 
jf une compagnie de Jyliniures & de P^f- 

()^)^fi.B. P. »a 



191 Lettre 

- 

M teurs aiiiC diftinguée (i) dans TEuropc 
>f réformée , de fe laifler mener dans une 
» matière religieufe & importante, à Tin- 
H trigue d'un eccléfiaftique livré à la gran- 
w deur mondaine , & guidé par des vues 
» perfonnelles ? Comment l'écouter quand 
h il s'agit de voies à réprimer , ou a ra- 
*> mener un pauvre mécréant , honnête- 
>> homme , & de bonne foi , lui qui eft 
» en relation étroite avec des gens con- 
n nus pour forgçurs de contes gras , d'hif- 
» toriettes diffematoires , ou même pour 
» rénovateurs de fyftêmes d'impiété ou 
» de matéri?ilifme , & qui pour flurcroît 
» de mérite , fe trouve créature favorite 
f> des ambafladeurs en Suiffe d'une cou- 
H ronne , qui tous les jours fait empri- 
» fonner , pendre (es confrères & com- 
» patriotes , prédicans du pur Evangile , 
» & fe rend par cela même complice des 
» cruautés antichrétiennes du papifine (it)? 
» Quel contrafte ! De quel poids pour- 
» ront être les fuggeflions de (à cabale ? 
» &c. &c. >♦. 

■ ., Il I I I I M^Mii< 

( i) La robe noire perct encore ici. 
(k) Le£lcur, qni que vous puiffiez étire, ne vous fcandi- 
lifez pas de ces expredions. JElles fou( confacréts parmi lt$ 

Frédicam dn phr EvangiU, 

Cette 



Cette lettre occafionna le 1 3 Mars une 
nouvelle délibération , & fur la réquifi- 
tion d€,M, de M^*^. pafteur à Motiers , 
il lui fut donné par écrit , une direftion 
pour faire comparoître en confiftoire J. J. 
Rotifleau , & lui adreffer les queilions fui- 
vantes, arrivées peut-être par le mêm^ 
Courier qui en portoit la copie à quelques 
particuliers d'ici : favQÎr^ 

1°. Si lui Jean- Jaques ne croyoît pas 
en Jéfus - Chrift mort pour nos oflfenfes i 
& reffufcité pour notre juilification. 

2^. S*il ne croyoit pas à la révélation ; 
& ne regardoit pas la fainte Ecriture comme 
divine. 

Qu'à défaut de rcponfes fatîsfaifantes 
fur ces queftions ; lui fon Pafteur devoit 
le faire excommunier, ians doute, â qu^U 
que prix que ce fut. On eft du moins en 
droit de le juger ainfi , par les menées 
qui fiirent employées dans l^églife de Mo- 
tiers , pour parvenir à cette conclufion , 
le tput pour la plus grande gloire de 
Pi^, On intimida la confcience des an** 
ciens de cette égllfe , membres du con- 
fiftoire admonitit^ on leur répéta que J. 
J. Rouffeau étoit l'Ar techrlft , que le falùt 

Suppl. di U ÇoUeCs Tome l\\% I 



94 Lettre 



^^mmm^/m^m^mmffammt^m^lmm' m > ■> 1 » ■ I m I 



•m^ 



de la patrie dépendoit de fon excommiir» 
niçation , aue les différens corps de 1*E^ 
tat s*y intçreffoîent vivement , que les 
Cantons alliés , en particulier celvd de 
Berne , vouloient renoncer à leur an- 
cienne alliance avec ce pays , fi J. J. 
Rouffeau n'étoit pas excommiuiié. On fit 
même femer parmi les femmes du vit» 
lage & des environs , que ce Jean- Jaques 
îivoit dit dans fon dernier ouvrage que 
les femmes n'avoient point d'ames , & 
n'étoient au plus que des brutes , & mille 
autres propos dans ce genre , tous pro» 
près à renouveller parmi nous le fpefta- 
cle du fort dt Serves^ ou de celui ^Or- 
pkéc (/). 

Ceft alors que le prétendu Antechrift , 
adreffa la lettre fuivantç à M. le Procureur» 
GépéraU 

» ' ■ , !■■■ > I. ) ■ I ■— ^f— — — — 

(/) Ceci n'eft ni hafacdé ni exagéré. On coimott ioi 
|;>lus d^ui) zélé qui , pour l'c^nour de Diei| 8ç de fon Paradis, 
fût volontiers^ fourni des torches pour un ^ntê-iio^ft. Et les 
amis de M. Rouffeau béniffent encore Tinclémence de Ialaî« 
fon qui le retenant chez lui, le fouftrait aux fourches dont 
yeulent s'armer nos B|cch4iit9S Q^odçrnes, poi^r lui]^rQUT^ 
(^u*çliçs ont untf ^xn^ 



9BeSB9BS&BB9r 



A M***. 19Ç 



A Moders k 2j Mars 175^. 

«< J E ne fais , Monfieiir , fi je ne dois 
Jm pas bénir mçs miferes , tant elles font 
>¥ accompagnées de confolations. Votre 
» lettre m'en a donné de bien douces , & 
» J*en al trouvé de plus douces encore 
f> dans le paquet qu'elle contenoit. Ta- 
^> vois expofé à M)rlord Maréchal les rai- 
>» fons qui ihe faiîbient defirer de quît- 
ff ter ce pays pour chercher la tranquil- 
» lité & pour l'y îaiffer. Il approuve ces 
>> raifons , & il efl comme moi d'avis 
» que j'en forte : ainfi , Monfieur , c'eft 
¥> un parti pris , avec regret , je vous le 
f^ jure ; mais irrévocablement. Affurément 
» tous ceux qui ont des tontes povir moi ne 
H peuvent défapproîiver que dans lé, triftç 
>> état oii je luis , j'aille chercher un^ 
» terre de paix pour y déppfer mes os, 
^ Avec plus de vigueur & de famé , jé 
» confenûrois à feire face à mes perféçu»- 
^ teiirs pour le bien public : mais acca- 
^ b!é d^nfirmités , & de malheurs fans 
^exemple, je fuis peu propre à jcucy 
$3( W rôlf ? ^ il y ^uroit de la çrùamjSf 

1% 



196 Lettre 

• -» 

» à me rîmpofen Las de combats & de 
» querelles ; je n'en peux 'phis flipporter. 
^ Qu'on me laiffe aller mourir en paix 
» ailleurs , car ici cela n'eft pas pofEble , 
» moins par ta mauv^ife humeur des ha- 
» bitans , que par le trop grand voifinage 
>> de Genève ; inconvénient qu'avec la 
3^> meifleiire volonté du inonde ^ il ne è^ 
» perid pas d'eux de leven 

>i Ce parti , Monfieur , étant celui au^ 
M quel on vouloit me réduire , doit na-p 
» turellement feiire tomber toute dénuu> 
» che ultérieure pour m'y forcer^ Je ne 
» fuis point encore en état de me tranfi 
y> pprter , &c^il me faut quelque tems pou? 
^ mettre Qrdfe à mes affaires , durant le«f 
» quel je puis raifbnnablemènt efpérer 
» qu'on ne me traitera pas plus mal qu'un 
» Turc , un Juif , un Payen , un Athée ; 
» & (^vi'on voudra bien me lalffer jouir 
H pour quelques femaines de Thofpitalité 
>p qu'on ng refufe à aucijn étranger. Ce 
» n'êft pas , Monfieur ^ que îe veuille 
V déformais' me reggrde'r, compie, tel , au 
fp contraire Phonnenr d'être infrrit parmi 
pies citoyens du pays., me fera tou? 
> jours précieux par 'Ivfî - inême , ç|icore 






■(ii-Ai 



» plus par la tïjaîn dont * il me vient , 
>> & je mettrai toujours au rang de mes 
M premiers avoirs le zèle' & la fidélité 
» que je dois au Roi , comnie notre Prince 
M & comme mon proteôeur. J'ajoute que 
M j'y laMe un bien très-regrettable ^ niais 
>p dont je n'entends point du tout me dé- 
M faifir. Ce font les amis que j'y ai trouvés 
M dans mes difgraces, & que j'efpere y 
» çonferver malgré morî çloïgnement, 

» Quant à Meilleurs les Miniftres , 
>> s'ils trcJtivent à propos d'aller toujours 
» en avant avec leur confiftoîre , je mfe 
» traînerai de mon mieux pour y com- 
» paroître , en quelqu'état que je fois , 
♦> puisqu'ils le veulent ainfi , 8c je crois 
» qu'ils trouveront , pour ce que j'ai à 
p> leur dire y qu'ils auroient pu fe paffer de 
» tant d'appareiK Du refte , ils font fort les 
■♦> maîtres de m^excommunier , fi cela les 
» amufe :, être excommunié de la façon 
t> de M, de V***. m'amufera fort auffi ( /w ). 

(m) On fera furpris fans doute de trouver ce nom célèbre 
3^ côté de Celui de notre vénéralile Claffe. Ce qui peut avoir 
4onné lieu à cette efpece d^amphigouri , cft une lettre que 
>I. de y***, doit avoir 'écrite â Paris, & dans laquelle on 
aflure qu'il fe faifoit, fort de chalïer le pauvre Bonjfeau df 
ft JuweUi PéffTsc , en dépit dt la prote£tion du SMiveraiiK 

13 



«9? Le t t r e 



■a*< 



H Permettez ^ Monfieur , que cette let- 
«►tre fojt commune aux deux Meflieurs 
» qui ont eu la bonté de m'écrira avec 
^> un intérêt fi généreux. Vous fentez que 
M dans les embarras où je me trouve , je 
n n'ai pas plus le tems que les termes 
» pour exprimer combien je fuis touché 
» de vos foins & des leurs. Mille falutations 
9f & refpeûs ». 

Signé ^ J. J. Rousseau. 

Douze jours s'étoient écoulés depuis la 
délibération de la vénérable Ctaffe, lorf- 
u'enfin le dimanche 23 Mars , le pafteur 
e Motiers, après avoir, par Téleâion de 
deux anciens , completté leur nombre re- 
quis , & par là étayé fon plan de deux 
iufFrages qu*il pouvoit croire à <a dii]>oii- 
tion , affembla le confiftoire admonitif , 
& là , après un long préambule , il dépê- 
cha (es ordres qu'il' accompagna de très- 
.amples réflexions, & conclut enfin comme 
on de voit s'y attendre. Cet intevalle de 
douze jours avoit été rigoureufement em- 
ployé, & fi bien mis à profit , que M. de 
M*^^. écrivant à Genève, s*etoit, dit- 
on ^ porté garant que l'excommunication 



3 



AU***. 199 



^«^ 



fèroîtprononcée contre M. Roufleau. Auffi i 
rofficier du Prince qui affifte dans les af* 
ièmblées du confiftoire , eut beau reda*» 
mer les conftitutions de l'Etat , élever fa 
voix contre Tefpece d'inquifition que la 
Clafle vouloit introduire au mépris de 
ces mêmes conflitûtions ^ & en foulant 
aux pieds les droits & les libertés des 
citoyens, cette voix ne fut pas entendue > 
& la pliualité décida que NL RouiTeau 
iëroit cité le 28 à comparoître en confif- 
toire le xç. Ce qui fut fignifié & accepté 
très-poliment de part & d'autre. Mais au 
lieu de s'y porter en perfonne, M. Rouf* 
feau , fuivant l'avis de fes amis, & par de 
.très-bonnes raifons , prit le fage parti de 
xonftater par écrit ce qu'il avoit à dire , 
en adrefiant au confiftoire la lettre fui- 
vante, accompagnée de fa déclamation à 
M, de M**** Iprfqu'en 1761, celui -d 
Tavoit adn\is à la fainte Cène. 

Motitrs^ k 29 Mars 176c. 

Messieurs, 

« Sur votre citation , j'avoîs hier rc- 
» folu malgré mon état , de comparoître 
» aujourd'hui par devant vous ; mais fen- 

14 



^ 



aoo Lettre 



■■■iMa* 



» tant qii*il me feroît impoflible , malgré 
M toute ma bonne volonté , de foutenir 
^ une longue féance , & , fur la matière 
y> de foi qui fait Tunique objet de h cita- 
it tion , réfléchlffant que je pouvois éga- 
» lement m'expUquer par écrit , je n'ai 
» point douté j Meflîeurs , que la dou- 
» ceur de la charité ne s^alliât en vous au 
» zèle de la foi » & que vous n'agrcaffiez 
» dans cette lettré la même réponfe que 
» j'aurois pu faire de bouche aux quef- 
» tiens de M. de M***, quelles qu*^les 
» foient. 

» Il me paroît donc qu'à moins que la 
» rigueur dont la vénérable Clafle juge à 
» propos d*ufer contre moi , ne foit fon*- 
» dée fur ime loi pofitive , qu^on m'afr 
» fure ne pas exifter dans cet Etat ( /2 ) ; 
V rien n'eft plus nouveau , plus irrégulier , 
» plus attentatoire à la liberté civife , & 
♦> fur - tout plus contraire à Tefjprit de k 
^religion <ju\ine pareille procédure en 
» pure matière de foi ( o ). 

( » ) Et qui n'y exiftera Jamais, qv^ait plus grand malbeor 
4e fes habitans. 

C» ) M. KêHjfeau pouvoit ajouter que rien ne contrafte 
f lus avec la conduite même de notre Clergé , qui vers Xa 



A M***. 20I 






» Car Meflîeurs , je vous fupplie de 
>f confidérer que , vivant depuis long-terris 
•> dans le fein de Téglife y & n*étant ni 
» Pafteùr , ni Pfofeffeiir , ni chargé d*aii- 
H cune partie de . Tinftruftion publique ^ 
H je ne dois être fournis ,* moi' particif- 
^» lier^ moi fimpre fidèle , à aufcune ih- 
H terrogation , ni inquifition fur la foi ' : 
f> de tdles inquifitions , inouïes dans^ ce 
H pays , fapant tous les fondemens de la 
>> réformation , & bleffant à la fois la lî- 
9f berté évangélique , la charité chrétien- 



fin do (lecle pafl^refufa d'adopter le Cênfenfus^ foît lapro- 
feflion de Foi reqne par les autres Eglifes Proteftantes de 
la Snifle; & cela, pour ne point fe gêner la eonfcîcnce , 
qui juf^u'à préfent a perliilé dans ce refus, mais qui poat- 
tant voudroit aujourd'hui impofer fur les particuliers, un 
iou|f qu'il a trouvé tfop pefant pour le porter ïni-môme. 
Que nos Mlniftres çohittiehceût du moins par bien établir 
leur profeffion dcFoî uniforme & orthodoxe : eftattendané, 
BOUS nous fouviendirons' de ce fait fi récent , que dans la 
dernière éditiou d''un' petit' ouvragé requ dans cet Etat à 
ruiage des écoles publiques « édition faite fous la .'feule di- 
rection de nos Pafteurs , 8t ^ans îâ participation requîfe du 
Magiftrat, plufieurs paifaées de l'Ecriture faînte , fe trou* 
Tent fupprîmés^ fkns douté paç de bonties raiibnâ, entfào- 
très ceux -cf. • Mi^.MîJa 

„ Il y en' a ttdis'^'ïiî tendent témoignage dkûs le Ciet; 
^, lèPerè,^!a P^tolfe & le Saint W^f\t\' 8i ctsmis-làfoht 
s»m.L ^pitte de & lOiij «Itap. 1. 1: 7" • » ^ 

I 5 . 



201 L E T T R. E 



» ne , rautorité du Prince & les droits 
M des fujets , foit comme membres de Té* 
>f glife , foit comme citoyens de TEtat. 
>» Je dois toujours compte de mes a^Hons 
» & de . ma conduite aux loîx & ^ux 
>> hommes;, mais puifqu'on n'admet point 
» parmi pous d*églife infaillible qui ait 
» droit de prefcrire à fes membres ce qu'ils 
>» doivent croire , donc , une fois reçu dans 
» réglife , je ne dois plus qu'à Dieu feul 
.3? compte de ma foi. 

^ J'ajoute à cela que lorfqu'après la 



„ Qjie tontes chofes lé faffent k^reç bien/tance 8c avec 
;, 9r4re, î. Epître aux Coriiith. chap. 14.^ ▼• 40. 

„ Ces trois chofes demeurent t M foi , Pefpérance & la 
y, charité, mais la flus grande eft la charité. Idem , chap, 
„ 13. V. 13. 

Voyez encore la première Epître â Timothée, chap. i. t. 
5. L'Evangile félon S. Jean» chap. ç. y. 39. & v. S8. L'E- 
pftre aux. Romains, chap. ib. v. 9 & 23* l^'Epltre à Tite» 
chap. 3* V. 8. La première Epitre de S. Pierre', chap. 3. ?. 
13. L'Epîtrede S. Judc, v. ao,& 21. &c. &c. &c. 

A la bonne heure que notre Clergé cherche à innover dans 
la doârine reçue ! mais vouloir à rinftni6tion unir Pinfuifi- 
tion • c'eft trop prétendre dans un p^ys dont chaquç eitoyes 
fuce avec le lait de fa nourrice , Tameur de' U libellé 9t 
de fes droits. Que nos Palpeurs fe rappellent les flots de 
fang dont ^^^ femblable prétention inoa^a^es Pays-Bas , 
& furemént l'Effrit/^e x9rft cédera aVoc j^tuî^UTenwat om 
%n^^QitiÙE^rit 4e^atrifitifif4^ , i . i . 






^ 



A M * * *. 203 



» publication de l'Emile , je fiis admis à 
» la communion dans cette paroifle , il y 
f> a près de trois ans , par M. de M * * *. 
» je lui fis par écrit une déclai»tion dont 
» il fut fi pleinement fatisfait , que non- 
» feulement il n'exigea nulle autre expli- 
pp cation fur le dogme 9 mais qu'il me 
>f promit même de n'en point exiger. Je 
» me tiens exaftement à fa promefle , & 
» fur - tout à ma déclaration : & quelle 
» înoonféquence , quelle abdu^dité , auel 
» fcandale ne feroit-ce point de s'en être 
» contenté , après la publication d'un li- 
» vre oii le chriftianifme fembloit fi vio* 
» lemment attaqué , & de ne s'en pas con- 
i> tenter maintenant , après la publication 
» d'un autre livre , où l'Auteur peut er- 
» rer, fans doute, puifqu'il eft homme, 
M mais où du moins il erre en chrétien (/^), 
» puifqu'il ne celle de s'appuyer pas à pas 
» fur l'autorité de l'Evangile ? C'étoit alors 

</) Ajoutez , êc avec un des arc-boutans de la Réforma- 
tion, le célèbre Théodtre de Beze , que Ton ne fit pourtant 
pas marcher en Confiftoire pour avoir dir dans une note fur 
les ^erfets 23. & 24* du chap 2. de FCvangile félon S. Jean , 
non fatis tuta fides eorwn qui miraculis nituntur. II eft . vrai 
fOC d« fon t«inf rifQmé^îQn n'étoit pas un mot vuide^e thsé^ 

1 6 



204 Lettre 

■ Il I ■ ■■■ I l m ■■■■Il ■ I ■■■ mmmmmmm^mmm 

» qu'on pouvoit m*ôter la communion ^ 
a mais «ft à préfent <ju*on devroit me 
>» la rendre. Si vous faites le contraire , 
f» Meffieurs , penfez à vos confciences ; 
•> pour moi , quoiqu'il arrive y la mienne 
•> eft en paix. 

. » Je vous dois » Meffieurs , & je veux 
^ vous rendre toutes fortes de déférences , 
» & je fouhaite de tout mon cœur qu'on 
t> n'oublie pas affez la proteftion dont le 
» Roi m'honore , pour me forcer d'im- 
^ plorer celle du Gouvernement. 

» Recevez , Meffieurs , je vous fup- 
^ plie , les affiirances de tout mon refpeft. 
. ^ Je joins ici la copie de la déclara- 
^ tion fur laquelle je fiis admis à la corn- 
» munion en 1762 , & que je confimxe 
I» aujourd'hui. 

Sîgni J. J. Rousseau. 

Quoique la déclaration dont il eft fait 
mention , ait paru depuis long-tems , j'ai 
cru ne pas devoir la fupprimer ici. La voici 
donc ; 

Monsieur, 

refpeû que je vous porte , & . 




A M * * *• aoy 



n mon devoir comme votre paroîffien i 
ff m'obligent , avant que d'approcher de 
» la fainte table , de vous &ire de mes 
^ fentimens en matière de foi , une décla-^ 
»» ration devenue néceffaire par l'étrange 
» préjugé pris contre un de mes écrits» 

j^ Il eft fâcheux que les Miniftres de 
y^ FEvangile fe feffent en cette occafion les 
H vengeurs de ^glife Romaine , feute d'à- 
» voir voulu m'entendre , ou faute même 
n de m'avoir lu. 

H Comme vous n'êtes pas , Monfîeur ^ 
H dans ce cas - là , j'attends de vous un 
I» jugement plus équitable : quoi qu'il en 
ff foit , l'ouvrage porte en loi tous {os 
n éclairciffemens , & comme ie ne pour- 
H rois l'expliquer que par lui-même , je 
^ l'abandonne tel qu'il efl au blâme ou 
» à l'approbation des fages , fans vouloir 
H ni le défendre 9 ni le défavouer. 

H Me bornant donc à ce qui regarde 
>> ma perfonne , je vous déclare , Monfiei» 
» avec refpecl , que depuis ma réunion 
» à l'églife dans laquelle je fuis né , j'ai 
^ toujours feit de la religion chrétienne 
^ réformée une profeffion d'autant moins 
^ fufpeâe ; que l'on n'exigegit de moi » 



ao6 Lettre 



ë ■■< I 



» dans le pays oh j'ai vécu , que de gar- 
^ der le iilence , &C laifler quelque doute 
» à cet égard , pour jouir des avantages 
» civils dont f etois exclu par ma reli- 
» gion ; je fuis attaché de bonne foi à 
» cette religion véritable & fainte , & je 
» le ferai jufqu'à mon dernier foupir ; }e 
» defire d'être toujours uni èxtérieure- 
H ment à Téglife , comme je le fuis dans 
»» le fond de mon cœur ; & quelque con- 
» folant qu'il foit pour moi de participer 
^> à la commimion des fidèles , je le defire 
y> je vous protefte , autant pour leur édi- 
» fîcation que pour mon propre avan- 
» tage , car il n'eft pas bon que Ton penfe 
H qu'un homme de bonne foi qui raifon- 
*> ne , ne peut être un membre de Jéfus« 
>> Chrift (^). 

» J'irai , Monfieur , recevoir dé vous 
» une réponfe verbale , & vous <:onfulter 
h fur la manier^ dont je dois me conduire 
» en cette occafion , pour ne donner ni 
n (iirprife au Pafteur que j'honore , ni fcan- 
» dale au troupeau que je voudrois édifier. 



( 9 ) Il ne tiendra jpourtàat pas w Clergé Chr^tieB guc 
fou pcnfe coiuae ceU» 



j 



A M * * *. ao7 

^— i— ■ I I II !■ ■ I I ■ ■ I 1^— i— — ^— — 

Après bien des difficultés de la part du 

Pafteur pour la réception de ces deux 

. écrits , Tofficier du prince l*emporta , & 

obtint que lefture en fut faite. M. de M***. 

.contre l'ordre naturel des chofes , débuta 

par la déclaration ; leâure qu'il accom- 

-pagna de fréquens mouvemens d*épaule , 

ou qu'il coupa par difFérens. commentaires, 

tous fort expreiïifs , fort édifîans , mais 

très-finguliers dans un Pafleur qui , depuis 

deux ans & demi , trouvoit cette même 

déclaration fuffilante pour en admettre 

Tauteur à fa communion. 

Ce n'eft pas la feule indécence dont Taf- 
femblée fiit témoin : Thomme de Dieu 
.tenta d'interrompre l'homme du Prince , 
pendant que celui-ci ppinoit ; & voyant 
la tournure que prenoit la délibération , il 
oik propofer de la renvoyer à un autrp 
jour , fous le prétexte frivole & inoui de 
rabfence d'un des anciens , fur le fuffrage 
duquel il croyoit fans doute pouvoir 
compter.. Ses efforts inutiles de ce côté, 
,îl les tourna d'un autre , & faos pudeur , 
prétendit deux voix en chapitre , lui qui 
par délicatefle auroit^ dans ce • <»s parti- 
culier dû s'al>flenir de voter « par cela 



/ 



ao8 Lettre 

I I ■ ■ ■ ■ 1 «fcr 

même qu'il étoit cenfé partie dans cette 
Bffàke , comoie reprçfentant de la V: Clafle , 
en vertu de la direftion au'il en avoît 
exhibée, &c à laquelle il oemandoit que 
f on fe conformai: dans la délibération ; mais 
il voulpit l'emporter per j(as & nefas. 

A Tiffue duConfiftoire, fon méconten* 
tement éclata contre ceux des anciens qui 
n'avoient pas opiné du bonnet avec lui. 
Il leur reprocha avec aigreur de n'avoir 
pas écoute la voix de leur condufteur fpi- 
rituel : il efi plus fur pour nous et écouler celle 
de la conjcienu , lui répondirent - ils. 

Ils avoient en effet eu le tems de faire 
leurs réflexions , & de comprendre par 
la conduite même de ce guide fpirituel , 
combien on les avoit abufés , à quelles 
faufles démarches on vouloit les entraîner ; 
& craignant les fuites qu'elles pouvoient 
avoir , quatre d'entr'cux adrefferent au 
Confeil d'Etat $ juge d'ordre , la requête 
que vous trouverez ci-après. 

Mais arrêtons-nous un moment. Je vois 
d'ici votre furprife , & je vous entends y 
Monfieur , me répétant d'après Boileau : 

Tant de fiel entre-t-il dans Tame des dévots ! 

0e demander ^ ce fiel d'oU peut-U provi^ 



I""' ' ' ■ ' agi 

A M * * ^. 20^ 

- - . ■ 

nir ? Quelle eft la raifon fuffifante de cette 
furieufe animofité ? Un Pafteiir dont M. 
Rouffeau a parlé deux fois avec éloges (r) , 
doit avoir eu de grands motifs pouf démen- 
tir lui - même ces éloges ! Sans doute , 
Monfîeur: auffi fe dit -on à Toreille , ce 
mot du guet fecré , Aurïfacra famti. 

Voilà tout ce que je vous dirai ; devi- 
nez le reftè , & paffons à la requête des 
-anciens. 

A Monfieur le Vréfidenx &' â Meffieur» 
du Confeil d'Etat, 

Messieurs, 

>^Les anciens fouflîgnés membres dft 
» Confiftoire admonitif de Motiers & Bô^ 



Cr) Voyea laXettrc à M. PArchevêquc d« Paris, pas^5T« 
Voyez encore le volume des L«ttTes écrites de la Monuu 
gne, pag. 71. à la note. 

A propos de ces éloges , une Dame d^içi qui conitott bien 
ion monde, dit fort plaifamment qu'elle avoit été, eomnUe 
bien (^*aiitres, fcandalifôe des ouvrages de M. R*ujpeauyà€ 
^ aflertions , il eft vrai , plus que de fes doutes , allé- 
guant en preuve les deiix citations ci-déflTus. Chacnn fut dt 
fon fentiment, & lorfque cette plaifantèrie parvint à -M. 
Kouilèau , il répondit dans Tam^rtuAie de fim cœur : (W, 
ye dois avoir compris fH*fl n* féut toutr ducttn hwfmt d*Eglif9 
de fin vivant. 



2tio Lettre 



«M^ 



» vcrefle , prennent la liberté |d*expofer à 
J> Vos Seigneuries , difant qii'innniment 
» alarmés d être requis à délibérer fur un 
» cas qui furpaffe nos foibles connoiilan* 
>f ces , nous venons fupplier Vos Scigneu- 
» ries de vouloir nous donner une direc- 
M tion pour notre conduite fur les trois 
n chefs fuivans. 

» I ^. Si nous fommes obligés de févir 
» Scjcmur fur les croyances & fur la foi. 

» A ce premier article , nous avouons 
iH ingénument notre peu de îxîffifance pour 
» la Théologie , euimant que Ton ne 
M peut raifonnablement en exiger de nous, 
» ayant toujoiu^ cru que le devoir de 
»' notre charge étoit bôri^é à fimplemcnt 
» délater & réprimer les déréglemens 
» fcandaleux, & l'irrégularité dès moeurs , 
H fans vouloir empiéter fur t Autorité 
•h Souveraine de qt!i nous dépendons ( 5 ^ 

» 1^. Si un Pafteur peut & doit avour 
^ deux voix délibératives dans fon Coo- 
» fiftoire? 



< / ). bonnes gens , vraiment Helvéjdens, vous n^aTei 
donc pas encore appris à faire céder en toute fureté de cont 
cience, vos devoirs de fujets à un peu de complaiiiuice pose 
vos iiondu£leurs fpi rituels ? 



1 ! ■ I I t 



aM*^*. an 

» Sur ce fécond chef, le Coofiftoire 
^ de Motlers & Boverefle eft compofé 
V. de fix anciens , ayant M. fon Pafteur 
*^ pour préfident ; & cette maxime une 
H fois introduite , les anciens ne fervi- 
» roient dans les délibérations que A^om- 
n brcs (/), à moins de Tunanimité entr'eux. 

v^ Et enfin , ii M. le Diacre du Val-de- 
>f Travers a droit de féance & de voix 
» délibérative dans le G>nfiftoire de Mç- 
jt> tiers & Boverefle ? 
• >f A ce dernier article , il nous paroît 
» que fi Mopfieur le Diacre veut fe 
» prêter à la correSion , il doit auflî s^emv 
f> ployer k Yinjimffio/i & à V édification^ 
» & que Meflieurs les Pafteurs ne doi- 
» vent point lui empêcher de faire les 
» catéchifmes qu'il dpit légitimement à la 
H chapelle de Boverefle {u). 

(t) Et c'eii précifément ce que Ton veut que vous foyez 
tant que vous vous mêlerez d'avoir un fentimcnt à vous. 

(u) Pour entendre ceci , il faut favoir que fur la demande 
des'Paft«>urs, les communautés du Val-de-Travers qui aVoi«at 
«ne fondation pour un Régent d'école, confenttrent à fup- 
primer cette place, & en tranf mettre la penfion à celle d'un 
Diacre chargé de foulagçr le Clergé dans fes fondions. Ceux 
de Boverefle réferverent que le Diacre viendroit tous les 
quinze jours faire un catéchiûne dat|s leur Chapelle, afia 



iii Lettre 

»■ " '■ ' ^ 

» Oui , Meffeigneurs , le premier aiv 
M ticle de nos très-humblës repréicnÇitions 
>^ nous alarme , puifqu'il furpaffe & no- 
» tre pouvoir & nos foibles connoiffan- 
>» ces , & les deux féconds nous intérêt- 
» fent d'autant, qu'attachés à notre de- 
» voir , & jaloux de le remplir , nous 
» pourrions être repris , pendant que nous 
» ferions parfaitement mnocens. Nous 
», nous flattons donc , dès-là , que Vos 
»> Seigneuries voudront bien nous diriger 
» par leur arrêt , & ce nous fera un nou- 
» veau motif d*adreffer à Dieu les vœux 
f> les plus fmceres pour la co^fervs^ion 
» de Meffieurs du Confeil d'Etat (jt). 

W I I I I it I ■ ■ II» I I * ■ I ■ I II I I M^^»^—— ^iM^ 

qnc letirs eofans ne rcftaffent point privés de tonte inftnM* 
lion. Ce qui fut convenu & accordé. Hélas! depuis dix a» 
les pauvret gens plaident pouf lent catécbifnie & pont leor 
Chapelle délaiiTée. On les laifle crier, & bien difii^reBS dei 
Fadeurs de la primitive Eglife, qui bravant les croix & les 
bûchers , couroient gratis folliclter les peuples à recevoir 
leurs inftm£lJons , les nôtres , mieux avifés , trouvent plus 
doux Se plus commode de borner leur follicitude palloralt 
à êcte exa£te à Téchéance de la Prébende. On doit ponrtaof 
cet aveu à la vérité , c*eft que la Prébende en queftion ^^'' 
«n objet très-rainime » & ne Diurçit payer à |k valeur mic ^ 
chofe aufli précieufe que rinftruaion dont elle efl le falaht. 

ix) Les quatre dignes Anciens qui ont eompofé & ûpié^ 
cette requête méritent d*étre connus par leurs noms que 
toici : A. H, Btzenttntt > A, F^nre, U Bsrrtltty A, J^m-rtni»^ 



A M ^ * *• 113 



' m ■■ I 



Sivr cette requête préfentée le premier 
4e ce mois , le Gouvernement jugea con-» 
yenable d'expédier fvir le champ ces ordres 
prélinùnaires,. 

Pu premier Avril 

4/( Y U tn Confeil les relations de M» Mar- 
>» tinet ^ Gonfeiller d'Etat , Capitaine & 
H Châtelain du Val-de^Travers ; en date 
H des 1 j & 30 Mars dernier au fujet de 
» ce qui s'eft paffé en Confiftoire admo- 
H nitif dimanche 14 & vendredi 29 dudit 
n nioîs , par rapport au Sieur RoufTeau ; 
^ enfe^le les rçpréfentations des qua-^ 
l# tre anciens d'Eglife , Favf e , Bezençe» 
I» , net , ^îirrclet & Jeanrenaud , §C déli^ 
H béré , il a été dit qu*on approuve en 
» entier la conduite de mondit Sieur te 
>» Châtelain y ^ qu'en attendant que les 
H ordres fur le fond de cette a^ire lui 
^. parvieni^eçt, il doit apprendre gu Sieuç 
}¥ Rou^eau^ que le Confeil le fera jouir 
M dt toute laprçtefltipn que le Roi lui 
>^ ;açcprde , de la bienveillance dont MyiT 
w lord Maréchal l'honore , & de celle 
^ qui lui eft due , comme fujet de cet 
p Etat » §c qu'en çonfçqueijçe on }e diit 



f" " , . ^=s 

114 Lettre 

n penfe de comparoître fur toutes & tel- 
H les citations qui pourroient lui être 
^ adreffées de la part dudit Confiftoire 9 
>» toutes fes opérations étant furfifes à 
H fon égard , en attendant qu^il foit donné 
» dans peu un ordre définitif qui mette 
» cette affaire en règle. 
Le lendemain intervint Tarrêt fuivant. 

Du z Avril 

4< S U R la requête des ànciehs du Can- 
» fiftoîre de Motiers & Bovereffe , &c. D 
H a été dit , qu'on loue & approuve la 
» délicateffe , &c les fages intentions* des 
» quatre anciens qui ont préfSsnté la pré- 
M (ente requête, & pour répondre aux 
» trois articles qu'elle renferme , le Con- 
» feil prononce fur le premier; 

» Que , comme le Confiftoire admonî- 
)♦ tif n'a pour objet que les défunions, 
» & Jes mauvaifes mœurs, & les fcan- 
n dales , il n'eft point de fa compétence 
p> de s'ingérer dans d'autres affaires ; & 
» qu'il n'a fur-tout aucime autorité pouf 
» le faire rendre compte de la croyance 
^ Sf de la foi d'une perfonne i qu*il ea 



— ^^■*— I III i^ 

H a iien moins encore pour févir en pa- 
H reille caufe , puifqu'il dépend d'un fu- 
M périeur à qui il doit rapporter ce qu'il 
» découvre important en ce genre , & à 
» qui feul il appartient d'en faire la re- 
» cherche , fuivant fa prudence , & la pu- 
H TÛûon fi le cas l'exige , fuivant la forme 
» judîcielle & la loi ; conféquemment 
H que lefdlts quatre anciens feront fon- 
» dés à refufer d'en connoître , & j^iger, 
». même en étant requis par le Pafteur ^ 
n ne devant fe prêter en aucune manière 
» aux cntreprïfcs contraires aux conjlitu^ 
» lions dt rEtat , dans lefqu elles, onpour*^ 
f> rçit chercher à Us faire entrer (^). 

Quant au fécond article. 

» Qu'il n'a jamais été d'ufage que le 
H Pafteur préfident au Confiftoire admo- 
» nitif ait plus d'une fimple voix » & que 
» tel qui en prétendroit une double , feroit 
» réprimé conune il conviendroit j & con- 
» tenu en fes vraies fonftiôns ; qu'il ne 
» lui eft même pas permis de porter en 
H Conjijioire le réfultat^ foit les conclu^ 

*■ I ' i , ■■■ I ■■ 

O) Miniftres d*uii Dieu de paix, qui veut quf Ton î<^)§ 
Ibiunis 9MX Puiil^ces» notez Cf0 1 



xiS Lettre 

m I I I — 

^ fions, de la compagnie des Pafieurs , dont 
n le Confiiloire ne peut , & ne doit être 
H afifefté ; cette compagnie n'ayant aucunes 
H autorité fiu- lui ; qu*un Paftciu- peut 
^ bien à la vérité la confulter pour fâ 
>> direftion particulière , & même fuivre 
» cette direûion , û cela ^li convient , 
» mais qu'elle ne doit gêner en rien Ten- 
H tiere liberté des fuffrages des autres mem* 
» bres dudit Confiftoire, quels qu'ils foient; 
» ce que tout officier qui y âffifte doit 
i^ &ire exaâement obferven 

£t quant au troiiieme article de la 
requête ci-deflus. 

» Il eil ordonné â M* Martinet Con- 
>> feilfcr d'Etat , Capitaine & Châtelain du 
>!^'Val-de-Travers^ de rechercher, non^ 
» feulement ce qui s'eft pratiqué depuis 
^ un tems , mais de plus , ce qui peut 
savoir été ftatué de fondation ou dan$ 
» la fuite , touchant le prétendu droit de 
» féançe du Diacre du V^l-d^.-Travers 
» dans Ip Cpnfifto)xe admojiijif de Motierç 
.» &c Boyereffe ; & fur fon rapport , il eiii 

» fera ordonné comme il cbnvicindra(^), 

■II" . - - 

. (ç) Cpt Arrêt émané du Juge d'ordre, en ièrvant de * 
f îçcc jufiificativé aux ^ts allégués ci-defliis , fait encj»r» 

. Voilà, 



if ' . ' " sg 

A M ^ * ^, 217 

Voilà , Monfieiir,àquoi en font leichd- 
{es. Il faut efpérer que la vénérable ClaiTe 
aura en cette occaiîon affez de bon fen^ 
pour Rappliquer cette maxime , noli movcrc 
camarinam , & affez de patrîotifme pour 
<e tranquillifer ( a ) , fur-tout après la let^i 
tre que M. Rouffeau vient d'adreffer à M. 
le Procureur Général , & que je vais vous 
tianfcrirepour faire la clôture de la mienne, 

A Motiers le 9 Avril 1^6^» 

» JlErmettéz, Monfieur, qu'avant 
» votre départ, je vous fupplie de join- 
^ dre à tant'de foins oWigeans pour moi, 
» celui de faire agréer à Meffieurs du Con- 
w feil d'Etat mon profond refpeft, & ma 
H vive reconnoiffance. Il m'efè extrême- 
» ment confolant de jouir , fous l*agré- 
» ment du Gouvernement de cet Etat , 

Vélo%e de notre Gouvernement , & devient pour tout boa 
citoyen de pet Etat , un titre aulfi précieux , que la grande 
Chartre peut Vètxp aux Aoglois. 

( # ) 0« aiTur^ que c'efl en e£fet le parti que veut prendre 
notre €lergié , & que M. de M * *^ fe tranquillife auffi dans 
le doux efpoir que fous un autre règne , les chofet iront mieuti 
poHT lui ^four ta vénérable Clajfe, Ce trait mànquoit encore 
à l^logp du Souverain » fous le règne duquel nous avons 1% 
bonheur de vivre. 

Su/ffl. de la Colkc* Tome Uli K^ 



- » - ' I ■■ i. 1 . ' "■■■ * ■ .liJ.i.i.Mia 



|,l8 L E T T a E 



» de la proteûion dont le Roi mTionore 
H 6c àç^ bpntés dé Mylord Maréchal ; de 
f^ fi précieux aftes de bienveillance m'im-r 
H pofent de nouveaux devoirs quç mon 
i> cœur remplira toujours avec zèle, non-r 
M feulement en fidèle fujet de Tptat , mai$ 
» en homme particulièrement obligé ^ Tit 
^ luftre Corps qui le gouverne, Je me 
H flatte qu'on a vu jufqu'ici dans ma coi> 
» diiite une fimpliçité fincere , & autant 
>t d'averi^on pour la difpute que d'amoiur 
I» pour la psdXf Tofe dire que jamais honi'» 
^> me pç chercha moins à répandre (es opir 
» nion§ , Ôf ne fut moins auteur dans h 
t> vie privée ôç foçiale ; fi dans la chaîne 
^ 4e mes dîfgraçes , les folliçitations {b^^ 



ib) SolUcitatioQ^ venues de Genève même^ multipli^ , 
Se réitérées pendant plufieurs mois , & auxquelles il o*eft 
p^ étonnant q|ie l'amitié , U devoir &* Vhonneur aient fait 
céder M. Rotifeau. Ce qui eft étonnant , p*eft qu'on ait vouhi 
voir dans ces lettres (crites de U Mentégne $9 qui i|es*y 
trouve pas. Pour moi , j'avoue de bonne ^oi , au rilque df 
Haro ^ que la conduite fage , réfervée & patriotique (*> 
^enue par la Bourgeoifie de Genev^ , depuis U publicatiofi 
de cet oiivraçe , m'a paru cadrer exaâement avec les maxi- 
npes & les confeils que refpirent «es lettres. Je cos^rrndt 

(*) Quoi qu'en dife l'Auteur des Dialogues entre u» eiteyen 
4e Genève &* un Etranger^ qui fait parler fon citoyen «9|!«^ 



N 



A M ^ ^ *. 



119 



ff le devoif" , rhonneiir même m'ont forcé 
^ de prendre la plume pour ma défenfe, 
^ &C pour celle d'autrui, je n'ai rempli 

# qu'à regret un devoir fi trifte , & j'ai 
$f regardé cette cruelle néceflité , comme 
n un nouveau malheur pour moi. Main- 
>^ tenant, Monfietu: , • que grâces au ciel, 
» J*ën fuis quitte , je m'impofe la loi de 
» me taire ; & pour mon repos & pour 
>f ceKii de TEtat oîi j'ai le bonheur de 
» vivre , je m'engage l&rement , tant que 
» j'aurai le même avantage , à ne plus trai- 
n ter aucune matière qui puiffe y dé^ 
n plaire , ni dans aucun des Etats voifîns* 
n Je ferai plus , je rentre avec plaifir dan$ 
#f l'obfcurité , où j'am*ois dû toujours vi-^ 
» vre , & j'çfpere fur aucun fujet ne plus 
#> occuper le public de moi. Je voudrois 
n de tout mon cœur oflfrir à ma nou^ 
H velle patrie un tribut plus digne d'elle; 

• n je lui façrifie un bien très - ppu regret- 
table , & je préfère infiniment au vain 



pourtant qu'avec moins d'amour que moi pour la Liberti^ 
^ moins d'ayeifion pour le Def^otifine , Pon peut |ie pa$ 
ai^rouver la publicité de £et ouvrage , & travailler à fair^ 
mériter à Qan Auteur Ip ^txp de Confejfenr de la vfrptf ^ 4$ 






IIO L E T T R Ç,&C, 



m^F^ 



I I ■■ 



>» bruit dû monde 9 Tcimitié de fes tûsmr 
» bres 9 6^ la faveur 4e iès che6. 

» Recevez,^ Monteur 9 je vous fuppliei 
» xnçs très^humbles ialutations >». 

J'ai llionneuF > &c. Sec, 

Veufchâtel 14 4^rtf 17^?, 

p. 5, En revoy^t ma lettre , je m'ap^ 
perçois , Monteur 9 que j'ai mal tenv m6 
engagemens, &ç que j'ai perdu de VHP 
le projet de ne pçint m'appe&»tir furl^f 
détails. Que vo\ilez-vous I^XTeft la maç- 
che du cœur. Infenfiblement il s'échauffe ^ 
fur-tout m fi hau fuja de parler. Je fljB 
me flatte pourtant pas de vous avoir tout 
dit , & c'eft préçifément ce qui me W- 
'quillife. 



^ 



RÉFUTATION 

D U 

LIBELLE PRÉCÉDENT 

fur M. U Profcjjiur DE MONTMOLLIN y 

Pajlcur dis Eglifes de Mot'urs • Travers 
& Bovcriffc. 



LETTRE PREMIERE. 

Je Ails pénétré 9 Moniieur, de la plus 
vive reconnoiffance , de iHntérêt que vous 
prenez à ce qui regarde notre compagnie 
Jies Pafteurs , & a ce qui mé concerne 
perfonnellement ; vos lumières , votre 
piété 9 votre zèle & votre attachement 
pour la religion me font de fùrs garans 
de Taccueil favorable que le public fera 
à la petite brochure que je mets au jour^ 
à vos preffantes reguifitiohs. 

Si je n'avois conuilté que mon repos & 
ma tranquillité , j'aurois gardé le filence 
fur le libelle que l'anonyme vient de pu- 
blier , comme digne de tout mon mé- 
pris y ÔC de celui de tous les honnêtes 

K^ 3 



— p 



ai2 RiFUTATION. 

gens , parce que ce n'eô qu'un tiflu de 
laits déguifés , tronqués &c controuvés ; 
un tîflii d'injures & de calomnies , qui 
portent avec elles le caraâere de répro- 
bation. 

Tout Auteur, qui n'ofe pas fe nom- 
mer , quand il eft queftion de Êiits & de 
perfonnalités , a été de tout tems envi- 
îagé avec opprobre ; autrement dans quels 
défordres affreux k fociété ne feroit-eHe 
pas plongée ? Il n'y a perfonne qui ne 
fut expole aux traits les plus envenimés 
des calomniateurs , autant vaudroit-il alkf 
égorger un homme dans ion lit,^ 

Un fage a dit ,^ avec bien de la raiibn f 

2ue tout homme , qui en pareilles occa- 
ons fe tient derrière le rideau & garde 
l'anonyme , ne doit point être cru. Fat 
ouï répéter cela ^ après ce fage , plus d'une 
fois à M. Rouffeau , à qui du reÔe je 
n*jmpute rien , quant à ce libelle ; ce 
feroit lui faire outrage , & \e fuis per-» 
fiiadé , fi j^ai bien cru connoître M. Rouf- 
f au en ceci , pendant que je Taî fréquen- 
té , qu'il ne fait pas gré à l'anonyme de 
la façon peu ménagée dont il a plaidé & 
caufe» 



RÉ FUTATION* il j 

ie ne dois pas me mettre beaucoup en 
peine de connoître hauteur de ce libelle ; 
je ne le defii'e pas même , & je ne diraî 
point avec un célèbre Auteur moderne i 
C^ejl un tel ^ je tai reconnu (F abord kfori 
Jèyle pajloral. J'abandonne au public Iç foin 
de porter fon jugements 

Vous me demandez des ëdairciâfemenSé 
Vous eÛimez ^ avec raifon , que l'hon- 
neur de la religion , celui de notre com- 
pagnie , & le mien propre l'exigent ab* 
fommént. Je mettrai donc la« main à la 
plume. 

Je ne crains point de me nommer ^ 
ni de nommer les perfonnes qui peuvent 
être întéreflTées dans cette affaire , parce 
que je rfexpoferai rien qui ne Ibit exac- 
tement vrai , & que d'ailleurs' je me ferai 
une règle d'écrire avec la plus grande 
modération , fi conforme au glorieux ca-' 
raôere que je porte, & à mon caraftere 
perfonnel. Et quoique l'anonyme cherche 
à me noircir , à me repréfenter comme 
im intolérant , un perfécuteur , & à faire 
de moi le portrait le plus odieux , j'imi- 
terai le divin maître que je fers , qui ne; 
rendoit point outrage pour outrage , qui /2 V 

K4 



aa4 RÉFUTATION. 



foit point d€ menace > mais fe rtmtttoit i 
celui qui juge jujlement ( c ). 

Cette première lettre fera comme un 
préliminaire de mes fubféquentes. Vous 
recevrez au plutôt une féconde épître ; mes 
occupations font fi grandes , que je ne pxus 
écrire qu'à différentes reprifes. Agréez les 
affurances du tendre attachement avec le- 
quel j*ai rhonneur d'être. 

A MotierS' Travers ce lo Juin l^6^, 

LETTRE IL 

J E vous remercie , Monfieur , de ce que 
vous me dites d'obligeant ., & de la peine 
que vous reffentez de la témérité avec la- 
quelle l'écrivain 'anonyme s'eft acharné à 
vouloir me flétrir dans l'efprit du public. 
Je vous protefte que j'en fuis plus cha- 
grin , pour la vérité & pour mes amis f 
que pour moi-même; car celui qui agir 
en bonne confcience y & qui a feit foû 
devoir ne doit rien craindre. 



(e ) I. £p. de St Pierre U. 23. 



RÉFUTATION. 215 

Je vais entrer en matiei^. Ce fera une 
hUloire détaillée & circonAanciée , mais 
vraie. Si Ton n'y trouve pas le brillant 
du ilyle , Ton y trouvera la {implicite &C 
la candeur. Je raccompagnerai de courtes 
réflexions & de notes , pour mettre en 
état le leôeur d'affeoir fon jugement , & 
quoique dans cet ouvrage je ne duffe 
parler que de moi , je lerai cependant 
obligé de Êdre de tems en tems mention 
de la conduite de la compagnie des Paf^ 
teurs 9 par la connexité qu'eUe a avec la 
mienne. 

Rien ne pourra mieux vous mettre au 
fait de celle que j*ai tenue à Téeard de 
M. Rouffeau , qu*une lettre qu'il m dé- 
crivit en 1761 , lorfqu'il fiit queftion de 
fon admiffion à la communion , & une 
que J'écrivis moi-même à Genève & dans 
aautres lieux proteftans à des perfonnes 
refpeâables par leurs rangs , & leurs 
emplois* dans le civil & dans Téglife. 
Je les tranfcriiai ici fidellement l'une èc 
l'autre. 



K 5 



I 

L E T T R E 
DE M. R O U S S E A U, 

» 

Air Profess:eur 

DE MONTMOLLIN, 

A Motiers It 24 Jùût ti6a^ 

Monsieur.,. 

Le refpeâ que je vous porte , & tnoiï 
>f devoir comme votre paroiflien m'oblige^ 
» avant d^approcher de la Ste. Table , de 
» vous faire de, mes lèntimens^ , en ma* 
» tiere de foi ,. une déclaration devenue 
» nécefTâire par l'étrange préjugé pris- coh' 
» tre un de mes écrits , fiir un requifir 
» toire calomnieux ^ dont on n'àpperçpit 
n pas lés prineipes déteftables, 

» n efl: fâcheux que les RGniUres de' 
» PEvangile fe fafFent en cette occafion' 
v> les vengeurs dé TEglife Romaine , dont 
» les dogmes intolérans *& fanguinaireS' 
>> font feuls attaqués , 8c détruits dans. 
w mon livre ; fuiyant ainfi fans examea 
>fune autorité fufpeèïe , feute d'avoir 

w voulu nt'çntendre % ou i&ute même dç 



H 



lAMâi 



R É F U T AT I O N. 3tl7 



«^ 



j^ m'avoir lu. Comme vous n'êtes ^pas ^ 
» Monfieur , dans ce cas -là , j'attends de 
» voiis un jugement plus équitable. Quoi 
9> qu'il en foit , l'ouvrage porte en foi 
» tous fes éclairciffemens y oC comme je 
» ne pourrois l'expliquer que par lui- 
» même , je Tabandonne tel qu'il eft aii 
f> blâme , ou à Papprobatiort des fages ^ 

n fans vouloir le défendre y ni le dçià- 
ff vouer* 

» Me bornant donc à ce qui regard^ 
fy ma perfonne ^ je vous déclare , Mon-f 
» fieur , avec refpeft , que depuis ma réu-» 
» nion à l'églife dans laquelle je fuis né f 
» j'ai toujours fait de ht religion chre- 
» tienne réformée , une profeîlïon d'au-» 
«r tant moins fxifpeflfe , qu^on n'exigeôit de 
fn moi dans le pays oh j'ai vécu , que de 
iff garder le filence , & laiffer quelques 
>^ doutes â cet égard ^ pour jouit desavarî- 
» tages civils dont j'etois exclu par ma 
>f reugîon. Je fuis attaché de bonne foï 
» à cette religion véritable & fainte , & 
rf je le ferai jufqu'à mon dernier foupir* 
h Je djefire être toujours uni extérieure-» 
ff ment à l'églife , comme je le fuis dans^ 
fff U fond de mon cœur ^ &C quelque coûk 

Hé 



aiS RÉFUTATION, 

-» * - • 

1 I I ■ ■■ ■!! ■ ■ I i ■! I I 

>> folant qu'il fbit pour moi de parties 
>» per à la communion des fidèles ; \e le 
>^ defire , je vous protefte , autant pour 
M leur édification , & pour ITionneur du 
» culte ^ que pour mon propre avantage: 
•► car il n^eft pas bon qu'on penfe qu'un 
H homme de bonne foi qui raifbnne , ne 
n peut être un membre de Jéfus-Chnft. 
H J'irai , Monfieur , recevoir de vous 
9^ une réponfe verbale , & vous confulter 
^ fur la manière dont je dois me conduire 
if en cette occafion ^ pour ne donner ni 
» furprife au Pafteur que fhonore , ni 
»icandale au troupeau qne je voudtois 
» édifier. 

H Agréez , Monfieur , je vous fiippGe ^ les 
i^ afiurances de tout mon reipeâ. 

J. J. Rousseau* 







J!^ 



^®^ 



mmmmt 




LETTRE 

DU P R O F ES S EU R 

DE MONTMOLLIN, 

A M. N. N. A GENEVE.' 

Métiers-Travers t Cemié de NeufchÂtel , ce 0,^ Septembre n 62^ 
MONSIE\m ET TRÈS-HONORÉ FrERE , 

(^) J E ne fuis pas à ignorer les fentî- 
mens d'amitié & de bienveillance que 
vous avez pour moi , dont vous m'avez 
donné des preuves non équivoques en di- 
verfes occàfions, & dont je viens de re- 
cevoir une nouvelle marque d'autant plus 
flatteufe cour moi. Qu'elle me perfuade 
plus que jamais du vif & tendre intérêt 



id) Je fas obligé dans ce tems-là , d'envoyer la copie 
ie la même lettre en divers lieux pour ma juftification , 
parce que bien des gens , tant politiques qu'eecléfîaftiques',, 
trouvoient que j'avois trop étendu ma tolérance. Avant (l*ea- 
Toyer cette lettre, j'eus la précaution de la communiquer 
à M. Roufeau , afin qu'elle fût l'interprète fidèle de fes fen*^ 
timens. Par un coup de la Providence, j'ai confervél'origi^ 
Bal avec les corrections , retranchemens & additions quY 
fit M. Roujfeau de fa propre main , ce qui vaut fa fignature. 
J'offre de communiquer l'original à quiconque ièra curieuc 
i^ U voix. Je dois ajouter que quelque ten» aprH-> d«s uxi% 



-\ 



130 RÉFUTATION. 

que vous prenez à ce cmi me regardé ^ 
par Pavis que vcKis me donner de ce qui 
îe débite dans votre ville , au fujet de la 
conduite que je dois avoir tenue à Tégard 
de M. Koufiieatt , & des éclairciflemens 
que vous me demandez là-deffus. Bieit 
loin de me faire de la peine de vous 
les donner y je m'y crois obligé après ce 
que vàxxs m'avez fait l'honneur de me 
marquer. 

J'eftime , Monfieur & très-honoré frère f 
qu'il convient que je reprenne les chofe* 
eepuis leur origine. 

II y a environ trois mois que M. RoufV 
/eau fe rendit à Motiers dans une maifon 
©Il iï loge aâuellement , où il ùit fbff 



ée Génère de M. Roufftau m'en demandèrent des copies. Je 
m*cn fis d^abord quelque peine , dans la crainte que cela ne 
fût occafionner quelles tracafleries dans la ville. Enfin je 
Ute déterminai à les leur envoyer, pacticuliérement fur o^ 
lillet de M. Roujpeau conçu en ces termes : 

RpuflèaU éiffure Mpnjieur U^ Profejfeur dt fin refpeB & Uà 
Sftmuwiique une lettre qu*il vient de recevoir de Genève. U 
^H^txige rien de fa benté ^ de fâ complaifance pour lui , fsM- 
'^^il fente combien la circonftance préfente efi critique. Il 1$ 
frie feulement dt lui faire dire sHt enverra -ou non la copié 
^on lui demande , afin que de fon côté il fe conduife tm 
^'iquence d^ parti quê prendra Monfenr U rrofejpmr. 



RÉFUTATION^ 131 



-f?*-^ 



ménage , & qiii lui avoit été ofierte par 
le propriétaire. Des amis & des parens 
jne le recommandèrent comme une per- 
sonne de mérite & de mœurs , qui cher- 
choit une retraite pour y finir tranquille- 
ment fes jours r C^) f^^ vouloir écrirez 
davantage r c*eft ce qui me ftit confirmé 
de bouche par M, Roy fléau , dont la fanté* 
eft foiWe & chancelante , & qui dépérit 
joumeltement. H écrivit d'ici à Mylord ^ 
notre Gouverneur , pour lui demander 
la permiflion d'habiter dans ce pays , ce 
ue Myford lui accorda. H en informa^ 
î Roi , qui appointa la demande de M^ 
Rouiféau , (J) fuppofant qu'il fe corn* 
porteroit d*une manière convenable; D^^ 
puis lors jufqi^à ce jour , M. Roufleau ^ 
que fai eu occafion de voir fouvent ^ 
•s'eft montré fur un pied qui lui a été: 
fevorable , avec prudence ^ & avec difcré- 
"idon ; fe refiiiant avec politefle ai fatis- 
feire des curieux importuns , qui venoient 



i 



t^^"* 



( 0) Les additions & cfiangemens fkits par M^ Jtêttffea^^» 
Jt écrits dé fii propre main, (ëronten cara^re italique daii»s 
Ir corps de cette lettre. La mienne portoit, &* f§uT m^h0 
^entbarrajftr d'icrirt. 



Î31 RÉFUTATION^ 



pour lui faire des queftions hnpi^dentes 
& déplacées. 

M. Roufleau a fréquenté très - affidi>- 
ment nos faintes aiTemblées avec refpeâ^ 
& avec une dévotion extérieure , qui a 
Élit que le peuple en a jugé favorable- 
ment. Tai eu plufieurs converfations avec 
lui 9 6c je lui ai hif plufieurs objeôions 
fur nombre de propofitions contenues dans 
fes ouvrages ; mais il m'a toujours ré- 
pondu avec modération , fe plaignant amè- 
rement qu'il étoit envifagé , non-feulement 
comme un incrédule & un ennemi de la 
religion , mais comme un athée ; me pro- 
teftant qu'il étoit fincérement chrétien , 
& chrétien réformé. Le 14 août der- 
nier , il m'écrivit la lettre dont vous me 
faites mention , 6t le lendemain il £é ren- 
dît auprès de moi poiir le même fujet 
J'eus occafion alors d'être en conyerfktiofl 
avec lui ^ & de lui parler plus particulié* 
rement de {çs ouvrages , & fur - tout de 
fon Emile ^ en lui faifknt obferver , 
qu'il me paroiflbit qu'il y avoit de la con- 
tradiôion dans les principes qu'il a pofés 
dans fon livre , avec le œfir ardent qu^I 
pt témoignait d$ pouvQir participer ^ 



■dWba^ÉW 



RÉFUTATION. xyy 



la Ste. Table avec les fidèles ; fur quoi 
il me pria de ^entendre. Il me protefta 
de nouveau , qu'il étoit dans le fond de 
fon ame chrétien réformé ; qu'il fouhai- 
toit d'en faire tous les aûes ; qu'il regar- 
doit comme tout ce qui pourroit lui arri- 
ver de plus confolant , que de paniciper 
à la Ste. Table , & qu'il attendoit de ma' 
charité paftorale , que je ne lui refiiferois 
pas cette douce confolation. A quoi il 
ajouta cette raifon , pour prouver la fin- 
cérité de fon defir & de (a demande , c'eft 
que c'étoit évidemment le motif de fa 
confcience , qui Tengageoit à me faire cette 
réquifition , puifqu'étant fous la proteâion 
du Roi , il pourroit vivre dans ce pays 
ians qu'il fût aflreint à faire des aftes ex- 
térieurs de la religion ; qu'il defiroit de 
tout fon cœur de trouver Jéfus pour fon 
feuveur , lorfqu'il feroit appelle à paroître 
devant le fouverain Juge. Et quant à fon 
Emile, il me protefla encore , qu'il 
n'avoit point eu en vue la religion chré- 
tienne reformée , mais qu'il a eu unique- 
ment dans fon plan ces trois objets prin- 
cipaux. 

Premièrement de combattre l'EgUfe Ro- 



^ pÉm^,^mémm\ r ■ riT HT M l f ■ un iiii TH ■ iihÉÉjr 

^34 RÉFUTATION. 

snaine , & fur-tout ce principe qu'elle ad- 
ihet , qu*on ne peut être feuvé hors de 
régUfe , puifqu'un payen , homme de bien ^ 
comme un Socrate , qui n'ayatit jamais 
ouï parler de Jéfus-Chrift ni de l'Evangile , 
pourroit être fauve , quoique hors de 
réglife , & qu'à cette occafîon il a exalté 
la reKgion naturelle , comme étant le fon- 
dement de k révélée , & qu'il a pu dire 
des chofes que l'on a appliquées à la religion 
chrétienne réformée, mais que ce n'a jamais 
été fon intention. 

Secondement de s'élever , non pas ^wré- 
cîfément direftement , mais pourtant affei 
clairement , contre l'ouvrage infernal de 
TEfprit , qui,fuivant le principe détefla- 
ble de fon Auteur , prétend que fentir & 
juger font une feule & même chofe , (g) 
ce qui eji évidemment établir le matérialifme* 

Troifiémement de foudroyer plufieurs 
de nos nouveaux philofophes , qui vains 
& préfomptueux fapent par les fondemens, 
& la religion naturelle , & la religion ré- 
vélée. 

Vous comprenez , Monfieur & trèf* 
^li^i— — ' % . ■ ■ ». — i<— ^— — ^«—i f^ 

it^ Addition faite & écrite psu; M. Âouffion, 



iP I iiii ■ 1 1 ■■" Il I II II I I I I m 

RÉFUTATION. 135 

1*. 

honoré frère ^ qu'il y avoit matière i ré- 
pondre amplement à Mr Roufléau ; ce que 
je fis auflî en lui difant franchement , qiie 
fes lefteurs n'avoient point compris ion 
hvkt ; qu'il paroiflbit même vifiblement ^ 
qu'il rendoit tout douteux , & qu'il jet* 
toit du ridicule fur la religion , tant par 
k manière de s'énoncer , que par la mé- 
thode qu'il avoit employée. A quoi il me 
répondit , qu'il admettoit & croyoit tout 
ce qu'il y a d'effentiel dans la religion , 
& que tout miniftre doit regarder comme 
cffentiel. ( A ) Que loin de jetter du ridicule 
fur la rtli^on , il rz^en avoit parlé quavcc 
U plus profond reJpeS , quoiquil eût mis 
aux prifes deux adver/aires ^ dont en imi-* 
tant leur ton quil blâme , il en faifoit par^ 
1er un a^ec moins de refpecl. Qu'il m'a- 
vouoit ingénument qu'il avoit certains 
doutes , qui étoient plus forts que lui y 
& dont il n'étoit pas le maître ; que ce- 
pendant il penchoit toujours du côté le 
plus fur , & reconnu comme le plus fur ; 

2u'il ne demanderoit pas mieux que d'être 
dairci fur fes doutes. Il me déclara en- 

ih) Addition faite & Petite par 14. RoufeMt* 



a36 Ré futation* 

core , que fi Ton croyoit qu'il étoit pour 
^indifférence des religions , c*étoit une 
imputation (i) fauffc , regardant la reli- 
gion chrétienne comme véritable & faîn- 
te , & celle qui peut conduire au iàlut 
Je lui répondis , que je ferois part & de 
fa lettre , & de ion entretien au Confif- 
toire , & que je lui rendrois une réponfe. 
Le Confiftoire unanimement ftatua , que 
M. Rouffeau pou voit communier , * dans 
la fiippofition qu*il parloit fincérement, 
& que je le fonderois encore là-deffus. 
Je fis part à M. Roufleau de la délibéra- 
tion du Confiftoire ; cependant après avoir 
pris des précautions pour favoir ce que 
dans notre églife Ton penferoit de M. 
Rouffeau , & fi fon admiffion à la com- 
munion ne cauferolt aucun fcandale , je 
m'en informai de mon côté ; je n'appris* 
rien qu'à fon avantage , &c les anciens me 
firqnt un- pareil rapport ; de forte qu après 
toutes les précautions je parlai à M. Rouf- 
feau & lui dis, de la part du Confiftoire, 
que j'avois été ckirgé de lui repréfenter, 
que tout homme qui venoit à la commu- 

■ I II ■' I ■ I I I . ■■ I I 1 ... I , , , u 

U) Expreiiion ajoutée par M. Roufleau. 






^MiiÉifc^ -r - - t i , li n 



RÉFVTATl ON, 2J7 

. ^— — — — »— m »! I— *— I I . I ■ m m iiiBi i ^ 

• 

nion feifoit une j>rofeflion publique de 
croire en Jéfus-Chrift , & que confequem- 
ment les membres de Téglife le regar- 
doient comme membre de Chrift ; que 
s^il ne fkifoit cet afte qu'extérieurement > 
je me croyois obligé de lui dire , qu'A 
feroit le plus infigne & le plus perfide 
de tous les hypocrites ; que lui feul en 
rendrok compte à Dieu ; inais que s*îl 
Bgiflbit fincérement , comme la charité 
,& le chriftianiime m'ordonnoient de le 
croire ^ fuf rtout connoiffant fes lumières 
& fes mœurs , Je béniffois Dieu de cettie 
heureufe circonftance , 8c que je l'en féli^ 
çitois de tout mon cœur ; que fadmîrois 
là l'effet de la ^race , & gue s'il vouloit 
.la féconder de fon côté , il éprouveroit^ 
par une douce expérience, que certains 
ajoutes qu'il avoit fe diffiperoient infenfl* 
élément ; qu'ayant Teforit éclairé , & le 
cœur bon , l'ouvrage ieroit bientôt cou- 
ronné. Je lui parlai encore de fon Emile ^ 
& de la profeffion publique qu'il aîloît 
faire du chriftianifme, Il me répondît 
qu'avec le tems on reviendroit dés pré* 
jugés que l'on avoit pris contre lui. M» 

|lQMQ£au communia le dimai^d^ fuiyai»( 



JLj8 RÉFUtATlON. 

4 

» ■ I I I ■ ■■ I I. I. 111 ■■— «aia 

avec une humilité & une dévotion qiû 
édifia toute l'églife , humilité profonde 
4qui portoit avec elle le Cî^rafitere de fin- 
cérité. Quoique l'incrédulité & la cof- 
loiption foient prefque parvenues à leur 
comble dans ce fiecle , il y a cependant 
^dans mon cglife des perfonnes éclairées 
.Se pieufes, cpii fe réjouirent & qui béni- 
rent Dieu de cet aôe, religieux de M.Rout 
ieau , qui s'eft fait aimer èc eftîmer dans 
ces cantons par fa douceur ^ fbn affabilité» 
fà modération , fon iilence , & fes aumô- 
nes , qu'il &it fans oftentation ; car quoi* 
C[u*il ne (oït pas riche , ni près de la , à 
ce que je crois , il fe rend recommandable 
par ce dernier endroit , & s'élargit beau- 
coup fans éclat ^ le jour qu'il communia» 
Qu'auriez- vous fait , Monfieur & très- 
Jhonoré Frère , à ma place ? Pour moi je 
vous protefte en bonne confcience , que 
•l'aurpis cru manquer à ITiumanité , à la 
charité , au chriftianifmè , & à mon de»- 
voir paftoral, fi je me fiiffe refufé à l'inf- 
tante demande de M. Rouffeau. J'ai agi 
de bonne foi , parce que je crois quç 
M. Rouffeau a agi de bonne foi , & que 
scommç Ji perfuafion va par degprés ^ çUt 



' ^'■" ■' ■ Il Jl I I ] 1 1 ^ 

RÉFUTATION. 23^ 



pouna atteindre à fa perfeftion. Il n'y a 
du rcûe que Iç fcrutateur de$ cœiws &c 
des reins , qui puiffe favoir fi M. Roufr 
fe^u eu fincere. Je dois le penfer par tous 
les fignes extérieurs qu'il m'en a donnés » 
& je me regarderois comme téméraire ÔC 
jnême injuite , fi je penfois autrement. 

Cela n'empêche pas , Monfieur & très* 
honoré Frefe , que Je ne gémiffe avec 
vous dans le fond de mon ame des pro« 
près que fait l'incrédulité 9 du mépris que 
ron fait ouverteniient de la religion , du 
culte & des miniftres. Chacun aujourd'hui 
veut &irç l'efprit fort , & avoir des dou- 
ces ; il n'y a pas jufques aux femmes , qui 
ne s'ea mêlent ; depuis que la nouveLç 
faxiiïe philofophie çft venue à la mode , 
chacun veut dire fa raifon & déraifonnç^ 

J'ai eu occafion de dire bien des cho- 
fes là-^deffus à mon troupeau le jour du 
jeûne , ayant pris pour texte le ^. 5 J du 
Chap. VII du livre des Aôes, Quoique 
je ne fois pas afiez préfomptueux que de 
prifer mes ouvrages , cependant fi vouç 
êtes curieux de lire ce fermon , qui m*«i 
paru avoir été goûté , je vous en ejir 
voterai ]xne copie, ça 1^ fpumet^ tf% 



240 RÉFUTATION. 



vance à votre cenfure , & en vous priant 
de me faire part de vos remarques , dont 
Je ferai mon profit. 

Pavois oublié de vous dire , que fur 
la relation que j'ai faite à notre compa- 
gnie de tna conduite avec M. Rouflèau , 
elle n*a pas été défapprouvée : cela n'a 
pas empêché qu'elle n*ait feit des démar- 
ches auprès du Gouvernement , pour que 
fon Emile ne fe répandît pas dans ce pays. 

Je ne fais comment la lettre que m'a 
écrite M. Rouffeau eft tombée à Greneve , 
ignorant du refte fi elle eft fidelle , car je 
n'en ai laifle prendre aucune copie ^ & 
M. Rouffeau m'a affuré qu'il n'en avoit 
point envoyé dans votre ville , & ne l'a- 
voit communiquée à qui que ce foit. 

Je confens très- agréablement que vous 
fafiiez voir ma lettre , & même j'ofe vous 
en prier ^ fi vous^ jugez que cela foit con- 
venable à l'édification. Je fuis miniftre de 
TEvangile ^ je le prêche , & je ne me 
propowrai jamais autre chofe que Jéfiis- 
Chrift , &7éfus-Chrift cmcifie. Je fuis 
zélé pour la faine doftrine , qui eft uni* 

3uement celle de l'Evangile , & pour la 
oâxine reçue, La compagnie des Pat 

teurs I 



RÉFUTATION. 141. 

teurs , dont j'ai Fhonneur d'être membre ; 
& tous les habitans dé ce pays me {ont 
témoins , comme je me fuis montré zélé ^ 
ferme , en même tems modéré à roccafion 
de nos ti'oubles fâcheux de la Chaux-de- 
fonds , qui comme vous le {avez , (ont 
heiireûfement finis. ' 

Continuez à m'aimer , & à m'accorler 
votre précieufe bienveillance; j'ofe dire 
mériter ces fentimens de votre part , par 
ceux de la confidératîon refpeôueufe avec 
fcfquels j'ai l'honneur d'être , 

Monsieur , et très-honoré Frère || 

Votre très -humble 
-& très- obéiflant ferviteur , 

h Profejfeur û?e M N T M G L L I K. 

Eh bien, Monfimr ^ fuis- je im intolé- 
rant & un perfëcuteur ? La charité ejl pa^ 
ticnte ^ tlU ejl pUine de bonté , la charité 
i^ejl point tnvieufe , U charité ncft point 
injotcnte , elle ne s'enjle point (C orgueil , 
elle n^eft point malhonnête , elle ne cherche 
point jbn intérêt ^ elle ne s^ aigrit point ^' 
elle ne fptipçorme point le mal , elle ne fe 
ri/ouit point de tinjujlice , mais, elle fe ré-' 
jouit de la vérité. ElU exqufç tout^ elle croi» 

SuppLdelaColkc^ Tome lUt ii 



%4% RÉFUTATION. 

fom , tUe ejp^re tout , clU fupporu tout, 
J. Cor. XIH- 4-7- Cependant je fus dans 
la néceffité de me juilifier, & dans le pu- 
ï)lic , & dans Tétranger , iingiiliérement 
^uprçs de notre compagnie , dont queW 
qiies membres trouvoient que je m'etois 
im peu précipitée 

Il feroit à fouhaîter » pour ma trapquil* 
lité., que ma tolérance 9 fondée fur Thu- 
manité & fur la charité , eût été alors un 
peu plus refferréç ; je ne me verrois pas 
aujourd'hui traduit fi indignement dans le 
public , & je ne ferois pas la dupe de moa 
pon cœur (Â:). 

Quel cft le Pafteur qui ne fe fïit réjoui 
de voir M. Rouffeau, dont la célébrité 
feiifoit tant de bruit , fe préfenter foii$ 
nne face auifi defirable poiir la vérité 2( 
pour 1^ religion ? Je vous avoue , Moor 
îieur , qu'indépendamment du plaiiir que 
j'en reffentois pour }e falut de M. Rou& 
feau , ôç pour l'édification de la chrétienr 
té , mon amour-propre 4tpit flatté de cpt 

événement , que je regardois comme ua 

*- — , ■■ - ^ _^^_ 

ik) Mais , me dira ranonyme , pourquoi ayez-vous don» 
changé de conduite dans la fuite ? Je le renvoie poof || 
çréf^at à mes j:em?r^U€$ (^bjRfyiefltçj^ • ' 



RirUTATION. 14 J 

>l I ■ ■ ■ ■ ■ ■ 

des plus glorieux de ma vie. La fuite m'a 
fait comprendre que ^e dois ici rappeller 
la note de ce que Fanonyme feit dire à 
ime dame à mon fujet , page 209. ^ pro^ 
pos de CCS tlogcs 5 une dame (tici , qui con^ 
noix bien fort monde ^ dit fort plaifamment ^ 
quelle avoit été comme bien £ autres fcan^ 
dalifée des ouvrages de M* Roujfeku , de 
fes affertions , il ejl vrai , plus que dt fes 
doutes , cilUguant en preuve les deux cita^ 
tiens ci'-dejjus. Chacun fut de fon fentiment ^ 
£r lorfque cette plaifanteru parvint À M. 
Rouffèau, il répondit ^ dans t amertume de 
fan coeur: oui y je dois avoir compris quil 
ne fatu louer aucun homme d^cglife de fon 
vivam. Oui ^ mon ami , je me fuis dit 
auffi à moi-même , c'eft dans Tamertume 
de mon cœur que je dois avoir compris , 
<ju"*il ne Élut louer aucun auteur de fon 
vivant , fur tout quand il fe repofe trop 
fur la célébrité. 

Promettre de ne plus écrire , & écrire 
toujours 8t plws cpue jamais fur. la reli- 
gion , font des inconféquences , font de* 
problêmes , dont j'avoue ingénument ne 
pouvoir trouver la folution. L'anonyme , 
plus ingénieux , plus habile , & plus heu-; 

L 2| 



«44 RÉFUTATION» 



reux gue moi , pourra peut-être un jour 
nous la donner. J'ai IT^onneur d'être plus 
que perfonne. 

à AIotierS'Travcn y ce ij Juin 176c, 



LETTRE IIL 

J E continue mît narration , Monfieur , 
car ce détail ne doit çtre quTiiftorique , 
& cç fe|-oit abufer de votre patience , & 
de celle du public , fi je voulois trop feire 
U raifonneur ; ce font 4^5 f^its, & des 
^'its qui parlent d'eux-^mêmes. 

Vous vous rappçUere? , Monteur, quq 
dans ma dernière j'ai laiffé M- Rouffeau 
bion tranquille , pay ce que lui-même fe 
procuroit cette tranquillité. Dans le tems 
que^jç m'ei|dormo''S dans cette douce pen^ 
iee , que j'étois perfuadé que M. I^oufr 
ieau ne- fongepit qu'à vivre en repos, 
& ^ ne plus écrire fur la religion, ju- 
gez cjuelle fiit m^ furprife , à la lefture 
qi^e je fisses lettres de U Montaigne y qui 
parurent flir la fin 4e l'année. Il m en 
f ovoya un exemplaife îjvçç une lettre ^ 



RÉFUTATION. 145 

•- " - ■• -•- - ■ - 

que j'infère ici (/). Je vis par ces écrits 
qu'il fe dévoUoit, & que ce n'étoit plus 
le Curé Savoyard qui parloît, mais M. 
Rouffeau lui-même. 



(I) Que le 1e£!cur fe ibette à ma place , & quMl juge 
«e qoe je dévots penfer raoi qni fuis Pafteur , lorfque je vis 
jufqnes à que) point M. Roujfeau outfageoit Un Clergé fi 
^iilingué ft fi refp^eâable ! J'avoue que je tus peu recon- 
Boiflanc de Texception que M. RonlfeAu a bien voulu faire 
de moi dans la note des Lettres de la Monta;;ae, (îiiltion 
H'Amfterdam pag. 7B • pnifqu'il n*.e fembîoît que ce blà^ne 
«dieux qtt'il a affeâé de jetter fur le Clergé de Genève , 
jréSailliifoit en quelque fai^pa fiir moi & géaéralenient fur 
toQS les Minlftres de la religion. Celui qni ofe manquer 
indécemment à un Magiftrat reQ>eâable y peut bien ofer in- 
jurier des Minifires de la religion , qui n^ont pour tontti 
tfurmes que la charité & la patience. 







i 3 



LETTRE 
DE M. ROUSSEAU^ 

AU Protbsseuk 
DE M O N T M O L L I Nr 

à Motiers le 2j Décembre 1764. 

^ JP L A I G N E z-moî , Monfîeur , d^aimer 
yf tant la paix , & d'avoir toujours la 
n guerrt. Je n'ai pu refufer à mes aii^ 
»f ciens compatriotes de prendre leur déi- 
» fenfe , comme ils avoient pris la mien* 
» ne. Ceft ce que je ne pouvois feire fans 
H repoufler les outrages , dont par la plus 
>^ noire ingratitude ^ les Miniftres de Ge- 
» neve ont eu la baffeffe de m'àccablet 
» dans mes malheurs, & qu'ils ont ofé 
n porter jufques dans la Chaire fecrée ^ 
» où ils font indignes de monter. Puif- 
» qu'ils aiment fî fort la guerre , ils Tau- 
» ront , & après mille agreflîons de leur 
>* part, voici mon premier afte dTiofti- 
» lire , dans lequel toutefois je défends une 
>> de leurs p^us grande^ prérogatives, qu'ils 
» fe laiffent lâchement enlever; car pour 
» infulter à leur aife au malheureux ^ Us 
» rampent volontiers ibus la tyrannie^ La 



RÉFUTATION. 247 



•^ ' ' • ' i fc 



^> querelle au refte eft tout-à-feit perfon* 
^ nelle entr'eux & moi , ou fi j'y fais 
» entrer la religion proteftante pour quel-* 
ff que chofe ^ c*eft conïme fon défenfeur 
» contre ceux qui veulent la renverfen 
^ Voyez mes raiforts , Monfieur ^ & foyei 
f» perfuadé que plus on me mettra dans la 
» néceflité d expliquer mes fentimens , plus 
f> il en réfultera dTionneur pour votre 
»> conduite envers moi , & pour la juûioe 
^ que Vous m'avez rendue. 

» Recevez j Monfieur , je vous prie i 
n mes &lutations & mon refpeâ; ( /rz ) y^^ 

J. J. Rousseau. 



( n» ) A propos de cette lettre & de renvoi de ce livre , une* 
ï)ame très-renfiSe me dit \in jour fort naturellement. En vé« 
rite , Monfieur , de deux chofes Tune , ou il faut que M. 
Xauffeau ait perdu la tête , ou qu^il croye que vous Pavez- 
perdue. 

Je tombai malade quelque tems après , & j'eus alors occa«- 
iion de voir chez moi des notables de ma paroiife , qui me' 
parlèrent avec affliction & avec amertume de ces Lettres de 
la Montagne,. & des fuites fâcheulès qu'elles entralneroieat 
après elles, dil^nt que Ton s'appercevoit déjà que les mé- 
dians & les incrédules s'enhardiflbient , & les gens de bie» 
en étoient navrés & troublés. Us ajoutèrent même ingénu- 
ment , que la paroiiTe étoit attentive à la conduite que je- 
tiendrois à roccafion de cet ouvrage Se de fon Auteur. A^ 
f uoi je répondis brièvement que je favois mon devoir. 

L 4 



248 REFUTATION. 

La compagnie des Pafteurs informée 
de la manière dont on avoit envifagé les 
Lettres de la Montagne dans toute la chré- 
tienté , notamment dans les éçliiès de ce 
pays , crut / ne pouvoir fe difpenfer de 
prendre en objet ce livre là de même que 
«la réimpreflîon des ouvrages de M. Rouf 
: feaii , tant manufcrits que déjà publiés. 

Que cherche Tanonyme poiu: ce ^^-ime 
qu'il fait à la vénérable Claffe , d*avoîr 
gardé le filence une couple de mois î Fal- 
loit - il moins de tems à un Corps dif- 
perfé dans tout le pays , poiur exan^iner 
le livre en queftion > pour en juger avec 
connoiffance , & pour être afliiré des ef- 
fets qu'il produiroit ? Ce font là les feuls 
alimens qui ont donné aftivité à fon 
^ele (72). / 

m r ■ ■ ■■ — ■■ ■ - I I I ■ 

( n ) Je n'étois point dans cette aflemblée , continuant ft 
itre malade , fans ancune coimoiflance ni direâe ni lodireâe 
4e ce qui y feroit traité , moins encore qoe les livres de 
M. Rêuffedu feroient Tobjet d'une délibération que j*ai troa- 
>ée au refte digne du zele du Clergé. Ce ne fut qu*au re- 
tour d'un Pafteur de monvoiCnage, quej'ajipris que notre 
Compagnie avoit fait des remontrances là-deffus au Gourer- 
nement & au Magiflrat municipal , & qu'elle étoît convo- 
quée par le devoir pour les 12 & 13 Mars 1765 • afin d'avi- 
fer un parti que Ton devoit prendre par rapport â M. 



RÉFUTATION, 249- 

Dira -t- on que le cleitgé n'avoit pas 
qualité de prendre ces deux objets en 
çonfidération ? Son état ne Vy appelle-t-il 
pas néçeflairement î Ou il faut cetfer d'être 
Miniftre de l'Evangile , ou fi on Teft de 
bonne foi , il faut foutenir les intérêts de 
£on divin Maître, Tous les clergés , de 
quelque communion qu'ils fuffent , en 
auroient fait autant. Je ne crains point 
d'avancer , que nos églifes ^ & Içs églifes 
voifines , même d'une différente commu- 
nion j ont été édifiées de cette conduite 
& de cette réfblution , qui cadre fi bien 
à une compagnie de défenfeurs de la vé- 
rité , qui doivent fe montrer pour la 
caufe du Seigneur Jéfiis. 

L'anonyme n'efi pas bien inftniit , car 
la vénérable Clafîe iît en 1761 au fujet 
4'Eniile, des remontrances au Gouver- 
4iement pour qu'il empêchât que ce li- 
vre ne le répandît dans ce pays , fans 
cependant feire mention de Ion Auteur. 
San$ doute que l'anonyme a eu des rai- 
ions de fupprimer cette anecdote , qui 
£dt honneur à la modération de la vé- 
Bérable ClajSe> par laquelle elle s'eâ difr 

L 5 



250 R É F U T A T I ON. 



tinguée en tout tenrs, quoi qu'en puifle* 
dire TAuteur du libelle; 

Je poxirrois mettre par forme de noté? 
ce que j'ai, à ajouter ; mais j'aime mieux 
l'inférer dans^le corps de ma lettre. C'eft 
de prier l'anonyme dé recourir aux ré^ 
giftres du Confeil d'Etat, oir il trouveia^ 
k vérité du feit que j'avance. 

Tandis que Mv Rouffeau n'a point trou* 
blé réglife , la compagnie s'eil tue. Je: 
n'ai rien dit auiîi de mon: côté. IF y at 
plus y c'efl que je voyois avec un vrai 
plaifir M. Rouffeau, par l'attrait de fai 
converfetion. 

Au refte. l^onyme s'oublie étrange- 
ment, en cherchant à jctter du ridicule 
& fur la conduite de fon Magiffirat , & fur 
la méprife du Héraut , (à ) qui annon*- 
çoitla profcription des teunsidc la Montm- 
|ine. Convenez, Monfieur, qu'il y a de l'im-^ 
prudepçe dans cette réflexion; je parle* 
^ur. 'l'honneur de fon Magift-at & dU> 
jnien : convenez que cette penfée , dont 
il s'applaudit^ eft encore plus hcureufé-^ 
4»ent bête que la méprife de l'Huiffien^ 
. . L'anonyme s'oublie encore étrangemei* 

» ■ " ' l^ ' m ■ Il Mm mmmm^mmmmmmmmmÊmm- 

iO 2i lU 9i Z82; 



I -■< ** — — — — — ^^i 

RÉFUTATION, 251 

4 . ^ ■* 

en maltraitant une compagnie refpeôa- 
ble de Pafteurs, Je ne parle pas des in- 
jures dont il eft'fort prodigue à mon 
égard; je le pardonne lincérement. 

Je finis ici 9 & je paflerai dans ma fui- 
-vante aux faits les plus intéreffans , dans 
le récit defquels Tanonyme manifefte une 
mauvaife foi , &c ime infidélité des plu^ 
marquées. 

Pour vous, Monfîeur, vous êtes vraî^ 
vous aimez auffi la vérité : je vous la 
rapporterai dans toute fon exaâitude^ 
Croyez moi véritablement pour la vie, 

â Motiers- Travers fe iç Juin i76^r 

LETTRE IV. 

M.JE voici, Monfieur , arrivé à Fépo*^^ 
que où l'anonyme continue à s^évaporer^ 
& à s'oublier contre le clergé , & con- 
tre moi. 

Prenant le ton important , il s'imagine 
qu'il en impofera à des gens raifonnables^ 
& qui fevent pefer les chofes dans uii<r 
jaftc Wiancer 1 



a5l RÉFUTATION. 

— ^i— Il - ■ ■ I I I i m 

Péifètrons les prétendus myfteres de cet 
Auteur, qui croit -y être initié , quoiqu'il 
n'y connoiffe pas même la marche. Uon 
diroit à Tentendre , qu'il a été dans les 
fecrets du (anftuaire. Il n'y a point de fe- 
crets dans. le fanftuaire ^ que ceux auxquels 
le ferment oblige. Quand il eft queltion 
de l'Evangile , & de l'édification de Té- 
glife , ce fànâuaîré manifèlle publique- 
ment Tes réfolutions , comme il l'a fait 
dans l'occafion de M. Rouffeau , & comme 
îl le fera toujours en tems convenable. Le 
ircgnc de Jcfus' Chrijl ntjl point im règne 
caché. Mais il y a des circonftances où la 
prudence veut que l'on garde le filence 
pour un tems. 

La vénérable Glafle féjouma les i x & 
:x3 mars pour avifer aux moyens d'ob- 
vier aux Icandales que le dernier ouvrage 
de M. Rôufieau occailonnoit. 

N'en déplaiiè à l'Auteur, le clet^é fé- 
lon les conflitutions eccléiiaftiques de ce 
pays ,' a inipeâion fur la foi conune fiir 
les mœurs quand il en réfulte du fcan- 
dale >• c'eft le texte ^ c'eft l'efprit de notre 
difcipline, ô^ on pourroit en citer des 
/exemples, Inquifition dit TAuteur ; fedes 



RÉFUTATION. lyj 



■«•■ 



p]ai&n(teries , & abfurdité , puifquM s'agif- 
fbit d'un fait public & que Flnquifition , 
ieloA la iignificatioQ même du mot ^ n'a 
pour objet que des faits cachés. 

Avant répoque de Taflehiblée du Clergé 
dfs II & 13 mars , je crus, quoi qu'à 
peine convak&ent, & malgré le tems ri- 
goureux ^^ que ma foUicitude paftorale 
m'appelloit à voir M. Rouffeau , que e 
n'avois point vu pendant ma maladie. Je 
me tranfportai donc chez lid le vendredi 
8 mars après midi ; pour l'engager à pren- 
dre un parti qui put s'accorder avec mes 
fentimens pour luii , & avec mon devoir. 
J'expofai à M. Rouffeau les alarmes ok 
j'étois fur fon compte , les fuites que je 
prévoyois du réfultat de la vénérable 
Claffe. Je lui ouvris mon cœur, je lui 
parlai en citoyen , en chrétien , en paf*: 
teur ^ & en ami* Cétoit peut-être im 
trop îfm de ma part , • mais mon cœur 
me diftoit cette démarche (/? ). . 

. Je vouSiiç confeffe , Monîieur , j'avois 
^nvie d'évier du chagrin à M. Rouf- 

■ ■ ■■ ■ n ■! I I 1.1 -■ iw ■■ Il III mu. 

, <^ ) Un trop fait , par«e .que le corps dont je fuis mem^ 
iiç, m^avoit inlintsé en qujslques occafions, ^ii« féttAdois 



'* ' ■ ■ ' "' ■ > — 

154 RiF U T A T lO N. 

feaii , parce que je croyois alors en bonne 
«onfcience qu'il erroit dt bonne fol» 

Je lui propofei divers expédiens , €*^ 
Ir'autres qu'il voulût biea me promettre 
^u'il ne communieroit pas aux fêtes de 
Pâques , tant pour ion bien , que pour 
Fé<Ùfication , & que dans cet intervalle ^, 
la grande fermentation qui agitoit les e(* 
prits fe calmefoit peut-être. Etoit-ce la 
conduite d'un perfëcuteur ? 

M. Roufieau héfita quelques momens^ 
llir fa réponfe. Enfin , il me dit , que fi 
|e le garantiffois pour les fêtes fmvan- 
tesj il pourroit bien fe rendre à mes 
taifons. Je lui repréfentaî ^ que cela ne 
ëépendoit pas de moi, que j ëtois mem- 
bre d'un corps, & que je n'avois que 
mon fuffrage. H s'obôina à me dire que 
fcn fort étoit entre mes mains , ÔC qu'il 
Iroulolt tout ou rien. Je ne laiffai pas de 
f afllirei* , que jfe lui férois tout le bien 
poiîîble , autaht que cela pourroît s*accor- 
der avec mon devoir. M. RoirfTeau me re-' 
partit qu'il prenolt engagement:' avec mo8 
de ne plus écrire fur aucune matière de 
irtjigion ^ & qu'ainfi il efpéroit qu'on le 
îiù£roittraûq^uUk^&< jout.de, /^ iC 



RÉFUTATION. 255; 



MMMBMMhaltoMrtMMMtariaaiaA^krfH 



ajouta: £h Bicn^ Monjîeisr^ mon fort dé^ 
ftnd dt vous ; G vous nvcnc[ avtc de bon^ 
nts nouvelles y a quelque heure que ce foit^ 
je vous embraierai de tout mon cœur , /& 
non nous nous tournerons te dos. Affligé' 
de fa prévention , je lui répondis, tout c^ 
épi* il vous plaira , & je revins chez mot 
le cœur pénétré & ulcéré. Quoi î me dis* 
fe > à moi-même, tu cherches à faire tout 
pour le ïrien , & Ton ne veut pas eni 
feire u6ge ( f ) ï 

Comme je ne devoîs partir que le lun-^ 

£ , je crus que M« Rouffeau aiiroit quel-^ 

que réavis , & me donneroit de fes nou-- 

▼elles , mais je n'en reçus aucune , d'oui 

jjt conclus qu'il periiftoit dans- ia %çpri( 

de penfer ; lorfque le dimanche , fiir la- 

Ibirée Mv Guyenet, Lieutenant du Vat-^ 

die-Travers ^ qui eft <fens les bonnes gra*** 

ces de M. RoufTeau , fe rendît chez moi ^ 

pour me dire que M^ Rpufle^i l'avoir 

«it chercher , & qu'il s'étoit plaint à liiï 

que la déclaration qu'il m'avoit faite de 



' f f ) J'appelle au témoignage de Ml Rtujphiu tût la iitîiê'i 
et ces faits , & je prends le public pour iufe fi Ton 
»e taxer avec jvftiçe d'aY9Û to«i»i^ bxufyieJPeai'U» < 



^ 



256 RÉFUTATiaN. 



•«•• 



bouche avoit été écoutée de ma part af* 
fez froidement > & que fi je la. lui avoîs 
demandée par écrit , il me Tauroit fore- 
ment donnée. Il n*avoit qu'à me la re- 
mettre ^ répondis -je, fi c'étoit réelle- 
ment fon intention ; je fiiis prêt à b re- 
cevoir , âc à la produire à b vénérable 
Claffe ; mais, ajoutai-je, je vous conjure 
par l'intérêt que vous prenez à M. Rouf- 
leau & par celui que vous favez que j'y 
prends aulH , que fon écrit Toit dair & 
pofitif. M. Guyenet me répliqua que je 
ferois mieux que lui, -fi Je voulois me 
tranfporter chez M« Roufleau. Je ne puis 
pas , lui dis-je , ma fanté ne me permet 
pas de m'e^pofer par le^ grand froid , ou- 
tre que je n'ai rien de nouveau à lui dire* 
1. le ' 



E 



M. le Lieutenant m^apporta un écrit de 
M. Roufleau , que je lui témoigoû n'être 
>as fuffifaot. Sur cela il me demainda quel- 
es feroient donc mes idées? Je les lui 
èxppfài de bouche : il me dit qu'il m'ap- 
porteroit une réponfe ; ce qu'il ht le lundi 
inatin. La voici: 

. >» Par déférence pour M. de Montmol* 
h lin mon Paûeiu" , & par reipeô pour 

R la Yé©éraï>lç Oaflfe ; j'oflie , fi on l'agr^ 



RÉFUTATION. 257 

de m'engager par un écrit figné de ma 
H main à ne publier de ma vie aucun 
>> nouvel ouvrage fur aucune matière de 
» religion y même de n'en traiter incl- 
ut demment dans auam nouvel ouvrage 
» gue je pourrois puWier fur tout autre 
» fujet , & au furplus , Je continuerai de 
>» montrer par mes fentimens , & par ma 
» conduite , tout le prix que je mets au 
M bonheur d'être uni à l^églife. Je fupplie 
» Monfieur le Profeffeur de vouloir bien 

ë 

» communiquer cette déclaration à la vé- 
» nérable Claffe (r). 

Fait àMotiersle 10 mars 1765. 

L J. Rousseau. 

Je repréfentai à l'agent de M.Rouffeau, 

Sue cette dernière déclaration , bien loin 
e tranquillifer notre clergé , ne feroit que 
"Kndifpoièr davantage , & qu'au lieu du 



( r ) L^anouyme veut bieif^rrer dans fa note , pag. 182 » 
lorl^u^il dit que cette déclaration n'a été connue que depuis 
^inze jours; elle fut répandue mtmt dès le commencement 
de cette affaire , & dans ce pays & à Genève , M. le Lies- 
tenant du Val-de-Travers m'ayant dit qu'il avoit ordre dt 
la tendre publique » £omme je Tai fait moi^mên» à qui « 
voulu la voir. 



1^8 HéfutÂtion. 



^i^— ^ I I !■ I I — ^— ^— <h^ilfc 



inot ^ je continuerai ^ il felloit fnbftituer ce-^ 
lui-cî,y^ tacherai^ parce que je compre- 
Hois que cette première expreffion,/V con^ 
ùnuerai^ révolteroit toiis les efprits (^s)^ 
M» le Ueuteoant me dit qu'il ne pouvoir 
{>&$ fe réfoudre à retourner chez M^ Rouf 
îeau 9 & m'allégua pour s'en difpenfer ^ 
diverfes raifons que ie ne toucherai point 

ICI. 

Je ne vous demande rien ^ Monfieilr , 
lui dis- je , faites ce que vous voudrez»; 
quant à moi , il faut que )t psurte pour 
Neufchâtel ,^ afin de ne pas me mettre i 
la nuit. Ty retpurfte ^ me dit-il brufque- 
<nent , quoique je m'attende à n'être pas- 
bien reçii. Je retarde mon voyage , Mon- 
ficur , repartis-je , cependant revenez aa 
plutôt, M. le Lieutenant à fon retour 
me dit^ qu^ n'a voit pu perfuader M» 
Rouffeau , & que celui-ci avoit protefté ^ 
qu'il ne changeroit pas un mot à & dé* 
daration , fie qu'il ne fiibflitueroit point 

(«) Et combien plus la première, déclintioa , qm me 

hit remife , n'atiroit-dle pas révolté ? où il y avoit eatr*a«. 

1res CCS exprelHons : poffrt ^ fi on veut tme isijfer em refés. 

.fin vérité, dis-je à celuici, c*eft fk miv|uccr & on ne éomaa 

f as aliiii la loi i fcs fupériai»s. 



" ' ' ' ''■■■■ f "■■■ 

RÉFUTATION. 1^9 

le mot de idckfr â celui de continuer. Tant 
pis , dis*je à M. le Lieutenant , cet en-f 
têtement m'afflige. Je pars ; dites à Nf^ 
Roufleau qu'il eft lui-même Tarti&n des 
chagrins qu'il s'attirera , mais ce font de 
fes afïaires , puifqu'il ne veut pas écou- 
ter les confeils de fes amis. Je partis pour 
me rendre oîi mon devoir m'appelloit. 

Je vous quitte , Monfieur , pour luï 
moment. Vous connoifiez mes fentimens» 
Agréez que ;e vous en renouvelle ks af» 
furances. 

à MotierS' Travers^ ce l^ Juin l^6^^ 



LETTRE V. 

J'A R R I V E à Neufchâtel , où je trouve 
une fermentation pareille à celle qui étoit 
dans ma paroiffe & ckns les voifineSr Le* 
Lettres de la Montagne » la réimpreffio» 
des ouvrages connus & inconnus de NL 
RoufTeau , les remontrances de notre com- 
pagnie , la profcriptioa de ces ouvrages 
par le Magiitrat municipal a^tent tous, les 
efprits. Vous le favei^ mieux que moi ^ 
Monfieur , vous qui n'a(yez jamais été* 



^60 RÉFUTATION. 



■ift^aMM 



acciifé de fanâtifine , mais qui aimez Tor- 
dre & la religion. Chacun a les yeux ou- 
verts , me difie2-vous, fur la conduite 
que tiendra votre compagnie dans cette 
circonftance. Que feront nos Miniftres di- 
foit-on , non point à i^ôreiHe , mais pu- 
bliquement ? Défendront-ils rEyangile at* 
taqué û ouvertement , ou \e laifferont-ils 
tléchirer par fes ennemis ? Que ferez-vous 
vous-même ? me difiez-vous , Monfieur» 
Ce dernier ouvrage ne met-il pas obfta- 
cle à la continuation de votre tolérance ? 
M. Rouffeau eft votré^parOiffien , ne fe- 
rez-vous rien , pour la religion , pour l'é- 
dification , & pour vous-même ? Si uû 
citoyen de ce pays , ajoutiez-vous , avoit 
ofé dire , ou écrire quelque chofe d'ap- 
prochant à ce qu'avance M* Rouffeau , ne 
îéviroit-on pas contre^lui ? M. Rouffeau , 
nouveau citoyen , a-t-il donc plus de pri- 
vilèges que tous les anciens citoyens? 
Weu-îl pas foumis comme citoyen aux 
loix de rEtat & aux ufages qui y font de 
. tems immémorial ? 

Je me rendis à notre affemblée oîi le 
cTiriftianifme de Mr Rouffeau fut examiné 
les 1 2 &c 13 mars. D'entrée je produits la 



RÉFUTATIOIf. 161 

diédaration que M. le Liciitcnant Guyenet 
m'ayoît remifc de fa part lé dimanche 
précédent. Elle fiit priie en objet , mais, 
l'on trouva qu'elle n'étoit point fuffiûnte 
pour réparer le mal qiie les Lettres de la 
Montagne avoient déjà fait , & qu'il au- 
rait f^ii quelque chofe de plus de la part 
dé M. RoufTeau pour Fhonneur de la re- 
ligion ; en forte que bien loin que la com« 
paenie criit devoir conjigner en Unres dor 
( t) dans fis rigifires cette déclaration de 
M^ Roufleau , elle eilima que cet écrit 
portoit en lui - même fa condamnation » 
& que fi ce livre n'avoit rien qui bief* 
sât I9 religion , M. RouiTeau n'étoit pas 
tenu de prendre dçs engagemens à ne plus 
écrire. 

Suivant la pratique de notre corps , je 
fijs requis de donner mon information » 
oui 9 f en ^ttefte la compagnie , fut énoncée 
<Buis c^ eiprit de tolérance & de charité » 
dont .j'^i toujours ufé à Tégard de M. Rouf- 
£eau. Enfuit^ je fis place ^ fuiv^nt nos mê« 
m^ uiages. 

La compagnie me donna ime direûion 



9e 



^«61 RÉFUTATION. 

m I i m ■ I I m II . ■ I I . ■ ■ - ■ I m 

pour ma conduite dans cette affeire , me 
déclarant que c'^étoit pour me mettre à 
couvert" de tout ce que Ton pourroit 
m*imputer malignement. Malgré ce que 
4it Tanonyme , il n'y a point eu de pré-* 
tipuation (if) dans la délibération de la 
compagnie. Il eft bon que Ton ^che, que 
quand elle eu affemblée par le devoir, pour 
wne matière dont tous les membres font 
avifés y qu'ils y foient tous , ou qu'il en 
fnanque quelques-uns , Ton paflè outre ^ 
autrement un corps ne mettroît jamais fin 
 rien , iur^out quand il ne s'aflemble pas 
ibuvent. 

Je ne ûis oîi TAutèur a puîfé ce qu'il ofe 
avan<:er page 1 94 , que la vénérable Clafle 
. flilmina contre M. Roufleau , en dépit des 
Conftitution$ de ce pays , une fentence 
if excommunication. Elle connoît les bor* 
nés de fa )urifdiâion ipirituelle ; mais elle 
&it qu'elle peut donner des direâions à 
fes membres pour s'en fervir auprès des 
confiftoires , quand le cas y échoit , &ns 
prétendre par-là gêner les Suffrages. Que 
iignifîeroit une direâion k un pafteur , 



m n ui \ j. i ■ ■ i ">»i*i^i— ^WK» 



iu) P^e m. 



RÉFUTATION, 263 

s^il la mettoit dans fa poche 9 pu fous la 
clef? Le boi> fens ne dit-il pas, que c'eft 
pour en faire Tuiàge cjue ^ prudence lui 
iuggérera (:c) ? 

Il eil faux , 6ç abfolument fkux que 
la vénérablç Claffe prit en objet la lettre 
anonyme que TAuteur rapporte dans foii 
libelle page 1 87 & fuivantes , & qui fut 
adrefTée à quelques membres , defquels fé^ 
lois. Quoiqu'à divers égards cette lettre 
fk£k honneur à fbn Auteur , qui vraifem-» 
diablement craignoit , par l'attachement 
qu'il montre pour la compagnie ^. que le 

{>ublic ne lui imputât de .vouloir eênep 
e, coniiâoire de Motiers ^ la vénérable 
Claffe fuivant la fageffe d'un Corps pru- 
dent & refpeâable , ne voulut point pren^ 
dre çettç lettre en çonûdération , parce 
qu'elle étoit anonyme : elle n'y Tut pas 
même lue j quelques membres fi»ulementj^ 
des mains defquels çUe paffoit dans d'aur 
très, la lurent dans leur particulier, 
y .f ■ ". ' '< ' ' 1 > ' f' f ' " ' ' \ ' ■'' . '■' , ' ' / ' 

<x) Combien de fois la vénérable Clafle n*a telle pasétf 
reqvife par les Coofiftoires & même par la bouche de leurs 
chéfss même par des requêtes, de leur donner des dire»* 
tibbs ? Conibien de fois n'a.t-elle pas envoyé des députés ^^ 
Çtotififtaires povr les écl'airer , 8ç d'ordinaire ayec d^ iff' 
^ercieiQe^ de levr part ? ' ^ 



164 RÉrUTATION. 

, le jokis ici, Monfieur, la copie de h 
^iredion qui me fut donnée par la com- 
pagnie , à laquelle elle travailla pendant 
que j'avois donné place , toujours fiiivant 
nos ufeges (y). 

« Moniteur le Doyen a expofé , que 
n la compagnie étant aujourd'hui aflcm- 
» blëc, pour délibérer fur la conduite 
H qu'elle devroit tenir à l'égard de M. 
h RoufTeau , doitt les femimens antichré- 
H tiens , manifcûés dans fes écrits , & no- 
» tamment dans fes Lettres de laMonta- 
n gne publiées depuis peu, donnent te 
i> plus grand fcandale à toute l'églife chré- 
n tienne , & particulièrement à celles de 
H notre pays , il étoit à propos d'enten- 
^ dre auparavant M. de Mommollin paf- 
H teur de Motiers, duquel M. Rouffeau 
» ed aôuellement paroiffien : ce qui ayant 
H été approuvé , M. le P^ur de Motiers , 



' "' ' » ' ^ ' "J J '*' t ■ ■ ■ * - v 



(jj Pour comprendre quels font xes. uûises, M>*lt ho» 
et favoir que quand il s^agit d'une raflEake qui int^rcffe » 
Pafteur, Toit pour Iç tmpow;, foit pour le fpiriiuel, f«« 
fpn EsHfe en général , fbît un ou plufieurs de iè$ paioifi*»» 
f.c Pafteur cft obligé (^e donner place, 9c ^'affiije point àl*. 
^ilihérsLtiop. Co^féquemment if me relirai, $'^^'4^ 
f^ HoHjfeau m<ka. paroliUgj}^ 

# aprei 



RÉFUTATION. idj 



♦> après une longue information , a dé- 
» cîaré à la compagnie , que M. RoufTeau, 
» déjà avifé de l'objet de cette délibéra:- 
f> lion, lui avoit remis pour édifier la 
» compagnie , un écrit figné de fa main » 
ff portant ce qui fuit. 

» Par déférence pour Monjieur de Mor^ 
ff mol lin mon Pafteur^ & par refpeâ pour la 
♦> vénérable Clajfe , f offre ^ fi on C agrée ^ 
f> de m\ngagir par un écrit figné de nuL 
Vf main ^ a ne publier de ma vie aucun nou'* 
^ vcl ouvrage fur aucune matière de religion ^ 
^ même de n^en traiter incidemment dans atf 
n cun nouvel ouvrage que je powrrois /«• 
» blier fur- tout autre fuj et j & aufurplus^ 
» je continuerai de montrer par mes fenti* 
f^ mens , & par ma conduite , tout le prix 
M que je mets au bonheur ttétre uni À Céglife. 
^ Je fupplie Monfieur le Profefftur de vou^ 
f> loir bien communiquer cette déclaration à 
» la vénérable Claffe. FaU à Motiers , le lo 
H Mars lyÇS. 

h J. Rqvsseau. 

H La compagnie ayant entendu la lec- 
» ture de Técrit cl- deffus rapporté mot à 
» mot^a déclaré , après mûre délibérar 

SuppL de la CoUcc. Tome lUt M 



«p 



a66 R É F U T. A. T 1 O N. 



,» tion. qa'aie ne pouvoit point fe c^rj- 
» teni»r (Tune paKÎEe d«:laration , nul. 
.„ lemcnt ^iffifance pour fon édification , 
t» non pl«s <iue pour la réparation di* 
»» fcan<& général <p*e M,,Roi.ffeau avort 
» donné à toute la chrétienté , par la 
j, MihUcation âe fes ouvrages dsuJgereux 
» vôTimpics. Ceô pourquoi dte s eft crue 



r 



H M. de Montmollin, qu'Mwes » pu»"- 

•> cation xks Lfettres .de la Memagne , eu* 

,» ne pouvoit plus .( malgcé tout e fup- 

*> port & toate la chaïité dont elle eto»t 

..;» animée envers M. Rouifeau) , le r«- 

» «irder comme chrétien & comme me». 

»> bre de notrç église. Après quoi M. ée 

M MontipoUin ayant demande une Oirec- 

*» tion , la compagnie eftime qu il doit 

-4» faire paroître en confiftoire M. Roul- 

♦► feaii, pour bi adreffer les admonitions 

,♦ convenables , U lui faire entendre , 

» qu'elle ne peut le reçonnoitre digne de 

1» la communion des îfideles , tant qu il ne 

» maififefteroit pas à tous égards les fen- 

n timens d'un vrai chrétien , en déclarant 

» folemnellement en confiftoire , qud 

t Crwt 9n ^ifuf-ChriJl , mort pow nos oft 



A 



RÉFUTATION. %(fj 

» fcnftSi & reffufciti pour kotrc juflificatiofh; 
» en témoignant de plus le regret qu'il a 
» de tout ce qu'il peut avoir écrit con- 
» tre une teHe foi , & «n général contre 
Ji la révélation ; en confe^atant mâme que 
^ cette déclaration foit rendue publique 
♦» pour Fédification -de Tégliie , & pour 
i^ la réparation du fcaodale qu'il lui a 
^ donne: à Neufchâtel ce 15 mar^ 1765 >¥. 

A. DE LUZEi> 

' Pafltur à Camaux , fy 
fccrUairc ac la yéricraiU Qaffi^. 

Je quittai Neufcbâtel ' lé 14 'poitr rév^ 
nir ^chei mc^i , dû j^ m'occupai de me^ 
affaires. Comment donc le téméraire Au* 
teur du .libelle ofe-t»il avancer , qu'il y a 
eu des menées employées da^is Teglife de 
Mpiiers i page 1 03 . Qu'il appr^ne à être 
vrai. Il ïxj a point cii de menées , ni de 
ma part , ni de celle des amis de la reli- 
gion & de la paix. J'en appelle au té- 
moignage de tous mes paroiflîens , & à 
celui des anciens même , qui n'ont pas 
volé comme moi dans l'affaire de M» 
Rouffeau. Quoique le public manlfeftât 
une curiofité impatiente de connoître la 

Ma 



réfolution prifç par la compagnie , on 
gar<la cependant le filencç auquel le fer- 
ment afo-eint dans tous les corps , fllence 
dans lequel l'anonyme afFefte de chercher , 
Ton ne fait pourquoi , tant de n^yfteres. 
Je fni§ encore à ignorer , fi l'on a fait 
un feçrct aux Pafteurs abfens de la rcfo- 
lution que les Pafteurs préfens en grand 
nombre prirent datis leur affemblée. Quant 
à moi je iài^ bien que je n^en ai point 
^it de myftere à me^ frères ahfens , lor6 
que j'ai eu occasion de le^ vpir. Et pour-* 
quoi leiu» en feire un? puifque tous les 
^PafteuFS ont blâmé les Lettres de la Nton^ 
tagpe^ & en ont craint les fuites pour 
lei\rs troupeaux ? 

Je vous offre mes refpeûs , ôç j*aî llioQ!» 
fipur d'être parfaitement, 

^ ^^ticrs^Travfr$ ce 20 Juin 1761, 






««• -* - 



R É F U T AT I O N. %6^ 

LETTRE V t 

J E rejptends le û\ de ma nârfatJôn. Le 
dimanche 14 mats > qui pr^cédoit les 
fêtes ) te coniiftoire , fuivant la pratique 
de toutes tes égliles de ce pays , s'affembla 
pour les accufations (;[). 

Ce jour-fà avoit été pris pour pf éfen- 
tçf à réglife deux nouveaujt arrciens qui 
avoiem été choifis & nommés , & qui au* 
Toient déjà dû f être depuis un tems > 
îfenS dîverfes tir confiances. Les fêtes de 
Pâques approchant , les anciens infifterent 
iur ce qu'on leur donnât des collègues , 
parce qu'ils étoient efi trop petit nombre 
pouf fouteilir te poids de Teglife. Quelte 
malignité de la part de l'anonyme page 1 98 
d'aflurer ^ue jt pris u titns pour compléter 
h conjiftoire ^ afin d'avoir plus de membres 



M^kd- 



f z) Les a<rCu(^dons conlilléilt dànâ les demandes que le 
^afteuV fait à chaque antien , fi aucun fcandale n^eft parvenu 
à (à connoiifance , & ce quMl y aurait de mieux à fairp poi:'^ 
l'édification? Le Paftenr dit aufli ce qu'il fait. Se Ton prend 
les atielurec j^ue Toii crûit £tre les plus efficaces* 

M 3 






Xyo RÉFUTATION. 

À ma dhotîàn. L^>!ïîcïer du K-ifice nevotSK 
t-il pas auffi pour cette éleâioû ? , 

Le même dimanche 14 mars 5 jour de 
la préfentation des nouveaux anciens , le 
<:onfî{loire fe rendit chez moi , fttivant la 
coutume avant le fermon du maùn , av€C 
les deux nouveaux élus , & c'eft feule* 
ment alors que ]t les prévins de Tafiiire 
de M. Rouneau qui devoit être propofée 
dans l'aflemblée du conûfloire après le fer- 
mon. Dans cette affemblée je leur repré* 
fentaiy que ce n'étoit qu'avec douleur^ 
que Je leiu* propofois le cas de M, Rout- 
leau avec lequel ils iavoient que )*avois 
des liaifcns; mais que Tbonneur de Is 
religion , Fédification des églifes en ^né* 
rai , & de ceHe de Mo tiers en particulier^ 
me fàifoient pafTer fur cette co^dération, 
d'autant plus que tout le monde ^ depuis 
la publication des Lettres de la Montagne, 
étoit attentif à la conduite que nous tien- 
drions à J'égard de M. Rouffeau , parti- 
atliérement Ta vénérable Claffe , ainfi que 
toutes ks églifes voifines de ce pays. J'es- 
timai donc , qu'il feroit à propos , pour 
notre décharge que l'on entendit M. Rouf- 
(eau en conmtoire ^ & que fi le confiûoire 



JÊÊ^témÊÊmÊmiÊÊmÊmf 



RÉF STATION. 27t 



M I IM. 



le vouloit, je me bornerois à faite à M* 
RouiTeau ces deiix feules queftiôns généra- 
les : s^it croyait la divinité de là tévéiaûon ? 
& s*il croyait aujji que Téfus-Chrifi efi mori 
pour nos offenfis , 6* r^Jkfeité pour notrt 
j ufiification, > Deux queftions bien fimples ^ 
& dont là réponfe aminiative fait la livrée 
du chrétien (tf^)* 

Pour étaycr mon opinion , je fis ufàge 
de la direÛion que la vénérable Clarté 
m^avoit donnée , & dont les am:iens me 
dematiderent la leâure. Ceft ce que je 
fis , en leur déclarant bie» expreffément , 
que je ne prétendois point par- là gêner 
leurs fuifrages , leur demandant fous les 
yeux de l'officier du Prince , fi jamais je 
les avois' gênés dans leurs opinions ? Tous 
répondirent unanimement que je les avois^ 
toujours laifle libres , & qu*ils^ fe félici- 
toient d'avoir un PaÔeur qui en ufàt fi bien 
avec, eux. 

L'on vota , & la pluralité fiit que M, 
Roufleau fei oit cité à comparoître en con- 

fiftoire dans la maifon de cure poiu* le 29 

*^-i^— ■■ I ■ I ■' - -- — — ' — — * — 

( 4 ) Sandifiez le Seigneur Dieu dans vos cœuxs , CT /^*« 
Uujours prêts à répondre avec douceur k tous ceux qm Vous 
demandent raifon dé l^efuérance qui e& en vous. I. Pierre III. \^* 

M 4 



■■sa 



271 RÉFUTATION. 

à riffue de la prédication , fuivant Vuùge, 
L'on chargea M. le diacre de Motiers & 
le doyen des anciens » de cette commif- 
fion , dont ils s'acquittèrent convenaMe- 
ment. M. Rouffeau leur donna pour réponfe 
qu'il paroîtroit. 

Puis-)e paffer fous filence les difcours- 
que l'anonyme me prête gratuitement & 
fauffement , d'avoir dit en confiftoire y 

?[ue M^ Rouffeau étoit VAnuchrifi Çb), 
e n'ai jamais penfé , bien moins dit , une 
pareille abfurditér Je ne fais ce que c'eft 
qu'injurier , mais je iais défendre la vé^ 
rite avec fermeté , quand mon devoir m'y 
appelle ; or mon devoir m'appelloit à faire 
fentir au confiftoire tout ce à quoi nous 
étions tenus pour l'édification de toute la 
chrétienté. 

Toutes ces exprefGons de bêtlfes (c) 
du libelle , tous ces propos extravagans 
que l'anonyme met dans ma bouche , font 
trop mépriikbles , pour que je prenne la 
peine de les relever. 

Quelle mifere que ce qu'ajoute îmmé- 

Ik) Pag. I93.dec« voliimt. 
( f ) Paj. 194- 



ttp 



R É F U T AT ION/ 273 

diatement après Panonyme ! Cette phrafe 
de fon libelle page 194 que je vais tranfcri- 
re , cadre merveilleufement aVec celle de 
TAntechrift. L'Auteur réuflit très -bien 
à feire rire ^ & à fe déshonorer : On fit 
même femery dit -il, parmi Us femmes du 
village & des environs , que ce Jean- Jaques . 
avoit dit dans fon dernier ouvrage , que les 
femmes louvoient point Marnes , & n^étoient 
au plus que des brutes , 6* mUle autres pro^ 
pos dans ce genre j tous propres à renou^ 
veller parmi nous le JpeHacle du fort de 
Scrvet y & de celui d^ Orphée, Je me hâte 
de finir , & de vous protefter bien fincé- 
rement que je vous fuis tout acquis. 

à MoticrS'Tr avers ce 22 Juin 176^ 

LETTRE VIL 

J E continue , Monfi^ur, & je reprencU 
la page 1 94 du libelle , où Panonyme s'ex- 
prime ainfi : Cejl alors que le prétendu Ame- 
chrifi adreffa la lettre fuivante à Monfieur 
le Procureur Général , & dans le corps de . 
lamelle M, Rouffisau Veiprime ainû : étn 

M j 



i 



174 REFUTATION. 

excommunié de la façon it M* de V ^'^ ^, 
rnamiifcra fort aujji. Ceci li^eft pas moins 
avanturé que rimputation d*iin libelle 
odieux , que l'on a attribué à M, le Paf- 
teur Vernes. Du refte je tne tais fur le 
cpntenu de la lettre , & me borne à une 
remarque for îa note de Tanonyme p. 197 
V) avec cette addition , que M. Rouf- 
^eau eft tellement habitué à dire qu^ veut 
cniitter Motîers , qull a formé & aban- 
donné plus d*une fois cette réfolution , 
pour les mécontentemens les plus légers» 

Quelle témérité de la part de Tano- 
nyme ,. d'ofer avancer pag, i^S que dans 
l intervalle de dou^e jours favois fi bien 
mis ce tems-là à profit , que f écrivis à C«- 
nevt^ qutfe me poreois garant que Pexcom^ 
munication feroit prononcée contre M.RouA 
feau. Oîi font- elles ces lettres? Je le 
fomme de les produire , ou d'en donner 
feulement les indices. S*îl né le fait pas^^ 
quelle conféquence eo doî^on tirer î Ceft 
au lefteur à prononcer. 

Permettez , Monfieur , que je revienne 

(</) J^ofe répondre que cette pote de Tanoiiyme eft ifl^ 
IM^mc peur- tous les membres de la Ténérable Clafft. C*cft 



^— — — - . "" ■ ' " \ 

RÉ F UT A T 1 O^, 175; 

encore à la tenue ^u conlïftoire du 24 
naars pour vous mettre bien au feit de ce 
qui fe pailà à celui du 19 du même mois. 
L'anonyme feit grand bruit des conftitu- 
tiens de l^Btat , des droits , &c des liberté^ 
des citoyens. Dieu me garde d^y porter 
jamais atteinte , elles me font- trop pré-- 
cieufes ; mais n'y a-t^il pas auffi des coaf^ 
titutions eccléfiaftiques , que mon état 
m'oblige à foutenir , puifque les confti- 
tutions eccléfiaftiques tendent de concert 
au bien de la fociété , & au maintien dé 
la religion? 

L'Auteur affeôe encore de faire gmnd 
bruit de la prétendue inquifitio» diY cler- , 
gé , & de celle qu'il infinue que Ton^ von- 
loit introduira dans le confiftoire de Mo*:, 
tiers. Je n'ai pas befoin de cker les pages* * 
de ion libelle ; elles font ferciés de teues 
iniinuationt. Le feul mot d*înc^îfitibh ^ 
me feit frémir , mais qu& 1* Auteur ne s' 5^* ' 
trompe pas , qu'il ne confonde pas te feux , 
zèle avec le vrai zèle , Tàmour de Pijrdre' 
& de» 1% vérité , ^vec Pinquifitibn de Goa. 
Je connoiis la difb^Kne de- nos églifes , 
quelle eft fon étendue , & quelles Ibnt {e& 
i>ames : )e Àis maiffih tout -ce que Tofi - 

M $ 



V 



I-JÔ RiFUTATION. 



peut dire , qu'elle a pour objet , de teins 
immémorial la foi & les mœurs : la foi ^ 
d^ns ce qui fait fon eflence , & dans ce 
qui eft reconnu par Téglife comme fonda- 
anental dans la religion , & comme doc- 
trine reçue. Trouver des contradiâions 
dans la révélation ; jetter du ridicule fur 
la perfonne de Jéfus-Chrift , fur. fes- ac- 
tions j & fur fes miracles ; faire envifager 
les oeuvres de ce divin Sauveur comme 
tdes chofes naturelles ; le clergé fe taira ! 
Le pafteur ne dira mot ! Le conliftoire 
moltira ! Eh bon Dieu quelle églife J II ne 
laut plus de pafteurs , plus de confiftoires , 
pbs de culte. 

. Il n*eft pourtant qucftion dans les con- 
fiftoires , ni de feu y ni de bûcher , ni 
^uiiuo-da-fi^ mais de ramener les mé- 
croyans à une véritable foi y & les mé- 
dians à redrefier leurs voies ; ce que ne 
Youlant pas Êiire y on leur interdit l'accès 
à la communion y félon les ordres ^exprès 
de la parole de Dieu. 

Je vous le demande , Monfieur , cette 
conduite eft^Ue celle du St. Office ? Etoi^ 
ce luie inquifition contre M. Jlouffeau? 

L\]i qui a foutenu û vivement dans (ts 



RÉFUTATION. %TJ 

lettres écrites de la Montagne , qu'on avoit 
improcédé à Genève , de ce qu on fie re- 
voit pas fait paroître en confiftoire , & 
de ce qu'on Ta voit juge & condamné 
fans l'avoir entendu , a-t-ll donc railon 
de fe plaindre de ce qu'on a voulu fuivre 
à ion égard , la marche que lui même trou- 
voit en place dans un autre tems ? 

J'ai l'honneur d'être avec le dévoue» 
ment le plus entier. 

■ à Motiers- Travers le 24 Juin 1765. 

LE T T R E VIII. 

J E mets de côté , Monfieur , tout préam- 
bule pour venir d'abord au feit. 

Le confiftoire s'affembla le lo mars 
1765 fur la citation qui avoit été faite à 
M. Rouffeau , & lorfqu'on s'attendoit à 
le voir paroître , il fît parvenir au con- 
fiftoire par M. Iç Lieutenant Guyenet , 
ime lettre qui fiit remife à M, le diacre , 
le confiftoire fiégeant. J'avoue que je me 
trouvai fort embarraffé , parce i^u'il n'eft 
pas dViàse daas nos . cpnfiftoires y de; 



» * 



ZjS RÉFUTATION. 



mumm^mm^^^'^m^imm^fnm 



rkn recevoir , ni par' écrit , ni par pro-» 
cureur , & au'il ne s'y inAruit aucune 
procédure. Lon feroit repris parleCîQii- 
vèrnement fi Ton faifoit autrement. Et 
pourquoi l'ignorant anonyme s'âvife-t^il 
de me faire un crime d'avoir fait oWerver 
que cela n'étoit point conforme à no&uÊir 
ces ? Je demandai au confiftoire &>n avis ; 
il fut arrêté qu'on ouvriroit la lettre , & 
qu'on Ja liroit,ce qu'on avoit cependant 
toujours re&ifé en d'autres occafions. 

j^Iia tcmpora , alii mores. 
Autres rems , autres mœurs. 

Que dé pçtiteiTes dans le Ictétail minu- 
tieux que fait l'anonyme fur mes mou- 
vemens, gefles & propos ! p. 107. L'anony- 
me y étoit - il ? lui en a-t-on Eût rapport ? 
Je^ ne puis me le perfuader ^ oo* il <ifégulfe 
abfolument les Êiits. Je parlai > je raifonnaî 
fuîv^nt l'importance du fujet. 

.Qui a dit à l'hodime du fieclt^» que fi la 
d^claratipn de l'Auteur d'Emile en 1761 
me parut fiifii&ate pour ^admettre à la 
communion , je devais y quoi que fît M» 
Rouffi^aui ,,qu0i qu*il ^vîfi^ coolymi^ à 

r^fbn^tf 9 {ipfi^ l4puUicaitM0 d^ hm^ 



Jll l iMUli 



R É F U T A^T I p N, 179 

de la Montagne ? Ces Lettres là , ne font 
eUes-pas de nouveaux faits , de nouveaux 
écrits > Or un écrit public , fépandu daits 
tout Tunivers.,. n'eft-il pas une c;âion ? 
Toute aôion répréheniiUe , fur-txDut dan» 
les matières les.plus faintes & les plus gra- 
ves de la religion , n'eft-elle pas un objet 
dr'infiruâion , & de repi'éheniion ? 

L'anonyme ofe tout dire ,& je reprends 
(es propres expreffions ^ pag. 107 & ftiiv, 
Vhontme de Dieu , dit-il , ofi gropofcr de 
renvoyer la dUibiration à un autre jour j 
fous le prétexte frivole & inoui dt tabfrnce 
J!un des anciens , fur U fuffrage duqu^ it 
croyoit fans doute pouvoir compter. Ses 
efforts inutiles de ce côté- là ^ il les tourna 
£uji autre , 6* fans pudeur , priundit deux 
voix en Chapitre , lui qui par dUicatef[e auroit 
en C€ cas particulier dâ s^abjlenir de vot^ ^ 
par cela même quil était cenfé être poffië- 
dans cette affaire^ ^ç. &c. llikit, Mqn-;, 
fieur y vous mettre au fàiL U V a vingt 6c 
qaekpies années 4}ue je 6ÛS paâeur à Mor- 
tiers- A rentrée de meis fonâions , je de- 
mandai au confîftoirequek étoient fe^uia- 
ges } Il me fiit répondu:^ g^# le* Voûewr 
.votoit le.premieyîur lés cas qtii avcjiènt éçé 



zSo RÉFUTATION. 



•Mi 



txpofés , & fur ceux qu'il expofoit lui mê- 
me , & que cela fervqit à éclairer le corn 
fiftoire, J ai toujours agi de la forte. 

* Dans le conûftoire ou 19 mars , il ne 
fut rien ftatué par rapport à M. Roufleau , 
à caufe du partage des fuffiriges. Là deffus 
je demandai , s'il ne convenoit pas de ren- 
voyer à un autre jour la décifiôn de cette 
affaire , jufqu*à ce que le confiftoire fiit 
revêtu , parce qu'un ancien manquoit ; ma 
requiiition étoit fondée fur ce qui s'étoit feit 
en pareilles occafions , dans d'autres tems. 
L'on m'objefta , que Taflemblée a voit 
été convoquée ad hoc , & quelques anciens 
dirent , qu'ils ne pourroient pas s'y ren- 
contrer un autre jour. Je compris la dé* 
feite ; je repris la parole & j'ajoutai , que 
î'avois toujours ouï dire à divers Pafteurj^ 
qu'en cas d'égalité de fuffrages , & pour 
mettre fin à une alfeire , la voix du Pafteur 
étoit prépondérante (e) , ce qui eft bien 

> ■ ■ ■ I I » ■ ■ ■ ■ M 

•< tf ) Ce qui fut confirmé par le plus vieux des Anciens , 
qui attefta que cela avoit eu lieu plus d*uiie fois fous moi 
prédéceflTeur. Lui feulpouvoit dire ce qui en en étoitjpuiP 
que tous les autres, excepté l'abfent, ont été faits faccefli* 
ventent Anciens depuis que le fViis Pafteur icL L'anosyat 
ne connolt pas la loçique , ni la façon de procéder. H en- 

fCAdîiùeiik It in^ti«r4e fiiirc 4a UbcUcf j.tur-rsn k^ 



"il 'Il ^,,^„,„„„^„,,,^ 

RÉFUTATIOiî, zSt 

loin de fignîfîer double voîx , comme l'a- 
nonyme îe prétend malicieufémentjbref^ce 
font les iifages des confiftoires de ce pays f 
& nous fommes dans un pays d'ufages. 

Le déclamateur anonyme parle contre 
la vérité en avar çant , pag* io8 , que je 
reprochai avec aigreur aux anciens y qui 
ri* aboient pas été de mon avis ^ de n avoir 
pas écoute la voix de leur conduSeur Jpiri-^ 
tuU. Obfervez , Monfieur , que je les' laiC- 
lai tous opiner tranquillement , & fans les 
interrompre (jQ : feulement , leur dis -je 



■*MMikritf 



Ibnner. Un préfidcrit quel qu^il foit, S la tête d'dA Corps » 
peut il donc être «nvifagé faifant partie à ceux qui font cité» 
à paroitre devant le corps? Tous les délinquans feroîent 
«lone fondés à décliner de kurs juges , fou^ prétexte qu'ail? 
font leurs parties , & par ce moyen , il fcroit aif^ à chacun 
d^éloder une comparution & un jugement. L'atfonyme , fdMt 
ignorance ^ ou maJice de ia p^rt , ne comioît pas nos confti- 
ttttions. J'^agifFois comme Pafteur de Téglife qui eft con>> 
snife à mes foins , comme chef du Coniiftoire , & non comme 
Tepréfentant de la vénérable dlafle^&fans doute que mem- 
bre de ce corps, il m'étoit bien permis de prendte pour 
booffole fa direâfon , ^ansqi^e Ton puilTe infé^rer de-là , que 
je Toolafle contraindre cil aucune manière les Anciens à la 
fuivre, bien moins de vouloir remporter ferf4t & nef as ; 
termes odieux , dont Tanonyme ofe fe fervir à mon égard. 

(/) Il eft vrai que t^homme de Dieu interrompit thcmme 
du Prince, à Toccalioa d^un pr)pos que tenoit ce dernier, 
fur tin oujûdire, luropos qui blelbit Thouneur du jpemier 



I 



Hiz RiFUTATION* 

fans fiel , après la levée de Taffemblée , j Vu- 
fois cru gue m^ayant témoigné )ufqiies ici 
de la cofinance , vous auriez écouté la voix 
de votfe concJtiôeur fpirituel ; à quoi il 
ne me flit pas répondu un feul mot. 

Je reviens à la lettre qu'écrivit M. RonA 
feau au conMorre, le 19 mars 1765. Je 
la commenterai peu ; vous êtes pénétrant, 
vous comprendrez d'abord , qu^il feut h 
comparer avec celle que j'écrivis à Genève 
Cû 1761. Il vous fera fwt aifé de juger. 

Copie de la lettre de M* Rouffeau 
au Confiftoire de Motiers. 

à Motiers le 2^ mars 1769. 

M ESSI EU RS, 

» Sur votre citation , j*avoîs hier réfohi ^ 
H malgré mon état , de comparoître au)ou^ 
» d*hui par- devant vous ;mais fentànt qu'il 



En pareil cas . Thomme de Dieu & rhomnie du Prince ic 
doivent pas fe uire. L'homme du Prince avoit fait peu de 
tenu auppiravant le devoir de fk charge, fans acc^tion de 
perfonne, duns une affaire connue de tout Motiers & des 
environs, & (fn intércflbit M. Houfcau & fa gouvernante. 
Et pourquoi voudrok on mettreobftacle à ce que je rempliiïè 
à mon tonr le devoir de ma charge dans une affirire bicft 
autrement iîKportanie? 



RÉFUTATION. 3t8î 



» ime ferok imposable , malgré toute ma . 
» bonne volonté , de foutenir ime longue 
» fëance , & fur la matière de foi q^}i ^^^ 
M rxmique objet de la citation , réfléchif- 
y> {ànt que je pouvois également m'expli- 
>r quer par écrit , je n*ai point douté j 
M Meffieurs , que la douceur de la charité 
» ne s*alliât en vous au zde de la foi , & 
» que vous n'agréaffiez dans cette lettre 
» la même réponfe , <jue j'aurois pu faire 
>> de bouche aux quelhons de M. de Mont- 
» moilln , quelles qu'elles foient (^). 

» Il me pciroît donc , qu'à moins que la 
» rigueur dont la vén. Claffe juge à pro- 
» pos d'ufer contre moi , ne foit fondée 
yf fur une loi pofitive qit'on m'affure ne 
H point exifler dians cet Etat ( A ) » rien 
» n'eft plus nouveau , jdus irrégulier , plus 
» attentatoire à la liberté civile, & fur- ^ 
» tout plus contraire à Tefprit de là reli- 



ig) Comment répondre daiM une kttte à des q/uSdom 
que l'on ignore ? 

( A ) L*anonyme me dit dans fa note , pag. 200 , & qui »> 
txiftera jamais qu'au fîusgrimd malheur de fe^ k^itans. J'a- 
joute, bien plus grand ferolt le malheur d'un pays, où il 
fèrtnt permis à chacun de mettre au j($ur des livres qui 
ébranlent hi foi ! ' ^ 



m 



x%4 Réfutation* 



■ t ■ I r I II. 



M gion, qu'une pareille procédure en purô 
» matière de foi (i)* 

» Car , Meffieurs , je vous fupplie de 
» cotifidérer, que vivaht depuis long^tems 
» dans le fein de Téglife , & n'étant ûi 
» pafteur , ni profeffeur ^ ni chargé d'au* 
» Gune partie de Tinfiruôion publique , je 
» ne dois être fournis , moi particiilier ^ 
» moi limple fidèle , à auciine interroga- 
» tien , ni inquifition fur la foi ; de telles 
» • inqulfuions inouies dans ce pays ^ iàp* 
» pant tout les fondemens de la réfcMint* 



( i ) t'aiibnyme * qytî aflfbrément eft bien inférieur à M» 
Jltoujfra* , lui donne un« kqoa dans fa note i pag. soo a« 
fuiet de la foriliule du Confenfiu ^ fur laquelle notre con- 
pagnie déclara vouloir garder un profond fileoee , pôot 
u'exciter aucuh trouble dans not Eglifes; maf!^ autre eft la 
formule du Cmfenfut , & autres font les Lettres de la Moo^ 
tagnc. Le difciple eft moins modefteqne le maître, qoidit 
humblement qu'il tt'eft ni Pafieur , ni Frcfejfeur. Pourqm 
doiic vouloir faire le doéleui- Se doundr des inftru£Honstf*feu- 
tant plus dangereuCes , quelles font plus répandues? S'ilfàt 
refté dans laclaffe dç pariiculier^ de fimpte /</«/f , commt 
il fe quaiUle lui-même dans cette lettre iiu Confiftoire dl 
Motiers, il n'auroit pas écrit & fait imprimer; il n'auroit 
pas attaqué les Gouvernemens, les Princes , le&Magifbats, 
la Religion & Jefus-Chrift même , clont il avoit fait no & 
\tt\ éloge : Ptur moi , je ne voudrois pas acquérir de Is ctlibriti 
à t€ prixUà : c'eft ce qu'a .dit plus d'une fois à Moden nu 
Magiftrat gui paroifibit indigné des Lettres de laZdoBKqpa^ 



RÉFUTATION. 185 

- ^ tion , & bleiTant à la fois la liberté évatK 
n géliqiifi , la charité çhrétiennp , rautorité 
» du Prince , ôf les droits des fiijets , foit 
>f coyiime membrç? 4^ Téglife , foit comme 

.» citoyens de l'Etat, Je ^ois toujours 
n compte de me$ aftions $c de ma con- 

, » duite aux loix , Sf, aux homines , mais»; 
pf puHqu'Qn n-^dmet point parmi nous 
^ rféglife infaillible , qui ait drpit de prêt- 
n crire ^ fes n^embres ce qu'ils doivent 

.» croire idoiîç une fois reçu dans l'églife ,* 

» je nçdoîç plusquà (fc)Pieu feul compte 
» de pia foi. J'ajoute à cela , qi^e lors 

. ^ qu*aprèç la publication de l'IEmile , je 
>» fus adtni^ ^ la cpu^mun^on dans cette 
» parpiffe » il y îi prçs 4e trois fuis par Nf* 
» de Mai|tn>Qllip , je lui fis par écrit une 
^>f dédjiratioQ , 4ont il fiit fi pleinçmept 
^ fatisfait ,qye^ non-feulement il n'exigea 
ff nulle aup"Ç explication fur ïe dogme , 
» mais qu^iî me promit même 4e n'en point 
» e^cigjçr, Je me tiens exaâ^ment à fa pro* 
>> mefle • & fur-tout à ma déclaration. Et 
^ quelle ipçonf^quçnçe , qvie}le ^furdit^ , 

(k ) Vnt foi , dopt on ne doit compte ^u'à. Oie^ t!^^\ ^ 
ffj & publie f ii d^ii ^out^ vl^^M^ope. 



' m i ■ I • » ' 

m^ ■ ■ ■ ■ ■ ■ I — 1 ■ M 

186 RÉFUTATION. 

M quel ftandale ne feroit-i:e point de s'en 
fp être contenté après la publication d'iui 
H livre , où le chriftianifme* fembloit fi 
>> violemment attaqué , & de ne s'en p?s 
» contenter maintenant , après la pubtica- 
w tion d'un autre livre , oîi TAuteur peut 
>> errer fers doute puifqu'il cft homme , 
H mats ot\ du moins il erre en chrétien (/), 
w puiiqu'il fie ceffe de s'appuyer pas à pas 
99 (m) fur l'autorité de lïvangile ? Cétoit 
H alors qu*on pouvoit m'ôter la commu- 
p> 'nîon , mais (n) c'eft à préfent qu'on de^ 
» vroit me la rendre. Si vous faites le 
p> contraire , Meffieurs , penfez à vos conf 
f> ciences ; pour moi , quoi qu'il arrive , 
♦> la mienne ejft en paik. 

» Je vous dois , Meffieurs , & je veux 
•» vous rendre toute forte de déférence , 

(/) Celui qiu erre en chrétien tedreiTe volontiers l«f 
^«rreurs. 

(m) tîUt ^apptÊd^ fur Pm0UtriU de PWvM^gih^ que * 

•f tfnd;^ 499l;efuc les mirées , Se a*y ie^er du ridicule? (hiaat 

à la note 4e Théodore de Beze , p. 203 , il n'a voulu dirt 

'autre chofe fiiion que la foi du chrétien n'eft pas appuyée 

mtiiuemtnt fur la feiile preuye d.es miraçlçs. 

(n ) Ne çroiroî^pn pas eiitendre M, RouJfeaH 4ire <îa« Cl 
•llrttre à TArchevéque de Paris, ^u'oa ^vroj^ lui 4rf 0cr #& 
lUtueç pour (on £nule 7 



^^immmmmtmmmmmÊmmatmmmmmmmmmmmmmmmmmm 



RÉFUTATION, X$y 



* M & je fouhaite de tout mon cœur qu'on 
pf n'oublie pas allez la proteftion dont 
M le Roi m^honore , pour me forcer d'im^^ 
» plorer celle du Gouvernement. 

» Recevez , Meffieurs , je vous fupplie , 
pf les afliirances de tout mon refpeâ, 

L J. Rousseau. 

H Je joins ici la copie de la déclaration 
.>f (ur laquelle je fus admis à la communion 
f> en lyôz , & que je confirme aujourdTiui» 

-Il y auroit bien d'autres remarques à 
feire fur cette lettre , mais je m'arrête ici 
^ me hâte de relever une odieufe & noire 
împiuation de ^anonyme dont je rapporte 
les propres termes, p. io8 & 109. Qiielie^/i 
laraifonfuj^a^ificdeceiujurieufcanimvfiu? . 
I7n Paflmr dont M. Rouffcau a parU deux 
fois avec éloges^ doit a^oir-eu de grands m^ 
iifs pour démentir lia même ces 4loges : fans 
doute , Monfeiir , auffi fe dit^n à tortiUc 
ce mot du guet facréy auri facra âmes-: 
yoila tout ce que je vous dirai ^ devine[ k rcfit^ 

Quelle audace contre un Pafteur dont 
la réputation à cet égard , a été jufques 
ici intaâe. Que veut dire l'anonyme , avec 
ton aun facra fanu^ ? Qu'il teve le Txà£\ 



"\ 



188 RÊFyTATION. 

ctte. Je n'ai aucune relation direôe ou in- 
direde avec ceux que Tanonyme appelle 
les ennemis de M. RoufTeau ÔC iur lefquels 
il imprirne les plus fîniftres foupçoos. 
Uti ange pourroit-il tenir contre de tel- 
les iippollures ? Je fens que ma tête s*é- 
chaufïe ; ^ixCCi je vais quitter cet homme 
de ténèbres , pour me tourner dtt côté de 
rhbmme de lumière à qui je fuis , & fersd 
toute ma vie avec rattachement le plus fin* 
«re, 

4 Moticrs* Travers cç 27 Juin 175^. 

L E T T R E I X. 

J E commence mon épître par la requête 
des anciens , que j'extrais cfc la lettre de 
l'anonyme, pag. 109. 

« Les anciens fouuignés , membres du 
^ confiûoire admonitif de Motiers & Bo- 
» vereffe, prennent la liberté d'expofer 
f^ k vos Seigneuries , diiànt : qu'infiniment 
» alarmés d être requis à délibérer liir un 
» cas qui furpaffe nos foibles connoiffan- 
if ces , nojus venons fiippUer vos Seigneu- 
m rie$ (k vouloir nous donner une dircc- 

»tioa 



SSâSÎ! 



^^ttimÊÊmiÈ^^màiÊmÉaàm^mÈmMmm 



RiFUT A T 1^ ^^ 



mm 



♦» tion pour notre, conduite y fur les trox^ 
#* chefs fuivans , i°. Si nous fommes oblî- 
9> gés de févir , & fcruter fur les croyan-* 
pf ces , & fur la foi ? A ce premier arti* 
♦> cle , nous avouons ingénument notre 
n peu de iuffifance pour la théologie , efrj 
H timant que Ton ne peut raifonnablem ent 
#> e^ exiger de nous , ayant toujours cru , 
>> que le devoir de notre charge étoit borné 
» à Amplement délater & réprimer les dé- 
n régl^mens fcandaleux, & Tirrégularité des 
^ mœurs , fans vouloir empiéter fiir Tau-. 
» torité fouveraine, de qui nous dépendons,, 

» i*'. Sî un pafteur peut & doit avoir 
^ deux voix dçjibératives dans fon con-; 
♦> fiftoire ? 

» Sur ce fécond chef, le confiftoiî:e de 
M Motiers & Boverefle eft compofé de fix 
^ anciens , ayant Monfieur fon Pafteur 
>f poiu" préfident ; & cette maxime , une 
pf fois introduite , les anciens ne fervi- 
ff roient dans les délibérations que d'onv-» 
H bre , à* moins de Tunanimité entr'eux. 

» 3®. Et enfin fi M. le diacre du Val-; 
M de-Travers a droit de féance , & de vois; 
^ délibérative dans le confiftoire de Mo^ 
W tiers & Boverefle ? 

Sii£jpl. éU la CqIUc. Tomç lU, ^ 



se 



^90 flÉFUTATION, 



■*"v^" 



» A ce dernier article , il nous paraît , 
^ que fi M. le diacre veut fe pi'êter à la 
>> correftion , il doit auffi s'employer ^ 
n rinftruâion Se à Tédification , Se que 
n Meflieurs les Pafteurs ne doivent pomt 
M lui empêcher de f^ire les catéchifines 
>» qu'il doit légitimement à la chapelle de 
^ Bovereffe. 

» Oui , Meffeigneurs , le premier article 
» de nos tr^s-humbles reprélentations nous 
n alarme , puifqu*il furpaflfe notre pouvoir 
f> & nos foibles connoiflances , Se les deia 
W féconds nous ïntéreffent d'autant qu'at- 
» tachés ^ hotre devoir , ô< jaloux de Je 
» remplir , nous pourrions être repris pen» 
M dant 4ue nous ferions parfaiteipent in» 
pf nocçns. 

» Nous nous flattons donc dès-là , que 
» vos Seigneuries voudront bien nous 
» diriger p^ leur arrêt , & ce nous fera 
» un nouveau motif d'adrefler à Dieu 
» les vœux les plus finceres poiu* la con* 
i> fervation de Meffieurs du Confeil d'Etats, 

Je joins encore ici la 'copie de l'arrct 
du Confeil d'Etat , refponfif à la requêtf 
des quatre anciens , que j'extrais encore 

jle U Içttre de l'anonyme , pagç 114^ 



J 



■I ==^ssss=s=ssa 

RÉfUTAT ION. l^i 

m ■ ■ ^ I 111 ■ ■ I I I I II t 

Sur la reqiiiudc quatre uncUns du conjif* 
teirt de Motiers & Boverejfe^ il a été dit^ 
f^iùon loue , 6* approuve la délicatefft & les 
Jages intentions des quatre anciens , qui ont 
préfenti la préfente requéu , 6* pour répon^ 
dre aux trois articles quttle renferme , le 
Confeii prononce fur le premier^ qiu comme 
le confiAoire admonitif na pour objet que 
les dejunions ^ les mauvaifes mœurs y & les 
Jcandales , ii tiefi point de fa compétence 
de s^ ingérer dans Natures affaires y & qu^it 
iia fur ^ tout aucune amorité pour fe faire ] 
rendre compte de la -croyanu ^ & de la foi 
dune perfonne £ quil en a bien jnoins encore 
pottr févir en pareille caufe , puifquil dépend ^ 
dtm fuperieur à qui il doit rapporter ce 
jqi^il découvre ^important en ce genre , & 
i qui feul il appartient J!en faire la rechtT'» 
die , fuivant fa prudence ^ & la punition , 
Ji le cas C exige , fuivant la forme Judicielle^ 
^ la loi : conftquemment que lefdits quatre 
aruiens feront fondés à refufer d'en connoU 
tre & juger , même en étant requis par le 
Pajleur; ne devant fe prêter en aucune ma* 
niere aux entreprlfes contraires aux conflinf^ ' 
tiens de l^Etat , d^ns lefqtulUs on pourroi^ 
chercher à les faire entrer. 



292 ' RÉFUTATION. 



am 



Quant au ficond article , qiiil ri a jamais 
itctUufagt que U PaficuTy prcjidcnt au con* 
fijloirc admonitifj (fit plus £ une JimpU voix ^ 
Q^ que tel qui en prétendrai^ une double fcroil 
reprimé comme il conviendrait ^ & contenu 
en fes vraies JonSions ; qiiil ru lui efl même 
pas permis de porter en confifioire te réfut- 
tat 9 foit les çonclufions de La compagnie des 
Pafieur^^ dont le eorffijloire ne peut & rie doit 
être officié p cetu compagnie n* ayant aucune 
autorité, fur lui : quun Pafteur peut iien^ 
à fa vérité y la çonfulter pour Jk direSion 
particulière ^ Çr même fuivre cette direSion 
fi ula lui convier^t , niais qilelLe ne doit gi^ 
ner en nen t entier^ liberté desfuffragès du 
autres membres dfidit conjifioire , quel quil 
foii^ u que tout ojjici^r quf y ^J^fi^ doii 
faire exaÛemcnt Qbjeryer. 

Et qvsnt ^u froijieme arficlç de U requête 
ei^deffusz 

Ilefi ordonné à Monjieur Martlna ^ Corn 
fiiller (F Etap ^ Capitaine & Châtelain du 
Fal'de-Travers , de rechercher non-fiulement 
ce qui s^ejl protiqué depuis un tpns , mais 
de plus ce qui peut avoir été fiatué de fit* 
dation , ou dans la fuite , touchant le pré^ 

Hr^4H (frçif dç fé(tflç^ du diacre dit ^4^ 






\ 



RÉFUTATION. 195 



éÊ^ 



tie - Travers Jans le conjîjlein admonitif 
dt Motiers & Bovtrefft , 6* fur fon rap^ 
port ^ il m fera ordonne comme il con^* 
viendra^ 

Vous avez- vu , Monfieur , qiielk t, été 
sna conduite dans le confiftoire , & dès-là 
il vous eftr aifé de remarquer , fi la direc- 
tion qiie les quatre anciens ont demandée 
au Confeil d'Etat étoit fondée ; fi les ar- 
ticles que leur requête renferme font exac- 
tement conformes à la vérité , & fi des 
anciens d'églife , qui avouent ingénument, 
que deiir queftions fimples que Ton fait 
à des catéchumènes , furpaffent leurs con- 
noifiances , qu'ils qualifient encore de foi- 
bles connoififances. 

O JK>iine5 gens ! ( c'eft aux 4 anciens à 
qui je m'adrefle ) : travaillez à vows) ini^ 
tmire pour n'être ni trop complaifans en- 
vers votre Pâfteur , ni trop obftinés à 
vous rendre à fes fages & douces inftnic- 
tions. On n'exige ^ oc jamais on n'exigera 
de vous , que de voter félon les lumières 
de votre corfcience. . 

Quand vous demanderez des direÔions 9 
je vous prie d'expofer les faits fidellement , 
parce qu'une direftion ne peut êtiw donnée 

N 3 



1 gBagaggggssa ■ ' j ■ i 

%^4 RiFVTAT10K« 

que fur Texpoittion des hits, fe crois que 
vous ne trouverez pas mauvais que je vous 
donne ce petit avertiflî^ment comme votre 
pafteur & votre chef; auquel a vertifement 
^en joins un autre trèskitite , qut confifte 
à ne pas vous éncH'gueiltir des éloges pom» 
peux que vous donne Panony me dans fbo 
délire. Vous n'ignorez pas combien le peu* 
pie en a ri , en^ particulier vos compatrio* 
tes ; mais il vaut mieux tirer le rideau 
§^ cette fceiie , qui àlG^iréoenc ne vou$ 
bonore pas (o). 

Je n'ai pu voir qu'avec une peine infe* 
nie , qull y ait eu de l'humeur contre M. 
Imer diacre du Val - de - Travers ^ en â 

Jiialité de diacre, à qui j^e me Êùs gloire 
e rendre la juftice , que c'eft oon-feule- 



f •) n eft bGn<fobftrver qp^imirn anciens qai wùgnééxÊ» 
1k requête, aififtaati CénfiiftDire dua4 iimrs 17^. Mais il of 
jj^anit pointau Confiftoire fubféqueRt du %9 1 fans doute il es 
avoit fès raiTons ; mais comment pouvoît-il ligner le con- 
tenu d'une requête r renfermant des objets quMl ne ponveit 
atteftcr ? Je vous laide le fbin de qualifier une telle conduite. 

Si je n^étois retenu par des raiibns de prudence ,. j'anrois 
bien des choPes à dire fur les menées de Motiers & Bove- 
rtfle, dont Tanonyme auroit dû parler , s'il avqit en de la 
bonne foi. Je lais bien des eho^ là-deflus qse te vem fnp- 
primer; le t^ viendra peut-être où toutes ces manauviec 
is dévoileront, eu U ^té^té ne perd jamaU^ fts droits. 



**^^*^^^— ^ ' ■ ■ Il '■ I I I III ■ l ' w L w mT [ i 4 ■ ! wi ^ieÉgPP^i i ' . ■■■ I ■ m 

RÉFUTATlONt 19 J 

* 

— • ■ - - - - a 

inent tin honnête homme ^ un homme de 
bien , & de pkis un digne & fidèle Mi^ 
tûûre du St. Evangile , qui remplit aved 
àffiduité , avec zèle , & avec exaftitude 
toutes les fonftiôns auxquelles il eft tenu (/;\ 
Quoique Tanonyme , qui n'eft p^s ecclfr' 
fiafbque, je penfe,,ait voulu canonifer les 
quatre anciens qui ont figné la requête ^ je 
^rai plus môdefte que lui , & me borne-» 
rai à aire , que fuivant ma eonfcience & 

notte difcipline , ceux des anciens qui n'ont 

«^■^— - ■ ' ■ I II 'Il ■ 

ip) Sur la note de PÂuteur pag. 2ti&2il, il voudra bierf 
^ue je le redre/fe. Je ne fais s'il exilloit en 1724, où il fui^ 
^ueftion de régler Jes fonctions du Diacre , fous Tautorité 
«lu baron de Strunkendé, Plénipotentiaire du Roi. Boverellb 
ne parut point par fes députés ,* il n*y eut que Mo tiers , S6 
il n'étoit point qucftion des autres communautés du Val-de^ 
Travers. Bo?erefl^ prétendit, il y a quelques annéies,.quef 
le Diacre leur devoit un catéchifme toutes les quinzaines s, 
mais la chofe a été décidée par le Conféil d'Etat , il n'y tL 
^as long-tems:^ à la. fatisfaâion de la vénérable Claife. Il 
n'eft pas difficile de pénétrer les vues de l'anonyme qu| 
réveille cette afiàire terminée & bouclée: c'eft une fuite de 
Ibn acharnement contre le Cfergé. CeMonileur lâffe trompe^ 
lorfqu'il a0nre avec confiance que Ut Pafieurp trouvent f lus 
deux &^ plus commede de borner leur foUicitude pafiomie À 
être exoQs 4 f échéance de levfs Prébendes , qu'à remplir leu^ 
fendions,. Je ne vois pas qu'il y ait rien de fort attrayaniî^ 
pour eux à recevoir des Prébendes , qui confiA«nt pouc l'o»* 
binaire en aifez mauvaifes denrées , çonti^e l'intention dn^ 
iPriâce » bien connue des anciens & nouveaux Paileur^ 

N 4 ■' • 



m 



296 RÉFUTATION. 



ni compofé , nî figné la requête , & qui 
înême n*en ont eu aucune connoiflance, 
cnt feit lexu- devoir ( ^ ). 

J^gnorois abfohiment cette reqitêtc dcf 
tjuatre anciens , qui décemment auroit dû 
in'être communiquée , ainfi qu^aux autres 
anciens ; mais Ton n'eut garde de le faire; 
îl falloit le ftcret. A propos du fécret, 
que direz-vous, Monueur^ <i*une chofe , 
à laquelle je ûe puis penfer fens m*affliger ? 
Ceft qu'immédiatement à l'iffue des deur 
confiftoîres , Ton fut tout ce qui s'y étoit 
paiTé & non pafië , & quelques malins 
esprits y donnèrent une tournure maligne } 
foiuce dans laquelle l'anonyme a fans doute 
pirifé {es obfervations» 

A cette occafion , Vous ferez peut-être 
bien aife , Monfîeur , d'avoir connoiffance 
de la formule du ferment que prêtent les 
anciens d'égUfe» 

Article Premier» 

a Vous jurez à Dieu ^ votre créateur ^ 
n d'avancer fon honneur & fa gloire félon 



i«i 



(9) Ces dignes anciens font M. le Diacre , lesficiin Jos 



H ■ '^' i f ■ ■ ■ — — ^ 

RiFUTATION. 197 

mmmmmmmmt I ■ ■ ■ ■ ■ , , , ,1 



n^ fon St. Evangile , & de contribij^er de 
n tout votre pouvoir , au maintien des 
H ordonnances & correôions chrétiennes , 
» obfervées en cette fouveraineté , le plu^ 
» fidellement qull vous fera poffiblef 

II. 

H De fréquenter diligemment autant qu'il 
H vous fera poffiUe , les faintes prédica* 
>► tions , & de prendre garde fi les autres 
>f membres de Téglife s'acquittent foigneu*. 
>»^'fement de ce devoir, 

I 1 L 

>♦ De vous rencontrer , s'il eft poiS- 
» ble , dans les aflemblées du confiftoire , 
» toutes ïes fois que vous ferez appelles. 

» De rapporter fidellenaent en confiiP- 
M toire tous les fcandales qui vous viei^ 
» dront à notice , &c tout ce que vous 
» {aurez être fait contre 1^ ordonnances 
» & la difcipline eccléfiaftique , obfervée 
» en cette fouveraineté fan$ haine , ni 
n fupport. 

^ De tenir fecretes toutes les chofes qtii 

N5 



S^=SBS=SB9e-tt 



398 RÉFUTATION. 

H fe pafient eir confîftotfe^. lelqueUes^ cb- 
n yrênt être fecretes- 

V L 

9> jy exercer là charge d'anciens^- pcu^ 
» dant toute votre vîe^.à moins que vous- 
w n'en 6ifliezr difpenfés par lie confifloîre*- 

V r I. 

» Dte vous acquitter de cette cHarge' 
^ (Pune manière qui ferve à l'avancement 
n de la gloire de Dieu ^ &: à l'avantage 8c 
» édification de régliiè.- 

V r 1 1. 

9^ Enfin f. û quelqu'^un ^foit qudqur 
f> attentat ou machination contre la per^ 
» fonne de S. M. le Roi notre Souve- 
-W rain ^ ou contre fes Etats , dé le rêvé» 
n- 1er promptement à l'officier >n 

Je n'ai rien à ajouter à (r) ce que déf^ 
fiis , & je l'abandonne à vos réflexions ,, 



(r) L*on m*obje£iera , pourquoi donc céfflez-voif ce qi|i 
afeft pafT^ enConfiftoire, ili ce qui devroit être fecret? à^ 
quoi je réponds , que ii Ton dit des fsmttkté$ » Vo^Ml^ 
ftfïCK BIT U même de révéler des 



•^ytif , - 



I I -T'-- 



B Mil I II f» 



assB 



RÉFUTATION. 



19^ 



continuant à vous afllirer de la confidéra* 
tion très-dlftinguée avec laquelle j'ai l^honr 
neur d'être. 

à Motiers. Travers , ce afç Juin i7<fî, 

gw ■ WT» mil I yy^ 

LETTRE X. 

J E fiis ayifé , Monfiettr , pair trn tiers , de 
la requête des quatre anciens j & de l'arrêta 
du Confeil d'Etat , qui fut rendti fur cette* 
requête* Fîgtuez-votis ma Airprife en ^ ap* 
prenant une démarche auili irrégutieré^ 
de la part des quatre anciens, le n^fî-» 
tai pas à fuppiier le Confeil de me ifonner. 
copie de la requête j & de l'arrêt. Voie» 
ma requête dans cet objet* 
. a Le fouflîgné , Pafteur de Téglilè de 
n Motiers-Travers & Boverefe » a l'hon-» 
n nem-d'expofer à vos Seigneuries qu'ayant 
ff eu indireftement connoiffance d'ime re-^ 
» quête , préfentée au Confeil par Ij?s? 
^Srs. A. Favre, A. H. Bezencenet y Lé. 
j» Barrelôt , & A. Jeanrenaud^ touSi qua-^ 
» tre anciens d'églife de Motiers & Bove-^ 
» rçffç ^ ôc d'>m arrêt çmaçé de votre part 

N 4 



JpO RÉFUTATION. 



• » ■ 



H fur la dite requête : (fi tant eft qu'elle 
H foit telle ) ob il eu feiit mention , fi ce 
5> n'eft pas direâement ^ au moins indi- 
» reôement de lui . & de M^ le diacre 
» du Val-de-Travers , d'une manière qui 
5ffemble porter atteinte à leur honneur 
>> & à leur probité } il fupplie vos Sei- 
^ gneuries de lui donner commimicanoa 
>> ae la dite requête , & de Tarrêt rendu 
M çiar lé Confeil à ce fiijet , afin que le 
H ioufiigné , fi le cas y échoit , avife aux 
u moyens qu'il croira les plus propres à 
n pomvoir ^ ia réputation ^ )iuaues ici 
f» inaltérable^ foit dans ce pays, loitdans 
f^ Fétran^er ^ & fans aucun (reproche dans 
^l'exercice de fon minifl:ere. De forte 
# qu'il eÛ pleinement perfuadé , que vos 
» Seigneuries appointeront fa demande ^ 
f>> fondée fur l'équité , & fur la juftice , 
9h fiir les coi^tutions , & fur les loix de 
$i ^et Etat. < 

» Dans cette iktteufe attente , il fe ré- 
^pand en vœux pour la proipérité du 
H Gouvernement >►. 
' ' â Motkrs-Trctoers , le 20 aoril i7tfç. 

Fréderich Guîlljmme 




ARRÊT 
Du Confeil d'Etat fur cette Requête; 

4 

C^ Ur la Requête ci-deffiis y aprh avoir dé^ 
libéré 9 il a été dit : que les quatre anciens 
du cofijifioire de Motiers ri ayant préfenti 
leur Requête au Confeil^ que pour avoir 
une direSion , on trouve que le fuppliant na 
aucune qualité pour en demander communica* 
tion ; en forte quelle ne peut lui être accor^ 
dée 9 puifquelU ne contient rien qui intireffi, 
fa perfonne. Donné en Confeil tenu fous 
notre Préjidence au Château de Neuchâtel h 
%^ avril 1765. 

(Signé) Sandoz de Rosières; 

Je. me tus par refpeft pour le Goih 
vemement , luppofant que le ConfeU 
avoit eu fes raifons de ne pas m'accor* 
der ma demande , iàchant d'ailleurs , après 
St. Paul 9 que toute perfonne doit être fou^ 
mife aux Puiffancesfupérieures^ Rom. VIU. i. 
Non que jeftime que la voie de repré- 
ientation puifie , dam un pays libre , être 
fermée à aucun citoyen* 

Permettez- moi ;^ Monfîeur,. unç apoi^ 



\ 



I l liiP.'iiM Il HL m 

502 A R fil £ T 

■ I I I | p 11 I < I I I ■ ! I I I II f il ■ itm^m^mmm^t^m 

trophe à TAuteur anonyme , noâ moveit 
Camarinam : la vénéfable Clafle {ait fe 
conduire, elle n'a nidlement befoki de 
vos confeîls pour fa tranquillité^^ 

Que dites vous , Monfîeur , de fa note 
de TAutçur pag. 1 17 , dans laquelle il cou* 
tonne fes calomnies en développant toute 
la méchanceté de fon ame ? On ajfurt , 
dit l'anonyme ipie M. de M. fi tranquillifi 
auffi dans U doux cfpoir ^ que fous un 
mitre règne ,. les chofis iront mieux pour Ud 
& pour la vénérable Clajfi. Ce trait , conti- 
nue l'Auteur , manquait a t éloge du Sou* 
Verain , fous lequel nous avons U bonheur, 
de vivre. Ah î Monfieur , m'écrié-je là«deA 
fws j. qui pourroit croire que dans un 
fiecle oh les hommes fe piquent d'être 
•vrais , il s'en trouve un qui ait l'ame auffi 
-noire f Qu'il lied bien à cet homme là , 
«te parler de violence & de perfécution, 
fendis qu'il outragé & perfécute injuiîe- 
iwent & calomnieufement un homme de 
bien Hy attaché à 'Dieu , à la religion , i 
fe patrie , & à fon Prince. Suis-je capa- 
ble de dégénérer de Imes pères , qui tre-^ 
yai lièrent avec tant de zèle & de luccès ^ 
•à procurer à la Maifon de Brandcbourfit 



,. ;gnfii»^Ê0**mmm9>mmm>* m»K ' > ■■■■ x " ' m ^ n < ii^ 

la -juSe domination &r cette foûveralneté ? 
C^eft un Élit cotinu de tous les babitan» 
de ce pays, connu même dé la Cour ,, 
£c qui p^r» pift[u'â la poftcrité. Le fan| 
qui coule dans mes veines cft pin- ; il éi 
îiu ifervip^ de ^on Prince , comme l*a été 
celui de mes pères ^ & mes cnfâns ne dé- 
généreront pas^ ^le veut dire Tanônyme 
par fes malignes infinuations^ ^ dignes du; 
feu de Goa ; poiu* ne rien dire de plus ? 
Encore une fois , qu'il levé le liiaique ; 
qu'il fe montre & qui! fe nomme» Mais^ ' 
ïi fe tiendra derrière le rideau , les ca^ 
iomniateurs foqt lâches , celui qui eft cz^ 
jfâble d*înventer une calomnié eft capable de 
feire ce qu'il prête gratuitement aux autres** 

Je n'ai rien de perfonnel contre M. RjOuA- 
leaurîe le plains autant &c plus encore* 
.dans fes erreurs , que .dlans fes infirmités^ 
Si on lui a mis dans Tefprit que je lu£ 
voulois du mal. Ton me fait bàen tortii 
. je n'en veux à perfonne , pas même S^ 
Fanonym^ , qui a ckerché à me maltrai-^ 
ter & à me flétrir. Si j'ai tancé un peu: 
TÏvement . cet anonyme , c'eft une cor^ 
reftion que f ai cru lui être riécei&ire. 

Quel.â^alheur ^liion&eur ^c^Mé. Koi^ 



|04 Arrêt 

feau fe foit obftiné à écnre fur des ma- 
tières de religion contre fes promeflès! 
Si ce beau & rare génie avoit travsùllé 
fur d'autres fujets , que de riches préfeos 
n'auroit-il pas fait à la Sodété! 

Tôfe le dire, Monfieur, M. Roufleau 
ti*a point eu d'ennemis dans toute cette 
afi&ire , que ceiix^ qui fe font déclarés fes 
amis« S'il eût agi par lui-même y & non 
pas félon leurs comeils , je ne doute pas 
qu'il n'eût paru en confiAoire, & yraî- 
-iemblablement qu'il n'eût &tisfait à ce 
qu'on rei^uéroit de lui : ce qui auroit été 
•pour moi le fujet d'une parÊiite joie,& 
alors tout étoit fini , ians inquiétudes, ûm 
tracafleries, & fans cette chaîne dt dij^^ 
grâces , pag. z 1 8 , fi M. Roufleau peut ap- 
pdler ainfi des maux qu'il fe procure 
fi volontairement, & qui malheureufe- 
.ment donnent lieu à fa calomnie , & ré 
rjailliflent fur des innocens. 

Que M, Roufleau fe perfuade qu'en n» 

conformant aux ordres de mes fupérieurs, 

j'ai fiiivi en même tems les mouvemens 

-de ma confcience , nK>o devoir, & Tétat 

de ma vocation. Lui qui dit r^^peôer fi 

NJ&it. ià confôence^ qu'il reipeô^ aa£ h 



mmmmmÊimmÊmm 



DU (Conseil d'Etat* 305 



i**- 



mienne , &" qu'il n'attribue pas à paffion^ 
ce que j'ai cru devoir faille pour fuivre 
les moHvemens de cette même conicience. 

S'il le croit , j'en fuis bien aife ; s'il 
ne veut pas y ajouter foi , j'en fuis fS- 
thé : ie grand juge fera intermédiaire un 
îour tntre lui & moi. 

Quoique toutes ces aflàires m'ayent* 
taufé bien des foUicitudes & des cha- 
grins , j'ai cependant la confolation d'avoir 
été loué , & approuvé dans ma conduite 
par mon troupeau , qui m'a toujours été 
attaché , & qui me donne plus que ja- 
mais des témoignages de fon affeâion^ de 
ù. confiance , & de fon refpeft. 

Je conclurai par cette réflexion , c'eft 
que l'anonyme, en me mettant dans la 
néceffité de rendre publique mon apolo- 
gie , a contribué par là à faire connoî- 
tre à tout le monde la régularité de ma 
conduite tout-à-la-fois charitable & vi- 
gilante* 

Je fiiivrai , Monfîeur , votre confeil : 
je ferai imprimer mes lettres , qui fui- 
vant l'uiàge des Miniflres de ce pays y 
ont été lues dans une aflemblée de la 
vénérable Claffe, J'ai vcttre fuffrage ;, fu£- 



306 Arrêt, &c. 



^^^■^— — «— * ■ ■ ■ I » — ^»i^»^<Mfcia— — h^i^ 



frage d*un homme éclairé , d\in homme 
de bien ; j'aurai par conféquent celui de 
tous les homiêtes gens* Confervez-moi 
lytre précieufe bienveillance ^ & croyer 
que je vous fuis poiu: la vie , & ws 

réferve. 

* 

Monsieur 9 &c« 

P. S. Je fuis décidé à me tenir à cet 
écrit 9 eftimant que mon apologie eft fu& 
fifàmment établie» 




SECONDE 

TT ï? ^TT^ ^TH "D X7 

jk ^it ^ ri K£ 
A M. J- J. ROUSSEAU • 

ADRESSÉE 

A MYLQRD COMTE DE WEMTTSSi 

Baron ctElcho y Pair dEcçffe , &c. &c> &c. 

^6i/n^ toiit plutôt : cfeji Vefprit de tFglift. 

Lutrin ^ Chant I. 1^. 186^ 

* ■■ " "p ' ■ - ' ■ ^ 



AU LECTEUR ÉTRANGER. 

Oefl pour vous , Lecteur , que je 
prends la plume , ù non pour mes 
Compatriotes gui tous connoiffent M. 
le Pafteur de Motiers, Si fon Ecrit 
î^eût point pàffi les limites de cepays^ 
je protefte , en homme d'honneur, que 
je ne me ferois pas donné la peine d^y 
répondre^ 



jm^^ 




LETTRE 

A MYLO R D 

Comte Dil Wemyss, 

Y Ous le Youlez , Mylord , & Thonneur 
Texige ; il faut obéir. Il faut malgré moi . 
reprendre la plume & vous achever la 
relation commencée dans ma lettre du 1 4 
avril. Entraîné p^ mon attachement pour 
notre commune Patrie d'adoption , & ne 
craignant pcrint d'être l'organe de la vé- 
rité , j'avojs çonfenti fens peine à la pu- 
fclicité dç cette lettre. Perfuadé que la, 
ConÔînitioD de cet Etat fi heureufe pouF 
fes kabitans ^ ne Ikuroit fouf&ir la moindre' 
altération feus porter coup au bonheiur 
des particuliers ^ 5c rejgîrd^nt l'arrêt da' 
Confeil du i avril comme un titre îm-» 
4>^fantà cwe conftitutioh & à tous les 
-^lets de ipet Etat ^ j'ai crii bien mériter 
de la Patrie, en le rendam public par I^ 
voie de Timpreffion. 

A cç motif fi fort fiu- mon cœur , s'en 
Joîgnoit un autre qui ne l'étoit gueres 
mqÎDSj^ l'honneur de défen4re un aqû^ 




3IO Lettre 



un homme de bien (tf) , prefque devenu 
la viâime de la trame k plus odieufe. 
Ajoutez , Mylord , que poiu* remplir ce 
<k>uble but , j*avcMS obtenu tous les en- 
courâgemens imaginables , le iliâfrage de 
perfonnes en place , & fur-tout la cotn- 
munication des pièces dont favois befbin j 
en particulier , celle des relations que 
M. Martinet Confeiller d'Etat , & Ήte- 
lain du VaWe-Travers avoit adreffées au 
Gouvernement , & d*apt;iès lefquelles font 
intervenus les arrêts du i & x avril. 

Je puis dire en quelque &çon n'avoir 
eu que la peine de vous tranfcrire ces pie- 
ces, & ceci répond à la queflion que vous 



C « ) Jt ne puis me ttMef la (atisfaftieii de vont tnmC» 
crire ici , partie d'une lettre de M. F. B. Cet artifte citoyea 
de cet Etat , & dilUngué par Tes taleAs » &% connoiflknccs 
A fon mérite perronnel , s^exprime ainfi ; 

Je vais Touveot ,' tm dit •il ^ vifiter l'andesiie deneort 
de M. Rntjfeam* appellée rHermitage; c'eft à denx pas 
d^HBe petite maifon de campaçna â moi. La mémoire de 
»r notre eftimable philofopbe, y eft dans la plvt grande t^ 
M nération. Je fuis tftojours dans renchantement- lorf^ j« 
9, puis en parler avec les habitans de ce Canton qni le 
», reg[ardoient comme leur père , & Tarbitre de leurs diffi^ 
,, rends. C^étoit RouiTeau qui aidolt à les Ibulager , & qui 
y. rétabjiflbit la paix dans les familles. Çtft j^uxta^t là 
M Vhomof que Ton a perG^cuté. 



4« 



•• 



A M Y I, O R D , &ۥ 311 

jn'avez &ite , comment 'f étais parvenu à 
être fi bien informé de tout ce qui s'é- 
toit pafle dans les affemblées du confif- 
toire admonitif de Motiers & Bovereffe. 
Voilà, My lord, les motifs qui m*avoient 
mis la plume à la main. Je croyois ma 
tâche remplie , Se envifâgeant la tracaffe* 
lie fufcitée à M. Rouffeau comme une mé- 
chante affaire qu'il convenoit de laiffer 
s'affoupir , foît efprit de charité , foît pa-» 
reffe, j'avois réfolu de garder le filençe 
iiir tes fuites depuis le mois d'avril. 

Forcé maintenant de reprendre la pla- 
ine, je.fuivrai dans cette féconde lettre 
la même méthode que j'ai fuivie dans la 
première , celle d'appuyer ma narration 
par des documens publics , des pièces au^ 
thentiques , de n'avancer que des &its 
avérés , &c quant à ceux qui ne porteront 
que fur des bnûts publics , j'aurai ibin 
comme dans ma précédente lettre , de ne 
les citer qu'avec cç correâif / on dit , on 
fiffure. Cette obfervation eft de poids , .8ç 
vous aurez , Mylord , la bontç d'y feire 
attention. 

Je vous invite auffi à recourir aux pie-» 
Cfs juilific^tives ^uç vo\is trouvère} ÇQjji 



JIl 



Lettre 



^■w 



tées & raffeflttblées. Leur importance ;-^ 
m'ayant permis de les fuppnmer, ni df 
les donner feulement par extrait , cettç 
raifon doit vous rendre indulgent fur leur 
nombre & fujr leur étendue. 

Pour fuivre la liaifon des faitç , il fout ; 
Mylord , vous rappeïler ceux qui donnè- 
rent lieu au^ic deux Arrêts du Confeil d'E* 
tat du I & 2 avril ^ &c recourir à ces deiur 
morceaux (i). Vous y trouverez claire- 
ment énoncé le but de notre Gouverne^ 
ment ^ dans le premier , celui de mettre 
M. Rouffeau à Fabri de toutes nouvelles 
cntreprifes du confiiloire de Motiers , it 
dans le fécond ^ de r^rimer les fingulieres 
prétentions du Pafteur de ce -lieu, Ceux 
qui aiment la paix & oui refpeftent Tau- 
torité fouveraine croyolent avec moi voir 
renaître la tranquillité t puifqu'il ne pa- 
roiffoit refter à M. de M***, que le parti 
At l'obéifTance & du fxlence. Mais en ju« 
séant M. le Pafteur de Motiers eoqfune un 
nomme ordinaire ^ on le jugeoit maL II 
fut faire vabîr fon miniftere , il mit à 
profit les tems confàcrés à la dévotion & 






A M. Y L O R D, &C 3IJ 



«^ 



à rinftruâion de ûi paroiâe ; au graoJ 
icandale des âmes véritablement pieufes 
il fit de b chaire de vérité entendre le lan- 

f;age de fes paflions , & tonnant contre 
es fept pèches mortels , il eut foin d'en 
^ire une application d^autant plus odieufe 
^e fi Ton pouvoit fe méprendre à la cho- 
ie, on ne pouvoit fe méprendre à Tin- 
tentîon. Auffi parvint -il à exciter parmi 
ies paroifliens une fermentation dont M. 
Kouffeau reffehtit plus d\ine fois les effets , 
àinfi que les quatre anciens qui avoient 
ofé recourir au Confeil d'Etat pour obte- 
nir de leur Pafteur qu'il fc contînt dans 
fcs y raies fonctions (c). 

Les chofes furent pouffées fi loin que le 
Couvernement jugea néceflaire de pour- 

(c) M. leProfeflTeur & Pafteur à Motiers , ^/«w/k réfum 
^AtiêHitun UbelU (* ) , nous apprend qu^à cette occafion il 
(rit le parti de préfenter une requête au Confeil d/Ecac 
&c, &c. Mais 2VI, le Profefieur qui & pique d'être ii vrai 
Il exaft , fî modéré , auroit bien dû nous donner aufli une 
copie de fa requête, pièce qu*oa trouva ix indécente, 12 
Icandakulê^ue par charité pour lui , M. da Rofiéres , alors 
Préfident du Confeil d'Etat , ne voulut pas la préfenter , 8c 
la remit aux parens de M. le ProfefTeur qiii la fupprime* 
tent, ce qui engagea celui-ci à ca faire mie autrç qu'il nous 
• produite. 

< * ) Pag. a99 & 500. 

Supfî^ de U CqIUc. Tome m« Q 



314 Lettre 

voir à ce défordre en employant des 
moyens efficaces pour contenir enfin M. 
le Pafteur de Mptiers. Mais des parens reP- 
peâables étant intervenus en la feveur , 
& s'étant chargé de Tadmonefter , le Con- 
feil d'Etat voulut bien acquiefcer aux deûrs 
d'ime femille gui dans tous les tems s*eft 
diftingilée au iervice du Souverain & de 
la Patrie , & dont tous les membres fe 
font toujours montrés bons fujets , bons 
magiftrats , & bons citoyens. M. de M * * *. 
fiit donc admonefté , & promit , ainfi que 
' Meflîéurs fes parens en firent rapport au 
""Confeil , quitfc conticndroh dans lafidu^ 
& que ni en public ni en particulier il n$ 
dirait plus rien qui pût animer le peuple. 

Cette promeffe ne portant que liir Fa- 
venir , & ne remédiant point au défordre 
aâuel , le Gouvernement ordonna à M. 
le Châtelain du Val - de - Travers de feîre 
connoître au public de la façon la plus 
folemnelle , les ordres qui lui étoient don» 
nés de rechercher & punir tous ceux de 
quel état & condition qu'ils puflent être , 
qui dç fait ou de paroles attaqueroient 
M. RoufFeau , auquel le Roi avoit accordé 
^ prote^pn ijïwé4iatç. 



I 



' g =sagg 

A M Y L O R D, &C. 315 

M. le Châtelain appelle par ik place à 
fiéger aux Etats alors affemçlés , jugea le 
mal affez preflant pour remettre ces mê- 
mes ordres à M. Guyenet fon Lieutenant ^ 
2ui fe trouvoit awfli en ville pour aâ^res. 
)bligé de tout quitter , M. Guyenet fe 
rendit à Motiers , & Taffemblée de la jus- 
tice ayant été convoquée en la perfonne 
ép tous les jufticiers y il leur adrefla ce 
difcotu-s. 

^' Meffieurs ^ les divers moyens îndé- 
9, cens qui font mis en ufage pour excî- 
,, ter les efprits contre M. Rouffeau & 
^, lid attirer des défagrémcns dans fon fé- 
„ jour au Val-de-Travers , ont furpris & 
^ irrité le Gouvernement. En conféquence 
^ j'ai reçu Tordre exprès de me tranfpor- 
9, ter incefTamment ici pour manifefter en 
^ Tabfence de M. le Châtelain les inten- 
^y tions de la Seigneurie. Le public ap- 
y, prendra par là qu'un citoyen tel que 
9) M. Rouileau qui jouit avec éclat de la 
9, proteôion royale de fa Majefté , de la 
^ bienveillance intime de Mylord notre 
,, Gouverneur , & qui eft protégé parti- 
99 culiérement par le Gouvernement , mé- 
^ rite de juftes égards dé la part de tou^ 

O A 



Ji6 Lettre 

9, les habitans de ce pays , quels qu'île 
9, foient. Cependant le Confeil d'Etat eft 
^f informé que de certaines perfonnes tien* 
^inent contre M, Roufleau des difcours 
^, infultans 6c féditieux ^ qui outragent à 
^ la fois & le Souverain qui protège « & 
5, le citoyen qui cft protégé, Ceft pour 
9, remédier efficacement à un pareil dé^ 
^y fordre que la Seigneurie juge à propos 
j, de donner les ordres qui vont être lii$ f 
t9 qiû attireront un châtiment grave à qui« 
^y conque ofera y contrevenir, 

„ Je viens d'apprendre que M, Rouffew 
^, n'eJ(l pas le fe\u ici qu'on attaque , Çc 
„ que Meffieurs les anciens Favre , 3e^ 
^y zencenet , Barrelet , & Jeanrenaud l'^né 
9, font expofé^ à de fréquens mauvais pro« 
09 pos , à des menaces même, On ne doit 
,, cependant pas ignorer qiie leur làge coi|* 
^, diute leur a mérité l'approbation diftin- 
„ giiçe du Gouvernement , & les éloges 
5, de tous les honnêtes gens {d). On ne 
p, ^t pas attention fans doute ^ qu'en blâ"» 
py m^nt ce qu'ils ont fait , on outrage le 



mrm^mmm^mmmfmmmÊmmmmmtm^^m^mimg^ 



( d ) Voyez ce que dit à ce fujet M. le Profefl*eai dus 1^ 



/ 



A M Y L O R D, &C. JI^ 



„ Gouvernement dont ils font approuvést 
,, (^) Cela m'engage à rendre publique 
yy la commiffion particulière qui m*a été 
5, donnée de leur témoigner de nouveau 
,, la fatisfaâion du Conleil d'Etat j & à 
^ déclarer que fi au mépris de ce que je 
„ viens' de dire , on continue à s'oublier 
,, à leur égard , il fera pris des mefures 
„ qui les mettront à couvert de toute 
„ infulte „. 

• Enf>iite après avoir fait lire les ordres 
du Gouvernement, M. Guyenet ajouta : 
» Vous voyez , MelSicurs , à quel point 
M la Seigneurie prend intérêt à cette aiP- 
» faire, & Je dois ajouter que Sa iMa- 
f> jefté par un refcript arrivé dernière- 
f^ ment, ordonne au Gonfeil d'Etat de 
#> pourvoir au repos & à la fureté de Me 
M RoufTeau. Je m'affure que dans cette 
» Jurifdlâion on eft trop zélé fujet de 
w notre Augufte Souverain pour rien en- 
ê> treprendre qui puiffe lui déplaire , & 



aulB fon approbation aux deux anciens Jean Henri Clerg , 
Si Daniel François Jeanrmsud^ qui à ce prix fe pafleront 
fans doute de celle du Gouvernement & de Teftime des U«j|^ 
nêtes gens. 
i$) Voyez VàJniK 4« st JMê, 



3l8 L £ T T R 1 

ii que chaain fe conformera avec emprel- 
^ /emèntaux ordres du Gouvernement, 
v^ vous enjoignant Meflieurs de cette juA 
» tice ) d*y veiller foigneufement w. 

Deux heures après les mêmes ordres 
furent lus dans raâèmblée de la commu- 
nauté de Mo tiers» & expédiés aux au* 
txts communautés du Val-de-Travers^ 
• Vous avez vu ci-deflus , Mylord , que 
le Roi avoit accordé Êi proteâion â 
M. Roufleau. Il étoit en effet arrivé un 
refcript de la G>ur , par lequel approu* 
vant Inattention du Confeil d'Etat à t 
prévenir tout défordre, & toute dîflen* 
lion dans ce pays 9 au fu^t de la réinw 
preflîon des Latra krites de ta Monu^ 
gnc^ le Roi défend de levir contre cet 
ouvrage , & fiir-^out d'en iiKpiîéter TAu* 
leur i CQ fujèt 

Ce reicript motivé flir les raifons les 
plus Êiges flit imiméà la Claffe, & en 
conféquence plufiears Pafleurs à letur ai^ 
femblee générale du mois de mai opine* 
rent à laiffer tomber Taffeire de M Rouf* 
feau. Celui de Motiers , à ce qu'on afTure ^ 
conclut bien différenunent , fans doute 
pour faire (nreuve de ù, modération Se de 



'-- - ^- i 

A Mylord, &c, 3191 

ià foumiilîon, ou peut être aufli dans 
refpoir de reaieillir le fruit de fes fer- 
mons édifians. Mais fans adopter fes con- 
cliiiions la Claffe remit TafTaire à fa pru- 
dence , fous la réferve expreflfe qu'elle 
ne feroit compromife en rien. 

Nous verrons dans un moment , com- 
ment il engrena de nouveau Paf&ire dans 
Faffemblée du, confiftoire de Motiers du 
V9 mai. Il faut auparavant vous rendre 
compte d'un Arrêt du Çonfeil d'État du 
15 , qui prononçant fur Je droit pré- 
tendti par le diacre du Val-de-Travers^ 
d'afGfler en confiftoire admonitif , ,& d'y 
avoir voix délibérative 9 ordonne à i'Or- 
£cier du lieu de s'oppofer à cet abus (/)•' 

Cet Arrêt flit d'ordre de M. le Châ- 
telain communiqué le 18 à M. le Paf- 
tçur & à M. le Diacre , par M. le Gref- 
fier du Vâl-de-Travers , afin , comme il 
leur dit , qiiils tn fujjent rendus fachans , 



mm 



if) M. le ProMeur prétend (*) qu'il y a eu de l'hii- 
meur contre la perfanne du Diacre. II faut donc Iqi prouver 
que le Confelî d'Etat a raifon d'avoir de l'humeur , ou plu- 
tôt que ce qu'il ofe qualifier d'humeur eft fondé fur d« 
Irèj-bonnes raifons. On les trouvera déduites daus u» trrêl 

i*) Réfutation , ptg. 394* 

04 



jio Lettre 

& qu^Hs n\n préundifmt caufi J! ignorance 
Le lendemain 1 9 le confiftoire de Mo- 
tiers s'ëtant affemblé , M. le Pafteur du 
lieu rendit compte dé TArrêt du i y, ajou- 
tant que M^ le Diacre quoique duement 
informé, -par M. le Châftelain , avoit été 
dans la réfolution d'aflifler à cette affenh 
blée ^ en attendant que la vénéyable Glafle 
€Ût fait içs remontrances (g), mais qu'il 
avoit pourtant déféré aux repré'fentationj 



4» 



iu Confeil produit parmi If» pièces juftifieatives, T^' I^' 
On verca que parmi les. abus reprimés par cet arrêt, il c9 
«ntr'autres^ défendu au Diaure du Yal-de-Tcavess. iS9M9 
«a confiftoire ièigneuriaj.. 

{g) Cette raifona'eft* vraiment pas mai trouvée, &»ffit 
toutes fbrtes de faeilités pour fe difpenfer de robéiflaaci 
due aux ordres dU' Gouvernement C^eft apparemment fot 
le mime prin^eipe que M. U Profeilêui: informé^le S >^ 
dernier, par M. le Châtelain du Val-de^Travers des ordre» 
^uMl avoit reçus du Confeil d^Etat relatif à M. RoufleaUr 
Jl: au confiftoire admonitif de Motiers, avoit répondu,. 9** 
£a riponft feroip brifue, qu*Jl étoit membu d*Wh Cffp^ qp'iklfi* 
. éle lui obéir de mime qu'à fa cenfci^nce , il ftreit to^J9urs ce 
épU ferait conformé À/hndrveir. San» faire beaucoup de coi»- 
snentaires fur cette r-éponfe, il eft évident que M.. le Profet 
feur ou s!eft mpqué de nous^ quand il nous cite ( *) lepaiTagl 
àe faint Paul , JQue Uute fer/hnne deit être foumife aux Puifr 
Jancet fupériieures^ ou bien qu'il ne connott point depuiffance 
filpérieure à celle du corpe. dont il eftmembjrje. iJûSsu^^ 
^pter entre ces deux partis. 

i!^^ B9Se iQi de Ci réfutation* 



Ll' I ■ B5g55B5a3S= V I I « 

A M Y L O R D, &C. 511 

qiie lui fon Pafteur lui avoit faites» Jut 
tement blcffé d'un pareil difcours , M. le 
Châtelain repartit, que le diacre avou tris* 
prudemment fait d^ obéir aux ordres du Gou* 
vcrnemeru , que s'il eut ofé fe préfenter at 
cori/îjloire^il luiauroit adrejjed* abord de's con^ 
JeilSf enfuite des exhortations , enfin des ordres 
^e for tir y & trouvé le fecret de Jï faire obéir. 
Après cette efpece de préambule , M. de 
M^^^. fuivant Tufage , demanda s'il n*y 
avoit aucun fcandale dans l'Eglife. A cette 
demande ^ Pancien Clerc ( A) fe leva com- 
me un reffort , & au mépris des Arrêts 
du Confeil d'Etat , & malgré les refcripts 
' du Roi , il remit fur le tapis Taf&ire de 
M. Rouffeau , le dénonçant au confiftoire 
avec tant de zèle qu'il ne fut plus quef» 
tion que d'aller aux voix. Vous jugez bien^ 
Mylord, que parmi fix anciens d'Eglife ^ 
c'etoit déjà trop qu'un feul eût eu l'au- 
dace de contrevenir fi formellement aine 
ordres pofitifs du Roi & du Gouverne- 
ment. AuflS tous les autres rejetterent avec 
indignation la propofition de févir con- 
tre M. RouiTeau. 
PI ■ ■ 

ih} Voyez ci^aftàs la note y. 

o $ 



lix Lettre 



C'eft apparemment à ce mauvais fuccès 
cpie faifoit allufion M. de M***.lorfqu*à 
li générale du mois de juin , rendant comp- 
te à la Claffe de cexjçxi s'étoit paflSé à Mo 
tiers , il fe lamentoît de trouver toujours 
en £bn chemin ce vigilant Châtelain , qui 
rompant toutes fes mefures , ctoît pour 
lui une écharde pire que celîe dont fe 
plaignoit Saint Paul. A quoi il ajouta qu'il 
ne ralloit plus fe fktter de rien obtenir 
à Motiers contre M» RoufTcau , mais que 
puilque celui- d avoit deflein de changer 
cTiabitation , & que TArrêt du premier 
avril ne Koit les mains à (on égard qii au 
fèul confiftoire de Motiers, on pouvoit 
prendre à l'avance des mefures pour pro- 
céder contre lui , aufli-tôt qu'il feroît 
dans une autre Paroiffe. Cet avis que d:c- 
toit fans doute Tefprit de modcradon & 
de toUranct qui caraÔérife toute la coiv- 
duite de ce Pafteur , ne fut cependant 
pas goûté» Malheiu euiement pour l'ora- 
teur , il exiiftoit un nouveau refcript 
très-énergique par lequel le Roi témoi- 
^noit fon n>écontentement de la conduite 
mconiidérée de ces efprlts remuans qui ^ 
échauffés du zèle amer d'une piété inlo« 



fisae 



i" »i 



A M Y L O R D 5 &C. 313 

lérante, & non contens des mefures pri- 
fes pour empêcher la publication des 
ouvrages qui les icandalifoient , vouloierH: 
encore févir contre leur Auteur , & le 
ménaçûient même des peines eccléiiafti- 
ques y Sa Majefté déclarant que fa vo- 
lonté férieufe étoit que le Confeil affû- 
tât d'une manière complète & bien dé- 
cidée , les effets de fa proteftion Royale 
accordée à M. Rouffeau. 

Par égard pour la Claffe , le Gouver^ 
nement vu la teneur de ce refcript ne le 
lui avoit pas intimé, mais on en donna 
connoiffance à un des membres de cette 
compagnie avec une copie qu'il en de^ 
manda, fous la condition de ne commu- 
niquer cette pièce que dans le feul cas 
oîi l'affaire de M. Rouffeau feroit encore 
traitée. Or on fait que le relfcript fut lu en 
Claffe, que M. de M^*^. demanda à en 
tirer copie , ce qui lui fut refufé , & que 
la compagnie décida qu'il ne feroit plus 
queftion de cette affaire de M, Rouffeau. 

Le narré que je viens de vous faire, 
Mylord , je le tiens d'un galant homme 

3ui ne craindl^ point d'être nommé quand 
k faudra, lequel m'étant venu voir 

O 6 



r 



^14 Lettre 

dans les premiers jours de juin , & ayant 
trouvé chez moi quelques amis ^ nous ra- 
conta ce que vous venez de lire , & ce? 
qui m'a depuis lors été confirmé. 

Je pourrois terminer ma lettre ici , mais 
dans ma précédente ( /)* vous ayant ren- 
du compte d*un écrit anonyme adreffô 
à la compagnie des Pafteurs au fiijet de 
M. Rouffeau , je dois auffi vous dire 
tipxe j*ai vu depuis peu , plufieurs let- 
^^s (A) , & fur-tout une déclaration de 
M. E. B. fi violemment attaqué dans* cet 
écrit , pièces par. lesquelles il eft évident 
Cfue loin d'avoir contribué , comme on 
Faccufe , aux démarches de notre Clergé 
dans Tafeire de M. Rouffeau , il les a 
trouvées pkines de contradiâions ; M. B.. 
défavouant au fiirplus avec force & d'un 
ton qui paroît celui de la vérité , toutes, 
les imputations de l'écrit anonyme dont 
l'AutéUr doit bien rou^ , fi im défa* 
veu fi poiitif ne l*èngage pas à fe nommer.. 

Je vous ai parlé encore de Tabandon. 
où depuis plus^ de dix ans étoit reftéc 

^' ' ' I. . I H ,1111 aiii , . I ,m 

il) Pag. ISS & les fûivantes. * 

ik ) Lettres éuius dans 1«l cpursmt de, Eéyner» Aton.^l 



M Y L O R I> , &C. J2;f 



la chapelle de Bovereffe ; il eft donc na-^ 
tiirel de vous apprendre ce qui s'eft de- 
puis lors paffé au fujet de cette cha* 
pelle ( /). 

La communauté de Bovereffe ikns fe 
rebuter de Tinutilité des démarches qu'elle 
a voit feites auprès de la compagnie des 
Pafteurs , ou de l'inexécution des. Arrêts 
qu'elle avoit obtenus en Confeil d'Etat,, 
avoit fouvent répété ces mêmes démar- 
ches , & entr'autres préfenté le 18 juin 
1762, ime requête très - expreffive, fur 
hquelle elle avoit obtenu un Arrêt fa^ 
vorable» Elle en avoit encore obtemu 



' (/) M. le ProfeiTeur de Motîers ayant prétendu me m^ 
Tdreffer dans une note , pag. 295 de fa réfutation, me force,, 
pour ma julliitcation, à reprendre cette matière & à prodiiirr 
îci des pièces qui décideront le différend entre lui & moi. 
Je ne ferai pourtant pas ufage de toutes celles que )*ai. tu 
main, malgré racharnement dont il me taxe dans la même 
aote. Une requête de la communauté de Boverefft du 28 
Jfuin 1762, & une autre du 28 Juin dernier avec les arrJlt»^ 
du Confeil d*Etat me fuffiront ici. On les trouvera donc 
parmi les^ pièces juiUficatives. Q.uantà ia fin de cette note» 
Inavoué que j'en luis ftupéfait; & pour toute répG^(è,.je 
¥cux bien me borner à renvoyer PAuteur à un arrêt dû 
Confeil du 23 Février 1750 , figné de Natalû, pièce inté- 
veiiànte à riiooneut & à U traa^uiUité is. Al le. lUfièyQir 



jx6 Lettre 

im autre à la date du 13 juin 1765 , 
mais toujours infruftueufement pour le 
ferrice de fa chapelle. Enfin le 18 juin 
dernier elle réitéra fa plainte dans ime 
requête au Confeil d'Etat, par laquelle^ 
elle fupplie le Gouvernement de la mainr 
tenir dans fes droits , & d'ordonner la re^ 
tituticjn de quelques-uns^ des titres qu'elle 
avoit produits en Chancellerie, d'où ils 
avoient été retirés jfer Meflieurs les Paf- 
teurs avec les leurs propres. Sur ces deux 
chefs le Confeil d'Etat par un Arrêt du 
même jour , prononça qu'à l'avenir fe 
diacre du Val-de-Travers eût à faire de 

3uinzaine en quinzaine les catëchi/ines 
lis à la chapelle de Bovereffe (/^)>^ 
que les papiers de cette communauté lui 
fuflent rendus. Après une pareille décifion, 
on devrolt efpérer que c'eft aujoiu-d'hui 
une affaire finie («). Mais comme par la 

(m) Savez- vous la réponfe eu Diacre , lorfque cet arrêt 
en original lui fut lignifié pa/ la communauté deBovereflîf? 
Elle vaut la peine d'être tranfcrite. JerefpeSe infinimeni tu 
êrdres du Confeil d*Etat , mais je dois obéir à la Claffe. Je mc tais. 
Ce n'eft pas à un particulier à relever une pareille réponfc 

( » ) A en croire pourtant M. le Proftflçur dans f? note, 
fag. 29,^ , c'éto^ déjà urre affaire terminée fiT huclée. « Sût 
même entendre que la prétention de ceux de Bovereffe J»'é- 



M I ■ ■ . , t 

A M Y L O R D, &C. 317 



teneur même de cet Arrêt , on voit qu'il 
n*ell pas le premier oui ait été rendu fur 
cette finguliere conteuation , on peut fans 
témérité prévoir qu'il ne fera pas le der- 
nier , à moins que la communauté de Bo- 
vereffe en perdant tout-à-falt courage dans 
la pourfuite de fes droits, ne perae auflî 
tout goût pour les catéchifmes. 

A bon compte , cet Arrêt qui donhoit 
gain de caufe à cette communauté , de- 
vint un des griefs fur lefquels dans le$ 
premiers jours du mois.d« juillet , la 
Claffe jugea à propos d'adreffer au Con- 
feil d'Etat des remontrances qui rouloient 
fur les trois chefs fuivans* 

I. Sur l'exclufion du confiftoire feî- 
gneurial prononcée centre le diacre du 
Val- de-Travers , il y a bien des années ^ 
favoir par l'Arrêt du 18 Nov. 1758. 

a. Sur l'exclufion du confiftoire admo* 

*— ^— il»»» — — — >— ^a»— — — — — ^— — ^ « ■■■■!■— ^m 

fsr h Confeil d^Etat^ il n'y avit fas tong-Umi ^ m Ufntisf^» 
iion de la vintrahlt CUJfe. Lorfqtie M. le Profclfeur écrivett 
tela le 29 Juin 17^^ t igtioroit-il l'arrêt du Confeil du 19 
du même mois, ou bien avoit-il (i -tôt oublié \^ fimptieite^ 
la candeur qu'il avait promifes dans fan début page ^2^5 > oit 
bien enfin, fa véracité, fa (implicite, fa candeur s'accam* 
, inodent-elles de pareils traits & £1 Ibuvent répétés dans 9è 
|c£nuti0A^3 / ' 



|i8 Le t t r e 

lîitlf de Motiers & Bovereffe prononcée 
contre le même par l'Arrêt du 1 5 mai pafle. 

Et 3. Sur le contenu de l'Arrêt du 1$ 
juin précédent. 

Sans m'arrêfer fur ces remontrances, 
il me fuffira de vous dire qu'elles furent 
mal reçues , &; unanimement rejettées. 

Mais il eft néceffaire de vous appren- 
dre que dans la générale y oii ces remon« 
trances avoient été arrêtées par la com- 
pagnie des Pafteurs ,. un des membres de 
cette aflemblée y avoit fait leâure d'une 
réponfe à ma précédente lettre > tournée 
en façon de réfutation. 

La vénérable Clafle ne voulut avouer 
ni l'ouvrage ni l'auteur, le laifTant d'ailleurs 
le maître comme- fimple particulier , de 
plaider fa propre caufe. Il ne fut point 
découragé , 6c fôllicita auprès de notre 
Magiftrat la permiffion de le feire impri- 
mer ici. Elle ne lui flit point accordée. 
Après ces deux rebuts , on crut oue cet 
Auteur ne s'expoferoit pas à un troilieme, 
& qu'il fe rendrolt aux bons avis de 
quelques-uns de fes parens , ou collè- 
gues qui n'approu voient du tout point 

cette produ«iom On m'apprit pourteixt 



A M Y L O R D , &C. JX^ 

in - I ' ■ " 

dans le coiir^t du mois de juillet que 
cet ouvragé deux fois rejette , s'imprimoît 
dans une ville voifine aux frais des Edi- 
teurs du Journal Helvétique» Je compris 
dès -lors ce qu'il en ÊiUoit penfer. En- 
iliite dans la gazette de Berne du j i juil* 
let parut cet avis* 

4A n vient de paroître une réfutation 
v^ tris'folide & des plus iurîmfcs , de la 
i¥ lettre de M^*^. relative à M. Rouf^ 
>> feau , datée de Goa ( e> ) & conçue dans 
» des tetmes ^indifconvenancc tout-à-feît 
^ déplacés à Tégard de la vénérable Claffe 
^ de Neufchâtel , ainfi que par rapport à 
^ M. de MontmoUin Pafteur à Motiers* 
!^ Dans cette réfutation dont on efl ndc^ 
» vatlc à la plume de ce Pîafleur , fe ma- 
M nîfefle par des feits détaillés tout ce que 
» la lettre contient de peu vérîdique» 
H Tant la réfutation que la lettre qui ea 
H eft l'objet » fe trouveront fur la fin de 
H cette femaine chez les principaux li- 
» braîres des villes de la Suiffe» 

(#) Non , elle eft datée de NeufchâteT, & imprimée fouft 
le titre de^ Goa ; au- lieu qjie fiiivant M. le Profeilfeur qui 
fans doute a fes raifons pour cela « cette lettre £e trou^^ 
datée de Goa.» & inu^nmée à NenfchàtgL 



jjjo Lettre 



Cette modefte & fage annonce , acheva 
de décider mon jugement ^ & je compris 

3xie la grande reflource de l'auteur étoit 
e prévenir le public en feveur de fon 
ouvrage. Il a paru enfin, cet ouvrage 
irh'folidci & j'ai vu que j'en avois 

len juge. 

Ayez la bonté , Mylord , de voir par 
vous-même cette réfutation trop longue 
pour vous la tranfcriré ici, & trop cu^ 
fieufe pour en rien retrancher. Vous trou- 
verez ci-après (/^) ouelques-unes des re- 
marques qui m'ont été tournies , & par 
kfquelles vous pourrez juger du carac- 
tère de Fouvrage , & de ce que Ton penfe 
ici fur celui de l'auteur.^ ' 

Pour moi j'avois d'abord peine à me 
perfuader que cet auteur fïit en effet M. 
le Profeffeur de Motiers , mais on me fit 
obferver : 

I. Que malgré fa modération ^ & la 
.modtjlh dt fon caraclere , & tout en fe 
prodiguant les louanges les plus douces, 
cet auteur m'accable d'injures, me taxe 



■ Il II fm mi 



I ■■ 1.1» m \tmm»*mmm*mmf*im» 



if) Parménag:ement pour PAutcur , je n'en produirii paf 
flutres^^uant à préfeat* 



'^^'iimfmmtum 



A M Y L O R D, &C* 331 

*———-— Il I I ■ I II I ■ Il ■■— — ^1^M«^1^1i< 

d^îgnorance , d'infidélité , de mauvaife foi ^ 
de calomnies, &<:. &c. (^). 

2. Qu'il a grand foin d'omettre dans 
{es récits des circonftances effentielles 

3 . Qu'il nie les faits les mieux confiâ- 
tes, & veut modeflement que l'on en 
croye fon feul témoignage d^s fa pro- 
pre caufe , quoique ce témoignage foit 
en oppofition avec une requête iîgnée 
par quatre anciens de fon Eglife (^s) , 
avec les relations que Monfieur Martinet 
premier ofEcier du lieu avoit d'ofîice adref- 



iRlMMMëMw«*wii«Ma««Mt|*li««*«tataMaMaÉMMM 



( f ) Par exemple. . • Mais plutdt voyez la réfutation d'im 
kout à Pautre. 

( r ) Par exemple dans la relation qu^il nous donne pa^ 
ft7l i 272 , PAiiteur a oublié une circonftance de poids ^ 
f*eft qu'e cette siiTemblée fi grave par fon objet, rendottri* 
aement' des anciens, fe tenoit autour d'une table & d'un 
buifet abondamment garnis , & cette circonftance jette un ' 
frand jour fur la nature dn compliinent fait par les anciens , 
pt^iU /e, ftlicHoient d^avgir nn Pafleur qui en ufat Jt biem . 
énec eux, 

is) Voyez entr^autres les pages 293 & 294 de la réfuta» 
tion , & remarquez qu'en accufant les a(hciens d'infidélités 
ilans Pexpôfition des faits , Pauteur ne fpécifie aucune de • 
ces infidélités. Pour moi je n'en fuis pas furpris , ici comm» 
en plufieurs autres endroits i'adniire ùl prudenee > ou p^utiftt 
IbA adreiTe. 



mssssssssssssssssssssssssm ' ■ ^'k 

131 Lettre 

i>— — — rli^MI I ■■ . m il ■■—— — ^ 

fées au Gouvernement (/). Et enfin avec 
les Arrêts de ce même Gouvernement ( i/ ). 

»■>————»■*■■ ■■ ■ ■ ■ I ■■ I lit 

< i ) En voici la preuve. Lifez les pages 278 i 280 dant 
lerquelles TÂuteur aflure que je fuis un ignorant , & que )e 
déçuifc les faits. Je lui répète donc gae ma relation de 
tout ce qui s*eft paifê en Coniiftoire à Motiers jufques à fes 
fnoMvemens , gejles & propos , eft tirée exactement des relationi 
données au Gouvernement par M. le Châtelain du VaUde- 
Travers ; que c'eil d'après ces mêmes relations qne j'ai dit 
tout ce que M. le ProfefTeur nie avec une hardiefie q«i 
étonne ceux même qui le connoiiTent le mieux. Que Ton 
fuge de la valeur de fes négation^ par ce feul trait. U nie 
< ^ ) la réponfe des anciens aux reproches qu41 leur adref^ 
foit à riiTue de raflfemblée du Confiilotre du 29 Mars , à 
cette même réponfe Ce trouve dans la relation faite le lea* 
demain par M. le Châtelain. Je dis plus, j'affirme à M. le 
Profeifeur que cette réponfe Uii fut fkite par M. Tancieii 
Bezenccnet , & entendue par les alliitans. 

La même relation porte encore exprefTément que Af. Itf 
ProfefTeur demandoit que dans 1% délibération Ton fe con* 
formât à la dire^ion de la ClafiTe qu'il avoit exhibée. C'eft 
lai faire tort fans doute , car il a&rme le contraire dans 
la note, pag. 294. 

(u) Qui ne riroit, par exemple, de voir TAuteoT (+ ) 
à la torture pour dîftinguer entre voix prépondérMnte (JT doif 
bte voix y & vouloir donner le change au public en affuraat 
que c'eft moi qui prétendi malicieufement qut voix prépondé' 
Téuite fignijit double voix ? £h * faut * il ilonc toujours citcf 
mon garant , cet arrêt accablant du' 2 AvriL 

Ce même arrêt répond amplement à la note paç. 28a 
Jt ne connois ni U logique, ni nos conftitutions , je ne fgss féùrt 

ÎM des Ubeiles, Cela eft bientôt prononcé , & digne fur-toot 
e la modération de M. le ProfeÔeur & de U modejtie de fim 
êMra^ere. Mais à cela voici ma réponGï. Je n'ai parlé que 
diaprés les relations envoyées au Gouvernement par Tofficier 
du Prince. Il eft heureux pour moi d'avoir un pareil guide, 
A j'abandonne fans regret à M. le Profefieur , U plut vient 
4i£a Anciens, qui paroîtlui fervir de garante de témoûi 

(*) Page 282 de la réfutatioa» 
(t) Vwf^. 280 4 281. 



<fc 



M y L o R D , &c. 3) j 



4. Qu'il aflfeâc dçi jetter des doutet 
fur les pièces qiie f ai produites (v), Ôc 
fur- tout qu'il a çrand foin d'attiibuer 
toujours h moi feuY des chofes que je n'a- 
vance pourtant que d'après ces mêmet 
pièces (at). 



■ ' ■ ■ t mm mmmmmtmiÊim 



dans les occafions délicates , «omme 11 nous le fait enteiM 
dre lui.mème ( f ). C'eft encore fur le témolf nage d'un 




toire admonitifait fins d*une Jtmple voix , &c. Et M. le Çro* 
fefiVur f tt ) dit en autant de mots.» qut et font les ufdge» de* 
Cntfiftoires de ee fa,ys. Après cela je dois me trouver très* 
lionoré d*être traité comme le Confeil d^Etat. Mais quand 
l*Auteur ajoute immédiatement après , €7* noui femmes danê 
nn fays d^ufages , eft.cc pour mie^^ nous faire fentir le dan* 

Î^er de tolérer le moindre abus , & Tobligation que ce danger 
mpofe à tout citoyen d^élever fa voix contre toute préten* 
tion nouvelle ? En ce cas^ remercions - le de nous donner 
Aînfi la clef de la conduite irréguliere tenue dans Taffaii* ' 
de M> RouiTeau , le tout fans doute pour établir \t3LTYufage^ 
cette infpe£Hon fur la foi que réprouvent nos conftitutions* 
mais que M. le Profeflèur voudroit pourtant s'arroger à lui 
& à fa Compagnie. 
(1/) Pourquoi cette affe£tation de dire& de répéter {*) i, 




ou la fidélité de ces deux pièces ? Pour moi , je Tavoue , je 
fuis étonné qu'il ne fe foit point infcrit en faux contr'ell^ 
C'étoit le feul moyen de donner à fa réfUf|t|on un air d^ 
Traifèmblanee , du moins dans Pétranger. 

( X) N'en déplaife , dit-il , pac exemple ( «• ) , n'en déjfUifi^ 

( + ) Réfutation , p^g. 28 c à la note, 
(tt) Idem, pag. 281. 
(«) Réfutation, pag. 290 & 292. 
{**) géfutatioa, paf;. 25;* 



5^54 Lettre 

, — ^ . 

5. Quclorfqii*îl cite quelques morceaux 
de Touvrage qu'il réfute, il a grand foin 
de (iipprimer , ou d'ajouter quelques ex- 
preffions , ou même de me prêter tout-à- 
Éût les fiennes , quoique pour mieux en 
impofer aux leâeurs , les citations foient 
en lettres Italiques {y ). 



m V auteur ^ h Cierge, félon les Cênftitutionj eccléfiajliquet 4ê 
W pays, M ififpeâitn /ur la foi comme fur lesmmurs^ fiTc. 

Pourquoi ne pas dire tout uniment , »V» dwpUife mu Ceu 

feil d*EtaU C*eft lui qui a prononcé fur ^ cette infpe^onpsr 

Ton arrêt du 2 avril, Se n'en etépléûfe a M, 1$ Profejfew,^ 

fine pareille autorité vaut mieux que laiîeone, exceptoot 

l^urtant, lorf^uMI définit riuquifition. Page 253. 

Mais les Conllitutions ecciéiiaftiques ! L^ Auteur devoit 
bien nous indiquer celles qui attribuent au Clergé le droit 
^'infpeâion fur la foi des fidèles. Nous ne le$ connoiflbnt 
^oint. n efl vrai que nous nous bornons à connoitre ft 
refpeaer celles qui émanent du Gouverof ment , lequel feul 
fi le droit de les établir, nugmenier, diminuer fuivant le be- 
loin, ainfî que s'exprime Tarrêt du as Juillet IÇ^J. Et 
ce droit eft fi réel qu^aftuellement il exifie une commiffiot 
chargée de travailler à la réforme de ces Conftitlitions ecdé- 
fiaiHques. Notez que cette commiiEon n*eft conipofée fM 
4le trois Confeillers d'Etat. 

( j ) Confrontez les citations , pag. 273 • 274 * 278 & 
r79 f & vous verrez que PAuteur a fort adroitement fpp- 
primé à la pag. 279 cette phrafe, en dit. Qu» plus adrolte- 
pnent encore il a ajouté celle-ci, en Confiftoire^ pag. 27^ & 
A76. Et enfin qu'à la citatiox^ de la pag. 2^9» excepté If 
mot cemplettéf il n'y en a pas une qui m'appartienne. 

Encore un exemple dp fa bonne foi. X>ui s dit à Phcmmê 
^uftecle (lue fi U décUrMion de l'Juteur d'EmiUen 1762 mê 
f*rut fui), feinte four T admettre d la communion , je devois t 
quoique fit M. Jiottfeau , quoiquUl écrivit , continuer à Vad^ 
ptetttre , ÊTc. ( t ) ^ Et qui a dit à M. le Profeffeur que l'hoœmt 
Ibi uecle eût dit une pareille abfurdit^? ^'H me U&i ov 

ii) {t^futa^on^ pa|^. ^i% 



Jtr^ 



A M Y L O R D , &C. 335 

^ 6. Qu'au moyen de ce petit manège 
& néceffaire quand on défend une mau- 
vaife caufe ^ il fe fait des monftres pour 
les combattre & en triompher ({), ou 
ce qui eft bien pis , il me donne une fa- 
çon de penfer qui doit fans doute lui 
être plus naturelle qu'à moi (^ ). 

L'on crut voir à ces traits que l'ou- 
vrage ne pouvoit être en effet que de 
M. le ProfefTeur de Motiers. 

Faifons-lui donc , Mylord , comme au- 

ae me life pas , cela doit être fort égral , mais ce qui ne Teft 
pas , c'eft qu'il me fafle parler d*après lui, 

( t) Voyez, par exemple, pag. 262 , où après avoir dit : 
Jt n* fais OH ■4'' Auteur a puife ce quHl ofs â,vàncer , que ta 
vénér^le Claffe fulmina contre M* Roiîjfea^y^ en dépit de$ 
ëon/litutiom de ce pays , ^ne ftntence d'excemmunication ; aveo 

Î[uelle adreffe , quelle rapidité il pafle à un antre fujet , 
avoir le droit qu'a la Clafle de donner des direâions à fes 
membres, droit que perfonne ne lui a jamais contefté* 
mais bien celui d'étendre cette direct; on jufques aux latquef^ 
Ç*e(l dans ces fortes d'occafions que l'Auteur triomphe. 

Quant au fait de rexconmunication , qu'importe où faî 
puifécefait? Eft -il vrai, ou non? Voilà la queftion.Msiv 
pour la iingularité , Je voudrois que M. le ProfefFeur Peut 
nié. Car remarquez qu'il paroit feulement le nier. Et ei| 
mérité l'occaGon étoitneureufepour faire valoir fa négation. 
(4) Entr'autres, lorfqu'il prétend {*) fi charitablemeni; 
que la méprife d'un crieur public devient up ridicule ponr 
le Magiftrat qui l'emploie. C'eft comme s'il jettoit celui di| 
mot indifconvenance employé dans la g%zçt(e fur le 60<Qj^^i 
eu Magiftrat qui en eft le ccnfeu^* 

(♦) Réfutation, page 55a 



■■ -il- ■■ 

336 Lettre 

leur d'une produftion fi fublime , ThoiH 
neur de nous en occuper encore quelquef 
inftans. 

robferve d'abord que l'auteur me &H 
un crime de ne m'être pas nommé. Mais 
n'elï-il pas plaifant qu'en reprochant l'a- 
nonyme à }xn homme qui ne dit que des 
chofes avérées ou publiques, il le gardé 
fur l'étrange corrcfpondant qu'il fe donne | 
& qui plein de lumières & de pktc , s'af* 
feâionne pourtant fi fort à M. de M**^4 
& à fa conduite (* )? Un pareil homm 
delwnieres valait affiirément la peine d*être 
connu. Après tout , |non nom ne Êdfoit 



<*) Jufqots, là que ce digne corrcfpondaiit eftime (*l 
^tkt rhosneur de la religion eft intéreffé dans la casiè de 
2VI. le ProfefTeur. La religion n'eft-elle donc faite que pour 
fervir de fauve -garde aux écarts des gens d'Eglife? Une 
preuve , au contraire , qu'elle eft très - folidement fondée . 
eft de voir que leur conduite ne peut Tébranler. On pe»! 
rappelWr ici le conte d'un Auteur célèbre & qui les con- 
noiflbit bien. Il dit qu'un Juif très -honnête homme fit iW 
voyage à Rome , & fe convertit au feul afpeâ des déborde- 
mens du facré Collège , jugeant qu'il fàlloit bien que !• 
Chriftianiihie fût une religion divine pour fe maintenir fiir 
la terre malgré les vices de ceux qui la prêchoient 

^*) Réfutation, pag. a;t3 & a24« , 



A M Y L O R D , &C, 357 

rien à la vérité des faks. En ne me nom- 
inant pas , je n'ai dit que des chofes no-* 
toires au public, ou appuyées de do- 
çumens inconteftables , au lieu que M. le 
Profeffeur en fe nommant avance beau- 
coup de choies qui ne font connues que 
tde lui tout-au-plus. 

. 11 a pourtant utie fois raîfon* Ceft à 
la page 2.49 , quand il' dit que la véné-. 
fable Claffe fit en îj6x, des remontran-r 
ces au fujet d'Emile. 

11 Y en eut en effet f mais avec fî peu 
d'appareil, que le public tout occupé d^ 
radmiflion de l'auteur à la communion ^ 
en fut à peine informé. Quoi qu'il en foit,. 
j'étois mal ioflruiL Cet aveu de mon 
erreur me coûte fi peu que pour ramour. 
de M. le Profefleur , je voudrbis en avoir 
J>eaucoup de pareils à lui Êiire. Me voici 
donc mieux inftruit , grâces à l'avis qu'il . 
çae donne de recourir aux régiftres du 
Confeil d'Etat. Il eft vrai , jque cet avis, 
tn'a valu bien des ^uinieres que je n'a- 
vois pas. Je n'en ferai pourtant point-, 
lifage ici 9 & je dois me flatter que M. le 
Profefleur » vu la caufe qu'il défend > fen-»^ 
tira le prix dç mon filence^ 

^upfl. di la ÇolUc. Tomç IH^ P4 



«1 



* ■ 



5)8 




Lettre 


•> 



PoUrvoUs^ M. vous eus vrai^ i^ous aime^ 
mijp. la vérité. Je vous la rapporterai dans 
tome fùn esçaBitude. Croyt^moi véritable* 
fnen'i pour la vie ^ &e. C'eft toujours au 
côrrefpôndant anonyme que cela $*adreffe , 
à la 6n de la tirOmeme lettre page 25 f; 
Convenez que voilà un an^eur de la vé* 
fîté bien fervi fuiyant fon g6ût ! Daigne^ 
revoir lé-deiTus les précédentes notes , & 
lire les rémarques draprçs^ 

Voulezvvous un exemple d'un liaifoo!* 
«em^fifit profond ? Ceft le début de la 
p3gé 167. Je quktai Neufihdiel le i^poup 
r^enir cke^ moi , oif je m occupai de mes 
gfaires» Comment donc le fimérair^ Amem 
iu libetie àjerttil avancer quil y a eu des 
pfenies employées dans.Ciglife d^ Mo tiers i 

iiemarquez feulement que lorÊme M. le 
ProféiTeur eft à Motîerç , il eft cW lui | 
$f, que quand il travaille à Teiipcommu- 
l^i^cation de ^oqflTeau ^ il sToçcupe de fè$ 
fifiaires, 

Qj^^il âpprpine f Are vtm^ a)oate*t«*il 
Jmmédiatemeftt après^ ^ 

Le précepte eft bon^ d\>îi qu'il vienne | 
ft^e de M. le Profeffeur dfe Motiers^ 



M y L o R D, &c. 53 j, 






^ence} Voyez fà note p^gë 194, oîi il 
nous apprend que c'eft par prudence qu'il 
'fe tait fur les menées de Motiers & Bo^ 
vereffe. iPour cette fois nous l'en croirons 
iur fa parole» 

Touus €ts expnffions de bctifcs du It^ 
$iellc ^ lou^ CCS propos cxtravagans que Va* 
nonynU met dans ma bouche font trop mipri^ 
fahUs pour que Je prenrie la peine de les ri-r 

Je conviens avec M* le Profeffeur , que 

j^^s propos font extravagaos & mépriTc^- 

'blés, & c'eft préçifément pour cela que 

|e les ai cités^ Cétoit pourtant par de 

pareils motifs que la conicience des an-* 

^iens ayoit été ébranlée comme eux-4nê- 

>nes Tont avoué. Que M. le Profeffeur 

aâTure aujourd'hui n'avoir jamais' ni penië, 

ni dit de pareilles ab&^rdités , cela n'e(t 

pas ^onnai^ 9 $( dè^ qu'il les nie, nous 

jd^YOfîs l'ea croire -comme fur --tout le 

'refle, Oferoit^ii en impofcr à fon cor- 

refpond^t anonyme ^ il grand ami de I9 . 

yérité ? 

Encoiie un ^pt, &; j'ai iini. Au tOA 



■^•^ 



i»»— w^»"! Il m^m^mm^mF^ 






j4<> Lettre 



■^^■■•^•i 



décifif que prend M. lé Profeffeur dan§ 
fa note page 157 , ne feriez vous pas 
tenté de croire que la déclaration de M* 
Rouffeau du 10 mars fut publique "auffi- 
tôt qu'à Ipi prëfentée ? Mais accordez cette 
affertion avec 1- effet que ^roduifit la lec- 
ture de cette niême déclaration feite le 
30 mars par M. le Chambrier officier aux 

fardes , en préfence de plufieurs mem*. 
res d'une fociéte très*norabreufe & très? 
répandue , qui tous témoignèrent par leuf 
empreffenent $ Fcnten^re , & leiw fur prift 
^près Pavoir entendue , combien cette dé? 
cîaratîon étoi| nouveHe- pour eux. Je n# 
vois qu'un moyen de nous accorder M. Iç 
Profefliur S^c moi , c'eft de fuppofer qut 
lîous ne connoiflbns pas le même public 
En^n Tauteur en fippelle au témoignage 
de M. Rouffçau fur 1^ vérité des fidts qu il 
avance (d ^. Il ^àut donc laifler parler 
M. Ro\inreau lui-même ; vous trotiverex 
fon t^oîgna^e d^ns une lettre qii*il m*a 
•écrite en répbnfe aux qneftîo^ns que jt 
lui avois fàiteç en lui envoyait l*ou^ 
vrage de M. le ProfeflÎHif. Si te témoin 



mmm 



141 E^fau49iif j?9^- 2^ ^li» Aou»' • 



i 



"■■H II 



A Mylord, &C, }41 



'«■■ 



J ' " <l jl ' • 



gnage contredit celiiî qiii le réclame , iim 
des deux nous en impofe ; ce n*eft point 
à moi , Mylord , de vous prefcrire au* 
quel vous devez ajouter foi ; mais je dois 
vous avertir que la converfetion de M* 
le Profeffeur avec M, le Lieutenant 
Guyenet , rapportée par ce premier (e) , 
n'eft pas , tant s'en faut dans Texaâe içé- 
rite , s'il nous en Êiut croire ce der« 
nier (/). 

Pardon , Mylord ^ de vous avoir fi long- 
tems arrêté fur cette Réfutation de mon 
libdli. Je fuis fâché pour. M. le. Profef- 
ieur que la narration publique de iè$ feits 
publics foit un libelle, Ceft fà faute, &• 
non pas la mienne. Le titre de. calomnia- 
teur eft dur à digérer pour un anonyme 
auiîî peu anonyme que je Tétois. Sans 
cette qualification , je gardois le filence ^ 
ou tout au plus , pour vous donner une 
légère idée de la conduite modérée & to- 
lérante de M. le ProfefTeur de Motiers 9 
Je me ferois borné à vous rappeller celle 



■«■^■■«■i^iwa 



{e) Réfutadoti, pag. i^^ à 256 

if) M. Guyenet le dit à qui veut Pentemîrc j lî me T-t 
i!Ht à moi, & M. le ProfeflTeur voadsa bien fe fouvenir ^uf 
ht me fîgnew 



/ 



-f —> I I ) Il 7 

343^ ^ Lettre 

■ ■ f 11 ■ MiMii ■ ■ itmm^m^ 

d*iin Quacre de votre pays. Son cheval 
marcha fur un chien qui lui mordit la 
ïambe , & fitillit à démonter le Quacre^ 
Celui-ci lui dit froidement : Jt ru porté 
foinï d* armes f je ne tu$ pas j mais jt U 
dof^nerai mauvaifc renommée. Là - defliiS 
ayant apperçu des gens qui traVaiUoient 
près de - là dans les champs , il fe mît 
à crier : Au chien enragé ! Au chien en^ 
ragé ! Dans l'inftant le chien fut afTommé» 
Voilà , Mylord , î quoi cette aflàire enr 
eft refiée ; il eft difiicius de ^voir com- 
ment elle finira. H ne s'a^t plus de ckfii» ^ 
de coQÛiloire ni de voie légitime^ Barré 
^e toutes parts on s*efl entièrement tourné 
' du côté du peuple , & c^efl par lui feul 

3u'on veut maintenant forcer M. Rouâèail 
*ai>andonner la partie. Aux fureurs du 
fenatifme fe joignent les plus fhipides ex* 
travagances. Déjà Ton voit des cens à 

2 ni Dieu parle , & qui ont eu oes vi- 
ons. Qui croiroit que dans un fîede aufi 
plein de lumières & d'humanité ,ron trou- 
vât encore un peuple affez imbécille pour 
fe laifTer mener par de pareils fbux , & 
àffez brutal pour outrager un homme doux 
§c paiûble ^ uniquement pour complaire à 



J 



A M Y L O II D , &ۥ 345 

tm ^prêtre furieux î Quel fpeôacle de voir 
Le plus ardent défenfeur du peuple ^ in- 
ftilté par le peuple ; T^pologifte des pro- 
teflans , perfécuté chei les proteftans > 
Fami de la tolérance , n^en trouver aucune^^ 
& le cenfeur des grands de la terre 5 pror 
tégé par etixî La yie de cet hoiiime infor- 
tuné fera monument dans Thiftoire phi- 
lofophique de ce fiecle , & fi les relations 
gtie j'ai l^onneur de vous adreffer f n'en 
font pas les plus arrl^ux mémoires , eljies 
€li feront du moins les plvs furs. 

^Recevez ^ Jl^y lord , les affurances du \ÇiX^ 
dre 6f fin<:ere attachement avec lequel jç 
ferai toute ma vie. ' - 

Votit trés-humble & tout 
dévoué ferviteur. 

. DU Peyrou, 

ikifihàtdce \i août 1765% 



, , \ 






^ i f- 



/ 



AVIS. 

» 

XjEs Piues juJUficativts auxquelles renvoie 
M. Du PtyrùU j ont iti publiées dans U 
tcms À là fuiu de fa Ittt^. Leur oMthtnùr 
cite fCayant point ité contenu alors pof 
les perfonnes intereffees a le faire ^ il réfûlie 
de leur Jilence la plus forte preuve de lafide-' 
liti^ & de rexaclitude dçs citations qui fi 
rapporunt à ces titres^ Ou a cru inutile d*eà 
charger ce Simplement. La grande lettre ^ 
M. Roujjiau écrite à Voccafion de cette fror 
cajferie de Motiers-Travers y le 8 août lySS^ 
a déjà été imprimée dans le Recueil de fis 
Ecrits. Le lecteur peut recourir au Tome XXI f^ 
de la ColteHion tpag, z8^ deTEdition^ in-$?^ 



V 



J^ 




mÊmÊmàmÊmii0 .a;fS }^ n Mu ■ ■ ài ■ 




R E M A R Q.U E S 

Qui ni ont été fournies- 



M. 



.O N ami Du Peyroii , faifeur de lïhdlt ! 
lui trompette de calomnies , de faits faux & 
controuvés ! Un menteur , un téméraire qui 
a la lâcheté , Came ajfe[ noire pour outra^ 
gcr & perfécuter injujlement & calomnieufe-- 
ment un homme de bien , attaché à Dieu , 
à la religion! De grace, qu'avez-vous fait ? 
de quoi s'agit-iî } Le libelle efi la lettre a$ 
Goa , & raccufateur.eû .M. le Patteur de' 
Motiers : ah ! je refpire , le mal n*eft pas 
.ii grand que je ravois craint. Je viens de 
relire avec attention la lettre de Goa , 
dans laquelle je n'ai trouvé qu'ug expofé 
fimple cle faits atteftés par des titres ref- 
peâables fans injures , fans qualifications. 
M. le Pafteur a pris, peut-être , pour une 
épigramme le beau titre d^homme de Dieu : 
felicitons^le de cette humilité; s'il com- 
mence à s'apprécier il n'y a plus à défef* 
pirer de hii. Comment n'a-t-il pas fenti 
combien vous l'avez ménagé en gardant 
l'anonyme ? Nommez -vous , puifqu'il le 
fouhaite. Le tableau intéreffera par un fin- 
gulier contrafle. On verra un étranger né 

P 5 



\ 






34^ Remarques. 

en Amérique , homme du monde , doux i 
modéré , jouiffant de Teftime publique , 
nouveau citoyen , mais indépendant de 
tout état & libre de tpute prévention d'en-» 
fence ou de fimille , qui s'étayant à cha**^ 
" qvie pas de preuves irréprochables & des 
ordres du Gouvernwnent, prend généreu- 
lement la plume en feveur de tous les 
citoyens , dont les droits étoient viplem- 
ment attaqués par les vexations exercées^ 
contre Rouffea\i. On verra , dis-je , en op- 
pofition un Miniôre du Dieu de charité 
hi de paix , répandant les injures les plus 
groffieres îc qui prétend réfuter un cu- 
ivrage tou^. appuyé fur des titres publics ^ 
fans en préfenter lui-même d^autre qufc 
fe propre déclaration. Vous allez lui ré- 
pondre , fans doute : le public décidera 
bientôt qvii> de - vous deux eft le feifeur 
de libelle 5 l*homme feux , le menteur : 
dès long*tems vos réputations font fei- 
tes. En lifent cette prétendue réfiitation 9 
j'ai été tenté de felre quelques remar- 
ques dont vous uferez à votre gré : les 
voici. ^ 

Demandez , je vous prie ,- à M. le Paf- 
liCur de Motiers , pourvoi Téditign cja*il 



mÊm 



ae 



Remarque s« j4t 



fi^— —M ■ ■■ II,!» i r , ) ,, ,^ 



vient de faire faire de la lettre de Goa eft 
fous le titre de Néiifchâtel {^) ? veut-il 
dire par-là ique Neùfchâtel & Goa font 
fynonimes ? cela lui plairoit fort , fans 
doute : ou bien a-t-il voulu par cette pe- 
tite rufe & à la faveur de ce faux titre , 
feire croire au public que fon écrit auiH 
a été imprimé à Neufchatel , & avec per*^ 
miffîon ? Mais tout le monde fait qu'il Ta 
vainement follicitée , iSc qu'il a fellu s'a* 
drefler ailleurs. * 

-Démodez --lui encore fi lorfqu'il parle 
dans fa dernière lettre de la lefture qu'il 
a feite en clafle de fa brochure, il à défi- 
feiit d'infinuer que cette compagnie Tap- 
prouva? Mais perfonne n'ignore que la 
claflTe refufa d'y prendre la moindre part 
& le laiffa fe faire imprimer pour foa 
compte particulier. 

Bien des gens croient que M. le Pafteur 



Xg) L'Auteur de ces remarques ignore apparemment qe 
que ^ignorais auifi , mais que je vfens dé vérifier dans \t 
moments c'eft que les exemplaires débités à Neùfchâtel ne 
portent pas le titre de Neùfchâtel , titre réfervé, fans doute, 
ji ceu^ deftiaés pour Tétranger. Je dois en juger^ainfi par 
mon exemplaire qui m'ayant été fourni de l'Etranger^por^jl 
le tiue de Ncufchâi?!. ^ . 



348 Remarques* 

• m ■ I ■ Il II II I I». . m » l > 

de Motiers n*eft pas Fauteur de cet écrit 
dans lequel ils ne voient ouHme fctire 
cruelle contre lui : d'autres men inûruits 
du petk tripot de Nfotiers > affurent que 
Touvrage eft de lui mais limé , corrigé ^ 
, augmenté par certain Bateleur» petit per- 
fonnag^ afiez tnad famé^ Je iliis fort tenté 
de le croire & je gagîerois que le petit 
tomme eâ Tilluftre auquel les dix lettres 
s'adreffent. Il ne fera pas difficile de faire 
la féparation des métaux : ibyez fur que 
toutes les vahteries> les éloges de foi- 
mêiïie , les expreilions fougueu fes , les 
jgros mots font Touvraçe du Pafteur^& 
jqut les £ad^s plaifentenes font du pctk 
homme^ Voilà le partage de Touvrage 
entier* 

Cependant û nous en croyons Ni le 
Pafteur (A), il eft obligé pour l^onneur de 
Ja religion, pour celui de la clafle & pour 
le fien propre , de prendre la plume : hevh 
reufement voiit, fon honneur en bonne 
compagnie : /e me ferai , dit-il plus bas » 
iine ngtc (ticrirt avec ta plus grande m^di^ 
ration yji confondu au gl&rieux caraScrequi 
' je porte , & à mon caractère perfonnel *• tt 



CB 



Remarques^ 349 

^— ^— — — — I II I ■■■ I I I . II» I IM 

VOUS a tenu parole avec toute k modef* 
tie de fon double caraftere : plus bas il 
ajoute , / muerai le divin Maître que je fers 
qui ne rendoit point outrage pont outrage ; 
ah ! mon ami , quelle copie ! 

Ceft-là cependant Tapotre de la mode* 
ration & de là vérité : vous favez que de» 
puis fes tracafleries contre Rouffeau, il 
n'a ceSe de porter fes pallions en chaire : 
le fcandale en eft général parmi les gens 
fenfés : il cherche & réuflît , dans la foule 
ignorante , à exciter les efprits contre 
Rouffeau & contre les quatre eftimables 
anciens qui ont eu la fageffe de lui réfiC" 
ter ; il les défigne aflez clairement dans (qs 
prônes. : averti par fes confrères , repris 
fortement par fes proches , fa fougue va 
croiflànt chaque jour : en voici un trait 
aflez plaifant : M. le Pafteur prêchoit avec 
chaleur le dimanche 1 1 juillet , dirigeant 
comme de coutume fa déclamation contre^ 
les objets de fon reflentiment ; & voulant 
placer un trait heureux , on reconnoit ^ dit* 
il , le méchant à fon front ; mais aupaya- 
vant_portant avec véhémence la main fur 
ia tête , il avoit eu f<ûn de bien enfoixcçr 
jfoû chapeau. 



^ 



Ijo Remarques, 



Sur rintéreflknt chapitre de la vérité 
Iju'il aime tant, qu'il connoît fi bien , voiU 
pourrez lui Êiire plus d'une qucftion : mais^ 
avant toutes chofes demandez -lui où & 
en quoi il dk profefFeur ? Ceft en vér»* 
Tîté , apparemment ; vx)îci quelques thefes 

Îju'il a Soutenues à cette occauon. Il af- 
Lira un jour avec affirmation à M. Petit- 
gierre l'aîné , Pafteur à Neufchâtel , que ' 
oufleau lui avoit remis un certain nom- 
bre de pafTages de l'Evangile , qui fervoient 
à juftifîer TEnlile. M. Petltpierre fouhaita 
paffionnément de les voir : ils lui fiirent 
promis par le premier courier & n'arrivè- 
rent point : à la générale fuivante , M. le 
Pafteur de Motiers s'excufa de fon. mieux 
fur^, ces retards : les couriers né^ligeans 
avoient porté le paquet à Befençon , & 
long-tems égaré il venoit de lui être reiv- 
du , mais en quittant Motiers il l'avoit 
oublié dans fon bureau : là - defllis nou- 
velles foUicitations & nouvelles prômef- 
fcs : au bout de quelques mois , ces paf- 
fages tant demandés & tant promis ne 
paroiflànt point , ^i Petitpierre les de- 
mianda direftement à Rouffeau , par une 
lettre qui ejcifte ; celui-ci répondit, qu'il 



Remarque Sr 35* 

me favoit ce que c^étoit que ces paflages • 
icette réponfe exifte auffi. 

Priez-le de vous expliquer fi c*eft paf 

erreur dans fon baptiftaire ou par la pré* 

cocité de fon efprit , qu'il a été reçu pro- 

•p©fant à treize ans , ainfî qu'il Ta dit §p 

•répété, il y a quelques femaines,, à M. 

Schol pafteur à Bienné , homme très-ref- 

peâable & par conféquent honune vraî# 

Celui-ci furpris du prodige en témoigna 

fon étonnement à plufieiirs reprifes , mais 

M. le Pafteur de Motiers lui certifia fi bien 

le fait , que M. Schol Fa cru , le croît ÔC 

le croira toujours. 

Invitez-le à vous faire , par le menu ^ 
ITiiftoire dont il régala un matin chez lui ^ 
' trois militaires , il y a un an : il s'agiffoit 
de jéfuites envoyés en Suiffe pour d'im- 
* portantes afeirés avec ordre de s'adreflfer 
à lui , foit à M -^^ * *. Pafteur à Laufanne 
' comme aux deux coriphées de la réforma- 
don. Il vous dira comment l'un de ces 
jéfuites 5 ou peut-être quelqu'autre , a 
demeuré à Motiers chez le Pafteur un cer- 
tain tems : comment & pourquoi il s'en 
alla': comment Jean ^ cocher de M. le Paf- 
Jeur, çtant ^ Paris peu d$ tems après , vit 



gJX R. E M A R Q U E S. 

te jéfuite fur une place en converfetioô 
avec un Prince ou tout au moins un Cor- 
don bleu : comment le jéfuite apperceyant 
Jean Tappella : coitnment l'heureux Jean 
fiit accueilli dans Paris par un révérend 

f>ere Jéfuite aux côtés d'un Cordon bleu : 
es chofes intéreffantes qu'ils fe dirent..... 
M. le Profeffeur vous contera tout cela. 
Uné^ pièce curieufe & qu'il ne vous 
reflifera pas , c'eft fa réponfe au Roi de 
Pruffe qui l'a voit confulté fur la guerre, 
ainfi qu'il en fit la confidence à feu Mod- 
iieur de Travers ; celui - ci qui étoit un 
homme vrai l'a attefté à des perfonnes de 
confidéràtion très* vivantes aujourd'hui. Il 
pourroit encore vous montrer les lettres 
qu'il a reçues fréquemment des Princes & 
. Princeffes de la maifon royale de Pruffe, 
, entr'autres de la Princeffe Amélie & du 
fameux Prince Henri , fur lefquelles il a 
. fait des détails intéreffans en plus d'une 
occafion , & à gens qui s'en fouviennent 
très-bien. Rappeliez - lui encore fts mO' 
dettes confidences à notre ami d'Èfchemy • 
quand celui-ci paffa l'hiver à Motiers il 

Îr a deux ans : 'commentai lui conta que 
e Prince Royal de Danemarck & le Duc 



1^^ 



Remarques. 35 J 

>■ ■ m,, u . . , I ■ I.» I I ■ " . l i t, 1^ 

de Modene paffant autrefois par Neiif* 
châtel n'y voulurent voir que fui , & s'^ 
arrêtèrent deux fois vingt- quatre heures 
poiur jouir de fon agréable entretien t com* 
ment il lui fit entendre affez clairement ^, 
que lui Profeffeur entroit pour la bonne 
moitié dans la curiofité de cette foule d'é- 
trangers qui viennent de toutes parts té- 
. moigiier leur eftime à Rouffeau : com- 
ment il lui aiHira que Roufleau en le 
pommant fon exéaiteur teftamentaire , lui. 
avoit confié Thiftoire de la vie en le priant 
d'y jouter un fupplément , & de ne la 
publier qu'après fa mort ; & commept par 
égard pour RouiTeau , il attendoit à ce 
tems là de Êiire paroître une réfutation 
de TEmile & du Contrat Social en 10 
volumes in- 8^. &c» Demandez- lui qu'il 
ajoute à tout cela la lifte des grands de la 
" terre avec lefquels il eft en correfpondance, 
& vous verrez qu'un tel homme méritoit 
bien, d'être propofant à treize ans. 

Que dites-vous de fa lettre à fon très- 
honoré frère de Genève (/), qui com- 
mence fi plaifamment par ces -mots : Je ne 

( i) Page aa>* 



* 



1^4 Remarques* 



tim^ 



Juis pas à ignorer Us fentimehs J^amidi èr 
de bienveillance ^qiU vous ave[ pour moi* 
Ce contre*-fens a bien Tàir d'une corrcftioa 
du petit homme , ou peut-être de Thuif» 
fier qui publia la profcription des Lettres 
de la Montaigne. Si Rou{feau votiloit jafet 
fur cette lettre , il auroit d'excellentes chô- 
fes à vous dire. N'en doutez pas , la let* 
tre eft du Paflélir ; vOus y voyez (pi'd 
n^efl pas affe^ prefomptueUx que de ptifif 
fes ouvrages , notaniment fon fermon du 
jeûne , C[ui cependant lui a paru avoir kl 
goûté , , 8r dont il offre modeftement un« 
.copie à fon cher fterc , qui pat oît ne pas 
s*tTï foncier beaucoup : eflàyéz de lui en 
demandef une & je garaiitis votre paiic 
faite. Enchanté de fa belle lettre , il cria 
au bout de la carrière : eh VienJ fuis-jc un 
intolérant & un per/écuteur ? & là-deffus 
il étale toute fa charité , c*eft-à-dire , celle 
que S|int Paul prêchoit aux Corinthiens, 
il eft très-rfurprenant , en effet , que M* le 
Pafteur de Motiers n'ait pas perfécuté Rout 
feau précifément dans le tems qu'il en pai^ 
loit par-touj lui-même comme du meil- 
leur chrétien de fa paroifle : vingt perfon- 
nes & de mife attefteront ce propos du 
Pafteur, s'il le fouhaite. 






R E M A R Q U E S.V ) 51 f 



rih*aMiilh«v^M«biiB>*Miiiiéa«iki*rilaMta 



Sans contredit , G*eft le petit homme 
qiii a fourré (â:) la fade réverbération de 
votre jolie note fur le très -bon propos^ 
d*une Dame ; ftiais il n*y a que M. le Paf» 
leur qui puiffe atteiler vtne promeffe de 
ne plus écrire que certainement Rouffeau 
ne lui fît jamais : c'eft apparemment fur 
cette promeffe qu'il fadmit à la commiî* 
nion ; cependant oubliant bientôt l'un 6c 
Vautre , cet engagement formel , Rouf- 
feau ne tarda pas à écrire fa lettre à FAr- 
chevêque de Paris ^ & M. le Pafteur de 
Motiers fît à^tout le monde Téloge de ce 
nouvel écrit 

Avez -vous fait attention à la lîote 
( pag. 145 ) ? Tavoxu , dit le véridique Paf» 
teur 3^ qtu je fus peu recofinoiffant de tex^ 
ception que M. Rouffeau a bien voulu faire 
de moi , 6*^. Voilà là réponfe^ au propos 
de votre Dame ; vous voyez que cetfe 
téponfe vaut mieux que celle du petit 
homme, A cette occafion demandez à M. 
le Pafleur fi les Lettres de la Montagne 
le fcandaliferent d'abord , comme de rai- 
fon ? S'il lé témoigna d'abord à Roufïeau ? 



i n K m »■ mfmm/fit^* ^. i i i wm ^'^m^^'^^mm 



ik ) Page 547. 



»■ ! - " ' !■ "I > m, f I. lU l 

156 Remarques. 



mm 



S*il le reprit , le cenfura , comme jufte ^ 
lui qiii étoit fon Pafteur ? comment il vé- 
cut avec lui dès la publication de ce livre 
& long*tems après ? démandez auffi tout 
cela à Rouffeau & vous apprendrez des 
détails qui vous amuferont. 
^ Je ne puis m'empêcher de placer ici une 
circonftance dont le fimple récit feroit à 
mon gré , la meilleure répot^fe à faire à 
tout récrit de M. le Pafteur de Motiers. 
Vous n'ignorez pas mie celui-ci fouhaita 
& propofa fans fucces d'avoir part à Té^ 
dxtion générale de tous les ouvrages de 
Rouffeau , projettée dans ce pays , & dans 
laquelle lés Leftres de là Montagne étoient 
comprifes. N'eft-il pas plaifant que le 
Pafteur qui a conduit avec tant de zèle 
la barquç qui devoit nbyer Rouffeau, 
comme auteur de livres contraires à notre 
iainte Religion , & qui vient de foire itnr 
primer de fi belles chofes pour la défenfe 
de la yirïti^ foit précifément le même qui 
peu de mois auparavant fouhaita , vu que 
l'affaire étoit bonne , d'être un des édi- 
teurs d'une nouvelle , nombreiife & be/Ie 
éditioij de ces mêmes Livres contrains à 
notre faintc Religion ! Imaginez pour ui> 





Remarques. 


357 



^noment ce PaftOur agreç par les Affociés i 
la réimpreflîon fe fàifant avec fuccès , ÔÇ 
f homme de Dieu voyant mille bons louis 
de profit net pour fa part , bataillant avec 
le, même zèle en faveur de Rouffeau con^» 
tre les Lamas 4e ce pays , de Genève ôjf 
des environs. 
• Dites bien à M. le Pafteuf , que c-ett^ 

^ame trhs fenfée qui lui parla naturdltf- 
tnent ( /) avoit fort raifon y & qiie c*ètoit 
certainement Rouffeau qui avcit perdu la 
tête en le jugeant digne de Tenvoi flatteur 
dont il rhonoroit : depuis long^^tems il n^ 
de voit plus s^ tromper, 
" il eft bon de vous prévenir que lorf-* 
<|ue M. le Pafteur de Motiers parle dans 
fes lettres des nptables de fa paroiffe , dés 
bonnes âmes de fon églife , en un mot 
de fes partions , il s'agit.d'un petit nombre 
de caillettes mâles & femelles , compris le 
petit homme , iefquels; otit de fréquenteg 
Conférences fous la piiéfideiice de M. la 
Faiieur»? vous juge^ bien que Rouffeau 
& les quatre anaens font traités avec 






(/} P^geq;47 à la notff 



mÈmmmmmmmmm«miti0H^i^kÊmmimtmmmtm 



•^•9 



IjS Remarque s« 



i^* 



toute la charité apoilolique dans ces coo? 
ierences là. 

^ Z/^m Compagnie éU diftnfiurs de U vi» 
Hté (parmi lelquels fe trouve néceflàire- 
inent M. le Patteur de Motiers , car que 
ferait la vérité . ikns lui ? ) qui doivent fi 
montrer pour la caufe du Stigneur JéfusQn)^ 
peut feire de très - humblçs remoutrancei 
au Gouvernement fur des livres contrai- 
res à la vérité ôf /à la r^àigion , mais cetÉ« 
compagnie ne peut rien faire de plus, 
c'eft là toute ià juriiHiaion ; ditçs bien 
cela à votre COrrefpondant ; mais demaft» 
dezAui tn même tems comment après les 
remontrances df la ClaiTe au fujet de FE- 
mile 5( la profcriptiôn de cç livre k Neufi^ 
i^âtel , comment lui défenfeur de la ve* 
lité &{, de la caufe du Seigneur Jéfus , il 
admit à la communion du Seigneur Jç(us^ 
fAuteur de ce livre déclaré impie , abo^ 
minable 9^ deftruâeur de ja re^on du Sei^ 
gneur Jéfus ; comment il • fe' déclara au 
contraire le déf|snfeur xiu liyre& de TAi^ 
teur^ en Claffe,.4ans fon Confifloire Sf 
len public ; comment tout à coup la chançft 



■^^^—^Pig tn t il jiji I r 1 1 m m 



im) P»s^?49. 



m\ ' ' ',' "iM" ^ f" "i,!iiitii.iiiinm^'B"iLii", 

R £ M A^R Q U £ s, 354 

a tourna & qiieU ent étç lej^ffefforts in?* 
compréhenfiblcs de ce changement, Ce- 
pendant M. lePafteiir de.Motiers vous dit 
lie très-bonne foi ( « ) , tandis que M. Rouf* 
Jcau n^a poinp troublé légUfc la Compa^ 
gnic s^cfl tue ; 0^ liai rien dit qujji dç mon 

i^rif. det étrange propos eft certainement 
4u petit homme | puifqv|e nous venons 
dp voir des remiontrançes ftites par Jiîi 
Glaffe en 1761 au fujet de l'Emile » & ce 
livre profcrit par le Magiftrat de Neufi» 
châteL Ce ftroit ici 1^ placç dç dire ^ M, 
le Pafteur de Motiers que le trouble de 
"fon églife , s'il y an a , vient de lui , de 
lui feul; il devoit pour les Lettres de I4 
Montagne y agir comme il Iç fit pour V%^ 
piile , puifque le premier 4^ ces livres h'eft 
e l'ejfplicatipn adoucie & juftificative 
u (econd ; ou bien il devoit penfer \ov^ 
(de l'Emile comme il l'a &it à l'égard des 
Lettre? de la Montagne : que lui donc 8$ 
^ confrères qui penfent comme lui foieni 
^ien convaincus 9 que les troubles qui 
n'ont ceffé de défoler l'églife chrétienne, 
^nt l'effet juéceffaire d'un prétendu ad» 



z 



\ 



y6o 


R £ M A R Q Û E S. 





qur change^on les tlrconftances , & plut 
encore des paffions ^ales attachées à leur 
Aat ; Xjtxt régliie verra ces jtroubles f« 
perpétuer aum long-tems qu'il y aura fur 
la terre des théologiens qui ne feront pa$ 
les maîtres de tout.' 

Remstrquez'^vous comment à chaque 
pas M, ie Pafteur de Motiers tâche de gref* 
fer fes intérêts fur ceux de la Glaffe ? il 
aimeroit à faire xroire qu'il y a une al- 
liance offenfive & défenfive entr'elle & 
lui : affurez-le très - pofitivement , qu'il 
combat gratuitement pour la ClaiTe ; qu'elle 
n'a point avouç ion écrit ; qu'elle ne Fa- 
rouera jamais lui pour fon défenfeiu*, Si 
qu'elle eft trop fage pour prendre la moii> 
cre part à fa mauvaife querelle. 

On vous renvoie à Texamen^ des ré» 
giftres du Confeil d'Etat^ pour ^n tirer un 
certificat de la modération de la vinirabU 
Clafft 9 par laquelle elle iefi dijiinguic en 
tous ttms ( o ).. Je fuis tenté de vous invi- 
ter à travailler au diplôme de cette mo- 
.dér^on ^ & de feuilleter pqur cela lesjégit 
1res du Gouvernement aux années^ 1724 % 



%i) ?»5» M?. 



17*$ 



RïMARQÛES. 361 

•1726, & i74«, r74C), 1755 ^ ^7^8, 1760. * 

C*ell vraifemblabiement le petit homm ; 
qui vous renvoie fi joliment la baie , à 
propos de la plaifante méprife de THuif- 
ISer (/) : il faut avouer que l'honneur d:i 
Magiftrat de Neufehâtel que vous n'atta^ 
quâtes jamais 9 eft défendu par main de 
maître : car pour M. le Pafteur, il n'eft ^ 

Sas probable qu'il cherche à faire fa cour 
un Magiftrat qui n'a pas feulement voulu 
lire fon manufcrit. 

Au moment que vous devez le moins 
vous y attendre, le débonnaire Pafteur 
-a Tame fi bonme qiftl vous pardonne fin* 
^ircmait (y) ; vous ne pouvez pas en 
douter après «voir lu fes lettres ; mais il 
a oublié d'ajouter que c'eft pour Famouf 
du Seigneur Je fiisyo^/ïi/ivm mâitn qtiiliniitt 
*n ne rendant point outrage j>our outrage^ 
iomme il l'affuroit dans fa première lettre. 

Avjcz-vous compris le jargon du petit 
homme ( r ) mr les myfteres ou les fe-» 
crets du fanftuaire^ &c. î Hn'y en a 



iq) Page 251. 

i^r ) Pages içtt & i<^. 

^ufpU M la CoUcc^ Tomis Illt Q 



361 RBMARQUES. 

point, dit-il, quand II efi quejlion de PEr 
vangiU ^ de C édification de fégllfe , & ce* 
pendant depi^îç la réfolutioa de la Clâffe, 
M. le Pafteur de Motiers , ami & dcfen- 
feur de Rouffeau , ceflfe tout^^à-coup de le 
voir , il ne lui £dt pas même favoir tout 
fimplemçnt par un oui , ou un non , qud 
ctoit le fort de fon offre à la Çlaffe , &: 
dont il deyoit tout au moins lui rendre 
le papier , puifqu'il s'étoit chargé de le 
préfeiiter ; en forte que ûltïs I4 çuifiniere 
dç M, le Paflteur ^ Roufljaau auroit ignoré 
jufqu'w. inondent de la citation , ce que 
rhomme faint lui deftinpit. Mai$ ^ pror 
jpps de myftere & pour être bien dctt 
ifu^dé qu'il n'y en a point dans le lancv 
Suaire , demandez , je vous prie , à M. I9 
jafteur de Motiers en lui promettant le 
feçret , unç copie fidellç d'un manufe 
crit feoieux qui garde foigneufement l'inr 
CQgnito depuis fa naiiTançe ^ fie qui corn 
p^iït la c^fçipUne ou les conftitution^ di| 
fanftuaire j il eft bon de vous dire que 
dans plus d 'unè occasion la Çlaffe a tenté 
^e faire ufage de cette difcipticie tén^'* 
|)reufe contre des citoyens, « que ce^ 



^^ 



Rem arques. }6j 



T"^ 



le Gouvernement , qui plus d'une . fois a 
fommé tes ^iniftres de montrer , de pu« 
bEer même ce titre , muni , fans doute p 
de Tapprobation effentiellement néceffairç 
du Souverain ; ils répondirent qu'ils le 
produifoiçnt , 6c cependant il n'a jamais 
paru; ils le produiront moins que Jamais^ 
aujourd'hui que le fort des conititutiOn^ 
des Jéfuites doit les rendre plus circonjf^ 
peâs. à montrer les leurs^ Notez, s'i| 
vous plaît 9 (pie les coi^tutions des Jé^ 
fuites ne lient que le^ membres de leii^ 
foçiété^ èc que celles de nos miniflres 
s'étendent fur les citoyens d'un Etat , oii 
le Souvemin lui-même ne peut impofei^ 
de Wm m^ de pof^rt avec eux ; croirieg^ 
wo}AS que <çes i^B^^xs ont ofé prétendre 

au'un citoyen excommunié par eux étoit 
èsJ^ çenfe mort civilement ;qu'un citoyeij 
oui refi^foit d'êf re ^cien d'égUfe ^ devoit 
^etre ^odiamé ^ prjôue pomme indignç 
d'occuper gucim emploi civil f &c. } le 
Wiit e;fi:c4^!^mp Vo^s trouverez à la Chan- 
i:ellerîe les dét^Us 4e pes &it$ & l^u* date.' 
Le .^étendui droit d'infpeéHon fur b 
foi fi cher à M. Ip Pafleiu: de Motiers , u 
|ufteTO€At contefté ; U dont le no%^ul 



364 Remarques. 

révolte , lui porte fi violemment à ]tt 
tête , que par quiproquo il Ven prend à 
vous , tancËs que c*eu le Gouvernement 
qui par un arrêt ad boe a déclarç ce droit 
nul, de toute nullité. Priez-le au nom 
de tous les citoyens , de vous indiquer 
les conititutions eccléfiaftiques qui don^ 
nent au Qergé le droit d'infpeôion fur 
la foi , c'eft-à-dire, fur lesfentimens de 
chaque citoyen, Les conftitutions ecdé» 
fiaftiques de cet Etat font entre les mains 
ide tout le monde ; c'eft im grand nom 
donné ^ un petit objet ; elles ont été dans 
tous les tems Fouvrage des feuls gens 
du Prince , (ans que les gens d'églife y 
^ent jamàiis eu la htdindre përt ; il y a 
ïTiême aujourdTiuî ime commiffion nonw 
piée par Iç Gouvernement, & compofé^ 
uniquement de Çonfeillers d'Etat pour traf 
vailler à la réforme de ces conftitutions r 
iÇc çomine dans celles-ci en ne trouve 
rien qui ait trait au droit dUhfpèftion iwt 
la foi des citoyens que M* le Pafteur de 
Motijprs voudroit attr&uer à la Qaffe fs\ 

ileman^ez-lui fi par ôonftitutions eù:iéna^ 

»• " . . 




Remarques. 36c 



tiques, il n'ent€nd points peut-être, 

Quelques ftatuts ténébreux compilés four- 
ement par la compagnie des Pafteurs^ 
ou par le colloque du VaWe-Travers , 
& affurez-lè que de tels fbtuts ne feront 
pas plus loi dans ce pays, que lescont 
titutions des Jéfuites ne là font dans le 
Royaume de France. La plupart de nos 
miniftres font trop fages pour s'imaginer 
qu*on les laiffera tranquillement difpofer 
cntr'eux des frânchifes des citoyens. Cha- 
que fois qu'ils Toferont tenter on faura s'en 
tenir aux ftatuts du Maître , &c c'eft avec 
lui que M. le Pafteur de Motiers courra 
le rifque d'avoir à feire quand il voudra 
s'arroger une autorité' qui conftitue pré^ 
cifénient l'aiFreufe Inquiution : c'eft appa- 
remment le petit homme qui a voulu la 
définir (^) ; car on ne fait ce qu'il veut 
dire ; l'Inquifition ne fe borne point aux 
faits cachés; au contraire, pkis ils font 
public? & plus elle s'en mêle. 

Sur l'hiftoire que l'auteur fait (p. 253; 
à 159.) il eft jufte, comme il le fouhaite 
lui-même , d'en appeller au témoignage de 

<*)Pagc a53. 

Q3 



t . > 



|66 Remarques. 



tm 



Roufleau; vous ne feriez pas mal de 
demander auffi celui de M. Guyenct Lieu- 
;tenànt du Val-de-Travers, 

Ceft apparemment k petit homme qiu 
a fourré ridiculement en note (page 158,) 
en ne donne pas ainfi la loi à ftsfupimwh 
en parlant de la Ciaffe ; il imagine cpie les 
jniniftres ont ici Tautorité qu'il avoit , ki, 
Jur les hiftrions de la H***i il fe trompe, 
"& Ton ne nous mène pas comme xles ba- 
ladins. La Ciaffe connoît trop bien l'tett- 
reufe conôitution de ITEtat ^ pour prétefl* 
jdfe être la fupérieure du moincke des 
citoyens ; elle n'a pas la plus légère a* 
torité , hormis îur lès propres membres, 
qui portent quelquefois la peine de ton 
pouvoir. La compagnie des Pafteurs eu fi 
juftement fubordonnée dai» ce pays t » 
comme cela convient à de nwdëftes im- 
niftres dont funique métier doit être de 
prêcher y par leur exemple , fur-tout, « 
renoncement au monde, le défintérefle- 
ment , Pobélffance ôc l'humilité , queUc 
n'étoît pas mênae un Corps de l'Etat : » 
elle en eft un aujourd'hui > c'eil par un« 
iijtrufion très-0K)derne : tout le monde lait 
qu'au premier traité d'affociation des Corps 



/ 



Remarques. 367 



de l'Etat, à la fin du fiede paffé , la Claffe 
pria trcs-humbleraent ou On Tadmît à la 
îignature de l'afte d*iinion; qiie (es dcpii* 
'tes fignerent modeftement i la queue 
de tous les autres ; voilà fbn unique ti* 
tre : mais à la première occafion les mi- 
Tîiftres s'emparèrent , félon Tufage , des 
premières places & fignerent à la tête de 
tous les Corps» Les confiftoires font les 
feuls fupérieurs fpirituels ; leur autorité a 
les bornes prefcrites dans Tarrêt du Gou- 
vernement que vous avez rapporté, & 
cette autorité efl toute fubordonnée à celle 
tle la Seigneurie. 

Avez vous apperçu de la fermentation 
à Neufchâtel au fujet des Lettres de la 
Mofttagne ? M» le Pafleur de Alotiers y en 
trouva beaucoup ; il le dit , on ne peut 
pas en douter : cependant nous atteiflerons 
vous & moi avec tous nos amis, qu'il 
rfy en eut pas même Tappartnce , parmi 
la bonne compagnie ; fio^s avons vu ce 
livre recherché , dévoré & faifant le fu* 
jet des entretiens ordih^-es : on remar* 
qua même , à cette occafion j^q^e^i qtiél* 
qiies perfonnes s'cchairfFerent contre de 
livre , ce furent précHement celks qui ne 

Q4 



368 Remarques, 

ravoiènt pas lu : la même chofe arriva 
lors de rÉmile. 

Le langage que M. le Pafteur de Mo- 
tiers prête à fon CQrrefpondant anonyme, 
(pag. 160.) n'eft-il pas traduit mot à mot 
du racine Bernard , prêchant la croifade î 
Comptez que l'anonyme eft le petit hom- 
me, car quand il eft en prifon chez des 
moines , îl leur fait aufîi des fermons à 
douze fous pièce, le tout pour fe dé- 
fennuyer* 

Remarquez , je vous prie , que M. le 
Pafteur (/^) ne nie pas que la Claffe fut 
mina contre Rcufleau une fentence d'ex- 
communication , il fe contente feulement 
de dire , je ne fais ok t Auteur a puifi et 
qiiïl ofe avancer :. cette manière de paroître 
pic r une chofe que l'on fait être véritable, 
fans cej)endant ofer la nier expreflement > 
fe trouve dans les élémens de Loyola & 
dans àes déci'fions d'Auteurs graves ; mais 
f ignorois qu*elle convînt à un Pafleiir, à 
un difenfeur de la vérité. Il ajoute un mo- 
ment après , que la Clajfe connoit les borna 
de fa juHfdiclion fpiritueLLe. La jurifdi^ion 

<K> P^ge 26^,. 



■PPJP 



Remarques. 569 

ipîrkuelle de la Claffe ! Dîeii nous foît 
€n aide} Il n'y a que le petit homme qui 
ait pu fabriquer une pareille jurifdiclion ^ 
car M. le Pafteur de Moticrs fait très-bien 
que la Claffe n'a pas la plus petite jurif- 
diâion y ni ipirituelk , ni temporelle fur 
les citoyens. Qu'elle difpofe de (es mem- ' 
bres ; qu'elle les dirige à fon gré , peu 
nous importe ; ce mal n'eft que poiir elle 
& pour eux ; & dites à M. le Pafteur' 
que fi des confiftoires ont demandé des 
direâions à la Claife, ce n'eft que par* 
égarement , puifqu'ils ne doivent en re-' 
cevoir que <lu Gouvernement duquel ils 
dépendent uniquement , comme rarrêt du 
2 avril le leur apprend fi bien. 

// ejlfattx , abfolumcntfaux que ta Claffe 
prit en objet la lettre anonyme , s'écrie vi- 
goureufement M. le Pafteur : pour le coup 
la, négative eft formelle & bien nourrie y 
il ne lui manque qu'im peu d'authenticité» 
Demandez à l'Auteiu- ce qu'il entend par 
prendre en objet ? Vous n'avez pas dit que 
la Claffe prit en objet , mais fimplement* 
que la Claffe fart fagement pour elle ^fup^' 
prima eette fenunu irrég,uliere fur ta lettre 
anonyme qui lui fut adrejjee vraifemilable^ 

Q 5 



370 Remarques. 

mcai par un dé fcs immtns^ (^) > ^ ^ 
yeut dire que cette lettre produifît Hieu* 
reiix eâet d'empêcher un faux pas 5 & rien 
n eu plus vrak On ne délibéra pas fur fon 
coi^enu y &ns doute ^ mais fut-eUe pré- 
fentée à rafiembI&?£toit-elIe connue des 
minifires opinans } Fut-elle lue fok tout 
baut, foit tout bas ? Voilà de quoi il s'agit : 
vous voyez fur quoi roule la groffe néga^- 
tive de M» le Pafteur. Vous pourriez a)ou- 
te^ que c^eâ: une fatalité que la Claffe ait 
été détournée de ià première réfolution 
par cette lettre , Êms laquelle le défordre 
aufoit été fi grand & les loîx fondamen- 
tales tellement bkflees^ que le Souverain 
aux cris des corps & de tous les citoyens 
auroit apporté à ce mal extrême un prompt 
ren:iedç ^ &c qu'on «luroit , fans doute , ùàû 
cette occafion de rétablir les chofes dans 
leur pr^ier état ; chacun auroit été rerois 
à {a place , & certainement la Claâe n*au- 
. roît pas R%<^ à cet arrangement. 

Si M, le Pafleur de Me tiers n'avoit pas 
efpéré d'acquérir deux voix en confiiioire^ 
aiU"oit-il choifi finftant de cette tracafle- 



•'*9^iii^mmmmmmt»0mmÊm 



4») Pasc x^« 



■ ,■ ■ * ■ , =g. 

Remarques. 371 

^— ■*—»«■— »— I II II» I ■ — — ^i^— i» 

rie pour l'éleftlon de deux nouveaux an- 
ciens , fur robéiffance aveugle & toute 
neuve defquels il avoit droit de compter : 
il aura pour agréable qu'on lui faffe re- 
marquer combien fa charité fi étendue en 
toutes occafions , fiit courte en celle-ci à 
l'égard de. fes deux -élus, auxquels il impo- 
foit ainfi pour leur coup d'eflài , la tâche 
de juger du chriftianifme de Rouffeau & 
de le condamner fur la parole de leur 
condufleur fpirîtuek II auroit pu nous 
conter lui-même certains détails qui au- 
roient Jette un grand jour fur les menées 
dont il parle , & defquelles il feroit plus 
prudent à lui de ne pas parler du tout* 
Perfonne mieux que lui , par exemple , 
lie . pou voit nous apprendre qu'il invita 
prefl'amnient tous les anciens à fe rendre 
de très-bonne heure chez lui , le dimanche 
24 mai avant le fermo^ du matin , à 
caufe des chofes importantes qu'il avoit 
à leur communiquer ; que là il les endoc- 
trina fans mefure pour les indifpofer con- 
tre Rouffeau ; que Theure du fermon fut 
retardée par la Icngaeur d'un enfeigne- 
ment d'autant moins (qc qu'il fut ample- 
ment arrofé i que poiu: prémunir les an- 



372 



Remarques* 



ciens contre la vigueur avec laquelle It 
jàvoît que M, îe Châtelain, défendroit. 
Roufleati contre Toppreffion , it leur dit. 
que ce Maglflrat étoit cruellement embar- 
rafle par une lettre qu'il avoit reçue dc: 
Mylord en faveur de Rouffeau , voulant.. 
leur infimier par^là , que M. le Châtelaia 
n'agîroit que par dçférence pour MylorA 
& contre fes propres fentimens , à quoi it 
a}outà pour achever de les encourager à 
jouer des poings , qtie pour lui rien ne 
pouYoit le détourner de fon dcffein ^ dût- 
il perdre fa place & fe voir féparer de foa 
cher troupeau , &c. Les débris, indifcrets 
des bouteilles & des verres étoient encore 
fiir la table , l0rfc[u'àu fortir du fermoa 
M. te Châtelain avec tout le confiftoire ^ 
s^aflembla dans la maifon du Pafleur :. 
celui-ci fit des merveilles contre Rouffeaa 
dans cette affemWée ; il pérora avec une 
chaleur qu^il venoit d^enÇretenir. Il eft boa 
de vous feire remarquer ici que lorftjue 
M. le Pafteur' fe pavane d'avoir demandé 
aux anciens y fous les yeux de toficur itt. 
Prince ^ fi jamais il Us avoit gênés dansUurs, 
opinions (y) , qu'en effet fon fidèle ancien 



^m^ 



ijj ^î»çe. ^T.l^ 






*««•«■ 



J 



•Si 



Remarques. 373,, 

*i—i — ■ ■ 1 1 ■ ■ ... ■ , — I .■ 

Clerc , lui répondît mille douceurs , mais 
îî eft plus vrai encore que M. le Jufîicier^ 
Bezencenet Tun des anciens lui répliqua ^ 
quaprïs en avoir bien uJïjiifquà^prifcnL 
avec eux , il ferait fâcheux qiien cette occsl-^ 
Jion il changeât de ma:^ime. On compreni 
cjue ce dernier compliment devoît naturel- 
lement échapper à la mémoire de M. le 
Pafteur. 

Encore un écart du petit homme aiL 
bas de la même page i fcîon lui vous ac- 
cufez fauffement M. le Pafteur Savoir dit. 
en confifoire que Rpujfeau efi tAntechrifl .- 
ce petit homme-là ne fait pas lire appa- 
remment y car pourcjvioi rnentiroit-il lui-, 
même avec fi peu d^adrefle pour fe don- 
ner le plaifir de vous acculer de men- 
fbnge ? En parlant des anciens vous dites 
fimplement , oh leur replia que /. /• Rouf 
Jeau itoit tAntechrifl (î), mais vous ne^ 
dites pas un mot du confiftcui'e , vous ne: 

Sarlez point de M,, le Pafleur, vous ne: 
ites pas même qui fut celui qui tint ce^ 
difcours : il eft cependant très-vrai qu^oa 
leur a dit cela , tout comme on leur zs^. 



t«)Pag«:I93;c 



I I l» ^m^m^/mmimmmmmKmmsimim^m^ 



374 Remarques. 

nonça les démarches prochaînes des corps 
de l'Etat & la perte affurée de nos allian- 
ces Helvétitiues , fi on ne condamnoit Bas 
RoirfTeaiu Vous pourriez dans le betoin 
lui foutenir en face , que c*eft luï-mêmé 
gui a tenu ce joli propos le dimanche 
24 mal 1765 , entre huit & neuf heures 
du matin en préfence du diacre & des fix 
anciens '^ & pour enrichir vos preuves par 
une cîrconftance de poids, vous pourriez 
ajouter qu'il tenoit dans cet inftaht une 
razade de vin d'ablynthe , & que faifi 
d'une fainte horreur en prononçant le 
mot d'Antechrift , il en répandit une par- 
tie fur fon facrc pourpoint. Mais enfin 
comme tous ces propos font extravagans 
& menfongers , il n'y a qu*à les mettre fur 
le compte du petit homme. 

Seroit-ce M. le Pafteur lui-même , qui 
dit (tf) V Auteur réujjit très ^ bien à faire 
rire & à fe déshonorer ? Quand vous rap- 
portez le bruit fèmé au Val-de-Travers , 
Ïic Rouffeau dans fon dernier ouvrage 
foit que les femmes n*ont point d*anîe ; 
répétez lui que dans les villages de Tra- 

i4> Pagç 273* 



■Hrti 



Rema rques. 375 

vers , Couvet , Motiers , Boverefle , Fleu- 
rier on ne parloit que de cela; cent per- 
fônnes darts le quartier Tattefteront. Vous 
avez donc dit la vérité , & c*eft-là ce que 
M. le Pafteur appelle fe déshonorer ; auffi 
perfonne ne foigne fon honneur mieux 
que lui. 

Au premier coup-d'œil la fèptieme let- 
tre paroît toute du petit homme ; c'eft 
une déclamation qui fent furieufement le 
tréteau : cependant plufieurs traits décèlent 
M. le Pafteur : dites-lui , que fi RoufTeau 
â penfé à quitter Motiers dans le tems de 
fes liaifons avec lui ^ il nV penie plus au- 
jourd'hui que ces liaifons font rompues (i). 
Il jette les hauts cris fur votre temèriti à 
Taccufer d*avoir annoncé Vexcommunica- 
tion future de RoufTeau ; remarquez qn'il 
ne liie pas & qu'au lieu de fes expreflions 
favorites calomnie , fait faux , il fe borne 
à vous taxer de témérité ; je crains que 
quand il s'agira de relever {zs difcours 

Elus qu'indifcrets , il ne trouve déformais 
ien des téméraires : il revient encore aux 
conftitutions eccléfiaftiques dont il s'ap- 

m» ' ' ■ ■ ■ I ■ ■■■■I ■■ I . Il» 

\h) Voj€Z là^deflUt te lettie en poft fcripran ci^fHik 



376 K s fA X R Q V E s. 

proprie la manutentiQn : ne ceffez pas de 
lui répéter que les miniftres ne font que 
les humbles lerviteurs de ces conflitutions : 
que c'eft au Prince & à fon Confeil d'Etat 
à veiller à leur confervation , & à châtier 
les Pafteurs qui oferont y manquer ea 
voulant s^arroger en véritables inquifîteurs^ 
le droit d'infpeûion fur la foi & par-là 
même flir la liberté des citoyens* S*il étolt 
permis de taxer de témérité un révérend 
Pafteur , à fon exemple y on appelleroit 
celui de Mptiers téméraire au premier 
chef, d'ofer foutenîr hardiment & en fédi- 
tieux ce prétendu droit ; au mépris des 
ordres facrés d'un Souverain Aiigufte & 
refpeftable à tant de titres ; au mépris 
de la part intéreflante que prend à cette 
affaire Mylord Maréchal notre illuftre 
Gouverneur ; au mépris enfin , d'une dé- 
claration toute fraîche du Gouvernement 
qui réduit en ppudre cette afFreufe pré- 
tention , au nom feul de laquelle Tame de 
tout citoyen fe fonleve avec frémiflement ; 
mais on ne perd pas ainii le refpeâ à un 
ambaffadeur d\i, Seigneur Jéfus, & il 6ut 
fe contenter de le renvoyer aux inftruc- 
tions de Jbii divin Maure , qui lui ordoaae 



'« 



! 1 ■ « I I I I II — — j^— »— i^^jii 

Remarques* 377 



affez expreflement d'être fournis aux Puif^- 
lances lupérieures. 

Vous avez vu (c) un trait qu'on lit & 
qu'on relit encore avec la même furprife : 
en parlant des conftitutions de l'Etat ^ 
l'Auteur dit y Dieu me garde £y porter jaa» 
mais atteinte^ elles me font trop precieufes ; 
mais ny a-t-il pas aujfi des conjlitutions 
tcclijiafiiqtus que mon état iri oblige àfou^ 
unir ? Ce mais ny a-t^il pas anjji eft 
en effet le langage d'un vrai patriote ^ c'eft- 
à- dire , que lorfque vous réclamez le»' 
conftitutions de ITEtat en fevcur des ci* 
toyens , M. le Pafteur de Motiers reclame 
les conftitutiofis eccléfiaftiques pour lui 
& fes pairs ; voilà une oppofition affez 
formelle & cependant il ajoute avec fa 
logique ordinaire ^ qiu ks corifUtutions 
civiles & les conjlitutions eccUJiafliqtus ten* 
dent de concert au bien de la fociité & au 
maintien de la religion. Demandex-lui en- 
core ici , ce qu'il entend par conjlitutions 
tccléjîajliques que f on état P oblige àfoutenir^ 
diftinttes des conftitutions de l'Etat & 
qu'il place à l'oppo^^en façon d'équili- 

—M— I J I ^ I III JBL— — WP^— — — il— Wil^W» 



378 Remarques. 



Mfc.ai 



bre par fon mais ny a-t-it pas. Il ne peut 
pas être queilion des Gonititutions ecclé- 
(]âftique$ connues de chacun, & que M.^ 
le Pafteur de Motiers tfeft pas plus ap- 
pelle à foiitenir que le dernier des ci- 
toyens , vu que ce foin eft doniîc aux 
feuls Châtelains & Maires on à leurs Lieu* 
tenans, par les termes mêmes de cté 
conftitutions ; comptez qu'il s'agît donc 
id de conftitutions fecretes quC\ nou» 
ignorons , & je foiipçonne que ce <i'eft 
autre chofe que la diicipline olographe & 
le ferment à h Clafle ; ce font des pièces 
mi'il faut avoir dans votre fac & qui ren« 
aront Pénigme claire. Ce foupçon cft for* 
tifîé par la réponfe catégorique que fit 
dernièrement M. le diacre lorfqu'on lui 
fignifia Tarrêt du Confeil d'Etat , par le* 
quel il lui eft ordonné de catéchiier tous 
les quinze joiu's dans la chapelle de fiove^' 
reffe , fa réponfe fiit quU refpeBoit btfinU 
ment les ordres du Gouvernement^ mais qu^U 
était obligé d'otéir k la Clajfe ; ce diacre là 
mérite cTctre bientôt Pafteur. Voilà donc 
Fautorité $ouver^î|fi qui a pour rivale 
celle de la Claffe^c l'inftitut d'Ignace 
qui prend racine parmi nous. Vous voyeZ: 



Remarques. 379^ 

V 

que le général des Jéfuites étoit bien int 
truit du caraSerè ptrfonnel de M. le Pai* 
leur de Motiers , lorfgu'il lui adrefla il y 
a quelque tems , le^ Miflionnaires dont je 
vous ai parlé ; & qu'il eft très-probable , 
comme on TafiSire , que M. le Pafteur déjà 
membre honoraire étranger de la fociété , 
& qui a obtenu la même faveur pour 
M. le diacre , ne tardera pas à être £iit 
provincial de nos contrées. Si déformais 
il leur arrive encore de faire face au Sou* 
verain on les excufera fans doute , puif^ 
qu'ils doivent obéir à Tinflitut de la com- 
pagnie des Pafleurs , & à celui de la com* 
pagnie de Jéfus plutôt qu'à Dieu & au 
Frhice. 

' A la fin de fa capucinade (ï/) il dit : 
il Ht foîU plus de Pafleurs , plus de confif" 
toire^ plus de culte ; répondez-lui qu'il faut 
vraiment de tout cela , mais qu'il faut 
fur-tout des Pafleurs véridiques , jufles ^ 
doux , modérés , humains , fobres ^ conti- 
nens & prêchans la vertu par leurs mœurs» 
Il ajoute y il n*ejl pourtant qutjllon dans 
Us conjijloircs ^ ni de fiu , ni de 'bûchers i 

. <y) Page 27^ 



rita 



380 Remarxjues. 

ni ^Auto^à'fî : demandez-liii s'il a oublié 
les fcandaleux Auto -dà' fi que nos pères 
ont eu la patience de fouf&ir quatre fois 
l'an dans le confiftoire feigncurial du Vat 
de-Travers , & que le Gouvernement ex- 
cité enfin par les abus crians , abolit fage- 
ment & pour jamais par un arrêt vigou- 
reux du 18 novembre 1758, auquel con- 
coururent deux confeillers d'Etat du nom 
de MontmolUn , mais qui n'ont point dégé- 
néré 9 eux, de leurs aïeux dont les noms 
refpeâables occupent les premières places 
dans nos faiks. Cétoit à la renaiflknce 
de tels Amo'dàrfi que M. le Pafteur de 
Motîers travailloit avec tant de zèle dans 
fon confiftoire , & dont Roufleau devoit 
être la première viâime. Il paroît que 
M. le Pafteur n'entend pas ÎEfpagnoI; 
dites lui s^ Auto-^dk-fi & infpthion fur 
la foi ont plus de rapport qu'il ne ie 
pei^. 

Sur le récit qu'il fait à fa façon , pages 
a8o & 281 , oppofez hardiment le vôtre 
tiré, mot à mot de la relation ,de M. Je 
Châtelain au Gouvernement 9 &cfi les faits 
font dcguifésy(^e&, avecPhomme du Prince 
que l'homme de Dieu peut démêler cette 



.Remarques. 381: 



i*»*<tih» I ftt fc » ■ , T , 1 «1 , I I |ii , 



iiifée ; mais çonfeillez^liiî de fe pourvoir 
dors de titres plus probans que la propre 
déclaration. 

Pour toute réponfe à la page 279 , vour 
devriez Tinviter à la relire lui-même avec 
attention ^ fi cela ne (uffit pas , demandez* 
hii il TEfllile rfétoit pas un^ écrit puilic ri^ 
pandu dans tout ticnivcrs^ s'il n!étoit pas 
Hnt aSiofiy ^c. ? Et fi après avoir- admis' 
iavec transport Roufleau ^ la communion 
après c^tte aUion , il pouvoit , iàns fe met* 
jre en fpeftacle , s'acharner ainfi à Tex- 
^ommunier après Va^ion des Lettres de la 
Montagne, • 

*-Rien ne m'a plus for pris dans cette bro- 
chure, que d'y voir M. lePàfteur de Mo* 
tiers aflëi courageux pour entreprendre de» 
kiftifier fon étrange prétention d'une dou- 
ile voix en confiftoire pour opérer la 
perte d'un homme ^ & de quel homme! 
ibjrez fur que le petit homme a travaillé 
&ul tout cet article. Quel salimathias , pour 
prouver qu'une voix pr^ondétsante n'eftj 
pas double ; qu'une première voix & une 
ièconde voix ne font pas deux voix 1 En 
vérité ce petit homme mériteroit le fouet 
par le régent de la parole ^ pour avoi^ 



^Hx Remarq ues. 



^i^ 



lait imprimer de pareilles fomettes à Tom» 
bre du glorieux caractère de M. le Pafteur 
du lieu , en s'appuyant de la déclaratioa 
4u maréchal-ferrant de Moâers le plus 
vieux des anciens , tandis aue <|uatre auf» 
très anciens avec M. le Chatelam 9 fou- 
tenus d*un arrêt du Gouvernement décla- 
rent le contraire* Il eft bon de remarquer 
ici que le Pafteur comme préfident au 
<onm|oire peut opiner tout à ton aife, mai» 
<iue ià voix ne doit être comptée que dan* 
le feul cas d'esté dans les fuffi^ges des 
autres affîilans ; fon avis compœ pour 
rien jufqu'alors , devient une voix qw feit 
, pencher la balance & qu'on appelle pré- 
Dondér$mte ; tout autre ufiigc eu contraire 
à Tordre &{, à nos loix : or , dans ce cas^ 
voyons çonunent M. le Pafteur de Mo» 
tiers a procédé. Les fu6Sragje$ du diacre t 
du vieux amrien Qerc $c du jeune aiH 
cien Jeanrenaud ^ au noni^e de trois ^ 
commuaient Roufleau ; M. le Cbât^bû^ 
avec les trois anciens Be^encenet ^ Bar^ 
relet de Jeanrtaaiid l'aîné , au nombre de 
cçiiatre l'abfblvent ; il eft clair qpœ celui- 
ci eut quatre fufirages contre , trois ; il 
i^ clair jpçore <jue le Pafteur tféipil p» 



' ■ ' ■ 1 ■ L ■ 

Remahques, 383 

»liffii— HU 1 '' i l ! ■ I .. ■ IL. . r ^ U L ■■ II— ^W^i^ 

uppellé à donner fon fuffrage , moins en- 
core à prétendra qii'U fut cornpté , puifqiCil 
n'y avoit pas égalité dans le partage des 
voix; mais il eâ pUis clair encore quq 
quand le Pafteur joignant fon fuffrage à 
trois autres a prétendu l'emporter fur qua? 
trç i il vouloit ç'attrlbiier deux voix , vu 
que trois plus deux font cinq , & qu'il n'y 
avoit que ciqq qui put l'emporter fur 
quatre. 

Si vouî» deviez répondre ici à M* Id 
Pafteur, vous lui demanderiez files loîx 
de U plus commune délict^teiTe lui per^ 
inettoient d'ijfer du droit de vpix pripon^ 
dcranu (fuppoie qvi'il e^iftât), pour écnb^ 
fer un homme vertueux t qu'il avoit re» 
' cherché , prôné , admis après un ouvr^gQ 
moins indifférent que celui pour lequel 
pn l's^ttaque ? Si cette délicatefle approu-» 
voit |pn yéhément &f très-long dllcoui^ 
fen confiftoire contre Rouifeau , ÔC la ma^ 
piere décidpe flont il voulut s'emparer dg 
la pripondimnct pour parvenir ^ le cpnr 
fjamner. Voyez h bigarrure de fon récit 
^vec celui oe M. le Châtelain^ 

Qu} de vous ou de lui mérite le pluij 
^e çrçjinçe fur fpn reproche 9iuc quatyç. 



3^*4 Remarques. 

anciens de n*avoir pas écouté la voix de 
leur condiiôeur ipjrituel ^ &" fur la très- 
bonne réponfe des premiers ( « ) ? Vous 
offrez pour garant M. le Châtelain du 
Val-de-Travers & quatre anciens ; M. le 
Pafteur ne préfente , félon Ùl coutume 9 
^le fa propre déclaration ; il prétendra 9 
peut-être , qu'elle eft pripondéranu : ré- 
focdez-lui que lors même qu'elle feroit 
loutenue de celle de fon diacre , à peine 
h compteroit-on pour une. 

Leve^ k mafqm homme de ténèbres , auia^ 
deux impoReur , c'eft M. le Pafteur de 
Motieris ; c'eft un conduQeur fpirituel qui 
Fôrdonne : un ange ne tiendroit pas con- 
tre vos noirceiu-s (/^ , preuve de cela > 
Ifeft qu'il ne peut y tenir lui-même; U 
fent que fa tête s* échauffe ; il ne s^eô donc 
pas apptrçu qu'elle fétoit déjà brûlante au 
début de fa première Lettre ? Quoi qu'il 
cnfoit, il 4àut obéir , mon cher Du Peyron, 
& une telle fommation & vous direz en 
tout re(pea à ce bon Pafteur , que les trois 
inots dont il fe plaint tant , auri facra 



■•^^••-■^ • •!! « ^ 



' </; n& 28»,. 

famea 



R£MAK<2i;£S« 38$ 



^tmmm^^ll^Êlm 



famés lui vont être expliqués de refte pat 
ces trois-ci, Prébende , Mylord > Rouf- 
feau : s*il fouhaite un plus grand détail , 
promettez-lui de le faire inférer dans la 
gazette pour faire paroli à Tannonce mo- 
defte & bien dite du 3 1 juillet , oîi tout 
)ufqu*au mot ^indifconvcnancc , décelé le 
petit homme ou les éditeurs du journal 
helvétique. 

. Les quatre anciens méritent compliment 
de partager avec vous les terribles effets 
du courroux paftoral ; ils ne pouvoient 
s'honorer mieux & plus furement ; sHU 
ont perdu les bonnes grâces de leur con-* 
dufteur fpirituel en n'écoutant pas fe voix , 
ils ont acquis en échange le fuffrage des 
honnêtes gens : ces deux biens ne font 
pas faits pour aller enfemble : leur fage 
conduite a mérité les éloges & Taproba- 
tion publique du Gouvernement , qui leur 
en a donné des marques flatteufes dans fes 
ordres à M. le Châtelain du Val-de-Tra- 
vers. On comprend qu'il y a en effet là 
de quoi rire (g) ^ & que M. le Pafteur en 
a ri lui-même d'autant plus volontiers , 



ig) Page 294. 

§uppl, de la Collée. Tome III. R 



386 Remarques. 

que dans toute cette af&ire les rieurs ont 
toujours été de fon côté ; mais il vaut 
mieux , dit-il 9 tirer le rideau fur cette fcencz 
il auroit feit mieux encore de le tirer fur 
toute la pièce. S^il rCetoit ruenu par des 
raifons 4e prudence , il auroit bien des chofes 
à dire fur les menées de Motiers & Bovercfc 
(h). Cet ade de prudence eft affurément 
tort naturel de fa part. Imitez -le poiur 
lui complaire, & bornez-vous à lui dire 
que des amis de RoufTeau s'étant heu- 
reufement rencontrés à Motiers lors de û 
citation au coniiftoire , s'entretinrent 
avec quelques anciens étrangement pré- 
venus 9 mais dont les âmes droites qui 
ne cherchoient que la lumière 9 faifirent 
bientôt la vérité qu'on leur avoit fi cruel- 
lement dégulfée. Si M. le Pafteur fou- 
haite un peu de détail fur ces menées f 
déclarez-lui qu'on eft en état dç le con- 
tenter. 

Que M. le Pafteur de Motiers fe loue 
dévotement & fans ceffe ; qu'il loue le 
maréchal -ferrant de la Paroiffe & fon 
collègue , fes deux fidèles & tant dévoués 

m I W I— ^i— I— — — ^^"^^ 

ià^ Page 294 à la note. 



RE.MARQUES. 39f 

fc— ^— — I ■ .11 m I ■ I I ■ I I 

. d'un defes confiveres-, ea préfence duquel 
H tint ce propos. 

Monfieur le Pafteur mtroit mieux fait 
de laiffer à d'autres le jufte foin de louer 
fa, famille , fes éloges font fujets à porter 
malheur ; mais le mérite diftingué de la 
famille de Montmollin eft au-deffus'de 
cette fatale influence. Oui fans doute , oit 
fe fouvient avec plaifir , avec reconnoif- 
fance même de plufieurs chanceliers de 
ce nom , de divers magiflrats & d'un 
grand nombre de confeillers d'Etat qui 
tous ont bien mérité de la patrie ; de plu- 
fieurs militaires enfin , qui fe font dif- 
tinguis à. la tête de .leur régiment, &c 
dont l'un périt glorieufement à la journée 
d'Hochftet avec la plus grande partie du 
Corps qu'il commandoit. Oui fans doute , 
on le fouvient avec a4miration du chan- 
celier George de Montmollin ; on f e rap- 
pelle avec attendriffement le chancelier 
Emer de Montmollin père de M. le Paf- 
teiu" de Motiers , qui fiit Tun des Plénipo- 
tentiaires de Pruffe à Utrecht, & qui joignit 
à une ame vertueufe de belles connoiffan- 
ces & de rares talens. Quelqu'un a dit 
que des aïeux illuftres étoient une lu- 

R4 



39^ Remarques. 

miere qui toujours fufpendue fur la tête 
de leurs deicemlaiis , éclairoit leurs vertus 
ou leurs vices. Je fuis furpris que M. le 
Pafteur de Motiers ne foit pas tenté quel- 
quefois de fouffler cette bougie. 

Il paroît cependant très-content de fa 
confcience & je l'en félicite, le grand juge ^ 
éit-il (ri) j/era intermédiaire un jour entre 
lui & moi. Entre nous je crois qu'au fond 
M. le Pafteur craint peu cette confronta- 
tion. Selon toute apparence , Rouffeau & 
lui fi peu faits pour frayer enfemble dans 
ce monde , fe rencontreront difficilement 
dans l'autre. 



(») Page 30f. 



€^ 



Remarques. ^^ 

y^tat en date du 23 février 1750 , en fa- 
veur de M. le Receveur Guyenet , à Toc- 
cafion d'une pareille plainte ; Arrêt fur le- 
quel M. le Pafteur , qui certainement entend 
le latin , n'eut pas mal fait de prendre 
-pour lui le fage confeil que vous domiez 
■dans cette langue à la Claffe (/). 
' M. le Pafteur de Motiers ne doit pas 
avoir oublié cette affaire , non plus que 
fon plus vieux & plus dier ancien qui 
lui lervit de légat , & qi"ii dans fa miffion 
'eut ordre de fa part de menacer des cinq 
nobles Corps de l'Etat M. le Receveur 
-Cuyenet : il ne doit pas aVoir oublié , 
fur-tout , combien Mylord Maréchal fut 
édifié de tout cefe. 

Il feut convenir qu'urt fermon, de îa 
iaçon de M. le Pafteur fur la tempérance , 
même fur celle de la fengue , feroit une 
pièce intéreflante. Avant de fe plaindre 
^ue le fecret du çonfiftoîre fut mal gardé , 
il devrait fe rappeller que plus d'une per- 
sonne en étoit inftruite dans fa propre 
maifon ;'il ne couche pas en joue , fans 
doute , ]M lé Châtelain qui en informa 



(/) Page S17. 



R3 



390 Remarquas. 

• — 

d^abord le Gouvernement auquel il en de- 
voit compte ; ni les quatre anciens qui 
fe hâtèrent de demander une direâion au 
Confeil d'Etat de qid feul ils dévoient la 
recevoir. 11 eft tout auffi fingulier que M* 
le Pafteur ne fe foit pas apperçu qu'à l'ar- 
ticle cinquième de leur ferment les anciens 
ne promettent le fecret que pour les cho- 
fes qui devront être Jicrcus. Il eft clair que 
la matière traitée dans ce confiftoire au- 
roit dû refter fecrete pour l'honneur du 
Pafteur ; mais pour celui de l'Etat & de 
rhumanité , pour la fureté des citoyens , 
elle devoit bien vite devenir publique , afin 
4jue le Maître y pourvût comme il l'a fait. 
Il a tort de fe fâcher du propos que 
vous lui prêtez , dit -il, gratuitement à 
regard du préfent Règne {ni) : prudisnt & 
iage comme il l'eft inconteftablement il de- 
vroit un peu plus fe défier de fa mémoire ; 
tout ce qu'on peut feire pour lui , c*eft de 
rejetter cet étrange propos fur Thenre & 
le moment ; oîi on prétend qu'il lui échap- 
pa , à la fin d'im foupé. En tout cas il ne 
recufera pas , fans doute., h témoignage 



" ' ' I li n I — WHiWI»— iWW— Wil^^HP 

im) Page 30^ 



ai 



_ j »* . 



Remarques. 387 



anciens ; mais qu'à de tels éloges il unlffe 
celui de M. le diacre qui eft un digne & 
fideU minifire de V Evangile (i); puiliqu*il 
défobéit au Souvemui pour obixr à la 
Clafle , & qui remplit avec affiduiti , avec 
:(eU & avec exaHitudc toutes Us fonctions 
auxquelles il ejl tenu (A), vu qu*il ne fait 
pas les catéchilmes qu'il doit à la cha- 
pelle de Bovereffe & pour lefquels il eft 
payé 9 du refte un honnête homme , un 
homme de bien ; le trait n'eft pas fupporta- 
ble & c'eft mal payer fon exceflive com- 
|>lai&nce : il quelque chofe peut confoler 
ce pauvre diacre , c'eft d'avoir vu fon 
éloge précédé par celui du Magiftrat & 
du Clergé de Genève. Mais je ne fais 
û ces Meilleurs en feront fort flattés. 

On croiroit d'après la note [page 195 .] 
que le Gouvernement a donné ci-devant 
gain de caufe à la Clafle fur les prétentions 
de la commimauté de Boverefle pour les 
catéchifmes ; faites- vous montrer les Ar- 
rêts du Confeil d'Etat du a8 juin 1761 , 
du 13 juin 1763 9 & du 10 juin 1765. 



mm 



(i) Page 295. 
ik) nidem. 

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sa ■ Il 1» ' 

388 Remarques.^ 



tam^ 



& VOUS prendrez une jufte idée des affer- 
tions de M. le Pafteur de Motiers, 

Je ne fais fi la Clafle lui faura gré de 
la mettre ii fou veut en jeu pour crayer ùl 
brochure ; il vous oblige à traiter diverfes 

Sueflions qu'il lui eût été plus profitable 
elaifler dormir. Dans cette même note 
voudroit-il faire croire que les prébendes 
font indifférentes aux Paueursde ce pays? 
11 ne perfuadera perfonne : on fait adBTez 
que la privation de ces prébendes eft la 
verge uniqiie & toujours fure dont le Gou- 
vernement fe fert pour mettre à la Taifon 
les Pafl:eur$ qui s'en écartent. Il y a toute 
apparence qu'il ne tardera pas à être con- 
vaincu . de Tefficacité du remède pour peu 
qu'il continue* Les mauvaifcs denrées dont 
il . fe plaint , font fans doute les émines 
de moiflbns des paroifiiens étrangers , & 
dans ce cas l'apoftrophe regarde une por- 
tion de fon cher troupeau ; mais dont il 
exceptera Roufleau , vu le fac de beau 
froment qu'il en a reçu fans façon ; car 
s'il s'agiflbit des grains attachés à fa pré- 
bende fur la recette du Val- de-Travers » 
on auroit de très-bonnes chofes à lui dire. 
On lui rappelleroit l'Arrêt du Confeil 



Lettre. 397 

■Il — * 

^int encore acceptée. On craint que le 
voifinage des deux paroiffes ne Tempêche 
de fuivre à cet égard fon penchant. En 
attendant vous ferez charme d'apprendre 
qu'il a pris enfin le parti de s'éloigner de 
Motiers. Qn peut refter parmi des fanati- 
ques en <léplorant leur aveuglement , & par* 
-mi des foux fen déplorant leiu* folie ; mais 
il n'eft pas permis à un homme raifonna-» 
ble qui fait .quelque cas du repos de fes 
amis , de refter volontairement parmi des 
furieux toujours prêts à le maflacrer. 

Au moment de fermer ma lettre ^ 
j'apprends , Mylord » des particularités 
qui vous feront juger de l'excès du dé- 
tordre qui règne à Motiers. Par ordre ex- 
près de M. le Châtelain qui a cru cette 
précaution indifpenfable , deux gardes 
bien armés , & choifis dans la commu- 
nauté de Couvet ^ ont conftamment pafle 
la nuit dans la maifon qu'occupoit M. 
Rouffeau , jufques au déménagement com- 
plet de fes effets. On ajoute que ce Ma- 
fiftrat , chargé par le Gouvernement de 
lire les enquêtes les plus exaâes pour 
découvrir les coupables , & fe trouvant 
à caufe * de cela , menacé dans une 



5=B5I 



398 Troisième Lettre* 

pafquinadè , des mêmes violences exer- 
cées contre M. Rouffeau , s'eft Vu obligé 
pour fa fureté, d'avoir auffi des gardes 
chez lui pendant la nuit , & qu'enfin il 
a pris le fage parti de quitter Motiers f 
pour aller établir fon domicile à Couvet» 
Sans doute que Meffieurs du Confeil 
d'Etat trouveront bientôt des moyens 
Je faire rétablir la fureté publique , & 
ée feire refpeâer le Souverain & Tau- 
torité qu'il leur a confiée ; fans quoi ren- 
trant dans l'état de nature , chacun de 
nous fe verra forcé à ppiuvoîr à 6 
défenfe y 6ç k devenir fon propre ven^ 
geur. 

' J'ai l'honneur d'être avec im parfeit 
idévouement & pour la vie , 

Mylord, 

- ^oere tris - humble & tris^ 
cbciffant Serviteur y 

Du Peyrou* 

Veufchâtel le 19 Septembre 176J. 
Fin du troïjiemc Volume. 



immmmmmmmmÊimmtÊm*m»*mm*ammm 



Lettre. 39^ 



>«Mfti 



nîr au bruit il étoit aiTommé. M. le Châ- 
telain qui fut éveillé par le tumulte étant 
accoinii , vit avec efFroi Tétat des chofes ^ 
& en fit le lendemain ibn rapport aa 
Confeil d'Etat* 

Le même jour la communauté affem- 
blée par l'ordre du Magiftrat ayant appris 
ce qui s'étoit paffé , témoigna froidement 
qu'elle en étoit fâchée , mais fans donner 
au furplus aucun ordre pour la fureté de 
M, Rouffeau , ni lui faire dire aucun mot 
d'honnêteté fur le danger qu'il avoit couru 
Ja nxiit dernière. Or vous faurez , Mylord ^ 
que cette même nuit , lendemain de foire ^ 
il y avoit eu des. gardes extraordinaires 
tant du village de Motiers que de celui de 
Fleurier , que les gardes de Fleurier 
ayant voulu faire conjointement leur 
ronde , ceux de Motiers -s'y étoient oppo- 
fés, qu'ils avoient voulu la faire feuls, 
& cela précifément à l'heure oîi la mai- 
fon qu'occupoit M. Rouffeau fut atta- 
quée. 

Tandis que la communauté de Motiers 
ctoit fi tranquille fur les attentats qui fe 
commettoient dans fon fein ^ celle de Cou- 
vet , grâces au mérite particulier de fes 



Il'" ■■■■' ■ ,■' ! ' asss=gggg^ 

596 Troisième 

membres & aux vertus de fon refpeâabld 
Pafteur , fe conduifoit bien difFéremment. 
Vous iayez , Mylord , que cette commu- 
nauté qui dans toute occafion s'eû fi avan* 
tageufement diftinguée , a fait à M. Rouf- 
feau rhonneur de Télire unanimement 
pour un de fes membres ; démarche dont 
le Gouvernement lui a fu gré , &c dont My- 
lord Maréchal Ta fait renncrcier par des 
Magiflrats. Aflemblée de grand matin m 
premier bruit du danger qu'avoit couru 
M. RouiTeau , elle lui fit fur ^ le champ 
une députation de trois de ies Ofliciers , 
pour le prier de venir occuper au milieu 
d'eux un logement tout meublé qu'on lui 
tenoit prêt , & où ils feuroient bien le 
défendre cohtre quicionqûe oferoit attenter 
à û fureté ; lui offrant en même tems les 
voitures pour tranfporter fes effets , & tous 
les foins néceffaires^pour qu'il put déloger 
au moment même. Je n'ai pas befoin de 
vous dire quel effet fit .fur M. Roufïèau cette 
offre fi généreufe & fi noblement faite , 
lui dont l'âme eft fi fenfible à tous les 
procédés honnêtes , & qu'affurément on 
n'a pas gâté fur ce point* 
Pénétré de cette offre , il ne Ta pourtant 




^ijp ^'' ^"'" ^g^ 



TROISIEME 

LETTRE 

RELATIVE 

A M. J. J. ROUSSEAU. 

jDu 1 9 Septembre , fervant de Pojl^fcriptttm 
à celle du ^1 Août 1765. 

J E n'avois pas tort , Mylord , de vous 
marquer en achevant ma dernière lettre , 

2u il étoit difficile ^e prévoir comment 
niroit cette affaire. Qiti pouvoit croire 
en effet que les pieux défenfeurs de la 
fainte orthodoxie deviendroient ouvertes 
ment des coupe- jarrets ; que TAuteur d'un 
livre ppurn*avoir pas été excommunié , 
riiqueroit cf être aflaffipé ; & que ce feroit 
un tems de jeûne & de communion qu'on 
choifiroit pour une fi bonne œuvre r 

La fermentation parmi le peuple s'étoît 
bornée à des murmures , à des vifions , à 
des huées , ou à des ; attentats faits avec 

£ lus de méchanceté que de violence. Mais 
* dimanche premier feptembre on en 



■ " MlH, ■ I ■ J " iH 

« » 

394 Troisième 

: ' — r- / 

vînt aux voles de fait ; après s'être pré- 
paré par la communion du matin à ânâi-» 
fier la journée , on là termina en lançant des 
pierres dans les fenêtres de M. Rouffeau. 
Le lendemain & les jours fui vans ce fu- 
rent de nouveaux outrages ; fi M. Rouf- 
lêau paflbit dans la rue il étoit hué , in- 
furié , pourfuivi par la populace ; s'il fè 
promenoit dans la campagne on s'apprê- 
toît à lui tirer deffus , & toutes les nuits 
on iniiiltoit fa maifon, La tranquillité avec 
laquelle il continua de fe promener tous 
Ie$ îours fans Ccw^tege ^ fans armes , parut 
pourtant en impofer à ces braves , & 
nul n'ofe de join- attenter à fa perfonnc. 
Mais enfin la nuit du fix au fept feptem- 
bre , il fiit attaqué chez lui durant fon 
ibmmeil (ans ménagement. La maîfon oil 
il loge portoit au dehors les marques 
des plus grandes violences. Une de (es 
portes fin ouverte & l'autre enfoncée , 
ion inur fut criblé de pierres , on en lança 
particulièrement une fort groffe à travers 
la fenêtre de fa cuifkie , qui porta le verre 
jufques dans fa chambre , & vint de 
volée frapper à deux pas de fon lit ; sll 
fe fut levé un moment plutôt pour ve- 



jrpff iffliiiiifi iur 



■fi 




T A B Ï4 E 

i?^5 DIFFÉRENTF^ PIECES 

Contenues dans ce Volume. 

Projet pour H Education de M. de Ste^ 

Marie. •.,...••• P^- f 

Oraison F/W2e^rô de S. A. S. Monfeigneur 

le Duc ^Orléans. . . . . • 37 

Ies PriCokmers de Guerre , Comédie. . 71 

Lettres i M. Dutens îï7 

Lettres iAf. D B.... furlarefiaa* 

tion du Livre de CEfprit d'Helvétius par 
/. /. Rouffeau , fuivies de deux Leuns 
d'Helvétius fur le même fujet. . 135 

Lettre de J. J. Rouffeau à fon Libraire dt^ 
Paris • • »^5 

Sentiment des Citoyens. . • • 166 

Pièces relatives à la perfécution fufcitie a 
MçuierS'Travers contre M. J. J. Rouffeaiu 
17^ 

BiFUTATION i/tt Libelle précédent par M. U 



Ml^ 



400 TABLE. 

Profiteur DE MONTMOLLIN , Pajleuf 
' Jcs- jË^l^/ès^j^ MetkrS'Tmvcrs & Bovô^ 

njjc • * • . . 221 

Seconde Lettre relative à M. /. 7. RouJ^ 
Jeau , adrejfée à Mylord comte de Wemyfs. 

••••••••••• 309 

Remarques , ô-c 345 

Troisième Z^«re relative â M. J. J. Rouf- 
feau. .»....'... jî>j; 

Fin de la Table» 



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